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jeudi, 20 février 2020

La Sibérie : coffre-fort de la Russie ou cœur de l’Eurasie ?

L’Europe : «de l’Atlantique à l’Oural» ou «de Lisbonne à Vladivostok» ?

par Maruice Rossin*

Lors du 50e anniversaire de la signature du traité de Rome, date de la fondation de l’Europe, Poutine écrivait que l’Europe ne pourrait pas vraiment être elle-même sans la Russie, et que, « en même temps », la Russie ne cesserait jamais de manifester son grand désir d’Europe. 

La Russie pourrait réveiller l’Europe pour réaliser avec elle une grande œuvre, la mise en valeur de l’espace sibérien. L’Europe s’étendra alors de Lisbonne à Vladivostok.

LES FAITS

Le 25 mai 2018 à Saint-Pétersbourg, dans un débat lors du Forum d’Affaires (SPIEF 2018), le président Macron énonce incidemment, comme une évidence, que « L’Europe va de l’Atlantique à l’Oural ». Le président du patronat russe, Alexandre Chokhine, lui coupe la parole pour rétorquer instinctivement : « non, l’Europe c’est de Lisbonne à Vladivostok ! ». Le président Poutine approuve pleinement cette répartie en confessant qu’il a été pris de court et qu’il allait faire la même réponse. 

Ces échanges posent deux problèmes fondamentaux,

  • la Russie est-elle européenne ?  De nombreux hommes politiques le pensent en particulier en Europe.
  • la Russie est-elle eurasiatique voire même asiatique ? La géographie de ses frontières l’impose.

L’occupation de l’espace sibérien apportera la réponse à ce dilemme, puisque la Russie, seule, ne pourra la réaliser.

ENJEUX

Far West ou Far East?

Dans un monde dominé de plus en plus par la finance internationale, l’existence de ressources minières gigantesques dans ses sous-sols associés à une population très faible – 2 habitants au km2 -, risque de faire de la Sibérie un objet de convoitise marchande plus que de respect historique et culturel. Cet attrait est d’autant plus fort que l’Asie densément peuplée, incapable de se nourrir,  est située à côté de vastes territoires agricoles, inoccupés et inexploités.

Pour la Chine, c’est le Far West: la Sibérie est trop grande, trop proche, trop riche et trop vide de population pour rester russe. Pékin souhaite-t-il l’occuper humainement, économiquement, et la réintégrer dans son espace vital au nom du pragmatisme et de l’histoire ?

Pour la Russie, c’est le Far East: la Sibérie a été jusqu’à aujourd’hui son coffre-fort. Deviendra-t-elle, par une association étroite avec l’Europe, le cœur de cette Eurasie chère au Président Poutine? Le destin de la Russie est lié au succès de la mise en valeur de ses provinces sibériennes, c’est-à-dire de 77 % de son territoire. L’Europe trouverait alors un rêve mobilisateur de ses excès, de ressources financières et humaines, dans une continuité historique avec la construction d’un monde nouveau qui lui redonnerait espoir et raison d’être.

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COMMENTAIRES PROSPECTIFS

« L’Europe de l’Atlantique à l’Oural » ou « l’Europe de Lisbonne à Vladivostok » ?

Si l’on parle de géographie figée dans la physique des reliefs, le président Macron a raison, mais il oublie les trois-quarts du territoire russe. Malgré toutes les sanctions, les groupes européens et en premier, français, restent très présents en Russie. La France était fin 2018 le 1er investisseur étranger en stock (17,1 Mds USD) soit 13% des flux d’IDE (1) entrants en Russie en 2018. Avec plus de 500 filiales françaises implantées (1200 entreprises ayant au moins un actionnaire français), la France est le premier employeur étranger en Russie (150.000+ salariés), devant l’Allemagne. 35 entreprises du CAC 40 sont présentes en Russie.

 Si l’on parle de politique et de vision du futur, si l’on pense à l’avenir et que l’on donne au mot « Europe » un sens large aussi visionnaire que celui d’un Pierre le Grand il y a 400 ans, alors le président Poutine a aussi raison.

La Sibérie : or doux, or noir, or bleu, or vert mais c’est également :

  • Un territoire de 13 millions km² (plus de 3 fois l’Europe des 27) et 38 millions habitants, mais occupé par les hommes depuis 200.000 ans,
  • Une diversité géographique liée à l’immensité de son espace dont l’exploitation varie avec le temps. Le réchauffement climatique ouvre d’énormes possibilités agricoles,
  • L’or bleu, avec le lac Baïkal et ses 20% des réserves d’eau douce du monde, avec 4 fleuves s’écoulant Sud-Nord de 4-6.000 km de long et 10-20.000 m3/seconde de débit, avec une voie maritime arctique maintenant ouverte. D’un transport actuel Ouest – Est avec le train, on va revenir au traditionnel Nord Sud plus conforme au relief et aux voies naturelles,
  • L’or vert avec l’agriculture, l’élevage et les forêts :
    • Des dizaines de millions d’hectares de terres favorables à la culture ou à l’élevage. Des forêts, avec 20% des réserves forestières et 50% des conifères du monde,
  • Une occupation humaine sous des formes variées, avec
    • Des peuples indigènes dispersés mais de grandes richesses culturelles, sauvés par les zibelines et « l’or doux de leur fourrure » qui, par le iassak (2) remplissait les caisses du tzar,
    • Une colonisation sur les 500 dernières années, forcée pour les uns (éloignement pour ls tzars, goulag pour les communistes), refuge pour les autres, mais toujours une forte implication de l’Etat central. Stolypin avec sa politique volontariste, déplaça 4 millions de personnes en 10 ans, et sauva ces territoires russes des invasions étrangères en 1919. 
    • Une dépopulation dramatique depuis les années 1990 correspondant à un désengagement de l’Etat.
  • L’or noir, avec Farman Soulmanov qui découvre le 21 juin 1960, que « la Sibérie flotte sur une mer de pétrole dont il est le premier explorateur navigateur ». (E Hoessli), auquel s’ajoutent toutes les richesses minières de la planète, métaux précieux ou non, c’est le coffre-fort.

Russie : la Sibérie ne pourra pas rester le coffre-fort russe où l’on prélève ce dont on a besoin. Il faudra impérativement l’intégrer dans l’espace russe. C’est le grand pari du président Poutine : mobiliser les ressources de toutes origines pour sa mise en valeur… tout en en restant le maître du jeu et en imposant priorités et rythme du mouvement.  La Sibérie se développera-t-elle en restant russe grâce au concept d’Eurasie développé par le président Poutine, qui proposent une alternative à la globalisation mondiale de l’économie dominée par les Anglo-Saxons (FMI, BIRD, OMC…), avec ou sans l’Europe ?

Chine : les Chinois ont la mémoire longue et raisonnent dans la durée. La mise en valeur de l’Extrême-Orient russe nécessite des investissements importants et la stabilisation de la région  par l’occupation de son espace part des paysans. La Chine possède les deux – fonds et hommes -, et en grandes quantités. Les IDE chinois en Russie sont dirigés en priorité au-delà de la frontière de la province du Heilongjiang. Le ministère du Commerce chinois estimait en 2017 que les investissements cumulés chinois en agriculture, forêts et pêches s’élevaient à plus de 3 milliards de $ jusqu’en 2016. Les paysans et éleveurs chinois ont commencé à traverser le fleuve Amourdès les années 1990, ils ont été organisés par des officiels de Heilongjiang avec des campagnes mixtes russo-chinoises. En 2011, c’étaient 6,9 millions de mou (ou 480 000 ha) de terres russes concernées par ce schéma. Malgré les difficultés bureaucratiques rencontrées par les producteurs pour exporter leurs produits sur la Chine (soja, maïs, colza), le mouvement est lancé et on est passé de 8 000 tonnes d’huile végétale exportées en 2011 à 220.000 tonnes en 2015/2016, et même 1 million de tonnes de soja en 2017. 

Si l’on connaît approximativement les sommes investies par la Chine en Sibérie, on ne connait pas le nombre de Chinois qui s’y sont installés. Les chiffres, selon les sources et les objectifs recherchés, varient entre 150 000 et 15 millions. La Chine veut « réoccuper » les terres grâce aux hommes qui les cultiveront et investir conjointement dans l’exploitation des richesses minières et énergétiques. L’État central participe directement dans les investissements financiers importants, et organise, via ses régions limitrophes, les mouvements de colonisation des terres inoccupées russes voisines. C’est une stratégie qui s’inscrit dans la durée. Elle pourrait être gagnante.

Europe : l’Europe gère les actions et contradictions des 27 économies et peuples nationaux avec une boussole plus orientée vers le soleil couchant et le grand large atlantique, que vers le soleil levant et les richesses sans limites de ce continent « Eurasie » assis sur la chaîne de l’Oural. Les actions comme celles de Total vont dans la continuité de l’utilisation du coffre-fort sibérien, et non dans celui de la création de nouvelles richesses durables dans ses territoires désertifiés. Et pourtant, l’Europe – à commencer par la France – dispose d’un potentiel humain exceptionnel pour risquer et gagner le défi de la mise en valeur de l’espace naturel sibérien. Si l’État du Heilongjiang organise la colonisation des terres russes voisines avec méthode et succès, il n’en est pas de même pour les États Européens. L’homme seul peut rêver. Pour que le rêve devienne réalité, il faut organiser la colonisation de ces espaces nouveaux.

La mise en valeur de l’espace sibérien ou le nouveau Far East de l’Europe.

  • Un espace aussi vaste ne peut être défendu durablement que par une occupation économique et humaine de son espace rural, dans l’esprit des paroles du Président Poutine : … pour la défense du territoire, « l’agriculture, c’est plus important que les fusils ».
  • De nombreuses missions scientifiques ont sillonné la Sibérie depuis Pierre le Grand on dispose de très nombreuses informations scientifiques et humaines. « Le savoir d’avant est fondamental pour le construire d’après ». Au début du vingtième siècle, la Sibérie a été un grand producteur et exportateur de blé, de lait et elle peut le redevenir. « L’ensemble des exportations est construite sur la croissance du beurre sibérien » (Stolypine (3)), on taxait les céréales sibériennes, trop compétitives par rapport aux productions de la Russie européenne.
  • On ne sait pas quelles productions domineront le marché dans 50 ans – soja et palme, qui dominent le marché des corps gras aujourd’hui étaient quasi-inconnus il y a 40 ans -. La Sibérie dispose d’un réservoir de génétique aussi important que celui de ses ressources minières. Soja et blé viennent de Sibérie. Et les scientifiques soviétiques puis russes, dans la lignée de Vavilov, disposent de collections de ressources végétales incomparables.
  • Une chose est certaine : la nouvelle agriculture sibérienne ne sera pas une copie de l’agriculture de la Beauce ou de Krasnodar, il faudra l’inventer.
  • Avant la conquête russe, les steppes sibériennes étaient parcourues par des dizaines de millions de vaches et de chevaux yakoutes, outre les millions de rennes plus au nord. Ne dit-on pas que, là-haut, c’est le renne qui a domestiqué l’homme et lui a permis d’occuper ces espaces du grand nord.
  • Réoccuper la Sibérie, c’est définir une « colonisation » de son espace, en fixant les zones prioritaires, avec des schémas de financement adaptés, en inventant des modes de production propres à ces territoires nouveaux et suffisamment souples pour qu’ils puissent se définir au fur et à mesure de leur implantation : en quelques mots établir une dynamique entre la science, la finance et l’homme, ce dernier étant le plus important, donc le premier à mobiliser.
  • La France dispose d’un monde agricole avec des ressources humaines qui ne peuvent s’exprimer, faute d’espace. Dans le domaine spécifique de l’élevage, elle dispose du premier troupeau de bovins européen dont l’adaptation aux conditions sibériennes a été couronnée de succès, et le gouverneur de Tioumen, Sergeï Sobianin, promoteur de cette opération, déclarait en 2002, « les bêtes, c’est bien, c’est un succès, mais ce dont nous avons besoin maintenant, ce sont de bergers, nous les invitons à venir s’installer… ». D’autres Européens – Hollandais, Allemands – sont intéressés par cette aventure comme leurs ancêtres le furent il y a un à deux siècles par l’épopée du Far West américain!
  • Dans le monde actuel en crise, on a aussi d’autres groupes prêts à s’établir pour courir la nouvelle conquête de l’occupation de l’espace rural, comme les Boers d’Afrique du Sud, comme les Argentins en instabilité politique et économique chronique…. dès que le pays d’accueil, stable, montre son souhait de recevoir ces nouveaux défricheurs et garantit qu’ils pourront exprimer leur capacité de construire une agriculture nouvelle dans la durée. 

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CONCLUSION

La Sibérie peut faire rêver en 2020, non seulement par l’exploitation de ses richesses minières, mais aussi par l’occupation de son espace géographique. Le monde de demain en aura besoin, car l’or bleu et l’or vert seront les piliers de la croissance future.

Les appétits des voisins immédiats sont immenses, c’est bien là le danger. L’Europe, un géant économique, peut trouver avec une politique coordonnée avec celle de la Russie, un domaine où, elle montrera qu’elle sait encore construire un avenir pour ses citoyens qui ont l’impression, aujourd’hui, d’être dans une impasse. Débridons leur capacité de produire et aidons-les à s’exprimer là où il y a des besoins pour de nombreuses années encore : en Sibérie, dans le Far East !

La Sibérie et l’Europe : Éléments de contexte  

Interprétation géographique

Du point de vue de la géographie physique, la Russie s’étend sur une superficie totale de 17,1 millions de kilomètres carrés, dont 13,1 millions km2 constituent la Sibérie, ce qui signifie que 77 % du territoire russe se situe en Asie, si on admet que la chaine de l’Oural sépare l’Asie de l’Europe. À titre de comparaison, les États-Unis s’étendent sur 9,63 millions km2 et l’Europe des 28 (comprenant le Royaume Uni) avec ses 4,49 millions km2 représente à peine le tiers de la Sibérie russe. Dire alors que la Russie va de l’Atlantique à l’Oural revient ignorer 77 % de son territoire, ou mieux encore affirmer que les 13,1 millions de km2sont de fait des terrae nullius, alors que ces terres sont russes.

Interprétation historique et politique

Il faut se plonger dans l’histoire pour mieux comprendre la géographie et le sens politique attaché à l’expression « de l’Atlantique à l’Oural ». On comprendra alors pourquoi la frontière de l’Europe s’arrête à la chaîne de l’Oural pour les uns et va jusqu’à Vladivostok pour les autres, tout en sachant que l’Oural est plus proche de Lisbonne (6 000 km) qu’il ne l’est de Vladivostok (7 700 km), lui-même encore très éloigné de l’extrémité du territoire russe de la Tchoukotka qui borde le détroit de Bering.

• Ivan le Terrible (1530-1584) fut le premier tzar à s’intéresser à la Sibérie. Après avoir fait tomber le verrou tatare en 1552 avec la prise de Kazan, il confia la responsabilité de la marche vers l’Est à un riche entrepreneur venu du Nord, un Pomor (4) de la famille Stroganov. Ce fut donc un oligarque intéressé par le développement de ses affaires, qui le premier traversa cette chaîne de montagne de l’Oural et entreprit la conquête du khanat de Sibir avec les Cosaques venus du sud. Les nouveaux territoires étaient riches en fourrures et en minerais de toutes sortes, ils remplissaient les caisses de l’État. À titre comparatif, le Mayflower débarqua les premiers colons anglais en Amérique en 1624.

• Pierre le Grand (1689-1725), organisa l’empire russe avec une boussole qui était la science universelle dans tous les domaines, en particulier dans celui de la géographie. C’est son géographe officiel Vassili Tatitchev qui plaça la limite entre Europe et Asie sur les monts Oural. 

 Était-ce une décision purement de géographie physique sans raison politique, car il y a bien une chaîne de montagne qui marque la séparation des deux continents – Europe et Asie -,  avec des grandes plaines de part et d’autre de cette ligne naturelle ? 

Était-ce une décision politique prise dès le 18e siècle par un visionnaire comme Pierre le Grand sut l’être, avec :

– d’un côté l’affirmation d’appartenir à l’Europe avec la construction de la ville de Saint-Petersbourg, 

– de l’autre l’affirmation d’être un territoire asiatique au-delà des frontières de l’Oural avec de nouveaux territoires allant jusqu’au Pacifique, occupés et protégés par les Cosaques ? 

Les Cosaques avaient atteint l’océan Pacifique avec la mer d’Okhotsk bien avant la naissance de Pierre le Grand. Pierre aurait été l’initiateur de cette première décision politique plaçant la Russie à la fois en Europe et en Asie, ce qui aboutira plus tard au concept politique plus général de l’Eurasie, si cher au président Poutine. Ou faut-il y voir une vision maléfique du pouvoir russe comme le pense le think tank européen Thomas-More qui imagine que l’Europe a été arbitrairement délimitée à l’est par l’Oural par Tchikhatev-Pierre le Grand, pour que la Russie se trouve à cheval sur deux continents, et de ce fait, devenue la puissance continentale bi-continentale, elle irait dominer le monde en commençant par avaler la petite Europe ?

• Le général De Gaulle a utilisé la formulation « de l’Atlantique à l’Oural », qui sonne tel l’olifant, lors d’un discours prononcé à Strasbourg en novembre 1959 : « Oui, c’est l’Europe, depuis l’Atlantique jusqu’à l’Oural, c’est l’Europe, c’est toute l’Europe, qui décidera du destin du monde ! » De Gaulle, plus tard, en 1965 avait expliqué le sens qu’il entendait par cette formule : « Pour que cette Europe soit possible, il faut de grands changements. D’abord que l’Union soviétique ne soit plus ce qu’elle est, mais la Russie. Ensuite que la Chine menace ses frontières orientales, donc la Sibérie. Et que peut-il advenir dans un certain nombre d’années ? La formule permet de montrer aux Russes que la création d’une Union européenne occidentale n’est pas dirigée contre eux, n’est pas un acte de guerre froide ; elle entretient un certain espoir chez les Allemands de l’Est, les Tchèques, les Polonais, les Hongrois. Elle ne constitue cependant qu’une anticipation historique. » Ainsi De Gaulle voyait dans « l’Atlantique à l’Oural » une manière pour le continent de redevenir « l’élément principal de notre civilisation ». Ainsi De Gaulle :

– soit faisait l’impasse sur quatre siècles de l’histoire de la Russie en passant par les pertes et profits du 3/4 de son territoire, 

– soit imaginait que la mise en valeur de ces nouvelles terres serait la grande œuvre de l’Europe de demain, comme le lui susurrait Kroutchev à Rambouillet quelques années plus tôt2

• Plus tard, le président Sarkozy imaginera un autre « projet de civilisation », avec l’Union de la Méditerranée qui devrait être le « pivot de l’Eurafrique, ce grand rêve capable de soulever le monde. » Autant la chancelière allemande Angela Merkel épousait les grandes lignes de la tradition allemande avec les relations Est-Ouest, une voie rapide pour accroître les échanges avec la Chine, puissance économique mondiale, autant elle avait des doutes sur l’axe Nord-Sud. L’Allemagne préférait les Routes de la soie avec l’Eurasie aux voies d’ébène et de coton avec l’Eurafrique.

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La Sibérie peut faire rêver en 2020, non seulement par l’exploitation de ses richesses minières, mais aussi par l’occupation de son espace géographique. Le monde de demain en aura besoin, car l’or bleu et l’or vert seront les piliers de la croissance de demain.  

Les appétits des voisins immédiats sont immenses, c’est bien là le danger. L’Europe, un géant économique, peut trouver avec une politique coordonnée avec celle de la Russie, un domaine où elle montrera qu’elle sait encore construire un avenir pour ses citoyens qui ont l’impression, aujourd’hui d’être dans une impasse. Débridons leur capacité de produire et aidons-les à s’exprimer là où il y a des besoins pour de nombreuses années encore, en Sibérie, dans le Far East !

De coffre-fort de la Russie, la Sibérie sera devenue le cœur de l’Eurasie russe, battant au rythme de l’Europe

Notes :

(1) IDE : investissements directs étrangers

(2) le iassak (Ясак) ou l’impôt prélevé sur les fourrures (l’or doux), pour le compte du tzar.

(3) Piotr Stolypine : Premier Ministre de Nicolas II, promoteur de la colonisation rurale en Sibérie.

(4) les Pomors sont des colons russes vivant dans le bassin de la mer Blanche.

*Maurice Rossin : Contributeur invité.

Monsieur Rossin est ingénieur agronome. Il a créé, dirigé et conseillé différentes sociétés privées ou étatiques en Afrique, en Amérique Latine, en Asie centrale et en Europe. Il fut également conseillé agricole à l’ambassade de France à Moscou de 2003 à 2007.  

Steun voor NAVO brokkelt af: Meerderheid wil geen hulp aan lidstaat met militair conflict met Rusland

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Steun voor NAVO brokkelt af: Meerderheid wil geen hulp aan lidstaat met militair conflict met Rusland

Ex: https://www.xandernieuws.net

Sinds president Bill Clinton is de NAVO een agressieve alliantie geworden waarmee vooral Amerikaanse geopolitieke doelstellingen worden gerealiseerd. (Afbeelding: (2)).

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De steun voor de NAVO / NATO onder de bevolking van de lidstaten is aan het afbrokkelen. In 11 van de 16 landen zegt een (relatieve en/of absolute) meerderheid geen steun te willen verlenen als een lidstaat in een militair conflict verzeild raakt, vooral niet als dat Rusland is. De –zoals we vaker schrijven: overwegend helaas nog immer naïeve- Nederlanders staan bovenaan in het korte lijstje waar de meerderheid zo’n oorlog wèl steunt, in procenten zelfs nog boven de VS.

‘North Atlantic Terror Organization’

Na de Val van het IJzeren Gordijn en het Warschaupact transformeerde het Atlantische bondgenootschap zich onder president Bill Clinton van een defensieve naar een agressieve, imperialistische  alliantie, die zich weinig aantrok van internationale wetten. Dit leidde al snel tot de even illegale als schandalige oorlog tegen Joegoslavië / Servië, waar de moslims heimelijk werden bewapend om grote slachtpartijen aan te richten onder de overwegende christelijke Servische bevolking, wat een bloedige burgeroorlog in gang zette. Dat leverde de NATO de bijnaam North Atlantic Terror Organization op.

Sinds begin deze eeuw volgden de steun aan de zinloze, verwoestende Amerikaanse oorlogen in of tegen Afghanistan, Irak, Libië en Syrië, waarbij zoveel burgerslachtoffers vielen, dat dit de perfecte voedingsbodem bleek voor de snelle opkomst van islamitische terreurgroepen zoals het reeds bestaande Al Qaeda, en later ISIS. De Westerse globalisten grepen de grotendeels door henzelf gecreëerde chaos en ellende vervolgens maar al te gretig aan om een enorme migrantenstroom naar Europa te faciliteren, en zelfs aan te moedigen.

Meerderheid wil geen hulp aan lidstaat met militair conflict met Rusland

Met uitzondering van Nederland, de VS, Canada, Groot Brittannië en Litouwen is een meerderheid van de bevolking in 11 van de 16 landen –waaronder Frankrijk, Duitsland en Spanje- inmiddels TEGEN het volgens de artikelen van de NAVO verplicht te hulp schieten van lidstaten die in een militair conflict terecht komen, vooral als de tegenstander Rusland is.  Zelfs in de voormalige Oostblok landen Polen, Tsjechië, Hongarije, Slowakije en Bulgarije, die decennialang hebben moeten zuchten onder het Sovjet juk, is een meerderheid tegen. Bulgarije spant daarbij de kroon met 69% tegenstanders, en slechts 12% voorstanders.

Het gemiddelde van de 16 landen komt uit op 50% tegen militaire hulp, en 38% voor. Op de algemenere keuzevraag of mensen positief of negatief tegen de NAVO als organisatie staan, is in meer landen een meerderheid te vinden (de genoemde vijf landen plus Duitsland, Polen en Italië). Opvallend is dat in de VS slechts 52% het bondgenootschap positief vindt. Onder Republikeinen is dat zelfs maar 45%. President Trump heeft regelmatig de onvrede van de Amerikanen over het niet nakomen van de afgesproken 2% defensie uitgaven door bijna alle Europese lidstaten verwoord.

Gekeken naar de politieke kleur van mensen staat ‘rechts’ duidelijk veel positiever tegenover de VS, de NAVO en militair ingrijpen in andere landen, dan ‘links’. (Toch zullen vermoedelijk maar weinig mensen deze website ervan beschuldigen links te zijn.)

Turken alleen op papier nog NAVO lid, in realiteit vijand

Het zal niemand verbazen dat het percentage voorstanders van de NAVO in Turkije het laagst is: 21%. Dat land is alleen nog op papier lid, maar heeft zich in realiteit onder de islamistische dictator Erdogan als een vijand van het Westen ontpopt.

De onverminderde steun van Europa en de NAVO voor de zich almaar agressiever opstellende Turken zou een reden kunnen zijn waarom slechts 25% van de Griekse bevolking de NAVO nog een warm hart toedraagt.

NAVO op termijn vervangen door alliantie met Rusland?

Is er nog een toekomst voor de NAVO weggelegd? De burgers in de meeste lidstaten willen zowel met Amerika als Rusland goede betrekkingen onderhouden. Daarentegen wil slechts een zeer kleine minderheid van 4% van de Nederlanders en 5% van de Britten dit eveneens. De burgers in deze landen leunen nog overweldigend naar de Verenigde Staten toe.

De tendens lijkt echter dat langzamerhand steeds meer Europeanen de eindeloze Amerikaanse / NAVO oorlogen zat beginnen te worden. Dat is hoopgevend, aangezien de Westerse mainstream media nog stevig in de grip van de Transatlantici zijn, en daardoor uitsluitend eenzijdige pro-NAVO en anti-Rusland propaganda blijven verspreiden.

De tijd lijkt daarom rijp om eens goed na te gaan denken over een nieuwe Europese koers, misschien los van de VS, en een die kan leiden tot een broodnodige veel betere band –en op termijn zelfs alliantie- met het land dat al een enorm deel van de Europese energie levert: Rusland. Dat zal de veiligheid en stabiliteit op ons continent enorm ten goede komen. Grootschalige, overduidelijk op oorlog tegen Rusland gerichte NAVO oefeningen zoals het in gang gezette Europe Defender 20, zullen echter niet echt helpen om het Kremlin ervan te overtuigen dat wij vreedzame intenties hebben, en niet uit zijn op een grootschalig militair conflict.

Xander

(1) Pew Research via Zero Hedge
(2) Afbeelding: WikiMedia Commons, auteur Staff Sgt. Keith Anderson, bron https://www.dvidshub.net/image/1657360 , As a work of the U.S. federal government, the image is in the public domain.

Zie ook o.a.:

31-01: Duitse soldaten moeten tijdens militaire oefening eigen auto gebruiken omdat 80% pantservoertuigen kapot is
16-01: 15 Turkse F-16’s schonden dinsdag 91 keer Griekse luchtruim en voerden schijnaanvallen uit
08-01: Oekraïense oud-kolonel: MH-17 ramp opgezet door Britse geheime dienst en Poroshenko

mardi, 18 février 2020

L’Otan prépare son déploiement au Moyen-Orient élargi

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Stoltenberg s'entretenant avec des militaires irakiens

L’Otan prépare son déploiement au Moyen-Orient élargi

Ex: http://www.zejournal.mobi

En définitive, ce devrait bien être l’Otan qui investira le monde arabe après le retrait du CentCom (Commandement central des États-Unis au Moyen-Orient). L’Allemagne pourrait jouer le rôle de leader au sein de l’Alliance.

Le secrétaire général, Jens Stoltenberg, espère :

  1. déployer l’Alliance en Tunisie et faire durer éternellement la guerre en Libye ;
  2. déployer l’Alliance en Irak et en Jordanie et faire durer éternellement la guerre en Syrie.

Le 1er février 2020, la Turquie s’est soudainement rapprochée de l’Otan dont elle est membre et est entrée en conflit avec la Russie en Syrie. Elle a en outre repris le transfert des jihadistes de Syrie vers la Libye via la Tunisie.

Le 12 février 2020, les ministres de la Défense de l’Otan ont décidé, dans un premier temps, de renforcer leur « mission d’assistance » en Irak bien que le Parlement irakien a exigé le retrait des troupes étrangères.

Jens Stoltenberg prépare ce plan depuis plus de six mois. Ainsi a-t-il conclu des accords secrets avec le roi Abdallah de Jordanie et le ministre tunisien des Affaires étrangères qu’il a longuement reçus à Bruxelles.


- Source : Réseau Voltaire

lundi, 17 février 2020

Michel FOUCHER : Le retour des frontières

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Michel FOUCHER : Le retour des frontières

 
 
 
Le géographe et ambassadeur Michel Foucher présente une vaste réflexion sur "Le retour des frontières", titre d'un ouvrage qu'il a publié chez CNRS éditions (2016). Signalons qu'il vient de publier un remarquable numéro de la Documentation photographique : "Les frontières", CNRS éditions 2020 (n°8133). C'est à cette occasion, et en soutien aux enseignants de spécialité HGGSP que Diploweb met en ligne cette vidéo d'une conférence conduite en 2016, en partenariat avec GEM.
 
Extrait du résumé par Joséphine Boucher pour Diploweb.com Qu’est-ce qu’une frontière ? Lorsqu’elle est internationale, c’est une institution. Bien plus qu’une simple ligne de sable ou une crête de montagne, elle fait l’objet de traités et est soumise à un processus défini, du dépôt du dossier du traité de délimitation aux Nations Unies aux démarcations sur le terrain par des commissions dédiées. Il s’agit donc d’une véritable institution du droit international qui sert à définir et à délimiter le périmètre de l’exercice d’une souveraineté étatique. À la frontière s’exercent de multiples fonctions de souveraineté, juridiques, régaliennes, fiscales, douanières, qu’elles soient réelles ou plus symboliques.
 
C’est l’un des paramètres de l’identité collective et de la citoyenneté, et qui permet au plan symbolique de distinguer le dedans et le dehors, lesquels sont des éléments constitutifs de toute communauté humaine. Il y a là deux aspects fondamentaux de la question de la frontière, à savoir la question des limites et celle de l’attachement, de l’appartenance symbolique à une collectivité.
 
C’est d’ailleurs l’une des difficultés de ce malaise de la construction européenne comme acteur stratégique et politique, suite à ce refus de définition. L’Union européenne n’est en effet pas capable de politique extérieure car elle n’a jamais défini la limite entre le dedans et le dehors, sa seule politique extérieure étant celle de l’élargissement. Après avoir défini ce qui fait une frontière, qu’en est-il désormais du retour des frontières ? Il s’agit en fait d’une nouvelle visibilité de ces tracés, même si, rappelons-le, l’invisibilité n’est pas synonyme d’effacement. À cette étape, il convient de déconstruire les idées fausses qui ont pu être émises sur les frontières.
 
La première est celle du discours d’un monde sans frontières permis par une globalisation néo-libérale. Toute régulation serait un obstacle, la politique et les Etats seraient des freins à la bonne marche de l’économie, et au gouvernement se substituerait la gouvernance, c’est-à-dire gouverner sans politique. Or aujourd’hui, les phénomènes de dé-mondialisation et le retour d’un certain protectionnisme témoignent d’une volonté de se protéger, qui n’est pas forcément, rappelons-le, un cloisonnement. L’autre dérive sur la problématique frontalière était d’assimiler la question des frontières à la barrière, au mur, en particulier anti-migratoire. Il est important de ne pas confondre migrations et frontières.
 
La deuxième partie de cette conférence a été construite pour aborder l’actualité de ces questions de frontières via une chronique et des exemples de diverses régions du monde, afin de repérer à partir de différentes sources ce qu’il s’y passe concrètement, pour en faire une analyse et en tirer des enseignements plus généraux sur la réaffirmation des frontières. (...) Enfin, il convient de s’intéresser plus particulièrement à la problématique du voisinage européen, et ce aussi au-delà des questions migratoires. Aucune autre région du monde n’a un tel environnement stratégique. En effet, en cartographiant précisément les conflits sur la base objective des rapports réguliers de l’ « International Crisis Group », il apparaît que sur les 75 conflits, crises graves et guerres ouvertes répertoriées par l’ONG dans le monde au printemps 2016, 85% se trouvent dans un rayon de 3 à 6 h de vol de Paris. Les questions frontalières jouent de fait à 3 échelles : nationale, infra-nationale et régionale. (...)
 
Pour conclure, ce retour des frontières dans les faits et dans les consciences est une bonne nouvelle, à condition d’en user avec discernement. Si abolir des frontières revient à faire disparaître des Etats, les franchir aisément ne les annule pas. La frontière, invention humaine, est aussi un refuge et une ressource pour qui vit des différences et peut élaborer des micro-stratégies. Le retour des frontières est certes un phénomène avéré aujourd’hui, mais il ne signifie pas pour autant le repli sur soi ; la bonne frontière est la frontière agréée ouverte, et pas le refus du monde ni la négation ultra ou néo-libérale de l’importance symbolique et réelle des frontières. Où placer le curseur entre solidarité et responsabilité ? Entre liberté et sécurité ? Ce sont là de véritables difficultés et questions à se poser actuellement. Donnée politique inscrite dans l’espace, la frontière est donc un sujet véritablement et éminemment politique.
 
Images et montage : Fabien Herbert

dimanche, 16 février 2020

Hegemon américain: le chant des sirènes

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Hegemon américain: le chant des sirènes

 
 
par Pepe Escobar
Ex: http://www.zejournal.mobi

Une grande partie de l’Occident libéral considère l’interprétation américaine de la civilisation comme une sorte de loi immuable de la nature. Mais, et si cette interprétation était au bord d’une rupture irréparable ?

Michael Vlahos a exposé que les États-Unis ne sont pas un simple État-nation mais un « leader de système » (un "hegemon") – « une puissance civilisationnelle comme Rome, Byzance et l’Empire ottoman ». Et, faut-il ajouter, la Chine – qu’il n’a pas mentionnée. Un leader de système est « un cadre identitaire universaliste lié à un État. Cette position est utile car les États-Unis possèdent clairement ce cadre identitaire aujourd’hui ».

414CnrU9NyL._SX313_BO1,204,203,200_.jpgDans un essai virulent, Alastair Crooke, notre indéfectible allié issu du renseignement, approfondit la manière dont cette « vision civilisationnelle » a été « déployée avec force à travers le monde » comme une expression inévitable de la Destinée manifeste [1] des Américains : non seulement politiquement – avec tout l’attirail de l’individualisme et du néo-libéralisme occidentaux, mais aussi en combinaison avec « les valeurs du judéo-christianisme ». [2]

Crooke note également à quel point l’élite du pays croit dur comme fer que sa victoire dans la Guerre froide a « affirmé de façon spectaculaire » la supériorité de la vision civilisationnelle américaine.

Eh bien, la tragédie post-moderne – du point de vue des élites américaines – est que cela pourrait bientôt ne plus être le cas. La sordide guerre civile qui fait rage à Washington depuis trois ans – avec le monde entier comme spectateurs stupéfaits – a encore accéléré le malaise.

Souvenons-nous de la Pax Mongolica

Il est inquiétant de constater que la Pax Americana est peut-être condamnée à une existence historique plus courte que la Pax Mongolica – créée après que Gengis Khan, le chef d’une nation nomade, eut entrepris de conquérir le monde.

Genghis a d’abord investi dans une offensive commerciale pour s’emparer des Routes de la Soie, écrasant les Kara-Kitais du Turkestan oriental, conquérant le Khorezm islamique et annexant Boukhara, Samarcande, la Bactriane, le Khorassan et l’Afghanistan. Les Mongols ont atteint la périphérie de Vienne en 1241 et l’Adriatique un an plus tard.

Cette superpuissance de l’époque s’étendait du Pacifique à l’Adriatique. Il est difficile de s’imaginer le choc pour la Chrétienté occidentale. Le pape Grégoire X n’avait qu’une seule idée, qui étaient ces conquérants du monde et pouvaient-ils être christianisés ?

Parallèlement, seule une victoire des Mamelouks égyptiens en Galilée, en 1260, a sauvé l’Islam d’une annexion à la Pax Mongolica.

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La Pax Mongolica – une puissance unique, organisée, efficace et tolérante – a coïncidé historiquement avec l’âge d’or des Routes de la soie. [3] Kubilai Khan – le maître de Marco Polo – voulait être plus chinois que les Chinois. Il voulait prouver que les conquérants nomades, devenus sédentaires, pouvaient apprendre les règles de l’administration, du commerce, de la littérature et même de la navigation.

Pourtant, à la mort de Kubilai Khan, l’empire s’est fragmenté en khanats rivaux. L’Islam en a tiré profit. Tout a changé. Un siècle plus tard, les Mongols de Chine, de Perse, de Russie et d’Asie centrale n’avaient déjà plus rien à voir avec leurs ancêtres cavaliers.

Un saut dans le jeune XXIe siècle montre que l’initiative, historiquement, se trouve à nouveau du côté de la Chine, à travers le Heartland et le Rimland. Les entreprises qui changent le monde et les règles du jeu ne sont plus originaires d’Occident, comme ce fut le cas du XVIe siècle à la fin du XXe siècle.

Malgré tous les vœux pieux pour que le coronavirus fasse dérailler le « siècle chinois », qui sera en fait le siècle eurasiatique, et au milieu du tsunami myope de la diabolisation des nouvelles Routes de la soie, il est toujours facile d’oublier que la mise en œuvre d’une myriade de projets chinois n’a même pas encore commencé.

C’est en 2021 que tous ces corridors et axes de développement continental devraient s’accélérer à travers l’Asie du Sud-Est, l’océan Indien, l’Asie centrale, l’Asie du Sud-Ouest, la Russie et l’Europe, parallèlement à la Route maritime de la soie, qui prépare un véritable collier de perles eurasiennes, de Dalian [en Chine, NdT] jusqu’au Pirée en passant par Trieste, Venise, Gênes, Hambourg et Rotterdam.

Pour la première fois depuis deux millénaires, la Chine est en mesure de combiner le dynamisme de l’expansion politique et économique à la fois sur le plan continental et maritime, ce que l’État n’avait pas connu depuis le court périple expéditionnaire mené par l’amiral Zheng He dans l’océan Indien, au début du XVe siècle. L’Eurasie, dans un passé récent, vivait sous le joug colonial occidental et soviétique. Aujourd’hui, elle passe à la multipolarité – dans une série de permutations complexes et évolutives emmenées par la Russie, la Chine, l’Iran, la Turquie, l’Inde, le Pakistan et le Kazakhstan.

Aucun des acteurs ne se fait d’illusions sur les obsessions du « leader du système » : empêcher l’Eurasie de s’unir sous une seule puissance – ou une coalition telle que le partenariat stratégique Russie-Chine ; veiller à ce que l’Europe reste sous l’hégémonie des États-Unis ; empêcher l’Asie du Sud-Ouest – le « Grand Moyen-Orient », si vous préférez – d’être liée aux puissances eurasiennes ; et empêcher par tous les moyens la Russie-Chine d’avoir un accès facile aux voies maritimes et aux corridors commerciaux.

Le message de l’Iran

Pendant ce temps, un soupçon s’installe : le plan de l’Iran, en écho à la guerre du Donbass de 2014, pourrait consister à aspirer les néocons américains dans un chaudron à la russe, [4] au cas où leur obsession du changement de régime deviendrait encore plus hystérique.

Il existe une possibilité sérieuse pour que, sous pression maximale, Téhéran abandonne définitivement le JCPOA ainsi que le TNP (Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires), invitant ainsi ouvertement une attaque américaine.

En l’état actuel des choses, Téhéran a envoyé deux messages très clairs. La précision de l’attaque de missiles sur la base américaine d’Ayn Al-Asad en Irak, en réponse à l’assassinat ciblé du général de division Qassem Soleimani, signifie qu’aucune base du vaste réseau militaire américain n’est désormais invulnérable.

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Et le brouillard des dénis de non-déni qui entoure la destruction du Battlefield Airborne Communications Node de la CIA (BACN) – essentiellement un nid à espions volant – à Ghazni, en Afghanistan, est également porteur d’un message.

La star de la CIA Mike d’Andrea, connu sous les noms « Ayatollah Mike », le « Croque-mort », le « Prince noir », ou tout ce qui précède à la fois, peut ou non avoir fait partie des victimes. Indépendamment du fait qu’aucune source du gouvernement américain ne confirmera ou ne niera jamais que l’Ayatollah Mike soit mort ou vivant, ou même qu’il existe, le message reste le même : vos soldats et vos espions sont également vulnérables.

Depuis Pearl Harbor, aucune nation n’avait osé prendre de haut le leader du système de façon aussi flagrante que l’a fait l’Iran en Irak. Vlahos a mentionné une chose que j’ai pu constater par moi-même en 2003, à savoir que « les jeunes soldats américains qualifiaient les Irakiens ‘d’Indiens’, comme si la Mésopotamie était le Far West ». La Mésopotamie est l’un des principaux berceaux de la civilisation telle que nous la connaissons. Eh bien, en fin de compte, les 2 000 milliards de dollars dépensés pour bombarder l’Irak en vue d’y apporter la démocratie n’ont pas joué en faveur de la vision civilisationnelle du « leader du système ».

Les sirènes et la dolce vita

Ajoutons maintenant de l’esthétique à notre politique « civilisationnelle ». Chaque fois que je visite Venise – qui est en elle-même un reflet vivant de la fragilité des empires et du déclin de l’Occident – je choisis certaines étapes des Cantos, le chef-d’œuvre d’Ezra Pound.

En décembre dernier, après de nombreuses années, je suis retourné à l’église Santa Maria dei Miracoli, également connue sous le nom de « La boîte à bijoux », qui joue un rôle de premier plan dans les Cantos. En arrivant, j’ai dit à la signora gardienne que j’étais venu pour voir « Les sirènes ». Avec un sourire complice, elle a éclairé mon chemin le long de la nef jusqu’à l’escalier central. Et elles étaient là, sculptées sur des piliers des deux côtés d’un balcon : « des colonnes de cristal, des acanthes, des sirènes sur les chapiteaux », comme on peut le lire dans le Canto 20.

monumento_funebre_al_doge_andrea_vendramin_02.jpgCes sirènes ont été sculptées par Tullio et Antonio Lombardo, fils de Pietro Lombardo, maîtres vénitiens de la fin du XVe et du début du XVIe siècle – « et Tullio Romano a sculpté les sirènes, comme le dit l’ancienne gardienne : de sorte que depuis lors, personne n’a pu en sculpter d’autres pour la boîte à bijoux, Santa Maria dei Miracoli », comme on peut le lire dans le Canto 76.

Pound s’est trompé sur les noms des créateurs des sirènes, mais là n’est pas la question. La question est la façon dont Pound voyait les sirènes comme l’incarnation d’une culture forte – « la perception de tout un âge, d’une accumulation de savoirs et d’une séquence de causes, est entrée dans un assemblage de détails dont il serait impossible de parler en termes de portée », comme l’écrit Pound dans Guide to Kulchur.

Autant que ses chefs-d’œuvre chéris de Giovanni Bellini et Piero della Francesca, Pound a bien compris que ces sirènes étaient l’antithèse de l’usura – « l’art » de prêter de l’argent à des taux d’intérêt exorbitants, qui non seulement prive une culture du meilleur de l’art, comme le décrit Pound, mais qui est aussi l’un des piliers de la financiarisation et de la marchandisation totales de la vie elle-même, un processus que Pound avait brillamment prévu lorsqu’il a écrit dans Hugh Selwyn Mauberley que, « toutes les choses sont en perpétuel changement, a dit le Sage Héraclite ; mais une vulgarité bon marché régnera tout au long de nos jours.” [5]

aff_dolce_vita-1.jpgLa dolce vita aura 60 ans en 2020. Tout comme les sirènes de Pound, le tour de force aujourd’hui légendaire de Fellini à Rome est comme un palimpseste en celluloïd noir et blanc d’une époque révolue, la naissance des Swingin’ Sixties. Marcello (Marcello Mastroianni) et Maddalena (Anouk Aimée), impossiblement cool et chic, apparaissent comme la dernière femme et le dernier homme avant le déluge de « vulgarité bon marché ». À la fin, Fellini nous montre Marcello désespéré par la laideur et, oui, la vulgarité qui s’immiscent dans son magnifique mini-univers – l’esquisse de la culture trash fabriquée et vendue par le ‘leader du système’ qui allait rapidement nous engloutir tous.

Pound était un non-conformiste américain humain, trop humain, au génie classique débridé. Le ‘leader du système’ l’a mal interprété, l’a traité en traître, l’a mis en cage à Pise et l’a envoyé dans un hôpital psychiatrique aux États-Unis. Je me demande encore s’il a pu voir et apprécier La dolce vita dans les années 1960, avant de mourir à Venise en 1972. Après tout, il y avait un petit cinéma à quelques pas de la maison de la rue Querini, où il vivait avec Olga Rudge.

« Marcello ! » Nous sommes encore hantés par le chant de sirène d’Anita Ekberg, debout dans la Fontana di Trevi. Aujourd’hui, toujours otages de la vision civilisationnelle du ‘leader du système’ en déliquescence, nous réussissons à peine à jeter, comme l’a mémorablement écrit TS Eliot, « un demi-regard en arrière, par-dessus notre épaule, vers la terreur primitive ».

Traduction et introduction Entelekheia

Note de la traduction:

[1] Sur la « Destinée manifeste », doctrine fondatrice des USA, voir l’article : Aux origines de l’exceptionnalisme des USA : la « Destinée manifeste »

[2] « les valeurs du judéo-christianisme » : en fait, les valeurs protestantes. Voir à ce sujet Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1904-1905), en libre téléchargement ici. 

[3] L’entreprise commerciale historique des « Routes de la soie » (IIe siècle av.J.C. – XIVe siècle après J.C.) s’appelait encore récemment la Route de la soie, au singulier. Mais sa réouverture par Xi Jinping a fait émerger un problème : le public la voyait comme une route unique, de Chine jusqu’au cœur de l’Europe, et non comme ce qu’elle était en réalité, un réseau dense de routes, de relais, de carrefours et de pistes caravanières étendues à partir de Chine sur toute l’Asie centrale, l’Europe centrale et le Moyen-Orient. De sorte que le pluriel a été adopté pour mieux la définir.

[4] Le chaudron à la russe est une tactique militaire qui consiste à prendre l’adversaire en tenaille, puis à l’encercler. Elle a été notamment illustrée par la bataille de Debaltsevo, dans le Donbass ukrainien en 2015, où les armées des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk avaient piégé des centaines de soldats de l’armée de Porochenko dans un chaudron de ce type.

[5] Selon le pré-socratique Héraclite (fin du VIe siècle av. J.-C.), rien n’était immuable, toutes choses étant soumises à des changements continuels. Pour Pound donc, dans le monde à venir qu’il prévoyait au début du XXe siècle, seule la vulgarité bon marché allait être immuable.

Erdogan, un néo-sultan ottoman mal inspiré

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Erdogan, un néo-sultan ottoman mal inspiré

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Il serait temps de cesser de considérer Recep Tayyip Erdogan comme un allié fiable de la Russie, de l'Iran et de la Syrie dans leur lutte contre le terrorisme islamique

Nous avons plusieurs fois observé qu'en envoyant des militaires dans le nord-ouest de la Syrie, dans la région d'Idlib, sous contrôle de l'organisation Hayat Tahrir al Shams qui se veut héritière d'Al Qaida, il comptait y rester après que cette dernière en aurait été chassée.

Comme il se croit héritier de l'Empire ottoman, il rêve de reconstituer ce dernier dans cette partie de la Syrie. Sa légitimité n'aurait pu alors être contestée. Malheureusement les territoires autour d'Alep et d'Idlib avaient été depuis la fin des guerres mondiales attribués à Damas. Aujourd'hui, Bashar al Assad entend en récupérer la propriété. Il dispose contrairement à ce que l'on croit souvent d'une armée efficace et bien armée. Devant celle-ci les détachements turcs ne font pas le poids. Il a donc entrepris de s'y installer après en avoir chassé les islamistes.

La présence turque contrarie bien entendu cet objectif. Bashar al Assad ne s'embarrasse pas de scrupules et a décidé de la combattre, si besoin est militairement. Ses forces ont repris, le 11 février, aux jihadistes le dernier tronçon d'une autoroute clé entre Damas et Alep, dans le nord-ouest de la Syrie. Précédemment, cinq soldats turcs avaient été tués lors de l'attaque d'un poste d'observation turc. Ce terme de poste d'observation est un euphémisme employé par Erdogan pour désigner un début d'installation militaire. Peu après huit militaires turcs ont été tués dans un bombardement d'artillerie syrien autour d'Idlib. Des émissaires russes viennent d'y être envoyés pour calmer le jeu. Mais on peut douter qu'ils soient écoutés.

Vladimir Poutine dispose de suffisamment de moyens de pression sur Bashar al Assad, dont il a restauré le pouvoir, pour l'obliger à éviter les risques d'affrontement avec les Turcs. S'il ne le fait pas, c'est probablement parce qu'il considère que la reconstitution de l'Empire Ottoman dans cette région ne correspond pas aux intérêts politiques de la Russie.

Ces derniers temps, la progression rapide des forces syriennes, appuyées par l'aviation russe et les milices pro-iraniennes, a provoqué l'exode de près de 700 000 personnes au cours des dix dernières semaines, selon les agences humanitaires. Il est compréhensible qu'Erdogan refuse désormais de les accueillir.
 

Sur ce sujet, on pourra consulter un article de Pepe Escobar dans Asiatimes en date du 13 février:
https://www.asiatimes.com/2020/02/article/its-time-to-rec...

Notes

1) A Benghazi, en Libye, comme dans d'autres villes de la région, des images murales apparaissent, présentant Erdogan comme un allié d'Isis. 

2) Selon la Russie (le centre de réconciliation qui est sur place) il n'y a aucun exode de civils vers l'extérieur. Au contraire les civils cherchent à rejoindre les zones sous contrôle du gouvernement officiel.

samedi, 15 février 2020

Jean-François Fiorina s’entretient avec Olivier Zajec

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Jean-François Fiorina s’entretient avec Olivier Zajec

Ex: http://notes-geopolitiques.com

Constamment mise à jour et rééditée, l’Introduction à l’analyse géopolitique d’Olivier Zajec (Le Rocher, 2018), publiée pour la première fois en 2013, est en passe de devenir un classique, et son auteur l’une des figures universitaires marquantes de sa génération.

Très impliqué dans la réflexion stratégique, c’est aussi un pédagogue qui excelle dans l’art de sensibiliser le grand public aux questions complexes, comme l’illustre son superbe album de 2017, Frontières (Chronique Editions).

Il n’en était que plus indiqué pour nous parler de son parcours, de sa vision de la géopolitique, et des évolutions que connaît cette discipline, instrument indispensable, résume-t-il, pour « saisir l’alterité » et comprendre les transformations du monde.

Comment en êtes-vous venu à la géopolitique, puis avez-vous choisi d’orienter votre enseignement vers cette discipline ?

Je suis venu à la géopolitique par l’histoire (maîtrise puis agrégation), avant de choisir la science politique comme enseignant-chercheur, à l’issue de ma thèse.

Plus j’enseigne la géopolitique et les Relations internationales, que ce soit à mes étudiants de master à Lyon 3, ou aux officiers dans les écoles de guerre, en France comme à l’étranger, et plus le socle historique m’apparaît comme indispensable.

En règle générale, les géopoliticiens qui ne se préoccupent que d’économie ou de science politique – pour ne rien dire de ceux qui ont un agenda purement idéologique – ont tendance à privilégier les dynamiques par rapport aux inerties, même inconsciemment.

La géopolitique est l’art de pondérer ces deux forces, en tenant compte des conditionnements culturels et spatiaux.

L’histoire, qui donne l’intuition de la longue durée, de ce qui est « lent à couler, à se transformer », comme l’écrivait Braudel, est donc l’une des ancres référentielles majeures de la géopolitique.

Il n’y a pas d’analyse socio-spatiale utile sans prise en compte de la longue durée.

Pour comprendre notre monde, où s’entremêlent sans cesse passé et présent, mémoires et espoirs, coopération et compétition, peut-être vaut-il mieux lire René Grousset que Robert Kaplan.

Vous avez consacré votre thèse à Nicholas Spykman. Sa pensée ou à tout le moins sa méthode d’analyse sont-elles toujours utiles aujourd’hui ?

63318573_14150726.jpgSpykman est un personnage assez fascinant. De nombreux auteurs de géographie politique le classent parmi les géopoliticiens « matérialistes », uniquement préoccupés de quantification des facteurs de force, en particulier militaires, et obnubilés par les déterminismes liés à la localisation des acteurs étatiques.

Tous les manuels répètent ce topos. C’est malheureusement une perspective complètement faussée, qui montre à quel point l’historiographie des concepts et théories géopolitiques est parfois mal connue en France, malgré les travaux récents de Martin Motte, de Pascal Vénier, de Florian Louis, de Philippe Boulanger et d’autres auteurs.

L’originalité de Spykman réside en premier lieu dans sa formation sociologique, laquelle prend racine dans la thèse de doctorat qu’il consacre à la sociologie de Georg Simmel en 1923, et qui fut lue avec profit dans l’entre-deux guerres par de nombreux sociologues, philosophes et spécialistes de relations internationales, parmi lesquels le jeune Aron, comme je l’ai montré dans une biographie publiée en 2016.

Cette culture sociologique, fondée sur une intégration fonctionnelle des interactions, des distances et du conflit, contribue à faire de Spykman un cas singulier chez les politistes et les « géopoliticiens » de l’entre-deux guerres : « Je suis, répétera-t-il souvent, un théoricien social, l’un de ceux qui adaptent un peu de leur théorie sociale dans le domaine des relations internationales… »

Spykman, en raison de son éducation au regard sociologique, sera de fait l’un des rares pionniers des Relations internationales à penser le mot relations au même titre que le mot international.

C’est extrêmement moderne, presque constructiviste, et cela se passe à la fin des années 1920 !

La géopolitique de ce globe-trotter polyglotte est en réalité une géo-sociologie, une modélisation socio-spatiale qui fait la différence entre l’aspect quantitatif de la force, et l’aspect qualitatif de la puissance.

Son concept de « rimland », par exemple, privilégie l’équilibre à l’opposition. Contrairement à ce que répètent les manuels à ce propos, c’est Mackinder, beaucoup plus que Spykman, qui inspire le containment de la Guerre froide.

Spykman est mort prématurément en 1943. En quoi est-il utile dans le monde multipolaire qui est déjà le nôtre ?

D’abord, par sa méthode. Pour lui, la géostructure demeure bien la plus permanente des réalités de la politique internationale.

Mais il est également le premier, des décennies avant la Critical Geopolitics, à faire reposer sa théorie des Relations internationales sur un socle « social ». C’est d’une géopolitique interstitielle et contextualisée de ce type dont nous avons aujourd’hui besoin, me semble-t-il. La géopolitique n’est pas une « science » déterministe.

C’est une méthode d’approche des conditionnements de la scène internationale.

Elle nous suggère des modèles, plutôt que de nous imposer des lois. C’est cette approche dont Spykman a été le pionnier négligé.

Redécouvrir la géopolitique à travers son regard est extrêmement enrichissant.

Par quels autres auteurs, anciens ou actuels, avez-vous été marqué ?

Bien entendu, en matière de géopolitique, il faut connaître et redécouvrir les « classiques » : Ratzel, Mackinder, Mahan, Haushofer, pour s’apercevoir tout à la fois de la richesse de leur pensée (les Allemands, Ratzel surtout, ont été caricaturés) mais également… de leurs limites. Mahan n’est pas très profond, il a beaucoup emprunté.

Mackinder a un regard qui embrasse les continents et brasse les époques, mais son anglo-centrisme outré lui fait exagérer la dichotomie terre-mer d’une manière excessive.

Les auteurs les plus intéressants, anciens ou nouveaux, sont pour moi ceux qui se situent généralement aux marges de la géopolitique.

Par exemple le sociologue Robert Park et son concept de Human Ecology, l’approche d’économie géographique de l’économiste Paul Krugman, ou le travail pionnier et extrêmement pénétrant réalisé sur les frontières par le géographe Michel Foucher.

Pour la synthèse entre géopolitique et stratégie, Coutau-Bégarie doit être lu et relu, car nul n’est plus clair et synthétique.

Le terme « géopolitique » est aujourd’hui très utilisé, souvent de manière extensive, et parfois abusive. Tout ne se résume pas à la géopolitique. A contrario, certains auteurs considèrent aujourd’hui que la mondialisation, parce qu’elle ôte de l’influence aux Etats, donc relativise l’importance politique du territoire, rend la géopolitique, sinon obsolète, en tout cas moins légitime. Comment vous situez-vous dans ce débat ? Et d’une manière générale, dans quelle(s) direction(s) la géopolitique évolue-t-elle aujourd’hui ?

71skiYG2LXL.jpgL’interdépendance économique est certes une réalité. Elle l’était aussi à la veille de 1914.

Son extension ne vaut nullement garantie d’un futur pacifique. Ainsi que le rappelait Hassner dans une optique tout aronienne, « l’universalité ne saurait faire fi de la pluralité, le cosmopolitique de l’interétatique, donc de la rivalité et du conflit ».

La géopolitique a un bel avenir devant elle, contrairement à certaines théories performatives à obsolescence programmée qui promettent, semble-t-il, de disparaître avec les cohortes les plus idéologisées de la génération du baby-boom.

Les années 1990-2000 ont été marquées par une illusion intellectuelle, parfois fortement polarisée idéologiquement.

Après avoir diagnostiqué la fin de la géographie (O’Brien), de l’histoire (Fukuyama), ou des frontières (Ohmae), les analystes transnationalistes ou libéraux-institutionnalistes semblent aujourd’hui sur la défensive.

Sans sous-estimer la force des phénomènes globaux de convergence normative, il nous faut effectivement constater que, dans la société internationale contemporaine, les dynamiques de différenciation politiques semblent bien progresser au rythme même des dynamiques d’uniformisation technologiques.

Je fais souvent la comparaison avec le processus de mise à feu thermonucléaire, fondé sur la fission-fusion : nous voyons en effet à l’oeuvre dans la géopolitique mondiale une concomitance de la fusion globale (économique, financière et technologique) et des fissions locales (culturelles et identitaires).

La première s’accélère, les autres se multiplient. Mal régulé, ce mélange peut libérer des forces explosives d’une intensité accrue.

Le plus urgent, pour préserver la paix, est sans doute de considérer avec attention les mutations dynamiques de la structure internationale actuelle, en estimant à leur juste poids les agendas politiques et culturels des acteurs qui la polarisent.

Certains auteurs voudraient que le monde à venir ne soient fait que de lieux et d’espaces interconnectés d’où les appartenances auraient quasi-disparu.

C’est une dangereuse illusion, qui sous-estime la centralité renouvelée du politique dans notre monde réticulé où la connexion, je le répète souvent aux étudiants, n’est pas forcément le lien.

Entre le local et le global, il y aura toujours des territoires politiquement appropriés, représentés et défendus par des États.

Ces derniers utiliseront le droit et la technologie comme des instruments et non des fins en soi, de manière à augmenter leur influence et densifier leur puissance, au nom de leur autonomie stratégique et de leur liberté d’action.

C’est la raison pour laquelle la géopolitique est aussi intéressante : interprétative et non explicative, elle permet de tempérer nos projections, en modélisant les conditionnements qui agiront sur les matrices de coopération, de compétition et d’opposition de cette nouvelle scène internationale.

En ce sens, les analyses que l’on pourrait appeler « statophobes » voilent la réalité des relations internationales.

Il y a, me semble-t-il, un immense désir d’État dans le monde. Mais des États réformés. Représentatifs. Respectueux de leurs peuples. Que veulent d’ailleurs ces derniers ?

Une connexion au niveau global qui ne détériore pas le respect de leur identité au niveau local.

L’État, à la charnière du global et du local, est donc consubstantiel à la mondialisation, parce que dans un monde accéléré, on attend de lui qu’il assure la paix et la sécurité sur un territoire, en produisant du commun plutôt que de se soumettre aux seules lois du marché.

Sur ce point de la place des États dans la mondialisation, vous avez parfaitement raison de dire que tout ne se résume pas à la géopolitique. Il faut aussi, entre autres, se tourner vers la théorie des relations internationales.

Comme le rappelle ainsi avec raison Michael Williams, reprenant en cela des avertissements similaires du constructiviste Alexander Wendt, « Il est important de noter que l’État demeure une limite – non la limite de la communauté politique. Reconnaître la centralité continue des acteurs étatiques n’empêche en aucune manière le développement – et l’étude analytique – d’autres formes d’ordres, d’institutions, de solidarités transversales et de transformations par-delà les frontières ».

affolement-monde-beandeau.pngDans son récent essai, L’affolement du monde, Thomas Gomart dit que nous vivons un moment « machiavélien », au sens où l’analyse des rapports de force, qui était passée au second plan à l’ère des grandes conférences sur le désarmement, reprend une importance fondamentale dès lors que les trois principales puissances, Etats-Unis, Russie et Chine, réarment comme jamais. Après avoir contribué à stabiliser le monde, ce que le général Gallois appelait « le pouvoir égalisateur de l’atome » est-il en train de devenir obsolète ?

L’analyse de Thomas Gomart est fondamentalement juste. Il faut également lire les développements qu’il a récemment consacrés à la notion d’intérêt national.

En étant sur une ligne pour l’essentiel complémentaire, j’aurais simplement tendance à dire que le moment que nous vivons est sans doute autant « clausewitzien » que « machiavélien ».

Machiavel raisonne en termes de rapports de force transactionnels. Il faut le compléter avec les aspects interactionnels de la théorie réaliste de la guerre clausewitzienne. Celle-ci ne peut pas être restreinte à la stratégie dite « classique ».

Relire Clausewitz, c’est comprendre l’importance de distinguer, pour reprendre son expression, les genres de guerres dans lesquels s’engagent ou auxquelles se préparent les États, et les relations stratégiques qui en découlent au niveau international.

Ceux qui ont négligé Clausewitz pendant la parenthèse idéaliste des années 1990-2000 ont eu tendance à oublier que De la Guerre était un ouvrage de théorie sociale, fondée non pas sur les seuls rapports de force, mais sur la dialectique des intérêts et des volontés.

Et précisément, la dissuasion nucléaire est une dialectique, avant d’être un rapport de force. Les Français l’ont parfaitement compris avec leur concept de stricte suffisance.

La dissuasion reste plus que jamais pertinente et stabilisatrice dans le monde qui vient. Simplement, elle ne peut pas résoudre tous les problèmes.

Sous la voûte nucléaire qui nous garantit des guerres absolues, un considérable espace de conflits potentiels – y compris de guerres majeures – demeure, qu’il faut anticiper et auxquels il faut se préparer en renforçant l’autonomie stratégique de la France et de l’Europe.

Que peut apporter une culture géopolitique aux futurs managers qui auront à évoluer dans une économie mondialisée ?

Le sens des permanences, qui seul donne l’intelligence des transformations. Et je ne vois pas d’aptitude professionnelle qui soit plus précieuse aujourd’hui.

Que faudrait-il enseigner concrètement aux étudiants en matière de géopolitique ?

Je constate depuis une dizaine d’années, à l’occasion des cours et des conférences que je donne en stratégie, géopolitique ou relations internationales, que le niveau de culture historique, artistique, religieuse et surtout littéraire décroît de manière dramatique. Ce n’est pas un lamento régressif.

C’est un fait brut, massif, inquiétant. Or, il ne peut y avoir de compréhension, d’interprétation, de saisie de ce qui porte l’autre, de ses traumatismes historiques, de ce qui l’attache à un territoire, sans prise en compte de sa matrice spirituelle, de ses modes de représentation du bien et du mal, du beau et du laid, du juste et de l’injuste.

On ne saisit pas la spécificité iranienne sans connaître sa poésie millénaire. Balzac permet toujours de comprendre ce pays déconcertant qu’est la France. Kennan – l’un de mes auteurs préférés – conseillait au Département d’Etat de lire Tchekhov plutôt que les briefs de la CIA pour mieux comprendre les Russes.

Sans les humanités, nous analysons à vide.

9782707178329.jpgDu point de vue des apprentissages, la « géopolitique » n’y fera rien, ni l’économie, ni la « communication ».

Le rejet de la culture générale dans les écoles qui forment les élites françaises est une stupidité sans nom. L’économie, le marketing, sont importants. Mais c’est la culture, pas l’économie, qui nous empêche de nous jeter les uns sur les autres.

La culture n’est pas un produit de nos déterminismes sociaux, elle n’est pas un outil de reproduction de ces derniers, c’est au contraire ce qui permet de leur échapper. Elle est tout ce qui peut parfois paraître inutile de prime abord.

Mais c’est cette culture générale qui donne son prix à une analyse géopolitique, à une dissertation d’économie, à un policy paper de think-tank, parce qu’elle permet de lever le nez des chiffres ou des oracles liés aux taux de croissance, au débit internet, ou au nombre de porte-avions.

Je conseillerais aux étudiants en géopolitique de ne pas utiliser exclusivement les méthodologies instrumentales et quantifiées qu’on leur présente parfois comme plus efficaces, et d’investir aussi dans les outils d’analyse qui permettent d’approfondir l’inquantifiable des vies humaines.

Simone Weil avait saisi cette dimension lorsqu’elle écrivait que « La perte du passé, collective ou individuelle, est la grande tragédie humaine, et nous avons jeté le nôtre comme un enfant déchire une rose. C’est avant tout pour éviter cette perte, concluait-elle, que les peuples résistent désespérément à la conquête. »

Lire cette phrase, la retenir, la méditer, permet de mieux comprendre la raison pour laquelle un petit pays peut résister à un grand pendant si longtemps.

La géopolitique, méthode d’approche multidisciplinaire des Relations internationales, permet de mieux saisir l’altérité.

À condition de l’ouvrir à l’histoire et à la littérature : celles-ci nous fournissent les clés d’un passé qui, en transmettant ce qui fut, nous murmure parfois ce qui sera.

Comment a été reçu votre dernier livre ?

Frontières, paru en 2017, a été bien reçu. Je suis très fier que l’Armée de terre l’ait distingué par le prix « L’Épée ».

Mieux nous comprendrons la nécessité fonctionnelle et indépassable des frontières, moins il y aura de murs dans le monde.

Faire de la géopolitique, c’est également, me semble-t-il, comprendre ce type de paradoxes.

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Pour en savoir plus sur Olivier Zajec:

Olivier Zajec, 43 ans, est maître de conférences en science politique à la faculté de droit de l’université Jean Moulin – Lyon III (EA 4586), où il a fondé et dirige l’Institut d’études de stratégie et de défense (IESD).

Agrégé et docteur en Histoire des relations internationales (Paris-IV Sorbonne), diplômé de l’École Spéciale Militaire de Saint Cyr et de Sciences-Po Paris, il est membre du Conseil scientifique et chef du cours de géopolitique de l’École de Guerre (Paris) depuis 2015.

Conférencier à l’Institut des Hautes Études de la Défense Nationale (IHEDN), à Paris Sorbonne Université Abou Dhabi (PSUAD) et au Centre des Hautes Études Militaires (CHEM), il est chargé de recherches à l’Institut de Stratégie Comparée (ISC, Paris) et directeur adjoint de la revue Stratégique.

En même temps, il collabore régulièrement à diverses publications de défense et de relations internationales : Le Monde diplomatique, Défense et sécurité internationale (DSI), Res Militaris, Conflits, La Revue de Défense nationale.

Il prépare actuellement un ouvrage consacré aux fonctions politiques de la guerre dans les relations internationales.

Olivier Zajec est l’auteur de nombreux articles et de divers ouvrages, dont :

La Mesure de la Force. Traité de stratégie de l’École de Guerre, (avec Martin Motte, Jérôme de Lespinois et Georges-Henri Soutou), Paris, Tallandier, avril 2018 (voir CLES, HS 81, janvier 2019, notre entretien avec Martin Motte) ;

Frontières. Des confins d’autrefois aux murs d’aujourd’hui, Paris, Éditions Chronique, septembre 2017 (Prix « L’Épée » 2018) ;

French Military Operations, dans Hugo Meijer and Marco Wyss (dir.), The Handbook on European Armed Forces, Oxford University Press ;

La formation des élites militaires : un enjeu de politique publique, Stratégique, n° 116, août 2017 ;

Introduction à l’analyse géopolitique. Histoire, outils, méthodes, quatrième édition revue et augmentée, Paris, Éditions du Rocher, septembre 2018 ;

La formation des élites militaires : un enjeu de politique publique, Stratégique, n° 116, août 2017 ;

Hyperconnectivité et souveraineté : les nouveaux paradoxes opérationnels de la puissance aérienne, Défense et sécurité internationale, septembre 2017 ;

Security studies et pensée stratégique française : de la vision globale à la myopie contextuelle, Res Militaris. Revue européenne d’études militaires, hors-série France : opérations récentes, enjeux futurs, décembre 2016 ;

Nicholas J. Spykman, l’invention de la géopolitique américaine, Paris, Presses Universitaires de Paris-Sorbonne, mars 2016 (Prix Albert Thibaudet 2016) ;

Carl von Clausewitz en son temps : die Natur des Mannes, lecture critique de Bruno Colson, Clausewitz, Paris, Perrin, 2016, Stratégique, n° 114, décembre 2016.

vendredi, 14 février 2020

Después del Brexit, ¿Rusia como alternativa?

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Después del Brexit, ¿Rusia como alternativa?

  • "¿A ningún dirigente se le ha ocurrido pensar por qué, desde 1992 ninguna consulta sobre Europa ha resultado vencedora? Solo en España, lo que no es casualidad"
  • "Solo se puede entender lo que está pasando en EEUU y en Gran Bretaña partiendo de que el mundo está cambiando de base geopolítica"
  • "EEUU ha intentado convertir a Rusia en una gran potencia adversaria de los pueblos europeos. Es la búsqueda de un enemigo que justifique la existencia de la OTAN"

Enric Juliana es un periodista singular y, en muchos sentidos, diferente. Su estilo consiste en situar el hecho, el dato, la noticia históricamente; intentar ir más allá del día a día y enmarcar lo que ocurre en un contexto más amplio. Hace unos días relacionaba el Brexit con la geopolítica que tiene como referente a Mackinder. No dijo mucho más. He esperado que desarrollara esta idea pero no lo ha hecho. Así que tiro de este hilo sabiendo que, seguramente, el conocido periodista catalán no estará de acuerdo con muchas de las cosas que escribo.

Sir Halford Mackinder (1861-1947) fue un geógrafo notable británico y un político muy influyente. Esta doble condición siempre hay que tenerla en cuenta; intentó conocer la realidad, siempre al servicio de los intereses estratégicos de su país. Si bien no usó nunca el término geopolítica, influyó decisivamente en esta disciplina que unos consideran ciencia y otros un arte político de Estado. En 1904 publicó una conocida conferencia con el título de El pivote geográfico de la historia. En 1919 desarrolló estas ideas en un libro muy importante en su época, llamado Democratic Ideals and Reality. No es fácil explicar en un artículo como este la complejidad, hondura y los supuestos de una concepción geográfica que ha marcado, durante más de un siglo, los debates estratégicos y políticos de un mundo en perpetuo cambio. Quizás esto es lo que más sorprende. La “problemática Mackinder” vuelve una y otra vez, y retorna -precisamente- cuando los teóricos de la globalización consideran que el territorio y la geografía habían perdido su relevancia en las relaciones internacionales.

Para entender bien lo que Mackinder nos sigue diciendo hoy, hay que partir de dos ideas centrales. La primera es la que opone estructuralmente la geopolítica del mundo entre el poder marítimo (talasocracia) y el poder terrestre (telurocracia); esta oposición es sustancial y afecta a las estrategias políticas y militares, y tiene consecuencias en la construcción y desarrollo de los Estados. La segunda se desarrolla ampliamente en el artículo de Mackinder antes citado, tiene que ver con la llegada de una nueva etapa de la geografía-mundo que podríamos llamar post-colombino. Los descubrimientos de Cristóbal Colón marcaron toda una etapa histórico-social de las potencias de Europa (que es una península de Eurasia) que se expandieron mundialmente a través de los océanos convirtiéndose en vastos imperios en colisión permanente. Mackinder considera que esa etapa terminó. El mundo se había cerrado, quedando repartido entre las grandes potencias, con una clara hegemonía del Imperio Británico. La clave -entramos ya en el fondo del debate- es que las potencias talasocráticas habían perdido parte de su ventaja estratégica y que el territorio volvía a ser un elemento central (telurocracia).

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El geógrafo británico identifica un territorio fundamental que llama la isla mundial compuesta por Europa, Asia y África. En su centro, un pivote geográfico que, posteriormente, llamaría Heartland o Corazón continental. De este centro surgen dos grandes líneas, una interna y otra externa. El Heartland ocuparía un amplio espacio de lo que llamamos Siberia y Asia central; es decir, desde el Volga al Yangtze y desde el Himalaya al océano Ártico. La conclusión de Mackinder marca toda una época y es muy conocida. “Cuando nuestros estadistas estén en conversación con el enemigo derrotado, algún alado querubín debería susurrarles, de tiempo en tiempo: quien domina la Europa oriental, controla el corazón continental; quien domina el corazón continental controla la isla mundial; quien domina la isla mundial, controla el mundo”. Una pequeña nota: lo que se está jugando en ese momento (1919) es el nuevo orden pactado en Versalles.

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Volvamos al Brexit. Este mes he publicado en El Viejo Topo un ensayo sobre la salida de Gran Bretaña de la Unión Europea. Me remito a él para otras consideraciones. Una cosa quisiera subrayar: la ferocidad de la clase dirigente y de los medios europeos contra una decisión democrática y legítima, no tiene fácil explicación. Los insultos y desprecios han llegado a límites difícilmente soportables, hasta el punto que se anima a la secesión de Escocia en un momento en el que la cuestión territorial es un problema grave en España. En esto han participado tanto la derecha como la izquierda. ¿A ningún dirigente significativo se le ha ocurrido pensar por qué, desde 1992 (referéndum francés) ninguna consulta sobre Europa ha resultado vencedora? Solo en España, lo que no es casualidad. La falta de autocrítica de la élites europeas el alarmante. La paradoja de todo este debate es que para los europeístas más federalistas la salida de Gran Bretaña tendría que haber sido vivida como una oportunidad. La construcción neoliberal de Europa ha sido justificada, en gran medida, por la presencia de Gran Bretaña; la involución social, el predominio de las libertades comunitarias y la desregulación de los mercados han tenido tradicionalmente como culpable la presencia de unas islas percibidas, más como quinta columna que como constructores leales de un proceso de integración unitario.

Solo se puede entender lo que está pasando en EEUU y en Gran Bretaña partiendo de que el mundo está cambiando de base geopolítica y que nos encontramos (en este mundo cerrado) ante una gran transición que tiene en su centro una enorme redistribución de poder. Para decirlo de otra forma, lo que hemos llamado globalización ha iniciado su fin. No será fácil comprender las mutaciones que estamos viviendo; no será fácil entenderlas y, mucho menos, disponer de una plataforma ideo-política capaz de guiarnos en un mundo que cambia aceleradamente. Lo que está pasando lo tenemos delante de nuestros ojos: una potencia (EEUU) que se niega a aceptar su decadencia, que no está dispuesta a compartir, en nuevas condiciones, su hegemonía mundial y que se enfrenta a una potencia emergente (China) que está obligada a cambiar el orden mundial. Lo diré como ha expresado Kaplan: EEUU no va a aceptar el predominio de una gran potencia en el hemisferio oriental. Lo combatirá por todos los medios y llegará hasta el final. La “trampa de Tucídides” sigue estando presente.

M0208070088X-large.jpgEn este mundo que cambia, los grandes poderes económicos británicos quieren caminar solos; ponen sus intereses estratégicos en el centro y, desde su autonomía, buscarán alianzas con Europa; mejor dicho, con algunos países europeos. Nadie cuestiona sus acuerdos de fondo con los EEUU, y el Reino Unido seguirá en ellos con voz e intereses propios. El otro lado de la cuestión debería suscitar alguna reflexión a los europeístas de andar por casa que hoy nos abruman. El dato más relevante para los hombres y mujeres que estamos en el marco de la UE es que a más integración, menos capacidad de Europa para ser un sujeto autónomo y diferenciado en unas relaciones internacionales donde las grandes potencias están definiendo intereses y marcos de actuación.

Con Mackinder retorna Rusia. Para EEUU el frente europeo es secundario, ellos están ahora en otra cosa: disputarle la hegemonía a China en el Pacífico. La OTAN sirve para este objetivo, subalternizar a una UE sin alma y sin proyecto, dividirla e impedir una asociación duradera con Rusia. La casa común europea fue un proyecto fracasado de unas élites rusas que habían llegado a confiar en una alianza con las democracias occidentales. Putin es hijo de ese fracaso. Tomó nota y sacó las consecuencias estratégicas oportunas. Los EEUU han intentado -y seguirán intentándolo- convertir a Rusia en una gran potencia adversaria de los pueblos europeos. Es la búsqueda de un enemigo que justifique la existencia de la OTAN, la carrera de armamentos y la enemistad entre Alemania y Rusia. La ampliación al Este de la OTAN, la rápida integración de los países ex socialistas en la UE y el rígido alineamiento de estos con el amigo americano es un mismo proceso dirigido, hay que insistir, a impedir cualquier asociación económica y política con Rusia; es decir, con el pivote geográfico mundial o el Heartland continental.

Hace más de 20 años Brzezinski, hablando de los peligros futuros para EEUU escribía lo siguiente: “El escenario potencialmente más peligroso sería el de una gran coalición entre China, Rusia y quizás Irán, una coalición ‘antihegemónica’ unida no por una ideología sino por agravios complementarios. Recordaría, por su escala y por su alcance, a la amenaza que planteó, en determinado momento, el bloque sino-soviético, aunque esta vez China sería probablemente el líder y Rusia el seguidor. Evitar esta contingencia, por más remota que pueda ser, requerirá un despliegue simultáneo de habilidad estratégica estadounidense en los perímetros occidental, oriental, y sur de Eurasia”. El conocido analista geopolítico norteamericano acierta de pleno y es capaz de atisbar el futuro. A la hora de las soluciones, aparece siempre Rimland  o “anillo continental” de Spykman.

Europa y Alemania tienen unas geoeconomías complementarias y podrían tener estrategias geopolíticas convergentes. Hay conflictos (como el de Ucrania) pero serían solucionables en el marco de un acuerdo de asociación económica, energética y política. La condición previa es que Europa tenga un proyecto propio y autónomo en las relaciones internacionales; es decir, que se desenganche de la OTAN, defina sus intereses estratégicos y busque su lugar en un mundo que transita, bajo enormes dificultades, a la multipolaridad. Mi viejo maestro Samir Amín habló hasta el final de un eje París-Berlín-Moscú-Beijing. Mackinder retorna y, con él, Eurasia. La historia, no solo no terminó, sino que comienza de nuevo.

mercredi, 12 février 2020

Détroit d’Ormuz – Une mission navale européenne…

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Détroit d’Ormuz – Une mission navale européenne…

 
 
par Richard Labévière
Ex: http://www.zejournal.mobi

La dernière provocation américaine d’un soi-disant « plan de paix » israélo-palestinien – qu’il faudrait plutôt qualifier, selon Guillaume Berlat, de « plan de guerre » – ravive les tensions récurrentes dans le Détroit d’Ormuz, véritable couloir stratégique.

Entre Iran et Oman – large de 40 km et long de 63 km – le Détroit voit passer près de 30% du pétrole mondial, ce qui en fait l’un des segments maritimes les plus importants du monde. Principalement dans les eaux territoriales d’Oman, il est organisé en « rails de navigation » empruntés par les supertankers à destination de l’Atlantique, de la mer Rouge et des mers de Chine. L’essentiel des installations pétrolières de la région (raffinage, stockage et transport) borde le golfe dont il est la porte. C’est donc une zone hautement stratégique, qui explique notamment l’importance du budget militaire omanais (10% du PIB, deuxième rang mondial derrière la Corée du Nord). Les intérêts américains dans cet « axe vital du pétrole » sont assurés, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, par la Vème Flotte basée au Bahreïn et appuyés par la base arrière de Diego Garcia[1].

Depuis l’accord conclu le 1er janvier 1975, l’Iran et le sultanat d’Oman assurent – conjointement – la surveillance du libre transit. En réalité, l’essentiel du passage se fait dans la partie omanaise du Détroit, là où se trouvent les eaux les plus profondes et le dispositif de séparation du trafic. Les navires en transit suivent des couloirs de circulation larges de 3 km (l’un dans le sens est-ouest, et l’autre dans le sens ouest-est), séparés par un espace interdit à la navigation sur 3 km. Ces dispositions ont été arrêtées en vertu de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (art. 41-42). Par ailleurs, Oman dispose d’une station radar située à la pointe de la péninsule de Musandam pour le contrôle du trafic.

Enjeux pétroliers

Durant la guerre Irak-Iran (1980 – 1988), le Détroit a été plusieurs fois miné par les Iraniens pour faire pression sur les alliés occidentaux de Saddam Hussein – États-Unis, France, Royaume Uni. Depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, le risque de nouvelles atteintes à la liberté de circulation dans le Détroit ressurgit d’autant que l’Iran dispose, désormais, de missiles de croisière de nouvelle génération. De fait, la géopolitique du Détroit s’est vue modifiée à travers les tentatives de trouver des routes alternatives : les projets de pipeline vers la Turquie pour évacuer la production irakienne vers le nord ; le développement des terminaux sur la côte ouest de l’Arabie saoudite (en mer rouge) ; les plans de contournement via l’Afghanistan et le Pakistan pour charger les pétroliers hors du golfe Persique, quitte à privilégier le pétrole d’Asie centrale au détriment de celui du Golfe ; l’installation par la Chine de bases navales dans l’océan Indien – notamment à Djibouti et à Gwadar au Pakistan, qui pourrait concurrencer le projet de terminal pétrolier américain de Karachi… Ces différentes initiatives traduisent l’intensité de la menace à laquelle s’ajoutent les difficultés de normalisation du terminal de Bassorah (Irak), le plus important de la région.

Les enjeux du Détroit s’étendent aussi à la Turquie, à la Syrie, aux républiques d’Asie centrale – où le Pakistan joue un rôle majeur dans le marchandage énergétique en cours. Ces enjeux expliquent partiellement les excellentes relations que La Russie et la Chine maintiennent avec Téhéran. Les Américains, quant à eux, sont pris au piège. Un rapprochement diplomatique avec l’Iran reste des plus improbables et ils ne peuvent lâcher ni l’Irak, ni l’Afghanistan, ni le Yémen, quand bien même le candidat Trump a promis de faire rentrer ses « Boys » à la maison.

En dépit de cette géopolitique élargie, sinon distendue, il demeure que le Détroit d’Ormuz borde les eaux iraniennes, Téhéran conservant un accès privilégié à cet espace qui demeure un verrou potentiel aux ressources pétrolières les plus importantes du monde. Pour la France, il constitue l’une des charnières de son axe vital Méditerranée/océan Indien à partir duquel notre pays entend élargir et affermir sa grande ambition Indo-Pacifique associant, non seulement l’Inde, mais aussi l’Australie et le Japon.

Eaux tumultueuses

D’une manière générale, les Gardiens de la révolution – qui assurent la surveillance des eaux iraniennes dans le Détroit – sortent régulièrement de leur base militaire du port de Bandar Abbas, avec leurs vedettes rapides (équipées de mitrailleuses, de canons sans recul et de mines dérivantes et mines Ludion[2]) dès qu’un bâtiment militaire croise dans la zone. Plateforme interarmées, le port de Bandar Abbas se situe au niveau du détroit de Clarence, qui la sépare de la grande île de Qeshm par une mangrove naturelle dite « forêt d’Hara », ainsi que des deux îles d’Ormuz et Larak. Malgré l’absence de port naturel, sa localisation géographique en fait l’un des « hubs » portuaires de la zone.

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Le Détroit a été le théâtre de nombreux affrontements, on l’a dit, durant la guerre Irak/Iran (1980 – 1988). Le 18 avril 1988, la frégate américaine USS Samuel B. Roberts est gravement endommagée par une mine iranienne. Les États-Unis, qui soutiennent l’Irak, lancent une opération de représailles sous le nom de code Praying Mantis (mante religieuse). Plusieurs unités navales appuyées par l’aviation embarquée d’un porte-avions, attaquent et détruisent les plates-formes pétrolières iraniennes Sassan et Sirri. Une bataille navale s’ensuit, au cours de laquelle les Iraniens perdent un patrouilleur, une vedette, ainsi que la frégate Sahand. Quatre-vingt-sept militaires iraniens sont tués et plus de trois cents blessés. Cet affrontement est la plus grande bataille navale livrée par les États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale.

L’Iran saisit la Cour internationale de Justice (CIJ) contre les États-Unis pour la destruction de ses deux plates-formes. Dans son arrêt du 6 novembre 2003, la Cour estime que considérant les circonstances, cette destruction ne pouvait pas se justifier au nom de la légitime défense car elle ne répondait pas aux critères de nécessité et de proportionnalité de la légitime défense en droit international. Cependant, elle repousse la demande iranienne d’indemnisation.

Le 3 juillet 1988, un Airbus de la compagnie aérienne Iran Air est abattu au-dessus du détroit d’Ormuz par un tir de missiles provenant du croiseur américain USS Vincennes. La catastrophe fait 290 victimes civiles, dont 66 enfants. Elle est due à une méprise des militaires américains qui ont cru avoir affaire à un avion militaire iranien.

Le 6 janvier 2008, le gouvernement américain annonce que trois de ses navires de guerre, patrouillant dans le détroit d’Ormuz, ont été menacés par des vedettes rapides des Pasdaran iraniens agissant de manière coordonnée. Les vedettes sont parties après les sommations d’usage. Washington dénonce des manœuvres « provocatrices » commanditées par le gouvernement iranien. Le 29 juin 2008, le commandant des Gardiens de la révolution – Mohammad Ali Jafari – déclare que si l’Iran est attaqué par Israël ou les États-Unis, il fermera le détroit d’Ormuz. Le vice-amiral commandant la Vème Flotte américaine réagit en indiquant qu’une telle mesure sera considérée comme un acte de guerre.

Le 27 décembre 2011, dans un contexte de renforcement des sanctions occidentales contre l’Iran – en raison de son programme nucléaire -, le premier vice-président iranien Mohammad Reza Rahimi annonce que son pays peut fermer le détroit d’Ormuz en cas de sanctions visant les exportations iraniennes de pétrole. Survenu le 12 mai 2019 au large du port de Fujaïrah (Émirats Arabes Unis), ce qu’on appelle « l’incident du golfe d’Oman » correspond au sabotage de quatre navires (Pétroliers) naviguant dans le golfe d’Oman.

Paris lance la mission « EMASOH »

Dans ce contexte, en janvier dernier, le Quai d’Orsay a annoncé la création d’une nouvelle mission de surveillance maritime dans le Golfe et le détroit d’Ormuz en partenariat avec plusieurs pays de l’Union Européenne (UE). Baptisée EMASOH (pour European-led Maritime Awareness mission in the Strait Of Hormuz), cette mission a pour objet de garantir la liberté de navigation dans le golfe Persique tout en protégeant les intérêts économiques européens et internationaux. Elle ne vise aucun État particulier et cherche à assurer la stabilité de la zone.

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Considérant que l’instabilité politique de la région porte atteinte à la sécurité de la navigation, des navires et des équipages, les pays engagés estiment que cette situation risque de compromettre les échanges commerciaux et l’approvisionnement énergétique, ce qui est susceptible d’avoir des conséquences économiques dans le monde entier. Communiqué du ministère français des Armées : « les récents événements au Moyen-Orient sont très préoccupants car ils attisent les tensions et accroissent le risque d’un éventuel conflit de grande ampleur, qui aurait des conséquences sur toute la région. Le contexte exige des initiatives de désescalade renforcées pour interrompre la tendance actuelle ».

Cette surveillance maritime sera exercée au travers de moyens aériens et navals et portera sur les activités aériennes et maritimes, civiles et militaires, pour les rendre plus sûres et restaurer la confiance et la sécurité dans la région. Cette mission reste ouverte à la participation de tous les pays désireux de s’investir au profit de la stabilité régionale du Détroit d’Ormuz. Pour l’instant, l’EMASOH réunit : la France, le Danemark, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Grèce, l’Italie et le Portugal. La Belgique a également proposé de fournir des officiers de liaison pour la cellule de coordination installée sur la base française d’Abu Dabi, siège du commandement d’ALINDIEN (Amiral commandant de la zone maritime de l’océan Indien). Le Danemark a été le premier pays à annoncer sa participation : la société danoise Maersk est en effet la première compagnie de transport maritime du monde.

Le déploiement opérationnel se décompose comme suit. La France : la frégate Courbet de la Marine Nationale, qui assure déjà une mission de présence dans la zone, assure le premier mandat de cette mission multilatérale. Le Courbet a souvent été le précurseur d’opérations maritimes de grande ampleur. Il a ainsi été l’un des premiers navires en escorte de l’opération européenne anti-piraterie EUNAVFOR Atalante au large des côtes de Somalie et du Yémen. Le Danemark fournit depuis le lancement de l’opération un ou deux officiers d’état-major au QG d’EMASOH, à l’état-major français d’Abu Dhabi pour une durée de douze mois. À partir de l’automne 2020, elle mettra à disposition une frégate avec 150 personnes et un hélicoptère, pour une durée de quatre mois. « EMASOH constituera un instrument utile de préservation de la liberté de la navigation en garantissant l’existence d’une coordination appropriée et de mécanismes de partage d’informations entre tous les partenaires actifs dans le domaine, notamment l’industrie maritime. De plus, EMASOH a pour objectif d’encourager la désescalade et de compléter les efforts diplomatiques fondamentaux visant à assurer une stabilité accrue et un dialogue régional ouvert dans un contexte critique », souligne le communiqué du ministère danois des affaires étrangères.

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Les Pays-Bas intégreront également une frégate pour un coût de déploiement estimé entre 10 et 15 millions d’euros. « Assurer un passage libre et sûr pour le trafic maritime dans cette zone est expressément dans notre intérêt » détaille Ank Bijleveld-Schouten. En effet, l’une des principales compagnies pétrolières mondiales, Shell, est anglo-néerlandaise. « La frégate de commandement et de défense aérienne Zr. Ms De Ruyter va partir pour la région du Golfe en janvier » indique le communiqué gouvernemental. Elle sera dotée d’un hélicoptère de transport NH90 – équipé pour la surveillance comme pour les évacuations médicales – et renforcée d’officiers d’état-major supplémentaires à bord. La frégate restera jusqu’en juin sur zone, dans le cadre de cette mission EMASOH.

Vu de Téhéran

Évidemment vu de Téhéran, l’initiative française n’est pas forcément accueillie avec des fleurs. Mais dans la mesure où elle ne comporte pas de dimension étatsunienne, Téhéran en profite habilement pour en faire un pion de sa diplomatie dialectique. Un communiqué récent des Gardiens de la révolution souligne que « le Détroit n’est pas la propriété des États-Unis (…) L’intégrité et la souveraineté des eaux nationales iraniennes doivent être respectées, même si celles-ci bordent une zone d’intense trafic international ».

Malgré les dernières péripéties de la tension Washington/Téhéran, l’Iran n’envisage plus un minage du Détroit d’Ormuz qui impacterait directement les intérêts de son allié stratégique chinois. Selon plusieurs experts pétroliers, 65% des flux énergétiques de la Chine transitent par le Détroit d’Ormuz. Aussi Pékin, comme Washington et les autres pays occidentaux, a le plus grand intérêt à surveiller, sinon à participer directement à la stabilité de ce passage maritime. Du reste, le dossier est évoqué par la Chine et l’Iran lors de leurs échanges réguliers sur leurs intérêts communs de défense et de sécurité. A plusieurs reprises, Téhéran a dû rassurer ses interlocuteurs chinois en leur précisant qu’il n’était plus question désormais de miner le détroit, sauf dans le cas d’une crise majeure qui aboutirait à une confrontation directe avec les États-Unis et/ou Israël.

L’autre intérêt de la diplomatie iranienne est de démontrer que la stabilité de cette zone maritime peut être garantie, non seulement sans la participation des États-Unis, mais avec des pays occidentaux ne partageant pas toujours les mêmes intérêts que ceux de Washington. Et ce n’est pas la première fois que Téhéran cherche à dissocier certains pays européens de leur arrimage traditionnel au parrain américain. Si les experts du ministère iranien des Affaires étrangères savent parfaitement que l’exercice a ses limites et, qu’en dernière instance la solidarité des pays membres de l’OTAN finit toujours par prévaloir, ils ne renoncent pas pour autant à chercher à capitaliser toute espèce de nuances ou de différences entre alliés occidentaux.

Sur cet échiquier de finesses et de complexités diplomatiques, la France occupe une position particulière. Même si Nicolas Sarkozy a ramené la France éternelle dans le Commandement intégré de l’Alliance Atlantique en 2008, les dirigeants iraniens ne désespèrent pas de pouvoir réactiver – sur tel ou tel dossier et selon des circonstances toujours différentes – la dimension gaulliste, sinon gaullienne de la politique étrangère française. Malgré la vaine tentative de rencontre entre les présidents américain et iranien – tentée par Emmanuel Macron lors de la dernière Assemblée générale de l’ONU en septembre dernier -, la relation bilatérale Paris/Téhéran demeure sinusoïdale. Vu de Téhéran, Paris a cautionné l’assassinat ciblé du général Qassem Soleimani et n’a pas clairement désavoué le dernier « plan de paix » américain pour le Proche-Orient, considéré en Iran comme la dernière provocation de Donald Trump.

Liberté des mers

En dépit de ces considérations diplomatiques, énergétiques et militaires, l’avenir de la stabilité du Détroit d’Ormuz touche à la liberté de navigation qui est en jeu non seulement dans le golfe Persique, mais aussi en mer de Chine méridionale, dans les mers d’Azov, Méditerranée et d’ailleurs. Partout, il s’agit d’assurer et de garantir la liberté de navigation sur l’ensemble des mers et des océans de la planète. De manière opérationnelle, il s’agit de maintenir une « posture de vigilance à 360 degrés ».

Parce que dans le contexte de la mondialisation contemporaine, « une course à l’armement naval » ne cesse de s’intensifier, souligne le capitaine de vaisseau Hervé Hamelin : « Les nations voulant compter sont désireuses de disposer d’une Marine de dernier cri, pouvant mettre en œuvre tout l’éventail des moyens modernes, du porte-avions au missile de croisière, en passant par les drones »[3]. Il ajoute : « Un avion de chasse décollant d’un porte-avions croisant dans les eaux internationales dispose aujourd’hui d’un rayon d’action de 1 850 kilomètres. S’y ajoute la mise en service de missiles de croisière à bord des frégates et des sous-marins dont la portée est encore plus impressionnante ».

Il est dans cette perspective indispensable d’améliorer la coordination des différents acteurs, au sein des États, entre les États, entre États et organisations internationales, et entre organisations internationales. Et ce, pour promouvoir le développement des normes internationales et de prévenir les menaces identifiées et à venir.

« Dans cette perspective, Téhéran comme Pékin et Moscou ont compris, semble-t-il, que la mission EMASOH ne leur est pas a priori hostile, que cette mission européenne n’est pas au service de Washington mais bien au service de la liberté des mers dans le golfe Persique », explique un ambassadeur de France, « comme pour la mission Atalante pour la lutte contre la piraterie au large de la Somalie, EMASOH peut faire la preuve par l’acte d’un non-alignement opérationnel au service de la paix ».

Notes:

[1] Diego Garcia est un atoll de l’archipel des Chagos, dans le territoire britannique de l’océan Indien. L’île principale de l’atoll – Diego Garcia – abrite une base militaire américaine que le Royaume-Uni lui loue.

[2] Mine « Ludion » : mine dont l’immersion est assurée par un système de contrôle hydrostatique qui la maintient à une profondeur prédéterminée.

[3] Hervé Hamelin : « La liberté des mers » – L’ENA hors les murs – numéro 689, avril 2019.

mardi, 11 février 2020

Expansion du corridor économique Chine-Pakistan (CPEC) - Téhéran veut construire « l’anneau d’or »

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Expansion du corridor économique Chine-Pakistan (CPEC)

Téhéran veut construire «l’anneau d’or»

 
par Andrew Korybko
Ex: https://www.katehon.com

Les processus d’intégration eurasienne menés par l’Initiative la Ceinture et la Route (BRI) sont l’une des caractéristiques des relations internationales contemporaines, et l’Anneau d’Or pourrait éventuellement devenir la pièce maîtresse de ces efforts si la proposition du O-CPEC+ de l’Ambassadeur Hosseini aboutit, surtout si elle est menée en parallèle avec le N-CPEC+.

L’Ambassadeur iranien au Pakistan a partagé ses plans visionnaires pour le CECP+, le néologisme devenu populaire au Pakistan ces temps-ci pour désigner l’expansion du Corridor Économique Chine-Pakistan le long de différents axes géographiques tels que ceux du nord (N-CECP+), de l’ouest (O-CECP+) et du sud (S-CECP+). L’Agence Anadoloude Turquie a fait état de la conférence de l’Ambassadeur Seyyed Mohammad Ali Hosseini à l’Institut d’Études Stratégiques d’Islamabad (IESI) en début de semaine, qui mérite d’être analysée plus en profondeur.

Selon l’Ambassadeur Hosseini, « la mise en place d’un réseau ferroviaire entre Gwadar et Chabahar et sa liaison avec l’Europe et l’Asie Centrale via l’Iran, va entraîner un développement économique majeur dans la région. D’autre part, la construction d’une voie ferrée sur le territoire pakistanais vers la Chine, reliant les deux ports, conduira au développement économique de cette région ». En pratique, cela répondrait à ce que j’ai écrit sur le O-CECP+ dans mon analyse sur CGTN en avril dernier intitulée « Le CECP+ est la clé pour atteindre les objectifs d’intégration régionale ».

Dans cet article, j’ai écrit que « la récente visite du Premier Ministre pakistanais Khan en Iran a vu les deux pays voisins s’entendre pour approfondir leur coopération, qui pourrait vraisemblablement évoluer vers une route commerciale terrestre du O-CECP+ passant par la République Islamique pour rejoindre Islamabad et les partenaires de Pékin en Turquie, qui pourrait être associée à un corridor maritime parallèle reliant le point terminal du CECP de Gwadar aux royaumes du Golfe ».

C’est exactement ce que l’Ambassadeur Hosseini a proposé lors de sa conférence à l’IESI (moins la partie concernant les royaumes du Golfe), qui pourrait révolutionner le rôle géostratégique de l’Iran dans l’ordre mondial multipolaire émergent et, par conséquent, en faire l’un des pays les plus importants de la BRI si elle est mise en œuvre avec succès dans le temps. Cela pourrait avoir des implications économiques importantes, mais aussi politiques.

L’ambassadeur est également cité par l’Agence Anadoloucomme ayant déclaré que « des pays comme l’Iran, le Pakistan, la Turquie, la Russie et la Chine ont le potentiel de former une nouvelle alliance pour un meilleur avenir de la région ». Si la Chine et la Russie évitent le terme « alliance » pour décrire leurs relations étroites avec d’autres pays, l’intention de ses propos est suffisamment claire dans la mesure où il appelle à un partenariat stratégique renforcé entre ces cinq pays. Cela devient une possibilité réaliste entre la Chine, le Pakistan, l’Iran et la Turquie si le O-CECP+ est mené à bien.

Quant à la Russie, elle pourrait être associée à cette proposition ambitieuse de connectivité si le O-CECP+ est élargi pour l’inclure via l’Azerbaïdjan en suivant la voie proposée par le Corridor de Transport International Nord-Sud que ces deux pays, l’Iran et l’Inde, tentent de construire. En outre, la création d’un corridor commercial entre la Russie et le Pakistan via l’Afghanistan et l’Asie Centrale de l’après-guerre (N-CECP+) pourrait grandement contribuer à faire de Moscou une plus grande partie prenante de ce quintet stratégique centré sur le CECP que certains ont appelé « l’Anneau d’Or ».

Les processus d’intégration eurasienne menés par la BRI sont l’une des caractéristiques des relations internationales contemporaines, et l’Anneau d’Or pourrait éventuellement devenir la pièce maîtresse de ces efforts si la proposition de l’Ambassadeur Hosseini du O-CECP+ aboutit, surtout si elle est réalisée en parallèle avec le N-CECP+. Les cinq États piliers de cette vision de la connectivité pourraient être reliés entre eux et aux États qui se trouvent entre eux (Afghanistan, Azerbaïdjan et Républiques d’Asie Centrale) par une multitude de corridors ferroviaires et de transport construits par la Chine.

Par ces moyens, la Chine fonctionnerait comme le moteur de l’intégration eurasienne et lierait plus étroitement tous les pays concernés dans une Communauté de destin partagé. L’interdépendance complexe qui résulterait de cette vision ferait de chaque partie une plus grande partie prenante du succès de l’autre, avec la construction de mégaprojets multilatéraux offrant à leurs citoyens des opportunités économiques sans précédent. L’Anneau d’Or centré sur le CECP renforcerait donc la stabilité du cœur géostratégique de l’Eurasie.

Andrew Korybko

Source : Mondialisation.ca

lundi, 10 février 2020

Nord Stream 2 dans le collimateur : Washington prépare un nouveau train de sanctions

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Nord Stream 2 dans le collimateur : Washington prépare un nouveau train de sanctions

Washington : les Etats-Unis ont bien la ferme intention de saboter définitivement le gazoduc germano-russe de la Baltique, le Nord Stream 2. Selon plusieurs informations tirées des médias, le parlement et le sénat des Etats-Unis sont occupés à préparer un nouveau train de sanctions.

Cette fois, ces sanctions frapperaient les investisseurs européens, participant au projet, ainsi que les entreprises qui se fourniraient en gaz au départ de ce gazoduc. Ces nouvelles sanctions pourraient être mises en œuvre dès ce mois de février ou en mars prochain.

Le Handelsblatt allemand cite à ce sujet un porte-paroles du consortium énergétique Uniper : « Nous savons que les Américains sont très déterminés à empêcher le fonctionnement du gazoduc Nord Stream 2 ». Le journal n’entend toutefois pas spéculer sur d’autres actions possibles des Américains », mais suit « le déroulement de l’affaire de manière très précise ».

En décembre 2019, le Sénat américain avait prévu des sanctions contre Nord Stream 2 dans un projet de loi sur l’armement et la défense (NDAA/National Defense Authorization Act), devant entrer en vigueur en 2020.

Selon ce projet de loi, les navires poseurs de tubes, impliqués dans la réalisation du gazoduc, et les cadres de ces entreprises, seraient visés. Le Sénat américain cible ces personnes en les menaçant de ne plus leur accorder de visas et de bloquer toutes les opérations relatives à leurs avoirs déposés aux Etats-Unis. L’entreprise de construction Allseas, qui place les tubes sur le fond de la mer, est directement menacée, sans circonlocutions verbales, de « voir son existence économique détruite », si elle participait, « ne fût-ce qu’un seul jour, aux travaux de parachèvement du gazoduc Nord Stream 2 ».  L’entreprise a dès lors abandonné sa participation.

D'après l'état actuel des travaux, le gazoduc Nord Stream 2 devrait être complètement achevé à la fin de l'année 2020. Il ne manque plus que 150 km de tubes à placer pour parachever le tracé complet.

Article paru sur http://www.zuerst.de

Voir l'article du Point: https://www.lepoint.fr/monde/nord-stream-2-l-ue-et-l-allemagne-rejettent-les-sanctions-americaines-21-12-2019-2354355_24.php

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dimanche, 09 février 2020

Le Royaume-Uni brexité se tournera inévitablement vers la Chine et la Russie

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Le Royaume-Uni brexité se tournera inévitablement vers la Chine et la Russie

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Il s'agira d'une évolution que ne pourra pas empêcher la "special retationship" avec les Etats-Unis.

Si le Royaume-Uni a décidé de quitter l'Union Européenne, ce que l'on nomme le Brexit, il semble que ce soit principalement parce que, dans le cadre de l'Union, qui demeure presque entièrement dépendante politiquement de Washington, elle commençait à étouffer sous le poids de contraintes d'inspiration américaine lui interdisant toutes relations économiques avec la Russie et la Chine.

Celles-ci contrariaient de plus en plus ses intérêts économique. Or en Grande Bretagne, l'économie est plus encore que le politique un déterminant de la politique extérieure. Jusqu'à présent, dans le cadre de la « special relationship » avec les Etats-Unis, le Royaume Uni pouvait bénéficier économiquement de la domination américaine sur une partie du monde. Aujourd'hui, comme Washington perd de plus en plus de terrain face à Pékin (à supposer que l'épidémie de coronavirus s'y éteigne) et Moscou, Londres revendique plus d'indépendance.

Deux faits apparemment mineurs mais significatifs le montrent. Boris Johnson, le Premier ministre britannique, vient de refuser de se plier à l'ordre de Donald Trump lui imposant de renoncer aux équipements pour la 5G fournis par le géant chinois Huawei dominant ce secteur. Dans un tout autre domaine, il a décidé de lever à partir de 2021, certaines des « sanctions » imposées à la Russie dans le cadre de l'Union, mais sous pression de Trump. au prétexte d'une prétendue annexion de la Crimée.

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Il est clair que les intérêts financiers britanniques veulent profiter de la mise en valeur de la Russie, sur le plan industriel et géographique, notamment en Sibérie, qui vient d'être décidée par Vladimir Poutine. Cela se fera nécessairement aux dépends des intérêts américains. Une autre grande puissance économique européenne, l'Allemagne, ne voudra certainement pas être exclue de ces perspectives par les injonctions américaines. On peut penser que Berlin, bien qu'encore très soumis à Washington, n'hésitera pas à affronter les interdits américains dans ce domaine.

Il en sera de même des relations britanniques avec la Chine. Si celle-ci, répétons-le, échappe rapidement à la fragilisation que lui impose aujourd'hui l'épidémie de coronavirus, elle retrouvera rapidement son statut de première puissance économique mondiale.

Ayant retrouvé grâce au Brexit, face aux Etats-Unis et à l'Union européenne, toute sa liberté de négociation, le Royaume-Uni ne tardera pas à exploiter ces perspectives. Ceci évidemment ne l'empéchera pas de continuer à s'affirmer fidèle à la special relationship.

Top 10 dei trend di politica estera nel 2020

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Top 10 dei trend di politica estera nel 2020

Ex: https://www.ecfr.eu

L'arrivo del 2020 non segna solo un nuovo anno, ma anche un nuovo decennio. Il sistema di un calendario arbitrario rivendica la necessità di fare previsioni su eventi e tendenze che scuoteranno il mondo nel 2020. A dire il vero, il prossimo anno è un po' misterioso, figurarsi il prossimo decennio. Se ci aveste detto nel gennaio 2010 che Kanye West si sarebbe rivolto a Gesù entro il 2020, avremmo detto: "Certo, e una star dei reality televisivi diventerà presidente degli Stati Uniti". La nostra mancanza di intuito non significa che le previsioni annuali siano state imprecise.

Anzi, nonostante le fionde e le frecce di colleghi oltraggiosi, siamo rimasti talmente impressionati dalle nostre capacità di previsione e di autovalutazione che abbiamo deciso di rappresentarle graficamente. Nel 2019, guardando solo un po’ di sbieco ai fatti, abbiamo ottenuto un punteggio di precisione di 6,5 su 10. È un po' al di sotto dei nostri punteggi passati, ma siamo fiduciosi che nel 2020 il mondo migliorerà la capacità di aderire alle nostre previsioni.

Di seguito presentiamo le previsioni sui dieci trend principali che preoccuperanno i policymakers della politica estera europea nel 2020 (più un trend bonus). Tornate l'anno prossimo per vederci presentare una descrizione ancora più graficamente impressionante dei nostri fallimenti.

1. TRUMP VINCE LA RIELEZIONE MA PERDE IL VOTO POPOLARE CON UN MARGINE MAGGIORE RISPETTO AL 2016

Donald Trump è un presidente impopolare che affronta un percorso difficile e molto incerto per la rielezione. Nonostante ciò, i presidenti in carica hanno enormi vantaggi alle elezioni presidenziali statunitensi e in generale vincono. Trump ha optato per un puro gioco di collegi elettorali, concentrandosi sugli Stati in cui ha vinto nel 2016 e curando poco la maggioranza degli elettori che vivono negli Stati in cui ha perso. Di conseguenza, il suo rivale Democratico correrà per i voti nelle grandi città e negli stati costieri, ma con scarso successo. Trump otterrà il collegio elettorale, ma perderà il voto popolare con un margine ancora più grande rispetto al 2016.

2. L'UE SI DISSOCIA DALLA POLITICA STATUNITENSE IN MEDIO ORIENTE E NORD AFRICA

Nel 2019 gli europei hanno cominciato finalmente a credere che gli Stati Uniti avrebbero lasciato il Medio Oriente. Per decenni, gli europei hanno affidato la loro politica medio orientale agli Stati Uniti, nonostante abbiano grandi interessi nella regione. In questo modo, l'Europa è rimasta saldamente legata alle priorità statunitensi su questioni come Iraq, Siria e Yemen. Tuttavia, come dimostrato, Russia e Turchia negoziano il destino della Siria e si trasferiscono in Libia, mentre gli Stati Uniti rimangono passivi e gli europei non hanno più questa possibilità. Nel 2020, l'Europa inizierà a costruire una propria politica sulla regione. Questo sforzo non avrà né i muscoli né i mezzi americani. Permetterà all'Unione Europea e ai suoi Stati membri di utilizzare finalmente la propria forza economica e i legami regionali per elaborare una politica su Medio Oriente e Nord Africa più incentrata sugli interessi europei.

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3. GLI STATI UNITI TRASCURANO L'ALLEANZA CON TAIWAN

Con il crescere delle tensioni tra Taiwan e Cina a seguito delle elezioni taiwanesi del gennaio 2020, i cinesi ricorreranno alle consuete forme di pressione militare e diplomatica per garantire che il nuovo governo di Taipei non faccia ulteriori passi verso l'indipendenza. Taiwan si aspetterà dimostrazioni sia simboliche che reali di sostegno da parte dell'amministrazione Trump ma riceverà solo vaghe dichiarazioni di solidarietà da parte del Dipartimento di Stato che andranno perse tra una raffica di tweet presidenziali mirati a prendere in giro Nancy Pelosi. Taiwan si tirerà indietro e un'altra alleanza americana marcirà dall'interno.

4. PUTIN PARTECIPA AL G7 NEGLI STATI UNITI

Tre anni fa avevamo previsto che il presidente russo Vladimir Putin avrebbe partecipato al vertice del G7 del 2017 in Italia. Era prematuro, ma la chiave per il business delle previsioni non è imparare dai propri errori ma, al contrario, continuare a ripetere i pronostici fino a quando non diventano giusti. Così, Trump, con il sostegno del suo omologo francese, Emmanuel Macron, chiederà a Putin di partecipare al vertice del 2020 negli Stati Uniti. Questo anticiperà il ritorno della Russia nel comitato che governa quel mondo, anche se avverrà dopo che avrà smesso di governare il mondo.

5. ZELENSKY SI MUOVE PRIMA DELL’EUROPA NELLA RISOLUZIONE DEL CONFLITTO DEL DONBAS

Il nuovo presidente dell'Ucraina, Volodymyr Zelensky, si è già dimostrato più disposto a fare accordi con la Russia di quanto la maggior parte degli analisti politici ritenesse possibile. Continua a camminare sul filo del rasoio a livello politico a causa dell'intensa opposizione all'interno del paese a qualsiasi compromesso con la Russia. Ciononostante, affronterà la questione in modi che metteranno a disagio i leader dell'UE, realizzando compromessi a loro non graditi e minando il consenso europeo sulle sanzioni contro la Russia. I leader europei si troveranno nella scomoda posizione di respingere gli sforzi dell'Ucraina per fare pace con il suo vicino.

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6. IL GREEN DEAL EUROPEO DIVENTA LA NUOVA CRISI DEI RIFUGIATI

L'anno scorso, Ursula von der Leyen ha fatto dell'European Green Deal il segno distintivo della sua agenda come nuovo presidente della Commissione europea. Nel 2020 il dibattito sulla politica climatica approfondirà le divisioni geografiche e socioeconomiche all'interno dell'Europa, provocando un contraccolpo populista anti-ambientale. Molti Paesi dell'Europa orientale dipendono ancora fortemente dal carbone per la produzione di energia e temono che la spinta alla neutralità del carbonio sia una forma di protezionismo subdolo. Il Green Deal europeo potrebbe anche creare fratture politiche interne a molti Stati membri, così come è successo in Francia quando il tentativo di aumentare le tasse sul carburante nel 2018 ha stimolato il movimento dei gilet gialli. Questi movimenti intraeuropei e nazionali faranno dell'accordo la prossima "crisi dei rifugiati", una questione di singolare potenza che divide l'Europa tra est e ovest, e che mobilita forze populiste all'interno dei paesi dell'intero blocco.

7. LA SUCCESSIONE DIVENTA UN TEMA DOMINANTE IN RUSSIA, TURCHIA E STATI UNITI.

Gli uomini di potere hanno vissuto una buona fase negli ultimi anni. Brasile, Cina, Russia, Turchia e persino gli Stati Uniti sono governati da leader con un alto senso di sé e una bassa tolleranza per il dissenso o le critiche. Gli uomini di potere di oggi cercano di centralizzare il controllo attraverso il culto della personalità (con diversi livelli di successo). Di conseguenza, note pubblicazioni come il Washington Post, il New Statesman e il Financial Times vedono l'alba di una nuova era autoritaria. Tuttavia, il 2020 rivelerà come i regimi forti abbiano una debolezza chiave che va ben oltre la loro evidente mascolinità tossica. I regimi personalizzati hanno poca capacità di organizzare successioni ordinate, e gli uomini forti non vivono per sempre. Nel 2020 le lotte di successione e il disordine che ne deriverà, in particolare in Russia e Turchia, inizieranno a erodere la sensazione che i leader come Putin siano qui per sempre.

8. LA GUERRA COMMERCIALE TRA USA E CINA SI DIFFONDE IN SETTORI COME I SERVIZI FINANZIARI E LA TECNOLOGIA DELL'INFORMAZIONE

Nonostante gli Stati Uniti e la Cina abbiano raggiunto una tregua nella guerra commerciale alla fine del 2019, quest'anno i contrasti riguarderanno fronti nuovi e più significativi. L'attuale lotta per la tecnologia 5G preannuncia una guerra fredda economica dato che le due parti competono in altri settori geopoliticamente significativi, in particolare tecnologia dell'informazione e servizi finanziari. Sia Cina che Stati Uniti cercheranno di stabilire il proprio dominio tecnologico e finanziario con paesi terzi usando il potere di mercato e le relazioni politiche per mettere da parte il proprio rivale.

9. LE REGOLE SUI DATI DIVENTANO I NUOVI OGM IN UN CONTESTO GLOBALE PER STABILIRE STANDARD

Gli standard sono diventati il principale campo di battaglia in una nuova era di concorrenza geo-economica. Cina, UE, Russia e Stati Uniti hanno tutti cercato di usare la propria capacità di stabilire standard globali in settori come la salute, la privacy e la sicurezza per promuovere obiettivi nazionali che vanno dal predominio di industrie chiave all'esportazione di valori. In passato, il dibattito sugli organismi geneticamente modificati (OGM) è stato un campo di battaglia fondamentale per stabilire i termini del commercio agricolo. Nel 2020 gli standard dei dati svolgeranno un ruolo simile, poiché i leader iniziano a capire che la lotta per l'esportazione dei regolamenti sull'elaborazione, la gestione e la protezione dei dati darà forma all'industria tecnologica globale.

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10. I MOVIMENTI DI PROTESTA DIVENTANO PIÙ IRRUENTI

Il 2019 è stato l'anno delle proteste in quanto movimenti di massa sono sorti e spesso si sono sostenuti in luoghi diversi come Bolivia, Francia, Hong Kong, Iran e Sudan. I movimenti hanno origini e traiettorie diverse, ma tutti hanno espresso un malcontento generale nei confronti delle classi dirigenti e della capacità catalizzatrice dei social media. Nel 2020 questi movimenti persisteranno, ma avranno effetti diversi a seconda della natura del governo preso di mira. In paesi autoritari come la Cina e l'Iran, i governi cominceranno a capire come utilizzare i social media e altre tecnologie per contrastare le proteste. In quanto tali, le manifestazioni potranno iniziare, ma otterranno scarsi cambiamenti sociali. Negli Stati più democratici o più deboli, questi movimenti costringeranno i governi a scendere a compromessi e, nel bene e nel male, innescheranno un cambiamento sociale o addirittura un cambiamento di leadership. Anche se i movimenti di protesta efficaci possono essere più preziosi negli Stati autoritari, diventeranno più comuni in quelli democratici.

BONUS: IL REGNO UNITO NON RIESCE A CONCLUDERE UN ACCORDO COMMERCIALE CON L'UE (MA A NESSUNO IMPORTA MOLTO)

Come spesso viene sottolineato, la saga della Brexit continuerà ben oltre la dipartita del Regno Unito dall'UE il 31 gennaio. Alla fine del 2020 il Paese sarà sul punto di un altro no-deal con finale sospeso, seguito da quasi tutte le stesse potenziali conseguenze per l'economia del Regno Unito e dell'UE che si sono avute nelle precedenti tornate negoziali. Nonostante ciò, il fervore politico svanirà dal dibattito sulla Brexit nel Regno Unito e nell'UE dopo il 31 gennaio. Mentre i politici passano a questioni come chi ha incasinato l'assistenza sanitaria o chi non è riuscito ad arginare i crimini con armi bianche, le discussioni commerciali tra l’UE e il Regno Unito verranno condotte nel mondo dei tecnocrati. Anche se l'UE e il Regno Unito non riusciranno a raggiungere un accordo entro la fine dell'anno, quasi nessuno che non lavori per il Financial Times se ne accorgerà. I tecnocrati troveranno in silenzio un modo per estendere il negoziato, dimostrando ancora una volta le virtù politiche dell'apatia pubblica.

samedi, 08 février 2020

La trilogie (involontaire) de Poutine

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La trilogie (involontaire) de Poutine

Ex: http://www.dedefensa.org

29 décembre 2019 – Les Russes viennent de marquer deux avancées fondamentales dans les domaines de la stratégie nucléaire intercontinentale et dans celui de la stratégie régionale. En même temps, ou plutôt précédant immédiatement ces deux annonces, il y a l’affirmation que la Russie mène désormais la course aux armements, ce qui en termes dialectiques est extrêmement différent de la simple affirmation de la possession d’armes nucléaires supérieures à celles de l’adversaire : dans ce dernier cas, l’affirmation est un constat statique de supériorité ; dans celui de “la course aux armements”, l’affirmation est celle de la dynamique de la puissance opérationnelle comparée.

• Sur ce dernier point, on a lu un texte du  25 décembre 2019, où Poutine affirme que la Russie possède désormais une supériorité stratégique nucléaire, bref qu’elle mène la “course aux armements” comme l’ion disait durant la Guerre froide, donc qu’elle peut prétendre de facto à une attitude de supériorité dans le domaine stratégique. Nous notions ceci qui a une grande dimension psychologique, pas seulement voulue et élaborée, mais qui existe de factodu fait de l’affirmation de la situation compétitive à laquelle pousse le comportement de la partie américaniste : « Pour la première fois d’une façon publique et spectaculaire, Poutine a parlé des armements russes explicitement en termes de supériorité comparée, sur n’importe quel autre pays et y compris le plus puissant d’entre eux, et non plus en termes de capacités opérationnelles et d’avancement technologique brut. Ainsi, ses paroles ont-elles une résonnance politique claire et nette, et non plus une résonnance seulement militaire et stratégique ; et une résonnance politique impliquant non pas nécessairement un défi mais dans tous les cas l'affirmation d'une supériorité stratégique comme outil de la politique de sécurité nationale russe, pour protéger les intérêts russes, éventuellement hors de Russie. »
 • L’annonce d’un marché avec l’Algérie d’avions de combat russes les plus avancés et les plus puissants, marché qualitativement d’une extrême importance qui bouleverse les positions stratégiques en Méditerranée et sur le flanc Sud de l’Europe : 14 Su-34, 14 Su-35 (tous deux de “quatrième génération et demi”), et 14 Su-57 de cinquième génération. On a vu hier quelques observations  qu’à notre sens  il convient de faire à cet égard.
• D’autre part, la mise en service du système de planeur hypersonique type AvantGard, un système stratégique continental/global contre lequel aujourd’hui aucune défense ni contre-mesure ne sont possibles et qui place les USA dans une très délicate position d’infériorité stratégique. AvantGard évolue à 27 Mach (plus ou moins 30 000 km/h : on peut écouter, ou réécouter pour beaucoup, Jean-Pierre Petit  sur ce sujet des armes hypersoniques russes, très éclairant malgré l’arrogance sans vergogne de l’intervieweur, – on est Français et “expert” ou on ne l’est pas, certes...).

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Bien entendu, nous nous étendons un peu plus sur ce dernier point qui, d’un point de vue stratégique au plus haut niveau concevable, d’un point de vue opérationnel et d’un point de vue de supériorité, marque un point sans surprise depuis qu’on connaît l’existence de ces armes, mais d’un formidable poids symbolique acquis entre la chose annoncée et la chose accomplie. Les AvantGardont commencée à être livré en mai dernier et leur déploiement opérationnel a été annoncé  le 27 décembre  comme effectif (« Une vidéo publiée vendredi par le ministère russe de la Défense montre les têtes de planeurs hypersoniques en train d'être chargées sur des missiles en silos. Pour l'instant, les AvantGard seront montés sur les missiles balistiques UR-100N (ou SS-19 Stiletto, comme les appelle l’OTAN), jusqu’à ce que le Sarmat RS-28 soit prêt à entrer en service. »)

Les Russes n’ont certainement pas dissimulé leurs nouveaux armements, bien au contraire ils en font grande publicité depuis les déclarations de Poutine de mars 2018, ce qui a paradoxalement permis aux zombieSystème occidentaux d’affirmer pendant quelques mois sinon un an qu’il s’agissait un bluff de plus du satanique Poutine. Cette ligne de dénégation des affirmations russes s’est poursuivie malgré la confirmation quasi immédiate de leur véracité par les chefs  militaires US, comme par exemple l’affirmation du chef du Strategic Command d’alors, le général Hyten, en août 2018, selon lequel, les USA n’avaient aucune défense possible contre ces armes dont il ne mettait pas une seconde en doute l’existence.

Voici un long commentaire  de Robert Bridge sur l’entrée en service de l’AvantGard et sur tout ce que l’entrée en service de ce système introduit comme facteurs nouveaux dans la situation russe et, surtout, dans la situation des relations russo-américanistes. (Décidément relations, du côté US, plus “américanistes ”que jamais, bien plus qu’américaines”.) 

« “Nous n'avons aucune défense qui pourrait nous empêcher d'utiliser une telle arme contre nous”, c’est ainsi que le général John Hyten, alors à la tête du Strategic Command, l’a présenté à la Commission des services armés du Sénat en mars 2018, peu après que Poutine ait confirmé l’existence d’AvanGard et de plusieurs autres systèmes hypersoniques.
» Dans une grande démonstration de confiance, Moscou a même montré AvanGard aux inspecteurs américains le mois dernier, dans le cadre d'un effort pour améliorer la transparence dans l'observation du dernier traité limitant les armes nucléaires. La Russie a proposé de prolonger le plus récent traité START [sur les armes stratégiques nucléaires, signé en 2011, lors du mandat Obama]au-delà de février 2021, mais Washington n’a toujours pas répondu, dans un sens ou l’autre.
» La Russie est la seule nation qui déploie actuellement des missiles hypersoniques [de tous types...] [...]Selon Poutine, les scientifiques militaires russes travaillent également à la mise au point de défenses contre de telles armes, – s’il peut en exister.
» Plus tôt cette semaine, M. Poutine a tenu à dire que la Russie est maintenant en avance sur les autres pays en ce qui concerne une technologie d'armement majeure, contrastant avec le fait que l'URSS toujours été en retard pendant la guerre froide.
» Au lieu de cela, ce sont maintenant les États-Unis qui s’efforcent de rattraper leur retard. Un contrat pour le développement d'un système planant pouvant atteindre Mach 5 vient d'être attribué au début de cette année, avec une date de lancement prévue pour 2023.
» L’existence d'AvanGard rend également plus urgent le développement d'intercepteurs basés dans l’espace qui pourraient théoriquement cibler les missiles pendant la phase de propulsion, avant que les têtes hypersoniques puissent être lancées. C’est peut-être la mission du nouveau commandement US Spatial Force.
» C'était aussi l’objet des fantasmes du Pentagone dans les années 1980, lorsque le président Ronald Reagan a lancé l’initiative ‘Star Wars’. Bien qu’elle n’ait pas représenté grand-chose en réalité, il est généralement admis aux USA qu’elle a entraîné l'URSS dans une course aux armements coûteuse qui a finalement conduit à la faillite et à l’effondrement du communisme.
» Alors que les universitaires russes contestent cette thèse, Moscou semble l’avoir mise à l'épreuve. Des armes hypersoniques pourraient maintenant obliger Washington à agir comme il dit que les Soviétiques l’ont fait, et à doter le Pentagone de nouvelles et vastes ressources qui sont nécessaires ailleurs, alors que la dette nationale s'élève à $23 000 milliards. Une raison de plus de vouloir sérieusement faire la paix avec le monde, plutôt que de chercher à le dominer. » 

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On observera ses remarques très intéressantes sur la fin du texte où Bridge faut une comparaison inversée par rapport à l’intrigue USA-URSS-SDI (“guerre des étoiles” de 1983-1989) ; et même comparaison doublement inversée puisqu’outre l’échange des vainqueurs et des vaincus, il y a la  la différence essentielle  que “la guerre des étoiles” (ou SDI pour faire sérieux)  Made-In-Reagan  n’a jamais eu lieu puisque le système envisagé en 1982, directement extrait des comics de SF et des studios d’Hollywood, n’a jamais existé en tant que tel tandis que les systèmes hypersoniques russes sont là et bien là ...

L’analogie doublement invertie que l’on relève dans ce cas a sans aucun doute un très grand intérêt, notamment par rapport à la psychologie du côté US, c’est-à-dire par rapport à ce qu’elle nous dit, rétrospectivement mais durablement jusqu’aux temps actuels où elle perdure plus forte que jamais, de sa propre pathologie. Pour le reste, et autant à cause de cette psychologie que des situations d’impuissance bureaucratique et de corruption du gaspillage qui rend l’amoncellement d’argent contre-productif où se trouvent les USA aujourd’hui, nous  avons déjà dit pourquoi nous doutons radicalement que les USA puissent refaire leur retard sur la Russie, voire le combler en partie, voire même l’empêcher de grandir.

Comment Kissinger a vieilli

Certes, le mot “trilogie” s’emploie en général pour les œuvres littéraires ou de création, en général artistique, ou même technologique puisque nous sommes dans des temps où l’art prend de bien étranges chemin. Cela nous permet aussi bien d’employer ce mot pour le domaine du rapport des forces, de la grande stratégie et de la communication qui anime tout cela. Ainsi parlerons-nous pour ces trois nouvelles russes d’une “trilogie de Poutine” … Nos lecteurs, qui ont l’esprit vif, comprendront qu’il y a, à côté du “dur” que sont les systèmes comme AvantGard et le Su-57, une bonne part de symbolisme qui, en ces temps ce communication exacerbée et de réalité pulvérisée, permet souvent d’approcher une  vérité-de-situation.

De cette “trilogie de Poutine”, nous dirons :
1). Qu’elle permet d’énoncer une nouvelle vérité stratégique dans toute sa puissance dynamique ;
2). Que notre conviction, qui n’est pas de “source sûre” comme en réclament nos censeurs-Système, est que Poutine, malgré toute sa finesse ou peut-être à cause d’elle, ne l’a pas voulu ainsi et qu’il y est venu sans véritablement mesurer toutes les dimensions de l’acte qu’il posait ; 
3). Qu’il y a donc la mise en place de l’expression d’une “nouvelle vérité stratégique”, selon une volonté dont nous avons peine à identifier d’où elle vient, sinon notre conviction à nouveau qu’elle n’est pas d’origine humaine mais plutôt l’arrangement des événements eux-mêmes.

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Cette “trilogie de la nouvelle vérité stratégique” plaçant la Russie au-dessus des autres comprend :
1). d’abord l’arme suprême, ou “arme absolue” de l’époque stratégique qui s’ouvre, que constitue l’hypersonique inarrêtable, sous la forme d’AvantGard, vitesse de 27 Mach, capacités d’évolutions très marquées, ceci et cela le rendant absolument impossible à intercepter à moins d’entrer dans la science-fiction ; capacités nucléaires intercontinentales et globales. Cette “arme absolue” de son temps remplace l’ancienne “arme absolue” qu’étaient les ICBM et les SLBM classiques et seuls les Russes en disposent avec une avance qui se compte en nombre d’années et l’intention affirmer d’en poursuivre le développement ;
2). Ensuite l’arme politico-stratégique permettant de couvrir des zones stratégiques jusqu’alors quasiment hors de portée avec les systèmes les plus sophistiqués (le Su-57 qui “annule” le F-35 et met en question la domination aérienne dans des zones jusqu’alors incontestablement OTAN/BAO, tout cela sans prêter une seconde d’attention à l’opérationnalité de ces armes souvent factices ou simulacres, mais en ne considérant que l’aspect communicationnel puisqu’il y en a encore pour croire à la magie de la technologie stealth) ;
3). Enfin l’autorité que confèrent ces systèmes, qui permet à une voix autorisée d’affirmer une hiérarchie où elle se place en tête (au sommet) sans crainte d’être contredite.

On comprendra qu’il s’agit en soi d’un événement important. Ce n’est pas trois événements qui s’affirment dans la même séquence sans influer les uns sur les autres, mais trois événements qui s’enchaînent, s’influencent, et finalement fusionnent en un, c’est-à-dire un événement nouveau qui est de nature différente que la simple addition des trois. (Même différence  qu’entre les concepts de “mondialisation” et “globalisation”.) La puissance stratégique russe, qui est désormais définie par des systèmes et des doctrines dynamiques qui dominent tous les autres, affirme par la voix de Poutine qui l’a définie en la plaçant dans une hiérarchie comme absolument dominante. Quoi que veuillent réellement Poutine et les Russes, cette posture stratégique n’est plus défensive et purement nationale (pour la défense du territoire national) comme elle était strictement définie jusqu’ici, mais conduite à s’inscrire dans l’équation du rapport des forces en affirmant sa supériorité stratégique.

Le paradoxe est qu’à force de crier “au loup” à propos d’une puissance russe qui ne voulait pourtant pas s’inscrire dans la grande équation du rapport des forces (“course aux armements”), les narrativeUS et du bloc-BAO ont fini par “forcer” les Russes par y entrer. D’une certaine façon Poutine continue sa démonstration du 1ermars 2018 qu’il avait ponctuée d’un “Cette fois, vous allez nous écouter !”, signifiant par là que l’exposition de ces nouveaux systèmes conduiraient les divers tourmenteurs de la Russie, USA en premier, à enfin écouter la Russie et ses propositions de bon voisinage stratégique. Il n’en fut rien...

Le paradoxe se poursuit et devient alors que si l’on observe le chemin parcouru et les outils ainsi déployés selon ce que nous nommons “la trilogue de Poutine”, il semble bien qu’il faille que la Russie proclame sa supériorité stratégique pour espérer qu’on l’écoute ; qu’elle devienne en vérité la “menace” qu’on prétend qu’elle est depuis 2014 (Ukraine, Russiagate, etc.), pour exiger qu’on l’entende...

En 1973, au moment des négociations SALT et alors que des généraux US s’inquiétaient d’éventuelles concessions faites à l’URSS qui pourraient donner à cette puissance la “supériorité stratégique”, Kissinger s’écriait : « Au nom de Dieu, qu’est-ce que cela signifie, “supériorité stratégique”, à ce niveau de capacité de destruction ! » C’était l’époque où les stratèges raisonnaient encore et admettaient que la dissuasion réglait tout et qu’il fallait tout faire, y compris la coopération entre adversaires, pour éviter un conflit nucléaire où tous seraient anéantis. 

Mais Kissinger est vieux et les stratèges ne raisonnent plus et préfèrent s’en remettre à l’affectivisme, et l’idée de la “supériorité stratégique” dans l’ère nucléaire est redevenue tout à fait acceptable, et le conflit nucléaire qui va avec également ; l’affectivisme des narrative, l’“exceptionnalisme” américaniste, le suprémacisme anglo-saxon et occidental, le progressisme-sociétal ont infecté toute la pensée stratégique et ont annihilé la conscience de la puissance de destruction des armements nucléaires en lui substituant une morale et une vertu humanitariste s’exprimant sans la moindre vergogne par des méthodes néo-impérialistes. C’est pourquoi dans les premières années qui ont suivi depuis 9/11, on a entendu à plus d’une reprise les thèses de la possibilité d’attaque nucléaire US contre la Russie, une first strike nucléaire stratégique éliminant la Russie en tant que telle de la contre-civilisation postmoderne.

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Par conséquent, et même s’il ne s’agit que de communication, l’affirmation d’une “supériorité stratégique” qui ne peut plus être contestée, l’affirmation de la “trilogie de Poutine” prend tout son poids. Même Kissinger, qui a vu disparaître l’ère de la mesure prudente et de la raison cynique, ne dit plus aujourd’hui ce qu’il disait en 1974. Ainsi Poutine et la Russie sont-ils obligés, parce que c’est la seule position d’où on les écoute, de s’affirmer comme la première puissance stratégique en termes de capacités de destruction, un peu selon les termes de l’“idéal de puissance” qu’ils repoussent par ailleurs de toutes leurs forces. Mais nous sommes dans l’ère du simulacre, de l’inversion, où rien ne peut se faire qui ne passe par le fameux coup du “faire aïkido”, de sans cesse utiliser la force de l’adversaire pour la retourner contre lui ; dans ce cas, la situation revenant quoi qu’en aient voulu les uns et les autres, les différents acteurs, à retourner contre le Système l’idéologie favorite de la  politiqueSystème qu’est cette “idéal de puissance”.

... Savoir ce que tout cela donnera, c’est prétendre beaucoup. La seule observation qui compte est bien de constater encore une fois l’extraordinaire vulnérabilité de cette extraordinaire puissance que représente le Système, – logique surpuissance-autodestruction.

La Russie rejette le récit turc sur la Syrie

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La Russie rejette le récit turc sur la Syrie

 
 
par M.K. Bhadrakumar
Ex: http://www.zejournal.mobi

La réaction russe aux derniers mouvements militaires de la Turquie dans la province d’Idlib, au nord-ouest de la Syrie, a pris la forme d’une longue interview du Ministre des Affaires Étrangères Sergueï Lavrov au quotidien gouvernemental Rossiyskaïa Gazeta le 4 février, suivie depuis par une déclaration officielle du Ministère des Affaires Étrangères jeudi.

Moscou a souligné que l’opération syrienne actuelle à Idlib vise à vaincre les affiliés d’Al-Qaïda soutenus par la Turquie et les pays occidentaux.

Lavrov s’est attardé sur le cadre du « format Astana », qui résulte de l’effondrement du projet de changement de régime de « nos partenaires occidentaux et autres partenaires étrangers » en Syrie suite à l’intervention russe en 2015.

Il a expliqué comment le processus d’Astana a conduit à la « zone de désescalade » à Idlib où « les groupes terroristes se sont rassemblés ». La Russie et la Turquie ont conclu des accords écrits spécifiques précisant leurs engagements à superviser Idlib. Cependant, pour citer Lavrov :

« Malheureusement, jusqu’à présent, la Turquie n’a pas respecté certains de ses engagements clés qui étaient destinés à résoudre le cœur du problème à Idlib. Il était nécessaire de séparer l’opposition armée qui coopère avec la Turquie et qui est prête à dialoguer avec le gouvernement dans le cadre du processus politique, des terroristes de Jabhat al-Nusra, devenu Hayat Tahrir al-Sham. Tous deux sont inscrits sur la liste noire des groupes terroristes par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, de sorte que ni Jabhat al-Nusra ni la dernière version, Hayat Tahrir al-Sham, n’ont rien à faire à Idlib ».

Même après des rappels répétés de la Russie, la Turquie n’a pas agi. De même, Lavrov a répété que les récents déploiements militaires turcs à Idlib ont été entrepris sans que la Russie en soit informée à l’avance. Il a déclaré : « Nous les exhortons (la Turquie) à se conformer strictement aux accords de Sotchi de 2018 et 2019 sur Idlib ».

La déclaration du Ministère russe des Affaires Étrangères du 6 février, telle que rapportée par l’agence de presse Tass, a révélé qu’il y a eu des victimes russes en raison de « l’augmentation des activités terroristes ». Elle justifiait les opérations des forces gouvernementales syriennes comme une réaction à « l’augmentation inacceptable des activités terroristes ».

Au cours du mois de décembre, « plus de 1 400 attaques de militants impliquant des chars, des mitrailleuses, des véhicules de combat d’infanterie, des mortiers et de l’artillerie ont eu lieu ». Rien qu’au cours de la dernière quinzaine, « plus de 1 000 attaques ont été enregistrées » et des centaines de soldats et de civils syriens ont été tués et blessés, et la base russe de Hmeymim a été attaquée à plusieurs reprises.

La déclaration du Ministère des Affaires Étrangères indique que « tout cela indique une augmentation inacceptable de la force terroriste à Idlib, où les militants jouissent d’une totale impunité et ont les mains libres », ce qui ne laisse au gouvernement syrien aucune autre alternative que de « réagir à ces développements ».

Dans un rejet de la demande du Président turc Recep Erdogan, qui souhaitait que le gouvernement syrien mette fin aux opérations militaires à Idlib et se retire, la déclaration russe a souligné : « Une chose à noter est que l’Armée Syrienne combat sur son propre sol contre ceux qui sont désignés comme terroristes par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Il ne peut y avoir aucune interprétation. C’est le droit et la responsabilité du gouvernement syrien de combattre les terroristes dans le pays ».

Curieusement, tant l’interview de Lavrov que la déclaration du Ministère des Affaires Étrangères ont attiré l’attention sur le transfert de groupes terroristes d’Idlib vers le nord-est de la Syrie et de là vers la Libye au cours des dernières semaines. L’implication est claire – Ankara continue de déployer des groupes terroristes comme outils de stratégies régionales en Syrie (et en Libye).

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La Russie a des contacts avec toutes les parties en Libye, y compris Khalifa Haftar. L’avertissement implicite ici est qu’Erdogan aura un prix élevé à payer en Libye où il ne peut pas compter sur l’empathie russe. La Turquie fait déjà l’objet de critiques sévères de la part de l’UE, de la France, de l’Italie, de la Grèce, de Chypre, d’Israël, des Émirats Arabes Unis et de l’Arabie Saoudite pour son intervention militaire en Libye, notamment en déployant ses groupes de substitution depuis la Syrie. L’isolement régional de la Turquie en Libye est désormais complet.

La déclaration du Ministère russe des Affaires Étrangères a conclu en disant :

« Nous réaffirmons notre engagement envers les accords conclus lors des pourparlers d’Astana, qui prévoient de lutter contre les groupes terroristes en Syrie à condition de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays. Nous maintiendrons une coordination étroite avec nos partenaires turcs et iraniens afin de parvenir à une stabilité et une sécurité durables sur le terrain ».

Il est très significatif que la déclaration du Ministère des Affaires Étrangères ait choisi de faire référence aux « partenaires iraniens ». Le 5 février, alors qu’il recevait le nouvel Ambassadeur iranien à Moscou, le Président Poutine a également déclaré que la Russie et l’Iran étaient des « acteurs clés puissants » dans la lutte contre le terrorisme mondial et qu’ils poursuivraient leur coopération. Poutine a ajouté : « La coopération de la Russie avec l’Iran dans le cadre d’Astana a joué un rôle efficace dans le règlement du conflit syrien ».

Ce qui ressort, c’est que Moscou sent que derrière le comportement mercenaire du Président turc Erdogan, il y a le vieux schéma de la Turquie qui utilise des groupes terroristes comme mandataires, avec le soutien caché des puissances occidentales. Moscou ne peut qu’être conscient que les États-Unis font des ouvertures à Erdogan en vue de modifier l’équilibre militaire contre la Russie et l’Iran sur l’échiquier syro-irakien en aval de l’assassinat du Général Qassem Soleimani.

Curieusement, lundi, une cour d’appel américaine a accepté de « mettre en pause » une affaire alléguant que la banque d’État turque HalkBank avait contourné les sanctions américaines contre l’Iran. Le membre démocrate de la commission des finances du Sénat américain, Ron Wyden, a depuis adressé une lettre au Procureur Général américain William Barr, lui demandant si le Président Trump avait tenté d’intervenir en faveur de Halkbank !

Selon un rapport de Reuters, le Sénateur Wyden a demandé à Barr de détailler ses interactions avec Trump, le Président Tayyip Erdogan et le Ministre turc des Finances Berat Albayrak (qui est également le gendre d’Erdogan).

Le scandale de la HalkBank implique Erdogan et des membres de sa famille et un verdict défavorable du tribunal peut être très dommageable politiquement pour le Président et son gendre qui est préparé comme successeur potentiel. (Un commentaire sur le scandale présenté dans la Fondation pour la Défense des Démocraties, rédigé par un ancien membre du Parlement turc, se trouve ici). L’affaire HalkBank pend comme l’épée de Damoclès au-dessus de la tête d’Erdogan. Washington est habile à utiliser ce genre de moyens de pression contre des interlocuteurs récalcitrants à l’étranger.

D’un autre côté, si Trump a rendu service à Erdogan (ou à qui que ce soit d’ailleurs), il s’attend à une contrepartie. Et il faut s’attendre à ce que l’administration Trump visualise que la coopération d’Erdogan peut changer la donne dans la géopolitique de la Syrie et de l’Irak. Cependant, Moscou a gardé la ligne ouverte vers Ankara.

Bien sûr, c’est délibérément que Moscou a mis en évidence l’importance de l’alliance russo-iranienne en Syrie, où Washington a récemment intensifié les tensions dans le cadre de son approche de « pression maximale », menaçant Téhéran d’une guerre à l’échelle régionale.

Traduit par Réseau International

Photo d'illustration : Convoi militaire turc entrant dans la ville de Sarmada, dans la province d’Idlib, au nord-ouest de la Syrie

jeudi, 06 février 2020

On The Decline In US Strategic Thinking And The Creation Of False Stereotypes

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On The Decline In US Strategic Thinking And The Creation Of False Stereotypes

Ex: https://www.geopolitica.ru

In early January 2020, the RAND Corporation published its latest research report on Russia entitled “Russia’s Hostile Measures. Combating Russian Gray Zone Aggression Against NATO in the Contact, Blunt, and Surge Layers of Competition”.

The report is made up of four chapters: 1. Russian hostile measures in every context; 2. The evolution and limits of Russian hostile measures; 3. Gray zone cases and actions during high-order war; and 4. Deterring, preventing, and countering hostile measures. There are also two appendices: 1) An evolutionary history of Russia’s hostile measures; and 2) Detailed case studies of Russia’s use of hostile measures.

By the headings alone, it is possible to gauge the kind of psychological effect that the authors of the monograph wanted it to have. They clearly wanted to say that Russia as a political entity is aggressive – it has been that way throughout history and it will continue to be so in the future – and it is therefore vital to prevent such aggression in a variety of ways.

It is also stated that the report was sponsored by the US Army as part of the project “Russia, European Security, and ‘Measures Short of War’” and that the research and analysis was conducted between 2015 and 2019. The purpose of the project was “to provide recommendations to inform the options that the Army presents to the National Command Authorities to leverage, improve upon, and develop new capabilities and address the threat of Russian aggression in the form of measures short of war.” In addition, the report was reviewed by the US Department of Defense between January and August 2019, and the RAND Corporation conducted seminars in European NATO member countries as part of the project. Notably, one of the first events was held in February 2016 at Cambridge University, which has become a kind of hub for visiting experts from other countries.

From a scientific perspective, the report’s authors adhere to the classical American school – Kremlinologist George Kennan and his concepts are mentioned, as is Jack Snyder, who coined the term “strategic culture” on the basis of nuclear deterrence. The sources referred to in the footnotes are also mostly American, with the exception of a few translated texts by Russian authors (both patriots and liberal pro-Westerners) and official government bodies. But, on the whole, the report is of rather poor scientific value.

Two interrelated topics are discussed in the first chapter that, over the last five years, the West’s military and political communities have steadfastly associated with Russia – the grey zone and hybrid warfare. It is clear that these phrases are being used intentionally, as is the term “measures”, since Western centres are trying to use the terminological baggage of the Soviet past alongside their own modern concepts, especially when it refers to military or security agencies (the term “active measures” was used by the USSR’s KGB from the 1970s onwards). It is noted that NATO officially began to use the term “hybrid warfare” with regard to Russia following the events in Crimea in 2014.

Examples given of active measures during the Cold War include: assassination (the murder of Stepan Bandera); destabilisation (training Central and South American insurgents with Cuba in the 1980s); disinformation (spreading rumours through the German media that the US developed AIDS as a biological weapon; disseminating information about CIA sabotage efforts); proxy wars (Vietnam, Angola); and sabotage (creating panic in Yugoslavia in 1949).

Although America’s involvement in such techniques was more sophisticated and widespread (from establishing death squads in Latin America and supporting the Mujahideen in Afghanistan by way of Pakistan to the Voice of America radio programmes and governing remotely during riots in Hungary and Czechoslovakia) and certain facts about the work of Soviet intelligence agencies are well known, the examples cited of measures taken by the USSR are not backed up by authoritative sources.

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Russia’s hostile measures in Europe

Other methods for influencing the report’s target audience are noticeable, and these have been used before to create a negative image of Russia. These include a comparison with the actions of terrorist organisations: “the shock and awe generated by the blitzkrieg-like success of Russia in Crimea and the Islamic State in Iraq generated considerable analytic excitement. A few early accounts suggested that Russia had invented a new way of war” (p. 6).

According to the authors, the West had already clearly decided what to call Russia’s actions in 2016. With that in mind:

“– Gray zone hostilities are nothing new, particularly for Russia.

– Russia will continue to apply these tactics, but its goals and means are limited.

– Deterring, preventing, or countering so-called gray zone behavior is difficult” (p. 7).

The report also states that many articles on the subject written in 2014 and 2015 contained overly exaggerated value judgements, but, in 2017, analyses of the grey zone and hybrid warfare shifted towards a balanced and objective view of Russian power.

This should also be queried, because a relatively large number of reports and papers on similar topics have been published since 2017. Even the US national defence and security strategies had a blatantly distorted view of both Russia and other countries.

The only thing one can possibly agree with is the coining of the new term “hybrid un-war”, which emerged from debates in recent years. It’s true that Russia is employing certain countermeasures, from modernising its armed forces to imposing counter sanctions, but many of these are in response to provocative actions by the West or are linked to planned reforms. Evidently, the authors understand that it will be difficult to make unfounded accusations, so they are covering themselves in advance by choosing a more suitable word. Against the general backdrop, however, the reference to an “un-war” seems rather vague.

It should be noted that the first appendix contains a list of academic literature on Soviet and Russian foreign policy that supposedly backs up the authors’ opinions on the methods of political warfare being carried out by Russia (and the USSR before it). Among the most important sources are declassified CIA reports and assessments, along with similar files from the US National Security Archive that were posted online by staff at George Washington University. Needless to say, the objectivity of documents like these is rather specific.

The section on the institutionalisation and nature of Russian hostile measures is interesting. The authors point out that Russia has an existential fear of NATO and the West as a whole because it has been threatened by external invasion for centuries. The timeline begins in the 13th century with the Mongol invasion that ended with the destruction of Moscow, and it finishes with Germany’s invasion of the USSR and the deaths of 20 million Russians. Interestingly, the 20th century also includes the North Russia intervention by the US and its allies. Such selectivity is surprising, as if there had been no aggression from the Teutonic Order or other wars prior to the 13th century. The 18th century is excluded from the list entirely, yet it was a pivotal era for the Russian state (the Great Northern War, the wars with the Persian and Ottoman empires, the Russo-Swedish War and so on), when numerous external challenges had to be met.

But the report then mentions NATO’s expansion to the East and America’s use of soft-power methods, including the organisation of colour revolutions in the post-Soviet space, where there were Russian client governments. Although it says in justification that NATO never threatened Russia, it emphasises that NATO’s physical infrastructure and military capabilities forced Moscow to include it on its list of national security threats.

In addition to this, the RAND experts point out Russia’s worry over internal revolt. The report once again provides a selective timeline that includes the Decembrist revolt, colour revolutions in the post-Soviet space, and even the war in Syria, which is described as “a long-standing Russian client state” (p. 15).

It then goes on to paraphrase Dmitri Trenin, director of the Carnegie Moscow Centre, who said that the Kremlin fears US intervention and the Russian General Staff fears NATO intervention. It therefore follows that “[t]he perception of a threat influences behavior, even if the perceived threat is overblown or nonexistent. Whether or not one believes that worry, or even paranoia, is the primary driver behind current Russian actions in the gray zone and its preparations for high-order war, this essential element of Russian culture demands an objective and thoughtful accounting” (p. 16).

Following this is a description of the security apparatus that carries out hostile measures. A line is drawn between the NKVD, KGB and FSB, and these are also joined by the SVR, for some reason. The armed forces are considered separately, with a focus on the GRU and special forces. And that’s it. There is no mention of the police, the public prosecutor’s office and the investigative committee or even the FSO. It is even a bit strange not to see “Russian hackers” and private military companies, which are a regular feature of such reports. It is also noted that current actions are nothing other than a “continuity of the Brezhnev Doctrine” (p. 21), which only exists in the imaginations of Western experts. The authors themselves acknowledge further on that this is how speeches by Brezhnev and Gromyko, quoted in Pravda in 1968, were interpreted by Western observers.

On the next page, it claims that neo-nationalism is an ideological tool for Russian foreign policy! And there is another rather interesting passage further on, when the authors of the report confuse former Russian Foreign Minister Igor Ivanov with former Russian Defence Minister Sergey Ivanov. Although they mention Igor Ivanov’s name in the context of grand strategy, foreign policy and neo-nationalism in Russia, they then refer to “Ivanov’s own 2003 military doctrine and reform plan” (p. 23). And this is given as confirmation of the aggressive neo-nationalist strategy that, according to the authors, is associated with Igor Ivanov! If the authors had been more attentive, they would have discovered that, at that time, Igor Ivanov was serving as the head of the foreign ministry, while the defence minister was Sergey Ivanov. Especially as they make reference to an article by a Western author, who, in 2004, analysed the Russian defence ministry’s reform and uses the right name (Matthew Bouldin, “The Ivanov Doctrine and Military Reform: Reasserting Stability in Russia,” Journal of Slavic Military Studies, Vol. 17, No. 4, 2004). It seems that, when compiling the report, they simply copied an additional footnote to lend extra weight, but it was the wrong one.

It goes without saying that such a large number of errors undermines the entire content of the report. And this raises a logical question: what was the authors’ intention? To earn their money by throwing a bunch of quotes together or to try and understand the issues that exist in relations between Russia and the West?

Judging by the number of mistakes and biased assessments, it was most probably the former. There are also traces of a clear strategic intent, however.

This can be seen in the description of the grey zone where Russia is actively operating, because the case studies provided as examples of Russia’s activities in the grey zone are its bilateral relations with Moldova (1990–2016), Georgia (2003–2012), Estonia (2006–2007), Ukraine (2014–2016), and Turkey (2015–2016). According to the authors, then, the grey zone is independent sovereign states, including NATO members! And virtually all of them, with the exception of Turkey, are former post-Soviet countries that are in the sphere of Russia’s natural interests.

As for the methods that Russia allegedly employs, these are all heaped together in a big pile: economic embargoes, which have been imposed by Moscow for various reasons (the ban on wine imports from Moldova and Georgia, for example), support of certain political parties, compatriot policies, and diplomatic statements and sanctions (in relation to Turkey, for example, when a Russian plane was shot down over Syria).

Eventually, the report states: “Our five cases may not stand alone as empirical evidence, but they are broadly exemplary of historical trends. […] Russia applies hostile measures successfully but typically fails to leverage tactical success for long-term strategic gain” (p. 49).

From this, the report concludes that:

“1. Russia consistently reacts with hostile measures when it perceives threats.

  1. Both opportunism and reactionism drive Russian behavior.
  2. Russian leaders often issue a public warning before employing hostile measures.
  3. Short- and long-term measures are applied in mutually supporting combination.
  4. Diplomatic, information, military, and economic means are used collectively.
  5. Russia emphasizes information, economic, and diplomatic measures, in that order.
  6. All arms of the government are used to apply hostile measures, often in concert.”

In their description of Russia’s actions, the RAND experts even go so far as to include resistance to the Wehrmacht in occupied Soviet territories during the Second World War, including the partisan underground, as an example of “Soviet hostile measures”, when “Soviet agents aggressively undermined the German economic program […] in the western occupied zone”! (p. 53). The report then goes on to say: “By the time the Soviets shifted to the counteroffensive, they had generated a massive, multilayered hostile-measures apparatus tailored to complement conventional military operations” (p. 53) and “[f]ull-scale sabotage, propaganda, and intelligence operations continued apace throughout the war” (p. 54). Immediately after this ludicrous statement is a paragraph on the actions of the KGB and GRU against insurgents in Afghanistan. This is then followed by an attempt to predict what Russia will do in the future.

So, from the report we can draw the following conclusions. First, it is unclear why the “hostile measures” described in the report include fairly standard practices from international experience that are also used in the West as democratic norms. Second, the report contains a number of distorted facts, errors, incorrect assessments and conclusions that undoubtedly undermine its content. Third, such specific content with attempts to manipulate history is clearly intended to further tarnish Russia’s image, since it will be quoted by other researchers and academics in the future, including by way of mutual citation to reinforce credibility. Fourth, if the US command and NATO are going to perceive this mix of speculation, phobias and value judgements as basic knowledge, then it really could lead to a further escalation, although the hostile measures will be employed by the US and NATO. Fifth, the report clearly adheres to the methodology of the liberal interventionist school, which is somewhat strange for a study that claims to be a guide to action for the military, since the US military usually adheres to the school of political realism, in accordance with which the interests of other states must be respected. And since Russia’s sphere of interests is included in the grey zone, this suggests attempts to deny Russia its geopolitical interests.

Source: OrientalReview

vendredi, 31 janvier 2020

Comment la santé est devenue un enjeu géopolitique

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Comment la santé est devenue un enjeu géopolitique

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com
 
Ni l’altruisme ni la philanthropie n’expliquent la préoccupation des grandes puissances pour la santé mondiale. Mais plutôt des intérêts tantôt sécuritaires, tantôt économiques ou géopolitiques. Néanmoins, l’Europe pourrait mieux utiliser les fonds octroyés aux institutions internationales. La priorité revient à l’Afrique francophone, où se concentrent les défis des décennies à venir.
 
En 2000, cent quatre-vingt-treize Etats membres de l’Organisation des Nations unies (ONU) et vingt-trois organisations internationales se fixent huit Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) : atteindre, d’ici à 2015, des « niveaux de progrès minimum » en matière de réduction de la pauvreté, de la faim, des inégalités, et d’amélioration de l’accès à la santé, à l’eau potable ainsi qu’à l’éducation (lire « Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) relatifs à la santé »).

D’emblée, Mme Gro Harlem Brundtland, alors directrice de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), identifie une priorité : dégager des financements à la hauteur du défi. Elle confie à M. Jeffrey Sachs, conseiller spécial du secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, la commission « Macroéconomie et santé » visant à accroître les investissements en faveur de la réalisation rapide des OMD dans la santé.

Entre 2000 et 2007, les financements mondiaux des pays en développement, provenant de partenariats public-privé associant le secteur industriel et commercial, notamment les fabricants de vaccins et de médicaments, ont été multipliés par quatre — par trois pour la période 2001-2010, atteignant un pic de 28,2 milliards de dollars en 2010. Les fonds américains publics et privés en constituent la plus grande part. La Fondation Bill et Melinda Gates a donné à elle seule près de 900 millions de dollars en 2012. L’Afrique aurait reçu 56 % des financements en 2010. L’aide mondiale au développement a augmenté de 61 % sur cette période, pour atteindre 148,4 milliards de dollars en 2010.

Aux Etats-Unis, une question sécuritaire

Pourtant, 2015 approche, et la réalisation des OMD demeure toujours aussi lointaine en Afrique subsaharienne. L’insuffisance des financements n’explique qu’en partie ces retards : d’autres facteurs, moins connus, ont aussi joué un rôle important. Il est utile d’y revenir, alors que se prépare l’élaboration des « nouveaux objectifs » à mettre en œuvre après 2015.

De nombreuses études et recherches montrent que l’allocation de l’aide mondiale ne repose pas seulement sur des critères épidémiologiques, de population, ou de charge de maladie, mais aussi sur ces puissants vecteurs que furent et que demeurent les intérêts commerciaux, les relations historiques et les rapports géopolitiques (lire « Mission inaccomplie en Afrique de l’Ouest »).

La relecture de l’histoire de la santé indique que la tenue des premières conférences internationales sur le sujet, au XIXe siècle, était moins motivée par le désir de vaincre la propagation de la peste, du choléra ou de la fièvre jaune que par la volonté de réduire au minimum les mesures de quarantaine, qui s’avéraient coûteuses pour le commerce… Ces tensions entre la médecine, la santé, les intérêts marchands et le pouvoir politique forment les termes d’une équation paradoxale inhérente à la question de la santé publique mondiale. L’accès des populations pauvres aux médicaments dans le cadre des Accords sur les aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce (Adpic) exprime bien ces tensions, qui, dans le monde contemporain, peuvent aller jusqu’au bras de fer.

Les fondateurs et les partenaires du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme présupposent que les stratégies de lutte contre ces trois maladies sont pertinentes dans tous les pays et qu’« il ne manque plus que l’argent ». Pour comprendre cette vision financière des enjeux de santé et ses limites en termes d’efficacité, il faut revenir sur le contexte dans lequel le Fonds mondial a été créé.

En 1996, M. William Clinton, alors président des Etats-Unis, publie une directive appelant à une stratégie davantage orientée vers les maladies infectieuses. Il s’agit là moins d’un élan d’altruisme que d’une préoccupation de sécurité nationale. Propagation, conséquences économiques, retard dans le développement de nouvelles molécules, résistance des agents infectieux aux antibiotiques, mobilité des populations, croissance des mégapoles, faiblesse des systèmes de santé des pays pauvres : ces sujets inquiètent l’administration américaine, et ce bien avant les attentats du 11 septembre 2001.

Dès 1997, l’Institut de médecine, instance de référence scientifique américaine, publie un rapport expliquant que la santé mondiale est « d’un intérêt vital pour les Etats-Unis ». Pour la première fois apparaît l’expression global health, que nous traduisons par santé mondiale : « Les pays du monde ont trop en commun pour que la santé soit considérée comme une question relevant du niveau national. Un nouveau concept de “santé mondiale” est nécessaire pour traiter des problèmes de santé qui transcendent les frontières, qui peuvent être influencés par des événements se produisant dans d’autres pays, et auxquels de meilleures solutions pourraient être envisagées par la coopération. »

Alors que le sida se propage en Afrique australe de manière spectaculaire, la publication en 1999 par le ministère de la défense sud-africain de taux élevés de prévalence de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) chez les militaires de nombreux Etats d’Afrique alarme les autorités. Les capacités de défense nationale ne seraient, à court terme, plus suffisantes pour faire face à des conflits internes ou externes. Selon l’International Crisis Group (ICG), de nombreux pays « ne seront bientôt plus en mesure de contribuer aux opérations de maintien de la paix ». Sur la période 1999-2008, le Conseil national des services de renseignement du gouvernement américain, le National Intelligence Council (NIC), centre de réflexion stratégique, publie six rapports sur la santé mondiale. Fait inédit, ces documents définissent une maladie comme un « agent de menace non traditionnel » pour la sécurité des Etats-Unis, dont les bases militaires constellent la planète.

Cette « menace » va parvenir jusqu’aux Nations unies. Pour la première fois de son histoire, le 10 janvier 2000, à New York, le Conseil de sécurité inscrit à l’ordre du jour de sa réunion un thème qui n’est pas lié à un risque direct de conflit : « La situation en Afrique : l’impact du sida sur la paix et la sécurité en Afrique ». Les Etats-Unis président les échanges, avec le vice-président Albert Gore le matin et l’ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU, Richard Holbrooke, l’après-midi. Il en sortira plusieurs résolutions. L’article 90 de la résolution de la session spéciale de l’Assemblée générale des Nations unies du 27 juin 2001 appelle à la création d’un « fonds mondial santé et VIH-sida afin de financer une réponse urgente à l’épidémie selon une approche intégrée de prévention, de prise en charge, de soutien et de traitement, et d’appuyer les Etats dans leurs efforts contre le sida, avec une priorité donnée aux pays les plus touchés, notamment en Afrique subsaharienne et dans les Caraïbes ».

Le Fonds mondial voit le jour grâce à la mobilisation des membres du G8 par M. Annan. Loin du « fonds santé et sida » recommandé, le mandat du partenariat public-privé (PPP) mondial porte seulement sur le sida, la tuberculose et le paludisme. La politique de sécurité nationale américaine se nourrit de peurs plus ou moins fondées contre lesquelles il faut lutter : le communisme, le terrorisme, les maladies… Tels sont les « traumatismes » inspirant les politiques de défense des Etats-Unis, qui n’hésitent pas, pour défendre leurs positions sur les enjeux de santé mondiale, à instrumentaliser le Conseil de sécurité des Nations unies.

Après une décennie marquée par la guerre en Afghanistan et en Irak, la stratégie de M. Barack Obama consiste à emmener son pays vers d’autres combats que les « conflits à l’extérieur ». Il s’agit de « restaurer le leadership américain à l’étranger », y compris pour relever les défis liés au contrôle des épidémies, thème expressément mentionné dans la stratégie de sécurité nationale en 2010. Lorsque le gouvernement annonce, en juillet 2012, la création au sein du département d’Etat de l’Office of Global Health Diplomacy — institué juste avant le départ de Mme Hillary Clinton —, il affirme vouloir prendre le contrôle et le pouvoir. « Nous avons recommandé de passer du leadership en interne [c’est-à-dire entre les agences nationales de coopération sanitaire] au leadership mondial par le gouvernement américain », précise le communiqué. « Les Etats-Unis ont bien compris qu’au fond la véritable puissance, aujourd’hui, c’est de pouvoir jouer dans les deux sphères, interétatique et transnationale », analyse l’historien des relations internationales Georges-Henri Soutou. 

Choix financiers sous influence

L’analyse des facteurs qui ont façonné les politiques sanitaires de ces dernières décennies permet de distinguer trois conceptions : la santé mondiale comme investissement économique, comme outil sécuritaire et comme élément de politique étrangère (sans même parler de charité ou de santé publique, deux composantes supplémentaires qui, d’après David Stuckler et Martin McKee, complètent l’ensemble). En politique, la notion de sécurité implique l’urgence, le court terme et le contrôle des maladies contagieuses, plutôt que l’approche holistique et systémique de long terme qu’exigerait le renforcement des capacités institutionnelles des systèmes de santé. La pérennité des interventions financées pendant près de quinze ans en est fragilisée.

Ces observations aident à comprendre pourquoi l’aide n’est que d’une efficacité limitée : quels que soient les montants alloués par le Fonds mondial ou par le gouvernement américain au travers du plan d’urgence de lutte contre le sida (Pepfar ), les performances de ces programmes sur le terrain s’avèrent décevantes. La pertinence des financements en faveur de la prévention, ou l’ajustement des interventions à des dynamiques démographiques, urbaines, sociales, économiques ou conflictuelles, et aux spécificités nationales de la propagation, sont autant d’éléments fondamentaux relativement peu pris en compte.

Trente ans après le début de la pandémie, peu de moyens sont alloués à la recherche locale, épidémiologique, anthropologique et économique au service de la décision. Pour deux personnes mises sous traitement, cinq nouvelles infections se produisent. Le retentissement des violences sexuelles sur la féminisation de la pandémie en Afrique n’est pas même une hypothèse de recherche, sur un continent où les conflits armés se multiplient ! A l’échelle internationale, le détournement de quelques millions de dollars du Fonds mondial suscite davantage l’indignation que l’absence d’analyse, dans les pays mêmes, de l’efficacité des stratégies. Opérés sous influence, les choix financiers privilégient pourtant le paradigme curatif de la santé, au bénéfice de l’industrie pharmaceutique, plutôt que la prévention de la transmission du VIH.

De la multiplication des acteurs de l’aide au développement émergent des conflits de gouvernance entre « décideurs » et « partenaires », ce qui entraîne une dilution des responsabilités : qui doit rendre des comptes sur l’utilisation des financements alloués au travers de partenariats mondiaux ou de mécanismes innovants, quelle que soit la thématique ? Pour les aspects financiers, la responsabilité relève du conseil d’administration du Fonds mondial, plutôt que du seul secrétariat exécutif. Les aspects techniques et stratégiques sont censés être traités par les pays et leurs partenaires (Onusida, Fonds des Nations unies pour l’enfance — Unicef — et OMS). Si les agences de l’ONU ont apporté un appui technique aux Etats, leurs équipes ont-elles su les accompagner vers une vision stratégique qui tienne compte de leurs spécificités pour enrayer les trois pandémies ? Si la réponse est non, il est temps de l’assumer.

L’Afrique, la France et l’Europe seront confrontées au cours des décennies à venir à des défis hors normes. La population du continent noir va doubler d’ici à 2050, passant de un à deux milliards d’habitants, soit 20 % de la population mondiale. D’après l’économiste François Bourguignon, invité au Collège de France pour présenter son ouvrage sur la « mondialisation de l’inégalité », la pauvreté — au sens strict — sera un problème exclusivement africain d’ici à 2040 ou 2050.

Transitions démographique et épidémiologique sont en marche sur un continent qui s’urbanise rapidement, et où des maladies chroniques dont nous n’avons pas encore mesuré l’ampleur deviennent plus massives : cancers, diabètes, maladies cardio-vasculaires et respiratoires, problèmes de santé mentale, maladies liées aux pollutions environnementales… Ces affections, non ou tardivement dépistées et diagnostiquées, se propagent telles de nouvelles pandémies, en plus des accidents sur la voie publique, ajoutant à la charge de travail de personnels de santé déjà en nombre très insuffisant.

Les inégalités de santé s’inscrivent dans le sillage des inégalités économiques et sociales. Les systèmes d’assurance- maladie et de protection sociale se mettent en place trop lentement et inégalement d’une région à l’autre. La « couverture sanitaire universelle » serait utile aux populations pauvres si elle était un moyen au service d’une politique fondée sur les priorités nationales, et en particulier sur la prévention.

Compte tenu des liens historiques et des relations politiques, économiques et commerciales que la France et l’Europe entretiennent avec l’Afrique subsaharienne depuis quelques siècles, la contribution politique, leur expertise et leurs financements sont encore attendus, et ne doivent pas s’effacer derrière les priorités américaines. La situation en Afrique francophone de l’Ouest et du centre appelle des réactions massives sur le long terme.

A faire converger les objectifs de développement avec ceux du développement « durable » pour le monde d’après 2015, nous prenons le risque de ne nous intéresser qu’aux enjeux mondiaux communs, et de négliger une nouvelle fois les Etats fragiles et les populations les plus vulnérables. Les priorités, pour ceux-ci, sont plutôt l’éducation des filles (jusqu’au niveau de l’enseignement supérieur), la santé des femmes enceintes, les maladies tropicales ignorées et les capacités institutionnelles à élaborer et à gérer des politiques complexes.

Ne perdons pas de temps à plaider en faveur de la santé : « Ceux qui se posent la question de savoir si une meilleure santé est un bon instrument de développement négligent peut-être l’aspect le plus fondamental de la question, à savoir que santé et développement sont indissociables, insiste Amartya Sen. Il n’est pas nécessaire d’instrumentaliser la santé pour en établir la valeur, c’est-à-dire d’essayer de montrer qu’une bonne santé peut également contribuer à stimuler la croissance économique. » Privilégions, pour chacun sur la planète, l’idée d’une santé durable, plutôt que le seul mécanisme de financement qu’incarne la couverture sanitaire universelle, désormais présentée comme un objectif de développement durable.

00:26 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, géopolitique, santé, médecine | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 29 janvier 2020

Libyen im Patt: Wer will vom rohstoffreichsten Land Afrikas profitieren?

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Libyen im Patt: Wer will vom rohstoffreichsten Land Afrikas profitieren?

 
Der Berliner Libyen-Gipfel ist vorbei. Einige verbuchen ihn als großartigen Erfolg, andere nur als den Beginn eines langwierigen Prozesses. Wieder andere sehen ihn als unzureichende Darstellung des komplexen Konfliktes in der Region. Wir sprachen mit dem Nah- und Mittelost-Experten Professor Udo Steinbach über die wahren Interessenkonflikte in Libyen.
 
Bildnachweise:
Quelle 1: Das Erste “Anne Will“ vom 19. Januar 2020
Quelle 2: Libyan National Army Information Office
Quelle 3: YouTube // Adeyinka Makinde
Quelle 4: Reuters Pictures Quelle 5: GNA Media
Quelle 6: UNIFEED-UNTV
Quelle 7: Libyan National Oil Corporation Folge
 
"Der Fehlende Part" auf Facebook: https://www.facebook.com/derfehlendep...
Folge Jasmin auf Twitter: https://twitter.com/jasminkosubek
Und sei auch bei Insta mit dabei! : ) https://www.instagram.com/derfehlende...
 

mardi, 28 janvier 2020

La coopération stratégique entre la Russie et le Japon se précise

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La coopération stratégique entre la Russie et le Japon se précise

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Il est généralement admis que le Japon est un fidèle auxiliaire de Washington dans sa lutte contre Moscou et Pékin. Il est très proche des Etats-Unis dans le domaine technologique et commerciale. Il ne paraît pas prêt à compromettre ces rapports.

De plus, sa proximité géographique avec la Russie et la Chine est généralement considérée à Tokyo comme une faiblesse. On compte sur la Flotte américaine du Pacifique pour aider éventuellement à la protection des côtes.

Cependant, durant un débat au Parlement le 22 janvier 2020, le Premier ministre japonais Shinzo Abe a indiqué que les relations de coopération entre la Russie et le Japon avaient pris une importance encore jamais vue. Il a fait allusion à des projets économiques conjoints dans les Iles Kouriles méridionales, jusqu'à présent des territoires revendiqués respectivement par chacun des Etats. En novembre 2018, Vladimir Poutine et Shinzo Abe avaient annoncé qu'ils travaillaient ensemble à la définition d'un traité de paix à ce sujet.

Par ailleurs, les 20 et 21 janvier 2020, des manœuvres aéro-navales communes ont été organisées entre la Flotte Russe de la Baltique et la force japonaise d'auto-défense (Japanese Maritime Self-Defence Fleet) en Mer d'Arabie, visant à réprimer les activités de piratages très nombreuses dans ces eaux.

Dans le même temps, le 21 janvier, l'ambassadeur russe en Corée du Nord a discuté des possibilités de coopération avec les autorités de ce pays dans le domaine de l'aviation civile et de la dénucléarisation. Ceci a été bien accueilli au Japon qui redoute de voir la Corée du Nord se doter de nouveaux armements dont le Japon aurait pu être la première cible. Ultérieurement, le Japon pourrait participer activement au grand projet de coopération ferroviaire et commerciale associant la Corée du Sud, la Corée du Nord, la Russie, la Chine et la Mongolie dans le cadre du programme initialisé par le Chine dit des Nouvelles Routes de la Soie.

Il ne s'agit pas encore d'un traité de coopération formelle entre le Japon et la Russie. Mais avec le rejet de plus en plus marqué des Etats-Unis dans la région, ce Traité pourrait être recherché activement par Tokyo.

samedi, 25 janvier 2020

L’Iran, le pétrole et la guerre : la fin de la doctrine Carter ?

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L’Iran, le pétrole et la guerre : la fin de la doctrine Carter ?

par Ugo Bardi

Article original de Ugo Bardi , publié le 11 janvier 2020 sur le site CassandraLegacy
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

Illustration: Le « corridor pétrolier », où se trouvent les plus grandes ressources pétrolières du monde.
 
Il a été généré par des événements qui ont eu lieu pendant la période jurassique. Ces événements ne peuvent pas être affectés par la politique, mais ils peuvent affecter la politique.

Pendant un certain temps, la situation de l’impasse entre les États-Unis et l’Iran a ressemblé à une scène d’un vieux western : deux hommes armés et ivres se faisant face dans un saloon. Heureusement, les choses se sont calmées et, pour cette fois, il semble qu’aucune guerre contre l’Iran ne soit en vue, du moins à court terme. Peut-être avons-nous eu de la chance, peut-être qu’une divinité bienveillante s’est occupée de la situation, ou peut-être y a-t-il une logique dans ces événements.

L’histoire se déroule souvent selon le caprice des dirigeants, mais même les dirigeants fous doivent tenir compte de la réalité. Et il semble que ce soit ce qui s’est passé dans ce cas. Il est possible que nous voyions la fin de la « Doctrine Carter » qui a été énoncée en 1980. L’idée était, et elle l’est encore aujourd’hui, que le contrôle du Moyen-Orient est d’un « intérêt vital » pour les États-Unis. Elle était basée sur la réalité telle qu’elle était en 1980, maintenant la réalité est différente et il y a donc une raison pour ce changement. Mais voyons toute l’histoire depuis le début.

Tout a commencé il y a longtemps, pendant la période jurassique, lorsque la lente sédimentation d’une mer ancienne a créé une bande de champs pétrolifères qui va du Caucase et de la mer Caspienne, en Eurasie centrale, jusqu’au Yémen, en traversant l’Iran, l’Irak, l’Arabie Saoudite et d’autres États de la région. C’est là que se trouve la plus grande partie du pétrole du monde. Plus de 20 % de tout le pétrole produit aujourd’hui passe par l’étroit détroit d’Ormuz, un point critique de la carte géopolitique mondiale.

Ainsi, au début des années 1980, les États-Unis avaient été la puissance mondiale dominante pendant près de quatre décennies après la victoire lors de la Seconde Guerre mondiale. Comme d’habitude, la géographie est la mère des empires, et c’est grâce à ses vastes ressources pétrolières nationales que les États-Unis ont pu en venir à jouer ce rôle. Mais la production pétrolière des États-Unis avait atteint son maximum en 1970 et était en déclin. Pas de pétrole, pas d’Empire. Il fallait trouver de nouvelles ressources et la région du Moyen-Orient était la plus riche du monde. Une cible naturelle.

La lutte pour le pétrole du Moyen-Orient avait déjà commencé dans les années 1950, lorsque le Premier ministre iranien, Mohamed Mossadegh, fut renversé en 1953 par un coup d’État orchestré par les États-Unis. Ensuite, il y a eu la période où les États-Unis ont plus ou moins contrôlé le gouvernement iranien en utilisant le Shah comme mandataire. Puis, il y a eu la révolution iranienne en 1978-79 dont le résultat a été le renversement du Shah. À ce moment-là, en 1980, le président Carter a énoncé sa « doctrine » – en fait, rien de plus qu’une description de ce qui s’était passé jusqu’alors.

Vous connaissez l’histoire troublée du Moyen-Orient dans les années qui ont suivi avec la désastreuse guerre Iran-Irak (1980 – 1988). Les États-Unis ont commencé à « mettre des hommes sur le terrain », d’abord au Koweït en 1991, puis ont envahi l’Irak en 2003. A cette époque (et aussi plus tard), il était à la mode de dire que « les garçons peuvent aller à Bagdad, mais les vrais hommes veulent aller à Téhéran ». C’était peut-être une blague, mais ça aurait pu être mortellement sérieux. Cela fait partie de la logique d’expansion des empires.

Finalement, l’invasion de l’Iran n’a jamais eu lieu et il semble qu’elle n’aura jamais lieu. C’est, encore une fois, la façon dont les empires fonctionnent. Ils sont comme une marée, ils vont et viennent. L’Empire américain a coulé en Irak, maintenant il reflue. La plupart des commentateurs des récents événements s’accordent à dire que nous assistons aux premières étapes du retour des troupes américaines au pays. Cela prendra du temps, mais c’est écrit sur les murs du Monument aux martyrs à Bagdad.

Outre les pitreries des fous au pouvoir, il est logique que les États-Unis abandonnent l’Irak. Quelqu’un, quelque part à Washington D.C., a dû poser la question : « Pourquoi exactement gardons-nous des troupes en Irak ? » Oui, pourquoi ? La réponse typique jusqu’à il y a peu aurait été « pour sécuriser le pétrole ». Mais les choses ont changé. Les ressources pétrolières autrefois très abondantes du Moyen-Orient sont inévitablement en train de s’épuiser.

Certains producteurs, la Syrie et le Yémen, sont déjà en déclin terminal. Parmi les autres, aucun n’a la capacité d’augmenter la production de manière significative et tous devraient connaître un déclin dans les années à venir (vous avez peut-être entendu parler de la récente découverte de « 53 milliards de barils » de pétrole en Iran. Oui, et ils ont aussi trouvé un pot d’or au pied de l’arc-en-ciel).

En même temps, les États-Unis ont vraiment trouvé un pot d’or noir avec le pétrole de schiste, au point qu’au cours des dernières années, ils ont réussi à augmenter leur production de pétrole à des niveaux plus élevés que le pic précédent de 1970. Le fait que le pétrole de schiste soit une bonne affaire en termes économiques est pour le moins discutable. Mais les élites américaines ont acquis la conviction non seulement qu’elles sont réellement autosuffisantes en termes d’énergie, mais aussi que cette autosuffisance se poursuivra dans un avenir prévisible, peut-être pour toujours, car le pétrole de schiste est considéré comme une ressource pratiquement infinie. Et ils voient le pétrole de schiste comme une arme de domination stratégique.
 

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A ce stade, beaucoup de choses commencent à avoir un sens : le pétrole du Moyen-Orient n’est plus un « intérêt vital » pour les États-Unis comme c’était le cas à l’époque de Jimmy Carter. Alors, pourquoi payer cher pour y maintenir des troupes ? Ces troupes ne sont utiles qu’à ces Européens sans scrupules qui dépendent encore des importations de pétrole, mais pourquoi l’Amérique devrait-elle payer ? De plus, dans la situation actuelle, les troupes américaines ne sont que des cibles faciles en attendant la prochaine pluie de missiles de ces barbus fanatiques. Alors, ramenons les troupes à la maison. Ensuite, nous pourrons assassiner n’importe qui dans la région sans craindre de représailles.

Et c’est ce qui semble se passer pour l’instant, à moins que quelqu’un ne fasse une erreur et que le feu d’artifice ne reprenne. Mais cela confirme que c’est la géographie qui crée des empires et, aussi, que la géographie du pétrole ne cesse de changer. Nous verrons d’autres changements dans le futur, la seule chose sûre est que, contrairement à ce que certains croient , le pétrole n’est pas une ressource infinie.

Ugo Bardi enseigne la chimie physique à l’Université de Florence, en Italie, et il est également membre du Club de Rome. Il s’intéresse à l’épuisement des ressources, à la modélisation de la dynamique des systèmes, aux sciences climatiques et aux énergies renouvelables.

Note du traducteur

Ugo ne peut pas ne pas savoir qu'il y a un autre acteur clé dans la région, Israël, qui veut le maintien des troupes américaines pour sécuriser sa position et a visiblement les moyens de dicter sa politique. Étonnant cette auto-censure, ou alors il y a un message subliminal.

Dossier Strategika : Notre-Dame, Al Aqsa et le troisième Temple. La géopolitique des religions

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Dossier Strategika : Notre-Dame, Al Aqsa et le troisième Temple. La géopolitique des religions

Dossier exclusif (60 pages)

« Je présente mes condoléances à l'Imam caché », c’est ainsi que l’Ayatollah Khamenei, Guide suprême de la Révolution islamique, s’adressait à la nation iranienne au moment de rendre hommage au général Qassem Soleimani tué le 3 janvier dernier par un raid américain.[1] De son côté, le secrétaire d'État des États-Unis Mike Pompeo emploie régulièrement des images bibliques pour illustrer l’action de son administration, comparant par exemple Donald Trump à une nouvelle Esther venu délivrer le peuple juif de Haman, ce Vizir de l'Empire perse. Un ennemi antique des juifs qui renvoie dans la mémoire collective juive à l’Iran actuel.[2] Benjamin Netanyahu évoquait à son tour ces références vétéro-testamentaires lors d’une déclaration conjointe avec le secrétaire d'État américain Mike Pompeo en mars 2019 : « Nous célébrons Pourim, quand, il y a 2500 ans, d’autres Perses, menés par Haman, ont tenté de détruire le peuple Juif. Ils ont échoué ; et aujourd'hui, 2 500 ans plus tard, une nouvelle fois, les Perses dirigés par Khamenei tentent de détruire le peuple Juif et l'État Juif. »[3]

Pour cette longue mémoire juive qui traverse l’Histoire, la reconstruction du Temple de Jérusalem et la reprise des sacrifices à Yahvé en son sein constituent des éléments clefs du projet géopolitique de la droite religieuse israélienne. La reconquête du mont du Temple obsède et galvanise l’aile la plus religieuse du sionisme religieux depuis la guerre des Six Jours en 1967 mais constitue le cœur de son agenda théopolitique depuis bien plus longtemps.

Pour le chercheur occidental contemporain le phénomène religieux est généralement considéré comme un élément possible du bilan géopolitique (de par l'étude des représentations idéologiques des acteurs géostratégiques) mais rarement comme un élément central de l'analyse des rapports de force entre les puissances. Pourtant des penseurs politiques de la hauteur de vue d’un Carl Schmitt ont montré de quelle manière les conceptions politiques découlent généralement de concepts et de notions religieuses plus anciennes. C'est le domaine de la théopolitique ; domaine qui est un champ du savoir essentiel pour appréhender la nature profonde des conflits qui déchirent l'humanité contemporaine.

Toutes les puissances suivent et instrumentent un agenda religieux. La République française elle-même possède son propre fond religieux si l’on se réfère aux déclarations d’un Vincent Peillon qui affirme :

« L’idée que la République est areligieuse est une idée fausse. Très tôt après l’échec de la Constitution civile du clergé, votée en juin 1790, les jacobins, inquiets du mouvement des prêtres réfractaires et de l’importance, en vis-à-vis, du mouvement anticlérical, ont mis en œuvre l’idée d’un ‘‘culte civique’’[4] et d’une “religion de l’avenir” », et il ajoute que « La Révolution est en elle-même un projet de régénération. Avec ce projet de régénération, on fait émerger dans l’histoire profane une conception empruntée au vocabulaire religieux, qui désigne tantôt la naissance spirituelle du baptême, tantôt la nouvelle vie qui doit suivre la résurrection générale. La révolution de 1848 mais aussi la Commune utiliseront à nouveau ce vocabulaire. L’évêque constitutionnel de Lyon, Lamourette, ne s’y était pas trompé, lorsqu’il interprétait déjà la Révolution comme opérant une régénération christique des cœurs ».[5]

Emmanuel Macron fera lui aussi référence à plusieurs reprises à des éléments de langage religieux, évoquant une « transcendance » qui « nous dépasse et qui restera ». Transcendance en laquelle il dit croire même s’il ne croit pas au dieu personnel chrétien : « Je ne suis plus sûr de croire en un Dieu. Oui, je crois en la transcendance. (…) J'assume la dimension de verticalité et de transcendance, et en même temps elle doit s'accrocher à de l'immanence complète, à du matériel. Je ne crois pas à une transcendance éthérée. ».[6] C’est justement à cette transcendance immanente que le régime républicain aura recours pour tenter de juguler symboliquement le soulèvement populaire le plus long de l'histoire de France contemporaine : la révolte des Gilets jaunes.  

En partant de l’exemple de l’incendie de Notre-Dame et de ses suites, la présente étude traite des manipulations politiques du sacré au cours de l’histoire récente. Au travers d’exemples historiques divers, ce dossier montre comment un pouvoir politique qui persécute une religion peut, lorsqu’il s’agit de conjurer une menace mortelle, réactiver ponctuellement et se réapproprier la charge sacrée de la religion qu’il entend par ailleurs soumettre voire éradiquer. Ainsi, l’incendie de Notre-Dame a permis de resacraliser la fonction présidentielle dans un moment de crise existentielle de la République et de pousser une partie importante des électeurs de droite à voter pour son parti lors des élections européennes de 2019 qui se tinrent un mois après l’incendie de Notre-Dame.

Cette étude éclaire aussi l’exacerbation des tensions actuelles et la montée aux extrêmes des USA et d’Israël face à l’Iran. Y est notamment exposée l’influence des courants millénaristes évangélistes qui viennent empêcher les tentatives d’isolationnisme et de réalisme politique de l’administration Trump. Des courants qui poussent celle-ci à la guerre avec l’Iran au nom de conceptions issues d’interprétations littéralistes de l’Ancien Testament.

Enfin, la dernière partie de cette étude trace la généalogie, sur la longue durée, de ce véritable judéo-évangélisme qui tente aujourd’hui d’inclure toute la chrétienté au sein d’un judéo-christianisme pan-occidental et qui cherche à faire épouser l’agenda géostratégique et théopolitique des États-Unis et d’Israël à l’ensemble des nations historiquement chrétiennes.

Ce dossier contient un article co-écrit par les deux auteurs au moment de l'incendie de Notre-Dame, texte fondu dans la présente étude qui fait désormais 60 pages.

La rédaction de strategika.fr

Plan et contenu du dossier :

Notre-Dame, Al Aqsa et le troisième Temple :
La géopolitique des religions

Pierre-Antoine PLAQUEVENT
Youssef HINDI

 I - L’incendie de Notre-Dame et la crise de la République 

  • Incohérences techniques et projet de remodelage de l’île de la Cité
  • Une diversion politique en pleine révolte populaire ?
  • Quelques parallèles historiques
  • Persécution de la religion et manipulation du sacré : l’exemple soviétique
  • La destruction du catholicisme et des églises : une tradition républicaine
  • Subvertir l’Église pour mieux la faire haïr
  • Le sacrifice propitiatoire de Notre-Dame pour régénérer la République
  • Destruction de la cathédrale et construction d’un temple maçonnique

 II - De la destruction de Notre-Dame à la reconstruction du Temple de Jérusalem

  • L’incendie de Notre-Dame, un châtiment divin contre le christianisme ?
  • L’incendie de la Mosquée d’Al Aqsa et le Troisième Temple de Jérusalem
  • L’Évangélisme sioniste et la fin de l’Histoire
  • Le Troisième Temple et la guerre mondiale des religions

III - Les étapes du judéo-christianisme, du Moyen-Âge à nos jours

  • Quand l’Église réhabilite les pharisiens, ennemis du Christ
  • La kabbale chrétienne, une arme de subversion contre l’Eglise
  • Un kabbaliste au Vatican
  • Le frankisme comme prolongement de la kabbale chrétienne
  • De Jacob Frank à Jean-Paul II via Adam Mickiewicz
  • La Franc-Maçonnerie et l’Église conciliaire
  • Vatican II et le judéo-christianisme
  • Jésus et la Vierge Marie dans la littérature juive et le Talmud
  • Jésus et la Vierge Marie dans le Coran
  • Jésus et les pharisiens dans les Évangiles

[1] http://french.presstv.com/Detail/2020/01/03/615234/Notre-... 
[2] https://www.washingtonpost.com/religion/2019/03/22/pompeo...
[3] https://embassies.gov.il/paris/NewsAndEvents/Pages/Declar...
[4] Albert Mathiez, Les Origines des cultes révolutionnaires, 1789- 1792, Genève, Slatkine, 1977, p. 14.
[5] Vincent Peillon, Une religion pour la République, 2010, Seuil, pp. 65-66.

Sur la généalogie de la religion de la République, voir : Youssef Hindi, La Mystique de la Laïcité : Généalogie de la religion républicaine, 2017, Sigest.
[6] https://www.lejdd.fr/Politique/macron-ce-que-lon-sait-de-...
Voir aussi : https://www.youtube.com/watch?v=WVg2iqTfnus

 

lundi, 20 janvier 2020

Iran vs États-Unis : Nœud gordien et guerre rampante ! 

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Iran vs États-Unis : Nœud gordien et guerre rampante ! 

Ex: https://www.geopolintel.fr

La crise aiguë et endémique que traverse la Libye depuis 2011 et l’intervention de l’Otan (France/R-U/Italie) au motif d’ingérence soi-disant humanitaire afin d’éviter un bain de sang, l’internationalisation du conflit avec à présent de l’intervention turque au côté de Tripoli et russe en appui au général Haftar à Benghazi (chef-lieu de la Cyrénaïque), ne doit ni masquer ni estomper la guerre rampante semi-ouverte qui oppose désormais, après le 3 janvier 2020 et l’assassinat terroriste du général Soleimani, la Perse ancestrale et le très Nouveau Monde aux appétits dévorants.

Dorénavant, en Iran chaque jour qui passe apporte son lot de rebondissements les uns tragiques, les autres cocasses tel cet idiot d’ambassadeur du Royaume-Uni – ou de plus en plus désuni maintenant que l’Écosse s’engage à son tour sur la voie du divorce – brièvement arrêté par la police alors qu’il s’était mêlé à des manifestants conspuant le régime  ! Cela pourrait se nommer diplomatie pedibus cum jambis, non  ? Avant-dernier épisode autrement tragique dans cette dégradation allant crescendo (!) des relations occidentalo-iraniennes ainsi que, corrélativement, de la situation régionale dans son ensemble (Levant/Péninsule arabique/Syrie/Golfe persique/Mésopotamie), celui d’un appareil civil ukrainien abattu le 8 janvier par la défense antiaérienne iranienne et par erreur alors qu’il venait de décoller de l’aéroport internationale de Téhéran… cela au moment même où une salve de missiles iraniens de moyenne portée1 venait de percuter - avec une impressionnante précision - des infrastructures de la base aérienne d’Aïn al-Assad, laquelle abritait entre autres quelques centaines d’officiers américains, britanniques, canadiens, norvégiens et hollandais. Cent soixante-seize victimes qui n’ont pas fini de faire couler beaucoup de larmes et d’encre. Un drame atroce qui n’est pas sans rappeler cette autre accident qui vit la mort dans des circonstances relativement comparables, le 17 juillet 2014, au nord-est de l’Ukraine, des 298 passagers du vol 17 de Malaysia Airlines   !

Et puis ce sont à nouveau, dans la nuit du 12 au 13 janvier, des tirs de Katiouchas – les anciennes orgues de Staline – dirigés contre une base américaine, mais cette fois sans dégât collatéral au contraire des trente roquettes qui avaient touché le 28 décembre un camp de la coalition à Kirkouk au Kurdistan et causé le décès d’un contractuel américain (contractor)… un inexpiable crime de lèse puissance impériale qui sera l’un des prétextes - mais pas le seul –ayant servi à légitimer l’élimination du major général Kassem Soleimani, chef des opérations extérieures à la tête de la Force Al-Qods… et surtout missi dominici du Guide suprême de la République islamique d’Iran alors qu’il s’apprêtait à négocier une trêve entre Riyad et Téhéran… dont l’antagonisme ethnique et religieux2 est jusqu’à présent le terreau fertile d’éventuelles futures guerres fratricides. S’y sera ajouté le siège, le 30 et 31 décembre 2019, de l’ambassade américaine à Bagdad dans la Zone verte – au demeurant puissamment fortifiée - en réponse aux précédents bombardements américains, lesquels avaient tué vingt-cinq miliciens du Kataeb Hezbollah pro-Iran lors d’attaques aériennes le 29 décembre lancées en guise de rétorsion pour la mort du personnel civil américain, déjà cité, à Kirkouk. Ce siège qui avait d’ailleurs pris fin au coup de sifflet, avait été traité à coup de gaz lacrymogènes afin de disperser ceux des manifestants qui avaient passé la nuit devant les portes principales de l’ambassade. En vérité pas vraiment de quoi fouetter un chat dans le contexte général d’émeute – les morts se comptant par centaines - prévalant en ce moment dans la capitale irakienne.

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Soldats de l’armée américaine de la 1re Brigade, 25e Division d’infanterie, Task Force-Iraq Base d’opérations avancée “Union III” à Bagdad

Une manifestation donc sans intrusion, plus symbolique qu’autre chose aux abords de l’espace extraterritorial des États-Unis, mais il n’en fallu pas plus pour que l’Administration américaine parvînt à décider le président Trump – certainement en lmui faisan tmiroiter une bonne affaire sur le plan publicitaire - de faire éliminer Soleimani… lequel, par ses fonctions, ses missions et ses liens personnels avec le Valiye fakih (Gardien de la jurisprudence), l’ayatollah Ali Khamenei, était de facto le numéro trois du régime iranien, juste après le très occidentaliste président Hassan Rohani. En un mot un acte de guerre terroriste, ceci sans la moindre équivoque, et une superbe peau de banane glissée sous les pieds de D. Trump… qui de toute évidence ignorait les possibles conséquences de son acte  ! Reste que l’assassinat du général Soleimani était prévu et préparé de longue date3 – un projet toujours reporté mais toujours d’actualité - et qui n’a pu s’accomplir qu’avec le concours diligent d’Israël… quoique ses dirigeants en disent et affectent toujours de jouer aux saints innocents.

Un assassinat savamment prémédité

À ce sujet, la chaîne américaine CNBC 4 nous renseigne sur ce jamais aucun médium français ne nous dira. Promouvoir et diffuser tous les blasphèmes imaginables soit5, mais pas le pire d’entre eux, la vérité vraie, objective non sortie du chapeau mité de la postvérité. Ainsi nous apprenons que Soleimani était attendu à Bagdad par trois drones tueur chacun armé de quatre missiles Hellfire… du lourd  ! Rappelons que l’espace aérien irakien est entièrement sous le contrôle de l’US Army. Avertie par leurs agents et informateurs opérant à Damas, la CIA savait précisément l’heure du décollage à Beyrouth de l’Airbus A320 de Cham Wings Airlines où se trouvait Kassem Soleimani, un voyage qui en fait n’avait rien de clandestin. Israël grand expert dans ce genre d’élimination depuis les airs6, a participé en amont au montage technique de l’opération, et est encore intervenu à ce stade en valide l’information, qui sera en outre affinée une nouvelle fois lors de l’atterrissage à Bagdad par les militaires américains et leurs agents locaux actifs au sein de l’aéroport… À Washington, à Langley siège de la CIA, au Pentagone, des images infrarouges en noir et blanc, fantomatiques, défilent sur de larges écrans plats, on identifie sans trop de mal le chef irakien d’une milice chiite alors qu’il monte l’escalier de débarquement pour saluer le chef de la Force al-Qods. Il est une heure du matin. Le président Trump, peu ou pas concerné, se trouve en Floride  ! A-t-il été réellement informé de la portée et de la signification de cette élimination  ? Rien n’est moins sûr. Toujours est-il que cette nuit fatale – parce que les pires conséquences sont certainement à venir, nous en reparlerons - il n’est pas aussi assidu de son prédécesseur Barak Obama assistant, concentré et studieux, le 2 mai 2011 en compagnie de son équipe rapprochée, à l’élimination physique d’Oussama Ben Laden, au Pakistan à Abbottābād, à l’issue de l’opération Trident de Neptune (Neptune’s Spear)7. La liquidation d’Abou Bakr al-Baghdadi le 27 octobre 2019 n’aura quant à elle, pas donné lieu à une telle débauche de communication à grand spectacle.

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Barak Obama et son équipe suivant le déroulé de l’opération Trident de Neptune
Et la liquidation supposée d’Oussama Ben Laden

Deux personnages montent alors dans une berline suivie par une fourgonnette où se trouvent accompagnateurs et gardes du corps. Les drones postés à distance respectables et non repérables, suivent les déplacements des véhicules et identifient leurs occupants en captant les appels des occupants sur leurs téléphones portables. Les informations sont transmises en temps réel (évidemment) au Quartier général avancé du Commandement central américain situé au Qatar, à quelques encablures des côtes iraniennes, d’où l’opération est conduite et où l’on voit la boule de feu vaporiser les deux véhicules. Seuls quatre missiles ont été tirés. Dans les cercles dirigeants israélo-américains on exulte et l’on se congratule - ils sont bien les seuls - en répétant en boucle, argument repris dès le lendemain par le président Trump, que le général Soleimani, ce tueur né, s’apprêtait à faire périr des milliers d’Américains  ! Un peu plus tard, D. Trump par une pirouette petitement convaincante nous dira en substance qu’il “n’a pas voulu commencer une guerre, mais en éviter une”. Aimable et intéressante sophistique, sauf pour ceux qui croient encore à l’angélisme inné de la Grand sœur Amérique, à sa volonté de sauver le monde et à sa véracité proverbiale… Il faudra/il faudrait néanmoins finir par ouvrir les yeux et découvrir que les GI’s n’ont pas en 1944 libéré la France pour les beaux yeux d’icelle, mais qu’ils l’ont envahie et occupée sans la moindre vergogne. Pour l’heure les mythes de la Deuxième guerre mondiale font de la résistance et ils auront, hélas, la vie dure tant les hommes adoreront – au sens littéral – ceux qui par leurs mensonges les réduisent au servage… On le voit dans la persistance de la mythologie socialiste reconvertie de nos jours en progressisme macronien et dans le goulag mou de la tolérance et de l’amour obligés pour tout ce qui est contre-nature, nous est étranger voire hostile.

Hybris, chutzpah, cécité et arrogance

Il est ici intéressant de s’arrêter un instant sur les leçons que tirent l’Amérique, en l’occurrence ses élites s’exprimant à travers la narration de l’événement par NBC et des leçons que le journaliste américain en tire… Bref, c’est acquis Outre-Atlantique, Soleimani est un homme “qui a aidé à tuer des Américains pendant plus d’une décennie”. Assertion en forme d’a priori non démontrée, le stratège iranien ayant surtout contribué à l’élimination en Syrie des armées de l’État islamique et des combattants d’al-Nosra (c’est-à-dire des reconvertis d’Al-Qaïda, ceux qui se trouvent aujourd’hui concentré dans la poche d’Idlib au grand dam de notre presse si compassionnelle à l’égard du fanatisme islamique), supplétifs de l’armée américaine et de la Turquie. En cela, en quoi Soleimani a-t-il participé, directement ou indirectement, à la mort de citoyens américains, la chose est loin d’être claire et encore moins d’être établie puisque l’adversaire - les djihadistes et autres takfiristes - était censément le même dans les deux camps, syro-russo-iranien et euro-arabo-américain ?

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Maintenant il faut retenir de cette affaire que l’Amérique se gargarise de son excellence technique dans l’abattage robotisé de ses ennemis, parlant à ce propos de “sorcellerie technique” devenue “routinière”, autrement dit banalisée, passée dans les mœurs pour ainsi dire… Écoutons la voix de l’Amérique  : «  En moins d’une génération les États-Unis sont devenus capables de chasser et de tuer ses ennemis, en particulier dans les régions en crise du Proche-Orient, de l’Asie du Sud et de l’Afrique. Nous sommes passés de quelque chose qui était abnormal, presque de la science-fiction, à une nouvelle normalité8  » [nbcnews.com10janv]. Pour Anthony Cordesman du Center for Strategic and International Studies de Washington, les assassinats ciblés par le biais de robots tueurs représente un tournant dans l’art de la guerre “un changement radical” que seuls les États-Unis se trouvent en mesure d’accomplir en raison de l’extraordinaire système de surveillance globale, d’écoutes et de collectes des données – dans les méga super mémoires électroniques, et bientôt quantiques, du Big Data - que conduit la National Security Agency9 (NSA) par l’entremise de ses satellites et du primitif réseau de grandes oreilles Echelon. Toutes les données recueillies étant en fin de parcours concentrées et traitées au quartier général de la dite NSA, à Fort George G. Meade dans le Maryland… Big Brother et/ou Big Sister (mztiarcat oblige) grandissent à vue d’œil  !

Nos experts nous avertissent que cet effort (grâce auquel a été atteinte cette grande victoire qu’a été/aurait été l’élimination le Général Soleimani) «  de renseignement, de surveillance et de reconnaissance - vraiment immense - ne peut être fondamentalement égalé par aucun autre pays  »… Une autosatisfaction qui en dit long sur l’aveuglement des classes dirigeantes et de l’intellocratie américaines, celles-ci ayant le plus grand mal à comprendre que le monde ne se limite pas à la maîtrise et au développement de systèmes d’armes toujours plus létaux et extensivement dévastateurs à très grande échelle. L’humanité avance et la cartographie géopolitique du monde évolue. Aussi nous devrons nous pencher sur la multipolarité qui se dessine avec la montée formidable en puissance de la Chine populaire (communiste) et sur le retour sur la scène internationale de la fédération de Russie, renaissance amorcée en août 2008 à l’occasion de son intervention armée en Géorgie au secours de ce micro État de facto qu’est l’Ossétie du sud. Une Russie qui a repris pied en Méditerranée orientale et avec laquelle il faudra compter.

Geopolintel 13 janvier 2020

dimanche, 19 janvier 2020

Le discours de Poutine sur l’état de la nation : centré sur le peuple russe et son avenir

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Le discours de Poutine sur l’état de la nation : centré sur le peuple russe et son avenir


Par Andrew Korybko 

Source news.cgtn.com

Le président Poutine s’est adressé à l’Assemblée fédérale ce 15 janvier, pour la première fois de l’année 2020, prenant de l’avance sur sa traditionnelle allocution annuelle, qui avait d’habitude lieu un peu plus tard dans l’année. Son discours sur l’état de la nation s’est presque entièrement intéressé sur l’amélioration de la qualité de vie du peuple russe, en soulignant fortement les importants impacts sociaux des projets de développement national de la Russie [National Development Projects (NDP)], et sur les moyens à employer au service de cette vision ambitieuse.

Une part importante de son discours était consacrée à l’accroissement du taux de natalité, par l’application de diverses incitations d’État, comme une augmentation des prestations sociales aux familles, en particulier celles disposant de faibles revenus. Il a également déclaré que les allocations de maternité seraient désormais versées dès le premier enfant — elles étaient jusqu’ici versées uniquement à partir du second. Poutine a répété à plusieurs reprises l’importance pour la Russie d’améliorer sa situation démographique, et a également insisté sur le fait que l’ensemble des politiques sont influencées, d’une manière ou d’une autre, par ce facteur.

Il ne s’agit pas pour les Russes de faire plus d’enfants pour la beauté du geste, mais de proposer un très haut niveau de vie aux futurs citoyens de la fédération. Pour servir cet objectif, Poutine a annoncé que l’État prodiguerait trois repas chauds et équilibrés à chaque enfant inscrit en école primaire, que des investissements de modernisation des écoles allaient être réalisés afin que les enfants disposent d’une éducation numérique leur permettant de trouver leur place dans la future économie technologique, que les salaires des enseignants allaient augmenter, et que plusieurs initiatives allaient suivre afin d’encourager les étudiants, via des changements dans les cursus, à poursuivre des carrières en matières scientifique, technologique, d’ingénierie, et mathématiques.

Des bourses d’études seront également distribuées en plus grand nombre pour ceux qui veulent poursuivre leur éducation secondaire dans ces matières. Le sujet de la santé est particulièrement important, a ajouté Poutine, et le gouvernement fera le maximum d’efforts pour améliorer également ce secteur, à la fois en poursuivant les investissements en la matière, et en coordonnant le chemin de carrière des soignants, pour qu’ils disposent d’emplois garantis dans les régions où leur présence est le plus nécessaire. Le président de Russie s’est montré particulièrement fier du fait que l’espérance de vie de son pays connaît actuellement ses plus haut niveau jamais atteint, cependant que le taux de mortalité infantile connaît son plus bas. Il a également affirmé que ces tendances positives doivent impérativement continuer de progresser à l’avenir.

Cette poussée socio-économique est fortement facilitée par deux grandes réalisations acquises au fil des années, à savoir la capacité de la Russie à se défendre pour les décennies à venir (une allusion à ses missiles hypersoniques de pointe), et le fait que son budget s’est enfin stabilisé.

Ces réussites ont permis au gouvernement de s’intéresser à la qualité de vie de ses citoyens, mais la constitution doit également être amendée pour ce faire. Comme l’a dit Poutine, le système politique et la société civile russes sont devenus assez matures pour s’offrir ces changements, nécessaires à la transformation de la Russie en État providence du XXIème siècle, à ce moment pivot.

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Parmi les suggestions qu’il a proposé d’ajouter à la discussion en vue d’une direction plus responsable, on trouve : interdire les postes de la fonction publique aux citoyens étrangers ou aux résidents à l’étranger, en vertu de raisons de sécurité ; et préciser la relation entre les différents niveaux de gouvernement, ainsi que les trois branches principales du pouvoir.

Sur ce dernier point, tout en réaffirmant la nécessité pour la Russie de rester une république présidentielle, Poutine a affirmé que l’Assemblée fédérale devrait disposer de plus grandes responsabilités dans la formation du gouvernement. Cela peut s’interpréter comme une poursuite de la tendance à déléguer les responsabilités aux représentants de l’État, et ainsi donner plus de pouvoir aux citoyens.

Dans l’ensemble, cette allocution de Poutine à l’Assemblée fédérale était beaucoup plus autocentrée que les précédentes. Cela résulte du fait que la situation internationale et économique de la Russie s’est stabilisée au point où le temps est venu de s’intéresser de près à ces sujets, pour préparer au mieux le pays à la longue période d’incertitude que le monde connaît depuis peu.

Investir dans son peuple est la bonne politique à mener, et le lancement d’une concertation nationale quant à une réforme constitutionnelle l’est également. Avec quatre années restantes comme président de la Fédération de Russie, Poutine se prépare à laisser un héritage durable qui profitera aux générations futures de la Russie.

Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.

Note du Saker Francophone

Difficile pour un Français de lire ce texte sans penser 
à l'héritage social du général de Gaulle aux Français, et
au rayonnement de la France dans le monde au cours des
années 1960… D'un point de vue français, si l'on
s'amuse à comparer les pays en leurs états actuels,
la population de la Russie est à peu près le double de
celle de la France ; et le PIB de la Russie est à peu
près la moitié de celui de la France. Sur le papier,
la richesse de chaque Français est donc le quadruple
de la richesse de chaque Russe. La différence est que
la France s'enlise dans une Union supranationale qui
impose des décisions de l'extérieur ne bénéficiant pas
aux Français, avec un argument que la France seule
ne ferait pas le poids dans le monde
. La trajectoire de la Russie est une preuve éclatante

de la fausseté de cet argument de propagande
même si en parité de pouvoir d'achat, la Russie
est devant la France et au niveau de l'Allemagne,
avec il est vrai un matelas de matière première
qui est une sacré sécurité.

Traduit par José Martí pour le Saker Francophone

About the New Sacred Union

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Pavel Tulaev:

About the New Sacred Union

Ex: http://www.ateney.ru

Today, many people understand that humanity has entered a qualitatively different stage of planetary development. It is associated with space cycles, the scientific and technological revolution, changes in lifestyle, etc. Internationally, this is an obvious turn from the global dictatorship of the United States, established in the 20th century, to a multipolar world. More specifically, to the growing role of Russia and the East as a whole. The regrouping of international forces makes us develop a new strategy.

Before the collapse of the USSR in 1991, the world was conditionally divided into two large parts: the capitalist West, led by the United States and NATO, as well as the communist East, headed by the Soviet Union and the Warsaw Pact. True, in addition to this, there was a rather large block of “Non-Aligned Countries”, but its existence did not cancel the confrontation of two socio-economic systems that were inherently opposite.

In the course of liberal-monetarist reforms in the spirit of “shock therapy”, Russia, which left the USSR, tried to enter the circle of Western countries, the so-called “Big Eight”. However, it soon turned out that the essence of this community was not only in favorable economic relations. Let’s think about what Western civilization is again.

Aggressive sunset civilization

From a geographical, historical and spiritual point of view, the West, figuratively speaking, is a movement from Sunrise (origin) to Sunset (degeneration).

Many of today’s European peoples have eastern roots. For example, the teachers of the Romans are Greeks and Etruscans who came from Asia Minor; Hungarians came from the Urals, Bulgarians were from Cimmeria, Poles were from Sarmatia, Croats were from Central Asia; Basques living in the far west of Europe came from the Caucasus. The origin of the Germanic tribes, in particular, the Goths and the Vandals, is also associated with Asia.

The eastern roots of Europeans are clearly visible in their ancient mythology. Where did Zeus steal the young beautiful Europe? From the Middle East. The genesis of the Olympic gods, including Zeus-Jupiter, Artemis-Diana, Apollo, Athena-Minerva, Aphrodite-Venus, indicates their Hyperborean or Aryan ancestral home. Even the Scandinavian god Odin came to the cold lands from hot Asia.

Now let’s recall where science, culture and civilization came from to Europe.

The West took almost all fundamental knowledge from the East: writing, including runic; medicine, especially esoteric; astronomy with an annual calendar; theology, including Christianity; musical theory and many instruments; many sports and recreational games, including equestrian competitions and chess. Even many technical inventions, such as wheels, fabrics, paper, metal processing, etc. are of Asian origin.

Western colonialists and their secret societies, such as Freemasonry, have learned many secrets from the spiritual treasures of India, China, Egypt, and Sumeria. Their heirs of the New Age learned to quickly borrow, buy or steal eastern discoveries, including the Russian and Slavic scientists’ ones (the periodic table, Lobachevsky’s geometry, Ladygin’s incandescent light bulb, Tesla’s electric motors, Zhukovsky’s plane, Sikorsky’s helicopter, Zvorykin’s television, USSR’s space achievements and much more).

In a word, without the classical heritage of the East and its fundamental technical inventions, the West is nothing! In this paradoxical, at first glance, phenomenon, in fact, everything is natural. After all, eastern civilization is hundreds of thousands of years old, and western civilization is several centuries old.

The United States of America, formed in 1776 from former European colonies on the territory of the autochthonous civilization of the Indians, subjects of the archaic civilization of the red race, became an absolute expression of Western civilization. In their own interests, they use the achievements of the world community, and at the same time contrast themselves to it in the spirit of the bloodthirsty Old Testament.

One state, even such a superpower as the United States, can resist the whole world only with the help of weapons and political pressure. For this role of the world gendarme, the American hawks created a well-designed and extensive system of the New World Order (NMP), led by the aforementioned North Atlantic Treaty Organization (NATO).

This system governs America and its partners through a network of latent, that is, behind-the-scenes organizations, totaling more than 500. The most famous of them are the Bilderberg Club, the Tripartite Commission, the Council on Foreign Relations, the Pilgrims Society, “Skull and Bones”, the Federal Reserve, other Masonic and Zionist organizations. One of the main centers of NWO (New World Order) is located in the UK, or rather, in the City, the financial and business center of London, and others are in New York, Brussels, and Tel Aviv.

Directly or indirectly, thousands of NWO leaders conduct the main brain centers, foundations, banks, the media, universities, all major corporations and political parties in the United States. The influence of this coordinating power of the “world behind the scenes” on international events is obvious. Judge for yourself.

Modern Europe is a protectorate of the USA. NATO bases are located not only in Germany occupied in 1945, but in almost all EU countries. Atlantists surround our mainland with a network of military bases and red flags of local conflicts under the pretext of a hypothetical threat to their national security.

Why is Mongoloid Japan, located in the Pacific Ocean in the Far East, considered a part of «Western civilization»? Because the United States first bombed it, then subjugated it, and finally colonized it. In terms of NATO’s Pacific strategy, the “Land of the Rising Sun” is their western carrier.

Why is Belarus, absolutely European in its racial and cultural origin, considered “anti-Western” and has now become the vanguard of the forces of Eurasia? Because it is a strong ally of Russia and is not economically dependent on the EU.

The United States is particularly afraid of the unification of Europe and Russia, as this will lead to the dissolution of the Atlantic alliance and a sharp weakening of North America’s international position. Therefore, the Yankees and their agents are struggling to drive a wedge between two parts of a single continent, artificially creating a buffer zone — from the Baltic Sea to the Black Sea.

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Pavel Tulaev

It is in this context that one should understand the modern war in Ukraine, which is forcibly drawn into the EU and NATO. In terms of strategy, the NOW is a local conflict in the global scenario. Indeed, by and large, the fundamental contradictions between thalassocracy (America) and tellurocracy (Eurasia) will be resolved not in the trenches of the Ukrainian steppes, but in other spaces: space, information, technology. They are part of the world war for leadership and dominance in key areas of human activity.

Eastern alternative

What can we contrast the conscious strategy of the West to weaken Russia and the split of Eurasia?

In addition to the national Russian doctrine that protects our ethnic and cultural identity, as well as the strategic interests of the indigenous peoples of the Russian Federation, there are several large geopolitical projects supported by relevant ideologies and political programs. The most famous are Eurasian and Slavic. In some ways, they mutually complement each other, in some ways they are opposite.

The essence of Slavophilism is patrimonial logic. The main thing here is the subject with his genetic, racial, religious and social qualities. The ethics of Slavophilism is based on the cult of ancestors. For a pan-Slavist, blood is higher than the soil, since the Slav, be it Russian, Pole, Belorussian, Czech, he remains in Europe, America, Asia and Africa as a Slav, the bearer of his ethno-forming qualities.

Slavs are a large family of peoples. It forms the basis of about two dozen states with a total population of more than 300 million people. Slavs of Russian origin predominantly profess Orthodoxy, preserving for centuries their confessional and linguistic identity, in particular Cyrillic writing.

Eurasianism proceeds from the territorial community of the population of various ethnic and even racial origin. Here, Belarus and Kazakh, Lithuanian and Tatar, Russian and Mongol are equivalent. The fundamental principle of Eurasianism is soil above blood. Eurasians recognize the differences, but do not give them a fundamental character. The racial approach is unacceptable to them. Religious — secondary. For example, an Orthodox Chinese speaking Russian can well be an ideological Eurasian.

The extreme forms of these two ideologies — racial pan-Slavism and continental internationalism — clash in the political struggle. This is due to historical reality, which is much more complicated than simplified schemes.

The ancestors of the Slavs (Wends,Venets), along with the Celts, made up a significant part of the pre-Christian population of Europe. Serbs settled next to them, including on the Baltic coast, where Germany is now.

The primordial Russia of the Varangian era, which included the ethnic elements of the Slavs, Balts, Finns and Ugrians, was also originally a Caucasian race with a significant part of the Nordic blood. As a result of ethnogenesis, expansion and colonization, the Russian people united various Slavic and European tribes related to them.

As the Russian lands expanded south and east, the Slavic-speaking superethnos began to include more and more Asian elements. For example, Don Cossacks combine Slavic-Aryan, Turan and Dinar features.

The Russian Federation today includes more than 190 different ethnic groups. Most of them are of non-Slavic, or rather, not Caucasian origin, although about 80% of the population considers themselves Russian. According to modern genetics, the Great Russians predominantly remain Caucasians, but in large cities and on the outskirts there is a rapid mixing with other racial types.

That is why for Russian people the ideology of Slavophilism is more understandable, while Eurasianism is closer to national minorities. For Tatars and Caucasians, pan-Slavism is as far away as pan-Turkism and pan-Mongolism are for us.

Our choice

What to do in this difficult, very controversial situation? The main thing, in my opinion, is to avoid extremes, i.e. not to bring Slavophilism to a utopia of pan-Slavism and clash with political Eurasianism.

A model is needed that combines the most constructive elements of both ideologies. And only the third idea that goes beyond blood and soil can unite them.

From the point of view of patrimonial logic, it would be advisable to unite Russia and Europe into the strategic block Euro-Russia as the core of a wider continental alliance. After all, the metahistorical role of Russia is not only the connection between East and West. It is the Heart of the Continent, its mystical center, the axis of its historical Destiny.

However, in the current situation, when another armed conflict is unleashed in the center of our continent, in the center of the Slavic world, the implementation of the Euro-Russian project is very difficult. In this regard, it is desirable to create a new Holy Alliance of all forces opposing the deadly aggression of the West.

It is in this direction that the CSTO (Collective Security Treaty Organization) and BRICS (Brazil, Russia, India, China and the Republic of South Africa) develop their strategies, which Iran and Turkey want to join.

As we can see, the anti-Western alternative of the 21st century does not geopolitically repeat the alliance of the three emperors of the 19th century or the Warsaw Pact of the Soviet era. We are witnesses of a new turn of history to the East.

Remember the famous metaphor of how Emperor Peter the Great, with his Westernist reforms, allegedly “cut a window into Europe,” which was in fact the ancestral home of Russia. Compared to him, President Putin is an analogue of Prince Alexander Nevsky, who made the Eastern choice. After all, Asia has always been of great importance for Russia, so it is quite reasonable to turn to face it.

Since the challenge on the part of the United States is global, the answer must be global. All peoples of goodwill, both Nordic and Mardi, both European and Asian, must unite against the ubiquitous gangster, funded by international bankers.

Under these conditions, our common strategy is a peaceful offensive of the forces of Good against the demons of Evil. This is, first of all, the spiritual, Royal Way of self-improvement, where there is a place for every worthy inhabitant of the Earth. Everyone has what to do and what to say.

We are not opposing the Americans or the Anglo-Saxons, but against the deadly Western civilization as such, against the degeneration of people growing under the influence of the West, against the degradation of European culture and the violation of social laws at the national and international level. We are for freedom, for a dignified life, for justice and order. For the right to an original path of development of all peoples, including residents of the Western Hemisphere.

The USA itself needs a “new way of thinking” and a “perestroika”, as the USSR used to be. The revolution in America will help to save it from complete collapse, ruin and humiliation, and, in the end, find a worthy place in a changing world. We know that in the West there are many thinkers and politicians who understand the need for radical changes.

Our ultimate goal is not a struggle for political power and any terrestrial territories, but the birth of a new person, a new race of people, which will be based on the principles of spiritual creativity and the ideals of holiness. The man of the future will transform not only his flesh, but also the world around him.

Only the blind do not see the East again excitingly grow red. «The Golden Eos with purple fingers got up from the darkness». Rejoice, behold, and salute the beautiful Queen Dawn.

Moscow, 2018.

samedi, 18 janvier 2020

Battle of the Ages to Stop Eurasian Integration

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Battle of the Ages to Stop Eurasian Integration
 
Coming decade could see the US take on Russia, China and Iran over the New Silk Road connection

Ex: https://www.unz.com

Iranian seamen salute the Russian Navy frigate Yaroslav Mudry while moored at Chabahar on the Gulf of Oman during Iran-Russia-China joint naval drills. The photo was provided by the Iranian Army office on December 27, 2019. Photo: AFP / HO / Iranian Army office

The Raging Twenties started with a bang with the targeted assassination of Iran’s General Qasem Soleimani.

Yet a bigger bang awaits us throughout the decade: the myriad declinations of the New Great Game in Eurasia, which pits the US against Russia, China and Iran, the three major nodes of Eurasia integration.

Every game-changing act in geopolitics and geoeconomics in the coming decade will have to be analyzed in connection to this epic clash.

The Deep State and crucial sectors of the US ruling class are absolutely terrified that China is already outpacing the “indispensable nation” economically and that Russia has outpaced it militarily. The Pentagon officially designates the three Eurasian nodes as “threats.”

Hybrid War techniques – carrying inbuilt 24/7 demonization – will proliferate with the aim of containing China’s “threat,” Russian “aggression” and Iran’s “sponsorship of terrorism.” The myth of the “free market” will continue to drown under the imposition of a barrage of illegal sanctions, euphemistically defined as new trade “rules.”

Yet that will be hardly enough to derail the Russia-China strategic partnership. To unlock the deeper meaning of this partnership, we need to understand that Beijing defines it as rolling towards a “new era.” That implies strategic long-term planning – with the key date being 2049, the centennial of New China.

The horizon for the multiple projects of the Belt and Road Initiative – as in the China-driven New Silk Roads – is indeed the 2040s, when Beijing expects to have fully woven a new, multipolar paradigm of sovereign nations/partners across Eurasia and beyond, all connected by an interlocking maze of belts and roads.

The Russian project – Greater Eurasia – somewhat mirrors Belt & Road and will be integrated with it. Belt & Road, the Eurasia Economic Union, the Shanghai Cooperation Organization and the Asia Infrastructure Investment Bank are all converging towards the same vision.

Realpolitik

So this “new era”, as defined by the Chinese, relies heavily on close Russia-China coordination, in every sector. Made in China 2025 is encompassing a series of techno/scientific breakthroughs. At the same time, Russia has established itself as an unparalleled technological resource for weapons and systems that the Chinese still cannot match.

At the latest BRICS summit in Brasilia, President Xi Jinping told Vladimir Putin that “the current international situation with rising instability and uncertainty urge China and Russia to establish closer strategic coordination.” Putin’s response: “Under the current situation, the two sides should continue to maintain close strategic communication.”

Russia is showing China how the West respects realpolitik power in any form, and Beijing is finally starting to use theirs. The result is that after five centuries of Western domination – which, incidentally, led to the decline of the Ancient Silk Roads – the Heartland is back, with a bang, asserting its preeminence.

On a personal note, my travels these past two years, from West Asia to Central Asia, and my conversations these past two months with analysts in Nur-Sultan, Moscow and Italy, have allowed me to get deeper into the intricacies of what sharp minds define as the Double Helix. We are all aware of the immense challenges ahead – while barely managing to track the stunning re-emergence of the Heartland in real-time.

In soft power terms, the sterling role of Russian diplomacy will become even more paramount – backed up by a Ministry of Defense led by Sergei Shoigu, a Tuvan from Siberia, and an intel arm that is capable of constructive dialogue with everybody: India/Pakistan, North/South Korea, Iran/Saudi Arabia, Afghanistan.

This apparatus does smooth (complex) geopolitical issues over in a manner that still eludes Beijing.

In parallel, virtually the whole Asia-Pacific – from the Eastern Mediterranean to the Indian Ocean – now takes into full consideration Russia-China as a counter-force to US naval and financial overreach.

514BiChCuYL.jpgStakes in Southwest Asia

The targeted assassination of Soleimani, for all its long-term fallout, is just one move in the Southwest Asia chessboard. What’s ultimately at stake is a macro geoeconomic prize: a land bridge from the Persian Gulf to the Eastern Mediterranean.

Last summer, an Iran-Iraq-Syria trilateral established that “the goal of negotiations is to activate the Iranian-Iraqi-Syria load and transport corridor as part of a wider plan for reviving the Silk Road.”

There could not be a more strategic connectivity corridor, capable of simultaneously interlinking with the International North-South Transportation Corridor; the Iran-Central Asia-China connection all the way to the Pacific; and projecting Latakia towards the Mediterranean and the Atlantic.

What’s on the horizon is, in fact, a sub-sect of Belt & Road in Southwest Asia. Iran is a key node of Belt & Road; China will be heavily involved in the rebuilding of Syria; and Beijing-Baghdad signed multiple deals and set up an Iraqi-Chinese Reconstruction Fund (income from 300,000 barrels of oil a day in exchange for Chinese credit for Chinese companies rebuilding Iraqi infrastructure).

A quick look at the map reveals the “secret” of the US refusing to pack up and leave Iraq, as demanded by the Iraqi Parliament and Prime Minister: to prevent the emergence of this corridor by any means necessary. Especially when we see that all the roads that China is building across Central Asia – I navigated many of them in November and December – ultimately link China with Iran.

The final objective: to unite Shanghai to the Eastern Mediterranean – overland, across the Heartland.

As much as Gwadar port in the Arabian Sea is an essential node of the China-Pakistan Economic Corridor, and part of China’s multi-pronged “escape from Malacca” strategy, India also courted Iran to match Gwadar via the port of Chabahar in the Gulf of Oman.

So as much as Beijing wants to connect the Arabian Sea with Xinjiang, via the economic corridor, India wants to connect with Afghanistan and Central Asia via Iran.

Yet India’s investments in Chabahar may come to nothing, with New Delhi still mulling whether to become an active part of the US “Indo-Pacific” strategy, which would imply dropping Tehran.

The Russia-China-Iran joint naval exercise in late December, starting exactly from Chabahar, was a timely wake-up for New Delhi. India simply cannot afford to ignore Iran and end up losing its key connectivity node, Chabahar.

The immutable fact: everyone needs and wants Iran connectivity. For obvious reasons, since the Persian empire, this is the privileged hub for all Central Asian trade routes.

On top of it, Iran for China is a matter of national security. China is heavily invested in Iran’s energy industry. All bilateral trade will be settled in yuan or in a basket of currencies bypassing the US dollar.

US neocons, meanwhile, still dream of what the Cheney regime was aiming at in the past decade: regime change in Iran leading to the US dominating the Caspian Sea as a springboard to Central Asia, only one step away from Xinjiang and weaponization of anti-China sentiment. It could be seen as a New Silk Road in reverse to disrupt the Chinese vision.

Battle of the Ages

A new book, The Impact of China’s Belt and Road Initiative, by Jeremy Garlick of the University of Economics in Prague, carries the merit of admitting that, “making sense” of Belt & Road “is extremely difficult.”

41yxxAul9TL._AC_UL436_.jpgThis is an extremely serious attempt to theorize Belt & Road’s immense complexity – especially considering China’s flexible, syncretic approach to policymaking, quite bewildering for Westerners. To reach his goal, Garlick gets into Tang Shiping’s social evolution paradigm, delves into neo-Gramscian hegemony, and dissects the concept of “offensive mercantilism” – all that as part of an effort in “complex eclecticism.”

The contrast with the pedestrian Belt & Road demonization narrative emanating from US “analysts” is glaring. The book tackles in detail the multifaceted nature of Belt & Road’s trans-regionalism as an evolving, organic process.

Imperial policymakers won’t bother to understand how and why Belt & Road is setting a new global paradigm. The NATO summit in London last month offered a few pointers. NATO uncritically adopted three US priorities: even more aggressive policy towards Russia; containment of China (including military surveillance); and militarization of space – a spin-off from the 2002 Full Spectrum Dominance doctrine.

So NATO will be drawn into the “Indo-Pacific” strategy – which means containment of China. And as NATO is the EU’s weaponized arm, that implies the US interfering on how Europe does business with China – at every level.

Retired US Army Colonel Lawrence Wilkerson, Colin Powell’s chief of staff from 2001 to 2005, cuts to the chase: “America exists today to make war. How else do we interpret 19 straight years of war and no end in sight? It’s part of who we are. It’s part of what the American Empire is. We are going to lie, cheat and steal, as Pompeo is doing right now, as Trump is doing right now, as Esper is doing right now … and a host of other members of my political party, the Republicans, are doing right now. We are going to lie, cheat and steal to do whatever it is we have to do to continue this war complex. That’s the truth of it. And that’s the agony of it.”

Moscow, Beijing and Tehran are fully aware of the stakes. Diplomats and analysts are working on the trend, for the trio, to evolve a concerted effort to protect one another from all forms of hybrid war – sanctions included – launched against each of them.

For the US, this is indeed an existential battle – against the whole Eurasia integration process, the New Silk Roads, the Russia-China strategic partnership, those Russian hypersonic weapons mixed with supple diplomacy, the profound disgust and revolt against US policies all across the Global South, the nearly inevitable collapse of the US dollar. What’s certain is that the Empire won’t go quietly into the night. We should all be ready for the battle of the ages.

(Republished from Asia Times by permission of author or representative)