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dimanche, 16 août 2020

Communisme revisité : ces nouveaux penseurs dont s’inspire Xi Jinping pour diriger la Chine d’une main de fer

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Communisme revisité : ces nouveaux penseurs dont s’inspire Xi Jinping pour diriger la Chine d’une main de fer

Ex: https://www.atlantico.fr

 
 

Atlantico.fr : Quelles sont les influences philosophiques dont semble s'inspirer Xi Jinping, notamment dans sa gestion de la crise de Honk Kong ?

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Barthélémy Courmont : Les influences du régime chinois depuis quelques années, et notamment après l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, semblent converger vers la reconnaissance des multiples facettes de la pensée chinoise. On pense aux travaux influents de Yan Xuetong sur le neoconfucianisme, ou encore au Tianxia 2.0 de Zhao Tingyang, entre autres. Ces penseurs brillants et reconnus ont en commun de mobiliser les fondements de la civilisation intellectuelle chinoise pour inscrire le régime dans la continuité de cette histoire pluri-millénaire et, à l’heure où la Chine revient au centre du monde après un siècle-et-demi de mise à l’écart (qualifiés à tort ou à raison « d’humiliations »), de légitimer le pouvoir. C’est une véritable rupture avec la révolution culturelle et le maoïsme, qui privilégiaient la mise au pilori des anciennes pensées et avaient pour ambition de créer une société nouvelle et « pure ». Cette ligne idéologique très prononcée, et qui mena la Chine au désastre, a donc laissé place à une approche pragmatique et inclusive de tout ce qui a fait la Chine, y-compris le nationalisme du Kuomintang. C’est pour cette raison qu’il est erroné de considérer que le régime actuel est profondément marqué idéologiquement, sa force étant précisément de ne pas être prisonnier d’une doctrine trop rigide.

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Il est en revanche indiscutable, et les événements de Hong Kong le confirment, que l’affirmation de puissance chinoise s’accompagne d’une certaine manière de penser les institutions chinoises. Et sur ce point, l’obsession de la stabilité et de la légitimité (inspirée du mandat céleste de la Chine impériale) est au cœur des préoccupations des dirigeants actuels, avec en conséquence une très grande méfiance pour les mouvements démocratiques, qualifiés de déstabilisants, voire chaotiques, et la justification d’un régime fort, au nom de l’ordre et de la stabilité. On trouve ainsi des influences diverses, chinoises mais aussi étrangères, y-compris chez des théoriciens très marqués comme le nazi Carl Schmitt, qui mettait en avant les « vertus » d’un système étatique fort face aux risques de chaos des démocraties. En clair, les influences politiques de a Chine contemporaine ne sont pas libérales, le libéralisme politique étant même suspecté d’être instrumentalisé par des puissances étrangères. 

Concernant le sort de Hong Kong, ces influences diverses expliquent le durcissement des mesures chinoises, tout autant que la mise en avant d’un « complot » étranger, pour ne pas dire occidental, qui ferait de Hong Kong une épine dans le pied de Pékin. Cette approche converge avec l’idée selon laquelle, pour les dirigeants chinois, Hong Kong appartient à la Chine depuis 1997, et que Pékin a donc toute autorité pour faire évoluer le système politique selon son bon vouloir. Il est à ce titre important de rappeler que toute critique de la répression à Hong Kong est qualifiée par Pékin d’ingérence dans ses affaires intérieures.

Ces influences sont-elles surprenantes ?

Non, pour plusieurs raisons. D’abord parce que derrière le vernis des discours convenus, la Chine n’est plus communiste (dans sa version maoïste, et même marxiste-leniniste) depuis quarante ans. Ce qui ne veut pas dire qu’elle est libérale (pourquoi le binarisme hérité de la Guerre froide doit-il nécessairement opposer les deux, sans alternative?). Les dirigeants chinois continuent d’honorer Mao Zedong dans le seul but de maintenir la stabilité du régime et d’éviter le sort de l’URSS, mais à continuer de croire que la Chine est communiste, les puissances occidentales s’enfoncent dans une voie sans issue. La Chine est autoritaire et ne s’en cache pas. Elle n’hésite plus d’ailleurs à comparer les vertus de son autoritarisme (stabilité et ordre, toujours) aux vices de la démocratie qu’elle juge incapable de répondre aux attentes des populations. Il y a lieu de s’en inquiéter, mais c’est en tout cas le vrai défi chinois, le communisme étant réservé à ceux qui restent englués dans une logique de guerre froide d’un autre âge.

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Ensuite, tout connaisseur de l’histoire de la Chine comprend l’obsession de la stabilité, compte-tenu des innombrables révoltes que ce pays a connues. Dès lors, une pensée politique ne peut être influente auprès des dirigeants chinois que si elle met en avant la stabilité, et donc prône un régime fort.

Enfin, le mandat de Xi Jinping coïncide avec une affirmation de puissance (la Chine est devenue deuxième puissance économique mondiale en 2010, soit peu avant l’arrivée au pouvoir de Xi) et, dans le même temps, une faillite des Etats-Unis sûr la scène internationale. Contrairement à ses deux prédécesseurs, Xi a des ambitions qu’il ne cache pas, avec une feuille de route dont l’objectif est le statut de première puissance mondiale (pas uniquement économique) en 2049. Dans ce contexte, une pensée à la fois nationaliste et mettant en avant la récupération des territoires perdus bénéficie d’une grande influence.

Au regard de ces influences philosophiques, que peut-on deviner des intentions politiques du président chinois pour l'avenir ?

Il faut bien avoir en tête, et c’est trop rarement le cas quand on cherche à comprendre la Chine, que cohabitent plusieurs courants de pensée, et que leurs influences sont plus ou moins importantes selon les équipes au pouvoir et le contexte politique (et géopolitique). Dès lors, et compte-tenu des conséquences de la crise sanitaire, tant économiques et sociales que politiques voire identitaires et sécuritaires, les intellectuels les plus influents pourraient être concurrencés par d’autres courants de pensée. Il n’y a pas d’idéologie figée au sommet du pouvoir en Chine, tout dépendra surtout des succès ou des échecs du pouvoir actuel.

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Concernant Xi Jinping, il est indéniable que le président chinois est plus « fort » que ses prédécesseurs et qu'il rassemble de nombreux pouvoirs. Mais il peut aussi être contesté selon ses résultats. Ses ambitions de recomposer l’espace chinois sont sans doute les plus inquiétantes, notamment en ce qui concerne Taïwan. Hong Kong pourrait n’être  qu'une étape, sorte de test pour mesurer les réactions aux ambitions de la Chine.

lundi, 10 août 2020

China: Zwischen Neuer Weltordnung und Neuer Seidenstraße

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China: Zwischen

Neuer Weltordnung

und Neuer Seidenstraße

 

von Alexander Markovics

Kaum ein Land fasziniert und polarisiert westliche Beobachter heute so sehr wie China. In den Augen des Westens ist China eine totalitäre kommunistische Diktatur, dass durch seine mustergültige kapitalistische Wirtschaft nun dazu in der Lage ist, autoritäre Regierungen auf der ganzen Welt zu unterstützen. Gleichzeitig ist der Westen aber von ihm wirtschaftlich und nun auch zunehmend technologisch abhängig, Stichwort 5G. Doch wie kam es dazu, dass dieses Land, dass nach dem Zweiten Weltkrieg der ärmste Staat der Welt war heute eine Wirtschaftsmacht sondergleichen werden konnte? Und wie gefährlich ist Peking wirklich? Droht Europa die „Gelbe Gefahr“ wie uns neokonservative Propagandisten in Bezug auf den Coronavirus und angebliche Weltmachtsambitionen glaube machen wollen?

Nach dem Ende des Zweiten Weltkriegs in Asien und den Wirren des Bürgerkriegs zwischen Nationalisten und Kommunisten gelang es dem Land unter der Führung der Kommunistischen Partei Mao Zedongs, im Rahmen des von ihm propagierten Marxismus mit sinischen Charakteristiken, zur Atomwaffen besitzenden und blockfreien Macht aufzusteigen. Außenpolitisch orientierte sich China in dieser Periode an den Prinzipien des Antiimperialismus und schaffte es nicht nur dem Westen in Korea Paroli zu bieten, was zur bis heute andauernden Teilung des Landes führte, sondern auch zur Unterstützung zahlreicher kommunistischer Aufstandsbewegungen gegen die europäische Kolonialherrschaft in Afrika, was China bis heute großes politisches Renomee auf dem schwarzen Kontinent verschafft hat.

Die Idee einer blockfreien Bewegung, die sowohl vom Westen als auch vom sowjetkommunistischen Osten unabhängig sein sollte, verschafften dem kommunistischen China sogar in Europa eine gewisse Strahlkraft, wo nicht nur die Teile der radikalen Linken und Albanien sich an Peking zu orientieren begannen, sondern auch Proponenten eines genuin europäischen Sozialismus wie Jean Thiriart, die chinesische Unterstützung für den Aufbau einer europäischen Befreiungsarmee im Kampf gegen die USA suchten. Doch beseelt vom Wunsch China in Redkordtempo zu industrialisieren (Großer Sprung nach Vorne) und eine Verbürgerlichung und Erstarrung des Kommunismus im eigenen Land zu verhindern (Kulturrevolution) brachte Mao das Land an den Rand eines neuen Bürgerkriegs, verschlimmerte oder bescherte ihm (je nach Perspektive) eine katastrophale Hungersnot und sorgte für einen kulturellen Genozid an Chinas jahrtausendealter Kultur.

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Auch die Sowjetunion beäugte diese Ereignisse kritisch und entzog China sogar die zugesagte Hilfe beim Aufbau eines eigenen Atomprogrammes. Das daraus hervorgehende Chinesisch-sowjetische Zerwürfnis führte zu einem innerkommunistischen Kalten Krieg, der auch von Einkreisungsängsten Chinas hinsichtlich der UdSSR und einer Kritik am aus pekinger Sicht zu laschen Kurs Moskaus gegen den Westen getrieben war, der schließlich den USA zu gute kam. Nach Maos Tod kam es zu einer Revolte des pragmatisch orientierten Parteiflügels gegen die Thronfolger Maos. Aus dieser ging der dem konservativen Flügel der chinesischen KP angehördende Deng Xiaoping siegreich hervor und schaffte es das Land nach den Schrecken der Kulturrevolution wieder in die Normalität überzuführen und das chinesische Wirtschaftswunder, welches China heute zur zweitgrößten Wirtschaftsmacht der Welt machte, einzuleiten. Dazu schuf Deng zahlreiche Sonderwirtschaftszonen im Land, wo Formen der Marktwirtschaft abseits der kommunistischen Zentralplanung getestet werden sollten.

Dadurch wurde der Grundstein für Chinas Status als Exportnation und den technologischen Austausch mit dem Westen gelegt. Vor dem Hintergrund dieser geschichtlichen Entwicklung muss die derzeitige Führung der kommunistischen Volksrepublik unter Xi Jinping mitsamt ihrer geopolitischen Vorstöße gesehen werden. Obwohl sein Vater einer jener Parteikader war, die unter Maos Kulturrevolution in die Verbannung aufs Land geschickt wurden, ist es gerade Xi der die größte Machtfülle aller chinesischen Machthaber seit Mao besitzt. Als Präsident auf Lebenszeit ist ihm nicht nur die größte kommunistische Partei der Welt untergeordnet, sondern auch gleichzeitig die chinesische Volksbefreiungsarmee, die direkt auf die Partei, nicht etwa auf den Staat, vereidigt ist. Politisch sieht sich China selbst als „leninistische Marktwirtschaft“, die gewisse Aspekte des Kapitalismus unter Führung der kommunistischen Partei in ihre eigene Wirtschaft integriert. Was widersprüchlich klingen mag, widerspricht sich insofern nicht selbst, als das schon Marx den Kapitalismus als notwendige Voraussetzung für ein wahrhaft kommunistisches System erkannt hatte. Dies sieht man auch am Staatsapparat selbst, der von seinem Selbstbewusstsein her eindeutig kommunistisch ist und sich weiterhin zu Karl Marx und Lenin bekennt, dabei aber die Besonderheit des chinesischen Weges betont.

Kulturpolitisch versucht man sowohl Tradition und Moderne zu vereinen, was sich nicht nur in der Hinwendung zur konfuzianischen Philosophie, sondern etwa auch in einer Rehabilitierung der chinesischen Ahnenreligion, dem Shenismus, ausdrückt. Ein starker, staatlich geförderter Nationalismus hält das über eine Milliarde Einwohner zählende Land zusammen, was sich etwa auch darin ausdrückt, dass sich über 90% aller Chinesen zur Ethnie der Han bekennen. Geopolitisch verfolgt China mit der Neuen Seidenstraße ein in der Geschichte noch nie dagewesenes Infrastrukturprojekt. Das als „Ein Gürtel – eine Straße“ betitelte Projekt umfasst mehr als 60 Länder in Afrika, Asien und Europa. Der geplante Wirtschaftsgürtel folgt dabei dem Verlauf der antiken Seidenstraße, wohingegen die (maritime) Straße durch die Häfen Südostasiens, Indiens und Afrikas bis in die Levante und das Mittelmeer verläuft. Was insbesondere für Europa und Afrika nach einer großen Chance für engere wirtschaftliche Beziehungen mit China klingt, ist für die USA der reinste Alptraum.

Seit Admiral Halford Mackinder seine Herzlandtheorie Anfang des 20. Jahrhunderts dargelegt hatte, versuchen sie ein Zusammenwachsen der Eurasischen Halbinsel zu verhindern und genau das wird durch das chinesische Projekt letztlich erreicht. Denn China intensiviert im Zuge der seit 2013 laufenden Bemühungen um die Neue Seidenstraße nicht nur seine Beziehungen zu Russland und damit Eurasien, sondern sucht im Rahmen der Shanghaier Organisation für Zusammenarbeit den Farbrevolutionen der USA in Asien einen Riegel vorzuschieben und politische Lösungen auch mit dem Iran, Pakistan und dem Rivalen Indien zu finden. Dazu gehören auch Marinestützpunkte Chinas, wie am Horn von Afrika und ein Aufrüsten seiner Streitkräfte. Den intellektuellen Unterbau für dieses ganz Eurasien umfassende Integrationsprojekt liefert der aus Guangdong stammende und in Peking lehrende Philosoph Zhao Tingyang. In seinem 2005 auf chinesisch und 2020 in deutscher Übersetzung erschienenem Buch „Alles unter dem Himmel. Vergangenheit und Zukunft der Weltordnung“ legt Zhao die Grundlage eines Gegenuniversalismus, der ausgehend vom Konzept des tianxia (Alles unter einem Himmel), dem „Miteinander der zehntausend Völker unter einem Himmel“ der chinesischen Antike, das friedliche Zusammenleben und die Kooperation der Völker auf der Erde gewährleisten soll.

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Die Grundlage dabei bildet nicht wie im westlichen Liberalismus das Individuum, sondern die Sippe und das Volk. Dabei geht er nicht von der Bestimmung des Feindes als grundlegendem Merkmal des Politischen aus wie es vom Konservativen Revolutionär Carl Schmitt definiert wurde, sondern sieht der konfuzianischen Philosophie folgend die Kooperation zwischen den Menschen als das Wesen des Politischen an. Dabei kritisiert er den liberalen Kulturimperialismus und Demokratieexport des Westens scharf und fordert die USA dazu auf, es den verschiedenen Völkern selbst zu überlassen ihr politisches System zu wählen. Die gegenwärtige Außenpolitik sieht er als unzureichend an, da sie sich nur mit den aus seiner Sicht egoistischen Problemen der Nationalstaaten beschäftigen würde, dabei aber außerstande sei große Probleme wie etwa den Palästinakonflikt zu lösen.

Die gegenwärtige, von den USA geprägte Weltordnung sei in Wahrheit ein Chaos, daher fordert Zhao eine Weltpolitik, welche auf einer globalen Ebene dazu in der Lage ist Lösungen für politische Probleme, welche alle Völker betreffen, zu erarbeiten. Da die Globalisierung immer stärker die Defizite der internationalen Politik enthülle, tue neben der staatlichen und zwischenstaatlichen Politik eine Weltpolitik not, wobei er die Schaffung eines Weltstaates vehement ablehnt. Denn ohne Weltordnung drohe die Gefahr, so Zhao, dass Medien-, Finanz- und Hochtechnologiefirmen die Staaten Stück für Stück kidnappen würden, wodurch sich der Mensch selbst sein eigenes jüngstes Gericht schaffen würde. Angesichts dieser Ideen und der bisherigen Außenpolitik unter Xi Jinping braucht man vor dem neuen China keine Angst zu haben.

mardi, 30 juin 2020

Le chancre de Hong Kong

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Le chancre de Hong Kong

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Malgré la menace persistante du coronavirus, la République populaire de Chine renoue avec ses problèmes d’ordre politique, environnemental, économique et social. Outre le ralentissement perceptible de l’« atelier du monde », le retour d’une forte pollution urbaine et de vives tensions frontalières avec l’Inde, l’agitation recommence à Hong Kong.

Depuis son retour à la mère-patrie chinoise en 1997, la principale place financière d’Extrême-Orient fait preuve d’une indiscipline habituelle qu’amplifie une nouvelle révolution de couleur qui suit celle des « parapluies ». Il y a un an, il s’agissait de contester un projet de loi permettant les extraditions vers la Chine continentale. Il s’agit aussi maintenant de s’opposer depuis le mois dernier à un projet de loi de sécurité nationale contre les risques de sédition, de subversion et de sécession. Ce nouveau texte passe directement devant le parlement chinois sans se préoccuper du parlement local de Hong Kong.

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Les manifestants anti-Pékin à Hong Kong bénéficient du soutien officiel de Washington et de Londres. Donald Trump pourrait sanctionner la Chine si elle promulgue ces lois. Pour sa part, Boris Johnson se dit prêt à accorder la nationalité britannique aux résidents de Hong Kong, quitte à revenir sur une loi qui l’interdisait datant de Margaret Thatcher. Cette ingérence des Anglo-Saxons est inacceptable. Les Chinois se souviennent que Hong Kong devint une colonie britannique au lendemain de la Première Guerre de l’opium par l’odieux traité de Nankin de 1842. L’implantation anglaise résulte donc d’une intervention militaire coloniale destinée à encourager la consommation massive d’une drogue interdite dans l’Empire du Milieu. Le peuple chinois rumine encore ce viol territorial.

Partout où les Anglo-Saxons partent d’un territoire, ils le laissent appauvri et divisé : coupure artificielle de la péninsule coréenne en 1945, partage sanglant entre l’Inde et le Pakistan, tensions communautaires gréco-turques à Chypre, etc. On peut y rajouter l’existence d’un Canada multiculturaliste négateur de la spécificité identitaire canadienne-française.

La région autonome spéciale de Hong Kong dispose d’un statut particulier d’une durée de cinquante ans selon le principe officiel d’« un pays, deux systèmes ». Toutefois, les dirigeants chinois ont peu à peu compris que ce principe ne tient pas face à la mentalité anglo-saxonne qui prévaut toujours à Hong Kong. Par ses ambiguïtés consubstantielles, la langue anglaise ne véhiculerait-elle pas une perception du monde liquide, marchande et profondément corrosive ?

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Des droitards français chez qui le Mur de Berlin n’est jamais tombé dans leur tête soutiennent par anti-communisme désuet les revendications des agitateurs professionnels de Hong Kong sans s’apercevoir, ni comprendre que derrière elles s’avancent des prises de position humanitaristes, cosmopolites et gendéristes qu’ils combattent par ailleurs en Europe. Cette schizophrénie et ce manichéisme témoignent d’un grand aveuglement. Oui, la Chine populaire cumule un communisme persistant, un nationalisme renaissant et un ultra-libéralisme d’État. Détaché des contraintes propres aux ploutocraties ochlocratiques de l’Ouest crépusculaire, l’État chinois se fait stratège géopolitique. Il conçoit les « nouvelles routes de la soie » eurasiatiques. Au contraire du Bloc occidental atlantiste, Pékin sait respecter la souveraineté étatique de ses partenaires. La Chine ne dénonce jamais les violences policières aux États-Unis, ne critique pas les trente années de répression militaire britannique en Irlande du Nord, n’incite pas, à l’inverse des ambassades US, les banlieues de l’immigration allogène de l’Europe occidentale à se soulever.

L’effervescence stérile de Hong Kong contraste avec une autre région administrative spéciale devenue chinoise en 1999, Macao. Par l’ancienneté de la présence européenne dès 1557, l’ex-colonie portugaise devrait elle aussi être en pointe dans la contestation, ce qui n’est pas le cas. Comment expliquer cette différence, sinon par un état d’esprit tout autre ? Sortons du cadre universel et uniforme coutumier et acceptons le plurivers éclectique des puissances, des civilisations, des races, des États et des peuples. Le monde chinois ne correspond pas au « monde » occidental post-blanc, ni au monde russe et encore moins aux mondes africains ou arabe. L’éloignement relativise de fait la primauté de certaines valeurs plus que négligeables telles que l’idéologie des droits de l’homme.

Il est par conséquent risible de voir Londres en plein Brexit difficile, pris par un regain d’indépendantisme en Écosse, voire en Ulster, et Washington, plus que jamais capitale des États-Désunis d’Amérique, s’indigner des intentions légitimes de la Chine populaire. Le gouvernement central de Pékin devrait crever au plus vite l’abcès purulent de Hong Kong et y proclamer l’état d’urgence. L’armée de libération populaire mettrait enfin au pas une populace christianomorphe rétive à l’ordre grand-spatial han.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 178.

samedi, 27 juin 2020

L’Europe de la défiance

Par Hadrien Desuin*

Ex: https://geopragma.fr

La France multiplie les effets d’annonce en faveur de “l’Europe de la défense” sans pouvoir masquer sa dépendance à l’OTAN.

Quelques jours avant le sommet de Londres, les 3 et 4 décembre 2019, un entretien présidentiel publié dans l’hebdomadaire britannique The Economist met le feu aux poudres. En qualifiant l’OTAN d’organisation “en état de mort cérébrale“, Emmanuel Macron vole la vedette à Donald Trump, pourtant habitué à ce type de sortie fracassante. Son duel à fleuret moucheté avec le président turc et membre de l’OTAN, Erdogan, se poursuit en juin 2020, sur fond de guerre civile libyenne, lors de la venue à Paris du président tunisien, Kais Saied. Quelques jours plus tôt, la flotte turque a menacé une frégate française envoyée par l’OTAN au large des côtes libyennes. Washington n’a pas condamné la Turquie et l’OTAN a prudemment demandé une enquête, renvoyant dos à dos Turcs et Français. Ce camouflet illustre la marginalisation de la France dans l’alliance atlantique et justifie a posteriori ses doléances exprimées à Londres: une Europe de la défense indépendante de la tutelle américaine, moins complaisante vis-à-vis de la Turquie et moins obnubilée par la menace russe.Entre temps, Jens Stoltenberg, le secrétaire général norvégien de l’OTAN, est venu à l’Elysée demander des explications: « Nous avons besoin d’une structure de commandement forte et compétente, pas de diviser les ressources en deux ». Il serait selon lui « dénué de sens de permettre à l’OTAN et à l’Union européenne de rivaliser ». Nicole Bacharan, figure de la French-American Foundation, souvent critique du président Trump, sait mettre de l’eau dans son vin quand c’est nécessaire:  « Sur le fond Trump a raison, c’est irréaliste de penser qu’une armée européenne pourrait se passer des États-Unis ». Angela Merkel a certes tenté une synthèse: « il ne s’agit pas d’une armée contre l’OTAN, bien au contraire ! Cela peut être une armée qui complétera l’OTAN de façon très utile, sans remettre ce lien en cause »;  Vladimir Poutine est finalement le seul à voir dans une « une armée européenne : un processus positif pour le renforcement du monde multipolaire ».

La roue de secours de l’OTAN ?


En réalité, les malentendus entre l’OTAN et les projets d’armée européenne ou d’Europe de la Défense ne datent pas d’aujourd’hui. Après deux guerres mondiales Britanniques et Français sont traumatisés par l’engagement tardif des Américains contre l’Allemagne. Dès le 5 mars 1946, dans un discours resté fameux à Fulton, Winston Churchill s’alarme du “rideau de fer descendu à travers le continent, de Stettin dans la Baltique à Trieste sur l’Adriatique.” Suivront en 1947, la doctrine Truman et le plan Marshall mais aussi le traité franco-britannique de Dunkerque, signé le 4 mars, dans une ville ô combien symbolique. Un an plus tard, à Bruxelles, le traité bilatéral franco-britannique s’élargit au Benelux. Son article 5 prévoit une assistance mutuelle en cas d’agression extérieure. L’Europe de la défense ne va toutefois durer qu’un an. En 1949, avec le traité de Washington, les dispositions du traité de Bruxelles sont vidées de leurs substances et mis en sommeil. Washington, qui planifie une guerre imminente contre l’URSS, au vu de ce qui se passe au même moment en Corée, prend directement les commandes. Bien loin d’être concurrents, les deux projets militaires, OTAN et Europe de la défense apparaissent dès l’origine complémentaires dans la mesure où la dernière sert de palliatif ou de plan B, pour encourager ou suppléer une puissance américaine parfois hésitante. En 1954, lorsque Jean Monnet échoue de peu à fonder la CED (communauté européenne de Défense), l’Union de l’Europe occidentale (UEO) réactive le traité de Bruxelles et puis sombre à nouveau dans l’oubli.

35 ans plus tard, la guerre froide s’achève sur une victoire de l’OTAN par abandon des soviétiques. La paix européenne présuppose la réintégration de la Russie dans le concert européen mais la chose est impensable pour Washington. Les structures otaniennes diminuent leur empreinte au sol mais s’élargissent vers l’est. Les Européens, et singulièrement la France, tentent dans le même temps une relance de l’Union de l’Europe Occidentale, “troisième pilier du traité de Maastricht”.


Dans les faits, malgré l’implosion yougoslave et l’intervention tardive des Etats-Unis (accords de Dayton puis occupation du Kosovo), les nations européennes se sont empressées d’ “engranger les dividendes de la paix“. Formule prononcée par Laurent Fabius dès le 10 juin 1990 et symptomatique d’une vision économique du monde. La plupart des armées européennes se contentent des missions dites de Petersberg, du nom de la déclaration de l’UEO, faite à l’hôtel éponyme sur les hauteurs de Bonn en 1992. Missions “civilo-militaires” de formation, de coopération ou d’interposition dont les contours politiques s’avèrent assez flous. Il faut “gagner la paix” et non plus “faire la guerre”. Il y a une “division du travail entre les États-Unis, qui “faisaient le dîner”, et les Européens, qui “faisaient la vaisselle” ironise Robert Kagan dans un article dePolicy Review publié en 2002 et destiné à préparer l’opinion à la guerre en IrakArticle qui sera à l’origine de son ouvrage majeur, La puissance et la faiblesse. Pour Kagan, l’Europe s’apparente à Vénus, déesse de l’amour, tandis que Mars, dieu de la guerre, inspire l’Amérique. Autrement dit, l’armée américaine détruit l’ennemi et les Européens réparent les dégâts.


La PESD (Politique Européenne de Sécurité et de Défense), héritière de l’UEO n’a jamais pu se substituer à l’armée américaine en Europe. Dans les accords de “Berlin +”, la condition pour que l’UE bénéficie des moyens de l’OTAN est que celle-ci ne soit pas engagée. La mission judiciaire et policière EULEX Kosovo n’a, par exemple, pas d’accord de partenariat avec la KFOR. Cet accord est aujourd’hui verrouillé par la Turquie qui fait payer aux Européens, via l’OTAN, sa non adhésion à l’UE.

L’Europe de la Défense portée disparue


Certes la France et le Royaume-Uni tentent de conserver une capacité de projection et d’intervention “en premier” sur un théâtre d’opération. Ce sont les deux “nations-cadres” qui peuvent encore agir en autonomie ou diriger une coalition. Pour le reste, c’est le désarmement général: les crédits de défense dépassent péniblement les 1% du PIB. Le nombre de soldats et de régiments est divisé par deux ou trois en 30 ans. Dans son discours sur “l’État de l’Union” du 14 septembre 2016, le luxembourgeois Jean-Claude Juncker a dévoilé un projet de “corps européen de solidarité” où les jeunes pourront servir les autorités nationales et locales mais aussi les ONG et les entreprises… Avec le Brexit, certains ont cru qu’il n’y avait plus d’obstacle à une Europe de la Défense. C’est méconnaître le tropisme atlantiste des pays d’Europe centrale, du nord et même du sud. Même la France a très tôt réaffirmé son étroite collaboration militaire avec le Royaume-Uni à l’occasion du sommet de Sandhurst en janvier 2018 et lors de l’exercice naval Griffin strike en Ecosse en octobre 2019. En théorie, la France a pu apparaître comme la dernière nation, avec peut-être la Belgique et le Luxembourg, à croire encore à l’Europe de la Défense. Mais en 2009, la France est rentrée dans le giron de l’OTAN et le fond européen de défense qu’elle a péniblement obtenu d’Angela Merkel pourra d’ailleurs servir à l’achat d’équipement militaire non-européen, signe de la dépendance américaine de l’Europe de la défense.

Les administrations américaines successives appellent de leur côté les nations européennes de l’OTAN à stopper l’hémorragie budgétaire. 70% de la défense européenne est en effet assurée par les États-Unis et les états-majors de l’OTAN sont pléthoriques. On comprend que Donald Trump ait menacé de se retirer pour obtenir une meilleure répartition financière. Mais cette confortable réticence européenne peut s’expliquer. D’une pierre deux coups; cet effort européen permet à l’armée américaine de financer son propre réarmement. Et l’Europe, en première ligne, sert de tête de pont à la défense américaine. La mise en place en Europe du bouclier antimissile face à la Russie coûte par exemple très cher et c’est l’industrie américaine (Raytheon) qui en bénéficie en très grande partie. Une base navale en Espagne, un centre de commandement en Allemagne et deux bases de lancements en Pologne et en Bulgarie, sans compter le coût du système d’arme. Voilà pourquoi, l’achat de système de défense anti-missile russe S-400 par la Turquie a suscité plus de colère et de frayeur à Washington que les protestations françaises face à l’intervention militaire de Erdogan en Libye et en Syrie.

*Hadrien Desuin, chercheur associé à GEOPRAGMA

mercredi, 24 juin 2020

L'Union Européenne et la Chine, désormais alliés stratégiques ?

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L'Union Européenne et la Chine, désormais alliés stratégiques ?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Le 10e Dialogue Stratégique entre l'Union Européenne (UE) et la Chine, en date du 9 Juin 2020, préparant un prochain Sommet Européen (voir référence ci-dessous), marque la volonté de ces deux puissances de coopérer plus étroitement, à la suite de l'épidémie de Covid-19 mais aussi de l'effacement actuel des Etats-Unis.

Si cette volonté se précisait, elle pourrait annoncer un changement important dans l'équilibre politique du monde.

L'UE était représentée lors de cette rencontre par le vice-président Josep Borrell et la Chine par le ministre des affaires étrangères Wang Yi. La Grande-Bretagne n'y participait pas du fait de sa sortie récente de l'UE. L'objet du Dialogue était d'examiner les nouveaux domaines possibles de coopération résultant des effets dévastateurs de l'épidémie. Celle-ci paraît en effet des deux côtés en voie d'être maîtrisée, comme par ailleurs en Russie, malgré quelques résurgences toujours possibles. Au contraire, elle continue à s'étendre en Amérique.

La Chine dispose d'importantes réserves financières. Par ailleurs les entreprises occidentales, y compris en Europe, continuent à lui sous-traiter de nombreux domaines industriels qu'il sera impossible de rapatrier en Europe. Cependant, ses dirigeants considèrent qu'elle ne pourra jamais se passer de l'Europe. Celle-ci demeurera pour elle un partenaire essentiel. Il en est de même des Européens.

Les domaines de coopération dans une économie mondialisée post-Covid seront nombreux. On mentionnera en particulier les recherches scientifiques ainsi que les technologies nouvelles, y compris dans le domaine spatial. Le partage du travail avec la Chine sera bien plus fructueux que la compétition.

Dans ces différents domaines, les Etats-Unis resteront longtemps pour les deux parties un partenaire essentiel. Cependant récemment, lors de la crise du coronavirus notamment, Donald Trump avait décidé de renforcer les frontières et de ne pas participer aux efforts communs de lutte. Ainsi l'Italie au fort de la crise n'avait reçu aucune aide de Washington. Ce fut la Chine qui lui apporta une contribution non négligeable. 

De plus, son incapacité à lutter efficacement contre l'épidémie et ses effets sociétaux avait, comme l'on montré les sondages récents de l'Institut allemand Koerber et de l'Institut américain Pew, a conduit l'opinion européenne à considérer que la coopération avec l'Amérique ne devenait plus pour les Européens une priorité. Ceci ne date pas seulement de l'épidémie. Dès 2017 la volonté américaine de leur interdire toute coopération avec la Chine, notamment dans le domaine de la 5G, au prétexte que celle-ci favoriserait l'espionnage chinois et le détournement des compétences européennes, avait suscité un refus quasi général.

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Aussi bien, le président chinois Xi Jinping a eu sur les perspectives de coopération de nombreux échanges téléphoniques (épidémie oblige) avec Angela Merkel et Emmanuel Macron. Le 10e Dialogue Stratégique entre l'UE et la Chine a confirmé cette volonté réciproque de coopération, comme le montre la conférence de presse de Josep Borrel, référencée ci-dessous.

Josep Borrell y indique que la Chine dont le rôle international ne cessera de s'accroître sera pour l'Europe un partenaire incontournable, en dépit de leurs différences en matière politique ou dans le domaine des droits de l'homme. Il y reconnaît que la Chine n'a pas d'ambitions militaires susceptibles de l'opposer à l'Europe. Même s'il existe de nombreuses divergences d'intérêt, il n'y a pas de « rivalité » au sens propre. Dans l'optique de construire un monde multilatéral, objectif confirmé des deux parties, les dialogues constructifs continueront à s'imposer.

Référence:

EU-China Strategic Dialogue: Remarks by High Representative/Vice-President Josep Borrell at the press conference
9 Juin 2020

https://eeas.europa.eu/headquarters/headquarters-homepage...

 

Moyen-Orient, le grand enfumage sur les raisons du chaos depuis avant les accords Sykes-Picot

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Moyen-Orient, le grand enfumage sur les raisons du chaos depuis avant les accords Sykes-Picot

Par Bernard  Cornut *

Ex: http://www.france-irak-actualite.com

L'articulation historique et stratégique entre les questions de la Palestine et de Mésopotamie, et des couloirs d'export depuis la Mésopotamie (et le Golfe depuis l'émergence du gaz comme remplaçant du pétrole pour la génération électrique et le chauffage) vers la Méditerranée Est, c'est essentiel pour comprendre et faire comprendre l'histoire tragique du Moyen-Orient, y compris la tragédie entretenue depuis 2011 en Syrie, pays situé entre Iraq et Palestine. Cette analyse devrait aussi servir pour proposer, voire imposer, des solutions globales pour une paix juste et durable. 

Concernant le partage de l’Empire Ottoman entre les vainqueurs de la Guerre Européenne de 1914 devenue mondiale, il est important de relever des points d’histoire essentiels pour éclairer non seulement les faits et les traités d’après-guerre, mais aussi les intentions des Empires d’alors, avant l’été 1914 et avant la négociation entre les alliés français, britanniques et russes. Il s’agit aussi de mieux comprendre et répartir les responsabilités, et ainsi dégager les points clé pour sortir toute cette région du chaos.

Visées de l’Empire Britannique sur toute la Mésopotamie, ses pétroles et un couloir vers Haïfa. 

Les négociations Sykes-Picot aboutirent à des lettres signées le 16 mai 1916 à Londres par le ministre britannique Grey et l’ambassadeur français Cambon. Néanmoins des prétentions britanniques antérieures furent clairement établies par les travaux du De Bunsen Committee, comité interministériel de l’Empire Britannique sur ses buts de guerre dans la Turquie d’Asie. Entre le 12 avril et juin 1915, furent menées à Londres plusieurs réunions (secrètes alors)i où participa Mark Sykes, c’est à dire avant le mandat de négociations confiées à lui et à François Georges-Picot à l’automne 1915. Dès juin 1915, la Mésopotamie toute entière, de Bassora au piémont du Taurus, était un but de guerre britannique, incluant les 3 vilayets Bassora, Bagdad, Mossoul et en option une partie de la province (Mutasarriflik) du Zor, plus étendue que le mohafazat syrien de Deir Ez Zor aujourd’hui, et aussi un accès à un port méditerranéen, de préférence Haïfa ou Alexandrette. C’était justifié pour l’exploitation future du pétrole affleurant en de nombreux endroits, et suspecté abondant. Si les Anglais ont cédé à la demande des Français sur Mossoul dans l’accord de mai 1916, ils ont pris soin que Kirkouk soit inclus dans leur zone d’influence. Après l’amère reddition britannique à Kut le 29 avril 1916, le général Maude réorganisa les forces britanniques et indiennes. En décembre 1916, elles reprirent leur avancée vers Bagdad, occupée le 11 mars 1917, tout en dissuadant désormais leurs alliés russes descendus en Perse de les rejoindre à Bagdad, alors qu’il ne leur restait qu’une centaine de kmii

91Ryp510OfL.jpgEn 1905, Mark Sykes, alors jeune diplomate britannique à Constantinopleiii, a rédigé et transmis un rapport sur les sources affleurantes de pétrole entre Bitlis, Mossoul et Baghdad (Report on the Petroliferous Districts of Mesopotamia), à partir du travail d’un ingénieur allemand engagé par la Liste Civile du Sultan. L’attaché militaire anglais, lui, avait déjà été l’auteur d’un article publié en mai 1897 avec une carte des zones pétrolières en Mésopotamie, et en 1904 il avait pu récupérer une copie de la carte des zones pétrolières récemment dressée par un allemand employé du Syndicat ferroviaire anatolien. Cette prospection allemande était menée dans le cadre légal de la concession de la voie ferrée Konya Bagdad et au-delà vers Bassora, signée en 1902 entre une filiale ferroviaire de la Deutsche Bank et l’Empire Ottoman. Car cette concession allemande lui avait accordé un droit complet de prospection, exploitation et vente de produits miniers, pétrole inclus, sur une bande de 20 km de chaque côté du tracé prévu. L’ambassadeur britannique O’Connor transmit à Londres en soulignant « that many of the springs can be profitably worked before the completion of the Baghdad Railway by mean of pipelines to the sea». Dès 1905 plusieurs visées concurrentes se font jour, envers les ressources pétrolières de Mésopotamie et les voies de transfert. 

Dès avant 1914 fut créée à Londres la société Turkish Petroleum Companyiv autour du financier Cassel, de Callouste Gulbenkian qui avait longtemps travaillé à Bakou et écrit un long article sur le pétrole pour la Revue des Deux Mondes de mai 1891, et de quelques proches des Jeunes Turcs mis dans la combine, la Deutsche Bank étant réduite à une part minoritaire. Cette TPC demanda début 1914 une large concession dans l’Empire Ottoman et s’arrangea pour qu’elle fût autorisée en juin 1914 par le Grand Vizir. Néanmoins cette concession de la TPC ne fut pas ratifiée par le Parlement Ottoman avant la guerre, ce qui la fit contester ensuite par la Turquie, tandis que les Britanniques l’annulèrent pendant la guerre pour éteindre tous les droits allemands, vu la présence de la Deutsche Bank dans l’actionnariat. 

Un signe révélateur de la forte détermination des intentions britanniques est que le 23 mai 1914 la London Petroleum Review titra « The Oil Deposits of Mesopotamia, a second Baku in the making ». Trente ans avant, un tiers du pétrole mondial sortait de Bakou. Cet article annonciateur parut donc plusieurs semaines avant l’attentat de Sarajevo et la crise de juillet 14, cinq mois avant l’entrée en guerre de l’Empire Ottoman aux côtés de l’Empire allemand qui lui avait proposé une alliance signée secrètement le 2 août 1914. Néanmoins ensuite, de début août à fin octobre 1914v, alors que la guerre européenne faisait rage, le gouvernement Jeunes Turcs se garda de provoquer la Russie en Mer Noire, contrairement aux souhaits de l’Allemagne. Et surtout il avait proposé, secrètement aussi, à la Russie, à la France et à l’Angleterre de rester neutre, et même à l’Angleterre d’être son allié, quitte à renier l’alliance avec l’Allemagne si l’Angleterre acceptait. En vain ! Pas de réponse positive de Londres. Car pour l’Empire Britannique de l’été 1914, sous l’influence notamment de Churchill et de l’amiral Fischer qui savaient l’importance stratégique du pétrole pour la puissante Navy, atout majeur de la Couronne, l’Empire Ottoman devait être vaincu et démantelé, les bons morceaux devant être récupérés, et surtout pas laissés à d’autres. 

Peu après l’arrivée de Bassora d’une force expéditionnaire navale anglo-indienne le 21 novembre 1914, puis à Qurna le 9 décembre, l’hebdomadaire illustré Le Miroirvi publia une photo sépia de Bassora avec cette légende « Bassora définitivement occupée par les Anglais », terme qui reflète l’intention prédéterminée de l’Empire Britannique. 

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En sus de leur présence dans l’Iraq placé sous mandat, les forces armées britanniques occupèrent jusqu’au printemps 1926 deux petites provinces de la République de Turquie, Sirnak et Siirt, afin d’obliger Atatürk à accepter le rattachement du vilayet de Mossoul à l’Iraq. Et non pas à la Turquie, comme Mustafa Kemal l’avait prévu dans son Pacte National proclamé en 1919 au moment de la reprise coordonnée des combats contre les occupants européens, Britanniques, Français en Cilicie, Grecs ayant débarqué sur la côte égéenne à l‘incitation des Britanniques. Pour proposer un tracé de frontière entre la République de Turquie et l’Iraq sous mandat britannique, un comité de la SDN se réunit à Bruxelles fin octobre 1924, et le tracé retenu s’appela dès lors la ligne de Bruxellesvii ! Atatürk la refusa : les cartes de Turquie d’alors n’incluent aucun trait de frontière à l’est de Tell Abyad, bourg et gare sur la frontière séparant la Turquie de la Syrie sous mandat français qui comprenait alors encore le sandjak d’Alexandrette. Après une brève reprise de combats en 1926 dans ces lointaines provinces turques, Atatürk céda et un traité fut signé à Ankara. Cette frontière nord de l’Iraq ne fut stabilisée qu’au début des années 1930. 

Les autres Empires européens avaient aussi des visées sur les bons morceaux de l’Empire Ottoman, dès avant la crise de juillet 1914 et leur guerre européenne.

Visées de l’Empire russe sur Constantinople, les Détroits et les plaines irrigables de Mésopotamie. 

Les Russes et l’Eglise Orthodoxe lorgnaient sur Constantinople. Le traité de Berlin avait permis à la Russie tsariste d’occuper 3 provinces orientales de l’Empire ottoman, Kars, Ardahan et Artvin. L’armée tsariste avait en février 1914 préparé un plan secret interarmées d’attaque amphibie pour conquérir Constantinople et les Détroits, plan validé par le Tsar Nicolas II en avril 1914viii, donc avant la crise européenne de l’été 14. Le ministre russe de l’Agriculture lorgnait sur le potentiel des deux grands fleuves Euphrate et Tigre pour l’irrigation et la production agricole. Après le début de la Guerre, les Britanniques dirent aux Russes « Constantinople est pour vous » afin de les inciter à aider l’offensive des alliés aux Dardanelles du printemps 1915, qui a lamentablement échoué au prix de dizaines de milliers de morts de chaque côté.

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Les premiers accords Sykes-Picot prévoyaient, avant la révolution bolchevique, d'attribuer les zones en jaune à l'Empire russe.

Les visées de l’Empire allemand sur la Mésopotamie, ses ressources et jusqu’au Golfe. 

L’Empire Allemand lui aussi avait des visées sur la Mésopotamie et quelques bons ports ottomans. Guillaume II avait beaucoup investi dans la connaissance de la région où il avait voyagé, notamment en 1898. Vers la fin des guerres balkaniques, recevant un rapport de ses services sur des mouvements de troupes tsaristes aux frontières ottomanes, le Kaiser y écrivit en marge le 30 avril 1913 : ce sont « des préparations au partage de la Turquie, qui est apparemment plus proche qu’on pensait. ... Veillons bien à ce qu’il ne se passe pas sans nous. Je prendrai la Mésopotamie, Alexandrette et Mersin »ix. Depuis 20 ans, le Kaiser disposait d’une carte précise de Syrie et de Mésopotamiex que son conseiller arabophone, Dr Max von Oppenheim, a fait dresser et imprimer en 1893. La visée impériale sur une ressource clé et de bons ports profonds pour la protéger et l’exporter s’accompagnait d’une coopération en archéologie et en formations techniques et militaire.

Un Empire français plus soucieux de cuivre, coton et soie et des écoles chrétiennes que du pétrole. 

En France, au tournant du siècle le quai d’Orsay avait été souvent alerté sur l’intérêt des pétroles de Mésopotamie par des lettres d’un français turcophone de Toulouse qui s’était installé à Constantinople comme précepteur des enfants du Sultanxi, et suivait de près les prospections et publicationsxii sur ces sujets. Quand les négociations des alliés sur leurs buts de guerre commencèrent, les dirigeants français étaient conscients des visées britanniques sur les pétroles de Mésopotamie puisque le président du Conseil Aristide Briand précisa dans sa lettre d’instructions à Picot, datée du 2 novembre 1915xiii « Il serait également souhaitable que les régions minières de Kerkouk pussent être englobées dans notre domaine, mais il est à craindre que, sur ce point, les Anglais se refusent à entrer dans nos vues. » 

Tout cela pour insister sur le fait établi qu’avant même le début des négociations formelles d’après l’été 2015, l’Empire Britannique était décidé à contrôler toute la Mésopotamie, à cause du pétrole surtout, et à empêcher que tout autre puissance, allemande, russe ou française, ne s’en empare.

Le contrôle des robinets du pétrole pas cher, clé majeure de l’histoire du Moyen-Orient. 

L’histoire économique de la région fut explorée par quelques historiens français mais surtout des auteurs anglo-saxons de culture anti-impérialiste, turcs et arabes, qui ont pu décrypter les intérêts des Etats et des puissances industrielles et commerciales en ce début du 20ième siècle. C’était alors l’émergence des moteurs Diesel, en nombre et en puissance croissante (60 Cv par MAN en 1897, 700 Cv pour des sous-marins en 1907) et dès 1910-1912 commença la conversion des deux plus imposantes marines de guerre, britannique et allemande, à la chauffe au fuel au lieu du charbon. La nationalisation de l’Iraq Petroleum Company par le régime baathiste irakien survint le 1er juin 1972, survenant après un bras de fer entre l’IPC et Bagdad au printemps 1972, et quelques mois après un traité d’amitié et de coopération avec l’URSS en 1971. Cette nationalisation réussie influença de façon essentielle toute la suite des évènements au Moyen-Orient, car le pétrole de Mésopotamie était connu désormais comme le moins cher à produire au monde, et sans doute le plus abondant, car la Mésopotamie est une plaine encore en subsidence, comme me dit un jour de 1972 le grand géologue français Louis Dubertret. 

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La Mésopotamie était connue pour ses affleurements de bitume, cités dans la Bible, exploités au temps d’Hammourabi, mentionnés sur des tablettes sumériennes. Et surtout cartographiés à la fin du 19ème siècle par les services de l’Empire Ottoman et des géologues européens. D’ailleurs le Sultan Abdül Hamid ne se priva pas d’acquérir pour l’Etat, et aussi sur sa caisse personnelle, des terrains repérés comme pétrolifères, ce qui permit à l’un de ses héritiers xivde plaider la spoliation par les Britanniques avec de nombreux avocats de divers pays, mais en vain pendant plus de 50 ans.

Contrôles de la Mésopotamie et de la Palestine, deux objectifs liés dès 1900. 

Pourquoi insister sur cet éclairage ? Je suis convaincu depuis au moins 25 ans, par mes lectures diversifiées et par mon expérience de tout le Moyen-Orient depuis 48 ans, que la question de la Palestine, et surtout les soutiens précoces (disons de 1897 à 1925) et durables à l'entreprise sioniste s'expliquent essentiellement par la volonté d’un certain contrôle de la Mésopotamie et de couloirs pour exporter ses pétroles, notamment jusqu’à un bon port de l’est méditerranéen. Cette volonté est apparue dans les milieux pétroliers, financiers et stratégiques à partir des années 1890-1900. Puis elle s'est renforcée à partir des émeutes et des incendies à Bakou en 1905xv, provoquant la chute de cette production russe auparavant dominée par les Frères Nobel et aussi Rothschild qui avait installé une raffinerie près de Trieste et développé un circuit de transport du brut par une voie ferrée reliant Bakou à Batoum puis en bateau via la Mer Noire et les détroits, donc sans passer par les plaine russes et la Baltique pouvant geler. 

Theodor_Herzl.jpgEn 1901 Théodore Herzl s’était vu refuser par le Sultan la concession coloniale juive en Palestine qu’il réclamait en proposant le rachat de l’écrasante dette ottomane et un crédit de 81 ans. Après avoir obtenu au printemps 1902 d’énormes crédits de 3 grandes banques européennes, Crédit Lyonnais, Dresdner Bank, Lloyds, Herzl retourna à Constantinople et là écrivit en français le 25 juillet 1902 une longue lettre au Sultanxvi, incluant : « Par contre le gouvernement Impérial accorderait une charte ou concession de colonisation juive en Mésopotamie – comme Votre Majesté Impériale avait daigné m’offrir en février dernier- en ajoutant le territoire de Haïfa et ses environs en Palestine... » 

L’implication des intérêts américains au Moyen-Orient pendant et après la Grande Guerre. 

La guerre européenne déclenchée à l’été 1914 s’étendit à l’Orient dès l’automne, puis devint mondiale quand les Etats-Unis s’en mêlèrent. L’énorme dette de guerre britannique était gérée par des banques américaines, principalement JP MORGAN. Juste avant la guerre et à l’automne 1914, Lloyd George, chancelier de l’Echiquier à Londres, craignait que la livre Sterling s’effondre, notamment à cause des assurances maritimes garanties par le Trésor. Il avait sollicité les conseils de Lord Rothschild : En quoi puis-je vous aider ? Je le lui dis. Il entreprit de le faire immédiatementxvii. En 1916, dans l’entourage sioniste (Brandeis, Colonel House...) et financier du président américain Woodrow Wilson, des négociations s’amorcèrent pour le partage des dépouilles, et la garantie de la dette britannique, au cas où l’Amérique viendrait au secours des Britanniques et de leurs alliés. Depuis quelques années le mouvement sioniste américain fournissait des pièces d’or aux services britanniques du Bureau Arabe du Caire afin de financer un réseau de renseignement. Ce réseau d’informateurs, dit Nili, fut développé et géré par Aaron Aaronsohnxviii, à l’origine agronome talentueux résidant près de Haïfa, vite soutenu par le mouvement sioniste américain. Quand Aaron partit au Caire pour aider le Bureau Arabe à interpréter, le réseau fut animé par sa sœur jusqu’à son arrestation et suicide. En 1915-16, ce réseau renseignait sur les positions des troupes ottomanes en grande Syrie et tout au long de la voie ferrée du Hijaz, et notamment sur la localisation et l’état des puits, car l’eau était requise en quantité pour les locomotives à vapeur qui formaient l’essentiel des  moyens logistiques de l’armée ottomane. Pour sa campagne de réélection à l’automne 1916, le slogan populiste de Wilson fut « America Out of the War ». Réélu, Woodrow Wilson fit entrer l’Amérique en guerre en avril 1917. Le 2 novembre 1917, Lord Balfour signa sa fameuse lettre à Lord Rothschild pour affirmer un soutien britannique au projet de « foyer national juif » en Palestine... Plus tard, en février 1922, Churchill écrivit à Curzon alors chef du Foreign Office « Je suis arrivé en toute indépendance à la conclusion que tant que les Américains seront exclus d’une participation au pétrole de l’Iraq, nous ne verrons pas la fin de nos problèmes au Moyen-Orient »xix. Churchill se résolut alors à faire entrer un consortium de 4 sociétés pétrolières américaines dans le tour de table de l’Iraq Petroleum Company en gestation, qui produisit ensuite près de Kirkouk, construisit un oléoduc jusqu’à Haïfa et là une raffinerie. L’IPC dura jusqu’en 1972... 

Pour moi le messianisme sioniste et l'exploitation de sentiments et mythes historico-religieux judaïques ne furent et ne restent qu'une façade, un enfumage, un moyen pour assurer l'adhésion des masses dans les pays occidentaux. 

Il est temps que le débat soit ouvert sur cette question de fonds, notamment à l’occasion des élections présidentielles en France. Seule une politique cohérente sur les affaires étrangères, énergétiques et environnementales, qui soit réaliste, juste, déterminée et ferme, aux niveaux français, européen et de l’ONU, peut ramener la paix et un développement sain dans tout le Moyen- Orient en assurant aussi l’atténuation du risque climatique et environnemental global. 

*Ingénieur en génie rural, énergie et environnement, auteur ** en géopolitique et histoire, suite à ses terrains dans presque tout le Moyen-Orient depuis 1968, dont 14 ans de résidence professionnelle en 6 pays de l'ex Empire ottoman (Libye, Liban, Syrie, Iraq, Egypte, Turquie).

** Auteur de Ben Laden ou Kyoto? Orienter l'Occident plutôt qu'occire l'Orient. L'Harmattan, Paris, 2003

Texte révisé les 18 et 21/01/2017 pour publication par le CVPR-PO  

Quelques notes bibliographiques multilingues:

i Voir ch.7 in: RUTLEDGE, Ian Enemy on the Euphrates. The Battle for Iraq 1914-1921 SAQI, London, 2014, 477p., bibliog., index.

ii Voir ch. 7 The Russians in Persia et ch.9 1917 The Tsarist Empire at its zenith p.222, in McMEEKIN Sean The Russian origins of the first world war. Harvard Univ. Press, 2013; 323p. Bibliog. Index.

iii Voir ch. 1 Indications of Oil, in RUTLEDGE 2014.

iv Détails par ex. in KENT, Marian Moguls and Mandarins. Oil, Imperialism and the Middle East in British Foreign Policy, 1900-1940. Frank Cass London 1993, 192. Bibliog. Index

v Voir ALSAKAL, Mustafa, The Ottoman Road to War in 1914: The Ottoman Empire and the First World War. Cambridge: Cambridge University Press, 2008. 226p.

vi Magazine Le Miroir, collection personnelle de l’auteur.

vii Détails in HOOPER, Charles A. L’Iraq et la Société des Nations. Paris : Pédone, 1927, 112p.

viii McMEEKIN 2013 Op.cit.

ix Voir in AKSAKAL 2008 Op. Cit.

x Collection personnelle de l’auteur. Feuille Ouest de cette carte trouvée et acquise à Ankara.

xi Voir BAREILLES, Roland Le crépuscule ottoman 1875-1933 Un Français chez le dernier grand sultan. Toulouse : Editions Privat, 2002. 366p. Bibliog. Index. Annexes

xii L’ouvrage le plus détaillé sur le pétrole dans l’espace ottoman est en turc : EDIGER, Volkan Ş Osmanlı’da neft ve petrol. Ankara : METU 2005, 472p. Bibliog. Index, Illustrations. Cet auteur géologue, historien, économiste fut conseiller pour l’énergie de 3 présidents turcs Demirel, Sezer, Gül.

xiii Citée in extenso p 90-94 in : HOKAYEM, BOUMALHAB ATALLAH, CHARAF Documents diplomatiques français relatifs à l’histoire du Liban et de la Syrie à l’époque du mandat : 1914-1946. Tome 1 Le démantèlement de l’Empire Ottoman et les préludes du mandat : 1914-1919. Beyrouth Les Editions Universitaires du Liban, Paris L’Harmattan, 2003, 809p.Index. Carte des accords Sykes-Picot.

xiv SAMI, Mahmud E. The Quest for Sultan AbdülHamid’s oil assets. His heirs’legal battle for their rights. Istanbul: The ISIS press. 2006. 174p. Appendices.

xv Voir par ex. YERGIN, Daniel Les hommes du pétrole. Les fondateurs 1859-1945.Paris : Stock 1991 tome 1, 563p.

xvi Lette reproduite en fac-simile in ENGIN Vahdettin Pazarlık. Istanbul : Yeditepe 2010. 213. Bibliog. Index, Annexes (ouvrage en turc d’historien turc francophone).

xvii p.121-122 in LLOYD GEORGE, David Mémoires de guerre t1. Paris : Fayard 1934, Trad. Charles Bonnefon.

xviii Voir GOLDSTONE, Patricia Aaaronsohn’s Maps The untold story of the man who might have created peace in the Middle East. Orlando: 2007, Harcourt Inc. 344p. Bibliog. Index. Le musée Aaronsohn installé dans les 2 maisons de sa famille au village de Zikhron Yaacov au sud de Haïfa est instructif.

xix Cité en anglais p. 119 in MEJCHER, Helmut Imperial quest for oil: Iraq 1910-1928; London: Ithaca Press, 1976, 199p. Bibliog. Index. 

lundi, 22 juin 2020

Le Japon commence à s'émanciper de la tutelle américaine

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Le Japon commence à s'émanciper de la tutelle américaine

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Tokyo vient de faire connaître qu'il renonçait désormais au déploiement de plate-formes terrestres Aegis (Aegis ashore) sur les îles japonaises.

Le Système de Combat Aegis, sous se double forme, embarquée sur des navires militaires ou installée à terre, est un système d'armes naval américain comportant des radars de veille et de poursuite et des plate-formes permettant le lancement de missiles anti-missiles et anti-navires. Il est présenté comme défensif, mais nul n'ignore que ces missiles peuvent être utilisés comme des armes offensives.

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Aegis ou ASMS Advanced Surface Missile System a été mis en service officiellement en 1969 et constamment perfectionné depuis. Des stations terrestres Aegis Ashore ont été imposées à ses « alliés » notamment en Pologne et en Roumanie à partir de 2015. L'Otan sous la pression américaine, a décidé en 2015 d'en faire un élément essentiel de son système de défense anti-missiles. Il s'agit bien entendu de se défendre contre d'éventuels missiles russes.

Des navires de guerre américain équipés de plate-formes Aegis patrouillent régulièrement en Mer du Nord et dans l'Atlantique Nord. Par ailleurs différents pays disposent de destroyers comportant des Aegis embarqués, dont le Japon, la Corée du Sud, la Norvège, l'Australie et l'Espagne. En 2017, le Japon envisageait d'acquérir des Aegis Ashore équipés de SM-3 Block IIA  pour un coût unitaire estimé à environ 80 milliards de  yen, soit 620 millions d'euros. C'est ce à quoi il vient de renoncer .

Ceci sera inévitablement considéré à Washington comme un recul important de l' « american dominance » dans le Pacifique Occidental. Pékin n'a pas encore officiellement réagi mais cette disparition d'une menace redoutable à ses frontières sera certainement vu comme un succès important. De la part de Tokyo, il s'agit d'un geste significatif montrant que le Japon n'a plus besoin des Etats-Unis pour assurer sa défense.

La raison présentée par le Japon est que la mise en place de plate-formes terrestres représentent des travaux et un coût que Tokyo ne s'estime pas désormais en mesure de supporter vu notamment les dépenses que lui impose l'actuelle épidémie de coronavirus. Mais on peut penser que le déploiement et l'utilisation de plates-formes requièrent la présence permanente de nombreux militaires américains qui seraient considérés à Pékin et Moscou comme un nouvel aspect de la soumission du Japon aux Etats-Unis.

Or désormais le Japon souhaite normaliser ses relations avec la Chine et la Russie, de façon notamment à développer des actions de coopération commerciales et plus généralement économiques. Pour cela, il ne veut plus être considéré comme un bras armé des Etats Unis en mer du Japon et dans le Pacifique.

Note :

Un des membres de notre comité de rédaction écrit:

Aux raisons évoquées ici de s'éloigner des Etats-Unis s'en ajoute une autre. Le Japon souhaite désormais faire abroger l'article 9 de sa constitution, imposé par les Américains après la défaite. Cet article voté le 3 novembre 1946, sous l'occupation américaine, et entré en vigueur le 3 mai 1947, postule que le Japon renonce à la guerre et notamment à se doter d'armements importants. En conséquence, il ne peut toujours pas disposer d'armements nucléaires, alors que tous ses voisins en sont dotés, officiellement ou pas. C'est également le cas d'Israël, régulièrement évoqué à Tokyo. On peut penser qu'à terme, le Japon se dotera de sa propre constitution.

dimanche, 21 juin 2020

La cause des tensions entre la Chine et l’Inde

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La cause des tensions entre la Chine et l’Inde

 
 
Auteur : Zamir Awan 
Ex: http://www.zejournal.mobi

Le porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Hua Chunying, a déclaré : Un « consensus positif » sur la résolution de la dernière question frontalière a été obtenu à la suite d’une « communication efficace » par les canaux diplomatiques et militaires. New Delhi a déclaré que les deux pays avaient convenu de « résoudre pacifiquement » la flambée de violence à la frontière après une réunion de haut niveau entre les commandants de l’armée. Le Premier ministre indien Narendra Modi et le leader chinois Xi Jinping avaient cherché à apaiser les tensions lors des sommets de ces deux dernières années lorsqu’ils ont convenu de renforcer les communications frontalières entre leurs armées.

Les tensions entre les deux puissances régionales s’exacerbent assez régulièrement à propos de leur frontière de 3 500 kilomètres, qui n’a jamais été correctement délimitée. Des milliers de soldats des deux voisins dotés de l’arme nucléaire ont été impliqués dans le dernier affrontement depuis mai dans la région indienne du Ladakh, à la frontière du Tibet – avant que des signes ne montrent ces derniers jours qu’une résolution était en vue.

La question s’est posée récemment lorsque l’Inde a renforcé unilatéralement sa position dans le territoire contesté du Ladakh, que l’Inde a inclus dans son territoire d’union le 5 août 2019. En revanche, il s’agissait d’un territoire contesté reconnu, et les deux pays avaient une revendication sur la région. L’Inde s’est introduite illégalement et a construit des installations de défense de l’autre côté de la frontière, en territoire chinois, dans la région de la vallée de Galwan, ne laissant aux troupes frontalières chinoises d’autre choix que de prendre les mesures nécessaires en réponse. L’Inde veut construire une base aérienne dans le territoire contesté. Il convient de mentionner que, dans le cadre d’un accord de défense, entre les États-Unis et l’Inde, les deux pays peuvent avoir accès aux bases militaires de l’autre et ont le droit de les utiliser en cas de situation de guerre. L’utilisation par les Américains de la base aérienne du Ladakh contre la Chine constitue une menace directe pour celle-ci. C’était la préoccupation immédiate de la partie chinoise et elle n’avait pas la possibilité d’arrêter les travaux de construction sur le territoire contesté.

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En Inde, l’accent a été mis sur la route Durbuk- Shyok-Daulet Beg Oldi (DSBDBO) le long du fleuve Galwan – qui est plus ou moins parallèle à la LAC (Line of Actual Control) et améliore l’accès de l’Inde à la route Karakoram – comme point de départ possible de la dernière flambée entre la Chine et l’Inde. L’Inde a l’intention de couper la liaison terrestre entre la Chine et le Pakistan pour nuire au CPEC (Corridor économique Chine-Pakistan). C’est pourquoi l’Inde a fortifié son infrastructure à proximité du Khunjrab-Pass, reliant la Chine et le Pakistan.

Cependant, la Chine reste beaucoup plus préoccupée par la nouvelle section de 80 kilomètres de Dharchula à Lipulekh (la porte de Kailash-Mansarovar, un site de pèlerinage hindou au Tibet), achevée le 17 avril et inaugurée le 8 mai par le ministre indien de la défense Rajnath Singh. Cela a peut-être conduit Pékin à revoir la situation aux frontières entre la Chine et l’Inde.

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Selon l’évaluation chinoise, l’activité de construction de l’Inde dans les zones contestées avec le Népal a affecté la sécurité de la frontière chinoise au Tibet. En construisant le tronçon de 80 km (76 km ont été achevés récemment, et les 4 derniers kilomètres de la route menant au col de Lipulekh devraient être terminés d’ici la fin de l’année), l’Inde a déplacé sa frontière avec la Chine, obtenant un accès direct à la route en béton du comté de Purang au Tibet. Elle a ainsi modifié le statu quo dans la région. La Chine dispose déjà de routes de défense de la frontière dans le comté de Purang, à la frontière centrale, et dans le comté de Cona, à la frontière sud avec l’Inde, et un aéroport chinois à Purang devrait être achevé en 2021. Malgré son état de préparation de son côté de la frontière, la Chine craint que l’Inde ne dispose encore d’une grande marge de manœuvre, utilisant l’avantage géographique du Népal pour contester la position dominante de la Chine dans la région.

En fait, l’Inde a des différends avec tous ses voisins comme la Chine, le Népal, le Pakistan, le Bangladesh, le Myanmar, la Srilanka et les Maldives. La théorie expansionniste indienne de la « grande Inde » est la cause de réels problèmes. Dans le passé, l’Inde a occupé certains de ses États souverains indépendants voisins comme le Sikkim, le Nagaland, le Jammu & Cachemire, Hyderabad, Juna Garh, etc. L’Inde a un passé d’agression et de coercition contre ses petits voisins. L’Inde a un passé d’agression et de coercition contre ses petits voisins. Mais elle pourrait être confrontée à des difficultés avec la Chine. La leçon apprise lors de la guerre de 1962, les Indiens ne devraient pas avoir à développer une inimitié avec la Chine.

Historiquement, les conflits frontaliers existent depuis 1947, lorsque l’Inde a obtenu son indépendance de la domination britannique. C’était l’époque de la révolution chinoise, lorsqu’un gouvernement faible, corrompu et naïf du Parti nationaliste (Guo Ming Dang) était au pouvoir à Pékin, et que le Parti communiste chinois, dirigé par le président Mao, était trop engagé dans la lutte pour le pouvoir. Le gouvernement chinois de l’époque n’était ni fort, ni stable, ni visionnaire et luttait pour sa propre survie. Ils étaient moins préoccupés par leurs frontières internationales, alors qu’ils se concentraient sur leur emprise sur la ville de Pékin uniquement, en tant que symbole de leur gouvernement. La démarcation de la frontière par les Britanniques était injuste et unilatérale. Des territoires chinois ont été marqués pour être contrôlés par l’Inde et vis-à-vis de celle-ci. La République populaire de Chine a été créée en 1949. Depuis lors, la Chine réclamait une frontière rationnelle, mais l’Inde refusait et tardait à résoudre les différends frontaliers.

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Il convient de comprendre l’importance du Tibet, qui est une région d’Asie de l’Est couvrant le plateau tibétain sur environ 2,5 millions de km², avec une altitude moyenne de 4000 à 5000 mètres au-dessus de la mer. C’est la principale source d’eau pour la Chine, l’Inde, le Pakistan, le Népal, le Myanmar, le Laos, la Thaïlande, le Cambodge et le Vietnam. Plusieurs grands fleuves prennent leur source sur le plateau tibétain. Il s’agit notamment du Yangtsé, du fleuve Jaune, du fleuve Indus, du Mékong, du Gange, du Salween et du Yarlung Tsangpo (fleuve Brahmapoutre). Ceux qui gouvernent le Tibet, contrôlent l’eau. Le Grand Canyon du Yarlung Tsangpo, qui longe le fleuve Yarlung Tsangpo, est l’un des canyons les plus profonds et les plus longs du monde. Le Tibet est l’une des plus anciennes civilisations, avec sa culture et ses traditions uniques. L’Inde a parrainé le gouvernement tibétain en exil dirigé par le Dalaï Lama, basé à New Delhi, ce qui est une cause permanente de tension entre la Chine et l’Inde. Des documents classifiés de la CIA ont révélé que la CIA a aidé l’Inde à mettre en place le gouvernement tibétain en exil et a utilisé les fonds qu’elle lui a versés jusqu’à présent.

Depuis presque deux décennies, les relations croissantes entre les États-Unis et l’Inde n’ont pas non plus été considérées en faveur de la Chine. Les États-Unis soutenaient l’Inde politiquement et diplomatiquement pour qu’elle rejoigne le Conseil de sécurité des Nations unies, le NSG et d’autres plateformes internationales pour contrer la Chine. Les États-Unis ont généreusement accordé une assistance économique et militaire à l’Inde, afin de renforcer l’Inde pour contenir la Chine. La coopération entre les États-Unis et l’Inde dans les domaines de l’éducation, de la science et de la technologie, de la haute technologie et des technologies de pointe, notamment en matière de défense, soulève de nombreuses questions. L’Inde est devenue un « partenaire majeur en matière de défense » avec les États-Unis. L’Inde est un membre actif du Traité Indo-Pacifique avec le Japon, l’Australie et les Etats-Unis. L’Inde s’oppose ouvertement à l’initiative « Nouvelle route de la soie » (BRI), qui est incluse dans la Constitution chinoise et qui est une méga initiative du gouvernement chinois. Le Corridor économique Chine-Pakistan (CPEC), qui est un projet phare de la BRI, Inde, est engagé dans le sabotage et l’endommagement de celui-ci. L’Inde s’oppose à la Chine sur tous les sujets dans les plateformes internationales. L’inclinaison excessive de l’Inde vers les États-Unis est également alarmante pour la Chine. L’Inde est devenue le plus grand bénéficiaire de l’aide américaine après l’État d’Israël. Les États-Unis n’offriront pas un « déjeuner gratuit » à l’Inde, mais chargeront plutôt l’Inde de « contrer la Chine », « contenir la Chine » et « résister à l’ascension de la Chine ».

La géopolitique actuelle, en particulier la rivalité entre les États-Unis et la Chine, pourrait alimenter la tension sino-indienne. Il est possible que les États-Unis utilisent cette région comme un champ de bataille contre la Chine. Des astrologues prédisent également une guerre dans cette région. La région est plutôt instable et mène en danger de conflits. Il ne s’agira peut-être pas d’une simple guerre entre la Chine et l’Inde, mais elle pourrait englober toute la région et les puissances mondiales, y compris la Russie et les États-Unis. Elle pourrait même s’étendre à l’océan Indien et à l’océan Pacifique. Ce ne sera pas une simple guerre conventionnelle, mais une guerre de haute technologie, incluant la cyber-guerre, la guerre électronique, la technologie spatiale et l’intelligence artificielle. Toutes les armes mortelles seront utilisées, en particulier la Chine, l’Inde et le Pakistan, qui sont tous des États nucléaires et possèdent suffisamment d’armes pour s’autodétruire complètement. Les extrémistes ont détourné le gouvernement indien et s’orientent visiblement vers une rivalité avec tous ses voisins.

Il convient de mentionner que la Chine compte 1,4 milliard d’habitants, l’Inde 1,3 milliard, le Pakistan 220 millions, le Bangladesh 165 millions, et que la population totale de cette région représente presque la moitié de la population du monde entier. Toute mésaventure peut menacer la moitié du monde. La communauté internationale peut en prendre sérieusement note et intervenir pour éviter toute catastrophe. Nous devons réfléchir, non pas une ou deux fois, mais plusieurs fois !

Traduction:  Aube Digitale

samedi, 20 juin 2020

La nation européenne face à la question kurde

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La nation européenne face à la question kurde

Ex: http://imperiumeuropa.hautetfort.com   

Le général De Gaulle aimait à dire « les États n’ont pas d’amis ; ils n’ont que des intérêts ». Cette formule vaut également pour la nation européenne. L'offensive lancée l'année dernière par le président turc Recep Tayyip Erdogan contre les positions kurdes dans le nord de la Syrie a donné lieu en Europe à des prises de position tranchées de la part de nombreux intellectuels, politiques et experts. Deux sentiments dominaient. La condamnation de la Turquie et la dénonciation de l'attitude de Donald Trump. Pourtant, c'est un autre ressenti qui aurait dû inquiéter les Européens. Plutôt que de passer leur temps à critiquer le locataire de la Maison Blanche qui, rappelons-le, a été élu sur un programme isolationniste en politique étrangère et avec la promesse de retirer les GI's des différents conflits dans lesquels ils étaient engagés, nos pétitionnaires enflammés auraient mieux fait de se demander pourquoi les Européens assistaient en spectateurs au massacre des Kurdes. Pourquoi une telle impuissance ? Pourquoi une telle lâcheté ? Car l'abandon des Kurdes de Syrie par l'Europe s'apparente à une forfaiture non pas tant sur un plan moral que sur le terrain de la défense de ses intérêts stratégiques.

À la suite de la défaite de l'État islamique, une occasion historique a été manquée. Une alliance de revers contre Ankara aurait pu, aurait dû, être proposée aux Kurdes par les Européens. Après tout, Erdogan est notre ennemi commun. Si cela semble aller de soi pour les Kurdes cela est tout aussi vrai pour l'Europe. Le dirigeant islamiste ne cesse d'exercer à son encontre un triple chantage. Le premier concerne l'instrumentalisation politique et religieuse des minorités turques vivant dans les différents pays européens en exigeant d'elles qu'elles refusent toute forme d'assimilation. Le deuxième chantage s'exerce directement contre un pays membre de l'UE, en l'occurence Chypre, en occupant illégalement la partie nord de son territoire, en violant régulièrement son espace aérien et maritime, en refusant de reconnaître son gouvernement légitime et en menaçant de s'en prendre à ses ressources gazières au large de ses côtes. Enfin, le dernier chantage, et pas le moindre, consiste à menacer continuellement le Vieux continent d'un afflux de millions de migrants en ouvrant largement ses frontières si les Européens n'acceptent pas de fermer les yeux sur tous les caprices du Sultan d'Ankara. Et ce en dépit des milliards accordés par Bruxelles à Ankara selon les clauses d'un accord sur la question migratoire. C'est d'ailleurs ce dernier chantage que l'éradicateur du Bosphore a immédiatement agité dès que les Européens ont osé formuler une timide condamnation de son agression militaire. Cette énième menace n'a malheureusement provoqué à l'époque aucune réaction digne de ce nom de la part des puissances européennes.

En partant du principe que les ennemis de mes ennemis sont mes amis, la nation européenne a intérêt à alimenter la résistance kurde. Cela peut passer par un soutien financier, militaire et/ou diplomatique. Puisque le satrape d'Anatolie aime manier le chantage quel meilleur retour à l'envoyeur que de le menacer d'une reconnaissance diplomatique d'un État kurde assorti d'une aide logistique militaire ? Déjà en 1920 les articles 62 à 64 du Traité de Sèvres prévoyaient la création d'un « territoire autonome des Kurdes » englobant le sud-est de l'Anatolie. Pour cela, la nation européenne doit réunir trois conditions : s'unir, sortir de l'OTAN, s'allier avec la Russie. Si les Européens ont joué la mauvaise carte en Syrie, ce n'est pas le cas du Kremlin. Son soutien à Damas lui a permis d'atteindre trois objectifs : sauver ses bases militaires dans la région, renforcer son influence au Moyen-Orient et... compléter sa stratégie d'encerclement de la Turquie. Vladimir Poutine à la différence de ses homologues européens a conservé une mémoire longue de l'histoire. L'objectif  de la Russie dans la région reste identique à ce qu'il a toujours été dans son histoire : libérer Constantinople et les terres orthodoxes occupées par les Turcs (jadis les Ottomans) permettant ainsi d'avoir un libre accès à la Méditerranée. La reconquête de la Crimée, son soutien indéfectible à l'Arménie et son implantation militaire en Syrie sont les pièces d'une même stratégie. La carte kurde pourrait très bien la compléter dans la mesure où elle n'est pas soupçonnable de dérive islamiste et qu'elle s'accommode du maintien au pouvoir de l'autocrate de Damas. Reste à la nation européenne de comprendre enfin où se trouve son intérêt dans la région.

D.B.

vendredi, 19 juin 2020

Sans unification, l'Europe sera le théâtre du conflit opposant les Etats-Unis à la Chine

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Sans unification, l'Europe sera le théâtre du conflit opposant les Etats-Unis à la Chine

Ex: http://imperiumeuropa.hautetfort.com   

Parmi les nombreuses raisons qui sont avancées pour justifier l'unification politique de l'Europe, que celles-ci soient données par les européistes mondialistes ou par les identitaires européens, il y en a une qui n'est jamais évoquée. L'unification politique de notre continent est nécessaire, car elle est indispensable à notre survie pour empêcher que notre continent ne devienne le théâtre de l'affrontement entre la Chine et les Etats-Unis. Durant la période entre 1945 et 1991, année de l'effondrement de l'URSS, l'Europe a vécu une période bénie des Dieux. Notre continent était divisé entre les deux principales puissances de l'époque. Elles concentraient sur notre sol une grande partie de leurs forces armées et de leurs moyens de destruction. Mais l'équilibre de la terreur empêchait paradoxalement tout affrontement direct entre les deux. Washington et ses alliés tout comme Moscou et les siens savaient qu'une guerre en Europe équivaudrait à une destruction mutuelle. Cette situation a été à l'origine de la période de paix qui a prévalu en Europe durant des décennies. C'est tellement vrai, qu'il faudra attendre la chute du mur de Berlin en 1989 pour que le Vieux continent connaisse à nouveau les affres d'un conflit militaire avec l'éclatement de la Yougoslavie en 1991. La conscience qu'un affrontement direct en Europe provoquerait leur destruction mutuelle a conduit ces puissances à s'opposer indirectement sur les théâtres périphériques (Asie, Afrique, Moyen-Orient, Amérique latine). La situation aujourd'hui me semble comparable. Sauf que le cœur de l'affrontement ne se situe plus en Europe mais en Asie. Et pour les Européens, malheureusement, cela va tout changer.

La Chine et les Etats-Unis veulent tous les deux la suprématie planétaire. La plus grande partie de leurs forces sont concentrées en Asie. Du côté américain, cette situation a été validée lors de la double présidence de Barack Obama avec la décision de transférer vers la zone Asie-Pacifique la majeure partie de la flotte américaine. Mais comme au siècle dernier, les deux puissances savent pertinemment qu'un affrontement direct en Asie et dans le Pacifique engendrerait leur destruction mutuelle. C'est donc sur les théâtres périphériques que ces deux puissances s'affrontent déjà, de manière indirecte, via des nations, des rébellions, des mouvements terroristes ou des consortiums économiques. Et cette fois, malheureusement, l'Europe est devenu l'un des enjeux de cette bataille. Les stratèges américains, conscients de l'impossibilité d'une guerre traditionnelle face à la Chine du fait de l'arme atomique, misent leurs espoirs sur une répétition de la Guerre Froide. Ils veulent entraîner la Chine dans une guerre économique, commerciale, numérique et technologique qu'elle ne serait pas en mesure, selon eux, de gagner afin de provoquer comme jadis en URSS l'essoufflement puis l'effondrement du régime. La guerre sur les tarifs douaniers lancée par Donald Trump ou ses attaques contre l'un des fleurons de la technologie chinoise, l'entreprise Huawei, pour le contrôle planétaire de la 5 G, sont les signes précurseurs de cette stratégie. Et on peut même se demander, certains m'accuseront ici de complotisme, si les pannes électriques majeures au Vénézuela et plus récemment en Uruguay, économie florissante à la différence de sa voisine bolivarienne, ainsi qu'en Argentine, n'entrent pas dans la préparation de ces nouvelles formes de guerre qui opposeront les deux géants.

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En Europe, la Chine avance ces pions. Bien aidée par l'hostilité des néo-conservateurs américains qui voient toujours en Moscou une puissance rivale. Les Etats-Unis n'ont jamais voulu d'une Russie indépendante, forte et européenne. Leur hantise que cela puisse déboucher sur l'émergence d'une Europe continentale unie, qui passe nécessairement par un axe Paris-Berlin-Moscou, et qui se placerait automatiquement en rivale des Etats-Unis a toujours était au cœur des préoccupations de la géopolitique anglo-saxonne. Il suffit de se rappeler de ce que les Américains ont tenté de faire de ce pays sous la présidence du pantin Boris Eltsine pour comprendre de quelle Russie ils se satisferaient. Le malheur pour les Européens et que cette politique pousse Moscou dans les bras de la Chine ce qui entraîne déjà des répercussions dramatiques pour notre continent. Les tensions et les guerres aux confins des frontières russes ou dans ses traditionnelles zones d'influence se multiplient. On le voit déjà en Ukraine mais attendez-vous à ce que cela tangue en Transnistrie, en Moldavie, dans les Balkans, dans le Caucase, en mer Baltique et peut-être autour de l'enclave de Kaliningrad dans le pire des cas. On le voit déjà dans les pressions exercées par Washington sur l'Allemagne et différents pays européens pour empêcher la réalisation du projet de gazoduc Nord Stream 2 qui doit alimenter l’Europe en énergie russe bon marché au détriment du gaz de schiste américain. Une déstabilisation de la dictature Biélorusse peut également s'inscrire dans ce schéma d'affrontement indirect entre la Chine et les Etats-Unis. L'Europe ne manque pas de terrain de jeu.

À cela s'ajoute le fait que le projet chinois de nouvelles routes de la soie n'épargne pas l'Europe. Ses tentatives de prendre le contrôle d'une partie de l'économie grecque, n'oublions pas qu'elle a acheté le port d'Athènes, ses investissements de plus en plus nombreux dans les Balkans, notamment en Albanie, ou ses récentes propositions économique alléchantes aux différents gouvernements italiens, entrent bien entendu dans ses plans de domination économique. Mais ces initiatives prouvent surtout que l'Europe devient pour la puissance chinoise un théâtre d'affrontement dans le cadre de sa rivalité avec la puissance américaine pour la suprématie mondiale. Et cela n'augure rien de bon pour les Européens. Si nous ne voulons pas subir ce que les nations africaines, asiatiques ou sud-américaines ont subi durant la Première Guerre Froide, les Européens doivent mettre immédiatement un terme à leurs divisions, tendre la main à Moscou et sortir de l'OTAN. Seule une Europe puissante et unie, rassemblant la Russie, pourra nous éviter le destin funeste que Chinois et Américains nous réservent au travers de leur affrontement.

D.B.

jeudi, 18 juin 2020

The New Right vs Neo-Colonialism - Robert Stark interviews Eugene Montsalvat

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The New Right vs Neo-Colonialism

Robert Stark interviews Eugene Montsalvat

 
Eugène Montsalvat blogs at the Niekisch Translation Project and his articles can be viewed at Counter-Currents
 
Topics include:
Turn Left,
New Right!
Nationalism & Class Struggle
The Necessity of Anti-Colonialism
Ernst Niekisch and National Bolshevism
 
Robert Stark interviews Eugene Montsalvat The New Right vs Neo-Colonialism
 

mardi, 16 juin 2020

Germany and US May Get Into a Tariff War Over the Russian Pipeline Uproar

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Germany and US May Get Into a Tariff War Over the Russian Pipeline Uproar

 

The United States continues to threaten Germany with sanctions if the European country proceeds with the Nord Stream 2 project - a strategic partnership with Russia to build a large gas pipeline that would facilitate the energy flow between Russia and Europe via a smaller and faster route. Recently, US senators introduced a bill to sanction all companies that provide certification, insurance and port facilities for the planned pipeline, in a clear objective to undermine any businesses interested in the benefits of the project.

This is a common and well-known tactic by the American government, which has traditionally made extensive use of enforcement and coercive mechanisms to achieve its goals on the international stage. The sanction is a mechanism that, due to the good customs of the law, should be applied as a last resort, to safeguard a legal asset that was being violated. Unfortunately, in recent decades, Washington has made absolute use of this mechanism, applying it indiscriminately to simply pursue its own interests.

However, Germany is not willing to passively surrender to American impositions. The European country intends to fight back Washington's attack by applying strict tariff sanctions to American gas, aiming not only to react to the American provocation, but also to protect the German energy sector from the forced consumption of the American product. From the Bundestag Committee for Economy and Energy, Klaus Ernst stated in a recent interview that “if US pressure on the pipeline project does not stop, we must consider serious measures to protect ourselves - for example, there may be punitive gas tariffs for the US".

A possible tariff war between Germany and the US on the gas issue is already beginning to rise on the horizon. Increasingly, European and American interests clash and the alliance that shaped the Western geopolitical bloc in recent decades is advancing in its process of decay. At the end of last year, tariff tension around gas had already begun, with Washington approving sanctions against people and companies involved in Nord Stream 2. At the time, German Foreign Minister Heiko Maas firmly rejected foreign intervention in the European Union, stating that such measures violate all elementary principles of European law and are therefore inadmissible.

In the beginning, only the German left supported retaliation with tariffs on American gas, being a cause led by the German left party "Die Linke". Now, however, the cause has acquired deep political and popular dimensions, with strong support from the working classes. The high degree of American intervention in European sovereignty mobilized a parliamentary coalition against the impositions by Washington, making, with the growth of a critical point of view in relation to the USA in the European Union, to face the USA and the imposition of the American gas to become one of the country's top causes.

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The reason why the United States wants to ruin Nord Stream is very clear: the agreement benefits bring Russia and Europe closer together, ending dependence on the Ukrainian route of the Russian natural gas and creating a more continuous, safer and cheaper flow of transport. American fear goes far beyond the mere economic or energy issue. What Washington really wants to avoid is the establishment of close ties between Moscow and Berlin (or any other European power), which could change the geopolitical configuration of the modern world forever. However, the construction of Nord Stream 2, powered by an alliance of companies from Russia, Germany, Austria, France and the Netherlands, was suspended in December 2019, after Washington threatened sanctions against the Swiss company Allseas that carried out the works.

In the midst of a Europe that is gradually resuming its routine, slowly leaving the collective quarantine, the discussion on the energy issue will certainly be the most powerful, since it is a central theme for German national strategy. Furthermore, the project has already been absurdly delayed, since, in the first moments, discussions and tensions of a political nature left the German participation in Nord Stream 2 uncertain and; after the participation was decided, the American sanctions and the pandemic again hampered the progress of the project, which can only now be definitively resumed and finalized.

In fact, if Germany proceeds with sanctions against the USA, this will be a real act of sovereignty and a break in global geopolitics, where Berlin, aiming to satisfy its national interests and needs, will reject the American ambition to be a “global police power”, thus contributing to a multipolar future. Definitely, we are at the moment in the history of the West when the USA and the EU will constantly have increasingly different interests and objectives, with situations of confrontation abounding.


Lucas Leiroz is a research fellow in international law at the Federal University of Rio de Janeiro

mardi, 09 juin 2020

L'Union européenne et l'Otan aujourd'hui

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L'Union européenne et l'Otan aujourd'hui

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Avec l'extension de l'épidémie au coronavirus, notamment aux Etats-Unis, il convient de se demander si ceux-ci sont capables aujourd'hui de s'engager dans des affrontements militaires avec la Russie. Mais dans le cas négatif, à quoi pourrait leur servir l'Otan ?

L'Otan a toujours été une machine de guerre américaine dirigée contre la Russie. Elle le sera sans doute demain aussi contre la Chine. L'armée américaine y joue un rôle prépondérant, mais les Etats-Unis cherchent à y impliquer les forces des autres Etats de l'UE. La France avait jusqu'à présent refusé de jouer ce jeu et gardait une relative  indépendance vis-à-vis de l'Otan. Ceci d'autant plus qu'elle est impliquée dans d'autres conflits, principalement contre Daesh en Afrique.

L'Otan est présentée comme ayant un rôle défensif, principalement contre la Russie. Mais nul ne peut sérieusement croire que la Russie ait le moindre intérêt à attaquer les pays européens, dont la plupart d'ailleurs seraient détruits dans le cas d'une telle guerre. Par contre les Etats-Unis jusqu'à ces derniers mois semblaient préparer des offensives présentées comme limitées dans certaines enclaves russes à la frontière de l'Europe, notamment à Kaliningrad.

Ils avaient annoncé par ailleurs qu'ils cherchaient à doter leurs unités et celles de leurs alliées de l'Otan de moyens nucléaires à l'uranium appauvri, n'ayant pas la force destructrice d'une bombe de grande capacité. Mais la plupart des grandes puissances sont aujourd'hui équipées de telles armes. Manifestement aucun des alliés des Etats-Unis au sein de l'Otan n'envisagerait d'utiliser de telles armes contre la Russie, ni à titre offensif ni même à titre défensif, craignant à juste titre des ripostes aux conséquences catastrophiques pour l'ensemble du continent européen.

Par ailleurs Vladimir Poutine avait indiqué il y a un an que la Russie était en train de se doter  d'armes révolutionnaires, notamment des missiles hypersonique qui pourraient être équipés de têtes nucléaires. Pour le moment ni les Etats-Unis ni leurs alliés européens ne disposent de missiles anti-missiles pouvant leur être opposés. Il y a tout lieu de penser que dans ces conditions, les membres de l'Otan ne voudront pas, ni actuellement ni même plus tard, au nom d'une prétendue défense européenne, affronter la Russie ou demain la Chine.

En d'autres termes et pour simplifier, le concept de défense européenne constamment utilisé pour justifier le rôle de l'Otan ne devrait plus avoir aucun sens à l'égard des Etats européens. En bonne logique, il devrait en être de même du concept d'Otan. On notera par ailleurs que l'armée américaine est pour le moment mobilisée pour réprimer les révoltes de nombreux quartiers populaires voulant venger la mort de George Floyd. Il ne faudra pas compter sur elle avant un certain temps pour contribuer à la « défense européenne ».

Note:

On trouve sur le site de l'Otan les précisions suivantes :

L'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan) est une alliance politique et militaire de 30 pays d'Amérique du Nord et d'Europe, créée en 1949. Parmi ces États, 21 sont également des membres de l'Union européenne.

Les deux organisations collaborent sur plusieurs terrains.

L'Otan est une organisation internationale dont la mission essentielle est la défense collective. Elle est régie par le Traité de l'Atlantique Nord signé le 4 avril 1949.
L'article 5 du traité, le plus emblématique, implique qu'une attaque contre l'un ou plusieurs de ses 30 membres est considérée comme une attaque dirigée contre tous. 
L'Otan comprend 21 États de l'Union européenne : Belgique, Bulgarie, Croatie, Danemark, République, tchèque, Estonie, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Slovénie et Espagne.
 S'y ajoutent l'Albanie, le Monténégro, le Royaume-Uni, le Canada, l'Islande, la Turquie, la Norvège, les États-Unis et, depuis le 27 mars 2020, la Macédoine du Nord. 

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Les enjeux géopolitiques

La coopération entre l'Alliance atlantique et l'Union européenne est source de débat en Europe

Deux visions s'affrontent : d'un côté, certains pays sont pleinement engagés dans l'Alliance et souhaitent conserver l'assurance de la protection américaine. Ces États – les pays baltes et la Pologne notamment – craignent une résurgence militaire russe et estiment que l'Europe n'a pas les moyens d'y faire face seule.

D'autres pays européens , Hongrie, Serbie , ont retissé des liens particuliers avec la Russie voire la Chine

Par opposition, des pays comme la France et l'Allemagne sont partagés entre cette vision et le besoin de développer une structure de sécurité collective autonome et plus indépendante des États-Unis.

Depuis l'élection de Donald Trump, les Européens doutent en effet de la pérennité de l'engagement américain au sein de l'organisation. Dans une volonté de se désengager des conflits mondiaux, Washington estime que les Européens se reposent trop sur les Etats-Unis pour leur défense, remettant en question la protection américaine

Dès 2006, les membres de l'Alliance ont pris pour règle de consacrer 2 % de leur PIB aux dépenses militaires.

Or en 2018, seuls trois Etats de l'UE sur les vingt-deux étant également membres de l'Otan respectaient cette règle : la Grèce (2,39 %), l'Estonie (2,06 %) et la France

Fin 2019, une crise diplomatique éclate entre les membres de l'Otan. Les tensions se cristallisent lorsque la Turquie lance une offensive contre les forces kurdes au nord de la Syrie.

Ces deux Etats membres de l'Otan, ayant agi unilatéralement sans consulter leurs partenaires, s'attirent les foudres de la coalition internationale, et poussent certains pays européens, la France en tête, à réclamer une réforme des objectifs politiques de l'organisation.

Le Brexit pourrait également changer la donne en matière d'organisation militaire de l'UE : le Royaume-Uni, lorsqu'il était membre de l'UE, avait historiquement été un frein au développement d'une politique européenne de défense, s'opposant à une structure concurrente de l'Otan

dimanche, 07 juin 2020

Over Karl Haushofer en het nationaal-socialisme

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Over Karl Haushofer en het nationaal-socialisme

Bjorn Roose

(via https://www.goodreads.com)

Wie zich ook maar voor een uurtje in geopolitiek verdiept – en dat zijn er sinds die tak van de wetenschap de laatste decennia weer enigszins gededouaneerd is geraakt toch niet weinig –, komt hoe dan ook bij de naam Karl Haushofer terecht. Het is dan ook enigszins spijtig dat Perry Pierik het woord “geopolitiek” niet eens vernoemt op de cover van dit boek, zodanig dat wie nog nooit gehoord heeft van geopolitiek niet door dat woordje kan aangetrokken worden om het boek ter hand te nemen. Nah ja, “nationaal-socialisme” zal een belangrijker verkoopsargument geweest zijn en Pierik is per slot van rekening niet alleen schrijver, maar ook uitgever (dit boek is uitgegeven bij Aspekt, waarvan hij de eigenaar is) en boeken over het nationaal-socialisme en aanverwanten zijn zo’n beetje de specialiteit van zijn uitgeverij. “Als de nationaal-socialisten niet hadden bestaan, dan hadden ze ze moeten uitvinden”, zei een Franstalige kennis van me wel eens en hij had voor de wereld van uitgevers, documentairemakers en cineasten zeker gelijk.

Nu, los daarvan, dit Karl Haushofer en het nationaal-socialisme is een redelijk sterk boek. Ook voor wie meer wil weten over geopolitiek, want Pierik gaat uitgebreid op het vakgebied in in het derde hoofdstuk Geopolitik: de mores van het vak. De ideeën van Friedrich Ratzel, Rudolf Kjellén, Halford Mackinder en uiteraard Karl Haushofer en de andere geopoliticus in de familie, zijn zoon Albrecht passeren, samen met die van een aantal mindere goden, uitgeverijen, begunstigers, enzovoort, de revue. Bovendien zijn in het boek 35 bladzijden aan voetnoten opgenomen en 20 bladzijden aan literatuurregister. Daarin zit héél veel over de geopolitiek, zodat wie zich verder wil verdiepen in die wetenschap zich nog lang niet zal gaan vervelen.

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Maarreuh, geopolitiek, was dat niet iets van de nationaal-socialisten? Was dat niet de semi-wetenschappelijke uitleg die ze gaven aan hun drang naar Lebensraum (en nach Osten)? Zou zoiets niet beter in de hoek blijven liggen waarin het na WOII geschopt is? Wel, dat soort vragen zal allicht ook de reden geweest zijn waarom Pierik dit boek geschreven heeft.

Mijn mening: politici (en dat zijn nationaal-socialisten net zo goed al communisten en “democraten”) maken altijd, net zoals “gewone” burgers (én een groot deel van de wetenschappelijke wereld), misbruik van die conclusies die de wetenschap (tijdelijk) trekt en stofferen er hun eigen aannames mee. Dat dat zal gebeuren, mag geen reden zijn om niet verder te streven naar kennis. En als iemand streeft naar kennis, zal hij doorgaans niet zoveel zelfbeheersing aan de dag leggen dat hij die voor zich houdt tot ze “volledig” is. Wetenschappers hebben een ego, willen niet dat een ander hen vóór is, en verdienen óók graag hun boterham.

Dat er zelfs in de definitie van geopolitiek nogal verschillen zitten van persoon tot persoon, van instelling tot instelling, maakt het er uiteraard niet makkelijker op. Dat er héél veel factoren meespelen óók niet. En dat iedereen er mee doet wat hem zint al evenmin. David Criekemans definieerde geopolitiek in 2005 als “het wetenschappelijk studieveld behorende tot zowel de Politieke Geografie als de Internationale Betrekkingen, die de wisselwerking wil onderzoeken tussen de politiek handelende mens en zijn omgevende territorialiteit (in haar drie dimensies; fysisch-geografisch, menselijk-geografisch en ruimtelijk)”, wat het wel zo’n beetje samenvat, maar ook meteen duidelijk maakt dat geopolitiek over álles kan gaan en overal heen kan.

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Is het dan eigenlijk wel een wetenschap, kan je je afvragen? En, weerom mijn mening, dat is het en dat is het niet. Is filosofie een wetenschap? Is psychologie een wetenschap? Is economie een wetenschap? Die eerste twee vragen zullen veel mensen meteen met een “nee” beantwoorden, al zullen de beoefenaars van de wetenschap in kwestie daar wellicht een andere mening over hebben, maar economie wordt algemeen gezien als wetenschap. Ik, als economist, zeg dat het dat niet is. Op basis van de economische “wetenschap” zijn systemen gevestigd die zo ver uiteenlopen als communisme en kapitalisme, verdedigt de ene een “miljardairstaks” en de andere een “flat tax”, is de ene in crisistijden voor zware overheidsinvesteringen terwijl de andere pleit voor het buiten de economie blijven van de staat. En elke politicus én elke economist heeft “wetenschappelijke” bewijzen die zijn gelijk staven. En stuk voor stuk zijn ze van oordeel dat hun tegenstanders onwetenschappelijke klungelaars zijn. Of ze negeren die tegenstanders volkomen. Ergo: als we economie als een wetenschap beschouwen, kunnen we geopolitiek óók als een wetenschap beschouwen.

KH-japon.jpgSterker nog: er is eigenlijk véél meer overeenstemming in de geopolitieke wereld dan er in de economische wereld is. Zonder dat die overeenstemming met de macht van de straat afgedwongen wordt (cfr. de zogenaamde consensus in de wetenschappelijke wereld over klimaatopwarming, afgedwongen door activistische politieke instellingen en dito van mediatieke roeptoeters voorziene burgers). Er zijn een aantal verschillende verklaringsmodellen, geen daarvan is volledig, en er is sprake van voortschrijdend inzicht, maar de voorlopige conclusies gaan geen radicaal verschillende richtingen uit. Én het is ook gewoon een razend interessant kennisdomein, zeker in tijden waarin grotendeels gedaan wordt alsof grenzen voor eeuwig vastliggen, handels- en andere oorlogen zich bedienen van flauwe excuses, en gedateerde internationale instellingen hun leven proberen te rekken.

Nu, ook los van de rol van Karl Haushofer in de geopolitiek – een rol die eigenlijk nauwelijks kan overschat worden – is dit een interessant boek. De naam van Haushofer zal namelijk zelden genoemd worden zonder ook die van Rudolf Hess te noemen. Rudolf Hess, de gevangene en gehangene van Spandau, de plaatsvervanger van Adolf Hitler, de man met een vredesmissie, is ondanks alle literatuur die over hem gepleegd is nog steeds een van de enigma’s van de twintigste eeuw (daar kom ik bij een latere boekbespreking nog op terug). En hij was jaren een leerling en vriend van Karl Haushofer en diens zoon Albrecht. Hij had hun naamkaartje op zak toen hij naar Schotland vloog. De Haushofers wisten (de zoon in verschillende hoedanigheden) naar alle waarschijnlijkheid van zijn plannen. Al die zaken komen aan bod in Karl Haushofer en het nationaal-socialisme – Tijd, werk en invloed, wat toch veel meer is dan wat Wikipedia ter zake vermeldt. Dat spreekt namelijk alleen van Hess die Haushofers ideeën zou geïntroduceerd hebben bij Hitler en van Hess die Haushofers “joodse familie” (Haushofers vrouw was joods) beschermde tegen diezelfde Hitler, maar vertikt het het ook maar met een woord te hebben over de invloed die de Haushofers (zowel Karl als Albrecht) gehad hebben op zijn “vlucht”.

51xBC4aj8ML._SX298_BO1,204,203,200_.jpgEn dan is er natuurlijk ook nog Karl als vader van Albrecht. De twee kwamen na de “vlucht” van Hess in een neerwaartse spiraal terecht (het nationaal-socialistische regime was zich wél bewust van het feit dat er een samenhang was tussen Hess en de Haushofers die véél verder ging dan het promoten van geopolitieke ideeën), maar zelfs binnen die spiraal bleven ze een merkwaardig evenwicht bewaren. Een evenwicht tussen afkeuring en goedkeuring van de Führer, tussen conservatisme en nationaal-socialisme, tussen oost en west, tussen esoterisme en wetenschap. Een evenwicht dat kennelijk heel moeilijk te begrijpen is in hysterische tijden als de onze en dat daarom steeds weer afgedaan wordt als onzin. Een evenwicht dat Karl Haushofer niet kon redden van een gevangenschap in Dachau en Albrecht Haushofer van executie in de nasleep van het conservatieve von Stauffenberg-complot. Een evenwicht dat Karl Haushofer en zijn echtgenote Martha definitief verloren toen ze zich op 10 maart 1946 achtereenvolgens vergiftigden en ophingen (al lijkt me dat, in combinatie met het lot van Hess, sowieso ook weer een eigenaardigheid).

Voeg aan dit alles een een hoofdstuk toe over de Duitse Sonderweg, een gedegen uitleg over de revolutionaire toestand die uiteindelijk Hitler aan de macht bracht, een stavaza van de geopolitiek op het moment van publicatie (2006) en zelfs – al hoefde dat voor mij niet – een hoofdstuk over wat er van Karl Haushofer gemaakt is in de esoterische literatuur, en je weet dat dit boek van Perry Pierik een aanrader is. Lezen dus !

549x840.jpgKarl Haushofer en het nationaal-socialisme: tijd, werk en invloed

 
De Duitse geopoliticoloog Karl Haushofer is een van de meest omstreden denkers uit de 20ste eeuw. Sommigen vergeleken zijn invloed met die van Karl Marx, maar tegelijkertijd ontbreekt in verschillende historische standaardwerken zijn naam. De historiografie rond Karl Haushofer, wiens naam vaak verbonden wordt aan voor de Duitse geschiedenis zo explosieve termen als 'Lebensraum' en 'Heim ins Reich', is niet in balans. In deze studie beschrijft de historicus Perry Pierik werk en invloed van Karl Haushofer. Daarbij wordt stilgestaan bij zijn rol in het turbulente tijdvak van zijn werkzame leven, welke de meest dramatische jaren van de twintigste eeuw omvat.

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vendredi, 29 mai 2020

Trump pourrait préparer une guerre nucléaire contre la Russie en s'appuyant sur la Pologne

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Trump pourrait préparer une guerre nucléaire contre la Russie en s'appuyant sur la Pologne

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Durant la guerre froide, l'Allemagne, principale de membre l'Otan (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord) s'était vu imposer le stationnement d'une vingtaine de bombes nucléaires tactiques B-61 visant à équiper sous contrôle américain des avions d'attaque allemands en vue de préparer une frappe nucléaire de l'Otan contre la Russie.

Cette frappe avait été présentée comme dissuasive (deterrent ou de seconde frappe) mais aucun membre de l'Otan n'ignorait qu'elle pouvait être offensive (première frappe) si le Pentagone décidait de s'appuyer sur ses bases au sein de l'Otan, notamment en Allemagne, pour attaquer la Russie. Cette possibilité avait été implicitement acceptée par les membres européens de l'Otan. Ce fut la raison pour laquelle en son temps le président De Gaulle avait refusé la présence de la France au sein de l'Organisation. L'Allemagne ancienne puissance vaincue et sous contrôle américain, n'avait pas refusé de jouer ce rôle de première ligne contre la Russie, en n'ignorant pas cependant qu'elle serait la première victime d'une telle guerre.

Aujourd'hui, en Allemagne, certains membres du SPD, parti social-démocrate, qui soutient la coalition des conservateurs CDU-CSU présidée par Angela Merkel,, demandent le retrait des forces nucléaires américaines en Allemagne. Angela Merkel a aussitôt réagi en déclarant que cette décision serait inopportune. Néanmoins, aux Etats-Unis, Donald Trump et son ministre de la défense Mike Pompeo ont laissé entendre qu'en cas de refus allemand, la Pologne accepterait de les remplacer, et que les armes nucléaires pourraient être stationnées sur son sol, au plus près de la frontière avec la Russie.

On trouvera référencé ci-dessous un article de Scott Ritter, précédemment chargé au sein de l'ONU du suivi des questions d'armement. Pour lui ce redéploiement augmenterait considérablement les risques de guerre. Il serait inévitablement considéré à Moscou comme une provocation militaire, peut-être destinée à préparer un véritable conflit armé.

Cette mesure s'ajouterait à deux autres menaçant la coexistence pacifique entre les deux puissances nucléaires, jusqu'ici acceptée tant par Washington que par Moscou. Il s'agit du retrait américain du traité dit Ciel ouvert, Open Sky Treaty, ou OST signé en 2002 et acceptant que l'Amérique et la Russie puissent librement s'assurer par des patrouilles aériennes non armées qu'elles ne se dotaient pas d'équipements militaires lourds susceptibles d'être employés dans une guerre réciproque. Ce retrait vient d'être décidé par Donald Trump. Aujourd'hui, avec la surveillance satellitaire, des patrouilles aériennes ne s'imposent plus, néanmoins l'OST était considéré comme une marque de bonne foi réciproque. Cette décision a été très mal accueillie en Allemagne.

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Précédemment, Donald Trump avait décidé le retrait américain du traité FNI ou Traité sur les forces nucléaires intermédiaires signé en 1987 et visant à éliminer tous missiles non-intercontinentaux et portant des têtes nucléaires. Ce retrait signifie que de tels missiles pourraient désormais être utilisés contre la Russie par les Etats-Unis. Washington avait prétendu que Moscou ne respectait pas ses obligations, ce qui n'a jamais pu être prouvé.

On rappellera que les Etats-Unis se sont également retirés du traité JCPOA avec l'Iran permettant le contrôle de la politique d'armement nucléaire de l'Iran en échange d'une levée des « sanctions » imposées à ce pays par les autres signataires. Là encore Washington avait prétendu sans preuves que l'Iran ne respectait pas le traité.

Par ailleurs Donald Trump laisse entendre qu'il ne renouvellera pas le traité New START qui limite les plateformes nucléaires stratégiques américaines et russes permettant de lancer des missiles nucléaires contre l'adversaire. Le traité expirera le 5 février 2021. La Russie a proposé de le renouveler pour cinq ans sans aucune condition. Les États-Unis ont rejeté cette offre. Ils disent que la Chine doit être intégrée au traité, même si la Chine ne disposera pas avant longtemps de telles armes.

Enfin, Trump pense maintenant  à rompre  le  traité d'interdiction  totale des essais nucléaires que les États-Unis ont signé mais pas ratifié. Son administration discute de l'opportunité de procéder à un nouvel essai nucléaire, qui serait le premier depuis 1992, au prétexte que la Russie et la Chine procèdent à des essais nucléaires de faible puissance, ce que ces deux pays démentent. De tels essais, là encore, ne pourraient pas passé inaperçus des moyens d'observations satellitaires.

Scott Ritter considère que ces différents décisions américaines commencent à inquiéter sérieusement Moscou. Mais ceci ne devrait pas l'inciter à lancer une guerre nucléaire préventive globale dont les conséquences seraient catastrophiques. Il estime que la Russie s'appuierait sur les capacités des formations de première ligne de sa 1ère armée blindée de la Garde et de sa 20ème armée des forces combinées pour mener des opérations offensives de pénétration profonde destinées à capturer et détruire toute arme nucléaire de l'OTAN sur le sol polonais, avant qu'elle ne puisse être utilisée.

Il est douteux cependant que ceci puisse se faire sans déclencher une guerre globale. Manifestement, il semble que le Complexe militaro industriel américain dit Etat Profond, dont Trump n'est que l'émissaire (la puppet), ne redoute pas cette perspective. Il serait temps qu'en Europe, notamment en France et en Allemagne, on se décide à réagir en menaçant Trump, notamment, d'un rapprochement stratégique avec la Russie et la Chine.

Références:

US nukes in Poland would not be a deterrent, but a MASSIVE provocation for Russia
19 mai 2020 https://www.rt.com/op-ed/489068-nato-nuclear-poland-russia/

Scott Ritter https://fr.wikipedia.org/wiki/Scott_Ritter

jeudi, 28 mai 2020

Machtprobe in der Karibik: Eskaliert der Streit um iranische Öllieferungen an Venezuela?

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Torsten Groß:

Machtprobe in der Karibik: Eskaliert der Streit um iranische Öllieferungen an Venezuela?

Ex: https://kopp-report.de

Während die Corona-Pandemie weiterhin die Schlagzeilen der Medien beherrscht, zieht in der Karibik weitgehend unbemerkt von der Öffentlichkeit eine Krise herauf, die einen gefährlichen internationalen Konflikt heraufbeschwören könnte. Seit Ende April befinden sich fünf iranische Tankschiffe, die 1,5 Millionen Barrel Benzin geladen haben sollen, auf dem Weg nach Venezuela. Sie werden dort voraussichtlich Ende Mai/Anfang Juni eintreffen. Besonders pikant: Die USA haben sowohl gegen den Iran als auch gegen Venezuela umfangreiche Wirtschaftssanktionen verhängt.

Während sich der Boykott im Falle des Iran gegen das Atomprogramm des Landes richtet, soll der wirtschaftliche Druck auf Venezuela zum Sturz des sozialistischen Regimes von Staatspräsident Nicolás Maduro beitragen, dem überdies vorgeworfen wird, den Rauschgiftschmuggel in die Vereinigten Staaten zu fördern. An seine Stelle soll bis zu Neuwahlen eine Übergangsregierung unter Parlamentspräsident Juan Guaidó treten, der sich im Januar 2019 selbst zum Interimspräsidenten Venezuelas erklärte und in dieser Funktion von 54 Staaten anerkannt wird, darunter auch Deutschland und die Europäische Union.

Wegen Misswirtschaft, Korruption und der US-Sanktionen befindet sich Venezuela in einer schweren Wirtschaftskrise. Die Corona-Pandemie hat die Lage in dem südamerikanischen Land noch verschärft.

Obwohl Venezuela mit geschätzten 48 Milliarden Tonnen über die größten Erdölreserven der Welt verfügt, herrscht dort eine gravierende Benzinknappheit. Die Ernte verrottet auf den Feldern, weil es zu wenig Kraftstoff für Landmaschinen und Lastwagen gibt. Der Grund für diesen Mangel sind fehlende Raffineriekapazitäten, um das reichlich vorhandene Öl zu verarbeiten. Venezuela ist deshalb dringend auf Treibstofflieferungen aus dem Ausland angewiesen, die aber wegen des harten US-Embargos nicht ins Land gelangen. Deshalb hilft nun das Mullah-Regime in Teheran aus, das mit der sozialistischen Regierung in Caracas bereits seit 20 Jahren freundschaftliche Beziehungen unterhält.

Washington hat den Iran vor der Lieferung an Venezuela, die neben Benzin auch diverse Chemikalien und technische Ausrüstung umfasst, eindringlich gewarnt und Marineeinheiten in der Region zusammengezogen, die zum Einsatz kommen könnten, um die iranischen Tanker aufzuhalten. Die venezolanische Regierung hat ihrerseits Kriegsschiffe und Kampfflugzeuge zum Schutz der Tanker entsandt. Sie sollen die Schiffe nach Erreichen der ausschließlichen Wirtschaftszone Venezuelas eskortieren, die sich über ein Seegebiet von 200 Meilen vor der Küste erstreckt. Der erste Tanker, die »Fortune«, hat die venezolanischen Hoheitsgewässer vor zwei Tagen erreicht, was vom sozialistischen Maduro-Regime propagandistisch als Erfolg gefeiert wird. Die anderen Transporter sollen in den nächsten Tagen folgen. Bislang hat die US-Marine nicht eingegriffen, um das Embargo militärisch durchzusetzen. Bei dieser Zurückhaltung muss es nicht bleiben.

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Die Szenerie erinnert ein Stück weit an die Kuba-Krise des Jahres 1962. Damals war es US-Präsident John F. Kennedy, der eine Seeblockade gegen Kuba verhängte, um weitere Waffenlieferungen aus der UdSSR zu unterbinden und den Abzug atomar bestückter sowjetischer Mittelstreckenraketen zu erzwingen, die kurz zuvor auf der karibischen Zuckerinsel stationiert worden waren und das amerikanische Festland bedrohten. Moskau beugte sich damals dem Druck Washingtons und ließ die Frachter kurz vor Erreichen des Sperrgebiets abdrehen. Eine militärische Konfrontation der Supermächte, die wahrscheinlich zu einem nuklear geführten Weltkrieg geführt hätte, konnten so mit viel Glück in letzter Sekunde verhindert werden. Ob es auch diesmal gelingt, einen bewaffneten Konflikt zu vermeiden, in den Russland und China als Verbündete Venezuelas und des Iran hineingezogen werden könnten, ist offen.

In einer offiziellen Dringlichkeitsmitteilung an die Vereinten Nationen beklagt die Regierung Maduro die als »illegal« bezeichnete »Drohung des bevorstehenden Einsatzes militärischer Gewalt durch die Vereinigten Staaten.« Zeitgleich warnte Irans Staatspräsident Hassan Rouhani Washington davor, die Benzinlieferung an Venezuela zu behindern. »Falls die Amerikaner unseren Öltankern in der Karibik Probleme bereiten sollten, dann werden auch wir ihnen Probleme bereiten«, so Rouhani. Das Mullah-Regime in Teheran könnte als Reaktion auf militärische Maßnahmen der US-Marine gegen die Treibstofflieferungen an Venezuela amerikanische Stützpunkte im Nahen und Mittleren Osten attackieren bzw. die Tankschifffahrt im Persischen Golf etwa durch die Sperrung der Straße von Hormus unterbrechen, einer Meerenge von nur 55 Kilometern Breite, durch die etwa 40 Prozent des weltweiten Ölbedarfs transportiert werden. Eine Blockade dieses Nadelöhrs würde die westlichen Industriestaaten empfindlich treffen und die coronabedingte Wirtschaftskrise erheblich verschärfen.

US-Präsident Donald Trump ist in einer schwierigen Situation: Würde er die Marine anweisen, die iranischen Tanker auf ihrem Weg nach Venezuela zu stoppen, um die von den Vereinigten Staaten einseitig verhängten Sanktionen gegen die Maduro-Regierung durchzusetzen, dürfte das zu militärischen Racheakten des Iran führen, was den Konflikt eskalierte und im Extremfall zu einem größeren Krieg unter Beteiligung weiterer Mächte ausarten könnte. Einen solchen Konflikt aber kann sich Trump im Präsidentschaftswahljahr 2020 kaum leisten, zumal auch die Vereinigten Staaten durch die Corona-Pandemie wirtschaftlich geschwächt sind. Lässt es Washington aber zu, dass die iranischen Schiffe Venezuela erreichen und ihre Fracht löschen, bedeutete das einen Gesichtsverlust für Amerika. Die politische und militärische Autorität der Supermacht USA wäre in Frage gestellt. Auch das kann sich Trump nicht leisten, weder in den Augen der Weltöffentlichkeit noch der eigenen Wählerschaft.

Beobachter mutmaßen, dass die Vereinigten Staaten alternative Wege beschreiten könnten, um den Iran für seine Unterstützung Venezuelas abzustrafen. Medienberichten zufolge ist der iranische Hafen, aus dem die Tanker in Richtung Südamerika ausgelaufen sind, kürzlich durch einen Hackerangriff lahmgelegt worden. Hinter dieser Attacke soll das mit den USA verbündete Israel stecken. Weitere subversive Aktionen gegen den Iran könnten folgen. Eine militärische Option ist damit aber nicht vom Tisch, selbst wenn die US-Marine die fünf iranischen Schiffe passieren lassen sollte. Denn die importierten Treibstoffvorräte werden Experten zufolge nur zwei bis drei Wochen reichen, um den Bedarf Venezuelas zu decken. Nachschub dürfte also schon bald vonnöten sein.

51ww7rK3EyL.jpgSollte der Iran eine weitere Tanker-Flottille auf die Reise nach Südamerika schicken, könnten die Vereinigten Staaten ihre bisherige Zurückhaltung aufgeben und die Schiffe mit militärischer Gewalt an der Weiterfahrt hindern.

Eine bewaffnete Eskalation des Streits um die iranischen Lieferungen an Venezuela würde eine gefährliche internationale Krise heraufbeschwören und die ohnehin angespannte geopolitische Lage weiter verschärfen – und das mitten in der Corona-Pandemie.

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mardi, 26 mai 2020

Robert Steuckers: Peut-on définir une géopolitique du coronavirus ?

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Peut-on définir une géopolitique du coronavirus ?

Par Robert Steuckers

Première remarque : rien n’est clair dans les discours médiatiques, majoritairement téléguidés depuis les officines américaines. Les contradictions se succèdent et se superposent : ce virus est-il naturel (une variante plus pernicieuse de la grippe saisonnière) ou s’est-il échappé volontairement ou involontairement d’un laboratoire chinois ? La pratique du confinement est-elle utile ou totalement inutile comme semble le prouver l’expérience suédoise ? Sur cette pandémie, d’autres projets semblent se greffer : celui de pouvoir à terme contrôler davantage les masses humaines agglutinées dans les grandes mégapoles ; celui d’une vaccination planétaire qui profiterait largement aux instances de la « Big Pharma », hypothèse apparemment confirmée par les déclarations antérieures et actuelles de Bill Gates ; une telle vaccination généralisée permettrait en outre de faire main basse sur les fonds accumulés par les politiques sociales, socialistes et keynésiennes, des pays industrialisés d’Europe. Par ailleurs, l’impréparation des Etats et les cafouillages dans les commandes et distributions de masques sanitaires, la querelle sur les médicaments en France avec comme principal protagoniste le Dr. Didier Raoult préconisant un traitement simple à la chloroquine, la très récente hypothèse contestant la validité des traitements choisis pour enrayer la maladie, l’abus fatal dans la distribution de Rivotril dans les maisons de soins et de retraite, plaident en faveur de l’hypothèse (complotiste ?) d’une mise en scène planétaire, visant à créer et à amplifier la panique : dans ce sens, le système politico-médiatique, dominé et stipendié par la haute finance, les lobbies pharmaceutiques et les GAFA,  jouerait bien son rôle dans le scénario qui lui aurait été dicté, celui de préparer les masses à accepter vaccins, confinement et autres mesures policières inouïes et inédites, même dans les régimes considérés comme les plus répressifs. La chaîne de télévision française LCI vient pourtant de révéler que les taux élevés de létalité et de contagiosité du virus ont été considérablement exagérés suite aux discours alarmistes et apocalyptiques des représentants de l’OMS. Le confinement, contre lequel les opinions publiques allemande et néerlandaise se rebiffent avec véhémence, a donc été totalement inutile ou prétexte à mettre au point des techniques de contrôle policier inédites, imitées de celles en place dans les futures (mais très prochaines) « smart cities » chinoises, parmi lesquels on citera surtout les techniques de reconnaissance faciale. Quelles que soient les hypothèses qui l’on peut formuler sur les effets, réels ou fabriqués, de la pandémie actuelle, force est d’admettre que les bouleversements en cours sur l’échiquier politique international, surtout eurasien, ne seront nullement stoppés par la pandémie : bien au contraire, les officines des stratégistes préparent activement le monde qui suivra la crise du virus. Cette pandémie  permet à l’évidence de camoufler un ensemble de glissements bénéfiques à l’hegemon, en dépit des faiblesses que celui-ci semble montrer, dans son recul industriel, dans la déliquescence de sa société ou dans les défaillances de son système de santé. La vigilance de tous ceux qui souhaitent voir reculer l’emprise souvent étouffante de cet hegemon est donc de mise.

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D’abord, la zone des turbulences conflictuelles majeures semble glisser des complexes ukraino-syrien et irakien vers la Mer de Chine du Sud. L’ennemi principal de l’hegemon semble devenir la Chine, très clairement, alors que depuis 1972, la Chine avait d’abord été l’allié de revers contre l’URSS, avant de devenir un partenaire économique majeur permettant de mettre en oeuvre la pratique néolibérale de la délocalisation vers les zones asiatiques à main-d’œuvre bon marché. La Chine, dans le complexe que certains géopolitologues nommaient la « Chinamérique », était l’atelier de l’économie réelle, productrice de biens concrets, tandis que l’hegemon se réservait les services et pratiquait désormais une économie virtuelle et spéculatrice, qu’il entendait décrire comme entièrement suffisante alors que la crise actuelle démontre ses insuffisances criantes : l’on ne peut pas se passer de l’économie réelle assortie d’une bonne dose « politique » de planification ou de régulation. Les puissances moyennes d’Europe, inféodées à l’américanosphère, ont imité cette funeste pratique inaugurée par l’hegemon dès le moment où la Chine, bien que « communiste » sur le plan idéologique, était devenue son alliée de revers contre la Russie soviétique. Dans ce contexte, l’Europe a progressivement abandonné ses pratiques planistes ou ce que Michel Albert avait appelé le « capitalisme (patrimonial) rhénan » : c’est l’Allemagne qui s’auto-déconstruit, décrite par Thilo Sarrazin, ou la France qui se suicide, explicitée par Eric Zemmour. La crise du coronavirus a prouvé notamment que la France, et même l’Allemagne, ne produisaient plus de petits biens de consommation élémentaires en quantités suffisantes, comme les masques sanitaires, désormais manufacturés dans les pays à main d’œuvre meilleur marché. Toutes les erreurs du néolibéralisme délocalisateur sont apparues au grand jour, sur fond de crise économique larvée depuis l’automne 2008.

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La Chine a accumulé une masse colossale de devises après avoir accepté ce rôle d’atelier planétaire. L’atelier planétaire devait cependant sécuriser les voies de communication maritimes et terrestres pour acheminer ces produits finis vers leurs lieux de destination, en Europe comme en Afrique ou en Amérique du Sud. Quand la Chine était un allié de revers de l’américanosphère au temps de la guerre froide, et même pendant une ou deux décennies après la fin de ce conflit virtuel, elle n’avait aucune vocation maritime et ses tâches continentales/telluriques se limitaient à consolider ses franges frontalières en Mandchourie, sa frontière avec la Mongolie extérieure et la zone de l’ex-Turkestan chinois, qui avait été sous influence soviétique au temps de la grande misère chinoise. Cette zone, jadis convoitée par Staline, est le Sin-Kiang actuel, peuplé d’une minorité autochtone ouïghour.  La Chine pratiquait ainsi une politique de « containment », d’endiguement, qui servait aussi (et surtout) les intérêts des Etats-Unis. Une paix tacite s’était alors installée sur le front maritime taïwanais et les deux Chines envisageaient même une réconciliation lato sensu, pouvant peut-être mener à une réunification rapide, semblable à la réunification allemande. Le Parti communiste chinois et le Kuo-Min Tang taïwanais auraient pu aplanir leurs différends au nom d’une idéologique planiste et productiviste efficace.

La nécessité impérieuse de sécuriser les voies maritimes au large des littoraux chinois eux-mêmes, dans l’ensemble de la Mer de Chine du Sud et jusqu’au goulot d’étranglement qu’est Singapour, a changé progressivement la donne. Les nouvelles menées chinoises en Mer de Chine du Sud impliquaient, à une étape ultérieure et tout-à-fait prévisible, de se projeter très loin au-delà de Singapour vers l’Inde (qui, elle, visait à asseoir sa souveraineté sur des portions de plus en plus vastes de l’Océan Indien) puis vers la péninsule arabique et la Mer Rouge pour arriver jusqu’en Méditerranée : bref, une réactualisation de la politique de l’Empereur Ming qui avait d’abord soutenu les expéditions de l’Amiral Zheng He au 15ème siècle avant de cesser tout appui à cette politique océanique pour se concentrer sur la rentabilisation hydraulique, très coûteuse, de la Chine continentale. Xi Jiping, explique le grand géopolitologue sinophile et eurasiste Pepe Escobar, dans un article récent, ne semble pas vouloir répéter l’erreur strictement continentaliste pour laquelle l’Empereur Yong Le avait fini par opter.

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En effet, le projet gigantesque de la Chine actuelle est de créer sur la grande masse continentale eurasiatique, de nouvelles routes de la soie terrestres et, simultanément, d’ouvrir des voies maritimes vers l’Océan Indien, la Mer Rouge et la Méditerranée, en tablant sur un lien terrestre partant de Chine continentale vers le port pakistanais de Gwadar, puis d’ouvrir, avec le concours de la Russie, une seconde route de la soie maritime à travers l’Arctique en direction de Hambourg, Rotterdam et Anvers. Ce projet colossal et eurasien constitue un défi majeur à l’hegemon qui entend poursuivre la politique exclusivement thalassocratique et endiguante de feu l’Empire britannique et, partant, de saboter toutes les initiatives visant à développer les communications terrestres, par voies ferrées (comme le Transsibérien de 1904) ou par voies fluviales, qui pourraient relativiser ou minimiser l’importance des communications océaniques (les « Highways of Empire »). Les Chinois se montrent davantage disciples de Friedrich List, économiste du développement, que de Karl Marx. List était d’ailleurs l’un des grands inspirateurs de Sun Ya Tsen, dont l’objectif était de sortir la Chine du « siècle de la honte ». Les Etats-Unis, pour contrer ce projet de grande envergure, suggèrent déjà une alternative, également « listienne », en pleine crise du coronavirus : bloquer la Chine devant Singapour et suggérer à la Russie l’exploitation des voies terrestres et ferroviaires de Sibérie, voire la route de l’Arctique, qui seraient à coupler, via la construction d’un pont sur le Détroit de Bering, à des voies similaires sur le continent nord-américain. Ce qui permettrait de contrôler aussi l’espace désigné comme le « Greater Middle East », englobant des républiques musulmanes ex-soviétiques et placé sous le commandement stratégique de l’USCENTCOM, toujours appuyé efficacement par la possession de la petite île de Diego Garcia, porte-avion insubmersible au beau milieu de l’Océan Indien. Sans plus aucune projection valide vers la Méditerranée et l’Asie centrale, la Russie ne conserverait que son rôle de « pont » entre l’Europe, la Chine, dont la seule politique maritime tolérée serait alors limitée à la seule Mer de Chine du Sud, d’une part, et le Continent nord-américain, d’autre part. Le plan final de la nouvelle politique du Deep State serait alors : de contenir les velléités maritimes de la Chine, d’englober la Russie dans un projet sibérien/arctique où la Chine n’interviendrait plus, contrôler le Greater Middle East, sans que ni la Chine ni la Russie ne puissent en rien contrôler cet espace et ce marché.

L’irruption soudaine du coronavirus et la culpabilité de la pandémie, que les caucus du Deep State attribuent à la Chine et au laboratoire de Wuhan pour les besoins de la propagande, permet de déployer toutes les stratégies et tactiques pour endiguer la Chine dans les eaux du Pacifique et à ne lui laisser le contrôle direct que des eaux à proximité de son littoral, sans qu’il ne lui soit permis, bien sûr, de satelliser les Philippines et avec, en plus, un Vietnam consolidé par des aides américaines, comme menace permanente sur son flanc sud. Le site « Asia Times », basé en Thaïlande, rappelait, ces jours-ci, que l’Etat islamique marquait des points aux Philippines, au grand dam du président philippin Rodrigo Duterte, fâché avec l’hegemon et partisan d’un rapprochement avec la Chine : bref, le scénario habituel…

022316ed-0034.jpgPepe Escobar esquisse les grandes lignes des deux premières sessions du 13ème Congrès national du peuple, dont la troisième session devait se tenir le 5 mars 2020 mais a été postposée à cause de la crise du coronavirus. On peut d’ores et déjà imaginer que la Chine acceptera la légère récession dont elle sera la victime et fera connaître les mesures d’austérité qu’elle sera appelée à prendre. Pour Escobar, les conclusions de ce 13ème Congrès apporteront une réponse aux plans concoctés par les Etats-Unis et couchés sur le papier par le Lieutenant-Général H. R. McMaster (photo). Ce militaire du Pentagone décrit une Chine constituant trois menaces pour le « monde libre » avec : 1) Le programme « Made in China 2025 » visant le développement des nouvelles technologies, notamment autour de la firme Huawei et du développement de la 5G, indispensable pour créer les « smart cities » de l’avenir et où la Chine, en toute apparence, s’est dotée d’une bonne longueur d’avance ; 2) avec le programme des « routes de la soie », par lequel les Chinois se créent une clientèle d’Etats, dont le Pakistan, et réorganisent la masse continentale eurasienne ; 3) avec la fusion « militaire/civile », coagulation des idées de Clausewitz et de List, où, via la téléphonie mobile, la Chine s’avèrera capable de développer de larges réseaux d’espionnage et des capacités de cyber-attaques. Début mai 2020, Washington refuse de livrer des composantes à Huawei ; la Chine rétorque en plaçant Apple, Qualcomm et Cisco sur une « liste d’entreprises non fiables » et menace de ne plus acheter d’avions civils de fabrication américaine. Le tout, et Escobar n’en parle pas dans son article récent, dans un contexte où la Chine dispose de 95% des réserves de terres rares. Ces réserves lui ont permis, jusqu’ici, de marquer des points dans le développement des nouvelles technologies, dont la 5G et la téléphonie mobile, objets du principal ressentiment américain à l’égard de Pékin. Pour affronter l’avance chinoise en ce domaine, l’hegemon doit trouver d’autres sources d’approvisionnement en terres rares : d’où la proposition indirecte de Trump d’acheter le Groenland au royaume de Danemark, formulée l’automne dernier et reformulée en pleine crise du coronavirus. La Chine est présente dans l’Arctique, sous le couvert d’une série de sociétés d’exploitation minière dans une zone hautement stratégique : le passage dit « GIUK » (Greenland-Iceland-United Kingdom) a été d’une extrême importance pendant la seconde guerre mondiale et pendant la guerre froide. L’ensemble de l’espace arctique le redevient, et de manière accrue, vu les ressources qu’il recèle, dont les terres rares que cherchent à s’approprier les Etats-Unis, et vu le passage arctique, libéré des glaces par les brise-glaces russes à propulsion nucléaire, qui deviendra une route plus courte et plus sécurisée entre l’Europe et l’Extrême-Orient, entre le complexe portuaire Anvers/Amsterdam/Hambourg et les ports chinois, japonais et coréens. L’hegemon a donc un double intérêt dans ses projets groenlandais qu’il est en train d’articuler : s’installer et profiter des atouts géologiques du Groenland, saboter l’exploitation de la route arctique. La crise du coronavirus cache cette problématique géopolitique et géoéconomique qui concerne l’Europe au tout premier plan ! 

Revenons au 13ème Congrès national du Peuple de mai 2020 : il prévoit en priorité le développement des régions occidentales (Sinkiang et Tibet), un renforcement des liens avec les républiques ex-soviétiques qui ont une frontière avec ces régions, et, entre autres choses, la construction de ports en eaux profondes, une politique écologique accentuée basée sur le « charbon propre ». Le problème est que l’initiative des routes de la soie (« Belt & Road Initiative ») arrive en queue des priorités nouvelles, ce qui constitue en soi un recul navrant.

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L’hegemon semble lâcher quelque peu la pression en Ukraine, en Syrie et en Irak mais l’Iran demeure un ennemi à éliminer ou, du moins, à faire imploser à coups de sanctions. La rigueur des mesures répressives de l’hegemon s’amplifie pendant que les Européens se focalisent sur les effets du Covid-19, alors qu’ils avaient réclamé récemment un relâchement des sanctions et inventé une ruse pour contourner l’embargo américain qui ne va pas du tout dans le sens de leurs intérêts commerciaux et géopolitiques. L’Iran reste une cible majeure, en dépit de la centralité de son territoire dans la zone dévolue à l’USCENTCOM ou « Greater Middle East » : pour contrôler cet espace, qui fut jadis celui de la « civilisation iranienne », Washington cherche à en faire imploser le centre. La raison de ce tenace ostracisme anti-iranien, particulièrement agressif, tient à deux raisons essentielles : l’une relève d’une stratégie très ancienne, l’autre est déterminée par l’existence même de la plus-value pétrolière que l’Iran peut utiliser pour asseoir une hégémonie régionale et limitée. La stratégie très ancienne, articulée aujourd’hui par les Etats-Unis, vise à interdire à toute puissance s’exerçant au départ du territoire de l’Empire parthe antique de déboucher sur la côte orientale de la Méditerranée. Les Etats-Unis, en effet, se posent, avec l’historien-géopolitologue Edward Luttwak comme les héritiers des empires romains, byzantins et ottomans au Levant et en Mésopotamie. La politique romaine, depuis Trajan jusqu’à l’effondrement des Byzantins dans la région suite aux coups des armées musulmanes, après la mort du Prophète, était de maintenir les Perses éloignés de la Méditerranée et de la Mésopotamie. La crise du coronavirus permet, à l’abri des feux de rampe médiatiques, de diaboliser davantage encore le Hizbollah au Liban, ce parti chiite étant une antenne iranienne sur les rivages de la Méditerranée orientale alors qu’il est aussi un rempart solide contre l’ennemi islamiste-sunnite officiel (mais qui est un allié réel), représenté par l’EIIL, et de permettre à Netanyahu et à son nouveau gouvernement composite et hétéroclite d’annexer la Cisjordanie, en réduisant quasiment à néant les reliquae reliquarum laissés à l’autorité palestinienne, désormais affaiblie et décrédibilisée. Avec pour arrière-plan le chaos indescriptible qui persiste entre la Syrie et l’Irak, l’hegemon consolide l’Etat sioniste, en fait qualifiable de « judéo-hérodien » dans le sens ou les rois Hérode étaient des pions des Romains, pour faire de la Judée-Palestine une barrière infranchissable contre toute pénétration perse. L’Europe, obnubilée par l’invisible et peut-être fictif coronavirus, n’observe que d’un œil très discret cette mutation problématique à l’œuvre dans la Méditerranée orientale. L’autre pion de Washington dans la région est l’Arabie Saoudite, dont la politique a été quelque peu bousculée au cours de ces derniers mois, sans que l’on puisse dire que la donne créée sur le pont du bâtiment USS Quincy en 1945 par le Roi Ibn Séoud et le Président Roosevelt ait été fondamentalement altérée, comme le montre très bien l’appui occidental à la politique belliciste et génocidaire que pratiquent les Saoudiens au Yémen, où interviennent des mercenaires colombiens et érythréens, en plein crise du coronavirus : dans cette région hautement stratégique, l’hegemon et ses alliés avancent des pions tandis que les médias occupent les opinions publiques de l’américanosphère avec les histoires effrayantes d’un coronavirus qui ne disparaîtrait pas avec les chaleurs estivales et reviendrait à la charge dès les premiers frimas de l’automne. L’écrivain palestinien Said K. Aburish a rappelé, dans des ouvrages qui ne sont pratiquement jamais cités dans les polémiques tournant autour du conflit israélo-palestinien, le rôle toujours pro-occidental des Saoudiens, alliés tacites du projet sioniste depuis la première guerre mondiale, projet imaginé par ce bibliste protestant que fut Sykes.  

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La plus-value que peut constituer le pétrole iranien pour la République islamique, comme elle l’était jadis pour le Shah, pourrait servir un pôle économique euro-iranien, sans aucunement léser la Russie, ce que n’a jamais admis l’hegemon, qui souhaite ne voir aucune intervention (pacifique) européenne ou russe ou même indienne et chinoise dans ce cœur territorial du « Greater Middle East » qu’il se réserve en toute exclusivité pour un coup de poker prochain, afin d’en faire un territoire à « économie pénétrée » avec une démographie plus exponentielle que dans le reste du monde (bien que l’Iran connaisse une certaine stagnation des naissances). Le « Greater Middle East » est non seulement une réserve d’hydrocarbures mais un espace où subsistent les gigantesques cotonnades de l’ex-URSS, qui intéressent l’industrie textile américaine.

Trump  -en dépit des promesses électorales et des espoirs qu’il avait suscités chez des millions de naïfs, qui croyaient qu’il allait vaincre tout seul le Deep State totalement formaté par les cénacles « néocons »-  n’a pas empêché le recrutement de néocons d’une génération nouvelle dans les arcanes de son gouvernement et au sein du ministère américain des affaires étrangères : ainsi, pour le Moyen Orient, Simone Ledeen, fille du néo-conservateur musclé Michael Ledeen, donnera dans l’avenir les contours de la politique américaine dans cette région de grandes turbulences. Elle est l’auteur, avec son père, d’un ouvrage intitulé How We Can Win the Global War, où l’Amérique est campée comme un empire du Bien, débonnaire mais assiégé par un certain nombre d’ennemis pernicieux dont l’Iran serait le principal instigateur, le centre du complot anti-américain dans le monde. Cette nouvelle promotion d’une dame néo-conservatrice de la plus pure eau, en place dans les rouages de la politique étrangère néo-conservatrice depuis 2003, s’est effectuée pendant la période de la crise du coronavirus.    

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Enfin, la crise planétaire du coronavirus camoufle les manœuvres actuelles de l’hegemon dans son propre hémisphère, cherchant à ruiner la dimension quadricontinentale qu’auraient pu revêtir les BRICS quand le Brésil en faisait partie et quand l’Argentine s’en rapprochait. Aujourd’hui, en pleine crise du Covid-19, les Etats-Unis démultiplient les pressions contre le Venezuela, s’agitent dans les Caraïbes où ils déploient leur flotte, s’insurgent contre l’escorte des pétroliers iraniens par la marine de la RII, alors que rien, en droit international, ne pourrait incriminer les relations commerciales bilatérales entre deux pays boycottés par les Etats-Unis et, à leur suite, par l’ensemble de américano sphère. Au même moment, Trump, que l’on a élu pour contrer les menées du Deep State mais qui les favorise désormais d’une manière qui est la sienne propre, déclare se retirer du Traité « Ciel Ouvert »/ »Open Skies », qui permettait aux signataires de surveiller leurs mouvements militaires réciproques, dans un souci de transparence et de pacification. Avec le retrait américain du traité sur le programme nucléaire iranien, nous avons les prémisses d’une nouvelle guerre froide, prémisses que déplore la Russie mais qui, en Europe occidentale, sont délibérément effacées des préoccupations des masses, affolées par la progression, réelle ou imaginaire, du coronavirus, collées à leurs écrans pour comptabiliser les morts, préoccupées par l’achat de masques ou de gels hydro-alcooliques ou espérant le lancement d’un vaccin sur le marché pharmaceutique. Pendant ces agitations prosaïques, générées par le soft power et les techniques de la guerre de quatrième dimension, les pions américains de la nouvelle guerre froide sont avancés, ancrés dans le réel stratégique.

La crise n’a donc nullement gelé les dynamiques de la géopolitique mondiale, elle les a camouflées aux regards des masses ; elle a permis d’inonder les médias de nouvelles alarmantes plus ou moins artificielles, tandis que les protagonistes de la « grande politique » fourbissaient leurs arsenaux et mettaient au point les stratégies à appliquer dès la troisième décennie du 21ème siècle.

Robert Steuckers.

lundi, 25 mai 2020

Guerre froide « 2.0 » : le coronavirus n’est qu’un prétexte

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Guerre froide « 2.0 » : le coronavirus n’est qu’un prétexte

Éditorial d'Éric Denécé (revue de presse : Centre Français de Recherche sur le Renseignement – mai 2020)*

Ex: https://cf2r.org

Un nouvel ordre mondial, organisé autour d’une nouvelle rivalité stratégique Etats-Unis/Chine structurant les relations internationales, pourrait bien enfin s’esquisser, trente ans après la chute de l’URSS et la fin de la Guerre froide.

L’épidémie du coronavirus a déclenché une crise sanitaire et une crise économique. Elle va également marquer une rupture géopolitique dont les premiers signes sont déjà visibles. Cette rupture se fonde sur deux éléments : l’un faux, l’autre vrai.

Mensonges et provocations américains

La fausse raison de cette évolution internationale majeure est la soi-disant responsabilité chinoise dans la diffusion de la pandémie.

Depuis plusieurs semaines, le Président américain a, à plusieurs reprises, accusé la Chine d’être responsable de la propagation du coronavirus dans le monde. Donald Trump a déclaré, le 30 avril, que le virus proviendrait d’un laboratoire de Wuhan[1]. Les failles de sécurité du laboratoire P4 sont l’occasion au passage, d’égratigner la France. Il a également menacé Pékin de représailles. Le 6 mai 2020, il a déclaré que l’épidémie actuelle, partie de Chine, est la « pire attaque de l’histoire contre les États-Unis, encore pire que Pearl Harbor ou les attentats du 11 septembre 2001 ». Trump a de nouveau critiqué Pékin pour avoir laissé le virus quitter le pays et considère que la Chine constitue « la menace géopolitique la plus importante pour les Etats-Unis pour le siècle à venir ».

Le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, n’a pas pris de gants non plus pour faire monter d’un cran supplémentaire l’escalade verbale à l’encontre de Pékin[2]. « Il existe des preuves immenses que c’est de là que c’est parti », a déclaré le secrétaire d’Etat sur la chaîne ABC, à propos de l’Institut de virologie de Wuhan. « Ce n’est pas la première fois que la Chine met ainsi le monde en danger à cause de laboratoires ne respectant pas les normes », a-t-il ajouté. Il a également dénoncé le manque de coopération des responsables chinois afin de faire la lumière sur l’origine exacte de la pandémie : « Ils continuent d’empêcher l’accès aux Occidentaux, aux meilleurs médecins », a-t-il dit sur ABC. « Il faut que nous puissions aller là-bas. Nous n’avons toujours pas les échantillons du virus dont nous avons besoin ».

Le secrétaire d’État a déclaré que le gouvernement Chinois avait fait tout ce qu’il pouvait « pour s’assurer que le monde ne soit pas informé en temps opportun » sur le virus. Il a déclaré à ABC que le Parti communiste chinois s’était engagé dans un « effort classique de désinformation communiste » en faisant taire les professionnels de la santé et en muselant les journalistes pour limiter la diffusion d’informations sur le virus.

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Ces attaques ont été appuyées par diverses productions gouvernementales falsifiant également la réalité dans le même sens, afin de donner corps à la réalité que la Maison-Blanche souhaite diffuser et imposer.

Selon l’Associated Press, un rapport de quatre pages du Département de la sécurité intérieure (DHS) accuse le Chine de n’avoir pas divulgué des informations sur le virus afin de mieux préparer sa réponse à la pandémie. Ce document indique que Pékin a diminué ses exportations et accru ses importations de fournitures médicales en janvier, ce qui incite le DHS à conclure « avec une certitude de 95% » que ces changements dans les importations de produits médicaux ne sont pas normaux.

De même, un rapport affirmant être une production des Five Eyes[3] – ce qui a été démenti -, publié par le Daily Star[4] britannique, avance que la Chine a sciemment détruit des preuves sur l’origine du coronavirus. Selon le journal, le document de quinze pages indique que le gouvernement chinois a fait taire ou « disparaître » les médecins s’étant exprimé sur le sujet, et a refusé de partager des échantillons avec la communauté scientifique internationale. Le dossier également affirme que le virus a été divulgué à l’Institut de virologie de Wuhan fin 2019. 

L’analyse des services de renseignement

Les déclarations du président et de son secrétaire d’Etat sont contredites par l’analyse des services de renseignement américains. Ces derniers ont annoncé être parvenus à la conclusion que le Covid-19 n’avait pas été créé ou modifié génétiquement par l’homme. Toutefois, ils ne disposent pas d’informations suffisantes « pour déterminer si l’épidémie a commencé par un contact avec des animaux infectés ou si elle a été le résultat d’un accident de laboratoire à Wuhan ».

Les informations partagées entre les services de renseignement des Five Eyes les conduisent à conclure qu’il est “hautement improbable” que l’épidémie de coronavirus se soit propagée à la suite d’un accident dans un laboratoire, mais plutôt sur un marché chinois. « Il est très probable qu’elle se soit produite naturellement et que l’infection humaine soit due à une interaction naturelle entre l’homme et l’animal » [5].

En France, l’hebdomadaire Valeurs actuelles rapporte que de nombreuses sources qu’il a interrogées fin avril dans les services de renseignement français (spécialistes du contre-espionnage ou des armes chimiques et bactériologiques) sur l’origine du coronavirus, ont l’absolue certitude que ce n’est pas une fuite du laboratoire P4. « Toutes les souches analysées montrent qu’elles n’ont pas été modifiées humainement. La souche est bien animale, elle a été transmise à l’homme sans qu’on sache encore exactement pourquoi. Elle ne vient pas d’une fausse manipulation ou d’une fuite ».

Le rédacteur en chef de la revue médicale The Lancet est également intervenu pour réfuter les allégations fallacieuses des autorités américaines. L’attribution à une origine humaine du virus est écartée par tous les virologues sérieux. Il a insisté sur l’intérêt des publications chinoises en la matière, riches en données.

Toutefois, les attaques mensongères de l’administration américaine n’exonèrent pas les autorités chinoises d’un certain nombre d’erreurs et de dissimulations.

Erreurs et responsabilités de la Chine

Indéniablement, les autorités chinoises – dans un premier temps à Wuhan et dans un second temps à Pékin – ont tardé à réagir et à communiquer, voire ont eu tendance à minimiser l’épidémie. Pour cette raison, Pekin fait l’objet de nombreuses critiques internationales. Mais concédons-là qu’il est facile de juger après coup. Cette épidémie est nouvelle et sa rapidité de diffusion semblait difficile à anticiper.

201405-COUV.jpgToutefois, après avoir initialement dissimulé la gravité de l’épidémie, face aux soupçons, au lieu de jouer la carte de la transparence, le gouvernement chinois a déchaîné sa propagande contre ceux qui osaient critiquer sa version officielle et n’a pas hésité à faire la leçon à aux pays occidentaux sur leur propre gestion de l’épidémie. Cette attitude a braqué contre la Chine la majorité des Etats occidentaux et des voix se sont élevées pour réclamer une enquête de l’Organisation mondiale de la santé sur l’origine du virus, ce qu’a refusé Pékin, de même qu’il a refusé de participer aux financements lors des réunions de donateurs pour lutter mondialement contre l’épidémie.

En revanche, la Chine s’est attachée à fournir une aide à de nombreux pays dans un cadre systématiquement bilatéral, cherchant par ce biais à donner une image de puissance « aidante », mais sans parvenir à tromper personne sur le jeu d’influence se cachant derrière cette manœuvre. En agissant ainsi, la Chine s’est attirée des critiques redoublées.

Ainsi, l’hostilité au régime chinois a atteint un niveau sans précédent depuis la répression sanglante du mouvement étudiant de Tiananmen en 1989 et pourrait avoir de lourdes conséquences diplomatiques. Les pressions dont la Chine fait l’objet n’émanent pas uniquement des Etats-Unis. Elles sont exercées aussi par l’Australie, le Japon, les pays d’Asie et l’Union européenne. Tous demandent des comptes tant les éléments s’accumulent prouvant que le régime chinois a dissimulé, au départ, l’étendue de l’épidémie.

Réalité de la menace chinoise

Toutefois, la véritable raison de la virulence de la réaction américaine contre la Chine est ailleurs. Et elle est double. D’une part, Washington ne cesse de s’inquiéter depuis plusieurs années de la montée en puissance de ce nouvel adversaire stratégique en passe de remettre en cause son leadership ; d’autre part, afin de relancer leur économie, de relocaliser une part de leur production industrielle et de consolider autour d‘eux le camp occidental, les Etats-Unis ont besoin d’une nouvelle Guerre froide.

Si une partie des arguments employés par Washington contre Pékin sont fallacieux, force est de constater qu’il y a de très nombreuses raisons de s’inquiéter sérieusement du développement continu de la puissance chinoise depuis la fin de la Guerre froide.

– La Chine est devenue l’usine du monde en matière d’informatique, d’électronique, de médicaments, de textile, etc. Si tout le monde en avait conscience, la crise récente via les pratiques de confinement et l’interruption des transports internationaux a permis au monde occidental de mesurer à quel point il était dépendant de Pékin. Les délocalisations à outrance vers la Chine et les pays à faible coût de main d’œuvre ont profondément affaibli la résilience de nos économies et de nos systèmes de santé, ce qui n’est pas acceptable et doit être corrigé. La crise a également permis de mesurer la flexibilité, l’efficacité et la réactivité industrielle de la Chine, ce dont l’Occident n’est plus capable.

– Depuis de nombreuses années, la Chine, dans la cadre de son projet des Nouvelles routes de la soie, s’implante dans le monde entier, par des investissements massifs dans les infrastructures – ne reculant jamais devant la corruption des autorités locales – et via le rachat de très nombreuses entreprises, y compris au sein de l’Union européenne. Ces nombreuses acquisitions d’entreprises occidentales laissent entrevoir une stratégie insidieuse de prise de contrôle de nos actifs économiques, donc d’une nouvelle dépendance.

– Les progrès réalisés – voire l’avance prise – en matière technologique par les Chinois – résultat de leur volonté, de leurs capacités financières, humaines et technologiques – notamment en matière militaire (5G, missiles hypersoniques, porte-avions, satellites, lanceurs, etc.) ne cesse d’impressionner et engendre une vraie préoccupation en matière de sécurité.

– La puissance militaire chinoise ne cesse en effet de se développer[6] et l’épidémie de Covid-19 n’a pas ralenti le rythme d’équipement des forces armées en nouveaux matériels offensifs : courant avril, un navire d’assaut amphibie (type 075) est entré en service et deux nouveaux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) (type 094) ont été mis à l’eau, donnant à la marine chinoise une véritable capacité de dissuasion océanique, ce qui n’était pas le cas avec les submersibles précédents (type 092). Par ailleurs, une autre classe de SNLE (type 096), encore plus moderne, capable d’embarquer un nouveau missile balistique de 10 000 km de portée, est en cours de développement. A noter également que les manoeuvres autour de Taïwan se sont poursuivies, de même que celles en mer de Chine méridionale.

– Les services de renseignement chinois se montrent particulièrement agressifs partout dans le monde occidental, tant par leurs actions de cyberespionnage que par le développement de leurs infrastructures clandestines et leurs tentatives de recrutement d’agents.

– Pékin continue à étouffer la vie démocratique sur son territoire et a profité de la crise pour remettre Hong-Kong au pas. La Chine ne supporte plus l’exception hongkongaise, tant sur le plan politique qu’économique. En effet, l’ex-colonie britannique joue un rôle essentiel comme porte d’entrée et de sortie pour les capitaux chinois. La bourse de Hong-Kong accueille les plus grandes entreprises chinoises, et nombre des familles les plus riches y ont une partie de leur fortune. Pékin a procédé à un coup de force discret, passant outre son engagement de non-ingérence dans les affaires intérieures de Hong-Kong[7] et a arrêté une quinzaine de leaders pro-démocratie.

N’oublions pas, par ailleurs, que la Chine occupe toujours, en contravention avec le droit international de la mer, des îlots de mer de Chine méridionale – dont certains conquis par la force sur ses voisins – sur lesquels elle a construit d’importantes installations militaires[8].

– Surtout, rappelons que la République populaire de Chine n’est pas une démocratie et que son peuple n’y exprime jamais son point de vue librement à travers des élections, qu’il ne bénéficie pas d’un état de droit ou d’une presse libre. Le pays reste sous le contrôle étroit du Parti communiste, lui-même aux mains d’un véritable autocrate et de sa clique d’affidés. Si les Etats-Unis doivent être critiqués depuis trois décennies pour leur politique étrangère unilatérale aux effets parfois dévastateurs (Irak, « révolutions » arabes, etc.), il serait encore plus inquiétant pour la paix et la sécurité mondiales que la puissance dominante soit un Etat totalitaire ne pouvant être remis en cause par des élections, une opposition interne ou un mouvement citoyen.

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La stratégie américaine : relancer une guerre froide

La crise engendrée par l’épidémie de Covid-19 est donc le prétexte qu’ont choisi les Américains pour attaquer Pékin et contrecarrer ou ralentir le développement de sa puissance économique et militaire.

Depuis fin avril, outre-Atlantique, articles de presse, témoignages de spécialistes et déclarations d’autorités se multiplient, avançant que Pékin est responsable et qu’il doit payer. Le ton ne cesse de se durcir et les menaces de prendre forme.

Ce thème va à n’en pas douter occuper dans les mois qui viennent une part croissante de l’actualité internationale, car les élections américaines approchent et que ce thème est une aubaine pour Donald Trump, comme pour l’Intelligence Community ; les deux pourraient bien ainsi se réconcilier sur le dos de Pékin.

Les sanctions contre la Chine

Depuis le début de la pandémie, Donald Trump s’en est pris à la Chine, l’accusant d’avoir considérablement affaibli l’économie américaine. C’est donc en ce domaine qu’il a décidé en premier lieu de réagir. Le président américain a déclaré que de nouveaux tarifs sur les importations chinoises seraient la “punition ultime” pour les déclarations erronées de Pékin sur l’épidémie de coronavirus.

Trump a qualifié les tarifs de “meilleur outil de négociation” et a insisté sur le fait que les droits que son administration avait imposés jusqu’à présent, ont obligé la Chine à conclure un accord commercial avec Washington. Il a également menacé de résilier cet accord si la Chine n’achetait pas de marchandises aux États-Unis comme cela avait prévu, voire de procéder à l’annulation des avoirs chinois investis dans la dette américaine. Donald Trump a également récemment évoqué la possibilité de demander à Pékin de payer des milliards de dollars de réparations pour les dommages causés par l’épidémie.

Pression sur les Alliés

Parallèlement, les Américains accroissent la pression sur leurs alliés européens, tentés par l’adoption de la 5G chinoise où déjà engagés dans son déploiement.

A l’occasion du sommet de l’OTAN, à Londres, en décembre 2019, les Européens, ont assuré Washington de leur engagement à « garantir la sécurité de leurs communications, y compris la 5G, conscients de la nécessité de recourir à des systèmes sécurisés et résilients. » Or, en dépit des recommandations de l’OTAN et des pressions américaines, le gouvernement britannique a autorisé, en janvier, l’opérateur chinois Huawei à mettre en place des réseaux de télécommunication 5G au Royaume-Uni.

Pour Washington, « Huawei comme les autres entreprises technologiques chinoises soutenues par l’État, sont des chevaux de Troie pour l’espionnage chinois », a déclaré Mike Pompeo, lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, en février 2020.

En conséquence, Washington a laissé entendre, début mai, que ses moyens de collecte de renseignements électroniques actuellement basés au Royaume-Uni, pourraient être redéployés dans un autre pays européen ayant choisi de ne pas adopter la 5G chinoise. De plus, les Américains laissent planer une menace concernant l’avenir de la base de Menwith Hill, pièce maitresse du réseau Echelon, où ils disposent d’une station terrestre de communication par satellite et d’installations d’interception exploitées en coopération avec les Britanniques. The Telegraph prête même à la Maison-Blanche l’idée de retirer jusqu’à 10 000 militaires américains du Royaume-Uni[9].

Le nouveau concept stratégique de l’OTAN

Le ciblage de la Chine permet par ailleurs à Washington de préparer les états-majors et les opinions publiques occidentales à la réactualisation du concept stratégique de l’OTAN, en cours de préparation. Le fait de désigner Pekin comme l’adversaire potentiel principal devrait être accepté par les Etats membres sous l’effet du choc de la pandémie et de ses conséquences. En revanche, le fait d’inscrire également la Russie comme autre menace majeure contre l’Alliance atlantique serait une double erreur. D’une part, car Moscou n’est en rien une menace, contre l’Europe. Il est important de ne pas se laisser influencer par l’obsession antirusse des élites américaines. Rappelons à ce titre les propos pertinents du document du Cercle de réflexion interarmées (CRI) à l’approche des prochains exercices militaires aux frontières de la Russie : « organiser des manœuvres de l’OTAN, au XXIe siècle, sous le nez de Moscou, plus de 30 ans après la chute de l’URSS, comme si le Pacte de Varsovie existait encore, est une erreur politique, confinant à la provocation irresponsable ». Pour la France, « y participer révèle un suivisme aveugle, signifiant une préoccupante perte de notre indépendance stratégique »[10].

D’autre part, une telle décision aurait pour effet de jeter Moscou dans les bras de la Chine, ce qui aurait des conséquences désastreuses. Malheureusement, de nombreux éléments laissent craindre le pire, les Américains – si personne ne leur tient tête sur ce point – en sont tout à fait capables, confirmant leur penchant à jouer les apprentis-sorciers… dont les créations se retournent généralement contre eux.

Cibler la Chine peut avoir un intérêt stratégique pour revitaliser l’Alliance occidentale et il est très probable que tous ses membres y adhèrent, car cela a du sens sur les plans stratégique et économique. Un « élargissement » de l’OTAN à certains ex-pays de l’OTASE[11] partageant cette analyse de la menace, ainsi qu’au Japon et à la Corée du Sud, pourrait même être envisageable. En revanche, cibler la Russie serait contre-productif et ferait du continent européen un nouveau théâtre de Guerre froide, sans raison valable. Il est essentiel que nous ne nous trompions pas d’adversaire et que les Européens infléchissent le concept stratégique de l’OTAN.

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La crise du coronavirus est une aubaine stratégique pour les États-Unis. Elle leur offre l’opportunité de se recréer un adversaire stratégique à la hauteur de leurs besoins. Une adversité majeure est pour eux indispensable afin de conserver leur leadership, relancer leur économie et consolider autour d’eux le camp occidental.

Observer les Américains falsifier une nouvelle fois la réalité pour réaffirmer leur leadership n’est guère rassurant mais pas surprenant. Les voir relancer une stratégie de tension, voire une nouvelle guerre froide, non plus. Cependant, en l’occurrence, leur décision est loin d’être infondée.

Jusqu’à la récente crise sanitaire, l’idée que le monde pourrait entrer dans une nouvelle ère d’affrontement semblait saugrenue ; les avoirs financiers des Etats-Unis et de la Chine semblaient si étroitement liés et leurs économies interdépendantes que l’hypothèse d’un conflit apparaissait peu probable[12].

Désormais, tous les signes annonciateurs d’une nouvelle ère géopolitique et d’une nouvelle guerre froide – dont les modalités seront en partie différentes de la précédente – sont là. La rivalité stratégique sino-américaine devrait désormais régir les relations internationales des prochaines décennies sur les plans militaire, économique, financier, technologique et idéologique. Il convient de s’y préparer.

Notes :

[1] https://www.teletrader.com/trump-saw-evidence-virus-origi...

[2] https://thehill.com/policy/healthcare/public-global-healt...

[3] Alliance des agences de renseignement des Etats-Unis, du Royaume-Uni, du Canada, d’Australie et de Nouvelle-Zélande.

[4] https://www.dailystar.co.uk/news/world-news/top-secret-mi...

[5] https://www.cnn.com/2020/05/04/politics/coronavirus-intel...

[6] Cependant le différentiel des budgets reste énorme : 649 milliards de dollars et 3,2% du PIB pour les Etats-Unis ; 250 milliards de dollars et 1,9% du PIB pour la Chine (SIPRI, 2018).

[7] Principe inscrit dans l’article 22 de la Basic Law reconnue par la Chine.

[8] Cf. Eric Denécé, Géostratégie de la mer de Chine méridionale, L’Harmattan, Paris 1999.

[9] http://www.opex360.com/2020/05/07/les-etats-unis-pourraie...

[10] https://www.capital.fr/economie-politique/il-faut-se-libe...

[11] Organisation du traité de l’Asie du Sud-Est. Alliance militaire anticommuniste, pendant de l’OTAN pour la zone Asie/Pacifique, ayant regroupé de 1954 à 1977, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Pakistan, les Philippines et la Thaïlande.

[12] La décision Washington de mettre fin aux investissements des fonds de pension américains en Chine, de limiter les détentions chinoises d’obligations du Trésor et de déclencher une nouvelle guerre des monnaies va rapidement mettre un terme aux liens financiers qui unissaient les deux économies.

*Source : Cf2R

dimanche, 24 mai 2020

Philippe Boulanger, La Géographie, reine des batailles

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Philippe Boulanger, La Géographie, reine des batailles

par Yann-Loic André

Ex: http://www.lelitteraire.com

La géo­gra­phie, savoir stra­té­gique pour le militaire

La géo­gra­phie est-elle tou­jours la « reine des batailles » ? À l’heure de l’intelligence arti­fi­cielle et de la course tech­no­lo­gique, il pour­rait être ques­tion de l’inutilité de l’approche géo­gra­phique dans la démarche mili­taire. En réa­lité, cette science connaît un renou­veau sans égal depuis la Pre­mière Guerre mon­diale, encore plus évident avec les nou­veaux outils numé­riques dans les opé­ra­tions en cours.

Tous les états-majors des armées modernes la redé­couvrent et la déve­loppent comme un savoir stra­té­gique, réac­tif et pragmatique.

Profes­seur de géo­gra­phie à l’Université de la Sor­bonne, Phi­lippe Bou­lan­ger est spé­cia­liste de la géo­gra­phie his­to­rique, mili­taire, stra­té­gique, poli­tique et géo­po­li­tique. Il livre ici son der­nier ouvrage en date, après la paru­tion d’autres publi­ca­tions remar­quées, dont Géo­gra­phie mili­taire et géos­tra­té­gie : enjeux et crises du monde contem­po­rain, chez A. Colin en 2015.

L’ouvrage s’organise en sept cha­pitres et en trois temps, pour appor­ter une réponse à l’usage de la géo­gra­phie par les mili­taires. Le pre­mier temps aborde le besoin de géo­gra­phie mili­taire : l’invention de cette approche par et pour le mili­taire, les champs de la connais­sance géo­gra­phique pour gagner la guerre… puis la paix. Il tend à com­prendre com­ment la géo­gra­phie mili­taire s’est construite comme un savoir prag­ma­tique, effi­cace et incon­tour­nable, prin­ci­pa­le­ment depuis le XIXe siècle.

Le deuxième temps met en lumière ce qui carac­té­rise le plus la géo­gra­phie mili­taire opé­ra­tion­nelle : la rela­tion entre les milieux géo­gra­phiques et les opé­ra­tions mili­taires. Le rai­son­ne­ment mili­taire a sou­vent construit le savoir aca­dé­mique, tout comme il s’est ins­piré de la géo­gra­phie uni­ver­si­taire : ce sont sou­vent les mêmes méthodes, les mêmes démarches intel­lec­tuelles qui sont appli­quées à l’activité mili­taire. Les échelles géo­gra­phiques (géo­tac­tique, géo­pé­ra­tion­nelle, géos­tra­té­gique) témoignent ainsi de cette rela­tion.

Mais les doc­trines et les outils uti­li­sés montrent aussi des spé­ci­fi­ci­tés opé­ra­tion­nelles qui sont propres à la géo­gra­phie mili­taire. La notion de milieu natu­rel, par exemple, appa­raît comme fon­da­men­tale dans la manœuvre, comme le révèlent les récentes opé­ra­tions en milieu fores­tier, déser­tique ou mon­ta­gneux. Celle d’environnement humain, qui fait appel à la connais­sance de la géo­gra­phie humaine, est pro­ba­ble­ment la plus dyna­mique depuis les années 2000. La redé­cou­verte de la connais­sance de l’Autre dans les armées, dans le contexte des guerres de contre-insurrection, appa­raît comme une approche cen­trale dans les opé­ra­tions contemporaines.

Enfin, le troi­sième est celui du renou­veau de la géo­gra­phie mili­taire, dont les contours sont évo­lu­tifs. La ques­tion de l’interconnexion des milieux dans les opé­ra­tions, le renou­vel­le­ment de la géo­gra­phie mili­taire par l’information géo­spa­tiale, la révo­lu­tion de la géo­gra­phie numé­rique dans les armées sont autant de sec­teurs, cepen­dant non exclu­sifs, d’une géo­gra­phie mili­taire réac­tive et, plus que jamais, au centre d’un savoir à haute valeur ajou­tée.
Les deux der­niers cha­pitres, « Geo­spa­tial Intel­li­gence » et « La Révo­lu­tion de la géo­gra­phie his­to­rique et mili­taire », font le point sur des ques­tions fondamentales.

L’ouvrage se com­plète d’un « glos­saire » qui déve­loppe et explique cer­tains termes, et ce qu’ils recouvrent, notam­ment en anglais ; il pré­sente aussi une rapide liste des abré­via­tions, tou­jours utile lorsqu’il s’agit d’un lan­gage de spé­cia­listes, des notes rela­tives à chaque cha­pitre, et sur­tout une biblio­gra­phie par cha­pitre, ce qui per­met d’approfondir les ques­tions sou­le­vées par cette étude.

Il s’agit ici d’un ouvrage fon­da­men­tal et de haut niveau, tant pour les spé­cia­listes de géo­po­li­tique que pour les militaires.

Yann-Loic Andre

Phi­lippe Bou­lan­ger, La Géo­gra­phie, reine des batailles, Perrin/Ministère des Armées, 2020, 368 p. — 23,00 €.

samedi, 23 mai 2020

Retrait unilatéral américain du traité «Ciel ouvert»

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Retrait unilatéral américain du traité «Ciel ouvert»

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com

Les Etats-Unis se retirent du traité «Ciel ouvert» («Open Skies» en anglais) qui vise à rendre plus transparentes les restrictions d'armements des pays signataires : c'est ce qu'a annoncé le 21 mai le locataire de la Maison Blanche, Donald Trump. En cause ? «La Russie n'a pas respecté le traité», a accusé le président américain, ajoutant : «Donc tant qu'ils ne le respecteront pas, nous nous retirerons.»


Les Etats-Unis avaient accusé à plusieurs reprises Moscou de violer ce traité. Le ministre américain de la Défense Mark Esper avait ainsi assuré début mars lors d'une audition au Congrès : «Ça fait des années qu'ils trichent».
 
«Un coup porté au fondement de la sécurité européenne», pour Moscou

Les accusations américaines invoquées pour justifier ce retrait sont «absolument infondé[es]», selon Vladimir Ermakov, directeur du département de la non-prolifération et de la maîtrise des armements au sein du ministère russe des Affaires étrangères, cité par l'agence Tass. Selon le haut responsable, ce n'est pas la première fois que les Etats-Unis présentent la Russie comme fautive de quelque violation afin de justifier leur retrait d'accords sur la limitation des armements. «Nous sommes prêts pour une coopération d'égal-à-égal avec les Etats-Unis. Toutes les questions ont été réglées de manière adéquate dans le cadre du traité [Ciel ouvert]», fait-il également valoir.

Moscou, en outre, voit d'un mauvais œil ce retrait américain : «Le retrait des Etats-Unis de ce traité signifie non seulement un coup porté aux fondements de la sécurité européenne mais aussi aux instruments de la sécurité militaire existants et aux intérêts essentiels de sécurité des alliés mêmes des Etats-Unis», estime le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Alexandre Grouchko. «Ce n'est pas un traité bilatéral, mais multilatéral. Et une décision si brusque affectera les intérêts de tous les participants sans exception», a-t-il regretté.

Le traité «Ciel ouvert», entré en vigueur en 2002, permet aux 34 pays signataires des accords de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, de survoler les uns des autres pour vérifier leurs mouvements militaires et les mesures de limitation des armements des uns et des autres.

Selon l'agence Reuters, les alliés des Etats-Unis au sein de l'OTAN – mais aussi d'autres pays tels que l'Ukraine – avaient pressé Washington de rester dans le traité, et cette décision de Donald Trump pourrait être source de tensions au sein de l'alliance militaire atlantique. En tout état de cause, les ambassadeur des pays membres de l'OTAN ont été convoqués le 22 mai pour une réunion d'urgence à ce sujet, selon l'AFP. 
 

vendredi, 22 mai 2020

L’oligarchie occidentale face à la Chine: le déclin ou la guerre ?

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L’oligarchie occidentale face à la Chine: le déclin ou la guerre ?

par Antonin Campana

Ex: http://www.autochtonisme.com

L’oligarchie est un corps social parasitoïde. Un parasitoïde est un organisme qui se développe à l’intérieur d’un autre organisme mais qui, au contraire de nombreux parasites, tue inévitablement celui-ci au cours de son développement, ou à la fin de son développement (cf. Wikipédia).

L’oligarchie occidentale parasite les pays occidentaux. Elle a profité de leur développement démographique, économique, technologique, scientifique, financier et militaire pour détourner à son profit une partie de plus en plus importante des produits de ce développement. La victoire des Alliés en 1945 a incontestablement été la victoire de l’oligarchie. A partir de cette date, elle contrôlera, sans opposition notable, tous les gouvernements occidentaux, toutes les opinions occidentales, toute l’économie et la finance occidentales, ainsi que tout le maillage industriel des pays occidentaux. Globalement, vers 1980-1990, l'oligarchie a atteint l’enrichissement maximum qu’elle pouvait espérer.

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Cependant, afin de poursuivre son développement, le parasitoïde avait encore une carte à jouer. Puisqu’en raison de ses résistances, le salariat occidental était difficilement compressible, la solution consistait à s’en passer. L’oligarchie a donc actionné les gouvernements occidentaux pour que ceux-ci mettent fin au contrôle des capitaux et ferment les yeux sur la délocalisation des industries, ainsi rendue possible.  A partir de la fin des années 1980, tous les pays occidentaux, sauf l’Allemagne, ont vu leur tissu industriel s’évaporer, et les pays sous-développés, comme la Chine, ont vu jaillir un tissu industriel clé en main, avec mode d’emploi. C’était magique.

C’était magique, simple… et lucratif. Le plan oligarchique était en effet bien ficelé. Les Chinois fabriqueraient des produits pour le compte des oligarques et, pour pouvoir les acheter, les Occidentaux feraient des dettes auprès des mêmes oligarques. En fait, le jeu consistait à échanger des biens réels contre de la monnaie sans valeur. Dans un premier temps, tout le monde était gagnant. Les Chinois profitaient d’un transfert technologique inespéré. Et les occidentaux pouvaient se payer des téléviseurs pour presque rien. De plus, ils disposaient d’une planche à billet magique qui leur permettait de tout acheter, tout le temps. L’industrie ? Un archaïsme disaient-ils. Seule la recherche-développement avait de l’intérêt, ainsi que le tertiaire, et bien sûr la force militaire (pour calmer ceux qui n’acceptaient pas le nouvel ordre mondial et la monnaie magique). C’est ainsi que l’économie du monde occidental est devenue une économie de service, avec des toiletteurs pour chiens, des avocats, des publicitaires, des journalistes et bien sûr des militaires.    

Ce n’est pas la première fois qu’une telle configuration se présente dans l’histoire. L’Espagne du Siècle d’or a déjà tenté l’expérience. Cela s’est très mal terminé, pour elle. Petit retour en arrière qui prouve que les oligarques sont des abrutis incultes.

Après la prise de Grenade (1492), la paix revient dans la péninsule ibérique. Le territoire se réunifie sous les Rois Catholiques. L’Etat se réorganise et perçoit des ressources régulières. L’économie se redresse. L’artisanat prospère. La démographie augmente tout au long du XVIe siècle. En Castille, la population double presque. Des innovations importantes, comme la boussole, les portulans, l’astrolabe ou le gouvernail d’étambot, vont permettre à l’Espagne de bâtir un empire planétaire à partir de 1492. L’Espagne restaurée du XVIe siècle a le dynamisme de l’Europe du XIXe.

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Une des motivations des découvertes espagnoles est probablement la « soif de l’or ». L’expansion économique du Royaume a besoin de numéraire et d’or pour les échanges internationaux. Les Espagnols commencent par grappiller et troquer l’or auprès des Indiens, puis à pratiquer l’orpaillage et l’exploitation minière. La phase de l’or se termine vers 1550. Vient ensuite la phase de l’argent qui apparaît vers 1521-1530 mais dont la production explosera véritablement vers 1554, avec la mise en exploitation de la mine de Potosi (1545). Les métaux précieux affluent donc en Espagne par bateaux entiers. Les conséquences ne se font pas attendre.

En effet, l’Espagne achète avec son or des produits manufacturés venus de toute l’Europe. La population commence à mépriser le travail manuel, alors que la surveillance de l’Empire demande de plus en plus de soldats, d’administrateurs et de fonctionnaires. Les campagnes se dépeuplent et l’agriculture décline. L’industrie est devenue inutile : la majeure partie des marchandises et des produits finis, payée avec l’argent facile venu des Amériques, arrive par terre et par mer de l’étranger : outillage, quincaillerie, textile, mercerie, produits de luxe….  Rapidement, l’Espagne manque de techniciens, d’artisans, de paysans. Elle accumule les retards techniques. Elle doit donc faire appel à des étrangers : des Allemands pour l’imprimerie, des Français pour la passementerie, des Flamands pour la draperie. Nunez de Castro écrira en 1658 : « les étrangers fabriquent ce que consomme la capitale, et ce seul fait démontre que toutes les nations font travailler leurs ouvriers pour Madrid, dont la seigneurie s’étend sur toutes les autres capitales, puisque toutes la servent, et elle ne sert personne » (Solo Madrid es Corte). Cela ne vous rappelle rien ?

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Faire fabriquer par d’autres ce que nous consommons : ce système a fonctionné hier, tout comme il fonctionne aujourd’hui.  Il a fonctionné hier… jusqu’au jour où la production de métaux précieux en Amérique a commencé  à décliner. A partir de 1620, les arrivages de métaux précieux diminuent, le déclin du commerce avec l’Amérique s’amorce et le Trésor royal connaît des déficits. Les indicateurs démographiques, agricoles et monétaires (inflation) se détériorent. L’Espagne ne parvient plus à payer son train de vie, les « autres capitales » cessent de travailler pour Madrid. Mais l’industrie de Madrid est ruinée et l’Espagne, qui entre alors dans une longue « décadence », a raté son entrée économique dans la modernité. Elle ne s’en relèvera jamais vraiment. Le traité des Pyrénées de 1659 sanctionne sa défaite militaire, elle qui avait la première armée du monde, et sa relégation au niveau d’une puissance européenne de second ordre, elle qui était la plus grande puissance mondiale. 

Il n’est pas bon qu’une richesse soit artificielle. Menés par leur oligarchie, les occidentaux ont fait comme les Espagnols du XVIe siècle. A ceci près qu’ils n’ont pas tiré leur richesse des mines de Potosi mais d’artifices bancaires et de la planche à billet. Comme eux, ils ont bradé leur industrie, déconsidéré le travail manuel et fait fabriquer par d’autres les produits dont ils avaient besoin. Comme eux, ils ont perdu le savoir nécessaire  pour fabriquer les choses les plus simples, comme des masques en papier. Comme eux, ils ont des armées puissantes, mais qui reposent sur du vent, car ils ne fabriquent plus leurs armes. Comme Nunez de Castro, ils étalent leur suffisance, car au fond d’eux, ils pensent que des navires chargés d’or leur viendront toujours.

Tout a une fin, heureusement. Il me semble que l’humeur des Chinois a changé ces derniers mois et notamment depuis ce fichu coronavirus (qui leur sert de prétexte ?). Il se pourrait donc, peut-être, qu’à partir de maintenant (et si ce n’est maintenant, cela ne saurait tarder), il se pourrait donc que les Chinois ne se contentent plus d’une monnaie dupliquée à la photocopieuse, en tous cas non adossée à une économie réelle, et qu’ils considèrent que les transferts de technologies sont désormais suffisants pour leur permettre de mettre fin à un marché humiliant qui leur rappelle les traités inégaux du XIXe siècle. Imaginez quel sera le cataclysme, le jour (peut-être déjà là) où les Chinois ne voudront plus échanger des produits manufacturés contre du papier ? Que pourrons-nous leur donner en échange : nos monuments, nos ports, nos aéroports, notre liberté peut-être ?  

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Et l’oligarchie dans tout ça ? L’oligarchie est forte de la puissance de nos pays. Si les pays occidentaux s’effondrent, c’est la puissance de l’oligarchie occidentale qui s’effondre avec eux. Et c’est l’oligarchie communiste chinoise qui s’impose ! Aussi voit-on les larbins de « notre » oligarchie (les Macron, les Le Maire, les Trump…) envisager dans l’urgence des « relocalisations ». Mais on ne recompose pas un tissu industriel d’un claquement de doigt. Les Chinois (les Chinois !) ont mis plus de quarante ans pour construire le leur, avec notre aide qui plus est ! Il est trop tard.

Revenons à l’Espagne. Nous avons dit qu’elle avait la première armée du monde. Comme les Etats-Unis aujourd’hui. Qu’a fait l’Espagne pour tenter d’enrayer son déclin ? Elle a misé sur son armée et sa flotte, pour défendre son empire, pour contrôler ses routes stratégiques, pour protéger ses routes commerciales.  Mais quelle est l’efficacité à moyen terme d’une armée qui n’est pas adossée à une industrie puissante ? Actuellement, les Etats-Unis misent tout sur leur armée. C’est la dernière chose qu’il leur reste. Mais quelle peut être la solidité d’une armée moderne qui ne peut plus fabriquer un missile ou un char sans faire venir des pièces de l’étranger ? Si vous voulez connaître le destin des Etats-Unis et de l’Europe, étudiez l’histoire d’Espagne.

L’oligarchie occidentale acceptera-t-elle son déclin ou fera-t-elle la guerre comme le fit l’Espagne ? Souvenez-vous, pour assurer son développement, un parasitoïde tue inévitablement l’organisme qu’il parasite. L’histoire nous apprend d’autre part que l’oligarchie a toujours profité des guerres (ici s’arrête donc notre analogie avec l’Espagne. La noblesse espagnole, lorsqu’elle a choisi la guerre, a toujours été la première à s’exposer. Cela s’appelle l’Honneur. L’oligarchie, quant à elle, ne provoque jamais une guerre avant d’avoir rejoint ses bunkers souterrains). Donc, peut-on supposer, l’oligarchie occidentale utilisera tous les outils à sa disposition pour conserver son hégémonie. Elle pense, et c’est malheureux, et c’est faux, que l’armée des Etats-Unis est un merveilleux outil, un outil magique qui, en dernier recours, réglera son problème d’hégémonie sur le monde. Elle ignore que la Chine a déjà ses Grand Condé et ses Turenne. Tant pis pour elle, mais pauvre de nous !

Antonin Campana

Le Covid-19 dans la géopolitique du contrat social

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Le Covid-19 dans la géopolitique du contrat social

par Antonin Campana

Ex: http://www.autochtonisme.com

Nos sociétés occidentales se sont bâties, ou tout au moins prétendent s’être bâties, autour d’un « contrat social ». Ces sociétés contractuelles seraient le produit d’un libre rassemblement d’individus qui auraient décidé de « faire société » autour de valeurs universellement partagées par tout le genre humain, quelles que soient donc l’origine, la race, la religion et la culture des hommes qui composent celui-ci.

contratsocial.jpgOn sait que ces « valeurs », que l’on dit découler de la nature humaine, en fait, plus certainement, des délires philosophistes du XVIIIe siècle, sont celles qui charpentent le « pacte républicain », contrat social de la République dite « française ». Grâce au contrat social, ou pacte républicain, une société peut s’organiser et fonctionner avec des hommes venus du monde entier puisque les valeurs et principes qui président à cette organisation et à ce fonctionnement découlent de l’universelle nature humaine, et non de telle ou telle culture particulière. Ainsi une société fondée sur les droits naturels de l’Homme (le droit à la liberté, à l’égalité, à la propriété) serait acceptable par tous puisque ne contredisant les aspirations essentielles d’aucun. Les joueurs de pipo avaient simplement oublié de définir ce qu’on entendait par « liberté », « égalité » ou « propriété »…

Quoi qu’il en soit, les penseurs du « contrat social » ont néanmoins envisagé que certains associés ne respectent par la part du contrat qui leur revient et, par exemple, attentent à la propriété des autres associés. Un châtiment légitime est promis à celui qui ne respecte pas le « droit social ». Ainsi Rousseau parle des « criminels » et des « malfaiteurs » qui, rompant le « traité social », méritent la « peine de mort » !

On observera que les sociétés se prétendant fondées sur un contrat social sont toujours des sociétés supranationales. Cela est logique puisque ce ne sont pas des nations qui sont unies par le contrat mais des individus de toutes les nations. Peu importe, on l’a dit, l’origine nationale de ces individus puisque le contrat ne repose pas sur des spécificités nationales mais sur la nature humaine et les droits qui sont inhérents à celle-ci. L’individu associé devient un « citoyen » et l’ensemble des individus associés (le « corps d’associés » disait Sieyès) devient, selon le contexte, « corps politique », « république » ou « nation ». En contractant, l’individu gagne ainsi une citoyenneté et une nationalité. Mais ici, la citoyenneté et la nationalité se confondent : tous les citoyens français sont automatiquement de nationalité française.

Au contraire, les sociétés qui ne se veulent pas fondées sur un « contrat social » sont des sociétés qui sont soit « mono-nationales » (Japon, Corée…), soit « multinationales » (Russie, Chine, Serbie…). Ici, ce ne sont pas des individus associés qui font société mais une « nation » historique, au sens ethnique du terme, voire, dans certains cas, plusieurs « nations ». Quand plusieurs nations composent la société globale, l’Etat multinational reconnaît chacune d’entre elles (au contraire de l’Etat supranational qui les nie) et distingue soigneusement la citoyenneté (l’appartenance à un Etat), et la nationalité (l’appartenance ethnique à un peuple). Un citoyen russe peut être ainsi de nationalité russe, tatare ou juive. Un citoyen Chinois peut être de nationalité han, mongol ou tibétaine. Un citoyen serbe peut être de nationalité serbe, hongroise ou rom.

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La géopolitique des Etats supranationaux projette sur le monde les délires du contrat social. Cette géopolitique simpliste appréhende les nations comme si elles étaient des individus. Aussi se propose-t-elle de les unir, atomisées, en une seule société planétaire sur la base de valeurs et d’intérêts qu’elle pose comme universels et acceptables par toutes, par delà les différences religieuses, culturelles et politiques qui spécifient chacune. Ainsi par exemple des droits de l’homme ou de la nécessité de « sauver la planète ». Ce sont logiquement les Etats supranationaux qui ont mis en place les institutions supranationales comme l’ONU, l’OMS ou l’OMC ainsi que les grandes institutions politiques à vocation supranationale comme l’Union européenne. L’acte de foi des Etats supranationaux est qu’il est possible d’installer une société globale qui s’organise et fonctionne selon des valeurs et des principes acceptables par toutes les sociétés particulières, bientôt destinées à se dissoudre dans une société planétaire unifiée sous un Etat supranational mondial.

Par leur construction, leur histoire et leurs héritages culturels, les Etats nationaux et multinationaux ne peuvent adhérer à de tels fantasmes.  Encore une fois, c’est selon l’idéologie de « Contrat social » que les Etats supranationaux jugent ce refus. Les Etats nationaux et multinationaux sont regardés comme des Etats qui ne respectent pas le « traité social » universel ou les « lois internationales ». Ce sont des « Etat voyous » (rogue state) ou des Etats criminels qui justifient, à la manière de Rousseau, les sanctions de la « communauté internationale », voire son « intervention » musclée.

La crise sanitaire que nous vivons apporte un élément nouveau. D’une part, elle confirme les fractionnements et l’explosion prochaine des Etats supranationaux. Ceux-ci, par la simple application de leurs principes fondateurs, ont substitué des sociétés hétérogènes aux sociétés homogènes. Or, en Europe, la crise sanitaire révèle le fossé qui sépare les populations allochtones des populations autochtones, mais aussi les tensions et le séparatisme de fait des « zones de non-droit ». Même aux Etats-Unis, l’idée de sécession semble profiter du coronavirus pour davantage se répandre dans les esprits. Bref, à « l’intérieur », on le savait depuis les attentats musulmans, le contrat social est dans une situation d’échec. D’autre part, les Etats nationaux et multinationaux se révèlent bien plus efficaces pour enrayer l’épidémie que les Etats supranationaux. Rappelons que 90% des décès dans le monde sont enregistrés dans les Etats supranationaux d’Europe de l’Ouest et des Etats-Unis. Pire, peut-être, les Etats supranationaux se retrouvent dans l’obligation de renier les principes qu’ils proclamaient jusque-là : ils rétablissent des frontières et cassent de fait (pour le moment) toute velléité d’association supranationale. Géopolitiquement, « à l’extérieur », le contrat social est donc, là aussi, en situation d’échec.  

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Il est encore trop tôt pour le dire, mais il se pourrait que le coronavirus pulvérise à terme l’idéologie du contrat social. Si tel était le cas, les Etats supranationaux connaîtraient un effondrement qui, en raison de leur hétérogénéité ethnique, serait pire que l’effondrement de l’URSS. Ils laisseraient en ruine les sociétés qu’ils dominent. Cependant, il semble peu probable que les dirigeants des Etats supranationaux admettent leur défaite aussi facilement que ceux de l’URSS. Il subsistait chez les soviets un sens de l’intérêt général que ne possèdent pas les oligarques. Les critiques portées contre la Russie et aujourd’hui contre la Chine, ouvertement accusée d’avoir fabriqué le virus et causé l’effondrement de l’économie mondiale, laissent supposer la mise en place de stratégies conflictuelles. Trump lie le coronavirus à un laboratoire chinois et menace déjà la Chine de lui imposer des taxes douanières punitives. Tout cela au risque d’une guerre qui ne serait pas seulement économique ? Rien n’est impossible, même pas une guerre des Etats supranationaux contre les Etats multinationaux russes et chinois. Il faut s’en tenir aux faits : depuis deux siècles le « Contrat social », contrat avec le diable, se signe avec le sang des peuples. Le « Contrat social » scelle la mort des peuples et l’apparition des multitudes. Pour l’oligarchie régentant les Etats supranationaux, les peuples n’existent plus. Il n’y a que des nombres et des chiffres sur des lignes. Dès lors, quelle importance qu’il y ait quelques lignes de plus ou de moins ?

Antonin Campana

jeudi, 21 mai 2020

Bruno Guigue: «Pour de nombreux pays, Pékin représente une alternative crédible à une hégémonie occidentale défaillante»

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Bruno Guigue: «Pour de nombreux pays, Pékin représente une alternative crédible à une hégémonie occidentale défaillante»

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com
 
Reporters : Aux invectives devenues habituelles de Donald Trump s’ajoute une méfiance croissante des Européens quant aux origines et à la gestion de la crise sanitaire par Pékin. Comment expliquer la montée de l’agressivité envers la Chine dans les discours des gouvernements occidentaux en plein épidémie du Covid-19 relayés méthodiquement par les grands médias ?

Bruno Guigue : L’avalanche de propagande contre la Chine a pris pour prétexte la crise sanitaire actuelle, mais elle figure sur l’agenda occidental depuis longtemps, et au moins depuis le deuxième mandat d’Obama. Trump a radicalisé cette hostilité, mais elle existait à l’état latent depuis une bonne décennie. Mais, aujourd’hui, la dénonciation de la Chine n’est plus seulement une posture, c’est devenu une politique. Quand on dit que la Chine est un ennemi systémique, inutile de faire un dessin.

Durant cette pandémie du Covid, la Chine s’est illustrée par une posture positive en aidant les pays amis et même certains pays européens en difficulté. La Chine, qui a géré efficacement la pandémie chez elle, a-t-elle gagné des points sur le plan géopolitique ?

Oui, bien sûr. La principale raison de l’hostilité occidentale, précisément, c’est que la coopération avec Pékin, pour de nombreux pays, représente une alternative crédible à une hégémonie occidentale défaillante. Le problème n’est pas que la Chine veut dominer le monde, ni qu’elle veut exporter son modèle. C’est faux dans les deux cas. Le problème, du moins pour l’Occident, c’est qu’elle est à la fois plus performante et moins intrusive que les Occidentaux. Cette situation était antérieure à la crise actuelle, mais celle-ci l’a exacerbée. Quand Pékin envoie une équipe médicale en Italie, la démonstration est faite que l’UE ne vaut strictement rien. Quand la Chine livre des médicaments au Venezuela, elle fait un bras d’honneur à Washington. Ce retour de la puissance chinoise dans l’arène internationale, après des décennies de discrétion, est un évènement majeur qui coïncide avec le formidable développement du pays sous l’égide du parti communiste. Le paradoxe, c’est que l’inconséquence occidentale est largement à l’origine de cette renaissance de la politique chinoise, comme si un système de vases communicants transfusait l’énergie d’un Occident délabré vers la puissance montante. De ce point de vue, la crise du Covid-19 accélère le basculement du monde.

Cette crise sanitaire mondiale exacerbée pourrait-elle aller jusqu’à provoquer une confrontation militaire entre les Etats-Unis et la Chine ?

Je ne crois pas à un affrontement militaire de grande ampleur entre les États-Unis et la Chine, pour la simple raison qu’aucun des deux n’est assuré de vaincre, et que la seule chose certaine, c’est la destruction mutuelle. Les USA adorent la guerre, mais ils la pratiquent contre plus faible qu’eux. Et même dans ce cas, ils trouvent le moyen de la perdre. Vous voyez vraiment le Pentagone se lancer à l’assaut de la Chine ? C’est risible.

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Le sentiment anti-chinois dans le monde n’a jamais été aussi fort estime un rapport de l’Institut chinois des relations internationales contemporaines révélé par Reuters. Y a-t-il réellement selon vous une désaffection envers la Chine et si ça se trouve est-elle réelle ou sciemment entretenue ?

La désaffection à l’égard de la Chine est entretenue par des médias occidentaux serviles et falsificateurs, et malheureusement les calomnies dont elle fait l’objet répandent leurs fruits empoisonnés. Mais ne prenons pas l’Occident pour le centre du monde. 80 pays coopèrent avec Pékin dans le cadre des nouvelles routes de la soie. Les peuples ne sont pas aveugles. En Asie, en Afrique, en Amérique latine, chacun peut voir ce que fait la Chine, la juger sur pièce, la critiquer si nécessaire, mais je doute que, globalement, son image soit plus négative que celle des puissances occidentales.

Ce séisme sanitaire mondial donnera-t-il selon vous naissance à de nouveaux équilibres dans les relations internationales ?

Sans doute, car la Chine a une longueur d’avance sur les autres pays. Elle a géré la crise sanitaire de façon magistrale, sans même se poser la question de la priorité à donner à la santé publique. Elle a accepté de payer le prix d’une brève contraction de son économie pour juguler la propagation du virus, et cette politique a porté ses fruits.

La mobilisation des moyens, sous l’égide d’un État fort, a impressionné l’opinion mondiale, et elle représente à cet égard un exemple à méditer. Le paradoxe, c’est que la pandémie semble venir de la Chine, du moins jusqu’à preuve du contraire, et on a de moins en moins de certitudes à ce sujet, et c’est la Chine qui semble tirer les marrons du feu, car elle a su imposer son propre tempo au phénomène viral sur son propre territoire en utilisant toutes les ressources de l’action publique. Le deuxième aspect de la question, c’est le redémarrage économique, qui semble aujourd’hui acquis en Chine, alors que le monde occidental s’enfonce dans un marasme sans précédent. Ce contraste entre un Occident incapable de faire face au défi de la pandémie et une Chine, et au-delà de la Chine, une Asie orientale qui réalise une performance remarquable du point de vue de la gestion publique, doit être sérieusement médité. Quand on voit la situation lamentable des États-Unis, manifestement aggravée par l’irresponsabilité de son administration, on se demande comment certains peuvent encore voir dans cette puissance, dont l’arrogance progresse au même rythme que sa déliquescence, un leader crédible pour l’Occident tout entier.

Œuvrer pour un ordre international différent : une grande ambition pour la France et l’Europe

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Œuvrer pour un ordre international différent : une grande ambition pour la France et l’Europe

par le Général Dominique Delawarde

Ex: https://strategika.fr

Sous le titre : « Œuvrer pour un ordre international différent : une grande ambition pour la France et l’Europe » le CRI (Centre de Réflexion Interarmées) vient d’entreprendre une réflexion en trois étapes, dont le contenu est tout entier résumé dans son titre.

Cette réflexion est particulièrement intéressante pour trois raisons :

1 – Elle a été conduite par des officiers généraux des trois armées (Terre, Air et Marine) qui ont tous vécu la guerre froide et qui ont tous été formés dans l’antisoviétisme primaire des années 60 et 70. Ces officiers généraux ont aussi vécu de l’intérieur les dérives de l’Alliance Atlantique à partir des années 1990. Ils ont réfléchi rétrospectivement, parce qu’ils en avaient le temps, sur des événements qu’ils ont bien connus et sur l’évolution de la place et du rôle de la France dans l’Alliance. Ils nous livrent leurs conclusions.

2 – Le CRI (Centre de Réflexion Interarmées) est vraiment indépendant. C’est un Think-Tank qui se réunit et travaille en marge des institutions officielles et dont l’avis, si pertinent soit-il, ne reflète pas la doctrine officielle. Celle-ci est, hélas, élaborée par des politiques, des hauts-fonctionnaires et des militaires très impliqués dans l’action immédiate et qui, « le nez dans le guidon », n’ont pas forcément le recul nécessaire pour réfléchir et remettre en cause les données de base de leur formation initiale, très fortement imprégnée de russophobie.

3 – Un nouveau concept stratégique de l’OTAN est en cours d’élaboration pour une publication en 2021. Un tel concept est valide et pleinement efficient à la seule condition que les états membres de l’alliance et les hauts responsables militaires en charge de l’appliquer y adhèrent sans réserve. Si ce n’est pas le cas, la solidité de l’Alliance s’en trouve inévitablement affectée. Un soldat a besoin de savoir pourquoi, ou pour qui, on lui demande d’exposer sa vie. Les autorités politiques et militaires qui préparent le nouveau concept stratégique doivent donc impérativement connaître les conclusions de cette réflexion émanant d’un Think-Tank qui ne manque ni d’expérience, ni d’expertise, ni surtout d’indépendance.

Ma conclusion est simple : les trois volets de cette réflexion qui seront publiés l’un après l’autre doivent-être très largement diffusés sur tous les supports possibles. Cette étude n’a été signée que par ses auteurs, mais elle pourrait très facilement l’être par plus d’une centaine d’officiers généraux, de diplomates, de géopoliticiens français reconnus, d’universitaires, de hauts fonctionnaires etc. Elle doit être portée à la connaissance des décideurs, mais aussi à celle du grand public.

Dominique Delawarde

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Œuvrer pour un ordre international différent : une grande ambition pour la France et l’Europe

La thèse de cette réflexion consiste à mettre en lumière le danger que représente, pour les européens et le monde, la doctrine d’emploi du nucléaire US qui se met en place – en concepts d’emploi, en structure, en moyens- et mise en application dans les exercices de l’OTAN auxquels laFrance participe, en considérant que la Russie est « l’ennemi. »

Si nous luttons contre cette doctrine et parvenons à en convaincre les autres pays européens, alors, nous pourrons parvenir, par une recherche d’autonomie stratégique de l’Europe, à développer sur le long terme, des relations de confiance avec la Russie et instaurer une paix durable en Europe de l’Atlantique à l’Oural voire plus.

Cette analyse se décompose en trois parties.

La première, intitulée «et si le coronavirus aidait la France à mettre fin à une longue suite de renoncements », profite de la crise sanitaire actuelle et de l’analyse d’un exercice majeur de l’OTAN « Defender 2020 » pour, après avoir dénoncé les renoncements successifs de la France à sa politique d’indépendance, inciter les pays européens à rechercher une plus grande autonomie stratégique par rapport à nos alliés américains.

La deuxième, intitulée « du danger de la stratégie nucléaire américaine pour l’Europe et le Monde », dénonce la nouvelle guerre froide vers laquelle les USA, à travers l’OTAN, entraînent l’Europe à devenir un champ de bataille nucléaire potentiel lors d’un affrontement avec la Russie.

La troisième, intitulée « vers une autonomie stratégique européenne » s’efforce de tracer les voies pour parvenir à cette autonomie dans les domaines politiques, militaires, économiques et culturels.

Le cercle de réflexion interarmées est une entité indépendante de réflexion sur tous les problèmes liés à la Défense. Il n’exprime pas la doctrine officielle.

Et si le coronavirus aidait la France à mettre fin à une longue suite de renoncements ?

Quand bien même on craindrait les « cyber-intrusions » russes ; même si, pris de court par le retour populaire de la Crimée dans le giron russe, les Européens gouvernés par l’Amérique furent tétanisés par l’habileté de Poutine, il n’en reste pas moins qu’organiser des manœuvres de l’OTAN, au 21ème siècle, sous le nez de Moscou, plus de 30 ans après la chute de l’URSS, comme si le Pacte de Varsovie existait encore, est une erreur politique, confinant à la provocation irresponsable.

Y participer révèle un suivisme aveugle, signifiant une préoccupante perte de notre indépendance stratégique.

Est-il possible que la France s’en dispense ?

Le surgissement d’un fléau planétaire qui confine près de 4 milliards de Terriens, éclairant d’une lumière crue les grandes fragilités de l’humanité, pourrait contribuer à nous débarrasser des vieux réflexes de guerre froide. Faisant soudain peser une menace existentielle, ce fléau transfrontalier hiérarchise les priorités stratégiques, dévoile la futilité des anciennes routines et rappelle le poids de notre appartenance à l’ensemble eurasiatique, dont la Russie est le pivot ancestral.

Certains peuvent redouter de choquer nos partenaires de l’Est européen encore accablés par les souvenirs du rideau de fer. Ils oublient cependant qu’en 1966, il y a plus d’un demi-siècle, Charles de Gaulle dont tout le monde se réclame, mais que personne n’ose plus imiter – sauf en posture -, avait purement et simplement signifié à l’allié américain à qui l’Europe et la France devaient pourtant leur survie, qu’il n’était plus le bienvenu à Fontainebleau.

C’est que le « Connétable », ayant chevillé à l’âme l’indépendance du pays, n’avait pas oublié qu’en 1944 Roosevelt avait l’intention de mettre la France sous tutelle administrative américaine.

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Pourtant, nombre de militaires d’abord, au prétexte que l’OTAN était une norme opérationnelle et technologique, pourvoyeur à l’occasion d’un appui logistique essentiel, n’ont cessé de militer pour contourner l’affirmation d’indépendance gaullienne, sans cesser de s’en réclamer.

Ensuite, du côté des politiques dès avril 1991, dans l’opposition, appuyant Philippe Seguin contre Charles Pasqua et Jacques Chirac, François Fillon également opposé au traité de Maastricht, avait tenté la quadrature du cercle dans une tribune du Monde.

Il y soutenait que l’Europe de la défense était une « chimère », tout en proposant de « placer ses alliés au pied du mur en proposant une véritable européanisation de l’alliance atlantique, en concurrence avec l’actuel projet de simple replâtrage de l’OTAN sous leadership stratégique américain. ».

Son but était également de préparer le retour de la France dans le commandement d’une OTAN repensée, à l’aune, disait-il de « l’esprit de 1949 » avec une « européanisation de tous les commandements » et « coopération et interopérabilité des forces plutôt que leur intégration ».

Dès son entrée à l’Élysée en 1995, Jacques Chirac, pourtant le premier héritier de l‘exigence d’indépendance sous le grand pavois de Charles de Gaulle, entamait les négociations pour le retour de la France dans le Commandement intégré de l’Alliance.

En échange – mais sans réel moyen de pression – il réclamait, l’attribution à Paris du poste de Commandement du flanc sud de l’Alliance à Naples, tout de même port d’attache de la 6ème flotte de l’US Navy.

Un article de Libération dont la lecture est édifiante détaillait le 27 février 1997, sous la plume de Jacques Amalric, ancien correspondant du Monde à Washington et à Moscou, les dessous de ces marchandages. Chacun jugera à quel point les contorsions sémantiques contrastaient avec l’inflexible fermeté gaullienne, 30 ans plus tôt. [1]

Au passage, il est juste de rappeler que c’est la gauche française qui, apparemment à contre-emploi, s’est opposée au sabordage de l’héritage gaullien. En 1997, Lionel Jospin, devenu premier ministre, affronta directement Jacques Chirac sur cette question.

Mais celui qui a décidé de « rentrer dans le rang » de la structure militaire intégrée c’est bien Nicolas Sarkozy, venu en août 2007 aux États-Unis rencontrer Georges Bush.

Le résultat fut l’annonce faite par le Président Français devant le Congrès des États-Unis, le 7 novembre 2007, 41 ans après l’affirmation d’indépendance de Charles de Gaulle. L’affaire fut entérinée par le parlement français saisi par une motion de censure, rejetée en 2009.

Pour le prix de son retour, Paris reçut la compensation du Commandement non directement opérationnel dit « Allied Command Transformation » (A.C.T) basé à Norfolk dont la mission est une réflexion technologique, structurelle, tactique et stratégique en même temps qu’une action pédagogique vers les pays membres, visant à la fois à la prise de conscience et à l’harmonisation.

Sans en nier l’importance, on ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit d’une consolation :

1) Fournir le cadre conceptuel pour la conduite de futures opérations conjointes combinées

2) Définir le concept et les moyens capacitaires des opérations futures de l’Alliance ;

3) Évaluer la pertinence des concepts opérationnels émergents – notamment dans le domaine des hautes technologies – et les traduire en une doctrine d’emploi validée par la recherche scientifique à la fois fondamentale et expérimentale ;

4) Persuader les nations membres, individuellement et collectivement, d’acquérir les capacités indispensables et de fournir la formation initiale nécessaire à la mise en œuvre des nouveaux concepts validés, qu’ils soient endogènes à l’OTAN ou générés hors Alliance.

Nous en sommes là. 54 ans après la brutalité du panache stratégique gaullien, le processus est un renoncement.

Aujourd’hui, alors que le pouvoir a abandonné à Bruxelles et à la Banque Centrale Européenne une partie de sa marge de manœuvre régalienne, en échange de la construction d’une Europe dont la voix peine à se faire entendre, quand on écoute les affirmations d’indépendance de la France, on est saisi par l’impression d’une paranoïa.

La contradiction diffuse le sentiment d’un « théâtre politique » factice, probablement à la racine d’une désaffection électorale, dont l’ampleur est un défi pour notre démocratie.

Enfin, pour un pays européen déjà sévèrement frappé par d’autres menaces, dans une Union menaçant de se déliter, alors que le voisin grec est confronté à un défi migratoire lancé par le Grand Turc membre de l’Alliance, mais cependant engagé dans une stratégie de retour de puissance par le truchement d’une affirmation médiévale religieuse clairement hostile, aller gesticuler militairement aux ordres de Washington aux frontières de la Russie qui n’est depuis longtemps plus une menace militaire directe, traduit pour le moins une catalepsie intellectuelle, confinant à la perte de l’instinct de survie.

Il faut rechercher les racines de ce naufrage dans notre passé récent.

S’étant abîmée à deux reprises au 20ème siècle dans le nihilisme suicidaire, la 2ème fois dans une abjection morale impossible à justifier, l’Europe a, en dépit des vastes apports de ses « lumières », perdu les ressorts moraux de l’estime de soi, condition première d’une affirmation de puissance.

Plus encore, le sillage mental de cet héritage insupportable véhicule toujours un parasitage du jeu démocratique. Interdisant à la pensée conservatrice de s’exprimer, la mémoire du génocide raciste plombe toutes les politiques de contrôle des flux migratoires et de répression des incivilités, y compris celles menaçant clairement l’intégrité du territoire.

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Cette dépression morale de la Vieille Europe a conduit à son effondrement stratégique, laissant libre cours à l’empiétement américain. De ce point de vue, il n’est pas étonnant que l’Allemagne se soit aussi longtemps affirmée comme le premier point d’appui stratégique de l’Amérique en Europe.

Ajoutons que les accusations qui, dans ce contexte, où les menaces ont radicalement évolué, soupçonnent l’Amérique de perpétuer une mentalité de guerre froide hors du temps, ne manquent pas de pertinence. Le blocage politique antirusse de toutes les élites américaines confondues s’articule à l’obsession stratégique de perpétuer la raison d’être de l’OTAN, un des principaux adjuvants de la prévalence américaine après 1949.

Notons cependant que, sévèrement critiqué par sa propre bien-pensance, Trump qui harcèle verbalement l’Europe en même temps que la plupart de ses alliés, est, au contraire de son administration et du complexe militaro-industriel, favorable à un rapprochement avec la Russie.

                                                               *

Conclusion

Dans ce contexte dont il faut bien reconnaître que la trajectoire générale est à rebours de la décision de rupture gaullienne de 1966, que faire pour nous libérer de l’emprise américaine et initier un rapprochement avec Moscou ?

Tirant le bilan des avantages / inconvénients de notre retour dans le commandement intégré avec cependant des responsabilités opérationnelles réduites, devrions-nous, balayant tous les inconvénients, tourner le dos à Washington désormais considéré par beaucoup comme un hostile ?

Le Dao chinois affirme que « la réalité se construit du battement des contraires ». Illustrant le mouvement cosmologique et la succession cyclique des saisons, la vision porte également sur les interactions entre les situations, les hommes et leurs organisations. Elle spécule que tout changement est le résultat d’une contrainte adverse, sans être nécessairement un affrontement hostile.

Dans le cas qui nous occupe, il est illusoire de croire que, sans une pression significative, les États-Unis modifieraient à la fois leur attitude de suzerain à l’égard des membres de l’alliance et leur hostilité anachronique avec la Russie.

L’épidémie qui frappe le monde bouleverse les routines et les repères.

Elle met à jour les dysfonctionnements et les incohérences.

Propice aux introspections, elle rappelle qu’à la chute de l’URSS, l’OTAN, saisie par un hubris de puissance a exercé de lourdes pressions sur les marches de la Russie, au-delà des frontières allemandes, mettant la sécurité de l’Europe en danger.

Du coup, la crise incite à revenir à l’essentiel du régalien : la sécurité de la France et l’indépendance de sa diplomatie dont on voit bien qu’elles ne peuvent être abandonnées à d’autres.

Le moment est venu de tenter une pression sur Washington en engageant un dialogue stratégique avec Moscou. Si la France se dispensait de participer à certains manœuvres de l’OTAN aux portes de la Russie, anticipant une menace militaire classique aujourd’hui évaporée, elle sonnerait le réveil de la raison, « coup de cymbale » adressé à Washington et Moscou signifiant la fin des léthargies. Le but ne serait pas un renversement d’alliance, mais un rééquilibrage.

Au demeurant, l’initiative marquant le retour de notre indépendance n’a que trop tardé quand on songe que dans le document officiel « Joint Nuclear opérations [2] » référencé JP-3-72 récemment analysé par la Fondation pour la Recherche Stratégique le Pentagone planifie l’emploi d’armes nucléaires tactiques sur le théâtre européen dans les phases conventionnelles du combat aéroterrestre y compris celles impliquant les forces spéciales.

Ce concept est scénarisé et mis en œuvre dans le prochain exercice OTAN Defender 2020 dans lequel l’envahisseur de certains pays européens est clairement désigné.

Si l’exercice a lieu, il devrait permettre de valider sur le papier l’emploi éventuel de nouvelles armes nucléaires tactiques sous contrôle des États-Unis que le traité INF de 1987 interdisait jusqu’en 2019. La France, en participant à cet exercice comme membre de la structure militaire intégrée de l’Otan cautionnerait cette nouvelle stratégie en contradiction complète avec la doctrine française de dissuasion qui refuse toute bataille nucléaire.

Surtout elle apporterait, involontairement, sa caution à la réactivation de la guerre froide avec la mise au ban occidental de la Fédération de Russie présentée comme l’agresseur potentiel principal des pays européens. Ce qui est, là également, en contradiction avec l’orientation actuelle de la diplomatie française qui vise un rapprochement avec la Russie.

Pour éviter que l’initiative d’un désistement français soit perçue comme une provocation par les pays baltes et les PECO, il serait nécessaire de placer la manœuvre diplomatique dans un contexte européen. Paris donnerait l’élan en coordination étroite avec l’Allemagne.

Dans cette démarche gardons-nous de deux écueils : le premier serait de tourner le dos à Washington, « Il s’agit de faire l’Europe sans rompre avec les Américains, mais indépendamment d’eux », répétait Charles de Gaulle ; le deuxième serait la tentation fédéraliste, tant il est vrai que « l’arbitraire centralisation provoquera toujours, par chocs en retour, la virulence des nationalités. (…) L’union de l’Europe ne saurait être la fusion des peuples (…) Mais elle peut et doit résulter de leur systématique rapprochement. » Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir.

Deuxième partie à suivre : Du danger de la stratégie nucléaire US-OTAN pour l’Europe Pour le Cercle de Réflexions Interarmées.

Pour le Cercle de Réflexions Interarmées.

Général (2S) François Torrès

Général (2S) Jean-Claude Rodriguez

Général (2S) Jean-Serge Schneider

Général (2S) Grégoire Diamantidis

Général (2S) Marc Allamand

Général (2S) Jean-Pierre Soyard

Contre-Amiral (2S) François Jourdier

Général (2S) Jean-Claude Allard

Général (2S) Christian Renault

Capitaine de Vaisseau (ER) Alexis Beresnikoff

Monsieur Marcel Edouard Jayr


[1] https://www.liberation.fr/planete/1997/02/27/otan-comment...

[2] JP3-72 chap. 5 Nuclear Operations, paragraphe 3 Opérations in a Nuclear environnement :« L’emploi des armes nucléaires peut radicalement altérer ou accélérer le déroulement d’une campagne. Une arme nucléaire pourrait être introduite dans le cours de la campagne du fait de la perception d’un échec d’une campagne militaire classique, d’une possible perte de contrôle ou de régime [sic], ou pour procéder à l’escalade afin de proposer un règlement pacifique en des termes plus favorables. » https://www.frstrategie.org/programmes/observatoire-de-la... https://publicintelligence.net/jcs-nuclear-operations/

mercredi, 20 mai 2020

Pression américaine sur le Venezuela : Washington veut un « changement de régime »

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Pression américaine sur le Venezuela : Washington veut un « changement de régime »

Par Bernhard Tomaschitz

Profitant de la crise du coronavirus, les Etats-Unis multiplient leurs efforts pour provoquer un changement de régime au Venezuela

Alors que la crise du coronavirus affecte toute la planète, les tensions entre les Etats-Unis et le Venezuela s’intensifient. Au début du mois de mai 2020, plusieurs tentatives d’invasion auraient eu lieu dans l’Etat sud-américain. Vingt-trois personnes auraient été prises prisonnières et, d’après les autorités vénézuéliennes, il s’agirait de mercenaires. Ces actions, ajoutent-elles, auraient été téléguidées par l’opposition vénézuélienne et par les cartels de narcotrafiquants basés en Colombie, comme l’a déclaré le ministre des communications Jorge Rodriguez. Derrière cette tentative d’invasion, baptisée « Operation Gedeon », se profilerait le firme de mercenariat Silvercorp de l’ancien soldat d’élite américain Jordan Goudreau. Le siège de Silvercorp est situé dans l’Etat américain de Floride. Ce qui frappe de premier abord, c’est que cette « Operation Gedeon » a été menée à la mode du dilettante. Le New York Times écrit qu’elle était menée selon un « scénario hollywoodien ». Le ministre américain des affaires étrangères, Mike Pompeo, a fait savoir que « si nous avions été impliqués, les choses auraient tourné autrement ». Cette déclaration permet toutefois de conclure que l’option militaire contre le Venezuela est bel et bien envisagée aux Etats-Unis.

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Depuis lors, Washington et Caracas se querellent pour savoir qui est à l’origine de l’« Operation Gedeon ». Rodriguez : « Le gouvernement de Trump aura du mal à nier ses responsabilités ». Donald Trump rejette toute implication américaine et a évoqué une campagne de désinformation du Président vénézuélien Nicolas Maduro. D’après le New York Times cependant, Silvercorp affirme avoir conclu un accord avec l’opposition vénézuélienne portant sur une somme de 220 millions de dollars, « afin de l’aider à renverser Maduro ».

Les faits sont pourtant les suivants : Donald Trump, depuis son entrée en fonction en janvier 2017 et en dépit des sanctions économiques accrues contre le Venezuela, n’est toujours pas parvenu à provoquer un changement de régime à Caracas et à installer un gouvernement de marionnettes dirigé par Juan Guaido, président ad interim auto-proclamé. La revue Politico écrit : « La stratégie américaine contre le Venezuela patine depuis près d’un an, depuis que Trump a demandé à Maduro de se retirer et a imposé des sanctions accrues contre son gouvernement ». Maduro « est toutefois resté au pouvoir avec l’appui des adversaires des Etats-Unis que sont la Russie et Cuba ». Washington n’a plus guère d’autres ressources que d’appuyer Guaido et de parier sur la menace militaire ». Quant à Guaido, les Etats-Unis affirment, par la voix d’Elliott Abrams, conseiller spécial pour le Venezuela auprès du gouvernement américain, vouloir encore le soutenir dans l’avenir.

Ce soutien, ouvertement avoué, à un « président intérimaire » auto-proclamé est, qu’on le veuille ou non, l’indice d’une immixtion délibérée dans les affaires intérieures d’un Etat souverain. De même que le projet esquissé par Elliott Abrams, baptisé « Projet-cadre pour la transition démocratique au Venezuela ». Le noyau central de ce projet vise la constitution d’un « conseil d’Etat » qui reprendrait à son compte le rôle du gouvernement vénézuélien. Au point 6 de ce projet, on lit : « toutes les compétences exercées par le Président en vertu de la constitution seront toutes transmises au ‘conseil d’Etat’ ». Et dès que ce « conseil d’Etat » se mettrait à fonctionner, Maduro serait démis de ses fonctions et les sanctions imposées par les Etats-Unis et l’UE seraient levées. Et, bien évidemment, ce « conseil d’Etat » serait constitué de telle manière que l’opposition, soutenue par les Etats-Unis, obtiendrait de facto un droit de veto.

Et ce n’est pas tout : en avril les Etats-Unis ont incriminé Maduro sous le prétexte de trafic de drogues et mis sa tête à prix pour 15 millions de dollars. Pire : ils ont envoyé des navires de guerre dans les Caraïbes. La revue The American Conservative émet également son avis : « Les Etats-Unis ont amorcé la plus grande invasion dans notre hémisphère depuis celle de Panama ». Elle évoque l’invasion américaine du Panama en décembre 1989, où Manuel Noriega, qui y détenait le pouvoir, a été renversé. Le conseil de sécurité de l’ONU n’avait donné aucun mandat permettant cette invasion ; comme les Etats-Unis n’avaient pas été attaqués par le Panama, on peut affirmer que cette agression était contraire au droit des gens. The American Conservative poursuit, en soulignant un détail particulier : la mise à prix de la tête de Maduro a été signée par le même procureur général, William Barr, qui avait, en 1989, justifié juridiquement l’invasion perpétrée contre Noriega.

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A l’époque comme aujourd’hui, la lutte contre le narcotrafic constituait le prétexte de l’action américaine. Washington justifie l’envoi de ses navires de guerre dans la Mer des Caraïbes en arguant de la nécessité d’interdire le trafic de stupéfiants sur le territoire américain. Les faits nous obligent à constater, toutefois, qu’il y a davantage de drogues qui arrivent aux Etats-Unis par la Colombie que par le Venezuela. Mais la Colombie est le principal allié des Etats-Unis dans la région. Ses trafiquants envoient leurs drogues aux Etats-Unis par la voie maritime du Pacifique. Il est probable que la Colombie ait joué un rôle dans l’« Operation Gedeon « , estime Lucas Leiro de Almeida de l’Université de Rio de Janeiro. Il écrit : « D’après des sources officielles, les guerilleros ont quitté la Colombie par la mer pour arriver au Venezuela, transportés par les bâtiments d’une firme américaine, que Guaido lui-même aurait loués (…). Le procureur général du Venezuela a rendu publiques toute une série de preuves, y compris le contrat signé entre Guaido et l’entreprise américaine, lequel contrat décrivant la route maritime à suivre depuis la Colombie ; or c’est justement cette route-là que les attaquants ont suivie ; cela confirme les accusations formulées par le gouvernement de Maduro ».

Bernhard TOMASCHITZ.

(article tiré de « zur Zeit », Vienne, n°20/2020).