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mardi, 07 janvier 2014

Elementos 61 y 62: Spengler y Condicion femenina

ELEMENTOS Nº 62
REVISAR A SPENGLER: EL FUTURO YA ESTÁ AQUÍ
 
 
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Sumario.-


Oswald Spengler,
por Alain de Benoist

Oswald Spengler, el hombre que veía más lejos,
por Rodrigo Agulló

Oswald Spengler y la decadencia de la Civilización Faústica,
por Carlos Javier Blanco Martín

Revisar a Spengler. ¿De la filosofía de la vida a la filosofía de la crisis?,
por Javier Esparza

Irracionalismo y culto a la tradición en el pensamiento de Spengler,
por Javier R. Abella Romero

Oswald Spengler: la muerte del “Hombre” a comienzos del siglo XX,
por Javier B. Seoane C.

El Socialismo de Oswald Spengler,
por Carlos Javier Blanco Martín

La Decadencia de Occidente y la novela utópica contemporánea,
por Paulino Arguijo

Prusianismo y Socialismo en Spengler,
or Javier R. Abella Romero

Decadencia y muerte del Espíritu Europeo. Volviendo la mirada hacia Oswald Spengler,
por Carlos Javier Blanco Martín

Guerra permanente, anti-pacifismo y elitismo en el pensamiento de Spengler,
por Javier R. Abella Romero

Nihilismo, crisis y decadencia: Ortega frente a Spengler,
por Juan Herrero Senés

Años Decisivos: el distanciamiento definitivo del nacionalsocialismo,
por Javier R. Abella Romero

La influencia de Spengler,
por Antonio Martín Puerta
 

ELEMENTOS Nº 61.

LA CONDICIÓN FEMENINA. ¿FEMINISMO O FEMINIDAD?


 
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Sumario

Visión ontológico-teológica de lo masculino y lo femenino,
por Leonardo Boff

El ser oculto de la cultura femenina en la obra de Georg Simmel,
por Josetxo Beriain

El feminismo de la diferencia,
por Marta Colorado López, Liliana Arango Palacio, Sofía Fernández Fuente

La condición femenina,
por Alain de Benoist

La mujer objeto de la dominación masculina,
por Pierre Bourdieu

Feminidad versus Feminismo,
por Cesáreo Marítimo

Afirmando las diferencias. El feminismo de Nietzsche,
por Elvira Burgos Díaz

La mujer como madre y la mujer como amante,
por Julius Evola

El “recelo feminista” a proposito del ensayo La dominacion masculina de Pierre Bourdieu, por Yuliuva Hernández García

Friedrich Nietzsche y Sigmund Freud: una subversión feminista,
por Eva Parrondo Coppel

Hombres y mujeres. Un análisis desde la teoría de la polaridad,
por Raúl Martínez Ibars

Identidad femenina y humanización del mundo,
por Rodrigo Guerra

Simmel y la cultura femenina,
por Raquel Osborne

La nueva feminidad,
Entrevista a Annalinde Nightwind

El hombre no es un enemigo a batir,
Entrevista con Elisabeth Badinter
 

vendredi, 03 janvier 2014

Martin Heidegger, Ernst Jünger, sur la ligne

Martin Heidegger, Ernst Jünger, sur la ligne

par Luc-Olivier d'Algange

ex: http://aucoeurdunationalisme.blogspot.com

Rien ne sera admis, reconnu, dépassé, redimé, des temps d'abominable servitude que nous vivons tant que nous n'aurons pas médité sur la ligne qui sépare le monde ancien du monde nouveau. Sur la ligne, c'est-à-dire, selon la réponse de Heidegger à Jünger, non seulement par-delà la ligne, au-dessus de la ligne, mais aussi, plus immédiatement à propos de la ligne. Faire de la ligne même le site de notre pensée et de son déploiement, c'est déjà s'assurer de ne point céder à quelque illusoire franchissement. Il s'en faut de beaucoup que l'au-delà soit déjà ici-même. L'ici-même où nous nous retrouvons, en ce partage des millénaires, a ceci de particulier qu'il n'est plus même un espace, une temporalité mais une pure démarcation. Là où nous sommes, l'être s'est évanouit et jamais peut-être dans toute l'histoire humaine nous ne fûmes aussi dépossédés des prérogatives normales de l'être et ne fûmes aussi radicalement requis par la toute-possibilité.

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Cette situation est à la fois extrêmement périlleuse et chanceuse. Le pari qui nous incombe n'est plus seulement de l'ordre de la Foi, - selon l'interprétation habituellement quelque peu limitative que l'on donne du pari pascalien, mais d'ordre onto-théologique. Certes, il existe un monde ancien et un monde nouveau. « Le domaine du nihilisme accompli, écrit Heidegger, trace la frontière entre deux âges du monde ». Le monde ancien fut un monde où la puissance n'étant point encore entièrement dévouée à la destruction et au contrôle, s'épanouissait en œuvres de beauté et de vérité. Le monde nouveau est un monde où la « splendeur du vrai », étant jugée inane, la morale, strictement utilitaire, soumise à une rationalisation outrancière, c'est-à-dire devenue folle, s'accomplit en œuvres de destruction.

La radicalité même de la différence entre ces deux âges du monde nous interdit généralement d'en percevoir la nature. Le plus grand nombre de nos contemporains, lorsqu'ils ne cultivent plus le mythe d'une modernité libératrice, en viennent à croire que le cours du temps n'a pas affecté considérablement les données fondamentales de l'existence humaine. Ils se trouvent si bien imprégnés par la vulgarité et les préjugés de leur temps qu'ils n'en perçoivent plus le caractère odieux ou dérisoire ou s'imaginent que ce caractère fut également répandu dans le cours des siècles. La simple raison s'avère ici insuffisante. Une autre expérience est requise qui appartient en propre au domaine de la beauté et de la poésie. L'accusation d'esthétisme régulièrement proférée à l'encontre de l'œuvre de Jünger provient de cette approche plus subtile des phénomènes propres au nihilisme. Certes, un esthétisme qui n'aurait aucun souci du vrai et du bien serait lui-même une forme de nihilisme accompli. Mais ce qui est à l'œuvre dans le cheminement de Jünger est d'une autre nature. Loin de substituer la considération du Beau à toute autre, il l'ajoute, comme un instrument de détection plus subtil aux considérations issues de l'approche rationnelle. La vertu de l'approche esthétique jüngérienne se révèle ainsi dans la confrontation avec le nihilisme. Pour distinguer les caractères propres aux deux âges du monde dont il est question, encore faut-il rendre son entendement sensible aussi bien à la beauté familière qu'à l'étrangeté.

Sur la ligne, les soufis diraient « sur le fil du rasoir », le moindre risque est bien d'être coupé en deux, ou d'être comme Janus, une créature à deux faces, contemplant à la fois le monde révolu et le monde futur. Que l'on veuille alors aveugler l'une ou l'autre face, en tenir pour la nostalgie pure du passé ou pour la croyance éperdue en l'avenir meilleur, cela ne change rien à l'emprise sur nous du nihilisme. Penser le nihilisme trans lineam exige ce préalable: penser le nihilisme de linea. Le réactionnaire et le progressiste succombent à la même erreur: ils sont également tranchés en deux. La fuite en avant comme la fuite en arrière interdit de penser la ligne elle-même. Toute l'attention du penseur-poète, c'est-à-dire du Cœur aventureux consistera à se tenir sur le méridien zéro afin d'interroger l'essence même du nihilisme, au lieu de se précipiter dans quelque échappatoire. En l'occurrence, Jünger, comme Heidegger nous dit que toute échappatoire, aussi pompeuse qu'elle soit (et comment ne pas voir que notre XXème siècle fut saturé jusqu'à l'écœurement par la pomposité progressiste et réactionnaire ?) n'est jamais qu'une impardonnable futilité.


Sur la ligne, nous dit Jünger, « c'est le tout qui est en jeu ». Sur la ligne, nous le sommes au moment où le nihilisme passif et le nihilisme actif ont laissé place au nihilisme accompli. Le site du nihilisme accompli est celui à partir duquel nous pouvons interroger l'essence du nihilisme. Après la destruction des formes, les temps ne sont plus à séparer le bon grain de l'ivraie. Le nihilisme, écrit Nietzsche est « l'hôte le plus étrange », et Heidegger précise, « « le plus étrange parce que ce qu'il veut, en tant que volonté inconditionnée de vouloir, c'est l'étrangeté, l'apatridité comme telle. C'est pourquoi il est vain de vouloir le mettre à la porte, puisqu'il est déjà partout depuis longtemps, invisible et hantant la maison. »


L'illusion du réactionnaire est de croire pouvoir « assainir », alors que l'illusion du progressiste est de croire pouvoir fonder cette étrangeté en une nouvelle et heureuse familiarité planétaire. Or, précise Heidegger: « L'essence du nihilisme n'est ni ce qu'on pourrait assainir, ni ce qu'on pourrait ne pas assainir. Elle est l'in-sane, mais en tant que telle elle est une indication vers l'in-demne. La pensée doit-elle se rapprocher du domaine de l'essence du nihilisme, alors elle se risque nécessairement en précurseur, et donc elle change. »


La destruction, qui est le signe du nihilisme moderne, serait donc à la fois l'instauration généralisée de l'insane et une indication vers l'indemne. Si le poète et le penseur doivent parier sur l'esprit qui vivifie contre la lettre morte, il n'est pas exclu que par l'accomplissement du nihilisme, c'est-à- dire la destruction de la lettre morte, une chance ne nous soit pas offerte de ressaisir dans son resplendissement essentiel l'esprit qui vivifie. Le précurseur sera ainsi celui qui ose et qui change et dont la pensée, à ceux qui se tiennent encore dans le nihilisme passif ou le nihilisme actif, paraîtra réactionnaire ou subversive alors qu'elle est déjà au-delà, ou plus exactement au-dessus.


Comment ne point aveugler l'un des visages de Janus, comment tenir en soi, en une même exigence et une même attention, la crainte, l'espérance, la déréliction et la sérénité ? Il n'est pas vain de recourir à la raison, sous condition que l'on en vienne à s'interroger ensuite sur la raison même de la raison. Que nous dit cette raison agissante et audacieuse ? Elle nous révèle pour commencer qu'il ne suffit pas de reconnaître dans tel ou tel aspect du monde moderne l'essence du nihilisme. La définition et la description du nihilisme, pour satisfaisantes qu’elles paraissent au premier regard, nous entraînent pourtant dans le cercle vicieux du nihilisme lui-même, avec son cortège de remèdes pires que les maux et de solutions fallacieuses. Vouloir localiser le nihilisme serait ainsi lui succomber à notre insu. Cependant l'intelligence humaine répugne à renoncer à définir, à discriminer: elle garde en elle cette arme mais dépourvue de Maître d'arme et d'une légitimité conséquente, elle en use à mauvais escient. Telle est exactement la raison moderne, détachée de sa pertinence onto-théologique. Etre sur la ligne, penser l'essence du nihilisme accompli, c'est ainsi reconnaître le moment de la défaillance de la raison. Cette reconnaissance, pour autant qu'elle pense l'essence du nihilisme accompli ne sera pas davantage une concession l'irrationalité. « Le renoncement à toute définition qui s'exprime ici, écrit Heidegger, semble faire bon marché de la rigueur de la pensée. Mais il pourrait se faire aussi que seule cette renonciation mette la pensée sur le chemin d'une certaine astreinte, qui lui permette d'éprouver de quelle nature est la rigueur requise d'elle par la chose même ».


felix-h-man-bildarchiv-preussischer-kulturbesitz.1263977561.thumbnail.jpgLe Cœur aventureux jüngérien est appelé à se faire précurseur et à suivre « le chemin d'une certaine astreinte ». La raison n'est pas congédiée mais interrogée; elle n'est point récusée, en faveur de son en-deçà mais requise à une astreinte nouvelle qui rend caduque les définitions, les descriptions, les discriminations dont elle se contentait jusqu'alors. « Que l'hégémonie de la raison s'établisse comme la rationalisation de tous les ordres, comme la normalisation, comme le nivellement, et cela dans le sillage du nihilisme européen, c'est là quelque chose qui donne autant à penser que la tentative de fuite vers l'irrationnel qui lui correspond. » A celui qui se tient sur la ligne, en précurseur et soumis à une astreinte nouvelle, il est donné de voir le rationnel et l'irrationnel comme deux formes concomitantes de superstition.


Qu'est-ce qu'une superstition? Rien d'autre qu'un signe qui survit à la disparition du sens. La superstition rationaliste emprisonne la raison dans l'ignorance de sa provenance et de sa destination, et dans sa propre folie planificatrice, de même que la superstition religieuse emprisonne la Théologie dans l'ignorance de la vertu d'intercession de ses propres symboles. L'insane au comble de sa puissance généralise cette idolâtrie de la lettre morte, de la fonction détachée de l'essence qui la manifeste. Aux temps du nihilisme accompli le dire ayant perdu toute vertu d'intercession se réduit à son seul pouvoir de fascination, comme en témoignent les mots d'ordre des idéologies et les slogans de la publicité. Dans sa nouvelle astreinte, le précurseur ne doit pas être davantage enclin à céder à la superstition de l'irrationnel qu'à la superstition de la raison. En effet, souligne Heidegger, « le plus inquiétant c'est encore le processus selon lequel le rationalisme et l'irrationalisme s'empêtrent identiquement dans une convertibilité réciproque, dont non seulement ils ne trouvent pas l'issue, mais dont ils ne veulent plus l'issue. C'est pourquoi l'on dénie à la pensée toute possibilité de parvenir à une vocation qui se tiennent en dehors du ou bien ou bien du rationnel et de l'irrationnel. »


La nouvelle astreinte du précurseur consistera précisément à rassembler en soi les signes et les intersignes infimes qui échappent à la fois au rationalisme planificateur et à l'irrationalisme. La difficulté féconde surgit au moment où l'exigence la plus haute de la pensée, sa requête la plus radicale devient un refus de l'alternative en même temps qu'un refus du compromis. Ne point choisir entre le rationnel et l'irrationnel, et encore moins mélanger ce qu'il y aurait « de mieux » dans l'un et dans l'autre, telle est l'astreinte nouvelle de celui qui consent héroïquement à se tenir sur le méridien zéro du nihilisme accompli. Conscient de l'installation planétaire de l'insane, son attention vers l'indemne doit le porter non vers une logique thérapeutique, qui traiterait les symptômes ou les causes, mais au cœur même de cette attention et de cette attente pour lesquels nous n'avons pas trouvé jusqu'à présent d'autre mots que ceux de méditation et de prière, quand bien même il faudrait désormais charger ces mots d'une signification nouvelle et inattendue.


L'entretien sur la ligne d’Ernst Jünger et de Martin Heidegger ouvre ainsi à la raison qui s'interroge sur ses propres ressources des perspectives qui n'ont rien de passéistes et dont on est même en droit de penser désormais qu'elles seules n'apparaissent pas comme touchées dans leur être même par le passéisme, étant entendu que le passéisme progressiste est peut-être, par son refus de retour critique sur lui-même, et par la méconnaissance de sa propre généalogie, plus réactionnaire encore dans son essence que le passéisme nostalgique ou néoromantique.


L'attention du précurseur, sa théorie, au sens retrouvé de contemplation, sera d'abord un art de ne pas refuser de voir. Quant à l'astreinte nouvelle, elle éveillera la possibilité d'une autre hiérarchie des importances où le vol de l'infime cicindèle n'aura pas moins de sens que les désastres colossaux du monde moderne. " De même, écrit Jünger, les dangers et la sécurité changent de sens". Comment ne pas voir que les modernes doivent précisément à leur goût de la sécurité les pires dangers auxquels ils se trouvent exposés ? Et qu'à l'inverse l'audace, voire la témérité de quelques uns furent toujours les prémisses d'un établissement dans ces grandes et sereines sécurités que sont les civilisations dignes de ce nom ?


L'homme moderne, ne croyant qu'à son individualité et à son corps, désirant d'abord la sécurité de son corps, ne désirant, en vérité, rien d'autre, est l'inventeur du monde où la vie humaine est si dévaluée qu'il n'y a presque plus aucune différence entre les vivants et les morts. C'est bien pourquoi le massacre de millions d'êtres humains dans son siècle "rationnel, démocratique et progressiste" le choque moins que la violence d'un combat antique ou d'une échauffourée médiévale, pour autant que sa sécurité, son individualité ou, dans une plus faible mesure, celles des siens, ont été épargnées. Le nihilisme de sa propre sécurité s'établit dans le refus de voir le nihilisme du péril auquel il n'a cessé de consentir que d'autre que lui fussent livrés, et se livrant ainsi lui-même à leur vindicte. Les Empereurs chinois savaient ce que nous avons oublié, eux qui considéraient leurs armes défensives comme les pires dangers pour eux-mêmes. Les Cœurs aventureux, ou selon la terminologie heideggérienne, les précurseurs, trouveront la plus grande sécurité dans leur consentement même à se reconnaître dans le site du plus grand danger. De même qu'au cœur de l'insane est l'incitation vers l'indemne, au cœur du danger se trouve le site de la plus grande sécurité possible. Comment sortir indemne de l'insane péril (qui prétend par surcroît avoir inventé la sécurité comme Monsieur Jourdain la prose !) où nous a précipité le nihilisme ? Quelle est la ligne de risque ?


Certes, le méridien zéro n'est nullement ce « compteur remis à zéro » dont rêve la sentimentalité révolutionnaire. Ce méridien, s'il faut préciser, n'est point une métaphore de la table rase, ou le site d'un oubli redimant. Le méridien zéro est exactement le lieu où rien ne peut être oublié, où toute sollicitation extérieure répond d'une réminiscence, comme le son répond à la corde que l'on touche, où l'empreinte ne prétend point à sa précellence sur le sceau. Ce qui advient, pas davantage que ce qui fut, ne peut prétendre à un autre titre que celui d'empreinte, le sceau étant l'hors-d'atteinte lui-même: l'indemne qui gît au secret du cœur du plus grand danger. La ligne de risque de la vie et de l'œuvre jüngériennes répond de cette certitude acquise sur la ligne.


Toute interrogation fondamentale concernant la liberté est liée à la Forme. Si le supra-formel, en langage métaphysique, bien l'absolu de la liberté, le propre de ceux que l'hindouisme nomme les libérés vivants, l'informe, quant à lui, est le comble de la soumission. La question de la Forme se tient sur cette ligne critique, sur ce méridien zéro qui ouvre à la fois sur le comble de l'esclavage et sur la souveraineté la plus libre qui se puisse imaginer. Dès Le Travailleur, et ensuite à travers toute son œuvre, Jünger poursuivit, comme nous l'avons vu, une méditation sur la Forme. Or, cette méditation, platonicienne à maints égards, est aussi inaugurale si l'on ose la situer non plus dans l'histoire de la philosophie, comme un moment révolu de celle-ci mais sur la ligne, comme une promesse de franchissement de la ligne. Ce qu'il importe désormais de savoir, c'est en quoi la Forme contient en elle à la fois la possibilité du déclin dans le nihilisme (dont l'étape d'accomplissement serait la confusion de toutes les formes: l'uniformité) et la possibilité d'une recréation de la Forme, voire d'un dépassement de la Forme dans une souveraineté jusqu'ici encore impressentie. Par les figures successivement interrogées du Travailleur, du Rebelle et de l'Anarque, Jünger s'achemine vers cette souveraineté. Pour qu'il y eût une Forme, au sens grec d'Idéa, et non seulement au sens moderne de « représentation », il importe que la réalité du sceau ne soit pas oubliée.


Une lecture extrêmement sommaire des œuvres de Jünger et de Heidegger donnerait à penser que lorsque Heidegger tenterait un dépassement, voire un renversement ou une « déconstruction » du platonisme, Jünger, lui s'en tiendrait à une philosophie strictement néo-platonicienne. Le dépassement heideggérien de la métaphysique, qui tant séduisit ses disciples français « déconstructivistes » (et surtout acharnés, sous l'influence de Marx, à détacher toute philosophie de ses origines théologiques) laissa, et laisse encore, d'immenses carrières à l'erreur. Les modernes qui instrumentalisent l'œuvre de Heidegger en vue d'un renversement du platonisme et de la métaphysique méconnaissent que, pour Heidegger, dépassement de la métaphysique signifie non point destruction de la métaphysique mais bien couronnement de la métaphysique. Il s'agit moins, en l'occurrence, de se libérer de la métaphysique que de libérer la métaphysique.


Il n'est pas question de déconstruire la métaphysique, pour en faire table rase, mais d'en établir la souveraineté en la dépassant par le haut, c'est à dire par la question de l'être. Pour un grand nombre d'exégètes français la différence essentielle entre une antimétaphysique et une métaphysique couronnée demeure obscure. Heidegger ne reproche point à la métaphysique de s'interroger sur l'essence, il lui impose au contraire, comme une astreinte nouvelle, de s'interroger plus essentiellement encore sur l'essence de son propre déploiement dans le Logos. A la métaphysique déclinante des théologies exotériques, des sciences humaines, de la didactique, de la Technique et du matérialisme, Heidegger oppose une interrogation essentielle sur le déclin lui-même.


En établissant clairement son dépassement de la métaphysique comme un couronnement de la métaphysique, Heidegger suggère qu'il y a bien deux façons de dépasser, l'une par le bas (qui serait le matérialisme) l'autre par le haut, et qui est de l'ordre du couronnement. Loin de vouloir « en finir », au sens vulgaire, avec la métaphysique, Heidegger entend en rétablir sa royauté. Par l'interrogation incessante sur les fins et sur la finalité de la métaphysique, Heidegger œuvre à la recouvrance de la métaphysique et non à sa solidification. Qu'est-ce qu'une métaphysique couronnée ? De quelle nature est ce dépassement par le haut ? Que le déclin de la métaphysique eût conduit celle-ci de la didactique à la superstition de la technique, du nihilisme passif jusqu'au nihilisme accompli, en témoignent les théories modernes du langage et l'humanisme qui ne voit en l'homme qu'un animal « amélioré » par le langage. Ce que Heidegger reproche à ces théories du langage et de l'homme est d'ignorer la question de l'essence de l'homme et de l'essence du langage, et d'être en somme, des métaphysiques oublieuses de leurs propres ressources.


Le dialogue entre Jünger et Heidegger, que le bon lecteur ne doit pas circonscrire à l'échange hommagial et épistolaire sur le passage de la ligne mais étendre aussi aux autres œuvres, prend tout son sens à partir des méditations jüngériennes sur le langage et l'herméneutique. En effet, loin de rompre avec la source théologique, Heidegger en fut le revivificateur éminent par l'art herméneutique qu'il ne cessa d'exercer au contact des œuvres anciennes, les présocratiques, Aristote, ou modernes, Hölderlin, Trakl, ou Stephan George. De même Jünger, en amont des gloses, des analyses et des explications poursuivit le dessein de retrouver, dans les signes et les intersignes, la trace des dieux enfuis. Entre les noms des dieux et leurs puissances, entre l'empreinte et le sceau, entre le langage et la langue, entre ce que doit être dit et ce qui est dit, l'Auteur s'établit avec une inquiétude créatrice. Ce serait se méprendre grandement sur la méditation sur la Forme qui est à l'œuvre dans les essais de Jünger que de n'y voir qu'une reproduction d'un néoplatonisme acquis et défini une fois pour toute, et réduit, pour ainsi dire à des schémas purement scolaires ou didactiques. Se tenir sur la ligne, c'est déjà refuser d'être dans la pure représentation. Entre la présence et son miroitement se joue toute véritable et féconde inquiétude spéculative.


Luc-Olivier d’Algange

lundi, 09 décembre 2013

Nietzsches ‚Biopolitik’

Nietzsches ‚Biopolitik’

B108nietzsche.jpg„Entartete Kultur“ – so charakterisierte Kardinal Meißner 2007 den unfruchtbaren Zustand modernen Kunstlebens. Sofort schallten die Alarmglocken der öffentlichen Meinung, die reflexartig den Bannfluch über die vermeintliche Nazivokabel aktualisierte. Ent-artung – was soviel meint wie „aus der Art schlagen“ – wurde tatsächlich von dem nationaljüdischen Arzt Max Nordau geprägt, und zwar im Rahmen einer Semantik, die bewusst das physiologische und kulturelle Feld miteinander verschränkte. Er transferierte die ursprünglich medizinische Vokabel auf kulturell-künstlerische Phänomene, um vor einer für die Menschheit ungesunden Kulturentwicklung zu warnen. Unter anderem geriet Friedrich Nietzsche unter Nordaus Entartungsverdikt. Der Philosoph, der sich selbst als „Arzt der Kultur“ verstand, hatte nicht zuletzt selbst von einer „Degenereszenz der Instinkte“ als einer Ursache kultureller décadence gesprochen und empfahl den Übermenschen als Remedur zugunsten einer „Höherzüchtung der Menschheit“. Es sieht so aus, als könne man eine Kontinuität zu eugenischen Programmen und Sozialhygienemaßnahmen herstellen, die im 20. Jahrhundert verhängnisvolle Folgen zeitigen sollten. Es scheint, als wäre das Entartungstheorem das darwinistische Pendant der radikalen Rechten zum marxistischen Entfremdungstheorem der radikalen Linken. Beide eröffnen eine ‚engineering’-Perspektive auf Mensch und Gesellschaft, die heute im gender-mainstreaming oder den Anthropotechniken fröhliche Urständ feiert und das befürchten lässt, was C. S. Lewis die Abschaffung des Menschen nennt.

Wenn man die – wie wir heute mit Foucault sagen können- ‚Biopolitik’ Nietzsches genauer betrachtet, stellt sich jedoch ein differenzierteres Bild dar: Entartung ist nicht einfach der Keim des Verfalls, sondern immer auch notwendige Voraussetzung höchster kultureller Blüte. An ihr lässt sich eine aufschlussreiche kulturtheoretische Dialektik ausfalten, welche die Kultur in ihrer geschichtlichen Dynamik zu fassen und Faktoren ihrer Fruchtbarkeit freizulegen vermag. Nietzsches biopolitisches Grundgesetz lautet in nuce: „Veredelung durch Entartung“. Entartung wirkt also nicht primär degenerativ, sondern umgekehrt: veredelnd und kulturproduktiv. Die empirische Beobachtung der Geschichte lehrt Nietzsche, dass der „lebendige Gemeinsinn“ eines kulturfähigen Volkes durch „Gleichheit [der] gewohnten und undiscutierbaren Grundsätze“ und „gemeinsamen Glauben“ konstituiert wird. Durch die „tüchtige Sitte“ werden die Menschen berechenbar und homogen gemacht: Das Individuum muss Unterordnung lernen, seinem Charakter wird Festigkeit anerzogen. Es entsteht so etwas wie Konformität – ein „auf gleichartige, charaktervolle Individuen gegründetes Gemeinwesen“. Kultur enthält nach Nietzsche – vor allem in ihrer anfänglichen Konstitutionsphase-  immer die Komponente der Zucht oder mit Max Weber gesprochen das Moment der Sozialdisziplinierung. Ohne kultivierte Menschen würde Kultur in sich zusammenfallen und in nackte Barbarei regredieren. Der Stabilität aufbauende Konformitätsdruck der Kultur kann aber sehr schnell in sein Negativ umschlagen: Nietzsche erblickt die Gefahr in der „allmählich durch Vererbung gesteigerten Verdummung“. Man kann an die Wendung: „kein Hirt und eine Herde“ denken, die in seinem Zarathustra in Zusammenhang mit dem letzten Menschen auftaucht. Statt die biologistischen Anklänge von vererbter Verdummung überzuinterpretieren, können wir uns ein kollektives Trägheitsgesetz der Masse in der Logik des Sozialen vorstellen, das Kreativität und Individualität zu ersticken droht. Da bedarf es eines Gegengewichtes zum „stabilen Elemente eines Gemeinwesens“, das dynamisch und auflockernd wirkt und dadurch zum „geistigen Fortschreiten“ beiträgt. Dieses positive Gegengewicht bilden „die ungebundneren, viel unsichereren und moralisch schwächeren Individuen“, eben die „Entarteten“: „es sind die Menschen, welche Neues und überhaupt Vielerlei versuchen“. Künstler und Intellektuelle erweisen sich als solche Versuchende im Sinne eines kreativen Elements, insofern sie gerade oft außerhalb kultureller oder sozialer Normalität stehen. Sie sind nicht „Zersetzer“, wie die NS-Rhetorik zu suggerieren suchte, sondern das zentrale Stimulans der Kultur. Sie fügen ihr eine „Wunde“ zu, aber „an dieser wunden und schwach gewordenen Stelle wird dem gesamten Wesen etwas Neues gleichsam inokuliert“. Der „Volkskörper“ ist nicht geschlossen und rein gedacht, sondern assimilatorisch, über die Einverleibung des Anderen vermittelt. So konzediert der Fortschrittskritiker Nietzsche sogar: „Die abartenden Naturen sind überall da von höchster Bedeutung, wo ein Fortschritt erfolgen soll.“ Fortsetzung im Großen setze jedoch Schwächung im Kleinen voraus. So ergibt sich ein kulturproduktiver Antagonismus zwischen den starken Naturen, die den Typus festhalten, d.h. im Wortsinne konservativ wirken, und den schwachen Naturen, die den Typus „fortbilden“, d.h. progressiv wirken. Aus dem Zusammenspiel der zentripetalen Kräfte und den zentrifugalen Kräften ergibt sich als Resultante die Kultur. Entartung präsentiert uns Nietzsche als tief ambivalentes Phänomen:

„selten ist eine Entartung, eine Verstümmelung, selbst ein Laster und überhaupt eine körperliche oder sittliche Einbusse ohne einen Vorteil auf einer anderen Seite. Der kränkere Mensch zum Beispiel wird vielleicht, inmitten eines kriegerischen und unruhigen Stammes, mehr Veranlassung haben, für sich zu sein und dadurch ruhiger und weiser zu werden, der Einäugige wird Ein stärkeres Auge haben, der Blinde wird tiefer in’s Innere schauen und jedenfalls schärfer hören.“ Formen von Entartung – Krankheit oder Behinderung- ermöglichen Kompensation und Spezialisierung, die einen kulturellen Mehrwert zu erzeugen in der Lage sind. Der monokausalen Erklärung vulgärdarwinistischer Kurzschlüsse – der Kampf ums Dasein als Ursache für  „das Fortschreiten oder Stärkerwerden eines Menschen, einer Rasse“- wird eine scharfe Absage erteilt und durch ein differenzierteres Modell ersetzt:

„Vielmehr muss zweierlei zusammen kommen: einmal die Mehrung der stabilen Kraft durch Bindung der Geister in Glauben und Gemeingefühl; sodann die Möglichkeit, zu höheren Zielen zu gelangen, dadurch dass entartende Naturen und, in Folge derselben, teilweise Schwächungen und Verwundungen der stabilen Kraft vorkommen;“ Auf der einen Seite eine homogene Gemeinschaft aus Glauben und Gemeingefühl, auf der anderen Seite die entartenden Naturen, die letztere immer wieder neu transzendieren (und damit natürlich auch den Verband schwächen oder gefährden können). Gerade die „schwächere Natur“ sei die „zartere und freiere“ und mache „alles Fortschreiten überhaupt möglich“. Dabei unterscheidet Nietzsche drei Perspektiven: die auf das kollektive Leben des Volkes, die auf das individuelle Leben des Einzelmenschen und die auf den Staat. Natürlich imaginiert Nietzsche das Volk im Bildes des organischen Körpers: Der Volkskörper – partiell angebröckelt und schwach aber doch „im Ganzen noch stark und gesund“- „vermag die Infection des Neuen aufzunehmen und sich zum Vorteil einzuverleiben“. Analog solle die Erziehung des Menschen verlaufen: Zunächst sei er „fest und sicher hinzustellen“, um ihm daraufhin „Wunden beizubringen oder die Wunden, welche das Schicksal ihm schlägt, zu benutzen“, damit „in die verwundeten Stellen etwas Neues und Edles inoculiert werden“ könne. Nietzsche plädiert hier weniger für eine autoritäre Erziehung, vielmehr stellt er fest, dass eine freie Persönlichkeit immer auch durch die Negativität des Lebens hindurchgegangen sein muss. Sie muss Schmerz und Bedürfnis erlebt haben, um ihre Stabilität und Autonomie zu bewähren und gegen Widerstände weiter auszubilden. Nietzsche spricht schließlich von den Früchten der „Veredelung“. Am Ende steht der Staatskörper, auf den der Philosoph seine Beobachtungen überträgt. Er ruft dabei Machiavelli als Gewährsmann auf, der Dauer als „das große Ziel der Staatskunst“, welches alles Andere aufwiege, herausgestellt hat. Im Gleichklang mit Machiavelli erweist sich Nietzsche als im klassischen Sinne konservativ, wenn er zustimmend hinzufügt: „Nur bei sicher begründeter und verbürgter größter Dauer ist stetige Entwicklung und veredelnde Inoculation überhaupt möglich.“ Nur wenn das Staatsgebilde auf Dauer ausgelegt ist und einen Stabilitätskern besitzt, sind Entwicklung und Assimilation des Anderen möglich, durch die hindurch sich ja das, was sich entwickelt, durchhalten muss. Die „gefährliche Genossin aller Dauer“ ist die Autorität, die als Gegenspielerin gegen Dynamik, Entwicklung und Veränderung auftritt und deren Schattenseite reaktionäre Erstarrung im Alten ist. Autorität und Entartung, Dauer und Entwicklung, Konformität und Kreativität bilden das Spannungsfeld, in dem Kultur gebildet wird. Sie sind auch die Koordinaten konstruktiver Kulturkritik, die Reduktionismen vermeiden sollte. Ungesund wird eine Kulturentwicklung immer dann, wenn sie in ein Extrem ausschlägt und den jeweils komplementären Pol vergisst. Wer seinen Nietzsche gelesen hat, darf entspannter das Wort „Entartung“ in den Mund nehmen und kulturkritisch verwenden, ohne natürlich die historischen Belastungen auszublenden. Ein biologistischer Kurzschluss ist bei Nietzsche jedenfalls nicht in der heute inkriminierten Vokabel enthalten, im Gegenteil: Nietzsche weiß um die vor allem produktiven Wechselwirkungen mit der soziokulturellen Sphäre, er weiß, dass soziale Körper – sei es der des Individuums, des Volkes oder des Staates, die immer einer organischen Logik folgen, welche die Form von Geschlossenheit und Emergenz zwischen Teilen und Ganzem anstrebt – auch zur Transzendenz fähig sind und damit nicht nur mit sich selbst sondern immer auch mit ihrem Anderen – eben dem Entarteten- identisch sein können.

Quellen:

Nietzsche: KSA, Bd.2, Menschliches, Allzumenschliches, S.187-188.

dimanche, 08 décembre 2013

Thomas Manns Protest gegen den Zivilisationsliteraten

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Thomas Manns Protest gegen den Zivilisationsliteraten

Als Thomas Mann seine „Betrachtungen eines Unpolitischen“ schrieb, war er noch streng deutschnational und kriegsbejahend gesinnt. Das sollte sich bald ändern: Schon kurze Zeit später distanzierte sich Mann von seinem schriftstellerischen Beitrag zum Ersten Weltkrieg und avancierte zum Vernunftrepublikaner, der die Weimarer Republik publizistisch gegen ihre Feinde von rechts und links verteidigte. Manns frühe Betrachtungen sind allerdings nicht einfach als dumpfe Kriegspropaganda abzustempeln, sondern stellen große Literatur dar, die darüber hinaus immer noch wichtige Einsichten politischer und kultureller Art zu vermitteln in der Lage ist. Mit Blick auf seinen Bruder Heinrich –damals pazifistisch eingestellt und ein eifernder Gegner des heraufziehenden Krieges – entwarf Mann die Figur des Zivilisationsliteraten, der gegen sein eigenes Land als intellektueller Agent der Westmächte publizistisch zu agitieren begann. Natürlich ist diese Figur stereotypisch überzeichnet; wir dürfen aber davon ausgehen, dass dieser Typus damals zuhauf Repräsentanten fand – und bis heute findet. Thomas Mann verketzert das Zivilisationsliteratentum jedoch nicht als „Verräterei“ und schiebt sie auf die Feindseite ab, sondern fragt nach den tieferen Ursachen dieses Phänomens.

Dabei stellt er fest, dass die innere geistige Einheitlichkeit und Geschlossenheit, wie sie bei allen europäischen Nationen gerade in Kriegszeiten besonders entwickelt ist, für Deutschland nicht so einfach in Anschlag zu bringen ist: Deutschland sei keine Nation in diesem Sinne, denn es habe eine andere Bildungsgeschichte und einen anderen Menschlichkeitsbegriff. Die geistigen Gegensätze seien so stark ausgeprägt, dass sie ein nationales Band nur schwerlich umfassen und vereinigen könne. Das liege vor allem daran, dass diese Gegensätze weniger nationaler als europäischer Art sind, die ihre Spannungen auf deutschem Boden und in deutscher Seele entladen: „In Deutschlands Seele werden die geistigen Gegensätze Europas ausgetragen, — im mütterlichen und im kämpferischen Sinne ›ausgetragen‹. Dies ist seine eigentliche nationale Bestimmung. Nicht physisch mehr — dies weiß es neuerdings zu verhindern —, aber geistig ist Deutschland immer noch das Schlachtfeld Europas.“ Infolge von Deutschlands Mittellage in Europa gerät es nicht nur in eine geopolitische Bedrohungssituation, sondern wird zum seelischen Kampfplatz für europäische Gegensätze. Das bedeutet nicht nur, als eine permanente Arena eines Kulturkampfes zu dienen, sondern auch eine geistig-kulturelle Gemengelage, die künstlerischer Schaffenskraft eine produktive Anarchie von singulärer Qualität ermöglicht. Der Preis dafür fällt hoch aus: es ist die Zersplitterung der deutschen Seele, die wie der ehemalige Flickenteppich deutscher Lande zerrissen und unversöhnlich fragmentiert daliegt. Es entsteht eine Geistesspaltung, die nicht nur die Seele der Nation durchfährt, sondern auch die Seele jedes einzelnen Deutschen, sein Kopf und sein Herz. Deutschtum – das ist nach Mann also keineswegs ein festgefügtes Wesen, eine fertige Festung, die lediglich nach außen verteidigt werden müsste, nein: Deutschtum ist durch und durch problematisch, es ist selbst ein Problem, eine unbeantwortete Frage. Welche Gefahr bestünde nun für Deutschland, falls es den Weltkrieg verlöre und dem Westen einverleibt würde? Wäre das nicht ein nachhaltiger Beitrag für den Frieden in Europa? Nicht zufällig berufen sich die gegenwärtigen EU-Propagandisten, wenn sie ihre Vision in Frage gestellt sehen oder weitere Forderungen und Maßnahmen durchsetzen wollen, auf diese ideologische Legitimationsformel. „Westintegration“, „westliche Wertgemeinschaft“, „der Frieden in Europa“ – ob mit Krieg oder ohne, es sind bis heute die unhinterfragbaren Grundaxiome, die das Fundament bundesrepublikanischen Selbstverständnisses abgeben sollen. Die deutsche Eigenart kommt hingegen überhaupt nicht mehr vor, nicht mal mehr an zweiter Stelle. Was sagt nun Thomas Mann zu Deutschlands nationaler Neutralisation? „Wessen Bestreben es wäre, aus Deutschland einfach eine bürgerliche Demokratie im römisch-westlichen Sinn und Geiste zu machen, der würde ihm sein Bestes und Schwerstes, seine Problematik nehmen wollen, in der seine Nationalität ganz eigentlich besteht; der würde es langweilig, klar, dumm und undeutsch machen wollen und also ein Anti-Nationalist sein, der darauf bestünde, daß Deutschland eine Nation in fremdem Sinne und Geiste würde . . .“ Bei „bürgerlicher Demokratie im römisch-westlichen Sinne“ dürfen wir nicht primär an eine Staatsform denken, sondern es ist eine ganz andere politische Kultur gemeint, die heute nicht wesentlich anders aussieht als damals; man könnte sie „Weltbürgertum“ oder „Weltzivilisation“ nennen, eine imperialistische Bestrebung, die darauf abzielt, das globale Dorf zu begründen, das multikulturelle Traumparadies oder den ewigen herrschaftsfreien Diskurs im Maßstab der Weltkommunikation. Totale Menschheit, totale Toleranz, totaler Fortschritt. Wenn Deutschland darin aufgehen würde, würde es aufhören, Problem zu sein bzw. überhaupt zu sein. Um zu verstehen, warum Mann diese Option, die heute wahrscheinlicher als je erscheint, so perhorresziert, müssen wir die Rolle klarer herausstellen, die unser Land laut ihm in seiner Geschichte gegen den Westen einnahm. Helmut Plessner sprach abfällig von der „verspäteten Nation“ und bescheinigte Deutschland einen zivilisatorischen Rückstand gegenüber Frankreich und England. Mann perspektiviert denselben Sachverhalt andersherum und dreht ihn ins Positive: Deutschland sei immer das protestierende Reich gegen den „römischen Westen“ gewesen. Es machte bei dessen universalistischen Heilsphantasien nicht mit und scherte ostentativ aus. Es erwies sich dadurch als das protestantische Land im wahrsten Sinne des Wortes.

Was tut der Zivilisationsliterat? Nun, er protestiert gegen den Protest und „fordert den innigen Anschluß Deutschlands an das Zivilisationsimperium“. Er bekennt sich nicht nur dazu, er kämpft tatsächlich auf der Gegenseite. Er ist inneres Ausland. Und trotzdem: Mann hütet sich, ihn als Vaterlandsverräter oder „undeutsch“ zu denunzieren:  „Der Begriff ›deutsch‹ ist ein Abgrund, bodenlos, und mit seiner Negation, der Entscheidung ›undeutsch‹, muß man äußerst vorsichtig umgehen, um nicht zu Fall und Schaden dabei zu kommen.“ Da der Begriff „deutsch“ ohnehin abgründig ist und eigentlich bereits eine Negation darstellt, ist die Negation dieser Negation eine schwierige Angelegenheit. Anders gesagt: Wenn Deutschtum wesentlich Negativität bedeutet, schließt es auch seine eigenen Negationen in sein positives Wesen mit ein, so dass den Zivilisationsliteraten auch ein gewisser Patriotismus nicht abzusprechen ist. Nur: „Ihr Patriotismus bekundet sich dergestalt, daß sie die Vorbedingung der Größe, oder, wenn nicht der Größe, so doch des Glückes und der Schönheit ihres Landes nicht in seiner störenden und Haß erregenden »Besonderheit«, sondern, um es zu wiederholen, in seiner bedingungslosen Vereinigung mit der Welt der Zivilisation, der Literatur, der herzerhebend und menschenwürdig rhetorischen Demokratie erblicken, — welche Welt durch die Unterwerfung Deutschlands in der Tat komplett würde: ihr Reich wäre vollendet und umfassend, es gäbe keine Opposition mehr gegen sie.“ Der Triumph des Westens wäre das globale Universalreich der Kommunikation, die offene Gesellschaft ohne ihre Feinde, oder negativer gesprochen: der totale Konformismus einer gleichförmigen ‚One World’ ohne Opposition und Protest, zu denen gerade Deutschland nach Thomas Mann die geistig-kulturelle Potenz besessen hätte. Vielleicht steht dessen Ausfall nicht zuletzt mit der sukzessiven Annäherung an diesen scheinbar alternativlosen Weltzustand in kausalem Zusammenhang.

Doch lassen wir Mann diese schwammige Ideologie noch weiter konkretisieren, damit hinter ihrer zuckrigen Fassade zugleich auch ihre Peitsche sichtbar wird. Er nennt den Zivilisationsliteraten einen Pleonasmus. Was bedeutet das? Letztendlich, dass die Zivilisation, die der Zivilisationsliterat propagiert, eben nichts anderes als Literatur ist! Das heißt keine realpolitisch mögliche Wirklichkeit, sondern eine utopische Fiktion, die bestenfalls in Träumen oder Romanen ihren angemessenen Platz hat. Ihre Demokratie ist pure Rhetorik. Mann entlarvt sie als Kopfgeburt der französischen Revolution, als deren zeitgenössische Vollstecker sich die Zivilisationsliteraten verstehen: „Frankreich ist sein Land, die Revolution seine große Zeit, es ging ihm gut damals, als er noch ›Philosoph‹ hieß und in der Tat die neue Philosophie, nämlich die der Humanität, Freiheit, Vernunft vermittelte, verbreitete, politisch zubereitete…“ Der Zivilisationsliterat –ein „Element des nationalen Schicksals“ – erweist sich deshalb als so gefährlich, weil er den Monopolanspruch und die Definitionshoheit über solche Begriffe wie Menschheit und Brüderlichkeit errungen hat, obwohl wer Menschheit sagt, auch betrügen könnte oder Brüderlichkeit und Blutgerüste nahe beieinanderliegen könnten. Das sieht man diesen abstrakten Begriffen allerdings nicht an, sondern höchstens ihren historischen Verwirklichungsversuchen und zwar erst dann, wenn es schon zu spät ist. Um historische Durststrecken zu überbrücken und Aktivierungsenergie für die vernünftige Menschheitsrepublik zu sammeln, identifiziert sich der Zivilisationsliterat gerne mit dem Lauf der Geschichte selbst, die er als Fortschritt im Bewusstsein der Freiheit denkt:  „Das Bewußtsein, den ›Fortschritt‹ für sich zu haben, zeitigt offenbar eine sittliche Sicherheit und Selbstgewißheit, die der Verhärtung nahekommt und schließlich das Gemeine zu adeln glaubt, einfach dadurch, daß sie sich seiner bedient.“ Wer für den Fortschritt ist, dem ist alles erlaubt und darf jedes Mittel recht und billig sein. Wer diesen hingegen in Frage stellt, den trifft das Gemeine mit voller Breitseite.

Mann weigert sich jedoch hartnäckig, den Zivilisationsliteraten dasjenige Schicksal zuzumuten, das er seinen Feinden aufbürden will, sie nämlich zur persona non grata außerhalb von Recht und Menschheit zu deklarieren und für verbale und physische Barbarenschelte freizugeben: „Undeutsch? Aus allen meinen Kräften wehre ich mich dagegen, ihn undeutsch zu nennen, und werde nicht aufhören, mich dagegen zu wehren, solange die Kräfte mir nicht versagen. Man kann höchst deutsch sein und dabei höchst antideutsch. Das Deutsche ist ein Abgrund, halten wir fest daran.“ Im Zivilisationsliteraten schaut „Der Deutsche“ in seinen eigenen Abgrund: „Selbstekel und Einfremdung, kosmopolitische Hingebung und Selbstentäußerung“, die auch Teil deutschen Wesens sind, seines tief gespaltenen Wesens. Aber nicht nur das. Wenn er genauer hinsieht, würde er ebenso das Antlitz eines fremden Nationalismus erkennen, und zwar nationalfranzösischer Art: „Er ist einer der besten französischen Patrioten. Der Glaube trägt ihn und verleiht seinem Stile zuweilen ein herrliches Tremolo, einen bewunderungswürdigen Schwung: der Glaube an die Ruhmes- und Missionsidee seines — des französischen — Volkes und daß es ein für allemal zum Lehrer der Menschheit berufen sei, berufen, ihr ›die Gerechtigkeit‹ zu bringen, nachdem es ihr ›die Freiheit‹ gebracht hat (welche aber aus England stammt). Er denkt nicht nur in französischer Syntax und Grammatik, er denkt in französischen Begriffen, französischen Antithesen, französischen Konflikten, französischen Affären und Skandalen. Der Krieg, in dem wir stehen, erscheint ihm, völlig entente-korrekt, als ein Kampf zwischen ›Macht und Geist‹ — das ist seine oberste Antithese! —, zwischen dem ›Säbel‹ und dem Gedanken, der Lüge und der Wahrheit, der Roheit und dem Recht. (Ich brauche nicht hinzuzufügen, auf welcher Seite nach seiner Ansicht sich Säbel, Roheit und Lüge, auf welcher sich die antithetisch entsprechenden Ideale befinden.)“ Diese manichäische Logik, obwohl sie bei weitem nicht mehr so martialisch daherkommt, dauert bis heute fort, nur mit dauernd veränderter Rollenbesetzung: Zivilisation gegen Barbarei, die Guten gegen das Reich des Bösen, der Aufstand der Anständigen usw. Wer so redet, führt eine Feindbestimmung durch und meldet politische Hegemonieansprüche unter einem moralischen Denkmäntelchen an. Wer will schließlich nicht gerne mit den Heeren des Geistes und der Zivilisation marschieren? Widersprechende müssen verrückt, dumm oder krank sein. Aber wieso überhaupt noch marschieren? Ist der Zivilisationsliterat nicht notwendig Pazifist, weil er den Geist verkörpert? Ganz im Gegenteil, urteilt Mann: „Es verhält sich so, daß der Zivilisationsliterat den Krieg nicht mißbilligt, wenn dieser im Dienste der Zivilisation unternommen wird. […] Wie könnte denn auch der Schüler der Revolution — um nicht zu sagen: ihr Epigone — das Vergießen von Blut um der guten Sache, um der Wahrheit, des Geistes willen grundsätzlich verurteilen? »Entschlossene Menschenliebe« — das Wort gehört dem Zivilisationsliteraten - entschlossene Menschenliebe ist nicht blutscheu;“ Entschlossene Menschenliebe heiligt also das Mittel des Krieges, der zunehmend Kreuzzugscharakter gewinnt, insofern er ja im Zeichen von Menschheit, Zivilisation und Gerechtigkeit steht. Die Gegner sind damit per definitionem die Menschenhasser und Barbaren, deren Anliegen jede Legitimität abgesprochen wird. Wir haben es hier mit der pervertierten Renaissance des gerechten Krieges zu tun, der in dem Maße, wie er mit Sendungsbewusstsein und Missionseifer aufgeladen ist, seine Feinde entmenschlicht. Das Ziel des Zivilisationsliteraten lässt sich mit keinen geringeren Vokabeln umschreiben als mit „Erlösung“ oder „Befreiung“, die der römische Westen in pädagogischer Oberlehrermanier seinem frechen Ziehsohn Deutschland beibringen will: „»Deutschland wird sich schicken müssen«, sagte er damals, und seine Augen glommen. Deutschland wird endlich artig sein müssen, sagte er, und es wird dann glücklich sein wie ein Kind, das nach Schlägen schrie und, wenn es welche bekommen hat, dankbar ist, daß man seinen Trotz gebrochen, ihm über seine Hemmungen hinweggeholfen, es erlöst, es befreit hat. Wir erlösen und befreien Deutschland, indem wir es schlagen, es auf die Knie werfen, seine böse Renitenz, ihm selbst zur Wohltat, brechen und es zwingen, Vernunft anzunehmen und ein ehrenwertes Mitglied der demokratischen Staatengesellschaft zu werden.“ Wie würde die Welt wohl aussehen, wenn sich das westliche Zivilisationsimperium global durchgesetzt und die Renitenz seiner Feinde nachhaltig eliminiert hätte – eine Weltsituation, die heute nicht mehr als allzu weit hergeholt erscheint, nachdem Deutschland als Bastion des Protestes nach zwei Weltkriegen endgültig unter die Fittiche der westlichen Wertegemeinschaft genommen und in eine der Vorzeigekolonien der Weltzivilisation verwandelt wurde? Thomas Mann formulierte diese Option noch vorsichtig im Konjunktiv, weil die letzten Entscheidungen noch nicht gefallen waren: „Gesetzt, das wäre geschehen, die Entente ihrerseits hätte rasch und glänzend gesiegt, die Welt wäre vom deutschen ›Alpdruck‹, dem deutschen ›Protest‹ befreit worden, das Imperium der Zivilisation hätte sich vollendet, oppositionslos übermütig geworden: das Ergebnis wäre ein Europa gewesen, — nun, ein wenig drollig, ein wenig platt-human, trivial-verderbt, feminin-elegant, ein Europa, schon etwas allzu ›menschlich‹, etwas preßbanditenhaft und großmäulig-demokratisch, ein Europa der Tango- und Two-Step-Gesittung, ein Geschäfts- und Lusteuropa à la Edward the Seventh, ein Monte-Carlo-Europa, literarisch wie eine Pariser Kokotte.“ Die Neutralisierung Deutschlands beträfe das kulturelle Gepräge Gesamteuropas: Der ganze Kontinent durchliefe eine Entwicklung, in deren Zuge er zu einem „Geschäfts- und Lusteuropa“ degenerierte, das – obwohl im Zeichen von „human freedom und peace“ – tatsächlich die eigene geistg-kulturelle Prostitution zelebrierte. Sind wir heute noch so weit davon entfernt? Auch Mann gab schon zu, dass es eine Entwicklung sei, „die ich für notwendig, da heißt: für unvermeidlich halte“, ein „Fortschritt, – der mir, nicht selten wenigstens, als unaufhaltsam und schicksalsergeben erscheint und den an meinem bescheidenen Teile zu fördern mein eigenes Schicksal ist“. Der ‚Protest’ gegen den ‚Fortschritt’ sieht aussichtslos aus: „Der Fortschritt hat alles für sich. Nur scheinbar ist er die Opposition. Der erhaltene Gegenwille ist es, der in Wahrheit immer und überall die Opposition bildet, der sich in der Verteidigung befindet, und zwar in einer, wie er genau weiß, aussichtslosen Verteidigung.“

Trotzdem sollte die Verteidigung versucht, wenigstens der Nonkonformismus mit dem Zivilisationsliteratentum praktiziert werden. Es ist wichtig an dieser Stelle nochmals zu betonen, dass die Zivilisationsliteraten keine bestimmte politische Gruppierung darstellen, auf die man despektierlich mit dem Finger zeigen könnte – davor hatte Mann ja schon 1918 scharf gewarnt. Der Zivilisationsliterat steht weder rechts noch links, weder oben noch unten in der Gesellschaft, sondern er ist ein Symbol, das damals wie heute nicht nur die süße Versuchung der nationalen Selbstentkernung Deutschlands anzeigt – moderner: „Deutschland schafft sich ab“- sondern zugleich auch immer für eine Grundmöglichkeit deutschen Daseins steht, die seinem abgründigen Wesen entspringt. Die andere Grundmöglichkeit deutschen Daseins ist als Gegengewicht ebenso notwendig und kann mit Mann „konservative Opposition“ oder „ästhetische Revolte“ genannt werden. Die Proponenten dieses Flügels haben sich immer wieder die Frage zu stellen, die Thomas Mann am Ende des Kapitels zu seinem Zivilisationsliteraten rhetorisch gestellt hat:  „Es handelt sich um die Politisierung, Literarisierung, Intellektualisierung, Radikalisierung Deutschlands, es gilt seine ›Vermenschlichung‹ im lateinisch-politischen Sinne und seine Enthumanisierung im deutschen . . . es gilt, um das Lieblingswort, den Kriegs- und Jubelruf des Zivilisationsliteraten zu brauchen, die Demokratisierung Deutschlands, oder, um alles zusammenzufassen und auf den Generalnenner zu bringen: es gilt seine Entdeutschung . . . Und an all diesem Unfug sollte ich teilhaben?“ Um die wirklich eigene Form von Demokratie und politischer Kultur wieder zu gewinnen, um in das eigene Wesen wieder einzukehren, bedarf es vor allem eines: Mut zum Protest.

Literatur:

Thomas Mann: Betrachtungen eines Unpolitischen.

samedi, 07 décembre 2013

The Faustian Soul & Western Uniqueness

The Faustian Soul & Western Uniqueness

 

By Domitius Corbulo

Ex: http://www.counter-currents.com/

51gUU36cL2L._SY445_.jpgIf I had to choose one word to explain why the West has been the most creative civilization it would be “Faustian.” My choice of this word hinges on the realization that the West has been following a unique cultural path since ancient times in the course of which it has exhibited far higher levels of achievement in all the intellectual, artistic, and heroic spheres of life.

The current academic consensus is that the West diverged from the Rest only with the onset of mechanized industry, use of inorganic sources of energy, and application of Newtonian science to industry. This consensus holds for both multiculturalist and Eurocentric historians. David Landes, Kenneth Pomeranz, Bin Wong, Joel Mokyr, Jack Goldstone, E.L. Jones, and Peer Vries all single out the Industrial Revolution of 1750/1830 as the point during which the “great divergence” occurred. It matters little how far back in time they trace this Revolution, or how much weight they assign to preceding developments such as the Scientific Revolution or the gains from the colonization of the Americas, their emphasis is on the “divergence” generated by the arrival of the steam engine.

Charles Murray’s Human Accomplishment:Pursuit of Excellence in the Arts and Sciences, 800 BC to 1950, informs us that ninety-seven percent of accomplishment in the sciences occurred in Europe and North America from 800 BC to 1950. It also informs us that, in the arts, Europe alone produced a far higher number of “significant figures” than the rest of the world combined. In music, “the lack of a tradition of named composers in non-Western civilization means that the Western total of 522 significant figures has no real competition at all” (Human Accomplishment, 259).

But Murray’s statistical analysis can only take us so far. He pays no attention to accomplishments in warfare, exploration, and heroic leadership. His definition of accomplishment includes only peaceful individuals carrying scientific experiments and creating artistic works. I think Europeans were exceptional also in their expansionist and exploratory behaviors. Both their “civilized” and “uncivilized” were inseparably connected to their peculiarly agonistic ethos of aristocratic individualism. The great men of Europe were all artists driven by an intensively felt desire for unmatched deeds. The “great ideas” – Archimedes’ “Give me a place to stand and with a lever I will move the whole world,” – Hume’s “love of literary fame, my ruling passion” – were associated with aristocratic traits, disputatiousness and defiant temperaments – no less than Cortez’s immense ambition for honour and glory, “to die worthily than to live dishonoured.”

Spengler has provided us with the best word to overcome the current naïve separation between a cultured/peaceable West and an uncivilized/antagonistic West with his image of a strikingly vibrant culture driven by a type of Faustian personality overflowing with expansive, disruptive, and imaginative impulses manifested in all the spheres of life.

Spengler believed that the “prime-symbol” of the Faustian soul was its “tendency towards the infinite,” and that this tendency found its “purest expression” in modern mathematics. The “infinite continuum,” the exponential logarithm and “its dissociation from all connexion with magnitude” and transference to a “transcendent relational world” were some of the words he used to describe Western mathematics. But Spengler also wrote of the “bodiless music” of the Western composer, “in which harmony and polyphony bring him to images of utter ‘beyondness’ that transcend all possibilities of visual definition”, and, before the modern era, of the Gothic “form-feeling” of “pure, imperceptible, unlimited space” (Decline of the West, trans. Charles Francis Atkinson, vol.1, Form and Actuality [Alfred Knopf, [1923] 1988: 53-90, 183-216).

Mathematicians no less than musicians were “artist-men” and these artists were exemplars of the “emancipation” of the Western soul from magnitude, from “servitude” to measureable lines and planes, from the “near and corporeal.” Spengler believed that this soul-type was first visible in medieval Europe, starting with Romanesque art, but particularly in the “spaciousness of Gothic cathedrals,” “the heroes of the Grail and Arthurian and Siegfried sagas, ever roaming in the infinite, and the Crusades,” including “the Hohenstaufen in Sicily, the Hansa in the Baltic, the Teutonic Knights in the Slavonic East, [and later] the Spaniards in America, [and] the Portuguese in the East Indies (Decline of the West, 183-216).

I will leave aside my disagreements with Spengler’s image of classical Greece and Rome as cultures that conceived things in terms of proportion and balance in recurring patterns, except to agree with Nietzsche that classical Greeks were singularly agonal, driven by a Promethean aristocratic ethos.

This soul was palpable in all the Western spheres of life – painting, politics, architecture, science, literature, poetry, exploration, warfare, and philosophy. There was something Faustian about all the great men of Europe, in real life or fiction: Hamlet, Richard III, Gauss, Newton, Nicolas Cusanus, Don Quixote, Goethe’s Werther, Gregory VII, Michelangelo, Paracelsus, Dante, Descartes, Don Juan, Bach, Wagner’s Parsifal, Haydn, Leibniz’s Monads, Giordano Bruno, Frederick the Great, Rembrandt, Ibsen’s Hedda Gabler. “The Faustian soul – whose being consists in the overcoming of presence, whose feeling is loneliness and whose yearning is infinity – puts its need of solitude, distance, and abstraction into all its actualities, into its public life, its spiritual and its artistic form-worlds alike” (Decline of the West, 386).

Christianity, too, became a thoroughly Faustian moral ethic. “It was not Christianity that transformed Faustian man, but Faustian man who transformed Christianity — and he not only made it a new religion but also gave it a new moral direction”: will-to-power in ethics (Decline of the West, 344). This “Faustian-Christian morale” produced “Christians of the great style — Innocent III, Loyola and Savonarola, Pascal and St. Theresa […] the great Saxon, Franconian and Hohenstaufen emperors . . . giant-men like Henry the Lion and Gregory VII . . . the men of the Renaissance, of the struggle of the two Roses, of the Huguenot Wars, the Spanish Conquistadores, the Prussian electors and kings, Napoleon, Bismarck, Rhodes” (Decline of the West, 348-49).

Spengler captured better than anyone else (though Hegel was a great anticipator) the West’s main protagonist: not a calmed, disinterested, rationalistic personality, but a highly energetic, restless, fateful being, unwilling to be limited by boundaries, determined to break through the unknown, supersede the norm and achieve mastery. Some other words and phrases Spengler used to describe the traits and aims of this soul were: “unrestrained,” “strong-willed,” “far-ranging,” “active, fighting, progressing,” “overcoming of resistances,” “against what is near, tangible and easy,” “the fierceness and joy of tension” (Decline of the West, 308-337).

The seemingly amorphous, immeasurable, and infinite concept of a Faustian soul is far better to explain Western uniqueness than the measurable but rather confined IQ concept. There is clearly a general link between IQ and cultural achievement. But IQ experts, J. Philippe Rushton and Richard Lynn, have yet to offer a sound explanation why Europeans achieved far more culturally than the East Asians with their higher average IQ. Rushton highlights Chinese priority in a number of technologies before the modern era. He points to the Chinese use of printing by the 9th century, “600 years before Europe saw Gutenberg’s first Bible.” He says the Chinese were using “flame throwers, guns, and cannons” by the 13th century, “about 100 years before Europe.” They were using the magnetic compass in the 1st century, “not found in European records until 1190.” “In 1422, seventy years before Columbus’s three small ships crossed the Atlantic, the Chinese reached the east coast of Africa,” with a fleet of 65 ships superior in size and technique.

Sounding like a multicultural revisionist, Rushton adds: “With their gunpowder weapons, navigation, accurate maps and magnetic compasses, the Chinese could easily have gone around the tip of Africa and ‘discovered’ Europe!” (Race, Evolution, and Behavior, 2nd Abridged Version, Charles Darwin Research Institute, 2000).

Even more, Rushton views the last five centuries of European superiority as a temporary deviation that is now being superseded by not only Japan but China, Taiwan, Singapore, and South Korea. Lynn has the same opinion. But they have not offered an answer as to why Europeans were responsible for almost every single advance and invention in modern times. East Asian creativity, they say, was kept under a lid by cultural norms and institutions that are now breaking down. But there are multiple problems with Rushton’s claims, staring with his very one-sided association of creativity with science and technology, and his exaggerations about Chinese technology prior to 1500. After the Sung era (960-1279), the Chinese ceased to be inventive, whereas it was the medieval Europeans who went on to make continuous improvements on the Chinese inventions Rushton mentions, and then added their own: spectacles, mechanical clocks, navigational techniques, gauges, micrometres, water mills, fine wheel cutters, and more. The Chinese possessed large junks but did not discover a single new nautical mile. The ancient Greeks were far more advanced in the theoretical sciences, geometry, deductive reasoning, not to mention their arts and humanities. The Romans were just as inventive technologically, progenitors of great military strategists and conquerors, and true innovators in jurisprudence. Chinese education is still backward, dogmatic, and this is why they send their students to the West. Europeans invented each and every discipline taught in our universities. Virtually every great philosopher, poet, painter, novelist, explorer in history is European.

880970887.jpgWe need an explanation for this incredible discrepancy. But what exactly is the Faustian soul? How do we connect it to Europe’s creativity? To what original source or starting place did Spengler attribute this yearning for infinity? He directed attention to the barbarian peoples of northern Europe. In Man and Technics, he wrote of how the Nordic climate forged a character filled with vitality, “an intellect sharpened to the most extreme degree, with the cold fervour of an irrepressible passion for struggling, daring, driving forward.” The Nordic character was a human biological being to be sure, but one animated with the spirit of a “proud beast of prey,” like that of an “eagle, lion, [or] tiger.” For this Nordic individual, “the concerns of life, the deed, became more important than mere physical existence.” He wants to climb high, soar upward and reach ever higher levels of existential intensity. Adaptation and reproduction are not enough (Man and Technics: A Contribution to a Philosophy of Life, Greenwood Press, 1976: 19-41).

But why a Faustian soul is attributed only to Europeans? Are their “primary emotions” really different from that of ordinary humans? A good way to start answering this question is to compare the idea of a Faustian soul with Immanuel Kant’s observations on the “unsocial sociability” of human beings. In his essay, “Idea for a Universal History from a Cosmopolitan Point of View,” Kant seemed somewhat puzzled but nevertheless attuned to the way progress in history had been driven by the fiercer, self-centred side of human nature. Looking at the wide span of history, he concluded that without the vain desire for honour, property, and status humans would have never developed beyond a primitive Arcadian existence of self-sufficiency and mutual love: “all human talents would remain hidden forever in a dormant state, and men, as good-natured as the sheep they tended, would scarcely render their existence more valuable than that of their animals. . . . [T]he end for which they were created, their rational nature, would be an unfulfilled void.”

There can no development of the human faculties, no high culture, without conflict, antagonism, and pride. It is these asocial traits, “vainglory,” “lust for power,” “avarice,” which awaken the dormant talents of humans and “drive them to new exertions of their forces and thus to the manifold development of their capacities.” Nature in her wisdom, “not the hand of an evil spirit,” created “the unsocial sociability of humans.”

But Kant never asked, in this context, why Europeans were responsible, in his own estimation, for most of the moral and rational progression in history. In another publication, Anthropology from a Pragmatic Point of View (1798), Kant did observe major differences in the psychological and moral character of races as exhibited in different places on earth. He ranked races accordingly, with Europeans at the top in “natural traits.” Still, Kant never connected his anthropology with his principle of asocial qualities.

Did “Nature” foster these asocial qualities evenly among the cultures of the world? While these “vices” – as we have learned today from evolutionary psychology — are genetically-based traits that evolved in response to long periods of adaptive selective pressures associated with the maximization of human survival, there is no reason to assume that the form and degree of these traits evolved evenly or equally among all the human races and cultures. It is my view that the asocial qualities of Europeans were different, more intense, acuter, strident, individuated.

I believe that this variation should be traced back to the aristocratic culture of Indo-Europeans. Indo-Europeans were a pastoral people from the Pontic-Caspian steppes who initiated the most mobile way of life in prehistoric times starting with the riding of horses and the invention of wheeled vehicles in the fourth millennium BC, together with the efficient exploitation of the “secondary products” of domestic animals (dairy products, textiles, harnessing of animals), large-scale herding, and the invention of chariots in the second millennium. By the end of the second millennium, even though Indo-Europeans invaded both Eastern and Western lands, only the Occident had been “Indo-Europeanized.”

Indo-Europeans were uniquely ruled by a class of free aristocrats grouped into war-bands. These bands were constituted associations of men operating independently from tribal or kinship ties, initiated by any powerful individual on the merits of his martial abilities. The relation between the chief and his followers was personal and contractual: the followers would volunteer to be bound to the leader by oaths of loyalty wherein they would promise to assist him while the leader would promise to reward them from successful raids. The most important value of Indo-European aristocrats was the pursuit of individual glory as members of their warbands and as judged by their peers. The Iliad, Beowulf, The Song of Roland, including such Irish, Icelandic and Germanic sagas as Lebor na hUidre, Njals Saga, Gisla Saga Sursonnar, The Nibelungenlied recount the heroic deeds and fame of aristocrats — these are the earliest voices from the dawn of Western civilization. Within this heroic ‘life-world’ the unsocial traits of humans took on a sharper, keener, individuated expression.

What about other central Asian peoples from the steppes such as the Mongols and Turks who produced a similar heroic literature? There are a number of substantial differences. First, the Indo-European epic and heroic tradition precedes any other tradition by some thousands of years, not just the Homeric and the Sanskrit epics but, as we now know with some certainty from such major books as M. L. West’s Indo-European Poetry and Myth, and Calvert Watkins’s How to Kill a Dragon: Aspects of IE Poetics (1995), going back to a prehistoric oral tradition. Second, IE poetry exhibits a keener grasp and rendition of the fundamentally tragic character of life, an aristocratic confidence in the face of destiny, the inevitability of human hardship and hubris, without bitterness, but with a deep joy. Third, IE epics show both collective and individual inspiration, unlike non-IE epics which show characters functioning only as collective representations of their communities. This is why in some IE sagas there is a clear author’s stance, unlike the anonymous non-IE sages; the individuality, the rights of authorship, the poet’s awareness of himself as creator, is acknowledged in many ancient and medieval European sagas.

But how do we connect the barbaric asocial traits of prehistoric Indo-European warriors to the superlative cultural achievements of Greeks and later civilized Europeans? Another German thinker, Nietzsche, provides us with the best insights to explain how the untamed agonistic ethos of Indo-Europeans was translated into civilized creativity. I am thinking of the fascinating idea, expressed in his early essay “Homer on Competition,” that civilized culture or convention (nomos) was not imposed on nature but was a sublimated continuation of the strife that was already inherent to nature (physis).The nature of existence is based on conflict and this conflict unfolded itself in human institutions and governments. Humans are not naturally harmonious and rational as Socrates had insisted; the nature of humanity is strife. Nietzsche argued against the separation of man/culture from nature: the cultural creations of humanity are expressions or aspects of nature itself.

But nature and culture are not identical; the artistic creations of humans, their norms and institutions, constitute a rechanneling of the destructive striving of nature into creative acts, which give form and aesthetic beauty to the otherwise barbaric character of natural strife. While culture is an extension of nature, it is also a form by which human beings conceal their cruel reality, and the absurdity and the destructiveness of their nature. This is what Nietzsche meant by the “dual character” of nature; humans restrain or sublimate their drives to create cultural artefacts as a way of coping with the meaningless destruction associated with striving.

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Nietzsche, in another early publication, The Birth of Tragedy, referred to this duality of human existence, nomos and physis, as the “Apollonian and Dionysian duality.” The Dionysian symbolized the excessive and intoxicating strife which characterized human life in early tribal societies, whereas the Apollonian symbolized the restraint and rechanneling of conflict possible in state-organized societies. In the case of Greek society, during pre-Homeric times, Nietzsche envisioned a world in which there were no or few limits to the Dionysian impulses, a time of “lust, deception, age and death.” The Homeric and classical (Apollonian) inhabitants of city-states brought these primordial drives under “measure” and self-control. The emblematic meaning of the god Apollo was “nothing in excess.” Apollo was a provider of soundness of mind, a guardian against a complete descent into a state of chaos and wantonness. He was a redirector of the willful and hubristic yearnings of individuals into organized forms of warfare and higher levels of art and philosophy.

For Nietzsche, Greek civilization was not produced by a naturally harmonious character, or a fully moderated and pacified city-state. One of the major mix-ups all interpreters of the rise of the West fall into is to assume that Western achievements were about the overcoming and suppression of our Dionysian impulses. But Nietzsche is right: Greeks achieved their “civility” by rechanneling the destructive feuding and blood lust of their Dionysian past and placing their strife under certain rules, norms and laws. The limitless and chaotic character of strife as it existed in the state of nature was “civilized” when Greeks came together within a larger political horizon, but it was not repressed. Their warfare took on the character of an organized contest within certain limits and conventions. The civilized aristocrat was the one who, in exercising sovereignty over his powerful longings (for sex, booze, revenge, and any other kind of intoxicant) learned self-command and, thereby, the capacity to use his reason to build up his political power and rule those “barbarians” who lacked this self-discipline. The Greeks created their admirable culture while remaining at ease with their superlative will to strife.

To complete Nietzsche’s insights we need to add the historically based argument that the Greeks viewed the nature of existence as strife because of their background in an Indo-European state of nature where strife was the overriding ethos. There are strong reasons to believe that Nietzsche’s concept of strife is an expression of his own Western background and his study of the Western agonistic mode of thinking that began with the Greeks. One may agree that strife is in the “nature of being” as such, but it is worth noting that, for Nietzsche, not all cultures have handled nature’s strife in the same way and not all cultures have been equally proficient in the sublimated production of creative individuals or geniuses. Nietzsche thus wrote of two basic human responses to the horror of endless strife: the un-Hellenic tendency to renounce life in this world as “not worth living,” leading to a religious call to seek a life in the beyond or the after-world, or the Greek tragic tendency, which acknowledged this strife, “terrible as it was, and regarded it as justified.” The cultures that came to terms with this strife, he believed, were more proficient in the completion of nature’s ends and in the production of creative individuals willing to act in this world. He saw Heraclitus’ celebration of war as the father and king of the whole universe as a uniquely Greek affirmation of nature as strife. It was this affirmation which led him to say that “only a Greek was capable of finding such an idea to be the fundament of a cosmology.”

The Greek-speaking aristocrats had to learn to come together within a political community that would allow them to find some common ground and thus move away from the state of nature with its endless feuding and battling for individual glory. There would emerge in the 8th century BC a new type of political organization, the city-state. The greatness of Homeric and Classical Greece involved putting Apollonian limits around the indispensable but excessive and brutal Dionysian impulses of barbaric pre-Homeric Greeks. Ionian literature was far from the berserkers of the pre-Homeric world, but it was just as intensively competitive. The search for the truth was a free-for-all with each philosopher competing for intellectual prestige in a polemical tone that sought to discredit the theories of others while promoting one’s own. There were no Possessors of the Way in aristocratic Greece; no Chinese Sages decorously deferential to their superiors and expecting appropriate deference from their inferiors.

This agonistic ethos was ingrained in the Olympic Games, in the perpetual warring of the city-states, in the pursuit of a political career and in the competition among orators for the admiration of the citizens, and in the Athenian theatre festivals where a great many poets would take part in Dionysian competitions. It was evident in the sophistic-Socratic ethos of dialogic argument and the pursuit of knowledge by comparing and criticizing individual speeches, evaluating contradictory claims, competitive persuasion and refutation. In Descartes’s rejection of all prior knowledge and assertion of his autonomous intellect, “I think, therefore I am”, the transcendent mind, the self-determining ego, separated from any unity with nature and tradition. Spengler saw this ego expressing itself everywhere: in “the Viking infinity wistfulness” and their colonizing activities through the North Sea, the Atlantic, and the Black Sea; in the Portuguese and Spaniards who “were possessed by the adventured-craving for uncharted distances and for everything unknown and dangerous; in “the emigration to America,” “the Californian gold-rush,” “the passion of our Civilization for swift transit, the conquest of the air, the exploration of the Polar regions and the climbing of almost impossible mountain peaks” — “dramas of uncontrollable longings for freedom, solitude, immense independence, and of giantlike contempt for all limitations.”

“These dramas are Faustian and only Faustian. No other culture, not even the Chinese, knows them” (Decline of the West, 335-37).

 

 


 

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lundi, 25 novembre 2013

Konservative Revolution in Europa?

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Konservative Revolution in Europa?

Erik Lehnert

Ex: http://www.sezession.de

Die „Konservative Revolution“ gehört zu den „erfolgreichsten Wortschöpfungen des neueren Ideengeschichtsschreibung“ (Stefan Breuer) und ist dennoch umstritten wie kaum ein zweiter Begriff. Das mag seinen Grund in den programmstischen Aussagen dieser Denkrichtung haben, die seine Gegner gern anderen Ideologien zuschlagen würden. Es kann aber auch daran liegen, daß die KR als ein spezifisch deutsches Phänomen angesehen wird und deshalb den Großideologien des 20. Jahrhunderts zugerechnet werden soll.

Der neue Band aus der Reihe „Berliner Schriften zur Ideologienkunde“ [2] widerlegt diese Auffassungen. Bereits Armin Mohler hatte in seiner grundlegenden Arbeit zum Thema darauf hingewiesen, daß es nicht nur eine europäische, sondern auch eine universale Dimension der konservativ-revolutionären Strömung gebe.

Tatsächlich entdeckt man bei genauerer Betrachtung eine lange Reihe von Persönlichkeiten, die seit dem Ende des 19. Jahrhunderts Ideen vertraten, die man als „jungkonservativ“, „völkisch“ oder „nationalrevolutionär“ bezeichnen könnte, und es gab auch Bewegungen, die bestimmte „bündische“ Züge aufwiesen oder Ähnlichkeit mit dem Landvolk hatten. Von Fjodor M. Dostojewski und Charles Maurras bis zu Julius Evola, T.S. Eliot und Sven Hedin reicht ein erstaunlich weites Spektrum, das bisher noch nie unter dem Gesichtspunkt betrachtet wurde, daß man es mit Repräsentanten einer großen, die Geistesgeschichte unseres Kontinents nachhaltig beeinflußenden ideologischen Richtung zu tun hatte.

Der Band versammelt Aufsätze zu folgenden Ländern: England, Italien, Niederlande, Belgien und Frankreich. Am Beispiel von Julius Evola wird zudem die europäische Dimension deutlich, die auf einzelne Vertreter zurückzuführen ist. Mit Hans Thomas Hakl, Alain de Benoist und Luc Pauwels sind ausgesprochene Kenner der jeweiligen Länder als Autoren vertreten. Der Herausgeber, Karlheinz Weißmann, ist sicher der beste Kenner der Materie in Deutschland, was er nicht zuletzt mit der Neufassung von Mohlers Klassiker unter Beweis gestellt hat. In seinem Vorwort wirft Weißmann einen Blick auf die restlichen Länder Europas und kommt zu folgendem Fazit:

 Es dürfte […] unmittelbar deutlich geworden sein, daß keine einfache Antwort auf die Frage nach der europäischen Dimension der Konservativen Revolution möglich ist. Der Hinweis auf eine „Welle des antidemokratischen Denkens“ , die Anfang der dreißiger Jahre den Kontinent erfaßte, genügt jedenfalls nicht, um zu erklären, warum sich in bestimmten Ländern konservativ-revolutionäre Vorstellungen ausbreiteten, in anderen nicht; vielmehr ergibt sich folgende Bilanz:

• Die kulturelle und politische Nähe zu Deutschland konnte förderlich wirken (Niederlande, Belgien, Schweden, mit Vorbehalt Dänemark), aber von Zwangsläufigkeit ist keine Rede (Österreich, Schweiz),

• die Erfahrung der nationalen Demütigung und Schwäche spielte sicher eine Rolle (Italien, Belgien), war aber nicht ausschlaggebend (Frankreich, Großbritannien),

• was zuletzt bedeutete, daß die Krise des liberalen Systems, das als dysfunktional betrachtet wurde (Frankreich, Italien, Belgien, in gewissem Sinn auch die Niederlande und Großbritannien), den Ausschlag gab und jene Impulse freisetzte, die darauf abzielten, eine Konservative Revolution in Gang zu bringen,

• jedenfalls den Versuch zu unternehmen eine „vierte Front“ aufzubauen: gegen Kapitalismus, Kommunismus, Nationalsozialismus.

• Unbeschadet davon gilt aber, daß nur in Deutschland die Konservative Revolution zur „dominanten Ideologie“ werden konnte, weil bestimmte geistige Dispositionen und die kollektive Demütigung durch Niederlage und Versailler Vertrag die Entwicklung unerbittlich vorantrieben.

Die Untersuchung der europäischen Aspekte der Konservativen Revolution gilt schon lange als Desiderat der Forschung zur Geschichte des Konservatismus. Mit dem Erscheinen des Bandes ist ein großer Schritt in dieser Richtung getan. Er bringt nebenbei einige Antworten auf die Frage, warum sich die KR trotz ihrer Erfolglosigkeit als so zäh erwiesen hat, daß ihr auch heute noch ein gewisses Faszinosum nicht abgesprochen werden kann. Er bringt in uns etwas zum Klingen und verweist damit auf die Antinomien, die für den Menschen unüberwindlich sind: „Konservative Revolution nennen wir die Wiedereinsetzung aller jener elementaren Gesetze und Werte, ohne welche der Mensch den Zusammenhang mit der Natur und mit Gott verliert und keine wahre Ordnung aufbauen kann.“ (Edgar Julius Jung)

Der Band umfaßt 244 Seiten, kostet 15 Euro und kann hier bestellt werden [2].


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[2] Der neue Band aus der Reihe „Berliner Schriften zur Ideologienkunde“: http://antaios.de/buecher-anderer-verlage/institut-fuer-staatspolitik-/berliner-schriften-zur-ideologienkunde/363/die-konservative-revolution-in-europa?c=18

jeudi, 14 novembre 2013

Les leçons de la « Révolution Conservatrice »

 

Robert Steuckers:

Les leçons de la « Révolution Conservatrice »

Conférence de Robert Steuckers, prononcée à Anvers, Rubenshof, 29 mars 2006

3183508077.gifIl est évident que je vais essentiellement mettre l’accent, ce soir, sur la notion de « révolution conservatrice », telle qu’elle a été définie par le Dr. Armin Mohler. Cette « révolution conservatrice » englobe des traditions européennes, plus exactement centre-européennes, et non pas des traditions anglo-saxonnes. Cette approche appelle d’abord deux remarques : 1) Le conservatisme, sous cette appellation-là, existe en tant que mouvement ou que parti politique en Angleterre ou aux Etats-Unis ; 2) Le « conservatisme » n’existe pas de cette façon, n’est pas un mouvement politique distinct en France, en Italie, en Belgique ou en Allemagne. Le terme « conservatisme » ne s’y utilise pas pour désigner un parti politique ou un « pilier » (= een zuil).

L’utilisation du terme « conservatisme » pour désigner une partie de la droite contestatrice du régime libéral dominant est assez récente. Nous le devons surtout à Caspar von Schrenck-Notzing, éditeur de la revue munichoise Criticon ; également à l’écrivain Gerd-Klaus Kaltenbrunner. Tous deux ont développé une notion très vaste du conservatisme, ont montré sa diversité, son foisonnement, ses particularités innombrables, en analysant essentiellement les œuvres laissées par des personnalités très différentes les unes des autres. En effet, tant Schrenck-Notzing que Kaltenbrunner ont travaillé sur des biographies de personnalités et d’auteurs et cela, pendant des décennies, dans les colonnes de Criticon (rubrique « Konservative Köpfe ») et dans la fameuse collection « Herderbücherei Initiative », voire dans des ouvrages regroupant exclusivement des monographies de ce genre.

Mais pour nous résumer, disons que, pour nous, la « révolution conservatrice » des premières décennies du vingtième siècle trouve ses racines les plus anciennes dans le « Sturm und Drang » allemand et dans la pensée du philosophe Herder.

Georges Gusdorf : analyse méticuleuse de la pensée européenne des Lumières aux romantismes

Le « Sturm und Drang » est, pour l’essentiel, une réaction contre le classicisme du dix-huitième siècle, jugé répétitif et stéréotypé dans ses formes, et contre les Lumières dans leur interprétation et leurs traductions politiques françaises. Le professeur alsacien Georges Gusdorf est celui qui nous a légué, récemment, l’enquête la plus complète sur la maturation philosophique et politique de ce corpus rétif aux Lumières, dans une série d’ouvrages fort denses, comptant plus de treize volumes. Gusdorf nous décrit, sans recourir à un jargon incompréhensible, les innombrables étapes de cette maturation, où, pour se dégager du classicisme et des Lumières, le « Sturm und Drang » et Herder (qui se pose comme exposant des Lumières mais non à la mode française) préconisent un retour aux sources vives de la pensée populaire (Volk), aux racines, au moyen âge, au seizième siècle.

herder10.jpgPour Herder, cette démarche commence par une enquête générale sur les origines de la littérature de chaque peuple. Il veut que le théâtre, pour sortir du corset classique, se réfère à nouveau à Shakespeare, où le dramaturge ne doit plus tenir compte de la règle étouffante des trois unités, peut laisser libre cours à son imagination et ne doit pas imiter purement et simplement les modèles de la Grèce ou de la Rome antique, ou de Plaute, comme Racine, Corneille et Molière.

La pensée de Herder exercera rapidement une influence sur toute l’Europe, notamment, ici en Flandre, sur le mouvement flamand (notamment via la pensée politique d’Ernst Moritz Arndt ; j’y reviens), sur les slavophiles russes et balkaniques, sur le mouvement d’émancipation irlandais, qui réhabilite l’héritage celtique et culmine dans la poésie de William Butler Yeats, avec son mixte typiquement celto-irlandais de paganisme celtique et de catholicisme. Enfin, Herder influence aussi le mouvement tchèque centré autour de la personnalité de Palacky.

Arndt : vision organique du peuple et principe constitutionnel

Ernst_Moritz_Arndt.gifE. M. Arndt pose clairement les principes politiques cardinaux qu’une révolution à la fois conservatrice et nationaliste doit suivre impérativement : tout ce qui découle de la révolution française, écrit-il, est intrinsèquement faux parce que non organique et mécanique ; l’idéologie de cette révolution –et toutes les vulgates qui en découlent- ne voit pas le monde et les nations comme les produits d’une évolution mais les considèrent comme de simples constructions. Nous avons là le noyau essentiel de la pensée conservatrice continentale. Arndt, plus nationaliste que conservateur dans le contexte de son époque, se veut toutefois révolutionnaire, mais sa révolution ne fait pas table rase de ce qui existe préalablement : elle veut exhumer des lois ancestrales refoulées. Sa révolution est donc légale, possède une base juridique et s’insurge contre toute forme d’arbitraire du pouvoir, que celui-ci soit princier ou jacobin. Arndt précise : tout prince qui refuse d’accorder à son peuple une loi fondamentale, une constitution, découlant de droits organiques, est un « grand mogol » ou un « khan tatar ».

De Herder à Arndt, nous assistons à l’affirmation philosophique qu’il n’existe aucune histoire générale de l’humanité, mais autant d’histoires particulières générées par des peuples particuliers ou des groupes de peuples particuliers (la germanité ou la slavité, par exemple). Plus tard, le philosophe Wilhelm Dilthey précisera, sans la verve polémique d’Arndt, qu’un peuple ne peut être défini tant qu’il n’est pas mort, tant qu’il produit et crée des « formes ». Le conservatisme herdérien ne signifie donc pas une apologie de ce qui demeure stable et figé, mais exprime au contraire un mouvement évolutionnaire qui a des racines et les respecte.

De Maistre, de Chateaubriand et de Bonald

Deuxième source majeure de la « révolution conservatrice » : les réactions contre les débordements de la révolution française. Ces réactions sont d’abord françaises. Citons trois auteurs principaux : le Savoisien Joseph de Maistre, le Breton François-René de Chateaubriand et le théoricien Louis de Bonald. Généralement, ces trois auteurs sont considérés par l’idéologie progressiste ( ?) dominante comme de sinistres obscurantistes, partisans de la répression des masses populaires, apologètes d’un royalisme non pas traditionnel mais despotique (ce qui est très différent). Une analyse plus sereine de leurs œuvres autorise un jugement autre : ces auteurs déplorent justement la dureté répressive de la république et de la terreur, l’élimination des représentations populaires et des droits et libertés acquis.

Pour Joseph de Maistre, par exemple, le jacobinisme conduit au contrôle total et serré de la population, à son encartage, à la surveillance totale (thème revenu à gauche dans les années soixante avec Michel Foucault). Derrière la critique formulée par de Maistre à l’encontre du jacobinisme républicain, se profile un idéal de liberté dont Georges Orwell se fera le champion avec ses romans « Animal Farm » et « 1984 » ; dans le fameux discours de son alter ego espagnol Donoso Cortés sur le combat apocalyptique qui marquera la fin de l’histoire, cet idéal de liberté, de non contrôle par l’Etat et par la classe satanique et bourgeoise qui le contrôle, est encore plus nettement mis en exergue. Autre cible de la critique maistrienne : l’esprit de fabrication. Par « esprit de fabrication », de Maistre entend toutes les démarches intellectuelles qui refusent de se reposer sur des fondements anciens, rejettent ces derniers, et agissent par innovations constantes, écrasant tout ce qui a élevé l’homme dans les siècles et les innombrables générations du passé, seuls siècles réels, réellement observables, seuls siècles capables d’être des réceptacles de sagesse pratique.

Dans les œuvres poignantes du Breton François-René de Chateaubriand, que Michel Fumaroli vient de réhabiliter magistralement par une biographie remarquable, on retrouve un leitmotiv récurrent et essentiel : retrouver partout, à tout moment, dans ce que l’on voit ou dans ce que l’on pense, les traces, même infimes, du passé, parce qu’elles ont toutes, y compris les plus modestes, infiniment plus de valeur que tout ce que produit un présent galvaudé par de sinistres planificateurs, par des fabricateurs de systèmes, de normes abstraites, de règles et de punitions. François-René de Chateaubriand exprimera cette piété pour les choses vénérables du passé dans sa revue « Le Conservateur », lancée en 1820. C’est ce titre qui a forgé la dénomination que porteront tous ceux qui, sur le plan intellectuel ou politique, refusent les pompes et les gâchis de l’engeance politicienne qui avait pris son envol à partir des Lumières et de 1789.

Louis de Bonald : de l’harmonie divine à la sociologie

Louis_de_Bonald_by_Julien_Léopold_Boilly.jpgPour Louis de Bonald, l’idée conservatrice centrale est de dire que Dieu donne harmonie au monde. Cette grande harmonie universelle, reflet christianisé de l’idéal du cosmos ordonné des anciens Grecs, génère des harmonies sociales, dont il convient de ne pas dévier par des raisonnements abstraits, sous peine de voir périr des équilibres pluriséculaires et de sombrer dans le chaos, comme les événements de la révolution française le démontrent à partir de 1789. Dès que les raisonnements abstraits s’immiscent dans la bonne marche des choses et tentent de la modifier par des décrets, produits de réflexions fumeuses, les harmonies se disloquent ; on tente alors d’apporter d’autres remèdes, tout aussi fabriqués, qui compliquent encore les choses, pour aboutir à une jungle des paragraphes, de règles décrétées en dépit du bon sens, assorties de peines pour les contrevenants, comme nous le voyons aujourd’hui, ici, chez nous, sans que plus aucun citoyen ne perçoit encore ce qui est bien ou mal, licite ou illicite. Avec l’ « esprit de fabrication », que Bonald appelle plutôt l’esprit philosophique, la société se fragmente, entre en déliquescence.

Bonald ne s’est pas borné à invoquer l’ordre divin, troublé et galvaudé par les philosophes et les révolutionnaires, il a également jeté les bases de la sociologie moderne ; au départ, celle-ci vise à observer et analyser les déliquescences sociales pour y porter remède. Elle n’est donc pas une science révolutionnaire mais conservatrice. Louis de Bonald aura en Flandre un héritier prestigieux : le Professeur Victor Leemans de l’université de Louvain, qui lui consacrera articles et essais, reconnaîtra son rôle fondateur en sociologie et entendra poursuivre son œuvre en formant quantité d’étudiants, avant et après la seconde guerre mondiale. Son départ laisse un vide en Flandre depuis près de cinquante ans, vide dans lequel s’est engouffrée, comme partout ailleurs en Europe, une sociologie, non plus bonaldienne et visant à restaurer les liens sociaux pulvérisés par l’esprit de fabrication, mais dissolvante à la façon soixante-huitarde. Vous savez ce qui en a résulté.

L’apport de Thomas Carlyle

Thomas_Carlyle.jpgEn Angleterre (ou plutôt en Ecosse), l’idéal « révolutionnaire-conservateur » avant la lettre a été porté par une figure exceptionnelle, celle de Thomas Carlyle, dont on retiendra essentiellement, dans le cadre du présent exposé, deux idées fondamentales :

A. D’abord, celle d’une histoire générée par les héros, qui impriment à la marche des nations leurs volontés créatives à des moments souvent inattendus du continuum historique ; cette idée alimente, avec d’autres, la fameuse théorie de l’histoire sphérique d’Armin Mohler, où la force personnelle ou collective impulse une rotation originale à la sphère qu’est le temps, avant de tomber dans une phase d’entropie, relayée, plus tard, sans calendrier préétabli, par une nouvelle force impulsante.

B. Ensuite, l’œuvre de Carlyle recèle une critique systématique et récurrente de la « cash flow mentality », soit l’esprit marchand ou l’idéal économiciste du boutiquier (« shopkeeper »). Cette critique est la source de l’hostilité et du mépris de toute véritable idéologie « révolutionnaire-conservatrice » à l’endroit des castes économiques, qu’elle n’entend pas ménager mais au contraire mettre au pas voire éliminer, pour restaurer le bien commun, soit une société dominée par les constantes, les stabilités équilibrantes et débarrassée ipso facto de la fébrilité activiste et négociante (étymologiquement : « neg-otium », absence d’ « otium »), qu’impose la caste des shopkeepers et des banquiers à l’ensemble de l’humanité, toutes races confondues.

En Allemagne, trois figures fondatrices dominent les phases initiales et préparatoires de la « révolution conservatrice » proprement dite. Il s’agit de Joseph Görres, d’Adam Müller et de Lorenz von Stein.

Görres : trifonctionnalité et fidélité impériale

220px-Joseph_von_Görres.jpgJoseph Görres théorise, avant la lettre, avant Georges Dumézil, la notion de trifonctionnalité traditionnelle des sociétés européennes, subdivisées en une « Lehrstand », une classe enseignante, chargée de la transmission du savoir et des traditions ; une « Wehrstand », soit une classe combattante, chargée d’assurer la défense du bien commun et du territoire ; une « Nährstand », soit une classe laborieuse chargée d’assurer la production d’aliments pour le peuple. Ces trois « Stände » doivent s’articuler au sein d’un Reich, d’une structure impériale comparable à l’institution médiévale du Saint Empire, mais, cette fois, dotée d’une constitution garantissant l’intégration de tous (du moins des représentants des trois Stände nécessaires, les autres éventuelles étant jugées trop restreintes ou superflues, en tous cas dépourvues de signification réelle). Görres, devenu catholique après une jeunesse turbulente et révolutionnaire dans une Rhénanie aux regards tournés vers la France moderne, sauve toutefois, dans un contexte anti-révolutionnaire, la représentation de toutes les classes utiles au Bien commun, l’institution impériale finalement plus respectueuse des peuples et de leurs libertés que la république belligène et terroriste, et, enfin, ajoute l’élément constitutionnel, modernisation de l’esprit des chartes, réclamé par les masses allemandes mobilisées dès 1813 dans le soulèvement prussien contre Napoléon, selon les principes de la mobilisation totale, préconisés par Clausewitz. Görres rejoint Arndt sur ce plan. Görres n’opère pas un retour en arrière ; il tente simplement d’éliminer les dérives sanglantes du progressisme révolutionnaire et les effets de son basculement dans les répressions liberticides.

Adam Müller : retour au « zoon politikon »

AdamMuller.jpgAdam Müller pose, comme principe cardinal de toute politique saine, de s’opposer dorénavant à tous les principes énoncés par la révolution française qui, bien qu’ayant tout politisé à outrance et de façon hystérique, a gommé de la scène le véritable « zoon politikon » traditionnel, d’aristotélicienne mémoire, dans la mesure où elle efface avec rage et acharnement tous les liens immémoriaux qui soudaient les sociétés. Le « citoyen » de la révolution est un bavard ou un émeutier sans épaisseur, un sans-culotte aviné, un partisan encarté mais sans jugement profond, sans recul, sans héritage, sans plus aucun contact avec la longue durée. Le zoon politikon, de la Grèce antique à Adam Müller, dispose d’une mémoire, sait que des liens l’unissent aux siens ; il n’est pas un individu irresponsable qui, uni à d’autres au sein de masses, traduit par des actes horribles l’ensauvagement qui résulte de la disparition des liens (Bindungen) et des devoirs. La politique conservatrice, préconisée par Adam Müller, vise donc la restauration de ce « zoon politikon ». Le retour au zoon politikon des Grecs interdit d’accepter le libéralisme, le libre marché, interdit d’octroyer un pouvoir quelconque aux forces économiques, aux puissances d’argent. Adam Müller préconise de fait une alliance entre un socialisme, tempéré par les traditions, et un conservatisme, soucieux de préserver les stabilités équilibrantes, contre l’ennemi de l’homme réel qu’est le libéralisme. C’est dans l’œuvre d’Adam Müller et de Lorenz von Stein qu’il faut voir les origines intellectuelles de la condamnation du libéralisme chez l’un des pères fondateurs de la révolution conservatrice du 20ième siècle, Arthur Moeller van den Bruck (« C’est par le libéralisme que périssent les peuples »).

Lorenz_von_Stein_m.jpgLorenz von Stein reprend les idées générales d’Adam Müller et veut les inscrire dans le cadre d’une structure étatique reposant sur une « royauté sociale ». Cette notion de « royauté sociale » exprime, chez Lorenz von Stein, l’idée d’un interventionnisme étatique tempéré par l’idée monarchique. Les rois doivent devenir les agents d’une intervention permanente dans le domaine social pour éviter la fusion des intérêts des possédants avec la machine étatique-administrative. Les possédants, ou classes bourgeoises, entendent utiliser l’Etat, dont le rôle est alors réduit à celui d’un « veilleur de nuit », pour dominer l’ensemble de la société, via un vote censitaire qui permet d’exclure de larges strates de la population du processus démocratique. Dans un tel contexte, l’Etat garde à peine les apparences du principe de commandement (« Die herrschende Macht ») mais, en réalité, sous la pression des intérêts matériels de la seule bourgeoisie, devient une instance du pure obéissance (eine « gehorchende Unmacht »). Le monarque en place a pour mission de prendre la tête du mouvement réformateur (hostile au conservatisme metternichien), de le guider et d’assurer aux classes non possédantes un avenir matériel stable, seule garantie de leur liberté. L’Etat « veilleur de nuit », idéal des libéraux, conduit à la non-liberté (« Unfreiheit ») des catégories modestes de la société. L’Etat réformateur, animé par de hautes vertus éthiques, conduit à une société plus harmonieuse, plus conviviale, plus participative car toutes les catégories de la population participent alors à la gestion de la Cité. C’est Lorenz von Stein qui a indubitablement inspiré l’Etat social bismarckien et les monarchies réformatrices d’Allemagne du Sud (Würtemberg, Bavière). Avec lui, on parle de « Sozialkonservativismus ».

L’ère Metternich : aucune expérimentation

Le 19ième siècle allemand a donc débuté avec l’ère Metternich. Il s’agit là d’un conservatisme dépourvu de tonus innovant, voire d’idées révolutionnaires (au sens étymologique du terme et non pas au sens de la révolution française) ou de revendications constitutionnelles. Pour le Prince Metternich, aucune expérimentation nouvelle ne devait avoir lieu en Europe. Pour cet état d’esprit paléo-conservateur, la pensée d’un Ernst Moritz Arndt équivalait à celle des pires sans-culottes. Cette incapacité à intégrer la « Nährstand » et la classe ouvrière en formation et en croissance exponentielle, dans le sillage des révolutions industrielles (encore timides sur le continent jusqu’en 1850), provoquera le mécontentement des classes bourgeoises et populaires, ainsi que celui des « Burschenschaften » étudiantes en terres germaniques et centre-européennes. Ce porte-à-faux entre les desiderata légitimes d’une population, qui ne voulait plus ni du despotisme pré-révolutionnaire ni du terrorisme jacobin, et la volonté immobiliste d’élites épuisées, a finalement débouché sur la révolution de 1848, dont l’idéologie mêle des thèmes libéraux à des thèmes nationaux, en une synthèse qui se révélera finalement boiteuse.

Bismarck : une poigne qui impose l’Obrigkeitsstaat

En bout de course, par sa poigne, Bismarck imposera une synthèse, qui aurait été incapable d’émerger seule, vu l’hétérogénéité tellement contradictoire des composantes de la révolution de 1848. Par la force de son caractère et de sa personnalité, Bismarck imposera un « Obrigkeitsstaat » puis une représentation socialiste, assortie de la promotion de lois sociales modernes. Bismarck n’imposera pas seulement une synthèse sur les plans intérieur et social, mais aussi sur le plan international, en diplomatie, en préconisant une indéfectible « alliance des trois empereurs » (Drei-Kaiser-Bund) qui placera automatiquement les puissances traditionnelles du centre et de l’est de l’Europe dans une sphère différente de celle de l’Occident (France + Grande-Bretagne). Un clivage est ainsi né, qui expliquera la vigueur, et parfois la virulence, de l’anti-occidentalisme de la révolution conservatrice du 20ième siècle.

Pour le diplomate Constantin Frantz, au service de la Prusse, l’Ouest, ou l’Occident, composé de la France jacobine (et néo-bonapartiste avec l’avènement de Louis-Napoléon) et de l’Angleterre ploutocratique (qui n’a pas retenu l’une des leçons essentielles de Carlyle), n’est plus entièrement européen, n’est plus lié par le destin, par la géographie et l’hydrographie à l’Europe et à sa civilisation. Les possessions extra-européennes de ces deux puissances placent leurs intérêts en dehors de la sphère purement européenne. Ce qui a pour corollaire que des conflits, nés hors d’Europe, peuvent désormais ébranler et affecter les nations du sous-continent européen. Avant Constantin Frantz déjà, le diplomate et ministre von Hülsemann, au service de l’Autriche, avait réagi vivement à la proclamation de la Doctrine de Monroe (1823), car il percevait bien que cette Doctrine, soi-disant émancipatrice pour les nations créoles d’Amérique ibérique, visait l’exclusion pure et simple, non seulement de la malheureuse Espagne, mais de toute autre puissance européenne hors du Nouveau Monde. L’Europe n’a pas soutenu l’Espagne à l’époque et la tentative d’installer un Habsbourg sur le trône du Mexique en 1866-67, n’a été qu’une gesticulation tragique et surtout trop tardive, non suivie d’effets réels et durables pour contrer l’expansion omni-dévorante des Etats-Unis, prévue par Alexis de Tocqueville. De même, les forces conservatrices soutiendront Sandino au Nicaragua dans les années 20 et 30 du 20ième siècle : un autre combat d’arrière-garde…

L’Occident cesse d’être européen

Dans les travaux de ces deux diplomates (nous pourrions en citer d’autres), nous découvrons donc in nuce tous les affects anti-occidentaux de la « révolution conservatrice » du 20ième siècle, qui ont visé successivement la France, l’Angleterre et les Etats-Unis. A la veille de la guerre de Sécession de 1861-65 et du conflit franco-allemand de 1870-71, les deux puissances occidentales d’Europe, la France et la Grande-Bretagne avaient de fait troublé l’équilibre de l’alliance des trois empereurs en intervenant, aux côtés de la Turquie, ennemie héréditaire de l’Europe, lors de la Guerre de Crimée. Cet acte indiquait que les deux puissances se montraient renégates à l’endroit de la civilisation dont elles procédaient. Le complexe idéologique mêlant le puritanisme, l’idéologie révolutionnaire jacobine, la fébrilité sans mémoire de la révolution industrielle, le libéralisme, le rousseauisme égalitaire et le manchesterisme, ne prenait plus en considération ni les valeurs partagées pendant des siècles ni l’histoire qu’elles ont générée ni les obligations qu’elles impliquent.

Sur le plan culturel, au temps de Bismarck, l’intégration des classes sociales, auparavant défavorisées, progressait. Le socialisme était intégré à la machine étatique, avec les accords entre Lassalle (opposant à Marx au sein du socialisme de l’époque) et Bismarck. L’intégration des socialistes dans la sphère politique du Deuxième Reich bismarckien découlait bien plutôt de la pensée de Lorenz von Stein que de celle de Karl Marx. En Angleterre, à la même époque, John Ruskin développait un socialisme pratique, avec architecture ouvrière, avec une volonté de biffer définitivement les laideurs engendrées par les effets urbanistiques désastreux de la révolution industrielle (« Garden Cities », etc.). Pour revenir en Allemagne, il convient de préciser que la philosophie de Nietzsche était une référence pour les socialistes à l’époque et non pas pour les nationalistes ou les pangermanistes (« Alldeutscher Verband »). Les nationalistes se référaient à Gobineau et, plus tard, à son principal disciple, Houston Stewart Chamberlain.

Les romans de Dostoïevski

hyperliteratura-fiodor-dostoievski.jpgEn Russie, c’est la grande époque des romans de Dostoïevski, un ancien révolutionnaire de l’aventure décembriste du début du siècle. L’exil sibérien, auquel l’écrivain a été contraint, l’a guéri de ses illusions de jeunesse. La fréquentation des exilés, taulards, forçats, fonctionnaires pénitentiaires puis celle des déséquilibrés et des paumés des cafés de Petersbourg l’ont tout naturellement conduit à abandonner les utopies rousseauistes (ou qui passent pour telles), sans renoncer pourtant à croire que dans ce magma en apparence peu reluisant peuvent surgir des héros ou des saints, et, à proportion égale, des canailles ou des assassins. Le « Journal d’un écrivain », de ce plus grand Russe de tous les siècles, recèle un testament politique qui appelle à une profonde méfiance à l’endroit de cet Occident jacobin à la française (rousseauiste et égalitaire, philosopheur et procédurier) ou ploutocratique à l’anglaise (avec ses hypocrisies, son moralisme comme cache-sexe d’une fringale insatiable de profit). Le traducteur de Dostoïevski en Allemagne ne fut personne d’autre qu’Arthur Moeller van den Bruck, père fondateur du mouvement révolutionnaire-conservateur. L’apport russe et dostoïevskien, via Moeller van den Bruck, est capital dans l’éclosion de la révolution conservatrice allemande de la première moitié du 20ième siècle, capital aussi dans la gestation d’une œuvre comme celle d’Ernst Jünger.

2067859486.jpgImmédiatement avant que n’éclate la première guerre mondiale en août 1914, on ne peut pas encore parler véritablement de « révolution conservatrice », bien que tous les éléments idéologiques en soient déjà présents. Ces idéologèmes sont épars, diffus, bien répartis dans l’ensemble des cénacles intellectuels de l’époque (socialistes compris), mais ne sont pas politisés ni offensifs et militarisés, comme ils le seront après la première guerre mondiale. Tout au plus peut-on parler d’utopies positives à connotations organiques, de modélisations sur base d’idées et d’idéaux organiques (et non pas mécanicistes ; ces idéaux organiques trouvent leur origine dans la pensée de Schelling et dans le filon romantique). La diffusion de ces idéologèmes est surtout le fait d’un éditeur paisible, un homme bienveillant, Eugen Diederichs, dont la maison d’édition, fondée en 1896, existe toujours. Diederichs, comme j’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion de le dire, est le véritable promoteur métapolitique des futurs idéologèmes constitutifs de la révolution conservatrice. En m’appuyant sur divers chercheurs, dont l’Américain Gary Stark, j’en dénombre essentiellement huit :

1)     La vie ne peut être évaluée sur la base de la seule raison (raisonnante) ; en d’autres termes, l’intellect, en rationalisant outrancièrement et en schématisant sans tenir compte d’une foule de particularités et d’exceptions, finit non pas par devenir un auxiliaire utile de la vie, mais son ennemi (cf. ultérieurement l’œuvre philosophique de Ludwig Klages).

2)     L’Allemagne et l’Europe ont besoin d’une nouvelle mystique religieuse, qui trouve ses racines dans la mystique médiévale rhénane, brabançonne et flamande ; en Brabant, la figure dominante de cette mystique, base d’une alternative possible, est Ruusbroeck, d’abord vicaire à Sainte-Gudule à Bruxelles, puis dirigeant d’un cloître en Forêt de Soignes à Groenendael. L’écrivain francophone gantois Maurice Maeterlinck, que Diederichs publiera en allemand, se penchera sur cette figure du mysticisme brabançon, tout comme le peintre surréaliste et traditionaliste Marc. Eemans, éditeur, dans les années 30, de la revue « Hermès » et fondateur, à la fin des années 70, du « Circulo Studi Evoliani », pendant belge des initiatives italiennes de Renato del Ponte et héritier du cercle flamand équivalent, fondé par Jef Vercauteren, décédé accidentellement en 1973.

3)     L’art a pour mission de sauver la civilisation contre le matérialisme. Idée qui, chez nous, sera principalement incarnée par les architectes et concepteurs Victor Horta et Henry Van de Velde (sur qui s’exerça profondément l’influence de Nietzsche). Marc. Eemans (1907-1998), pour sa part, à la suite de l’écrivain néerlandais Couperus et d’un précurseur allemand des idéaux du mouvement de jeunesse Wandervogel tel Julius Langbehn (auteur d’un ouvrage magistral sur Rembrandt), poursuivra cette quête, même après les années de la deuxième « grande conflagration », dans son œuvre encyclopédique sur l’art en Belgique et dans la revue « Fantasmagie ».

4)     Sur le plan littéraire, Diederichs préconise une renaissance du romantisme ; ce qui l’a amené à soutenir un écrivain comme Hermann Hesse à ses débuts. Outre ce désir de réactiver le filon romantique allemand, Diederichs lance un vaste programme de traduction d’œuvres russes, dont les grands classiques tels Tolstoï, Dostoïevski, Tchékhov, Gorki et surtout le néo-mystique Soloviev. L’apport russe est donc considérable.

5)     Diederichs préconise une mystique du peuple (Volk), voire, dans certains cas, parce que la terminologie de l’époque ne connaît pas de tabous comme aujourd’hui, une mystique de la « race ». Nous verrons ce qu’il en est exactement.

6)     Diederichs souhaite également un retour à « Mère-Nature » et se positionne dès lors comme un écologiste avant la lettre. Ce retour à la « Terre Mère » postule un soutien au roman paysan. Ce qui amène Diederichs à faire traduire les fleurons de la littérature flamande en ce domaine : Felix Timmermans, Stijn Streuvels et, plus tard, Ernst Claes. Cela nous permet de dire que l’apport flamand, et belge en général, est considérable dans l’éclosion de la révolution conservatrice allemande.

7)     Diederichs plaide pour la diffusion d’un socialisme de bon niveau, de haute tenue intellectuelle qui permet de tirer les masses ouvrières vers le haut au lieu de les entraîner par démagogie dans la fange du plébéisme. Diederichs est dès lors sur la même longueur d’onde que Victor Horta. Il publiera les premiers ouvrages d’Henri de Man, de même que les travaux des socialistes britanniques de la Fabian Society, les œuvres de l’architecte et historien de l’art John Ruskin.

8)     Diederichs réclame un soutien au mouvement de jeunesse naissant. Il soutiendra un groupe étudiant mixte à Leipzig, le « Cercle Sera », appelé à servir de modèle à une nouvelle société, plus heureuse, harmonieuse et conviviale.

En résumé, on peut dire, ici, ce soir, à Anvers, en mars 2006, que cette tradition à facettes multiples, lancée par Diederichs, est aussi et surtout la nôtre dans la sphère des conservatismes du monde entier, parce qu’arithmétiquement l’apport flamand y est fort considérable. Aucun conservatisme au monde ne recèle, dans son alchimie première, autant d’ingrédients venus d’ici, de nos propres provinces.

Vers le national-socialisme ?

Gary D. Stark est un historien américain qui s’est penché sur le travail des éditeurs allemands d’avant 1914, dont Diederichs. Dans les idées que leurs productions éditoriales ont diffusées, Gary D. Stark, comme Zeev Sternhell en France et en Israël, voit une préparation intellectuelle à l’avènement du national-socialisme hitlérien ! Sans critiquer leur énorme travail d’investigation, de recherche et de comparaison, inégalé, force est tout de même de constater une diabolisation exagérée de ces corpus qui ont pourtant innervé aussi la social-démocratie montante. On dirait que ces travaux servent, in fine, à livrer une guerre préventive contre toutes les tentatives de rénover l’Europe et ses piliers idéologiques (toutes tendances confondues), rénovation qui devrait inévitablement puiser dans des réservoirs d’idéologèmes fort semblables à ceux développés entre 1890 et 1914 par la maison d’édition créée par Diederichs.

La diabolisation préventive et l’accusation, portée à toutes ces thématiques, d’être des prolégomènes au national-socialisme hitlérien, nous paraissent totalement injustes pour six raisons principales :

1)     Diederichs et ses collaborateurs n’ont jamais discriminé les auteurs juifs s’inscrivant dans les filons novateurs des décennies 1890-1914. Diederichs est notamment celui qui a promu en Allemagne la pensée de Henri Bergson. Le social-démocrate Victor Adler, issu d’une famille israélite viennoise, professait un socialisme organique très proche des corpus préconisés par la maison Diederichs.

2)     La valorisation des figures du paysan et du poète indique une opposition générale à la modernisation technique outrancière que les idéologies libérale, marxiste et nationale-socialiste allaient parachever en Europe et en Amérique.

3)     Le désir de voir advenir une rénovation religieuse mystique, non politisée, est une préoccupation originale, que le national-socialisme acceptera en surface, dans une première phase, pour remettre bien vite l’ensemble trop bigarré des innovateurs au pas.

4)     Gary D. Stark croit voir en l’apologie récurrente de la « race nordique » un indice de connivence avec la future idéologie nationale-socialiste. Pourtant chez les auteurs de la maison Diederichs, notamment chez notre compatriote Maurice Maeterlinck (cf. ses « Cahiers bleus »), l’évocation de la « race nordique » est une revendication de liberté individuelle et personnelle face à l’arbitraire de l’Etat et à l’homologation des mentalités (que dénonceront par ailleurs Robert Musil dans « L’homme sans qualités » et Franz Kafka dans l’ensemble de son œuvre). L’idéologie dominante actuelle ne veut pas davantage percevoir ce lien qui existait clairement entre le « nordicisme » et l’« anti-totalitarisme » avant la lettre.

5)     La place des écrivains russes dans les productions de la maison Diederichs, la valorisation de l’âme russe, démontre qu’il n’y a en elles aucun affect anti-slave ou russophobe.

6)     Les auteurs de la maison Diederichs insistent également trop sur la notion de « personne ». Face à une uniformité galopante, ils appellent à l’émergence de fortes personnalités, ce qui est impensable dans un Etat totalitaire qui entend mettre tout le monde au pas (« Gleichschaltung »). Le Prix Nobel de littérature Knut Hamsun, auteur de « La Faim », par son insistance sur la force des personnalités (p. ex. Isaak dans « La Glèbe ») est ainsi en porte-à-faux constant avec l’idéologie nationale-socialiste en dépit de ses engagements en Norvège occupée de 1940 à 1945.

Nous n’avons donc pas de « révolution conservatrice » s’affichant comme telle, affichant un militantisme « soldatique » et hyper-politisé, avant 1914. Nous avons, répétons-le, un vaste éventail d’idéologèmes organiques, anti-jacobins et anti-mécanicistes, que partagent aussi bon nombre de socialistes de l’époque, surtout en Autriche et en Belgique.

Les thèses de Panayotis Kondylis

Le philosophe grec contemporain, Panayotis Kondylis, qui écrivait en allemand et qui est hélas décédé prématurément, avait consacré un ouvrage remarqué au conservatisme, où il constatait que la classe nobiliaire, détentrice de la propriété foncière et traditionnel pilier de l’idéologie conservatrice, était devenue, à l’ère de la progression du suffrage universel, trop ténue numériquement pour demeurer la porteuse d’une idéologie politique capable de survivre au sein des assemblées. Par conséquent, poursuivait Kondylis, faute de soulever l’enthousiasme de masses, à l’instar des socialistes, le conservatisme cesse d’être proprement politique pour se muer en un esthétisme, sublime mais forcément condamné à la marginalité. Dans cette belle esthétique du conservatisme, dépolitisé par l’effet de la loi du nombre, des ingrédients philosophiques comme ceux issus de l’œuvre de Carlyle (l’héroïsme, l’affect anti-économique) et, bien sûr, ceux légués par Nietzsche vont se cristalliser. A ce double héritage de Carlyle et de Nietzsche, s’ajoutent bien d’autres legs, dont, en première instance, celui des grands écrivains français du 19ième siècle : Baudelaire, Stendhal, Flaubert et, dans une moindre mesure, Balzac.

Ces poètes et écrivains sont des hommes lucides qui constatent que la nouveauté révolutionnaire (au mauvais sens du terme) est omniprésente, en réalité ou en jachère, pire, qu’elle n’a pas encore déplié tous ses aspects : l’art doit dès lors s’ériger contre ce « dépliement » fatidique qui transformera à terme les sociétés en fourmilières ternes. Nos auteurs français vont donc procéder à une dissection méticuleuse de ce monde en "advenance", révéler sa vénalité et sa nullité essentielles, dont la manifestation la plus patente est le perpétuel « piétinement », l’impossibilité d’un recommencement sublime, écrit le philologue suisse Jean Borie (Université de Neuchâtel).

AVT_Charles-Baudelaire_838.jpegPour un Baudelaire, la société bourgeoise, qui jacasse et qui « piétine », exclut l’artiste qui doit dès lors riposter, en imposant un art nouveau qui démasque les inconsistances et les hypocrisies de la société bourgeoise, née de la révolution française. Cet art nouveau n’est pas un retour aux hauteurs spirituelles d’antan : ce travail, qui consisterait à remonter le temps, est désormais impossible (point de vue que partage Kondylis), puisque les contemporains, depuis le 19ième siècle vivent une rupture permanente (et irrémédiable) avec l’histoire de leur peuple et la rupture la plus emblématique a été perpétrée par la hiérarchie catholique : celle-ci a d’abord rêvé d’une revanche, d’un retour à l’ancien régime qui la privilégiait, explique Borie, puis s’est mise par opportunisme crasse au service de la bourgeoisie victorieuse, perdant du même coup toute puissance mystique capable de soulever les coeurs. Le catholicisme officiel a ainsi laissé un vide effrayant dans nos sociétés: l’artiste anti-bourgeois et secrètement ou ouvertement conservateur, dans la mesure où il nie « l’aquarium sans oxygène du bourgeoisisme », entend, par son art, combler ce vide, l’occuper par de nouveaux rituels (Borie). Cette option annonce le « Jungkonservatisvismus » de Moeller van den Bruck, traducteur de Baudelaire, pendant ses années berlinoises, et qui, forcément, en cette qualité, transpose quelque éléments de la pensée et des visions du poète français dans sa définition du « jeune conservatisme ».

Honoré de Balzac

Balzac.jpgBalzac, dans « Le médecin de campagne », dénonce le monde moderne induit par le personnage du Dr. Benassis, philanthrope et eudémoniste. Celui-ci modernise une vallée dauphinoise économiquement arriérée, où vit une colonie de pauvres « crétins » que les indigènes respectent au nom de « superstitions religieuses », jugées inutiles et improductives. Le brave docteur modernisateur fait interner les « crétins » dans un camp, loin de leur village, et impose, au nom d’idéaux tout à la fois hygiénistes et rousseauistes, une sorte de dictature hygiéniste basée sur les postulats révolutionnaires jacobins d’égalité et de primauté de l’économique : Balzac, conclut le philologue suisse Borie, à rebours de l’avis de Maurice Bardèche, et juge ce monde décevant et incomplet, dans la mesure où il a exclu les pauvres (en esprit comme en fortune), le soldat Genestas, condamné à ressasser des nostalgies, les artistes, les inassimilables désintéressés qui n’aiment ni l’argent ni l’accumulation de biens ou de richesses, et finalement Benassis lui-même, l’initiateur du processus de modernisation, devenu inutile puisqu’il a presté sa tâche et ne doit plus rien ajouter à son œuvre : son action initiale l’a condamné à terme à ne plus jamais devoir agir ; le monde qu’il a créé n’a plus besoin de créateurs, fussent-ils des « modernisateurs ». Le monde de la modernité est donc un monde d’exclusion, de formatage, d’aseptisation, d’homogénéisation. Mieux : Balzac met en scène deux familles, l’une installée dans le haut de la vallée isolée, qui garde ses traditions immémoriales ; l’autre est installée à proximité de la plaine et a oublié les rituels de toujours. Dans chacune des familles, le père vient de mourir: ceux d’en haut, qui respectent encore les traditions sont rassemblés autour du cercueil, graves, recueillis ; tout le clan est présent ; le défunt est accompagné de l’ensemble de sa parentèle en toute solennité vers sa dernière demeure. Ceux du bas de la vallée continuent leurs besognes quotidiennes, ne réhabilitent plus aucun des rituels graves d’antan : le mort a basculé dans la catégorie des choses devenues inutiles, comme sont inutiles à l’accumulation les souvenirs de tout passé sublime, les liens que fondent les piétés filiales transgénérationnelles : on expédie donc sans guère de formes le père défunt au cimetière et on s’empresse de l’oublier. La modernisation a donc généré un vide spirituel permanent qui n’a toujours pas pu être comblé.

En 1832, dans « Le curé de Tours », Balzac écrivait ce texte magnifique, très actuel: « D’abord l’homme fut purement et simplement père, et son cœur battit chaudement, concentré dans le rayon de la famille. Plus tard, il vécut pour un clan ou pour une petite république : de là ces grands dévouements historiques de la Grèce et de Rome. Puis il fut l’homme d’une caste ou d’une religion pour les grandeurs de laquelle il se montra souvent sublime (…). Aujourd’hui sa vie est attachée à celle d’une immense patrie ; bientôt, sa famille sera, dit-on, le monde entier. Ce cosmopolitisme moral, espoir de la Rome chrétienne, ne serait-il pas une sublime erreur ? Il est si naturel de croire à la réalisation d’une noble chimère, à la fraternité des hommes. Mais hélas ! La machine humaine n’a pas de si sublimes proportions ». Tout est dit…

Kondylis évoque les « trois amours » des esthètes conservateurs : l’amour des choses supérieures (« Liebe zum Höheren »), qui bétonne un élitisme face aux pesanteurs des masses, mais aussi face à celles des classes industrielles, commerciales, bancaires, administratives (etc.) ; l’amour des choses vraies (« Liebe zum Echten »), que sont la « populité » (Volkstum) et les archétypes face à l’urbanisation déferlante et à l’économie basée sur l’argent et la spéculation ; l’amour de tout ce qui est héroïque (« Liebe zum Heroischen »), valorisant les figures du héros et du saint (Carlyle, Bernanos).

Dans ce contexte, seul demeure le noyau irréductible et non interchangeable que constitue la nation ou le peuple (Volk). C’est donc à la fusion entre l’esthétisme, celui des « trois amours », et le culte de la nation (ou du peuple), opérée d’abord par le Provençal Charles Maurras, que parviendra le nouveau conservatisme, soit la « révolution conservatrice » proprement dite, incluant, en Allemagne comme en France, des éléments de socialisme, dont ceux théorisés par Proudhon et Sorel.

Arthur Moeller van den Bruck et le « Jungkonservatismus »

En Allemagne, une synthèse originale voit le jour dans l’œuvre d’Arthur Moeller van den Bruck. Egaré dès l’âge de vingt ans dans la bohème littéraire berlinoise puis émigré à Paris, Moeller van den Bruck s’est frotté à toutes les influences modernistes allemandes de la Belle Epoque, est devenu, grâce à ses deux épouses, un traducteur chevronné d’auteurs français (Baudelaire, Maupassant, Zola), anglo-saxons (Poe, Dickens) et russes (Dostoïevski). La guerre de 14-18 fait de lui, comme de beaucoup d’autres a-politiques des années 1890-1914, un patriote soucieux de rétablir la souveraineté pleine et entière de l’Allemagne. Pour y parvenir, il faut certes une « prussianisation » de l’ensemble du Reich mais non pas une « prussianisation » à la mode du « wilhelminisme » d’avant la conflagration d’août 1914. Revenir aux glorioles caricaturales et au technicisme sans âme du wilhelminisme constituerait une impasse dans laquelle l’Allemagne vaincue ne doit pas s’engager. La prussianisation de l’ensemble germanique centre-européen doit s’accompagner d’une rejuvénilisation complète du conservatisme : celui-ci doit effectivement conserver les fondements, les racines, les vertus fondamentales de la nation allemande (ou de toute autre nation qui chercherait à rétablir son honneur et sa souveraineté) mais sans en conserver les formes mortes, qui tentent de se répéter ad infinitum, tel un mouvement perpétuel dépourvu d’objectif nouveau. L’œuvre de rejuvénilisation est la tâche du « Jungkonservativismus ». Celui-ci commence par redéfinir les concepts de socialisme, de démocratie, de révolution, toutes formes ou dynamiques politiques qui ne peuvent plus se définir selon les critères en usage avant 1914.

Moeller van den Bruck , en définissant le « Jungkonservativismus » chevauche le « tigre de la révolution », propose un socialisme nouveau, dépouillé des étroitesses que la sociale-démocratie lui avait imposées dès la fin des années 10 du 20ième siècle en voulant rationaliser/marxiser un mouvement ouvrier plus imprégné de Nietzsche que de Marx dans sa première phase ascensionnelle soit en sa phase de jeunesse ; enfin, Moeller propose une forme de démocratie plus enracinée, moins caricaturalement parlementaire, où elle est posée comme « la participation du peuple à son destin » et où son mode de fonctionnement est d’être « dirigée ». la démocratie du « Jungkonservativismus » moellerien est donc une « geführte Demokratie », une démocratie dirigée par les élus (de l’Esprit et non des urnes) qui, par leur maîtrise des concepts inaugurés par les avant-gardes littéraires et artistiques de la Belle Epoque, sauront infléchir correctement les choix du peuple et l’empêcher de sombrer dans des encroûtements délétères. Les ennemis principaux ne sont donc pas la révolution, la démocratie ou le socialisme, qui, tous, peuvent être infléchis dans le bon sens de la « juvénilisation » permanente du peuple mais le libéralisme qui n’apporte que compromissions, médiocrité morale, rationalisme étriqué, individualisme pernicieux, « gouvernement de la discussion ».

Finalement, outre le développement fascinant des prémisses de la révolution conservatrice, prémisses encore dépourvues de dimensions guerrières et « soldatiques », la « Belle Epoque », comme on l’appelait, sentait sourdre, sous la fine couche d’insouciance et de progressisme naïf, de confort et de consumérisme, une hostilité à ces vanités qui, pensaient des croyants comme Bloy, Lyautey, de Foucauld ou Psichari, voire Sorel ou Péguy, allaient bien rapidement pervertir les hommes, ruiner toutes leurs vertus positives, les anémier spirituellement. C’est ainsi que le conflit de 1914 a été accueilli comme une épreuve salutaire, pour sortir l’humanité du confort et de l’avachissement. La guerre rendrait, croyait-on, la virilité aux hommes, l’attitude du soldat purgerait la nouvelle génération de miasmes délétères (« soldatisch », allait-on dire en Allemagne après le conflit, dans la littérature des anciens combattants comme les frères Jünger, Schauwecker et Beumelburg).

Les transformations sociales entraînées par la première guerre mondiale seront innombrables. Un film américain à grand spectacle, « The Eagles », qui évoque les pilotes allemands de la Grande Guerre, montre bien quels glissements se sont opérés au cours du conflit. Nous avons, parmi ces pilotes, l’aristocrate de vieille lignée qui demeure parfaitement chevaleresque ; l’aristocrate nouveau, cynique, débauché et violent ; l’aristocrate machiavélique, vieux général, qui cherche un compromis avec les temps nouveaux et joue davantage le rôle du renard que celui du lion, tout en gardant intact un respect pour les valeurs rudes du soldat (à la Brantôme) ; enfin, l’homme du peuple devenu officier, efficace mais dépourvu d’éthique chevaleresque, qui sera un jouet aux mains du vieux général. Ce nouvel officier préfigure le national-socialisme sans scrupules, du moins pour l’auteur américain du scénario.

Les « Considérations d’un apolitique » de Thomas Mann

Thomas-Mann2.jpgLes « Considérations d’un apolitique » (« Betrachtungen eines Unpolitischen ») de Thomas Mann, rédigées pendant la première guerre mondiale, récapitulent des positions anti-occidentales traditionnelles depuis les premières décennies du 19ième siècle, attitude d’autant plus étonnante que Mann se fera ultérieurement le parangon de l’occidentalisme. Dans son roman, « La Montagne Magique » (« Der Zauberberg »), plusieurs figures, dans le sanatorium de tuberculeux, à Davos en Suisse, qui sert de décor général à l’œuvre, expriment ces contradictions de la culture européenne (et pas seulement allemande), dans des dialogues pertinents et paradigmatiques. Dans ce milieu fermé, dialoguent Lodovico Settembrini, un rationaliste latin, symbole de toutes les formes de rationalisme bourgeois dans l’Europe d’avant 1914, Naphta, un juif galicien formé par les Jésuites et représentant de l’irrationalité religieuse, du principe religieux a-rationnel, toutes confessions confondues, la jeune et belle Russe Clawdia Chauchat, représentante de l’« humanité intacte de l’Est » et de l’intelligentsia russe d’avant la révolution de 1917, l’aventurier colonial hollandais Pieter Peeperkorn, symbole de l’Européen qui est allé chercher fortune et aventure au-delà des mers. Ces personnages ont une nationalité formelle mais leurs propos philosophiques transcendent nettement les limites que l’on pourrait attendre d’une personnalité inscrite trop étroitement dans un cadre intellectuel « nationalisé ».Ils symbolisent tous des attitudes, repérables dans la culture bourgeoise d’Europe à la Belle Epoque, attitudes qui, hélas, vont perdre toute pertinence sociale, dans un monde qui sera d’abord complètement disloqué par la guerre, ensuite livré aux idéologies de l’ère des masses (cf. Canetti et Ortega y Gasset).

La « Montagne magique »

Le personnage central, Hans Castorp, Allemand du Nord et issu des castes marchandes des villes portuaires hanséatiques comme Thomas Mann, rend visite à un cousin hospitalisé dans le sanatorium : il compte rester trois semaines en Suisse ; il restera sept ans. Lui, l’homme sans grandes qualités ou vertus, tentera de trier le bon grain de l’ivraie dans tous les propos qu’échangeront les autres protagonistes du sanatorium de Davos. Quant au cousin Joachim Ziemssen, il incarne une « vitalité robuste » dans un corps hélas malade : il symbolise véritablement l’Europe en déclin.L’attitude mentale altière de ce tuberculeux qui voulait devenir officier prussien est l’attitude héroïque et éthique par excellence mais elle n’est déjà plus centrale dans les débats qui animent le sanatorium de la « Montagne Magique », elle est marginalisée. L’Europe, au corps malade, ne peut plus abriter cette « vitalité robuste », l’incarner et la généraliser : constat pessimiste, quand meurt Joachim Ziemssen, l’homme qui voulait maintenir les bonnes vertus mais n’était plus pris très au sérieux par les autres. Où est la véritable Europe (malade) ?Dans ce sanatorium, où l’on discute de l’essentiel même s’il cela ne conduit à rien, ou dans la « Plaine » (le « Flachland ») où bruissent les grandes villes, où la vie est marquée par les trépidations des machines ?Hans Castorp, quand il revient dans la « Plaine », peut trouver un emploi, une fonction, un rôle, mais ceux-ci seront toujours interchangeables : il ne sera plus, comme à Davos, un partenaire indispensable au débat de fond —celui qui tente, dans sa tête, de faire la synthèse de cette Europe aux attitudes divergentes— mais un rouage dans une machinerie qui sera toujours remplaçable. La « Montagne Magique » de Mann est bel et bien un des romans-clefs de la première moitié du 20ème siècle. Pour notre propos, il est « conservateur-révolutionnaire », non pas parce qu’il veut remettre en selle les principes allemands des « Considérations d’un apolitique », mais parce qu’il constate le déclin irréversible de toutes les valeurs et vertus. Pessimiste, il constate la maladie de l’Europe.

Après 1918, l’Allemagne vit dans le traumatisme de la défaite. Le monde de la germanité, perçu dans les décennies antérieures comme irrésistiblement ascendant, est ruiné, battu, outragé. Les cadres territoriaux allemand et austro-danubien sont morcelés, leurs frontières sont démembrées, ouvertes à toutes les interventions ou les invasions. Sur le plan éthique, la guerre et les soulèvements spartakistes ont disloqué les certitudes traditionnelles. L’immoralité va galopante, surtout dans les grandes villes (cf. les souvenirs de l’écrivain anglais Christopher Isherwood sur la débauche dans le Berlin des années 20). Refusant cette déliquescence généralisée, une nouvelle culture naît en marge de ces tumultes et agitations, une culture qu’Armin Mohler nommera, dans sa fameuse thèse de doctorat soumise à Karl Jaspers, la « révolution conservatrice », car elle entend se révolter contre le nouvel établissement, voire contre toute pesanteur inutile, et conserver les valeurs impassables de l’humanité germanique et européenne.

Dans ce front « conservateur » et « révolutionnaire », prenons quelques figures marquantes : Spengler, les frères Jünger, Klages, Steding, Rosenstock-Huesy, Kantorowicz, ainsi que des cercles tels le « Tat-Kreis » ou des éditeurs comme Diederichs, Lehmann et Goldmann. A ces « révolutionnaires conservateurs » pur jus, ayant retenu les leçons de Nietzsche, s’ajoutent des penseurs catholiques comme Carl Schmitt, ainsi qu’une brochette de théologiens occupés à formuler une théologie en phase avec l’idéologie populiste-folciste, en vogue depuis Herder et Arndt. Chacune de ces figures apporte des éventails de concepts pertinents, idoines pour saisir les problèmes de cette époque de bouleversements fondamentaux, mieux, des concepts si profonds qu’ils gardent toujours leur pertinence aujourd’hui, mutatis mutandis.

Oswald Spengler

Oswald Spengler jette un œil panoramique sur les civilisations, plus exactement, les cultures qui ont jalonné l’histoire. Pour lui, une « culture » est une manifestation organique, spécifique et originale, qui recèle, en elle-même, les forces vives de son éclosion et de ses développements. Mais toute culture est mortelle, quand ces forces vives viennent à s’épuiser. Au terme « culture », Spengler oppose celui de « civilisation ». La « civilisation » procède d’une « culture » : elle en est le parachèvement sur les plans de la technique, de l’administration des choses, de la puissance brute. Mais, simultanément, elle ne produit plus aucune force vive, capable de faire éclore des valeurs dignes d’être imitées. L’Europe a ainsi été une culture, grecque puis faustienne, jusqu’au seizième siècle, pour ensuite présenter les affres du vieillissement et du déclin. L’Amérique, qui procède de l’Europe, correspond à son stade ultime et achevé de « civilisation ». L’urbanisation déferlante, que connaissent l’Europe et les Etats-Unis depuis la fin du 19ième siècle, est l’indice le plus patent de la cristallisation/figement d’une « culture » vivante en une « civilisation » mortifère. Le thème, fort fécond, sera repris par quantité de littérateurs, polémistes, sociologues ou philosophes. Enfin Spengler crée le concept de « pseudo-morphose ». Une culture peut changer de signe, passer du paganisme germanique au christianisme faustien par exemple, ou du christianisme à l’islam (comme dans la sphère « magique » arabo-byzantine), ou de l’iranité zoroastrienne à l’islam chiite, sans véritablement changer de forme. Le changement de signe n’affecte pas les fondements même de la culture : ce changement n’opère qu’une mutation de surface, une « pseudo-morphose » qui n’est en aucun cas métamorphose, bouleversement total, passage à quelque chose de fondamentalement autre. La notion spenglérienne de « pseudo-morphose » demeure toujours féconde et nous permet de mieux comprendre, aujourd’hui encore, certains phénomènes culturels, comme, par exemple, la complexité du Moyen Orient.

Les frères Jünger 

ErnstJuenger.jpgErnst Jünger, et son frère Friedrich-Georg, tous deux jeunes officiers volontaires de 1914 et spécialisés en coups de main aussi tordus qu’audacieux dans la guerre des tranchées, deviennent dans les premières années de la République de Weimar théoriciens d’un « nouveau nationalisme », insolent et moqueur pour le nationalisme de l’époque wilhelminienne, qu’il était évidemment impossible de reproduire après la défaite de 1918, vu le contexte de déliquescence inouï dans lequel survivait le Reich. Tous ceux qui ont lu attentivement les textes nationaux révolutionnaires des deux frères, écrits dans la seconde moitié des années 20 et au début des années 30, sont soit choqués par leur apparente virulence soit séduits par la profondeur des arguments soit les deux à la fois. Dans un volume collectif, intitulé « Aufstieg des Nationalismus », les frères Jünger précisent quelle doit être la virulence juvénile du nouveau nationalisme post-wilhelminien : ce nationalisme, en aucun cas, doit tolérer la répétition de formes mortes, préconisée par des pouvoirs politiques « légalitaires » qui figent le flux du réel et précipitent, de la sorte, les Cités ou les Etats dans un déclin irrémédiable par manque d’audace. Plus tard, Ernst Jünger, déçu par le légalisme de la République de Weimar et par le mouvement hitlérien, plaidera pour une « décélération » du monde, pour un retour à des archétypes sociaux non modernes, tandis que son frère Friedrich-Georg, dans un ouvrage qui annonce la vague écologique d’après 1945, « Die Perfektion der Technik », s’inquiète d’un phénomène de plus en plus prégnant face à la modernisation et l’américanisation galopante des sociétés occidentales et soviétiques, celui de la « connexion » totale de tous à des instances exclusivement techniques et non plus politiques : le prêtre qui prononce son prêche amplifie sa voix par un micro et est donc connecté au distributeur d’électricité ; le paysan qui use d’un tracteur consommant du carburant est connecté désormais à la pompe la plus proche appartenant à un consortium pétrolier, etc. Cette connexion totale de tous tue toutes les formes de liberté organique : elle crée l’idéal du Dr. Benassis, personnage de Balzac.

Klages, Steding, Rosenstock-Huesy, Kantorowicz

Ludwig Klages, lui, entend retourner aux matrices « telluriques » de la culture et finit par poser une dichotomie Ame/Esprit, où l’âme est l’expression de la vie et l’esprit un principe qui entend soumettre la vie et l’encadrer, au point d’en assécher la source.Les forces vitales de l’âme sont forces de lumière tandis que les forces de l’esprit conduisent à un assombrissement général du monde.

Christoph Steding voit la notion allemande de « Reich » comme un principe d’ordre, sans lequel l’Europe est plongée dans l’indolence ou le chaos. Historiquement, cette instance d’ordre en Europe a été mutilée et annihilée par les Traités de Westphalie en 1648 : certaines périphéries comme la Hollande et la Suisse s’en sont volontairement détachées pour suivre une voie originale : soit une ouverture vers la mer soit un repli sur le réduit alpin. Quant à la Scandinavie, elle n’a plus été attirée par ce môle politique que le « Reich » aurait dû rester en Europe. Ce détachement génère une « culture neutre », impolitique, hollandisé ou helvétisée, valorisant la spéculation esthétique ou l’individualisme et accentuant un désintérêt délétère pour le sort géopolitique du continent. Steding parie alors pour le retour à une culture politique impériale, capable de redonner vigueur à un continent européen morcelé, sans plus aucune consistance territoriale, son centre étant émasculé par le double effet des Traités de Westphalie et de Versailles et par la neutralisation (dépolitisation) de la culture. Pour Steding l’avènement d’un prussianisme impérial, non plus réduit au royaume de Prusse et aux seules traditions dynastiques prussiennes, permettrait de réduire à néant les effets dissolvants des traités et de la neutralisation culturelle.

Eugen Rosenstock-Huesy et Enrst Kantorowicz, tous deux israélites et anciens officiers des Corps francs après 1918, énoncent des idées originales : Rosenstock-Huesy voit l’identité de l’Europe dans une perpétuelle remise en questions révolutionnaire de ce qui est établi. L’Europe est une terre de révolution/réjuvénilisation permanente qui lui confère un dynamisme unique au monde et une plasticité que les autres cultures ne possèdent pas. Ernst Kantorowicz, qui avait fréquenté le cercle des « Cosmiques » à Munich autour de Stefan George, explore à fond la personnalité hors normes de Frédéric II de Hohenstaufen (expression la plus sublime de l’idée impériale) et étudie le développement du principe monarchique, tout en explorant ses fondements traditionnels.

Le Tat-Kreis, revue de sciences politiques, d’économie et de sociologie, animée par Hans Zehrer, insiste tout particulièrement sur la nécessité d’une autarcie économique aussi large que possible et sur l’idée d’une intégration totale et participative de toutes les classes sociales dans l’Etat. Parallèlement à cette revue, des éditeurs comme Diederichs (cf. supra), Lehmann, spécialisé dans les questions raciales et biologiques, ou Goldmann, spécialisé en géopolitique et en problèmes de politique internationale, diffusent une littérature très abondante, dont beaucoup d’auteurs méritent d’être redécouverts et étudiés.

Une « révolution conservatrice » catholique ?

Parallèlement à ces auteurs non chrétiens, protestants ou néo-païens, il a également existé une « révolution conservatrice » catholique, dont Carl Schmitt fut l’un des exposants. De nombreux théologiens, tenus au placard depuis 1945, ont participé à l’élaboration d’une contestation anti-libérale, hostile à la République de Weimar. Carl Schmitt, considéré depuis une quinzaine d’années comme le plus pointu des penseurs du politique, a influencé des politologues américains célèbres comme Erich Voegelin ou Leo Strauss. S’il fallait résumer l’œuvre de Carl Schmitt en quelques mots, il faudrait commencer par citer l’adage de Hobbes : « Auctoritas non veritas facit legem », « c’est l’autorité (d’un homme de chair et de sang) et non la vérité (abstraite des philosophes) qui fait la loi ».Schmitt se dresse contre le pouvoir des normes énoncées par des juristes en chambre, étrangers au tumulte du monde, parce que ces normes sont posées comme inamovibles et éternelles, alors que les Cités sont des organismes vivants qui épousent les méandres de la réalité vivante et ne survivent pas lorsqu’elles sont prisonnières de la cangue d’un appareil normatif, qui ne réfléchit plus, ne sent plus, n’éprouve jamais rien. L’autorité ne saurait donc être un ensemble de normes ou de principes immuables mais uniquement un homme de chair et de sang, capable de prendre la bonne décision car il n’est pas aveugle et éprouve dans sa propre chair les souffrances ou les potentialités de l’Etat qu’il dirige.

Dans les normes internationales, imposées depuis Wilson et la SdN, Schmitt voit un « instrumentarium » mis au point par les juristes américains pour maintenir les puissances européennes et asiatiques dans un état de faiblesse permanent. Pour surmonter cet handicap imposé, l’Europe doit se constituer en un « Grand Espace » (Grossraum), en une « Terre » organisée autour de deux ou trois « hegemons » européens ou asiatiques (Allemagne, Russie, Japon) qui s’opposera à la domination des puissances de la « Mer » soit les thalassocraties anglo-saxonnes. C’est l’opposition, également évoquée par Spengler et Sombart, entre les paysans (les géomètres romains) et les « pirates ». Plus tard, après 1945, Schmitt, devenu effroyablement pessimiste, dira que nous ne pouvons plus être des géomètres romains, vu la défaite de l’Allemagne et, partant, de toute l’Europe en tant que « grand espace » unifié autour de l’hegemon germanique. Nous ne pouvons plus faire qu’une chose : écrire le « logbook » d’un navire à la dérive sur un monde entièrement « fluidifié » par l’hégémonisme de la grande thalassocratie d’Outre-Atlantique.

Schmitt s’avère catholique dans la mesure où il est partisan d’un pouvoir personnel et personnalisé, incarné, à l’instar de celui des papes, et qu’il est européiste.

Traduction « révolutionnaire-conservatrice » du mythe de l’incarnation

La théologie folciste-catholique (« völkisch-katholisch ») base toutes ses spéculations sur la notion chrétienne d’incarnation, pour laquelle le Christ est « Dieu devenu chair ». Tout homme, dans cette perspective possède une parcelle de divin en lui : il est toutefois libre de la faire valoir —et d’atteindre ainsi la grâce— ou de l’ignorer —et, par voie de conséquence, de refuser la grâce. Mais l’homme n’est pas isolé, il appartient à un peuple, disent les folcistes-catholiques, un peuple qu’il doit servir, car il est écrit que le disciple du Christ doit servir ses prochains. L’Eglise et l’épiscopat, flanqués de leurs théologiens, ont donc tenté de chevaucher le « tigre folciste » exactement comme, après 1945, toute une frange du catholicisme français avait tenté de chevaucher le « tigre communiste » voire, fin des années 60, le « tigre maoïste ». La théologie protestante a suivi des chemins similaires.

1933 : la « Gleichschaltung »

En 1933, avec l’arrivée au pouvoir des nationaux-socialistes, tous sont mis au diapason par la « Gleichschaltung ». Le Tat-Kreis et les éditeurs s’alignent sur le nouveau régime. Les mouvements de jeunesse sont inclus progressivement dans les organisations de jeunesse du parti unique, tout en conservant parfois une réelle autonomie permettant une critique virulente de la hiérarchie du parti ou de la SS, comme l’atteste le cas, très complexe, d’une personnalité comme Werner Haverbeck. Les études de sociologie prennent une tournure plus technique et abandonnent les prémisses des sciences écologiques, que les cercles qualifiables de « révolutionnaires-conservateurs » avaient commencé à aborder, notamment sous l’impulsion d’un discours, d’inspiration « tellurique », tenu par Klages à l’adresse des jeunes du mouvement « Wandervogel » en 1913. Giselher Wirsing, ancien du « Tat-Kreis », a dirigé la fameuse revue « Signal » pendant la seconde guerre mondiale, qui n’était pas inféodée au parti national-socialiste, contrairement à ce que l’on croit généralement. La revue, très moderne dans sa présentation pour l’époque, était européiste, et donc indirectement catholique comme l’était son rédacteur en chef qui dirigera la revue « Christ und Welt » dans les années 50. Elle ne véhiculait aucun nationalisme allemand stricto sensu.

Les tenants de la « révolution conservatrice » se retrouveront dans tous les camps : attentistes, immigration intérieure, émigration, adhésion au national-socialisme, service exclusif au sein des forces armées rétives à l’emprise du parti unique, résistance anti-hitlérienne, etc. Parmi les auteurs de l’attentat du 20 juillet 1944, Schulenburg, ancien ambassadeur du Reich en URSS, avait été un partisan de la bonne entente entre l’Allemagne et l’URSS, dans la perspective inaugurée par le diplomate von Brockdorff-Rantzau après la signature du Traité de Versailles ; Claus von Stauffenberg avait été lié au cercle des « Cosmiques » de Stefan George, rêvant d’une « Allemagne secrète », sublime, esthétique, un peu hiératique ; Hellmut von Moltke, arrêté suite à l’attentat manqué de juillet 1944 et traduit devant le « tribunal du Peuple », a amorcé un débat avec le juge Freissler, ancien communiste : son point de vue est celui d’un personnalisme chrétien, proche de celui défendu par les non-conformistes français des années 30, qui réclame à l’Etat de respecter l’autonomie de la personne responsable et liée à son peuple (et non de l’individu détaché de tout lien social fécond) ; Freissler défend, lui, la collectivité populaire, où la personne n’est rien et où seul compte le « tout », la totalité collective.

Le « Konservativismus » allemand après 1945

Après 1945, les fondements théoriques de la « RC », et leurs applications pratiques, ne disparaissent pas entièrement : seul le vocabulaire trop militant, trop proche de celui des nationaux-socialistes disparaît. La notion de « communauté populaire » soudée et solidaire est remplacée, surtout chez les démocrates chrétiens par l’idée d’« intégralisme », soit d’intégration de tous à la participation politique, sans lutte des classes inutile. Les théoriciens de cet intégralisme démocrate chrétien seront Hans Freyer (directement issu des rangs de la RC), Arnold Gehlen et Rüdiger Altmann (par ailleurs disciple de Carl Schmitt). Les chanceliers Adenauer et Ehrard en feront leur objectif politique, mutatis mutandis.On parlera aussi d’« Etat technique », pour éviter toute connotation idéologique rappelant trop lourdement le passé d’avant 1945. Dans la même foulée, on a tenté de cette façon de rejeter aussi le marxisme idéologique, en cherchant à se concentrer sur les tâches pratiques à réaliser dans un Etat allemand en pleine reconstruction, prélude immédiat au « miracle économique ». La gauche de l’Ecole de Francfort, avec Horkheimer et Adorno, concentre d’ailleurs ses critiques contre la « raison instrumentale » qui sous-tend la pratique de cet « Etat technique ». Alors que la RC était dans une large mesure hostile à l’emprise trop forte de la pensée technomorphe sur la vie politique, ses héritiers embarrassés de la démocratie chrétienne, dans les premières décennies de la République Fédérale, dépouillent leur propos de toutes références organiques ou théologiennes pour adopter un discours moderne, « technocratique », en accusant leurs adversaires socialistes et communistes de faire du passéisme idéologique, toute idéologie de la première moitié du 20ème siècle étant considérée, désormais, comme un reliquat encombrant et inutile, dont il fallait se débarrasser au plus vite. La gauche, elle, renouera avec l’anti-technocratisme de la RC et, même, plus tard, avec l’organicisme écologique quand apparaîtront les Verts sur la scène politique, qui se sépareront très vite des rescapés conservateurs de la pensée écologique, présents lors de la fondation du mouvement écologique actuel, poussant ainsi la famille politique « verte » dans le camp des gauches, ce qui n’était nullement prévu au départ.

Pour Rüdiger Altmann, c’est le « tout » qui doit primer et non les partis ou les parties dans une perspective « ordo-libérale », réhabilitée en France par le saint-simonien Michel Albert au début des années 90. Les événements de mai 68 ont eu pour effet de chasser des chaires universitaires tous les professeurs qui véhiculaient encore, dans leurs cours, des idées issues de la RC, sous des oripeaux technocratiques ou non. Dorénavant, toute forme de conservatisme sera assimilée, et bien souvent à tort, au fascisme ou au nazisme.Pour les gauches militantes et hyper-simplificatrices, dans le sillage d’Adorno, Horkheimer et Marcuse, toute pensée « affirmatrice », et donc posée comme non « critique », est grosse de dérives pouvant ramener, sur la scène politique allemande ou européenne, un nouveau « fascisme ».

Du coup, pour éviter ce reproche, les démocrates chrétiens édulcoreront leur technocratisme affirmateur, embrayeront à leur tour sur les discours néo-moralisants et eudémonistes préconisés par l’Ecole de Francfort ou, en France, par les « nouveaux philosophes ». Dès lors, tous les tenants d’autres discours deviendront en Allemagne des « apatrides politiques » (« politische Heimatlosen »), incapables de s’incruster dans une formation officielle, capable de garder une représentation politique et d’influer sur le devenir de la société. La scène conservatrice a été longtemps animée par le Baron Caspar von Schrenck-Notzing et sa revue « Criticon » (Munich), qui accordait à Armin Mohler 30% de la surface imprimée de la revue pour y exprimer ses visions jüngeriennes/nationales-révolutionnaires, rebaptisées « nouvelle droite » (« Neue Rechte »). De son côté, Bernhard Wintzek publiait en Allemagne du Nord la revue mensuelle « Mut », flanquée d’une petite maison d’édition aux titres excellents. L’historien et théologien protestant Karlheinz Weissmann, les publicistes Götz Kubitscheck et Ellen Kositza ont fondé la revue « Sezession » et les éditions « Antaios » qui poursuivent aujourd’hui l’œuvre de Schrenck-Notzing et de Mohler, hélas trop tôt décédés. Wolfgang Dvorak-Stocker, directeur des éditions « Stocker-Verlag » à Graz en Autriche, édite la revue « Neue Ordnung », tandis que le Dr. Hans-Dieter Sander, bientôt octogénaire, continue d’éditer à Munich sa revue « Staatsbriefe », dans une perspective plutôt « prussienne-nationale ». Les hebdomadaires « Junge Freiheit » (Berlin) et « zur Zeit » (Vienne), grâce à leur parution régulière, assurent une présence fréquente, bien qu’assez ténue, de l’idéologie néo-conservatrice dans le paysage médiatique allemand et autrichien. Avant son décès prématuré, Gerd-Klaus Kaltenbrunner, très actif, a sorti de six à huit volumes de monographies sur des auteurs ou des personnages politiques dont l’œuvre ou la geste méritent d’être retenues pour la postérité et a édité une série de livres collectifs et thématiques intitulée « Herderbücherei Initiative », qui n’a malheureusement pas été poursuivie. L’espace éditorial des « apatrides politiques » de la « droite » ( ?) allemande est prestigieux mais hélas réduit et même de plus en plus réduit, vu le décès de figures exceptionnelles comme Schrenck-Notzing, Mohler ou Kaltenbrunner : c’est aussi la rançon du ressac culturel général que l’Europe connaît aujourd’hui ; l’Allemagne le subit d’autant plus qu’elle est la victime d’une « rééducation » permanente initiée par les autorités occupantes américaines.

Benoît XVI et Peter Koslowski

L’élection l’an passé (2005) du Pape Benoît XVI, alias le Cardinal Joseph Ratzinger, a étonné plus d’un observateur des affaires vaticanes et inquiété les forces de gauche surtout celles qui s’activent fébrilement au sein même du catholicisme. Benoît XVI passe pour un « passéiste », pour un « ultra-conservateur ». Dans son entourage, en Allemagne, il y avait le philosophe Peter Koslowski, exégète remarquable d’Ernst Jünger, critique de toutes les formes de gnose qui rejettent le monde concret, critique également d’une postmodernité qui ne dépasse pas vraiment les lacunes de la modernité ; Koslowski plaide pour une vision de la liberté qui ne soit pas autonomie complète de l’individu isolé mais toujours celle d’une personne en lien avec autrui (« Bindung »). Pour Benoît XVI, la théologie (catholique) doit réhabiliter la cosmologie, réimbriquer l’homme et les sociétés humaines dans le « cosmos », développer un « théo-cosmologie », acceptant les idées chinoises de « tao » et indiennes de « dharma » mais rejetant toutes les formes extrêmes de gnose qui refusent la physis, le monde physique et charnel. Pour Benoît XVI, ces gnoses-là ne sont pas « chrétiennes » car le Dieu des chrétiens est devenu chair, s’est imbriqué dans la physis. Dans un dialogue avec Jürgen Habermas, Benoît XVI, alors encore Cardinal Joseph Ratzinger, rappelle que le citoyen doit obéir aux dirigeants de son pays et, s’il est catholique, ne pas se poser en révolutionnaire mêlant, dans ses discours et revendications, Vatican II et Mai 68. L’objectif que semble se fixer le nouveau pontife romain est de revenir à l’ontologique en l’homme. (PS de 2013 : ce programme initial de Joseph Ratzinger n’a pas pu se concrétiser ; est-ce cet échec qui a justifié sa démission ? Les futurs historiens critiques du Vatican nous l’apprendront…). 

Conclusion

Le filon catholique recèle donc des potentialités, mais uniquement sous l’impulsion de Benoit XVI ou de Peter Koslowski (note de 2013 : ce filon n’a pas pu être exploité, ce qui explique sans doute, pour une part, la démission de Benoît XVI et s’explique aussi par le décès prématuré du Prof. Peter Koslowski en 2012). Cette introduction a pour but de fusionner les traditions françaises et les traditions allemandes en matière de « révolution conservatrice », de montrer qu’elles se sont mutuellement influencées.Elle vise aussi à réhabiliter la notion de « Sozialkonservativismus », arc-boutée sur l’œuvre sociologique et politique de Lorenz von Stein : un « conservatisme », à l’heure du triomphe total du néo-libéralisme, ne saurait défendre un « Etat veilleur de nuit » ni demeurer en marge des nécessités sociales, surtout quand se déploient une nouvelle pauvreté et de nouvelles exclusions, imposées par les forces sous-jacentes et sournoises que Balzac déjà décrivait comme dissolvantes.Ensuite, la nécessité de revenir à « l’ontologique » dans l’homme et de lutter contre les nouvelles formes de gnoses irréalistes sont aussi des axes de combat politiques et métapolitiques qu’il ne faut en aucun cas ignorer, même s’il faut les soustraire à l’emprise de toute machine cléricale ou de tout corset confessionnel.

Robert Steuckers.

(Conférence élaborée à Virton, Arlon et Anvers, mars 2006 ; rédaction finale, novembre 2013).

mercredi, 30 octobre 2013

Munich ou Athènes-sur-l’Isar: ville de culture et matrice d’idées conservatrices-révolutionnaires

 

 

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Robert STEUCKERS:

Munich ou Athènes-sur-l’Isar: ville de culture et matrice d’idées conservatrices-révolutionnaires

Conférence prononcée à Vlotho im Wesergebirge, université d’été de “Synergies Européennes”, 2002

Cette conférence est la recension des premiers chapitres de:

David Clay Large, Hitlers München – Aufstieg und Fall der Hauptstadt der Bewegung, C. H. Beck, Munich, 1998.

koenig_ludwig_i_von_bayern.jpgLe passé de Munich, capitale bavaroise, est marqué par la volonté culturelle de ses rois. Il y a d’abord eu Louis I, qui règne de 1825 à 1848. Ce monarque, quand il était prince héritier, a fait le voyage en Italie, en 1817-1818: il a été, comme beaucoup d’Allemands, fasciné par l’urbanisme traditionnel des villes de la péninsule et veut faire de Munich, sa “Residenzstadt”, un centre culturel allemand incontournable, au service d’une véritable renaissance culturelle qui a, cette fois, pour point de départ, l’espace germanophone du centre de l’Europe. Pour embellir la “ville de résidence”, il fait appel à des architectes comme Leo von Klenze et Friedrich von Gärtner, tous deux appartenant à l’école dite “classique”, renouant avec les canons grecs et romains de l’antiquité, ceux de Vitruve. En épousant la cantatrice espagnole Lola Montez, il se heurte à la bourgeoisie philistine de la ville, hostile aux dépenses de prestige voulues par le roi et qui prend le prétexte de ce mariage avec une roturière étrangère, pour manifester sa désapprobation à l’endroit de la politique royale et du mécénat pratiqué par le monarque. Ce mariage donnera lieu à quantité de ragots irrévérencieux, censés saborder l’autorité de ce monarque tourné vers les arts.

De Maximilien II au Prince-Régent Luitpold

Prinzregent_Luitpold_von_Bayern_1911_Dittmar.pngSon successeur sur le trône bavarois, Maximilien II, règnera de 1848 à 1864. En dépit des cabales menées contre son père, il poursuivra l’oeuvre de ce dernier, ajoutant au classicisme une touche de futurisme, en faisant construire un palais des glaces (de fer et de verre) comme celui de Londres, prélude à une architecture différente qui ne table plus uniquement sur la pierre comme matériau de construction. Maximilien II attire des savants d’Allemagne du Nord à Munich, qui ne sont évidemment pas des Bavarois de souche: on parlera alors des “Nordlichter”, des “Lumières du Nord”. Louis II, qui règne de 1864 à 1886, prônera une nouvelle architecture romantique, inspirée par les opéras de Wagner, par le moyen âge, riche en ornementations. On connaît ses châteaux, dont celui, merveilleux, de Neuschwanstein. Cette politique se heurte également à une bourgeoisie philistine, insensible à toute forme de beauté. Après Louis II, après sa mort étrange, le Prince-Régent Luitpold, aimé du peuple, préconise une industrialisation et une urbanisation de la Bavière. Munich connaît alors une évolution semblable à celle de Bruxelles: en 1800, la capitale bavaroise comptait 34.000 habitants; en 1880, elle en avait 230.000; en 1910, 596.000. Pour la capitale belge, les chiffres sont à peu près les mêmes. Mais cette industrialisation/urbanisation provoque des déséquilibres que la Bavière ne connaissait pas auparavant. D’abord il y a l’ensauvagement des moeurs: si la liaison entre Louis I et Lola Montez avait fait scandale, alors qu’elle était toute romantique et innocente, les trottoirs de la ville sont désormais livrés à une prostitution hétérosexuelle et homosexuelle qui n’épargne pas les mineurs d’âge. Il y a ensuite les mutations politiques qu’entraîne le double phénomène moderne de l’industrialisation et de l’urbanisation: les forces politiques conservatrices et catholiques, qui avaient tenu le haut du pavé avant l’avènement du Prince-Régent Luitpold, sont remises en question par la bourgeoisie libérale (déjà hostile aux rois mécènes) et par le prolétariat.

Bipolarisme politique

Un bipolarisme politique voit le jour dans la seconde moitié du 19ème siècle avec, d’une part, le “Patriotenpartei”, fondé en 1868, rassemblant les forces conservatrices catholiques, hostiles à la Prusse protestante et au “Kulturkampf” anti-clérical lancé par le Chancelier Bismarck. Pour les “Patrioten”, l’identité bavaroise est catholique et conservatrice. Les autres idées, importées, sont nuisibles. Face à ce rassemblement conservateur et religieux se dresse, d’autre part, le “parti social-démocrate”, fondé en 1869, qui parvient à rassembler 14% des suffrages à Munich lors des élections de 1878. Le chef de file des sociaux-démocrates, Georg von Vollmar, n’est pas un extrémiste: il s’oppose à tout dogmatisme idéologique et se profile comme un réformiste pragmatique. Cette politique paie: en 1890, les socialistes modérés et réformistes obtiennent la majorité à Munich. La ville est donc devenue rouge dans un environnement rural et semi-rural bavarois majoritairement conservateur et catholique. Cette mutation du paysage politique bavarois s’effectue sur fond d’un antisémitisme ambiant, qui n’épargne que quelques vieilles familles israélites, dont celle du mécène Alfred Pringsheim. Les Juifs, dans l’optique de cet antisémitisme bavarois, sont considérés comme les vecteurs d’une urbanisation sauvage qui a provoqué l’effondrement des bonnes moeurs; on les accuse, notamment dans les colonnes d’une feuille populaire intitulée “Grobian”, de spéculer dans le secteur immobilier et d’être les “produits collatéraux” du progrès, notamment du “progrès automobile”. Cet antisémitisme provoque une rupture au sein des forces conservatrices, suite à la fondation en 1891 d’un nouveau mouvement politique, le “Deutsch-Sozialer Verein” ou DSV, sous la houlette de Viktor Hugo Welcker qui, armé de quelques arguments tirés de cet antisémitisme, entame une campagne sociale et populaire contre les grands magasins, les agences immobilières et les chaînes de petits commerces en franchise, dont les tenanciers ne sont pas les véritables propriétaires de leur boutique.

Les pangermanistes

A l’émergence du DSV s’ajoute celle des cercles pangermanistes (“Alldeutscher Verband”) qui véhiculent également une forme d’antisémitisme mais sont constitués en majorité de protestants d’origine nord-allemande installés en Bavière et hostiles au catholicisme sociologique bavarois qu’ils jugent “rétrograde”. Les pangermanistes vont dès lors s’opposer à ce particularisme catholique bavarois et, par voie de conséquence, au “Patriotenpartei”. Pour les pangermanistes, la Bavière doit se détacher de l’Autriche et de la Bohème majoritairement tchèque, parce que celles-ci ne sont pas “purement allemandes”. Dans une seconde phase, les pangermanistes vont articuler dans la société bavaroise un anti-christianisme sous l’impulsion de l’éditeur Julius Friedrich Lehmann. Pour ce dernier et pour les théoriciens qui lui sont proches, une lutte systématique et efficace contre le christianisme permettrait aux Allemands de mieux résister à l’emprise du judaïsme ou, quand cet anti-christianisme n’est qu’anti-confessionnel et ne touche pas à la personne du Christ, de faire éclore une “chrétienté germanique” mâtinée d’éléments de paganisme. Cette attitude du mouvement pangermaniste en Bavière ou en Autriche s’explique partiellement par le fait que la hiérarchie catholique avait tendance à soutenir les populations rurales slaves de Bohème, de Slovénie ou de Croatie, plus pieuses et souvent plus prolifiques sur le plan démographique. Les protestants “germanisés” dans le cadre du pangermanisme affirmaient que l’Allemagne et la Bavière avaient besoin d’un “nouveau Luther”.

Le contre-monde de Schwabing

Telle était donc la scène politique qui animait la Bavière dans les deux décennies qui ont précédé la première guerre mondiale. Deuxième question de notre exposé aujourd’hui: comment le choc des visions du monde (car c’est bien de cela qu’il s’agit) s’est-il manifesté à Munich au sein de la bohème littéraire, productrice d’oeuvres qui nous interpellent encore et toujours? Cette bohème littéraire a, de fait, généré un contre-monde libre-penseur, débarrassé du fardeau des “tu dois”, propre au chameau de la fable de Nietzsche, un contre-monde qui devait s’opposer aux raideurs du wilhelminisme prussien. On peut dire aujourd’hui que la bohème munichoise était une sorte d’extra-territorialité, installée dans les cafés à la mode du faubourg de Schwabing. Les “Schwabinger” vont remplacer les “Nordlichter” en préconisant une sorte de “laisser-aller joyeux et sensuel” (“sinnenfrohe Schlamperei”) contre les “ours lourdauds en leur cerveau” (“bärenhaft dumpf im Gehirn”). Cette volonté de rendre l’humanité allemande plus joyeuse et plus sensuelle va amorcer un combat contre les étroitesses de la religion (tant catholique que protestante), va refuser les rigidités de l’Etat (et du militarisme prussien), va critiquer la domination de plus en plus patente de la technique et de l’argent (en déployant, à ce niveau-là, une nouvelle forme d’antisémitisme antimoderne). Les “Schwabinger”, dans leurs critiques, vont englober éléments de droite et de gauche.

Le 18 décembre 1890 est le jour de la fondation de la “Gesellschaft für modernes Leben” (“Société pour la vie moderne”), une association animée par Michael Georg Conrad (très hostile aux catholiques), Otto Julius Bierbaum, Julius Schaumberger, Hanns von Gumppenberg. Pour Conrad, qu’admirait Arthur Moeller van den Bruck, la tâche principale de la littérature est “d’abattre les vaches sacrées” (tâche encore plus urgente aujourd’hui!). Conrad s’attaquera à la personnalité de l’Empereur Guillaume II, “le monarque qui n’a pas le temps”, lui reprochant sa frénésie à voyager partout dans le monde, à sacrifier au culte de la mobilité fébrile propre à la Belle Epoque. Conrad sera plusieurs fois condamné pour “crime de lèse-majesté” et subira même un internement de deux mois en forteresse. Mais cet irrévérencieux n’est pas ce que nous appelerions aujourd’hui un “gauchiste”. Il s’oppose avec virulence à l’emprise sur Munich de la SPD sociale-démocrate et de son idéologie de la lutte des classes. Conrad veut une réconciliation des masses et de la monarchie, en dépit des insuffisances actuelles et conjoncturelles du wilhelminisme. Pour lui, les socialistes et les ultramontains sont à mettre dans le même sac car ces deux forces politiques ont pour objectif de détruire “l’esprit national”, lequel n’est nullement “bigot”, “bourgeois” au sens de “Biedermeier” mais, au contraire, doit s’affirmer comme insolent (“frech”) et moqueur (“pfiffig”). L’Allemand de demain doit être, selon Conrad, “uilenspiegelien” (la mère de Charles De Coster était munichoise!) et opposer aux établis coincés le cortège de ses frasques et de ses farces. La littérature a dès lors pour but de “libérer la culture allemande de tout fatras poussiéreux” (“Die deutsche Kultur von allem Angestaubten zu befreien”). L’art est l’arme par excellence de ce combat métapolitique.

Insolence et moqueries

panizza.jpgInsolence et moqueries dans ce combat métapolitique de libération nationale seront incarnées par Oskar Panizza (1853-1921), psychiatre et médecin militaire, auteur de pièces de théâtre et de poèmes. Panizza s’insurge contre le moralisme étouffant de son époque, héritage du formatage chrétien. Pour lui, la sensualité (souvent hyper-sexualisée) est la force motrice de la littérature et de l’art, par voie de conséquence, le moralisme ambiant est totalement incompatible avec le génie littéraire. Panizza consigne ces visions peu conventionnelles (mais dérivées d’une certaine psychanalyse) et blasphématoires dans une série d’écrits et de conférences visant à détruire l’image édulcorée que les piétistes se faisait de l’histoire de la littérature allemande. Dans une pièce de théâtre, “Das Liebeskonzil”, il se moque du mythe chrétien de la Sainte Famille, ce qui lui vaut une condamnation à un an de prison pour atteinte aux bonnes moeurs et aux sentiments religieux: c’est la peine la plus sévère prononcée dans l’Allemagne wilhelminienne à l’encontre d’un auteur. Une certaine gauche spontanéiste, dans le sillage de mai 68, a tenté de récupérer Oskar Panizza mais n’a jamais pu annexer son antisémitisme affiché, de facture pansexualiste et délirante. Panizza, en effet, voyait le judaïsme, et le catholicisme figé, pharisaïque, qui en découlait, comme une source de l’anti-vitalisme dominant en Europe qui conduit, affirmait-il avec l’autorité du médecin-psychiatre, à l’affadissement des âmes et à la perversité sexuelle. Ses tribulations, jugées scandaleuses, le conduisent à un exil suisse puis français afin d’échapper à une condamnation en Allemagne pour lèse-majesté. En 1904, pour se soustraire au jugement qui allait immanquablement le condamner, il sort nu dans la rue, est arrêté, considéré comme fou et interné dans un asile psychatrique, où il mourra en 1921.

Le “Simplicissimus”

simplicissimus2.jpegEn 1896 se crée à Munich la fameuse revue satirique “Simplicissimus” qui, d’emblée, se donne pour tâche de lutter contre toutes les formes de puritanisme, contre le culte des parades et de la gloriole propre au wilhelminisme, contre la prussianisation de l’Allemagne du Sud (“Simplicissimus” lutte à la fois contre le prussianisme et le catholicisme, la Prusse étant perçue comme un “Etat rationnel”, trop sérieux et donc “ennemi de la Vie”), contre le passéisme bigot et rural de la Bavière. On peut dès lors constater que la revue joue sur un éventail d’éléments culturels et politiques présents en Bavière depuis les années 70 du 19ème siècle. Le symbole de la revue est un “bouledogue rouge”, dont les dents symbolisent l’humour agressif et le mordant satirique que la revue veut incarner. Le mot d’ordre des fondateurs du “Simplicissimus” est donc “bissig sein”, “être mordant”. Cette attitude, prêtée au bouledogue rouge, veut faire comprendre au public que la revue n’adoptera pas le ton des prêcheurs moralistes, qu’elle n’entend pas répéter inlassablement des modes de pensée fixes et inaltérables, tous signes patents d’une “mort spirituelle”. En effet, selon Dilthey (puis selon l’heideggerien Hans Jonas), on ne peut définir une chose que si elle est complètement morte, donc incapable de produire du nouveau, par l’effet de sa vitalité, même atténuée.

L’homme qui se profile derrière la revue “Simplicissimus”, en abrégé “Der Simpl’”, est Albert Langen (fondateur d’une maison d’édition qui existe toujours sous le nom de “Langen-Müller”). Il est alors âgé de 27 ans. Il rejette le wilhelminisme comme David Herbert Lawrence rejetait le victorianisme en Angleterre ou August Strindberg l’oscarisme en Suède. Cette position anti-wilhelminienne ne participe pas d’une hostilité au patriotisme allemand: au contraire, Albert Langen veut, pour la nation, contribuer à faire éclore des idéaux combattifs, finalement assez agressifs. Les modèles dont il s’inspire pour sa revue sont français car en France existe une sorte de “métapolitique satirique”, incarnée, entre autres initiatives, par le “Gil Blas illustré”. Pour confectionner le pendant allemand de cette presse parisienne irrévérencieuse, Langen recrute Ludwig Thoma, virtuose des injures verbales, comme le seront aussi un Léon Daudet en France ou un Léon Degrelle en Belgique; ensuite l’Israélite Thomas Theodor Heine, excellent caricaturiste qui fustigeait les philistins, les ploutocrates, les fonctionnaires et les officiers. Le dramaturge Frank Wedekind se joint au groupe rédactionnel pour railler les hypocrisies de la société moderne, industrialisée et urbanisée. Langen, Heine et Wedekind finissent par être, à leur tour, poursuivis pour crime de lèse-majesté. Langen s’exile à Paris. Heine écope de six mois de prison et Wedekind de sept mois. Du coup, la revue, qui tirait à 15.000 exemplaires, peut passer à un tirage de 85.000.

Pour une armée nouvelle

simplicissimus.jpgLes moqueries adressées à la personne de l’Empereur ne signifient pas que nos trois auteurs niaient la nécessité d’une autorité monarchique ou impériale. Au contraire, leur objectif est de rétablir l’autorité de l’Etat face à un monarque qui est “pose plutôt que substance”, attitude risible, estiment-ils, qui s’avère dangereuse pour la substance politique du IIème Reich. Les poses et les parades du wilhelminisme sont la preuve, disaient-ils, d’une immaturité politique dangereuse face à l’étranger, plus équilibré et moins théâtral dans ses affirmations. S’ils critiquaient la caste des officiers modernes, recrutés hors des catégories sociales paysannes et aristocratiques traditionnellement pourvoyeuses de bons soldats, c’est parce que ces nouveaux officiers modernes étaient brutaux et froids et non plus sévères et paternels: nos auteurs plaident pour une armée efficace, soudée, capable de prester les tâches qu’on réclame d’elle. De même, notre trio du “Simpl’”, derrière leurs satires, réclament une meilleure formation technique de la troupe et fustigent l’anti-militarisme des sociaux-démocrates.

Sur le plan géopolitique, la revue “Simplicissimus” a fait preuve de clairvoyance. En 1903, elle réclame une attitude allemande plus hostile aux Etats-Unis, qui viennent en 1898 d’arracher à l’Espagne les Philippines et ses possessions dans les Caraïbes, l’Allemagne héritant de la Micronésie pacifique auparavant hispanique. L’Allemagne et l’Europe, affirmaient-ils, doivent trouver une réponse adéquate à la Doctrine de Monroe, qui vise à interdire le Nouveau Monde aux vieilles puissances européennes et à une politique agressive de Washington qui chasse les Européens du Pacifique, en ne tenant donc plus compte du principe de Monroe, “l’Amérique aux Américains”. Le “Simpl’” adopte ensuite une attitude favorable au peuple boer en lutte contre l’impérialisme britannique. Il est plus souple à l’égard de la France (qui avait offert l’asile politique à Langen). Il est en revanche hostile à la Russie, alliée traditionnelle de la Prusse.

Les cabarets

439976_Die-Elf-Scharfrichter-The-Eleven-Executioners.jpgA côté du “Simplicissimus”, le Munich de la première décennie du 20ème siècle voit naître le cabaret “Die Elf Scharfrichter” (“Les onze bourreaux”) qui marquera durablement la chronique entre 1901 et 1903. Ce cabaret, lui aussi, se réfère à des modèles étrangers ou non bavarois: “Le chat noir” de Paris, “Il quatre cats” de Barcelone, le “Bat” de Moscou et l’“Überbrettl” de Berlin. Les inspirateurs français de ce cabaret munichois étaient Marc Henry et Achille Georges d’Ailly-Vaucheret. Mais Berlinois et Bavarois appliquent les stratégies du rire et de l’arrachage des masques préconisées par Nietzsche. En effet, la référence au comique, à l’ironie et au rire chez Nietzsche est évidente: des auteurs contemporains comme Alexis Philonenko ou Jenny Gehrs nous rappellent l’importance critique de ce rire nietzschéen, antidote précieux contre les routines, les ritournelles des conformistes et des pharisiens puis, aujourd’hui, contre la critique aigre et inféconde lancée par l’Ecole de Francfort et Jürgen Habermas. Jenny Gehrs démontre que les cabarets et leur pratique de la satire sont étroitement liés aux formes de critique que suggérait Nietzsche: pour celui-ci, l’ironie déconstruit et détruit les systèmes de valeurs et les modes de pensée qui figent et décomposent par leurs raideurs et leur incapacité vitale à produire de la nouveauté féconde. L’ironie est alors expression de la joie de vivre, de la légèreté d’âme, ce qui n’induit pas une absence de sériosité car le comique, l’ironie et la satire sont les seules voies possibles pour échapper à l’ère du nihilisme, les raideurs, rigidités, pesanteurs ne produisant que “nihil”, tout comme le “politiquement correct” et les conventions idéologiques de notre temps ne produisent aucune pensée féconde, aucune pensée capable de sortir des ornières où l’idéologie et les praxis dominantes se sont enlisées. La pratique de l’ironie implique d’adopter une pensée radicale complètement dépourvue d’indulgence pour les conventions établies qui mutilent et ankylosent les âmes. L’art, pour nos contestataires munichois comme pour Jenny Gehrs, est le moyen qu’il faut déployer pour détruire les raideurs et les rigidités qui mènent le monde à la mort spirituelle. Alexis Philonenko rappelle que sans le rire, propre de l’homme selon Bergson, les sociétés basculent à nouveau dans l’animalité et ruinent les ressorts et les matrices de leur propre culture de base. Si ne règnent que des constructions idéalisées (par les médiacrates par exemple) ou posées comme indépassables ou éternelles, comme celle de la pensée unique, de la bien-pensance ou du “politiquement correct”, le monde sombrera dans la mélancolie, signe du nihilisme et du déclin de l’homme européen. Dans ce cas, il n’y a déjà plus de perspectives innovantes, plus aucune possibilité de faire valoir nuances ou diversités. Le monde devient gris et terne. Pour nos cabaretistes munichois, le wilhelminisme était une praxis politique dominante qui annonçait déjà ce monde gris à venir, où l’homme ne serait plus qu’un pantins aux gestes répétitifs. Il fallait réagir à temps, imméditement, pour que la grisaille envahissante ne dépasse pas la première petite étape de son oeuvre de “monotonisation”.

Franziska zu Reventlow

revenpor.jpgFranziska zu Reventlow est la figure féminine qui opère la jonction entre ce Schwabing anarchisant et la “révolution conservatrice” proprement dite, parce qu’elle a surtout fréquenté le cercle des Cosmiques autour de Stefan George, où se manifestaient également deux esprits profonds, Alfred Schuler et Ludwig Klages, dont la pensée n’a pas encore été entièrement exploitée jusqu’ici en tous ses possibles. David Clay Large définit la vision du monde de Franziska zu Reventlow comme “un curieux mélange d’idées progressistes et réactionnaires”. Surnommée la “Reine de Schwabing”, elle est originaire d’Allemagne du Nord, de Lübeck, d’une famille aristocratique connue, mais, très tôt, elle a rué dans les brancards, sa nature rebelle passant outre toutes les conventions sociales. La lecture du Norvégien Ibsen —il y avait un “Ibsen-Club” à Lübeck— du Français Emile Zola, du socialiste allemand Ferdinand Lassalle et, bien entendu, de Friedrich Nietzsche, dont le “Zarathoustra” constituait sa “source sacrée” (“geweihte Quelle”). Elle arrive à Schwabing à 22 ans et, aussitôt, Oskar Panizza la surnomme “la Vénus du Slesvig-Holstein” (“Die schleswig-holsteinsche Venus”), tout en ajoutant, perfide, qu’elle était “très sale”. Les frasques de Franziska ont choqué sa famille qui l’a déshéritée. A Munich, elle crève de faim, ne prend qu’un maigre repas par jour et se came au laudanum pour atténuer les douleurs qui l’affligent. Rapidement, elle collectionne quelques dizaines d’amants, se posant comme “mère libre” (“freie Mutter”) et devenant ainsi l’icône du mouvement féministe, une sorte de “sainte païenne”.

Quel est le “féminisme” de Franziska zu Reventlow? Ce n’est évidemment pas celui qui domine dans les esprits de nos jours ou qui a animé le mouvement des suffragettes. Pour la Vénus de Schwabing, le mouvement de libération des femmes ne doit pas demander à ce qu’elles puissent devenir banquières ou courtières en assurances ou toute autre horreur de ce genre. Non, les femmes vraiment libérées, pour Franziska zu Reventlow, doivent incarner légèreté, beauté et joie, contrairement aux émancipées acariâtres que nous avons connues naguère, les “Emanzen” dont se moquent aujourd’hui les Allemands. Franziska les appelaient déjà les “sombres viragos” (“Die finstere Viragines”). Si les femmes libérées ne deviennent ni légères ni belles ni joyeuses le monde deviendra atrocement ennuyeux et sombrera dans la névrose, bannissant en même temps toute forme charmante d’érotisme.

Les “Cosmiques” de Schwabing

 

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Malgré le scandale que suscite ses positions féministes et libératrices, Franziska zu Reventlow demeure d’une certaine manière “conservatrice” car elle valorise le rôle de la femme en tant que mère biologique, dispensatrice de vie mais aussi d’éducation. La femme doit communiquer le sens de la beauté à ses enfants, les plonger dans le patrimoine littéraire de leur nation et de l’humanité toute entière. Cette double fonction, à la fois révolutionnaire et conservatrice, Franziska zu Reventlow la doit à sa fréquentation du cercle des “Cosmiques” de Schwabing, autour de Karl Wolfskehl et Stefan George, d’une part, d’Alfred Schuler et Ludwig Klages, d’autre part, avant la scission du groupe en deux clans bien distincts. Les “Cosmiques”, au nom d’une esthétique à la fois grèco-romaine, médiévisante et romantique, teintée de pré-raphaélisme et d’Art nouveau, présentaient tous les affects anti-industriels de l’époque, déjà repérables chez leurs prédécesseurs anglais; ils vont également renouer avec l’anti-rationalisme des premiers romantiques et manifester des affects anti-parlementaires: la raison conduit, prétendaient-ils, aux horreurs industrielles de la sur-urbanisation inesthétique et aux parlottes stériles des députés incultes, qui se prennent pour des émules de Socrate en n’émettant que de purs discours dépourvus de tous sentiments. Les “Cosmiques” toutefois ne renouent pas avec le christianisme romantique d’un Novalis, par exemple: ils déploient, surtout chez Schuler et Klages, une critique radicale du christianisme et entendent retourner aux sources païennes de la culture européenne pré-hellénique qu’ils appeleront “tellurique”, “chtonienne” ou “pélasgique”. Ce paganisme est, en filigrane, une révolte contre les poncifs catholiques du conservatisme bavarois qui n’abordent la spiritualité ou la “carnalité” de l’homme qu’en surface, avec la suffisance du pharisaïsme: pour les “Cosmiques”, “il existe des chemins sombres et secrets”, qu’il faudra redécouvrir pour redonner une “aura” à la culture, pour la ramener à la lumière. Franziska zu Reventlow, dans ses souvenirs de Schwabing, où elle se moque copieusement des “Cosmiques”, dont certains étaient tout-à-fait insensibles aux séductions de la féminité, que les hommes et les femmes qui emprunteront ces voies “sombres et secrètes” seront les initiés de demain, les “Enormes” (“Die Enormen”), tandis que ceux qui n’auront jamais l’audace de s’y aventurer ou qui voudront les ignorer au nom de conventions désuètes ou étriquées, seront les “Sans importance” (“Die Belanglosen”).

De Bachofen à Klages

Si Stefan George a été le poète le plus célèbre du groupe des “Cosmiques”, Ludwig Klages, qui se détachera du groupe en 1904, en a indubitablement été le philosophe le plus fécond, encore totalement inexploré aujourd’hui en dehors des frontières de la germanophonie. Figure de proue de ce qu’Armin Mohler a défini comme la “révolution conservatrice”, Klages ne basculera jamais dans une tentation politique quelconque; il étudiera Bachofen et Nietzsche, fusionnera leur oeuvre dans une synthèse qui se voudra “chtonienne” ou “tellurique”, tout en appliquant ses découvertes philosophiques à des domaines très pratiques comme la science de l’expression, dont les chapitres sur la graphologie le rendront mondialement célèbre. La postérité a surtout retenu de lui cette dimension de graphologue, sans toutefois vouloir se rappeler que la graphologie de Klages est entièrement tributaire de son interprétation des oeuvres de Bachofen et Nietzsche. En effet, Klages a été l’un des lecteurs les plus attentifs du philosophe et philologue bâlois Bachofen, issu des facultés de philologie classique de Bâle, tout comme Nietzsche. Klages énonce, suite à Bachofen, une théorie du matriarcat primordial, expression spontanée et non détournée de la Vie mouvante et fluide que le patriarcat a oblitéré au nom de l’Esprit, censé rigidifier les expressions vitales. L’histoire du monde est donc une lutte incessante entre la Vie et l’Esprit, entre la culture (matriarcale) et la civilisation (patriarcale). Alfred Schuler, mentor de Klages mais qui n’a laissé derrière lui que des fragments, mourra lors d’une intervention chirurgicale en 1923; Klages s’exilera en Suisse, où il décédera en 1956, après avoir peaufiné son oeuvre qui attend encore et toujours d’être pleinement explorée dans diverses perspectives: écologie, géophilosophie, proto-histoire, etc. Quant à Franziska zu Reventlow, elle quittera Munich pour une autre colonie d’artistes basée à Ascona en Suisse, une sorte de nouveau Schwabing avec, en plus, l’air tonifiant des Alpes tessinoises. Elle y mourra en 1918.

Thomas Mann patriote

La guerre de 1914 balaie le monde de Schwabing, que les conservateurs aigris voulaient voir disparaître, pour qu’il ne puisse plus les ridiculiser. Bon nombre d’artistes s’engagent dans l’armée, dont le poète Richard Dehmel et les peintres August Macke et Franz Marc (du groupe “Blauer Reiter”, le “Cavalier bleu”) qui, tous deux, ne reviendront pas des tranchées. Le “Simplicissimus” cesse de brocarder cruellement les officiers, ces “analphabètes en uniforme”, et les généraux, ces “sombres simplets”, et devient un organe patriotique intransigeant, sous prétexte qu’en temps de guerre, quand la patrie est en danger, “les muses doivent se taire” et qu’il faut participer “à une guerre qui nous est imposée” et “au combat pour défendre la culture menacée par l’étranger (belliciste)”. Thomas Mann participe à l’effort de guerre en opposant la culture (vivante, tirée d’un humus précis) à la civilisation dans un opuscule patriotique intitulé “Gedanken im Kriege” (“Idées en temps de guerre”). La culture (allemande) pour Mann, en cette fin août 1914, est “homogénéité, style, forme, attitude et bon goût”. Quant à la “civilisation”, représentée par l’Ouest, elle est “rationalité (sèche), esprit des Lumières, édulcoration, moralisme, scepticisme et dissolution”. La tâche de l’Allemagne, dans cette guerre est de défendre la fécondité vitale de la culture contre les attaques de la civilisation qui entend “corseter” les âmes, leur faire perdre leurs élans, édulcorer la littérature et la musique qui ne peuvent se développer que sur un terreau “culturel” et non “civilisationnel”. Ces idées nationales de Thomas Mann sont consignées dans “Betrachtungen eines Unpolitischen” (“Considérations d’un apolitique”). Son frère Heinrich Mann, en revanche, plaidait pour une civilisation marquée par l’humanisme de Zola, adepte d’une justice pour chaque individu, au-delà de toute institution ou cadre politique, un Zola qui s’était précisément hissé, lors de l’affaire Dreyfus, au-dessus des institutions politiques de la France: pour Heinrich, Thomas aurait dû prendre une position similaire à l’auteur du “J’accuse” et se hisser au-dessus de l’idée patriotique et de l’Etat semi-autoritaire du wilhelminisme. A partir des années vingt, les deux frères se réconcilieront sur base des idées “occidentales” de Heinrich.

Noire vision spenglerienne

Oswald Spengler était revenu à Munich en 1911, après y avoir passé une année d’étude en 1901: toujours amoureux de la ville bavaroise, il était cependant déçu en s’y réinstallant. Il ne retrouvait plus intact le style classique de Louis I, y découvrait en revanche “l’ornementalisme imbécile” de l’“Art Nouveau” et les “escroqueries expressionnistes”, toutes expressions du déclin qui affecte l’Europe entière. Pour Spengler, qui s’apprête à rédiger sa somme “Der Untergang des Abendlandes”, les affres de décadence qui marquent Munich sont autant de symboles du déclin général de l’Europe, trop influencée par les idées “civilisatrices”. Pour Spengler, la transition entre, d’une part, la phase juvénile que constitue toute culture, créatrice et d’abord un peu fruste, et, d’autre part, la phase sénescente de la civilisation, s’opère inéluctablement, comme une loi biologique et naturelle. Les hommes —les porteurs et les vecteurs de culture vieillissants— se mettent à désirer le confort et le raffinement, abandonnent les exigences créatrices de leur culture de départ, n’ont plus la force juvénile d’innover: tous les peuples d’Occident subiront ce processus de sénescence pour en arriver d’abord à un stade de lutte planétaire entre “pouvoirs césariens”, ensuite à un stade d’uniformité généralisée, à une ère des masses abruties, parquées dans des villes tentaculaires, dont l’habitat sera constitué de “casernements” sordides et sans charme. Ces masses recevront, comme dans le Bas-Empire, du pain et des jeux. Tel est, en gos, le processus de déclin que Spengler a voulu esquisser dans “Der Untergang des Abendlandes”.

Le déclin de Munich et de toute l’Europe était donc en germe avant le déclenchement de la première grande conflagration intereuropéenne. La guerre accélère le processus. Au lendemain de l’armistice de novembre 1918, nous aurons donc affaire à un autre Munich et à une autre Europe. Une autre histoire, bien différente, bien plus triste, pouvait commencer: celle de l’après-Schwabing. Avant d’assister à la lutte plénétaire entre les nouveaux Césars (Hitler, Staline, Churchill, Roosevelt). Après la victoire du César américain, l’ère des masses abruties par la consommation effrénée et par le confort matériel a commencé. Nous y sommes toujours, malgré les ressacs dus aux crises: l’aura des Cosmiques n’élit plus personne. Les masses abruties sont là, omniprésentes. Les villes tentaculaires détruisent les cultures, au Japon, au Mexique, en Afrique. Et pas seulement en Europe et en Amérique du Nord. Les jeux virtuels sont distribués à profusion. Spengler avait raison.

Robert Steuckers.

(Forest-Flotzenberg, Vlotho im Wesergebirge, été 2002).

mardi, 29 octobre 2013

Spengler e l’anima russa

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Spengler e l’anima russa

La Russia antica e la “pseudomorfosi” illuminista

Autore:

Ex: http://www.centrostudilaruna.it/

OswaldSpengler.jpgNel Tramonto dell’Occidente[1], Oswald Spengler si sofferma ampiamente sulle peculiarità dell’anima russa. Tale analisi è collocata nella seconda parte dell’opera, che si intitola “Prospettive della storia mondiale[2], la prima parte essendo dedicata a “Forma e realtà”, ove delinea la sua visione ciclica della storia, definisce l’“anima” di ogni civiltà, con le famose fasi, l’una ascendente (Kultur) e l’altra  discendente (Zivilisation) di ogni ciclo storico, per poi tracciare una morfologia comparata delle civiltà che offre un grande scenario di macrostoria [3].

Altrettanto interessante e stimolante è l’applicazione del metodo comparativo spengleriano per studiare e decifrare l’affinità morfologica che connette interiormente la lingua delle forme di tutti i domini interni ad una data civiltà, dall’arte alla matematica alla geometria, al pensiero filosofico e al linguaggio delle forme della vita economica, essa stessa espressione di una data “anima”, ossia di un “sentimento del mondo” che contraddistingue un certo tipo di sensibilità.

In questa prospettiva, anche i fatti politici, assumono il valore di potenti simboli; per Spengler occorre saper cogliere che cosa significa il loro apparire, l’ “anima” di cui essi sono espressione.

Pseudomorfosi

Nella seconda parte dell’opera, l’Autore colloca lo studio dell’anima russa nel capitolo sulle pseudomorfosi storiche ed è partendo da questa categoria spengleriana che si può comprendere il suo modo di descrivere il mondo russo.

il-tramonto-dell-occidentePer spiegare la pseudomorfosi, Spengler parte da una nozione di mineralogia. Egli attinge  ad un fenomeno naturale per spiegare e definire un fenomeno storico, in ciò accogliendo un procedimento di osservazione scientifico-naturalistico tipico di Goethe, al quale esplicitamente si richiama nella prima parte della sua opera.

Si supponga uno strato di calcare che contenga cristalli di un dato minerale. Si producono crepacci e fessure; l’acqua si infiltra e a poco a poco, passando, scioglie e porta via i cristalli, di modo che nel conglomerato non restano più che le cavità da essi occupate. Sopravvengono fenomeni vulcanici che fendono la montagna; colate di materiale incandescente penetrano negli spacchi, si solidificano e danno luogo ad altri cristalli. Ma esse non possono farlo in una forma propria: sono invece costrette a riempire le cavità preesistenti, e così nascono forme falsate, nascono cristalli nei quali la struttura interna contraddice  la conformazione esterna, un dato minerale apparendo ora sotto le specie esteriori di un altro. E’ ciò  che i mineralogisti  chiamano pseudomorfosi[4].

Dalla nozione di mineralogia passa quindi alle pseudomorfosi storiche.

Chiamo pseudomorfosi storiche i casi nei quali una vecchia civiltà straniera grava talmente su di un paese che una civiltà nuova, congenita a questo paese, ne resta soffocata e non solo non giunge a forme sue proprie e pure di espressione, ma nemmeno alla perfetta coscienza di sé stessa. Tutto ciò che emerge dalle profondità di una giovane animità va a fluire nelle forme vuote di una vita straniera; una giovane sensibilità si fissa in opere annose e invece dell’adergersi in una libera forza creatrice nasce soltanto un odio sempre più vivo per la costrizione che ancora si subisce da parte di una realtà lontana nel tempo”[5].

Di questo fenomeno Spengler ci offre vari esempi quali la civiltà araba – che egli fa risalire,  come sentimento del mondo, al III secolo a.C. – che fu costretta e soffocata nelle forme di una civiltà straniera, quale quella macedone col suo relativo dominio (impresa di Alessandro Magno e civiltà ellenistica).

Non è questa la sede per esaminare la pseudomorfosi araba, perché tale tema ci porterebbe lontano, considerando la peculiarità della visione storica spengleriana, rispetto allo specialismo della storiografia occidentale del suo tempo con la quale egli polemizza e argomenta in modo approfondito.

Altra pseudomorfosi è quella che inizia con la battaglia di Azio del 31 a. C.

Qui non si trattò di una lotta per la supremazia della romanità o dell’ellenismo; una lotta del genere era stata già combattuta a Canne e a Ama, ove ad Annibale toccò il destino tragico di battersi non per la sua patria bensì per l’ellenismo. Ad Azio la nascente civiltà araba si trovò di fronte alla civilizzazione antica senescente. Si doveva decidere il trionfo dello spirito apollineo o di quello magico, degli dei o del Dio, del principato o del califfato. La vittoria di Antonio avrebbe liberato l’anima magica; invece la sua sconfitta ebbe per conseguenza che sul paesaggio di tale anima si riaffermarono le rigide, disanimate strutture del periodo imperiale”[6].

Pseudomorfosi russa

Un ulteriore esempio di pseudomorfosi ce lo offre la Russia di Pietro il Grande. L’anima russa originaria si esprime nelle saghe di Kiev riguardanti il principe Vladimiro (verso il 1000 d. C.) con la sua Tavola Rotonda e l’eroe popolare Ilja di Muros. Qui il pensatore tedesco coglie l’immensa differenza fra anima russa e anima faustina (ossia quella europea tesa verso l’infinito e simboleggiata dalle cattedrali gotiche) nel divario che intercorre fra tali poemi slavi e quelli sincronici – rispetto ad essi – della saga di Malthus e dei Nibelunghi del periodo delle invasioni “nella forma dell’epica di Ildebrando[7].

Il periodo “merovingio” russo (ossia il periodo aurorale) inizia con la liberazione dal dominio tartaro di Ivan III (1480) e si sviluppa attraverso gli ultimi Rurik e i primi Romanov fino a Pietro il Grande (1689-1725). Esso corrisponde al periodo che va, in Francia, da Clodoveo(465-511) fino alla battaglia di Testry (687) con la quale i Carolingi si assicurano il potere  effettivo. Spengler coglie qui un’affinità morfologica.

albe-e-tramonti-deuropaA questo periodo moscovita delle grandi stirpi bojare e dei patriarchi, durante il quale un partito della Vecchia Russia lottò continuamente contro gli amici della civiltà occidentale, segue, con la fondazione di Pietroburgo (1703) la pseudomorfosi, la quale impose all’anima russa primitiva le forme straniere dell’alto Barocco, poi quelle dell’illuminismo e infine quelle del diciannovesimo secolo. Pietro il Grande fu fatale per la civiltà russa. Si pensi alla sua corrispondenza “sincronica”, a Carlomagno, che metodicamente e con tutte le sue energie attuò ciò che Carlo Martello pochi anni prima aveva scongiurato con la sua vittoria sugli Arabi; il sopravvento dello spirito mauro-bizantino”[8]

Nella visione spengleriana, Pietro il Grande impone alla Russia una forma che non le è congeniale, che è lontana dallo spirito contadino, antico, mistico e religioso della Vecchia Russia. Carlomagno avrebbe mutuato in Occidente una forma mauro-bizantina (l’Impero, la struttura gerarchizzata sul modello romano-orientale) che non sarebbe stata congeniale all’Europa dell’alto  Medio Evo (adopero questa periodizzazione per farmi intendere, anche se essa non è affatto spengleriana).

Qui lo studioso tedesco introduce una riflessione che è di rilievo centrale e che contribuisce a far comprendere anche la storia della Russia contemporanea.

Lo zarismo primitivo di Mosca è l’unica forma che ancor oggi sia conforme alla natura russa, ma esso a Pietroburgo fu falsato nella forma dinastica propria all’Europa occidentale. La tendenza verso il Sud sacro, verso Bisanzio e Gerusalemme, profondamente radicata in tutte le anime greco-ortodosse, si trasformò in una diplomazia mondana, in uno sguardo rivolto verso l’Occidente … Furono importate arti e scienze tarde, l’illuminismo, l’etica sociale, il materialismo cosmopolita, benché in questo primo periodo del ciclo russo la religione fosse l’unica lingua nella quale ognuno comprendeva se stesso e comprendeva il mondo[9].

Questa imposizione di un modello straniero generò un sentimento di odio “davvero apocalittico” contro l’Europa, intendendo con tale termine tutto quanto non era russo, anche Roma e Atene, insomma l’Occidente nella varietà ed anche nell’antichità delle sue manifestazioni.”La prima condizione a che il sentimento nazionale russo si liberi è odiare Pietroburgo con tutto il cuore e con tutta l’anima” scriveva Aksakoff a Dostoevskij.

In altri termini, Mosca è sacra, Pietroburgo è Satana e Pietro il Grande, in una leggenda popolare, viene presentato come l’Anticristo[10].

Tolstoi e Dostoevskij

Per Spengler, se si vogliono comprendere i due grandi interpreti della pseudomorfosi russa, occorre vedere in Dostoevskij il contadino, in Tolstoi l’uomo cosmopolita.

L’uno non poté mai liberarsi interiormente dalla campagna, l’altro la campagna, malgrado ogni suo disperato sforzo, non riusci mai a ritrovarla[11].

Qui la lettura di Spengler diviene dirompente e innovativa, con tratti tipici da “rivoluzione conservatrice.

Egli considera, infatti, Tolstoi come la Russia del passato e Dostoevskij come simbolo della Russia dell’avvenire, il che equivale a dire che l’anima contadina antica della Russia, l’anima legata al sentimento delle radici e delle tradizioni, rappresenta l’avvenire, mentre lo spirito cosmopolita e illuminista, di stampo occidentale moderno, è destinato a tramontare.

Peraltro, questa spirito cosmopolita era profondamente divorato da un odio viscerale contro un’Europa moderna da cui non poteva liberarsi, essendovi profondamente legato. In altri termini, una sorta di amore/odio verso l’Europa.

Tolstoi odiò potentemente l’Europa da cui non poteva liberarsi. Egli l’odiò in sé stesso e odiò se stesso. Per questo fu il padre del bolscevismo[12]..

Dostoevskij, al contrario, non nutrì un tale odio ma un fervido amore per tutto ciò che è occidentale, nel senso delle antiche radici culturali dell’Europa.

Un simile odio Dostoevskij non lo conobbe. Egli nutrì un amore altrettanto fervido per tutto quello che è occidentale. “Io ho due patrie, la Russia e L’Europa”[13]. Questa affermazione dello scrittore russo è molto sintomatica delle sue inclinazioni. Spengler passa poi a citare un brano del romanzo I Fratelli Karamazov che è molto eloquente circa quello che lo scrittore russo intende per richiamo interiore verso l’Europa.

“Partirò per l’Europa – dice Ivan Karamazov al fratello Alioscia – io so di non andare che verso un cimitero, ma so anche che questo cimitero mi è caro, che è il più caro di tutti i cimiteri. I nostri sacri morti sono seppelliti  là, ogni pietra delle loro tombe parla di una vita passata così fervida, di una fede così appassionata nelle azioni che hanno compiute, nelle loro verità, nelle loro lotte e nelle loro conoscenze che io, lo so di già, mi prosternerò per baciare quelle pietre e per piangere su di esse[14]

L’Europa, per Dostoevskij, è quella delle radici antiche, della memoria storica, dell’identità, degli avi, delle antiche fedi e delle antiche lotte. In altri termini, l’Europa non è quella dell’illuminismo cui guardava Pietro il Grande, ma esattamente il contrario.

Mentre Tolstoi si muove nell’ottica dell’economia politica e dell’etica sociale, in una dimensione intellettualistica, tipicamente occidentale e moderna, Dostoevskij era al di là delle categorie occidentali, comprese quelle di rivoluzione e di conservatorismo.

Per lui fra conservatorismo e rivoluzione – scrive Spengler – non vi era differenza alcuna: entrambi erano per lui fenomeni occidentali. Lo sguardo di una tale anima si librava di là da tutto quanto è sociale. Le cose di questo mondo gli apparivano così insignificanti, che egli non dette alcuna importanza al tentativo di migliorarle. Nessuna vera ragione vuole migliorare il mondo dei fatti. Come ogni vero Russo, Dostoevskij un tale mondo non lo nota affatto: gli uomini come lui vivono in un secondo mondo, in un mondo metafisico esistente di là da esso. Che cosa hanno a che vedere i tormenti di un’anima col comunismo?[15]

Spengler conclude asserendo che “il Russo autentico è un discepolo di Dostoevskij benché non lo abbia letto, anzi proprio perché non sa leggere. Lui stesso è un pezzo di Dostoevskij[16]

Per Spengler il cristianesimo sociale di Tolstoi era intriso di marxismo; Tolstoi parlava di Cristo ma intendeva Marx, mentre “al cristianesimo di Dostoevskij appartiene invece il millennio che viene”[17]

la-foresta-e-la-steppaL’analisi spengleriana si proietta nel futuro, anticipando di circa un secolo gli sviluppi della storia russa, in un momento storico in cui trionfava il bolscevismo e tutto sembrava andare in direzione contraria. Il punto è capire cosa intenda Spengler per “cristianesimo  di Dostoevskij”. Lo studioso tedesco ha fatto riferimento a questa vocazione mistica che trascende il mondo dei fenomeni, dei fatti, ai quali l’anima russa non attribuisce un valore decisivo, il mondo metafisico essendo l’oggetto di interesse centrale e prioritario.

L’immensa differenza fra anima faustiana e anima russa si tradisce già nel suono di certe parole.  Il termine russo per cielo è njèbo ed è negativo nel suo n. L’uomo d’Occidente volge il suo sguardo verso l’alto, mentre il Russo fissa i lontani orizzonti. Occorre dunque vedere la differenza dell’impulso verso la profondità dell’uno e dell’altro nel fatto che nel primo esso è una passione di penetrare da ogni lato nello spazio infinito, nel secondo è un esteriorizzarsi fino a che l’elemento impersonale nell’uomo si faccia uno con la pianura senza fine…La mistica russa non ha nulla di quel fervore, proprio al gotico, a Rembrandt, a Beethoven, che si porta verso l’alto e che può svilupparsi fino ad un giubilo che invade il cielo. Qui Dio non è la profondità azzurra delle altezze. L’amore mistico russo è quello della pianura, quello verso fratelli che subiscono lo stesso giogo, sempre nella direzione terrestre; è quello per i poveri animali tormentati che vagano sulla terra,  per le piante, mai per gli uccelli, per le nubi e per le stelle[18].

Il cristianesimo russo-ortodosso è, dunque, per Spengler, un misticismo della Madre Terra, dell’immensa pianura, degli spazi sconfinati.

Fra Spengler e Steiner

Introduco qui alcune mie riflessioni. Questa pianura sconfinata è geograficamente -  e simbolicamente -  un ponte fra Oriente e Occidente. La Russia è una terra che sente storicamente il richiamo di Bisanzio, ossia dell’Impero Romano d’Oriente, come ho dimostrato nei miei contributi su Toynbee e su Zolla ed il loro modo di intendere l’anima russa e i suoi archetipi.

La Russia risente, però, anche di influssi spirituali e culturali spiccatamente orientali.

Un fenomeno che merita di essere osservato con attenzione è quello dell’attuale diffusione del buddhismo in Russia (di cui abbiamo testimonianze e riscontri anche qui in Italia presso i centri buddhisti frequentati dai russi provenienti direttamente dalla loro terra), particolarmente di quello tibetano che, nella sua iconografia e nel suo simbolismo, è segnato da figure luminose, da un senso di chiarità e di Luce spirituale che tradisce anche antiche influenze iraniche, come Filippani Ronconi ha evidenziato in Zarathustra e il Mazdeismo [19].

Questa “mistica della Luce” (adopero qui tale termine in un senso lato, non tecnico) si incontra necessariamente col misticismo della Madre Terra, con propensioni tipiche dell’anima slava.

È a questo punto che va considerata la previsione di Rudolf Steiner, secondo il quale in Russia rinascerà la religione di Zarathustra[20] , ossia una nuova mistica della Luce ed un nuovo sentimento del mondo, quello della lotta fra Luce e Tenebre nella storia, nella dimensione terrena, in forme adatte ad un ben diverso contesto storico, etnico e geografico rispetto a quello in cui maturò la riforma spirituale del Profeta iranico. Nella morfologia delle civiltà di Steiner la civiltà russa sarebbe la sesta civiltà – quella del futuro – dopo le prime cinque (Indiana, Iranica, Egizio-Caldaica-Babilonese, greco-romana, anglo-tedesca) che nel loro susseguirsi denotano una sorta di movimento pendolare da est ad ovest e poi di nuovo verso est. Una tale previsione sulla rinascita della religione di Zarathustra può avere una sua plausibilità ove si consideri appunto la posizione di ponte che la terra russa ha fra Oriente e Occidente e quindi simbolicamente di collegamento, di raccordo spirituale e culturale.

Il bolscevismo aveva significato, per un arco di 70 anni, una interruzione nella comunicazione spirituale fra Oriente e Occidente, un blocco materialistico, nel che può vedersi l’azione di influenze non meramente profane, secondo quella dimensione di profondità della storia che è tipica del “metodo tradizionale”di cui Evola ha parlato ampiamente in Rivolta contro il mondo moderno e sul quale chi scrive è tornato ampiamente ne I Misteri del Sole.

Un tale culto della Luce, ove un domani dovesse diffondersi, dovrà necessariamente innestarsi sul “sentimento della pianura” costitutivo dell’anima russa, per dirla con Spengler, e cogliere nella Madre Terra – la “Santa Madre Russia” – il teatro di una lotta fra Luce e Tenebre, fra Verità e Menzogna, fra elevazione dello spirito e demonìa della materia e dell’economia.

Si colgono, in definitiva, i primi segni premonitori – dal Buddhismo al rilancio dell’Ortodossia – dell’affiorare graduale di una nuova “forma spirituale” che ha profonde connessioni col risveglio del sentimento nazionale russo, di un forte senso delle proprie tradizioni e della propria identità che si esprime oggi nella linea politica di Putin e nel suo rilancio del ruolo di grande potenza della Russia, della sua proiezione mediterranea, del suo interagire e fare blocco con le nazioni del BRICS.

La stessa legislazione contraria alla propaganda dei gay, il rifiuto di Putin a dare i bambini russi in adozione alle coppie gay in Occidente, il forte richiamo alla tradizione religiosa russo-ortodossa, l’opposizione al “politicamente corretto”, sono tutti fatti politici sintomatici di un risveglio dell’anima russa, quella antica, interpretata e sentita da Dostoevskij.

I fatti politici, come diceva Spengler, vanno letti nella loro valenza simbolica, cogliendo i fermenti profondi di cui essi sono espressione e cercando d’intuire e anticipare le linee di tendenza che essi prefigurano.


[1] L’opera è del 1917 in prima edizione; la traduzione che ho consultato e studiato fa riferimento alla seconda edizione del 1923.

[2] O.Spengler, Il Tramonto dell’Occidente, Guanda, Parma, 1991, p. 653 ss.

[3] Id., op.cit., p. 89 ss.

[4] Id., op.cit., p.927.

[5] Id., op.cit., pp.927-928

[6] Id., op .cit., pp. 930-931.

[7] Id., op.cit., p.932.

[8] Id., op.cit., p.932.

[9] Id., op.cit., pp.932-933.

[10] Id., op.cit., p. 934.

[11] Id., op.cit., p.934.

[12] Id., op.cit., p. 936.

[13] Id., op.cit., p. 936

[14] Id., op.cit., p.936.

[15] Id., op.cit., p.937.

[16] Id., op.cit., p. 939.

[17] Id., op.cit., p.939.

[18] Id., op.cit., nt.178,  pp.1459-1460.

[19] P. Filippani Ronconi, Zarathustra  e il Mazdeismo, Irradiazioni, Roma, 2007.

[20] R. Steiner, Miti e Misteri dell’ Egitto rispetto alle forze spirituali attive nel presente, Antroposofica, Milano, 2000.

samedi, 19 octobre 2013

Rivoluzione conservatrice

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Rivoluzione conservatrice

Rivoluzione conservatrice

Questa sezione multilingue ospita pagine sulla rivoluzione conservatrice europea e il pensiero dei suoi maggiori esponenti.


Robert Steuckers, Une biographie de Carl Schmitt

 

 

 

 

 

 

 

 

Robert Steuckers, Evola and Spengler

 

 

 

 

 

 

 

Luca Leonello Rimbotti, La resurrezione europea

 

 

 

 

 

 

Gianfranco de Turris, Evola lettore di Spengler

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Alfonso Piscitelli, In morte di Armin Mohler

 

 

Arthur Moeller van den Bruck, Bemerkungen über Dostojewski

 

 

Luca Leonello Rimbotti, La mistica del primordiale

 

 

Julius Evola, Lettera a Ernst Jünger

 

Giovanni Sessa, La rivoluzione dei persuasi

 

Claudio Mutti, Guerra e poesia

 

Hermann Löns, Il fiume rosso

 

 

 

Julius Evola, Brief an Carl Schmitt

 

 

 

 

Gianfranco de Turris, Evola e Jünger

 

 

 

 

 

 

 

 

Christian Bouchet, Adieu à Jean Mabire

 

 

Alberto Lombardo, Ancora Ernst Jünger

mercredi, 16 octobre 2013

Armin Mohler und die Freuden des Rechtsseins

Armin Mohler und die Freuden des Rechtsseins

Martin Lichtmesz

Ex: http://www.sezession.de

arminmohler.jpgVor mir liegt ein frisch gedrucktes Büchlein, das mich wieder daran erinnert, was für eine große geistige Freude das „Rechtssein“ machen kann. Fast hätte ich es schon vergessen. Aber irgendeinen guten Grund muß ein Mensch ja haben, warum er sich all den Ärger antut, der damit einhergeht, nicht im linken Schafswolfsrudel mitzuheulen bzw. zu -blöken.

Die Rede ist von dem Kaplaken-Band „Notizen aus dem Interregnum“ [2], der dreizehn Kolumnen versammelt, die Armin Mohler [3] im Laufe des Jahres 1994 für die damals noch junge Junge Freiheit schrieb. Diese war eben auf das wöchentliche Format umgestiegen, und stand am Anfang ihres Siegeszuges als wichtigstes Organ und Sammelbecken der deutschen Rechten und Konservativen. Letzteres sind Begriffe, die Mohler meistens synonym oder alternierend gebrauchte, auch wenn es viele Rechte gibt, die sich nicht als „konservativ“ und viele Konservative, die sich nicht als „rechts“ betrachten. Außerhalb ihrer Milieus interessiert das allerdings bekanntlich keine Sau.

Die „Notizen“ sind, wie Götz Kubitschek im Nachwort formuliert, in einem „didaktisch-drängenden Ton“ verfaßt. Der 74jährige Mohler, einer der bedeutendsten Köpfe des deutschen Nachkriegskonservatismus, wollte mit seinen Kolumnen eine Art Orientierungshilfe, einen „Crash-Kurs“ im „Rechtssein“ bieten. So behandelte er noch einmal die Begriffe und Positionen, die in seinem Werk immer wiederkehren. Seine zentrale Formel war diese:

Bekannt ist der kokette Spruch: Wer nicht einmal links (oder wenigstens liberal) war, der wird kein richtiger Rechter. Der Schreibende hat jedoch Freunde, auf die das nicht zutrifft. Er sagt darum lieber: ein Rechter wird man durch eine Art von »zweiter Geburt«. Man hat sie durchlebt, wenn man sich – der eine früher, der andere später – der Einsicht öffnet, daß kein Mensch je die Wirklichkeit als Ganzes zu verstehen, zu erfassen und zu beherrschen vermag. Diese Einsicht stimmt manchen melancholisch, vielen aber eröffnet sie eine wunderbare Welt. Jedem dieser beiden Typen erspart sie, sein Leben mit Utopien, diesen Verschiebebahnhöfen in die Zukunft zu verplempern.

Das leuchtet wohl jedem unmittelbar ein, der die Erfahrung gemacht hat, daß eine zu eng gefaßte Weltanschauung blind für die Wirklichkeit machen kann, die nach einem Wort von Joachim Fest „immer rechts steht“. Ein Gitter von Abstraktionen verhindert, daß man sie sieht, wie sie ist (insofern man das eben mit seinen – stets beschränkten – Mitteln kann), daß man ihre Komplexität und Widersprüchlichkeit wahrnimmt und akzeptiert. (Damit ist aber nicht die typisch linke Rede von der „Komplexität“ gemeint, die genau auf das Gegenteil abzielt, nämlich eine Wahrnehmungschwäche kaschiert und sich um eine Entscheidung drücken will.)

Der von Mohler hochgeschätzte österreichische Schriftsteller Heimito von Doderer sprach an dieser Stelle gerne griffig von den „All-Gemeinheiten“ und von der „Apperzeptionsverweigerung“, einer nicht selten willentlichen Blockierung der Wahrnehmung, die zunächst zur Verdummung und schließlich gar zum Bösen führe.

Mohler kannte den Begriff der „political correctness“ noch nicht – aber es handelt sich hierbei um genau die Art von Abstraktionengitter, die er sein Leben lang bekämpfte. „Political correctness“ stellt zuerst ein Ideal auf, wie die Realität sein sollte, führt alsdann zu ihrer Leugnung (nach Doderer das „Dumme“), ob aus Angst (Doderer sprach vom „Kaltschweiß der Lebensschwäche“) oder aus Wunschdenken oder aus Opportunismus oder aus ideologischer Verblendung; dann aber zu unerbittlichen Verfolgung (nach Doderer wäre dies dann das „Böse“) all jener, die immer noch sehen und immer noch benennen,was sie eigentlich gar nicht sehen dürfen, etwa, daß der Kaiser nackt ist .

Auch das eng mit der „political correctness“ verbundene Gleichheitsdenken ist so eine Scheuklappe und „All-Gemeinheit“. In Notiz 7 (15. April 1994) diskutiert Mohler den italienischen Politologen Norberto Bobbio, der die Formel aufstellte, daß die Rechte vor allem mit dem beschäftigt sei, was die Menschen unterscheidet, und die Linke, mit dem, was die Menschen einander angleicht. Das geht soweit, daß der Linke die Gleichheit mit Gerechtigkeit gleichsetzt und zum absoluten moralischen Gut erhebt – die Menschen sollen „vernünftigerweise lieber gleicher als ungleich sein“.  Der Rechte dagegen bejaht die Ungleichheit, die es ja nur als relativen Begriff gibt. Erst die Ungleichheit gibt dem Leben seine Spannung, Vielfältigkeit und Farbe.

Die Absage an die prinzipielle „Durchschaubarkeit“ und daher „Machbarkeit“ aller Dinge ist kein Aufruf zum Nichthandeln – im Gegenteil. Vielmehr ergibt sich daraus die  Notwendigkeit einer Entscheidung, die Aufgabe, dem stetig sich wandelnden Chaos der Welt eine haltbare und dauerhafte Form abzutrotzen, mit dem Material zu bauen, das da ist, statt ständig auf das zu warten, was sein soll.

Das heißt allerdings nicht, daß man sich mit einem bloßen „Gärtnerkonservatismus“ begnügen muß. Vielmehr gilt es, aus dem Menschen das Bestmögliche herauszuholen und ihn an einer gewissen Intensität des Daseins teilhaben zu lassen, das auch immer „Agon“, also Wettstreit und Kampf ist – gegen die Unordnung, die Formlosigkeit, die Erschlaffung, den Verfall, den Tod, aber auch den konkreten Feind, den es immer geben wird.

Dem „Feind“ wird aber auch eine bestimmter Standort und ein prinzipielles Existenzrecht zugebilligt- er ist kein absoluter Feind, zu dem ihn bestimmte ideologische Zuspitzungen machen, insbesondere jene mit egalitärer Stoßrichtung. In der Notiz 9 vom 24. Juni 1994 untersucht Mohler den Begriff der „Mentalität“ . Dabei hat es ihm besonders eine Formulierung aus dem alten Brockhaus aus der Zeit vor dem Einbruch des „68er-Geistes“ angetan. „Mentalität“ bezeichnet

die geistig-seelische Disposition, die durch die Einwirkung von Lebenserfahrungen und Milieueindrücken entsteht, denen die Mitglieder einer sozialen Schicht unterworfen sind.

Das bedeutet nicht nur, daß der Mensch (hier folgt Mohler seinem großen Lehrmeister Arnold Gehlen) „anpassungsfähig“ ist, ein Wesen, das ebenso geformt wird, wie es selbst formend eingreift, „das sich selbst konstruiert, was er zum Überleben braucht“. Das heißt auch, daß jeder Mensch seinen soziologischen Ort, seine eigene Geschichte, seine eigenen guten oder schlechten Gründe und Beweggründe hat. Von hier aus wird auch eine rein moralistische Betrachtung und Verurteilung, eines einzelnen Menschen wie eines ganzen Volkes, unmöglich.

Mohlers Ansatz war verblüffend, besonders für solche Leser, die ein allzu vorgefaßtes Bild vom „Rechten“ mit sich herumtrugen. Dieser ist ja in der freien Wildbahn des Mainstreams eine geradezu geächtete Figur, im Gegensatz zu seinem umhätschelten Pendant, dem Linken, der „für seine guten Absichten belohnt wird“, und der auch dafür sorgt, daß vom Rechten möglichst nur Zerrbilder kursieren. „Rechts“ ist, wen er als solchen definiert, und wie er ihn definiert.

Es geht an dieser Stelle natürlich um den Rechten als Typus. Was die personifizierten Vertreter beider Lager angeht, so gibt es leider genug abschreckende Beispiele. Doderer sah sie als „Herabgekommenheiten“ – nicht etwa der nicht minder verabscheuungswürdigen „Mitte“ – sondern

jener Ebene, darauf der historisch agierende Mensch steht, der immer konservativ und revolutionär in einem ist, und diese Korrelativa als isolierte Möglichkeiten nicht kennt.

Mit einem Schlagwort: „konservative Revolution“. Das war für Mohler nicht nur das Etikett für ein bestimmtes, zeitlich eingegrenztes politisches Phänomen, sondern eine ganz grundsätzliche Idee, die er gerne vieldeutig schillern ließ. Seine Begriffe haben oft etwas bewußt Unscharfes, „Stimmungen“ Evozierendes, Wandelbares – sie müssen der jeweiligen konkreten Situation angepaßt werden.

Ich bin nun selber ein Initiat jener verschworenen Bruderschaft, die durch Mohler ihre entscheidenden politischen Impulse und Erweckungserlebnisse erfahren hat. Mit 25 Jahren verschlang ich in einer Nacht die Essaysammlung „Liberalenbeschimpfung“. Als ich das Buch zuklappte, war mir klar: wenn das nun „rechts“ ist, dann ist es nicht nur völlig legitim „rechts“ zu sein, dann bin ich es auch. Mir war bislang nur vorenthalten worden, daß es ein solches „Rechtssein“ auch gab – und das hatte mit einer Art zu denken ebenso wie mit einer Art zu schreiben und zu sprechen zu tun. Letztlich würde es aber vor allem, das betonte Mohler immer wieder, auch auf eine „Haltung“ und eine Art zu handeln ankommen, wobei er zugab, daß die Schreiber auch selten gleichzeitig „Täter“ sind.

Und hier fand ich nun die Quelle der „Freude“, von der ich oben sprach. Man erkennt, daß die Sprache eine Waffe ebenso wie ein Gefängnis sein kann, und daß ihre Grenzen schier unendlich erweiterbar sind. Dadurch stürzen die Begriffsgötzen und die falschen Autoritäten und die Laufgitter reihenweise ein und der Weg ins Freie wird sichtbar.

krd10.jpgFortan tat sich mir eine völlig neue und aufregende Welt auf. Zunächst war das nur eine Sache zwischen mir und meinem Bücherschrank. Ich suchte jahrelang keinerlei persönlichen Kontakt zu rechten oder konservativen „Milieus“, zum Teil aus Desinteresse, zum Teil aus weiterhin bestehenden Vorurteilen. Stattdessen ackerte ich sämtliche Hefte des „Criticón“ in der Berliner Staatsbibliothek durch, dem bedeutendsten Organ des konservativen Binnenpluralismus der 70er und 80er Jahre, und stieß dort auf die Namen all der konservativen Fabeltiere: neben Mohler auch Caspar von Schrenck-Notzing, Hans-Dietrich Sander, Günter Rohrmoser, Hellmut Diwald, Hans-Joachim Arndt, Günter Zehm, Wolfgang Venohr, Salcia Landmann, Robert Hepp, Gerd-Klaus Kaltenbrunner, Bernard Willms, Erik von Kuehnelt-Leddihn, Günter Maschke oder Alain de Benoist.

Und auf die großen Vordenker – Jünger, Blüher und Spengler waren mir schon bekannt, nun aber lernte ich Namen wie Carl Schmitt, Ernst Niekisch, Julius Evola, Edgar Julius Jung, Georges Sorel, Arnold Gehlen oder auch Donoso Cortés, Edmund Burke, Vilfredo Pareto usw. kennen. Ganz zu schweigen von all den schillernden Figuren, den Dichtern und Träumern, darunter eine erkleckliche Anzahl von poètes maudits, die ein verlockender Hauch des Hades umgab: Drieu La Rochelle, Yukio Mishima, Ezra Pound, Gabriele d‘Annunzio, Emile Cioran, Lucien Rebatet, Curzio Malaparte, Louis-Ferdinand Céline, Friedrich Hielscher, Alfred Schmid… man konnte wahrlich nicht klagen, daß es drüben am „rechten Ufer“ langweilig war.

Natürlich half auch das Internet enorm weiter, und früher oder später landete jeder mit einschlägigen Interessen bei der Jungen Freiheit, deren Netzarchive ich geradezu plünderte. Bald war ich begeisterter Abonnent, und entdeckte „neue“, aktuelle Stars:  Thorsten Hinz, Baal Müller (was für ein Name!), Manuel Ochsenreiter, Claus-Michael Wolfschlag, Angelika Willig. Viele Ausgaben der JF von 2002/3 habe ich heute noch aufgehoben und bewahre sie geradezu liebevoll und nostalgisch auf.

Bei der JF allein blieb es freilich nicht. Um den schwarzen Kontinent zu erobern, las ich zu diesem Zeitpunkt wie ein Scheunendrescher alles, wirklich „alles, was recht(s) ist“, frei nach einem Buchtitel von Karlheinz Weißmann, heute ein selbsterklärtes „lebendes Fossil der Neuen Rechten“, [4] der ebenfalls rasch in mein stetig wachsendes Pantheon aufgenommen wurde.

Besonders fielen mir jene Artikel in der JF und bald auch schon der Sezession auf, die von den Namen Ellen Kositza und Götz Kubitschek gezeichnet waren. Beide waren nur um wenige Jahre älter als ich, hatten markante Gesichter (dergleichen ist für mich bis heute von Bedeutung) und ihre Beiträge erklangen in einem frischen und zupackenden Ton  – unverkennbar die Mohler’sche Schule. Vor allem wurde darin nicht fade herumgeschwätzt, es ging darin um etwas: um unser jetziges, wirkliches Leben, um unsere Gegenwart und Zukunft, und ich erkannte, daß all dies auch etwas mit mir und meinem Leben zu tun hatte.

Gewiß war das Netz auch damals schon voll von Antifaseiten, die mal mehr, mal weniger offensichtlich ideologisch zugespitzt auftraten. Zentraler Anlaufpunkt war eine Seite namens „IDGR“- „Informationsdienst gegen Rechtsextremismus“, die freilich auch ganz hilfreich war, wenn man neue „Lesetips“ suchte. Was mich damals besonders empörte, war die Diskrepanz zwischen der hetzerisch-dummen, schablonenartigen, immer-gleichen Sprache dieser Seiten und dem, was die denunzierten Autoren tatsächlich geschrieben und gemeint hatten. Ich konnte nur krasse Desinformation, Verleumdung und Verzerrung erkennen, und das bestärkte mich umso mehr in dem Gefühl, auf der richtigen Spur zu sein.

Das fiel besonders bei Mohler auf. Es gab einerseits den Antifa-Popanz, andererseits den Autor, der mir freier, „liberaler“ und, ja, „toleranter“ und menschlicher erschien, als irgendeine rote Schranze, die ihre Säuberungswütigkeit mit hochtrabenden Ansprüchen schmückte. Besonders nahm mich seine Kunstsinnigkeit ein. Nicht nur vermochte er es, handfest und subtil zugleich über Belletristik, Lyrik und Malerei zu schreiben – er hatte auf jedes Thema, das er behandelte, einen unverwechselbaren Zugriff.

Und es gab ein Gebiet, wo Mohler eine besonders befreiende Wirkung ausübte: nämlich in seinen Betrachtungen zum Komplex der „Vergangenheitsbewältigung“ (ein Begriff, der heute kaum mehr benutzt wird, was der Praxis, die er bezeichnete, allerdings keinerlei Abbruch tut.) Diese Bücher, insbesondere „Der Nasenring“, haben endgültig mein Klischee von einem „Rechten“ zerstört. Ihre Argumentation erschien mir gescheit, realistisch, vernünftig, erwachsen, im besten Sinne humanistisch, auch wenn ich nicht immer d‘accord war.

Ich glaube, daß jeder denkende und fühlende Mensch, der in Deutschland oder Österreich geboren ist, irgendwann einmal mit der Geschichte seines Landes und den daraus folgenden Belastungen ins Klare kommen muß. Es ist wohl kein Zufall, daß Mohler gerade dieses Schlachtfeld wiederholt aufgesucht hat, denn keines ist dichter von „All-Gemeinheiten“, ahistorischen Abstraktionen, falschen Moralisierungen, „schrecklichen Vereinfachungen“, pauschalen Urteilen und so weiter umzäunt als dieses. Wohlfeile und wohlkalkulierte oder zur Gewohnheit eingerastete Instrumentalisierungen gehen hier mit deutschen Identitätsstörungen und unverarbeiteten Traumata einher, der nationale Selbsthaß mit dem „Klageverbot“ (so Hans-Jürgen Syberberg), die politische Erpressung mit der Unfähigkeit, zu trauern.

Mohlers Ausweg aus diesem Dschungel war genial. Er leitete sich aus seiner lebenslangen Begeisterung für die schöne Literatur [5]ab, die ihm als ein unentbehrlicher Weg zur „Welterfassung“ erschien.  Er lautete: dort wo, die Zangenbacken der ideologischen Abstraktionen und der moralistischen All-Gemeinheiten zubeißen wollen, dort soll man eine Geschichte erzählen.

Etwa die eines einzigen Menschen, der die Zeit des Dritten Reichs und des Zweitens Weltkriegs erlebt hat. Von Anfang an und nach der Reihe. Und dann die eines anderen, der genau das Gegenteil erlebt, und genau gegenteilig gedacht und gehandelt hat. Und dann eine dritte und eine vierte. Allmählich können wir auch wieder von Moral sprechen und von „Tätern und Opfern“, aber auf einer völlig veränderten Ebene. Diese Geschichten können Lebensberichte und Memoiren ebenso wie durchgestaltete Romane und Erzählungen sein.

Wer all dies wirklich in sich aufgenommen hat, wird zunehmends davor zurückscheuen, den Stab über vorangegangene Generationen zu brechen. Gerade die Deutschen müssen aufhören, über ihre Mütter und Väter, ihre Großmütter und Großväter, zu urteilen – sie sollten stattdessen versuchen, sie verstehen zu lernen.  Wir müssen unsere ganze Geschichte annehmen, und wir brauchen uns dazu auch nicht die schlechten Dinge schönzureden.

Schließlich aber, und hier war Mohler sehr scharf, kann ein richtiges Verhältnis zur eigenen Vergangenheit nicht gewonnen werden, wenn die historische Forschung zu stark politisiert wird, wenn Fragestellungen tabuisiert werden, wenn Historiker die Ächtung fürchten müssen (und es traf auch einen Diwald, einen Nolte, nicht nur einen Irving, der indes noch in den frühen Achtzigern mit Vorabdrucken im Spiegel rechnen konnte) und wenn per Gesetz entschieden wird, was historische Wahrheit ist und was nicht. Jeder Wissenschaftler, der hier noch seine Siebensachen beisammen hat [6], wird zugeben müssen, daß eine solche Praxis äußerst problematisch ist, und daß nicht damit geholfen ist, wenn man auf die Exzesse des lunatic fringe verweist.

Nun könnte man natürlich, etwa mit Egon Friedell, sagen, daß es eine rein „objektive“ und „interessenlose“ Geschichtsschreibung nicht gibt und nicht geben kann, daß man Historiographie, die wie die Künste einer Muse unterstellt ist, nicht so betreibt wie Naturwissenschaft – aber gerade dieser Gedanke ist in alle Richtungen hin gültig. Eine Buchveröffentlichung wie Stefan Scheils jüngster Kaplakenband „Polen 1939″ [7] steht von vornherein in einem politischen Raum, da die Vorgeschichte des Weltkriegs im Staatshaushalt der Bundesrepublik kein neutrales, sondern vielmehr ein mit politischer Bedeutung hoch aufgeladenes Feld ist. Dies gilt völlig unabhängig davon, ob sich Scheils Thesen als richtig oder falsch erweisen – sie bleiben so oder so ein Politikum.

Das nun also ist auch das eigentliche Thema von Mohlers Notiz 11 (5. August 1994), die sich in vermintes Gelände vorwagte, und darum von JF-Chefredakteur Dieter Stein von einer redaktionellen Infragestellung und einer Replik von Salcia Landmann [8] eingerahmt wurde. Man kann das alles im Kaplaken-Band nachlesen, darum will ich es an dieser Stelle nicht breittreten. Landmanns Antwort fiel, bei allem Respekt, zum Teil unterirdisch undifferenziert aus und schoß meilenweit und halbmanisch am eigentlichen Thema vorbei. Mohler kannte die sehr alte und sehr eigenwillige Dame noch aus Criticón-Tagen und nahm ihr selbst den Angriff nicht übel.

Anders erging es ihm allerdings mit dem Verhalten Dieter Steins. Dieser hatte im Grunde die „Notiz“ mit großen, roten Distanzierungsrufzeichen versehen, die vielleicht ein Spur zu dick aufgetragen waren. In seinem redaktionellen Beiwort wurde Mohler als eine Art seitenverkehrter, ebenfalls auf die Täter fixierter Habermas hingestellt, der lediglich die Deutschen exkulpieren wolle, wo der andere sie in pauschale Geiselhaft nahm.

Tatsächlich hatte Mohler in seiner „Notiz“aber genau vor diesem Ping-Pong des einseitigen Anschuldigens als auch einseitigen Exkulpierens gewarnt. Freillich hatte Stein das Recht, seine eigene Position zu markieren. Es ging hier aber vor allem um das „Wie“ des Vorgangs. Mohler fühlte sich verraten und in ungerechter Weise bloßgestellt, und schrieb an den noch sehr jungen Chefredakteur:

Was ist das für ein Kapitän, der einen aus der Mannschaft dem Feind zum Fraß vorwirft?

In der aktuellen JF [9] findet sich ein wie immer ausgezeichneter Leitartikel von Thorsten Hinz über die „Macht des Wortes“. Darin zeigt Hinz an konkreten Beispielen, was Gómez Dávila mit zwei Sätzen auf den Punkt gebracht hat.

 Wer das Vokabular des Feindes akzeptiert, ergibt sich ohne sein Wissen. Bevor die Urteile in den Sätzen explizit werden, sind sie implizit in den Wörtern.

Auf der Titelseite ist ein mir nicht bekannter Schauspieler namens Hannes Jaenicke zu sehen, der ein Buch mit dem Titel „Die große Volksverarsche“ geschrieben hat, in dem er „mit deutschen Journalisten abrechnet“, Zitat in der Schlagzeile: „Eure Blätter lese ich nicht mehr.“

Im Kulturteil ist skurrilerweiser versehentlich ein Old-School-Antifa-Bericht über den zwischentag [10] abgedruckt worden, der eigentlich in der taz erscheinen sollte. Der Autor, vermutlich ein Praktikant, legt darin den „Rechten“ die Freuden der sozialistischen Selbstkritik ans Herz. Er meint es gewiß nur gut, fragt sich bloß, mit wem. Vielleicht weiß auch die rechte Hand nicht mehr was die linke tut, oder irgendjemand ist mal wieder so listig wie die Tauben und so sanft wie die Schlangen, zu welchem Zweck auch immer.

Mein Artikel sollte aber von ganz anderen Freuden handeln. Aus diesem Grund will ich mit dem diesjährigen Neujahrsgeleitwort von Michael Klonovsky enden:

Lang leben die Völker dieser Erde! Es leben ihre Religionen, ihre Sitten, ihre Sprachen! Es lebe die traditionelle Familie! Es lebe die Ehe! Es leben die Geschlechterrollen! Es lebe die Weiblichkeit und die Männlichkeit! Vive la Mademoiselle! Es lebe die Monarchie! Es leben die Rassen und ihre fundamentalen Unterschiede! Es leben die Klassenschranken! Es lebe die soziale Ungerechtigkeit! Es lebe der Luxus! Es lebe die Eleganz! Es leben die Kathedralen, Kirchen und Tempel! Es lebe das Papsttum! Es lebe die Orthodoxie! Es leben die Atomkraft und die bemannte Raumfahrt! Es lebe der private Waffenbesitz! Es lebe der Aberglaube, der Geschichtsrevisionismus und der Biologismus! Es leben die Vorurteile und die Gemeinplätze! Es leben die Mythen! Es lebe alles Ehrwürdig-Althergebrachte! Es lebe die Meisterschaft in Kunst und Handwerk! Es lebe die Gewohnheit und die Regel! Es lebe der Alkohol, das Rauchen und das Fett im Essen! Es lebe die Aristokratie!  Es lebe die Meritokratie! Es lebe die Kallokratie! Es lebe das Versmaß, die Hochkultur und die Distinktion! Es lebe die Bosheit! Es lebe die Ungleichheit!

Ich sage dazu, auch mitten im Jahr, Ja und Amen, und Prost, Cheers, Sláinte, Skøl und Masel tov!

dimanche, 13 octobre 2013

Jünger und Mohler

Jünger und Mohler

Karlheinz Weißmann 

Ex: http://www.sezession.de

mohlereinband.jpgDie Beziehung zwischen Ernst Jünger und Armin Mohler hat sich über mehr als fünf Jahrzehnte erstreckt. Sie wird – wenn in der Literatur erwähnt – als Teil der Biographie Jüngers behandelt. Man hebt auf Mohlers Arbeit als Jüngers Sekretär ab und gelegentlich auf das Zerwürfnis zwischen beiden. Mit den Wilflinger Jahren hatte dieser Streit nichts zu tun. Seine Ursache waren Meinungsverschiedenheiten über die erste Ausgabe der Werke Jüngers. Der Konflikt beendete für lange das Gespräch der beiden, das mit einer Korrespondenz begonnen hatte, im direkten Austausch und dann wieder im – manchmal täglichen – Briefwechsel zwischen der Oberförsterei und dem neuen französischen Domizil Mohlers in Bourg-la-Reine fortgesetzt wurde. Von 1949, als Mohler seinen Posten in Ravensburg antrat, bis 1955, als Jünger seinen 60. Geburtstag feierte, war ihre Verbindung am intensivsten, aber es gab auch eine Vor- und eine Nachgeschichte von Bedeutung.

Die Vorgeschichte hängt zusammen mit Mohlers abenteuerlichem Grenzübertritt vom Februar 1942. Er selbst hat für den Entschluß, aus der Schweizer Heimat ins Reich zu gehen und sich freiwillig zur Waffen-SS zu melden, zwei Motive angegeben: die Nachrichten von der Ostfront, damit verknüpft das Empfinden, hier gehe es um das Schicksal Deutschlands, und die Lektüre von Jüngers Arbeiter. Die Verknüpfung mag heute irritieren, der Eindruck würde sich aber bei genauerer Untersuchung der Wirkungsgeschichte Jüngers verlieren. Denn, was er im Schlußkapitel des Arbeiters über den „Eintritt in den imperialen Raum“ gesagt hatte, war mit einem Imperativ verknüpft gewesen: „Nicht anders als mit Ergriffenheit kann man den Menschen betrachten, wie er inmitten chaotischer Zonen an der Stählung der Waffen und Herzen beschäftigt ist, und wie er auf den Ausweg des Glückes zu verzichten weiß. Hier Anteil und Dienst zu nehmen: das ist die Aufgabe, die von uns erwartet wird.“


Mohlers Absicht war eben: „Anteil und Dienst zu nehmen“. Es ging ihm nicht um „deutsche Spiele“, nicht um eine Wiederholung von Jüngers Abenteuer in der Fremdenlegion, sondern darum, in einer für ihn bezeichnenden Weise, Ernst zu machen. Daß daraus nichts wurde, hatte dann – auch in einer für ihn bezeichnenden Weise – mit romantischen Impulsen zu tun: der Sehnsucht nach intensiver Erfahrung, nach großen Gefühlen, dem „Bedürfnis nach Monumentalität“, ein Diktum des Architekturtheoretikers Sigfried Giedion, das Mohler häufig zitierte. Daß der nationalsozialistische „Kommissarstaat“ kein Interesse hatte, solches Bedürfnis abzusättigen, mußte Mohler rasch erkennen. Er zog sein Gesuch zurück und ging bis Dezember 1942 zum Studium nach Berlin. Dort saß er im Seminar von Wilhelm Pinder und hörte Kunstgeschichte. Vor allem aber verbrachte er Stunde um Stunde in der Staatsbibliothek, wo er seltene Schriften der „Konservativen Revolution“ exzerpierte oder abschrieb, darunter die von ihm als „Manifeste“ bezeichneten Aufsätze Jüngers aus den nationalrevolutionären Blättern. Dieser Textkorpus bildete neben dem Arbeiter, der ersten Fassung des Abenteuerlichen Herzens sowie Blätter und Steine die Grundlage für Mohlers Faszination an Jünger.

Zehn Jahre später schrieb er über die Wirkung des Autors Jünger auf den Leser Mohler: „Sein Stil könnte mit seiner Oberfläche auf mathematische Genauigkeit schließen lassen. Aber diese Gestanztheit ist Notwehr. Durch sie hindurch spiegelt sich im Ineinander von Begriff und Bild eine Vieldeutigkeit, welche den verwirrt, der nur die Eingleisigkeit einer universalistisch verankerten Welt kennt. In Jüngers Werk … ist die Welt nominalistisch wieder zum Wunder geworden.“ Wer das Denken Mohlers etwas genauer kennt, weiß, welche Bedeutung das Stichwort „Nominalismus“ für ihn hatte, wie er sich bis zum Schluß auf immer neuen Wegen eine eigenartige, den Phänomenen zugewandte Weltsicht, zu erschließen suchte. Er hatte dafür als „Augenmensch“ bei dem „Augenmenschen“ Jünger eine Anregung gefunden, wie sonst nur in der Kunst.


Es wäre deshalb ein Mißverständnis, anzunehmen, daß Mohler Jünger auf Grund der besonderen Bedeutung, die er den Arbeiten zwischen den Kriegsbüchern und der zweiten Fassung des Abenteuerlichen Herzens beimaß, keine Weiterentwicklung zugestanden hätte. Ihm war durchaus bewußt, daß Gärten und Straßen das Alterswerk einleitete und zu einer deutlichen – und aus seiner Sicht legitimen – Veränderung des Stils geführt hatte. Es ging ihm auch nicht darum, Jünger auf die Weltanschauung der zwanziger Jahre festzulegen, wenngleich das Politische für seine Zuwendung eine entscheidende Rolle gespielt und zum Bruch mit der Linken geführte hatte. Sein Freund Werner Schmalenbach schilderte die Verblüffung des Basler Milieus aus Intellektuellen und Emigranten, in dem sich Mohler bis dahin bewegte, als dessen Begeisterung für Deutschland und für Jünger klarer erkennbar wurde. Nach seiner Rückkehr in die Schweiz und dem Bekanntwerden seines Abenteuers wurde er in diesen Kreisen selbstverständlich als „Nazi“ gemieden. Beirrt hat Mohler das aber nicht, weder in seinem Interesse an der Konservativen Revolution, noch in seiner Verehrung für Jünger.
Die persönliche Begegnung zwischen beiden wurde dadurch angebahnt, daß Mohler 1946 in der Zeitung Weltwoche einen Aufsatz über Jünger veröffentlichte, der weit von den üblichen Verurteilungen entfernt war. Es folgte ein Briefwechsel und dann die Aufforderung Jüngers, Mohler solle nach Abschluß seiner Dissertation eine Stelle als Sekretär bei ihm antreten. Als Mohler dann nach Ravensburg kam, wo Jünger vorläufig Quartier genommen hatte, war die Atmosphäre noch ganz vom Nachkrieg geprägt. Man bewegte sich wie in der Waffenstillstandszeit von 1918/19 in einer Art Traumland – zwischen Zusammenbruch und Währungsreform –, und alle möglichen politischen Kombinationen schienen denkbar. Der Korrespondenz zwischen Mohler und seinem engsten Freund Hans Fleig kann man entnehmen, daß damals beide die Wiederbelebung der „Konservativen Revolution“ erwarteten: die „antikapitalistische Sehnsucht“ des deutschen Volkes, von der Gregor Strasser 1932 gesprochen hatte, war in der neuen Not ungestillt, ein „heroischer Realismus“ konnte angesichts der verzweifelten Lage als Forderung des Tages erscheinen, auch die intellektuelle Linke glaubte, daß die „Frontgeneration“ ein besonderes Recht auf Mitsprache besitze, und das Ausreizen der geopolitischen Situation mochte als Chance gelten, die Teilung Deutschlands zwischen den Blöcken zu verhindern. Wie man Mohlers Ravensburger Tagebuch, aber auch anderen Dokumenten entnehmen kann, waren Jünger solche Gedanken nicht fremd, wenngleich die Erwägungen – bis hin zu nationalbolschewistischen Projekten – eher spielerischen Charakter hatten.

Differenzen zwischen beiden ergaben sich auf literarischem Feld. Mohler hatte Schwierigkeiten mit den letzten Veröffentlichungen Jüngers. Ihn irritierten die Friedensschrift (1945) und der große Essay Über die Linie (1951), und den Roman Heliopolis (1949) hielt er für mißlungen. Die Sorge, daß Jünger sich untreu werden könnte, schwand erst nach dem Erscheinen von Der Waldgang (1951). Mohler begrüßte das Buch enthusiastisch und als Bestätigung seiner Auffassung, daß man angesichts der Lage den Einzelgänger stärken müsse. Was sonst zu sagen sei, sollte getarnt werden, wegen der „ausgesprochenen Bürgerkriegssituation“, in der man schreibe. Er erwartete zwar, daß der „Antifa-Komplex“ bald erledigt sei, aber noch wirkte die Gefährdung erheblich und der „Waldgänger“ war eine geeignetere Leitfigur als „Soldat“ oder „Arbeiter“.


71043472.jpgMohler betrachtete den Waldgang vor allem als erste politische Stellungnahme Jüngers nach dem Zusammenbruch, eine notwendige Stellungnahme auch deshalb, weil die Strahlungen und die darin enthaltene Auseinandersetzung mit den Verbrechen der NS-Zeit viele Leser Jüngers befremdet hatte. In der aufgeheizten Atmosphäre der Schulddebatten fürchteten sie, Jünger habe die Seiten gewechselt und wolle sich den Siegern andienen; Mohler vermerkte, daß in Wilflingen kartonweise Briefe standen, deren Absender Unverständnis und Ablehnung zum Ausdruck brachten.


Mohler schloß sich dieser Kritik ausdrücklich nicht an und hielt ihr entgegen, daß sie am Kern der Sache vorbeigehe. „Der deutsche ‚Nationalismus‘ oder das ‚nationale Lager‘ oder die ‚Rechte‘ … wirkt heute oft erschreckend verstaubt und antiquiert – und dies gerade in einem Augenblick, wo [ein] bestes nationales Lager nötiger denn je wäre. Die Verstaubtheit scheint mir daher zu kommen, daß man glaubt, man könne einfach wieder da anknüpfen, wo 1933 oder 1945 der Faden abgerissen war.“ Einige arbeiteten an einer neuen „Dolchstoß-Legende“, andere suchten die Schlachten des Krieges noch einmal zu führen und nun zu gewinnen, wieder andere setzten auf einen „positiven Nationalsozialismus“ oder auf eine Wiederbelebung sonstiger Formen, die längst überholt und abgestorben waren. In der Überzeugung, daß eine Restauration nicht möglich und auch nicht wünschenswert sei, trafen sich Mohler und Jünger.


Die Stellung Mohlers als „Zerberus“ des „Chefs“ war nie auf Dauer gedacht. Mohler plante eine akademische Karriere und betrachtete seine Tätigkeit als Zeitungskorrespondent, die er 1953 aufnahm, auch nur als Vorbereitung. Der Kontakt zu Jünger riß trotz der Entfernung nie ab. interessanterweise bemühten sich in dieser Phase beide um eine Neufassung des Begriffs „konservativ“, die ausdrücklich dem Ziel dienen sollte, einen weltanschaulichen Bezugspunkt zu schaffen.


Wie optimistisch Jünger diesbezüglich war, ist einer Bemerkung in einem Brief an Carl Schmitt zu entnehmen, dem er am 8. Januar 1954 schrieb, er beobachte „an der gesamten Elite“ eine „entschiedene Wendung zu konservativen Gedanken“, und im Vorwort zu seinem Rivarol – ein Text, der in der neueren Jünger-Literatur regelmäßig übergangen wird – geht es an zentraler Stelle um die „Schwierigkeit, ein neues, glaubwürdiges Wort für ‚konservativ‘ zu finden“. Jünger hatte ursprünglich vor, gegen ältere Versuche eines Ersatzes zu polemisieren, verzichtete aber darauf, weil er dann auch den Terminus „Konservative Revolution“ hätte einbeziehen müssen, was er aus Rücksicht auf Mohler nicht tat. Daß ihn seine intensive Beschäftigung mit den Maximen des französischen Gegenrevolutionärs „stark in die politische Materie“ führte, war Jünger klar. Wenn dagegen so wenig Vorbehalte zu erkennen sind, dann hing das auch mit dem Erfolg und der wachsenden Anerkennung zusammen, die er in der ersten Hälfte der fünfziger Jahre erfuhr. Zeitgenössische Beobachter glaubten, daß er zum wichtigsten Autor der deutschen Nachkriegszeit werde.

Dieser „Boom“ erreichte einen Höhepunkt mit Jüngers sechzigstem Geburtstag. Es gab zwar auch heftige Kritik am „Militaristen“ und „Antidemokraten“, aber die positiven Stimmen überwogen. Mohler hatte für diesen Anlaß nicht nur eine Festschrift vorbereitet, sondern auch eine Anthologie zusammengestellt, die unter dem Titel Die Schleife erschien. Der notwendige Aufwand an Zeit und Energie war sehr groß gewesen, die prominentesten Beiträger für die Festschrift, Martin Heidegger, Gottfried Benn, Carl Schmitt, bei Laune zu halten, ein schwieriges Unterfangen – Heidegger zog seinen Beitrag aus nichtigen Gründen zweimal zurück. Ganz zufrieden war der Jubilar aber nicht; Jünger mißfiel die geringe Zahl ausländischer Autoren, und bei der Schleife hatte er den Verdacht, daß hier suggeriert werde, es handele sich um ein Buch aus seiner Feder. Die Ursache dieser Verstimmung war eine kleine Manipulation des schweizerischen Arche-Verlags, in dem Die Schleife erschienen war, und der auf den Umschlag eine Titelei gesetzt hatte, die einen solchen Irrtum möglich machte.
Im Hintergrund spielte außerdem der Wettbewerb verschiedener Häuser um das Werk Jüngers mit, dessen Bücher in der Nachkriegszeit zuerst im Furche-, den man ihm zu Ehren in Heliopolis-Verlag umbenannt hatte, dann bei Neske und bei Klostermann erschienen waren. Außerdem versuchte ihn Ernst Klett für sich zu gewinnen. Wenn Klostermann die Festschrift herausbrachte, obwohl er davon kaum finanziellen Gewinn erwarten durfte, hatte das mit der Absicht zu tun, die Bindung Jüngers zu festigen. Deshalb korrespondierte der Verleger mit Mohler nicht nur wegen der Ehrengabe, sondern gleichzeitig auch wegen einer Edition des Gesamtwerks, die Jünger dringend wünschte.


Klostermann und Mohler waren einig, daß eine solche Sammlung nach „Wachstumsringen“ geordnet werden müsse, jedenfalls der Chronologie zu folgen und die ursprünglichen Fassungen zu bringen beziehungsweise Änderungen kenntlich zu machen habe. Bekanntermaßen ist dieser Plan nicht in die Tat umgesetzt worden. Rivarol war das letzte Buch, das Jünger bei Klostermann veröffentlichte, danach wechselte er zu Klett, dem er gleichzeitig die Verantwortung für die „Werke“ übertrug. In einem Brief vom 15. Dezember 1960 schrieb Klostermann voller Bitterkeit an Mohler, daß er die Ausgabe im Grunde für unbenutzbar halte und mit Bedauern feststelle, daß Jünger gegen Kritik immer unduldsamer werde. Zwei Wochen später veröffentlichte Mohler einen Artikel über die Werkausgabe in der Züricher Tat. Jüngers „Übergang in das Lager der ‚Universalisten‘“ wurde nur konstatiert, aber die Eingriffe in die früheren Texte scharf getadelt.


Noch grundsätzlicher faßte Mohler seine Kritik für einen großen Aufsatz zusammen, der im Dezember 1961 in der konservativen Wochenzeitung Christ und Welt erschien und von vielen als Absage an Jünger gelesen wurde. Mohler verurteilte hier nicht nur die Änderung der Texte, er mutmaßte auch, sie folgten dem Prinzip der Anbiederung, man habe „ad usum democratorum frisiert“, es gebe außerdem ein immer deutlicher werdendes „Gefälle“ im Hinblick auf die Qualität der Diagnostik, was bei den letzten Veröffentlichungen Jüngers wie An der Zeitmauer (1959) und Der Weltstaat (1960) zu einer Beliebigkeit geführt habe, die wieder zusammenpasse mit anderen Konzessionen Jüngers, um „sich mit der bis dahin gemiedenen Öffentlichkeit auszugleichen“. Mohler deutete diese Tendenz nicht einfach als Schwäche oder Verrat, sondern als negativen Aspekt jener„osmotischen“ Verfassung, die Jünger früher so sensibel für kommende Veränderungen gemacht habe.

Jünger brach nach Erscheinen des Textes den Kontakt ab. Daß Mohler das beabsichtigte, ist unwahrscheinlich. Noch im Juni 1960 hatte Jünger ihn in Paris besucht, kurz bevor Mohler nach Deutschland zurückkehrte, und im Gästebuch stand der Eintrag: „Wenige sind wert, daß man ihnen widerspricht. Bei Armin Mohler mache ich eine Ausnahme. Ihm widerspreche ich gerne.“ Jetzt warf Jünger Mohler vor, ihn ideologisch mißzuverstehen und äußerte in einem Brief an Curt Hohoff: „Das Politische hat mich nur an den Säumen beschäftigt und mir nicht gerade die beste Klientel zugeführt. Würden Mohlers Bemühungen dazu beitragen, daß ich diese Gesellschaft gründlich loswürde, so wäre immerhin ein Gutes dabei. Aber solche Geister haben ein starkes Beharrungsvermögen; sie verwandeln sich von lästigen Anhängern in unverschämte Gläubiger.“


Sollte Jünger Mohlers Text tatsächlich nicht gelesen haben, wie er hier behauptete, wäre ihm auch der Schlußpassus entgangen, in dem Mohler zwar nicht zurücknahm, was er gesagt hatte, aber festhielt, daß ein einziges der großen Bücher Jüngers genügt hätte, um diesen „für immer in den Himmel der Schriftsteller“ eingehen zu lassen: „An dessen Scheiben wir Kritiker uns die Nase plattdrücken.“ Die Ursache für Mohlers Schärfe war Enttäuschung, eine Enttäuschung trotz bleibender Bewunderung. Mohler warf Jünger mit gutem Grund vor, daß dieser in der zweiten Hälfte der fünfziger Jahre ohne Erklärung den Kurs geändert hatte und sich in einer Weise stilisierte, die ihn nicht mehr als „großen Beunruhiger“ erkennen ließ. Man konnte das wahlweise auf Jüngers „Platonismus“ oder sein Bemühen um Klassizität zurückführen. Tendenzen, mit denen Mohler schon aus Temperamentsgründen wenig anzufangen wußte.


Die Wiederannäherung kam deshalb erst nach langer Zeit und angesichts der Wahrnehmung zustande, daß Jünger eine weitere Kehre vollzog. Das Interview, das der Schriftsteller am 22. Februar 1973 Le Monde gab, wirkte auf Mohler elektrisierend, was vor allem mit jenen Schlüsselzitaten zusammenhing, die von der deutschen Presse regelmäßig unterschlagen wurden: Zwar hatte man mit einer gewissen Irritation Jüngers Äußerung gemeldet, er könne weder Wilhelm II. noch Hitler verzeihen, „ein so wundervolles Instrument wie unsere Armee vergeudet zu haben“, aber niemand wagte sein Diktum hinzuzufügen: „Wie hat der deutsche Soldat zweimal hintereinander unter einer unfähigen politischen Führung gegen die ganze wider ihn verbündete Welt sich halten können? Das ist die einzige Frage, die man meiner Ansicht nach in 100 Jahren stellen wird.“ Und nirgends zu finden war die Prophetie über das Schicksal, das den Deutschen im Geistigen bevorstand: „Alles, was sie heute von sich weisen, wird eines schönen Tages zur Hintertüre wieder hereinkommen.“


Mohler stellte die Rückkehr zum Konkret-Politischen mit der Wirkung von Jüngers Roman Die Zwille zusammen, ein „erzreaktionäres Buch“, so sein Urteil, das in seinen besten Passagen jene Fähigkeit zum „stereoskopischen“ Blick zeigte, die von Mohler bewunderte Fähigkeit, das Besondere und das Typische – nicht das Allgemeine! – gleichzeitig zu erkennen. Obwohl Mohler an seiner Auffassung vom „Bruch“ im Werk festhielt, hat der Aufsatz Ernst Jüngers Wiederkehr wesentlich dazu beigetragen, den alten Streit zu beenden. Die Verbindung gewann allmählich ihre alte Herzlichkeit zurück, und seinen Beitrag in der Festschrift zu Mohlers 75. Geburtstag versah Jünger mit der Zeile „Für Armin Mohler in alter Freundschaft“; beide telefonierten häufig und ausführlich miteinander, und wenige Monate vor dem Tod Jüngers, im Herbst 1997, kam es zu einer letzten persönlichen Begegnung in Wilflingen.


Nachdem Jünger gestorben war, gab ihm Mohler, obwohl selbst betagt und krank, das letzte Geleit. Er empfand das mit besonderer Genugtuung, weil es ihm nicht möglich gewesen war, Carl Schmitt diese letzte Ehre zu erweisen. Jünger und Schmitt hatten nach Mohlers Meinung den größten Einfluß auf sein Denken, mit beiden war er enge Verbindungen eingegangen, die von Schwankungen, Mißverständnissen und intellektuellen Eitelkeiten nicht frei waren, zuletzt aber Bestand hatten. Den Unterschied zwischen ihnen hat Mohler auf die Begriffe „Idol“ und „Lehrer“ gebracht: Schmitt war der „Lehrer“, Jünger das „Idol“. Wenn man „Idol“ zum Nennwert nimmt, dann war Mohlers Verehrung eine besondere – von manchen Heiden sagt man, daß sie ihre Götter züchtigen, wenn sie nicht tun, was erwartet wird.


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mardi, 24 septembre 2013

Sur l’entourage et l’impact d’Arthur Moeller van den Bruck

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Robert STEUCKERS:

Sur l’entourage et l’impact d’Arthur Moeller van den Bruck

Conférence prononcée à la tribune du “Cercle Proudhon”, à Genève, 12 février 2013

Pourquoi parler ou reparler de Moeller van den Bruck aujourd’hui, 90 ans après la parution de son livre au titre apparemment fatidique, “Le Troisième Reich” (= “Das Dritte Reich”)? D’abord parce que l’historiographie récente s’est penchée sur lui (cf. bibliographie) en Allemagne, d’une manière beaucoup plus systématique qu’auparavant. Il est l’apôtre raté d’un “Troisième Règne”, qui n’adviendra pas de son vivant mais dont le nom sera repris par le mouvement hitlérien, dans une acception bien différente et à son corps défendant. Il s’agit de savoir, aujourd’hui, ce que Moeller van den Bruck entendait vraiment par “Drittes Reich”. Il s’agit aussi de cerner ce qu’il entendait par sa notion de “peuples jeunes”. Comment il entrevoyait la coopération entre l’Allemagne et la Russie (devenue l’URSS) dans le cadre de la République de Weimar, dont il méprisait les principes et le personnel. Arthur Moeller van den Bruck a participé à la formulation d’un “nationalisme de rupture”, d’un “néo-nationalisme” qu’Armin Mohler, dans sa célèbre thèse, a classé dans le phénomène de la “révolution conservatrice”. Une chose est certaine: Arthur Moeller van den Bruck n’est ni un “libéral” (au sens où l’entendait la démocratie de la République de Weimar) ni un pro-occidental, dans la mesure où il entendait détacher l’Allemagne de l’Occident français, anglais et américain.

L’oeuvre politique d’Arthur Moeller van den Bruck est toutefois ténue. Il n’a pas été aussi prolixe qu’Oswald Spengler, dont le célèbre “Déclin de l’Occident” est fort dense, d’une épaisseur bien plus conséquente que “Das Dritte Reich”. De plus, la définition, finalement assez ambigüe, que donne Spengler de l’Occident ne correspond pas à celle que donnera plus tard Moeller van den Bruck. Sans doute la brièveté de l’oeuvre politique de Moeller van den Bruck tient-elle au simple fait qu’il est mort jeune et suicidé, à 49 ans. Son oeuvre littéraire et artistique en revanche est beaucoup plus vaste. Moeller van den Bruck, en effet, a écrit sur le théâtre de variétés, sur le théâtre français, sur l’esthétique italienne, sur la mystique allemande, sur les personnages-clefs de la culture germanique (ceux qui en font son essence), sur la littérature moderniste, allemande et européenne, de son temps. Son oeuvre politique, qui ne prend son envol qu’avec la Grande Guerre, se résume à un ouvrage sur le “style prussien” (avec un volet sur l’art néo-classique), à l’ouvrage intitulé “Troisième Reich”, au livre sur la “révolte des peuples jeunes”, à ses articles parus dans des revues comme “Gewissen”. Moeller van den Bruck a donc été un séismographe de son époque, celle d’un extraordinaire foisonnement d’idées, de styles, d’audaces.

Zeev Sternhell et la “droite révolutionnaire”, Armin Mohler et la “Konservative Revolution”

La question qu’il convient de poser est donc la suivante: d’où viennent ses idées? Quel a été son cheminement? Quelles rencontres, apparemment “apolitiques”, ont-elles contribué à forger, parfois à leur corps défendant, son “Jungkonservativismus”? Le fait d’être homme, dit-on, c’est mener une quête, sans jamais s’arrêter. Quelle a donc été la quête personnelle, unique et inaliénable de Moeller van den Bruck? Il convient aussi de resituer cette quête dans un cadre historique et social. Cette démarche interpelle l’historiographie contemporaine: Zeev Sternhell avait tracé la généalogie du fascisme français depuis 1870 environ, avant de se pencher sur les antécédents de l’Italie fasciste et du sionisme. Après la parution en France, au “Seuil” à Paris, du premier ouvrage “généalogique” de Sternhell, intitulé “La droite révolutionnaire”, Armin Mohler, auteur d’un célèbre ouvrage synoptique sur la “révolution conservatrice”, lui rendait hommage dans les colonnes de la revue “Criticon”, en disant que le cadre de sa propre enquête avait été fixé, par son promoteur Karl Jaspers, à la période 1918-1932, mais que l’effervescence intellectuelle de la République de Weimar avait des racines antérieures à 1914, plongeant finalement dans un bouillonnement culturel plus varié et plus intense, inégalé depuis en Europe, dont de multiples manifestations sont désormais oubliées, se sont estompées des mémoires collectives. Et qu’il fallait donc les ré-exhumer et les explorer. Exactement comme Sternhell avait exploré l’ascendance idéologique de l’Action Française et des autres mouvements nationaux des années 20 et 30.

Ascendance et jeunesse

Resituer un auteur dans son époque implique bien entendu de retracer sa biographie, de suivre pas à pas la maturation de son oeuvre. Arthur Moeller van den Bruck est né en 1876 à Solingen, dans une famille prussienne originaire de Thuringe. Dans cette famille, il y a eu des pasteurs, des officiers, des fonctionnaires, dont son père, inspecteur général pour la construction des bâtiments publics. Cette fonction paternelle induira, plus que probablement, l’intérêt récurrent de son fils Arthur pour l’architecture (l’architecture de la Ravenne ostrogothique, le style prussien et l’architecture de Peter Behrens et du “Deutscher Werkbund”, comme nous allons le voir). L’ascendance maternelle, la famille van den Bruck, est, comme le nom l’indique, hollandaise ou flamande, mais compte aussi des ancêtres espagnols. Le jeune Arthur est un adolescent difficile, en rupture avec le milieu scolaire. Il ne décroche pas son “Abitur”, équivalent allemand du “bac”, ce qui lui interdit l’accès à l’université. Il restera, en quelque sorte, un marginal. Il quitte sa famille et se marie, à 20 ans, avec Hedda Maase. Nous sommes en 1896, année où survienent deux événements importants pour l’idéologie allemande de l’époque, qui donnera ultérieurement un certain lustre à la future “révolution conservatrice”: la naissance du mouvement de jeunesse “Wandervogel” sous l’impulsion de Karl Fischer et la création des éditions Eugen Diederichs à Iéna. Le jeune couple s’installe à Berlin cette année-là et Moeller van den Bruck vit de l’héritage de son grand-père maternel.

Baudelaire, Barbey d’Aurevilly, Poe...

Les jeunes époux vont entamer leur quête spirituelle en traduisant de grands classiques des littératures française et anglaise. D’abord Baudelaire qui communiquera à coup sûr l’idée du primat de l’artiste et du poète sur le “philistin” et le “bourgeois”. Ensuite Hedda et Arthur traduisent les oeuvres de Barbey d’Aurevilly. Cet auteur aura un impact important dans le rejet par Moeller van den Bruck du libéralisme et du bourgeoisisme. Barbey d’Aurevilly communique une certaine foi à Arthur, qui ne la christianisera pas —mais ne l’édulcorera pas pour autant— vu l’engouement de l’époque toute entière pour Nietzsche. Cette foi anti-bourgeoise, anti-philistine, se cristallisera surtout plus tard, au contact de l’oeuvre de Dostoïevski et de la personnalité de Merejkovski. Barbey d’Aurevilly était issu d’une famille monarchiste. Jeune, par défi, il se proclame “républicain”. Il lit ensuite Jospeh de Maistre et redevient monarchiste. Il le restera. En 1846, il se mue en catholique intransigeant, partisan de l’ultramontanisme. Barbey d’Aurevilly est aussi une sorte de dandy, haïssant la modernité bourgeoise, cultivant un style qui se veut esthétisme et rupture: deux attitudes qui déteindront sur son traducteur allemand. Le couple Moeller/Maase traduit ensuite le “Germinal” de Zola et quelques oeuvres de Maupassant. C’est donc, très jeune, à Berlin, que Moeller van den Bruck connaît sa période française, où le filon de Maistre/Barbey d’Aurevilly est déterminant, beaucoup plus déterminant que l’idéologie républicaine, qui donne le ton sous la III° République.

Mais ses six années berlinoises sont aussi sa période anglaise. Avec son épouse, il traduit l’ensemble de l’oeuvre de Poe, puis Thomas de Quincey, Daniel Defoe et Dickens. La période “occidentale”, franco-anglaise, de Moeller van den Bruck, futur pourfendeur de l’esprit occidental, occupe donc une place importante dans son itinéraire, entre 20 et 26 ans.

Zum Schwarzen Ferkel

Moeller van den Bruck fréquente le local branché de la bohème littéraire berlinoise, “Zum Schwarzen Ferkel” (“Au Noir Porcelet”) puis le “Schmalzbacke”. Le “Schwarzer Ferkel” est le pointde rencontre d’intellectuels et de poètes allemands, scandinaves et polonais, faisceau de diversités européennes qui constitue un “unicum” dans l’histoire des idées. A côté des poètes, il y a aussi des médecins, des artistes, des juristes: les débats y sont pluridisciplinaires. Le nom du local est une invention du Suédois August Strindberg et du poète allemand Richard Dehmel.

Detlev von Liliencron

 

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Parmi les personnages qu’y rencontre Moeller, on trouve un poète, aujourd’hui largement oublié, Detlev von Liliencron. Il est un poète-soldat du 19ème siècle: il a fait les guerres de l’unification allemande, en 1864, en 1866 et en 1870, contre les Danois, les Autrichiens et les Français. Son oeuvre majeure est “Adjutantenritte und andere Geschichten” (“Les chevauchées d’un aide de camp et autres histoires”) qui parait en 1883, où il narre ses mésaventures militaires. En 1888, dans la même veine, il publie “Unter flatternden Fahnen” (“Sous les drapeaux qui claquent au vent”). C’est un aristocrate pauvre du Slesvig-Holstein qui a opté pour la vie de caserne mais qui s’adonne au jeu avec beaucoup trop de frénésie, espérant redorer son blason. Le jeu devient chez lui un vice persistant qui brisera sa carrière militaire. Sur le plan littéraire, Detlev von Liliencron est une figure de transition: les aspects néo-romantiques, naturalistes et expressionnistes se succèdent dans ses oeuvres de prose et de poésie. Il refuse les étiquettes, refuse aussi de s’encroûter dans un style figé. Simultanément, ce reître rejette la vie moderne, proposée par la nouvelle société industrielle de l’Allemagne post-bismarckienne et wilhelminienne. Il entend demeurer un “cavalier picaresque”, refuse d’abandonner ce statut, plus exaltant qu’une carrière de rond-de-cuir inculte et étriqué. Il influencera Rilke et von Hoffmannsthal. Le destin de poète et de prosateur picaresque de Detlev von Liliencron a un impact sur Moeller van den Bruck (comme il en aura un aussi, sans doute, sur Ernst Jünger): Moeller, comme von Liliencron, voudra toujours aller “au-delà du donné conventionnel bourgeois”, d’où l’idée de “jouvance”, l’utilisation systématique et récurrente du terme “jeune”: est “jeune” qui veut conserver le fond sans les formes mortes, dans la mesure où les fonds ne meurent jamais et les formes meurent toujours. Il y a là sans nul doute un impact du nietzschéisme qui prend son envol: l’homme supérieur (dont le poète selon Baudelaire) se hisse très haut au-dessus des ronrons inlassablement répétés des philistins. Depuis les soirées du “Schwarzer Ferkel” et les rencontres avec von Liliencron, Moeller s’intéresse aux transitions, entendra favoriser les transitions, au détriment des fixités mentales ou idéologiques. Etre actif en ère de transition, aimer cet état de passage, vouloir être perpétuellement en état de mouvance et de quête, est la tâche sociale et nationale du littérateur et du séismographe, figure supérieure aux “encroûtés” de tous acabits, installés dans leurs créneaux étroits, où ils répétent inlassablement les mêmes gestes ou assument les mêmes fonctions formelles.

Richard Dehmel

mvb4.jpgDeuxième figure importante pour l’itinéraire de Moeller van den Bruck, rencontrée dans les boîtes de la nouvelle bohème berlinoise: Richard Dehmel (1863-1920). Cet homme a de solides racines rurales. Son père était garde forestier et fonctionnaire des eaux et forêts. Contrairement à Moeller, il a bénéficié d’une bonne scolarité, il détient son “Abitur” mais n’a pas été l’élève modèle que souhaitent tous les faux pédagogues abscons: il s’est bagarré physiquement avec le directeur de son collège. Après son adolescence “contestatrice” au “Gymnasium”, il étudie le droit des assurances, adhère à une “Burschenschaft” étudiante puis entame une carrière de juriste auprès d’une compagnie d’assurances. Simultanément, il commence à publier ses poèmes. Il participe au journal avant-gardiste “Pan”, organe du “Jugendstil” (“Art Nouveau”), avec le sculpteur et peintre Franz von Stuck et le concepteur, architecte et styliste belge Henri van de Velde. Cet organe entend promouvoir une esthétique nouvelle, fusion du naturalisme et du symbolisme. Moeller van den Bruck s’y intéresse longuement (entre 1895 et 1900), avant de lui préférer l’architecture ostrogothique de l’Italie de Théodoric (à partir de 1906) et, pour finir, le classicisme prussien (entre 1910 et 1915).

mvb5.jpgRichard Dehmel est d’abord un féroce naturaliste, qui ose publier en 1896, deux poèmes, jugés pornographiques à l’époque, “Weib und Welt” (“Féminité et monde”) et “Venus Consolatrix”. La réaction ne tarde pas: on lui colle un procès pour “pornographie”. Dans les attendus de sa convocation, on peut lire la phrase suivante: “Atteinte aux bons sentiments religieux et moraux”. Il n’est pas condamné mais censuré: le texte peut paraître mais les termes litigieux doivent être noircis! Dehmel est aussi, avec Stefan Zweig, le traducteur d’Emile Verhaeren, avec qui il était lié d’amitié, avant que la première guerre mondiale ne détruisent, quasi définitivement, les rapports culturels entre la Belgique et l’Allemagne. Pour Zweig, qui connaissait et Dehmel et Verhaeren, les deux poètes étaient les “Dioscures d’une poésie vitaliste d’avenir”. Dehmel voyagera beaucoup, comme Moeller. Lors de ses voyages à travers l’Allemagne, Dehmel rencontre Detlev von Liliencron à Hambourg. Cette rencontre avec le vieux reître des guerres d’unification le poussera sans doute à s’engager comme volontaire de guerre en 1914, à l’âge de 51 ans. Il restera deux ans sous les drapeaux, dans l’infanterie de première ligne et non pas dans une planque à l’arrière du front. En 1918, il lance un appel aux forces allemandes pour qu’elles “tiennent”. Le “pornographe” a donc été un vibrant patriote. En 1920, il meurt suite à une infection attrapée pendant la guerre. L’influence de Dehmel sur ses contemporains est conséquente: Richard Strauss, Hans Pfitzner et Arnold Schönberg mettent ses poèmes en musique. Par ailleurs, il a contribué à l’élimination de la pudibonderie littéraire, omniprésente en Europe avant lui et avant Zola: la sexualité est, pour lui, une force qui va briser le ronron des conventions, sortir l’humanité européenne de la cangue des conventions étriquées, d’un moralisme étroit et étouffant, où la joie n’a plus droit de cité. C’est l’époque d’un pansexualisme/panthéisme littéraire, avec Camille Lemonnier, le “Maréchal des lettres belges”, son contemporain (traduit en allemand chez Diederichs), puis avec David Herbert Lawrence, son élève, quand celui-ci pourfend le puritanisme de l’ère victorienne en Angleterre. Il me paraît utile de préciser ici que Dehmel s’est plus que probablement engagé dans les armées du Kaiser parce que l’effervescence culturelle, libératrice, de l’Allemagne de la Belle Epoque devait être défendue contre les forces de l’Entente qui ne représentaient pas, à ses yeux, une telle beauté esthétique; celle-ci ne pourra jamais se déployer sous les platitudes de régimes libéraux, de factures française ou anglaise.

Max Dauthendey

mvb6.jpgTroisième figure rencontrée dans les cafés littéraires de Berlin, plutôt oubliée aujourd’hui, elle aussi: Max Dauthendey (1867-1918). Il est le fils d’un photographe et daguerrotypiste. Il a vécu à Saint-Pétersbourg où il représentait les affaires de son père. C’était le premier atelier du genre en Russie tsariste. Le jeune Max est le fils d’un second mariage et le seul héritier d’un père qu’il déteste, parce qu’il lui administrait un peu trop souvent la cravache. Ce conflit père/fils va générer dans l’âme du jeune Max une haine des machines et des laboratoires, lui rappelant trop l’univers paternel. Il fugue deux fois, à treize ans puis à dix-sept ans où il se porte volontaire dans un régiment étranger des armées néerlandaises en partance pour Java. Après cet intermède militaire en Insulinde, il se réconcilie avec son père et travaille à l’atelier. En 1891, il s’effondre sur le plan psychique, séjourne dans un centre spécialisé en neurologie et, avec la bénédiction paternelle, cette fois, s’adonne définitivement à la poésie, sous la double influence de Dehmel et du poète polonais Stanislas Przybyszewski (1868-1927). Il fréquente les cafés littéraires et voyage beaucoup, en Suède, à Paris, en Sicile (comme Jünger plus tard), au Mexique (comme D. H. Lawrence), en Grèce et en Italie. Cette existence vagabonde le plonge finalement dans la misère: il est obligé de vivre aux crochets de toutes sortes de gens. Il décide toutefois, à peine renfloué, de faire un tour du monde. Il embarque à Hambourg le 15 avril 1914 et arrive pour la deuxième fois de sa vie à Java, où il restera quatre ans. Impossible d’aller plus loin: la guerre le force à l’immobilité. Il meurt de la malaria en Indonésie en août 1918. Peu apprécié des autorités nationales-socialistes qui le camperont comme un “exotiste”, son oeuvre disparaîtra petit à petit des mémoires. Sa femme découvre dans son appartement de Dresde 300 aquarelles, qui disparaîtront en fumée lors du bombardement de la ville d’art en février 1945.

Stanislas Przybyszewski

mvb7.jpgQuatrième figure: Stanislas Przybyszewski, un Polonais qui a étudié en allemand à Thorn en Posnanie. Lui aussi, comme Moeller et Dehmel, a eu une scolarité difficile: il a multiplié les querelles vigoureuses avec ses condisciples et son directeur. Cela ne l’empêche pas d’aller ensuite étudier à l’université la médecine et l’architecture. Il adhère d’abord au socialisme et fonde la revue “Gazeta Robotnicza” (= “La gazette ouvrière”). En deuxièmes noces, il épouse une figure haute en couleurs, Dagny Juel, une aventurière norvégienne, rencontrée lors d’un voyage au pays des fjords. Elle mourra quelques années plus tard en Géorgie où elle avait suivi l’un de ses nombreux amants. Lecteur de Nietzsche, comme beaucoup de ses contemporains, Przybyszewski est amené à réfléchir sur les notions de “Bien” et de “Mal” et, dans la foulée de ces réflexions, à s’intéresser au satanisme. Il fonde en 1898 la revue “Zycie” (= “La Vie”), couplant, Zeitgeist oblige, l’intérêt pour le mal (inséparable du bien et défini selon des critères étrangers à toute morale conventionnelle et répétitive), l’intérêt pour l’oeuvre de Nietzsche et de Strindberg et pour le vitalisme. Avant que ne se déclenche la première grande conflagration inter-européenne de 1914, il devient le chef de file du mouvement artistique, littéraire et culturel des “Jeunes Polonais” (“Mloda Polska”), fondé par Artur Gorski (1870-1959), quand la Pologne était encore incluse dans l’Empire du Tsar. La préoccupation majeure de ce mouvement culturel, partiellement influencé par Maurice Maeterlinck (1862-1949), est de s’interroger sur le rapport entre puissance créatrice et vie réelle. En ce sens, la tâche de l’art est de saisir l’“être originel” des choses et de le présenter sous forme de symboles, que seul une élite ténue est capable de comprendre (même optique chez l’architecte Henri van de Velde). Mloda Polska connaît un certain succès et s’affichera pro-allemand pendant la première guerre mondiale, tout comme le futur chef incontesté de la nouvelle Pologne, le Maréchal Pilsudski.

Après 1918, comme Moeller van den Bruck, Przybyszewski s’engage en politique et travaille à construire le nouvel Etat polonais indépendant, tout en poursuivant sa quête philosophique et son oeuvre littéraire. Pour Przybyszewski, comme par ailleurs pour le Moeller van den Bruck du voyage en Italie (1906), l’art dévoile le fond de l’être: la part ténue d’humanité émancipée des pesanteurs conventionnelles (bourgeoises) atteint peut-être le sublime en découvrant ce “fond” mais cette élévation et cette libération sont simultanément un plongeon dans les recoins les plus sombres de l’âme et dans le tragique (on songe, mutatis mutandi, au thème d’“Orange mécanique” d’Anthony Burgess et du film du même nom de Stanley Kubrik). Les noctambules, les dégénérés et les déraillés, ainsi que la lutte des sexes (Strindberg, Weininger), intéressent notre auteur polonais, qui voulait devenir psychiatre au terme de ses études inachevées de médecine, comme ils avaient intéressé Dostoïevski, observateur avisé du public des bistrots de Saint-Pétersbourg. En 1897, leur sort, leurs errements sont l’objet d’un livre qui connaîtra deux titres “Die Gnosis des Bösen” et “Die Synagoge Satans”.

Figure plus exubérante que Moeller, Przybyszewski fait la jonction entre l’univers artistique d’avant 1914 et la nécessité de reconstruire le politique après 1918. La trajectoire du Polonais a sûrement influencé les attitudes de l’Allemand. Des parallèles peuvent aisément être tracés entre leurs deux itinéraires, en dépit de la dissemblance entre leurs personnalités.

Les cabarets

Parmi tous les clubs et lieux de rencontre de cette incroyable bohème littéraire, il y a bien sûr les cabarets, où les animateurs critiquent à fond les travers de la société wilhelminienne, qui, par son fort tropisme technicien, oublie le “fonds” au profit de “formes” sans épaisseur temporelle ni charnelle. A Berlin, c’est le cabaret “Überbretteln” qui donne le ton. Il s’est délibérément calqué sur son homologue parisien “Le Chat noir” de Montmartre, créé par Rodolphe Salis. Sous la dynamique impulsion d’Ernst von Wolzogen, il s’ouvre le 18 janvier 1901. A Munich, le principal cabaret contestataire est “Die Elf Scharfrichter”, où sévit Frank Wedekind. Celui-ci est maintes fois condamné pour obscénité ou pour lèse-majesté: il a certes critiqué, de la façon la plus caustique qui soit, l’Empereur et le militarisme mais, Wedekind, puis Wolzogen, qui l’épaulera, ne sont pas des figures de l’anti-patriotisme: ils veulent simplement une “autre nation” et surtout une autre armée. Leur but est de multiplier les scandales pour forcer les Allemands à réfléchir, à abandonner toutes postures figées. Dans ce sens, et pour revenir à Moeller van den Bruck, qui vit au beau milieu de cette effervescence, inégalée en Europe jusqu’ici, ces cabarets sont des instances de la “transition”, vers un Reich (ou une Cité) plus “jeune”, neuf, ouvert en permanence et volontairement à toutes les innovations ravigorantes.

L’époque berlinoise de Moeller van den Bruck a duré six ans, de 1896 à 1902. Dans ces cercles, il circule en affichant le style du dandy, sans doute inspiré par Barbey d’Aurevilly. Moeller est quasi toujours vêtu d’un long manteau de cuir, coiffé d’un haut-de-forme gris, l’oeil cerclé par un monocle. Il parle un langage simple mais châtié, sans doute pour compenser son absence de formation post-secondaire. Il est un digne et quiet héritier de Brummell. En 1902, sa femme Hedda est enceinte. La fortune héritée du grand-père van den Bruck est épuisée. Il abandonne sa femme, qui se remariera avec un certain Herbert Eulenberg, appartenant à une famille qui sera radicalement anti-nazie. Elle continuera à traduire des oeuvres littéraires françaises et anglaises jusqu’en 1936, quand le pouvoir en place lui interdira toute publication.

Arrivée à Paris

Moeller van den Bruck quitte donc l’Allemagne pour Paris où il arrive fin 1902. On dit parfois qu’il a cherché à échapper au service militaire: les patriotes, en effet, ne sont pas tous militaristes dans l’Allemagne wilhelminienne et Moeller n’a pas encore vraiment pris conscience de sa germanité, comme nous allons le voir. Les patriotes non militaristes reprochent à l’Empereur Guillaume II de fabriquer un “militarisme de façade”, encadré par des officiers caricaturaux et souvent incompétents, parce qu’il a fallu recruter des cadres dans des strates de la population qui n’ont pas la vraie fibre militaire et compensent cette lacune par un autoritarisme ridicule. C’est ainsi que Wedekind dénonçait le militarisme wilhelminien sur les planches du cabaret “Die Elf Scharfrichter”. Son anti-militarisme n’est donc pas un anti-militarisme de fond mais une volonté de mettre sur pied une armée plus jeune, plus percutante.

Dès son arrivée dans la capitale française, une idée le travaille: il l’a puisée dans sa lecture des oeuvres de Jakob Burckhardt. On ne peut pas être simultanément une grande culture comme l’Allemagne et peser d’un grand poids politique sur l’échiquier planétaire comme la Grande-Bretagne ou la France. Pour Moeller, lecteur de Burckhardt, il y a contradiction entre élévation culturelle et puissance politique: nous avons là l’éclosion d’une thématique récurrente dans les débats germano-allemands sur la germanité et l’essence de l’Allemagne; elle sera analysée, dans une perspective particulièrement originale par Christoph Steding en 1934: celui-ci fustigera l’envahissement de la culture allemande par tout un fatras “impolitique” et esthétisant, importé de Scandinavie, de Hollande et de Suisse. En ce sens, Steding dépasse complètement Moeller van den Bruck, encore lié à cette culture qu’il juge “impolitique”; toutefois, c’est au sein de cette culture impolitique qu’ont baigné ceux qui, après 1918, ont voulu oeuvrer à la restauration “impériale”. Le primat du culturel sur le politique sera également moqué dans un dessin de Paul A. Weber montrant un intellectuel binoclard, malingre et macrocéphale, jetant avec rage des livres de philo contre un tank britannique (de type Mk. I) qui défonce un mur et fait irruption dans sa bibliothèque; le chétif intello “mitteleuropéen” hurle: “Je vous pulvérise tous par la puissance de mes pensées!”.

Récemment, en 2010, Peter Watson, journaliste, historien, attaché à l’Université d’Oxford, campe l’envol vertigineux de la pensée et des sciences allemandes au 19ème siècle comme une “troisième renaissance” et comme une “seconde révolution scientifique”, dans un ouvrage qui connaîtra un formidable succès en Angleterre et aux Etats-Unis, malgré ses 964 pages en petits caractères (cf. “The German Genius – Europe’s Third Renaissance, the Second Scientific Revolution and the Twentieth Century”, Simon & Schuster, London/New York, 2010). Ce gros livre est destiné à bannir la germanophobie stérile qui a frappé, pendant de longues décennies, la pensée occidentale; il réhabilite la “Kultur” que l’on avait méchamment moquée depuis août 1914 mais cherche tout de même, subrepticement, à maintenir la germanité contemporaine dans un espace mental impolitique. La culture germanique depuis le début du 19ème, c’est fantastique, démontre Watson, mais il ne faut pas lui donner une épaisseur et une vigueur politiques: celles-ci ne peuvent être que de dangereux ou navrants dérapages. Watson évoque Moeller van den Bruck (pp. 616-618). L’interrogation de Moeller van den Bruck demeure dont d’actualité: on tente encore et toujours d’appréhender et de définir les contradictions existantes entre la grandeur culturelle de l’Allemagne et son nanisme politique sur l’échiquier européen ou mondial, entre l’absence de profondeur intellectuelle et de musicalité de la France républicaine et du monde anglo-saxon et leur puissance politique sur la planète.

Moeller van den Bruck découvre la pensée russe à Paris

Les quatre années parisiennes de Moeller van den Bruck ne vont pas renforcer la part française de sa pensée, acquise à Berlin lors de ses travaux de traduction réalisés avec le précieux concours d’Hedda Maase. A Paris —où il retrouve Dauthendey et le peintre norvégien Munch à la “Closerie des Lilas”— c’est la part russe de son futur univers mental qu’il va acquérir. Il y rencontre deux soeurs, Lucie et Less Kaerrick, des Allemandes de la Baltique, sujettes du Tsar. Lucie deviendra rapidement sa deuxième épouse. Le couple va s’atteler à la traduction de l’oeuvre entière de Dostoïevski (vingt tomes publiés à Munich chez Piper entre le séjour parisien et le déclenchement de la première guerre mondiale). Pour chaque volume, Moeller rédige une introduction, qui disparaîtra des éditions postérieures à 1950. Ces textes, longtemps peu accessibles, figurent toutefois tous sur la grande toile et sont désormais consultables par tout un chacun, permettant de connaître à fond l’apport russe au futur “Jungkonservativismus”, à la “révolution conservatrice” et à l’“Ostideologie” des cercles russophiles nationaux-bolcheviques et prussiens-conservateurs. Moeller est donc celui qui crée l’engouement pour Dostoïevski en Allemagne. L’immersion profonde dans l’oeuvre du grand écrivain russe, qu’il s’inflige, fait de lui un russophile profond qui transmettra sa fascination personnelle à tout le mouvement conservateur-révolutionnaire, “jungkonservativ”, après 1918.

L’anti-occidentalisme politique et géopolitique, qui transparaît en toute limpidité dans le “Journal d’un écrivain” de Dostoïevski, a eu un impact déterminant dans la formation et la maturation de la pensée de Moeller van den Bruck. En effet, ce “Journal” récapitule, entre bien d’autres choses, l’anthropologie de Dostoïevski et énumère les tares des politiques occidentales. L’anthropologie dostoïevskienne dénonce l’avènement d’un homme se voulant “nouveau”, un homme sans ancêtres qui se promet beaucoup d’enfants: un homme qui a coupé le cordon invisible qui le liait charnellement à sa lignée mais veut se multiplier, se cloner à l’infini dans le futur. Cet homme, auto-épuré de toutes les insuffisances qu’il aurait véhiculées depuis toujours par le biais de son corps créé par Dame Nature, s’enfermera bien vite dans un petit monde clos, dans des “clôtures” et finira par répéter une sorte de catéchisme positiviste, pseudo-scientifique, intellectuel, sec, mécanique, qui n’explique rien. Il ne vivra donc plus de “transitions”, de périodes où l’on innove sans trahir le fonds, puisqu’il n’y aura plus de fonds et qu’il n’y aura plus besoin d’innovations, tout ayant été inventé. Nous avons là l’équivalent russe du dernier homme de Nietzsche, qui affirme ses platitudes “en clignant de l’oeil”. L’avènement de cet “homunculus” est déjà, à l’époque de Dostoïevski, bien perceptible dans le vieil Occident, chez les peuples vieillissants. Et la politique de ces Etats vieillis empêche la vigoureuse vitalité slave (surtout serbe et bulgare) de vider “l’homme malade du Bosphore” (c’est-à-dire l’Empire ottoman) de son lit balkanique, et surtout de la Thrace des Détroits. L’Occident est resté “neutre” dans le conflit suscité par la révolte serbe et bulgare (1877-78), trahissant ainsi la “civilisation chrétienne”, face à son vieil ennemi ottoman, et ne s’est manifesté, intéressé et avide, que pour s’emparer des meilleures dépouilles turques, disponibles parce que les peuples jeunes des Balkans avaient versé leur sang généreux. Phrases qu’on peut considérer comme prémonitoires quand on les lit après les événements de l’ex-Yougoslavie, surtout ceux de 1999...

Rencontre avec Dmitri Merejkovski et Zinaïda Hippius

mvb8.jpgMoeller refuse donc l’avènement des “homunculi” et apprend, chez Dostoïevski, à respecter l’effervescence des révoltes de peuples encore jeunes, encore capables de sortir des “clôtures” où on cherche à les enfermer. Mais un autre écrivain russe, oublié dans une large mesure mais toujours accessible aujourd’hui, en langue française, grâce aux efforts de l’éditeur suisse “L’Age d’Homme”, aura une influence déterminante sur Moeller van den Bruck: Dmitri Merejkovski. Cet écrivain habitait Paris, lors du séjour de Moeller van den Bruck dans la capitale française, avec son épouse Zinaïda Hippius (ou “Gippius”). L’objectif de Merejkovski était de rénover la pensée orthodoxe tout en maintenant le rôle central de la religion en Russie: rénover la religion ne signifiait pas pour lui l’abolir. Merejkovski était lié au mouvement des “chercheurs de Dieu”, les “Bogoïskateli”. Il éditait une revue, “Novi Pout” (= “La Nouvelle Voie”), où notre auteur envisageait, conjointement au poète Rozanov, de réhabiliter totalement la chair, de réconcilier la chair et l’esprit: idée qui se retrouvait dans l’air du temps avec des auteurs comme Lemonnier ou Dehmel et, plus tard, D. H. Lawrence. Par sa volonté de rénovation religieuse, Merejkovski s’opposait au théologien sourcilleux du Saint-Synode, le “vieillard jaunâtre” Pobedonostsev, intégriste orthodoxe ne tolérant aucune déviance, aussi minime soit-elle, par rapport aux canons qu’il avait énoncés dans le but de voir régner une “paix religieuse” en Russie, une paix hélas figeante, mortifère, sclérosant totalement les élans de la foi. Comme le faisait en Allemagne, dans le sillage de tout un éventail d’auteurs en vue, l’éditeur Eugen Diederichs à Iéna depuis 1896, Merejkovski recherche, dans le monde russe cette fois, de nouvelles formes religieuses. Il rend visite à des sectes, ce qui alarme les services de Pobedonostsev, liés à la police politique tsariste. Son but? Réaliser les prophéties de l’abbé cistercien calabrais Joachim de Flore (1130-1202). Pour cet Italien du 12ème siècle, le “Troisième Testament” allait advenir, inaugurant le règne de l’Esprit Saint dans le monde, après le “Règne du Père” et le “Règne du Fils”. Cette volonté de participer à l’avènement du “Troisième Testament” conduit Merejkovski à énoncer une vision politique, jugée révolutionnaire dans la première décennie du 20ème siècle: Pierre le Grand, fondateur de la dynastie des Romanov, est une figure antéchristique car il a ouvert la Russie aux vices de l’Occident, l’empêchant du même coup d’incarner à terme dans le réel ce “Troisième Testament”, que sa spiritualité innée était à même de réaliser. En émettant cette critique hostile à la dynastie, Merejkovski se pose tout à la fois comme révolutionnaire dans le contexte de 1905 et comme “archi-conservateur” puisqu’il veut un retour à la Russie d’avant les Romanov, une contestation qui, aujourd’hui encore, brandit le drapeau noir-blanc-or des ultra-monarchistes qui considèrent la Russie, même celle de Poutine avec son drapeau bleu-rouge-blanc, comme une aberration occidentalisée. En 1905 donc, la Russie qui s’est alignée sur l’Occident depuis Pierre le Grand subit la punition de Dieu: elle perd la guerre qui l’oppose au Japon. L’armée, qui tire dans le tas contre les protestataires emmenés par le Pope Gapone, est donc l’instrument des forces antéchristiques. Le Tsar étant, dans un tel contexte, lui aussi, une figure avancée par l’Antéchrist. La monarchie des Romanov est posée par Merejkovski comme d’essence non chrétienne et non russe. Mais en cette même année 1905, Merejkovski sort un ouvrage très important, intitulé “L’advenance de Cham” ou, en français, “L’avènement du Roi-Mufle”.

L’advenance de Cham

Cham est le fils de Noé (Noah) qui s’est moqué de son père (de son ancêtre direct); à ce titre, il est une figure négative de la Bible, le symbole d’une humanité déchue en canaille, qui rompt délibérément le pacte intergénérationnel, brise la continuité qu’instaure la filiation. C’est cette figure négative, comparable à l’“homme sans ancêtres” de l’anthropologie dostoïevskienne, qui adviendra dans le futur, qui triomphera. Le Cham de Merejkovski est un cousin, un frère, une figure parallèle à cet “homunculus” de Dostoïevski. Dans “L’advenance de Cham”, Merejkovski développe une vision apocalyptique de l’histoire, articulée en trois volets. Il y a eu un passé déterminé par une église orthodoxe figée, celle de Pobedonostsev qui a abruti les hommes, en les enfermant dans des corsets confessionnels trop étriqués, jugulant les élans créateurs et bousculants de la foi et, eux seuls, peuvent réaliser le “Troisième Testament”. Il y a un présent où se déploie une bureaucratie d’Etat, dévoyant la fonction monarchique, la rendant imparfaite et lui inoculant des miasmes délétères, tout en conservant comme des reliques dévitalisées et le Saint-Synode et la monarchie. Il y aura un futur, où ce bureaucratisme se figera et donnera lieu à la révolte de la lie de la société, qui imposera par la violence la “tyrannie de Cham”, véritable cacocratie, difficile à combattre tant elle aura installé des “clôtures” dans le cerveau même des hommes. Merejkovski se veut alors prophète: quand Cham aura triomphé, l’Eglise sera détruite, la monarchie aussi et l’Etat, système abstrait et contraignant, se sera consolidé, devenant un appareil inamovible, lourd, inébranlable. Et l’âme russe dans ce processus? Merejkovski laisse la question ouverte: constituera-t-elle un môle de résistance? Sera-t-elle noyée dans le processus? Interrogations que Soljénitsyne reprendra à son compte pendant son long exil américain.

Itinéraire de Merejkovski

En 1914, Merejkovski se déclare pacifiste, sans doute ne veut-il ni faire alliance avec les vieilles nations occidentales, ennemies de la Russie au 19ème siècle et qui se servent désormais de la chair à canon russe pour broyer leur concurrent allemand, ni avec une Allemagne wilhelminienne qui, elle aussi, ne correspond plus à aucun critère traditionnel d’excellence politique. En 1917, quand éclate la révolution à Saint-Pétersbourg, Merejkovski se proclame immédiatement anti-communiste: les soulèvements menchevik et bolchevique sont pour lui les signes de l’avènement de Cham. Ils créeront le “narod-zver”, le peuple-Bête, serviteur de la Bête de l’Apocalypse. Ces révolutions, ajoute-t-il, “feront disparaître les visages”, uniformiseront les expressions faciales; le peuple ne sera plus que de la “viande chinoise”, le terme “chinois” désignant dans la littérature russe de 1890 à 1920 l’état de dépersonnalisation totale, auquel on aboutit sous la férule d’une bureaucratie omni-contrôlante, d’un mandarinat à la chinoise et d’un despotisme fonctionnarisé, étranger aux tréfonds de l’âme européenne et du personnalisme inhérent au message chrétien (dans l’aire culturelle germanophone, le processus de “dé-facialisation” de l’humanité sera dénoncé et décrit par Rudolf Kassner, sur base d’éléments préalablement trouvés dans l’oeuvre du “sioniste nietzschéen” Max Nordau). En 1920, Merejkovski appelle les Russes anti-communistes à se joindre à l’armée polonaise pour lutter contre les armées de Trotski et de Boudiénny. Fin juin 1941, il prononce un discours à la radio allemande pour appeler les Russes blancs à libérer leur patrie en compagnie des armées du Reich. Il meurt à Paris avant l’arrivée des armées anglo-saxonnes, échappant ainsi à l’épuration. Son épouse, éplorée, entame, nuit et jour, la rédaction d’une biographie intellectuelle de son mari: elle meurt épuisée en 1946 avant de l’avoir achevée. Ce travail demeure néanmoins la principale source pour connaître l’itinéraire exceptionnel de Merejkovski.

Traduction de l’oeuvre entière de Dostoïevski, fréquentation de Dmitri Merejkovski: voilà l’essentiel des années parisiennes de Moeller van den Bruck. Les années berlinoises (1896-1902) avaient été essentiellement littéraires et artistiques. Moeller recherchait des formes nouvelles, un “art nouveau” (qui n’était pas nécessairement le “Jugendstil”), adapté à l’ère de la production industrielle, exprimant l’effervescence vitale des “villes tentaculaires” (Verhaeren). De même, il s’était profondément intéressé aux formes nouvelles qu’adoptait la littérature de la Belle Epoque. A Paris, il prend conscience de sa germanité, tout en devenant russophile et anti-occidentaliste. Il constate que les Français sont un peuple tendu vers la politique, tandis que les Allemands n’ont pas de projet commun et pensent les matières politiques dans la dispersion la plus complète. Les Français sont tous mobilisés par l’idée de revanche, de récupérer deux provinces constitutives du défunt “Saint-Empire”, qui, depuis Louis XIV, servent de glacis à leurs armées pour contrôler tout le cours du Rhin et tenir ainsi tout l’ensemble territorial germanique à leur merci. Barrès, pourtant frotté de culture germanique et wagnérienne, incarne dans son oeuvre, ses discours et ses injonctions, cette tension vers la ligne bleue des Vosges et vers le Rhin. Rien de pareil en Allemagne, où, sur le plan politique, ne règne que le désordre dans les têtes. Les premiers soubresauts de la crise marocaine (de 1905 à 1911) confirment, eux aussi, la politisation virulente des Français et l’insouciance géopolitique des Allemands.

“Die Deutschen”: huit volumes

Moeller tente de pallier cette lacune dangereuse qu’il repère dans l’esprit allemand de son époque. En plusieurs volumes, il campe des portraits d’Allemands (“Die Deutschen”) qui, à ses yeux, ont donné de la cohérence et de l’épaisseur à la germanité. De chacun de ces portraits se dégage une idée directrice, qu’il convient de ramener à la surface, à une époque de dispersion et de confusion politiques. L’ouvrage “Die Deutschen”, en huit volumes, parait de 1904 à 1910. Il constitue l’entrée progressive de Moeller van den Bruck dans l’univers de la “germanité germanisante” et du nationalisme, qu’il n’avait quasi pas connu auparavant —von Liliencron et Dehmel ayant eu, malgré leur nationalisme diffus, des préoccupations bien différentes de celles de la politique. Ce nationalisme nouveau, esquissé par Moeller en filigrane dans “Die Deutschen”, ne dérive nullement des formes diverses de ce pré-nationalisme officiel et dominant de l’ère wilhelminienne dont les ingrédients majeurs sont, sur fond du pouvoir personnalisé de l’Empereur Guillaume II, la politique navale, le mouvement agrarien radical (souvent particulariste et régional), l’antisémitisme naissant, etc. Le mouvement populaire agrarien oscillait —l’ “oscillation” chère à Jean-Pierre Faye, auteur du gros ouvrage “Les langages totalitaires”— entre le Zentrum catholique, la sociale-démocratie, la gauche plus radicale ou le parti national-libéral d’inspiration bismarckienne. Les expressions diverses du nationalisme (agrarien ou autre) de l’ère wilhelminienne n’avaient pas de lieu fixe et spécifique dans le spectre politique: ils “voyageaient” transversalement, pérégrinaient dans toutes les familles politiques, si bien que chacune d’elles avait son propre “nationalisme”, opposé à celui des autres, sa propre vision d’un futur optimal de la nation.

Les transformations rapides de la société allemande sous les effets de l’industrialisation généralisée entraînent la mobilisation politique de strates autrefois quiètes, dépolitisées, notamment les petits paysans indépendants ou inféodés à de gros propriétaires terriens (en Prusse): ils se rassemblent au sein du “Bund der Landwirte”, qui oscille surtout entre les nationaux-libéraux prussiens et le Zentrum (dans les régions catholiques). Cette mobilisation de l’élément paysan de base, populaire et révolutionnaire, fait éclater le vieux conservatisme et ses structures politiques, traditionnellement centrées autour des vieux pouvoirs réels ou diffus de l’aristocratie terrienne. Le vieux conservatisme, pour survivre politiquement, se mue en d’autres choses que la simple “conservation” d’acquis anciens, que la simple défense des intérêts des grands propriétaires aristocratiques, et fusionne lentement, dans un bouillonnement confus et contradictoire s’étalant sur deux bonnes décennies avant 1914, avec des éléments divers qui donneront, après 1918, les nouvelles et diverses formes de nationalisme plus militant, s’exprimant cette fois sans le moindre détour. Le but est, comme dans d’autres pays, d’obtenir, en bout de course, une harmonie sociale nouvelle et régénérante, au nom de théories organiques et “intégrationnistes”. Cette tendance générale —cette pratique moderne et populaire d’agitation— doit faire appel à la mobilisation des masses, critère démocratique par excellence puisqu’il présuppose la généralisation du suffrage universel. C’est donc ce dernier qui fait éclore le nationalisme de masse, qui, de ce fait, est bien —du moins au départ— de nature démocratique, démocratie ne signifiant a priori ni libéralisme ni permissivité libérale et festiviste.

Bouillonnement socio-politique

Moeller van den Bruck demeure éloigné de cette agitation politique —il critique tous les engagements politiques, dans quelque parti que ce soit et ne ménage pas ses sarcasmes sur les pompes ridicules de l’Empereur, “homme sans goût”— mais n’en est pas moins un homme de cette transition générale et désordonnée, encore peu étudiée dans les innombrables avatars qu’elle a produits pendant les deux décennies qui ont précédé 1914. Ce n’est pas dans les comités revendicateurs de la population rurale —ou de la population anciennement rurale entassée dans les nouveaux quartiers insalubres des villes surpeuplées— que Moeller opère sa transition personnelle mais dans le monde culturel, littéraire: il est bien un “Literatentyp”, un “littérateur”, apparemment éloigné de tout pragmatisme politique. Mais le bouillonnement socio-politique, où tentaient de fusionner éléments de gauche et de droite, cherchait un ensemble de thématiques “intégrantes”: il les trouvera dans les multiples définitions qui ont été données de l’“Allemand”, du “Germain”, entre 1880 et 1914. De l’idée mobilisatrice de communisme primitif, germanique ou celtique, évoquée par Engels à l’exaltation de la fraternité inter-allemande dans le combat contre les deux Napoléon (en 1813 et en 1870), il y a un dénominateur commun: un “germanisme” qui se diffuse dans tout le spectre politique; c’est le germanisme des théoriciens politiques (marxistes compris), des philologues et des poètes qui réclament un retour à des structures sociales jugées plus justes et plus équitables, plus conformes à l’essence d’une germanité, que l’on définit avec exaltation en disant sans cesse qu’elle a été oblitérée, occultée, refoulée. Moeller van den Bruck, avec “Die Deutschen”, va tenter une sorte de retour à ce refoulé, de retrouver des modèles, des pistes, des attitudes intérieures qu’il faudra raviver pour façonner un futur européen radieux et dominé par une culture allemande libertaire et non autoritaire, telle qu’elle se manifestait dans un local comme “Zum schwarzen Ferkel”. Toutefois, Moeller soulignera aussi les échecs à éviter dans l’avenir, ceux des “verirrten Deutschen”, des “Allemands égarés”, pour lesquels il garde tout de même un faible, parce qu’ils sont des littérateurs comme lui, tout en démontrant qu’ils ont failli malgré la beauté poignante de leurs oeuvres, qu’ils n’ont pu surmonter le désordre intrinsèque d’une certaine âme allemande et qu’ils ne pourront donc transmettre à l’homme nouveau des “villes tentaculaires” —détaché de tous liens fécondants— cette unité intérieure, cette force liante qui s’estompent sous les coups de l’économisme, de la bureaucratie et de la modernité industrielle, camouflés gauchement par les pompes impériales (le parallèle avec la sociologie de Georg Simmel et avec certains aspects de la pensée de Max Weber est évident ici).

Le voyage en Italie

Après ses quatre années parisiennes, Moeller quitte la France pour l’Italie, où il rencontre le poète Theodor Däubler et lui trouve un éditeur pour son poème de 30.000 vers, “Nordlicht” qui fascinera Carl Schmitt. Il se lie aussi au sculpteur expressionniste Ernst Barlach, qui s’était inspiré du paysannat russe pour parfaire ses oeuvres. Ce sculpteur sera boycotté plus tard par les nationaux-socialistes, en dépit de thématiques “folcistes” qui n’auraient pas dû les effaroucher. Ces deux rencontres lors du voyage en Italie méritent à elles seules une étude. Bornons-nous, ici, à commenter l’impact de ce voyage sur la pensée politique et métapolitique de Moeller van den Bruck. Dans un ouvrage, qui paraîtra à Munich, rehaussé d’illustrations superbes, et qui aura pour titre “Die italienische Schönheit”, Moeller brosse une histoire de l’art italien depuis les Etrusques jusqu’à la Renaissance. Ce n’est ni l’art de Rome ni les critères de Vitruve qui emballent Moeller lors de son séjour en Italie mais l’architecture spécifique de la Ravenne de Théodoric, le roi ostrogoth. Cette architecture, assez “dorienne” dans ses aspects extérieurs, est, pour Moeller, l’“expression vitale d’un peuple”, le “reflet d’un espace particulier”, soit les deux piliers —la populité et la spatialité— sur lesquels doit reposer un art réussi. Plus tard, en réhabilitant le classicisme prussien, Moeller renouera avec un certain art romain, vitruvien dans l’interprétation très classique des Gilly, Schinckel, etc. En 1908, il retourne en Allemagne et se présente au “conseil de révision” pour se faire incorporer dans l’armée. Il effectuera un bref service à Küstrin mais sera rapidement exempté, vu sa santé fragile. Il se fixe ensuite à Berlin mais multiplie les voyages jusqu’en 1914: Londres, Paris, l’Italie (dont plusieurs mois en Sicile), Vienne, les Pays Baltes, la Russie et la Finlande. En 1914, avant que n’éclate la guerre, il est au Danemark et en Suède.

Style prussien et “Deutscher Werkbund”

 

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mvb16.jpgQuand la Grande Guerre se déclenche, Moeller est en train de rédiger “Der preussische Stil”, retour à l’architecture des Gilly, Schinckel et von Klenze mais aussi réflexions générales sur la germanité qui, pour trouver cette unité intérieure recherchée tout au long des huit volumes de “Die Deutschen”, doit opérer un retour à l’austérité dorienne du classicisme prussien et abandonner certaines fantaisies ou ornements prisés lors des décennies précédentes: même constat chez l’ensemble des architectes, qui abandonnent la luxuriance du Jugendstil pour une “Sachlichkeit” plus sobre. La réhabilitation du “style prussien” implique aussi l’abandon de ses anciennes postures de dandy, une exaltation des vertus familiales prussiennes, de la sobriété, de la “Kargheit”, etc. Le livre “Der preussische Stil” sera achevé pendant la guerre, sous l’uniforme. Il s’inscrit dans la volonté de promouvoir des formes nouvelles, tout en gardant un certain style et un certain classicisme, bref de lancer l’idée d’un modernisme anti-moderne (Volker Weiss). Moeller s’intéresse dès lors aux travaux d’architecture et d’urbanisme de Peter Behrens (1868-1940; photo), un homme de sa génération. Behrens est le précurseur de la “sachliche Architektur”, de l’architecture objective, réaliste. Il est aussi, pour une large part, le père du “design” moderne. Pas un objet contemporain n’échappe à son influence. Behrens donne un style épuré et sobre aux objets nouveaux, exigeant des formes nouvelles, qui meublent désormais les habitations dans les sociétés hautement industrialisées, y compris celles des foyers les plus modestes, auparavant sourds à toute esthétique (cf. H. van de Velde).

Mvb11.jpgLe style préconisé par Behrens, pour les objets nouveaux, n’est pas chargé, floral ou végétal, comme le voulait l’Art Nouveau (Jugendstil) mais très dénué d’ornements, un peu à la manière futuriste, le groupe futuriste italien autour de Marinetti ayant appelé, avec virulence, à rejeter toutes les ornementations inutiles prisées par l’académisme dominant. On trouve encore dans nos magasins, aujourd’hui, bon nombre de théières, de couverts, de téléphones, d’horloges ou de pièces de vaisselle qui proviennent en droite ligne des ateliers de Behrens, avec très peu de changements. Le mouvement d’art et de design, lancé par Behrens, s’organise au sein du “Deutscher Werkbund”, où oeuvrent également des célébrités comme Walter Gropius, Ludwig Mies van der Rohe ou Le Corbusier. Le “Werkbund” travaille pour l’AEG (“Allgemeine Elektrische Gesellschaft”), qui produit des lampes, des appareils électro-ménagers à diffuser dans un public de plus en plus vaste. Le “Werkbund” préconise par ailleurs une architecture monumentale, dont les fleurons seront des usines, des écoles, des ministères et l’ambassade allemande à Saint-Pétersbourg. Pour Moeller, Behrens trouve le style qui convient à l’époque: le lien est encore évident avec le classicisme prussien, il n’y a pas rupture traumatisante, mais le résultat final est “autre chose”, ce n’est pas une répétition pure et simple.

Henry van de Velde

Après 1918, la recherche d’un style bien particulier, d’une architecture majestueuse, monumentale et prestigieuse n’est, hélas, plus de mise: il faut bâtir moins cher et plus vite, l’art spécifique du “Deutscher Werkbund” glisse rapidement vers la “Neue Sachlichkeit”, où excelleront des architectes comme Gropius et Mies van der Rohe. L’évolution de l’architecture allemande est typique de cette époque qui part de l’Art Nouveau (Jugendstil), avec ses ornements et ses courbes, pour évoluer vers un abandon progressif de ces ornements et se rapprocher de l’austérité vitruvienne du classicisme prussien du début du 19ème, sans toutefois aller aussi loin que la “neue Sachlichkeit” des années 20 dans le rejet de toute ornementation. L’architecte Paul Schulze-Naumburg , qui adhèrera au national-socialisme, polémique contre la “Neue Sachlichkeit” en l’accusant de verser dans la “Formlosigkeit”, dans l’absence de toute forme. Dans cette effervescence, on retrouve l’oeuvre de Henry van de Velde (1863-1957), partie, elle aussi, du pré-raphaëlisme anglais, des idées de John Ruskin (dont Hedda Maase avait traduit les livres), de William Morris, etc. Fortement influencé par sa lecture de Nietzsche, van de Velde tente de traduire la volonté esthétisante et rénovatrice du penseur de Sils-Maria en participant aux travaux du Werkbund, notamment dans les ateliers de “design” et dans la “colonie des artistes” de Darmstadt, avant 1914. Revenu en Belgique peu avant la seconde guerre mondiale, il accepte de travailler au sein d’une commission pour la restauration du patrimoine architectural bruxellois pendant les années de la deuxième occupation allemande: il tombe en disgrâce suite aux cabales de collègues jaloux et médiocres qui saccageront la ville dans les années 50 et 60, tant et si bien qu’on parlera de “bruxellisation” dans le jargon des architectes pour désigner la destruction inconsidérée d’un patrimoine urbanistique. Le procès concocté contre lui n’aboutit à rien, mais van de Velde, meurtri et furieux, quitte le pays définitivement, se retire en Suisse où il meurt en 1957.

Les figures de Peter Behrens, Henry van de Velde et Paul Schulze-Naumburg méritent d’être évoquées, et situées dans le contexte de leur époque, pour montrer que les thèmes de l’architecture, de l’urbanisme et des formes du “design” participent, chez Moeller van den Bruck, à l’élaboration du “style” jungkonservativ qu’il contribuera à forger. Ce style n’est pas marginal, n’est pas l’invention de quelques individus isolés ou de petites phalanges virulentes et réduites mais constitue bel et bien une synthèse concise des innovations les plus insignes des trois premières décennies du 20ème siècle. La quête de Moeller van den Bruck est une quête de formes et de style, de forme pour un peuple enfin devenu conscient de sa force politique potentielle, équivalente en grandeur à ses capacités culturelles, pour un peuple devenu enfin capable de bâtir un “Troisième Règne” de l’esprit, au sens où l’entendait le filon philosophique, théologique et téléologique partant de Joachim de Flore pour aboutir à Dmitri Merejkovski.

La guerre au “Département de propagande”

Pendant que Moeller rédigeait la première partie de “Der preussische Stil”, l’Allemagne et l’Europe s’enfoncent dans la guerre immobile des tranchées. Le réserviste Moeller est mobilisé dans le “Landsturm”, à 38 ans, vu sa santé fragile, la réserve n’accueillant les hommes pleinement valides qu’à partir de 39 ans. Il est affecté au Ministère de la guerre, dans le département de la propagande et de l’information, l’“Auslandsabteilung”, ou le “MAA” (“Militärische Stelle des Auswärtigen Amtes”), tous deux chargés de contrer la propagande alliée. En ce domaine, les Allemands se débrouillent d’ailleurs très mal: ils publient à l’intention des neutres, Néerlandais, Suisses et Scandinaves, de gros pavés bien charpentés sur le plan intellectuel mais illisibles pour le commun des mortels: à l’ère des masses, cela s’appelle tout bonnement rater le coche. Cette propagande n’a donc aucun impact. Dans ce département, Moeller rencontre Max Hildebert Boehm, Waldemar Bonsels, Herbert Eulenberg (le nouveau mari de sa première femme), Hans Grimm, Friedrich Gundolf et Börries von Münchhausen. Tous ces hommes constitueront la base active qui militera après guerre, dans une Allemagne vaincue, celle de la République de Weimar, pour restaurer l’autonomie du politique et la souveraineté du pays.

Dans le double cadre de l’“Auslandsabteilung” et du MAA, Moeller rédige “Belgier und Balten” (= “Des Belges et des Baltes”), un appel aux habitants de Belgique et des Pays Baltes à se joindre à une vaste communauté économique et culturelle, dont le centre géographique serait l’Allemagne. Il amorce aussi la rédaction de “Das Recht der jungen Völker” (= “Le droit des peuples jeunes”), qui ne paraîtra qu’après l’armistice de novembre 1918. Le terme “jeune” désigne ici la force vitale, dont bénéficient encore ces peuples, et la “proximité du chaos”, un chaos originel encore récent dans leur histoire, un chaos bouillonnant qui sous-tend leur identité et duquel ils puisent une énergie dont ne disposent plus les peuples vieillis et éloignés de ce chaos. Pour Moeller, ces peuples jeunes sont les Japonais, les Allemands (à condition qu’ils soient “prussianisés”), les Russes, les Italiens, les Bulgares, les Finlandais et les Américains. “Das Recht der jungen Völker” se voulait le pendant allemand des Quatorze Points du président américain Woodrow Wilson. Le programme de ce dernier est arrivé avant la réponse de Moeller qui, du coup, n’apparait que comme une réponse tardive, et même tard-venue, aux Quatorze Points. Moeller prend Wilson au mot: ce dernier prétend n’avoir rien contre l’Allemagne, rien contre aucun peuple en tant que peuple, n’énoncer qu’un programme de paix durable mais tolère —contradiction!— la mutilation du territoire allemand (et de la partie germanique de l’empire austro-hongrois). Les Allemands d’Alsace, de Lorraine thioise, des Sudètes et de l’Egerland, de la Haute-Silésie et des cantons d’Eupen-Malmédy n’ont plus le droit, pourtant préconisé par Wilson, de vivre dans un Etat ne comprenant que des citoyens de même nationalité qu’eux, et doivent accepter une existence aléatoire de minoritaires au sein d’Etats quantitativement tchèque, français, polonais ou belge. Ensuite, Wilson, champion des “droits de l’homme” ante litteram, ne souffle mot sur le blocus que la marine britannique impose à l’Allemagne, provoquant la mort de près d’un million d’enfants dans les deux ou trois années qui ont suivi la guerre.

La transition “jungkonservative”

L’engagement politique “jeune-conservateur” est donc la continuation du travail patriotique et nationaliste amorcé pendant la guerre, en service commandé. Pour Moeller, cette donne nouvelle constitue une rupture avec le monde purement littéraire qu’il avait fréquenté jusqu’alors. Cependant l’attitude “jungkonservative”, dans ce qu’elle a de spécifique, dans ce qu’elle a de “jeune”, donc de dynamique et de vectrice de “transition”, est incompréhensible si l’on ne prend pas acte des étapes antérieures de son itinéraire de “littérateur” et de l’ambiance prospective de ces bohèmes littéraires berlinoises, munichoises ou parisiennes d’avant 1914. Le “Jungkonservativismus” politisé est un avatar épuré de la grande volonté de transformation qui a animé la Belle Epoque. Et cette grande volonté de transformation n’était nullement “autoritaire” (au sens où l’Ecole de Francfort entend ce terme depuis 1945), passéiste ou anti-démocratique. Ces accusations récurrentes, véritables ritournelles de la pensée dominante, ne proviennent pas d’une analyse factuelle de la situation mais découlent en droite ligne des “vérités de propagande” façonnées dans les officines françaises, anglaises ou américaines pendant la première guerre mondiale. L’Allemagne wilhelminienne, au contraire, était plus socialiste et plus avant-gardiste que les puissances occidentales, qui prétendent encore et toujours incarner seules la “démocratie” (depuis le paléolithique supérieur!). Les mésaventures judiciaires du cabaretier Wedekind, et la mansuétude relative des tribunaux chargés de le juger, pour crime de lèse-majesté ou pour offense aux bonnes moeurs, indique un degré de tolérance bien plus élevé que celui qui règnait aileurs en Europe à l’époque et que celui que nous connaissons aujourd’hui, où la liberté d’opinion est de plus en plus bafouée. Mieux, le sort des homosexuels, qui préoccupe tant certains de nos contemporains, était enviable dans l’Allemagne wilhelminienne, qui, contrairement à la plupart des “démocraties” occidentales, ne pratiquait, à leur égard, aucune forme d’intolérance. Cet état de choses explique notamment le tropisme germanophile d’un écrivain flamand (et homosexuel) de langue française, Georges Eeckoud, par ailleurs pourfendeur de la mentalité marchande d’Anvers, baptisée la “nouvelle Carthage”, pour les besoins de la polémique.

“Montagstische”, “Der Ring”

Les anciens du MAA et des autres bureaux de (mauvaise) contre-propagande allemande se réunissent, après novembre 1918, lors des “Montagstische”, des “tables du lundi”, rencontres informelles qui se systématiseront au sein d’un groupe nommé “Der Ring” (= “L’Anneau”), où l’on remarquait surtout la présence de Hans Grimm, futur auteur d’un livre à grand succès “Volk ohne Raum” (“Peuple sans espace”). Les initiatives post bellum vont se multiplier. Elles ont connu un précédent politique, la “Vereinigung für nationale und soziale Solidarität” (= “Association pour la solidarité nationale et sociale”), émanation des syndicats solidaristes chrétiens (surtout catholiques) plus ou moins inféodés au Zentrum. Le chef de file de ces “Solidarier” (“solidaristes”) est le Baron Heinrich von Gleichen-Russwurm (1882-1959), personnalité assez modérée à cette époque-là, qui souhaitait d’abord un modus vivendi avec les puissances occidentales, désir qui n’a pu se concrétiser, vu le blocus des ports de la Mer du Nord qu’ont imposé les Britanniques, pendant de longs mois après la cessation des hostilités. Heinrich von Gleichen-Russwurm réunit, au sein du “Ring”, une vingtaine de membres, tous éminents et désireux de sauver l’Allemagne du naufrage consécutif de la défaite militaire. Parmi eux, l’Alsacien Eduard Stadtler et le géopolitologue Adolf Grabowski (qui restera actif longtemps, même après la seconde guerre mondiale).

Eduard Stadtler

mvb9.jpgL’objectif est de penser un “nouvel Etat”, une “nouvelle économie” et une “nouvelle communauté des peuples”, où le terme “nouveau” est équivalent à celui de “jeune”, proposé par Moeller. Ce cercle attire les révolutionnaires anti-bolchéviques, anti-libéraux et anti-parlementaires. D’autres associations proposent les mêmes buts mais c’est incontestablement le “Ring” qui exerce la plus grande influence sur l’opinion publique à ce moment précis. Sous l’impulsion d’Eduard Stadtler (1886-1945, disparu en captivité en Russie), se crée, en marge du “Ring”, la “Ligue anti-bolchevique”. Natif de Hagenau en Alsace, Eduard Stadtler est, au départ, un militant catholique du Zentrum. Il est, comme beaucoup d’Alsaciens, de double culture, française et allemande. Il est détenteur du “bac” français mais combat, pendant la Grande Guerre, dans les rangs de l’armée allemande, en tant que citoyen allemand. En 1917 et en 1918, il est prisonnier en Russie. Après la paix séparée de Brest-Litovsk, signée entre les Bolcheviques et le gouvernement impérial allemand, Stadtler dirige le bureau de presse du consulat allemand de Moscou. Il assiste à la bolchévisation de la Russie, expérience qui le conduit à honnir l’idéologie léniniste et ses pratiques. Revenu en Allemagne, il fonde la “Ligue anti-bolchevique” en décembre 1918 puis rompt début 1919 avec le Zentrum de Matthias Erzberger, qui sera assassiné plus tard par les Corps Francs. Il est un de ceux qui ordonnent l’exécution des deux leaders communistes allemands, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht. La “Ligue” est financée par des industriels et la Banque Mankiewitz et reçoit l’appui du très influent diplomate Karl Helfferich (1872-1924), l’ennemi intime de Walther Rathenau. Stadtler est un orateur flamboyant, usant d’une langue suggestive et colorée, idéale pour véhiculer un discours démagogique. Entre 1919 et 1925, il participe activement au journal hebdomadaire des “Jungkonservativen”, “Das Gewissen” (= “Conscience”), auquel Moeller s’identifiera. Après 1925, la République de Weimar se consolide: le danger des extrémismes virulents s’estompe et la “Ligue anti-bolchevique” n’a plus vraiment raison d’être. Stadtler en tirera le bilan: “Les chefs [de cette ligue] n’étaient pas vraiment animés par un “daimon” et n’ont pu hisser de force l’esprit populaire, le tirer des torpeurs consécutives à l’effondrement allemand, pour l’amener au niveau incandescant de leurs propres volontés”. Stadtler rejoindra plus tard le Stahlhelm, fondera l’association “Langemarck” (structure paramilitaire destinée aux étudiants), sera membre de la DNVP conservatrice puis de la NSDAP; il participera aux activités de la maison d’édition Ullstein, après le départ de Koestler, quand celle-ci s’alignera sur le “renouveau national” mais Stadtler se heurtera, dans ce cadre, à la personnalité de Joseph Goebbels. Stadtler reste chrétien, fidèle à son engagement premier dans le Zentrum, fidèle aussi à son ancrage semi-rural alsacien, mais son christianisme est social-darwiniste, mâtiné par une lecture conjointe de Houston Stewart Chamberlain et des ouvrages du géopolitologue suédois Rudolf Kjellén, figure de proue des cercles germanophiles à Stockholm, et créateur de la géopolitique proprement dite, dont s’inspirera Karl Haushofer.

Du “Jungkonservativismus” au national-bolchevisme

Après le ressac de la “Ligue anti-bolchevique”, les “Jungkonservativen” se réunissent au sein du “Juni-Klub”. Dans le paysage politique allemand, le Zentrum est devenu un parti modéré (c’est pour cela que Stadtler le quitte en dénonçant le “modérantisme” délétère d’Erzberger). La gauche libérale et nationale de Naumann, théoricien de l’union économique “mitteleuropéenne” pendant la première guerre mondiale, ne se profile pas comme anti-parlementaire. Naumann veut des partis disciplinés sinon on aboutit, écrit-il à ses amis, à l’anarchie totale. Les “Jungkonservativen”, une fois le danger intérieur bolchevique éliminé en Allemagne, optent pour un “national-bolchevisme”, surtout après l’occupation de la Ruhr par les Français et l’exécution d’Albert-Leo Schlageter, coupable d’avoir commis des attentats en zone occupée. Le martyr de Schlageter provoque l’union nationale en Allemagne: nationalistes et communistes (avec Karl Radek) exaltent le sacrifice de l’officier et fustigent la “France criminelle”. Les “Jungkonservativen” glissent donc vers le “national-bolchevisme” et se rassemblent dans le cadre du “Juni-Klub”. Ce club est composé d’anciens “Solidarier” et de militants de diverses associations patriotiques et étudiantes, de fédérations d’anciens combattants. Max Hildebert Boehm y amène des Allemands des Pays Baltes, qui seront fort nombreux et y joueront un rôle de premier plan. Arthur Moeller van den Bruck y amène, lui, ses amis Conrad Ansorge, Franz Evers, Paul Fechter, Rudolf Pechel et Carl Ludwig Schleich. L’organisateur principal du club est von Gleichen. Le nom de l’association, “Juin”, vient du mois de juin 1919, quand le Traité de Versailles est signé. A partir de ce mois de juin 1919, les membres du club jurent de lutter contre tous les effets du Traité, du “Diktat”. Ils s’opposent au “November-Klub” des socialistes, qui se réfèrent au mois de la capitulation et de la proclamation de la république en 1918. Ce “Juni-Klub” n’a jamais publié de statuts ou énoncé des principes. Il a toujours gardé un caractère informel. Ses activités se bornaient, dans un premier temps, à des conversations à bâtons rompus.

Dictionnaire politique et revue “Gewissen”

La première initiative du “Juni-Klub” a été de publier un dictionnaire politique, tiré à 125.000 exemplaires. Les membres du club participent à la rédaction de l’hebdomadaire “Gewissen”, fondé le 9 avril 1919 par Werner Wirth, ancien officier combattant. Après la prise en charge de l’hebdomadaire par Eduard Stadtler, le tirage est de 30.000 exemplaires déclarés en 1922 (on pense qu’en réalité, il n’atteignait que les 4000 exemplaires vendus). La promotion de cette publication était assurée par la “Société des Amis de Gewissen”. Moeller van den Bruck, homme silencieux, piètre orateur et timide, prend sur ses épaules tout le travail de rédaction; la tâche est écrasante. Une équipe d’orateurs circule dans les cercles d’amis; parmi eux: Max Hildebert Boehm, le scientifique Albert Dietrich, le syndicaliste Emil Kloth, Hans Roeseler, Joachim Tiburtius et l’ancien communiste devenu membre du “Juni-Klub”, Fritz Weth. Le public qui assiste à ces conférences est vaste et élitaire mais provient de tous les horizons politiques de l’Allemagne de la défaite, socialistes compris. Un tel aréopage serait impossible à reconstituer aujourd’hui, vu l’intolérance instaurée partout par le “politiquement correct”. Reste une stratégie possible dans le contexte actuel: juxtaposer des textes venus d’horizons divers pour mettre en exergue les points communs entre personnalités appartenant à des groupes politiques différents et antagonistes mais dont les réflexions constituent toutes des critiques de fond du nouveau système globalitaire et du nouvel agencement du monde et de l’Europe, voulu par les Bush (père et fils), par Clinton et Obama, comme le nouvel ordre de la victoire avait été voulu en 1919 par Wilson et Clémenceau.

Diverses initiatives

Les années 1919 et 1920 ont été les plus fécondes pour le “Juni-Klub” et pour “Gewissen”. Dans la foulée de leurs activités, se crée ensuite le “Politisches Kolleg” (= “Collège politique”), dont le modèle était français, celui de l’“Ecole libre des sciences politiques”, fondé à Paris en 1872, après la défaite de 1871. Le but de cette “Ecole libre” était de faire émerger une élite revencharde pour la France. En 1919, les Allemands, vaincus à leur tour, recourent au même procédé. L’idée vient de Stadtler, qui connait bien la France, et de son professeur, le catholique, issu du Zentrum comme lui, Martin Spahn (1875-1945), fils d’une des figures fondatrices du Zentrum, Peter Spahn (1846-1925). Le national-libéral Friedrich Naumann fonde de son côté la “Staatsbürgerschule” (= “L’école citoyenne”), tandis qu’Ernst Jäkh, qui fut également propagandiste pendant la première guerre mondiale et spécialisé dans les relations germano-turques, crée la “Hochschule für Politik” (= “Haute Ecole de Politique”). Les passerelles sont nombreuses entre toutes ces initiatives. Le 1 novembre 1920 nait, sous la présidence de Martin Spahn, le “Politisches Kolleg für nationalpolitische Schulungs- und Bildungsarbeit” (= “Collège politique pour l’écolage et la formation nationales-politiques”). Les secrétaires sont von Gleichen et von Broecker. Mais c’est Moeller van den Bruck, une fois de plus, qui est la cheville ouvrière de l’ensemble: il garde la cohérence du “Juni-Klub”, du “Politisches Kolleg” et du “Ring”, qui tous prennent de l’extension et nécessitent un financement accru. Ecrasé sous le travail, Moeller s’effondre, tombe gravement malade. Du coup, les liens entre membres et entre structures similaires se disloquent. En décembre 1924, le “Juni-Klub” se transforme en “Herren-Klub”, glissement que Moeller juge “réactionnaire”, contraire aux principes fondamentaux du “Jungkonservativismus” et à la stratégie “nationale-bolchevique”. La maladie, la déception, l’épuisement physique et moral, la mort de son fils Wolfgang souffrant de tuberculose (il était né de son premier mariage avec Hedda Maase) sont autant de coups durs qui l’amènent à se suicider le 30 mai 1925.

Immédiatement après la mort de Moeller van den Bruck, Max Hildebert Boehm quitte le “Politisches Kolleg” et fonde une organisation nouvelle, l’“Institut für Grenz- und Auslandsstudien” (= “Institut pour les études des frontières et de l’étranger”). L’ensemble des structures supervisées par Moeller van den Bruck se disloque. Une partie des membres se tourne vers la “Hochschule für Politik” d’Ernst Jäkh. Le corporatiste moderne issu du Zentrum Heinz Brauweiler et l’Alsacien Eduard Stadtler rejoignent tous deux le Stahlhelm, puis la DNVP.

“Altkonservativismus” et “Jungkonservativismus”

Quelles ont été les idées de cette nébuleuse patronnée par Moeller van den Bruck? Comment se sont articulées ces idées? Quelle est la teneur du “Jungkonservativismus”, parfois appelé “nouvelle droite” ou “jeune droite”? Sa qualité de “jung”, de “jeune”, le distingue forcément du “Konservativismus” tout court, ou de l’“Altkonservativismus” (le “vieux-conservatisme”). On peut définir le “Konservativismus” comme l’ensemble des réactions politiques à la révolution française et/ou aux effets de cette révolution au cours du 19ème siècle. Comme l’a un jour souligné dans les colonnes de “Criticon” et de “Vouloir” le polémologue suisse Jean-Jacques Langendorf, la contre-révolution est un véritable kaléidoscope d’idées diverses, hétérogènes. On y trouve évidemment la critique de l’Anglais Edmund Burke qui déplore la rupture de continuité provoquée par la révolution mais, comme le signalait naguère, à son propos, le Prof. Claude Polin à Izegem lors d’un colloque de la “nouvelle droite” flamande, si les forces qui ont provoqué la rupture parviennent à assurer une continuité nouvelle, cette continuité, parce qu’elle est continuité, mérite à son tour d’être conservée, puisqu’elle devient “légitime”, tout simplement parce qu’elle a duré quelques décennies. Pour Polin, cette sacralisation d’idées révolutionnaires, tout simplement parce qu’elles ont duré, prouve qu’il n’y a pas véritablement de “conservatisme” britannique et burkéen: nous avons alors affaire à une justification du “révolutionarisme institutionalisé”, ce que confirme le folklore de la république française actuelle et l’usage immodéré des termes “République”, “républicain”, “idéal républicain”, “valeurs républicaines”, etc. que l’on juxtapose à ceux de “laïcisme” et de “laïcité”. Cet usage est inexportable et ne permet pas de forger une “Leitkultur” acceptée de tous, surtout de la majorité autochtone, tandis que les communautés immigrées musulmanes rejettent également ce fatras laïciste, dégoûtées par l’écoeurante platitude de ce discours, partagé par toutes les gauches, mêmes les plus intéressantes, comme celles de Régis Debray ou Elizabeth Lévy (cf. le mensuel “Le Causeur”).

Dans le kaléidoscope de la contre-révolution, il y a ensuite l’organicisme, propre du romantisme post-révolutionnaire, incarné notamment par Madame de Staël, et étudié à fond par le philosophe strasbourgeois Georges Gusdorf. Cet organicisme génère parfois un néo-médiévisme, comme celui chanté par le poète Novalis. Qui dit médiévisme, dit retour du religieux et de l’irrationnel de la foi, force liante, au contraire du “laïcisme”, vociféré par le “révolutionarisme institutionalisé”. Cette revalorisation de l’irrationnel n’est pas nécessairement absolue ou hystérique: cela veut parfois tout simplement dire qu’on ne considère pas le rationalisme comme une panacée capable de résoudre tous les problèmes. Ensuite, le vieux-conservatisme rejette l’idée d’un droit naturel mais non pas celle d’un ordre naturel, dit “chrétien” mais qui dérive en fait de l’aristotélisme antique, via l’interprétation médiévale de Thomas d’Aquin. Ce mélange de thomisme, de médiévisme et de romantisme connaîtra un certain succès dans les provinces catholiques d’Allemagne et dans la zone dite “baroque” de la Flandre à l’Italie du Nord et à la Croatie.

“Fluidifier les concepts”

Tels sont donc les ingrédients divers de la “vieille droite” allemande, de l’Altkonservativismus. Pour Moeller, ces ingrédients ne doivent pas être rejetés a priori: il faut plutôt les présenter sous d’autres habits, en les dynamisant par la volonté (soit par l’idée post-nietzschéenne d’“assaut” chez Heidegger, formulée bien après après le suicide de Moeller, qui la devinait, chez qui elle était en germe). L’objectif philosophique fondamental, diffus, des courants de pensée, dans lesquels Moeller a été plongé depuis son arrivée à Berlin, à l’âge de vingt ans, est, comme le dira Heidegger plus tard, de “fluidifier les concepts”, de leur ôter toute rigidité inopérante. Le propre d’un “jeune-conservatisme” est donc, en fait, de briser les fixismes et de rendre un tonus offensif à des concepts que le 19ème siècle avait contribué à rendre désespérément statiques. Cette volonté de “fluidifier” les concepts ne se retrouvait pas qu’à droite de l’échiquier politique, à gauche aussi, on tentait de redynamiser un marxisme ou un socialisme que les notables et les oligarques partisans avaient rigidifié (cf. les critiques pertinentes de Roberto Michels). La politique est un espace de perpétuelles transitions: les vrais hommes politiques sont donc ceux qui parviennent à demeurer eux-mêmes, fidèles à des traditions —à une “Leitkultur” dirait-on aujourd’hui— mais sans figer ces traditions, en les maintenant en état de dynamisme constant, bref, répétons-le une fois de plus, l’état de dynamisme d’une anti-modernité moderniste.

De même, le regard que doivent poser les hommes politiques “jeunes-conservateurs” sur les peuples voisins de l’Allemagne est un regard captateur de dynamiques et non un regard atone, habitué à ne voir qu’un éventail figé de données et à le croire immuable. Pour Moeller, l’homme politique “jeune-conservateur” cherche en permanence à comprendre l’existence, les dimensions existentielles (et pas seulement les “essences” réelles ou imaginaires) des peuples et des nations ainsi que des personnalités marquantes de leur histoire politique, tout cela au départ d’un donné historique précis (localisé dans un espace donné qui n’est pas l’espace voisin ou l’espace éloigné ou l’espace du globe tout entier, comme le souhaiteraient les cosmopolites).

L’ordre naturel n’est pas immuable

Le “Jungkonservativismus” se démarque de l’“Altkonservativismus” en ne considérant pas l’ordre naturel comme immuable. Une telle vision de l’ordre naturel est jugée fausse par les “jeunes-conservateurs”, qui n’entendent pas retenir son caractère “immuable”, l’observation des faits de monde dans la longue période de transition que furent les années 1880-1920 n’autorisant pas, bien entendu, un tel postulat. De plus, la physique de la deuxième révolution thermodynamique ne retient plus la notion d’un donné physique, géographique, naturel, biologique stable. Au contraire, toutes les réalités, fussent-elles en apparence stables dans la durée, sont désormais considérées comme mouvantes. L’attitude qui consiste à se lamenter face à la fluidification des concepts, à déplorer la disparition de stabilités qu’on avait cru immuables, est inepte. Vouloir arrêter ou ralentir le flux du réel est donc une position inféconde pour les “jeunes-conservateurs”. Arthur Moeller van den Bruck exprime le sentiment de son “Jungkonservativismus” en écrivant que “les conservateurs ont voulu arrêter la révolution, alors qu’ils auraient dû en prendre la tête”. Il ne s’agit plus de construire des barrages, d’évoquer un passé révolu, de faire du médiévisme religieux ou, pour s’exprimer comme les futuristes dans la ligne de Marinetti, de se complaire dans le “passatisme”, dans l’académisme répétitif. Moeller ajoute que le piétisme des protestants prussiens est également une posture devenue intenable.

Troisième Voie

Vers 1870, les premiers éléments de nationalisme s’infiltrent dans la pensée conservatrice, alors que les vieux-conservateurs considéraient que toute forme de nationalisme était “révolutionnaire”, située à gauche de l’échiquier politique. Le nationalisme était effectivement une force de gauche en 1848, organisé qu’il était non en partis mais en associations culturelles ou, surtout, en ligues de gymnastique, en souvenir de “Turnvater Jahn”, l’hébertiste allemand anti-napoléonien. Les “vieux-conservateurs” considéraient ce nationalisme virulent et quarante-huitard comme trop dynamique et trop “bousculant” face aux institutions établies, qui n’avaient évidemment pas prévu les bouleversements de la société européenne dans la seconde moitié du 19ème siècle. Arthur Moeller van den Bruck propose une “troisième voie”: la répétition des ordres metternichien, bismarckien et wilhelminien est devenue impossible. Les “Jungkonservativen” doivent dès lors adopter une position qui rejette tout à la fois la réaction, car elle conduit à l’immobilisme, et la révolution, parce qu’elle mène au chaos (au “Règne de Cham” selon Merejkovski). Cette “troisième voie” (“Dritter Weg”) rejette le libéralisme en tant que réduction des activités politiques à la seule économie et en tant que force généralisant l’abstraction dans la société (en multipliant des facteurs nouveaux et inutiles, dissolvants et rigidifiants, comme les banques, les compagnies d’assurance, la bureaucratie, les artifices soi-disant “rationnels”, etc., dénoncés par la sociologie de Georges Simmel); le libéralisme est aussi le terreau sur lequel s’est développé ce que l’on appelait à l’époque le “philistinisme”. Carlyle, Matthew Arnold et les Pré-Raphaëlites anglais autour de Ruskin et de Morris avaient dénoncé l’effondrement de toute culture vraie, de toute communauté humaine saine, sous les coups de la “cash flow society”, de l’utilitarisme, du mercantilisme, etc. dans l’Angleterre du 19ème, première puissance libérale et industrielle du monde moderne. Comme l’avait envisagé Burke, ce libéral-utilitarisme était devenu une “continuité” et, à ce titre, une “légitimité”, justifiant plus tard l’alliance des libéraux (ou des “vieux-libéraux”) avec le vieux conservatisme. Les “Jungkonservativen” allemands d’après 1918 ne veulent pas d’une telle alliance, qui ne défend finalement rien de fondamental, uniquement des intérêts matériels et passagers, au détriment de tout principe (éternel). Pour défendre ces principes éternels, battus en brèche par le libéralisme, il faut recourir à des réflexes nationalistes et/ou socialistes, lesquels bousculent les concepts impassables du conservatisme sans les nier et en les dynamisant.

Critique du libéralisme

Le libéralisme, dans l’optique “jungkonservative”, repose sur l’idée d’un progrès qui serait un cheminement inéluctable vers du “meilleur”, du moins un “meilleur” quantitatif et matériel, en aucun cas vers une amélioration générale du sort de l’humanité sur un plan qualitatif et spirituel. L’idée de progrès, purement quantitative, dévalorise automatiquement le passé, les acquis, les valeurs héritées, tout comme l’idéal marchand, l’idéal spéculateur, du libéralisme dévalorise les valeurs éthiques et esthétiques, qui seules donnent sel au monde. Pour Moeller van den Bruck, c’est là la position la plus inacceptable des libéraux. Ignorer délibérément le passé, dans ce qu’il a de positif comme dans ce qu’il a de négatif, est une posture à rejetter à tout prix. Le libéral veut donc que l’on ignore obligatoirement tous les acquis du passé: son triomphe dans les premières années de la République de Weimar fait craindre une éradication totale et définitive des mémoires collectives, de l’identité allemande. Face à cette attitude, le “Jungkonservativismus” doit devenir le gardien des formes vivantes, des matrices qui donnent vie aux valeurs, pour ensuite les conduire jusqu’à leur accomplissement, leur paroxysme; il doit appeler à la révolte contre les forces politiques qui veulent que ces formes et matrices soient définitivement oubliées et ignorées; il doit également dépasser ceux qui entendent garder uniquement des formes mortes, relayant de la sorte le message des avant-gardes naturalistes, symbolistes, expressionnistes et futuristes. Ce recours implicite aux audaces des avant-gardes fait que le “Jungkonservativismus” n’est pas un “cabinet des raretés” (“eine Raritätenkammer”), un musée exposant des reliques mortes, mais un atelier (“ein Werkstatt”), où l’on bâtit l’avenir, n’est pas un réceptacle de quiétisme mais une forge bouillonnante où l’on travaille à construire une Cité plus conforme au “Règne de l’Esprit”. Pour les “jeunes-conservateurs”, les formes politiques sont des moyens, non des fins car si elles sont de simples fins, elles butent vite, à très court terme, contre leur finitude, et deviennent stériles et répétitives (comme à l’ère du wilhelminisme). Il faut alors trouver de nouvelles formes politiques pour lutter contre celles qui ont figé les polities, après avoir été, le temps de trouver leur “fin”, facteurs éphémères de fluidification des concepts.

Monarchiste ou républicain?

Alors, dans le contexte des années 1919-1925, le “Jungkonservativismus” est-il monarchiste ou républicain? Peu importe! L’idéal dynamique du “Jungkonservativismus” peut s’incarner dans n’importe quelle forme d’Etat. Comment cette perspective s’articule-t-elle chez Moeller van den Bruck? Son “Troisième Reich” pourra être monarchiste mais non pas wilhelminien, non pas nécessairement lié aux Hohenzollern. Il pourra viser l’avènement d’un “Volkskaiser”, issu d’une autre lignée aristocratique ou issu directement du peuple: cette idée est un héritage des écrits révolutionnaires de Wagner à l’époque des soulèvements de 1848. L’Etat est alors, dans une telle perspective, de forme républicaine mais il a, à sa tête, un monarque plébiscité. En dépit de son anti-wilhelminisme, Moeller envisage un Volkskaiser ou un “Jugendkaiser”, un empereur de la jeunesse, idée séduisante pour les jeunes du Wandervogel et de ses nombreux avatars et pour bon nombre de sociaux-démocrates, frottés de nietzschéisme. Contrairement à ce que voulaient les révolutionnaires français les plus radicaux à la fin du 18ème siècle, en introduisant leur calendrier révolutionnaire, l’histoire, pour Moeller, ne présente pas de nouveaux commencements: elle est toujours la continuité d’elle-même; les communautés politiques, les nations, sont immergées dans ce flot, et ne peuvent s’y soustraire. Il paraît par ailleurs préférable de parler de “continuité” plutôt que d’ “identité”, dans un tel contexte: les “jungkonservativen” sont bel et bien des “continuitaires”, en lutte contre ceux qui figent et qui détruisent en rigidifiant. Moeller van den Bruck préconise donc une sorte d’archéofuturisme (le néo-droitiste Guillaume Faye, à ce titre, s’inscrit dans sa postérité): les forces du passé allemand et européen sont mobilisées en des formes nouvelles pour établir un avenir non figé, en perpétuelle effervescence constructive. Moeller mobilise les “Urkräfte”, les forces originelles, qu’il appelle parfois, avec un lyrisme typique de l’époque, les “Urkräfte” barbares ou les “Urkräfte” de sang, destinées à briser les résistances “passatistes” (Marinetti).

De Novalis au wagnérisme

Les positions “bousculantes” du “Jungkonservativismus” interpellent aussi le rapport au christianisme. La révolution française avait appelé à lutter contre les “superstitions” de la religion traditionnelle de l’ancien régime: les réactions des révolutionnaires déçus par la violence jacobine et des contre-révolutionnaires, à l’époque romantique du début du 19ème siècle, vont provoquer un retour à la religion. Le romantisme était au départ en faveur de la révolution mais les débordements et les sauvageries des révolutionnaires français vont décevoir, ce qui amènera plus d’un ex-révolutionnaire romantique à retourner au catholicisme, à se convertir à l’idée d’une Europe d’essence chrétienne (Novalis). Dans une troisième étape, les ex-révolutionnaires et certains de leurs nouveaux alliés contre-révolutionnaires vont parfois remplacer Dieu et l’Eglise par le peuple et la nation: ce sera le romantisme nationalitaire, révolutionnaire non pas au sens de 1789 mais de 1848, celui de Wagner, qui, plus tard, abandonnera toutes références au révolutionarisme pour parier sur l’univers mythologique et “folciste” de ses opéras, censés révéler au peuple les fondemets mêmes de son identité, la matrice de la continuité dans laquelle il vit et devra inéluctablement continuer à vivre, sinon il court le risque d’une disparition définitive en tant que peuple. La fusion d’une volonté de jeter bas le régime metternichien du début du 19ème siècle et du recours aux racines germaniques les plus anciennes est le legs du wagnérisme.

Déchristianisation et nietzschéanisation

Après 1918, après les horreurs de la guerre des tranchées à l’Ouest, on assiste à un abandon généralisé du christianisme: peuples protestants et catholiques abandonnent les références religieuses piétistes ou sulpiciennes, impropres désormais à apaiser les âmes ensauvagées par une guerre atroce. Ou ne retiennent plus du christianisme que la virulence de certains polémistes comme Léon Bloy ou Jules Barbey d’Aurevilly, comme ce sera le cas dans les filons pré-rexistes en Belgique francophone ou chez les adeptes conservateurs-révolutionnaires du prêtre Wouter Lutkie aux Pays-Bas. Sans nul doute parce que la fougue de Bloy et de Barbey d’Aurevilly marche au vitriol, qui dissout les certitudes des “figés”. La déchristianisation d’après 1918 est tributaire, bien évidemment, de l’influence, de plus en plus grande, de Nietzsche. Le processus de sécularisation et de nietzschéanisation s’infiltre profondément dans les rangs “conservateurs”, les muant en “conservateurs-révolutionnaires”. On en vient à rejeter la promesse chrétienne d’un monde meilleur, “quiet” (dépourvu d’inquiétude incitant à l’action) et “bonheurisant”. Cette promesse est, aux yeux des nietzschéens, la consolation des faibles (cf. les thèses de Nietzsche dans “L’Antéchrist” et “La généalogie de la morale”). Moeller n’a pas une position aussi tranchée que les nietzschéens les plus virulents. Il demeure le lecteur le plus attentif de Dostoïevski, qui ne partageait pas l’anti-christianisme farouche de Nietzsche. Il garde sans doute aussi en mémoire les positions de Barbey d’Aurevilly, qu’il a traduit avec Hedda Maase à Berlin entre 1896 et 1902. Pour Moeller la culture allemande (et européenne) est le produit d’une fusion: celle de l’antiquité hellénique et romaine et du christianisme. Pour lui, il n’est ni pensable ni souhaitable que nous ne soyons plus l’incarnation de cette synthèse. L’objectif de la germanité innovante qu’il a toujours appelé de ses voeux est de forger une “Wirklichkeitsreligion”, une “religion du réel”, comme le suggéraient par ailleurs bon nombre d’ouvrages parus chez l’éditeur Eugen Diederichs à Iéna.

Cependant le christianisme n’est pas “national”, c’est-à-dire ne cherche pas à s’ancrer dans un humus précis, inscrit dans des limites spatio-temporelles repérables. Il est même anti-national sauf quand certaines forces de l’Eglise cherchent à protéger des catholiques vivant sous un statut de minorité opprimée ou marginalisée comme les Irlandais au Royaume-Uni, les Croates dans le nouveau royaume de Yougoslavie à dominante serbe ou les Flamands dans la Flandre des “petits vicaires” en rébellion contre leur hiérarchie francophile (Mercier), face aussi à un Etat à dominante non catholique ou trop prompt à négocier des compromis avec la part laïque, voire maçonnique, de l’établissement belge. Même scénario dans la sphère orthodoxe: les églises auto-céphales s’épaulent contre les offensives catholiques ou musulmanes. Mais une chose était désormais certaine, entre 1918 et 1925: depuis la révolution française, le christianisme a échoué à donner forme au cosmopolitisme dominant, qui est de facture libérale et laïque ou révolutionnaire et communiste (trotskiste). Le christianisme ne peut se sauver du naufrage que s’il adopte des contenus nationaux: c’est à quoi s’était employé le programme des éditions Eugen Diederichs, en rappelant que la conversion des Germains d’Europe centrale ne s’était pas faite par l’Evangile tel qu’on nous le lit encore lors des offices religieux mais par une version aujourd’hui oubliée, l’Heliand, le Sauveur, figure issue de la religiosité iranienne-sarmate importée en Europe par les cavaliers recrutés par Rome dans les steppes est-européennes et dont l’archéologie contemporaine révèle le rôle crucial dans l’émergence de l’Europe médiévale, non seulement autour du mythe arthurien mais aussi dans la geste des Francs et des Sicambres. Le Christ y est effectivement un homme à cheval qui pérégrine, armé et flanqué d’une douzaine de compagnons bien bâtis.

Ensuite, la conversion d’une vaste zone aujourd’hui catholique, de Luxueil-les-Bains au Tyrol autrichien, a été l’oeuvre de moines irlandais, dont le christianisme était quelque peu différent de celui de Rome. Le christianisme doit donc se “nationaliser”, comme il s’était germanisé (sarmatisé?) aux temps de la conversion, pour être en adéquation avec la spécificité “racique” des nouvelles ouailles nord-européennes ou issues de la cavalerie des Légions de l’Urbs. De même, le socialisme, lui aussi, doit puiser ses forces bousculantes dans un corpus national, religieux ou politique voire esthétique (avec impulsion nietzschéenne). L’apport “belge” (flamand comme wallon) est important à ce niveau: Eugen Diederichs avait fait traduire De Coster, Maeterlinck, De Man, Verhaeren et bien d’autres parce qu’ils apportaient un supplément de tonus à la littérature, à la religiosité “réalitaire” et à un socialisme débarrassé de ses oeillères matérialistes donc de ses cangues aussi pesantes que les bigoteries sulpiciennes de la religion conventionnelle, celle des puritains anglais ou suédois, fustigés par Lawrence et Strindberg, celle de Pobedonostsev, fustigée par Merejkovski et Rozanov.

Théologie et politique en Europe occidentale de 1919 aux années 60

Parce que les “Jungkonservativen” abandonnent les formes mortes du protestantisme et du catholicisme du 19ème siècle, les “Altkonservativen” subsistants ne les considèrent plus comme des “Konservativen” et s’insurgent contre l’audace jugée iconoclaste de leurs affirmations. Moeller van den Bruck rétorque: “Si le conservatisme ne signifie plus le maintien du statu quo à tout prix mais la fusion évolutionnaire du neuf avec la tradition vivante et, de même, induit le don de sens à cette fusion, alors il faut poser la question: un conservatisme occidental est-il possible sans qu’il ne soit orienté vers le christianisme?”. Moeller répond évidemment: “Oui”. Il avait d’abord voulu créer un mythe national, avec les huit volumes de “Die Deutschen”, incluant des éléments chrétiens, surtout luthériens. C’était le mythe de l’Allemand en perpétuelle rébellion contre les pesanteurs d’une époque, de son époque, dominée politiquement ou intellectuellement par l’étranger roman, celui-ci étant, alors, par déduction arbitraire, le vecteur de toutes les pesanteurs, de toutes les lourdeurs qui emprisonnent l’âme ou l’esprit, comme l’Asiatique, pour les Russes, était vecteur d’“enchinoisement”. Après la mort de Moeller, et dans le sillage des livres prônant un renouveau religieux réalitaire et enraciné, une théologie germanisée ou “aryanisée” fera florès sous le national-socialisme, une théologie que l’on analyse à nouveau aujourd’hui en la dépouillant, bien entendu, de toutes les tirades simplificatrices rappelant lourdement la vulgate du régime hitlérien. L’objectif des théologiens contemporains qui se penchent sur les oeuvres de leurs homologues allemands alignés sur le nouveau régime des années 30 vont au fond de cette théologie, ne se contentent pas de critiquer ou de répéter le vocabulaire de surface de ces théologies “aryanisées” ou germanisées, qui peut choquer aujourd’hui, mais veulent examiner comment on a voulu donner une substance incarnée à cette théologie (au nom du mythe chrétien de l’incarnation); il s’agit donc là d’une théologie qui réclame l’ancrage du religieux dans le réel politique, ethnique, linguistique et l’abandon de toute posture déréalisante, “séraphique” serait-on tenté de dire.

Après 1945, les discours officiels des églises protestantes et catholique s’alignent sur l’“humanisme” ou du moins sur ce qu’il est convenu de définir comme tel depuis les réflexions et les “aggiornamenti” de Jacques Maritain. Cet humanisme a été l’idéologie officielle des partis démocrates-chrétiens en Europe après 1945: on avait espéré, de cet humanisme, aligné sur Gabriel Marcel ou Jacques Merleau-Ponty, qu’il soit un barrage contre l’envahissement de nos polities par tous les matérialismes privilégiant l’avoir sur l’être. L’offensive néo-libérale, depuis la fin des années 70 du 20ème siècle, a balayé définitivement ces espoirs. L’“humanisme” des démocrates-chrétiens a été pure phraséologie, pure logorrhée de jongleurs politiciens, ne les a certainement pas empêchés de se vautrer dans les pires des corruptions, à l’instar de leurs adversaires (?) socialistes. Ils n’ont pas été capables de donner une réponse au néo-libéralisme ou, pire, les quelques voix qui se sont insurgées, même depuis les hautes sphères du Vatican, se sont perdues dans le tumulte cacophonique des médias: l’analyse de Moeller van den Bruck est donc la bonne, le libéralisme dissout tout, liens communautaires entre les hommes comme réflexes religieux.

Le jugement d’Armin Mohler

Armin Mohler, ancien secrétaire d’Ernst Jünger et auteur du manuel de référence incontournable, “Die konservative Revolution in Deutschland 1918-1932”, dresse le bilan de la déchristianisation graduelle et irréversible de la sphère politique, y compris en milieux “conservateurs”, toutes tendances confondues. Pour Mohler, le christianisme s’est effiloché et ne se maintient que par la “Trägheit der Wirklichkeit”, par la lenteur et la pesanteur du réel. Mohler: “Le christianisme, dans l’espace où tombent les décisions, a perdu sa position jadis englobante et, depuis lors, il n’est plus qu’une force parmi d’autres, y compris sous les oripeaux de ses traditions les plus fortes ou de ses ‘revivals’, tels le néo-thomisme ou la théologie dialectique”. Pire: “Ce processus [d’effilochement] s’est encore accéléré par l’effondrement de l’héritage antique, qui avait aidé le christianisme au fil des siècles à se donner forme. Les éléments de jadis sont donc encore là mais isolés, sans centre fédérateur, et virevoltent littéralement de manière fort désordonnée dans l’espace (politique/idéologique). Le vieux cadre de l’Occident comme unité nourrie par la migration des peuples [germaniques] en tant qu’éléments neufs dans l’histoire, est détruite et il n’y a pas encore de nouvelle unité en vue”. Mohler annonçait, par ces constats, la rupture entre la “nouvelle droite” et l’espace théologico-politique chrétien. Eugen Diederichs et Moeller van den Bruck ont également eu raison de dire que le christianisme devait être étoffé d’éléments réalitaires, comme a tenté de le faire à sa manière et sans générer d’“hérésie”, le Prof. Julien Ries, à l’Université de Louvain, notamment dans “Les chemins du sacré dans l’histoire” (Aubier, 1985): dans cet ouvrage, comme dans d’autres, il cherchait à cerner la notion de sacré dans le monde indo-européen suite aux travaux de Mircea Eliade. La mise en exergue de ces multiples manières indo-européennes d’appréhender le sacré, permetterait d’incarner celui-ci dans les polities et les “Leitkulturen” réelles et de les innerver sans les meurtrir ou les déraciner, barrant ainsi la route à l’envahissement de ces “laïcismes” sans substance ni profondeur temporelle qui se veulent philosophèmes de base du “révolutionarisme institutionalisé”.

Premier, Deuxième et Troisième Reich

Vu l’“effilochement” du christianisme, dès la fin du 19ème siècle, vu son ressac encore plus net après les boucheries de 1914-1918, les forces nouvelles dans la nouvelle Allemagne républicaine devaient créer un “cadre nouveau”, qui ne devait plus nécessairement être innervé d’apports chrétiens, du moins visibles, car, il ne faut pas l’oublier, toute idée politique possède un modèle théologique qu’elle laïcise, consciemment ou inconsciemment, comme le constatait Carl Schmitt. Pour Moeller van den Bruck, ce sera, à son corps défendant comme nous le verrons, un “Troisième Reich”; pour Mohler —désobéissant sur ce plan à Ernst Jünger, résigné et conscient qu’aucune politique féconde n’était encore suggérable à l’ère atomique, à partir de 1960, année où paraît son livre “L’Etat universel”— il fallait, dès la fin des années 50 du 20ème siècle, instaurer une Europe nouvelle, capable de décision, centrée autour du binôme franco-allemand du tandem De Gaulle-Adenauer, qui devait chercher systématiquement à s’allier aux Etats que les Etats-Unis décrétaient “infréquentables” (Chine, monde arabe,...). Au temps de Moeller van den Bruck, les cercles qu’il animaient font dès lors recours au mythe du “Reich” dans l’histoire germanique et lotharingienne. Dans cet espace germano-lotharingien, défini par les cartographes français contemporains, Jean et André Sellier comme étant l’addition des héritages de Lothaire et de Louis le Germanique lors du Traité de Verdun de 843, il y a eu un Premier Reich, celui d’Othon I qui va survivre vaille que vaille jusqu’à sa dissolution en 1806. Le Deuxième Reich est le Reich petit-allemand de Bismarck et de Guillaume II, qui ne comprend pas l’espace autrichien ni les anciens Pays-Bas ni la forteresse alpine qu’est la Suisse. Ce Reich, très incomplet par rapport à celui, par exemple, de Conrad II au 11ème siècle, n’englobe pas tous les Allemands d’Europe, ceux-ci sont disséminés partout et une émigration de grande ampleur conduit des masses d’Allemands à s’installer aux Etats-Unis (où leurs descendants constituent à peu près un quart de la population actuelle et occupent plus de la moitié des terres en zones non urbaines). Ce “Deuxième Reich” s’effondre en 1918, perdant encore des terres à l’Est comme à l’Ouest, créant de nouvelles minorités allemandes au sein d’Etats slaves ou romans. Un “Troisième Reich” doit prendre dès lors la relève mais il serait hasardeux et fallacieux de dire que les projets, formulés entre 1918 et 1925, aient tous anticipé le “Troisième Reich” de Hitler.

Origine théologienne des concepts politiques

Le “Premier Reich” est la promesse d’un Empire terrestre de mille ans, qui prend le relais d’un Empire romain, de l’Ordo Romanus, désormais assumé par les Francs (Charles Martel, Pépin de Herstal, Pépin le Bref, Charlemagne) puis par l’ensemble des peuples germaniques (Othon I et ses successeurs). Il est dès lors un “Saint-Empire” christianisé et porté par la nation germanique, un “Sacrum Imperium Romanum Nationis Germaniae”, un “Saint-Empire romain de la nation germanique”. Le concept d’Empire, de “Reich”, revêt une double signification: il est la structure politique impériale factuelle que l’on a connue à partir d’Othon I puis à partir de Bismarck. Il est aussi le “Regnum”, le “Règne” religieux, défini par la théologie depuis Augustin. Comme Moeller van den Bruck a fréquenté de très près Dmitri Merejkovski, il est évident que la notion de “Reich” qu’il utilise dans ses écrits est plus proche de la notion théologique de “Règne” que de la notion politique, mise en oeuvre par Bismarck d’abord, par Hitler ensuite (qui sont des imitateurs de Napoléon plutôt que des disciples d’Augustin). Moeller n’a donc pas de discours religieux en apparence mais est subrepticement tributaire de la théologie sollicitée par Merejkovski. Dans son étude patronnée par Karl Jaspers, Armin Mohler —schmittien conscient de l’origine théologienne de tous les concepts politiques modernes— rappelle justement l’origine théologienne des notions d’“Empire de l’Esprit Saint” et de “Troisième Règne”. Il rappelle la vision de Montanus, chef d’une secte chrétienne de Hierapolis en Phrygie au 2ème siècle après J. C., dont le prophétisme s’était rapidement répandu dans le bassin méditerranéen, y compris à Rome où deux écoles “montanistes” cohabitaient, dont celle de Proclos, qui influencera Tertullien. Ce dernier prendra fait et cause pour le prophétisme montaniste, qu’il défendra contre les accusations d’un certain Praxeas. Le montanisme et les autres formes de prophétisme, décrétées hérétiques, puisent leurs inspirations dans l’Evangile de Jean. Toute une littérature johannite marque le christianisme jusqu’au moyen âge européen. Elle a pour dénominateur commun d’évoquer trois visions du monde qui se succéderont dans le temps. La troisième de ces visions sera entièrement spiritualisée. Ce sera le “Règne de l’Esprit”.

Joachim de Flore

Joachim_de_flore.jpgJoachim de Flore développe une sorte de “mythe trinitaire”, où le “Règne du Père” constitue la “vieille alliance”, le “Règne du Fils”, la “nouvelle alliance” et le “Règne” à venir, celui de l’esprit saint. La “vieille alliance”, procédant de la transmission de la “Loi” à Moïse, débouche involontairement, par “hétérotélie”, sur un esclavage des hommes sous la férule d’une Loi, devenue trop rigide au fil du temps; le “Règne du Fils” vient délivrer les hommes de cet esclavage. Mais entre les divers “Règnes”, il y a des périodes de transition, d’incubation. Chaque “Règne” a deux commencements: celui, initial, où ses principes se mettent progressivement en place, tandis que le “Règne” précédent atteint sa maturité et amorce son déclin, et celui où il commence vraiment, par la “fructification”, dit Joachim de Flore, le précédent ayant alors terminé son cycle. Il existe donc des périodes de transition, où les “Règnes” se chevauchent. Celui du Fils commence avec l’arrivée du Christ et se terminera par le retour d’Elie, qui amorcera le “Règne de l’Esprit Saint”, celui-ci hissera alors, après la défaite des Mahométans, l’humanité au niveau supérieur, celui de l’amour pur de l’esprit saint, message de l’Evangile éternel, bref, le “Troisième Règne” ou le “Troisième Reich”, les termes français “Règne” et “Empire” se traduisant tous deux par “Reich” en allemand. De Joachim de Flore à Merejkovski, le filon prophétique et johannite est évident: Moeller van den Bruck le laïcise, le camoufle derrière un langage “moderne” et a-religieux, avec un certain succès dû au fait que le terme était prisé par une littérature subalterne, ou une para-littérature, qui, entre 1885 et 1914, présente des utopies ou des Etats idéaux de science-fiction qui évoquent souvent un “Troisième Reich”, société parfaite, débarrassée de toutes les tares du présent (wilhelminien); parmi ces ouvrages, le plus pertinent étant sans doute celui de Gerhard von Mutius, “Die drei Reiche” (1916).

Quand paraît “Das Dritte Reich”...

En 1923, quand son manuscrit est prêt à l’impression, Moeller ne choisit pas pour titre “Das Dritte Reich” mais “Die dritte Partei” (= “Le tiers-parti”), formation politique appelée à se débarrasser des insuffisances révolutionnaires, libérales et vieilles-conservatrices. On suggère à Moeller de changer de titre, d’opter par exemple pour “Der dritte Standpunkt” (= “La troisième position”). Finalement, pour des raisons publicitaires, on opte pour “Das Dritte Reich”, car cela a des connotations émotives et eschatologiques. Cela rappelle quantité d’oeuvres utopiques appréciées des contemporains. Du vivant de Moeller, le livre est un vrai “flop” éditorial. Ce n’est qu’après sa mort que ce petit volume programmatique connaîtra le succès, par ouï-dire et par le lancement d’une édition bon marché auprès de la “Hanseatische Verlagsanstalt”. L’idée de “Reich” n’apparaît d’ailleurs que dans le dernier chapitre, ajouté ultérieurement! Les cercles et salons fréquentés et animés par Moeller ne doivent donc pas être considérés comme les anti-chambres du national-socialisme, même si des personnalités importantes comme Stadtler ont fini par y adhérer, après le suicide du traducteur de Baudelaire et de Dostoïevski. Grâce à un travail minutieux et exhaustif du Prof. Wolfgang Martynkiewicz (“Salon Deutschland – Geist und Macht 1900-1945”, Aufbau Verlag, 2011), on sait désormais que c’est plutôt le salon des époux Hugo et Elsa Bruckmann, éditeurs à Munich et animateurs d’un espace de débats très fréquenté, qui donnera une caution pleine et entière au national-socialisme en marche dès la fin des années 20, alors que ce salon avait attiré les plus brillants esprits allemands (dont Thomas Mann et Ludwig Klages), conservateurs, certes, mais aussi avant-gardistes, libéraux, socialistes et autres, inclassables selon l’étiquettage usuel des politistes “normalisés” d’aujourd’hui, notamment les “anti-fascistes” auto-proclamés.

Un état de tension militante permanente

Pour Moeller van den Bruck, préfacé en France par Thierry Maulnier, post-maurrassien et non-conformiste des années 30 (cf. Etienne de Montety, “Thierry Maulnier”, Perrin-Tempus, 2013), l’idée de “Reich”, c’est-à-dire, selon son mentor Merejkovski, l’idée d’un “Règne de l’Esprit Saint”, est aussi et surtout —avant d’être un état stable idéal, empreint de quiétude— un état de tension militante permanente. Ce “Troisième Empire”, qui n’est évoqué que dans le dernier chapitre du livre du même nom, et constitue d’ailleurs un addendum absent de la première édition, n’adviendra pas nécessairement dans le réel puisqu’il est essentiellement une tension permanente qu’il s’agit de ne jamais relâcher: les élites, ou les “élus”, ceux qui ont compris l’essence de la bonne politique, qui n’est ni le fixisme déduit de l’idée d’un ordre naturel immuable ni le chaos du révolutionnarisme constant, doivent sans cesse infléchir les institutions politiques dans le sens de ce “Troisième Règne” de l’Esprit, même s’ils savent que ces institutions s’usent, s’enlisent dans l’immobilité; il y a donc quelque chose du travail de Sisyphe dans l’oeuvre des élites politiques constantes.

Dans les écrits antérieurs de Moeller van den Bruck, on peut repérer des phrases ou des paragraphes qui abondent déjà dans ce sens; ainsi en 1906, il avait écrit: “L’Empire de la troisième réconciliation va combler le fossé qu’il y a entre la civilisation moderne et l’art moderne”. Dans les années 1906-1907, Moeller évoque la “Sendungsgedanke”, l’idée de mission, religieuse et forcément a-rationnelle, dont les racines sont évidemment chrétiennes mais aussi révolutionnaires: le christianisme a apporté l’idée d’une mission “perfectibilisante” (mais c’est aussi un héritage du mithraïsme et de ses traductions christianisées, archangéliques et michaëliennes); quant aux révolutionnaires français, par exemple, ils font, eux aussi, montre d’une tension militante dans leur volonté de promouvoir partout l’idéal des droits de l’homme. Pour parvenir à réaliser cette “Sendungsgedanke”, il faut créer des communautés pour les porteurs de l’idée, afin que la dynamique puisse partir d’en haut et non de la base, laquelle est plongée dans la confusion; ces communautés doivent se développer au-delà des Etats existants, que ceux-ci soient les Etats allemands (Prusse, Bavière, Baden-Würtemberg) ou soient les pays autrichiens ou les nouveaux Etats construits sur les débris de l’Empire austro-hongrois, où vivent des minorités allemandes, ou soient des Etats quelconques dans le reste de l’Europe où vivent désormais des populations allemandes résiduaires ou très minoritaires. Les porteurs de l’idée peuvent aussi appartenir à des peuples proches de la culture germanique (Baltes, Flamands, Hollandais, Scandinaves, etc.). Ces communautés de personnalités chosies, conscientes des enjeux, formeront le “parti de la continuité” (Kontinuität), celui qui poursuivra donc dans la continuité l’itinéraire, la trajectoire, de l’histoire allemande ou germanique. Ce parti rassemblera des Allemands mais aussi tous ceux qui, indépendamment de leur ethnicité non germanique, partageront les mêmes valeurs (ce qui permet de laver Moeller de tout soupçon d’antisémitisme et, forcément, d’antislavisme).

De Moeller à la postmodernité

Nous constatons donc que, dans le sillage de Dostoïevski et Merejkovski, Moeller van den Bruck parie résolument sur le primat de l’esprit, des valeurs. Ces communautés et ce futur parti constituent dès lors, à eux tous, une “Wertungsgemeinschaft” (une communauté de valeurs), Moeller étant le seul à avoir utilisé cette expression dans ses écrits à l’époque. Autre aspect qui mérite d’être souligné: Moeller anticipe en quelque sorte les bons filons aujourd’hui galvaudés de la postmodernité; c’est en ce sens qu’Armin Mohler —qui avait la volonté de perpétuer la “révolution conservatrice”— avait voulu embrayer sur le discours postmoderne à la fin des années 80 du 20ème siècle; en effet, Moeller avait écrit: “Wir müssen die Kraft haben, in Gegensätzen zu leben”, “Nous devons avoir la force de vivre au beau milieu des contradictions (du monde)”. Moeller avait vécu très intensément l’effervescence culturelle de la Belle Epoque, avant l’emprise sur les âmes des totalitarismes d’après 1917, magnifiquement mise en scène dans les romans noirs de Zamiatine et Mikhaïl Boulgakov. L’oeuvre de Moeller van den Bruck est le résultat de cette immersion. La Belle Epoque acceptait ses contradictions, les confrontait dans la convivialité et la courtoisie. Les totalitarismes ne les accepteront plus. Après l’effondrement du “grand récit” communiste (hégélo-marxiste), suite à la perestroïka et la glasnost de Gorbatchev, le monde semble à nouveau prêt à accepter de vivre avec ses contradictions, d’où la pensée “polythéiste” d’un Jean-François Lyotard ou d’un Richard Rorty. Mais l’espoir d’un renouveau tout à la fois postmoderne et révolutionnaire-conservateur, que nous avions cultivé avec Mohler, s’effondrera dès le moment où le néo-libéralisme niveleur et le bellicisme néo-conservateur américain, flanqués des “idiots utiles” de la “nouvelle philosophie parisienne” (avec Bernard-Henri Lévy), auront imposé une “political correctness”, bien plus homogénéisante, bien plus arasante que ne l’avait été le communisme car elle a laissé la bride sur le cou, non seulement à l’engeance des spéculateurs, mais aussi à tout un fatras médiatique festiviste et à un “junk thought” ubiquitaire, qui empêche les masses d’avoir un minimum de sens critique et qui noie les rationalités du “zoon politikon” dans un néant de variétés sans fondements et de distractions frivoles.

Le peuple portera l’idée de “Reich”

En termes politiques, l’acceptation moellerienne des contradictions du monde le conduit à esquisser la nature du “Reich” à venir: celui-ci ne pourra pas être centralisé car toute centralisation excessive et inutile conduit à un égalitarisme araseur, qui brise les continuités positives. Le “Troisième Reich” de Moeller entend conserver les diverses dynamiques, convergentes ou contradictoires, qui ont été à l’oeuvre dans l’histoire allemande (et européenne) et la nouvelle élite “jungkonservativ” doit veiller à maintenir une “coïncidentia oppositorum”, capable de rassembler dans l’harmonie des forces au départ hétérogènes, à l’oeuvre depuis toujours dans la “continuité” allemande. C’est le peuple, le Volk, qui doit porter cette idée de “Reich”, dans le même esprit, finalement, que le “populus romanus” portait les “res publicae” romaines puis, en théorie, l’Empire à partir d’Auguste. Ou du moins l’élite consciente de la continuité qui représente le peuple, une continuité qui ne peut se perpétuer que si ce peuple demeure, en évitant, si possible, toute “translatio imperii” au bénéfice d’une tierce communauté populaire, dont le moment historique viendra ultérieurement. Le Sénat romain —l’assemblée des “senes”, homme plus âgés et dotés, par la force de l’âge, d’une mémoire plus profonde que les “adulescentes” (hommes de 15 à 35 ans) ou même que les “viri” (de 35 à 50 ans)— était le gardien de cet esprit de continuité, qu’il ne fallait pas rompre —en oubliant les rituels— afin de préserver pour l’éternité le “mos majorum”, d’où l’expression “Senatus PopulusQue Romanus” (SPQR), la longue mémoire étant ainsi accolée à la source vive, vitale, de la populité romaine. La Belle Epoque subit, elle, de plein fouet une remise en question générale de l’ordre, qui ne peut plus être perçu comme figé: avec des personnalités comme Moeller, elle parie pour les “adulescentes” et les “viri”, à condition qu’ils fassent éclore des formes nouvelles, pour remplacer les formes figées, qui exprimeront mieux le “mos majorum”, germanique cette fois, car le germanisme d’avant 1914 était, selon l’étude magistrale et copieuse de Peter Watson (cf. supra), une “troisième renaissance” dans l’histoire culturelle européenne, après la renaissance carolingienne et la renaissance italienne. Toute renaissance étant expression de jouvence, d’où l’usage licite des termes “jung” et “Jungkonservativismus”, si l’on veut agir et oeuvrer dans le sens de cette “troisième renaissance” qui n’a pas encore déployé toutes ses potentialités.

Moeller parle donc d’un Empire porté par le peuple et par la jeunesse du peuple, instances vitales, et non par l’Etat puisque la machine étatique wilhelminienne a figé, donc tué, l’énergie vitale que nécessité la mission impériale de la jeunesse, en multipliant les formes abstraites, en oblitérant le vivant populaire par toute sorte d’instances figeantes, appelées à devenir tentaculaires: dénoncer cette emprise croissante des rationalités figées sera la leçon du sociologue Georg Simmel et de sa longue postérité (jusqu’à nos jours), ce sera aussi le message angoissé et pessimiste du “Château” de Franz Kafka. Parmi les instances figeantes, il faut compter les partis qui, comme le soulignait un socialiste engagé puis déçu tel Roberto Michels, finissaient par ne plus représenter le peuple des électeurs mais seulement des oligarchies détachées de celui-ci. La démocratie nécessaire au bon fonctionnement du nouveau “Reich” ne doit pas représenter la base par des partis mais, explique Moeller van den Bruck, par des corporations (expressions de métiers réels), des ordres professionnels, des conseils ou des soviets ouvriers, des syndicats. Indirectement, peut-être via Thierry Maulnier, préfacier du “Troisième Reich” de Moeller et chroniqueur du “Figaro” après 1945, ces idées de Moeller (mais aussi de Heinz Brauweiler) auront un impact sur les idées gaulliennes des années 60, celles de la participation et de l’intéressement, celle aussi du Sénat des Régions et des Professions. Le rôle des “non-conformistes” français des années 30 et des néo-socialistes autour de Marcel Déat, lui-même inspiré par Henri De Man, a sans nul doute été primordial dans cette transmission, malgré tout incomplète. Le Sénat, envisagé par les gaullistes après la rupture avec l’OTAN, était appelé, s’il avait été instituté, à représenter un tissu social réel et performant au détriment de politiciens professionnels qui ne produisent que de la mauvaise jactance et finissent par se détacher de toute concrétude.

“Ostideologie”

Ces spéculations sur le “Troisième Règne” à venir, sur le “Règne de l’Esprit” débarrassé des pesanteurs anciennes, s’accompagnaient, dans l’Allemagne des premières années de la République de Weimar, par une volonté de lier le destin du pays à la Russie, fût-elle devenue soviétique. Lénine était d’ailleurs revenu de Suisse dans un wagon plombé avec la bénédiction du Kaiser et de l’état-major général des armées allemandes. Sans cette bénédiction, on n’aurait sans doute jamais entendu parler d’une Russie bolchevisée, tout au plus d’une pauvre Russie qui aurait sombré dans le chaos de la pusillanimité menchevik (cf. Soljénitsyne) ou serait revenue à un tsarisme affaibli, après la victoire des armées blanches, soutenues par l’Occident. Cette volonté de lier l’Allemagne vaincue à la nouvelle puissance de l’Est s’appelle, dans le langage des historiens et des politologues, l’“Ostideologie” ou le national-bolchevisme. L’Ostideologie n’est ni une idée neuve en Allemagne, et en particulier en Prusse, ni une idée dépassée aujourd’hui, les liens économiques de l’Allemagne de Schröder et de Merkel avec la Russie de Poutine attestant la pérennité de cette option, apparemment indéracinable. La permanence de cette volonté d’alliance prusso-russe depuis Frédéric II et depuis les accords de Tauroggen contre Napoléon I explique le succès que le “national-bolchevisme” a connu au début des années 20, y compris dans des cercles peu propices à applaudir à l’idéologie communiste. Depuis la Guerre de Sept Ans au 18ème siècle, depuis le retournement de la Prusse après le désastre napoléonien de la Bérézina, nous avons eu plus de 150 ans d’Ostpolitik: Willy Brandt, ancien des Brigades Internationales lors de la Guerre d’Espagne, la relance sur l’échiquier politique européen dès la fin des années 60, dès la fin de l’ère Adenauer et de la Doctrine Hallstein. Elle se poursuivra par les tandems Kohl/Gorbatchev et Schröder/Poutine, visant surtout des accords énergétiques, gaziers. La chute de Bismarck a mis un terme provisoire à l’alliance implicite entre l’Allemagne et la Russie tsariste, colonisée par les capitaux français. En 1917, la révolution russe reçoit le soutien de l’état-major allemand, puisqu’elle épargne à l’Allemagne une guerre sur deux fronts, tout en lui procurant un apport de matières premières russes. Seule l’intervention américaine a sauvé les Français et les Britanniques d’une défaite calamiteuse.

L’option pro-soviétique

En novembre 1918, les Soviets proposent d’envoyer deux trains de céréales pour rompre le blocus anglais qui affame les grandes villes allemandes. Les sociaux-démocrates, vieux ennemis de la Russie tsariste d’avant 1914, contre laquelle ils avaient voté les crédits de guerre, refusent cette proposition car, même après novembre 1918, ils demeurent toujours, envers et contre tout, des ennemis de la Russie, malgré qu’elle soit devenue bolchevique . Ils avancent pour argument que les Etats-Unis ont promis du blé pour tenir une année entière. Ce refus est un des faits les plus marquants qui ont suscité les clivages des premières années de Weimar: la gauche sociale-démocrate au pouvoir reste anti-russe et devient donc, dans un esprit de continuité et par le poids des habitudes, anti-bolchevique, tandis que la droite, divisée en plusieurs formations partisanes, adopte des positions favorables à la nouvelle Russie soviétique, sans pour autant soutenir les communistes allemands sur le plan intérieur. Lloyd George perçoit immédiatement le danger: la sociale-démocratie risque de perdre sa base électorale et la droite musclée risque bel et bien de concrétiser ses projets d’alliance avec les Soviets. Il demande à Clémenceau de modérer ses exigences et écrit: “The greatest danger that I see in the present situation, is that Germany may throw her lot with Bolshevism and place her resources, her brains, her vast organizing power at the disposal of the revolutionary fanatics whose dreams it is to conquer the world for Bolshevism by force of arms”. En dépit de cet appel britannique à la modération, Versailles, en juin 1919, consacre le triomphe de Clémenceau. D’où l’option pro-soviétique demeure le seul moyen de s’en sortir pour l’Allemagne vaincue.

Hugo Stinnes, pour le cartel industriel, les généraux von Seeckt et von Schleicher pour l’état-major, joueront cette carte. D’une part, les Britanniques avaient imposé un blocus de longue durée à l’Allemagne, provoquant une famine désastreuse et des centaines de milliers de morts. Après avoir infligé ce sort à l’Allemagne, les deux puissances occidentales de l’Entente l’appliquent ensuite à la Russie soviétique. Sous l’impulsion des élites industrielles et militaires, désormais russophiles, l’Allemage refuse de participer au blocus anti-soviétique. En juillet 1920, l’armée rouge entre en Pologne: les Allemands restent neutres et refusent qu’armes et appuis logistiques transitent par leur territoire. Les ouvriers du port de Dantzig se mettent en grève, privant la Pologne de tous approvisionnements. C’est à ce moment-là que l’on commence aussi à parler de “Dritte Kraft”, de “Troisième Force”: il ne s’agit alors nullement du KPD communiste ou d’éléments précurseurs de la NSDAP mais de la KAPD, une dissidence communiste et nationale, née à Hambourg en avril 1920 et dirigée par Lauffenberg et Wolfheim. Ce parti, somme toute groupusculaire, fera long feu mais sa courte existence donne naissance au vocable “national-bolchevisme”, vu qu’il avait essayé d’harmoniser en son sein éléments nationalistes et éléments communistes radicaux. Le “Solidarier” et membre du “Ring” Ernst Troeltsch, dans un article du 12 novembre 1920, résume la situation: “La pression de l’Entente détruit toutes les conditions de vie et radicalise les masses affamées; le succès du bolchevisme en Allemagne encourage l’Entente à cultiver d’autres projets de destruction, tant et si bien que les croisements idéologiques les plus étonnants verront le jour: une partie du monde ouvrier va devenir radicalement nationaliste et une partie de la bourgeoisie se fera bolchevique; quant aux adversaires les plus rabiques de l’Entente, ils se placeront aux côtés du capitalisme de l’Entente pour se sauver du bolchevisme et les adversaires les plus radicaux de la classe ouvrière se convertiront à une sorte de bolchevisme du désarroi”. Les repères habituels sont dès lors brouillés et les extrêmes se rejoignent, en dépit de ce qui les a différenciées (cf. Jean-Pierre Faye, qui a démontré qu’en de tels moments, “les extrémités du fer à cheval idéologico-politique se touchent”).

Rapallo

 

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Le résultat le plus tangible de ce national-bolchevisme diffus, partagé par les ouvriers de Hambourg comme par les généraux de l’état-major ou les dirigeants des gros cartels industriels de l’Allemagne, est le Traité de Rapallo (1922) signé entre Rathenau et Tchitchérine, inaugurant ainsi la phase évolutionnaire et non plus révolutionnaire du national-bolchevisme.

mvb10.jpgLes milieux déplomatiques le reprennent à leur compte sous la houlette du Comte Ulrich von Brockdorff-Rantzau, ancien ministre des affaires étrangères de la République de Weimar (cabinet Scheidemann), démissionnaire pour ne pas avoir à signer le Traité de Versailles, puis ambassadeur allemand à Moscou (en 1922). Avec deux autres diplomates, Rudolf Nadolny et Richard von Kühlmann, il avait mis au point la stratégie de “révolutionner” la Russie en 1917, pour que le Reich n’ait plus à lutter sur deux fronts. Les trois diplomates s’étaient assuré le concours du banquier Alexander Parvus, artisan financier de la révolution bolchevique (cf. Gerd Koenen, v. bibliographie). Malgré son passé d’artisan majeur de la prise du pouvoir par Lénine en Russie, von Brockdorff-Rantzau, aristocrate favorable à un régime populaire et démocratique, favorable aussi à des liens limités avec l’URSS, n’acceptera pas les clauses du Traité de Rapallo, jugé trop bénéfique aux Soviétiques. Il sera en revanche l’artisan du Traité de Berlin (cf. infra). De même, le principal soutien de Stadtler et de sa “Ligue anti-bolchevique”, Karl Helfferich, intriguera contre le Traité de Rapallo et contre Walther Rathenau, qui finira assassiné par des éléments issus des Corps Francs, dont l’écrivain Ernst von Salomon.

Débat: Radek, Moeller, Reventlow

En cessation de paiement, la République de Weimar doit accepter en 1923 l’occupation de la Ruhr par les troupes françaises et belges qui se paieront en nature pour honorer les réparations imposées à l’Allemagne par le Traité de Versailles. Les communistes s’insurgent contre cette occupation. Karl Radek prononce un discours contre les occupants, suite à l’exécution, par les Français, de l’officier nationaliste Albrecht Leo Schlageter, qui avait organisé des opérations de sabotage pour entraver la logistique des troupes d’occupation ou pour éliminer les séparatistes rhénans, stipendiés par Paris. Radek pose Schlageter comme une “victime des capitalistes de l’Entente”. Le Comte Ernst zu Reventlow, nationaliste, rédige même un article en faveur de Schlageter dans le journal communiste “Die Rote Fahne”. Pour répondre directement aux questions que lui avait posées Radek dans les colonnes de “Die Rote Fahne”, Moeller entre, à son tour, dans le débat, où nationalistes et communistes conjugueront leurs efforts pour mettre fin à l’occupation de la Ruhr. Il rédige trois articles dans “Gewissen”, en réponse à Radek. Il précise que sur le plan de la “politique spatiale”, de la “Raumpolitik”, les destins de l’Allemagne et de la Russie sont unis, inexorablement unis, mais il réfute le centralisme bolchevique et s’oppose à toute politique communiste visant à tout centraliser autour du PCUS.

Pour Arthur Moeller van den Bruck, l’URSS doit renoncer à son agitation en Allemagne, ne plus faire du communisme un instrument de subversion et laisser éclore et se développer un “socialisme allemand”, qui serait son allié et non son “clone”, se défaire d’un radicalisme inopérant sur le long terme (Gorbatchev!) et développer un socialisme véritablement démocratique. Moeller précise aussi que le prolétariat allemand peut certes être l’instrument d’une révolution aussi bien communiste que nationaliste, d’une révolution libératrice; toutefois, ce prolétariat, rappelle le Prof. Louis Dupeux en citant Moeller, forme bien sûr la “majorité arithmétique” de la nation mais il “n’est pas capable d’administrer la très complexe économie allemande”, bien différente et bien plus ancienne et diversifiée que l’économie russe. Pour Moeller, uniquement les “travailleurs intellectuels” peuvent remédier aux lacunes et aux insuffisances politiques du prolétariat parce qu’ils sont conscients des enjeux: les entrepreneurs allemands ne sont pas des capitalistes mais d’autres “travailleurs intellectuels” —différents des littérateurs et des philosophes aux regards plus perçants et dépositaires de la “longue mémoire”— car, contrairement à leurs homologues occidentaux, ils créent des valeurs (matérielles et exportables), ne sont pas des spéculateurs mais les administrateurs du génie productif des ingénieurs innovateurs, eux aussi expression du génie populaire. Géopolitiquement, l’Allemagne et la Russie, devenue bolchévique, sont liées par un “destin tellurique” —elles se procurent mutuellement une liberté de mouvement en politique étrangère— mais l’alliance potentielle et indéfectible entre les deux puissances ne peut se faire sous le signe du seul bolchevisme léniniste car celui-ci conduira au blocage de l’économie russe. Seulement aux conditions énoncées par Moeller dans “Gewissen” en réponse à Radek, une coopération entière et permanente est possible. Moeller garde donc une vision particulière, non bolchévique et véritablement “jungkonservativ” de la Russie, héritage direct de son mariage avec Lucie Kaerrick, de son travail de traducteur avec Less Kaerrick et de son amitié pour Merejkovski. Reste à constater que Moeller est prophète: la perestroïka de Gorbatchev et les accords Poutine/Schröder et Poutine/Merkel, bien analysés par le diplomate contemporain Alexander Rahr, sont autant de faits politiques et géopolitiques contemporains qui démontrent que le dialogue germano-russe est possible et fécond mais sans bolchevisme pétrifiant, avec toutefois un système russe plus dirigiste, non occidental, non influencé par le manchestérisme et la spéculation financière, et un système allemand, fidèle à ce que l’économiste français Michel Albert appelait le “capitalisme patrimonial rhénan”.

Jouvence russe et allemande

L’immersion profonde de Moeller dans l’univers romanesque de Dostoïevski le conduit à croire que la spiritualité russe est un ingrédient nécessaire à la renaissance allemande, idée partagée aussi par Eugen Diederichs qui avait fait traduire de nombreux auteurs russes et slaves. Cette spiritualité russe et dostoïevskienne, ainsi que l’apport de Merejkovski, est appelée à faire contre-poids à l’influence occidentale, qui distille dans l’Allemagne les idées délétères de la révolution française et du manchestérisme anglais. Cette spiritualité est aussi perçue comme un élément d’éternelle jouvence, comme un barrage sûr contre la sénescence à laquelle l’occidentalisme conduit les peuples (idée réactualisée par Edouard Limonov qui décrit l’Occident contemporain comme un “Grand Hospice”). Les Slaves —avec les idéologues panslavistes, qui se font les véhicules des idées lancées par Nikolaï Danilevski au 19ème siècle— se considèrent comme des peuples jeunes, parce qu’ils sont plus spiritualisés que les Occidentaux laïcisés et trop rationalisés, parce qu’ils ont une démographie plus prolifique. Immédiatement après la première guerre mondiale, Moeller van den Bruck mobilise l’idée de “peuple jeune” dans une polémique anti-française: la France est alors campée comme une “vieille nation”, à la démographie défaillante depuis plusieurs décennies, qui n’a pu vaincre l’Allemagne que parce qu’elle s’était alliée à deux peuples jeunes, les Américains et les Russes. Si l’Allemagne avait été alliée à la Russie, elle aurait incarné un principe de “plus grande jouvence” et les soldats allemands et russes, portés par l’élan putatif de leur jeunesse intrinsèque, se seraient promenés sur les Champs Elysées et sur la Canebière; un facteur de sénescence particulièrement dangereux pour l’Europe aurait été éliminé, pensaient Moeller van den Bruck et son entourage. Pour faire charnière entre l’idée russe d’une jouvence slave et l’injection (ou la ré-injection) d’idéologèmes de jouvence dans l’espace politique allemand, il faut raviver le “mythe prussien”, pense Moeller. La Prusse est effectivement un mélange d’ingrédients germaniques, vénètes (“wendisch”), slaves et baltes. Ce cocktail interethnique, réussi selon Moeller van den Bruck, doit devenir l’élément de base, l’élément essentiel, du futur Reich, et le territoire sur lequel il s’est constitué devenir son centre de gravitation historique, situé plus à l’Est, dans une région non soumise aux influences françaises et anglaises. L’esthétique visibilisée, l’urbanisme nouveau et l’architecture de prestige de l’Etat seront alors les signes de cette prussianisation de l’Allemagne: ils seront autant de réactualisations de l’esprit de l’architecture du classicisme prussien, des réactualisations à peine modifiées des oeuvres de Gilly, Schinckel,etc.

Dans le “Dictionnaire politique”, édité par le “Juni-Klub”, Max Hildebert Boehm écrivait: “La jeunesse de gauche et de droite trouve un terrain d’entente quand il s’agit de rejeter l’occidentalisme bourgeois et perçoit dans la contamination morale qu’irradie l’Occident vieillissant, surtout par le biais de l’américanisation, le pire des dangers pour la germanité. Contre les miasmes empoisonnés qui nous viennent de l’Occident, il nous faut constituer un front intellectuel contre l’Ouest...”. On notera ici que Boehm considère l’Amérique comme facteur de sénescence ou de contamination morale, alors que Moeller la considérait comme un élément de jouvence.

Nous avons surtout insisté, dans ce bref essai, sur trois aspects du livre le plus célèbre de Moeller van den Bruck, à défaut d’être le plus original et le plus profond: la définition du “Jungkonservativismus” (incompréhensible sans dresser le bilan des années littéraires de Moeller), le mythe du “Reich” (avec ses racines religieuses prophétiques) et l’“Ostideologie” (tributaire de Merejkovski et Dostoïevski).

En 1925, le Traité de Locarno instaure un modus vivendi avec l’Ouest: un certain rapprochement franco-allemand devient possible, sous la double impulsion de Briand et Stresemann. En 1926, le Traité de Berlin, signé entre la République de Weimar et l’URSS, reconduit bon nombre de clauses du Traité de Rapallo, cette fois flanqué d’un apaisement à l’Ouest par le truchement du Traité de Locarno. Le Traité de Berlin signale au monde que l’Allemagne entend encore et toujours coopérer avec l’Union Soviétique, sur les plans économique et militaire, en dépit d’un rapprochement avec l’Ouest et la SdN, que l’URSS avait voulu éviter à tout prix au début des années 20. Les Allemands, dans les clauses de ce Traité de Berlin, déclarent qu’ils resteront neutres —et non belligérants actifs aux côtés des Soviétiques— en cas de conflit entre l’URSS et une tierce puissance, en l’occurrence la Pologne, rendant de la sorte impossible toute intervention française dans le conflit en faveur de Varsovie. Simultanément, l’Allemagne des nationalistes espérait affaiblir la Pologne, allié de revers de la France. Quant à Stresemann, l’homme de Locarno avec Briand, il entendait plutôt “modérer” l’URSS, l’Allemagne, aux yeux de ce social-démocrate, devant servir d’interface entre l’Ouest et l’URSS, dans le but d’assurer paix et stabilité sur le continent européen. Le Traité de Berlin devait rester en vigueur pendant cinq ans: le gouvernement Brüning le prolongera pour cinq nouvelles années en 1931 mais l’URSS ne le ratifiera qu’en mai 1933, cinq mois après la prise de pouvoir par la NSDAP d’Hitler!

Modus vivendi en Europe

Les traités de Locarno et de Berlin instaurent de ce fait un modus vivendi en Europe, où plus aucune révolution régénérante —poussant les peuples, et le peuple allemand en particulier, vers un “Règne de l’Esprit”— n’est envisageable: le vieux monde est sauvé. Pour les activistes les plus audacieux, c’est la déception. Pour Moeller, en effet, la défaite de novembre 1918 avait été une aubaine: une victoire de l’Allemagne wilhelminienne ou une paix de compromis, comme le projet de “partie nulle” soutenu par le Pape Benoit XV, aurait maintenu le Reich dans une misère intellectuelle similaire à celle du wilhelminisme que brocardaient les “cabaretistes” autour de Wedekind et Wolzogen. La révolution esthétique et politique, rêvée par Moeller, n’était plus possible. La défaite et le marasme, dans lequel l’Allemagne avait été plongée depuis la défaite et Versailles, rendaient plausible la perspective d’un grand bouleversement salutaire, capable de faire advenir le “Troisième Règne de l’Esprit”. Rien d’aussi glorieux n’était plus envisageable sous les clauses des nouveaux traités et, pire, sous les conditions du Plan Dawes de refinancer l’Allemagne par des capitaux américains. L’ère des masses sans conscience s’annonçait, obligeant les “nationaux-révolutionnaires”, qui avaient tous espéré le déchaînement proche d’une révolution purificatrice, à quitter la scène politique, à abandonner tout espoir en l’utilité révolutionnaire des petites phalanges ultra-politisées de “cerveaux hardis”: le retrait d’Ernst Jünger étant, après la mort de Moeller, le plus emblématique; surtout, Ernst Jünger et son frère Friedrich-Georg Jünger sont ceux qui nous laissent les témoignagnes littéraires les plus complets de cette époque où l’on attendait une révolution régénérante. Pour Jünger, dorénavant, l’écriture est la seule forme possible de résistance contre l’avancée arasante de la modernité. Le Règne de Cham pouvait alors commencer, sous des formes multiples, utilisant les élans de l’âme à mauvais escient, étouffant cette “Glut”, signe de jouvence évoqué maintes fois par Moeller, soit cette incandescence des âmes fortes, des âmes qui brûlent. Cham nous a menés tout droit à l’étouffoir dans lequel nous survivons péniblement aujourd’hui. Voilà pourquoi, pour vivre au milieu des ruines, il faut se rappeler l’itinéraire si riche d’Arthur Moeller van den Bruck et raviver sans cesse les flammèches allumées jadis par les auteurs et les activistes qu’il a côtoyés, afin de ne pas se laisser submerger par les fadaises de notre époque, la plus triviale que l’histoire européenne ait jamais connue, celle d’une “Smuta”, dont on ne perçoit pas encore la fin, afin aussi d’être les premiers lorsque prendra fin cette ère de déclin.

Robert STEUCKERS.

Fait à Forest-Flotzenberg, Fessevillers et Genève, de février à septembre 2013.

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-          Volker WEISS, Moderne Antimoderne – Arthur Moeller van den Bruck und der Wandel des Konservatismus, F. Schöningh, Paderborn, 2012.

 

Über Othmar Spann

spann1123.jpgÜber Othmar Spann

von Michael Rieger

Ex: http://www.sezession.de

Als »Nazi« verdammt, darf der Wiener Nationalökonom und Sozialphilosoph Othmar Spann (1878–1950) als aus der Geistesgeschichte getilgt gelten. Otto Neurath – Positivist, Austromarxist – ließ 1944 keine Zweifel: Sicher sei Spann ein Nazi.

Seine Mißhandlung durch die Gestapo wie das Lehrverbot könnten nur das Ergebnis einer »Abweichung« sein, schließlich hätte Spann einen »nationalen Totalitarismus« gepredigt, »schlicht und einfach«. Schlicht und einfach liegen die Dinge selten und bei Spann, der »in der Spur Schellings … inmitten der Moderne … den Universalismus und Theozentrismus des christlichen Denkens zu rekonstituieren« suchte (Ernst Nolte), schon gar nicht. Man darf sogar von einer unverminderten Bedeutung dieses »zu Unrecht Vergessenen« (Kurt Hübner) sprechen.

Doch Schnittmengen bleiben: Die Bücherverbrennung war Spann »ein Ruhmesblatt der nationalsozialistischen Umwälzung«; die deutschen Juden wollte er in Ghettos sehen. Aber er verurteilte den biologistisch-rassistischen Charakter der »NS-Judenpolitik«, um deren fatalen Kurs durch eine naive wie mutige Intervention zu verändern – im September 1935, lange nach dem »Röhm-Putsch« und kurz nach den »Nürnberger Gesetzen«, einer der letzten Versuche konservativ-revolutionärer Selbstbehauptung. »Schlicht und einfach«?

Am 23. Februar 1929 kritisierte Spann die »unwürdigen« NS-Aufmärsche, was dem im Münchner Audimax anwesenden Adolf Hitler nicht eben gefiel. Am 9. Juni 1933 erteilte der Wiener Professor der Confederazione Nazionale Fascista del Commercio Nachhilfe: Seit 1929 praktizierte man in Rom staatlichen Dirigismus, Spann warb für das Gegenteil, eine ständisch-dezentralisierte Wirtschaft. Ähnliche Kritik hielt er, vom Hitler-Förderer Fritz Thyssen unterstützt, auch für das Deutsche Reich parat, dabei der Fehleinschätzung erlegen, die Entwicklung mitprägen zu können. Als man den Spann-Kreis 1938 eine »Gefahr für die gesamtdeutsche Entwicklung« nannte, wußten Hitler und Rosenberg längst um die Unverträglichkeit ihrer totalitären Ansprüche mit Spanns Ganzheitslehre. Es gilt Gerd-Klaus Kaltenbrunners Klage über die wohlfeile Sicht auf Spann, den »liberale Flachköpfe und sozialistische Schreihälse für einen ›Faschisten‹ ausgeben dürfen«.

Sachlichere Töne kamen von Katholiken. Gustav Gundlachs Einwand, Spann vernachlässige die Person, klingt bis heute im Lexikon für Theologie und Kirche nach: Obschon in katholischer Mystik gründend, sich gegen Mechanismus und Marxismus wendend, werde Spanns Philosophie »der Wirklichkeit des Menschen« nicht gerecht, da sie sich »auf ein abstraktes Ganzes« konzentriere. Vor allem aber hielt ein Kreis von Wissenschaftlern die Erinnerung wach: Initiiert von Spanns bedeutendstem Schüler, Walter Heinrich, arbeitete man im Umfeld der Zeitschrift für Ganzheitsforschung (1957–2008) das umfangreiche Werk auf, vernetzte es mit anderen Denktraditionen. Über Schüler und Enkelschüler (Baxa, Riehl, Pichler, Romig) läßt sich eine Linie ziehen bis zur jüngsten Monographie von Sebastian Maaß, die Spann als »Ideengeber der Konservativen Revolution« würdigt.

Armin Mohler betonte, daß der Spann-Kreis der Konservativen Revolution »das durchgearbeitetste Denksystem geliefert« habe. Doch nicht an diesem imposanten Bau aus Gesellschaftslehre (1914), volkswirtschaftlichen Standardwerken, Kategorienlehre (1924), Geschichtsphilosophie (1932), Naturphilosophie (1937) und abschließender Religionsphilosophie (1947) entzündete sich der Antifa-Furor, sondern an den politischen Implikationen, an Spanns Generalkritik des Individualismus und der Demokratie, nachzulesen in seinem bekanntesten Werk Der wahre Staat (1921).

Die historische Entwicklung seit dem Humanismus wertet Spann als Austreibung alles Höheren, als Weg in Atomisierung und Materialismus: Wo der Mensch »nur aus sich selbst heraus lebt«, übt er Sittlichkeit und Pflicht sich selbst, »aber nicht dem anderen gegenüber«. Es ist eine asoziale Welt triebgesteuerter Atome ohne Verantwortlichkeit und Rückbindung. Diesem Auflösungsprozeß begegnet Spann zunächst anthropologisch: Das autarke Ich sei eine »knabenhafte Anmaßung«, der einzelne werde nur durch »Zugehören«, »Mitdabeisein eines anderen Geistes« gleichsam »wachgeküßt«.

Gegen die hybride individualistische Erkenntnistheorie denkt Spann vom Ganzen her, da »alles mit allem verwandt, alles an alles geknüpft ist«. Das Ganze gehe den Gliedern voraus, »offenbart« sich in ihnen. Von diesem Perspektivwechsel erhofft er eine »vollständige Umkehr« im Verhältnis des Menschen zu Welt und Gesellschaft, die nicht mehr als Summe gleicher Einzelkämpfer erscheint, sondern als verwobene, abgestufte Wirklichkeit. Hier nun bricht Spann, politisch höchst unkorrekt, mit dem Gleichheitsbegriff: Zwar besäßen »der Verbrecher wie der Heilige … einen unverletzlichen Kern ›Mensch‹! Niemals aber heißt dies: Sie seien gleiche Menschen«. Während die Menschenwürde »gewiß nicht angetastet werden darf«, rekurriert Spann auf eine »organische Ungleichheit«, die aus dem »inneren Verrichtungsplane« des Ganzen hervorgehe. Die Ungleichheit der Menschen, die jeweils nach geistigen Grundinhalten Gemeinschaften bilden (Demokraten, Katholiken, Facharbeiter, Vegetarier, Sportler …), schaffe eine »maßlose Zerklüftung«: »Der Bestand der Gesellschaft … wäre gefährdet, wenn die kleinen, einander fremden Gemeinschaften« in dieser »Zusammenhanglosigkeit« verblieben. Also bedarf es einer Integration, einer Rangordnung und »organischen Schichtung nach Werten«, die nur qua Herrschaft Form gewinnt.

Mittelalterliche und romantische Ordnungsmuster aktualisierend, faßt Spann die gesellschaftlichen Glieder als Hierarchie von Ständen: von den Handarbeitern über die höheren Arbeiter zu den »Wirtschaftsführern«; darüber bestimmt Spann einen Stand von Staats-, Heer-, Kirchen- und Erziehungsführern und zuletzt einen zielgebenden »schöpferischen Lehrstand«. Da alle aufeinander angewiesen sind, der Soziologe auf den Schreiner, der auf den Förster, der wiederum auf den Priester, besteht eine »gleiche Wichtigkeit für die Erreichung des Zieles«: Stabilität, soziale Harmonie, Gerechtigkeit. Welche darin liegt, daß jeder in der ihm gemäßen Stellung im Ganzen sein »Lebenshöchstmaß« realisiere, als sinnvolles Glied einer Gemeinschaft und, berufsständisch organisiert, einer Korporation. Dieses natürliche, dynamische Gefüge, mitnichten die Erstarrung in »Geburtsadel oder Geburtsuntertänigkeit«, ist Spanns Gegenbild zur linken Einheitsschablone wie auch zur machiavellistischen »Kampfeswirtschaft« des Kapitalismus.

Da mit der Auflösung der Stände in der Neuzeit »weder das Phänomen des differierenden sozialen Status, noch der Bedarf an ›erzogenen Führern‹ verschwindet«, so Mohammed Rassem, stellt Spann in einer »Gegenrenaissance« – gegen die Verabsolutierung liberaler Werte – ein traditionelles Ordnungsgesetz neu her. Politisch gewendet: Aus dem (potentiell veränderlichen) Standort in der Gliederung, aus der »Lebensaufgabe« und Leistung für die Gesellschaft ergeben sich der jeweilige Ort und Grad der »Mitregierung«. So will Spann, gestützt auf die Selbstverwaltung der Stände und das fundamentale Prinzip der Subsidiarität, die defizitären demokratischen Mechanismen überwinden, wobei die Staatsführer einen übergreifenden »Höchststand« bilden, eine sachverständige, »staatsgestaltende« Elite. Überzeugt, daß man »Stimmen nicht zählen, sondern wägen« solle, forderte er, die Besten mögen herrschen: Mehrheiten assoziierte Spann mit Wankelmut, Inkompetenz, Einheitsbrei, kurz: mit »demokratischem Kulturtod«, ja »Kulturpest«, wie der »alle Überlieferung, alle Bildung« zerschlagende Bolschewismus zeige.

Von einiger Sprengkraft ist Spanns Begriff der Wirtschaft. Dem »Bereich des Handelns« angehörend, liege ihr Wesen darin, »Mittel für Ziele zu sein«. Sie sei »dienend, nicht eigentlich primär«, worunter Spann allein »ein Geistiges« verstand. »Handeln kann ich nur, um einem Ziele zu dienen, … z.B. um eine Kirche zu bauen.« An höhere Ziele gebunden, bilde die Wirtschaft »keinen selbsttätigen Mechanismus mehr«, ein Primat komme ihr nicht zu. In der ständischen Ordnung sei auch Privateigentum »der Sache nach« Gemeineigentum. Mit dieser »Zurückdrängung« der Ökonomie reagierte Spann auf die »Verwirtschaftlichung des Lebens«, die der alles verwertende Kapitalismus so rücksichtslos betrieben hat wie der alles auf ökonomische Kategorien reduzierende Marxismus.

Doch die Geschichte hat Spanns Begriff einer dienenden Wirtschaft auf den Kopf gestellt. Im Rahmen einer globalen Amerikanisierung erweisen sich die politischen Akteure als Erfüllungsgehilfen der Wirtschaft. Bei Staatsbesuchen werden wie selbstverständlich Verträge für die mitreisende Großindustrie angebahnt; Entscheidungen zugunsten partikularer Interessen gelten als »alternativlos«; subsidiäre Strukturen werden leichthin preisgegeben; »Flexibilität« und »Mobilität« bemänteln die Entwurzelung der Arbeitnehmer … Nicht die Wirtschaft dient der Gesellschaft, vielmehr assistiert die Politik der Wirtschaft bei der Indienstnahme der Gesellschaft. Aktuell illustrieren Finanzkrise und Euro-Misere, wie von Spanns Enkelschüler Friedrich Romig analysiert, die strukturelle Verantwortungslosigkeit dieses Verhältnisses: Wirtschaftliches Handeln ist nicht höheren Zielen, etwa der Stabilität, sondern nur kurzfristigen Profiten verpflichtet. Verluste aus Spekulationen werden, jeden Begriff von Gerechtigkeit negierend, auf die Gemeinschaft abgewälzt. In Europa zeichnet sich eine gleichmacherische Schuldenunion ab, vermittels derer die Schuldenberge in jenen Ländern anwachsen, die nicht für diese Entwicklung verantwortlich sind. In der »hastigen Unruhe« ist der einzelne nicht »aufgehoben«, sondern seinen Zukunftsängsten überlassen. Die Inkompetenz der Politik spiegelt die Hilflosigkeit des Staates, dessen Souveränität dahin ist. Vor genau achtzig Jahren hat Walter Heinrich dieses Szenario antizipiert: »Die zum Selbstzweck gewordene Wirtschaft bedeutet Verfall des Staates und der Kultur. … Der Staat, der die Führung verloren hat, hört auf Staat zu sein«. Und das geistige Leben verkommt – um mit Spann zu sprechen – vollends zur »Krämerbude«.

In Spanns Alternative liegen hingegen grundsätzliche Umwertungen beschlosen: Als »Organ einer genossenschaftlichen Ganzheit« werde der einzelne in seinem wirtschaftlichen Handeln eingeschränkt, woraus ein relatives »Stillstehen des technischen Fortschrittes« folge. Die »ungehemmt vorwärts strebende Entfaltung der produktiven Kräfte« werde beschränkt. »Der Mensch ist nicht mehr derselbe. Wer das Äußere bändigt und bindet, kann es nicht zugleich ins Unbegrenzte« entwickeln. Denn »auf Innerlichkeit und auf Bindung der Wirtschaft« hinzusteuern, heißt zugleich, »daß wir ärmer werden!« Die übliche Kritik an der Trägheit der Stände übersieht stets, wie sehr sich in den Momenten der Bescheidung, Verlangsamung und Langfristigkeit eine neue Sittlichkeit, ein antisäkulares Ethos ausdrückt.

Das Ziel dieser Ordnung läßt sich über die irdische Gerechtigkeit hinaus in einer übersinnlichen Dimension fassen: Spanns Konzeption macht die Rückverbundenheit aller Glieder sichtbar, zuletzt ihre Vermittlung zwischen Welt und kosmischer, göttlicher Ordnung. Es geht darum, den verlorenen Blick fürs Ganze wiederzugewinnen.

 


 

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lundi, 23 septembre 2013

L’etno-nazionalismo e l’ideologia völkisch

L’etno-nazionalismo e l’ideologia völkisch

Federico Prati
 
Ex: http://walseruradel.blogspot.com

 

doc23.jpgCome già scritto, l’etnonazionalismo si rifà al federalismo etnico, forma modernizzata del nazionalismo etnico e dell’ideologia völkisch. Tale ideologia assegna la priorità alla tutela del Volk, inteso come comunità di Sangue e Suolo. L’etnicità costituisce per noi etnonazionalisti il criterio fondante della nazione, che prende corpo attraverso la forza del Sangue. Il singolo individuo è subordinato al volere della Volksgemeinschaft, della comunità etnica. Nella visione etnonazionalista la mappa geopolitica dell’Europa deve essere ridisegnata, attraverso la nascita di una Federazione europea etnica, costituita da Regioni-Stato, etnicamente omogenee. Ecco perché nel nostro edificio etnocentrico non vi è posto per lo Stato nazionale etnicamente eterogeneo.
Il pensiero etnonazionalista si rifà ad una concezione oggettiva della nazione, che corrisponde al Volk della tradizione di Herder, Fichte e M.H. Boehm.

 

Bisogna sostituire gli Stati nazionali etnicamente pluralisti, e quindi ingiusti, con un insieme d’unità etnicamente omogenee. Lo Stato nazionale di matrice massonica e giacobina è il nemico in quanto si è storicamente sviluppato come realtà istituzionale etnicamente eterogenea, che non fonda i diritti di cittadinanza sull’appartenenza etnica! Dunque un indispensabile criterio per comprendere l’etnonazionalismo deve essere la conoscenza del pensiero völkisch, che si sviluppò in Germania e nelle università tedesche tra gli anni ’20 e ’30. Il pensiero völkisch nasceva da un profondo Kulturpessimismus presente in alcuni strati della società tedesca e si concretizzava in un’avversione per gli aspetti materialistici della moderna società industriale.

Antiindustrialismo e antiurbanesimo, anticapitalismo e antiliberismo, coniugate ad una volontà di ritornare all’Ahnenerbe, all’eredità degli Avi: sono queste alcune delle facce con cui tale pensiero si mostrava, e proprio nel pensiero völkisch questi aspetti s’intrecciavano indissolubilmente. L’aggettivo völkisch sarebbe stato introdotto, secondo il germanista von Pfister, nel 1875 in sostituzione alla parola “national”. Il pensiero völkisch, che aveva le sue radici profonde nel periodo delle guerre napoleoniche ed in istanze romantiche, nasceva da un senso di frustrazione rispetto ad un’unificazione compiuta sotto l’egida prussiana e ad una scissione confessionale del paese, per recuperare un’identità etnonazionale più profonda e genuina, che si basasse sullo spirito popolare. Germanesimo ed antropologia razziale, antimodernismo e biologismo sono alcune delle facce che caratterizzano il pensiero völkisch. Un legame di popolo a livello biologico attraverso il Sangue e la Razza ed un mitico radicamento nel Suolo dell’Heimat, nell’idioma e negli usi e costumi trasmessi dalla Tradizione rappresentano il pensiero völkisch.

Doc-120d.jpgLa forza di tale pensiero risiede proprio nella profonda carica emotiva e passionale che era (è) capace di trasmettere. Dunque la teoria völkisch, termine che in italiano si traduce in “etnonazionale”, sostiene la prevalenza di una concezione della cittadinanza che contrappone “das Volk” a “the people”, e fa sì che in Germania si sia applicato lo jus sanguinis, il diritto del Sangue: cittadino tedesco era solo chi discendeva da genitori tedeschi, parlava tedesco e propagava la cultura tedesca. Per noi etnonazionalisti lo jus sanguinis è un punto fermo, irrinunciabile.
Un extraeuropeo che lavora da 30 anni in una delle comunità etnonazionali che costituiscono la Padania (ad esempio il Veneto) non sarà mai un cittadino Veneto, dal momento che conserva le sue racines, la sua cultura allogena, la sua lingua. Il diritto di cittadinanza, a nostro avviso, dovrà spettare, infatti, solo a chi appartiene alla comunità etnica, cioè, ad esempio in Veneto, è cittadino chi è Veneto di sangue.

The people significa invece jus soli, diritto del suolo: la cittadinanza si acquisisce semplicemente risiedendo in un posto, e questa è la concezione tipica dello stato nazionale multietnico e giacobino-massone nato dalla Rivoluzione Francese. È proprio in nome del diritto alla differenza culturale e del diritto all’identità etnica che attualmente noi propugniamo un’etnoconfederazione. La nostra teoria völkisch etnonazionalista pone un’importanza speciale sulla supremazia della nazione rispetto all’individuo: per noi etnonazionalisti Razze, Etnie, Stirpi, Nazioni sono le categorie umane fondamentali, rifiutiamo categoricamente il concetto che le popolazioni siano flessibili e mutevoli, senza correlazione fra caratteristiche fisiche e culturali. Vi sono sicuramente analogie di pensiero tra alcuni esponenti della Nuova Destra (es.: Guillame Faye, Robert Steuckers,…) e noi etnonazionalisti völkisch, tali analogie si possono individuare nelle seguenti idee-guida:
  • Il federalismo basato sul criterio etnico quale elemento costitutivo di un nuovo ordine europeo (“L’Europa delle comunità etnonazionali e delle Stirpi”), in cui alla disintegrazione degli Stati nazionali etnicamente eterogenei corrisponda la nascita di una federazione di Stati regionali etnicamente omogenei; il federalismo quale forma istituzionale che consenta l’esercizio del diritto all’autodeterminazione;
  • La richiesta di una nuova mappa politica dell’Europa, con la modifica degli odierni confini, da noi considerati artificiali;
  • La priorità assegnata ai diritti collettivi, di gruppo, rispetto ai diritti fondamentali dell’individuo; l’avversione verso l’universalismo;
  • Il rigetto della società multiculturale, considerata fonte di conflitti interetnici, la teorizzazione di forme del pensiero differenzialista;
  • L’esaltazione di comunità naturali e omogenee contrapposte all’idea di nazione nata dalla rivoluzione francese;
  • La relativizzazione della democrazia liberale, che necessita di correttivi etnici.
doc789.jpgNostro punto di riferimento culturale sono:
  • Intereg (Internationales Institut fur Nationalitatenrecht und Regionalismus, ossia Istituto Internazionale per il diritto dei gruppi etnici e il regionalismo). Finanziato attraverso la Bayerische Landeszentrale fur Politische Bildungsarbeit (ente centrale bavarese di istruzione politica), fino alla sua scomparsa è sostenuto caldamente da Franz Joseph Strauss. Nella dichiarazione istitutiva dell’Intereg si precisa l’obbiettivo di una “relativizzazione degli stati nazionali”, al fine di conseguire “l’affermazione di un diritto dei gruppi etnici e dei princìpi dell’autodeterminazione e dell’autonoma stabilità delle regioni”.
  • BdV (Bund der Vertriebenen), è l’associazione regionale dei tedeschi espulsi dopo il 1945 dai territori orientali del Terzo Reich. BdV nasce grazie al land della Baviera e su iniziativa dei profughi dei Sudeti, la regione popolata da tedeschi grazie a cui Hitler invase la Cecoslovacchia. Il BdV non riconosce gli attuali confini della Germania.
  • SL: (Sudetendeutsche Landsmannschaft), è la lega dei profughi dei Sudeti
  • Fuev (Federalistiche Union Europaischer Volksgruppen), Unione federalista delle comunità etniche in Europa. Per gruppo etnico, secondo la Fuev, si intende una comunità che si definisce “attraverso caratteri che vuole mantenere come la propria etnia, lingua, cultura e storia”. Dopo la caduta del muro di Berlino e dell’Urss, tre milioni di cittadini di origine tedesca sono presenti negli stati post sovietici, per cui Bonn, dopo il 1989, ha iniziato a finanziare la Fuev.
  • VdA: (Verein fur das Deutschtum in Ausland), associazione per la germanicità all’estero.
  • Guy Héraud: coeditore di “Europa Etnica”, organo ufficiale della Fuev e di Intereg, figura nel comitè de patronage della “Nouvelle Ecole”, la rivista della nuova Destra francese. È il padre del federalismo etnico, la dottrina istituzionale che presenta le “Piccole Patrie”, nate dalla secessione dallo Stato nazionale multietnico, come l’estremo bastione contro la globalizzazione e l’invasione allogena. “Padre spirituale” del nazionalismo etnico è R.W. Darré e il suo testo, fondamentale per ogni etnonazionalista, è Neuadel aus Blut un Boden (Ed. italiana: Edizioni di Ar, Padova 1978): l’indissolubile binomio di “sangue e suolo” esprimeva la carica fortemente etnonazionalista e biologista del pensiero ruralistico di Darré. L’uomo, considerato innanzi tutto nella dimensione biologica di portatore e custode nel suo sangue di un prezioso patrimonio genetico, doveva realizzare la sua esistenza attraverso un’intima fusione con la terra.
doc92732.jpgEgli doveva “come la pianta mettere radici nel suolo per prendere parte alla forza primigenia, eternamente rinnovantesi della terra”. “Vogliamo far diventare di nuovo il sangue e il suolo il fondamento di una politica agraria tedesca chiamata a far risorgere il “contadinato” e con ciò superare le idee del 1789, cioè le idee del liberalismo. Perché le idee del 1789 rappresentano una Weltanschauung che nega la razza, l’adesione al contadinato invece è il nucleo centrale di una Weltanschauung che riconosce il concetto di razza. Intorno al contadinato si scindono gli spiriti del liberalismo da quelli del pensiero völkisch”. Tra i molti importanti esponenti del pensiero völkisch vi furono: Julius Langbehn (Rembrandt als Erzieher), Paul de Lagarde (Deutsche Schriften), il movimento dei Wandervoegel, W. Schwaner (Aus heiligen Schriften germanischer Völker), Hermann Ahlwardt (Der Verzweiflungskampf der arischen Völker mit dem Judentum), Artur Dinter (Die Sünde wider das Blut), H.F.K. Guenther (Rassenkunde des deutschen Volkes, Rassenkunde Europas, Rassengeschichte des hellenischen und des römischen Volkes), Friederich Naumann, Alfons Stoecker e infine Georg Ritter von Schönerer.
Nostro dovere di etnonazionalisti è, quindi, prima di tutto quello di far riscoprire a tutti i Popoli Padano-Alpini ed agli Europei l’appartenenza alle proprie millenarie comunità di sangue, di suolo, di destino e di storia: comunità che da sempre hanno costituito quella più grande comunità di popoli che è oggi la Padania.

Dire Padania, significa per noi evocare subito una molteplicità d’immagini e di concetti diversi. Primo fra tutti un concetto geografico: la Padania è una terra. Ma subito dopo un concetto d’ordine etnico: la Padania è, infatti, un insieme di popoli affini per comuni radici di sangue e di tradizioni. Ancora, un concetto d’ordine storico: la Padania è il risultato di millenni di vicende storiche specifiche, è il prodotto della vita fisica e spirituale, delle attività delle genti che l’hanno abitata. E infine un concetto d’ordine ideale: la Padania è un insieme di civiltà. Non è dunque possibile pensare la Padania senza avere ben presenti questi quattro momenti fondamentali della sua identità: la Padania come Terra, la Padania come Sangue, ovvero come l’insieme di numerose comunità etniche, la Padania come Memoria storica, la Padania come Civiltà. Noi rappresentiamo quelle Heimaten, quelle Stirpi che esistono da millenni e non un’artificiosa costruzione massonica e giacobina come lo stato italiano, noi siamo quella Terra di Mezzo che da sempre è il cuore pulsante della Mitteleuropa.

Il concetto di sangue e suolo non è certo astratto e trova un riscontro materiale nelle mappature genetiche italiane, che dimostrano in maniera scientifica come non esista in termini etnici un popolo italiano e come gli antichi popoli preromani siano ancora oggi presenti con i loro geni. Anche linguisticamente le differenze sono nette e parlare di dialetti è un eufemismo non supportato da riscontri scientifici. Non si può inoltre confondere la razza con l’etnia, ragion per cui gli Europei autoctoni sono razzialmente omogenei ed etnicamente divisi. Il Sacro Romano Impero della Nazione Germanica, unendo nella diversità rimane l’esempio più alto di un’Europa forte, libera e rispettosa delle tante patrie che la compongono.

Detto questo riteniamo comunque che di fronte al pericolo immediato e mortale per l’intera Civiltà europea di un’immigrazione che è un’autentica invasione, sia oggi più importante ricercare i valori della comune Tradizione europea ed unire le forze per salvare il salvabile. Lo stato italiano è condannabile in quanto giacobino e perciò centralista e mondialista e nemico delle etnie che lo compongono. Un’etnofederazione basata sui valori della nostra Tradizione potrebbe essere un passo fondamentale verso la costruzione della Padania e dell’Europa che sognamo.

La battaglia è appena iniziata: siamo noi, tutti noi Popoli Padano-Alpini ed Europei che dobbiamo alzare il grido di battaglia, serrare i ranghi, e inondare le piazze di questa Terra antica dal nuovo destino. Inondarla delle nostre millenarie bandiere di libertà! E soprattutto noi etnonazionalisti dobbiamo restare uniti e legati come lo sono gli alberi di una stessa foresta, le onde di uno stesso fiume, le gocce di uno stesso sangue. Allora sarà veramente impossibile fermarci! Forza dunque: Padania, Europa in piedi!

Federico Prati

L’etno-nazionalismo e l’ideologia völkisch

vendredi, 13 septembre 2013

La morte per Jünger: l’inizio di un qualcosa

La morte per Jünger: l’inizio di un qualcosa

 

di Luigi Iannone

Ex: http://www.azionetradizionale.com

La grandezza di Ernst Jünger sta nell’aver conosciuto e intellettualmente dominato il moderno carattere faustiano della tecnica, gli scenari di crisi aperti dai totalitarismi e di aver intuito l’accelerazione del tempo. E, infatti, in Italia, la sua recezione si snoda attraverso una mole enorme di saggi scientifici che ne scandagliano in profondità questi aspetti. La biografia scritta da Heimo Schwilk (Ernst Junger. Una vita lunga un secolo, Effatà editrice, pp.720), amico personale di Jünger, è la prima nel nostro Paese e quindi apre finalmente una prospettiva completamente nuova integrando i temi della produzione saggistica con le vicende private.

Come era la giornata tipo di Jünger?

«Non era uno scrittore disciplinato, faceva quello che in quel momento gli passava per la mente. Sulla scrivania c’erano sempre più progetti in contemporanea, lettere, manoscritti, su due o tre livelli, e sempre tantissimi insetti. Ma si faceva facilmente distogliere dal lavoro. Bastava si presentasse una persona interessante per indurlo ad alzarsi e a dedicarsi ad essa. E poi amava moltissimo la televisione e guardava i telefilm del Tenente Colombo

Commentava le lotte partitiche degli anni ottanta?

«Aveva un distacco totale. Quando il cancelliere Helmut Schmidt perse le elezioni e Helmut Kohl divenne cancelliere, il suo commento fu laconico: “Un Helmut va, un Helmut viene”. Kohl ha cercato molto la vicinanza di Jünger, perché riteneva che la cosa gli desse prestigio, per cui andava spesso a trovarlo. Io gli chiesi: “Come mai viene così spesso?” Lui mi rispose: “Adesso basta, la mia capacità di averlo vicino è arrivata al limite”.»

In privato che giudizio dava di Kohl, Mitterand e Gonzalez?

«Kohl non era un intenditore di letteratura né un conoscitore dell’opera jüngeriana. Discorreva soprattutto della sua storia personale e Jünger ascoltava senza essere coinvolto. Quando intervenne al novantesimo compleanno di Jünger, quest’ultimo aveva appena pubblicato Un incontro pericoloso; nella dedica ironicamente gli scrisse: “Dopo un incontro non pericoloso”. Con Mitterand il dialogo era facilitato dal fatto che il Presidente francese aveva una profonda conoscenza della sua opera e nel suo staff personale c’era anche un traduttore dei libri di Jünger. González era invece un intenditore di botanica e quindi si trovavano in sintonia su questo tema.»

Il crollo del Muro lo colpì enormemente.

«“Sono molto felice che la Germania è stata riunificata”, fu il suo primo commento. Poi fece una pausa e aggiunse: “Ma ne manca ancora un terzo”, riferendosi ai territori ancora oggi parte di Polonia e Russia.»

Ha mai parlato del fatto di non aver ricevuto il Premio Nobel?

«Con me non ha mai parlato del Nobel, ma io so che l’ambasciatore Dufner, profondo conoscitore di Jünger, si era rivolto al governo tedesco affinché lo proponesse al comitato del Nobel; la risposta fu che rischiava di non essere accettato e questo sarebbe stato negativo per la sua reputazione. Fu una scusa. Comunque è nella Bibliothèque de la Pléiade dell’editore Gallimard. E lì ci sono soltanto tre tedeschi: Kafka, Brecht e Jünger.»

Come affrontò la morte?

«Ne parlava dicendo che la morte era per lui una grande curiosità. La stava aspettando perché la considerava l’inizio di un qualcosa. Aveva fatto una collezione delle ultime parole di molte persone che stavano per morire, perché voleva capire cosa si provasse di fronte alla morte. Ma la sua morte non è stata spettacolare; è morto in ospedale, anche se avevano già comprato un letto speciale per poterlo accudire a casa. Ho chiesto alla moglie se avesse detto un’ultima frase e mi ha risposto che il giorno prima aveva parlato tantissimo, ma al momento di lasciare questa vita è rimasto muto, impenetrabile. L’ultimo anno godeva di buona salute, ma la sua scrivania era praticamente vuota, non faceva quasi più niente: “Dopo cent’anni”, disse, “è stato detto abbastanza”. »

Può chiarirci le idee sulla questione della conversione?

«Jünger aveva sempre avuto una predisposizione favorevole verso il cattolicesimo, specie perché la madre, bavarese, era cattolica mentre il padre era protestante. Insomma, era come vivere un ecumenismo familiare che gli aveva dato una grande apertura su questi temi. Negli anni Venti gli piaceva molto il cattolicesimo perché era una religione combattiva, difensiva di norme certe, mentre da parte dei protestanti vedeva un abbandono di queste posizioni che avrebbe poi portato a quelli che definiva due grandi tradimenti: quello dei Deutsche Christen, schierati con il nazismo e quello della Kirche im Sozialismus integrata nel sistema comunista. Ammirava tantissimo i Gesuiti e il loro stile di vita e negli ultimi anni, viveva non lontano da casa sua un prete polacco che aveva combattuto il comunismo ed era stato vicino a Karol Wojtyła. Questo fatto lo attirava non poco. Si è convertito a 101 anni dicendo: “Adesso è venuto il momento di tornare nel luogo a me familiare, il cattolicesimo che ho conosciuto da mia madre”.»

 Fonte: Il Borghese- Agosto, Settembre 2013

jeudi, 12 septembre 2013

Ernst Jünger: The Resolute Life of an Anarch

ernst_juenger_1935.jpg

Ernst Jünger: The Resolute Life of an Anarch 8

by Keith Preston

Ex: http://www.attackthesystem.com

Perhaps the most interesting, poignant and, possibly, threatening  type of writer and thinker is the one who not only defies conventional categorizations of thought but also offers a deeply penetrating critique of those illusions many hold to be the most sacred. Ernst Junger (1895-1998), who first came to literary prominence during Germany’s Weimar era as a diarist of the experiences of a front line stormtrooper during the Great War, is one such writer. Both the controversial nature of his writing and its staying power are demonstrated by the fact that he remains one of the most important yet widely disliked literary and cultural figures of twentieth century Germany. As recently as 1993, when Junger would have been ninety-eight years of age, he was the subject of an intensely hostile exchange in the “New York Review of Books” between an admirer and a detractor of his work.(1) On the occasion of his one hundreth birthday in 1995, Junger was the subject of a scathing, derisive musical performed in East Berlin. Yet Junger was also the recipient of Germany’s most prestigious literary awards, the Goethe Prize and the Schiller Memorial Prize. Junger, who converted to Catholicism at the age of 101, received a commendation from Pope John Paul II and was an honored guest of French President Francois Mitterand and German Chancellor Helmut Kohl at the Franco-German reconciliation ceremony at Verdun in 1984. Though he was an exceptional achiever during virtually every stage of his extraordinarily long life, it was his work during the Weimar period that not only secured for a Junger a presence in German cultural and political history, but also became the standard by which much of his later work was evaluated and by which his reputation was, and still is, debated. (2)


Ernst Junger was born on March 29, 1895 in Heidelberg, but was raised in Hanover. His father, also named Ernst, was an academically trained chemist who became wealthy as the owner of a pharmaceutical manufacturing business, finding himself successful enough to essentially retire while he was still in his forties. Though raised as an evangelical Protestant, Junger’s father did not believe in any formal religion, nor did his mother, Karoline, an educated middle class German woman whose interests included Germany’s rich literary tradition and the cause of women’s emancipation. His parents’ politics seem to have been liberal, though not radical, in the manner not uncommon to the rising bourgeoise of Germany’s upper middle class during the pre-war period. It was in this affluent, secure bourgeoise environment that Ernst Junger grew up. Indeed, many of Junger’s later activities and professed beliefs are easily understood as a revolt against the comfort and safety of his upbringing. As a child, he was an avid reader of the tales of adventurers and soldiers, but a poor academic student who did not adjust well to the regimented Prussian educational system. Junger’s instructors consistently complained of his inattentiveness. As an adolescent, he became involved with the Wandervogel, roughly the German equivalent of the Boy Scouts.(3)


It was while attending a boarding school near his parents’ home in 1913, at the age of seventeen, that Junger first demonstrated his first propensity for what might be called an “adventurist” way of life. With only six months left before graduation, Junger left school, leaving no word to his family as to his destination. Using money given to him for school-related fees and expenses to buy a firearm and a railroad ticket to Verdun,  Junger subsequently enlisted in the French Foreign Legion, an elite military unit of the French armed forces that accepted enlistees of any nationality and had a reputation for attracting fugitives, criminals and career mercenaries. Junger had no intention of staying with the Legion. He only wanted to be posted to Africa, as he eventually was. Junger then deserted, only to be captured and sentenced to jail. Eventually his father found a capable lawyer for his wayward son and secured his release. Junger then returned to his studies and underwent a belated high school graduation. However, it was only a very short time later that Junger was back in uniform. (4)


Warrior and War Diarist


Ernst Junger immediately volunteered for military service when he heard the news that Germany was at war in the summer of 1914. After two months of training, Junger was assigned to a reserve unit stationed at Champagne. He was afraid the war would end before he had the opportunity to see any action. This attitude was not uncommon among many recruits or conscripts who fought in the war for their respective states. The question immediately arises at to why so many young people would wish to look into the face of death with such enthusiasm. Perhaps they really did not understand the horrors that awaited them. In Junger’s case, his rebellion against the security and luxury of his bourgeoise upbringing had already been ably demonstrated by his excursion with the French Foreign Legion. Because of his high school education, something that soldiers of more proletarian origins lacked, Junger was selected to train to become an officer. Shortly before beginning his officer’s training, Junger was exposed to combat for the first time. From the start, he carried pocket-sized notebooks with him and recorded his observations on the front lines. His writings while at the front exhibit a distinctive tone of detachment, as though he is simply an observer watching while the enemy fires at others. In the middle part of 1915, Junger suffered his first war wound, a bullet graze to the thigh that required only two weeks of recovery time. Afterwards, he was promoted to the rank of lieutenant.(5)


At age twenty-one, Junger was the leader of a reconnaissance team at the Somme whose purpose was to go out at night and search for British landmines. Early on, he acquired the reputation of a brave soldier who lacked the preoccupation with his own safety common to most of the fighting men. The introduction of steel artifacts into the war, tanks for the British side and steel helmets for the Germans, made a deep impression on Junger. Wounded three times at the Somme, Junger was awarded the Iron Medal First Class. Upon recovery, he returned to the front lines. A combat daredevil, he once held out against a much larger British force with only twenty men. After being transferred to fight the French at Flanders, he lost ten of his fourteen men and was wounded in the left hand by a blast from French shelling. After being harshly criticized by a superior officer for the number of men lost on that particular mission, Junger began to develop a contempt for the military hierarchy whom he regarded as having achieved their status as a result of their class position, frequently lacking combat experience of their own. In late 1917, having already experienced nearly three full years of combat, Junger was wounded for the fifth time during a surprise assault by the British. He was grazed in the head by a bullet, acquiring two holes in his helmet in the process. His performance in this battle won him the Knights Cross of the Hohenzollerns. In March 1918, Junger participated in another fierce battle with the British, losing 87 of his 150 men. (6)


Nothing impressed Junger more than personal bravery and endurance on the part of soldiers. He once “fell to the ground in tears” at the sight of a young recruit who had only days earlier been unable to carry an ammunition case by himself suddenly being able to carry two cases of missles after surviving an attack of British shells. A recurring theme in Junger’s writings on his war experiences is the way in which war brings out the most savage human impulses. Essentially, human beings are given full license to engage in behavior that would be considered criminal during peacetime. He wrote casually about burning occupied towns during the course of retreat or a shift of position. However, Junger also demonstrated a capacity for merciful behavior during his combat efforts. He refrained from shooting a cornered British soldier after the foe displayed a portrait of his family to Junger. He was wounded yet again in August of 1918. Having been shot in the chest and directly through a lung, this was his most serious wound yet. After being hit, he still managed to shoot dead yet another British officer. As Junger was being carried off the battlefield on a stretcher, one of the stretcher carriers was killed by a British bullet. Another German soldier attempted to carry Junger on his back, but the soldier was shot dead himself and Junger fell to the ground. Finally, a medic recovered him and pulled him out of harm’s way. This episode would be the end of his battle experiences during the Great War.(7)


In Storms of Steel


Junger’s keeping of his wartime diaries paid off quite well in the long run. They were to become the basis of his first and most famous book, In Storms of Steel, published in 1920. The title was given to the book by Junger himself, having found the phrase in an old Icelandic saga. It was at the suggestion of his father that Junger first sought to have his wartime memoirs published. Initially, he found no takers, antiwar sentiment being extremely high in Germany at the time, until his father at last arranged to have the work published privately. In Storms of Steel differs considerably from similar works published by war veterans during the same era, such as Erich Maria Remarque’s All Quiet on the Western Front and John Dos Passos’ Three Soldiers. Junger’s book reflects none of the disillusionment with war by those experienced in its horrors of the kind found in these other works. Instead, Junger depicted warfare as an adventure in which the soldier faced the highest possible challenge, a battle to the death with a mortal enemy. Though Junger certainly considered himself to be a patriot and, under the influence of Maurice Barres (8), eventually became a strident German nationalist, his depiction of military combat as an idyllic setting where human wills face the supreme test rose far above ordinary nationalist sentiments. Junger’s warrior ideal was not merely the patriot fighting out of a profound sense of loyalty to his country  nor the stereotype of the dutiful soldier whose sense of honor and obedience compels him to follow the orders of his superiors in a headlong march towards death. Nor was the warrior prototype exalted by Junger necessarily an idealist fighting for some alleged greater good such as a political ideal or religious devotion. Instead, war itself is the ideal for Junger. On this question, he was profoundly influenced by Nietzsche, whose dictum “a good war justifies any cause”, provides an apt characterization of Junger’s depiction of the life (and death) of the combat soldier. (9)


This aspect of Junger’s outlook is illustrated quite well by the ending he chose to give to the first edition of In Storms of Steel. Although the second edition (published in 1926) ends with the nationalist rallying cry, “Germany lives and shall never go under!”, a sentiment that was deleted for the third edition published in 1934 at the onset of the Nazi era, the original edition ends simply with Junger in the hospital after being wounded for the final time and receiving word that he has received yet another commendation for his valor as a combat soldier. There is no mention of Germany’s defeat a few months later. Nationalism aside, the book is clearly about Junger, not about Germany, and Junger’s depiction of the war simultaneously displays an extraordinary level detachment for someone who lived in the face of death for four years and a highly personalized account of the war where battle is first and foremost about the assertion of one’s own “will to power” with cliched patriotic pieties being of secondary concern.


Indeed, Junger goes so far as to say there were winners and losers on both sides of the war. The true winners were not those who fought in a particular army or for a particular country, but who rose to the challenge placed before them and essentially achieved what Junger regarded as a higher state of enlightenment. He believed the war had revealed certain fundamental truths about the human condition. First, the illusions of the old bourgeoise order concerning peace, progress and prosperity had been inalterably shattered. This was not an uncommon sentiment during that time, but it is a revelation that Junger seems to revel in while others found it to be overwhelmingly devastating. Indeed, the lifelong champion of Enlightenment liberalism, Bertrand Russell, whose life was almost as long as Junger’s and who observed many of the same events from a much different philosophical perspective, once remarked that no one who had been born before 1914 knew what it was like to be truly happy.(10) A second observation advanced by Junger had to do with the role of technology in transforming the nature of war, not only in a purely mechanical sense, but on a much greater existential level. Before, man had commanded weaponry in the course of combat. Now weaponry of the kind made possible by modern technology and industrial civilization essentially commanded man. The machines did the fighting. Man simply resisted this external domination. Lastly, the supremacy of might and the ruthless nature of human existence had been demonstrated. Nietzsche was right. The tragic, Darwinian nature of the human condition had been revealed as an irrevocable law.


In Storms of Steel was only the first of several works based on his experiences as a combat officer that were produced by Junger during the 1920s. Copse 125 described a battle between two small groups of combatants. In this work, Junger continued to explore the philosophical themes present in his first work. The type of technologically driven warfare that emerged during the Great War is characterized as reducing men to automatons driven by airplanes, tanks and machine guns. Once again, jingoistic nationalism is downplayed as a contributing factor to the essence of combat soldier’s spirit. Another work of Junger’s from the early 1920s, Battle as Inner Experience, explored the psychology of war. Junger suggested that civilization itself was but a mere mask for the “primordial” nature of humanity that once again reveals itself during war. Indeed, war had the effect of elevating humanity to a higher level. The warrior becomes a kind of god-like animal, divine in his superhuman qualities, but animalistic in his bloodlust. The perpetual threat of imminent death is a kind of intoxicant. Life is at its finest when death is closest. Junger described war as a struggle for a cause that overshadows the respective political or cultural ideals of the combatants. This overarching cause is courage. The fighter is honor bound to respect the courage of his mortal enemy. Drawing on the philosophy of Nietzsche, Junger argued that the war had produced a “new race” that had replaced the old pieties, such as those drawn from religion, with a new recognition of the primacy of the “will to power”.(11)


Conservative Revolutionary


Junger’s writings about the war quickly earned him the status of a celebrity during the Weimar period. Battle as Inner Experience contained the prescient suggestion that the young men who had experienced the greatest war the world had yet to see at that point could never be successfully re-integrated into the old bougeoise order from which they came. For these fighters, the war had been a spiritual experience. Having endured so much only to see their side lose on such seemingly humiliating terms, the veterans of the war were aliens to the rationalistic, anti-militarist, liberal republic that emerged in 1918 at the close of the war. Junger was at his parents’ home recovering from war wounds during the time of the attempted coup by the leftist workers’ and soldiers’ councils and subsequent suppression of these by the Freikorps. He experimented with psychoactive drugs such as cocaine and opium during this time, something that he would continue to do much later in life. Upon recovery, he went back into active duty in the much diminished Germany army. Junger’s earliest works, such as In Storms of Steel, were published during this time and he also wrote for military journals on the more technical and specialized aspects of combat and military technology. Interestingly, Junger attributed Germany’s defeat in the war simply to poor leadership, both military and civilian, and rejected the “stab in the back” legend that consoled less keen veterans.


After leaving the army in 1923, Junger continued to write, producing a novella about a soldier during the war titled Sturm, and also began to study the philosophy of Oswald Spengler. His first work as a philosopher of nationalism appeared the Nazi paper Volkischer Beobachter in September, 1923.


Critiquing the failed Marxist revolution of 1918, Junger argued that the leftist coup failed because of its lacking of fresh ideas. It was simply a regurgitation of the egalitarian outllook of the French Revolution. The revolutionary left appealed only to the material wants of the Germany people in Junger’s views. A successful revolution would have to be much more than that. It would have to appeal to their spiritual or “folkish” instincts as well. Over the next few years Junger studied the natural sciences at the University of Leipzig and in 1925, at age thirty, he married nineteen-year-old Gretha von Jeinsen. Around this time, he also became a full-time political  writer. Junger was hostile to Weimar democracy and its commercial bourgeiose society. His emerging political ideal was one of an elite warrior caste that stood above petty partisan politics and the middle class obsession with material acquisition. Junger became involved with the the Stahlhelm, a right-wing veterans group, and was a contributer to its paper, Die Standardite. He associated himself with the younger, more militant members of the organization who favored an uncompromised nationalist revolution and eschewed the parliamentary system. Junger’s weekly column in Die Standardite disseminated his nationalist ideology to his less educated readers. Junger’s views at this point were a mixture of Spengler, Social Darwinism, the traditionalist philosophy of the French rightist Maurice Barres, opposition to the internationalism of the left that had seemingly been discredited by the events of 1914, irrationalism and anti-parliamentarianism. He took a favorable view of the working class and praised the Nazis’ efforts to win proletarian sympathies. Junger also argued that a nationalist outlook need not be attached to one particular form of government, even suggesting that a liberal monarchy would be inferior to a nationalist republic.(12)


In an essay for Die Standardite titled “The Machine”, Junger argued that the principal struggle was not between social classes or political parties but between man and technology. He was not anti-technological in a Luddite sense, but regarded the technological apparatus of modernity to have achieved a position of superiority over mankind which needed to be reversed. He was concerned that the mechanized efficiency of modern life produced a corrosive effect on the human spirit. Junger considered the Nazis’ glorification of peasant life to be antiquated. Ever the realist, he believed the world of the rural people to be in a state of irreversible decline. Instead, Junger espoused a “metropolitan nationalism” centered on the urban working class. Nationalism was the antidote to the anti-particularist materialism of the Marxists who, in Junger’s views, simply mirrored the liberals in their efforts to reduce the individual to a component of a mechanized mass society. The humanitarian rhetoric of the left Junger dismissed as the hypocritical cant of power-seekers feigning benevolence. He began to pin his hopes for a nationalist revolution on the younger veterans who comprised much of the urban working class.


In 1926, Junger became editor of Arminius, which also featured the writings of Nazi leaders like Alfred Rosenberg and Joseph Goebbels. In 1927, he contributed his final article to the Nazi paper, calling for a new definition of the “worker”, one not rooted in Marxist ideology but the idea of the worker as a civilian counterpart to the soldier who struggles fervently for the nationalist ideal. Junger and  Hitler had exchanged copies of their respective writings and a scheduled meeting between the two was canceled due to a change in Hitler’s itinerary. Junger respected Hitler’s abilities as an orator, but came to feel he lacked the ability to become a true leader. He also found Nazi ideology to be intellectually shallow, many of the Nazi movement’s leaders to be talentless and was displeased by the vulgarity,  crassly opportunistic and overly theatrical aspects of Nazi public rallies. Always an elitist, Junger considered the Nazis’ pandering the common people to be debased. As he became more skeptical of the Nazis, Junger began writing for a wider circle of readers beyond that of the militant nationalist right-wing. His works began to appear in the Jewish liberal Leopold Schwarzchild’s Das Tagebuch and the “national-bolshevik” Ernst Niekisch’s Widerstand.


Junger began to assemble around himself an elite corps of bohemian, eccentric intellectuals who would meet regularly on Friday evenings. This group included some of the most interesting personalities of the Weimar period. Among them were the Freikorps veteran Ernst von Salomon, Otto von Strasser, who with his brother Gregor led a leftist anti-Hitler faction of the Nazi movement, the national-bolshevik Niekisch, the Jewish anarchist Erich Muhsam who had figured prominently in the early phase of the failed leftist revolution of 1918, the American writer Thomas Wolfe and the expressionist writer Arnolt Bronnen. Many among this group espoused a type of revolutionary socialism based on nationalism rather than class, disdaining the Nazis’ opportunistic outreach efforts to the middle class. Some, like Niekisch, favored an alliance between Germany and Soviet Russia against the liberal-capitalist powers of the West. Occasionally, Joseph Goebbels would turn up at these meetings hoping to convert the group, particularly Junger himself, whose war writings he had admired, to the Nazi cause. These efforts by the Nazi propaganda master proved unsuccessful. Junger regarded Goebbels as a shallow ideologue who spoke in platitudes even in private conversation.(13)


The final break between Ernst Junger and the NSDAP occurred in September 1929. Junger published an article in Schwarzchild’s Tagebuch attacking and ridiculing the Nazis as sell outs for having reinvented themselves as a parliamentary party. He also dismissed their racism and anti-Semitism as ridiculous, stating that according to the Nazis a nationalist is simply someone who “eats three Jews for breakfast.” He condemned the Nazis for pandering to the liberal middle class and reactionary traditional conservatives “with lengthy tirades against the decline in morals, against abortion, strikes, lockouts, and the reduction of police and military forces.” Goebbels responded by attacking Junger in the Nazi press, accusing him being motivated by personal literary ambition, and insisting this had caused him “to vilify the national socialist movement, probably so as to make himself popular in his new kosher surroundings” and dismissing Junger’s attacks by proclaiming the Nazis did not “debate with renegades who abuse us in the smutty press of Jewish traitors.”(14)


Junger on the Jewish Question


Junger held complicated views on the question of German Jews. He considered anti-Semitism of the type espoused by Hitler to be crude and reactionary. Yet his own version of nationalism required a level of homogeneity that was difficult to reconcile with the subnational status of Germany Jewry. Junger suggested that Jews should assimilate and pledge their loyalty to Germany once and for all. Yet he expressed admiration for Orthodox Judaism and indifference to Zionism. Junger maintained personal friendships with Jews and wrote for a Jewish owned publication. During this time his Jewish publisher Schwarzchild published an article examining Junger’s views on the Jews of Germany. Schwarzchild insisted that Junger was nothing like his Nazi rivals on the far right. Junger’s nationalism was based on an aristocratic warrior ethos, while Hitler’s was more comparable to the criminal underworld. Hitler’s men were “plebian alley scum”. However, Schwarzchild also characterized Junger’s rendition of nationalism as motivated by little more than a fervent rejection of bourgeoise society and lacking in attention to political realities and serious economic questions.(15)


The Worker


Other than In Storms of Steel, Junger’s The Worker: Mastery and Form was his most influential work from the Weimar era. Junger would later distance himself from this work, published in 1932, and it was reprinted in the 1950s only after Junger was prompted to do so by Martin Heidegger.


In The Worker, Junger outlines his vision of a future state ordered as a technocracy based on workers and soldiers led by a warrior elite. Workers are no longer simply components of an industrial machine, whether capitalist or communist, but have become a kind of civilian-soldier operating as an economic warrior. Just as the soldier glories in his accomplishments in battle, so does the worker glory in the achievements expressed through his work. Junger predicted that continued technological advancements would render the worker/capitalist dichotomy obsolete. He also incorporated the political philosophy of his friend Carl Schmitt into his worldview. As Schmitt saw international relations as a Hobbesian battle between rival powers, Junger believed each state would eventually adopt a system not unlike what he described in The Worker. Each state would maintain its own technocratic order with the workers and soldiers of each country playing essentially the same role on behalf of their respective nations. International affairs would be a crucible where the will to power of the different nations would be tested.


Junger’s vision contains a certain amount prescience. The general trend in politics at the time was a movement towards the kind of technocratic state Junger described. These took on many varied forms including German National Socialism, Italian Fascism, Soviet Communism, the growing welfare states of Western Europe and America’s New Deal. Coming on the eve of World War Two, Junger’s prediction of a global Hobbesian struggle between national collectives possessing previously unimagined levels of technological sophistication also seems rather prophetic. Junger once again attacked the bourgeoise as anachronistic. Its values of material luxury and safety he regarded as unfit for the violent world of the future. (16)


The National Socialist Era


By the time Hitler took power in 1933, Junger’s war writings had become commonly used in high schools and universities as examples of wartime literature, and Junger enjoyed success within the context of German popular culture as well. Excerpts of Junger’s works were featured in military journals. The Nazis tried to coopt his semi-celebrity status, but he was uncooperative. Junger was appointed to the Nazified German Academcy of Poetry, but declined the position. When the Nazi Party’s paper published some of his work in 1934, Junger wrote a letter of protest. The Nazi regime, despite its best efforts to capitalize on his reputation, viewed Junger with suspicioun. His past association with the national-bolshevik Ersnt Niekisch, the Jewish anarchist Erich Muhsam and the anti-Hitler Nazi Otto von Strasser, all of whom were either eventually killed or exiled by the Third Reich, led the Nazis to regard Junger as a potential subversive. On several occasions, Junger received visits from the Gestapo in search of some of his former friends. During the early years of the Nazi regime, Junger was in the fortunate position of being able to economically afford travel outside of Germany. He journeyed to Norway, Brazil, Greece and Morocco during this time, and published several works based on his travels.(17)


Junger’s most significant work from the Nazi period is the novel On the Marble Cliffs. The book is an allegorical attack on the Hitler regime. It was written in 1939, the same year that Junger reentered the German army. The book describes a mysterious villian that threatens a community, a sinister warlord called the “Head Ranger”. This character is never featured in the plot of the novel, but maintains a forboding presence that is universal (much like “Big Brother” in George Orwell’s 1984). Another character in the novel, “Braquemart”, is described as having physical characteristics remarkably similar to those of Goebbels. The book sold fourteen thousand copies during its first two weeks in publication. Swiss reviewers immediately recognized the allegorical references to the Nazi state in the novel. The Nazi Party’s organ, Volkische Beobachter, stated that Ernst Jünger was flirting with a bullet to the head. Goebbels urged Hitler to ban the book, but Hitler refused, probably not wanting to show his hand. Indeed, Hitler gave orders that Junger not be harmed.(18)


Junger was stationed in France for most of the Second World War. Once again, he kept diaries of the experience. Once again, he expressed concern that he might not get to see any action before the war was over. While Junger did not have the opportunity to experience the level of danger and daredevil heroics he had during the Great War, he did receive yet another medal, the Iron Cross, for retrieving the body of a dead corporal while under heavy fire. Junger also published some of his war diaries during this time. However, the German government took a dim view of these, viewing them as too sympathetic to the occupied French. Junger’s duties included censorship of the mail coming into France from German civilians. He took a rather liberal approach to this responsibility and simply disposed of incriminating documents rather than turning them over for investigation. In doing so, he probably saved lives. He also encountered members of France’s literary and cultural elite, among them the actor Louis Ferdinand Celine, a raving anti-Semite and pro-Vichyite who suggested Hitler’s harsh measures against the Jews had not been heavy handed enough. As rumors of the Nazi extermination programs began to spread,  Junger wrote in his diary that the mechanization of the human spirit of the type he had written about in the past had apparently generated a higher level of human depravity. When he saw three young French-Jewish girls wearing the yellow stars required by the Nazis, he wrote that he felt embarrassed to be in the Nazi army. In July of 1942, Junger observed the mass arrest of French Jews, the beginning of implementation of the “Final Solution”. He described the scene as follows:


“Parents were first separated from their children, so there was wailing to be heard in the streets. At no moment may I forget that I am surrounded by the unfortunate, by those suffering to the very depths, else what sort of person, what sort of officer would I be? The uniform obliges one to grant protection wherever it goes. Of course one has the impression that one must also, like Don Quixote, take on millions.”(19)     


An entry into Junger’s diary from October 16, 1943 suggests that an unnamed army officer had told  Junger about the use of crematoria and poison gas to murder Jews en masse. Rumors of plots against Hitler circulated among the officers with whom Junger maintained contact. His son, Ernstl, was arrested after an informant claimed he had spoken critically of Hitler. Ernstl Junger was imprisoned for three months, then placed in a penal battalion where he was killed in action in Italy. On July 20, 1944 an unsuccessful assassination attempt was carried out against Hitler. It is still disputed as to whether or not Junger knew of the plot or had a role in its planning. Among those arrested for their role in the attemt on Hitler’s life were members of Junger’s immediate circle of associates and superior officers within the German army. Junger was dishonorably discharged shortly afterward.(20)


Following the close of the Second World War, Junger came under suspicion from the Allied occupational authorities because of his far right-wing nationalist and militarist past. He refused to cooperate with the Allies De-Nazification programs and was barred from publishing for four years. He would go on to live another half century, producing many more literary works, becoming a close friend of Albert Hoffman, the inventor of the hallucinogen LSD, with which he experimented. In a 1977 novel, Eumeswil, he took his tendency towards viewing the world around him with detachment to a newer, more clearly articulated level with his invention of the concept of the “Anarch”. This idea, heavily influenced by the writings of the early nineteenth century German philosopher Max Stirner, championed the solitary individual who remains true to himself within the context of whatever external circumstances happen to be present. Some sample quotations from this work illustrate the philosophy and worldview of the elderly Junger quite well:


“For the anarch, if he remains free of being ruled, whether by sovereign or society, this does not mean he refuses to serve in any way. In general, he serves no worse than anyone else, and sometimes even better, if he likes the game. He only holds back from the pledge, the sacrifice, the ultimate devotion … I serve in the Casbah; if, while doing this, I die for the Condor, it would be an accident, perhaps even an obliging gesture, but nothing more.”


“The egalitarian mania of demagogues is even more dangerous than the brutality of men in gallooned coats. For the anarch, this remains theoretical, because he avoids both sides. Anyone who has been oppressed can get back on his feet if the oppression did not cost him his life. A man who has been equalized is physically and morally ruined. Anyone who is different is not equal; that is one of the reasons why the Jews are so often targeted.”


“The anarch, recognizing no government, but not indulging in paradisal dreams as the anarchist does, is, for that very reason, a neutral observer.”


“Opposition is collaboration.”


“A basic theme for the anarch is how man, left to his own devices, can defy superior force – whether state, society or the elements – by making use of their rules without submitting to them.”


“… malcontents… prowl through the institutions eternally dissatisfied, always disappointed. Connected with this is their love of cellars and rooftops, exile and prisons, and also banishment, on which they actually pride themselves. When the structure finally caves in they are the first to be killed in the collapse. Why do they not know that the world remains inalterable in change? Because they never find their way down to its real depth, their own. That is the sole place of essence, safety. And so they do themselves in.”


“The anarch may not be spared prisons – as one fluke of existence among others. He will then find the fault in himself.”


“We are touching one a … distinction between anarch and anarchist; the relation to authority, to legislative power. The anarchist is their mortal enemy, while the anarch refuses to acknowledge them. He seeks neither to gain hold of them, nor to topple them, nor to alter them – their impact bypasses him. He must resign himself only to the whirlwinds they generate."

“The anarch is no individualist, either. He wishes to present himself neither as a Great Man nor as a Free Spirit. His own measure is enough for him; freedom is not his goal; it is his property. He does not come on as foe or reformer: one can get along nicely with him in shacks or in palaces. Life is too short and too beautiful to sacrifice for ideas, although contamination is not always avoidable. But hats off to the martyrs.”


“We can expect as little from society as from the state. Salvation lies in the individual.” (21)


Notes:


1. Ian Buruma, “The Anarch at Twilight”, New York Review of Books, Volume 40, No. 12, June 24, 1993. Hilary Barr, “An Exchange on Ernst Junger”, New York Review of Books, Volume 40, No. 21, December 16, 1993.

2. Nevin, Thomas. Ernst Junger and Germany: Into the Abyss, 1914-1945. Durham, N.C.: Duke University Press, 1996, pp. 1-7. Loose, Gerhard. Ernst Junger. New York: Twayne Publishers, 1974, preface.

3. Nevin, pp. 9-26. Loose, p. 21

4. Loose, p. 22. Nevin, pp. 27-37.

5. Nevin. p. 49.

6. Ibid., p. 57

7. Ibid., p. 61

8. Maurice Barrès (September 22, 1862 - December 4, 1923) was a French novelist, journalist, an anti-semite, nationalist politician and agitator. Leaning towards the far-left in his youth as a Boulangist deputy, he progressively developed a theory close to Romantic nationalism and shifted to the right during the Dreyfus Affair, leading the Anti-Dreyfusards alongside Charles Maurras. In 1906, he was elected both to the Académie française and as deputy of the Seine department, and until his death he sat with the conservative Entente républicaine démocratique. A strong supporter of the Union sacrée(Holy Union) during World War I, Barrès remained a major influence of generations of French writers, as well as of monarchists, although he was not a monarchist himself. Source: http://en.wikipedia.org/wiki/Maurice_Barr%C3%A8s

9. Nevin, pp. 58, 71, 97.

10. Schilpp, P. A. “The Philosophy of Bertrand Russell”.  Reviewed Hermann Weyl, The American Mathematical Monthly, Vol. 53, No. 4 (Apr., 1946), pp. 208-214.

11. Nevin, pp. 122, 125, 134, 136, 140, 173.

12. Ibid., pp. 75-91.

13. Ibid., p. 107

14. Ibid., p. 108.

15. Ibid., pp. 109-111.

16. Ibid., pp. 114-140.

17. Ibid., p. 145.

18. Ibid., p. 162

19. Ibid., p. 189.

20. Ibid., p. 209.

21. Junger, Ernst. Eumeswil. New York: Marion Publishers, 1980, 1993.


Bibliography


Barr, Hilary. “An Exchange on Ernst Junger”, New York Review of Books, Volume 40, No. 21, December 16, 1993.

Braun, Abdalbarr. “Warrior, Waldgaenger, Anarch: An Essay on Ernst Junger’s Concept of the Sovereign Individual”. Archived at http://www.fluxeuropa.com/juenger-anarch.htm

Buruma, Ian. “The Anarch at Twilight”, New York Review of Books, Volume 40, No. 12, June 24, 1993.

Hofmann, Albert. LSD: My Problem Child, Chapter Seven, “Radiance From Ernst Junger”. Archived at http://www.flashback.se/archive/my_problem_child/chapter7.html


Loose, Gerhard. Ernst Junger. New York: Twayne Publishers, 1974.


Hervier, Julien. The Details of Time: Conversations with Ernst Junger. New York: Marsilio Publishers, 1986.


Junger, Ernst. Eumeswil. New York: Marsilio Publishers, 1980, 1993.


Junger, Ernst. In Storms of Steel. New York: Penguin Books, 1920, 1963, 2003.


Junger, Ernst. On the Marble Cliffs. New York: Duenewald Printing Corporation, 1947.


Nevin, Thomas. Ernst Junger and Germnay: Into the Abyss, 1914-1945. Durham, N.C.: Duke University Press, 1996.


Schilpp, P. A. “The Philosophy of Bertrand Russell”.  Reviewed Hermann Weyl, The American Mathematical Monthly, Vol. 53, No. 4 (Apr., 1946), pp. 208-214.


Stern, J. P. Ernst Junger. New Haven: Yale University Press, 1953.


Zavrel, Consul B. John. “Ernst Junger is Still Working at 102″. Archived at http://www.meaus.com/Ernst%20Junger%20at%20102.html

 

mercredi, 04 septembre 2013

Elementos no. 49-50-51-52-53-54

ELEMENTOS Nº 54. LA FALSA IDEOLOGÍA DE LOS DERECHOS HUMANOS
 
 
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Sumario.-


Más allá de los Derechos Humanos. Defender las Libertades, por Alain de Benoist


Reflexiones en torno a los Derechos Humanos, por Charles Champetier


El Derecho de los Hombres, por Guillaume Faye


Derechos Humanos: una ideología para la mundialización, por Rodrigo Agulló


En torno a la Doctrina de los Derechos Humanos, por Erwin Robertson


¿Derechos del hombre?, por Adriano Scianca


¿Son universales los Derechos Humanos?, por François Julien


Los Derechos Humanos  como derechos de propiedad, por Murray Rothbard


La religión de los Derechos Humanos, por Guillaume Faye


Derechos comunes y Derechos personales en Ortega y Gasset, por Alejandro de Haro Honrubia



Derechos Humanos: disyuntiva de nuestro tiempo, por Alberto Buela
 

ELEMENTOS Nº 53.

MISCELÁNEA DE AUTORES DE LA KONSERVATIVE REVOLUTION (Vol. II)

 
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Sumario.-



Gottfried Benn. El doloroso calvario de un inconformista descreído, por Alain de Benoist

“Consideraciones de un apolítico” de Thomas Mann, por Nicolás González Varela

Friedrich Reck, el solitario elitista, por Christine Zeile

Edgar J. Jung, la ambigüedad de la Revolución Conservadora, por Jean-Pierre Faye

Hugo von Hofmannsthal, la voz del simbolismo vienés, por Francisco Arias Solis

El vitalismo e historicismo de Ludwig Klages, por César Águila Cázarez

Edwin Erich Dwinger: dar sentido al sufrimiento, por Ulli Baumgarten

Homenaje a Ernst von Salomón, por Ernesto Milá

Apuntes sin sombra de Hugo von Hofmannsthal, por Otto Cázares

Thomas Mann y el desencantamiento de las tradiciones alemanas, por Fernando Bayón

Friedrich Reck: el hombre que pudo matar a Hitler, por Peio H. Riaño

Otto Strasser y el Frente Negro, por Erik Norling

Ernst Forsthoff y el Estado Total, por Jean-Pierre Faye

Carl Schmitt, ¿teórico del Reich?, por Alejandro Vergara Blanco

 
Oswald Spengler ¿precursor del nacionalsocialismo?, por Javier R. Abella Romero
 

ELEMENTOS Nº 52. LA UTOPÍA IGUALITARIA. CONTRA EL IGUALITARISMO

 
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SUMARIO.-



El totalitarismo igualitario, por Alain de Benoist

Tradición e Igualitarismo, por Laureano Luna

Las falacias del igualitarismo, por Carlos Alberto Montaner

La naturaleza subversiva del igualitarismo, por El Emboscado

Igualitarismo y las élites, por Murray N. Rothbard

La dogmática del igualitarismo, por José María Benavente Barreda

Acerca de la democracia: el igualitarismo, por Eduard Alcántara

Ciencia y desigualdad, por Denes Martos

El igualitarismo democrático como triunfo de la moral cristiano-nihilista en Nietzsche, por Verónica Rosillo Pelayo

Igualitarismo, democracia y plebeyismo en Ortega y Gasset, por Alejandro de Haro Honrubia

Las paradojas vinculadas al igualitarismo y la utopía, por H.C.F. Mansilla

Igualitarismo e Imperio, por William Marina

El igualitarismo es una revuelta contra la Naturaleza, por Murray N. Rothbard

El mito del igualitarismo, por Eugenio Vegas Latapie

El igualitarismo de las masas, según Sloterdijk, por Juan Malpartida
 

ELEMENTOS Nº 51. BICENTENARIO DE SU NACIMIENTO II. WAGNER vs. NIETZSCHE y viceversa

 
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SUMARIO.-


Nietzsche contra Wagner, por Andrés Gómez


Wagner contra Nietzsche. Meditaciones sobre dos mundos enfrentados, por Ramón Bau


Nietzsche y Wagner, por Rüdiger Safranski


Wagner según Nietzsche, por Sergio Méndez Ramos


Nietzsche-Wagner, por Heinrich Köselitz y Ferdinand Avenarius

El desvío nietzscheano de Wagner, por Joseph Victor Widmann


Nietzsche contra Wagner, Wagner contra Offenbach. Una contribución estética al “Caso Wagner”, por Gerardo Argüelles Fernández


Wagner y Nietzsche: la trascendencia nacional o filosófica, por Daniel Alejandro Gómez


Nietzsche-Wagner: Preeminencia de la poesía en la obra de arte total, por Gonzalo Portales

 

ELEMENTOS Nº 49. EMILE CIORAN: LIRISMO FILOSÓFICO

 
 

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SUMARIO


Un hombre asombrado...   y asombroso, por Fernando Savater
 
La revelación de Emile Cioran, por Abel Posse
 
Cioran y la ética de la introspección, por Luis Ochoa Bilbao
 
Cioran: apasionado por la existencia, por Sergio Rivas Salgado
 
Cioran: el alarido lúcido, por Luis Fraga
 
Emile Cioran, el ateo creyente, por Gianfranco Ravasi
 
Sobre E. M. Cioran, por Fernando Savater
 
¿Es Cioran un filósofo?, por Luis Roca Jusmet
 
El inconveniente de ser Cioran, por Augusto Isla
 
Cioran y Eminescu. La plegaria de un dacio, por Vasilica Cotofleac
 
Homenaje a Nicole Parfait, lectora de Cioran, por Rosemary Rizo-Patrón
 
Nicole Porfait y Émile Cioran: el desafío del ser, por Nelson Vallejo-Gómez
 
Emil Cioran y la Revolución Conservadora en Rumanía, por Claudio Mutti
 
Cioran y el fascismo, por José Ignacio Nájera
 
Cioran y la España del desengaño, por Manuel Arranz
 
El concepto de la historia  en Cioran, por Rafael Rattia
 
Entrevista a Simone Boué, esposa de Cioran, sobre Cioran, por Maite Grau
 
Emil Cioran: un escéptico apasionado por la lucidez, por Mijail Malishev
 


Cioran, del rumano al francés, por Edgardo Cozarinsky

jeudi, 11 juillet 2013

Ernst Jünger et la révolution conservatrice

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Dominique Venner:
 
Ernst Jünger et la révolution conservatrice
 
 
Pauline Lecomte : Vous avez publié naguère une biographie intellectuelle consacrée à Ernst Jünger, figure énigmatique et capitale du XXe siècle en Europe. Avant de se faire connaître par ses livres, dont on sait le rayonnement, cet écrivain majeur fut un très jeune et très héroïque combattant de la Grande Guerre, puis une figure importante de la "révolution conservatrice". Comment avez-vous découvert l’œuvre d'Ernst Jünger ?

Dominique Venner : C'est une longue histoire. Voici longtemps, quand j'écrivais la première version de mon livre Baltikum, consacré à l'aventure des corps-francs allemands, pour moi les braises de l'époque précédente étaient encore chaudes. Les passions nées de la guerre d'Algérie, les années dangereuses et les rêves fous, tout cela bougeait encore. En ce temps-là, un autre écrivain allemand parlait à mon imagination mieux que Jünger. C'était Ernst von Salomon. Il me semblait une sorte de frère aîné. Traqué par la police, j'avais lu ses Réprouvés tout en imaginant des projets téméraires. Ce fut une révélation. Ce qu'exprimait ce livre de révolte et de fureur, je le vivais : les armes, les espérances, les complots ratés, la prison... Ersnt Jünger n'avait pas connu de telles aventures. Jeune officier héroïque de la Grande Guerre, quatorze fois blessé, grande figure intellectuelle de la "révolution conservatrice", assez vite opposé à Hitler, il avait adopté ensuite une posture contemplative. Il ne fut jamais un rebelle à la façon d'Ernst von Salomon. Il a lui-même reconnu dans son Journal, qu'il n'avait aucune disposition pour un tel rôle, ajoutant très lucidement que le soldat le plus courageux - il parlait de lui - tremble dans sa culotte quand il sort des règles établies, faisant le plus souvent un piètre révolutionnaire. Le courage militaire, légitimé et honoré par la société, n'a rien de commun avec le courage politique d'un opposant radical. Celui-ci doit s'armer moralement contre la réprobation générale, trouver en lui seul ses propres justifications, supporter d'un cœur ferme les pires avanies, la répression, l'isolement. Tout cela je l'avais connu à mon heure. Cette expérience, assortie du spectacle de grandes infamies, a contribué à ma formation d'historien. A l'époque, j'avais pourtant commencé de lire certains livres de Jünger, attiré par la beauté de leur style métallique et phosphorescent. Par la suite, à mesure que je m'écartais des aventures politiques, je me suis éloigné d'Ernst von Salomon, me rapprochant de Jünger. Il répondait mieux à mes nouvelles attentes. J'ai donc entrepris de le lire attentivement, et j'ai commencé de correspondre avec lui. Cette correspondance n'a plus cessé jusqu'à sa mort.

P. L. : Vous avez montré qu'Ernst Jünger fut l'une des figures principales du courant d'idées de la "révolution conservatrice". Existe-t-il des affinités entre celle-ci et les "non conformistes français des années trente" ?

D. V. : En France, on connaît mal les idées pourtant extraordinairement riches de la Konservative Revolution (KR), mouvement politique et intellectuel qui connut sa plus grande intensité entre les années vingt et trente, avant d'être éliminé par l'arrivée Hitler au pouvoir en 1933. Ernst Jünger en fut la figure majeure dans la période la plus problématique, face au nazisme. Autour du couple nationalisme et socialisme, une formule qui n'est pas de Jünger résume assez bien l'esprit de la KR allemande : "Le nationalisme sera vécu comme un devoir altruiste envers le Reich, et le socialisme comme un devoir altruiste envers le peuple tout entier".
 
     Pour répondre à votre question des différences avec la pensée française des "non conformistes", il faut d'abord se souvenir que les deux nations ont hérité d'histoires politiques et culturelles très différentes. L'une était sortie victorieuse de la Grande Guerre, au moins en apparence, alors que l'autre avait été vaincue. Pourtant, quand on compare les écrits du jeune Jünger et ceux de Drieu la Rochelle à la même époque, on a le sentiment que le premier est le vainqueur, tandis que le second est le vaincu.
 
     On ne peut pas résumer des courants d'idées en trois mots. Pourtant, il est assez frappant qu'en France, dans les différentes formes de personnalisme, domine généralement le "je", alors qu'en Allemagne on pense toujours par rapport au "nous". La France est d'abord politique, alors que l'Allemagne est plus souvent philosophique, avec une prescience forte du destin, notion métaphysique, qui échappe aux causalités rationnelles. Dans son essais sur Rivarol, Jünger a comparé la clarté de l'esprit français et la profondeur de l'esprit allemand. Un mot du philosophe Hamman, dit-il, "Les vérités sont des métaux qui croissent sous terre", Rivarol n'aurait pas pu le dire. "Il lui manquait pour cela la force aveugle, séminale."

P. L. : Pouvez-vous préciser ce qu'était la Weltanschauung du jeune Jünger ?

D. V. : Il suffit de se reporter à son essai Le Travailleur, dont le titre était d'ailleurs mal choisi. Les premières pages dressent l'un des plus violents réquisitoires jamais dirigés contre la démocratie bourgeoise, dont l'Allemagne, selon Jünger, avait été préservée : "La domination du tiers-état n'a jamais pu toucher en Allemagne à ce noyau le plus intime qui détermine la richesse, la puissance et la plénitude d'une vie. Jetant un regard rétrospectif sur plus d'un siècle d'histoire allemande, nous pouvons avouer avec fierté que nous avons été de mauvais bourgeois". Ce n'était déjà pas mal, mais attendez la suite, et admirez l'art de l'écrivain : "Non, l'Allemand n'était pas un bon bourgeois, et c'est quand il était le plus fort qu'il l'était le moins. Dans tous les endroits où l'on a pensé avec le plus de profondeur et d'audace, senti avec le plus de vivacité, combattu avec le plus d'acharnement, il est impossible de méconnaître la révolte contre les valeurs que la grande déclaration d'indépendance de la raison a hissées sur le pavois." Difficile de lui donner tort. Nulle part sinon en Allemagne, déjà avec Herder, ou en Angleterre avec Burke, la critique du rationalisme français n'a été aussi forte. Avec un langage bien à lui, Jünger insiste sur ce qui a préservé sa patrie : "Ce pays n'a pas l'usage d'un concept de la liberté qui, telle une mesure fixée une fois pour toutes est privée de contenu". Autrement dit, il refuse de voir dans la liberté une idée métaphysique. Jünger ne croit pas à la liberté en soi, mais à la liberté comme fonction, par exemple la liberté d'une force : "Notre liberté se manifeste avec le maximum de puissance partout où elle est portée par la conscience d'avoir été attribuée en fief." Cette idée de la liberté active "attribuée en fief", les Français, dans un passé révolu, la partagèrent avec leurs cousins d'outre-Rhin. Mais leur histoire nationale évolué d'une telle façon que furent déracinées les anciennes libertés féodales, les anciennes libertés de la noblesse, ainsi que Tocqueville, Taine, Renan et nombre d'historiens après eux l'ont montré. A lire Jünger on comprend qu'à ses yeux, à l'époque où il écrit, c'est en Allemagne et en Allemagne seulement que les conditions idéales étaient réunies pour couper le "vieux cordon ombilical" du monde bourgeois. Il radicalise les thèmes dominants de la KR, opposant la paix pétrifiée du monde bourgeois à la lutte éternelle, comprise comme "expérience intérieure". C'est sa vision de l'année 1932. Avec sa sensibilité aux changements d'époque, Jünger s'en détournera ensuite pour un temps, un temps seulement. Durant la période où un fossé d'hostilité mutuelle avec Hitler et son parti ne cessait de se creuser.

Dominique Venner, Le choc de l'histoire

dimanche, 30 juin 2013

„Jetzt ist Ewigkeit“

Jetzt ist Ewigkeit“

von Christoph George
Ex: http://www.blauenarzisse.de/

 

 

Mit „Letzte Worte“ veröffentlicht Jörg Magenau eine umfangreiche Auswahl letzter Worte namhafter Persönlichkeiten aus dem Nachlaß Ernst Jüngers.

Bereits in einem der Pariser Tagebücher äußerte Ernst Jünger die Idee, eine Sammlung letzter Worte anzulegen. Auf ihre Veröffentlichung wartete seine Leserschaft jedoch zu Lebzeiten des Meisters vergeblich. Was er selbst nicht mehr tat, bringt nun der Autor und Literaturkritiker Jörg Magenau in einem edlen Sammelband heraus.

Magenau wählte für das Buch vor allem bekannte Persönlichkeiten der Geschichte aus, von Abraham bis Ulrich Zwingli. Schöpfen konnte er dabei aus einer breiten Jüngerschen Sammlung, welche mehrere Tausend Karteikarten umfasst und vollständig im Deutschen Literaturarchiv in Marburg liegt. Jene stellte Ernst Jünger vor allem in der Zeit nach dem 2. Weltkrieg aus anderen Nachschlagewerken zu diesem Thema zusammen. Aber auch vorgedruckte Karteikarten, welche er zum Ausfüllen an Freunde und Bekannte verteilte, finden sich darin wieder.

Sokrates: „Kriton, wir schulden dem Äskulap noch einen Hahn. Vergeßt nicht, die Schuld zu bezahlen!“

Als Vorwort dient eine unvollendete Abhandlung Jüngers aus den frühen 1960ern, in welcher er auf die Besonderheiten letzter Worte eingeht. Demnach sind nicht alle letzten Worte für eine Aufnahme in einen solchen auserwählten Kreis geeignet. Es fallen jene finalen Äußerungen heraus, welche ein noch zu starkes Klammern am Diesseits erkennen lassen. Erst ein gewisses Maß an Loslassen verleiht ihnen überhaupt den Charakter letzter Worte, wenngleich sie auch noch auf das Leben gerichtet sein mögen. Von Sokrates ist überliefert, er hätte an die Begleichung einer Schuld erinnert, bevor er zum Schluck aus dem Schierlingsbecher ansetzte.

Weiterhin besitzt zuletzt Gesprochenes für die Nachwelt etwas Prophetisches. Ihm geht zumeist aufgrund ungenauer Überlieferung und mehrfachen Interpretationsmöglichkeiten ein gesicherter historischer Gehalt ab. Sie sind so eher dem Bereich des Mythischen zuzuschreiben, haben anekdotischen Charakter. Die gute Anekdote will hier mit Begleitumständen erscheinen, um so der Dichtung näher zu kommen. Sie enthüllt dabei das Wesen der Dinge und erfaßt so ihren eigentlichen Kern. Deswegen würde es dem Gehalt der überlieferten letzten Worte auch keinen Abbruch tun, erwiesen sich einige im Nachhinein als falsch: „Trotzdem summieren sie sich zur Wahrheit, die ihnen innewohnt“, schlußfolgert Jünger.

Im Angesicht des Todes die Haltung wahren

Unterteilt ist die von Ernst Jünger selbst teilweise kommentierte Sammlung nach verschiedenen Themenbereichen wie etwa: Lebensbilanzen, letzte Einsichten und Anrufungen, Gebete. Hier stechen vor allem tiefsinnige Sprüche hervor, wie z.B. der des schwedischen Erzbischofs Nathan Söderblom: „Jetzt ist Ewigkeit“. Aber auch höchst unfreiwillig komische Varianten sind darin versammelt. Die letzten Worte Egon Friedells, welcher sich 1938 in Wien aus dem Fenster stürzte, sollen zum unten stehenden Hauswirt gewesen sein: „Bitt‘ schön, gehn’s zur Seite!“

Für Jünger sind jedoch nicht alle gültigen letzten Worte gleich zu werten. So kommentierte er den Abschied Elisabeths I. von England: „Alle meine Schätze für eine einzige Minute“, kurz und knapp mit: „Recht unköniglich“. Im Gegensatz dazu wird ein unbekannter Soldat aus dem Deutsch-​Französischen Krieg von 1870 aufgeführt. Der Eintrag hierzu lautet „,Herr Hauptmann, melde gehorsamst, daß ich tödlich getroffen bin!‘ salutierte stramm der Obergefreite Müller am nämlichen Geschütz, indem er noch weiterbediente.“ Im Angesicht des Unausweichlichen will die Haltung gewahrt bleiben – eine Forderung, die man vom frühen Jünger nur zu gut kennt.

Augustinus: „Laß mich sterben, mein Gott, daß ich lebe!“

Die Beschäftigung mit letzten Worten führt den Leser dabei nicht nur an das individuelle Lebensende des jeweiligen Protagonisten. Es zwingt ihn darüber hinaus zu einer Beschäftigung mit jener Grenze, die auch er einmal überschreiten muß. Das letzte Wort ist somit, trotz seiner Vagheit, in ein transzendentes Verhältnis zu setzen. „Dies also war sein zuletzt gesprochenes auf Erden – und dann?“ Die Lektüre ist deswegen weniger im Sinne eines reinen Nachschlagewerkes konkreter letzter Sätze interessant. Sie lohnt sich vielmehr, da sie zu einer persönlichen Auseinandersetzung mit dem Tode zwingt. Was das Buch zu einem guten Geschenktip werden läßt für diejenigen, welche einem nahe stehen, aber in ihrer Lebensart entschieden zu sehr an der Oberfläche der Welt verbleiben.

Den Schluß des Buches bildet ein Nachwort Magenaus, in welchem er einen engeren Bezug zwischen Ernst Jünger und unserer Gegenwart herstellt. So zitiert er hier Jünger damit, was dieser über eine USA-​Reise im Januar 1958 schrieb: „Die Uhren gehen dort vor – und wie seinerzeit Tocqueville, so können auch wir heute ablesen, was uns blühen wird – eine Welt, die den Tod und die Liebe nicht kennt. Das hat mich unendlich bestürzt, obwohl es ja nur eine Bestätigung war.“ Magenau kommentiert dies anschließend ganz richtig mit: „In der Begegnung mit dem Tod kommt der Mensch zu sich selbst; will er vom Tod nichts mehr wissen, dann verleugnet er auch das Leben.“

Nach einem letzten Wort Ernst Jüngers sucht der Leser indes leider vergeblich. Was aber auch nicht weiter verwunderlich ist; die eigenen letzten Worte schreibt man selbst eben nicht mehr nieder.

Jörg Magenau (Hrsg.): Ernst Jünger – Letzte Worte. 245 Seiten, Klett-​Cotta Verlag 2013. 22,95 Euro.

jeudi, 20 juin 2013

125. Geburtstag Emanuel Hirsch

125. Geburtstag Emanuel Hirsch

Karlheinz Weißmann

(Text aus dem Band Vordenker [2] des Staatspolitischen Handbuchs, Schnellroda 2012.)

Selbst seinem theologischen und politischen Hauptgegner, Karl Barth, erschien er als außergewöhnlich »gelehrter und scharfsinniger Mann«, und für Wolfgang Trillhaas, einen der wenigen, die sich mit ihm wissenschaftlich befaßten, als »der letzte Fürst der … evangelischen Theologie «. Sonst ist der Tonfall der Urteile über Emanuel Hirsch im allgemeinen negativ und scharf verurteilend.

Denn Hirsch erscheint als lebender Widerspruch zu der These, daß der Faschismus bzw. Nationalsozialismus per se geistfeindlich und theorieunfähig gewesen sei. Der »Nazi-Intellektuelle « (Robert P. Ericksen) hatte sich 1933 – wie sonst nur noch Heidegger, Schmitt oder Benn – rückhaltlos auf die Seite Hitlers und des NS-Regimes gestellt und anders als die Genannten seine Position auch nicht mehr revidiert. Als junger Dozent und seit 1921 als Professor für Kirchengeschichte galt Hirsch in erster Linie als Träger der von seinem Lehrer Karl Holl eingeleiteten »Lutherrenaissance «. Allerdings war bei Hirsch in der Nachkriegszeit schon eine gewisse Akzentverschiebung zu erkennen, die man im Grunde nur als Neuaufnahme liberaler Vorstellungen deuten konnte. Er betonte jedenfalls, daß es notwendig sei, zwischen der »Dialektischen Theologie« und dem »jungen Luthertum« zu vermitteln.

Ein Grund für seine Bemühungen in diese Richtung war weniger theologischer, eher politischer, im Grunde theologisch-politischer Natur. Denn Hirsch gehörte zu denen, die nicht nur unter der Kriegsniederlage und dem Versailler Vertrag litten, sondern die auch nicht verwanden, daß das Augusterlebnis von 1914 ohne bleibende Bedeutung für die Volksgemeinschaft geblieben war. Schon in seinem 1920 erschienenen Buch Deutschlands Schicksal – das bis 1925 drei Auflagen erlebte – hatte er seine Position unmißverständlich zum Ausdruck gebracht und sich als Vertreter der Konservativen Revolution zu erkennen gegeben. Allerdings war Hirschs Kritik der Weimarer Republik in der Hinsicht gemäßigt, daß er die Legitimität der neuen Verhältnisse prinzipiell anerkannte, vorausgesetzt, sie erwiesen sich tüchtig, den Deutschen zum Wiederaufstieg zu verhelfen. Bis zum Beginn der dreißiger Jahre hielt Hirsch an dieser Position fest und galt neben dem ihm eng verbundenen Paul Althaus als führender Kopf der Jungkonservativen im deutschen Protestantismus.

Öffentlich bekannte er sich bis 1932 zur DNVP, nahm dann allerdings vor der Reichspräsidentschaftswahl gegen Hindenburg und für Hitler Stellung. Der Vorgang erregte Aufsehen und führte zu scharfen Angriffen auf Hirsch, die ihn aber unbeeindruckt ließen. Er begründete in dem Buch Von christlicher Freiheit (1934) seinen Schritt theologisch und verwies auf die Notwendigkeit der wagenden Entscheidung. Zwischen Hirschs theologischen Auffassungen und denen einiger seiner schärfsten Gegner bestand allerdings nicht selten eine strukturelle Ähnlichkeit. Denn es gab bei ihm nicht nur die Nähe zu allen, die darauf beharrten, daß Gottes Handeln für den Christen in der Geschichte ablesbar bleiben müsse, sondern auch eine Art Deckungsgleichheit mit dem Programm der »Entmythologisierung« und der Vorstellung vom »mündigen Christentum«.

Was den ersten Punkt betrifft, so hat Hirsch nicht nur dezidiert zugunsten Bultmanns Stellung genommen und verlangt, daß jene »mythenzerstörende Reflexion« vorangetrieben werde, die mit der historischen Bibelkritik ihren Anfang genommen habe. Es gibt bei ihm auch Formulierungen, die fast denen Bonhoeffers gleichen, der im Kern wie Hirsch davon ausging, daß sich das »Wahrheitsverständnis« seit der Aufklärung ein für allemal verändert habe und die tradierten Vorstellungen von Gott, Kirche und Glaube nicht mehr aufrechtzuerhalten seien. Daß das alles gemeinhin übersehen wird, hat in erster Linie damit zu tun, daß die theologische Entwicklung Hirschs in den dreißiger und frühen vierziger Jahren verdeckt wird durch die Hartnäckigkeit, mit der er an seiner Auffassung von Gottes Tat an Hitler und dem Nationalsozialismus festhielt und die Vorstellung verteidigte, daß sich mit Hilfe der »Glaubensbewegung Deutsche Christen« (DC) der notwendige kirchliche Neuansatz bewerkstelligen lasse.

Tatsächlich war Hirsch – abgesehen von Gerhard Kittel – der einzige evangelische Theologe von Rang, der zur DC hielt, und in seiner Zeit als Dekan der Göttinger Theologischen Fakultät, wo er 1936 den Lehrstuhl für Systematik übernommen hatte, versuchte er auch das Programm des Reichskirchenministeriums gegen alle Widerstände der »Bekennenden« durchzusetzen. Nach seinem Rücktritt als Dekan, 1939, zog Hirsch sich zwar weitgehend auf die wissenschaftliche Arbeit zurück, aber daraus kann nicht auf einen Gesinnungswandel geschlossen werden. Das gute Dutzend Bücher, das er zwischen 1933 und 1943 abfaßte, diente vor allem dem Zweck, eine Bilanz der Entwicklung des Christentums zu ziehen und die Frage zu klären, welche Wege in Zukunft noch gangbar seien. In diesen Zusammenhang gehört auch das für jeden Theologen bis heute unverzichtbare Hilfsbuch zum Studium der Dogmatik (1937).

Man muß die außerordentliche Leistung Hirschs auch angesichts der Tatsache würdigen, daß er schon in seiner Jugend ein Auge verloren hatte und auf dem anderen seit Beginn der dreißiger Jahre erblindet war. Als er am 30. Mai 1945 einen Antrag stellte, wegen Dienstunfähigkeit aus dem Amt zu scheiden, war der eigentliche Grund allerdings, daß er die Entnazifizierung umgehen wollte. Es gab später Versuche, ihn regulär zu emeritieren, die aber alle fehlschlugen. Hirsch hat trotzdem seine wissenschaftliche – und in steigendem Maß – seine schriftstellerische Tätigkeit fortgesetzt.

Abgesehen davon, daß seine Hauptwerke wegen ihres Rangs immer weiter erschienen und einige neuere Arbeiten – etwa die magistrale, fünf Bände umfassende Geschichte der neueren evangelischen Theologie (1949– 1954) oder Hauptfragen christlicher Religionsphilosophie (1963) – ohne Zögern von großen Verlagen in deren Programm aufgenommen wurden, hatte Hirsch eine Art »Gemeinde« (um den Verlag »Die Spur«), die auch eine ambitionierte, bis in die Gegenwart fortgesetzte Gesamtausgabe vorantrieb, und ähnlich wie Schmitt einen »Hof« und einen engeren Kreis von Anhängern, die sich um den großen Verfemten sammelten und mehr oder weniger offen zu ihm bekannten.

Schriften: Fichtes Religionsphilosophie im Rahmen der philosophischen Gesamtentwicklung Fichtes, Göttingen 1914; Christentum und Geschichte in Fichtes Philosophie, Tübingen 1920; Deutschlands Schicksal, Göttingen 1920; Die gegenwärtige geistige Lage, Göttingen 1934; Christliche Freiheit und politische Bindung, Hamburg 1935; Hilfsbuch zum Studium der Dogmatik, 1937 (4. Aufl. 2002); Die Umformung des christlichen Denkens in der Neuzeit, Tübingen 1938; Geschichte der neuern evangelischen Theologie im Zusammenhang mit den allgemeinen Bewegungen des europäischen Denkens, 5 Bde., Gütersloh 1949–54 (5. Aufl. 1975); Hauptfragen christlicher Religionsphilosophie, Berlin 1963.

Literatur: Ulrich Barth: Die Christologie Emanuel Hirschs, Berlin 1992; Robert P. Ericksen: Theologen unter Hitler: Das Bündnis zwischen evangelischer Dogmatik und Nationalsozialismus, München 1986; Joachim Ringleben (Hrsg.): Christentumsgeschichte und Wahrheitsbewußtsein: Studien zur Theologie Emanuel Hirschs, Berlin 1991.


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mercredi, 05 juin 2013

La fascinante experiencia de la Revolución Conservadora alemana (1919-1932)

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La fascinante experiencia de la Revolución Conservadora alemana (1919-1932)

 


Ex: http://www.nuevaderecha.org/

 

Bajo la fórmula “Revolución Conservadora” (RC) acuñada por Armin Mohler (Die Konservative Revolution in Deutschland 1918-1932) se engloban una serie de corrientes de pensamiento, cuyas figuras más destacadas son Oswald Spengler, Ernst Jünger, Carl Schmitt y Moeller van den Bruck, entre otros. La denominación de la RC (o KR en sus siglas originales), quizás demasiado ecléctica y difusa, ha gozado, no obstante, de aceptación y arraigo, para abarcar a una serie de intelectuales alemanes “idiosincráticos” de la primera mitad del siglo XX, sin unidad organizativa ni homogeneidad ideológica, ni –mucho menos- adscripción política común, que alimentaron proyectos para una renovación cultural y espiritual de los auténticos valores contra los principios demoliberales de la República de Weimar, dentro de la dinámica de un proceso palingenésico que reclamaba un nuevo renacimiento alemán y europeo (una re-generación).

Aun siendo consciente de que los lectores de El Manifiesto cuentan ya con un cierto bagaje de conocimientos sobre la llamada “Revolución Conservadora”, parece conveniente abordar un intento por situarla ideológicamente, especialmente a través de determinadas descripciones de la misma por sus protagonistas, complementadas por una síntesis de sus principales actitudes ideológicas –o mejor, de rechazos– que son, precisamente, el único vínculo de asociación entre todos ellos. Porque lo revolucionario-conservador se define principalmente por una actitud ante la vida y el mundo, un estilo, no por un programa o doctrina cualquiera.

Según Giorgio Locchi, entre 1918 y 1933 la Konservative Revolution nunca presentó un aspecto unitario o monolítico y «acabó por perfilar mil direcciones aparentemente divergentes», contradictorias incluso, antagónicas en otras ocasiones. Ahí encontraremos personajes tan diversos como el primer Thomas Mann, Ernst Jünger y su hermano Friedrich Georg, Oswald Spengler, Ernst von Salomon, Alfred Bäumler, Stefan Georg, Hugo von Hofmanssthal, Carl Schmitt, Martin Heidegger, Jacob von Üexküll, Günther, Werner Sombart, Hans Blüher, Gottfried Benn, Max Scheler y Ludwig Klages. Todos ellos dispersados en torno a una red de asociaciones diversas, sociedades de pensamiento, círculos literarios, organizaciones semi-clandestinas, grupúsculos políticos, en la mayoría de las ocasiones sin conexión alguna. Esas diferencias han llevado a uno de los grandes estudiosos de la Revolución Conservadora, Stefan Breuer, a considerar que realmente no existió la Revolución Conservadora y que tal concepto debe ser eliminado como herramienta interpretativa. Pero, como afirma Louis Dupeux, la Revolución Conservadora fue, de hecho, la ideología dominante en Alemania durante el período de Weimar.

Los orígenes de la RC –siguiendo la tesis de Locchi– hay que situarlos a mediados del siglo XIX, si bien situando lo que Mohler llama las “ideas”, o mejor, las “imágenes-conductoras” (Leitbilder) comunes al conjunto de los animadores de la Revolución Conservadora. Precisamente, uno de los efectos del hundimiento de la vieja y decadente actitud fue el desprestigio de los conceptos frente a la revalorización de las imágenes. Estética frente a ética es la expresión que mejor describe esta nueva actitud.

En primer lugar, se sitúa el origen de la imagen del mundo en la obra de Nietzsche: se trata de la concepción esférica de la historia, frente a la lineal del cristianismo, el liberalismo y el marxismo; se trata, en realidad, de un “eterno retorno”, pues la historia no es una forma de progreso infinito e indefinido; en segundo lugar, la idea del “interregno”: el viejo orden se hunde y el nuevo orden se encuentra en el tránsito de hacerse visible, siendo nuevamente Nietzsche el profeta de este momento; en tercer lugar, el combate del nihilismo positivo y regenerativo, una “re-volución, un retorno, reproducción de un momento que ya ha sido”; y en cuarto y último lugar, la renovación religiosa de carácter anticristiano, a través de un “cristianismo germánico” liberado de sus formas originales o de la resurrección de antiguas divinidades paganas indoeuropeas.

Resulta, pues, que Nietzsche constituye no sólo el punto de partida, sino también el nexo de unión de los protagonistas de la RC, el maestro de una generación rebelde, que sería filtrado por Spengler y Moeller van den Bruck, primero, y Jünger y Heidegger, posteriormente, como de forma magistral expuso Gottfried Benn. En las propias palabras de Nietzsche encontramos el primer aviso del cambio: «Conozco mi destino. Algún día se unirá mi nombre al recuerdo de algo tremendo, a una crisis como no la hubo sobre la tierra, al más hondo conflicto de conciencia, a una decisión pronunciada contra todo lo que hasta ahora ha sido creído, exigido, reverenciado».

Nietzsche es la punta de un iceberg que rechazaba el viejo orden para sustituirlo por un nuevo renacimiento. Y los representantes generacionales de la Revolución Conservadora percibieron que podían encontrar en el filósofo germano a un “ancestro directo” para adaptar la revolución de la conciencia europea a su Kulturpessimismus. Ferrán Gallego ha realizado el siguiente resumensobre la esencia de la Konservative Revolution:

«El elogio de las élites […], la concepción instrumental de las masas, el rechazo de la “nación de ciudadanos” [entendidos como átomos aislados] a favor de la nación integral, la visión orgánica y comunitaria de la sociedad frente a las formulaciones mecanicistas y competitivas, la combinación del liderazgo con la hostilidad al individualismo, el ajuste entre la negación del materialismo y la búsqueda de verificaciones materiales en las ciencias de la naturaleza. Todo ello, presentado como un gran movimiento de revisión de los valores de la cultura decimonónica, como un rechazo idéntico del liberalismo y del socialismo marxista, estaba aún lejos de organizarse como movimiento político. La impresión de que había concluido un ciclo histórico, de que el impulso de las ideologías racionalistas había expirado, la contemplación del presente como decadencia, la convicción de que las civilizaciones son organismos vivos, no fueron una exclusiva del pesimismo alemán, acentuado por el rigor de la derrota en la gran guerra, sino que se trataba de una crisis internacional que ponía en duda las bases mismas del orden ideológico contemporáneo y que muchos vivieron en términos de tarea generacional.»

Louis Dupeux insiste, no obstante, en que la RC no constituye, en momento alguno, «una ideología unificada, sino una Weltanschauung plural, una constelación sentimental». Ya sean considerados “idealistas”, “espiritualistas” o “vitalistas”, todos los revolucionario-conservadores consideran prioritaria la lucha política y el liberalismo es considerado como el principal enemigo, si bien el combate político se sitúa en un mundo espiritual de oposición idealista, no en el objetivo de la conquista del poder ansiada por los partidos de masas. Según Dupeux, la fórmula de esta “revolución espiritualista” es propiciar el paso a la constitución de una “comunidad nacional orgánica”, estructurada y jerarquizada, consolidada por un mismo sistema de valores y dirigida por un Estado fuerte.

En fin, una “revuelta cultural” contra los ideales ilustrados y la civilización moderna, contra el racionalismo, la democracia liberal, el predominio de lo material sobre lo espiritual. La causa última de la decadencia de Occidente no es la crisis sentimental de entreguerras (aunque sí marque simbólicamente la necesidad del cambio): la neutralidad de los Estados liberales en materia espiritual debe dejar paso a un sistema en el que la autoridad temporal y la espiritual sean una y la misma, por lo que sólo un “Estado total” puede superar la era de disolución que representa la modernidad. Así que la labor de reformulación del discurso de la decadencia y de la necesaria regeneración será asumida por la Revolución Conservadora.

Si hubiéramos de subrayar ciertas actitudes o tendencias básicas como elementos constitutivos del pensamiento revolucionario-conservador, a pesar de su pluralidad contradictoria, podríamos señalar diversos aspectos como los siguientes: el cuestionamiento de la supremacía de la racionalidad sobre la espiritualidad, el rechazo de la actividad política de los partidos demoliberales, la preferencia por un Estado popular, autoritario y jerárquico, no democrático, así como un distanciamiento tanto del “viejo tradicionalismo conservador” como de los “nuevos liberalismos” capitalista y marxista, al tiempo que se enfatizaba la experiencia de la guerra y el combate como máxima realización. La reformulación del ideario se fundamenta en la necesidad de construir una “tercera vía” entre el capitalismo y el comunismo (sea el socialismo prusiano de van den Bruck, el nacionalismo revolucionario de Jünger o el nacional-bolchevismo de Niekisch). Y por encima de estas actitudes se encontraba presente el sentimiento común de la necesidad de barrer el presente decadente y corrupto como tránsito para recuperar el contacto con una vida fundamentada en los valores eternos.

El propio Mohler, que entendía la “Revolución Conservadora” como «el movimiento espiritual de regeneración que trataba de desvanecer las ruinas del siglo XIX y crear un nuevo orden de vida» –igual que Hans Freyer consideraba que “barrerá los restos del siglo XIX”–, proporciona las evidencias más convincentes para una clasificación de los motivos centrales del pensamiento de la RC que, según su análisis, giran en torno a la consideración del final de un ciclo, su repentina metamorfosis, seguida de un renacimiento en el que concluirá definitivamente el “interregno” que comenzó en torno a la generación de 1914. Para ello, Mohler rescata a una serie de intelectuales y artistas alemanes que alimentaban proyectos comunitarios para la renovación cultural desde un auténtico rechazo a los principios demoliberales de la República de Weimar.

Para Mohler, según Steuckers, el punto esencial de contacto de la RC era una visión no-lineal de la historia, si bien no recogió simplemente la tradicional visión cíclica, sino una nietzscheana concepción esférica de la historia. Mohler, en este sentido, nunca creyó en las doctrinas políticas universalistas, sino en las fuertes personalidades y en sus seguidores, que eran capaces de abrir nuevos y originales caminos en la existencia.

La combinación terminológica Konservative Revolution aparecía ya asociada en fecha tan temprana como 1851 por Theobald Buddeus. Posteriormente lo hacen Youri Samarine, Dostoïevski y en 1900 Maurras. Pero en 1921 es Thomas Mann el primero en utilizar la expresión RC con un sentido más ideologizado, en su Russische Anthologie, hablando de una «síntesis […] de ilustración y fe, de libertad y obligación, de espíritu y cuerpo, dios y mundo, sensualidad y atención crítica de conservadurismo y revolución». El proceso del que hablaba Mann «no es otro que una revolución conservadora de un alcance como no lo ha conocido la historia europea.»

La expresión RC también tuvo fortuna en las tesis divulgadas por la Unión Cultural Europea (Europïsche Kulturband) dirigida por Karl Anton, príncipe de Rohan, aristócrata europeísta y animador cultural austríaco, cuya obra La tarea de nuestra generación de 1926 –inspirada en El tema de nuestro tiempo de Ortega y Gasset– utiliza dicha fórmula en varias ocasiones. Sin embargo, la fórmula RC adquirió plena popularidad en 1927 con la más célebre conferencia bávara de Hugo von Hofmannsthal, cuando se propuso descubrir la tarea verdaderamente hercúlea de la Revolución Conservadora: la necesidad de girar la rueda de la historia 400 años atrás, toda vez que el proceso restaurador en marcha «en realidad se inicia como una reacción interna contra aquella revolución espiritual del siglo XVI» (se refiere al Renacimiento). Hofmannsthal, en definitiva, reclamaba un movimiento de reacción que permitiera al hombre escapar a la disociación moderna y reencontrar su “vínculo con la totalidad”.

En palabras de uno de los más destacados representantes de la RC, Edgar J. Jung: «Llamamos Revolución Conservadora a la reactivación de todas aquellas leyes y valores fundamentales sin los cuales el hombre pierde su relación con la Naturaleza y con Dios y se vuelve incapaz de construir un orden auténtico. En lugar de la igualdad se ha de imponer la valía interior; en lugar de la convicción social, la integración justa en la sociedad estamental; la elección mecánica es reemplazada por el crecimiento orgánico de los líderes; en lugar de la coerción burocrática existe una responsabilidad interior que viene de la autodeterminación genuina; el placer de las masas es sustituido por el derecho de la personalidad del pueblo».

Otro de los lugares comunes de la RC es la autoconciencia de quienes pertenecían a la misma de no ser meramente conservadores. Es más, se esmeraban en distanciarse de los grupos encuadrados en el “viejo conservadurismo” (Altkonservativen) y de las ideas de los “reaccionarios” que sólo deseaban “restaurar” lo antiguo. La preocupación central era “combinar las ideas revolucionarias con las conservadoras” o “impulsarlas de un modo revolucionario-conservador” como proponía Moeller van den Bruck.

Por supuesto que la “revolución conservadora”, por más que les pese a los mal llamados “neoconservadores” (sean del tipo Reagan, Bush, Thatcher, Aznar, Sarkozy o Merkel), no tiene nada que ver con la “reacción conservadora” (una auténtica “contrarrevolución”) que éstos pretenden liderar frente al liberalismo progre, el comunismo posmoderno y el contraculturalismo de la izquierda. La debilidad de la derecha clásico-tradicional estriba en su inclinación al centrismo y a la socialdemocracia (“la seducción de la izquierda”), en un frustrado intento por cerrar el paso al socialismo, simpatizando, incluso, con los únicos valores posibles de sus adversarios (igualitarismo, universalismo, falso progresismo). Un grave error para los que no han comprendido jamás que la acción política es un aspecto más de una larvada guerra ideológica entre dos concepciones del mundo completamente antagónicas.

En fin, la derecha neoconservadora no ha captado el mensaje de Gramsci, no ha sabido ver la amenaza del poder cultural sobre el Estado y como éste actúa sobre los valores implícitos que proporcionan un poder político duradero, desconociendo una verdad de perogrullo: no hay cambio posible en el poder y en la sociedad, si la transformación que se trata de imponer no ha tenido lugar antes en las mentes y en los espíritus. Se trata de una apuesta por el “neoconservadurismo” consumista, industrial y acomodaticio, todo lo contrario de lo que se impone hoy: recrear una “revolución conservadora” con patente europea que, en frase de Jünger, fusione el pasado y el futuro en un presente ardiente.

Entre tanto, el “neoconservadurismo” contrarrevolucionario, partiendo del pensamiento del alemán emigrado a norteamérica Leo Strauss, no es sino una especie de “reacción” frente a la pérdida de unos valores que tienen fecha de caducidad (precisamente los suyos, propios de la burguesía angloamericana mercantilista e imperialista). Sus principios son el universalismo ideal y humanitario, el capitalismo salvaje, el tradicionalismo académico y el burocratismo totalitario. Para estos neocons, Estados Unidos aparece como la representación más perfecta de los valores de la libertad, la democracia y la felicidad fundadas en el progreso material y en el regreso a la moral judeocristiana, siendo obligación de Europa el copiar este modelo triunfante.

El “neoconservadurismo” angloamericano, reaccionario y contrarrevolucionario es, en realidad, un neoliberalismo democratista y tradicionalista –lean si no a Fukuyama-, heredero de los principios de la Revolución Francesa. La Revolución Conservadora, sin embargo, puede definirse, según Mohler, como la auténtica “antirRevolución Francesa”: la Revolución Francesa disgregó la sociedad en individuos, la conservadora aspiraba a restablecer la unidad del conjunto social; la francesa proclamó la soberanía de la razón, desarticulando el mundo para aprehenderlo en conceptos, la conservadora trató intuir su sentido en imágenes; la francesa creyó en el progreso indefinido en una marcha lineal; la conservadora retornó a la idea del ciclo, donde los retrocesos y los avances se compensan de forma natural.

En la antagónica Revolución Conservadora, ni la “conservación” se refiere al intento de defender forma alguna caduca de vida, ni la “revolución” hace referencia al propósito de acelerar el proceso evolutivo para incorporar algo nuevo al presente. Lo primero es propio del viejo conservadurismo reaccionario –también del mal llamado neoconservadurismo– que vive del pasado; lo segundo es el logotipo del falso progresismo, que vive del presente-futuro más absoluto.

Mientras que en gran parte del llamado mundo occidental la reacción ante la democratización de las sociedades se ha movido siempre en la órbita de un conservadurismo sentimental proclive a ensalzar el pasado y lograr la restauración del viejo orden, los conservadores revolucionarios no escatimaron ningún esfuerzo por marcar diferencias y distancias con lo que para ellos era simple reaccionarismo, aunque fuera, en expresión de Hans Freyer, una Revolución desde la derecha. La RC fue simplemente una rebelión espiritual, una revolución sin ninguna meta ni futuro reino mesiánico.

samedi, 04 mai 2013

Grossraum: International Conference of Global Revolutionary Alliance

Grossraum: International Conference of Global Revolutionary Alliance

jeudi, 18 avril 2013

Oswald Spengler. The decline of the West.

Oswald Spengler. The decline of the West.

Part 6 of 6 (other parts included)

mardi, 16 avril 2013

Othmar Spann: Vom klerikalfaschistischen Ständestaat und seinen Kontinuitäten

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Othmar Spann: Vom klerikalfaschistischen Ständestaat und seinen Kontinuitäten

von Heide Hammer

Ex: http://www.contextxxi.at/

spann3464600893.jpgEiner wollte den Führer führen. Nein: Einige wollten den Führer führen und wirkten so im Zeichen des Führers. Ob Heidegger, Rosenberg oder Spann, die Qualität ihrer Beiträge bleibt in diesem Kontext sekundär, wenn auch im Sinne der üblichen Vorwegnahme bei Spann die Betonung auf der philosophischen Stupidität liegen kann. Ihm gelang jedoch die Formierung eines Kreises, der mehr als sechzig Jahre nach seiner eigenen Entfernung von der Universität, der heutigen WU-Wien, das Gewäsch von Ganzheit wiederholt und daneben peinlich bemüht wirkt, keinen runden Geburtstag des Meisters oder seines ersten Schülers, manchmal auch des zweiten oder folgender, zu vergessen und zumeist mit einem Presseartikel, besser mit einem Jubiläumsband zu bedenken.

Othmar Spann inthronisierte sich in einem hierarchischen Ständemodell - an der Spitze - und war als Lehrer geistiges Zentrum der von ihm Erwählten. In seinem 1921 erstmals veröffentlichten Werk Der wahre Staat. Vorlesungen über Abbruch und Neubau der Gesellschaft ordnet er "Stände nach ihren geistigen Grundlagen"1 und ficht gegen Demokratie, Liberalismus und vor allem marxistischen Sozialismus. Ordnendes Prinzip sei: "daß jeder niedere Stand geistig vom jeweils höheren geführt wird (im Original gesperrt), nach dem geistigen Lebensgesetz aller Gemeinschaft und Gemeinschaftsverbindung 'Unterordnung des Niedern unter das Höhere'" (Der wahre Staat, S.176).
Seine zusammenfassende "Übersicht der Stände nach ihren geistigen Grundlagen": "1. die Handarbeiter (verankert im sinnlich-vitalen Leben); 2. die höheren Arbeiter, zerfallend in Kunstwerker und darstellende Geistesarbeiter (verankert nicht mehr allein in dem sinnlich-vitalen, sondern auch in einem höheren geistigen Leben, in diesem aber nur, im wesentlichen, teilnehmend); 3. die Wirtschaftsführer, die in wirtschaftlich-organisatorischer Hinsicht selbständig, schöpferisch wirken, im übrigen aber mehr im Sinnlich-Vitalen oder höchstens noch teilnehmend im Geistesleben verankert sind; 4. die Staatsführer, schöpferisch in sittlich-organisatorischer Hinsicht, im wesentlichen nur teilnehmend im höheren Geistesleben; eine Sondergruppe der Staatsführer bilden die höheren selbständig wirkenden Krieger und Priester; 5. endlich die Weisen oder der schöpferisch höhere Lehrstand (im Original gesperrt), der nur uneigentlich ein Stand ist und dessen Schöpfungen zuerst ein vermittelnder geistiger Stand (5 a) weitergibt." (Ebd., S. 175)

Die Figur des Kreises

Auch er hatte zumindest einen Koch dabei - um "Vollstand" also "handelnd" (Ebd., S. 176) zu werden - diese sind durchaus zahlreich, er führt seine Schüler in Privatseminaren (Sonntag Vormittag bei sich zuhause) in die Grundlagen seiner Gesellschaftslehre ein.2 Primus wird - mit überaus langem Atem in seinem Wirken - Walter Heinrich. Er promoviert 1925 bei Spann, wird 1927 sein Assistent, habilitiert sich 1928 und erhält 1933 an der Wiener Hochschule für Welthandel einen Lehrstuhl für Nationalökonomie. Viele Jahre später zeichnet er in der Zeitschrift für Ganzheitsforschung ein Bild wunderbarer Harmonie dieser Lehrer-Schüler-Beziehung, ein Arbeitszusammenhang, der sehr auf politischen Einfluss zielte, hingegen in der Erinnerung jeweils von der konkreten historischen Situation abstrahiert und metaphysische Distanz beansprucht. Der Meister einer elitären Verbindung provoziert den Terminus "Genie", Kritik wird folglich zu einer inadäquaten Form der Auseinandersetzung, lediglich Analogien zu genialen Personen auf anderen Gebieten (Mozart) erleichtern die Übersetzung jener "Größe", die nunmehr in der Erzählung wirkt:3 "Eine ... tiefer schürfende Erklärung für seine [Spanns] Wirksamkeit liegt sicherlich in der geschlossenen Einheit von Leben und Lehre, von Persönlichkeit und geistigem Werk. Hier war das Eroshafte und das Logoshafte, freundschaftliche Nähe und Geisteskraft in seltener Einheit zusammengewachsen und haben vermöge dieser schöpferischen Verbindung einen Gründungsakt eingeleitet, der weiterwirkt. Vom ersten Geistesblitz der Gründung bis zur Entfaltung des Werkes ... der Wurzelgrund der Lehre wurde niemals verlassen. Dieser Wurzelgrund ... ist der Befund, daß Geist nur am anderen Geist werden kann, also gliedhaft; und die Erkenntnis: wo Glied, da Ganzheit. Damit ist eine neue Eroslehre begründet, eine neue Gemeinschaftslehre, eine neue Gesellschaftslehre."

J. Hanns Pichler, ein später Apologet und heute Vorstand des Instituts für Volkswirtschaftstheorie und -politik an der WU-Wien, übernimmt u.a. die Aufgabe, in gegebenen Abständen auch an den Schüler zu erinnern, an Geburtstagen, später posthum4 oder die Erinnerung an Spann und Heinrich zu verbinden3. Daneben oder danach protegiert Spann Jakob Baxa, der Rechtswissenschaften studiert hatte; von Spann zum Dank für seine intensive und wertvolle Auseinandersetzung mit der Romantik im Fach Gesellschaftslehre habilitiert (Siegfried, S. 72). Wilhelm Andrae wechselt ebenso unter dem Einfluss Spanns von der klassischen Philologie, mit der er an der Berliner Universität nicht reüssieren konnte, zur Nationalökonomie; er erhält 1927 in Graz einen Lehrstuhl für Politische Ökonomie (Ebd.). Seine Übersetzung von Platons Staat, woran Spann gerne seine Überlegungen knüpft, wird hier als Habilitationsschrift anerkannt. Hans Riehl promoviert 1923 bei Spann, die Habilitation 1928 kann bereits bei seinem Freund Wilhelm Andrae in Graz erfolgen (Ebd., S. 73).

Ernst von Salomon5, selbst in jenem Kräftefeld aktiv, das in der Weimarer Republik von Konservativen Revolutionären gebildet wird (u.a. an der Ermordung von Außenminister Walter Rathenau am 24. Juni 1922 beteiligt und verurteilt), hielt sich auf Einladung Spanns in Wien auf und beschreibt in seinem Bestseller, Der Fragebogen6 das alltägliche politische Verhalten der Spann-Schüler (Zit. nach Siegfried, S. 71): "Die 'Spannianer' bildeten auf der Universität eine besondere Gruppe, die größte Gruppe von allen, und, wie ich wohl behaupten darf, auch die geistig lebendigste. In jeder Verschwörerenklave auf den Gängen, in den Hallen und vor den Toren waren Spannianer, mit dem Ziel einer kleinen Extraverschwörung, wie ich vermute, - die beiden Spannsöhne vermochten schon gar nicht anders durch die Universität zu schlendern, wo sie gar nichts zu suchen hatten, ohne ununterbrochen nach allen Seiten vertrauensvoll zu blinzeln. Jeder einzelne von den Spannschülern mußte das Bewußtsein haben, an etwas selber mitzuarbeiten, was mit seiner Wahrheit mächtig genug war, die Welt zu erfüllen, jedes Vakuum auszugleichen, an einem System, so rund, so glatt, so kristallinisch in seinem inneren Aufbau, daß jedermann hoffen durfte, in gar nicht allzulanger Zeit den fertigen Stein der Weisen in der Hand zu haben."7
Weiter oben im Text zeigt von Salomon Interesse an der Tätigkeit Adalbert und Rafael Spanns und legt ihnen die Worte in den Mund: "Schau, das verstehst du net - wir packeln halt" (Zit. nach Siegfried, S. 238). Der Autor versucht in der nachgeordneten Darstellung die ideologischen Wendungen der Akteure zu analysieren, schwankt dabei von Gefasel über "jahrhundertelang[en] ... Verkehr mit fremden Völkerschaften und widerstrebenden Mächten" - die k. u. k. Monarchie wiedermal - und methodischen Aspekten des Verfahrens männerbündischer Dominanz: "Nichts schien so bedeutend, nichts aber auch so unbedeutend, daß es außer acht gelassen werden könnte." (Ebd.)

Die Protagonisten dieser Art Universalismus richten ihre Aktivitäten nach verschiedenen Polen, um in der zeitweiligen Konkurrenz von Nationalsozialismus, Faschismus und Ständestaat ebenso ein Netz zu bilden, wie in den Kontinuitäten der 2. Republik. Ein Blick auf die umfangreiche Publikationsliste J. Hanns Pichlers, des nunmehrigen Vorstands der Gesellschaft für Ganzheitsforschung, dokumentiert eine der Traditionslinien. Sein Bemühen gilt den Klein- und Mittelbetrieben, dem Kleinbürgertum, eine mögliche ideologische Parallele zu Othmar Spann, und - entsprechend seiner Funktion - den Anwendungsgebieten des ganzheitlichen Denkens.8 Dass er im gegebenen politischen Kräftefeld die Publikationsmöglichkeit im Organ der Freiheitlichen Akademie, Freiheit und Verantwortung wahrnimmt, verwundert kaum.9 Gerne bespricht er in der von ihm herausgegebenen Zeitschrift für Ganzheitsforschung Übersetzungen oder Neuauflagen der Schriften Julius Evolas10, jenes faschistischen Philosophen und Mystikers, der Mussolini von seiner Philosophie überzeugen wollte, die SS liebte und heute Inspiration vieler rechter AktivistInnen ist. Evolas 'Cavalcare la tigre' (Den Tiger reiten) sieht Pichler "ungemein aufrüttelnd und zeitgemäß zugleich", der beliebte Plot 'Untergang des Abendlandes' wird diesmal durch die "Auflösung im Bereich des Gemeinschaftslebens" gegeben und Pichler konkretisiert, "von Staat und Parteien, einer weithin endemisch gewordenen Krise des Patriotismus, von Ehe und Familie bis hin zu den Beziehungen der Geschlechter untereinander" (Zeitschrift für Ganzheitsforschung 4 (1999), S. 209). Denn, so die Diagnose Pichlers in einer Rezension des von Caspar von Schrenck-Notzing herausgegebenen Lexikon des Konservativismus (Zeitschrift für Ganzheitsforschung 2 (1998), S. 93), "in einer pluralistisch zerrissenen und 'unkonservativen' Zeit" dürfen dahingehend mutige Leistungen (das vorliegende Lexikon) nicht geschmälert werden - obgleich er die "notorische und offenbar nicht auszumerzende[!] Fehlinterpretation" der inneren Ordnung der Werke Spanns bedauert -, den Wirren der Zeit werden der ganzheitlichen "Geistestradition verpflichtete Autoren" vor- und gegenübergestellt, allen voran immer wieder Spann.

Fragen der politischen Funktion, der Adressaten und Verbündeten der universalistischen Staatslehre werden insoweit unterschiedlich beantwortet, als AutorInnen wie Meyer11, Schneller12 oder Resele13 einen Zusammenhang des ideologischen KSpanns und der sozialen Interessen der kleinbürgerlichen Mittelschicht betonen, während Siegfried darauf beharrt, dass sich dahingehend keine eindeutige Beziehung feststellen ließe, die konkreten Bündnispartner (Heimwehr, Stahlhelm) vielmehr Oberklassen repräsentierten (Vgl. Siegfried, S. 14). Spann wirkt im Zeichen eines "dritten Weges", ein Motiv, das im Kontext der Konservativen Revolution14 an unterschiedlichen Positionen deutlich wird und später gerne von VertreterInnen einer vermeintlich "Neuen Rechten" (Nouvelle Droite)15 affirmiert wird. Das Ständestaatskonzept bietet in seinem Kampf gegen den Historischen Materialismus und die politische Organisation der ArbeiterInnenbewegung eine vorgeblich konsensuale Alternative, die als Wirtschaftsordnung "... jeden, Arbeiter wie Unternehmer, aus seiner Vereinzelung herausreißt und ihm jene Eingliederung in eine Ganzheit gewährt, welche Aufgehobenheit und Beruhigung bedeutet statt vernichtenden Wettbewerb, statt der hastigen Unruhe und Erregung der kapitalistischen Wirtschaftsordnung" (Der wahre Staat, S. 234). In Anlehnung an die Gesellschafts- und Staatslehre der politischen Romantik (Adam Müller) war Spann bemüht, soziale Antagonismen, Phänomene des Klassenkampfes in einem geistigen Gesamtzusammenhang aufzulösen (Vgl. Siegfried, S. 32-34) und das Glück der Unterordnung, der freudigen Hingabe an die subalterne Funktion im hierarchischen Gefüge in unglaublichen Variationen und Auflagen zu verbreiten.

In den Anfängen seiner akademischen Karriere, Spann habilitiert sich 1907 an der Deutschen Technischen Hochschule in Brünn, positioniert er sich in den nationalistischen Auseinandersetzungen der Germanisierungspolitik in der österreichischen Monarchie (Zit. nach Siegfried, S. 43):
"Der Begriff des passiven Mitgliedes ist theoretisch wichtig zur Beurteilung der Bedeutung der Rasse und praktisch für die Frage der Eindeutschung der slawischen Massen. Nehmen wir an, eine bestimmte nationale Gemeinschaft unterwerfe sich eine fremdrassige, minderbefähigte Nachbarnation, entnationalisiere sie und füge sie damit in ihre eigene Gemeinschaft ein. Wie wirkt dies auf den Körper der Nation? Wenn die neuen Mitglieder rassemäßig zur aktiven Teilnahme an der nationalen Kultur wenig befähigt sind, so können sie als passive Mitglieder doch sehr wertvoll werden." (Othmar Spann: Kurzgefaßtes System der Gesellschaftslehre, S. 203)
Derartige Tiraden bedingen nach dem Zusammenbruch der Monarchie die Notwendigkeit seiner Rückkehr nach Wien, wo er von 1919-1938 als Ordinarius für Gesellschafts- und Nationalökonomie an der rechts- und staatswissenschaftlichen Fakultät der Universität Wien wirkt. Die kaum dreiwöchige Felderfahrung Spanns im 1. Weltkrieg, er wurde am 21. August 1914 in der Schlacht bei Kraspe verwundet, verhindert vorläufig die wichtige Dekoration durch eine militärische Auszeichnung (Siegfried, S. 48). Er beantragt daher selbst die Verleihung eines militärischen Ordens, u.a. da seine Vorgesetzten "teils verwundet, teils verschollen" waren und so sein "Verhalten vor dem Feinde durch die Ungunst der Verhältnisse nicht anerkannt wurde" (Zit. nach Siegfried, S. 232, Fußnote 154). Sein Ansehen als Hochschullehrer und engagierter Nationalist sollte dadurch nicht geschmälert werden.

Heimwehrkontakte

Als nach dem Eingreifen der Polizei 86 Tote die Empörung der ArbeiterInnen - kumuliert im Brand des Justizpalastes - kennzeichnen, erzwingt die Heimwehr den Abbruch der sozialdemokratischen Kampfmaßnahmen und erfreut sich daraufhin der Zuwendung heterogener reaktionärer Kräfte, die Heimwehr wird (besonders bäuerliche) Massenbewegung (Siegfried, S. 81). In dieser zweiten Legislaturperiode der Regierung Seipel dominiert Spanns universalistische Lehre die Wiener Universität, sein Kreis hatte sich kontinuierlich vergrößert, nun kommt es zu intensiven Kontakten zwischen dem Führer der Christlichsozialen Partei, der Heimwehr-Führung und Mitgliedern des Spann-Kreises. Im Sommer 1929 wird Walter Heinrich Generalsekretär der Bundesführung des österreichischen Heimatschutzes, im Oktober übernimmt Hans Riehl die Leitung der Propagandaabteilung der Selbstschutzverbände (Siegfried, S. 84). Die Spannungen innerhalb der Heimwehren, unterschiedlicher Flügel, wie sie z.T. für die ÖVP charakteristisch sind, sollten durch ein Gelöbnis (Korneuburger Eid, 18. Mai 1930) beseitigt werden, dessen Text wesentlich von Walter Heinrich formuliert wurde. Der Versuch der Beschwörung der Einheit misslingt, Aristokraten siegen über kleinbürgerliche Repräsentanten der Heimwehren und beenden die Tätigkeit des Spann-Kreises in der Organisation (Siegfried, S. 100).

Versuche in Italien

Seit 1929 wenden sich Vertreter der universalistischen Lehre dem Faschismus zu, die italienische Regierung bedachte im übrigen die Heimwehren mit bedeutenden Geld- und Waffenlieferungen, den Mangel eines konkreten politischen Programms will Spann kompensieren (Zit. nach Siegfried, S. 102):
"... Das Fehlen des Gedankens vor der Tat ist ein Widerspruch... Zwischen der Szylla und Charybdis des Kommunismus und des Kapitalismus durch die kühne Tat eines einzigen Steuermannes hindurchzuschiffen, das konnte eben noch gelingen. Aber danach kann der Faschismus entweder auf das offene Meer der Abenteuer hinausfahren, wie Odysseus, oder er muß sich über Weg und Ziel aufs klarste bewußt werden, er muß eine theoretische Grundlage (im Original gesperrt) erlangen ... Der politischen Tat, so dünkt uns, muß nunmehr die geistige Arbeit folgen. War das vergangene Dezennium der Gründung und dem ersten politischen Aufbau gewidmet, so muß das kommende Dezennium der Herausarbeitung der geistigen Grundlagen und der theoretischen Vertiefung gehören. Nicht hoch genug kann u. E. diese Aufgabe angeschlagen werden. Denn die jahrhundertelange Arbeit der individualistischen und sozialistischen Theoretiker läßt sich nicht durch die politische Tat allein überwinden, es muß ihr ein tiefdurchdachtes und wohlausgebildetes Gedankengebäude auf allen Gebieten des Lebens, insbesondere des Staates, des Rechtes, der Wirtschaft, der ganzen Gesellschaft entgegengestellt werden." (Othmar Spann: Instinkt und Bewußtsein, S. 11)
Bedeutende Differenzen, besonders in Fragen des organisatorischen Aufbaus der Interessenvertretungen, trennen Spanns Konzeption von der faschistischen Syndikatsordnung, in der sich Unternehmer und Arbeiter getrennt gegenüberstehen. Das Ständemodell betont die Vorzüge gemeinsamer Zwangsverbände und die Vermittlerfunktion einer staatlichen Instanz, die selbst in der korporativen Phase des Faschismus durch die beherrschende Funktion mächtiger Monopolgruppen der italienischen Wirtschaft im Staat konträr beschrieben werden kann [Siegfried, S. 177ff). Zwar gibt es persönliche Kontakte zu führenden Funktionären des faschistischen Systems, doch die Wirkung der universalistischen Lehre bleibt gering.

Austrofaschismus

In Österreich war die Transformation der parlamentarischen Demokratie zu einem klerikalfaschistischen Ständestaat durch die Ausschaltung von Parlament und Verfassungsgerichtshof gelungen. Spann verweist auf seine "organisch universalistische Gesellschafts- und Wirtschaftslehre" und betont deren Unvereinbarkeit mit demokratischen Formen der Repräsentation (Zit. nach Siegfried, S. 139):
"Die Forderung einer ständischen Ordnung hat nur Sinn, wenn ein grundsätzlicher Bruch mit allem Individualismus, Liberalismus, Kapitalismus erfolgt und auch in der praktischen Politik der Bruch mit Demokratie und Parteienstaat eingeleitet wird. Denn im organisch-ständischen Gedanken liegt, daß alle großen Lebenskreise der Gesellschaft zu arteigenen Gebilden mit arteigener (im Original gesperrt) Herrschergewalt ('Souveränität') werden. Nicht nur die Wirtschaft würde zu einem Gesamtstande, welcher in einem organisch aufgebauten System von Berufsständen (im Original gesperrt) sich selbst verwaltet und diese Selbstverwaltungsangelegenheiten dem heutigen zentralistischen Parlamente und dem heutigen, omnipotenten Staat entzieht. Auch der Staat (beziehungsweise seine politische Führung), dessen Stärke eine Lebensfrage ist, wird dadurch ein Stand." (Othmar Spann: Die politisch-wirtschaftliche Schicksalsstunde der deutschen Katholiken. In: Schönere Zukunft 7 (1931/32), S. 567)

Spanns Ausführungen gelten der Ablehnung liberaldemokratischer Verfassungen, seine Argumentation richtet sich gegen das zentrale Element der Forderung nach Gleichheit. Diese sei "die Herrschaft der Mittleren, Schlechteren, der den Schwächsten zu sich herauf, den Stärkeren herabzieht. Sofern dabei durchgängig die große Menge die Höheren herabzieht und beherrscht, in der großen Menge jedoch abermals der Abschaum zur Herrschaft drängt, drängt Gleichheit zuletzt gar auf Herrschaft des Lumpenproletariats hin" (Der wahre Staat, S. 44). In der weiteren Illustration der Modi des allgemeinen Wahlrechts muss das "politisch gänzlich unbelehrte ländliche Dienstmädchen" die männliche Qualität der "politisch wenigstens teilweise unterrichteten Staatsbürger", Handwerker oder "gehobene Arbeiter" zwangsläufig mindern, "die Stimme des akademisch Gebildeten, des politischen Führers,..." wird entwertet (ebd.).

Nationalsozialismus

1929 beginnt Spann Kontakte zu nationalsozialistischen Organisationen zu pflegen, er unterstützt die von Alfred Rosenberg 1927 gegründete Nationalsozialistische Gesellschaft für deutsche Kultur, deren Aufgabe die Begeisterung akademisch Gebildeter für die Bewegung sein soll (Siegfried, S. 153). Spann gilt in der Analyse der Arbeiterzeitung bereits 1925 als der intellektuelle Führer des Hakenkreuzlertums an der Wiener Universität, er tritt der NSDAP bei und erhält eine geheime, nicht nummerierte Mitgliedskarte (ebd.). Die Schulungsabende des Nationalsozialistischen Deutschen Studentenbundes finden in den Räumen seines Seminars statt, der Unterricht wird vom Spann-Schüler Franz Seuchter gestaltet (Siegfried, S. 153f.). In einem 1933 veröffentlichten Aufsatz bietet Spann nun dem Nationalsozialismus seine universalistische Gesellschaftslehre als ideologische Grundlage des notwendigen ständischen Aufbaus dar (Zit. nach Siegfried, S. 156f.):
"Soll die politische Wendung, die sich im Reiche vollzog, eine grundsätzliche und nicht zum Zwischenspiel, ja zum grausen Wegbereiter des Bolschewismus werden, dann muß sie sich ihrer geistigen Grundlage deutlich bewußt sein. Sie heißt: Idealismus und Universalismus. Unter dem Drucke geschichtlicher Notwendigkeit kann der erste Ansturm, die erste Tat rein instinktiv erfolgen. Je mehr es zu bestimmten Aufgaben kommt, um so mehr muß der klare Gedanke die Tat bestimmen. Was nun folgen muß, ist eine Umbildung des Staates und der Wirtschaft, eine Umbildung, wie sie der idealistische und universalistische Gedanke verlangt - im ständischen Sinn. (Othmar Spann: Die politische Wendung ist da - was nun? In: Ständisches Leben 3 (1933), S. 67)

Sein Bemühen wird von Repräsentanten der Schwerindustrie, besonders Thyssen, honoriert, der die Idee die Vertretungen der ArbeiterInnen in die Industrieverbände einzugliedern reizvoll findet und für die dahingehende Überzeugungsarbeit die Gründung eines Instituts für Ständewesen (in Düsseldorf) unterstützt. Die wissenschaftliche Leitung des am 23. Juni 1933 feierlich eröffneten Instituts übernimmt Walter Heinrich, weitere Vertreter des Spann-Kreises (Andrae, Riehl, Paul Karrenbrock) werden aktiv (Siegfried, S. 175f). Der wiederholte Ruf nach "ständischer Selbstverwaltung" läuft den Interessen und Machtpositionen der Stahlindustriellen zuwider, Unterstützungen für die Zeitschrift Ständisches Leben werden 1935 eingestellt, eine Kontroverse mit der Führung der Deutschen Arbeitsfront (DAF) führt 1936 zum Ende der Propagandatätigkeit des Spann-Kreises am Institut für Ständewesen (Siegfried, S. 186f. und 195). Spanns Ablehnung der NS-Rassentheorie trug neben seinen politischen Fehleinschätzungen zu den Disharmonien bei. Der Begriff der Nation wird in der universalistischen Gesellschaftslehre kulturell definiert, eine "geistige Gemeinschaft", die antisemitische Diskriminierung ermöglicht, nicht erfordert (Siegfried, S. 201f). Ab 1935 werden die Antagonismen der beiden faschistischen Konzeptionen in zahlreichen Zeitungsbeiträgen offensiv ausgetragen, nach der Annexion Österreichs werden Othmar Spann, Rafael Spann und Walter Heinrich verhaftet. Das daraus gebildete Konstrukt einer vorzeitigen Abkehr konservativer Kräfte vom Nationalsozialismus ohne jegliche Reflexion ihrer Funktion in der Phase der Konstituierung eröffnet rechten Parteien und Einzelpersonen die Verherrlichung bewunderter und geliebter Meister und in diesem Sinne die Relativierung des Nazisystems. Die Lehre von der Ganzheit diente der Zerschlagung demokratisch verfasster Gesellschaften, dass sie zum Dienst und nicht zur Herrschaft gelangte, liegt an den realen Kräfteverhältnissen und auch am dürftigen Angebot, das Zufriedenheit in Unterdrückungsverhältnissen fordert im Tausch gegen "Beruhigung". Die perpetuierte Distribution des Modells liegt gleichsam am Puls der Zeit, ebenso wie ein Dollfußportrait im Parlamentsbüro Khols, Wirtschafts- und Arbeitsminister Bartenstein, die ÖVP Frauenpolitik und Schwester Herbert.

 

1 Spann, Othmar [1931]: Der wahre Staat. Vorlesungen über Abbruch und Neubau der Gesellschaft. Jena: Fischer, S. 175. → zurück
2 Vgl., Siegfried, Klaus-Jörg [1974]: Universalismus und Faschismus. Das Gesellschaftsbild Othmar Spanns. Wien: Europa Verlag, S. 72. → zurück
3 Zit. nach Pichler, J. H. (Hrsg.)[1988]: Othmar Spann oder die Welt als Ganzes. Wien/Köln/Graz: Böhlau, S. 26ff. Dieses Werk ist Walter Heinrich posthum zugeeignet. → zurück
4 Vgl., Pichler, J. H. [1992]: Betrachtungen zum Vaterunser. Im Gedenken des 90. Geburtstages von Walter Heinrich. Zeitschrift für Ganzheitsforschung, 36. Jg., IV/1992. → zurück
5 http://motlc.wiesenthal.com/text/x29/xm2933.html → zurück
6 Roman in autobiographischer Form, in welchem er die 131 Fragen der Entnazifizierungsbehörden dokumentieren und ad absurdum führen möchte. 1951 publiziert wurde das 800 Seiten Werk zum ersten Bestseller der BRD. → zurück
7 von Salomon, Ernst [1969]: Der Fragebogen. Reinbek bei Hamburg, S. 172. → zurück
8 Vgl. Pichler, J. Hanns [1990]: Woran könnte der Osten sich halten? Ganzheitliche Staatsidee und Wirtschaftsordnung als ein Programm der Mitte. Wiss. Arbeitskreis, Institut für Gewerbeforschung, Wien (Vortrag). ders., [1993]: Ganzheitliches Verfahren in seinem universalistisch überhöhenden Anspruch. In: Klein, H. D./Reikersdorfer, J. (Hrsg.): Philosophia perennis. Erich Heintel zum 80. Geburtstag, Teil 1, Frankfurt/Main, Berlin, Bern, New-York, Wien. → zurück
9 ders., [1999]: Europa und das Europäische. Auf der Suchen nach seiner 'Begrifflichkeit' von der Antike bis zur Neuzeit. In: Berchthold, J./Simhandl, F. (Hrsg.) [1999]: Freiheit und Verantwortung. Europa an der Jahrtausendwende. Jahrbuch für politische Erneuerung. Wien: Freiheitliche Akademie. → zurück
10 Vgl. http://www.trend.partisan.net/trd1298/t351298.html → zurück
11 Vgl. Meyer, Thomas [1997]: Stand und Klasse. Kontinuitätsgeschichte korporativer Staatskonzeptionen im deutschen Konservativismus. Opladen: Westdeutscher Verlag. → zurück
12 Vgl. Schneller, Martin [1970]: Zwischen Romantik und Faschismus. Der Beitrag Othmar Spanns zum Konservativismus in der Weimarer Republik. Stuttgart: Klett. → zurück
13 Resele, Gertraud [2001]: Othmar Spanns Ständestaatskonzeption und politisches Wirken. Wien (Diplomarbeit). → zurück
14 Vgl. Fischer, Kurt R./Wimmer, Franz M. (Hrsg.) [1993]: Der geistige Anschluß. Philosophie und Politik an der Universität Wien 1930-1950. Wien: WUV. Heiß, Gernot/Mattl, Siegfried/Meissl, Sebastian/Sauer, Edith, Stuhlpfarrer, Karl (Hrsg.Innen) [1989]: Willfährige Wissenschaft. Die Universität Wien 1938-1945. Wien: Verlag für Gesellschaftskritik. → zurück
15 Einer der deutschsprachigen Epigonen ist der eifrige Rezensent der Zeitschrift für Ganzheitsforschung Gerd-Klaus Kaltenbrunner, der ebenso im rechtsextremen Criticon (hrsg. von Caspar von Schrenck-Notzing), Sieg oder Aula, Publikation der "Arbeitsgemeinschaft Freiheitlicher Akademikerverbände Österreichs" publiziert. Ein weiterer regelmäßiger Autor der Zeitschrift für Ganzheitsforschung ist der katholische Antisemit Friedrich Romig, früher Europa-Beauftragter Kurt Krenns (Vgl. www.doew.at Neues von ganz rechts - April 2000), der seine antidemokratische Überzeugung gerne hinter ökologischen Bedenken verbirgt (Vgl. Zeitschrift für Ganzheitsforschung 2 (1997), S. 71-86). → zurück