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jeudi, 16 octobre 2008

Manuel de géopolitique et de géo-économie

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SYNERGIES EUROPEENNES - Ecole des cadres - Wallonie / Lectures - Octobre 2008
Le livre de références pour nos travaux de géopolitique !!
A acquérir d'urgence !!
A lire le plus attentivement: le chapitre "Pourquoi nous combattons?"
Le monde. Manuel de géopolitique et de géoéconomie (sous la direction de Pascal Gauchon)
Pascal Gauchon (avec Elizabeth Crémieu, Olivier David, André de Séguin, Sylvia Delannoy, Eric Duquesnoy, Yves Gervaise, Dominique Hamon, Anne-Sophie Letac, Maxime Lefebvre, Frédéric Munier, Jean-Luc Suissa, Cédric Tellenne, Patrice Touchard), Le monde. Manuel de géopolitique et de géoéconomie, PUF « Major », 2008.
Le monde change. Le monde tourne. Peut-on suivre la marche du monde sans s’y noyer ? Et comment attraper notre sujet ? Par le global change, la démographie, l’urbanisation, le fossé riches/pauvres, le développement durable, la mondialisation ? A vrai dire, nul ne le sait vraiment, comme tant de paris éditoriaux le montrent. Il faut une commande, un angle de vue. Celui qu’impose une année pleine à des bacheliers de prépa commerciales ou sciences-po offre à treize auteurs réunis par P. Gauchon le défi de tout écrire en écrivant l’essentiel, en 914 pages - tout de même - décoffrées en vingt-trois chapitres pour vingt-trois semaines de labeur. Il suffit aussi d’une focale, ici géopolitique et géoéconomique qui fait s’affronter les Etats sur un champ de bataille plus financier et industriel que militaire ou politique, comme le montre le KO soviétique à la fin de la guerre froide. Faut-il voir le monde avec les géoéconomistes comme une terre de rareté et de valeur ou un regard géopolitique qui préfère le pouvoir, la puissance, l’influence ? De cette vaste analyse émergent quatre questions : les grandes entreprises ont-elles remplacé les Etats-nations ? Les réseaux sont-ils plus actifs que les territoires ? Le quantitatif (les ressources énergétiques, agricoles...) a-t-il cédé la place au qualitatif (main d’œuvre bien formée, technologie) ? Enfin, les conflits seront-ils réglés par l’économie ou la guerre ? P. Gauchon conclut une lumineuse introduction : la géoéconomie décrit le monde nouveau-né de la mondialisation tandis que la géopolitique rappelle les héritages dont nous ne sommes pas débarrassés.

Dans ce livre dense - parce qu’entièrement rédigé, on ne lui reprochera donc aucune facilité -, les auteurs travaillent beaucoup sur des chronologies : celles des phénomènes de globalisation ou de repli ; la montée en puissance d’acteurs géopolitiques et géoéconomiques nouveaux avec leurs leviers d’action : forces armées, monnaies et influence. Les enjeux des conflits sont exposés soigneusement comme des lieux d’affrontement : contrôle des hommes, des terres et des territoires, des ressources et, même, de l’environnement. Un tableau du monde unitaire et divisé rassemble, enfin, certaines données éparses par grandes régions. Il est toujours difficile de bâtir une culture générale du monde à des jeunes bacheliers sans rassembler des données en les coupant et les formatant pour les besoins des exercices. Ce haché menu qui aurait pu être préjudiciable à la réflexion n’a pas d’effets secondaires ici : un réel talent éditorial tire les fils de cette vaste toile qui prend une belle forme à la fois encyclopédique et narrative.

De ce livre, on pourrait reprendre des centaines d’argumentations sans jamais les prendre à défaut d’arguments. Ici, on les éprouve uniquement pour le plaisir de confronter ses lectures à celles des auteurs. Ainsi, la première guerre mondiale n’avait jamais été jusqu’ici envisagée comme un accident reformatant une mondialisation. Chez Grataloup, elle était présentée comme une « guerre civile européenne », alors qu’ici elle « réorganise le système monde ». Il faudrait sans doute rediscuter ce que David et Suissa appellent internationalisation, puis mondialisation et, sans doute, rappeler que ces concepts ne seront peut-être plus opératoires dans quelques décennies.

Passionnante est la seconde partie sur les « maîtres du monde ». On y voit cette sourde lutte d’influence entre deux approches conquérantes des lieux et des hommes : l’Etat et l’entreprise transnationale. Des Etats et des entreprises enchâssées dans des idées auxquelles Anne-Sophie Letac consacre un brillant chapitre, rappelant combien fascisme et communisme seraient liés à « l’âge des foules » (G. Le Bon). Les pages sur les religions sont bienvenues dans ce livre de culture générale. L’Islam y déploie ses accointances avec le capitalisme protestant, une idée qu’on ne croise pas tous les jours... Comme on aurait tout aussi bien pu gloser sur l’inexistence territoriale du Tibet et du Vatican et leur magistère moral universaliste à la hauteur des personnalités du lama Tenzin Gyatso et du pape Ratzinger. On aurait pu voir établies de véritables « religions » que sont devenues la science, l’environnement, les jeux et les loisirs dont le tourisme est l’un des moteurs les plus puissants. La progression du droit - notamment international - constitue un autre épisode de la construction de notre monde actuel, en symbiose - ou en contradiction - avec de multiples réseaux alternatifs diasporiques, « ong »-éiques et mafieux.

Ainsi, toute puissance dispose d’armes que les auteurs ont présentées en parlant de « contraintes » (la guerre), d’« achats » (la monnaie) et d’« influence » (le soft power sur lequel la réflexion de F. Munier est très pertinente). Sur le sens des choses qui mènent le monde, on sera d’accord avec l’idée du « contrôle des hommes », permettant de traiter des migrations. Egalement avec l’idée du « contrôle des terres » et la perle qu’est l’aménagement du territoire. Il est curieux que M. Yunus, prix Nobel de la paix, n’ait pas eu sa place dans un chapitre sur tout ce qui échappe à cette soif à tout prix du contrôle. Et, au contraire, qui prend l’humanité telle qu’elle est, pauvre et désireuse de s’extraire de la fatalité. Que seraient nos pays, nos villes, nos organisations internationales sans la sphère associative et non lucrative ? On relèvera une lacune non pas sur le contrôle des mers et océans qui ont progressé - encore que la surveillance des océans, l’évitement des pollutions soit difficile - mais sur le contrôle de l’espace. Les chercheurs de la Fondation pour la recherche stratégique sont moins en phase avec le grand public qu’avec les armées, mais l’économie mondiale ne serait sans doute pas ce qu’elle est sans les satellites. Enfin, quant aux frontières et au contrôle des lieux stratégiques, la réflexion est très géopolitique et le fait qu’on n’y mentionne pas les émeutes de la faim du printemps 2008 signale un caractère mouvant qui a bien été mis en valeur. De belles pages sur la maîtrise des risques posent les balises d’une « écocitoyenneté » pour le moins discutable.

Un dernier bloc affine les analyses précédentes en les confrontant aux situations régionales : la « résistance des lieux » dans le village planétaire, les héritages du monde de la guerre froide, la « grande fracture » entre riches et pauvres. Peut-être là, aurait-on pu glisser une carte des grandes fortunes du monde pour voir émerger des tycoons en Inde, Chine, Egypte, Indonésie, Mexique et Brésil ? Astucieuse conclusion est une « mondialisation en débats » avec « Pro », « Anti » et « Alter » qui appellent sans doute la construction plus intégrée d’un paysage politique mondial et, donc, d’une gouvernance à cette échelle.

Un livre stimulant, très complet, bourré d’idées et de points de vue, jamais bavard. Un exploit dans notre médiasphère envahie par l’incertain, l’à-peu-près, l’éphémère. Parions - sans prendre de grands risques - que cet opus restera longtemps au-dessus du bruit et de la fureur éditoriale ambiante.

Compte rendu : Gilles Fumey

 

URL pour citer cet article: http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=1348

La victoire du rythme binaire consacrait le règne de la masturbation

« LA VICTOIRE DU RYTHME BINAIRE CONSACRAIT LE REGNE DE LA MASTURBATION »

« Dans la salle, les conversations étaient abolies. Les yeux seuls essayaient de se parler, en vain. Dans les cerveaux des danseurs, les connexions rationnelles avaient dû être débranchées. L’humour, le charme, l’ironie, qui accompagnaient jadis la musique, avaient été laissés au vestiaire avec les vestes et les manteaux. Le seul langage autorisé était celui des corps. Ceux-ci ne s’épousaient pas comme avec le tango et ces danses sorties des bordels. Avec le rock, les mains se quittaient et se retrouvaient, comme si la génération du baby-boom avait voulu ainsi marquer qu’elle serait celle de l’indétermination sexuelle et du divorce de masse. La victoire du rythme binaire consacrait le règne de la masturbation et du cinéma pornographique. Les corps ne se mêlaient pas, ne se touchaient ni ne se frôlaient, chacun restait dans son coin et s’agitait, comme pris de transe. On mimait l’acte de va-et-vient sans retenue, solitairement. Mais chacun s’observait, se reluquait sans vergogne, comme si on jaugeait les capacités sexuelles des uns et des autres pour déterminer qui serait l’étalon le plus vigoureux et les juments à la croupe la plus accueillante. »

 

Eric Zemmour, "Petit Frère", Denoël, 2008, p. 172-173

mercredi, 15 octobre 2008

Henry Bauchau dans la tourmente du XX siècle

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Henry Bauchau dans la tourmente du XXe siècle

Geneviève Duchenne, Vincent Dujardin et Myriam Watthee-Delmotte publient "Henry Bauchau dans la tourmente du XXe siècle. Configurations historiques et imaginaires" aux éditions Le Cri. 
Né en 1913, Henry Bauchau a traversé le siècle. Il ne publie son premier recueil poétique qu’en 1958. Pourtant, il y a un poète qui s’ignore dans le chroniqueur d’avant-guerre, dans le combattant de 1940, dans le citoyen engagé dans l’action sociale sous l’Occupation ; il y a un être d’action dissimulé dans l’écrivain. Ce sont ces deux pans de la vie de Bauchau qui sont abordés dans ce travail, fruit des efforts conjugués de deux historiens et d’une spécialiste de la littérature contemporaine. Le travail des premiers, – bâti sur la base d’archives pour une bonne part inédites –, trouve son prolongement naturel dans l’analyse de la seconde : aucun des deux objets, historique et imaginaire, n’est indépendant, et leur corrélation permet d’éclairer un parcours certes singulier, mais inscrit dans une dynamique générationnelle.

L'ouvrage sera lancé le jeudi 6 mars 2008 au Musée de Louvain-la-Neuve, lors du vernissage de l'exposition "L'atelier d'Henry Bauchau".

Ce qu'on en dit

"De quels chemins ombrés a surgi la vocation tardive d'Henry Bauchau et de quelle expérience, de quel traumatisme en l'occurrence, s'est nourrie la substance de ses livres ? Deux historiens, Geneviève Duchenne et Vincent Dujardin, tous deux historiens et professeurs à l'UCL, ainsi que Myriam Watthee-Delmotte, professeur de littérature à l'UCL et spécialiste de l'oeuvre d'Henry Bauchau, apportent à ces questions l'éclairage d'une enquête rigoureusement documentée à partir de lettres, d'archives, d'entretiens, de mémoires, de témoignages et faite dans un esprit de collaboration où, aux recherches des premiers, répond en écho l'analyse des textes de la troisième."

Monique Verdussen, "Bauchau avant Bauchau", La Libre Belgique, 18 avril 2008 (article accessible via le site de La Libre)

SYNERGIES EUROPEENNES - Ecole des cadres/Wallonie - Lectures - Octobre 2008

Neo-Liberale Nachtmerrie

Neo-Liberale Nachtmerrie: Antwoord van de Wakkere Markt-Nationalist

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Racines de la géopolitique

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Racines de la géopolitique, géopolitique et fascisme, retour de la géopolitique

 

Analyse: Claude RAFFESTIN, Dario LOPRENO, Yvan PASTEUR, Géopolitique et histoire, Paris, Payot, 1995, 175 FF.

 

Au cours des années 70, le déclin intellectuel du marxisme et les affrontements internes du monde communiste se sont conjugués pour rendre nécessaire le recours à la géopolitique. A l'évidence, la seule prise en compte des facteurs socio-économiques et idéologiques ne suffisaient à comprendre et interpréter litiges nationalitaires et territoriaux. Les problématiques espace et puissance ne pouvaient plus être ignorées d'où 1e recours à une géographie comprise comme “science des princes et chefs militaires” (Strabon). Professeur de géographie humaine à l'université de Genève, Claude Raffestin ne l'entend pas ainsi. Avec l'aide de deux chercheurs en sciences sociales, il se fait fort de prouver que la géopolitique n'est pas une science ni même un savoir scientifique (1). “Production sociale marquée du sceau de l'historicité”, la géopolitique ne serait qu'une superstructure idéologique légitimant le nationalisme et l'impérialisme de l'Allemagne du XXième siècle commençant. Pour en arriver à cette affirmation abrupte, Claude Raffestin procéde à une démonstration en trois temps.

 

Dans une première partie (“Racines de la géopolitique”), il décrit et explique le rôle d'intermédiaire joué par Friedrich Ratzel (1844-1904) entre une géographie allemande marquée par les philosophies de Herder et Hegel —la géographie est l'élément de base de l'histoire des peuples, des nations, de Etats— et l'œuvre de Rudolf Kjellen (1864-1922), professeur et parlementaire suédois, créateur du néologisme de “géopolitique” en 1916. Héritier de Humboldt et Ritter, F. Ratzel est à l'origine d'une géographie humaine fortement structurée par une vision darwinienne du monde (vision organiciste de l'Etat, individu géographique; thème de la lutte de l'espèce-Etat pour 1'espace). S'il n'est pas indifférent aux problèmes de son temps, l'ensemble de son travail est tourné vers la connaissance de la Terre et des connexions entre les sociétés humaines et leur milieu de vie. Cette géographie, que l'on peut qualifier d'académique, n'est donc pas de la géopolitique. C'est avec Rudolf Kjellen que se développe une géographie active, applicable aux rapports de puissance du moment (cf. L'Etat comme forme de vie, publié en 1916 et traduit l'année suivante en Allemagne) alors même qu'en Grande-Bretagne Halford John Mackinder (1861-1947), en développant et affinant ses thèses exposée dans sa célèbre conférence de 1904, s'inscrit dans la postérité de l'Américain Alfred T. Mahan (1840-1914). La géopolique naît donc avec la premièr guerre mondiale.

 

La seconde partie, "Géopolitique et fascisme", est construite autour de la personne et l'œuvre de Karl Haushofer (1869-1946). C'est à ce général bavarois qu'il revient de continuer la lignée Ratzel-Kjellen en faisant de la géopolitique une science appliquée et opérationnelle. Après avoir tenté de démonter le travail de réhabilitation de Karl Haushofer, Raffestin montre le peu d'impact de ses efforts intellectuels sur le cours des choses (2). La “saisie du monde” qu'il assigne comme but à la géopolitique laisse place à la propagande. D'habiles constructions graphiques “mettent en carte” les ambitions expansionnistes du IIIième Reich et assurent l'endoctrinement des masses. La Zeitschrift für Geopolitik n'en inspire pas moins les géopolitiques franquiste et mussolinienne caractérisées par le décalage entre leur discours, global et impérial, et la réalité des Etats espagnol et italien.

 

La troisième partie, “Le retour de la géopolitique”, porte sur les recompositions de ce discours dans l'après-deuxième guerre mondiale. Une partie beaucoup trop courte pour emporter la conviction du lecteur. Le pragmatisme anglo-saxon, dont font preuve Nicholas J. Spykman (1893-1943) et de ses successeurs, —Robert Strausz-Hupé est le seul qui soit cité!— ne trouve pas grâce aux yeux de Raffestin. Il n'y voit qu'une resucée de la vieille et infâme Geopolitik. Idem pour les publications de l'Institut international de géopolitique, dirigé par Marie-France Garaud, pour les travaux de la revue Hérodote, emmenée par Yves Lacoste, ou encore ceux de sa consœur italienne Limes, dirigée par Michel Korinman et Lucio Caracciolo. A ce stade du livre, on ne prouve plus quoi que ce soit, on anathémise! Raffestin peut conclure: la géopolitique est le “masque” du nationalisme, de l'impérialisme, du racisme. Il en arrive même à renverser ces rapports de déterminant à déterminé puisqu'en visualisant divers litiges territoriaux, “la démarche de la géopolitique serait très proche de celle d'une prophétie autoréalisatrice” (p. 307-308).

 

Cet ouvrage a le mérite d'adresser de justes critiques à ce que l'on appellera le géopolitisme: regard olympien négligeant les échelles infra-continentales, affirmations péremptoires, proclamation de lois, volonté de constituer la géopolitique en un savoir global couronnant l'ensemble des connaissances humaines. Scientiste et déterministe, cette géopolitique est datée. Elle a déjà fait place à une géopolitique définie non plus comme science mais comme savoir scientifique (cf. note n°1), prenant en compte les multiples dimensions d'une situation donnée et les différents niveaux d'analyse spatiale attentive aux “géopolitiques d'en bas” (celles des acteurs infra-étatiques). Modeste, cette géopolitique post-moderne est celle d'une planète caractérisée par la densité des interactions (flux massifs et divers), par l'hétérogénéité des acteurs du système-Monde (le système interétatique est doublé et contourné par un système transnational: firmes, maffias diverses, églises, sectes groupes terroristes...), et l'ambivalence des rapports entre unités politiques (relations de conflit-coopération, disparition des ennemis et par voie de conséquence des amis désignés). Cette géopolitique est celle d'un système-Monde hyper-complexe, multirisques et chaotique (3). Mais ces renouvellements sont tout simplement ignorés par Raffestin. Parce que son objectif est le suivant: disqualifier à nouveau la géopolitique en pratiquant la reductio ad Hitlerum.

 

Louis SOREL.

 

(1) Selon le géopolitologue Yves Lacoste, directeur de la revue Hérodote, 1a géopolitique n'est pas une science ayant vocation à établir des lois mais un savoir scientifique qui combine des outils de connaissance produits par diverses sciences (sciences de matière, sciences du vivant, sciences humaines) en fonction de préoccupations stratégiques. Sur ces questions épistémologiques, cf. «Les géographes, l'action et le politique», Hérodote n° 33-34, 2°/3° trimestre 1984 (numéro double) ainsi que le Dictionnaire de géopolitique publié sous la direction d'Yves Lacoste chez Flammarion en 1993.

 

(2) Cf. la préface de Jean Klein à Karl Haushofer, De la géopolitique, Fayard, 1986. Lire également les pages consacrées par Michel Korinman à Karl Haushofer in Quand l'Allemagne pensait le monde, Fayard, 1990.

 

(3) Cf. Lucien Poirier, La crise des fondements, Economica/Institut de stratégie comparée, 1994.

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Chers imposteurs...

Chers imposteurs... Onfray, Lévy, Sollers, Sarkozy et les autres...

Présentation de l'éditeur

" Pourquoi avoir titré ce pamphlet Chers imposteurs ? Tout simplement parce que je connais bien, parfois même très bien, mes principales "cibles", qu'il s'agisse de Michel Onfray, Bernard-Henri Lévy, Philippe Sollers ou Nicolas Sarkozy. Ils ont en commun - chacun à sa manière et à son niveau - d'incarner d'une part le déclin des intellectuels, d'autre part un phénomène de plus en plus aveuglant: la déculturation galopante de notre société. Certes, ils n'en sont pas les seuls symboles. L'étonnante médiocrité de la production dite romanesque, comme l'affaissement de la critique littéraire, en sont d'autres signes tout aussi inquiétants. Confrontés à des "intellectuels " starisés, nous ne savons plus si nous nous trouvons face à des bonimenteurs, des héros de la Star Academy ou des dandys du show-biz. Quant à Nicolas Sarkozy, notre premier président de la République totalement formé et formaté par le médium audiovisuel, il est également notre premier président "dé-culturé" ou "a-culturé", comme on voudra. "

Jean Bothorel, Chers imposteurs, Fayard, 2008.

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mardi, 14 octobre 2008

Les Ossètes ont manifesté à Strasbourg

LES OSSETES ONT MANIFESTE A STRASBOURG POUR LA VERITE

Les Ossètes ont manifesté durant près d’une semaine devant le conseil de l’Europe à Strasbourg. Le lundi 30 septembre, les membres de cette petite communauté étaient près d’une centaine, venus de Paris, Bordeaux, Lyon en autocar mais aussi d’Allemagne ou directement d’Ossétie. Parmi eux se trouvaient aussi quelques Abkhazes, qui ont eux aussi fait sécession de la Géorgie avec le soutien de la Russie. Jusqu’à jeudi les Ossètes qui ont pu rester sur Strasbourg ont continué à brandir leurs couleurs blanche, rouge et jaune face au bâtiment symbole d’une communauté internationale qui, après les Kosovars, fait passer les Géorgiens et leur gouvernement pour des victimes.

Drapeaux au vent et pacifiquement, mais largement entourés de policiers, les Ossètes sont venus tout d’abord exprimer leur indignation suite à la façon honteuse dont le conflit osséto-géorgien (devenu géorgo-russe) a été présenté dans les médias occidentaux, qui n’ont de cesse de distiller une propagande anti-russe. Celle-ci visait et vise toujours à faire passer les Russes pour les bourreaux des Géorgiens, alors qu’en intervenant la Russie a sauvé le peuple ossète d’un génocide certain. Certes, derrière cela, il y a des intérêts géostratégiques évident pour la Russie en Abhkazie et en Ossétie, mais ce fait ne doit pas en occulter un autre : les Géorgiens n’ont eu de cesse de tenter d’éliminer culturellement mais aussi physiquement les Ossètes, sans que cela n’ait pour autant dérangé ni le Conseil de l’Europe, ni l’Union européenne, ni la Cour européenne des Droits de l’Homme. Les Géorgiens ont toujours refusé aux Ossètes non pas seulement l’indépendance, mais aussi la simple autonomie, niant leur existence même sur le territoire géorgien. Cette rhétorique nationaliste que l’Une et indivisible France jacobine ne renierait pas a engendré le pilonnement de Tskhinvali (capitale de l’Ossétie) du 8 août 2008, justifiant l’intervention russe. La France, inspirée par le nationalisme de Rénan qui voit la Nation comme un “plébiscite de tous les jours”, n’a pas d’ailleurs pas daigné accorder d’importance au référendum de 2006 au cours duquel 90% des Ossètes se sont prononcés en faveur de l’indépendance. Sarkozy, en bon jacobin, s’est indigné que l’”intégrité territoriale” de la Géorgie ne soit pas respectée, preuve encore s’il en est que les beaux principes intellectuels de la République n’ont de valeur que quand elle y trouve son intérêt…

La Géorgie se réarmait activement depuis 2006, avec l’aide des Etats-Unis, dissimulée dans un “programme d’assistance militaire aux pays étrangers”, 93 millions de dollars ayant été transférés vers un “fond pour le développement de l’armée géorgienne” (Sakartvelos Jaris Ganvitarebis Fondi Angarishis nomeri : 140070276 for USD transfer : intermediary Citibank N.A. 111). L’armée géorgienne a été entraînée par des instructeurs Américains, des Israéliens mais aussi des Polonais, des Turcs ou des Bulgares. Une semaine avant l’opération en Ossétie ce sont des troupes spéciales du ministère de la défense ukrainien et même des mercenaires d’Afrique et d’Asie qui sont arrivés en Géorgie. On peut se douter qu’ils ne comptaient pas y faire du tourisme !

Il y a donc eu un véritable contrat pour éliminer les irrévérencieux ossètes, ce contrat a échoué grâce à la résistance de la jeunesse de Tskhinvali arme à la main et à l’arrivée des troupes russes qui ont évité un véritable génocide. Et notons à quelle point la perfidie fut poussée à travers un exemple concret : des images diffusées à la télévision sous l’appellation de Gori (ville géorgienne) étaient en fait celles de la capitale ossète détruite, comme l’a notamment souligné Dimitri, membre de l’association Ossetia Accuses, dont de nombreux manifestants portaient le t-shirt. Evidemment, puisque peu de monde connaît les immeubles de la ville ossète, la manipulation est passée comme une lettre à la poste et les gens, qui n’avaient pour la plupart jamais entendu parler de l’Ossétie auparavant, n’y ont vu que du feu et ont eu avant de l’empathie pour les civils géorgiens. Le livre South Ossetia, Chronicle of Contract Murder édité par le mouvement Soprotivlenie est un bon support pour ceux qui voudraient aller plus loin pour comprendre la vaste manipulation médiatique.

Voici donc la véritable histoire de ce conflit, l’histoire que les médias se contentent de taire, en insistant sur les représailles russes et en ne mettant pas instant en avant le caractère légitime de la riposte de Medvedev et Poutine. D’ailleurs, pour la manifestation des Ossètes, les médias français n’étaient pas là, ils avaient pourtant été prévenus. A part quatre lignes méprisantes des DNA dans un article sur les débats au Conseil de l’Europe à propos du conflit, aucune mention n’est faite dans la presse française de cette manifestation, aucun journaliste n’est venu interviewer ces gens qui ont parfois traversé l’Europe pour exprimer ce sentiment d’injustice qu’ils ont sur le coeur. Il fallait compter sur Ria Novosti, agence russe d’information internationale, pour relayer l’information. On peut aisément imaginer que si une dizaine de Kosovars en avaient fait de même il y a quelques années les medias français se seraient précipités. La télévision russe a quant à elle interviewé les manifestants et des députés présents au Conseil de l’Europe sont venus leur apporter leur soutien.

Comme les Ossètes l’avaient prévu lundi, les Géorgiens sont venus contre-manifester les jours suivants. Ossètes 042.JPGPlus nombreux que les Ossètes - la communauté géorgienne sur place est naturellement plus importante - ils ont tenté de les provoquer mais les Ossètes n’ont pas répliqué aux provocations nationalistes des Géorgiens, qui bien sûr traitaient Vladimir Poutine de “facho” et se faisaient passer pour les victimes. Comme leur obséquieux Président, Saakachvili, ils jouent la carte de l’Union Européenne à fond, puisque celle-ci a malheureusement choisi d’être anti-russe et pro-américaine. Ils avaient donc un drapeau de l’Union européenne mais aussi un drapeau tricolore français, histoire probablement de montrer leur admiration à la République française qui a su par le biais d’un génocide culturel réprimer les identités que l’on appelle sobrement “régionales”.

D’un point de vue d’Alsacien et d’Européen plus généralement, il fut intéressant de partager avec les Ossètes l’histoire de l’Alsace et une vision de l’Europe. C’est dans ces moments d’échanges humains riches que l’on se rend compte que l’Union Européenne prend le mauvais chemin mais que la Russie ne doit pas se détourner de l’Europe pour autant. Au contraire, elle devrait avoir un rôle de moteur dans une Europe que l’on rêve forte, et son fédéralisme devrait être un modèle à suivre. On se rend compte aussi que nos histoires se ressemblent et qu’elles ont façonné tant une vision communautaire que tolérante entre peuples européens, broyés par les machines étatiques administratives et les nationalismes expansionnistes.

Les Ossètes ont découvert qu’en Alsace qu’il y avait un drapeau historique (Rot un Wiss et drapeau ossète ont d’ailleurs flotté côte à côte !), une tradition de résistance au centralisme et surtout une langue, l’alsacien. Et les Bretons découvriront quant à eux que certains mots de leur langue viennent de l’ossète !

Entretien avec A. A. Prokhanov

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ARCHIVES de SYNERGIES EUROPEENNES - 1996

 

Russie: identité nationale, impérialité, post-commu­nisme, nationaux-capitalistes et “compradores”

Entretien avec Alexandre Andreïevitch Prokhanov

 

L'un des principaux conseillers “nationalistes” de Guennadi Ziouganov  —le principal adversaire de Boris Eltsine lors des élections présidentielles du 16 juin 1996 en Russie—  nous a accordé un entretien exclusif le 28 mai à Moscou: il s'agit d'Alexandre Andreïevitch PROKHANOV, par ailleurs directeur de l'hebdomadaire d'opposition nationale Zavstra, ancien directeur de Dyeïnn (interdit après les jour­nées du 3 et 4 octobre 1993) et de Lettres soviétiques, un mensuel d'avant la peres­troïka, publié en plusieurs langues et où les lettres russes sortaient progressive­ment de la cangue marxiste pour retrouver pleinement leur russéité.  Cet entretien avec A. A. Prokhanov aidera nos lecteurs à y voir plus clair dans les arcanes de la politique moscovite et aussi à mieux comprendre l'étrange alliance entre nationa­listes et socialistes, entre “bruns” et “rouges” comme dit la presse à sensation, qui est en train de se sceller en Russie et pourrait, en cas de victoire des “nationaux-communistes”, bouleverser l'actuel rapport des forces en Europe (Loukian STROGOFF).

 

Q.: Vous êtes en général considéré par les media occidentaux comme l'un des principaux conseillers “nationalistes” du candidat Guennadi Ziouganov. L'identité nationale russe est toujours difficile à définir pour les Occidentaux qui n'y retrouvent pas les clivages auxquels ils sont habitués... Certains nationalistes russes privilégient la définition d'une “nation ethnique”, fondée sur l'idée de “peuple majoritaire”. Telle ville ou telle région serait russe parce que peuplée d'une majorité de Russes. D'autres nationalistes définissent la nation russe comme héritière de l'histoire de la Russie impériale. Ils en appellent à la défense des “intérêts traditionnels” de la Russie. Votre référence à vous est-elle la nation ethnique ou la nation impériale?

 

AAP: Je privilégie plutôt la deuxième définition. Depuis longtemps, j'essaie de comprendre pourquoi les nationalistes russes n'arrivent pas à s'unir dans un grand mouvement. J'ai moi-même déployé des efforts en faveur d'un mouvement de droite na­tionale russe, mais sans succès jusqu'à présent. Je crois que l'homme russe ne peut se débarrasser de la tradition impériale. L'approche purement ethnique soulève plus de problèmes qu'elle n'en résoud. Que l'on songe aux millions de mariages mixtes, à l'imbrication des peuples et des langues. Il faudrait aussi rendre les territoires où les Russes sont minoritaires. Les partisans de la nation ethnique “pure” sont peu nombreux et constituent des groupes “exotiques”. En général, le nationalisme russe est synonyme de conscience impériale. Les mouvements nationalistes et “impérialistes” ont dispersé leur soutien à tous les candidats à l'exception de Grégori Yavlinski, qui serait donc, d'un certain point de vue, le seule candidat représentant un “mouvement ethniquement pur...”.

 

Q.: Comment analysez-vous les rapports de forces parmi les forces politiques “nationalistes”, “socio-démocra­tiques” et “communistes-orthodoxes” qui soutiennent la candidature de Ziouganov?

 

AAP: Les communistes de “stricte obédience”, il n'y en a pratiquement plus, et depuis longtemps. Toute l'élite politique et idéologique a trahi la première le Parti en devenant “libérale” et en formant le camp “démocratique”. Sont restés dans le Parti des gens aux idées pragmatiques, imprégnés par l'idéal d'un grand Etat soviétique. Pour eux, l'URSS représentait le commu­nisme. Je pense en particulier aux scientifiques, aux “bâtisseurs”, aux militaires. C'est ce type de communistes qui prédo­mine aujourd'hui dans un Parti où il n'y a plus de discussions idéologiques comme dans les années 1905-1917. Le Parti actuel ne prétend plus au monopole de la vérité. De ce point de vue, on peut le qualifier de parlementaire et de “social-démocrate”. Je ne doute pas qu'en cas de victoire il conservera cette orientation. Il est dans une période de transition. Peu à peu, il devient le parti des intérêts russes, où domine l'idée de justice et d'harmonie sociales et dans lequel se retrouvent des gens qui perçoi­vent le monde de manière rationnelle, mais aussi irrationnelle, je veux dire les croyants. Provisoirement, on peut effective­ment le qualifier de “national-communiste”. Deux sources d'énergie l'animent: l'énergie de la nation blessée et l'énergie de la souffrance sociale.

 

Q.: On a accusé Ziouganov d'anti-sémitisme parce que dans son livre Je crois en la Russie, il a écrit: «La diaspora juive contrôle traditionnellement la vie financière du Continent et devient chaque jour davantage l'inspiratrice principale du système socio-économique occidental». Pensez-vous que Ziouganov soit antisémite?

 

AAP: En Russie, comme en Europe, une situation s'est créée qui fait que quiconque prétend parler des rapports des Juifs à la société est qualifié d'antisémite. Les relations entre Russes et Juifs sont effectivement tourmentées, comme elles l'ont tou­jours été, parce qu'il y a eu beaucoup de souffrances de part et d'autre. Ziouganov, en tant qu'analyste politique, parle de ques­tions qui débordent du cadre de la Russie. Mais il n'est pas antisémite. Homme d'Etat, il doit prendre en compte toutes les forces du pays et tenter de restaurer la justice et l'harmonie partout où elles ont été bafouées.

 

Q.: Eltsine est clairement le candidat de l'étranger, des forces financières mondialistes. Mais qu'en est-il de Yavlinski? Doit-il être considéré comme le candidat de secours de l'étranger? Le maintien de sa candidature s'explique-t-il par un ordre venu d'ailleurs ou simplement par le fait qu'il se serait montré trop gourmand lors de ses marchandages avec Eltsine?

 

AAP: Autour d'Eltsine gravitent deux types de politiciens; les uns que l'on peut qualifier de “nationaux-capitalistes” et les autres que j'aime à appeler les “compradores”. Le conflit entre eux est permanent. A un certain moment, Eltsine s'est séparé des li­béraux radicaux. Il a rempli son administration de nationaux-capitalistes et, en ce sens, on ne peut plus dire qu'il soit absolu­ment une créature des Etats-Unis. Et les intérêts des libéraux radicaux se trouvent réellement représentés par Yavlinski qui n'est donc pas un candidat de secours mais une créature autonome, un “produit pur”. Le conflit entre Eltsine et Yavlinski pro­vient de deux visions du monde différentes. C'est un conflit entre clans et intérêts capitalistes divergents. Aujourd'hui, les na­tionaux-capitalistes, les “durs”, les “ministres de force” autour du Général Koriakov, sont l'un des piliers sur lequel s'appuie Eltsine pour contrebalancer l'influence de l'autre pilier constitué des “compradores” comme son conseiller économique Livchits et son premier ministre Tchernomyrdine. Ce second pilier est proche de Yavlinski.

 

Q.: Déjà pendant l'été 1995, Oleg Boiko, parlant au nom d'un certain nombre de banquiers, souhaitait le report des élections législatives en échange d'un soutien financier au sommet de l'Etat. En quelque sorte, il voulait “privatiser” la présidence de la Russie et le gouvernement fédéral. Il déclarait: «Le choix est entre le capitalisme et la démocra­tie». Aujourd'hui, la “lettre des 13” (banquiers et grands hommes d'affaires) réclame un compromis historique et un gouvernement d'union nationale qui préseveraient leurs intérêts. Ils font un chantage à la guerre civile. Que pensez-vous de cette démarche? Guennadi Ziouganov devrait-il accepter de débattre d'un tel compromis avant les élections?

 

AAP: La menace de guerre civile n'est pas une abstraction. Si elle était un mythe, elle ne serait pas employée comme un ins­trument de guerre psychologique. La situation est si conflictuelle qu'elle interdit aujourd'hui toute renaissance du pays. Les forces antagonistes en présence s'annulent. Ces 13 banquiers que nous appelons les “13 vampires” ont une motivation cachée à l'opinion publique: la peur d'un nouveau coup de force d'Eltsine s'appuyant sur les “nationaux-capitalistes”. Ce groupe serait alors en position de grande force et le clan des “compradores” autour de Tchernomyrdine, qui sert ces treize banquiers, ont peut d'être les prochaines victimes d'une sorte de “fascisme de droite”. Il faut se souvenir du conflit de l'an dernier entre le Général Koriakov et Vladimir Goussinski, président du groupe financier et de presse Most, élu récemment président du Congrès des Juifs de Russie après quelques mois d'exil à Londres. C'est cette peur, non pas des “nationaux-communistes” mais des “nationaux-capitalistes” qui les a contraints à formuler des propositions de compromis entre les différentes forces politiques.

 

Q.: En cas de victoire de Guennadi Ziouganov, quelles seront les mesures de première urgence qui seront deman­dées au nouveau gouvernement par votre hebdomadaire   Zavstra?

 

AAP: Nous ne cherchons pas de revanche. Une amnistie sera nécessaire pour retrouver la paix sociale. Nous honorerons nos morts. La vengeance ne viendra que de Dieu et la grâce, du chef de l'Etat.

 

Q.: Vous avez été le chroniqueur quasi officiel de la campagne militaire soviétique en Afghanistan. Comment jugez-vous de l'opportunité et des résultats de la campagne militaire russe en Tchétchénie, en particulier à la lumière du “cessez-le-feu” qui vient d'être signé au Kremlin?

 

AAP: Le conflit en Tchétchénie est le résultat du développement d'un monde criminel, à Grozny comme à Moscou. Il s'agit en fait d'un règlement de comptes entre groupes mafieux. C'est pourquoi cette guerre n'en était pas vraiment une. Elle a été “instrumentalisée” par les lobbies du pétrole, de la drogue, etc. A ma connaissance, ce sont des émissaires de Tchernomyrdine qui se sont entendus avec les chefs tchétchènes sur une nouvelle répartition des bénéfices des oléoducs existants et en projet. Eltsine a arrêté pour l'instant la guerre et peut en tirer un bénéfice électoral, mais rien n'est résolu au fond et la criminalisation de la Caucasie a été dopée par cette guerre. Les empires criminels n'ont pas le droit d'exister.

 

Q.: Evguénié Primakov semble avoir rendu une certaine cohérence à la diplomatie russe. Le ministre de l'intérieur, Anatoli Koulikov, donne également l'impression d'être un homme intègre et sérieux. Ces deux ministres pour­raient-ils, à votre avis, conserver leur poste dans le cadre d'une nouvelle administration?

 

AAP: C'est possible. Connaissant bien Guennadi Ziouganov et son approche prudente en matière de changement, il ne peut qu'apprécier un spécialiste comme Primakov, brillant représentant de la tradition diplomatique soviétique. Il est sans doute unique. Il a su rétablir la situation après le départ de Kozyrev, le pion des Américains. Il peut donc être très utile. Koulikov est aussi un bon spécialiste. Nous n'oublions pas comment il a fait tuer beaucoup de nos amis les 3 et 4 ocotbre 1993. Il a certains mérites autres cependant. Le plus important est d'avoir refusé de participer au coup de force prévu le 17 mars dernier et qui avait connu un début d'exécution avec l'occupation de la Douma pendant quelques heures. Sa volonté déclarée en début d'année de contrôler les banques anti-nationales et ses tentatives pour lutter contre la corruption dans son ministères peuvent plaider en sa faveur.

 

Q.: Certains pays ouest-européens, en particulier la France, s'efforce d'affranchir l'Union Européenne de la tutelle américaine. Un nouveau pouvoir en Russie devrait-il appuyer une telle démarche vers une “Europe aux Européens”?

 

AAP: Tout ce qui est venu d'Europe en Russie a été négatif. L'Occident est pour nous synonyme du Mal. Les politiciens sont intéressés à un éloignement des Etats-Unis d'Europe, parce que le retrait américain affaiblirait celle-ci. Il y a des nœuds de contradictions qui handicapent heureusement son influence sur la Russie. En grande partie, l'Union Européenne est une illu­sion comme l'ont montré les contradictions entre la France et l'Allemagne à l'occasion du conflit dans les Balkans, dont la Russie a jouées. Elle continuera dans cette voie. Le recentrage de la politique améircaine vers l'Asie peut faire des Etats-Unis un partenaire de la Russie dans cette région.

 

(propos recueillis par Loukian STROGOFF).

le Grand Mufti et le nationalisme palestinien

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Ecole des cadres - SYNERGIES EUROPEENNES - Octobre 2008 - Lectures

Louis DENISTY :
Le grand mufti et le nationalisme palestinien
Hajj Amin al-Hussayni, la France et la Grande-Bretagne face à la révolte arabe de 1936-1939
préface de : Daniel Rivet
L'Harmattan , Paris - collection Comprendre le Moyen-Orient

Résumé

En 1936, éclate la première révolte arabe en Palestine, alors sous mandat britannique. Ce mouvement, entraîné par Hajj Amin al-Hussayni, revendique la constitution d'un Etat et l'arrêt de l'immigration sioniste. En s'appuyant sur les archives diplomatiques françaises et britanniques dont il fait une lecture croisée, l'auteur donne un éclairage sur cette période cruciale de l'histoire de la région.

Quatrième de couverture

En avril 1936 éclate la première grande révolte des Arabes de Palestine, qui revendiquent la constitution d'un Etat et l'arrêt de l'immigration sioniste. A la tête de ce mouvement s'impose un personnage, Hajj Amin al-Hussayni, Grand Mufti de Jérusalem. Celui-ci, banni par les Britanniques, trouve refuge au Liban où les Français le laissent jouir d'une liberté suffisante pour tenter de faire entendre la voix du peuple palestinien. Les querelles de personnes et l'incapacité des puissances dominant la région à s'entendre enfoncent la Palestine dans des années tragiques et ensanglantées. L'objet de cet ouvrage est de faire la lumière sur cette période peu connue et pourtant si cruciale de l'histoire de la Palestine, en questionnant les archives diplomatiques françaises et britanniques. Pour comprendre, pour expliciter, et non pour juger. Durant les années 1936/1939, avec la connaissance des soixante-dix années qui ont suivi, il apparaît que se mettent irrémédiablement en place tous les éléments dramatiques qui ont plongé, jusqu'à aujourd'hui encore, un peuple dans un abîme de malheur infini.

Les "bienfaits" de la libre circulation

LES "BIENFAITS" DE LA LIBRE CIRCULATION


« Le grand marché qu’on nous prépare avec le "libre circulation" obligatoire et enthousiaste que même la gauche défend par soumission idéologique est une menace pour les travailleurs et indépendants de ce pays, particulièrement ceux qui subissent en périphérie le phénomène des frontaliers-pendulaires. Etrange, l’attitude des syndicats qui ne réclament que des mesures de protection bureaucratique. N’y a-t-il plus personne sur le pont pour défendre l’indigène, le natif comme on dit chez les anglophones? UNIA est-il encore un syndicat suisse ou déjà européen ? N’ose-t-il pas dénoncer le dumping salarial massif qui s’annonce, par restriction mentale ou idéologique?


Aujourd’hui il est politiquement correct de ne pas défendre ses intérêts et d’ouvrir tout grand les portes. Mais la diversité culturelle, l’"ouverture des esprits" attendue signifie en fait l’éclatement du lien social, la précarisation du travail, la disparition de la souveraineté politique, alimentaire, l’homogénéisation de la culture, la mutilation des langues, la mise en compétition forcenée des individus. Voulons-nous vraiment cela ?


Avec le non sonore référendaire des Irlandais au traité Européen de Lisbonne, on voit le peuple, lorsqu’il le peut, rejeter cette Europe stérilisée supranationale et gérée par la langue de papier bureaucratique. Il n’y a qu’en Suisse que la classe politique croit qu’il faut perdre, renoncer et passer par-dessus la volonté et les intérêts du pays, se faire racketter en souriant. Que l’on se peut passer de l’adhésion de l’opinion publique pour imposer une gouvernance élitaire, bureaucratique visant à la disparation du principe même de démocratie directe. »



Dominique Baettig, conseiller national, Delémont (JU), "Un Modèle qui a du Plomb dans l’Aile", septembre 2008

lundi, 13 octobre 2008

Le libéralisme rattrapé par les réalités de l'économie

LE LIBÉRALISME RATTRAPÉ PAR LES RÉALITÉS DE L’ECONOMIE


Les Etats-Unis, selon les dires même du président de la Réserve fédérale américaine (FED) Ben Bernanke, vivent actuellement "l’un des environnements économiques et de politique monétaire les plus difficile jamais vu". Ou encore "Il n’y a aucun doute : je n’ai rien vu de pareil et ce n’est pas encore fini, cela prendra encore du temps" déclarait Alan Greenspan l’ancien président de la même FED. Il ne s’agit donc pas d’un ralentissement conjoncturel, mais d’un profond dérèglement du système lui-même.


Les décideurs économiques et les hommes politiques, ne sachant comment faire face à cette crise, prennent dans l’urgence des mesures qui vont, paradoxalement, à l’encontre de leurs dogmes économiques en faisant appel à l’Etat ! Celui-là même que les libéraux ont décrié, fustigé et haï depuis Smith à aujourd’hui en passant par Ricardo, Mill ( père et fils), Walras, Friedman etc. etc. La réalité économique vient de montrer et d’une manière éclatante l’incapacité du marché à réagir face à cette situation. Le Dieu marché, tant vénéré par cette pensée, n’est pas autorégulateur pour utiliser leur propre jargon. Pour les libéraux, le marché se régule de lui-même grâce à la loi de l’offre et de la demande. Celle-ci jugée naturelle (comme la pluie qui tombe du ciel), est donc infaillible. L’intervention de l’Etat ne ferait donc que perturber le fonctionnement harmonieux du marché. Mais les faits, eux, sont têtus. Ils montrent une réalité bien différente : l’Etat gère directement cette crise. Il suffit de voir les patrons des grandes banques, compagnies d’assurance et autres fonds d’investissement défiler devant Henry Paulson secrétaire au Trésor des Etats-Unis pour le supplier d’intervenir et de leur apporter l’aide précieuse de l’Etat. Leur foi dans le libéralisme s’efface devant les milliards de dollars dont ils ont besoin pour survivre. Car ils savent très bien que leur salut ne peut venir que de l’Etat.


Face à l’incapacité des banques centrales à sortir de la crise, on a fait alors directement appel à l’Etat. Bush va ainsi débloquer des fonds publics pour venir en aide aux intérêts privés (150 milliards de dollars). Mais ce plan de sauvetage est resté sans effet. Alors on a tout simplement commencé à nationaliser. L’Etat prend donc directement en charge des banques privées incapables de sortir de la situation catastrophique dans laquelle la soif du profit les a conduites. Ainsi ont été rachetées par l’Etat deux grandes sociétés dont la fonction principale est d’assurer la fluidité du marché du crédit immobilier. Il s’agit de Fannie Mae et Freddie Mac dont le Trésor américain détient désormais 80% de leur capital social. L’Etat américain participe également à hauteur de 80% du capital du géant américain IEG pour le sauver de la faillite. D’autres nationalisations viendront certainement allonger cette liste, car les racines de la crise sont toujours là.


Il ne s’agit pas seulement de la faillite d’un secteur de l’activité économique en l’occurrence ici le système financier de la première puissance du monde, mais de la faillite du libéralisme lui même qui ne s’est imposé à travers l’histoire que par la domination économique et idéologique de la classe qui le porte. "Le pouvoir étatique moderne n’est qu’un comité chargé de gérer les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière" écrivait Marx. Une phrase d’une actualité troublante. »



Mohamed Belaali, "L’Etat au service du libéralisme", Agoravox, 20 septembre 2008

00:40 Publié dans Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : géo-économie, banques, finances, usure, usurocratie, globalisation | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Hiroshima: la décision fatale

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Hiroshima: la décision fatale selon Gar Alperovitz

 

Si on examine attentivement l'abondante littérature actuelle sur l'affrontement entre le Japon et les Etats-Unis au cours de la seconde guerre mondiale, on ne s'étonnera pas des thèses que vient d'émettre Gar Alperovitz, un historien américain. Son livre vaut vraiment la peine d'être lu dans sa nouvelle version alle­mande (ISBN 3-930908-21-2), surtout parce que la thématique de Hiroshima n'avait jamais encore été abordée de façon aussi détaillée. Alperovitz nous révèle une quantité de sources inexplorées, ce qui lui permet d'ouvrir des perspectives nouvelles.

 

Il est évidemment facile de dire, aujourd'hui, que le lancement de la première bombe atomique sur Hiroshima le 6 août 1945 a été inutile. Mais les contemporains de l'événements pouvaient-ils voir les choses aussi clairement? Qu'en pensaient les responsables de l'époque? Que savait plus particulière­ment le Président Truman qui a fini par donner l'ordre de la lancer? Alperovitz nous démontre, en s'appuyant sur de nombreuses sources, que les décideurs de l'époque savaient que le Japon était sur le point de capituler et que le lancement de la bombe n'aurait rien changé. Après la fin des hostilités en Europe, les Américains avaient parfaitement pu réorganiser leurs armées et Staline avait accepté d'entrer en guerre avec le Japon, trois mois après la capitulation de la Wehrmacht. Le prolongement de la guerre en Asie, comme cela avait été le cas en Europe, avait conduit les alliés occidentaux à exiger la “capitulation inconditionnelle”, plus difficilement acceptable encore au Japon car ce n'était pas le chef charismatique d'un parti qui était au pouvoir là-bas, mais un Tenno, officiellement incarnation d'une divi­nité qui gérait le destin de l'Etat et de la nation.

 

Alperovitz nous démontre clairement que la promesse de ne pas attenter à la personne physique du Tenno et la déclaration de guerre soviétique auraient suffi à faire fléchir les militaires japonais les plus en­têtés et à leur faire accepter l'inéluctabilité de la défaite. Surtout à partir du moment où les premières at­taques russes contre l'Armée de Kuang-Toung en Mandchourie enregistrent des succès considérables, alors que cette armée japonaise était considérée à l'unanimité comme la meilleure de l'Empire du Soleil Levant.

 

Pourquoi alors les Américains ont-ils décidé de lancer leur bombe atomique? Alperovitz cherche à prouver que le lancement de la bombe ne visait pas tant le Japon mais l'Union Soviétique. L'Amérique, après avoir vaincu l'Allemagne, devait montrer au monde entier qu'elle était la plus forte, afin de faire valoir sans con­cessions les points de vue les plus exigeants de Washington autour de la table de négociations et de tenir en échec les ambitions soviétiques.

 

Le physicien atomique Leo Szilard a conté ses souvenirs dans un livre paru en 1949, A Personal History of the Atomic Bomb;  il se rappelle d'une visite de Byrnes, le Ministre américain des affaires étrangères de l'époque: «Monsieur Byrnes n'a avancé aucun argument pour dire qu'il était nécessaire de lancer la bombe atomique sur des villes japonaises afin de gagner la guerre... Monsieur Byrnes... était d'avis que les faits de posséder la bombe et de l'avoir utilisé auraient rendu les Russes et les Européens plus conci­liants».

 

Quand on lui pose la question de savoir pourquoi il a fallu autant de temps pour que l'opinion publique américaine (ou du moins une partie de celle-ci) commence à s'intéresser à ce problème, Alperovitz répond que les premières approches critiques de certains journalistes du Washington Post ont été noyées dans les remous de la Guerre Froide. «Finalement», dit Alperovitz, «nous les Américains, nous n'aimons pas entendre dire que nous ne valons moralement pas mieux que les autres. Poser des questions sur Hiroshima, c'est, pour beaucoup d'Américains, remettre en question l'intégrité morale du pays et de ses dirigeants».

 

Le livre d'Alperovitz compte quelques 800 pages. Un résumé de ce travail est paru dans les Blätter für deutsche und internationale Politik (n°7/1995). Les points essentiels de la question y sont explicités clai­rement.

 

(note parue dans Mensch und Maß, n°7/1996; adresse: Verlag Hohe Warte, Tutzinger Straße 46, D-82.396 Pähl; résumé de Robert Steuckers).

 

 

dimanche, 12 octobre 2008

Une critique de la modernité chez P. Koslowski

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Une critique de la modernité chez Peter Koslowski

 

Peter Koslowski est un analyste critique de notre modernité dominante et stéréotypante, dont l'ouvrage sur Ernst Jünger a été largement remarqué l'an dernier (cf. la recension que lui consacre Isabelle Fournier dans Vouloir n°4/1995). Né en 1952, ce jeune philosophe anti-moderne (mais qui n'appartient nullement à l'école néo-conservatrice), pose comme premier diagnostic que la modernité au sens le plus caricatural du terme a pris fin quand la physique a découvert la non-conservation ou entropie, soit le deuxième prin­cipe de la thermodynamique en 1875 et quand l'esprit humain a pris fondamentalement conscience de sa finitude au point de ne plus croire à ce mythe tenace de la perfectibilité infinie (cf. NdSE n°14), au progrès, aux formes diverses d'évolution(isme) téléologique, aux sotériologies laïques et eudémonistes vectoriali­sées, etc. Mais parallèlement à ces mythes progressistes, vectoriels, téléologiques, messianiques et perfectibilistes, les temps modernes, soit la Neuzeit qui précède la modernité des Lumières proprement dite, avait développé une normalité basée sur l'accroissement de complexité, ce qui revient à dire que cette Neuzeit accepte comme normal, comme fait acquis, que le monde se complexifie, que les para­mètres s'accumulent, que les paramètres anciens et nouveaux bénéficient tous éventuellement d'une équivalence axiologique quand on les juge ou on les utilise, que l'accumulation de nouveautés est un bienfait dont les hommes vont pouvoir tirer profit. Avec l'avènement de la Neuzeit, avec les innovations venues d'Amérique et des autres continents découverts par les marins et les aventuriers européens, le monde devient de plus en plus complexe et cette complexité ne va pas diminuer.

 

L'accroissement de complexité ne postule nullement une idéologie irénique: au contraire, nous consta­tons, au cours du XVIIième siècle, l'éclosion de philosophies fortes du politique (Hobbes), au moment où la modernité dans sa première phase offensive propose justement une pluralité de projets pour remplacer le système médiéval fixe (tellurocentré) qui s'est effondré. La Réforme, la Contre-Réforme, le Baroque, les Lumières, l'idéalisme allemand, le marxisme, sont autant de projets modernes mais contradictoires les uns par rapport aux autres; ce sont des philosophies fortes, des récits mobilisateurs (avec une téléologie plus ou moins explicite). Mais aujourd'hui, la défense et l'illustration d'une modernité, que l'on pose comme seule morale et acceptable, dérive d'une interprétation simplifiée du corpus des Lumières, pro­cède d'une réduction de la modernité à un seul de ses projets, explique Koslowski. Une schématisation du message des Lumières sert désormais de base théorique à une vulgate qui ne sous-tend finalement, ajouterions-nous, que les discours ou les systèmes politiques de la France, de la Grande-Bretagne, des Etats-Unis et des Pays-Bas. Cette vulgate s'exprime dans les médias et dans la philosophie hypersimplificatrice d'un Habermas et de ses épigones parisiens, tels Bernard-Henri Lévy, Guy Konopnicki ou Christian Delacampagne. L'objectif des tenants de cette vulgate, nouveau mythe de l'Occident, est de créer une orthoglossie pour pallier à la chute des métarécits hégéliens, marxistes ou marxisants, démontés par Lyotard. Orthoglossie correspondant parfaitement au thème de la “fin de l'histoire” cher à Fukuyama, au moment de la chute du Mur. Cette orthoglossie s'appelle plus communé­ment aujourd'hui la political correctness, en bon basic English.

 

Mais à notre sens, la post-modernité a pour impératif de dépasser cette orthoglossie dominante et tyran­nique et:

- doit démontrer l'inanité et le réductionnisme de cette orthoglossie;

- dire qu'elle est une prison pour l'esprit;

- que son évacuation est une libération;

- que traquer cette orthoglossie ne relève pas d'un pur irrationalisme ni d'une inversion pure et simple du rationalisme de bon aloi, mais d'une volonté d'ouverture et de plasticité.

 

A ce sujet, que nous dit Koslowski qui est religieux, catholique, disciple de Romano Guardini, comme on peut le constater dans ses références? Ceci: «La finitude de l'existence humaine s'oppose tant à l'im­pératif de complètement de la modernité et de la raison discursive qu'au droit des époques futures à déve­lopper leur propre projet. La post-modernité veut poursuivre son propre projet. On ne peut pas lui enlever ce droit en imprégnant totalement le monde de raison discursive. Le droit de chaque époque est le droit de chaque génération à marquer son temps et le monde. Nous sommes contraints au­jourd'hui d'apporter des limites à cette pulsion frénétique au complètement et aussi de nous rendre dis­ponibles pour laisser en place ruines, choses inachevées et surfaces libres. Si nous ne pouvons plus aujourd'hui tolérer les ruines, les traces du passé et que nous les soumettons à la restauration, avec son perfection­nisme, ses laques et ses vernis, si nous percevons toutes les prairies ou les superficies libres comme de futurs chantiers de construction, qui devront être recouverts au plus vite, cela veut dire que nous nous trouvons toujours sous l'emprise de cette pulsion de complètement, propre à la modernité, ou sous l'emprise modernisatrice de la raison totalisante. Nous tentons de bannir de notre environnement toutes les traces de finitude et de temporalité en procédant à des restaurations et des modernisations parfaites. La profondeur et l'antiquité qui sont présentes sur le visage du monde sont évacuées au profit d'une illu­sion de complétude. Bon nombre de ruines doivent rester en place, en tant que témoins de la grandeur et du néant du passé. Leur incomplétude est une chance qui s'offre à elles de voir un jour leur construction reprendre, lorsque leur temps sera revenu, comme après plusieurs siècles, un jour, on a repris la construction de la Cathédrale de Cologne en ruines. Un jour, peut-être, on retravaillera au projet ou à cer­tains projets de la modernité. Mais aujourd'hui, il y a plus important que le projet de la mo­dernité: les ate­liers de la post-modernité» (p. 49; réf. infra).

 

Mais les ateliers de la post-modernité doivent-ils reproduire à l'infini ce travail de “déconstruction” entre­pris il y a quelques décennies par les philosophes français? Certes, il convient avec les post-modernes “déconstructivistes” de travailler à l'élimination des effets pervers des “grands récits”, mais sans pour au­tant se complaire et s'enliser dans un pur “déconstructivisme”, ou vagabonder en toute insouciance dans les méandres d'une polymythie anarchique, anarcho-libérale et fragmentée, qui n'est qu'un euphémisme pour désigner le chaos et l'anomie. Koslowski plaide pour la ré-advenance d'une sophia. Car toute créa­tion et toute naissance ne sont pas les produits d'une réflexion (d'un travail de la raison discursive), au contraire, créations et naissances sont les produits et de la volonté et de l'imagination et de la pensée et de l'action, soit d'un complexe que l'on peut très légitimement désigner sous le nom grec et poétique de sophia. Sans reductio  aucune.

 

En fait, Koslowski apporte matière à méditation pour tous ceux qui constatent que l'eudémonisme et le consumérisme contemporains, —désormais dépourvus de leurs épines dorsales qu'étaient les métaré­cits— sont des impasses, car ils abrutissent, anesthésient et mettent le donné naturel en danger. Koslowski déploie une critique de cette modernité réduite à une hypersimplification des Lumières qui ne sombre pas dans la pure critique, dans un travail de démolition finalement stérile ou dans une acceptation fataliste du chaos, camouflant mal une capitulation de la pensée. La polymythie d'Odo Marquard (qui suscite de très vives critiques chez Koslowski) ou le “pensiero debole” de Vattimo —réclamant l'avènement et la pérennisation d'une joyeuse anarchie impolitique—  sont autant d'empirismes capitu­lards qui ne permettront jamais l'éclosion d'une pensée réalitaire et acceptante, tempérée et renforcée par une sophia inspirée de Jakob Boehme ou de Vladimir Soloviev, prélude au retour du politique, à pas de colombe... Car sans sophia, le “réalitarisme” risque de n'être qu'une simple inversion mécanique et carna­valesque du grand récit des Lumières, qui confisquerait aussi aux générations futures le droit de forger un monde à leur convenance et de léguer un possible à leurs descendants.

 

Robert STEUCKERS.

(extrait d'une conférence prononcée lors de la deuxième université d'été de la FACE, Provence, août 1994).

 

- Peter KOSLOWSKI, Die Prüfungen der Neuzeit. Über Postmodernität. Philosophie der Geschichte, Metaphysik, Gnosis, Edition Passagen, Wien, 1989, 167 p., ISBN 3-900767-22-X.

Désordre. Quel désordre?

Désordre. Quel désordre ?

Le billet de Patrick Parment

Le Journal du chaos

Bon, il paraîtrait que le système se casse la gueule. Mais de vous à moi, ça  change quoi à vos finances présentement ? Pour l’instant, pas grand chose. De toute manière, vous n’avez pas grand chose non plus, juste un peu de blé à la Caisse d’épargne, quelques sicavs ? Là, en revanche, vous avez dû perdre un peu de pognon. Et encore, faut voir. Mais tout ce tintouin qu’ils sont en train de faire, j’avoue qu’on n’y comprend pas grand chose et, d’ailleurs, on s’en moque.

Mais les politiques ont la trouille, ça pourrait foutre en l’air leur business, leurs combines, leurs privilèges, voire tout le pognon qu’ils ont mis de côté et qui risque de fondre comme neige au soleil. Déjà qu’on vient de piquer l’appartement de ce zombie de Poncelet. Il est furax, ce con de franc-mac. Vous saviez qu’il était propriétaire de deux appartements à Paris ? Le Canard l’a pas loupé. Et il vient crier au règlement de compte. Il se fout de la gueule de qui, ce mec ?

Tiens, en passant, profitons-en pour faire campagne : supprimons le Sénat. Ce truc ne sert à rien, il nous coûte très cher et ça suffit amplement de nourrir une équipe de députés tous aussi trisomiques 21 les uns que les autres et qui pondent des lois à la con qu’ils ne comprennent pas en général. 

Bon, revenons aux choses sérieuses. Cette crise – je vais quand même pas chialer sur les banques et encore moins sur ces enfoirés de banquiers français – si elle pouvait, je ne dis pas moraliser (faut pas rêver) le capitalisme, c’est-à-dire réduire le nombre des escrocs, mais le recentrer sur les réalités, ce serait une bonne chose. Et c’est quoi la réalité ? La réalité, c’est l’entreprise, l’industrie, petite ou grande, les PMI-PME et tous ces artisans qui contribuent à la richesse de ce pays. Il faut investir dans la recherche et surtout rétablir la sélection à l’école, ce qui va rehausser illico son niveau et surtout permettre à des mômes d’être mieux orientés et de ne pas perdre leur temps avec des études dont la plupart ne veulent pas. Car en matière de sélection, ceux qui font très forts, ce sont les Chinois et les Indiens. Ils ont tout compris.

En Europe, on a encore de la matière grise et une très haute technicité dans de nombreux métiers. Cette richesse-là, il ne faut pas la perdre. Ensuite, il est aussi des domaines où l’on est leader, comme le nucléaire. Aussi n’est-ce pas le moment de brader nos technologies en poursuivant une pure logique marchande au détriment des réalités géopolitiques sur le long terme. On est en train d’installer des chaînes de montage d’Airbus en Chine ? Est-ce bien nécessaire ? Question. Et puis, ce n’est peut-être pas de discuter avec les Chinois notre priorité, mais plutôt les Russes, non ? Bref, cette crise du capitalisme est salutaire, mais encore faut-il en profiter pour emprunter les bonnes voies,  sinon le XXIème siècle risque fort d’être austère pour une Europe qui existera de moins en moins. Notre destin, que nous le voulions ou non, est continental. Ce qui veut dire qu’il faut porter nos regards vers l’Est.

00:15 Publié dans Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : crise, europe, affaires européennes, finance, banques, politique | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Un réquisitoire à contre-époque

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Un réquisitoire à contre-époque

ex: www.lefigaro.fr

Péguy, Bernanos et Claudel nous arrachent à la vulgarité ambiante,

écrit Jacques Julliard

dans « L'Argent, Dieu et le diable » .

Un des livres qu'on lira avec le plus de profit cet automne porte un titre très simple — L'Argent —, il est signé Charles Péguy et vient d'être réédité dans un volume préfacé par Antoine Compagnon, professeur au Collège de France et auteur des Antimodernes.

Le croirez-vous ? Ce Cahier de la Quinzaine publié pour la première fois à Paris le 16 février 1913 se lit comme si l'encre de Péguy n'avait pas séché… « On n'avait jamais vu tant d'argent rouler pour le plaisir, et l'argent se refuser à ce point au travail » ; « De mon temps (…) il n'y avait pas cet étranglement économique d'aujourd'hui, cette strangulation scientifique, froide, rectangulaire, régulière, propre, nette, sans une bavure, implacable, sage, commune, constante, commode comme une vertu, où il n'y a rien à dire, et où celui qui est étranglé a si évidemment tort. »

Charles Péguy, un prophète du passé ? Plutôt un témoin extralucide du règne de l'argent dans le monde moderne, répond Jacques Julliard dans un recueil d'essais à contre-époque qui souligne l'actualité de la pensée du poète — c'est-à-dire sa capacité à inspirer des actes. Pour faire bonne mesure, l'historien des idées lui associe le Georges Bernanos de La France contre les robots  « Il faut lire et regarder ce dernier Bernanos non comme le dernier samouraï du monde préindustriel mais comme l'un des premiers prophètes de la société postindustrielle » et un Paul Claudel inattendu, provocateur et insolent, qui revendique le droit de se contredire à propos de tout avec les personnages de ses Conversations dans le Loir-et-Cher.

« Quand le monde tout entier paraît s'affaisser sur son axe et qu'on se sent gagné par la lâche tentation de composer avec ce qu'il charrie de plus médiocre, écrit le directeur délégué de la rédaction du Nouvel Observateur, alors Péguy, Bernanos et Claudel sont des recours. Ils nous arrachent à la vulgarité ambiante et bien souvent nous en protègent. »

Les mauvais riches

Lecteur passionné de Pierre Joseph Proudhon, Georges Sorel, et Édouard Berth, fin connaisseur des maîtres petits et grands du socialisme français, Jacques ­Julliard, qui se dit « psychologiquement athée, culturellement anticlérical, spirituellement chrétien » n'a jamais caché sa sympathie pour le christianisme social. On le savait attaché au souvenir d'une certaine nébuleuse « catho-proudhonienne » dont il perpétue l'héritage avec de jeunes chercheurs dans le cadre de la revue Mil neuf cent. Sa passion et son savoir débordent aujourd'hui le strict cadre de l'histoire intellectuelle pour entrer en résonance avec les folies de notre siècle.

Dans L'Argent, Dieu et le Diable, Jacques Julliard s'emploie joyeusement à prendre ses contemporains à contre-pied en faisant entendre la voix de trois écrivains catholiques un peu oubliés qui ont maudit chacun à sa manière le royaume impie de « Goulavare », un univers impitoyable dans lequel l'argent, sans devoir pour les opulents et sans enfer pour les mauvais riches, ordonne toute valeur.

Un des chapitres importants de l'Argent, Dieu et le Diable place Bernanos et Claudel « face au mystère d'Israël ». Pour en finir avec les calomnies que continuent de véhiculer Bernard-Henri Lévy et ses amis, il est essentiel de rappeler que les deux écrivains ont abjuré dans leur maturité ce que leur tradition et leur préjugé leur avaient fait imaginer de la « grande banque juive ». Leur rencontre avec le judaïsme a peut-être été tardive, mais elle a eu lieu, ouvrant les voies de la réflexion catholique sur l'espérance d'Israël lors du concile Vatican II. Jacques Julliard retrace avec soin la longue marche spirituelle accomplie par Bernanos et Claudel pour s'ouvrir à la réalité historique et théologique d'Israël. Comment l'ignorer ? Moïses porteurs de thoras sans nombre, gardiens têtus de livres saints, les Juifs ne peuvent pas être tenus pour responsables du caractère clos du monde moderne.

Mais ce rappel, ce n'est pas tant à la droite ni aux catholiques qu'il convient de le faire aujourd'hui qu'aux têtes molles qu'on trouve à gauche de la gauche.

L'Argent, Dieu et le Diable - Péguy, Bernanos, Claudel face au monde moderne de Jacques Julliard Flammarion, 230 p., 19 €. Lire aussi : « Le Choix de Pascal », de Jacques Julliard , entretiens avec Benoît Chantre, Champs-Flammarion, 330 p., 9 € ; « L'Argent » , de Charles Péguy, Éditions des Équateurs, 100 p., 10 €.

Quand la pub rend nos enfants obèses

QUAND LA PUB REND NOS ENFANTS OBÈSES


obésité « Si l'on se basait sur la fréquence des publicités diffusées à l'intention des enfants sur la télévision suisse, le menu type serait composé à moitié de hamburgers et de chocolat. Les fruits et légumes seraient les grands absents de la table. Alors qu'un écolier sur cinq est en surpoids en Suisse (1 sur 4 en Europe) et un sur vingt est obèse, les défenseurs des consommateurs s'émeuvent. Consumers International, qui regroupe 220 organisations de 115 pays, demande l'interdiction de la publicité pour des aliments trop sucrés, gras ou salés. Et la Fédération romande des consommateurs (FRC) soutient cette campagne en Suisse.


"Les efforts des parents pour choisir des aliments sains sont sabotés par les énormes budgets consacrés au marketing de nourriture peu recommandable" constate la FRC. L'association dénonce la pub télévisée mais aussi les emballages attrayants, les jouets à collectionner ou les jeux sur Internet, autant de moyens d'attirer l'attention des enfants sur un produit. Or ce type de promotion fonctionne très bien avec les enfants, comme l'a démontré un rapport d'experts de l'OMS en 2006.


Devant ce constat, la campagne mondiale de Consumers International demande que l'OMS élabore un code de conduite international sur la commercialisation des denrées alimentaires auprès des enfants. Ce code de conduite concerne les aliments et les boissons à teneur élevée en graisse, sucre et sel commercialisés auprès des moins de 16 ans. Des produits qui devraient être interdits de publicité pour la télévision, entre 6 h et 21h. Tout marketing utilisant les nouveaux médias (sites web, sites de réseaux sociaux, SMS) devrait être prohibé. De même que la publicité dans les écoles et les lieux fréquentés principalement par les enfants. Ou encore la promotion au moyen de cadeaux, gadgets ou jouets à collectionner. Enfin, le recours à des célébrités, des personnages de dessin animés ou des concours serait aussi interdit. La proposition sera déposée au printemps 2009 à Genève. »



Le Temps, 30 septembre 2008

 

samedi, 11 octobre 2008

Pour un dépassement du projet moderne

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POUR UN DEPASSEMENT DU PROJET MODERNE

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Écrit par Jean-Baptiste Santamaria   

Trouvé sur: http://groupe-sparte.com

La philosophie émerge en même temps que la décadence d’Athènes et des autres cités grecques.
Bien sûr les hommes n’ont pas attendu la philosophie pour penser ni pour être sages ou savants.
On a coutume de dater le départ de la démarche philosophique avec la dialectique (purement orale) de Socrate. Xénophon et Platon deux de ses disciples ont laissé trace écrite de son enseignement.
Socrate est un soldat endurant, courageux; sur le plan politique il dédaigne les joutes oratoires des diverses assemblées athénienne au profit de dialogues en cercle restreint sans rétribution.
Il sera condamné à mort par le parti du démos et fidèle aux lois de la cité il ne cherchera pas à se dérober à la sentence ou à la négocier.Le parti démocratique n’aimait pas son caractère provocateur et indépendant,son ironie; Socrate n’avait pas hésité à braver la foule en s’opposant à la condamnation des géneraux  suite à la bataille navale des Arginuses.
Le peuple avait pris du poids politique dans l’Athènes du V°siécle. La marine prenait de l’importance-le commerce poussait au développement de la flotte-et les marins constituaient la couche populaire de l’armée. La victoire de Salamine constitue un épisode glorieux et caractéristique de l’évolution maritime d’Athènes (Sparte restant une cité attachée à sa glèbe) la cité s’était embarquée avec femmes et enfants laissant la ville aux envahisseurs (seul un petit contingent restera retranché vite exterminé) donc du développement de l’hégémonie du démos.
Opposition antidémocratique emblématique de la part de Socrate.
Mais aussi opposition à la tyrannie de quelques ploutocrates (gouvernement des Trente) :requis par le gouvernement pour aller se saisir d’un opposant (dans le but d’accaparer ses biens au profit des tyrans, Socrate refuse au péril de sa propre vie.
C’est donc un profil quelque peu « anar de droite » que l’on retiendra du père de la philosophie :rejet des grandes fêtes politiques et des querelles entre factions mais tout en incarnant le dernier représentant du soldat-citoyen courageux, sobre et endurant.
Platon va quelque peu infléchir cette ligne, sans doute est-ce la situation historique qui le pousse à s’adapter.
Platon va proposer un autre modèle de vie :le bios politikos est remplacé par le bios qeoretikos  ,la contemplation de l’Etre se substitue comme modèle existentiel supérieur, au mode de vie politique de la cité grecque classique.
A la décharge éventuelle de Platon :cet abandon apparent du primat du politique fixé aux élites n’est que la conséquence du constat de la crise de la cité athénienne.
Le régne des sophistes traduit sur le plan intellectuel la réalité de la démocratie-manipulation du démos par les démagogues au profit de nouvelles générations de ploutocrates,oligarques.

C’est face à cette décadence que Platon propose dans sa République (poliqeia=constitution) une réforme politico-morale de la Polis (cité).
On sait que son ouvrage majeur propose un modèle de Cité soit pour une réforme véritable soit pour servir de norme à viser.
Le réformateur reprend l’organisation-type des sociétés européennes dotées des trois fonctions :le prêtre (ici le philosophe),le gardien (guerrier) et le poïéte (l’artisan, celui qui  fait).La cité a pour telos (finalité) la contemplation de l’Etre,cette fonction suprême est dévolue aux philosophes mais la cité la leur confie en tant qu’activité centrale de tous.
Le philosophe est donc le dernier maillon, le plus élevé, dans la hiérarchie politique ;mais cette « division du travail » est apparente puisque si le guerrier ou l’artisan (agriculteur, maçon etc)permettent au philosophe de contempler ils contemplent aussi par procuration. Toute la cité est tendue vers ce télos qui la justifie,qui la « fonde ».
Mais le philosophe ne se contente pas de tendre à une saisie de l’Etre, il est chargé du gouvernement de la Cité. Plus encore le long cursus qui le mène par sélections successives à cette fonction (il est choisi parmi la caste des gardiens et se révèle le meilleur dans les activités de guerre et de magistrature) implique qu’il s’immerge totalement dans les affaires de la Cité. Après la formation classique du guerrier (musique, gymnastique etc) à trente ans il entreprendra diverses magistratures, dés cet âge il alternera cette fonction politique avec la fonction théorétique (contemplation des Idées de l’Etre).Ruse du législateur :la contemplation est tellement gratifiante que la gestion du politique avec ses retombées (gloire, enrichissement, pouvoirs etc)apparaît bien pâle,peu attrayant.Le philosophe (ex-gardien)éduqué donc dans le rejet des fausses valeurs retournera avec plaisir à la contemplation après avoir fait sa période comme magistrat .

Sautons quelques siècles mais toujours sous les auspices de nos grands ancêtres indo-européens de l’Attique ou du Péloponése. Maurice Bardéche dans Sparte et les Sudistes se livre à une analyse de la Cité européenne des années soixante,dresse un bilan dégage l’origine de la crise comme émanant de la mise sous le boisseau des valeurs liées à la fonction guerrière.

C’est sous ce double patronage que nous tenterons de « refonder » la cité européenne.
Redonner la primauté au courage, la sagesse et la tempérance comme valeurs centrales, rétablir sur ses pieds cette vieille organisation millénaire, restaurer la hiérarchie « naturelle » en rendant l’hégémonie aux valeurs guerrières et de contemplation .

Si les valeurs du libéralisme et ses vertus (la négociation, l’organisation rationnelle du monde et notamment le travail) sont aujourd’hui hégémoniques elles ne peuvent à elles seules assurer la cohésion de la cité. Remettons donc chaque fonction à sa place.


La question de l’Etre et de l’être-au-monde


La Cité n’est qu’un être parmi d’autres. Un ordre inséré dans un autre ensemble, un autre ordre. La politique qui régit la cité ne peut donc être une valeur en-soi, une valeur suprême.
Les Grecs croyaient en l’existence d’un Cosmos c’est à dire un ordre naturel incréé (les dieux eux-mêmes sont installés dans ce monde mais ne l’ont pas créé),ordre c’est à dire harmonie.
La mesure est donc la  vertu qui signale l’acceptation de cette harmonie. La démesure (ubris) est donc le « péché » capital.  Rien de trop (meden agan) est  une maxime centrale applicable dans toutes les strates du réel (la Cité ,l’Economique ou le cours d’une planète).
Le politique n’est donc pas pour cela le fondement de l’être des hommes c’est une institution (nomos) qui se greffe et s’articule sur la strate naturelle (fusis) d’où une certaine distanciation.
La primauté du politique que nous interrogerons plus loin est donc toute « relative » , à prendre avec du recul ,de l’ironie ,cum grano salis.
Il ne saurait donc dans cette optique sacraliser la société, l’Etat, l’argent etc Par exemple les théories romantiques (hégélianisme) dans leurs versions  prolétarienne, raciale, nationale seraient à rejeter.
Sans aller jusqu’à prétendre que la valeur qui fonde la Cité est la contemplation de l’Etre nous nous bornerons à nous référer au mystère de l’être comme « justifiant » le politique, le surdéterminant .

Nous développerons plus avant notre défense de la tradition,  notre rejet de la modernité et du constructivisme. Disons simplement maintenant que nous ne prétendons pas ici faire table rase de la civilisation européenne et proposer ex nihilo un projet de « société » issu de quelque spéculation ce qui serait foncièrement contradictoire avec notre démarche générale de référence au « réel » au « naturel » à l’acquis. Il n’est donc question dans ces pages ni de proposer dans les pas de Saint Augustin, Platon ou Cicéron, une cité idéale mais de nous inscrire dans un déjà là politique,naturel.
Il est encore moins question de « fonder » cette cité sur une base scientifique quelconque.
Attardons nous quelques instants sur la question du fondement en général et de la cité en particulier.
Marx  prétend fonder sa réforme sur une base scientifique :une analyse matérialiste, objective, de la société anglaise de son temps l’autoriserait à pronostiquer des changements objectifs qu’il va faciliter par sa théorie et son organisation politique.
Avec les Grecs nous pensons que le politique ni la nature ne se fondent en raison.
Rien dans les science s de l’homme ou de la nature ne nous autorise à fonder sur une évidence première notre vision du monde. Nous ne détenons pas en ce qui concerne la physique (science de la nature) l’équation fondamentale d’où tout le reste se déduirait mécaniquement-le modèle standard (big bang) n’est qu’une hypothèse ;l’hypothèse étant le statut de tout énoncé scientifique).Encore moins en histoire ou sociologie ou économie ou politique nous ne possédons de loi vérifiée absolument. Nous ne saurons donc nous autres humains fonder ni notre savoir ni notre pratique.
La certitude que nous procurerait la démarche scientifique irait plutôt dans l’autre direction : depuis Gödel nous savons que tout système logique ou mathématique d’une certaine puissance ne saurait se valider (se prouver) à l’aide de ses seuls énoncés (théorèmes d’incomplétude et d’indécidabilité).Les mathématiques sont certes des ensembles cohérents mais lacunaires, contenant des poches de chaos d’irrationnel. A  fortiori la physique ou l’histoire recèlent de cet irrationnel et ce à tous les niveaux d’observation -Cornelius Castoriadis parlait d’une dualité topologique entre l’ordre et le chaos irréductible dans notre analyse de l’être.
La modernité qui prétend se barder de la certitude que procure la science n’est donc qu’une croyance qui se masque ,œuvre de charlatans.
Il n’est donc pas possible de faire dériver un mode d’organisation de la Cité d’un théorème ou d’une loi naturelle.
Double conséquence :_nos références à un ordre naturel ne sont donc pas démontrables. Nous ne prétendrons pas lutter avec nos adversaires en nous bardant de certitudes physiques. Nous acceptons le jeu (la liberté) inhérent au politique ,aux choix à y opérer aux risques à prendre.
Notre liberté de commettre des « erreurs » des crimes nous la revendiquons, plutôt nous l’acceptons comme relevant simplement de la condition humaine. Condition qui nous est imposée en quelque sorte à nous humains installés dans un cosmos qui ne se plie ni à nos actes ni nos spéculations.
                                -symétriquement nos adversaires modernes qui prétendent depuis la nature ou leur morale universelle fonder leur pratique politique (les droits de l’homme) n’y sont pas autorisés.


Il n’est donc ni question de fonder le politique sur une base indiscutable (évidence première à la Descartes) ni d’en dériver l’organisation de la Cité juste.
Ce qui fait la noblesse du politique c’est ce beau risque à prendre lors des  décisions .L’homme de droite assume sa « liberté » c’est à dire qu’il reconnaît l’absence de déterminisme (aucune loi de l’histoire qui se déroule, aucune certitude morale absolue).
Notre référence au droit naturel, à la nature en général est une simple acceptation d’un cadre certes harmonieux mais troué par le chaos en tout cas par un ordre qui nous échappe.

C’est la reconnaissance de cette condition humaine marquée au sceau du tragique qui est notre marque distinctive.

Si le politique est marqué d’un tragique qui lui est propre (hétérotélie, impuissance à mettre en place des institutions stables, guerres endémiques…) arrêtons nous un instant sur le tragique inhérent à la condition humaine en géneral.
Les sources du tragique :
Les mythes et les religions nous parlent bien avant les sciences de ce tragique qui procède de l’ambiguïté de la condition humaine. La Genèse ou le mythe de Prométhée (in Les Travaux et les jours d’Hésiode) nous parlent des hommes condamnés à l’indirection, l’ambiguïté de leurs actes .Quelque soient leurs actions ils se débattent dans la souffrance le mal et la laideur cet horizon est indépassable le mort étant emblématique de cette finitude et cette ambiguïté.
L’homme est installé dans ce monde et ses limites ;bien fol qui prétend sortir de ce monde.
Cette démesure est pourtant caractéristique de la modernité.
Prétendant s’affranchir de la nature ,fonder et reconstruire selon les seules lueurs de la raison un monde humain voire une seconde nature pour en évincer la souffrance et le mal la modernité n’a débouché que sur un autre mal :le déracinement.

La critique phénoménologique de la modernité :
En provenance d’Allemagne notamment du penseur de l’Etre Heidegger s’est développé en France un courant qui débouche-peut être à son corps défendant- sur des similitudes d’analyse. Le plus interessant et le plus honnête (voir le débat avec Thierry Maulnier in Sens et non-sens) est sans doute Merleau-Ponty (outre la trajectoire captivante d’Albert Camus).
Sans rentrer dans des débats spécifiquement philosophiques rappelons certains points car liés à la question du fondement évoquée ci-dessus.
Dans « Phénoménologie de la perception » Merleau-Ponty rejette aussi bien le subjectivisme que l’objectivisme. Ces théories prétendent toutes deux assurer un fondement à notre connaissance et notre pratique. La première assurant que la pensée humaine est le sous-bassement qui garantit la validité, la cohérence de notre savoir .La seconde que l’esprit ne tire cette cohérence que de celle du monde qui constitue le socle validant toute connaissance.
Dans les deux cas une rationalité totale est permise. Le statut de la croyance est celui d’un dérivé de cette raison.
Merleau-Ponty reprend la thèse allemande d’un déjà là, d’un monde qui nous préexiste ;mais ce monde n’a pas un statut objectif-existant en dehors de la pensée des hommes-.Le concept jeu de mot ek-sistence est forgé. L’homme est inscrit dans cet univers qui lui même n’est pas donné comme évident. L’homme est sa raison ne peuvent donc se prévaloir d’aucune garantie préalable mais cette pensée est inscrite dans un cadre, une chair. Cette incarnation de l’esprit dans une chair et dans une patrie (l’Heimat de Heidegger/holderlin) est indépassable.
Merleau-Ponty est le premier à évoquer l’incarnation, l’inscription de l’homme et de sa raison dans un umwelt,un monde qui l’entoure qui lui est premier.
C’est un acte important dans la rupture avec le projet de maîtrise du monde de la modernité.
Depuis la Renaissance et une certaine lecture des Anciens se faisait jour le programme de l’Humanisme. Comme son nom l’indique ce courant prétend accorder le primat à l’homme et en particulier ce qui le distinguerait de l’animalité-naturalité :la raison.
Le progrès :
En rupture donc avec le monde antique (primat du Cosmos) et du christianisme (organisation et hégémonie divine) la modernité prétend remettre à plat le monde et le faire plier notamment via la technique aux desiderata de l’espèce humaine.Le monde serait totalement transparent en droit à l’analyse rationnelle et à la pratique de transformation opérée par l’homme ;bien plus cette activité de longue haleine se double d’une dimension morale typique elle aussi du régne humain. C’est le progrès ce progrès est un processus rationnel donc s’inscrivant dans le temps et soumis à une technique. Progrès moral et technique signifie une amélioration des conditions d’existence mais aussi de l’Etre même de l’homme.
C’est donc la consommation d’une rupture totale avec tout ce qu’on appellera les sociétés traditionnelles.
Attardons nous sur cette opposition entre tradition et modernité.


Tradition et Modernité

Observons un instant l’opposition entre ces deux philosophies de la vie sous l’angle de deux catégories fondamentales :l’espace et le temps.
Le village planétaire, la jet society incarnent la modernité la plus extrême :l’espace se veut aboli grâce à des moyens de communication des êtres matériels et immatériels. La Modernité est l’expression de la raison et la raison émet des jugements universels ;c’est à dire valable en tous lieux (et sans doute en tous temps puisque l’histoire est revisitée à l’aune de nos actuelles catégories :Ex :le révisionnisme des droits de l’homme).Si ces analyses qui revêtent l’aspect de lois objectives donc normatives sont valables en tous lieux l’espace et ses particularités sont gommées .C’est la mondialisation, l’universalisation des modes de vie et de penser.
Et il n’est pas indifférent que la puissance qui est à l’origine de cette négation des particularismes ,des localismes nie aussi le temps.

Les Etats Unis sont un peuple jeune sans histoire. Patrie de l’espace sans fin (la nouvelle frontière)-peu importe si ces terres sont déjà occupées -c’est aussi celle de la négation du temps ou son ravalement à une dimension rationnelle :l’argent.
Laissons parler Nietzsche dans ses Considérations inactuelles II,3 :
« Chacun le sait qui s’est rendu compte des terribles effets de l’esprit d’aventure,de la fièvre d’émigration,quand ils s’emparent de peuplades entières,chacun le sait, qui a vu de près un peuple ayant perdu la fidélité à son passé,abandonné à une chasse fiévreuse et cosmopolite de la nouveauté sans cesse renouvelée.Le sentiment contraire,le plaisir que l’arbre prend à ses racines,le bonheur qu’on éprouve à ne pas se sentir né de l’arbitraire et du hasard,mais sorti d’un passé- héritier,floraison,fruit- ce qui excuserait et justifierait même l’existence :c’est là ce que l’on appelle aujourd’hui,par prédilection, le sens historique. »
Les E.U. pour reprendre l’expression de Camus fait partie de ces peuples-enfants,peuples sans histoires, qui prétendent faire table rase des acquis de leurs peuplades d’origine, se mélanger et démarrer à zéro.
Ce déracinement est le responsable de la crise actuelle de l’Europe et de l’occident.
Remettre les compteurs à zéro et construire une praxis totalement rationnelle c’est l’obsession de la modernité.
La tabula rasa se trouve chez Descartes comme dans les paroles de Pottier,l’Internationale.
Refuser les préjugés (ce qui a été pensé par d’autres avant nous) partir d’ trouve chez Descartes comme dans les paroles de Pottier,l’Internationale.
Refuser les préjugés (ce qui a été pensé par d’autres avant nous) partir d’une société ou d’une idée neuve et incontestable par la logique et construire un  ordre nouveau.
Descartes prétend avoir trouvé avec le Cogito cette idée évidente (claire et distincte) dont la lumière initiale est transmise de proche en proche en déroulant les longues chaînes de raison à d’autres idées élaborant un système entièrement  neuf et « vrai ».C’est tout du moins une certaine vulgate cartésienne enfourchée par certains épigones zélés de la modernité.
Quant au marxisme la constitution d’un homme nouveau berger le matin et musicien à ses heures relève d’un même procès de transformation –praxis révolutionnaire- guidé par le matérialisme dialectique,nous y reviendrons.

La tradition relève d’une démarche opposée.
La société traditionnelle n’est pas rationnelle, ou ne prétend l’être ni totalement ni fondamentalement.
Elle n’est ni critique ni analytique.
La tradition reprend sans une interrogation radicale ce qui est transmis par les anciens (tradere=transporter).L’homme de tradition assume totalement son histoire (celle de ses ancêtres) il ne hasarde pas des positions tranchées à propos des conflits intérieurs et extérieurs menés dans le passé de sa peuplade –même s’il se permet de visiter ce passé à l’aune de catégories qu’il sait moboles-.L’homme de tradition ne prétend pas reconstruire sur des critères transparents à la raison un ordre nouveau,il sait qu’il est inscrit dans un réel déjà là et que les utopies (u-topos :privé de territoire réel) peuvent être sanguinaires.
Donc une critique inexistante ou au moins un rejet de la table rase des us ancestraux une acceptation d’un ordre comme un déjà-là.
Une reconnaissance donc de la vanité qu’aurait l’homme à chaque génération de redéfinir des règles.
A contrario on appellera constructivisme cette démarche prétendant à la reconstruction sous les seules auspices de la Raison des formes d’organisation humaines (politiques et sociales).
Ce constructivisme sous entend que la raison émet des énoncés rendant compte complètement du système à analyser et à promouvoir, que le réel est totalement rationnel donc que la raison est totalement (auto)suffisante.
La tradition entend que l’homme est bien doté de raison mais que celle ci est inscrite dans une chair, un lieu et un temps. Que les énoncés de la raison sont empreints d’une certaine validité mais que celle ci n’est pas universelle mais localisée .C’est un « modeste » qui ne prétend pas à l’infaillibilité et à l’unicité de son mode d’être. Cette démarche n’est pas une tradition servile elle peut donner lieu à une critique philosophique et pensée comme telle c’est à dire socialement limitée.
La tradition reconnaît donc l’existence de l’espace et encore plus du temps.
Alors que la logique donne des résultats immédiats 2+2 égalent immédiatement (et partout) quatre l’homme de tradition (et déjà le physicien) reconnaissent l’existence du temps qui n’est pas qu’une « variable » mais qui marque de l’intérieur nos propres jugements et pratiques :l’histoire.
La raison n’opérant pas dans des systèmes complets et décidables la tradition ne prétend pas à la perfection de son mode d’être, c’est à dire l’achèvement logique de ce qui n’est donc pas considéré comme un « système » ou un processus en cours.
La tradition au moins européenne intègre la raison des hommes dans un cosmos plus large dont on sait qu’il est en partie seulement perméable à cette activité rationnelle ;mais elle ne prétend pas que les affaires humaines excluent las passions ou le hasard.
Si l’homme de tradition est un réformateur permanent car il ne sacralise pas absolument le domaine de l’homme il n’est en aucun cas révolutionnaire au sens d’initiateur d’un projet concocté par un cerveau ou un groupe.
Ces lignes ne sauraient donc être un manifeste pour un ordre nouveau mais au contraire le rappel cyclique d’un ordre millénaire.
En effet la conception traditionnelle du temps est cyclique :l’éternel retour du même et non une vision linéaire (le progrès) ou dialectique (Marx, Hegel).
Nous proposons pour seule réforme d’en finir avec l’hégémonie des poïétes et de leur catégories (travail,argent,négoce) et de restaurer l’ordre des gardiens philosophes.
Rien de nouveau donc mais un mouvement à l’intérieur du même pour passer à l’autre (les valeurs de courage, sagesse et tempérance.


Une « nouvelle » éthique.

Nous pensons qu’il n’y a pas de solution techniques à la crise de l’Europe.
Prenons l’exemple de l’insécurité. La tolérance zéro garantie par des forces de police importantes et le suivi ad-hoc (infrastructures juridiques et carcérales) n’est pas une solution vivable-aux EU plus de 1% de la population est en prison. La morale doit donc être prioritairement subjective et certes garantie par la Cité. Il faut donc une « production » en série d’individus moraux. C’est là où nous voyons l’inadaptation de la morale actuelle celle des droits de l’homme.
Paradoxalement la conception morale qui prédomine actuellement est celle de Socrate l’homme qui agit mal se trompe.La faute morale est donc une erreur intellectuelle.
Dans la même veine ,Victor Hugo : « Ouvrez des écoles vous fermerez des prisons. »
Cette conception de l’éthique est une conception intellectualiste.
La morale actuelle est une morale kantienne, c’est à dire l’expression d’une exigence de la raison, un impératif catégorique (produit d’une exigence interne) de cette raison.
C’est donc une morale de « classe » accessible aux jeunes cadres hyper-diplômés et inadaptée à d’autres secteurs de la population y compris autochtones.
L’acte moral n’est pas le fruit d’un computage permanent (calcul) :est-ce que la maxime de mon action est universalisable ?Si tout le monde faisait ainsi est-ce que cela serait vivable ?Dois-je attendre un plus grand bien de mon action (optimisation du calcul des pertes et profits) ?
La morale de Bentham ou de Kant aboutit à la crise actuelle .Hédonisme ambiant et spectaculaire entrecoupé d’irruption de la barbarie :ex :sortie de l’univers du complexe et agression sur le trottoir.
La morale ne peut relever du calcul rationnel.
Pour les raisons évoquées plus haut :à savoir que le domaine de l’homme n’est pas transparent à lui même, que les us et coutumes héritées ne sont certes pas entièrement fonctionnelles –c’est même un bien-mais qu’on ne peut entièrement connaître l’origine et l’impact de tel interdit su l’ensemble du « système » social. Mettre les coudes à table induit en aval des conséquences incalculables.
Comme son nom l’indique (ethos :habitude) l’éthique est une « science » du comportement .Elle relève de l’habitude ,du bon pli à prendre dés le plus jeune âge.
L’éducation n’est pas essentiellement affaire de rationalité. Le jeune d’homme n’est pas libre de choisir entre différents devenir. Il n’a pas le choix. Le petit démocrate apprendra avec le lait maternel le credo universaliste comme le petit balilla intégrait le rôle civilisateur de l4Etat hégélien.On ne demande pas son avis au petit d’homme sur l’adoption de la station debout ou la défécation en des lieux et temps prédeterminés.
Par définition (e-ducare) l’éducation consiste à tirer l’in-fans (qui ne parle pas=qui n’a pas de raison) de son état bestial pour l’amener vers l’humain. Mais quel type :le Kiowa, le Boro Boro, le stalinien,l e spartiate ?Il ne saurait y avoir choix, liberté, l’usage même de la raison est imposé.
L’éthique renvoie bien à une mise en condition relevant en partie seulement de la persuasion mais surtout de la conviction.

 
La réinstallation de l’homme.

En 1948 dans l’Europe en ruine dépecée par les forces de la modernité, Albert Camus parle de l’exil d’Hélène. La  beauté, le Beau valeur suprême confondue par les Grecs anciens avec le Bien est expulsée par la Raison absolutisée, la raison historique.
Une fois l’impérium américain resté le seul maître apparent et seul porte parole de la Raison incarnée par la démocratie US relayée par le credo dit universel des droits de l’homme on a pu parler de Fin de l’histoire toujours selon une certaine conception de la rationalité et de l’hégélianisme.
Aujourd’hui c’est l’homme lui-même qui est exilé. Sans racines, sans toît, sans patrie il erre tel un dieu ou une bête pour reprendre les mots d’Homère et d’Aristote.
La modernité a remplacé l’ordre des anciens- géocentrisme, théocentrisme-par l’humanisme.
Ce n’est plus la Phusis ou Dieu qui occupe l’ordre architectonique traditionnel (le Cosmos, ordre harmonieux dans lequel chaque être a une place) c’est l’homme lui même expulsé de sa chair et réduit à la raison,la raison elle même réduite au concept.
A vouloir positionner l’homme au centre de l’univers ou plutôt de sa représentation il s’est retrouvé marginalisé sur un petit îlot galactique.
Condamné à l’errance dans le village planétaire, arraché à son clan il vague, atome sans clinamen, soumis aux bons soins d’entités financières sans réalité physique.
Un lent procès d’atomisation l’a extirpé de sa glèbe de ses diverses communautés « naturelles » pour en faire un individu-masse.

A l’aube de ce troisième millénaire ou un pseudo-libéralisme et un pseudo-individualisme semblent régner sans partage il est plus que jamais nécessaire de réinstaller l’homme dans le Cosmos des anciens grecs,dans l’harmunia mundi de la Rome antique.
Cette réinstallation doit être en rupture complète avec le projet délirant de maîtrise de la Phusis  (nature) entrepris par la technique et la science dans ses développements les plus récents. Installer l’homme n’est pas le mettre aux commandes (de quoi ?) c’est penser ce qu’il n’a jamais cessé d’être :qu’il est inscrit dans un horizon sinon impensable du moins irréductible à nos catégories rationnelles et pratiques.
Cornelius Castoriadis a décrit cet univers comme doté d’une topologie duelle.A chaque niveau d’observation que l’on pourrait découper dans ce continuum qu’est l’Etre on y perçoit des poches qui semblent en partie se soumettre à notre approche rationnelle et qui flottent au milieu d’un magma le quel magma pourrait à son tour se prêter à des formes d’observation rationnelle de même que l’ordre dégagé précedément laissait demeurer un résidu magmatique.
Ainsi ordre et chaos semblent être présents à tous les niveaux de notre observation rationnelle.
De son côté Gödel semble avoir démontré que même la théorie des ensembles recélait des béances une indécidabilité de certaines de ses expressions bien formées et que la description de tout système d’une certaine ampleur (du type théorie des ensembles par exemple) n’était pas descriptible avec ses seuls outils-incomplétude de la description-.
Théoriquement et pratiquement la physique n’a pas livré le secret du fondement de la matière, sa théorie de la grande unification piétine depuis trois-quarts de siècle.
Il résulte de ces trois remarques que la raison humaine n’est toujours pas en mesure ni d’expliquer le monde ni de rationaliser la praxis humaine. Le projet de maîtrise du monde -homme inclus-par les seules armes de la raison n’a pas abouti à ce jour.
Bien plus : la notion de Progrès, y compris dans le domaine moral qui accompagne l’imaginaire de la maîtrise rationnelle du monde, semble ne pas résister à un bilan de l’histoire moderne et contemporaine :guerres, exterminations, famines, reculs dans divers domaines de la civilisation (liberté de penser, originalité créatrice etc).
Ce bilan certes partiel de la modernité nous autorise cependant à signaler son échec –momentané ?-
Ce qui est –qui n’est donc pas un ensemble ou un univers aux sens mathématique ou physique- nous continuerons de l’appeler l’Etre. Cet être n’est donc pas l’objet de nos investigations ou manipulations de même que rien ne nous autorise à nous proclamer sujet-au sens d’auteur responsable-de nos représentations ;nous nous attarderons sur ces points un peu plus avant.
Nous -nous inscrivons corps et âme dans cet horizon lacunaire à nos yeux.
Nous ne pouvons pas accomplir l’utopie  prométhéenne d’en devenir le pilote mais nous pouvons peut-être échapper à la punition des dieux :l’exil.
Ce malaise dans la civilisation cette névrose qui nous obsède peut prendre fin.
De même que l’enfant peut se sentir à l’aise dans une demeure dont il ne comprend pas le sens et l’organisation :la maison de mon père !
De même nous devons nous réinstaller dans le monde au sein de l’Etre.
Cela ne signifie en rien la soumission au destin, la résorption  de notre essence tragique dans une fusion animale ou végétale avec cet être car l’homme est non seulement le berger de l’être mais animal politique (zoon politikon) .
L’homme est en partie l’auteur de son horizon ;le politique constitue la strate de la liberté comme nous le développerons plus loin.
La plasticité de l’homme n’est pas infinie puisque le politique inscrit son action dans l’Etre mais elle se déploie dans un lieu (topoV) particulier celui de la praxis-une action non déterminée par la phusis-.

Nous voilà donc arrivé au seuil de notre réflexion sur une politique de l’Etre après en avoir situé rapidement le cadre : eV mezo au milieu . Ni soumission absolue à un fatum ni démesure prométhéenne ;mais acceptation d’un ordre tragique non exempte d’une certaine grandeur.
Le politique n’est pas un vecteur d’émancipation de notre condition humaine finie-cette politique n’aboutit qu’à l’exil de l’homme hors de son terroir et l’ubriV (démesure) de l’universalisme (abstraction névrosante)-.
Le politique doit se donner comme tâche immédiate la réinstallation des hommes dans le monde et son réenchantement.
En ce moment de notre réflexion nous pensons que cette mission sera relevée par une nouvelle aristocratie qui ,s’émancipant des valeurs marchandes, mèneront les cités terrestres et imparfaites donc, mais réelles, sur la voie de cette nouvelle terre promise dans le cadre d’une nouvelle alliance.
Nous ne présageons pas des formes des nouvelles représentations à venir :retour d’une tradition chrétienne, héllène, celte etc bref refondations ou nouvelles fondations.
Le rejet d’une rationalité constructiviste ,d’une démarche de la table rase nous permet de  situer cependant-comme nous nous en expliquerons plus loin- dans une perspective dite traditionnelle.

Pas de millénarisme politique donc :le politique est bien soumis en quelque sorte, inscrit, dans un cosmos préalable et ce politique doit être compatible avec la menée d’une vie d’homme au sein de l’être. Les valeurs du politique ne relèvent pas donc pas de l’absolu  ,car soumises à un ordre « naturel » dans le cadre d’une vision du monde hiérarchisée dans laquelle l’ironie n’a pas la moindre place ou plutôt la place moindre.
Cela nous permet d’éviter le double écueil de l’absolutisation du phénomène communautaire (l’Etat, la Classe, la Race, les Droits de l’Homme etc) et celui de la relativisation des valeurs et son corollaire : l’affaiblissement du caractère normatif des lois.
Dernière mise à jour : ( 09-10-2007 )

La révolution a commencé...

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Paolo EMILIANI:

La révolution a commencé...

 

La crise financière est arrivée officiellement en Europe. A l’évidence, elle devait traverser tôt ou tard l’Atlantique et ébranler les économies du Vieux Continent. Lundi 6 octobre 2008: rien qu’en cette journée fatidique, quelque 400 milliards d’euros ont été littéralement “brûlés” dans  les bourses européennes et l’effet de panique pourrait empirer encore davantage la situation dans  le très proche avenir. Le lundi 6 octobre, Affari a laissé sur le terrain 8,24%, Paris, 9%; Francfort, 7% et Londres 8%.

 

Les plans anti-crise, à commencer par celui que les Etats-Unis viennent de mettre en oeuvre, ne semblent pas avoir convaincu le marché; il faudra donc faire preuve de courage. D’abord parce que personne ne semble pouvoir freiner la crise. Mais dans ce jeu, le vainqueur sera celui qui, le premier, abandonnera le système glauque du libéralisme pour se réfugier dans une économie socialiste ou, du moins, contrôlée par l’Etat. Celui qui franchira le premier ce pas, en garantissant la pérennité de l’épargne recueillie par les banques du pays, attirera l’argent de tout le monde et, partant, la globalisation des marchés, qui vient de se transformer en une apocalypse pour la planète entière, sera, pout cette nation courageuse et clairvoyante, une opportunité inattendue de croissance.

 

L’Irlande a déjà garanti les dépôts consignés dans ses banques et, à cette heure, les Anglais craignent une fuite massive de capitaux en direction de Dublin.

 

Les gouvernants européens, à commencer par Berlusconi chez nous, devront être clairs: il n’est pas nécessaire d’accorder des garanties aux banques et à leurs spéculations, il est en revanche bien nécessaire de garantir les épargnes, le bien-être et l’équilibre de la communauté populaire, la possibilité de nouveaux investissements mais sous la forme de nouvelles infrastructures contrôlées par l’Etat.

 

Il y a ensuite une autre démarche à poser immédiatement, avant la chute prévisible de l’euro, qui, hier déjà, 6 octobre 2008, a manifesté ses prémisses: créer une monnaie nationale (qui pourra s’utiliser parallèlement à l’euro dans un premier temps) pour garantir la stabilité de la nation et empêcher l’émergence d’une inflation sauvage qui précipiterait dans la pauvreté de larges strates de la population.

 

Affrontons les faits, tout de suite, sans tarder, aussi pour empêcher que le désespoir général se transforme en prétexte de propagande pour les diverses superstitions religieuses. En effet, hier, 6 octobre, avec un sens aigu de l’opportunité, le Pape Ratzinger, en causant à bâtons rompus lors de l’ouverture des travaux du synode des évêques sur la Bible, a dit, en faisant référence à la  crise financière, que “seule la parole de Dieu est une réalité solide”. Etrange affirmation de la  part du représentant d’un Etat qui possède une banque d’affaires qui a toujours oeuvré avec grande désinvolture sur le marché financier et n’a jamais dédaigné les “spéculations hardies”.

 

Non, la crise ne se résolvera pas par de petites prières vespérales mais en déployant une nouvelle vision de la société qui devra nécessairement se montrer plus frugale que l’actuelle parce que  —et cela doit être bien clair pour tous—  le temps des vache grasses est terminé et nous sommes tous, d’une manière ou d’une autre, responsables de ce consumérisme insoutenable sur le long terme, qui a généré, en bout de course, cette implosion du système capitalisme à laquelle nous assistons.

 

En somme, servons une révolution, en son sens propre de retour sur soi, parce que le monde est en train de basculer et l’Occident opulent plonge, pique du nez.

 

Paolo EMILIANI.

(éditorial du quotidien romain “Rinascita”, mardi 7 octobre 2008; trad. franç.: Robert Steuckers).

00:35 Publié dans Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : crise financière, finances, banques, usure, usurocratie, euro | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Géo-économie mondiale: un basculement stratégique

Géo-économie mondiale : un basculement stratégique

Géo-économie mondiale : un basculement stratégique

Ce texte mérite d’être lu et d’entraîner une réflexion. Il montre comment les avatars militaires des Etats-Unis et la faillite du néo-capitalisme de l’ère post-soviétique signent la fin de cinq siècles de domination absolue de l’Occident sur le reste du monde.

Sur fond d’un paysage sinistré de l’économie occidentale, marqué par de faillites retentissantes de grands établissements de renom tant aux Etats-Unis qu’en Europe, un basculement stratégique s’est opéré en 2008 au niveau de la « géo-économie » mondiale avec la recomposition de la carte bancaire américaine, l’entrée spectaculaire des fonds souverains arabes ou asiatiques dans le capital de grandes sociétés américaines ou européennes et l’affirmation de plus en plus marquée des grands pays du Sud, les pétromonarchies du Golfe et le groupe Bric (Brésil, Inde, Chine et Afrique du Sud) comme acteurs majeurs de la scène mondiale au point que se pose la question de la pérennité de l’hégémonie planétaire des Etats-Unis et de la viabilité des structures internationales tant financières que politiques mises en place dans la foulée de la Deuxième Guerre Mondiale (1939-1945), notamment le Conseil de sécurité de l’ONU, le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale, ainsi que le G7, le regroupement des sept pays les plus industrialisés de la planète crée après la première crise du pétrole (1973).

L’Inde, via le groupe Mittal, en s’emparant du premier groupe sidérurgique européen (Sacelor-Arcelor), la Chine, en devenant actionnaire du plus gros fonds d’investissement américain, Blackstone, à hauteur de dix pour cent sans droit de vote, pour une valeur de trois milliards de dollars, parallèlement à la mainmise de la Bourse de Dubaï et de Qatar Investment Autority (QIA) sur la moitié de London Stock Exchange et la prise de participation en 2006 de la banque publique russe VTB de 5% du capital du consortium aéronautique franco-allemand EADS, ont démontré leur vitalité et leur ambition de redéfinir les contours de la nouvelle économie mondiale en voie de constitution.

I-La recomposition de la carte bancaire américaine

Ce bouleversement a conduit les dirigeants de la finance internationale sinon à pactiser avec leurs rivaux potentiels, à tout le moins à modérer leurs prétentions du fait de la conjonction de quatre facteurs cumulatifs.

l’affaiblissement de l’économie américaine du fait des coûts de la guerre d’Irak et d’Afghanistan, estimé par le prix Nobel américain de l’économie Joseph Stiglitz à près de trois mille milliards de dollars (1),

la gestion spéculative des prêts immobiliers américains et la cascade des pertes connexes qui s’en est ensuivie de l’ordre de 945 milliards de dollars selon un rapport du FMI (2) dont vingt milliards de dollars pour les banques françaises (Crédit agricole, Société générale, Dexia (6,5 milliards d’euro ainsi que les filiales de la CNCE (caisse nationale des caisses d’epargne) Natexis-Nexity (6 milliards d’euros)

le pactole constitué par les états pétroliers du fait du renchérissement du prix du brut, estimé fin 2007, à 3.355 milliards de dollars,

le matelas aménagé par les banques centrales étrangères en bons de trésor américain, de l’ordre de 2.500 milliards de dollars.

Dans ce contexte économique chahuté, les capitaux étrangers ont ainsi opéré une percée remarquée dans un système bancaire américain en pleine recomposition, n’épargnant pas même certains des fleurons de Wall Street. Si JP Morgan a réussi à tirer son épingle du jeu, il n’en est pas de même de trois autres grandes banques d’investissement, Merryl Lynch et Lehman Brothers et Morgan Stanley.

Confirmant son rôle de prédateur de la finance, JP Morgan s’est ainsi hissé au premier rang des banques américaines, s’emparant coup sur coup en 2008 de la banque Bear Stearns et de Washington Mutual Bank, la plus importante caisse d’épargne du pays, devenant ainsi la plus grosse banque américaine avec des dépôts de l’ordre par 900 milliards de dollars, dont 188 milliards repris à Washington Mutual. Mais les trois autres grandes banques d’investissement de Wall Street, -Merryl Lynch et Lehman Brothers et Morgan Stanley-, ont fait les frais de cette gestion hasardeuse de prêts immobiliers aléatoires, de même que le plus grand groupe d’assurance américain AIG, repêché de justesse avant naufrage par le gouvernement américain.

Lehman Brothers, à la suite d’une dépréciation de près de 25 milliards de dollars de ses actifs, a été conduite à se placer sous la protection du chapitre 11 de la législation financière américaine qui aménage la protection des entreprises en faillite, alors que Morgan Stanley, pour échapper à un sort funeste, faisait alliance avec Mitsubishi UJF, cédant 20 pour cent de ses parts au géant asiatique pour neuf milliards de dollars. Merryl Lynch a été, elle, rachetée purement et simplement par la Bank of America.

Troisième banque d’investissement du pays et sans doute l’une des plus touchée par la crise financière avec près de 40 milliards de dollars de dépréciations depuis le début de la crise, Merryl Lynch avait dû solliciter l’aide du Koweït et de la Corée du sud pour 6,5 milliards de dollars d’actions préférentielles, leur cédant 25% de participation. Elle a même dû céder 8 milliards d’actifs complémenaires après des pertes abyssales au deuxième trimestre 2008 (de l’ordre de 4,89 milliards de dollars). Déjà plombée par 9,75 milliards de dépréciations supplémentaires, elle a été contrainte de céder une nouvelle fois des actifs dont sa part dans Bloomberg et dans Financial Data Services, avant d’être rachetée par Bank of America.

Pour sa part, Citigroup, qui était jusqu’à la crise la première banque des Etats-Unis, a dû solliciter le concours des Fonds Souverains du Koweït et de Singapour pour combler les pertes de l’ordre de 14,5 milliards de dollars résultant d’investissements malheureux dans des produits liés aux crédits « subprimes ». Le Prince saoudien Walid Ben Talal, déjà actionnaire de l’établissement, et la famille dirigeante d’Abou Dhabi avec une prise de participation au capital de l’ordre de 7,5 milliards, ont participé à cette opération de renflouage. Au total, la banque a été alimentée à hauteur de 22 milliards de fonds originaires d’Asie et du Moyen-Orient, en 2008. Toutefois, cette jonglerie financière va coûter cher à Citigroup qui va devoir payer 1,7 milliards de dollars par an pour rémunérer les différents investisseurs ayant participé à ses deux recapitalisations d’urgence. La première recapitalisation de 7,5 milliards de dollars, annoncée en novembre 2007, était rémunérée à 11%, soit 825 millions de dollars par an. La seconde, de 12,5 milliards de dollars, à 9 %, soit 875 millions de dollars par an.

Dans le cas de la deuxième opération, les obligations sont non cessibles pendant les sept premières années. Si aucun des investisseurs ne les convertit en actions pendant cette période, elles auront donc coûté plus de 6,1 milliards de dollars à Citigroup. De son côté, Wells Fargo a absorbé le 3 octobre sa concurrente Wachovia pour un montant de 15,1 milliards de dollars (10,86 milliards d’euros). Wachovia, 4eme banque des Etats-Unis, était affligée de 42 milliards de ses dettes. Indice d’une aggravation de la crise qui a déjà jeté à la rue près de 700.000 foyers américains, les banques américaines manifestent désormais des réticences à se lancer dans des opérations de sauvetage faute de garanties financières de l’Etat lequel ne souhaite plus s’impliquer davantage, après le financement de la faillite de treize établissements depuis le début de la crise.

La bourrasque n’a pas épargné non plus l’Europe où deux banques anglaises ont été nationalisées, Northern Rock et Bradford et Bingley, un fonds britannique spécialisé dans l’immobilier, de même qu’une banque belgo néerlandaise Fortis, première banque belge, seconde banque néerlandaise, premier employeur privé en Belgique. Fortis avait racheté il y a un an tout juste, la banque ABN, pour la somme de 24 milliards d’euros, lors que la France et la Belgique s’employaient à renflouer à hauteur de 6,5 milliards d’euros DEXIA, la banque de financement des collectivités locales, et que NATEXIS, filiale de la Caisse d’Epargne Française, était place sous observation.

Le plus étonnant est que cet apport massif d’argent provenant de pays situés dans la sphère suspectée de connivence avec l’Islam radical tranche avec le tollé suscité à l’occasion de l’acquisition par Dubaï Port Authority (DPA) de la compagnie des ferries britanniques P/O. La société de Dubaï se proposait de racheter pour 6,8 milliards de dollars les activités portuaires du britannique P&O, qui avait compétence pour gérer une dizaine de ports américains, notamment des terminaux portuaires de marchandise, du pétrole et de passagers aux Etats-Unis (Nouvelle-Orléans, Miami, New York).

Elle s’est heurtée au veto américain au nom d’impératifs de sécurité liés à la guerre contre le terrorisme, alors que Doubaï est un allié fidèle de longue date des Etats-Unis. Un sort identique avait d’ailleurs été réservé à la tentative faite en juin 2005 par une société chinoise cotée en bourse CNOOC, mais contrôlée à 70 % par l’État chinois, d’acquérir pour 18,5 milliards de dollars, la compagnie pétrolière américaine UNOCAL, surenchérissant de plus de 1,5 milliards de dollars sur l’américain Chevron Texaco. Les parlementaires américains s’ y opposèrent aussi au motif qu’une telle opération compromettrait la sécurité de l’approvisionnement en énergie des Etats-Unis de la part d’un pays concurrent, se réclamant de surcroît de l’idéologie marxiste.

En un an le climat psychologique des affaires a radicalement changé sur le plan international lorsque l’on songe à l’ironie mordante qui a accompagné le raid de l’indien Mittal sur Arcelor ou le veto opposé par l’administration américaine à l’acquisition de l’Emirat de Doubaï d’installations portuaires aux Etats-Unis. Tout le monde jongle désormais avec aisance avec les sigles des Fonds souverains, alors qu’il y a peu le prénom de l’investisseur indien Lackhmi Mittal était régulièrement écorché par les commentateurs les plus avisés qui lui prêtaient les plus noirs desseins.

Toutefois, comme un signe de la persistance d’une certaine morgue impériale, les investissements arabes ou asiatiques ne s’accompagnent pas des droits inhérents à la qualité d’actionnaire, notamment la participation au pouvoir décisionnel. Ainsi la Chine dans la foulée de son investissement dans le Fonds américain Blackstone s’est engagée, par écrit, à ne pas disposer d’un droit de vote malgré une mise de trois milliards de dollars. Un engagement, inique, au regard des canons de l’orthodoxie libérale, inconcevable pour tout investissement occidental dans une entreprise du tiers monde.

La raison de ce changement se résume par cette simple équation : la dépendance énergétique des pays développés est désormais plus manifeste que dans le passé et se heurte aux besoins croissants en la matière des pays émergents d’Asie, une concurrence qui explique et éclaire d’un jour nouveau les guerres d’Afghanistan (2001) et d’Irak (2003) ainsi que le tout dernier conflit du Caucase entre la Géorgie et la Russie, en Août 2008.

Si la Russie tend à l’autosuffisance, la dépendance énergétique des pays occidentaux est flagrante. Produisant 25 pour cent du pétrole, ils en consomment 45 pour cent, alors que les réserves d’hydrocarbures sont concentrées en Asie (65 pour cent pour le pétrole et 45 pour cent pour le gaz). Le Moyen orient détient les deux tiers des réserves de pétrole et un tiers de celles du gaz, dont la Russie détient un autre tiers. Dans cette configuration, la part des compagnies étrangères atteint 91,5 en Guinée équatoriale, 80,9 en Argentine, 75,8 en Indonésie, 73 pour cent en Angola, mais zéro pour cent en Arabie saoudite et au Koweït. (3).

II-Les objectifs de la Chine

La Chine s’accommode toutefois -mais pour combien de temps ?- des clauses restrictives de sauvegarde car elle paraît davantage soucieuse de rechercher, non un gain immédiat, mais un objectif à long terme :

Une diversification des investissements en vue d’amplifier profit et productivité dans la gestion des réserves. La prise de participation de la Chine dans Blackstone, premier investissement chinois d’ampleur dans une entreprise américaine d’envergure, va en effet provoquer un changement radical dans la gestion des réserves de change. Son objectif est de diversifier ses habituels placements en bons du Trésor américains, dont la Chine est le deuxième créancier après le Japon. Des investissements sûrs mais à rentabilité limitée alors que les fonds offrent des rendements plus élevés, même s’ils sont plus risqués, via des rachats d’entreprises.

Bras armé financier de la Chine, la Société d’investissement d’Etat (SIE) va devoir gérer 200 milliards de dollars, soit un sixième des 1200 milliards accumulés par la Chine grâce à ses excédents. Blackstone qui possède des actifs de trente milliards de dollars est son premier investissement. Pékin a décidé de s’inspirer des expériences réussies à l’étranger par la holding financière de Singapour, Temasek, qui sert de modèle à la SIE, avec pour ambition d’amplifier les profits et la productivité dans la gestion de réserves.

Une revalorisation progressive et mécanique du Yuan, sans procéder à une réévaluation formelle de la monnaie nationale chinoise. Au delà de l’aspect spectaculaire de l’investissement chinois dans Blackstone, les sorties de capitaux permettront ainsi une appréciation mécanique progressive du yuan sans procéder à une réévaluation directe de la monnaie chinoise, tant il est vrai qu’une réévaluation n’est pas dans l’intérêt de la Chine car elle pourrait mettre à mal sa compétitivité prix et donc hypothéquer en partie la croissance basée sur les exportations.

Enfin, dernier et non le moindre des objectifs, l’acquisition d’une expertise financière haut de gamme au contact des gestionnaires occidentaux. La participation de la Chine à de fonds occidentaux lui permettra d’accéder à la gestion sophistiquée en matière d’instruments financiers. Créer des partenariats avec des investisseurs financiers étrangers équivaut à un transfert de technologies dans l’industrie que la Chine a promu pour son développement économique.

La Chine, grande exportatrice de produits manufacturés qui jouit d’un yuan sous-évalué disposait en 2007 de 1.330 milliards de dollars résultant de ses excédents commerciaux, un stock en hausse de 41,6% sur un an. Outre la firme américaine Blackstone, la Chine, via China Investment Corp (CIC), a doté Chinalco de 120 milliards de dollars pour rafler Rio Tinto, deuxième groupe minier mondial, tandis que le Government of Singapore Investment Corp. (GIC), l’un des deux fonds souverains de Singapour, réduisait, en 2007, de 25% ses achats d’obligations d’Etat américaines pour les diriger vers les banques privées d’Amérique.

A ces considérations économiques, s’ajoute un facteur politique de premier plan : la concurrence entre la Chine et l’Europe en Afrique a conduit onze pays africains producteurs de matières premières à remettre à plat les contrats qui les lient aux compagnies exploitantes depuis les années 1990.

Tel est le cas du Liberia (contrat du fer avec Mittal), de la Tanzanie (Aluminium), de la Zambie et de l’Afrique du sud (platine et diamant) notamment. Emboîtant le pas aux producteurs du pétrole, les Etats africains entendent mettre à profit l’envolée des prix des matières premières pour procéder à des ajustements de prix davantage conformes aux lois du marché. Dans ce combat spectaculaire sur « la vérité des prix », le plus en pointe se trouve être Joseph Kabila, Président de la République Démocratique du Congo, un pays jadis en faillite sous le règne de Joseph Désiré Mobutu, le protégé des Américains et des Français, aujourd’hui un nouvel eldorado. Dans un geste d’une audace inouïe, Kabila a remis en cause pas moins de soixante et un (61) contrats miniers. Cette nouvelle donne placerait la Chine en meilleure posture dans la bataille pour le contrôle des sources d’énergie et expliquerait sa discrétion dans sa percée capitalistique, en faisant un facteur majeur de recomposition de la géo-économie mondiale (4).

III- Les Fonds Souverains ou Sovereign Wealth Fund

Les Fonds souverains se caractérisent par le fait que les capitaux sont détenus par les Etats. Leur objectif est de préparer l’après pétrole et de faire fructifier les excédents budgétaires à partir de prises de participations dans des entreprises du monde entier. Les financiers occidentaux en tirent argument que de telles structures nourrissent des interrogations quant à une éventuelle tentative d’exercer une influence politique dans des entreprises et structures étrangères. Mais la réciproque n’est pas vraie. les Etats-Unis à l’origine des guerres préventives du XXI me siècle, se préoccupent rarement des craintes ou des réticences que leur prise de participation dans les entreprises des pays émergents, et, d’une manière générale, leur comportement unilatéraliste, suscitent dans le tiers-monde.

Pourtant ces fonds ne sont pas inconnus des spécialistes de la finance et leur existence est ancienne. Le premier a été crée, en 1956, par un administrateur colonial britannique depuis les îles Kiribati, au sud d’Hawaï. Soucieux de préparer l’après phosphate dont le pays était riche, celui-ci créa une taxe sur les exportations d’engrais afin de servir des revenus futurs lorsque la ressource serait épuisée. Sage précaution : le fonds des Kiribati gère aujourd’hui un demi milliard de dollars, près de neuf fois le PIB local. Les diamants du Botswana alimentent le Fonds Pula, à hauteur de 6,8 milliards de dollars et le cuivre du Chili abonde pour l’essentiel le fonds ESSF, pour quelque 10 milliards.

Le premier choc pétrolier de 1973 va donner l’impulsion à la constitution des premiers fonds souverains dans les pétromonarchies du Golfe en vue de recycler les « pétrodollars ». La zone asiatique (Chine, Inde, Japon, Corée du sud, Hong-Kong, Singapour, Bruneï) s’y lancera à son tour dans les années 2000 avec la montée en puissance des « économies émergentes ». Une quarantaine de Fonds opèrent de nos jours dans le Monde, notamment le fonds koweitien, un pionnier dans le monde arabe (1953), le Temasek Holdings (Sinagpour) et le Abu Dhabi Investment Authority (1990), l’Iran Oil Stabilisation Fund et le Qatar Investment Authority (5) .

IV- Les acquisitions prestigieuses

Ces fonds souverains viennent à la rescousse d’une industrie bancaire déstabilisée par la crise des subprimes, ces crédits immobiliers à risque américains qui ont déjà coûté 80 milliards de dollars aux banques (54,3 milliards d’euros). Ces fonds géraient en 2007 un pactole estimé à 3.355 milliards de dollars avec une projection de l’ordre de 12.000-15.000 milliards dollars, leur surface financière à l’horizon 2015. S’ils devancent largement les Hedge Funds (2.000 milliards), ils se situent loin derrière les assureurs (15.200 milliards), les fonds d’investissement (21.700 milliards) et les fonds de pension (22.600 milliards de dollars).

Qu’ils soient de Dubaï, du Qatar, de Chine ou de Singapour, les “Fonds souverains” ont profité de la crise financière pour réaliser de spectaculaires prises de participation dans des structures aussi diverses que la célèbre firme de construction automobile italienne Ferrari, dont le Fonds d’Abou Dhabi en détient 5 pour cent du capital, le distributeur britannique Sainsbury, ou encore, la chaîne française de parfumerie « Marionnaud » ses 1300 boutiques de parfums et de cosmétiques, racheté par As Watson, propriété du milliardaire chinois Li Ka-Shing pour 900 millions d’euros. Même une vénérable institution telle que la bourse de Londres n’échappe pas non plus à leur appétit : C’est ainsi que la Bourse de Doubaï et la Qatar Investment Autority (QIA) ont conjointement acquis la moitié de London Stock Exchange, la bourse de Londres. La QIA, qui contrôle la Bourse de Dubaï, créée en 2000, gère déjà 40 milliards de dollars d’actifs.

Son ambition est de mettre sur pied une bourse de dimension internationale et à forte croissance hors de Doubaï, plaque tournante du commerce régionale qui ne dispose toutefois pas de ressources pétrolières. En réplique, la bourse de New York (NYSE/Euronext) a pris, en juin 2008, 25 pour cent de la bourse de Doha New York (NYSE/Euronext) pour une valeur de 160 millions d’euro en vue de la gestion pendant cinq ans d’un portefeuille de titres dont la cotation représente 1 milliard 400 millions d’euros. Le Qatar conservera 75% du capital ainsi que 8 des 11 sièges du conseil d’administration de la bourse de Doha.

A- Aux Etats-Unis : Deux fleurons du parc immobilier new yorkais sont, d’ores et déjà, tombés dans l‘escarcelle de ces fonds :

Le General Motors Building, construit en 1968 et qui abrite l’Apple Store de la Cinquième Avenue, a été vendu, en juin 2008, pour 2,8 milliards de dollars à un fonds américain, Boston Properties, allié à des investisseurs de Doubaï, du Koweït et du Qatar. Le vendeur, le magnat new-yorkais de l’immobilier Harry Macklowe, s’était retrouvé lourdement endetté après avoir acquis en 2007 sept immeubles pour 7 milliards de dollars en empruntant la quasi-totalité de la somme, à un moment où le marché était encore florissant. La crise immobilière a encore alourdi sa dette

Le Chrysler Building, fleuron de l’architecture Art Déco, construit entre 1928 et 1930, et qui fut brièvement la tour la plus haute du monde, avant d’être détrôné par l’Empire State Building, a été racheté à hauteur de 75% par un fonds souverain d’Abou Dhabi pour 800 millions de dollars (514 millions d’euros), selon la presse américaine.

B- En Europe, l’Agence d’investissement du gouvernement de Singapour (GIC) va investir 11 milliards de francs suisses (6,6 milliards d’euros) dans UBS, pour l’aider à surmonter à une crise financière susceptible de lui valoir, en 2007, les premières pertes de son histoire,

C- En France : BNP Paribas passe pour compter parmi ses actionnaires ultra minoritaires des fonds saoudiens, koweïtiens et des Emirats arabes unis, et la firme pétrolière Total envisage pour se diversifier vers le nucléaire d’ouvrir son capital aux pétromonarchies du Golfe tandis que, de son côté, Qatari Diar (un fonds d’investissement possédé à 100 % par Qatar Investment Authority, le fonds souverain du Qatar) est engagé dans des négociations exclusive avec Cegelec (ancienne filiale d’Alcatel), pour le rachat de ce poids lourd spécialisé dans les services liés à l’énergie, à l’électricité et la rénovation des caténaires ferroviaires au Maroc. Qatari Diar est très présent sur le plan international, au Maroc, en Egypte et dans tout le Moyen-Orient, mais aussi en Grande-Bretagne, dans l’immobilier, comme dans le quartier de Canary Wharf à Londres (6).

Dans l’hôtellerie haut de gamme, le seul palace parisien détenu par des Français est « Le Fouquet’s » du groupe Barrière situé au coin des Champs Elysées et de l’Avenue George V, où Nicolas Sarkozy a passé sa célèbre « nuit du Fouquet’s », offrant sa première réception suivant son élection présidentielle à ses amis de la haute finance, y passant sa première nuit de Président de la République en compagnie de son épouse d’alors Cécilia Siganer. Tout le reste est aux mains de capitaux étrangers.

Le Ritz, joyau de l’hôtellerie de luxe française, est la propriété de Mohamad al-Fayed, le papa de Dodi, l’ami de la princesse Diana avec laquelle il a trouvé la mort dans un accident de la circulation à Paris. M. Al-Fayed est le beau-frère de Adnane Kashooggi, important marchand d’armes saoudien impliqué dans le scandale de l’Irangate, la vente prohibée d’armes américaines à l’Iran sous l’administration Reagan dans les années 1980.

Le George V est la propriété du prince saoudien Walid ben Talal qui y a investi pour sa rénovation 200 millions de dollars. La gestion de l’établissement a été confiée au groupe canadien « Four Seasons ». Al Walid est également actionnaire à hauteur de 5 pour cent d’une autre chaîne hôtelière canadienne « Fairmont ». C’est par le biais de cette société qu’il a racheté en 2007 le Savoy de Londres.

Le Plaza Athénée et le Meurice sont gérés par le groupe anglais Dorchester Group, propriété de l’agence d’investissement de Brunei.

Le Vendôme est la propriété du joaillier libanais Robert Mouawad, fournisseur de la famille royale saoudienne.

Propriétaire du « Carlton Tower » à Londres. le groupe Jumeirah international, propriété de la famille régnante de Dubaï al-Maktoum s’est porté acquéreur de « l’Intercontinental de Paris » pour une valeur de 300 millions de dollars. En compétition sur cette affaire avec le prince saoudien, la transaction a été depuis lors suspendue. Le groupe Jumeirah pourrait visait en compensation le Crillon, le célèbre hôtel de la place de la concorde, et le prince al-Walid se consoler avec le Martinez de Cannes.

V- Le nouveau recyclage des pétrodollars

La hausse du baril de 25 dollars en 2002 à 135 dollars en juin 2008 a généré un gigantesque transfert d’argent des pays consommateurs vers les pays producteurs, de l’ordre de 1 000 milliards de dollars passés ainsi des consommateurs d’énergie (Japon, Europe, Etats-Unis) vers l’Arabie saoudite, la Russie, les Emirats, l’Angola, l’Algérie, le Venezuela. Lors du premier boom pétrolier, peu de pays, en dehors de la Norvège, avaient mis à profit cette manne pétrolière pour impulser leur décollage. Puissant facteur de corruption des élites, le premier choc pétrolier de 1973 a transformé précocement les pétromonarchies en état rentier, développant jusqu’à la caricature une boulimie consumériste d’acquisition ostentatoire de produits au luxe tapageur, constituant un terreau à l’islamisme.

Durant le dernier quart du XX me siècle, les pays arabes ont investi près de 1.500 milliards de dollars pour des achats massifs d’équipements militaires sans pouvoir se doter ni de la capacité spatiale, ni de la capacité nucléaire, ni de la capacité de projection militaire, trois éléments qui conditionnent la puissance militaire. Générateurs de juteuses de rétro commissions, les contrats d’armement ont paru parfois sans rapport avec les besoins réels des pays concernés ou de leur capacité technologique.

C’est ainsi que l’aviation saoudienne a longtemps été tenue par les pilotes pakistanais et la protection de l’espace aérien libyen confié aux techniciens nord-coréens et Syriens. Pis, à deux reprises, l’arsenal de deux pays arabes a été complètement détruit par leurs propres fournisseurs, celui de la Libye par la France lors de la guerre du Tchad (1984-1987), celui de l’Irak, par la coalition occidentale en 1990, consécutif à l’invasion du Koweït par l’Irakien Saddam Hussein. Si l’extravagance est réduite mais non bannie, les premiers placements de la période 2007 2008 paraissent davantage judicieux.

Ainsi le roi Abdallah d’Arabie saoudite a décidé de créer un million d’emplois en construisant six villes économiques pour y attirer des industries diversifiées (7). King Abdullah City, sur la mer Rouge, au nord de Djeddah, devait être achevée fin 2008, avec un port et toutes les infrastructures y afférentes pour attirer 2 500 entreprises et leurs cadres. Le coût de ce projet est estimé à près de 400 milliards de dollars. Au vu de la précédente expérience, le premier boom pétrolier où la dilapidation et la gabegie étaient de pratique courante, le nouveau pactole pétrolier paraît mieux géré. Le souci de préserver les ressources des générations futures est plus présent, mais le handicap majeur dont pâtit le Monde arabe est son absence de seuil critique du fait de sa balkanisation et sa mise sous tutelle américaine, deux éléments qui obèrent son développement par des projets à dimension régionale.

VI- La « sharia compliance » ou la rivalité entre la City et Wall Street

La concurrence est vive entre les grandes places financières internationales en vue d’absorber les surplus des recettes pétrolières notamment entre la City de Londres et Wall Street (New York), notamment les pétrodollars en provenance des pétromonarchies estimés à 1.500 milliards de dollars en 2007. Prenant de vitesse leurs rivaux, les Anglais ont lancé des émissions d’obligations d’Etat « Sharia compliance », conforme à la législation islamique qui prohibe le prêt à intérêt.

Le nouvel ordre international tant célébré depuis l’effondrement du bloc communiste, c’est à dire depuis l’effondrement du monde bipolaire au début des années 1990, reposait sur le « consensus de Washington », une notion inventée en 1989 par l’économiste John Williamson visant à substituer aux régulations keynésiennes en vigueur depuis le krach boursier de 1929, les six nouveaux paramètres de la Mondialisation, à savoir : rigueur monétaire, rigueur budgétaire, libre-échange, privatisations, déréglementation et relance par l’investissement privé. De gré ou de force, sous l’égide du Fonds Monétaire International (FMI), des politiques d’« ajustements structurels » ont été imposées à bon nombre de pays en développement en vue de leur adaptation aux nouvelles règles du jeu, ainsi qu’à l’Union Européenne, via le « Consensus de Bruxelles ».

La version élitiste européenne du « consensus de Washington » est en fait un « consensus de Washington » aggravé, car il en reprend toutes les dispositions néolibérales, mais les met en œuvre dans toute leur radicalité avec l’acharnement à systématiser les privatisations ou la politique agricole commune malgré les pénuries, ainsi que l’imposition d’un « critère de convergence » de la zone euro en matière de déficits publics, fixant la limite à 3% du PIB en ce qui concerne le déficit annuel et de 60% du PIB pour le déficit cumulé.

Mais pour louables que soient les intentions de ce théoricien américain, cette politique ultra-libérale de transparence n’a pas pour autant prévenu les faillites frauduleuses retentissantes (Enron pour les Etats-Unis et Vivendi pour la France), les délits d’initiés (scandale de la firme aéronautique franco-allemande EADS) ou encore les évaporations de recettes, comme ce fut le cas avec la firme pétrolière américaine Halliburton pour ses marchés avec l’Irak ou la crise des subprimes, dont la dernière illustration aura été, au mépris du principe de la libre entreprise, la mise sous contrôle fédéral, l’été 2008, de trois banques de refinancement du crédit immobilier, la première en juillet, la banque californienne Indymac, les deux autres, Fannie Mae et Freddie Mac, en septembre.

L’un des premiers prêteurs hypothécaires américains, Indymac a essuyé des pertes de l’ordre de 98 pour cent de ses actifs estimés à 32 milliards de dollars, signant par là la plus grosse faillite depuis 24 ans dans le secteur bancaire américain. Fannie et Freddie, rouage essentiel de l’industrie du logement aux Etats-Unis, possèdent ou garantissent près de la moitié des 12.000 milliards de dollars de crédits immobiliers résidentiels en cours aux Etats-Unis.

Le « consensus de Washington » a surtout sécrété, en contrepoint, un système planétaire articulé autour de la criminalité transnationale. Les commentateurs occidentaux se sont longtemps montrés discrets sur ce sujet, plus prompts à dénoncer le péril islamiste ou le péril jaune, après avoir tant dénoncé le péril rouge. Selon le Fonds Monétaire International, cité par le journal Le Monde en date du 23 Mai 2006, de 700 à 1.750 milliards d’euros circuleraient ainsi entre les banques, les paradis fiscaux et places financières, malgré le durcissement des législations et l’accroissement des contrôles. C’est dire l’importance des montants en jeu et partant des enjeux eux mêmes. Paradis fiscaux, zones offshore, flux monétaires, capitaux errants et budgets aberrants…

Ces termes innocents évoquent au premier abord une douceur de vivre dans une société marquée par l’abondance financière, la flexibilité économique et l’évasion fiscale. C’est en fait la face hideuse de la mondialisation, nouveau dogme de la libre entreprise, avec son cortège de chômage, d’exclusion, de corruption, en un mot tous les ingrédients qui gangrènent la vie politique, sapent les fondements des puissances grandes et petites et font planer le risque de perversion des grandes et vieilles démocraties. Sur les 57 paradis fiscaux ou pays à NEO aberrants recensés à travers le monde, 38 enclaves présentent cette singulière caractéristique de ne pas disposer, ou de ne pas rendre disponible, de données chiffrées sur leurs dépôts bancaires étrangers.

Parmi ces enclaves, citons Aruba, ancienne dépendance néerlandaise des Caraïbes jusqu’en 1996 et l’île malaisienne de Labuan dans le Pacifique qui abrite tout de même 21 banques et onze “trust companies”. Généralement situés à proximité des zones du narcotrafic mondial, les pays NEO sont ainsi appelés car ils disposent dans leur balance de paiement d’une rubrique NEO ((Net Errors and omissions) qui permet par un artifice comptable, en prétextant les erreurs statistiques résultant des désordres administratifs, de dissimuler le grave dysfonctionnement de leur commerce

Mais s’il est sain de dénoncer les périls extérieurs, il serait tout aussi salubre de dénoncer aussi ses propres périls intérieurs : Trafic de drogue, trafic d’armes, prostitution, jeux clandestins, racket constituent les principales sources de capitaux illicites et ces divers trafics, parfois tolérés sinon encouragés par les états, génèrent annuellement mille cinq cent milliards de dollars (1.500 milliards), soit le budget des 20 pays de la Ligue arabe. Ce que manque souvent de faire les états occidentaux uniquement obnubilés pour le moment par le « terrorisme islamique ». Le plus cocasse dans cette affaire est que les fonds souverains, bien que musulmans en ce qui concerne ceux des pétro-monarchies, n’ont pas hésité à voler au secours de grands établissements américains en difficulté lors de la crise des subprimes, sans que les bénéficiaires des prêts aient manifesté la moindre réticence à leur égard.

VII- La contradiction majeure du capitalisme occidental : de l’Ultralibéralisme, au patriotisme économique, au protectionnisme financier, à l’interventionnisme étatique.

L’engouement pour les Fonds Souverains a été aussi soudain qu’étonnant. Le phénomène ne saurait s’expliquer par leur nouveauté puisque ces investisseurs institutionnels existent depuis trente ans, mais par la nécessité de provisionner de prestigieux établissements en difficulté du fait d’une gestion hasardeuse. Toutefois l’admission des Fonds s’est faite comme à contre cœur, -contre mauvaise fortune bon cœur-, conséquence de l’évolution des rapports de force au sein des grands opérateurs financiers, notamment l’affaiblissement des Etats-Unis dont le pouvoir est désormais relatif dans la gestion des affaires du Monde et non plus absolu comme ce fut le cas durant la décennie 1990-2000, une période où ils régnaient en « Maîtres du Monde » du nouvel ordre international consécutif à l’effondrement du bloc soviétique.

Spectaculaire mais non triomphale, l’entrée des Fonds Souverains au sein du cénacle de la finance internationale ne se fait pas par la grande porte, mais par la porte cochère, sous les fourches caudines des grands maîtres des affaires. Les conditions imposées à la Chine pour son entrée dans le capital de Blackstone, l’éviction de l’Emirat de Doubaï dans la gestion des ports américains, le discret montage réalisé par la France pour disposer d’une minorité de blocage au sein des Chantiers de l’Atlantique en témoignent (8). Curieusement ces préventions et restrictions ne s’appliquent pas aux fonds de la sphère occidentale. Ainsi le conglomérat norvégien GPFG dispose d’une gamme de 4000 sociétés pour ses interventions sur le marché financier mondial, sans la moindre contrainte autre que les lois du marché et de la libre concurrence.

Le comportement frileux tant des Américains que des Européens a révélé, par contrecoup, l’inanité des grands principes que les Occidentaux ont forgés pour assurer leur domination économique mondiale. Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie, le principe de la Liberté de navigation, à l’origine de l’expansion occidentale, sont désormais brandis par les pays du Sud pour conquérir les marchés des grands pays industrialisés, lesquels sont condamnés à livrer, à coups d’arguments protectionnistes (la protection de l’emploi, la stabilité du tissu social), un combat d’arrière-garde pour contenir cette poussée.

Ni les Européens ni les Américains n’avaient ce genre de préoccupations lorsqu’il s’agissait par la colonisation (forme primitive de délocalisation), de conquérir physiquement les marchés extérieurs pour en faire des marchés captifs, en contraignant les populations autochtones à adopter le mode de vie et les habitudes de consommation des pays occidentaux. Pour rappel : La guerre de l’opium menée par les Anglais contre la Chine au XIX me siècle, pour l’obliger à s’ouvrir aux produits anglais, avait été précisément menée à l’époque au nom du principe de la liberté et du commerce, avec son habillage moral « le fardeau de l’homme blanc » porteur de la civilisation face à la barbarie des peuples basanés.

Le basculement stratégique de la géo-économie mondiale s’est répercuté sur le plan diplomatique avec, pour la première fois dans les annales diplomatiques internationales, un sommet sino-africain à Pékin, en janvier 2007, et, un autre sommet Inde-Afrique dépassant le clivage traditionnel entre pays anglophones (Commonwealth) et francophones (Organisation de la francophonie), concrétisant la percée majeure effectuée tant sur le plan diplomatique qu’économique par la Chine et l’Inde dans l’ancienne chasse gardée des anciennes puissances coloniales européennes. Ce basculement s’est accompagné sur le plan médiatique, par la rupture du monopole du récit médiatique détenu par les occidentaux depuis l’invention de la communication moderne. Pour la première fois dans l’histoire, le monopole du récit médiatique longtemps la propriété exclusive des pays occidentaux est battu en brèche par les pays du sud.

La chaîne transfrontalière arabe Al-Jazira, leader incontesté de l’information dans la sphère arabo-musulmane, a accentué sa suprématie avec le lancement en novembre 2006 d’une chaîne anglophone dans l’espace anglo-saxon, en vue de se placer à l’égal des grandes chaînes occidentales. Il en ressort de ce double constat que le monopole de la décision stratégique, récupéré depuis l’effondrement du bloc soviétique par le noyau atlantiste -la fameuse communauté internationale constituée essentiellement des Etats-Unis, de l’Union européenne et leurs alliés anglo-saxons Canada et Australie-, pourrait céder la place, dans un avenir prévisible, à un nouveau multilatéralisme ou encore à un « monde apolaire »

Des voix, de plus en plus nombreuses, s’élèvent pour aménager une meilleure représentativité des divers continents dans les forums internationaux, notamment le Conseil de sécurité de l’ONU où l’Alliance atlantique est représentée par trois sièges avec Droit de veto (Etats-Unis, France, Royaume Uni) , alors que l’Asie, qui représente la moitié de la population de la planète et trois puissances nucléaires (Chine, Inde, Pakistan), n’est représentée que par un seul siège et que le monde musulman, gros détenteurs de capitaux pétroliers, et l’Afrique, gros détenteurs de réserves de matières premières, de même que l’Amérique latine n’ont pas voix au chapitre

VIII- Le message subliminal des pays occidentaux au reste du Monde : Oui aux capitaux exotiques, non à l’immigration basanée

Ce changement s’est aussi accompagné, paradoxalement, de la multiplication des mesures restrictives à caractère protectionniste au sein des pays occidentaux en contradiction avec la philosophie de la Mondialisation. Il en est ainsi de l’édification d’un mur de séparation à la Frontière entre le Mexique et les Etats-Unis et du dispositif présenté par la France pour tarir l’immigration au sein de l’Union européenne (plan Hortefeux) et de la controverse à propos de la « sharia compliance ». Tout se passe comme si le message subliminal des pays occidentaux au reste du monde se résumait en cette formule : Oui aux capitaux exotiques, non à l’immigration basanée.

La Finance islamique est estimée à 750 milliards de dollars (473 milliards d’euros) et atteindrait mille milliards de dollars en 2010, selon les estimations de la Kuwait Finance House, la plus grande banque d’investissement dans les pays du Golfe (9). Le Center for Security Policy, organisme réputé de lobby international, a lancé une intense campagne visant à dissuader les institutions internationales de recourir à la législation islamique pour la gestion de ces fonds, pointant du doigt leur origine géographique, en clair la sphère musulmane. Le CSP avait mené une victorieuse campagne en faveur de Boeing contre Airbus dans le contrat visant à la fourniture à l’armée de l’air américaine des 179 avions ravitailleurs de nouvelle génération, un marché de 35 milliards de dollars.

Faisant droit aux revendications de Boeing soutenu par le Center For Security Policy, la Cour des comptes des Etats-Unis (GOP) a ainsi appuyé le 18 juin 2008 le recours de Boeing contre la désignation de Northrop Grumman et son partenaire européen EADS. La charge du Center for Security policy, qui amalgame sans doute volontairement, Finance islamique et Islam radical, constitue-t-elle un combat d’arrière-garde ou, au contraire, augure-t-elle d’une nouvelle croisade contre un nouvel axe du mal, financier celui là ? Certains commentateurs n’hésitent pas à comparer cette nouvelle bataille à la guerre froide culturelle menée par la CIA contre l’idéologie communiste à l’époque de la rivalité soviéto-américaine (1945-1990), et, en procédant à un amalgame entre Finance islamique et Islam radical, à récupérer les sommes faramineuses des fonds souverains tout en les gérant à l’américaine pour préserver un modèle économique et sociétal ainsi qu’un savoir-faire financier conforme au schéma américain.

Le Center for Security Policy fait partie de la kyrielle d’organisations gravitant autour de l’AIPACC, la principale formation du lobby juif aux Etats-Unis. Proche du Likoud, droite israélienne, il participe d’une trilogie qui a propulsé la thématique du péril islamique dans le discours officiel politique et médiatique américain comme substitut au « péril rouge » à la suite de l’effondrement du bloc communiste. Les deux autres formations sont le WINEP (Washington Institute For Near Policy) et le JINSA (Jewish Intitute For National Security). Vingt deux membres de ses formations font partie des cercles dirigeants de l’administration Buh jr : Richard Cheney, vice-président, John Bolton, ancien ambassadeur à l’ONU, et Douglas Feith, ancien sous secrétaire à la défense, pour JINSA, Paul Wolfowitz, Président de la Banque Mondiale, Richard Perle, ancien sous secrétaire à la défense pour WINEP, l’influente organisation présidée par Martin Indyk, américano-australien, ancien ambassadeur des Etats-Unis en Israël (10).

Relayant leurs thèses, l’ancien secrétaire d’Etat Henry Kissinger a préconisé la constitution d’un cartel des pays industrialisés face aux pays producteurs de pétrole afin de juguler la hausse des prix du brut… comme si le G7 n’avait pas la maîtrise des principaux rouages de l’économie mondiale. Jugée malvenue au moment où la faillite bancaire américaine avait atteint un seuil excédant la totalité de la dette publique des cinquante pays d’Afrique, la déclaration Kissinger, rapportée par le Herald Tribune le 20 septembre dernier, a suscité un véritable tollé au sein des pays du tiers monde particulièrement agacés par le rôle prescripteur que s’arrogent les Etats-Unis dans leur prétention à régenter le Monde et à le sinistrer du fait de la cupidité de leurs opérateurs financiers et l’égotisme de leurs politologues.

Survenant dans la foulée de la mise en route du processus de neutralisation à distance de la balistique iranienne avec la signature du pacte de déploiement de missiles intercepteurs en Pologne, en Tchéquie et en Israël à la faveur du conflit de Géorgie, en Août 2008, la déclaration Kissinger a placé le Golfe arabo-persique sous vive tension et les alliés américains de la zone sur la défensive. Les pétromonarchies qui ont volé au secours de l’économie américaine dans un premier temps, ont depuis lors reconsidéré leur position percevant l’appel à la constitution d’un cartel anti-OPEP comme une forme de chantage déguisé, privilégiant désormais, en une sorte de réplique oblique, les placements sur les marchés asiatiques.

Le coût réel de la crise immobilière 2007-2008 dans toutes ses segmentations (banque, assurance et immobilier, industrie) et connexions géographiques (Europe, Asie, Amérique) est estimé à mille cinq cent milliards de dollars (1.500) que l’administration néo conservatrice américaine s’est appliquée à juguler à la fin du mandat de George Bush afin que le désastre économique de son hyper libéralisme ne grève un bilan militaire affligeant, faisant de George Bush le pire président des Etats-Unis de l’histoire contemporaine.

Nullement découragé par une première rebuffade qui augure mal de sa place dans l’histoire, George Bush Jr s’est en effet employé à injecter, début octobre, à un mois de la fin de son mandat, 700 milliards de dollars (500 milliards d’euros), pour le rachat des titres problématiques, un plan qui s’ajoute au renflouement des entreprises défaillantes, précédemment décidés (200 milliards de dollars pour les géants du prêt immobilier Fannie Mae et Freddie Mac et 85 milliards pour le colosse de l’assurance AIG). Près de mille milliards de dollars devront au total sortir de la poche du contribuable américain pour éponger les mauvaises dettes des institutions financière dans ce qui apparaît comme étant la plus grosse intervention gouvernementale depuis la Grande Dépression des années 1930.

Le sauvetage des établissements de crédit, au mépris des règles de l’orthodoxie libérale, justifiée certes par l’état de l’économie américaine, constitue une trahison de la doctrine Bush, à proprement parler un reniement qui retentit comme un camouflet. Mais la plus grande crise économique de l’époque contemporaine a confirmé, par là même, l’hypocrisie du dogme de la libre entreprise, qui se révèle être, en fin de compte, un principe sélectif et élitiste de l’interventionnisme de l’état visant exclusivement à « privatiser les gains et à socialiser les pertes », c’est-à-dire à faire supporter les pertes des spéculateurs capitalistes par la collectivité nationale des contribuables.

Il n’est pas indifférent de noter à ce propos le comportement contradictoire de Nicolas Sarkozy, un boulimique de la réglementation à tout crin qui se révèle être d’une étonnante pudeur face à la pratique des « parachutes dorés », préférant confier au MEDEF, le soin de réglementer la pratique de « super bonus » que la corporation du patronat français s’octroie à elle même. Au lecteur de prolonger sa réflexion sur ce point par de salutaires méditations sur les fondements moraux du corpus doctrinal des principes universels qui gouvernent le monde sous le leadership occidental depuis des siècles.

Quoiqu’il en soit, le constat est irréfutable : l’injection massive des capitaux de renflouage en provenance des états concurrents et non amis des économies occidentales (Chine, Inde et Japon pour l’Asie ainsi que la Russie et le Moyen-orient) aura marqué « peut être le début de la fin de l’empire américain », selon le constat dressé par Nouriel Roubini, professeur d’économie à l’Université de New York (11) et, à défaut d’une « guerre décisive », c’est-à-dire une guerre qui modifierait radicalement la donne à l’exemple de la défaite napoléonienne de Waterloo (1815) ou de la vitrification nucléaire de Hiroshima et Nagasaki (Japon, Août 1945), selon la définition de l’inventeur de ce concept, le théoricien de la stratégie moderne, Carl Von Clausewitz, les avatars militaires des Etats-Unis en Afghanistan et en Irak et la faillite du néo-capitalisme de l’ère post-soviétique signent, en toute hypothèse, la fin de cinq siècles de domination absolue de l’Occident sur le reste de la planète.

Références :

1- Selon le Pentagone, 527 milliards de dollars ont été alloués, de septembre 2001 à fin décembre 2007, à la “guerre contre le terrorisme”, dont 406 milliards à la guerre en Irak. D’après un rapport du Bureau du budget du Congrès publié en octobre 2007, auquel se réfère le journal Le Monde en date du 18 juin, le Congrès a déjà autorisé. 602 milliards de dollars de dépenses pour les opérations militaires en Irak et en Afghanistan, dont 70 % pour l’Irak seul. Le budget américain consacré à la défense représente environ 4,2 % du PIB (cf Le journal le Monde en date du 18 juin 2008)

2-cf« Non aux scénarios catastrophes » in Le Monde du 21 Mars 2008 par Eric le Boucher et Le Monde du 8 avril 2008.

3-Rapport sur l’investissement dans le Monde 2007 de la Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), cf supplément Le Monde Economie, dossier matières premières 16 septembre 2008

4- cf « La République Démocratique du Congo tente d’empêcher le pillage de ses ressources : Manœuvres spéculatives dans un Katanga en pleine reconstruction », Colette Braeckmann in « Le Monde diplomatique » juillet 2008 ainsi que l’étude de Raf Custers, chercheur à l’International Peace Information Service (IPIS) d’Anvers-Belgique, « l’Afrique révise ses contrats miniers » paru dans le même périodique français à la même date.

5- Les principaux fonds d’investissements souverains, selon le classement établi par la Deutsche Bank en septembre 2007 1 - EMIRATS ARABES UNIS : Abu Dhabi Investment Authority (ADIA), 875 milliards de dollars (594 milliards de dollars d’euros), créé en 1976. 2 - SINGAPOUR : Government of Singapore Investment Corporation (GIC), 330 milliards de dollars, a été créé en 1981. 3 - NORVÈGE : Government Pension Fund Global (GPFG), 322 milliards de dollars, créé en 1990. 4 - ARABIE SAOUDITE:divers fonds, pour 300 milliards de dollars. 5 - KOWEIT : Kuwait Investment Authority (KIA), 250 milliards de dollars, créé en 1953. 6 - CHINE : China Investment Company Ltd (CIC), 200 milliards de dollars, créé en 2007. Autres fonds souverains, (capitaux sous mandat en milliards de dollars) Russie (141), Qatar (50), Australie (49), Algérie (43) Etats-Unis (40), Brunei (30), Corée du Sud (20), Kazakhstan (19), Malaisie (18), Venezuela (16) … pour un montant total de 2.123 milliards de dollars

6) cf Libération 16 juin 2008 « Le français Cegelec pourrait tomber dans le giron du Qatar » par CATHERINE MAUSSION : Cegelec compte 26 000 salariés, présents dans une trentaine de pays, et affiche 3 milliards d’euros de chiffres d’affaires, soit juste un petit milliard de moins que la médiatique Alcatel, son ancienne maison mère. Née en 1913 et baptisée de son patronyme actuel en 1989, acquise par Alcatel puis par Alsthom (1998), il sera cédé en 2001, à deux fonds : CDC Entreprises, filiale de la Caisse des dépôts et le britannique Charterhouse. Le montant de la transaction Qatar-Cegelec tourne autour de 1,6 milliards de dollars.

7)- cf le Monde 14 juin 2006 : Le nouveau recyclage des pétrodollars par Eric le Boucher

8)-Le gouvernement français a décidé d’acheter 9% du capital des chantiers Aker Yards de Saint-Nazaire, plus connus sous leur nom d’origine des Chantiers de l’Atlantique, dans le but de constituer « une minorité de blocage », en commun avec Alsthom qui possède lui, 25% de Aker Yards France. L’objectif est double : éviter une délocalisation de l’unique joyau dans la construction navale française et empêcher que le groupe coréen, STX, qui contrôle 40% de la maison mère norvégienne Aker Yards, ne vienne dépecer les chantiers français et délocaliser la charge de travail vers l’Asie. L’opération a été annoncée par un communiqué de l’Elysée sans aviser la direction d’Aker Yards en Norvège. Comme si traiter avec un actionnaire qui n’a que 40% du capital dispensait de négocier avec le patron opérationnel. Cf à ce propos « la participation de l’Etat Sarkozy, chef de chantier…naval Par Hervé Nathan, rédacteur en chef de Marianne 2 -16 juin 2008.

9- « Le Halal en quête d’une norme industrielle », par Carla Power, Cf Courrier International N°925 du 24 au 31 juillet 2008

10- « Des avocats influents pour la cause d’Israël », par Joel Beinin, politologue américain, cf le supplément bimestriel du Monde diplomatique « Manière de Voir » N° 101 « Demain l’Amérique » –Octobre Novembre 2008

11-« Nouriel Roubini, l’économiste qui a prévu la crise » de Stephen Mihn (New York Times) repris dans Le Courrier International N° 933- 14-24septembre 2008

Source : renenaba.blog.fr

Renaud Camus: la grande déculturation

Trouvé sur: http://ettuttiquanti.blogspot.com

Renaud Camus - La grande déculturation

Présentation de l'éditeur

Amis du Désastre et Niveau-montistes sont formels : la culture s'est répandue dans toutes les couches de la population. Ce livre soutient le contraire. Si la culture s'est répandue, selon lui, c'est comme le lait de Perette : plus la culture est diffusée, moins il y en a pour chacun et moins elle a de consistance. Lorsque les trois-quarts d'une génération accèdent au baccalauréat, le niveau de connaissance et de maturité qu'implique ce diplôme est à peu près celui qu'atteignaient au même âge les trois-quarts d'une autre génération, quand personne ne songeait à nommer cela baccalauréat, à peine certificat d'études. L'université fait le travail des lycées, les lycées celui des écoles primaires, les classes maternelles celui que les parents ne font pas, ayant eux-mêmes été élevés par l'école de masse, qui a formé la plupart des nouveaux enseignants. Arte, France Culture ou France Musique se consacrent aux tâches jadis dévolues aux chaînes généralistes, celles-ci imitent les postes et stations de divertissement.

Tout a baissé d'un cran. C'est la grande déculturation. Et si les journaux n'ont plus de lecteurs, c'est en grande partie parce que leur public potentiel ne sait plus lire, même des phrases de plus en plus simples et de plus en plus fautives, avec de moins en moins de mots. Le paradoxe est que l'objectif quantitatif, qui est au cœur de l'ambition démocratique en sa transposition culturelle, fait partout le lit de l'argent, par le biais de la publicité, des taux d'audience et des lois du marché. C'est ainsi que le Louvre devient une marque, etc.

Renaud Camus,
La grande déculturation, Fayard, 2008.

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vendredi, 10 octobre 2008

Budapest: la NATO a convegno per le strategie del futuro

Budapest: la Nato a convegno per le strategie del futuro

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Venerdi 10 Ottobre 2008 – 12:45 – Andrea Perrone - http://www.rinascita.info stampa

Budapest: la Nato a convegno per le strategie del futuro


La Nato prepara le sue nuove strategie a Budapest e chiede più soldi e militari ai Paesi membri, nonostante una crisi finanziaria che attanaglia tutte le economie nazionali. L’agenda del vertice prevede alcune trasformazioni dell’Alleanza Atlantica, per renderla adatta alle tattiche imperialiste del XXI secolo, e l’andamento delle operazioni dei soldati Nato dislocati in Afghanistan (Isaf) e Kosovo (Kfor). È inoltre prevista, per la prima volta a livello ministeriale, una sessione di lavoro della Commissione Nato-Georgia, costituita nello scorso mese di settembre.
Prima dell’apertura del vertice il capo dello Stato ungherese, Laszlo Solyom, e il primo ministro magiaro, Ferenc Gyurcsany, hanno avuto dei colloqui con il segretario generale della Nato, Jaap de Hoop Scheffer. Oltre a lui l’attuale capo dell’esecutivo ungherese ha incontrato anche il segretario della Difesa Usa, Robert Gates. Al centro dell’incontro fra i ministri della Difesa soprattutto la difficile situazione in Afghanistan, dove le forze Nato si trovano sempre più impantanate in una guerra senza uscita e dall’esito imprevedibile. Nei giorni scorsi Gates aveva chiesto agli alleati un aumento delle truppe, in vista delle elezioni presidenziali afgane nel 2009. A dividere la Nato era stata la richiesta, da parte di Stati uniti, Gran Bretagna e Canada, di estendere i poteri dei militari impegnati in Afghanistan per combattere il traffico di oppio, i cui profitti servirebbero – secondo loro – a finanziare i combattenti talibani. A questo progetto si sono opposte Spagna, Germania e Italia, poiché temono dei rischi aggiuntivi per i soldati Isaf e per la popolazione civile, che potrebbe essere coinvolta nelle operazioni contro il narcotraffico.
A chiarire meglio gli obiettivi della Nato è apparsa un’intervista rilasciata al quotidiano magiaro, Nepszabadsag, del segretario dell’Alleanza Atlantica, il quale non ha mancato di sottolineare che la Nato ha di fronte a sé delle “tremende sfide”, e a loro volta i membri dell’organizzazione devono prepararsi a condividere maggiormente i valori comuni per la difesa, nonché gli sforzi per modernizzare l’Alleanza.
“Abbiamo la necessità di creare una Nato per il XXI secolo, che è costosa ma rappresenta un processo inevitabile”, ha puntualizzato il segretario. Sono proseguiti poi gli scenari funesti che solitamente costituiscono i piani dell’organizzazione militare di Washington e il segretario della Nato ha osservato che è necessario “fare di più, non solo aumentando le spese militari, ma anche sviluppando l’efficienza delle forze”. Ossia nuove guerre per difendere e mantenere gli interessi dell’impero a stelle e strisce in tutto il mondo. “La crisi finanziaria globale premerà certamente sui bilanci nazionali, ma noi dobbiamo difendere i nostri valori congiunti e prepararci ad affrontare le sfide”, non ha mancato di aggiungere Scheffer, secondo il quale l’Alleanza dovrà essere presente per molti anni in Afghanistan. Più sfumati sono stati poi gli attacchi contro la Federazione russa, tanto che il segretario dell’Alleanza ha fatto marcia indietro rispetto alle dichiarazioni delle settimane scorse, affermando che Georgia e Ucraina non sono ancora pronte per entrare nella Nato: “Il summit di Bucarest ha già stabilito che saranno invitati in futuro. Non so quando”. Una minaccia soltanto procrastinata visto che il controllo dell’area contigua ai confini della Federazione continua ad essere uno degli argomenti preferiti dell’Alleanza Atlantica e degli Usa.

Endettement américain, endettement français

Le grand secret : l’endettement des États-Unis comparé à l’endettement français

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Céline, la danse et les danseuses

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Céline, la danse et les danseuses

"Il n'était pas évident que cet écrivain qui semble ou prétend n'écrire que pour se délivrer de souvenirs insupportables et décharger sa bile soit sensible à d'autres arts qu'à cette prose narrative dans laquelle il s'est lancé comme malgré lui.

Or sa relation avec plusieurs de ces arts a à voir, quoique pas toujours de la même manière, avec sa pratique de romancier, et tout se passe même comme si ses attirances premières avaient été tournées vers des arts qu'il passe ensuite sous silence, en tout cas dans ce Voyage au bout de la nuit qui dessine pour longtemps son image dans l'opinion.

Aucun ne le hante plus continûment et sous des formes plus diverses que la danse, cette mise en forme et en valeur du corps, pour lui avant tout du corps féminin. Sans doute fait-il cette découverte de la danse, comme il le dit, dans le music-hall londonien au cours de son séjour de 1915-1916. Il le retrouvera plus tard à Paris, dans les intermèdes dansés de séances de cinéma au temps du muet. L'épisode du Tarapout dans Voyage au bout de la nuit se souvient de ces expériences. « Ce que je trouve remarquable, dit Céline d'une des danseuses à un journaliste à qui il a donné rendez-vous dans un de ces cinémas, c'est que l'esprit ne cesse pas de dominer les muscles et le métier.» L'instant d'après, il lui parle de « l'infini de la danse ».



L'émerveillement durable dans lequel le plonge Elizabeth Craig quand il la rencontre en 1926 ne tient pas seulement aux qualités de corps et d'esprit de la jeune femme, mais aussi au fait qu'elle fait entrer la danse dans sa vie. À partir de ce moment, il n'aura plus de relation intime durable qu'avec des danseuses, comme s'il avait besoin d'avoir en permanence auprès de lui ce témoignage d'un accomplissement de la vie. Il en a besoin comme d'un contrepoids aux aspects négatifs de cette vie dont son imaginaire fait la matière des romans qu'il écrit. Il s'intéresse au travail intense auquel se plient ses compagnes pour se maintenir au niveau qu'exige leur art; il fréquente les cours qu'elles suivent pour bénéficier de l'expérience de leurs aînées. C'est à l'un d'entre eux, celui de Mme d'Alessandri, qu'en 1935 il rencontre Lurette Almansor, qui se spécialise dans les danses de caractère, d'inspiration espagnole ou orientale. Il vivra avec elle jusqu'à sa mort.

Ce choix n'est pas seulement affaire de relations féminines, il n'est pas exagéré de le dire existentiel, tant il est enraciné au plus profond de sa sensibilité et de son imaginaire. Dans la danseuse, Céline admire une lutte de chaque jour contre les effets que le temps fait subir au corps humain, en le soumettant toujours plus à la pesanteur et en ne lui laissant plus accomplir que des mouvements de moins en moins harmonieux - lutte donc, au repos, contre l'avachissement, l'affaissement, la perte des formes, lorsque les muscles ne suffisent plus à remplir et à tendre la peau qui auparavant les dessinait à la surface,- dans le mouvement, lutte contre la perte de souplesse qui désaccorde les parties du corps dans leur relation les unes avec les autres danseuse est l'être humain qui mène avec le plus d'évidence contre cette mort avant la mort une action perdue d'avance mais glorieuse.

Il est donc logique que Céline s'intéresse autant, et peut-être plus, au travail à la barre et aux répétitions qu'au spectacle final, et qu'à côté de l'envol et des pointes de la danseuse classique il fasse place dans son empyrée à la danseuse de music-hall.
Les circonstances ont fait que le développement le plus long et le plus lyrique que lui ait inspiré la danse soit situé à l'orée des trois cents pages de fureurs et d'éructations de Bagatelles pour un massacre: « Dans une jambe de danseuse le monde, ses ondes, tous ses rythmes, ses folies, ses voeux sont inscrits!... jamais écrits!... Le plus nuancé poème du monde!... émouvant! [ ... ] Le poème inouï, chaud et fragile comme une jambe de danseuse en mouvant équilibre est en ligne, [ ... ] aux écoutes du plus grand secret, c'est Dieu! C'est Dieu lui-même! Tout simplement! [ ... ] La vie les saisit, pures... les emporte... au moindre élan, je veux aller me perdre avec elles... toute la vie... frémissante, onduleuse... » (Bagatelles pour un massacre)

C'est explicitement la raison pour laquelle il insère trois arguments de ballet (« bagatelles ») dans le texte de ce pamphlet, les deux premiers avant de se déchaîner, le troisième pour terminer le livre dans le calme après tant de violences. Il en attend la possibilité, s'ils étaient mis en musique et dansés, de « se rapprocher des danseuses » et, grâce à elles, de mourir « par une onde... la plus dansante... la plus émue... » (Bagatelles). À l'époque où il écrit ces lignes, il ne manque pas de relations personnelles avec des danseuses. Depuis qu'Elizabeth Craig l'a quitté, il voit régulièrement lors de leurs passages à Paris la Danoise Karen Marie Jensen et ses amies américaines, qui se produisent notamment au Radio City Hall de New York. Mais assister aux répétitions d'un ballet dont il aurait écrit l'argument serait être associé aux danseuses dans leur travail, et même accéder à leur saint des saints, si cela pouvait avoir lieu avec le corps de ballet de l'opéra de Paris.

Auparavant, à l'époque où il vivait avec Elizabeth, il avait tenté de mêler autrement danse et écriture. Ses deux pièces de 1926 et 1927, L'Église et Progrès, qui préfigurent, la première Voyage au bout de la nuit, la seconde Mort à crédit, comprenaient des personnages de danseuses et les faisaient danser sur scène, afin, disait Céline au même journaliste (voir p. 83), qu'en elles «sex-appeal» ou encore «attirance biologique » s'imposent directement au spectateur. Ils agiraient sur lui non, comme habituellement dans les pièces, à travers compliments et commentaires, mais comme des évidences ressenties.

Il est cependant significatif que, lorsqu'à deux reprises Céline reprend sous forme romanesque une histoire dont la plupart des éléments subsistent, en revanche la danse et la danseuse disparaissent. Grâce à son intimité avec des danseuses, il parvient, dans sa vie personnelle, à faire contrepoids à tout ce qui le rebute et le fait souffrir dans la réalité. Mais il n'est pas si facile de juxtaposer le positif et le négatif dans une création artistique fondée sur une représentation de cette réalité. Alors, c'est l'imaginaire qui commande et peut seul, par sa cohérence propre et sa correspondance avec le style, faire la valeur de l'œuvre dans l'ordre de la littérature. En Céline, le sens et le désir de la création littéraire, de même que l'intuition sinon la conscience de ses lois, ne sont pas moins forts que l'attachement à la danse. Rien n'est plus éloquent dans ce domaine que les transformations qu'il fait subir à l'histoire des aventures de Bardamu quand il passe du théâtre au roman : il les fait commencer par l'évocation de la guerre, qui devient la clé du roman tout entier. En revanche, il supprime de l'épisode new-yorkais les danseuses et leurs exercices sur scène.

[Photo : Le cours de Mme d'Alessandri avec Lucette Almansor (au milieu)] Quand L'Église fut jouée dans une mise en scène qui lui rendait justice, en 1992, les spectateurs qui gardaient le roman présent à l'esprit découvraient à quel point le choix d'une danseuse professionnelle pour tenir le rôle d'Elizabeth Craig suffisait à lui seul à déplacer le centre de gravité de l'histoire. Sa présence et les mouvements qu'elle exécutait devant Bardamu - et donc devant les spectateurs -, si ces scènes avaient été maintenues dans le roman, auraient fait perdre au reste des expériences du narrateur une partie de l'impact qu'elles ont à la lecture. La note de violence et de noirceur qui était destinée, pour le meilleur et pour le pire, à devenir la marque de Céline dans la littérature de son temps n'était pas compatible avec l'évidence physique de la danse. Quel que soit le secours que Céline tirait personnellement de celle-ci, dont il n'est pas exagéré de dire qu'elle l'aidait à vivre, il était trop écrivain-né pour ne pas en tirer les conclusions qui s'imposaient."

Source : Henri Godard, Un autre Céline, de la fureur à la féerie, Textuel, 2008.

Entretien avec Anatoli Ivanov

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ARCHIVES DE "SYNERGIES EUROPEENNES" - 1996

 

Identité et socialisme en Russie

Entretien avec Anatoli Ivanov

 

Tous les Européens tournent anxieusement leurs regards vers la Russie. Les élections de la Douma n'ont pas profité à l'opposition nationale, qui n'a pas obtenu la majorité des sièges escomptée. L'opposition de gauche a pris, elle, un poids considérable. Mais le vieux clivage gauche/droite, cher aux démocraties vermoulues d'Europe occidentale et des Etats-Unis, est beaucoup plus fluide en Russie car l'anticapitalisme et l'anti-américanisme sont aux programmes de ces deux blocs oppositionnels. C'est en tenant compte de cette réalité idéologique que le spécialiste allemand des questions russes, Wolfgang Strauss, est allé s'entretenir avec notre correspondant russe, Anatoli M. Ivanov, fin observateur de la vie politique russe actuelle (Robert Steuckers).

 

WS: Aviez-vous envisagé la victoire de l'opposition de gauche?

 

AMI: Oui. J'avais pronostiqué 30%. Mais la concentration des voix sur le parti de Ziouganov a été plus forte encore que je ne l'avais imaginé (au lieu de 15%, il a obtenu 22%). Les partisans du PC ont ainsi évité une dispersion des votes. Je connais même d'anciens détenus politiques qui ont voté pour le PCFR. Le parti “Troudovaïa Rossiya” (“La Russie au Travail”) de Viktor Ampilov a engrangé 4,5% des voix et obtenu un seul mandat direct. Le “Parti Agrarien” a eu 4% et 20 élus directs. Le bloc électoral “Le pouvoir au peuple” n'a, lui, obtenu que 1,5%, mais s'est assuré la majorité dans onze circonscriptions. Ses têtes de liste, Ruchkov et Babourine ont désormais un siège au Parlement.

 

WS: Ces résultats ont-ils été obtenus au détriment de l'opposition nationale?

 

AMI: Sans nul doute, on peut dire que l'aile nationale du spectre politique russe est sortie affaiblie de ces élections. Jirinovski a eu 11% et a subi ainsi une défaite dans toutes les circonscriptions où le vote personnel avait de l'importance. Parmi ses 180 candidats directs, un seul a obtenu un siège.

 

WS: Le fisco du “Congrès des Communautés Russes” (CCR) était inattendu: il n'est pas parvenu à passer la barre des 5%...

 

AMI: Dans les circonscriptions à vote majoritaire, le CCR a gagné cinq mandats, parmi lesquels celui du Général Alexandre Lebed. Tous les observateurs de la vie politique russe pensent que la raison principale de cet échec provient de la personnalité de Skokov, fort antipathique. Cet homme figurait en tête de liste. Le maigre résultat du CCR diminue considérablement les chances du Général Lebed dans la prochaine course à la présidence.

 

WS: Et qu'est-il advenu du mouvement social-patriotique “Derchava”, dirigé par le Général Routskoï, le héros de la Maison Blanche en octobre 1993?

 

AMI: Ce mouvement a dû encaisser une défaite totale. Il n'a obtenu que 2% des voix et n'a gagné aucun mandat direct.

 

WS: Et les autres figures de proue de l'opposition nationale qui se sont présentées dans les circonscriptions à élection directe?

 

AMI: Elles ont toutes été perdantes. Nikolaï Lyssenko, le chef des nationaux-républicains, a connu l'échec tout comme les candidats de la “Fédération des Patriotes”, les généraux Sterligov et Atchalov, et les militants du “Semskii Sobor” (“L'Assemblée du Pays”), parmi lesquels l'ancien député Astafiev, un chrétien démocrate. Le cinéaste Stanislav Govoroukhine de l'“Alliance Populaire”, porte-paroles de la fraction constituée par le petit “Parti Démocratique” dans l'ancienne Douma, a gagné les élections dans sa circonscription à vote majoritaire, grâce à l'appui des communistes; en revanche, ses co-listiers Axioutchiz (libéral) et Roumiantsev (social-démocrate) ont perdu. Les locomotives du “Parti National-Bolchevique”, Edouard Limonov et Alexandre Douguine, n'ont eu aucun succès à Moscou et à Saint-Petersbourg. Le célèbre animateur de télévision Alexandre Nevzorov a été réélu à Pskov. Le “Mouvement Populaire Russe”, fondé par les Cosaques de Sibérie, n'a obtenu que 0,13% des voix. Quant aux atamans des Cosaques du Don, Ratiyev et Kosytsine, ils n'ont pas pu s'affirmer dans leurs propres circonscriptions électorales.

 

WS: Mais quel est le résultat final de tout cela, en termes de sièges à la Douma...

 

AMI: ... les partis d'opposition nationale ont 20%, le parti gouvernemental de Tchernomyrdine n'a que 9%. Le rapport des forces est de 51-49. L'opposition, droites et gauches confondues, obtient 51%; Tchernormyrdine, c'est-à-dire Eltsine, et différents partis démo-libéraux, obtiennent 49%.

 

WS: Au vu de ses résultats, peut-on dire que les pronostics pour les élections présidentielles du 16 juin doivent être totalement révisés?

 

AMI: Certainement. Tous les pronostics émis avant le 17 décembre se basaient sur des appréciations exagérées de la popularité de Lebed. Il ne reste plus que deux favoris à l'heure actuelle: Ziouganov et Jirinovski. Chacun d'eux peut battre Tchernormyrdine, mais pas Eltsine! Le CCR fait contre mauvaise fortune bon cœur et cherche les causes de sa défaite dans les brouilles internes du mouvement, dans les intrigues de ses propagandistes, en un mot, partout, sauf, dans ses propres erreurs de gestion.

 

WS: Ce qui intéresse tout particulièrement les lecteurs allemands et ouest-européens, militants des diverses oppositions nationales comme anti-fascistes en quête de sensationnel, c'est l'échec complet du mouvement “Unité Nationale Russe”, qui a fait la une de beaucoup de journaux à cause de son style qui rappelait les années 30...

 

AMI: Pour ce qui concerne son leader, Alexander Barkachov, il faut dire que son avocate, Madame Dementyeva, a subi une défaite à Moscou, tandis que son second candidat a échoué dans la région de Kalouga. Un ancien partisan de Barkachov, Alexander Fiodorov, s'est porté candidat pour le “Parti Russe” à Mytichtchy dans la région de Moscou: en vain, résultats nuls! Quant au célèbre Wedekin, il a connu l'échec à Lioubertzy, également dans la région de Moscou. Nos grandes villes ne se prêtent pas à ce type d'“aventuriers politiques”, comme les appelent les libéraux. Alexander Nevzorov a été plus pertinent: il s'est porté candidat en province, à Pskov, et a gagné.

 

WS: Il est étonnant que ce mouvement national, si bien capillarisé dans la société, si diversifié, alignant tant de partis et de cartels électoraux, n'a obtenu que des résultats aussi misérables. En tant qu'analyste patenté de cette nébuleuse de partis d'opposition nationale, pourriez-vous nous expliquer les causes de cet échec?

 

AMI: Il y a deux causes principales, d'ordre technique et organisationnel. D'abord, ils n'ont pas été en mesure de réunir les 200.000 signatures par liste prévues par la loi électorale. Ensuite, ils ne possédaient pas de “réserves” de voix, ce qui permettait à la “commission électorale centrale” de les exclure très aisément de la course. Plusieurs partis ont été victimes de cette débâcle: le “Parti Russe” du Colonel Milozerdov, le parti “Renaissance”, le “Parti National Populaire’ de Vladimir Ossipov (un ami de jeunesse, prisonnier politique de 1961 à 1968 et de 1974 à 1982), la “Fédération des Patriotes”, enfin, le Semskii Sobor dans lequel militaient le célèbre sculpteur Klykov et le rédacteur en chef du journal “Rousski Vestnik” (= “Le messager russe”), Sénine, qui figurera en tête de liste.

 

WS: Donc, dès le départ, c'est Jirinovski qui a eu les meilleurs atouts en mains?

 

AMI: Quelle que soit la position que l'on adopte à son égard, quel que soit le jugement que l'on puisse porter sur sa personne, ses succès électoraux nous obligent à réfléchir. L'élément principal dans ce phénomène politique, c'est que Jirinovski incarne le type même de l'activiste politique moderne capable de conquérir la sympathie du public et qui ne palabre pas inlassablement sur le bon vieux temps d'il y a cent ans...

 

WS: Il est tout de même étonnant qu'aucun rival ne se mette en travers du chemin qu'emprunte cet homme haut en couleurs, qu'aucun concurrent crédible venu du camp de l'opposition nationale, qu'aucun populiste véritable ne se lève pour lui barrer la route...

 

AMI: Effectivement! Lors des élections pour la Douma en décembre 1993, Jirinovski a profité de la colère populaire après l'assaut sanglant lancé par les troupes d'Eltsine contre le Parlement (la Maison Blanche). Jirinovski a pu ainsi se hisser au-dessus des cadavres des défenseurs de la Douma et confisquer à son profit leurs mots d'ordre nationaux russes. En 1995, les démocrates annonçaient urbi et orbi  que le parti de Jirinovski n'allait jamais passer la barre des 5%. Aujourd'hui, ils s'étonnent une fois de plus des succès enregistrés par Jirinovski. On peut se poser la question: pourquoi aucun homme politique du camp national ne peut-il dépasser Jirinovski en popularité, pourquoi aucun d'entre eux ne peut-il exercer le même pouvoir d'attraction sur les masses populaires, ne fait-il preuve d'une autorité comparable?

 

WS: La Russie ne possède-t-elle donc pas d'homme charismatique dans le camp des nationaux?

 

AMI: Pendant toute une période, on a pensé que le Général Alexander Routskoï allait pouvoir jouer ce rôle. Sous la bannière de son mouvement “Derchava”, plusieurs opposants du camp national se sont unis, tels Axioutchitz, Astafiev, Pavlov, Artemov et le Colonel Alksnis. Mais on n'a assisté par la suite qu'à des démissions, des scissions, des intrigues. C'est ainsi que Routskoï a perdu son prestige, qu'il n'a plus pu jouer le rôle d'intégrateur. L'échec de son mouvement met un terme définitif à ses ambitions dans les élections présidentielles. Après le désastre subi par Routskoï, les mouvements patriotiques ont placé leurs espoirs dans le Général Alexander Lebed. Mais contre toute attente, son CCR a subi une terrible défaite en décembre 1995. Du fait que le CCR n'a pas réussi à se tailler une part dans les sièges de la Douma, on a accusé son président, Youri Skokov, d'avoir mal géré le mouvement derrière lequel se profilait le populaire Général. La stratégie de Skokov a suscité l'incompréhension voire le rejet des nationaux-patriotes. Non seulement parce que le technocrate Skokov pactisait en coulisse avec le parti de Gaidar, mais parce que Skokov prétendait qu'il n'existait pas de Russes ethniquement purs et que, dès lors, la Russie devait être transformée, par le biais d'un référendum, en une Union d'ethnies diverses.

 

WS: Mais les causes de l'échec de l'opposition nationale ne sont-elles pas plus profondes, ne sont-elles pas à rechercher au-delà des querelles de personnes, c'est-à-dire dans le discours idéologique lacunaire qu'elle tient et dans les stratégies déficitaires qu'elle pratique?

 

AMI: Bien sûr. Quoi qu'on puisse dire sur Routskoï, il a eu des moments de grande lucidité. La grande tragédie de la Russie, a-t-il dit lors d'un entretien avec la presse, est d'avoir considérer que les deux grandes idées mobilisatrices de notre siècle, l'idée de justice sociale et l'idée d'identité nationale, ont été considérées comme des antinomies. Effectivement, quand un militant politique s'engage pour le salut de sa nation et oublie la justice sociale, ou quand un militant socialiste s'engage à fond pour la justice sociale et oublie le salut de la nation, ils font tous deux fausse route, s'engagent dans une impasse. Hélas, Routskoï n'a fait que signaler ce problème majeur, il n'a suggéré aucune solution. Mais si les nationaux parvenaient à s'en rendre compte et à agir en conséquence, les communistes perdraient rapidement leur marge de manœuvre en Russie.

 

WS: Autre sujet: la situation des Allemands de Russie autorise-t-elle quelqu'espoir? Quelles sont leurs chances de retrouver une dose d'autonomie? Comment leur futur se dessine-t-il? Vont-ils rester? Vont-ils émigrer?

 

AMI: La situation des Allemands de Russie a été soumise à discussion dans la Douma le 17 novembre 1995. C'est une déclaration du député communiste Oleg Mironov qui a ouvert les débats. Dans la circonscription électorale d'Engels, ce député a proposé de voter le 17 décembre pour le national-républicain Lyssenko. Mironov a dit: «Dans la région de Saratov les relations entre les nationalités sont en train de se dégrader. D'après les résultats de sondages locaux, la population russe refuse catégoriquement que ce crée un Etat allemand sur le cours de la Volga [ndlr: comme avant 1941]. Il est dangereux de soulever à nouveau cette question. Parmi les habitants de cette ancienne république autonome règne désormais un certain désarroi; ils pensent: des Allemands dans la région? Oui! Une autonomie? Non!».

 

WS: Il n'y a pas eu de voix pour s'opposer à cette opinion?

 

AMI: Si. Le ministre des nationalités Mikhaïlov a répondu que les données qu'avançait Mironov étaient obsolètes et remontaient aux années 1988-89. A cette époque-là, la situation avait été très tendue; aujourd'hui, quelque 17.000 Allemands se seraient installés dans la région, dont 65 à 70% des familles seraient mélangées, seraient donc germano-slaves. Près de 80% des Allemands de Russie vivaient auparavant en Sibérie occidentale, soulignait le ministre.

 

WD: Jirinovski a-t-il participé aux débats?

 

AMI: Oui, en lançant la phrase suivante: «Nous devrions cesser définitivement de parler de la création d'une quelconque autonomie pour les Allemands de Russie. Au Kazakhstan, s'il vous plait».

 

WS: Qu'a répondu le ministre?

 

AMI: En citant des faits. Voici ce qu'il a dit, textuellement: «Après la guerre, 1,7 million d'Allemands ont quitté l'URSS et, au cours de ces trois dernières années, 200.000 Allemands supplémentaires sont encore partis, la plupart venant du Kazakhstan, d'Asie centrale». Un tiers de ces réfugiés sont revenus s'installer en Sibérie occidentale russe, où nous avons constitué deux arrondissements nationaux allemands, dans la région de l'Altaï et dans la circonscription d'Azov dans la région d'Omsk. 70.000 Allemands du Kazakhstan et d'Asie centrale  —dans ce cas aussi, nous avions affaire à des familles mixtes—  ont souhaité s'installer dans la circonscription d'Azov». Ensuite, Mikhaïlov a dit, plein d'espoir: «Nous avons donc un bilan positif. Au cours de ces deux dernières années, plus d'Allemands ont quitté la région de Saratov que de nouveaux arrivants y ont été enregistrés. Dans des circonstances favorables, 150.000 à 160.000 Allemands pourraient trouver une nouvelle patrie sur les rives de la Volga».

 

WS: Monsieur Ivanov, nous vous remercions de nous avoir accordé cet entretien.

(entretien paru dans Europa Vorn, n°100, 1 avril 1996; adresse: Europa Vorn, Pf.30.10.10, D-50.780 Köln).

jeudi, 09 octobre 2008

Crise financière ou agonie du capitalisme?

Trouvé sur: http://ettuttiquanti.blogspot.com

Crise financière ou agonie du capitalisme ?

Par Thierry Ternisien d'Ouville, 29/9/2008 : "Bien loin d’être due à l’œuvre du spéculateur, l’un des trois boucs émissaires créés par nos sociétés actuelles, la crise financière qui secoue l’économie mondiale n’est que l’aboutissement logique d’une évolution qui s’est accélérée. Par son développement même le capitalisme a atteint des limites qu’il est incapable de dépasser et ne survit que par des subterfuges à la crise de ses trois piliers : l’accumulation du capital, la consommation, le travail.

Le capital. Du fait des gains croissants de productivité et de la baisse de contenu en travail des produits, la production n’est plus capable de valoriser l’ensemble des capitaux accumulés, une partie croissante de ceux-ci conservant la forme de capital financier. Une industrie financière s’est constituée qui ne cesse d’affiner l’art de faire de l’argent en n’achetant et ne vendant rien d’autres que diverses formes d’argent. C’est cette industrie que nous voyons s’écrouler. C’est ce qui a fait dire à André Gorz, dans le dernier article écrit avant sa mort que « la sortie du capitalisme a commencé ».

La consommation. Cette impossibilité croissante de valoriser le capital est accentuée par la baisse du pouvoir d’achat dans tous les pays ayant adopté le dogme néolibéral. Le recours à l’endettement massif, dont les subprime ne sont que le dernier épisode, a servi à masquer cette évidence en poussant des millions de travailleurs à consommer des richesses qu’ils n’avaient pas encore créées. C’est cette course à l’endettement qui vient de s’enrayer. Elle devrait logiquement être suivie par un effondrement de la consommation.

Le travail. Cet effondrement de la consommation sera lui-même accentué par la disparition du travail-emploi-marchandise. Ce n’est pas seulement le plein emploi, c’est l’emploi lui-même que le post-fordisme a entrepris de supprimer. Derrière des taux de chômage flatteurs et très souvent manipulés, cette destruction est visible dans la réalité des chiffres de la durée du travail qui traduit une dégradation très profonde de la qualité des derniers emplois créés.

Il faut être précis : nous aurons toujours autant de travail que nous voudrons, mais il ne prendra plus la forme du travail-emploi marchandise. Questionner le travail en revisitant l’œuvre d’Hannah Arendt et sa distinction entre les différents types d’activité humaine (travail (labour), œuvre (work), action) est très éclairant.

Par cette évolution, en détruisant ses moteurs, le capitalisme travaille à sa propre extinction et fait naître des possibilités sans précédent de passer à une économie affranchie de la domination du capital sur le mode de vie, les besoins et la manière de les satisfaire. C’est cette domination qui demeure l’obstacle insurmontable à la limitation de la production et de la consommation. Elle conduit à ce que nous ne produisons rien de ce que nous consommons et ne consommons rien de ce que nous produisons.

Tous nos désirs et nos besoins sont des besoins et des désirs de marchandises, donc des besoins d’argent. L’idée du suffisant -l’idée d’une limite au-delà de laquelle nous produirions ou achèterions trop, c’est-à-dire plus qu’il ne nous en faut -n’appartient pas à l’économie ni à l’imagination économique. Elle peut par contre appartenir à l’imagination citoyenne."

00:25 Publié dans Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : capitalisme, finances, banques, globalisation, etats-unis | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook