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mercredi, 09 décembre 2020

Le pan-turquisme et son impact en géopolitique

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Le pan-turquisme et son impact en géopolitique

Dimitrios Aristopoulos

Du 27 septembre au 10 novembre, une guerre entre l'Azerbaïdjan et les troupes arméniennes sur le territoire du Haut-Karabakh (Artsakh) a retenu l'attention de toute la communauté internationale. Nous avons non seulement été témoins du grand soutien de la Turquie et du président Recep Tayyip Erdogan au président azerbaïdjanais Ilham Aliyev pour l'effort de guerre, mais en même temps, d'autres membres du Conseil turc, composé du Kazakhstan, du Kirghizstan et de l'Ouzbékistan, ainsi que de la Hongrie en tant qu'État observateur, ont déclaré leur soutien à la cause azerbaïdjanaise. Il s'agit là de manifestations évidentes de l'idéologie panturque qui est fortement répandue dans ces pays.

Qu'est-ce que le panturquisme ?

Le panturquisme est une idéologie nationaliste, née au XIXe siècle, notamment chez les peuples turcophones vivant en Russie tsariste dans les années 1880, et qui s'est ensuite développée en Asie mineure. Sans jamais s’être établie comme l'idéologie officielle de l'État turc, elle a toujours été soutenue par les dirigeants d’Ankara, qu'ils l'aient admise ou non.

La base de l'idéologie panturque est l'émancipation des peuples turcophones, visant ensuite à leur union. Les peuples turcophones sont ceux que l'on trouve en Crimée, en Azerbaïdjan, dans le Caucase, au Turkménistan, au Kazakhstan, en Ouzbékistan, au Kirghizstan, en Sibérie, en Afghanistan, en Iran, en Irak, en Syrie, en Bulgarie, en Yougoslavie, en Thrace occidentale, à Chypre et ailleurs avec, chapeautant le tout, la "Mère Turquie" pour créer un grand État turc de plus de 100 millions d'habitants.

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Les slogans utilisés par les panturcs sont les suivants:

- "Là où il y a des Turcs, il y a une Turquie".

- "Le monde des Turcs est un tout".

- "Tous les Turcs sont une seule armée."

- "Le panturquisme en tant qu'idéal est une nourriture morale pour la nation."

- "Chypre est aussi turque que l'Asie Mineure et la Thrace occidentale."

Quelle est la différence entre les idéologies néo-ottomane et panturque ?

L'ottomanisme est en fait plus un mouvement politique ethno-religieux qu'un mouvement ethno-racial. Les ottomanistes déclarent leur foi en la sainteté et la pérennité de l'Empire ottoman et de son sultan, en cherchant l'idée d'un "empire" pour remplacer le nationalisme et l'ordre politique des États-nations dans lesquels ils vivent. Bien qu'ils reconnaissent l'existence de différentes ethnies parmi eux, ils pensent que les différences culturelles et locales doivent être laissées de côté lorsqu'il s'agit d'une unification politique religieuse.

En revanche, le panturquisme ne se concentre pas tant sur la religion que sur la tradition ethnique des peuples et des nations. Il cherche à s’unifier, politiquement et culturellement, sous un "grand" État-nation turc, car ils partagent une tradition turque commune. Le panturquisme s'associe généralement aux pays qui ont un "héritage culturel turc" et une langue turque comme idiome officiel. Les pays/régions qui peuvent être inclus dans cette liste sont la Crimée, l'Azerbaïdjan, le Caucase, le Turkestan, le Kazakhstan, le Xinjiang en Chine occidentale, le Kirghizstan, le Tatarstan, la Sibérie, l'Afghanistan, l'Iran, l'Irak, la Syrie, la Bulgarie, Chypre et des régions de la Grèce du Nord et des îles orientales de l’archipel hellénique.

Comment l'idéologie panturque s'applique-t-elle dans notre géopolitique actuelle ?

Le panturquisme a toujours été la base idéologique du fonctionnement politique de la Turquie. Il a été le fondement idéologique sur lequel l'idéologie politique kémaliste s'est appuyée pour construire une grande Turquie. L’éradication de l'hellénisme en Asie Mineure en 1922, le génocide arménien de 1915-18 ainsi que celui des Assyriens, la persécution des Grecs de Constantinople en 1955, l'invasion de Chypre en 1974 ont tous été des effets de la doctrine panturque et de la politique expansionniste de la Turquie.

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Dans le monde multipolaire actuel, où l'Occident a perdu ses valeurs et où l'Orient revendique son rôle historique conquérant, les acteurs traditionnellement importants sur l'échiquier international doivent faire face à leurs propres problèmes internes. Dans ce contexte, Erdogan place la dynamique du nationalisme panturquiste afin de créer une grande alliance des groupes ethniques turcs. Et le conflit actuel dans le Caucase, à un moment où aucune grande puissance n'est du côté des Azéris, est une autre occasion d’asseoir sa présence dans la région. L'intervention de la Turquie en Libye, ainsi qu'en Syrie et ses revendications sur les zones économiques de la Grèce et de Chypre en Méditerranée orientale, fait également partie de l'agenda politique panturc, bien que ce soit l'ottomanisme qui soit utilisé comme arme idéologique dans ces cas.

Exemples de politiques panturques dans la Turquie moderne

Bien que la Turquie, sous le règne d'Erdogan, ait théoriquement abandonné la rhétorique panturque au profit du néo-ottomanisme, dans la pratique, c'est toujours l'idéologie panturque qui détermine la géopolitique turque. De son soutien aux Frères musulmans et de son invasion du nord de la Syrie à son implication dans la guerre civile libyenne, en passant par les menaces de lâcher à nouveau l’immigration illégale sur sol de la Grèce et de l'Europe, et la guerre en Artsakh (Nagorno Karabakh), combinée à la persécution des Kurdes, ne sont rien d'autre que des éléments à l’ordre du jour dans la doctrine panturque et qui affectent la politique expansionniste de la Turquie. Lors de l'anniversaire de la mort de Kemal Ataturk, le 10 novembre 2016, Erdogan a ouvertement déclaré que "la Turquie est plus grande que la Turquie", tout en parlant de sa doctrine sur les "frontières de son cœur", déclarant en même temps que "nous ne pouvons pas être emprisonnés dans 780 000 km². Nos frères qui vivent dans les régions de Mossoul, Kirkuk, Humus, Skopje, sont peut-être au-delà des frontières naturelles de la Turquie, mais ils seront toujours présents en nos cœurs. Le plan visant à soutenir les Azéris dans la guerre de l'Artsakh n'était pas spontané, mais une partie de la doctrine de l'ancien ministre des affaires étrangères, devenu le rival politique d'Erdogan, Ahmet Davutoglu. Celui-ci avait publié en 2001 un livre intitulé Strategic Depth ; Turkey's International Position. Dans ce livre, Davutoglu déclarait : "À moins que l'Azerbaïdjan n'acquière une position régionale stable et forte dans le Caucase et l'Albanie dans les Balkans, il ne sera pas possible pour la Turquie d'accroître son poids dans l'une ou l'autre région ni de développer des politiques à l'égard de l'Adriatique et de la mer Caspienne, qui sont dans son voisinage immédiat et dans sa sphère d'influence.

Article original de Dimitrios Aristopoulos:

https://www.geopolitica.ru/en/article/pan-turkism-and-its...

De la "Mare Nostrum" à l'Arctique, en passant par la Baltique, l'importance des "Méditerranéens" d'Eurasie

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De la "Mare Nostrum" à l'Arctique, en passant par la Baltique, l'importance des "Méditerranéens" d'Eurasie

Un nouveau numéro d’Eurasia, la revue géopolitique de Claudio Mutti

Par Cristiano Puglisi

Ex: https://blog.ilgiornale.it/puglisi

Un précieux cadeau de Noël pour les passionnés de géopolitique ! En effet, le nouveau numéro (n° 61) d’Eurasia, Magazine d'études géopolitiques, vient d’être publié ces jours-ci (et est donc disponible à la vente). Le titre intrigue : "Les Méditerranéens d'Eurasie". Le volume traite du thème de la domination sur les mers, où de plus en plus de facteurs défient les grandes puissances de l'époque actuelle. Il parle bien sûr des États-Unis, de la Chine et de la Russie, mais aussi d'acteurs régionaux ambitieux comme la Turquie, engagée dans la Méditerranée orientale, théâtre, comme le disent les chroniques, d'un différend avec la Grèce, Chypre et la France. Mais pourquoi décliner le terme "Méditerranée" au pluriel ? Y a-t-il d'autres mers qui peuvent être définies de cette manière, d’être « entre les terres », en dehors de la Méditerranée éponyme ?

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La Méditerranée - explique le directeur d’Eurasia, le professeur Claudio Mutti - est un bassin maritime qui, comme le dit le mot lui-même, est "au milieu des terres", étant presque entièrement circonscrit par elles. Si la mer Méditerranée par excellence est celle qui sépare les côtes de l'Europe, de l'Asie occidentale et de l'Afrique du Nord, Yves Lacoste a identifié deux autres mers que l'on peut également définir comme "méditerranéennes", car elles sont entourées de terres : une "Méditerranée" américaine, formée par le golfe du Mexique et la mer des Antilles, ainsi qu'une "Méditerranée" extrême orientale, formée par la mer Jaune, la mer de Chine orientale et la mer de Chine méridionale. En appliquant le critère de la géopolitique française à la masse continentale eurasienne, il en résulte que les rivages de notre grand continent sont baignés, outre la Méditerranée éponyme, par trois autres mers "méditerranéennes" : l'océan Arctique, la Baltique et la Méditerranée extrême-orientale".

On parle de réalités géographiques au centre du présent et de l'avenir du monde : si les États-Unis d'Amérique sont considérés comme l'archétype d'une puissance thalassocratique, il n'en va pas de même pour la Chine, pourtant le défi entre les deux géants géopolitiques semble destiné à devenir de plus en plus réel sur les mers.

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La stratégie terrestre des Etats-Unis - poursuit Claudio Mutti - après avoir tenté en vain d'attaquer la République populaire de Chine en déstabilisant ses provinces les plus intérieures (Tibet et Xinjiang), vise à saboter les projets d'infrastructure de la Nouvelle Route de la Soie. Mais plus que la terre, c'est la mer qui s'impose comme le théâtre du conflit sino-américain. Déjà à l'époque d'Obama, les États-Unis, alarmés par la suprématie productive que la Chine était en train d'acquérir, ont déplacé leur axe géostratégique vers la zone indo-pacifique, où s'installait le nouveau centre du commerce mondial. D'où l'importance géostratégique de la "Méditerranée" extrême-orientale et, en particulier, de la mer de Chine méridionale, une zone qui, en plus d'être riche en ressources naturelles, est le centre des activités économiques mondiales. Ici, dans cette zone contestée entre les deux superpuissances, la présence militaire des États-Unis vise à exercer une action d’ "endiguement" contre la Chine qui pourrait retarder le déclin de l'hégémonie américaine".

Mais, comme on l'a dit, il existe aussi une série de puissances régionales qui définissent leur vision stratégique avec bien plus qu'un simple regard sur le contexte maritime. Parmi celles-ci, la Turquie de Recep Tayyip Erdogan, auquel, dans ce numéro d'Eurasia, de nombreuses réflexions sont consacrées.

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Cem Gürdeniz.

La projection maritime actuelle de la Turquie - explique Mutti - est codifiée dans la désormais célèbre doctrine du "Pays bleu" (Mavi Vatan) formulée par l'amiral Cem Gürdeniz. On peut dire que cette doctrine affine la vision géopolitique "néo-ottomane", qui a été révisée à la lumière de la nature péninsulaire de l'Anatolie et de l'importance fondamentale des mers qui baignent ses côtes. Les stratèges d'Ankara sont convaincus que le jeu de la suprématie mondiale se jouera sur les mers et les océans du monde. L'avenir de la Turquie dépendra donc de son enracinement dans la Méditerranée. C'est dans cette perspective qu'Ankara a ouvert plusieurs fronts sur les rives de la Méditerranée, de Chypre à la Libye, au risque de provoquer une levée de boucliers de tous côtés.

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Fascinant, ne serait-ce que par la puissance qu'il exerce sur les fantasmes de l'imaginaire collectif, habitué à le relier aux souvenirs des expéditions historiques et héroïques, est la course pour la maîtrise de l'Océan Arctique...

Vous pouvez vous faire une idée de l'importance de l'océan Arctique (ou « Océan Glacial Arctique », selon le nom utilisé par les géographes italiens) - conclut M. Mutti - si vous considérez que l'année dernière, l'administration américaine a tenté d'acheter le Groenland, la plus grande île du monde, qui appartient politiquement au Danemark, l'un des huit États côtiers de la "Méditerranée" arctique. L'Arctique a pris une importance croissante non seulement pour les ressources naturelles présentes dans ses fonds marins, mais aussi pour les nouvelles routes maritimes qui le traversent, plus courtes et plus sûres que le canal de Suez, le canal de Panama ou le détroit de Magellan, même si les routes arctiques (dont l'utilisation est principalement saisonnière et liée au pétrole et au gaz naturel) sont encore loin de dépasser en importance les routes commerciales habituelles".

Pour commander ce numéro exceptionnel: https://www.eurasia-rivista.com/negozio/lxi-i-mediterranei-delleurasia/

La Crise du Haut-Karabagh avec Pierre Le Vigan & Gilbert Dawed

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Cafe Noir N.00

La Crise du Haut-Karabagh

avec Pierre Le Vigan & Gilbert Dawed

Ce qui compte n''est pas la guerre des civilisations c'est la géopolitique. Café Noir – Un Autre Regard sur le Monde. Émission du Vendredi 4 décembre 2020 avec Pierre Le Vigan et Gilbert Dawed.
 

mardi, 08 décembre 2020

Comment le libéralisme entrave les peuples

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Comment le libéralisme entrave les peuples

Pierre Le Vigan sur TVL

Qu'est-ce qui empêche une vie réellement humaine alors que les conditions matérielles n'ont jamais été aussi favorables ? Dans son dernier ouvrage "Le grand empêchement", le philosophe Pierre Le Vigan montre comment le libéralisme a livré les peuples aux forces économiques de la nouvelle aristocratie, qui sont les forces de l'argent. L'auteur explique aussi comment la société inclusive, promue par les élites françaises, bras armé du parti de l'étranger, a détruit les Etats nationaux pour les transformer en réceptacle des identités des autres. Pour Pierre Le Vigan, il sera impossible de restaurer la France et l'Europe telles qu'elles étaient avant la mondialisation mais propose de remettre la Vème République sur ses pieds.
 
 
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lundi, 07 décembre 2020

Répression globale

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Répression globale

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Aux crises sanitaire, économique et sociale se superpose une crise dite « sécuritaire » relative aux récents attentats islamistes en Europe. Après les attaques contre les anciens bureaux de Charlie Hebdo, de Conflans – Sainte-Honorine, de Nice et de Vienne en Autriche, l’aile droitarde d’émanation sarközyste du Régime représentée par la chroniqueuse sur CNews Laurence Sailliet, l’édile niçois « motodidacte » Christian Estrosi, Valérie « Tout-Numérique » Pécresse et le député des Alpes-Maritimes Éric Ciotti, exige l’instauration de l’état d’urgence. D’autres proposent l’adoption d’un délit fantasmatique de « radicalisation » ou d’« islamisme ». Le député gaullo-souverainiste de l’Essonne, Nicolas Dupont-Aignan, souhaite pour sa part la création d’un délit de « prédication subversive et séditieuse ».

À tous les droitards qui applaudissent ces nouvelles sottises bravaches, signalons-leur qu’elles s’appliqueront aussi contre eux. Contester à l’IVG, ne sera-ce pas une « prédication subversive et séditieuse » ? L’église traditionaliste Saint-Nicolas-du-Chardonnet ne pourrait-elle pas être évacuée pour cause de « radicalisation religieuse » ? Rappelons-leur que le maire de Nice, exemple typique d’« islamo-clientélisme », veut entrer un logiciel de reconnaissance faciale dans son réseau serré de caméras de « vidéo- protection ». Il cherche ainsi à transformer sa police municipale en police nationale bis. Par-delà une meilleure vigilance et/ou réactivité supposée aux tentatives terroristes, il placerait son opposition identitaire sous une surveillance permanente et ficherait aisément les sympathisants. La répression politique prendrait alors une nouvelle dimension.

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Celle-ci s’amplifie déjà contre la faction nationaliste-révolutionnaire de l’Opposition nationale, populaire, sociale, identitaire et européenne sur tout le continent. En France, les exemples abondent. Libération du 19 novembre 2020 met en Une le danger de l’« Ultradroite. Identitaire et terrorisme brun dessus brun dessous ». L’« enquête » fielleuse et biaisée avec une photographie qui ne correspond pas au commentaire associe le Bastion social, Nice nationaliste, Les Braves – Vivre européen de Daniel Conversano, des Gilets jaunes niçois « manipulés » par Égalité et Réconciliation et le Rassemblement national. Il ne manque dans cette fable grotesque que le colonel Olrik, Voldemort, Fantômas, Dark Vador et le comte Dracula… La veille, Médiapart mettait en ligne un reportage de dénonciation sur « Dissous, le Bastion social se reconstitue sous de nouvelles identités ». En revanche, aucun de ces chantres de l’« esprit Charlie » n’a osé évoquer l’effarant procès de l’écrivain Renaud Camus tenu le 25 novembre 2020 devant la XVIIe chambre correctionnelle de Paris pour un twitt invitant les Africains à pratiquer massivement la contraception afin d’éviter des noyades en Méditerranée et le « réchauffement climatique ». Plane sur lui une peine de quatre mois de prison avec sursis ainsi que de lourdes amendes. Les parties civiles appâtées par le gain perdraient-elle le souvenir de Lucien Neuwirth, le législateur de la pilule en 1967 ? Seraient-elles favorables au retour de la loi de 1920 interdisant toute réclame de la contraception et donc crypto-hétéropatriarcales ? Outre la détention scandaleuse du judéologue Hervé Ryssen et des condamnations pour délit de presse de Jérôme Bourbon et d’Yvan Benedetti, victimes d’une haine judiciaire inouïe, Alain Soral vit désormais en exil de l’autre côté du lac Léman. Un exil que connaissent depuis plus longtemps l’historien Vincent Reynouard et le polémiste Boris Le Lay recherché par Interpol. Au procès de Gilets Jaunes poursuivis pour avoir participé à la manifestation du 5 janvier 2019, le tribunal relaxe deux prévenus, le 27 novembre dernier. En revanche, il reconnaît la culpabilité des deux autres qui auraient pris un chariot-élévateur pour ensuite enfoncer la porte d’entrée principale du ministère du très manuel Benjamin Griveaux. Résultat : des peines de dix-huit mois de prison dont six avec sursis probatoire et le port de bracelets électroniques. Port qui se généralisera bientôt pour tous les récalcitrants à la vaccination « non obligatoire » contre le couillonavirus. Cette sévérité étonne quand on compare cette sentence aux jugements dans les affaires de trafic et d’usage de stupéfiants...

Incarnation de la fausse liberté d’opinion et larbin consentant du Système kleptocratique, Le Canard enchaîné du 21 octobre 2020 désigne à la vindicte médiatique un enseignant d’une Prépa privée aux concours en HEC plus ou moins liée administrativement à un lycée, privée lui aussi, animé par Tiphaine Auzière, la belle-fille d’Emmanuel Macron. L’hebdomadaire s’indigne de la présence de Pascal Gauchon, fondateur de la revue Conflits et dirigeant dans les années 1970 du Parti des forces nouvelles, le mouvement rival du Front national. Il est évident que ce profil ne correspond pas à celui de Cédric Herrou.

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Bien des Français voudraient importer le modèle référendaire suisse. Or, malgré de fréquentes votations d’initiative populaire, la Suisse pâtit d’un pesant politiquement correct. L’association culturelle identitaire Kavingrad Patriot a rendu publique en août dernier son auto-dissolution. Il y a quelques semaines, Résistance helvétique a fermé son local, « L’Aquila », où se tenaient de passionnantes conférences. Le harcèlement insidieux de la mairie libérale-radicale d’Aigle a par conséquent payé.

La justice slovaque vient de condamner en première instance à quatre ans et quatre mois de prison le chef-fondateur du Parti populaire – Notre Slovaquie, Marian Kotleba. Le héraut de la lutte anti-corruption a-t-il fauté ? En juillet 2017, il a remis à quelques familles démunies slovaques un chèque de 1488 euros, ce qui entraîna son inculpation pour « promotion de sentiments de sympathie à l’égard d’un mouvement dont l’objectif est d’abolir les droits fondamentaux et les libertés ». La somme de 1488 euros serait en fait un code caché en faveur des quatorze lettres chers aux suprématistes blancs d’Amérique du Nord et au salut allemand des années 1930 – 1940. Quelle imagination ! Quelques semaines plus tôt, le 3 septembre 2020, le tribunal spécial de Pezinok acquittait en revanche le millionnaire Marian Kocner soupçonné d’avoir commandité l’assassinat du journaliste Jan Kuciak et de sa fiancée en février 2018. Composé de trois magistrats, le tribunal avait par avance écarté toute la correspondance cryptée par message numérique entre Kocner et sa confidente parce que « leur langage métaphorique ne permet pas de conclure à la culpabilité ». En revanche, écrire sur un chèque 1 – 4 – 8 – 8 est d’une évidence incontestable. Citant le président de cet étrange tribunal, Jan Hrubala, Le Monde du 5 septembre 2020 reconnaissait volontiers que « la réputation du système judiciaire slovaque n’est pas très élevée ». On le croit volontiers.

En Grèce, le 7 octobre 2020, après cinq ans et demi de procès, malgré des réquisitions du Parquet en décembre dernier favorables à un non-lieu général, Nikolaos Michaloliakos et six responsables d’Aube Dorée sont reconnus coupables de « direction et d’appartenance à une organisation criminelle » et condamnés à treize ans de prison. Le tribunal a en outre condamné quarante-cinq autres militants de ce mouvement patriotique hellène exemplaire d’« appartenance à une organisation criminelle ». Les unités anti-terroristes ont arrêté le chef d’Aube Dorée. Christos Pappas a préféré entrer en clandestinité. Courage à lui et à ses proches ! Pendant ce temps, les groupes terroristes antifas et gauchistes commettent de nombreuses violences en toute impunité.

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En juillet dernier, la justice espagnole mettait pour deux ans et demi en prison plusieurs militants nationalistes qui osèrent interrompre une réunion d’indépendantistes cosmopolites catalans. Quelques drapeaux gauchistes catalans et des meubles y furent renversés… Les juges espagnols y virent une violence inqualifiable en dépit de l’absence de toute plainte venant de ces drapeaux et mobilier.

Au cours des mois d’octobre et de novembre bien sombres avec le détournement industriel de voix à l’élection présidentielle aux États-Unis, ce qui serait du « complotisme », sauf quand il s’agit d’insister sur une évanescente interférence russe en 2016, la situation outre-Rhin reste contrastée. D’un côté, les dissidents Ursula Haverbeck, 91 ans – pas 21 ans ! – et Horst Mahler, 84 ans, sont enfin libres. Après une décennie de détention inhumaine et l’amputation d’une jambe, l’avocat allemand, ancien de la « Bande à Baader » rallié au néo-nationalisme, voit néanmoins le Parquet de Cottbus le poursuivre encore pour six chefs d’accusation portant sur des écrits et des publications anti-conformistes. Par ailleurs, le Parquet de Munich l’a placé sous une étroite « surveillance de conduite », ce qui interdit Horst Mahler de publier le moindre écrit sans un accord judiciaire préalable. Cette acharnement montre la profonde hargne du Régime allemand envers l’un de ses opposants les plus courageux. Ce n’est pas une nouveauté en Allemagne oligarchique. L’excellent blogue de Lionel Baland rapporte plusieurs informations préoccupantes. La première en date du 25 novembre signale que les autorités vont débloquer un milliard d’euros entre 2021 et 2024 contre l’« extrême droite » et en faveur d’une « société civile démocratique plus forte ». La seconde, du 27 novembre, signale que 691 locaux de l’AfD ont été attaqués en 2019 sur un total de 1339, soit 51,60 % des agressions politiques. La manne financière qui se déversera à partir de l’année prochaine accélérera ces actes de destruction sans susciter le courroux des médiats dominants d’occupation mentale. Par ailleurs, la police secrète d’État allemande, à savoir l’Office fédéral de protection de la Constitution (BfV), n’hésite pas à recruter informateurs et provocateurs infiltrés dans l’AfD, au NPD et dans d’autres mouvements oppositionnels extra-parlementaires. Le BfV place aussi sous une étroite surveillance de nombreuses sections régionales de l’AfD, y compris des élus. Bien des militants de la droite nationale allemande sont des Alexeï Navalny en puissance.

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Il y a quelques semaines en Espagne et en Italie, le retour au confinement a déclenché des émeutes à Milan, à Naples, à Barcelone et à Madrid. Ces derniers jours, l’opinion française s’élève contre la proposition de loi macronienne sur la « sécurité globale » qu’elle confond sciemment avec des violences policières superfétatoires. Pourquoi cette même opinion se taisait-elle au moment de la défiguration et de l’arrachement de membres de Gilets jaunes ? Elle condamne l’évacuation légitime d’un campement sauvage d’immigrés clandestins sur la place de la République à Paris, mais ne réagit aux lois liberticides qui musellent les opinions les plus incorrectes… Il est enfin comique que les gouvernements français, allemand, italien et espagnol accusent encore et toujours le Bélarus de réprimer les manifestations colorées contre le très remarquable président Loukachenko qui, lui, a tout compris des dernières manœuvres de l’hyper-classe mondialiste. Quand son gouvernement sanctionnera-t-il les avoirs financiers des dirigeants occidentaux ? N’en déplaise aux plumitifs des médiats subventionnés, on est bien plus libre aujourd’hui au Bélarus que dans une Europe occidentale décadente.

Georges Feltin-Tracol.

Préface au livre "Guerre ideologica" de Jorge Sànchez Fuenzalida

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Robert Steuckers:

Préface au livre "Guerre ideologica" de Jorge Sànchez Fuenzalida

GUERRA IDEOLÓGICA, Subversión y emancipación en Occidente

Jorge Sánchez Fuenzalida

21,95

Comme son titre l’indique, cet ouvrage de Jorge Sànchez Fuenzalida traite d’un phénomène de plus en plus patent : la guerre idéologique qui est menée à travers le monde contre les peuples d’Europe, ou de souche européenne s’ils vivent en Amérique. Cette guerre idéologique, qui est une « guerre hybride » ou une « guerre de quatrième dimension » vise à détruire l’homme européen ou occidental, en dissolvant ses réflexes innés, ses certitudes héritées d’innombrables générations antérieures. Ce processus a été amorcé il y a longtemps : la révolte iconoclaste dans les Pays-Bas, qui connaîtra son apogée en 1566 quand se sont ébranlés les casseurs depuis leurs bases initiales du Hainaut méridional (aujourd’hui français), est la première manifestation de cette volonté, désormais récurrente de briser les ressorts de notre culture naturelle et spontanée. Ces casseurs hennuyers migreront vers les actuels Pays-Bas et, de là, vers l’Angleterre, qui sera marquée de leurs folies jusqu’au paroxysme de l’époque cromwellienne. La restauration post-cromwellienne les chassera vers l’Amérique, où la furie calviniste prendra des contours spécifiques, génèrera dans le psychisme américain ces fureurs destructrices et bellicistes que nous subissons aujourd’hui, que ce soit le fait du Pentagone ou de l’Etat profond ou que ce soit le fait des militants antiracistes (autoproclamés), des féministes délirantes ou des casseurs antifa qui provoquent, aujourd’hui, une sorte de « révolution orange » non exportée, sévissant sur le territoire américain lui-même.

Le spectacle de ces fureurs destructrices rend parfaitement visible le processus d’autodestruction et d’autodissolution de l’homo europaeus, en Amérique du Nord d’abord, en Europe ensuite. La lutte planétaire contre les amorces premières de cette pandémie théologico-idéologique fut une guerre dure et katéchonique menée par les rois Philippe II et Philippe III principalement, de la fin du 16ème siècle aux premières décennies du 17ème et seront suivies par les calamités de la guerre de Trente Ans. La politique est philosophie appliquée, nous rappelle Jorge Sànchez Fuenzalida : j’ajouterai que dans ce travail gigantesque de sape visant les assises du monde spirituel et matériel né en Europe, la théologie hypersimplifiée, caricaturale des descendants des casseurs de l’été 1566 est aussi politique mais politique apocalyptique et non katéchonique. Les casseurs de l’été 1566 ont pour descendants les puritains embarqués sur le Mayflower, les anciens esclaves afro-américains convertis à cette caricature de religion, les militants LGBT ou antifa qui sont retournés sans le savoir à ces simplismes destructeurs pseudo-théologiques et ont pour alliés les révolutionnaires institutionnalisés de facture franco-jacobine et, surtout, les wahhabites de la péninsule arabique, leurs élèves salafistes d’Afrique du Nord ou d’ailleurs. L’ensemble de ces filons constitue un cocktail explosif dont on se sert pour détruire une culture/civilisation : où que l’on soit dans l’espace occidental, dans l’américanosphère atlantiste, les processus de dissolution s’opèrent par l’intervention violente de l’un ou de l’autre de ces avatars de l’iconoclasme, apparu initialement dans le Comté du Hainaut, sous le règne de Philippe II.

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Cette alliance est subtile, apparemment inexistante, jamais explicitée comme telle dans les médias, toujours téléguidés depuis les officines du Deep State qui porte la marque indélébile du puritanisme des pèlerins du Mayflower. L’objectif est de modifier tous les substrats anthropologiques nés de l’histoire des peuples, tant au niveau culturel (par l’effacement de l’histoire et de la statuaire qui la remémore) qu’au niveau biologique (en niant la dualité sexuelle de l’espèce humaine). L’objectif est d’imposer cet arasement au monde entier, y compris aux cultures et aux civilisations non abrahamiques, lesquelles semblent, bien sûr, opposer une résilience plus forte, qui est proprement katéchonique, tandis que les forces katéchoniques potentielles de l’espace occidental patinent, paraissent incapables de s’organiser pour mettre fin au pandémonium.

Dans cette optique, le « marxisme culturel », pour reprendre une terminologie propre à la pensée paléo-conservatrice américaine, est un instrument de ce plan apocalyptique qui a pour objectif principal de détruire la base existentielle des familles (au sens large de la communauté des frères et des cousins ou au sens de la lignée, ou au sens restreint de la petite famille nucléaire). Le marxisme tout court, avant qu’il ne soit « marxisme culturel » (sans plus avoir de liens véritables avec la pensée du Marx de chair et de sang), avait déjà sapé les assises anthropologiques de la Russie soviétique et de la Russie d’Eltsine, provoquant un ressac démographique inquiétant, dont les retombées ne sont pas encore effacées. Il faudra l’action d’un Poutine pour tenter de revenir à l’anthropologie saine, base de toute civilisation. Poutine fait là œuvre katéchonique, de même que le Hongrois Orbàn. Tous deux opposent une forme théologico-anthropologique traditionnelle, de facture grecque-orthodoxe ou catholique-romaine, à la forme iconoclaste qui a commencé par détruire les statues et les images avant de s’attaquer, depuis quatre ou cinq décennies, aux fondements bio-ontologiques de l’homme, tel qu’il est. A cet homme, tel qu’il est, l’iconoclasme postmodernisé pose un homme autre, tel qu’il doit être, au nom de retentissantes élucubrations, vidé de toute substance, dé-genré, amnésique et dénaturé. L’idéologie des droits de l’homme, dans cette optique, n’est plus l’idéologie qui accorde des droits au citoyen d’une Cité, au zoon politikon qu’est l’homme selon Aristote, mais la nuisance idéologique qui sert à promouvoir un homme, un homonculus, tel qu’il n’est pas d’emblée au sein du cosmos mais tel qu’il est anarchiquement défini par tout un éventail de déments théologico-idéologiques.

Le « marxisme culturel », en ce sens, est un « marxisme dévoyé », dont le dévoiement s’est opéré au fil des décennies depuis la rédaction, par Karl Marx, du « Manifeste communiste » de 1844. A la dose de messianisme irréaliste que ce marxisme des origines recelait, dès le départ, en son sein, on a ajouté une belle collection de nuisances idéologiques, souvent tirées des « socialismes utopiques » (que Marx moquait), de formes les plus débiles de rousseauisme, dont les avatars, au 20ème siècle, furent la mode hippy et les marottes extraites du livre d’Herbert Marcuse, « L’Eros contre la civilisation », où la jouissance, non créatrice et consommatrice, doit, par un travail dissolvant et constant, déconstruire les fondements de la civilisation. D’autres, comme Foucault ou Derrida, exposants de la « French Theory », parleront carrément de « déconstruction », discours dissolvant pris à la lettre par leurs élèves américains, marqués, consciemment ou inconsciemment, par le mauvais esprit des casseurs de 1566 et des pèlerins du Mayflower. L’éros marcusien, la déconstruction de Derrida, la jouissance sans entraves de Foucault sont autant d’ingrédients nouveaux, qualifiés de modernes et de progressistes, que le vieux fond iconoclaste va mobiliser pour poursuivre son œuvre destructrice. Nous avons là les éléments idéologiques du festivisme soixante-huitard. A ceux-ci s’ajouteront, une décennie plus tard, les éléments dissolvants du néolibéralisme que l’on peut résumer par le slogan lapidaire de Margaret Thatcher, « There is no society », comme le fit récemment le géographe et sociologue français Christophe Guilluy, brillant analyste des fractures à l’œuvre dans la société française actuelle. L’homme est un être social, un « zoon politikon » et non un individu isolé. En annonçant les « détricotages » sociaux et industriels, le démantèlement des outils industriels et les délocalisations, le néolibéralisme thatchérien et reaganien voulait en finir avec l’Etat, instance à abolir. L’Etat est certes une forme abstraite mais la Cité traditionnelle et aristotélicienne, ou le royaume à base ethnique spécifique ou non, ne l’est pas : de telles cités sont le reflet du cosmos, sur lequel règne Dieu, comme le Roi règne en son royaume et le Dominus en sa domus (opulente ou modeste).  

L’idéologie LGBT, le festivisme et le néolibéralisme ont contribué tous trois à démolir les règnes de Dieu, du Roi ou du Dominus dans leurs aires sociales respectives. En dépit des clivages droite/gauche où la droite a été séduite, notamment depuis Chirac en France, par le néolibéralisme et les gauches par le festivisme, en dépit de la xénophilie qui reprenait la fable rousseauiste du « bon sauvage », remplacé par le polisson des banlieues, les faux conservateurs (libéraux ou démocrates-chrétiens), séduits par le thatchérisme, et les socialistes festivistes/xénophiles sont étroitement alliés dans leur abominable travail de sape des assises anthropologiques et même bio-ontologiques de notre civilisation. Nozick, en 1974, avant que la calamité thatchérienne ne s’abatte sur l’Angleterre, a bien synthétisé la problématique : l’Etat (et tout appareil juridique romain/augustéen) est un « frein » (à l’éros marcusien, à la libido déchaînée que Cohn-Bendit appelait de ses vœux, aux détricotages de Thatcher, etc.). L’Etat porté par des volontés affirmatrices et constructives n’est plus perçu comme un moteur d’innovation ou d’initiatives de tous genres mais comme un ballast. C’est un a priori des plus contestables.

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Le pandémonium mis en scène aujourd’hui, surtout depuis la pandémie du covid-19, a réduit à néant le droit sacré à la libre circulation des personnes et aux relations sociales, surtout en France et en Espagne, a ensuite été suivi par les émeutes antipolicières aux Etats-Unis, après la mort de Georges Floyd, par des scènes de pillage généralisé en Amérique du Nord et en Europe (Allemagne comprise !) et par la profanation orchestrée des statues de Christophe Colomb, Cervantès, Kant ( !), Léopold II, Baudouin I, Bismarck, De Gaulle, Gallieni, Churchill, Victoria, etc.  Le Kali Yuga, annoncé par la mythologie indienne et par les penseurs traditionalistes, est là sous nos yeux. Jorge Sànchez Fuenzalida apporte sa pierre à la réponse qu’il convient de donner à cette intolérable situation. Il donne des munitions idéologiques au katechon qui devra venir.

L’iconoclasme destructeur, depuis les fauteurs de troubles de 1566 jusqu’aux antifas et aux indigénistes de France aujourd’hui, est le fruit d’une idéologie de la négation, assénée dans les têtes par les médias et les écoles depuis que s’est installée l’ère soixante-huitarde. Dès Adorno, Horkheimer et les autres figures de l’école de Francfort, on annonçait la couleur : il fallait nier les fondements de toute civilisation, combattre toutes les idéologies affirmatrices, posées a priori comme intrinsèquement « fascistes », saper toutes les autorités, à commencer par celle des pères. Nous vivons aujourd’hui les retombées calamiteuses de cette philosophie agressive et irrationnelle de la négation. Marcuse décrétait que cette négation était « douce », comme le « doux commerce » des économistes puritains, « douces » comme les caresses concupiscentes de jeunes amants immatures, et épiméthéenne (et non « prométhéenne »). Aujourd’hui, nous devons nier la culture dévoyée de la négation, nier la grande négation, revendiquer sans peur la négation de la négation, or toute négation d’une négation revient à une affirmation. Devant le néolibéralisme, qui est arrivé au bout de son rouleau mais a laissé d’innombrables dégâts derrière lui, il faut se souvenir que celui-ci refusait toutes les volontés politiques (affirmatrices par définition), en prétendant rétablir une vieille fumisterie du 18ème siècle : celle de la « main invisible » et du « laissez-faire, laissez-passer », où aucune intervention politique et volontaire n’était plus autorisée et où la délocalisation antiéconomique nous était vendue comme le fin des fins de l’économie : contradiction dans les termes car « oikos », en grec ancien, signifie le « lieu ». Il n’y a pas d’économie réellement économique sans un lieu, stable, non mouvant, dont se préoccupe le Roi ou le « Spoudaios » (selon Aristote) pour le bien de ses sujets. « Oikos » a donné le terme latin « vicus » (village) et le néerlandais « wijk » (quartier dans une ville), voire le suffixe anglais « -wich »  (village). L’économie se déploie dans des lieux spécifiques et ne vagabonde pas sans frontières (qui ne sont pas nécessairement étatiques). A l’économie antiéconomique du néolibéralisme thatchérien, il faut rétablir les affirmations régulationnistes et protectionnistes, car elles sont katéchoniques.

« Affirmation » et « volonté » sont d’ailleurs les concepts salvateurs, explicités en fin de volume par Jorge Sànchez Fuenzalida. Ce sont les concepts que j’ai toujours voulu promouvoir dans ma carrière de Cassandre métapolitologue, avec mes camarades Guillaume Faye et Ange Sampieru. Je suis donc heureux qu’un homme jeune, à l’esprit vigoureux, comme l’ami Jorge, reprenne aujourd’hui le flambeau. Je lui souhaite longue vigueur dans ce combat qu’il mène déjà, même si le « Spoudaios » ne pointe pas encore à l’horizon. Devenu un vieillard après plus de quarante ans de combat sans relâche, je vais pouvoir bientôt, sans remords et grâce à des garçons comme Jorge, me coucher sur le flanc, comme une vieille bête, et mourir paisiblement.

Forest-Flotzenberg,

Juin 2020.

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dimanche, 06 décembre 2020

Le déclin des Etats-Unis et l’Axe islamo-confucéen

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Le déclin des Etats-Unis et l’Axe islamo-confucéen

Par Daniele Perra

Ex: https://www.eurasie-rivista.com

Parler ouvertement du déclin impérial des États-Unis d'Amérique, surtout lorsque les prétendus "accords d'Abraham" sont signés et que l'Union européenne publie une résolution condamnant le prétendu empoisonnement de l'opposant russe Alexei Navalny, qui bloque en fait les travaux pour le Nord Stream 2 (réalisant ainsi le rêve de Washington)[1], est une opération compliquée qui risque de générer plusieurs malentendus.

S'il est vrai que les États-Unis sont inévitablement confrontés à une période de crise et de déclin, il est tout aussi vrai que leur hégémonie mondiale (ce qui, en termes géopolitiques, pourrait être défini comme un "moment unipolaire") est encore loin d'être terminée.

Cependant, et malgré les apparences, il y a des signes évidents de ce déclin, tant au niveau interne qu'externe. Un énorme volume de fiction et de propagande a été produit autour de l'élection de Donald J. Trump en 2016. Une propagande dont même les personnages insoupçonnés (ou presque) qui, jusqu'à récemment, désignaient les États-Unis comme le principal ennemi, n'étaient pas à l'abri.

La victoire de Donald J. Trump a en effet été présentée comme la victoire d'un candidat anti-système et d'une forme nord-américaine de "populisme", même si elle a été déclinée en termes totalement postmodernes. Aujourd'hui, bien que la campagne présidentielle actuelle suive plus ou moins les mêmes pistes, on peut dire, en connaissance de cause, que Donald J. Trump, loin de remporter les élections de 2016 grâce à ses impulsions populistes et anti-systémiques, les a remportées principalement parce qu'il a dépensé deux fois plus que son adversaire pour la campagne [2]. Ce qui a été présenté comme une lutte entre le bien et le mal (l'affrontement entre le président anti-système et l'État dit "profond"), n'est rien d'autre qu'un affrontement entre différentes stratégies et appareils, ce qui n’est pas du tout étranger à l'histoire des États-Unis. Et on peut dire (toujours en connaissance de cause) que l'émergence de forces perturbatrices internes est historiquement synonyme de crise et de déclin pour une "entité impériale". Plutôt qu'une force révolutionnaire (comme la propagande l'a dépeint), le trumpisme est simplement la dernière tentative pour sauver la mondialisation américaine et, avec elle, une hégémonie mondiale de plus en plus déclinante.

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Notre analyse portera principalement sur les facteurs externes qui sont à l'origine de ce déclin. Et à cet égard, plusieurs facteurs doivent être pris en compte. Tout d'abord, nous devons garder à l'esprit que la crise pandémique a inévitablement accéléré toute une série de processus géopolitiques qui, selon toute probabilité, auraient pris plusieurs mois, voire des années, pour émerger. Dans d'autres analyses publiées dans Eurasia, il a été fait référence, par exemple, aux accords de cessez-le-feu commercial entre la Chine et les États-Unis qui, seulement en janvier de cette année 2020, ont été présentés par les officines de propagande américaines comme une grande victoire de la diplomatie de Washington. Mais quelques mois plus tard, on parlait déjà à nouveau de "guerre froide" et de "bipolarisme".

En fait, les accusations continues et répétées contre la Chine pour la propagation (et souvent même la fabrication)[3] du virus ont incité Pékin à modifier sa stratégie à l'égard de sa puissance rivale en déclin : les Chinois sont passés d'une stratégie d'accompagnement du déclin à une stratégie nettement plus agressive.

L'accord de coopération entre l'Iran et la Chine, paraphé en juillet, est étroitement lié à ce changement de stratégie. Les fondements de cet accord remontent à la visite de Xi Jinping à Téhéran en 2016. À cette occasion, les deux pays ont produit un communiqué commun sur 20 points qui révèle des passages d'un intérêt tout particulier. Le point 5, par exemple, stipule : "Les deux parties se soutiennent fortement l'une l'autre en ce qui concerne les questions relatives à leurs intérêts fondamentaux tels que l'indépendance, la souveraineté nationale et l'intégrité territoriale. La partie iranienne poursuit son engagement ferme en faveur de la politique de la Chine unique. La partie chinoise soutient le "Plan de développement" de la partie iranienne ainsi que le renforcement du rôle de l'Iran dans les affaires régionales et internationales"[4].

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Le point 7 dit : "L'Iran se félicite de l'initiative de la Chine concernant la "ceinture économique de la route de la soie et la route maritime de la soie du XXIe siècle". En s'appuyant sur leurs forces et avantages respectifs ainsi que sur les possibilités offertes par la signature de documents tels que le "protocole d'accord sur la promotion conjointe de la ceinture économique de la route de la soie et de la route maritime de la soie du XXIe siècle" et le "protocole d'accord sur le renforcement des capacités industrielles et minérales et des investissements", les deux parties développeront la coopération et les investissements mutuels dans divers domaines, notamment les transports, les chemins de fer, les ports, l'énergie, l'industrie, le commerce et les services"[5].

Il est tout à fait clair que la coopération stratégique fondée sur ces hypothèses peut être perçue comme une menace directe par les États-Unis. Le pacte, qui durera 25 ans, redonne en effet de la vigueur au projet de la nouvelle route de la soie et redonne à l'Iran un rôle central dans le processus d'intégration eurasienne. En outre, elle surmonte le régime de sanctions nord-américain connu sous le nom de stratégie de "pression maximale", transformant la République islamique en un carrefour de première importance pour le commerce eurasien (l'Iran est au carrefour des directions Nord-Sud et Ouest-Est du continent) exactement comme dans l'Antiquité, lorsque la langue parlée le long de la route de la soie était le persan.

Comme l'a déclaré Ali Aqa Mohammadi (conseiller du Guide suprême Ali Khamenei) : "Ce document bouleverse le régime des sanctions et contrecarre de nombreux plans américains pour la région [...] La coordination entre la Chine et l'Iran peut faire sortir la région de l’emprise des États-Unis et briser leur réseau régional.

La coopération stratégique entre les deux pays est non seulement axée sur les investissements dans le secteur de l'énergie ou dans les infrastructures [7], mais aussi dans le secteur militaire. Le premier résultat (et aussi le plus inquiétant pour les États-Unis) des accords sino-iraniens a été le refus par le Conseil de sécurité des Nations unies de la demande nord-américaine de prolongation de l'embargo sur la vente d'armes à la République islamique, qui a expiré en octobre 2020. En fait, à partir d'octobre, la Chine commencera à fournir à Téhéran divers systèmes et armements de nouvelle génération.

Il est bien connu que la Chine et la Corée du Nord ont développé des liens militaires étroits avec l'Iran depuis le début des années 1980. Pékin, par exemple, a fourni un grand nombre de missiles balistiques à la République islamique nouvellement formée pendant la guerre contre l'Irak pour contrebalancer les plates-formes de lancement Scud B de fabrication soviétique fournies à l'armée de Saddam Hussein. La Chine a également joué un rôle fondamental en aidant Téhéran à développer son secteur militaire, à tel point que les plates-formes de missiles iraniennes actuelles sont basées sur des technologies chinoises[8].

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Par conséquent, grâce à cet accord de coopération, l'économie et le secteur militaire de Téhéran seront sérieusement renforcés. Dans le même temps, la Chine pourra bénéficier non seulement d'un approvisionnement stable (et de prix réduits) en hydrocarbures, mais aussi d'une entrée effective sur un vaste marché pour ses produits technologiques.

Mais ce ne sont pas les seules raisons pour lesquelles l'axe Pékin-Téhéran est considéré comme une menace sérieuse pour les États-Unis. Il y a d'autres facteurs à prendre en compte.

Tout d'abord, il est important de souligner, une fois de plus (si besoin est), que les États-Unis n'ont plus la force de faire face à un conflit militaire direct de grande envergure avec une puissance rivale.

L'Iran et la Chine ont tous deux montré qu'ils étaient "prêts" à affronter directement les États-Unis, si nécessaire. En comparaison, cette volonté (et cette disponibilité) s'est transformée en une sorte de dissuasion stratégique. Une guerre contre l'Iran (ou une attaque directe sur son propre territoire - la "ligne rouge" établie par le Corps des gardiens de la révolution) n'a jamais été réellement déclarée, car le Pentagone lui-même est conscient qu'elle coûterait de l'argent, causerait de graves dommages aux intérêts nord-américains dans la région, des vies humaines et une crise énergétique mondiale aux effets imprévisibles.

Une fois de plus, la Chine et l'Iran ont montré qu'ils ne veulent pas du tout la guerre, mais qu'ils sont prêts à la mener. Et tous deux savent parfaitement qu'en cas de conflit direct avec l'un des alliés régionaux des Etats-Unis (au Moyen-Orient ou dans la zone indo-pacifique), tout "l'Occident" et son opinion publique prendront inévitablement parti contre eux. C'est pourquoi un tel conflit a besoin non seulement d'une valeur stratégique mais aussi d'une valeur "morale". À cet égard, comme l'a souligné l'analyste Hu Xijin, les dirigeants de l'Armée populaire de libération ont établi qu'un éventuel conflit entre la Chine et un pays voisin avec lequel Pékin a des différends territoriaux doit respecter des exigences spécifiques : a) la Chine ne doit en aucun cas tirer le premier coup de feu ; b) la Chine doit montrer à la communauté internationale que tous les efforts ont été faits pour éviter le conflit ; c) la Chine ne doit jamais se permettre d'être impliquée de manière impulsive dans une confrontation militaire directe.

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En outre, un récent rapport du Pentagone a montré la menace que représente pour les États-Unis le renforcement militaire continu de la Chine[9].

L'un des objectifs de Pékin est de doubler ses capacités nucléaires d'ici 2030. De plus, la Chine possède plus de 12.000 missiles balistiques d'une portée comprise entre 500 et 5.000 km : elle a donc la capacité de frapper les intérêts américains dans le Pacifique occidental. Mais ce qui préoccupe vraiment le Pentagone, ce sont les capacités conventionnelles de l'Armée Populaire de Libération. Celle-ci possède en effet les forces navales et terrestres les plus nombreuses au monde : une armée dynamique et moderne capable de surmonter rapidement des conflits maritimes limités et, par conséquent, de défier la domination thalassocratique nord-américaine.

Il est tout aussi important de comprendre comment les États-Unis réagissent à la menace posée par la croissance des puissances eurasiennes et par leur coordination. En ce sens, outre les opérations classiques de sabotage le long de la nouvelle route de la soie, il faut se concentrer sur la signature des récents "accords d'Abraham" entre Israël, les Émirats arabes unis et Bahreïn (mais avec la possibilité de les étendre à d'autres monarchies arabes).

Il convient de souligner tout d'abord qu'il ne s'agit pas d'un simple coup de pouce électoral pour la campagne présidentielle de Donald J. Trump, ni d'une simple "justification" pour vendre des technologies militaires sophistiquées aux monarchies du Golfe aux dépens de la Chine. Si l'on oublie que de tels accords, signés par des entités financières (avant d’être politiques) qui, en réalité, n’ont jamais été en guerre contre Israël mais qui coopèrent souvent et volontairement avec lui à plusieurs niveaux, représentent la victoire du profit sur tout le reste (sur l'Homme avec un "H" majuscule, sur tout ce qui, malgré les efforts de l'"Occident", continue à maintenir en vigueur des valeurs sacrées, celles de la religion et celles des idées), ce qui est le plus intéressant ici est la portée géopolitique de l'opération de Trump.

Elle ouvre les marchés arabes à Israël et, grâce au projet de Corridor Trans-Arabe (étudié en opposition directe avec les corridors économiques de la Nouvelle Route de la Soie)[10], ouvre les portes de l'Océan Indien à l'entité sioniste. Ainsi, dans un sens plus large, les accords d'Abraham cherchent à saper (ou à limiter) le processus d'intégration eurasienne. Comme l'a laissé entendre le secrétaire d'État américain Mike Pompeo lui-même, plus pragmatique et moins enclin à la rhétorique pseudo-pacifiste de la propagande trumpiste, l'axe Israël/Monarchies du Golfe est fonctionnel pour la défense des intérêts américains dans la région et permet une plus grande concentration des forces dans la zone indo-pacifique.

Ces accords doivent donc être compris non seulement en termes anti-iraniens ou anti-turcs, comme une grande partie des analyses géopolitiques ont tenté de le démontrer, mais aussi anti-pakistanais et anti-chinois. Le Pakistan, par exemple, étant le seul État musulman à posséder un arsenal nucléaire, est naturellement dans la ligne de mire des sionistes. Aujourd'hui plus que jamais, après avoir pris acte de la tentative de limiter l'influence wahhabite en son sein [11] par les dirigeants politiques actuels, sa dénucléarisation figure parmi les objectifs premiers du sionisme.

Cependant, les "accords d'Abraham" ont également jeté les bases d'une autre menace pour la stratégie régionale sioniste et nord-américaine : le rapprochement et la revitalisation d'un lien entre l'Iran et la Turquie qui surmonte également le contraste entre les deux pays sur le champ de bataille syrien.

Le 8 septembre, la sixième réunion de haut niveau du Conseil de coopération entre Téhéran et Ankara a débuté. L'objectif de cette coopération, qui est bloquée depuis plusieurs années précisément à cause du conflit syrien, est de renforcer les relations entre la Turquie et l'Iran dans les domaines commercial et sécuritaire. En fait, les deux États ont également lancé récemment plusieurs opérations militaires conjointes dans le nord de l'Irak contre des groupes terroristes kurdes.

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Ce renforcement des relations, outre qu'il permet de mettre un terme aux interprétations sectaires (d'origine principalement occidentale) des conflits du Moyen-Orient, est également utile pour reconstruire le dialogue entre les forces de résistance au régime sioniste en Palestine : le Hamas (aujourd'hui, lié à la Turquie et au Qatar) et le Hezbollah (Parti et mouvement de résistance d'inspiration khomeyniste). Lors des réunions au sommet tenues à Beyrouth, les dirigeants politiques des deux mouvements, ayant surmonté les divisions générées par le conflit syrien, sont arrivés à la conclusion que le Hamas et le Hezbollah sont sur la même ligne dans l'opposition et la lutte contre Israël [12]. Sans considérer le fait qu'amener le Hamas au même niveau de capacité militaire que le Hezbollah, en plus de représenter une certaine menace, constituerait une fois de plus un élément de dissuasion contre de nouvelles opérations sionistes potentielles dans la bande de Gaza [13].

En février dernier, lors d'une conférence donnée à l'Institut d'études stratégiques d'Islamabad, l'ambassadeur iranien au Pakistan Seyyed Mohammad Ali Hosseini a suggéré l'idée de créer une alliance entre cinq pays (Turquie, Iran, Pakistan, Chine et Russie) pour favoriser la coopération eurasienne et résoudre pacifiquement tout différend régional.

La formation d'une telle alliance permettrait en outre de créer une forme de ceinture de sécurité capable de protéger l'Asie centrale (le "cœur du monde") des actions de sabotage, de déstabilisation et d'endiguement de tout développement, menées par l'Amérique du Nord.

Les premiers signes dans cette direction proviennent des exercices militaires "Caucase 2020" qui se dérouleront dans la région du Caucase entre le 21 et le 26 septembre et qui, axés sur les tactiques de défense et d'encerclement, impliqueront des unités militaires de Chine, de Russie, du Pakistan, d'Iran, d'Arménie, de Biélorussie et du Myanmar.

Il y a lieu d’être absolument convaincu que la création d'un axe islamo-confucéen (ou islamo-confuciano-orthodoxe)[14] pourrait représenter l’accélérateur du déclin de l'hégémonie américaine et de la faillite de toutes les stratégies visant à empêcher la naissance d'un ordre mondial multipolaire. L'espoir doit aussi se faire jour, d'ailleurs, de voir advenir le réveil des civilisations anciennes et combatives de l'Eurasie afin d’aider l'Europe à surmonter ce qui semble être une condition irréversible d'assujettissement culturel et géopolitique.

NOTES:

[1] Voir European Parliament Resolution on the situation in Russia: the poisoning of Alexei Navalny, www.europal.europa.eu.

[2] Fait qui montre bien comment fonctionne la « démocratie américaine » dont on vante tant le modèle. Voir à ce propos : Jean-Michel Paul, The economics of discontent. From failing elites to the rise of populism, Bruxelles 2018.

[3] Et, last but not least, la « recherche scientifique », menée par la Rule of Law Society et par la Rule of Law Foundation de Steve Bannon et Guo Wengui, qui prétendent démontrer l’origine du virus dans le laboratoire de Wuhan.

[4]Full text of Joint Statement on Comprehensive Strategic Partnership between I.R. Iran, P.R. China, www.president.ir.

[5]Ibidem.

[6]Iran-China deal to ditch dollar, bypass US sanctions: Leader’s Advisor, www.presstv.com.

[7] Cet accord de coopération prévoit plus de 400 milliards d’investissement. Une autre somme de 220 milliards sera versée au profit du secteur des infrastructures, visant le développement des liens ferroviaires (trains à grande vitesse) tant à l’intérieur de l’Iran que pour relier ce pays au reste de l’Eurasie : de la Chine à l’Asie centrale et, de là, à la Turquie et à l’Europe.

[8]China’s key role in facilitating Iran’s military modernization and nuclear program, implications for future relations, www.militarywatchmagazine.com.

[9]H. Xijin, China must be militarily and morally ready for a potential war, www.globaltimes.cn.

[10]Selon le mode particulier qu’implique le Corridor CPEC (China Pakistan Economic Corridor) ; il y a la possibilité que celui-ci soit prolongé pour relier directement le port de Gadwar au Pakistan à celui de Shabahar en Iran. Les deux ports seraient ainsi reliés entre eux et renforcés par une liaison ferroviaire qui, à son tour, favoriserait un développement économique régional de grande ampleur.

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[11] Récemment, il y a eu des manifestations anti-chiites à Karachi au Pakistan (ce qui met en exergue l’influence profonde du wahhabisme saoudien sur une bonne part de la population pakistanaise). Ces désordres montrent clairement quelles sont les motivations géopolitiques à l’œuvre dans cette région du monde. Déchaîner à nouveau la violence au Pakistan, pour le déséquilibrer de l’intérieur, s’avère utile pour retarder le mise en œuvre définitive du CPEC et pour discréditer le rapprochement lent mais continue du gouvernement d’Imran Khan avec les puissances d’Eurasie :la Russie et la Chine en premier lieu.  

[12]Hamas-Hezbollah talks and Iran-Turkey cooperation come at crucial time, www.middleeastmonitor.com.

[13] Les bombardements ont lieu tous les jours sur la Bande de Gaza, dans le silence assourdissant des médias occidentaux, silence qui a pour objectif de faire ignorer ces faits.

[14]Dans ce cas précis, on ne peut parler en termes « huntingtoniens », soit en terme de choc des civilisations, vu que l’Occident n’est pas une civilisation mais une construction idéologique utile pour garantir la domination américaine sur les espaces géographiques, soumis « géopolitiquement » à Washington.

« Théorie du complot » et comique de répétition

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« Théorie du complot » et comique de répétition

par Nicolas Bonnal

C’est du poumon que vous êtes malade

Le seul argumentaire du système, de ses intendants et de leur populace de téléphages est l’insulte tempérée par la menace. Quoiqu’on dise on est accusé de théorie de la conspiration avec un ricanement insultant et surtout menaçant.  Théorie de la conspiration rimera un jour avec camp de concentration pour les contrevenants et rime aussi avec le fameux comique de répétition. Pensez au poumon du Malade imaginaire de Molière, auteur qui n’a jamais été autant d’actualité : les Femmes savantes, les précieuses, le Malade imaginaire, Tartufe, le Bourgeois gentilhomme et surtout Georges Dandin, cocu à répétition des temps pseudo-cycliques.

Donc si l’on évoque Schwab, Davos, Gates, le mondialisme, l’ARN, l’ADN ou autres, on est accusé de complotisme sur un ton de précieux dégoûté. Cela montre que le système s’est renforcé/affaibli, qui peut s’établir sur une désertification intellectuelle bien globalisée.

Reprenons cette remarque extraordinaire de Guy Debord (il existe une bibliothèque pour l’insulter) sur ces mondialistes qui n’existent pas, ces vaccinateurs qui n’existent pas, ces banquiers qui n’existent pas, ce Reset qui n’existe pas, cet ADN qui n’existe pas, cette censure intégrale qui n’existe pas, cette élection volée qui n’existe pas, cette dictature qui n’existe pas, et tout le reste :

« La plus grande exigence d’une Mafia, où qu’elle puisse être constituée, est naturellement d’établir qu’elle n’existe pas, ou qu’elle a été victime de calomnies peu scientifiques ; et c’est son premier point de ressemblance avec le capitalisme. Mais en la circonstance, cette Mafia irritée d’être seule mise en vedette, est allée jusqu’à évoquer les autres groupements qui voudraient se faire oublier en la prenant abusivement comme bouc émissaire. »

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La cabale mondialiste (voyez mon livre Littérature et conspiration pour constater que Dostoïevski, Chesterton ou Jack London la voient venir en leur temps…) n’existant pas, ne peut exister qu’une méchante volonté de tout inventer pour mieux accuser. Il faut donc sanctionner et insulter les félons avant de pouvoir les enfermer. Et sur cette volonté de ne plus discuter mais d’insulter, qui repose sur la rage et l’impuissance (voyez le petit Blachier face au professeur Toussaint) Schopenhauer a déjà tout dit dans son fameux Art d’avoir toujours raison que l’on trouvera sur Wikisource :

« Lorsque l’on se rend compte que l’adversaire nous est supérieur et nous ôte toute raison, il faut alors devenir personnel, insultant, malpoli. Cela consiste à passer du sujet de la dispute (que l’on a perdue), au débateur lui-même en attaquant sa personne…En devenant personnel, on abandonne le sujet lui-même pour attaquer la personne elle-même : on devient insultant, malveillant, injurieux, vulgaire. C’est un appel des forces de l’intelligence dirigée à celles du corps, ou à l’animalisme. C’est une stratégie très appréciée car tout le monde peut l’appliquer, et elle est donc particulièrement utilisée. »

Tout le monde peut l’appliquer, en particulier les journalistes ignares qui ne savent que répondre aux savants Toubiana ou Fouché qu’on leur oppose sur un plateau. Que ne peuvent-ils faire taire leur adversaire avec un pistolet ! On oppose parfois les pédants (Molière, toujours) aux savants, or les pédants ne publient rien sur le plan scientifique contrairement à Raoult par exemple.

519uxVU+iOL.jpgTout cela marche parce la bêtise s’est répandue industriellement et ce grâce aux médias. A tout seigneur tout honneur, la presse. Au milieu du dix-neuvième siècle le bon théologien Mgr Gaume écrivait déjà à propos de l’imbécillité positiviste :

« Vous avez des yeux, et vous ne voyez pas ; des oreilles, et vous n'entendez pas; une volonté, et vous ne voulez pas. Fruit du don d'entendement, le sens chrétien, ce sixième sens de l'homme baptisé, vous manque.  Il manque à la plupart des hommes d'aujourd'hui et à un trop grand de nombre de femmes. Il manque aux familles, il manque à la société, il manque aux gouvernants et aux gouvernés, il manque au monde actuel. Monde de prétendues lumière et de prétendu progrès, il ne reste pour toi qu'un dernier vœu à former, c'est que l'Esprit d'intelligence te soit donné de nouveau et te montre à nu l'abîme inévitable, vers lequel te conduit à grands pas l'Esprit de ténèbres, redevenu, en punition de ton orgueil, ton guide et ton maître. »

Car leur monde moderne est le monde des gogos, des consommateurs, des guerres mondiales, du totalitarisme à répétition. Et il veut finir glorieusement par un Reset et une extermination.

Baudrillard dans sa Guerre du golfe avait évoqué la fonction des médias dans le maintien d’une hébétude collective. Or Mgr Gaume rappelle :

« Le premier effet d'un pareil désordre, c'est l'affaiblissement de l'intelligence, hebetudo. L'âme et le corps sont entre eux comme les deux plateaux d'une balance : quand l'un monte, l'autre descend. Par l'excès du boire et du manger, l'organisme se développe, et l'esprit s'émousse, s'épaissit, devient pesant, paresseux, inhabile à l'étude et aux fonctions purement intellectuelles : ce résultat est forcé. Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es. En contact intime, habituel et coupable avec la matière, avec l'animalité, l'homme devient matière, il devient bête, animalis homo. »

En effet pour quelqu’un qui n’a pas envie de réfléchir ou de discuter (66%, 90%, 99%  des téléphages), l’accusation de théorie de la conspiration est bienvenue.  Elle est liée à une ignorance fumiste et  à une joie méchante, un ricanement (Blachier toujours à Toussaint : « vous êtes tellement con et conspiratif qu’on ne peut discuter avec vous… »). Et Gaume en parle de ce ricanement agressif, laïc et ploutocratique :

« Le second effet de l'esprit de gourmandise, c'est la folle joie, inepta laetitia. Devenue, par l'excès des aliments, victorieuse de l'esprit, la chair manifeste son insolent triomphe. Des rires immodérés, des facéties ridicules, des propos trop souvent obscènes, des gestes inconvenants ou puérils, des chants, des cris, des danses, des plaisirs bruyants, des fêtes théâtrales en sont l'inévitable expression. »

Alors on fait rentrer les bouffons  sur les plateaux télé, bouffons qui sont là pour ajouter plus de fausseté à l’esprit de ce monde. Et de parler du virus comme le faux médecin de Molière parle du poumon.

Sources:

Schopenhauer – L’art d’avoir toujours raison (Wikisource.org)

Mgr Gaume – Traité du Saint-Esprit, tome deuxième, pp. 472-474

Guy Debord – Commentaires, XXIII

Baudrillard – La Guerre du Golfe n’a pas eu lieu (Galilée)

Bonnal – Littérature et conspiration (Amazon.fr)

 

 

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samedi, 05 décembre 2020

Géopolitique des pseudo-religions

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Géopolitique des pseudo-religions

par Daniele Perra

Ex: https://www.eurasia-rivista.com

"...seuls l'esprit et le spirituel ont un destin."

(Martin Heidegger).

Il est bien connu que le monde anglo-saxon a historiquement produit des pseudo-religions utiles à sa propre forme spécifique de domination. Cela s'applique tout à la fois à la théosophie de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, qui a été stigmatisée par le métaphysicien français René Guénon dans le texte fondamental La théosophie. Histoire d'une pseudo-religion [1], et à la prolifération actuelle des sectes évangéliques qui, à partir de l'Amérique du Nord principalement, sont en train de conquérir rapidement l'Amérique hispanique et l'Afrique subsaharienne.

51696AGb9IL._SX373_BO1,204,203,200_.jpgLe discours pseudo-religieux développé pour l'Amérique ibérique est particulièrement intéressant, car les principes géopolitiques de la doctrine Monroe peuvent dès lors lui être appliqués plus facilement: donc, non seulement le droit exclusif d'intervention des États-Unis dans l'hémisphère occidental se voit consolider, tout comme la volonté d'homologuer cette partie du monde, de la modeler à leur image et ressemblance. On ne peut ignorer le rôle que les groupes évangéliques ont joué dans l'élection du président brésilien Jair Bolsonaro ou dans le coup d'État qui a renversé Evo Morales en Bolivie.

Au Brésil en particulier, les conversions à ces sectes ont plus que triplé au cours des trente dernières années. Elles ont une structure extrêmement élastique qui permet théoriquement à toute personne capable de lire la Bible de devenir un prédicateur. Et leur succès repose exclusivement sur leur totale consubstantialité avec le néo-conservatisme et le néo-libéralisme. Ces sectes ont comblé le vide laissé par la gauche et l'Eglise officielle qui, en s'occupant d'autres questions sociales (les droits civils en premier lieu), ont fini par ignorer les droits des travailleurs et des couches les plus pauvres de la société [2]. Cependant, ceux qui interprètent si mal certains passages du texte biblique [3], ont tiré de substantiels bénéfices sur le dos des personnes qu’ils prétendaient aider. Et ils l'ont fait sur la base de la soi-disant "théologie de la prospérité" : une doctrine religieuse prétendument basée sur l'idée qu'en donnant de l'argent, en priant et en adhérant à un système de comportement rigide, on peut s'assurer une récompense matérielle dans ce monde. Cette doctrine se prête bien aux comparaisons et aux alliances avec ce messianisme juif, absolument antichrétien, qui est marqué par la construction d'un Royaume d'Israël "sur terre" auquel tout peuple sera soumis. Ce n'est pas une coïncidence si les pasteurs évangéliques brésiliens les plus populaires font également partie des personnes les plus riches du pays. Ils ont, entre autres, transformé les pauvres Brésiliens en un marché à exploiter et à contrôler au moment du vote.

Ces pseudo-religions, en plus de consolider des formes spécifiques de domination géopolitique, jouent donc aussi un rôle fondamental dans la construction du consensus électoral ou dans la construction de l'opposition interne aux "régimes" rivaux ou tombés en disgrâce. Le cas le plus emblématique, en ce sens, est représenté par la secte chinoise Falung Gong, qui a une origine orientale, mais qui a été largement adoptée par l'"Occident" dirigé par l'Amérique du Nord comme instrument de déstabilisation interne de la République populaire de Chine.

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Né comme un mouvement spirituel de type "New Age", d'inspiration syncrétique (une sorte de mélange de bouddhisme et de taoïsme), ce sectarisme particulier prétend être une expression de la religiosité traditionnelle chinoise. Le Falung Gong (= « pratique de la roue de la loi »), grâce à son fondateur Li Honghzi (résident à New York) a réussi à construire un véritable empire qui s'étend sur plusieurs secteurs, de l'information aux communications en passant par le monde de l'art.

Le fleuron de cet empire est la plateforme informatique Epoch Times, qui est également devenue très populaire parmi les groupes européens qui font référence à la Alt-Right nord-américaine (surtout dans ses impulsions sionistes) : en particulier l'AFD allemande - Alternative für Deutschland.

Le réseau Epoch Times est connu pour la diffusion de théories conspirationnistes de toutes sortes et pour son opposition farouche au gouvernement de Pékin. The New Tang Dinasty appartient à Epoch Media Group : une société de production qui, en collaboration avec Steve Bannon, a produit le téléfilm anti-chinois Claws of the Red Dragon, dans lequel l'arrestation du directeur financier de Huawei, Meng Wanzhou, au Canada est racontée sur le mode de la conspiration.

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La référence à Epoch Times est importante car elle nous permet d'introduire notre discours sur les nouvelles formes de pseudo-religion qui, récemment, en raison de l'accélération des pressions causées par la crise pandémique, connaît un succès considérable au-delà des frontières américaines. Epoch Times, en fait, avec d'autres médias du réseau, est l'un des principaux véhicules d'information du phénomène QAnon. Ce n'est que le énième résultat néfaste de la postmodernité, résultat généré sur une terre dans laquelle les sept millénarismes se sont enracinés à un niveau qui a profondément marqué l'imaginaire collectif et où la religiosité a été réduite exclusivement à la sphère de la moralité. QAnon est une forme de messianisme numérisé : une religion informatique avec ses propres dogmes (une hypothétique résurrection ou "retour de la dissimulation" de J.F.K.), un prophète (Donald J. Trump), un jour de jugement (l'événement "The Storm" qui conduira à l'arrestation en masse de tous les complices de l'"élite" pédo-sataniste qui domine le monde).

QAnon, en fait, est un baldaquin qui couvre une série de théories plus ou moins conspiratrices concernant différents aspects de la vie politique et sociale. Dans leur version allégée, ces théories se limitent à l'affrontement entre Donald J. Trump et l'État dit "profond", ignorant que les luttes entre les courants au sein de l'administration américaine ne sont pas nées avec les élections de 2016 et que, historiquement, les pulsions perturbatrices internes sont communes aux "empires" qui entrent dans une phase de déclin incontestable.

L'idée de base, cependant, comme nous l’avons déjà mentionné, reste que le monde est dominé par un cénacle de pédophiles qui se livrent au trafic d'enfants, ce à quoi l'actuel président nord-américain s'oppose de toutes ses forces.

8b29e3046c194ed7cbc2350a91f70ba2.jpgSi nous considérons que le progressisme grossier du messianisme laïque nord-américain (le messianisme clintonien/obamien/sorosien) est autant un ennemi que le messianisme d'inspiration conservatrice, il est évident que, si le principal facteur de discrimination de l'élite dominante est uniquement et exclusivement de nature morale, il n'y a pas de critique fondamentale du système mais seulement et exclusivement le désir de remplacer une "élite" par une autre. La conspiration, en ce sens, devient absolument consubstantielle au système et non une arme pour le combattre. Il devient un outil utile pour hégémoniser le sacro-saint mécontentement social (généré par des politiques migratoires imprudentes, par des coupes dans l'éducation et la santé, par l'immobilisme social, par l'augmentation des taxes sur la production, par la crise de l'emploi) par un travail idéologique habile capable de conduire à certains résultats électoraux [4] et à des fins géopolitiques précises. En d'autres termes, elle sert au niveau central (celui des États-Unis) à créer une base idéologique de consensus et au niveau périphérique à garantir la soumission totale des provinces impériales.

Il est évident que les principaux "mots d'ordre" de certains mouvements ont tous une nette origine nord-américaine ou anglo-saxonne. Lors de la récente manifestation à Berlin, organisée par le mouvement libéral-individualiste Querdenken-711 [5] contre les mesures restrictives liées à la crise pandémique [6], l'un des organisateurs a indiqué que Donald J. Trump était le "sauveur de l'esprit de l'Ouest".

Ce "mot d'ordre" peut et doit être analysé à plusieurs niveaux. Tout d'abord, la thèse selon laquelle les masses européennes attendent le "salut" d'outre-atlantique donne une bonne idée du niveau sournois de soumission culturelle atteint par le Vieux Continent. Il est également fondamental de rappeler que depuis les dialogues de Platon, l'"Occident" est indiqué comme tout ce qui se trouve au-delà des Colonnes d'Hercule. Cela implique, en premier lieu, que l'Europe, géographiquement, n'est pas du tout "occidentale".

Un deuxième niveau d'analyse peut être déterminé par ce que l'on entend par "esprit". L'esprit et le spirituel, en référence à un peuple, ont une assonance particulière avec le destin et la destinée. Le destin et la destinée, selon le philosophe allemand Martin Heidegger, "concernent la demeure des hommes dans le voisinage de l'auberge céleste sur la terre" [7]. Les esprits, par conséquent, "sont ceux qui descendent de l'incendie et en même temps du terrestre, qui portent le céleste et qui, dans leur propre essence, sont eux-mêmes l'esprit [...] Cet esprit est appelé l'esprit commun, parce que son essence brûlante brûle dans chaque esprit d'une manière différente" [8].

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Selon Heidegger, l'histoire ne repose ni dans l'essence ni dans le mot de l'événement historique, mais dans le destin et l'esprit. Le destin et l'esprit d'un peuple sont donnés par la proximité de son origine. Les personnes contraintes de s'éloigner de cette origine sont privées de leur désir/puissance : leur être reste un "être en latence" au lieu de devenir un "être au pouvoir". Il est donc clair que celui qui veut maintenir un peuple dans une condition de soumission devra s'assurer que, toujours selon Heidegger, "ce qui est le plus proche reste pour lui le plus éloigné".

L'"esprit de l'Ouest" dont parle le "mot d'ordre" de certains groupes de manifestants berlinois n'est qu'une imposition idéologique, quelque chose de totalement étranger à l'Europe. Ce "mot d'ordre" représente la tentative de recomposer selon des lignes idéologiques précises un bloc géopolitique qui défend les États-Unis, qui entend arrêter leur déclin inexorable. Le choix de l'Allemagne comme épicentre des protestations contre les mesures anticovidiennes restrictives (malgré le fait que l'Allemagne soit l'un des pays européens où ces mesures ont été les moins strictes) est crucial, si l'on considère le rôle de l'Allemagne en tant que concurrent économique direct des États-Unis et le conflit autour de la construction du gazoduc Nord Stream 2 (auquel peut également être lié l'empoisonnement présumé du célèbre opposant russe Alexei Navalny).

D’une part, l'administration Trump a sans doute su cultiver les tendances conspirationnistes à l’œuvre dans le monde pour construire un consensus transnational (par exemple, on assiste à la prolifération sur le sol européen de groupes de soutien au président nord-américain comme seul agent capable de libérer les peuples de la "dictature de la santé") ; d'autre part, l'administration elle-même s'est montrée beaucoup plus pragmatique qu'on pourrait le penser dans la gestion des conflits impérialistes , avec sa stratégie d'assassinats ciblés, d'accords qui ne seront pas respectés, de pressions et de sabotages de rivaux stratégiques pour retarder le déclin américain.

Un document publié par un groupe de réflexion républicain orienté dans le sens voulu par le pouvoir actuel (intitulé Renforcer l'Amérique et contrer les menaces mondiales et déjà cité dans les colonnes de notre revue Eurasia) esquisse explicitement pour les quatre prochaines (et éventuelles) années de la présidence un programme géopolitique basé sur la confrontation directe avec la Russie, la Chine et l'Iran et sur le "maintien d'un ordre international basé sur les valeurs américaines".

Face à une telle perspective, la seule solution pour l'Europe serait de se réapproprier son propre esprit et son propre destin, en se libérant de la polarisation du débat politique autour de ce néant que représente le choc entre le progressisme nihiliste et le vide idéologique numérisé des nouvelles religions de l'Occident.

NOTES

[1]R. Guénon, Il teosofismo. Storia di una pseudo-religione, Edizioni Arktos, Carmagnola 1987.

[2]Voir P. Antonopoulos, L’influenza della setta evangelica nella società brasiliana, “Eurasia. Rivista di studi geopolitici” 1/2019.

[3]En particulier dans l’Evangile selon St. Jean (10,10): “Je suis venu pour qu’il aient la Vie, et l’aient en plus grande abondance ». De même, dans l’Epitre aux Philippiens (4,19): “Mon Dieu viendra à vous selon vos nécessités, selon sa richesse, avec la gloire en le Christ Jésus ».

[4]De récents sondages ont montré comment une large part de l’électorat républicain aux Etats-Unis croit, du moins en partie, à des théories de matrices conspirationnistes, qui voient en Donald Trump un personnage choisi par certains militaires haut placés pour défaire l’élite pédo-sataniste correspondant au « deep state ». Voir : Majority of Republicans believe the QAnon conspiracy theory is partly or mostly true, survay finds, www.forbes.com.

[5]Voir www.querdenken-711.de.

[6]A ce propos, à la différence des principaux médias d’information qui utilisent l’expression « négationnistes du virus », selon un mode totalement inapproprié, il serait bons de faire une distinction précise entre ceux qui nient l’existence du virus en soi et ceux qui critiquent à juste titre et même de façon virulente, le côté illogique et contradictoire des mesures prises, lesquelles ont aggravé considérablement les tensions sociales déjà existantes, qui critiquent également certaines expérimentations à grande échelle, ainsi que les mécanismes médiatiques qui, au lieu d’informer, s’occupent à terroriser les populations. 

[7]M. Heidegger, Hölderlin. Viaggi in Grecia, Bompiani, Milano 2012, p. 275.

[8]Ibidem, p. 281.

 

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Bonne nouvelle de La Paz

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Bonne nouvelle de La Paz

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Le trucage des élections ne fait pas tout. Le 8 novembre dernier, tandis que des fraudes électorales massives s’opéraient dans plusieurs États du MidWest étatsunien, la Bolivie investissait son nouveau président, Luis Arce, marquant ainsi l’échec total d’une révolution colorée atlantiste – occidentaliste.

Le 10 novembre 2019, après plusieurs journées de manifestations, de grèves et d’incidents, sur la pression des responsables de la police et de l’armée, le président de l’État plurinational de Bolivie Evo Morales démissionnait et s’exilait d’abord au Mexique, puis en Argentine. Candidat à un quatrième mandat consécutif malgré un revers au référendum de révision constitutionnelle de 2016, le président Morales devançait d’une dizaine de points son principal concurrent, l’ancien président libéral Carlos Mesa. Dans la foulée de ce départ précipité, le vice-président Álvaro Linera, la présidente du Sénat et le président de la Chambre des députés abandonnèrent à leur tour leur fonction. L’intérim de la présidence revint alors à la deuxième vice-présidente du Sénat, une obscure élue d’opposition, Jeanine Áñez.

À peine arrivée à la tête de la Bolivie, Áñez persécute les élus, cadres et militants du parti d’Evo Morales, le MAS (Mouvement vers le socialisme) aux lointaines racines nationalistes, communautaires, phalangistes et justicialistes. Elle rompt aussitôt les relations diplomatiques avec Cuba et le Venezuela, se retire de l’ALBA (Alternative bolivarienne pour les Amériques) et ordonne des enquêtes à charge contre son prédécesseur et la plupart de ses ministres. Si, dans ses premières allocutions, Áñez entend seulement assumer l’intérim, elle se ravise vite et annonce sa candidature à l’échéance présidentielle à venir. Or, le coronavirus contraint le report à diverses reprises des opérations électorales.

En attendant, les Boliviens subissent toute la lubricité du néo-libéralisme. Non seulement aligné sur les États-Unis et incapable de bien gérer la crise sanitaire, le gouvernement Áñez veut tout privatiser, obéit à l’agriculture industrielle, autorise les OGM et s’en prend aux acquis sociaux. Par ailleurs, des scandales retentissants impliquent vite l’entourage, politique et privée, de la présidente par intérim.

imagesdcbol.jpgEmpêché de se présenter tant à la présidence qu’à un siège de sénateur, Evo Morales, en accord avec les instances du MAS, des syndicats et des mouvements indigènes indianistes, suggère la candidature de Luis Arce. Puissant ministre de l’Économie de 2006 à 2017 et en 2019, le « père du miracle économique bolivien » choisit pour colistier à la vice-présidence l’Amérindien David Choquehuanca (photo).

Le mécontentement grandissant des Boliviens inquiète et déstabilise la bourgeoisie compradore. Après bien des hésitations, Áñez renonce à sa candidature et rejoint Carlos Mesa. Tous les sondages prévoient un duel serré entre Mesa et Arce avec, en arrière-plan, la montée en puissance d’un hérétique schismatique soi-disant chrétien, le démagogue évangélique des grands propriétaires néo-conservateurs, Luis Camacho.

Ce 18 octobre, les Boliviens élisent à la fois leur président, leur vice-président, le Sénat et la Chambre des députés. Avec une participation de 88,5 %, Luis Arce remporte dès le premier tour la présidence (55,10 %) contre Mesa (28,83 %) et Camacho (14 %). Le nouveau président peut s’appuyer sur une large majorité MAS et alliés à la Chambre (75 sièges sur 130) et au Sénat (21 sièges sur 36). Les citoyens boliviens contrecarrent les prétentions atlantistes, occidentalistes et mondialistes de l’hyper-classe anglo-saxonne et de ses sbires locaux. Certes, le président Arce n’est pas aussi charismatique qu’Evo Morales qui dirigea la Bolivie de 2005 à 2019, un record pour un pays comptant quatre-vingt-deux chefs d’État depuis 1825 ! Les électeurs ont nettement préféré un économiste réputé qui comprend l’intérêt commun.

Par-delà les particularités géographiques, historiques, politiques et ethniques de la Bolivie, on peut se demander s’il ne faudrait pas que le Bélarus connaisse lui aussi une brève expérience ultra-libérale avec sa propre Jeanine Áñez, Svetlana Tikhanovskaïa, afin que les Bélarussiens découvrent vraiment le cauchemar libéral-occidental dans toute sa cruelle réalité.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 192, mise en ligne sur TVLibertés, le 24 novembre 2020.

Les troubles dans la Corne de l'Afrique

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Les troubles dans la Corne de l'Afrique

Leonid Savin

Ex: https://www.geopolitica.ru

La Corne de l'Afrique, en elle-même, présente un intérêt particulièrement important pour de nombreux pays qui se perçoivent comme une entité géopolitique, car la situation géographique de cette partie de l’Afrique lui permet de contrôler la connexion entre la mer Rouge (et donc le canal de Suez) et l'océan Indien, où passe un grand nombre de navires. Djibouti accueille des bases militaires françaises, italiennes, américaines et même chinoises. De l'autre côté du détroit se trouve le Yémen, où le conflit militaire se poursuit, dans lequel l'Arabie Saoudite et ses partenaires interviennent.

Des signes évidents de déstabilisation ont été observés récemment dans deux pays de la région, la Somalie et l'Ethiopie.

La semaine dernière, on a révélé la mort d'un officier de la CIA en Somalie. Il s'agissait d'un agent de la Division spéciale et d'un ancien membre du Corps des Marines. Cet événement a été interprété comme quelque chose d'extraordinaire, puisque dans ce pays d'Afrique de l'Est il y a un grand nombre de militaires américains - plus de 700 soldats. Certains d'entre eux sont en mission anti-terroriste.

La Somalie reste l'un des pays les plus dangereux au monde. Bien que la Somalie soit officiellement une fédération, comme le stipule la constitution provisoire du pays, la confrontation inter-clanique et interethnique y demeure permanente, à laquelle s'ajoutent les activités de groupes criminels et terroristes. Il y a une dizaine d'années, les pirates somaliens étaient connus pour détourner les navires passant près des côtes et pour exiger des rançons en échange de la liberté des marins et des cargaisons saisies. Ce problème a été partiellement résolu grâce aux opérations militaires lancées par divers États, mais il n'a pas complètement disparu. Un autre problème est l'activité du groupe terroriste Al-Shabab qui est associé à Al-Qaïda. Fin novembre, des responsables d'al-Shabab ont tué un groupe de soldats somaliens entraînés par l'armée américaine.

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Un rapport sur la lutte contre le terrorisme dans la région, préparé pour le Congrès américain, indique que d'ici 2021, les forces de sécurité somaliennes locales seront en mesure de faire face aux menaces par leurs propres moyens. Apparemment, c'est ce qui a motivé la décision de retirer les troupes américaines de Somalie. Et Donald Trump a donné les instructions appropriées. Cependant, cela a suscité des critiques de la part des politiciens et de la communauté des analystes américains qui ont affirmé que si les troupes américaines étaient retirées, le pays plongerait sûrement dans une guerre civile. Tous les clans ne soutiennent pas le gouvernement fédéral de ce pays, de sorte que même si des bases spéciales de l’Africom restent implantées dans la région (on suppose que les opérations contre al-Shabab se poursuivront avec l'aide de drones de combat lancés depuis le Kenya et Djibouti), un conflit interne pour le pouvoir pourrait commencer.

Des élections parlementaires doivent se tenir en décembre en Somalie et des élections présidentielles doivent avoir lieu en février. C'est une autre source d'inquiétude, car de nombreux hommes politiques et chefs de clan ne veulent pas que le chef du pays en exercice, Mohammed Abdullahi Mohammed, conserve son poste. Il a également l'intention de se présenter à nouveau aux élections. Il est également intéressant de noter qu'il est soutenu par le Qatar - le principal sponsor des Frères musulmans.

Si Djibouti peut atteindre un degré de sécurité relatif grâce à la présence de bases militaires étrangères, la situation en Ethiopie voisine reste critique.

Après le déclenchement du conflit avec le Front de libération nationale du Tigré, les forces gouvernementales ont capturé l'une des principales villes de la province d'Adigrat le 20 novembre, tuant des centaines d'habitants et en faisant fuir des dizaines de milliers vers le Soudan voisin.

Le 24 novembre, la Commission éthiopienne des droits de l'homme a déclaré que plus de 600 personnes avaient été tuées à Mai Kadra, une autre ville de la province du Tigré. Un nettoyage ethnique y a été effectué avec le soutien de la police locale. Malgré les appels des Nations unies et de l'Union africaine à mettre fin à l'effusion de sang, le Premier ministre Al-Ahmed a refusé d'arrêter l'opération militaire et d'entamer des négociations.

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Ce qui se passe peut également affecter l'économie du pays, notamment les activités des investisseurs extérieurs comme les EAU. Les Émirats financent 92 projets dans une grande variété de secteurs en Éthiopie. En outre, 50.000 travailleurs migrants originaires d'Éthiopie se trouvent aux Émirats Arabes Unis dans le cadre du programme de réduction du chômage. En outre, il est prouvé que les Émirats aident à combattre les rebelles en utilisant la base militaire d'Assab en Érythrée.

Un autre facteur de déstabilisation est la construction d'un grand barrage en Éthiopie, qui est appelé le « projet du siècle ». Il s'agit d'un grave défi à l'Égypte et au Soudan, car sa mise en oeuvre affectera le niveau de l'eau du Nil, qui est directement lié aux activités agricoles de ces deux pays.

Le déclenchement de la guerre civile peut servir de prétexte à une intervention en Éthiopie. Il est à noter que les représentants de l'Égypte ont déjà discuté de cette possibilité avec les représentants de l'Érythrée. Jusqu'à présent, le Caire utilise la pression diplomatique pour obtenir le soutien de la Zambie et de la Namibie dans la question de la construction de ce barrage. Le Soudan, pour sa part, a boycotté les dernières négociations qui ont eu lieu le 21 novembre.

En même temps, il faut noter le partenariat entre les EAU et l'Egypte sur un certain nombre de problèmes régionaux, notamment la lutte contre l'expansion de la Turquie et la lutte contre l'organisation des Frères musulmans (interdite dans la Fédération de Russie). Il n'est pas encore clair comment des points de vue différents sur le conflit éthiopien et la construction du barrage pourraient affecter la coopération des deux pays. Mais il existe un potentiel de refroidissement de la relation.

Ces facteurs indiquent que l'instabilité chronique dans la région, qui repose en partie sur des conflits historiques, pourrait dégénérer en un chaos non maîtrisable. Cela nécessitera non seulement la présence de troupes étrangères (pays de l'Union africaine, contingent arabe, probablement les États-Unis ou l'OTAN), présentées comme contingent de maintien de la paix, mais aussi la résolution d'un certain nombre de tâches humanitaires.

D'autre part, il existe également un potentiel de coopération. L'ancien président de la Somalie rappelle dans un article qu'en 1977, l'Ethiopie et la Somalie avaient entamé une guerre pour le contrôle de la région de l'Ogaden. À cette époque, Fidel Castro a proposé aux dirigeants soviétiques un plan pour établir la paix dans la région - la création d'une confédération de l'Éthiopie, de la Somalie, du Yémen du Sud et, dans une étape ultérieure, de Djibouti (à l'époque, c'était une colonie française). La solution de ce problème conduirait à l'établissement d'un contrôle sur la mer Rouge et, par conséquent, sur le canal de Suez, ainsi qu'à la valorisation du potentiel économique de la région. Ces plans ne se sont pas réalisés, notamment parce que le chef militaire de la Somalie, Siad Barre, a rejeté cette proposition et a préféré un conflit avec l'Éthiopie. Cependant, l'idée d'une intégration régionale continue de vivre aujourd'hui. En 2018, les dirigeants éthiopiens ont entamé un rapprochement avec la Somalie et l'Érythrée en signant un accord tripartite qui, selon le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, pourrait être le prélude à une intégration politique. Il est probable que certaines forces ne soient pas intéressées par ce processus, c'est pourquoi on a vu émerger des processus de déstabilisation et des frictions.

Source : Oriental Review

 

vendredi, 04 décembre 2020

La grande glaciation économique

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La grande glaciation économique
 
Le nouveau livre de Thomas Flichy de la Neuville
 
Chers amis,

J’ai le plaisir de vous présenter notre prochaine édition « La grande glaciation économique » de Thomas Flichy de la Neuville.
 
Sans+titre-2.pngEn l’an un de la révolution sanitaire, alors que chacun était confortablement isolé dans sa bulle numérique, la température chuta brusquement. La grande glaciation économique avait en effet commencé. Jadis flamboyants, les chefs d’hier se laissaient envahir par la dépression. 2021 fut donc un long hivernage marqué par l’effondrement démocratique, l’enfermement digital et la montée générale de la violence. Ce dernier entraîna la mort de nombreux caméléons politiques, prisonniers de leurs raisonnements captieux. Seule une infime minorité réussit à s’extraire de la tourbe et à survivre aux effondrements silencieux en cours. Puisant ses ressources dans la déconnexion et l’investissement artistique, ces chefs venus de nulle part réussirent à perpétuer la vie malgré les difficultés.
 
L’auteur est ancien élève en persan de l'Institut National des Langues et Cultures Orientales, Thomas Flichy de La Neuville est Professeur agrégé de l’Université, docteur en droit et habilité à diriger des recherches en histoire. Ses travaux scientifiques portent sur la capacité des civilisations à transmettre la vie sur la longue durée. Cette approche géoculturelle s'est intéressée dans un premier temps aux potentialités créatrices des élites, notamment dans les armées -La fantaisie de l'officier. Trois civilisations majeures ont fait l'objet d'une enquête géoculturelle: "La Perse", "L'Iran au delà de l'Islamisme", la Chine: "Stratégies chinoises, le regard jésuite", et la Russie: "Chine, Iran, Russie, un nouvel empire mongol ?". Sous sa direction, plusieurs équipes ont analysé les conflits contemporains sous l’angle de la géoculture ("Opération Serval au Mali, l'opération française décryptée", "Centrafrique, pourquoi la guerre ?", "Ukraine, regards sur la crise"). Thomas Flichy de La Neuville est titulaire de la chaire de géopolitique de Rennes School of Business. Il intervient dans de nombreuses universités étrangères, notamment à l'United States Naval Academy, la Theresianische Militärakademie l'Université d’Oxford et l’académie diplomatique de Vienne. »
 
La sortie de « la grande glaciation est prévue d’ici quelques jours et vous serez livré à partir du 8 décembre prochain.
 
 
Je vous souhaite un joyeux Noël et reviendrai vers vous début 2021 pour vous présenter nos projets à venir.
 
A bientôt
 
Laurent Hocq
Editeur pour BIOS
 
+ 33 6 4084 4905

jeudi, 03 décembre 2020

Die NATO: hirntot, obsolet und brandgefährlich

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Die NATO: hirntot, obsolet und brandgefährlich

Von Willy Wimmer, Parlamentarischer Staatssekretär des Bundesministers der Verteidigung a.D.

Ex: https://www.world-economy.eu

Alleine schon die letzten Wochen machen deutlich, was mit der NATO los ist. Jetzt wird
der Eindruck beim gestrigen Treffen der NATO-Außenminister erweckt, man könne bei der NATO etwas reformieren, um sie zukunftsfähig zu machen. Das ist eine vergebliche Liebesmüh. Afghanistan macht deutlich, was an der NATO nicht stimmt und nie stimmig gemacht werden kann. Die NATO dient einzig und allein dem alten Ziel, das bei ihrer Gründung 1949 durch den damaligen NATO-Generalsekretär Ismay ausgegeben worden war: die Amerikaner rein nach Europa, die Russen raus aus Europa und die Deutschen in Europa unten halten. Das war aus angelsächsischer Sicher hochgradig konsequent. Das war seit 1871 und den damaligen Ansichten des britischen Premierministers Disraeli konsequente britische und amerikanische Politik nach der Gründung des Deutschen Reiches und wegen der Gefahr einer Zusammenarbeit zwischen den beiden Kontinentalmächten Russland und Deutschland.

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Über Versailles 1919 wurde diese Politik konsequent fortgesetzt, wie Alexander Sosnowski und ich 2019 in unserem Buch "und immer wieder Versailles" unter Beweis gestellt haben.


Selbst der französische Präsident Macron hat in diesem Zusammenhang die Verantwortung Frankreichs für die nationalsozialistische Bewegung eines Adolf Hitler vor wenigen Monaten öffentlich festgestellt. In einer Zeit der gezielten Tötungen wichtiger Persönlichkeiten fremder Länder sollte man sich in Deutschland in Erinnerung rufen, was die Zeit nach dem Ersten Weltkrieg bestimmte. Da wurde 1922 der damalige deutsche Außenminister Walter Rathenau auf offener Straße ermordet und damit derjenige, der nicht nur für die deutsche Kriegswirtschaft im Ersten Weltkrieg maßgebliche Verantwortung getragen hatte. Walter Rathenau war derjenige, der versuchte, davon "Versailles" bestimmte Deutschland vor dem endgültigen Absturz durch eine enge Zusammenarbeit mit der Sowjetunion zu bewahren. Zeitgleich wurde durch vor allem amerikanische Finanzmittel und mit Wissen der US-Regierung der stramm antikommunistisch und antisemitisch eingestellte Adolf Hitler vor der politischen Bedeutungslosigkeit mit Hilfe des US-Militärattachés in Berlin bewahrt. Da war es zielführend konsequent, wenn ein Reichskanzler Hitler umgehend die enge Zusammenarbeit zwischen Reichswehr und Roter Armee nach der nationalsozialistischen Machtergreifung 1933 beendete. Für eine Zusammenarbeit zwischen Russland und Deutschland waren die amerikanischen Finanzmittel an Hitler jedenfalls nicht geflossen.


Der Art und Weise, wie nach 1990 und dem Ende des Kalten Krieges jede Zusage an die damalige sowjetische Führung, die NATO in einen Konsultationsmechanismus zu verwandeln und keinesfalls eine militärisch integrierte NATO nach Osten auszudehnen, gebrochen wurde, macht heute eines mehr als deutlich.


Die alte Zielvorgabe für die Gestaltung des euro-asiatischen Kontinentes bleibt unverändert bestehen. Eine gedeihliche Zusammenarbeit auf dem euro-asiatischen Kontinent zwischen Russland und Deutschland muss unter allen Umständen hintertrieben werden. Das ist der Zweck der NATO und das im Vorfeld einer Präsidentschaft Joe Biden, der wie kein Zweiter für die Kriegs-und Drohnenmord-Politik des ehemaligen amerikanischen Präsidenten Obama steht. Was uns da bevorsteht, kann man an einem Punkt der Empfehlungen für die NATO-Außenminister sehen. Die Einstimmigkeit für Kriegsbeschlüsse soll aufgehoben werden. Die Grünen haben am vorigen Wochenende bei ihrem Parteitag schon deutlich gemacht, welche Weg eingeschlagen werden soll, sich über die Charta der Vereinten Nationen dann hinwegzusetzen, wenn aus Washington wieder zum Krieg geblasen werden soll. Wenn die Einstimmigkeit fällt, fällt der letzte Anker für die Beachtung nationaler Verfassungen und des Völkerrechts, bis auf die Hilfsmittel aus den Zeiten der Kolonialpolitik wie "Recht auf Schutz anderer" und "Verhinderung humanitärer Katastrophen".

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Wochen, nachdem die Welt sich an die Nürnberger Kriegsverbrecherprozesse erinnerte, geht die NATO in Missachtung der Konsequenzen aus dem Zweiten Weltkrieg ihren sehr speziellen Weg.


Am Ende des Zweiten Weltkrieges stand die Ächtung des Krieges und das Gewaltmonopol des Sicherheitsrates der UN. Mit dem völkerrechtswidrigen Krieg 1999 gegen die Bundesrepublik Jugoslawien hat die NATO nach Aussagen des damaligen Bundeskanzlers Gerhard Schröder nicht nur das Völkerrecht gebrochen. Die NATO hat damit den Rechtszustand des Jahres 1939 wiederhergestellt. An nichts wird das deutlicher als an einem Vergleich zwischen der Rechtslage, wie sie zum Beitritt der Bundesrepublik Deutschland zur NATO bestand und dem globalen Agieren mit Selbstermächtigung heute. Die Pläne für die Endlos-Verlängerung der NATO werden zu einem Zeitpunkt vorgelegt, an dem die Sinnhaftigkeit des NATO-Einsatzes in Afghanistan hinterfragt wird. Fast 60 tote deutsche Soldaten und Milliarden deutscher Steuermittel wurden für fragwürdige Ziele in Kauf genommen. Es fing nach dem amerikanischen Einmarsch in Shebergan und anderswo mit Massenmorden an, als Container mit afghanischen Männern unter gezieltes MG-Feuer genommen wurden. Im Stationierungsgebiet der Bundeswehr wurde anfangs befriedet. Dies bis zu dem Zeitpunkt, als ohne jede Absprache mit den deutschen Verantwortlichen amerikanische Kräfte mit einem eindeutigen Kampfauftrag im Rücken der Bundeswehr auftauchten.


Die deutsche Generalbundesanwältin weigerte sich, wegen der Massentötungen an afghanischen Hochzeitgesellschaften gegen die Täter vorzugehen, weil angeblich auch in den USA gegen die Verantwortlichen vorgegangen werden könne.


Dabei weiß jeder, wie die Verantwortlichen in Washington das internationale Recht auf diesem Feld missachten. Nicht anders verhielt es sich mit der Aussage des damaligen afghanischen Präsidenten Karsai, nach der die Taliban 2004 den USA angeboten hatten, die Waffen auf ewig zu strecken und sich zu unterwerfen. Das Angebot wurde seitens der USA abgelehnt, so Karzai. Unsere Gesellschaften sind noch in der Lage, das sich daraus ergebende moralische Dilemma bei fortdauernder Existenz der jetzt bestehenden NATO tendenziell anzusprechen. Wenn die Einstimmigkeit und die Beachtung des Völkerrechtsendgültig fallen, gehen in "Europa und der Welt die Lichter aus".

Quelle: Alexander Sosnowski, Willy Wimmer: Und immer wieder Versailles
https://zeitgeist-online.de/1075-alexander-sosnowski-will...


Les promoteurs du Brexit déplorent les résultats pourtant prévisibles du Brexit

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Les promoteurs du Brexit déplorent les résultats pourtant prévisibles du Brexit

Par Moon of Alabama

Il ne reste qu’un mois avant que le Royaume-Uni ne quitte l’Union européenne. Il n’y a toujours pas d’accord sur les futures relations entre les deux entités et le temps presse. Mais même si un accord sur les questions économiques est finalisé et signé, il y aura encore de nombreux changements et inconvénients.

L’un des arguments avec lesquels le gouvernement britannique a promu le Brexit était la « fin de la libre circulation ». La plupart des personnes qui ont voté pour le Brexit ont probablement pensé que cela signifierait la fermeture d’une rue à sens unique qui ne concerne que les migrants en provenance de pays pauvres. Aujourd’hui, ils se rendent compte que le Brexit ferme une route à double sens.

Les expatriés britanniques en colère critiquent vertement les nouvelles 
règles de l'UE sur les voyages post-Brexit, qui leur interdiront de passer
plus de trois mois d'affilée dans leur maison de vacances, à partir de janvier * Les règles de voyage changeront après la fin de la période de transition
post-Brexit * Après le 1er janvier, les touristes britanniques visitant les pays de l'UE
seront limités à des séjours de 90 jours * Les règles ont provoqué une réaction brutale de la part des Britanniques
qui possèdent une maison de vacances dans l'UE

Il ne s’agit pas de « nouvelles » règles européennes. À compter du 1er janvier, les Britanniques pourront prendre des vacances dans l’UE pendant 90 jours au maximum par semestre. Il s’agit des règles en vigueur depuis longtemps pour les citoyens non européens si leur pays n’a pas conclu d’accord bilatéral de libre circulation avec l’UE.

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Le Daily Mail, qui se lamente aujourd’hui sur cette question, a fait campagne pendant des années pour que le Royaume-Uni devienne l’un de ces pays. Il est aujourd’hui indigné par les conséquences de cette décision.

Il y aura d’autres « surprises » de ce genre, dont les promoteurs du Brexit pourront se lamenter, même si elles étaient tout à fait prévisibles.

Aujourd’hui, alors que le Brexit devient une réalité, les gens prennent enfin conscience de la myriade de problèmes que cela va créer pour les constructeurs automobiles, les agriculteurs, la logistique et tout le monde en Grande-Bretagne :

Le 1er janvier, la libre circulation des marchandises à travers la Manche 
doit prendre fin pour la première fois depuis un demi-siècle. Ce changement
fait craindre de graves goulets d'étranglement dans les ports et les autoroutes
britanniques, où les douaniers inspecteront les camions dans un contexte de
manque aigu de personnel, ce qui pourrait perturber les chaînes d'approvisionnement. Quelque 10 000 camions traversent la Manche sur des ferries chaque jour,
transportant environ la moitié des marchandises qui transitent entre le
Royaume-Uni et le continent, tandis que des dizaines de traversées quotidiennes
transportent du fret principalement entre Douvres, du côté britannique, et les
ports français de Calais et de Dunkerque. "Le problème est qu'il faut s’arrêter", déclare Richard Ballantyne, directeur
général de la British Ports Association, un organisme commercial. "Le conducteur
et le transitaire devront tous deux présenter des documents et si vous faites
la queue, vous serez immédiatement confrontés à des embouteillages et des retards"
.

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Une grande partie des entreprises qui définissaient Londres comme un centre financier mondial s’installent maintenant dans l’UE :

La plateforme paneuropéenne de négociation d'actions du London Stock Exchange, 
Turquoise, a ouvert ses portes lundi, a déclaré une porte-parole de la bourse,
rejoignant ainsi deux opérateurs rivaux. La plate-forme, basée à Amsterdam, a été mise en place pour éviter de perturber
les clients européens de la Bourse de Londres, qui devront négocier des actions
libellées en euros à l'intérieur du bloc à partir de janvier, car l'accès libre
de la Grande-Bretagne à l'UE se termine le 31 décembre. Deux autres plate-formes de négociation d'actions basées à Londres, Cboe et Aquis
Exchange
, ont ouvert des plateformes dites Brexit dans l'UE pour négocier des

actions libellées en euros. Goldman Sachs ouvre également une plateforme, juste à temps pour le mois de
janvier. ... Si l'ouverture de plates-formes financières alternatives dans l'UE n'entraînera
pas la fuite de nombreux emplois de Londres, d'autres activités liées à la
négociation, telles que la compensation et le règlement, sont également
susceptibles de se déplacer au fil du temps. De nombreuses banques internationales basées à Londres ont ouvert des
plate-formes Brexit dans l'UE et subissent des pressions de la part des
régulateurs pour entreprendre des activités telles que les transactions
sur actions, obligations et produits dérivés pour les clients de l'UE à
l'intérieur du bloc plutôt qu'à Londres.

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Il s’agit là de nombreux emplois très bien rémunérés et de recettes fiscales considérables qui manqueront à la Grande-Bretagne :

Dans un rapport publié le mois dernier, [la société de conseil] EY a déclaré 
que les 7 500 postes et les 1 200 milliards de livres sterling (1 600 milliards
de dollars) d'actifs qui ont déjà été transférés ne sont peut-être qu'un début.
Elle s'attend à d'autres changements de personnel et d'actifs une fois que la
période de transition du Royaume-Uni sera officiellement terminée. Cela est de mauvais augure pour le Royaume-Uni, où la finance emploie plus
d'un million de personnes, représente environ 7 % de l'économie et plus d'un
dixième de toutes les recettes fiscales. Malgré cela, cette industrie n'a
guère bénéficié de l'attention accordée à la pêche, qui ne représente que
0,1 % de l'économie britannique, dans les longues négociations du Brexit.

Le niveau d’accès entre les marchés de la Grande-Bretagne et de l’UE n’est toujours pas défini. Les négociations sont toujours en cours, mais elles portent sur les droits de pêche, sur des conditions de concurrence équitables pour éviter la concurrence déloyale et sur la gouvernance de l’accord.

Bien que l’UE souhaite un accord, personne ne sait si le Premier ministre britannique Boris Johnson veut vraiment en conclure un. Il se peut qu’il ne fasse que jouer avec le temps pour parvenir à un Brexit dur, sans accord avec l’UE.

Mais même si un accord de dernière minute est conclu, il y aura encore de nombreux changements et perturbations. En l’absence d’accord, ces changements seront considérables et risquent de causer des dommages irréparables à la Grande-Bretagne.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone

Considérations sur la « Doctrine Macron »

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Considérations sur la « Doctrine Macron »

Par Andrea Muratore

Ex: https://www.eurasia-rivista.com

La souveraineté n'est rien sans le pouvoir. Si Paris peut apporter son potentiel militaire et industriel pour soutenir des projets concrets de défense européenne capables d'impliquer toute l'Europe et de considérer la Méditerranée comme un espace stratégique européen et non atlantique, l'autonomie peut devenir une souveraineté. Sinon, nous parlerons de la "doctrine Macron", mais nous le ferons dans un cadre "occidental", fonctionnel, conforme aux souhaits des Atlantistes.

Comme on le sait, le sens français de l'Etat et la recherche constante d'une projection économique, diplomatique, militaire et géopolitique originale dans les scénarios de référence de la République ont conduit la France, pendant les décennies de la Vème République, à construire la plus autonome des stratégies politiques dans le contexte européen. Une stratégie très souvent peu scrupuleuse (comme en témoignent surtout les interventions sur le sol africain[1]), garantie par l'assurance-vie de la force de frappe, l'arsenal nucléaire national, et qui a eu dans le "père" de la Vème République, le général Charles de Gaulle, son principal inspirateur[2].

Après des années de tergiversations sous les gouvernements de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, le président français Emmanuel Macron a pensé renouer avec la tradition du "monarque républicain", à laquelle le chef de l'État s'identifie depuis De Gaulle, et entamer une mise à jour progressive de la doctrine géopolitique et géoéconomique traditionnelle du pays, négligée par ses prédécesseurs. Par Sarkozy en premier lieu, car il a fait un préalable de mettre fin à l'autonomie des commandements militaires français par rapport aux structures de l'OTAN. Paris est effectivement revenu en 2009[3] dans le giron de l’OTAN en montrant, systématiquement, emblématiquement, le manque de scrupules de la projection nationale transalpine dans la problématique de l'aventure guerrière en Libye. Par Hollande, ultérieurement, qui a désacralisé, de manière flagrante, le rôle présidentiel, pour la tournure économiste des politiques du président, lequel n'a pas su construire en Europe un plan politique complémentaire à celui d'Angela Merkel en Allemagne, enfin, pour la crise systémique des appareils qui, sous le quinquennat de Hollande, ont commencé à apparaître.

C'est pourquoi on peut dorénavant parler d'une "doctrine Macron", c'est-à-dire d'une contribution donnée par Macron à la redécouverte, en clé modernisée, des lignes directrices de la politique de pouvoir de la France républicaine ; d'une approche systémique de la France face à la concurrence internationale ; de l'identification par le décideur politique de macro-zones précises, définies comme cruciales pour l'élaboration de la stratégie nationale française.

Il y a une profonde contradiction entre l'homme et le président Macron. À des années-lumière de l'ignorance politique grossière d'un Sarkozy ou du manque de vision apathique d'un Hollande, le plus jeune président de la Cinquième République a longtemps été un personnage hybride. Ayant alterné, dans son pays, des réformes "libérales[4]" sur les thématiques du travail[5] et des retraites, des politiques vertes naïves qui ont déclenché la colère de la population qui craignait de voir le fardeau de la transition écologique se décharger sur elle[6] et, enfin, contrepoint politique maladroit à l'islamisme politique avec un vague sentiment occidental et néoconservateur[7], Macron a tenté, sur le front intérieur, d'être transversal, d'échapper à toute catégorisation, avec pour résultat d'antagoniser une large tranche de l'opinion publique. Cette transformation se heurte à une vision des relations internationales qui a toujours été, par comparaison, plus cohérente et plus stratégique.

Un véritable "manifeste" de cette vision a été la récente interview du président avec le magazine français de géopolitique Le Grand Continent, consacrée à la "doctrine Macron"[8]. Macron a abordé un large éventail de questions, de l'avenir de l'Union européenne à celui de l'OTAN, des relations entre la France et l'Afrique au changement climatique, de sorte que l'on peut saisir dans sa complexité, à partir des mots mêmes de la longue interview, la contribution politique du président actuel à la stratégie de l'Hexagone.

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Macron a une idée claire que dans les décennies à venir, l'Europe devra construire des espaces d'autonomie stratégique dans le contexte de la "nouvelle guerre froide" entre la Chine et les États-Unis et que le contrôle français de ces processus est dans l'intérêt national de Paris. "Si j'essaie de regarder au-delà du court terme", a-t-il déclaré, "je dirais que nous devons avoir deux axes forts : trouver les moyens d'une coopération internationale utile qui évite la guerre, mais nous permette de répondre aux défis contemporains ; construire une Europe beaucoup plus forte qui puisse affirmer sa voix, sa force, en maintenant ses principes, dans un tel scénario refondu" [9].

En ce qui concerne cette étoile polaire, cette étoile-guide, toutes les stratégies de fond élaborées par Paris sont déclinées. Alors que le jeu de la défense européenne commune semble extrêmement complexe, auquel s'opposent à la fois la montée des pays pro-atlantiques de l'Est et la position de Washington sur le Vieux Continent ; loin de la "mort cérébrale" définitive de l'OTAN dont parlait Macron en 2019, le président français mentionnait explicitement dans Le Grand Continent la souveraineté européenne dans le cadre des nouvelles technologies : "Nous avançons dans le domaine de l'autonomie technologique et stratégique, alors que tout le monde a été surpris quand j'ai commencé à parler de la souveraineté sur la 5G. Donc, tout d'abord, il y a un travail idéologique à faire, et il est urgent. Il s'agit de penser en termes de souveraineté européenne et d'autonomie stratégique, afin de pouvoir compter sur nous-mêmes et de ne pas devenir le vassal de telle ou telle puissance sans avoir davantage voix au chapitre"[10].

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Parlons d'une question cruciale. La pandémie a accéléré le cheminement commun d'Emmanuel Macron et d'Angela Merkel vers la définition de stratégies à long terme pour la construction des piliers d'un premier projet de souveraineté technologique et numérique européenne, conçu à la fois comme une alternative à la pénétration chinoise et comme un contrepoids au pouvoir d'influence dominant des géants du numérique. La France et l'Allemagne ont encouragé l'année dernière la montée en puissance et le lancement de Gaia-X, le projet d'une plateforme européenne de cloud computing, qui dans un avenir immédiat ne sera pas complètement indépendante de Google, Amazon, Microsoft[11] et des autres oligopoles américains du marché des données, avec un revenu accumulé sur des décennies. Mais ce projet a tout de même a lancé la volonté européenne de participer à la définition de la course vers les nouvelles frontières technologiques mondiales.

Gaia-X, décrit par les gouvernements français et allemand comme une "plate-forme habilitante" pleinement armée de technologies européennes, vise à assurer la mise en place d'une puissance de calcul croissante et d’un développement, par les opérateurs du Vieux Continent, d'infrastructures numériques et physiques pour assurer la gestion, la protection, le stockage et l'exploitation économique des données.

Nous constatons que, comme cela s'est produit dans le passé avec la question de la défense et de l'aérospatiale, la France vise à exploiter le jeu technologique européen comme un multiplicateur de pouvoir politique et comme un moteur de développement de son industrie et de son potentiel de production.

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Cette logique s'applique également aux plans de transition écologique, contenus dans le plan France Relance de 100 milliards d'euros, avec lequel le gouvernement de Paris entend approfondir ses stratégies de relance à long terme après la pandémie. Le président a fait son mea culpa pour avoir suivi pendant longtemps l'écologisme vulgaire et punitif des taxes sur le diesel et des mesures destinées à frapper en premier lieu la classe moyenne, mesures qui ont aliéné la sympathie d'une partie de la population pour le thème de la transition. "Nous devons montrer que chacun est un acteur, et nous devons le faire en donnant à chacun un rôle, c'est-à-dire en développant massivement de nouveaux secteurs d'activité économique, qui permettent de créer de nouveaux emplois plus rapidement que les anciens ne sont détruits", a souligné le Président.

Cette approche est systématiquement étudiée dans "France Relance", comme le rappelle la Rivista Energia. Sur 100 milliards, le plan "consacre 34 milliards à des mesures relatives à la compétitivité de l'économie - en plus des 30 milliards de mesures spécifiquement orientées vers la transition énergétique, et qui comportent des dimensions innovantes fortes, comme la décarbonisation de l'industrie ou le développement des technologies vertes"[12], mettant les technologies les plus durables au service des industries stratégiques : énergie (avec l'hydrogène comme nouvelle frontière), aéronautique, transport ferroviaire, nucléaire. Quatre secteurs dans lesquels Paris entend jouer un rôle européen majeur et créer des normes au niveau de l'UE.

La question de l'autonomie stratégique est associée à un rejet substantiel de l'adhésion au discours dominant imposé par les États-Unis sur les relations internationales et les relations transatlantiques. Dans cette interview, Macron essaie de se rapprocher le plus possible de son auguste prédécesseur, l'anti-américain Charles de Gaulle : "Notre politique de voisinage avec l'Afrique, avec le Proche et le Moyen-Orient, avec la Russie, n'est pas une politique de voisinage pour les États-Unis d'Amérique. Il est donc intenable que notre politique internationale dépende d'eux ou suive leurs traces".

Ceci est combiné avec une référence au privilège économique exorbitant du dollar et aux avantages stratégiques qui en découlent pour Washington. La pénalisation des industries françaises et européennes due aux sanctions américaines contre la Russie et l'Iran est remise en cause par Macron, qui semble rendre hommage au thème de l'enquête "pro-européenne" sur les équilibres mondiaux en annonçant un futur changement de paradigme.

Il s'agira, dans les prochaines années, de décider si celles d'Emmanuel Macron et de son alliée Angela Merkel ne sont que des éclats de rhétorique ou les premiers germes d'un projet politique d'autonomie européenne. Des nouvelles technologies à l'énergie, de la durabilité à la finance, on peut apercevoir que des projets européens visant à aller vers plus d'autonomie existent, et, dans la doctrine nationale française, ils trouvent une expression concrète. Mais comme l'a rappelé Pierluigi Fagan [13] en analysant la "géopolitique de Macron", dans le monde d'aujourd'hui "la souveraineté n'est rien sans le pouvoir". Si Paris peut apporter son potentiel militaire et industriel pour soutenir des projets concrets de défense européenne capables d'impliquer des acteurs comme l'Italie sur une base plus égale et de considérer la Méditerranée comme un espace stratégique européen et non atlantique, l'autonomie peut devenir une souveraineté. Sinon, nous parlerons de la doctrine Macron, mais nous le ferons dans un cadre plus conformes aux souhaits des Atlantistes.

NOTES

[1] Le guerre segrete di Parigi in Africa e le conseguenze problematiche per il continente sono citate in Emanuel Pietrobon, L’arte della guerra segreta, Pubblicazione indipendente, Torino 2020.

[2] Williams Charles, De Gaulle – L’ultimo grande di Francia, Il Giornale – Biblioteca storica, Milano 1995.

[3] Francia; Parigi rientra nella Nato, 43 anni dopo De Gaulle, L’Eco di Bergamo, 11 marzo 2009.

[4] La riforma del mercato del lavoro di Macron, Atlante Treccani, 18 settembre 2017.

[5] Nicholas Vinocur, Macron’s big labour reform, Politico Europe, 31 agosto 2017.

[6] La lezione dei gilet gialli: l’ambientalismo non è un pranzo di gala, Coniare Rivolta, 23 febbraio 2019.

[7] Andrea Muratore, Tutti i fronti aperti tra la Francia di Macron e la Turchia di Erdogan, Inside Over, 30 ottobre 2020.

[8] Giovanni Collot, Amélie Depriester, Alice Fill, La dottrina Macron, 16 novembre 2020.

[9] Ibid.

[10] Ibid.

[11] Andrea Muratore, Big tech e sovranità digitale europea, Inside Over, 20 settembre 2020.

[12] Clemence Pelegrin, Renato Rallo, France Relance e transizione ecologica, Rivista Energia, 16 novembre 2020.

[13] Pierluigi Fagan, Geopolitica di Macron, Osservatorio Globalizzazione, 29 agosto 2019.

 

Andrea Muratore

Andrea Muratore, analyste économique, travaille aux côtés du professeur Aldo Giannuli sur le projet du centre d'études "Osservatorio Globalizzazione" depuis mai 2019. Il collabore avec la revue "Eurasia", Magazine d'études géopolitiques.

L'Espagne, après la Transition, est devenu une ochlocratie et non pas une démocratie

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L'Espagne, après la Transition, est devenue une ochlocratie et non pas une démocratie

Entretien avec Carlos X. Blanco

Comment cette Espagne a-t-elle ouvert les portes de la transition ?      

L'Espagne a toujours été une nation, une société cohésive malgré le grand fossé causé par la guerre civile. Ce n'était pas le royaume bananier et l'épave à la bolivarienne qu'elle est aujourd'hui, le jouet du sultan marocain. Ce n'était pas encore la colonie de l'Allemagne. L'Espagne était un État qui, dûment renouvelé, comptait encore dans le monde. L'Espagne était une nation qui surmontait la haine, était ouverte aux transformations nécessaires pour adapter ses institutions à la réalité d'une puissance agro-industrielle de premier plan en Occident. L'Espagne a connu un "miracle" de développement (avec toutes les contradictions que cela implique, puisqu'elle est passée rapidement du Tiers Monde au Premier Monde) et, surtout, l'Espagne a été un miracle éducatif. Pour la première fois dans l'histoire, l'Espagne était un pays instruit. Aujourd'hui, notre potentiel - économique et éducatif - est définitivement épuisé.

La question qui se pose est dès lors la suivante : la transition espagnole était-elle un processus politique autonome ou était-elle contrôlée à distance, d'une manière ou d'une autre, par des entités étrangères ?

Elle était contrôlée à distance. Et cela peut être prouvé par les effets qu’elle a eus : nous avons l'avantage argumentatif de bien connaître aujourd'hui les résultats de ces changements. L'Espagne a complètement perdu sa souveraineté politique, militaire et économique.

1101751103_400.jpgLe régime franquiste avait perdu graduellement ses racines sociales, et la justification qu'une classe moyenne terrifiée avait trouvée en lui avant, pendant et après la guerre civile, c'est-à-dire pour se défendre de la "Terreur rouge", était déjà loin. Il semblait possible, vers les années 60 et 70, d'ouvrir les robinets du financement discret et secret par des puissances étrangères. Il semblait facile d'élargir le rayon d’action de l'oligarchie. Il y avait déjà des "contubernios" de Washington et de l’Allemagne depuis longtemps. La souveraineté nationale espagnole ne pouvait pas être un maillon faible dans le contexte de l'Europe du Sud, étant la clé de la Méditerranée, la porte de l'Afrique, le pont vers l'Amérique latine, etc. Le processus d’"homologation" avec les démocraties libérales occidentales a été le déguisement annonçant ce nouveau colonialisme qui, avec l'avènement des socialistes (le félipisme), est devenu complètement explicite : entrée dans l’OTAN, entrée dans la Communauté européenne à genoux, renoncement à une politique africaine ferme, destruction du tissu productif autarcique, etc.

Comment étaient les choses dans cette Espagne qui a ouvert les portes de la Transition?         

L'Espagne était encore une nation, une société cohésive malgré le grand fossé causé par la guerre civile. Ce n'était pas encore le royaume bananier et l'épave à la sauce bolivarienne qu'elle est devenue aujourd'hui, le jouet du sultan marocain, etc. Ce n'était pas encore la colonie européenne de l'Allemagne. L'Espagne était un État qui, dûment renouvelé, comptait encore dans le monde. L'Espagne était une nation qui surmontait la haine, était ouverte aux transformations nécessaires pour adapter ses institutions à la réalité d'une puissance agro-industrielle de premier plan en Occident. L'Espagne a connu un "miracle" de développement (avec toutes les contradictions que cela implique, puisqu'elle est passée rapidement du Tiers Monde au Premier Monde) et, surtout, l'Espagne a été un miracle éducatif. Pour la première fois dans l'histoire, l'Espagne était un pays instruit. Aujourd'hui, notre potentiel - économique et éducatif - est définitivement épuisé.

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Quel rôle les États-Unis ont-ils joué dans la conception de la transition espagnole ?

Un document traduit et publié par les éditions Letras Inquietas montre clairement que les Américains savaient qu'il était temps d'agir. De nombreuses transitions étaient possibles, et il fallait faire de l'Espagne une colonie. Il n'y avait pas le moindre danger communiste ou séparatiste à l'époque où Franco était un vieil homme mourant. Il fallait maintenir cet épouvantail du danger communiste et séparatiste afin d'insuffler la peur à une "ultra-droite" soi-disant déstabilisante mais qui aurait pu de fait diluer les opportunités commerciales des Yankees. Le durcissement du régime était considéré comme un obstacle aux affaires des Yankees et de leurs partenaires d'Europe centrale à l'époque. Il semble que pour la CIA et l'administration de l'Hegemon, tout acteur qui n'appartenait pas à la vieille garde la plus autoritaire, ferait bien l’affaire tant qu'il ne provoquait pas d'effroi ou de surprise dans le sud de l'Europe. Il était clair qu'il n'y aurait pas de révolutions à la portugaise ni de désordres gauchistes en Espagne. La seule vraie gauche était celle des Comisiones Obreras et d'un petit groupe de "communistes professionnels". Rien de grave face au tout-puissant "Occident". Un néo-franquisme, par ailleurs peu probable, leur faisait beaucoup plus peur.

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L'un des moments les plus décisifs a été l'assassinat de l'amiral Carrero Blanco, supposé être dû aux activistes d'un commando de l'ETA. À votre avis, l'ETA était-elle l'auteur idéologique de l'attentat ou simplement ses exécutants possibles ?

Je n'ai aucune preuve, et je ne me suis pas suffisamment documenté. Ce serait imprudent de le dire. Mais c'est la vox populi qui parle: la "Transition", rappelons-le, a commencé quand le Caudillo était encore vivant. Elle a connu des virages serrés et des coups de force. Retirer Carrero du jeu, comme des années plus tard, faire de même avec Suárez par le biais du 23-F étaient des procédés allant dans cette direction ; qui en a profité ? En ce qui concerne l'ETA : quelqu'un croit-il qu'une bande de quatre crétins, tireurs hallucinés, puisse se transformer en un défi total à l'État, au beau milieu de l'Europe à la fin du 20ème siècle, sans avoir préalablement obtenu un solide soutien étranger ? Voici une des thématiques sur lesquelles mon professeur Gustavo Bueno avait tout à fait raison : le nationalisme séparatiste en Espagne ferait rire à gorge déployée s’il n’y avait pas eu tout l’argent européen et américain investi pour mettre à genoux cette "huitième puissance" dans le monde. Ils l'ont fait : les folies et les fantasmes d'Arana seraient anecdotiques et risibles si le message raciste initial n'avait pas été complété par des bombes, des fusils et du marxisme-léninisme.

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1975: Carlos Arias Navarro et Franco.

Quel a été le rôle de Carlos Arias Navarro dans le démantèlement du régime ? La CIA lui a fait confiance en tant que médiateur ?

Je n'en suis pas sûr. Peut-être a-t-elle tacitement parié sur un homme modéré. La CIA espèrait que le régime pourrait se démanteler sans trop d'agitation, afin de pouvoir le télécommander depuis Washington avec beaucoup plus de facilité, sans qu’il n’y ait entêtement autoritaire. L'autoritarisme de l’Hegemon n'allait pas tolérer d'autres autoritarismes régionaux comme celui de l'Espagne.

Il ne fait aucun doute que la hiérarchie de l'Église a abandonné Franco, malgré le fait qu'il ait été son sauveur pendant la guerre civile et malgré le statut social, économique, culturel et politique qu'il lui a accordé après la guerre civile. Dans quelle mesure le soutien apporté par la Conférence épiscopale en faveur de la transition a-t-il influencé la crise profonde que connaît l'Église espagnole aujourd'hui ?

Le clergé était déjà corrompu depuis quelque temps. Les prélats n'étaient pas reconnaissants envers la "Croisade" menée par Franco et les nationalistes. Nous devons tenir compte du fait que la Deuxième République était morte – sur le plan de la légitimité – dès le moment où les premières églises ont été incendiées en toute impunité, dès que le premier jeune séminariste a été assassiné. L'Église est devenue une grande lobotomisée intellectuelle, oubliant son martyrologue, abandonnant le thomisme, déconnectant le peuple de la Tradition hispanique, désorientant la société en faisant joujou avec des néomarxismes pseudo-théologiques, remplaçant la Théologie et la Métaphysique par de la sociologie. Les paroisses ressemblaient déjà à des cellules du PCE ; dans les écoles on commençait à appeler les enseignants par leur prénom et les églises nouvellement construites avaient davantage des allures de garages ou de discothèques. On ne peut pas remplacer le grégorien ou l'orgue liturgique par des guitares mal grattées et par des chants de Bob Dylan. Tout cela est très bien analysé dans le dernier numéro du magazine Naves en Llamas, consacré, à la manière d’une monographie à la crise dont vous parlez. Je ne suis pas un expert, mais il me semble que l'Eglise aurait pu aussi opter pour une ouverture politique sans renoncer à la Tradition.

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Blas Pinar

Le franquisme était-il possible sans Franco ?

Ce que le rapport américain, dont question, appelle "l'ultra-droite" n'avait aucune chance. Je doute même que l'appareil répressif de la police et de l'armée aurait collaboré jusqu'au bout. Et cela s'est aussi vu dans les faits ultérieurs: les restes des mouvances qui ne se reconnaissaient pas dans la démocratie formelle n’étaient plus que des minorités insignifiantes. Par exemple, la figure de Blas Piñar, un grand orateur mille fois plus cultivé que les hommes politiques d'aujourd'hui, était sans idées stratégiques pour récupérer cette Tradition qu'il invoquait. Du pur testimonialisme. Or nous étions à l'époque des pragmatiques.

Le mémo Tiempo de incertidumbre est surprenant car la CIA attache peu d'importance aux séparatismes en Espagne. L'état des autonomies était-il une erreur de calcul qui a fini par échapper à tout contrôle ou était-il conçu pour favoriser les aspirations sécessionnistes principalement des Basques et des Catalans ?

Oui, c'était le cas. Les responsables de Madrid, depuis le 19ème siècle, depuis le démantèlement de "Las Españas" de l'Ancien Régime, commettent la même erreur de toujours : accorder des privilèges aux oligarchies basque et catalane au détriment des autres régions espagnoles. Le terrible centralisme des caciques de Madrid trouve son complément parfait dans le centralisme barcelonais et biscayen. Mais maintenant, avec la désertification industrielle de l'Espagne, tout s'est emballé. Ces périphéries soi-disant sublimes ont été jetées dans la brousse parce qu'il n'y a plus de périphérie "industrielle riche", différente de l'Espagne affamée du plateau. Et pourtant, la machinerie absurde des dix-sept Taifas est déjà là, comme un cancer, car c'est une machinerie inhérente au centralisme même de Madrid qui a "laissé faire" les deux ou trois Taifas qui voulaient être privilégiés en tant que copropriétaires de tout le Cortijo espagnol. Et cette dépendance du pouvoir madrilène à l'égard de deux taifas qu'il alimente lui-même, a donné l'occasion à des ennemis extérieurs de mettre en oeuvre leurs machinations.

Diviser pour mieux régner : les ennemis de l'Espagne ont tout fait pour le mieux. Un véritable régionalisme est bloqué depuis que l'ETA a reçu tant de terrains d’actions. Un régionalisme de tradition foraliste, mais avec un État uni et unitaire, serait la seule alternative aux taifas gaspilleurs d'aujourd'hui ?

En règle générale, les terroristes sont arrêtés dans leur élan par la répression policière et par une programmation efficace dictée depuis l’étranger. Mais ici, au contraire, on leur a donné de l'argent et de l'oxygène de toutes parts. Le véritable nid de vipères du terrorisme et du séparatisme se trouve dans l'oligarchie corrompue basée à Madrid. Il aurait fallu une véritable gestion d'État pour éviter la proéminence d'un Arzallus ou d'un Pujol : les bourreaux et les agitateurs ne seraient rien sans ces personnages, qui, à leur tour, depuis leur village, avaient trop de pouvoir parce qu'ils avaient la garantie implicite des poltrons de Madrid. Je pense que tout le monde le savait.

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Xabier Arzallus.

Au lieu de cela, le rapport se concentre fortement sur le rôle de "bunker" de l’armée et du régime, qui a été posé, sans autre commentaire, comme étant « extrémiste de droite ». Quelle attitude les deux instances ont-elles adoptée à l'égard de la transition ?

J'ai déjà dit que le « bunker » était limité dans sa capacité d'action et d'attraction. L’armée n'était déjà plus celle qui s’était « croisée » en juillet 1936 et les groupes "réactionnaires", au sens littéral du terme, n'avaient plus aucune signification sociale. Le régime lui-même, étant autoritaire, n'a jamais été fasciste, même de manière analogique, pendant les décennies où il a régné. C'était en fait une constellation de "familles", dont le seul lien phénoménal était le regard et l'approbation du Caudillo. Avec la mort de cet « œil d'évaluation » et de cet angle de vision, les "familles" se sont désunies, elles ont involué vers les "-ismes" de la partitocratie. Il y avait des dirigeants assez compétents dans tout l'éventail idéologique du centre-droit, beaucoup plus compétents qu'aujourd'hui, mais ils étaient compétents seulement dans les aspects techniques, professionnels, administratifs... Il y avait un manque de "penseurs". Je trouve curieux, et j'ai besoin d'une explication, de voir comment les partisans les plus rationalistes d'une sorte de "despotisme éclairé", comme Gonzalo Fernández de la Mora, ont été marginalisés. L'Espagne n'est pas faite pour les dictatures de caserne : ce serait un retour à une situation de tension permanente comme on en voit dans le tiers-monde. Mais, en suivant l’adage qui dit "par ses œuvres vous la connaîtrez", elle n'était pas pour la partitocratie de la charanga et du tambourin que nous avons dû subir depuis 1978. Le soi-disant "bunker" aurait dû être rendu aussi "éclairé" que possible sans tomber dans les erreurs et les attitudes des vendus au libéralisme.

Quarante ans plus tard, quels ont été, pour vous, les succès de la transition et ses plus graves erreurs ?

On dit souvent que nous, Espagnols, avons empêché ainsi une nouvelle guerre civile. Les historiens devraient discuter, sans se faire aucune allusion et sans craindre de menace de la part de la Moncloa, de l'existence réelle, à l’époque, d'un tel risque. Le rapport présenté par Letras Inquietas ne semble pas indiquer quel aurait pu être ce risque. Une fois ce grand alibi enlevé, je ne vois plus que des erreurs : l’installation durable d’une partitocratie et d’une corruption qui y est toujours attachée, la dispersion des centres de pouvoir vers les territoires, la rupture de la solidarité entre Espagnols, la soumission aux Américains, aux Allemands et aux Marocains, le capitalisme sauvage, la perte de souveraineté... Le scénario de 1978 n'est plus celui, espéré, de la Grande Charte, c'est l'acte de décès d'une nation qui veut cesser d'être.

Est-il encore possible de corriger les échecs de la transition ou est-il trop tard ?

Il est déjà trop tard. Et si la médication doit être fournie par les personnes mêmes qui causent le mal, c’est-à-dire par la partitocratie et par les oligarchies qui la soutiennent, nous nous en sortirons très mal. Lorsque la dégradation nationale a tellement progressé jusqu'à devenir la situation déplorable d’aujourd’hui, on doit désormais parler d'ochlocratie et non plus de démocratie. Dans ce contexte, les Espagnols les plus compétents dans chaque domaine professionnel, culturel, productif, intellectuel, etc., devraient s'organiser de manière corporative, parallèlement et indépendamment des partis et des cadres institutionnels qui ont vu le jour en 1978, sans se laisser domestiquer par aucune sorte de subvention, et en retrouvant progressivement leur hégémonie grâce à leur propre capacité d'initiative et de savoir-faire. C'est le marxiste Gramsci qui nous donne l'orientation à suivre : il s'agit de créer une contre-hégémonie, un état parallèle qui, sans subvertir l'état officiel, viendra un jour le remplacer.

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mercredi, 02 décembre 2020

La République des juges...

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La République des juges...

par Richard Dessens

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Richard Dessens, cueilli sur EuroLibertés et consacré à la question du pouvoir de la magistrature. Docteur en droit et professeur en classes préparatoires, Richard Dessens a notamment publié La démocratie travestie par les mots (L'Æncre, 2010), Henri Rochefort ou la véritable liberté de la presse (Dualpha, 2017) et La démocratie interdite (Dualpha, 2018).

La République des juges

Contrairement au vocabulaire courant, la Justice n’est pas un « pouvoir » au même titre que les pouvoirs législatif et exécutif. Et cela ne l’a jamais été sauf dans les théories de séparation stricte des pouvoirs chez les philosophes du XVIIIe siècle, Montesquieu en tête. La Révolution elle-même n’institue pas un « pouvoir » judiciaire autonome, en limitant, au contraire, les juges à un rôle de strict applicateur de la loi (« les juges sont la bouche de la loi ») leur en interdisant toute latitude interprétative. Le Tribunal de Cassation devait en référer au Corps législatif en cas d’obscurité de la loi et donc ne pouvait en aucun cas faire œuvre de jurisprudence et de source du droit.

La Constitution de 1958 attend son Titre VIII avant d’évoquer, après le pouvoir exécutif, puis le pouvoir législatif dans un ordre d’ailleurs significatif quant au véritable détenteur du pouvoir, une simple « autorité » judiciaire. On parle aussi d’ « institution » judiciaire, même si l’indépendance de la Justice (tout au moins des juges du siège) est rappelée régulièrement dans les textes.

« Autorité indépendante » oui, « pouvoir », non. Ce n’est pas du tout la même chose. Et c’est bien l’objet d’une lutte lente et obstinée de la Justice depuis deux siècles, d’acquérir une position de « pouvoir » comparable à celui du législatif ou de l’exécutif. Surtout depuis la création en 1958 de la future École Nationale de la Magistrature.

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Mais un premier problème limite cette velléité récurrente : la loi est élaborée par le pouvoir législatif (même si en réalité c’est l’exécutif et l’Union européenne qui sont à l’origine de 95 % des lois, remettant en cause sur le fond la réalité de l’existence d’un pouvoir législatif souverain !).

Or, la Justice est bien tenue d’en respecter les règles et d’en suivre les revirements au gré des nouvelles lois de nouvelles majorités théoriques. C’est bien pourquoi, les juges ont arraché peu à peu une compétence jurisprudentielle, née d’une autorité d’interprétation des lois et de leur faculté d’en combler les lacunes d’autre part. C’est une Justice envieuse de tels pouvoirs des juges anglais ou américains qui, contrairement aux principes du droit français, s’est investie de ces nouvelles attributions. Cette « américanisation » de notre justice lui a permis de faire un pas vers la création d’un pouvoir, au-delà de sa seule « autorité ». Les mots ont leur importance.

Nous naviguons dans un État aux valeurs qui se sont chamboulées peu à peu. Le législatif, premier pouvoir, est peu à peu largement supplanté par le pouvoir exécutif et des injonctions européennes. Le pouvoir exécutif s’est trouvé encore renforcé par l’adoption du quinquennat qui donne une majorité automatique et servile dans la foulée de l’élection du Président, véritable centre de tous les pouvoirs.

À l’inverse, dans ces conditions, la Justice s’est instituée, souvent par idéologie politique d’ailleurs, comme un « contre-pouvoir » faute d’être un « pouvoir ». Si le principe de séparation des pouvoirs a pour origine une possibilité d’empiétements d’un pouvoir sur un autre, il n’en reste pas grand-chose pour ce qui concerne législatif et exécutif, étroitement mêlés par le jeu des institutions et de la pratique, comme ils l’étaient d’ailleurs sous la Révolution.

Mais pour ce qui est de la Justice, ce sont justement les possibilités d’empiétements sur les pouvoirs législatif et surtout exécutif qui sont devenus l’arme des juges pour affirmer un contre-pouvoir qu’ils voudraient transformer en véritable pouvoir.

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Le poids que la Justice fait de plus en plus peser sur le pouvoir exécutif et, indirectement, sur la liberté de choix du peuple à travers l’élection censée être le pouvoir suprême, lui attribue une puissance exorbitante, à l’abri de la formule qui affirme solennellement que les juges rendent la justice « au nom du peuple français »… sans être pour autant élus par le peuple. Formule commode et justifiant leur contre-pouvoir paralysant.

C’est ainsi que la nouvelle offensive des juges, portés par une idéologie politique claire, pour acquérir un véritable « pouvoir », est en train d’être victorieuse, après qu’ils ont arraché d’autres prérogatives par ailleurs qui les amenaient vers le même but.

Il est intéressant de noter que la Presse mène le même combat dans un temps identique. Érigée en « quatrième pouvoir » par Burke (alors que le troisième n’existe déjà pas comme on l’a vu), qui rejoignait ainsi le combat des juges pour leur propre pouvoir, la Presse n’a cessé de grignoter des libertés de plus en plus étendues jusqu’à, en effet, devenir un véritable pouvoir autoproclamé et sans lien avec la « souveraineté » (qu’en reste-t-il d’ailleurs ?) populaire. Les récents spectacles qu’a fournis la presse télévisée américaine vis-à-vis de Donald Trump en apportent l’éclatante démonstration si c’était encore nécessaire.

Or, la Presse puise sa « légitimité » dans l’article 11 de la Déclaration de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

Or, la Presse oublie toujours la fin de cet article : « sauf à répondre de l’abus de cette liberté ». Qui oserait aujourd’hui alléguer les abus d’une presse toute puissante et surtout monolithique pour la remettre à sa juste place ? Pas les juges car Justice et grande Presse, alliés objectifs, se soutiennent mutuellement au nom d’un combat commun vers la conquête de « pouvoirs » qu’ils convoitent pour les mêmes raisons – souvent politiques – depuis longtemps.

Et le peuple dans tout ça ? Quand se décidera-t-il à reprendre sa souveraineté et à l’imposer aux élites en mal de nouveaux pouvoirs ?

Richard Dessens (Eurolibertés, 23 novembre 2020)

Un bilan de l’ère Trump

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Un bilan de l’ère Trump

Par Daniele Perra

Ex: https://www.eurasia-rivista.com

L'élection de Donald J. Trump a été décrite et soulignée à plusieurs reprises comme un tournant dans l'histoire récente des États-Unis et de la partie du monde à laquelle ils ont imposé leur hégémonie. Dans cette analyse, nous essaierons de comprendre si, en termes géopolitiques, il était vraiment possible de parler d'un tournant et quel héritage la période de quatre ans de trumpisme laissera à l'"empire" en déclin du Far West.

J’ai écrit une analyse publiée sur le site d'"Eurasia", quelques semaines après l'élection de Donald J.Trump. J’analyse aujourd’hui la situation à la fin de son mandat. Trump est devenu président des États-Unis en 2016[1], il présente une similitude avec l'histoire de la secte soloviévienne des "adorateurs de trous", une pseudo-religion répandue dans les steppes russes désolées, dont la liturgie consistait à creuser un trou dans le mur de l'izba ; puis, une fois les lèvres approchées du trou, la prière était dite : "ma maison, mon trou, sauve-moi et protège-moi". Solov'ëv a comparé ce culte particulier au christianisme humaniste d'inspiration tolstoïenne en vogue en Russie à la fin du XIXe siècle, en concluant que les deux doctrines étaient substantiellement identiques. Le christianisme sans le Christ, selon Solov'ëv, était en fait comme un lieu vide, comme un trou dans un mur. Cependant, les "adorateurs du trou" avaient au moins le mérite d'appeler les choses par leur nom.

Si l'administration Trump avait un mérite (du moins au début et avant le retour au "monde libre" de Pompeo face à la tyrannie du communisme chinois), c'était sans doute celui d'avoir surmonté la rhétorique maladive de la "responsabilité de protéger", ou d'avoir à exporter la démocratie et les droits de l'homme, montrant ainsi le vrai visage de l'Amérique.

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En fait, Donald J. Trump n'a pas hésité à définir l'Europe comme un "ennemi"[2], montrant que toute forme d'unification continentale européenne (qu'elle soit techno-libérale, communautariste ou socialiste, etc.) est toujours perçue comme une menace par les États-Unis si elle n'est pas directement contrôlée par Washington.

Et Trump lui-même n'a pas hésité à admettre que les Etats-Unis occupaient le nord-est de la Syrie dans le seul but de contrôler les ressources pétrolières du pays : c'est-à-dire pour empêcher la reconstruction économique du pays dévasté par le conflit commandité par l'Occident [3]. Motif qui a poussé Bachar al-Assad (d’ores et déjà objectif, comme le président vénézuélien Maduro, d'un éventuel assassinat ciblé d'abord nié puis confirmé, peut-être à des fins électorales) à définir Trump comme "le plus transparent des présidents américains" [4].

Une opinion qui ne diffère pas de celle du Guide suprême de la révolution islamique Ali Khamenei, qui, en son temps, déclarait: "Nous apprécions Trump, car il a fait le travail pour nous en révélant le vrai visage de l'Amérique".

À ce stade, il est bon de souligner qu'en termes géopolitiques, malgré une diffusion considérable (surtout dans les rangs des collaborationnistes européens) de la thèse de propagande du "Trump" pacifiste (une thèse qui, à vrai dire, n'a pas de véritable contrepartie dans la réalité), il n'y a pas eu de discontinuité substantielle entre la dernière administration nord-américaine et celles qui l'ont précédée (surtout la très critiquée - par les principaux représentants et idéologues du trumpisme - de l'administration Obama). Au contraire, la géopolitique des trompettes, si on l'analyse dans une perspective essentiellement nord-américaine, représente une accélération tourbillonnante de la dynamique mise en place lors du second mandat de Barack Obama.

Comme le directeur d'"Eurasia", Claudio Mutti, l'a souligné à juste titre dans une interview au magazine serbe Pečat, dès 2014, dans un discours prononcé à l'Académie militaire de West Point, l'ancien président nord-américain "a déclaré que le coût des actions militaires à l'étranger était trop élevé et que celles entreprises sans tenir compte des conséquences se résolvent en catastrophes économiques. Par conséquent, dans les cas où les États-Unis ne sont pas directement menacés, une intervention directe n'est pas nécessaire, mais il faut faire appel à des alliés régionaux, en les impliquant dans les guerres par procuration"[5].

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Obama, bien avant Trump, était arrivé à la conclusion qu'à une époque d'érosion progressive de la puissance nord-américaine, la simple force militaire ne pouvait plus être le seul moyen de dissuasion possible de l'hégémonie américaine. Dans une version atténuée de la doctrine Cebrowski, la stratégie obamienne s'est concentrée (comme dans le cas de la Libye, de la Syrie et du Yémen) sur l'utilisation de forces mercenaires et de groupes terroristes directement liés aux services de renseignement occidentaux pour déterminer le chaos dans diverses régions du continent eurasien, du Levant aux frontières de la Russie.

L'administration Trump a poursuivi dans cette voie. Elle a habilement exploité son capricieux allié turc en Syrie pour prolonger le conflit. Elle n'a jamais cessé de fournir un soutien logistique à l'agression saoudienne au Yémen. Il a créé un accord fallacieux, condamnant le peuple palestinien à la non-existence après avoir reconnu la souveraineté sioniste sur Jérusalem et le Golan syrien (également pour rendre la pareille aux nombreux et généreux donateurs de sa campagne, Sheldon Adelson surtout). Il a imposé un régime de sanctions unilatérales et pénales à l'Iran en utilisant le poids du dollar comme monnaie de commerce international. Or les guerres commerciales sont considérées comme des guerres à part entière depuis l'Antiquité ! Il a fait assassiner le général Soleimani en mission diplomatique, pour éviter toute médiation possible entre l'Iran et les monarchies du Golfe Persique et pour poursuivre ses plans stratégiques précis : par exemple, la signature des "accords d'Abraham", qui seront discutés prochainement.  Il a annulé l'"accord nucléaire" avec l'Iran, dont les termes, à vrai dire, n'ont été en aucune façon respectés par son prédécesseur.

Une autre ligne de continuité absolue avec la présidence précédente est représentée par la doctrine d'endiguement envers la Russie et la Chine, définie à plusieurs reprises dans les documents du ministère de la défense comme des "entités malignes".

Sous Trump, la doctrine obamienne du "Pivot vers l'Asie" (liée au déplacement du centre du commerce mondial dans la région indo-pacifique) est devenue l'épine dorsale de la géopolitique nord-américaine. Ainsi, outre la présence navale et militaire croissante en mer de Chine méridionale (2000 opérations militaires au cours des seuls six premiers mois de 2020), la vente massive d'armements à des ennemis potentiels de la Chine (Taiwan en premier lieu) et la déstabilisation de Hong Kong et de plusieurs pays qui occupent une place prépondérante dans le projet de coopération eurasienne et d'intégration de la nouvelle route de la soie, de la Thaïlande au Kirghizstan, en passant par la région du Cachemire, le Liban et le cas emblématique de la Belarus (sans compter les pressions répétées à Pékin à propos du Xinjiang, qui ont culminé avec le récent retrait de la liste des groupes terroristes du soi-disant Mouvement islamique du Turkestan oriental)[6].

Washington, de manière particulière, s'est concentré sur l'Inde et a exploité les relations non idylliques entre New Delhi et Pékin pour déclencher un conflit régional (entre deux des principaux pays producteurs du monde) qui, en fait, retarderait considérablement le déclin hégémonique des États-Unis.

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La figure du célèbre escroc Steve Bannon, qui, malgré son départ de la Maison Blanche, en vertu du soutien économique que lui garantit le magnat corrompu Guo Wengui, a continué à faire la propagande de ses thèses anti-chinoises. Cela mérite une attention particulière.

Le rôle de Bannon dans l'administration précédente a été sous-estimé à plusieurs reprises. En fait, celui que l'on peut volontiers définir comme le véritable idéologue du trumpisme, avant de quitter son rôle de stratège en chef, a réussi à placer au sein des centres névralgiques de l'administration plusieurs hommes qui ont ouvertement poursuivi ce qui était ses objectifs stratégiques. L'un d'eux est certainement Randall G. Schriver : fondateur avec Richard Armitage (d'orientation démocratique) du groupe de réflexion "Projet 2049" et ancien assistant du secrétaire à la défense pour la région indo-pacifique. En fait, c'est lui qui a planifié le récent renforcement des liens militaires et commerciaux avec Taiwan d'une manière clairement anti-chinoise.

L'action de l'administration Trump en Europe et aux frontières russes est aussi particulièrement intéressante. Washington s'est ici concentré sur la rupture des relations entre l'Europe occidentale et la Russie (affaire North Stream 2) et sur le renforcement de sa présence en Europe de l'Est également par la mise en place de l'initiative des "Trois Mers" (autre héritage de l'ère Obama), qui, réunissant douze pays de la zone allant de la mer Baltique à la mer Noire et à la Méditerranée sous le parapluie protecteur des Etats-Unis, forme un véritable cordon sanitaire aux frontières de la Russie[7].

Si l'on ajoute à cette initiative la déstabilisation actuelle de la région caucasienne, qui empêche actuellement la formation d'un corridor nord-sud de Moscou à Téhéran et à l'océan Indien, on peut dire sans risque que la politique d'endiguement de la Russie est bien engagée. Et si l'on ajoute à l'Initiative des Trois Mers, les accords d'Abraham qui lient Israël à certaines monarchies de la péninsule arabique (avec l'exclusion temporaire de l'Arabie Saoudite, dont les relations en matière de renseignement avec Tel-Aviv n'ont cependant jamais été remises en question), un bloc d'opposition se forme entre l'Europe occidentale ("joyau" de l'empire nord-américain) et le reste de l'Eurasie, bloc dont le but est de rendre vains tous les projets de coopération entre les deux parties de ce vaste continent et, par conséquent, de garantir la suprématie nord-américaine pour quelques décennies encore.

Paradoxalement, à l'exception du cas brésilien où un président a été installé qui restera un allié loyal des États-Unis quel qu’en soit le responsable, c'est précisément dans le "patio trasero" (l’arrière-cour) que la présidence désormais passée a enregistré des échecs stratégiques importants. Le coup d'État bolivien d’hier a été annulé avec la victoire électorale de Luis Arce, tandis que la stratégie de pression et de blocus naval sur le Venezuela n'a pas (pour l'instant) eu les effets escomptés. Mais rien n'empêchera la nouvelle administration Biden-Harris de poursuivre et d'intensifier ses efforts dans la même direction.

Dans l'ensemble, l'administration Trump, mis à part le prétendu et ostentatoire "isolationnisme" (peu se souviennent que le prétendu isolationnisme a été la première manifestation d'une forme impérialiste typiquement nord-américaine), a été préparatoire à la mise en oeuvre et à l'accélération (surtout après l'explosion d'une crise pandémique qui a généré pas mal de problèmes pour une classe dirigeante qui s'est avérée inadéquate dans la grande majorité des pays sous l'influence de Washington) de la stratégie géopolitique nord-américaine pour la prochaine décennie. Une stratégie qui, même si elle devait être à nouveau voilée par la rhétorique démocratique, ne changera pas substantiellement ses objectifs finaux.

NOTES

[1]    Donald Trump, “uomo nel tempo”, www.eurasia-rivista.com.

[2]    Donald Trump: European Union is a foe on trade, www.bbc.com.

[3]    US troops will remain in Syria to ‘protect’ oil fields from ISIS, www.southfront.com. Dans un premier temps, le pétrole syrien a été passé en contrebande en Turquie par l’Etat islamique. Ensuite, dans une deuxième étape, grâce à l’occupation des champs pétrolifères par les « forces démocratiques syriennes » (en grande majorité d’ethnie kurde) et par les forces américaines, le pétrole a été transporté illégalement en Israël par l’entremise d’un obscur affairiste, Mordechai Kahana (qui entretenait d’excellents rapports avec John McCain) A cepropos, voir, Arab paper reveals Syrian Kurds oil privilege to Israeli businessmanwww.farsnews.com

[4]    Syria’s Assad calls Trump the “most transparent president”, www.politico.com.

[5]    Trump interrompe la strategia di Obama?, intervista a Claudio Mutti sulla rivista serba Pečat, www.eurasia-rivista.com.

[6]    L’Administration Trump (comme celle de ses prédécesseurs) a exploité à plusieurs reprises divers groupes terroristes du Proche-et du Moyen-Orient pour atteindre ses propres objectifs stratégiques. Il vaut la peine de mettre en exergue la forte amitié qui lie Rudy Giuliani (avocat de Trump) aux dirigeants de l’organisation terroriste iranienne du MeK (Mujaheedin e-Khalq) qui vise au changement de régime à Téhéran. Voir : Rudy Giuliani calls for Iran regime change at rally linked to extreme group, www.theguardian.com.

[7]    Voir C. Mutti,  Il cordone sanitario atlantico, “Eurasia. Rivista di studi geopolitici” 3/2017. A ce projet est lié le transfert récent d’importantes unités militaires américaines de l’Allemagne à la Pologne.

Daniele Perra

Daniele Perra, à partir de 2017, a collaboré activement avec  "Eurasia/Magazine d'études géopolitiques" et à son site internet. Ses analyses sont principalement axées sur les relations entre la géopolitique, la philosophie et l'histoire des religions. Diplômé en sciences politiques et en relations internationales, il a obtenu en 2015 le Master en études moyen-orientales à l'ASERI - Haute école d'économie et de relations internationales de l'Université catholique du Sacré-Cœur de Milan. En 2018, son essai sur la nécessité de l'empire comme entité géopolitique unitaire pour l'Eurasie a été inclus dans le volume VI des "Quaderni della Sapienza" publiés par Irfan Edizioni. Il collabore assidûment avec de nombreux sites internet italiens et étrangers et a donné plusieurs interviews à la station de radio iranienne Radio Irib. Il est l'auteur du livre Essere e Rivoluzione. Ontologia heideggeriana e politica di liberazione, Préface de C. Mutti (Nova Europa 2019).

mardi, 01 décembre 2020

L’Azerbaïdjan? Quatre motifs de satisfaction pour Israël

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L’Azerbaïdjan? Quatre motifs de satisfaction pour Israël

Le bloc-notes de Jean-Claude Rolinat

Ex: http://synthesenationale.hautetfort.com

On sait que les États sont des monstres froids, et qu’en général ils n’ont pas « d’amis », mais seulement  des intérêts. Toutefois, il peut y avoir de rares exceptions. Mais ce que l’on appelle la « realpolitik », c’est-à-dire la défense d’intérêts égoïstes, reprend toujours le dessus. C’est ce que nous pouvons constater dans l’affaire de l’agression du Haut-Karabakh arménien par l’Azerbaïdjan chiite. Quatre bonnes raisons ont incité l’État hébreu à ne penser qu’à ses intérêts. Notons, avec amertume, qu’il n’est pas le seul dans le concert des nations, dont certaines, l’Allemagne fédérale pour ne pas la nommer, ont carrément tourné la tête pour ne pas déplaire au satrape d’Ankara.

1°) L’Azerbaïdjan du clan Aliev, est un pays musulman qui entretient des relations diplomatiques avec Israël. Notons que l’État juif n’en a pas tant qui aient ouvert des ambassades chez lui. Au Moyen-Orient, on les compte sur les doigts d’une main : l’Egypte, la Jordanie, bientôt Bahreïn et les Émirats arabes unis. En retour, l’ouverture d’une légation à Bakou était la bienvenue, tant la reconnaissance internationale de leur pays est une obsession des dirigeants israéliens.

2°) Les affaires ! Si les « petits cadeaux entretiennent l’amitié », le businessest un excellent moyen d’influencer un partenaire, sans compter que vendre des marchandises ou du matériel de guerre notamment, rapporte des devises. D’autant qu’Israël excelle dans la production d’électronique militaire et la fabrication de drones.

3°) Les peuples arméniens et juifs, ont été tous deux victimes de génocides au cour du XXe siècle, le siècle le plus meurtrier dans l’histoire de humanité. Israël, au lendemain de la seconde Guerre mondiale, dont une bonne partie de la population était composée de rescapés de la Shoah, - mais pas que -, a-t-il voulu conserver une sorte d’exclusivité du mémoriel, l’holocauste dans son exceptionnelle monstruosité, ne pouvant supporter aucune concurrence ? Dès lors, il semblait inconvenant pour lui, de venir au secours d’un peuple, le peuple arménien, ayant, lui aussi, terriblement souffert.

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4°) Le fait que l’Azerbaïdjan, frontalier de l’Iran chiite, n’entretienne pas spécialement de bonnes relations de voisinage avec le pays des Ayatollahs, est un autre motif de satisfaction pour Jérusalem qui, on le sait, mène une guerre larvée contre Téhéran. Le récent assassinat du scientifique Mohsen Fakhirzade, spécialisé dans le nucléaire, imputé à Israël par le ministre des affaires étrangères iranien Mahammad Javad Zarif, s’ajoutant à une déjà  longue liste d’exécutions non élucidées mais attribuées au Mossad, - on ne prête qu’aux riches !-, n’arrange rien. Et c’est dans ce contexte que les velléités séparatistes des Azéris de la province de Tabriz, qui voudraient bien être rattachés à Bakou, s’inscrivent dans une vaste perspective géopolitique pouvant redessiner, un jour, les frontières de l’Iran. N’oublions pas que de novembre 1945 à mai 1946, fut proclamée une « République démocratique de l’Azerbaïdjan » sous la férule de Moscou. D’autant qu’à l’extrémité orientale du pays, plus de deux millions de Baloutches pourraient bien, eux aussi, revendiquer de s’unir à leurs frères du Pakistan qui avaient déjà proclamé leur « État » en 1947, faisant sécession du « pays des purs », sous l’égide du Khan de Kalat (1).

On le voit, les raisons ne manquent pas à Tel-Aviv de ne pas avoir les « yeux de Chimène » en faveur de l’enclave arménienne du Nagorny-Karabakh, renommée « République de l’Artsakh » par les nationalistes arméniens. Il est vrai que, comme pour les pays occidentaux, l’Arménie en général, le Haut-Karabakh en particulier, n’ont ni gaz , ni pétrole, simplement des églises chrétiennes pluri centenaires !

(1) Pour en savoir plus, lire  le « Dictionnaire des États éphémères ou disparus de 1900 à nos jours », éditions Dualpha. cliquez ici

Pourquoi le Grand Reset se termine (et ne commence pas)

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Pourquoi le Grand Reset se termine (et ne commence pas)

par Nicolas Bonnal

Ex: https://reseauinternational.net

Il y a ceux, presque mignons et amusants, comme les journalistes du NYT, qui prétendent que le Grand Reset est une théorie du complot, alors que Davos s’en vante sur son site, et puis il y a ceux qui redoutent le Grand Reset à venir, comme s’il n’était déjà là. Un petit rappel pour les distraits alors. Je suis assez vieux pour avoir vu le Grand Reset commencer au début des années 70 : c’était les années de la crise du pétrole, du Club de Rome, de « Soleil Vert » et de « Rollerball », tout ce qu’il fallait pour rassurer les enfants et préparer un Grand Reset. Car dès cette époque on évoque privation, fin des industries (une vieille lune : découvrez Arthur Penty), catastrophe écologique, désastres urbains, détraquement climatique (« Soleil Vert », « Blade Runner »), émeutes, violence et pénuries. Tout a été dramatisé et exagéré pour nous faire peur, et maintenant c’est au virus de jouer ce rôle pour détruire ce qui nous reste de libertés.

41nHzuYA8kL._SX323_BO1,204,203,200_.jpgDans les années 80, lorsque j’ai commencé à m’intéresser à ces questions, j’ai rencontré un spécialiste nommé Yann Moncomble, disparu prématurément, qui décrivait la stratégie des mondialistes depuis le début du vingtième siècle. Jacques Bordiot l’avait précédé quelques années avant avec un excellent livre nommé « Une main cachée dirige ». On sentait que tout se mettait en place par les banques au milieu du dix-neuvième siècle (c’est « La grande transformation » du génial Polanyi ou le manifeste communiste de Karl Marx) et depuis nous sommes conduits par ces bons bergers, en bon troupeau. Exercices d’ingénierie physique et mentale, les deux guerres mondiales ont encadré le mouvement et précipité la montée de la technocratie dirigeante et celle du troupeau apeuré dont a parlé Tocqueville sur un ton visionnaire.

1945 et la pseudo-déclaration des droits de l’homme marquèrent une avancée vers le totalitarisme planétaire. François Furet, l’homme qui a redécouvert Augustin Cochin, dont j’ai parlé tant de fois, la trouvait trop précise cette déclaration. Et pour cause : elle est indiscrète, elle contrôle, elle commande, elle oriente et elle sert une élite dirigeante à venir et qui est passé au contrôle de tout vers la fin des années 60. Comme dit Watzlawick elle a besoin du malheur des hommes pour mieux les gouverner.

Les élites qui dirigent maintenant (Merkel, Macron, Bruxelles, Netanyahou – voyez le rabbin Amnon Itshak) sont impitoyables : ils veulent plumer, ficher, vacciner, contrôler. En 1967 Brzezinski présente son fameux livre sur la société technétronique. Lui non plus ne se paie pas de mots, certain qu’il est de n’être dénoncé que par les plus lucides vite redéfinis théoriciens du complot ! Et il écrit le bougre :

Brrevolu.jpg« Une autre menace, moins manifeste mais non moins fondamentale, est celle de la démocratie libérale. Plus directement liée à l’impact de la technologie, elle implique l’apparition progressive d’une société plus contrôlée et dirigée. Une telle société serait dominée par une élite dont la prétention au pouvoir politique reposerait sur un savoir-faire scientifique prétendument supérieur. Libérée des contraintes des valeurs libérales traditionnelles, cette élite n’hésiterait pas à atteindre ses objectifs politiques en utilisant les dernières techniques modernes pour influencer le comportement public et maintenir la société sous étroite surveillance et contrôle ».

L’élite qui bosse avec Macron est une conséquence du satané Bonapartisme dont j’ai parlé maintes fois ici et ailleurs (voyez mon « Coq hérétique » publié en 1997 aux Belles Lettres). Mais elle a été sélectionnée pour aller jusqu’au bout et elle le fera. Elle est payée et motivée pour. Dans les années 80 toujours on a vu cette caste mondialiste de hauts fonctionnaires et de soixante-huitards se mettre aux ordres de Bruxelles et du Capital, quand il est apparu que l’U.R.S.S. ne représentait plus une menace (voyez mon texte sur Zinoviev) et qu’on aurait enfin les coudées franches pour se remplir les poches et mettre au pas le populo.

Guy Debord écrivait en cette fin des années 80 :

« Il faut conclure qu’une relève est imminente et inéluctable dans la caste cooptée qui gère la domination, et notamment dirige la protection de cette domination. En une telle matière, la nouveauté, bien sûr, ne sera jamais exposée sur la scène du spectacle. Elle apparaît seulement comme la foudre, qu’on ne reconnaît qu’à ses coups. Cette relève, qui va décisivement parachever l’œuvre des temps spectaculaires, s’opère discrètement, et quoique concernant des gens déjà installés tous dans la sphère même du pouvoir, conspirativement. Elle sélectionnera ceux qui y prendront part sur cette exigence principale : qu’ils sachent clairement de quels obstacles ils sont délivrés, et de quoi ils sont capables ».

817G7IPNbGL.jpgOn voit avec Macron, Merkel ou Grisham (Gouverneure démocrate de l’État du Nouveau Mexique qui vient d’ordonner la fermeture partielle des magasins d’alimentation) que plus aucun obstacle ne les gêne et qu’ils sont capables de tout. Une fois, ajoute Debord que l’on peut « mesurer le point qu’avait pu atteindre la capacité d’hébétude et de soumission des habitants », on peut tout se permettre. Désolé, mais c’est ainsi. Relisez Bernays ou Céline ou même « Le Loup des Steppes » pour comprendre. Il ne parle pas d’autre chose « Le Loup des Steppes ».

L’élite mondialiste voulue par Wilson ou le pseudo-Colonel Mandel House s’est constituée en 1945 donc, et est arrivée à maturité à la fin des années 60 : ce sont les années Rockefeller, Giscard et Trilatérale dont parlait mon ami Moncomble. Cette élite est totalement déracinée, technophile et gavée de paradigmes (Nizan a très bien vu sa source bourgeoise, j’en ai parlé ici). C’est une élite gnostique élevée par des écrans dans des Babel de verre, comme du reste son troupeau innombrable. En Europe on a pu voir l’émergence de cette élite en partie nazie d’ailleurs (voyez mon texte sur Hallstein) dès les années 60. L’immigration, la société de consommation et la liquidation des enseignements allait créer une nouvelle population technophile, nomade et soumise.

Et puis Gorbatchev est arrivé. Tout est allé depuis en s’amplifiant et en s’accélérant, la bêtise et la lâcheté de la masse ne faisaient rien pour écouter les Cassandre muées en théoriciens du complot. Le contrôle des élites asiatiques ou russes est allé de pair, quoiqu’en pensent certains naïfs préoccupés par la Route de la Soie ou le modèle chinois. Modèle chinois qui exige vaccination, contrôle biométrique et gestion informatique de son milliard et quelques d’habitants. Ici encore les oligarques du capitalisme et du Communisme se seront merveilleusement tendu la main. C’est bien Kissinger et Nixon qui ont voulu ce rapprochement avec la Chine de Mao, non ?

Je ne suis pas là pour parler de l’an prochain, tout le monde antisystème le fait, en vain d’ailleurs (« Théorie du complot ! Théorie du complot ! »). Je voulais dire seulement que les choses sont dans une logique terminale. Qui en a fait tant ne peut pas s’arrêter en route (la route du Club de Rome et de « Soleil Vert ») et qui en a fait aussi peu pour se défendre à part cliquer depuis vingt ans (moi y compris, ce n’est pas le problème) ne doit pas s’étonner de ce qui va lui arriver.

Nicolas Bonnal

______________________________________

Bibliographie très sommaire :

Zbigniew Brzezinski : l’ère technétronique

Guy Debord : Commentaires

Paul Watzlawick : Faites vous-même votre malheur

Nicolas Bonnal : Si quelques résistants… Coronavirus et servitude volontaire

Réseau International

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Ensauvagement et libéralisme... Entretien avec Jure Georges Vujic

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Ensauvagement et libéralisme...

Entretien avec Jure Georges Vujic
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Jure Georges Vujic, cueilli sur Polémia et consacré à la relation entre ensauvagement et libéralisme. Avocat franco-croate, directeur de l’Institut de géopolitique et de recherches stratégiques de Zagreb, Jure Georges Vujic est l'auteur de plusieurs essais, dont Un ailleurs européen (Avatar, 2011) et  Nous n'attendrons plus les barbares - Culture et résistance au XXIème siècle (Kontre Kulture, 2015).

Ensauvagement. « Le crime et la société du crime sont inhérents au libéralisme » selon Jure Georges Vujic

Polémia : Ces derniers temps, le terme d’« ensauvagement » est devenu à la mode, et renvoie avec justesse à une augmentation de la criminalité, de l’explosion brutale et sporadique d’actes de vandalisme et de pillages. S’agit-il selon vous d’actes de barbarie passagers, ou s’agit-il d’un phénomène plus profond qui témoigne d’un malaise de notre civilisation contemporaine ?

Jure Georges Vujic : La barbarie est une thématique classique de la philosophie de la culture, et l’on se souvient du fameux paradoxe de la barbarie soulevé par Montaigne dans la confrontation entre le royaume des cannibales, et les cannibales du royaume, mais aussi Victor Hugo qui pose l’importante distinction entre « les barbares de la civilisation » et « les civilisés de la barbarie ». Bref, si l’on admet que la perception et la signification de la barbarie, de la sauvagerie, dépendent de la confrontation des cultures, des mœurs, des coutumes, des comportements, comme des pratiques politiques, économiques, sociales, idéologiques, ethniques, alors l’on peut relativiser ce phénomène à outrance. Le paradoxe de la modernité réside dans le fait que, en dépit des promesses salutaires et irénistes des Lumières puis kantiennes, de la foi au progrès continu, elle n’a pas pacifié l’humanité, et qu’au contraire elle a créé les conditions techniques, sociales et culturelles propres à générer non seulement les irruptions de sauvagerie criminelle et sociétale mais aussi les grandes formes de barbaries industrielles totalitaires du xxe siècle, qui ont abouti à ce qu’Hannah Arendt désignait par la banalisation du mal. En revanche, ce qui est nouveau et récent, c’est que l’ensauvagement a pris la forme d’un iconoclasme violent et d’un vandalisme révolutionnaire lorsque, dans le sillage de manifestations anti-racistes, des statues, monuments de l’histoire européenne, ont été vandalisées, décapitées, voire carrément déboulonnées. Dans cette forme de sauvagerie, il faut voir en acte un véritable nihilisme dont le but non avoué est loin de réparer une discrimination, de détruire une mémoire historique ainsi qu’un espace public commun. D’autre part, le vandalisme et l’iconoclasme révolutionnaire, en épurant le passé, entendent s’approprier et imposer leur souveraineté, ce qui équivaudrait dans le cas présent à une tyrannie des minorités.

Quels sont les différents types d’ensauvagement et peut-on assimiler la délinquance urbaine, la criminalité avec la violence et la radicalité politique ?

On peut disséquer ad vitam aeternam les différents sens et formes de la notion d’ensauvagement en raison de sa polysémie et de son utilisation dans la sphère scientifique et publique. La popularisation de ce terme par le milieu médiatique et sa paternité idéologique pour évoquer la croissance de la violence urbaine et de la délinquance très souvent liée à l’immigration pandémique, me paraissent insuffisantes pour expliquer un phénomène complexe protéiforme, qui dépasse le seul débat des statistiques. La violence urbaine de groupe, de masse, le phénomène des « casseurs » dans leur forme sporadique et éruptive sont une constante sociale, je dirais même qu’ils sont consubstantiels à notre modernité tardive, mais ce qui a changé dans la perception et le traitement de ces phénomènes d’« ensauvagement », c’est leur banalisation, et, pour reprendre Baudrillard, leur « viralité », l’amplification médiatique et la vitesse de propagation de cette violence en temps réel permettant leur banalisation. C’est ce qu’avait vérifié la politologue Thérèse Delpech, dans son ouvrage L’Ensauvagement – Le retour de la barbarie au xxie siècle, dans lequel elle constatait que « la passivité qui accompagne la montée de la violence est plus inquiétante encore que la violence montante. Car elle rend sa victoire possible. Celle-ci bénéficie de l’inaction ».

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On constate que, avec les attentats islamistes, les émeutes ethniques et raciales aux USA, la guerre des gangs, l’ensauvagement prend une tournure globale ? Y a-t-il un phénomène de mimétisme ?

Oui, l’ensauvagement est un phénomène mondial et, tout comme le constatait Baudrillard, il y a une violence du mondial. Cette violence moléculaire et systémique qui rend compte de ce que Bourdieu appelait la violence symbolique de notre société, qui légitime le pouvoir diffus du grand marché, et de l’oligarchie mondialiste, est une violence structurelle qui s’efforce d’évacuer toute forme de mal au nom du « bien absolutisé », sanctifié. Il s’agit d’une « violence d’un système qui traque toute forme de négativité, de singularité, y compris cette forme ultime de singularité qu’est la mort elle-même – violence d’une société où nous sommes virtuellement interdits de conflit, interdits de mort ». Cette violence du mondial, cette « virulence » globalisante s’efforce de mettre en place un monde uniforme affranchi de différences, de tout ordre naturel, que ce soit celui du corps, du sexe, de la naissance ou de la mort. Il n’y a qu’à voir le degré de la platitude iréniste et de déni du réel dans le traitement accordé par les classes dirigeantes mondialistes aux phénomènes de violence criminelles et politiques, face aux attentats islamistes. Le danger du phénomène de l’ensauvagement serait non pas dans leurs manifestations spectaculaires et leur onde de choc, mais dans leur viralité mimétique : car il s’agit d’une violence qui opère par contagion, par réaction en chaîne, et elle détruit peu à peu toutes nos immunités et notre capacité de résistance.

Que pensez-vous des mesures de répression et de prévention prises par les classes dirigeantes, des programmes de déradicalisation et de réinsertion des anciens délinquants voire des ex-terroristes ?

L’ensemble de ces mesures palliatives d’intégration, d’éducation et de prévention, le plus souvent se réduisent à une approche thérapeutique qui nous renvoie à la sempiternelle sous-jacente question de savoir si la culture, ou telle ou telle mesure pédagogique éducative « nous permet d’échapper à la barbarie ». La réponse est bien sûr négative, et la culture, le discours de socialisation n’ont jamais neutralisé la nocivité, la déviance de comportements violents en société. On peut même constater que la culture postmoderne dominante, technicienne, marchande et hyperindividualiste, loin d’être une antithèse de la barbarie a été le ferment des grandes barbaries totalitaires de la modernité.

imagesvaens.jpgAinsi la culture, voire la civilisation dans son acception moderne du terme, ne nous absout point de la barbarie, lorsque cette même civilisation tente de s’imposer aux autres cultures par la seule force brutale, en témoigne la période de colonisation et les expéditions impérialistes américaines au Moyen-Orient. On se souvient de la phrase de Lévi-Strauss : « Le barbare est celui qui croit à la barbarie », et combien l’ethnocentrisme a pu fonctionner comme miroir déformant, quant à la perception du couple barbare-civilisé. Les guerres mondiales, le terrorisme, les pratiques génocidaires du xxe siècle, qui constituent l’armature de l’âge des extrêmes évoqué par E. Hobsbawn, ne sont pas le produit d’une régression de la civilisation dans une sauvagerie archaïque, mais bien au contraire l’aboutissement d’un long processus d’aliénation et de rationalisation extrême, qui ont généré les conditions d’un auto-anéantissement de l’humanité. C’est bien cette dialectique entre culture, civilisation et barbarie qui rend compte du double visage de la culture, l’homo sapiens pouvant en même temps être « homo demens » (Edgar Morin, Culture et barbarie européennes). Au début des années 2000, l’historien américain George Mosse parlait de brutalization, « brutalisation » ou « ensauvagement » du monde, pour dénoncer une culture de guerre née au creux du long conflit de 1914-1918, faite de banalisation de la violence, puis de glorification de la virilité, une culture qui aurait permis de légitimer les dérives de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, on pourrait très bien dire que l’on assiste à une double brutalisation : brutalisation sociétale et médiatique de la violence gratuite voir ludique (cinématographie, Internet), et brutalisation de l’angélisme, de la repentance, qui aboutit à un déni de réalité. Avec la pandémie de Covid-19, la brutalisation contemporaine prend la forme d’une ingénierie biopolitique qui, par la propagation d’une culture hygiéniste, masque les dérives totalitaires.

Il s’agit bien d’une barbarie internalisée, une « barbarie intérieure », quand les forces de stérilité et de violence, toujours latentes dans l’humanité, ont pris le dessus, sur les forces créatrices. Nietzsche répétait, devant le spectacle offert par son époque : « Le désert croît. » Le drame de notre temps, en effet, c’est l’apparition d’une nouvelle sorte de barbarie, une barbarie intérieure à notre conception de l’homme qui s’est développée avec l’avènement du Grand Sujet autocentré des Modernes. Le plus souvent, les phénomènes sociopathologiques d’ensauvagement sont les multiples manifestations de ce même sujet despotique et anxieux, replié sur son identité stérile et narcissique, même lorsqu’il défend le droit à la différence, qui constituent le témoignage de la barbarie intérieure d’une civilisation qui, dans la pratique de la vie quotidienne, tend à abdiquer des principes sur lesquels elle est fondée. La barbarie intérieure s’apparente à l’autoproduction, l’auto-institution du Sujet, qui se coupe de Dieu, du monde et des autres hommes.

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Dans votre dernier livre, Nous n’attendrons plus les barbares – Culture et résistance au xxie siècle, aux éditions Kontre Kulture, vous évoquez le phénomène d’une sorte de barbarie interne, vous constatez que « les barbares sont en nous », qu’ils ont « colonisé le mental, l’imaginaire individuel et collectif européen ». Est-ce un aveu d’impuissance ou un appel ā la résistance ?

C’est en effet un essai sur les multiples visages de la barbarie moderne parfois diffuse, et difficile à identifier. Une douce barbarie, sous la forme de narratif hédoniste techno-scientiste, a colonisé le mental, l’imaginaire individuel et collectif européen, de sorte que l’on peut parler de colonisation interne pure et simple. En effet, la culture dominante de notre époque est éminemment une culture de la quantité, de l’aliénation de la volonté et de l’asservissement des esprits. C’est une forme de culture du prophylactique, du placebo qu’on retrouve aujourd’hui dans cette culture hygiéniste du masque. À l’inverse de la menace d’une barbarie extérieure d’invasion, je persiste à croire que les maux qui accablent l’Europe et les peuples européens d’aujourd’hui ne viennent pas d’un ennemi externe, elles ne viennent pas des barbares eux-mêmes, car la crise morale, démographique, politique et civique actuelle n’est qu’un épiphénomène d’un mal intérieur plus insidieux et dévastateur : celui du fatalisme, de l’entropie, de l’inaction, de la vieillesse et de l’attentisme.

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Assistons-nous à un ensauvagement de la mondialisation, et quels sont les liens entre globalisation du crime et libéralisme ?

Depuis les années 1990, on assiste à une globalisation du crime, la criminalité connaissant une hybridation dans laquelle interfèrent et s’imbriquent les revendications politiques et la criminalité. À cet égard, « l’ennemi intérieur criminel », même lorsque qu’il s’agit d’un agent isolé, est difficilement repérable et identifiable en raison de l’opacité de l’hybridation entre opérateurs « politiques » et organisations criminelles. D’autre part, il n’y a plus de frontière étanche entre violences politiques et crimes crapuleux. Les deux se rapprochent dangereusement, comme le montre l’imbrication du terrorisme, du narcotrafic ou de la corruption des élites financières. Depuis la fin du crime organisé classique et territorialisé (réseaux mafieux Cosa Nostra) et la recomposition globale et déterritorialisée de la criminalité, qui va du microniveau des cités périphériques jusqu’aux zones de production de drogue en Colombie ou en Afghanistan, comme le constate Alain Bauer, « l’entreprise criminelle est peu à peu devenue l’étalon de la société économique libérale avancée, donnant totalement raison à Adam Smith : la main invisible du marché existe. Mais c’est une main criminelle ». Le crime et la société du crime sont inhérents au libéralisme qui s’est détaché de toute référence morale et suprapersonnelle, puisque la maximisation des profits et l’accumulation des richesses en tant que buts suprêmes justifient tous les moyens. Ils sont le versant sociopathologique de modes de vie déstructurants, comme le souligne Mark Hunyadi dans La Tyrannie des modes de vie sur le paradoxe moral de notre temps, qui reproduisent les normes d’un système dominant et qui échappent à tout contrôle éthique ou démocratique. C’est en ce sens que l’ensauvagement pourrait être traité de symptôme révélateur de la phase finale du « désenchantement du monde » de la modernité.

Jure Georges Vujic (Polémia, 25 novembre 2020)

lundi, 30 novembre 2020

Blinken, le complice interventionniste de Clinton dans les catastrophes libyenne et syrienne

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Blinken, le complice interventionniste de Clinton dans les catastrophes libyenne et syrienne

par Alberto Negri

Source : Quotidiano del Sud & https://www.ariannaeditrice.it

Le Washington Post nous informe que le nouveau secrétaire d'État, Antony Blinken, en tant que conseiller de Clinton, a fortement soutenu l'intervention en Libye et aussi en Syrie. Les médias italiens l'ont encensé comme étant "pro-européen" et se sont bornés à répéter cette vérité propagandiste.

Politique étrangère : l'"équipe cauchemardesque" de Biden

Les ennuis ne s'arrêtent pas avec Trump. L'équipe de Biden, avec le secrétaire d'État Blinken, et le responsable de la sécurité nationale, Sullivan, aurait eu toutefois l'occasion de rectifier les erreurs dévastatrices commises en Syrie et en Libye par l'ancienne secrétaire d'État Hillary Clinton, qui fut conseillère stratégique.

La "dream team" de Biden fait référence aux pires cauchemars de la Méditerranée. Lorsqu'en 2011, Mme Clinton a convaincu Obama d'attaquer la Libye de Kadhafi avec la France et la Grande-Bretagne, elle avait l'intention de renverser le Raïs libyen, le plus grand allié de l'Italie en Méditerranée.

Le Washington Post nous informe qu'Antony Blinken, en tant qu'adjoint de Clinton, a fortement soutenu l'intervention en Libye ainsi qu'en Syrie, se démarquant en cela des positions prises à la même époque par Biden. "C'était un interventionniste acharné", écrit le journal américain. Peut-être a-t-il changé d'avis, étant donné les ennuis que Clinton avait causés dans notre arrière-cour méditerranéenne.

Il faut rappeler que le soulèvement populaire de Benghazi en 2011 n'a été que partiellement spontané : il a été en partie organisé par les Français qui, après avoir perdu la Tunisie de Ben Ali, ont poussé vers un soulèvement déjà préparé des mois plus tôt avec Musa Kusa, le chef des services de Kadhafi qui s'est rendu à Paris en octobre 2010 pour un mois et a ensuite abandonné Kadhafi, partant en exil à Londres, d’où il avait été expulsé en 1980 comme instigateur d'assassinats politiques commis contre des opposants au régime. Il l'a même revendiqué dans une interview au Times.

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Les Français, comme l'ont révélé les dépêches du département d'Etat dirigé par Clinton à l'époque, ont été poussés à bombarder Kadhafi parce qu’ils n’admettaient pas le plan du Raïs libyen de créer une monnaie africaine qui mettrait hors jeu ou saperait sérieusement le franc CFA, géré par Paris, qui détient les réserves monétaires de treize pays africains.

Après avoir libéré Benghazi, où ont été inventés des massacres qui n'avaient jamais ressemblé aux célèbres fosses communes des plages, il a fallu des mois aux rebelles pour parvenir à Tripoli. J'étais là et je l'ai vu de mes propres yeux : sans les tapis de bombes de l'OTAN, auxquels l'Italie elle-même a participé, ils n'auraient jamais réussi. Ensuite, il y a eu l'intervention des forces spéciales britanniques: notre consul à Benghazi les a fait libérer après qu'ils aient été faits prisonniers par les factions pro-Khadafi. A Tobrouk, en effet, la population a continué à recevoir les subventions du régime. Résultat : ces interventions ont permis aux djihadistes de s'emparer de la Cyrénaïque en divisant en deux un pays qui ne s'est jamais recomposé, comme cela avait été écrit dès le premier jour. Obama lui-même, dans un entretien avec The Atlantic, a admis qu'il avait commis une erreur en intervenant en Libye parce que les Occidentaux n'avaient pas de solution politique pour remplacer le régime, comme cela s'était produit en Irak en 2003. A tel point qu'en Syrie, Obama a ensuite évité l'intervention directe (bien avant l'arrivée des Russes en 2015).

Les interventions "humanitaires" de l'Occident ont créé plus de problèmes et de morts qu'elles n'avaient imaginés. Clinton, avec Blinken, est largement responsable des catastrophes en Libye et en Méditerranée. Des témoins oculaires des réunions entre Clinton et le ministre des affaires étrangères de l'époque, Frattini, ont déclaré que la secrétaire d'État riait en expliquant à notre représentant comment ils allaient éliminer le Raïs de Tripoli. Obama lui-même, dans son dernier livre, The Promised Land, mentionne à plusieurs reprises le nouveau secrétaire d'État Blinken comme l'un des grands experts du Moyen-Orient au sein de son administration. Après tout, Obama, à part l'accord avec l'Iran, qu'il n'a pas lui-même mis en œuvre comme il aurait dû le faire, a toujours mal compris la politique étrangère.

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Il est affolant de lire dans ce volume les passages consacrés aux dirigeants étrangers (Poutine, Sarkozy, Merkel, Cameron, Erdogan) : ces lignes révèlent un mauvais leader qui ne comprend pas le monde, guidé qu’il est par des stéréotypes et des clichés. Avec Cameron et Sarkozy  -dont Obama se moque en le traitant de « coq nain »-  il a également détruit la Libye de Khadafi en laissant Clinton combiner les catastrophes au Moyen-Orient. En Syrie, c'est Clinton, accompagnée de ses conseillers, qui a voulu à tout prix la chute du régime de Bachar El-Assad, laissant Erdogan soutenir les coupeurs de gorge djihadistes du Moyen-Orient et même d'Europe, les fameux combattants étrangers qui ont inspiré les attaques sur notre continent par des partisans de l’Etat islamique.

Si, aujourd'hui, Erdogan domine en Libye, en Méditerranée orientale, en Syrie et en Azerbaïdjan, nous le devons aussi à cette politique, qui était également soutenue par les Européens à l'époque. Nous verrons ce que les Américains vont faire maintenant qu'il y a une lutte à couteaux tirés pour le pouvoir en Libye : vont-ils utiliser le Sultan de l'OTAN ici aussi ? C'est possible, voire probable. Et à propos d'interventions humanitaires : comment l'administration Biden va-t-elle traiter avec l'Égypte ? Nous laisseront-ils tranquilles, comme l'a déjà fait l'Amérique de Trump, en demandant en vain justice pour Julius Regeni ? Il est évident que c'est le cas. Il y a des dictateurs et des dictateurs. Kadhafi était indépendant et ils l'ont éliminé. Al Sisi dépend des monarchies du Golfe, les plus gros clients d'armes des Américains, et il peut faire ce qu'il veut. Et maintenant vous avez la "dream team" de Biden et une justice qui ne viendra jamais pour nous, pour les Palestiniens, pour les Kurdes, pour les réfugiés, pour tous ceux qui croient naïvement, comme l'étudiant égyptien Zaki, en un monde différent.

L’échec relatif de l’embargo alimentaire de l’Union Européenne contre la Russie

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L’échec relatif de l’embargo alimentaire de l’Union Européenne contre la Russie

« Protéger les intérêts nationaux » ; cette phrase du président russe Vladimir Poutine prononcée en 2014, se cadre dans la réponse qu’il a donné à l’Union Européenne, le Canada, les Etats-Unis, la Norvège ainsi que l’Australie en mettant en place un embargo alimentaire par décret présidentiel. Ce dernier, le décret numéro 560 relatif à l’application concrète de certaines mesures économiques spéciales, assure la sécurité de la Russie, interdit ou limite l’importation pour une durée d’un an de produits agricoles et de matières premières ou de produits alimentaires, provenant d’un pays ayant imposé des sanctions contre des entités russes et ce, suite aux sanctions économiques imposées par ces pays contre Moscou pour son rôle dans la crise en Ukraine de 2014. En effet, l’embargo européen a eu pour projet de sanctionner la Russie suite au rattachement « illégal » de la Crimée à la Russie.

Les retombées économiques d’une confrontation géopolitique

Dans un principe de réciprocité, les sanctions occidentales décidées par Moscou par décret le 7 août 2014, auxquelles s’est ajouté l’effondrement des prix des hydrocarbures ont plongé la Russie dans une profonde et longue récession depuis le début des années 2000. L’embargo a été prolongé à plusieurs reprises et fut étendu en 2015 en Albanie, à l’Islande, au Monténégro ainsi qu’au Liechtenstein, puis à l’Ukraine, répondant à la prolongation des sanctions économiques européennes.

Alors que l’Union européenne se félicite d’avoir mis en place cette sanction, le 21 avril 2015, la Commission européenne avait approuvé quarante et un nouveaux programmes de promotion des produits agricoles dans l’Union européenne, d’un montant de 130 millions d’euros comprenant 30 millions d’euros de fonds de l’Union. Dans ce rapport de force, Phil Hogan, membre de la Commission chargé de l’agriculture et du développement avait déclaré que « la promotion des produits agro-alimentaires de l’Union Européenne sur les marchés mondiaux est une réponse force et proactive à l’embargo russe ».

Les  mutations du système agricole russe

Pour autant, ce qui devait être une sanction contre la Russie s’est finalement révélée être un avantage compétitif pour le pays. En effet, au même moment où le pays de Vladimir Poutine connait une dévaluation du rouble, l’embargo alimentaire a entrainé un changement dans le marché russe. Cela s’illustre par le fait que plusieurs entreprises étrangères qui importaient en Russie ont retiré ou réduit leur part de marché. La croissance de ces dernières ont permis l’émergence de nouveaux petits producteurs nationaux (marché du fromage).

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Toutefois « contrainte » de se tourner vers d’autres marchés, la Russie s’est rapidement orientée vers l’Amérique du Sud, l’Asie ou encore l’Afrique, grâce à une campagne de soutien à l’industrie agricole grâce aux bénéfices de prêts et d’augmentation des subventions pour les agriculteurs locaux. En 2017, le ministre russe de l’Agriculture Alexandre Tkatchev (i) avait affirmé que les importations de produits étrangers avaient été divisées par deux depuis le début de l’embargo, permettant une augmentation de plus de 10% du secteur alimentaire russe.

A la fin de l’année 2018, plus de 26 milliards de dollars de produits agricoles avaient été fournis à l’étranger, plaçant la Russie en tant que première exportatrice mondiale de blé à la conquête de nouveaux marchés étrangers, le marché russe demeurant le second marché le plus important en termes d’exportations agroalimentaires de l’Union Européenne juste derrière les États-Unis, occupant la première place. L’embargo alimentaire russe a touché différents pays de l’Union, dont les pays baltes, la Finlande ainsi que la Pologne. Quant à la France, l’embargo a profondément touché le secteur de l’agriculture française qui a couté près de 8 milliards d’euros aux agriculteurs français.

Clara Lepers

La pathologisation de la dissidence

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La pathologisation de la dissidence

par Enrica Perucchietti

Source : Comedonchisciotte & https://www.ariannaeditrice.it

Aldous Huxley : une méthode pharmacologique pour "tordre" l'esprit des citoyens

962fd65629efc2b06feb12c2ea51ec81.jpg"Je crois que les oligarchies trouveront des moyens plus efficaces de gouverner et de satisfaire leur soif de pouvoir et seront semblables à celles décrites dans Brave New World (= Le meilleur des mondes)".

Dans une lettre datée du 21 octobre 1949, l'écrivain Aldous Huxley écrit à George Orwell que, dans un avenir proche, le pouvoir va bientôt mettre en œuvre la révolution ultime : « amener les gens à aimer leur état d'esclavage ».

Huxley était convaincu que les dirigeants opteraient pour la forme "douce" de dictature, car ils trouveraient dans l'hypnotisme, le conditionnement enfantin et les méthodes pharmacologiques de la psychiatrie une arme décisive pour faire plier les esprits et la volonté des masses. Une hypothèse que le romancier anglais a confirmée en 1958 dans son essai Le meilleur des mondes revisité.

En 1932, Huxley lui-même avait placé son chef-d'œuvre dystopique, Brave New World, dans un monde global pacifique où une drogue d'État, le soma, contrôle l'humeur des citoyens.

Dans la dystopie de Huxley, il n'y a pas de place pour les émotions fortes, l'amour, la haine ou la dissidence. Il n'y a pas de place pour l'intuition, l'art, la poésie, la famille.

Les gens en sont venus à aimer leurs chaînes parce qu'ils ont été manipulés avant la naissance par l'eugénisme et, à l'âge adulte, ils sont totalement dépersonnalisés et manipulés au fond d'eux-mêmes.

De cette façon, aucune forme de rébellion n'est possible. Et le pouvoir a atteint son but : faire en sorte que les citoyens ne se donnent pas la peine de contester ou de se révolter.

En fait, pour créer une société apparemment parfaite et pacifique, il faut contrôler, voire annihiler, effacer les émotions, ce qui fait des citoyens des zombies.

La pathologisation de la dissidence

La création d'une sorte de "terreur sanitaire" est en train de devenir le point de mire pour déstabiliser les libertés individuelles et resserrer les mailles du contrôle social.

fake-news-n-e-4d.jpgComme un monstre dans l'édition augmentée et mise à jour de mon livre intitulé Fake news (Arianna Editrice), les cas de censure, de boycott et d'attaques de plus en plus impitoyables contre l'information indépendante deviennent quotidiens.

Nous devons nous demander si la biosécurité ne nous conduit pas vers une dictature de la santé et si nous n'essayons pas de pathologiser la dissidence afin d'intervenir de manière forcée et de créer un dangereux précédent : traiter et hospitaliser les dissidents.

Dans la société du politiquement correct, ceux qui ne s'alignent pas sur la pensée unique ont longtemps été dénigrés, persécutés et marqués d’étiquettes différentes et toujours dénigrantes, afin d'encadrer la dissidence ; aujourd'hui, cependant, à côté de ce travail capillaire de discrédit, il y a la tentative de traiter les dissidents afin de les remettre sur la bonne voie et de pouvoir les accueillir à nouveau dans la société.

L'année dernière, nous avons été témoins de précédents inquiétants, de la création de la nouvelle expression "souveraineté psychique" (1), proposée par un chercheur de l'Institut Italien de Technologie d'utiliser des décharges électriques ou magnétiques pour influencer le cerveau et guérir les stéréotypes et les préjugés sociaux. (2)

Galimberti pense que les négationnistes sont "fous"

Le dernier exemple, par ordre chronologique, de pathologisation de la dissidence sont les déclarations du philosophe Umberto Galimberti qui, animateur de l'émission Atlantis sur La7, (3) a assimilé les négateurs du Covid à des fous :

Voici les propos de Galimberti : "Les négationnistes ont peur de la peur. Plus que la peur, ils ressentent l'angoisse. Ils perdent les points de référence. Et ils vont jusqu'à être délirants. Le négationnisme est une forme d'endiguement de l'angoisse [...]. Il n'est pas facile de raisonner avec les fous. Peut-on persuader ceux qui nient la réalité que la réalité est différente ? Très difficilement".

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Ses positions étranges ne sont pas isolées : ces derniers mois, l'opinion publique a tenté de l'amener à soutenir l'égalisation entre les négationnistes (mais aussi les conspirateurs et les « NON vax », hostiles aux vaccins) et les fous, qui devraient donc suivre un traitement psychiatrique afin d'être acceptés à nouveau dans la société.

A la lumière des cas de Tso à Dario Musso (4) et de l'avocate de Heidelberg, Beate Bahner, très critique à l'égard des mesures prises par le gouvernement pour la quarantaine par Coronavirus, (5) la tentative de psychiatrie des dissidents devrait soulever l'indignation non seulement des initiés, mais de la population.

Le problème sous-jacent est que, sous l'étiquette désobligeante de "dénigreur" mais aussi de "conspirationniste", tombe toute personne qui critique la version officielle de la fiction grand public ou se permet de ne pas être d'accord avec les mesures gouvernementales basées sur le biopouvoir.

Guérir la dissidence

Nous sommes confrontés à une attitude paternaliste, autoritaire et scientifique du pouvoir qui vise à obtenir l'obéissance aveugle des citoyens et, s'ils refusent de se soumettre sans critique, à corriger leur comportement et leur pensée par la psychiatrie ou la technologie.

Le totalitarisme des bons sentiments ("bons" seulement en apparence) a ses chiens de garde prêts à ramener dans le giron toute personne qui n'est pas d'accord ou qui ose exprimer publiquement ses doutes. Aujourd'hui, le psychopolitisme semble prêt à élaborer de nouveaux instruments dignes d'une psychodictature.

Elle veut neutraliser la conscience critique et censurer toute forme de dissidence. Ceux qui sont en désaccord doivent être censurés, ils doivent avoir honte non seulement de ce qu'ils ont dit, mais aussi de ce qu'ils ont "osé" penser.

Ils ne peuvent donc être acceptés de nouveau dans la communauté que s'ils s'humilient, demandent publiquement pardon et suivent un traitement psychiatrique afin de se remettre d'une maladie que le totalitarisme progressif espère guérir : penser librement et de manière critique.

dimanche, 29 novembre 2020

Pierre Le Vigan : « Notre-Dame ne doit pas subir le dévergondage narcissique de pseudo artistes »

 

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Pierre Le Vigan : « Notre-Dame ne doit pas subir le dévergondage narcissique de pseudo artistes »
 
Entretien
Ex:https://frontpopulaire.fr

Pierre Le Vigan est urbaniste et essayiste. Intellectuel pluridisciplinaire, il a écrit de nombreux ouvrages de philosophie et collabore à de nombreuses revues de débat d’idées. On lui doit notamment Métamorphoses de la ville chez La Barque d’Or (2020). Nous l’avons interrogé sur les derniers débats autour de la restauration de Notre-Dame de Paris.

Front Populaire : L’académicien Jean-Marie Rouart a signé cette semaine une tribune pour critiquer les nouveaux projets d’arts contemporains à l’étude concernant notamment les vitraux de Notre-Dame de Paris. Que pensez-vous de cette volonté réitérée de vouloir insérer des éléments contemporains dans la reconstruction de la cathédrale ?

Pierre Le Vigan : M. Macron avait évoqué à propos de la flèche de Notre-Dame la possibilité d’un « geste architectural contemporain » (sic), autrement dit une reconstruction aucunement à l’identique. Or, cette flèche de Notre-Dame avait existé du 13ème au 18ème siècle, avant d’être reconstruite par Eugène Viollet-Le-Duc, au début des années 1840. Ce projet incongru parait abandonné. On échappera sans doute à un toit terrasse (avec un fast food peut-être ?), ou à un jardin suspendu… Mais voilà que Mgr Aupetit, archevêque de Paris, voudrait remplacer les vitraux par des œuvres « contemporaines » et mettre un mobilier « moderne » le tout accompagné d’un « parcours lumineux ». Jean-Marie Rouart a raison de s’en inquiéter. La proposition de Mgr Aupetit consiste à accentuer la muséification de la cathédrale. Les autorités de l’Eglise sont donc prêtes à prostituer le patrimoine français, qui n’est pas seulement celui de la chrétienté, au service de l’idéologie touristique de la « ville-monde » – c’est-à-dire défrancisée – chère à Mme Hidalgo. Or, c’est en demeurant soi-même que l’on apporte quelque chose à autrui et que l’on acquiert une dimension universelle.

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FP : Le projet de Mgr Aupetit implique de détruire une partie de l’héritage de Viollet Le Duc (les « grisailles »). Ce projet a-t-il des chances d’aboutir ?

PLV : Les « grisailles » sont théoriquement des vitraux conçus avec différentes variations de ton gris. Elles sont en fait de différentes couleurs à Notre-Dame. Le projet de M. Aupetit consiste à mettre au rencart ce que l’incendie a épargné pour le remplacer par des œuvres contemporaines. C’est contraire à la Charte internationale de Venise de 1964 qui normalement oblige à restaurer un monument « dans le dernier état connu ». La restauration d’un monument, nous dit la Charte, « a pour but de conserver et de révéler les valeurs esthétiques et historiques du monument et se fonde sur le respect de la substance ancienne et de documents authentiques ». La Charte de Venise de 1964 a été complétée par la Charte de Cracovie de 2000 qui insiste sur la nécessité, dans tout travail de restauration, de la « compréhension globale du monument ». Même si ces textes engagent la France, et même si l’actuel ministre de la culture, Mme Bachelot, semble hostile au remplacement des vitraux, la seule vraie garantie que des innovations modernistes ne dénatureront pas Notre-Dame, c’est un rapport de force idéologique et culturel.

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FP : Le directeur de La Tribune de l’art, Didier Rykner, a qualifié récemment cette tentative de mise au goût du jour de « vandalisme » et de « délire postmoderne ». Qu’en pensez-vous ?

PLV : Je partage son point de vue. Il faut respecter la cohérence d’un monument. Ce que je n’exclus pas, par contre, c’est la juxtaposition, à côté d’un bâtiment ancien, de bâtiments modernes. Ainsi, le bâtiment moderne des archives municipales, à côté de la basilique de Saint Denis, ne me parait pas du tout déplacé. On trouve aussi, à Francfort sur le Main, des tours modernes et élégantes à côté de bâtiments anciens restaurés, le tout avec un alignement de rue respecté, et cet ensemble est parfaitement réussi.

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FP : La polémique sur une potentielle reconstruction à l’identique/contemporaine de Notre-Dame dure depuis plus d’un an. Sommes-nous face à une nouvelle querelle des Anciens et des Modernes ? Si oui, quels en sont les enjeux ?

PLV : Une reconstruction doit être fidèle à la cohérence d’ensemble du monument. Cela peut amener à une reconstruction pas totalement à l’identique dans certains cas, notamment quand le monument a lui-même connu des transformations qui n’avait pas forcement renforcé son identité propre. Ainsi, la plupart des vitraux de la cathédrale de Nevers, touchée en 1944 par des bombardements, n’ont pas été restaurés à l’identique sans que cela soit forcément une mauvaise chose. Ils n’étaient pas très anciens et ne présentaient pas une qualité particulière. Je suis ici d’accord avec Jean de Loisy (ndlr : critique d’art et spécialiste de l’art moderne et contemporain). A Notre-Dame, il faut sauver à la fois un patrimoine médiéval et un patrimoine du 19ème siècle. Il faut assumer le style néogothique de Viollet-Le-Duc qui est un mouvement artistique tout à fait estimable. Surtout, les vitraux, qu’ils soient d’Alfred Gérente, d’Edouard Didron, ou, plus anciens, de Guillaume Brice, n’ont aucunement besoin d’être remplacés par des « gestes » contemporains qui ont vocation à trouver d’autres lieux d’expression. Plutôt que de choix entre Anciens et Modernes, je parle de beauté durable opposée aux effets de mode.

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FP : Plus d’un français sur deux est favorable à une reconstruction à l’identique de la cathédrale. Comment interprétez-vous cette volonté « conservatrice » des Français ?

PLV : Les Français n’en peuvent plus de la déconstruction de tout : notre art, la famille, la représentation de nous-mêmes par notre histoire. Les Français, comme tous les peuples du monde, veulent, et ont besoin, de sécurité, et notamment de sécurité culturelle. Nous ne voulons pas d’une vie hors-sol. Cela implique une certaine permanence de soi, et le fait d’assumer son histoire. La reconstruction à l’identique fait partie de ces attentes des Français. Ils ont assez vu d’extravagances de mauvais gout, notamment à Versailles ces dernières années et ailleurs, pour avoir envie de sobriété et de persistance dans le bon goût. Nous n’avons pas envie de subir à grand frais du contribuable l’enlaidissement de notre patrimoine par le dévergondage narcissique de pseudo artistes.

FP : La cathédrale Notre-Dame de Paris est-elle le monument emblématique de Paris selon vous ? Quelle place occupe-t-elle dans l’histoire urbanistique de la ville de Paris ?

PLV : Notre-Dame est en tout cas le monument le plus visité de la capitale. C’est le centre géographique de Paris, et ainsi de la France, compte tenu de notre tradition centraliste, qu’on la déplore ou pas. La symbolique de Notre-Dame est très forte. Ceci étant, à titre personnel, le monument parisien que je préfère n’est pas Notre-Dame, mais l’hôtel des Invalides.

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FP : Selon votre œil d’urbaniste, quel rôle jouent les vieux monuments historiques dans nos villes mondialisées promises à des avenirs de « smart city » ? Ont-ils un rôle civilisationnel ?

PLV : Les « smart cities » ou « villes intelligentes » ne sont pas autre chose que des villes muséifiées et tertiarisées pour « bobos » hyper-connectés. Il n’y a pas de place pour des monuments autres que muséifiés dans ces villes. Si l’avenir est à la poursuite de la déconstruction des peuples – ce qui est à craindre -, les villes « intelligentes » ont de l’avenir. Si l’avenir est au réenracinement, il faudra inventer un autre type de ville, sortir de la muséification, du tourisme de masse, et réhabiter les monuments qui ont fait notre histoire et sont, à ce titre, partie intégrante de ce que nous sommes.