mardi, 12 septembre 2023
L'artichaut et autres stratégies
L'artichaut et autres stratégies
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/del-carciofo-e-altre-strategie/
L'ensemble de nos propos, en soi, peut sembler comique. Une sorte d'humour involontaire. Ou, mieux encore, un paradoxe.
De nombreux analystes occidentaux, en particulier italiens, affirment que Vladimir Poutine adopte la "stratégie de l'artichaut" à l'égard de la pauvre Ukraine.
Une feuille à la fois. Pour finir par tout engloutir.
D'abord la Crimée, maintenant le Donbass. Et, selon eux, il faut y mettre un terme dès maintenant. Sinon...
En bref, il est nécessaire, voire obligatoire, d'arrêter Poutine. Sinon, qui sait où il pourrait aller dans son ambition de reconstruire l'Empire des Tsars. Et celui des Soviets.
Il est probablement vrai que l'on peut déceler certains éléments de la "stratégie de l'artichaut" dans l'action de Moscou en Ukraine. Elle a d'abord acquis, sans coup férir, la Crimée. Puis ce fut le tour du Donbass. D'abord par des accords diplomatiques qui ont permis à la région - historiquement, linguistiquement et culturellement russe - de bénéficier d'un statut particulier. De manière à garantir sa sécurité et, en même temps, l'influence de Moscou.
Ces tentatives diplomatiques ayant échoué, car Kiev, soutenu par Washington, a toujours ignoré les accords de Minsk, la guerre a commencé. Avec un double objectif : l'annexion du Donbass et la neutralisation du reste de l'Ukraine. Pour éviter une nouvelle expansion à l'est de l'OTAN.
Mais c'est là que réside le nœud du problème.
La stratégie du Kremlin n'est que la conséquence logique et inévitable, on pourrait dire la réaction, à celle mise en œuvre par l'OTAN depuis l'effondrement du mur de Berlin.
Lorsque, face à la perspective de la réunification allemande, Washington a assuré à Moscou, à un Gorbatchev trop malléable - car en proie à de graves difficultés internes - que l'OTAN ne s'étendrait jamais à l'est de l'Allemagne.
La manière dont les choses se sont passées en réalité est bien connue. Pour tout le monde, sauf pour les soi-disant analystes qui pontifient aujourd'hui sur la menace de la "stratégie de l'artichaut" que pratiquerait la Russie.
L'OTAN, profitant du chaos interne de la Russie pendant les années folles d'Eltsine, a incorporé l'un après l'autre tous les anciens satellites soviétiques.
Pologne, Roumanie, République tchèque, Slovaquie, Bulgarie. Les frontières de l'Alliance atlantique se sont progressivement et rapidement déplacées vers l'Est. Dans le même temps, elle a occupé l'ensemble de l'ex-Yougoslavie. Sauf la Serbie, qui a toujours été liée à la Russie. Cette dernière a toutefois été durement touchée et contrainte de renoncer au contrôle de la Bosnie et du Kosovo.
Pour ce qui est théoriquement censé être une alliance défensive, ce n'est vraiment pas mal, vous ne trouvez pas ?
Ensuite, l'OTAN est allée plus loin. En annexant les pays baltes. La Lituanie, l'Estonie, la Lettonie. Au Kremlin, cela a été interprété comme un signal extrêmement dangereux.
Car ces trois petites républiques n'étaient pas d'anciens satellites soviétiques. Elles faisaient partie intégrante de l'URSS et, avant cela, de l'empire des tsars. Avec, ces derniers temps, des périodes d'indépendance assez brèves.
Face à cette expansion de l'OTAN, Moscou n'a pas pu réagir. Elle avait d'autres problèmes internes à régler. La crise économique, les sécessionnismes de la Tchétchénie, du Daghestan, de l'Ingouchie dans le Caucase agité...
C'est ainsi que trois autres feuilles de l'artichaut russe ont été épluchées.
La musique a cependant changé en 2008. Lorsque la Géorgie, de facto de plus en plus dans l'orbite des États-Unis, a tenté d'annexer l'Ossétie du Sud manu militari. Une province (nominalement) rebelle, mais qui restait en fait liée à la Fédération de Russie.
La réaction de Moscou a été fulgurante. En moins d'une semaine, l'armée russe était aux portes de Tbilissi. Là où elle s'est arrêtée. Pour faire demi-tour.
Le signal était clair. Le Kremlin n'était plus disposé à accepter que de nouvelles feuilles soient arrachées à son artichaut.
Et les Géorgiens l'ont bien compris. À tel point qu'aujourd'hui, ils ont pour politique de maintenir de bonnes relations avec leur grand et encombrant voisin. Notamment parce qu'ils se souviennent bien qu'ils ont été laissés seuls face au blitz russe. Contre toutes les promesses de l'OTAN.
Qui, de toute évidence, a été prise par surprise. Elle n'était pas préparée à la réaction russe. En effet, la conviction avait prévalu dans les cercles atlantiques que la Russie n'était plus qu'une puissance de troisième ordre. Destinée à un déclin continu. Et qu'il serait donc facile de lui arracher, une à une, toutes ses "feuilles". La réduisant à l'espace de l'ancienne principauté de la Moscovie.
Une croyance qui a manifestement continué à prévaloir à Washington et à Londres. Ce qui a conduit tout droit au conflit en Ukraine. Un pays qui, historiquement, a toujours été une partie intégrante et importante de la Russie. Jamais indépendant.
Le bon sens, même stratégique, aurait recommandé plus de prudence. La tentative de maintenir une Ukraine indépendante et neutre, un État tampon, utile pour éviter et décanter les conflits. Et au lieu de cela.
Et au lieu de cela, nous savons comment cela s'est passé. Et comment cela se passe. Maintenant, au-delà des déclarations de façade, il ne reste plus qu'à voir si Kiev s'effondrera militairement bientôt, ou si, pour un désengagement total de l'OTAN, il faudra attendre le changement de locataire dans le bureau ovale.
L'expérience devrait cependant nous apprendre que la "stratégie de l'artichaut" ne peut pas toujours être appliquée sans en payer le prix fort. Et que, peut-être, il serait plus opportun de revenir à une logique de "concert des puissances" ou, si l'on veut, d'équilibre multipolaire.
Si la leçon avait été retenue. Or, l'impression est différente. Ce qui se passe en Moldavie, en Arménie et même en Bosnie ne nous donne pas beaucoup d'espoir... à moins d'un changement à la Maison Blanche...
19:29 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : otan, états-unis, russie, europe, affaires européennes, géopolitique, politique internationale | | del.icio.us | | Digg | Facebook
lundi, 11 septembre 2023
Agitation en Arménie
Agitation en Arménie
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/inquietudini-armene/
Peu de gens l'ont remarqué. Les médias et les analystes sont trop distraits par ce qui se passe en Ukraine. Ou (pas encore) par ce qui se passe dans le Pacifique. Mais le Caucase connaît une violente fièvre. C'est comme s'il s'agissait d'un chaudron en ébullition depuis un certain temps, dont l'eau est maintenant prête à déborder.
Ce n'est certes pas nouveau. La région du Caucase, enchevêtrement de peuples, d'ethnies, de religions, a toujours été, c'est le moins que l'on puisse dire, agitée. Et elle l'est encore plus depuis que les différents États de la région sont devenus indépendants après l'effondrement de l'URSS.
Cette indépendance n'a toutefois pas résolu de nombreux problèmes. Au contraire, elle a exacerbé les tensions et les conflits latents, comprimés par le règne des tsars rouges. Celui du Haut-Karabakh, entre Azéris et Arméniens, n'en est que l'exemple le plus frappant. Ce n'est certainement pas le seul. Et peut-être même pas le plus dangereux.
Et c'est précisément d'Arménie que nous parviennent, en ces heures, des signaux menaçants. Ce qui pourrait laisser penser à une explosion imminente dans toute la région du Caucase.
En bref, le Premier ministre arménien, Nikol Pashinyan, a déclaré publiquement que l'alliance, parfois historique, avec la Russie est un fardeau pour Erevan. Un fardeau dont il veut se débarrasser au plus vite. Réaction sèche du Kremlin. Par l'intermédiaire de son porte-parole, il a réaffirmé que la relation Russie-Arménie était une alliance, une amitié "entre égaux". Dans l'intérêt des deux parties. Un point c'est tout.
Mais ce ne sont pas que des mots. Des manœuvres militaires conjointes entre les armées arménienne et américaine ont été annoncées. Presque un prologue à la sortie d'Erevan de l'alliance avec la Russie. Et de son entrée dans l'OTAN.
Il est facile d'imaginer ce que cela pourrait impliquer. La présence de l'OTAN dans le Caucase, qui a toujours été son "arrière-cour", ne peut laisser Moscou indifférent. Ni Téhéran, jusqu'à présent l'autre allié régional de l'Arménie.
Fabio L. Grassi, professeur à l'université Sapienza de Rome et l'un des plus grands spécialistes de la géopolitique caucasienne, a souligné combien il est navrant de constater que les dirigeants arméniens parviennent, infailliblement, à ne pas avoir raison.
En effet, abandonner le camp russe pour passer du côté américain signifie, à l'heure actuelle, l'isolement total de l'Arménie. Celle-ci se retrouve encerclée, entre des voisins hostiles. D'un côté, Moscou et Téhéran qui, comme je l'ai dit, voient la présence de l'OTAN dans la région comme la transformation de cet espace géographique en un baril de poudre. De l'autre, l'Azerbaïdjan et la Turquie. Des ennemis historiques de l'Arménie. Une inimitié exacerbée par la crise du Haut-Karabakh, où le conflit semble sur le point de reprendre de plus belle.
Au-delà des calculs, et des erreurs, du gouvernement d'Erevan, la situation qui se crée présente un haut degré de risque. Washington, de plus en plus conscient de l'échec ukrainien, tend à générer un nouveau foyer de tension avec Moscou dans le Caucase.
Et comme il semble difficile de miser sur la Géorgie pour l'instant, en raison des réticences de sa classe dirigeante, qui a en mémoire l'expérience malheureuse de 2008 - où Tbilissi a été livrée à elle-même face à une attaque russe foudroyante -, elle mise désormais sur l'Arménie.
Pour ouvrir, au Sud, un nouveau front dans la complexe partie d'échecs visant à isoler, et en perspective à démembrer, la Russie et sa zone d'influence.
Cette opération pourrait toutefois facilement déclencher un effet en chaîne. Impliquant également la Turquie. Erdogan ne pourra certainement pas accepter sans réagir le soutien implicite de l'ami américain aux revendications arméniennes sur le Haut-Karabakh. Au détriment de l'Azerbaïdjan qui, pour Ankara, est un "pays frère".
L'administration Biden risque donc un nouvel effet boomerang. En arrachant Erevan à la sphère d'influence russe, elle marque un nouvel éloignement de la Turquie. Et elle amène Bakou, hier encore assez proche de Washington, à regarder avec de plus en plus d'intérêt du côté de Moscou.
Le Caucase est une mosaïque délicate et complexe. Déplacer un pion implique toujours un jeu de réactions en chaîne. Ce qui peut conduire à un tel bourbier que l'actuel conflit russo-ukrainien semble facile à comprendre.
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samedi, 09 septembre 2023
Le go et le mahjong de la géopolitique
Le go et le mahjong de la géopolitique
Leonid Savin
Source: https://www.geopolitika.ru/article/go-i-madzhong-geopolitiki
L'utilisation de la terminologie des échecs en géopolitique est devenue une évidence. Le livre de Zbigniew Brzezinski, The Grand Chessboard : America's Primacy and its Geostrategic Imperatives (Le grand échiquier : la primauté de l'Amérique et ses impératifs géostratégiques), y a partiellement contribué. L'appel aux échecs en tant que jeu intellectuel connu du monde entier a été interprété dans l'ouvrage de Brzezinski sous l'angle de l'hégémonie américaine et de la nécessité de la préserver. Mais il faut se poser la question suivante : est-il suffisant de parler d'échecs lorsque nous parlons d'un monde complexe et global, aux relations multiples et variées, avec les intérêts et les contradictions d'un grand nombre de parties ? Dans le monde bipolaire, qui a pris fin avec l'effondrement de l'URSS, il était encore possible de parler d'un duel entre Blancs et Noirs, mais depuis 1991, nous vivons un moment unipolaire.
Une réponse probable à la question de savoir pourquoi Brzezinski a choisi une telle allégorie se trouve dans les mémoires d'Alexandre Douguine sur sa rencontre avec Brzezinski à Washington. Lorsqu'on lui a demandé s'il se rendait compte que les échecs sont toujours un jeu à deux acteurs (Sea Power et Land Power en tant qu'agents principaux de la géopolitique), Brzezinski a répondu qu'il n'y avait pas pensé. Probablement parce qu'il voyait la bataille sur l'échiquier comme la bataille finale où l'atlantisme lève tous les obstacles à sa domination sur le monde. Une domination qui passe par le contrôle du cœur de l'Eurasie, c'est-à-dire par la victoire finale sur la Russie.
Il s'agit d'une bataille, et non d'une guerre, car une partie d'échecs n'est que le reflet d'une bataille.
Oui, une réflexion stratégique est nécessaire. Mais il s'agit toujours d'une bataille entre deux camps. Ce qui n'est pas le cas du prototype du jeu d'échecs, le chaturanga, où le terrain comporte des pièces pour quatre joueurs et où les pièces elles-mêmes symbolisent les quatre branches de l'armée sous le contrôle d'un commandant.
La transformation en un jeu pour deux symbolise également le dualisme caractéristique de la culture et de la métaphysique occidentales. Il est intéressant à cet égard de rapprocher la transformation du jeu d'échecs du concept de politique de Carl Schmitt, qui divise en amis et en ennemis (il n'est d'ailleurs pas question de forces neutres), et qui s'inscrit également de manière organique dans la tradition politique occidentale, dont les racines (à savoir l'opposition marquée du bien et du mal) se trouvent toutefois en Orient, dans le zoroastrisme.
Cependant, si le Chaturanga a changé ses fonctions et ses règles, il existe en Orient d'autres jeux stratégiques qui ont conservé leur forme originelle. Ils n'en sont pas moins intellectuels. Il s'agit du go et du mahjong. Bien que le go se joue à deux, il est de nature plus géopolitique. Tout d'abord, il ne s'agit pas d'une bataille unique, mais d'une guerre, avec de multiples combinaisons de batailles qui se déroulent sur le terrain. Deuxièmement, il ne s'agit pas d'une chasse à la tête d'un roi (leader politique, gouvernement ou commandant en chef) entouré de ses gardes du corps aux capacités différentes, mais plutôt de la conquête d'un territoire. Le go est plus complexe dans ses règles et reflète davantage la réalité politique du monde moderne - vous devez penser à une variété de combinaisons dans une variété d'endroits.
Il est probable que le succès des actions de politique étrangère de la Chine réside en partie dans la pratique du jeu de Go, qui crée un état d'esprit multicouche et non linéaire pouvant être appliqué aux relations internationales.
Le jeu de mahjong est tout aussi intéressant : il requiert des qualités telles que l'expérience, la mémoire et l'observation, qui sont également nécessaires dans les arts politiques. Mais il y a aussi un facteur aléatoire (on peut l'appeler la main invisible de Jupiter, pour reprendre la formule d'Adam Smith) qui, selon les règles (il existe différentes variantes du jeu), peut être insignifiant ou décisif. Parmi les quatre joueurs, celui qui réunit la combinaison de dés la plus précieuse l'emporte. Cela rappelle à nouveau la politique étrangère de la Chine : s'emparer habilement du marché des métaux rares, dépasser l'Occident dans de nombreux domaines, de l'économie à la technologie, obtenir des ressources énergétiques de la Russie à des prix abordables, s'engager avec d'autres pays dans le cadre d'une stratégie gagnant-gagnant, et l'initiative "la Ceinture et la Route" elle-même - tout cela montre que la Chine est un excellent joueur de mahjong sur la carte du monde et qu'elle rassemble les meilleurs dés pour elle-même.
La Russie doit également apprendre à agir efficacement sur plusieurs fronts et dans plusieurs dimensions simultanément. La nature eurasienne de la Russie appelle à une complexité croissante des vecteurs géopolitiques. L'OTN est une bonne épreuve de force à plusieurs égards, mais pour construire un pôle véritablement souverain dans un monde multipolaire, il est nécessaire non pas de reporter un certain nombre de décisions à des "temps meilleurs", en les justifiant par le fait que ce n'est pas le bon moment, mais dès à présent de procéder à une réorganisation profonde. Et, avant tout, il est obligatoire d'intégrer les décisions pertinentes dans la stratégie de politique étrangère et de créer des mécanismes pour leur mise en œuvre.
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mardi, 05 septembre 2023
Le Niger renverse le néocolonialisme français
Le Niger renverse le néocolonialisme français
Brecht Jonkers
Source: https://crescent.icit-digital.org/articles/niger-overthrows-french-neo-colonialism
Le renversement du gouvernement de Mohamed Bazoum au Niger, soutenu par la France, le 26 juillet, peut peut-être être comparé à la défaite de l'apartheid en Afrique du Sud il y a près de 30 ans. Bazoum n'était pas seulement président du Niger, mais aussi président de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), dont l'agenda est néolibéral. Sa cote de désapprobation auprès de la population nigérienne était très élevée.
Cela ne signifiait pas qu'il jouait un rôle particulier dans la constellation politique ouest-africaine. À bien des égards, Bazoum peut être considéré comme un représentant typique du courant politique dominant dans de nombreuses anciennes colonies françaises d'Afrique de l'Ouest.
Les critiques à l'encontre de son gouvernement portaient sur l'augmentation du coût de la vie, la persistance d'un niveau élevé de pauvreté et une incompétence flagrante. L'incapacité des dirigeants successifs de Niamey à réprimer l'insurrection wahhabite-takfiri menée par des groupes tels que Daesh et Al-Qaïda n'a fait qu'accroître le mécontentement de la population.
Lorsque le chef d'état-major Salifou Modi s'est rendu au Mali voisin en mars dernier et a convenu de mesures antiterroristes conjointes, Bazoum l'a rapidement limogé. Les mouvements anti-impérialistes antérieurs, en particulier le sentiment anti-français, ayant pris le dessus au Mali et au Burkina Faso, le Niger est devenu l'un des derniers piliers explicitement "pro-français" de la région, un pilier que la France, mais aussi les États-Unis, ont utilisé avec empressement dans la mascarade actuelle connue sous le nom de "guerre contre le terrorisme".
Près de 1100 soldats américains et une véritable base de la CIA étaient stationnés au Niger au moment du coup d'État du 26 juillet. Cela a rendu la plupart des Nigériens furieux à un point tel que le nouveau commandant de la Garde présidentielle, le général Abdourahamane Tchiani, a dû intervenir.
Bazoum a été déposé et emprisonné. Le pouvoir au Niger a été confié à un nouveau gouvernement de transition, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP).
Comme on pouvait s'y attendre, les grands médias occidentaux se sont déchaînés pour condamner la "prise de pouvoir militaire" au Niger. Ils ont tenté de pimenter les choses en soulignant le "rôle de Wagner et de la Russie" dans la fomentation de l'instabilité au Sahel, et en mettant en garde contre une "nouvelle instabilité" dans la région. La question est de savoir si une région ciblée par des insurgés wahhabites depuis des années, faisant plusieurs milliers de victimes civiles sous l'œil vigilant du "soutien militaire" de la France et des États-Unis, pourra jamais être qualifiée de "stable" ou de pacifique. Mais même cela n'est pas le cœur du problème.
La persistance du néocolonialisme français
Une grande partie de l'Afrique de l'Ouest en a assez du néocolonialisme français, du projet de "Françafrique" et du système monétaire du franc CFA qui lie les monnaies locales au franc français (et ensuite à l'euro) et à l'influence du Trésor français. Le Mali est malade de l'exploitation massive de son or par la France. Paris a accumulé 2 500 tonnes de réserves d'or sans une seule mine d'or en France alors que le Mali, avec environ 860 mines d'or opérationnelles, ne dispose que de 881 tonnes de réserves d'or. De même, le nouveau gouvernement de Niamey critique vivement la façon dont la France a profité de l'abondance d'uranium au Niger. Le "yellow cake" est très recherché par le marché français de l'énergie qui dépend du nucléaire pour plus de 71% de ses besoins.
L'histoire sanglante de la France en Afrique, y compris l'héritage impérialiste permanent, a perduré sur le continent même après l'"indépendance". Le néocolonialisme occidental, en particulier français, est tellement flagrant et connu que même les médias occidentaux ne peuvent pas le nier ou l'occulter. Ils avancent de vagues excuses telles que "la Russie n'est pas meilleure", "l'amélioration se profile à l'horizon" et, argument souvent entendu, "ce n'est pas la bonne méthode". "Ce terme signifie ici l'intervention de l'armée (ou des deux) ou le ralliement des masses dans les rues.
Pour les experts européens, les habitants de la région du Sahel devraient simplement suivre la voie "civilisée" en copiant l'Europe. Ils devraient élire un homme politique qui négociera un avenir meilleur pour son pays, sans répercussions négatives pour les intérêts commerciaux occidentaux, bien entendu.
Condamner les développements révolutionnaires dans des pays comme le Mali, la Guinée, le Burkina Faso et le Niger comme de simples "coups d'État militaires", simplement parce que l'action directe de destitution de l'élite précédente a été entreprise par le personnel des forces armées, est une interprétation simpliste et naïve des événements.
Elle témoigne d'un manque de compréhension de la situation politique et de l'histoire récente de la région du Sahel en particulier, ainsi que du népotisme profondément ancré et de la stabilité fermement excluante et contrôlée par l'étranger de l'élite dirigeante qui a existé dans ces pays.
Se plaindre que "la transition du pouvoir devrait se faire démocratiquement" ne tient pas compte du fait qu'une transition démocratique était pratiquement impossible dans tous les pays susmentionnés. Les cliques au pouvoir dans des pays comme le Niger et le Burkina Faso ressemblent beaucoup à une forme d'aristocratie moderne, dans laquelle la possibilité de gravir les échelons dépend souvent de vos connaissances et des mains que vous graissez, plutôt que de ce que vous êtes ou de ce que vous pouvez faire.
La maxime "c'est un grand club, et vous n'en faites pas partie" s'applique à l'élite politique de ces pays, tout comme aux États-Unis. Aux États-Unis, les outsiders politiques n'ont aucune chance de "percer" dans le système, à moins de se vendre complètement. Et même ceux qui sont présentés comme des "outsiders", tels que Barack Obama et Alexandria Ocasio-Cortez, s'avèrent être soit des initiés de bas niveau depuis le début, soit ont été astroturfés et préparés depuis le début pour donner un semblant de revitalisation tout en gardant intact le cœur pourri du système.
La situation dans une grande partie du Sahel est assez similaire. De toutes les anciennes puissances coloniales, c'est la France qui a adopté l'approche la plus pratique. À bien des égards, la France n'a jamais quitté ses anciennes colonies. Les bases militaires françaises parsèment toujours le paysage ; la France s'empare des réserves d'or et les stocke en Europe, et Paris contrôle la monnaie de ces pays par le biais du franc CFA, ne leur laissant aucune souveraineté financière.
La "transition démocratique" n'était tout simplement pas possible. Il n'y avait pratiquement aucune capacité à voter pour une alternative. Le système politique était rigide et truqué, sans parler du fait qu'il était très statique et qu'il offrait peu de possibilités de mobilité sociale verticale (c'est-à-dire une chance de "monter en grade" ou de "s'imposer" en partant du bas de l'échelle).
L'agitation autour du changement au Niger
L'Occident a fait grand cas de la prise de pouvoir militaire au Niger, et plus tôt au Mali et au Burkina Faso. On peut se demander pourquoi le coup d'État militaire en Égypte (sur le même continent africain), qui a entraîné le massacre de milliers de civils innocents, n'a suscité que peu ou pas d'intérêt. En Afrique, la mémoire de Thomas Sankara est encore fraîche dans l'esprit de nombreuses personnes. Il n'est donc pas surprenant que les Nigériens soient venus en très grand nombre pour soutenir le renversement de Bazoum.
Certes, leur accession au pouvoir ne s'est pas faite de manière "traditionnelle", occidentale, libérale et "démocratique". Mais la question peut être posée : est-ce particulièrement pertinent ? Le fait est qu'il n'existe pas de test décisif universellement applicable pour la légitimité d'un gouvernement dans le monde entier, même si les médias grand public et les élites politiques occidentales voudraient nous faire croire le contraire.
Il est étrange que la distance spatiale et la souveraineté culturelle ne soient pas traitées avec la même préoccupation légitime que la "distance" temporelle dans la politique contemporaine. Personne ne semble se soucier du manque de légitimité démocratique de figures historiques occidentales sacrées telles que Napoléon, Otto von Bismarck ou la reine Victoria, pour ne citer que trois personnages de l'histoire européenne relativement récente. Aucun d'entre eux n'a été élu selon les principes de la démocratie libérale et aucun ne s'est soucié de sauver les apparences. Mais cela ne semble pas avoir d'importance parce que "c'était une autre époque".
Il est vrai que les normes varient selon les époques, mais les crimes de la reine Victoria sont bien plus fondamentaux qu'un simple manque de représentation démocratique (la colonisation et l'asservissement de 23 % de la population mondiale étant un concurrent majeur). Toutefois, les experts politiques et les idéologues occidentaux contemporains semblent être beaucoup moins indulgents lorsqu'il s'agit de différences fondamentales dans la culture, l'histoire politique, la situation économique ou toute autre forme d'identité spécifique des différents pays.
Les normes occidentales ne sont pas universelles
Ils ne se donnent même pas la peine d'expliquer pourquoi les autres sont censés s'attendre à un système politique presque identique dans des pays tels que les États-Unis, le Niger, le Venezuela, l'Iran ou la Russie. On peut supposer que l'opinion publique s'attend à une telle similitude politique comme une nécessité dogmatique, au sujet de laquelle aucune question n'est censée être posée. Si quelqu'un exigeait que tous les pays du monde partagent la même identité culturelle ou les mêmes croyances religieuses, il serait déclaré fou. Pourtant, exiger une telle quasi-uniformité et une suprématie unipolaire en termes de dimension politique est soi-disant considéré comme logique.
Cette attitude ridicule ne s'arrête pas là. L'impérialisme est hypocrite, unipolaire et expansionniste. L'insistance à copier les systèmes et valeurs "démocratiques" libéraux de l'Occident ne s'applique apparemment qu'aux opposants à la suprématie mondiale de l'Occident. Les alliés de l'Occident peuvent faire ce qu'ils veulent, comme le montrent les cas d'États et d'entités non démocratiques tels que l'Arabie saoudite et "Israël".
Pour en revenir au sujet qui nous occupe, il n'y a jamais eu de menace d'invasion de la CEDEAO ou d'intervention de l'OTAN lorsque le banquier du Fonds monétaire international Alassane Ouattara a violemment renversé le gouvernement de Laurent Gbagbo en Côte d'Ivoire en 2010. Au contraire, la France et l'Ukraine ont participé militairement au renversement du gouvernement ivoirien, et la CEDEAO a fait pression pour que Ouattara soit reconnu comme président.
Le chouchou du cartel du FMI règne depuis lors sur la Côte d'Ivoire. Le fait qu'il ait réussi à se représenter et à remporter un troisième mandat lors d'une élection très controversée, bien que la constitution du pays ne le permette pas, ne semble pas déranger les élites de la CEDEAO, de la France ou des États-Unis. En retour, Ouattara s'est montré un atout fiable pour la France, en promettant que la Côte d'Ivoire enverrait des troupes pour attaquer le Niger si la CEDEAO décidait de poursuivre ses plans d'invasion.
Dans le même ordre d'idées, il n'y a pratiquement aucune condamnation étrangère, que ce soit par la CEDEAO ou par l'Occident "démocratique", du président sénégalais Macky Sall, malgré sa décision d'interdire le deuxième parti du pays, le parti socialiste panafricain PASTEF, et d'emprisonner son dirigeant, Ousmane Sonko (photo). La répression meurtrière des manifestants de l'opposition qui a suivi, au cours de laquelle plusieurs personnes ont été tuées par la police, n'a pas non plus semblé déplaire au camp "pro-démocratie". À l'instar de son collègue ivoirien, M. Sall a également promis que les troupes sénégalaises participeraient à la lutte contre le gouvernement révolutionnaire du Niger.
Les discours sur la "démocratie" et les "droits de l'homme" dans les médias occidentaux, en particulier en ce qui concerne l'Afrique ou le monde islamique, ne sont que de la poudre aux yeux. Les élites néolibérales ne se soucient pas de la démocratie ou des droits de l'homme, leur principale préoccupation est le pillage et le profit.
Voler l'uranium du Niger
Le Niger est le septième producteur mondial d'uranium, responsable d'environ 5 % de la production mondiale de ce matériau nécessaire au fonctionnement des centrales nucléaires. L'essentiel de l'uranium nigérien est extrait par la société française Orano, dont l'État français est le principal actionnaire. Paris a donc un intérêt immédiat et très important dans l'économie du Niger, en particulier dans les mines à ciel ouvert d'Arlit, dans le nord-ouest du pays. Orano est également directement impliqué dans le développement d'une nouvelle mine à Imouraren, qui contiendrait l'une des plus grandes réserves d'uranium au monde.
L'exploitation de l'uranium par des sociétés françaises a lieu au Niger depuis 1968 et constitue un véritable trésor pour les marchés occidentaux. Il n'existe aucun droit du travail ni aucune réglementation environnementale. "En Occident, vous avez besoin d'une étagère remplie d'autorisations et de certificats. Au Niger, vous donnez à quelqu'un une bêche et deux dollars par jour, et vous exploitez l'uranium", écrivait le journaliste Danny Forston en 2010. La France a bien sûr promis à son ancienne colonie un avenir radieux grâce à ce nouveau "partenariat" entre Niamey et Paris.
Depuis lors, on estime que 150.000 tonnes d'uranium ont été extraites du Niger par la seule société Orano (anciennement Areva). La mine d'Akuta a été fermée en 2021 en raison de l'épuisement complet du minerai. L'organisation caritative britannique Oxfam estime qu'un tiers des lampes en France fonctionnent grâce à l'énergie produite par l'uranium nigérien.
Les relations entre le Niger et Orano sont d'autant plus compliquées que l'entreprise publique bénéficie du soutien total de l'État français, avec toutes les implications militaires et de renseignement que cela implique. Il en résulte des "accords" très inégaux en faveur de l'entreprise, marqués par des exonérations fiscales extrêmement rentables.
L'exploration incontrôlée et non réglementée de l'uranium autour d'Arlit a entre-temps provoqué un désastre humanitaire et écologique. Plusieurs études menées dès 2003 par la Commission de recherche et d'information indépendantes sur les radiations (CRIIAD), basée en France, ont révélé que les niveaux de radioactivité de l'eau potable consommée par les travailleurs des mines locales dépassaient parfois jusqu'à cent fois les seuils de sécurité de l'Organisation mondiale de la santé. Une étude menée par Greenpeace en 2009 a révélé des résultats similaires, ainsi qu'une pollution toxique, dans cinq des six puits d'eau examinés. Un porte-parole d'Orano a qualifié ces résultats de "contamination naturelle".
Les conséquences médicales alarmantes d'une exposition quotidienne à un niveau de radiation 300 fois supérieur à la normale, détaillées dans un rapport d'enquête publié en 2017 par African Arguments, sont minimisées ou complètement ignorées par les prestataires de soins médicaux, ce qui n'est pas surprenant étant donné que la majorité des soins médicaux à Arlit sont fournis par l'entreprise Orano elle-même et que les professionnels de la santé sont ses employés.
Bien entendu, les gouvernements qui se sont succédé au Niger depuis 1968 portent également une grande responsabilité dans ces abus. C'est là que le néocolonialisme entre en jeu. Le Niger a été, du moins avant les récents événements révolutionnaires, un élément clé du projet néocolonial de la "Françafrique", dans lequel Paris a conservé un contrôle majeur sur ses anciennes colonies en Afrique. Dès le début de l'indépendance du Niger, des centaines de "conseillers" français sont restés à tous les niveaux du gouvernement. L'armée était composée exclusivement d'anciens membres des milices coloniales, et les officiers étaient souvent des Français qui avaient obtenu la nationalité nigérienne dans ce but précis.
Au total, 1500 soldats français et 1100 soldats américains sont toujours présents au Niger, bien que le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) ait officiellement mis fin aux cinq accords militaires conclus avec la France et ordonné le départ de toutes les troupes françaises pour le début du mois de septembre. Ces accords ont souvent été conclus sous la forte pression de Paris.
Effet domino au Sahel
Il est clair que les récents développements ont pris la France complètement au dépourvu, 60 ans d'exploitation impitoyable de l'Afrique de l'Ouest semblant s'effondrer en l'espace de quelques années seulement. Mujtaba Rahman, directeur général pour l'Europe de la société de conseil Eurasia Group, est même allé jusqu'à qualifier les développements anticoloniaux au Niger, qui ont suivi les changements antérieurs au Burkina Faso et au Mali, de "théorie des dominos évidente pour le XXIe siècle".
Il convient de noter que le départ des troupes françaises du Niger ferait du Tchad le seul pays de la région stratégiquement importante du Sahel à maintenir une présence militaire française, bien que de plus petits contingents de troupes françaises soient toujours présents au-delà du Sahel, dans les États membres de la CEDEAO que sont la Côte d'Ivoire, le Gabon et le Sénégal.
Il reste à voir comment la situation au Sahel et dans l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest évoluera. Il est peu probable que la France prenne ces pertes avec élégance. L'élite française est pleinement consciente de sa dépendance totale à l'égard de l'Afrique et de l'exploitation parasitaire qu'elle en fait.
L'ancien président français Jacques Chirac avait déclaré que "sans l'Afrique, la France glissera vers le rang de troisième puissance [mondiale]", faisant écho aux paroles inquiétantes de son prédécesseur François Mitterrand selon lesquelles "sans l'Afrique, la France n'aura pas sa place au XXIe siècle".
La France peut avoir "besoin" de l'Afrique pour continuer à se faire passer pour une puissance mondiale. Mais le fait est que l'Afrique n'a pas besoin, et apparemment ne veut pas ou ne désire pas plus de liens avec la France dans l'ordre mondial multipolaire émergent.
Brecht Jonkers
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dimanche, 03 septembre 2023
La guerre en Ukraine et la crise de l'Occident
La guerre en Ukraine et la crise de l'Occident
par Giacomo Gabellini
Source : L'Antidiplomatico & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/la-guerra-in-ucraina-e-la-crisi-dell-occidente
Quelles sont les principales raisons des graves erreurs de jugement commises par les décideurs politico-militaires occidentaux dans la guerre en Ukraine ?
Je pense que les raisons de ces erreurs de calcul stupéfiantes résident dans le sentiment de toute-puissance qui a envahi les classes dirigeantes américaines depuis l'effondrement de l'Union soviétique. Cette perception déformée a atrophié la pensée critique et alimenté un mépris substantiel pour le reste du monde ; le conformisme rampant qui en résulte a entravé leur capacité à évaluer de manière réaliste leur propre potentiel et celui de l'ennemi et à comprendre les implications stratégiques de leurs choix politiques. Ils ont ainsi délibérément transformé la question ukrainienne d'une crise régionale en un défi existentiel pour la Russie, sans réaliser pleinement les dangers liés à la décision d'acculer le plus grand pays du monde avec plus de 6000 ogives atomiques et des lanceurs hypersoniques capables de les acheminer jusqu'à la cible. Ils ont ainsi sous-estimé la capacité industrielle, la cohésion sociale, les compétences technologiques et la force militaire latente de la Fédération de Russie, tout en surestimant sa capacité de conditionnement et de dissuasion à l'égard des pays tiers, l'impact des sanctions et les implications de la tendance croissante à la "militarisation" du dollar et des circuits dans lesquels circule la monnaie américaine.
Ils ont ainsi cru pouvoir étrangler l'économie russe comme ils l'avaient fait pour l'économie chilienne dans les années 1970, convaincre facilement le reste du monde de se joindre à la campagne de sanctions orchestrée par l'Occident contre la Fédération de Russie, et infliger une défaite stratégique sur le champ de bataille en s'appuyant sur la supériorité supposée de leur doctrine militaire et de leurs systèmes d'armement.
En ce qui concerne la Chine, ils ont fait des erreurs de calcul comparables, voire pires. Ils ont cru pouvoir l'"occidentaliser" en l'intégrant dans l'ordre mondialisé, et en favorisant ainsi la délocalisation de ses milliers d'usines de production vers la première puissance démographique du monde, qui, au fil des millénaires, est restée remarquablement fidèle à elle-même en s'appuyant sur un patrimoine culturel inestimable. Ils ont ainsi créé les conditions de la transformation d'un pays très pauvre en une superpuissance universelle, avec des intentions ouvertement anti-hégémoniques. Un résultat stupéfiant.
S'agit-il des erreurs d'une classe dirigeante ou d'une culture entière ?
Je pense qu'il s'agit du fruit empoisonné d'un processus généralisé de "barbarisation" culturelle. Aux États-Unis, le concept parétien de "circulation des élites" a été appliqué au point de dégénérer en un système bien connu de "portes tournantes", déjà analysé par Charles Wright Mills (photo) dans son excellent The Power Elite. Soldats, politiciens, banquiers et financiers passent avec une grande facilité du public au privé, puis de nouveau au public, donnant lieu à des enchevêtrements d'intérêts particuliers profondément opposés à ceux de la nation dans son ensemble. La fonction politique devient ainsi l'otage de l'affairisme le plus flagrant, qui s'exprime sous la forme d'une association très particulière que l'ancien analyste de la CIA Ray McGovern (photo, ci-dessous) a appelé le "complexe militaro-industriel-congrès-intelligence-médias-université-tank de réflexion", dans lequel la circulation de l'argent par le biais de pots-de-vin interconnecte les médias, les universités, les "think tanks", les agences d'espionnage et le Congrès, en orientant les directions stratégiques de la puissance publique.
L'ampleur des efforts de propagande visant à façonner l'opinion publique nationale et à "créer un consensus" dans le pays donne la mesure du niveau de corruption atteint par les États-Unis, qui, à mon avis, tendent à ressembler de plus en plus à l'Union soviétique des années 1980.
Ces derniers temps, lorsque je réfléchis à l'ampleur de la dégradation qui caractérise aujourd'hui les États-Unis, je me souviens souvent des évaluations amères faites à l'époque par Nikolai Ivanovic Ryžkov (photo, ci-dessus), ancien fonctionnaire et homme politique soviétique, à propos de son pays. L'abrutissement du pays", déclarait Ryžkov, "a atteint son apogée: après cela, il n'y a plus que la mort. Rien n'est fait avec soin. Nous nous volons nous-mêmes, nous prenons et donnons des pots-de-vin, nous mentons dans nos rapports, dans les journaux, depuis le podium, nous nous révoltons dans nos mensonges et pendant ce temps, nous nous donnons des médailles les uns aux autres. Tout cela du haut vers le bas et du bas vers le haut".
La guerre en Ukraine est la manifestation d'une crise de l'Occident. Est-elle réversible ? Si oui, comment ? Si non, pourquoi ?
Je dirais que oui. Certes, l'Occident a encore de nombreuses flèches à son arc, mais il me semble qu'il est en train de glisser de manière irréversible sur une pente très raide. Comme j'ai tenté de l'expliquer dans mes propres travaux, le conflit russo-ukrainien a révélé urbi et orbi le manque de fiabilité de l'"Occident collectif" et l'arbitraire du soi-disant "ordre fondé sur des règles" dont les porte-parole de Washington vantent sans relâche les vertus inexistantes. Mais surtout, elle a mis en lumière la faiblesse structurelle des Etats-Unis et la fausse conscience des classes dirigeantes euro-américaines, qui présentent le conflit russo-ukrainien comme un affrontement entre démocraties et autocraties, alors que le reste du monde y voit une guerre par procuration entre l'OTAN et la Russie, cette dernière tenant tête économiquement et militairement à l'ensemble de l'Alliance atlantique. Je suis tout à fait d'accord avec Emmanuel Todd pour dire que "la résilience de l'économie russe pousse le système impérial américain vers le précipice".
Personne n'avait prédit que l'économie russe résisterait à la "puissance économique" de l'OTAN. Je pense que les Russes eux-mêmes ne l'avaient pas prévu. Si l'économie russe résistait indéfiniment aux sanctions et parvenait à épuiser l'économie européenne, où elle reste sur le terrain, soutenue par la Chine, le contrôle monétaire et financier américain sur le monde s'effondrerait et, avec lui, la possibilité pour les États-Unis de financer leur énorme déficit commercial à partir de rien. Cette guerre est donc devenue existentielle pour les Etats-Unis". Les États-Unis auraient besoin d'une "adaptation en douceur" à un monde en mutation rapide, mais le pays ne dispose pas d'un appareil de direction à la hauteur de la tâche.
La Chine et la Russie, les deux puissances émergentes qui contestent la domination unipolaire des États-Unis et de l'Occident, ont, depuis l'effondrement du communisme, renoué avec leurs traditions culturelles prémodernes : le confucianisme pour la Chine, le christianisme orthodoxe pour la Russie. Pourquoi ? Le retour au passé, littéralement "réactionnaire", peut-il s'enraciner dans une société industrielle moderne ?
La redécouverte des racines culturelles a permis à la Chine et à la Russie d'ériger de "grandes murailles" suffisamment solides pour résister à la tentative obstinée du tout américain d'occidentaliser le monde entier. La redécouverte du passé constitue un formidable outil pour ces deux Etats-civilisations, en vue d'affirmer leur identité propre et différenciée, et de resserrer la société autour de valeurs millénaires spécifiques.
Je crois que "greffer" ces traditions dans une société moderne est une tâche difficile en général, mais pour des nations comme la Chine et la Russie, elle peut être beaucoup moins ardue car ce sont des pays qui n'ont jamais vraiment renié leur passé. D'une manière ou d'une autre, les pierres angulaires de ces deux cultures ont toujours resurgi, même lorsqu'elles ont été soumises à de rudes épreuves telles que la révolution culturelle ou les projets soviétiques visant à créer ce que l'on appelle "l'homme du futur". La dérive nihiliste de l'Occident, en revanche, rend particulièrement difficile la mise en œuvre d'un processus de réévaluation du passé similaire à celui mené par la Chine et la Russie.
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samedi, 02 septembre 2023
L'Europe, une cible secondaire: le scénario inévitable de la stratégie américaine
L'Europe, une cible secondaire: le scénario inévitable de la stratégie américaine
Oleg Ladoguine
Source: http://www.elespiadigital.com/index.php/noticias/geoestrategia/41365-europa-un-objetivo-secundario-el-escenario-inevitable-de-la-estrategia-estadounidense
Le magazine allemand Spiegel a publié en 2018 une interview d'Elbridge Colby, qui a élaboré la stratégie de sécurité nationale des États-Unis alors qu'il occupait le poste de secrétaire adjoint à la défense pour la stratégie et le développement des forces pendant la présidence de Donald Trump. En Europe, on craint la seconde arrivée au pouvoir de Trump et on essaie déjà de décider à quoi se préparer. Colby a été assez franc quant à sa vision politique réaliste de la stratégie américaine.
Pour commencer, il convient de préciser qu'Elbridge Colby est le petit-fils du directeur de la CIA, William Colby. Le magazine Politico l'a qualifié "d'acteur central pour le compte de l'élite quant aux choix de politique étrangère" de Washington. Colby est diplômé de Harvard et de Yale, tout ce qu'il faut pour faire partie de l'élite américaine pur jus.
En même temps, Colby (photo) n'est pas le chouchou des néo-conservateurs de Washington, mais il promeut au sein du Parti républicain des points de vue qui s'opposent à des décennies de pensée interventionniste dominante. Avec l'ancien sous-secrétaire d'État de l'administration Trump, Wess Mitchell, Colby a fondé un groupe de réflexion appelé Marathon Initiative. Par ailleurs, il convient de noter qu'Edward Luttwak, qui, pendant la présidence de Richard Nixon, a élaboré une stratégie pour l'effondrement de l'URSS, figure également parmi les fondateurs, mais qu'il est surtout connu pour son livre de 1968 intitulé "Coup d'État : A Practical Guide", qui a été traduit en 14 langues et réimprimé à plusieurs reprises.
Sur la couverture de la présentation du centre, on peut lire : "L'Amérique entre dans une ère de rivalité entre grandes puissances à laquelle elle n'est pas préparée. La question de la sécurité nationale la plus importante de notre époque est de savoir comment garantir la liberté et la prospérité des États-Unis dans cette ère de concurrence accrue. La mission de l'Initiative Marathon est de développer les stratégies diplomatiques, militaires et économiques dont une nation aura besoin pour faire face à une rivalité prolongée entre grandes puissances.
Dans son entretien avec le Spiegel, Colby commence par dire que le monde unipolaire qui a duré de 1991 à 2015 n'existe plus, que les États-Unis ne sont plus une superpuissance et que la Chine est aujourd'hui aussi puissante économiquement que les États-Unis.
Point de départ de sa vision de la stratégie américaine, Colby voit la possibilité pour la Chine de devenir une puissance hégémonique en Asie. Cela lui permettrait de prendre le contrôle de l'ensemble de l'économie mondiale, ce qui aurait des répercussions négatives sur les États-Unis et, par conséquent, ne saurait être toléré.
Le stratège américain n'hésite pas à expliquer à un journaliste allemand que, dans les années à venir, plus de 50 % de la production mondiale sera réalisée en Asie et que la part de l'Europe tombera à 10 % dans 20 ans. Dans le même temps, il tente de rassurer le journaliste en lui expliquant que cela ne signifie nullement que l'Europe ne présentera plus d'intérêt pour les États-Unis, mais que les Américains devront concentrer leurs efforts sur l'Asie.
Colby réfute la thèse du président américain Joe Biden selon laquelle "la meilleure façon d'effrayer la Chine est la victoire de l'Ukraine sur la Russie", affirmant que les sanctions contre la Russie n'ont pas eu l'effet escompté et que sa politique n'a pas changé. La seule option qui reste pour changer radicalement la situation est le recours à la force militaire. Cependant, les États-Unis ne peuvent pas s'impliquer dans le conflit ukrainien car, premièrement, cela affaiblirait le potentiel de l'armée américaine à affronter la Chine dans le conflit sur Taïwan. Deuxièmement, les dépenses à long terme de plusieurs milliards de dollars en Ukraine saperont la volonté du public américain d'investir dans la préparation d'une confrontation avec la Chine.
Selon M. Colby, les États-Unis ne refusent pas d'aider l'Ukraine, mais il est tout à fait logique que les Européens assument la majeure partie du fardeau. À un journaliste allemand qui se plaignait que l'Europe n'avait plus assez de munitions et d'équipements, le stratège américain a répondu qu'en Allemagne, en 1988, il y avait 500.000 personnes engagées dans l'armée et 2.000 chars Leopard 2, et qu'aujourd'hui, il y en a 180.000 et 200 chars. Après la guerre froide, l'Allemagne a trouvé très rentable de dépenser de l'argent pour un "État-providence", mais cela n'excuse pas le fait que les Allemands exigent aujourd'hui des États-Unis qu'ils renoncent à leurs intérêts nationaux.
Arguant que les Européens ne pouvaient même pas compenser partiellement les précédentes fournitures américaines à l'Ukraine, M. Colby a répondu que l'état statique actuel des fronts ukrainiens montrait que Kiev ne tomberait pas et que les autres puissances européennes n'étaient pas menacées par la Russie, même s'il ne faut pas sous-estimer cette menace.
La situation est totalement différente en ce qui concerne la Chine, qui se modernise à un rythme sans précédent, développe considérablement son potentiel nucléaire, son économie se reconstruit pour contourner les sanctions, et tout cela suggère que la Chine se prépare à la guerre, estime le stratège américain, citant des informations de la CIA selon lesquelles Xi Jinping a ordonné à son armée de se préparer à prendre le contrôle militaire de Taïwan d'ici à 2027.
De plus, selon lui, la Chine se comporte déjà comme une superpuissance montante. Par conséquent, en cas de conflit militaire avec la Chine au sujet de Taïwan, les États-Unis n'ont pas le droit de perdre, car une défaite signifierait qu'ils ont perdu une région clé. Selon M. Colby, c'est un conflit militaire en Asie qui modifiera l'ordre mondial, et non en Europe, comme le pensent de nombreux Occidentaux.
En cas de victoire chinoise, les pays de la région chercheront à s'associer à la Chine, sachant que les États-Unis ne seront plus en mesure d'assurer la sécurité. Cela aidera la Chine à faire du yuan une monnaie importante dans l'économie mondiale et à devenir le siège de grandes entreprises technologiques. Si une telle Chine impose des sanctions à d'autres pays, celles-ci auront un impact même sur les États-Unis et l'Allemagne.
Il est évident que le stratège américain ne fait ici que projeter le comportement des États-Unis sur la Chine, alors que la politique chinoise s'est toujours distinguée par sa propre approche et que la pression des sanctions n'a pas été l'une de ses priorités.
En réponse aux craintes du journaliste selon lesquelles les États-Unis pourraient forcer l'Allemagne à abandonner sa coopération économique avec la Chine, M. Colby affirme qu'il s'agit là de la stratégie de l'actuelle administration de Joe Biden, qui, en finançant les hostilités en Ukraine, continuera à avoir besoin de cette faveur réciproque de la part des Européens. Il propose donc un compromis : "Il serait préférable et moins coûteux pour les Européens de laisser les États-Unis se préparer à la bataille avec la Chine, sans avoir à s'impliquer dans le conflit ukrainien. Cela encouragerait les États-Unis à exercer moins de pression pour rompre leurs liens économiques avec la Chine".
La crainte suivante des Européens était la possibilité que les États-Unis quittent l'OTAN avec l'arrivée de Donald Trump pour un second mandat présidentiel. M. Colby a expliqué qu'il n'est pas souhaitable de quitter l'alliance. Le problème réside ici dans ceux qui pensent que "l'OTAN doit rester pour toujours au centre de la politique américaine". Cependant, la réalité suggère qu'au sein de l'OTAN, les Européens devraient avant tout se préoccuper de leur propre sécurité.
Bien que l'article du Spiegel mentionne à plusieurs reprises que Colby est un stratège républicain, son approche n'a pas la couleur politique que le magazine allemand tente de lui donner.
Il convient de rappeler qu'en novembre 2021, lors d'une visite à Bruxelles, un membre de l'administration de Joe Biden, le conseiller du département d'État américain Derek Chollet, a déclaré que la Maison Blanche soutenait les efforts des alliés européens pour développer leur propre potentiel militaire et que les Européens devaient accélérer les choses à cet égard.
"Il est dans l'intérêt des États-Unis que l'Europe dispose d'une plus grande capacité militaire. C'est pourquoi les administrations américaines, les présidents de différents pays et les secrétaires à la défense depuis six ou sept ans parlent de deux pour cent du PIB comme une sorte de norme de base pour les dépenses militaires", a déclaré M. Chollet.
C'est exactement ce que l'administration de Donald Trump a exigé de l'Europe. Il serait donc erroné d'attribuer la stratégie proposée par Colby aux seuls représentants du parti républicain.
Appelée à l'époque "autonomie stratégique" pour l'Europe, l'idée a fait son chemin aux États-Unis après que l'administration de Joe Biden a réchauffé les relations avec la France avec l'annonce surprise du partenariat AUKUS et le retrait consécutif par l'Australie des sous-marins commandés à la France.
Après le déclenchement de l'opération militaire spéciale par la Russie en Ukraine, la situation aux États-Unis montre que le sentiment anti-chinois au sein de l'establishment politique ne fait que croître. Dans sa stratégie de sécurité nationale, l'administration Biden a désigné la Chine comme la principale menace. La nouvelle législation sur les sanctions à l'encontre de la Chine fait l'objet d'une initiative bipartisane au Congrès.
Tout ceci suggère que la stratégie proposée par Colby pourrait bien prévaloir aux États-Unis, même sans républicain au pouvoir en 2024.
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vendredi, 01 septembre 2023
La géopolitique des communications sous-marines
La géopolitique des communications sous-marines
Leonid Savin
Source: https://www.geopolitika.ru/article/geopolitika-podvodnyh-kommunikaciy
Le monde est couvert de lignes de communications diverses - fils électriques, pipelines, autoroutes et chemins de fer passent sur la terre ferme et sont visibles à l'œil nu. Cependant, les mers et les océans servent également à transporter non seulement des marchandises et des ressources sur des navires, mais aussi des informations et de l'énergie sous l'eau. Outre les pipelines, ce sont les câbles sous-marins qui relient les zones terrestres entre les continents et les îles.
Les câbles sous-marins peuvent être divisés en deux catégories principales: les câbles d'énergie, qui transmettent l'électricité, et les câbles de communication, qui sont utilisés pour la communication par internet et ont remplacé les lignes télégraphiques (téléphoniques) obsolètes. Le premier câble électrique a été posé en 1965 pour relier le Canada continental (Colombie-Britannique) à plusieurs îles. Le dernier a été posé entre la péninsule du Péloponnèse et l'île de Crète en 2021. En ce qui concerne la Russie, un pont énergétique vers la Crimée a été construit en 2015, mais il passe au-dessus de l'eau. Les mers Baltique et du Nord et la Méditerranée font immerger les fils électriques dans leurs profondeurs. Mais il existe aussi des communications sous-marines dans le Pacifique et l'Atlantique, et la mise en service de nouvelles communications est prévue. Un câble de 1 GW doit traverser la mer Noire pour acheminer l'électricité de l'Azerbaïdjan vers la Roumanie, la Moldavie et les pays de l'Union européenne, en passant par la Géorgie. Sa mise en service est prévue pour 2029 [1].
Au fond des mers et des océans se trouvent principalement des câbles utilisés pour la transmission de données: environ 99 % du trafic internet passe par eux. Alors qu'il y a dix ans, les câbles Internet sous-marins étaient posés par des entreprises informatiques spécialisées, le monde assiste aujourd'hui à un boom des investissements dans ce secteur. On estime que 10 milliards de dollars seront dépensés dans ce secteur au cours des deux prochaines années. La concurrence est rude: chaque année, de jeunes et de grandes entreprises tentent de mettre sur pied de nouveaux projets et de répondre à la demande croissante en matière de fourniture de trafic.
Rien qu'en 2022, la bande passante transpacifique a augmenté de 35% d'une année sur l'autre pour atteindre un peu plus de 250 Tbps [2].
Les nouvelles technologies deviennent beaucoup plus efficaces. Par exemple, le câble transatlantique le plus rapide, récemment achevé, appelé Amitié ad, est aussi épais qu'un tuyau d'arrosage, financé par Microsoft, Meta et d'autres, et peut transmettre 400 térabits de données par seconde [3].
La fibre noire est utilisée pour les câbles sous-marins afin de transmettre d'énormes quantités de données d'un continent à l'autre. Ces réseaux de fibres appartiennent généralement à des consortiums d'entreprises de télécommunications internationales et à de grands fournisseurs de services d'informatique en nuage et de médias. Par exemple, le système de câbles sous-marins 2Africa conçu pour ceinturer le continent africain est le fruit d'une collaboration entre Meta Platforms (anciennement Facebook) et des sociétés de télécommunications telles que MTN GlobalConnect, Orange et Vodafone. Le câble sous-marin 2Africa est conçu pour connecter jusqu'à 16 paires de fibres, certaines paires de fibres sombres ou "inutilisées" étant réservées pour une expansion future [4].
Il existe aujourd'hui plus de 552 câbles internet sous-marins dans le monde, alors qu'il y a seulement dix ans, il y en avait presque trois fois plus.
Les méthodes modernes de pose ne diffèrent guère de celles utilisées au milieu du 19ème siècle, lorsque le premier câble télégraphique transatlantique a été posé: les câbles sont déroulés à partir de navires. Comme la plupart des câbles se trouvent dans des eaux neutres, leur pose et leur entretien comportent certains risques géopolitiques.
L'espionnage en fait partie. Les activités d'espionnage liées aux câbles sous-marins remontent officiellement à une opération secrète portant le nom de code Ivy Bells, menée par le sous-marin américain Halibut dans la mer d'Okhotsk en 1971, qui a permis de découvrir un câble de télécommunications militaires de l'Union soviétique longeant le fond de la mer d'Okhotsk depuis le Kamtchatka jusqu'au continent.
Un scandale majeur a éclaté entre les États-Unis et l'UE après la découverte que les services de renseignement américains et britanniques étaient impliqués dans des activités d'espionnage industriel à l'encontre d'entreprises européennes. Il s'agit de l'utilisation du système de renseignement électronique Echelon, qui avait déjà ciblé l'URSS et ses alliés. Le Parlement européen a créé une commission spéciale sur cette question en 1999, car il y avait de bonnes raisons de penser que les services de renseignement américains et britanniques transmettaient des données importantes à des concurrents d'entreprises européennes, leur faisant subir des pertes de plusieurs millions de dollars (5). La Commission a produit un rapport de 194 pages dans lequel elle s'inquiète des violations de la vie privée et des diverses implications de ces systèmes pour les organisations commerciales.
En 2005, la marine américaine a mis en service le sous-marin à propulsion nucléaire USS Jimmy Carter (SSN-23) qui, selon les analystes de la communauté du renseignement américain, est également chargé de détecter et d'écouter les câbles sous-marins.
De son côté, l'armée américaine s'est montrée préoccupée par l'activité des navires de recherche russes. En particulier, en octobre 2015, le contre-amiral William Marks a déclaré que "la marine russe a intensifié ses activités près des routes des câbles sous-marins, qui sont les veines des communications et du commerce électroniques mondiaux" [6].
Les États-Unis étaient particulièrement préoccupés par l'itinéraire du navire russe Yantar (photo) qui, à l'automne 2015, a traversé lentement la côte est des États-Unis jusqu'à Cuba. Le navire a été constamment surveillé par les satellites espions, les navires et les avions américains. Les responsables de la marine américaine ont déclaré que le navire russe transportait des véhicules sous-marins spéciaux qui pouvaient être descendus au fond de l'eau pour couper le câble sous-marin.
Récemment, des affirmations similaires ont été faites au sujet de câbles internet au large des côtes européennes, mais cette activité hypothétique de la part de la Russie est aujourd'hui présentée comme une volonté de se venger de l'atteinte portée aux pipelines Nord Stream.
Depuis le lancement de l'opération militaire spéciale, la question des infrastructures critiques a été débattue au sein de l'UE [7]. L'attaque contre Nord Stream en septembre 2022 a contraint le Conseil européen à publier un plan de sensibilisation en cinq points en octobre de la même année [8]. Ce plan a été suivi d'une directive du Conseil européen en décembre 2022 visant à "améliorer la résilience des infrastructures critiques", y compris les câbles sous-marins [9].
Cela dit, aucune organisation de l'UE n'est en pointe sur cette question et n'a d'objectifs explicites en matière de protection des câbles sous-marins. En général, la sécurité maritime dans l'UE est assurée par trois agences techniques qui ne font pas partie des forces armées de ses États membres : l'Agence européenne de contrôle des pêches (EFCA), l'Agence européenne pour la sécurité maritime (EMSA) et l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (FRONTEX), cette dernière étant la seule à disposer d'importantes capacités de maintien de l'ordre. Le système européen de surveillance des frontières (EUROSUR), géré par FRONTEX, combine des moyens tels que des véhicules aériens sans pilote, des radars et des avions, mais ceux-ci sont principalement utilisés pour lutter contre l'immigration clandestine.
L'absence de mécanismes politiques dans ce sens a militarisé la question de la sécurité des câbles sous-marins dans l'UE. En juin 2023, l'OTAN a ouvert un nouveau centre à Northwood, en Angleterre, spécifiquement dédié à l'infrastructure des câbles sous-marins [11]. De toute évidence, l'emplacement n'a pas été choisi au hasard, car la Grande-Bretagne est une nation insulaire (Sea Power) et dépend du fonctionnement fiable de l'infrastructure sous-marine.
En général, l'appel à de telles menaces de nature artificielle a déjà été lancé par les pays anglo-saxons. Ainsi, en 2012, le Centre Belfer de l'Université de Harvard aux États-Unis a publié une étude suggérant que la technologie moderne pourrait être utilisée pour les ruptures de câbles en eaux profondes. Étant donné que les câbles transocéaniques, qui ont été posés relativement récemment, suivent presque les mêmes itinéraires que leurs prédécesseurs, il ne serait pas difficile pour les autorités compétentes de détecter leurs itinéraires principaux [12].
Et alors que les dommages antérieurs se produisaient à de faibles profondeurs et à quelques milles nautiques du rivage en raison d'un chalutage accidentel, d'une ancre de navire heurtant le câble ou de catastrophes naturelles (il y a également eu des cas de requins mâchant des câbles), le sabotage en eaux profondes peut causer beaucoup de problèmes de réparation et entraîner des coûts considérables.
À plus de 300 mètres de profondeur, les câbles transocéaniques sous-marins sont généralement posés directement sur le fond de l'océan (ils ne bénéficient d'une protection supplémentaire que près du rivage). Ils sont donc relativement faciles à endommager et seuls des appareils spéciaux sont nécessaires pour les lire.
Bien que les câbles sous-marins soient parcourus par un courant de haute tension, ils peuvent être endommagés non seulement par des saboteurs spécialement formés, mais aussi par des "amateurs". En mars 2013, des attaquants inconnus en Égypte ont coupé le câble sous-marin SMW4 à 750 mètres de la côte de la ville d'Alexandrie [13]. À la suite de cette coupure, la vitesse de l'internet en Égypte a chuté de 60 % jusqu'à ce que la ligne soit rétablie.
Les catastrophes naturelles, en particulier dans la zone d'activité volcanique, font également partie des risques. En 2006, des tremblements de terre au large de Taïwan ont provoqué des pannes d'internet à Taïwan, en Corée du Sud et dans l'ensemble de l'Asie du Sud-Est. Les réparations avaient alors pris près de deux mois. En 2021, une éruption volcanique suivie de tremblements de terre a sectionné des câbles sous-marins allant jusqu'à Tonga. Pendant plus de trois semaines, le pays a été privé d'internet à haut débit, se contentant presque exclusivement de réseaux de téléphonie mobile.
L'Occident ne s'inquiète pas seulement de la sécurité des communications sous-marines, mais aussi de la Chine. Le contexte est toutefois légèrement différent : il s'agit de la concurrence. Le ministère américain de la justice a fait une déclaration sur le réseau câblé Pacific Light, indiquant qu'il n'était pas souhaitable que des ressortissants chinois figurent parmi les contractants et investisseurs potentiels [14]. Des inquiétudes ont été exprimées concernant l'accès aux données et la protection de la vie privée. Le fait est que les lois sur la protection de la vie privée diffèrent d'un pays à l'autre et que les approches de Pékin et de Washington, ainsi que de l'UE, qui sont des acteurs majeurs dans l'industrie en question, sont différentes.
Enfin, l'intérêt même de la Chine pour les communications sous-marines et sa participation active à leur pose inquiètent déjà les États-Unis, qui perdent leur monopole.
Le groupe Hengtong est la plus grande entreprise de câbles de Chine et possède plus de 70 filiales différentes. En 2020, le groupe Hengtong acquiert Huawei Marine Networks, qu'il rebaptise HMN Technologies. En 2021, le ministère américain du commerce a inscrit l'entreprise sur la liste noire des entités américaines pour avoir soutenu la "modernisation militaire de l'Armée populaire de libération". Cette liste interdit au groupe Hengtong de recevoir sans licence certains biens soumis aux règles d'administration des exportations. Mais comme le groupe possède de nombreuses filiales, il a été difficile pour les États-Unis de suivre les transferts de technologie.
Huawei figure également sur la liste des sanctions américaines. Huawei a participé à environ 45 % des projets de câbles sous-marins impliquant la RPC. Les 55 % restants ont été répartis entre China Unicom, China Telecom et China Mobile [15].
La Russie n'est pas très présente dans le domaine des communications internet sous-marines. Sakhaline, ainsi que les îles Kouriles, la route maritime du Nord et la région de Kaliningrad sont reliées au continent. Par ailleurs, le premier câble autonome vers la région de Kaliningrad a été posé relativement récemment, en 2021 [16]. Parmi les lignes internationales, la Russie est reliée par câble à la Finlande, à la Géorgie et au Japon. C'est relativement peu, compte tenu de la taille de notre pays, mais cela réduit considérablement les risques éventuels. Bien que nous n'ayons pratiquement aucune présence dans d'autres pays, nous pourrions, grâce à notre propre expertise technologique, évincer les entreprises occidentales de ce secteur prometteur, du moins dans les pays amis.
Il y a plus de dix ans, le câble intercontinental des BRICS a fait l'objet de discussions, mais ce sujet a ensuite disparu de l'ordre du jour. Peut-être n'y avait-il pas assez de fonds pour un projet aussi grandiose - ou de volonté politique. Cependant, avec l'expansion de ce club et l'intérêt d'un nombre croissant de pays pour la création d'un ordre mondial multipolaire [17], la question des communications sous-marines et de la sécurité de leur fonctionnement sera tout à fait d'actualité.
Notes:
[1], [2] - news.cn
[3] - cnet.com
[4] - dgtlinfra.com
[5] - отчёт комиссии: Report on the existence of a global system for the interception of private and commercial communications (ECHELON interception system) (2001/2098(INI))
[6] - David E. Sanger and Eric Schmitt, Russian Ships Near Data Cables Are Too Close for U.S. Comfort // The New York Times, OCT. 25, 2015
[7] - europarl.europa.eu
[8] - ec.europa.eu
[9] - consilium.europa.eu
[10] - dgap.org
[11] - pbs.org
[12] - Michael Sechrist, New Threats, Old Technology: Vulnerabilities in Undersea Communication Cable Network Management Systems. Belfer Center Discussion Paper, No. 2012-03, Harvard Kennedy School, February 2012.
[13] - Al-Masry Al-Youm, Internet saboteur caught, says Telecom Egypt CEO // Egypt Independent, 27/03/2013
[14] - justice.gov
[15] - thediplomat.com
[16] - ria.ru
[17] - Леонид Савин. «Ordo Pluriversalis. Возрождение многополярного мироустройства». PDF
19:00 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, géopolitique, câbles sous-marins | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mardi, 29 août 2023
États de la Corne de l'Afrique
États de la Corne de l'Afrique
Suleiman Walhad
Source: https://katehon.com/ru/article/gosudarstva-afrikanskogo-roga
Pourquoi ils sont importants pour le monde
La mer Rouge, le détroit de Bab el Mandeb, le golfe d'Aden et la mer de Somalie constituent les principales voies maritimes utilisées par les nations les plus puissantes. Le Nil fournit la majeure partie de l'eau douce de l'Afrique du Nord-Est.
La région est l'un des principaux fournisseurs de viande de la péninsule arabique, en particulier pendant la saison du Hadj, au cours de laquelle des millions de bovins sont envoyés à l'abattoir dans le cadre de l'un des rituels les plus importants de l'islam.
Le long littoral de la région s'étend sur quelque 4 770 kilomètres, du sud de la mer Rouge à Ras Quiamboni, l'extrémité sud de la Somalie dans l'océan Indien, et recèle un potentiel considérable en matière d'économie bleue, ce qui ajoute à la valeur et à l'importance de la région pour les principales puissances régionales et mondiales.
Sans surprise, cinq des six pays qui seront admis au sein des BRICS en 2024 sont liés à la région : l'Éthiopie, l'Égypte, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l'Iran. Tous se caractérisent par d'importantes ressources, qu'elles soient actuellement exploitées ou en cours de développement dans un avenir pas si lointain. La richesse actuelle de l'ensemble de la région et des cinq pays mentionnés comprend, entre autres, du pétrole et du gaz, un vaste marché et une base manufacturière importante. Le potentiel de la région se cache également, comme nous l'avons vu précédemment, dans les vastes étendues de l'économie bleue: les plages blanches accueilleront le tourisme international, la pêche, les minéraux et les sources d'énergie renouvelables telles que l'énergie éolienne, solaire, géothermique et hydroélectrique. En outre, un tiers des réserves mondiales d'uranium ont été découvertes dans la région.
La Corne de l'Afrique dispose également de vastes terres cultivables et de beaucoup d'eau douce sous forme de précipitations, de rivières et de lacs. Des cultures locales telles que le café, le teff (une céréale sans gluten), l'enseta (un type de banane) et d'autres sont développées dans la région. Parmi les avantages de la région, citons une population jeune et nombreuse et une grande variété d'oiseaux, de faune et de flore. La région exporte une quantité importante d'encens vers de nombreux marchés, y compris le Vatican.
Avec tous ces atouts et ressources, un climat varié et une superficie d'environ 1,9 million de kilomètres carrés, la région de la Corne de l'Afrique est vraiment importante pour le monde et les dirigeants doivent utiliser cette richesse pour un développement autonome au lieu de chercher de l'aide auprès des ONG et des organisations des Nations unies qui, malgré leur présence dans ces pays depuis plus de trente ans, n'ont pas amélioré d'un iota la situation dans la région. En fait, beaucoup pensent que leur présence est à l'origine de la plupart des conflits dans ces pays.
Il y a quelques années, les pays de la région ont commencé à se rapprocher, mais l'opposition des parties intéressées par le maintien des conflits s'est manifestée, ce qui a causé davantage de problèmes, principalement liés à la concurrence ethnique pour le pouvoir. En effet, d'autres blocs commerciaux tels que la Communauté de l'Afrique de l'Est semblent avoir persuadé certains pays de la Corne de l'Afrique d'abandonner leurs alliés naturels et de rejoindre la paix swahilie. La Somalie avait déjà commis l'erreur d'adhérer à la Ligue arabe, à laquelle elle n'appartient pas. Il semble que le pays soit sur le point de commettre à nouveau une erreur similaire en rejoignant un autre groupe avec lequel il n'a pas grand-chose en commun. La cohésion naturelle des États de la Corne de l'Afrique (Somalie, Éthiopie, Érythrée et Djibouti), ou "pays SEED", s'en trouve affectée. Ces quatre pays ont des populations similaires, des racines historiques similaires et une coopération traditionnelle entre les hautes terres et les basses terres.
L'économie de la région devrait croître à mesure que sa population augmente et que les investissements de son importante diaspora et d'autres parties prenantes augmentent. On s'attend également à ce que la nécessité d'une présence dans la région contraigne les pays à revenu élevé et moyen à tirer parti des possibilités offertes par la région dans la plupart des activités économiques, qu'il s'agisse de l'éducation, de la santé, de l'industrie manufacturière, du commerce, des services portuaires et, bien sûr, du tourisme.
Un domaine à ne pas négliger est le développement de l'économie et de la technologie numériques, dans lequel les jeunes de la région sont appelés à jouer un rôle important. Notez que l'économie somalienne est pratiquement dépourvue d'argent liquide et qu'au fil des ans, d'autres pays de la région devraient suivre cet exemple. Les riches ressources minérales de la région comprennent de nombreux éléments nécessaires aux nouvelles technologies, tels que le cuivre, le lithium, le cobalt et les terres rares. La région possède également d'importantes réserves d'or, d'uranium, de platine et d'autres minéraux. Cela devrait placer la région au premier rang des investissements, à condition que les dirigeants de la région soient capables de gérer les conflits tribaux et ethniques, et que les dirigeants soient capables de travailler ensemble plutôt que l'un contre l'autre en premier lieu.
Cette collaboration permettrait à la région d'entretenir des relations internationales, économiques, commerciales et politiques communes avec d'autres régions et pays du monde. Cela devrait permettre à chaque pays de gérer plus facilement son espace, son économie et sa population, et donc de favoriser un développement durable et inclusif. Cela permettrait sans aucun doute d'éliminer ou au moins de minimiser la concurrence ethnique pour le pouvoir. Les luttes de pouvoir ethniques du type "c'est mon tour maintenant" seraient éliminées des mélodrames politiques de la région.
20:57 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : actualité, géopolitique, afrique, affaires africaines, corne de l'afrique, éthiopie, somalie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
lundi, 28 août 2023
BRICS. Un nouveau monde étonnant !
BRICS. Un nouveau monde étonnant!
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/brics-oh-incredibile-mondo-nuovo/
L'élargissement de la zone des BRICS a laissé de nombreux analystes perplexes. Et a plongé les hommes politiques et les opérateurs économiques dans une sorte d'état de confusion. La démonstration - s'il en était besoin - du vieil adage selon lequel les dieux aveuglent ceux qu'ils veulent perdre. Car ce qui se passe était évident et implicite dans l'évolution des choses. Mais, dans ce qu'il est convenu d'appeler l'Occident, nous avons continué à jouer avec l'idée que les BRICS n'étaient qu'un acronyme sans substance. Et que les désaccords entre les membres historiques ne déboucheraient sur rien de concret lors du sommet sud-africain.
Et au lieu de cela?
Et bien, au lieu de cela, ce sommet a changé la carte du monde.
Essayez de la regarder.
Avec l'entrée de l'Égypte, les BRICS contrôlent effectivement Suez. Avec l'entrée de l'Éthiopie dans le club, ils dominent le détroit de Djibouti et les pays bordant la mer Rouge.
Avec l'Arabie saoudite, ils contrôlent non seulement la mer Rouge, mais aussi l'accès au golfe Persique. Une coopération jusqu'alors impensable avec l'Iran. Et les Émirats arabes contrôlent Ormuz et le passage entre le golfe Persique et l'océan Indien.
Un Océan qui est occupé par le colosse Inde. Et le long duquel court la route de la soie maritime, qui part de la mer de Chine méridionale.
Si, comme cela semble très probable, l'Indonésie devait bientôt rejoindre les BRICS, les étendues maritimes de la Chine à la Méditerranée deviendraient une sorte de mer intérieure "bricsienne". Totalement contrôlée par le nouveau géant multinational.
Il ne s'agit pas seulement d'échanges et de commerce. Il s'agit d'une révolution radicale de l'échiquier géopolitique. Ce qui ne fait pas dormir Washington et, peut-être surtout, le Pentagone sur leurs deux oreilles. Ce n'est pas un hasard si l'US Navy concentre depuis des années l'essentiel de ses forces dans l'océan Indien. Et que les secrétaires d'État des derniers présidents, de Rice à Clinton, se sont efforcés de resserrer une "ceinture de retenue" autour de la Chine. En misant sur une alliance avec l'Inde, les Saoudiens, l'Indonésie.
Un projet stratégiquement fondamental, contrarié en un jour au sommet sud-africain. Effet boomerang, en outre, de la politique insensée de Biden en Ukraine. De même que la stratégie de confrontation, peut-être encore plus folle, avec Pékin au sujet de Taïwan.
Si vous regardez la carte de l'Afrique, vous constaterez qu'avec l'Afrique du Sud, l'Éthiopie et l'Égypte, les BRICS occupent trois côtés et centres névralgiques du continent. Il ne manquerait plus que le Nigeria pour compléter le tableau. Le grand jeu africain serait alors terminé.
Mais le Nigeria, malgré la présence économique massive de la Chine, est encore trop subordonné via ses élites à l'Occident. Et avec trop de conflits internes. Trop de risques.
En revanche, au Maghreb, l'intégration prochaine de l'Algérie et de la Tunisie consolidera l'hégémonie des BRICS sur l'ensemble de l'Afrique du Nord méditerranéenne.
Seule la Turquie manque à l'appel. Mais c'est un pays lié (encore) à l'OTAN. Et, comme on peut le constater, les BRICS ont jusqu'à présent banni les pays ayant des liens politico-militaires étroits avec Washington.
C'est peut-être ce qui explique la énième valse d'Erdogan. Qui, après plus d'un an de neutralité substantielle, est soudain devenu un ardent défenseur de la cause ukrainienne. Du moins en paroles... car, on le sait, le sultan est connu pour sa capacité à négocier. Et augmenter le prix de son amitié.
Sans oublier l'Amérique latine. L'entrée de l'Argentine crée un axe sans précédent entre les deux géants du continent. Ouvrant, comme je l'ai déjà écrit, à une agrégation des pays andins. Ce qui conduirait à un marché sud-américain - l'ancien modèle MERCOSUR - toujours plus fort et plus intégré.
Et, en perspective, à la réalisation d'une unité substantielle d'intentions politiques, clairement opposée à l'hégémonie des "gringos". C'est le rêve de la "Bolivarie".
Cependant, l'Argentine semble être le talon d'Achille des BRICS. En effet, les prochaines élections argentines pourraient amener Javier Milei, ultra-libéral et totalement aplati face à Washington, au gouvernement.
Et vous pouvez parier que de nombreuses personnes à Langley et à Wall Street travaillent d'arrache-pied pour que cela se produise. Et pour éviter la victoire du péroniste Massa.
Quoi qu'il en soit, regardez la carte. Avec attention. Car ce qui se dessine aujourd'hui, c'est bel et bien un incroyable nouveau monde.
20:14 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : actualité, géopolitique, brics, politique internationale | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Niger : ethnosociologie et géopolitique
Niger : ethnosociologie et géopolitique
Katehon
Source: https://www.geopolitika.ru/it/article/niger-etnosociologia-e-geopolitica?fbclid=IwAR2hEeAj_1QidUMPVA4qPeBK7gDoVd2Jew5vw9PFStj43yc1GH1tnBKiQV8
L'une des grandes questions mondiales des prochaines semaines est la possible intervention de la France et de ses alliés au Niger. Cette invasion, si elle a lieu, se fera sous la bannière de la CEDEAO, la communauté économique ouest-africaine dominée par des éléments pro-français. L'État du Niger lui-même est étroitement lié à de nombreux pays, de sorte que les conséquences d'une invasion pourraient entraîner une réaction en chaîne dans la région.
Ethnosociologie du Niger
L'État du Niger a une histoire et une structure ethnique et géopolitique complexes. Sa population est composée de plusieurs groupes ethniques: les Berbères touaregs au nord, les Haoussa de la branche nilo-saharienne mélangés aux Fulbe nilo-congolais au sud-est, et les Jerma, également de la branche nilo-saharienne, les Songhai, qui jouent un rôle important. Les ethnies nomades du nord du Niger - Kanuri, Tihishit et Tasawak - appartiennent au même groupe nilo-saharien.
Pendant la période coloniale, le territoire a été brutalement conquis par la France et incorporé à l'Afrique occidentale française. Mais bien avant les colonisateurs français, des entités politiques distinctes et même des empires existaient sur le territoire.
Les Songhaïs : les Jerma
Les peuples de langue Songhaï (dont le Jerma fait partie) ont créé l'Empire Songhaï aux 15ème et 16ème siècles, qui s'est étendu aux États du Mali, du Niger et du Nigeria. L'empire Songhaï a succédé à l'empire du Mali et est devenu l'hégémon de l'Afrique de l'Ouest pendant un certain temps.
L'État Songhaï s'est construit dans le bassin du fleuve Niger (cours supérieur et moyen), à partir duquel il s'est étendu dans les deux directions, d'abord au nord et au sud, puis, après Gao, à l'ouest et à l'est.
Les sultans du Maroc ont conquis l'empire Songhaï en 1591. Par la suite, le Songhaï est devenu l'une des principautés régionales, au même titre que de nombreuses autres.
L'empire Songhaï était fondé sur une stratification rigide et formalisée des castes, qui a survécu à l'ère coloniale et a été maintenue par les Jerma, les Dendi et d'autres peuples jusqu'à aujourd'hui.
Les sociétés des peuples Songhai se composaient de trois castes strictement endogames. La première comprenait les personnes libres - les chefs (Zarmakoi des Jerma), les propriétaires de troupeaux (éleveurs) et les propriétaires de terres (agriculteurs). La strate supérieure de ce groupe endogame, lui-même subdivisé en une série de clans et de sous-castes endogames, était constituée des descendants de Sonni Ali, aujourd'hui considérés comme un type particulier de prêtres et de faiseurs de miracles (sohanche). Le deuxième groupe était constitué des employés (artisans, forgerons, musiciens, poètes). Enfin, le troisième groupe était celui des esclaves.
Les esclaves étaient une catégorie héréditaire et les descendants des esclaves devenaient esclaves à leur tour. Cependant, après quatre générations, les esclaves pouvaient prétendre au statut de personne libre. Dans le même temps, la caste dépendante ne pouvait pas changer de statut.
La différenciation des castes chez les Songhai est associée à un patriarcat prononcé et stable, ce qui constitue une différence significative par rapport à la stratification des castes chez les Berbères, qui présente certains parallèles avec les Songhai, mais conserve des liens avec d'anciens modèles matriarcaux qui, dans le cas des tribus Songhai (Jerma, etc.), sont totalement absents. La proximité avec les Berbères pourrait conduire à l'échange de certains éléments culturels, mais le patriarcat nilo-saharien original des Songhai est un trait distinctif de leur peuple.
Il est révélateur que la structure des huttes Jerma - rondes et à toit pointu - reproduise entièrement la forme des maisons nilotiques, ce qui démontre non pas tant l'origine orientale des Songhai que l'unité du type culturel. Parallèlement, la société Jerma est désormais sédentaire et la majorité de la population se consacre à la culture des céréales, à l'entretien des arbres fruitiers et à l'horticulture, avec une pratique de l'élevage largement développée.
Les membres de la classe supérieure des Jerma considèrent qu'il est de leur devoir de posséder un cheval, signe de leur appartenance à l'aristocratie militaire. Les Jerma sont belliqueux et ont de tout temps mené des raids contre les peuples voisins, s'emparant du bétail et réduisant les captifs en esclavage pour les utiliser dans l'agriculture ou les vendre sur les marchés d'esclaves. Le commerce des esclaves était une institution économique traditionnelle chez les Songhai, ainsi que chez les Berbères et les Arabes voisins.
Le peuple Jerma a joué un rôle important dans l'histoire de l'État du Niger moderne. Par exemple, le premier président du Niger après l'indépendance était le Jerma Amani Diori (1916-1989). En 1974, il a été renversé par un coup d'État militaire par un autre Jerma, Seyni Kuntche (1931-1987), qui est devenu président du Niger et l'est resté jusqu'à sa mort.
Salou Djibo (photo, ci-dessus), qui a mené un coup d'État en 2010, était également un Jerma.
Aujourd'hui, les Songhaïs - Jerma et autres - ne représentent que 21 % de la population du Niger. Néanmoins, ils contrôlent les principaux processus politiques.
Les Haoussas
Les Haoussas, comme les Jerma, appartiennent à la famille des langues nilo-sahariennes. Historiquement, les Haoussas sont étroitement liés au groupe ethnique nomade nigéro-congolais, les Fulbe (ou Fulani), largement répandus en Afrique de l'Ouest, qui ont été une force précoce et majeure dans la propagation de l'Islam parmi les peuples négroïdes.
Le territoire habité par les Haoussas en Afrique de l'Ouest est parfois appelé "Hausaland". Dans l'Antiquité, les Haoussas disposaient d'un réseau de cités-états développées, liées par la langue, la culture et le commerce. La majeure partie du Hausaland se trouve aujourd'hui au Nigeria, mais un pourcentage important de Haoussas constitue la population du Niger voisin.
Les légendes haoussas font remonter leurs origines au plateau de l'Aire, dans le centre du Niger. Plusieurs groupes ethnographiques de Haoussas s'appellent eux-mêmes par le nom d'états qui ont existé ou existent (sous forme traditionnelle). Ainsi, les Haoussas du Niger comprennent les Gobirawa (cité-État de Gobir, le souverain traditionnel est le Sarkin de Gobira, qui vit sur le territoire du Nigeria), les Katsinawa ou Maradawa (État de Katsina, le souverain est le Sarkin de Katsina, exilé par les Fulbe à Maradi), les Damagarawa (sultanat de Damagaram), les Daurawa (État de Daura), les Konnawa (ville de Birnin-Konnie), les Aderawa, les Mauri et d'autres encore.
Au début du 19ème siècle, la plupart des cités-états du Hausaland ont été conquises par une armée islamiste Fulbe ("Jihad Fulani") dirigée par Usman dan Fodio et incorporées au califat de Sokoto. Les cités-états de Maradi et de Damagaram étaient situées en territoire nigérien. Après les conquêtes d'Usman dan Fodio, les Haoussas ont commencé à se déplacer en masse sur le territoire de l'actuel Niger.
Les Haoussas sont un peuple sédentaire qui se consacre à l'agriculture, à l'artisanat et au commerce. Aujourd'hui, les Haoussas constituent la majorité de la population nigérienne (55%). Ils vivent dans le sud du pays, le long de la frontière avec le Nigeria, de Dogonduchi à l'ouest à Zinder à l'est. Les Haoussas sont également nombreux dans les régions de Tahoua et de Niamey.
Le président du Niger, Mahamadou Issoufou (photo, ci-dessus), qui a gouverné de 2011 à 2021, était d'origine haoussa.
Les Fulbe
Autre grand peuple d'Afrique de l'Ouest, les Fulbe, au Niger, sont étroitement mêlés aux Haoussas et la plupart des Fulbe nigérians parlent la langue haoussa. Dans les sociétés haoussa-fulbe, le groupe ethnique Fulbe tend à former une noblesse, le Toronkawa (au Nigeria).
Socialement et culturellement, les Fulbe ne font qu'un avec les Haoussas. Cela dit, la plupart des Fulbe sont répartis sur une vaste zone de l'Afrique de l'Ouest, allant de la Mauritanie, de la Gambie, du Sénégal et de la Guinée au Cameroun et au Soudan.
Traditionnellement, la société Fulbe comprend trois castes : les dirigeants, les Rimbbe ; les intellectuels, gardiens de l'héritage culturel, les Ninbbe ; et les esclaves, les Jayabbe.
Les Fulbe sont des nomades et des pasteurs qui considèrent l'intérieur aride de l'Afrique de l'Ouest comme leur territoire, indépendamment des frontières nationales. Certains Fulbe vivent aujourd'hui dans des zones urbaines.
Ils représentent 8,5 % de la population du pays.
Le premier président Fulbe du Niger fut Mamadou Tandja (photo, ci-dessus) (1938-2020).
Les Touaregs
L'ouest du Niger et, plus généralement, le nord de l'État sont traditionnellement habités par des membres d'un autre peuple non nigérien, les Touaregs.
Les Touaregs sont nomades et vivent dans tout le Sahara : la moitié nord dans le sud-ouest de la Libye et le sud-est de l'Algérie, et la moitié sud dans l'ouest du Niger, l'est du Mali et le nord du Burkina Faso. Le territoire occupé par les Touaregs est comparable à celui d'un grand État africain. Les Touaregs sont l'un des peuples berbères les plus archaïques, qui a conservé les coutumes et les traditions les plus anciennes. En particulier, aujourd'hui encore, les Touaregs interdisent aux hommes d'exposer leur visage. Les femmes touaregs ne se couvrent pas le visage. Les femmes jouissent d'une position privilégiée dans la société touareg ; le système de parenté est matrilinéaire et matrilocal. De nombreuses décisions importantes dans la société sont prises par la mère du chef (aminokal), qui jouit d'une grande autorité. Malgré la propagation de l'islam et la pratique de la polygamie, le mariage touareg est strictement monogame.
Les Touaregs ont conservé l'ancienne langue berbère, le tamashek, et un système d'écriture particulier, le tifinag, basé sur l'ancienne écriture libyenne.
En raison de leur mode de vie essentiellement nomade et pastoral et de leurs modèles sociopolitiques non verticaux, les Touaregs n'ont jamais eu leur propre État, mais ont activement résisté à l'intégration dans d'autres systèmes politiques existants. Les Touaregs ont traditionnellement dominé les sociétés sédentaires adjacentes aux zones touaregs, les attaquant régulièrement, leur imposant un tribut et les réduisant en esclavage (les Touaregs ont une caste spéciale d'esclaves, les forgerons Inclans et Ineden, qui sont ethniquement différents des Touaregs eux-mêmes et qui sont composés de Noirs). Une partie des Touaregs pratique la culture à la houe. Les Touaregs se caractérisent également par l'habitude d'élever des chèvres, une caractéristique des anciennes cultures matriarcales.
Lors de la création de l'Afrique occidentale française, ce sont les Touaregs qui ont opposé la résistance la plus farouche aux Français, ce qui a culminé avec la rébellion touarègue de 1916-1917. Les Touaregs n'ont pu être persuadés de reconnaître l'autorité française qu'en soudoyant les chefs de certaines tribus influentes.
Après l'indépendance des pays du Maghreb et de l'Afrique centrale, où les Touaregs représentaient un pourcentage important de la population, le modèle traditionnel de l'équilibre ethno-sociologique au Sahara et le rôle des Touaregs dans cet équilibre ont commencé à changer rapidement. Le mode de vie des Touaregs s'en est trouvé affecté, l'intensité de leur influence a diminué et les structures séculaires des relations avec les peuples voisins ont été perturbées.
Peu à peu, des concepts de nationalisme touareg sont apparus. Il s'appuie sur des précédents historiques. Ainsi, au Niger, les Touaregs ont créé le sultanat d'Agadez en 1449. En 1500, il est conquis par l'empire Songhaï, mais retrouve son indépendance en 1591. Le sultanat est florissant au 17ème siècle. Les Français l'ont conquis en 1900, mais les Touaregs ont résisté pendant quatre ans et n'ont jamais reconnu la légitimité de la domination française.
Dans les régions occidentales du Niger, les Touaregs sont traditionnellement forts et représentent une grande partie de la population.
Dans les années 1990, les Forces armées touarègues du désert du Sahara ont été créées au Niger. Ce groupe s'est rebellé en 1990 et a poursuivi ses actions militaires contre le gouvernement jusqu'en 1995, après quoi une trêve a été conclue. Les Touaregs ont repris leur lutte contre le gouvernement nigérien en 2007 sous la forme du Mouvement nigérian pour la justice, auquel se sont joints des groupes antigouvernementaux du peuple Fulbe (famille nigéro-congolaise) et des nomades Toubou (famille nilo-saharienne). Le chef du Mouvement nigérian pour la justice est un Touareg, Agali Ag Alambo (photo, ci-dessus).
Entre 2007 et 2009, des troubles touaregs ont éclaté non seulement au Niger, mais aussi au Mali voisin, car les Touaregs habitent également les territoires contigus de ces deux États. Par conséquent, la rébellion armée touareg au Niger a également impliqué les Touaregs maliens, en particulier l'un des hommes politiques et chefs de guerre les plus influents, Ibrahim ag Bahanga (photo, ci-dessus).
En 2012, les Touaregs ont profité du coup d'État au Mali pour proclamer la création de l'État indépendant de l'Azawad sur le territoire du même nom. La capitale de cette région est Tombouctou. Les Touaregs ont par la suite assoupli leurs exigences, acceptant l'autonomie et de larges pouvoirs au sein du Mali. C'est au Mali que le nationalisme touareg s'est manifesté le plus clairement, car les Touaregs constituent la principale population du nord du pays, mais en termes politiques, ils ne sont pas bien représentés au niveau de l'État.
Au Niger actuel, les Touaregs représentent 9% de la population et vivent principalement dans le nord du pays, dans la région d'Agadez (du nom de l'ancien État) et dans la vallée du Niger. Il est important de noter que les Touaregs du Niger forment une seule et même communauté avec les Touaregs du Mali, de l'Algérie et de la Libye voisins.
La géopolitique du Niger
En 2021, Mohamed Bazoum (photo, ci-dessus), un homme politique entièrement dévoué aux Français, d'origine arabe et originaire du Fezzan, proche de l'ancien président Mahamadou Issouf, auquel il a succédé, devient président du Niger.
Le 26 juillet 2023, Mohamed Bazoum est renversé par les forces armées nigériennes dirigées par le général de brigade Abdurahmane Tchiani (photo, ci-dessus), issu d'une ethnie haoussa.
Les rebelles capturent Mohamed Bazoum et l'accusent de corruption et de favoriser la France coloniale. En même temps, les rebelles ont proclamé une voie de rapprochement avec les régimes antifrançais et anticoloniaux du Mali et du Burkina Faso, orientés vers un monde multipolaire et favorables à un rapprochement avec la Russie.
Pour la France, le Niger est une source importante d'uranium. Paris est extrêmement préoccupé par sa sécurité énergétique, qui a été maintenue depuis un demi-siècle aux dépens de ce pays le plus pauvre d'Afrique. Au centre de la zone naturelle du Sahel, les régions septentrionales du Niger revêtent une importance géostratégique. C'est notamment une route caravanière pour le transport de l'or, de la drogue, des armes, de la main d'œuvre illégale et des groupes terroristes qui déstabilisent l'ensemble de l'Afrique. Par exemple, la drogue arrive en Europe via le Niger et les régions du nord du Mali, où les Français empêchent les autorités locales d'entrer depuis 2013. Dans la même région, Agadez accueille une base militaire américaine dotée d'un aérodrome pouvant accueillir des avions de transport militaire.
Ni les États-Unis ni la France n'ont l'intention de retirer leurs troupes du Niger. Du moins, aucune déclaration officielle n'a été faite en ce sens. Toutefois, l'expérience du Mali voisin suggère que la présence des militaires français pourrait être remise en question après la consolidation du nouveau gouvernement.
La possibilité d'une intervention militaire de la France et de ses alliés au Niger demeure.
Outre le rétablissement du président "légitime" Bazoum, la situation sécuritaire pourrait servir de prétexte à une intervention. Après le renversement du président pro-français, les djihadistes de l'État islamique, interdits en Russie, sont devenus plus actifs au Niger. Dans le même temps, l'ancien chef rebelle touareg Rissa Ag Boula (photo, ci-dessus) a annoncé la création du "Conseil de résistance pour la République" (CRR) et le début de la lutte contre l'armée nigérienne. Les rebelles touaregs se sont manifestés ces dernières années tant en Algérie qu'au Mali, ce qui a coïncidé avec la détérioration des relations de ces pays avec la France.
L'intervention militaire de la France et de ses alliés, si elle a lieu, s'accompagnera de tentatives de déstabilisation de la zone sahélienne en utilisant les facteurs touaregs et djihadistes. Les groupes peuls et touaregs servent actuellement de base aux mouvements extrémistes dans la région, notamment l'État islamique au Grand Sahara, une branche d'ISIS interdite en Russie, et une coalition de groupes loyaux à Al-Qaïda (JNIM), également interdite en Russie, dirigée par l'ancien nationaliste touareg Iyad Ag-Ghali. Cependant, même en l'absence d'intervention, des forces extérieures pourraient chercher à fomenter l'instabilité au Niger, avec le risque d'une escalade des tensions dans l'ensemble du Sahel, où les mêmes populations et les mêmes groupes transfrontaliers opèrent.
L'intervention de l'OTAN en Libye en 2011 n'a pas seulement porté atteinte à l'intégrité territoriale du pays pendant une décennie, en le transformant en un bastion de l'extrémisme et de la criminalité. Les Touaregs déplacés de Libye par les forces de Mouammar Kadhafi sont devenus la force derrière le soulèvement dans le nord du Mali en 2012, qui a ensuite été rejoint par les djihadistes. La déstabilisation de la Libye a fini par déstabiliser le Sahel et les actions de la France contre les djihadistes ont renforcé les groupes séparatistes locaux, qui pullulent au Mali et au Niger. En cas de tentatives de déstabilisation et d'ingérence dans les affaires du Niger, auxquelles s'opposent les puissances régionales que sont le Mali, le Burkina Faso et l'Algérie, il faut s'attendre à ce que le conflit dégénère en une guerre majeure au Sahel. Cela affectera à son tour la situation dans toute l'Afrique de l'Ouest et du Nord.
En théorie, la menace peut être éliminée si le Niger se tourne vers de nouveaux partenaires. De toute évidence, il pourrait s'agir de la Russie et de la PMC "Wagner", qui ont fait leurs preuves en RCA et au Mali. Cependant, la Turquie tente également de s'implanter activement dans la région. Ankara développe des liens avec des pays qui soutiennent le Niger face à une éventuelle intervention - le Mali et le Burkina Faso - et s'est déjà opposée à une intervention au Niger. Il est à noter que le Burkina Faso est un important consommateur de produits militaires turcs.
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dimanche, 27 août 2023
Réflexions sur la Russie en tant que "grand espace"
Réflexions sur la Russie en tant que "grand espace"
Piotr Apokov
Source: https://www.geopolitika.ru/it/article/riflessioni-sulla-russia-come-grande-spazio?fbclid=IwAR1V6SWnoPcL2hnzlrTjyvrsbDEloBF7C7nvUVKQJ2Xl__RCIeLlt3HkkXE
Un véritable empire ne peut être créé que dans un espace fermé, car l'autarcie, c'est-à-dire la fermeture de son espace économique aux marchés extérieurs, est la seule façon possible d'asseoir une véritable souveraineté économique, sans laquelle aucun empire souverain ne peut voir le jour. Alexandre Douguine appuie cette affirmation en se référant aux plus grands économistes des deux derniers siècles - List et Keynes - et à l'expérience des pays occidentaux (États-Unis, Grande-Bretagne et Allemagne) qui ont créé leurs propres empires. En d'autres termes, la Russie a besoin de son propre "grand espace" pour créer son empire, et comme l'empire est non seulement naturel, mais aussi la seule forme de notre existence, ce n'est qu'en présence d'un "grand espace" que nous pourrons préserver notre civilisation et assurer l'avenir de notre peuple. Cet espace existe-t-il, pouvons-nous le créer et les conditions de son existence sont-elles réunies?
Historiquement, la Russie - par exemple, à l'intérieur des frontières du milieu du 19ème siècle - disposait déjà d'un tel espace. Sous Nicolas Ier, nous étions répartis sur trois continents, de Varsovie à la Californie, et il ne s'agissait pas d'un empire colonial, mais d'un espace d'expansion naturelle de la civilisation russe. Mais il était si grand que nous ne pouvions pas suivre son développement. La mondialisation qui a commencé dans la seconde moitié du 19ème siècle et la concurrence croissante des puissances occidentales (en particulier anglo-saxonnes) ont fait que nous avons d'abord vendu la Californie et l'Alaska, puis, à deux reprises au cours du siècle dernier, nous avons plongé dans la tourmente, et lorsque nous en sommes sortis, nous n'avons récupéré qu'une partie de notre "grand espace". L'exception a été la période 1945-1989, au cours de laquelle nous avons d'abord pris le contrôle de l'Europe de l'Est (et dans les années 1950, nous étions également alliés à la Chine), puis nous avons construit tout un système de pays "à orientation socialiste" en Asie et en Afrique, mais nous avons tout perdu pendant la perestroïka. Aujourd'hui, la Russie a retrouvé sa force intérieure, mais ni les frontières actuelles ni les moins de 150 millions d'habitants de notre pays ne nous permettent de parler de "grand espace". Non seulement parce qu'il a été beaucoup plus grand dans l'histoire de la Russie, mais aussi parce que l'édification d'un nouvel ordre mondial nécessite des forces importantes.
Bien sûr, la Russie ne peut pas le construire seule, mais nous avons besoin d'autres forces pour participer pleinement à sa construction. Quel type de forces? Les économistes parlent généralement de la nécessité d'un marché d'au moins 300 millions de personnes, bien que certains portent ce chiffre à 500 millions. Mais il est clair qu'il ne s'agit pas seulement d'une question de population. Le Nigeria compte déjà 220 millions d'habitants et, au milieu du siècle, il en comptera presque le double, mais cela ne signifie pas qu'il deviendra un empire au rôle mondial, ou du moins qu'il prendra sa place parmi ceux qui déterminent réellement les règles du jeu. Le nombre d'habitants, c'est-à-dire la taille du marché, n'est qu'un indicateur, au même titre que l'esprit créatif des gens, le territoire, les ressources naturelles, etc.
La Russie dispose d'un immense territoire et de toutes les ressources naturelles nécessaires, mais c'est justement pourquoi le nombre d'habitants est si important pour nous. Sans une population suffisante, nous ne pourrons pas au moins nous développer et tout au plus nous maintenir sur le territoire actuel - le maintenir non pas tant en termes militaires qu'en termes civils: il y aura un remplacement progressif du peuple russe sur son territoire historique.
En tout état de cause, il ne suffit pas de sortir du trou démographique, nous avons besoin d'un véritable retournement démographique: les familles nombreuses avec au moins trois enfants doivent devenir la norme. Mais nous ne pouvons pas le faire à la hâte, idéalement c'est une question de deux ou trois décennies. Et nous devons construire et reconstruire l'empire maintenant: le monde est entré dans la phase de réforme globale, et les retardataires seront les perdants. Si nous avions 300 millions d'habitants et des perspectives de croissance jusqu'à 500 millions, nous pourrions considérer même la Russie d'aujourd'hui comme un "grand espace" et utiliser l'autarcie comme une recette pour renforcer l'empire. Mais notre situation est différente et nous devons acquérir un "grand espace" à court terme. Où le trouver?
La réponse tombe sous la main : il s'agit de l'ancien espace post-soviétique. En effet, Vladimir Poutine est toujours parti de là et tous ses efforts pour construire la Communauté économique eurasienne visaient à recréer le "grand espace" historique. Mais les véritables processus d'agrégation ont commencé dans la seconde moitié des années 2000, alors que l'Occident considérait déjà l'espace post-soviétique comme le sien et n'était pas prêt à le laisser dans l'orbite de la Russie. Tout d'abord l'Ukraine, dont le bras de fer contre nous, Russes, a débouché sur le conflit actuel.
L'EurAsec, la communauté économique eurasienne, compte aujourd'hui 190 millions d'habitants et, avec l'arrivée de l'Ouzbékistan, 220 millions. Une fois que la Russie aura ramené l'Ukraine (ou, hélas, ce qu'il en restera) dans son orbite, l'Union eurasienne comptera déjà un quart de milliard d'habitants, ce qui est suffisant pour former la base d'un "grand espace".
Ce "grand espace" nécessite non seulement une unité civile, historique, économique ou gravitationnelle, mais aussi des conditions historiques mûres. C'est précisément le moment : le modèle anglo-saxon de mondialisation a échoué et le monde commence à se disperser pour quitter l'américanosphère et rejoindre "ses propres appartements". Non pas nationaux, mais régionaux et civilisationnels. D'ici quelques décennies, un nouveau modèle d'équilibre des pouvoirs émergera dans le monde, dans lequel jusqu'à dix grandes civilisations-puissances et blocs régionaux détermineront tout.
La Chine, l'UE, l'Inde, les États-Unis, l'ANASE (une organisation de pays d'Asie du Sud-Est), la Communauté des pays d'Amérique latine et des Caraïbes, l'Union africaine, la Ligue des États arabes - et la Russie avec l'Union eurasienne dans la même rangée. Bien sûr, nous serons les plus petits en termes de population (les États-Unis nous rejoindront à la fin), mais en tant que leaders du "grand espace", nous aurons plus de possibilités qu'un simple État-Nation. Et même certains de ces États subsisteront et auront une influence sur l'équilibre mondial des pouvoirs : la Turquie, l'Iran, le Japon... Dans le même temps, le "grand espace" de la Russie aura un potentiel de croissance (par exemple en direction de l'Europe de l'Est - la présence de cette partie-là de l'Europe dans l'UE est loin d'être éternelle) et d'alliance étroite avec certains acteurs puissants. L'Iran et même la Turquie pourraient devenir des partenaires très proches de l'Union eurasienne, ce qui renforcerait la position de la Russie dans la formation d'un nouvel ordre mondial.
Qu'en est-il de la fermeture du "grand espace", du protectionnisme et d'autres mesures visant à créer un marché unique et une économie de développement commune? Tout cela est nécessaire et inévitable, mais seulement après la formation physique de ce "grand espace". C'est-à-dire sur le terrain, y compris par des victoires militaires. Le système financier et commercial mondial actuel (anglo-saxon par sa naissance et sa gestion) est de toute façon déjà entré dans la phase de fragmentation et d'effondrement - les principaux acteurs mondiaux non occidentaux (principalement la Chine et le monde islamique) ont déjà pour objectif de l'éliminer en le déplaçant et en le remplaçant par de nouveaux mécanismes. Bien sûr, la promotion de nouveaux mécanismes et instruments dans le domaine du commerce et de la finance sera plus lente que nous le souhaiterions, mais elle se fera néanmoins.
La Russie doit à la fois construire ses propres projets (également en coopération avec des participants potentiels au "grand espace" élargi tels que l'Iran) et participer à des projets mondiaux non occidentaux (chinois et islamiques), mais elle doit avant tout reprendre le contrôle physique de la partie occidentale du monde russe. Ce n'est qu'une fois ce processus achevé que nous pourrons entamer une discussion pratique sur les options et les formes d'autarcie - sinon, en fermant la porte, nous laisserons derrière nous une partie d'un espace non majeur, mais indigène.
Source : https://ria.ru/
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mercredi, 23 août 2023
La deuxième phase de la guerre est sur le point de commencer : la Pologne s'échauffe avec d'énormes achats d'armes
La deuxième phase de la guerre est sur le point de commencer: la Pologne s'échauffe avec d'énormes achats d'armes
Par Marcelo Ramirez
Source: https://noticiasholisticas.com.ar/la-segunda-etapa-de-la-guerra-esta-por-comenzar-polonia-precalienta-con-enormes-compras-de-armamento-por-marcelo-ramirez/
Le match a commencé, la première mi-temps s'achève sur une performance décevante de l'attaquant chargé de marquer les buts. Le DT (le Míster dans certains pays) décide que son temps est écoulé et que l'attaquant de remplacement doit entrer sur le terrain. Mais le problème n'est pas que le buteur ne joue plus, c'est simplement que son équipe ne fonctionne pas. Le fait de partir à la mi-temps va le montrer comme le responsable de la défaite alors que le reste de ses coéquipiers, à commencer par l'entraîneur lui-même, n'ont pas fait ce qu'il fallait.
Non, vous ne vous trompez pas, cher lecteur, vous ne lisez pas un média sportif commentant un match du week-end, vous lisez un article géopolitique centré sur la guerre en Europe entre la Russie et l'OTAN.
Le WP aux multiples facettes n'est rien d'autre que la métaphore d'un modèle anglo-saxon qui a mené l'Ukraine à la ruine et entend entraîner le reste de l'Europe dans sa chute afin d'éreinter la Russie.
Le grand pays eurasien est trop puissant, ses forces armées, contrairement à ce que la presse et les réseaux diffusent, sont extrêmement fortes et ne sont pas en train de perdre la guerre avec l'Ukraine.
Elle ne l'a jamais perdue, elle a été menée conformément à ses intérêts depuis le tout début. La guerre, comme cela est déjà évident, est menée contre l'OTAN, le terrain sur lequel les adversaires se battent est l'Ukraine, et il est important de ne pas perdre de vue ce fait.
L'OTAN est le bras armé des centres de décision de Washington et de Londres, deux capitales qui voient le monde peuplé de citoyens de différentes catégories. Les citoyens de second rang sont les leurs, car les citoyens de premier rang ne sont que les élites. Derrière eux se trouvent les Européens de l'Ouest et au bas de l'échelle les Européens de l'Est.
Les autres peuples du monde ne peuvent même pas être considérés comme autre chose que des outils et des ressources à utiliser lorsque la situation le justifie.
La Russie est demeurée insoumise et, à l'Ouest, ses élites cherchent à diviser ce pays géant en plusieurs petits pays, peut-être 35, afin de liquéfier son pouvoir et de déterminer la fin de cette nation gênante pour leurs intérêts.
L'Ukraine est le fer de lance qui fut choisi pour frapper Moscou avec le soutien engagé de l'OTAN. Sachant que Kiev ne peut espérer qu'une défaite si écrasante qu'elle mettra probablement fin à l'existence même de l'État ukrainien, elle a d'autres cartes à jouer.
La Pologne est le joueur en train de s'échauffer, qui attend d'entrer en scène et de remplacer les Ukrainiens battus et épuisés. L'échauffement est visible et, vu son intensité, nous pouvons voir que le moment où elle deviendra un acteur militaire est imminent.
Le gouvernement polonais se prépare à la guerre en achetant d'énormes quantités d'armes, mais contrairement à Zelensky et aux siens, il s'agira cette fois d'armes occidentales. Les armes héritées des Soviétiques ont été détruites lors de la campagne militaire ukrainienne.
À l'occasion de la très récente journée de l'armée polonaise, il a organisé une exposition militaire avec 200 unités d'équipement militaire polonais et étranger, 92 avions et 2000 militaires. De quoi ébranler l'armée russe, certes, mais ces chiffres sont évidemment insignifiants pour Moscou. Le Belarus est l'autre pays visé, mais Loukachenko a reçu des armes nucléaires et le PMC Wagner.
La présence de 10.000 soldats à la frontière de l'allié local de la Russie est un signe des intentions de Varsovie.
La Pologne se réarme avec l'achat de 32 F35 pour 4,2 milliards de dollars, 500 unités de Himars pour 10 milliards de dollars, et a déjà reçu 18 de ces lanceurs. 366 unités de chars américains Abrams, 116 M1A1, en plus des 250 M1A2 SEP v3 qui ont déjà été commandés.
Varsovie a commandé 48 obusiers blindés automoteurs K9 A1 pour un coût estimé à 200 millions d'euros par unité.
Elle a également acheté 980 chars coréens K2 Black Panther (photo, ci-dessus) pour une valeur marchande d'environ 8 millions d'euros par char. Elle a également acheté 48 avions de chasse FA-50 pour 3,5 milliards d'euros, des systèmes de lance-roquettes multiples K239 Chunmo et 400 véhicules blindés d'éclaireur 4×4 KIA K-151.
La Pologne a également l'intention d'ajouter à ses forces 1400 véhicules de combat d'infanterie locaux Borsuk, d'une capacité de transport de six personnes. Cette acquisition a suscité la controverse, certains la considérant comme une simple copie de véhicules occidentaux similaires construits à partir de matériaux étrangers, mais présentée comme une réalisation polonaise. Le coût est estimé entre 6 et 10 millions d'euros, ce qui est bien supérieur à ce qu'il vaudrait s'il était fabriqué de manière compétitive. La Pologne a notamment investi 2,16 milliards d'euros dans des missiles de la société européenne MDBA, les Camm et les Launchers.
Ce montant pèsera lourdement sur l'économie polonaise, mais Andrzej Duda, enhardi, a déclaré qu'il fallait arrêter la Russie avant de sacrifier la vie de soldats américains. M. Duda a déclaré que l'Occident devait arrêter la Russie maintenant, avant que "les soldats américains ne doivent verser leur sang et perdre leur vie en Europe pour rétablir la paix et la liberté dans le monde".
L'ancien Premier ministre polonais, Donald Tusk, surestime la menace que représente le Belarus et affirme que le parti au pouvoir, Droit et Justice, de M. Duda, utilise des tactiques d'intimidation pour obtenir de meilleurs résultats aux élections législatives.
Indépendamment des querelles internes, la Pologne commet la même erreur que l'Ukraine en sous-estimant les capacités de la Russie tout en surestimant les siennes. Pour ne rien arranger, elle compte sur le soutien des États-Unis en cas de confrontation.
Les Polonais feraient bien de se souvenir de l'histoire. La dernière fois qu'ils se sont appuyés sur l'Occident, c'était dans le cadre de l'accord avec Hitler, qui s'est soldé par une invasion allemande de leur pays. Si nous regardons comment les États-Unis ont agi au Viêt Nam ou en Afghanistan lorsque la situation devenait défavorable, M. Duda et ses amis devraient se méfier d'un compromis de la part des Anglo-Américains.
Si vous avez des doutes, vous pouvez regarder comment l'Ukraine a été poussée à la guerre par ces mêmes pays, comment ils lui ont refusé la possibilité d'un règlement à plusieurs reprises et comment ils suggèrent maintenant que Kiev doit négocier et céder des terres pour la paix.
Le jeu se déroule entre la Russie et les États-Unis, l'Ukraine aujourd'hui et la Pologne demain ne sont que des pions servant de chair à canon pour épuiser la Russie et permettre un changement de gouvernement à Moscou. Le coût en vies humaines et en destruction d'infrastructures n'est pas supporté par les décideurs, mais par les pays misérables qui se prêtent à ce jeu suicidaire.
Le sort des hommes et les territoires sont étrangers à ces décideurs. Jusqu'à présent, ils ont brûlé au combat le matériel soviétique dont ils ont hérité et les décideurs ont profité de l'occasion pour vendre du matériel de remplacement occidental. De plus, ils ont donné leurs propres équipements obsolètes qui rouillaient dans des entrepôts vieux de plusieurs dizaines d'années et anachroniques pour la guerre moderne.
L'entrée en scène d'équipements modernes tels que les systèmes Patriot et les Leopard II A6, entre autres, a été l'un des aspects négatifs de l'aventure ukrainienne pour l'Occident, compte tenu du discrédit dont elle a fait l'objet. Ces systèmes ont été présentés comme les meilleurs et les plus performants au monde, ce qui explique qu'ils étaient nettement plus chers que ceux fabriqués par les Russes ou les Chinois, mais au vu de leurs récentes performances, cela s'est avéré faux.
L'autre point négatif est que les problèmes d'approvisionnement de la production occidentale sont devenus visibles. Les arsenaux de l'OTAN se sont vidés à un rythme beaucoup plus rapide qu'ils n'auraient dû l'être, compte tenu de leur capacité de production militaire.
La Pologne commence à se préparer à une confrontation avec la plus grande puissance nucléaire du monde. Une puissance qui entretient une rivalité de longue date et qui n'aura pas, à l'égard de la Pologne, les mêmes réserves qu'avec l'Ukraine.
Cette dernière nation est considérée par la Russie comme faisant partie du même peuple, et beaucoup considèrent la guerre comme une tragédie parce qu'il s'agit d'une guerre interne. Avec la Pologne, c'est une autre histoire, car il subsiste de vieilles rancunes, aggravées par le sentiment d'ingratitude de Varsovie lorsque les Russes l'ont sauvée de l'Allemagne nazie. Moscou comprend qu'elle a donné son sang pour défendre ses ennemis polonais et, une fois de plus, ceux-ci n'ont pas été reconnaissants.
Aujourd'hui, la Pologne cherche à récupérer les terres ukrainiennes jadis influencées par la Pologne, à l'ouest de son voisin aujourd'hui en guerre avec la Russie, tout comme son ambition s'étend parfois au centre même du pays.
La Russie, qui a initié une confrontation sanglante pour repousser l'OTAN loin de ses frontières, ne laissera pas faire et n'aura pas les scrupules amicaux qui ont assez longtemps ralenti l'opération militaire en Ukraine.
Cette fois, nous pouvons nous attendre à une réaction russe extrêmement violente contre la Pologne. Les analystes russes estiment que l'OTAN n'interviendra pas dans une guerre directe. Les Anglo-Saxons ne veulent pas de destruction chez eux et ne se battront pas pour la Pologne.
L'OTAN dans son ensemble pourrait intervenir, mais la Russie ne se soucie pas de savoir si les États-Unis sont ou ne sont pas au milieu du jeu. L'Allemagne semble mal à l'aise dans son suicide économique et, si la situation s'étend à la Pologne, elle ne sera pas heureuse avec une guerre à ses frontières directes.
La France a trop de problèmes en Afrique et chez elle pour se chercher d'autres ennemis. Les autres pays n'ont pas de capacités sérieuses pour affronter la Russie.
La démarche est risquée, mais la situation est en train de changer. La deuxième phase de la guerre est sur le point de commencer, alors que l'Ukraine affronte avec ses dernières réserves le mur de défense russe, qui à son tour se prépare à une offensive qui sera au moins trois fois plus forte que la première en février 2022.
Il s'agirait d'une offensive contre un ennemi usé; les chances de survie de l'Ukraine sont en effet très limitées.
La Russie peut désormais voir que les États-Unis commencent à chercher une trêve et, lorsqu'elle verra que les renforts cessent d'arriver en Ukraine, elle lancera certainement une offensive finale à peu de frais.
En fin de compte, avec le recul de l'OTAN, il ne sert plus à rien de résister aux attaques ukrainiennes. À ce stade, les États-Unis devront décider s'ils envoient finalement la Pologne au combat ou s'ils acceptent les demandes russes de se retirer jusqu'aux frontières de 1997.
Les autorités de Varsovie seront confrontées au même dilemme que Zelensky, et comme lui, elles sont complaisantes et ne mesurent pas le risque auquel elles sont confrontées.
Le reste de l'Europe doit en tenir compte et agir en conséquence, car l'heure tourne et la situation est plus tendue que jamais. Seront-ils prêts à suivre la voie de l'Ukraine ou accepteront-ils que le monde a changé et que l'hégémonie est terminée ?
Leur existence en dépend.
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mardi, 22 août 2023
Ukraine: les trois niet américains contre la fin de la guerre
Ukraine: les trois niet américains contre la fin de la guerre
Source : https://www.sinistrainrete.info/geopolitica/26167-piccole-note-ucraina-i-tre-niet-usa-alla-fine-della-guerra.html
Article historique de Ted Snider publié dans The American Conservative le 16 août. Nous en publions de larges extraits:
"Le 25 février, au lendemain du début de l'invasion, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré qu'il était prêt à abandonner l'idée d'une adhésion de l'Ukraine à l'OTAN.
Première tentative de paix : la première, avec Zelensky
Ainsi Zelensky : "Nous n'avons pas peur de parler à la Russie. Nous n'avons pas peur de parler de garanties de sécurité pour notre État. Nous n'avons pas peur de parler de la possibilité d'un État neutre. Nous ne faisons pas partie de l'OTAN aujourd'hui... Nous devons parler de la fin de l'invasion. Nous devons parler d'un cessez-le-feu".
Mykhailo Podolyak, conseiller du président ukrainien, avait confirmé : "L'Ukraine veut la paix et est prête à négocier avec la Russie, y compris sur un statut de neutralité par rapport à l'OTAN". Interviewé par Reuters le 25 février, il a déclaré : "Si des négociations sont possibles, elles doivent avoir lieu. S'ils disent à Moscou qu'ils veulent négocier, même sur le statut de neutralité, nous n'avons pas peur de le faire. Nous pouvons en parler aussi".
"Le 27 février, trois jours seulement après le début de la guerre, la Russie et l'Ukraine ont donc annoncé qu'elles tiendraient des pourparlers au Belarus. La délégation ukrainienne y arrive avec la volonté de négocier la neutralité. En effet, Zelensky a déclaré : "Nous avons convenu que la délégation ukrainienne rencontrerait la délégation russe sans conditions préalables".
"Après le premier cycle de négociations, les deux délégations sont rentrées chez elles pour se consulter, s'étant déjà concentrées sur les questions prioritaires [de l'accord]. L'accord pour un second tour [...] qui s'est tenu au Belarus, à la frontière entre le Belarus et l'Ukraine, le 3 mars, a encouragé les attentes".
Si l'Ukraine était disposée à discuter de la neutralité et de la "fin de l'invasion", les États-Unis ne l'étaient pas du tout. Le 25 février, le jour même où Zelensky déclarait qu'il n'avait "pas peur de parler à la Russie" et qu'il n'avait "pas peur de parler de la neutralité de son État", le porte-parole du département d'État, Ned Price, déclarait lors d'une conférence de presse : "[...] Nous observons que Moscou suggère d'initier des contacts diplomatiques alors qu'elle a des armes à feu et que les roquettes, les mortiers et l'artillerie de Moscou prennent pour cible le peuple ukrainien. Ce n'est pas de la vraie diplomatie. Ce ne sont pas les conditions d'une véritable diplomatie". Les États-Unis ont refusé les pourparlers avec le Belarus", conclut M. Snider.
Deuxième tentative de paix : la médiation de Bennett
"Le 6 mars, quelques jours après la conclusion du deuxième cycle de négociations en Biélorussie, les médias israéliens ont rapporté que le Premier ministre de l'époque, Naftali Bennett, avait fait un voyage surprise à Moscou pour rencontrer Poutine dans une tentative de médiation. Après avoir rencontré Poutine, Bennett s'est entretenu deux fois avec Zelensky et plus tard avec le président français Emmanuel Macron, puis s'est rendu en Allemagne pour rencontrer le chancelier allemand Olaf Scholz".
"Dans une interview accordée le 2 février 2023, Bennett a révélé les détails de ce qui avait été convenu, la manière dont les pourparlers avaient été couronnés de succès et ce qui s'est passé par la suite. Selon Bennett, "Zelensky m'a demandé de contacter Poutine", ce que Bennett a fait après avoir déclaré aux États-Unis : "Je jouis de la confiance des deux parties" et "Je peux parler en toute confiance avec Poutine. Je peux servir d'intermédiaire".
Selon Bennett, bien que les États-Unis lui aient dit qu'il n'y avait aucune chance de succès, Poutine lui a confié : "Nous pouvons parvenir à un cessez-le-feu". Et pour parvenir à ce cessez-le-feu, Bennett affirme que Poutine a fait "d'énormes concessions". Parmi celles-ci, la plus importante : "Poutine a "renoncé" à sa demande de "désarmement total de l'Ukraine"".
Zelensky a également fait "une énorme concession". Selon Bennett, Poutine s'était plaint de la promesse non tenue de l'Occident concernant l'expansion de l'OTAN et avait demandé à Bennett de transmettre un message à Zelensky: "Dites-moi que vous ne rejoindrez pas l'OTAN et l'invasion s'arrêtera". Bennett affirme que "Zelensky a renoncé à adhérer à l'OTAN".
"Ayant promis de ne pas adhérer à l'OTAN, Zelensky voulait des garanties de sécurité. Or, Poutine craignait que les accords de sécurité conclus avec les grandes puissances ne soient assimilables à une adhésion à l'OTAN. Mais Bennett a proposé d'abandonner les garanties de type OTAN et d'adapter à l'Ukraine le "modèle israélien", basé sur la création d'une armée forte et indépendante, capable de se défendre. Cette solution a été acceptée tant par Poutine que par Zelensky" [d'ailleurs, début juillet, Biden a proposé exactement le modèle israélien comme garantie de sécurité pour l'Ukraine, au lieu de son adhésion à l'OTAN, ndlr].
Après avoir obtenu de telles "promesses", Bennett a informé les alliés. Voici comment Snider résume les souvenirs de Bennett : "Boris Johnson a adopté une position agressive. Macron et Scholz étaient plus pragmatiques. Biden a oscillé entre les deux positions. Bennett a déclaré qu'"il y avait de bonnes chances de parvenir à un cessez-le-feu". Mais l'obstruction américaine, qui s'est manifestée pour la première fois [lors des négociations] en Biélorussie, s'est poursuivie. M. Bennett a déclaré que l'Occident avait décidé de "continuer à frapper Poutine".
Interrogé par l'interviewer sur le fait que les négociations avaient été "bloquées", M. Bennett a répondu : "Ils les ont bloquées". Pourtant, rappelle Snider, "des sources "au courant des détails de la réunion" ont déclaré que Zelensky considérait la proposition comme "difficile" mais pas "impossible" et que "le fossé entre les parties n'est pas si grand"".
"Le journaliste Barak Ravid a rapporté à Axios que les concessions russes comprenaient une démilitarisation limitée au seul Donbass, l'assurance qu'il n'y aurait pas de changement de régime à Kiev et que l'Ukraine serait autorisée à conserver sa souveraineté. Zelensky, quant à lui, a assuré qu'il était désormais "désenchanté" par l'adhésion à l'OTAN et qu'il trouvait la proposition de Poutine "pas aussi extrême qu'il l'avait anticipé".
Comme lors des négociations en Biélorussie, la possibilité d'accorder la non-appartenance à l'OTAN en échange de la paix a été "bloquée" par les États-Unis.
Troisième tentative, la médiation de la Turquie
Nous arrivons donc en avril 2022, à la troisième tentative, cette fois c'est la Turquie qui sert de médiateur, la tentative la plus réussie. "Dès le 20 mars, Zelensky semblait avoir compris que la porte ouverte de l'OTAN à l'Ukraine n'était qu'un tour de passe-passe. En effet, dans une interview accordée à CNN, il avait déclaré avoir personnellement demandé aux dirigeants de l'OTAN "de dire ouvertement s'ils accepteraient [l'Ukraine] au sein de l'OTAN dans un an, deux ans ou cinq ans, à condition qu'ils le disent ouvertement et clairement, sinon ils peuvent simplement dire non. La réponse a été très claire: vous ne deviendrez jamais membre de l'OTAN, mais les portes resteront ouvertes dans les déclarations publiques.
"Lors des pourparlers d'Istanbul à la fin du mois de mars, Zelensky s'est aligné sur cet accord, promettant de ne pas adhérer à l'OTAN. Le 29 mars, les négociateurs ukrainiens ont déclaré que Kiev était prêt à accepter la neutralité si, dans le cadre d'un accord international, les États occidentaux tels que les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne donnaient à leur tour des garanties de sécurité contraignantes".
Ainsi Fiona Hill dans Foreign Policy de septembre-octobre 2022 : "Selon de nombreux anciens hauts fonctionnaires américains à qui nous avons parlé, en avril 2022, les négociateurs russes et ukrainiens se mettraient provisoirement d'accord sur les grandes lignes d'un accord : la Russie reculerait sur ses positions du 23 février, lorsqu'elle contrôlait une partie de la région du Donbass et la totalité de la Crimée, et en retour l'Ukraine promettrait de ne pas chercher à adhérer à l'OTAN, mais d'obtenir des garanties de sécurité de la part d'un certain nombre de pays".
"Poutine a récemment révélé d'autres détails de l'accord. Le 13 juin 2023, répondant aux questions des correspondants de guerre, il a confirmé : "Nous sommes parvenus à un accord à Istanbul". Il a ensuite révélé que l'accord n'était pas seulement verbal. Il est allé jusqu'à produire un document signé".
Autre détail important révélé par Poutine, Snider note : "Lors des discussions d'Istanbul, nous avons signé ce document. Nous avons discuté longuement, nous nous sommes affrontés, etc., mais le document était très substantiel et a été signé par Medinsky pour notre camp et par le chef de leur équipe de négociation" [Arakhamia, ndlr].
Le projet d'accord a ensuite été rendu public lors du sommet avec les dirigeants africains. A cette occasion, Poutine l'a montré à ses interlocuteurs en expliquant : "Je voudrais attirer votre attention sur le fait que grâce à la médiation du président Erdogan, comme vous le savez, une série de discussions entre la Russie et l'Ukraine ont eu lieu en Turquie dans le but d'élaborer à la fois des mesures de confiance et le texte d'un accord. Nous n'avons pas dit aux Ukrainiens que ce traité serait classifié [c'est-à-dire gardé secret, ndlr], mais, en même temps, nous ne l'avons jamais rendu public ni commenté. Ce projet d'accord a été signé par le chef de l'équipe de négociation à Kiev. Il porte sa signature."
L'accord, intitulé "Traité sur la neutralité permanente et les garanties de sécurité de l'Ukraine", stipule que l'Ukraine fera de la "neutralité permanente" une norme de sa constitution. Selon RT, un média financé par l'État russe, "la Russie, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Chine et la France sont les garants" [de l'accord, ndlr].
Comme lors des négociations avec Bennett, la Russie renoncerait à sa demande de démilitarisation complète de l'Ukraine, bien qu'il subsiste un fossé entre la Russie et l'Ukraine sur la taille des forces armées ukrainiennes et le nombre de chars, d'avions et de lanceurs de missiles" [dont elles pourraient être équipées].
Aux dirigeants africains venus à Moscou, Poutine a expliqué l'épilogue de l'affaire : "Après avoir retiré nos troupes de Kiev - comme nous l'avions promis [les caractères gras sont de nous, ndlr] - les autorités de Kiev... ont jeté [leurs engagements] dans les poubelles de l'histoire. Elles ont tout laissé tomber". M. Poutine, écrit M. Snider, "a implicitement blâmé les États-Unis pour ce qui s'est passé, déclarant que lorsque les intérêts de l'Ukraine "ne sont pas en phase" avec les intérêts des États-Unis, "en fin de compte, ce sont les intérêts des États-Unis qui comptent. Nous savons qu'ils détiennent la clé de la résolution des problèmes"" en Ukraine.
Confirmant les propos de M. Poutine, le ministre turc des affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a déclaré qu'après les négociations, "la Turquie ne pensait pas que la guerre entre la Russie et l'Ukraine durerait longtemps". Mais, a-t-il ajouté, "il y a des pays au sein de l'OTAN qui veulent que la guerre continue". Après la réunion des ministres des affaires étrangères de l'OTAN", ajoute-t-il, "j'ai eu l'impression que [...] certains au sein de l'OTAN voulaient [...] que la guerre continue afin d'affaiblir la Russie".
Autre confirmation, les déclarations du vice-président du parti d'Erdogan, Numan Kurtulmus, qui, interrogé par CNN, a déclaré : "Nous savons que notre président parle aux dirigeants des deux pays. Sur certaines questions, il y a eu des progrès et un accord a été trouvé, puis soudainement nous avons vu que la guerre s'est accélérée... Quelqu'un essaie de ne pas mettre fin à la guerre. Les États-Unis pensent qu'il est dans leur intérêt que la guerre continue... Il y a ceux qui veulent que cette guerre continue... Poutine et Zelensky allaient signer, mais quelqu'un n'a pas voulu qu'ils le fassent".
"Les États-Unis ont été rejoints par la Grande-Bretagne", conclut Snider, qui a également intérêt à ce que "le conflit se poursuive". Le 9 avril [2022], Boris Johnson, alors Premier ministre britannique, s'est précipité à Kiev pour retenir Zelensky, insistant sur le fait que le président russe Vladimir Poutine "doit être mis sous pression, il ne doit pas y avoir de négociations" et que, même si l'Ukraine était prête à signer un accord avec la Russie, "l'Occident ne l'est pas du tout".
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dimanche, 13 août 2023
Ukraine: la guerre de la mer Noire
Ukraine: la guerre de la mer Noire
Source: https://www.piccolenote.it/mondo/ucraina-la-guerra-del-mar-nero
"Si la guerre s'étend à la mer Noire, ce sera un désastre pour notre région", a averti Recep Erdogan. Et c'est exactement ce qui est en train de se passer: "L'Ukraine déclare la guerre aux navires russes qui transitent par la mer Noire", titre Politico.
Oleg Ustenko, conseiller économique du président ukrainien Volodymyr Zelensky, a déclaré à Politico: "Tout ce que les Russes déplacent dans les deux sens sur la mer Noire constitue pour nous des cibles militaires valables, en représailles au retrait de la Russie de l'accord sur les céréales de la mer Noire conclu sous l'égide de l'ONU et aux attaques de missiles contre des entrepôts agricoles et des ports", l'allusion étant faite aux attaques contre Odessa, les Russes affirmant qu'elles n'ont touché que des cibles militaires.
Un pétrolier russe a déjà été pris pour cible: un drone l'a endommagé. L'attaque a fait grimper en flèche l'assurance des navires russes. Un point pour l'Ukraine. Mais ce qui sous-tend cette déclaration, c'est que Kiev et ses sponsors ont l'intention de rendre la mer Noire impraticable.
Il s'agit donc d'une nouvelle escalade où, de surcroît, les cibles sont manifestement civiles (il ne s'agit pas d'erreurs de ciblage). Mais surtout, cela rend cette mer dangereuse pour tout le monde, et pas seulement pour les navires russes.
La mer Noire au bord de la catastrophe
Ce sont les navires turcs, qui naviguent assez régulièrement sur cette mer, qui seront les plus menacés. Cela pose d'ailleurs un sérieux problème à Ankara, car le contrôle de cette partie de la mer, grâce au Bosphore, constitue pour elle un atout géopolitique et économique majeur.
De plus, il ne faut pas oublier que si le pétrolier russe avait coulé, la marée noire aurait également inondé les plages ukrainiennes et turques. Et c'est là que les choses se compliquent, et de beaucoup (où est Greta Thunberg qui criait à l'écocide lorsque le barrage de Kakhovka s'est effondré ?)
Ce n'est pas pour rien qu'Erdogan est sérieusement inquiet, comme en témoigne la déclaration que nous avons rapportée dans l'incipit de notre note. Dans la guerre, il y a des limites à respecter: la Russie ne bombarde pas Kiev, l'Ukraine devrait aussi s'interroger sur les siennes, car la décision risque de provoquer une catastrophe dont elle ne sortira pas indemne.
La particularité suicidaire de la décision indique qu'elle est induite, c'est-à-dire par ses commanditaires, qui ne se soucient guère des conséquences pour l'ensemble de la région, comme le prouve également l'envoi à Kiev de bombes à fragmentation américaines, qui feront des victimes civiles pendant des décennies (voir ce qui s'est passé au Laos avec les bombes à fragmentation fabriquées par les États-Unis).
Rappelons au passage que l'idée d'une intervention agressive en mer Noire est chère à la Grande-Bretagne et qu'elle a trouvé un soutien enthousiaste chez les néoconservateurs américains. Ainsi le Times de mai 2022 : "La Grande-Bretagne examine avec ses alliés la possibilité d'envoyer des navires de guerre en mer Noire pour protéger les navires marchands transportant des céréales ukrainiennes".
Le défi de la mer Noire sert également à maintenir la guerre en vie: la contre-offensive terrestre ukrainienne ayant échoué, un autre front doit être ouvert.
L'explosion de Derince et la rencontre Poutine-Erdogan
Outre les nuages qui s'amoncellent au-dessus de la mer Noire, la Turquie a été secouée ces derniers jours par un autre événement de mauvais augure: il y a deux jours, une explosion a dévasté des silos de stockage de céréales dans le port de Derince. Cette explosion a alarmé tout le pays, car les silos contenaient 75.000 tonnes de céréales, dont 20 % ont été perdues.
L'enquête sur les causes de l'explosion est toujours en cours. La première explication, à savoir que l'explosion a été causée par la compression du grain, est quelque peu hasardeuse, mais elle permettrait d'éviter une enquête plus approfondie et des litiges plus risqués. Il reste en effet la possibilité d'un sabotage. Si cette hypothèse se confirme (ce qui est actuellement difficile), Erdogan a menacé de fermer le Bosphore.
En attendant les nouvelles et les décisions à venir, il n'en reste pas moins que les sirènes d'alarme retentissent à Ankara, au point qu'Erdogan a convoqué le Conseil de sécurité nationale (Anadolu).
Dans ce contexte, il convient de noter que le 3 août, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a annoncé que Poutine et Erdogan se rencontreraient prochainement, confirmant ainsi l'annonce faite plus tôt par le président turc. Outre la question cruciale de l'Ukraine, les deux présidents partagent désormais le souci de la mer Noire.
19:41 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, politique internationale, ukraine, turquie, russie, mer noire, géopolitique, europe, affaires européennes | | del.icio.us | | Digg | Facebook
jeudi, 10 août 2023
La géopolitique du lithium
La géopolitique du lithium
Leonid Savin
Source: https://katehon.com/ru/article/geopolitika-litiya
Le rôle de ce métal rare va s'accroître au cours des prochaines années
Parmi les minéraux critiques, certains occupent une place particulière. Par exemple, il est difficile d'imaginer le fonctionnement normal d'une grande métropole sans sel. Au Moyen Âge, de nombreux pays ont connu des "émeutes du sel" dues à des pénuries de sel ou à des augmentations de taxes. La situation est similaire avec les produits pétroliers, dont le système de transport de tout État est fortement dépendant. Certains métaux des terres rares ou d'autres métaux ne figurent pas en bonne place dans la liste des ressources critiques, mais ils sont nécessaires à la production et au fonctionnement ininterrompu du système d'infrastructure du pays.
Par exemple, nous utilisons des batteries lithium-ion dans notre vie quotidienne. Qu'il s'agisse de piles ordinaires, de téléphones mobiles, d'ordinateurs portables, d'appareils électroménagers, de voitures électriques, de drones ou d'équipements spécialisés comme les sous-marins, tous ces appareils ont besoin de lithium. Le lithium et ses dérivés ont d'autres applications industrielles. Le carbonate de lithium (Li2CO3) est utilisé dans la production de verre et de céramique, ainsi que dans les produits pharmaceutiques. Le chlorure de lithium (LiCl) est utilisé dans l'industrie de la climatisation, tandis que l'hydroxyde de lithium (LiOH) est désormais le matériau de cathode préféré pour les batteries lithium-ion des véhicules électriques.
Le lithium est apprécié en tant que matériau rechargeable car il stocke plus d'énergie par rapport à son poids que les autres matériaux de batterie.
Il s'agit d'un métal toxique difficile à extraire (il faut traiter 100 tonnes de minerai pour produire une tonne de lithium) et à éliminer, mais ses réserves sont néanmoins "chassées" dans le monde entier.
À l'échelle mondiale, le lithium est considéré comme une ressource stratégique, mais non rare. Il est présent dans la nature sous des formes très diverses, le plus souvent en faibles concentrations. Il est actuellement économiquement viable d'extraire le lithium de deux sources : les saumures (continentales et géothermiques) et les "roches dures" (pegmatites, hectorite et jadarite). Les saumures représentent environ 50 % des réserves mondiales (source: https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/lamp.12285).
Les producteurs en utilisent plus de 160.000 tonnes par an. La consommation mondiale de lithium devrait atteindre au moins 200.000 tonnes d'ici 2025 et être multipliée par près de 10 au cours de la prochaine décennie.
Mais il y a une nuance géographique: les gisements de lithium sont limités à un petit nombre de pays, de sorte que les questions relatives à son extraction prennent automatiquement une importance géopolitique.
Selon l'US Geological Survey (USGS), les plus grandes ressources présumées de lithium dans le monde se trouvaient l'année dernière en Bolivie, où elles étaient estimées à 21 millions de tonnes, en Argentine (19 millions de tonnes), au Chili (9,8 millions de tonnes), aux États-Unis (9,1 millions de tonnes), en Australie (7,3 millions de tonnes) et en Chine (5,1 millions de tonnes). Le service estime les réserves prévisionnelles de lithium de la Russie à 1 million de tonnes (source: https://www.forbes.ru/biznes/464439-polucitsa-li-u-rossii...).
La Bolivie, l'Argentine et le Chili constituent le "triangle du lithium". Ce triangle est considéré comme étant d'une importance stratégique croissante, car ces pays cherchent à acquérir un avantage technologique en contrôlant l'industrie du lithium. Ce triangle utilise la méthode de vaporisation, de sorte que le coût du lithium y est inférieur à celui de l'exploitation minière. On estime que le triangle du lithium dans les marais salants de Bolivie, du Chili et d'Argentine représentait 56 % des ressources mondiales, 52 % des réserves mondiales et un tiers de la production mondiale en 2021.
Au Chili, le lithium est considéré comme une ressource stratégique. Le décret n°2886 (Ministerio de Minería, 1979) l'a déclaré réservé à l'État et l'a exclu de tous les régimes de concessions minières, à l'exception des entités qui détenaient des concessions minières (pertenecias mineras) avant 1979. Par conséquent, deux entreprises privées exploitent le lithium depuis plus de 25 ans - la société américaine Albemarle et la société Chemical & Mining Co. of Chile Inc, toutes deux opérant dans des zones de concession de la Corporation chilienne pour le développement de la production (CORFO) dans la plaine saline d'Atacama.
En Argentine, la situation est quelque peu différente. Des entreprises américaines y exploitent le lithium depuis plus de 20 ans, et des entreprises canadiennes, australiennes, chinoises et japonaises les ont rejointes. Au cours de la dernière décennie, l'Argentine a été le pays le plus dynamique en termes d'expansion de la production de lithium, avec quelque 38 projets à différents stades de mise en œuvre préliminaire. Néanmoins, le gouvernement national ne considère pas le lithium comme une ressource stratégique (à l'exception de la province de Jujuy, qui l'a déclaré stratégique). Comme pour toute autre activité minière, le cadre réglementaire repose sur la Constitution nationale, le Code minier et la Loi minière. La gestion des ressources minières est déléguée aux provinces. Le cadre fédéral accorde aux provinces le droit de déterminer les concessions aux entités privées et publiques et les normes pour réglementer les activités minières dans leur juridiction.
À ce jour, il existe deux principaux sites de production en Argentine :
- Un partenariat public-privé à Salar de Olaroz (province de Jujuy), exploité par Sales de Jujuy S.A., propriété d'Orocobre Limited, dans le cadre d'une coentreprise avec Toyota Tsusho Corporation (TTC) et Jujuy Energía y Minería Sociedad del Estado (JEMSE - une société détenue par le gouvernement provincial de Jujuy) ;
- une société privée (Minera del Altiplano S.A.) appartenant à Livent (anciennement FMC Corporation) opérant dans le Salar del Hombre Muerto (province de Catamarca).
La Bolivie est un cas particulier : bien qu'elle possède le plus grand gisement de lithium au monde, elle n'est pas entrée de manière significative sur le marché mondial du lithium. La structure de gouvernance définit le statut stratégique du lithium et la gestion centralisée de l'État par l'intermédiaire de la société minière publique Yacimientos del Litio Boliviano (YLB). Pendant plus d'une décennie, avec un investissement public d'environ 1 milliard de dollars, la stratégie gouvernementale s'est concentrée sur la construction d'infrastructures pour la chaîne de valeur de la LIB, mais a eu des résultats très modestes en termes de production de carbonate de lithium.
Ce n'est que dans la phase d'industrialisation de la production de cathodes et de batteries qu'un espace pour des partenariats public-privé est créé, le gouvernement conservant au moins 55 % des bénéfices nets. En décembre 2018, YLB a officiellement enregistré une coentreprise (YLB-ACISA) avec l'entreprise allemande ACI Systems GmbH pour un complexe industriel d'hydroxyde de lithium, mais le gouvernement d'Evo Morales a annulé le contrat à la suite de manifestations à Potosí contre les termes de l'accord. Au début de l'année, le gouvernement Morales a également signé un accord de coentreprise avec le consortium chinois Xinjiang TBEA Group-Baocheng pour explorer et extraire des ressources dans les marais salants de Coipas et Pastos Grandes.
L'entreprise publique bolivienne YLB et la société chinoise CATL BRUNP & CMOC (CBC) ont récemment signé un accord en vertu duquel la partie bolivienne supervisera l'ensemble du processus d'industrialisation des métaux mous, de l'exploitation minière à la commercialisation. Les partenaires chinois investiront plus d'un milliard de dollars dans les coûts de mise en service et de construction des complexes industriels.
L'accord prévoit la création de deux complexes industriels utilisant la technologie d'extraction directe du lithium à Potosí et Oruro.
Le professeur brésilien Bruno Lima estime que "si d'autres pays copient le modèle bolivien d'industrialisation de la production de lithium et concluent un partenariat rentable pour le transfert de technologie, ils réussiront".
Selon lui, "[la Bolivie] ne se limitera pas à vendre sur le marché international, mais créera un cycle complet. Une partie du lithium est vendue sur le marché international, comme la Chine, mais l'autre partie est consacrée à la transformation, au transfert et au développement technologique".
Il ajoute cependant que "si ces opérations se faisaient en dehors de l'étalon dollar, ce serait l'idéal. Il s'agit vraiment d'un saut qualitatif pour la présence latino-américaine sur le marché et dans le système international" (source: https://kawsachunnews.com/bolivia-china-lithium-deal-is-a...).
Il convient de noter que la Bolivie empêche délibérément les entreprises américaines d'opérer en Bolivie, tout en comprenant leurs intentions et leurs objectifs. En 2022, l'entreprise américaine EnergyX y a été disqualifiée. L'entreprise allemande ACI, mentionnée plus haut, a également rencontré des problèmes.
Étant donné que, dans le cas d'ACI, la décision clé impliquait la reconnaissance des droits des communautés locales à des avantages et à des compensations sur leur territoire, ainsi que le risque de dommages environnementaux, ces tendances interdépendantes ne feront que s'accentuer.
Les aspects environnementaux sont toutefois directement liés à l'extraction du lithium, d'une manière ou d'une autre, quelle que soit la partie concernée. Bien qu'il existe un large éventail de méthodes d'extraction du lithium, les principales, notamment l'extraction en roche dure et l'extraction du lithium de l'eau de mer, nécessitent de grandes quantités d'énergie. Ces procédés perturbent les nappes phréatiques naturelles, la biodiversité locale et les écosystèmes des communautés environnantes. Par exemple, les pratiques d'extraction et de raffinage du nickel ont déjà causé des dommages avérés aux écosystèmes d'eau douce et marins en Australie, aux Philippines, en Indonésie, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et en Nouvelle-Calédonie.
La pollution résultant de ces activités n'affecte pas seulement les océans et les écosystèmes, elle crée également des risques environnementaux tout au long du cycle de vie des piles, depuis l'extraction des matières premières pour leur production jusqu'à l'élimination des piles usagées dans les décharges, créant des risques pour la santé des travailleurs et ayant un impact sur les communautés voisines en raison de la toxicité des métaux lourds tels que le lithium (source: https://www.mei.edu/publications/environmental-cost-elect...).
Par conséquent, les exigences environnementales deviendront plus strictes et les nouvelles technologies d'extraction et de recyclage seront les bienvenues.
Il semblerait que l'eau de mer puisse résoudre les problèmes d'approvisionnement en lithium des marchés, car les océans du monde contiennent 180 milliards de tonnes de lithium. Mais le pourcentage de lithium qu'ils contiennent est d'environ 0,2 partie par million. Les technologies d'évaporation existantes prennent beaucoup de temps et nécessitent un espace important, ce qui ne les rend pas économiquement viables.
Une nouvelle approche consiste à créer des électrodes spéciales qui agissent de manière plus sélective. Des expériences de ce type sont menées à l'université de Stanford, où l'on a recouvert l'électrode d'une fine couche de dioxyde de titane en guise de barrière. Les ions lithium étant plus petits que les ions sodium, il leur est plus facile de se faufiler dans l'électrode multicouche. En outre, la manière dont la tension électrique est contrôlée a été modifiée, ce qui a permis d'améliorer les performances, bien que cette méthode soit encore assez coûteuse (source: https://www.science.org/content/article/seawater-could-pr...).
En termes de structure d'entreprise, cinq grandes sociétés sont des fournisseurs de lithium dans le monde : Albemarle (États-Unis), Ganfeng (Chine), SQM (Chili), Tianqi (Chine) et Livent Corp (États-Unis) (source: https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/lamp.12285).
La géographie de la fabrication des batteries est légèrement différente. En 2021, l'Australie, le Chili et la Chine représentaient 94 % de la production mondiale de batteries lithium-ion. Mais ces dernières années, le Chili a perdu son rôle de leader sur le marché mondial du lithium, car l'Australie a rapidement développé ses activités d'extraction en roche dure.
Il convient de noter que le lithium est entièrement recyclable et qu'il ne s'agit donc pas d'un produit consommable comme le pétrole. Par conséquent, même si les batteries au lithium commencent à remplacer de manière significative les moteurs à combustion interne, nous ne verrons pas nécessairement une "politique du lithium" remplacer la "politique du pétrole" actuelle. Néanmoins, si la demande de véhicules électriques augmente considérablement dans les années à venir (elle devrait atteindre 985 milliards de dollars d'ici 2027), les pays disposant d'importantes réserves de lithium exerceront un pouvoir bien plus grand que celui qu'ils ont dans la hiérarchie économique et géopolitique d'aujourd'hui (source: https://www.greentechmedia.com/articles/read/the-geopolit...).
C'est pourquoi les États-Unis craignent que "les chaînes d'approvisionnement en lithium étant essentielles pour l'avenir de la technologie et de l'énergie propre, le lithium jouera un rôle important dans la concurrence entre les États-Unis et leurs rivaux, principalement la Chine, dans les années à venir". La Chine est actuellement le leader mondial de la production de véhicules électriques. Cela s'explique en grande partie par le fait qu'elle a acquis 55 % des réserves de lithium chimique nécessaires aux batteries des voitures électriques, principalement grâce à ses investissements précoces dans d'importantes exploitations minières en Australie" (source: https://www.csis.org/analysis/south-americas-lithium-tria...).
L'UE est également préoccupée par sa dépendance à l'égard des approvisionnements en lithium. Dans le segment en amont de la chaîne de valeur, le Chili fournit plus de 70 % de l'approvisionnement en lithium de l'UE. Étant donné que d'autres minéraux sont également nécessaires à la fabrication des batteries, la dépendance s'étend à d'autres pays.
La République démocratique du Congo fournit plus de 60 % du cobalt traité dans l'UE. La Chine, quant à elle, répond à environ la moitié de la demande totale de graphite naturel de l'Union. En outre, la dépendance internationale de l'UE dans le secteur à faibles émissions de carbone s'explique également par le fait que sa propre capacité de production de cellules de batteries est encore relativement faible. En 2020, la production de batteries de l'UE ne représentait que 9 % de la production mondiale de batteries (source: https://fourninesecurity.de/en/2022/12/07/securing-supply...).
Il est donc naturel que l'UE tente de donner la priorité aux investissements à haut risque dans des batteries moins dépendantes de ressources naturelles rares telles que le cobalt, le nickel ou le lithium.
Les tensions géopolitiques et les éventuelles ruptures d'approvisionnement en lithium ne sont pas seulement mises en évidence en Occident.
En mai 2023, Asia Times a noté que les trois principaux pays producteurs traitent plus de 80 % des minéraux les plus importants utilisés dans les batteries au lithium. La Chine domine le traitement de presque tous les minéraux, avec plus de 50 % de la part de marché totale, à l'exception du nickel et du cuivre, dont la Chine contrôle respectivement 35 % et 40 %.
"Les industries à forte intensité scientifique dépendent de l'interdépendance entre des pays ayant des niveaux de développement différents. Cela fonctionne bien en période de stabilité géopolitique et de coopération, mais la forte concentration du traitement dans la chaîne d'approvisionnement des piles au lithium signifie qu'elle est vulnérable aux perturbations dues aux guerres, aux pandémies mondiales, aux catastrophes naturelles ou aux tensions géopolitiques.
L'Australie possède les plus grandes réserves de lithium au monde pour la production de batteries et les recettes d'exportation ont fortement augmenté, le lithium devenant le sixième produit d'exportation le plus précieux de l'Australie. L'Australie doit réfléchir à la manière de tirer parti de ce boom et au rôle qu'elle peut jouer dans la course au lithium.
L'Australie et la Chine sont complémentaires dans cette chaîne d'approvisionnement. L'Australie fournit 46 % des produits chimiques à base de lithium dans le monde, dont une grande partie est acheminée vers les usines de traitement chinoises, puis vers les fabricants chinois de batteries et de véhicules électriques.
La Chine produit 60 % des produits à base de lithium et 75 % des batteries lithium-ion, principalement pour alimenter son marché des véhicules électriques en pleine croissance, qui représente 60 % du total mondial.
Faire progresser l'Australie dans la chaîne de valeur nécessitera des investissements et des technologies, et entraînera des coûts environnementaux importants. Sans économies d'échelle, les produits fabriqués en Australie ne pourront pas être compétitifs au niveau mondial. L'Australie doit envisager une politique industrielle à long terme qui lui permettra de jouer un rôle dans la lutte contre le changement climatique, plutôt que d'être prise en sandwich entre des superpuissances rivales.
L'Australie est prise au piège dans une rivalité de superpuissances entre la Chine et les États-Unis pour le contrôle du lithium" (source: https://asiatimes.com/2023/03/the-highly-charged-geopolit...).
Les États-Unis sont toujours à la traîne de la Chine en ce qui concerne l'extraction du lithium et la production de batteries. On estime que 3,6 % des réserves mondiales de lithium y sont concentrées, avec une seule mine de lithium au Nevada (bien que d'autres soient prévues), et seulement 2,1 % du lithium mondial est transformé.
Pourtant, dans les années 1990, les États-Unis étaient le leader de la production de lithium. L'industrie a été paralysée par la combinaison d'une production moins chère à l'étranger, de réglementations environnementales strictes et de l'autonomisation des populations indigènes, qui possèdent souvent des propriétés là où se trouvent des mines de lithium. Le grand mouvement en faveur de l'écologie a modifié les priorités des États-Unis : à moins que les États-Unis ne développent des sources nationales de lithium ou n'obtiennent des sources supplémentaires à l'étranger, leur sécurité nationale est menacée par l'expansion de l'accès de la Chine à cette ressource (source: https://theglobalamericans.org/2023/01/the-geopolitics-of... ).
La situation actuelle soulève également la question du contrôle des approvisionnements en lithium, car l'Occident tente d'imposer toutes sortes de sanctions aux États indésirables qui mènent des politiques indépendantes. Et, selon l'auteur de la RAND Corporation, ce n'est pas si facile à faire. "Les exigences spéciales imposées aux fournisseurs de minerais critiques pour obtenir des crédits pour les véhicules propres sont conçues pour encourager l'augmentation de la production en dehors de la Chine, qui domine les chaînes d'approvisionnement mondiales pour les batteries de véhicules électriques. Un certain pourcentage des minéraux doit être d'origine nationale ou provenir d'un pays avec lequel les États-Unis ont conclu un accord de libre-échange, et aucun ne peut provenir d'une "partie intéressée étrangère", ce qui inclut la Chine. La domination d'une source d'approvisionnement laisse le reste du monde vulnérable aux perturbations, et le fait que cette source soit la Chine ne fait qu'accroître les craintes des États-Unis et de leurs alliés" (source: https://www.rand.org/blog/2023/04/do-car-companies-know-w...).
Une autre publication de la RAND note que la Chine détient une part énorme de la production de batteries lithium-ion. Aujourd'hui, 91 % et 78 % de toutes les anodes et cathodes de batteries, respectivement, et 70 % de la production mondiale de cellules sont produits dans ce pays. La Chine a également démontré qu'elle était prête à restreindre les exportations de minéraux essentiels, tels que les terres rares, pour contraindre ses partenaires commerciaux. De telles restrictions à l'exportation pourraient avoir un impact négatif sur l'ensemble de l'économie américaine et, en particulier, sur le marché en pleine expansion des véhicules électriques. Mais elles pourraient également compromettre la capacité de l'industrie de la défense à soutenir l'armée américaine (source: https://www.rand.org/blog/2022/11/emerging-domestic-batte...).
Après tout, il existe certains paramètres qui permettent de déterminer la supériorité technologique dans la compétition géopolitique. Dans notre cas, les gigafactories sont un indicateur clé pour savoir qui et où dominera la technologie des plates-formes de véhicules électriques (et au-delà). Ce terme, inventé à l'origine par Tesla, fait référence à la capacité de fabrication de batteries électriques à grande échelle (pour les véhicules électriques et le stockage de l'énergie). La capacité est mesurée en gigawattheures (GWh). L'importance de ces gigafactories s'est considérablement accrue au fil du temps, car cette ressource est devenue une source majeure d'investissements directs étrangers et est devenue nécessaire pour soutenir les industries liées aux batteries, les fabricants de véhicules et les chaînes d'approvisionnement. Selon la base de données Automotive (2021), l'Europe ne possède que 25 % des gigafactories, tandis que l'Asie en possède 71 % (la Chine détient 69 % de la capacité). Comme la Chine est en tête de la capacité des gigafactories à la vitesse et à l'échelle requises par la demande mondiale, les gigafactories pourraient devenir un "point chaud géopolitique" au-delà de la concentration purement géographique de l'infrastructure (source: https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/lamp.12285).
Entre-temps, l'expansion de la Chine sur d'autres marchés est notable. Par exemple, la société chinoise Contemporary Amperex Technology Co. Limited (CATL) possède non seulement 22 % de la capacité mondiale totale des gigafactory de 500 GWh en 2021, mais elle étend actuellement ses activités en Europe et devrait renforcer sa présence aux États-Unis et dans d'autres régions clés.
En 2022, il y aura 92 gigafactories en Asie, 23 en Europe et 13 en Amérique du Nord. Les pourcentages sont donc les suivants : 72, 18 et 10. Paradoxalement, l'Amérique latine, qui représente la majeure partie de la production de lithium, ne compte aucune gigafactory. L'Afrique non plus.
Quant à la Russie, le boom du lithium ne fait que commencer. Lors de SPIEF-2023, un accord a été signé sur le développement du gisement de lithium de Kolmozersky, dans la région de Mourmansk. L'exploitation du gisement permettra de créer la première production russe de matières premières contenant du lithium, ce qui permettra d'approvisionner en lithium des entreprises russes de pointe. Parmi elles, une usine de production de batteries lithium-ion dans la région de Kaliningrad, dont le lancement est prévu en 2025. Le gisement lui-même contient environ 19 % des réserves russes de lithium. Son minerai contient également des matériaux stratégiques précieux : le béryllium, le niobium et le tantale (source: https://rg.ru/2023/06/15/reg-szfo/v-murmanskoj-oblasti-bu...).
Nous ne pouvons qu'espérer que l'expérience d'autres pays sera prise en compte et que la Russie aura au moins un peu plus de gigafactories nationales.
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mercredi, 09 août 2023
Géopolitique de l'Afrique: le Sahel, cœur de l'Afrique
Géopolitique de l'Afrique: le Sahel, cœur de l'Afrique
Raphael Machado
Source: https://www.geopolitika.ru/pt-br/article/geopolitica-da-africa-o-sahel-como-heartland-africano
De nombreuses pages sur la grande toile et plus d'un compte rendu qui n'avaient rien écrit sur le Sahel ou n'avaient commenté les récents processus politiques africains se sont tout récemment engouffrés dans la brèche.
Il en résulte des explications très faibles qui ignorent la géopolitique du Sahel, la place de l'Afrique dans les récents conflits internationaux et qui se concentrent uniquement sur l'une ou l'autre question économique (une limitation dérivée de l'origine marxiste de ces analyses soudaines, mais au moins elles ne sont pas comme d'autres analyses marxistes qui qualifient les révoltes africaines des 20ème et 21ème siècles de "nationalistes bourgeoises").
Le Sahel, le cœur de l'Afrique.
Pour y remédier, je vous recommande l'analyse de Lucas Leiroz hier qui contextualise le phénomène général à la lumière de la promotion du chaos par l'Occident à travers l'instrumentalisation du terrorisme, ainsi que la confrontation de la Russie à cette menace à travers les interventions du Groupe Wagner.
J'ajouterai quelques réflexions.
L'Afrique fait partie de l'île du monde, selon la géopolitique de Mackinder, c'est-à-dire la supermasse de terres comprenant l'Europe, l'Asie et l'Afrique, cette dernière correspondant au flanc sud du supercontinent. Si l'on considère la thèse de Mackinder sur le Heartland, une idée importante de la géopolitique atlantiste, qui vise à empêcher l'accès e cette "Terre du Milieu" aux ressources africaines.
Dans un premier temps, cela se ferait non pas en Afrique, mais en Europe de l'Est, par la fragmentation des frontières de la zone pivot. Mais dans la mesure où le contrôle soviétique dans le Heartland ne s'avérait pas fragile, la thalassocratie devait soumettre la tellurocratie à travers le Rimland, selon les termes de Spykman, c'est-à-dire à travers toute la bande territoriale côtière impliquant l'Europe, l'Afrique du Nord, le Moyen-Orient, l'Inde, l'Asie du Sud-Est, et remontant la côte sino-coréenne à partir de la mer.
Ainsi, même si le Heartland est consolidé, le contrôle du Rimland par une puissance hostile comme les États-Unis suffirait à asphyxier l'État central-continental en question. Il est important de garder cela à l'esprit car c'est la logique géopolitique fondamentale de la présence yankee en Europe (avec la Grande-Bretagne en tant qu'aérodrome), de la guerre du Viêt Nam et du printemps arabe.
Le Sahara apparaît en bout de course chez Mackinder comme faisant partie d'une "ceinture de déserts" dont le contrôle permet d'établir une forme de "barrière naturelle". Pour l'atlantisme, il représente un espace dont le contrôle facilite celui du Rimland. Pour la Russie, il s'agit d'un espace par lequel il est possible de réduire la pression sur le Rhin.
Dans le livre intitulé Les Fondements de la géopolitique de Douguine, les pays du Sahara apparaissent dans le cadre de la défense de l'Eurasie comme une frontière sud en cas d'alliance entre la Russie et les forces arabo-musulmanes.
Or, toute la région conflictuelle en question, qui s'étend du Sahel au delta du fleuve Congo en passant par l'Afrique de l'Ouest, est caractérisée comme un "Shatterbelt" par Saul Cohen, c'est-à-dire comme une zone chaotique de fragmentation, difficile à stabiliser et dans laquelle les puissances ont du mal à appliquer une ligne de conduite en raison des conflits ethniques, religieux, etc. qui, dans la pratique, est aussi le résultat des projets néocolonialistes français depuis Vidal de la Blache, qui visaient à imposer des frontières à l'Afrique selon des critères européens.
Cependant, la création d'une alliance Mali-Guinée-Burkina-Niger, avec le soutien de l'Algérie, et d'une branche allant de la RCA à la RDC, avec le soutien de la Russie, pourrait faire sortir cette région de la catégorie des "Shatterbelt" et en faire une région stratégique pour la défense de l'Eurasie par le contrôle du Sahara, ainsi que pour le contrôle de l'African Heartland, identifié par feu Mackinder comme correspondant à toute la zone africaine située en dessous du désert.
Il est également important de noter que, bien que les fleuves Niger et Congo, par exemple, soient étendus, leur navigabilité est limitée par plusieurs chutes d'eau, ce qui entrave les efforts atlantistes visant à contrôler la région depuis la mer.
En résumé, la Russie se projette dans le Sahel dans une démarche qui sert à la fois ses intérêts et ceux de l'Afrique. Les intérêts russes sont servis par la défense du flanc sud de l'Eurasie (d'où l'article de Lucas Leiroz sur la promotion du terrorisme au Sahel par l'Occident en tant que menace pour la Russie; https://novaresistencia.org/2023/08/03/terrorismo-na-afri... ) et par la réponse au conflit dans le Rimland ; les intérêts africains sont servis par la stabilisation de la région contestée (correspondant approximativement à la France-Afrique), qui permet à des États régionaux intégrés de contrôler le Heartland africain (en alliance avec la Russie).
Un autre élément possible entre en jeu ici, à savoir le contrôle du Sahel et la déconstruction de l'Afrique en tant que mécanismes permettant d'accélérer l'effondrement de l'OTAN, faisant perdre à la thalassocratie son avant-poste occidental par une pression méridionale s'ajoutant à la non-conformité européenne elle-même.
Des sujets comme l'uranium, l'or, le pétrole, etc. sont pertinents, mais ils sont plus de l'ordre des "prix" que de l'essence de la géopolitique.
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Scénarios d'une "nouvelle normalité" en géopolitique
Scénarios d'une "nouvelle normalité" en géopolitique
Zorigt Dashdorj
Source: https://katehon.com/ru/article/scenarii-novoy-normy-v-geopolitike
La période de l'après-guerre froide, marquée par la mondialisation, la prospérité et un calme politique relatif, est révolue. L'avenir se dessine dès maintenant.
La normalité des trois dernières décennies de mondialisation de l'après-guerre froide appartient au passé. Il est maintenant nécessaire de comprendre si cette période était une anomalie et quelle sera la "nouvelle normalité" dans l'ère à venir.
L'ère des conflits entre grandes puissances reviendra-t-elle comme l'ont prédit les "réalistes" de la théorie des relations internationales ? La mondialisation, menée par les institutions multinationales, continuera-t-elle à prévaloir malgré la tragédie qui se déroule en ce moment même en Ukraine? Quels sont les principaux acteurs et forces en présence?
Le monde des réalistes
Pour les réalistes, les déterminants des relations internationales sont les États, leurs dirigeants et le "système". Le système est défini par l'anarchie, le contraire de la hiérarchie. L'anarchie signifie qu'il n'y a pas d'autorité supérieure pour résoudre les conflits entre les États. Dans un monde anarchique, la survie des États est toujours menacée, d'où la nécessité de renforcer leur pouvoir et leur puissance. Les Nations unies et les autres institutions multilatérales ne signifient pas grand-chose et ne changent rien. Les seuls acteurs qui comptent sont les États, ou plus précisément les grandes puissances et la mentalité de leurs dirigeants qui est à l'origine de leur puissance militaire et économique.
Malgré la notion sous-jacente d'anarchie, le monde réaliste est ordonné et simpliste. Seules deux superpuissances mondiales, les États-Unis et la Russie, ont le pouvoir de détruire le monde à plusieurs reprises. La Chine et l'Union européenne sont déjà des superpuissances économiques. Sur le plan militaire, la Chine rivalise avec les États-Unis dans le Pacifique et l'Europe augmente ses dépenses de défense. Rien ni personne ne peut vaincre militairement les superpuissances mondiales ou leur imposer des décisions politiques.
Selon le modèle réaliste, l'équilibre des forces entre ces pays, ainsi que les puissances régionales telles que l'Inde, le Japon, la Turquie, l'Arabie saoudite et l'Iran, détermine les relations internationales et la géopolitique mondiale.
Les réalistes suggèrent que la Russie et la Chine perçoivent l'ordre mondial actuel comme favorable aux États-Unis et à leurs alliés. En réponse, Moscou et Pékin tentent de créer leur propre contrepoids. Outre l'Iran, les pays BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), l'Arabie saoudite et même la Turquie, membre de l'OTAN, sont en désaccord avec la politique américaine à des degrés divers. La création d'un contrepoids à l'hégémonie libérale pourrait servir leurs intérêts, au moins en termes de préservation d'une certaine liberté de manœuvre.
Les réalistes affirment que ce contrepoids se ferait de manière ordonnée et moins violente par le biais d'un accord sur des zones "tampons" neutres entre les superpuissances mondiales. Cela impliquerait inévitablement de sacrifier les intérêts de certains petits États, d'affaiblir la mondialisation et de réduire la diffusion de la démocratie.
Ou bien, pour relever ce défi, les États-Unis et leurs alliés devraient redoubler de puissance militaire, de pouvoir économique et de promotion de la démocratie. Un élément important de cette réflexion est de limiter, plutôt que de promouvoir, la croissance de leurs adversaires, comme ils l'ont fait à la fin des années 2000. Il s'agirait de réglementer étroitement l'accès aux marchés et aux technologies dans le cadre d'une politique de concurrence stratégique par la dissuasion. La troisième option est celle d'un conflit militaire, qui entraînerait une redistribution des pouvoirs.
Des experts tels que John Mearsheimer, l'un des réalistes les plus radicaux, ont depuis longtemps suggéré l'un de ces moyens d'équilibre. Il a prédit que l'hégémonie libérale des États-Unis ne durerait pas au-delà de la fin de la guerre froide et que la politique la plus sensée consisterait à équilibrer la Chine en s'alliant à la Russie. L'argument est qu'il n'est pas dans l'intérêt des États-Unis d'encourager la puissance économique croissante de la Chine. Henry Kissinger, un réaliste absolu qui a été le fer de lance du rapprochement des États-Unis avec la Chine dans les années 1970, a qualifié l'"alliance Russie-Chine" d'imprudente.
Ces réalistes reprochaient au concept d'élargissement de l'OTAN de pousser la Russie dans les bras de la Chine, affaiblissant ainsi la capacité de l'Amérique à contenir Pékin. La Russie considérait l'expansion de l'OTAN comme une menace pour sa sécurité, malgré les assurances contraires. Ils affirment également que la cause de la guerre actuelle en Ukraine est l'incapacité de parvenir à un nouvel équilibre ordonné des pouvoirs. Quoi qu'il en soit, le conflit des grandes puissances en Europe a déjà commencé. Cela signifie que l'équilibre des pouvoirs en Europe ne peut être déterminé que sur le champ de bataille, jusqu'à ce que les parties soient contraintes de négocier, soit par la défaite, soit par l'épuisement.
Les conséquences se font sentir dans le monde entier. Les réalistes affirment que la Chine est le principal bénéficiaire du conflit sur le continent européen parce que l'alliance dirigée par les États-Unis consacre davantage de ressources et de temps à l'Europe et moins à l'Indo-Pacifique. Ils affirment également que la Russie joue le rôle de tampon pour la Chine dans sa concurrence potentielle avec l'alliance dirigée par les États-Unis. D'aucuns affirment que Pékin doit désormais jouer le rôle de pacificateur en Europe ou, à tout le moins, d'acteur neutre. Alors que toutes les autres grandes puissances sont enlisées dans la guerre qui fait rage en Europe, la Chine accroît furtivement son influence non seulement dans son voisinage immédiat, mais dans le monde entier.
Au-delà des implications géopolitiques, l'escalade des conflits nucléaires est bien réelle et il serait insensé d'en négliger les dangers, comme ne cessent de le répéter les partisans de la vision réaliste.
Le monde libéral
Pour les "libéraux", qui se situent à l'autre extrémité du spectre des opinions sur les relations internationales, les institutions internationales ont apporté la plus grande prospérité à l'humanité au cours des trois dernières décennies. Jamais auparavant une si grande partie du monde n'avait été arrachée à la pauvreté et aux souffrances quotidiennes de la faim, de la maladie et de la misère sociale. Les principes de l'économie de marché, avec un certain degré d'intervention gouvernementale et de réglementation de l'industrie, ont prévalu dans le monde entier, à quelques exceptions près. La plupart des économistes objecteraient que même la Russie et la Chine, qui sont en désaccord politique avec les États-Unis, ont mené leurs politiques économiques en s'inspirant largement des principes de l'économie de marché.
Cette vision du monde est étayée non seulement par des arguments liés à la prospérité économique, mais aussi par les idéaux les plus inspirants du siècle des Lumières. Les gens naissent libres et leurs droits sont inaliénables, et la seule tâche de l'État est de les protéger.
Si la démocratie ne doit pas être imposée par la force de l'extérieur, sa supériorité est indéniable, même si les gouvernements démocratiques peuvent être plus efficaces. La nécessité de l'indépendance judiciaire, de la liberté d'expression et de la concurrence politique n'est pas remise en question, même par ceux qui s'en détournent dans la pratique.
Ces principes et les institutions qui les promeuvent - telles que les Nations unies, la Banque mondiale, l'Organisation mondiale du commerce et le Fonds monétaire international - ont bien servi les relations internationales. Ces institutions doivent également être plus efficaces, mais ne doivent pas être mises de côté. La pandémie de Cov id-19 a montré que le monde serait beaucoup plus dangereux et fragile sans la coordination et le partage des connaissances des institutions mondiales, affirment les libéraux.
La reconnaissance de la supériorité du libéralisme, fondé sur la démocratie, les droits de l'homme et la liberté économique, est si répandue que même les radicaux purs et durs et les autocrates formulent leur discours en termes de "libertés" et de "droits". De ce point de vue, la division géopolitique actuelle est décrite principalement en termes de "démocratie contre régime totalitaire" et de "liberté contre oppression".
Pendant la majeure partie des 30 dernières années, l'opinion dominante ou l'espoir des libéraux a été que la voie démocratique du développement l'emporterait. La Corée du Sud, Taïwan et l'Indonésie figurent parmi les principaux exemples de démocraties émergentes.
La position de la majorité a sensiblement changé au cours de la dernière décennie. On affirme que ceux qui sont associés au nationalisme, à l'impérialisme, au totalitarisme et à la kleptocratie de type bandit sont opposés au libéralisme et veulent le détruire. L'objectif des kleptocrates et des autocrates est de maintenir le pouvoir interne et de détruire l'opposition au nom de la souveraineté. Ainsi, aucune zone "tampon" ni aucune autre forme d'équilibre ne pourra arrêter leur agression, car ces dirigeants ont besoin d'un ennemi extérieur pour garder la population sous contrôle.
Pour les tenants de la vision libérale du monde, l'apaisement au détriment de la liberté d'autrui est moralement impossible. Ceux qui menacent, perturbent et attaquent l'ordre mondial existant peuvent être contenus jusqu'à ce qu'ils échouent intérieurement ou qu'ils soient finalement vaincus en cas de conflit. La conviction est qu'il ne peut y avoir de coexistence pacifique avec ceux qui veulent détruire et dominer un monde libre et démocratique.
Ce clivage est bien plus profond que la confrontation géopolitique dans un monde réaliste. Le but ultime du jeu n'est pas l'équilibre, mais la domination d'une idéologie sur l'autre.
Scénarios
Dans un rapport d'octobre 2021 pour Geopolitical Intelligence Services, j'ai suggéré que la situation actuelle est bien plus dangereuse que la stabilité stratégique de l'époque de la guerre froide. Le passé était défini par la domination des États-Unis et de l'Union soviétique dans leurs propres sphères d'influence clairement délimitées en Europe. La menace d'une destruction mutuelle assurée a empêché une guerre majeure entre les deux camps opposés. Par conséquent, la concurrence intense n'a pas débouché sur un conflit militaire direct. Les guerres se sont déroulées à la périphérie et entre pays mandataires.
Toutefois, le pacifisme éclairé a cédé la place au nationalisme militariste. Les armes non nucléaires sont devenues plus répandues et plus puissantes, même si les armes nucléaires ne sont jamais utilisées. J'ai suggéré que la diplomatie devrait viser à prévenir une guerre majeure.
Or, la situation en Europe, définie par un conflit militaire majeur, est déjà au-delà d'une solution diplomatique. Quelle que soit la cause sous-jacente, toutes les parties en Europe se préparent à un conflit prolongé, même après la fin de la guerre tragique en Ukraine. L'Europe perçoit la Russie comme sa principale menace, et cette perception ne changera peut-être pas avant des décennies.
La Russie entretient des relations beaucoup plus étroites avec la Chine, bien que ces pays n'aient pas encore conclu d'alliance militaire définitive. L'Asie centrale, par exemple, est déjà devenue le théâtre d'une rivalité discrète entre la Chine et la Russie, signe que les intérêts des deux puissances ne coïncident pas sur tous les sujets.
Un conflit sur le théâtre européen signifie que les États-Unis renforceront leur présence, y compris militaire, sur le continent. Une alliance avec les États-Unis garantit la sécurité de l'Europe, limitant ainsi les tentatives de s'éloigner de la politique américaine, y compris à l'égard de la Chine.
L'alliance dirigée par les États-Unis dans la région indo-pacifique augmentera considérablement ses capacités militaires afin de faire contrepoids à la Chine. On peut certainement s'attendre à ce que la Chine fasse de même.
Le commerce total ne diminuera peut-être pas aussi rapidement. Mais une interdépendance beaucoup plus faible dans des domaines critiques tels que les chaînes d'approvisionnement, la technologie et l'échange de main-d'œuvre est déjà en train de devenir une réalité. Cela ne signifiera probablement pas la création d'un "rideau" séparant des camps concurrents, mais plutôt le démantèlement de la "dépendance unilatérale", comme l'a dit le chancelier allemand Olaf Scholz. Cette approche est également appelée "réduction des risques" dans les zones instables.
En général, le meilleur résultat sera "la concurrence plutôt que le conflit". Le risque de conflit armé existe toujours si les puissances ne recourent pas à une diplomatie prudente. Cela s'est déjà produit en Europe et pourrait se produire en Chine et aux États-Unis. Les raisons en sont diverses.
La guerre menée par la Russie en Ukraine renforce l'idée que le seul moyen d'éviter un nouveau conflit est d'intimider l'autre partie par une démonstration de force et l'inévitabilité de dommages irréparables. Une course aux armements incontrôlée crée des risques de guerre accidentelle. Un monde bourré d'armes est tout simplement plus dangereux qu'un monde avec moins d'armes.
Alors qu'en Occident, le clivage géopolitique actuel est principalement décrit en termes de "démocratie contre régime totalitaire", "liberté contre oppression", la Chine, la Russie et d'autres pays considèrent l'Occident comme un monopoliste déraisonnable dans la définition des valeurs. Cette vision contribue à la conviction que les deux parties luttent pour leur survie en essayant de se détruire l'une l'autre. Le rôle de la diplomatie est donc d'essayer de créer des canaux de communication susceptibles d'empêcher la guerre. La diplomatie est l'art de faire la paix. En outre, de nouvelles forces entrent en jeu qui pourraient rendre ces théories traditionnelles obsolètes.
La confrontation, et a fortiori la guerre, repose autant sur la mobilisation des ressources que sur le soutien de l'opinion publique. La fragmentation de l'opinion est susceptible de rendre improbable un soutien public à long terme en faveur d'une question. Toutefois, les institutions gouvernementales formelles ne sont pas les seules à façonner les récits et les hiérarchies sociales et à définir le paysage politique, comme c'était le cas il y a à peine dix ans. Le monde d'aujourd'hui repose de plus en plus sur des réseaux sociaux qui remplissent ces fonctions à la place des gouvernements, même dans les pays qui tentent de les contrôler.
Une mobilisation sociale prolongée en faveur de guerres ou de conflits est peu probable. Les guerres menées par les États-Unis au Viêt Nam et par l'Union soviétique en Afghanistan sont des exemples de désillusion des sociétés face aux décisions des gouvernements.
Seuls des problèmes tels que la dégradation de l'environnement, la guerre nucléaire et la pandémie mondiale créeront le niveau de cohésion sociale nécessaire à une action commune. De nouveaux acteurs émergeront à l'échelle mondiale et seront aussi influents que les États. Ainsi, les décideurs actuels risquent de jouer à des jeux dépassés de "grandes puissances" et de "démocratie contre autocrates" alors qu'un nouveau monde se dessine.
Informations sur l'auteur :
Zorigt Dashdorj est le directeur exécutif de l'Institut pour la stratégie de développement en Mongolie et possède son propre cabinet de conseil en gestion des risques. Il est également administrateur de plusieurs grandes entreprises en Mongolie.
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mardi, 08 août 2023
Géopolitique et géographie sacrée dans le contexte du conflit ukrainien
Géopolitique et géographie sacrée dans le contexte du conflit ukrainien
par Daniele Perra
Source: https://www.cese-m.eu/cesem/2023/07/geopolitica-e-geografia-sacra-nel-contesto-del-conflitto-ucraino/
Rapport de Daniele Perra à la conférence "Violation des droits religieux. Attaque contre l'église orthodoxe ukrainienne" (Vienne, 22 juillet 2023)
Lien vers le rapport de la conférence :
https://geostrategy.rs/en/geopolitics/1424-conference-in-austria-violation-of-religious-rights-attack-on-the-ukrainian-orthodox-church?fbclid=IwAR2rt2xm9KiRlUTfkz6eeutPDZ8woG0W0h9AGnvu81wxpuxSmjbGgbj7UR4
Bonjour à tous,
Je suis Daniele Perra, essayiste et géopolitologue italien. Je collabore actuellement à Eurasia. Rivista di studi geopolitici, avec le CeSEM (Centro Studi Eurasia-Mediterraneo) et avec la maison d'édition Anteo Edizioni. Mon travail se concentre principalement sur la relation (plus ou moins secrète) entre la géopolitique et la géographie sacrée. J'ai essayé (et j'essaie toujours) de mettre en évidence le fait que la géopolitique est, d'une certaine manière, une discipline dérivée de la géographie sacrée.
Avant de commencer, je voudrais vous remercier de m'avoir donné l'occasion de participer à un événement aussi important.
Il y a donc de nombreux aspects de la situation conflictuelle actuelle en Ukraine qui sont totalement ignorés dans les pays "occidentaux" et plus généralement en "Occident". Il convient de souligner que lorsque je parle de "l'Occident", je ne fais pas référence à un concept géographique, mais avant tout à un concept idéologique. L'Occident d'aujourd'hui, culturellement hégémonisé par les États-Unis d'Amérique, est l'espace où tout ce qui est sacré est nié. Ou plutôt, l'Occident est l'espace dans lequel le sacré devient "anti-sacré". Le philosophe allemand Martin Heidegger a utilisé le terme "Ungeist" pour décrire un état dans lequel l'esprit d'une civilisation devient "anti-spirituel".
Mais revenons au sujet de la conférence : les violations des droits religieux et les attaques contre l'Église orthodoxe ukrainienne qui était demeurée sous l'égide du patriarcat de Moscou. Je crois fermement que cet aspect du conflit (qui dure maintenant depuis plus de neuf ans) fait partie du processus que j'ai appelé dans mes textes "l'occidentalisation de l'espace". Qu'est-ce que cela signifie?
L'occidentalisation de l'espace est un processus qui transforme l'espace géographique d'un espace "qualitatif" en un espace "quantitatif". Karl Marx parlait de "l'accumulation du capital". Il s'agit exactement du même processus, à la différence qu'au lieu du capital, nous avons une accumulation d'espace qui devient culturellement "occidentalisé" : c'est-à-dire dominé par une superstructure culturelle (basée sur des principes typiquement occidentaux) dans laquelle la prétendue tolérance n'est qu'un masque pour cacher des formes diverses et profondes de racisme culturel.
Comme nous le savons, l'Europe d'aujourd'hui n'est que la périphérie d'un empire dont le centre se trouve à l'extrême ouest. L'Europe a été conquise par le pays hégémonique de l'Occident actuel, les États-Unis d'Amérique, non seulement militairement (l'OTAN, par exemple, n'est qu'un outil pour maintenir l'Europe dans un état de captivité géopolitique grâce à une classe politique et intellectuelle largement complice de l'occupant). L'Europe a également été conquise par l'Extrême-Occident sur le plan métaphysique. En effet, on peut affirmer (sans crainte d'être contredit) que l'Europe a été métaphysiquement anéantie par l'Extrême-Occident.
Ceci, à mon avis, est très important parce que c'est exactement le même processus auquel nous assistons aujourd'hui en Ukraine. Un processus que nous avons déjà observé en Serbie à la fin des années 1990. La Serbie a été séparée par la force de la région où se trouvent les fondements métaphysiques de la nation serbe: le Kosovo et la Métochie.
Qu'a fait l'Occident dans ce cas ? Il a créé une sorte de narco-État (à la merci des organisations criminelles et terroristes), avec des statues et des avenues dédiées aux présidents nord-américains, au milieu des Balkans, où se trouve (historiquement) l'un des centres sacrés les plus importants du christianisme oriental (comparable uniquement au Mont Athos). C'est là, entre autres, que se trouve le célèbre monastère de Visoki Dečani, où l'on peut admirer la non moins célèbre, mais aussi la très rare, icône du Christ à l'épée.
C'est exactement le même processus qui se déroule en Ukraine, où les droits de l'Église orthodoxe liée au Patriarcat de Moscou sont constamment violés afin de soutenir la domination de cette Église ukrainienne qui a littéralement acheté l'autocéphalie au Patriarcat de Constantinople grâce à l'argent occidental et aux pressions exercées par le président de l'époque, Petro Porochenko, et par le Département d'État américain (ce qui a conduit au très grave schisme entre Moscou et Constantinople).
Et là encore, nous assistons à un processus de désacralisation de l'espace. Personnellement, je prends toujours comme exemple les nouvelles fresques sur les murs de la cathédrale de Ternopil "bénies" par le patriarche autoproclamé de Kiev Filarete Denishenko. Sur ces fresques, nous pouvons "admirer" Saint-Georges qui, au lieu de transpercer un dragon avec sa lance, frappe un aigle bicéphale qui est à la fois un symbole russe et (plus généralement) un symbole de l'orthodoxie elle-même. En outre, le saint est entouré de drapeaux de l'Armée insurrectionnelle de Bandera et des symboles utilisés par le tristement célèbre Bataillon Azov (la rune Wolfsangel, anciennement utilisée par la Panzerdivision SS "Das Reich" pendant la Seconde Guerre mondiale). Ce groupe d'orientation "néo-païenne" (en réalité de simples "idiots utiles" de l'hyper-atlantisme) est notamment connu pour avoir incendié des icônes chrétiennes et pour s'être rendu coupable de persécutions répétées à l'encontre de la population du Donbass.
Ainsi, Kiev, terre qui a abrité les fondements historiques et métaphysiques de l'espace russe et de l'identité russe elle-même, est en train de s'"occidentaliser" à marche forcée. On peut également inclure dans ce schéma géopolitique les attaques incessantes contre la Crimée. En effet, le régime Zelensky prétend constamment vouloir reconquérir la Crimée (qui, rappelons-le, a simplement été "donnée" à la République socialiste d'Ukraine en 1954). Pourquoi la reconquête de la Crimée est-elle si importante ?
Outre la valeur géopolitique intrinsèque de la péninsule en tant qu'avant-poste permettant de projeter une influence sur la mer Noire, le Grand Prince Vladimir a été baptisé en Crimée (à Chersonèse, près de l'actuelle Sébastopol) au 10ème siècle. À partir de la Crimée, l'orthodoxie s'est répandue dans l'espace russe. Celui-ci se révèle donc être un "centre sacré" qui doit nécessairement être "occidentalisé", c'est-à-dire privé de sa capacité à exercer une influence métaphysique. J'espère avoir été suffisamment clair à cet égard, car je considère qu'il est fondamental de comprendre que, derrière les aspects purement matériels (liés à la géopolitique en tant que science profane), il y a toujours des aspects plus profonds qui sont souvent niés par de nombreux analystes ou présumés tels.
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La Russie est l'agresseur tactique qui se défend contre l'agresseur stratégique qu'est l'OTAN - une nouvelle stratégie de l'OTAN
La Russie est l'agresseur tactique qui se défend contre l'agresseur stratégique qu'est l'OTAN - une nouvelle stratégie de l'OTAN
Par Marcelo Ramirez
Source: https://noticiasholisticas.com.ar/rusia-es-el-agresor-tactico-que-se-defiende-del-agresor-estrategico-que-es-la-otan-por-marcelo-ramirez/
La tactique et la stratégie sont à la base des mouvements militaires et géopolitiques. La confusion et le manque de clarté dans l'analyse conduisent à des visions erronées de l'agresseur et des enjeux. La propagande contribue à cette confusion en exposant l'infantilisation de l'analyse géopolitique des événements.
Il est important de comprendre que l'analyse de la stratégie requiert, bien sûr, une bonne dose d'honnêteté intellectuelle et une grande connaissance de l'histoire, de l'économie, de la géographie, des capacités militaires et d'une multitude de variables en interaction.
Les décisions sont prises sur la base de choix stratégiques effectués dans cette myriade de variables qui aboutissent à ce qui doit être fait pour obtenir une meilleure position dans l'arène géopolitique, ce qui se traduit ensuite dans tous les ordres inférieurs d'un État.
Une fois l'objectif établi, qui est généralement mesquin et désagréable pour les gens ordinaires qui vivent dans une société qui édulcore les messages et les raisons, en les présentant comme des questions bénéfiques conformes aux grands idéaux humains.
La réalité est différente, elle est faite d'ambition, de volonté de puissance, de besoins, de survie et de tant d'autres choses que l'infantilisation actuelle empêche de présenter telles qu'elles sont.
Cette introduction répond à la nécessité d'expliquer ce qui se passe actuellement sur la scène internationale et pour quelles raisons. Si l'on peut s'abstraire un instant de la propagande et se concentrer sur ces mesquineries, il sera plus facile de comprendre ce que nous vivons.
Tout d'abord, écartons la rhétorique facile des droits, des démocraties et des libertés. Les États, tous les États, ont une façade publiquement sympathique, mais ils ont un intérieur dur et sévère. Il en a toujours été ainsi et il en sera toujours ainsi parce qu'il s'agit de l'essence humaine et des fondements organisationnels mêmes qui sont fonctionnels dans la pratique et non dans la théorie.
Il est probable qu'à ce stade, beaucoup soient scandalisés par ce point de vue, mais cela ne changera rien à la réalité et rendra seulement plus difficile sa compréhension en profondeur.
L'OTAN est une organisation militaire qui est devenue un bras armé destiné à affronter le camp socialiste au départ, mais aujourd'hui, en l'absence de socialisme en tant que tel, elle est orientée contre la Russie. Il est clair que s'il s'agissait d'abord d'une lutte idéologique entre capitalistes et communistes, et que le communisme soviétique a disparu, la raison sous-jacente est différente.
L'OTAN est dirigée par les États-Unis en principe et avec une forte influence britannique, le reste n'est qu'une bande d'acolytes qui accompagne les décisions anglo-saxonnes. Le simple fait d'observer comment l'Allemagne a refusé la livraison d'équipements militaires, puis a fait marche arrière, nous dispense d'une nouvelle preuve d'assujettissement. Le font-ils pour défendre la démocratie et le peuple ukrainien ? Eh bien, nous avions convenu dans les lignes précédentes de parler des vraies questions et de rester à l'écart des évaluations subjectives de ce type qui ne font que masquer la vérité des raisons cachées.
La France a essayé d'agir seule, mais les initiatives de paix de Macron ont été édulcorées, Meloni a monté sur sa rhétorique moralement conservatrice une étonnante obéissance aux intérêts anglo-saxons, comme la sortie de la route de la soie dans la prochaine révision quinquennale.
On peut citer la politique étrangère de l'Espagne, où Pedro Sánchez a préféré favoriser son ennemi marocain au détriment de son ancien allié algérien et envoyer du matériel militaire dans une guerre très éloignée des intérêts espagnols. Il est très difficile de comprendre pourquoi l'Espagne considère comme un ami une puissance qui occupe une partie de son territoire, harcèle de temps en temps les navires de son propre pays avec des tirs de mitrailleuse et préfère faire la guerre à la Russie, la première puissance nucléaire du monde.
L'Espagne n'a aucun problème à résoudre avec Moscou, il ne s'agit pas d'une guerre, et nous ne pouvons parler que de droits de l'homme et de démocratie, mais nous avions promis de n'utiliser que des raisons réelles et non des contes de fées. Par conséquent, la politique étrangère de l'Espagne ne peut être définie que comme une "non-politique", aujourd'hui elle ne fait qu'obéir aux ordres étrangers.
Nous pourrions continuer à analyser les différents pays tels qu'ils ont été orientés vers les intérêts anglo-américains, mais avec ces exemples, il est déjà clair que l'OTAN vise à aligner les forces européennes derrière le même intérêt, la destruction de la Russie afin que ses mentors puissent utiliser ses énormes ressources naturelles à leur profit et, si possible, orienter ce pays contre le grand rival qu'est la Chine.
On peut alors se demander si les Britanniques ont besoin de faire la guerre à l'échelle planétaire, s'il ne vaut pas mieux chercher une issue consensuelle. L'histoire montre que non, l'essence du Royaume-Uni est la conquête à caractère universel. Nous avons donc affaire à un conflit séculaire entre la Russie et les Anglo-Saxons.
Nous pouvons donc établir qu'il existe une lutte pour le contrôle des ressources de la Russie historique et que, dans ce conflit, l'OTAN est un outil clé constitué contre Moscou, et non contre une idéologie particulière.
L'expansion de l'OTAN après l'effondrement de l'Union soviétique le confirme, tout comme son refus de permettre à la Russie d'adhérer à l'OTAN. La Russie l'a compris et a tenu tête à la puissance britannique à plusieurs reprises.
Si l'on peut rétorquer que, lors des deux guerres mondiales du 20ème siècle, les deux nations ont combattu du même côté, c'est en raison de circonstances différentes, notamment parce que l'Allemagne est également un ennemi historique. Après le traité de Versailles, les conditions de paix étaient si extrêmes qu'elles ont conduit à la montée du nazisme.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Britanniques ont tenté d'affaiblir tout à la fois l'Allemagne et l'URSS, ainsi que d'empêcher l'Allemagne de mettre un terme aux affrontements sur le front occidental et de se concentrer sur l'URSS.
Churchill est contraint de faire front avec les Soviétiques, mais il reste méfiant et, avant même la fin de la guerre, il commence à se préparer à l'affrontement. Les Britanniques conçoivent l'opération "Unthinkable", une action militaire visant à envahir l'URSS avec l'aide de l'Allemagne récemment vaincue. Bien que l'opération ne se soit jamais concrétisée, elle rappelle l'hostilité latente.
Compte tenu du contexte historique, que nous ne pouvons évoquer pour des raisons de place, l'existence et l'expansion de l'OTAN ne sont que la continuation de l'ambition historique de la Grande-Bretagne.
Nous pouvons donc comprendre qu'il s'agit d'une question stratégique, à savoir que Sa Majesté tente depuis très longtemps de s'emparer de la Russie. La Russie a bien sûr réagi en défendant ses intérêts.
À ce stade, nous pouvons voir la différence entre les actions tactiques à court terme et les décisions stratégiques. Le fait que la Russie ait été communiste n'est qu'un fait mineur, la propagande s'est concentrée sur cette circonstance et, à partir de là, a construit un récit dans lequel il y a une lutte entre le capitalisme et le socialisme. Si ce récit contient une certaine part de vérité, il masque également l'objectif sous-jacent, à savoir l'intérêt de prendre le contrôle de la Russie.
La liste des excuses est longue : défense des droits des autres peuples, défense des intérêts des minorités ethniques ou sexuelles, démocratie libérale ou liberté d'expression. Ces opérations sont des tactiques à employer face à un objectif stratégique.
Les tactiques sont variables et s'adaptent au temps et aux circonstances, mais elles peuvent être modifiées et remplacées par d'autres. L'objectif stratégique ultime ne l'est pas.
Les Britanniques peuvent lutter contre le communisme, être pro-indigènes, pro-sécession ou pro-droits des minorités sexuelles, mais en réalité, ce n'est qu'une façon d'opérer dans une circonstance particulière. Leur objectif immuable est la conquête de la Russie, par le biais d'un chaos interne tel que la révolution, la guerre civile (des choses que nous avons déjà vues dans le passé) ou par la dissolution de l'État en des entités plus petites, plus faibles et donc contrôlables.
La Russie a connu toutes sortes de bouleversements internes, de guerres civiles, de guerres extérieures, de révolutions, et nombre d'entre elles ont eu des liens avec Londres. Aujourd'hui, nous voyons comment le progressisme woke se présente comme anti-establishment et anticapitaliste, mais curieusement, il est financé par des sociétés financières et des organismes contrôlés par celles-ci.
Une fois de plus, nous devons nous rappeler que les médias sont indirects et non visibles à l'œil nu, souvent même avec un camouflage qui nous empêche de voir leurs véritables intérêts, car ils cachent qui ils servent.
Il importe peu qu'il y ait des forces rebelles, révolutionnaires, si elles sont sous leur contrôle. Que ce soit parce que leurs dirigeants sont infiltrés ou par ignorance, quelle que soit la raison, les services de renseignement peuvent manipuler ces forces et les mener à leurs objectifs stratégiques. Même sans le vouloir, elles serviront des objectifs spécifiques.
C'est ce que font les forces de la gauche marxiste, trotskiste et autre, qui s'alignent aujourd'hui sur l'OTAN, même dans leurs critiques, parce qu'elles condamnent Poutine et la Russie en tant qu'agresseurs. Une coïncidence avec les groupes libéraux ou libertaires et nazistes, qui s'alignent, pour des raisons différentes, sur l'OTAN contre la Russie.
Des tactiques subordonnées à une stratégie : détruire la Russie et s'emparer de ses richesses. Des idiots utiles ou des complices ? Un peu de tout, "puissant gentilhomme Don Dinero (= Messire l'Argent)", disait Francisco de Quevedo, mais n'excluons pas l'ignorance résultant d'une mauvaise éducation et le rôle de la propagande.
L'OTAN exécute donc une stratégie britannique, celle d'attaquer la Russie, le reste n'étant que prétexte à propagande. On a ainsi vu comment l'organisation atlantiste a ignoré l'accord avec les Russes de ne pas s'étendre en échange de l'unification allemande, puis a avancé sur les États issus de la Russie (Empire russe et URSS) et enfin a tenté de faire éclater l'État de l'Union et de priver la Russie de ses eaux chaudes, tout en menaçant de missiles nucléaires à un jet de pierre de Moscou.
La Russie a alors réagi, d'abord par des avertissements (Poutine à Munich en 2007), puis par des actions concrètes (Crimée et Syrie, 2014).
La stratégie est alors ce qui permet de différencier un agresseur tactique d'un agresseur stratégique. La Russie est l'agresseur tactique, car elle envahit l'Ukraine, mais en réalité elle ne fait que se défendre contre l'agresseur stratégique qu'est l'OTAN. L'Ukraine ? Juste une marionnette, un échiquier où se joue le grand jeu géopolitique.
La propagande se charge du reste, en ne présentant qu'une seule image d'un film. Ce cadre présente l'agresseur comme celui qui ne cherche qu'à se défendre, et permet à l'agresseur de se présenter comme un défenseur des valeurs.
Tout cela serait évité si nous utilisions les différences entre les objectifs tactiques et stratégiques comme méthode d'analyse. Différencier les intérêts réels de ce que nous dit la propagande nous permet d'identifier qui est réellement l'agresseur historique stratégique et non pas celui qui applique la force uniquement dans le cadre d'une défense tactique.
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samedi, 29 juillet 2023
Qu'est-ce que la géopoétique ? - Première partie
Qu'est-ce que la géopoétique ?
Première partie
Source: https://katehon.com/ru/article/chto-takoe-geopoetika
L'hypothétique nouvelle discipline humanitaire, censée étudier l'influence croissante des phénomènes culturels et surtout créatifs sur la structuration de l'univers humain, a reçu le nom conventionnel de géopoétique. Ainsi, au moins sur le plan terminologique, nous partons ici de la géopolitique, qui a été la principale méthode d'analyse du paradigme traditionnel de l'ordre mondial depuis environ un siècle, mais qui n'a pas encore acquis le statut de science exacte.
L'arsenal de la géopolitique comprend les dernières théories énoncées et les grands concepts du passé, tels que les diagrammes pertinents de Friedrich Ratzel, le père de la géopolitique, sur la corrélation entre la longueur de la frontière d'un État et sa valeur politique ; le soi-disant "pivot géographique de l'histoire" de H. J. Mackinder avec son "Heartland" sous la forme de la Russie ; le concept de l'État en tant qu'être rationnel de R. Kjellen et la doctrine de la "confrontation continentale-océanique" de K. Haushofer.
Théories de la géopolitique : concepts
Comme nous l'avons vu plus haut, il existe au moins quatre grandes théories. Nous décrirons brièvement chacune d'entre elles et son auteur.
Friedrich Ratzel - Géographe et ethnologue allemand, sociologue ; fondateur de l'anthropo-géographie, de la géopolitique, ainsi que créateur de la théorie du diffusionnisme et l'un des fondateurs de la théorie des cercles culturels.
Ses principaux ouvrages sont "L'histoire naturelle" (1882-1899) et "La terre et la vie. Science comparée de la terre" (1881). Comme le note F. Ratzel dans son premier ouvrage : "Le devoir de la science nationale est d'autant plus d'étudier les couches oubliées et les plus profondes de l'humanité. En outre, le concept d'humanité ne doit pas être pour nous quelque chose de superficiel, car il s'est développé à l'ombre de peuples culturels dominant tous les autres, mais c'est dans ces couches inférieures que nous devons chercher les points intermédiaires qui ont conduit au développement actuel, plus élevé. L'histoire naturelle ne doit pas seulement nous faire connaître l'humanité telle qu'elle est aujourd'hui, mais aussi comment elle est devenue telle, dans la mesure où des traces de son passé varié nous sont parvenues. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons établir l'unité et l'intégralité de l'humanité". En d'autres termes, F. Ratzel souligne qu'indépendamment des races et des lieux, l'humanité forme un tout et que ce tout est issu d'une seule culture - la base, le fondement, sur lequel les autres, qui existent encore aujourd'hui, ont été formées, ont formé leur cadre. Cependant, l'unité n'est pas encore l'uniformité, mais la communauté, confortée par des preuves dans tous les domaines de la vie populaire. F. Ratzel distingue trois facteurs de déplacement de l'humanité vers la mer (interprétation possible en tant que réinstallation) :
Le facteur transport : d'abord la navigation simple, puis l'invention du bateau à vapeur - la navigation active.
L'invention de la navigation, dont les premières manifestations ont été perdues depuis longtemps (dans toutes les parties du monde, nous trouvons des degrés élevés de développement de la navigation maritime à côté d'une ignorance totale de celle-ci), a tout d'abord rendu possible l'expansion de l'humanité dans presque toutes les régions habitables de la terre.
L'eau comme source de nourriture.
L'utilisation généralisée des eaux maritimes a fourni à l'homme de vastes sources de nourriture, et c'est sur les rives que la population s'est développée. Elle a rendu possible la communication avec les pays lointains, qui, dans l'Antiquité, ne pouvait se faire entièrement par voie terrestre, partout peuplée d'ennemis. C'est ainsi qu'une culture supérieure, issue des rivages, a pu se répandre à l'intérieur des terres. L'eau a également eu un effet remarquable sur l'esprit humain, dans la mesure où l'horizon marin se reflète partout dans toutes les représentations du monde, où qu'elles soient créées. La plupart du temps, la terre y est une île dans une vaste mer, et c'est au large que se trouve la demeure des âmes. Les âmes doivent être guidées par l'eau. D'où le cercueil en forme de corvidé, l'enterrement dans des bateaux ou la petite navette comme monument Dayak.
Effet positif sur l'esprit humain
L'unité de la race humaine est un trait tellurique ou planétaire imprimé au stade le plus élevé de la création. Il n'y a qu'une seule espèce humaine dont les changements sont nombreux mais pas profonds. L'homme est citoyen de la terre au sens le plus large du terme. Il pénètre même là où il ne peut vivre en permanence. Il connaît la quasi-totalité du globe. De toutes les créatures liées au sol, il est l'une des plus mobiles. Les mouvements individuels sont tissés ensemble et, au fil du temps, ils donnent naissance au grand mouvement dont l'humanité tout entière est le substrat. Parce que ce lien est nécessaire et fort, il élève les mouvements individuels dans une sphère de signification suprême. Le résultat final n'est pas seulement une vaste extension spatiale, mais aussi une pénétration mutuelle toujours plus grande des parties de l'humanité vivant à l'intérieur de ces limites, jusqu'à ce qu'elles coïncident dans leurs caractéristiques essentielles. Ces derniers constituent la propriété de l'ensemble, et les particularités sont locales.
Il est intéressant de noter qu'en ce qui concerne l'État et le statut d'État, selon F. Ratzel, tous les États non européens ont été gouvernés par des peuples étrangers qui les ont envahis. La conscience du lien national n'apparaît que plus tard et fait son chemin sous la forme d'une force de formation de l'État, lorsque les intérêts mentaux du peuple entrent en jeu.
Dans son ouvrage "Die Erde und das Leben. Eine vergleichende Erdkunde" ("La Terre et la Vie. Science comparée de la Terre"), Ratzel affirme que "les premiers rudiments de la géographie sont apparus dans la ceinture des courants d'air sec: entre le Tigre et l'Euphrate (Mésopotamie), l'Égypte. Car c'est là que sont apparus les premiers astronomes qui ont observé les étoiles". Dans le même temps, Ratzel écrit: "non par égoïsme national, mais par sens de la justice, nous nous attarderons un peu plus sur les explorations et découvertes géographiques des Russes, à qui il convient d'accorder une des premières places à cet égard". Dans cet ouvrage, il affirme également qu'il est possible d'établir l'unité de l'homme et de l'animal, car "la restriction de tout le développement de la vie sur terre à un espace défini a conduit à la concentration dans des limites étroites de toute l'activité vitale du monde vivant et de toutes les influences extérieures auxquelles la vie est soumise". Il cite également une distinction entre les deux concepts de nation et de nationalité. Nation - un peuple dans son indépendance politique. Nationalité - la partie non autonome d'un peuple connu.
Halford John Mackinder - Géographe de formation, Mackinder a enseigné à l'université d'Oxford, a été directeur de la School of Economics de Londres, a été actif sur le plan politique et s'est rendu, en tant qu'envoyé spécial du gouvernement britannique, pendant la guerre civile (années 1919-1920) dans le sud de la Russie. Son œuvre la plus marquante et sa pensée originale et révolutionnaire sur l'histoire politique du monde est peut-être The Geographical Pivot of History (texte original 1904, réédité par l'auteur en 1943).
Dans cet ouvrage, Makinder affirme que l'accent principal et gagnant d'un État est sa position centrale ou médiane, de sorte que le "cœur du monde" est situé, d'un point de vue planétaire, sur le continent eurasien : "Pendant dix siècles, plusieurs vagues de cavaliers nomades sont sorties d'Asie par le large passage entre l'Oural et la mer Caspienne, ont traversé les espaces ouverts de la Russie méridionale et, après avoir trouvé une résidence permanente en Hongrie, sont entrées au cœur de l'Europe, introduisant ainsi dans l'histoire de leurs peuples voisins un moment de confrontation inévitable: il en a été ainsi pour les Russes, les Allemands, les Français, les Italiens et les Grecs byzantins. S'ils ont suscité une réaction saine et puissante au lieu d'une opposition destructrice sous un despotisme généralisé, c'est parce que la mobilité de leur pouvoir était conditionnée par la steppe elle-même et disparaissait inévitablement lorsque des montagnes et des forêts apparaissaient autour d'elle : "C'est cette position territoriale qui est le territoire le plus efficace pour contrôler le monde entier".
Dans le texte original, les masses continentales de l'Eurasie étaient appelées HEARTLAND, et constituaient la zone axiale de l'histoire: "c'est sous la pression des barbares extérieurs que l'Europe a pu créer sa civilisation. Le contraste le plus important, visible sur la carte politique de l'Europe moderne, est celui représenté d'une part par la vaste étendue de la Russie, qui occupe la moitié de ce continent, et d'autre part par le groupe de territoires plus petits occupés par les pays d'Europe occidentale. D'un point de vue physique, il existe bien sûr un contraste similaire entre les plaines non labourées de l'Est et la richesse des montagnes et des vallées, des îles et des péninsules qui constituent le reste de cette région du globe". L'invincibilité de HEARTLAND s'explique par le fait qu'une flotte navale ne peut pas envahir la zone et que les tentatives des armées des pays maritimes de conquérir les vastes étendues de l'Eurasie se sont toujours soldées par des échecs.
Le scientifique désigne la Russie et l'Allemagne, et surtout leur "continentalité", comme la principale région perturbatrice: "La rupture de l'équilibre des forces en faveur de l'État axial, qui s'exprime par son expansion dans les territoires frontaliers de l'Eurasie, permet d'utiliser les vastes ressources continentales pour construire une flotte. Grâce à cela, un empire mondial apparaîtra bientôt sous nos yeux. Cela pourrait se produire si l'Allemagne veut s'allier à la Russie". Cependant, Makinder est convaincu que la Russie parviendra d'abord à dominer complètement l'Eurasie, puis la région plus vaste de l'"île mondiale", et qu'elle mettra ainsi toutes les ressources naturelles et humaines de l'"île" au service de ses intérêts. Et ces intérêts, la Russie les étendra au reste du monde et y établira sa domination : "La Russie remplace l'Empire mongol. Sa pression sur la Finlande, la Scandinavie, la Pologne, la Turquie, la Perse, l'Inde et la Chine a remplacé les raids de la steppe à partir d'un seul centre. Dans ce monde, elle occupe la position stratégique centrale qui, en Europe, appartient à l'Allemagne. Elle peut dans toutes les directions, à l'exception du nord, frapper et en même temps recevoir des coups. Le développement définitif de sa mobilité, liée aux chemins de fer, n'est qu'une question de temps. Aucune révolution sociale ne changera non plus son attitude à l'égard des grandes frontières géographiques de son existence. Conscients des limites de leur pouvoir, les dirigeants russes se sont séparés de l'Alaska, car c'est une règle de fait de la politique russe de ne pas posséder de territoires d'outre-mer, tout comme c'est une règle de fait pour la Grande-Bretagne de régner sur les océans".
En 1943, Mackinder modifie presque radicalement son modèle : une alliance entre l'URSS, la Grande-Bretagne, les États-Unis qui fait que le HEARTLAND inclut désormais l'Atlantique Nord. Sur la base de ses écrits, Makinder a construit un concept géopolitique selon lequel :
- Les facteurs géographiques ont un impact direct sur le déroulement du processus historique ;
- La situation géographique détermine en grande partie la force ou la faiblesse potentielle d'un État ;
- Le progrès technologique modifie l'"habitat" géographique des États et affecte leur puissance potentielle ;
- L'Eurasie est le centre des processus politiques mondiaux.
Rudolf Kjellen est l'auteur du terme "géopolitique" et l'a introduit dans l'usage. Il a également proposé quatre autres termes: écopolitique, démopolitique, sociopolitique et kratopolitique. R. Kjellen était un professeur suédois d'histoire et de sciences politiques aux universités d'Uppsala et de Göteborg, activement impliqué dans la politique: il était membre du parlement et se distinguait par son orientation germanophile marquée. Il n'était pas géographe professionnel et considérait la géopolitique, dont il avait développé les fondements à partir des travaux de F. Ratzel, comme une partie de la science politique.
L'ouvrage principal de Kjellen, L'État comme forme de vie (1918), reprend les travaux de Ratzel sur l'"État continental" appliqués à l'Allemagne, en soulignant que dans le contexte européen, l'Allemagne est un élément spatial dynamique et qu'elle est destinée à structurer les autres puissances européennes autour d'elle.
Rudolf Kjellen a également consolidé la maxime géopolitique de F. Ratzel selon laquelle les intérêts de l'Allemagne (ainsi que ceux de l'Europe) étaient opposés à ceux des puissances de l'Europe occidentale (en particulier la France et l'Angleterre).
Karl Haushofer - Géographe et sociologue allemand, fondateur de l'école allemande de géopolitique. Haushofer a développé une variante de l'eurasisme - la doctrine militaro-géopolitique du "Bloc (Union) continental" ("Axe Berlin-Moscou-Tokyo"), qui devait unir les États d'Eurasie, tels que l'Espagne, l'Italie, la France, l'Allemagne, la Russie et le Japon, et constituer le contrepoids oriental et l'alternative au monde anglo-saxon occidental: l'Empire britannique et les États-Unis. Cependant, en raison de ses opinions et de ses textes parfois controversés - ses opinions convergeaient avec celles des nationaux-socialistes mais certaines d'entre elles divergeaient radicalement, selon les périodes du régime nazi - la géopolitique a longtemps été considérée comme une pseudo-science.
Au total, Karl Haushofer a écrit six ouvrages : "Sur la géopolitique : travaux de différentes années", "Les frontières dans leur signification géographique et politique", "Les panidées en géopolitique", "Le statu quo et le renouveau de la vie", "Le bloc continental : Europe centrale - Eurasie - Japon" et "La dynamique géopolitique des méridiens et des parallèles". Dans "Les frontières dans leur signification géographique et politique", Karl Haushofer conclut que: "En raison de la brutalité excessive des traités et de la contrainte exercée au moyen d'une casuistique sournoise, de nombreuses personnes placent en fait leurs espoirs d'un avenir radieux en grande partie dans la destruction des frontières établies par une violence injuste. C'est ainsi que, dans le contexte d'une oppression commune, émerge tôt ou tard un sentiment d'unité et la possibilité d'une action commune entre l'Union soviétique, la Chine et les pays panasiatiques, ainsi qu'entre d'autres peuples opprimés, humiliés, exploités et quotidiennement maltraités".
Même une personnalité aussi obsédée par le pacifisme que le champion de la Paneurope, le comte Coudenhove-Kalergi, qui tolère calmement le maintien de l'état juridique actuel d'humiliation inouïe des grands peuples culturels anciens indignement limités par l'espace, admet catégoriquement qu'il ne peut imaginer comment le différend sur la limitation spatiale imposée aux peuples de couleur devrait, sans guerre, se résoudre, la querelle sur la distinction entre les races de couleur et les races blanches dans l'Indo-Pacifique - entre des réserves humaines aussi densément peuplées et pressurisées et des espaces de réserve de la terre aussi peu peuplés et ayant désespérément besoin de l'homme que les pays de mousson et l'Australie respectivement, ou entre une présence anglo-saxonne ténus dans le Pacifique avançant de manière impérialiste sur l'ensemble de ce grand océan. Il croit seulement que sa Paneurope - malgré la présence tangible et onéreuse des empires coloniaux belge, hollandais et français - pourra rester en dehors de ce conflit. Mais quelle raison avons-nous, dans une Europe intérieure exorbitante, de contribuer, par notre acquiescement, à maintenir en possession d'exploiteurs qui nous sont hostiles et impitoyables, les terres d'outre-mer exploitées et verrouillées pour nous, en participant, par exemple, à des alliances qui veulent perpétuer une telle injustice ? Nous présenterons un jour les statistiques les plus générales aux millions de personnes intéressées par l'effondrement du système actuel des frontières fictives, et nous verrons alors à quel point la supériorité numérique de ces personnes est effroyable, et par conséquent quelle expression véritablement démocratique de la volonté sur les questions de la répartition actuelle du pouvoir et de l'espace sur terre et de leurs délimitations peut se révéler être!"
Après avoir brièvement passé en revue les principales théories du siècle dernier, on peut constater que chacune d'entre elles considère principalement les aspects territoriaux et maritimes comme des arguments en faveur de l'hégémonie, tandis que les facteurs économiques et sociaux sont à peine présents dans les analyses. En outre, presque toutes les théories sont réduites à l'unité humaine en tant qu'ensemble limité de facteurs de différence et de compatibilité dans une origine unique. Souvent, les auteurs combinent la dépendance de l'homme vis-à-vis de la nature et le pouvoir de certains territoires sur le paysage local qui rend les États ou les empires invincibles. Bien que tous ces auteurs aient apporté des contributions significatives à la géopolitique et à la géopoétique - leurs postulats sont aujourd'hui pour le moins dépassés -, ces travaux ont fourni à la géopoétique un cadre de problèmes fondamentaux.
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dimanche, 16 juillet 2023
Somaliland: Visite en territoire non reconnu
Somaliland: Visite en territoire non reconnu
par Georges FELTIN-TRACOL
Les vacances estivales approchent avec son duel annuel entre les vacanciers du mois de juillet et ceux du mois d’août. N’entrons pas dans ce dilemme cornélien. Délaissons plutôt les destinations convenues de Tahiti, de l’Amérique du Nord, de la Costa Brava, de la Croatie, de la Côte d’Azur ou des Aurès. Choisissons l’exotisme, détournons-nous de l’ancienne Seine - Saint-Denis et visitons un territoire inconnu des cercles diplomatiques.
Il se situe dans la Corne de l’Afrique, un espace agité de mille convulsions. Or cet État-fantôme constitue pour l’heure un pôle de stabilité politique, économique et sociale relative: la République du Somaliland avec pour capitale: Hargeisa. D’une superficie variant de 137.600 à 284.120 km² et de quatre à plus de cinq millions et demi d’habitants, dont 65% pratiquent encore le nomadisme, la partie septentrionale voisine de Djibouti et de l’Éthiopie quitte la Somalie en mai 1991. Dix ans plus tard, un référendum confirme à 97,10% son indépendance.
La scission somalilandaise procède en partie du renversement en janvier 1991 du président autocrate Mohamed Siad Barre et de la guerre civile toujours en cours aujourd’hui qui en résulte. Mais cette rupture a des causes historiques plus profondes. Le Mouvement national somali réclame l’indépendance dès les années 1980 en dépit d’une répression violente. Les Somali peuplent une grande partie de la Corne africaine. Leurs structures sociales s’articulent autour des tribus et des clans. S’y intègrent de puissantes confréries musulmanes. Les rivalités y sont fréquentes.
À la fin du XIXe siècle, trois puissances européennes profitent de ces désunions internes pour s’implanter localement. Si la majorité des Somali passe sous le contrôle de Rome qui en fait un protectorat dès 1889, puis une colonie – Somalia italiana – en 1905, Paris occupe les alentours de Djibouti et organise la Côte française des Somali. Quant aux Britanniques, ils s’emparent du Nord et du Jubaland et y établissent un autre protectorat : le British Somaliland. En 1940, les forces italiennes parviennent à conquérir ce British Somaliland.
La décolonisation arrive en 1960. Le Somaliland accède à l’indépendance le 26 juin. La Somalie italienne s’affranchit le 1er juillet. Le lendemain, Somaliland et Somalia fusionnent pour former la République de Somalie. Djibouti ne devient indépendant qu’en 1977. La présence européenne dans la région n’a guère été calme. Entre 1900 et 1920, Londres a lancé une série de campagnes militaires contre des chefs tribaux ou claniques insurgés. L’un des plus célèbres de ces rebelles indigènes commande les « Derviches ».
Surnommé le « Mollah fou », Mohamed Abdullah Hassan (vers 1856 – 1920) (illustration) combat autant les Italiens que les Britanniques au nom du Djihad. Dans des conditions éprouvantes, les soldats de Sa Gracieuse Majesté créent une unité spécialisée utilisant des dromadaires, le Somaliland Camel Corps. Ces tensions extrêmes s’inscrivent dans la vaste agitation régionale due au soulèvement mahdiste soudanais de Mohamed Ahmad ibn Abdallah Al-Mahdi entre 1881 et 1900.
Son émancipation permet au Somaliland de bénéficier d’une quiétude certaine. Bien que reposant sur la charia, le régime présidentiel pratique un certain multipartisme. La chambre basse somalilandaise compte trois formations politiques : le parti Kulmaye de la paix, de l’unité et du développement d’orientation sociale-libérale, le Parti national du Somaliland plutôt populiste et national-musulman, et les sociaux-démocrates du Parti de la Justice et de la Providence. Le pays a déjà connu cinq chefs d’État.
La République fédérale de Somalie continue cependant à revendiquer le Somaliland et reçoit le soutien officiel de la soi-disant « communauté internationale ». C’est plus compliqué en réalité, car si aucune ambassade étrangère n’est présente au Somaliland, divers États coopèrent avec les autorités somalilandaises. Par exemple, l’Éthiopie, qui ne dispose plus de littoral, a fait du port somalilandais de Berbera son débouché maritime (photo). Son consulat a d’ailleurs le rang d’ambassade informelle.
L’Union dite européenne, l’Afrique du Sud, Djibouti, Taïwan et le Royaume-Uni n’hésitent plus à travailler avec cet État-fantôme. Londres sait que le Pays de Galles compte une importante communauté d’origine somalilandaise. Les Brexiters nationaux-mondialistes d’UKIP ont même exigé que le gouvernement britannique reconnaisse le Somaliland.
L’Éthiopie, Djibouti, le Kenya et l’Afrique du Sud acceptent le passeport somalilandais. Mieux, en février 2017, les Émirats arabes unis s’engagent auprès du gouvernement somalilandais à moderniser les infrastructures portuaires de Berbera. En échange, les Émiratis disposent à proximité d’une base militaire. L’État d’Israël s’intéresse aussi à cet État situé en face d’un Yémen en pleine décrépitude.
Le Somaliland fait désormais figure de « Suisse régionale ». La Somalie perdure dans la précarité institutionnelle et sécuritaire. L’Éthiopie traverse une période de guerre civile féroce. Quant à Djibouti, sa stabilité repose surtout sur le maintien sur son sol de forces françaises, étatsuniennes, chinoises, allemandes, italiennes, japonaises et espagnoles. La réussite somalilandaise a suscité en août 1995 le réveil autonomiste de la province somalienne voisine du Puntland. La région frontalière de Maakhir cherche à se rapprocher du Puntland aux dépens de Hargeisa. Des velléités indépendantistes, autonomistes ou régionalistes parcourent les six régions du Somaliland, en particulier l’Awdal à l’Ouest, le Soul, le Sanaag et l’Ayn à l’Est. Le Puntland et l'État autonome somalien de Khatumo revendiquent, en partie ou non, ces trois territoires, d’où des frictions frontalières fréquentes.
Pourquoi le Somaliland n’a-t-il toujours pas d’existence diplomatique reconnue ? Son existence effective contrevient au dogme occidental, répété par l’Union africaine, de l’intangibilité des frontières étatiques. Ce dogme ne cesse de pervertir les relations internationales. Or le Somaliland paraît bien plus fiable que des narco-États africains en faillite totale. Il serait donc temps que les chancelleries le comprennent et l’acceptent enfin.
GF-T
- « Vigie d’un monde en ébullition », n° 82, mise en ligne le 11 juillet 2023 sur Radio Méridien Zéro.
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vendredi, 14 juillet 2023
Aujourd'hui, la Chine se renforce au Belarus. Grâce aux sanctions atlantistes
Aujourd'hui, la Chine se renforce au Belarus. Grâce aux sanctions atlantistes
Enrico Toselli
Source: https://electomagazine.it/ed-ora-la-cina-si-rafforza-in-bielorussia-grazie-alle-sanzioni-atlantiste/
La Chine se rapproche. Tout près des frontières de l'OTAN. Car pendant que les clercs de la désinformation en Italie racontaient combien de zakouskis les protagonistes du show de l'OTAN à Vilnius avaient avalés, ils ont oublié d'expliquer à leurs ouailles que la Chine et la Biélorussie avaient tout juste signé de nouveaux accords de coopération dans tous les domaines.
Sur le plan commercial, l'objectif est d'augmenter les échanges d'au moins 20%. "Il est important d'établir des mécanismes d'approvisionnement, d'augmenter le transport ferroviaire et d'assurer le fonctionnement des corridors verts. Bien entendu, la coopération industrielle augmentera, en se concentrant sur les technologies de pointe et l'innovation. Il en va de même pour la science et la formation conjointe.
En d'autres termes, une sinisation progressive. En accord, ou en concurrence, avec Moscou. C'est la confirmation du formidable chef-d'œuvre diplomatique fabriqué par Biden, qui a non seulement poussé Poutine dans les bras de Xi Jinping, mais a aussi fait en sorte que la sphère d'influence de Pékin s'étende non seulement en Asie, en Afrique et en Amérique latine, mais aussi désormais en Europe. Les atlantistes ont donc introduit l'"ennemi principal" han en Europ tout en essayant d'abattre la Russie. Et plus la Russie s'affaiblit, plus Pékin pourra en profiter.
Et ce n'est pas tout. Car la pénétration chinoise sur tous les continents pousse le Sud à réagir et à se libérer du joug atlantiste. Chaque pays découvre que l'exploitation héritée de l'histoire peut dorénavant être archivée, que la spéculation financière n'est pas irréversible, que le dollar peut être remplacé. Et un bloc alternatif plus large et plus fort se crée. Mais dans la forteresse de Vilnius, ils ne l'ont manifestement pas compris. Car rester fermé, retranché et effrayé n'aide pas à voir le monde qui change.
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jeudi, 06 juillet 2023
Coopération russo-chinoise dans l'Arctique
Coopération russo-chinoise dans l'Arctique
Groupe de réflexion Katehon
Source: https://www.geopolitika.ru/it/article/cooperazione-russo-cinese-nell-artico
Les entreprises chinoises restent solidaires de la Russie
Aujourd'hui, la Chine étend sa présence politique dans la région en coopération avec les pays de l'Arctique. Elle tente donc d'adapter la politique arctique au système global de ses initiatives politiques et économiques à grande échelle, en recherchant constamment les routes maritimes les plus rentables, en développant son fonds de recherche, en exploitant les gisements d'énergie naturelle pour renforcer son économie et en menant des activités conjointes de protection de l'environnement avec d'autres États de la région. On peut dire qu'il s'agit là de l'un des fondements des nouvelles politiques de la Chine après l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping et l'adhésion de la Chine au Conseil de l'Arctique en tant qu'observateur. La région arctique a non seulement défini le nouveau vecteur de la politique étrangère chinoise, mais elle a également donné à la Chine la possibilité de poursuivre ses propres initiatives politiques et économiques et ses objectifs stratégiques et d'obtenir des avantages géopolitiques.
La Russie considère également son territoire de plus de 9 millions de km² dans le Grand Nord comme une base de ressources importante pour l'extraction à grande échelle de gaz naturel, de métaux de terres rares et d'autres ressources énergétiques naturelles. Il convient de noter que l'importance de l'Arctique et de l'Antarctique a également été soulignée dans la stratégie de sécurité nationale de la Fédération de Russie, ainsi que dans un décret présidentiel distinct intitulé "Sur les fondements de la politique d'État de la Fédération de Russie dans l'Arctique pour la période allant jusqu'à 2035".
La coopération entre la Russie et la Chine dans la région a été de courte durée. Ainsi, en 2015. V.V. Poutine et Xi Jinping ont signé un communiqué commun sur le renforcement de la coopération sur la Route maritime du Nord - la route la plus courte reliant la partie européenne de la Russie à l'Extrême-Orient via l'océan Arctique et les ports arctiques - et en 2017, V.V. Poutine a annoncé la possibilité de fusionner les projets à grande échelle de la Route maritime du Nord et de l'Union économique eurasienne - une organisation établissant une politique économique commune et des relations de libre-échange entre la Russie, l'Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan et le Kirghizistan - avec le projet chinois One Belt, One Road, un projet international de la RPC pour la construction de routes commerciales, de communications de transport et de corridors économiques dans plus de 60 pays participants à travers le monde.
Cette coopération s'est concrétisée à un haut niveau lors des rencontres entre les dirigeants des deux pays, mais les premiers contacts et interactions entre les scientifiques des deux pays ont eu lieu encore plus tôt: en 2010, une équipe du brise-glace chinois Snow Dragon a été transportée dans l'Arctique par un hélicoptère russe Ka-32A11BC, qui est resté à bord du brise-glace et a été utilisé à des fins de recherche (trois ans plus tard, la Russie a produit une version améliorée de ce modèle pour la RPC). En 2012. Le "Dragon des neiges" a parcouru la Route maritime du Nord et traversé cinq mers de l'océan Arctique.
Ces dernières années, Novatek, le plus grand producteur indépendant de gaz naturel de Russie avec des projets de gaz naturel liquéfié (GNL), a joué un rôle important dans la coopération entre les pays. En 2014-2015, la Chine a participé au développement du projet GNL. La Chine a ensuite participé au développement du projet Yamag LNG pour la production, la liquéfaction et le transport du gaz naturel, le forage de plus de cent puits et la construction d'infrastructures connexes, où CNPC, une société pétrolière et gazière chinoise, et le Fonds de la route de la soie, une organisation d'investissement de la RPC dédiée au financement de projets dans le cadre d'Une ceinture, une route, possédaient environ 40 % des actions.
En 2020-2022, la Chine participait déjà aux projets "Une ceinture, une route". La Chine a déjà participé aux projets Arctic LNG-1 et Arctic LNG-2, ainsi qu'à la production de gaz naturel dans la péninsule de Gydan et dans les régions arctiques russes. Au moins sept entreprises chinoises, dont CNPC, CNOOC, Penglai Jutal Offshore Engineering, etc. ont participé à la construction d'Arctic LNG-2 à ce jour, ainsi qu'à un centre de recherche sur l'Arctique créé en 2016 en coopération avec l'Université fédérale d'Extrême-Orient et l'Université polytechnique de Harbin pour construire des infrastructures de production d'hydrocarbures et étudier le climat de l'Arctique et son impact sur ces infrastructures.
Le conflit russo-ukrainien actuel a affecté tous les domaines de la politique internationale, y compris les activités dans l'Arctique. En mars 2022, le Conseil de l'Arctique a suspendu ses travaux. Dans un communiqué, les représentants ont déclaré: "Nos États suspendent temporairement leur participation à toutes les réunions du Conseil et de ses organes subsidiaires, en tenant compte des conditions nécessaires qui nous permettront de poursuivre l'important travail du Conseil dans les circonstances actuelles"... "Les principes de souveraineté et d'intégrité territoriale ont toujours été à la base des activités du Conseil. Compte tenu de la violation de ces principes par la Russie, nos représentants ne se rendront pas en Russie pour les réunions du Conseil de l'Arctique". Toutefois, en octobre, Gao Feng, représentant spécial de la Chine pour les affaires arctiques, a déclaré que la République populaire de Chine ne soutiendrait pas une nouvelle présidence norvégienne du Conseil de l'Arctique si la participation de la Russie était interdite : "Le Conseil de l'Arctique est basé sur une déclaration et il n'y a pas de procédure de retrait du Conseil. Je doute que la présidence puisse être confiée à qui que ce soit ou que la Norvège puisse reprendre la présidence sans la participation de la Russie".
Toutefois, en mai, on a appris qu'au moins cinq entreprises publiques chinoises pourraient se retirer du projet Arctic LNG-2 en raison des sanctions de l'UE. Pour la même raison, la Russie risquait également de suspendre les travaux de construction d'usines de gaz liquéfié en raison de l'arrêt des livraisons européennes d'unités de séparation des hydrocarbures pour la production de GNL, d'échangeurs de chaleur et de pompes cryogéniques, et d'unités de traitement pour le refroidissement et la liquéfaction du gaz dans le processus de GNL. Toutefois, un représentant de l'une des cinq entreprises chinoises a déclaré que la décision finale de se retirer d'Arctic LNG-2 n'avait pas encore été prise. Novatek et Gazprom ont refusé de commenter le sort du projet à ce moment-là.
Fin 2022, un mois plus tard, la compagnie nationale japonaise de pétrole, de gaz et de métaux JOGMEC a déclaré qu'elle était toujours intéressée par le projet, et le président de la CNPC chinoise, Dai Houlin, a déclaré à son tour que la mise en œuvre d'Arctic LNG-2 devrait être accélérée ; il a également été annoncé que les livraisons de gaz russe à la Chine devraient être augmentées, comme l'a déclaré le vice-président de la CNPC, Huang Yongzhang, lors du forum d'affaires énergétique russo-chinois.
Il est donc très probable que la Russie puisse mener à bien ce projet de grande envergure avec la participation de représentants de compagnies pétrolières et gazières d'autres pays. Malgré les difficultés, en septembre 2022, le directeur de Novatek, L.V. Mikhelson, a annoncé au Forum économique oriental que la première ligne de l'usine Arctic LNG-2 serait mise en service à la fin de 2023 et, un mois plus tard, il estimait déjà que le projet était "achevé à environ 70 %".
Liste des sources
1. Les entreprises chinoises doivent cesser de travailler sur le projet russe Arctic LNG 2 en raison des sanctions de l'UE // South China Morning Post. 05.20.2022. - URL : https://www.scmp.com/news/china/diplomacy/article/3178572/chinese-firms-told-stop-work-russian-arctic-lng-2-project-due?module=p... (consulté le 02.07.2023).
2. Les sanctions de l'UE bloquent la construction des modules Arctic LNG 2 en Chine // News from the North. - URL : https://www.highnorthnews.com/en/eu-sanctions-stop-construction-arctic-lng-2-modules-china (consulté : 02.07.2023).
3. Lawrence R. Sullivan, Nancy Y. Liu-Sullivan Historical Dictionary of Science and Technology in Modern China. - Royaume-Uni : Rowman & Littlefield, 2015. 626 pages.
4. South China Morning Post : cinq entreprises chinoises pourraient se retirer du projet Arctic LNG 2 // Kommersant. 22.05.2022. - URL : https://www.kommersant.ru/doc/5358737 (date d'accès : 07.02.2023).
5. South China Morning Post : five Chinese companies could withdraw from Arctic LNG 2 // Kommersant. 22.05.2022. - URL : https://www.kommersant.ru/doc/5358737(date d'accès : 07.02.2023).
6. Le Conseil de l'Arctique va suspendre ses activités en raison de la situation en Ukraine // Interfax. 03.03.2022. - URL : https://www.interfax.ru/world/826075 (date d'accès : 07.02.2023).
7. La Chine ne reconnaîtra pas le Conseil de l'Arctique sans la participation de la Russie // PortNews. 17.10.2022. - URL : https://portnews.ru/news/337113/ (date d'accès : 07.02.2023).
8. La Chine a reçu un nouvel hélicoptère Ka-32 pour l'Antarctique // Military Review. 25.10.2013. - URL : https://topwar.ru/35032-kitay-poluchil-novyy-vertolet-ka-32-dlya-antarktiki.html (date d'accès : 07.02.2023).
9. Kobzeva M.A. Le porte-avions arctique dans la politique chinoise sous la nouvelle direction // National interests : priorities and security, 2017. no. 5 (350). - 973 с.
10. Le brise-glace Xuelong, dans le cadre de la cinquième expédition chinoise dans l'Arctique, a traversé pour la première fois la route maritime du Nord et se dirige vers l'Islande // PostNews. 08.08.2012. - URL : https://portnews.ru/digest/10842 (consulté le : 07.02.2023).
11. Les nuages ont liquéfié le gaz. 11.04.2022. - URL : https://www.kommersant.ru/doc/5304289 (date d'accès : 07.02.2023).
12. NOVATEK a signé un contrat avec la société chinoise CNPC pour la fourniture de 3 millions de tonnes de GNL par an. - TASS. 20.05.2014. - URL : https://tass.ru/ekonomika/1198575 (date d'accès : 07.02.2023).
13. Poutine : les projets de la Route de la soie et de la CEEA peuvent changer le système de transport // RIA Novosti. 14.05.2017. - URL : https://ria.ru/20170514/1494251728.html (date d'accès : 07.02.2023).
14. Cinq entreprises chinoises pourraient se retirer du projet Arctic LNG-2 // Vedomosti. 22.05.2022. - URL : https://www.vedomosti.ru/business/news/2022/05/22/923069-arktik-spg-2 (date d'accès : 07.02.2023).
15. Coopération russo-chinoise en matière de développement durable // ThinkArctic-ThinkGlobal. 26.05.2022. - URL : https://arctic-council-russia.rcfiles.rcmedia.ru//dl/analytics/russian-chinese-cooperation-in-the-field-of-sustainable-developme... (Date d'accès : 07.02.2023).
16. Communiqué conjoint sur les résultats de la 20e réunion ordinaire des chefs de gouvernement de la Russie et de la Chine. 16-17.12.2015 // Asia Dialogue. - https://theasiadialogue.com/wp-content/uploads/2018/02/20151217-sovmestnoe-kommyunike-po-itogam-20-i-vstrechi-glav-pravv-rus.pdf (Date d'accès : 07.02.2023).
17. Accord entre le gouvernement de la Fédération de Russie et le gouvernement de la République populaire de Chine sur la coopération dans la mise en œuvre du projet Yamal LNG. // Fonds électronique de documents juridiques, réglementaires et techniques. 06.03.2014. - URL : https://docs.cntd.ru/document/499080706 (date d'accès : 07.02.2023).
18. Décret du Président de la Fédération de Russie sur la stratégie de sécurité nationale de la Fédération de Russie // ConsultantPlus. 02.07.2021. - URL : https://www.consultant.ru/cons/cgi/online.cgi?req=doc&base=LAW&n=389271#pm9K6VTymUreuOlc1 (date d'accès : 07.02.2023).
19. Décret du Président de la Fédération de Russie sur les fondements de la politique d'État de la Fédération de Russie dans l'Arctique pour la période allant jusqu'à 2035 // Conseil de sécurité de la Fédération de Russie. 05.03.2020. - URL : http://www.scrf.gov.ru/media/files/file/W5JeWAnrAyplMIMHXFRXEmQwLOUfoesZ.pdf (date d'accès : 07.02.2023)
20. La route de la soie atteindra Yamal LNG. // Kommersant. 24.08.2015. - URL: https://www.kommersant.ru/doc/2795014 (date d'accès : 07.02.2023).
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samedi, 01 juillet 2023
L'Irak dans les nouveaux scénarios géopolitiques mondiaux
L'Irak dans les nouveaux scénarios géopolitiques mondiaux
Marco Carnelos
Source: https://it.insideover.com/politica/liraq-nei-nuovi-scenari-geopolitici-mondiali.html
30 juin 2023
Après avoir été constamment au centre de l'attention internationale pendant au moins trois décennies, l'Irak est depuis quelque temps relégué au second plan dans le vaste arc des crises qui caractérisent ce malheureux début de 21ème siècle.
Partiellement sorti de l'épopée guerrière américaine de 2003 à 2011, avec l'invasion, le changement de régime, le retrait peu glorieux - bien que partiel - du contingent américain, la transition chaotique du pays vers la démocratie et, après une brève période de distraction au cours de laquelle le Moyen-Orient a été traversé par ce que l'on appelle les printemps arabes, l'Irak est revenu avec force et de manière troublante sous les feux de la rampe avec la montée en puissance de l'État islamique en 2014. L'intervention opportune de l'Iran avec les milices du CGRI et l'intervention ultérieure de la coalition anti-ISIS ont heureusement empêché l'effondrement complet du pays, lui épargnant un avenir sombre sous l'une des formes d'islam politique les plus odieuses de l'histoire, en comparaison de laquelle même les talibans auraient fait pâle figure.
Après la reprise de Mossoul, les projecteurs se sont lentement éteints sur le pays en 2018. Toutefois, cela ne signifie pas que les problèmes de l'Irak sont terminés ou qu'ils ne reviendront pas à l'avenir pour agiter la région précaire qui entoure la Mésopotamie.
En raison de sa position stratégique, de son dysfonctionnement politique, du creuset kaléidoscopique des tensions ethniques qui l'agitent, des tensions religieuses et nationales qu'il englobe, ainsi que de l'ampleur du travail de reconstruction et de réconciliation nationale qu'il est appelé à entreprendre, l'Irak conserve tout le potentiel nécessaire pour déstabiliser une fois de plus le Moyen-Orient. En bref, il faut faire avec l'Irak exactement le contraire de ce qui a été fait avec l'Afghanistan après le retrait soviétique en 1989 ; le pays est, et doit rester, une zone spéciale à surveiller.
Une politique occidentale qui se voudrait prospective doit donc s'en tenir à une approche large. En gros, pour une fois, se préparer à prévenir les problèmes au lieu de s'y attaquer tardivement et maladroitement lorsqu'ils ont déjà éclaté. Elle pourrait le faire en accompagnant discrètement le pays dans la transition vers des modèles de gouvernance plus efficaces et tournés vers l'ensemble de la population du pays, en lançant un soutien concret à l'immense travail de reconstruction matérielle et infrastructurelle et, enfin, en facilitant l'imposant travail de réconciliation nationale, sans lequel le destin du pays restera inévitablement marqué, de manière négative.
Il est pour le moins illusoire que les Etats-Unis, l'Union européenne et les autres grands bailleurs de fonds internationaux aient aujourd'hui la volonté, l'attention, la lucidité et les moyens d'initier cet investissement dans la stabilité, la reconstruction, le développement et le progrès du pays qui reste, à toutes fins utiles, le berceau de la civilisation humaine. Depuis seize mois, la priorité de ce que l'on appelle l'Occident global, c'est-à-dire la triade OTAN/UE/G7 et ses divers enchevêtrements, est une seule et même priorité: l'Ukraine; et l'on peut supposer qu'il en sera ainsi pendant longtemps encore.
L'Irak devra trouver sa propre voie et, surtout, la trouver ailleurs que dans les circuits habituels.
Le pays continue d'être pressuré par deux voisins encombrants, l'un se trouvant sur les milliers de kilomètres de sa frontière orientale, à savoir l'Iran; l'autre, en revanche, n'est pas un voisin au sens géographique du terme, mais continue de s'intéresser à l'Irak, il s'agit bien sûr des États-Unis d'Amérique. Alors que les premiers ont capillairement accru leur présence dans les ganglions les plus disparates du pouvoir irakien, les États-Unis - distraits par tant d'autres, peut-être trop, questions - mènent essentiellement une politique de fermeture à l'égard de l'Iran. Ils n'ont pas grand-chose à offrir à l'Irak, mais se contentent pour l'instant d'entraver l'étreinte "fraternelle" que Téhéran entend lui tendre de manière de plus en plus enveloppante.
En tout état de cause, il serait pour le moins présomptueux d'imaginer que Washington, ou n'importe quel pouvoir arabe, puisse déterminer le type de relations que l'Irak devrait avoir à l'avenir avec l'Iran, avec lequel il partage des milliers de kilomètres de frontières et des milliers d'années de relations politiques, économiques, commerciales, culturelles et religieuses.
Chaque année, 15 millions de pèlerins chiites, dont la grande majorité vient d'Iran, se rendent - en grande partie à pied - aux sanctuaires de Nadjaf et de Karbala pour les célébrations de l'Achoura. Ces chiffres et les exigences logistiques et organisationnelles qui y sont liées font pâlir le pèlerinage annuel à la Mecque. Sur les centaines de kilomètres qu'ils parcourent, les pèlerins sont aidés, nourris et logés gratuitement par la population chiite du sud de l'Irak, qui dispose d'ailleurs de revenus misérables. Tout cela sans le moindre incident. Ce sont des liens difficiles à rompre.
Il serait donc opportun, mais surtout sage, de laisser les Irakiens décider du type de relations qu'ils veulent établir avec l'Iran. Toute ingérence ne ferait que désavantager ces mêmes Irakiens, et ils sont nombreux, même parmi les chiites, à vouloir échapper en partie à l'étreinte, potentiellement étouffante, de Téhéran.
Toutefois, l'évolution rapide de la dynamique mondiale et régionale pourrait élargir les perspectives irakiennes.
Le système international connaît un changement de paradigme. Après trente ans de leadership occidental unipolaire dirigé par les États-Unis, ce que l'on appelle l'"ordre mondial fondé sur des règles", dicté et, le cas échéant, interprété exclusivement par Washington, nous nous dirigeons lentement vers un système multipolaire encore indéfini qui, jusqu'à présent, n'a qu'un seul point de convergence : aucun pays - dans la nouvelle compétition entre grandes puissances qui s'annonce entre les États-Unis, la Russie, la Chine et l'UE - ne doit se sentir lié et obligé d'adhérer à la vision du monde particulière apportée par l'un des camps opposés, selon la logique binaire, également réaffirmée, du "avec moi ou contre moi".
Ce que l'on appelle le reste du monde, c'est-à-dire tous les autres pays qui ne font pas partie de la triade de l'Occident global, un groupe hétérogène et confus qui n'a pas d'agenda clair, veut toujours rester à l'écart de cet affrontement. Ce dernier semble être le seul aspect qui les unit.
Le Moyen-Orient, qui tourne de plus en plus son regard vers l'Asie, ne fait pas exception. Cette situation offre également d'excellentes opportunités à l'Irak. La région du Moyen-Orient absorbe rapidement ce changement de paradigme mondial. Plusieurs pays arabes, dont certains sont de proches alliés (du moins jusqu'à récemment) des États-Unis, comme l'Égypte, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, aspirent à rejoindre les BRICS. Ce dernier est le groupe de pays composé du Brésil, de l'Inde, de la Russie, de la Chine et de l'Afrique du Sud qui apparaît de plus en plus comme l'authentique alter ego du G7.
Plusieurs producteurs de pétrole et de gaz de la région envisagent concrètement d'échanger leurs ressources énergétiques en yuan chinois, abandonnant ainsi le dollar.
La Chine intensifie ses relations avec le Conseil de coopération du Golfe et vient de remporter un succès diplomatique - qui a renforcé son prestige, son autorité et sa force morale - en facilitant la reprise des relations entre l'Iran et l'Arabie saoudite, l'une des pierres angulaires de la stabilité dans la région. L'Irak, s'il joue son va-tout, lance un minimum de réformes et initie une réconciliation nationale crédible, pourrait bénéficier d'un éventuel cercle vertueux que la nouvelle saison des relations saoudo-iraniennes pourrait engendrer. Une relance sérieuse et durable des relations économiques entre les deux géants de la région pourrait également avoir un effet multiplicateur sur les autres économies voisines, et l'Irak devrait y être pleinement associé, notamment dans la perspective de l'inévitable diversification de son économie qu'imposera l'abandon progressif des énergies fossiles.
En bref, une région constamment caractérisée pendant des décennies par ce que l'on appelle la Pax Americana, semble maintenant s'orienter vers une sorte de Pax économique asiatique administrée - discrètement, et certainement pas de manière musclée comme les États-Unis ont l'habitude de le faire - par la Chine. Plusieurs pays de la région pourraient tirer parti de cette différence non négligeable, et l'Irak en fait partie.
Enfin, le conflit en Ukraine devrait vraisemblablement conduire à la réorientation nécessaire du grand projet économique et d'infrastructure chinois de l'initiative "Belt and Road", mieux connue sous le nom de "Nouvelle route de la soie". L'axe nord de ce vaste projet, c'est-à-dire le grand réseau d'infrastructures terrestres et de corridors commerciaux censés relier l'Asie de l'Est, l'Asie centrale, la Russie, l'Europe de l'Est et l'Europe de l'Ouest sera vraisemblablement compromis, nous ne savons pas encore pour combien de temps. Cette situation donnera inévitablement plus d'importance à l'axe méridional censé passer par l'Asie du Sud-Ouest, c'est-à-dire le Moyen-Orient, où le Pakistan, l'Iran, l'Irak et la Turquie pourraient soudain acquérir une importance beaucoup plus grande qu'on ne l'avait imaginé au départ.
Si cette hypothèse se concrétisait, ce serait pour l'Irak une occasion à ne pas manquer.
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lundi, 26 juin 2023
Le monde arabe tend la main à la Chine et l'Iran visite le "triangle maudit" des Caraïbes
Le monde arabe tend la main à la Chine et l'Iran visite le "triangle maudit" des Caraïbes
Alfredo Jalife-Rahme
Source: https://www.alfredojalife.com/2023/06/18/el-mundo-arabe-se-acerca-a-china-e-iran-visita-el-triangulo-maldito-del-caribe/
Le caractère unique de la guerre en Ukraine a ébranlé de manière multidimensionnelle plusieurs plaques tectoniques de la planète avec ses différents vecteurs qui aspirent à un nouvel ordre multipolaire par le biais de la dé-mondialisation/régionalisation/dédollarisation : Des BRICS - avec leurs 30 (!!) candidats à l'adhésion au groupe pentapartite d'aujourd'hui - au monde arabe, autrefois en sommeil et composé de 22 membres - en particulier les six pétromonarchies du golfe Persique dirigées par la rébellion pétrolière conjointe de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, et leur chevauchement stratégique avec l'OPEP+.
La dixième conférence commerciale arabo-chinoise s'est tenue à Riyad les 11 et 12 juin avec 2000 participants, marquant un changement substantiel dans la géo-économie du golfe Persique avec la Chine: aujourd'hui déjà la première puissance économique mondiale lorsque son PIB est mesuré par le plus approprié "pouvoir d'achat de la parité (PPA)".
Selon Nicolas Aguzin, directeur de la Bourse de Hong Kong (https://bit.ly/3N4L55l), la Chine disposera d'ici 2030 de 2000 à 10.000 milliards de dollars d'"investissements souverains" cumulés provenant de fonds étatiques régionaux (sic).
Cela entraînera un déplacement régional spectaculaire des investissements des "fonds souverains" publics du Moyen-Orient: de 1 à 2 % actuellement investis en Asie, principalement en Chine, ils atteindront entre 10 et 20 % de cette colossale "toison d'or" !
Ces méga-investissements des six pétromonarchies du monde arabe, regroupées au sein du Conseil de coopération du Golfe, représentent un peu moins que le PIB, mesuré en PPA, de l'Inde: troisième au classement mondial (13,03 billions de dollars ; données du FMI 2023), derrière les États-Unis (26,8 billions) et la Chine (33 billions). Pour les ignorants et les néophytes qui ne comprennent pas l'ampleur de l'"or noir" !
Cette impressionnante conférence a été organisée en collaboration avec le secrétariat général de la Ligue arabe, qui vient de réintégrer la Syrie après 12 ans d'absence. Une délégation de la Ligue arabe s'est d'ailleurs rendue dans la province autonome islamique du Xinjiang en Chine et a démenti la propagande malveillante de l'anglosphère qui a mis en scène une persécution imaginaire des Ouïghours autochtones pour déstabiliser Pékin et freiner le développement de la Route de la Soie terrestre au niveau des pays musulmans d'Asie centrale. Il n'y a donc ni le cacophonique "génocide ouïghour (sic)" ni la "persécution religieuse" concoctés par la caustique propagande anglo-saxonne (https://bit.ly/3p2U1Af).
De 2021 à 2022, les échanges commerciaux entre la Chine et les pays arabes ont bondi de 31% pour atteindre 430 milliards de dollars, dont 106 milliards de dollars pour le commerce bilatéral de la Chine avec l'Arabie saoudite. Le lobbying obscène des deux saltimbanques américains (https://amzn.to/2MR0PfM), le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan et le secrétaire d'État Antony Blinken, pour amener l'Arabie saoudite à réduire sa connectivité avec la Chine n'a donc eu aucun effet.
Lors de la dixième conférence à Riyad, ce fut au tour de la Brésilienne Dilma Rousseff, nouvelle présidente de la "Banque des BRICS (NDB)", de conclure par une splendide envolée qui révèle bien le zeitgeist géopolitique multipolaire du 21ème siècle : "La Chine et l'Arabie saoudite ont le potentiel de réécrire les règles (!) du marché mondial de l'énergie (!!!), ce qui ouvre la voie à un marché mondial de l'énergie (!!!)". ), qui ouvre la voie à la diversification des devises (!) et à l'adoption de nouveaux modèles de collaboration économique", susceptible d'inspirer le Sud mondial, qui "a été marginalisé par le système financier international traditionnel (https://bit.ly/3X8Yyh7)".
L'Arabie saoudite a déjà posé sa candidature pour devenir le neuvième membre de la "Banque des BRICS". Comme si cela ne suffisait pas, le président Ebrahim Raisi de la République islamique chiite d'Iran, accompagné de son missile hypersonique dont on parle tant (https://bit.ly/441pQrS), a surpris avec sa visite stratégique dans le ventre mou géopolitique des États-Unis dans la mer des Caraïbes : le "triangle maudit", exorcisé par Washington, composé du Venezuela, du Nicaragua et de Cuba (https://bit.ly/3CBgHL4).
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