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mercredi, 12 février 2025

Erdogan part à la conquête de la Circassie russe

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Erdogan part à la conquête de la Circassie russe

Enrico Toselli

Source: https://electomagazine.it/erdogan-parte-alla-conquista-de...

Il a dévoré la Syrie sans coup férir, abandonnant une partie du territoire à Israël. Mais à Tel-Aviv, il ne faudrait pas être trop tranquille pour l’avenir. Désormais, Erdogan tourne son regard vers l’Abkhazie sous contrôle russe, première étape dans la construction d’une Circassie indépendante de Moscou mais dépendante d’Ankara. Évidemment, les dirigeants de l’Union européenne – tous absents lorsque a eu lieu la distribution d’intelligence – célèbrent l’événement. Porter un coup à Poutine mérite d’être fêté avec champagne et caviar, aux frais des sujets européens.

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Prendre l’Abkhazie aux Russes signifie aussi se rapprocher de la Géorgie, en poussant Tbilissi à abandonner ses relations avec Moscou pour se tourner vers Bruxelles. Naturellement, les grands politiciens européens ne se rendent pas compte que le passage de l’Abkhazie sous l’hégémonie turque précéderait celui de toute la Géorgie. Et ensuite, pas à pas, viendrait le tour des autres pays du Caucase.

Ursula sera surprise, tout comme toute sa clique, mais Erdogan agit dans l’intérêt de la Turquie, pas dans celui de Bruxelles. On peut même comprendre Zelensky, qui rêve d’affaiblir Poutine grâce à Erdogan, car le bandit de Kiev n’a absolument rien à faire de l’Europe. Mais l’enthousiasme de l’UE, occupée à attiser des troubles à Tbilissi, est totalement déplacé.

Quant à la Russie, une fois de plus, elle paie son incapacité totale à agir sur le front du soft power. Ce n’est qu’à l’approche du scrutin en Abkhazie que Moscou a pris conscience du problème et de l’efficace campagne électorale turque. Ankara a avancé sur le terrain culturel et des revendications ethniques. Moscou, avec un énorme retard, a simplement envoyé un peu d’argent. Cette affaire est assez pathétique et se révèle totalement inefficace. D’ailleurs, les Russes ont commis les mêmes erreurs en Europe occidentale, persuadés que les missiles et les drones suffisent à faire basculer les équilibres.

Staline, sur ce point, était bien plus malin.

mardi, 11 février 2025

La route de la soie septentrionale de la Chine et le grand jeu de l'Arctique

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La route de la soie septentrionale de la Chine et le grand jeu de l'Arctique

par Fabrizio Verde

Source: https://www.lantidiplomatico.it/dettnews-la_china_ice_sil...

En août de l'année dernière, la Chine et la Russie ont lancé un service rail-mer, l'Arctic Express No.1, qui transportera des conteneurs par voie ferrée de Moscou à Arkhangelsk, le seul port du nord-ouest de la Russie. À partir d'Arkhangelsk, des porte-conteneurs achemineront les conteneurs vers la Chine via l'océan Arctique.

La liaison maritime arctique pour conteneurs, longue de 13.000 km, permettra d'acheminer les marchandises en 20 à 25 jours. C'est une semaine de plus que la route maritime du Nord russe (NSR).

« Les infrastructures de nos pays sont insuffisantes pour répondre à nos besoins croissants en matière de logistique et de transport, et il est impératif d'ouvrir de nouvelles voies logistiques pour développer la coopération économique et commerciale sino-russe », a déclaré l'ambassadeur de Chine en Russie, Zhang Hanhui. « La Chine a toujours soutenu l'établissement de routes maritimes arctiques. Au cours des dix dernières années, les dirigeants chinois et russes ont continué à prêter attention au développement des routes maritimes arctiques et les gouvernements ont établi des mécanismes pour explorer la coopération arctique », a-t-il ajouté.

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À cet égard, il convient de mentionner que la Chine elle-même s'est définie comme un « État proche de l'Arctique », affirmant ses intérêts dans l'exploration et l'exploitation des ressources de l'Arctique, soulignant sa présence légitime dans la région en vertu du traité de Svalbard de 1925, qui accorde à plusieurs pays le droit de mener des recherches scientifiques dans l'Arctique. Par le biais d'investissements stratégiques, tels que la construction de la station du fleuve Jaune en Norvège, Pékin a montré qu'il considérait l'Arctique comme un élément crucial de sa stratégie économique et de sécurité. Cette initiative a été considérée comme une réponse à l'évolution du paysage géopolitique, en particulier à la suite des tensions avec les pays occidentaux après le début de l'opération militaire spéciale de la Russie en Ukraine.

Revenant sur le lancement du service ferroviaire arctique, M. Zhang a souligné que 14 allers-retours avaient déjà été effectués depuis juillet 2023, date à laquelle la société chinoise Yangpu New New Shipping a lancé le premier service régulier de transport de conteneurs entre la Chine et les ports russes de l'océan Arctique.

L'ambassadeur a expliqué: "Les liaisons intermodales mer-rail et la coopération entre la Russie et la Chine dans le domaine de la construction navale donneront une nouvelle importance au développement de la Route de la soie arctique".

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La route de la soie arctique chinoise, également connue sous le nom de route de la soie polaire, est une initiative stratégique lancée par Pékin pour développer des routes maritimes le long du cercle arctique. Alors que la route de la soie traditionnelle reliait la Chine au Moyen-Orient et à l'Europe par des voies terrestres, la route de la soie arctique vise à créer de nouvelles routes commerciales grâce à la fonte des glaces marines dans la région arctique. Cette initiative a des implications géopolitiques et stratégiques importantes pour la Chine et la communauté internationale.

L'une des principales implications géopolitiques de la route de la soie arctique chinoise est la possibilité pour la Chine d'accroître son influence et sa présence dans la région arctique. La fonte des glaces de l'Arctique ouvre de nouvelles voies de navigation qui peuvent réduire considérablement le temps et le coût du transport des marchandises entre la Chine et l'Europe. En investissant dans les infrastructures et la recherche dans l'Arctique, la Chine peut renforcer sa position dans la région et s'imposer comme un acteur clé dans les affaires arctiques.

En outre, la route de la soie arctique chinoise peut également aider la Chine à diversifier ses sources d'énergie et à réduire sa dépendance à l'égard des routes maritimes traditionnelles qui traversent des zones politiquement « sensibles » telles que la mer de Chine méridionale. En développant de nouvelles routes maritimes à travers l'Arctique, la Chine peut s'assurer des sources d'énergie alternatives et garantir la sécurité de sa chaîne d'approvisionnement énergétique. Cette démarche stratégique vise également à améliorer la sécurité énergétique de la Chine et à réduire sa vulnérabilité aux perturbations des marchés mondiaux de l'énergie.

La route de la soie arctique peut également avoir des retombées économiques importantes pour la Chine et les autres pays participant à l'initiative. En reliant la Chine à l'Europe via l'Arctique, elle peut faciliter les échanges commerciaux et les investissements entre les deux régions, stimuler la croissance économique et créer de nouvelles possibilités de coopération. Ce scénario peut être particulièrement bénéfique pour les pays situés le long de l'itinéraire, qui peuvent tirer parti des avantages économiques liés à l'augmentation des échanges et des investissements.

Ainsi, Pékin peut également étendre son influence dans l'économie mondiale et s'imposer comme un acteur de premier plan dans le commerce international. En développant de nouvelles routes commerciales à travers l'Arctique, la Chine peut renforcer sa position en tant que partenaire commercial clé pour les pays d'Europe et d'ailleurs. Une autre façon d'améliorer la diplomatie économique et de tenter de façonner les politiques commerciales mondiales.

En outre, la route de la soie acrtique pourrait également avoir des implications écologiques significatives. Alors que la fonte des glaces de l'Arctique se poursuit, la région est confrontée à des défis environnementaux sans précédent qui nécessitent une action urgente. En investissant dans le développement durable et dans des infrastructures respectueuses du climat dans l'Arctique, la Chine peut contribuer à atténuer l'impact de ce changement et à promouvoir la protection de l'environnement dans la région.

Dans l'ensemble, l'initiative chinoise a le potentiel de remodeler le commerce mondial et les schémas de transport, de renforcer l'influence de la Chine dans la région arctique et de promouvoir le développement durable et la protection de l'environnement. En investissant dans les infrastructures et la recherche dans l'Arctique, la Chine peut exploiter de nouvelles opportunités et relever des défis géopolitiques et stratégiques majeurs. Alors que la Route de la soie arctique continue d'évoluer, il sera crucial pour la Chine et les autres pays de travailler ensemble pour assurer le succès et la durabilité de cette initiative ambitieuse.

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Les actions de Trump

Le président élu des États-Unis, Donald Trump, considère ce scénario comme un véritable cauchemar. Ainsi, face à cette avancée (pacifique) de la Chine et de la Russie dans l'Arctique, les États-Unis, sous la houlette de Donald Trump, ont décidé d'adopter une approche plus affirmée. Les déclarations sur la possible prise de contrôle du Groenland, qualifiée, un peu timidement, d'« absurde » par certains dirigeants européens, reflètent la crainte des États-Unis de perdre leur influence dans une région stratégiquement cruciale. Cette attitude reflète une stratégie réactive, davantage orientée vers l'endiguement de la Chine et de la Russie que vers la promotion d'un développement positif et inclusif dans la région.

Outre son intérêt pour le Groenland, l'administration Trump pourrait prendre plusieurs mesures pour contrer l'influence sino-russe dans l'Arctique :

- Renforcer la présence militaire : augmenter les forces armées et les infrastructures dans la région pour dissuader la Russie et la Chine.

- Former une coalition arctique : obliger des pays comme le Canada, la Norvège et le Danemark à suivre les politiques de sécurité et de développement de Washington dans l'Arctique.

- Développement économique : promouvoir l'investissement dans des projets énergétiques et d'infrastructure dans l'Arctique pour assurer une présence économique significative et tenter de réduire l'influence chinoise.

- Diplomatie internationale : travailler dans le cadre de forums internationaux, tels que le Conseil de l'Arctique, afin d'établir des règles et des réglementations visant à limiter les initiatives commerciales de la Chine et de la Russie.

Cependant, les politiques américaines semblent se concentrer principalement sur le renforcement militaire, dans l'intention de contrer les initiatives sino-russes de construction d'infrastructures et de routes commerciales dans l'Arctique. Toutefois, cette réponse manque d'une vision stratégique à long terme qui aille au-delà du simple maintien d'une hégémonie mondiale qui semble irrémédiablement perdue à ce stade. Il en résulte une perception croissante de l'isolement des États-Unis face à un ordre mondial de plus en plus multipolaire.

Un conflit de visions

Alors que l'approche américaine repose sur une logique de confrontation, la Chine et la Russie promeuvent une vision de développement partagé et de coopération internationale. La Route de la soie arctique représente une nouvelle opportunité de créer des liens économiques plus étroits entre l'Asie et l'Europe, en ouvrant des routes commerciales plus efficaces et moins vulnérables aux interférences géopolitiques. Cette initiative illustre également la manière dont la multipolarité peut promouvoir la stabilité mondiale par le dialogue et la collaboration, plutôt que par l'escalade militaire.

Les initiatives chinoises et russes dans l'Arctique représentent un modèle de coopération stratégique dans un monde de plus en plus multipolaire. Alors que les États-Unis cherchent à maintenir leur rôle dominant, comme ils le font toujours par des stratégies agressives et réactives, l'approche sino-russe se distingue par sa promotion d'un développement inclusif et durable. Le défi mondial n'est pas seulement d'accroître les échanges commerciaux, mais de le faire d'une manière qui profite à toutes les nations concernées, en renforçant un ordre mondial plus équitable et plus coopératif. Une application pratique du concept de création d'une communauté avec un avenir commun pour l'humanité, tel que préconisé par le président chinois Xi Jinping.

Fabrizio Verde, Directeur de l'AntiDiplomatico. Napolitain, promotion 80.

dimanche, 02 février 2025

La doctrine Monroe, vieille de 200 ans, a-t-elle été «trumpifiée»?

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La doctrine Monroe, vieille de 200 ans, a-t-elle été «trumpifiée»?

par Latif Balat

Source: https://telegra.ph/La-Dottrina-Monroe-di-200-anni-%C3%A8-...

Les idées les plus récentes et les plus déroutantes de l'« imprévisible » président Trump ont été ses déclarations sur le Groenland, le canal de Panama et le Canada. Elles sont interprétées comme une version renouvelée de l'expansion impérialiste américaine. Elles sont intervenues à un moment où l'empire américain est perçu comme étant en déclin.

Bien sûr, Donald Trump diffère de ses prédécesseurs dans le bureau ovale par ses caractéristiques sociales et ses traits de caractère. L'une des principales différences est qu'il n'est pas passé par le chemin traditionnel de la bureaucratie américaine, comme le fait d'avoir été membre du Congrès, sénateur ou d'avoir exercé d'autres fonctions au sein de l'État avant de devenir président. Cette divergence par rapport aux normes établies explique ses attitudes « anormales » qui défient souvent les traditions de l'État américain.

Des États-Unis mercantiles

En outre, le passé de Trump en tant qu'homme d'affaires milliardaire est également important. Ses racines dans la classe capitaliste commerciale façonnent ses méthodes et son approche du gouvernement. Ses déclarations économiques et politiques témoignent constamment d'une mentalité de commerçant, même dans les relations internationales.

Bien sûr, il est irréaliste de penser que gouverner une nation de 350 millions d'habitants, dotée de l'économie la plus importante et la plus influente du monde, peut dépendre uniquement de la personnalité et du style de gestion d'un seul individu. Dès le début, Trump a été soutenu par certaines factions du système capitaliste américain. L'ascension de Trump reflète également les traces du conflit de classe au sein des classes capitalistes américaines, parallèlement au déclin de l'économie américaine. Cela se voit très clairement dans le soutien que lui apportent des personnalités telles qu'Elon Musk.

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L'élection de Trump ne signifie pas que le réalignement entre les capitalistes est terminé ou qu'il est devenu évident. Il s'agit d'un processus en cours qui devrait s'intensifier au cours de la période à venir. Une étape notable dans cette direction est l'entrée de Liz Cheney, l'une des figures républicaines néoconservatrices les plus en vue, dans les rangs du Parti démocrate. Cheney sera suivie par d'autres.

Passons maintenant aux remarques apparemment étranges mais logiques du point de vue intra-américain de Trump sur le Groenland, le canal de Panama et le Canada :

Une présidence de style "négociation"

Tout d'abord, en tant qu'homme d'affaires, qui comprend la valeur de la négociation et des tactiques pour renforcer sa position de négociation, Trump a fait ces propositions particulières en articulant une stratégie bien calculée. Il sait qu'en présentant de telles idées, il pourra s'asseoir à la table des négociations au départ d'une position plus forte dans ses rapports avec le monde pendant sa présidence. Trump pense que projeter l'image d'un pays plus actif et plus influent, ne serait-ce que sur le plan rhétorique, donnera aux États-Unis un plus grand poids dans les négociations. Il est bien conscient que les frontières et les institutions définies par les accords internationaux et enregistrées par les Nations unies ne peuvent être modifiées par de simples revendications agressives. Trump veut dire à l'Europe et au monde: «Je suis toujours là, actif, et je ne me retire pas». Par exemple, il est impossible que le Canada devienne le 51ème État américain, mais ces déclarations pourraient faire pression sur le Canada pour qu'il accepte des droits de douane plus élevés sur ses marchandises.

Deuxièmement, la rhétorique de Trump s'aligne sur les principes de la doctrine Monroe, formulée par le président Monroe en 1823, qui souligne que l'ensemble du continent américain est exclusivement sous l'influence des États-Unis. Cette doctrine vise à dissuader l'Europe, la Chine et la Russie. Les territoires mentionnés par Trump - le Groenland, le Panama et le Canada - font tous partie du grand continent américain.

Le troisième point important est la tentative des États-Unis de restaurer leur position affaiblie en tant que puissance impérialiste vis-à-vis de la Chine et de la Russie, compte tenu de l'influence croissante de la Russie et de la Chine au Groenland et au Panama, avec des ressources précieuses et le rôle dans l'ouverture de l'Arctique au commerce.

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Blocage de la route de la soie arctique

Du point de vue des États-Unis, le Groenland a une valeur géopolitique incommensurable en raison de sa situation aux portes de l'océan Arctique. La région possède non seulement de vastes réserves inexploitées de pétrole et de gaz, mais elle offre également de nouvelles routes maritimes à mesure que la glace fond, ce qui pourrait remodeler la dynamique du commerce mondial. La plus importante est la route maritime du Nord, qui longe la côte russe et traverse le détroit de Béring. Cette route pourrait contourner les itinéraires traditionnels par les canaux de Panama et de Suez et réduire les temps de transit entre l'Asie et l'Europe jusqu'à 40%.

Entre-temps, la Chine a également établi une présence significative dans la région. Se déclarant « quasi-État arctique » en 2018, la Chine a investi dans son initiative de Route de la soie polaire et souhaite intégrer les routes maritimes de l'Arctique dans le cadre plus large de sa grande initiative dite de la Ceinture et de la Route.

Un signe de déclin ?

En bref, la rhétorique vide de Trump sur l'intervention militaire ne doit pas nous détourner de la réalité: l'Arctique est en train de devenir un point de rupture potentiel entre les États-Unis et l'axe Chine-Russie. Cette rhétorique est utile pour suggérer l'orientation possible de la politique étrangère de Trump. Les revendications de Trump sur le canal de Panama, le Canada et le Groenland suggèrent une tentative de remédier au déclin de la puissance mondiale de l'Amérique et à l'excès impérialiste insoutenable. Tout cela suggère un recalibrage des priorités américaines vers une stratégie "continentale" plus gérable, une nouvelle doctrine Monroe visant à rétablir une hégémonie totale sur les Amériques et l'Atlantique Nord en tant que "sphère d'influence naturelle".

Publié en partenariat dans United World International

Le Pentagone va-t-il entamer un nouvel «endiguement» de la Chine?

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Le Pentagone va-t-il entamer un nouvel «endiguement» de la Chine?

Leonid Savin

Malgré le changement d'administration à la Maison-Blanche et les remaniements respectifs au sein du département d'État et du ministère de la Défense des États-Unis, il sera évident que la politique étrangère de Donald Trump suivra la tendance consistant à faire pression sur la Chine, y compris en reprenant les méthodes éprouvées de l'approche militaro-stratégique. Alors que le renforcement militaire des alliés des États-Unis dans la région Asie-Pacifique a également eu lieu sous Biden, il est probable que les ressources libérées sur le front ukrainien seront redirigées vers cette partie du monde.

Les éléments clés de la stratégie américaine seront à la fois la puissance maritime grâce à la marine et la suprématie aérienne grâce à l'armée de l'air, en s'appuyant sur le réseau d'alliés au large des côtes chinoises. Outre les satellites officiels tels que la Corée du Sud et le Japon, Washington utilisera à coup sûr l'Inde, où le Premier ministre Narendra Modi entretient de bonnes relations avec Donald Trump. Le Bangladesh, qui a connu un coup d'État l'année dernière, pourrait également devenir un nouveau bastion américain.

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Selon le site web de l'US Naval Institute, « les principales bases navales du Bangladesh se trouvent près du district de Rakhine au Myanmar et à proximité du corridor économique Chine-Myanmar, un élément clé de l'initiative chinoise “Une ceinture, une route” visant à réduire la pression sur les communications maritimes chinoises en mer de Chine méridionale ». En coopérant avec la marine du Bangladesh, la marine américaine pourrait utiliser ces bases pour surveiller les projets chinois. En outre, la position stratégique du Bangladesh dans la partie septentrionale du golfe du Bengale pourrait donner aux États-Unis un avantage pour la surveillance du détroit de Malacca, qui est vital pour l'économie et l'industrie chinoises.

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En cas de conflit, les bases navales du Bangladesh pourraient devenir un centre logistique et un port sûr pour la marine américaine. Actuellement, les États-Unis ne disposent d'aucune base dans le golfe du Bengale. Alors que l'île de Diego Garcia deviendrait certainement un centre logistique pour toutes opérations dans l'océan Indien, le Bangladesh - avec sa main-d'œuvre, son industrie navale dynamique et sa marine professionnelle - pourrait offrir aux navires de l'US Navy un lieu de repos, de récupération et de réarmement. Le Bangladesh construit actuellement un port maritime en eau profonde à Matarbari, Cox's Bazar, avec l'aide du Japon, l'un des partenaires les plus fiables et les plus importants des États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale. Le Japon pourrait aider à construire un pont entre les deux pays afin de garantir que la marine américaine puisse utiliser le port en eau profonde de Matarbari comme base d'opérations navales lors d'une future guerre, en bloquant les expéditions chinoises potentielles qui contournent le détroit de Malacca pour emprunter le corridor économique Chine-Myanmar comme alternative. Cela donnerait aux États-Unis un moyen de pression sur la Chine dans la région du golfe du Bengale ».

En ce qui concerne la suprématie aérienne, bien que les États-Unis soient visiblement en difficulté, le sentiment de panique anti-Chine pourrait aider le MIC, le Pentagone et la Maison Blanche à restructurer le futur budget pour faire face aux nouveaux défis.

À cet égard, un rapport spécial de l'Institut Hudson sur la nécessité de renforcer et d'étendre l'armée de l'air américaine pour faire face à la Chine, non seulement comme moyen de dissuasion mais aussi pour un conflit militaire direct, mérite d'être signalé. Les auteurs soulignent que même les aérodromes américains sont menacés par une attaque militaire chinoise sérieuse. Une force de frappe de l'Armée populaire de libération (APL) chinoise composée d'avions, de lanceurs de missiles terrestres, de navires de surface et de sous-marins, ainsi que de forces d'opérations spéciales, pourrait attaquer les avions américains et leurs systèmes de soutien sur des aérodromes du monde entier, y compris sur le territoire continental des États-Unis. Il est à noter que les analyses militaires des conflits potentiels impliquant la Chine et les États-Unis montrent que la grande majorité des pertes de l'aviation américaine sont susceptibles de se produire directement sur les aérodromes de la base nationale, et que ces pertes pourraient être très importantes. Il convient toutefois de souligner que l'armée américaine consacre aujourd'hui relativement peu d'attention et de ressources à la lutte contre ces menaces par rapport au développement d'aéronefs modernes.

La RPC envisage les conflits potentiels différemment et estime que si les aérodromes font l'objet d'attaques massives, ils doivent être protégés, étendus et renforcés. Depuis le début des années 2010, l'APL a plus que doublé le nombre d'abris aériens protégés et d'abris aériens individuels non protégés sur les aérodromes militaires, créant au total plus de 3000 abris aériens, sans compter les aérodromes civils ou commerciaux.

Cela suffit pour cacher la grande majorité des avions de combat chinois. La superficie des pistes d'atterrissage dans le pays a augmenté de près de 75%. En conséquence, la Chine dispose aujourd'hui de 134 bases aériennes à moins de 1000 milles nautiques du détroit de Taïwan - des aérodromes qui abritent plus de 650 avions dans des abris et près de 2000 sans protection sérieuse.

En réponse, les auteurs du rapport suggèrent que le ministère américain de la défense organise des ressources pour soutenir les opérations aériennes en cas d'attaque. Pour reprendre l'avantage et prévenir les conflits, les États-Unis et leurs alliés et partenaires, à des degrés divers, doivent poursuivre leurs efforts dans les trois domaines suivants :

1) Encourager la poursuite des investissements défensifs de la RPC. Les États-Unis doivent continuer à améliorer leur capacité à lancer des frappes profondes et massives contre les forces de l'APL et les éléments clés des infrastructures essentielles, malgré la présence de défenses aériennes denses et sans soutien. En réponse, les forces de l'APL, déjà renforcées, continueront probablement à investir dans des mesures défensives passives et actives supplémentaires et coûteuses, ce qui réduira les possibilités d'investissements alternatifs, y compris les moyens de frappe et les autres capacités de projection de force.

2) Construire une infrastructure résiliente sur le terrain. Les États-Unis doivent améliorer la résilience de leur infrastructure militaire, notamment en augmentant la capacité et en renforçant les aérodromes sur le territoire continental des États-Unis, dans la région indo-pacifique et au-delà. Bien que l'argent dépensé pour la défense active et passive réduise l'argent dépensé pour les opérations offensives, en l'absence d'un niveau de base de résilience des infrastructures, qui fait actuellement défaut, on peut raisonnablement s'attendre à ce que les capacités offensives du ministère de la défense soient débordées en cas de conflit. Une infrastructure résiliente est nécessaire pour que l'armée de l'air américaine puisse combattre efficacement.

Une architecture résiliente doit comprendre une défense passive (redondance, distribution géographique et dispersion tactique, renforcement, récupération et capacités de camouflage, de dissimulation et de déception) et une défense active. Comme l'ont conclu Christopher Lynch et d'autres analystes de la RAND Corporation, qui ont entrepris une analyse approfondie de la résilience des aérodromes aux États-Unis, « les moyens les plus rentables d'améliorer la résilience des bases aériennes sont une solide défense passive ».

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Pour renforcer les aérodromes de manière globale, le ministère de la défense devra passer d'une approche au cas par cas de chaque projet de construction à une campagne de construction. Une grande campagne pluriannuelle intégrée de construction d'aérodromes aux États-Unis et au-delà, en particulier dans la région indo-pacifique, donnerait un élan durable aux travaux de construction militaire sur les bases, créerait des consortiums d'entrepreneurs commerciaux et réduirait les coûts de construction. Dans le cadre de cette campagne, les États-Unis pourraient conclure des contrats conjoints avec les alliés qui renforcent également leurs infrastructures.

En outre, le Pentagone devrait adopter des mesures de rigueur appropriées, en particulier pour les nouveaux travaux de construction militaire. Le récent projet de renoncer à la construction d'abris fortifiés, d'un coût d'environ 30 millions de dollars, au profit de nouveaux bombardiers B-21, d'un coût de plus de 600 millions de dollars, a été qualifié de décision insensée qui met en péril la capacité des États-Unis à frapper dans le monde entier.

Pour soutenir les opérations, les aérodromes devront également être protégés par des systèmes de défense active létaux, adaptables et résistants aux actions continues de l'ennemi. Pour ce faire, l'armée américaine doit réaffecter le financement de la force de manœuvre au développement de l'unité d'artillerie antiaérienne et à l'amélioration de sa capacité à protéger les aérodromes, les ports et d'autres installations critiques. Il faut également des systèmes de défense aérienne et antimissile plus soutenus, capables de soutenir une défense calibrée à long terme.

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3) Développer les forces armées. Le ministère américain de la défense devrait développer et accélérer le déploiement de forces moins vulnérables aux attaques de l'APL contre les aérodromes. Les éléments de cette modification de la structure des forces devraient inclure des aéronefs à long rayon d'action et à grande autonomie, tels que les bombardiers B-21 et les ravitailleurs en vol de la prochaine génération (NGAS), qui peuvent opérer à partir de terrains d'aviation plus éloignés ou passer plus de temps dans les airs plutôt que sur la piste, où ils constituent une cible plus facile. Le Pentagone devrait également déployer des forces telles que des missiles et certains types de plates-formes d'opérations interarmées autonomes qui peuvent opérer à partir de pistes courtes ou endommagées ou indépendamment des aérodromes, à condition qu'elles bénéficient d'un soutien logistique.

Toutefois, les forces armées américaines ne déploieront pas ce type de troupes en grand nombre avant les années 2030, de sorte que la défense passive et active des aérodromes sera nécessaire indépendamment de ces changements dans la structure des forces.

Les conclusions du rapport indiquent que l'approche actuelle du Pentagone, qui consiste à ignorer cette menace, conduit à une agression de la part de la RPC et qu'il y a un risque de perdre la guerre. Ce qu'il faut donc, c'est une campagne urgente et efficace pour rendre les opérations des aérodromes américains plus résistantes, ce qui nécessite une prise de décision judicieuse et un financement soutenu.

En attendant, l'émergence de telles infrastructures signifie non seulement une dissuasion perçue de la Chine, mais aussi un renforcement significatif de la capacité des États-Unis à mener des opérations offensives à la fois dans les zones où leurs infrastructures militaires sont déployées dans la région Asie-Pacifique et chez eux, par exemple en Amérique latine, dont la souveraineté fait déjà l'objet d'empiètements de la part de Donald Trump.

samedi, 01 février 2025

Les Turcs reviennent dans la Corne de l'Afrique

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Les Turcs reviennent dans la Corne de l'Afrique

Ronald Lasecki

Source: https://ronald-lasecki.blogspot.com/2024/12/turcy-wracaja...

Mercredi 11 décembre, Recep Tayyip Erdoğan a annoncé à Ankara, en compagnie du Premier ministre éthiopien Abija Ahmed et du président somalien Hassan Sheikh Mohamud, qu'un accord avait été conclu entre l'Éthiopie et la Somalie, mettant fin au différend entre Addis-Abeba et Mogadiscio, qui traînait depuis la signature du mémorandum d'entente mutuelle entre l'Éthiopie et la République séparatiste du Somaliland, le 1er janvier 2024. L'accord d'Ankara est le résultat d'un travail mené depuis août 2024 par Hakan Fidan, ancien chef des services de renseignement turcs, chargé de la direction de la Somalie depuis la visite historique du sultan dans le pays en août 2011.

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L'Éthiopie veut retrouver la mer

L'accord de janvier entre Addis-Abeba, représenté par le Premier ministre Abija Ahmed, et Hargesia, représenté par le président Musa Abdi Bihi, prévoit que le Somaliland loue à l'Abyssinie 20 km de sa côte sur le golfe d'Aden, y compris l'important port de Berbera, et la possibilité pour l'Éthiopie de remettre en état et d'utiliser une base navale démantelée en 1996. En contrepartie, l'Éthiopie reconnaîtrait la République du Somaliland, qui a déclaré son indépendance de la Somalie le 18 mai 1991, mais qui n'est reconnue ni par l'Union africaine ni par les Nations unies.

L'Éthiopie, qui compte cent trente millions d'habitants, est le pays le plus enclavé du monde. Il la perdu son littoral lorsque l'Érythrée, qui occupait le territoire de l'ancien protectorat italien au nord-est, est devenue indépendante le 24 mai 1991, où une guérilla contre le pouvoir éthiopien était en cours depuis 1961. En conséquence, plus de 95% du commerce extérieur de l'Éthiopie passe par le « corridor de développement » Addis-Abeba-Djibouti. L'Éthiopie, qui connaît la croissance la plus rapide du continent africain (croissance annuelle du PIB d'environ 7%), cherche donc à diversifier ses canaux économiques et à s'affranchir du port de Doraleh.

En Somalie, on craint l'Éthiopie

Les relations entre les autorités d'Addis-Abeba et de Mogadiscio se dégradent en avril 2024 lorsque l'ambassadeur éthiopien est expulsé de Somalie et que les soldats éthiopiens sont, à la demande de la Somalie, retirés de la liste des contingents devant participer à la Mission de l'Union africaine pour le soutien et la stabilisation en Somalie (AUSSOM) à partir de janvier 2025. À son tour, en décembre 2024, la Somalie a accusé son voisin occidental de fournir des armes à l'État méridional du Jubaland, qui a rompu sa dépendance à l'égard de la Somalie en 1998 et dont le gouvernement fédéral somalien ne contrôle plus les processus politiques en cours à Kismayo.

La désescalade entre Hargesha et Mogadiscio, en revanche, est très probablement liée à l'issue de l'élection présidentielle du 13 novembre 2024 au Somaliland. Musa Abdi Bihi, qui occupe le poste de chef de l'État depuis 2017, a perdu à 35% contre 64%, face à Abdirahman Mohammad Abdullahi, communément appelé Irro. Cet ancien ambassadeur somalien à Moscou, âgé de 69 ans et formé aux États-Unis, puis devenu citoyen finlandais, a pris ses fonctions le 14 décembre 2024, annonçant une « révision » de l'accord conclu en janvier avec l'Éthiopie.

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L'Égypte ne veut pas renforcer l'Éthiopie

Le retour de l'Abyssinie dans la mer Rouge est contesté par l'Égypte, qui est en conflit avec l'Éthiopie au sujet de la construction du "Grand barrage Renaissance" (GERD), lancée en juillet 2020 sur le Nil Bleu. Ce projet est considéré par l'Égypte (et le Soudan), qui dépendent tous deux du fleuve, comme une menace stratégique. Addis-Abeba, de son côté, soutient que, puisque les autres États riverains du Nil peuvent avoir leur mot à dire sur le projet de barrage mis en œuvre par l'Éthiopie sur son propre territoire, l'Éthiopie devrait avoir son mot à dire sur l'utilisation des ports situés sur la côte de la mer Rouge. Une escalade des tensions entre l'Éthiopie et la Somalie risquerait donc d'entraîner une escalade entre l'Éthiopie et l'Égypte, et donc un conflit régional à grande échelle avec des répercussions transrégionales encore plus importantes.

En août 2024, après deux cycles infructueux de pourparlers entre la Somalie et l'Éthiopie, le président Hassan Sheikh Mohamud a signé un accord avec l'Égypte prévoyant l'envoi de 10.000 soldats égyptiens en Somalie. Ajoutez à cela la présence à Berbera depuis 2017 de troupes des Émirats arabes unis (EAU), proches de l'Égypte et qui ont en retour envoyé un ambassadeur à Hargesia, et vous obtenez l'image d'un déséquilibre évident en défaveur de l'Éthiopie dans la région géopolitiquement nodale du golfe d'Aden dans son ensemble - laquelle est déjà fortement déstabilisée par les attaques des Huthis, par les activités des pirates somaliens et par la guerre civile au Yémen. Aux prises depuis 2018 avec une série de conflits armés internes non résolus, l'Éthiopie et la Somalie, menacées par la légitimité internationale de la sécession du Somaliland, pourraient s'engager dans une lutte armée qui viendrait s'ajouter à la liste des guerres régionales.

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La Turquie vassalise la Somalie

En exploitant (ou en provoquant) des changements internes au Somaliland, le Raïs turc a une fois de plus démontré que son État est une force de stabilisation régionale - facteur que la Russie était censée jouer jusqu'à récemment, car la région était considérée comme liée à la zone post-soviétique. L'influence d'Ankara s'étend sur un arc allant du Levant au golfe d'Aden, de Damas à la Libye, de la mer Caspienne à la Bosnie-Herzégovine.

Suite à l'accord de janvier 2024 entre l'Éthiopie et le Somaliland, Ankara a signé deux accords en février et mars de cette année, respectivement, pour engager la Turquie dans la défense des eaux territoriales somaliennes et dans la reconstruction, l'équipement et la formation de la marine de Mogadiscio. En contrepartie, Ankara a obtenu le droit de percevoir 30% des recettes provenant de l'exploitation des ressources de la zone économique exclusive somalienne et le droit d'explorer, d'extraire et de vendre les ressources énergétiques qui s'y trouvent.

Mogadiscio, où le groupe turc Albayrak loue jusqu'en 2035, l'aéroport et le port commercial de Mogadiscio, où se trouvent la plus grande base étrangère de Türk Silahlı Kuvetleri et la base de missiles balistiques et spatiaux de la Turquie, est un nœud clé du réseau de projection anatolien en Afrique, qui se déroule le long d'un corridor traversant le Soudan depuis l'aéroport international de Mitiga à Tripoli, la base aérienne et navale de Misrata et la base aérienne d'al-Watiya en Libye, contrôlés par les Turcs, corridor se prolongeant donc jusqu'à Mogadiscio.

La Turquie contrôle et turquifie déjà les autorités, les forces armées, les services secrets et les infrastructures de la Somalie depuis des années. En juillet 2024, le Parlement turc a approuvé le déploiement de forces turques dans ce pays de la Corne de l'Afrique afin de protéger la zone économique exclusive somalienne contre les menaces terroristes et autres. En octobre de cette année, le navire de recherche turc « Oruç Reis », auparavant protagoniste de plusieurs crises impliquant la Grèce, est entré dans les eaux territoriales somaliennes, escorté par deux frégates.

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Le sultan embrasse le pharaon

L'Éthiopie, quant à elle, est le principal bénéficiaire des investissements turcs en Afrique. Des capitaux, des drones de combat pour lutter contre les insurgés dans le Tigré, des technologies et des ingénieurs pour assurer la communication interne des vastes hauts plateaux abyssins qui s'étendent du plateau du Rift est-africain vers le plateau éthiopien. L'Éthiopie est également devenue un levier pour le Raïs face à l'Égypte, avec laquelle les relations de la Turquie ont été quasiment gelées après 2011. Le remplissage du GERD durant l'été 2024, selon les géologues égyptiens, a retardé d'un mois l'arrivée des eaux du Nil au barrage d'Assouan. Le cauchemar d'Abd al-Fattah as-Sisi d'une déshydratation et d'un dessèchement progressifs de l'Égypte devient une menace réelle pour le pays.

Le sultan s'en est servi pour atteler le pharaon égyptien à son carrosse impérial néo-ottoman: le Parlement turc n'a approuvé les accords de février-mars avec la Somalie qu'en juillet, donc déjà après la visite du dirigeant anatolien au Caire le 24 février - la première depuis 2011. Ankara a ainsi donné au Caire le temps d'envoyer ses propres troupes en Somalie en août, ce qui, dans le sillage de la crise du barrage éthiopien, a été fait par la partie égyptienne sur un ton bruyamment hostile à Addis Abeba - expressif au point de menacer d'éclater en affrontements frontaliers. De l'eau (du Nil) pour le moulin du Raïs qui, le 12 septembre (lors de la première visite du dirigeant égyptien en Turquie depuis 2012), a reçu As-Sisi à Ankara comme le seul arbitre capable de démêler le nœud des tensions dans la Corne de l'Afrique. 

La réconciliation turco-égyptienne a été préparée par des contacts au niveau du renseignement et à des niveaux inférieurs de la diplomatie développés à partir de mars 2021. En novembre 2022, Erdoğan a serré la main du pharaon détesté lors d'une réunion multilatérale à Doha. En avril 2023, le ministre des Affaires étrangères turc de l'époque, Mevlüt Çavuşoğlu, a effectué une visite sur le Nil, à la suite de laquelle les deux pays ont renommé l'un chez l'autre des ambassadeurs qui avaient été envoyés à la retraite dix ans plus tôt. La veille de la visite d'Erdogan au Caire, Hakan Fidan a annoncé un accord de coopération militaire turco-égyptien. Il s'agit donc d'un plan à long terme, mis en place depuis des années. À son tour, il doit permettre d'atteindre des objectifs encore plus ambitieux, mais nous y reviendrons dans un instant.

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Le jeu du sultan avec les émirs

Dans la Corne de l'Afrique, Ankara rivalise d'influence avec Abou Dhabi, qui a été l'intermédiaire caché de l'accord de janvier entre Addis-Abeba et Hargesia. Les Émirats arabes unis jouent sur deux fronts vis-à-vis de la Somalie, soutenant l'unité territoriale du pays tout en ne renonçant pas à des accords lucratifs avec des forces contrôlant de facto des ports importants sur la côte du pays assiégé. La construction du port de Berbera a été financée par la société DP World, basée à Dubaï, qui est également le principal fournisseur de capitaux de l'Éthiopie.

Cette société de logistique, liée à la dynastie régnante Al-Maktum de Dubaï, a également été le principal fournisseur de drones (avec la Turquie) à l'Éthiopie pendant la guerre du Tigré (2020-2022) et les guerres en cours contre les insurgés dans les régions d'Amhara (depuis avril 2023) et d'Oromo (depuis 1973). DP World était également le principal rival du groupe turc Albayrak dans son offre de location de l'aéroport Adena Adde à Mogadiscio. Les Turcs en sont finalement sortis vainqueurs, grâce à leur soutien constant au gouvernement central, tandis que les Émirats arabes unis, comme nous l'avons mentionné, ont joué un double jeu, ce qui a fini par refroidir l'attitude des Somaliens à leur égard.

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L'Éthiopie, cependant, ne reconnaîtra pas le Somaliland

Dans le contexte de la déclaration d'Ankara, le statut du protocole d'accord mutuel de janvier 2024 entre l'Éthiopie et le Somaliland reste flou. Abdirahman Mohammad Abdullahi, dans son discours inaugural, a annoncé d'une part un « examen » de l'accord avec l'Éthiopie pour sa transparence, sa compatibilité avec les intérêts stratégiques du Somaliland et ses objectifs plus larges de reconnaissance internationale, et sa mise en œuvre par les voies parlementaires et légales par les deux parties, et d'autre part, la poursuite de sa mise en œuvre et sa non-dépendance de la relation de l'Éthiopie avec la Somalie. Cependant, il semble que la déclaration rassurante et, très probablement, délibérément vague du dirigeant de la république non reconnue cache la prise de conscience que le mémorandum n'est plus valable.

Après la signature du mémorandum, le ministre de la défense du Somaliland, Abdiqani Mohamoud Ateye, du parti Kulmiye dont Muse Bihi Abdi était le chef depuis 2015, a démissionné. L'ancien ministre de la défense refusait d'accepter la présence de troupes éthiopiennes au Somaliland, qu'il considérait comme le « principal ennemi » du Somaliland. Le nouveau président Abdirahman Mohammad Abdullahi, fondateur du parti rival Waddani, s'est déclaré prêt à rencontrer l'ancien ministre. Il s'agit peut-être d'une autre indication que Hargesia a pris conscience de son échec diplomatique (ou a succombé à la pression extérieure en la matière).

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La Turquie pacifie le conflit entre l'Éthiopie et la Somalie

La déclaration d'Ankara de décembre dernier annonce l'ouverture de pourparlers techniques sous l'égide de la Turquie, au plus tard à la fin du mois de février 2025, et la signature des accords de conclusion dans un délai de quatre mois. L'objectif de ces pourparlers est de fournir à l'Éthiopie « un accès fiable, sûr et durable à la mer et depuis la mer, sous l'autorité souveraine de la République fédérale de Somalie ». L'Éthiopie doit donc disposer d'un « accès sûr à la mer et à partir de la mer, dans le respect de l'intégrité territoriale de la République fédérale de Somalie ». Les parties déclarent en outre leur « respect et leur engagement envers la souveraineté, l'unité, l'indépendance et l'intégrité territoriale de l'autre partie, ainsi qu'envers les principes énoncés dans le droit international ». La Turquie doit superviser la mise en œuvre de ces engagements et résoudre les différends liés à leur interprétation et à leur application par le dialogue et de manière pacifique - avec l'aide de la Turquie si nécessaire.

La déclaration, dont les dispositions les plus importantes sont reprises dans le paragraphe ci-dessus, ne mentionne pas la présence militaire de l'Éthiopie sur la côte somalienne. L'Abyssinie, quant à elle, s'efforce d'être « complète » sur le plan maritime, notamment en reconstruisant sa marine de guerre - ce qui est particulièrement légitime dans les eaux en proie aux attaques des pirates et des Huthis. Comme indiqué plus haut, le statut du protocole d'accord mutuel de janvier 2024 entre l'Éthiopie et le Somaliland n'est toujours pas clair. S'il devait être annulé, la question se pose de savoir à quelle zone côtière Addis-Abeba aura accès: le port de Berbera? le port de Kismayo? Il ne faut pas non plus oublier que la question de l'accès de l'Éthiopie à la mer se pose dans le contexte plus large des relations entre l'Éthiopie et l'Égypte, sans la normalisation structurelle desquelles il sera difficile de parler de stabilité durable dans les régions de la Corne de l'Afrique et du bassin du Nil.

La Turquie veut aller vers l'océan

Le levier de pression sur l'Egypte sera la présence militaire turque d'Ankara en Tripolitaine. En août 2024, la Grande Assemblée nationale turque a ratifié un nouveau protocole de coopération militaire avec Tripoli, renforçant la coopération existante et garantissant aux soldats turcs l'impunité des autorités locales sur le Grand Syrte. Le Caire sera contraint de faire des compromis avec Ankara pour tenter de colmater stratégiquement la brèche à sa frontière occidentale. L'enjeu pour le sultan est la reconnaissance par l'Égypte du protocole d'accord turco-libyen sur la démarcation des eaux territoriales en Méditerranée, signé le 27 novembre 2019 à Istanbul.

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Le protocole turco-libyen est une application pratique de la doctrine Mavi Vatan. Il formalise les revendications turques sur le plateau continental en Méditerranée et en mer Noire, déjà poursuivies par l'Anatolie depuis 2004. En juin 2006, la doctrine a été formulée par le contre-amiral Cem Gürdeniz lors d'un symposium sur « La mer Noire et la sécurité maritime » tenu sur le site du commandement des forces navales turques. Elle a été développée par le contre-amiral Cihat Yacı en 2010 dans l'ouvrage « Temel Deniz Hukuku » et dans le livre « Mavi Vatan. Bir Harita ve Bir Doktrin Kitabi ».

La doctrine de la patrie bleue n'est pas une simple doctrine géostratégique, atteignant le niveau de la « stratégie totale » au sens d'André Baufre ou de la « géopolitique » dans son sens le plus large ; son objectif est d'élever les Turcs au rang de peuple marin, de transformer la Turquie en une puissance eurasienne non seulement par la mer mais aussi par l'océan. La Turquie doit se tourner vers les marchés indo-pacifiques, comme l'a fait autrefois l'Empire ottoman, et en reliant le port de Mogadiscio, dans l'océan Indien, à Tripoli, dans la Méditerranée, et Tripoli à Aliağa, en Anatolie, on crée le réseau de voies de communication nécessaire à cet effet.

Le contrôle par la Turquie du golfe d'Iskanderun et des zones maritimes territoriales en contact avec les siennes et celles de la Libye permet de sécuriser la section méditerranéenne de la route. L'entretien de relations amicales avec le régime de Khartoum, mis en place par les Israéliens, les Égyptiens et les Arabes émiratis pour anéantir l'influence turque sur la mer Rouge, permet de sécuriser la section africaine. L'accord militaire de février 2024 avec Djibouti renforce encore l'influence d'Ankara dans la région de Bab al-Mandab.

Les Turcs apprennent à connaître l'Afrique

Pour compléter le puzzle est-africain, il ne manque à Erdogan que l'Égypte. Les accidents techniques dans le détroit de Suez, comme l'échouage du porte-conteneurs « Ever Green » en mars 2021, mais surtout la déstabilisation géopolitique de la région ont incité les parties prenantes à développer des voies de transport alternatives au corridor Suez-Bab al-Mandab. La Türkiye, avec la Chine bien sûr, fait partie des promoteurs les plus actifs de l'initiative « Belt and Road », dont l'une des branches doit partir de Shanghai, via Xi'an, Urumqi, puis Almaty, Tachkent, Téhéran, Ankara et Istanbul, pour rejoindre l'Europe. Il y a aussi l'idée de la route du développement, qui relierait le golfe Persique, via la Mésopotamie, au plateau anatolien, avec l'aide des Émirats arabes unis et du Qatar. Et enfin, la route africaine de Tripoli à Mogadiscio, déjà mentionnée.

Toutefois, la route africaine et la route du développement ne sont pas des alternatives mais des compléments à la route égyptienne. Les Turcs ont besoin de l'Égypte et du Soudan, ainsi que de l'île de Sawakin, pour sécuriser Suez, la mer Rouge, Bab al-Mandab et le golfe d'Aden. C'est cette route qui restera le principal accès de la Turquie vers l'Indo-Pacifique - vers Bharat et Nusantara. Pressée au sud par l'Éthiopie et à l'ouest, du côté libyen, l'Égypte, qui doit en outre gérer la crise du canal de Suez, pourrait à son tour n'avoir d'autre choix que de donner raison à l'ambitieux sultan anatolien.

Il ne fait aucun doute qu'après un siècle d'absence due à l'orientation occidentale unilatérale des kémalistes, la Turquie revient en Afrique et devient l'une des principales forces en présence. La diplomatie anatolienne se heurtera sur le continent à des problèmes extrêmement complexes, dont la solution et la rectification exigeront de la diplomatie turque qu'elle « réapprenne » à connaître l'Afrique.

Géopolitique de l’Europe avec Robert Steuckers - Première partie

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Géopolitique de l’Europe avec Robert Steuckers

Première partie

Première partie d’un entretien entre le camarade Roberto (de l'Echo des Canuts) avec Robert Steuckers pour une émission de haute tenue sur la géopolitique de l’Europe.
A mettre entre toutes les oreilles !!
Cet entretien sera diffusée en deux parties.

Pour écouter: 

https://radiomz.org/lecho-des-canuts-31-geopolitique-de-l...

mardi, 28 janvier 2025

Poker arctique: les États-Unis et la Chine se disputent l’avenir du Groenland

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Poker arctique: les États-Unis et la Chine se disputent l’avenir du Groenland

Source: https://report24.news/arktis-poker-usa-und-china-ringen-u...

Au Groenland, une confrontation géopolitique se profile à l’horizon. Ce qui pourrait apparaître à certains comme une simple étendue glacée surdimensionnée devient le théâtre d’un jeu stratégique entre les grandes puissances mondiales. Washington et Pékin manifestent un intérêt croissant pour la plus grande île du monde.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes: avec une population d’à peine 56.000 habitants et un PIB modeste de 3,4 milliards de dollars (en 2024), le Groenland peut sembler être un poids plume économique. Pourtant, cette immense île repose sur une poudrière géopolitique susceptible de bouleverser l’équilibre mondial des pouvoirs. Une lutte d’influence oppose les États-Unis, l’Union européenne, la République populaire de Chine et la Fédération de Russie.

Un sondage récent attire particulièrement l’attention: 57% des Groenlandais se disent favorables à une appartenance aux États-Unis. Une évolution qui provoque des inquiétudes à Copenhague, où le Danemark détient encore officiellement les rênes en matière de politique étrangère et de sécurité.

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Deux routes maritimes potentielles traversant l’Arctique – le passage du Nord-Ouest longeant la côte nord-américaine et la route transpolaire au centre de l’océan Arctique – font de cette région un carrefour maritime d’importance croissante.

Alors que les États-Unis tentent de renforcer leur position, la Russie a déjà pris une longueur d’avance. Sa flotte de brise-glaces conventionnels et nucléaires dépasse de loin celle des Américains. Les nouveaux brise-glaces russes de la classe Projet 22220 peuvent traverser en continu des glaces atteignant 3,2 mètres d’épaisseur, soit plus de deux fois les capacités du plus puissant navire américain, l’USCGC Healy.

La coopération croissante entre la Russie et la Chine dans cette région aggrave encore la situation. La Chine, premier constructeur naval mondial, et la Russie, qui détient 53% de l’Arctique, ont uni leurs forces – une alliance qui fait retentir des alarmes à Washington.

Le gouvernement danois est face à un dilemme: d’un côté, il souhaite maintenir son lien colonial avec le Groenland; de l’autre, il manque des ressources nécessaires pour sécuriser efficacement la région et exploiter ses ressources naturelles. L’aide annuelle de 600 millions de dollars est à peine suffisante pour maintenir l’infrastructure de base.

La base spatiale américaine de Pituffik, anciennement connue sous le nom de Thule Air Base, avec ses 700 employés, constitue déjà un facteur économique important. Mais face à l’aggravation de la situation géopolitique, cela pourrait n’être qu’un premier pas vers une présence américaine renforcée.

Les parallèles avec l’histoire du canal de Panama, où la Chine a acquis une influence significative, sont pour les stratèges américains un avertissement. La région arctique, riche en terres rares et autres ressources naturelles, ne doit, selon eux, pas tomber entre de mauvaises mains. La question n’est plus de savoir si les États-Unis renforceront leur position au Groenland, mais comment. Que ce soit sous forme de protectorat ou autrement, les dés dans ce poker arctique ne sont pas encore jetés.

samedi, 25 janvier 2025

Le curieux cas azéri

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Le curieux cas azéri

Par Enrico Tomaselli

Source : Giubbe Rosse & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/lo-strano-caso-az...

L’Azerbaïdjan, un pays bien situé dans la zone stratégiquement croissante de l’Asie centrale, se trouve, d’un point de vue géopolitique, dans l’orbite des pays turcophones et constitue sans aucun doute le meilleur allié d’Ankara. Le gouvernement de Bakou a récemment ravivé ses revendications envers l’Arménie, tant concernant l’enclave du Haut-Karabagh (question réglée par le rapide conflit de septembre 2023) que, surtout, sur la question du corridor de Zanguezour, censé relier la République autonome du Nakhitchevan au reste de l’Azerbaïdjan, en passant par la région arménienne du Syunik.

De son côté, l’Arménie, traditionnellement située dans l’orbite russe, a récemment amorcé un rapprochement progressif avec l’Occident (UE, OTAN), s’éloignant de Moscou. Après la désastreuse défaite de 2023, dont Erevan porte une part importante de responsabilité, ce rapprochement s’est encore accentué, notamment via la France – un pays traditionnellement ami, qui accueille une importante communauté issue de la diaspora arménienne.

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La question du corridor de Zanguezour est en effet au cœur de tensions plus larges, car l’Iran s’y oppose fermement. Sa création couperait les voies de transit iraniennes vers le nord-ouest, via l’Arménie. De plus, l’Azerbaïdjan – grâce aux oléoducs turcs – est un fournisseur clé de pétrole pour Israël, avec lequel Bakou entretient d’excellentes relations, notamment dans le domaine de la défense. Téhéran a donc plusieurs raisons de se retrouver en conflit avec son voisin.

Par ailleurs, Bakou et Ankara manœuvrent pour mettre l’Iran sous pression, notamment dans le domaine énergétique. La société d’État azérie Socar a annoncé des investissements de plus de 17 milliards de dollars en Turquie, principalement dans la production de composants nécessaires au raffinage. Ainsi, le pétrole azéri, acheminé par l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan qui transporte le brut de la mer Caspienne à la Méditerranée via la Turquie, sera raffiné sur place, renforçant encore davantage le lien entre les deux États.

Cependant, la région du Moyen-Orient élargi est un tel enchevêtrement d’intérêts qu’il peut s’y passer n’importe quoi.

Et voici qu’un accord trilatéral (en cours de définition) entre la Russie, l’Iran et l’Azerbaïdjan est annoncé. Celui-ci prévoit la construction d’un gazoduc qui, traversant l’Azerbaïdjan, fournira initialement à l’Iran 2 milliards de mètres cubes de gaz par an, avec pour objectif d’atteindre 55 milliards de mètres cubes. La capacité maximale prévue de ce gazoduc devrait être équivalente à celle du Nord Stream. Cet accord, d’une durée de 30 ans, permettra de livrer du gaz russe à l’Iran, tant pour la consommation intérieure que pour les pays voisins.

Bien que l’Iran détienne la deuxième plus grande réserve mondiale de gaz naturel (34 trillions de mètres cubes, après la Russie), il fait face à une pénurie de carburant, la demande en gaz dépassant la production. La plupart des réserves restent inexploitées en raison des sanctions imposées par les États-Unis, qui bloquent les investissements et les avancées technologiques. De plus, les principaux gisements de gaz iraniens sont situés dans le sud du pays, alors que les principaux consommateurs se trouvent dans le nord, où le climat est particulièrement rigoureux. Ainsi, en hiver, l’Iran doit faire face à un déficit quotidien d’au moins 260 millions de mètres cubes de gaz, mettant à rude épreuve l’approvisionnement en électricité.

Évidemment, Bakou, en plus de tirer des revenus des droits de passage, pourrait également bénéficier d’une partie du gaz transporté. Si, comme cela semble probable, l’accord est finalisé, une situation d’intérêts partagés plus forte pourrait se créer entre les trois pays. Cela pourrait, à terme et dans une certaine mesure, mener à une résolution négociée des différends entre l’Iran et l’Azerbaïdjan, ainsi qu’à une réduction limitée de l’influence turque dans la région.

En somme, le grand jeu géopolitique continue…

vendredi, 24 janvier 2025

Le monde d'aujourd'hui et de toujours: la géopolitique d'un océan à l'autre

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Le monde d'aujourd'hui et de toujours: la géopolitique d'un océan à l'autre

Alberto Hutschenreuter

Source: https://nomos.com.ar/2025/01/06/el-mundo-de-hoy-y-de-siem...

La géopolitique n'a jamais quitté la scène mondiale, malgré l'hypocrisie des puissances occidentales qui ont tenté de la faire oublier.

L'ironie du sort veut que, plus de trente ans après avoir décrété la « fin de la géopolitique », ce soit précisément la géopolitique qui menace aujourd'hui la mondialisation et la possibilité de construire un ordre international.

Cela démontre que le volontarisme est de peu d'effet face aux régularités de l'histoire; et nous rappelle, d'une certaine manière, le moment où, à la fin des années 1920, fut signé le Pacte Briand-Kellog ou Traité de renonciation à la guerre (illustration, ci-dessous), un accord qui, selon le polémiste français Gaston Bouthoul, équivalait à ce que les médecins signent un document proclamant la fin des maladies.

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Les excès de l'idéalisme en politique internationale conduisent souvent à ce genre de déclarations ou d'aspirations, jusqu'à ce que le mur solide de la réalité s'y oppose et rétablisse l'équilibre.

La géopolitique n'a jamais eu bonne réputation, car elle a été associée à l'annexion de territoires, à la capture de régions riches en ressources, à des sphères ou blocs d'influence, à des « frontières vivantes », à des intentions ou ambitions cachées de la part d'États de se développer au détriment de la sécurité d'autres États, entre autres choses.

Ce discrédit de la discipline a été amplifié par le fait que le régime allemand des années 1930, révolutionnaire d'un point de vue géopolitique, l'a transformée en une méthode basée sur le sol et la race, orientée vers la guerre. C'est sans doute dans ce contexte que la réputation de la géopolitique a été ternie.

Après la Seconde Guerre mondiale, le terme est abandonné, mais non sa pratique. Après tout, qu'est-ce que la guerre froide si ce n'est un affrontement mondial pour contrôler les espaces sis entre des blocs idéologiques et géostratégiques rigides ?

Avec la fin du bipolarisme, la géopolitique semblait avoir disparu en même temps que le conflit qui a dominé la majeure partie du 20ème siècle. De plus, la mondialisation a rapidement « géo-économisé » les relations internationales, laissant peu de place aux phénomènes de rupture. La géopolitique n'a pas disparu, bien sûr, mais elle a acquis un sens presque « sur mesure ». Tout devient alors géopolitique: du paysage financier aux phénomènes climatiques. Par exemple, on a parlé de la « géopolitique de Katrina », comme si l'ouragan obéissait aux logiques politico-territoriales des États.

Or, dans ce monde, il s'est produit des événements où l'interaction entre les intérêts politiques, les territoires et la puissance, c'est-à-dire les composantes qui définissent et animent la géopolitique, était catégorique.

Il a fallu un événement profondément géopolitique, impliquant directement un acteur puissant à l'histoire territoriale marquée (la Russie), pour que des experts autorisés commencent à parler du « retour de la géopolitique ».

En fait, l'annexion par la Russie de la péninsule ukrainienne de Crimée en 2014 a ramené la géopolitique au centre des débats. Depuis, les études sur la discipline se sont multipliées. La géopolitique est « revenue ».

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Mais à proprement parler, la géopolitique n'a jamais vraiment disparu. Si nous jetons un regard plus critique et réfléchi sur les événements qui se sont déroulés depuis les années 1990, nous nous rendons compte que la géopolitique est présente dans tous ces événements. Par exemple, l'expansion de l'OTAN et l'attaque du terrorisme transnational sur le territoire le plus sûr du monde, en ce funeste 11 septembre, sont des événements dans lesquels la relation entre l'intérêt politique et le territoire est évidente. Alors que le premier a représenté un déplacement de pays et de moyens militaires vers des zones russes de plus en plus stratégiques, le second a été la conséquence d'une orientation territoriale globale du terrorisme de nouvelle génération.

En outre, non seulement la géopolitique n'a jamais disparu, mais de nombreux nouveaux thèmes ont contribué à sa pluralisation. C'est le cas du segment ou plan numérique, l'une des « nouvelles territorialités » qui s'ajoute aux anciennes, bien que, contrairement à elles, il s'agisse d'un champ incommensurable. Son utilisation à des fins pernicieuses permet finalement aux États de se dédouaner de leur responsabilité pour des actions menées contre d'autres, grâce à la prolifération de hackers patriotes, globaux et « souverains ».

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L'espace extra-atmosphérique est un autre territoire « nouveau mais ancien ». Ce qui est nouveau dans ce « domaine », comme le soulignent les experts américains Dave Baiocchi et William Welser, c'est sa « démocratisation ». Cela signifie qu'en plus de la prolifération des missions spatiales, l'actuelle course à l'espace n'est pas seulement le fait des États. La technologie a rendu l'espace plus accessible que jamais, permettant à de nouveaux acteurs d'y entrer.

À côté de ces réalités, le vitalisme géopolitique se manifeste dans de nombreuses autres situations: des mouvements des puissances dans l'océan Arctique et le continent Antarctique, à la projection régionale, continentale et mondiale de la Chine. Il comprend également l'acquisition d'espaces environnementaux propres par des puissances qui ont presque épuisé les leurs, l'ouverture de nouvelles routes commerciales (comme celle de l'Arctique), le développement de politiques de préservation des espaces maritimes - qui, dans la pratique, reflètent des logiques de pouvoir et de contrôle de la part des puissances, ce que l'on appelle la « diplomatie de la défense » -, la projection vers des régions riches en ressources anciennes et nouvelles, et le développement d'une culture de la sécurité, la projection vers des régions riches en minerais anciens et nouveaux (comme le lithium et les terres rares), l'endiguement multidimensionnel perpétré par les États-Unis contre la Chine, la configuration possible de blocs technologiques ou d'interintelligence artificielle (BI-IA), la revitalisation territoriale possible du terrorisme (en envisageant, par exemple, un scénario de chaos en Syrie), le renouveau du « navalisme » et de la « géopolitique sous-marine ».

Enfin, dans les « deux guerres et demie » en cours dans le monde - en Ukraine, au Moyen-Orient et autour de la plaque indo-pacifique (cette dernière centrée sur la rivalité croissante entre la Chine et les Etats-Unis) - la prééminence de la géopolitique et même les causes de ces guerres ont des racines politico-territoriales.

Comme la guerre et d'autres phénomènes, la géopolitique ne revient pas, tout simplement parce qu'elle n'a jamais vraiment disparu. Par conséquent, au-delà des processus d'interaction sociale et du déclin apparent de l'anarchie internationale, conséquence de l'émergence de nouveaux acteurs et de l'avancée presque inéluctable de la technologie, il est impératif de penser le monde du point de vue des intérêts, des territoires et de la puissance - en particulier pour un « pays-continent » comme l'Argentine, un acteur doté de vastes extensions terrestres, maritimes, aériennes et numériques, mais qui ne dispose pas encore de la puissance nationale nécessaire pour protéger ce statut privilégié.

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jeudi, 23 janvier 2025

Trois projets régionaux en confrontation

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Trois projets régionaux en confrontation

Ali Reza Jalali

Avec l'effondrement de la Syrie, trois projets géopolitiques différents s'affrontent désormais plus directement, sans plus aucun tampon : la Turquie, Israël et l'Iran.

L'espace géographique qui s'étend du golfe Persique à la mer Méditerranée, et qui comprend ce que le jargon arabo-islamique définit généralement comme le Sham (littéralement, le « Levant », c'est-à-dire la partie orientale du monde arabe, par opposition au Maghreb, l'« Occident ») - c'est-à-dire les États nationaux actuels d'Irak et de Syrie (sans oublier le Liban, sorte d'extension de la « Grande Syrie ») - doit être considéré comme le champ de bataille d'un « grand jeu » au Proche-Orient. Cette région a toujours été au centre des rivalités régionales au cours de l'histoire: Hellènes et Perses, Romains et Perses, Arabes et Byzantins, Safavides et Ottomans se sont tous disputé la domination de cette région. Toutefois, au cours des dernières décennies, le « Levant » arabe a été au centre d'un conflit entre au moins trois projets géopolitiques: le « Grand Israël » des sionistes, le « néo-ottomanisme » des Turcs et l'« axe de la résistance » des Iraniens.

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Le Grand Israël

Les immigrants juifs en Palestine avaient un grand rêve : non seulement créer un petit État national juif sur la rive orientale de la Méditerranée, mais aussi étendre les frontières de cette entité, les faisant passer « du Nil à l'Euphrate ». Cela signifie avoir des ambitions dans des contextes tels que le Liban, la Syrie et l'Irak. Au moment où j'écris ces lignes, l'armée sioniste occupe certaines zones du Sud-Liban, ce qui ne s'est jamais produit dans ces conditions au 21ème siècle. En Syrie, l'occupation israélienne s'est étendue ces derniers jours à des zones jamais occupées auparavant, pas même pendant les conflits israélo-arabes du 20ème siècle.

En outre, certains groupes ethnico-confessionnels de la Syrie « libérée » du « dictateur » Assad, comme les Druzes dans le sud de la Syrie et les Kurdes dans le nord-est, ont explicitement demandé le soutien d'Israël. Certains groupes druzes ont même appelé à une annexion à l'État juif, sur le modèle du Golan occupé. Au-delà de l'échiquier syrien, en Irak, la région autonome du Kurdistan représente un allié solide pour Israël dans la construction du plus grand État sioniste. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le seul gouvernement du Moyen-Orient à soutenir explicitement l'indépendance du Kurdistan irakien est celui de Tel-Aviv.

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Le néo-ottomanisme

L'entrée triomphale à Damas du « Comité pour la libération du Levant » (Hay'at Tahrir al-Sham), c'est-à-dire de l'ancien « Front Al-Nusra » - la branche syrienne d'Al-Qaïda - dirigé par Muhammad Al Jolani, qui était l'adjoint de l'Iman Al Zawahiri (le successeur de Ben Laden) pour les affaires syriennes, et la chute du gouvernement Assad qui s'en est suivie, ont marqué une victoire importante pour le projet d'Erdogan au Proche-Orient. Les islamistes sunnites turcs de l'AKP (une sorte de Frères musulmans d'Anatolie) ont toujours eu le rêve caché de reconstituer l'Empire ottoman, si ce n'est au niveau de l'État, du moins en tant que sphère d'influence. Dans les plans d'Erdogan, après la Syrie, ce serait le tour de l'Irak.

Pour être juste, la chute d'Assad était prévue entre 2011 et 2013, mais une série de facteurs, comme la résistance de l'Armée arabe syrienne, des milices populaires syriennes (Quwāt ad-Difāʿ al-Watanī, « Forces de défense nationale ») et de l'axe russo-iranien - résistance désormais épuisée et effondrée entre fin novembre et début décembre 2024 - ont retardé d'une dizaine d'années la réalisation du rêve néo-ottoman. En tout état de cause, la victoire turque en Syrie ouvre la voie aux projets du gouvernement d'Ankara dans le Levant arabe qui, avec l'aide du Qatar et des factions irakiennes alliées comme les islamistes sunnites locaux, tentera de promouvoir une sorte de « Comité de libération de l'Irak » sur le modèle syrien.

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L'axe de la résistance

Depuis le triomphe de la révolution islamique iranienne, les dirigeants religieux et politiques de Téhéran ont cherché à tisser un réseau de relations privilégiées avec les groupes paramilitaires arabes. La nécessité de cette approche sui generis est née du fait que les entités étatiques régionales n'ont jamais vu d'un bon œil l'expérience khomeiniste. Pour preuve, tous les pays arabes ont soutenu l'effort de guerre irakien contre les Iraniens entre 1980 et 1988. Tous sauf un: la Syrie de Hafez Assad.

Pour cette raison, l'axe de résistance iranien (appelé « croissant chiite » par ses détracteurs, en raison de la prédominance de la composante religieuse dans l'alliance entre l'Iran et les groupes politico-militaires en Irak et au Liban) n'avait, entre hauts et bas, qu'un seul allié stratégique au Moyen-Orient parmi les Etats-nations. Avec la fin de l'expérience baasiste à Damas, le projet régional de l'Iran a subi un coup dur. Non seulement la Syrie est tombée entre les mains des concurrents régionaux de l'Iran - les sionistes et les Turcs - mais la ligne reliant Téhéran au Hezbollah libanais, via Bagdad et Damas, a été interrompue. Sans cet axe, l'approvisionnement de la résistance islamique libanaise ne sera certes pas totalement coupé (les voies de Dieu sont infinies...), mais il sera certainement plus problématique.

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L'Irak : la prochaine étape de la confrontation régionale dans le Levant arabe après la Syrie

Le dossier syrien étant clos au détriment de l'Iran et en faveur d'Ankara et surtout de Tel-Aviv - démonstration que la Syrie d'Assad était littéralement un katechon antisioniste - la dispute se déplacera probablement vers l'Irak. Avant d'analyser la situation en Irak, je voudrais faire une brève réflexion sur la Syrie.

Le grand gagnant de la chute d'Assad jusqu'à présent est, comme on l'a dit, Israël. Au-delà des déclarations officielles, la liberté de manœuvre des sionistes en Syrie est sans précédent. Il est vrai qu'Assad n'a pas réagi aux attaques israéliennes, mais en permettant aux Iraniens d'opérer sur son territoire pour soutenir le Hezbollah, c'est comme si les Syriens réagissaient à leur manière aux bombardements et aux sabotages sionistes. Ce n'est pas un hasard si, lorsque Israël a commencé ses opérations terrestres au Sud-Liban à la fin du mois de septembre dernier, la première mesure prise par Tsahal a été de bombarder les routes reliant la Syrie au Liban, dans le but de stopper le flux d'armes.

Bien sûr, rien ne justifie l'absence de réaction d'Assad face aux attaques sionistes de ces derniers mois, puisque tout pays souverain a le droit et le devoir de se défendre contre les attaques étrangères. Cependant, on ne peut comparer l'immobilisme formel d'Assad vis-à-vis d'Israël avec l'immobilisme formel et substantiel d'Al-Jolani face aux bombardements sans précédent effectués par les sionistes après la chute d'Assad en Syrie (certains évoquent l'utilisation d'armes nucléaires tactiques qui auraient provoqué des tremblements de terre) et, surtout, face à l'avancée terrestre de Tsahal à quelques dizaines de kilomètres de Damas. Israël cherche à éliminer ce qui reste du potentiel militaire de la Syrie, dans le but de faciliter le démembrement du pays, ce qui permettrait de créer des zones autonomes alliées à Israël dans toute la région.

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Pour la Turquie, la situation est différente. Le problème de l'indépendance kurde, alimenté par Tel-Aviv et combattu par Ankara, fera bientôt retomber les contradictions syriennes sur les Turcs, créant une sérieuse concurrence entre l'expansionnisme sioniste et l'expansionnisme turc. Le scénario le plus probable pour l'avenir de la Syrie est le suivant : une guerre interne dans l'ancien front anti-Assad, qui comprend divers groupes islamistes, des Druzes, des Kurdes, sans oublier les Alaouites de la côte. Dans un contexte de guerre civile permanente et sans gouvernement central fort, le parallèle qui vient à l'esprit est celui du Liban des années 1970 et 1980. Des milices qui s'affrontent sur des bases idéologiques, ethniques et religieuses, sans vainqueur ni vaincu, avec une forte ingérence étrangère et des alliances qui changent tous les jours. C'est le meilleur scénario pour que les Iraniens tentent un retour en Syrie.

Bien sûr, une telle situation n'aura plus l'apparence d'une alliance avec un gouvernement central fort, mais elle servira à démontrer que l'axe de la résistance est toujours vivant et actif, malgré la défaite d'Assad et l'affaiblissement du Hezbollah.

En ce qui concerne l'Irak, nous assistons à court terme à des tentatives d'affaiblir le rôle de l'Iran en faveur de la Turquie par le biais de la diplomatie, tout comme cela a été fait avec Assad. Actuellement, le gouvernement officiel de Bagdad envisage, sous la pression des États-Unis, de dissoudre les milices pro-iraniennes. Si cette option n'aboutit pas, tout comme la demande faite jadis auprès d'Assad d'expulser les Iraniens de Syrie, une nouvelle vague d'attaques contre les groupes proches de Téhéran dans le sud de l'Irak est probable ; une opération qui serait menée par des factions idéologiquement alignées sur le groupe d'Al-Jolani. Après tout, ce dernier a combattu dans le mouvement djihadiste international qui a plongé le Moyen-Orient dans le chaos au cours des deux dernières décennies, et l'existence d'un réseau entre la Syrie et l'Irak sur le modèle d'ISIS n'est pas à exclure, avec des cellules dormantes prêtes à passer à l'action sous la tutelle des services turcs ou israéliens.

En conclusion, les trois projets continueront à s'affronter en Syrie et en Irak, avec des alliances tactiques qui peuvent changer en fonction des opportunités. Dans un contexte, nous pouvons voir - dans un rôle anti-Assad et anti-Iran - les Turcs et les Israéliens unis, mais dans d'autres, la situation peut changer complètement. Par exemple, la relation entre les Kurdes de Syrie et d'Irak et les trois protagonistes du soulèvement arabe est très difficile à déchiffrer. Les Israéliens, les Turcs et les Iraniens ont tous des amis et des ennemis potentiels parmi les Kurdes. Par exemple, s'il est vrai que les Kurdes syriens et irakiens sont en contact avec les sionistes, l'Iran exerce également une réelle influence, notamment parmi les Kurdes irakiens; et il n'est pas exclu que, dans un rôle anti-turc, cette collaboration intermittente s'étende à l'est de l'Euphrate en Syrie, une zone que les Iraniens connaissent bien en raison de la guerre contre ISIS dans les régions voisines.

Source : Eurasia

Sur la question de la sécurité pan-eurasienne

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Sur la question de la sécurité pan-eurasienne

Leonid Savin

Il y a quelques jours, le ministre russe des affaires étrangères, Sergei Lavrov, a déclaré que la Russie était prête à discuter de garanties de sécurité pour un pays « aujourd'hui appelé Ukraine », mais que le contexte eurasien serait déterminant pour la conclusion d'un accord.

Le haut diplomate a clairement indiqué que « la partie occidentale du continent [de l'Eurasie] ne peut pas s'isoler de géants comme la Chine, l'Inde, la Russie, le golfe Persique et l'ensemble de l'Asie du Sud, le Bangladesh et le Pakistan. Des centaines de millions de personnes peuplent cette région. Nous devons développer le continent pour faire en sorte que les questions relatives à sa partie centrale, l'Asie centrale, le Caucase, l'Extrême-Orient, le détroit de Taïwan et la mer de Chine méridionale soient traitées par les pays de la région plutôt que par l'ancien secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, qui a déclaré que l'OTAN opérerait dans la région parce que la sécurité de l'alliance dépendait de la région indo-pacifique ».

Si l'on considère qu'à la fin du mois de janvier, il y aura un changement dans l'administration américaine qui, en la personne du président nouvellement élu Donald Trump, parle déjà de la nécessité de redessiner géopolitiquement la carte du monde, il est possible de tirer des conclusions sans équivoque que les négociations avec la partie américaine sur l'Ukraine et l'Eurasie dans son ensemble ne seront pas faciles.

Toutefois, les discussions sur la sécurité à l'échelle de l'Eurasie sont importantes et nécessaires. Elles correspondent non seulement à l'esprit du temps, mais reflètent également la même logique historique. Cela n'est pas seulement dû à l'idée d'une grande Eurasie et d'un espace économique unique de Dublin à Vladivostok. Dans son livre Guns, Gems, and Steel, le scientifique américain Jared Diamond explique qu'en Eurasie, l'échange d'informations, d'expériences et d'inventions techniques a été plus rapide qu'ailleurs, ce qui a conduit à une sorte d'« intégration » bien avant que le mot n'apparaisse.

Cela aurait dû contribuer au rapprochement entre les peuples à l'époque moderne, et encore plus aujourd'hui, quand on parle du triomphe du progrès et de la science. Cependant, l'ère moderne a coïncidé avec l'ère des grandes découvertes géographiques et, dans le même temps, certains peuples de l'Eurasie, dans sa péninsule occidentale, appelée Europe, sont tombés dans une terrible ignorance, qui a conduit à l'émergence d'idées de supériorité raciale, puis au nazisme et au fascisme. La fin de la Seconde Guerre mondiale était censée mettre fin aux conflits et penser à une coexistence pacifique (cette formule a été développée plus tard par la Chine et l'Inde). Mais ici, le Royaume-Uni et les États-Unis sont intervenus activement et ont commencé à participer au destin des peuples eurasiens non seulement politiquement et économiquement, mais aussi idéologiquement, en disant effectivement aux pays européens ce qu'ils devaient faire.

Aujourd'hui, en tant que satellites de Washington, l'UE est devenue l'otage des intérêts anglo-saxons et sape sa propre économie au détriment de ses propres pays et de ses propres peuples. D'autre part, la lassitude face à l'impasse dans laquelle se trouvent les peuples et une partie des élites politiques de l'UE est manifeste. Dans ce contexte, les possibilités d'émergence de partis et de mouvements plus appropriés se multiplient.

Si aux États-Unis, au moins sur le plan rhétorique, la nouvelle administration entend réimposer la doctrine Monroe (les discours sur le Canada, le Groenland, le golfe du Mexique et le canal de Panama font partie de l'espace des Amériques), leurs partenaires européens sont néanmoins condamnés à coopérer sur le continent eurasiatique.

Et la question clé est de savoir ce qu'il en sera. Soit la confrontation de type guerre froide se poursuivra, soit il y aura un dégel des relations et une architecture de sécurité commune sera créée ensemble.

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L'option de la confrontation est assez probable, au moins parce que l'administration Trump tentera d'inciter l'UE et d'autres partenaires à agir comme un seul bloc contre la Chine. La Russie n'est pas considérée par Trump et les siens comme une menace existentielle pour les États-Unis, mais la Chine, qui est le principal partenaire stratégique de la Russie, demeure le problème numéro un tant pour Biden que pour Trump, notamment en raison de la croissance rapide de la puissance de ce pays et de l'extension de son influence géopolitique.

En outre, Xi Jinping a parlé ouvertement au chef du Conseil européen de l'importance de la coopération commerciale et économique et du soutien de Pékin à l'autonomie stratégique de l'UE. Cette autonomie signifie une moindre dépendance à l'égard des États-Unis en termes politiques et stratégico-militaires.

Cependant, à côté de l'UE, l'OTAN, qui couvre un territoire plus vaste que l'UE, y compris la Turquie, continue d'exister. Les États-Unis continuent de jouer un rôle de premier plan au sein de l'Alliance.

Outre l'UE, le Royaume-Uni, qui a quitté l'UE mais continue de jouer un rôle actif dans la politique du continent, représente une certaine menace pour la sécurité pan-eurasienne. Historiquement, le Royaume-Uni a contrôlé de vastes territoires en Eurasie, de l'Égypte au sous-continent indien et à la Chine, et possède toujours un territoire dans le détroit de Gibraltar.

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Le Royaume-Uni tente d'exploiter les contradictions actuelles et de renforcer sa position dans divers domaines. Par exemple, le British Council on Geostrategy note que le pays est confronté à des vulnérabilités critiques dans ses chaînes d'approvisionnement logistiques et ses capacités de transport maritime. L'approvisionnement des forces armées est menacé par des capacités de transport maritime limitées et vieillissantes, contrôlées par le gouvernement, par une flotte marchande en perte de vitesse et par une dépendance excessive à l'égard des affrètements spéciaux.

La nostalgie du bon vieux temps est clairement visible ici, lorsque la Grande-Bretagne s'autoproclamait maîtresse des mers. Aujourd'hui, elle souhaite faire revivre ce statut dans de nouvelles circonstances.

Le site web du Conseil affirme le rôle central de la Grande-Bretagne dans la zone de responsabilité euro-atlantique et dans l'OTAN. Il convient d'ajouter que cette organisation a un projet appelé China Watch, qui surveille un large éventail d'activités chinoises qui menaceraient les intérêts de Londres. En outre, il existe une initiative trilatérale (Grande-Bretagne, Pologne et Ukraine), dont l'un des objectifs déclarés est « une campagne de lutte économique et politique contre la Russie, afin de briser la machine militaire russe et d'affaiblir l'influence du Kremlin dans les pays dits du “juste milieu”, notamment en Afrique, en Amérique du Sud et dans d'autres endroits ».

Ainsi, la sorcière britannique continuera à jeter ses sorts à la fois sur la Russie et sur la Chine. Par conséquent, dans les affaires de l'Eurasie, une attention particulière doit être accordée aux initiatives britanniques qui, ouvertement ou secrètement, viseront toujours à saper l'unité de l'Eurasie.

Quant à la consolidation des efforts des principaux centres, elle ne concerne pas seulement l'interaction entre la Russie et la Chine. La signature de l'accord de partenariat global dans tous les domaines entre la Russie et l'Iran renforce l'axe eurasien. La Russie et la Corée du Nord ont déjà conclu un accord similaire, bien que les Coréens ne jouent pas un rôle aussi important dans la sécurité de l'ensemble du continent et se concentrent davantage sur les problèmes de la péninsule coréenne et de l'impérialisme américain.

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L'Inde est un autre pôle du monde multipolaire émergent, également intéressé par le renforcement de la sécurité régionale. Outre la question non résolue du Cachemire (à laquelle s'ajoutent les intérêts du voisin nucléaire du Pakistan) et les questions litigieuses avec la Chine, New Delhi coopère dans plusieurs domaines avec les pays de l'UE, et les sanctions à l'encontre de la Russie entravent clairement cette interaction. D'autre part, l'Inde est impliquée dans le développement du corridor Nord-Sud à travers l'Iran et la Russie et s'intéresse également au développement de l'Arctique. Dans le contexte du développement d'un monde multipolaire, le gouvernement Modi agit de manière tout à fait rationnelle, étant également membre des BRICS et de l'OCS.

Reste le bloc arabo-musulman d'Eurasie, où la région souffre clairement de l'attention excessive des États-Unis - l'occupation de l'Irak et de la Syrie, le soutien d'Israël au génocide des Palestiniens, la pression sur le Liban et le maintien de bases militaires américaines au Qatar, à Bahreïn, en Jordanie et en Arabie saoudite. Mais si l'on tient compte des cas concrets concernant la Palestine et l'occupation israélienne, il est évident que le monde arabo-musulman est aujourd'hui clairement divisé et enclin à la pensée tribaliste-nationaliste, ce qui réduit considérablement les possibilités d'une large coopération pour résoudre divers problèmes avec les centres eurasiens. Une autre raison est l'attitude attentiste de certaines élites de la région, qui espèrent un nouveau déclin de l'hégémonie américaine, lorsqu'il sera possible de ne pas avoir peur d'agir plus ouvertement.

Toutefois, d'une manière générale, la consolidation des efforts de la Russie, de la Chine, de l'Iran et de l'Inde indique déjà l'existence d'un bloc non seulement en Eurasie, mais aussi dans la majorité mondiale, avec une position commune sur des questions d'une importance fondamentale.

 

mardi, 21 janvier 2025

Trump et le Groenland

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Trump et le Groenland

Par Joakim Andersen

Source: https://motpol.nu/oskorei/2025/01/11/trump-och-gronland/

Lorsque le futur président américain Donald Trump revendiqua à la fois le Groenland et le canal de Panama, sans exclure l'utilisation de moyens militaires, cela suscita une certaine surprise dans le monde entier. Le gouvernement français réagit notamment en déclarant que l'UE n'accepterait pas que des frontières soient modifiées par la violence. Les dirigeants du Danemark et du Groenland soulignèrent que le Groenland n’était pas à vendre. Cela soulève plusieurs questions intéressantes. D'une part, Trump est connu pour sa rhétorique « stratégiquement dramatique », qui fait partie de son « art de l'accord ». Ce qui commence par des menaces de violence et des discussions sur une vente pourrait bien se terminer par l'implantation de quelques bases militaires américaines supplémentaires au Groenland. D'autre part, cette déclaration suggère également une réelle volonté américaine de prendre le contrôle du Groenland, une idée que Trump a déjà abordée par le passé. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a commenté cette situation en affirmant que « l’Europe doit se réveiller », car nous entrons dans un nouvel ordre international caractérisé par le « droit du plus fort ». Vae victis.

Géopolitiquement, cela rappelle la faiblesse de l’Europe. L’Europe n’est pas un acteur sur la scène internationale, ce qui tient en partie aux fondements impolitiques qui servent de base à son unité politique. L’Europe réelle devrait être une communauté fondée sur autre chose que la bureaucratie et l’économie, comme l’ont écrit Jünger, Storey et Evola. Cela signifie que le projet eurocratique est devenu une menace pour les peuples européens et pour leur essence, au lieu de constituer un outil et une expression de celle-ci. Les dirigeants européens d’après-guerre ont largement été des vassaux de l’empire américain, agissant contre les intérêts de leurs propres peuples (voir Jordis von Lohausen).

Sous la présidence de Trump, cela prend une tournure plus aiguë. Nous nous retrouvons dans une situation où, par exemple, Macron représente fréquemment une ligne en politique étrangère qui laisse sous-entendre l'existence d'une force européenne, tout en soutenant une ligne intérieure de faiblesse européenne (en particulier en ce qui concerne la politique d’immigration). Comparé à cela, Trump est souvent favorable aux États-Unis sur le plan intérieur, mais pas toujours aussi bénéfique pour l’Europe sur le plan extérieur. Cela pourrait même, comme le prévient Barrot, signifier que la politique des États-Unis envers les États vassaux européens entre désormais dans une phase d’exploitation et de pillage plus ouvert. Un Europe forte est alors entravée par le politiquement correct et une idéologie hostile aux peuples, et le nœud gordien réside dans l’immigration massive et la légitimité déficiente qu’elle entraîne.

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Qu'aucun des deux, le Danemark ni l’Europe, ne doive vendre le Groenland est évident. Cela est d’autant plus vrai qu’une majorité de Groenlandais eux-mêmes sont pour plus d’indépendance et pour une adhésion à l’UE. Le processus d’indépendance se poursuit depuis des décennies et le Groenland reprend progressivement sa souveraineté sur différents domaines. En même temps, le pays reste économiquement dépendant du Danemark: « L’État danois accorde chaque année un soutien financier au Groenland qui s’élevait en 2024 à 4,3 milliards de couronnes. De plus, l’État danois couvre directement des dépenses de plus d’1 milliard de couronnes pour des domaines tels que la défense, la police et le système judiciaire. » Plus d’un Groenlandais sur quatre vit d’ailleurs au Danemark. Les liens entre le Groenland et le Danemark sont considérables, que ce soit sur les plans économique, génétique, onomastique, historique ou religieux. Le paysage politique du Groenland ne semble pas non plus particulièrement compatible avec Trump et le MAGA.

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Le parti au pouvoir, Inuit Ataqatigiit, est décrit comme socialiste et a notamment affirmé: « Inuit Ataqatigiit dit non à l’extraction et à l’exportation d’uranium et d’autres minéraux radioactifs… La nature arctique est la réserve alimentaire du Groenland, tout comme de nombreux autres peuples arctiques vivent encore largement de ressources naturelles. C’est pourquoi nous, habitants de l’Arctique, avons un intérêt particulier à ce que la nature arctique ne soit pas polluée par l’extraction d’uranium radioactif et d’autres matières premières toxiques, par des matériaux radioactifs provenant d’accidents dans les centrales nucléaires ou dans des navires à propulsion nucléaire, ou par le dépôt de déchets nucléaires. Nous pensons également que les grandes puissances mondiales doivent procéder à un désarmement surtout sur le plan des armements nucléaires. L’Arctique est et doit rester pacifique. » Le parti démocrate-socialiste Siumut est également très influent au Groenland. Politiquement, le Groenland appartient davantage à l’Europe qu’aux États-Unis.

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La géopolitique n’est cependant pas tout. Il existe également des raisons mythiques et psychologiques profondes de ne pas rompre les liens entre le Nord scandinave et l’Arctique. Le Groenland possède de riches traditions et une mythologie fascinante. Il existe aussi une tendance eurartique dans l’inconscient scandinave, comparable au « Drang nach Osten » allemand, les peuples nordiques s'étant maintesfois orientés vers le Nord. On peut citer ici l’expédition d’Andrée, l’intérêt authentique d’Ossian Elgström (photo) pour les Inuits et les Samis, ainsi que les descriptions d’Evola sur l’origine polaire, sur Hyperborée et Thulé. Nous avons déjà écrit sur ce sujet, notamment dans mes textes sur Ödun et l’ours polaire et sur la mythologie antarctique. Notre tradition vient ultérieurement des chasseurs de mammouths dans l’Arctique, et rompre les liens avec l’Arctique équivaudrait, psychologiquement et mythiquement, à une sorte d’effondrement.

Indonésie: le Géant oublié

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Indonésie: le Géant oublié

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/il-gigante-dimenticato/

L’Indonésie est un géant. Un géant dont nous, Européens, et surtout nous, Italiens, prétendons ignorer l’existence.

Une fiction rassurante entoure l'Indonésie sous nos latitudes. Parce qu’au mieux, nous considérons ces terres comme pétries de pur folklore. Une sorte de pays d'opérettes, une destination de vacances privilégiée pour les riches. Ou pour ceux qui prétendent l’être.

Une myopie due à l’ignorance fondamentale avec laquelle nous regardons le monde. Avec une perspective qui reste celle d’il y a quatre-vingts ans : l’Amérique, ou plutôt les États-Unis, et la petite Europe occidentale. Voilà le monde… le reste, simplement, ne compte pas. Ou pire, n’existe même pas en nos têtes.

Et pourtant, l’Indonésie est une réalité bien différente. Une réalité avec laquelle nous devrons, bientôt, commencer à composer. Et ce ne seront pas des compromis faciles, ni, surtout, à notre avantage.

Car ce colosse insulaire, doté d’une agriculture extrêmement riche et d’un potentiel minier – pétrole, gaz, or… – tout aussi extraordinaire, a officiellement demandé à intégrer les BRICS. Autrement dit, la coalition économique qui conquiert progressivement la primauté mondiale. Provoquant bien des maux de tête pour les finances américaines. Sans parler de notre petite Europe, de plus en plus réduite à l’insignifiance économique. Et pas seulement économique.

La décision indonésienne est sans aucun doute un événement important. Fondamental, à bien des égards.

Jakarta a en effet toujours été étroitement liée aux États-Unis. Un lien non seulement économique, qui a profondément marqué son histoire récente et tourmentée.

Demander formellement à rejoindre les BRICS – qui, par ailleurs, courtisaient l’Indonésie depuis longtemps – représente donc un changement de politique profond et mûrement réfléchi.

Chercher de nouveaux marchés, augmenter de 20% les exportations vers la Chine et de 8% vers l’Inde, et s’ouvrir à la Russie ainsi qu’aux autres pays associés aux BRICS.

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Mais bien au-delà, ce choix de Jakarta signifie une prise de distance claire vis-à-vis des États-Unis. En effet, l’Indonésie se rebelle ouvertement contre l’hégémonie du dollar, qui a longtemps conditionné et limité sa croissance.

Au sein des BRICS, elle peut trouver des alternatives viables et moins coûteuses, tant sur le plan strictement économique que, peut-être encore plus, sur le plan politique.

Ainsi, la décision indonésienne marque un tournant, probablement radical, dans les équilibres économiques et géopolitiques mondiaux.

Cependant, en Italie, cet événement est quasiment ignoré par les grands médias. Comme s’il ne nous concernait pas ou ne nous impliquait en aucune manière.

Comme si l’Indonésie n’était pas un géant économique, mais un pays exotique, joyeux et festif, un pays pour touristes repus et satisfaits. Une affaire d’opérette, en somme.

Alors que nous devrions prendre conscience de la réalité. Et comprendre que c’est nous, désormais, qui sommes le… pays des opérettes.

dimanche, 19 janvier 2025

Syrie, Iran: une nouvelle spirale d'escalade menace-t-elle avec de nouvelles guerres au Proche-Orient?

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Syrie, Iran: une nouvelle spirale d'escalade menace-t-elle avec de nouvelles guerres au Proche-Orient?

Source: https://report24.news/syrien-iran-droht-eine-neue-eskalat...

Avec la chute du président Assad et la prise de pouvoir par les islamistes en Syrie, une nouvelle spirale d'escalade menace le Proche-Orient. L'Iran, en particulier, est dans la ligne de mire des fanatiques mondialistes, zélotes des changements de régime. La situation est-elle réellement explosive ?

Les récents développements au Proche-Orient dressent un tableau inquiétant où l'on perçoit des glissements de pouvoir de nature géopolitique et l'émergence d'alliances douteuses. Ce qui a commencé il y a plus de 20 ans avec la révélation explosive du général Wesley Clark d'un plan du Pentagone visant à « éliminer sept pays en cinq ans » semble aujourd'hui se manifester avec une clarté effrayante.

La situation actuelle en Syrie n'est que la partie émergée de l'iceberg. Alors que l'Occident présente l'ancien commandant d'Al-Qaida Al-Jolani, aujourd'hui chef du mouvement islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS), comme un prétendu réformateur, une réorganisation dramatique de la région se déroule en arrière-plan.

Le rôle de la Turquie du président Erdogan est particulièrement significatif. Son récent soutien aux groupes djihadistes contre Assad marque un nouveau tournant dans sa course politique qui va à la dérive entre l'Est et l'Ouest. Depuis la tentative de putsch avortée de 2016, au cours de laquelle les services secrets russes lui ont peut-être sauvé la vie, Erdogan manœuvre habilement entre les grandes puissances.

Les liens économiques parlent d'eux-mêmes: les banques chinoises financent les grands projets turcs, tandis que la Russie est un partenaire important en matière d'infrastructures. Parallèlement, Ankara maintient ses livraisons de pétrole à Israël - malgré une rhétorique virulente contre la politique de Tel-Aviv.

Les conséquences de ces développements s'étendent bien au-delà de la région. L'Arabie saoudite observe la situation avec une inquiétude croissante, ce qui pourrait également avoir des conséquences pour l'alliance BRICS. Le projet d'oléoduc Qatar-Turquie semble difficilement réalisable au vu de l'instabilité croissante en Syrie.

Des experts comme Chris Macintosh mettent en garde : la région pourrait devenir un nouvel Afghanistan, avec des conséquences imprévisibles pour l'architecture de sécurité mondiale. Les prochains mois montreront si la communauté internationale est encore en mesure d'empêcher une nouvelle escalade - ou si nous entrons dans une nouvelle phase d'affrontements militaires.

jeudi, 16 janvier 2025

Le Groenland, une obsession américaine

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Le Groenland, une obsession américaine

Binoy Kampmark

Ex: geopolitika. ru

L'histoire montre que les empires acquièrent des territoires de différentes manières. Les dynasties étendent leurs possessions par le biais de mariages, comme l'ont fait les Habsbourg. Ou les territoires sont pris par la force des armes ou volés par des traités trompeurs et des manœuvres douteuses. Ils peuvent également être achetés.

Les États-Unis ont étendu une grande partie de leur territoire en l'achetant et en se dotant ainsi d'un empire. L'acquisition de la Louisiane en 1803 pour la modique somme de 15 millions de dollars était audacieuse, opportuniste et extra-légale. Elle a également été initiée par un président américain qui avait romantiquement insisté pour que la jeune république se limite à des activités agricoles dans le cadre d'un modèle ne prévoyant que de petits exploitants. Mais Thomas Jefferson pouvait être rusé et diabolique, et la France, alors sous la férule de Napoléon Bonaparte, l'inquiétait : « Il n'y a qu'un seul endroit sur le globe dont le possesseur est notre ennemi naturel et habituel, et c'est la Nouvelle-Orléans ».

Bonaparte, dont les intérêts sont davantage tournés vers l'Europe, est prêt à céder le territoire pour une somme modique. Les indigènes, bien sûr, ne sont pas consultés. Jefferson, qui avait auparavant prôné la nécessité de respecter la Constitution avec une pieuse méticulosité, l'ignore lorsqu'il s'agit d'acheter des territoires, ce qui n'est pas explicitement autorisé par le document constitutionnel. C'est ainsi qu'apparaissent les premiers signes d'une présidence impériale.

En 1868, l'œil avide du gouvernement américain a montré que la conquête et le contrôle du continent ne se limitaient pas exclusivement à l'expansion vers l'ouest qui, selon l'observation hautaine de Frederick Jackson Turner, finirait par s'achever. Les désirs d'expansion se tournent vers l'Islande et le Groenland comme options possibles vers l'est.

Une publication du département d'État de 1868, éditée par Benjamin Mills Pierce, fait état d'un intérêt plus que passager pour les ressources de l'Islande et du Groenland, en mentionnant le traité par lequel le Danemark devait céder aux États-Unis le contrôle des îles de Saint-Thomas et de Saint-Jean dans les Caraïbes. Le rapport de 1868 encourage l'acquisition du Groenland pour deux raisons importantes : les opportunités commerciales promises par l'exploitation de l'abondance naturelle de « baleines, morses, phoques et requins, morues, saumons, truites et harengs » et la congruence politique de l'obtention d'un territoire flanqué « de l'Amérique britannique dans l'Arctique et le Pacifique ». Le Groenland pourrait ainsi « faire partie de l'Union » et diminuer l'influence britannique dans la région.

Le traité avec le Danemark concernant les Indes occidentales danoises rappelle que les choses ne seront pas faciles. L'acquisition de ce qui allait devenir les îles Vierges américaines était une idée du secrétaire d'État William Henry Seward, une initiative qui avait la bénédiction du département d'État américain. Le destin du traité a été mouvementé : le rejet initial du Sénat américain, principalement motivé par le soutien apporté par Seward au président Andrew Jackson lors de sa procédure de destitution, a été suivi par le rejet du Danemark en 1902. Des doutes subsistaient également quant à l'organisation d'un plébiscite pour les habitants de la région, le Danemark craignant ce que la vie sous la domination américaine pourrait réserver aux habitants noirs, dont on prédisait qu'ils auraient la réputation d'être peu généreux à l'égard des races de couleur.

La Première Guerre mondiale a finalement abouti au transfert officiel des Antilles danoises le 31 mars 1917, accompagné de 25 millions de dollars en pièces d'or, un résultat obtenu en partie grâce aux tactiques d'intimidation du secrétaire d'État américain Robert Lansing. Le secrétaire d'État n'a pas caché que l'une des intentions de l'occupation des îles était d'éviter qu'elles ne tombent aux mains des Allemands.

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L'intérêt pour l'acquisition du Groenland s'est développé au cours de la Seconde Guerre mondiale. Une fois de plus, les inquiétudes concernant l'Allemagne sont au premier plan, étant donné qu'elle a occupé le Danemark sans incident en 1940. Les États-Unis ont alors construit la base aérienne de Thulé en 1943. À la fin de la guerre, l'administration Truman n'a pas réussi à séduire les Danois avec un prix d'achat de 100 millions de dollars, bien que la base ait continué à fonctionner sous le contrôle des États-Unis et avec la bénédiction du royaume.

Pendant le premier mandat de Donald Trump, l'obsession de l'achat du Groenland a refait surface comme le fait une éruption cutanée, et l'acquisition du Groenland a été comparée à « un contrat d'achat et de vente d'un grand terrain ». Le Danemark, a suggéré M. Trump, s'est retrouvé avec le Groenland « à perte, et stratégiquement, ce serait une bonne chose pour les États-Unis ».

Selon la plupart des comptes rendus, l'accord avait moins à voir avec la realpolitik qu'avec l'immobilier. Selon le récit de Peter Baker et Susan Glasser sur les événements du premier mandat de Trump, le Danemark recevrait en échange le territoire ignoré de Porto Rico. Ils suggèrent également que cette proposition audacieuse émane d'un vieil ami du président, Ronald Lauder, héritier de l'empire cosmétique Estée Lauder. Trump, dans son style typique, insiste sur le fait qu'il s'agit de sa propre idée.

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Comme on pouvait s'y attendre, M. Trump a trouvé la première ministre danoise, Mette Frederiksen (photo), peu impressionnée, réticente et « désagréable ». Pour sa part, la première ministre danoise a déclaré que "le temps d'acheter et de vendre d'autres pays et d'autres populations est révolu. Restons-en là".

Le retour imminent de Trump à la Maison Blanche a ravivé de vieilles idiosyncrasies. Pendant la période des fêtes de décembre 2024, il s'est laissé emporter par des fantasmes jeffersoniens et a promis de reprendre le canal de Panama, qui, selon lui, est exploité illégalement, bien qu'aimablement, par « les merveilleux soldats de la Chine », ainsi que de faire du Canada le 51ème État, avec l'ancien joueur de hockey professionnel Wayne Gretzky installé comme gouverneur, et d'acheter le Groenland.

Le choix du président élu pour le poste d'ambassadeur des États-Unis au Danemark est apparemment basé sur la cour faite à Copenhague, tandis que Trump déclare que la propriété du territoire par Washington est une « nécessité absolue ». Le premier ministre du Groenland, Múte Egede, laisse entendre qu'un tel projet a peu de chances d'aboutir: "Le Groenland est à nous. Nous ne sommes pas à vendre et nous ne le serons jamais". En politique, il est dangereux d'être sans équivoque.

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En avril de l'année dernière, la base aérienne de Thulé a changé de nom pour devenir la base spatiale de Pituffik, dans un souci de sensibilité culturelle qui a fait couler beaucoup d'encre. Le ministère de la défense a affirmé que ce changement reconnaissait mieux « l'héritage culturel groenlandais » et reflétait de manière plus appropriée « son rôle dans les forces spatiales américaines ». Le patrimoine culturel groenlandais joue un rôle mineur dans la vision impériale de la base, dont les forces spatiales américaines insistent sur le fait qu'elle « permet la supériorité spatiale » grâce à ses systèmes d'alerte aux missiles, à sa défense antimissile et à ses missions de reconnaissance et de surveillance aérospatiales.

En l'état, la possession du Groenland, au sens officiel, n'a guère d'importance, et la seconde administration Trump agirait sagement en laissant simplement les Danois s'occuper des glaciers et de leurs problèmes. Washington a déjà ce dont il a besoin, et même plus que ce dont il a besoin.

Publié à l'origine dans Counterpunch. Traduction : Àngel Ferrero.

Source : https://www.elsaltodiario.com/estados-unidos/groenlandia-...

mercredi, 15 janvier 2025

Vers un grand espace trumpiste?

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Vers un grand espace trumpiste?

par Georges Feltin-Tracol

Donald Trump n’est pas encore entré en fonction et il multiplie déjà les propositions-chocs. Friand de déclarations osées sur son propre réseau social ou sur celui de son nouvel ami Elon Musk, le futur 47e président des États-Unis montre une vraie constance dans ses prises de position géopolitiques.

En 2019, alors 45e locataire de la Maison Blanche, il avouait volontiers annexer le Groenland. Il aurait aimé l’acheter. La proposition suscita un mélange de stupeurs, de ricanements et de réprobations. En décembre dernier, l’homme d’affaires a réitéré sa demande qui n’est donc pas une plaisanterie.

L’océan glacial Arctique prend une valeur stratégique majeure. C’est le seul au monde où se font face les littoraux russe et étatsunien. Donald Trump sait que le territoire des États-Unis s’est largement formé grâce à des achats successifs de territoires. Le plus célèbre reste en 1804 quand la France de Napoléon Bonaparte vendit tout le bassin hydrographique du Mississippi, la grande Louisiane, pour 80 millions de dollars. Cette vente ouvrit la voie à la « conquête de l’Ouest » et au mythe mobilisateur de la Frontière. En 1819, cinq millions de dollars permirent l’acquisition de la Floride espagnole. En 1848, au terme d’une effroyable guerre d’agression, le traité de Guadalupe oblige le Mexique à céder aux États-Unis pour quinze millions de dollars tout le Mexique septentrional (Californie, Arizona, Nouveau-Mexique, Nevada) en plus du Texas déjà annexé. En 1867, Saint-Pétersbourg vend pour 7,2 millions de dollars l’Alaska et se prive d’être une puissance tricontinentale. En mars 1917, Washington donne 23 millions de dollars au Danemark pour posséder une part des Îles Vierges dans les Antilles.

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Tous ces précédents historiques rendent donc plausibles les intentions marchandes de Donald Trump. Le Danemark serait encore sollicité. En effet, malgré un large statut d’autonomie interne, le Groenland reste un territoire danois. La plus grande île du monde après l’Australie conserve un lien ténu avec Copenhague. Cependant, dès 1985, un référendum autorisa la sortie de l’« Île verte » de la CEE (Communauté économique européenne). Membre fondateur de l’OTAN, le Danemark a fait de sa dépendance boréale un pivot indispensable pendant la Guerre froide. Jusqu’en 1992, on recensait deux bases militaires (seule se maintient celle de Thulé, renommé). Les prétentions étatsuniennes sur le Groenland sont fondées. Mais son rattachement aux États-Unis ne viendrait qu’après l’absorption du Canada.

Avant même son investiture, Donald Trump a avancé sa volonté d’augmenter les droits de douane de 25 % envers les produits canadiens et mexicains. Vice-ministresse et ministresse canadienne des Finances, Chrystia Freeland, a démissionné, le 16 décembre dernier. Craignant une guerre commerciale âpre et difficile, elle a refusé de cautionner la politique de Justin Trudeau qui aggrave le déficit. Ottawa a levé la taxe sur les produits et services jusqu’à la mi-février et entend offrir une chèque de 250 dollars canadiens aux travailleurs au printemps 2025. Cette distribution d’argent public s’apparente à un arrosage clientéliste dans la perspective d’élections législatives prévues en octobre.

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Chantre du multiculturalisme, du wokisme et du financiarisme, Justin Trudeau sait que Donald Trump ne l’apprécie guère. Sa faible popularité auprès des Canadiens indique son déclin politique traduit par l’annonce de sa démission, le 6 janvier 2025. Redoutable bête politique, Trump ne se prive de se moquer du chef du gouvernement canadien qu’il qualifie de gouverneur ! Ces derniers temps, le futur président étatsunien a répété qu’il verrait bien le Canada devenir le 51e État des États-Unis et ainsi supprimer « une ligne artificielle », à savoir la frontière canado-étatsunienne. Si ce projet se réalise, les nouveaux États-Unis (avec le Canada donc) deviendrait un très vaste État avec 19.818.187 km² ! Un des avantages de la fusion du Canada et des États-Unis permettrait de redéployer les services douaniers et les unités de surveillance de frontières sur le flanc méridional en face du Rio Grande et de Cuba.

Comment se passerait cette intégration? Le Canada se fondrait-il en tant qu’ensemble étatique unitaire au risque de déséquilibrer les rapports internes (la Californie n’apprécierait pas de perdre son premier rang…) ou bien cette assimilation passerait-elle à travers les dix provinces et les trois territoires du Nunavut, du Nord-Ouest et du Yukon? La population canadienne de langue anglaise approuverait-elle d’ailleurs cette absorption?

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On ignore en France l’existence de mouvements indépendantistes en Alberta, riche en hydrocarbures, au Manitoba et, plus anecdotique, dans le Saskatchewan. Comment réagiraient enfin les communautés francophones du Québec, d’Acadie et de l’Ouest en cas d’intégration par le grand voisin du Sud ? Il est fort plausible que l’hypothétique élévation du Canada en 51e État fédéré se fasse dans un cadre unitaire et indivisible. Pas sûr dès lors que Washington consente aux velléités sécessionnistes du Québec et des autres territoires canadiens-français. Maints responsables indépendantistes québécois ont prôné le continentalisme nord-américain.

L’intégration du Canada aux États-Unis ouvrirait la voie au rattachement du Groenland par l’intermédiaire du Nunavut. Les Inuits sont cousins des autochtones groenlandais. « Notre Terre » en inuktitut attirerait inévitablement une population du Groenland pour l’heure rétive à toute union avec l’Oncle Sam. Un parti indépendantiste d’extrême gauche assure le gouvernement autonome du Groenland. Quant aux Canadiens plus progressistes que les Étatsuniens, leur admission redonnerait bien des couleurs au parti démocrate.

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Les Canadiens se moquent pour l’instant des intentions trumpiennes. Le premier ministre conservateur de l’Ontario, Doug Ford (photo), dont le frère, Rob, fut le maire sulfureux et stupéfiant de Toronto (2010 – 2014), a dès à présent menacé la Maison Blanche de représailles pour l’application de toutes mesures protectionnistes décidées par le futur président Trump. Il a même plaisanté en souhaitant acheter l'Alaska et en y ajoutant le Minnesota et Minneapolis. L’Ontarien aurait cependant intérêt à se taire s’il ne veut pas connaître une petite « révolution colorée » chez lui. En outre, un scandale mêlant finances et sexe arrive si vite de nos jours…

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Le 21 décembre dernier à Phoenix en Arizona, Donald Trump évoquait l’avenir du canal du Panama. Il critiquait des tarifs de passage onéreux pour les navires étatsuniens. Il s’offusquait de la présence de travailleurs chinois. Ainsi visait-il indirectement le projet chinois de construire au Nicaragua un canal transocéanique concurrent. Fort du succès du canal de Suez inauguré en 1869, le Français Ferdinand de Lesseps propose de construire un canal dans la partie la plus étroite de l’isthme centraméricain. En 1889, les États-Unis rachètent les droits de sa compagnie pour un montant de quarante millions de dollars, puis incitent la bourgeoisie locale à se révolter contre la Colombie. Le Panama devient indépendant en 1903. Un an plus tard, la constitution panaméenne reconnaît aux États-Unis le droit d’intervenir militairement et octroie une région de 1432 km² de part et d’autre du canal. En 1977, Jimmy Carter signe un nouveau traité qui accorde la souveraineté du canal au Panama malgré la présence de six bases militaires US. Le 31 décembre 1999, le Panama acquiert la pleine souveraineté sur tout le canal. Entre-temps, le 20 décembre 1989 commençait l’opération « Juste Cause ». George Bush père ordonnait l’invasion militaire du Panama et l’arrestation du général Noriega accusé de trafic de drogue, largement aidé par la CIA et d’autres officines de l’État profond yankee.

La déclaration de Donald Trump a soulevé un formidable mécontentement populaire au Panama dont la population garde en mémoire cette intervention militaire inique. Les manifestants brandissent des affiches grossières à l’encontre de Trump. Il sera très difficile au prochain secrétaire d’État de convaincre les dirigeants du Panama de rendre le contrôle du canal à moins que les États-Unis s’engagent dans une nouvelle aventure armée comme Trump l’a laissé entendre. Il préconise enfin de changer le golfe du Mexique, vraie « Méditerranée méso-américaine », en golfe de l’Amérique.

Sceptique envers l’utilité de l’OTAN qui forme un grand espace euro-atlantique intégré, y compris avec le Canada et le Groenland, Donald Trump a compris que le XXIe siècle sera le temps des États-continents. Si l’apport démographique du Canada et du Groenland demeure relatif (375.750.000 habitants), les nouveaux États-Unis d’Amérique du Nord et de l’Arctique disposeraient d’une formidable étendue ramassée (21.984.273 km²) avec des ressources minières, énergétiques et agricoles peu exploitées. Les projets d’expansion de Donald Trump ne sont pas à prendre à la légère. Son ambition expansionniste pourrait-elle finalement réconcilier un mouvement trumpiste qui se divise à propos de la question brûlante de l’immigration entre la base MAGA nativiste et les oligarques de la High Tech, Elon Musk en tête ?    

GF-T

  • « Chronique flibustière » n° 139 mise en ligne sur Synthèse nationale, le 14 janvier 2025.

dimanche, 12 janvier 2025

Groenland: Scène géopolitique d’un bras de fer entre les États-Unis et l’Union européenne

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Groenland: Scène géopolitique d’un bras de fer entre les États-Unis et l’Union européenne

par Elena Fritz

Source: https://www.pi-news.net/2025/01/groenland-geopolitische-b...

Depuis sa victoire électorale, Donald Trump a à plusieurs reprises évoqué l’idée que le Groenland devrait devenir une partie intégrante des États-Unis.

Autrefois une île isolée et silencieuse, le Groenland devient de plus en plus le centre d’un jeu d’échecs géopolitique qui attire l’attention des États-Unis et de l’Union européenne. Sa position stratégique et ses ressources naturelles abondantes en font une cible convoitée, et cette lutte d’influence ne restera probablement pas sans conséquences pour l’Europe.

Les autorités locales groenlandaises, qui œuvrent depuis des années à une autonomie progressive vis-à-vis du Danemark, perçoivent cet intérêt croissant de Washington comme une opportunité. D’éventuels investissements américains pourraient aisément remplacer l’aide financière annuelle de 500 millions d’euros que le Danemark accorde à l’île. Mais il ne s’agit pas uniquement d’argent: la question porte sur le pouvoir, l’influence et l’indépendance. Chaque dollar investi par les États-Unis se traduit par une perte de contrôle pour Copenhague.

L’administration Trump avait déjà laissé entendre par le passé son intention de valoriser le Groenland sur le plan stratégique, que ce soit par des contrats d’exploitation des vastes ressources naturelles de l’île ou même par un achat pur et simple de celle-ci. Bien que cette dernière hypothèse semble irréaliste, le message est clair : les États-Unis considèrent le Groenland comme une position clé, tant sur le plan économique que militaire.

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Bruxelles sur la défensive : l’UE peut-elle garder le Groenland ?

Toutefois, l’Union européenne ne compte pas rester les bras croisés face à ce bras de fer. Bruxelles n’aura d’autre choix que d’offrir des fonds supplémentaires au Groenland afin d’éviter son rapprochement avec Washington. Le problème ? L’UE a peu à offrir en comparaison des investissements américains ou des garanties de sécurité stratégiques proposées par les États-Unis.

Le Groenland détient les plus grandes réserves de terres rares hors de Chine – des ressources indispensables à la production de technologies de pointe et aux énergies vertes. De plus, les réserves pétrolières de l’île sont estimées à 110 milliards de barils. Bien que l’extraction soit coûteuse et techniquement complexe, un financement adéquat et des compétences spécialisées permettraient d’exploiter ces richesses. Alors que l’UE tarde à agir, les investisseurs internationaux, en premier lieu les Américains, sont déjà sur le pied de guerre.

Danemark : le grand perdant

Pour le Danemark, cette évolution pourrait avoir des conséquences désastreuses. Le développement économique du Groenland grâce aux investissements étrangers renforcerait considérablement les mouvements indépendantistes locaux. Une éventuelle séparation du Groenland représenterait un coup dur pour Copenhague, tant sur le plan symbolique qu’économique.

En parallèle, le Danemark pourrait se retrouver engagé dans une guerre commerciale avec les États-Unis. Les géants pharmaceutiques danois, qui réalisent chaque année des milliards d’euros de chiffre d’affaires sur le marché américain grâce à leurs produits amaigrissants, pourraient devenir une cible pour Washington. La politique de lutte contre l’obésité prônée par l’administration Trump pourrait servir de prétexte pour imposer des taxes ou des droits de douane sur les entreprises danoises. Face à cette menace, Copenhague aurait peu de moyens de défense, étant trop dépendante des revenus générés aux États-Unis.

Conclusion : l’Europe dans une impasse

Les événements autour du Groenland illustrent une fois de plus la faiblesse de l’Europe sur la scène géopolitique mondiale. Alors que Washington agit avec fermeté et poursuit résolument ses intérêts stratégiques, Bruxelles apparaît hésitante et réactive. Pour le Danemark et l’UE, le Groenland devient le symbole d’une perte d’influence dans un monde de plus en plus dominé par la politique de puissance.

Le cas du Groenland montre que l’Europe est reléguée à la périphérie géopolitique, tandis que les États-Unis continuent d’étendre leur emprise. Et Bruxelles ? Elle préfère se concentrer sur des questions idéologiques et bureaucratiques, tandis que l’avenir se joue à ses portes.

jeudi, 09 janvier 2025

Les mains du dragon sur le canal de Panama. Voici pourquoi Donald veut le reprendre

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Les mains du dragon sur le canal de Panama. Voici pourquoi Donald veut le reprendre

Les États-Unis l'ont cédé, puis ce fut la «trahison»: des accords avec la Chine, qui le contrôle désormais

Marco Valle

Source: https://www.ilgiornale.it/news/politica/mani-dragone-sul-...

C'est bien connu, The Donald n'aime pas les tournures de phrases compliquées et déteste les sophismes diplomatiques. Ses déclarations brutales de Noël sur le sort du Panama et de son canal le confirment une fois de plus. Pour Trump, la petite république pénalise délibérément le trafic maritime américain au profit de la Chine qui, par l'intermédiaire de la société CK Hutchison Holdings, basée à Hong Kong, contrôle deux des cinq ports adjacents au point de transit stratégique mondial, ainsi que des zones franches.

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Pour le nouveau président, il s'agit là de "l'ongle du dragon jaune avide" qui s'apprête à engloutir le pays d'Amérique centrale. Ce n'est pas un hasard si le 27 décembre, sur son compte Truth, il a ironiquement souhaité un « Joyeux Noël à tout le monde, y compris aux merveilleux soldats chinois qui gèrent avec amour, mais illégalement, le canal de Panama ». Bref, pour le prochain occupant de la Maison Blanche, la ligne d'eau stratégique entre les deux océans est sur le point de tomber entre les mains de Pékin et il est prêt à utiliser tous les moyens pour l'empêcher.

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Au-delà des hyperboles trumpiennes, l'affaire est très complexe et les enjeux pour Washington sont très importants: depuis plus d'un siècle, le Panama et son canal sont une créature des Etats-Unis, le centre géopolitique de leur «arrière-cour». Tout a commencé en 1903, lorsque le président Theodore Roosevelt a décidé que le district périphérique du nord de la Colombie « méritait » l'indépendance. La partie est facile: les canons du croiseur Nashville soutiennent les tièdes ambitions séparatistes de l'élite créole locale, forçant Bogota à capituler, et deux semaines après l'indépendance, la république nouvellement établie autorise les Américains à commencer les travaux du canal.

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Roosevelt n'a pas perdu de temps. En dix ans, ses ingénieurs réussissent une entreprise abandonnée d'abord par les Espagnols (la première étude, en 1793, est due à l'amiral Alessandro Malaspina, navigateur toscan au service de Madrid), puis, à la fin du XIXe siècle, par les Français de Ferdinand de Lesseps, l'homme de Suez. Un ouvrage colossal, une voie d'eau de 82 kilomètres à travers un terrain impraticable et montagneux, qui révolutionne le trafic maritime et témoigne de la puissance technologique de la république étoilée. Inaugurée le 15 août 1914, la voie d'eau est restée sous souveraineté américaine (accueillant d'importantes installations militaires) jusqu'au 31 décembre 1999, date à laquelle Jimmy Carter, récemment décédé, a décidé de la céder aux Panaméens. Une décision historique que Trump n'a jamais appréciée : « Quand Carter l'a bêtement cédée pour un dollar, c'était entièrement au Panama de la gérer, pas à la Chine, ni à personne d'autre ».

Et c'est là que réside le problème. Début 2017, surprenant Washington, le président panaméen de l'époque, M. Varela, a rompu les liens diplomatiques avec Taïwan et a signé en juin un protocole d'accord contraignant avec la Chine de Xi Jinping. C'était le début d'une formidable offensive diplomatique et commerciale. Quelques chiffres : selon les statistiques des douanes chinoises, le volume des échanges entre la Chine et le Panama en 2021 était de 11.344 milliards de dollars, dont 10.180 milliards de dollars d'exportations chinoises et 1164 milliards de dollars d'importations, avec une augmentation régulière et fructueuse d'une année sur l'autre. La Chine est ainsi devenue le principal partenaire commercial du Panama, le premier fournisseur de la zone franche de Colon et le deuxième utilisateur du canal. Des données lourdes. Une éventuelle satellisation du Panama dans l'orbite économique chinoise n'est plus une probabilité lointaine mais une possibilité, certes pas immédiate, mais réelle.

Des perspectives qui irritent le déjà colérique Trump. Pour lui, « si les principes, tant moraux que légaux, du geste magnanime de donation ne sont pas suivis, alors nous exigerons que le canal nous soit rendu, en totalité, rapidement et sans question ».

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Le président panaméen Jose Raul Mulino (photo) a répondu que « chaque mètre carré du canal et de la zone environnante appartient au Panama et continuera d'appartenir au Panama. La souveraineté et l'indépendance de notre pays ne sont pas négociables ». Toujours sur Truth, Trump a répondu : « Nous verrons ».

dimanche, 29 décembre 2024

La guerre de l'Arctique

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La guerre de l'Arctique

par Pierluigi Fagan

Source: https://www.ariannaeditrice.it/articoli/la-guerra-artica

Le Groenland est la plus grande île du monde et correspond à 22% du territoire des États-Unis, soit à peu près la superficie additionnée de l'Italie + la France + l'Espagne + l'Allemagne + la Pologne + le Royaume-Uni, avec seulement 60.000 habitants. Elle fait partie du Royaume du Danemark mais dispose de pouvoirs autonomes étendus.

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Selon un rapport de l'US Geological Survey, 13% des ressources pétrolières et 30% des ressources gazières mondiales, ainsi que de l'or, des rubis, des diamants, du zinc, du fer, du cuivre, des terres rares et beaucoup d'uranium, se trouvent dans le sous-sol (entre la terre ferme et les fonds marins) pour une valeur totale estimée à environ 400 milliards d'USD, soit une année de PIB pour le Danemark.

Les États-Unis y possèdent déjà plusieurs bases militaires non divulguées, à l'exception de celle, bien connue, de Pituffik, qui est le centre de l'ensemble du réseau de protection de l'espace (NORAD). Au-delà des ressources, certes substantielles, il ne fait aucun doute que le principal poids stratégique de l'île glacée est d'ordre géostratégique, puisqu'elle fait partie du pôle Nord et qu'elle en contrôle l'accès pour tout le Sud-Ouest.

Pour le pôle Nord, limitrophe de la Sibérie, les Chinois envisagent de développer leur route de la soie polaire, alternative stratégique pour éviter les détroits d'Asie du Sud-Est (alors Bab el-Mandeb, Mer Rouge, Suez) et aussi raccourcir le temps de traversée vers l'Europe.

Je rappelle que les États-Unis ne sont considérés comme une nation polaire qu'en raison d'une partie (nord) de l'Alaska, qui était autrefois une terre russe achetée par les Américains (en 1867). Le sous-sol du pôle Nord est quant à lui crédité d'énormes réserves de pétrole, de gaz, de palladium, de nickel, de phosphate, de bauxite, de terres rares, et j'en passe.

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Bien sûr, tout ce battage autour du Grand Nord suit les mesures et les prévisions sur la fonte progressive des glaces que les hauts commandements stratégiques des grandes puissances mondiales semblent croire, mais ils ne suivent pas les canaux actifs des négationnistes du climat, les seuls à savoir réellement ce qu'il en est. Cette ligne est activement financée par l'entourage de Trump, qui donc quand cela l'arrange nie, quand cela l'arrange achète par anticipation ce qu'il nie par ailleurs. Dans ces réseaux de nouvelles qui sont pour beaucoup invérifiables et apparemment contradictoires, plusieurs fake news sont repérables.

En 1991, un forum de consultation, de coordination et de coopération - le Conseil de l'Arctique - a été créé par les États membres de l'Arctique, à savoir le Canada, le Danemark, la Finlande, l'Islande, la Norvège et le Royaume-Uni : Le Canada, le Danemark, la Finlande, l'Islande, la Norvège, la Russie, la Suède et les États-Unis. En mars 2022, les pays occidentaux ont suspendu leur participation en raison de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Suite au renoncement à la neutralité historique et à l'adhésion à l'OTAN de la Suède et de la Finlande, ces pays sont désormais tous membres de l'OTAN (à l'exception, bien sûr, de la Russie).

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Ce dernier virage scandinave n'est certainement pas dû à la crainte face à l'hypothétique convoitise des Russes pour les élans, les rennes et les lichens scandinaves, mais plutôt à l'alignement stratégique des perspectives concernant le conflit -certain- à venir ou au moins le "différend chaud"qui s'instaurera avec l'Arctique pour objet. En particulier, avec la Finlande et accessoirement la Suède, toutes deux désormais dans l'OTAN, l'une des bases russes les plus importantes dans l'Arctique, la péninsule de Kola, est directement menacée. Avec une quarantaine de navires, les Russes peuvent se targuer d'avoir la plus grande flotte de brise-glaces au monde, et leur présence en direction du pôle est bien organisée et continuellement renforcée.

Il y a quelques jours, Trump a relancé l'idée d'acheter l'île du Groenland, une idée que les Américains poursuivent depuis 1867 et que Trump lui-même avait mise sur la table lors de sa première présidence. Il a ensuite déplacé l'ambassadeur qui se trouvait en Suède, soit l'homme qui avait évidemment piloté, avec des arguments intéressants et convaincants, la renonciation de Stockholm à l'histoire de sa neutralité qui durait depuis deux siècles. Ce diplomate est l'un des fondateurs de PayPal et donc un membre décisif de la PayPalMafia (Thiel, Musk, Nosek, Levchin), ainsi qu'un « jeune leader mondial » élu par le Forum économique mondial. Chaque jour un peu plus, ce groupe prend une fonction stratégique dans l'administration Trump; à quelles fins ? L'avenir nous le dira.

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'Trump veut acheter le Groenland' est un titre pour les journaux et les émissions télévisées, l'affaire est cependant bien moins absurde. Les Américains peuvent acheter une partie (Nord) ou la louer pour 99 ans ou avoir des permis de construction et d'exploitation limités ou envenimer le conflit d'autonomie entre les indigènes et le Danemark en soutenant les souhaits d'indépendance ou en se proposant comme médiateur qui peut « rendre tout le monde heureux », c'est-à-dire surtout les États-Unis. La partie qui intéresse les États-Unis se trouve dans le nord, tandis que la population inuit, par ailleurs peu nombreuse, se trouve dans le sud.

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Les Inuits sont la population dont le taux de suicide est le plus élevé au monde. Les noyer sous les dollars ne les rendra pas heureux, mais en bref, cela les aidera peut-être.

La question est d'ailleurs la dénégation la plus flagrante de la Doctrine Monroe puisque l'île fait en fait partie de la plate-forme nord-américaine.

Le retour de la Doctrine Monroe s'est également traduit par la mise sur la table, de manière synchronisée, d'une nouvelle question panaméenne. Comme nous l'avions anticipé dans notre article publié quelques jours après l'élection américaine, la ré-annexion hégémonique de l'ensemble du continent aux intérêts et aux souhaits de Washington constitue l'épine dorsale de la vision stratégique de la nouvelle administration.

Cette vision, contrairement au rejet obstiné et irréaliste de la présidence précédente, semble considérer l'évolution multipolaire de l'ordre mondial comme acquise, alors autant compacter son propre pôle et le faire sur des bases solidement géopolitiques (pôle américain) et non idéalistes (États-Unis+UE=Ouest/Occident). Qu'on le veuille ou non, le « groupe Trump » fait preuve d'une logique géostratégique solide et articulée.

Pour toutes ces raisons qui viennent d'être évoquées et pour l'élasticité des nombreuses solutions possibles, je prendrais l'opération pour faite, en perspective, nous verrons bien combien et comment.

samedi, 21 décembre 2024

Comment un dialogue énergétique entre la Russie, l'Inde et la Chine (RIC) peut déboucher sur un réseau électrique panasiatique

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Comment un dialogue énergétique entre la Russie, l'Inde et la Chine (RIC) peut déboucher sur un réseau électrique panasiatique

Le super-réseau asiatique peut devenir une réalité si la Russie, l'Inde et la Chine parviennent à un consensus.

Atul Aneja

Source: https://atulaneja.substack.com/p/how-a-russia-india-china...

L'idée d'un grand réseau électrique panasiatique a germé en 2011, dans le contexte du tsunami qui a frappé l'Asie cette année-là.

La triple catastrophe du tremblement de terre, du tsunami et de la fusion nucléaire qui a frappé le nord-est du Japon en mars 2011 a servi de signal d'alarme pour Masayoshi Son, fondateur, président et directeur général de SoftBank Group, une multinationale japonaise spécialisée dans les télécommunications et l'internet.

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Ayant perçu les dangers des centrales nucléaires de Fukushima, M. Son (photo) a ressenti le besoin de remplacer l'énergie nucléaire par des énergies renouvelables plus sûres et plus propres pour un avenir meilleur. L'aversion pour la technologie nucléaire est d'autant plus compréhensible qu'elle se nourrit de la mémoire collective des horreurs vécues lors des attaques nucléaires d'Hiroshima et de Nagasaki.

Pour accélérer le déploiement d'énergies renouvelables propres, sûres et abordables, Son a fondé le Renewable Energy Institute (REI). Cela a conduit à la conceptualisation de l'« Asia Super Grid (ASG) » en septembre 2011.

Parallèlement, une avancée technologique majeure avait eu lieu en Chine, qui allait jouer un rôle clé dans la concrétisation des rêves de Son.

Au début des années 2000, la Chine était confrontée à d'importantes pannes d'électricité dues à des pénuries d'énergie. Le nœud du problème était la transmission. Alors que les ressources énergétiques telles que le charbon et le gaz se trouvaient dans le nord, le nord-ouest et le sud-ouest du pays, les centres de la demande majeure d'énergie se trouvaient dans les zones industriels le long des côtes est et sud, dans et autour de villes animées telles que Shanghai et Guangzhou.

1200px-Liu_Zhenya,_(SGCC).jpgLa solution a été imaginée par Liu Zhenya (photo), alors directeur du StateGrid chinois. Liu a proposé de résoudre le problème de transmission en établissant des lignes électriques à ultra-haute tension (UHV). Contrairement aux lignes conventionnelles, les lignes de transport à très haute tension peuvent transférer de grandes quantités d'énergie sur de longues distances. En effet, cette technologie permet de réduire au minimum les pertes d'énergie pendant le transport.

En 2006, le transport d'électricité à très haute tension a été intégré au plan quinquennal de la Chine. La Chine a donc commencé à construire une liaison de 640 km entre le centre charbonnier de Shanxi, au nord, et la province centrale de Hubei, en passant par un point d'arrêt au milieu. En 2009, cette ligne est devenue opérationnelle.

D'autres projets plus ambitieux ont suivi. Par exemple, la ligne Xiangjiaba-Shanghai a été achevée en 2010. Il s'agissait alors du système de transmission le plus long et le plus puissant au monde. En transmettant 6,4 gigawatts, la ligne répondait à près de 40 % de la demande d'électricité de la ville.

En avril 2024, la Chine avait mis en place 38 lignes à très haute tension, capables d'acheminer de l'énergie conventionnelle et renouvelable sur de vastes distances.

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Les avancées chinoises en matière de transport à longue distance ont rendu le projet ASG de Son réalisable.

Une fois la transmission à longue distance en place, SoftBank a recherché des centres de production d'énergie sur de vastes territoires. Le groupe SoftBank a donc créé la SB Energy Corp. pour mettre en place des centrales de production d'électricité renouvelable au Japon.

L'entreprise a également cherché des partenaires en dehors du Japon pour renforcer l'approvisionnement en énergie renouvelable. La Mongolie a été retenue en raison de son énorme potentiel en matière d'énergie éolienne. C'est ainsi que SB Energy Corp. a créé Clean Energy Asia LLC avec Newcom LLC, un conglomérat mongol, comme partenaire. La coentreprise a obtenu un droit de location de terres dans le désert de Gobi pour les 100 prochaines années afin de développer et d'exploiter des parcs éoliens d'une valeur de 7 GW. L'entreprise a également créé une coentreprise appelée SBG Cleantech Ltd en Inde, avec l'entreprise indienne Bharti Enterprises Pvt. et le groupe technologique taïwanais Foxconn, pour développer un parc photovoltaïque solaire de 350 MW dans l'État indien de l'Andhra Pradesh.

Après avoir obtenu une capacité suffisante en matière d'énergie renouvelable, le prochain défi pour Son était d'acheminer l'énergie renouvelable au Japon et dans toute l'Asie. L'entrepreneur japonais a trouvé en Liu Zhenya, pionnier chinois de la transmission UHV, un partenaire de choix. Le duo s'est associé à Hwan-Eik Cho, président-directeur général de Korea Electric Power Corp. (KEPCO), une compagnie d'électricité publique sud-coréenne. En mars 2016, ces trois organisations ont été rejointes par Rosseti, un opérateur russe d'énergie électrique et de réseau.

Le quatuor a signé un protocole d'accord pour mener des études de faisabilité technique et économique en vue de la création d'un réseau de transmission international en Asie du Nord-Est.

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L'accord a débouché sur l'idée de créer un « anneau d'or » desservant la majeure partie de l'Asie. Pour concrétiser cette idée, il est envisagé de transmettre l'énergie éolienne produite en Mongolie au Japon, en passant par la Chine et la Corée du Sud, via des câbles de transmission sous-marins. Par ailleurs, l'énergie hydroélectrique produite en Russie pourrait être acheminée vers le Japon et d'autres pays. Son qualifie ces deux voies de transport d'énergie d'« anneau d'or » en Asie du Nord-Est.

Tirer parti de la diversité des charges et des ressources

Mika Ohbauashi, directeur de REI, a déclaré que cette intégration interrégionale du réseau peut contribuer à maximiser l'utilisation des énergies renouvelables, qui sont dispersées géographiquement. Une fois les réseaux reliés, il sera possible de tirer parti des différents modèles de charge, y compris des périodes de pointe. En tirant parti de la diversité des charges et des ressources, l'ASG peut accroître la flexibilité des réseaux dans chaque pays.

Les énergies renouvelables s'avèrent également rentables. Par exemple, le coût de l'acheminement de l'hydroélectricité de la Russie vers le Japon par des câbles de transmission sous-marins est inférieur à 10,5 cents/kWh, soit le coût de l'électricité produite par une centrale au charbon au Japon. De même, le coût de l'acheminement vers le Japon de l'énergie éolienne produite en Mongolie via la Chine puis la Corée du Sud est également estimé à moins de 10,5 cents/kWh.

« Les énergies renouvelables sont propres et sûres, mais elles étaient auparavant très chères », aurait déclaré Son de SoftBank. Il ajoute : « En partageant l'énergie renouvelable avec d'autres: « En partageant l'énergie renouvelable entre nous, les énergies renouvelables sont désormais propres, sûres, stables et peu coûteuses ».

Alors que le Japon s'est concentré sur les énergies renouvelables, en particulier après Fukushima, Liu Zhenya, anciennement du StateGrid de Chine, semble plus neutre en termes de sources d'énergie. Liu a proposé un réseau mondial qui tirerait l'électricité des éoliennes du pôle Nord et des vastes réseaux solaires dans les déserts d'Afrique, puis la distribuerait aux quatre coins du monde. Selon M. Liu, ce système produira, entre autres avantages, « une communauté de destin commun pour toute l'humanité, avec un ciel bleu et des terres vertes ».

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L'Inde peut devenir un point d'appui majeur dans le super-réseau asiatique. SoftBank a déjà déclaré que la construction d'une centrale solaire de 350 mégawatts dans l'État indien de l'Andhra Pradesh était en cours, et que l'entreprise visait à établir un projet de 20 GW dans le pays, à terme.

Selon une carte du super-réseau asiatique publiée par la REI, l'électricité éolienne produite en Mongolie serait acheminée vers Pékin. De la capitale chinoise, elle sera envoyée à Chengdu, la capitale de la province du Sichuan, dans le sud-ouest de la Chine. Chengdu devient le point de jonction à partir duquel l'électricité est transmise à travers le Tibet jusqu'au Bhoutan, d'où elle se dirige vers Delhi et est vendue à un coût de 0,14 $ par KW/h. Selon les projections d'ASG, Dhaka est un autre point de jonction à partir duquel l'électricité serait transmise à Chennai au coût de 0,1 dollar par KW/h. Le nœud de réseaux en constante expansion envisage également le rôle de l'Inde en tant que méga-consommateur et plateforme de fourniture et de transit d'électricité pour le Sri Lanka. D'autres opportunités peuvent être explorées dans ce sens.

En fait, à l'instar de la communauté européenne du charbon et de l'acier, qui est devenue le précurseur de l'Union européenne (UE), le GSA peut devenir le noyau d'une Union asiatique (UA) dans les années à venir.

Si l'économie d'un GSA semble être en place, la réflexion géopolitique accuse un sérieux retard. Par exemple, la méfiance entre l'Inde et la Chine risque de faire obstacle, car le projet implique le développement d'infrastructures essentielles.

Si l'Inde et la Chine peuvent entamer un dialogue bilatéral sur l'énergie à la suite de la rencontre décisive du Premier ministre Narendra Modi pour trouver une solution, il serait peut-être prudent d'impliquer la Russie dans la conversation, car Moscou est un acteur majeur de la constellation ASG. Par conséquent, le partenariat énergétique pourrait être un sujet majeur de délibération avec le sous-groupe Russie-Inde-Chine (RIC), qui a déjà tenu des réunions institutionnalisées au niveau des ministres des affaires étrangères avant que la pandémie de Covid ne frappe.

Le RIC peut à son tour inviter le Japon en tant que partenaire dans la discussion sur le projet ASG, qui peut décoller sur la base de la bonne volonté, de l'interdépendance et de l'évaluation des avantages géoéconomiques, qui sont suffisamment importants pour l'emporter sur les différences géopolitiques.

La Russie, la Chine et Trump

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La Russie, la Chine et Trump

Stefano Vernole

Source: https://telegra.ph/Russia-Cina-e-Trump-12-17

Trump parviendra-t-il à briser l'alliance sans limite entre la Russie et la Chine?

Il y a quelques semaines, le journal britannique The Guardian, qui fait autorité en la matière, a indiqué quelles seraient les conditions de la nouvelle administration américaine pour mettre fin à la guerre en Ukraine: «Trump négociera les conditions de la Russie avec Kiev si Moscou rompt ses relations militaires avec la Chine».

Il s'agit d'une suggestion compréhensible si l'on se place du point de vue de Washington, mais irréalisable à la lumière de la situation intérieure et mondiale actuelle si l'on se place du point de vue de Moscou et de Pékin. C'est aussi la principale raison pour laquelle je pense que le conflit avec l'OTAN en Ukraine n'est pas près de se terminer: Trump n'a rien à offrir à Poutine, Poutine n'a rien à offrir à Trump.

Les liens russo-chinois remontent à loin, même à la doctrine Primakov des années 1990, lorsque le triangle géopolitique Moscou-Beijing-New Delhi - qui devait être étendu à l'Iran - était identifié par le diplomate russe comme la clé de la stabilité de l'Eurasie face à la pénétration militaire américaine.

Ces relations se sont ensuite renforcées au fil des années, d'abord au sein de l'Organisation de coopération de Shanghai dans le but d'empêcher l'avancée de la thalassocratie américaine en Asie centrale, puis grâce à la plateforme géopolitique des BRICS.

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Bien qu'ayant averti l'Occident de ne pas aller trop loin lors de son discours de Munich, la présidence de Poutine a été contrainte d'abord de s'engager dans un conflit éphémère en Géorgie, puis d'intervenir militairement en Syrie en empêchant l'OTAN de mettre la main sur sa base de Tartous. Il en va de même pour le raid et le référendum qui s'en est suivi en Crimée en 2014, qui a permis de sceller la souveraineté russe sur la base navale de Sébastopol, en mer Noire.

La Chine a suivi de près depuis 2008 (compte tenu de la crise financière résultant de l'éclatement de la « bulle » des subprimes américains) et avec une compréhension croissante tous les mouvements russes, sentant que le renversement d'Assad en 2011 aurait favorisé un « régime hasardeux » en Iran que Pékin lui-même n'aurait pas apprécié, puis aidant économiquement la Russie face à l'assaut spéculatif de la finance américaine contre le rouble et aux sanctions euro-atlantiques en 2014.

L'amitié sans bornes scellée par les deux dirigeants, Poutine et Xi Jinping, ainsi que la déclaration commune en faveur d'un nouveau monde multipolaire, représentent l'épilogue naturel d'une relation géopolitique russo-chinoise intime sur laquelle peu d'analystes avaient parié auparavant.

Pékin a résisté à toutes les pressions occidentales au cours des trois dernières années et a continué à soutenir conjointement l'économie russe attaquée par les sanctions renforcées de l'UE et des États-Unis après le début de l'opération militaire spéciale. Les deux grands projets d'infrastructure eurasiens, la Razvitie russe et la Nouvelle route de la soie terrestre et maritime chinoise, ont été harmonisés au nom d'une vision géopolitique commune: la défense du « Heartland ».

Moscou et Pékin ont ainsi identifié une série de points de convergence: renforcement de la multipolarité, élargissement des BRICS à de nombreux pays (BRICS+), dédollarisation dans les échanges monétaires internationaux et les relations commerciales réciproques, clôture de l'accord énergétique Power of Siberia 2 qui pourrait entrer en fonction prochainement, partenariat dans l'Arctique face aux ingérences de l'OTAN.

Bien entendu, toutes les nominations de l'administration Trump vont dans le sens de provoquer une rupture de l'amitié stratégique globale entre la Russie et la Chine et d'empêcher Pékin d'acheter de l'énergie à l'Iran; le coup d'État armé à Damas de ces dernières semaines va dans ce sens et constitue une menace directe pour l'initiative Belt and Road et pour la géopolitique russe d'accès aux « mers chaudes »; ainsi que la réactivation du projet de gazoduc qatari via la Turquie vers l'Europe se fait au détriment du projet énergétique iranien qui devait exploiter le gisement de South Pars.

Les propos de Poutine après le tir du missile Oreshnik ont mis en garde les États-Unis contre la création de nouvelles crises non seulement dans l'« étranger proche », mais aussi dans le quadrant Asie-Pacifique, où Washington aimerait en fait diriger son attention après avoir « gelé » le conflit en Ukraine.

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Alors que la nouvelle administration Trump est truffée de partisans du Projet 2025, un manifeste néoconservateur décliné géopolitiquement dans un sens anti-chinois et anti-iranien, Moscou continue de tisser sa toile de relations vers l'Asie de manière de plus en plus rigoureuse: de l'Afghanistan au Pakistan (voir par exemple l'adhésion d'Islamabad au Corridor économique Nord-Sud), de la République démocratique de Corée au Myanmar, à la fois pour réaffirmer qu'elle se coordonnera avec la Chine en cas de crise militaire entre Washington et Pékin, et pour donner corps à la vision multivectorielle de vieille mémoire qui laisse entrevoir la formation d'un nouvel axe mondial sunnite par rapport auquel la Russie veut se placer en interlocuteur crédible et égalitaire.

L'initiative « la Ceinture et la Route » (BRI), l'Union économique eurasienne (UEE), l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et le partenariat de la Grande Eurasie font tous partie d'un paradigme sans précédent des relations internationales, propre au fonctionnement d'un ordre mondial qui correspond aux nouvelles conditions inaugurées par un monde multipolaire caractérisé par les processus concomitants de la mondialisation et de la régionalisation. Toutefois, la Russie et la Chine aspirent à une intégration beaucoup plus large de la macro-région eurasienne et ne se limitent pas à une éventuelle zone de libre-échange Chine-EEE ou Chine-ASEAN.

Cela crée les conditions nécessaires pour développer la BRI avec la participation d'autres acteurs, qu'il s'agisse d'États ou d'organisations régionales. Pour concrétiser les visions existantes, il sera nécessaire d'éliminer les risques et les faiblesses des relations sino-russes et de renforcer une identité commune et une pensée orientée vers l'Eurasie.

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Le lancement du corridor économique Chine-Mongolie-Russie (CMREC), qui met l'accent sur le double objectif de Moscou et de Pékin de parvenir à l'indépendance économique vis-à-vis des marchés occidentaux tout en conservant un contrôle stratégique sur les corridors de transit est-ouest essentiels, sera déterminant. Ce projet à multiples facettes repose sur trois mécanismes stratégiques cruciaux : les concessions tarifaires et commerciales, l'expansion des infrastructures et les accords de partage des ressources.

Un corridor économique et logistique s'inscrit dans le cadre plus large de la réorientation de la Russie vers l'Asie (prônée par Sergei Karaganov), renforcée par son partenariat croissant avec la Chine, qui réoriente les ressources et le commerce des routes occidentales traditionnelles vers l'Est.

mercredi, 18 décembre 2024

Politique énergétique et instabilité en Syrie

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Politique énergétique et instabilité en Syrie

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2024/12/10/energiapolitiikkaa-ja-...

La chute du régime d’Assad et le passage (du moins pour l’instant) de la Syrie aux mains des rebelles islamistes ont surpris beaucoup de monde. Dans une tentative de comprendre ces événements qui furent rapides, toutes sortes de théories et d’hypothèses ont été avancées, mais la majorité des informations reste pure spéculation, faute de faits concrets.

Il y a des années déjà, on estimait que la « guerre civile » syrienne avait éclaté lorsque Assad avait refusé le projet de gazoduc soutenu par l’Occident, le Qatar et la Turquie. Ainsi est née la narration médiatique dominante d’un « régime tyrannique » contre lequel luttait « l’opposition syrienne », avec ses casques blancs. Dans cette théorie, la Russie serait intervenue pour consolider ses propres intérêts en matière de politique énergétique.

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Tout le tumulte dans la région trouve ses origines dans le programme américain Timber Sycamore, qui a financé et armé divers groupes combattant le gouvernement syrien. Les vassaux occidentaux, à savoir l’Arabie saoudite, le Qatar, la Turquie et la Jordanie, ont également soutenu les rebelles. Israël, fidèle à sa politique, a soigné dans ses hôpitaux des terroristes qui combattaient Assad.

Après la chute de Damas ce week-end, les forces israéliennes se sont empressées de pénétrer plus profondément en Syrie. L’armée de l’air israélienne a déjà effectué plus d’une centaine de frappes aériennes contre des cibles militaires. L’armée sioniste a détruit des avions de combat, des hélicoptères, des systèmes de défense aérienne et des dépôts d’armes, sous prétexte d’assurer sa propre sécurité.

Il s’agit de l’une des plus grandes opérations offensives de l’histoire de l’armée de l’air israélienne. Contrairement à ce que les États-Unis avaient fait en se retirant d’Afghanistan, aucun équipement militaire fonctionnel n’a été laissé au nouveau gouvernement. Il est donc probable que les rebelles islamistes ne puissent pas établir un émirat en Syrie à l’image de ce que fit le mouvement taliban.

Israël ne souhaite ni une Syrie forte ni unifiée. Son plan serait plus compatible avec une région plongée dans l’instabilité. La Syrie pourrait devenir une nouvelle Libye, où des seigneurs de guerre et divers groupes s’affronteraient, tandis qu’à proximité, un État sécuritaire extrémiste juif étendrait ses colonies. Qu’adviendra-t-il alors des ambitions ottomanes d’Erdoğan dans cette équation?

Selon l’Arabie saoudite, les sionistes cherchent à saboter les possibilités pour les Syriens de retrouver des conditions de vie sûres. L’Irak et le Qatar ont également condamné les actions d’Israël, mais qui pourrait réellement empêcher le régime de Tel Aviv d’agir ? L’administration Biden prétend soutenir le nouveau gouvernement syrien.

Les hauteurs du Golan, illégalement occupées, sont désormais considérées par les sionistes comme une « partie intégrante de l’État d’Israël ». Israël a annexé les hauteurs du Golan syrien en 1981, après quoi la compagnie énergétique américaine Genie Energy, appartenant à des intérêts judéo-américains, a commencé à y forer du pétrole. L’intérêt de diverses parties pour la Syrie semble être lié non seulement à des objectifs géopolitiques, mais aussi à des projets énergétiques, notamment pétroliers et gaziers.

Quel que soit l’avenir de la Syrie, les 54 années de règne de la famille Assad ont pris fin. Né en 1965, Bachar al-Assad a au moins évité le sort de Saddam Hussein et de Mouammar Kadhafi, obtenant un refuge en Russie, où lui et sa famille pourront mener une vie luxueuse à l’abri de la politique.

mercredi, 11 décembre 2024

La Russie attaquée sur plusieurs fronts: stratégies, tensions et jeu géopolitique mondial

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La Russie attaquée sur plusieurs fronts: stratégies, tensions et jeu géopolitique mondial

Par Marcelo Ramirez

Source: https://noticiasholisticas.com.ar/rusia-bajo-ataque-en-mu...

Dans un contexte d'intensification des conflits mondiaux, la Russie est soumise à des pressions multiples qui remettent en cause sa position stratégique et sa capacité de réaction militaire. Alors que le Kremlin continue d'accroître l'intensité de ses opérations en Ukraine, dévoilant même de nouveaux missiles tels que l'« Oreshnik », les fronts de conflit s'étendent à des théâtres inattendus tels que la Géorgie et la Syrie. Ces régions, historiquement sensibles aux intérêts russes, sont devenues les points focaux d'une stratégie occidentale plus large visant à diviser l'attention et les ressources de Moscou.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, on supposait que la principale confrontation resterait à l'intérieur des frontières de ce pays. Toutefois, la récente résurgence des conflits en Géorgie et en Syrie montre comment l'Occident a réactivé des foyers stratégiques pour exercer une pression supplémentaire sur la Russie. Ces actions ne sont pas spontanées, mais font partie d'un plan coordonné visant à affaiblir Moscou sur le plan militaire et politique, tout en consolidant les intérêts occidentaux dans la région.

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La situation en Géorgie illustre le fait que les révolutions de couleur restent un outil clé de la stratégie occidentale. Dirigée par le président géorgien Salomé Zourabichvili, la crise actuelle met en évidence les liens complexes entre les élites politiques locales et les intérêts étrangers. Zourabichvili, qui est née à Paris et dont la carrière diplomatique est étroitement liée à la France et à l'OTAN, représente un cas emblématique de la manière dont l'Occident place des personnalités alignées sur ses intérêts à des postes de pouvoir.

Mme Zourabichvili, qui a accédé à la présidence à l'issue d'un processus électoral controversé et d'un changement opportun de nationalité, illustre clairement la manière dont la dynamique internationale façonne la politique intérieure des pays stratégiques. Au cours de sa carrière, elle a joué un rôle important en tant qu'ambassadrice de France en Géorgie et ministre des affaires étrangères de Géorgie, poste qu'elle a occupé quelques jours seulement après avoir renoncé à sa citoyenneté française. Ce parcours politique atypique n'est qu'un des aspects qui alimentent les tensions actuelles en Géorgie.

La crise a été déclenchée par l'adoption d'une loi obligeant les ONG qui reçoivent plus de 20% de leur financement de l'étranger à s'enregistrer en tant qu'organisations étrangères. Cette mesure, qui vise à accroître la transparence, a été présentée par les médias occidentaux comme une menace pour la démocratie. En réalité, elle reflète la volonté de la Géorgie de réduire l'influence des acteurs extérieurs sur sa politique intérieure. Des manifestations de masse ont éclaté en réponse à cette loi, avec le soutien explicite de secteurs de l'opposition, d'ONG financées par l'Occident et de la présidente Zourabichvili elle-même.

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Le modèle de révolution colorée mis en œuvre en Géorgie n'est pas nouveau. Il utilise les étudiants des universités et des lycées, les ONG et les partis d'opposition pour générer un chaos social et politique. Cette stratégie, qui vise à délégitimer le gouvernement en place, n'est pas sans rappeler les événements qui ont conduit à l'Euromaïdan en Ukraine en 2014. Dans les deux cas, la population se voit promettre une entrée rapide dans l'Union européenne en guise d'incitation, une promesse rarement tenue mais qui sert à alimenter les attentes de changement.

Pendant ce temps, en Syrie, la situation s'aggrave avec la résurgence de groupes djihadistes qui s'appuient sur le soutien logistique et militaire de l'Ukraine. Selon les allégations de Moscou, ces groupes reçoivent des drones et d'autres équipements de pointe d'origine ukrainienne, preuve supplémentaire de l'interconnexion des conflits dans le cadre d'une stratégie anti-russe globale. Ces groupes ont capturé des systèmes antiaériens russes avancés, tels que le radar Polet 48Ya6-K1, qui pourraient être utilisés pour renforcer les capacités militaires occidentales s'ils étaient analysés en détail.

L'utilisation de ces systèmes constitue une menace importante pour la Russie, non seulement en raison de la perte de technologies sensibles, mais aussi parce que ces équipements pourraient être remis à des pays de l'OTAN. La Turquie, qui possède déjà des systèmes S-400 achetés à la Russie, pourrait servir d'intermédiaire pour que ces technologies soient démantelées et étudiées par les alliés occidentaux.

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La présence de combattants djihadistes en Ukraine et en Syrie expose également l'ampleur des opérations coordonnées par l'Occident. Depuis 2014, l'implication de combattants étrangers dans le conflit ukrainien, dont beaucoup ont des antécédents en Syrie ou en Irak, a été signalée. Ce réseau de soutien militaire et logistique reflète un schéma constant dans la stratégie occidentale : exploiter toutes les ressources disponibles pour affaiblir la Russie.

En Ukraine, les forces russes continuent de se masser, des rapports faisant état de la mobilisation de 120.000 militaires près de Zaporiyia. Cela suggère que Moscou accélère la récupération de son territoire, peut-être en préparation de futures négociations. Cependant, l'introduction de soldats de la paix de l'OTAN, déguisés en opérations internationales, pourrait encore compliquer la situation. Une telle mesure permettrait à l'Occident de renforcer les positions ukrainiennes sans déclarer ouvertement son implication dans le conflit, augmentant ainsi la pression sur la Russie.

La division de l'Ukraine en zones d'influence, un plan dénoncé par les services de renseignement russes, montre également que l'Occident considère le pays comme une monnaie d'échange. La Pologne, la Roumanie et l'Allemagne seraient chargées de contrôler différentes régions, tandis que le Royaume-Uni superviserait le nord du pays. Cette fragmentation n'affaiblirait pas seulement l'Ukraine en tant que nation souveraine, mais consoliderait également la présence de l'Occident dans la région.

La Russie est confrontée à un dilemme stratégique : intensifier sa réponse militaire sur tous les fronts ou donner la priorité à ses ressources en Ukraine. Les deux options présentent des risques importants. Une expansion militaire pourrait surcharger l'économie russe et accroître la possibilité d'une confrontation directe avec les pays de l'OTAN, tandis qu'une stratégie plus conservatrice permettrait à l'Occident de gagner du temps pour se réarmer et réorganiser ses positions.

L'Occident continue de présenter ces conflits comme des luttes pour la démocratie et les droits de l'homme, occultant ainsi les dynamiques géopolitiques complexes qui les animent. En réalité, ces conflits sont le résultat d'un jeu stratégique dans lequel les principaux acteurs cherchent à consolider leur pouvoir et leur influence aux dépens des autres.

Dans ce contexte, la question essentielle n'est pas de savoir s'il y aura une escalade, mais comment et où se produira le prochain mouvement sur ce dangereux échiquier mondial. La Russie, prise dans un siège géopolitique multidimensionnel, doit décider comment naviguer dans ces eaux troubles tout en redéfinissant sa position dans un monde de plus en plus fragmenté et hostile.

dimanche, 08 décembre 2024

La mer Baltique - « mer de l'OTAN » ou terrain de jeu stratégique de la Russie?

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La mer Baltique - « mer de l'OTAN » ou terrain de jeu stratégique de la Russie?

La mer Baltique reste un point névralgique de tensions géopolitiques, où l'OTAN comme la Russie poursuivent leurs intérêts stratégiques.

Par Elena Fritz

Source: https://www.pi-news.net/2024/12/die-ostsee-nato-see-oder-...

Avec l'adhésion de la Suède et de la Finlande à l'OTAN, les stratèges occidentaux espéraient transformer la mer Baltique en une «mer de l'OTAN». Mais les développements actuels montrent que la Russie n'abandonnera pas ces eaux sans se battre.

Selon l'éditorialiste Elisabeth Braw de Foreign Policy, la guerre électronique (GE) russe en mer Baltique entrave considérablement la fonctionnalité des systèmes d'identification et de navigation automatiques des autres nations. Cela a des conséquences non seulement en termes de sécurité, mais aussi en termes économiques. Par exemple, les systèmes mondiaux de navigation par satellite (GNSS) génèrent environ 17,2 milliards de dollars US par an pour l'économie britannique. Mais l'activité constante de l'EE russe au cours des trois dernières années réduit considérablement ces revenus.

L'ancien commandant de la marine danoise, Nils Wang, confirme : « Les Russes font ça très bien ». Déjà en mai 2022, l'organisation C4ADS, basée à Washington, a identifié depuis février 2016 un total de 9883 cas d'usurpation de GPS dans dix zones, impliquant 1311 navires civils.

Ces interférences compliquent la tâche de l'UE et des États-Unis pour surveiller le transport de pétrole russe à travers la mer Baltique. Les marins européens qui s'appuient sur la navigation par satellite ont de plus en plus de mal à identifier ces navires et donc à contrôler le volume des livraisons de pétrole russe. Braw résume avec justesse: «La mer de l'OTAN ne sera jamais calme».

Depuis l'époque de Pierre le Grand, la mer Baltique est une voie maritime d'importance stratégique pour la Russie. L'idée qu'un ensemble de nations inamicales puisse « réguler » le trafic russe est inacceptable pour Moscou. Plus la Russie peut utiliser de moyens de pression asymétriques contre ses adversaires, mieux c'est pour ses intérêts stratégiques.

Les récents développements montrent que la mer Baltique est loin d'être une « mer pacifiée par l'OTAN ». Elle reste au contraire un champ de bataille central où s'affrontent des intérêts géopolitiques et où la Russie affirme sa présence et son influence.

Des incidents récents soulignent les tensions dans la région. Ainsi, un incident s'est produit en mer Baltique, au cours duquel un navire russe a tiré des munitions de signalisation sur un hélicoptère de la Bundeswehr. La ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock a abordé cet incident lors de la réunion de l'OTAN et a souligné la nécessité de renforcer la surveillance dans la région.

En outre, plusieurs câbles de données sous-marins ont récemment été endommagés en mer Baltique, ce qui a suscité l'inquiétude des pays de l'OTAN concernés quant à d'éventuels actes de sabotage. Le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius a exprimé le soupçon qu'il pourrait s'agir d'actes de sabotage intentionnels et a souligné la nécessité d'une vigilance accrue face aux menaces hybrides.

Ces événements illustrent le fait que la mer Baltique reste un point névralgique où se télescopent des tensions géopolitiques, où l'OTAN et la Russie poursuivent leurs intérêts stratégiques.

mardi, 03 décembre 2024

Le Tchad et le Réveil Souverain de l’Afrique

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Le Tchad et le Réveil Souverain de l’Afrique

Constantin von Hoffmeister

Source: https://www.eurosiberia.net/p/chad-and-africas-sovereign-...

La décision du Tchad de rompre sa coopération militaire avec la France dépasse un simple mouvement géopolitique isolé — elle constitue un acte décisif de libération vis-à-vis de l'ordre postcolonial qui a longtemps attaché une grande partie de l’Afrique à l’hégémonie occidentale. Annoncée après une rencontre entre le président Mahamat Idriss Déby et le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, à N'Djamena, cette décision marque la maturation de la souveraineté tchadienne. Le ministre des Affaires étrangères, Abderaman Koulamallah, a souligné que le Tchad est désormais une puissance autonome, déterminée à façonner ses politiques étrangères et militaires en fonction de ses intérêts nationaux, affranchie de toute tutelle extérieure.

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Ce tournant est emblématique du réveil de l’Afrique dans un monde de plus en plus marqué par la multipolarité. Le moment unipolaire, qui visait à intégrer le Sud global dans une vision monolithique de la modernité, s’érode. Le rapprochement du Tchad avec Moscou plus tôt cette année, culminant avec une rencontre personnelle entre le président Déby et Vladimir Poutine, ainsi que l’inauguration d’une Maison Russe à N'Djamena en présence du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, illustre une réorientation des alliances. Ces actions ne sont pas de simples ajustements, mais l’expression d’une quête plus large des nations africaines pour redéfinir leurs rôles au sein d’un ordre mondial non plus dicté uniquement par les puissances occidentales.

Militairement, les actions du Tchad révèlent les contours de cette transformation. Ayant auparavant compté sur les avions Rafale français pour réprimer les dissidences internes, le Tchad construit désormais son autosuffisance à travers des partenariats avec la Turquie, qui fournit des avions d’attaque au sol et des drones, et avec les Émirats arabes unis, qui l’aident à acquérir davantage de drones. Cette diversification symbolise un rejet plus large de la dépendance. Elle reflète une Afrique qui cherche à gérer ses défis sécuritaires non pas en tant que cliente de puissances lointaines, mais comme architecte de son destin. L’intérêt de la Hongrie à déployer des soldats au Tchad, ostensiblement pour le contrôle migratoire, illustre la complexité croissante des engagements internationaux dans une région désormais ouverte à une variété d’acteurs.

Pour la France, la décision du Tchad est un coup dur, non seulement sur le plan pratique mais aussi sur le plan symbolique. Paris, autrefois arbitre incontesté de la géopolitique au Sahel, fait face à la perte progressive de son influence. Bien que le ministre tchadien des Affaires étrangères ait déclaré que la rupture n’est pas absolue, contrairement au rejet catégorique de la présence française par le Niger, l’incertitude entourant l’avenir des relations bilatérales — qu’elles soient purement économiques ou incluent une coopération militaire résiduelle — met en lumière la fragilité de la position française. Cela fait partie d’un bilan plus large pour l’Occident, qui doit affronter la réalité de son déclin dans des régions qui étaient autrefois des bastions de son pouvoir.

Le chemin emprunté par le Tchad n’est pas isolé, mais s’inscrit dans une trajectoire africaine plus vaste, dans un monde en profond réalignement. L’annonce par le Sénégal de son intention d’expulser les troupes françaises témoigne d’un changement similaire, et à travers le Sahel et au-delà, le désir de souveraineté devient une force irréversible. Dans le contexte d’un monde multipolaire, l’Afrique s’affirme non comme un participant passif, mais comme un acteur actif, forgeant des partenariats qui servent ses intérêts tout en rejetant les cadres hiérarchiques d’autrefois. L’avenir du continent réside dans sa capacité à naviguer dans cet ordre émergent, où aucun pôle unique ne domine et où le réveil de la souveraineté sert de pierre angulaire à sa résurgence. Longtemps considérée comme un terrain de domination extérieure, l’Afrique émerge désormais comme une frontière de possibilités dans l’architecture d’une nouvelle ère mondiale.