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mardi, 29 décembre 2009

Notes relatives à l'"essai sur Pan" de James Hillman

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1999

Pan_jpg_412053.jpgNOTES RELATIVES A L'«ESSAI SUR PAN» DE JAMES HILLMAN

 

L'HOMME ET SON «ALTER EGO»: NATURE ET ECOLOGIE

 

par Alessandra COLLA

 

1. JAMES HILLMAN ET SON «ESSAI SUR PAN»

 

Hillman, comme tous les psychologues et psychanalystes, sent le soufre, d'après l'opinion d'un certain milieu dominé par une dévotion bornée envers des maîtres à la valeur indiscutable mais aux opinions contestables (la polémique est dirigée manifestement ici contre les évoliens, ou les évolomanes, comme on préfere, mais ne se limite pas à ce seul groupe). Nous ne pouvons ni ne voulons, en ce lieu, entamer une étude poussée sur les théoriciens de la psychanalyse et ses écoles: c'est une thématique qui requiert à tout moment un débat serein, qui exige de mettre entre parenthèses (à la façon de Husserl) les points de vue personnels et les conditionnements idéologiques; autrement dit, dans la thématique qui nous préoccupe ici, il vaut mieux s'abstenir.

 

Revenons à James Hillman: jungien et diablement critique envers la psychanalyse officielle, Hillman pousse les thèses du maître jusqu'aux conséquences les plus radicales en dépassant les limites psychanalytiques les plus rigoureuses de la doctrine de Jung. Hillman atteint ainsi des profondeurs insoupçonnées. Dans cet Essai sur Pan, édité en 1972 (*), Hillman s'interroge sur la signification du mythe de Pan et sur la valeur allégorique de la Grèce en tant que lieu éthéro-temporel mythique par excellence. En examinant l'œuvre de W. H. Roscher, philologue et érudit allemand, ami de Nietzsche, Hillman nous aide à comprendre le sens actuel du retour à la Grèce  et l'impact prodigieux qu'exercent encore aujourd'hui sur nous (et en nous) la mythologie classique en général et, en particulier, la figure de Pan, dieu sylvestre.

 

2. qUI EST PAN?

 

Même les anciens et les classiques ne pourraient répondre avec exactitude à cette question: certes, Pan est le dieu naturel par excellence, aux origines incertaines et au pouvoir de se trouver partout, là où il y a la Nature dans la nature, à tout endroit où la dimension sacrée et divine de la première se reflète et se concrétise dans la seconde. Le milieu de Pan «est en même temps un paysage intérieur et une métaphore, et ne relève pas de la simple géographie. Son lieu d'origine, l'Arcadie, est une localité autant physique que psychique. Les sombres cavernes  où on pouvait le croiser (...) furent élargies par les néoplatoniciens jusqu'à déterminer les replis naturels les plus reculés, où résident les impulsions, les sombres percées mentales d'où naissent le désir et la panique. Son habitat, et celui de ses compagnons, dans le monde ancien et dans ses formes romaines plus tardives (Faune, Sylvestre), était toujours constitué de ravins, de cavernes, de bois et de lieux sauvages; jamais on ne le retrouve dans un village, jamais dans des parcelles cultivées et clôturées par les hommes; seules les cavernes pouvaient abriter ses sanctuaires, jamais des temples édifiés.

 

C'était un dieu des bergers, un dieu des pêcheurs et des chasseurs, c'était un vagabond privé de cette stabilité que procure l'ascendance (...). Son père est, successivement, Zeus (Jupiter), Uranus, Chronos, Apollon, Hermès, ou encore la compagnie des prétendants de Pénélope (...). Une tradition lui donne pour père Ether, la ténue substance invisible, et pourtant ubiquitaire, dont le nom désignait, dans la plus haute antiquité, le ciel lumineux ou le temps à l'heure de midi (p. 50), traditionnellement considéré comme l'heure de Pan (aux moines médiévaux on recommandait de se garder surtout du “Démon de Midi”...).

 

La kyrielle des ascendances probables de Pan suggère la multiplicité de ses attributs, somme toute exprimés par le mot que le nom du dieu évoque: Pan, en grec: tout. Et chaque fois, Pan manifeste toutes les facons d'être de l'homme: artiste, violeur/amant, guerrier, berger... ou, si on préfère, l'homme qui crée, qui aime et possède, qui agit et qui détruit, l'homme qui produit. Dans son essai, Hillman s'attaque aux aspects les plus obscurs de la personnalité complexe de Pan, même aux aspects qui sont probablement les plus désagréables pour l'homme occidental hyper-rationaliste: le cauchemar en tant que manifestation païenne par excellence, l'expérience de la peur totale et irrépressible —ce qu'on appelle la peur panique—  la masturbation, le viol. Ici nous nous occupons éminemment de l'essence de Pan comme dieu de la Nature/nature, dans son acception la plus large et, donc, la plus facilement intégrable à notre temps.

 

3. LE «RETOUR A LA GRèCE»

 

Le préambule choisi par Hillman pour son enquête est le «retour à la Grèce», là où, par Grèce, on entend stricto sensu le berceau de la culture (de la Weltanschauung)  propre à l'homme occidental contemporain. Cette acception de la Grèce, en fait, ne nous satisfait pas pleinement. S'il est vrai que, comme cela paraît être le cas sur base d'innombrables preuves et enquêtes savantes (on songe à Dumézil, à Günther, à Romualdi par exemple), la Grèce en tant que phare de civilisation commence à rayonner après le choc de l'invasion dorienne, c'est-à-dire après la fécondation spirituelle opérée par des peuples venus d'un Nord qui devint immédiatement l'objet de mythes et de légendes (Thule, Hyperborée...). Si tout cela est vrai, alors la polémique entre le Nord et le Sud, entre la Baltique et la Méditerranée me paraît donc privée de tout sens.

 

La matrice est une et, comme d'un même ventre peuvent naître des personnalités tout à fait différentes les unes des autres, il en va de même de la rencontre/collision entre l'ancestrale Weltanschauung des peuples doriques venus du Nord et les réalités concrètes: ethniques, sociales, historiques, géographiques (géopolitiques?).  De cette rencontre-collision peuvent avoir surgi des cultures originales, parfois très éloignées de l'esprit de départ, voire tellement éloignées de l'esprit d'origine qu'elles en représentent l'absolue négation! En tout cas, au-delà des valeurs intérieures de chacun, le fait de vivre en Occident  aujourd'hui  —(c'est une convention, bien sûr, et donc une définition, un quelque chose qui pose des fines, des frontières, des limites)—  implique une série de coordonnées difficilement réfutables et chargées, en bien comme en mal, d'Histoire et d'histoires, de résidus pouvant fixer, sur le plan des faits, le point géométrique que chacun de nous représente. Ensuite, savoir comment chaque individu ressent, comprend et vit le fait d'être un point est une question strictement subjective. Mais revenons à la Grèce en tant que berceau de la culture occidentale. Voici comment Hillman introduit la thématique:

 

« Quand la vision dominante, qui régit une période de la culture, commence à s'ébrécher,1a conscience régresse et se porte vers des réceptacles plus anciens, part en quête de sources de survie qui offrent, en même temps, des sources de renaissance (...), le fait de regarder en arrière permet d'aller en avant, car le regard du passé ravive la fantaisie de l'archétype de l'enfant, fons et origo, qui représente tantôt l'image de la faiblesse désarmée, tantôt l'éclosion du futur (...). Notre culture offre deux voies alternatives de régression auxquelles on a imposé les noms d'hellénisme et d'hébraisme: elles représentent les alternatives psychologiques de la multiplicité et de l'unité (...).

 

Le mental ainsi perturbé souffre, bien entendu, d'autres élucubrations. Les multiples solutions suggérées par l'hellénisme et l'épilogue unique que nous offre l'hébraïsme ne sont pas les seuls aboutissements possibles au dilemme pathologique de la spiritualité occidentale. Il y a la dérive vers le futurisme et ses technologies, la conversion à l'Orient et à l'intimisme, l'évolution de l'Occidental hyper-rationalisé en un être primitif et naturel; il y a aussi l'ascension spirituelle et l'abandon du monde en quête d'une transcendance absolue. Mais ces alternatives sont bien simplistes (...), elles négligent notre histoire et les droits que ses images nous inspirent; en outre, elles incitent à refouler les difficultés au lieu de les affronter sur un terrain culturel fertile à structure variée (...). L'hébraisme ne parvient pas à endiguer le dilemme actuel, simplement parce qu'il est beaucoup trop enraciné, trop semblable à notre vision du monde (1): il y a une Bible dans la chambre à coucher de tout jeune nomade, là où l'Odyssée serait mieux à sa place. Dans la tradition consciente de notre “moi” il n'y a aucun renouveau, il y a seulement l'ancrage d'habitudes stériles issues d'un mental monocentrique qui tente de préserver son univers à l'aide de sermons culpabilisants. Mais l'hellénisme véhicule la tradition de l'imaginaire inconscient (...).

 

Si, dans notre désagrégation, nous ne pouvons pas insérer tous nos fragments dans une psychologie égotiste monothéiste, ou si nous ne parvenons plus à nous illusionner par le futurisme progressiste ou par le primitivisme naturel, qui fonctionnaient si bien avant, et si nous avons besoin d'une quintessence aussi élaborée que notre raffinement, alors nous nous retournons vers la Grèce (...). Mais la Grèce que nous recherchons n'est pas la Grèce littérale (...). Cette Grèce renvoie à une région psychique, historique et géographique, à une Grèce fabuleuse ou mythique, à une Grèce qui vit à l'intérieur de notre mental (...). La Grèce subsiste comme un paysage intérieur (...), comme une métaphore du royaume imaginaire qui abrite les archétypes sous forme de dieux (...). Nous sortons complètement de la pensée temporale et de l'historique pour aller vers une région allégorique, vers une multitude de lieux différents, où les dieux se trouvent maintenant, et non quand ils furent  ou quand ils seront  (p.11-16)».

 

Il nous semble que cette image est indiscutablement claire. Du tréfonds de nos angoisses et de nos égarements, de la désolation de la culture triomphant sur la Nature, de la misère du monde nietzschéen où Dieu est mort, les dieux s'élèvent au premier plan. La puissance de ces figures définies avec dédain comme paiennes est telle qu'elle franchit toute trace moralisatrice ou tout préjugé critique: déjà en des temps insoupçonnés, certains auteurs chrétiens ont subi la fascination de la Grèce, classique ou non classique, tant et si bien que les pères de l'Eglise se chamaillèrent longtemps pour établir si, oui ou non, on pouvait permettre aux chrétiens de lire les textes littéraires et philosophiques païens, ne fût-ce que pour des motifs d'étude.

 

En plein Moyen Age, la religieuse éclairée Hroswitha de Gandersheim aborda le licencieux auteur grécisant Thérence, pour casser le pain de la morale chrétienne à son aride et inculte troupeau de pécheurs. Mais pourquoi choisir précisément Pan comme sceau distinctif de ce rapprochement à la Grèce? Pourquoi choisir exactement l'expression la plus brutale de l'esprit dionysiaque plutôt que la sublime pureté de l'esprit apollinien? Hillman nous explique: «Le choix de Pan comme guide du retour vers la Grèce imaginaire est historiquement correct. Au fait, il a été dit que le grand dieu Pan est mort quand le Christ devint le souverain absolu. Des légendes théologiques les représentent toujours en dure opposition, et le conflit se poursuit éternellement, puisque la figure du Diable n'est rien d'autre que celle de Pan, vue à travers l'imaginaire chrétien.

 

La mort de l'un signifie la vie de l'autre, dans un contraste que nous voulons clairement exprimé dans les iconographies de chacun, en particulier si l'on considère leurs parties inférieures: l'un dans une grotte, l'autre sur la Montagne; l'un possède la Musique, l'autre la Parole; Pan possède des pattes velues, le pied caprin, il exhibe un phallus; Jésus a les jambes brisées, les pieds percés, il est asexué (2). Les implications de l'opposition Pan/Jésus se présentent chargées de difficultés pour le simple individu. Comment approcher l'un sans renverser l'autre de façon tellement radicale que la tentative de rentrer dans le monde “panique” de la fantaisie naturelle ne devienne pas le culte satanique d'un Aleister Crowley?

 

On ne peut se débarrasser de l'histoire chrétienne, mais cela nous emmène à voir le monde de Pan comme une libération idéalisée ou comme quelque chose de païen, de démoniaque qui, dans le langage moderne, devient inférieur, instinctif, involontaire. La façon dont chacun réagit à l'appel de Pan et est mené en Grèce par ce dieu velu des espaces sauvages, dépend entièrement de sa conscience chrétienne civilisée, comme si notre unique possibilité de traverser le pont impliquât de notre part le rejet des préjugés qui tuèrent Pan» (p.18).

 

4. POURQUOI LE MYTHE?

 

Bien entendu, cela peut paraître étrange qu'une discipline considérée comme scientifique (même si c'est à tort) ait recours au mythe. Mais la psychologie analytique théorisée par Jung est bien loin du froid scientisme qui est le propre du milieu psychologique dans son acception moderne et, à plus forte raison, l'orientation de Hillman en est encore davantage éloignée. L'inconscient auquel se réfère le disciple rebelle de Freud est décidément loin de l'inconscient/subconscient théorisé par le fondateur de la psychologie. En fait, d'après Freud et son école, l'inconscient serait une espèce de compartiment du moi  existant en-dessous du seuil de la conscience. Par contre, Jung affirme qu'il existe deux niveaux dans l'inconscient. Il fait, en effet, la distinction entre un inconscient personnel et un inconscient impersonnel ou suprapersonnel (3).

 

Généralement, ce deuxième niveau de l'inconscient est connu comme l'inconscient collectif, justement parce qu'il est détaché de tout ce qui est personnel; il a un caractère universel et ses contenus peuvent être repérés partout (4). Les contenus de l'inconscient collectif sont les “archétypes”, les images originelles et primordiales fixées au cours de l'histoire de l'humanité, qui constituent le patrimoine commun du vécu instinctif, émotionnel et culturel (5). Pour reprendre les paroles de Jung, l'archétype est une sorte de prédisposition à reproduire toujours les mêmes représentations mythiques (ou fort ressemblantes)  (...).

 

Les archétypes ne sont en apparence pas seulement les traces d'expériences typiques sans cesse répétées: ils agissent aussi, même si c'est de façon empirique, comme des forces  ou des tendances  aspirant à répéter toujours les mêmes expériences. Chaque fois qu'un archétype apparaît dans un rêve, dans l'imaginaire ou dans la réalité, il est assorti d'une certaine influence, ou d'une force, grâce à laquelle il agit numineusement, c'est-à-dire comme une force ensorcelante ou comme une incitation à l'action» (6). La manière dont Jung parvint à développer la psychanalyse dans une direction qu'il serait bon de définir comme traditionnelle  est donc claire: la mise au premier plan de l'importance capitale des symboles et des mythes qui leur sont liés.

 

La très particulière psychologie des profondeurs  jungienne (7) par ailleurs, se réfère à la mythologie de façon tout à fait originale: pour elle, les thèmes et les personnages de la mythologie ne sont pas de simples objets de connaissance, mais plutôt des réalités vivantes de l'être humain, qui existent en tant que réalités psychiques ajoutées, peut-être même avant leur expression historique et géographique. La psychologie des profondeurs se réfère à la mythologie surtout pour se comprendre soi-même dans le présent plutôt que pour apprendre sur le passé des autres (p.27). Naturellement, cette définition du mythe et son étude sont nettement en opposition avec les théories académiques conventionnelles sur ce thème. Hillman condamne surtout ce qu'il considère lui-même comme prééminent parmi les différentes erreurs de lecture, c'est-à-dire  —ajouterions nous—  la simplification outrancière de la psychologie et de la psychanalyse à une clé d'interprétation minimo-matérialiste: «la complexité d'un mythème ou d'un de ses personnages est présentée comme la description d'un procès social, économique ou historique, ou encore comme le témoignage pré-rationnel d'un certain engagement philosophique ou d'un enseignement moral. Les mythes sont considérés comme des exposés métaphoriques (et primitifs) de sciences naturelles, de métaphysique, de psychopathologie ou de religion» (p. 28).

 

Cette interprétation, outrageusement scientiste, dépouille le mythe de toutes ses valeurs transcendantes et l'oblige à suivre une optique stérile, asservie à des normes d'interprétation d'une valeur objective douteuse et à des modalités idéologiques et culturelles patentes. Au contraire, la grandeur du mythe réside justement dans le fait d'être un mythe:  l'académisme pur, avec sa manie dévastatrice d'affirmer et d'imposer des compétences scientifques, oublierait-il (ou fait-il semblant d'oublier) qu'avant chaque imputation de la signification mythique, il y a le mythe lui-même et l'effet absolu qu'il produit dans l'âme humaine laquelle, avant toute chose, a créé le mythe et par la suite l'a perpétué en l'enrichissant?...

 

Et l'âme recommence à rêver de ces thèmes dans sa fantaisie, dans ses structures comportementales et méditatives» (p. 28). A ce point surgit, dans toute sa vitalité, la force hiératique du mythe dans sa dimension propre, et non dans une dimension fanée de légende. Cette dimension vitale et propre déborde d'une authentique réalité psychique et d'un vécu émotionnel concret. Et, d'après Hillman, c'est là justement que naît la possibilité d'accès au mythe: «L'approche primaire du mythe doit donc être psychologique car le psychique est aussi bien sa source originaire que son contexte perpétuellement vivant (...) Une approche psychologique signifie textuellement ceci: une voie psychique vers le mythe, une connexion avec le mythe qui opère à travers l'âme (...). Seulement quand le mythe prend une importance psychologique, il devient une réalité vivante, nécessaire tout au long de la vie» (p. 28-29).

 

5. MYTHE, RAISON ET RELIGION.

 

La connaissance est réciproque. On peut donc dire: le mythe à travers nous et nous à travers le mythe. Même aujourd'hui, surtout  aujourd'hui quand les instances illuministes ramenées aux conséquences extrêmes, mettent à plat, avec leurs illuminations soi-disant démystifiantes, les contours des cathédrales de l'esprit d'avant 1492 (8), il y a grand besoin de mythes. En absence d'autre chose, on s'accroche aux superstitions, aux bigoteries, aux parodies du sacré. Tout est bon, du moment qu'on n'est pas seuls face au désert...

 

Deux millénaires d'empoisonnement par les béatitudes  n'ont pourtant pas suffi à déraciner du tréfonds de notre âme l'appel ancestral des mythes et des dieux, oubliés mais non pas anéantis pour autant: en plein positivisme, entre le XIXième et le XXième siècle, le philologue Roscher, dans son Lexique général de la mythologie grecque et romaine,  réunit et catalogue minutieusement tout le précieux passé païen que le judéo-christianisme s'était juré de déloger»  (p.33-34).

 

De déloger mais pas de supprimer. On ne peut pas faire abstraction du mythe: «Nous devons reconnaître les dieux et les mythes qui nous tiennent (...). Quand le Christ était le Dieu agissant, il suffisait de reconnaître ses configurations et celles du Diable. Pour nos méditations, on disposait de la structure chrétienne» (p. 34-35). Mais le mythe-Christ s'est dispersé (éventuellement, on peut s'étonner qu'il ait pu se développer dans des zones géographiques et culturelles tellement éloignées de celle de son origine et qu'il ait pu durer si longtemps), et d'autres (pseudo)mythes, humains trop humains, l'ont remplacé; au moment où tout est en passe de s'effondrer, au moment où rien ne paraît plus avoir de signification, voilà que le mythe d'une époque qui était déjà antique quand le Dieu Unique fit son apparition semble assez ancien et fondateur pour contenir une vérité encore actuelle qui mérite d'être étudiée, peut-être même recèle-t-elle une nouvelle foi sur laquelle tabler son futur credo. La boucle se resserre.

 

6. NATURE ET CULTURE

 

james%20hillman.jpgLes racines de la dichotomie nature/culture plongent dans un passé des plus anciens: plus loin que la philosophie des Lumières, plus loin que Descartes, plus loin même que le Christianisme. Il faut peut-être remonter à Platon, pour qui “rien n'est nature” mais “tout est réflexe hyper-ouranien”, ou même encore plus loin: «La tradition philosophique occidentale, depuis ses débuts pré-socratiques et dans l'Ancien Testament, a gardé un préjugé contre les images (...) leur préférant les abstractions de la pensée. Au cours de la période qui voit l'essor de Descartes et des Lumières, pendant laquelle on assiste au maintien de ce caractère purement conceptuel de la pensée occidentale, la tendance récurrente du mental à procéder à la personnification des concepts fut dédaigneusement rejetée et accusée d'anthropomorphisme. L'un des principaux arguments contre le mode mythique de la pensée était de prétendre que celui-ci progressait par images, qui sont purement subjectives, personnelles et sinueuses (...). Personnifier signifiait penser avec véhémence, de façon archaïque, pré-logiquement» (p.55-56) (9).

 

De même, parmi les nombreuses religions, connues et inconnues, que notre planète a vu naître et disparaître, la presque totalité de celles dites païennes ou polythéistes ont reconnu et attribué une grande importance à la Nature et à ses manifestations: rochers, plantes, animaux et phénomènes atmosphériques  —autant de morceaux d'une mosaïque aux proportions grandioses ou, du moins, hors d'atteinte du croyant. Seuls les monothéistes négligent de prendre en considération le naturel  —le matériel—  et lui préférent l'au-delà de la terre, le spirituel, dans un rejet arbitraire et castrateur de la fusion réelle qui existe entre ces deux aspects: «Le mythe grec instaura Pan comme dieu de la Nature (...). Tous les dieux avaient des aspects naturels et pouvaient être retrouvés dans la Nature, c'est ce qui a induit certains observateurs à conclure que l'ancienne religion mythologique était essentiellement une religion naturelle; quand celle-ci a été refoulée et exclue, par l'avènement du Christianisme, l'effet majeur fut de réprimer le représentant principal de la Nature dans le panthéon antique, Pan, qui bientôt devint le Diable velu aux pieds de bouc» (p.49).

 

Cette attitude dévoyante dans la pensée a caractérisé des siècles de culture occidentale, en lui apposant de façon irréversible le sceau de la partialité et du malaise: «Quand l'humain perd la connexion personnelle avec la Nature personnifiée et l'instinct personnifié, l'image de Pan et l'image du Diable s'enchevêtrent. Pan ne meurt jamais, affirment plusieurs commentateurs de Plutarque, il a été destitué» (p.59). Ce n'est qu'aujourd'hui, et péniblement, qu'on (re)découvre la Nature, le milieu où nous vivons: ainsi est née l'écologie. Mais c'est quelque chose de trop récent et que la plupart des hommes perçoivent encore improprement.

 

Ce qui importe, c'est que Pan, qui n'est pas mort mais a été destitué, continue à vivre dans nos cœurs. Il faut donc comprendre l'énorme portée de la reconnaissance (même inconsciente) de Pan en tant que symbole des forces les plus naturelles  qui soient  —et souvent réprimées à cause même de leur naturalité; et ces forces sont latentes bien que très vivantes dans nos cœurs à nous, si civilisés, si “comme-il-faut”, si maîtres de nous-mêmes, si détachés de tout ce qui frémit et de tout ce qui s'agite à l'intérieur de nos cœurs, si supérieur à cause de notre cerveau plein de morgue! Même si on ne s'en rend pas vraiment compte, ou même si on refuse a priori une telle éventualité, que cela nous plaise ou non, “en tant que Dieu de toute la Nature, Pan personnifie pour notre conscience ce qui est absolument, ou tout simplement, le naturel pur. Le comportement naturel est divin, c'est un comportement qui dépasse le fardeau que s'imposent les hommes, celui des buts à atteindre, des performances à viser: le naturel est entièrement impersonnel, il est objectif et inexorable» (p. 52).

 

Ce n'est donc pas un hasard si Pan, en tant que dieu naturel/dieu de la Nature rebondit soudain et revient  solliciter l'attention de l'homme cultivé, dans le cadre de cette même confrontation avec le problème sexuel qui émergeait alors (entre 1890 et 1910) chez bon nombre de psychologues (...): Havelock, Ellis, Auguste Forel, Ivan Bloch et évidemment Freud; pour ne pas parler de l'œuvre de peintres et sculpteurs qui, à la fin du siècle, redécouvraient le phallique satyre à la silhouette de bouc dans les états les plus intimes des pulsions humaines» (p.49).

 

Et ce n'est pas par hasard non plus si Pan, comme nous le prouve la spécialiste Patricia Marivale (11), a été la figure grecque préférée de la poésie anglaise  (p.49), surtout au siècle passé: n'y a-t-il pas de meilleure revanche de la Nature sur la froideur compassée, hypocrite et puritaine d'Albion? Non licet bovi quod licet lovi:  ce dont il n'était pas permis de parler dans les salons de la bonne société était soudain bien accepté dans la bouche des poètes et des intellectuels, dont la divine folie était déjà évoquée par Hölderin, et devenait même l'objet d'enquêtes philosophiques grâce à Schelling.

 

7. LA FACE CACHÉE DE PAN

 

On ne peut pas parler de Pan et de sa charge irrésistible de vitalité animale sans évoquer d'autres figures qui font fonction de contrepoids à la férocité et à l'âpre rusticité du dieu velu et cornu: les nymphes. Sans elles, Pan ne pourrait pas expliquer son agressivité (même sexuelle) et, en l'absence de Pan, les nymphes ne seraient plus, comme le suggère Roscher, que “la personnification de ces filaments et de ces bancs de brouillard suspendus sur les vallées, les parois des montagnes et les sources, qui voilent les eaux et qui dansent au-dessus d'elles”» (p. 103). Un autre spécialiste, W. F. Otto (12)  —tout en acceptant l'hypothèse étymologique du mot nymphe  dans sa signification de jeune fille accomplie  ou de demoiselle, puisque le mot signifie se gonfler, comme le fait un bourgeon; il est donc proche de notre adjectif nubile  (= célibataire), mais non du mot nébuleux—   rattache la nymphe de façon mythique à Artémis et au sommet grec de l'Aidos, la honte, une discrète timidité, une tranquille et respectueuse peur de et pour la Nature. W. F. Otto représente ce sentiment comme le pôle opposé à la convulsivité prépondérante de Pan (aussi dieu de l'épilepsie)» (p. 103-104).

 

La plupart des nymphes n'ont pas de nom: elles nous sont connues dans leur ensemble impersonnel, en tant que symboles du paysage intérieur que nous évoquions plus haut. Parmi celles qui ont un nom, rappelons Seringa (liée à l'invention de l'instrument musical homonyme, cher à Pan, la flûte ou syringa);  Pitis (nymphe du pin: la pomme de pin, ne l'oublions pas, est symbole de fertilité en raison de sa forme et de son abondance de graines); Eco (dépourvue d'existence autonome; dans son rapport avec Pan, elle n'est autre que Pan lui-même, revenu sur soi, comme une répercussion de la Nature qui se réfléte sur elle-même, p. 105); Euphème, nourrice des Muses (le nom d'Euphème signifie gentil dans le langage, bonne réputation, silence religieux. A partir de cette racine, nous avons le terme euphémisme, le bon usage de la parole, où la malignité et le malheur sont transformés et atténués par un “bon usage” du verbe. L'usage approprié de l'euphémisme nourrit les Muses et il est à la base de la transformation de la Nature en Art; p. 105-106).

 

Mais au-delà du symbole, comment peut-on superposer la figure hétérogène des nymphes à la figure totale/totalisante (13) de Pan? Hillman rappelle la “thèse orphique” d'après laquelle “les opposés sont identiques”. «Pan et les nymphes ne forment qu'un tout» (p. 105). Nous suggérons l'hypothèse que Pan est la Nature dans sa globalité subtile, dans son irrépressible séquence de phénomènes souvent incompréhensibles auxquels l'homme, étonné, attribue des spécificités menaçantes, violentes, aveuglément furieuses, voire de destruction immotivée; les nymphes, qui acquièrent un sens, de la consistance et même un nom seulement à travers leur relation avec Pan, sont les arbres, les ruisseaux, les rochers, comme une manifestation paisible, réflétant cette Nature elle-même, toujours prête à secourir ses créations: «(...) Pan et les nymphes avaient (...) leur fonction dans un type spécial de divination thérapeutique. Les sources et les lieux de convalescence thérapeutique pour les malades avaient leur spiritus loci:  d'habitude étaient personnifiés par une nymphe (p. 112)». Voilà pourquoi Pan et les nymphes ne font qu'un: ils existent l'un en fonction des autres et vice-versa, dans un jeu inépuisable de réflexes et de renvois. Les Orphiques, Héraclite, Kali en Inde, qui crée et qui détruit: c'est la ronde cyclique, c'est la Loi.

 

8. SI PAN MEURT, LA NATURE MEURT

 

C'est à Plutarque qu'on doit le récit qui annonce la mort de Pan et propage la nouvelle dans l'ancien monde du Bas-Empire, désormais envahi par le Christianisme. Avec Pan disparaissent aussi les jeunes filles qui exprimaient librement les vérités naturelles, puisque la mort de Pan signifie aussi celle des nymphes. Et pendant que Pan se transformait en diable chrétien, les nymphes se changeaient en mégères et la prophétie devint sorcellerie. Les messages que Pan envoyait au corps de l'homme deviennent des impulsions diaboliques, et toute nymphe évoquant de telles attirances ne pouvait être autre chose qu'une sorcière» (p. 111-112). La mort de Pan est la mort des nymphes et, avec elles, disparaît aussi la Nature dans son acception la plus représentative et la plus contemplatrice. La Nature ne mourra probablement jamais mais elle est en train de fléchir, minée comme elle est par la négligence et l'arrogance de l'homme. Mais la Nature, comme dit Hillman, n'est pas seulement celle qui est là, dehors, celle que des millénaires de conditionnement nous présentent comme quelque chose de totalement différent de nous, de “ganz anderes”  au sens de “diabolique” et de “caduc”.

 

La Nature/nature est aussi en nous et la comprendre pleinement (ou du moins essayer de se mettre en syntonie avec elle) signifie reconnaître et accepter la présence en nous du dieu sylvestre et des nymphes, de la vitalité instinctive qui est évidemment irrationnelle, et de la sereine réflexion médiatrice entre impulsion et action. La voie vers l'équilibre, à l'intérieur et à l'extérieur de nous, passe par la conscience d'être nous-mêmes porteurs de mythes, de vérités aussi anciennes que le chaos primitif, pour rester dans le champ de la mythologie classique. A cette époque, l'Univers est réellement une composition faite de contrastes, c'est le dépassement des divergences dans la transcendance de nos limites trop rationnelles et donc trop humaines.

 

Sans Pan, il n'y a pas de nymphes, et sans la perception globale de la Nature, il n'y a pas d'approche de la Nature: «Il n'y a pas d'accès à la psychologie de la Nature, s'il n'y a pas de connexion avec la psychologie naturelle de la nymphe. Mais quand la nymphe est devenue sorcière et la nature n'est plus qu'un nouveau champ d'investigation objectif, il en résulte une science naturelle, dépourvue d'une psychologie naturelle (...) .Mais la nymphe continue à œuvrer dans notre psyché. Quand nous faisons de la magie naturelle, nous recourrons à des méthodes de soin naturelles et nous devenons très sensibles à l'égard des faits de pollution et nous nous engageons pour la sauvegarde de la Nature; quand, par exemple, nous éprouvons de l'affection pour un certain arbre, un certain site, un certain endroit, quand nous essayons de recueillir des significations particulières dans le souffle du vent, ou encore quand nous nous adressons aux oracles en quête de réconfort, c'est alors que la nymphe accomplit son œuvre» (p. 112-113). Si la nymphe ne meurt pas, alors le grand Pan est toujours vivant.

 

9. SAUVER LA NATURE

 

Comment peut-on sauver la nature à l'extérieur de nous-mêmes et la Nature qui est en nous, en d'autres mots, sauver l'Homme dans l'homme? Hillman affirme que “le dieu qui porte la folie peut aussi nous délivrer d'elle”, et c'est justement à cette thématique qu'est dédié le dernier chapitre de son essai. Voici les passages les plus significatifs, pour clôturer ces notes, sans autres commentaires.

 

«Peut-être devrions nous relire la prière de Platon à Pan, citée comme épitaphe dans cet essai:

Socrate:

O cher Pan!

Et vous, les autres dieux de ce lieu,

donnez-moi la beauté intime de l'âme et,

quant à l'extérieur, qu'il s'harmonise avec mon intérieur

(Platon, Phèdre, 279 b).

La prière est formulée par Socrate dans un dialogue dont l'objet principal (très controversé) est la meilleure façon de débattre de l'éros et de la folie. Le dialogue, qui avait débuté sur la sombre berge d'un fleuve près d'une localité consacrée aux nymphes, s'achève avec Pan. Socrate s'allonge dans ce lieu, pieds nus. Il commence à parler en évoquant, comme d'habitude, le fait d'être toujours confronté à l'adage Connais-toi toi-même et à son sentiment d'ignorance devant sa véritable nature d'origine. A la fin, jaillit la prière qui exprime son appel à la beauté intérieure et qui pourrait mettre un terme à l'ignorance, puisque dans la psychologie platonique la vision de la véritable nature des choses détermine la vraie beauté.

 

Donc, Pan est le dieu capable de conférer ce type particulier de connaissance dont Socrate a tant besoin. C'est comme si Pan était la réponse à la question apollinienne sur la connaissance de soi. Pan est la figure qui constitue une transition et qui empêche ces réflexions de se scinder en des moitiés déconnectées, devenant ainsi le dilemme d'une nature sans âme et d'une âme sans nature: une matière objective là dehors  et les procès mentaux subjectifs à l'intérieur de nous. Pan et les nymphes gardent nature et mental ensemble (...). Toute institution, toute religion, toute thérapie qui ne reconnaît pas l'identité de l'âme et de l'instinct, comme Pan nous les présente, en préférant l'une à l'autre, insulte Pan et ne guérit pas (...) .

 

La prière à Pan de Socrate est aujourd'hui plus actuelle que jamais. En fait, nous ne pouvons pas restaurer un rapport harmonieux avec la Nature en nous limitant simplement à l'étudier. Et malgré le fait que nos préoccupations prioritaires soient d'ordre écologique, nous ne pourrons jamais les résoudre uniquement à travers l'écologie. L'importance de la technologie et de la connaissance scientifique pour la protection des phénomènes et processus naturels est hors de discussion, mais une partie du terrain écologique réside dans la nature humaine, dans le mental duquel dérivent les archétypes.

 

Si, dans le mental, Pan est refoulé, nature et psychè sont vouées à la dispersion totale, quels que soient nos efforts au niveau rationnel pour garder les choses en place. Si on veut restaurer, conserver et promouvoir la nature là dehors, la nature qui est en nous  doit aussi être restaurée, conservée et promue en mesure égale. Dans le cas contraire, notre perception de la nature extérieure, les actions que nous entreprenons envers elle et nos réactions vis-à-vis d'elle, continueront à connaître, comme pour le passé, les mêmes excès déchirants d'inadaptation instinctuelle. Sans Pan, nos bonnes intentions pour corriger les erreurs du passé auront pour seul effet de les perpétrer sous d'autres formes (p. 127-130).

 

Alessandra COLLA.

(Article paru dans Orion  n°48, septembre 1988, pages 500-507; trad. franç.: LD).

 

(*) J. Hillman, Essai sur Pan, Adelphi, Milan 1977; les numéros de pages entre parenthèses en fin de citations entre guimées, se réferent à cette édition, sauf indication différente.

 

1. Sur le rapport entre Occident, nihilisme et christianisme voir l'essai de Omar Vecchio Essence nihiliste de l 'Occident chrétien, Barbarossa, Saluzzo 1988.

 

2. A propos de ces dernières caractéristiques, qui diversifient Pan de Jésus, pensons aux brûlantes polémiques concernant le film de Martin Scorsese La dernière tentation du Christ, où la dernière tentation serait justement celle d'une vie pleine, en homme, pour le Dieu incarné: une vie génitale, procréatrice, productrice; d'ailleurs, sur la croix, Jésus s'imagine faisant l'amour avec Madeleine, se mariant avec elle, lui donnant des enf~nts, travaillant dans l'atelier de menuiserie et vieillissant avec les souvenirs. Mais cette plénitude abstraite, souhaitée et concédée même au dernier des pécheurs, apparaît comme un blasphème quand elle se réfère à celui qui, incarné, est contrait de goûter seulement aux bouchées les plus amères et déchirantes de l'humanité, conscient de l'impossibilité d'éloigner de soi cette coupe empoisonnée: c'est, du moins, la version officielle que l'Eglise nous offre du Christ et, par conséquent, le film de Scorsese ne peut qu'être mis à l'index. Cela suffirait à démontrer que, après tout, Scorsese n'était pas très loin de la vérité.

 

3. Carl Gustav Jung, Psychologie de l 'inconscient, Boringhieri, Turin, 1970, pages 115-116.

 

4. Ivi, page 116.

 

5. Cfr. D. D. Runes, Dictionnaire de philosophie, Mondadori (Oscar Studio), Milan, 1975, voix: lNCONSCENT COT .T FCTLF. Dans le même ouvrage, à la voix ARcHEmE ~ on peut aussi lire: les archétypes sont les images primitives déposées dans l'inconscient en tant qu'ensemble des expériences de l 'espace et de la vie animale qui les devancèrent.

1

 

6. G. Jung, oeuvre citée, p. 120 .

 

7. Le terme PSYCHOLOGE DU PROFOND veut indiquer les différentes formes de psychologie scientifque des phénomènes inconscients, et plus précisément la psychanalyse de Freud, la psychologie analytique de Jung et la psychologie individuelle de Adler. Cfr.: D. D. Runes, oeuvre citée, voix PSYCHOLOGE DU PROFOND.

 

8. Ici nous prenons l'année de la découverte de l'Amérique comme date de début de l'Ere Nouvelle, dans son acception la plus courante, avec tous ses apports humanistes et destructeurs pour chaque classification supérieure.

 

9. Le savant français Lucien Lévi-Bruhl appelle pré-logique la mentalité du primitif, qui serait caractérisée par l'absence de certaines structures logiques fondamentales, comme le principe de non-contradiction et le principe de raison suffisante; au contraire, la mentalité du primitif se conformerait au principe de participation, une espèce d'immense mysticisme envers la nature et dans le collectif (...) . Ces observations audacieuses tombèrent devant la réalité des faits: l'existence universelle du langage avec la surprenante richesse grammaticale et de syntaxe (...), la constatation, tout aussi universelle, de la production technique intentionnelle des instruments et la valeur certaine d'autres éléments culturels, qui indiquent clairement, même auprès des primitifs, la présence d'une rationalité pleine et normale. Le même Lévi-Bruhl reconsidéra les points fondamentaux de sa théorie dans une publication posthume en 1949 à Paris (Carnets de L. L.-B., P. U. F., aux soins de M. Leenhardt - nd.r.) (Guglielmo Guariglia, L'etnologia Ambito, conquiste e sviluppi., extrait, Editions PIME, Milan, s.i.d., p 17-18).

 

10.Rappelons en passant que la première partie du terme dérive du grec oikos et oikia (Cfr. :Indien ancien: veças; Latin: vicus; Gothique: vehis; Haut Allemand nouveau: Weich-bild = territoire), qui signifie demeure, temple, caverne, patrie (Cfr.: Gemoll, Vocabolario grecoitaliano).

 

1 l.Patricia Merivale, Pan the Go-at-God: His Myth in Modern Times, Cambridge, Harvard, 1969. Cité par Hillman.

 

12.Walter Friedrich Otto, historien des religions, auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels Die Musen (Darmstadt 1945), auquel Hillman se référe, et Der Geist der Antike und die cristl, Welt 1923 (traduction ital.: Spirito classico e mondo cristiano, La Nuova Italia, épuisé).

 

13.Une étymologie plausible du nom Pan est celle qui le fait dériver de l'adjectif grec pan (neutre, substantif; masculin: pas; féminin: pasa) qui signifie toute chose, tout, le tout. Mais Gemoll, à la voix :PAN, donne l'étymologie suivante: mot onomatopéique = père. En ce moment il m'est impossible de consulter les ouvrages de Rocci ou de Liddell-Scott.

 

 

 

lundi, 07 décembre 2009

Quand la "political correctness" veut "javéliser" Carl Gustav Jung...

jung.jpgArchives de Synergies Européennes - 1998

Quand la « political correctness » veut « javéliser » Carl Gustav Jung…

 

Une polémique stérile fait rage chez les Post-Freudiens pour acquitter Jung des ridicules accusations d’antisémitisme qui ont été portées contre lui…

 

Le temps est venu des grands nettoyages, ceux de fin de millénaire. Le grand lave-linge du politically correct voudrait bien récurer rapidement ce siècle de toutes les taches qui le maculent, un siècle qui se meurt, un siècle qui a connu des protagonistes des plus dérangeants o des plus inquiétants. Le premier d’entre eux fut Ernst Jünger, objet d'un article consternant rédigé par Sir Ralph Dahrendorf qui lui reprochait:

1. d'avoir le mauvais goût d'être encore en vie (à plus de cent ans) alors que nombre d'êtres d'élite, auxquels un baronnet de récente nomination comme lui n'avait rien à reprocher, sont déjà passés à l’autre vie depuis belle lurette,

2. d'être quelqu'un d'insensible et de dépourvu de sens moral, comme le démontre son absence de peur, son intérêt pour la mort qu'il a approché à plusieurs reprises avec un courage cynique.

 

Maintenant c'est au tour de Carl Gustav Jung, contre lequel on ressuscite, avec des airs de grande kermesse spéciale du printemps, l'ancienne accusation : « Jung est antisémite, parole de Freud ! ». Une accusation signée Marco Garzonio, toujours dans le Corriere della Sera. En réalité, l'article de Garzonio est moins critique qu'il n'en a l'air puisque, sans doute parce que ce Garzonio est le secrétaire d'une organisation jungienne, le CIPA (Centre Italien de Psychologie Analytique). Finalement, Garzonio arrondit les aspérités, il tient compte du contexte, bref, il s'évertue dans un habile et acrobatique exercice de ce sport typiquement italien : « ce que j’affirme ici, je le nie là ».

 

Polémique racialiste chez les pères de la psychanalyse

 

Toutefois, malgré toute sa circonspection, il rajoute du linge sale dans le programme de blanchisserie du politically correct. Car pour acquitter, du moins partiellement, notre bon vieux Jung (sous le label duquel Garzonio travaille comme analyste), il n'hésite pas à prendre en exemple le grand chef de la tribu psychanalytique, Sigmund Freud lui-même, incriminé d'avoir, en son temps, voulu investir du titre de fils héritier de la psychanalyse naissante, le dénommé Jung, justement parce qu’il était un bon et solide « Aryen ». En fin de compte, d'après Garzonio, il n'est pas si sûr que Jung ait été antisémite, bien qu'il ait aussi commis ses quelques petits pêchés (comme tout le monde à son époque). Mais ce qui est un fait acquis pour Freud, que les chevaliers du « politiquement correct » le veuillent ou non, c’est que les Juifs (comme lui) et les Aryens (comme Jung) n'étaient pas du tout de la même espèce: la race pour Freud comptait, et pas un peu!

 

Et alors ? Voilà qu’on propose à tous les analystes de commettre un beau parricide de concert, tous unis, freudiens et jungiens, pour fêter en toute amitié la fin de ce siècle où l’on a découvert l'inconscient. « Passons outre  —suggère Garzonio— les erreurs, même graves et diverses, que les fondateurs, grands esprits mais pourtant toujours humains, ont pu commettre. Nous, freudiens et jungiens de la troisième et quatrième générations, unissons-nous et engageons-nous dans le chemin de la réconciliation ! ».

 

Comment se réconcilier n'est pas très évident, mis à part le projet de se libérer des pères encombrants, projet qui a toujours caractérisé les fils, surtout si ces derniers sont des esprits médiocres. Cet article, qui nous présente le freudisme des origines comme étant le résultat d'un groupe de Juifs auxquels se superposèrent les Aryens de la bande à Jung, laisse supposer un rite de réconciliation pascale entre frères à l'intérieur de la tradition hébraico-chrétienne. Une problématique dans laquelle Garzonio excelle, en tant qu'interlocuteur préféré du cardinal Carlo Maria Montini, l'archevêque de Milan. Mais naturellement l'histoire, et même l'avenir, de la psychanalyse ne peuvent pas être réduites à des pures questions abstraites entre deux confessions différentes.

 

Jung : prendre en compte toutes les formes d’inconscient collectif

 

Depuis que Freud a crié haut et fort son projet de déblayage de la fange de l'inconscient, «Acheronia movebo», sa psychanalyse est devenue bien autre chose qu'une affaire juive. Quant au jungisme, grâce à son intuition et à sa reconnaissance du niveau collectif de l'inconscient ainsi qu’au lien fort, non sécularisé, qu’il entretient avec le sacré, il est pratiqué aujourd’hui tant par les psychiatres shintoïstes japonais que par les chefs Navajo aux Etats-Unis, par les médecins traditionnels, par les animistes en Afrique et par les Baba shivaltes du sous-continent indien.

 

Par conséquent, réduire les perspectives de la psychanalyse à une simple réconciliation entre Juifs et Chrétiens paraît franchement ridicule, même si certains analystes jungiens de la quatrième génération, en quête de renommée, y consacrent beaucoup d'énergie en faisant passer pour absolument inédite  —comme le fait Garzonio—  la vieille histoire d'après laquelle, dans le Club de Psychanalyse Analytique de Zurich, fondé par Jung, on a appliqué dans les années 30 et 40 une directive secrète qui limitait à 10% l'admission de membres de confession juive. Cette directive avait pour motivation et pour excuse qu’« en cas d'invasion de la Suisse par les Allemands, le Club risquait d'être dissous car considéré comme une communauté de confession juive ».

 

En réalité Jung, comme d'ailleurs Freud lui-même, craignait que l'analyse ne devienne une affaire propre à la communauté juive. [Ndlr : Tant Freud que Jung voulaient garder un caractère universel (et non pas universaliste) à la psychanalyse : les instituts de psychanalyse devaient compter des membres issus de toutes les communautés religieuses, des hommes et des femmes qui avaient connu des subconscients différents, modulés par des traditions diverses]. Ensuite, la directive de limiter le nombre d’analystes juifs à 10% ne fut jamais aussi secrète qu'on veut bien le faire croire: les anciens de Zurich nous l’ont toujours racontée, à chacun d’entre nous, les analystes de la troisième et quatrième générations, parfois avec un froncement de sourcil, parfois avec un pâle sourire du coin des lèvres, chargé de sous-entendus. La directive n'était pas unique en son genre non plus: le psychologue-analyste Andrew Samuels en a parlé longuement à Milan le 23 mars 1992, au cours d'une conférence publique au CIPA, l'association dont Garzonio est le secrétaire (et qui devrait donc le savoir mieux que les autres !). Andrew Samuels reprit même cette thématique dans son livre The Political Psyche (Routledge, Londres 1995). James Hillman y a répondu, voici déjà plusieurs années, entre autres dans le journal La Repubblica, sur un ton de mépris, aux insinuations contre Maître Jung.

 

Alors, si rien n'est interdit et tout a déjà été dit et contredit, pourquoi ressortir cette polémique ? Le cannibalisme des descendants, pressés de se partager les legs des ancêtres, n'explique pas tout, et d'ailleurs Garzonio est quelqu'un de bien trop adroit pour déraper de manière aussi théâtrale. Ce n'est pas son style. Le siècle et le millénaire sont presque à leur fin et ce n'est pas dans l'espace clos des cabinets des psychanalystes mais plutôt dans le vécu quotidien que certaines des intuitions les plus dérangeantes, achérontiques et politiquement incorrectes, des deux fondateurs des psychologies de l'inconscient trouvent leur confirmation. D'abord il y a la désillusion freudienne, mûrie dans les horreurs et les ambiguïtés de la première guerre mondiale, par les grandes puissances mondiales de race blanche qui ont perdu le droit de guider le genre humain.

 

L'essai de Freud Considérations actuelles sur la guerre et la mort (Studio TESI, édité par M. Bertaggia), fut le premier témoignage autocritique de l'étroitesse politique et psychologique du monde dans lequel la psychanalyse elle-même avait vu le jour. Cet ouvrage fut en même temps l'épitaphe de cette civilisation des bonnes manières que la culture politiquement correcte cherche désespérément à ranimer. Aussi bien Freud que Jung savaient, chacun à sa façon, combien l'identité, individuelle et collective, est liée à la race, à la culture et à la nation. Freud, par exemple, en parlant de sa propre identité juive, fait remarquer qu'elle dérive « de nombreuses et obscures forces émotionnelles, qui sont d'autant plus puissantes au fur et à mesure qu 'il devient difficile de les exprimer de vive voix ». Et à son disciple Erikson de commenter: « Ici Freud parle d'identité dans le sens ethnique le plus évident: un profond sens de communion sociale, connu seulement de ceux qui y participent, et exprimable par des mots qui traduisent plutôt le mythe que la conception ».

 

Impossibilité d’analyser le monde actuel sans recours à des archétypes ethno-psychologiques

 

Jung développera sagement les intuitions freudiennes sur les relations entre identités, culture du groupe (ou ethnie) et inconscient. C'est dans les archétypes de l'inconscient collectif, explique Jung, que se forment les idées des groupes et des nations, sur lesquelles « ces archétypes exercent une influence directe ». Les archétypes expriment des forces et des tendances de l'identité nationale qui explosent quand la conscience collective ne les représente pas correctement.

 

Il est impossible de décrire plus en détail ce qui se passe dans le monde, de parler des guerres qui troublent chaque continent, des révolution que font les peuples et leurs cultures contre cette tentative de les maintenir uniquement en tant qu'entités économiques ou administratives, sous la houlette ou la férule de puissances étrangères. Mais procéder à de telles analyses ethno-psychologiques signifie, dans le langage javelisé du pouvoir de la fin du millénaire, évoquer les spectres du tribalisme.

 

Alors, oublions donc ces fous qui étaient nos pères ! Faites taire ces brutes ! Ou, comme le disait Goethe dans « La Nuit de Walpurgis », partie de son Faust: « Et vous êtes toujours ici ! Ah, non, c'est inouï ! Allez, disparaissez ! Il y a eu les Lumières, oui ou non ? O diaboliques canailles, vous n'avez que faire des règles. Nous sommes cultivés... pourtant il y a des spectres à Tegel ».

 

Claudio RISÉ.

(trad.fr. : LD).

dimanche, 21 juin 2009

Es lebe der Unterschied!

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Es lebe der Unterschied!

Von Denise Friederich - http://www.fahnentraeger.com/

Die 68er wollten uns weis machen, dass es keinen biologischen Geschlechterunterschied gibt. Allein die Erziehung und das Milieu trage die Schuld an den herangezogenen Unterschieden. Es wurden alle möglichen Massnahmen getroffen, um das Milieu der Geschlechter gleichzuschalten, Chancengleichheit zu gewährleisten, Unterschiede abzuschaffen. Und heute, 41 Jahre nach dieser Umgestaltung, zeigen sich schockierende Ergebnisse. Trotz der absoluten Chancengleichheit und Gleichmacherei gibt es nach wie vor Unterschiede zwischen den Geschlechtern. Im Folgenden lesen Sie eine Analyse zur politischen Debatte um die Geschlechtergleichheit mit Auszügen aus der 400-seitigen Dokumentation der kanadischen Psychologin Susan Pinker, welche sich über Jahre hinweg dem Thema Geschlechterforschung gewidmet hat und ihre Forschungsergebnisse im Buch „Das Geschlechter-Paradox“ zusammengetragen hat. 

In der Evolutionsgeschichte war immer klar, dass die Geschlechter Mann und Frau ungleich sind. Bis in die 1960er Jahre. Im Zuge der 68er-Generation, dem Feminismus und den Forschern wie Freud wurde erstmals die Vermutung aufgestellt, dass die Geschlechter nicht von Geburt an unterschiedlich sind, sondern zu unterschiedlichen Wesen erzogen werden. Man vermutete, dass das Umfeld massgeblich dazu beitrage, die Geschlechterrollen zu definieren und aufrechtzuerhalten. Wenn also diese Umerziehung ein Ende finden würde und der Mensch selbst entscheiden könnte, was und wie er sein möchte, würden diese Definitionen der Geschlechter wie von selbst verschwinden. So jedenfalls die Meinung. Interessanterweise wurde stets angenommen, dass die Rolle des Mannes die Norm darstelle und die Frau in ihrer Rolle lediglich unterdrückt werde. Würden die Frauen also nicht in diese Rolle der Mutter und Hausfrau gedrängt, so wären sie vom Typ her genau so wie der Mann. Die Frauen wären bei den optimalen Voraussetzungen für Gleichheit vollzeitig erwerbstätig, erfolgs- und geldorientiert, rücksichtsloser, selbstständiger. Ein Ebenbild der Männer. Die Rolle der Frau wurde als einengend empfunden. Kinderkriegen sollte frau nicht mehr und auch sonst sollten Frauen keine Pflichten mehr übernehmen müssen, die nicht auch dem Mann auferlegt waren. So wollte man damals die Gleichheit herbeiführen.

 

Heute haben Frauen genau die gleichen Voraussetzungen wie die Männer. Wenn nicht gar die besseren. Mädchen schliessen in der Schule fast immer besser ab als Jungen. Diese Tendenz müsste Frauen eigentlich vermehrt in ranghohe Posten katapultieren. Jedenfalls können sie aber ohne Weiteres in jedem Beruf die Karriereleiter emporsteigen, sich selbstständig machen, sich für oder gegen Kinder entscheiden. Wenn es nach der Logik der 68er ginge, müssten heute alle Berufe prozentual der Verteilung der Geschlechter gestaltet werden. Die Hälfte aller CEOs, Banker, Politiker usw. müssten Frauen sein, die Hälfte der Nobelpreisträger müssten Frauen sein. Doch, um es mit Pinker zu sagen: „Eine Politik, die Chancengleichheit garantiert, … garantiert keine Ergebnisgleichheit. … Der Versuch, den Frauen von oben herab vollkommen geschlechtsneutrale Rollen zu verordnen, hat nicht funktioniert.“ Interessant sind hierzu auch die Ergebnisse einer Forschung, die besagt: je reicher das Land, desto eher wählen die Geschlechter unterschiedliche Berufe. Und ebenso tendieren die Frauen in reicheren Ländern zu kürzeren Arbeitszeiten. „Je mehr finanzielle Stabilität und gesetzlicher Schutz den Frauen geboten wurden, desto geringer war die Wahrscheinlichkeit, dass sie sich für die männliche Standart-Route entschieden. Wenn Frauen nur Versionen von Männern wären, würde man das Gegenteil erwarten, nämlich, dass sich bei grösserer Freiheit der Frauen eine vermehrte Anzahl für die Arbeitswelt und Berufe der Männerwelt entscheidet“, so Pinker zu der Studie. Die Logik der Gleichheitsfanatiker ist bis heute nicht aufgegangen.

 

Frauen im Erwerbsleben

Wie bereits erwähnt, sind Mädchen im Vergleich zu den Jungen in der Grundschule stärker und gebildeter. Die Frage stellt sich also, weshalb die Mädchen also nicht auch im Erwachsenenalter den Jungen Paroli bieten können. Vorab: der Geschlechterunterschied bezieht sich nicht auf die höhere Intelligenz des einen oder anderen Geschlechts, sondern auf die Art des Wesens. Frauen könnten, wenn sie wollten, jeden Beruf wählen, den sie wollten. Doch nach wie vor tendieren sie dazu, Berufe zu wählen, die mit Menschen zu tun haben. Für Frauen sind Interesse am Beruf, die Fähigkeit, einen Beitrag zu leisten und die Möglichkeit, positive Veränderungen in der realen Welt zu bewirken wichtiger als ein hohes Gehalt und gute Sozialleistungen, wohingegen die Männer die Höhe des Gehalts als erste Priorität betrachten. Pinker führte zahlreiche Gespräche mit erfolgreichen Frauen, die ihren Managerposten an den Nagel hängten, weil sie das Gehalt allein nicht befriedigen konnte. Bei den einen war es der Nachwuchs, der sie dazu brachte, die Prioritäten neu zu ordnen und den Beruf ganz oder zumindest teilweise aufzugeben, um sich um das Wohl der Kinder zu kümmern. Andere wechselten den Beruf, um der Gemeinschaft etwas zurückzugeben, um eine Arbeit mit Menschen ausüben zu können. Dafür nahmen sie eine grosse Lohneinbusse in Kauf. Bei diesen Frauen handelt es sich nicht um solche mit einem Job als Verkäuferin oder Coiffeuse, welche auf den sowieso zu geringen Lohn locker hätten verzichten können. Es sind Frauen mit Stellen in Chefetagen, in Anwaltskanzleien, in Medienhäusern und anderen sehr gut bezahlten Jobs. Und alle Frauen bestätigten, dass sie nie einen Nachteil als Frau erlebt hätten. Keine der Frauen hatte die Stelle wegen Diskriminierung oder Benachteiligung ihres Geschlechts aufgegeben.

 

Der „Fluch“, der auf den Frauen lastet, der sie dazu bringt, solche Entscheidungen zu fällen, nennt sich Empathie. Empathie ist die Fähigkeit, sich in jemanden hineinzuversetzen und seine Gefühle nachzuempfinden: die Fähigkeit, soziale Situationen zu begreifen. Die empathische Fähigkeit ist grösstenteils angeboren und ist je nach Geschlecht sehr unterschiedlich. Bereits wenige Tage nach der Geburt werden erste Anzeichen für diese Tatsache sichtbar. Mädchen sehen sehr viel mehr in die Gesichter der Menschen, während Jungen grösseres Interesse an technischen Mobiles zeigen. Pinker wirft in ihrer Dokumentation die Frage auf: „Was wäre, wenn man das erhöhte Einfühlungsvermögen der Frauen nicht durch eine ideologische Brille betrachten würde? Was wäre, wenn es ein natürlich variierender, aber notwendiger Drang wäre?“ Frauen werden von der Natur für diese Fähigkeit sogar belohnt, denn der Körper schüttet in Situation, in welchen Frauen empathisch reagieren, Glückshormone aus.

 

Die Logik der Evolution

Ginge es nach den Altfeministinnen, würden Kinder im Reagenzglas gezüchtet, damit Frauen die Bürde des Kinderkriegens nicht mehr auf sich nehmen müssten. Aber die Natur hatte selbstverständlich gute Gründe, weshalb sie es so einrichtete, dass nur die Frauen gebärfähig sind. Die Unterschiedlichkeit zwischen Frauen und Männern betrifft nicht nur den physische Konstellation, sondern auch die Einstellung des Gehirns und diverse hormonelle Abläufe.

Während der Schwangerschaft und dem Stillen schüttet das weibliche Gehirn das Hormon Oxytozin aus, welches eine angenehme, entspannende und euphorische Wirkung auslöst. Bei einem Unterbruch, das heisst, wenn die Mutter vom Kind getrennt ist oder zu stillen aufhört, kann dies ein Gefühl ähnlich dem Drogenentzug auslösen. Forschungen haben diesbezüglich ergeben: „Das daraus resultierende Geben und Nehmen löst reziproke Veränderungen auf der zellulären, hormonellen und sogar epigenetischen Ebene von Mutter und Kind aus und verstärken ihre Bindung aneinander durch das Stillen und den Hautkontakt.“ Es konnte auch nachgewiesen werden, dass Säuglinge mit intensiver Bindung an die Mutter bessere Überlebenschancen haben. Aus evolutionärer Sicht ist diese Mutter-Kind-Bindung sehr wichtig für den Fortbestand der Menschheit. Der ganze hormonelle Umstellungsprozess, den eine werdende Mutter durchmacht, führt dazu, dass Frauen, die bereits Kinder haben, einen andern Bezug zur Erwerbstätigkeit haben als jene ohne Kinder. Auch Frauen, welche sich vor dem Kinderkriegen dafür aussprachen, nach der Geburt weiterhin Vollzeit zu arbeiten, änderten ihre Meinung nach der Geburt zugunsten des Nachwuchses. Insofern können es Feministinnen noch lange anprangern, dass Frauen mit Kindern zu weinig erwerbstätig sind, denn die Natur hat die Weichen schon lange vor 1968 gestellt.

 

Testosteron – Gabe und Fluch

Das menschliche Gehirn ist in seiner der Grundeinstellung weiblich. Erst nach der Bildung der Hoden des Säuglings entsteht das Hormon Testosteron, welches den Säugling „vermännlicht“. Testosteron ist der Grund für das vermehrt aggressive Verhalten des männlichen Geschlechts. Der Höhepunkt des aggressiven Verhaltens wird üblicherweise im Vorschulalter erreicht, was zur Folge hat, dass Jungen häufiger an Aufmerksamkeitsdefiziten wie ADHS und dem Aspergersyndrom leiden, sie aber gleichwohl konkurrenzfreudiger und -fähiger sind als die Mädchen. In der Schule schneiden die Jungen häufig schlechter ab als die Mädchen, aber nicht weil sie dümmer sind, sondern weil sie durch ihr grösseres Aggressionspotenzial mehr Schwierigkeiten haben, sich den Schulgegebenheiten – welche zumeist mädchenorientiert sind – anzupassen. Mit zunehmendem Alter wirkt sich der Testosteronhaushalt jedoch positiv auf die berufliche Laufbahn der Jungen aus, denn um in der harten Geschäftswelt zu überleben, braucht es oft ein Konkurrenzdenken ohne Rücksicht auf andere, was den Frauen durch die empathische Fähigkeit schwerer fällt. Bei Männern steigt der Adrenalinspiegel in Konkurrenzverhalten an, während er bei Frauen sinkt. Das Testosteron und die Empathie sind es also unter anderem, welche den Männern den Weg zur Chefetage ebnen und die Frauen in soziale (schlechter bezahlte) Berufe treibt. Männer neigen eher als Frauen dazu, aggressive Mittel einzusetzen, um ihre Stellung in der Hierarchie zu bewahren, was wiederum einen evolutionären Hintergrund hat. Männer mussten, um Frau – da diese ja mit der Aufzucht der Kinder beschäftigt ist - und Kinder zu beschützen und sich im Stamm zu beweisen, konkurrenzfähig sein. Pinker schreibt dazu treffend: „Die Natur zieht die Fortpflanzungskraft des Testosterons noch immer dem Nachteil einer geringeren Lebenserwartung vor.“ Was sich in Zahlen widerspiegelt, wonach im Schnitt mehr Männer an einem unnatürlichen Tode sterben als Frauen. Durch das Testosteron sind sie risikofreudiger als Frauen. Die Evolution kann den Mann nach der Zeugung einiger Kinder entbehren, während die Frau die langfristige Aufgabe der Kindererziehung innehält und somit unentbehrlicher ist.

 

Gleichheit ist Utopie

Die Feststellung von Pinker, dass die Missachtung der Geschlechterunterschiede nicht wie erwartet zur absoluten Gleichberechtigung führte, sondern, im Gegenteil, die kognitiven Fähigkeiten und Präferenzen der Frauen degradierte, ist so korrekt wie auch wichtig. Denn aus dieser Analyse lässt sich schliessen, dass das biologische Wesen der Frauen durch die feministischen Ansätze unterdrückt wurde und sich in ein Männer-Schema hat pressen lassen müssen. Frauen werden heute also nach wie vor unterdrückt, aber nicht mehr wie vor hundert Jahren vom Patriarchat, sondern vom Druck, in einer Männerwelt zu bestehen und die weibliche Stimme im Inneren zu unterdrücken. Das Umfeld erwartet von den Frauen, dass sie Männerberufe wählen, dass sie nach der Geburt des Kindes schnellstmöglich ins Wirtschaftsleben zurückkehren. Aber die meisten Frauen möchten sich nach ihren inneren Bedürfnissen und Fähigkeiten richten. Es kann also noch so viele Gleichstellungsbüros geben, die Frauen werden aus biologischen Gründen immer zu menschenbezogenen Berufen tendieren, in welchen sie berufsbedingt weiterhin weniger verdienen werden als andere Frauen und Männer in einem wirtschaftsorientierten, materialbezogenen Beruf. Die Lösung der beruflichen Gleichstellung – zumindest in Sachen Lohngleichheit - ist also keine soziale, sondern eine ökonomische. Solange wir in einem kapitalistischen System leben, in welchem soziale Berufe keinen Wert besitzen, weil sie ökonomisch nicht verwertbar sind, werden Frauen trotz guter Ausbildung und fachlicher und sozialer Kompetenz einen geringeren Lohn in Kauf nehmen müssen. Es ist also an der Zeit, die Geschlechterunterschiede nicht nur zu akzeptieren, sondern auch zu fördern. Die Natur hat die Geschlechter sehr bewusst mit unterschiedlichen Fähigkeiten ausgestattet. Evolutionstechnisch gesehen ist nicht ein Geschlecht mehr oder weniger Wert, denn nur die Ergänzung der Fähigkeiten beider Geschlechter garantiert letzten Endes das Überleben der Menschheit.

 

Weiterführende Literatur

Susan Pinker, Das Geschlechter-Paradox, 2008, München

entnommen aus der Zeitschrift "ZeitGeist" der PNOS

jeudi, 11 juin 2009

De nood aan een bevrijdingsfront voor de man

De nood aan een bevrijdingsfront voor de man

mardi, 09 juin 2009

La sexualité est-elle soluble dans le libéralisme?

 

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La sexualité est-elle soluble dans le libéralisme ?

Mardi, 02 Juin 2009 - http://unitepopulaire.org 

« À mesure que la société s’est affranchie des non-dits et des pudeurs, le sexe, entendons par là la sexualité, est devenu un enjeu de débats d’idées. Et de s’indigner de ce que le sexe soit sous le joug du libéralisme et réduit à un utilitarisme. Bien vu. Le libéralisme moderne fait en sorte qu’aucun domaine n’échappe à son emprise. Son idéologie est que la vie sociale est mue par le seul intérêt et par le plaisir. Du point de vue du libéralisme, tous les domaines de l’activité sont amenés à être régis par ces principes.

 

Le public et le privé sont ainsi tous concernés et la frontière entre les deux tend à s’estomper. Ainsi des coachs et des "spécialistes" du "développement personnel" expliquent comment faire du travail salarié, qui par nature relève d’un rapport de contrainte et de subordination, un espace de réalisation de soi. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que le sexe soit inclus dans le système des intérêts et des plaisirs. Si ce qui est utilitaire comme le salariat doit aussi être agréable, ce qui est a priori non utilitaire comme le sexe doit maintenant devenir utile et être valorisé, évalué, rentabilisé. Telle est la logique du libéralisme. Comment cela devient-il possible ? Pour le comprendre, il faut revenir aux fondements.

 

Le principe du libéralisme est l’absence de limites et l’inscription de chaque activité humaine dans le registre de la consommation. Le libéralisme y travaille sous divers aspects. L’un de ceux-ci est le passage de l’idéologie du "droit" au devoir-être et au devoir faire. On affirme d’abord le droit à une sexualité épanouie, et on développe ensuite l’idée que cela passe par le devoir de tout mettre en œuvre pour obtenir celle-ci. Il faut donc "forcer le destin". Ainsi, la majorité des rencontres se font maintenant par le web. Par ce biais, les rencontres se marchandisent puisque les hommes paient pour s’inscrire. Mais la démarche va au-delà. Ces rencontres se rationalisent à outrance et deviennent quelque chose d’équivalent à la recherche d’un emploi. Elles s’inscrivent dans la recherche d’une adéquation offre-demande. Alors que dans une rencontre, celle-ci ne peut être complètement prévue puisque la rencontre est censée faire changer l’un et l’autre, et donc créer une situation nouvelle. Désormais, chacun est censé être prêt au bonheur et doit en tout cas s’y préparer. Pour cela, des coachs psycho-sexuels proposent leurs services. Leur idée : chacun dispose d’un capital personnel et donc sexuel qu’il s’agit de faire "fructifier". Une sexualité réussie doit s’afficher, c’est un élément de visibilité sociale.

 

Nous sommes dans l’air du temps. On passe ainsi du droit au bonheur au devoir de le montrer pour prouver son efficience. Ceci se fait au nom d’une équivalence générale des valeurs – ou encore marchandisation de toutes les valeurs. Du point de vue libéral, on ne voit en effet pas très bien pourquoi quelqu’un de performant sur le marché du travail, de l’argent ou du pouvoir ne le serait pas dans sa vie sexuelle. Et réciproquement. Ce qui veut dire que la preuve de l’un tend à conforter la preuve de l’autre.

 

Si le corps est un capital, il est tout à fait normal d’en tirer profit en fonction des souhaits de chacun. Ainsi la prostitution devient un métier comme un autre, et le ou la prostitué devient un "travailleur du sexe". Une conception qui occulte le fait que si la prostitution est bien l’un des plus vieux métiers du monde, elle n’a jamais été un métier comme un autre. Après le puritanisme, le libéralisme produit ainsi une vision pseudo-décomplexée du sexe qui, en fait, le banalise et, même dans le cas de la prostitution, rabat une relation marchande mais complexe sur une pratique hygiéniste et strictement marchande.

 

Un autre aspect de la sexualité en régime libéral est particulièrement destructeur du lien social. C’est le fait que l’axiomatique libérale de l’intérêt et du plaisir aboutit à imaginer une sexualité sans l’autre. C’est ce à quoi s’emploie la pornographie. Elle a bien sûr bénéficié pour se développer de la grande peur du sida, dont elle est contemporaine. Mais son impact ne s’explique pas principalement par cela. Elle s’est développée parce que c’est un marché qui a pu prospérer sur l’isolement et la destruction des liens sociaux, stigmates manifestes de la société mondialisée. À cela s’est ajouté le culte de la performance qui, mis en scène dans la pornographie, tend à dévaloriser la sexualité réellement vécue puisque celle-ci risque d’être moins "réussie" techniquement que la sexualité visionnée. C’est l’effet de la spectacularisation de l’intime. L’idéal-type d’une sexualité comme exploit quasi-sportif – une sexualité compétitive – a remplacé l’hédonisme gentiment libertin et égalitaire des années 68.

Maintenant, beaucoup d’adolescents connaissent la pornographie avant de connaître réellement la sexualité et donc abordent celle-ci avec une vision parfaitement technicisée et selon un schéma de figures érotiques ou plutôt machinales imposées. Ceci provoque évidemment des troubles narcissiques et des troubles de la relation à l’autre. Dans les films porno, la femme est insatiable et les acteurs sont tous performants et interchangeables. Pas dans la vraie vie. La pornographie est aussi une métaphore de la transparence. On y montre tout ce qui est possible et seul existe ce qui est montré. Si la pornographie est une sexualité sans l’autre, le libéralisme pousse de toute façon à n’utiliser l’autre que comme un investissement. Et à se retirer de celui-ci si l’investissement ne s’avère pas rentable.

 

La logique est celle du zapping. Sachant que, à la limite, l’autre n’est pas indispensable et les sex toys sont faits pour le prouver. C’est "le plaisir à portée de soi-même" dit la publicité. Une certaine Anne Lolotte, qui donne des "consultations" à des "patients" (sic) explique : "À partir du moment où une patiente ou un patient accepte d’utiliser un sex toy c’est déjà un pas fait vers l’autonomie, la capacité au jeu et au plaisir." Nous sommes dans une logique libérale : dans une société de défiance généralisée, le contrat le plus fiable n’est-il pas celui que l’on fait avec soi-même ? Chacun est alors responsable et en quelque sorte propriétaire de son propre plaisir. Jouir ? Yes I can. La société du libre-échange devient celle où l’autre n’étant jamais que le même il n’y a plus rien à échanger et l’autosuffisance affective et sexuelle devient un idéal. […]

 

Culte de la performance et réduction à l’objet caractérisent donc la vision libérale de la sexualité. Alors que le puritanisme dévalorisait le sexe, la société de la transparence, dont la pornographie est l’une des manifestations, se propose de l’aseptiser, de le neutraliser, et de le marchandiser. Le sexe, y compris la séduction, est réduit à des performances à maximiser ou n’est rien. La société des ego fait ainsi de la sexualité une pratique diabolique – au sens étymologique de "ce qui sépare" – alors que la sexualité relève normalement du symbolique, c’est-à-dire d’un signe de reconnaissance, de ce qui donne un horizon commun à un couple ou à une collectivité. La sexualité n’est pas un capital à faire fructifier. C’est une pure dépense. Ce n’est pas non plus un ensemble de techniques. C’est une réalité têtue qui ne se laisse pas réduire à une fonctionnalité. »

 

 

Pierre Le Vigan, "Une nouvelle guerre du sexe ?", Europe Maxima, 8 mars 2009

mardi, 02 juin 2009

Wer sich nicht wehrt...

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Wer sich nicht wehrt

Ellen KOSITZA - http://www.sezession.de/

… der lebt verkehrt! Gerade bin ich auf ein Buch hingewiesen worden, über das ich gewiß nicht von allein gestolpert wäre. Aufs Stichwort Schlägerei hab ich nie ein google-alert gesetzt. Seit wir so idyllisch auf dem Lande wohnen, betrifft uns dergleichen nicht mehr. Davor schon. Bis zum Backfisch-Alter war ich ein Rabauke – keine sportliche Rangelei ohne mich; das Wort „Schulhof-Gewalt“ gab’s damals noch nicht, blutige Knie waren Alltag.

Später trug ich meine Haare lang, die böseren körperlichen Auseinandersetzungen folgten erst dann. Vier Attacken (nie politisch motiviert) mußte ich im Alter zwischen 17 und 22 abwehren, zweimal bekam ich ordentlich was ab – einmal war der Grabscher das Opfer, ihn erwischte meine Wasserflasche.

Im Rhein-Main-Gebiet war und ist Straßengewalt ein Dauerthema, vor allem für junge Männer, die schon damals für zahlreiche Ziele diverse Umwege einschlugen – die zu nehmen ich mich stets weigerte. Bloß kein verkehrtes Leben! Heute sind das für mich nicht Geschichten „von gestern“, sondern „von dort“.

Das mir eben anempfohlene Buch mit dem recht martialischen Titel Die Schlägerei- Selbstverteidigung im Straßenkampf von „Selbstverteidigungscoach“ Mike Toss (Book on demand, also unlektoriert: Kein Problem, hier wird ja keine Geisteswissenschaft betrieben) verspricht glaubwürdig Abhilfe für solche (u.U. lebenswichtigen) Situationen, in denen der hehre Vorsatz, daß „Gewalt auch keine Lösung“ sei, nicht weiterhilft.

Gemäß Klappentext werden rund ums „Tabuthema“ (wer will leugnen, daß es eins ist?) Straßenschlägerei Punkte wie Angstkontrolle, Kampfpsychologie und solche Techniken vermittelt, die auch ohne jahrelanges Training in Streßsituationen abrufbar sein sollen. Und natürlich: Wie man die handfeste Auseinandersetzung vermeidet.

„Es geht um ihre Gesundheit, und niemand hat das Recht, Sie zu verletzen!“

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mercredi, 18 février 2009

JUng and the Völkisch Movement

 

 

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Jung and the Volkisch Movement

Kerry Bolton



Carl Gustav Jung (1875-1961), in founding Analytical Psychology did so as a break and a contradistinction from the psychological school of his mentor Sigmund Freud. The Jungian and the Freudian stand as the contrasts between the Germanic and the Jewish world-views in the realm of psychology. Indeed it has been suggested that Freud's observations were largely derived from mainly Jewish patients.

Jung commented: "... It is a quite unpardonable mistake to accept the conclusions of a Jewish psychology as generally valid."

The Jewish spirit that infuses Freudianism has been remarked upon by others qualified to speak, both Jew and Gentile. The Jewish historian Howard Sachar considered the chief motivation of the Jewish Freudians to be, "the unconscious desire of Jews to unmask the respectability of European society which closed them out... The B'nai B'rith Lodge of Vienna for example delighted in listening to Freud air his theories." (Sachar, The Course of Modern Jewish History).

Thomas Szasz, professor of psychology, State University, NY, wrote of Freud's "anti-Gentilism" as being "an important aspect of his personality and predilections."

Collective Unconscious

Jung gave science an important contribution with his theory that there is not only an individual unconscious but also a collective unconscious, including a racial or ethnic unconscious impacting significantly upon the individual and determining his very Being and Identity. It was a scientific development and elaboration of the concept held by Germanic philosophers such as Johann Gottfried von Herder, postulating that each people, or nation, has its own "soul."

Jung stated: "No doubt on an earlier and deeper level of psychic development, where it is still impossible to distinguish between an Aryan, Semitic, Hamitic, or Mongolian mentality, all human races have a common collective psyche. But with the beginning of racial differentiation, essential differences are developed in the collective psyche as well."

Jung indicated what this means in practical terms, as for example when politicians and religious dogmatists try to impose a multi-racial society. Jung wrote: "For this reason we cannot transplant the spirit of a foreign race in globo into our own mentality without sensible injury to the latter, a fact which does not however deter sundry natures of feeble instinct from affecting Indian philosophy and the like."


The Shadow

Another major contribution from Jung was his theory of individuation, or the Total Being brought into effect by integrating one's repressed unconscious into the conscious Self. To this process which is central to Jungian therapy Jung applied the German word Heilsweg, the "sacred way" of healing. On his way towards individuation one confronts the repressed unconscious or Dark side of oneSelf referred to by Jung as The Shadow Self.

In keeping with Jung's theme of the collective unconscious, not only the individual but an entire nation or ethnos possess its own unique collective 'Shadow.' This is what Jung addressed to the Germanic nation when he wrote,

We cannot possibly get beyond our present level of culture unless we receive a powerful impetus from our primitive roots. But we shall receive it only if we go back behind our cultural level, thus giving the suppressed primitive man in ourselves a chance to develop. How this is to be done is a problem I have been trying to solve for years... The existing edifice is rotten. We need some new foundations. We must dig down to the primitive in us, for only out of the conflict between civilized man and the Germanic barbarian will there come what we need; a new experience of God...


Völkisch Movement

Jung saw the primitive or Shadow of the Germanic folk repressed by a millennium of Christian moral bondage. When what is natural to an individual or an entire folk is repressed it will out eventually in some form or another. It was Jung's concern that the Germanic Shadow be brought to consciousness with the result of a collective individuation of the whole folk. He had stated in 1919, the very year Hitler joined the newly formed German Workers Party: "As the Christian view of the world loses its authority, the more menacingly will the 'blond beast' be heard prowling about in its underground prison, ready at any moment to burst out with devastating consequences."

Jung's desire to see the Germanic folk individuate brought him into contact with the energetic volkisch movements that had emerged during the late 19th century and were ever more determined with the humiliation of Germany and Austria following World War I. Likewise, these movements saw the compatibility of Jungian psychology with their own ideology.

One of the volkisch theorists was Jacob Hauer, founder of the Nordic Faith Movement. He became involved with Jungian conferences and associations during the 1930's. In 1934 he gave a lecture on number symbolism which had a great influence on Jung, and during the course of the same lecture Hauer used Jung's concept of the collective unconscious to suggest the existence of a racial unconscious with racial symbolism.

The year previously the National Socialists had assumed power, an Jung wrote his essay Wotan, stating that the NS Reich was summoning forth the repressed Shadow or Wotanic unconscious of Germany. In 1936 he wrote: "The depths of Wotan's character explain more of National Socialism than all the economic, political and psychological factors put together."

With rivalry for spiritual allegiance in NS Germany between the so-called "German Christians" who had Germanized Jesus, and the pagan, anti-Christian volkisch movement, Jung expressly condemned the former and urged Germans to throw their whole support behind Hauer's movement to bring forth that "new experience of God," of Wotan. He described Hauer as "god (i.e. Wotan) possessed," and Hauer's activities as "the tragic and really heroic efforts of a conscientious scholar."

To Jung the Old Religion was very much alive, albeit underground and waiting to resurface. He wrote:

No, memories of the old German religion have not been extinguished. They say there are greybeards in Westphalia who still know where the old images of the gods lie hidden; on their death beds they tell their youngest grandchild, who carries the secret... In Westphalia, the former Saxony, not everything that lies buried is dead.

In our present time, with the European soul buried beneath excessive materialism and superficiality, and the dying, putrescent vestiges of a thousand years of Judeo-Christian spiritual repression, Jung provides an insight whereby the European folk as a collectivity might find its way back to a sense of being. As that great exponent of European Being, the existentialist philosopher and supporter of National Socialism, Martin Heidegger himself has written:

The past of human existence as a whole is not a nothing, but that to which we always return when we have put down deep roots. But this return is not a passive acceptance of what has been, but its transmutation.

mardi, 25 novembre 2008

Claudio Risé: la destinée est en nous

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Claudio RISE:

La destinée est en nous

 

Le code de l'âme de Hillman bouleverse les instruments de la psychologie et nous apprend que

nous sommes porteurs, depuis le début, de l'empreinte d'un caractère individuel pourvu de

traits indélébiles. De Canetti à Kissinger, les parcours d'une vocation.

 

Freud dehors, Platon dedans. Dans son dernier ouvrage Le code de l'âme (Adelphi), James Hillman, perturbateur génial des banalités psychologiques, a enfin lancé une idée qui lui tournait dans la tête depuis des années et qui se flairait déjà un peu dans ses livres précédents. Il s'agit de la « théorie du gland ». La voici. Nous ne sommes pas le résultat des traumatismes subis pendant notre enfance ou des névroses de nos parents. Nous sommes autre chose. « Nous portons, imprimée en nous depuis le début, l'image d'un caractère précis et individuel, pourvu de traits indélébiles ». Comme le gland du chêne, qui porte en soi la “chênitude” de l'arbre qu'il va peut-être devenir. C'est pour récupérer cette image, porteuse d'une destinée, qu'on a recours à l'analyse. Le problème est que la panoplie des analystes (qui est, après tout, celle de Freud, utilisée aussi par les disciples de Jung) est contaminée par les toxines des théories qui voient la vie comme déterminée par les traumatismes de l'enfance.

 

Ainsi cette image innée qui nous montrerait notre vocation, notre “chênitude” personnelle, ne fait jamais surface, car l'intuition imaginaire, la faculté qui nous permettrait de la voir, reste enlisée dans la fange des névroses et des pathologies, encombrées, de surcroît, par l'idée d'évolution de la personnalité, alors que rien n'évolue: dans le “gland” il y a déjà tout. Comme le disait Picasso: « Je n'étudies pas, je ne fais que suivre ! ». Ou comme le dit Hillman: « Nous devons lire notre vie à l'envers, mais en abandonnant l'idée d'évolution et en recherchant plutôt la forme originaire qui est dans le “gland”, et si nous réalisons cette forme originaire (comme le disait Jung qui l'appelait “essence”), nous réalisons notre vie.

 

C'est la recherche de cette forme qui ressort de nos actes les plus impulsifs, les plus inconsidérés, actes pleins de vie, que la psychologie, par contre, estime malsains ou névrosés. Comme quand le petit Elias Canetti (prix Nobel de la littérature en 1981), fasciné par les caractères imprimés des journaux que son père lisait chaque jour, mais pas encore autorisé à apprendre, mendiait auprès de sa cousine Laurica (qui allait déjà à l'école) la permission de voir ses cahiers qui contenaient « ces lettres de l'alphabet qui étaient la chose la plus fascinante que j'eus jamais vue ». Et voilà qu'un jour, la cousine ne lui permet pas de voir l’écriture, alors le petit Canetti va chercher une hache: « Je voulus la tuer... je levai la hache et, en la brandissant devant moi, je répétai en marchant: je vais tuer Laurica, je vais tuer Laurica... ».

 

Quand quelqu'un voit devant soi l'image de son propre “gland”, il n'y a pas d'échappatoire possible: il doit le réaliser. « Canetti —dit Hillman— devait absolument s'emparer des lettres et des mots: comment aurait-il pu devenir écrivain ? C'est le démon, le génie, l’ange qui le veut. Ce qui se passe dans nos institutions pour l'hygiène mentale  —dit toujours Hillman— où les psycholeptiques sont distribués avec moins de retenue que les préservatifs, aurait suffi à transformer toutes les “éminentes personnalités”, devenues telles parce que fidèles à leur “gland”, en de pauvres hères sans personnalité depuis leur plus tendre enfance. Par contre, il faut que la psychologie jette ses bases dans l'imagination des personnes au lieu de prendre en considération ces dernières seulement pour des calculs statistiques ou pour des classements diagnostiques ». Pour seconder cette opération Hillman déploie sous les yeux étonnés du lecteur des centaines d'histoires d'éminences, aussi bien dans la réussite que dans l'échec, qui surent reconnaître leur propre “gland” et y rester fidèles, en dépit de toute hygiène mentale ou psychologico-évolutive.

 

Et voilà la petite Judy Garland (racontée par sa sœur) qui, à l'âge de deux ans, voit le numéro des Blue Sisters, trois petites sœurs entre cinq et douze ans. « Quand la plus petite des Blue Sisters commença à chanter... elle resta collée à la chaise comme en transes. Dans sa tête d'enfant, elle savait déjà exactement ce qu'elle voulait ». « Six mois plus tard, à deux ans et demi  —raconte Hillman— on lui fit faire un numéro avec ses deux plus grandes sœurs; après le numéro, toute seule, elle commença à chanter Jingle Bells, accompagnée par l'enthousiasme du public qui n'arrêtait pas de la rappeler sur scène. Et elle répondait en chantant et en faisant tinter ses clochettes de plus en plus fort, jusqu'au moment où son père dut la ramener de force... Le public l'adora instantanément ».

 

« Ne pensez surtout pas à des narcissismes maternels ou paternels  —met en garde Hillman—  j'attribuerais plutôt l'incroyable magnétisme de Frances Gumm (c'était son véritable nom), âgée de deux ans et demi à l'éclosion, sous les lumières du spectacle, du “gland” de Judy Garland, laquelle, pour commencer sa vie sur Terre, avait choisi précisément cette famille d'artistes et cette situation-là. Mais il faut aussi savoir que chaque “gland” exige son tribut. Pour Judy, le prix était: lavages d'estomac, chantage, gorge coupée avec des tessons de verre, scènes abominables en public, prise de tranquillisants, méchantes cuites, sexe sans discernement, perte d'un toit, désespoir profond... Mais le terrain de son “gland” était Somewhere over the rainbow, au delà de l'arc-en-ciel. Jusqu'à la fin, quand elle montait sur les planches bouffie par l'alcool, chancelante, troublée et en proie à la terreur, c'était cette chanson-là qui enchantait son auditoire, en entraînant l'artiste et son public vers les étoiles ».

 

Grande Judy ! Mais Grand James Hillman, dans ce livre ! Car aucun psychologue n'a jamais été en mesure de voir aussi nettement et aussi clairement la beauté de ce que nous appelons, avec hauteur, “pathologie” et qui n’est, en fait, que la réalisation d'une destinée, le déroulement exact du rôle qui nous a été confié, de la Moira, comme l'appelaient les Grecs de l'Antiquité. Hillman évite la chambre mortuaire de la psychologie et son langage, tout à la fois ordinaire et hautain, ne cache pas au lecteur que l'unicité du “gland” et la particularité absolue du démon qui le protège et l'illumine nous offre… un abîme de solitude... être vivants veut dire aussi être seuls ». Et aujourd'hui, en plus d'être quelque chose de difficile à vivre, comme cela l'a toujours été, c'est aussi être politiquement incorrect. « Tu dois socialiser, tu dois faire partie d'un groupe quelconque, tu dois participer. Colle-toi à un téléphone... ou alors demande à ton toubib qu’il te prescrive du Xanax (Prozac) ». Et puis il y a les théologies qui viennent d'Orient, ou d'Occident. « D'où qu'elles viennent, elles transforment subtilement le sens de la solitude en péché de solitude, en exaspérant le sentiment de malheur. Le désespoir devient vraiment insoutenable quand on cherche à s'en sortir ».

 

Mais regardons-la, ou mieux, éprouvons-la, cette solitude. Qu'est qu'on y trouve ? « Mélancolie, tristesse, silence... le substrat même des chansons de Judy Garland, du langage de son corps, de son visage, de ses yeux... cela rappelle au “gland” ses origines... Où sont ces origines ? Nous ne le savons pas car le lieu dont il est question dans les mythes et les cosmologies a disparu des mémoires ». « A force de vouloir rendre tout pathologique et psychologique, les Dieux, pour nous, sont devenus des maladies... Dionysos, nous dit-on, était un être obscène, Apollon était un être obsessionnel, tant et si bien que l'univers mythique, transcendent, l'univers d'où vient le “gland”, nous paraît, à nous Occidentaux modernes, rationnels et sécularisés, extrêmement éloigné, hors d'atteinte, beaucoup plus que lorsqu’il devait le paraître à Platon ». Et pourtant: « Judy Garland, alcoolique, droguée, ravagée, savait réveiller chez tous ceux qui l'écoutaient une sorte de pressentiment de ce qu'eux aussi dans un coin enfoui de leur âme, auraient espéré atteindre: l'image que chaque exilé porte en soi, dans son cœur, accompagné par le mélancolique souvenir de tout ce qui n'est pas de ce monde ». Ce serait donc une bonne thérapie, celle qui nous permettrait de reconnaître cette mélancolie, de lui rendre hommage sans essayer de la déloger à coup d'antidépresseurs. Le “gland”, c'est-à-dire nous, notre destinée, a une origine transcendante. C'est pourquoi ceux qui l'ont reconnu et réalisé refusent la biographie, ils ne veulent pas être racontés à travers une série de statistiques. Parce qu'ils savent bien ce que c’est, être différent.

 

Henry James mit le feu à ses journaux intimes dans le jardin, comme Dickens. A 29 ans (!) Freud avait déjà détruit ses journaux, et il disait: « Quant aux biographes, qu'ils se débrouillent. Je m'amuse beaucoup en pensant aux gaffes colossales qu'ils commettront ». D'autres personnages aiment raconter des faits absolument faux, régulièrement démentis par les témoins... Comment est-ce possible ? ». C'est, bien sûr, le “gland”, qui ne veut pas être diminué au niveau d'événements dus au hasard ou à la simple chronologie des choses, comme si la vie pouvait se résumer à l'affirmation banale qui veut que d'une chose en dérive forcément une autre.

 

Voici donc Henry Ford, qui raconte comment, lorsqu'il était enfant, il se faisait prêter les montres de ses voisins pour les démonter et pouvoir ainsi observer comment elles fonctionnaient. Il fit placer dans sa chambre un banc de travail d'horloger et il aimait raconter qu'adolescent, il avait souvent travaillé la nuit. Sa sœur nia les faits: jamais aucun voisin ne lui avait prêté de montre, jamais il n'avait réparé quoi que ce soit, jamais il n'avait eu de banc d'horloger dans sa chambre !

 

Et que dire de Henry Kissinger qui, interviewé sur son enfance passée à Furth, en Allemagne, en pleine période nazie, lui, juif, raconta: « Cette partie de mon enfance n'est pas significative pour ma vie. Pour les enfants, certaines choses ne sont pas tellement importantes ». En revanche, sa mère se souvient très bien de la peur et de l'effroi de ses fils quand des escouades de jeunes nazis passaient en défilant devant la maison. La biographie de Kissinger psychotise, dénonce le mécanisme du négationnisme et fait la relation entre la politique et ses jeunes années. Hillman pose la question: « Qui est l'auteur de cette vie, est-ce Kissinger ou est-ce son biographe ? Voilà un exemple typique de psycho-histoire. » En fait, le futur secrétaire d'Etat, l'homme de pouvoir capable d'affronter et de maîtriser les intrigues de la Maison Blanche, d'affronter les Breznev et les Mao Tsé Toung, d'ordonner les contrôles et les interceptions les plus dangereux et de proposer les bombardements contre l'ennemi, ne pouvait pas s’être senti menacé par un troupeau de garçons blonds en bas de laine. Pour le enfants, certaines choses ne sont pas tellement importantes parce que grâce à son “gland” Henry n 'avait jamais été l’enfant que sa mère avait devant les yeux.

 

Et l’on pourrait continuer ainsi encore longtemps... avec, par exemple, Léopold Stokowski, le compositeur, qui raconte quand son grand-père lui offrit son premier violon (en réalité son grand-père mourut avant sa naissance et Léopold ne joua jamais du violon), ou avec Léonard Bernstein, qui parle de son enfance misérable (ses parents étaient millionnaires !!!). C'est toujours le “gland” qui raconte son mythe, sa vérité, la seule qui compte. La dernière fois que je vis James Hillman, tout de blanc habillé, élégant, parfait, assis à la terrasse de l'Hôtel Tamaro d’Ascona, sur le Lac Majeur, je lui demandai ce qu'il préparait. « Je fais de l'ordre dans mes idées ­—me répondit-il en levant sa tête d'oiseau curieux—  je ne suis plus si jeune... ». Un travail de maître, James. Un très joli “gland”. Bien sûr, c'est le tien, mais maintenant, il est à la disposition de tout le monde. J'espère qu'on en fera quelque chose de bon !

 

Claudio RISÉ.

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mercredi, 08 octobre 2008

James Hillman : la Psicologia Moderna y el Olvido del Alma

La Psicología Moderna y el Olvido del Alma

Ex : http:://nueva-escuela.blogspot.com
Entrevista a James Hillman *

Por Scott London

Scott London: Ud. ha escrito y dado clases acerca de la necesidad de revisar la psicoterapia a lo largo de más de tres décadas. Ahora, de improviso, el público parece receptivo a sus ideas: Ud. figura en las listas de bestsellers y en las charlas de TV. ¿Por qué cree que su obra imprevistamente ha tocado una cuerda?

James Hillman: Creo que está habiendo un cambio de paradigma en la cultura. La antigua psicología ya no funciona. Demasiada gente ha estado analizando su pasado, su niñez, sus recuerdos, sus padres, y dándose cuenta de que no hace nada.

SL: Ud. no es una figura muy popular dentro del mundo institucional de los terapeutas.

JH: No soy crítico con la gente que hace psicoterapia. Los terapeutas que están en primera línea tienen que hacer frente a un enorme caudal de los fracasos sociales, políticos y económicos del capitalismo. Son sinceros y trabajan duro con muy poca credibilidad, y el sistema y las compañías farmacéuticas intentan eliminarlos. De modo que realmente no intento atacarlos. Lo que ataco son las teorías de la psicoterapia. Uno no ataca a los heridos de Irak, sino a la teoría detrás de la guerra. No es error de nadie que haya luchado en esa guerra. La guerra misma era el error.

Lo mismo ocurre con la psicoterapia. Transforma todos los problemas en problemas subjetivos, internos. Y no es de allí de donde vienen los problemas. Provienen del entorno, las ciudades, la economía. Provienen de la arquitectura, de los sistemas de enseñanza, del capitalismo, de la explotación. Vienen de muchos sitios que la psicoterapia no trata. La teoría de la psicoterapia lo vuelve todo sobre ti: tú eres el que está mal. Lo que intento decir es que si un muchacho tiene problemas o está desanimado, el problema no está simplemente dentro del muchacho; también está en el sistema, en la sociedad.





SL: No se puede arreglar a la persona sin arreglar la sociedad.

JH: No lo creo. Pero no creo que nada cambie hasta que no cambien las ideas. El punto de vista corriente de los norteamericanos consiste en creer que algo está mal en la persona. Tratamos a las personas de la misma manera que tratamos a los coches. Llevamos el pobre muchacho al doctor y preguntamos "¿qué no funciona en él, cuánto costará y cuándo podemos pasar a buscarlo?". No podemos cambiar nada hasta que tengamos ideas frescas, hasta que empecemos a ver las cosas diferentemente. Mi objetivo es crear una terapia de las ideas, tratar de aportar nuevas ideas, de modo que podamos ver de modo diferente los mismos viejos problemas.

SL: Ud. ha afirmado que escribe a partir de "la rabia, el disgusto y la destrucción"

JH: Me he encontrado con que la psicología contemporánea me enfurece con sus ideas simplistas acerca de la vida humana, y también su vacío. En la cosmología que subyace en la psicología, no hay ninguna razón para que estemos aquí o hagamos algo. Nos vemos compelidos por los resultados del Big Bang, hace billones de años, que eventualmente produjo la vida, que eventualmente produjo a los seres humanos, y así sucesivamente. Pero ¿y yo? Soy un accidente, un resultado -y por consiguiente una víctima.

SL: ¿Una víctima?

JH: Bueno, si sólo soy un resultado de causas pasadas, soy una víctima de estas causas pasadas. No hay mayor significado detrás de las cosas que proporcione una razón para estar aquí. O, si lo considera desde una perspectiva sociológica, soy el resultado de la crianza, la clase, los prejuicios sociales y la economía. Nuevamente soy una víctima. Un resultado.

SL: ¿Y qué acerca de la idea de que nos hacemos a nosotros mismos, de que puesto que la vida es un accidente, tenemos la libertad de transformarnos en lo que queramos?

JH: Sí, adoramos la idea del hombre que se ha hecho a sí mismo, ¡de otro modo iríamos a la huelga en contra de que Bill Gates tenga todo ese montón de dinero! Es increíble, y sin embargo es parte de ese culto a la individualidad.

Pero la cultura está pasando por una depresión psicológica. Nos preocupa nuestro lugar en el mundo, ser competitivos: ¿tendrán mis hijos tanto como tengo yo? ¿Llegaré a tener mi casa propia? ¿Cómo puedo comprarme un coche nuevo? ¿Me quitarán los inmigrantes mi mundo blanco? Toda esta ansiedad y depresión arroja dudas acerca de si puedo lograrlo como un individuo heroico estilo John Wayne.

SL: En "El código del alma" Ud. habla acerca de "la teoría de la bellota". ¿Qué es eso?

JH: Bueno, es más un mito que una teoría. Es el mito de Platón de que uno llega al mundo con un destino, aunque él emplea la palabra "paradigma" o arquetipo en lugar de destino. La teoría de la bellota dice que existe una imagen individual que le pertenece a tu alma.

El mismo mito puede encontrarse en la kabbalah. Los mormones también lo tienen. Los africanos también lo tienen. Los hindúes y los budistas también lo tienen de diferente manera -lo vinculan más con la reencarnación y el karma-, pero aún así uno llega al mundo con un destino particular. Los indios norteamericanos también lo tienen, y muy fuerte. De modo que todas estas culturas a lo largo del mundo tienen esta comprensión básica de la existencia. Sólo la psicología occidental no la tiene.

SL: En nuestra cultura tendemos a pensar en la vocación en términos de "profesión" o "carrera".

JH: Sí, pero la vocación puede referirse no sólo a maneras de hacer -esto es, trabajo- sino también a maneras de ser. Por ejemplo ser amigo. Goethe decía que su amigo Eckermann había nacido para la amistad. Aristóteles hacía de la amistad una de las grandes virtudes. En su libro sobre ética, tres o cuatro capítulos están dedicados a la amistad. En el pasado, la amistad era algo inmenso. Pero para nosotros es difícil pensar en la amistad como una vocación, porque no es una profesión.

SL: La maternidad es otro ejemplo que viene a la cabeza. De las madres se espera que tengan una vocación, por encima y más allá de ser una madre.

JH: En efecto, no es suficiente sólo ser madre. No es sólo la presión social sobre las madres por parte de ciertos tipos de feminismo y otras fuentes. También hay presión económica. Es una terrible crueldad del capitalismo depredador: ambos padres tienen que trabajar ahora. La familia debe tener dos fuentes de ingreso a fin de comprar las cosas que son deseables en nuestra cultura. De modo que la degradación de la maternidad -el sentimiento de que la maternidad no es en sí misma una vocación- también surge por la presión económica.

SL: ¿Qué implicaciones tienen sus ideas para los padres?

JH: Creo que lo que digo debiera aliviarlos enormemente y hacerlos desear prestar más atención a sus hijos, este “extraño” que ha aterrizado en medio de nosotros. En lugar de decir "Este es mi hijo" deben preguntarse "¿Quién es este niño que es mío?" Entonces tendrán mucho más respeto por el niño y tratarán de tener abiertos los ojos para las ocasiones en que el destino del niño pudiera mostrarse -como en la resistencia en la escuela, por ejemplo, o un conjunto de síntomas raros en un año, o una obsesión con una cosa u otra. Quizás allí esté ocurriendo algo muy importante que los padres no habían advertido antes.

SL: Los síntomas son vistos usualmente como debilidades.

JH: En efecto, de modo que se busca algún tipo de programa médico o terapéutico para liberarse de ellos, cuando los síntomas podrían ser la parte más crucial del niño. En mi libro hay muchas historias que ilustran esto.

SL: Tuve una larga discusión sobre su libro con una amiga que es madre de una niña de seis años. Si bien acepta la idea de que su hija tiene un potencial único, acaso incluso un "código", está preocupada de lo que eso puede significar en la práctica. Teme que pudiera abrumar a la niña con muchas expectativas.

JH: Esa es una madre muy inteligente. Creo que la peor atmósfera para una criatura de seis años, es aquella en la que no hay ninguna expectativa. Esto es, es peor para el niño crecer en un vacío donde "lo que hagas está bien, estoy segura de que triunfarás". Esta es una manifestación de desinterés.





Dice: "Realmente no tengo ninguna fantasía para ti". Una madre debiera tener alguna fantasía sobre el futuro de su hijo. Por lo menos aumentará su interés en su hijo. No se trata de convertir la fantasía en un programa para que el niño vuele en avión a lo largo del país. Eso sería la satisfacción de los propios sueños de los padres. Eso es diferente. Tener una fantasía -la cual el niño intentará cumplir o contra la cual se rebelará furiosamente- da al menos al niño alguna expectativa que cumplir o que rechazar.

SL: ¿Y qué piensa de la idea de someter los niños a tests para determinar sus aptitudes?

JH: Las aptitudes pueden mostrar la vocación, pero no son el único indicador. Las ineptitudes o limitaciones pueden revelar aún más la vocación que el mismo talento, curiosamente. O puede haber una formación muy lenta del carácter.

SL: ¿Cuál es el primer paso para entender la propia vocación?

JH: Es muy importante preguntarse a sí mismo: "¿Cómo puedo ser útil a los demás? ¿Qué quiere la gente de mí?" Esto bien podría revelar para qué está uno aquí.

SL: Ud. ha escrito que "la gran tarea de cualquier cultura es mantener los invisibles en contacto". ¿Qué quiere decir con ello?

JH: Es una idea difícil de explicar sin abandonar la psicología e introducirse en la religión. No hablo sobre quiénes son los invisibles, o dónde viven o qué quieren. No hay teología en ello. Pero es el único modo en que los humanos podamos dejar de ser tan humano-céntricos: permanecer vinculados a algo otro que humano.

SL: ¿Dios?

JH: Sí.

SL: ¿Nuestra vocación?

JH: Creo que el primer paso es darse cuenta de que cada uno de nosotros Somos. Y luego debemos mirar hacia atrás en nuestras vidas y considerar algunos de los accidentes y curiosidades y rarezas y problemas y enfermedades y comenzar a ver más en estas cosas de lo que habíamos visto antes.

Plantear preguntas, de modo que cuando ocurren esos pequeños y peculiares accidentes, uno se pregunta si hay algo más en acción en nuestra vida. Es más una sensibilidad, tal como la que tendría una persona que viviera en una cultura tribal: el concepto de que hay otras fuerzas en acción. Un modo de vivir más reverencial.

SL: Recuerdo una charla pública que Ud. dio hace tiempo. La gente quería preguntarle todo tipo de cuestiones acerca de su visión del alma, y Ud. parecía un poco irritado con ellos.

JH: He estado luchando con estas cuestiones durante treinta y cinco años. A veces me irrito en una situación pública porque pienso, Oh Dios, no puede volver a eso de nuevo. No puedo poner eso en una respuesta de dos palabras. No puedo. Donde quiera que vaya, la gente dice "¿Puedo hacerle una pregunta rápida?" Siempre es "una pregunta rápida". Bueno, mis respuestas son lentas.

SL: Antes mencionó a Goethe. El observó que nuestra mayor felicidad reside en practicar un talento para el que fuimos hechos. ¿Somos tan desgraciados, como cultura, porque estamos disociados de nuestros talentos innatos, nuestro código del alma?

JH: Creo que somos desgraciados en parte porque tenemos solo un dios, y es el dinero. El dinero es un porteador de esclavos. Nadie tiene tiempo libre, nadie tiene tiempo para mirar más allá de su ego. Toda la cultura está bajo una presión terrible y fraguada de preocupaciones.

Esa es la situación dominante en todo el mundo.

vendredi, 22 février 2008

Introduction à l'oeuvre de L. F. Clauss

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Robert Steuckers:

Introduction à l'œuvre de Ludwig Ferdinand CLAUSS  (1892-1974)

Né le 8 février 1892 à Offenburg dans la région du Taunus, l'anthropologue Ludwig Ferdinand Clauss est rapidement devenu l'un des raciologues et des islamologues les plus réputés de l'entre-deux-guerres, cumulant dans son œuvre une approche spirituelle et caractérielle des diverses composantes raciales de la population européenne, d'une part, et une étude approfondie de la psyché bédouine, après de longs séjours au sein des tribus de la Transjordanie. L'originalité de sa méthode d'investigation raciologique a été de renoncer à tous les zoologismes des théories raciales conventionnelles, nées dans la foulée du darwinisme, où l'homme est simplement un animal plus évolué que les autres. Clauss renonce aux comparaisons trop faciles entre l'homme et l'animal et focalise ses recherches sur les expressions du visage et du corps qui sont spécifiquement humaines ainsi que sur l'âme et le caractère.

Il exploite donc les différents aspects de la phénoménologie pour élaborer une raciologie psychologisante (ou une «psycho-raciologie») qui conduit à comprendre l'autre sans jamais le haïr. Dans une telle optique, admettre la différence, insurmontable et incontournable, de l'Autre, c'est accepter la pluralité des données humaines, la variété des façons d'être-homme, et refuser toute logique d'homologation et de centralisation coercitive.

 

Ludwig Ferdinand Clauss était un disciple du grand philosophe et phénoménologue Edmund Husserl. Il a également été influencé par Ewald Banse (1883-1953), un géographe qui avait étudié avant lui les impacts du paysage sur la psychologie, de l'écologie sur le mental. Ses théories cadraient mal avec celles, biologisantes, du national-socialisme. Les adversaires de Clauss considéraient qu'il réhabilitait le dualisme corps/âme, cher aux doctrines religieuses chrétiennes, parce que, contrairement aux darwiniens stricto sensu, il considérait que les dimensions psychiques et spirituelles de l'homme appartenaient à un niveau différent de celui de leurs caractéristiques corporelles, somatiques et biologiques. Clauss, en effet, démontrait que les corps, donc les traits raciaux, étaient le mode et le terrain d'expression d'une réalité spirituelle/psychique. En dernière instance, ce sont donc l'esprit (Geist)  et l'âme (Seele)  qui donnent forme au corps et sont primordiaux. D'après les théories post-phénoménologiques de Clauss, une race qui nous est étrangère, différente, doit être évaluée, non pas au départ de son extériorité corporelle, de ses traits raciaux somatiques, mais de son intériorité psychique. L'anthropologue doit dès lors vivre dans l'environnement naturel et immédiat de la race qu'il étudie. Raison pour laquelle Clauss, influencé par l'air du temps en Allemagne, commence par étudier l'élément nordique de la population allemande dans son propre biotope, constatant que cette composante ethnique germano-scandinave est une “race tendue vers l'action” concrète, avec un élan froid et un souci des résultats tangibles. Le milieu géographique premier de la race nordique est la Forêt (hercynienne), qui recouvrait l'Europe centrale dans la proto-histoire.

 

La Grande Forêt hercynienne a marqué les Européens de souche nordique comme le désert a marqué les Arabes et les Bédouins. La trace littéraire la plus significative qui atteste de cette nostalgie de la Forêt primordiale chez les Germains se trouve dans le premier livre évoquant le récit de l'Evangile en langue germanique, rédigé sous l'ordre de Louis le Pieux. Cet ouvrage, intitulé le Heliand (= Le Sauveur), conte, sur un mode épique très prisé des Germains de l'antiquité tardive et du haut moyen âge, les épisodes de la vie de Jésus, qui y a non pas les traits d'un prophète proche-oriental mais ceux d'un sage itinérant doté de qualités guerrières et d'un charisme lumineux, capable d'entraîner dans son sillage une phalange de disciples solides et vigoureux. Pour traduire les passages relatifs à la retraite de quarante jours que fit Jésus dans le désert, le traducteur du haut moyen âge ne parle pas du désert en utilisant un vocable germanique qui traduirait et désignerait une vaste étendue de sable et de roches, désolée et infertile, sans végétation ni ombre. Il écrit sinweldi, ce qui signifie la «forêt sans fin», touffue et impénétrable, couverte d'une grande variété d'essences, abritant d'innombrables formes de vie. Ainsi, pour méditer, pour se retrouver seul, face à Dieu, face à la virginité inconditionnée des éléments, le Germain retourne, non pas au désert, qu'il ne connaît pas, mais à la grande forêt primordiale. La forêt est protectrice et en sortir équivaut à retourner dans un “espace non protégé” (voir la légende du noble saxon Robin des Bois et la fascination qu'elle continue à exercer sur l'imaginaire des enfants et des adolescents).

 

L'idée de forêt protectrice est fondamentalement différente de celle du désert qui donne accès à l'Absolu: elle implique une vision du monde plus plurielle, vénérant une assez grande multiplicité de formes de vie végétale et animale, coordonnée en un tout organique, englobant et protecteur.

 

L' homo europeus ou germanicus n'a toutefois pas eu le temps de forger et de codifier une spiritualité complète et absolue de la forêt et, aujourd'hui, lui qui ne connaît pas le désert de l'intérieur, au contraire du Bédouin et de l'Arabe, n'a plus de forêt pour entrer en contact avec l'Inconditionné. Et quand Ernst Jünger parle de “recourir à la forêt”, d'adopter la démarche du Waldgänger, il formule une abstraction, une belle abstraction, mais rien qu'une abstraction puisque la forêt n'est plus, si ce n'est dans de lointains souvenirs ataviques et refoulés. Les descendants des hommes de la forêt ont inventé la technique, la mécanique (L. F. Clauss dit la  Mechanei), qui se veut un ersatz de la nature, un palliatif censé résoudre tous les problèmes de la vie, mais qui, finalement, n'est jamais qu'une construction et non pas une germination, dotée d'une mémoire intérieure (d'un code génétique). Leurs ancêtres, les Croisés retranchés dans le krak des Chevaliers, avaient fléchi devant le désert et devant son implacabilité. Preuve que les psychés humaines ne sont pas transposables arbitrairement, qu'un homme de la Forêt ne devient pas un homme du Désert et vice-versa, au gré de ses pérégrinations sur la surface de la Terre.

 

A terme, la spiritualité du Bédouin développe un “style prophétique” (Offenbarungsstil), parfaitement adapté au paysage désertique, et à la notion d'absolu qu'il éveille en l'âme, mais qui n'est pas exportable dans d'autres territoires. Le télescopage entre ce prophétisme d'origine arabe, sémitique, bédouine et l'esprit européen, plus sédentaire, provoque un déséquilibre religieux, voire une certaine angoisse existentielle, exprimée dans les diverses formes de christianisme en Europe.  

 

Clauss a donc appliqué concrètement —et personnellement—  sa méthode de psycho-raciologie en allant vivre parmi les Bédouins du désert du Néguev, en se convertissant à l'Islam et en adoptant leur mode de vie. Il a tiré de cette expérience une vision intérieure de l'arabité et une compréhension directe des bases psychologiques de l'Islam, bases qui révèlent l'origine désertique de cette religion universelle.

 

Sous le IIIième Reich, Clauss a tenté de faire passer sa méthodologie et sa théorie des caractères dans les instances officielles. En vain. Il a perdu sa position à l'université parce qu'il a refusé de rompre ses relations avec son amie et collaboratrice Margarete Landé, de confession israélite, et l'a cachée jusqu'à la fin de la guerre. Pour cette raison, les autorités israéliennes ont fait planter un arbre en son honneur à Yad Vashem en 1979. L'amitié qui liait Clauss à Margarete Landé ne l'a toutefois pas empêché de servir fidèlement son pays en étant attaché au Département VI C 13 du RSHA (Reichssicherheitshauptamt), en tant que spécialiste que Moyen-Orient.

 

Après la chute du IIIième Reich, Clauss rédige plusieurs romans ayant pour thèmes le désert et le monde arabe, remet ses travaux à jour et publie une étude très approfondie sur l'Islam, qu'il est un des rares Allemands à connaître de l'intérieur. La mystique arabe/bédouine du désert débouche sur une adoration de l'Inconditionné, sur une soumission du croyant à cet Inconditionné. Pour le Bédouin, c'est-à-dire l'Arabe le plus authentique, l'idéal de perfection pour l'homme, c'est de se libérer des “conditionnements” qui l'entravent dans son élan vers l'Absolu. L'homme parfait est celui qui se montre capable de dépasser ses passions, ses émotions, ses intérêts. L'élément fondamental du divin, dans cette optique, est l' istignâ, l'absence totale de besoins. Car Dieu, qui est l'Inconditionné, n'a pas de besoins, il ne doit rien à personne. Seule la créature est redevable: elle est responsable de façonner sa vie, reçue de Dieu, de façon à ce qu'elle plaise à Dieu. Ce travail de façonnage constant se dirige contre les incompétences, le laisser-aller, la négligence, auxquels l'homme succombe trop souvent, perdant l'humilité et la conscience de son indigence ontologique. C'est contre ceux qui veulent persister dans cette erreur et cette prétention que l'Islam appelle à la Jihad. Le croyant veut se soumettre à l'ordre immuable et généreux que Dieu a créé pour l'homme et doit lutter contre les fabrications des “associateurs”, qui composent des arguments qui vont dans le sens de leurs intérêts, de leurs passions mal dominées. La domination des “associateurs” conduit au chaos et au déclin. Réflexions importantes à l'heure où les diasporas musulmanes sont sollicitées de l'intérieur et de l'extérieur par toutes sortes de manipulateurs idéologiques et médiatiques et finissent pas excuser ici chez les leurs ce qu'ils ne leur pardonneraient pas là-bas chez elles. Clauss a été fasciné par cette exigence éthique, incompatible avec les modes de fonctionnement de la politicaille européenne conventionnelle. C'est sans doute ce qu'on ne lui a pas pardonné.

 

Ludwig Ferdinand Clauss meurt le 13 janvier 1974 à Huppert dans le Taunus. Considéré par les Musulmans comme un des leurs, par les Européens enracinés comme l'homme qui a le mieux explicité les caractères des ethnies de base de l'Europe, par les Juifs comme un Juste à qui on rend un hommage sobre et touchant en Israël, a récemment été vilipendé par des journalistes qui se piquent d'anti-fascisme à Paris, dont René Schérer, qui utilise le pseudonyme de «René Monzat». Pour ce Schérer-Monzat, Clauss, raciologue, aurait été tout bonnement un fanatique nazi, puisque les préoccupations d'ordre raciologique ne seraient que le fait des seuls tenants de cette idéologie, vaincue en 1945. Schérer-Monzat s'avère l'une de ces pitoyables victimes du manichéisme et de l'inculture contemporains, où la reductio ad Hitlerum devient une manie lassante. Au contraire, Clauss, bien davantage que tous les petits écrivaillons qui se piquent d'anti-fascisme, est le penseur du respect de l'Autre, respect qui ne peut se concrétiser qu'en replaçant cet Autre dans son contexte primordial, qu'en allant à l'Autre en fusionnant avec son milieu originel. Edicter des fusions, brasser dans le désordre, vouloir expérimenter des mélanges impossibles, n'est pas une preuve de respect de l'altérité des cultures qui nous sont étrangères.

 

Robert STEUCKERS.  

 

-Bibliographie:

Die nordische Seele. Artung. Prägung. Ausdruck, 1923; Fremde Schönheit. Eine Betrachtung seelischer Stilgesetze, 1928; Rasse und Seele. Eine Einführung in die Gegenwart, 1926; Rasse und Seele. Eine Einführung in den Sinn der leiblichen Gestalt, 1937; Als Beduine unter Beduine, 1931; Die nordische Seele, 1932; Die nordische Seele. Eine Einführung in die Rassenseelenkunde, 1940 (édition complétée de la précédente); Rassenseelenforschung im täglichen Leben, 1934; Vorschule der Rassenkunde auf der Grundlage praktischer Menschenbeobachtung,  1934 (en collaboration avec Arthur Hoffmann); Rasse und Charakter, Erster Teil: Das lebendige Antlitz, 1936 (la deuxième partie n'est pas parue); Rasse ist Gestalt, 1937; Semiten der Wüste unter sich. Miterlebnisse eines Rassenforschers, 1937; Rassenseele und Einzelmensch, 1938; König und Kerl, 1948 (œuvre dramatique); Thuruja,  1950 (roman); Verhüllte Häupter, 1955 (roman); Die Wüste frei machen, 1956 (roman); Flucht in die Wüste, 1960-63 (version pour la jeunesse de Verhüllte Häupter); Die Seele des Andern. Wege zum Verstehen im Abend- und Morgenland, 1958; Die Weltstunde des Islams, 1963.

 

- Sur Ludwig Ferdinand Clauss:

Julius Evola, Il mito del sangue,  Ar, Padoue, 1978 (trad.franç., Le mythe du sang, Editions de l'Homme Libre, Paris, 1999); Julius Evola, «F. L. Clauss: Rasse und Charakter», recension dans Bibliografia fascista, Anno 1936-XI (repris dans Julius Evola, Esplorazioni e disamine. Gli scritti di “Bibliografia fascista”, Volume I, 1934-IX - 1939-XIV, Edizioni all'Insegna del Veltro, Parma, 1994);  Léon Poliakov/Joseph Wulf, Das Dritte Reich und seine Denker. Dokumente und Berichte, Fourier, Wiesbaden, 1989 (2ième éd.) (Poliakov et Wulf reproduisent un document émanant du Dr. Walter Gross et datant du 28 mars 1941, où il est question de mettre Clauss à l'écart et de passer ses œuvres sous silence parce qu'il n'adhère pas au matérialisme biologique, parce qu'il est «vaniteux» et qu'il a une maîtresse juive); Robert Steuckers, «L'Islam dans les travaux de Ludwig Ferdinand Clauss», in Vouloir, n°89/92, juillet 1992.       

mercredi, 12 décembre 2007

H. Blüher: héros masculins, porteurs d'Etat

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Hans Blüher: les héros masculins, porteurs d'Etat

par Michael Morgenstern

Son père l'avait averti de la toute-puissance de la société établie: "Ils t'injurieront et te brocarderont. Tu iras frapper en vain à la porte des maisons d'édition et des rédactions des journaux. Ils tairont ton nom et en feront un tabou que personne n'osera briser ou contourner". Pourtant, à 23 ans, le jeune Blüher était fermement décidé à poursuivre sa voie: il voulait décrire le mouvement Wandervogel tel qu'il l'avait vécu, c'est-à-dire comme un ³phénomène érotique². Son premier ouvrage, paru en trois volumes en 1912, il l'appelait son ³brigand². Grâce à lui, il déboule d'un seul coup sous les feux de la rampe, où il récolte bien entendu les injures et les quolibets que son père lui avait prophétisés. Il était devenu l'advocatus diaboli en marge du mouvement de jeunesse. Le Wandervogel était décrit par son jeune historiographe comme un mouvement révolutionnaire dirigé contre l'esprit du temps et contre la poussiéreuse ³culture des pères² car porté par la passion (érotique) de la jeunesse masculine.

Armin Mohler a placé Blüher à côté d'Oswald Spengler, de Thomas Mann, de Carl Schmitt et des frères Jünger, dans la phalange de tête des penseurs de la Révolution Conservatrice, et l'avait compté parmi les ³principaux auteurs d'esprit bündisch².  Malgré ce grand honneur, son nom est aujourd'hui quasi oublié, plus rien ne s'écrit sur lui et ses ouvrages ne sont pas réédités. Le tabou fonctionne toujours.

Né en 1888 à Freiburg en Silésie, fils d'un pharmacien, Hans Blüher est profondément marqué par l'éducation qu'il reçoit au Gymnasium   de Berlin-Steglitz, où il fait ses ³humanités². Ce Gymnasium est aussi, ne l'oublions pas, le berceau du mouvement Wandervogel. Dans cette école, Blüher accède au monde spirituel de la mythologie antique, dont il restera compénétré jusqu'à la mort. Au même moment, les institutions prussiennes, prodigant leur formation militarisée  ‹c'est un de leurs mérites, pense Blüher‹  suscitent aussi l'éclosion de forces différentes, contraires, de facture anarchisante, romantique et libre-penseuse.

Assoiffé de savoir, Blüher est attiré par la pensée de Nietzsche, que les maîtres et les directeurs d'école condamnent encore. Cet engouement pour le philosophe de Sils-Maria le conduit à aller étudier brièvement la philologie à Bâle. A cette époque, Blüher part en randonnée, traverse les Alpes et se retrouve en Italie. Il dévore les ¦uvres de Max Stirner, surtout L'unique et sa propriété. Il en dira: "Ce fut l'extrémité la plus audacieuse, vers laquelle je pus me diriger". Parce qu'il partageait avec lui la même vénération pour Carl Spitteler  ‹pour Blüher, c'était un "Homère allemand"‹   il rencontre le pédagogue réformateur et charismatique Gustav Wyneken, figure de proue du mouvement de jeunesse. Wyneken avait créé la ³Communauté scolaire libre de Wickersdorf² en Thuringe. Blüher considérait que cette initiative constituait le pôle apollinien du mouvement de jeunesse, tandis que le Wandervogel en constituait le pôle dionysiaque. Blüher ne rompit avec Wyneken, le réformateur des écoles, que lorsque celui-ci se mit à théoriser la notion d'un ³peuple pur et bon² à la mode socialiste et à militer en faveur de l'³Etat failli² qu'était la République de Weimar. Blüher, lui, resta un monarchiste convaincu (il précisait: un ³royaliste prussien²); il rendit même visite à l'Empereur Guillaume II en exil à Doorn aux Pays-Bas, où le monarque déchu était contraint de fendre son bois de chauffage à la hache.

De tout son c¦ur, Blüher, l'outsider   et l'universaliste, haïssait l'univers des doctes professeurs maniaques et méticuleux qui s'enfermaient dans leur spécialité. Il a finalement abandonné la rédaction de son mémoire sur Schopenhauer, dès qu'il s'est rendu compte qu'un tel travail n'était que superflu et inutilement pénible. Il considérait que l'université n'était plus qu'un ³magasin à rayons multiples², dans lequel il allait pouvoir se servir selon son bon vouloir et ses humeurs. La monographie controversée sur le Wandervogel   fut le premier coup d'éclat de Blüher. Mais il a continué à exploiter cette thématique en publiant chez Eugen Diederichs à Iéna son ¦uvre majeure: Die Rolle der Erotik in der männlichen Gesellschaft. Eine Theorie der menschlichen Staatbildung nach Wesen und Wert  (= Le rôle de l'érotisme dans la société masculine. Pour une théorie sur l'essence et la valeur de la constitution de l'Etat humain). Ce sera son ouvrage le plus important, celui qui eut le plus de suites. La thèse de Blüher: l'Eros masculin cherche à atteindre deux principes de socialisation opposés, celui qui repose sur la conquête sexuelle de la femme et sur la fondation d'une famille, d'une part, et celui qui vise la constitution d'une ³ligue d'hommes² (Männerbund), d'autre part. Cette dernière forme de socialisation, dont l'érotisme est le moteur, n'a pas seulement été le pilier porteur de la culture grecque antique, mais a constitué l'assise de tout ordre de type étatique.

Dès lors, en suivant le même raisonnement, Blüher affirme que la protestation du mouvement de jeunesse bündisch et la forte valorisation des ³héros masculins² dans ces milieux, où l'on s'insurgeait contre le monde bourgeois, étaient en fait des révoltes contre l'absoluisation dominante, dans ce même monde bourgeois, de la forme de socialisation visant la création de familles. Au cours de ce processus de survalorisation de la famille, l'homme se féminisait et la femme se virilisait. L'érotisme inter-masculin, décrit par Blüher, ne doit pas être confondu avec l'homosexualité, car il n'y conduit que dans des cas exceptionnels. Pourtant, comme l'affirmait Nicolaus Sombart dans les colonnes de la Frankfurter Allgemeine Zeitung  à l'occasion du centenaire de la naissance de Blüher, Die Rolle der Erotik.. peut être considéré comme une réaction aux ³procès Eulenburg² de 1907 à 1909, qui ont enclenché une persécution des homosexuels qui a éclaboussé le mouvement de jeunesse.

Blüher a subi l'influence décisive de Freud, dont il avait très tôt lu les ouvrages et repris le concept de ³refoulement². A l'aide de cette notion-clef, il a examiné le cas du ³persécuteur d'homosexuels²: celui-ci est dans le fond tout autant attiré érotiquement par la jeunesse masculine que l'homosexuel, mais ne l'admet pas et agit de toutes ses forces pour camoufler ses tendances vis-à-vis du monde extérieur en les transformant en leur contraire. Freud lui-même a publié un texte sur Blüher et sur sa théorie de la bisexualité dans la revue qu'il dirigeait, Imago. Il louait la perspicacité de son disciple Blüher: "Vous êtes une intelligence puissante, un observateur pertinent, un gaillard doué de beaucoup de courage et sans trop d'inhibitions". Autodidacte et précepteur libre, Blüher devait finalement à Freud son existence matérielle quotidienne: comme la psychanalyse n'était pas encore ancrée dans les curricula universitaires, l'auteur de Die Rolle der Erotik... a pu ouvrir un cabinet de psychothérapeute, sans détenir ni titre ni diplôme. Il en a vécu chichement pendant toute sa vie.

Hans Blüher, chrétien et nietzschéen tout à la fois, monarchiste et révolutionnaire, était un homme bourré de contradictions. Il comptait parmi ses amis et ses interlocuteurs des intellectuels libéraux de gauche ou des pacifistes juifs comme Kurt Hiller, Gustav Landauer, Magnus Hirschfeld et Ernst Joel, ce qui ne l'a pas empêché d'écrire des ouvrages très critiques à l'encontre de la judaïté. Ainsi, par exemple, son livre Secessio Judaica (1922) ou Streit um Israël. Briefwechsel mit Hans-Joachim Schoeps  (1933; = Querelle à propos d'Israël. Correspondance avec H.J. Schoeps). Ces textes lui ont valu l'étiquette d'³antisémite². Avec le recul, et malgré l'esprit de notre temps, cette accusation ne tient pas: il suffit, pour s'en convaincre, de lire les souvenirs autobiographiques que Blüher nous a laissés. Ils sont parus en 1953 chez l'éditeur Paul List à Munich, deux ans avant la mort de leur auteur, sous le titre de Wege und Tage. Geschichte eines Denkers  (= Chemins et jours. Histoire d'un penseur).

Sous le Troisième Reich, ce penseur de la transgression a vécu retiré de tout, en préparant un ouvrage philosophique de grande ampleur qui a reçu le titre de Die Achse der Natur  (= L'Axe de la Nature) quand il est paru en 1949. Il avait traité Hitler d'³estropié érotique².

(article tiré de Junge Freiheit, n°6/1995).
 

[Synergies Européennes, Junge Freiheit (Berlin) / Vouloir (Bruxelles), Octobre, 1996]

mercredi, 23 mai 2007

Psychologie jungienne et figure d'Odin

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La psychologie jungienne face à la figure d'Odin

Horst Obleser, psychiatre d'obédience jungienne, a sorti en 1993 un ouvrage entièrement consacré à Odin, le dieu dont personne ne sait où il va ni qui il est. Muni d'une longue lance, le doigt orné d'un superbe anneau d'or magnifiquement décoré, un corbeau perché sur son épaule, un autre corvidé évoluant au-dessus de lui, flanqué de deux loups gris foncé, chevauchant un destrier fabuleux à huit pattes, il est le dieu de l'errance, du savoir et des guerriers. Il voit et sait tout. S'exprime exclusivement en vers. Ne boit que du vin ou de l'hydromel. Cette description épuise quasiment tout ce que les sources nous ont appris de ce dieu. C'est peu de choses. L'Europe centrale germanique est donc dépourvue d'un corpus mythologique élaboré, à la façon des traditions avestique ou védique. L'Europe germanique est donc mutilée sur les plans mythologique et psychique. Thérapeute, Horst Obleser le déplore, surtout dans le domaine de l'éducation: l'enfant germanique, contrairement à l'enfant indien par exemple, n'est pas plongé dans un corpus d'histoires et d'images "orientantes", qui lui expliquent l'agencement du monde, par le biais de contes et d'histoires, et le console, le cas échéant, quand il doit faire face aux déchirements et aux affres de l'existence. Il ne reste aux peuples germaniques qu'un rationalisme superficiel, dérivé du christianisme, dont ils ne comprennent guère les sources mythologiques proche-orientales, nées sur un territoire à la géologie, la faune et la flore très différentes. A l'heure actuelle, les images artificielles répandues par les médias se superposent à ce rationalisme christianomorphe lacunaire, interdisant à nos enfants de posséder in imo pectore des images et des références mythiques issues d'une psyché et d'un inconscient propres. Consolations et rêves ne dérivent pas de contes et de symboles transmis depuis de longues générations et surtout issus de la terre occupée depuis toujours par les ancêtres. Lacune qui doit mobiliser l'attention du thérapeute et l'induire à s'ouvrir aux recherches sur la mythologie.

Obleser: «Nous vivons dans une culture qui est fortement imprégnée de pensée chrétienne, mais une pensée chrétienne qui est néanmoins traversée d'idéaux guerriers. Un esprit aventureux conquérant se profile graduellement derrière [notre culture christianisée], qui devrait nous permettre de nous identifier à des héros ou des héroïnes. Mais cet état de choses n'exclut pas le fait, qu'au contraire d'autres cultures, comme les cultures grecque, égyptienne, hébraïque, indienne ou persane, nous ne possédons plus que des mythes théogoniques et cosmogoniques très fragmentaires» (pp. 15-16). «Dans l'espace germanique méridional, quasiment aucune tradition n'a survécu. Il nous reste la consolation qu'un mythe commun à tous les peuples germaniques n'a sans doute jamais existé. Les mythes germaniques ont sombré très profondément dans le passé, et sont en grande partie oubliés. A leur place, des images issues de la culture gréco-romaine, des mythes égyptiens ou, par l'intermédiaire de la christianisation, les mythes hébraïco-judaïques de la Bible, ont pris en nous un territoire psychique important. Sous toutes ces images étrangères, demeurent tapis les anciens mythes celtiques et germaniques, qu'il s'agit de redécouvrir» (p. 16).

Pourquoi? Caprice de philologue, de chercheur, d'intellectuel? Pire: lubie de psychiatre? Non. Nécessité thérapeutique! La fragilité psychique de l'Européen, et de l'Allemand en particulier, vient de ce MOI mutilé, nous enseigne C. G. Jung. Dans cette optique, Obleser écrit: «Le caractère des Germains peut se décrire sur deux plans, à partir de ce que nous savons de la personnalité du dieu Odin: d'une part, nous trouvons "une virilité dure, violente, tournée vers elle-même"; et, d'autre part, "une curieuse tendance oscillante" qui émerge tantôt dans l'individu tantôt dans le peuple tout entier». Et il poursuit: «Ninck nous parle dans ce contexte d'une virilité héroïque qui se caractérise par la force, la puissance, la dureté, la capacité à résister à l'adversité, qui se conjugue au goût prononcé pour le combat, pour l'audace et pour l'action décidée en conditions extrêmes. A tout cela s'ajoute encore un désir prononcé de liberté et d'indépendance. Certes, ce sont là des qualités que l'on retrouve, de manière similaire ou non, dans d'autres peuples, chez qui importent aussi les capacités à mener la guerre et les batailles» (pp. 271-272).

Autre caractéristique germanique, que l'on retrouve chez Odin: la pulsion à errer et à voyager. «Même chez les Celtes, proches parents des Germains, on ne retrouve pas cette pulsion exprimée de manière aussi claire. Le nombre impressionnant des Wanderlieder [Chants de randonnées, de voyage] dans la littérature ou le folklore allemands constitue autant d'expressions de cette pulsion, même s'ils ne sont plus qu'un souvenir terni de l'antique agitation perpétuelle des Germains. Cette facette essentielle de l'âme germanique a dû constituer une part importante de nos coutumes, qui s'est perpétuée dans les gildes d'artisans, et plus particulièrement chez les apprentis et les maîtres charpentiers, jusqu'à nos jours: l'apprenti, justement, doit pérégriner et passer un certain laps de temps à aller et venir à l'étranger. Ninck croit que le trait de caractère qui porte les peuples germaniques à pérégriner se répercute dans le langage quotidien, où l'on s'aperçoit des innombrables usages des mots "fahren" et "gehen" (…). Nos vies sont perçues comme des voyages, notamment quand nous parlons de "notre compagnon ou de notre compagne de route" (Lebensgefärhte, Lebengefärhtin) pour désigner notre époux ou notre épouse (…). L'importance accordée au mouvement dans la langue allemande se repère dans l'expression idiomatique "es geht mir gut", "je me porte bien", qui ne se dit pas du tout de la même façon en grec, où l'on utilise des vocables comme "avoir", "souffrir", "agir", ni en latin, où l'on opte pour "être", "avoir" ou "se passer" (…)» (p. 272).

Le substrat (ou l'adstrat) chrétien nous interdit donc de comprendre à fond cette propension à l'errance, le voyage, la pérégrination. Pour Obleser, seul le mystique médiéval Nicolas de Flues (Nikolaus von Flüe), renoue avec ces traits de caractère germaniques dans ses écrits. Il vivait en Suisse, à proximité du Lac des Quatre Cantons, entre 1417 et 1487. Il était paysan, juge et député de sa communauté rurale et montagnarde. A partir de sa cinquantième année, il s'est entièrement consacré à ses exercices religieux. Au cours desquels, il a eu une vision, celle du «pérégrin chantant» (Der singende Pilger). Dans mon "esprit", dit Nicolas de Flues, j'ai reçu la visite d'un pérégrin, coiffé d'un chapeau ample (attribut d'Odin), les épaules couvertes d'un manteau bleu ou gris foncé, venu du Levant. Derrière l'archétype de ce pérégrin, avatar médiéval d'Odin qui a réussi à percer la croûte du sur-moi chrétien, se profile aussi l'idéal de la quête du divin, propre à tous les mystiques d'hier et d'aujourd'hui. Ce pérégrin et cet idéal n'ont plus jamais laissé Nicolas de Flues en paix. La quête rend l'homme fébrile, lui ôte sa quiétude, lui inflige une souffrance indélébile. De plus, tout pérégrin est seul, livré à lui-même. Il fuit les conformismes. Il entre fréquemment en trance, terme par lequel il faut comprendre l'immersion dans la prière ou la méditation (le pérégrin de Nicolas de Flues prononce, sur le mode incantatoire, de longues séries d'"Allélouïa", en arrivant et en repartant, indiquant de la sorte que sa méditation —et sa joie de méditer— se font en état de mobilité, de mouvance, comme Odin). Pour C. G. Jung, Odin est "ein alter Sturm- und Rauschgott", un dieu ancien de la tempête (ou de l'assaut) et de l'ivresse (de l'effervescence). Pour Marie-Louise von Franz, la vision de Nicolas de Flues est une rencontre de l'homme germanique avec lui-même, avec l'image mythique de lui-même, que la christianisation lui a occultée: au tréfonds de sa personnalité, il est ce pérégrin, méditant et chantant, profond mais toujours sauvage, esseulé.

Jung trace un parallèle entre cette pérégrination odinique (ou cette vision de Nicolas de Flues) et le mouvement de jeunesse Wandervogel (ou ses avatars ultérieurs tels les Nerother, grands voyageurs, la d.j.1.11 de l'inclassable Eberhard Köbel, surnommé "tusk" par les Lapons qu'il allait régulièrement visités, etc.). Ce n'est donc pas un hasard si la caractéristique majeure de ce mouvement de jeunesse spécifiquement allemand ait été le "Wandern", la randonnée ou l'expédition lointaine vers des terres vierges (les Andes, l'Afrique pour un des frères Ölbermann, fondateurs des Nerother, la Nouvelle-Zemble arctique, la Laponie, etc.). Jung: «En randonnant inlassablement sur les routes, du Cap Nord à la Sicile, avec sac à dos et luth, ils étaient les fidèles serviteurs du dieu randonneur et vagabond». Et Jung ajoute qu'Odin est aussi un dieu qui saisit, s'empare des hommes ("ergriffen", "Egriffenheit"), les entraîne dans sa magie tourbillonnante.

Obleser rappelle la christianisation de la Germanie païenne. Sous Charlemagne, les armées franques soumettent les Saxons, encore païens, par le fer et par le feu. Psychologiquement, il s'agit, dit Obleser (p. 280) d'une soumission de l'âme germanique au "sur-moi" de la dogmatique chrétienne. Ce qui a pour corollaire une propension exagérée à la soumission chez les Allemands, devenus incapables de reconnaître leur propre, leur identité profonde, derrière le filtre de ce pesant "sur-moi". Une reconnaissance sereine de son "cœur profond" permet à tout un chacun, aussi au niveau collectif du peuple, d'intérioriser des forces, pour bâtir ses expériences ultérieures en toute positivité. L'histoire allemande est dès lors caractérisée par une non intériorisation, une non canalisation de ces forces particulières, qui font irruption et se gaspillent en pure perte, comme l'a démontré l'expérience tragique du IIIe Reich. Et comme le montre aussi la rage fébrile à faire du tourisme, y compris du tourisme de masse vulgaire, en notre époque triviale.

Charlemagne, après ses expéditions punitives en Saxe et en Westphalie, a toutefois fait codifier par ses scribes toutes les traditions germaniques, transmises auparavant par oral. Si nous avions pu conserver ces manuscrits, nous aurions pu reconstituer plus facilement cette psyché germanique, et guérir les travers d'une psychologie collective ébranlée et déséquilibrée. Louis le Pieux, malheureusement, ordonnera de brûler les manuscrits commandés par son prédécesseur. Ce geste fou de fanatique, déboussolé par une prêtraille écervelée, a laissé une blessure profonde en Europe. Les traditions centre-européennes, tant celtiques que germaniques, voire plus anciennes encore, ont été massivement évacuées, détruites, pour ne laisser que quelques bribes dans les traditions locales, qui évoquent un "chasseur nocturne", chevauchant dans la tempête.

Les recherches actuelles permettent donc de définir Odin comme une divinité de l'énergie, mais une énergie qui était au départ contrôlée, dans le contexte originel païen. Les pulsions de mobilité, la dimension guerrière de l'âme germanique, la propension à la méditation visionnaire et fulgurante, personnifiées par Odin, étaient compensées par les forces plus tempérées de Thor, par l'intelligence créatrice (et parfois négative) de Loki, par l'intelligence équilibrée d'Hönir, par la fidélité de Heimdall, par les pulsions d'aimance voire les pulsions érotiques de Freya. L'ensemble de ce panthéon permettait une intégration complète de la personnalité germanique. Obleser: «Par la christianisation violente, le développement [de la personnalité populaire germanique] a subi une fracture aux lourdes conséquences, qui ne peut plus être guérie, et que ne peuvent compenser des visions comme celles de Nicolas de Flues. Par la christianisation, ce ne sont pas seulement des détails de nos mythes qui ont été perdus, mais surtout le lien direct au savoir ancien, auquel nous pouvons encore vaguement accéder, vaille que vaille, par des moyens détournés, mais que nous ne pouvons plus restituer. L'influence d'Odin et de ses actes sont évidemment des pierres constitutives de notre psyché, même si nous n'en sommes plus conscients. Il faut dès lors regretter que nous ne pouvons plus aujourd'hui les comprendre, les encadrer et les saisir, alors qu'elles nous ont insufflés des caractéristiques hautement dynamiques» (p. 294).

Bref, l'ouvrage d'un thérapeute, qui a compris, dans la tradition de Jung, que le paganisme n'est pas seulement une vision de l'esprit, un esthétisme infécond, mais une nécessité équilibrante pour la personnalité d'un peuple, quel qu'il soit.

Detlev BAUMANN.

Horst OBLESER, Odin. Psychologischer Streifzug durch die germanische Mythologie, Stendel, Waiblingen, 1993, 334 pages, ISBN 3-926789-14-X.

06:10 Publié dans Psychologie/psychanalyse, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook