Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 10 octobre 2020

L’Europe doit s’inscrire dans la défense de l’espace

unnamedfusar.jpg

L’Europe doit s’inscrire dans la défense de l’espace

Par Euro Libertes

par Michel Grimard, Président du ROUE

Face à la militarisation accélérée de l’espace par les super puissances, ce qui ne peut manquer d’inquiéter par l’aspect négatif généré sur l’équilibre des forces en présence, l’Europe ne peut rester passive. La domination de l’espace intègre désormais le volet confrontation. De récentes initiatives illustrent cette volonté de conquête et de puissance. En juillet, la Chine a procédé au lancement d’une sonde vers mars, dont les performances n’ont rien à envier à celles qui l’ont précédée. Pékin marque ainsi le degré technologique atteint, qui le hisse quasiment au même niveau que les États-Unis.

En juillet également, par l’intermédiaire des Émirats-Arabe-Unis, le monde Arabe est entré dans la compétition en lançant une sonde d’exploration de Mars. Même si une aide américano-japonaise les a confortés, l’exploit demeure. L’appareil, appelé « Al-Amel » (l’espoir), est de création émiratie. Le départ de deux astronautes vers la Station Spatiale Internationale, réalisé en mai par SpaceX, est un nouveau défi à l’Europe, via Ariane. Parfaitement abouti, il porte une double réussite, en s’affirmant comme un sérieux concurrent d’Ariane et en libérant les États-Unis de leur dépendance à la Russie. L’aspect pacifique, trompeur, de ces initiatives abrite un germe belliqueux.

Scruter le cosmos n’est plus la seule préoccupation des terriens. Ils ont malgré le traité de 1967 sur l’espace, qui bannit le déploiement d’armes de destructions massives, notamment nucléaires, commencé à le militariser. Si Washington a marqué sa volonté d’occuper une place prééminente dans l’espace, la Chine a montré qu’elle n’entendait pas être absente. Déjà, en janvier 2007, en procédant à un tir antisatellite et actuellement, avec le décollage de sa sonde pour explorer Mars. Garder leur totale liberté d’action dans l’espace est conforme à la politique spatiale des États-Unis, définie le 31 août 2006.

f105036939_100438_20110306-chinaspace-dr.jpg

Aussi parler de simple surveillance de l’Univers, comme le font les Européens, est périmé. La course qui conduit à la militarisation de l’espace, y compris sous l’aspect d’armes antisatellites, semble désormais difficile à contenir, surtout si cette présence spatiale apparaît comme un élément de défense absolument vital. Dépasser l’exploration est devenu la règle. En mars 2019, par un tir de missiles capable d’abattre un satellite dans l’espace, l’Inde a pris sa place parmi les pays détenteurs de ce record.

Récemment, la Russie s’est vue accusée par le commandement spatial américain d’avoir « conduit un test non-destructeur d’une arme antisatellite depuis l’espace ». Moscou a aussitôt rétorqué que le test n’était ni menaçant, ni contraire au droit international. Au-delà des polémiques, la militarisation de l’espace ne fait aucun doute.

Actuellement, les yeux des Européens, plus particulièrement de la France, se sont dessillés. Des déclarations ainsi que des actes, montrent que le danger et la nécessité d’y parer sont devenus une évidence. Après une longue période d’observation, teintée de naïveté, notre pays prend la mesure de l’importance que revêt le sujet.

181116ec2.jpg

La ministre des armées, Florence Parly, semble avoir saisi tout l’enjeu de cette présence dans l’espace où s’accélère la volonté de domination. Elle a livré son sentiment en déclarant « Les menaces sont tangibles. Face à ce nouvel ordre des choses, nous devons être prêts ». Même constat, un an plus tôt en 2019, du Général Michel Friedling, commandant interarmées de l’espace « L’espace étant à la fois, un enjeu économique majeur et un milieu essentiel à la supériorité militaire, la coopération sera demain un champ de confrontation ». L’état-major de l’armée de l’air, désormais état-major de l’armée de l’air et de l’espace, a fait de cette dernière attribution, un domaine stratégique. La ministre des Armées, qui entend mettre en place les moyens de le sécuriser, a énoncé plusieurs dispositions en matière de surveillance et de défense. Développement du grand commandement de l’espace, basé à Toulouse, augmentation des investissements du secteur, dotation de caméras à 360 degrés, de satellites patrouilleurs, de lasers de puissance, notamment.

Malgré ses louables efforts, les investissements de la France dans le spatial militaire et civil sont bien en deçà des principales puissances championnes de l’espace. Ils représentent 12 fois moins que les États-Unis, 3 fois moins que la Chine et moins que la Russie. Les Américains qui demeurent dominants, entendent bien conserver leur position. Ils disposent encore de tous les moyens qui assurent cette suprématie, l’écoute, l’observation, la détection, la communication, le positionnement et l’alerte.

s-l400ase.jpg

L’Europe peut relever le défi en adoptant, notamment, deux dispositions. Premièrement, en dotant le spatial militaire d’investissements conséquents, à l’image du civil qu’elle a pourvu d’un budget de 14,4 milliards d’euros. Bien sûr, l’Agence Spatiale Européenne peut indirectement servir le côté militaire, mais elle est avant tout civile. Deuxièmement, en intégrant les différents systèmes des pays européens, relatifs à l’espace. L’importance de la mise en place de cette défense spatiale, pour l’indépendance de l’Europe, appelle à œuvrer selon l’esprit qui a prévalu pour l’ESA, à travers Ariane et Galileo. Toutefois la cohérence voudrait qu’à la défense éclatée de l’Union, se substitue une défense européenne unie et indépendante.

Particulièrement cruciale pour l’équilibre de la paix, l’espace ne peut échapper à une vigilance accrue de l’Europe.

L’escalade des tensions entre la France et la Turquie : entre guerre économique, jeux d’influence, désinformation et rivalités géopolitiques

Capture-d%u2019écran-2020-10-07-à-12.00.59.png

L’escalade des tensions entre la France et la Turquie : entre guerre économique, jeux d’influence, désinformation et rivalités géopolitiques

par Sophie Guldner

Ex: https://infoguerre.fr

A la suite d’un sommet réunissant les pays méditerranéens du sud, le Président Macron a tweeté le 10 septembre dernier « Pax Mediterranea ». Quelques jours plus tard, on apprenait que la France allait vendre des rafales à la Grèce. De ce fait, ce tweet a été accueilli avec scepticisme par de nombreux analystes d’autant plus que la France a répondu militairement par l’envoi de rafales et de navires de guerre à l’incursion dans les eaux territoriales grecques de navires turcs de prospection gazière, ce qui a suscité en outre l’inquiétude de ses alliés européens. En juillet dernier, Erdogan a signé un accord de coopération militaire avec le Niger, pays se situant dans la zone d’influence de la France, et a en outre intensifié sa présence économique dans ce pays dans le secteur minier et celui des infrastructures. L’affrontement actuel entre la France et la Turquie en méditerranée orientale est aussi le corolaire de rivalités géoéconomiques sur de multiples terrains.

Il revient d’analyser les causes de cette escalade qui combinent des intérêts économiques, des rivalités géopolitiques et des enjeux liés à l’agenda politique interne de ces deux dirigeants. Il revient également de mener une réflexion sur les stratégies déployées par ces deux Etats qui font appel à toute une gamme d’instruments :

  • Une démonstration classique de puissance fondée sur la capacité militaire ;
  • l’usage de la désinformation sur les réseaux sociaux émanant particulièrement de la Turquie et imitant le savoir-faire russe dans ce domaine ;
  • L’exercice d’une influence au sein de l’OTAN et de l’UE en vue de diviser ou de former un consensus.
  • La conquête de nouveaux marchés par la Turquie dans la sphère d’influence française en mobilisant des ressources idéologiques.

Cette analyse s’avère d’autant plus nécessaire que cet affrontement suscite de nombreux débats et polémiques sur les réseaux sociaux en particulier entre journalistes, chercheurs et diplomates que l’on peut qualifier de véritable guerre informationnelle tant les échanges sont vifs et les thèses contradictoires.

De manière schématique, deux camps se sont constitués autour de cette polémique :

  • D’une part, les partisans d’une politique de conciliation avec la Turquie. Ils s’opposent à l’escalade unilatérale de la France tant verbale que militaire avec un allié stratégique au sein de l’OTAN et louent la politique de médiation de la chancelière allemande ;
  • D’autre part, ceux qui sont favorables à la posture de fermeté à l’encontre de la Turquie tenue par la France du fait de la violation par cette dernière du droit international, de ses attaques répétées à l’encontre de la France et de sa « politique impérialiste » dans son environnement régional. Selon eux, la négociation avec la Turquie doit s’accompagner d’une politique dissuasive au plan militaire.

carte-conflit-mediterranée(1).png

L’affrontement entre la France et la Turquie en Méditerranée orientale s’inscrit plus largement dans un contexte régional tendu où s’affrontent des puissances régionales, ce qui se traduit par des conflits internationalisés en Syrie et en Libye. Et la guerre informationnelle susmentionnée porte plus globalement sur la stratégie française en Libye de soutien au générale Haftar contre le gouvernement d’union nationale (GNA) de tendance islamiste soutenue par la Turquie. De ce fait, il est nécessaire d’avoir en arrière-plan les rivalités de puissance dans la région pour comprendre les enjeux de cet affrontement en Méditerranée orientale.

Ces tensions ne sont pas nouvelles, l’offensive turque en Syrie avait déjà induit une montée des tensions entre les deux pays. Pour mémoire, Emmanuel Macron avait critiqué l’opération turque contre les kurdes du PYD dans le Nord de la Syrie, alliés de la France dans le cadre de la lutte contre Daesh et ayant joué un rôle de premier plan contre ce groupe terroriste. La Turquie considère que ce groupe kurde est terroriste du fait de son affiliation au parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). En réponse à la critique du Président français, le ministère turc des affaires étrangères Mevlut Cavusoglu avait qualifié Macron de « sponsor du terrorisme ».

Dans cette nouvelle escalade des tensions en Méditerranée orientale, la France et la Turquie font appel à leur capacité militaire, d’influence voire de nuisance. Cet épisode s’accompagne en outre d’une escalade verbale très virulente tant du côté de la Turquie que du côté de la France. Le Président Turc jugeant le président français « incompétent », « arrogant » et « développant une politique néo coloniale ». Le président français caractérisant la politique turque « d’inadmissible » et de « responsabilité criminelle » sans aller jusqu’à attaquer personnellement le président Erdogan. Néanmoins, la France, tout en se lançant dans une surenchère verbale et en menaçant la Turquie de sanctions, continue à rappeler dans ses communiqués la nécessité de dialoguer avec la Turquie.

La Mer Méditerranée orientale est le théâtre de confrontations autour d’enjeux géoéconomiques et géostratégiques : des tensions autour de la délimitation des frontières et du partage des réserves de gaz, la gestion des flux migratoires et la sécurité de l’Etat d’Israël. En outre, la Libye est confrontée à un conflit internationalisé opposant le camp de la contre-révolution autoritaire dans le monde arabe qui comprend les Emirats, l’Arabie-Saoudite, l’Egypte et la Russie au camp de soutien à l’islam politique et, dans le cas précis de la Libye, au gouvernement d’union nationale (GNA), dans lequel se trouve la Turquie et le Qatar. Comme susmentionné, la France y a joué un rôle ambigu en soutenant le général Haftar au motif qu’il serait plus à même de combattre le terrorisme que le GNA de tendance islamiste et reconnu par l’ONU et en vue d’empêcher une vague de réfugiés libyens de déferler en Europe. Cette stratégie se double d’un alignement de la diplomatie française sur l’agenda politique émirati et saoudien dans la région. Enfin, le partage du pétrole libyen est également un axe de ce conflit.

Quels sont alors les enjeux de cet affrontement ? Commet expliquer une telle escalade verbale et militaire entre deux alliés au sein de l’OTAN ? Quels sont les leviers mobilisés par ces deux pays ? Qui sort vainqueur de cet affrontement ?

  1. Les multiples grilles de lecture de l’affrontement franco-turc

Une lecture géoéconomique de cet affrontement

Tensions autour de l’émergence d’un nouveau pôle énergétique en Méditerranée

La dimension de « guerre économique » des tensions autour du gaz de la méditerranée orientale est évidente. De fait, la Méditerranée orientale est devenue un pôle énergétique majeur après la découverte en 2009-2010 de gisement gazier ravivant les nombreux conflits frontaliers dans cette mer étroite où les zones économiques exclusives (ZEE) se chevauchent.

Les enjeux de ces tensions portent tant sur l’exploitation du gaz que sur son transport. Concernant le volet transport, la Grèce, Chypre et Israël ont signé un accord gazier qui prévoit la construction d’un gazoduc « East Med » visant à transporter du gaz naturel entre 9 milliards et 11 milliards de mètre cube depuis les réserves off-shore de Chypre et d’Israël vers la Grèce. La Turquie a été mise à l’écart de ce projet alors que, de son point de vue, sa position géographique entre l’Orient et l’Occident la prédestine à devenir un hub gazier et qu’elle a développé des ambitions dans ce sens. C’est dans ce cadre que la Turquie et la Russie ont formé un projet concurrent le « Turkstream » visant à acheminer en Turquie et en Europe du gaz en Russie.

En outre, un Forum du gaz de la Méditerranée orientale (EMGF) réunissant l’Egypte, Chypre, la Grèce, l’Italie, Israël, la Jordanie a été créé en vue de former des projets communs et de développer des infrastructures. La Turquie n’a pas non plus été intégrée à ce forum.

Accord-Grèce-Egypte-Carte.jpg

Sur le volet de l’exploitation du gaz naturel, le Turquie a signé accord fin 2019 afin de s’octroyer une large part du gaz en méditerranée orientale. Elle vise à réduire sa dépendance au gaz, en particulier vis-à-vis de la Russie. La Grèce a répliqué par la signature d’un accord similaire avec l’Egypte en aout 2020, ce qui a constitué l’élément déclencheur de l’envoi par la Turquie d’un navire de prospection dans les eaux territoriales grecques et qui a débouché sur l’escalade militaire actuelle que l’on connait. Cette découverte de gaz sert les intérêts européens en ce qu’elle leur offre l’opportunité de réduire leur dépendance énergétique  à la Russie.

En outre, à l’annonce de la vente de rafales par le France à la Grèce dans ce contexte inflammable, des analystes ont considéré que cette vente était la cause de l’appui au plan militaire apporté par la France à la Grèce. Or même si elle est bien consécutive de cet appui, cette lecture mettant en avant exclusivement la défense des intérêts économiques de la France est à relativiser au regard de la pluralité des enjeux que révèle cette crise.

Enfin, le conflit en Libye où la France et la Turquie soutiennent des parties différentes présente un volet énergétique concernant le partage des réserves pétrolières libyennes. En conséquence, l’enjeu énergétique est un axe majeur de l’affrontement franco-turc.

La Turquie à la conquête de marchés au Maghreb et en Afrique subsaharienne

Au-delà des enjeux énergétiques, l’intervention de la Turquie en Libye vise également à renforcer les liens commerciaux entre les deux pays ainsi que la présence des entreprises turques en Libye. Cette ambition a été formalisée par un accord commercial entre les deux pays. La Turquie est devenue le deuxième plus grand exportateur en Libye après la Chine.

Enfin, la Turquie est en discussion avec la GNA pour implanter une base turque à Misrata afin de devenir une grande puissance en Afrique du Nord.  Les enjeux sont donc aussi géopolitiques comme cela sera analysé plus bas. Mais ce statut de puissance poursuivi en Afrique du Nord vise également à lui ouvrir l’accès aux marchés de l’Afrique subsaharienne, en particulier au Sahel où elle avance ses pions. Elle pénètre aussi la Corne de l’Afrique, ce qui suscite des tensions avec l’Egypte, les Emirats et l’Arabie Saoudite, en particulier en Ethiopie qui a un différend majeur avec l’Egypte autour de la construction du barrage de la renaissance sur les eaux du Nil. Du point de vue de certains analystes, cette  guerre économique en Afrique entre ces puissances a contribué à consolider l’alignement de la, politique étrangère de la France, des Emirats et de l’Egypte.

erdo-serraj.jpg

La conquête de nouveaux marchés par la Turquie dans son environnement régional, en particulier en Afrique (Maghreb et Afrique Subsaharienne) s’intensifie depuis plusieurs années. Son isolement, consécutif du gel des accords d’adhésion avec l’Union européenne, constitue à l’évidence le principal moteur de cette stratégie de conquête qui inclut dans son périmètre la sphère d’influence de la France, ce qui constitut un facteur de tension entre ces deux pays.

La Turquie remporte des succès au Maghreb, en particulier en Algérie, où le pouvoir politique aurait développé « un tropisme turc ».  La Turquie a depuis l’époque Bouteflika investit dans le marché des infrastructures en Algérie. Elle compte alors 800 entreprises dans divers secteurs (BTP, textile, sidérurgie, agroalimentaire, énergie) et elle est le premier investisseur du pays si l’on exclut le secteur des hydrocarbures. Néanmoins, le France reste le premier pays exportateur en Algérie et la Turquie se situe loin derrière. Si les relations entre les deux pays se sont distendues pendant la période de transition du général Gaid Sallah proche de l’axe autoritaire émirati et saoudien, celles-ci sont de nouveau au beau fixe depuis l’élection du Président Tebboune qui a fait un voyage officiel en Turquie et qui cherche à prendre ses distances avec l’axe emirati et saoudien en Libye. En outre, le président Tébboune a été ministre de l’habitat pendant cinq années où il a eu à négocier avec des sociétés turques, et a dû être impliqué dans le passage de marché douteux. Enfin, se rapprocher de la Turquie est un moyen de se légitimer en interne dans une société où le sentiment anti-français est encore vivace et où le pouvoir y est contesté par un mouvement populaire le « hirak ». Enfin, de la même manière qu’en Libye, l’Algérie comme l’a affirmé le président Erdogan est  « l’un des principaux points d’entrée vers le Maghreb et l’Afrique ». Les ambitions d’Erdogan ne se limitent donc pas à ce pays ami.

En Tunisie, la Turquie a une réelle influence sur le plan culturel où elle y exporte ses séries, et où des instituts dispensent des cours de langue turque et où l’on mange des Kebabs et où la Sublime Porte inspire chez certains de la nostalgie. Son modèle politique a aussi été attractif auprès d’un pan de la population et du pouvoir lui-même qu’ils s’agissent du Kémalisme dont Bourguiba s’inspirait ou de celui de l’AKP qui a permis une forte croissance économique dans les années 2000. Néanmoins, sur le plan économique, la Tunisie souffre d’un déficit d’attractivité .pour les investisseurs turcs. Enfin, avec le Maroc, les relations sont éminemment moins chaleureuses, et des frictions entre les deux pays, notamment dues à un accord de libre-échange liant ces deux pays et déséquilibré en faveur de la Turquie, nuisent à leurs relations.

Face à la montée de l’influence turque dans la sphère d’influence de la France au Maghreb, la diplomatie française du point de vue de certains experts [1]ne permet pas de répondre au défi actuel. L’Union pour la Méditerranée crée en 2008 à l’initiative du Président Sarkozy est une coquille vide. Selon, Beligh Nabli (IRIS), l’absence de concertation de la France avec les pays européens en amont de sa création est la principale cause de cet échec, l’Allemagne aurait en représailles imposé que cette union inclut tous les pays de l’UE et non les pays du pourtour méditerranéen. Dans la même veine, l’initiative du Président Emmanuel Macron intitulé « le sommet des deux rives » qui s’est tenu à Marseille les 23 et 24 juin 2019 réunissant les pays de la rive sud et de la rive nord de la Méditerranée n’a pas eu l’écho escompté et est passé presque inaperçu. De la même manière, le travail de mémoire de la guerre d’Algérie confié à Benjamin Stora, aussi louable soit-il, ne suffira probablement pas à refonder les relations entre la France et l’Algérie[2].

Detachement-francais-Ansongo-Mali_0_1400_933.jpg

La France dispose de forces opérationnelles au sud du Maghreb, en Mauritanie, au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Tchad ainsi que des bases militaires au Sénégal, en Cote d’Ivoire et au Gabon. Cela n’a pas empêché la Turquie et le Niger de signer un accord de coopération portant sur l’économie et la défense en juillet dernier par lequel la Turquie prend part à l’industrie minière, secteur hautement stratégique pour la France. Erdogan a également réalisé une tournée au Sénégal et en Gambie en janvier 2020. En Afrique Subsaharienne, la Turquie mobilise dans sa stratégie des ressources idéologiques. Le thème d’un néocolonialisme est l’un des éléments de cette stratégie. De fait, à l’occasion d’un sommet d’affaires Turquie-Afrique en 2016, Erdogan a mis en avant la formation d’un nouveau modèle de colonisation mis en place par l’Occident et les institutions internationales et a déclaré « nous autres Africains et Turcs incarnons la résistance à ce modèle ». Ce discours révèle que la Turquie a parfaitement assimilé la thèse de Bertrand Badie [3] selon laquelle le système international est « oligarchique » et dominé par les vieilles puissances qui imposent leurs normes « aux faibles », et que « l’humiliation » du faible permet de mobiliser contre la domination. De fait, ce discours montre une instrumentalisation de « la dénonciation du fort » [4]par la Turquie en vue de conquérir de nouveaux marchés. C’est en particulier en exploitant le sentiment anti-français que la Turquie étend son influence en Afrique. C’est certainement dans ce cadre qu’il faut comprendre les attaques actuelles de la Turquie contre la France autour de son passé colonial, et sur l’exploitation financière de l’Afrique.

A l’heure où la France est confrontée à la montée d’un sentiment anti-français au Sahel où elle est embourbée dans une guerre ressemblant par bien des aspects à la guerre en Afghanistan face aux Talibans, et à l’heure où elle connait au Sénégal une opposition dirigée contre ses intérêts économiques et ciblant ses entreprises (Orange) et où elle fait face à des mobilisations contre la monnaie CFA dont la réforme à minima annoncée en décembre dernier par Emmanuel Macron et Alassane Ouattara ne suffira probablement  pas à éteindre le sentiment anti-CFA en Afrique, le thème d’une nouvelle forme de colonialisme est porteur. Et la France doit réagir et ne pas négliger ces attaques informationnelles.

macky-erdogan.jpg

Enfin, la Turquie mobilise également l’islam dans sa stratégie de conquête. Tel est le cas au Sénégal. Elle est devenue un partenaire économique de premier plan du Sénégal en particulier dans le secteur des infrastructures (participation à la réalisation du TER, gestion de l’aéroport international Blaise Diagne pendant 25 ans, construction du centre international de conférence Abou Diouf…). En outre, les relations commerciales entre ces deux pays s’intensifient. Selon Oumar Ba, professeur au centre d’études diplomatiques et stratégiques de Paris, le fait que ces « deux pays partagent le même islam sunnite » a contribué à consolider les relations économiques et commerciales entre ces deux pays. Ils sont tous les deux membres de l’Organisation de la Conférence islamique qui constitue un cadre d’échange privilégié. Le financement en 2018 par la fondation turque Diyanet d’une des plus grandes mosquées d’Afrique de l’Ouest au Ghana est un autre exemple de cette diplomatie mobilisant l’islam. A côté de l’islam, la Turquie mobilise d’autres registres tels que le sport qui est très populaire en Afrique. C’est le groupe turc Yenigun qui a la charge de la construction du complexe sportif de Japoma au Cameroun qui accueillera la coupe d’Afrique des nations en 2021. La Turquie a aujourd’hui établi un réseau de 41 ambassades en Afrique et possède 20 agences de l’agence de coopération TIKA et a densifié ses liaisons aériennes via sa compagnie Turkish Airlines. [5]

La Turquie à travers la poursuite d’une influence dans son environnement régional cherche également un soutien ou du moins une neutralité dans le dossier Libyen où elle est isolée. Toutefois, cette stratégie a ses limites et la réflexion d’Erdogan sur les « crimes coloniaux » de la France n’a pas particulièrement plu au pouvoir à Alger qui s’efforce à « afficher une neutralité de façade » en dépit de son soutien au GNA. Il propose en outre de jouer un rôle de médiateur.

Ainsi ce volet d’influence économique de la Turquie de l’Afrique Subsaharienne, en passant par le Maghreb et la Méditerranée orientale – ou cet encerclement cognitif Turc – est un axe de cet affrontement entre la France et la Turquie.

Néanmoins, une lecture exclusivement géo économique ne suffit pas à cerner tous les enjeux de cet affrontement. Il est nécessaire d’y superposer une grille de lecture géopolitique.

Une lecture géopolitique : des rivalités de puissance au cœur de l’affrontement franco-turc

La confrontation symbolique entre deux puissances

La Turquie, au même titre que d’autres puissances au Moyen-Orient (Iran, Emirats, l’Arabie-Saoudite), déploie une politique nationaliste que d’aucuns qualifient même d’impérialiste ou de « néo-Ottomane » en ceci qu’elle s’accompagne d’un expansionnisme en Syrie et en Libye mais aussi sur d’autres terrains comme susmentionné. Ce nationalisme est probablement porté par l’humiliation du traité mort-né de Sèvre qui visait à démanteler la Turquie. Elle résulte de manière plus évidente des négociations d’adhésion avec l’UE qui sont actuellement gelées et du rôle ambivalent de l’Europe à l’égard de l’adhésion de la Turquie. Enfin, cette affirmation du nationalisme turc repose également sur des causes internes en lien avec l’alliance de l’AKP et d’un parti ultranationaliste désormais nécessaire au maintien au pouvoir de l’AKP qui a perdu sa majorité.

1eUI9oKk47CAPhWE2wA4kT.jpg

La délimitation des frontières est au cœur des tensions en Méditerranée orientale. Et la découverte de gisement de gaz vient alors raviver ces tensions. La Convention de Montego Bay sur droit de la Mer est complexe concernant la délimitation de frontières autour des iles. Des lors, cette délimitation requiert une négociation bilatérale entre les Etats de la région, ce qui n’est pas acquis compte tenu des tensions entre ces Etats (Israël/Liban, Grèce/Turquie, division de Chypre). En outre, la Turquie n’a pas ratifié cette Convention.

Pour les tenants de la position de fermeté avec la Turquie[6], l’appui militaire à la Grèce est justifié en ceci que l’UE doit montrer qu’elle est capable de défendre ses frontières extérieures. En outre, la France est une puissance en Méditerranée où elle possède un sous-marin d’attaque. Enfin, l’effacement des Etats-Unis dans la région octroie à la France le rôle de puissance stabilisatrice.

Pour les tenants de la posture de conciliation, l’appui militaire unilatéral de la France à la Grèce s’inscrit dans le contexte régional de rivalités entre puissances, en particulier en Libye. De leur point de vue, l’échec de la stratégie de la France en Libye après la défaite du général Haftar face au GNA soutenu par la Turquie est l’un des moteurs de l’implication au plan militaire de la France en Méditerranée orientale. Plus globalement, c’est le paradigme de soutien de la France à des partenaires « appartenant à l’école autoritaire »  (Sissi, Haftar, MBZ) qui est remis en cause. Et selon eux, les déboires de la France en Libye attestent de l’inanité de cette stratégie.  L’alignement de la position française sur celle des Emirats est masqué par la France, du fait de la politique autoritaire et peu soucieuse des droits humains des Emirats dont l’intervention au Yémen révèle de manière éclatante. Et cet échec de la diplomatie française en Libye alimente la virulence de la France contre la Turquie qui est dans le camp opposé. C’est d’ailleurs dans ce cadre que se comprend l’appui à la Grèce des Emirats, pays non méditerranéen, à travers l’envoi de quatre F16.

download_10.jpg

Enfin, l’Irak, où la Turquie a lancé une offensive dans le Nord de grande envergure dite « Griffes du Tigres » et où elle est présente dans 35 bases irakiennes, est un autre terrain de rivalités entre les deux pays. Cette offensive turque serait au cœur de la volonté française de s’impliquer dans le pays, comme en témoigne la visite éclaire de Macron le 2 septembre dernier et son insistance sur son appui à la « souveraineté de l’Irak ». La France a également des intérêts économiques dans ce pays, en particulier dans le secteur pétrolier, et y voit une manière de retrouver une influence au Moyen-Orient bénéficiant du retrait américain.

La dimension de politique interne de cet affrontement

La politique extérieure d’un pays s’articule très souvent avec sa politique intérieure. Cette dernière est à prendre en compte dans l’analyse de l’affrontement entre la France et la Turquie.

De fait, la France a, par le passé, instrumentalisé l’adhésion de la Turquie à l’UE à des fins électorales. On se souvient du Président Sarkozy qui avait fait du refus de cette adhésion un thème de sa campagne électorale en vue de rallier l’électorat de l’extrême droite. Il est possible que la virulence des propos du Président Macron vise également à mobiliser l’opinion publique.

En outre, Bertrand Badie y voir une volonté d’Emmanuel Macron de restaurer la souveraineté de l’Union européenne et de se présenter comme le leader. Il note néanmoins que cette stratégie a des limites, en ce que le conflit en méditerranée orientale ne peut que se terminer par une négociation entre les Turcs et les Grecs, ce qui est susceptible de conforter le bien-fondé de la posture de médiation de l’Allemagne et de préserver, voire de consolider les intérêts économiques de cette dernière.

Côté Turc, cette instrumentalisation apparait clairement. De fait, le pouvoir de l’AKP est en quête de légitimité alors que la Turquie connait une crise économique et qu’il a perdu la ville d’Istanbul lors des dernières élections. Le sentiment nationaliste turc particulièrement ancré dans la société fait que même l’opposition en Turquie soutient le pouvoir dans son escalade avec la France[7]. Sa stratégie se révèle ainsi gagnante à ce stade sur le plan de la politique interne turque.

  1. Analyse des stratégies turques et françaises

Le recours à une démonstration de force

La stratégie de ces deux pays repose sur le hard power. La France a envoyé des rafales et des navires militaires pour dissuader la Turquie en réponse à l’envoi par la Turquie de navires de prospection escortés par des navires militaires.

La Turquie est la deuxième armée de l’OTAN en effectifs et de ce fait, elle connait son importance dans le système de défense. En outre, les Etats-Unis, depuis l’administration Obama, cherchent à se retirer de la région dans une stratégie dite de « pivot vers l’Asie ». Ceci s’est accentué sous la présidence du Président Trump. De ce fait, les Etats-Unis considèrent que la Turquie pourrait jouer le rôle de puissance stabilisatrice dans la région[8]. A ce titre, la Turquie jouit d’une influence au sein de l’OTAN et de l’UE.

2224224314.11.jpg

Quant à la France, elle propose à la Grèce une alliance militaire qui inclut un volet industriel. L’acquisition de rafales par la Grèce va donner un avantage à l’armée grecque sur l’armée turque dans les airs.

Plus globalement, la région de la méditerranée orientale connait une véritable course aux armements incluant tous les pays à l’exception de Chypre et du Liban.

A côté de ce volet militaire, la stratégie de ces deux Etats repose sur l’exercice d’une influence et sur l’instrumentalisation des rapports de force au sein de l’OTAN et de l’UE.

L’exercice de leur influence au sein de l’OTAN et de l’UE

La Turquie joue sur les divisions au sein de l’OTAN et de l’UE. Ankara peut se permettre une surenchère en Méditerranée orientale en ceci qu’elle est un chainon central du système de défense otanien en Méditerranée. Certains considèrent qu’elle « jouit d’une forme d’impunité au sein de l’OTAN ».

De ce fait, La Turquie mène une « stratégie de mise en tension »[9]en sachant que les Etats-Unis, qui ne voient pas d’un bon œil la montée en puissance de la Russie en Méditerranées Orientale et qui ont basculé dans une forme d’isolationnisme, ne semblent pas enclins à intervenir. De fait, les Etats-Unis, à travers une déclaration de Mike Pompéo, appellent à une résolution pacifique du conflit. Néanmoins, l’accord de coopération en matière de défense signé entre les Etats-Unis et la Grèce en janvier dernier vient signifier à la Turquie une mise à distance avec son allié privilégié dans la région.

Les Européens eux-mêmes sont divisés. De fait, l’affaire de la frégate française « Courbet » visée par des radars d’une frégate turque soupçonnée de violer l’embargo sur les armes en Libye est révélateur du faible soutien apporté à la France par ses alliés dans le cadre de l’OTAN mais aussi par les Etats membres de l’Union européenne dont huit seulement l’ont soutenue. Selon Cyril Bret, la position de la France est loin d’être majoritaire tant sur les symptômes du « brain dead » de l’Otan pointés par celle-ci que sur le plan des remèdes proposés.

CARTE_LIBYE_web.jpg

Cette absence de soutien franc à la France, en particulier émanant de pays de l’Union européenne, a diverses causes.

La première cause est liée à son soutien au général Haftar en Libye contre le GNA reconnu par l’ONU. En outre, les pays du sud de la Méditerranée, en particulier l’Italie, considèrent la Turquie comme un partenaire important dans la gestion des flux migratoires. L’Italie se situe en outre en Libye dans le camp de soutien au GNA. Les pays de l’Europe de l’Est considèrent également que la Turquie est un partenaire central au sien de l’OTAN dont l’un des volets est la lutte contre la menace russe. L’Allemagne considère aussi la question migratoire comme majeure et a en outre une large diaspora turque favorable à l’AKP et des intérêts économiques en Turquie. Si elle est alignée sur la France concernant les inquiétudes soulevées par l’expansionnisme de la Turquie, elle diffère sur la méthode et elle privilégie la négociation et les sanctions[10]. Enfin, la virulence de la rhétorique de Macron a pu susciter la méfiance au sein de ses partenaires. [11]

La France et la formation d’un front uni contre la Turquie

Si la Turquie joue sur les divisions au sein de ses organisations, la France cherche à former un consensus en vue de l’imposition de sanctions additionnelles à l’encontre de la Turquie à l’occasion du sommet européen des 24 et 25 septembre. De fait Emmanuel Macron a réuni en Corse les dirigeants du sud de la Méditerranée en vue de définir une ligne commune. Il a eu des propos très durs déclarant que la Turquie n’était plus un partenaire en Méditerranée.

Une communication virulente émanant de l’exécutif de ces deux Etats

Les deux présidents appuient leur stratégie d’influence d’une communication virulente.

Il n’est pas certain que cette stratégie soit gagnante côte française en ceci qu’elle suscite la méfiance chez ses partenaires, en particulier l’Allemagne mais aussi parmi les pays d’Europe du Sud et de l’est, qui voient avec inquiétude l’escalade entre deux partenaires au sein de l’OTAN. En outre, cette communication sert les intérêts politiques d’Erdogan en interne, le peuple turc étant réputé très nationaliste.

Enfin, la Turquie va encore plus loin en ceci qu’elle développe des méthodes de désinformation en imitant le savoir-faire russe en diffusant de fausses informations dans des langues étrangères.

La négociation

L’Allemagne a tenté d’opérer une médiation entre la Grèce et la Turquie. Si la Turquie a accepté cette initiative, les Grecs se sont montrés plus réticents, considérant qu’ils étaient sous la pression militaire de la Turquie mais aussi parce qu’elle se sent en position de force en ce que l’UE va probablement infliger des sanctions à la Turquie qui se trouve dans un relatif isolement. L’OTAN qui ne dispose pourtant d’aucun mécanisme de règlement des différends a proposé d’arbitrer ce conflit ce qui a été accepté par les deux parties.

Le retrait du navire de prospection turc des eaux territoriales grecques est de nature à apaiser les tensions actuelles et faciliter des négociations.

La mobilisation de ressources idéologiques par la Turquie

La politique expansionniste de la Turquie s’appuie sur des ressources culturelles (séries TV, nostalgie de l’empire Ottoman…) et sur des ressources idéologiques, à savoir l’islam (Sénégal), le sentiment néocolonial (Afrique) et le panturquisme.

h_54579513.jpg

Une illustration de cette dernière ressource a été éclatante à l’occasion de la célébration  de l’anniversaire de la victoire seldjoukide de Manzikert contre l’empire Byzantin en 1071 qui a été accompagnée de discours nationalistes aux accents pan-turcs, proche d’un ethno nationalisme. Cette stratégie entre dans la volonté de redorer l’image de l’AKP. Mais ce panturquisme s’adresse également aux turcs à l’extérieur de la Turquie. A ce titre, la diplomatie éthno-nationaliste remporte quelques succès au Liban qui octroie la citoyenneté aux quelques milliers de Turkmènes dans le pays.

Le Liban où la Turquie cherche à prendre pied, profitant de la marginalisation de la communauté sunnite depuis que l’Arabie Saoudite s’est désengagée du fait d’un premier ministre sunnite, Saad Hariri, jugé insuffisamment ferme face au Hezbollah, pourrait constituer un nouveau terrain de concurrence entre la France et la Turquie à l’heure où la France revient sur le devant de la scène dans ce pays. La France considère que du fait de ses liens particuliers avec ce pays (histoire, diaspora, langue française), elle est la mieux placée pour peser sur la politique de ce pays en encourageant une meilleure gouvernance. La possibilité d’une nouvelle vague migratoire liée à la crise économique et institutionnelle au Liban est également un facteur de ce réengagement français.

Enfin, la normalisation des relations entre les Emirats et le Bahreïn et Israël sert la politique d’influence de la Turquie qui se présente comme la protectrice de l’islam sunnite et garante de la cause palestinienne aux côtés de l’Iran.

La France a-t-elle les moyens de cette diplomatie active ?

Ainsi, cet affrontement complexe, en ce qu’il mêle des enjeux économiques et politiques et qu’il a pour décor de multiples terrains, révèle une diplomatie active de la France. Néanmoins, du point de vue de nombreux analystes, la France en Afrique et au Moyen-Orient manque d’une stratégie de long-terme et d’une ligne claire[12]. En outre, sur le plan de la « guerre économique » en Afrique, la Turquie n’est pas la seule puissance à conquérir des marchés et la Chine représente un concurrent de taille. Enfin, il convient de se demander si la France a les moyens de cette diplomatie offensive et unilatérale face à la Turquie. A ce titre, le vente de rafale a la Grèce pose des difficultés à l’armée de l’air française qui fait face à un manque d’appareils permettant d’assurer toutes les missions extérieures de la France. Quant à la Turquie, en dépit d’une diplomatie active mobilisant tous les registres lui permettant de recueillir une neutralité, voire un soutien, sur le dossier Libyen (Algérie, Tunisie), une popularité croissante au sein de communautés marginalisées (sunnites du Liban, palestiniens) et la conquête de nouveaux marchés (Sénégal), il n’est pas certain qu’elle en sorte gagnante tant elle est isolée dans son environnement régional.

 

Sophie Guldner

Notes

[1] Didier Billon dans IRIS conférence Quels enjeux stratégiques en 2021, 15 septembre 2020

[2] Didier Billon dans IRIS conférence Quels enjeux stratégiques en 2021, 15 septembre 2020

[3] Bertrand Badie, Quand le Sud réinvente le monde, Essai sur la puissance de la faiblesse, La Découverte, 2018

[4] Bertrand Badie, Quand le Sud réinvente le monde, Essai sur la puissance de la faiblesse, La Découverte, 2018

[5] Le monde, en visite au Sénégal, le président turc confirme ses ambitions africaines, 30 janvier 2020

[6] Bruno Tertrais dans Cuture Monde : rentrée diplomatique, la France à la manœuvre : Méditerranée, Paris joue les gendarmes, 27 aout 2020

[7] Propos tenus par Ahmed Insel à l’antenne de France culture dans Méditerranée : la bataille du gaz

[8] Propose tenu par Dorothée Schmidt dans Affaires étrangères, Méditerranée : la bataille du gaz, 12 septembre 2020

[9] Propos tenus par Cyril Bret dans Affaires étrangères, Méditerranée : la bataille du gaz, 12 septembre 2020

[10] Drothée Schmidt dans dans Affaires étrangères, Méditerranée : la bataille du gaz, 12 septembre 2020

[11] Bruno Tertrais dans Cuture Monde : rentrée diplomatique, la France à la manœuvre : Méditerranée, Paris joue les gendarmes, 27 aout 2020

[12] Richard Banégas, la politique d’intervention de la France en Afrique vue d’en bas, Réflexions à partir du cas de la Cote d’Ivoire, Gallimard, « les Temps modernes », 2017, page 288 à 310

Die Arktis wird umkämpft

X0570_4_deutsch_D3-1_Web.jpg

Die Arktis wird umkämpft

Niklas Kharidis
Frödert Ulfsbörn

Ex: https://www.world-economy.eu

In den letzten Jahren ist die Arktis zunehmend zum Ziel der Interessen angrenzender Mächte geworden, aber auch der Länder, die geografisch sehr weit vom Nordpol entfernt sind.


Immer häufiger erheben Länder wie Dänemark, Norwegen, die Vereinigten Staaten und Russland, aber auch beispielsweise China, Ansprüche auf natürliche Ressourcen, auf bestimmte Gebiete, auf eine privilegierte Position im Seegebiet um die Arktis herum. Wenn Russlands Behauptungen in vielerlei Hinsicht durch die Länge seiner an die Arktis angrenzenden Küste gerechtfertigt sind, dann sind die Interessen von Ländern wie China oder Indien in dieser Region wiederum sehr umstritten.

Auch die Zunahme der NATO-Aktivitäten und der Konfrontationen in der Arktis kann nicht das Ziel der deutschen Politik sein, dies widerspricht den Interessen Deutschlands. Es kann nicht ausgeschlossen werden, dass die Intensivierung der Versuche, die eigene Präsenz in der Arktis zu erhöhen, zum Anstieg der Verteidigungsausgaben der europäischen Länder führen wird. Dies gilt insbesondere für Deutschland, das bereits unter dem Druck der Vereinigten Staaten steht, den Anteil des Militärhaushalts und die Beiträge zum NATO-Haushalt zu erhöhen.


Es muss daran erinnert werden, dass das Pentagon bereits 2019 die sogenannte Arktis-Strategie veröffentlicht hat. Diese Strategie konzentriert sich auf China und Russland. Natürlich geht es dabei um militärische Faktoren im Zusammenhang mit der Arktis: „China und Russland als zentrale Her­ausforderung für langfristige Sicherheit und Wohlstand der USA.“


In dem Strategiepapier steht dazu:


„The Arctic as a potential corridor for strategic competition: The Arctic is a potential avenue for expanded great power competition and aggression spanning between two key regions of ongoing competition identified in the NDS — the Indo-Pacific and Europe — and the U.S. homeland. U.S. interests include maintaining flexibility for global power projection, including by ensuring freedom of navigation and overflight; and limiting the ability of China and Russia to leverage the region as a corridor for competition that advances their strategic objectives through malign or coercive behavior.“

csm_Disko-Bucht_1200x600_b03624e252.jpg

Bereits 2013 skizzierte Barack Obama, der damalige Präsident der Vereinigten Staaten, seine Ziele in der Arktis. Während seiner Präsidentschaft wurde dieses strategische Dokument entworfen, in dem der Ausbau und die Entwicklung der arktischen Infrastruktur und, gleichzeitig, die Verstärkung der internationalen Zusammenarbeit bei der Nutzung und dem Verbrauch natürlicher Ressourcen in der Arktis beschrieben werden.


Experten der Stiftung Wissenschaft und Politik e.V. (SWP e.V.) berichten darüber ausführlich in ihren analytischen Papieren (sieh. Quellenangabe).


Die Bundesregierung hat wiederholt ihr Interesse einer Beteiligung an der Entwicklung der Arktis bekundet, aber all diese Aussagen gingen nicht über schöne diplomatische Formulierungen hinaus. Gleichzeitig betont Deutschland in jeder Hinsicht seine mangelnde Bereitschaft, die Arktis zu militarisieren. Und dies ist ein völlig korrekter Ansatz, der es ermöglicht, die natürlichen Ressourcen der Arktis in einer ruhigen Atmosphäre zu erschließen, ohne die Angst vor militärischen Konflikten zu schüren. Diese Position Berlins scheint ausgewogen und richtig zu sein und spiegelt den Wunsch Deutschlands wider - unabhängig vom Druck seitens der USA und Kanada - einen eigenen Platz in der Arktisfrage einzunehmen.

c9f03427-0001-0004-0000-000001472487_w750_r1.77_fpx60.54_fpy50.jpg

In der Beschreibung der Situation mit der Arktis, die auf den Seiten des Auswärtigen Amtes zu finden ist, wird das Verhältnis der Bundesregierung durch folgende Formel ausgedrückt: „Die Bundesregierung plädiert für die Beibehaltung eines eindeutig defensiven Charakters jedweder militärischer Maßnahmen, um einer verstärkten Militarisierung der Arktisregion entgegenzuwirken.“


Überraschenderweise unterscheidet sich die Position der deutschen Verteidigungsministerin Kramp-Karrenbauer jedoch deutlich von den strategischen Plänen ihrer Regierung. Während einer Videokonferenz mit dem NATO Joint Warfare Centre sprach sich die Ministerin beispielsweise dafür aus, dass sich die Westliche Militärallianz künftig „intensiver mit der Region befassen“ sollte.


Dies ist eine merkwürdige Position der Verteidigungsministerin, zumal es nach Angaben der Bundeswehr in der norwegischen Stadt Stavanger bereits mehr als 40 deutsche Soldaten gibt. Es versteht sich von selbst, dass sie an allen Manövern in der Region teilnehmen, beispielsweise an dem Manöver "Cold Response 2020" in Nordnorwegen, das bereits im März begonnen hat. Aufgrund der Pandemie verlief es nicht vollständig wie geplant, dennoch nahmen Schiffe der Bundeswehr an den Manövern vor der Küste Islands teil. Laut der Zeitung „Junge Welt“ findet die Militarisierung der Arktis unter aktiver Beteiligung Deutschlands statt.


Es ist bedauerlich, dass Berlin dem Druck anderer Länder erliegt die Arktis zu militarisieren und sich an diesen Plänen mit der Bundeswehr beteiligt. Die Bundeswehr und ihre Marine befinden sich in einem militärtechnischen Zustand, der vieles zu wünschen übrig lässt. Nach Einschätzungen von Marine-Experten erfordert die deutsche Militärtechnik, einschließlich der Militärschiffe, seit langem eine gründliche Modernisierung oder einen kompletten Ersatz durch neue Ausrüstungsgegenstände.

Der Einsatz der Bundeswehr in der gegenwärtigen Situation, zur Deckung der Bedürfnisse der NATO, versetzt die militärtechnische Basis Deutschlands in die Position eines Landes, das an militärischen Manövern beteiligt ist, die den eigenen nationalen Interessen diametral entgegen stehen. Richtig und ausgewogen wäre eine Politik, die auf eine friedliche Entwicklung der Arktis abzielt, ohne eine harte Konfrontation zu provozieren, die die Situation in dieser Region und in der ganzen Welt verschlechtern würde.

Quellen:

  1. https://www.swp-berlin.org/10.18449/2019A56/

  2. https://www.auswaertiges-amt.de/blob/2239806/0c93a2823fcf...

  3. https://www.jungewelt.de/artikel/384010.arktis-berlin-mis...

vendredi, 09 octobre 2020

Options russes dans le conflit du Karabakh

60967.jpg

Options russes dans le conflit du Karabakh

Par The Saker 

Source The Saker

Avec les yeux de la plupart des gens rivés sur le débat entre Trump et Biden, le conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie au sujet du Haut-Karabakh (NK) a reçu relativement peu d’attention en Occident. Pourtant, c’est une situation potentiellement très dangereuse.

Pensez à ceci : les Arméniens accusent les Turcs d’avoir abattu un Su-25 arménien au-dessus de l’Arménie – pas au dessus du Nagorno-Karabakh ! Si cela est vrai, certains diront que c’est une énorme nouvelle car cela signifierait qu’un État membre de l’OTAN a commis un acte d’agression contre un membre de l’OTSC [Collective Security Treaty Organization]

Cela signifie-t-il que la guerre entre deux plus grandes alliances militaires de la planète est inévitable ?

À peine.

En fait, il me semble que ni l’OTSC, ni l’OTAN n’ont beaucoup d’enthousiasme pour s’impliquer.

Prenons un peu de recul et mentionnons quelques éléments de base.

  • L’Arménie a suivi une voie anti-russe depuis la révolution de couleur soutenue par Soros en 2018.
  • L’Azerbaïdjan est clairement allié avec, et soutenu par, la Turquie – un pays actuellement dans des crises politiques, ou autres, avec à peu près tout le monde. Erdogan est clairement une planche pourrie perdante et on ne peut lui faire confiance en aucune circonstance.
  • En vertu du droit international, le Haut-Karabakh fait partie de l’Azerbaïdjan. Pour cette raison, l’Arménie ne peut pas faire appel à l’OTSC – tout comme le plaidoyer d’Erdogan pour le soutien de l’OTAN contre la Russie lorsque les Turcs ont abattu un Su-24M russe au-dessus de la Syrie a été rejeté par l’alliance.
  • Militairement parlant, l’Azerbaïdjan a l’avantage quantitatif et même qualitatif sur l’Arménie, même si cette dernière dispose d’un équipement moderne. Pourtant, comme aucune des deux parties ne dispose d’une force aérienne moderne, il n’est pas impossible que la Turquie ait envoyé des F-16 pour aider l’armée de l’air azérie, pour l’essentiel obsolète, à s’occuper des Su-25 arméniens.

eng149570361647.jpg

Découvrez l’immense complexe de l’ambassade américaine à Erevan et demandez-vous ce que font tous ces gars toute la journée ?

On aurait pu imaginer que la Russie se rangerait immédiatement du côté de l’Arménie chrétienne contre les Azéris musulmans, mais cette fois-ci, il y a des preuves que les Russes ont – enfin ! – tiré des leçons douloureuses de l’histoire, en particulier sur les « frères putatifs orthodoxes » de la Russie. La triste vérité est que, tout comme la Biélorussie sous Loukachenko, l’Arménie suit, depuis au moins 2018, le même type de parcours politique «entre deux chaises» que la Biélorussie. Je résumerais cette politique comme ceci : «tenir un cap politique anti-russe tout en exigeant le soutien de la Russie». Les Russes n’aimaient pas plus cela en Arménie qu’en Biélorussie. Mais la grande différence est que si la Russie ne peut pas se permettre de «perdre» la Biélorussie, elle n’a pas du tout besoin de l’Arménie, en particulier d’une Arménie hostile.

Cela ne veut pas dire que la Russie devrait soutenir l’Azerbaïdjan. Pourquoi ? Eh bien, cela n’a rien à voir avec la langue ou la religion et tout à voir avec le fait que l’Azerbaïdjan moderne est un protégé politique de la Turquie d’Erdogan, ce protégé est vraiment l’un des pays et des régimes politiques les plus dangereux, que la Russie devrait approcher avec la prudence d’un charmeur de serpents face à une vipère particulièrement méchante et imprévisible. Oui, la Russie doit s’engager à la fois avec la Turquie et l’Azerbaïdjan, ne serait-ce que parce que ces deux pays sont puissants, au moins dans un sens régional, et parce qu’ils sont presque toujours prêts à faire le pire, en particulier la Turquie.

Ensuite, il y a la question du rôle des États-Unis dans tout cela. Nous pouvons être à peu près sûrs que les États-Unis parlent aux deux parties en leur disant que tant qu’ils maintiennent un cap anti-russe, ils obtiendront le soutien de l’oncle Shmuel. Il y a deux problèmes avec cette attitude :

  • Les deux parties savent que les États-Unis parlent aux deux côtés
  • Quand les choses se gâtent, le soutien des États-Unis importe vraiment très peu

Je dirais même que toute escalade majeure du conflit prouvera aux deux parties que les États-Unis sont prolixes sur les promesses et avares de les tenir réellement. En revanche, la Turquie tient ses promesses. Oui, imprudemment et, oui aussi, en violation du droit international, mais quand même – la Turquie tient ses promesses et elle n’hésite pas à le confirmer.

Tout comme dans le cas de la Biélorussie ou de l’Ukraine, la Russie pourrait mettre fin à ce conflit, surtout si le Kremlin décide d’utiliser la force militaire, mais ce serait terrible en termes politiques, et je suis convaincu que la Russie n’interviendra pas ouvertement. D’une part, cette guerre est un cas clair de jeu à somme nulle dans lequel un compromis négocié est presque impossible à atteindre.

De plus, les deux parties semblent déterminées à aller jusqu’au bout, alors pourquoi la Russie devrait-elle intervenir ?

Il semble que rester un intermédiaire neutre est la meilleure et la seule chose que la Russie devrait faire pour le moment. Une fois la poussière retombée et une fois que chaque partie se rendra pleinement compte que l’oncle Shmuel est plus fort en paroles qu’en actes, alors peut-être que la Russie pourra, une fois de plus, essayer d’offrir une solution régionale, impliquant éventuellement l’Iran et excluant les États-Unis à coup sûr. Mais cela ne pourra se faire que plus tard.

À présent les deux côtés se sont bloqués chacun dans un coin du ring et semblent également engagés vers une victoire militaire totale.

Conclusion

Dans ce conflit, la Russie n’a ni alliés ni amis. À l’heure actuelle, les Azéris semblent gagner, mais si l’Arménie engage ses missiles Iskander ou reconnaît l’indépendance du Haut-Karabakh – ce que les Arméniens menacent maintenant de faire – cela tournera mal et une intervention turque deviendra possible.

Voyons comment – et même si – les États-Unis feront quelque chose pour aider Erevan. Sinon, il sera intéressant de voir ce qui se passera une fois que les Arméniens redécouvriront une vérité historique bien connue : l’Arménie ne peut pas survivre sans la Russie. Et même si les Arméniens arrivent aussi à cette conclusion, je recommanderais tout de même que la Russie fasse très attention en plaçant son poids derrière les deux camps du conflit, d’autant plus que les Azéris ont le droit international de leur côté.

En d’autres termes, je recommande à la Russie d’agir uniquement et exclusivement dans son propre intérêt géostratégique et de laisser toute la région découvrir à quel point l’oncle Shmuel peut vraiment apporter, ou pas, son aide. Plus précisément, j’affirme qu’il est dans l’intérêt de la sécurité nationale de la Russie de s’assurer que :

  • La Turquie reste aussi faible que possible le plus longtemps possible
  • Les USA restent aussi faibles que possible dans toute la région

À l’heure actuelle, la Pax Americana est aussi mauvaise dans le Caucase qu’elle l’est au Moyen-Orient. C’est bon pour la Russie et elle ne devrait rien faire qui puisse aider l’oncle Shmuel. Ce n’est qu’une fois que les États-Unis seront hors jeu, y compris en Arménie, que la Russie pourra offrir son aide et son soutien à un accord de paix entre les deux belligérants.

The Saker

Traduit par jj, relu par Hervé pour le Saker Francophone

Les marches des empires sous haute tension

Et de trois. Les drones turcs qui officiaient déjà en Syrie et en Libye survolent désormais le Haut-Karabakh, cette région montagneuse où les Arméniens affrontent les Azéris, soutenus par Ankara non seulement dans les airs, mais également au sol. Les supplétifs syriens à la solde de la Turquie, qui combattaient d’abord les Kurdes, ont migré vers la Tripolitaine libyenne puis aujourd’hui vers le Caucase, troisième front militaire pour le régime nationaliste de Recep Erdogan. 

Dans les mêmes contrées, Moscou pèse également de tout son poids, quoique moins offensivement qu’Ankara. En Syrie très officiellement pour soutenir coûte que coûte le gouvernement de Damas. En Libye, pour appuyer sans le dire ouvertement le régime du maréchal Haftar, sis en Cyrénaïque. La Russie est également une alliée historique de l’Arménie, quoi qu’elle maintienne aussi des relations de bon voisinage avec l’Azerbaïdjan, ancienne république d’URSS. Nous saurons certainement dans les prochains jours quelle attitude le grand pays orthodoxe adoptera dans le conflit du Haut-Karabakh. Une chose est sûre, la Russie et la Turquie ont montré en Syrie et en Libye qu’elles savaient s’entendre, nouant une étrange relation mêlant compétition et coopération, ce que le management nomme parfois “coopétition”. Pour la Syrie et peut-être plus discrètement pour l’Arménie, une autre grande puissance régionale est de la partie : l’Iran. La République islamique a su depuis longtemps maintenir des relations relativement cordiales avec la Turquie, tout en projetant ses ambitions géopolitiques le long de l’« arc chiite », avec, dans le cas syrien, l’appui russe, là aussi mêlé de rivalité.

Trois puissances régionales (dans le cas de Moscou également mondiale, vestige atomique de la Guerre froide) ; trois anciens empires. Ils se jaugent et rivalisent sans cesse, s’affrontent parfois, rarement directement, coopèrent souvent. Les points de friction qui deviennent objets de négociation se cristallisent naturellement dans leurs “marches”, le mot prenant ici un sens géopolitique. Les marches sont situées aux confins des empires et servent le plus souvent de zone tampon. Elles sont métissées et mélangées, ethniquement et religieusement. Leurs identités sont multiples, selon que l’on appartient à telle ou telle communauté, l’ensemble formant une mosaïque insaisissable. Pour un Européen de l’ouest, habitué à l’Etat-nation et à des frontières qui délimitent distinctement un dedans et un dehors, la notion de marche apparaît mystérieuse. Elles sont pourtant une réalité historique, souvent tragique. L’Arménie est un cas intéressant : elle est pour le coup un Etat-nation, mais est en même temps une marche aux confins des trois empires turc, russe et iranien. L’enclave arménienne du Haut-Karabakh en est la manifestation la plus criante.  

unnamedcauc.jpg

Ces marches sont aujourd’hui sous haute tension au Levant. Les Etats-Unis se retirant progressivement du Moyen-Orient, les trois anciens empires se repositionnent derechef pour définir ensemble, mais au mieux de leurs intérêts, de nouveaux équilibres régionaux. Depuis 2015, la Russie tente de jouer les arbitres musclés, mais ouverts aux négociations. L’Iran, lui, joue un jeu plus solitaire pour consolider l’axe qui le mène à la Méditerranée. Quant à la Turquie, elle apparaît aujourd’hui comme l’acteur le plus véhément et le plus offensif de cette triade. 

Les actions géopolitiques de ces trois vieux empires sont le signe de la nouvelle multipolarité de notre monde. Des puissances moyennes déroulent leur propre agenda sur les ruines d’un monde bipolaire qui a vécu. L’Asie n’est pas en reste. Aux confins de la Chine, du Pakistan et de l’Inde, la tension militaire est à son comble dans la région disputée du Cachemire, autre mosaïque de populations au sang mêlé, où les armes résonnent de plus en plus, depuis des mois. Sans parler d’une autre marche chinoise, le Xinjiang, peuplé de Ouïghours contre lesquels Pékin exerce une emprise de plus en plus puissante.  

Etonnant paradoxe : en Europe, on ne cesse de vanter la diversité, les mosaïques, les mélanges, le métissage, mais le discours dominant ne sait comment penser ces “marches” géopolitiques, symboles d’une histoire longue et tragique qui n’entre pas dans les cases trop binaires du “droit-de-l’hommisme” ou du “néo-conservatisme”. Le vieux continent, du reste, n’échappe pas à ce phénomène des marches sous tension. Que l’on pense à l’Ukraine et, aujourd’hui, à la Biélorussie. Le schéma de pensée que l’on calque sur ces deux pays est souvent de deux ordres. D’un côté, le logiciel de la Guerre froide : il faudrait absolument que l’Ukraine devenue pro-européenne entrât dans l’OTAN pour endiguer la Russie. En 2014, certains intellectuels et politiques, qui, comme Cassandre n’ont pas été écoutés, ont senti le danger immense de jouer sur cette corde sensible qui n’allait qu’augmenter la douleur des Ukrainiens. “Ukraine”, en russe, signifie justement “marche”. Le nom même d’Ukraine aurait dû nous mettre en garde : jouer ce pays contre la Russie était incroyablement dangereux. L’histoire de ces cinq dernières années n’a fait qu’augmenter le syndrome d’encerclement russe. La seule solution sage aurait consisté à faire du rapprochement – heureux ! – de l’Ukraine avec l’Europe un pont vers la Russie. Encore aurait-il fallu, pour cela, que l’Europe eusse été indépendante des Etats-Unis, qui se refusent toujours d’en finir avec la Guerre froide. En l’occurrence, le maintien d’une logique bipolaire dans les relations Est/Ouest attise la tension qui existe dans les anciennes marches de l’empire russe. L’autre lecture trop courante est celle de la simple opposition entre démocratie et dictature. Car si la Biélorussie est bien une dictature et que l’on ne peut que souhaiter qu’elle ne le soit plus à l’avenir, elle n’est pas qu’un régime politique, mais aussi un pays, un peuple, une histoire, une culture composites, indissociablement liés à la Russie. Heureusement, jusqu’à présent, les Européens ont fait preuve de davantage de prudence qu’en Ukraine. L’avenir dira ce qu’il adviendra du régime dictatorial de Loukachenko. Mais une chose est sûre : la Biélorussie ne devra jamais servir de bouclier contre la Russie. Transformer une marche en un mur est un risque que l’on ne peut se permettre de prendre.

7233-trtworld-gallery-362964-401310.jpg

Cette leçon devra aussi servir pour l’avenir, alors que le couple formé par les Etats-Unis et la Chine fait peser sur le monde le risque d’une nouvelle bipolarité à l’échelle internationale, laquelle ne sera pas forcément contradictoire avec le maintien d’une certaine multipolarité à l’échelle régionale. Samuel Huntington a trop souvent mal été lu : le père du “choc des civilisations” n’était pas partisan de l’ingérence militaire, mais bien au contraire d’une forme d’isolationnisme réfléchie. Selon lui, les Etats-Unis ne devaient pas intervenir partout dans le monde mais s’appuyer sur les grandes puissances régionales – chacune dominant une civilisation – pour déterminer un équilibre global qui soit le moins mauvais possible. Un projet qui, malheureusement, n’a pas été retenu. Il avait pourtant bien des qualités, à commencer par une forme de sage prudence. Aujourd’hui, pour le bien des Arméniens comme des Azéris, et plus globalement pour le bien de toutes les minorités du Moyen-Orient qui vivent dans les “marches” des vieux empires, l’Europe aurait peut-être tout intérêt à encourager, non sans fermeté, la formation d’un nouvel équilibre, le moins précaire possible, entre la Russie, la Turquie et l’Iran. Mais il nous faudrait pour cela abandonner notre vieille Guerre froide avec la Russie, en finir avec nos rêves d’une Turquie européenne qui existerait à notre image et arrêter de voir l’Iran comme un pays dont l’histoire aurait commencé en 1979. Bref, assumer un monde multiple, divers et fragile, à l’image de ses marches qui souffrent dans leur chair. 

*Alexis Feertchak, membre fondateur de Geopragma

jeudi, 08 octobre 2020

La guerre du Haut-Karabakh est-elle déjà dans une impasse ?

nagorno-karabakh.jpg

La guerre du Haut-Karabakh est-elle déjà dans une impasse ?

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com 

Sept jours après que l’Azerbaïdjan a lancé l’attaque contre le territoire du Haut-Karabakh tenu par les Arméniens, ce pays n’a pas avancé sur le terrain.
L’Iran et la Géorgie comptent sur leur territoire d’importantes minorités azéries et arméniennes.

Les hautes terres du Haut-Karabakh sont ethniquement arméniennes. Les districts en bleu clair étaient à l’origine azéris mais ont été ethniquement nettoyés pendant la guerre du début des années 1990.

La Turquie soutient l’Azerbaïdjan en lui fournissant des drones turcs et des mercenaires qui sont des « rebelles syriens modérés » amenés de Syrie et de Libye. Tous sont acheminés par avion en traversant l’espace aérien géorgien. D’autres mercenaires semblent venir d’Afghanistan. Du matériel supplémentaire arrive par la route, également par la Géorgie. Un autre partisan de l’agresseur est Israël. Au cours de la semaine dernière, des avions de transport militaire azerbaïdjanais ont volé au moins six fois en direction d’Israël pour revenir avec des drones suicides israéliens supplémentaires à bord. Ces drones Harop ont été largement utilisés dans des attaques contre des positions arméniennes. Un missile balistique à courte portée LORA, de fabrication israélienne, a été utilisé par l’Azerbaïdjan pour attaquer un pont qui relie le Haut-Karabakh à l’Arménie. Il y aurait également des avions de chasse F-16 pilotés par des Turcs en Azerbaïdjan.

La Turquie semble diriger les drones et les avions de chasse en Azerbaïdjan et au Haut-Karabakh par le biais d’avions de contrôle aérien de type AWACS qui volent en cercle à la frontière turco-arménienne.

photo-1_0.jpg

Le plan d’attaque que l’Azerbaïdjan avait à l’esprit lorsqu’il a lancé la guerre prévoyait de prendre des zones de plusieurs miles de profondeur par jour. Ce plan n’a pas survécu au premier jour de bataille. L’Azerbaïdjan a commencé l’attaque sans préparation d’artillerie importante. L’attaque au sol n’a été soutenue que par des frappes de drones sur les chars, l’artillerie et les positions de défense aérienne arméniennes. Mais les lignes défensives tenues par l’infanterie arménienne n’ont pas été endommagées par les drones. L’infanterie arménienne retranchée pouvait utiliser ses armes antichars et anti-infanterie à pleine capacité. Les chars et l’infanterie azerbaïdjanais ont été massacrés lorsqu’ils ont tenté de percer les lignes. Les deux camps ont subi des pertes importantes, mais dans l’ensemble, les lignes de front n’ont pas bougé.

Cette guerre semble déjà être dans une impasse. Ni l’Arménie ni l’Azerbaïdjan ne peuvent se permettre d’utiliser la puissance aérienne et les missiles balistiques achetés à la Russie sans le consentement de celle-ci.

Les attaques de drones ont été, pendant un certain temps, assez réussies. Un certain nombre de vieux systèmes de défense aérienne ont été détruits avant que les Arméniens n’en tirent la leçon et les camouflent. Les Azerbaïdjanais ont alors utilisé une astuce pour dévoiler les positions cachées de la défense aérienne. Des avions Antonov AN-2 radiocommandés, des reliques propulsées par hélices de la fin des années 1940, ont été envoyés au-dessus des positions arméniennes. Lorsque la défense aérienne a ensuite lancé un missile contre eux, un drone suicide a été immédiatement largué sur la position de tir.

L’astuce semble avoir marché pendant un jour ou deux, mais de telles attaques de drones sont désormais devenues rares. Des dizaines de drones ont été arrêtés avant d’avoir pu atteindre leur cible et l’Azerbaïdjan semble être à court de drones. Un clip musical bizarre que les Azerbaïdjanais ont posté montre quatre camions transportant chacun neuf drones. Il y avait peut-être plusieurs centaines de ces drones, mais probablement moins de mille. Israël est actuellement soumis à un strict confinement à cause de la pandémie. Le réapprovisionnement en drones sera un problème. Depuis, l’Azerbaïdjan a fait appel à plus d’artillerie lourde, mais il semble qu’il l’utilise principalement pour frapper les villes et les agglomérations, et non les lignes de front où cela serait plus utile.

On ne sait pas qui commande les troupes azerbaïdjanaises. Il y a quelques jours, le chef de l’état-major général de l’Azerbaïdjan a été viré après s’être plaint d’une trop grande influence turque sur la guerre. Cela n’a pas aidé. Deux attaques terrestres plus importantes lancées par l’Azerbaïdjan plus tôt dans la journée ont également échoué. Les Arméniens contre-attaquent actuellement.

960x0gggg.jpg

Dans notre précédent article concernant cette guerre, nous avions souligné les plans américains visant à « déborder la Russie » en créant des troubles dans le Caucase, comme c’est le cas actuellement. Fort Russ note : L'actuelle directrice de la CIA, Gina Haspel, a effectué des missions sur le terrain en Turquie au début de sa carrière, elle parlerait turc, et elle a déjà été chef de station à Bakou, en Azerbaïdjan, à la fin des années 1990. On peut donc supposer qu'elle a toujours des liens avec les élites du gouvernement local et du monde des affaires. L'actuel chef du MI6, Richard Moore, a également travaillé en Turquie, où il a accompli des tâches pour les services de renseignement britanniques à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Moore parle couramment le turc et il a également été ambassadeur britannique en Turquie de 2014 à 2017. Les chefs des services de renseignements des deux pays les plus puissants de l'Anglosphère sont des « turcophones » ayant des connexions en Turquie et en Azerbaïdjan. Il serait raisonnable de supposer qu'un conflit régional d'une telle ampleur qui se déroule actuellement, sous leur surveillance, est loin d'être une simple coïncidence.

5fae5af1-cfbc-44aa-8e8f-0926c31eec39.jpg

Avant que le président Trump ne mette fin au programme, la CIA avait utilisé la compagnie aérienne azerbaïdjanaise Silk Way Airlines, pour plus de 350 vols, afin d’acheminer des armes de la Bulgarie vers la Turquie et les remettre aux « rebelles syriens ». Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan, n’est pas seulement une station de la CIA mais aussi un centre du Mossad pour mener sa guerre silencieuse contre l’Iran.

L’ancien ambassadeur indien en Turquie, M.K. Bhadrakumar, a écrit deux articles intéressants sur le conflit actuel. Dans le premier, il nous rappelle la révolution de couleur de 2018 en Arménie, qui, selon lui, cherchait à créer des problèmes à Moscou.

Je n’ai jamais vu les choses de cette façon. Même si l’actuel Premier ministre arménien, Nikol Pashinyan, a essayé de se mettre les puissances « occidentales » et l’OTAN dans sa poche, il n’a pas pu changer fondamentalement la politique étrangère de l’Arménie. Il y a cent ans, la Turquie, avec aujourd’hui la deuxième plus grande armée de l’OTAN, avait lancé un génocide contre les Arméniens. Ces derniers ne l’ont jamais oublié. Il était également certain que les relations avec l’Azerbaïdjan continueraient à être hostiles. Cela ne changera que si les deux pays se retrouvent à nouveau dominés par un empire. L’Arménie dépend autant que l’Azerbaïdjan du soutien en armes de la Russie, mais l’Azerbaïdjan a plus d’argent et paie plus pour ses armes russes, ce qui permet à la Russie de subventionner celles qu’elle vend à l’Arménie.

unnamednkmap.jpg

Après que Nikol Pashinyan fut installé, et a tenté de se tourner vers l’« Occident », la Russie a fait la même chose qu’avec la Biélorussie, lorsque le président Loukachenko a commencé à conclure des accords avec l’« Occident ». Elle s’est tenue à carreau en attendant que l’« Occident » trahisse ses nouveaux partenaires. C’est ce qui s’est passé en Biélorussie il y a quelques semaines. Les États-Unis ont lancé une révolution de couleur contre Loukachenko et celui-ci n’avait pas d’autre choix que de se tourner vers la Russie. Aujourd’hui, l’Arménie est attaquée par des forces soutenues par l’OTAN et ne peut espérer aucune aide autre que celle de la Russie.

De même, l’Iran ne craint pas le nouveau gouvernement arménien d’Erevan. Il était préoccupé par les récents échanges diplomatiques de Pashinyan avec Israël, qui ont été effectués à l’initiative de la Maison Blanche. Mais cette inquiétude a maintenant été levée. Pour protester contre la récente vente d’armes par Israël à l’Azerbaïdjan, l’Arménie a rappelé son ambassadeur en Israël deux semaines seulement après l’ouverture de son ambassade dans ce pays.

Pashinyan devra s’excuser auprès de Moscou avant que la Russie ne vienne à son secours. Comme le relaie Maxim Suchkov : C'est intéressant : Evgeniy "le chef de Poutine" Prigozhin donne une courte interview pour exprimer son "opinion personnelle" sur le Haut-Karabakh. Quelques pistes : - Le Karabakh est un territoire azerbaïdjanais - La Russie n'a aucune base légale pour mener des activités militaires au Karabakh - il y a plus d'ONG américaines en Arménie que d'unités militaires nationales - Le Premier ministre Pashinyan est responsable de la situation - jusqu'en 2018, la Russie a pu faire en sorte que l'Arménie et l'Azerbaïdjan discutent du conflit autour d’une table de négociations, puis les États-Unis ont amené Pashinyan au pouvoir à Erevan et celui-ci se sentant le roi n’a pas voulu parler avec Aliyev Je me demande si les remarques de Prigozhin suggèrent qu'il serait réticent à déployer ses hommes en Arménie - si nécessaire ou si on lui demande de le faire - ou bien s'il ne fait qu'exprimer ses propres opinions ou si c'est une façon de faire délicatement entendre à Pashinyan que Moscou n'est pas content de lui... ?

L’intérêt de la Russie – et de l’Iran – est de geler à nouveau le conflit du Haut-Karabakh. Mais pour cela, il faut que les deux parties se plient à cette exigence. C’est pourquoi la Russie n’a pas d’objection à ce que l’Azerbaïdjan exerce actuellement une certaine pression sur Pashinyan. Mais elle ne peut pas permettre à l’Azerbaïdjan de remporter une victoire significative. Une de ses principales préoccupations sera de mettre la Turquie hors-jeu et cela nécessitera un soutien à l’Arménie. L’Iran a une stratégie assez similaire. Les États-Unis vont probablement essayer d’aggraver la situation et de compliquer les choses pour la Russie. Il est probable qu’ils disent en silence à la Turquie d’accroître sa participation à la guerre.

La Russie n’interviendra probablement que si l’une ou l’autre des parties réalise des gains territoriaux importants. À moins que cela ne se produise, elle laissera probablement la guerre se poursuivre dans l’espoir qu’elle s’épuise toute seule : Les conditions hivernales à venir, associées à la rudesse du terrain, limiteront les opérations militaires à grande échelle. De plus, les économies paralysées de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie ne leur permettront pas de maintenir une confrontation militaire conventionnelle prolongée.


Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone

Révolution de couleur aux Etats-Unis

sjgpsbymzfudmgh8_1568442903.jpg

Révolution de couleur aux Etats-Unis

par Paul Craig Roberts

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com

Révolution de couleur aux Etats-Unis, mise en œuvre par le complexe militaro-sécuritaire, les médias et le Parti Démocrate.

J’ai établi que le complexe militaro-sécuritaire, avec l’aide des médias et des Démocrates, se propose de transformer l’élection de novembre en une révolution de couleur. La C.I.A. a beaucoup d’expérience en matière de révolutions de couleur, puisqu’elle en a déclenché dans plusieurs pays dont le gouvernement ne lui convenait pas. Comme nous le savons depuis les attaques de John Brennan (ancien directeur de la C.I.A.) contre le Président Trump, ce dernier déplaît lui aussi à la C.I.A. Du point de vue de cette agence, Trump ne diffère pas d’Hugo Chavez, de Nicolas Maduro, de Charles De Gaulle, de Manuel Zelaya, d’Evo Morales, de Victor Yanukovitch et de beaucoup d’autres.

Le Russiagate fut un coup d’État raté, suivi par un autre ratage: l’Impeachgate. Appréhendant la réélection de Trump, et se rendant compte qu’une fois réélu Trump serait en mesure de s’occuper de la trahison fomentée contre lui, l‘ »Etat profond » a décidé de le renverser par une révolution de couleur.

La preuve qu’une révolution de couleur est en cours est abondamment fournie par CNN, MSNBC, le New York Times, NPR(National Public Radio), le Washington Post et de nombreux sites internet ouverts par la C.I.A. et par les fondations et entreprises à travers lesquelles elle agit, tous œuvrant à expulser Trump du Bureau Ovale. Le public américain ne comprend pas à quel point les institutions d’une société libre ont été pénétrées et retournées contre la liberté. Tous ces médias, toutes ces organisations sont en train de faire croire aux Américains que Trump ne quittera pas sa fonction lorsqu’il perdra, ou volera les élections et qu’il faudra l’y forcer. Je reçois des emails de lecteurs britanniques et européens selon lesquels les médias d’Europe et du Royaume Uni préparent les esprits à accepter une révolution de couleur de la C.I.A. contre le Président Trump. Les médias et les politiciens européens et britanniques tiennent pour acquis que Trump ne pourra pas être réélu parce que :
  • c’est un agent de Poutine
  • il abuse de son pouvoir
  • il représente ces racistes que sont les « Trump deplorables »
  • c’est un coureur de jupons – « attrapez-les par le minou »
  • c’est à cause de lui que l’Amérique a le plus grand nombre de cas et de morts du Covid dans le monde
  • il ne soutient pas l’OTAN (une sinécure pour beaucoup d’Européens)
  • il nous est étranger, il n’appartient pas à l’Oligarchie (« Establishment »), « il n’est pas comme nous »
  • il a les cheveux orange (l’orange étant considéré comme une couleur vulgaire).
Vous pouvez allonger la liste à votre gré.

EZQ45XmXQAE_YIU.jpg

Les médias américains, européens et britanniques envisagent deux scénarios qui établissent la nécessité d’une révolution de couleur pour chasser Trump de la Présidence:
  • Trump perd l’élection, refuse de quitter son poste et doit en être délogé, sinon c’est la mort de la démocratie.
  • Trump gagne frauduleusement l’élection et doit être chassé, sinon c’est la mort de la démocratie.
Aucun scénario n’imagine que Trump puisse l’emporter grâce au vote populaire. Cette éventualité n’est même pas envisageable. Selon les médias, Trump ne peut que perdre ou bien voler l’élection.

Comme les Antifas et les Black Lives Matter sont maintenant bien rôdés aux manifestations violentes, ils seront lâchés de nouveau sur les villes américaines dès qu’on apprendra que Trump a été élu. Les médias expliqueront que cette violence est nécessaire pour nous libérer d’un tyran, et ils encourageront la violence comme le fera le Parti Démocrate. La C.I.A. aura la certitude du bien fondé de cette violence.

Trump, isolé dans son propre gouvernement, lequel n’a pas été capable d’inculper le clan Obama pour avoir monté un coup contre le Président des États-Unis et tenté de le renverser – Barr et Durham représentent l’Oligarchie (« Establishment »), non pas le Président ni la loi – sera coupé de Twitter, Facebook et de tous les médias, presse comme télévision. Tout ce qu’apprendront les Américains et le reste du monde, c’est que Trump a perdu et doit partir, ou qu’il a gagné en trichant et doit partir. Il sera impossible pour Trump ou n’importe qui d’autre de réfuter ces accusations. Les Républicains, qui manquent d’intelligence comme de volonté, s’aplatiront. Les Républicains ne sont pas des gens combatifs. Ils croient que dénigrer le complexe militaro-sécuritaire est antipatriotique. Ce qui en fait des cibles faciles.

La C.I.A., le « National Endowment for Democracy », « Radio Liberty », etc. ont utilisé des révolutions de couleur contre d’autres qui faisaient obstacle à l’État américain de Sécurité Nationale. Seul Maduro leur a résisté victorieusement. Jusqu’ici.

GettyImages-1227785218-820x550.jpg

Le « Secret Service » a coopéré avec la C.I.A. et les chefs d’État Major dans l’assassinat du Président John F. Kennedy. Que pourra bien faire un Président Trump réélu lorsque le Secret Service refusera de repousser les Antifas et les Black Lives Matter lorsque ceux-ci feront irruption dans la Maison Blanche ? Il est hors de doute que le Secret Service est pénétré par la C.I.A. Sinon, comment le Président Kennedy aurait-il pu être assassiné ?

La démocratie américaine est sur le point d’être abolie à jamais, et les médias du monde entier présenteront cet événement comme étant le victorieux renversement d’un tyran.

Paul Craig Roberts

Traduit par J.A., relu par Hervé pour le Saker Francophone

mercredi, 07 octobre 2020

Guerre au Haut-Karabagh. Entretien avec Hovannès Gervorkian

22239777.jpg

Guerre au Haut-Karabagh.

Entretien avec Hovannès Gervorkian

 
 
Le Haut-Karabagh est de nouveau l'objet d'une guerre depuis l'offensive du 27 septembre. La présence turque est désormais certaine, avec l'envoi de drones, d'avions de chasse et de mercenaires.  Jean-Baptiste Noé reçoit Hovannès Gervorkian, représentant de l'Artsakh en France, pour faire le point sur ce conflit. 
 
Emission enregistrée le 1er octobre 2020.
 

L’arnaque de la mobilisation médiatique pour la liberté d’expression

charlie-hebdo-17_6274954.jpg

L’arnaque de la mobilisation médiatique pour la liberté d’expression

par Éric DELCROIX

La grande presse française s’est unie pour publier un appel intitulé « Ensemble défendons la liberté ». Une « Lettre ouverte à nos concitoyens » en faveur de la liberté d’expression qui a notamment été publiée dans Le Figaro, sur une page entière (page 5), le 23 septembre. Or, cette publication est intervenue 5 jours après l’incarcération, à la prison de Fleury-Mérogis, de l’écrivain et essayiste Hervé Ryssen pour délit d’opinion (loi Pleven). Une négation de la liberté d’expression, tue par cette même grande presse, si prompte à défendre la légitime liberté de Charlie-Hebdo, d’ailleurs à l’origine de l’appel.

*

*  *

Quand L’Humanité subjugue Le Figaro

Le texte d’« Ensemble défendons la liberté » cite, dans sa solennité incantatoire, les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 insérée dans le préambule de la Constitution. Je vais faire de même ici mais, en soulignant (caractères gras) ce qui est important pour comprendre le propos révolutionnaire pour ce qu’il est et qui ne garantit rien à personne…

Article 10 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »
Article 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

En d’autres termes, la Déclaration de 1789 – quelque peu brouillonne il est vrai, ne sachant pas trop qui est homme et qui est citoyen, ce qui est droit naturel et ce qui est nomocratie (c’est-à-dire la toute-puissance de la loi formelle écrite) – est ici parfaitement adaptable à la sauce stalinienne qui fut si chère à l’Humanité, autre cosignataire…

De l’incantation révolutionnaire de 1789 à la Terreur

Naïf Figaro, dont les rédacteurs ne savent plus lire un texte pour ce qu’il dit et non pour son prestige historique et idéologique… Car, enfin, que reste-t-il de la liberté d’opinion, si elle ne doit pas « troubler l’ordre public établi par la loi » ? Que reste-t-il de la liberté d’expression « sauf à répondre de l’abus… dans les cas déterminés par la loi » ?

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne garantit rien ici quant aux libertés qu’elle déclame, laissant la loi imposer n’importe quoi. Pas une ligne qui puisse froisser les mânes de Staline.

presse_liberte-.2.jpg

Qu’attendent nos faiseurs d’opinion pour faire litière d’une Déclaration qui ne contient rien de tangible, hormis ses articles 7 et 17 ?
Le premier interdit la rétroactivité des lois, principe sur lequel la justice et le législateur s’assoient depuis le procès Barbie et la loi Taubira (2001), qui fait rétrospectivement de la traite négrière transatlantique un crime contre l’humanité.
Le deuxième proclame, quant à lui, simplement le droit de propriété.

Voilà pourquoi, comme Hervé Ryssen aujourd’hui, on peut être jeté en prison pour délit d’opinion, dans le respect littéral des droits de l’homme, comme on peut l’entendre à L’Humanité, avec la complaisance confraternelle du Figaro. Et pourtant les rédacteurs d’icelui devraient savoir qu’historiquement, derrière les droits de l’homme nous eûmes la Terreur…

Comme le disait Soljenitsyne, il se peut que le mensonge l’emporte, mais il ne doit jamais passer par nous !

Éric Delcroix

• D’abord mis en ligne sur Polémia, le 28 septembre 2020.

mardi, 06 octobre 2020

Netanyahu and Erdogan in unlikely alliance against Iran in Nagorno-Karabakh?

erdo.jpg

Netanyahu and Erdogan in unlikely alliance against Iran in Nagorno-Karabakh?

Historical enmity between the Ottomans and the Persians, and rivalry for control in various hot spots across the region, make it difficult for Turkey and Iran to create a lasting partnership

Anshel Pfeffer
Ex: https://www.haaretz.com

Azerbaijani cargo planes landing at Israeli air force bases in the Negev are a relatively common sight, attesting to the extensive arms deals between the two countries. But the frequency of arrivals and timing of Ilyushin Il-76 freighters – two of which landed at Uvda last Thursday, just two days before a major escalation in the ongoing conflict between Azerbaijan and Armenia, followed by two more on Tuesday and Wednesday – suggest both the preparation and replenishing of Azerbaijani forces for the latest bout of fighting around the Nagorno-Karabakh enclave, now in its fourth day.

The Israeli government has refrained from making any statements on the situation in the South Caucasus. Officially it isn’t taking sides, and it also has diplomatic relations with Armenia, which only two weeks ago opened its first embassy in Tel Aviv. Israeli officials stress quietly that “we have interests on both sides,” and Israel certainly won’t openly defy the Russian government, which is one of Armenia’s patrons (though it sells arms to Azerbaijan as well).

It’s not just the lucrative arms deals, which are reported to include drones, missiles and radar systems. Israel considers Azerbaijan a strategic ally. The kleptocracy on the Caspian is the source of much of the oil Israel purchases and, due to its geographic location, an extremely useful “backdoor” to its neighbor Iran for intelligence and other clandestine purposes – especially as the Shi’a-majority country is also resolutely secular and has long been suspicious of the revolutionary ambitions of the Islamic republic to its south.

But Azerbaijan’s ethnic ties are much stronger with another regional power, Turkey – which, according to reports from Nagorno-Karabakh, mainly from Armenian sources, is much more involved in this current escalation than in previous ones. The Armenians claim that Turkish drones are being used, that a Turkish F-16 fighter jet shot down one of its aircraft and even that Syrian fighters from the Turkish-backed Syrian National Army have been deployed there. Turkey has denied reports that it’s militarily involved, but is vocally supportive of Azerbaijan.

For the first time for a long while, Israel seems to be on the same side as Turkey.

Is this a temporary and coincidental common interest, or a sign that some elements of the old Israel-Turkey alliance still endure?

For the past 12 years, since Israel’s Operation Cast Lead in Gaza, relations between the two countries have been on a steady downward trajectory. In the first few years, there were those who still believed it was a temporary situation, due to Recep Tayyip Erdogan’s attempts to bolster his position in the region.

Today, though, the consensus in the Israeli security and intelligence establishment is that the increasingly autocratic Erdogan is an incurable antisemite and that as long as he’s Turkey’s leader, there’s no prospect for real improvement in those ties.

Despite Turkey itself still maintaining low-level diplomatic ties and extensive commercial relations with Israel, Erdogan fiercely condemned the recent “normalization” of relations and agreements between Israel and the United Arab Emirates and Bahrain. In recent years, Turkey has started hosting key Hamas leaders, allowing them to establish offices in Istanbul and even giving some of them Turkish citizenship. This is partly due to Erdogan’s desire to portray himself as the protector of the Palestinians and his own personal affinity with the Muslim Brotherhood movement, which lost its original base in Egypt after the 2013 coup against then-President Mohammed Morsi.

784-trtworld-gallery-93510-122722.jpg

The argument within the Israeli intelligence community over whether the break with Turkey is temporary and only due to Erdogan or whether it represents a deeper shift is still ongoing. To a large degree, it depends on the personal relations any specific official had with Turkish contemporaries in the past. For example, a senior officer in the Israel Air Force, who just over a decade ago was still training in Turkey’s airspace and continued maintaining ties with Turkish contemporaries through various NATO forums, said last year that he’s convinced “Turkey is not an enemy and will be a close ally again once Erdogan is gone.”

On the other hand, intelligence officials who have seen how Hamas operations in the West Bank are increasingly being directed from Istanbul – and how the Turkish MIT intelligence service has come under the control of Erdogan confidants who are inclined toward working closely with Iran – are convinced that even if Erdogan is forced to resign, or dies, his successors may well continue his policies.

“It will certainly take years for the relationship we once had to be restored,” one intelligence analyst said. “The test will be whether the Hamas offices are closed down.”

More than anything, it depends on Iran – which brings us back to Nagorno-Karabakh.

Despite overtures from both sides, the historical enmity between the Ottomans and the Persians, and the rivalry for control in various hot spots across the region, make it difficult for Turkey and Iran to create a lasting alliance.

Iran has been one of Armenia’s main supporters on Nagorno-Karabakh, creating for Israel an opportunity for back-channel dialogue with Erdogan’s Turkey and hopefully widening the rift between Ankara and Tehran.

For decades, Israel’s allies in the region were the non-Arab powers, Turkey and Iran, who joined Israel in the unofficial “alliance of the periphery,” which was decimated first by Iran’s Islamic revolution in 1979 and then the rise of Erdogan from 2003 onward. Now, Israel is closer than ever to the pro-Western bloc of Arab nations that include the UAE, Saudi Arabia and Egypt, which share Israel’s hostility toward Iran and Turkey, and is vying with them for regional dominance in a series of proxy conflicts in Syria, Yemen, Lebanon and Libya.

The arms shipments to Azerbaijan and the flare-up in Nagorno-Karabakh is a reminder that the periphery alliance may not be entirely dead.

lundi, 05 octobre 2020

Artsakh : le retour des empires

unnamedartz.jpg

Artsakh : le retour des empires

Ex: https://institutdeslibertes.org

À tous ceux qui pensent qu’une armée est inutile et que la guerre entre États est improbable, le conflit qui vient de se déclencher en Artsakh apporte un démenti cinglant. Région disputée par l’Arménie et l’Azerbaïdjan depuis 1991, la chute de l’URSS et l’indépendance de ces deux républiques, l’Artsakh pour les Arméniens, le haut Karabagh pour les Azéris est une frontière chaude et un conflit larvé qui dure. Bien que le conflit soit gelé celui-ci n’est pas éteint. Les événements qui s’y déroulent depuis dimanche montrent qu’un conflit qui sommeille peut se réveiller à tout instant.

Nous avons ici un classique jeu de puissance à plusieurs échelles et à plusieurs coups. L’échelle nationale d’abord. Une région disputée par deux États, chacun proclamant sa légitimité et la portant au niveau international. Impossible de départager les belligérants, les deux ont à la fois raison et tort quant à leurs droits et à leurs antériorités. L’Artsakh est occupé de fait par l’Arménie et peuplé à près de 90% par des Arméniens. C’est également, comme le Kosovo pour les Serbes, une région historique du berceau arménien. Durant l’époque soviétique, l’oblast du Haut-Karabakh était rattaché à la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan. Bakou s’appuie sur cet été de fait pour réclamer le retour de la région dans son giron.

Une guerre sans solution

C’est une situation insoluble, chaque pays pouvant invoquer des éléments de droit qui lui donne raison et donc justifier de la légitimité de sa position. Depuis 1991, aucune solution n’a été trouvée ni par l’ONU ni par le groupe de Minsk, présidé par les États-Unis, la France et la Russie et pourtant chargé de régler le problème. On avait fini par penser que le temps et la lassitude régleraient un conflit embrouillé. C’est oublier que les guerres de civilisation ne peuvent avoir de solution pacifique. Un même territoire convoité par deux peuples, deux religions, deux histoires sur lequel les uns et les autres se mêlent ne peut trouver d’issu que dans l’éviction d’un des deux peuples, c’est-à-dire dans une purification ethnique. À défaut de quoi le conflit s’enlise et dure. Or des purifications ethniques la région en a connu beaucoup au cours du dernier siècle dans les limites géographiques du vaste territoire qu’il a un temps contrôlé. Les deux pays étant de forces égales, aucun ne peut prendre l’ascendant sur l’autre.

gmjnahlubre31.jpg

Comme dans tout conflit gelé il y a, de façon régulière, des escarmouches et des attaques afin de rappeler la réalité du conflit et des tensions. L’attaque est un message envoyé à l’adversaire, lui rappelant que l’on convoite toujours la zone, et un message envoyé à sa population, afin de lui rappeler qu’il faut rester en éveil, car sous la menace d’un ennemi. L’Azerbaïdjan étant en proie à des difficultés économiques et politiques il est utile de raviver ce conflit afin de souder le peuple autour de son dirigeant et de dépasser ainsi les tensions internes. C’est néanmoins un jeu dangereux qui parfois tourne mal, comme en firent l’amère expérience les colonels argentins avec l’expédition des Malouines.

Une guerre turque

Mais en réalité ce n’est plus une guerre qui oppose Arménie et Azerbaïdjan, c’est un conflit turc qui s’inscrit dans le cadre de l’expansion de la Turquie. L’Azerbaïdjan ici n’est plus autonome ; Bakou est le jouet d’Ankara. Le conflit de l’Artsakh est l’un des épisodes des offensives conduites par Erdogan, en Libye et en Syrie d’abord, contre la Grèce et en Méditerranée orientale ensuite. Cette attaque est peut-être une façon de camoufler l’échec subi en Méditerranée orientale ou bien une manière d’ouvrir un troisième front afin de peser sur les négociations à venir autour du gaz et de Chypre. On imagine très bien Ankara s’engager à partir de l’Artsakh à condition que les Européens lui donnent un bout de la ZEE grecque. Comme dans toute guerre, l’Artsakh est une fausse bataille, une diversion pour tenter d’obtenir un morceau plus gros. Mais force est de reconnaître qu’Ankara a très bien mené la partie.

La Turquie a ainsi envoyé en Azerbaïdjan plusieurs milliers de mercenaires islamistes qui combattaient en Syrie au côté de l’État islamique. Embauchés pour un contrat de trois mois au tarif de 1800 dollars par mois, ces mercenaires ont été transportés par avion jusqu’en Turquie puis par camion en Azerbaïdjan. L’internationale des mercenaires islamistes, présente au Sahel et en Libye, officie désormais dans le Caucase. D’après des sources concordantes, le célèbre terroriste syrien Abu Amsha, commandant de la brigade de Suleiman Shah, devenu célèbre dans les combats en Libye, est également arrivé en Azerbaïdjan. Ses hommes sont définis comme « les pires tueurs », caractérisés également par une haine extrême envers les chrétiens « infidèles ».

Republic-of-Artsakh.png

À la manœuvre on retrouve également les fameux drones turcs, qui ont fait merveille en Libye, et des F-16 qui ont détruit au moins un soukhoï arménien. L’observation des lignes aériennes sur les sites spécialisés montrent des avions de guerre turcs quittant la Libye pour se rendre en Azerbaïdjan. Les drones d’attaque Bayrakdar sont pilotés à distance par des experts militaires turcs en Azerbaïdjan. Ce conflit n’est pas une guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, mais une guerre contre la Turquie dont l’Azerbaïdjan n’est que le prétexte et le faire-valoir.

Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Çavuşoğlu, s’est rendu à l’ambassade d’Azerbaïdjan en Turquie et y a réitéré le soutien « total » d’Ankara à Bakou. « Nous sommes aux côtés de l’Azerbaïdjan tant sur le terrain qu’à la table des discussions. Nous voulons désormais éradiquer ce problème. » Les journaux turcs soutiennent l’attaquent de l’Azerbaïdjan et la position du gouvernement Erdogan.

Le conflit ethnique entre Arméniens et Azéris est en train de se mouvoir en guerre religieuse par la grâce de la Turquie. Les mercenaires de l’EI disent combattre les infidèles et vouloir étendre le glaive de l’islam. C’est du moins ce que tente la Turquie : transformer ce conflit en guerre religieuse afin de prendre le commandement des croyants, comme au temps du calife. Une situation qui est loin d’être évidente, tant la Russie et l’Iran ne pourront pas laisser passer une telle offensive.

Russie et Iran, la permanence de deux empires

Défaite en Libye par les Turcs, la Russie ne peut pas laisser passer une ingérence d’Ankara au Caucase et une atteinte à son allié arménien. Nous sommes ici dans l’étranger proche russe, l’ancien territoire de l’URSS où Moscou ne souhaite pas que les Turcs interviennent. La Russie devrait rapidement calmer les ardeurs azéries, à condition que Bakou contrôle encore quelque chose. Il en va de même pour l’Iran, chiite aussi comme l’Azerbaïdjan et qui ne se laissera pas distancer par la Turquie dans la région. Ici, Ankara trouvera des pays beaucoup plus redoutables que la molle Europe, incapable pour l’instant de réagir aux provocations de la Turquie. Inaudible sur la Libye, inaudible sur la Grèce et Chypre, pourtant États membres, l’Union européenne est encore et toujours inaudible sur ce conflit. L’Allemagne ne bougera pas, le Royaume-Uni non plus, il ne reste donc que la France, co-présidente du groupe de Minsk et historiquement alliée de l’Arménie. Il y a urgence, d’une part parce que les combats sont intenses, d’autre part parce qu’on ne peut pas laisser Erdogan étendre son empire de façon infinie. Pour exister, les États ont besoin d’ennemi. Le retour du Turc sur la scène européenne et le renouveau de l’Empire ottoman pourrait être une occasion pour l’Europe de se redresser en considérant que l’histoire n’est pas finie et qu’il faut être prêt à sortir l’épée pour assurer la paix et la sécurité de sa population.

Auteur: Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).

What U.S. Troops Are Really Doing In Syria

2019-10-21T110615Z_1387769242_RC1CA52C4490_RTRMADP_3_SYRIA-SECURITY-IRAQ-1024x552.jpg

What U.S. Troops Are Really Doing In Syria

U.S. policy toward Syria is defined by an absurdity that can’t be neatly untangled—a low-intensity regime change mission defined as anything other than its central mission.

By Michael Hall

Ex: http://www.informationclearinghouse.info

September 27, 2020 "Information Clearing House" -  James Mattis famously resigned from his secretary of defense post citing opposition to President Donald Trump’s order to remove U.S. troops from Syria. So it came as a mild surprise when it was recently confirmed that Mattis opposed a plan to assassinate Bashar al-Assad, the president of Syria. This opposition was a prudent move as deposing Assad would not end Syria’s civil war but throw the country into deeper chaos. But this seeming incongruity of Mattis the hawk contra Mattis the dove is representative of the larger contradictions in Washington’s Syria policy.

These contradictions arise from the fact that U.S. policy in Syria has always been centered around opposition to Assad, rather than the defeat of ISIS, whose caliphate was destroyed long before Trump’s withdrawal order.

Perhaps this contradiction is most glaringly seen in the justifications Washington offers for the U.S. military presence in Syria. We are frequently told we’re there for one reason only to be given a new reason a few months later. It’s hard not to notice.

We were told the ISIS caliphate had to be defeated. But they lost their last scrap of territory in March 2019. Denied a physical base of operations, those going under the name of ISIS today are—as far as legitimate U.S. interests are concerned—indistinguishable from any other ragtag Sunni militias. But a defeated ISIS still wasn’t enough to convince Washington to withdraw.

ISIS’s caliphate was destroyed, completing the military mission that brought U.S. troops to the country. Why then are our soldiers still there? We’ve also been told they’re over there to counter Iran (which, by the way, had the same goal of destroying the ISIS caliphate).

Years ago, we were told that it’s important to be in Syria to counter Russia too. But today this mission—if it can be called that—amounts to the occasional road rage incident involving convoys representing the world’s only two nuclear superpowers pathetically struggling for space on a road or wheat field. It’s notable that this reason was recently revived to justify the decision to send more troops to Syria.

860x394.jpg

We’re also told that it’s important to support the Kurds and, though Washington has been quieter on this front lately, we were once told training and equipping anti-Assad militants was also vital. This latter notion resulted in an embarrassing situation where the CIA’s favored militants were fighting the Pentagon’s favored militants. These local groups have their own interests, but they shouldn’t be confused for America’s interests.

More recently, President Trump has touted a plan to “secure the oil” and his administration has paved the way for a U.S. company to manage some oil fields in the war-torn country. Trump has cited this as a reason for keeping the last few hundred U.S. troops in Syria. The thing is, ensuring American access to Syrian oil demands a certain level of security. More bluntly, it necessitates an endless occupation of Syria.

But, like any of the above reasons, it would be a mistake to accept that oil serves as the principal justification for the U.S. presence in Syria.

Trump has also defended the decision to keep a small contingent of troops in Syria by stating that Israel and Jordan asked him to keep our forces there. This justification was reaffirmed in a recent Trump rally where the president characteristically stated off-the-cuff, “The fact is, we don’t have to be in the Middle East, other than we want to protect Israel. We’ve been very good to Israel.”

What are we to make of this flurry of reasons for staying in Syria? It may be a little bit of each, but the overarching reason has always been to engage in a campaign of “regime change-lite,” tragically keeping Syria territorially divided in a simmering civil war and making Syrians bear the brunt of any—and there are many—negative consequences. This is why the United States originally armed anti-Assad rebels and why troops that were ostensibly sent to defeat ISIS have remained after the fall of the caliphate.

But viewing all these reasons together, it is dizzying to keep track of them. It is perhaps tempting to just take Trump at his word and assume that we’re actually there for the oil. While the amount of oil in Syria is a significant amount for Syrians, it’s nowhere near enough to be a vital concern for the United States. According to the U.S. Energy Information Association, the amount of oil in Syria is not even two percent of what Iran or Iraq boast, never mind America's own status as the number one oil producer in the world.

46850660_303.jpg

In fact, this is what’s striking about all of the above reasons in this list—not one of the justifications is about something vital to the security of the United States. Instead of carefully deconstructing each reason, this bird’s eye view is all we need to make sense of this confusing list of inconsistent and constantly evolving justifications for staying in Syria.

One of the greatest contradictions in Washington’s Syria policy is not the reason(s) that we’re there but the fact that we haven’t left. At least twice now, there has been an order to withdraw that has never been carried out.

U.S. policy toward Syria is defined by an absurdity that can’t be neatly untangled—a low-intensity regime change mission defined as anything other than its central mission. Every now and then, we’re offered a new explanation for why our troops are in Syria. At this point, the best response is to say, “enough is enough.”

We don’t need to keep playing this game of roulette where Washington spins the wheel and tells us why our troops are there—it’s a racket and should be recognized as such. Syria’s problems aren't our problems and the only sensible option that comports with U.S. interests is a full withdrawal of American forces.

Michael R. Hall is the communications manager of Defense Priorities and a geopolitical analyst. Follow him on Twitter: @michaelryhall.

dimanche, 04 octobre 2020

Les enjeux de l’échiquier Arménie-Azerbaïdjan

291635.jpg

Les enjeux de l’échiquier Arménie-Azerbaïdjan

par Pepe Escobar

Ex: https://reseauinternational.net

 

Ramener la Russie dans le marasme du Haut-Karabakh signifie une plus grande liberté d’action pour la Turquie sur d’autres théâtres de guerre.

Peu de points chauds géopolitiques sur la planète peuvent rivaliser avec le Caucase : cette intraitable Tour de Babel tribale, depuis toujours carrefour controversé d’empires du Levant et de nomades des steppes eurasiennes. Et il devient encore plus désordonné quand on y ajoute le brouillard de la guerre.

Pour tenter de faire la lumière sur l’actuel affrontement Arménie-Azerbaïdjan, nous allons parcourir les faits de base avec quelques éléments de fond essentiels.

À la fin du mois dernier, Ilham Aliyev, « l’homme fort » de l’Azerbaïdjan, au pouvoir depuis 2003, a lancé une guerre de facto sur le territoire du Haut-Karabakh détenu par l’Arménie.

1c27e63a-d86e-4685-859e-0b0224e76726.jpg

Lors de l’effondrement de l’URSS, le Haut-Karabagh avait une population mixte composée de Chiites azéris et de Chrétiens arméniens. Pourtant, même avant l’effondrement, l’armée azerbaïdjanaise et les indépendantistes arméniens étaient déjà en guerre (1988-1994), entraînant un triste bilan de 30 000 morts et environ un million de blessés.

La République du Haut-Karabakh a déclaré son indépendance en 1991 : mais cela n’a pas été reconnu par la « communauté internationale ». Finalement, un cessez-le-feu a été décrété en 1994 – le Haut-Karabakh est entré dans la zone grise/no man’s land de « conflit gelé ».

e628ce2242c0d8475e70b2421d002c38.jpg

Le problème est qu’en 1993, les Nations Unies avaient approuvé pas moins de quatre résolutions – 822, 853, 874 et 884 – établissant que l’Arménie devait se retirer de ce qui était considéré comme environ 20% du territoire azerbaïdjanais. Ceci est au cœur du raisonnement de Bakou pour lutter contre ce qu’elle qualifie d’armée d’occupation étrangère.

L’interprétation d’Erevan, cependant, est que ces quatre résolutions sont nulles et non avenues parce que le Haut-Karabakh abrite une population à majorité arménienne qui veut faire sécession de l’Azerbaïdjan.

Historiquement, l’Artsakh est l’une des trois anciennes provinces d’Arménie – enracinée au moins au 5ème siècle avant J.-C. et finalement établie en 189 avant J.-C. Les Arméniens, sur la base d’échantillons d’ADN provenant d’os excavés, affirment qu’ils sont installés dans l’Artsakh depuis au moins 4 000 ans.

L’Artsakh – ou Nagorno-Karabakh – a été annexé à l’Azerbaïdjan par Staline en 1923. Cela a préparé le terrain pour qu’une future poudrière explose inévitablement.

Il est important de se rappeler qu’il n’y avait pas d’État-nation « Azerbaïdjan » avant le début des années 1920. Historiquement, l’Azerbaïdjan est un territoire situé au nord de l’Iran. Les Azerbaïdjanais sont très bien intégrés au sein de la République Islamique. La République d’Azerbaïdjan a donc en fait emprunté son nom à ses voisins iraniens. Dans l’histoire ancienne, le territoire de la nouvelle république du 20ème siècle était connu sous le nom d’Atropatene, et Aturpakatan avant l’avènement de l’Islam.

_114680228_nk_english_28-09-2020-nc.png

Comment l’équation a changé

Le principal argument de Bakou est que l’Arménie bloque une nation azerbaïdjanaise contiguë, car un coup d’œil sur la carte nous montre que le sud-ouest de l’Azerbaïdjan est de facto séparé jusqu’à la frontière iranienne.

Et cela nous plonge nécessairement dans un contexte profond. Pour clarifier les choses, il ne pourrait y avoir de guide plus fiable qu’un expert de haut niveau d’un groupe de réflexion caucasien qui m’a fait part de son analyse par e-mail, mais qui insiste sur la mention « sans attribution ». Appelons-le M. C.

M. C note que « pendant des décennies, l’équation est restée la même et les variables de l’équation sont restées les mêmes, plus ou moins. C’était le cas malgré le fait que l’Arménie est une démocratie instable en transition et que l’Azerbaïdjan avait beaucoup plus de continuité au sommet de l’État ».

Nous devrions tous être conscients que « l’Azerbaïdjan a perdu du territoire dès le début de la restauration de son statut d’État, alors qu’il était essentiellement un État en faillite dirigé par des amateurs nationalistes de salon [avant l’arrivée au pouvoir de Heydar Aliyev, le père d’Ilham]. Et l’Arménie était aussi un désastre, mais dans une moindre mesure si l’on tient compte du fait qu’elle bénéficiait d’un fort soutien de la Russie et que l’Azerbaïdjan n’avait personne. À l’époque, la Turquie était encore un État laïque avec une armée qui regardait vers l’Ouest et prenait son adhésion à l’OTAN au sérieux. Depuis lors, l’Azerbaïdjan a développé son économie et augmenté sa population. Il n’a donc cessé de se renforcer. Mais son armée était encore peu performante ».

Cela a lentement commencé à changer en 2020 : « Fondamentalement, au cours des derniers mois, vous avez constaté une augmentation progressive de l’intensité des violations quasi quotidiennes du cessez-le-feu (les violations quasi quotidiennes ne sont pas nouvelles : elles durent depuis des années). Cela a donc explosé en juillet et il y a eu une guerre de tirs pendant quelques jours. Puis tout le monde s’est calmé à nouveau ».

Pendant tout ce temps, quelque chose d’important se développait en arrière-plan : Le Premier Ministre arménien Nikol Pashinyan, qui est arrivé au pouvoir en mai 2018, et Aliyev ont commencé à parler : « La partie azerbaïdjanaise pensait que cela indiquait que l’Arménie était prête à un compromis (tout a commencé lorsque l’Arménie a connu une sorte de révolution, avec l’arrivée du nouveau Premier Ministre qui a reçu le mandat populaire de faire le ménage sur le plan intérieur). Pour une raison quelconque, cela a fini par ne pas se produire ».

Ce qui s’est passé en fait, c’est la guerre de tirs de juillet.

arton26970.jpg

Le Premier Ministre arménien Nikol Pashinyan
N’oubliez pas le Pipelineistan

Le Premier Ministre arménien Pashinyan pourrait être décrit comme un mondialiste libéral. La majorité de son équipe politique est pro-NATO. Pashinyan a fait feu de tout bois contre l’ancien Président arménien (1998- 2008) Robert Kocharian, qui avant cela était, fait crucial, le Président de facto du Haut-Karabakh.

Kocharian, qui a passé des années en Russie et est proche du Président Poutine, a été accusé d’une tentative obscure de « renversement de l’ordre constitutionnel ». Pashinyan a tenté de le faire emprisonner. Mais plus crucial encore est le fait que Pashinyan a refusé de suivre un plan élaboré par le Ministre russe des Affaires Étrangères Sergeï Lavrov pour régler définitivement le problème de l’Artsakh/Nagorno-Karabakh.

arton1765.jpg

Dans le brouillard de guerre actuel, les choses sont encore plus désastreuses. M. C souligne deux points : « Premièrement, l’Arménie a demandé la protection de l’OTSC et s’est fait gifler, durement et en public ; deuxièmement, l’Arménie a menacé de bombarder les oléoducs et gazoducs en Azerbaïdjan (il y en a plusieurs, ils sont tous parallèles et ils alimentent non seulement la Géorgie et la Turquie mais maintenant les Balkans et l’Italie). En ce qui concerne ce dernier point, l’Azerbaïdjan a dit en gros : si vous faites cela, nous bombarderons votre réacteur nucléaire ».

L’angle du Pipelineistan est en effet crucial : pendant des années, j’ai suivi sur Asia Times ces myriades de feuilletons sur le pétrole et le gaz, en particulier le BTC (Bakou-Tbilissi-Ceyhan), conçu par Zbigniew Brzezinski pour contourner l’Iran. J’ai même été « arrêté » par un 4X4 de British Petroleum (BP) alors que je suivais l’oléoduc sur une route latérale parallèle partant de l’énorme terminal de Sangachal : cela a prouvé que British Petroleum était en pratique le véritable patron, et non le gouvernement azerbaïdjanais.

imagegazcauc.jpg

1200px-Nabucco_Gas_Pipeline-sr.svg.png

Des gazoducs qui évitent le territoire arménien.

En résumé, nous avons maintenant atteint le point où, selon M. C :

« Le bruit du sabre de l’Arménie est devenu plus agressif ». Les raisons, du côté arménien, semblent être essentiellement internes : la mauvaise gestion du Covid-19 (contrairement à l’Azerbaïdjan), et l’état désastreux de l’économie. Ainsi, dit M. C, nous sommes arrivés à un concours de circonstances toxique : L’Arménie a détourné ses problèmes en se montrant dure avec l’Azerbaïdjan, alors que ce dernier en avait tout simplement assez.

Cela concerne toujours la Turquie

Quoi qu’il en soit, si l’on considère le drame Arménie-Azerbaïdjan, le principal facteur de déstabilisation est désormais la Turquie.

M. C note comment, « tout au long de l’été, la qualité des exercices militaires turco-azerbaïdjanais a augmenté (tant avant les événements de juillet que par la suite). L’armée azerbaïdjanaise s’est beaucoup améliorée. De plus, depuis le quatrième trimestre 2019, le Président de l’Azerbaïdjan s’est débarrassé des éléments (perçus comme) pro-russes en position de pouvoir ». Voir, par exemple, ici.

Il n’y a aucun moyen de le confirmer ni avec Moscou ni avec Ankara, mais M. C avance ce que le Président Erdogan a pu dire aux Russes : « Nous entrerons directement en Arménie si a) l’Azerbaïdjan commence à perdre, b) la Russie intervient ou accepte que l’OTSC soit invoquée ou quelque chose de ce genre, ou c) l’Arménie s’en prend aux pipelines. Ce sont toutes des lignes rouges raisonnables pour les Turcs, surtout si l’on tient compte du fait qu’ils n’aiment pas beaucoup les Arméniens et qu’ils considèrent les frères azerbaïdjanais ».

azeri-turkey.jpg

photo_384068.jpg

Il est crucial de se rappeler qu’en août, Bakou et Ankara ont organisé deux semaines d’exercices militaires aériens et terrestres communs. Bakou a acheté des drones avancés à la fois de la Turquie et d’Israël. Il n’y a pas de preuve, du moins pas encore, mais Ankara a peut-être engagé jusqu’à 4 000 djihadistes salafistes en Syrie pour se battre – attendez – en faveur de l’Azerbaïdjan à majorité chiite, prouvant une fois de plus que le « djihadisme » consiste à se faire de l’argent rapidement.

Le Centre d’Information Arménien Unifié, ainsi que le média kurde Afrin Post, ont déclaré qu’Ankara a ouvert deux centres de recrutement – dans des écoles africaines – pour les mercenaires. Apparemment, cette mesure a été très populaire car Ankara a réduit les salaires des mercenaires syriens envoyés en Libye.

Il y a un autre aspect qui est très inquiétant, non seulement pour la Russie mais aussi pour l’Asie Centrale. Selon l’ancien Ministre des Affaires Étrangères du Haut-Karabakh, l’Ambassadeur Extraordinaire Arman Melikyan, des mercenaires utilisant des cartes d’identité azéries délivrées à Bakou pourraient être en mesure de s’infiltrer au Daghestan et en Tchétchénie et, via la Mer Caspienne, d’atteindre Atyrau au Kazakhstan, d’où ils peuvent facilement rejoindre l’Ouzbékistan et le Kirghizstan.

C’est le cauchemar ultime de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) – partagée par la Russie, la Chine et les « stans » d’Asie Centrale : une terre – et une mer (Caspienne) – djihadiste, pont du Caucase jusqu’en Asie Centrale, et même jusqu’au Xinjiang.

Quel est l’intérêt de cette guerre ?

Que se passe-t-il ensuite ? Une impasse presque insurmontable, comme l’explique M. C :

  1. « Les pourparlers de paix ne vont nulle part parce que l’Arménie refuse de bouger (de se retirer de l’occupation du Haut-Karabakh plus 7 régions environnantes par phases ou d’un seul coup, avec les garanties habituelles pour les civils, et même les colons – à noter que lorsqu’ils sont entrés au début des années 1990, ils ont nettoyé ces terres de littéralement tous les Azerbaïdjanais, soit entre 700 000 et 1 million de personnes) ».
  2. Aliyev avait l’impression que Pashinyan « était prêt à faire des compromis et a commencé à préparer son peuple, puis il a eu l’air stupide de n’avoir rien fait ».
  3. « La Turquie a clairement fait savoir qu’elle soutiendrait l’Azerbaïdjan sans condition, et a traduit ces paroles en actes ».
  4. « Dans de telles circonstances, la Russie a été surpassée – en ce sens qu’elle a pu arbitrer la confrontation entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, en aidant à la médiation de pourparlers qui n’ont abouti à rien préservant le statu quo qui en réalité favorisait l’Arménie ».

l_nagorno_karabakh_04252016_1.jpg

Et cela nous amène à la question cruciale. Quel est l’intérêt de cette guerre ?

M. C : « Il s’agit soit de conquérir le plus possible avant que la « communauté internationale » [dans ce cas, le Conseil de Sécurité des Nations Unies] n’appelle/exige un cessez-le-feu, soit de le faire pour relancer des pourparlers qui mènent réellement à des progrès. Dans un cas comme dans l’autre, l’Azerbaïdjan finira par gagner et l’Arménie par perdre. On ignore dans quelle mesure et dans quelles circonstances (le statut et la question du Haut-Karabakh sont distincts de ceux des territoires occupés par l’Arménie autour du Haut-Karabakh) : c’est-à-dire sur le champ de bataille ou à la table des négociations ou une combinaison des deux. Quoi qu’il en soit, l’Azerbaïdjan pourra au moins conserver le territoire qu’il a libéré au cours de la bataille. Ce sera le nouveau point de départ. Et je pense que l’Azerbaïdjan ne fera aucun mal aux civils arméniens qui resteront. Ils seront des libérateurs modèles. Et ils prendront le temps de ramener les civils azerbaïdjanais (réfugiés/IDP) dans leurs foyers, en particulier dans les zones qui deviendraient mixtes à la suite du retour ».

Que peut donc faire Moscou dans ces circonstances ? Pas grand-chose, « sauf intervenir en Azerbaïdjan proprement dit, ce qu’ils ne feront pas (il n’y a pas de frontière terrestre entre la Russie et l’Arménie ; ainsi, bien que la Russie ait une base militaire en Arménie avec un ou plusieurs milliers de soldats, elle ne peut pas simplement fournir à l’Arménie des armes et des troupes à volonté, compte tenu de la géographie) ».

Il est essentiel que Moscou privilégie le partenariat stratégique avec l’Arménie – qui est membre de l’Union Économique Eurasiatique (EAEU) – tout en surveillant méticuleusement tous les mouvements de la Turquie, membre de l’OTAN : après tout, ils sont déjà dans des camps opposés en Libye et en Syrie.

Ainsi, pour le moins, Moscou marche sur le fil du rasoir géopolitique. La Russie doit faire preuve de retenue et investir dans un équilibrage soigneusement calibré entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ; elle doit préserver le partenariat stratégique entre la Russie et la Turquie ; et elle doit être attentive à toutes les tactiques américaines possibles de division et de domination.

Au cœur de la guerre d’Erdogan

Donc, au final, ce serait encore une autre guerre d’Erdogan ?

L’incontournable analyse « Suivez l’argent » nous dirait, oui. L’économie turque est un véritable désastre, avec une forte inflation et une monnaie qui se déprécie. Bakou dispose d’une abondance de fonds pétroliers et gaziers qui pourraient devenir facilement disponibles – ce qui s’ajoute au rêve d’Ankara de faire de la Turquie un fournisseur d’énergie.

imagessoldarm.jpg

M. C ajoute que l’ancrage de la Turquie en Azerbaïdjan entraînerait « la création de bases militaires turques à part entière et l’inclusion de l’Azerbaïdjan dans l’orbite d’influence turque (la thèse « deux pays – une nation », dans laquelle la Turquie assume la suprématie) dans le cadre du néo-ottomanisme et du leadership de la Turquie dans le monde turcophone ».

Ajoutez à cela l’angle de l’OTAN, qui est très important. M. C voit essentiellement Erdogan, avec l’aide de Washington, sur le point de faire une poussée de l’OTAN vers l’est tout en établissant ce canal djihadiste immensément dangereux vers la Russie : « Ce n’est pas une aventure locale d’Erdogan. Je comprends que l’Azerbaïdjan est en grande partie un pays d’Islam chiite et cela va compliquer les choses mais ne rendra pas son aventure impossible ».

Ceci est totalement lié à un rapport notoire de RAND Corporation qui détaille explicitement comment « les États-Unis pourraient essayer d’inciter l’Arménie à rompre avec la Russie » et « encourager l’Arménie à entrer pleinement dans l’orbite de l’OTAN ».

Il est plus qu’évident que Moscou observe toutes ces variables avec un soin extrême. Cela se reflète, par exemple, dans la manière dont l’irrépressible porte-parole du Ministère des Affaires Étrangères, Maria Zakharova, a présenté, en début de semaine, un avertissement diplomatique très sérieux : « La destruction d’un SU-25 arménien par un F-16 turc, comme le prétend le Ministère de la Défense en Arménie, semble compliquer la situation, puisque Moscou, sur la base du traité de Tachkent, est obligé d’offrir une assistance militaire à l’Arménie ».

Il n’est pas étonnant que Bakou et Erevan aient compris le message et nient fermement tout ce qui s’est passé.

19163359_101.jpg

Le fait essentiel reste que tant que l’Arménie proprement dite n’est pas attaquée par l’Azerbaïdjan, la Russie n’appliquera pas le traité de l’OTSC et n’interviendra pas. Erdogan sait que c’est sa ligne rouge. Moscou a tout ce qu’il faut pour le mettre dans le pétrin – comme en coupant l’approvisionnement en gaz de la Turquie. Pendant ce temps, Moscou continuera d’aider Erevan en lui fournissant des informations et du matériel – en provenance d’Iran. La diplomatie est la règle, et l’objectif ultime est un nouveau cessez-le-feu.

Attirer la Russie à nouveau

M. C avance la forte possibilité – et j’ai entendu des échos de Bruxelles – que « l’UE et la Russie trouvent une cause commune pour limiter les gains de l’Azerbaïdjan (en grande partie parce qu’Erdogan n’est le favori de personne, non seulement à cause de cela mais à cause de la Méditerranée Orientale, de la Syrie, de la Libye) ».

Cela met en évidence l’importance renouvelée du Conseil de Sécurité des Nations Unies dans l’imposition d’un cessez-le-feu. Le rôle de Washington en ce moment est assez intriguant. Bien sûr, Trump a des choses plus importantes à faire en ce moment. En outre, la diaspora arménienne aux États-Unis est très favorable à la démocratie.

Et puis, pour résumer, il y a la relation Iran-Arménie, qui est très importante. Voici une tentative énergique pour la mettre en perspective.

Comme le souligne M. C, « l’Iran favorise l’Arménie, ce qui est contre-intuitif à première vue. Les Iraniens peuvent donc aider les Russes (en canalisant les approvisionnements), mais d’un autre côté, ils ont de bonnes relations avec la Turquie, notamment dans le domaine de la contrebande de pétrole et de gaz. Et s’ils se montrent trop ouverts dans leur soutien, Trump a un casus belli pour s’impliquer et les Européens n’aiment peut-être pas se retrouver du même côté que les Russes et les Iraniens. Ça se présente mal. Et les Européens détestent avoir l’air mauvais ».

Nous en revenons inévitablement au fait que tout ce drame peut être interprété dans la perspective d’un coup géopolitique de l’OTAN contre la Russie – selon un certain nombre d’analyses circulant à la Douma.

L’Ukraine est un trou noir absolu. La Biélorussie est dans l’impasse. Le Covid-19. Le cirque naval. La « menace » pour le projet Nord Stream-2.

Attirer à nouveau la Russie dans le drame Arménie-Azerbaïdjan, c’est tourner l’attention de Moscou vers le Caucase pour qu’il y ait plus de liberté d’action turque dans les autres théâtres – en Méditerranée Orientale contre la Grèce, en Syrie, en Libye. Ankara – bêtement – est engagée dans des guerres simultanées sur plusieurs fronts, et avec pratiquement aucun allié.

Cela signifie qu’encore plus que l’OTAN, monopoliser l’attention de la Russie dans le Caucase pourrait être profitable à Erdogan lui-même. Comme le souligne M. C, « dans cette situation, le levier/ »atout » du Haut-Karabakh aux mains de la Turquie serait utile pour les négociations avec la Russie ».

Pas de doute : le sultan néo-ottoman ne dort jamais.

Pepe Escobar

source : https://asiatimes.com

traduit par Réseau International

samedi, 03 octobre 2020

Thomas Flichy de La Neuville: 2020, une année géopolitique au prisme de l'histoire

2020-UAG-14-vect-premiere.jpg

Thomas Flichy de La Neuville: 2020, une année géopolitique au prisme de l'histoire

  • Septembre 2020

  • 114 pages

  • ISBN : 979-10-94233-06-1

  • 17 €

  • Préface de Pierre Conesa

  • Prologue du Général Alexandre Lalanne-Berdouticq

D’un point de vue rétrospectif, l’année 2020 apparaît comme celle d’un retournement de marée. Après avoir échoué à maintenir Hong Kong comme un pont financier entre l’Amérique et la Chine, l’empire libéral et océanique lance ses derniers coups de boutoir à l’encontre de l’Iran continental. Il est toutefois gagné par une scission interne qui divise ses élites en deux blocs opposés. Les succès économiques enregistrés par Donald Trump, l’ascension de Jair Bolsonaro tout comme l’avènement du Brexit finissent par modifier le centre de gravité politique de l’Occident. Une partie de ses chefs d’États adopte le style des autocrates continentaux alors que le libéralisme liquide se transporte, telle une goutte de mercure, vers les îles allemande et californienne. Quant à la pandémie de coronavirus, elle gèle la marée géopolitique pendant plusieurs mois avant que ne s’amorce l’inversion suivante : abandonnant la promotion d’un libéralisme désormais nuisible à leurs intérêts économiques, les États-Unis adoptent une posture nationale et défensive face la Chine tout en poursuivant leur rapprochement souterrain vers la Russie.

Pour toute commande: https://editionsbios.fr/editions/p/2020-une-anne-geopolitique-au-prisme-de-lhistoire

SOMMAIRE

Chapitre I 17 L’ÂGE DE LA DIPLOMATIE BICÉPHALE

Chapitre II 31 VERS DES BLOCUS FINANCIERS TRANSPARENTS ET HERMÉTIQUES

Chapitre III 53 L’AMAZONIE SERA-T-ELLE UN GRENIER OU UNE BIBLIOTHÈQUE ?

Chapitre IV 59 HONG-KONG, UNE CITÉ BOUILLONANTE À LA CHARNIÈRE DES EMPIRES MUTANTS

Chapitre V 67 LA DOUBLE TORSION DU CORPS DE L’EUROPE

Chapitre VI 73 NUMÉRISATION DU MONDE, L’ÈRE DE LA PUISSANCE TRANSPARENTE

Chapitre VII 95 LE CORONAVIRUS, PEUR ORCHESTRÉE ET AUBAINE POUR LES CAPTEURS DE DONNÉES MÉDICALES

Chapitre VIII 107 QUE POUVONS-NOUS ANTICIPER POUR L’ANNÉE 2021 ?

2020 une année géopolitique - Thomas Flichy, géopolitique à Rennes School of Business

 
 
Thomas Flichy de La Neuville est agrégé de l'université, docteur en droit et habilité à diriger des recherches en histoire. Après avoir enseigné à Sciences-Po Bordeaux, l'École Navale et l'École Spéciale Militaire de Saint-Cyr, il a été nommé professeur à Rennes School of Business où il dirige la chaire de géopolitique et développe un programme de recherche sur data et influence.
 
 

Por un Bloque nacional-popular.

unnamedBRB.jpg

Por un Bloque nacional-popular.

Carlos X. Blanco.

Apuntes de un aprendiz de Diego Fusaro.

La lucha de clases no ha concluido. El sistema neoliberal turbocapitalista nos quiere convencer del fin de la historia, esto es, del fin de la guerra de clases, desde 1989. Pero no se sostiene tal mentira. Como ha escrito una y mil veces Diego Fusaro, la guerra de clases ha mutado en “masacre de clases”. El mundo experimenta hoy una gestión unipolar de la lucha clasista, una gestión desde arriba, desde el polo dominante. Una clase dominante sumamente reducida en términos demográficos, pero omnímoda, gestiona la corriente general de la Historia, cual es la lucha entre dominantes y dominados. No se puede paralizar la lucha clasista mientras el modo de producción dominante sea el capitalismo, pero lo que sí ha terminado por ocurrir es que esta lucha se gestiona ahora por parte de la clase ultracapitalista en su beneficio.

Diego-Fusaro.jpg

En el fondo, es la misma lógica neoliberal a la que ya se nos viene acostumbrando. No se puede acabar con el terrorismo mahometano, pues bien, “convivamos con ello”. No se puede acabar con la pandemia del coronavirus, “aprendamos a vivir con ello” e incluso, “acostumbrémonos a la Nueva Normalidad, pues van a venir nuevas olas y nuevas pandemias”. El mundo del riesgo y de la crisis es el fatum al que “hay que adaptarse” como si el riesgo y la crisis fueran realidades naturales, ciegas, involuntarias y sin culpables,

Pero la gestión de la masacre de clases, como Fusaro explica muy bien, ya nos salpica a la cara a una gran masa de los dominados. Nunca estuvieron tan juntos, compartiendo el destino en un Titanic planetario, la clase media y la clase trabajadora. Nunca hubo un asalto tan violento y decidido a las clases productivas de la sociedad, sustento de los estados-nación, columna vertebral de la comunidad. El polo dominante, que ya no es la clásica y marxiana “burguesía”, está formado por un “Señor” (en lenguaje más hegeliano). El “Señor” es señor del dinero y amo neo-esclavista, en parte. El “Señor” ha ido adquiriendo hegemonía absoluta, reclutando de entre las clases medias y capitalistas el consenso necesario para tener de su parte el circo mediático, el control de la educación, las élites empresariales y funcionariales, etc., pero toda esta gente lacayuna no son el “Señor” en sí mismo. Sus propios privilegios peligran ante la omnímoda realidad del poder “Señor” en el sentido fusariano que, cual agujero negro, acabará tragándoselos a todos.

714AZ1ZMRGL.jpgOmnímoda porque la economía productiva y la explotación del trabajador sólo son una parte vivificante de su propia dinámica especulativa. Hace ya tiempo que se ha desconectado la economía especulativa de la economía productiva, y al desconectarse, las plusvalías obtenidas de la explotación directa del trabajador no constituyen ningún “reloj” o indicador regulativo del ritmo especulador de acumulación de beneficios. El poder omnímodo del “Señor”, se asemeja a un polo o, quizá mejor, a un agujero negro: hacia allí converge toda materia y toda energía. El agujero la devora de manera insaciable, y, además, cuanto más devora, más rápida y extensamente se traga la materia y la energía restante, potencial, hasta llegar a caer por ese sumidero la totalidad del cosmos. Así, el “Señor” en el sentido fusariano se tragará al empresario mismo, lo rebajará a la categoría de plebe parasitaria junto con las demás clases. El filósofo italiano a quien sigo aquí, muestra con claridad la idea ya contenida in nuce en el marxismo: el capitalismo cava su propia tumba, se convierte en un turbocapitalismo, se impone un ultra-liberalismo que mina las propias bases genéticas de su existencia. No obstante, falla en el clásico esquema del marxismo el otro “polo”, para que ese socavamiento tenga lugar: el proletariado.

El proletariado, más que liquidarse, se ha “licuado”, retirándose de la arena combativa, ingresando en una amplia masa pauperizada junto con el aluvión de las clases medias arruinadas. Ese antiguo proletariado y las clases medias proletarizadas conforman lo que Fusaro denomina “precariado”. En un contexto mundial de vida bajo riesgo permanente y gobernanza por medio de la crisis, el precariado carece de representatividad política en la izquierda, y asiste atónito a unos discursos “progresistas” que no van con él. Los líderes de la izquierda ya no invocan al proletariado, porque saben que no existe.. funcionalmente hablando. Pero, por el contrario, hablan como “almas hermosas” que se duelen de los desheredados del mundo. Precisan yacimientos de caridad (refugiados, trans, mujeres sin empoderar, animales con derechos humanos). A su lado –no obstante- hay un pueblo que gime por las nuevas formas de explotación laboral (falsos autónomos, teletrabajo, deslocación…) pero los líderes de la izquierda van tornándose más y más glamurosos en su carrera loca por ser “almas hermosas”. Ya no se distingue apenas el discurso del Papa Francisco y el de los “filósofos” de Podemos y su galaxia cercana (Santiago Alba, Fernández Liria…). Desde su pureza inmaculada de almas hermosas, desde su cátara condición condenan cualquier avance del nuevo Saurón, que ellos suelen llamar fascismo, aunque no ven fascismo en la OTAN, en las go-gos de Obama o Soros, en el bombardeo de Serbia, en las mafias africanizadoras que trafican con gente. Hay que condolerse de la etnia más ignota, promover el veganismo, condenar a los causantes del cambio climático o llamar terroristas a los violentos en el ámbito doméstico, promover la neolingua “inclusiva” o pintar los bancos de la plaza con los colores de arco iris… pero de lo explotada y muy vapuleada que está la clase media y la clase trabajadora, raza vez se acuerdan.

31CLW7ijpAL.jpgRecargar de energía el polo del “Siervo” frente al polo del “Señor” consiste en volver a iluminar un espacio de lucha, llevar la guerra de clases al primer término de la geopolítica mundial y del interés nacional. Dotar de armas, empezando por las armas críticas, al polo de los “Siervos” consiste, en primer lugar, en desenmascarar a toda esa izquierda glamurosa de “almas bellas” que lloran como cocodrilos o damiselas hipersensibles antes los males oficiales que los “trending topics” de sus sagradas cuentas de Twitter marcan como Males malísimos.

Es un mal oficial de las “tendencias” que millones de africanos salgan de sus países empujados por unas abstractas y nunca analizadas guerras, persecuciones, sequías y neocolonialismos, pero nunca será un mal oficial que existan pandemias de violaciones, robos, altercados o se acumulen “MENAS” bien creciditos y poco amigables para con el barrio. El polo del “Siervo” se apartó ya de esa izquierda glamurosa, de caviar y chalet, de poltrona universitaria y currículum hinchado en forma de burbuja, sin sustancia ni saber. El polo del “Siervo” se acerca al peligroso “populismo” que, cuanto más condenado resulta, más próximo se halla al bando nacional-popular: un Estado que vela por la justicia social, que defiende al débil, que protege a la propiedad (especialmente a la pequeña propiedad, que es la más débil también), que trabaja por la estabilidad del empleo y la garantía en el ahorro, por las pensiones, la educación rigurosa y de calidad, la asistencia sanitaria gratuita y avanzada).

Fusaro reconoce con exactitud las condiciones objetivas en las que se puede reactivar un polo del “Siervo” que pueda dar dolores de cabeza al “Señor”. La defensa de ese ya añorado “Estado del Bienestar”, la intervención estatal en aquellos sectores de la economía directamente implicados con la igualdad de oportunidades, la redistribución de la riqueza, la soberanía nacional. También, hemos de contar con la formación de una nueva clase contra-hegemónica, una super-clase opositora a los depredadores “Señores” del dinero, en la que figuran no sólo los sindicatos verdaderamente combativos, las agrupaciones vecinales, comités de autodefensa de los pueblos y barrios, hogares sociales solidarios, círculos parroquiales, asociaciones de damnificados…sino los propios empresarios. La propia empresa “patriótica” sabe lo que significa para ella la cantinela de la globalización: su ruina, su desaparición. Por pura supervivencia, los sectores productivos, los autónomos, las pymes, deben reaccionar para poder seguir inyectando savia a la sociedad, para vivir de una forma no-dependiente.

imagesDFchisiamo.jpgLa conversión del “Estado del Bienestar” en un supuesto “Estado Asistencial” responde a la lógica malévola del “Señor”. Los señores mundialistas del dinero, en su despiadada avaricia, no dudan en convertir a capas cada vez más amplias de la sociedad en “dependientes”. Gente sana y fuerte, cerebros bien preparados y dispuestos, manos libres y aptas para ganarse la vida, todos, son reducidos a la peor condición posible: plebe, masa sostenida por un ingreso mínimo social facilitado por el Estado. El Estado se despoja de su cometido ético, garantizar a los ciudadanos el Bien Común, y se disfraza de Buen Samaritano. Pero no es la generosidad la que le mueve a distribuir ayudas, sino su lacayuna naturaleza de Siervo subsidiario del verdadero Señor globocrático. La universalización del rentista (peligro que siempre anida en un comunismo mal entendido) se traduce, en la práctica, en la universalización del mendigo. El Estado asistencial, lacayo de los Señores mundiales de la especulación, cumple con la sucia labor de gestionar la “masacre de clases”. Los Señores liquidan a los productores (clase obrera, campesina, clase media) y a los restos y despojos hay que suministrarles un “mínimo vital” para que el caos, los saqueos, la guerra urbana, etc. no se apoderen de las calles y no se adelante la catástrofe, que, de todas las maneras, es inevitable a medio plazo.

Gestionar la miseria, reprimir selectivamente, adoctrinar y censurar, exterminar a la sociedad civil antes de que el propio Estado se extinga, esas son las funciones asignadas a esta institución, médula y cerebro de un Pueblo en otros tiempos: el Estado-nación. En la actualidad el Estado-nación no es sencillamente “un comité de empleados al servicio del Capital” (Marx). En la actualidad es, más bien, un instrumento del “Señor” apátrida, trasnacional, mundialista, instrumento que se va auto-liquidando por haberse plegado a los intereses de los fondos especulativos globócratas que constituyen el verdadero “Señor”. Potencialmente, el Estado-nación podría ser un baluarte para la defensa de los pueblos ante las acometidas neoliberales, pero ya no lo es. Cuando intenta serlo, ese Estado nacional-popular queda encuadrado dentro de un “Eje del mal”, calificado como “Estado canalla” y sometido a todo género de presiones.

La emancipación de los pueblos pasa por a) recuperar para sí al Estado-nacional, reapropiarse del instrumento, arrebatárselo de las manos del “Señor” globócrata, lo que se da en llamar soberanismo, b) crear un nuevo bloque contra-hegemónico, esto es, una alianza de clases actualmente perdedoras, entre las que figuran los restos del proletariado urbano-industrial, el campesinado, los jóvenes “sin estrenar” en el mercado laboral, los autónomos y pequeños y medianos empresarios y hasta el empresariado grande pero no deslocalizado, comprometido aún con la productividad in situ. Finalmente, c) esa nueva alianza de clases que crea una nueva hegemonía rival y dialécticamente enfrentada a la hegemonía globalista, deberá emprender nuevas alianzas y alineamientos geoestraégicos en la arena mundial, pues ya ningún Estado nacional-popular puede resistir por sí solo a los manejos y enredos de la Globocracia.

En la línea más gramsciana, Fusaro destaca en papel de los intelectuales. Frente a los actuales intelectuales orgánicos, que recogen las migas del festín globalista y hacen de perritos falderos del “Señor”, con nula creatividad y cacumen, debería darse una gran alianza de nuevos intelectuales que, saliendo de su actual marginalidad, posean la visión orgánica, esto es, la visión de la totalidad y actúen en conformidad con los nuevos bloques contra-hegemónicos que las clases masacradas tendrán que constituir para sobrevivir. Los intelectuales en el sentido orgánico deben volver a erizar y afilar sus armas con vistas a arrinconar al “Señor” y a sus pretensiones omnímodas. La lucha de clases siempre existe, pero frente al Capital globalista, se hace preciso volver a polarizar el campo. De manera análoga a como en la Geopolítica, la multipolaridad es en sí misma un hecho, y un desafío a la unipolaridad imperialista (de la Globocracia que hoy se sirve de los EEUU como guardián y recadero principal), en el seno del Estado-nación, la reactivación de un polo de disidencia vuelve a “cargar” el campo y vuelve a actualizarse el conflicto.

Ese despojo de la izquierda que se llama Podemos en España, sumado al cadáver poco fragante que es Izquierda Unida (arrejuntados con el ridículo nombre de “Unidas Podemos”) no ha sabido ser un verdadero populismo ni ha sido fiel a las tradiciones de lucha nacional-popular. Desde el principio, han sido un obstáculo para una verdadera alianza de clases y para una conformación del bloque contra-hegemónico nacional-popular. Hay que comenzar a soldar ese Bloque ya.

Objectifs stratégiques derrière la guerre contre l’Arménie

22238911.jpg

Objectifs stratégiques derrière la guerre contre l’Arménie

Par Moon of Alabama

Dimanche, Ilham Aliyev, le dictateur de longue date de l’Azerbaïdjan, a lancé une guerre contre la région du Haut-Karabakh tenue par les Arméniens. Le fait qu’il ait osé le faire maintenant, 27 ans après qu’un cessez-le-feu a mis fin à une guerre dans la région, est un signe que la situation stratégique plus large a changé.

Lorsque l’Union soviétique s’est effondrée, la région du Haut-Karabakh avait une population mixte de musulmans chiites azerbaïdjanais – également appelés azéris – et de chrétiens arméniens. Comme dans d’autres anciennes républiques soviétiques, la diversité ethnique est devenue problématique lorsque les nouveaux États ont évolué. Les zones mixtes ont été disputées et l’Arménie a gagné la région du Haut-Karabakh. Il y a eu depuis plusieurs escarmouches aux frontières et petites guerres entre les deux adversaires mais l’intensité des combats est maintenant beaucoup plus élevée qu’auparavant.

nk2-s.jpg

Source : Joshua Kushera – Agrandir

En 2006, Yasha Levine a écrit sur sa visite au Haut-Karabakh pour The Exile.

Il a décrit les adversaires inégaux :

En 1994, les Arméniens ont gagné et forcé l'Azerbaïdjan à un cessez-le-feu. 
Entre-temps, le Haut-Karabakh s'est organisé en un pays souverain [appelé Artsakh]
avec sa propre armée, des élus et un parlement. Mais il n’a toujours pas été
reconnu par aucun pays autre que l’Arménie et est toujours classé
comme l’un des «conflits gelés» de la région, avec les régions séparatistes
d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud en Géorgie. Mais ce «conflit gelé» pourrait bientôt s’échauffer, si vous en croyez ce que
dit le playboy, accro au jeu et président de l’Azerbaïdjan, Ilham Aliyev.
Non pas que les Azerbaïdjanais devraient être trop excités par une autre
guerre : si les Arméniens sont toujours les combattants qu’ils étaient il y
a dix ans, alors statistiquement, ce sont les Azéris qui compteront la plupart
des morts. Bien qu'ayant un nombre égal de soldats, les Azéris avaient
le double de la quantité d'artillerie lourde, de véhicules blindés et de
chars que les Arméniens ; mais quand ce fut fini, le nombre de pertes azéri
était trois fois plus élevé que celui des Arméniens. Les victimes azéries
s'élevaient à 17 000. Les Arméniens n'en ont perdu que 6 000. Et cela ne compte

pas les civils azéris restants que les Arméniens ont nettoyés ethniquement.

Armenian-Army-Artsakh-Nagorno-Karabakh.jpg

Depuis l'ouverture de l'oléoduc Bakou-Ceyhan, d'une importance stratégique, 
pompant du pétrole de la mer Caspienne vers l'ouest via la Turquie, le
président azéri menace ouvertement de reprendre par la force le Haut-Karabakh.
Les 10 milliards de dollars de revenus pétroliers qu'il s'attend à gagner par an
une fois que l'oléoduc sera pleinement opérationnel lui montent à la tête.
10 milliards de dollars peuvent sembler peu élevés - mais pour l'Azerbaïdjan,
cela représente une augmentation de 30% du PIB. Dans chaque interview, Aliyev
ne peut même pas mentionner le projet de pipeline sans virer au sujet de la
«résolution»
du conflit du Haut-Karabakh. Aliyev a commencé à dépenser l'argent du pétrole avant même que celui-ci ne

commence à couler et a annoncé un doublement immédiat des dépenses militaires.
Un peu plus tard, il a annoncé le doublement de tous les salaires des militaires.
Les généraux d’Aliyev ne se privent pas de fanfaronner que l’année prochaine,
leur budget militaire sera de 1,2 milliard de dollars, soit la totalité du budget
fédéral de l’Arménie.

Au cours des 14 années suivantes, la guerre que Yasha Levine prévoyait en 2006 ne s’est pas produite. Le fait qu’elle ait été lancée maintenant indique un changement important. En juillet, une autre escarmouche à la frontière a éclaté pour des raisons encore inconnues. Puis la Turquie est intervenue :

À la suite du conflit de juillet, l’implication de la Turquie est devenue beaucoup 
plus importante qu’elle ne l’était auparavant, avec une rhétorique belliqueuse
sans précédent venant d’Ankara et des visites répétées de haut niveau entre les
deux parties. Ankara semblait voir le conflit Arménie-Azerbaïdjan comme une autre
arène dans laquelle exercer ses ambitions croissantes de politique étrangère, tout
en faisant appel à un bloc nationaliste et anti-arménien dans la politique intérieure
de la Turquie. L’adhésion plus étroite de la Turquie a à son tour donné à Bakou la confiance
nécessaire pour adopter une ligne plus ferme contre la Russie, le plus proche
allié de l’Arménie dans le conflit, mais qui maintient des liens étroits avec
les deux pays. L'Azerbaïdjan a fait l'objet de rapports très médiatisés - toujours
non confirmés - sur d'importantes expéditions d'armes russes en Arménie juste
après les combats, et le président Ilham Aliyev s'est personnellement plaint
à son homologue russe, Vladimir Poutine.

Le président turc Erdogan est intervenu avec plus que de la rhétorique :

En août, la Turquie et l'Azerbaïdjan ont achevé deux semaines d'exercices 
militaires aériens et terrestres conjoints, notamment dans l'enclave
azerbaïdjanaise de Naxcivan. Certains observateurs se sont demandé si
la Turquie avait laissé du matériel militaire ou même un contingent de troupes.

e117185a3419763de230672590705e2e.jpg

Le potentiel d'une forte implication turque dans le conflit est surveillé de 
près par la Russie, qui est déjà du côté opposé au membre de l'OTAN dans les
conflits en Libye et en Syrie. La Russie vend des armes à la fois à l'Azerbaïdjan et à l'Arménie, mais possède
une base militaire en Arménie et favorise ce partenariat stratégique.

L’Azerbaïdjan a acheté des drones à la Turquie et à Israël et il y a des rumeurs selon lesquelles ils seraient pilotés par des personnels turcs et israéliens. La Turquie a également embauché 2 000 à 4 000 djihadistes sunnites de Syrie pour se battre au côté de l’Azerbaïdjan chiite. Une douzaine d’entre eux ont déjà été tués pendant le premier jour de la guerre. On se demande combien de temps ils accepteront d’être utilisés comme chair à canon par des chiites, par ailleurs détestés.

Il y avait d’autres rumeurs selon lesquelles il y aurait des avions de combat turcs en Azerbaïdjan tandis que des avions d’espionnage turcs scrutaient l’espace aérien au-dessus de l’Arménie depuis sa frontière occidentale.

nk4-s.jpg

Source : IWN News –Agrandir

L’objectif immédiat de la guerre en Azerbaïdjan est de prendre les deux districts de Fizuli et Jabrayil dans le coin sud-est du territoire possédé par les Arméniens :

Alors que le cœur du conflit entre les deux parties est le territoire du Haut-Karabakh, 
Fuzuli et Jabrayil sont deux des sept districts entourant le Karabakh que les forces
arméniennes occupent également. Ces districts, qui étaient presque entièrement peuplés
d’Azerbaïdjanais avant la guerre, abritaient la grande majorité des plus de
600 000 Azerbaïdjanais déplacés dans le conflit. Bien que les Arméniens se soient installés modestement dans certains des territoires
occupés, Fuzuli et Jabrayil restent presque entièrement non peuplés.

Les deux districts ont de bonnes terres agricoles et l’Arménie, déjà pauvre, voudra les conserver. Elle se battra certainement férocement à ce sujet.

La guerre n’a pas bien progressé pour l’Azerbaïdjan. Il a déjà perdu des dizaines de chars (vidéo) et des centaines de soldats. L’accès à internet dans le pays a été complètement bloqué pour masquer les pertes.

Les pertes n’empêchent pas les scribes d’Erdogan de crier déjà victoire :

Défendre l'Azerbaïdjan, c'est défendre la patrie. C'est notre identité politique et 
consciente. Notre esprit géopolitique et nos stratégies de défense ne sont pas
différents. Souvenez-vous toujours que «patrie» est un concept très large pour nous ! Nous ne faisons pas une simple exagération lorsque nous disons que «l’Histoire a
été réinitialisée»
. On attend aussi une victoire du Caucase lui-même !

Bon …

Il y a une heure, le gouvernement arménien a déclaré que la Turquie avait abattu l’un de ses avions :

L'Arménie affirme que l'un de ses avions de combat a été abattu par un avion turc, 
dans une escalade majeure du conflit dans la région contestée du Haut-Karabakh. Le ministère des Affaires étrangères arménien a déclaré que le pilote du SU-25
de fabrication soviétique était mort après avoir été touché par le F-16 turc dans
l'espace aérien arménien. La Turquie, qui soutient l'Azerbaïdjan dans le conflit, a nié cette allégation. ... L'Azerbaïdjan a déclaré à plusieurs reprises que son armée de l'air ne disposait
pas d'avions de combat F-16. Cependant, la Turquie en a.

Une attaque turque à l’intérieur des frontières arméniennes déclencherait le traité de sécurité collective qui oblige la Russie et d’autres à défendre l’Arménie.

Une entrée russe dans la guerre donnerait à Erdogan un sérieux mal de tête.

Mais ce n’est peut-être même pas son pire problème. L’économie turque se contracte, la Banque centrale n’a plus que peu de devises fortes, l’inflation est forte et la livre turque continue de baisser. Aujourd’hui, elle a atteint un nouveau record de baisse.

lira-s.jpg

Source : Xe – Agrandir

L’Azerbaïdjan a pas mal d’argent provenant du pétrole et pourrait peut-être aider Erdogan. L’argent peut en effet faire partie de la motivation d’Erdogan à prendre part à cette guerre.

La Russie ne sautera certainement pas la tête la première dans le conflit. Elle sera très prudente pour ne pas s’étendre excessivement et tomber ainsi dans un piège américain.

L’année dernière, la RAND Corporation, financée par le Pentagone, a publié un rapport exposant des plans contre la Russie :

S'appuyant sur des données quantitatives et qualitatives provenant de sources 
occidentales et russes, ce rapport examine les vulnérabilités et les inquiétudes
économiques, politiques et militaires de la Russie. Il analyse ensuite les options
politiques potentielles pour les exploiter - idéologiquement, économiquement,
géopolitiquement et militairement - y compris les options aériennes et spatiales,
maritimes, terrestres et multi-domaines.

Parmi les options, le rapport a discuté de l’extension de la Russie (pdf) dans le Caucase :

Les États-Unis pourraient étendre le conflit à la Russie dans le Caucase de 
deux manières. Premièrement, les États-Unis pourraient faire pression pour
une relation de l'OTAN plus étroite avec la Géorgie et l'Azerbaïdjan, conduisant
probablement la Russie à renforcer sa présence militaire en Ossétie du Sud,
en Abkhazie, en Arménie et dans le sud de la Russie. Alternativement, les États-Unis pourraient essayer d'inciter l'Arménie à rompre
avec la Russie. Bien que partenaire russe de longue date, l'Arménie a également
développé des liens avec l'Occident: elle fournit des troupes aux opérations
dirigées par l'OTAN en Afghanistan et elle est membre du Partenariat pour la paix
de l'OTAN, et elle a également récemment accepté de renforcer ses liens politiques
avec l'UE. Les États-Unis pourraient essayer d'encourager l'Arménie à entrer
pleinement dans l'orbite de l'OTAN. Si les États-Unis réussissaient dans cette politique, la Russie pourrait être
contrainte de se retirer de sa base militaire à Gyumri et d'une base militaire
et aérienne près d'Erevan - actuellement louée jusqu'en 2044 - et de détourner
encore plus de ressources vers son district militaire du sud.

Armenian-national-army-Pambukhchyan-Article.jpg

Le rapport RAND ne donne à ces options qu’une faible chance de réussir. Mais cela ne signifie pas que les États-Unis n’essaieront pas de créer des problèmes supplémentaires dans le sud de la Russie. Ils ont peut-être donné à leur allié de l’OTAN, la Turquie, un signal indiquant que cela ne les dérangerait pas qu’Erdogan donne un coup de main à Aliyev et se lance dans une autre guerre contre la Russie.

À moins que le cœur de l’Arménie ne soit sérieusement attaqué, la Russie restera probablement sur la touche. Elle aidera l’Arménie avec des renseignements et des équipements acheminés via l’Iran. Elle continuera de parler avec les deux parties et tentera d’arranger un cessez-le-feu.

Presser l’Azerbaïdjan dans ce but nécessitera d’abord quelques succès arméniens importants contre les forces d’invasion. Il y a trente ans, les Arméniens se sont révélés être de bien meilleurs soldats que les Azéris. De ce que l’on peut glaner sur les médias sociaux, cela semble toujours être le cas. Ce sera l’élément décisif pour l’issue de ce conflit.

Moon of Alabama

Traduit par jj, relu par Wayan pour le Saker Francophone

mercredi, 30 septembre 2020

L’enjeu de l’élection américaine: deux visions du monde

 5f6e1d4c250000d7039d8dd6.jpeg

Intelligence juridique : un nouvel instrument d’influence des Etats

MBA_IJ2020_web.jpg

Intelligence juridique : un nouvel instrument d’influence des Etats

Au 21ième siècle, le droit international moderne connait un chamboulement profond mettant ainsi en cause sa légitimité. Celui-ci a tendance à devenir un réel outil de guerre économique tendant à se normaliser aux droits étrangers des pays les plus influents.

Ce droit des gens se trouve, aujourd’hui, vidé de sa principale substance qui consistait à régir une batterie de règles et de normes contraignantes pour les Etats et à faire régner une justice internationale. Au fait, certains Etats se livrent, de plus en plus, à des ruses, emballées dans un « faux » droit international, pour orienter leurs politiques dans un objectif de dominance économique et géopolitique.

Force, aujourd’hui, est de constater un flagrant abus des législations extraterritoriales, avec des règles valables non pas pour tous mais qui tirent plutôt profit à un Etat ou à quelques Etats, tout en étant défavorables, voir même fort nuisibles pour les autres. Un tel constat interpelle les pays défavorisés qui interceptent un tel changement avec beaucoup d’inquiétude, concluant que le droit international commence progressivement à céder la place aux droits étrangers les plus influents. En témoigne de cela un certain nombre de législations étrangères et communautaires qui instituent des règles juridiques à portée extraterritoriale, à l’exemple du droit américain, du droit européen ou encore, à moindre mesure, du droit français. Il s’agit finalement de lois d’instrumentalisation.

Lutter contre les crimes transnationaux (terrorisme, blanchiment de capitaux, financement du terrorisme, corruption, etc.) demeure la volonté de tous les Etats. Ainsi et sur la base de cette cause commune, ceux-ci tentent de légitimer leurs droits à l’effet de vouloir s’affirmer dans et au-delà même de leurs frontières. Toutefois, il n’en demeure pas moins que derrière cet intérêt sécuritaire mondial se dissimulent de réels objectifs concurrentiels et commerciaux propres à un Etat ou à une minorité d’Etats. En effet et dans le cadre de l’internationalisation des entreprises et de la globalisation des échanges, tout Etat essaie de recourir à l’intelligence juridique. Cette dernière, selon le professeur Bertrand Warusfel , « s’entend de l’ensemble des techniques et des moyens permettant à un acteur – privé ou public – de connaître l’environnement juridique dont il est tributaire, d’en identifier et d’en anticiper les risques et les opportunités potentielles, d’agir sur son évolution et de disposer des informations et des droits nécessaires pour pouvoir mettre en œuvre les instruments juridiques aptes à réaliser ses objectifs stratégiques ».

Comment donc les pays recourent à l’intelligence juridique pour atteindre leurs objectifs stratégiques ?

Aujourd’hui, une nouvelle forme de rapport de force s’installe entre les pays les plus développés, visant à imposer, chacun à sa manière, ses propres droits, à travers le recours à des outils d’intelligence juridique. La création de normes avantageuses à portée extraterritoriale constitue l’une de ces techniques. Nous allons donc, à travers les exemples américain (I) et français (II), essayé de contextualiser ce phénomène.

  • Le modèle offensif américain

Le Foreign Corrupt Practices Act[1] (FCPA), le Foreign Account Tax Compliance Act[2] (FATCA), la loi Helms-Burton[3], la loi Amato-Kennedy[4], le Patriot Act[5], le Sarbanes-Oxley[6] (« Act Public Company Accounting Reform and Investor Protection Act »), le Justice Against Sponsors of Terrorism Act[7] ou encore le Cloud Act (Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act) [8] ont permis aux Etats Unis d’Amérique d’obliger toute la communauté internationale à adhérer à leurs objectifs stratégiques.

En l’espace de dix ans (2008-2018), l’Etat américain, à travers le FCPA, a infligé, des amendes s’élevant à près de 6900 millions de dollars américain, dont à peine le quart (1700 millions de dollars) à des entreprises américaines et le reste à des entreprises majoritairement européennes. Il en est de même concernant les violations américaines à leurs embargos et/ou en matière de lutte contre blanchiment de capitaux, dont les pénalités, entre 2004 et 2015, ont généré 16.945 millions de dollars et encore une fois majoritairement à des entités européennes.

Il en ressort qu’une telle mesure de sanctions permet l’atteinte d’un double objectif : renflouer, d’une part, les caisses américaines et d’autre part, anéantir les concurrents potentiels des entreprises américaines.

In fine, les législations à effet extraterritorial des Etats-Unis visent la plupart des concurrents étrangers de leurs entreprises nationales.

  • L’exemple français : une approche timide

9782330118211_0_500_796.jpgBien que la communauté internationale soit consciente de cette prédominance américaine, rares soient les Etats qui essaient de s’y protéger en recourant, à leur tour et parallèlement, à des instruments d’intelligence juridique. La France, quant à elle, avait déjà depuis plus d’un demi-siècle, tenté de s’inscrire dans une telle dynamique, en adoptant, depuis le 26 juillet 1968, la loi n° 68-678 relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères. Ce texte a été, par la suite, renforcé par la loi du 19 juillet 1980 et en publiant une Note sur d’éventuelles mesures législatives et/ou réglementaires ayant pour objectif de protéger ses entreprises contre les abus normatifs extraterritoriaux.

Bien que les initiatives françaises semblent être, à première vue, fort prometteuses, il en ressort que l’application de ces lois reste très timide. En effet, les autorités françaises témoignent d’un manque de volonté sur les plans administratif et politique, par peur d’être abandonnées par un partenaire stratégique international. Autrement dit, la France craint que s’installe un rapport de force avec les Etats Unis d’Amérique et évite ainsi de se doter d’armes égales à l’effet d’imposer des politiques coopératives. Ainsi et à la lecture du Rapport d’information[9], déposé par la commission française des affaires étrangères et la commission des finances en conclusion des travaux d’une mission d’information constituée le 3 février 2016 sur l’extraterritorialité de la législation américaine, nous pouvons relever que la France, malgré l’élaboration d’un diagnostic assez brillant, n’envisage pas vraiment de s’inscrire dans une dynamique d’intelligence juridique.

Ensuite et en réponse à la loi anti-corruption américaine, bradant le principe de « non bis idem[10] », la France[11] réagit craintivement, en promulguant la loi Sapin II en décembre 2016 qui prévoit des dispositions d’extraterritorialité sur la corruption.

L’habileté de l’usage de l’intelligence juridique

L’intelligence juridique devient, incontestablement, une nouvelle arme d’influence des Etats. Celle-ci vient enrichir l’intelligence économique[12] pour lui permettre d’élargir son spectre d’analyse en vue de l’adoption d’une stratégie plus performante.

Avantage serait donc aux pays les plus futés qui sauraient l’utiliser à bon escient, sans pour autant être en extrême contradiction avec le droit international. L’exemple des Etats Unis d’Amérique reste donc, par excellence, le modèle à suivre en pareille question.

Concernant les Etats victimes de cet arsenal juridique démesuré, ceux-ci doivent réfléchir à développer des solutions de contournement à l’effet d’éviter leur adoption. A cet égard, les « lois d’obstruction »[13] ou encore les « lois de blocage »[14] constituent une belle illustration.

20235266-23943841.png

En outre, il semble, aujourd’hui, que de nouvelles puissances émergentes, à l’exemple de la Chine, de l’Inde, du Brésil, de la Turquie ou encore de l’Indonésie sont entrain de bouleverser, progressivement, l’ordre international structuré autour des Etats Unis d’Amérique. Dans une telle configuration, les pays devraient, dès à présent, pousser leur réflexion, encore une fois dans le cadre d’une dynamique d’intelligence juridique. Ceux-ci devraient se préparer pour faire face à un arsenal inextricable de législations extraterritoriales émanant de différentes puissances économiques !

Yassir Lahrach

EGE-Rabat

Notes

[1] Cette loi américaine, promulguée en 1977, ne concernait que les entreprises américaines jusqu’à la date de 1988 pour venir s’étendre aux entreprises étrangères ayant un lien avec les Etats-Unis.

[2] Cette loi a pour finalité de lutter contre l’évasion fiscale des citoyens et résidents américains. Ce texte contraint les établissements financiers à procéder à l’identification des clients « US person » et collecter les données de ces derniers pour les mettre à la disposition de l’administration fiscale américaine.

[3] Cette loi a été promulguée en 1996 par Bill Clinton. Celle-ci permet, en l’occurrence, aux exilés cubains, de poursuivre devant les tribunaux fédéraux américains les entreprises soupçonnées de « trafiquer » avec des biens ayant appartenu à des ressortissants américains.

[4] Cette loi d’Amato-Kennedy, adoptée par le Congrès américain en date du 8 août 1996, prévoit un fait générateur commun pour les deux États visés, appelés « Etats voyous » pour leur soutien, notamment, au terrorisme et un spécifique à la Libye.

[5] Cette loi américaine a été adoptée après les attentats du 11 septembre 2001. Celle-ci a fait l’objet d’un amendement en date du 2 juin 2015 par le Freedom Act du 2 juin 2015. Cette loi s’applique automatiquement à l’ensemble des Etats qui ont conclu un accord de coopération judicaire avec les Etats Unis d’Amérique.

[6] Cette loi a été adoptée par le congrès américain en Juillet 2002 en réponse aux multiples scandales comptables et financiers, notamment, ceux d’Enron et de WorldCom. Cette loi est également connue sous les noms de « SOX », de « Sarbox », ou encore de « SOA ».

[7] Cette loi a été approuvée en 2016 par le Sénat et la Chambre des représentants et permet d’adopter « des procédures au civil et des recours collectifs contre des personnes, des entités et des pays étrangers ayant fourni un soutien matériel, direct ou indirect, à des organisations étrangères ou à des personnes engagées dans des activités terroristes contre les États-Unis ».

[8] Il s’agit d’une loi fédérale des États-Unis qui fut adoptée en 2018 et qui porte sur la surveillance des données personnelles, notamment dans le Cloud. Elle oblige, notamment, les fournisseurs de services américains, par mandat ou assignation, à fournir les données demandées stockées sur des serveurs se trouvant aux États-Unis ou dans des pays étrangers.

[9] http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i4082.asp

[10] Cette terminologie signifie, tout simplement, que nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits.

[11] Geslin Albane. La position de la France en matière d’extraterritorialité du droit économique national. In: Revue juridique de l’Ouest, 1997-4. pp. 411-467

[12] Manuel d’intelligence économique, Sous la direction de Christian Harbulot – 3ième édition, septembre 2019, PUF

[13] Ce sont, tout simplement, des contre-législations qu’avaient utilisé le Canada, l’Australie, le Royaume Uni ou encore la France pour contrecarrer la procédure du discovery, interdisant à leurs ressortissants de mettre à la disposition des autorités américaines des informations financières et/ou économiques, faute de quoi ils risquent de faire l’objet de sanctions pécuniaires, voir même pénales.

[14] IBID

mardi, 29 septembre 2020

Escalation in Nagorno-Karabakh: The Eurasian perspective

9948557-16132688.jpg

Escalation in Nagorno-Karabakh: The Eurasian perspective

 
Ex: https://www.geopolitica.ru

On September 27, a new round of escalation of the conflict in Nagorno-Karabakh began. As the Azerbaijani Defense Ministry reported, in response to shelling Azerbaijani villages with artillery and mortars from Armenian side, the country's army launched a counteroffensive operation. It is reported that Azerbaijani troops have moved deep into the territories controlled by Armenian formations and seized a number of settlements.

Martial law has been introduced in Armenia and general mobilization has been announced. The Armenian side accuses the Azerbaijani military of shelling populated areas. In turn, Baku claims that the authorities of Armenia and the unrecognized NKP (Nagorno-Karabakh Republic) themselves put the civilian population at risk.

President of Azerbaijan Ilham Aliyev addressed the people of the country and expressed readiness to finally put an end to the Nagorno-Karabakh problem.

The current aggravation of the military conflict in Nagorno-Karabakh is the most acute since the "four-day war" in April 2016, when Azerbaijan managed to regain up to 20 square kilometers of territory along the line of contact with Armenian troops.

The roots of the conflict

The conflict in Nagorno-Karabakh has been going on since the late 1980s. Traditionally, for at least the last 100 years, relations between the Armenian and Azerbaijani communities in Transcaucasia have been strained during periods of weakening the geopolitical power that held control over the region. It was so during the Armenian-Azerbajani massacres of 1905-1906, that coincided with the First Russian Revolution and during the Civil War in Russia.

The era of Perestroika led to the renewal of centrifugal tendencies and the blossoming of both Azerbaijani (Turkic) and Armenian nationalisms. The very idea of building nation-states in the region, where both peoples historically lived intermittently as part of empires, could not but lead to a war accompanied by ethnic cleansing.

Specifically in Nagorno-Karabakh, the Armenian community proclaimed the creation of its own state with the prospect of joining Armenia. As a result, a war broke out that ended with the signing of an armistice in 1994. Azerbaijanis were expelled from Nagorno-Karabakh. In turn, almost the entire Armenian community of Azerbaijan also left the country.

55081966_303.jpg

Now the only diplomatic format for conflict resolution is the OSCE Minsk Group, co-chaired by Russia, USA and France.

At the same time, all peace initiatives have reached a deadlock. Over the past 10 years the so-called "Kazan formula" has been discussed in the expert community, and since 2016 the so-called "Lavrov plan": Russia's proposals to start de-escalation of the conflict.

The "Kazan formula" referred to Armenia's exchange of the seven occupied districts of Azerbaijan around Nagorno-Karabakh for the end of the economic blockade by Baku. These seven districts make up the so-called Nagorno-Karabakh Security Belt, where there is virtually no population.  The second initiative concerned five of the seven districts, leaving the unrecognized NKP to have a land corridor for communication with Armenia.

However, as pro-Western politician Nikol Pashinyan came to power in Yerevan after colored revolution, the Armenian side refused this compromise.

zaAAkjtj.jpgPashinyan's factor

In 2018, a liberal politician Nikol Pashinyan became the Prime Minister of Armenia. Previously, he was a member of parliament from the "Yolk" bloc, which advocated Armenia's withdrawal from the structures of the Eurasian economic integration.

The new Prime Minister of Armenia took a double stance on Nagorno-Karabakh. On the one hand, he provoked Azerbaijan by advocating direct negotiations between Stepanakert and Baku, which the Azerbaijani authorities could not do. On the other hand, he entered into a political conflict with the NKP leadership related to the Armenian leader Serzh Sargsyan, who was deposed in Yerevan in 2018 as a result of protests.

Pashinyan also entered into a conflict with the Armenian Diaspora in Russia, initiating criminal proceedings against his political opponents. One of them was the former president of Armenia and the first president of the unrecognized NKP, Robert Kocharyan, who when he had been the leader of the country had established good personal ties with Vladimir Putin. At the same time, representatives of Western liberal foundations and NGOs came to Armenia's governing structures under Pashinyan.

It is possible that this factor also played a role in Azerbaijan's decision to solve the Nagorno-Karabakh problem by force: Pashinyan refused to compromise, while complicating relations with Russia. Baku may well have thought that Moscow would not stand up for Pashinyan, who has accumulated many questions.

The Turkish factor

For a long time, the Nagorno-Karabakh conflict remained a time-bound mine that could blow up the region. The reason why the Nagorno-Karabakh conflict is so important is that major regional powers may be drawn into it, primarily Russia (on Armenia's side as a CSTO ally) and Turkey (as a traditional ally of Azerbaijan).

Nagorno-Karabakh_Map2.png

Turkey, represented by President Recep Tayyip Erdogan and numerous officials has already announced full support of Azerbaijan by all possible means. After clashes on the Armenian-Azerbaijani border in July 2020, Ankara and Baku held a series of joint exercises, including near the border with Armenia.

The foreign and Russian media reported on the possible transfer of pro-Turkish fighters from Syria to Azerbaijan ("Sultan Murad Division"). Besides Syria itself, Turkish private military company SADAT uses this contingent in the Libyan campaign.  Armenian Ambassador to Russia Vardan Toganyan also accused Ankara of sending 4 thousand militants to Azerbaijan.

If the reports about Syrian fighters are at least partly true, Ankara's activity in the Karabakh direction may be due not only to the desire to help the "brothers" of Azerbaijanis, but also to pressure Russia near its borders to make concessions both in Syrian and Libyan directions.

However, Turkey's large-scale involvement in the conflict contradicts Ankara's objective geopolitical interests.

The prospect of a clash with Russia collapses the complex system of negotiations and force balancing that Moscow and Ankara have been building in recent years. Despite the tactical contradictions and support of various parties in specific conflicts in Syria and Libya, this system has effectively isolated other players, primarily Western countries led by the United States. According to the Western think tanks, Turkey and Russia have become the main forces in Syria and Libya.

Economic and energy projects, primarily "Turk Stream", are also mutually beneficial for Russia and Turkey. On the contrary, it is important for Washington to undermine this project as well as “Nord Stream-2”.

If Ankara is dragged into an open conflict with Moscow over Nagorno-Karabakh, Turkey will find itself in a situation similar to that of the Russian Su-24 in November 2015. It will lose an important partner, but it will not get the appreciation of the West (especially given the activity of the Armenian lobby in the United States and European countries).

Atlanticist trap

Russia maintains allied relations with Armenia, and the only Russian military base in Transcaucasia is now located in Armenia - in Gyumri. However, Azerbaijan is Russia’s important geopolitical and economic partner. Moscow is least interested in a large-scale conflict in the region.

Moreover, whatever position it takes if the conflict turns into a full-scale war, Russia is in a position of a loser.

d864w5m-c5201104-4b19-4d88-8916-bb7900c6a0ec.jpg

If Moscow supports Yerevan in the conflict, it will lose Azerbaijan and the North-South Corridor project, which should connect Russia with Iran and India, will collapse. NATO bases could emerge in the Caspian Sea.

Refusal to support Yerevan threatens Armenia's withdrawal from Eurasian integration structures. In that case, the Russian military will have to leave Armenia and the Americans will take their place. Armenia's neighborhood with Iran is an additional motivating factor.

Turkey's possible protests do not count, as the Americans have already had experience of being in Syria, near the Turkish birders, supporting the anti-Turkish Kurdish forces, that Ankara considers terrorist. And such a hostile behavior did not lead to the serious consequences for the American side.

Finally, we cannot rule out the possibility of American or European "peacekeepers" appearing in the conflict zone.

It is the Atlantic Pole that benefits from the large-scale war in the region from extra-regional forces.

It is in the U.S. interests to turn Russia and Turkey against each other. The Americans are interested in two forces challenging the unipolar world order to fight each other, not against the US hegemony. Diverting attention from both Russians and Turks to Nagorno Karabakh will allow Americans to dramatically increase their influence in Syria, Libya, the Eastern Mediterranean as a whole, and other regions where Moscow and Ankara have become visible.

It is indicative that activation of the conflict in Nagorno-Karabakh coincided with other strikes of the Atlantists in the "Great War of Continents": riots in Belarus and pressure on Germany to abandon the "Nord Stream-2" ("Poisoning of Alexei Navalny ").

It is in the interest of the Eurasian Geopolitical Pole to do everything so that the scenario of Atlantic revenge does not materialize and the conflict is ended as soon as possible.

At that, a goal should be set to eliminate all networks of Atlantic influence in the region, both in Armenia and Azerbaijan, as well as in Russia and Turkey. Interference of extra-regional forces into the conflict should be stopped.

The OSCE Minsk Group has proven to be completely unsuitable. It serves as a tool to legitimize American and European interference in the region. The choice of the co-chairmen of the group based on the principle of representing the world's largest Armenian Diasporas is also doubtful. This causes Azerbaijan's distrust.

Besides Armenia and Azerbaijan, the conflict directly affects such powers as Russia, Iran and Turkey. In Syria, these three powers were able to implement a more effective negotiation mechanism - the Astana format, which significantly reduced the destructive influence of the West and the Persian Gulf countries.  It is time to talk about the Astana format on Nagorno Karabakh issue.

 

La hegemonía y sus armas El dominio que no es percibido como tal por aquellos sobre los que se ejerce

large_gg-1554321617.jpg

La hegemonía y sus armas

El dominio que no es percibido como tal por aquellos sobre los que se ejerce

Adriano Erriguel 

Ex: https://www.gramscimania.info.ve  

El gran tablero –decía Zbigniev  Brzezinski– Rusia es la pieza a batir. El juego se llama hegemonía. Mal se comprenderá el sentido de la nueva “guerra fría” si no se la sitúa en el contexto de una batalla global por la hegemonía.  Antonio Gramsci daba una definición precisa de ese término. “Hegemonía” es –según el teórico italiano– “el dominio que no es percibido como tal por aquellos sobre los que se ejerce”. La hegemonía no necesita ser enfatizada ni declarada, existe como un hecho, es más implícita que expresamente declarada. El liberalismo occidental – desde el momento en que hoy es percibido como la realidad objetiva, como la única posible  – es una forma de hegemonía. La otra forma, complementaria de la anterior, es la hegemonía norteamericana.

La hegemonía cuenta hoy con dos instrumentos principales. Uno de ellos es la proyección del poder político, económico y militar de Estados Unidos como gendarme universal y como “imperio benéfico”. Es el unipolarismo reivindicado sin tapujos por los  neoconservadores norteamericanos. La otra  manera – tanto o más efectiva a la larga – es la “globalización” entendida como diseminación de los valores occidentales. Se trata, ésta, de una “hegemonía disfrazada”, en cuanto no se ejerce en nombre de un solo país, sino en nombre de unos códigos supuestamente universales pero que sitúan a Occidente en la posición de “centro invisible”.[1]

Las armas de esta forma de hegemonía son ante todo culturales. Una gran empresa de exportación de “Occidente” al conjunto de la humanidad. Quede claro que todo ello no responde a una lógica “conspirativa” sino sistémica: Occidente es un gran vacío que no puede cesar de expandirse. “El desierto crece”, que decía Nietzsche. Cuando los países tratan de defender su relativa independencia, la hegemonía forma su “quinta columna”. Aquí hay una cierta ironía de la historia. De la misma forma en que la Unión Soviética utilizaba a los partidos comunistas locales como “quinta columna” para la subversión del mundo capitalista, los Estados Unidos utilizan hoy a sus filiales de la “sociedad civil” como agentes de subversión de las sociedades tradicionales.

lthwrt_lmlwn.jpg

Las “revoluciones de colores” o el amago de la “revolución de la nieve” en Moscú ofrecen ejemplos de manual. Las elites globalizadas y consumistas, las ONGs engrasadas con dinero occidental, los medios de comunicación “independientes”, las llamadas “clases creativas” – burgueses-bohemios, artistas “transgresores”, minorías sexuales organizadas – y una juventud estandarizada en la cultura de masas, imbuida de una sensación de protagonismo. Todos ellos pueden ser –convenientemente trabajados por el soft power–  eficaces agentes de aculturación. Esto es, de imposición de los valores y de los cambios deseados desde el otro lado del Atlántico. Difusión de ideas y valores, ahí está la clave. Los programas de intercambio académico son tan necesarios como el agit-prop cultural. La formación de elites de recambio en Occidente es un elemento esencial de todo el proceso.

La batalla del soft power no consiste en dos ejércitos bien alineados, con fuerzas disciplinadas lanzándose a la carga. Consiste más bien en una cacofonía en la que innumerables voces pugnan por ser oídas. De lo que se trata es de orientar el sentido de esa cacofonía. La clave de la victoria reside en una idea: quien impone el terreno de disputa, condiciona el resultado. Por ejemplo, si el terreno de disputa es la dialéctica  “valores modernos versus valores arcaicos”, está claro que el bando que impone esa visión del mundo llevará siempre la ventaja. Cuando el  adversario intente “modernizar” sus valores –conforme a la idea de “modernidad” suministrada por la otra parte–  estará implícitamente desautorizándose y  reconociendo su inferioridad. La insistencia del soft power occidental en erosionar una serie de consensos sociales caracterizados como “tradicionales” se inscribe en esa dinámica: ése es su terreno de disputa.[2]

La fractura del vínculo social

Entre jóvenes y viejos, mujeres y hombres,  laicos y creyentes, “progresistas” y “conservadores”. Los llamados “temas societales” son un instrumento privilegiado por su capacidad de generar narrativas victimistas, idóneas para ser amplificadas por el show-business internacional. El objetivo es siempre proyectar una imagen opresiva, odiosa e insufrible del propio país – preferentemente entre los más jóvenes y los sectores occidentalizados – y crear una masa social crítica portadora de los valores estadounidenses.[3]

unnamedrevc.jpg

Se trata de una apuesta a medio o largo plazo que en Rusia se enfrenta a no pocas dificultades. La desintegración de la Unión Soviética coincidió con un  vacío de valores que dio paso al cinismo, a la degradación moral y a una asunción acrítica de los códigos de Occidente. Los oligarcas apátridas fueron la manifestación de ese “capitalismo de frontera” que sería reconducido, en tiempos de Putin, hacia una especie de “capitalismo nacional”. Pero la memoria es todavía reciente. La ofensiva occidental de “poder blando” es percibida, por gran parte de la población rusa, como un intento agresivo de revertir el país hacia los años de Yelstin: la época de los “Chicago boys”, de los odiados oligarcas y del caos social.

La realidad es que Rusia ha tenido su dosis de revoluciones. Los intentos de generar entre los rusos el desprecio por su propio país y el deseo mimético por Occidente chocan contra un muro de resistencia popular. Decía el líder socialista Jean Jaurès: “para quienes no tienen nada, la patria es su único bien”. Seguramente la hegemonía necesitará, para remodelar un país a su deseo, algo más que una revuelta de los privilegiados. La tentación es entonces pisar el acelerador.

La ofensiva del caos

El Imperio posmoderno se distingue por una peculiar fusión entre orden y caos.  La difusión viral de principios individualistas erosiona las sociedades tradicionales – basadas en principios holistas – y provoca un caos del que el Imperio extrae su beneficio. Una reformulación posmoderna del “divide y vencerás”. Es el Chaord (síntesis de orden y caos) del que hablan los postmarxistas Toni Negri y Michael Hardt. Es la Doctrina del shock, de la que habla Naomí Klein. Es el Imperio del Caos, en expresión del periodista brasileño Pepe Escobar. Quede claro que el Chaord no se limita, ni mucho menos, a operaciones de poder blando. El Chaord es una panoplia, una espiral, una “guerra en red” en la que el soft power se complementa con el hard power: desestabilización política, terrorismo y guerra.

En el año 2013 los Estados Unidos experimentaron, en su pulso contra Rusia, una serie de contratiempos diplomáticos. En Siria, una mediación rusa de última hora frustró el ataque que ya había sido anunciado por Washington contra el régimen de Hafez El Assad. La mediación rusa jugó igualmente un papel esencial para evitar otra escalada de sanciones contra Irán. Por si fuera poco, Rusia concedió asilo político a Edward Snowden, el desertor que había expuesto a la luz las actividades de espionaje masivo de los Estados Unidos. Y para rematar el año el gobierno de Ucrania anunció que no firmaría el esperado “Acuerdo de Asociación” con la Unión Europea, y que sí firmaría un acuerdo con Rusia que abría una perspectiva de ingreso en la Unión Eurasiática.

Había llegado la hora de demostrar lo que el Imperio era capaz de hacer.

El modelo de Maidán

“Ucrania es un pivot geopolítico –escribía Zbigniew Brzezinski en 1997– porque su mera existencia como Estado independiente ayuda a transformar Rusia. Sin Ucrania, Rusia deja de ser un imperio eurasiático. Sin embargo, si Rusia recupera el control de Ucrania, con sus 52 millones de habitantes y sus reservas, aparte de su acceso al Mar Negro, Rusia automáticamente recupera la posibilidad de ser un Estado imperial poderoso, que se extiende entre Europa y Asia”. El gran Tablero –el libro firmado por Brzezinski en 1997– es considerado por muchos como un anteproyecto de lo que ocurriría años más tarde en la “revolución de Maidán”.

624.jpg

La “revolución naranja” de 2004, auspiciada por Estados Unidos en Ucrania, no dio los resultados esperados. Tras varios años de corrupción,  de degradación del nivel de vida y de querellas intestinas, las elecciones presidenciales de 2010 – convenientemente validadas por la OSCE – dieron la victoria al pro-ruso “Partido de las Regiones” de Victor Yanukovich. El gobierno de Yanukovich retomó las negociaciones que el anterior gobierno pro-occidental había emprendido para firmar un Acuerdo de Asociación con la Unión Europea. Las pretensiones rusas de tener voz en esas negociaciones fueron rechazadas como intentos de injerencia. Conviene tener presente, a esos efectos, que Rusia estaba previamente vinculada a Ucrania por una red de acuerdos comerciales y que la economía rusa se vería inevitablemente afectada por el Acuerdo de Asociación. Pero Bruselas planteó a Kiev la negociación como un chantaje: o con Rusia o con Europa.[4]

Una elección extravagante, si tenemos en cuenta no sólo la vinculación milenaria entre Rusia y Ucrania – el Principado de Kiev fue, en el siglo X, el origen histórico de Rusia – sino la absoluta imbricación económica, lingüística, cultural y humana entre ambos pueblos. Más allá de todo eso la preocupación de Moscú era otra: el riesgo de la posible extensión de la OTAN hasta el corazón mismo del “mundo ruso”. Si bien la aproximación  a la Unión Europea no estaba vinculada a la negociación con la Alianza Atlántica, todos los precedentes demuestran que el camino hacia ambas organizaciones es paralelo. Y para Rusia la perspectiva de ceder a la OTAN su base naval en Crimea – territorio ruso “regalado” por Nikita Krushov a Ucrania en 1954 – era una línea roja absoluta, como lo es la perspectiva de ver instalados los sistemas balísticos norteamericanos en sus fronteras.

El 21 de noviembre de 2013 –ante la sorpresa de todos–  el Presidente Yanukovich anunció que no firmaría el Acuerdo con Bruselas. El motivo esgrimido: frente a los 1.000 millones de dólares ofrecidos por la Unión Europea, Rusia ofrecía 14.000 millones de dólares más una rebaja del 30% sobre el precio del gas ruso. Un gas del que Ucrania es completamente dependiente. La oferta rusa había pesado más que la realidad del panorama “europeo” que se abría ante Ucrania: reconversión económica salvaje; liquidación a precio de saldo de su industria siderometalúrgica; reparto de sus recursos mineros y agrícolas (entre Alemania y Francia, principalmente); pérdida del mercado ruso; subida del precio del gas; emigración masiva de la población a Europa;  terciarización de su economía y conversión de Ucrania en un gigantesco mercado para los productos europeos. Las rutinas de la globalización.

kiev-revolution-wallpaper-2.jpg

A partir de noviembre 2013 comenzaron a sucederse en Kiev las protestas de la población, movilizada por una idea de “Europa” como panacea y exasperada por la corrupción rampante.[5] Las protestas se radicalizaron hasta devenir batallas campales en torno a la plaza de Maidán, el epicentro de la protesta. Las barricadas de Maidán presenciaron un inédito desfile de dignatarios, ministros y atildados funcionarios norteamericanos y europeos, desplazados hasta Kiev para animar la revuelta. Los líderes occidentales no dudaron en fomentar la violencia contra un gobierno que, por muy corrupto que fuera, había sido democráticamente elegido. La historia es bien conocida. El 21 de febrero de 2014 Victor Yanukovich firmaba un acuerdo – patrocinado por Alemania, Francia y Polonia – en el que cedía en todas sus posiciones y acordaba organizar elecciones presidenciales. Al día siguiente tenía que huir para salvar su vida.

La revolución de Maidán es algo más que la crisis puntual de un “Estado fallido”. Es todo un paradigma. Es un recital de técnicas de “guerra en red”. Es la demostración de cómo alimentar una crisis, una espiral de violencia, de anarquía y de guerra en un período mínimo de tiempo. Al igual que en Libia, que en Siria, que en Irak, pero en Europa. Es el “modus operandi” del Imperio del caos. Es todo un modelo: el “modelo ucraniano” para nuestra Europa. Conviene retener varias imágenes.

La escalada El  “poder blando”

La Vicesecretaria de Estado norteamericana Victoria Nuland declaró, a fines de 2013, que desde 1991 los Estados Unidos habían gastado 5.000 millones de dólares para fomentar en Ucrania una “transición democrática” a su gusto. La red de ONGs, de medios de comunicación, de activistas y de políticos locales promovida por el “poder blando” norteamericano había dado sus resultados en la “revolución naranja” de 2004, que por la incompetencia de sus líderes se saldó con un fiasco. Diez años más tarde las apuestas habían subido. Frente a un adversario cada vez más alerta habría que actuar de forma contundente. Algo que no podía confiarse al circo de la “sociedad civil”. Haría falta la intervención de elementos más curtidos.

Los tontos útiles

Cuando en invierno de 2014 el “Euromaidan” entró en su fase “caliente” las Berkut (fuerzas especiales de la policía ucraniana) se vieron desbordadas. Y no era precisamente ante hipsters liberales blandiendo i-pads último modelo. Las bandas neonazis de Pravy Sektor (Sector derecha) y las milicias del partido nacionalista Svoboda, con su disciplina hoplita, fueron el factor clave que elevó la violencia a niveles intolerables para las autoridades, que eligieron la desbandada ante el riesgo de provocar una guerra civil.

berkut-on-maidan.jpg

Tras la caída de Yanukovich el partido Svoboda obtuvo algunos ministerios y cargos en las estructura de seguridad del Estado, mientras que sus activistas se integraban en la Guardia Nacional y eran expedidos al frente del Donbass, supervisados por instructores norteamericanos. A la espera de ser enviados, cuando hayan concluido sus servicios, al basurero de la historia. [6]    

La "falsa bandera"

El 20 de febrero 2013 tuvo lugar un evento que forzó el cambio de régimen. Más de 100 manifestantes y policías fueron abatidos o heridos en las calles por francotiradores incontrolados. El suceso provocó una oleada de indignación internacional contra Yanukovich, inmediatamente acusado de promover la matanza (con Rusia como “instigadora”). El cambio de régimen era cuestión de horas. Pero en los días posteriores, numerosos indicios y análisis independientes comenzaron a apuntar que los disparos procedían de sectores controlados por el Maidán…

Se llama “operaciones de falsa bandera” a aquellos ataques realizados de tal forma que pueden ser atribuidos a países o a entidades distintas de los auténticos autores. Son también los casos en los que la violencia es ejercida por organizaciones o ejércitos que, lo sepan o no, están controlados por las “victimas”. La indignación moral y su rentabilización son las mejores palancas para desencadenar una guerra.[7]

El Kaganato

La visibilidad neonazi en el Maidán fue un regalo propagandístico para Rusia, que pudo así movilizar los recursos emocionales de la “resistencia contra el fascismo”. Como resulta que para el mundo occidental Putin es “neo-estalinista” se estableció así un anacrónico juego de estereotipos. Lo cierto es que el régimen de Kiev no es fascista. Se trata de un sistema oligárquico, dirigido por un gobierno semicolonial revestido de formas democráticas.[8]

Nuland-and-Kagan.jpg

El régimen de Kiev es un ectoplasma de la estrategia neocon norteamericana: cerco geopolítico de Rusia, prevención de la integración económica continental – para lo cual se precisa una nueva guerra fría – y exportación agresiva del modelo norteamericano. Victoria Nuland – patrocinadora del cambio de régimen  –  y su marido, el teórico “neocon” Robert Kagan, sintetizan en pensamiento y obra el trasfondo real del Maidán. Kagan fue uno de los gurús de la invasión de Irak y de la política intervencionista que favoreció la destrucción de Libia, la guerra civil en Siria y – como efectos indirectos – la expansión de Al-Qaeda y el surgimiento del ISIS. El “Kaganato” – expresión acuñada por el periodista Pepe Escobar – es la Ucrania dividida, ensangrentada, troquelada por el pensamiento Kagan. Una operación en la línea de las anteriores chapuzas. Nueva cortesía – dedicada esta vez a los europeos – del Imperio del caos.[9]

¿Otra guerra fría?

El Euromaidan nos sitúa ante un escenario inédito. Un gobierno legítimo puede ser derrocado en la calle si la violencia se acompaña de una dosis adecuada de “poder blando” que la justifique. Un ejemplo ante el que muchos, en Europa, deben haber tomado nota. 

Para alcanzar sus fines la agenda ideológica mundialista no duda en convocar a las fuerzas del caos. Tras cosechar resultados en diversas partes del mundo – la situación del mundo islámico es un buen ejemplo – los aprendices de brujo se vuelven hacia una Europa donde los secesionismos, la crisis inmigratoria y las explosiones de violencia social están a la orden del día. Todo ello en un contexto de pauperización provocada por el neoliberalismo. Ofuscado por sus propias quimeras, el sistema pierde sus referencias y se confunde con el antisistema. El relativismo posmoderno de las democracias europeas abre un camino hacia su suicidio.[10]

Por de pronto en Europa ha estallado otra guerra. Amparándose en el precedente de Kosovo, el Kremlin reincorporó Crimea al seno de Rusia tras obtener el apoyo de la población local, expresado en referéndum. Una decisión que demuestra que Moscú no cederá su espacio estratégico a la OTAN.[11] La rebelión de las regiones pro-rusas de Donetsk y Lugansk – situadas en la cuna histórica de Rusia y de su cultura – ha sellado el punto de no retorno. Alemanes, franceses, italianos y españoles se ven convertidos en rehenes de los gobiernos del Este de Europa – serviles comparsas de Washington – y de su rencor mal digerido hacia Rusia.[12]

La nueva guerra fría responde a una apuesta estratégica: la fidelización norteamericana de sus vasallos europeos; la disrupción de los proyectos de integración energética entre Rusia y Europa (perjudiciales para la competencia anglosajona); el lanzamiento de una nueva carrera armamentística (a beneficio del mayor exportador de armas del mundo); el impulso a la globalización de la OTAN y, sobre todo, el alejamiento de la auténtica pesadilla de Washington: la alianza geopolítica entre Alemania, Francia y Rusia. Una alianza que fue amagada en 2003, en vísperas de la guerra de Irak.

El enfrentamiento entre la Unión Soviética y el mundo capitalista fue una lucha entre dos concepciones del mundo. ¿Puede decirse lo mismo de la nueva guerra fría?

cold-war.jpg

¡Sin duda alguna!, responden los voceros del atlantismo: es la lucha cósmica entra la “sociedad abierta” y sus enemigos. Claro que estos portavoces suelen aplicar la “reductio ad hitlerum” y la “reductio ad stalinum” a todo lo que no encaje en sus designios. Y así se van sucediendo (como observaba el admirable Philippe Muray) los “Hitler” o “Stalin” de temporada. Siguiendo con la analogía, todos los que no se plieguen a los planes del Pentágono serán cómplices de nuevas capitulaciones de Munich. Pretendidos expertos en política internacional nos explican que el mundo libre se enfrenta a un expansionismo megalómano, a una hidra que tan pronto es Hitler, tan pronto Stalin, tan pronto ambos a la vez. Evidentemente todo eso tiene poco que ver con la realidad. [13]

¿En qué consiste entonces el enfrentamiento con Rusia? ¿Se trata de un mero  enfrentamiento geopolítico y estratégico? ¿O hay algo más? ¿Cuál es la dimensiónmetapolítica de esta nueva guerra fría?

Notas

[1]Alexander Duguin, Putin versus Putin. Vladimir Putin viewed from the Right. Arktos 2014, Edición Kindle.

[2] Otra cosa sería que el terreno de disputa sea, por ejemplo, la dialéctica: “soberanía versushegemonía ”, “el pueblo versus las elites” , “valores arraigados versus valores de mercado” o “economía social versus neoliberalismo”.

[3] Aquí entra en escena la ideología “de género”, el activismo gay  y episodios como el del grupo punk Pussy Riot en la Catedral de Moscú, provocaciones tras de las que se adivina la mano de los chicos de Langley.
Adriano Erriguel, Alabados sean los gays.

[4] El Presidente de la Comisión Europea Durán Barroso declaró en febrero 2013 que “El acuerdo de Asociación con la Unión Europea es incompatible con la pertenencia a otra unión aduanera”, en referencia directa a las negociaciones que a esos efectos Ucrania estaba manteniendo paralelamente con Rusia, Bielorrusia y Kazajstán.

[5] Conviene subrayar que la corrupción es la constitución real de Ucrania desde su independencia en 1991, y no es por tanto algo privativo del gobierno Yanukovich. Carente de toda tradición estatal –Ucrania jamás fue independiente antes de 1991– el elemento vertebrador del país son los clanes de hombres de negocios (los“oligarcas”).  Ejemplo sobresaliente de la corrupción ucraniana es Yulia Timoshenko, la multimillonaria heroína de la “revolución naranja” (también conocida como “la Princesa del gas”), celebrada en occidente como una democrática Juana de Arco.

[6] La colaboración de la CIA con el movimiento neonazi ucraniano tiene una larga historia. Concluida la segunda guerra mundial los restos del Ejército Insurgente Ucraniano de Stefan Bandera (formado durante la ocupación nazi) se convirtió en un instrumento de la agencia norteamericana, que estuvo organizando operaciones de sabotaje en Ucrania hasta finales de los años 1950. En la Ucrania independiente los partidos neofascistas fueron siempre marginales, excepto en la parte occidental de Galitzia, la zona más antirrusa de Europa. En las elecciones locales de 2009 el partido Svoboda (Libertad) obtuvo notables resultados en esa zona. La peculiaridad de los ultras ucranianos es su odio a Rusia, su hiperactivismo y su militarización. Dos meses antes del Maidán, 86 activistas neonazis de Pravy Sektor recibieron entrenamiento en instalaciones policiales en Polonia, según reveló la revista polaca NIE.

[7] Semanas después de estos sucesos se divulgaba en Internet la grabación de una conversación telefónica entre la Alta Representante de la UE, Sra. Ashton, y el Ministro de Asuntos Exteriores de Estonia, Urmas Paet, en la cuál éste señalaba (citando fuentes médicas sobre el terreno) que el nuevo gobierno no estaba interesado en investigar los asesinatos y que todo apuntaba a que los autores de los disparos estaban vinculados a la oposición. http://www.youtube.com/watch?v=kkC4Z67QuC0.

Diversas investigaciones independientes corroboraron posteriormente esta hipótesis. Desde entonces, en los medios mainstream occidentales un espeso silencio rodea a estos sucesos, mientras que el gobierno ucraniano y Rusia siguen acusándose mutuamente de la matanza. Las causas del derribo del avión de las líneas aéreas de Malasia, en julio 2014, continúan también sumidas en la confusión.  

[8] En su famosa conversación telefónica (Fuck the European Union!) difundida en Internet la Vicesecretaria de Estado Nuland dictaba a su Embajador en Kiev, días antes de la caída de Yanukovich, el nombre del próximo Primer Ministro ucraniano: Arseni Yatseniuk, un veterano de la banca anglosajona. En mayo de 2014 el oligarca Poroshenko ganaba unas elecciones presidenciales celebradas en un clima de violencia, con una abstención cerca del 60%. Apenas un 20% de electores inscritos votó por el nuevo Presidente. El gobierno formado por Yatseniuk en diciembre 2014 cuenta con tres extranjeros: una norteamericana, un lituano y un georgiano-norteamericano, reclutados en un casting controlado por la Fundación Soros. En la región de Odessa – de fuerte sentimiento prorruso – Mikhail Saakhasvili, el antiguo peón de los Estados Unidos en Georgia, fue nombrado gobernador en mayo 2015.

[9] Rafael Poch, "El kaganato de Kiev y otras historias". 

[10] El analista Martin Sieff, colaborador de The Globalist, lo expresa del siguiente modo:  “ Es una decisión catastrófica, revolucionaria. Contiene implicaciones mucho más peligrosas de lo que nadie en Estados Unidos o en Europa Occidental parece dispuesto a reconocer. Está situando a la Unión Europea y a los Estados Unidos en el bando del caos revolucionario y del desorden no solamente en otros países del mundo, sino también en el corazón de Europa. (…) Las mismas fuerzas que intentan romper Ucrania son las mismas que intentan desestabilizar otras naciones europeas. Si las sublevaciones callejeras hubieran tenido lugar en España, Francia, Italia o Gran Bretaña, Europa no estaría alentando a las fuerzas de la destrucción. Entonces, ¿por qué lo hacen en Ucrania? Martin Sieff, Entrevista en RT, 21 de febrero 2014.  http://rt.com/op-edge/us-blaming-ukraine-violence-catastrophic-012/

[11] Cabe subrayar que, a diferencia de Crimea, en Kosovo la independencia se decidió en 2008 tras una limpieza étnica, por  un Parlamento dominado por albaneses y sin referéndum ni consulta a la población.

 [12] Elemento determinante de la sublevación del Este de Ucrania fue la decisión de las nuevas autoridades de prohibir el idioma ruso, en un país en que es hablado por  el 70% de la población. La medida fue derogada días más tarde (bajo presión occidental) pero el efecto causado entre la población local fue irreversible.    

[13] En el “Pacto de Múnich” en 1938, las democracias occidentales cedieron ante las pretensiones de Hitler de anexionarse el territorio de los sudetes en Checoslovaquia, en un vano intento de evitar la guerra. Un ejemplo de letanía tremendista: Hermann Tertscht en este artículo de ABC.

 

Nota del Editor: Este artículo forma parte de una serie escrita por Adriano Erriguel  y titulada “Rusia, metapolítica del otro mundo” (VII)

lundi, 28 septembre 2020

United Nations turns 75: A time to celebrate?

united-nations-2.jpg

United Nations turns 75: A time to celebrate?

Giorgio Spagnol
 

Ex: http://www.ieri.be

Foreword

The 75th anniversary of the United Nations is an opportunity to reflect and look back on the UN’s history and take stock of its achievements and failures. It is also an opportunity to spotlight where the UN and the international community as a whole need to redouble their efforts to meet current and future challenges across the three pillars of UN: peace and security, development, and human rights.

Antonio Guterres, the Secretary General of the UN, reaffirmed his commitment to address the international conflicts when he said: “It’s very important that we now create the conditions to address the smaller but still dramatically deadly conflicts that we are facing in today’s world.”

Success is measured not only by objectives, but also by whether an alternate strategy would have been an improvement. Thus, as Winston Churchill said of democracy being the worst form of government except for all others that have been conceived or attempted, similarly, might it be said of the UN that it is the worst international organization for achieving peace, self-determination, and human rights, but for all the alternatives that have been attempted or contemplated?

75th Anniversary

On last 21st September the United Nations marked its 75th anniversary with its chief urging leaders of an increasingly polarized, go-it-alone world to work together and preserve the organization’s most important success since its founding: avoiding a military confrontation between the major global powers.

Secretary General Antonio Guterres appealed for a revival of multilateralism but it was clear that challenges lie ahead in collaborating to beat back the coronavirus pandemic, end numerous smaller conflicts from the Middle East to Africa, and achieve U.N. goals to eradicate extreme poverty and preserve the environment by a 2030 target. “Today, we have a surplus of multilateral challenges and a deficit of multilateral solutions,” the U.N. chief said, stressing that COVID-19 has “laid bare the world’s fragilities,” which can only be addressed together.

UN achievements

The UN has shown itself capable and flexible in many areas. While two of the Permanent Five (P5) countries had globe-girdling colonial empires in 1945, by 1970 these were largely dismantled. The UN’s membership has increased, especially as a result of decolonization, from 51 states to 193. The UN has added many new organizational entities aimed at addressing problems that were not on the 1945 agenda, ranging from the UN Environment Programme (1972) to the Peacebuilding Commission (2005), and has altered existing bodies, as in the case of the Human Rights Council (2006) and the introduction of the Universal Periodic Review of states’ human rights records. It has endeavored to bring policy coherence to such initiatives as the Sustainable Development Goals, three Global Compacts (on business social responsibility, migration, and refugees) while brilliantly operating in the realm of environmental issues.

UN failures

As for UN failures, it must be said that the organization has failed to empower the poor and weak while conflicts still persist in Syria, Myanmar, Afghanistan, Iraq, North Korea, Palestine, Kashmir, etc.

Going back to past failures it is worth mentioning that, in May 1948, the first Arab-Israeli conflict over the sovereignty of Palestine saw the UN militarily passive. A fragile truce was then arranged and the UN deployed peacekeeping troops in Sinai which were withdrawn in 1967 on the eve of the Six-Day War, which resulted in UN Resolutions 242 and later 338. To resolve the Palestinian issue with the “two-state solution” the UN plays currently a limited role being the United States the main player.

Other dangerous hotspot was and remains Kashmir where after the “Partition” in 1947 the Security Council agreed to the plebiscite formula, but India did not accept it. The festering Kashmir dispute has occasioned two wars between Pakistan and India; and, at present, made the territory the largest army concentration anywhere in the world and the most dangerous nuclear hotspot on the globe. The UN observers along the Line of Control are an irrelevancy. They are but spectators who deter nothing and protect no human rights of millions of people of Kashmir. The case for an earnest mediatory initiative by the UN is thus indubitable, even though in the words of Antonio Guterres: “It’s very difficult to mediate international conflicts and to solve them.”

Cyprus features an equally bleak UN past. After its founding in 1960, Greek Cypriots in November 1963 launched an attack on Turkish Cypriots. UN peacekeeping forces were dispatched to Cyprus in 1964, and remained along the so-called Green Line. In July 1974, when Greek Cypriots began a second attack on Turkish Cypriots, the UN blue helmets did retreat into safe hiding. Turkish troops foiled the Greek Cypriots initiative and in 1976 the “Turkish Republic of Northern Cyprus” was established.

In 1994, a genocide occurred in Rwanda when close to a million ethnic Tutsis were slaughtered by Hutus. A 1999 inquiry found that the UN ignored evidence that the genocide was planned and did not act once it had started but withdrew more than 2,500 UN peacekeepers soldiers.

Among the greatest failures of the UN there is also Srebrenica, which came under attack by the Bosnian Serbs in July 1995 during the Bosnian war. The Bosnian Serbs attacked the town and separated 8.000 men and boys from women and children and killed them. In April 1993 the UN had declared the besieged enclave of Srebrenica a “”safe area” under UN protection. However, the UN failed to demilitarize the Army of the Republic of Bosnia and Herzegovina. UNPROFOR soldiers in Srebrenica could not prevent the town's capture nor the subsequent massacre.

The way ahead

A precondition for a ‘new multilateralism’ is the realistic reform of the current institutional framework and governance. But progressive forces also need to be aware of the vast and diverse field of adversaries and obstacles that stand in the way of this political priority.

Nationalism is coming back in its worst forms. The nation is indeed compatible with multilateralism, provided that inward-looking, exclusive and aggressive nationalism is fought and defeated.

There is also unprecedented confusion regarding the way out of the UN’s current competences. According to Article 108 of the UN Charter, amendments must be adopted by two thirds of the members of the UN General Assembly and ratified by two thirds of the members of the United Nations including all five permanent members of the Security Council.

An effective UN reform can be neither about cosmetics, nor about dream worlds: what is needed is a very large mobilisation and commitment for gradual, concrete and feasible changes. Everybody must be anyway aware that the current five permanent members of the UN Security Council are divided over almost everything, with a single exception: they are ready to veto any treaty reform.

There is the need to courageously address the UN’s efficiency gaps, and its current representation and legitimacy deficits, with new ways of parliamentary and citizen participation.

One of the top priorities is surely an enhanced role for democratic regional organisations.

Regional Organisations

Regional organisations (such as the EU, ASEAN, African Union, and MERCOSUR) represent consolidated actors on every continent. They combine the decentralisation of the UN system and are able to limit nationalism and disintegration. Even without a UN Treaty reform, they can be recognised and supported by the UN System, through their inclusion in the decision-making process so as to remedy the current unbalance in the UN between the regional and global level of the multilateral governance system. Their endeavours may eventually be finalised by the innovative leadership of the current Secretary General, António Guterres, supported by political resolve, competent expertise, and courageous measures to build a multi-layered post-hegemonic multilateralism.

imagesdrap.jpg

Security council reform

UN member states should change the system of participation and voting in the UN Security Council. Now the five victors in World War II have permanent seats while a few of the other countries serve two-year terms. Only the five permanent members (P5) endowed with the power of the veto really matter. Among the ten non-permanent members (with non-renewable two-year terms) there is a profound bias. The veto power often prevents desperately needed humanitarian action.

Reforming the Security Council to be more inclusive, representative, transparent, and effective, and to demonstrate greater cooperation and consensus-building, therefore remains critical to the United Nations’ overall success.

All nations should be able to play a role in Security Council decisions. The “Universal Weighted Regional Representation” could accomplish this result. According to such proposal, each nation would join one of twelve regional groupings. A region’s weighted vote would depend on three factors: (1) its percentage of the world’s total population, (2) the portion of the total UN budget its members pay, and (3) its being one of twelve regions which equals 8.33% of the total. Each region with more than one nation would establish a process for determining how its representative will vote. Such balanced policy making would give Security Council decisions greater moral authority, and would provides an alternative to the present arrangement where one major power by itself can prevent Security Council action.

Threats

The United Nations rose from the ashes of a devastating global conflict, but the world is once again at risk. To avoid another major global conflict, the supporters of the United Nations - with all its imperfections - need to reinforce and reinvigorate its collective power. As already stressed this will require restructuring the Security Council to reflect the changed power distribution in today’s world and to tackle inaction by veto.

There is no longer any doubt that three primary threats endanger the existence of humanity: climate change, infectious disease, and nuclear weapons. They differ in their origins and degree of immediacy, yet they share one commonality: only global, multilateral efforts can reduce their destructive potential. No other forum is more suitable for such efforts than the United Nations.

In the heated political discourse of 2020, the differences between the United States and China have been exaggerated. Washington and Beijing, in fact, have a decidedly common agenda: peacemaking, climate change, poverty reduction, arms control and disarmament, nonproliferation, antiterrorism, and regional security, among other goals. These challenges will surely be best tackled within the framework of the United Nations.

7800603860_des-casques-bleus-en-2006.jpg

United Nations Peacekeeping

From its origins during the Cold War monitoring ceasefires between states to supporting comprehensive peace agreements after intrastate armed conflict, to responding to risks of mass atrocities, peacekeeping has continued to evolve.

Today, great and regional power involvement in intrastate conflict, violent extremism and terrorism, fragmented armed groups, and intercommunal violence are testing the boundaries of what UN peacekeeping can achieve.

Recent and ongoing UN peacekeeping transitions underscore its limitations in addressing structural drivers of violence, including weak state institutions, social injustice, repression, and corruption. Amid these trends, UN peacekeeping must continue to be an effective, appropriate and desirable response to emerging security challenges in the decades to come.

What is at stake is the general consensus on the role of the UN in addressing international peace and security.

UN must provide legitimacy and legality for necessary actions and be the primary coordinator of the international response to future global and regional crises. UN must be the main forum for the international dialogue on PK, conflict prevention, and conflict resolution.

PK is not an end in itself. This is why rather than attempting to do everything, UN should focus on its core objectives and move away from the so-called “Christmas-tree” type of mandate, which includes every wish and desire of what UN would like to achieve. Overly ambitious mandates, without the necessary diplomatic preparation and resources, are a sure recipe for failure which will undermine UN credibility. A healthy dose of pragmatism and humility is necessary to make a PK mission successful.

Consequently, a peace operation will always be needed: independently of how a war may end, it will restart without a viable entity, well protected and resourced, and able to concentrate efforts whenever and wherever needed.

An innovative approach

In today’s complex world, identifying problems, designing policies, and delivering change is no longer within the power of states standing alone. It requires participation of diverse actors, including nonprofits, grassroots movements, corporations, and local authorities. Getting inclusivity right and shifting to a more equitable governance model will be critical to weathering power politics and delivering for all.

Working out how to bring the United Nations closer to the people and remaining relevant for future generations should drive the organization as it enters its next phase.

A reformed Security Council could tackle more intensive and goal-oriented intergovernmental discussions. At the same time, redistribution of some power from the Security Council to the General Assembly could be achieved so as to facilitate the reform process.

Countries need to closely cooperate with the UN by identifying goals - whether improved health or food security, better connectivity, or greater use of renewable energy sources - and define transformational public policies that create conditions for businesses to innovate and lead globally in finding solutions. History shows that it is possible for countries to shape their future development by leveraging global trends: examples include Denmark establishing world-leading expertise in wind power and the UAE capitalising on global trade patterns to become a logistics hub. While some global trends do present risks that must be mitigated, psychological research suggests that a more positive outlook makes people more resilient in times of change.

Considerations

Taken as a whole it is clear that the world is a better place thanks to the United Nations, and many of its failings stem from the resistance of Member States - including, but not simply limited to, the major powers - toward developing more progressive programs. The fact that the UN has been able to navigate an often hostile international system is further evidence that there is reason for hope.

36381219406_68017e8c5f_o.jpg

Today we find that, as in 1945, millions of people are oppressed and isolated. But we also see remarkably widespread access to instant global communications via mobile phones and the internet. We see the decline of American hegemony and the beginnings of a resurgent multipolarity, which brings with it both hope that new voices will be heard on the global stage and trepidation that key norms and institutions might be imperiled.

In this unsettled situation, one might ask: “Is the UN still relevant and can it really make a difference?” If the UN did not exist in 2020, we doubt that today’s political leaders would have the foresight and fortitude to create it.

The solutions to current and future problems will require more multilateralism rather than less. In the short term, the fundamental concern is to ensure that the basic framework for multilateralism and global governance remains in place and that the values that constitute it, as elaborated in the UN Charter, the Universal Declaration of Human Rights, and elsewhere, inform the conduct of global affairs toward more peaceful, just, inclusive, prosperous, and sustainable ends for all.

Conclusion

Seventy-five years after the UN charter was signed in San Francisco, the world is facing a series of challenges - a pandemic, climate change, mass migration, to name a few - that should, ostensibly, make the global organization more relevant than ever. But a series of scandals, a reputation as a slow-moving, inefficient bureaucracy, and a lack of transparency about how and where its funds are spent, all challenge whether the United Nations is still relevant in the modern world.

Founded after World War II to "save succeeding generations from the scourge of war," the United Nations had a fourfold mission: safeguard peace and security; reaffirm faith in fundamental human rights; uphold respect for international law; and, promote social progress and better standards of life. These were no small tasks - then or now - and the organization that began with 300 staff members in 1946, now has 44,000 staff, working with 40 programs and agencies, not including scores of contractors in varying roles.

For all the criticism about the United Nations, justified or not, the global organization still has its legions of fans, those who believe the world, with all its flaws, is better off with the UN than without it.

The role of the United Nations is more important than ever: the type of challenges that nations and societies face are not confined within borders, like pandemics, migration, and access to water. Given the interconnectedness of human life on the planet today, if we didn’t have the UN we would need it. If the problems are global and regional in nature, solutions will require groups of nations to work together or each neighbor will suffer.

18:58 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : onu, nations unies, actualité, politique internationale | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Crise sanitaire : le retour de Michel Foucault

michel-foucault.png

Crise sanitaire : le retour de Michel Foucault

Au moment où les dernières mesures sanitaires anti-Covid (principalement, fermeture des bars et des restaurants à partir de 22 heures à , et fermeture totale de ces établissements à Marseille ; le tout pour les quinze prochains jours) sont annoncées, le 23 septembre, par le ministre de la Santé, le peuple français se rend-il compte dans quelle mesure les sociétés humanistes et libérales peuvent s’avérer in fine coercitives et inhumaines, parce que d’abord moralistes et technocratiques ? 

Celui qui avait perçu ce travers des systèmes modernes est Michel Foucault (1926-1984). Pourtant, beaucoup d’universitaires le disaient dépassé. Et, encore aujourd’hui, le camp national le qualifie – à juste titre – de « déconstructeur », essentiellement de la famille et de l’identité, alors que la gauche libertaire en fait encore un héros de l’anticarcéralisme et le dénonciateur de tous les types de coercition. Un esprit rebelle, jusqu’à soutenir et la « révolution sexuelle » (théorie du genre, etc.) et la révolution islamique d’Iran. En bref, un islamo-libertaire avant l’heure ! Pour autant, n’oublions pas qu’en dépit de ses contradictions le grand auteur revient toujours. 

En bon nietzschéen, Foucault n’a jamais tranché entre la philosophie de la déduction et celle de l’intuition, ou entre celle des mots et celle des choses. Il a donc mené une recherche intempestive des « jeux de vérité » – disait-il –, et ce, selon les époques et les cultures : en se fondant sur les travaux du linguiste Ferdinand de Saussure, il a conclu que la nature humaine était structurée tel le langage. Résultat : « l’homme est une invention dont l’archéologie de notre pensée montre aisément la date récente. Et peut-être la fin prochaine », avait-il écrit dans Les mots et les choses. Comme si l’ego pouvait être de trop…

De fait, Foucault a été le visionnaire d’un monde humain déclinant, mais déclinant en faveur de, et non pas contre, l’humanisme : à l’image du serpent qui s’étiole pour mieux évoluer. D’un même geste, il a saisi de quelle manière le discours médical du XIXème s’était façonné à l’aune des progrès techniques et industriels de son temps, ceux-ci révélant les organes, de « nouveaux » objets constitutifs de l’intérieur du corps. Deux conséquences : la maladie comme effet immédiat de la vie, et la folie comme l’autre inéluctable de la rationalité (par exemple, dans le cas de l’incendie meurtrier de Paris, en février 2019). Voilà pourquoi l’âme devient la « prison du corps » et la folie « le déjà-là de la mort ».

Seulement, tout ce cheminement génère ses propres ornières : alors que « la prison ne peut pas manquer de fabriquer des délinquants » et que « notre société n’est pas celle du spectacle, mais de la surveillance », toute cité demeure conformément à l’« impératif du secret », d’autant plus que « l’inspection fonctionne sans cesse » (in Surveiller et punir), des thèses n’ayant de sens qu’eu égard à celles de son Histoire de la folie à l’âge classique. « L’internement, ce fait massif dont on trouve les signes à travers toute l’Europe du XVIIème siècle, est chose de ʺpoliceʺ […] Avant d’avoir le sens médical que nous lui donnons (…), l’internement a été exigé par tout autre chose que le souci de la guérison ». Prophétique s’il en est ! Car comment ne pas voir dans cette formule la prévision d’un biopouvoir, tel un vice consubstantiel aux ères bâties sur les technosciences ? Ou quand biopolitique rime avec tragique.

Convergence des dilemmes

1 y-pxWV7vKM9rSjUvgMN6rA.jpeg

Convergence des dilemmes

Par James Howard Kunstler

Source ClusterFuck Nation

Et alors, l’Amérique a une nouvelle crise fabriquée, une « ElectionGate », comme si tous les autres troubles s’accumulant comme des dépressions tropicales défilant sur les mers de septembre ne suffisaient pas. Laissez-moi vous rappeler ce qui se passe en plus. La pandémie dite de Wuhan est toujours d’actualité, l’économie s’effondre, une guerre raciale domestique s’intensifie, toute la côte ouest brûle, au sens propre, et la production pétrolière américaine s’effondre. Oh … et la tempête tropicale Sally, qui se déplace lentement, devrait se transformer en ouragan sur la côte du Golfe du Mexique aujourd’hui, déversant ses 600 mm de pluie.

L’Amérique a besoin d’une crise constitutionnelle autant que d’un trou dans le crâne, et c’est exactement ce qui est prévu pour la saison des vacances par les têtes pensantes du lobby Lawfare [guerilla juridique], l’auxiliaire du parti Démocrate. Voici comment cela fonctionne : les journaux et les chaînes d’information câblées complices publient des sondages montrant que Joe Biden est en tête dans plusieurs États en balance pour l’élection, même si ce n’est pas vrai. Facebook et Twitter amplifient les attentes d’une victoire de Biden. Cela prépare le terrain pour la fureur qui suivra lorsqu’il s’avérera qu’il a perdu le soir de l’élection. Au moment opportun, les Antifa et BLM vont commencer à s’ébranler dans tout le pays. Pendant ce temps, une énorme récolte de votes par correspondance se déversera dans des circonscriptions électorales totalement dépourvues d’équipements pour les valider.

Les cadres du lobby Lawfare vont s’agiter dans les assemblées législatives des États contestés pour envoyer des listes électorales dévoyées au collège électoral. Le conflit se terminera au Congrès, qui attend que les représentants nouvellement élus se réunissent le 4 janvier, en espérant que les cadres du lobby Lawfare, pour la plupart Démocrates, puissent s’y asseoir. Oups ! Il s’avérera que les Démocrates ont perdu leur majorité, là aussi. Les combats dans les rues s’intensifieront et accableront les forces de police désarmées dans les villes dirigées par les Démocrates. Le 20 janvier, jour de l’inauguration, les Démocrates demanderont à l’armée de faire sortir Trump de la Maison Blanche « manu military ! », comme l’a si bien dit M. Biden lui-même cet été. L’armée américaine devrait se scinder en deux factions, avec pour résultat une seconde guerre civile.

Vous n’avez pas lu ça ici pour la première fois, bien sûr. C’est partout sur le web depuis des semaines, depuis que le Transition Integrity ProjectProjet pour l’intégrité de la transition – tonton, pourquoi tu tousses ?! – parrainé par le parti Démocrate, a lancé son « jeu de guerre » de l’été, avec l’intention de démontrer que toute victoire aux élections de Trump serait une preuve de trahison et nécessiterait une correction par tous les moyens nécessaires, y compris la sédition, qu’ils avaient déjà essayé plusieurs fois de manière organisée depuis 2016, … et bâclée. Les Démocrates sont assez fous maintenant pour vouloir cela. Ils se sont rendus fous depuis des années, avec une volonté mortifère d’éradiquer la civilisation occidentale – et eux-mêmes avec. Il existe de nombreuses exégèses de ce phénomène, la plupart dérivées des théories marxistes de la révolution, mais ma propre explication s’en écarte.

L’orgie d’hystérie politique, de folie et de violence est une réaction psychotique à l’effondrement de l’économie techno-industrielle [la technosphère] – une caractéristique de celle-ci, en fait. Lorsque tous les arrangements sociaux et économiques familiers sont menacés, les gens deviennent fous. Il est intéressant de noter que la folie a en fait commencé dans les collèges et les universités où les idées, les produits de la pensée, sont censées être un stock de valeurs. Plus les questions pratiques de la vie quotidienne devenaient pressantes, moins les intellectuels voulaient y faire face. Ils ont donc désespérément généré un champ idéologique de contre-idées folles pour repousser la menace, un programme de vœux pieux, de contes utopiques enfantins et d’exercices de pulvérisation des limites. Lorsque toutes ces têtes formatées ont quitté les campus, à la remise des diplômes, elles ont infecté tous les autres secteurs de l’activité américaine, les institutions, les entreprises, les médias, le sport, Hollywood, etc. Le pays a maintenant perdu la tête. Des échos de la France de 1793 ? … plutôt une rime, pas une reprise.

L’économie américaine a commencé un effondrement lent et insidieux parce que sa base énergétique pétrolière est devenue inabordable. La réalité a été occultée par des apparences paradoxales : le miracle du pétrole de schiste a fait passer la production pétrolière américaine de moins de cinq millions de barils par jour en 2007, à treize millions de barils par jour en 2019. Plutôt impressionnant. Il semblait que nous étions inondés de pétrole. Le problème était que les compagnies qui produisaient le pétrole de schiste ne pouvaient pas gagner d’argent, et les prêts qui ont servi à mettre en scène le « miracle » du pétrole de schiste ne sont pas honorés … donc les compagnies n’ont pas pu obtenir de nouveaux prêts… et ont fait faillite. Ainsi, l’effondrement de la production pétrolière américaine est une boucle de rétroaction qui se renforce d’elle-même et qui va certainement continuer et aggraver les choses. Aujourd’hui, moins d’un an après avoir atteint le chiffre majestueux de 13 millions de barils par jour, la production est tombée à environ 10 millions – une baisse vraiment nette. Pour masquer davantage la dynamique en jeu, le prix de l’essence à la pompe est assez bas – moins de 2,50 dollars le gallon là où je vis, contre plus de 4 dollars il y a quelques années – et la plupart des citoyens considèrent le prix de l’essence comme leur seul indice de la façon dont les choses se passent dans l’industrie pétrolière.

chart.jpg

 

La pandémie de Covid-19 a aggravé et accéléré les dégâts en fermant une grande partie des petites entreprises américaines depuis mars. Celles-ci et les personnes qui les possédaient ont terriblement souffert. Cette situation et les fermetures publiques ont considérablement réduit la demande de produits pétroliers, faisant baisser le prix du baril et réduisant les liquidités des compagnies pétrolières. Cela a également aggravé la détérioration des relations avec notre principal partenaire commercial, la Chine, dont l’effet net menace la chaîne d’approvisionnement pour toutes sortes de pièces et de produits critiques nécessaires au fonctionnement de nos systèmes complexes.

La question de savoir si M. Trump, ou quiconque, peut répondre intelligemment à cette longue urgence est une question essentielle. En ce qui concerne la politique électorale, M. Trump n’est que marginalement mieux placé car il n’est pas favorable à la destruction des institutions existantes de la république comme le sont ses adversaires. Il y a moins de raisons de croire qu’il est capable de faire face à l’effondrement des rouages de l’économie, qui l’attend après le déroulement de la dramaturgie électorale. Pour M. Trump, beaucoup dépend d’une performance illusoire des marchés financiers. C’est la saison des krachs boursiers, tout comme celle des cyclones dans l’Atlantique, et ces marchés se sont comportés ces derniers temps de manière extravagante, prêts pour un crash historique.

Pendant ce temps, le chaos lié au mouvement BLM se poursuit pendant la nuit, cette fois dans la bonne vieille ville de Lancaster, PA, où un hispanique armé d’un couteau a été abattu par les flics. C’est fou comme cela semble injustifié. L’incident et la réaction qui a provoqué émeutes, incendies … a été suivie par une tentative d’assassinat de deux adjoints du shérif du comté de Los Angeles dans leur voiture samedi soir par ce qui semble être un enfant noir ou un nain. Par la suite, des « manifestants » BLM se sont présentés à l’hôpital où les adjoints étaient opérés, en criant « J’espère qu’ils vont mourir ». J’ai hâte d’entendre Rachel Maddow et Lawrence O’Donnell essayer d’expliquer cela à leurs fidèles fans sur MSNBC

James Howard Kunstler

Pour lui, les choses sont claires, le monde actuel se termine et un nouveau arrive. Il ne dépend que de nous de le construire ou de le subir mais il faut d’abord faire notre deuil de ces pensées magiques qui font monter les statistiques jusqu’au ciel.

Traduit par Hervé, relu par jj pour le Saker Francophone

BLM Made In France

SIPA_00967118_000014.jpg

BLM Made In France

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com


On connaît désormais la signification de la formule devenue fameuse, des initiales quasiment initiatique BLM pour Black Lives Matter, avec tous les incidents, les avatars, les fureurs et les interrogations sur les origines et les ambitions que cette organisation traîne avec elle. Le fait est qu’il y a eu, en France, quelques répliques (comme l’on dit d’un tremblement de terre) des agitations de rue essentiellement-BLM après les premières secousses américanistes suivant la lors de George Floyd du 25 mai 2020. Il y a aussi un vaste mouvement d’opinion ou d’influence c’est selon, – vaste dans tous les cas par sa ‘diversité’ (!), le tohu-bohu qu’il suscite et provoque comme par réflexe pavlovien, et pour boucler tout cela l’intérêt complaisant et empressé que lui accordent la presseSystème et tout le reste qui importe dans ce simulacre.

D’autre part, il y a là-dessus des études plus sérieuses et documentées qui paraissent et nous instruisent comme il faut. Il y a ce livre auquel nous nous sommes intéressés : ‘Français malgré eux – Racialistes, décolonialistes, indigénistes: ceux qui veulent déconstruire la France’ (éditions de L’Artilleur, 2020), du professeur de philosophie Anne-Sophie Nogaret et de Sami Biasoni, professeur chargé de cours à l’ESSEC, doctorant en philosophie à l’École Normale Supérieure.

D’un intérêt certain également, l’article ci-dessous porte comme titre ‘La question des races en France : une instrumentalisation américaine’, nous indiquant son centre d’intérêt principal qui est de faire une analyse de l’action d’influence et de communication des USA auprès des ‘minorités’ issues de la ‘diversité’ en France, principalement les Africains et les Maghrébins. L’auteur, Pierre Wariou, fait une rapide mise au point sur la situation de ces populations de couleur en France, et notamment les différences fondamentales entre les Africains en France et les Africains-Américains aux USA, qui n’ont plus grand’chose d’‘Africain’ depuis bien longtemps.

Wariou donne beaucoup de détails sur cette action d’influence US en France, qui dédaigne absolument les notions d’ingérence et de souveraineté chez les autres, surtout chez les Français, pour faire la promotion du système de l’américanisme, – dans ce cas, sur les questions raciales et d’intégration, dont on mesure aujourd’hui le colossal succès aux USA. Le premier paradoxe est bien, en effet, que cette influence US s’exprime de nombreuses façons en France avec les divers mouvements ‘indigénistes’, souvent à l’exemple des USA, au moment où les USA nous offre le spectacle d’un échec grandiose et abyssal de la formule, entrecoupé de puissantes tornades de corruption et de simulacre en tragédie-bouffe ; avec en point de mire la perspective catastrophique, gloutonnement nourri par le renforcement constant de la possibilité d’une crise constitutionnelle et institutionnelle qui pourrait bien emporter les USA. (L’emporter, comme le dit un éditorialiste conservateur, comme dans une « marche somnambulique vers la sécession ».)

Le second paradoxe est bien, en effet (bis), que l’ambassade dont la politique doit théoriquement suivre celle de l’administration en place à Washington D.C., soutienne en France un mouvement (BLM pour ce cas) qui s’est toujours déclaré, depuis 2016 et selon le vœu de ses commanditaires, comme l’ennemi intime et manipulé à la fois du président élu cette année-là et qui se présente à sa réélection dans cinq semaines essentiellement sur le thème de “Law & Order”. Trump ne se prive pas d’affirmer que l’un et l’autre sont menacés, ainsi que le structure du pays, par les désordres et les troubles en cours, où BLM tire superbement son épingle du jeu. Cela n’influe en rien la politique US vis-à-vis de ces ‘territoires’ au cœur de tel cher et vieil allié, ‘territoires’ qu’ils considèrent acvec une remarquable acuité comme d’ores et déjà ‘séparés’ encore plus que ‘séparatistes’. (Les USA, précise Wariou, « ne se cachant pas de voir le 93 [Seine-Saint-Denis] comme un territoire musulman, ils ont décidé, à la suite du 11 septembre, d’en faire un territoire à conquérir. »)

1320037-assa-traore-la-soeur-d-adama-traore-lors-d-un-rassemblement-contre-le-racisme-et-les-violences-polic.jpg

Mais il faut évidemment avoir à l’esprit, sans trop de surprise ni d’étonnement, que les USA ne craignent ni les contradictions, ni les paradoxes, ni les ‘hollywoodismes’, ni surtout les simulacres en toute candeur et les yeux grands ouverts de franchise amicale. Leur soutien affirmé à tous les peuples opprimés, à toutes les minorités marginalisées, à toutes les victimes des monstrueuses entreprises coloniales, vient d’une vertu qui vient du fond des temps de l’américanisme, – puisque cette vertu, c’est l’américanisme pur. Il y a de la franchise là-dedans, c’est bien le pire et le moins compris de cette triste aventure.

Il suffit d’un court exemple, un parmi tant d'autres... On ignore souvent, très-souvent, le plus souvent d’une façon systématique, que la rébellion algérienne qui aboutit à l’indépendance de l’Algérie fut principalement soutenue, sur les plans politique et diplomatique, par les USA. On en trouve tous les détails dans le livre d’un très grand intérêt, de Irwin M. Wall, ‘Les États-Unis et la guerre d'Algérie’ (éditions Soleb, septembre 2006 en traduction française avec un ajout exclusif de l'auteur, version originale publiée en 2000). Ce livre servit de référence principal à un texte écrit en son temps, que nous avons republié le 23 juin 2019, apportant des précisions sur la guerre d’Algérie qui manque bien souvent à nos vertueux débats. Dans ce texte, nous avions extrait un passage qui montrait le sentiment américaniste vis-à-vis des situations des colonies et anciennes colonies européennes, des populations de couleur, etc., toujours dit avec cette étrange candeur caractérisant la psychologie américaniste (et moderniste d’ailleurs) :

« Wall rapporte une visite du chancelier Konrad Adenauer (très proche de De Gaulle, contre les USA, dans l'affaire algérienne), à Washington le 12 avril 1961.
» Quant à l’Algérie, c’était l’attitude des États-Unis à l’ONU qui, pour lui [Adenauer], était responsable de l’échec de la France dans ses relations avec ce pays [l’Algérie] et, [fit observer Adenauer], il [Adenauer] ne pouvait pas le leur pardonner [aux USA]. Deux ans plus tôt, les rebelles étaient prêts à signer un accord de paix et ils l'auraient fait s’ils n’avaient pas eu le soutien de Washington. À l'époque, il avait abordé le sujet avec Eisenhower qui lui avait répondu qu’autrefois les Américains avaient été aussi un peuple colonisé et qu’ils ne pouvaient pas se désintéresser de l’Algérie. Le chancelier ne pouvait comprendre cela ni suivre les Américains là-dessus. »

Il y a encore beaucoup à dire et à écrire sur cette étrange vision de l’histoire et d’eux-mêmes par les citoyens de la psychologie américaniste. On y veillera. Wariou, lui, nous en dit quelques pages excellentes dans l’article ci-dessous, publié en partenariat par RT-France avec Politique Magazine, un mensuel d'information indépendant qui donnent d’excellentes analyses de politique intérieure et extérieure en France. L’article, paru dans Politique Magazine du 20 septembre et repris par nous de RT-France du 25 septembre, est donc de Pierre Wariou. Le titre original est ‘La question des races en France : une instrumentalisation américaine’.
dde.org

ZWMNNE3EPNLBAD3DZWPIKPMYSE.jpg

Une instrumentalisation américaine
 
par Pierre Wariou

Les indigénistes et leurs émules s'acharnent à inventer, en France, une question qui n'est que le duplicata de la situation américaine. Mais les Etats-Unis projettent une vision racialiste, soutenue par leur ambassade.

Le mouvement Black Lives Matter en France suppose qu’on peut importer en France des concepts américains sans pertinence historique locale – ce qui ne signifie pas qu’ils ne soient pas dangereux pour le corps social français. On voit aussi à la lumière de ce mouvement que le séparatisme n’est pas exclusivement le fait de l’islam mais aussi celui de la pensée post-coloniale et indigéniste qui se diffuse au sein des structures officielles (université, musées, etc.).

Partons du commencement : la question noire. Y a-t-il une question noire en France ? Les Noirs aux États-Unis sont présents sur le sol depuis les premiers moments de ce pays. Issus de l’esclavage, ils ont développé une culture originale mais ont oublié leur culture d’origine : s’ils sont des «Afro-descendants» ou des «Afro-Américains», ils n’ont plus grand chose d’africain. En France, c’est le contraire. L’immigration de personnes noires est beaucoup plus récente et, de fait, les questions ethniques ou culturelles y subsistent – à la différence des Etats-Unis où elles n’ont aucun sens.

C’est ce que confirme un article du New-York Times du 15 juillet 2020, « Une prise de conscience raciale en France, où le sujet reste tabou ». « En France, en grandissant, Maboula Soumahoro ne s’était jamais considérée comme Noire. Chez elle, ses parents immigrés mettaient l’accent sur la culture Dioula, du nom d’un groupe ethnique musulman de Côte d’Ivoire. Dans son quartier, elle s’identifiait comme Ivoirienne auprès des autres enfants d’immigrés africains. »

Il n’y a rien de plus logique. En France, les femmes noires portent des boubous ou des robes en wax. C’est le signe d’une immigration récente. De même, on y trouve des restaurants sénégalais, ivoiriens, éthiopiens, car les personnes présentes en France ne sont pas des «afro-descendants», ils ne sont pas «d’origine africaine» comme aux Etats-Unis, mais viennent d’un pays et relèvent d’une ethnie. De fait, il n’y a donc pas de solidarité noire comme aux Etats-Unis. C’est ainsi que, jeune, Maboula Soumahoro s’identifiait comme Ivoirienne auprès des autres enfants d’immigrés africains. Identification qui serait impossible aux Etats-Unis.

La suite de l’article est passionnante car on y voit que Maboula n’a pas été imprégnée d’une culture française mais américaine. Elle nous parle de Whitney Houston, de Michael Jackson, du Cosby Show et du hip-hop en indiquant au journaliste que cela lui avait «fait rêver d’être cool comme des Africains-Américains». Dès lors, elle se mit à ressentir une affinité raciale avec ses amis. C’est là un phénomène qui s’observe fréquemment : les jeunes issus de l’immigration ont souvent une attitude ambivalente vis-à-vis de leur pays d’origine. Les jeunes d’origine maghrébine dénigrent volontiers les «blédards», et ceux issus d’immigration subsaharienne font de même. Si les parents ont souvent un positionnement ethnique (les parents de Maboula se définissent comme relevant de l’ethnie Dioula), leurs enfants adoptent un positionnement racial : Maboula se pensera Ivoirienne avant finalement de se rêver Afro-Américaine.

affiche-protestation-texte-blm-vies-noires-comptent-poing-leve_152098-308.jpg

Davantage que l’importation du mouvement Black Lives Matter, ce qui participe de l’importation en France de la question raciale, c’est évidemment la musique, l’esthétique, le cinéma. Bref : la culture afro-américaine. Il n’est qu’à voir les tonnerres d’applaudissements acclamant la sortie de Black Panther, film sans intérêt. Pour quelqu’un qui se rêve américain, ressentir dans sa chair une indignation pour la mort d’un quidam à Minneapolis, partager le même hashtag que Jay-Z ou Beyoncé, c’est entériner une acculturation américaine. Le New-York Times confirme sans en avoir honte le moins du monde que cette importation est le résultat d’une politique volontaire de la part des Etats-Unis.

Aujourd’hui, ceux qui remettent en cause cet idéal avec sans doute le plus de véhémence sont des Français noirs dont la conscience raciale s’est éveillée ces dernière décennies — aidés en cela par la culture populaire des Etats-Unis, par ses penseurs, voire par ses diplomates à Paris qui repéraient et encourageaient des jeunes leaders français et noirs il y a une dizaine d’années.

Au-delà de la culture populaire, on cite donc le soutien des diplomates américains. C’est un fait établi. Plus loin, le New-York Times enfonce le clou et le confirme une nouvelle fois : « L’ambassade américaine à Paris s’est mise à tendre la main aux minorités ethniques et raciales françaises après les attaques du 11 septembre, dans le cadre d’une politique internationale pour «gagner les cœurs et les esprits». L’ambassade proposait des programmes éducatifs sur des sujets comme la discrimination positive — un concept tabou en France — et réussissait à atteindre pour la première fois un public de Français non-blancs, explique Randianina Peccoud, qui supervisa ces programmes à l’ambassade et qui a pris sa retraite l’année dernière. »

Le débat public donne depuis longtemps la parole à des militants qui cherchent à importer en France les conceptions raciales et communautaires qui ont cours aux Etats-Unis. C’est par exemple le cas de Maboula Soumahoro, diplômée de Columbia, spécialisée en French diaspora studies, proche du Parti des Indigènes de la République et régulièrement invitée sur France Culture. C’est le cas de Rokhaya Diallo qui déclarait en 2010 que «La France a beaucoup à apprendre des Etats-Unis en matière de diversité». On oublie cependant de rappeler que madame Diallo était allée aux Etats-Unis grâce à l’International Visitor Leadership Program (IVLP), un programme américain créé après-guerre et qui permet à de «jeunes leaders dans leurs domaines» d’être accueillis dans le Nouveau Monde. Le rappeur Ekoué Labitey ou Fayçal Douhane, le sous-préfet de Seine-Saint-Denis, avaient eux aussi bénéficié de ce dispositif. Vous l’ignorez peut-être mais, chaque année, la totalité du budget des public affairs de l’ambassade américaine en France est consacré aux banlieues françaises. Cela représente trente personnes chargées des affaires culturelles et des relations presse qui sont employées pour assurer aux Etats-Unis une place dans l’imaginaire des banlieues. Cette information ne vient pas de blogs conspirationnistes mais d’un article remarquablement bien documenté que Thomas Poupeau avait publié le 30 décembre 2019 dans Le Parisien.

ebd38214-a7ca-11ea-8ea0-d7434be00753_image_hires_161537.jpg

Les investisseurs américains ne sont pas à la traîne de l’ambassade. C’est ainsi que la banque d’affaire américaine JP Morgan va investir 30 millions de dollars sur cinq ans dans les quartiers populaires d’Ile-de-France, dont 26 pour le seul 93. La nouvelle avait fait l’objet d’un article dans Marianne en janvier 2019 signé d’Erwan Seznec. On y apprenait qu’il existe un programme baptisé Advancing Cities, doté de 500 millions dollars, et qui permettait à la banque de faciliter l’accès des quartiers populaires aux opportunités économiques. Les investissements de JP Morgan bénéficient notamment à Mozaïk RH, un cabinet de recrutement créé par le Français Saïd Hammouche et destiné à faire des jeunes de banlieues des startupers à l’américaine. Ces projets soutenus par l’ambassade américaine rejoignent les aspirations d’un Majid El Jarroudi, un entrepreneur français, qui a fondé l’Agence pour la Diversité, et voit dans le 93 un «département monde», connectés avec tous les pays, et dont le multiculturalisme est un atout qu’il faudrait encourager pour booster l’économie française. Passé à En Marche, Majid El Jarroudi eut l’oreille d’Emmanuel Macron qui, en septembre 2017, vantait le «territoire le plus jeune et le plus innovant de France». Les investissements massifs – chiffrés en milliards – qui doivent avoir lieu pour les Jeux olympiques découlent de cette conception d’un territoire que l’on rêve une enclave américaine à côté de Paris. En mai 2018, La Croix s’enthousiasmait avec Macron qui, lorsqu’il annonça ses mesures en faveur des quartiers prioritaires, révéla que la banlieue serait une zone test de la fameuse start-up nation.

Argent, coteries, programmes, investissement, rencontres… les Américains ne peuvent pas se permettre de bombarder la Syrie sans avoir une bonne image dans les banlieues. Ils préfèrent investir et soigner l’image de la Maison Blanche. Ne se cachant pas de voir le 93 comme un territoire musulman, ils ont décidé, à la suite du 11 septembre, d’en faire un territoire à conquérir. Plus de dix ans après, les Etats-Unis récoltent les fruits de leurs investissements. Camelia Jordana chante un slogan des Black Panthers dans une manifestation parisienne, des jeunes français s’agenouillent et s’approprient les slogans américains, nos intellectuels de gauche s’engouffrent dans les concepts d’importation comme celui de l’appropriation culturelle, du privilège blanc, de la blanchité, du blackface et la commune libre de Tolbiac a voulu importer l’aberrante expérience universitaire d’Evergreen au cœur du XIIIe arrondissement. Bref : ce n’est pas le séparatisme islamique qui est le seul problème mais l’importation artificielle et concertée de questions raciales avec le soutien des autorités françaises à l’arrivée massive du post-colonial. 

Pierre Wariou

jeudi, 24 septembre 2020

Éradiquer la mort en éradiquant la vie, l’ambition d’un système en plein délire?

29579390401cfc9eabb9aec28a3ea2bb.jpg

Éradiquer la mort en éradiquant la vie, l’ambition d’un système en plein délire?

Par Dominique Muselet

Ex: https://www.salaireavie.fr

Tout comme, depuis les années 1970, les ouvrages de Brzeziński servent de programme de politique étrangère aux Etats-Unis, il se pourrait bien que 1984, la dystopie d’Orwell, leur serve (et à nous aussi qui leur sommes inféodés) de programme de politique intérieure.

On peut imaginer avec quelle gourmandise, nos élites, dont le souci principal est de dominer le petit peuple pour pouvoir l’exploiter au mieux de leurs intérêts, se sont appropriées et ont mis en œuvre les enseignements de ce petit livre. Pendant que la Russie et le Moyen-Orient se débattaient sous les coups programmés par Brzeziński, des apprentis Big Brother prenaient subrepticement le contrôle de nos existences.

Les peuples occidentaux commencent à s’en rendre compte et l’adjectif orwellien s’est répandu pour décrire la communication gouvernementale, les inversions de valeur, les éléments de langage, les décisions contradictoires, bref presque tout ce qui, chez nous, rappelle 1984.

68593273076e21bbbc972501135c16bc.jpgA sa parution, en 1948, nous avons pris naïvement ce livre pour un roman de sciences fiction. A l’époque, à part quelques rares visionnaires aussitôt traités de défaitistes, nous croyions être occupés à construire un monde meilleur, plus juste, plus solidaire, sous la houlette de dirigeants éclairés. De Gaulle n’avait-il pas sauvé la France ? Et les communistes ne mettaient-ils pas en œuvre, tambour battant, le programme du Conseil National de la Résistance : sécurité sociale, allocations familiales, congés payés, chômage, retraites ? Les syndicats étaient puissants et un salaire d’ouvrier suffisait à faire vivre une famille entière. On s’attendait à ce que le système capitaliste s’effondre sous ses contradictions, comme l’avait prédit Marx. On pensait que le ciel descendrait bientôt sur terre sous la forme du socialisme, et tant pis pour la classe possédante ! Il y avait une forme d’équilibre social de la terreur qui avait son pendant extérieur dans la dissuasion atomique.

Hélas, c’était trop beau pour être vrai et, au lieu de s’effondrer, le capitalisme, s’est bientôt déchaîné sous la poussée de la mondialisation, entraînant avec lui les valeurs de la République (Liberté, Egalité, Fraternité, cotisation sociale et séparation des pouvoirs) et les valeurs de la vie en commun (justice, vérité, confiance, respect). Tout cela a été remplacé par la course individuelle au plaisir et au profit dans une sorte de sauve qui peut, de guerre de tous contre tous qui fait plier sous le joug ceux qu’elle n’élimine pas.

La France, un pays béni des dieux

Mais dans notre malheur nous avons bien de la chance, nous répète Big Media. Imaginez, on aurait pu avoir l’Union soviétique et Staline ! Grâce au ciel, on a les Etats-Unis et Big Brother. C’est d’ailleurs un vrai bonheur de voir avec quelle aisance et quelle finesse nos chères élites se sont glissées dans la peau de Big Brother. Dans de nombreux domaines, les élèves occidentaux ont même dépassé le maître. Oui, nous avons bien de la chance !

Prenez nos ennemis par exemple : un ennemi invisible et insaisissable comme le Covid-19, ça a tout de même plus d’allure et de potentiel que les archaïques Estasia et Eurasia !

Notre État n’a certes pas encore réussi à installer des caméras dans chaque appartement, mais qu’à cela ne tienne, nos téléphones et ordinateurs portables, avec leurs applications sophistiquées, lui fournissent déjà beaucoup d’informations sur nous et dans ce domaine les progrès sont rapides. Voyez le succès éclatant de Stop Covid !

Pour ce qui est de la Vérité, nous ne sommes pas non plus en reste. Même un enfant de CM2 connaît la Vérité sur la seconde guerre mondiale. Il sait qu’elle été menée contre les Juifs et gagnée par les Américains. Comment se pourrait-il en effet que les Soviétiques aient vaincu Hitler ? Les Etats-Unis dont nous sommes les fidèles alliés ne pourraient jamais l’accepter. Ou que les Allemands nous aient attaqués ? L’Europe de la paix ne s’en remettrait pas. Quant aux 21 millions de Soviétiques tombés sous les bottes allemandes ? Voyons, c’est de la propagande russe !

Chez nous, il n’y a pas de propagande. Nous avons Big Media qui nous enseigne le politiquement correct. Nous savons que tout ce que disent les pays hostiles et les réseaux sociaux complotistes, sont des fake-news. Tout comme nous savons que « La guerre, c’est la paix ; la liberté, c'est l'esclavage ; l'ignorance, c'est la force ». C’est sûrement parce que nos médias sont capables de tout transmuer en Vérité que Jupiter les a exemptés du masque, à l’heure du sanitairement correct.

2d8698d5e197aaeb8c57aad560ec7c6c.jpgNotre pays est béni des dieux parce qu’il est dans le camp du bien et que ses élites sont au service du peuple, et donc nous n’avions rien à craindre du Coronavirus quand il est arrivé de Chine avec les français rapatriés, a déclaré notre apprenti Big Brother. Au cœur de l’épidémie, Il a harangué son peuple avec fougue, envoyé les fantassins au front, mis ses amis à l’abri dans leurs châteaux de province, et enfermé à la maison le reste de la population avec, pour résoudre tous les problèmes, une boîte magique de Doliprane. Tous ensemble, sous sa houlette éclairée, nous avons fait reculer la bête, au péril de nos vies. Evidemment, nous n’avons pas pu sauver tout le monde et beaucoup de vieillards sont morts, seuls, dans nos mouroirs à profit. Mais nous avons beaucoup appris.

Les enseignements principaux de l’épidémie

1. L’hystérie, c’est la sagesse. Grâce à Big Media et ses médecins de plateau, nous savons que ce n’est pas parce que, en plein cœur de l’épidémie, la moyenne d’âge des malheureux qui mouraient se situait entre 70 et 80 ans et qu’aujourd’hui il n’y a quasiment plus de morts (30 décès le 30/9 contre 1438 le 14/4, selon le Prof Toussaint, dont on se demande pourquoi Big Media le reçoit encore), que le virus n’est pas plus dangereux que la peste noire ou, plus près de nous, que la grippe espagnole (qui venait en fait des Etats-Unis et a fait 50 millions de morts selon d’incorrigibles complotistes). Nous avons appris que le Principe de précaution invite à se prémunir de tous les dangers même ceux qui n’existent pas. C’est pour cela que Big Media est obligé, à son corps défendant, d’affoler et de terroriser les populations. Sinon, bêtes comme ils sont, les gens ne comprendraient pas que ce n’est pas parce que la menace n’existe pas, qu’il ne faut pas s’en protéger par tous les moyens.

2. La science, la médecine et Big Pharma forment un seul bloc uni et solidaire. En d’autres temps nous aurions parlé de corruption, mais aujourd’hui, nous savons qu’il n’y pas de corruption, ni de conflits d’intérêt, en Occident, car Big Brother et le Doliprane nous protègent de tout. Grâce à Big Pharma et l’administration à flux tendus de l’ARS, nous avons, en fait, le « meilleur système de santé du monde ». Il faut être à la solde des Russes ou des Chinois pour prétendre qu’il y a eu infiniment moins de morts au Vietnam ou en Biélorussie que chez nous pendant l’épidémie !

3. Tous les virus seront bientôt éradiqués. Ceux qui pensent que l’idéal anglo-saxon de l’asepsie absolue est une utopie, sont évidemment des agents russes. Big Pharma et Big Media nous l’ont promis : grâce au port du masque obligatoire, à l’interdiction de l’hydroxychloroquine et au vaccin qui va nous tomber du ciel, il n’y aura bientôt plus de virus du tout. La preuve, l’UE a versé des milliards d’Euros à Big Pharma. Ceux qui parlent de prévention, de défenses immunitaires, de soin, de guérison sont des traîtres à la nation, qui veulent nous ramener au Moyen-âge et qui font le jeu de nos ennemis.

Big-pharma.jpg

On trouve encore, sur des réseaux-sociaux que la Police de la pensée n’a pas réussi à éradiquer, des contributeurs anonymes, possédés par des forces maléfiques, qui affirment que les bactéries, les virus et les microbes font partie de la vie. Selon ces cerveaux malades, on n’aurait absolument pas intérêt à se débarrasser des virus car ils sont des agents qui viennent créer une réaction dans notre corps pour que celui-ci active l’énergie vitale et se nettoie. Ce qu’il faudrait, insistent-ils, c’est développer notre énergie vitale, nos anticorps, nos défenses immunitaires. Ils osent même citer Claude Bernard qui aurait dit : « Le terrain est tout, le microbe n’est rien ».

Heureusement pour Big Brother, Big Pharma et nous, Pasteur, qui était un as des relations publiques, a remporté haut la main la victoire du vaccin contre les immunologistes de son temps. Encore un miracle qui prouve que dieu est avec Big Pharma et que rien n’arrêtera le progrès…

4. La mort, elle-même, sera bientôt éradiquée. La France a déjà pratiquement éradiqué la mort sur les routes en appliquant les recommandations – simples et efficaces - du Conseil écologique de Big Brother : supprimer les voitures des pauvres. Quand il ne restera plus que celles des riches, conduites par des chauffeurs, il n’y aura plus de morts, soyons en certains.

Pour éradiquer la mort des seniors dans les Ehpad qui font notre fierté, Big Brother a trouvé la solution : sacrifier les jeunes. S’il n’y avait pas de jeunes, il n’y aurait pas de vieux et donc pratiquement plus de morts, voilà la Nouvelle Doctrine. Big Brother et son Conseil scientifique sont conscients qu’une doctrine aussi révolutionnaire peut surprendre des générations de parents et de grands-parents encore viscéralement attachés à leurs enfants et petits-enfants et naturellement peu enclins à les sacrifier, même pour le bien commun. Mais Big Brother sait que nous avons confiance en lui et en Sa parole et que nous Lui obéirons.

knvtdczqrrt11.png

D’ailleurs nous avons fait des progrès et, tout récemment, Big Brother est apparu à la TV de Big Media pour nous féliciter. Il était fier de nous parce que nous avions compris la nécessité de rester enfermés pendant deux mois, de remplacer les enseignants après de nos enfants, de nous contenter du Doliprane pour combattre un virus létal, de porter un masque inutile, de payer des amendes illégales, de laisser mourir seul nos vieux parents, de faire nos emplettes dans des supermarchés couverts au lieu des marchés de plein air, de ne pas nous réunir, ni nous marier, ni rien, tout en continuant à vider les poubelles du pays.

Nous avons aussi compris, à sa grande satisfaction, qu’il était capital que nos enfants et leurs maîtres soient désormais transformés en zombies dans des écoles zombies*, pendant que nous travaillons de tout notre cœur pour sauver les dividendes de Big Finance.

Big Brother est donc certain, que nous serons bientôt heureux d’offrir nos enfants à la nation pour éradiquer la mort, car il n’y a pas de projet plus grand, plus noble, plus moderne.

20aab34d-a57c-4a7a-b033-fbbfcad51771-3412-000003e4da9341be.jpg

Éradiquer la mort est LA grande mission de Big Brother. Mais, comme Big Media nous l’a affirmé, le sacrifice de la jeunesse permettra, en même temps, de solutionner les problèmes de santé publique, les problèmes politiques, économiques (les enfants coûtent cher et ne rapportent rien), sociaux et écologiques, bref tous les problèmes dont Big Brother a promis de nous délivrer lorsqu’il a été porté au pouvoir par une foule en délire, il y a quatre ans. Son plan était prêt car Big Brother est toujours prêt. Il n’attendait que le Coronavirus pour l’appliquer.

Et voilà que ce qu’Il nous avait annoncé, se réalise enfin sous nos yeux éblouis : la fin de l’histoire, la fin de la politique, la fin de l’économie, la fin de la société, la fin de la joie, la fin de l’espoir, la fin du cycle de la vie et de la mort, en un mot, la fin de la souffrance humaine. Oui, nous sommes bénis des dieux !

Lorsque leur œuvre sera accomplie, Big Brother, Big Media et Big Finance entasseront l’or, dont ils nous ont délestés, dans les fusées spatiales qui les attendent en Guyane ou en Floride. Puis ils regagneront, dans l'au-delà, les planètes paradisiaques qu’ils avaient quittées, l’espace d’un instant, pour venir répandre sur nous leurs bienfaits et nous délivrer du mal... de vivre.

Note :

*Beaucoup de médecins, de psychologues et d’enseignants dénoncent l’impact délétère des mesures antisociales prises par nos gouvernants sur le développement et la santé mentale des enfants et des adolescents. Un Collectif de parents, Je suis libre de respirer, s’apprête à déposer plainte contre l’Education nationale pour maltraitance et mise en danger physique et psychique des enfants.

00:37 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, pandémie, covid-19, coronavirus | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook