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mercredi, 03 mars 2021

"Survivre à la guerre économique" avec Olivier de Maison Rouge

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"Survivre à la guerre économique" avec Olivier de Maison Rouge

"La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde". Ces mots du président Mitterrand n'avaient rien d'une fable, la guerre économique et bien là et elle est totale. C'est ce qu'a voulu démontrer maître Olivier de Maison Rouge dans son ouvrage "Survivre à la guerre économique - Manuel de résilience" publié chez VA Editions. Il revient sur les principales attaques de "l'allié américain" : Prism, Alstom... sur la politique de censure des GAFAM, le grand Big Brother et décrit les contours de la politique publique de sécurité économique dont la France s'est dotée en 2019 pour tenter de survivre face à Washington.
 
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samedi, 27 février 2021

Biden veut détacher les États-Unis des terres rares de Chine

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Biden veut détacher les États-Unis des terres rares de Chine

Paolo Mauri

Ex : https://it.insideover.com

Hier, le président américain Joseph Biden a signé un décret concernant la "chaîne d'approvisionnement" des biens essentiels et critiques pour la sécurité du pays.

La déclaration officielle de la Maison Blanche indique que "ces dernières années, les familles, les travailleurs et les entreprises américaines ont de plus en plus souffert de pénuries de produits essentiels, des médicaments aux aliments en passant par les puces électroniques. L'année dernière, la pénurie d'équipements de protection individuelle (EPI) pour les travailleurs de la santé de première ligne au début de la pandémie de Covid-19 était inacceptable. La récente pénurie de puces à semi-conducteurs pour l'industrie automobile a entraîné des ralentissements dans les usines de fabrication, ce qui montre à quel point cette pénurie peut nuire aux travailleurs américains".

Il est souligné que les États-Unis doivent veiller à ce que les pénuries de produits manufacturés, les perturbations commerciales, les catastrophes naturelles et les actions potentielles des concurrents et des adversaires étrangers ne rendent plus jamais les États-Unis vulnérables.

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Le décret de la Maison Blanche lance un examen complet de la chaîne d'approvisionnement des biens américains essentiels et charge les ministères et agences fédérales d'identifier les moyens de la protéger contre un large éventail de risques et de vulnérabilités. La mise en place d'un ensemble de chaînes d'approvisionnement résistantes ne protégera pas seulement le pays contre les pénuries de produits essentiels, elle facilitera également les investissements nécessaires pour maintenir l'avantage concurrentiel des États-Unis et renforcer la sécurité nationale.

L'ordonnance fixe un délai de 100 jours pour effectuer un examen immédiat dans les agences fédérales afin d'identifier les vulnérabilités de quatre produits clés.

Outre la production de principes actifs pharmaceutiques, dont 70 % ont été transférés à l'étranger, et les semi-conducteurs, qui ont été négligés par les investissements ayant entraîné la perte du leadership manufacturier américain, les deux secteurs les plus intéressants sur le plan géopolitique que l'administration entend mettre en œuvre sont les batteries de grande capacité (utilisées dans les véhicules électriques) et les terres rares, désignées comme "minéraux critiques" car elles constituent "une partie essentielle des produits de défense, de haute technologie et autres". Ces ressources minérales particulières - ainsi que le lithium, le cobalt et les métaux du groupe du platine (Pgm) - sont en fait nécessaires pour construire des éoliennes, des panneaux solaires et des batteries pour le stockage de l'électricité nécessaire aux véhicules électriques et le stockage de l'énergie alimentant le réseau. Les terres rares en particulier sont des éléments essentiels pour la défense, car elles sont utilisées, par exemple, dans les composants des radars de nouvelle génération, dans les systèmes de guidage et dans l'avionique des avions de chasse de dernière génération.

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Actuellement, malgré le fait que les États-Unis disposent d'importantes réserves minérales, la Chine est le premier pays dans la production et le traitement de ces éléments. Il est en effet bien connu que Pékin, outre qu'elle possède l'un des plus grands gisements de ces minéraux, fournit 97% du total mondial de cette ressource, dans la mesure où la Chine est capable aujourd’hui de retraiter le minéral brut, le transformant en matière exploitable, ce qui lui confère pratiquement un monopole ; elle est suivie, en ce domaine, à très grande distance, par les États-Unis.

On comprend donc aisément quelles pourraient être les conséquences de cette domination sur le plan stratégique : la Chine pourrait décider, comme elle l'a déjà laissé entendre en mai 2019, de réduire la production ou l'exportation de ces minéraux vers les États-Unis, ce qui deviendrait une arme fondamentale, dans l’arsenal chinois, pour une guerre hybride menée contre Washington ou serait simplement une carte avec laquelle, les Chinois pourraient faire chanter les États-Unis et leur politique d’opposition systématique à l'expansion chinoise.

Un autre facteur est le changement de cap "vert" de la nouvelle administration. Le président Biden a inscrit à son ordre du jour la relance de l'économie verte, et cette domination chinoise sur les terres rares pourrait très facilement l'entraver. A la Maison Blanche, ils ont donc réalisé que les plans du nouveau président pour un secteur énergétique zéro carbone d'ici quinze ans, se heurtent à la faiblesse des entreprises américaines dans le domaine de l'approvisionnement en minerais et dans la chaîne de transformation. En fait, les États-Unis importent actuellement 100 % de la vingtaine de minéraux clés, nécessaires à l'énergie verte, et sont presque aussi dépendants des importations de ces minéraux particuliers.

L'ordonnance prévoit également un examen plus approfondi, sur une année, d'un ensemble plus large de chaînes d'approvisionnement qui couvrira des secteurs clés tels que la base industrielle de la défense, la santé publique, les technologies de l'information et de la communication, les secteurs des transports et de l'énergie ainsi que la chaîne d'approvisionnement agroalimentaire.

Toutefois, cette activité ne sera pas limitée à une courte période de temps. La révision des chaînes d'approvisionnement, action qui identifie simultanément, outre les risques et les lacunes, les nouvelles orientations et les politiques spécifiques de mise en œuvre, durera tout au long du mandat présidentiel de quatre ans dans un travail constant d'interaction entre les ministères, les agences fédérales et l'exécutif qui impliquera également le monde de l'industrie, les universités et les organisations non gouvernementales.

Le président Biden a donc lancé une nouvelle politique pour mettre fin à la dépendance américaine vis-à-vis de la Chine, non seulement en vue de relancer l'économie nationale et de soutenir sa vision "verte", mais surtout pour une raison stratégique : en effet, il n'est pas possible de contrer l'expansionnisme économique, commercial et militaire de la Chine tout en dépendant d’elle, dans des secteurs clés tels ceux de l'industrie de haute technologie, intimement liés à la Défense. Il s'agit donc d'un plan de sécurité nationale qui libérera Washington des liens commerciaux qu'elle entretient avec Pékin, mais qui pourrait avoir des conséquences néfastes en ce qui concerne "l'exportation de la démocratie". Les ressources minérales, les gisements, ne sont pas mobiles, et il n'y a que deux façons de s'en emparer : resserrer les liens avec les nations qui possèdent de grands gisements, ou intervenir manu militari pour pouvoir contrôler la production. Quelque chose qui se passe aujourd'hui en République démocratique du Congo, où, ce n'est pas un hasard, des hommes du groupe russe Wagner sont présents, et quelque chose qui s'est déjà produit en Afghanistan, un pays qui, avec la Bolivie, le Chili, l'Australie, les États-Unis et la Chine, possède les plus grandes réserves de lithium au monde.

samedi, 20 février 2021

L'objectif de Mario Draghi : déclencher la "destruction créatrice" du marché

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L'objectif de Mario Draghi : déclencher la "destruction créatrice" du marché

par Thomas Fazi

Source : La Fionda &

https://www.ariannaeditrice.it

Nombreux sont ceux qui se demandent quelle philosophie de politique économique inspirera le gouvernement Draghi en passe de gérer les affaires de l’Italie. Plusieurs commentateurs - se basant sur une interprétation absolument fallacieuse du travail de Draghi à la BCE (l'idée que les politiques monétaires expansives représentent une politique "keynésienne"), se basant également sur un de ses articles désormais célèbres d'il y a quelques mois paru dans le Financial Times, où Draghi a apuré la dette publique (la "bonne") ; et dans certains cas, en se référant même à ses études sous la houlette de l'un des plus grands économistes keynésiens du siècle dernier, Federico Caffè - semblent convaincus que Draghi va évoluer dans le sillage d'une politique substantiellement expansive, voire, précisément, "keynésienne". En bref, une politique opposée à l'austérité de Monti.

Mais c'est Draghi lui-même qui contredit ces prévisions iréniques dans son dernier communiqué public, à savoir le tout récent rapport sur les politiques post-COVID élaboré par le G30 - officiellement un groupe de réflexion, fondé à l'initiative de la Fondation Rockefeller en 1978, qui fournit des conseils sur les questions d'économie monétaire et internationale, selon de nombreux centres de lobbying de la haute finance - présidé par Draghi lui-même avec Raghuram Rajan, ancien gouverneur de la banque centrale indienne.

Il indique clairement que les gouvernements ne devraient pas gaspiller de l'argent pour soutenir des entreprises malheureusement vouées à l'échec, définies dans le rapport comme des "entreprises zombies" - pensez par exemple, en ce qui concerne l'Italie, aux centaines de milliers de magasins et d'établissements publics mis à genoux par la pandémie et ses mesures de confinement. Entreprises qui ne sont que partiellement soutenues par une "aide" gouvernementale insuffisante. Pour ce rapport, les mesures à prendre devraient plutôt accompagner la "pandémie" et plutôt s'adonner à la "destruction créatrice", propre du marché libre, en laissant ces entreprises à leur sort et en encourageant le déplacement des travailleurs vers les entreprises vertueuses qui continueront à être rentables et à prospérer après la crise.

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La thèse de base est, d’abord, que le marché devrait être laissé libre d'agir (parce qu'il est plus efficace que le secteur public) et, ensuite, que les gouvernements devraient se limiter à intervenir uniquement en présence de "défaillances du marché" manifestes - un concept intrinsèquement libéral qui indique un écart par rapport à l'"efficacité" normale du marché - tandis que lorsqu'il s'agit d'une entreprise qui échoue en raison du fonctionnement "naturel" du marché, l'État ne devrait pas s'interposer.

Le document du G30 se concentre également sur le marché du travail, en écrivant que "les gouvernements devraient encourager les ajustements du marché du travail [...] qui obligeront certains travailleurs à changer d'entreprise ou de secteur, avec un recyclage approprié et une aide économique". Le message est clair : les gouvernements ne doivent pas essayer d'empêcher l'expulsion de la main-d'œuvre des entreprises vouées à la faillite, comme l'Italie et plusieurs autres pays ont essayé de le faire jusqu'à présent, en partie grâce à un gel des licenciements (qui doit expirer en mars) et à l'utilisation généralisée des fonds de licenciement. Ils devraient plutôt aider et faciliter ce processus pour permettre au marché de prévoir une allocation "efficace" des ressources (y compris des êtres humains).

Comme le note l'économiste Emiliano Brancaccio, nous sommes confrontés à "une vision schumpétérienne à la sauce libérale qui risque de laisser un flot de chômeurs dans la rue", et de plonger des centaines de milliers de petits et moyens entrepreneurs dans le désespoir. Autre que celle de Keynes (ou de Caffè!), la vision de l'économie et de la société incarnée dans le document du G30 - et implicitement épousée par Draghi - semble rappeler l'idéologie libéraliste des premiers temps, étouffée à juste titre après la Seconde Guerre mondiale, dans laquelle les relations sociales, la vie des gens, l'essence même de la société étaient subordonnées à un seul principe régulateur, celui du marché.

Ce point de vue est non seulement exécrable d'un point de vue éthique et moral, mais il est également faux : il n'existe pas de marché qui fonctionne "en dehors" de l'État, sur la base de sa propre logique d'autorégulation, par rapport auquel l'État peut décider d'intervenir ou non ; les marchés, au contraire, sont toujours un produit du cadre juridique, économique et social créé par l'État. En d'autres termes, il n'y a rien de "naturel" dans le fait qu'une certaine entreprise échoue plutôt qu'une autre. Si aujourd'hui les petites entreprises risquent de fermer, alors que les grandes multinationales réalisent des profits faramineux, ce n'est que la conséquence du fait qu'en tant que société, nous nous sommes donné un principe d'organisation - que Draghi vise aujourd'hui à renforcer - qui favorise les grandes entreprises privées par rapport aux petites entreprises familiales. Mais c'est un choix politique.

Il va sans dire que la vision de la société du G30 et de Draghi est littéralement aux antipodes de la vision de Keynes et de Caffè - ainsi que de celle incarnée dans notre Constitution, qui est sur le point d'être violée à nouveau - selon laquelle la tâche de l'État est de dominer et de gouverner les marchés, et leur travail destructeur, en les subordonnant à des objectifs de progrès économique, social, culturel et humain.

Ayez au moins la décence de ne pas mettre leur nom à côté de celui de Draghi.

vendredi, 19 février 2021

Guillaume Travers, « Il y a un double besoin de réenracinement »

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Un besoin de réenracinement...

Entretien avec Guillaume Travers

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un  entretien donné par l'économiste Guillaume Travers au laboratoire d'idées Droite de demain à l'occasion de la publication de ses essais Capitalisme moderne et société de marché : l’Europe sous le règne de la quantité et Économie médiévale et société féodale : un temps de renouveau pour l’Europe aux éditions de La Nouvelle Librairie.

Guillaume Travers, « Il y a un double besoin de réenracinement »

Votre ouvrage traite notamment de l’apparition du capitalisme que vous opposez au féodalisme de l’époque médiévale, quels sont les rouages du système économique féodal?

Dans une large mesure, le système féodal est un contre-modèle par rapport au capitalisme libéral que nous connaissons aujourd’hui. Ses caractéristiques principales, que je mets en évidence dans un précédent livre (Économie médiévale et société féodale), sont les suivantes. C’est d’abord un monde de communautés, et non un monde d’individus. Les échanges économiques et les relations sociales sont donc toujours mises au service d’une vision du bien commun ; à l’inverse, notre époque veut laisser libre cours à tous les désirs individuels. Le monde féodal est en outre profondément terrestre, enraciné, et très largement rural. Le grand commerce demeure totalement périphérique ; les multiples communautés locales vivent dans une autarcie relative. Enfin, c’est un monde où la richesse est toujours mise au service de fins jugées plus hautes : le courage militaire, la sagesse religieuse. Les deux figures tutélaires du monde médiéval sont le saint et le chevalier, pas le financier qui accumule de grandes richesses.

Est-ce que ce n’est pas aussi la montée de l’individualisme qui rend totalement impossible un retour vers une économie du bien commun ?

Historiquement, le délitement de ce monde féodal est indubitablement lié à la montée de l’individualisme. Entendons-nous sur les mots : par individualisme, je n’entends pas seulement un trait psychologique qui pousse à l’égoïsme, mais une révolution dans la manière de penser l’homme. L’époque moderne est la seule qui en soit venue à considérer que l’individu précède toute communauté, que les appartenances et les enracinements ne sont que secondaires. Est-ce à dire que le retour vers une économie du bien commun soit impossible ? Je ne le crois pas. Il y a certes beaucoup de chemin à parcourir. Mais je crois qu’une série de crises pousseront les individus à recréer des communautés : crise sécuritaire, crise identitaire, crise écologique, etc. 

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Le délitement de la nationalité, du patriotisme, la déconstruction des communautés humaines, ne sont-elles pas aussi responsables des comportements individualistes ?

C’est le problème de l’œuf et de la poule. Historiquement, les attaches communautaires ont été fortes partout, et d’une grande diversité : communautés de métiers, communautés villageoises et urbaines, confréries religieuses, etc. L’individualisme s’est affirmé contre ces communautés, proclamant qu’elles étaient illégitimes, qu’elles entravaient la « liberté » de l’individu. Mais l’inverse est aussi vrai : au fur et à mesure que ces communautés s’affaiblissent, qu’elles jouent de moins en moins leur rôle organique dans la vie des hommes, alors les individus sont portés à s’en détacher. Mais il me semble que ce processus touche aujourd’hui ses limites : la crise identitaire qui traverse toute l’Europe témoigne d’un besoin d’appartenance, de réaffiliation. Quand nombre de nos contemporains sombrent dans la consommation de masse, et croient s’affirmer en portant un vêtement de telle ou telle marque, ils ne font que témoigner d’un besoin latent d’appartenances plus structurantes. 

Peut-on réellement retrouver un esprit de vivre selon ses besoins à l’opposée de l’accumulation de richesse ? Au-fond n’est-ce pas tout simplement dans l’ADN de l’Homme de vouloir accumuler, posséder ?

L’idée selon laquelle l’homme aurait de tout temps été un pur égoïste entravé par les contraintes de la société est le postulat central de la philosophie libérale. La liberté individuelle serait un état originaire, et tout le reste (institutions, traditions, coutumes, etc.) serait purement artificiel : c’est ainsi que l’époque moderne prétend « libérer » l’individu en déconstruisant tous ces héritages. Tout cela est ridicule, dès lors que l’on se tourne vers l’histoire. Pendant la plus grande partie de leur histoire, les hommes ne se sont jamais représentés comme des individus tournés vers leurs seuls intérêts matériels. Cette idée de l’homme préoccupé uniquement par ses intérêts est une création finalement très récente dans l’histoire longue des idées et des mentalités. 

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Le retour vers le localisme est-il le symptôme d’une prise de conscience des dérives d’un néolibéralisme incontrôlable ?

Je crois que cela témoigne d’un double besoin de réenracinement. On connaît la phrase célèbre de Christopher Lasch, que je crois très juste : « le déracinement déracine tout, sauf le besoin de racines ». Dans un monde où tous les repères ont été déconstruits, délégitimés, il y a un besoin de retrouver du sens. S’enraciner dans une ville, dans un village, prendre part à une communauté, est un moyen de redonner du sens à son quotidien. Acheter en grande surface des légumes importés, ou se les procurer auprès d’un voisin paysan, ce n’est pas la même chose. Derrière le localisme, il y a aussi la prise de conscience des déséquilibres écologiques, qui menacent jusqu’à notre vie. Je ne parle pas tant du réchauffement climatique que de la pollution des sols et des eaux, de la contamination de l’alimentation, des perturbateurs endocriniens, etc. 

Vous êtes critiques envers le libéralisme dans vos ouvrages, mais n’est-ce pas le système économique le plus égalitaire dans l’accession aux ressources ? Surtout, ne doit-on pas différencier le libéralisme classique du néolibéralisme mondialisé ?

Sur les différents types de libéralisme, je suis très sceptique. L’un mène nécessairement à l’autre. Une fois que l’on proclame que l’individu est supérieur au collectif, il lui est supérieur en tout. Si on dit que le monde n’est composé que d’individus, alors il est naturel que tout ce qui reste de distinctions soit progressivement balayé : il n’y a plus lieu de faire de différence entre Africains et Européens, car tous ne sont que des individus ; il n’y a plus lieu de faire de différence entre hommes et femmes, car tous ne sont que des individus abstraits, etc. En d’autres termes, la pente du libéral-conservatisme est glissante, et souvent pétrie de contradictions. Ceci dit, être anti-libéral ne veut pas dire que l’on nie tout concept de liberté, bien au contraire. Je pense par exemple que, à l’heure actuelle, tout ce qui relève du petit commerce et de l’artisanat est étouffé par des contraintes qu’il serait bon d’alléger. Mais cela ne fait pas de moi un libéral, en tout cas pas au sens philosophique. 

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Quelles sont les valeurs du féodalisme qui peuvent, selon-vous, inspirer la droite de demain ?

Un écueil serait de vouloir simplement revenir en arrière, au Moyen-Âge ou à quelque autre époque. La volonté de restaurer le passé, quand bien même elle peut être touchante, est fondamentalement impolitique : cela n’arrivera pas, et s’accrocher à ce rêve est vain. En revanche, les valeurs héritées du passé, les structures mentales, les manières de penser l’homme et la société qui ont été propres au monde féodal peuvent nous inspirer. Je crois qu’il nous faut réapprendre à placer nos intérêts en tant que communautés avant nos intérêts individuels. Cela touche à tous les aspects du quotidien : soutenir les producteurs enracinés contre la grande distribution ou Amazon, etc. Cela signifie aussi renouer avec les valeurs traditionnelles – le courage, etc. – plutôt que de valoriser le seul confort que donne le bien-être matériel. S’il y a une droite de demain, elle ne doit pas être comme une bonne part de la droite actuelle : bien trop souvent une droite bourgeoise, qui préfère le confort au courage, ses intérêts matériels à ce qui n’a pas de prix.

Guillaume Travers, propos recueillis par Paul Gallard (La Droite de demain, 15 février 2021)

vendredi, 04 décembre 2020

La grande glaciation économique

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La grande glaciation économique
 
Le nouveau livre de Thomas Flichy de la Neuville
 
Chers amis,

J’ai le plaisir de vous présenter notre prochaine édition « La grande glaciation économique » de Thomas Flichy de la Neuville.
 
Sans+titre-2.pngEn l’an un de la révolution sanitaire, alors que chacun était confortablement isolé dans sa bulle numérique, la température chuta brusquement. La grande glaciation économique avait en effet commencé. Jadis flamboyants, les chefs d’hier se laissaient envahir par la dépression. 2021 fut donc un long hivernage marqué par l’effondrement démocratique, l’enfermement digital et la montée générale de la violence. Ce dernier entraîna la mort de nombreux caméléons politiques, prisonniers de leurs raisonnements captieux. Seule une infime minorité réussit à s’extraire de la tourbe et à survivre aux effondrements silencieux en cours. Puisant ses ressources dans la déconnexion et l’investissement artistique, ces chefs venus de nulle part réussirent à perpétuer la vie malgré les difficultés.
 
L’auteur est ancien élève en persan de l'Institut National des Langues et Cultures Orientales, Thomas Flichy de La Neuville est Professeur agrégé de l’Université, docteur en droit et habilité à diriger des recherches en histoire. Ses travaux scientifiques portent sur la capacité des civilisations à transmettre la vie sur la longue durée. Cette approche géoculturelle s'est intéressée dans un premier temps aux potentialités créatrices des élites, notamment dans les armées -La fantaisie de l'officier. Trois civilisations majeures ont fait l'objet d'une enquête géoculturelle: "La Perse", "L'Iran au delà de l'Islamisme", la Chine: "Stratégies chinoises, le regard jésuite", et la Russie: "Chine, Iran, Russie, un nouvel empire mongol ?". Sous sa direction, plusieurs équipes ont analysé les conflits contemporains sous l’angle de la géoculture ("Opération Serval au Mali, l'opération française décryptée", "Centrafrique, pourquoi la guerre ?", "Ukraine, regards sur la crise"). Thomas Flichy de La Neuville est titulaire de la chaire de géopolitique de Rennes School of Business. Il intervient dans de nombreuses universités étrangères, notamment à l'United States Naval Academy, la Theresianische Militärakademie l'Université d’Oxford et l’académie diplomatique de Vienne. »
 
La sortie de « la grande glaciation est prévue d’ici quelques jours et vous serez livré à partir du 8 décembre prochain.
 
 
Je vous souhaite un joyeux Noël et reviendrai vers vous début 2021 pour vous présenter nos projets à venir.
 
A bientôt
 
Laurent Hocq
Editeur pour BIOS
 
+ 33 6 4084 4905

dimanche, 29 novembre 2020

L'économie en tant qu'idéologie : la racine de tous les maux

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L'économie en tant qu'idéologie : la racine de tous les maux

par Roberto Bonuglia

Ex: https://legio-victrix.blogspot.com

« Le développement économique est devenu une fin en soi, déconnectée de toute finalité sociale ». Bernard Perret et Guy Roustang l'ont écrit dans L'économie contre la société. Face à la crise de l'intégration sociale et culturelle (Paris, Editions du Seuil, 1993). Aujourd'hui comme hier, c'est une déclaration plus que partageable, visant à avertir que l'économie devient de plus en plus une "fin" plutôt qu'un "moyen".

En fait, il suffit de regarder en arrière dans un sens chronologique : en trente ans de mondialisation, l'économie est devenue bien plus qu'une "forme de connaissance de certains phénomènes sociaux". Elle est devenue une "technique économique", s'éloignant à des années-lumière des postulats classiques de ce qui était précisément l'économie "politique".

Dans la société standardisée du troisième millénaire, la logique économique est devenue la mentalité réelle et prédominante qui a fini par guider les relations sociales, uniformisant le bon sens, marginalisant la morale et toutes les formes sociales.

La combinaison de la mondialisation et du néolibéralisme a transformé l'économie en une idéologie. En fait, elle a perdu sa vocation originale et naturelle de traiter du "problème du déplacement des ressources" pour devenir une logique de gestion d'entreprise. Elle a ainsi dangereusement évolué vers une vision univoque du monde et une technique de contrôle et de domination.

« L'économie comme idéologie » peut donc être définie comme la prétention de l'économie à exercer une domination sur la culture et la politique, en leur imposant sa façon de "penser la réalité". Cela pourrait avoir des conséquences qui pourraient être "freinées" tant que la société reste un ensemble relativement homogène avec un fort contenu communautaire. Mais les migrations internes au sein du "village global" et l'aliénation technologique ont "libéré" le contenu idéologique présent - dès le début - dans les théories économiques du conditionnement des faits et des limites imposées par le social.

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C'est pourquoi, comme l'écrit Jean Baudrillard dans La transparence du mal (Paris, Editions Galilée, 1990), l'économie - après la chute du mur de Berlin - est entrée dans "sa phase esthétique et délirante" et est devenue le véhicule des idéologies qui se sont combattues entre elles pendant la "guerre froide" ; elle est devenue elle-même "idéologie", construisant sa propre philosophie sociale, se donnant, en quelque sorte, un vêtement normatif.

L'économie est ainsi passée de la sphère privée à la sphère publique et s'est donné pour tâche de baliser le chemin pour répondre par la force aux attentes du monde globalisé. Toutes ces réponses ont subi un changement radical dans la nature des relations sociales, à travers cette "objectivation de l'échange" - comme l'a dit Simmel - qui élimine d'un coup de ciseaux toute composante émotionnelle ou instinctive de ces relations, en prescrivant qu'elles doivent être organisées pour donner à la réalité une structure stable et à la mutation une direction prévisible : ce qui se passe dans notre société "grâce" au Covid-19. Celui-ci est le test décisif de cette mutation génétique de l'économie qui bascule dans l'idéologie.

Nous avons été témoins - distraits plutôt qu'impuissants - de l'économie comme technique économique qui a remplacé sans hâte mais sans repos l'économie comme forme de connaissance d'un des aspects de la société. Cela a donné naissance à un pouvoir incontrôlé et à un mode de vie basé uniquement sur l'intérêt et le calcul qui a inévitablement déchiré les bases du lien social.

L'élément émotionnel et "pré-rationnel" de la vie individuelle a été éradiqué et nous nous retrouvons aujourd'hui avec des racines coupées : le désert culturel, la socialisation de la culture, la liquidation de toute la culture de la tradition humaniste ne sont que quelques-uns des effets les plus dévastateurs du processus de déconstruction et de reconstruction du monde globalisé de ces trente dernières années.

Aujourd'hui plus que jamais, nous avons donc nécessairement besoin d'une pensée forte et alternative à ce schéma imposé par la contrainte, qui sache retrouver le sens de notre histoire, l'histoire de la culture moderne. Un sens lié - comme il l'a toujours été et de manière indissoluble - à la libération des limites, imposées par le présentisme, dans lesquelles la mentalité économique du néolibéralisme globalisant et la rationalité instrumentale nous ont enfermés. Une route qui est certes ascendante, mais la seule à pouvoir être prise et empruntée.

lundi, 19 octobre 2020

Christian Westbrook: Food Wars…the Engineered Destruction of Our Food Supply

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Christian Westbrook: Food Wars…the Engineered Destruction of Our Food Supply

Posted by in Podcast

Christian “The Ice Age Farmer” Westbrook discusses the engineered and deliberate destruction of our food supply. Pretexts cited to shut down farms and cull livestock include the spread of “coronavirus” between humans on farms, transmission from animals to humans, as well as outright sabotage of food storehouses. He describes the move to tax and eliminate meat and replace it with fake, synthetic, lab-grown foodstuffs. Power elites seeks to track and trace all food through artificial intelligence and the blockchain. He suggests everyone begin to grow their own food.

*Support/Donate to Geopolitics & Empire:

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Show Notes

Perfect storm hits Kazakhstan egg industry https://www.poultryworld.net/Eggs/Articles/2020/8/Perfect...

43% of small businesses say they’ll be forced to close permanently https://www.marketwatch.com/story/43-of-small-businesses-...

Lord Birkenhead’s 1929 Predictions for 2029 https://www.scribd.com/document/36111515/Save-This-for-Yo...

Fauci Warns That Earth Has Entered a “Pandemic Era” https://futurism.com/neoscope/fauci-warns-earth-entered-p...

Food Chain Reaction crisis simulation ends with global carbon tax https://www.cargill.com/story/food-chain-reaction-simulat...

Websites

Ice Age Farmer http://www.iceagefarmer.com

About Christian “Ice Age Farmer” Westbrook

Christian produces videos, interviews, tools (Growing Degree DaysCrop Loss MapWiki and Maps) in order to shed light on the myriad risks to our food system and how they must inspire us to grow our own food.

*Podcast intro music is from the song “The Queens Jig” by “Musicke & Mirth” from their album “Music for Two Lyra Viols”: http://musicke-mirth.de/en/recordings.html (available on iTunes or Amazon)

samedi, 26 septembre 2020

Pourquoi l'extraterritorialité américaine constitue-t-elle une arme de guerre économique?

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Pourquoi l'extraterritorialité américaine constitue-t-elle une arme de guerre économique?
 
Ex: La Revue Géopolitique (via Instagram)

Neuf milliards d'euros d'amende contre BNP Paribas pour avoir violé l’embargo iranien ou encore 772 millions contre Alstom sont deux exemples illustrant les conséquences de l'extraterritorialité du droit américain comme arme de guerre économique.⠀

Après de nombreuses dérives de multinationales américaines, le Congrès vote le "Foreign Corrupt Practices Act" (FCPA) en 1977, loi luttant contre la corruption d'argent public - et promue par les USA auprès de l’OCDE en 1997 - après s’être aperçu d’une éventuelle distorsion de concurrence entre les entreprises américaines et étrangères, non-tenues par cette loi. Ce principe permet au “Department of Justice” de poursuivre une entreprise étrangère s’adonnant à des activités frauduleuses, lorsqu’elle possède un quelconque lien avec les USA, tel que l’utilisation du dollar lors d’une transaction.⠀

Suspecté depuis 2010 de mener des activités de corruption pour obtenir des contrats, la justice américaine a fait pression (montant de la possible amende, arrestation de dirigeants) en 2014 sur le PDG d’Alstom, poids lourd de l’industrie française, et l’a obligé à céder sa filiale “énergie” à un concurrent direct américain, General Electric, pour la somme dérisoire de 13 millions d’€, en échange de l’abandon des poursuites. Titulaire d’actions cotées aux USA et accusée de corruption concernant des appels d’offres publics, l’entreprise Sanofi a dû payer une amende de 25 millions d’euros en 2018, au titre du FCPA.

Avec des amendes colossales, l’arrestation de dirigeants d’entreprises ou encore l’obligation de se conformer aux standards de la réglementation américaine, au risque d’être banni du très influent marché américain, les USA disposent ainsi d’un arsenal juridique remettant en cause la souveraineté économique des Etats qui y sont confrontés. Qu’est-ce que vous en pensez? Votre opinion nous intéresse!

“Source Image: ShutterStock”⠀
Rédacteur: Joan Kinder⠀
Rédacteur en chef: Saïmi Steiner⠀

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samedi, 19 septembre 2020

De la guerre commerciale à la "guérilla économique"

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De la guerre commerciale à la "guérilla économique"

La guerre économique fait rage. La crise sanitaire et économique qui s’en suit, ont accentué les rapports de force et affaibli des structures déjà largement exposées, constituant autant de proies. Face à cette mutation sans précédent, il est essentiel que les entreprises puissent disposer d’une boîte à outils de la sécurité économique et parer les menaces et ingérences auxquelles elles sont malgré elles exposées.

Rappelons au préalable quelques considérations sur la guerre économique, dans son approche macro :
Elle ne doit pas se confondre avec la guerre à l’économie militaro-industrielle, telle que la destruction, par des moyens armés, d’usines d’armement, de voies de communication, atteintes aux pôles aéroportuaires, coupures à l’accès aux matières premières, moyens de télécommunication, infrastructures cyber, etc., lesquelles actions relèvent davantage de la guerre totale.
 
La guerre économique n’est pas non plus la guerre à l’économie dans son essence même, que les altermondialistes et anticapitalistes mènent dans leur velléité d’anéantissement du libéralisme, et plus largement des activités économiques humaines sous toutes ses formes.
 
Enfin, elle n’est pas l’économie de guerre à savoir l’effort industriel des entreprises d’armement pour subvenir aux ressources en moyens nécessaires pour livrer les batailles et alimenter l’appareil militaire en armement.
 
En réalité, comme nous l’avions démontré dans notre précédent ouvrage [1], la guerre de nature non militaire et/ou non conventionnelle affecte désormais les petites ou moyennes puissances. Précisément, la guerre économique prospère en temps de paix militaire, et constitue l’affrontement géoéconomique des grandes puissances, à défaut d’employer des moyens armés. D’où le recours essentiel aux stratégies indirectes et/ou asymétriques dont le droit, la fiscalité, les technologies, les normes environnementales désormais, etc., ne sont pas absentes.
 
En effet, selon Bernard Esambert :
 
« L’économie mondiale se globalise : la conquête des marchés et des technologies a pris la place des anciennes conquêtes territoriales et coloniales. Nous vivons désormais en état de guerre économique mondiale, et il ne s’agit pas seulement là d’une récupération du vocabulaire militaire. Ce conflit est réel, et ses lignes de force orientent l’action des nations et la vie des individus. L’objet de cette guerre est, pour chaque nation, de créer chez elle emplois et revenus croissants au détriment de ceux de ses voisins » (…)
« la guerre économique impose également des débarquements chez l’ennemi par l’implantation à l’étranger, la défense de l’arrière par des entreprises à caractère régional et l’établissement de protections au travers de tarifs douaniers qui ne représentent plus que des murets de fortune, de mouvements monétaires qui ont pris le relais des barrières douanières, enfin d’innombrables entraves aux échanges qui protègent ici ou là un pan de l’économie ». « Les chômeurs sont désormais les morts de la guerre économique » [2] .
 
Mais cette compétition économique exacerbée – ou guerre par l’économie– ne concerne pas seulement les grands groupes ; elle n’épargne pas non plus le tissu industriel et commercial territorial. Tant s’en faut. Dès lors que nous voulons développer des aspects pratiques au niveau de l’entreprise, il convient de se situer dans le cadre des ingérences et déloyautés commerciales, affectant directement le tissu des TPE, PME et ETI.  C’est ce que ne nous nommerons la « guérilla économique » constituée de conflits de moindre intensité, mais tout aussi mortifère pour l’entreprise.
 
De la même manière qu’il est souvent opposé macro-économie et micro-économie, il existe donc bien une guerre économique (à l’échelle des états) et une guérilla économique vécue au niveau des TPE-PME-ETI, qui relève de la compétition exacerbée.
 
La guérilla ou « petite guerre » est souvent présentée comme un conflit de partisans, ou combattants irréguliers, ne constituant pas une armée régulière de soldat sous uniforme. La guerre froide et la période de décolonisation ont favorisé ce type d’agressions non conventionnelles. De même que l’arme atomique a conduit les grandes puissances à la neutralité directe et aux affrontements asymétriques. C’est d’ailleurs le fondement même de guerre froide : « paix impossible, guerre improbable » [3].
 
Par conséquent, à l’instar de ces luttes armées indirectes, la guérilla économique est une action concertée visant une cible industrielle ou commerciale, destinée à réduire, sans intervention étatique ni institutionnelle, sa part de marché ou sa position dominante, jusqu’à l’anéantissement total.
 
Plusieurs actions relevant de cette sphère de « petite guerre économique » peuvent être recensées : espionnage industriel, déstabilisation réputationnelle (guérilla informationnelle), cyber atteinte aux données, risques en matière de conformité, fraudes financières, débauchages et mouvements RH. Autant d’ingérences dans la gouvernance de l’entreprise afin de parvenir à des buts de guerre.
 
C’est l’ensemble de ces moyens, et leurs réponses, qui sont exposés dans « Survivre à la guerre économique », pour en faire un véritable manuel de survie face aux risques contemporains relevant de la guérilla économique.

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Olivier de MAISON ROUGE est Avocat, Docteur en droit. Professeur associé à l’Ecole des relations internationales (ILERI) et à l’Ecole de Guerre Economique (EGE), intervenant régulier à l’IHEDN et à l’Ecole Nationale de la Magistrature (ENM). L’auteur a été amené à défendre des entreprises confrontées aux actes d’espionnage économique et ingérences économiques ; il a développé une véritable doctrine en matière de contre-mesures juridiques et de protection du patrimoine informationnel. Il contribue ainsi à l’élaboration de références et standards en matière de sécurité économique et de souveraineté en matière d’informations sensibles.
Auteur de nombreux articles et d’ouvrages :
Cyberisques. La gestion juridique des risques numériques, LexisNexis, 2018
Penser la guerre économique. Bréviaire stratégique. VA Editions, 2018

Dernier ouvrage paru : « Survivre à la guerre économique. Manuel de résilience  », VA Editions, septembre 2020
 
[1] de MAISON ROUGE Olivier, Penser la guerre économique. Bréviaire stratégique. VA Editions, 2018.
[2] ESAMBERT Bernard, La guerre économique mondiale, Olivier Orban, 1991
[3] ARON Raymond, Le grand schisme, 1948

vendredi, 14 août 2020

La sophistique de Soros et la lutte pour façonner une nouvelle Science économique

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La sophistique de Soros et la lutte pour façonner une nouvelle Science économique


Par Matthew Ehret

Sources: https://lesakerfrancophone.fr & Strategic Culture

Dans mes articles précédents La grande arnaque de la réinitialisation et Putin’s Anti-Fascist Open System and You, j’ai souligné que l’effondrement du système transatlantique avait provoqué un déluge de «fausses solutions» promues par ces mêmes pyromanes qui ont beaucoup fait pour alimenter l’incendie en créant une bulle économique post-industrielle pendant de nombreuses décennies.

Une de ces fausses solutions a pris la forme du Green New Deal qui propose d’utiliser la double crise économique et sanitaire de la COVID-19 pour accélérer la transition vers un ordre mondial décarboné grâce aux réseaux d’énergie verte, au plafonnement et à l’échange de taxes carbone, et enfin à la réduction générale de la population. La perspective peu agréable derrière ce paradigme est enracinée dans une misanthropie dévote qui vise à résoudre les problèmes de l’humanité en établissant un régime d’États post-nationaux à gestion technocratique.

L’autre paradigme avancé par les présidents Poutine et Xi Jinping est, en termes simples, une alliance multipolaire dans l’esprit qui préside aux Routes de la soie, Initiative Belt and Road, et polaire. Sur la base de leurs paroles et de leurs actions, les deux dirigeants se sont engagés à développer un modèle de système fondé sur l’idée que les ressources et la croissance d’un pays ne sont limitées que par les capacités cognitives de sa population. De vastes projets basées sur le train à grande vitesse, les programmes hydrauliques et le développement spatial, mettent en évidence, dans la pratique, à quel point cette vision anti-malthusienne s’est exprimée lorsque 135 pays en ont déjà rejoint le cadre, à différents niveaux, et que des centaines de millions de personnes ont été sortis de la pauvreté.

L’Institut pour une nouvelle pensée économique

Aujourd’hui, je voudrais aborder un peu plus en détail une partie souvent négligée mais très importante de ces fausses solutions. Cela impliquera malheureusement de se pencher sur l’esprit inquiétant de George Soros et d’une organisation basée à Oxford que ce milliardaire, financier du changement de régime, adepte du gouvernement mondial et anti-nation, a cofondé en 2008, l’Institute For New Economic Thinking (INET).

Fondé en 2008, l’Institute for New Economic Thinking a été conçu pour attirer les jeunes esprits créatifs – qui pourraient autrement faire de réelles découvertes en science économique – dans un environnement contrôlé où ils se verraient accorder une liberté et un financement apparents – mais pas réels. Dans cet environnement, ils seraient libres d’inventer de nouvelles théories alternatives de l’économie pour autant qu’ils adopteraient certaines hypothèses et axiomes spécifiques du dogme, propices à des sociétés oligarchiques engagées dans une pensée de croissance nulle dans un système fermé.

L’idée derrière INET était simple : le crash financier de 2008-2009 garantissait presque que de nouvelles idées seraient recherchées pour éteindre l’incendie imminent alors que les moutons se réveilleraient en masse sous le choc de l’ordre en ruine, et un large filet devait être créé pour capturer tous les poissons sautant hors de l’étang à la recherche de nouvelles idées.

Baron_Turner_of_Ecchinswell_FRS.jpgParmi les autres cofondateurs figuraient Jim Balsillie et William Janeway, tandis que l’ancien président de l’INET n’est autre que Lord Adair Turner (photo).

Balsillie est un milliardaire canadien qui a dirigé le Canadian Roundtable Group renommé le Conseil international du Canada (CIC) après sa fusion avec son Center for International Governance Innovation (CIGI) en 2007. Travaillant en tandem avec le pendant américain de Chatham House – alias le Council on Foreign Relations – Balsillie a déclaré en 2007 :

J’ai dirigé la création du Conseil international canadien (CIC). Les Américains ont leur puissant Council on Foreign Relations, qui propose une analyse non partisane des questions internationales et intègre les chefs d’entreprise avec les meilleurs chercheurs et responsables des politiques publiques.

Janeway est professeur à Cambridge et directeur général de Warburg Princus Capital Management – oui, la même famille bancaire de Warburg qui a été surprise en train de financer Hitler – tandis que Lord Turner est l’ancien régulateur en chef de la ville de Londres de 2008 à 2013 qui a introduit pour la première fois une législation pour un Green New Deal au parlement britannique en 2009 et préside actuellement la Global Energy Transitions Commission. Parmi les autres dirigeants du conseil d’administration de l’INET figurent Drummond Pike, fondateur de la Tides Foundation de Soros , Rohinton Medhora, président du CIGI de Balsillie, et Rob Johnson, ancien directeur général de Soros Fund Management.

La sophistique Soros vs Popper derrière l’INET

Dans une interview accordée à Chrystia Freeland en 2010, Soros a décrit le but du nouvel institut dans les termes suivants :

Il s’agit d’une tentative pour amener les économistes à repenser les fondements mêmes de l’économie car il s’avère que la théorie macro-économique s’est effondrée. La crise financière a montré qu’elle est tout à fait inadéquate pour faire n’importe quel type de projection sur l’avenir, et elle doit être repensée à partir de ses fondamentaux.

Dans l’interview, Soros explique que l’économie est en crise en raison de la fausse croyance que le domaine pourrait être traité comme une science dure, à l’instar de la physique ou de la biologie, avec des lois newtoniennes immuables. Mais comme le domaine de l’économie est façonné par la pensée humaine, elle-même régie par des sentiments et des passions irrationnels, elle ne pourra jamais être «une vraie science». Ce qui est encore plus problématique, selon Soros, est que même les concepts apparemment «scientifiques» émanant de la raison sont intrinsèquement faux et donc toute action causée par ces pensées intrinsèquement fausses est naturellement destructrice et provoque un déséquilibre.

Soros débat avec Rob Johnson sur l’INET – Vidéo en anglais

Contrairement aux molécules dans un espace de gaz qui obéissent à des lois spécifiques, les êtres humains agissent dans l’espace de l’économie d’une manière qui peut parfois changer à la fois le volume de l’espace économique et aussi changer, par réflexe, les pensées de ces participants eux-mêmes. Soros aime utiliser l’exemple d’un toxicomane.

Dans une conférence d’octobre 2010 sur sa théorie générale de la réflexivité, Soros décrit le fait problématique de juger une personne comme un trafiquant de drogue criminel, et que cette pensée – jugement – manifesté dans les lois et les actions amènera alors le trafiquant à agir comme un criminel. La pensée – le jugement – façonne ainsi le résultat. Soros soutient que si vous ne criminalisiez pas les drogues, vous élimineriez tout jugement, donc aussi le comportement criminel, et donc finalement le crime. Les criminels agiraient de manière respectueuse, les barons de la drogue deviendraient des hommes d’affaires normaux et les toxicomanes vivraient leur vie comme bon leur semble, comme toute personne «normale».

Soros, qui aime se considérer comme un philosophe profond, a avancé sa théorie générale de la réflexivité, laquelle, explique-t-il dans ses conférences, est fondée sur deux hypothèses : la vision du monde du participant est toujours partielle et déformée, ce qu’il appelle le «principe de faillibilité», et «ces vues déformées peuvent influencer la situation à laquelle elles se rapportent, car de fausses vues mènent à des actions inappropriées.» («Principe de réflexivité» de Soros).

Étant donné que chaque idée façonne le système d’une manière de plus en plus inappropriée, ces «constructions mentales prennent leur propre existence, ce qui complique davantage la situation». Cette croissance de la fausse pensée et de la fausse action conduit ainsi à un déséquilibre extrême et donc à l’effondrement inévitable des systèmes.

Le co-contrôleur de Soros à l’INEP Rob Johnson a déclaré que nous devons «rattacher nos modèles au contexte d’incertitude radicale».

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Il ne faut pas réfléchir longtemps pour imaginer pourquoi un sociopathe comme Soros était attiré par cet ensemble de concepts. Dans sa conférence de 2010, Soros a déclaré : «J’ai commencé à développer ma philosophie en tant qu’étudiant à la London School of Economics à la fin des années 1950… sous le mentorat de Karl Popper» qui a soutenu [dans son livre Open Society and its Enemies -ed] que « la vérité empirique ne peut être connue avec une certitude absolue… Même les lois scientifiques ne peuvent pas être vérifiées ». Libérée du fardeau de la vérité, la conscience est libérée de toute douleur qui résulterait de l’engagement dans le mal.

Comme indiqué dans une tristement célèbre interview de 60 Minutes, Soros a déclaré que non seulement il n’avait ressenti aucun remord pour avoir travaillé avec les nazis à la confiscation des biens de Juifs assassinés alors qu’il était un adolescent vivant en Hongrie en 1944, mais qu’il l’avait décrit comme «le meilleur moment de sa vie». Lorsque l’intervieweur a poussé Soros à s’expliquer, il a souri et a déclaré «c’est comme sur les marchés. Si je n’avais pas été là … quelqu’un d’autre l’aurait fait à ma place, de toute façon.»

George Soros est-il un sociopathe ? Vidéo en anglais

Gardez à l’esprit que ce n’étaient pas les réflexions d’un vieil homme nostalgique pensant à son combat d’enfance pour survivre dans la Hongrie contrôlée par les nazis, mais les pensées mûres d’un spéculateur international qui avait fait des milliards, suite à la destruction de nations, en pariant contre leurs devises. L’esprit tordu de Soros conclurait que « c’est juste gagner de l’argent. Si les gens meurent de faim ou si les gouvernements font faillite, alors qui s’en soucie ? C’est légal et je ne suis donc certainement pas un criminel. »

À ce point, n’importe quelle personne sensée reconnaîtrait bientôt que la propre théorie de Soros s’effondre, puisque même si ses actes n’ont pas été qualifiés de criminels par le système judiciaire, il a continué à agir comme un criminel. [cf le Tribunal de Nuremberg qui a jugé les nazis, NdT]

Fusion de l’incertitude radicale et de la stabilité

Tout en promouvant la croyance en une «incertitude radicale», Soros a déclaré en 2012 que l’objectif de l’INET est que «l’hypothèse d’anticipations et de comportements rationnels soit effectivement abandonnée».

Soros a décrit comment «l’idée que la stabilité doit être un objectif de politique publique, ce qui n’est actuellement pas généralement accepté, deviendra mieux reconnue».

Ici surgit un nouveau paradoxe …

Comment un système fondé sur une incertitude radicale peut-il être guidé par la stabilité ? D’où viendrait cette stabilité ? Qui va l’imposer ? Quelles normes pourraient être utilisées ? Toutes les normes ne sont-elles pas intrinsèquement mensongères dans la vision du monde de Soros ?

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La réponse à ces questions est plus simple que vous ne l’imaginez :

On attendra des masses qu’elles s’imposent la stabilité à elles-mêmes, et ensuite l’élite managériale au niveau supérieur, cachée derrière le prétexte invisible de la «complexité», contrôlera la «stabilité» du système d’en haut comme des dieux dominants les serfs dans ce que Aldous Huxley a un jour appelé le Camp de concentration sans larmes.

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Pour Soros, et dans la vision de l‘INET, cela prendra la forme du Green New Deal et n’est en aucun cas déconnecté du financement philanthropique grâce auquel Soros est devenu célèbre au cours des dernières décennies. Un brillant article de 1998 de Jim Jatras a identifié cette homogénéisation de la culture financée par les partisans de Soros comme du « Rainbow Fascism ».

Travaillant en tandem avec les Nations Unies, l’INET a parrainé en 2019 une université d’été pour de jeunes économistes talentueux intitulée «Is a Global Green New Deal the Solution ?» – programmé pour amener les participants à la conclusion que «oui… évidemment.»

En janvier 2020, Soros a engagé 1 milliard de dollars pour créer une «Université mondiale… pour lutter contre les gouvernements autoritaires et le changement climatique, les qualifiant de défis jumeaux qui menacent la survie de notre civilisation», en mettant l’accent sur Trump, Xi Jinping et le président Poutine.

Peut-être que si Soros, en tant que jeune homme, avait davantage étudié Max Planck au lieu de perdre son temps avec l’immoraliste Karl Popper, il aurait mis en mouvement un ensemble d’idées différentes qui faisait plus de bien au monde et à nos propres âmes que les concepts misanthropes qu’il a choisis pour guider sa vie.

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Max Planck contre Karl Popper

Aux prises avec les mêmes problèmes que Popper et Soros, le grand scientifique, musicien et philosophe Max Planck (1858-1947) a adopté une approche très différente pour résoudre les paradoxes de Soros et Popper en s’attaquant au paradoxe séculaire de l’existence du libre arbitre dans un univers de loi. Comment ces deux états pourraient-ils coexister ?

Planck a été saisi par cette question alors qu’il était jeune adolescent, et a choisi de s’y attaquer de la manière la plus créative : au lieu de suivre les conseils de son professeur cynique, qui croyait que rien ne pouvait plus être découvert en physique et qu’il devrait abandonner ses ambitions scientifiques pour une carrière plus lucrative, Planck a consacré sa vie à la cause de la sagesse et a cherché à découvrir les principes créatifs à la base de l’univers.

Sa passion s’est matérialisée par la découverte du quantum d’énergie – la constante de Planck – créant un nouveau domaine de la science de la microphysique et de l’exploitation de l’énergie atomique, la mécanique quantique. Planck a démontré que la capacité de l’esprit à comprendre et à agir selon les lois de la création a amené l’univers lui-même à réagir en augmentant les conditions aux limites de l’humanité, permettant ainsi à notre espèce de supporter plus de personnes, avec des qualités de vie et un savoir plus élevés, grâce au progrès scientifique et technologique.

S’exprimant contre l’abandon de la causalité, qui gagnait en popularité dans les années 1930 avec la montée en puissance de l’école statistique probabiliste de Copenhague avec Neils Bohr et Max Heisenberg – sur laquelle Soros et Popper fondent leurs théories – Planck a fait valoir dans sa Philosophie de la physique de 1935 que :

La raison pour laquelle les mesures de la physique atomique sont inexactes ne doit pas nécessairement être recherchée dans un échec de la causalité. Cela peut aussi bien consister en la formulation de concepts défectueux et donc de questions inappropriées.

Dans le même essai, Planck a soutenu que la corruption de la science, qui est devenue beaucoup plus profonde 80 ans plus tard, était liée à deux erreurs fondamentales :

  1. L’imposition des mathématiques comme science dominante par rapport à la physique, ce qui a incité les scientifiques à essayer de «forcer» la réalité physique dans le cadre limité, et souvent faux, du langage mathématique et…
  2. La tendance à expulser l’esprit subjectif du scientifique hors des paramètres de l’équation de l’univers objectif que l’esprit de cette personne étudiait. Sur ce point, Planck a déclaré :

En traitant de la structure de toute science, une interconnexion réciproque entre les jugements épistémologiques [d’où parle la science ? NdT] et les jugements de valeur [à qui et pour qui parle la science ? NdT] a été constatée, et qu’aucune science ne peut être totalement dissociée de la personnalité des scientifiques.

Vers la fin de sa vie, Max Planck s’est efforcé avec passion de réintroduire dans la pratique scientifique le sens de l’honnêteté et de l’amour qui a animé les plus grandes découvertes de l’histoire humaine, y compris ses propres découvertes sur la physique quantique.

51CHa7asYLL.jpgDans ses deux œuvres incroyables  Philosophy of Physics (1935 pdf) et Where is Science Going ? (1932 ebook) Planck fait valoir que le paradoxe de la dualité onde-corpuscule ne peut être résolu qu’en intégrant le paramètre de l’esprit de l’enquêteur dans l’équation et en supprimant le mur conceptuel séparant l’observateur de l’observé.

Pour clarifier le paradoxe onde-corpuscule et la solution de Planck

Contrairement à une planète ou à un autre objet, la vitesse et la position d’un photon ne peuvent pas être mesurées simultanément. La mesure exacte de l’un des deux paramètres entraîne l’impossibilité de mesurer exactement l’autre, la théorie permet seulement de connaître la probabilité de la valeur de l’autre paramètre, c’est le principe d’incertitude de Heisenberg. Planck déclare que la solution à cela ne doit pas être trouvée en supposant paresseusement que la lumière doit simplement avoir deux identités distinctes d’onde et de particule, ni que la vérité de son essence ne peut être connue, mais plutôt que les définitions mêmes d’onde, de particule, ainsi que l’esprit lui-même doivent être affinés en traitant scientifiquement la question du libre arbitre… car c’est le seul cas connu pour lequel l’acte d’observation modifie ce qui est observé.

Planck déclare :

Nous pouvons peut-être traiter du libre arbitre. Considérée subjectivement, la volonté, dans la mesure où elle regarde vers l’avenir, n’est pas causalement déterminée, car toute connaissance de la volonté du sujet, par lui-même, agit causalement sur celle-ci, de sorte que toute connaissance définitive d’un lien causal fixe est hors de question. En d’autres termes, nous pourrions dire que regardée de l’extérieur – objectivement – la volonté est causalement déterminée, et que regardée de l’intérieur – subjectivement – elle est libre.

Planck a très bien décrit le rôle de la pensée créatrice dans ce processus en disant :

Une bonne hypothèse de travail est essentielle avant toute enquête. Cela étant, nous sommes confrontés à la difficile question de savoir comment nous allons faire pour trouver l’hypothèse la plus appropriée. Pour cela, il ne peut y avoir de règle générale. La pensée logique en elle-même ne suffit pas, même pas lorsqu’elle dispose d’un corps d’expérience exceptionnellement vaste et multiple pour l’aider. La seule méthode possible consiste à comprendre immédiatement le problème ou à se saisir d’une heureuse idée opportune. Un tel saut intellectuel ne peut être exécuté que par une imagination vive et indépendante et par une forte puissance créatrice, guidée par une connaissance exacte des faits donnés pour qu’elle suive le droit chemin.

Alors que Planck était un pianiste accompli, Einstein parlait sans relâche de l’importance de l’adhésion de son âme à la musique classique et de son amour de jouer Mozart au violon. Les deux hommes jouaient fréquemment de la musique ensemble, et tous deux témoignaient du rôle vital de la musique classique en leur permettant de s’évader au-delà des contraintes du raisonnement logique déductif / inductif – les mathématiques formelles – qui les avait empêchés de formuler des hypothèses fructueuses.

À propos du rôle de la musique dans la découverte scientifique, Einstein a déclaré :

La théorie de la relativité m’est venue par intuition, et la musique est le moteur de cette intuition. Mes parents m’ont fait étudier le violon depuis l’âge de six ans. Ma nouvelle découverte est le résultat de la perception musicale.

Dans un autre essai, Einstein est allé encore plus loin pour décrire le rôle de la causalité dans une fugue de Bach comme clé maîtresse pour débloquer les problèmes mathématiquement insolubles des quantas et de la causalité plus généralement :

Je crois que les événements de la nature sont régis par une loi beaucoup plus stricte et plus contraignante que ce que nous soupçonnons aujourd’hui, lorsque nous parlons d’un événement comme étant la cause d’un autre. Notre concept ici se limite à un événement dans une temporalité. Il est dissocié de l’ensemble du processus. Notre manière approximative actuelle d’appliquer le principe causal est assez superficielle… Nous sommes comme un enfant qui juge un poème par ses rimes, et non par son rythme. Ou, nous sommes comme un jeune étudiant au piano reliant simplement une note à celle qui précède ou suit immédiatement. Dans une certaine mesure, tout cela peut être très bien, quand on a affaire à des compositions simples ; mais cela ne fera pas l’affaire pour l’interprétation d’une fugue de Bach. La physique quantique nous a présenté des processus très complexes, et pour y faire face, nous devons encore élargir et affiner notre concept de causalité.

À ma connaissance, cette idée n’était nulle part mieux exprimée à notre époque que dans cette courte vidéo de 17 minutes, Le passé est-il certain ?Vidéo en anglais

Remettre l’esprit sur le siège du conducteur

Au lieu d’une nouvelle ère de découvertes dans les voyages spatiaux, le développement pacifique et les découvertes atomiques comme l’envisageaient John F. Kennedy ou Charles De Gaulle, le XXe siècle a vu la formation d’un nouveau sacerdoce scientifique qui s’est transformé en un culte de la société de consommation tentant, pour toujours, de «vivre dans l’insaisissable maintenant» – le Big Now – … ignorant du passé, craintif pour l’avenir et dédaigneux envers la nature humaine. Des ectoplasmes et des zombies comme Karl Popper et George Soros se sont levés pour mettre en action un ensemble d’idées qui rejetaient la méthode de pensée fructueuse et éprouvée menée par des scientifiques comme Einstein, Planck et le grand bio-géochimiste Vladimir Vernadsky qui ont tous conclu que si la logique déductive / inductive pure échoue à produire la vérité, alors il vaut mieux trouver une meilleure définition de la vérité plutôt que de supposer paresseusement qu’elle n’existe pas.

Alors que l’humanité est tirée par un meilleur paradigme de système ouvert dirigé par Vladimir Poutine, Xi Jinping et d’autres dirigeants de l’Alliance multipolaire, rappelons-nous les sages paroles de Planck dont la vision de la condition humaine devrait être revisitée plus souvent :

La science ne peut pas résoudre le mystère ultime de la nature, et ceci parce qu’en dernière analyse, nous faisons nous-mêmes partie de la nature, et par conséquent, partie du mystère que nous essayons de résoudre. La musique et l’art sont, dans une certaine mesure, également des tentatives de résoudre, ou du moins d’exprimer ce mystère. Mais à mon avis, plus nous progressons avec l’un ou l’autre, plus nous sommes mis en harmonie avec toute la nature elle-même. Et c’est l’un des grands services rendus par la science à l’individu.

L’auteur de cet article a prononcé une conférence, en 2015, sur ce sujet intituléePlanck vs Russell : A Battle for Causality in the 20th Century, qui peut être visionnée ici – en anglais :

Matthew Ehret

Traduit par jj, relu par Hervé pour le Saker Francophone

lundi, 15 juin 2020

Yves Perez : Les vertus du protectionnisme

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Politique & Eco avec Yves Perez :

Les vertus du protectionnisme

 
9782810009350.jpgRedonner ses lettres de noblesse au protectionnisme ! C'est la mission que s'est donné l'économiste Yves Perez. Mis à l'index par une majorité de décideurs acquis au dogme du libre-échange, le protectionnisme est pourtant aujourd'hui dans tous les esprits, sinon dans les faits, comme en témoigne l'Amérique de Trump. Et avec la pandémie de covid-19, même les néo-libéraux commencent à tourner casaque. Dans son ouvrage "Les vertus du protectionnisme", Yves Perez propose de redéfinir une stratégie économique et industrielle cohérente et pérenne.
 
Retrouvez-nous sur : https://www.tvlibertes.com/
 

vendredi, 29 mai 2020

USA: Einzelhandel droht Pleitewelle – Milliardäre profitieren

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Torsten Groß:

USA: Einzelhandel droht Pleitewelle – Milliardäre profitieren

Ex: https://kopp-report.de

Den USA steht eine Insolvenzwelle katastrophalen Ausmaßes als Folge des wirtschaftlichen Lockdowns zur Bekämpfung der Corona-Pandemie bevor. Ausgangspunkt dieses Pleite-Tsunamis könnten der Einzelhandel und die Gastronomie sein. Beide Branchen sehen sich mit drastischen Umsatzeinbußen konfrontiert, weil wegen der Ausgangs- und Kontaktbeschränkungen die Laufkundschaft ausbleibt.

Vor allem kleinere Händler sind in der Bredouille. Viele Ladeninhaber sind aufgrund der in den letzten Wochen erlittenen Umsatzausfälle nicht mehr in der Lage, ihre Miete zu bezahlen. Die meisten großen Ketten mussten ihre Filialen wegen Corona sogar ganz schließen. Fällige Mietzahlungen für die Ladenflächen werden zurückgehalten, um das Liquiditätspolster zu vergrößern und so das wirtschaftliche Überleben in der Krise zu sichern.

Allein im April sollen Schätzungen zufolge Gewerbemieten in Höhe von 7,4 Milliarden US-Dollar nicht bezahlt worden sein, was etwa 45 Prozent des geschuldeten Gesamtbetrages entspricht. Betreiber von Shopping Malls haben sogar nur 25 Prozent der erwarteten Mieteinnahmen erhalten. In diesen Einkaufszentren hat die Leerstandsquote mittlerweile ein Rekordniveau erreicht.

Vor einigen Tagen nun haben Tausende von Geschäftsinhabern eine standardisierte Mahnung ihrer Vermieter erhalten. Adressaten waren vor allem Restaurants, Kaufhäuser, Bekleidungsanbieter und Fachgeschäfte, die Mietzahlungen für einen Zeitraum von bis zu drei Monaten schulden.

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Einige Mahnschreiben waren bereits im März versandt worden. Zum Monatswechsel Ende April/Anfang Mai hat sich die Zahl aber deutlich erhöht.

Die blauen Briefe haben bei vielen der betroffenen Ladeninhabern Panik ausgelöst. Sie befürchten, dass ihnen die Vermieter die Nutzung der angemieteten Gewerbeflächen bis auf weiteres untersagen oder den Mietvertrag kündigen könnten, was das wirtschaftliche Aus bedeutete. Sollten die Vermieter ihre Mahnverfahren weiter betreiben, würde die Zahl der Bankrotte in den USA drastisch steigen.

Ob es dazu tatsächlich kommt, bleibt allerdings abzuwarten. Die Vermieter befinden sich nämlich in einer Zwickmühle. Einerseits sind die meisten von ihnen auf die Zahlungen angewiesen, um eigene Verbindlichkeiten insbesondere gegenüber kreditgebenden Banken zu erfüllen, die ihre Immobilien finanzieren. Andererseits bringt es wenig, wenn sie ihre säumigen Vertragspartner vor die Tür setzen, weil die Chancen, Nachmieter für die dann leerstehenden Ladenlokale zu finden, wegen der corona-bedingten Rezession derzeit gering sind.

Marktbeobachter gehen deshalb davon aus, dass die jüngste Mahnwelle vornehmlich dem Zweck dient, die Ansprüche der Eigentümer im Insolvenzverfahren zu sichern, sollte die Pleitewelle tatsächlich im großen Maßstab einsetzen. Erste Beispiele für Konkurse auch prominenter Unternehmen gibt es bereits: So mussten die 1907 gegründete Nobelkaufhauskette Neimann Marcus Group, der Gemischtwarenhändler J. C. Penney und die Bekleidungskette J. Crew im laufenden Monat einen Insolvenzantrag nach Chapter 11 des United States Code stellen.

In dieser Situation haben einige Immobilieneigentümer Verhandlungen mit ihren Mietern aufgenommen, um die bestehenden Verträge unter Berücksichtigung der schwierigen finanziellen Situation der Gewerbetreibenden anzupassen. Gleichzeitig beharrt man aber auf seinem grundsätzlichen Zahlungsanspruch: »Im Endeffekt haben wir einen rechtsgültigen Vertrag und erwarten, dass die Mieten entrichtet werden«, äußerte kürzlich David Simon, Vorstandsvorsitzender der Simon Property Group Inc., die seit Jahresbeginn fast zwei Drittel ihres Börsenwertes eingebüßt hat.

Andere Vermieter sind allerdings weniger kulant und schlagen in ihren Mahnschreiben einen sehr aggressiven Ton an. Sie drohen offen damit, die säumigen Mieter vor die Tür zu setzen und ihr Geschäftsinventar zu verwerten, um zu ihrem Geld zu kommen. Zumeist lassen die Absender ihren harschen Worten aber keine Taten folgen – noch, muss man sagen. Denn sollte die Konjunktur nicht bald wieder Fahrt aufnehmen und die Mietzahlungen auch in den nächsten Monaten ausbleiben, könnten die Immobilieneigner tatsächlich dazu übergehen, die bestehenden Mietverhältnisse zu beenden und die Gewerbetreibenden so zur Schließung ihre Geschäfte zu zwingen, was in einigen Fällen auch schon geschehen ist. »Die Stimmung wird auf beiden Seiten des Tisches ziemlich gereizt und emotional«, beschreibt Tom Mullaney, der für Restrukturierungsmaßnahmen verantwortliche Geschäftsführer beim Immobiliendienstleister Jones Lang LaSalle, die aktuelle Lage. »Das Einzige, was schlimmer ist, als ein Einzelhändler zu sein, ist es, ein Vermieter von Einzelhandelsflächen zu sein«, so Mullaney.

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Während Einzelhändler, Gastronomen und die meisten anderen Gewerbetreibenden in den USA massiv unter dem corona-bedingten Lockdown leiden, sind einige wenige Unternehmen und ihre Besitzer Gewinner der Krise. Einer Studie zufolge basierend auf den Daten des Wirtschaftsmagazins Forbes konnten US-Milliardäre ihr Vermögen in den letzten zwei Monaten um sage und schreibe 434 Milliarden Dollar steigern. Gemessen am absoluten Vermögenszuwachs wird das Feld von Jeff Bezos und Mark Zuckerberg angeführt.

Während Amazon-Gründer Bezos dank des explosionsartigen Bestellzuwachses im Online-Handel um 35 Mrd. Dollar und damit um knapp ein Drittel zulegte, wurde Facebook-Chef Mark Zuckerberg um 25,3 Mrd. Dollar reicher, ein Plus von mehr als 46 Prozent.

Relativ betrachtet war der Unternehmer Elon Musk (Tesla) der größte Profiteur. Er hat einen Vermögenszuwachs von satten 48 Prozent zu verzeichnen. Zu berücksichtigten ist allerdings, dass der Beobachtungszeitraum der Studie mit dem Börsentief Mitte März begann und die seitdem andauernde Phase der schnellen Erholung an den Kapitalmärkten erfasst. Bezogen auf das Gesamtjahr dürften die Vermögenszuwächse der Krisengewinner deshalb weniger fulminant ausfallen.

Das ändert allerdings nichts am grundsätzlichen Befund, dass einige Reiche in erheblichem Maße von der weltweiten Corona-Pandemie profitieren – und das nicht nur in den USA.

»Die Zunahme des Wohlstands von Milliardären in einer globalen Pandemie unterstreicht die groteske Natur ungleicher Opfer«, kritisiert Chuck Collins, leitender Wissenschaftler am Institut für politische Studien in Washington, das die Studie erstellt hat. »Während Millionen als Ersthelfer und Mitarbeiter an vorderster Front ihr Leben und ihre Existenzgrundlage riskieren, profitieren diese Milliardäre von einem Wirtschafts- und Steuersystem, das darauf ausgerichtet ist, den Wohlstand nach oben zu verteilen«, resümiert Collins die Ergebnisse seiner Untersuchung.

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Dienstag, 26.05.2020

00:52 Publié dans Actualité, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, économie, états-unis | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

jeudi, 07 mai 2020

Deutschlands Automobilindustrie droht ein Desaster

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Torsten Groß:

Deutschlands Automobilindustrie droht ein Desaster

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Der bekannte Wirtschaftswissenschaftler Ferdinand Dudenhöffer hat eine düstere Prognose für die Automobilindustrie abgegeben. Nach Einschätzung des deutschen Hochschulprofessors, der an der Universität St. Gallen lehrt, wird sich die Branche weltweit frühestens im Jahr 2025 von den Nachwirkungen der Corona-Krise erholt haben. Das ist vor allem für die deutsche Volkswirtschaft eine schlechte Nachricht. Denn der Wohlstand unseres Landes ist maßgeblich vom Kraftfahrzeugbau abhängig, der mit 436 Mrd. Euro mehr als ein Fünftel zum Gesamtumsatz des verarbeitenden Gewerbes beisteuert und 836.000 Menschen beschäftigt.

In keinem anderen Land der Welt hat die Autoindustrie einen so großen Anteil an der heimischen Wertschöpfung wie bei uns. Wichtig auch: Etwa zwei Drittel der Einnahmen aus dem Verkauf deutscher Fahrzeuge werden im Ausland generiert. Doch dort wird die Nachfrage infolge des weltweiten Konjunktureinbruchs 2020 deutlich zurückgehen.

Dudenhöffer geht davon aus, dass der Autoabsatz in Asien im Vergleich zum Vorjahr von 32 Millionen verkauften Einheiten auf heuer 25,9 Millionen sinkt, ein Minus von über 19 Prozent. Für Nordamerika rechnet Dudenhöffer mit einem Absatzverlust von 4 Millionen Einheiten oder 20 Prozent gemessen an der Stückzahl, die 2019 erreicht wurde.

Und in Europa dürften nach den Berechnungen des Experten 2,8 Millionen Autos weniger abgesetzt werden als noch in 2019 (minus 17,7 Prozent), wobei Westeuropa wegen der schon heute hohen Marktsättigung stärker betroffen sein wird als der Osten des Kontinents, wo es in puncto Mobilität noch Nachholbedarf gibt.

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Weltweit wird die Zahl der produzierten Autos im laufenden Jahr gegenüber 2019 um 14,4 Millionen Einheiten auf 65,2 Millionen einbrechen, was einem Rückgang von über 18 Prozent entspricht. Das wäre der niedrigste Stand seit 2011. Noch dramatischer sieht die Prognose für Deutschland aus. Bei uns soll der Ausstoß um 900.000 auf dann nur noch 3.800.000 Fahrzeuge sinken. 100.000 Arbeitsplätze stehen auf der Kippe. Bereits jetzt sind nach Angaben des Verbandes der Automobilindustrie (VDA) 400.000 Beschäftigte in der Branche von Kurzarbeit betroffen. Kein Wunder, dass die Hersteller auf eine möglichst schnelle Wiederaufnahme der Produktion drängen, die in einigen Werken bereits wieder anläuft, wenn auch nur eingeschränkt. Denn die Lieferketten aus dem Ausland sind fragil. Viele Fahrzeugkomponenten z.B. aus Norditalien stehen wegen des Shutdowns und der Ausfuhrbeschränkungen noch nicht wieder zur Verfügung.

Vor allem aber fehlt es an Nachfrage der Käufer. In Erwartung der von Wirtschaftsforschern vorhergesagten schweren Rezession und millionenfacher Arbeitslosigkeit halten sich die Verbraucher mit teuren Neuanschaffungen wie einem Auto verständlicherweise zurück. Im Vorfeld des am heutigen Dienstag stattfindenden Telefongipfels mit Bundeskanzlerin Merkel fordert der VDA deshalb eine vom Staat finanzierte, zeitlich befristete »Neustart-Prämie« als Anreiz, um Konsumenten zum Kauf eines Neuwagens zu motivieren. Insidern zufolge soll diese Prämie nach den Vorstellungen der Branche mindestens 2.500 Euro betragen. Dieser »Sockelbetrag« könne mit zusätzlichen Boni kombiniert werden, um den Absatz umweltfreundlicher Fahrzeuge im Sinne der Klimaschutzziele – zusätzlich zum bereits bestehenden Förderprogramm Elektromobilität (FEM) – zu unterstützen. Auch Jahreswagen sollen in das Prämienmodell einbezogen werden.

Ob sich die Branche mit diesen weitreichenden und für den Steuerzahler kostspieligen Forderungen wird durchsetzen können, bleibt abzuwarten. Eine politische Entscheidung soll heute noch nicht getroffen werden. Kritiker sehen in der Kaufprämie eine ungerechtfertigte Bevorzugung der Autoindustrie gegenüber anderen Branchen, die wirtschaftlich ebenfalls mit dem Rücken zur Wand stehen.

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Im Übrigen stellt sich die Frage, ob sich der gewünschte Effekt in der jetzigen Phase tatsächlich einstellen würde. Denn noch ist die Corona-Epidemie nicht ausgestanden, eine zweite oder gar dritte Infektionswelle, wie sie z.B. bei der Spanischen Grippe der Jahre 1918/1919 auftrat, könnte eine erneute Verschärfung des Lockdowns durch die Politik zur Folge haben – ein Szenario, das von den Mainstreammedien gestützt auf die Aussagen des Robert Koch Instituts (RKI) und anderer einschlägig bekannter Virologen jeden Tag aufs Neue an die Wand gemalt wird. So lange diese Unsicherheit besteht, werden auch großzügige Kaufprämien die Konsumenten nicht dazu verleiten, in Scharen in die Autohäuser zu strömen. Notwendig ist eine langfristige Perspektive im Umgang mit dem Virus und ein politisches Konzept, das ein höchstmögliches Maß an Gesundheitsschutz vor allem für die besonders gefährdeten Gruppen der Bevölkerung gewährleistet, ohne dabei die Wirtschaft zu ruinieren. Daran fehlt es in Deutschland auch Monate nach dem Ausbruch der Pandemie bis heute.

Experte Dudenhöffer prognostiziert, dass sich der weltweite Automarkt erst 2025 wieder erholt haben wird. Erst dann könnten die Absatzzahlen des Jahres 2019, dem letzten Jahr von Corona, wieder erreicht bzw. leicht übertroffen werden. Von dieser Entwicklung dürfte Asien überproportional profitieren, weil hier die Motorisierung der Bevölkerung in vielen Ländern deutlicher geringer ist als in den Industriestaaten Nordamerikas und Europas.

Bis diese lange Durststrecke überwunden ist, wird es zu einer Schrumpfung der Branche kommen, um die bestehenden Überkapazitäten abzubauen, die Dudenhöffer auf 25 Prozent beziffert. Unabhängig von der aktuellen Krise wird dieser Strukturwandel zahlreiche gut bezahlte Jobs in der Automobilindustrie kosten, auch bei uns.

Eine zusätzliche Belastung speziell für die deutschen Hersteller resultiert aus der politischen Verteufelung des Dieselmotors und dem aus Gründen des »Klimaschutzes« erzwungenen Umstieg auf elektrisch betriebene Fahrzeuge, deren Produktion deutlich weniger Teile und damit auch Arbeitskräfte insbesondere bei den Zulieferern erfordert.

Der Autobranche stehen also schwere Zeiten ins Haus. Die Maßnahmen zur Bekämpfung der Virus-Pandemie haben die Lage noch einmal deutlich verschärft. Darunter werden hierzulande vor allem solche Bundesländer zu leiden haben, die große Produktionsstandorte beherbergen, etwa Niedersachsen mit VW in Wolfsburg, Nordrhein-Westfalen (Ford), Baden-Württemberg (Daimler-Benz, Porsche) und Bayern (BMW, Audi).

Ganze Regionen, in denen der Automobilbau wirtschaftlicher Taktgeber ist, droht der Niedergang, wenn dort in größerem Maßstab Jobs und damit Kaufkraft verloren gehen. Dafür verantwortlich sind Fehlentscheidungen der Politik, die nicht nur in der Corona-Krise, sondern schon zuvor getroffen worden sind!

mercredi, 22 avril 2020

Économie : En territoire inconnu

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Économie : En territoire inconnu
par Hervé Juvin
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré aux conséquences économiques de la crise sanitaire. Économiste de formation, vice-président de Géopragma et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

Économie : En territoire inconnu

Wall Street a connu début avril sa meilleure semaine depuis… 1938 ! Au moment même où les États-Unis annonçaient un nombre record d’inscriptions au chômage : 16 millions ! Malgré l’extension mondiale de la pandémie de Covid19, la paralysie d’un nombre croissant d’économies et la réduction du commerce international, de l’ordre de 30 %, ni les produits de taux, ni les actions n’ont subi les conséquences de la crise en proportion des effets attendus sur les résultats des entreprises, à l’exception des valeurs directement impactées ; tourisme, aéronautique, etc.

Les marchés lead l’économie

Que se passe-t-il ? Aucun hasard dans cet apparent paradoxe, aucune raison non plus d’en appeler à la ritournelle de ceux qui veulent que tout ça n’ait aucun sens, que les marchés aient perdu toute utilité, et qu’il suffise de fermer les Bourses, d’interdire le versement des dividendes, et accessoirement de nationaliser les entreprises. Les Cassandre finissent toujours par avoir raison, elles ne savent ni quand ni pourquoi, ce qui les rend dérisoires.

Mieux vaut regarder en face les trois faits révolutionnaires qui changent tout ce que nous croyions savoir sur les marchés.

D’abord, ce ne sont plus les chiffres d’affaires et les résultats qui font les mouvements des valeurs d’actifs, c’est l’action des Banques centrales. Business ne fait plus-value. Ceux qui croient encore que les sociétés privées dirigent le monde doivent y réfléchir. Depuis un mois, les États décident du versement des dividendes et des rachats d’action, les États décident de l’implantation des usines et des autorisations de vente à l’étranger ou d’importation de produits industriels, et les États décident de la vente ou non d’entreprises privées à d’autres entreprises privées, le blocage de la vente de Photonis à Télédyne en France en donnant un bon exemple !

Nous sommes loin de l’abandon d’Alcatel, d’Alstom, de Morpho-Safran, de Technip, des Chantiers de l’Atlantique, etc. Et ceux qui croient encore que les marchés s’autorégulent doivent abandonner leurs illusions ; les banques centrales ont tiré la leçon de 2008, elles savent que les marchés s’autorégulent encore moins qu’ils ne sont transparents et équitables, et elles en tirent la conséquence ; à elles de faire les prix de marché — pour le meilleur ou pour le pire, c’est une autre histoire !

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L’endettement

Ensuite, la Nouvelle Politique Monétaire (NPM) et son application signifient que l’émission de monnaie est devenue le vrai moteur des économies, et que tout peut être fait, rien ne doit être exclu, qui assure le maintien des valorisations boursières. Les banques centrales sont le premier acteur de l’économie nouvelle. Les marchés ont été nationalisés ; ou, plutôt, les marchés financiers sont devenus trop importants pour les laisser à la confrontation des acheteurs et des vendeurs. Le citoyen avait disparu, effacé par le consommateur, le consommateur disparaît, effacé par l’investisseur, devenu l’acteur central de la société globale, ou par son symétrique, le consommateur endetté, État ou particulier, qui doit avoir la certitude, non de rembourser ses dettes, ne rêvons pas, mais de pouvoir s’endetter davantage !

Nous sommes passés d’un univers dans lequel le crédit bancaire et les aides d’État déterminaient l’activité, au monde dans lequel la valorisation boursière commande la propriété et in fine décide de l’activité du crédit. Quelle Nation pourrait accepter que les plus belles entreprises nationales soient rachetées à vil prix parce que les cours de leurs actions ont baissé ? Trois solutions : la nationalisation, à la fois suspecte et coûteuse ; l’interdiction par la loi, qui trouve vite ses limites géopolitiques ; le soutien des cours. D’où cette conviction appliquée, il faut faire tout ce qu’il faut pour que les valorisations demeurent élevées, et progressent, c’est la condition de la stabilité économique ! La surabondance monétaire booste les cours des actions. Est-ce la nouvelle règle du jeu ?

Enfin, c’en est fini de la diversité des anticipations, cette fiction convenable des marchés où les prix étaient le résultat de l’appréciation du risque, et des anticipations d’acteur divers par leurs horizons de gestion, leurs objectifs de rendement, leur appétence pour le risque, etc. Jamais la détention d’actions n’a été aussi massivement concentrée entre les mains des 1 % de « superriches » — aux États-Unis, de toute leur histoire ! Et jamais la concentration des pouvoirs (ou la confiscation de la démocratie) n’a joué aussi manifestement pour protéger les super-riches contre tout événement fâcheux, et leur garantir la poursuite accélérée de leur enrichissement !

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Les banques centrales sont prêtes à tout

Les données publiées par le site « Zerohedge » indiquent plus de 16 000 milliards de dollars ont été engagées par la FED pour sauver les banques américaines, leurs actionnaires et leurs dirigeants, de la faillite et de ses conséquences judiciaires pour les uns, financières pour les autres ! Ce qu’elles n’indiquent pas, c’est ce phénomène bien connu et si bien exploité ; la surrèglementation nourrit l’hyperconcentration. Seuls, les très gros, très riches et très forts bénéficient des seuils réglementaires et normatifs qui excluent les plus petits, plus faibles, moins riches.

Le temps est venu de ranger au bazar des accessoires défraîchis les enseignements de l’économie classique sur la fabrication des prix et les racontars sur « la concurrence libre et non faussée » que nul n’a jamais rencontrée nulle part ailleurs que dans les manuels d’économie et les discours de la Commission européenne à la Concurrence ! Les marchés actions doivent progresser, les Banques centrales en sont garantes, et on ne gagne jamais contre les banques centrales, c’est bien connu ! Voilà qui met à bas tout ce que nous croyions savoir sur les politiques de gestion d’actifs. Les politiques de gestion raisonnables, différenciées, basées sur les fondamentaux des entreprises ou des États n’ont plus de sens quand ce sont les injections de liquidités et les politiques de rachat de tout et n’importe quoi par les banques centrales qui font les cours. S’il est une conclusion à tirer de l’énormité des engagements des banques centrales, Fed comme BCE, c’est bien qu’elles sont prêtes à acheter n’importe quoi pour que la musique continue !

Dans ces conditions, le couple risque-rentabilité qui dirigeait les allocations d’actifs raisonnées n’est plus de saison. La sélection des titres est un exercice vain. Tout simplement parce que la partie « risque » s’est évanouie, ou que l’action des banques centrales fait qu’il est impossible de l’évaluer. Il n’y a plus de prix pour le risque, ce qui interroge au passage sur le nouveau tour du capitalisme et le sens du mot « entrepreneur ». La logique est : qui va bénéficier des actions de la FED et du Congrès, de la BCE et des décisions du Conseil et de l’Eurogroupe ?

La richesse ne vient plus du travail

Au moment d’entrer en territoire inconnu, que conclure ? D’abord, essayer de comprendre les règles du « new normal ». Les règles ne sont pas les mêmes, ce qui ne signifie qu’il n’y a pas de règles ; elles sont nouvelles, c’est tout. Ensuite, s’efforcer de prévoir l’évolution dans le temps de ces règles et de leurs impacts, leur nouveauté même pouvant réserver toutes les surprises. Enfin, reconnaître l’intérêt de la France, et faire en sorte que la France sorte gagnante d’un jeu qui fera des gagnants et des perdants.

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Sauver l’effet richesse, c’est la nouvelle règle du chef d’orchestre. La richesse dans les pays riches ne vient plus du travail, mais de la détention ou de l’attraction du capital (cas exemplaire des start-up qui ne sont riches ni de produits, ni de clients, ni de chiffre d’affaires, mais du capital qu’elles lèvent sans limites, et qu’elles consomment également sans limites ; voir Uber, Tesla, etc. !) Et voilà comment des compagnies aériennes américaines qui ont racheté pour 45 milliards de leurs propres actions (soit 96 % de leur cash flow disponible) pour enrichir leurs actionnaires demandent… 54 milliards d’aides au gouvernement pour ne pas faire faillite (Boeing a suivi la même politique, consacrant la totalité de son cash flow disponible en dix ans au rachat de ses propres actions et demande également le sauvetage par l’argent public) !

Le compromis entre le capital et le travail a été rompu dans les années 1990 pour être remplacé par un compromis entre les détenteurs du capital et les banques centrales ; il ne s’agit plus de partager des gains de productivité, il s’agit de s’enrichir sans fin ! Il ne s’agit plus de redouter une « stagnation séculaire » de la croissance dans les pays riches, il s’agit d’assurer l’enrichissement des plus riches par la création monétaire déversée sur les marchés d’actifs ! Ce ne sont plus les plus vulnérables qui sont protégés, ce sont les plus riches qui peuvent se servir. Il est permis d’espérer, mais ce n’est pas demain que le monde du travail retrouvera les leviers qui lui avaient permis de négocier le partage des gains de productivité qu’assurait l’industrie — d’ailleurs, il n’y a plus chez nous ni industrie ni gains de productivité ! Pour s’en convaincre, et contrairement à tout ce que suggèrent la situation actuelle et la célébration méritée du courage des soignants, des gendarmes et des policiers, des caissières et des livreurs, il suffit de regarder où va l’argent émis par les banques centrales ; les marchés ont l’argent, les soignants ont l’ovation de 20 heures aux fenêtres chaque soir ! Paradoxalement, la pandémie marque un nouveau bond en avant du capitalisme libéral. Certains peuvent rêver que ce soit le dernier.

L’Europe laissée de côté pour le véritable affrontement

Éviter la confrontation au réel et ruiner l’adversaire, c’est le jeu du moment. Un jeu impitoyable dans la confrontation des faibles aux forts. La Chine est annoncée grande gagnante de l’épreuve actuelle. Attendons. Il serait paradoxal que le pays d’où est parti la pandémie, qui l’a probablement aggravé par sa politique de censure des informations critiques, ou simplement des mauvaises nouvelles, et par le retard mis à en reconnaître le caractère expansif et non maîtrisé, en tire un bénéfice géopolitique et financier, mais nous sommes installés en plein paradoxe (le fait qu’une chose et son contraire puissent être affirmés en même temps est caractéristique de la situation présente, c’est-à-dire du chaos cognitif et de la confusion mentale) ! Attendons pour en juger de voir quels engagements en faveur de la relocalisation massive de nos productions stratégiques seront effectivement tenus.

Tout indique que les États-Unis se détournent de l’Europe pour engager la confrontation avec le pays qu’ils jugent leur premier adversaire du XXIè siècle, une confrontation dont tout indique qu’elle mobilisera la gamme entière des stratégies non conventionnelles et des armes non militaires, les moyens de paiement, les systèmes d’information et les attaques biologiques constituant quelques-uns des moyens d’un arsenal varié. Bitcoin, 5G, biotech — nous n’avons encore rien vu des ressources que la monnaie et la finance de marché peuvent mobiliser pour appauvrir l’ennemi, pour diviser l’ennemi, pour obliger l’ennemi à composer.

Plus besoin des canonnières du commodore Perry pour obliger un pays à s’ouvrir et à se plier ! Au choix, on considérera les milliers de milliards de dollars mis sur la table par la FED depuis ces dernières années comme une arme de destruction massive pour les détenteurs de papier libellé en dollar, ou pour le système financier occidental lui-même… les paris sont ouverts ! Et on sera attentif au projet attribué au macronisme de confier la gestion des réserves d’or de la France à une banque américaine ; après le pillage d’Alstom, le pillage de la Banque de France ? Pendant la pandémie, le hold-up continue !

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Protéger le patrimoine national et l’activité nationale devient une priorité pour chaque État. C’est la priorité de la France. La sécurité monétaire, la sécurité économique et patrimoniale, s’imposent au premier rang des enjeux de sécurité globale. Derrière les soubresauts boursiers, les risques de prise de contrôle de tel ou tel fleuron technologique ou industriel sont multipliés. Derrière la suppression de la monnaie papier, les enjeux de contrôle, de détournement, et de vol, sont gigantesques. Derrière la naïveté avec laquelle les administrations européennes prétendent se moderniser en substituant au papier et au guichet l’Internet obligé se cache mal l’exploitant américain ou chinois et un retour au temps des colonies, quand quelques compagnies privées, aventureuses et pirates, se partageaient des continents.

Et qu’en sera-t-il si le traçage individuel grâce aux données collectées à partir des téléphones portables se justifie par des motifs sanitaires pour devenir la règle imposée à toute la population, au bénéfice des prestataires qui s’en félicitent déjà ? La pandémie n’arrête pas les (bonnes) affaires d’Atos et de ses concurrents (écouter à ce sujet sur RTL l’étonnant discours du commissaire européen Thierry Breton, ex-PDG d’Atos, ouvrant sereinement la voie au contrôle numérique de la population européenne !) Derrière l’échappée belle de toutes les règles budgétaires de rigueur imposées par l’Union, s’annonce une course qui fera des gagnants et des perdants.

La France doit saisir dans la pandémie une bonne occasion de rompre avec les contraintes que l’Union européenne impose aux choix nationaux, à la protection du marché national, à la préférence pour les entreprises nationales. La France doit utiliser au maximum les facilités qui sont offertes par la BCE, par un mécanisme européen de solidarité (MES) débarrassé de toute conditionnalité, par le fonds européen de relance annoncé.

Elle doit le faire au profit des entreprises françaises, des projets français, de l’indépendance de la France – et sauver les entreprises familiales du commerce et de la restauration, contre les ambitions prédatrices des chaînes mondiales de « malbouffe ». Elle doit mobiliser toutes les capacités que l’Union européenne peut offrir dans son propre intérêt, comme l’Allemagne, comme les Pays-Bas, comme les autres Nations le font. Et elle doit plus encore considérer les marchés financiers pour ce qu’ils sont, un outil à la disposition de qui choisit de s’en servir. Voilà qui n’invalide pas le rôle des marchés, mais qui le transforme.

Tout simplement parce que nous sortons du monde du bon père de famille qui savait que rembourser des dettes enrichies. Dans le nouveau monde, non seulement les dettes ne seront jamais remboursées, mais celui qui s’enrichit est celui qui peut émettre le plus de dettes. Dans le nouveau monde, ce ne sont plus des créanciers exigeants et sourcilleux qui achètent la dette, ce sont des banques centrales d’autant plus accommodantes qu’elles jouent elles-mêmes leur survie — au cours des dernières semaines, la nouvelle Présidente de la BCE, Christine Lagarde, l’a bien compris !

Et l’impensable arrive. La France de 2020 doit savoir s’enrichir de sa dette et mobiliser sans freins la dépense publique, si elle sait l’employer à relocaliser son industrie, à relancer une politique territoriale qui commence par le soutien au secteur de l’hôtellerie, de la restauration familiale et du petit commerce, à relancer de grands projets (le second porte-avion, le cloud français ?) et à réduire le coût du financement de son économie, l’exemple allemand étant sur ce sujet à méditer.

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Mieux vaut danser en cadence quand s’arrêter donne le vertige. Les colonnes du temple européen s’effondrent les unes après les autres, de Maastricht à Schengen, ce n’était que des colonnes en papier. Mais que l’entreprise privée, libre de sa stratégie, que les marchés concurrentiels où se forment les prix, que l’allocation des capitaux selon le rapport rendement-risque disparaissent par la magie complaisante des banques centrales, voilà qui mérite attention ; ce sont cette fois les bases du libéralisme qui sont mises à mal. Certains diront ; changeons de partition ! D’autres diront plus simplement ; tant que la musique joue, il faut continuer à danser, seuls ont tort ceux qui pensent d’en tirer en s’isolant dans leur coin. Mais la seule question qui compte est tout autre ; vaut-il mieux être celui qui joue dans l’orchestre, celui qui danse sur la piste, ou celui qui agite son mouchoir sur le quai en regardant partir le Titanic, tous pavillons flottant au vent ?

Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 13 avril 2020)

mardi, 21 avril 2020

Der größte Crash aller Zeiten: Deutschland am Scheideweg

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Torsten Groß:

Der größte Crash aller Zeiten: Deutschland am Scheideweg

Ex: https://kopp-report.de

Einer der klügsten Köpfe Deutschlands legt nach: Nach Der Draghi-Crash (2017), Wenn schwarze Schwäne Junge kriegen (2018) und Verzockte Freiheit (2019), allesamt Bestseller, hat der Ökonom und Risikomanager Markus Krall, ein neues, 300 Seiten starkes Buch mit dem Titel Die bürgerliche Revolution vorgelegt. Sein Untertitel ist Programm: »Wie wir unsere Freiheit und unsere Werte erhalten«.

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Im ersten Teil seines Buches zeigt Krall, der sich selbst als libertär einordnet, welche Entwicklungen die bürgerlich-freiheitliche Ordnung in Europa und Deutschland bedrohen. In komprimierter und auch für Laien verständlicher Form erläutert Krall die fatalen Folgen, die von der planwirtschaftlichen Geldpolitik der Notenbanken für Wachstum und Wohlstand unserer Gesellschaft ausgehen. Dieser vom Autor so bezeichnete »Geldsozialismus«, der zu Lasten der Leistungsträger geht und seinen sichtbarsten Ausdruck in den Nullzinsen der EZB finde, führe unweigerlich zum Kollaps des monetären Systems und der Marktwirtschaft. Die politische Klasse billige den Kurs der Zentralbanken, um mit immer neuen Schulden die kurzfristigen Konsumwünsche der Bürger zu befriedigen und Wählerstimmen zu maximieren. Die herrschenden Eliten seien nicht in der Lage, den Menschen durch Aufklärung und geistige Führung das langfristig Notwendige zu vermitteln. Den tieferen Grund für dieses Versagen sieht Krall in der adversen ökonomischen Selektion des politischen Personals, die den Aufstieg rückgratloser Opportunisten ohne intellektuelle Befähigung begünstige.

Der absehbare wirtschaftliche Zusammenbruch werde am Ende auch die Demokratie zerstören, ist sich Krall sicher, und führt als historisches Beispiel die Weimarer Republik an. Dieses Szenario werde begünstigt durch die Aushöhlung der Herrschaft des Rechts und die defizitär ausgestaltete Gewaltenteilung in Deutschland, was der Autor beispielhaft an der Institution des Bundesverfassungsgerichts und seiner Rechtsprechung festmacht. Letztlich versagten aber alle drei Gewalten – Exekutive, Legislative und Jurisdiktion – bei ihrer vom Grundgesetz vorgegebenen Aufgabe, die konstitutionelle Ordnung zu schützen und die Rechte der Bürger zu wahren.

Scharfe Kritik übt Krall an den Kirchen, die zu einem »Wurmfortsatz des Staates« verkommen seien und sich dem linken Zeitgeist angebiedert hätten. Ihre Funktionsträger schwiegen zum Konsumterror, zur Auflösung von Ehe und Familie, zu Pornographie und Abtreibung. Stattdessen beteilige man sich an der Abschaffung der freiheitlichen Ordnung, obwohl die ihr ideengeschichtliches Fundament gerade im christlichen Glauben finde. Die Folge, so Krall, sei »die tiefgreifendste Erosion des Glaubens in unserer Gesellschaft, die je stattgefunden hat«. Das Führungsversagen der Kirchenoberen schaffe ein geistiges Vakuum, das sowohl von scheinwissenschaftlicher Propaganda mit religiösem Wahrheitsanspruch wie der Klimahysterie als auch dem Islamismus gefüllt werde.

35446679._SY475_.jpgEbenfalls hart ins Gericht geht Krall mit den Medien, die ihrer Rolle als »vierte Gewalt« zur Kontrolle der Mächtigen nicht mehr gerecht würden. Stattdessen fungierten sie als ein Erziehungsinstrument im Interesse der herrschenden Eliten, was besonders im Haltungsjournalismus zum Ausdruck komme, der nicht mehr zwischen Nachricht und Meinung unterscheide. Ziel sei es, das Publikum im politisch korrekten Sinn umzuerziehen. Dazu gehöre es auch, die Sprache zu manipulieren, indem bestimmte Begriffe als »Unworte« aus dem Diskurs verbannt oder usurpiert und mit neuen Bedeutungen aufgeladen werden. Krall nennt dafür einige Beispiele im Buch. Darüber hinaus würden ganze Themenkomplexe und unliebsame Meinungen in der öffentlichen und medialen Diskussion verunglimpft. Eine besonders unrühmliche Rolle bei dem Versuch, die destruktive Politik der Regierenden zu rechtfertigen, spiele der öffentlich-rechtliche Rundfunk, den der Bürger als Opfer der Indoktrination auch noch mit Zwangsgebühren finanzieren müsse. Gleichzeitig werde das Internet als freier Informations- und Diskussionskanal für kritische Bürger durch immer schärfere Gesetze und Zensurmaßnahmen beschränkt. Als Beispiele führt Krall das Netzwerkdurchsetzungsgesetz und den auf EU-Ebene beschlossenen Upload-Filter an.

Als ideologische Grundlage für die gesellschaftlichen Verwerfungen, die den Fortbestand der bürgerlich-freiheitlichen Gesellschaftsordnung gefährden, identifiziert Markus Krall den Kulturmarxismus. In ihm manifestiere sich die Herausforderung des Sozialismus in der Gegenwart, der für die Unfreiheit des Menschen stehe. Seine Merkmale seien die Feindschaft gegen Ehe und Familie, die Ablehnung des Privateigentums, die Verneinung der Freiheitsrechte des Individuums, der Hass auf die Religion und insbesondere das Christentum sowie die Zerstörung von Kunst, Kultur und Musik. In allen seinen historischen Ausprägungen – einschließlich der des Nationalsozialismus – habe der Sozialismus stets zu Massenmord und Genozid geführt, weshalb diese Ideologie ein Todeskult sei, der die Vernichtung der Menschheit zum Ziel habe. Krall beschreibt die »weichen« Methoden, mit denen die Kulturmarxisten versuchen, die Macht schrittweise an sich zu reißen, um danach zu den viel brutaleren Mitteln des Staatssozialismus überzugehen.

Für den Autor ist klar: Die Gesellschaften des Westens stehen vor einem Kampf um die Freiheit, sowohl gegen die Kräfte des Kulturmarxismus als auch des salafistischen Islamismus, der eine Spielart der sozialistischen Menschenfeindlichkeit sei. Wie dieser Kampf ausgehen wird, hängt nach Meinung von Krall entscheidend davon ab, ob die Leistungsträger der Gesellschaft bereit und in der Lage sind, die freiheitliche Kraft der bürgerlichen Revolution zu revitalisieren. Es gehe um Freiheit oder Knechtschaft. Das sei der epochale und unausweichliche Konflikt, den es zu bestehen gelte.

Im zweiten Teil seines Buches zeigt Markus Krall auf, mit welchen Strategien und Methoden es dem Bürgertum gelingen kann, diesen Kampf zu gewinnen. Der nahende Zusammenbruch des Geldsystems biete dabei die Chance zu einer grundlegenden Erneuerung, sofern es gelinge, den Menschen zu verdeutlichen, dass der Crash nicht die Folge von Markt-, sondern von Staats- und Politikversagen sei. Ziel müsse eine »Republik der Freiheit« basierend auf Bildung und Leistung sein, die Marktwirtschaft, Eigentum, Ehe und Familie, Religion, Individualität und christlich-europäischer Kultur verpflichtet sei. Krall entwirft den 100-Tage-Plan einer neuen freiheitlichen Regierung, der die Reaktivierung der Selbstheilungskräfte des Marktes zum Ziel hat, um die Folgen der jahrzehntelangen Misswirtschaft rasch zu überwinden.

Dem schließt sich ein umfassendes Konzept für die Reform des Grundgesetzes an, das von allen freiheitsfeindlichen Elemente bereinigt werden müsse. Krall will für Deutschland eine Reform an Haupt und Gliedern, die nicht nur die Wirtschaft, sondern alle Politikfelder umfassen soll.

Der Autor beschränkt sich dabei nicht auf Allgemeinplätze, sondern legt seine Vorstellungen zur Neugestaltung unserer Verfassungsordnung sehr konkret dar. Einige der Programmpunkte dürften kontroverse Diskussionen auslösen, etwa die Forderungen nach einer Mindestqualifikation für Amtsträger der Exekutive, der Abschaffung des Länderfinanzausgleichs und einem Goldstandard. Oder der Gedanke, ein Wahlkönigtum anstelle des heutigen, von den Parteien ausgekungelten Bundespräsidenten zu konstituieren.

Mit Die bürgerliche Revolution hat Markus Krall einen provokanten Debattenbeitrag vorgelegt, der es bereits kurz nach seinem Erscheinen in die Spiegel-Bestsellerliste geschafft hat. Zu Recht. Ein empfehlenswertes Buch für alle freiheitlich denkenden Zeitgenossen, denen die Zukunft Deutschlands nicht gleichgültig ist!

Bestellinformationen:

» Markus Krall: Die bürgerliche Revolution, 300 Seiten, 22,00 Euro – hier bestellen!

Samstag, 18.04.2020

vendredi, 17 avril 2020

Vous avez dit « guerre », l’économie c’est la guerre !

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Vous avez dit « guerre », l’économie c’est la guerre !

Par Olivier de MAISON ROUGE

Avocat – Docteur en droit

Ex: http://www.epge.fr

A paraître « Survivre à la guerre économique » (VA Editions)

A trop de gargariser de mots flamboyants et à employer des formules trop verbeuses, on prend le risque de les détourner de leur sens premier.

Certes, le monde connaît une catastrophe planétaire majeure. La lutte contre le Covid-19 emploie toutes les ressources nécessaires à la survie de la nation : police, armées (plan « Résilience »), professionnels de santé, mais encore caissiers, éboueurs, ouvriers, agriculteurs, etc, effectivement envoyés en première ligne, la ligne de front.

Un champ sémantique belliciste

Le langage belliqueux semble naturellement s’imposer, tant cela peut ressembler à première vue à un conflit, une bataille en rang serré ; pourtant à regarder de plus près, cette crise n’emprunte pas tous les ressorts de la guerre.

Si « La guerre est un caméléon », comme le disait Von Clausewitz, Gaïdz Minassian contestait cependant cette rhétorique guerrière appliquée à la crise sanitaire[1] : « Elle [ la guerre ] change de forme, de couleur, d’acteurs mais pas de nature. Pour parler de guerre, il faut un ennemi. L’expression « d’ennemi invisible » pour qualifier le Covid-19 ne tient pas. Dans une guerre, l’ennemi est un élément structuré et incarné. » (…) Poursuivant « On ne signe pas la paix avec un virus ». (…) Enfin, « Qui dit guerre dit aussi destructions matérielles. Les rues des villes sont désertes, mais pas détruites ».

Il est vrai que, pour sa part, la guerre économique n’est sans user à son tour d’une sémantique militaire.

Qu’on en juge :

En effet, un prédateur entame les hostilités. La guerre économique met en opposition des assaillants. Auparavant, l’attaquant a affûté ses armes et constitué ses armées avec ses alliés ; placé ses pions et ses espions. Il commence alors l’offensive. Il se lance à l’assaut de l’entreprise devenue sa cible, son but de guerre, avant d’en faire un butin. Il livre bataille contre sa proie qui s’arme, riposte et se défend. Cette dernière lutte pour sauver ses marchés, ses approvisionnements, tandis que l’assaillant combat pour obtenir de nouvelles conquêtes, pour accroître sa fortune. Les hostilités sont dures et les coups sont rudes.

En revanche, la cible n’est pas sans défense. Elle contre-attaque et établit les plans d’une contre-offensive. Si le combat devient désespéré, elle ne rendra pas pour autant les armes aussi facilement. Elle peut tout d’abord faire appel à un chevalier blanc qui, s’il n’est pas franc peut s’avérer être un chevalier noir. Si la partie est définitivement perdue, la société prise dans le filet peut en dernier ressort pratiquer la politique de la terre brûlée. Se voyant perdue, déshonorée, livrée à l’ennemi, elle ingurgitera quelque pilule empoisonnée afin de ne pas se rendre vivante[2].

La guerre est un fait

Selon Oswald Spengler : « la paix est un souhait, la guerre est un fait » ce qui répond à la locution latine bien connue « Si vis pacem, para bellum ».

ob_d29098_clausewitz-frontispiece.jpgUne guerre est un affrontement entre deux puissances ; un « choc des volontés » selon Von Clausewitz qui prétendait également que « la guerre est le prolongement de la politique par d’autres moyens ». C’est invariablement un rapport de forces, associant tout à la fois brutalité par le fracas des armes et le metis ou la ruse de l’intelligence.

Un conflit s’opère entre ennemis, déclarés ou pas, mais toujours désignés, cherchant à dominer, à anéantir ou à réduire l’adversaire ou encore à s’approprier ou occuper un espace. La guerre conduit au sacrifice suprême de ses acteurs quelle que soit la ligne de front.

Aussi regrettable soit-il, nous sommes amenés à constater que dans l’histoire de l’humanité, depuis ses plus lointaines origines, la guerre est inhérente à la nature humaine et les épisodes pacifiques constituent a contrario des séquences anormales au sein de longues périodes guerrières beaucoup plus nombreuses. La paix est l’exception quand la guerre en constitue le temps ordinaire.

De tous temps, et dans tous les espaces, les hommes se sont donc affrontés et ce quel que soit le motif invoqué par les parties belligérantes et quel que soit la nature du conflit ; on peut ainsi affirmer que « la guerre est le propre de l’homme »[3].

Aussi, faut-il de méfier de ceux qui disent : « Il n’y a pas de conflit. » Ils sont mal informés ou dangereux. »[4]. Ce constat lucide a été énoncé en 1986 par Alexandre de Marenches, un grand espion français, ancien patron du SDECE, lequel avait sans nul doute une acuité certaine, ne serait-ce par déformation professionnelle.

Or, une grande spécificité de ces dernières décennies fut la négation de l’ennemi. Dès lors que la guerre demeurait proclamée comme étant immorale, l’ennemi avait disparu avec le principe même d’affrontement direct.

Or, comme l’a écrit très justement Julien FREUND : « Se tromper sur son ennemi par étourderie idéologique, par peur ou par refus de le reconnaître à cause de sa langueur de l’opinion publique c’est, pour un Etat, s’exposer à voir son existence mise tôt ou tard en péril. Or, un ennemi non reconnu est toujours plus dangereux qu’un ennemi reconnu »[5]. C’est sur cette nouvelle illusion que s’ouvrit le 21ème siècle.

L’économie, c’est aussi la guerre

Ainsi, en un demi-siècle, l’Occident a glissé au fil du temps d’une lutte armée, de nature conventionnelle entre états ou factions ethniques au moyen d’armements traditionnels tels que blindés, avions chasseurs et bombardiers, marine militaire, ou plus terrifiants comme les armes NBC[6] et électromagnétiques, à des conflits souterrains, plus feutrés, d’une nature nouvelle, dans un schéma de conquête économique et d’affirmation de puissance géoéconomique, géostratégique et géopolitique.

La guerre économique ne doit pas se confondre avec la guerre à l’économie militaro-industrielle, telle que la destruction ou le sabotage, par des moyens armés, d’usines d’armement, de voies de communication, atteintes aux pôles aéroportuaires, coupures à l’accès aux matières premières, moyens de télécommunication, infrastructures cyber, etc., lesquelles actions relèvent davantage de la guerre totale[7]. La guerre à l’économie c’est neutraliser les capacités de production de l’ennemi.

La guerre économique n’est pas non plus la guerre à l’économie que les altermondialistes et anticapitalistes mènent dans leur velléité d’anéantissement du libéralisme sous toutes ses formes, et plus largement des activités économiques humaines sous toutes ses formes. Si la guerre économique n’empêche pas la remise en cause d’un modèle économique, elle ne se rattache pas aux contempteurs du capitalisme, sauf à en dénoncer les travers.

Enfin, elle n’est pas l’économie de guerre à savoir l’effort industriel des entreprises d’armement pour subvenir aux ressources et moyens nécessaires pour livrer les batailles et alimenter l’appareil militaire en armement. Si la guerre économique interroge les questions essentielles d’autonomie stratégique, elle n’est pas le recours à toutes les capacités de production au bénéfice des forces armées.

En réalité, la guerre économique prospère précisément en temps de paix militaire, et constitue l’affrontement géoéconomique des grandes puissances, à défaut d’employer des moyens armés.

D’où le recours essentiel aux stratégies indirectes et/ou asymétriques dont le droit, la fiscalité, les technologies, les normes environnementales désormais, etc., ne sont pas absentes.

511t6Vlw1wL.jpgEn matière de définition, selon Bernard Esambert :

« L’économie mondiale se globalise : la conquête des marchés et des technologies a pris la place des anciennes conquêtes territoriales et coloniales. Nous vivons désormais en état de guerre économique mondiale, et il ne s’agit pas seulement là d’une récupération du vocabulaire militaire. Ce conflit est réel, et ses lignes de force orientent l’action des nations et la vie des individus. L’objet de cette guerre est, pour chaque nation, de créer chez elle emplois et revenus croissants au détriment de ceux de ses voisins » (…)

« La guerre économique impose également des débarquements chez l’ennemi par l’implantation à l’étranger, la défense de l’arrière par des entreprises à caractère régional et l’établissement de protections au travers de tarifs douaniers qui ne représentent plus que des murets de fortune, de mouvements monétaires qui ont pris le relais des barrières douanières, enfin d’innombrables entraves aux échanges qui protègent ici ou là un pan de l’économie ». « Les chômeurs sont désormais les morts de la guerre économique »[8].

D’une autre manière, avec une lecture plus dialectique, Christian Harbulot suppose que :

« Ce sont désormais la politique, et donc la guerre, qui ont changé de visage pour se réinventer et se placer très largement au service de l’efficacité économique, c’est-à-dire d’un capitalisme financier à l’intérieur duquel l’État tente, avec plus ou moins de succès, de préserver une base industrielle. »[9]

Enfin, l’universitaire Frédéric Munier précise que :

« La guerre économique peut tout d’abord être définie, au sens strict, comme une modalité de la guerre. Elle s’inscrit alors dans un contexte de conflit entre nations sous la forme d’actions de violence économiques : l’embargo, le boycott, des mesures de contingentement en sont des exemples parmi d’autres. Les armes économiques sont mises au service d’un projet politique, le plus souvent l’affaiblissement d’une cible. (…) Cette guerre économique s’apparente à une guerre par l’économie. »[10]

Mais cette compétition économique exacerbée – ou guerre par l’économie pour reprendre l’expression de ce dernier – ne concerne pas seulement les grands groupes ; elle n’épargne pas non plus le tissu industriel et commercial territorial. Tant s’en faut.

En cette période de catastrophe sanitaire, veillons à ce que la crise qui s’en suit ne déchaîne pas davantage la guerre économique entre les nouveaux blocs Est-Ouest qui s’affirment.


Notes:

[1] MINASSIAN Gaïdz, « Covid-19, ce que cache la rhétorique guerrière », in Le Monde, 8 avril 2020

[2] de MAISON ROUGE Olivier, Les stratégies de défense anti OPA, mémoire, 2002

[3] A ce titre : MARRET J.-L., « Guerre totale », L’Editeur, 2012.

[4] OKRENT C. et de MARENCHES A. « Dans le secret des princes », Stock, 1986, p. 314.

[5] FREUND Julien, L’essence du politique, Dalloz, (réed.), 1965.

[6] Pour Nucléaire, Biologique ou Bactériologique et Nucléaire.

[7] Voir Jean TANNERY (1878-1939 à l’origine de la guerre économique, par Michaël BOURLET, in « Guerres mondiales et conflits contemporains », 2004/2, n°214.

[8] ESAMBERT Bernard, La guerre économique mondiale, Olivier Orban, 1991.

[9] HARBULOT Christian, La machine de guerre économique, Economica, 1992.

[10] Munier Frédéric, La Guerre économique. Rapport Anteios 2010, PUF, 2009.

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samedi, 11 avril 2020

"Crise du Covid" et inflation mondiale

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"Crise du Covid" et inflation mondiale

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

L'actuelle pandémie, qui affecte surtout actuellement les pays industrialisés, s'étendra nécessairement au monde entier. Elle y entraînera une baisse des processus de production et d'échanges, dont les gouvernement s'efforceront de combattre les effets en ordre dispersé.

Les mesures d'urgence qu'ils ont adopté consistent principalement à fournir aux entreprises et aux populations des aides monétaires sous forme de prêts publics leur permettant de survivre. Mais ceci en aucun cas ne permettra la relance des processus de production ralentis par les diverses mesures de confinement. Autrement dit, des liquidités seront mise à la disposition de la demande, sans que rien ne puisse être fait pour relancer l'offre. 

On retrouvera là les conditions qui, à la fin de la seconde guerre mondiale, ont provoqué une inflation se caractérisant par des hausses considérables de prix. Cette inflation s'est généralement traduite par un encouragement à la relance de la production dans des domaines ne dépendant pas nécessairement de la demande immédiate. C'est ainsi par exemple que la France des années 1950 a bénéficié des investissements encouragés par l'Etat dans le domaine des secteurs d'avenir nationalisés : énergie, transport, recherches scientifiques. L'inflation n'a été désastreuse que pour les titulaires de pensions et revenus fixes, ainsi que pour beaucoup de professions artisanales restées archaïques.

Peut on penser que l'inflation mondiale qui se prépare pourrait avoir les mêmes effets favorables ? Ils se traduiraient par un encouragement aux secteurs constituant des facteurs de puissance future pour les Etats qui sauraient y avoir recours.

D'ores et déjà, ceci peut être pressenti dans certains domaines : processus de production informatisés et pouvant être pratiqués en télé-travail ; relance des équipements dans le secteur médical et hospitalier qui à terme, ne seront pas des facteurs de dépenses mais de revenus ; encouragement au passage à un économie verte » ne reposant pas exclusivement sur le pétrole et visant entre autres à la protection de l'environnement naturel dont la destruction a été estimé par certains virologues comme facteur de l'apparition et de la prolifération du Covid-19. 

Mais seuls n'en profiteront que les Etats renonçant au capitalisme financier international lequel ne privilégie que les investissements de court terme. Ceux-ci visent en priorité l'augmentation des profits spéculatifs des classes dites privilégiées. Les investissement d'avenir ou collectifs ne les intéressent pas car ils sont dans l'immédiat cause de dépenses et non source de revenu.

On peut penser que les gouvernement sachant saisir l'opportunité de l'inflation qui se prépare seront ceux qui sauront refuser de céder aux pressions du capitalisme financier international et faire appel le plus possible à leurs moyens propres, y compris le travail de leurs ressources humaines actuellement découragées d'investir dans des activités créatrices peu productives.

A cet égard la Chine et la Russie pourraient profiter de la crise pour en sortir grandies. Ce sera sans doute aussi le cas des Etats-Unis s'ils savaient exploiter leur relative domination dans le domaine numérique et spatiale.

L'on peut craindre au contraire que ce ne soit pas le cas des pays européens, à l'exception peut-être du Royaume-Uni. Enfermés dans les contraintes que leur impose leur participation à l'Union européenne et à l'euro, ils sont découragés d'investir. L'Union elle-même, qui pourrait beaucoup faire pour lancer de grands programmes d'investissement, ne fera rien. La tutelle de Washington sur Bruxelles s'y oppose afin de ne pas se créer de concurrents.

Note:

Sur ce sujet, voir Marianne https://www.marianne.net/debattons/editos/christine-lagar...

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mardi, 31 mars 2020

Ce sera 1929, puis l’hyperinflation et l’effondrement du Système

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Ce sera 1929, puis l’hyperinflation et l’effondrement du Système

Marc Rousset

Ex: http://synthesenationale.hautetfort.com

La remontée passagère des Bourses est due uniquement à l’intervention immédiate, et beaucoup plus rapide qu’en 2008, des banques centrales et des gouvernements, celle de la Fed pour les achats de bons du Trésor et les titres hypothécaires n’ayant plus de limites, avec des innovations telle que le rachat de créances privées (obligations gagées sur des prêts à la consommation). La Fed ouvre les vannes monétaires et fait tapis face à la crise du coronavirus. C’est ce que fait, également, la BCE lorsqu’elle rachète les dettes publiques irremboursables de la France et de l’Italie. La BCE, avec son nouveau bazooka de 750 milliards d’euros, porte son effort de rachat de titres, pour 2020, à 1.000 milliards d’euros. Quant aux règles comptables pour les banques, elles disparaissent ou sont assouplies.

L’ensemble des mesures gouvernementales des pays du G20 représente 5.000 milliards de dollars. Les mesures du gouvernement américain s’élèveront à 2.000 milliards de dollars et, si l’on additionne l’ensemble des mesures des États européens, dont 1.100 milliards d’euros pour l’Allemagne, un plan sans précédent depuis la Deuxième Guerre mondiale, on se rapproche du chiffre américain. Les États-Unis, qui n’ont pas les lois sociales du chômage partiel, ont décidé de se rallier à la politique de « l’argent par hélicoptère, » avec un chèque du gouvernement fédéral d’environ 3.000 dollars pour une famille avec deux enfants.

Aux États-Unis, le chômage augmente à la verticale. À très court terme, selon James Bullard, président de la Réserve fédérale de Saint Louis, 46 millions d’Américains pourraient se trouver au chômage. Le taux de chômage pourrait atteindre 30 %, un chiffre plus élevé que lors de la Grande Dépression de 1929 et trois fois supérieur à celui de la récession de 2008-2009. Goldman Sachs anticipe un plongeon du PIB américain de 24 % au deuxième trimestre, alors que Morgan Stanley l’évalue à 30 %. Pendant le dernier trimestre de la crise 2008, la contraction n’avait été que de 8 %. On est donc clairement dans les années 1930.

À Wuhan, la diminution d’activité a été de 42 % au premier trimestre 2020. En France, selon l’INSEE, un mois de confinement coûte 3 % de PIB. Le coût du confinement en France pour deux mois serait donc, au minimum, de 140 milliards d’euros, soit une perte d’activité de 35 %, plus vraisemblablement 200 milliards d’euros, soit une réduction d’activité de 50 %, qui viendront s’ajouter à notre endettement déjà démentiel de 2.400 milliards d’euros. Il ne faudrait pas que la France meure, guérie du coronavirus, car les milliards distribués pour le chômage partiel vont être empruntés et il faudra les rembourser ! De même l’endettement public de l’Italie devrait passer, fin 2020, de 135 % à 161 % du PIB, selon Goldman Sachs. La BCE, « prêteur en dernier ressort », va se retrouver avec des montagnes de créances irrécouvrables, comme dans les économies de guerre, ce qui entraînera la perte de confiance dans la monnaie et l’inflation.

Sur les marchés obligataires, il y a aussi risque de tempête, style 1929, pour les dettes des entreprises zombies hyperendettées en raison de la baisse des taux. Les banques centrales essaient d‘intervenir sur les marchés à risque high yield mais les digues pourraient céder dans la durée et les taux s’envoler, avec risque de krach obligataire. L’écart du taux public d’emprunt français avec l’Allemagne s’élargit, tandis que celui avec l’Italie grimpe d’une façon accélérée. Une crise dans la zone euro n’est pas à exclure, d’autant plus que les Allemands, réalistes, ne veulent pas entendre parler à juste titre des emprunts mutuels « coronabonds » rêvés par Macron.

Les napoléons d’or, en France, sont en pénurie totale ou se vendent avec des primes très élevées par rapport au cours officiel. Il est probable que l’or va s’envoler très bientôt, comme en 2008, dans les trois années suivantes, au fur et à mesure que des dépressions économiques apparaîtront et que les banques centrales se rapprocheront de la faillite, de la perte de confiance dans la monnaie, avec des taux d’inflation qui pourront être élevés.

La stagflation pourrait, à terme, laisser la place à l’hyperinflation. Les États-Unis inquiètent et la Chine, avec un système financier branlant et une possible nouvelle contamination, ne rassure pas, d’autant plus que sa reprise sera très vite freinée par la récession si le reste du monde se met à l’arrêt. Il est probable que nous assistions au début de la pire dépression économique mondiale jamais survenue en temps de paix, tant les dettes des États, des entreprises et des particuliers sont démentielles partout dans le monde, et tant les bilans des banques centrales (Fed, BCE, Japon) ont de plus en plus à leur actif des créances gigantesques irrécouvrables.

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samedi, 28 mars 2020

La politique industrielle après le Coronavirus

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La politique industrielle après le Coronavirus

par Nadine Levratto

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com

 
La crise sanitaire nous aura appris quelque chose. Les chaînes globales de commodités (1), de valeur et autres réseaux de production globaux sont des colosses aux pieds d’argile dont la sensibilité aux chocs appelle un changement de modèle de production.

Dès les premiers signes de ralentissement économique en Chine au mois de janvier, la presse française a rendu compte des risques pour les entreprises des autres pays, tout en soulignant que les stocks devraient suffire pour traverser la crise. De fait, dès le début du pic de l’épidémie, 80 % des entreprises américaines implantées dans l’est de la Chine déclaraient ne plus avoir suffisamment d’ouvriers pour faire tourner normalement leurs lignes de production, mises à mal par le prolongement des congés du nouvel an chinois. La Harvard Business Review mentionnait qu’avec une diminution de 20 % du nombre de départs des ports chinois, le risque d’interruption d’activité des entreprises françaises serait une réalité dès la mi-mars. Le cabinet Euler Hermès a également attiré l’attention sur la mise à l’arrêt de certains sites, ainsi que sur l’apparition de goulots d’étranglement pour le transport de marchandises à l’entrée et à la sortie de la Chine, qui risquaient de pénaliser l’industrie européenne.

Ces prévisions se sont avérées exactes. A partir du 10 mars, les fermetures de sites de production font la une des journaux. La baisse de l’activité est également lisible dans la diminution de la consommation d’électricité, inférieure de 10 à 25 % aux niveaux habituels à la même période.

Trois révélations

La plus spectaculaire des révélations concerne le niveau – terrible – de dépendance des industriels et consommateurs européens à la production hors Europe, tout particulièrement la production chinoise. Cette forme d’organisation de l’économie repose sur des activités de production dispersées à l’échelle mondiale, stratégie guidée par une focalisation marquée sur les grandes entreprises et leur performance financière. Elle attise la concurrence entre les différents sites mondiaux à travers l’investissement direct, la sous-traitance et l’externalisation de l’approvisionnement.

La crise liée au Covid-19 met ensuite en relief les effets négatifs des délocalisations et de l’essor de la sous-traitance. Celles-ci, motivées par la recherche de gains d’efficacité, sont à l’origine de nombreuses pertes d’emplois industriels, non compensées par les créations d’emplois dans les services au cours des trente dernières années. Cette déstructuration du tissu économique a aggravé les pertes de compétences locales et accentué la fragilité de l’industrie européenne. On se retrouve au point où le Ministre de l’économie Bruno Le Maire se dit prêt à aller jusqu’à nationaliser des entreprises pour « protéger notre patrimoine industriel ». Ce revirement idéologique n’est pas spécifique à la France : le gouvernement italien envisage de débloquer 600 millions d’euros pour sauver le secteur aérien, en vertu d’une clause exceptionnelle de « calamité naturelle ».

L’industrie se révèle ainsi de plus en plus dépendante du transport et de la logistique, qui génèrent d’importants dommages environnementaux

Cette crise met enfin en lumière l’asservissement de l’industrie aux secteurs de la logistique et des transports de marchandises, générateurs de multiples dommages environnementaux. Le recul de l’industrie en France et plus généralement en Europe, combinée à la réduction des stocks résultant de la généralisation des techniques de lean management et de juste-à-temps ont intensifié les flux d’échanges entre les pays producteurs et les pays assembleurs ou utilisateurs. L’industrie se révèle ainsi de plus en plus dépendante du transport et de la logistique, qui ont été totalement intégrés aux chaînes d’approvisionnement et sont désormais générateurs de valeur ajoutée. Les cartes comparant les niveaux actuels de pollution (très faibles) à ceux de la même période l’an passé, mettent bien en évidence la contribution au changement climatique de ce mode d’organisation du système productif. 

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Le retour de l’État stratège ?

Cette combinaison de crise sanitaire et de crise économique remet au goût du jour un principe déjà esquissé à l’époque de l’épidémie du SRAS : celui de l’Etat stratège. Le moment est peut-être propice à la réactivation du décret dit Montebourg de 2014, jamais utilisé, qui avait élargi le champ d’application d’un décret de Dominique de Villepin de 2005 soumettant certains investissements étrangers en France à l’autorisation préalable de l’Etat. Les secteurs de la défense, de la santé, de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécoms, sévèrement touchés par les difficultés actuelles, faisaient déjà partie de la liste. La loi Pacte en 2019 l’a étendue à la production de semi-conducteurs, au secteur spatial, aux drones et, s’ils sont en lien avec la sécurité nationale, l’intelligence artificielle, la cybersécurité, la robotique et le stockage de données. L’Etat doit encore définir ce qu’est une entreprise indispensable à notre économie, à en dresser la liste et à définir un cadre pour renforcer leurs fonds propres par le biais d’un organisme ou une agence nationale.

Le rêve d’une France sans usine a montré ses limites et ses dangers

La crise engage également à renouveler la réflexion sur l’organisation spatiale du secteur productif de manière à rapprocher les lieux de production des lieux de consommation, celle des individus (consommation finale) comme celle des entreprises (consommation intermédiaire). Avant la crise financière de 2008, les territoires dominés par l’économie résidentielle1 tiraient mieux leur épingle du jeu que les territoires industriels. Mais la dernière décennie a révélé que les territoires qui ont su préserver une activité industrielle étaient plus dynamiques et créateurs d’emplois que ceux qui se sont spécialisés dans les services, plus encore quand il s’agit de services aux ménages. Le rêve d’une France sans usine a montré ses limites et ses dangers.

Réhabiliter l’industrie

La réhabilitation de l’industrie est devenue un enjeu par le potentiel de création d’emplois directs et indirects qu’elle recèle, son rôle clé dans la compétitivité nationale et sa place centrale dans les dynamiques territoriales. Favoriser la relocalisation de la production et rapprocher lieux de production et de consommation des biens est nécessaire à la transition écologique.

Une réflexion doit s’engager sur les manières de réimplanter des activités productives dans les territoires urbains

Pour cela, il est essentiel de structurer la réflexion sur les conditions de la présence des activités de production dans les territoires urbains. Il faut également définir les formes industrielles – au sens large – compatibles avec cette réorganisation des espaces économiques2. Le concept de ville productive3, qui trouve son illustration dans certains quartiers de Bruxelles, les banlieues sud et est de Lyon, Flers en Normandie ou des territoires comme Grand-Orly Seine Bièvre, invite à regarder la manière dont des territoires s’y prennent pour réimplanter des activités de production en milieu urbain.

Les accidents tels que l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen ont montré que le retour d’activités industrielles concentrées correspondant au modèle de production de masse n’est plus envisageable. Cependant, les nouveaux modes d’organisation de la production rendent possible la présence d’activités de fabrication, de maintenance et de services liés à l’industrie dans les milieux urbains. Cela marquerait le retour du tissu productif en ville, un enjeu important pour tous les territoires urbains, notamment en termes d’emplois. 
 

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vendredi, 27 mars 2020

La vraie crise

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La vraie crise

Ex:

par Marc ROUSSET

Les Bourses européennes ont rebondi, ce vendredi, mais le Dow Jones a perdu 4,55 %, soit 17,3 % sur la semaine, pour finir à 19.173,98 points, c’est-à-dire sa pire semaine depuis la crise financière de 2008, les milliards de Trump et de la Fed, des gouvernements européens et de la BCE ne parvenant pas à éloigner les craintes d’une récession, tandis que le prix du baril de pétrole WTI continuait de dégringoler. L’indice VIX de la peur s’est élevé, le lundi 19 mars, jusqu’à 83, pour retomber à 74,8 mardi, soit un chiffre proche de 2008. Lundi, les bourses européennes dévissaient de nouveau entre 3 et 5%.

Emmanuel Macron a d’ores et déjà perdu la première bataille contre le coronavirus, alors que la Corée, Singapour et Taïwan ont endigué le virus sans mettre leur pays et leur population à l’arrêt. Il a stupidement envoyé 17 tonnes de matériel médical à Wuhan en février et perdu un temps précieux de deux mois avant de réagir, tout en se refusant, pour des raisons idéologiques, à fermer et contrôler sanitairement les frontières nationales. La France de Macron n’a pas en nombre suffisant un stock stratégique de masques pour le personnel soignant, et encore moins pour les Français, ni de tests, ce qui représente un gain budgétaire de seulement 15 millions d’euros. L’impréparation de l’État est évidente, le verbe de la Macronie abondant, l’action impuissante et les résultats catastrophiques !

Après avoir appelé massivement les entreprises à recourir au chômage partiel avec un coût inacceptable pour les finances publiques et qui risquait d’arrêter complètement l’économie du pays, le gouvernement a changé de stratégie en durcissant les conditions de validation du chômage partiel pour les entreprises. Il est anormal que les chantiers de BTP s’arrêtent ou que les artisans ne puissent pas faire des travaux s’ils le souhaitent, nonobstant le problème des masques et des tests qui sont en nombre insuffisant. Comme l’indiquent le MEDEF et la CFDT, sous peine d’accélérer la faillite de la France, il faut « trouver un juste milieu entre ceux qui appellent les entreprises à fermer par précaution et ceux qui veulent envoyer tout le monde bosser ».

L’inefficace Bruxelles s’affole et suspend sine die le pacte de stabilité qui limite les déficits des États à 3 % du PIB et la dette publique à 60 %. Malgré l’action de la BCE, les taux d’intérêt allemands, français et surtout italiens ont remonté. Il y a un risque potentiel de divergence des taux d’intérêt d’emprunts à long terme par pays et d’éclatement de la zone euro.

Le monde, y compris les États-Unis triomphants de Trump et la Chine, va plonger dans la récession et, selon l’OIT à Genève, 25 millions d’emplois sont menacés. Les politiques monétaires de liquidités de la Fed et de la BCE sont nécessaires pour éviter les faillites et l’explosion immédiate, mais impuissantes pour régler des problèmes d’insuffisance de l’offre et de la demande des économies réelles, tandis que l’indice manufacturier « Empire State » s’effondre en mars à -21,5, au plus bas depuis la crise financière de 2008. Goldman Sachs estime que le PIB de la Chine pourrait se contracter de 9 % au premier trimestre et celui des États-Unis de 5 % au deuxième trimestre.

Comme la France, l’Europe n’a d’autre solution que de continuer à travailler malgré le coronavirus car le bazooka illusoire des 750 milliards d’euros déversés par la BCE, d’ici 2020, ne représente que trois semaines de travail pour un PIB de 12.500 milliards de la zone euro, d’autant plus que va bientôt se poser le problème de la confiance dans une monnaie de singe. Mais en Italie aussi, l’accord pour maintenir l’activité des usines, suite aux risques sanitaires, montre des signes de fragilité, avec des grèves perlées.

Le grand point d’interrogation qui peut tout faire basculer est l’intensité et l’extension de la crise sanitaire aux États-Unis, la Californie dont la Silicon Valley et l’État de New York étant maintenant en confinement.

Le coronavirus ne fait que précipiter la crise, annoncée depuis longtemps, de la bulle des actions et de l’hyperendettement ; il l’aggrave, mais ne la cause pas. De 1980 à 2019, la capitalisation boursière mondiale des entreprises a augmenté de 113 % alors que le PIB mondial n’a augmenté que de 35 % ! Les marchés vont se préoccuper beaucoup plus des courbes des infections et des décès dans le monde, des déficits publics, de l’augmentation de l’hyperendettement des États, des entreprises et des particuliers, ainsi que de la perte de confiance dans la monnaie et dans le Système plutôt que des impuissants bazookas des dépenses publiques des États et de l’artillerie monétaire inefficace, à long terme, des banques centrales.

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dimanche, 15 mars 2020

L’économie globale et la priorité donnée aux négociants sur les financiers

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L’économie globale et la priorité donnée aux négociants sur les financiers

Bernard Plouvier

Ex: http://synthesenationale.hautetfort.com

De 1830 aux débuts de l’économie globale et de la mondialisation de l’american way of life, les maitres du jeu furent les financiers, d’où des taux d’intérêts jouant au yo-yo (et divers slogans vantant la merveilleuse « inflation »), un endettement pharaonique des États et des particuliers, enfin quelques crises de spéculation (1873, 1929, 1937, 2007-2009 et on en oublie) pour pimenter la vie de dizaines de millions de pauvres diables réduits à la misère parce que de gros financiers, souvent cosmopolites, se comportaient en flambeurs.

Vers 1980-90, a débuté la nouvelle ère, qui n’est plus l’ère chrétienne et n’est fort heureusement pas (du moins jusqu’à présent) l’ère de la régression mahométane. Nous sommes entrés dans l’ère du gouvernement planétaire (presque) unique et de l’économie globale. Et c’est là que tous les « complotistes » se trompent : l’on n’assiste pas au triomphe des Financiers, mais à celui des Producteurs et surtout à celui des Négociants internationaux.

3e9afd6b35e9c0383384f339e6970e1c.jpgLe grand projet rooseveltien était d’américaniser la production agricole et industrielle et de faire de la planète un grand marché – l’URSS étant exclue, qui devait servir de repoussoir, de contre-exemple, au moins pour les premiers temps de l’ère du « One World–One Government ». Qu’il ait ou non développé le projet d’une fusion des races et des peuples en une « moyenne humaine », on ne le saura jamais, car Roosevelt ne s’est guère exprimé sur ce point... là encore, les complotistes vont un peu vite en besogne.

FDR n’était pas au service « des trusts » (et n’était pas plus dévoué à celui des Rockefeller qu’à d’autres) ; il n’était nullement au service « des Juifs » : les « complotistes » errent totalement. FDR s’est servi de tous ceux et de toutes celles qui pouvaient faire démarrer puis avancer son projet, qui, pour d’évidentes raisons historiques, n’a pu commencer que 40 années après sa mort, une fois disparue l’hydre communiste qui avait dominé bien plus d’États qu’il ne l’avait prévu dans son plan machiavélique.

Vers 1990, après l’implosion des ridicules économies marxistes, les USA croyaient se retrouver en position de monopole, ayant vassalisé l’Occident, les pays d’islam et l’Asie non maoïste.

Les gouvernants chinois viennent chambouler la donne par leur suprême intelligence : ils multiplient l’efficacité de l’économie occidentale par la discipline d’un régime dictatorial et poursuivent la politique d’imitation des produits issus du génie européen et nord-américain, ainsi que l’irrespect des conventions internationales sur les brevets de fabrication.

Qu’elle soit l’effet d’un hyper-capitalisme ultra-libéral ou d’un capitalisme hautement surveillé par l’État, l’économie actuelle n’est pas dominée par les financiers, mais par l’entente des grands entrepreneurs et des grands négociants, qui ont domestiqué les clowns de la politique et des media, succédant aux financiers dans ce rôle de manipulateurs d’opinions publiques et de marionnettes.

Par l’effet du triomphe de la production et de la distribution de masse – étendues à presque toute la planète -, les banques centrales ont reçu l’ordre d’anéantir (ou presque) l’intérêt de l’argent. C’est le reniement de 3 à 4 milliers d’années d’agiotage et de manipulations monétaires, au profit de la consommation massive, générant de superbénéfices inégalement répartis entre producteurs et négociants, gros et petits.

Donald Trump poursuit la grande politique rêvée par FDR. Il le fait avec le punch et l’absence d’hypocrisie qui le caractérisent : c’est-à-dire en parfait Yankee. Il dicte sa loi, parce qu’il dispose de la plus grande armée, du plus gros complexe militaro-industriel et des entreprises multinationales les plus puissantes, les plus innovantes et les plus impitoyables.

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La minorité agissante de l’humanité actuelle est placée devant une alternative très simple. Ou bien, elle accepte un monde dominé par l’American way of life, ce qui implique à terme l’éclosion d’une humanité métissée, d’un Homo Consumans standard, gentil hédoniste, le tout dans une ambiance de féminisme hystérique, soit une formidable régression culturelle... en attendant une formidable régression de polarité inverse, apportée par les mâles djihadistes.

Ou bien, l’on organise, continent par continent, des empires ou des fédérations d’États populistes. Pour l’heure, les nations d’Amérique latine tentent des expériences malhabiles et non coordonnées. En l’Europe, l’Axe Berlin – Moscou pourrait servir de point de départ à un Empire fédératif, à l’unique condition que l’Allemagne réexpédie dans leurs pays d’origine les millions d’Extra-Européens qui sont venus la squatter. Ce sera la condition sine qua non pour réunir dans cet Empire les peuples d’Europe centrale, occidentale et scandinave.

L’Europe aux Européens est un slogan tellement évident et naturel que les princes du négoce en font un corpus delicti : énoncer cette banalité (qui est le slogan jumeau de « l’Afrique aux Africains » ou de la célèbre Doctrine de Monroë) mène droit en correctionnelle et, bientôt, non plus au lynchage médiatique, mais à l’égorgement rituel. 

Le monde dominé par le négoce ne peut être que cosmopolite. Un monde populiste ne peut se faire qu’en fédérant des nations homogènes.    

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jeudi, 20 février 2020

Sacrifier l’économie réelle pour sauver la planète ?

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Sacrifier l’économie réelle pour sauver la planète ?

De l’obsolescence des révoltes populaires

par Antonin Campana

Ex: http://www.autochtonisme.com

Les manifestations populaires, celles des Gilets Jaunes, comme celles des opposants au projet gouvernemental de réforme des retraites, ont rarement été aussi massives avec aussi peu de résultats à la clé. Depuis plus d’un an, des millions de Français ont manifesté contre les projets gouvernementaux sans que cela ne stoppe ni même n’enraye la mécanique implacable de casse sociale et de spoliation des plus faibles initiée par Macron. Le mot « dédain » revient régulièrement dans la bouche des commentateurs : dédain pour les travailleurs, dédain pour les plus modestes, dédain pour les Français en général… Seul le dédain et le mépris peuvent en effet expliquer ce refus ostensible de considérer les souffrances et les inquiétudes des gens qui descendent dans la rue.

En 1968, plusieurs semaines de grèves ont abouti aux accords de Grenelle (avec notamment une augmentation de 35% du SMIG). En 1986-1987, 28 jours de grèves ont fait capoter le projet de grilles des salaires à la SNCF. En 1995, 22 jours de grève ont fait plier Alain Juppé. Certes, toutes les grèves que la France a connues n’ont pas débouché sur des avancées sociales significatives. Certaines furent des échecs. D’autres obtinrent quelques concessions seulement. Mais aucune de celles qui ont eu l’envergure du mouvement social qui a commencé le 05 décembre, n’a été confrontée à une telle indifférence du pouvoir. Aucune concession significative n’a permis aux grévistes de sauver la face. Au contraire, ils ont encaissé pendant plusieurs semaines les railleries, la condescendance, le mépris et l’arrogance des membres de la Majorité. Comme si leur action n’avait en soi aucune importance ! Même chose d’ailleurs pour les Gilets Jaunes, écartés d’un revers de main, après que médias et macroniens les aient catalogué homophobes, racistes et antisémites !

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Ce qui peut surprendre, si l’on considère l’agitation sociale dans notre pays depuis le début du mouvement des Gilets Jaunes jusqu’aux grèves de décembre et janvier, est moins l’échec de cette importante contestation sociale, que la manière dont elle a été traitée par le pouvoir. Macron est le premier du genre à avoir clairement signifié à tous les Français qu’il se moquait totalement de la paralysie du pays et des conséquences économiques d’un an de manifestations, de grèves et de blocages. L’essentiel était que sa feuille de route soit suivie. Entêtement d’un enfant-roi devenu président du régime, ou conséquence d’une évolution des rapports de forces ?

Economie réelle et économie financière

Jusqu’aux années 80, la richesse des élites oligarchiques était basée sur le travail productif national. C’était la bonne marche de l’industrie, du commerce et des transports du pays qui assurait les fortunes. Autrement dit, plus les ouvriers, les employés et tous les salariés faisaient régulièrement et correctement leur travail, plus l’oligarchie était prospère. L’oligarchie redoutait donc les grèves et concédait régulièrement quelques miettes aux gens qu’elle exploitait. L’oligarchie avait aussi grand intérêt à investir dans l’appareil global de production : ses usines mais aussi, via l’Etat à son service, les réseaux de transport (routes, autoroutes, voies ferrées…), les infrastructures du pays (ouvrages d’art, réseaux électriques, télécommunication…) et même l’établissement de routes migratoires (pour disposer d’une main d’œuvre servile)…

Au début des années 80, les ultralibéraux prennent le pouvoir. Partout, c’est la fin du contrôle du mouvement des capitaux. Autrement dit, l’argent que l’oligarchie devait nécessairement investir dans le pays pourra désormais servir à construire des usines dans des pays à la main d’œuvre bon marché, avec bien sûr, à la clé, la fermeture des usines du périmètre national. C’est le début des « délocalisations ».

Les ultralibéraux vont également imposer (à partir de 1983 en France), la dérégulation des marchés financiers. Les règles qui imposaient des contraintes et des limites à l’imagination des banquiers, des investisseurs et des spéculateurs sont abolies. Le monde de la banque et de la finance devient un casino. Le capital financier devient une marchandise que l’on manipule et sur laquelle on parie.

Progressivement, la richesse oligarchique qui dépendait autrefois de l’économie réelle va ainsi dépendre de l’économie financière.

Les chiffres sont aujourd’hui sans appel.

http://www.financeglobale.fr/La_finance_globale/Tableau_de_synthese_files/2002.png

La sphère économique mondiale

(Unité : le Téra dollar soit le millier de milliards de dollars)

Source : www.financeglobale.fr

Il y a deux manières de calculer le poids de la sphère financière (cf. l’économiste Raphaël Didier).  Soit, comme le fait l’économiste Patrick Artus, en additionnant, au niveau mondial, l’encours de crédit, l’encours d’obligations, l’encours de produits dérivés et la capitalisation boursière. Soit, comme le fait l’économiste François Morin, en additionnant les marchés dérivés, les marchés des changes et les marchés financiers (tableau). Dans le premier cas, la sphère financière représente plus de 1100 % du PIB mondial, soit 12 fois plus que l’économie réelle. Dans le second cas, les flux financiers sont près de 60 fois supérieurs aux flux de l'économie réelle !

La seule activité bancaire en France représente 4.2 fois le PIB du pays, sans même prendre en compte l’activité de la banque centrale. Le bilan de la BNP est à lui seul équivalent au PIB de la France (voyez ici) ! Que pèsent dans ces conditions la SNCF, Michelin et ce qu’il reste de l’industrie française ?

Mettez-vous à la place d’un oligarque ou d’un fond d’investissement. Préféreriez-vous investir votre agent dans une économie réelle qui stagne ou dans une économie financière en pleine croissance ? Préféreriez-vous gérer les revendications d’une masse salariale indisciplinée ou miser anonymement dans un casino qui vous assure de gagner des sommes colossales à tous les coups ? Préféreriez-vous investir en bourse ou dans une usine du Pas-de Calais ?

En fait, l’oligarchie a déserté l’économie réelle pour se gaver dans l’économie financière. Les deux économies sont aujourd’hui totalement découplées. Même l’arrêt économique de la Chine, suite au Coronavirus, n’empêche pas les bourses de grimper (pour le moment !). Alors une grève en France ! L’indice Baltic Dry mesure le transport maritime global. En 5 mois et demi, il s’est effondré de 83.52%. On pourrait penser que c’est autrement plus préoccupant que l’occupation d’un rond-point dans la Creuse, n’est-ce pas ? Et bien pas du tout : dans le même temps le Cac 40 est passé de 5400 points à 6100 points !

Les oligarques évoluent aujourd’hui dans un univers parallèle alimenté par les banques centrales. Celles-ci inondent les marchés financiers et ignorent totalement l’économie réelle. Les tombereaux de Dollars, d’Euros, de Yen imprimés par les banques centrales atterrissent, via le Casino,  dans les poches d’oligarques qui s’enrichissent à hauteur que la population s’appauvrit.

L’économie réelle n’a plus aucun intérêt pour les 0.01%, d’autant que tout ce qui compte « stratégiquement » leur appartient désormais : l’eau (y compris en France, via des firmes comme Veolia, Suez ou Saur), l’énergie, les transports, la santé, l’agro-alimentaire, les médias, Internet, les télécommunications, etc.

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De ce constat objectif, il découle que les cheminots, les agents de la RATP, les infirmières, les enseignants ou les dockers peuvent faire grève autant qu’ils le désirent. Cela n’aura aucune chance de toucher, même de manière très superficielle, le train de vie des oligarques qui spéculent sur les marchés. Mettez en rapport le marché des changes (FOREX) ( 5100 milliards de dollars qui changent de mains tous les jours. Six fois plus qu’en 1992. Plus de deux fois le PIB français !) et le chiffre d’affaire de la SNCF (33 milliards d’Euros… par an) et vous comprendrez que la grève des cheminots et la galère des usagers n’aient pas beaucoup ému nos élites bancaires et financières !

C’est un fait et cela explique largement l’échec du mouvement des Gilets Jaunes,  l’échec des grèves contre la réforme des retraites et l’arrogance gouvernementale : pour l’essentiel, la richesse des dominants ne provient plus de l’économie réelle ! La contestation sociale ne touche plus les « gros » comme à l’époque de Zola, comme en 1968, ou même, encore, comme en 1995 !

Mais Macron et le gouvernement, me direz-vous, ne sont-ils pas impactés par la contestation sociale ?

Bien sûr, ils encaissent les coups, mais c’est leur job. Ils sont payés pour ça. Les « élus » sont élus parce-que les médias oligarchiques et les milieux économiques ont organisé leur promotion. Ce sont des larbins de l’oligarchie. Tant que la contestation sociale ne met pas en péril la situation de leurs maîtres, leur rôle consiste à être sourd et aveugle à la détresse de leur peuple, tout en continuant à faire remonter vers l’oligarchie les biens réels qu’ils peuvent encore voler à celui-ci (réseaux d’eau, ports et aéroports, cotisations retraite, Française des Jeux, Métros…). Cependant, ces « élus » n’ignorent pas qu’ils tiennent, pour l’oligarchie, un rôle de fusible ; qu’ils sont, pour l’oligarchie, des leurres chargés de dévier les coups qui pourraient atteindre les possédants. La contestation sociale fait peur aux politiciens car ils savent que leur tête pourrait finir au bout d’une pique. Aussi, s’entourent-ils de leurs propres larbins, chargés de les protéger en éborgnant et mutilant les récalcitrants. Aussi font-ils parfois, sans déroger à leur mission, quelques concessions symboliques, qui tiennent plus de la trouille que de l’esprit de justice. Aussi tiennent-ils un discours sur le réchauffement climatique qui justifie leurs politiques de spoliation… mais aussi, indirectement,  la volonté de leurs maîtres de déconnecter définitivement l’économie financière de l’économie réelle.

Sacrifier l’économie réelle pour sauver la planète

Au dernier Forum de Davos, il était piquant de voir les grands promoteurs de la mondialisation se soucier avec force de la « planète ». Les mêmes qui se sont arrangés jusque là pour que nous ne puissions rien acheter qui n’ait préalablement parcouru plusieurs milliers de kilomètres, les mêmes qui ont délocalisé sans scrupules notre industrie, générant largement la pollution qu’ils dénoncent, déclaraient à qui voulait les entendre qu’ils allaient maintenant, foi de Greta Thunberg, « sauver la planète ». Peut-on rappeler ici qu’un porte-conteneurs pollue autant qu’un million de voitures ?

Les vraies raisons de cet hypocrite préoccupation écologique sont à rechercher dans ce que nous avons exposé plus haut : l’économie financière est aujourd’hui totalement déconnectée de l’économie réelle. Celle-ci lui est désormais plus un boulet qu’un atout. L’économie financière « hors sol » peut maintenant sacrifier ce par quoi elle avait autrefois vécu. Le Forum économique mondial de Davos (FEM) qui s’est tenu du 21 au 24 janvier 2020 a organisé la mise en scène sanglante de ce sacrifice. Ravalée par les Grand Prêtres de l’économie financière (banquiers centraux, BlackRock, fonds d’investissements…) au rang de bouc émissaire du réchauffement climatique, l’économie réelle a été donnée en offrande au dieu du Climat afin de « sauver la planète » (voir aussi l’article de William Engdahl mis en ligne sur le site du Centre de Recherche sur la Mondialisation ).

Le rôle de l’économie financière est de soutenir l’économie réelle. Il fallait une bonne raison pour justifier la réorientation des flux de capitaux de l’économie réelle vers les produits financiers, beaucoup plus rentables. Le « réchauffement climatique » induit par l’économie réelle était une raison toute trouvée.  A Davos, nous avons ainsi assisté à la bénédiction Urbi et orbi d’une opération que la Finance a commencé il y a déjà plusieurs années. 

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Ainsi, dès 2011, BlackRock, Goldmans Sachs et différents fonds de pension américains ont fondé le Conseil des Normes Comptables de Soutenabilité écologique (Sustainability Accounting Standards Board (SASB). Le but de cette structure est d’orienter les différents investissements en fonction de leurs adéquations aux impératifs écologiques. Parmi les organisations « philanthropiques » qui animent le Conseil et fixent les normes on relèvera notamment, outre BlackRock et Goldman Sachs, State Street Global, Carlyle Group, Rockefeller Capital Management, Fidelity Investments, Bank of America, Merril Lynch, UBS…

En 2015, la Banque des Règlements Internationaux (B.R.I.), associée à BlackRock, a lancé le Groupe de Travail sur la Divulgation Financière relative au Climat (TCFD). Le groupe est alors dirigé par Mark Carney, Gouverneur de la Banque d’Angleterre. Carney, ancien de Goldman Sachs,  est aussi membre du Conseil du Forum de Davos ainsi que président du Conseil de Stabilité Financière de la B.R.I. Il vient d’être nommé Conseiller au changement climatique de Boris Johnson ( !).

En 2016, le TCFD a lancé « l’Initiative Finance Verte » (G.F.I). Le but : canaliser l’économie financière vers des investissements « verts », des investissements « résilients au changement climatique », en vue de « limiter les émissions de CO2 ». Les banquiers centraux de la B.R.I. ont nommé 31 membres dirigeants, parmi lesquels les représentants de BlackRock, de Generation Investment Management dirigé par Al Gore, de J P Morgan Chase, de Barclays, de HSBC,  du Crédit Agricole…

Tout ce petit monde de banquiers centraux, de financiers, de fonds de pension, de fonds d’investissement, de banques d’affaires… s’est donc logiquement retrouvé à Davos pour décréter qu’il était urgent de « sauver la planète ». Comment ? On l’a vu, c’est très simple : il suffit de canaliser les investissements vers les secteurs d’activité qui émettent le moins de CO2 et de sanctionner éventuellement ceux qui ne se soumettent pas à une discipline « écologique » de fer ! 

Ainsi, Mark Carney (le Gouverneur de la Banque d’Angleterre devenu expert en climat auprès de Boris Johnson), déclare à la BBC, sur la foi d’une analyse d’un fond de pension ( !) : « si vous additionnez les politiques de toutes les entreprises ici-bas aujourd’hui, elles correspondent à un réchauffement de 3,7/3,8°C » (avec, bien sûr, élévation de 9 mètres du niveau des océans et famines à la clé) et d’avertir que les fonds de pension qui ignorent le changement climatique risquent à présent la banqueroute (cité par William Engdahl). Autrement dit, les fonds de pension qui continuent à investir dans l’économie réelle polluante (les « entreprises ») et ignorent les conseils de BlackRock, Goldman Sachs ou Rockefeller seront poussés à la faillite ! 

BlackRock justement (12 500 milliards de dollars de chiffre d’affaire, 7000 dollars d’investissements, 6 fois le PIB de la France) a clairement mis les points sur les i, quelques jours avant le forum de Davos de 2020. Son PDG, Larry Fink, a fait savoir dans une lettre datée du 16 janvier que le « risque climatique » force une « recomposition fondamentale de la finance » et un « changement dans l’allocation des capitaux » qui sera plus rapide que le climat lui-même.  Larry Fink prédit : « Dans le futur proche (et plus proche que certains n’anticipent), il y aura une réallocation incitative du capital ». BlackRock construira son portefeuille en fonction de la « soutenabilité [écologique] » des entreprises. Il se défaussera « d’investissements qui présentent un haut risque en termes de soutenabilité [écologique], comme les producteurs de charbon thermique », il lancera « de nouveaux produits d’investissement qui examinent de plus près les énergies fossiles » et renforcera « [son] engagement vers la soutenabilité [écologique] ».

Dit plus clairement : sous prétexte de risque climatique, BlackRock annonce que les capitaux iront de plus en plus vers des « produits d’investissements » indépendants des énergies fossiles et des émissions de CO2, c’est-à-dire de l’industrie et des entreprises de l’économie réelle. Les « nouveaux produits » en question seront donc de plus en plus des produits purement financiers. Cela tombe bien, ce sont aussi les plus lucratifs ! Ce « changement dans l’allocation des capitaux », déjà très largement entamé, menace donc directement l’économie réelle. Les financiers somment hypocritement l’économie réelle de se tourner résolument vers les « énergies vertes », tout en sachant que les « énergies vertes » ne permettront pas à l’économie réelle de fonctionner, ni même de nourrir, de loger et d’habiller 7 milliards et demi d’êtres humains !

A moins de trouver une nouvelle source d’énergie, il n’est donc pas possible aujourd’hui de dissocier l’activité de production des énergies fossiles. En décidant de ne plus financer les projets liés aux énergies fossiles, la Banque Européenne d’Investissement, outil de la Commission européenne, signe l’arrêt de mort de l’économie réelle. Produire oblige à émettre du CO2, et cesser d’émettre du CO2 revient à cesser de produire. L’argent est le sang des entreprises. Priver les entreprises de financements pour lutter contre le changement climatique revient à asphyxier l’économie. Mettre des limites à l’économie réelle provoquera des faillites, du chômage, de la misère et de la contestation sociale. C’est pourtant ce que font en toute lucidité les 0.01% à la tête de l’économie financière.

Et tout cela pour sauver la planète ? Allez, sans rire ?

Et maintenant, que peut-il se passer ?

Seulement 13.5% des placements des assureurs « français » sont dirigés vers des entreprises non financières. A peine 5% des transactions financières à travers le globe correspondent à des biens et des services réels. Sous perfusion des banques centrales qui lui assurent de gagner à tous les coups, l’économie financière ne veut plus de l’économie réelle : celle-ci n’offre plus aux investisseurs des débouchés aussi rentables que les actifs financiers ou les produits dérivés. Aussi se donne-t-elle de bonnes raisons pour réorienter les flux de capitaux de l’économie réelle vers les produits financiers et la spéculation. Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage, dit-on.

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Mauvais calcul des 0.01% ? On pourrait le penser, car que se passera-t-il quand les banques centrales cesseront de faire fonctionner la planche à billet ? Jusqu’à présent, le système financier est alimenté en argent frais par les banques centrales. Il peut donc tourner en circuit fermé.  Mais demain ?

Admettons que pour une raison ou une autre, la perfusion financière soit coupée. Immédiatement, les bourses commenceraient sans doute à dévisser. Quelques fonds d’investissement seraient ruinés, des banques systémiques feraient sans doute faillite, mais au final qui serait réellement touché ? Les 0.01% prévenus à l’avance de la manœuvre ou les petits épargnants qui ne pourraient même plus retirer des banques leurs maigres économies ?  Voyez ce qu’il s’est passé à Chypre, voyez ce qu’il se passe au Liban.  Et puis regardons les faits : en 40 ans, l’essentiel des biens réels a été transféré aux 0.01% ! Ces derniers finissent aujourd’hui d’acheter avec de la monnaie de singe les derniers biens réels qu’ils n’ont pas. Et après que se passera-t-il ? Pensez-vous que, pour les ultra-riches, il soit vital que les usines et les industries dont la seule fonction est de fabriquer de quoi nourrir, habiller et loger le petit peuple, continuent à fonctionner ? Bien sûr que non, puisque ces entreprises ne leur rapportent rien.

Ici nous en revenons aux Gilets Jaunes, au mouvement de grèves et à l’indifférence des gouvernements nommés par les 0.01%. Les maîtres et leurs larbins se fichent de la contestation sociale car désormais la contestation sociale ne leur cause aucun préjudice. Bloquer l’économie réelle est obsolète car, du point de vue oligarchique, elle n’a plus aucune utilité, si ce n’est pour nourrir des masses humaines sans importance.

C’est quasiment acté : les 0.01% ont fait sécession ! Ils travaillent depuis 40 ans à s’exfiltrer de la population anonyme. Et ce processus d’exfiltration est sur le point d’aboutir. Ce qu’il se passera ensuite au sein de cette population ne les concernera plus. L’effondrement économique qu’ils auront causé, et qu’on mettra sur le compte du réchauffement climatique, fera connaître aux peuples la misère et la barbarie.  Mais ce ne sera pas le problème des 0.01% : que le peuple crève !

Néanmoins, il reste une chose que l’oligarchie ne possède pas encore totalement : la sécurité. Bien sûr, les larbins gouvernementaux surveille la population grâce à des lois toujours plus liberticides. Bien sûr, des forces de police importantes sont chargées d’assurer la protection des dominants. Mais cela suffira-t-il ?

On sait que la société créée par l’oligarchie est une société multiraciale et multiculturelle. Pense-t-elle, cette oligarchie, que la misère fera se jeter les unes contre les autres les différentes communautés ? Pense-t-elle qu’elle se fera ainsi oublier ? Espère-t-elle, cerise sur le gâteau, qu’elle pourra même manipuler à son avantage les différents groupes en conflit ?

Antonin Campana

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mercredi, 19 février 2020

Où est passé le bien commun ?

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Où est passé le bien commun ?

A propos du livre de Jean Tirole, Prix Nobel d'économie

Ex: http://www.geopolintel.fr

Depuis le retentissant échec économique, culturel, social et environnemental des économies planifiées, depuis la chute du mur de Berlin et la mutation économique de la Chine, l’économie de marché est devenue le modèle dominant, voire exclusif d’organisation de nos sociétés. Même dans le « monde libre », le pouvoir politique a perdu de son influence, au profit à la fois du marché et de nouveaux acteurs. Les privatisations, l’ouverture à la concurrence, la mondialisation, le recours plus systématique aux mises aux enchères dans la commande publique restreignent le champ de la décision publique. Et pour celle-ci, l’appareil judiciaire et les autorités indépendantes de régulation, organes non soumis à la primauté du politique, sont devenus des acteurs incontournables.

Pour autant, l’économie de marché n’a remporté qu’une victoire en demi-teinte, car elle n’a gagné ni les cœurs ni les esprits. La prééminence du marché, à qui seule une petite minorité de nos concitoyens font confiance, est accueillie avec fatalisme, mâtiné pour certains d’indignation. Une opposition diffuse dénonce le triomphe de l’économie sur les valeurs humanistes, un monde sans pitié ni compassion livré à l’intérêt privé, le délitement du lien social et des valeurs liées à la dignité humaine, le recul du politique et du service public, ou encore l’absence de durabilité de notre environnement.

Un slogan populaire qui ne connaît pas de frontières rappelle que « le monde n’est pas une marchandise ». Ces interrogations résonnent avec une acuité particulière dans le contexte actuel marqué par la crise financière, la hausse du chômage et des inégalités, l’inaptitude de nos dirigeants face au changement climatique, l’ébranlement de la construction européenne, l’instabilité géopolitique et la crise des migrants qui en résulte, ainsi que par la montée des populismes partout dans le monde.
Où est passée la recherche du bien commun ? Et en quoi l’économie peut-elle contribuer à sa réalisation ?

Pour mieux comprendre le bien commun

Définir le bien commun, ce à quoi nous aspirons pour la société, requiert, au moins en partie, un jugement de valeur. Ce jugement peut refléter nos préférences, notre degré d’information ainsi que notre position dans la société. Même si nous nous accordons sur la désirabilité de ces objectifs, nous pouvons pondérer différemment l’équité, le pouvoir d’achat, l’environnement, la place accordée à notre travail ou à notre vie privée. Sans parler d’autres dimensions, telles que les valeurs morales, la religion ou la spiritualité sur lesquelles les avis peuvent diverger profondément.

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Il est toutefois possible d’éliminer une partie de l’arbitraire inhérent à l’exercice de définition du bien commun. L’expérience de pensée qui suit fournit une bonne entrée en matière. Supposez que vous ne soyez pas encore né, et que vous ne connaissiez donc pas la place qui vous sera réservée dans la société : ni vos gènes, ni votre environnement familial, social, ethnique, religieux, national… Et posez-vous la question : « Dans quelle société aimerais-je vivre, sachant que je pourrai être un homme ou une femme, être doté d’une bonne ou d’une mauvaise santé, avoir vu le jour dans une famille aisée ou pauvre, instruite ou peu cultivée, athée ou croyante, grandir au centre de Paris ou en Lozère, vouloir me réaliser dans le travail ou adopter un autre style de vie, etc. ? »

Cette façon de s’interroger, de faire abstraction de sa position dans la société et de ses attributs, de se placer « derrière le voile d’ignorance », est issue d’une longue tradition intellectuelle, inaugurée en Angleterre au XVIIe siècle par Thomas Hobbes et John Locke, poursuivie en Europe continentale au XVIIIe siècle par ­Emmanuel Kant et Jean-Jacques Rousseau (et son contrat social), et plus récemment renouvelée aux États-Unis par la théorie de la justice du philosophe John Rawls (1971) et la comparaison interpersonnelle des bien-être de l’économiste John Harsanyi (1955).

Pour restreindre les choix et vous interdire de « botter en touche » par le biais d’une réponse chimérique, je reformulerai légèrement la question : « Dans quelle organisation de la société aimeriez-vous vivre ? » La question pertinente n’est en effet pas de savoir dans quelle société idéale nous aimerions vivre, par exemple une société dans laquelle les citoyens, les travailleurs, les dirigeants du monde économique, les responsables politiques, les pays privilégieraient spontanément l’intérêt général au détriment de leur intérêt personnel.

Car si […] l’être humain n’est pas constamment à la recherche de son intérêt matériel, le manque de prise en considération d’incitations et de comportements pourtant fort prévisibles, que l’on retrouve par exemple dans le mythe de l’homme nouveau, a mené par le passé à des formes d’organisation de la société totalitaires et appauvrissantes.

Concilier intérêt personnel et intérêt général

Ce livre part donc du principe suivant : que nous soyons homme politique, chef d’entreprise, salarié, chômeur, travailleur indépendant, haut fonctionnaire, agriculteur, chercheur, quelle que soit notre place dans la société, nous réagissons tous aux incitations auxquelles nous sommes confrontés. Ces incitations – matérielles ou sociales – et nos préférences combinées définissent le comportement que nous adoptons, un comportement qui peut aller à l’encontre de l’intérêt collectif.

C’est pourquoi la recherche du bien commun passe en grande partie par la construction d’institutions visant à concilier autant que faire se peut l’intérêt individuel et l’intérêt général. Dans cette perspective, l’économie de marché n’est en rien une finalité. Elle n’est tout au plus qu’un instrument ; et encore, un instrument bien imparfait si l’on tient compte de la divergence possible entre l’intérêt privé des individus, des groupes sociaux et des nations, et l’intérêt général.

9782130729969_h430.jpgS’il est difficile de se replacer derrière le voile d’ignorance tant nous sommes conditionnés par la place spécifique que nous occupons déjà dans la société, cette expérience de pensée permettra de nous orienter beaucoup plus sûrement vers un terrain d’entente. Il se peut que je consomme trop d’eau ou que je pollue, non pas parce que j’en tire un plaisir intrinsèque, mais parce que cela satisfait mon intérêt matériel : je produis plus de légumes, ou j’économise des coûts d’isolation, ou je me dispense de l’achat d’un véhicule plus propre. Et vous qui subissez mes agissements, vous les réprouverez.

Mais si nous réfléchissons à l’organisation de la société, nous pouvons nous accorder sur la question de savoir si mon comportement est désirable du point de vue de quelqu’un qui ne sait pas s’il en sera le bénéficiaire ou la victime, c’est-à-dire si le désagrément du second excède le gain du premier. L’intérêt individuel et l’intérêt général divergent dès que mon libre arbitre va à l’encontre de vos intérêts, mais ils convergent en partie derrière le voile d’ignorance.

Bien-être et droits

Un autre bénéfice de cet outil de raisonnement que représente l’abstraction du voile d’ignorance est que les droits acquièrent une rationalité et ne sont plus de simples slogans : le droit à la santé est une assurance contre la malchance d’avoir les mauvais gènes, l’égalité des chances devant l’éducation doit nous assurer contre les différences qu’induit l’environnement où nous naissons et grandissons, les droits de l’homme et la liberté sont des protections contre l’arbitraire des gouvernants, etc.

Les droits ne sont plus des concepts absolus, que la société peut ou non accorder ; ce qui les rend plus opératoires, car en pratique ils peuvent être octroyés à des niveaux divers ou entrer en conflit les uns avec les autres (par exemple, la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres).

La recherche du bien commun prend pour critère notre bien-être derrière le voile d’ignorance. Elle ne préjuge pas des solutions et n’a pas d’autre marqueur que le bien-être collectif. Elle admet l’usage privé pour le bien-être de la personne, mais pas l’abus de cet usage aux dépens des autres. Prenons l’exemple des biens communs, ces biens qui, derrière le voile d’ignorance, doivent pour des raisons d’équité appartenir à la communauté : la planète, l’eau, l’air, la biodiversité, le patrimoine, la beauté du paysage…

Leur appartenance à la communauté n’empêche pas qu’in fine ces biens seront consommés par les individus. Par tous à condition que ma consommation n’évince pas la vôtre (c’est le cas de la connaissance, de l’éclairage sur la voie publique, de la défense nationale ou de l’air). En revanche, si le bien est disponible en quantité limitée ou si la collectivité veut en restreindre l’utilisation (comme dans le cas des émissions carbonées), l’usage est nécessairement privatisé d’une manière ou d’une autre.

C’est ainsi que la tarification de l’eau, du carbone ou du spectre hertzien privatise leur consommation en octroyant aux agents économiques un accès exclusif pourvu qu’ils acquittent à la collectivité le prix demandé. Mais c’est précisément la recherche du bien commun qui motive cet usage privatif : la puissance publique veut éviter que l’eau ne soit gaspillée, elle souhaite responsabiliser les agents économiques quant à la gravité de leurs émissions, et elle entend allouer une ressource rare – le spectre hertzien – aux opérateurs qui en feront un bon usage.

Le rôle de l’économie

Ces remarques anticipent en grande partie la réponse à la ­deuxième question, la contribution de l’économie à la recherche du bien commun. L’économie, comme les autres sciences humaines et sociales, n’a pas pour objet de se substituer à la société en définissant le bien commun. Mais elle peut y contribuer de deux manières.

41-RfSol41L._SX326_BO1,204,203,200_.jpgD’une part, elle peut orienter le débat vers les objectifs incarnés dans la notion de bien commun en les distinguant des instruments qui peuvent concourir à leur réalisation. Car trop souvent, comme nous le verrons, ces instruments, qu’il s’agisse d’une institution (par exemple le marché), d’un « droit à » ou d’une politique économique, acquièrent une vie propre et finissent par perdre de vue leur finalité, allant alors à l’encontre du bien commun qui les justifiait de prime abord. D’autre part, et surtout, l’économie, prenant le bien commun comme une donnée, développe les outils pour y contribuer.

L’économie n’est ni au service de la propriété privée et des intérêts individuels, ni au service de ceux qui voudraient utiliser l’État pour imposer leurs valeurs ou faire prévaloir leurs intérêts. Elle récuse le tout-marché comme le tout-État. L’économie est au service du bien commun ; elle a pour objet de rendre le monde meilleur. À cette fin, elle a pour tâche d’identifier les institutions et les politiques qui promouvront l’intérêt général. Dans sa recherche du bien-être pour la communauté, elle englobe les dimensions individuelle et collective du sujet. Elle analyse les situations où l’intérêt individuel est compatible avec cette quête de bien-être collectif et celles où au contraire il constitue une entrave.

« Économie du bien commun » de Jean Tirole, Éditions PUF, Paris mai 2016, 640 pages, 18€.

Jean Tirole. TSE

 

vendredi, 14 février 2020

Les nouveaux paramètres de la guerre économique

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Les nouveaux paramètres de la guerre économique

 
Ex: http://notes-geopolitiques.com

L’entrepreneuriat se transforme au fil des évolutions géopolitiques du monde. Après les Trente Glorieuses, une nouvelle économie s’est développée à la vitesse du numérique, sur fond de mondialisation heureuse.

Les nouveaux échanges devaient répandre partout le capitalisme libéral et le modèle démocratique, associant « fin de l’histoire »  (1) et succès des entreprises. Très vite, le rêve s’est dissipé.

Et ont surgi de nouvelles fractures : antagonisme Nord / Sud, tensions religieuses, crise environnementale, réveil des empires endormis…

Aujourd’hui, c’est l’économie mondiale dans son ensemble qui est devenue le champ des affrontements entre puissances.

Dès lors, comment pour les entreprises se préparer à ces conflits inédits ?

Sur quel mode pratique former leurs dirigeants à la « guerre économique » ?

Au-delà des compétences techniques, n’est-il pas grand temps de donner toute sa place à la géopolitique, de réhabiliter la culture générale, de favoriser l’éclosion de vertus comme la lucidité et l’audace, bref de replacer l’humain au centre de la formation ?…

Entreprendre en temps de guerre… économique

« L’affrontement économique entre les Etats-Unis et la Chine remet en question beaucoup d’idées reçues depuis des décennies dans le monde académique comme dans le monde politique. L’idée d’un marché pacifié et régulé par des institutions internationales a dominé la réflexion sur l’économie mondiale pendant des décennies. Force est de constater que la réalité est tout autre. Les affrontements économiques sont au coeur des enjeux du monde contemporain. »

Ainsi Christian Harbulot, fondateur et directeur de l’Ecole de guerre économique, ouvre-t-il la 3ème édition du Manuel d’intelligence économique (2).

Or, si le monde a vécu un basculement si violent, n’est-il pas temps de former nos élites à cette nouvelle configuration ?

Préfaçant un livre intitulé Former des cadres pour la guerre économique, Christian Harbulot précise sa pensée : « Le monde a changé. Le marché mondial est fracturé en deux mondes, matériel et immatériel ; en plusieurs blocs géoéconomiques de plus en plus agressifs ; en sociétés consuméristes qui divergent sur leur finalité sociétale. Autrement dit, il ne suffit plus d’être un futur patron centré sur le coeur de métier, passionné par les enjeux de l’innovation, affûté sur la connaissance du marché, remarqué par sa maîtrise des questions financières pour développer une entreprise. » (3)

Au coeur de toute formation, on trouve l’humain, confronté à la réalité du monde. Dès lors, quid de sa capacité à l’appréhender dans sa complexité, pour y détecter, sans a priori, tout à la fois les opportunités et les menaces ?

Résumons. Dans un contexte d’économie libérale, la concurrence appartient depuis toujours à la culture entrepreneuriale.

Encadrée par la loi, elle est censée favoriser la satisfaction des clients et la performance des entreprises.

Toute transgression d’une concurrence « claire et loyale » (corruption, monopole, ententes ou cartels, par exemple) est une faute économique sanctionnée par les pouvoirs publics.

Cependant, le processus de mondialisation a fait que la concurrence est passée du registre de la compétition commerciale à celui de la « guerre économique ».

Aujourd’hui, tous les coups sont permis.Les concurrents sont devenus des ennemis.

Dès lors, les entreprises peuvent faire les frais d’affrontements massifs, Etat contre Etat, comme ceux qui opposent actuellement les USA à la Chine ou à l’Iran.

Les armes utilisées sont essentiellement le contrôle des échanges, les droits de douane, la confiscation d’avoirs ou, plus brutale, l’interdiction de tout commerce avec l’Etat visé, diktat qui peut être étendu aux nations tierces, sous la menace de représailles.

L’interdit peut viser un produit ou une marque, (cf. Huawei aux USA), ou s’étendre à la totalité des transactions commerciales avec un Etat, comme l’embargo décidé par Donald Trump contre l’Iran, en mai 2018.

Quand un tel choix est fait par une puissance hégémonique, les entreprises du reste du monde sont sacrifiées.

Ainsi Airbus, Renault, Peugeot et Total, comme leurs sous-traitants, souvent des PME, ont-ils été contraints de renoncer à leurs investissements et à leurs activités en Iran, victimes collatérales d’un conflit dont leur pays d’origine n’est en rien partie prenante.

On comprend dès lors que la compréhension des configurations géopolitiques sans cesse mouvantes soit l’une des clés majeures à disposition des directions pour définir leurs stratégies et décliner leurs modes opératoires.

Mais en réalité, que peut faire une entreprise, même innovante, agile et performante, confrontée à l’arme de dissuasion (ou de destruction…) massive qu’est le principe d’extraterritorialité du droit américain ?

La Société Générale, le Crédit Agricole, BNP Paribas, Total, Alcatel et Technip ont dû accepter de payer des amendes colossales pour éviter de voir leurs activités bannies de tous les échanges internationaux.

Il s’agit bien ici d’une arme de guerre économique contre les entreprises françaises, lesquelles, comme le précisait la DGSI dans une note d’avril 2018, « font l’objet d’attaques ciblées, notamment par le biais de contentieux juridiques, de tentatives de captation d’informations et d’ingérence économique. »

Plus que jamais, il importe donc avant tout de jeter un regard lucide sur le monde et d’en finir avec la candeur qui conduit à l’erreur.

Un certain entrepreneuriat face au déni de réalité

Malheureusement, en France, les exemples de candeur entrepreneuriale ne manquent pas ! Pour s’en convaincre, examinons ces 100 cas d’intelligence économique (4), décortiqués récemment par une promotion d’étudiants sous l’égide de Nicolas Moinet, professeur à l’université de Poitiers, l’une des rares figures de l’intelligence économique dans le monde académique.

On découvre ainsi que l’Union des fabricants de calissons d’Aix est passée à deux doigts de devoir racheter sa propre marque à un industriel chinois aussi malin que cynique !

Ou que Thomson CSF s’est fait souffler en 1994 un important appel d’offres brésilien par l’américain Raytheon après que Bill Clinton en personne ait appelé les décideurs du Brésil pour leur signaler un cas de corruption.

Cet échec français embarrassant a mis en lumière les armes puissantes et discrètes des USA.

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En effet, les informations délictueuses – malheureusement exactes – avaient été « aspirées » par le système d’écoute Echelon, analysées par la NSA et fournies au Président américain.

Quant à l’entreprise française, elle avait été victime tant de ses mauvaises habitudes commerciales que de sa légèreté.

Une variante de ce scénario catastrophe économique s’est rejouée quand Alstom, fleuron industriel et stratégique, a été bradé à l’américain General Electric dans des conditions douteuses (voir note CLES HS83 de mars 2019).

Autre exemple, devenue leader mondial des cartes à puce, la PME Gemplus est passée sous contrôle d’un fonds d’investissement américain qui a nommé à sa tête Alex Mandl, ancien N°2 d’AT&T et administrateur d’In-Q-Tel, société de capital-risque gérée par la CIA !

Alain Juillet réussira à éviter ce « hold-up technologique » et créera Gemalto.

En revanche, la société Activcard, spécialisée dans les logiciels de gestion d’identité n’a pas su rester française : elle est passée avec son savoir-faire et ses brevets, sous contrôle du fonds de pension américain Fidelity, dirigé par Robert Gates, ancien directeur, bis repetita, de la CIA ! (5)

À ces quelques exemples, on mesure la force de frappe régalienne et les avantages concurrentiels extraordinaires dont bénéficient les entrepreneurs américains.

En revanche, note Robert Papin, l’un des premiers Français à avoir saisi cette dimension, « [si] l’économie a intégré le domaine de la guerre […], les Français abordent généralement cette réalité avec une inquiétante naïveté, à l’inverse de leurs concurrents américains, chinois ou britanniques dont la maîtrise dans la captation de données sensibles ou de technologies se nourrit de l’aveuglement de certains de leurs concurrents, au premier rang desquels les Français, dont la candeur est aussi appréciée que les compétences. » (6)

Or la géopolitique intègre bien évidemment la dimension « intelligence culturelle », qui permet de cerner au plus près les différences entre pays en matière de modèle éducationnel ou social, religieux ou philosophique.

Preuve que la culture générale fait partie intégrante du bagage intellectuel du manager, bagage qu’il lui incombe de faire croître et fructifier tout au long de sa vie.

Apprendre un nouvel « art de la guerre » entrepreneurial

On le voit, le nouveau contexte économique mondial a fait évoluer le métier d’entrepreneur par addition de nouveaux besoins en compétences. Mais certains ont raté la marche.

Ainsi, la généralisation du numérique et d’internet ont entraîné des disruptions explosives dans des secteurs entrepreneuriaux solidement établis.

Kodak a disparu faute d’avoir adopté le numérique, BlackBerry et Rank-Xerox pour n’avoir pas adopté les standards internationaux.

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Plus près de nous, Airbnb attaque de plein fouet le secteur hôtelier, Deliveroo la restauration, Uber les transports individuels et Amazon les entreprises de distribution.

Quant aux big data et à l’intelligence artificielle, elles annoncent déjà de prochaines batailles pour des marchés énormes en même temps que stratégiques dans les développements militaires, les activités médicales, les transports, la sécurité et les services.

Ces nouveaux affrontements s’accompagneront de nouvelles formes d’entrepreneuriat, donc de nouvelles qualités et de nouvelles compétences.

Il va de soi que la vigilance, l’intuition et la modestie devant le réel resteront encore longtemps dans l’ADN entrepreneurial.

Mais le courage du « corsaire », capable de s’affranchir des routines, des conforts, des modèles, voire des règles, va certainement devenir un atout dans un monde où la guerre a définitivement envahi l’économie.

Spécialiste en communication, Mathilde Aubinaud évoque ainsi le parcours de quelques entrepreneurs audacieux qui ont fait le pari de la singularité (7).

Mais l’audace peut-elle être un objet d’enseignement dans les écoles de management comme c’est le cas pour la géopolitique ?

Sans doute moins par la théorie que par l’exemple !

De fait, une fois intégré ce paramètre sur un mode théorique, il revient à chaque entrepreneur d’inventer son « art de la guerre », qui sera d’abord un art d’oser, reposant tout à la fois sur l’intelligence des situations, la lucidité, le courage, la capacité à agir et à penser autrement…

Et là encore, c’est le principe de réalité qui doit primer.

A cet égard, il n’est inutile d’écouter ce que ne cesse de marteler Chrsitian Harbulot, fin connaisseur s’il en est de la guerre économique : « La prise en compte de la conflictualité latente entre les puissances, les limites d’exploitation des ressources de la planète, les contraintes posées par la dégradation de l’environnement sont autant de nouveaux paradigmes qui modifient le cadre cognitif de formation des élites. Les futurs chefs d’entreprise ne peuvent faire abstraction de ces nouveaux enjeux en se défaussant sur le pouvoir politique ou sur le corps électoral qui les élit. Désormais, le pilotage d’une entreprise implique une approche lucide de ces questions. Autrement dit, il n’est plus possible de s’engager dans des activités économiques sans chercher à comprendre quel type d’affrontement elles peuvent générer. Apprendre à diriger, c’est aussi apprendre à combattre l’adversité et éventuellement ses ennemis. »  (8)

Décidément, se former à la géopolitique se révèle être incontournable !

Pour en savoir plus :

1566869422_9782130817703_v100.jpgManuel d’intelligence économique, sous la direction de Christian Harbulot (PUF, 2019) ;

Former des cadres pour la guerre économique – L’itinéraire de Robert Papin, par Raphaël Chauvancy, (VA Editions, 2019) ; 100 cas d’intelligence économique, sous la direction de Nicolas Moinet, (VA Editions, 2019) ;

La saga des audacieux, par Mathilde Aubinaud (VA Editions, 2019).

1/ Pour reprendre le titre du livre de l’économiste américain Francis Fukuyama (1989).

2/ Collectif, sous la direction de Christian Harbulot (PUF, 2019).

3/ Former des cadres pour la guerre économique – L’itinéraire de Robert Papin, par Raphaël Chauvancy (VA Editions, 2019), préface de Christian Harbulot.

4/ 100 cas d’intelligence économique, sous la direction de Nicolas Moinet (VA Editions, 2019).

5/ Tous ces exemples sont tirés de l’ouvrage 100 cas d’intelligence économique, op.cit.

6/ Témoignage de Robert Papin, in Former des cadres pour la guerre économique, op. cit.

7/ La saga des audacieux, par Mathilde Aubinaud (VA Editions, 2019).

8/ Former des cadres pour la guerre économique, op.cit., préface de Christian Harbulot.

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mercredi, 05 février 2020

L’entreprise : être ou ne pas être un État souverain…

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L’entreprise : être ou ne pas être un État souverain…

par Valérie Bugault
Ex: http://www.zejournal.mobi

Le chemin du droit de l’entreprise : de la perte de souveraineté de l’État à la dictature universelle.

Une récente manifestation médiatique arrive à point nommé pour illustrer la réalité politique de la question juridique de l’entreprise.

Le droit de l’entreprise est au cœur de la souveraineté des États car il est le lieu privilégié où s’affrontent les forces économiques globalistes menées par les banquiers et les forces politiques légitimistes menées par les États. N’en déplaise aux esprits faux, la traduction de la souveraineté est éminemment juridique, aussi il n’existe pas de souveraineté politique sans souveraineté juridique. Dit autrement, la souveraineté politique passe de façon essentielle par la souveraineté juridique. Derrière tous les faux semblants et les jérémiades des actuels dirigeants économiques, qui contrôlent en réalité l’État français, est un principe général : « Dieu se rit des hommes – et des États – qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. » On ne peut dans le même temps à la fois jouer le jeu globaliste de ses adversaires, tout de droit anglo-saxon vêtu, et déplorer son propre asservissement, c’est-à-dire son impuissance et sa domination !

Qu’en est-il de la souveraineté juridique française ? Sa disparition est parfaitement illustrée par l’évolution juridique du droit de l’entreprise. De ce point de vue, la France, comme la plupart des pays du monde, a abandonné son pouvoir régalien de régulation au profit de la mise en œuvre réglementaire illimitée du pouvoir de ses créanciers – les banquiers globalistes. Concrètement, la France a abandonné sa capacité a générer une économie politique autonome – comprendre « non contrôlée par les banquiers globalistes » – lorsqu’elle a refusé au Général De Gaulle la mise en œuvre juridique de la souveraineté économique, qui passait par un renouveau du droit de l’entreprise.

Alors que l’oligarchie compradore française faisait politiquement « tomber », en 1969, le chef de la France Libre, pour ne pas avoir à mettre en œuvre le principe général de « l’entreprise participative », je fus moi-même en 2005 – de longues décennies plus tard – bannie du système universitaire pour avoir eu l’audace de proposer une réforme de l’entreprise qui lutte contre l’anonymat et la prédation financière en réimposant la notion de contrôle économique, lequel passe par le rétablissement de frontières juridiques (1). Ma propre théorie juridique de l’entreprise avait pour objet d’éviter et même d’interdire la généralisation de l’immixtion dans la gestion des entreprises par les banquiers fournisseurs de crédit, immixtion déplorée dans l’article sur Goldman Sachs ci-dessus mentionné. Par ce choix de l’éviction des intrusions bancaires, ma théorie de l’entreprise reprenait les fondamentaux de « l’entreprise participative ». Or, il faut comprendre que quarante ans durant, tous les efforts politiques avaient été consciencieusement fait pour effacer toute trace juridique de l’entreprise participative dans les enseignements universitaires ! Sans revenir sur cet épisode épique de ma propre vie, il convient d’insister sur les tenants et les aboutissants d’une conception strictement financière de l’entreprise qui nous vient des pays anglo-saxons. Car, in fine, l’immixtion des banquiers dans la gestion des entreprises, qui se manifeste notamment par des actions sur le choix des dirigeants, a pour corollaire une prise de pouvoir des banquiers globalistes sur l’intégralité de la vie économique d’un pays.

Le pouvoir hégémonique des banquiers sur l’entreprise et sur l’économie des pays a été – sans surprise – véhiculé par le droit anglo-saxon.

Si le droit « anglo-saxon » a pris le contrôle politique du monde, aussi bien au niveau des institutions internationales qu’à celui des institutions nationales, c’est parce qu’il est conçu, depuis 1531, comme un instrument des puissants pour asservir les populations. Le « droit anglo-saxon » n’est pas à strictement parler du « droit », il est un moyen d’asservir les masses.

Depuis que les puissances d’argent ont pris, en occident, le contrôle du phénomène politique, le « droit anglo-saxon » a naturellement été utilisé par ces dernières car il est le plus adapté à leur entreprise de domination. Utile à la domination des puissants contre les humbles, le « droit anglo-saxon » repose sur deux piliers essentiels :

Premièrement, le prétendu « droit » anglo-saxon n’est pas du « droit » à strictement parler car il ne cherche à établir de façon générale ni « justice », ni « intégrité », ni « vérité », il cherche simplement à assurer la domination de quelques-uns sur la majorité ;

Deuxièmement, le prétendu « droit » anglo-saxon s’est construit, depuis le XVIème siècle, conformément au « positivisme juridique », c’est-à-dire en opposition au droit continental traditionnel qui véhiculait le principe opposé de « droit naturel ». Le positivisme juridique est la liberté d’établir, sans limite qualitative et quantitative, autant de règles qu’il est utile aux puissants de le faire. Ce positivisme s’est peu à peu techniquement imposé en France et en Europe continentale à la faveur de deux phénomènes : d’une part, matériellement, par le système du « Parlement représentatif » et d’autre part, théoriquement, par la « théorie pure du droit » d’Hans Kelsen.

Pour en revenir à l’entreprise, son évolution juridique a suivie, en France, celle de l’inversion du rapport de force entre banquiers globalistes et État politique : elle a validé, au fil du temps, la domination irrémédiable des entreprises par les quelques actionnaires actifs, majoritaires en terme relatif et la plupart du temps minoritaires en terme absolu, souvent réellement anonymes.

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Cette prise de pouvoir actionnarial et financier sur l’entreprise s’est brutalement accélérée lors de la mise en œuvre en France et dans le monde de la théorie dite de l’Agence, laquelle a notamment – parmi beaucoup d’autres vilenies – justifié l’introduction en France des stock-options, transformant les dirigeants des grandes entreprises en serviteurs dociles des intérêts patrimoniaux dominants.

Faisant fi de la tradition française, conforme au droit continental, de l’entreprise, le législateur a fini par rejeter la conception institutionnelle de l’entreprise, pour désormais considérer cette dernière comme un « nœud gordien », un simple enchevêtrement contractuel, dans lequel les plus forts sont toujours les « meilleurs ». Dire que l’entreprise est une institution signifie que l’entreprise, en tant qu’institution juridique, a une fonction politique d’organisation sociale qui relève de l’intérêt commun ; dire que l’entreprise est le simple siège d’un nœud contractuel, a pour effet juridique de livrer cette dernière aux contractants les plus forts, lesquels sont les principaux propriétaires de capitaux.

C’est ainsi que fut bannie du paysage juridique français l’entreprise participative en 1969 et ma propre théorie de l’entreprise en 2005.

Les enjeux politiques de ces bannissements successifs sont les suivants : l’entreprise ne doit en aucun cas échapper aux dominants économiques pour bénéficier à la collectivité, elle doit rester sous le complète dépendance des fournisseurs de crédits, ces derniers ayant pour objectif avoué la prise de contrôle politique totale et l’établissement d’un gouvernement mondial.

J’ai longuement décrit (2) comment l’entreprise avait dégénéré – au niveau mondial – en concept congloméral et comment ces conglomérats étaient aujourd’hui considérés comme des institutions qui soumettaient les États ; ces derniers étant aujourd’hui internationalement ravalés au rang de simple acteur économique non dominant, c’est-à-dire soumis.

Or précisément, l’entreprise participative, tout comme ma propre théorie de l’entreprise, en tant qu’elles sont les héritières du droit continental traditionnel, permettraient de s’opposer à cette domination capitalistique mondiale. Malheureusement en France les instances décisionnaires, politiques, universitaires et juridiques (qu’elles soient ou non fonctionnaires), sont soumises à la domination des principaux détenteurs de capitaux ; elles ont, par esprit de cour ou par corruption avérée, renoncé à lutter.

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Les dirigeants français de tout bord ont, depuis 1969, renoncé au principe de liberté, d’indépendance et de souveraineté, pour suivre la voie ignoble de l’asservissement et de la collaboration. Tant et si bien que nous assistons aujourd’hui à une nouvelle évolution du droit de l’entreprise qui, comme toujours, suit l’évolution des rapports de force entre « fait économique » et « fait politique ». Validant l’abjuration définitive du concept étatique, les « dirigeants politiques » français ont permis une nouvelle évolution de l’entreprise allant dans le sens, bien compris, de l’intérêt bancaire supérieur mais paré de vertus collectives que les banquiers ont faites leurs. Ainsi, conformément aux développements initiés par le Club de Rome, qui seront matérialisés plus tard par les Giorgia Guidestones, l’entreprise devient un enjeu « écologique ». L’entreprise est dès lors sommée de répondre aux défis environnementaux tels que compris par les puissances économiques dominantes, lesquelles ont parfaitement intégré l’insoutenabilité de leur domination par le jeu capitalistique dans un univers où les ressources naturelles sont limitées. Nous avons ainsi vu apparaître le RSE, ou Responsabilité Sociale de l’Entreprise, avant de voir la naissance, récente, de l’entreprise à mission (3). Conformément à la méthode des petits pas traditionnellement utilisée par la caste bancaire monopoliste, le fondement initial du « volontariat » s’atténue peu à peu pour bientôt se transformer en droit impératif, rigoureusement sanctionné. Nous avons ici, en matière d’évolution du droit de l’entreprise, la même méthodologie que celle appliquée à l’évolution du droit de propriété.

L’objectif ultime étant la disparition juridiquement validée de la liberté et de la démocratie, afin de laisser la place à la dictature bancaire universelle.

Derrière les faux semblants de la prise en compte de l’intérêt commun – intérêt commun entièrement défini à l’aune de celui des dominants financiers – l’entreprise est vouée à devenir un des instruments, juridiquement validé, de la dictature universelle. Conformément à la volonté des dominants économiques, le droit de l’entreprise va devenir un droit dictatorial chargé de mettre en œuvre la dictature universelle parée de « vert » mais armée de rouge sang.

L'auteur, Valérie Bugault, est Docteur en droit, ancienne avocate fiscaliste, analyste de géopolitique juridique et économique.

Notes:

(1) Cf. « La nouvelle entreprise » publiée en 2018 aux éditions Sigest ; https://lesakerfrancophone.fr/valerie-bugault-la-nouvelle... ; https://lesakerfrancophone.fr/valerie-bugault-les-raisons...

(2) Lire « La nouvelle entreprise », publié en 2018 aux éditions Sigest

(3) Cf. Loi dite Pacte : https://www.novethic.fr/actualite/entreprise-responsable/...