Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 10 février 2019

Gilets jaunes : jacquerie française ou révolution planétaire ?

gj-dette.jpg

Gilets jaunes : jacquerie française ou révolution planétaire ?

par Pierre-Emile Blairon

Plus de deux mois après la première manifestation des Gilets jaunes, je dois constater que je n’ai guère répondu à ma question en titre si j’en crois celui, quasiment identique, de ma première intervention sur le sujet sur Boulevard Voltaire, le 4 novembre 2018 : 17 novembre : fronde des automobilistes ou nouvelle « Révolution » française ? alors même que la dénomination Gilets jaunes n’avait pas encore eu droit de rond-point (et de cité plus tard). Je la réitère donc, un peu différemment puisque la fronde ne se limite plus à contester le prix du carburant.

Les origines du mouvement

Selon le journal Libération, c’est Ghislain Coutard, 36 ans, mécanicien à Narbonne, qui serait l’inventeur involontaire du nom en appelant, le 24 octobre 2018, « tous les automobilistes en colère à déposer un gilet jaune sur leur tableau de bord. » et ce sont « deux chauffeurs routiers et une vendeuse en ligne de cosmétique bio, tous originaires de Seine-et-Marne » qui avaient lancé le 15 octobre une pétition contre la hausse du prix des carburants.

Les jacqueries

Les jacqueries qui se sont répétées tout au long de l’Histoire de France furent des émeutes provoquées pour des motifs essentiellement d’ordre matériel : famines, excès d’impôts et taxes qui s’accompagnent d’une arrogance et d’une désinvolture affichées des nantis, seigneurs, bourgeois ou gouvernants, selon les périodes et les situations. Nous étions bien, à l’origine des Gilets jaunes, dans ce contexte. Cette nouvelle jacquerie (qui n’est pas près de s’éteindre) ne tranche pas, sous un certain aspect, avec les précédentes : c’est toujours l’opposition des campagnes à l’Etat central (les « Jacques » étaient des paysans, comme les appelaient les gens des villes). Cette opposition était due au fait que nos gouvernants n’avaient pas pris en compte l’importance de l’automobile comme moyen de transport presque exclusif dans les « provinces », comme on disait sous l’Ancien régime ( ou «  en province », comme on dit à Paris actuellement), surtout après le démantèlement par les gouvernements successifs depuis des dizaines d’années de tous les services publics pour les regrouper ( quand ils le sont) parfois à des dizaines de kilomètres de son lieu d’habitation. Rappelons que la « province », c’est 45 millions d’habitants contre 15 pour l’ensemble des grandes agglomérations urbaines.

Quelles sont les forces en présence ?

D’un côté, le gouvernement. Sa position et son projet concernant le bras de fer en cours avec les Gilets jaunes sont clairs ; le gouvernement utilisera la même méthode éprouvée par ses prédécesseurs pour mater les jacqueries des siècles passées : la répression par sa police, en y ajoutant – c’est la « modernité » - la désinformation pratiquée par les médias à ses ordres.

Un Macron sans états d’âme

Le président Macron ne changera rien à la feuille de route qu’il s’est fixée, feuille de route qui n’a rien d’originale puisqu’elle s’inscrit dans le grand mouvement mondialiste (auquel il semble adhérer avec délectation) de désintégration des nations, de leurs peuples, et de leurs cultures traditionnelles. Il agira sans sourciller, sans états d’âme contre la révolte des Gilets jaunes, avec les moyens policiers qui sont mis à la disposition d’un Etat démocratique qui flirte dangereusement avec le totalitarisme, sachant qu’il pourra, en fin de compte, se poser en défenseur de l’ordre « républicain », quitte à jeter de l’huile sur le feu si nécessaire, à manipuler les Gilets jaunes de toutes les manières possibles, y compris en inspirant la création de listes aux européennes et en espérant que le mouvement finira par s’essouffler ou s’achever, quoiqu’il en soit, après les résultats des élections européennes.

De l’autre côté, les Gilets jaunes : là, les tentatives de mettre en place un outil prospectif sont vouées à l’échec du fait que les Gilets jaunes constitue un agrégat protéiforme d’individus, de revendications diverses, de mots d’ordre et de méthodes qui le sont tout autant pour les faire aboutir. L’un des aspects qui nous paraît positif est l’extraordinaire détermination qui caractérise la plupart des révoltés.

Persistance du vieux fond gaulois

Les premiers samedis (puisque les manifestations, par routine, se font désormais le samedi) avaient quelque chose de magique et de festif ; les rassemblements autour et sur les ronds-points permettaient la rencontre amicale et chaleureuse de Français de tous âges et de toutes conditions, comme si se réveillait un vieux rêve enfoui sous des tonnes de béton et de technocratie, comme autant de places de village où règne encore un esprit communautaire, comme autrefois, du temps où existait encore un peuple français et une nation française. Rappelons la définition du mot « nation » : « ensemble des êtres humains vivant dans un même territoire et ayant une communauté d’origine, d’histoire, de mœurs et, souvent, de langue. » (Larousse). La relative homogénéité ethnique des Gilets jaunes pouvait même nous faire penser à la persistance d’un vieux fond gaulois, les « réfractaires », comme les a si bien définis leur principal ennemi. Un Gaulois est un rebelle permanent.

Cependant, nos ancêtres les Gaulois, s’ils étaient vaillants au combat, n’ont jamais brillé par leur persévérance et leur discipline ; Vercingétorix qui a voulu les rassembler contre l’ennemi romain en a fait les frais, et nous aussi, leurs descendants, par la même occasion. Ce qui distingue les Gilets jaunes de leurs ancêtres, c’est qu’ils ont pour eux une détermination et une constance sans faille.

Récupération en cours du mouvement par l’extrême-gauche

Le motif de ces rassemblements, à l’origine, était d’ordre purement matériel, très ciblé au début sur la hausse du prix des carburants et, petit à petit, agrégeant d’autres revendications toujours et uniquement dans le domaine fiscal et social, ressemblant fortement aux habituelles revendications syndicales ; il convient de remarquer que les syndicats n’ont pas jugé utile de se joindre au mouvement, du fait même de leur accointance avec le régime en place qui en nourrit substantiellement les dirigeants. Par la suite, le mouvement a été contenu dans cet unique domaine, malgré quelques timides tentatives de lui donner un caractère plus identitaire.

gj-bourse.jpg

Macron a traité les Gilets jaunes de racistes, d’antisémites, d’homophobes, autant de qualificatifs récurrents dans la bouche des bobos de la France d’en-haut. Ces Gaulois Gilets jaunes savent à peine de quoi il s’agit. Ce n’est pas leur monde ni leur façon d’être, peu de peuples dans le monde sont moins racistes, antisémites, etc. que le peuple français. Ils sentent confusément qu’une autre France, une vraie France existe, ou avait existé, une France dont leur avaient parlé leurs parents mais l’Education nationale et la télévision les ont formatés dès leur plus jeune âge : ils n’ont plus d’idées très affirmées, pas de formation idéologique, politique, intellectuelle, spirituelle, pas d’esprit critique, peu de lucidité, pas de repères identitaires, plus de possibilité d’étudier l’histoire de leur pays, l’héritage laissé par leurs ancêtres, ils sont déculturés, dépersonnalisés, pacifiques à défaut d’être pacifistes (ce qui est déjà une idéologie), antiracistes, bisounours (on ne fait pas une révolution en se laissant crever les yeux et en agitant des petits ballons jaunes pour manifester sa réprobation). Les Gilets jaunes, ne disposant d’aucune carapace militante, donc la capacité de se prémunir de toute attaque d’ordre doctrinal et encore moins d’y répondre, sont vulnérables dans leur candeur et leur bonhomie et la proie de toutes les manipulations tordues venant du gouvernement ou de ses satellites gauchistes ou communistes en mal de reconnaissance qui s’infiltrent dans les cortèges et dans les sites internet créés par des groupes de Gilets jaunes, imposent leurs mots d’ordre et leurs slogans et récupèrent le mouvement pour le compte du mondialisme ou de l’altermondialisme, ce qui revient au même.

Nous verrons que les dirigeants des Gilets jaunes les plus médiatisés seront finalement récupérés ; on sent bien qu’ils n’ont pas assez de coffre pour contenir toute la force de revendications fondamentales. Cependant, certaines personnes qui se revendiquent des Gilets jaunes ont du talent, une grande lucidité et une grande force de conviction comme Komrad, dont nous ignorons jusqu’au nom[1]. Mais il n’est pas le chouchou des médias.

Prise de conscience inconsciente

C’est ainsi que cette prise de conscience inconsciente a été tué dans l’œuf. Toutes les revendications fondamentales susceptibles de redonner une colonne vertébrale à la société française ont été très rapidement bannies des discours, des banderoles et des slogans, celle concernant le Traité de Marrakech (c’est-à-dire le problème de l’immigration et du remplacement de notre peuple par des hordes africaines) est à peine ébauchée, comme sont évacués les sujets sur la peine de mort, l’islamisation de l’Europe, sur la dictature des minorités (homosexualité, transgenrisme, transhumanisme, PMA, GPA, et autres loufoqueries), sur le localisme, la mort de la paysannerie, le protectionnisme, le réveil identitaire, l’indépendance nationale, la tradition, la culture… la lutte contre le système, la technocratie, l’uniformisation, l’agro-alimentaire chimique, la désertification médicale, la vaccination obligatoire, le mondialisme, etc. Subsiste par intermittence la seule revendication susceptible de réunir tous les Gilets jaunes : le référendum, que les gens de droite appellent « d’initiative populaire » et ceux de gauche « d’initiative citoyenne » mais dont le gouvernement ne veut pas, qu’il soit « populaire » ou « citoyen ».

Les Gilets jaunes sont des bisounours

Semaine après semaine, le même rituel se répète : des forces de police armées jusqu’aux dents et très agressives dispersent les manifestations pacifiques de Gilets jaunes dépourvus de moyens défensifs physiques et mentaux. Chaque semaine, les médias subventionnés ne parlent que de la violence des Gilets jaunes, alors que les réseaux sociaux ne nous montrent que des gens qui tentent vainement de se défendre contre les violences policières. Si les Gilets jaunes étaient violents, ils auraient déjà gagné face à une mobilisation permanente des forces de police épuisées (mais toujours motivées, à tel point qu’on se demande si elles ne fonctionnent pas au Captagon, ou si elles ne se nourrissent pas d’une haine radicale et incompréhensible contre leur propre peuple) ; les Gilets jaunes ont peur que la presse ne les montre comme des gens violents, alors, ils s’abstiennent de tous comportements qui pourrait ressembler à de la violence (voir la vidéo concernant l’infâme Muselier et le traitement débonnaire qui lui a été généreusement octroyé et qui est très significatif de cette démission[2]), mais le mal est déjà fait, : la presse les a déjà montrés injustement comme violents ; les forces de police étaient, avant l’apparition du mouvement Gilets jaunes, désarmées par le syndrome Oussekine (syndrome créé par la presse du temps où elle était contre le gouvernement), elles ne le sont plus. Les Gilets jaunes, eux, sont désarmés par le syndrome Charlie-bisounours-vous n’aurez pas ma haine, créé par cette même presse maintenant au service du pouvoir mondialiste. Les dégradations des biens privés (vitrines et véhicules) et symboliques (comme la dévastation de l’Arc de triomphe) opérées par des casseurs casqués et masqués, Black-blocs, gauchistes-zadistes, en fin de journée, sont présentées comme l’œuvre des Gilets jaunes alors qu’il pourrait s’agir de provocations délibérées à même de servir la cause du gouvernement. Il convient de remarquer que les casseurs-racailles de banlieue ont reçu la consigne de ne pas se manifester ; ils n’ont pas intérêt à le faire puisqu’il est entendu qu’ils sont protégés par les pouvoirs en place depuis des décennies, lesquels pouvoirs n’ont jamais employé contre eux les mêmes méthodes radicales de répression qu’ils utilisent contre les Gilets jaunes.

gj-bretons.jpg

Elections européennes : Macron l’exterminateur

Pour en arriver à la fin de cette étude qui s’est efforcée de n’être qu’un constat de la situation présente en ce début de février, il reste à risquer deux prospectives : l’une temporelle, l’autre géographique.

L’échéance temporelle concerne bien évidemment les élections européennes fixées au mois de mai.

Même si les Gilets jaunes semblent actuellement soutenus par une majorité de la population française, on sait bien que les Français soumis au matraquage permanent des médias « mainstream » ne réagissent pas toujours comme les instituts de sondages le laissent supposer, instituts de sondage dont la partialité ne peut faire aucun doute, puisqu’ils appartiennent eux aussi au Système et qu’ils sont tout aussi habiles que leurs complices médiatiques à déguiser la vérité et à renverser les tendances.

Cette rébellion circonstanciée et superficielle des Français – je parle ici du soutien apparent des Français aux Gilets jaunes, de ces Français spectateurs qui ne se risquent pas à manifester - fait largement place aux sorties des urnes à un comportement de bourgeois frileux qui ne tient compte que de sauvegarder un confort sans risque et un ordre établi, l’un et l’autre réels ou factices. Si les identitaires (concept global qui s’oppose le plus radicalement et le plus clairement à l’uniformisation mondialiste) ne parviennent pas à imposer leurs points de vue d’ici là, nous risquons fort de retrouver un Macron encore plus conforté dans son rôle d’ange – de Satan – exterminateur de nos peuples européens.

Une révolution planétaire

En réalité, la perspective qui nous semble la plus positive et durable du mouvement, et qui a été le plus largement sous-estimée, est celle qui concerne son incroyable et rapide extension sur l’ensemble de la planète ; il s’agit ici alors d’un violent changement de paradigme, d’une nouvelle vision du monde, qui doit s’opposer à celle qui tente de se mettre en place. Sur l’ensemble de la planète, des citoyens se mobilisent pour des raisons très diverses contre leur régime (et même dans des pays aussi inattendus que l’Irak, le Burkina-Faso, la Serbie, Israël ou la Jordanie) en revêtant eux aussi ce même gilet jaune qui n’était destiné, à l’origine, qu’à se faire signaler des autres automobilistes en cas de panne sur la route. Autant de petites bulles clairsemées qui paraissent inoffensives mais qui constituent finalement le contenu d’un chaudron qui bout.

Symboliquement, la personne qui porte un gilet jaune est alors un être humain en danger, quelque soit le pays qu’il habite.

Le pouvoir mondial qui se met en place et qui tente de faire de l’ensemble de l’humanité une masse d’esclaves coupés de leurs racines, malléables et corvéables à merci, et de la planète un désert lunaire, dépourvue d’animaux et de végétaux, est sur le point de réussir son opération avec la complicité de la quasi-totalité des dirigeants de la planète, des mafias financières, médiatiques, bancaires et industrielles dont l’absence de scrupules, la malhonnêteté et l’aptitude au mensonge stupéfie les êtres les plus avertis et les plus lucides. Nous n’allons pas ici à nouveau évoquer Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley ou le 1984 de H.-G. Wells.

Est-ce le grand troupeau qu’on mène à l’abattoir qui s’affole, sentant déjà l’odeur du sang qui gicle sur les murs, et qui se met à bêler, qui tente d’échapper aux chiens de garde débordés qui ne peuvent plus le contenir ? Ou ces manifestations éparses, désordonnées et timides sont-elles le grondement sourd d’une vague de fond qui s’amplifie, les prémisses d’un tsunami qui va se gonfler inexorablement de tous les malheurs du monde et qui va tout balayer sur son passage ?

La révolution bourgeoise de 1789 en France avait donné le signal de la curée matérialiste qui allait envahir le monde. Elle était devenue le modèle de toutes les utopies sanglantes qui ont placé le monde sous leurs griffes et qui ont toutes échoué. La chute du mur de Berlin en 1989 fut le symbole de l’effondrement d’une dictature qui a duré 70 ans et qui a envoyé à la mort des dizaines de millions d’êtres humains. Le monde ignorait alors que la tyrannie communiste allait être rapidement remplacée par son double inversé. D’un totalitarisme à l’autre, le monde vit depuis sous la poigne de Big Brother, un système despotique qui, sous un déguisement de démocratie soft et de « mondialisation heureuse », comme dirait l’un de nos sinistres hommes d’Etat, vide lentement le monde de toutes ses raisons de vivre au profit de quelques individus assoiffés de pouvoir et d’argent.

Cette nouvelle révolution mondiale, si elle advenait, pourrait bien être le coup d’arrêt de cette dérive qui mène le monde à sa perte. Nous ne pouvons qu’espérer sa venue.

[1] https://www.youtube.com/watch?v=oBS3r1iVY_Q&fbclid=IwAR2k3duna-mBIbhlSOQFc3IlIF98lHSo2EFPSy8Up4ldTkjcxdOL0k4GRAc

[2] https://www.facebook.com/giletjaune1970/videos/vb.959799787551575/597144287376467/?type=2&theater )

samedi, 09 février 2019

La Commission Européenne trahit une nouvelle fois les intérêts stratégiques des Européens

alstom.jpg

La Commission Européenne trahit une nouvelle fois les intérêts stratégiques des Européens
 
par Jean-Paul Baquiast
Ex: http://www.europesolidaire.eu 

Bruxelles a interdit, mercredi 6 février, la fusion entre le français Alstom et l'allemand Siemens, qui aurait, selon ses termes, créé un « géant du secteur ferroviaire ». Selon un communiqué, la Commission européenne juge ce mariage néfaste pour la concurrence sur le marché à l'intérieur de l'Union.

Sous prétexte de favoriser la concurrence, la Commission veut-elle encourager l'introduction sur le rail européen de compagnies étrangères qui veulent capter à leur profit la clientèle des réseaux ferroviaires européens. Autrement dit, veut-elle décourager Alstom et Siemens de ce marché qui présente encore un avenir vu la nécessité de décourager les transports automobiles. Veut-elle que des opérateurs étrangers, anglo-saxons ou russes, s'imposent sur ce marché stratégique en jouant sur de prétendus bas coûts qu'ils s'empresseront de relever dès qu'ils en auront éliminés Alstom et Siemens.

Plus généralement la Commission veut-elle interdire au prétexte de préserver la concurrence tout rapprochement entre des industriels allemands et français déjà en grande difficulté vu la prolifération d'industriels non-européens cherchant à les en éliminer par des politiques de dumping qui seraient inadmissibles par des gouvernements visant à préserver leurs intérêts nationaux. D'ores et déjà la Commission joue le même jeu dans le secteur encore plus stratégique des futurs réseaux 5G où le morcellement de l'offre qu'elle impose permettra au géant chinois Huawai, déjà dominant, d'acquérir un monopole exclusif et permanent dans ce domaine.

Nous nous demandons régulièrement ici au service de quels Etats ou grands industriels non-européens les membres les plus influents de la Commission, notamment dans le secteur de la concurrence, se sont résolus à se vendre...Se vendre au sens précis du terme car de tels appuis s'achètent avec des dizaines de millions de dollars. Ce sera inévitablement de l'autre côté de l'Atlantique qu'il faudra en premier lieu chercher la réponse. Les économies russes et chinoises ne sont pas encore assez riches pour s'acheter à travers la Commission et les institutions de l'Union les appuis européens nécessaires.

Aujourd'hui, face au quasi coup d'Etat de la Commission dans le secteur ferroviaire, le ministre français Bruno Le Maire parle d'une « erreur stratégique et d'une faute politique ». Mais il est plus que prévisible qu'il se contentera de parler. On n'imagine pas Emmanuel Macron menacer Bruxelles d'un retrait de l'Union, un Francexit analogue au Brexit britannique. Il est trop lié aux intérêts du grand capital financier international pour envisager, ne fut-ce que verbalement, une telle sanction aux manœuvres de la Commission européenne. Quant à l'Allemagne, pénétrée en profondeur par les Américains, elle ne fera rien non plus.

* On pourra voir sur ce sujet un article en sens différent publié par Challenges. Inutile de dire que nous ne l'approuvons absolument pas. Il faudrait lui consacrer plusieurs pages de réfutations, tellement sont biaisés les arguments évoqués. Ceci serait lui faire trop d'honneur. https://www.challenges.fr/economie/alstom-siemens-pourquo...

mercredi, 06 février 2019

A-t-on payé 1.400 milliards d’intérêts sur la dette depuis 1979 ?...

DetteFrance-1980-2012.png

A-t-on payé 1.400 milliards d’intérêts sur la dette depuis 1979 ?...

C’est Jacques Cheminade qui l’affirmait en 2017 et c’est vrai. Comment paie t-on ces intérêts ? En empruntant et, ce qui est inquiétant c’est que Macron a décidé de mettre l’or de la France, notre or, sur les marchés. Charles Sannat nous en a parlé ICI. Et c’est la JP Morgan qui a mis la main dessus.

Nous avons déjà la loi qui autorise les banques, à se servir sur le compte de leurs clients et, on nous spolie, en vendant tout ce que la France à de valeur, par petits bouts.

Si nous avons des prêteurs, c’est parce que nous avons cet or, mis de côté depuis des décennies. Notre souveraineté déjà bien entamée, et c’est la disparition de notre nation (et de bien d’autres) qui sera l’aboutissement final de ce hold-up généralisé. Comment retrouver notre indépendance si notre pays n’a plus aucune garantie ? Tout ça pour faire leur Europe des riches, sur le dos des 500 millions d’européens, appauvris et impuissants (pour l’instant).

Il faut que cette question, soit à l’ordre du jour dans le Vrai Débat initié par les Gilets Jaunes, qui n’a rien à voir avec le grand débat mascarade voulu par Macron. Personne ne semble se rendre compte de la situation critique, si on rapproche la rumeur de la fusion de la Deutch Bank, détentrice de swaps bien pourris, avec une grande banque européenne, de préférence française (la BNP ou la Société Générale ? CH. Sannat hésite) l’accord signé par le monarque (sans demander l’avis des français) avec Merkel pourrait-il le permettre ?. Quid en cas de gros souci et si notre or a disparu ? Serons nous des esclaves sous tutelle de la finance ?

Vous avez aussi vu cette info : La France confirme le rapatriement des djihadistes français détenus en Syrie (dont 75% d’enfants (??)), En plus, la ministre de la justice Nicole Belloubet a d’une part confirmé, jeudi 31 janvier sur RTL, qu’une « trentaine » de djihadistes ayant purgé leur peine allaient sortir de prison en 2019. « Lorsque nous sommes face à des détenus de ce type, il y a une évaluation de leur dangerosité, il y a un placement dans un quartier étanche. A leur sortie, il y a évidemment un suivi extrêmement strict par les services de renseignement territoriaux », a précisé Nicole Belloubet.

Comme nous savons que ces fichés « S » sont « étroitement » surveillés, que ce sont des bombes à retardement, que ça ne les empêche pas d’agir contre la France, nous l’avons vu à mainte reprises. Pourquoi ne pas les renvoyer dans les pays dont ils défendent les valeurs, après les avoir déchus de la nationalité Française, dont il se revendiquent quand ça va mal pour eux ? A t-on besoin de ces dangereux parasites, qu’ils faudra assister financièrement?

Notre pays est face à un mouvement de contestation social sans précédent, et pendant ce temps là! Le « banquier » dilapide notre pognon et notre or, (il a été placé là dans ce but) nous insulte comme jamais un responsable ne s’est permis de le faire, quant au « filou la Castagne », il est d’accord pour que nous rapatrions des égorgeurs, coupeurs de têtes. Tout ça en mettant en avant, la « violence » des Gilets Jaunes et de leur soi-disant « radicalisation, pour camoufler ses méfaits, selon le principe d’un « clou chasse l’autre ». Bravo!! à cette équipe de bras cassés, qui sont entrain de détruire notre pays.

Nous sommes au bord d’une guerre civile, que l’exécutif appelle de tout ses vœux vu son comportement, pour finir de mettre en place sa dictature dure. Nous avons affaire à une mafia corrompue qui a les moyens de l’état à sa disposition contre le peuple. Jusqu’à quand les « gardiens de la Paix » payés par le peuple, devenues « forces de l’ordre »au service des imposteurs, vont-ils protéger cette oligarchie nuisible ? Quelques syndicats minoritaires, dénoncent les agissements de ce panier de crabes, vont ils être rejoint par ceux qui considèrent être en priorité au service du peuple? On ne peut que l’espérer. D’autres français en appellent à l’armée. Continuez à vous informer, rapprocher les information, vérifiez et, tirez en les conclusions qui s’imposent.. Bonne réflexion !

Volti

Henri Frenay

frenay.jpg

Henri Frenay

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

En ces temps d’hémiplégie historique – on débaptise la 203e promotion de Saint-Cyr qui porte le nom du général Georges Loustaunau-Lacau, chef de la Cagoule militaire (les réseaux Corvignolles), déporté à Mauthausen et héros de la Résistance; on refuse d’appeler un établissement scolaire de l’Ouest du nom d’Honoré d’Estienne d’Orves, officier royaliste mort pour la France en 1941 -, Henri Frenay ne rentre pas lui aussi dans le cadre pré-conçu de l’historiquement correct.

Né en 1905 à Lyon, Henri Frenay choisit le métier des armes comme son père mort pendant la Grande Guerre. Homme de droite catholique et nationale, ce dernier n’en était pas moins un défenseur d’Alfred Dreyfus. Devenu à son tour officier, Henri Frenay suit une formation au Centre d’études germaniques à l’Université de Strasbourg. Germanophone accompli et faisant de la géopolitique sans le savoir, il rédige un mémoire sur la situation complexe de la Haute-Silésie polonaise. Il découvre sur place les effets désastreux des traités de paix de 1919 – 1920, du principe révolutionnaire libéral des nationalités et d’une tenace germanophobie. Il prend conscience d’une autre réalité européenne, à savoir l’inadéquation de l’État-nation aux enchevêtrements ethniques propres à l’Europe centrale.

Rentré en France, il rencontre Bertie Albrecht, une protestante suisse divorcée féministe et antifasciste qui le met en relation avec des milieux de gauche, en particulier avec des Allemands exilés. Le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale ne surprend pas ce lecteur attentif de Mein Kampf. Après la défaite de 1940, Henri Frenay reste dans l’armée d’armistice en Zone Sud, espère dans le Maréchal Pétain et fonde un premier groupe de résistance : le Mouvement de libération nationale. Il publie en juillet 1940 un manifeste dans lequel il concilie sa volonté de libération nationale et son souhait de révolution nationale. Il impute avec raison le désastre que vient de connaître la France aux jeux politiciens stériles. Il passe même un temps à l’École d’Uriage près de Grenoble.

Toutefois, il rompt progressivement avec l’État français, plonge dans la clandestinité et reconnaît enfin le Général de Gaulle comme le chef de la France libre combattante. Il anime une presse clandestine et d’autres mouvements de résistance tels Combat. Son ralliement à De Gaulle ne l’empêche pas d’exprimer ses réticences envers toute unification de la Résistance intérieure. Anti-communiste farouche et lié dès 1943 à l’OSS (la future CIA), Henri Frenay s’oppose à Jean Moulin qu’il devine philocommuniste. Dans les années 1970, une violente polémique l’oppose à Daniel Cordier, le secrétaire et hagiographe de Jean Moulin. Exfiltré de France, il rejoint Alger. Le Général de Gaulle le nomme alors à un poste ministériel écrasant, celui des prisonniers de guerre, des déportés et des populations déplacées.

Hostile au retour des habitudes politiciennes malsaines de la IIIe République sous la forme d’une IVe République, il participe à un petit parti politique, l’UDSR (Union démocratique et socialiste de la Résistance) qui compte dans ses rangs François Mitterrand et le jeune Julien Freund. Délaissant très vite la vie politicienne, il s’engage dans l’action européenne. Président de l’Union des Européens fédéralistes, il participe en 1948 au fameux Congrès paneuropéen de La Haye, applaudit le plan Schuman du 9 mai 1950, approuve la CECA et soutient le projet avorté de CED qu’il envisage comme le pilier européen intégré de l’Alliance atlantique.

belot.jpgSon biographe, Robert Belot, rapporte dans Henri Frenay. De la Résistance à l’Europe (Le Seuil, coll. « L’Univers historique », 2002) un échange capital entre De Gaulle et Frenay à Alger. « L’erreur capitale, le péché mortel devant l’Histoire serait de restaurer ces États dans la plénitude d’une illusoire souveraineté. Le libre droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, étant donné la mosaïque de peuples qui constitue le continent européen, doit être considéré comme l’une des causes principales de la guerre actuelle. […] La souveraineté n’est d’ailleurs pas une fin mais un moyen. Elle est le moyen de protéger les valeurs morales éternelles auxquelles un pays est attaché. Or à l’époque actuelle, la souveraineté se définit non seulement par une indépendance politique et militaire, mais encore par l’indépendance économique sans laquelle les autres formes d’indépendance ne sont qu’un leurre dangereux ». Le chancelier autrichien Metternich ne disait pas autre chose…

Henri Frenay se met en retrait au retour du Général de Gaulle en 1958. Il voit toutefois avec plaisir la réussite du Marché commun, l’élection en 1979 au suffrage universel direct du Parlement européen, le passage de Six à Douze États dans l’ensemble communautaire européenne et l’élection à la présidence de la République de son vieil ami François Mitterrand. En 1988, c’est d’ailleurs en sa présence qu’un hommage national est rendu à Henri Frenay quelques jours après sa mort dans la cour d’honneur des Invalides. Son parcours démontre toute la complexité d’une vie éloignée des schémas simplistes du manichéisme historique actuel.

Georges Feltin-Tracol

• Chronique n° 21, « Les grandes figures identitaires européennes », lue le 4 décembre 2018 sur Radio-Courtoisie au « Libre-Journal des Européens » de Thomas Ferrier.

00:48 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, france, gaullisme, henri frenay | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Gilets jaunes, démocratie et société de consommation

casque.jpg

Gilets jaunes, démocratie et société de consommation

Patrick Parment

Ex: http://synthesenationale.hautetfort.com

La crise ouverte par les gilets jaune, c’est au fond la crise de la démocratie et de la société de consommation. Ce n’est vraiment pas un hasard si, soudain, les peuples européens prennent conscience qu’une société dominée par les marchés financiers mènent tout droit au néant. Cette société d’abondance (factice !) a généré toutes les dérives possibles  au point d’être devenue totalement schizophrénique : de la cause des femmes au gender en passant par la glorification des minorité sexuelles. En un siècle d’existence  nos démocraties ont détruit tout ce qu’avait construit le génie de nos ancêtres qui ne vivaient pas dans une société d’abondance mais bien dans une société du manque, voire de la pénurie. Leur génie tient tout entier dans ce que nous appelons aujourd’hui notre patrimoine.

Mais ces sociétés d’hier reposaient sur une hiérarchie sociale bien ordonnée et sur un socle familial fort, c’est-à-dire où les rôles de chacun étaient définis. Cette société traditionnelle n’était pas pour autant figée et l’ascenseur social permettait toutes les audaces (on pense aux bourgeois si bien décrits par Molière). Nos ancêtres n’étaient pas malheureux, ils étaient économes au sein d’une société qui avait pour avantage majeur de leur offrir un avenir.

Aujourd’hui, nous vivons au sein d’une prison libertaire et individualiste où l’on a fait sauter tous les verrous qui scellaient nos sociétés traditionnelles.  Hier encore, nos ancêtres étaient liés par une communauté de destin, aujourd’hui on parle de destin individuel au sein d’une société d’abondance qui obère tout avenir.  Qu’est-ce que l’avenir quand on a tout ? Et à quoi sert-il d’être milliardaire au sein d’une telle société quand l’argent n’a d’autre finalité que lui-même.  Peut-on décemment comparer les Bill Gates, Bernard Arnault et autres Pinault à Laurent de Médicis, dit le Magnifique ? Bien sûr que non. D’ailleurs, n’est-il pas symbolique que les Pinault-Arnault collectionnent cet art dit moderne qui n’est jamais que le reflet des poubelles de la société de consommation et de son vide ontologique.

Les gilets jaunes, c’est cela, le refus soudain d’un peuple qui s’aperçoit que plus rien ne fonctionne parce que l’homme a soudain dépassé les bornes de ce qui constitue justement la pâte humaine, c’est-à-dire son besoin de rêver, de croire en un avenir, de croire surtout en son humanité. Et plus encore de reconnaître en l’autre ce qu’il est lui-même. Les gilets jaunes des ronds-points ce n’est pas autre chose qu’un retour à notre humanité et le rappel qu’un peuple c’est aussi une communauté de destin. Ce qui nous porte à croire que ce mouvement est irréversible.

« Gilets jaunes » : un antisémitisme imaginaire ?

Soral.jpg

« Gilets jaunes » : un antisémitisme imaginaire ?

 

Ex: http://www.vududroit.com 

La soudaine apparition des gilets jaunes a pris tout le monde par surprise. Les 20 % de la population française qui constituent ce que le politologue Jérôme Sainte-Marie appelle le « bloc élitaire » ont vu surgir des couches populaires dont certains parmi eux avaient même oublié l’existence. Et appris avec terreur qu’en son début, le mouvement avait la sympathie de 80 % de la population comme le démontraient les études. Il a fallu donc très vite trouver des moyens de s’opposer à ce qui prenait la forme d’une insurrection. Emmanuel Macron, pourtant homme politique de faible compétence, mais pour l’occasion probablement chapitré par un avocat d’extrême-quelque chose, a voulu rassembler son camp en réactivant le clivage : « progressistes versus nationalistes ». Pour cela, il a fallu activer l’« appareil médiatique d’État », c’est-à-dire les grands médias dirigés par l’oligarchie qui a porté Emmanuel Macron au pouvoir. Ceux-ci ne se firent pas prier et un processus furieux de disqualification a été engagé. Comme le dit ci-dessous Geoffroy Geraud-Legros ils ont été qualifiés pêle-mêle et sans crainte de la contradiction : « Petit-blancs, beaufs, fachos, homophobes, racistes, rouge-bruns, nationaux-bolcheviks, manipulés par Le Pen, manipulés par Mélenchon, agents d’une « révolution de couleur » téléguidés par Poutine, téléguidés par Trump, casseurs, violents, illettrés, poivrots, assistés, losers, etc. » Parmi ces qualificatifs est apparu brusquement celui d‘« antisémites ». Qui a bénéficié d’un traitement particulier et pris une certaine importance, du fait des relais dont cette accusation a bénéficié au sein de la communauté juive, et de son utilisation par le chef de l’État lors de ses vœux de nouvel an lorsqu’il a qualifié la majorité du peuple français de « foule haineuse ». Anne-Sophie Chazaud y a identifié une manœuvre cynique du pouvoir dans la perspective des élections européennes.

Mais au-delà de ce qui relève effectivement d’une bataille politique qu’en est-il de la réalité de cette accusation ?

Geoffroy Géraud-Legros pose les bases d’une réponse.

Régis de Castelnau

Petit-blancs, fachos, homophobes, racistes, rouge-bruns, nationaux-bolcheviks, manipulés par Le Pen, manipulés par Mélenchon, agents d’une « révolution de couleur » téléguidés par Poutine, téléguidés par Trump, casseurs, violents, illettrés, poivrots, assistés, losers et…antisémites… Les qualificatifs les plus péjoratifs pleuvent comme des hallebardes sur les « Gilets jaunes », relayés par les médias dits traditionnels.

Aux sommets de ces derniers on s’effraie, non sans raison et parfois même à bon droit, de la remise en cause du monopole de la « grande » presse sur l’information via les réseaux sociaux où semble se faire la mobilisation des « Gilets jaunes ». De cette mise en concurrence, les grands médias qui se figurent en seuls protagonistes autorisés de l’éthique de discussion déduisent bien vite, trop vite, un danger pour la démocratie toute entière. Et le disent, moitié dans le style du Huron ( « mais-enfin-on-ne-fait-que-notre-travail ») moitié dans le registre pontifiant de la prophétie antitotalitaire ( « c’est-le-retour-de-la-bête-immonde »), c’est-à-dire, dans cette lingua franca des éditorialistes, désormais  inaudible, voire insupportable, dans de larges secteurs de l’opinion.

Plus Soral que Sorel

Du côté « Gilets jaunes », où foisonnent médias « alternatifs » et « influenceurs » apparus sur les réseaux sociaux, on trouve aussi bien de « simples » citoyens armés de ce que Pascal nommait la « vérité du peuple saine » que d’authentiques cinglés, des novices, des militants blanchis sous le harnois, des sincères, des rationnels, des nouveaux convertis….

On trouve, aussi, les étranges et peu ragoutants spécimens qui remontent à la surface à chaque fois qu’une lame sociale remue le limon du fond du politique : « ultras » et « militaros » de gauche et de droite, indics… Et, moins folkloriques mais bien structurés, des militants organisés non point pour en découdre à fin de « propagande par le fait » mais venus occuper le terrain symbolique et, notamment, investir du langage de l’antisémitisme une mobilisation qui cherche encore, à tâtons, son répertoire d’action collective.

Plus soraliens que soreliens, ces militants manient alternativement des codes popularisés sur l’Internet — la « quenelle » — et un langage classiquement antisémite (« les Juifs, assassins », « la banque juive », le tout enrobé des non sequitur classiques ( « on n’est pas antisémites, on est judéophobes »). L’auteur de ces lignes a ainsi pu voir défiler, lors d’un « acte » des « Gilets jaunes » sur les Champs-Élysées un groupe réduit de soraliens chantant un « hymne de la quenelle » ; la presse et les réseaux sociaux rapportent çà et là des propos antisémites en marge des manifestation et a diffusé la vidéo d’une altercation entre « Gilets jaunes » visiblement de gauche et antisémites professionnels.

Divers groupes antisémites déploient une stratégie d’entrisme : Hervé Ryssen, antisémite et négationniste aussi patenté que revendiqué, s’est fait photographier pour « Paris Match » sur les Champs Élysées ; quelques individus se rassemblent ça et là pour faire des « quenelles » en groupe ; un allumé accuse les journalistes de « travailler pour les Juifs ». Mais la chronique du bordélique mouvement des « Gilets jaunes », où l’on peut voir flotter des drapeaux à croix de Lorraine, des étendards tricolore et des bannières à l’effigie du Che relate aussi la jonction d’un cortège de manifestants et d’une procession commémorant la Shoah, rapportait le média libéral de droite « Atlantico » le 28 janvier dernier. La veille, à l’opposé du spectre politique, le média « Révolution permanente » félicitait les « Gilets jaunes » qui, toujours à Lyon, avaient « sorti les fachos » du cortège…

On pourrait multiplier ces exemples d’évènements ponctuels et contradictoires à partir desquels nombre d’observateurs plus ou moins subjectifs tentent de déduire l’essence du mouvement, au prix de peu rigoureuses montées en généralité. Pour graves qu’ils soient, ces évènements marginaux font avant tout apparaître les luttes entre les groupes politiques qui tentent— en vain — d’exercer une influence idéologique sur un « mouvement » protéiforme, où des individus, porteurs d’une culture politique qui n’est pas la culture traditionnelle de la mobilisation ,  « bricolent » un répertoire d’action collective en ramassant, sans réel sens du classement, les signes et les insignes abandonnés çà et là par le retrait de la vague du mouvement social. L’antisémitisme en marge de la mobilisation des « Gilets jaunes » n’est pas imaginaire ; mais il demeure marginal et ne « prend » pas auprès de la plus grande part des manifestants.

« Il y a quelques antisémites », nous dit Djordjé Kuzmanovic, ex-orateur de la France insoumise impliqué dans le mouvement depuis son commencement , qui rapporte : « j’ai dû expliquer à un manifestant que non, la banque n’est pas «  juive ».

L’antisémite à la peine

Point de diffusion majeur de cette humeur idéologique antisémite qui ne prend guère, le site « Egalité et réconciliation » de l’essayiste Alain Soral propose laborieusement une lecture et une interprétations antisémites des enjeux du mouvement « Gilet jaune »[1].

D’emblée, Soral pose le contexte politique : un président élu par le recours au « big data », à « l’offensive des médias, notamment ceux « de Drahi » (lire : du juif Drahi) et ainsi placé « à la tête de la gouvernance française par un réseau très puissant ». Maniant l’habituel registre confusionniste, Soral, qui ne manque pas de se réclamer du « national-bolchévisme », affirme lire la crise au prisme marxiste, de « l’exacerbation de la lutte des classes » et cite régulièrement Lénine. Non point, évidemment les discours qui dénoncent l’antisémitisme comme éternelle stratégie de division, mais des propos qui, pris hors contexte, énoncent que la mobilisation de la petite bourgeoisie aux côtés du prolétariat est la condition sine qua non de toute révolution de masse.

Une unité d’action entre les classes empêchée hier et aujourd’hui, par les « trotskistes », explique Soral, qui ne prend pas la peine de nous rappeler que Trotsky était juif, mais nous informe de ce que ses disciples, les « manipulateurs trotskistes » sont les sicaires « de ceux à qui l’on paie la dette », nommément, « le gang Attali » et « ceux qui sont derrière lui et sont le vrai pouvoir », c’est-à-dire, « Goldmann-Sachs », tous attachés à « ruiner les peuples et les pays ». Soral déduit des caractéristiques de cette superstructure du Capital, où l’on chercherait en vain l’or des Gentils, une attitude « très marquée communautairement » vis-à-vis des « Gilets jaunes ». « Certaine communauté », nous dit le vidéaste, n’est « pas très solidaire des Gilets jaunes » et « traite cette colère de brune (sic) et de cryptofasciste ». Identifiant (le juif) « Kassowitz » comme porte-parole de ce mépris « communautaire », Soral lui adjoint, comme pour nous rappeler que dans « antisémitisme » il y a tout de même « sémite », « la petite pute collabeure Bellatar ».

Le « vrai fascisme » introuvable

Mais le travail de sape « communautaire » contre les « Gilets jaunes » va, selon Soral, au-delà de l’intrigue trotskiste, ici décrite dans le style des procès staliniens des années 50, élaboré pour formuler l’antisémitisme en contournant le nom juif. Pour le fondateur d’« Egalité et réconciliation », ces manigances juives trotskistes somme toute habituelles se compliquent, à droite, d’une intrigue d’un genre nouveau : l’offensive « nationale-sioniste » menée, on le verra, par l’establishment frontiste et verbalisée par Eric Zemmour, « bourgeois juif du Figaro ». Une stratégie qui vise, si l’on comprend bien, à diviser les français « de souche » et les musulmans qui, (au contraire, donc, des juifs) ne sauraient constituer une « catégorie sociale ». « Il y a sans doute plein de Français d’origine musulman » (sic) explique Soral, « s’ils sont chauffagistes, Über, petits patrons ou même (sic) salariés précaires qui se sentent solidaires des Gilets jaunes mais qui n’éprouvent pas le besoin de l’affirmer en tant que musulmans », explique Soral-le-sociologue.

« On pourrait poser perfidement — on ne le fera pas parce que ça pourrait être dangereux, la question à Eric Zemmour  de savoir (sic) combien il y a de dentistes juifs, de chirurgiens esthétiques juifs et de spéculateurs immobiliers juifs dans les Gilets jaunes » interroge le publiciste  — on note au passage et sans surprise que, puisqu’il s’agit des juifs,  la « question perfide »,  porte spontanément sur les « chirurgiens juifs » et les « spéculateurs juifs » et non pas, par exemple, sur les « violonistes juifs » ou les « critiques littéraires juifs ».

Pour ne point se prendre les pieds dans sa sociologie sans matériau sociologique,  Soral concède, à grands renforts de conditionnels « qu’il doit y avoir chez les juifs des petits patrons en difficulté » qui, « peut-être »,  « se sentent solidaires des Gilets jaunes ». Ces juifs qui, en théorie, trouveraient grâce aux yeux d’Alain Soral, sont de toute manière, nous dit l’essayiste, condamnés à être court-circuités par leurs « élites communautaires » — terme illustré, dans la vidéo, par une image de Bernard-Henri Lévy — ; « élites » qui, elles, identifient le mouvement au « fascisme ».

De cette rhétorique, Soral espère d’ailleurs, par contrecoup performatif, « voir les gens s’intéresser au vrai fascisme », « notamment (sic) italien », qui, selon lui, aurait efficacement lutté « contre la dette » — l’auteur de « contre l’Empire » ignore visiblement que Mussolini a multiplié la dette italienne par cinq entre 1922 et 1943. Les « Gilets jaunes » seraient donc pris entre la « maladie infantile » du gauchisme et le « sociétal de droite » ;  probablement une maladie vénérienne, puisque Marine Le Pen, qui « tapine pour les sionistes », l’aurait contractée en « suçant » le « bourgeois juif du Figaro » (bis) » Zemmour, abandonnant le « substrat sérieux du fascisme ». En conclusion — on épargnera au lecteur la suite de cette pénible logorrhée — : les « Gilets jaunes » sont cernés et infiltrés par les juifs, qui ne sont pas dans le mouvement (« gaulois »), tout en y étant quand même omniprésents, à gauche par le truchement du trotskiste Mélenchon et, à droite, incarnés par l’ « option nationale-sioniste et confessionnelle » portée par le Rassemblement national.

Du canapé à Landsberg ?

Contre ces deux ennemis, les « Gilets jaunes » doivent viser au-delà du « petit banquier Rothschild Macron », qui ne serait qu’un « bouc émissaire », pour atteindre « Attali et la clique Attali », c’est-à-dire, « le grand Capital mondialiste ». Alain Soral, nous dit-il, rejoindra le mouvement le jour où la police et l’armée rejoindront le Peuple. Si l’essayiste rêve de se trouver un Ludendorff, c’est peut-être parce qu’il sent bien lui-même que ce préchi-précha imbitable est appelé à avoir peu d’écho au sein du mouvement des « Gilets jaunes ». Celui-ci « dit » beaucoup de choses, se contredit volontiers, déroule des inventaires à la Prévert de revendications raillés par une poignée de « sachants » en foulard rouge.

Dans ce fourre-tout, antisémites — et, d’ailleurs, anti-musulmans—  ne retrouveront guère l’idéologie dont ils entendent doter les « Gilets jaunes » . Comme toujours, ceux qui entendent « construire le peuple » armés de la croyance narcissique dans la puissance de leur propre discours oublient que l’une des vertus du populaire, est, justement, qu’il ne s’en laisse point conter. Et qu’aux investissements symboliques dont il fait l’objet et aux discours des pères formateurs de toutes espèces, « le peuple » oppose passivement la stratégie d’ « attention oblique » identifiée par  Richard Hoggart[2]. On ne saurait dire que le mouvement des « Gilets jaunes » est antisémite : il ne l’est pas dans son objet ; il ne l’est pas dans son humeur et, qui sait, constitue peut-être, selon l’hypothèse formulée par Daniel Schneidermann, un sas de sortie de l’extrême-droite[3]. On ne saurait dire qu’il ne le deviendra pas : « socialisme des imbéciles » étranger pour l’heure à une mobilisation qui n’a d’ailleurs rien de « socialiste », l’antisémitisme est aussi le « sas » par lequel les révolutions qui échouent deviennent des Réactions qui réussissent. Jamais en manque de candidats-Führer, les contre-révolutions puisent dans le vivier toujours grouillant des demi-savants, théoriciens délirants et philosophes de comptoir capables de donner à leur marginalité les couleurs du martyre et de la « dissidence ». On ne sait pas à quoi aboutira le mouvement des « Gilets jaunes » ; on sait en revanche que des magistrats ont jugé bon d’offrir à Alain Soral l’argument d’une peine d’emprisonnement pour des propos tenus sur son site internet ; propos évidemment antisémites, mais qui demeurent des propos. Fallait-il faire d’un idéologue déclinant, concurrencé par des publicistes encore plus antisémites que lui, un martyr de la « liberté d’expression » ?

Fallait-il offrir un Landsberg  et un statut de victime à un antisémite de canapé ?

[1] « Gilets jaunes » : analyse et synthèse. https://www.youtube.com/watch?v=PsHca0L830Q

[2] Richard Hoggart, La culture du pauvre, Minuit, 1970

[3] Daniel Schneidermann, « Les gilets jaunes, un sas de délepénisation » ? Libération, 20 janvier 2019

mardi, 05 février 2019

Macron et la férocité de la nouvelle révolution bourgeoise

ddihglmvaaaae1k.jpg

Macron et la férocité de la nouvelle révolution bourgeoise

par Nicolas Bonnal

Ex: https://leblogalupus.com

Notre président devient de plus en plus brutal, et il a bien raison. Il a devant lui un mouvement d’autodidactes, un peuple de distraits ou de résignés, et encore quatre ans de pouvoir. Si dans quatre ans il est battu, ce sera par Pécresse ou une autre bécasse aux ordres de la « surclasse » en pleine forme.

Voyons pourquoi.

La France devient une dictature de riches (le GN est plus précis que la banale ploutocratie) ; tout est référencé dans le très bon livre de Sophie Coignard publié par Albin Michel. Seulement ces riches (une simple alliance d’affairistes et de hauts fonctionnaires) ne se contentent pas de voler le trésor public, de se servir les premiers, de privatiser et de faire s’effondrer le niveau de vie des moyens et des pauvres. Ils veulent, ces riches, faire des leurs et révolutionner le monde, se priver des vieilles règles type travail-famille-patrie (réécoutez la chanson de Fugain gentils/méchants qui était écrite en ce sens) et tout modifier en fonction d’impératifs du type écologie-migrants –genre-végétarisme, tous destinés d’ailleurs à faire disparaître la population de leur pays respectif. Les aveux de Cochet en ce sens (supprimer les naissances européennes pour laisser pulluler les migrants) étaient excellents.

Le problème est que le riche postmoderne a plus d’outils que jadis à son actif : ses réseaux mondialisés, sa technologie, les fortunes virtuelles et grotesques, l’omniprésence médiatique, la fin du communisme (finalement la France est comme la Russie, les oligarques se seront approprié la richesse nationale acquise de haute lutte en 1945). Il est aussi aidé par la dépolitisation du pauvre qui montre qu’il est moins révolutionnaire que lui. Le bolchévique, disait mon ami Volkoff, c’est celui qui en veut plus.

C’est celui qui en veut plus dans tous les cas de figures : communiste ou capitaliste.

Eh bien il est temps de le dire : alors que le pauvre et le moyen se laissent tondre ou remplacer comme un mouton en bêlant plus ou moins bêtement, le riche avance son agenda terroriste (USA, Amérique, Europe, Asie, etc.) et n’a plus peur de rien. Il est révolutionnaire dans ses moyens et dans ses buts.

Le riche nous emmerde, lecteurs, et il a raison de le faire.

Le riche est mercuriel (Sletzkine, dans le Siècle juif) et le pauvre est apollinien (statique), tandis que le moyen est (cela c’est moi qui l’ajoute) saturnien. Le riche devient un luciférien décomplexé et de son point de vue il a bien raison. L’autre clique au lieu de le combattre.

On va citer Chesterton qui avait vu le vent tourner et l’a décrit dans son roman à clefs le Nommé jeudi ; le chapitre est justement titré « Les malfaiteurs à la poursuite de la police ».

« Vous parlez des foules et des travailleurs comme s’il pouvait être question d’eux ici. Vous partagez cette illusion idiote que le triomphe de l’anarchie, s’il s’accomplit, sera l’œuvre des pauvres. Pourquoi ? Les pauvres ont été, parfois, des rebelles ; des anarchistes, jamais. Ils sont plus intéressés que personne à l’existence d’un gouvernement régulier quelconque. Le sort du pauvre se confond avec le sort du pays. Le sort du riche n’y est pas lié. Le riche n’a qu’à monter sur son yacht et à se faire conduire dans la Nouvelle-Guinée. Les pauvres ont protesté parfois, quand on les gouvernait mal. Les riches ont toujours protesté contre le gouvernement, quel qu’il fût. Les aristocrates furent toujours des anarchistes ; les guerres féodales en témoignent. »

Oui, la lutte des oligarques contre les Etats-nations est exemplaire à cet effet. A la place on a des armées de mercenaires et des instructeurs/désinformateurs au service des milliardaires et de leur mouvement humanitaire, aussi pressenti par Jack London dans le talon de fer (voyez ce livre et voyez aussi mon livre sur Littérature et conspiration, car on ne peut pas dire que l’on n’a pas été prévenus). Chesterton ajoute :

« …la plupart des lieutenants de Dimanche sont des millionnaires qui ont fait leur fortune en Afrique du Sud ou en Amérique. C’est ce qui lui a permis de mettre la main sur tous les moyens de communication, et c’est pourquoi les quatre derniers champions de la police anti-anarchiste fuient dans les bois, comme des lièvres. »

Un autre qui avait vu que la bourgeoisie est la classe la plus révolutionnaire est Karl Marx. Marx n’a pas osé admettre que la bourgeoisie liquiderait le prolétariat, qu’elle le remplacerait. Mais il voyait quand même ceci, dans son manifeste manifestement peu lu :

Marx reconnait que le mouvement socialiste est contrôlé par les bourgeois (théorie de l’information qui transpire, pas de la conspiration donc – voyez mon livre) :

« Enfin, au moment où la lutte des classes approche de l’heure décisive, le processus de décomposition de la classe dominante, de la vieille société tout entière, prend un caractère si violent et si âpre qu’une petite fraction de la classe dominante se détache de celle-ci et se rallie à la classe révolutionnaire, à la classe qui porte en elle l’avenir.

De même que, jadis, une partie de la noblesse passe à la bourgeoisie, de nos jours une partie de la bourgeoisie passe au prolétariat, et, notamment, cette partie des idéologues bourgeois qui se sont haussés jusqu’à l’intelligence théorique de l’ensemble du mouvement historique. »

La bourgeoise n’est pas hermétique, mais rassurez-vous, ni la noblesse ni le clergé ne l’étaient auparavant.

Puis Marx célèbre le progressisme luciférien de la bourgeoisie :

« La bourgeoisie a joué dans l’histoire un rôle éminemment révolutionnaire.

Partout où elle a conquis le pouvoir, elle a détruit les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens variés qui unissent l’homme féodal à ses supérieurs naturels, elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d’autre lien, entre l’homme et l’homme, que le froid intérêt, les dures exigences du «paiement ait comptant». Elle a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. »

On cite souvent ce calcul égoïste, on en oublie le reste :

« En un mot, à l’exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a substitué une exploitation ouverte, éhontée, directe, brutale. La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les activités considérées jusqu’alors, avec un saint respect, comme vénérables. Le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, l’homme de science, elle en a fait des salariés à ses gages. La bourgeoisie a déchiré le voile de sentimentalité touchante qui recouvrait les rapports familiaux et les a réduits à de simples rapports d’argent. »

Et Marx – qui est l’anti-Guénon – d’ajouter :

« C’est elle qui, la première, a fait la preuve de ce dont est capable l’activité humaine: elle a créé de tout autres merveilles que les pyramides d’Égypte, les aqueducs romains, les cathédrales gothiques; elle a mené à bien de tout autres expéditions que les invasions et les croisades. »

Théorie du genre ? Fin de la famille, des nations, de l’individu, du reste ?  Marx encore et son bourgeois agitateur :

« La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production et donc les rapports de production, c’est-à-dire l’ensemble des rapports sociaux. »

Marx parle de dissolution comme Guénon à la fin du Règne de la quantité :

« Tous les rapports sociaux stables et figés, avec leur cortège de conceptions et d’idées traditionnelles et vénérables, se dissolvent; les rapports nouvellement établis vieillissent avant d’avoir pu s’ossifier.

Tout élément de hiérarchie sociale et de stabilité d’une caste s’en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont enfin forcés d’envisager leur situation sociale. Leurs relations mutuelles d’un regard lucide. »

La mondialisation est déjà là (ce qui disait Voltaire un siècle avant dans le Mondain) :

« Poussée par le besoin de débouchés de plus en plus larges pour ses produits, la bourgeoisie envahit le globe entier. Il lui faut s’implanter partout, mettre tout en exploitation, établir partout des relations.

Par l’exploitation du marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays. Au grand regret des réactionnaires, elle a enlevé, à l’industrie sa base nationale. »

Ah, le global… Marx :

« À la place de l’isolement d’autrefois des régions et des nations se suffisant à elles-mêmes, se développent des relations universelles, une interdépendance universelle des nations. »

Et la bourgeoisie est tyrannique dans son fonctionnement : sous peine de mort, il faut abandonner la tradition et se vautrer dans son HLM, sa bagnole ou devant sa série télé (le riche circule en jet, s’organise des concerts…) :

« Le bon marché de ses produits est l’artillerie lourde qui lui permet de battre en brèche toutes les murailles de Chine et contraint à la capitulation les barbares les plus opiniâtrement hostiles à tout étranger.

Sous peine de mort, elle force toutes les nations à adopter le mode bourgeois de production; elle les force à introduire chez elles ce qu’elle appelle civilisation, c’est-à-dire à devenir bourgeoises. En un mot, elle se façonne un monde à son image. »

Les gilets jaunes et autres rats des champs feraient bien de lire Marx. En effet :

« La bourgeoisie a soumis la campagne à la domination de la ville. Elle a créé d’énormes cités; elle a prodigieusement augmenté les chiffres de population des villes par rapport à la campagne, et, par-là, elle a arraché une partie importante de la population à l’abrutissement de la vie des champs. De même qu’elle a subordonné la campagne à la ville, elle a rendu dépendants les pays barbares ou demi-barbares des pays civilisés, les peuples de paysans des peuples de bourgeois, l’Orient de l’Occident. »

Tout cela a été un temps ralenti par le communisme, par l’étatisme, par le développement d’une société plus juste. A partir des années 80, tout a été battu en brèche.

Je cite brièvement Sophie Coignard :

« De quand date cette mutation qui pèse aujourd’hui sur toute la société ? De la fin du règne de Giscard ? Des premiers pas de Mitterrand ? De la première cohabitation avec l’équipe Chirac-Balladur ? Difficile à dire précisément. Quoi qu’il en soit, cette ruée vers l’or a transformé le système de gouvernement en profondeur. Au fur et à mesure que l’État s’affaiblissait, des réseaux d’influence se sont imposés, des bandes se sont emparées de territoires entiers… »

Oui il y a une certaine barbarie italo-médiévale. On a affaire à des raids menés par des condottieri…

La brutalité du comportement bourgeois depuis trente ans est une évidence, et le phénomène ne fait que s’amplifier. Vos garçons seront des filles, vos Français seront des migrants, vos bagnoles seront censurées, vos nations seront anéanties, vos gueules cassées, tout cela c’est du bourgeois, mais du bourgeois subtil, léger, luciférien mercuriel, pas du bourgeois congelé et catho. C’est ce que j’ai appelé un temps la bourgeoisie sauvage qui rassemble des sommités comme Macron, Hollande, Sarkozy, Clinton, Soros and compagnie. Et ce qui m’amuse en face c’est l’inertie qui confirme la loi d’airain de Sletzkine. Il y a les rebelles, les riches donc, et les mous, les autres, les vipères lubriques de Lénine et autres veaux du général. Eux ne réagissent pas, ou peu, ou tard, ou mal. Koulaks…

Jusqu’où iront les bourgeois ? Une piste est donnée par Harari, d’autres par les techno-futuristes que j’évoquai dans mon livre sur Internet, nouvelle voie initiatique, inspiré par Dick. Les lords contre les techno-serfs, lutte qui semble n’être menée en ce moment que par les lords, disait Warren Buffet. Les autres se rendent sans combattre. Eh bien, comme dirait Sartre, continuons. Et acceptons l’expression de Marx : la bourgeoise est la classe révolutionnaire.

Quant à Coignard, elle a tort d’annoncer (un peu comme tout le monde) un 1789. Car ce peuple ne souffre pas assez pour réagir, et son bourreau bourgeois le sait.

Sources

Marx – Le manifeste du parti communiste (marxists.org)

Bonnal – Littérature et conspiration (Dualpha, Amazon.fr)

Chesterton – Le nommé jeudi (Wikisource.org)

Coignard – L’oligarchie des incapables (Albin Michel)

Sletzkine – Le siècle juif

 

lundi, 04 février 2019

De la violence en politique

Emmanuel Macron, bien qu’ayant été l’élève du philosophe Paul Ricœur, semble contrevenir aux principes élémentaires de la social-démocratie, voire ceux du libéralisme social.

La question de la violence dans les conflits politiques n’a jamais été aussi d’actualité depuis le début de la contestation sociale dite « des Gilets jaunes », et ce comme le décrit Baptiste Legrand de L’Obs dans son article du 13 janvier (cliquez ici).

Les provocations, les intimidations, les menaces de mort et les agressions gratuites fusent : entre des manifestants et des élus, des déguisés en Gilets jaunes et des journalistes, des Gilets jaunes et des Gilets jaunes et entre des politiques eux-mêmes. Violence verbale contre violence verbale, ou bien violence physique contre violence verbale… Personne n’est épargné. Le problème est que seule la violence visible serait insupportable pour l’ordre libéral-libertaire. Voilà une autre forme de puritanisme : « Couvrez ce poing que je ne saurais voir ».

Résultat : le Président Macron fait profil bas et essaie tant bien que mal de ne pas céder à son instinct primaire, le mépris de classe. La crise actuelle est, sur le plan philosophique, autant celle de l’humanisme que celle de l’individualisme. Parce que l’individu est à la politique ce que l’atome est à la physique : celui-ci est une bombe à retardement. Dans ce contexte électrique, tout le monde perd son sang-froid, y compris les intellectuels : certains justifient l’usage de la violence du côté des Gilets jaunes alors que d’autres réclament celui des armes létales par les forces de l’ordre. Tels sont les signes d’une société en perdition où la haine attire exponentiellement la haine.

Il faut donc savoir si la grave crise sociale que traverse actuellement le pays relève de la révolte ou de la révolution. Car, entre demander la démission du gouvernement et exiger celle du Président, il n’y a qu’un pas. Et quand les cyniques pensent qu’on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs, les esprits belliqueux ajoutent que « la guerre est la simple continuation de la politique par d’autres moyens » (Clausewitz). C’est un fait : que ce soit en interne comme en externe, les civilisations n’échappent jamais à la sempiternelle dialectique de la guerre et de la paix (évoquée par Héraclite d’Éphèse). Devant un mouvement à la tonalité de plus en plus révolutionnaire, le jeune monarque présidentiel sera appelé à se muter en Léviathan.

Dans une société libérale où « l’homme est un loup pour l’homme » (Thomas Hobbes), Jupiter tient à rester insaisissable tel un serpent. D’ailleurs, beaucoup confondent en lui charme et charisme. À présent, la France ressemble à un foyer de cinq enfants turbulents tenus à bout de bras par une pauvre mère célibataire. Où est la figure emblématique du Père ? Voilà sans doute à quoi mène l’apologie pompeuse des familles non-traditionnelles. Pourtant féru de philosophie, Macron devrait méditer la formule de Pascal : « L’homme n’est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l’ange fait la bête. »

Le rôle de tout politique en social-démocratie est de veiller à ce que le recours à la violence soit toujours proportionné à l’agression. Tel un chef d’établissement public, il doit veiller à ce que la poussière reste sous le tapis. N’ayant jamais exercé de mandat local, Macron n’a pas le goût pour les territoires. Il n’a clairement pas le sens de l’Histoire et n’est pas en mesure de comprendre que la France est une nation avant d’être une administration.

L'intelligence française bradée aux Américains c'est ici, c'est maintenant, et c'est dans notre dos

fuite.jpg

L'intelligence française bradée aux Américains c'est ici, c'est maintenant, et c'est dans notre dos

Quand on n'a pas d'argent pour payer ses dettes on paye en nature et c'est ce que fait le gouvernement en permettant à Microsoft de faire son marché au sens propre dans l'éducation nationale avec la complicité du ministre.
 

samedi, 02 février 2019

France. Les camps de concentration de la République

biggurs1.jpg

France. Les camps de concentration de la République

par Lionel Baland
Ex: https://echelledejacob.blogspot.com  
 
Certains sujets historiques sont rarement traités par les médias du système car ils dérangent les tenants de l’idéologie dominante. Parmi ces chapitres de notre passé gardés sous le boisseau figure l’existence des camps de concentration ouverts par la République française en 1939.
 
Grégory Tuban, docteur en histoire et journaliste, publie aux éditions Nouveau Monde un ouvrage qui porte sur ce sujet et est intitulé Camps d’étrangers. Le contrôle des réfugiés venus d’Espagne (1939-1944).

Retirada 

Fin janvier 1939, le front républicain de Catalogne cède et un demi-million de personnes fuient vers la France. « Lors de cet exode, désormais appelé “Retirada”, l’internement a été pour la majorité des hommes et des femmes la porte d’entrée en France. À la mi-février, après l’arrivée des troupes franquistes le long de la frontière, ils ont été un peu plus de 325 000 à être regroupés dans la douzaine de camps créés en quelques jours dans les Pyrénées-Orientales. Ces exilés de la guerre d’Espagne – qui se termine officiellement le 1er avril 1939 – sont issus de l’Armée populaire de la République et de la société civile. Ils sont officiers, soldats, anciens miliciens, requis, volontaires internationaux… Des paysans, des ouvriers, des intellectuels, des artistes qui, dans le pays des droits de l’homme s’apprêtant à fêter le 150e anniversaire de la Révolution française, sont les premiers étrangers « indésirables » à subir à la fin des années 1930 des coercitions prises à l’échelle d’un groupe, et non plus seulement à celle d’individus. » 

turban.jpgPrévisions 

Le 29 avril 1938, le ministre de la Guerre envoie une note secrète aux commandants de deux régions militaires demandant de prévoir « l’installation de camps de circonstance pour certaines catégories de réfugiés espagnols » tout en précisant que « l’évolution des opérations militaires en Espagne rend possible, dans un délai rapproché, l’éventualité du franchissement de la frontière par des réfugiés en nombre élevé ayant appartenu aux forces armées gouvernementales, et dont le séjour pendant un temps plus ou moins long sur notre territoire doit être maintenant prévu ». 
 
Camps 

Le premier camp est installé le 30 janvier 1939 sur la plage d’Argelès-sur-Mer. Les autres suivent. 

Selon le préfet du département des Pyrénées-Orientales, 480 000 réfugiés seraient, au total, passés, lors de la Retirada, par le territoire qu’il a sous son autorité (1) (2). Soit 305 000 internés dans des camps, 5 000 placés dans des hébergements privés et 170.000 civils transférés hors du département. Ces chiffres doivent être traités avec prudence et font encore de nos jours débat. Ajoutons que des personnes sont entrées clandestinement en France et que d’autres ont rapidement retraversé la frontière en direction de l’Espagne. 

Grégory Tuban écrit que « Les camps de concentration de février 1939 jouent un rôle central dans le dispositif de contrôle de la Retirada. Ils contiennent une partie des réfugiés hors de l’espace public et permettent ainsi aux autorités d’exercer une surveillance resserrée sur ces derniers. C’est ce que précise Albert Sarraut au journal La Dépêche le 1er février 1939 sur la plage d’Argelès-sur-Mer : “Le camp d’Argelès-sur-Mer ne sera pas un camp pénitentiaire mais un camp de concentration. Les asilés [sic] qui y prendront séjour n’y resteront guère que le temps nécessaire pour préparer leur refoulement ou sur leur option leur libre passage de retour en Espagne” (3). Le vœu du ministre de l’Intérieur de voir massivement s’opérer le retour en Espagne des réfugiés ne va toutefois pas se réaliser dans les proportions souhaitées. Le temporaire va se prolonger et les hommes qui se retrouvent littéralement parqués dans les contreforts des Pyrénées ou sur le sable du Roussillon vont devoir apprendre à vivre dans un quasi-dénuement, alors que l’hiver est des plus rigoureux dans cette partie de la France battue par la Tramontane glaciale de février. » 

« Si les camps d’Argelès-sur-Mer et de Saint-Cyprien ont ouvert dans l’urgence de l’exode, un deuxième réseau de camps “catégoriels” voit le jour à partir de la mi-février afin de mieux gérer les flux des réfugiés. La construction de ce premier camp, dit “de seconde génération”, débute le 6 février 1939 à Bram dans l’Aude. Il a été conçu dès le 3 février par André Cazes, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées de l’Aude, selon un modèle militaire. Le camp est ainsi divisé en 10 quartiers délimités par des doubles clôtures en fil de fer barbelé de 2,5 m de haut, isolés les unes des autres par des rues et allées perpendiculaires de 20, 15, 10 m de large. Le camp cerclé d’un chemin de ronde pour les patrouilles dispose en son centre d’un mirador. Chaque quartier possède ses cuisines et ses lavabos. Conçu pour héberger 15 000 réfugiés, Bram reçoit à la fin du mois de février 1939 jusqu’à 16 300 internés qui sont regroupés dans 170 baraquements d’une capacité de 90 à 100 places. » 

70 km de fil de fer barbelé sont nécessaires pour le camp de Bram et 250 km pour celui de Barcarès. « Le camp de Barcarès compte, fin mars, près de 50 000 internés et devient le troisième camp le plus important des Pyrénées-Orientales ». Dans l’Hérault, à Agde, un camp est construit. Il est divisé en trois camps distincts numérotés de 1 à 3.« Chacun possède son poste de police, son intendance et son infirmerie. Derrière une double ceinture de barbelés, les trois camps sont identiques avec un alignement de baraques de type génie, qui mesurent 40 m de longueur sur 6,5 m de largeur, couvertes de bois avec des toits en tôle ondulée. À l’intérieur, on trouve une double rangée de couchettes à deux étages, séparées par un couloir central. L’accès se fait de chaque côté de la baraque. Au mois de mai, les trois camps regroupent 24 000 réfugiés, majoritairement catalans ». À Septfonds, dans le Tarn-et-Garonne, la construction d’un camp débute fin février 1939. « L’armée y déploie 50 km de fil de fer barbelé pour clôturer les 50 ha du camp cerclé par un chemin de ronde, jalonné de miradors à guérites et de 50 projecteurs. […] Le camp de Gurs, dans les Pyrénées-Atlantiques, va, quant à lui, recevoir les brigadistes internationaux internés sur les plages du Roussillon, les réfugiés basques et les membres de l’aviation. Sa construction débute le 15 mars et se termine le 25 avril 1939. Il est alors le plus grand des camps français, avec une superficie de 125 ha et compte 428 baraques. Enfin, dans l’Ariège, le camp militaire du Vernet est aménagé à partir de la fin du mois de février pour recevoir majoritairement des réfugiés venus des camps de Cerdagne, […]. » 

Des mesures et des installations disciplinaires sont mises en place pour les prisonniers récalcitrants. 

L’ouvrage décrit ensuite les dispositions prises en vue d’obtenir, sur base volontaire ou forcée, un retour vers leur pays d’origine d’une partie des Espagnols résidant en France ainsi que la volonté des autorités, suite à la montée des tensions en Europe, de mettre au travail ceux restant en France.

IIe Guerre mondiale 

Au début de la IIe Guerre mondiale, le pouvoir instaure des mesures d’exception visant à contrôler la population française ainsi que les étrangers vivant en France. 

Si le nombre de femmes et d’enfants séjournant dans ces camps est extrêmement minoritaire par rapport à celui des hommes en mars et avril 1939, puis est quasi égal à zéro dans les camps des Pyrénées-Orientales dès le mois de mai, il remonte en septembre. En octobre, le nombre de femmes et d’enfants augmente. « Ce sont souvent des familles entières qui sont envoyées dans les camps depuis toute la France. » À partir du début de la guerre, en septembre 1939, alors qu’auparavant les camps contenaient des Espagnols ou des membres des Brigades internationales, des personnes de différentes nationalités sont expédiées vers ceux-ci : des Allemands, des Italiens… souvent antifascistes, des juifs. Parmi les prisonniers figurent également des personnes originaires de différents pays de l’Est. En août 1940, le camp du Vernet compte près de 4 000 internés issus de 58 nationalités. 

« La IIIe République sombre définitivement le 10 juillet 1940 au casino de Vichy, quand 569 des 649 parlementaires présents votent les pleins pouvoirs à Philippe Pétain. Le vieux maréchal constitue le 16 juillet son premier gouvernement en tant que chef de l’État et nomme Pierre Laval comme président du Conseil. Gouvernement qui hérite de facto de la gestion des camps pour étrangers par les ministères de la Guerre, de l’Intérieur et du Travail. » 

L’auteur consacre la dernière partie de l’ouvrage au fonctionnement de ces camps sous le régime de Vichy, à la déportation vers l’Allemagne de plus de 10 000 « Espagnols rouges » et à l’engagement d’Espagnols de gauche dans des organisations de la Résistance.

Conclusion 

Grégory Tuban conclut : « Pour l’armée comme pour l’Intérieur, la discipline censée contenir les velléités révolutionnaires de certains réfugiés et maintenir l’ordre public dans des espaces clos devient un outil répressif, opérant hors du champ pénal. »L’auteur estime que l’existence de ces camps dits « de concentration » au sein desquels des mesures et des espaces disciplinaires sont utilisés à l’encontre des réfugiés en dehors du circuit judiciaire du droit français conduit, dès février 1939, dans ces endroits, à « une politique de plus en plus arbitraire, renforcée par l’état de siège, par la guerre, puis par le gouvernement de Vichy. » 

Ce livre, tiré d’une thèse de doctorat, présente la particularité d’être compréhensible par tout le monde et constitue donc à la fois une porte d’entrée vers le sujet pour les lecteurs qui ne s’y sont pas encore intéressés, tout en apportant aux spécialistes de la question de nouveaux éléments basés sur des recherches. 

Lionel Baland (via Eurolibertés

Notes 

(1) Rapport du préfet Raoul Didkowski, Perpignan, le 30 juin 1939. 
(2) La très grande majorité des fugitifs est passée par ce département. 
(3) La Dépêche, 2 février 1939.
 

vendredi, 01 février 2019

A propos du traité d'Aix la chapelle et de la notion de souveraineté

macmerkaachen.jpg

A propos du traité d'Aix la chapelle et de la notion de souveraineté

par Pierre Eisner

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com 

La signature du traité dit d’Aix-la-Chapelle entre la France et l’Allemagne a suscité beaucoup de réactions. Sans doute a-t-on attaché trop d’importance à ce qui n’était qu’une opération de communication. Elle a été voulue par Emmanuel Macron pour l’aider à construire une façade de partisan de l’Europe, et concédée par Angela Merkel qui n’a plus de poids politique. Même s’il a fallu flatter le voisin allemand pour y parvenir. Mais tout texte, fût-il mal conçu et peu contraignant, a malgré tout une signification.

Le Rassemblement national (RN), comme une certaine partie de la droite, y a vu une perte de souveraineté, certains parlant de trahison. C’est sur cette perte supposée qu’il nous faut réfléchir. De quelle souveraineté s’agit-il quand on parle de celle de la France ? Est-ce celle du pouvoir de son dirigeant ou est-ce celle du pouvoir de son peuple ?

Le président Emmanuel Macron n’a pas perdu la moindre parcelle de son pouvoir par le fait du traité. Prenons ainsi l’exemple de la politique étrangère et de la défense. La France et l’Allemagne se sont engagées à coordonner leurs actions dans ces domaines, favorisant les échanges de personnel diplomatique et instituant notamment un Conseil franco-allemand de défense et de sécurité. Si, pour une raison quelconque, les dirigeants français et allemands sont amenés à prendre des décisions contradictoires, comme cela a été souvent la cas dans un passé récent, rien ne pourra les en empêcher. Alors ils se garderont bien de faire jouer les instances communes qu’ils ont instituées. En revanche si l’un ou l’autre, à propos d’une question un peu épineuse et faisant débat, est en phase avec son homologue ou parvient à le convaincre de rejoindre sa position, il pourra expliquer dans son pays qu’il est contraint par l’obligation de trouver une position commune, sollicitant par exemple l’avis d’un Conseil compétent.

En revanche le peuple français, comme le peuple allemand, aura perdu un peu de son pouvoir. On vient d’expliquer le mécanisme qui permet de court-circuiter le peuple lorsque sa position pourrait ne pas être celle attendue par son dirigeant.

C’est exactement ce qui se passe avec l’actuelle Union européenne. Il est inexact de dire que telle ou telle décision est imposée par Bruxelles. Lorsque l’avis des représentants du peuple français n’est pas sollicité, au prétexte de l’obligation de se conformer à telle règle européenne, c’est parce que son dirigeant s’est arrangé auparavant avec ses homologues pour ladite règle soit instaurée. Il y a bien un cas où la règle européenne est légitime. C’est celui de l’Euro et de la règle des 3% relative au déficits publics. En France au moins, le peuple s’est prononcé par référendum. Le paradoxe est que cette règle a été peu contraignante. On a accepté n’importe quoi de la Grèce pour son admission, comme de la France pour s’y conformer. Si la règle n’est pas respectée en 2019, il est peu probable que cela fasse des vagues.

Il y a bien un transfert de pouvoir, aussi bien à l’occasion de ce traité franco-allemand qu’à l’occasion des traités européens. Mais un transfert du pouvoir populaire au bénéfice du pouvoir discrétionnaire d’un dirigeant. C’est une perte sèche de démocratie, indépendamment de ce qu’on peut mettre comme périmètre pour définir le peuple.

Ce n’est pas comme si une Europe politique était installée, sous la forme d’un état unifié.  Ou comme si la France et l’Allemagne fusionnaient pour donner naissance à un état commun. On pourrait alors parler de transfert de souveraineté démocratique. Aujourd’hui la souveraineté démocratique n’est pas transférée : elle est dissoute au bénéfice d’une techno-structure et in fine des membres d’un club.

Pour revenir au traité franco-allemand ou à toutes les opérations qui y ressemblent, dans l’absence d’une instance politique installée au niveau adéquat, pour produire les rapprochements, les convergences que l’on peut raisonnablement souhaiter, ce ne sont pas des institutions qu’il faut créer pour tenter de les imposer, mais des convergences qu’il faut réaliser, sous le contrôle des citoyens de tous les états concernés.

Évidemment c’est difficile : il faut des dirigeants éclairés et courageux pour cela. Et cela concerne certains sujets comme l’économie, quand la diplomatie a besoin d’une légitimité politique et quand la lutte contre le terrorisme peut se contenter d’une coopération avec une mise en commun de moyens. A l’inverse, les institutions nouvelles, qui se multiplient à l’infini avec un coût incontrôlé, ne sont que des alibis. Chacun le sait : quand on veut évacuer un problème, on crée une commission.

C’est ainsi qu’il faut apprécier le traité d’Aix-la-Chapelle. Beaucoup de bruit pour rien, surtout pour ne rien faire de sérieux. Juste de la poudre aux yeux, mais qui peut aveugler.

Pierre EISNER (Le Parti des Européens)

mercredi, 30 janvier 2019

Une vie, une œuvre : Maurice Barrès, complexe ou ambigu ? (1862-1923)

barrescouleurs.jpg

Une vie, une œuvre : Maurice Barrès, complexe ou ambigu ? (1862-1923)

Par Christine Goémé et Isabelle Yhuel.
Émission diffusée sur France Culture le 20.10.1994.
 
Intervenants :
 
- Daniel Rondeau
- François Broche
- Michel Cazenave
- Jean-Marie Domenach
- Christian Jambet
- Eric Roussel
- Georges Sebbag
- Michel Mourlet
 

lundi, 28 janvier 2019

Le coup d'Etat Macron. Le Prince contre la Nation

macrondictateur em.png

Le coup d'Etat Macron. Le Prince contre la Nation

Un livre de Guillaume Larrivé

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Guillaume Larrivé est  député Les Républicains de l'Yonne. Il est énarque, maître de requête au Conseil d'Etat, ancien membre des cabinets de Nicolas Sarkozy et de Brice Hortefeux

Présentation par l'éditeur

« Qu'est-ce que le macronisme au pouvoir ? Un nouvel absolutisme. Plus d'un an après l'élection d'Emmanuel Macron à la présidence de la République, le moment est venu de démontrer et dénoncer la logique de son règne : celle d'un coup d'État insidieux, par lequel le Prince cherche à accaparer, mois après mois, tous les pouvoirs de l'État. Sa présidence égocratique est celle d'une régression antidémocratique : un principat concentré dans les mains d'un homme et des palatins qui composent sa cour. Et parce qu'il est le premier lieu du pluralisme et de la défense des libertés, le Parlement est aussi le premier à être attaqué. Mais l'étrange coup d'État Macron aboutit à un paradoxe : le président de la force est celui de la faiblesse. Tandis que le Prince s'empare de la République, la nation est fracturée par l'impuissance de l'État à protéger vraiment les Français et à dessiner notre avenir. Pour que la France se réconcilie avec elle-même, il faut préparer, dès maintenant, l'après-Macron. »

larrivé.jpgCommentaire.

On ne pouvait pas attendre que Guillaume Larrivé, membre du parti Les Républicains, lequel se veut élément actif de l'opposition à Emmanuel Macron, juge avec beaucoup de faveur le début de quinquennat de celui-ci. Il faut noter cependant que les LR refusent généralement d'être considérés comme une « opposition de droite ». Ils se veulent plutôt représentatifs de tous le corps électoral centriste qui, par peur de Marine Le Pen, avait voté pour Emmanuel Macron, qui le regrette aujourd'hui et se cherche une ou plusieurs personnalités politiques pour les représenter lors des prochaines élections.

Nous conseillons la lecture de ce livre bien documenté à tous ceux qui se veulent aujourd'hui dans l'opposition, qu'elle soit de gauche ou d'extrême gauche, de droite ou d'extrême droite ou qu'elle se reconnaisse dans le mouvement Les Républicains. Le jugement que porte Guillaume Larrivé sur le pouvoir Macron et sur la personnalité de ce dernier devrait être partagé par tous. Macron se comporte  de plus en plus comme un dictateur en puissance s'étant approprié tous les pouvoirs de l'Etat. Mais le livre va plus loin. Il porte un jugement sévère sur ce qu'est devenue la Ve République et notamment sur ce que l'on appelle le pouvoir parlementaire ainsi le système électoral permettant à l'apprenti dictateur de se saisir pour les mettre à son service de toutes les formes de démocratie représentative.

Chacun ayant quelque bon sens ne pourra que partager son jugement. Le problème majeur du système politique actuel est la concentration du pouvoir dans les mains d'un seul homme. Depuis De Gaulle, il avait été admis que le chef de l'État incarnait la nation. Mais ceci ne doit pas signifier qu'un président élu de justesse puisse concentrer la quasi totalité des pouvoirs. On ne peut alors espérer qu'il puisse bénéficier de la confiance de la totalité des Français pendant cinq ans, sans aucun autre lieu de délibération et de décision. Pour Guillaume Larrivé, ceci explique l'apparition de voies de contestation ailleurs que dans la sphère politique. Les Gilets Jaunes en sont aujourd'hui l'incarnation la plus visible, mais il y en aura d'autres.

Il critique également le mode de fonctionnement de l'Assemblée Nationale que la majorité électorale au service d'Emmanuel Macron a transformé en une chambre d'enregistrement des volontés du Prince. Il reconnaît d'ailleurs que ce système avait commencé à fonctionner sous Jacques Chirac, avec le soutien de beaucoup ceux qui se veulent aujourd'hui opposants à Macron.

Malheureusement le livre ne donne pas beaucoup d'éclairages sur la façon selon laquelle devrait fonctionner le système politique dans le cas plus que probable du remplacement de la majorité actuelle par une majorité issue de l'opposition, et notamment d'une majorité issue du parti Les Républicains. On peut penser que par ce livre Guillaume Larrivé veut se positionner comme futur chef de cette majorité. Les candidats de valeur, on doit le reconnaître, ne sont guère nombreux actuellement .

Notre point de vue

Nous devons, en essayant de mieux comprendre la façon dont un Emmanuel Macron a réussi à prendre le pouvoir, regretter que Guillaume Larrivé ne cherche pas à expliquer en profondeur ce phénomène. Nous avons plusieurs fois ici rappelé l'hypothèse formulée par la plupart des analystes politiques s'efforçant à un regard géostratégique. Emmanuel Macron a été suscité et financé, avant et pendant sa campagne, par les multinationales financières ayant donné partout en Occident le pouvoir aux quelques 5% d'ultra-riches dominant cette partie du monde.

Il n'y a aucune raison de penser que des opposants à Macron, susceptibles de le remplacer, puissent le faire sans l'accord et le soutien de ces multinationales américaines. Qu'ils le veuillent ou non, ils seront obligés de s'y soumettre. Ils seront obligés aussi de défendre l'engagement de la France dans le complexe militaro-industriel américain, en lui refusant toute capacité de faire apparaître en Europe une majorité d'Etats se voulant indépendants, tant à l'égard du Brics que des Etats-Unis.

On peut craindre qu'un Guillaume Larrivé ou un de ses homologues, s'ils accédaient au pouvoir en France, puissent se comporter de façon différente.

Ajoutons sans donner de nom que les chefs actuels des Républicains ne suscitent pas une forte envie de les voir remplacer Emmanuel Macron.

dimanche, 27 janvier 2019

L’essai prémonitoire sur les « Gilets jaunes »

dezo-guilluy-no-society.jpg

L’essai prémonitoire sur les « Gilets jaunes »

par Georges FELTIN-TRACOL

Certains livres anticipent l’actualité dès leur parution. Publié en septembre 2018, le nouvel essai du géographe Christophe Guilluy a pris une résonance particulière avec l’action politico-sociale inédite des « Gilets jaunes ». Son titre en anglais se rapporte aux propos tenus dans le magazine Woman’s Own du 31 octobre 1987 par le Premier ministre britannique, la détestable conservatrice-libérale atlantiste et cosmopolite Margaret Thatcher pour qui « la société, ça n’existe pas ». S’ils ont été surpris par une forte et soudaine mobilisation facilitée par un usage accru des réseaux sociaux, les lecteurs attentifs de ses précédents ouvrages (1) savaient que les « populations périphériques » de la « tierce France », délaissée des aires métropolitaines mondialisées et des banlieues de l’immigration elles aussi globalisées, allaient tôt ou tard dénoncer cet abandon programmé, un ethnocide doux. Sans généraliser, on ne peut que relever le caractère européen et fortement féminin des classes moyennes inférieures et intermédiaires occupent les ronds-points, filtrent la circulation et rendent gratuit le péage d’autoroute.

Christophe Guilluy a ainsi le privilège rare de voir ses analyses souvent contestées par le microcosme universitaire hors sol et rance confirmées par la crise des « Gilets jaunes » (2). Il remarque que « pour la première fois dans l’histoire économique occidentale, les catégories modestes ne vivent plus là où se créent l’emploi et la richesse et, surtout, ne pourront plus y vivre. […] Désormais, les milieux modestes résideront majoritairement toujours plus à l’écart de métropoles qui, inversement, attireront toujours plus les nouvelles classes supérieures (pp. 28 – 29) ».

Terminée la démocratie !

La juste colère des « Gilets jaunes » n’est que la réplique hexagonale d’un mécontentement plus large déjà exprimé en Grande-Bretagne par le Brexit, aux États-Unis par l’élection surprise de Donald Trump, en Italie par l’arrivée d’un triumvirat gouvernemental « Jaune – Vert », en Allemagne par l’ascension rapide de l’AfD et même en Espagne par l’irruption dans le jeu politique de nouvelles forces politiques, Podemos, Ciudadanos et maintenant Vox. Tous ces bouleversements qui n’en sont qu’à leurs débuts annoncent « l’émergence de nouveaux continents, des continents populaires et périphériques, ceux de l’ancienne classe moyenne occidentale (p. 34) ». Cet avis perturbe les tenants d’un âge obsolète qui assiste à la « disparition progressive de la classe moyenne occidentale et des vieux partis de gauche et de droite qui la représentaient (p. 42) ».

Or cette réalité à la fois politique, sociologique et territoriale n’est toujours pas acceptée par les laquais de l’« hyper-élite (p. 40) ». Ils persévèrent à déverser via des médiats serviles une « pensée positive (p. 37) » experte, bureaucratique et indigeste. Ce mode de réflexion superficielle profite largement de « l’infantilisation des sociétés occidentales désormais incapables d’assumer et même de penser les nouvelles conflictualités sociales et culturelles (pp. 36 – 37) ». Plutôt de sensibilité républicaine à la Jean-Pierre Chevènement, Christophe Guilluy rejoint ici les derniers ouvrages de la philosophe belge Chantal Mouffe (3). Il va même plus loin qu’elle en voyant dans « le multiculturalisme […] une idéologie faible qui divise et fragilise (p. 91) ». L’échec multiculturel profite aux communautarismes que l’auteur condamne aussi. Dans une veine très IIIe République, il ne comprend pas que tous les communautarismes ne se valent pas. Christophe Guilluy reste un indécrottable nostalgique de l’assimilation. Légitime, le communautarisme albo-européen s’impose dorénavant comme une nécessité impérative. Les communautarismes musulman et/ou africain représentent pour leur part des vecteurs indispensables pour l’inévitable réémigration de leurs membres vers la terre de leurs ancêtres.

nosocietyCG.jpgIl montre toute sa sévérité envers « l’expertise d’un monde médiatico-universitaire (le plus souvent) issu du monde d’en haut et (toujours) porté par un profond mépris de classe (p. 149) ». Il critique volontiers un « antifascisme d’opérette [qui] ne suffit plus au monde d’en haut pour imposer ses représentations dans l’opinion (p. 114) ». Il se moque aussi de la doxa dominante qui met en exergue « l’existence de quartiers pauvres ou de ghettos à l’intérieur des métropoles et la crise de quelques grandes villes pour minimiser la dynamique globale d’embourgeoisement et de citadellisation des métropoles (p. 115) ». Il s’agit pour les médiats institutionnels de valoriser à la fois la « France d’en-haut » et la « France des “ zones populaires sensibles ” » dans un antagonisme factice qui présente le double avantage d’écarter des schémas de représentation convenue la « France périphérique » largement majoritaire et de polariser autour de quelques oppositions binaires formatées une population sciemment mise à cran : modèle occidental – cosmopolite de consommation de masse à crédit contre « péril » islamiste aujourd’hui, menace chinoise (ou russe ou bordure) demain.

Mondialisme régionalisé

La « citadellisation des métropoles » se manifeste de surcroît par le regain indépendantiste de certaines régions – patries charnelles d’Europe. Défenseur de l’État-nation, il perçoit les indépendantismes régionaux sous un angle original. « Plus qu’un renouveau du nationalisme, c’est d’abord la sécession des bourgeoisies qui porte en germe la balkanisation des pays développés (p. 132). » Ce phénomène ne se limite pas à la Flandre, à l’Écosse ou à la Catalogne. Les grandes métropoles telles Paris et Londres rêvent de s’émanciper de la tutelle étatique centrale. « La nouvelle bourgeoisie proposera demain la création de cités-États au nom du Bien et de l’ouverture, ce qui lui permettra de s’éloigner définitivement de la plèbe (p. 132). » Anne Hidalgo et Sadiq Khan oublient que toute cité-État n’est viable qu’à la condition de disposer d’un arrière-pays utile, sinon leur indépendance se révélera fictive…

Christophe Guilluy a bien cerné ce nouveau « nationalisme » propagé par certains régionalismes nantis et encouragé par le mondialisme. Ce néo-nationalisme ouvert, inclusif et progressiste provient de « l’alliage idéologique du libéralisme économique et du libéralisme sociétal. […] Les classes dominantes utilisent ici un sentiment nationaliste réel pour imposer un modèle néolibéral qui in fine desservira les classes populaires en Espagne mais aussi en Catalogne (p. 134) ». L’auteur oublie cependant que cette combinaison délétère n’accompagne pas que les aspirations stato-régionales; il infecte aussi bien la structure européenne que l’État-nation lui-même. Ce dernier agit de plus en plus en auxiliaire zélé et impitoyable du désordre ultra-libéral mondial. Loin d’exaucer les vœux pieux des libertariens et des autres néo-libéraux, l’État se désengage du jeu économique et social au profit du marché omnipotent pour mieux envahir le domaine privé, la vie intime, voire de la sexualité (pénalisation des clients de prostituées) de ses administrés. L’intrusion incessante dans la vie des familles (interdiction de la fessée aux enfants), des couples (pénalisation du soi-disant « viol conjugal ») et des particuliers (surveillance de leurs comptes en banque au nom de la lutte anti-terroriste) démontre que la structure étatique redéfinit ses missions et ses priorités. La crise des « Gilets jaunes » lui a montré de réelles faiblesses qu’il va combler au plus tôt. Fort de cette expérience inédite et de la résolution (provisoire ?) de la crise, il empêchera la prochaine fois toute nouvelle contestation en frappant bien plus en amont : blocage des comptes Facebook, limitation du droit de manifester au nom de la sécurité, arrestations préventives… Ces mesures répressives n’affecteront que les conséquences, nullement les causes.

Le renforcement sécuritaire des États occidentaux à l’essor foudroyant d’une « société relative (p. 160) ». L’éclatement de la société est maintenant pris en compte par « la classe politique [qui] ne s’adresse plus à un tout mais à des parts de marché (p. 160) », d’où le développement exponentiel des exigences minoritaires ethno-raciales, sexuelles, religieuses, et bientôt alimentaires (vegans, coprophilie, anthropophagie…), souvent acceptées par des gouvernements minables d’intérêts immédiats. En revanche, quand la majorité sociologique revendique plus de justice sociale et fiscale, elle n’a pour réponse que la répression policière, le dénigrement médiatique et le harcèlement judiciaire. Christophe Guilluy prévient que cette société relative vire en une « société paranoïaque (p. 168) » dans laquelle « arme de représentation et de revendication des minorités, la victimisation est en train de devenir la norme de sociétés relatives, y compris de la population majoritaire et blanche (pp. 169 – 170) ».

Demain tous sous surveillance ?

L’auteur s’aveugle toutefois sur cette mue liberticide. « Sauf à militariser la coercition, écrit-il optimiste, la classe politique ne pourra pas compter longtemps sur le monde médiatique ou académique pour canaliser le monde d’en bas (p. 172). » Cette coercition existe déjà de façon implicite; elle rend chaque jour plus tangible la « société sous surveillance globale » (4). Celle-ci s’épanouit en pleine jacquerie post-moderne jaune. Christophe Guilluy appréhende par ailleurs la principale motivation sous-jacente de la colère des « Gilets jaunes », à savoir « la combinaison d’une double insécurité : sociale (liée aux effets du modèle économique) et culturelles (liée à l’émergence de la société multiculturelle) (p. 26) ». Il en déduit une grille d’interprétation pertinente :

– la droite bourgeoise conservatrice qui vote François Fillon, et les indépendantistes catalans, flamands, basques, écossais subissent pour des raisons différents la seule insécurité culturelle;

– les électeurs de La France insoumise pâtissent de l’insécurité sociale, mais se félicitent pour la plus grande majorité de l’accueil continu des migrants,

– les fans d’Emmanuel Macron ignorent ces deux insécurités et préfèrent se complaire dans une « France d’après » selon le slogan grotesque du temps du calamiteux Sarközy,

– seuls les électeurs de Marie Le Pen, voire de Nicolas Dupont-Aignan (et pour des raisons là aussi très différentes, des nationalistes corses), cumulent les deux insécurités, ce qui en font des porteurs de revendications potentiellement explosives.

Cette dernière catégorie ne peut former à lui tout seul un nouveau « bloc hégémonique ». « Pas de mouvement de masse, pas de révolution sans alliance de classe (p. 165). » La petite bourgeoisie provinciale (et francilienne) n’a pas rallié le « peuple périphérique » et reste sur une réserve naturelle. Dans l’ensemble, hormis bien sûr de notables exceptions, ceux qui défilaient avec La Manif pour Tous n’ont pas de gilet jaune. Et ceux qui portent des gilets jaunes ne participaient pas à la contestation contre la loi Taubira. Seuls quelques « Gilets jaunes » bretons avaient eu quelques années auparavant un bonnet rouge sur la tête…

Bref, la révolution n’est pas pour ce soir, ni pour demain matin, surtout quand elle est par avance préemptée par Emmanuel Macron et ses clones politiques luxembourgeois et canadien. Dès 1974, le philosophe catholique belge Marcel De Corte s’inquiétait de l’avènement d’une dissociété (5). Avec No Society, Christophe Guilluy confirme que la « dissociété », cette termitière humaine, est bien là !

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : Parmi les plus récents, mentionnons Fractures françaises, François Bourin, 2010; La France périphérique, Flammarion, 2015; Le Crépuscule de la France d’en haut, Flammarion, 2016.

2 : En parallèle aux travaux socio-géographiques de Christophes Guilluy, des journalistes sont partis à la découverte de cette « France périphérique ». Signalons Florence Aubenas, Le Quai de Ouistreham, Éditions de l’Olivier, 2010; Aymeric Patricot, Les Petits Blancs. Un voyage dans la France d’en bas, Éditions Plein jour, 2013; Gérald Andrieu, Le peuple de la frontière. 2 000 km de marche à la rencontre des Français qui n’attendaient pas Macron, Éditions du Cerf, 2017; Anne Nivat, Dans quelle France on vit, Fayard, 2017.

3 : cf. Chantal Mouffe, L’illusion du consensus, Albin Michel, 2016; idem, Pour un populisme de gauche, Albin Michel, 2018. Voir aussi Chantal Mouffe et Íñigo Errejón, Construire un peuple. Pour une radicalisation de la démocratie, préface de Gaël Brustier, Éditions du Cerf, 2017.

4 : cf. Georges Feltin-Tracol, En liberté surveillée. Réquisitoire contre un système liberticide, Éditions Les Bouquins de Synthèse nationale, 2014.

5 : Marcel De Corte, De la dissociété, Éditions Remi Perrin, 2002.

• Christophe Guilluy, No Society. La fin de la classe moyenne occidentale, Flammarion, 2018, 242 p., 18 €.

Cioran: The Postwar European Nihilism

cioranpendule.jpg

Cioran: The Postwar European Nihilism
 
 
Ex: http://www.unz.com

Emil Cioran, De l’inconvénient d’être né (Paris: Gallimard, 1973).

inconvénient.jpgGrowing up in France, I was never attracted to Emil Cioran’s nihilist and pessimistic aesthetic as a writer. Cioran was sometimes presented to us as unflinchingly realistic, as expressing something very deep and true, but too dark to be comfortable with. I recently had the opportunity to read his De l’inconvénient d’être né (On the Trouble with Being Born) and feel I can say something of the man.

The absolutely crucial fact, the elephant in the room, the silently screaming subtext concerning Cioran is that he had been in his youth a far-Right nationalist, penning positive appraisals of Adolf Hitler and a moving ode to the murdered Romanian mystic-fascist leader Cornelius Zelea Codreanu. Cioran had hoped for the “transfiguration” of Romania into a great nation through zeal and sacrifice. Instead, you got utter defeat and Stalinist tyranny and retardation. I’d be depressed too.

A perpetual question for me is: Why did such great intellectuals (we could add Louis-Ferdinand Céline, Ezra Pound, Knut Hamsun, Mircea Eliade . . .) support the “far-Right”? This is often not so clear because the historical record tends to be muddied both by apologetics (“he didn’t really support them”) and anathemas (“aha! You see! He’s a bad man!”). Like John Toland, I don’t want to condemn or praise, I just want to understand: Why did he believe in this? Was it:

  1. Fear of communism?
  2. Skepticism towards democracy and preference for a stable, spirited regime? (That argument was very popular among thinking men in the 1920s, even the notorious Count Coudenhove-Kalergi, spiritual godfather of the European Union, supported Italian Fascism on these grounds!)
  3. Racialism?
  4. Anti-Semitism?
  5. Opposition to decadence?
  6. The dangerous propensity of many intellectuals for ecstatic spasms and mystical revolutions?

In Cioran’s case, his Right-wing sentiment appears to have been motivated by 1), 2), 4) 5), and perhaps especially 6).

After the war, Cioran renounced his Right-wing past. This may have been motivated by understandable revulsion at the horrors of the Eastern Front and the concentration camps. In any event, this was certainly not a disinterested move. Mircea Eliade – a fellow supporter of Codreanu who later thrived as a historian of religions at the University of Chicago, infiltrating the academy with Traditionalists – wrote of Cioran in his diary on September 22, 1942: “He refuses to contribute anything to German newspapers, in order not to compromise himself in the eyes of his French friends. Cioran, like all the others, foresees the fall of Germany and the victory of Communism. This is enough to detach him from everything.”[1]

There had been a thriving far-Right French literary and intellectual scene, with writers who often had had both a fascist and pan-European sensibility. The Libération in 1944 put an end to that: Robert Brasillach was executed by the Gaullist government during the Épuration (Purge) despite the protestations of many fellow writers (including André Malraux and Albert Camus), Pierre Drieu La Rochelle committed suicide, and Lucien Rebatet was jailed for seven years and blacklisted.

larmessaints.jpgAs literally an apatride metic (he would lose his Romanian citizenship in 1946), Cioran, then, did not have much of a choice if he wished to exist a bit in postwar French intellectual life, which went from the fashionable Marxoid Jean-Paul Sartre on the left to the Jewish liberal-conservative Raymond Aron on the right. (I actually would speak highly of Aron’s work on modernity as measured, realistic, and empirical, quite refreshing as far as French writers go. Furthermore he was quite aware of Western decadence and made a convincing case for the culturally-homogeneous nation-state as “the political masterpiece.”) Although Cioran had written several bestsellers in his native Romania, he had to adapt to a French environment or face economic and literary oblivion. What’s an apology secured under coercion actually worth?

This is the context in which we must read De l’inconvénient d’être né. These are the obsessive grumblings of a depressed insomniac. (Cioran’s more general mood swings between lyrical ecstasy and doom-and-gloom suggest bipolar disorder.) His aphorisms often ring true, but equally tend to be hyperbolic or exaggerated, and are almost always negative, like a demotivational Nietzsche. In some respects preferable to Nietzsche, insofar as the great explosion the German hysteric foresaw is past us, and his brand of barbaric politics seems quite impossible in this century. Cioran, like Nietzsche and Spengler, knows that nihilism and decadence are the order of the day, but living in the postwar era, he can certainly no longer hope that “blond beasts” or “Caesarism” might still save us. Cioran in this sense is more relatable, he is talking about our world.

Cioran despairs at the inevitable mediocrity of human beings and the vain temporality of the human condition. (What’s the point of even a good feeling or event, if this event will, in a second, disappear and only exist in my memory, which will in turn disappear? This will no doubt have occurred to thoughtful, angsty teenagers.) Birth, embodiment, is the first tragedy – like the fall of man – from a perfect non-existence, with limitless potentiality, to a flawed and stunted being.

Jean-François Revel observes: “Imagine Pascal’s mood if he had learned that he had lost his bet, and you’ll have Cioran.”

A question: Was Cioran’s despair more motivated by being a Rightist spurned by destiny or by his own dark temperament? Would he have written such works in a triumphant Axis Europe?

Cioran is like a Buddha (the spiritual figure most often cited in De l’inconvénient) who stopped halfway, that is to say, at nihilism and despair. But Siddhartha Gautama went further, from the terrifying recognition of our impermanent and insubstantial experiential reality, to a new mental state, reconciled with this reality, to the path of sovereignty and freedom.

Had I been able to meet him, I’d have invited Cioran to my Zendō – where speaking, indeed all expression of human stupidity, is formally banned through the most truthful silence. And how good is truth for the soul!

The Way of Awakening is not found in books.

Actually, Cioran’s Buddhist connection should be dug into. The Zen monk Taisen Deshimaru was in Paris passing on the Dharma to Europe at exactly the same time, in the 1970s.

cimesdésespoir.gifMy initial response to De l’inconvénient was annoyance that it had been written (I can quite understand Alain Soral’s frustration with Cioran). The postwar Cioran can certainly seem like an umpteenth authorized manifestation of the ‘glamorously aesthetic’ French décadent intellectual, the misunderstood genius, the starving artist, who is just way ‘too deep’ for his own good or for you plebs to grasp.

I remember his 1941 On France, a perversely playful ode to decadent France (those three words together disgust me), as an ostensibly appalling little work. France does not need any more encouragement on the downward path.

Cioran certainly has a morbid fascination with spiritual rot.

The Germans of the nineteenth and early twentieth centuries were already quite right to want to preserve themselves from the contagion of French decadence (oh sure, there’s a straight line of Kultur from the “Indo-Germans” to Frederick the Great’s Prussia); right up to the May-June 1940 editions of Signal understatedly mocking the infertile French with photographs of fez- and turban-wearing Negro and Mohammedan POWs. (Apologies for not providing a direct link to the relevant Signal issues, apparently our historians have still not got around to digitizing this publication, peak circulation 2.5 million in 1943.)

Sorry, krauts, it came anyway through the North-American route!

De l’inconvénient initially reinforced my impression that the postwar Cioran was not worth reading. However, there are some hopeful diamonds in the despairing rough. Some of Cioran’s aphorisms are actually quite inspiring, such as the following: “Any overcoming of desire empowers us. We have all the more control over this world as we take our distance from it, when we do not commit to it. Renunciation confers limitless power” (p. 44). (And let us bear in mind again Eliade’s paraphrase above, that it was the prospect of German defeat and communist triumph which was “enough to detach him from everything.”)[2]

On one level, Cioran’s work is a legitimate expression of the depths of postwar despair. From the psychological point of view, man really was (and is still, despite a few flickers) sinking more and more into untruth, into materialism and consumerism and ‘choice,’ into a childish view of life, one not cognizant of our nature as mortal, social, and unequal beings. All the truths contained in our dying traditions, however imperfect the latter were, are forgotten.

Amidst the politically-harmless mass of depressing and demotivational thoughts, Cioran sneaks in some very true observations about decadence. This shows, as plainly as anything, that he remained a man of the Right in his heart.

I believe Cioran provides a key to understanding his nihilist work in this book, namely:

We get a grip on ourselves, and we commit all the more to being, by reacting against nay-saying, corrosive books [livres négateurs, dissolvants], against their noxious power. These are, in short, books that fortify, because they summon the energy which contradicts them. The more poison they contain, the greater their salutary effect, as long as we read them against the grain, as we should read any book, starting with the catechism. (p. 97)

Cioran is putting forth a challenge to be overcome: taste the depths of my despair, truly contemplate and acknowledge the futility of life . . . What is your answer?

Cioran’s books: contemplation of the void . . . a summoning.

I find Cioran both uncomfortable and stimulating, clamoring for more, eager to discover and accomplish more. Fecund stimulation is most important, whether in reading, work, or life. (For that reason I also recommend reading Ezra Pound’s non-fiction.)

Cioran’s nihilist and depressing aesthetic will not appeal to everyone or even to most. But if that’s how a man builds up his brand and sells his books, who am I to judge? Especially if you can sneak in some subversive truths. (In this respect, Cioran reminds me of Michel Houellebecq, one of the last manifestations of French culture. All this goes back to Socrates-as-satyr.)

Still, we observe that many men of the Right took a more straightforward route: Maurice Bardèche avenged his brother-in-law Brasillach’s execution by continuing to write in favor of fascism, Julius Evola always stood up for the Axis and for Tradition, Dominique Venner wrote as a historian, Europe’s living memory, and committed his own seppuku, as a sacrifice to the gods . . .

Each man fights in his own way. Again, who am I to judge?

Notes

[1] Mircea Eliade, The Portugal Journal (Albany, New York: State University of New York Press, 2010), 35.

[2] Note: detachment does not mean surrender. For those who do not understand, I recommend the Baghavad Gita, the Hagakure, D. T. Suzuki’s explication of “the Way of the Sword” in Zen and Japanese Culture, or indeed watching the countenance of the faces of men about to strike their opponent in Akira Kurosawa’s classic film Seven Samurai.

12:45 Publié dans Livre, Livre, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philosophie, cioran, livre, roumanie, france, nihilisme | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

vendredi, 25 janvier 2019

Le mouvement des Gilets jaunes comme conflit asymétrique

GJ-oya.jpg

Le mouvement des Gilets jaunes comme conflit asymétrique

par Michel Goya

Ex: https://lavoiedelepee.blogspot.com

Le mouvement des Gilets jaunes est une guérilla moderne, sous le seuil heureusement lointain de la guerre civile, mais guérilla quand même dans son sens premier de petite guerre. De la guerre, il en a le caractère politique et la volonté de faire plier une entité politique opposée : le président de la République, désormais en première ligne après avoir fait le vide entre le peuple et lui.

Techniquement, c’est une guérilla intelligente utilisant au mieux les capacités d’organisation, de mobilisation, mais aussi de résonance des technologies de l’information, des réseaux sociaux aux chaines d’infos. Certaines trouvailles tactiques sont remarquables, comme l’emploi du gilet jaune, une sorte de cape de visibilité pour ceux qui se sentaient dans l’ombre, le choix des rond-points comme points d’occupation, la combinaison de cette occupation et des « actes », comme au théâtre. D'autres initiatives, par les actes et la parole, sont également désastreuses (ou inadmissibles comme la dégradation de l'Arc de triomphe) mais construit par en bas avec de multiples initiatives, essais et erreurs, le mouvement a émergé comme système efficace de lutte. Tout cela n’est pas nouveau.

Les tentatives d’organisations de contestations sont en réalité fréquentes mais peu atteignent une masse critique. Pour atteindre un seuil de visibilité et de puissance (désormais presque des synonymes), il ne faut pas seulement de l’intelligence tactique. Il y a en France des professionnels de l’« agit-prop » qui s’« agitent » en vain depuis des années, car leur cause ne rencontre pas de masse. Pour réussir et susciter des centaines de milliers de volontaires de lutte, avec cela implique d’efforts, il faut toucher le cœur et l’esprit de millions de gens.

Pour toucher des millions de gens en ces temps de mondialisation, il faut évoquer sa face sombre : l’insécurité sous toutes ses formes. En ce sens, le mouvement des Gilets jaunes est aussi une guérilla moderne, car c’est une guérilla « en réaction ». Pour les thuriféraires de la mondialisation, la « grande ouverture » et la multiplication des flux en tous genres, financiers, matériels, informatifs, humains, devaient avoir pour effet d’apporter progressivement le meilleur à tous. Le monde devenait ainsi de plus en plus plat, selon l’expression de Friedman, c’est-à-dire de plus en plus lisse et uniforme, et même fixe (la fin de l’histoire) dans l’optimum des marchés en tous genres.

Ils n’avaient pas tort sur les bienfaits macroéconomiques de l’affaire puisque « globalement » jamais autant de monde n’est sorti de la pauvreté en aussi peu de temps. Ils avaient tort sur l’uniformisation. Au début du XIXe siècle, les costumes typiques des Alsaciennes et des Bretonnes étaient très proches. Puis, au fur et à mesure de la multiplication des échanges au sein de la France ouverte grâce au chemin de fer, aux technologies de l’information, et à la volonté de centralisation, les costumes ont divergé jusqu’à être très différents à la fin du siècle. L’ouverture a généré un sentiment d’insécurité et ce sentiment a poussé à une réaction identitaire. C’est un détail folklorique mais qui illustre combien les réactions, si elles n’ont pas été toujours violentes, ont été vives au cours de cette Première mondialisation, contestations sociales, crainte devant l’arrivée de nombreux étrangers (notamment les « dangereux » catholiques polonais et italiens) et même le long mouvement terroriste des anarchistes.

Lorsqu’il n’y a que le sentiment de subir advient rapidement celui de la colère. Lorsqu’on a le sentiment d’être piégé dans sa classe parce qu’une aristocratie bloque l’ascenseur social et squatte les hauts étages, lorsqu’on a le sentiment d’être coincé dans son travail parce qu’il est difficile d’en trouver un autre ou de monter en grade puisque les grades sont occupés par les machines pensantes, lorsqu’on a le sentiment de subir à plein la pression fiscale parce que justement on ne peut s’en échapper, lorsque ses revenus stagnent alors que l’on sait que la richesse globale augmente, lorsqu’on voit enfin ses façons de vivre ne plus forcément constituer la norme de ce que l’on accueille, cela finit par faire beaucoup.

Lorsque le beaucoup s’accumule et ne trouve pas d’exutoire, il devient forcément le trop. Il fut un temps en France où les poches de colère, pour reprendre l’expression d’Arjun Appadurai, trouvaient une écoute et une réponse dans certains partis politiques, à gauche notamment. Il fut un temps où des intellectuels se targuaient d’être l’avant-garde de la France d’en bas. Ils se plaisaient même à dire qu’ils en étaient, même si ce n’était pas le cas. Ce temps n’est plus depuis longtemps. Les partis de gauche ont été détruits par la mondialisation, par défaut de modèle alternatif efficace pour les uns, par séduction pour les autres. Quant aux intellectuels, ils ont rapidement abandonné le peuple (les beaufs) et l’universalisme après mai 1968 pour s’intéresser à des « communautés » ou « sections ». La démocratie ne fonctionne bien que si elle permet l’alternance de deux agrégats de valeurs également estimables mais plutôt opposés, comme la création destructrice et la protection, la liberté et l’égalité. Les effets négatifs de l’un finissent par être compensés par les effets positifs de l’autre selon un régime stable dans son instabilité et sa souplesse. Lorsque ne règne qu’un seul modèle, le système n’est stable que par sa rigidité et son destin est la cassure.

Comme dans le film Ridicule de Patrice Leconte, on reconnaît une aristocratie à l’âge des vanités (Chateaubriand) à son aveuglement ou au mieux pour certains à son inertie consciente. Tout ce qui a été dit plus haut n’est pas une nouveauté. Qui n’a pas entendu depuis des années que « ça allait péter » ? Qui a pu bien être surpris par le fait que le sentiment croissant d’injustice, de mépris et d’insécurité de toute une partie du peuple allait déboucher sur autre chose que le vote « hors système » ou l’abstention ? On savait aussi qu’il était possible de se mobiliser via les « nouvelles » technologies de l’information sans passer par les cadres partisans. Des tentatives de révolte horizontale, il y en a eu régulièrement dont certaines ont réussi à prendre forme, comme les émeutes de banlieue d’octobre-novembre 2005, quelques mois après un référendum sur la Constitution européenne dont le triomphe annoncé du oui avait été largement enrayé par une guérilla internautique. En octobre 2013, ce n’était pas les banlieues qui s’enflammaient mais les Bonnets rouges bretons.

Tout cela était bien connu, documenté, écrit. On disait que Christophe Guilluy avait été entendu par tous les candidats à la présidentielle, voire à plusieurs présidentielles successives, sans visiblement qu’il soit écouté. L’écouter supposait en effet des ruptures. Il fallait revenir à un peu plus de protection, la mission première de l’Etat, un peu plus de justice et à un peu moins de mépris. C’était impossible sans une « nuit du 4 août » et la fin des multiples privilèges réels ou fantasmés (mais comment savoir quand tout est caché) d’une élite, désormais largement endogamique, et apparemment seule à profiter des bienfaits de l’ouverture. Comme par ailleurs concevoir une colère ? Beaucoup de gens subissent la mondialisation à la française mais ils bénéficient aussi d’un magnifique système de redistribution. Pourquoi les gens se plaindraient-ils quand des centaines de millions d’autres rêveraient d’être à leur place. Oui mais voilà l’être humain ne se nourrit pas que d’allocations. Passé la satisfaction des besoins vitaux, il se nourrit de justice. Il est même possible que cela fasse partie des besoins vitaux. Frustration d’un côté, vieil aveuglement et nouvelles maladresses de l’autre, le choc était inévitable.

Comme toujours dans les conflits de ce type, beaucoup de choses se jouent au début lorsque les analyses et le choix qui sont faits rétrécissent très vite le champ des possibles. Le diagnostic qui est fait, par le pouvoir en particulier, est fondamental. Que celui-ci sous-estime le phénomène et la contestation aura le temps de s’incruster dans le paysage. Que la réponse soit inadéquate et l’adversaire s’en trouvera renforcé. C’est exactement ce qui est arrivé et c’est hélas très classique. Un diagnostic honnête impose toujours une remise en cause, exercice difficile mais pourtant moins douloureux que la gestion de la suite. La reconnaissance d’une confrontation politique suppose aussi la désignation de facto d’un interlocuteur, et donc de conférer à ceux à qui on s’oppose un statut d’égal. Cela va de soi lorsqu’on affronte un autre État, quoiqu’on ait souvent tendance à le dévaloriser (« État-voyou », « membre de l’axe du mal »), c’est très rare lorsqu’on affronte une autre organisation politique. On qualifiera plus volontiers le mouvement opposé de tout autre chose que politique. Il sera social ou sociétal au mieux, criminel au pire. Dans le premier cas, il suffit d’attendre que les manifestants arrêtent de faire des ronds pour rien, dans le second cela supposera une réponse policière qui exemptera de tout dialogue, négociation et surtout de remise en cause. Cette négation peut parfois fonctionner si le mouvement opposé n’a pas de masse de soutien, elle échoue dans les autres cas.

La réponse à un incendie doit être rapide et il ne pas faut lancer l’eau à côté. La première réponse aux Gilets jaunes a été lente, car centralisée, et ratée. Il ne s’agissait pas d’une révolte contre « une taxe qui allait sauver la planète » mais d’un mouvement politique. C’est dès le début qu’il fallait faire le discours qui n’est venu que le 10 décembre, presque un mois après le début des événements. Entre temps, la violence s’est installée, initiée par les profiteurs d’un côté, voleurs, casseurs, radicaux, parfois tout ensemble, mais aussi par les erreurs de la réponse policière, initialement hésitante au niveau opérationnel et parfois maladroite au niveau tactique. Dans le monde militaire, on parle depuis plus de vingt ans de « caporal stratégique », cette capacité pour un seul soldat de déclencher, généralement par une erreur, des effets considérables grâce notamment à l’amplification des médias. Il y de la même façon des « policiers stratégiques ». Quelques erreurs, minimes en nombre au regard du nombre total d’actions mais graves par leurs effets, vont contribuer à accroître la colère et la violence au lieu de la contrôler.

GJ-goya2.jpg

À ce jour, avec 1700 blessés de part et d’autre, sans même parler des dix morts par accident, le mouvement des Gilets jaunes est sans doute le plus violent que la France ait connu depuis la fin de la guerre d’Algérie. Les effets politiques de la violence sont ambigus. Ils peuvent être utilisés pour discréditer les Gilets jaunes mais dans le même temps, outre que les torts sont devenus plus ou moins partagés en la matière, il est évident, hélas, que le pouvoir n’a cédé que sous cette pression.

La force du mouvement des Gilets jaunes a été sa structuration émergente et sa capacité à fédérer des sentiments de colère, sa faiblesse est d’être un mouvement en réaction. Il n’y a pas d’objectif positif, de projet de société seulement une « expression de besoins » parfois de fantasmes. La Révolution française avec ses pulsions parfois immenses de violence ou ses innombrables rumeurs stupides (les infox de l’époque), était encadrée et structurée par un corpus idéologique mouvant mais puissant. Chez les Gilets jaunes, il n’y pas de théorie, car il n’y a pas vraiment, pour l’instant, de théoriciens. Il n’y a pas de stratèges pour atteindre un « état final recherché » mais simplement des tacticiens. Or, un bon tacticien n’est pas forcément un grand stratège et encore moins un théoricien. Il peut même desservir complètement la cause lorsqu’il s’y essaye et c'est actuellement plutôt le cas.

Dans l’état actuel des choses, les réponses stratégiques (mesures sociales, Grand débat national) et tactiques (dispositifs de sécurité mieux adaptés) ont permis de regagner du terrain mais pas de gagner la guerre. D’un autre côté, les Gilets jaunes peuvent tenir les rond-points et multiplier les « actes » indéfiniment mais ils ne peuvent pas imposer leur volonté de cette façon purement défensive.

Le front devrait être désormais sur le champ des idées. Les Gilets jaunes ne pourront s’imposer autrement que comme nuisance que s’ils construisent une théorie. Négliger le Grand débat national au prétexte qu'il s'agirait d'un changement pour que rien ne change serait sans doute une erreur stratégique. Il faut l’investir bien sûr. Il faut infuser au moins l’idée de Français comme actionnaires des services publics, à qui on doit des dividendes (c’est déjà le cas), de la transparence sur les rémunérations et avantages de leurs employés (ce n’est pas absolument pas le cas, notamment les plus hauts fonctionnaires), des justificatifs de bonne gestion (la preuve que l’on traque vraiment les fraudeurs en tous genres par exemple et surtout le plus gros) et des services de base comme la sécurité et la justice. Beaucoup plus de transparence et de justice (sous toutes ses formes) ferait déjà beaucoup de bien à notre société, avant même d’aborder la reconquête des champs perdus de la République française.

Tout cela il faut l’incarner par une vraie structure politique. Soit les partis actuels se transforment pour revenir à une vraie alternative pour tous, gauche-droite pour simplifier, et non un immense marais cerné par à gauche et à droite par des mouvements qui accueillent désormais plus les divisionnistes que les défenseurs du peuple dans son ensemble. Soit ce mouvement devient à son tour  un parti. Dans tous les cas, ce sera difficile.

Le conflit ne fait que commencer. Une nouvelle phase, aux contours inconnues, débutera en mars.

jeudi, 24 janvier 2019

Violences policières: la revanche des faibles

violpol.jpg

Violences policières: la revanche des faibles

Eric Werner

Ex: https://metainfos.fr

De plus en plus on se rend compte que les gouvernants européens ont tendance à traiter leurs propres populations comme autrefois les anciennes métropoles coloniales, à ce qui se dit aujourd’hui, traitaient les peuples colonisés. Ce retournement endocolonial vient de trouver son illustration dans les récents débordements policiers en France, qui ont surpris tout le monde par leur ampleur. Mais peut-être ne faut-il y voir qu’une élucubration complotiste.

On dit volontiers que l’État est le détenteur de la violence physique légitime. Mais on s’accorde en même temps à dire que lorsque l’État en vient à recourir à la violence, ce n’est jamais très bon signe : très bon signe pour lui. Car il montre ainsi qu’il n’arrive pas autrement à se faire obéir. En d’autres termes, qu’il est très faible.

Qui plus est, le recours à la violence contribue à l’affaiblir davantage encore. Hannah Arendt a écrit de très belles pages à ce sujet (1). Le recours à la violence est peut-être payant à court terme, mais si l’on prend en compte ses effets à moyen ou long terme, l’État a plutôt intérêt à s’en abstenir.

C’est à tout cela que l’on pense en voyant le déchaînement actuel de la violence policière en France. Il n’en est bien sûr que très peu question dans les chaînes d’information officielles. Pour s’en faire une idée un peu précise, il faut aller sur l’internet (2), et en particulier consulter certains sites spécialisés (ceux-là mêmes sur lesquels les chaînes en question ne cessent, en permanence, de déverser leur venin, au motif qu’ils diffuseraient de « fausses nouvelles » : belle actualisation, n’est-ce pas, de la parabole de la paille et de la poutre).

D’abord quelques chiffres. On apprend ainsi qu’entre le 17 novembre et le 6 janvier, près de 2000 personnes ont été blessées par les forces de l’ordre en France. Parmi elles, au moins 93 blessés graves. Certaines, 13 au total, ont été éborgnées, d’autres encore défigurées ou ont perdu un membre. Beaucoup de ces blessures sont dues à l’utilisation d’armes comme les lanceurs de balles de défense (LBD) : arme qui n’est utilisée par aucune autre police européenne.

Il semble également que des grenades offensives aient été utilisées pour l’occasion, alors même, on s’en souvient, que cette arme avait causé il y a cinq ans la mort d’un militant écologiste lors d’une manifestation à Sivens.

Toujours au cours de la même période, pas moins de 5339 personnes ont été placées en garde à vue, certaines, comme le montrent des vidéos, après avoir été plaquées au sol et menottées dans le dos. Plus de 400 l’avaient déjà été le 17 novembre, premier jour de mobilisation des gilets jaunes. Ces personnes étaient pour la plupart des manifestants pacifiques ou même de simples passants. Notons à ce propos que les forces de l’ordre recourent volontiers en France à la stratégie de l’encerclement, ce qui leur permet de maximiser le nombre des arrestations. En bon français, cela s’appelle une rafle.

On signale également le cas d’un gilet jaune arrêté chez lui en pleine nuit par des policiers du RAID, après que ces derniers eurent défoncé sa porte. Rappelons que le RAID est un service de police spécialisé dans la lutte contre le terrorisme. Jusqu’à preuve du contraire, les manifestations de gilets jaunes n’ont rien à voir avec le terrorisme.

Voilà donc ce qu’on apprend sur les sites susmentionnés. On comprend mieux à partir de là la hargne des chaînes officielles à leur endroit, en même temps que l’intention souvent prêtée aux dirigeants français actuels de les interdire purement et simplement, au risque de se voir accuser, à tort bien sûr, de vouloir instaurer en France un régime orwellien, avec contrôle total de l’information. Encore une élucubration complotiste.

La violence policière est en France une constante historique. On pense ici bien sûr à la Commune de 1871, et en remontant plus haut encore dans le temps aux journées de juin 1848. De la répression sanglante de juin 1848, un historien disait, il y a une vingtaine d’années, qu’elle avait « influé sur l’évolution de la société française jusque sous la Ve République, non pas en dépit mais à cause de son refoulement, qui a empêché qu’elle ait été repensée théoriquement » (3). On pourrait également évoquer dans ce contexte la période 40–45 (elle aussi refoulée), mais aussi les guerres coloniales du XXe siècle, guerres, selon certains auteurs, qui ont directement inspiré la doctrine française actuelle en matière de maintien de l’ordre (4). Les mêmes méthodes que celles autrefois utilisées contre les anciennes populations colonisées le seraient donc aujourd’hui contre les citoyens français eux-mêmes.

Ce qu’il y a de dangereux dans la situation présente, ce n’est pas seulement que beaucoup de choses, effectivement, dorment dans l’inconscient collectif : elles y dorment donc, et donc également sont prêtes, en toute occasion, à refaire surface.

Les LBD, ou le retour du refoulé

Parallèlement aussi, on pourrait évoquer certaines attitudes et comportements, attitudes et comportements qui ne sont pas sans lien avec le racisme social aisément repérable chez nombre de représentants de la classe possédante au XIXe siècle. Car, on le sait, la haine de classe fonctionne dans les deux sens. Les dérapages à répétition du président Macron dans ce domaine le montrent bien. On les interprète volontiers comme des provocations, mais peut-être faudrait-il y voir surtout des lapsus, lapsus lui échappant sans qu’il y fasse trop attention. En cela même, d’ailleurs, d’autant plus significatifs.

Ainsi, le 27 juin 2017, peu de temps donc après son intronisation, ne déclarait-il pas : « Une gare c’est un lieu où on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien ». C’est moins, il est vrai, ici la haine que le mépris qui est ici en cause. Ce représentant choisi de la suprasociété dit ici ouvertement ce qu’il pense de certains de ses concitoyens : ils ne sont rien. Or il n’est de loin pas seul à le penser. Voyez par exemple comment les médias mainstream, sous couvert de défense de la société ouverte et de lutte contre ses ennemis, se permettent de parler des partis dits « populistes » et de leurs électeurs. On ne peut même plus ici parler de partialité. Les insultes coulent à jets continus. Les « populistes » écoutent, la plupart encaissent, mais certains non : ils n’encaissent pas. Il ne faut pas s’étonner ensuite s’ils entrent en insurrection.

La IIe République française, responsable des massacres de l’été 48, était un régime faible, passablement brinquebalant même. Quatre ans plus tard il cédera la place au Second Empire. Ceci explique sans doute cela. En 1871, rebelote. La France venait de perdre une guerre, celle qu’elle avait elle-même déclenchée contre la Prusse. Le régime issu de cette défaite, une autre république, avait donc une revanche à prendre : revanche qu’elle prit sur sa propre population. Ce fut la « semaine sanglante » : 20 000 prisonniers passés par les armes. A défaut d’être capables de défendre le pays contre l’ennemi extérieur, les pouvoirs en place, en France, sont volontiers tentés de se refaire une santé aux dépens de l’ennemi intérieur : les gens qui ne sont « rien ». Chacun mesure aujourd’hui le zèle que met le président Macron à défendre les frontières de la France et son autonomie dans tous les domaines.

NOTES :

  1. Cf. en particulier les textes réunis sous le titre : Du mensonge à la violence, Calmann-Lévy, coll. Pocket, Paris 2012.
  2. Cf. l’entretien d’Aude Lancelin avec David Dufresne, Le Média, 7 janvier 2019.
  3. Dolf Œhler, Le spleen contre l’oubli. Juin 1848, Payot, 1996, p. 28.
  4. Cf. Mathieu Rigouste, La domination policière, une violence industrielle, La Fabrique, Paris 2016. En 1951 déjà, dans la première partie de The Origins of totalitarianism, Hannah Arendt avait relevé cet effet boomerang du colonialisme. Paul Virilio reprit plus tard cette thématique dans L’Insécurite du territoire (1993).
  5. Source : DRONE 054 (Antipresse 164) | 20.1.2019

Emmanuel Macron et la vente à l'étranger des actifs industriels français

alstom-a-belfort-macron-parle-1489673449.jpg

Emmanuel Macron et la vente à l'étranger des actifs industriels français

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Dans un long article, que nous ne résumerons pas ici mais qu'il faut lire, le journal Le Monde rapporte le fait que le parquet de Paris a été saisi jeudi 17 janvier, au titre de l'article 40 du code de procédure pénale, par le député (LR) d'Eure-et-Loir Olivier Marleix.

Olivier Marleix n'agit pas à la légère. Il est l'ancien président de la commission d'enquête parlementaire créée fin octobre 2017 sur « les décisions de l'Etat en matière de politique industrielle ». En bref,  Olivier Marleix, dans la seconde partie de cette lettre, émet l'hypothèse selon laquelle, dans le cadre de la vente de la branche énergie d'Alstom à GE, aurait existé un  « pacte de corruption » (c'est le terme qu'il emploie), au bénéfice du ministre de l'économie en poste lors de la signature finale du rachat, le 4 novembre 2014, c'est-à-dire Emmanuel Macron.

A nos yeux, ceci confirmerait l'hypothèse qu'avaient toujours émise les candidats malheureux à l'élection présidentielle, selon laquelle Emmanuel Macron avait bénéficié lors de sa campagne d'appuis financiers anonymes bien supérieurs à ceux autorisés par la législation.

Bien davantage et plus grave, ceci voudrait dire aussi qu'Emmanuel Macron n'avait pas hésité, dans l'affaire que nous avions ici jugée désastreuse, de la vente de la branche « énergie » d'Alstom à General Electric, à laisser faire cette opération. Manifestement, l'Etat aurait pu intervenir, compte tenu dans ses intérêts industriels dans la société, afin d'interdire au PDG d'Alstom et à son conseil d'administration une opération introduisant GE au cœur du complexe électro-nucléaire français, sans lequel la France ne pèserait guère dans les compétions internationales.

Comme le signale Le Monde, Alstom n'est pas la seule entreprise stratégique française à avoir été rachetée par un concurrent ou une puissance étrangère sous le ministère d'Emmanuel Macron. Entre son arrivée à Bercy le 26 août 2014 et sa démission le 30 août 2016 pour se consacrer à la campagne présidentielle, l'ancien associé-gérant de la banque Rothschild a également autorisé la cession de l'équipementier télécoms Alcatel-Lucent au finlandais Nokia, le parapétrolier Technip à l'américain FMC et l'aéroport de Toulouse-Blagnac à la Chine.

Aujourd'hui, en tant que président de la République, Emmanuel Macron se propose de favoriser la vente au profit du secteur privé, où les intérêts industriels américains pèsent d'un poids dominant, d'une série d'autres actifs industriels de l'Etat français. Ceci sous prétexte de diminuer l'endettement français. Quand la France aura par ces ventes perdu toute possibilité de jouer un quelconque rôle industriel au sein de l'Union Européenne et de la zone dollar, il ne faudra pas s'étonner de voir le déficit, non pas se résorber, mais s'étendre indéfiniment.

Que Le Monde, réputé non sans raisons proche de l'Elysée, donne aujourd'hui un tel poids à la démarche d'Olivier Marleix, montre la gravité des accusations portées par ce dernier à l'égard d'Emmanuel Macron

Source

Voir l' article du Monde Affaire Alstom-GE : la justice saisie par l'ancien président de la commission d'enquête parlementaire

mercredi, 23 janvier 2019

Le RIC. Il faudra bien y venir en France

RIC-AFP-KarineP.jpg

Le RIC. Il faudra bien y venir en France

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Un excellent article de Wikipédia présente le Référendum d'Initiative Citoyenne (RIC) parfois désigné du nom de Référendum d'Initiative Populaire (RIP) Nous y renvoyons le lecteur.

https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9f%C3%A9rendum_d%27in...

En France actuellement, comme le précise l'article de Wikipédia, les Gilets jaunes proposent que le RIC soit applicable à quatre types de procédures qui existent pour partie dans certains pays mais n'existent nulle part en totalité:

  • Le référendum législatif, qui consisterait à soumettre au peuple une proposition de loi dès lors que cette proposition serait du domaine de la loi. Les citoyens inscrits sur une liste électorale et demandant un tel référendum, se verraient donner satisfaction s'ils représentaient un certain pourcentage de cette liste, par exemple 10 à 25% des inscrits.

  • Le référendum abrogatif, qui consisterait en la possibilité pour la population d'abroger ou d'empêcher la mise en application d'une loi votée précédemment par le Parlement..

  • Le référendum révocatoire, qui consisterait à démettre un élu de son mandat, qu'il ait été élu au plan local ou au plan national.

  • Le référendum constitutionnel, qui consisterait à permettre au peuple de modifier la Constitution du pays.

On objecte que ceci introduirait dans le pays concerné une telle instabilité qu'aucun gouvernement ou qu'aucune politique suivie ne serait possible. Concernant la France, il en résulterait que celle-ci, affirme-t-on, devrait renoncer à participer aux dialogues ou aux affrontements entre grandes puissances.

Elargir la base démocratique des institutions et des politiques

Le sérieux et le sens de la responsabilité qui émanent de l'essentiel des revendications des Gilets Jaunes montrent que ceux-ci, de même que les électeurs qui s'en inspireraient, seraient très soucieux de maintenir la continuité de la Nation. Ils viseraient seulement à renforcer celle-ci en lui permettant d'être gouvernée autrement que, comme c'est le cas actuellement, par les quelques 5% de citoyens super-riches et super-puissants qui depuis des années se sont attribués du pouvoir. Ils demandent seulement à donner une base populaire plus large qu'actuellement aux politiques et aux décisions appliquées par le gouvernement ou les représentants élus, pourtant supposés parler au nom du peuple et de l'intérêt général.

Il s'ensuivrait que des objectifs présentés par la majorité actuelle comme irréalistes et dangereux pourraient être abordés. Ainsi en serait-il d'une plus grande égalité des revenus ou des profits, parfaitement réalisable en quelques années sans nécessiter une révolution sociale. Parallèlement, il n'y a aucune raison de penser que les politiques présentant un intérêts vital pour le pays puissent être remises en cause. Au contraire, elles bénéficieraient d'un meilleur soutien populaire. Il en serait ainsi d'une une forte augmentation des investissements productifs ou de la part donnée aux recherches scientifiques et techniques, quelles que soient les restrictions aux dépenses de consommation qui en découleraient.

Postuler a priori et sans les avoir essayés que des RIC mettraient la France en danger montre un grand mépris de la sagesse citoyenne, celle qui s'est notamment exprimée lors des manifestations des Gilets Jaunes. Il montre surtout que l'étroite oligarchie financière et intellectuelle qui gouverne la France n'a aucune intention de partager son pouvoir.

Il est certain que dans le Grand Débat proposé par Emmanuel Macron, le RIC sera proposé. Mais il sera également certain qu'il sera refusé, car n'entrant pas dans le cadre du Débat fixé par le même Macron au service de sa politique personnelle.

mardi, 22 janvier 2019

Sur le Traité franco-allemand dit d'Aix La Chapelle

drapallfr.jpg

Sur le Traité franco-allemand dit d'Aix La Chapelle

Ex: http://www.europesolidaire.eu
 
Le 22 janvier 2019, Emmanuel Macron et Angela Merkel signeront un nouveau traité de coopération et d'intégration franco-allemand

Il est présenté officiellement comme devant renforcer les liens entre l'Allemagne et la France, notamment dans les domaines de la politique économique, de la politique étrangère et de sécurité, de l'éducation et de la culture, de la recherche et de la technologie, du climat et de l'environnement, ainsi qu'en matière de coopération entre les régions frontalières. Notons que peu de gens en France n'en ont entendu parler, car les négociations préalables se sont faites plus que discrètement. Pourquoi? 

Mais lorsque l'on connaît l'étroite dépendance de l'Allemagne vis-à-vis des Etats-Unis, dans les domaines économiques, diplomatiques et militaires, ce traité risque d'être un nouveau pas vers la soumission de Paris non seulement à Berlin mais à Washington dans ces différents domaines. Emmanuel Macron ne peut pas l'ignorer. Il se révèle ainsi, ce dont certains doutaient encore, comme une sorte d'agent des Etats-Unis, non seulement en France mais dans toute l'Union européenne.

Ceci sera ainsi le cas dans les domaines diplomatique, militaire, scientifique, comme en ce qui concerne la lutte contre le réchauffement climatique. Dans tous ces domaines, la France a pris une avance certaine sur l'Allemagne. Elle dispose de laboratoires et d'expériences industrielles que l'Allemagne n'a pas, sans mentionner son industrie nucléaire. Ainsi l'Allemagne est le plus grand pollueur au sein de l'Europe avec ses centrales à charbon.

Les industries charbonnières et pétrolières américaines souhaitent que ceci continue, car elles en espèrent la poursuite de leurs contrats actuels. Si l'Allemagne refuse le nucléaire français, c'est moins pour ses prétendus dangers que pour la concurrence qu'elle ferait à ses importations de pétrole et gaz américains et russes. Par ailleurs, l'Allemagne dont la population d'origine diminue rapidement, sera très ouverte à l'immigration étrangère. Or nul n'ignore que les Etats-Unis encouragent discrètement celle-ci, notamment par le biais d'interventions de la CIA, comme susceptible de ruiner à terme des pays européens où ils voient des rivaux.

Ajoutons qu'une clause de traité devrait soulever le plus d'opposition, notamment dans les provinces et au niveau des collectivités régionales. Il s'agira de la mise en place dans les régions franco-allemandes frontalières, d'euro-districts qui risquent d'être sur le modèle des länders allemands. Ainsi, en ce qui concerne l'Alsace, beaucoup d'Alsaciens craignent à tort ou à raison qu'elle ne repasse au moins en partie sous la loi allemande et que la langue administrative n'en redevienne l'allemand. Là encore, il y aurait que demi-mal si l'Allemagne s'était donnée une autonomie suffisante par rapport aux Etats-Unis. Or ce n'est pas le cas. L'Allemagne, notamment au sein de l'Otan, se montre le meilleur élève des Etats-Unis pour en faciliter la pénétration militaire et économique en Europe, par exemple en ce qui concerne l'acquisition de matériels militaires tous fabriqués outre atlantique.

Ainsi actuellement la France espère voir l'Allemagne acquérir les Rafales nouvelle génération. Ce ne sera pas le cas car l'Amérique fera pression pour que l'Allemagne continue à s'équiper en avions de combat américains déjà obsolètes avant même d'avoir volé, tel que le JSF Joint Strike Fighter.

Voir Traité d'Aix La Chapelle

Voir à la date du 21/01
un article de Henti Vernet dans Le Parisien
http://www.leparisien.fr/politique/france-allemagne-ce-tr...

Christophe Guilluy et la fin des classes populaires autochtones

CGnosoc.jpg

Christophe Guilluy et la fin des classes populaires autochtones

par Antonin Campana

Ex: http://www.autochtonisme.com

Le dernier livre de Christophe Guilluy, No society, La fin de la classe moyenne occidentale aux éditions Flammarion, est un livre fondamental qui propose un état des lieux décapant de notre société. Il est important de noter que ce livre a été écrit avant le début du mouvement des Gilets jaunes, mouvement qui valide en grande partie les analyses et observations de l’auteur. Cependant Christophe Guilluy pose aussi un certain nombre de questions importantes, qu’il n’approfondit pas et que nous pouvons peut-être éclairer de notre point de vue autochtoniste. Ainsi, il serait intéressant de savoir pourquoi la classe supérieure occidentale est la seule classe supérieure dans le monde à ostraciser son propre peuple. On aimerait aussi comprendre  pourquoi les « classes moyennes » occidentales sont constamment renvoyées par les classes supérieures aux « heures les plus sombres » de leur histoire.

La thèse centrale de Guilluy est le fruit d’une analyse sociologique rigoureuse, que nous résumons sommairement ici :

 Jusque dans les années 70-80, les classes moyennes occidentales incarnaient l’idéal de « l’European way of life » ou de l’American way of life ». Elles étaient respectées par les classes supérieures comme par les immigrés, immigrés qui aspiraient d’ailleurs à s’y intégrer. Les classes moyennes constituaient alors le « référent culturel » de la société. 

A partir des années 80, dans un mouvement qui va aller en s’amplifiant, les nouvelles classes supérieures occidentales vont faire « sécession ». Parallèlement à une désindustrialisation galopante des régions, elles vont se « citadelliser » dans les grandes métropoles où elles vont profiter d’une économie mondialisée. Précisons que la classe supérieure occidentale soutiendra massivement les délocalisations, la dérégulation bancaire, le « marché », l’abolition du contrôle du mouvement des capitaux, la financiarisation de l’économie, l’industrie de la dette…

Les « petits blancs » de la classe moyenne occidentale vont alors perdre leurs emplois et leur statut de référent culturel. Alors que les métropoles mondialisées créent de la richesse et concentrent l’essentiel des nouvelles activités, la France périphérique va s’appauvrir et être rejetée sur les marges économiques, sociales et culturelles du pays.   

A partir de là, nous allons assister à un double mouvement : d’une part les classes dominantes (bobos, journalistes, « experts » médiatisés, cadres, enseignants, publicitaires, dirigeants de startup, professions intellectuelles, responsables marketing, politiciens…), vont accentuer leur sécession en se regroupant dans des métropoles, d’autre part ces classes vont ouvertement ostraciser les classes moyennes en les dévalorisant. La sortie de François Hollande sur les « sans dents » ou d’Hillary Clinton sur les « déplorables » (ceux qui sont "racistes, sexistes, homophobes, xénophobes, islamophobes. A vous de choisir" précise-t-elle), sorties qui rappellent d’ailleurs celles de Macron, Darmanin ou Castaner sur les Gilets jaunes (« peste brune », « racistes », « antisémites », « homophobes », « foules haineuses »…) manifestent toutes un insupportable mépris de classe. Ces propos participent d’une double posture : affirmer la supériorité morale de la classe supérieure et renvoyer l’ancienne classe moyenne aux « heures les plus sombres ».

La classe moyenne majoritaire qui portait les valeurs dominantes est donc reléguée tant socialement, économiquement que culturellement, aussi : « les catégories populaires autochtones deviennent celles à qui il ne faut pas ressembler » (Guilluy). Elles sont présentées par les médias, dit Guilluy, comme « une  sous-classe faible, raciste, aigrie et inculte ».  L’entreprise est d’une telle efficacité aujourd’hui que « toute expression populaire est immédiatement discréditée ». A cette classe qui s’interroge sur « l’Europe », la société mondialisée ou l’arrivée des migrants, les médias opposent le « manque d’éducation », le « repli identitaire » ou quelques souvenirs nauséeux… Guilluy :

« Parallèlement, cette relégation culturelle s’accompagne d’une entreprise d’instrumentalisation des minorités et de la question du racisme. Cette stratégie permet à la classe dominante d’accélérer le processus de marginalisation de l’ancienne classe moyenne occidentale (supposée blanche) en lui faisant porter tous les maux des sociétés occidentales. De l’esclavage à la colonisation en passant par l’Holocauste ou l’oppression des homosexuels, les classes populaires passent quotidiennement au tribunal de l’Histoire. Le piège est imparable. Il rejette la majorité des ces catégories dans les poubelles de l’Histoire en offrant une nouvelle virginité à la classe dominante. Dans ce partage de l’histoire occidentale, les classes populaires sont ainsi contraintes d’en porter la face noire, tandis que les classes dominantes pourront se présenter comme les héritières d’une histoire positive (des lumières à l’émancipation des minorités). Le « sanglot de l’homme blanc » place ainsi les classes dominantes supérieures dans une posture de supériorité morale en désignant les véritables coupables que sont les classes populaires ».

gilets-jaunes.jpg

Du haut de leur supériorité morale, les classes dominantes vont intensifier les flux migratoires à destination de la France périphérique tout en privilégiant, pour elles-mêmes, l’entre-soi et « l’évitement résidentiel ». Du fait de l’intensification des flux migratoires, les « petits blancs », racisés, délégitimés et méprisés, décrits comme appartenant à l’ancienne classe moyenne et politiquement marginalisés à travers le vote populiste, forment un groupe destiné à devenir minoritaire (même si pour Guilluy nous n’en sommes pas encore au Grand Remplacement). De tout cela il découle, selon Guilluy, que les classes dominantes occidentales se sont dressées contre leur peuple. Elles l’ont sacrifié sur l’autel de la mondialisation et l’ont fait sortir de l’Histoire. De leur côté, consciente de leur relégation, les classes populaires n’accordent plus aucune légitimité au monde d’en haut. La posture morale des tenants de la société ouverte et de la classe politico-médiatique (« l’antifascisme d’opérette ») a fait long feu et ne trompe plus personne.

Deux mondes hermétiques socialement et culturellement se font désormais face. D’une part, le monde d’en haut enfermé dans ses métropoles (de nouvelles cités-Etat cherchant à s’extraire du cadre national,  dit Guilluy), d’autre part  le monde d’en bas travaillé par le populisme (Trump, Brexit, Salvini, Le Pen…) et que l’Etat abandonne progressivement (réduction des services publics, démantèlement de la protection sociale, démantèlement de l’organisation territoriale, précarisation des emplois, transfert du patrimoine public à la sphère privée…). Selon Guilluy, « le destin des classes populaires n’entre pas dans le logiciel » des classes dominantes.

Christophe Guilluy ne place pas toutes les élites mondialisées de la planète sur le même plan : « Jamais des classes dominantes n’avaient développé un tel mépris de classe, une telle volonté de s’extraire de la société, écrit-il. Revendiquant des valeurs universelles, les classes dominantes occidentales n’ont en réalité cessé de se singulariser. Dans aucune autre partie du monde, on ne trouve des classes dominantes et supérieures qui aient sciemment sacrifié leur classe moyenne et in fine la société elle-même ». Guilluy précise que seule la classe dominante occidentale s’est dépouillée de son histoire, de sa culture et de son cadre national : «  Jamais une clase médiatique politique et universitaire n’a autant dénigré, ostracisé, insulté son propre peuple duquel elle se retrouve isolée. Isolée également du reste du monde qui ne supportent plus non plus ses leçons de morale » !

Décryptons maintenant sans faux-fuyants ce que nous dit Guilluy :

De qui parle Guilluy quand il parle des « classes moyennes » ? A l’évidence et globalement : de la population de souche européenne. Il le laisse entendre ici ou là quand il pointe le caractère méprisant de l’utilisation par les médias du qualificatif « petits blancs », quand il dit que ces classes sont « supposées blanches » ou qu’elles pourraient être astreintes au « sanglot de l’homme blanc ». Il le dit explicitement quand il désigne les « catégories populaires autochtones ».

De qui parle Guilly lorsqu’il parle des « classes dominantes » ? Ils parlent de gens qui sont sortis du cadre national. Il dit que ce sont des « gens de n’importe où » face à des peuples qui sont de « quelque part ». Il dit aussi que ces gens ont renié leur histoire, leur culture, leur nation et leur peuple. Autrement dit, ces gens sont des traîtres, mais aussi plus certainement, du point de vue de ces traîtres eux-mêmes, des étrangers et des nomades qui considèrent légitimement leur pays comme un hôtel (Attali : « Tout pays doit se penser comme un hôtel »).  

Pourquoi les classes dominantes occidentales sacrifient-elles leur peuple et sont-elles en cela différentes des classes dominantes du reste de la planète ? Parce que la classe dominante occidentale a pour la première fois pris le pouvoir en France en 1789 et qu’elle est partout en Occident le produit des idéaux républicains de la révolution française. Pour cette idéologie, les peuples n’existent pas : ce ne sont que des agrégats et des accumulations redistribuables d’individus sans distinction d’origine, de race ou de religion.

Pourquoi la classe dominante occidentale réduit-elle le peuple autochtone au « racisme, au sexisme, à l’homophobie, la xénophobie, l’islamophobie. A vous de choisir » ? C’est ce que nous avons nommé ailleurs l’antijaphétisme. L’antijaphétisme est un système d’avilissement du peuple autochtone (un système raciste il va sans dire). Ce système a deux utilités pour le Système : d’une part faire reposer sur un peuple bouc émissaire les échecs du Système, celui du vivre-tous-ensemble en l’occurrence (l’échec du vivre-tous-ensemble doit être mis au compte du racisme chronique, historique et quasi biologique des Autochtones), d’autre part dominer moralement le peuple autochtone, comme l’a bien vu Guilluy.   

CGlivre.jpgEn résumé, La classe dominante est étrangère au peuple autochtone et lui est ouvertement hostile. De plus, elle ne manque pas de maladroitement instrumentaliser les immigrés pour contrer le réveil autochtone (le « populisme ») et conserver ainsi sa domination culturelle et politique (Guilluy : « A ce titre, l’instrumentalisation de l’immigré et des pauvres par la classe dominante, le show- biz et une partie du monde intellectuel apparaît pour ce qu’il est : une mise en scène indécente… »). Ajoutons que l’Etat est un outil au service de la classe dominante et nous aurons un tableau qui correspond assez bien à ce que nous décrivons depuis quatre ans dans ce blog.

Christophe Guilluy analyse froidement une situation. Il n’y a plus de société car la rupture du lien entre la classe dominante (le monde d’en haut) et le les classes moyennes (le monde d’en bas) fait que ces classes ne font plus société (elles ont basculé dans « l’a-société »). Nous ajouterons une troisième classe, dont Guilluy parle très peu ici, mais dont l’importance va croissante : la classe allochtone des banlieues. Cette classe allochtone n’a aucun lien avec le peuple autochtone (nous voyons d’ailleurs que cette classe allochtone des banlieues est complètement indifférente au mouvement des Gilets jaunes. Les intérêts des Autochtones et des Allochtones ne se recoupent pas, voire pourraient diverger si la classe dominante était forcée de détourner sur la France périphérique une partie des aides d’Etat qu’elle déverse par clientélisme sur les banlieues). La classe allochtone n’a aucun lien non plus avec la classe dominante : elle se moque de sa posture morale (qui accable les seuls Autochtones), elle ne se mélange pas avec elle et, sous la menace (les « émeutes des banlieues), elle oblige la classe dominante à lui verser une partie du tribut prélevé sur la France autochtone (sous forme de route qui ne sont plus entretenues, d’hôpitaux qui sont fermés, de classes d’école surpeuplées…).

Pour bien comprendre la situation, il faut avoir en tête ces trois classes :

  • la classe dominante. Elle est l’héritière de la bourgeoisie qui fit la révolution « française ». Cette classe tient depuis deux siècles tous les leviers de pouvoir et constitue l’infrastructure de la République : les Présidents, les ministres, les préfets, les hauts fonctionnaires… sont tous issus de cette classe.
  • La classe allochtone. La présence de cette classe au milieu du peuple autochtone tient d’une part à la réalisation du principe d’universalité portée par la classe dominante, principe qui fonde le pacte républicain, tient d’autre part aux intérêts économiques de la classe dominante, tient enfin à la nécessité pour cette dernière d’interdire définitivement tout retour à une organisation identitaire de la société.  
  • La « classe moyenne ». C’est le peuple autochtone : celui qui subit les flux migratoires, celui aussi que la bourgeoisie des métropoles domine, exploite, détruit et avilit du haut de son mépris de classe et de sa supériorité morale.

Voilà le tableau. Il ne serait pas complet si nous n’ajoutions une légère touche. Effectivement, Guilluy a raison : ces trois « classes » ne se fréquentent pas, ne parlent pas le même langage, n’ont pas les mêmes aspirations, n’ont pas de liens, bref ne font plus société. Mais, en fait, c’est entre elles qu’elles ne font plus société ! Car si l’on zoome et que l’on observe la vie interne de la classe dominante, on verra (et Guilluy est le premier à le montrer) qu’il existe un entre-soi rigoureux et une unité sociale autour des mêmes aspirations culturelles et sociétales. Il existe un bien commun dans la classe dominante, et celle-ci le défend en détruisant la classe moyenne « raciste, sexiste, homophobe, etc.».

De la même manière, il existe un bien commun dans les sociétés allochtones et celles-ci le défendent grâce à des institutions (CRIF, CRAN, Mosquée…) et un entre-soi tout aussi rigoureux que celui de la classe dominante (Guilluy montre que chaque groupe tend à se rassembler pour être majoritaire sur un territoire).

Les choses sont différentes côté autochtone. Effectivement les Autochtones recherchent l’entre-soi comme tous les autres hommes. Cependant, ils doivent faire face à un Etat qui ne les craint pas, qui les méprise et a ouvertement entrepris de métisser leurs lieux de vie (la fameuse « mixité sociale » qui est en fait la mixité raciale). D’autre part, et contrairement aux deux autres classes, le peuple autochtone  n’est absolument pas organisé pour faire face à l’agression qu’il subit. Christophe Guilluy nous dit que la classe moyenne n’est plus dupe de la malfaisance de la classe politico-médiatique au pouvoir.  C’est vrai. Il n’empêche, et le mouvement des Gilets jaunes nous le confirme, que le peuple autochtone majoritaire se dresse en ordre dispersé face à une classe dominante hyper-minoritaire, mais qui dispose de tous les moyens de contrainte (CRS, police, Gendarmerie, Armée, désinformation médiatique, etc.). Sauf écroulement financier, économique, voire civilisationnel, dans les mois à venir, il est donc probable que la classe dominante se maintiendra encore au pouvoir de nombreuses années, suffisamment longtemps en tous cas pour que le peuple autochtone soit définitivement effacé.

La solution ? Il n’y en a qu’une et nous ne cessons de le répéter : prendre exemple sur les Autochtones mélanésiens de Nouvelle-Calédonie, nous organiser comme eux, former comme eux une société parallèle structurée, revendiquer comme eux des droits collectifs croissants, jusqu’au droit des Autochtones européens de France à disposer d’eux-mêmes sur leurs terres ancestrales. La classe dominante ? Elle se soumettra ou disparaîtra. Les classes allochtones ? A terme, elles redeviendront autochtones… sur leurs terres ancestrales.

Antonin Campana

lundi, 21 janvier 2019

Extension des persécutions politiques

Skouries-420x261.jpg

Extension des persécutions politiques

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Dans la soirée du 2 janvier 2019, non loin de l’avenue des Champs-Élysées, la police arrête Éric Drouet et le place une nouvelle fois en garde à vue pour le motif fallacieux d’« organisation d’une manifestation sans déclaration préalable ». Relâché une vingtaine d’heures plus tard, l’infortuné citoyen en colère comparaîtra en février prochain devant le tribunal correctionnel. Une seconde convocation l’attendra en juin prochain pour la détention supposée d’un bâton (et pourquoi pas un coton-tige ?). Ce chauffeur routier de 33 ans, devenu l’une des figures des « Gilets jaunes », avait auparavant été entendu dans un commissariat pour un soi-disant délit de « provocation à la commission d’un crime ». Il avait envisagé de manifester devant l’Élysée et, le cas échéant, d’y entrer. De quoi de plus normal pour un bâtiment de la République ?

Dans la matinée du 8 novembre 2018, Julien Coupat était victime d’une interpellation préventive dans l’Est de Paris. Les policiers découvraient dans son véhicule un masque, un gilet jaune et des bombes… de peinture ! Après une longue garde à vue, l’une des victimes de la machination étatico-policière sarközyste de Tarnac ressortait libre avec un rappel à la loi dans la poche.

Julien Coupat et Éric Drouet sont des proies du Régime. Tout l’arsenal répressif voté sous le calamiteux Sarközy se déploie pour la circonstance. Le Régime se veut intraitable envers l’opposition populaire pendant qu’il laisse le désordre s’installer dans les banlieues de l’immigration. Il paraît évident qu’Emmanuel Macron ne se fera pas photographier en enlaçant dans une pause presque érotique Julien Coupat, Éric Drouet et Nicolas Dupont-Aignan ! Le 7 décembre dernier, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner porta plainte contre le député non-inscrit de l’Essonne et président de Debout la France. Suite aux nombreuses dégradations commises à l’Arc de Triomphe, le 1er décembre, Nicolas Dupont-Aignan désignait les « petits casseurs de Castaner », soit des agents provocateurs, pas forcément subordonnés à la place Beauvau, infiltrés parmi les manifestants. C’est donc en France qu’un ministre se permet de poursuivre un élu de l’opposition, ancien candidat à l’élection présidentielle, qui s’interroge à haute voix. Si cette ignominie avait été commise à Moscou ou à Budapest, les sempiternelles associations humanitaires auraient hurlé à l’attentat contre les droits de l’homme. Or, c’est un silence assourdissant !

Ces mêmes associations parasitaires grassement subventionnées par Soros et nos impôts se taisent aussi au sujet des incroyables accusations portées contre Benoît Quennedey. Ce haut-fonctionnaire bourguignon de 42 ans a été mis en examen après quatre jours de garde à vue pour « trahison par livraison d’informations à une puissance étrangère ». L’énarque, membre du Parti radical de gauche jusqu’en 2017, préside l’Association de l’amitié franco-coréenne et est l’auteur chez Delga qui publie les œuvres de Michel Clouscard, de La Corée du Nord, cette inconnue, puis, aux éditions Les Indes Savantes, L’Économie de la Corée du Nord en 2012. Naissance d’un nouveau dragon asiatique ? La DGSI s’attaque donc à un haut-fonctionnaire qui officie à la direction de l’architecture, du patrimoine et des jardins du Sénat. Benoît Quennedey a peut-être fourni à Pyongyang les plans ultra-secrets du Jardin du Luxembourg ou bien les dates confidentielles d’élagage des arbres…

Le 2 octobre 2018, une vaste opération soi-disant anti-terroriste frappait à Grande-Synthe le Centre Zahra, une association culturelle musulmane chiite. Deux semaines plus tard, le préfet du Nord fermait pour six mois ce lieu accusé de diffuser l’islam radical chiite à l’échelle européenne. Dans le même temps, les terroristes d’Al Qaïda et de Daech rentrent tranquillement en France ou quittent les prisons. Le Centre Zahra est une cible facile. Certains de ses animateurs dirigent le Parti anti-sioniste et ont soutenu en 2009 aux élections européennes en Île-de-France la liste de Dieudonné et d’Alain Soral, deux autres persécutés politiques.

Pendant que le Régime menace d’honnêtes gens, sa police avoue son impuissance face aux voyous du 9-3 et aux racailles du CAC 40. Au lieu de s’en prendre à de fantasmatiques agents à la solde de l’Iran, de la Corée du Nord ou de la Russie, le contre-espionnage devrait plutôt démanteler les puissants réseaux d’influence en France qui œuvrent pour les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Arabie Saoudite et le Qatar. Il devrait en particulier se pencher sur ces individus qui, à l’instar de cet élu des Français à l’étranger, servent d’abord les intérêts de la seule puissance nucléaire du Proche-Orient. Intérêts qui nuisent à l’avenir de la vraie France européenne.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 108, mise en ligne sur TV Libertés, le 14 janvier 2019.

samedi, 12 janvier 2019

Christophe Guilluy et le mystère bobo

CGfp.jpg

Christophe Guilluy et le mystère bobo

Les Carnets de Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

« Le grégarisme social est un des fondamentaux de la bourgeoisie. À cet égard, les bobos ne font pas exception. »

Les livres de Guilluy sont riches et instructifs, et plutôt que d’en faire une présentation globale, je traiterai une question essentielle – celle du bobo qui semble devenir une entité eschatologique dans le monde déclinant et menaçant –mais aussi délirant - où nous vivons. Bio, parfois homo, puéril, homogénéisé, aseptisé, unisexe (même avec des gosses), xénophile, francophobe, multiculturel, solidement abruti par ses médias subventionnés, avec son cadre de vie surprotégé et par le bonisme dont parlait le grand historien US Stanley Payne, le bobo est effrayant. Et il devient méchant, car il justifiera, après la guerre en Syrie et l’opération des migrants, toutes les brutalités d’un président honni pour préserver, sinon son cadre de vie, du moins son cadre mental qu’il nous a imposé depuis trente ans de réaction bourgeoise socialiste. Rien de neuf sur le fond : lisez Taine (le bourgeois est un être de formation récente…) et comprenez que le bobo est un jeune bourgeois moliéresque relooké. Soyons précis : le bobo n’est surtout pas bohême, il a été fabriqué par la société postindustrielle et par le surdéveloppement étatique, il est puritain, orwellien, aseptisé, il veut tout censurer. Sa festivité est d’appellation contrôlée, et il pratique le tri sélectif dans tout ce qu’il fait. Le bobo obéit, alors que le peuple réagit.

Mais essayons de ne pas trop polémiquer et d’étudier cette entité qui vote Macron et socialo, recueille le migrant (regardez l’article de Télérama qui est à mourir de rire) mais hait son prochain (voyez Cochet qui nous demande de disparaître pour laisser la place au migrant).

On va citer d’abord Thomas Frank, le très brillant essayiste américain, qui a écrit sur cette épineuse question : pourquoi les riches et les privilégiés sont de gauche (et pourquoi donc le populo allait devenir populiste). Dans une interview traduite il déclare :

« Ce que désire la classe des professionnels bien diplômés, c’est une méritocratie plus parfaite : un système où ceux qui ont du talent peuvent s’élever. Quand on est parvenus à la diversité et que les gens brillants de toutes races et de tous sexes ont été dûment qualifiés, cette espèce de libéral ne peut pas vraiment concevoir d’autres griefs contre le système. Les revendications des travailleurs ordinaires ne les touchent pas : les vigiles, les serveurs de fast-foods, les aides à domicile et les gardes d’enfant – dont la plupart sont des femmes et des personnes de couleur – qui n’ont pas de diplôme universitaire. »

Un autre américain, Stanley Payne, évoque le buenismo, inspirateur du citoyen anesthésié (je préfère aseptisé) des temps postmodernes :

« À présent, aucune nouvelle idéologie ne peut agir comme levier de la société. Au contraire, en Espagne, la "bonté" a été imposée, la chose politiquement correcte. Mais cette "bonté" ne cherche pas à provoquer de grandes révoltes, mais l’inverse. Le bien est contre les révoltes. Il prétend dominer la société, mais promouvoir le conformisme, pas les révoltes. »

cgfdh.jpgVenons-en à Guilluy. Dans son ouvrage sur la France périphérique, il écarte brillamment le mythe d’un accord entre bobos et musulmans (base électorale du PS) :

« Le gauchisme culturel de la gauche bobo se heurte en effet à l’attachement, d’ailleurs commun à l’ensemble des catégories populaires (d’origine française ou étrangère), des musulmans aux valeurs traditionnelles… Autrement dit, le projet sociétal de la gauche d’en haut s’oppose en tous points à celui de cet électorat de la gauche d’en bas. »

Comme savent tous ceux qui passent par Paris ou Lyon (ou ailleurs), les bobos ne se mélangent tant pas que ça. Guilluy :

« Les quartiers boboïsés des grandes métropoles fonctionnent eux aussi sur un fort capital d’autochtonie, presque communautaire. À l’heure où les classes populaires sont régulièrement sermonnées pour leur populisme, leur racisme, voire leur communautarisme, il apparaît que les couches supérieures (des riches aux bobos) pratiquent de plus en plus une forme de communautarisme qu’elles refusent aux plus modestes. »

Cela rappelle le fameux numéro de Patrick Timsit dans la Crise de Colline Serreau : ceux de Saint-Denis ont dû faire de la place. Ceux de Neuilly par contre…

Et Guilluy d’ironiser sur les limites de cette société ouverte :

« On peut toutefois remarquer que les tenants de la société ouverte ne sont pas insensibles à ce capital d’autochtonie. Les quartiers boboïsés des grandes métropoles fonctionnent eux aussi sur un fort capital d’autochtonie, presque communautaire. »

Tout cela sent hélas son Edouard Herriot : cœur à gauche et portefeuille à droite !

Le bobo n’est pas bohême, le bobo est d’abord un bourgeois un peu moins catho et réglo que les autres bourgeois (voyez mes textes sur Bloy et Bernanos) :

« Cette sociologie d’en haut permet d’ailleurs de réactiver un clivage droite-gauche à l’intérieur des grandes villes entre une bourgeoisie traditionnelle vieillissante et « boboland ». Un clivage relatif tant les points d’accord sont nombreux (à l’exception de la frange catholique de la bourgeoisie traditionnelle), ouverture au monde, sont ainsi partagés par l’essentiel de ces catégories supérieures. »

La France est sous le contrôle des deux groupes bourgeois :

« La France bourgeoise et urbaine, celle de l’Ouest parisien et celle des grandes métropoles régionales, était donc surreprésentée dans les manifestations parisiennes. En grossissant le trait, on peut dire que le débat sur le mariage homosexuel a opposé les deux bourgeoisies des métropoles : « bobos-sociétales » contre « traditionnelles et catholiques ».

Dans les Fractures, livre que j’ai trouvé encore plus instructif et incisif, Guilluy écrivait sur le goût bobo pour la promotion immobilière :

« Dans ces quartiers, les bobos sont en train de se constituer un patrimoine d'une très grande valeur en acquérant de grandes surfaces industrielles, artisanales ou en réunissant de petits appartements. Les services des impôts ont ainsi enregistré une explosion des ménages payant l'ISF3 dans tous les quartiers populaires des grandes villes et notamment à Paris. »

Puis la cerise sur le gâteau : le bobo adore la diversité car il adore exploiter à moindre prix.

« …en revanche, on ne souligne pas assez un autre aspect de cette nouvelle exploitation, qui permet d'offrir un train de vie « bourgeois » aux nouvelles couches supérieures sans en payer véritablement le prix. La nounou et la femme de ménage immigrées, et parfois sans papiers, ne ponctionnent que marginalement le budget des cadres. De la même manière, c'est bien grâce à l'exploitation en cuisine des immigrés que le bobo peut continuer à fréquenter assidûment les restaurants pour une note assez modique. »

Ami du restau bio et du four micro-ondes, attends encore, car Guilluy va te régler ton compte. 

Guilluy explique cet incomparable mépris du centre pour la France endormie des périphéries :

« Si la « boboïsation » de la sphère médiatique et culturelle est souvent critiquée, on souligne peu l'importance de la culture issue des quartiers populaires métropolitains sur une grande partie de la jeunesse. Les métropoles sont ainsi devenues des centres prescripteurs pour l'ensemble des territoires. Cette domination culturelle et politique des centres fait ressortir encore davantage l'invisibilité culturelle et politique des périphéries périurbaines et rurales. Cette France invisible concentre l'essentiel des couches populaires perdues de vue par la classe dirigeante et dont le poids démographique ne cesse de se renforcer. Car le nouveau monde, celui des métropoles inégalitaires, n'a pas encore fait disparaître l'essentiel d'une France populaire et égalitaire. »

Alain de Benoist avait écrit dans l’Idiot international, journal où j’officiais moi-même, un dense texte sur ce sujet qu’il concluait ainsi :

« On est loin alors, en effet, très loin des vieux clivages. Barrès et Jaurès réconciliés pour estoquer Bernard Tapis. Beau sujet d’allégorie pour un artiste de l’avenir. »

Guilluy va plus loin et remarque que le bobo aime bien se défausser de son racisme sur le petit peuple :

« L'acquisition d'un pavillon bas de gamme impliquerait même le « rejet de l'autre ». Bizarrement, ce déterminisme urbain, cet « effet pavillonnaire », resterait inopérant pour le bobo parisien acquéreur d'une maison individuelle dans le Lubéron… »

cgno.jpgLe coup du vivre ensemble ? Guilluy :

« Ce choix résidentiel, souvent imposé par des opportunités foncières, témoigne a priori d'une plus grande tolérance à la diversité sociale et culturelle. Les bobos portent ainsi très haut l'argumentaire du « vivre ensemble…Dans ces quartiers, ce discours vient opportunément masquer la violence sociale engendrée par l'appropriation d'un parc de logements et de quartiers hier populaires. Il permet par ailleurs d'occulter le rapport de classes, pourtant très marqué, entre les bobos et les couches populaires. »

C’est ce qu’il appelle le vivre ensemble séparé - manière américaine, brésilienne ou sud-africaine…

Car tout ce cirque intello a ses limites :

« Dans les quartiers du Nord et de l'Est parisien, ceux qui s'embourgeoisent le plus rapidement depuis les années 1990, il n'est pas rare de trouver des copropriétés privées occupées exclusivement par des bobos, « blancs », jouxtant des immeubles où demeure une majorité de ménages précarisés d'origine maghrébine et africaine. »

Guilluy ajoute :

« Vus d'avion, ces quartiers illustrent apparemment l'idéal de la ville mixte, leur diversité sociale et culturelle étant une réalité perceptible dans l'espace public. En plan rapproché, la ville « arc-en-ciel » laisse la place à un découpage du parc de logements qui nous ramène plus à l'Afrique du Sud au temps de l'apartheid. Une situation qui risque de perdurer du fait du renchérissement du foncier. »

Le fric décide de tout, mais on l’avait compris. Et de la même manière que les concierges votaient à droite et les digicodes socialiste, Guilluy écrit :

« Le grégarisme résidentiel des bobos, avec digicode et interphone, n'a en réalité pas grand-chose à envier en matière de délimitation d'une sphère privée au petit lotissement. »

Cet apartheid subtil et intelligent, pour reprendre les expressions d’un crétin, est habile :

« Comme pour le logement, le séparatisme scolaire revêt aussi une dimension ethnoculturelle. C'est d'ailleurs ce critère qui, pour le sociologue Georges Felouzis, est le plus déterminant dans le processus de ségrégation scolaire. Le chercheur souligne ainsi que les couches supérieures mettent en avant le niveau scolaire des élèves pour éviter un collège, mais qu'ils se déterminent en réalité sur l'origine des élèves et notamment la couleur de la peau. Les collèges où se concentrent des élèves maghrébins et subsahariens seront contournés en priorité. »

Les enfants bobos n’ont pas de souci à avoir (ils ruineront leurs parents ou se feront flinguer en Amérique  lors d’un campus-killing, mais c’est un autre problème) :

« Les enfants des bobos se retrouvent dans les meilleures classes, les enfants d'immigrés se concentrent dans les classes où l'échec scolaire est le plus important et où l'orientation en BEP sera la norme. Des logiques de séparations sociales et ethnoculturelles s'observent aussi à l'intérieur des mêmes classes. Si ces stratégies résidentielles et scolaires n'interdisent pas de réelles solidarités (soutien scolaire, défense des sans-papiers et de leurs enfants), il apparaît que le séparatisme discret des couches supérieures s'impose pourtant à l'ensemble des quartiers dits « mixtes ».

J’ajouterai juste une remarque. La classe bobo des cadres et des professions libérales, des pléthoriques fonctionnaires municipaux et des commissaires de la cybernétique, avec son arrogance, sa tartuferie, sa sous-culture, est insupportable. Et elle tient le coup parce que sa presse est subventionnée par le pouvoir et donc par nos impôts. Et si on arrêtait de banquer pour cette presse qui incarne une classe et une idéologie isolées, on mettrait fin à 90% de notre problème.

Sources

Christophe Guilluy – Fractures françaises ; la France périphérique (Champs)

Nicolas Bonnal – Le choc Macron (Dualpha)

vendredi, 11 janvier 2019

Le RIC, l’extrême-gauche et le peuple

613275666.jpg

Le RIC, l’extrême-gauche et le peuple

par Christophe Hamelin

Ex: https://lesmoutonsenrages.fr 

Je tiens à faire un avant-propos à cet article dans la mesure où ce que je vais essayer d’expliquer ne va pas de soi. C’est pourquoi je demande, aux jeunes en particulier, de faire preuve de discernement en le lisant. La jeunesse déborde de générosité et est sensible aux oripeaux que développe la gauche. Je fais appel ici à la lucidité en demandant de remettre en cause les évidences d’un discours en apparence généreux par lequel il me semble que l’extrême-gauche dissimule en réalité intolérance et détestation du peuple. En ce sens, l’extrême-gauche est un rouage du fascisme ambiant. Telle est la démonstration que je vais tenter dans cet article. Enfin, je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas ici d’affirmer que la droite est meilleure que la gauche mais bien plutôt que les deux tendent vers le même point. Contrairement aux apparences…

Ce qu’il y a d’intéressant à notre époque, c’est que plus le capitalisme se contracte sous l’effet de ses contradictions, plus la situation devient radicale et plus les masques tombent. Ainsi le mouvement des Gilets Jaunes a-t-il révélé la haine du peuple qui régie la mentalité de plusieurs groupes sociaux. On pourrait citer des métiers comme les professeurs (il faudra quand même un jour s’intéresser sérieusement à ce que les professeurs ont dans la tête et questionner les motivations de cette « belle vocation »), grands absents du mouvement, mais aussi les gauchistes, eux aussi aux abonnés absents. Et c’est bien de ce dernier groupe dont il va ici être question.

Penchons-nous sur la littérature internet de groupuscules tels que Rebellyon, la Horde, la Rotative, Paris-Lutte.info, etc. Nous sommes-là dans la mouvance antifa, donc qui se veut « anti-fasciste ». Mais nous allons voir que, en matière de fascisme, rien n’est simple et qu’il ne suffit pas de proclamer être son contraire pour ne pas l’être… Huey Pierce Long, gouverneur autoritaire et corrompu de Louisiane avant-guerre, aurait déclaré : « Quand le fascisme arrivera aux États-Unis, on l’appellera antifascisme ! » (notez que la phrase n’est pas de cet escroc de Churchill). J’ai bien peur que les antifas soient la concrétisation de cette triste sentence. Ils se disent anti-capitalistes mais sont pour les migrations, pour la PMA et la GPA (voir ici par exemple)etcÀ quoi l’on peut répondre que soit ils n’ont pas compris que les migrations actuelles sont le résultat de la destruction de l’Afrique et du Proche-Orient par le capitalisme et que l’oligarchie les promeut parce qu’elles sont un moyen de destruction des identités au profit de la création d’une identité mondialisée de consommateur, soit ils l’ont compris et ce sont des collaborateurs de l’ordre fasciste en place1. Soit ils n’ont pas compris que la PMA et la GPA représentent la mise en place d’un marché mondialisé de la fabrication d’enfants par des multinationales, soit ce sont des collaborateurs de l’ordre fasciste en place. La liste de leurs prises de position qui font d’eux des fascistes est trop longue pour être ici égrainée. C’est pourquoi nous allons ici nous concentrer sur une seule d’entre elles : leur opposition au Referendum d’Initiative Citoyenne (RIC) que l’on peut lire iciou encore là article repris  et  , etc.). Ces groupuscules qui volent l’appellation d’extrême-gauche au champ politique considèrent que le RIC est une porte de sortie pour le pouvoir bourgeois. « Le RIC est alors apparu, comme un moyen de s’épargner la révolution » écrivent-ilsIl y a, dans ce propos, une telle inculture de ce qu’est l’histoire que les bras m’en tombent. Mais qu’est-ce qu’une révolution pour eux ? Croient-ils qu’elle se décrète ? Ils n’ont tout simplement pas compris que le RIC est profondément révolutionnaire en lui-même. Pourquoi ? Parce qu’il représente une remise en cause de la représentation. Or la représentation politique est l’outil principal de la domination politique aujourd’hui. Il est d’ailleurs tout à fait frappant d’observer qu’un des articles les plus repris sur ces sites d’extrême-gauche méconnaît la différence entre le vote pour un représentant (caractéristique de l’oligarchie) et le vote pour une décision (caractéristique de la démocratie2) : « Le RIC, comme les élections de représentants, c’est avant tout un bulletin de vote dans une urne. C’est-à-dire l’abandon d’une puissance collective au profit d’une démarche individuelle» Justement non, c’est là que réside la différence : la souveraineté consiste dans la volonté générale, comme le disait Rousseau, et la volonté ne se représente point. Elle est ou elle n’est pas. La souveraineté est prise de décision et non abandon de ce pouvoir au profit de représentants. Les débats qui mènent à cette prise de décision sont la démocratie en exercice. En ce sens, le RIC doit être une tentative de formalisation de cette volonté générale. Je pèse mes mots : il faut vraiment ne rien avoir compris à ce qu’est la démocratie pour affirmer, comme le fait la Rotative, que le vote pour une décision équivaut au vote pour un représentant.

16693986.jpg

Le RIC est le premier pas vers l’instauration d’une démocratie en France. Le peuple de France tente de prendre du pouvoir à l’oligarchie qui le domine outrageusement depuis l’instauration des dictatures bourgeoises en occident au XVIIIème siècle, ceci est une première pour le XXIème siècle ! Soyons clairs : le RIC est législatif, abrogatoire, constituant et révocatoire. Qui pense sérieusement qu’une telle mesure pourrait être entérinée par l’oligarchie fasciste qui règne actuellement en France ? C’est bien simple : jamais elle n’acceptera ce qui signerait la fin de son hégémonie. Bien sûr, pour que le RIC existe, il ne faut pas demander aux juristes bourgeois de le dessiner pour nous. Non, eux ça suffit aussi : ces incultes arrogants ont fait suffisamment de mal au peuple. Il faut que le peuple donne sa forme au RIC. Pour ça, il faut mettre en place un deuxième temps du mouvement Gilets Jaunes, c’est-à-dire installer partout des ateliers pour mutualiser les idées qui donneront naissance et légitimité au RIC, cela sans abandonner les manifestations. Car disons le franchement : si le mouvement a eu un tel impact, si le monde entier nous regarde aujourd’hui avec admiration3, c’est du fait de notre capacité à nous comporter comme un peuple face au pouvoir et à répondre de façon virile4 à sa violence5On voit ici le potentiel révolutionnaire !

CependantParis-Luttes.info écrit : « Pour autant, et en réalité nous le savons tous, rentrer chez nous avec le RIC, c’est retourner au chagrin, sans rien de plus dans le frigo ». Si on les écoute, cela signifie qu’il faut repartir avec des mots d’ordre de type syndical, ceux-là même qui ont si bien marché pour nous mener là où nous sommes aujourd’hui, au bord du gouffre… Avec des revendications de type syndical, on réclame des droits à nos maîtres. Par là, nous reconnaissons leur domination et ne nous attaquons pas aux racines du mal, aux causes qui font que la situation du peuple est intenable. Ce que ces militants de gauche doivent comprendre, c’est que si nous demandons du pain à l’oligarchie, nous n’aurons jamais que des miettes ; or, avec le RIC, ce que nous demandons, c’est la boulangerie6La position de ces pseudo-intello de gauche est absolument intenable : d’un côté, ils nous parlent sans cesse de révolution, mais quand le mouvement est là, ils s’en tiennent à des revendications de droits (tel est d’ailleurs le piège que le féminisme tend au peuple, piège que Hannah Arendt avait pourtant déjà décrit en son temps : quémander des droits est l’inverse de la démocratie). Nous n’avons plus envie de revendiquer des droits : nous voulons instaurer une démocratie – enfin – pour que cesse notre oppression.

Pour nous désespérer quant à l’avènement d’une telle démocratie, c’est-à-dire un régime dans lequel le peuple serait souverain, Paris-luttes.info donne l’exemple de pays comme la Grèce et l’Argentine où, comme en France, le résultat des référendums ont été annulés par la bourgeoisie. Mais il est fallacieux d’utiliser de telles comparaisons ! Dans ces pays, le RIC n’existe pas ! L’oligarchie dessine encore la vie institutionnelle de ces pays. Rien à voir avec ce que nous demandons. Le RIC étant révocatoire, les politiciens n’obéissent pas aux ordres du peuple ? Ils dégagent ! On est loin de « l’appel à la pitié » dont Paris-luttes.info affuble le RIC. Encore une fois, il faut vraiment ne rien avoir compris pour écrire une chose pareille !

Toujours dans la critique du RIC, on a aussi ce type d’arguments : « il faut aussi noter que les partis d’extrême-droite ont une forte tendance à utiliser les outils référendaires pour avancer un agenda politique raciste ». Bon alors il ne reste plus qu’à mettre l’extrême-gauche au pouvoir pour être sûr que seules les idées compatibles avec notre bonheur seront adoptées. Blague à part, on voit ici l’absence totale de confiance dans le peuple : comme l’extrême-gauche possède la vérité, il est normal qu’elle sache mieux que nous ce qui est bon pour nous. C’est déjà ce que disaient Karl Marx ou Pierre Bourdieu : le scandale des scandales pour la petite-bourgeoisie – et l’extrême-gauche est désormais un mouvement petit-bourgeois – est de ne pas être reconnue pour ce qu’elle s’imagine être, ne pas pouvoir concrétiser en terme de pouvoir, la domination éthique qu’elle fait peser sur les classes populaires. La petite-bourgeoisie gauchiste reste impuissante politiquement et n’est bonne qu’à râler parce que ses valeurs (qu’elle partage bien souvent avec la bourgeoisie fasciste à l’image de sa haine de l’identité ou encore son dégoût de la nature que, en accord avec les multinationales, elle veut modifier au nom, par exemple, d’un supposé droit à l’enfantetc.) ne sont pas reconnues par ce satané peuple quil faudra bien changer tôt ou tard en l’éduquant. La posture de l’extrême-gauche face au RIC est révélatrice de sa haine du peuple7.

ric.jpg

Des humains de qualité ne peuvent apparaître que dans un contexte où règne la confiance, où tout n’est pas formalisé, où l’on s’autorise à explorer. Faire confiance, c’est, par exemple, écouter l’autre sérieusement et avec bienveillance, pas comme un imbécile qu’on veut réformer. C’est dans la confiance que la beauté se révèle, pas dans la surveillance et le soupçon. Ceux qui prétendent sans cesse « qu’on n’y arrivera pas sans éduquer le peuple » se trompent complètement. On n’éduque pas un peuple, on le met en confiance en lui faisant confiance. À mort toutes les écoles et tous les éducateurs, vive la confiance et le partage, seul terreau de toutes les qualités humaines.

Bien sûr, avec le RIC, l’appareil médiatique actuel devra être démantelé : il n’est pas possible de mener un débat sérieux avec l’intervention de journalistes. Toute cette clique de fainéants aux ordres de l’oligarchie n’a d’autre fonction que de nous faire douter de nous, de nous rapetisser, de tirer tout débat vers le bas. Eux sont capables de tenir le RIC en échec, de le frelater et de faire en sorte que nous soyons déçus de nous-mêmes. C’est dans un tel contexte que les idées les plus nocives collectivement risquent de passer, du fait de ce complexe journalistique qui ne fait que jouer sur nos peurs. 

Il y a enfin le cas extrêmement grave d’Étienne Chouard, que la Rotative présente comme « Blogueur très apprécié de différentes tendances d’extrême-droite avec qui il partage régulièrement l’estrade. » Comme le RIC qu’il promeut d’ailleurs de toutes ses forces, Chouard est un révélateur. On se frotte les yeux quand on lit ce qui lui est reproché : avoir discuté sur Internet avec des gens d’extrême-droite, avoir osé dire qu’ils n’avaient pas tort sur tout. Voilà les réflexes idéologiques qui font office de réflexion à l’extrême-gauche : si on est pas d’accord avec toi et que quelqu’un te parle, il devient par là notre ennemi. Plus encore : comme vous êtes d’extrême-droite et que pour nous, l’extrême-droite c’est le fascisme, vous avez tort sur tout. Hitler a dit que l’Angleterre était une île ? Alors c’est faux, elle ne peut pas être une île ! Pourquoi ? Parce que Hitler est très très méchant ! Comme il est très très méchant et qu’on veut que tout le monde sache qu’on est contre lui, on contredit tout ce qu’il dit. Cela semble caricatural mais en observant précisément le contenu des critiques adressées à Chouard, on s’aperçoit qu’elles sont pourtant de ce tonneau.

Il y a chez les gauchistes aujourd’hui un fantasme de destruction de l’Autre, de ce qui est différent. Si on parle avec l’extrême-droite, c’est qu’on est d’accord avec elle, c’est qu’on est contaminé, c’est comme une maladie. Il est inadmissible qu’une sorte de police de la pensée naisse ainsi chez ceux qui prétendent être le parti de l’émancipation. Le refus du dialogue avec l’Autre, le fantasme de sa destruction me semble bien plus proche du fascisme que tout ce que je vois à l’extrême-droite. L’attitude qu’il faut avoir dans ces temps difficiles est au contraire une posture de dialogue avec tout le monde, dire nos peurs, écouter celles de l’Autre, essayer de les comprendre, c’est-à-dire considérer l’Autre comme aussi intelligent que soi et dialoguer pour fonder un monde commun comme dirait Arendt.

ric-etienne-chouard-invite-de-fr.jpg

Malheureusement, Chouard s’est excusé pour avoir dialogué avec l’extrême-droite. Il a reconnu que Soral, par exemple, avait eu des paroles inadmissibles. Ce qui est vrai mais ne veut pas dire qu’il ait tort tout le temps ! Et ça, ça n’est pas négociable quelque soit la violence de la police de la pensée gauchiste car c’est de la logique, et la logique n’a que faire de la police de la pensée, n’en déplaise à un Frédéric Lordon ou un François Ruffin8. Et voici donc ces quelques paroles échangées sur le net qui transforment Chouard en blogueur qui « partage régulièrement l’estrade » avec l’extrême-droite. Il n’y aura jamais de pardon mon pauvre Étienne, pas avec ces gens ; tu n’auras jamais de pardon pour une faute qui, de toute manière, n’existe que dans les esprits embrigadés de tes accusateurs. Du coup, on obtient le syllogisme suivant : Chouard = extrême-droite ; Chouard = RIC ; donc RIC = extrême-droite. Exemple tiré de La Horde : « C’est donc sans surprise qu’on voit ressurgir des personnalités comme Étienne Chouard, qui refuse de reconnaitre le danger que représente l’extrême droite parce que cela rentre en contradiction avec son projet de démocratie intégrale. De même, présenter le référendum d’initiative citoyenne (RIC) comme la solution miracle à tous les problèmes est en soi un problème. » CQFD. Au passage, j’aimerais bien que la Horde nous explique ce qu’est la « démocratie intégrale ». Elle s’opposerait, j’imagine, à une « démocratie partielle » ? De quoi s’agirait-il ?

En fait, ces individus endoctrinés veulent infiltrer le mouvement des Gilets Jaunes pour en exclure les franges du peuple qui ne leur conviennent pas et faire correspondre le mouvement à leurs obsessions. Ils veulent le rationaliser9. Ils n’ont aucune légitimité pour faire cela. Ce mouvement ne leur appartient pas : ils peuvent y venir mais pas y imposer leurs buts ou leur mono-obsession de l’extrême-droite. Plus encore, en empêchant le dialogue entre des strates du peuple que les stratégies de l’oligarchie sont parvenues à opposer, ils l’affaiblissent face à l’unité de la classe dominante et, par conséquent, sont des traîtres au peuple. Ils sont des mécanismes du maintien de l’ordre fasciste qui règne en occident. Ils ont beau s’appeler « antifa », ces petits-bourgeois sont les nouveaux fascistes : intolérants, persuadés de détenir la vérité, imperméables au doute. Ce n’est pas parce qu’ils se sont achetés des drapeaux rouges et noirs qu’ils sont à l’abri de l’accusation d’être des fascistes. Ils me rappellent ces paroles du chansonnier Pierre Selos dans sa chanson « Les cons sont là » :

« ceux qui n’ont pas compris l’histoire,

les fossoyeurs de la mémoire,

et qui refont tous les faux-pas :

les cons sont là. »

La question qui se pose alors me paraît être celle-ci : comment fait-on quand on est contre le progrès (défendu par la gauche) et contre l’autoritarisme et la hiérarchie (défendus par la droite) ? Il n’y a nulle part où aller sur l’échiquier politique. Hé bien tant mieux car heureusement, une alternative populaire vient de naître : le mouvement des Gilets Jaunes.

Christophe Hamelin

Notes:

Il est assez fascinant de constater leur entêtement à ne pas analyser les migrations modernes dans leur contexte capitaliste. Ainsi le site La Horde écrit-il : « De même, refuser de considérer comme un problème le nationalisme assumé des gilets jaunes à travers à la fois des symboles et une façon de se définir (« les Français ») est d’autant plus dangereux que, en particulier sur les réseaux sociaux, cette identité nationale est non seulement interclassiste, mais également construite contre un cosmopolitisme associé dans l’esprit des gens au capitalisme sans frontière. » L’incapacité, toute idéologique, de l’extrême-gauche à comprendre le phénomène profondément humain qu’est l’identité en fait un rouage de l’actuel ordre fasciste. Dans la mythologie totalitaire du progrès, les identités sont effacées. Mais au profit de quoi ? D’une identité politique ? Mais alors il s’agit d’un endoctrinement puisque la personnalité de l’individu est déterminée par des idées hétéronomes. Plus encore, dans l’ordre actuel, l’effacement des identités se produit au profit de la constitution d’une identité de consommateur mondialisé. Or cela est la marque du totalitarisme aujourd’hui. Un monde sans identité, d’individus déracinés, dans lequel il n’y a plus de résistances autonomes à l’ordre. Par conséquent, faire l’apologie des migrations revient à adouber l’ordre fasciste que cherche à instaurer l’oligarchie. Donc, les gauchistes sont des néo-fascistes. Cette inversion de termes (appeler « fascistes » les « antifa ») peut paraître choquante a priori mais mérite réflexion.

Je conseille aux gauchistes de se pencher sur Aristote, Les politiques, IV, 9, 1294b4.

Je ne lis malheureusement que l’anglais donc je ne peux pas dire pour les autres peuples mais allez voir sur les forums anglo-saxons, en particulier états-uniens : la teneur des propos sur le mouvement Gilets Jaunes change complètement du « french bashing » habituel. Ils sont estomaqués et nous admirent.

La virilité est bien sûr une caractéristique du genre masculin mais concerne les deux sexes.

5 Il y a trois sortes de violence. La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés.

La seconde est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première.

La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres.

Il n’y a pas de pire hypocrisie de n’appeler violence que la seconde, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième qui la tue.

Helder Camara, évêque brésilien

Allégorie entendue par un pote sur un rond-point.

Par contre, je n’ai aucun doute sur le fait que les gauchistes sont incapables de comprendre un mot de ce que je raconte. En effet, ils se gargarisent de slogans pro-peuples style : « Les muscles de cette société, ce sont les millions de prolos. La seule force capable de s’opposer à celle du capital, la voici. » (Paris-luttes.info) mais sont incapables de voir que leur posture dit exactement l’inverse de ce type de propos standardisés.

Les récentes hésitations de Ruffin sur Chouard ne changent rien au fait qu’il s’est rendu coupable d’avoir participé à son lynchage.

C’est-à-dire qu’ils veulent le faire correspondre à une idée.

 

jeudi, 10 janvier 2019

L’incroyable faillite du maintien de l’ordre macronien…

1039138692.jpg

L’incroyable faillite du maintien de l’ordre macronien…

par Dominique G. Boullier

Professeur des universités en sociologie EPFL, Lausanne

Ex: https://lesmoutonsenrages.fr 

Divide et impera, ne va pas servir à grand chose, le peuple a compris qu’uni, il serait le plus fort. Une analyse sociologique de la situation depuis le début, qui éclaire sur la volonté de la macronie de diviser les gens pour tenter de garder le contrôle. 

Source: LE BLOG DE DOMINIQUE G. BOULLIER  via ArrêtsurInfo

L’incapacité à contrôler les actions violentes reste très étonnante compte tenu des effectifs mobilisés. On paye, sur le plan technique, un aveuglement par l’état d’urgence et, sur le plan politique, une approche méprisante de tout public qui manifeste. Sans réponse politique, l’apprentissage de l’émeute qui se produit actuellement peut conduire à un «mai rampant» de funeste mémoire en Italie.

Comment peut-on en arriver à un tel désordre après des années d’état d’urgence et une pratique constante de répression de toutes les manifestations, les plus diverses, alors même qu’on y met les moyens en effectifs ? La faillite touche tous les maillons : les capteurs (le renseignement), les articulations (les transmissions), la décision (le commandement et le politique), la mise en œuvre (le personnel sur place).

Après avoir travaillé pendant plusieurs années à observer in situ et à comprendre les méthodes de maintien de l’ordre jusqu’au début 2010, et avoir publié un livre sur le sujet (« Evénements et sécurité. Les professionnels des climats urbains », Presses des Mines, 2013, avec S. Chevrier et S. Juguet), je constate une évolution catastrophique des méthodes et des principes, tout en admettant les limites de mes informations actuelles, basées sur les médias, sur les récits et sur mes observations dans le secteur des Champs Elysées.

La perte de contact avec le pays réel, la faillite du renseignement

Le mouvement des gilets jaunes n’est pas structuré, il n’a pas de leader, de service d’ordre, il vient d’émerger, etc. Doit-on en conclure qu’on ne peut rien en connaitre ? Non, certainement pas, et le suivi des réseaux sociaux par les services de renseignement français s’est d’ailleurs déplacé depuis récemment sur les mouvements dits « extrémistes » puisque le terrorisme et la radicalisation islamique semblaient se mettre en veilleuse. On a donc des infos sur ce qui se dit, sur la conversation, sur sa tonalité (beaucoup d’agences font cela pour les marques), voire sur les comptes des personnes qui parlent, qui agissent pour la plupart sans masque. On peut donc savoir le degré d’énervement, les cibles potentielles, les déplacements prévus, tout au moins en partie. Evidemment, ça ne permet pas une analyse fine in situ, au moment des manifestations et sur les barrages, car dans ce cas, il faut du personnel, sur place, infiltré ou non, pour tenter de comprendre ce qui se passe et quels sont les leaders potentiels. Si cette infiltration archi connue de la part des RG à une époque ne se fait plus, serait-ce dû à la fusion des services qui a connu quelques ratés, c’est le moins qu’on puisse dire ? ou serait-ce parce qu’on ne comprend le renseignement direct que comme une arme de répression et non un outil de pilotage ? Car avec un mouvement aussi peu structuré, le travail de renseignement devrait paradoxalement servir à les aider à se structurer (et non à les casser ou à les embarquer indistinctement).

L’affrontement comme premier réflexe pour rendre impossible une vraie manifestation

Lorsque des manifestants sont arrivés sans consigne au bas des Champs Elysées lors de l’acte II, il était possible d’aller parlementer, de chercher des leaders, de les fabriquer même, de les encourager à faire un service d’ordre, si toutefois le maintien de l’ordre s’entend aussi comme protection du droit de manifester et des manifestants. Au lieu de cela, ils ont été bombardés de lacrymo immédiatement et sans distinction en absence de toute activité à risque, ce que tous les observateurs ont noté le premier samedi matin. Toutes ces personnes ont vécu un traumatisme qui s’est répercuté toute la journée et qui a détruit la confiance dans la police. Aucune discussion, aucun pilotage en commun de la manifestation n’étaient plus possibles. Mon hypothèse était qu’il fallait surtout faire peur, faire peur à de « pauvres gens » « désorganisés » qui seraient, de cette façon, rentrés chez eux à la première alerte. Et ainsi éviter de donner le spectacle d’une grande manifestation pacifique, nombreuse et réussie sur les Champs Elysées. La décision est, me semble-t-il, politique avant tout, une gestion de crise qui croit disqualifier une dynamique sociale en lui bloquant les accès et le droit de manifester.

Petit récit du 1er décembre : à la recherche de l’ombre jaune

Le comble, c’est que la même stratégie, même si appliquée de façon totalement différente, a été mise en œuvre le samedi suivant 1er décembre. La sanctuarisation des champs Elysées a abouti à empêcher un accès de masse, à grand renfort de filtrage établi sur un seul point d’entrée. J’ai pu constater que tout accès vers la partie Nord des Champs était impossible. Les groupes de gilets jaunes erraient à chercher une entrée et se retrouvaient soit repoussés vers la place de l’Etoile, soit occupaient certains carrefours, par exemple avenue de Friedland. Vraiment pas violents mais vexés d’être repoussés en marge une fois de plus alors que certains venaient de loin. Et sans qu’on sache bien d’où venait la décision, quelques-uns, peut-être plus radicaux mais pourtant pas du tout extérieurs, décidaient de créer un début de barricade et tout le monde les regardait voire même les aidait, face à une quinzaine de CRS, pas plus, auxquels se sont joints des membres de la BAC, revêtus pour certains de gilets jaunes et qui commençaient à canarder la barricade avec des lacrymo et se repliaient aussitôt. Mais rien de tout cela n’était construit ou pensé, ni d’un côté ni de l’autre d’ailleurs. A un moment, le feu a pris et la tension est montée, puisqu’un groupe a entrepris d’attaquer l’agence bancaire tout proche en y mettant le feu. Mais les CRS présents ne pouvaient strictement rien y faire, les gilets jaunes présents soutenaient plutôt, car après tout une agence bancaire semblait un objectif plus justifié qu’autre chose. Les pompiers sont arrivés, les gilets jaunes les ont laissé intervenir, car il y avait des risques pour le reste de l’immeuble. Des voitures électriques publiques avaient aussi été incendiées tout près un peu avant. Tout cela seulement au milieu de l’après-midi (16h30), bien avant l’intervention des commandos de casseurs dont on nous a parlés et qui ont occupé le terrain plus tard, à la nuit tombante. Des compagnies avec leurs camions sont arrivées sur toute la largeur de l’avenue de Friedland et ont fait fuir tout le monde qui s’est regroupé dans les rues adjacentes en errant pour trouver un but. C’est seulement plus tard, vers saint Augustin, qu’on a pu trouver un rassemblement significatif qui tenait la place, en effrayant d’ailleurs les chevaux de la police montée, dont on se demande ce qu’ils faisaient là dans un contexte aussi dangereux. Le cortège était beaucoup plus significatif avenue de l’Opéra et on peut dire que ce fut le seul moment où la foule a trouvé son compte, c’est-à-dire celui on l’on se compte, où l’on se regarde manifester et on se dit qu’on a réussi à faire masse.

Comment favoriser l’apprentissage des émeutiers

Que cherchaient les forces de l’ordre pendant tout ce temps ? Elles couraient à droite à gauche, intervenaient quand les risques d’incendie ou de pillage (qui n’interviennent vraiment que le soir, avec une autre population) devenaient trop importants mais tout l’environnement pouvait servir aux émeutiers improvisés, puisque les chantiers n’avaient pas été nettoyés de leur matériel et les voitures particulières étaient toujours en place…. et disponibles pour les incendies ! A aucun moment, si ce n’est pour certaines manœuvres place de l’Etoile, en début de soirée, ne furent organisées des opérations de conquête réelle et durable du terrain. Pour une bonne raison, c’est que les effectifs étaient insuffisants pour tenir ce terrain regagné, puisqu’une grande partie avait été consommée pour fermer les champs et pour faire en sorte que les lieux du pouvoir fussent protégés (Beauvau et l’Elysée). Le choix de protection des Champs pouvait se comprendre mais jamais cela ne s’est traduit par une stratégie de canalisation des manifestants pour leur proposer des débouchés. Résultat, leur état groupusculaire fut encore renforcé, ce qui constitua une aubaine de plus pour les groupes radicaux qui intervenaient au fur et à mesure de la journée.

gilets_jaunes_securite_sipa.jpg

Or, il était certainement possible de laisser cette manifestation se dérouler sur les Champs, quitte à ce qu’elle montre sa puissance et fasse image spectaculaire (ce qui entraîne un prix politique certain) tout en étant largement sécurisée par les effectifs présents tout autour (à condition de laisser des portes de sortie comme toujours). Mais pour cela il eût fallu aider à sa structuration, de façon à la couper un peu plus des radicaux. Quel choix a été fait au contraire pour empêcher toute visibilité à cette manifestation ? Celui de laisser se propager le chaos comme on l’a vu, sans avoir les moyens de le résorber, si ce n’est par épuisement très tard dans la soirée. L’effet de jonction entre les radicaux et les gilets jaunes a été renforcé, l’expérience d’une forme de guérilla urbaine a été rendue facile et attractive pour des primo-manifestants, déjà très remontés, mais pas au point de passer à l’acte si on les avait encadrés. Mais n’oublions que cet apprentissage se fait aussi dans les régions. Là aussi, comme à Marseille, la réaction brutale des forces de l’ordre, incompréhensible et injuste, encourage la rage, la haine, orientée vers la police, ce qui politiquement ne donne rien mais du point de vue de l’énergie dégagée se propage très vite car le message est très simple. Préfecture brûlée ou péages détruits semblent désormais faire partie du prix à payer pour tous les manifestants et la condamnation des violences ne se traduit plus par une condamnation du mouvement, ce qui est un signe d’échec total d’emprise sur les esprits, qui redouble l’échec dans le contrôle des corps des manifestants.

Une coupure police/ peuple organisée politiquement

Depuis les capteurs jusqu’à la mise en œuvre, des maillons importants ont failli, comme par exemple, la coordination étroite avec la Mairie de Paris. La préfecture de Police a tout concentré alors qu’il eût fallu s’assurer de l’appui de toutes les parties prenantes. Mais le maillon le plus faible est à coup sûr celui de la décision, à la fois technique et politique. Les politiques ont renforcé encore le modèle sécuritaire sans se préoccuper de la liaison avec ce mouvement insaisissable. Or, des personnels de police dédiés (et des politiques) auraient pu aussi travailler à établir cette liaison non pas pour disqualifier le mouvement mais pour aider à le structurer. Paradoxalement, la meilleure chose qu’aurait pu faire le pouvoir pour sa propre survie aurait été d’aider à cette structuration, du point de vue politique comme du point de vue sécuritaire, car ce sont désormais les radicaux qui vont faire son éducation, sur la base d’une détestation radicale de la police.

Ces erreurs se sont déjà produites en banlieue, au point de créer zones de non-droit puisque la police ne peut plus y intervenir. Elles se sont produites aussi vis-à-vis de toutes les manifestations non encadrées officiellement par les partis ou les syndicats (manifs pour les migrants, pour la Palestine, pour les ZAD, etc.). Dans tous ces cas, la réaction policière a été disproportionnée, et cela dès le début de l’état d’urgence avec une manif climat Place de la République immédiatement gazée. Cette habitude de consommation élevée de lacrymo dans des contextes très pacifiques au seul motif que ces manifestations ne sont pas déclarées, crée en fait les conditions de préparation, d’entrainement même, d’éléments de plus en plus nombreux et de plus en plus radicaux qui ne reviendront plus dans le rang ou dans un processus de co-sécurisation des manifestations. Or, c’est la seule solution pour que le droit de manifester se traduise par la sécurité des manifestants eux-mêmes et du coup de tout l’environnement.

La coupure totale du gouvernement avec la population, sur le mode technocratique qui est le sien, semble se répéter du point de vue sécuritaire puisque rien n’est fait pour créer des liens, structurer les mouvements, tous immédiatement traités comme des ennemis de la république. Cette culture finit par s’étendre dans l’esprit des fonctionnaires de terrain eux-mêmes qui peuvent se sentir tout puissants et cela d’autant plus qu’ils sont en réalité impuissants à endiguer durablement ces mouvements politiquement motivés. Mais cette culture d’ennemis s’étend aussi chez les manifestants de toutes les causes, qui peuvent aisément adopter le discours anti-flic que certains développent.

6906399_4uqxoswo_1000x625.jpg

Le commando Macron face à la haine qu’il a engendrée

C’est là le grand danger. Car au bout du compte, tous ces manifestants, gilets jaunes aujourd’hui mais ZAD auparavant, ont des objectifs politiques, et n’obtiennent aucune réponse (sauf dans le cas de la ZAD, au forceps comme on le sait et avec des dérapages dans le maintien de l’ordre là aussi incroyables, visant à disqualifier et à humilier, pour être sûr qu’ils n’enregistrent pas une victoire). Or, ces sentiments d’amertume, puis de rage se transforment petit à petit en haine, ciblée clairement contre Macron lui-même (comme l’a relevé François Ruffin), avec une contagion même dans l’administration qui ne comprend ni l’arrogance ni la rigueur de ce mode de traitement non-politique des problèmes. Car on peut dire tout le mal que l’on veut du vieux monde politique, son obsession pour sa réélection et pour sa réputation était utile pour corriger le tir dès lors que le rapport de force politique était défavorable. Ce déni de politique déteint sur la politique sécuritaire qui ne sait plus créer de lien, ni de réseau, ni offrir d’alternative. C’est déjà la façon dont Valls a procédé avec une brutalité qui est encore renforcée par le modèle technocratique de gestion des confits du commando Macron (puisqu’ils admettent avoir pris le pouvoir en mode commando). Mais le commando risque de trouver à très court terme de vrais commandos en face de lui, dans la rue voire ailleurs, car leur haine pour l’instant désorganisée commence à se cristalliser grâce à l’apprentissage actuel à grande vitesse. Et la faillite du maintien de l’ordre face à des foules désorganisées ne pourra qu’être encore aggravée par les débuts de structuration violente qui pourrait en résulter.

Le spectre d’un mai rampant et de ses conséquences

Cette évolution sera présentée comme une radicalisation mais ce genre de grille d’analyse n’est d’aucune utilité pour comprendre cette diffusion d’une forme de « sécession institutionnelle » : aucun relais institutionnel ne peut plus avoir prise sur ces colères et les plus positifs du mouvement finissent par reconnaitre que seule la violence permet de capter l’attention du pouvoir. Cette situation n’est pas inédite, contrairement à ce qu’on dit. C’est celle du « mai rampant » italien en 68. Les partis institutionnels étaient aussi disqualifiés malgré la force du PCI à l’époque ou en tous cas ne savaient pas répondre à la crise profonde des couches ouvrières du Piémont ou de Lombardie en particulier. Contrairement à la France, aucune explosion violente ni de grève générale durable n’avaient permis de faire soupape, d’obliger le gouvernement à de grandes négociations. La frustration qui est en résulté s’est transformée progressivement en terreau idéal pour le terrorisme des Brigades Rouges en particulier (mais Lotta Continua y a aussi participé). Dix ans de troubles et de blocages politiques jusqu’à l’assassinat de Aldo Moro n’ont pas permis d’ailleurs de réinventer des projets politiques attractifs. La décomposition des partis institutionnels français et la difficulté des partis mouvements à encadrer des mouvements populaires ne peuvent que créer les conditions favorables à une telle dérive, alors qu’elle avait été évitée (de peu) en France après 68.  Sans doute que la demande de grève générale et le renfort du mouvement ouvrier organisé pourraient atténuer cet effet de dérive lente mais certaine de nombreux éléments des gilets jaunes.

Le libéralisme autoritaire ou l’isolement définitif d’une oligarchie

De ce point de vue, la remarque de E. Todd, sur France 2, sur l’attrait du coup d’Etat est très judicieuse et inquiétante. Car toutes ces logiques de révoltes dans un contexte de dépolitisation délibérée par les élites libérales sont privées de toute chance de se construire un avenir, puisque nous vivons dans le monde de TINA. On peut dès lors comprendre ce qui se met en place du point de vue sécuritaire comme une préparation des esprits à la mainmise totale d’une oligarchie, déjà réussie sur le plan économique, réussie aussi sur le plan institutionnel par le commando Macron, et complétée par l’Etat autoritaire que l’expérience sécuritaire actuelle, aussi désastreuse soit-elle, ou parce qu’elle est désastreuse, prépare. La composante sécuritaire du libéralisme extrême est déjà mise en place idéalement en Chine à partir d’un tout autre référentiel et ne cesse de faire des envieux, tous ceux qui veulent se débarrasser une fois pour toutes du politique, c’est-à-dire du débat,  et du débat contradictoire, ce contradictoire le droit permet dans nos démocraties et sur lequel elles reposent mais qui semble sans cesse réduit au profit du « solutionnisme technico-libéral » que représente si bien le slogan macronien de la start up nation.

Via ArrêtsurInfo

Voir aussi :

Méfiez-vous du peuple ! Vous l’avez mis dans la rue, mais vous aurez du mal à la faire rentrer

Todd: « Face aux Gilets jaunes, le gouvernement cherche le chaos pour provoquer une rupture »