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lundi, 23 septembre 2019

Michéa, Mitterrand et la destruction du peuple français

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Michéa, Mitterrand et la destruction du peuple français

Les Carnets de Nicolas Bonnal

Pour gouverner, il faut d’abord changer le sens des mots. Après on peut remplacer les gens.

Depuis 1984, une gauche libérale-libertaire aux affaires domine le paysage politique et culturel et enfonce le petit peuple dans des termes féroces. On a cité Thierry Pfister et sa lettre ouverte, on recommandera aussi le très effrayant pamphlet de Guy Hocquenghem qui en 1987 expliquait – Houellebecq le refera -  cette conjonction des forces du marché et de la subversion/dérision. La page de gauche des magazines pour recommander un lobby ou une intervention en Afghanistan, la page de droite pour vendre du Vuitton. Habitué à être ainsi traité, le cerveau humain n’a plus rien d’humain et devient cette mécanique-canal humanitaire à réagir fluo et à consommer bio.

Jean-Claude Michéa a récemment rappelé ce qui s’est passé après le virage au centre de Mitterrand. Le sociétal allait remplacer le social. On l’écoute :

Mitterrand_(arms_folded).jpg« Plus personne n’ignore, en effet, que c’est bien François Mitterrand lui-même (avec la complicité, entre autres, de l’économiste libéral Jacques Attali et de son homme à tout faire de l’époque Jean-Louis Bianco) qui, en 1984, a délibérément organisé depuis l’Elysée (quelques mois seulement, par conséquent, après le fameux “tournant libéral” de 1983) le lancement et le financement de SOS-Racisme, un mouvement “citoyen” officiellement “spontané” (et d’ailleurs aussitôt présenté et encensé comme tel dans le monde du showbiz et des grands médias) mais dont la mission première était en réalité de détourner les fractions de la jeunesse étudiante et lycéenne que ce ralliement au capitalisme auraient pu déstabiliser vers un combat de substitution suffisamment plausible et honorable à leurs yeux. »

La farce sociétale se met encore en place, alors on peut taxer le pauvre et puis le remplacer. Insulté et ringard, ce beaufn’est plus digne de l’attente de nos grands commentateurs. Nota : pour imaginer la jeunesse  française d’avant l’ère Mitterrand, découvrez le rebelle de Gérard Blain.

Michéa encore :

 « Combat de substitution “antiraciste”, “antifasciste” et (l’adjectif se généralise à l’époque) “citoyen”, qui présentait de surcroît l’avantage non négligeable, pour Mitterrand et son entourage, d’acclimater en douceur cette jeunesse au nouvel imaginaire No Border et No limit du capitalisme néolibéral (et c’est, bien entendu, en référence à ce type de mouvement “citoyen” que Guy Debord ironisait, dans l’une de ses dernières lettres, sur ces « actuels moutons de l’intelligentsia qui ne connaissent plus que trois crimes inadmissibles, à l’exclusion de tout le reste: racisme, anti-modernisme, homophobie »). »

Il était alors important pour le capital, qui avait eu peur du peuple pendant plus de cent ans, de se montrer branché/progressiste, et de rejeter le prolétaire promu homme de la rue dans les poubelles de l’histoire - avec la complicité achetée/enthousiaste de tous les médias. Rappelons pour les plus jeunes de nos antisystèmes que les communistes quittèrent le bateau ivre de la présidence Mitterrand en 1984, et que dans 1984, le ministère de la vérité s’abrite dans une… pyramide.

 

Post-Scriptum

On vient d’apprendre qu’EDF va disparaitre. L’électricité de France viendra d’ailleurs, comme le peuple.

lundi, 16 septembre 2019

Le somnambulisme des peuples

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Le somnambulisme des peuples

par Georges FELTIN-TRACOL

Discours tenu à la Fête de la Ligue du Midi,

8 septembre 2019

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers Camarades, Chers Amis,

Le thème de ce dimanche convivial se place sous une actualité brûlante : la « révolte des peuples ». En effet depuis sept – huit ans environ, de fortes réactions populaires que les chiens de garde médiatiques de la Caste mondialiste qualifient avec un dédain certain de « populistes » parcourent l’Europe, voire le monde entier. On peut d’un point de vue historique situer l’acte initial – le détonateur – aux années 2013 – 2014 avec La Manif pour Tous et ses millions de manifestants hostiles à la loi Taubira. Cette vive contestation rappelait aux plus anciens les manifestations pour l’école libre en 1984 et, un an auparavant, la protestation des étudiants en droit et en médecine contre la loi du socialiste Savary. Mais cette agitation a ensuite été dépassée par la crise des Gilets Jaunes.

En Allemagne, l’ouverture des frontières et l’accueil d’une main-d’œuvre immigrée corvéable à merci ébranle le gouvernement de la soi-disant chrétienne-démocrate Angela Merkel, ancienne militante zélée des Jeunesses communistes en RDA, et permet à l’AfD (Alternative pour l’Allemagne) de s’opposer à la « Grande Coalition » sociale-démocrate-chrétienne. Le terrain fut préparé par les nombreuses manifestations du mouvement PEGIDA dès 2014. En Flandre belge, au soir du 26 mai dernier, après une décennie au moins de purgatoire électorale, le Vlaams Belang devient sur une ligne nettement sociale et anti-mondialiste la deuxième force politique du royaume derrière les nationaux-centristes de la Nouvelle Alliance flamande du matois Bart De Wever. En Italie, en 2012 – 2013, les Forconi (les « Fourches ») se soulevèrent contre le fisc, la corruption et les dysfonctionnements étatiques. Il en découla en 2018 l’entente gouvernementale inédite entre la Ligue de Matteo Salvini et le Mouvement Cinq Étoiles anti-Système de Luigi Di Maio qui a tenu quatorze mois avant que le « Capitaine » de la Lega ne décide de rompre. Qu’a fait Salvini pendant cette période ? Beaucoup d’esbrouffe. Les clandestins continuent à débarquer dans la péninsule. À sa décharge, il a contre lui l’administration, les médiats, les instances pseudo-européennes, les ONG, la « justice » et la cléricature conciliaire aux ordres de Bergoglio.

L’eurocratie bruxelloise avait déjà été atteinte par la terrible déflagration du Brexit de 2016. L’hyper-classe mondialiste au sens que l’entend Michel Geoffroy dan son essai (1) reçut une autre gifle, cinq mois plus tard, avec l’élection inattendue de Donald Trump à la Maison Blanche. Les prescripteurs officiels d’opinion s’inquiétèrent alors de l’émergence en Hongrie, en Pologne et en Turquie des démocraties illibérales. Le coup de grâce arriva avec le président russe Vladimir Poutine qui proclameait au Financial Time du 28 juin 2019 que « l’ère libérale est devenue obsolète » !

Au printemps de cette année, les Indiens viennent d’accorder au Premier ministre nationaliste Narendra Modi un second mandat et une majorité parlementaire écrasante pour le BJP (Parti du peuple indien). En place depuis six ans et demi, le Premier ministre national-conservateur japonais Shinzo Abe souhaite abroger l’article constitutionnel d’importation étatsunienne niant à l’Empire du Soleil Levant le droit souverain de déclarer la guerre. On pourrait poursuivre la litanie au point d’effrayer la clique ploutocratique qui ressasse l’antienne du « retour aux années 30 ». Si seulement elle avait pour la circonstance raison !

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Si on prend la peine de se pencher avec attention sur le soulèvement civique des peuples, on comprend vite que ce n’est pas une révolution. Les Gilets Jaunes témoignent d’une exaspération exceptionnelle qui n’induit aucune conséquence politique. Pour preuve, le bilan français des élections européennes. Dans un contexte d’agitation sociale élevée et de grandes menaces terroristes islamistes, la majorité présidentielle malgré une tête de liste technocratique et insignifiante arrive en deuxième position à 0,87 point du Rassemblement national, soit un écart de 207 924 voix. En dépit d’une progression notable de la participation, l’abstention atteint néanmoins 49,88 %. Pis, en pourcentage, la liste frontiste perd 1,52 % par rapport à 2014. Si on additionne les listes de Jordan Bardella, de Nicolas Dupont-Aignan, de Florian Philippot, du Gilet Jaune Christophe Chalençon et de l’écrivain impolitique Renaud Camus, on obtient un total de 6 233 226 voix, soit un déficit de 4 405 249 suffrages comparé au résultat de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle de 2017. C’est sciemment que la liste de la Reconquête présentée par La Dissidence Française n’intègre pas ce calcul. Elle doit représenter un indéniable aiguillon nationaliste-révolutionnaire et identitaire capable à terme de dynamiser le vaste camp (cloaque ?) national. Emmanuel Macron s’en sort bien mieux puisqu’il peut compter sur le report certain des deux tiers des électeurs Verts, d’un tiers des électeurs du centre-droit et d’un cinquième des électeurs de gauche. Les élections européennes de 2019 marquent donc pour le Rassemblement national une indiscutable victoire à la Pyrrhus.

Et pour quels effets pratiques au Parlement européen ? Le groupe héritier d’Europe des nations et de la liberté, Identité et Démocratie, compte 73 membres, principalement issus de la Lega, du RN et de l’AfD. Mais le grand groupe eurosceptique tant vanté au cours de la campagne n’existera jamais ! Différents protagonistes n’en veulent pas. Le Parti du Brexit du national-mondialiste Nigel Farage siège chez les non-inscrits. Le Fidesz de Viktor Orban demeure bien au chaud au sein de la droite gestionnaire et mercantile du Parti populaire européen (PPE) plutôt que de se compromettre avec un RN inapte à s’emparer du pouvoir. Quant aux Polonais de Droit et Justice de Jaroslaw Kacynzski, ils gardent leur propre groupe, Conservateurs et réformateurs européens, dont le tropisme ultra-atlantiste et russophobe les empêche de négocier avec un RN et une AfD bien trop « moscou-centrés » à leurs yeux…

Bien que cinquième groupe du Parlement européen en nombre de membres (un de moins que les Verts historiquement alliés aux régionalistes !), Identité et Démocratie pâtit du cordon sanitaire. Aucun de ses membres ne préside de commission et tous sont ostracisés. La faute en revient ici au mode de scrutin proportionnel qui favorise l’éclatement politique, les combinaisons politiciennes et les majorités transversales autour du PPE, des socialistes, des libéraux et des Verts. L’instabilité gouvernementale chronique en Italie, en Belgique, en Espagne, voire en Allemagne et en Autriche, résulte de l’application de la proportionnelle qui paralyse l’exécutif. Le scrutin majoritaire a lui aussi de très grands défauts. L’imbroglio tragi-comique du Brexit le prouve. L’existence des partis politiques rend les députés de la Chambre des Communes incapables et pleutres. Ils reflètent aussi leurs électeurs dépassés par les événements.

Le mieux serait encore un parlement désigné par les familles, les instances territoriales et les structures socio-professionnelles par le biais du tirage au sort et de la cooptation. L’élection et le vote dans l’isoloir sont des gestes de pure modernité. Avant la césure anthropologique de 1789 préparée plusieurs décennies auparavant par ce que Paul Hazard nomma dans sa remarquable étude éponyme, la crise de la conscience européenne (2), les communautés d’habitants pratiquaient rarement le vote. Elles préféraient la recherche du consensus et s’en remettaient au sort (3). Le simple fait de se porter candidat dénature déjà en soi l’acte politique. Quant aux partis politiques, leur présence dévalorise l’art politique. Comme le soulignait la philosophe Simone Weil dans sa Note sur la suppression générale des partis politiques, rédigée en 1940 et publiée après sa mort en 1950, il importe de se libérer de l’emprise partitocratique et, plus généralement du kratos, de la cratie, afin de mieux privilégier l’archie. Témoin attentif d’une Post-Modernité florissante en initiatives sociétales foisonnantes, moment obligé d’une crise de la conscience occidentale, Michel Maffesoli insiste sur l’avènement d’un monde baroque. Ce choc néo-baroque emportera tout sur son passage, y compris et surtout les illusions démocratiques conservatrices.

maurras-mes-idees-politiques-1ere.pngLe corps électoral est conservateur au sens que l’entend Charles Maurras dans Mes idées politiques. L’électeur craint que le suffrage populaire perturbe son confort petit-bourgeois proche de celui du Dernier Homme de Nietzsche. Souvenons-nous de sa méfiance lors du second tour de la présidentielle de 2017 en ce qui concerne le projet de sortie de la Zone euro proposée par Marine Le Pen sur les conseils de Florian Philippot. On l’observe encore à l’occasion du récent scrutin européen. En Italie, les listes sœurs ennemies de CasaPound et de Forza Nuova ne recueillent que 0,46 %. En Espagne, les électeurs ignorent l’alliance conclue entre la Phalange espagnole des JONS, Alternative espagnole, la Phalange et Démocratie nationale (0,05 %) et votent pour Vox, la dissidence droitière du Parti populaire. En Grèce, la répression policière et les entraves multiples fomentées par les syndicats, les maires, les journalistes et les juges ont fait perdre à Aube dorée tous ses députés, le 7 juillet dernier aux législatives anticipées. Hors de l’Union dite européenne, les Ukrainiens, lassés par la corruption endémique et l’absence de résultats économiques tangibles, dégagent le président sortant Petro Porochenko et choisissent largement l’acteur comique Volodymyr Zelenski. À peine investi, celui-ci dissout la Rada, le Parlement monocaméral, et permet à son parti, créé en quelques mois, Serviteur du peuple (du nom de la série télévisée qui fit connaître Zelenski) de remporter la majorité absolue pour la première fois depuis l’indépendance en 1991 ! Les électeurs se sont détournés des candidats nationalistes radicaux coalisés de Svoboda, de Secteur droit et du Corps nationalBataillon Azov.

Que penser alors du chaos en cours dans l’Anglosphère ? Séduits par la rhétorique protectionniste, isolationniste et anti-interventionniste, les démocrates pro-Trump de la « Ceinture de la Rouille » (Pennsylvanie, Virginie-Occidentale, Ohio, Indiana, Michigan, etc.) en 2016 s’estiment-ils trahis par un président en partie sous la coupe des faucons néo-conservateurs bellicistes ? En bon larbin de la finance anonyme et vagabonde, le 45e président des États-Unis criminalise la République bolivarienne du Venezuela, la République islamique d’Iran ainsi que le mouvement de résistance libanais Hezbollah. Quant à l’avenir de la Grande-Bretagne en plein Brexit, on ne peut que saluer une fois de plus la vision prophétique de Charles De Gaulle qui refusait l’adhésion de Londres dans l’ensemble européen. Boris Johnson a évincé la très guindée Theresa May. Des responsables supposés nationalistes en Europe ont salué cette arrivée au 10, Downing Street. Ce n’est pas parce que Le Monde, Libération et Arte dépeignent Alexander Boris de Pfeffel Johnson en méchant populiste qu’il faut prendre le contre-pied systématique. Ce natif de New York, rejeton d’une famille cosmopolite, fut de 2008 à 2016 le maire multiculturaliste de Londres. Cet admirateur de deux criminels de guerre britanniques, Winston Churchill et Margaret Thatcher, est foncièrement un ultra-libéral financiariste qui rêve de transformer Londres en « Singapour-sur-Tamise » et son pays en « Global United Kingdom », c’est-à-dire en un Royaume Uni mondialisé. Y voyez-vous un quelconque triomphe pour l’identité, l’enracinement et les traditions ? Souhaitons seulement que le Brexit favorise in fine l’indépendance de l’Écosse, l’autodétermination du Pays de Galles, le rattachement de l’Ulster à la République d’Irlande, le retour de Gibraltar à l’Espagne et la réintégration des îles Malouines à l’Argentine.

Presidente_Jair_Messias_Bolsonaro.jpgLe président brésilien Jair Bolsonaro appartient lui aussi à cette coterie nuisible d’imposteurs grotesques qui déforme et bafoue le combat identitaire, délaisse la priorité sociale anti-libérale et sous-estime l’enjeu écologique enraciné. « Les populistes sincères devraient s’interroger à chaque fois qu’on leur propose un candidat trop détesté par la gauche, prévient avec raison Julien Langella. Ce n’est souvent qu’un cuck, diminutif de cuckservative, “ conservateur cocu ” dans la langue du général Lee : défenseur des valeurs morales ou de la famille mais ouvert au libre-échange et donc aux attaques sur les anticorps spirituels de la nation (4). » Victimes d’une classe politicienne corrompue et d’une insécurité record, les Brésiliens ont soutenu sans aucune hésitation un obscur député fédéral de Rio de Janeiro qui tenait un discours exagéré et provocateur d’ordre, d’autorité et de discipline. Mais Bolsonaro n’a rien d’un continuateur de l’Action intégraliste de Plinio Salgado. C’est évident quand le gouvernement brésilien aligne sa diplomatie sur la centrale mondiale du terrorisme d’État, les États-Unis, s’affiche sioniste chrétien, accélère la déforestation de l’Amazonie et nie tout droit aux peuples autochtones amérindiens. Ces tribus sont elles aussi frappées par un « grand remplacement » pratiqué par les industries agro-alimentaires, les sectes évangéliques et les grandes compagnies minières. Défendre le principe intangible d’« une terre, un peuple » implique par conséquent le rejet de tout apport exogène moderniste ou progressiste ainsi que de toute tentative d’assimilation à la Mégamachine mondialiste génocidaire. « Si par “ exploitation rationnelle ”, il s’agit de transformer les petits fermiers indiens, pauvres mais libres, en ouvriers agricoles inhalant du glyphosate toute la journée, ou en employés des mines dont l’horizon se borne au plateau-repas devant Hanouna, alors, que les Indiens utilisent tous les moyens même légaux pour conserver leurs terres, écrit encore Julien Langella. Si c’est pour intégrer les Indiens à une société occidentale consumériste en phase terminale, alors nous ne pouvons que souhaiter aux Indiens de résister de toutes leurs forces contre le rouleau-compresseur de l’uniformisation mondiale. Si, par “ êtres humains comme nous ”, Bolsonaro entend “ consommateurs zombies déracinés ”, alors que les Indiens ne lâchent rien ! (5) » Les Amérindiens sont chez eux en Amazonie comme les Albo-Européens le sont en Europe et les Hispaniques sur des terres mexicaines volées en 1848 par la grande catin étoilée. Le 2 août dernier, un certain Patrick Crusius déclenchait une fusillade, tuait vingt-deux personnes et en blessait vingt-quatre autres parce qu’il condamnait l’« invasion latino » à El Paso, dont le nom même assure de l’antériorité évidente des Anglo-Saxons à cet endroit…

Greg-johnson-seattle-1_headcrop.jpgSurgi des franges les plus loufoques de l’Alt Right nord-américaine, le nationalisme blanc est propagé par le Californien Greg Johnson (photo, ci-contre) dont les écrits sont diffusés en France par une obscure maison d’édition se croyant dissidente qui soutient par ailleurs un traducteur syldavo-poldève au caractère aigri et suffisant. Le nationalisme blanc peut éventuellement résoudre les tensions sociales et ethniques inhérentes à la psychopathologie collective propre à l’âme américaine du Nord en prônant la sécession territoriale. Cette option séparatiste est en revanche pour l’Europe une dangereuse fiction. Le nationalisme blanc sert les desseins d’une faction de l’État profond étatsunien. Contrairement à ce qu’assène Greg Johnson, ce qu’il qualifie avec dédain de « nationalisme grandiose » (6), à savoir la quête d’un Imperium paneuropéen, constitue l’ultime recours des peuples autochtones d’Europe.

Parler dans ces conditions de « révolte des peuples » sonne faux à l’aune de ce décryptage politiquement très incorrect. Les peuples ne se révoltent pas; ils maugréent. Colonisés par l’idéologie de la marchandise, ils expriment une insatisfaction chronique, soudaine et passagère. Certains femmes Gilets Jaunes interrogées au début du mouvement expliquaient leur engagement sur les ronds points par leur impossibilité de se payer de temps en temps un restaurant le samedi soir. Bien des Gilets Jaunes ne veulent pas changer le Système en place; ils souhaitent au contraire s’y conformer, d’où l’échec des quelques tentatives de noyautage par la « droite radicale » et l’entrisme croissant de la part de certaines centrales syndicales et de militants gauchistes.

Dominique Venner disait souvent que l’Europe est pour l’heure en dormition. Mais un jour viendra où elle s’éveillera. Son sacrifice dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 21 mai 2013, incitait à ce réveil. Romantique politique, l’auteur de Baltikum était optimiste. Malgré tous les efforts louables et les appels au sursaut salvateur, les peuples européens ne bougent pas ! Toutes les manifestations électorales qui terrorisent tant les médiacrates n’expriment qu’un somnambulisme tenace. Ce somnambulisme politique désigne le comportement collectif des Européens, voire des Occidentaux, qui se complaisent dans une suave et mortelle léthargie. Ce renoncement se caractérise aussi par une profusion de faux héros réactionnaire ou contre-révolutionnaires.

ThM-CR.jpgQu’est-ce que le faux héros contre-révolutionnaire ou réactionnaire ? Le philosophe catholique d’origine hongroise Thomas Molnar qui vécut longtemps aux États-Unis et qui conseilla Viktor Orban pendant son premier mandat (1998 – 2002), l’explicite dans un essai méconnu La Contre-Révolution. Le faux héros « est en partie le produit de circonstances que l’on peut bien identifier et qui se retrouvent de temps à autre. Si l’on pouvait en dresser un portrait, cela donnerait un personnage né ou élevé dans un milieu contre-révolutionnaire, ou du moins dont on suppose qu’il partage les convictions contre-révolutionnaires. L’opinion publique le classe comme un contre-révolutionnaire et, par conséquent, il a des partisans et des adversaires, un profil politique défini. L’impression est d’autant plus marquée que son style de vie et son style de pensée, choses plus importantes que les jugements intellectuels, divisent automatiquement les gens en amis et ennemis, en sympathisants et adversaires. Pourtant, une ambiguïté considérable s’attache à lui du fait que le style et le contenu de sa pensée ne sont pas toujours en harmonie : jusqu’à ce qu’il détienne fermement le pouvoir, il ne laisse pas découvrir de quel côté penche la balance. Dans la période que précède la prise du pouvoir, cette ambiguïté garantit au faux “ héros ” contre-révolutionnaire une grande liberté d’action; ce n’est qu’au moment décisif qu’il se découvre, explique Thomas Molnar : il accepte l’autorité que lui proposent les contre-révolutionnaires, mais sa politique suit le schéma révolutionnaire et en fin de compte favorise la cause révolutionnaire. Son succès vient donc de son art d’utiliser le temps, et s’il domine le facteur temps c’est précisément que ni ses partisans ni ses adversaires naturels ne sont capables de calculer ni d’évaluer à l’avance quels seront ses faits et gestes; leur perplexité permet au faux “ héros ” de gagner du temps, ce qui est essentiel pour qu’il puisse réaliser ses manœuvres compliquées (7). » Écrites en 1969, ces lignes s’attardent ensuite sur Charles De Gaulle, Paul VI et Richard Nixon.

En 1996, Jean Renaud interroge Thomas Molnar et insiste sur cette notion clé de « faux héros ». « La droite, qui se plaît dans le rôle de l’éternelle victime et qui en est paralysée, n’a pas le choix, répond Thomas Molnar. Du fond de son désespoir, elle accueille ses pires ennemis, du moment que ceux-ci, pour des raisons tactiques et électorales, lui jettent quelques mots à demi rassurants. Le “ faux-héros ” recueille tous les avantages de cette situation. S’il possède assez de caractéristiques pour plaire à la droite, assure Thomas Molnar, il n’en reste pas moins que sa décision est depuis longtemps prise : faire une politique de gauche, la seule qui lui permette de gouverner dans une relative tranquillité (8). » Thomas Molnar prédisait avec une décennie d’avance le quinquennat calamiteux de l’ineffable Nicolas Sarközy. Sarközy, c’est François Hollande en pire. L’ancien maire de Neuilly a même reconnu que s’il avait été réélu en 2012, il aurait poussé encore plus loin l’« ouverture ». Jusqu’où ? À Bernard Tapie ? À Ségolène Royal ? À Olivier Besancenot ? Des trumpistes français peuvent rétorquer que Donald Trump ne gouverne pas dans la quiétude, bien au contraire ! Ayant contre lui l’ensemble de la médiacratie ainsi que divers cénacles influents du Complexe militaro-industriel bankstériste, le New Yorkais dirige dans le feu et la fureur. Ces conditions matérielles difficiles n’en font pourtant pas la réincarnation de Nathan Bedford Forrest, le fondateur du Ku Klux Klan.

« Encore une fois, ajoute Thomas Molnar, la droite n’a pas le choix : autoexilée de la politique, elle déplore cet exil qui promet d’être permanent, elle ferme les yeux et préfère s’illusionner. La principale illusion réside dans ce personnage ambigu du faux héros, capable d’endormir la droite juste le temps nécessaire pour consolider son règne (9). » Ce qu’expose le philosophe politique ne concerne pas que des personnalités publiques, politiques ou intellectuelles; son avertissement s’applique pleinement à certains slogans creux, stériles et finalement incapacitants comme l’« union des droites ».

ISSEP-Marion-Marechal-1.jpgL’« union des droites » serait une merveilleuse panacée. Future retraitée de la vie politique, Marion Maréchal estimait en 2017 que « la stratégie victorieuse réside dans l’alliance de la bourgeoisie conservatrice et des classes populaires. C’était la synergie qu’avait réussie Nicolas Sarkozy en 2007. […] Ce qui reste possible, c’est l’union des hommes. Il existe aujourd’hui une zone blanche, entre certains courants chez Les Républicains, que je qualifierais de droite nationale conservatrice, Nicolas Dupont-Aignan, ceux qui sortent du champ politique, comme Philippe de Villiers, certains élus et cadres de la droite, et le FN. Dans cette zone blanche, il y a une recomposition à opérer, qui s’apparenterait à l’union de certaines droites. Mais sans doute pas avec cette droite des Républicains, qui est une droite reniée (10) ». On doit lui reconnaître une réelle persévérance avec son école lyonnaise de cadres qui n’ose avouer sa véritable finalité et le soutien intéressé de quelques titres imprimés (L’Incorrect, Causeur, bientôt Conflits).

Cette « union des droites » est aussi l’antienne principale de la fameuse « droite hors les murs » qui, de Robert Ménard à Érik Tegnér, rêve d’un candidat apte en 2022 de battre Emmanuel Macron en réunissant les libéraux-conservateurs bourgeois coincés de Wauquiez et de Bellamy, les nationaux-conservateurs de Nicolas Dupont-Aignan, et l’électorat populaire radicalisé du Rassemblement national. Une congruence que pourrait susciter Éric Zemmour si celui-ci n’était pas un essayiste talentueux qui se refuse d’aborder les rivages de la politique. Dans une « union des droites », les floués seraient les catégories populaires déclassés de la mondialisation libérale. N’oublions jamais que si le « mariage pour tous » a indigné les beaux quartiers de Paris, de Lyon, de Bordeaux et de Versailles, ces mêmes beaux quartiers se félicitent de la généralisation du travail dominical et encouragent à l’encontre de toute étude sérieuse l’augmentation du temps de travail hebdomadaire.

todd-qui-est-charlie.jpgReconnaissons en revanche la clairvoyance de l’intellectuel souverainiste républicain de gauche Emmanuel Todd dans son livre polémique Qui est Charlie ? (11). Il examine une France de « catholiques – zombies ». Les récentes élections européennes confortent son analyste. L’électeur catho-zombie déteste les Gilets Jaunes, justifie l’impitoyable répression de Galliffet – Castener et donne son vote à La République en marche, formation politique idoine en matière de contre-populisme avéré. Même Patrick Buisson en convient aujourd’hui volontiers; l’« union des droites » ou, pour être plus précis, la combinaison du conservatisme et du libéralisme est désormais révolue. Il encourage maintenant l’« union des anti-libéraux » (12). Encore faut-il comprendre ce qu’il entend… S’agit-il d’une simple entente contre la mondialisation libérale ou bien un vrai front contre le libéralisme culturel et économique, soit l’alliance effective de Pierre-Joseph Proudhon et de Carl Schmitt ?

À l’heure des réseaux sociaux abrutissants, du numérique envahissant et d’Internet censeur implacable, la révolte concrète des peuples se révèle éphémère sinon impossible. Sur l’échelle du temps, ce ne sont que des soubresauts qui marquent la transition du XXe au XXIe siècle. Parfois violentes, ces agitations populaires ne s’inscrivent pas dans la durée, car il leur manque le facteur déterminant de la jeunesse. Les révolutions en Europe entre les XVIIIe et le XXe siècles provenaient d’hommes jeunes : Robespierre avait 36 ans quand il monta sur l’échafaud, Danton 34 ans au moment de son exécution, Napoléon devient Premier Consul à 30 ans, 39 ans pour Benito Mussolini à sa nomination à la présidence du Conseil. Cet élan de trentenaires manque fortement pour alimenter d’authentiques brasiers populaires et sociaux.

Avec la propagande qu’ils subissent à l’école, sur Internet, dans les films et par la publicité, les jeunes générations préfèrent marcher pour le climat au côté de la gracieuse Greta Thunberg. En faisant la grève scolaire contre le réchauffement climatique, les adolescents montrent leur inconséquence, eux qui sont les premiers à se plaindre dès qu’ils perdent leurs smartphones au coût écologique exorbitant en métaux rares et en transports.

La victoire n’est ni pour demain, ni même pour après-demain. Elle se détournera même de la modeste phalange que nous formons tant que les peuples du Vieux Continent persisteront dans leur périlleux somnambulisme. La mort paraît toujours plus douce quand elle arrive en plein sommeil.

Je vous remercie.

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : Michel Geoffroy, La super-classe mondiale contre les peuples, préface de Jean-Yves Le Gallou, Via Romana, 2018.

2 : Paul Hazard, La crise de la conscience européenne (1680 – 1715), Boivin – Librairie générale française, 1935.

3 : cf. Olivier Christin, Vox populi. Une histoire du vote avant le suffrage universel, Le Seuil, coll. « Liber », 2014.

4 : Julien Langella, « Bolsonaro, les Indiens et nous : le populisme en question », dans Présent du 20 juin 2019.

5 : Idem.

6 : cf. Greg Johnson, « Nationalisme grandiose » mis en ligne sur Counter-Currents, le 27 mars 2016.

7 : Thomas Molnar, La Contre-Révolution, La Table Ronde, 1982, pp. 175 – 176.

8 : Thomas Molnar, Du mal moderne. Symptômes et antidotes, entretiens avec Jean Renaud, Éditions du Beffroi, 1996, p. 97.

9 : Thomas Molnar, Du mal moderne, op. cit., pp. 97 – 98.

10 : « Le testament politique de Marion Maréchal – Le Pen (entretien avec Geoffroy Lejeune) », dans Valeurs Actuelles du 18 mai 2017.

11 : Emmanuel Todd, Qui est Charlie ? Sociologie d’une crise religieuse, Le Seuil, 2015.

12 : cf. Patrick Buisson, « Il n’y a aucune convergence possible entre libéralisme et populisme (entretien) », dans L’Opinion du 31 juillet 2019.

Conférence prononcée à l’invitation de la Ligue du Midi en Occitanie, le 8 septembre 2019.

jeudi, 12 septembre 2019

Quand la CIA étudiait la French theory: sur le travail intellectuel de démembrement de la gauche culturelle

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Quand la CIA étudiait la French theory: sur le travail intellectuel de démembrement de la gauche culturelle

Par Gabriel Rockhill 

Source The Philosophical Salon

On présume souvent que les intellectuels ont peu ou pas de pouvoir politique. Perchés au sommet d’une tour d’ivoire privilégiée, déconnectés du monde réel, mêlés à des débats académiques dénués de sens sur des détails infimes, ou flottant dans les nuées absconses de théories abstraites, les intellectuels sont souvent dépeints comme non seulement coupés de la réalité politique, mais comme incapables d’avoir un impact significatif sur elle. Ce n’est pas ce que pense la CIA.

En fait, l’agence responsable de coups d’État, d’assassinats ciblés et de manipulations clandestines des gouvernements étrangers ne croit pas seulement au pouvoir de la théorie, mais elle a consacré des ressources importantes pour qu’un groupe d’agents secrets étudient ce que certains considèrent comme la théorie la plus complexe et absconse jamais produite. En effet, dans un article de recherche intrigant écrit en 1985, et récemment publié avec des retouches mineures en raison du Freedom of Information Act, la CIA révèle que ses agents ont étudié la très complexe, avant-gardiste et internationale French theory, [ou théorie de la déconstruction, NdT] adossée aux noms de Michel Foucault, Jacques Lacan et Roland Barthes.

L’image d’espions américains se réunissant dans des cafés parisiens pour étudier assidûment et comparer leurs notes sur les écrits des grands prêtres de l’intelligentsia française choquera ceux qui présument que ce groupe d’intellectuels est constitué de sommités dont la sophistication éthérée ne pourrait jamais être saisie par un filet aussi grossier, ou qui, au contraire, les considèrent comme des charlatans colportant une rhétorique incompréhensible sans impact sur le monde réel ou presque. Cependant, cela ne devrait pas surprendre ceux qui connaissent l’investissement de la CIA, ancien et permanent, dans la guerre culturelle mondiale, y compris par le soutien à ses formes les plus avant-gardistes, qui a été bien documenté par des chercheurs comme Frances Stonor Saunders, Giles Scott-Smith, Hugh Wilford (et j’ai moi-même apporté ma propre contribution dans Radical History & the Politics of Art).

Thomas W. Braden, l’ancien superviseur des actions culturelles à la CIA, a expliqué avec franchise la puissance de l’offensive intellectuelle de l’Agence dans un compte rendu à destination de ses membres, publié en 1967 :

Je me souviens de l’immense joie que j’ai ressentie lorsque le Boston Symphony Orchestra [qui avait reçu l’appui de la CIA] a recueilli plus d’éloges pour les États-Unis à Paris que John Foster Dulles ou Dwight D. Eisenhower n’aurait pu en obtenir en une centaine de discours.

En aucune façon, il ne s’agissait d’une petite opération à la marge. En fait, comme Wilford l’a fort justement décrit, le Congrès pour la liberté de la culture (CCF), dont le siège social se trouvait à Paris et qui s’est par la suite avéré une organisation de façade de la CIA dans la partie culturelle de la guerre froide, était l’un des plus importants mécènes dans l’histoire universelle. Il soutenait une incroyable gamme d’activités artistiques et intellectuelles. Il avait des bureaux dans 35 pays, publiait des dizaines de magazines de prestige, était impliqué dans l’industrie du livre, organisait des conférences internationales de haut niveau ainsi que des expositions d’art, coordonnait des spectacles et des concerts et contribuait largement au financement de divers prix et bourses culturels, ainsi que d’organismes de soutien comme la Fondation Farfield.

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L' »Appareil » parisien : l’agent de la CIA et chef du CCF Michael Josselson (au centre) dans un déjeuner de travail avec John Clinton Hunt et Melvin Lasky (à droite)

La CIA comprend que la culture et la théorie sont des armes cruciales dans l’arsenal global qu’elle déploie pour protéger les intérêts étasuniens dans le monde entier. Le rapport de recherche de 1985, récemment publié, intitulé « France : Defection of the Leftist Intellectuals » (Défection des intellectuels de gauche en France) examine, sans aucun doute pour la manipuler, l’intelligentsia française et son rôle fondamental dans l’orientation des tendances qui à leur tour génèrent les orientations politiques. Le rapport suggère qu’il a existé un équilibre idéologique relatif entre la gauche et la droite dans l’histoire intellectuelle française, puis souligne le monopole de la gauche dans l’immédiat après-guerre (auquel, nous le savons, l’Agence était farouchement opposée) en raison du rôle clé des communistes dans la résistance au fascisme et de leur victoire finale. Bien que la droite, selon les mots de la CIA, ait été massivement discréditée en raison de sa contribution directe aux camps nazis, ainsi que de son programme globalement xénophobe, anti-égalitaire et fasciste, les agents secrets anonymes qui ont rédigé le plan d’étude constatent avec un vif plaisir son retour intellectuel depuis le début des années 1970 environ.

Plus précisément, les soldats camouflés de la culture applaudissent ce qu’ils considèrent comme un double mouvement qui contribue à ce que les cercles intellectuels détournent leurs critiques des États-Unis vers l’URSS. A gauche, il existait une désaffection intellectuelle croissante envers le stalinisme et le marxisme, un retrait progressif des intellectuels radicaux du débat public, et un mouvement théorique de prise de distance envers le socialisme et le Parti socialiste. Plus loin, à droite, les opportunistes idéologiques appelés Nouveaux philosophes ainsi que les intellectuels de la Nouvelle droite avaient lancé une campagne médiatique de critique du marxisme.

Tandis que d’autres tentacules de la CIA étaient impliqués dans le renversement de dirigeants démocratiquement élus, fournissant des informations et des financements à des dictateurs fascistes, soutenant les escadrons de la mort, l’état-major culturel parisien recueillait des données sur la manière dont le glissement du monde intellectuel vers la droite pourrait directement bénéficier à la politique étrangère américaine. Les intellectuels de gauche de l’après-guerre avaient ouvertement critiqué l’impérialisme américain. L’influence médiatique de Jean-Paul Sartre en tant que critique marxiste, et son action notable, en tant que fondateur de Libération, dans le dévoilement du dirigeant de la CIA à Paris ainsi que de dizaines d’agents infiltrés, étaient surveillées de près par l’Agence et considérées comme un très grave problème.

Par contraste, l’atmosphère anti-soviétique et anti-marxiste de l’ère néolibérale en cours d’émergence détournait l’attention du public et fournissait une excellente couverture pour les sales guerres de la CIA en rendant « très difficile pour quiconque de mobiliser parmi les élites intellectuelles une opposition significative à la politique des États-Unis en Amérique centrale, par exemple. » Greg Grandin, un des meilleurs historiens de l’Amérique latine, a parfaitement résumé cette situation dans The Last Colonial Massacre :

En plus des interventions visiblement désastreuses et mortelles au Guatemala en 1954, en République dominicaine en 1965, au Chili en 1973 et au Salvador et au Nicaragua au cours des années 1980, les États-Unis ont attribué des ressources financières stables et discrètes, et leur soutien moral aux États terroristes contre-insurgés. […] Mais l’énormité des crimes de Staline assure que ces histoires sordides, qu’elles soient convaincantes, approfondies, ou accablantes, ne perturbent pas le fondement d’une vision du monde où le les États-Unis jouent un rôle exemplaire dans la défense de ce que nous appelons aujourd’hui démocratie.

C’est dans ce contexte que les mandarins masqués saluent et soutiennent la critique implacable qu’une nouvelle génération de penseurs anti-marxistes comme Bernard-Henri Levy, André Glucksmann et Jean-François Revel lancent contre « la dernière clique d’intellectuels communistes » composée, selon les agents anonymes, de Sartre, Barthes, Lacan et Louis Althusser. Étant donné que ces anti-marxistes avaient penché à gauche dans leur jeunesse, ils fournissaient un modèle parfait auquel adosser des récits trompeurs qui confondent une prétendue prise de conscience politique personnelle avec la marche progressiste du temps, comme si la vie individuelle et l’histoire étaient simplement une question de maturité qui consiste à admettre que l’aspiration à une profonde transformation sociale vers l’égalité est une chose du passé, à l’échelle personnelle et à l’échelle historique. Ce fatalisme condescendant et omniscient ne sert pas seulement à discréditer les nouveaux mouvements, en particulier ceux dirigés par des jeunes, mais il interprète également les succès relatifs de la répression contre-révolutionnaire comme le progrès naturel de l’histoire.

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Le philosophe français anti-marxiste Raymond Aron (à gauche) et sa femme Suzanne en vacances avec l’agent infiltré de la CIA Michael Josselson et Denis de Rougemont (à droite)

Même les théoriciens qui n’étaient pas aussi opposés au marxisme que ces réactionnaires ont apporté une contribution significative à une atmosphère de désillusion envers l’égalitarisme transformateur, de prise de distance envers la mobilisation sociale et d’« enquête critique » dépourvue de point de vue politique radical. Ceci est extrêmement important pour comprendre la stratégie globale de la CIA dans ses tentatives puissantes et profondes de démanteler la gauche culturelle en Europe et ailleurs : reconnaissant qu’il était peu probable qu’on puisse l’abolir entièrement, la CIA a cherché à déplacer la culture de gauche d’une politique anti-capitaliste et résolument transformatrice vers une position réformiste de centre-gauche moins ouvertement critique des politiques étrangères et nationales étasuniennes. En fait, comme Saunders l’a démontré en détail, dans l’après-guerre l’Agence a influencé le Congrès maccarthyste pour qu’il soutienne et assure une promotion directe des projets de gauche qui permettaient d’attirer les producteurs et les consommateurs culturels à l’écart d’une gauche résolument égalitaire. En isolant et en discréditant cette dernière, la CIA aspirait aussi à fragmenter la gauche en général, laissant à ce qui restait du centre gauche un pouvoir et un soutien public minimaux en plus d’être potentiellement discrédité en raison de sa complicité avec la politique de droite, une question qui continue de tourmenter les partis institutionnalisés contemporains de gauche.

C’est dans cette lumière que nous devons comprendre le penchant de la CIA pour les récits de conversion et son profond intérêt pour les « marxistes repentis », un leitmotiv qui traverse le rapport de recherche sur la Déconstruction française. « Encore plus efficaces pour saper le marxisme », écrivent les taupes, « il y a ces intellectuels qui, comme de vrais croyants, se sont mis en tête d’appliquer la théorie marxiste aux sciences sociales, et qui ont fini par repenser et rejeter l’ensemble du corpus théorique. » Les agents citent en particulier la puissante contribution de l’École des Annales d’historiographie et le structuralisme (en particulier Claude Lévi-Strauss et Foucault) à la « démolition critique de l’influence marxiste dans les sciences sociales ». Foucault, identifié comme « le penseur le plus profond et le plus influent en France », est particulièrement applaudi pour ses éloges à l’endroit des intellectuels de la Nouvelle droite pour avoir rappelé aux philosophes que des « conséquences sanglantes » ont « découlé de la théorie sociale rationaliste des Lumières du XVIIIème siècle et de l’ère révolutionnaire ». Bien sûr, ce serait une erreur de juger la théorie ou la pratique politique d’un penseur sur une seule position ou un seul résultat, mais le gauchisme anti-révolutionnaire de Foucault et sa perpétuation du chantage au Goulag (c’est-à-dire l’affirmation selon laquelle les mouvements radicaux conquérants visant une transformation sociale et culturelle profonde ne font que ressusciter les traditions les plus dangereuses), sont parfaitement alignés avec les stratégies globales de guerre psychologique de l’Agence.

frenchtheorylivreLD.jpgL’interprétation de la French theory par la CIA devrait nous faire réfléchir, dans ce cas, à reconsidérer le vernis radical chic qui a accompagné en grande partie sa réception anglophone. Selon une conception étapiste d’une histoire progressiste (généralement aveugle à sa téléologie implicite), l’œuvre de figures comme Foucault, Derrida et d’autres théoriciens français d’avant-garde est souvent intuitivement associée à une forme de critique radicale et sophistiquée qui dépasse sans doute de loin tout ce que l’on trouve dans les traditions socialistes, marxistes ou anarchistes. Il est certainement vrai, et mérite d’être souligné que la réception anglophone de la French theory, comme John McCumber l’a souligné à juste titre, a eu d’importantes implications politiques en tant que pôle de résistance aux fausses neutralités politiques, aux formalismes techniques rassurants de la logique et du langage, ou au conformisme idéologique direct opérant dans la tradition philosophique anglo-américaine et soutenu par McCarthy. Cependant, les pratiques théoriques des philosophes qui ont tourné le dos à ce que Cornelius Castoriadis nommait la tradition de la critique radicale, (c’est-à-dire la résistance capitaliste et anti-impérialiste) ont certainement contribué à la mise à l’écart idéologique de la matrice de transformation sociale. Selon la CIA elle-même, la French theory post-marxiste a directement contribué au programme culturel de l’Agence consistant à entraîner la gauche vers la droite, tout en discréditant l’anti-impérialisme et l’anti-capitalisme, créant ainsi un environnement intellectuel dans lequel les projets impériaux pourraient être poursuivis sans l’entrave d’un examen critique sérieux des cercles intellectuels.

Comme nous le savons grâce aux recherches sur le programme de guerre psychologique de la CIA, l’organisation n’a pas seulement cherché à contraindre des individus, mais elle a toujours voulu comprendre et transformer les institutions de production et de distribution culturelles. En effet, son étude sur la Déconstruction met en évidence le rôle structurel des universités, des maisons d’édition et des médias dans la formation et la consolidation d’un ethos politique collectif. Dans des descriptions qui, comme le reste du document, devraient nous inviter à penser de manière critique à la situation académique actuelle dans le monde anglophone et au-delà, les auteurs du rapport mettent au premier plan les méthodes par lesquelles la précarisation du travail universitaire contribue à la démolition de la gauche radicale. Si la gauche la plus résolue ne peut pas se procurer les moyens matériels nécessaires à l’exécution de son travail, ou si nous sommes plus ou moins subtilement contraints de nous plier à une conformité pour trouver un emploi, publier nos écrits ou acquérir un auditoire, alors les conditions structurelles pour une communauté de gauche radicale sont affaiblies. La professionnalisation de l’enseignement supérieur est un autre outil utilisé à cette fin, puisqu’il vise à transformer les gens en rouages technoscientifiques de l’appareil capitaliste plutôt qu’en citoyens autonomes pourvus d’outils fiables en vue de la critique sociale. C’est pourquoi les mandarins théoriciens de la CIA font l’éloge des efforts déployés par le gouvernement français pour « pousser les étudiants à suivre des cursus de commerce et de technologie ». Ils soulignent également les contributions de grandes maisons d’édition comme Grasset, des médias ainsi que la vogue de la culture américaine pour faire avancer leur matrice post-socialiste et anti-égalitaire.

Quelles leçons pouvons-nous tirer du document, en particulier dans le contexte politique actuel d’une offensive permanente contre les cercles de l’intelligence critique ? Pour commencer, cette enquête devrait être un rappel convaincant que si certains présument que les intellectuels sont impuissants, et que leurs orientations politiques sont impuissantes, ce n’est pas ce que pense l’organisation qui a été l’un des plus puissants courtiers de puissance dans la politique mondiale contemporaine. La Central Intelligence Agency, comme son nom l’indique ironiquement, croit au pouvoir de l’intelligence et de la théorie, et nous devrions prendre cela très au sérieux. En présumant que le travail intellectuel a peu d’influence sur le « monde réel », ou n’en a pas, nous ne nous bornons pas à dénaturer les implications pratiques du travail théorique, nous courons aussi le risque de nous aveugler dangereusement sur des projets politiques pour lesquels nous pouvons facilement devenir les ambassadeurs involontaires. Même s’il est vrai que l’Etat-nation et l’appareil culturel français fournissent une matrice publique beaucoup plus efficace pour les intellectuels que ce que l’on trouve dans de nombreux autres pays, le souci de la CIA de cartographier et de manipuler la production théorique et culturelle partout ailleurs devrait tous nous réveiller.

Deuxièmement, les courtiers de pouvoir actuel ont un intérêt direct à cultiver des cercles intellectuels dont l’acuité critique aura été assombrie ou aveuglée en encourageant les institutions fondées sur les intérêts des affaires et de la techno-science, en assimilant la gauche à l’anti-scientifisme, en mettant en corrélation la science avec une neutralité politique prétendue (mais fausse), en assurant la promotion de médias qui saturent les ondes de pratiques conformistes, en tenant la gauche la plus déterminée à l’écart des grandes institutions universitaires et des projecteurs, et en discréditant tous les appels à une transformation égalitaire et écologique radicale. Idéalement, ils cherchent à nourrir une culture intellectuelle de gauche neutralisée, immobilisée, apathique et limitée au fatalisme, ou à la critique passive des mobilisations de la gauche radicale. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous pourrions considérer l’opposition intellectuelle à la gauche radicale, qui prédomine dans l’université américaine, comme une position politique dangereuse : n’est-elle pas directement complice du programme impérialiste global de la CIA ?

Troisièmement, pour contrer cette offensive institutionnelle contre une culture de gauche affirmée, il est impératif de résister à la précarisation et à la professionnalisation de l’enseignement. Il est tout aussi important de créer des sphères publiques de débat réellement critique, offrant une matrice élargie à ceux qui reconnaissent qu’un autre monde est non seulement possible, mais est nécessaire. Nous devons aussi nous unir pour contribuer aux médias alternatifs, aux modèles d’éducation différents, aux contre-institutions et aux collectifs radicaux. Il est vital de favoriser précisément ce que les combattants secrets de la culture veulent détruire : une culture de gauche radicale et son vaste cadre institutionnel de soutien, un large ancrage public, une puissance médiatique conquérante et un pouvoir de mobilisation contagieux.

Enfin, les intellectuels du monde devraient s’unir pour reconnaître notre pouvoir et le saisir afin de faire tout ce que nous pouvons pour développer une critique systémique et radicale, égalitaire et écologiste, anti-capitaliste et anti-impérialiste. Les positions que l’on défend en cours ou en public sont importantes pour définir les termes du débat et tracer le champ des possibilités politiques. En opposition directe à la stratégie culturelle fragmentaire et polarisante de la CIA, par laquelle l’Agence a cherché à diviser et isoler la gauche anti-impérialiste et anti-capitaliste, tout en l’opposant à des positions réformistes, nous devrions fédérer et mobiliser en reconnaissant l’importance de travailler ensemble (dans toute la gauche, comme Keeanga-Yamahtta Taylor nous l’a rappelé récemment) pour cultiver les conditions d’une intelligentsia réellement critique. Plutôt que de proclamer ou de déplorer l’impuissance des intellectuels, nous devrions exploiter la capacité de dire les mots justes au pouvoir en travaillant ensemble et en mobilisant notre capacité à créer collectivement les institutions nécessaires à un monde de gauche culturelle. Car c’est seulement dans un tel monde, et dans les chambres d’écho de l’intelligence critique qu’il génère, que les vérités énoncées pourraient effectivement être entendues, et ainsi changer les structures mêmes du pouvoir.

Gabriel Rockhill

Note du Saker Francophone

- Des deux parties de cet article, la 1ère est de loin la plus intéressante 
car elle met en contexte le paysage intellectuel français très polarisé des
années 70. À titre personnel j'y vois par exemple un lien avec
l'affaire Marchais révélée par L'Express en 1980, pour laquelle les
explications de J.-F. Revel m'ont toujours semblé pour le moins évasives.
- Il est tout à fait possible que la CIA ait programmé le débordement
de la gauche marxiste classique par la French Theory (rien que le nom...),
et on peut également se dire que cette théorie aura ensuite
été laissée libre de poursuivre sa trajectoire pour s'attaquer au socle
intellectuel et anthropologique occidental, empêchant ainsi toute pensée
critique structurée. Une sorte de gestion du chaos intellectuel, en fait.
Vous savez, les régressives études de genre, décoloniales, intersectionnelles etc.
En ce sens, malgré la pauvreté finale de son article, Gabriel Rockhill
aurait doublement raison.
- Vous trouverez ici un bon texte de Yannick Jaffré sur Katehon complétant celui-ci.

Traduit par Stünzi, relu par San pour le Saker francophone

mardi, 10 septembre 2019

Macron et la déshérence du projet occidental

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Macron et la déshérence du projet occidental

Par Nicolas Bonnal

Source nicolasbonnal.wordpress.com

Philippe Grasset a eu le nez creux en relevant ce texte extraordinaire. Que se passe-t-il quand le représentant du système se met à parler juste, quand il nous coupe l’herbe sous le pied ? Car Macron peut désintégrer son opposition antisystème avec ce discours aux ambassadeurs, qui succède à un faux G7-simulacre où le Donald s’est fait piéger comme un alevin.

Macron avait reçu Poutine après son élection, et il l’a revu à Brégançon, mettant fin à la débile/soumise diplomatie héritée des années Hollande-Obama. Et comme en plus il reconnaît la violence de l’ordre néo-libéral financiarisé et la logique des révoltés… en bref, on a un chef d’État qui a compris, ce qui vaut mieux qu’un chef d’État qui fait semblant de nous avoir compris. On étudiera ici la justesse de la pensée, et pas les résultats d’une politique qui nous indiffère du reste.

Et dans ce long discours (17 000 mots) dont on a surtout apprécié la première partie analytique, on a relevé cette observation sur la fin de la domination occidentale :

Nous le vivons tous ensemble ce monde et vous le connaissez mieux que moi, mais l’ordre international est bousculé de manière inédite mais surtout avec, si je puis dire, un grand bouleversement qui se fait sans doute pour la première fois dans notre histoire à peu près dans tous les domaines, avec une magnitude profondément historique. C’est d’abord une transformation, une recomposition géopolitique et stratégique. Nous sommes sans doute en train de vivre la fin de l’hégémonie occidentale sur le monde.

Puis, comme un savant synthétiseur qu’il est, Macron rappelle finement :

Nous nous étions habitués à un ordre international qui depuis le 18ème siècle reposait sur une hégémonie occidentale, vraisemblablement française au 18ème siècle, par l’inspiration des Lumières ; sans doute britannique au 19ème grâce à la révolution industrielle et raisonnablement américaine au 20ème grâce aux 2 grands conflits et à la domination économique et politique de cette puissance. Les choses changent.

Oui, l’Angleterre c’était l’usine, l’Amérique la guerre (froide, tiède, interminable, et il le fait bien comprendre). La France c’était la culture.

Ensuite, surtout, ce président incrimine la médiocrité occidentale et ses méchantes manières :

Et elles sont profondément bousculées par les erreurs des Occidentaux dans certaines crises, par les choix aussi américains depuis plusieurs années et qui n’ont pas commencé avec cette administration mais qui conduisent à revisiter certaines implications dans des conflits au Proche et Moyen-Orient et ailleurs, et à repenser une stratégie profonde, diplomatique et militaire, et parfois des éléments de solidarité dont nous pensions qu’ils étaient des intangibles pour l’éternité même si nous avions constitué ensemble dans des moments géopolitiques qui pourtant aujourd’hui ont changé.

Puis on remarque que le monde est de facto multipolaire malgré les tweets de Dumb-Trump et Dumber-Bolton :

Et puis c’est aussi l’émergence de nouvelles puissances dont nous avons sans doute longtemps sous-estimé l’impact.

La Chine au premier rang mais également la stratégie russe menée, il faut bien le dire, depuis quelques années avec plus de succès. J’y reviendrai. L’Inde qui émerge, ces nouvelles économies qui deviennent aussi des puissances pas seulement économiques mais politiques et qui se pensent comme certains ont pu l’écrire, comme de véritables États civilisations et qui viennent non seulement bousculer notre ordre international, qui viennent peser dans l’ordre économique mais qui viennent aussi repenser l’ordre politique et l’imaginaire politique qui va avec, avec beaucoup de force et beaucoup plus d’inspiration que nous n’en avons.

Essentiel aussi, on souligne l’habileté et la stratégie de ces nouveaux venus (encore que l’Inde de Modi fasse plutôt grimacer) qui contraste avec l’absence de méthode des américains, digne du colonel Kurz :

Regardons l’Inde, la Russie et la Chine. Elles ont une inspiration politique beaucoup plus forte que les Européens aujourd’hui. Elles pensent le monde avec une vraie logique, une vraie philosophie, un imaginaire que nous avons un peu perdu.

L’occident, coquille vide qui a perdu le sens, cela nous fait un beau débat, qui va de Goethe à Valéry… Enfin un qui a compris que la Chine et la Russie sont dirigées de main de maître.

Vient une autre surprise. Le commis présumé des banques et des oligarques reconnaît que la matrice a fourché… Et cela donne :

D’abord elle s’est profondément financiarisée et ce qui était une économie de marché, que certains avaient pu même parfois théoriser en parlant d’économie sociale de marché et qui était au cœur des équilibres que nous avions pensé est devenue une véritable économie d’un capitalisme cumulatif où, il faut bien le dire, d’abord la financiarisation puis les transformations technologiques ont conduit à ce qu’il y ait une concentration accrue des richesses chez les champions, c’est-à-dire les talents dans nos pays, les grandes métropoles qui réussissent dans la mondialisation et les pays qui portent la réussite de cet ordre.

L’économie de marché nous replonge dans la pauvreté après un siècle et demi de succès :

Et donc l’économie de marché qui jusqu’à présent par la théorie des avantages comparatifs et tout ce que nous avions sagement appris jusque-là et qui permettait de répartir la richesse et qui a formidablement marché pendant des décennies en sortant de manière inédite dans l’histoire de l’humanité des centaines de millions de concitoyens du monde de la pauvreté, a replongé et conduit à des inégalités qui ne sont plus supportables. Dans nos économies, la France l’a vécu ces derniers mois, très profondément mais en fait nous le vivons depuis des années et dans le monde entier. Et cette économie de marché produit des inégalités inédites qui au fond viennent bousculer en profondeur là aussi notre ordre politique.

C’est l’économie des manipulateurs de symboles dont nous avions parlé en citant Robert Reich (« The work of nations« ).  Macron reconnaît et donc comprend la colère des classes moyennes :

Quand les classes moyennes qui sont le socle de nos démocraties n’y ont plus leur part, elles doutent et elles sont légitimement tentées ou par des régimes autoritaires ou par des démocraties illibérales ou par la remise en cause de ce système économique…

Et sur les britanniques qui ont voulu sortir de cette Europe bureaucrate notre orateur remarque :

Et au fond, ce que les brexiteurs ont proposé au peuple britannique qui était un très bon mot d’ordre : reprendre le contrôle de nos vies, de notre nation. C’est ce que nous devons savoir penser et agir dans une nation ouverte. Reprendre le contrôle. Fini le temps où on expliquait à nos concitoyens la délocalisation, c’est l’ordre des choses, c’est une bonne chose pour vous. Les emplois vont en Pologne ou en Chine, au Vietnam et vous allez retrouver le … on n’arrive plus à expliquer cette histoire. Et donc, nous devons trouver les moyens de peser dans la mondialisation mais aussi de repenser cet ordre international.

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Une bonne petite mise au point sur les américains :

Les États-Unis d’Amérique sont dans le camp occidental mais ils ne portent pas le même humanisme. Leur sensibilité aux questions climatiques, à l’égalité, aux équilibres sociaux qui sont les nôtres n’existe pas de la même manière.Il y a un primat de la liberté qui caractérise d’ailleurs la civilisation américaine très profondément et qui explique aussi nos différences même si nous sommes profondément alliés. Et la civilisation chinoise n’a pas non plus les mêmes préférences collectives pour parler pudiquement, ni les mêmes valeurs.

Car Macron voudrait éviter la soumission à un bloc ou à l’autre. Il faudrait donc l’Europe.  Il ajoute étonnamment :

Le projet de civilisation européenne ne peut pas être porté ni pas par la Hongrie catholique, ni par la Russie orthodoxe. Et nous l’avons laissé à ces deux dirigeants par exemple, et je le dis avec beaucoup de respect, allez écouter des discours en Hongrie ou en Russie, ce sont des projets qui ont leurs différences mais ils portent une vitalité culturelle et civilisationnelle, pour ma part, que je considère comme erronée mais qui est inspirante.

Il préfère se réclamer de la Renaissance et des Lumières. Aucun commentaire.

Il nous rassure sur son armée :

Nous sommes en passe de devenir de manière indiscutable la première armée européenne par les investissements que nous avons décidé, par la loi de programmation militaire, par la qualité de nos soldats et l’attractivité de notre armée. Et aujourd’hui, en Europe, personne n’a cette vitalité et personne n’a décidé ce réinvestissement stratégique et humain. Ce qui est un point essentiel pour pouvoir peser. Et nous restons une grande puissance diplomatique, membre permanent du Conseil de sécurité, au cœur de l’Europe et au cœur de beaucoup de coalitions.

Il met en garde sur la Russie, tel John Mearsheimer :

Je pense en plus que pousser la Russie loin de l’Europe est une profonde erreur stratégique parce que nous poussons la Russie soit à un isolement qui accroît les tensions, soit à s’allier avec d’autres grandes puissances comme la Chine, qui ne serait pas du tout notre intérêt.

Une mise au point pour l’Amérique :

Mais pour le dire en termes simple, nous ne sommes pas une puissance qui considère que les ennemis de nos amis sont forcément les nôtres ou qu’on s’interdit de leur parler…

Et d’ajouter sur cette architecture de confiance et de sécurité qui lui avait valu les gluants sarcasmes du Donald :

Nous sommes en Europe, et la Russie aussi. Et si nous ne savons pas à un moment donné faire quelque chose d’utile avec la Russie, nous resterons avec une tension profondément stérile. Nous continuerons d’avoir des conflits gelés partout en Europe.

Je crois qu’il nous faut construire une nouvelle architecture de confiance et de sécurité en Europe, parce que le continent européen ne sera jamais stable, ne sera jamais en sécurité, si nous ne pacifions pas et ne clarifions pas nos relations avec la Russie.Ce n’est pas l’intérêt de certains de nos alliés, soyons clairs avec ce sujet.

On rappelle les faiblesses de la Russie – en les outrant certainement :

… cette grande puissance qui investit beaucoup sur son armement, qui nous fait si peur a le produit intérieur brut de l’Espagne, a une démographie déclinante et un pays vieillissant, et une tension politique croissante. Est-ce que vous pensez que l’on peut durer comme cela ? Je pense que la vocation de la Russie n’est pas d’être l’alliée minoritaire de la Chine…

Sur la Chine il rappelle :

Nous respectons les intérêts et la souveraineté de la Chine, mais la Chine doit elle aussi respecter pleinement notre souveraineté et notre unité, et sur ce plan la dynamique européenne est essentielle. Nous avons commis des erreurs profondes il y a 10 ans sur ce sujet.

Que d’erreurs occidentales décryptées… Et pour parler comme Laetitia, « pourvu que ça dure », cette lucidité et ce rapprochement avec la Russie. Pour le reste, les rassemblements nationaux et autres France insoumises ont du souci à se faire. Et les antisystèmes aussi…

Le fait d’avoir assimilé le basculement mondial de ces dernières décennies et d’avoir pris la mesure des inégalités créées par une économie postindustrielle ne donne pas à cette présidence une garantie pour échapper à l’échec ou à la manip’ ; mais reconnaissons aussi que pour la première fois depuis longtemps un esprit présidentiel est capable de saisir et d’analyser les grandes transformations de cette époque étrange.

lundi, 09 septembre 2019

Dans les coulisses de la construction européenne

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Dans les coulisses de la construction européenne

par Georges FELTIN-TRACOL

« L’affichage d’une super-nation européenne n’est qu’un discours d’apparence. On voit bien qu’il n’y a pas d’« Europe-puissance » en vue, qu’il n’y en a jamais eu. Et que tous les protagonistes ont toujours fini par renoncer, de gré ou de force, à l’Europe européenne. Au contraire, on fabrique, en secret, une Europe de la diminutio capitis vassalisée, aliénée, soumise, et donc impuissante (p. 150). » Désormais retiré de la vie politique active, Philippe de Villiers résume dans ce nouvel ouvrage ses recherches dans les archives consacrés au processus européen.

Depuis la campagne du « non » à Maastricht en 1992 et la liste eurosceptique de 1994 sur laquelle figurait le milliardaire franco-britannique Jimmy Goldsmith, il pourfend une certaine Europe, celle des atlantistes, des fonctionnaires et des financiers. Il adopte les mâles propos de l’ancien Garde des Sceaux du Général De Gaulle, Jean Foyer, pour qui « leur Europe n’est pas un but, c’est une “ construction ” sans fin : elle se définit par son propre mouvement. Ce traité a été pensé, écrit même, pour faire coulisser un nœud coulant invisible. Il suffit de resserrer chaque jour le nœud : celui dont les juristes, les commissaires, tiennent la corde, et plus encore le nœud prétorien, le nœud des juges qui vous glissent la corde autour du cou (p. 153). » Député français au Parlement européen par intermittence entre 1994 et 2014, l’ancien président du Mouvement pour la France (MPF) a assisté à la neutralisation politique de l’Union européenne, corollaire de la prépondérance bureaucratique, car « selon la théorie fonctionnaliste qui vient des États-Unis, la plupart des questions appellent des réponses techniques (p. 135) ».

Contre le trio fondateur

PhV-fil.jpgPhilippe de Villiers en vilipende les fondements intellectuels. Ceux-ci reposeraient sur un trio infernal, sur une idéologie hors sol ainsi que sur un héritier omnipotent. Le trio regroupe Robert Schuman, Walter Hallstein et Jean Monnet. Le premier fut le ministre démocrate-chrétien français des Affaires étrangères en 1950. Le deuxième présida la Commission européenne de 1958 à 1967. Le troisième incarna les intérêts anglo-saxons sur le Vieux Continent. Ensemble, ils auraient suscité un élan européen à partir des prémices du droit national-socialiste, du juridisme venu d’Amérique du Nord et d’une défiance certaine à l’égard des États membres. Quant à l’héritier, il désigne « le fils spirituel (p. 255) », George Soros.

J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu est un gros pamphlet au ton partial. L’ancien président du conseil général de Vendée accuse par exemple Robert Schuman, né à Luxembourg, d’avoir été Allemand pendant la Première Guerre mondiale, puis d’être resté pacifiste au conflit suivant. Villiers regrette ouvertement que la famille Schuman n’ait pas choisi la France en 1871. Il cite à contre-sens l’un de ses biographes, François Roth dans son Robert Schuman (1), pour qui « Schuman n’avait pas le sens de la frontière, car il se sentait chez lui dans tout l’espace lotharingien, en Lorraine, en Alsace, au Luxembourg, en Belgique et dans les pays du Rhin (p. 66) ». En homme du bocage de l’Ouest, Villiers ne peut pas comprendre ce sentiment propre aux marches de l’Est, qui dépasse la sotte « Ligne bleue des Vosges », cette nostalgie rémanente qui liait Robert Schuman au Chancelier Konrad Adenauer, favorable au début des années 1920 à l’autonomie de la Rhénanie, et à l’Italien Alcide De Gasperi, longtemps sujet de l’Empire d’Autriche – Hongrie en tant que natif du Trentin – Haut-Adige – Tyrol du Sud. Ils concevaient la politogenèse européenne comme la reconstitution de l’Empire carolingien sur une assise territoriale franque correspondante à la Francie médiane de l’empereur Lothaire, l’aîné des petits-fils de Charlemagne.

Le parti-pris de Philippe de Villiers l’entraîne à considérer que « les architectes de l’Europe n’étaient pas des réfractaires à l’ordre de la peste brune : Schuman fut frappé d’« indignité nationale », il n’a jamais résisté, il était à Vichy. Monnet s’appuya sur la pensée d’Uriage, c’est-à-dire de Vichy. Il n’a jamais résisté non plus. Le troisième “ Père de l’intégration européenne ”, Hallstein, fut un officier instructeur du nazisme. Il a servi Hitler. Il prétendait même que la grande Europe connaissait là ses premiers épanouissements. L’assimilation des eurosceptiques au prurit fasciste des années trente est insupportable. L’européisme fut nourri au lait de ses premières comptines dans le berceau de la Collaboration et du nazisme. Et, depuis soixante-dix ans, on nous l’a caché (pp. 268 – 269) ». Il veut faire croire au lecteur qu’il vient de découvrir un scandale historique. Il n’est guère étonnant que la bibliographie ne mentionne pas « L’Europe nouvelle » de Hitler de Bernard Bruneteau (2) qui étudie l’« européisme des années noires ». Sans ce malencontreux oubli, Villiers n’aurait pu jouer à peu de frais au preux chevalier.

Un antifa qui s’ignore ?

hallstein.jpgOutre le rappel du passé national-socialiste de Hallstein, il insiste que Robert Schuman, « le père de l’Europe fut ministre de Pétain et participa à l’acte fondateur du régime de Vichy (p. 67) ». Oui, Robert Schuman a appartenu au premier gouvernement du Maréchal Pétain. Il n’était pas le seul. Philippe de Villiers ne réagit pas quand Maurice Couve de Murville lui dit à l’occasion d’une conversation au Sénat en juillet 1986 : « Je me trouvais à Alger […] quand Monnet a débarqué. J’étais proche de lui, depuis 1939. À l’époque, j’exerçais les fonctions de commissaire aux finances de Vichy (p. 109). » L’ancien Premier ministre du Général De Gaulle aurait pu ajouter que membre de la Commission d’armistice de Wiesbaden, il était en contact quotidien avec le Cabinet du Maréchal. Sa présence à Alger n’était pas non plus fortuite. Il accompagnait en tant que responsable des finances l’Amiral Darlan, le Dauphin du Maréchal !

L’auteur oublie facilement qu’en 1918 – 1919, la République française réalisa une véritable épuration ethnique en expulsant des milliers d’Allemands installés ou nés en Alsace – Lorraine depuis 1871. Il considère par ailleurs l’École des cadres d’Uriage comme la matrice intellectuelle de la pensée officielle eurocratique. Or il ne cite jamais la somme magistrale de Bernard Comte, Une utopie combattante (3), qui montre qu’après sa fermeture en 1942, bien des élèves d’Uriage ont rallié les maquis et la France combattante. Philippe de Villiers n’a-t-il pas lu ce qu’a écrit Éric Zemmour à ce sujet ? « Paul Delouvrier, qui aménagera le quartier de La Défense sous les ordres du général de Gaulle, penant les années 1960, écrit son commensal à La Rotonde, avait été formé par l’école des cadres d’Uriage, créée par Vichy. Cette même école où Hubert Beuve-Méry, fondateur du journal Le Monde, avait fait ses premières armes (4). » Villiers verse dans le manichéisme le plus simpliste.

Il a en revanche raison d’insister sur Jean Monnet dont « l’œuvre à produire [ses mémoires] a […] été commandée et financée par les Américains (p. 36) ». L’actuelle Union dite européenne sort tout droit des vœux cosmopolites du négociant bordelais. « Ni Europe des États ni Europe-État, l’Union est une broyeuse œuvrant au démantèlement progressif des lois et réglementations nationales et à la régulation au moyen d’un abondant flux de normes introduites dans les systèmes juridiques nationaux. Ce réaménagement bouleverse l’ordonnancement hiérarchique des pouvoirs, c’est-à-dire des États, des souverainetés et des relations internationales telles qu’elles s’étaient construites après-guerre (p. 160). » En effet, « on ne saurait mieux dire que, sous le beau nom d’« Union européenne », se cache une entreprise de liquidation de l’Europe et des Européens véritables, une entreprise littéralement antieuropéenne (p. 229) ». Qui en porte la responsabilité ? L’auteur ne répond pas vraiment. Certes, il mentionne « l’European Council on Foreign Relations, le premier think tank paneuropéen (p. 130) » et s’attarde sur les pages 162 à 164 sans jamais entrer dans les détails le Club Bilderberg. « Jean Monnet s’est trouvé ainsi au point de rencontre de la Révolution bolchevique et de la haute finance anglo-saxonne. Peut-être a-t-il cru, comme tant d’autres Anglo-Saxons, à l’époque, qu’un mariage était possible entre les deux systèmes, et que ce mariage des contraires enfanterait un monde unifié, sous clé américaine (p. 94). » Jamais l’auteur ne cite les travaux précurseurs de Pierre Hillard qui se penche sur le sujet depuis au moins deux décennies. Il aurait pu seulement se reporter à sa récente préface au Nouvel Ordre mondial de H.G. Wells (5). Villiers garde le silence sur la Commission Trilatérale et sur d’autres officines mondialistes d’origine anglo-saxonne tout aussi nuisibles que celles qu’il cite. Pis, il croit révéler que la CIA finançait dans les années 1950 et 1960 les organisations paneuropéennes dont les mouvements de l’ancien résistant Henri Frenay. Or Robert Belot dans sa biographie sur ce dernier (6) y consacrait plusieurs chapitres dès 2003 !

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Impuissante union

Le fondateur du Puy du Fou a en revanche bien compris l’intérêt des Étatsuniens de se servir de l’Union dite européenne comme d’un domestique efficace et obéissant. « Cette entreprise s’alimenta de la conviction profonde chez les Américains que leur architecture fédérale devait être transplantée en Europe, et ailleurs dans le monde. Les Américains sont convaincus de la supériorité de leur Constitution sur toutes les autres, en ce qu’elle permettrait le vivre-ensemble de populations venues de la terre entière qui se reconnaîtraient ainsi comme les nationaux d’une puissance universelle (p. 115). » De quoi de plus normal que déplorer dans ces conditions l’impuissance volontaire de l’entité pseudo-européenne ? « Où est donc le “ bouclier ” qu’était censé incarner l’euro, quand les entreprises européennes doivent fuir d’Iran sur injonction américaine, au nom des privilèges extraterritoriaux du “ roi dollar ”, et quand les banques européennes sont tétanisées dès qu’il est question d’un contrat avec un partenaire russe ou iranien ? Que peut donc bien signifier l’affichage d’une politique de défense européenne, alors qu’en réalité c’est à l’OTAN, c’est-à-dire aux États-Unis, que celle-ci est déléguée, avec, pour contrepartie, l’obligation de s’approvisionner en armements américains ? Le choix récent du chasseur F35 américain par la Belgique pour moderniser sa flotte de combat est emblématique (p. 277). » Il en résulte une monstruosité historique, géopolitique et juridique sans précédent. « Cette Europe-là a immolé son enveloppe charnelle, c’est une Europe sans corps. C’est l’union post-européenne. Elle se présente comme un marché ouvert et un espace en extension indéfinie, aux domaines de compétences eux-mêmes en expansion illimitée. L’Union européenne est un espace et un marché sans existence particulière, sans être propre, bientôt pulvérisée en une poussière d’impuissances et d’insignifiances. Ayant stérilisé la vie, elle s’avance dans le troisième millénaire au pas lourd d’un éléphant en phase terminale. Elle n’a pas cherché à être un corps politique, elle n’est qu’un corpus juridique : peu à peu, elle se retire pour faire la place à l’Autre (p. 213). » Pourquoi ? « Jean Monnet ne voulait pas d’une super-nation européenne qui viendrait fondre les nations préexistantes, à l’inverse de quelques-uns de ses disciples. […] “ Le plus grand danger pour l’Europe, ce serait un patriotisme européen ” (p. 160). » Incroyable aveu de la part du Bordelais ! Il convient par conséquent de détourner l’idée européenne en l’orientant vers un authentique esprit identitaire et une véritable aspiration à la puissance géopolitique propre à ce grand espace civilisationnel invertébré. Promouvoir un patriotisme européen, voire un « souverainisme », un « nationalisme » ou même un nouvel intégralisme continental, est une impérieuse et vitale nécessité.

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Digne successeur de Jean Monnet, un personnage interlope combat cette perspective, lui qui s’épanouit dans la fluidité et la plasticité du monde occidental. L’auteur cite la remarquable enquête de Pierre-Antoine Plaquevent, (7). On connaît la nocivité, sinon la malfaisance de George Soros. Philippe de Villiers ajoute que « Soros pèse sur d’autres organisations supranationales. Son influence sur la nomination des juges auprès de la Cour européenne des droits de l’homme est de plus en plus visible et redoutée. Plusieurs juges de la CEDH sont des “ anciens ” de chez Soros, car le règlement de cette cour permet à une personne d’être nommée juge même si elle n’a jamais exercé auparavant la fonction de magistrat. Ainsi, les anciens “ militants des droits de l’homme ” deviennent les arbitres du contentieux entre les citoyens et leurs États respectifs, et imposent leur vision radicalement déformée de la nature humaine pour travailler à un véritable changement de civilisation (pp. 265 – 266) ». Un peu comme au Conseil constitutionnel français qui accueille à peu près n’importe qui, mais jamais un Jean-Marie Le Pen ou un Bruno Gollnisch…

Méconnaissance du fédéralisme

Épris du modèle westphalien de l’État-nation, Philippe de Villiers juge que « l’Europe n’a pas de langue commune, ni de frontières véritables ou définitives. Au contraire des États-Unis et de toutes les nations fédérales du monde, il n’y a pas de peuple fédéral en Europe. Et l’on ne fait pas de fédération sans fédérateur. À moins de le choisir à l’extérieur (p. 116) ». Il ignore sûrement que le modèle fédéral concerne des citoyens de peuples différents. Les États-Unis d’Amérique constituent un cas très particulier puisqu’ils représentent le plus vaste dépotoir génétique ultra-individualiste de l’histoire seulement tenue par les médiats, une « justice » intéressée et la croyance suprémaciste en la « destinée manifeste ». Si chaque fédération est spécifique, la plupart des ensembles fédéraux savent inclure divers peuples, langues et religions, d’où des institutions complexes et bigarrées. Sans aller jusqu’à étudier l’Inde, Philippe de Villiers aurait pu se focaliser sur la seule Suisse. Nulle part dans son ouvrage, l’auteur ne mentionne l’hégémonie de l’anglais, ou plus exactement du globish, dans les institutions pseudo-européennes, y compris à l’heure du Brexit. Une fois la Grande-Bretagne sortie de la pétaudière bruxelloise, l’anglais devrait perdre son rang de langue d’usage au sein de l’UE puisque aucun des 27 n’a désormais la langue de Shakespeare comme langue officielle (Malte et l’Irlande, deux États anglophones au quotidien, ont le gaélique et le maltais). Ce silence surprenant.

Malgré tout le tintamarre orchestré autour de J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu, ce livre n’éclaire qu’une partie du désastre. L’Hexagone est lui aussi pleinement infesté par ce que dénonce l’auteur à l’échelle européenne et qui atteint aussi les patries charnelles. Pourquoi se tait-il à propos de la French American Foundation ? N’a-t-il jamais rencontré au cours de sa carrière politique des habitués aux soirées de l’ambassadeur yankee à Paris ? Philippe de Villiers révèle finalement bien peu de choses à l’esprit averti féru de questions européennes. Son livre reflète toutefois la pesanteur accrue d’une formidable chape de plomb qui asphyxie toute réflexion intellectuelle en France. Un universitaire souverainiste lui déclare à propos des documents parus en annexes : « — Ce n’est pas de la timidité, c’est de la prudence. Les universitaires ne sont pas téméraires.

— Il y aurait vraiment des risques à publier la copie des archives ?

— Oui, le risque de perdre sa chaire, sa charge d’enseignement, son job, son éditeur… (p. 20) »

Comme l’aventure européenne, l’Université française ressemble toujours plus à un navire en perdition. L’américanisation de ses structures et le nivellement par le bas des étudiants projettent à vive allure les générations dans le mur, sinon vers le précipice. Le mensonge est total; il a été très bien assimilé par la population.

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : François Roth, Robert Schuman, Fayard, 2008, p. 201.

2 : Bernard Bruneteau, « L’Europe nouvelle » de Hitler. Une illusion des intellectuels de la France de Vichy, Éditions du Rocher, coll. « Démocratie ou totalitarisme », 2003.

3 : Bernard Comte, Une utopie combattante. L’École des cadres d’Uriage, préface de René Rémond, Fayard, coll. «Pour une histoire du XXe siècle », 1991.

4 : Éric Zemmour, Destin français, Albin Michel, 2018, p. 526.

5 : H.G. Wells, Le Nouvel Ordre mondial, préface de Pierre Hillard, Éditions du Rubicon, coll. « Influences », 2018.

6 : Robert Belot, Henri Frenay. De la Résistance à l’Europe, Le Seuil, coll. « L’univers historique », 2003.

7 : Pierre-Antoine Plaquevent, Soros et la société globale. Métapolitique du globalisme, avant-propos de Xavier Moreau et postface de Lucien Cerise, Le retour aux sources, 2018.

• Philippe de Villiers, J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu, Fayard, 2019, 415 p., 23 €.

mardi, 20 août 2019

Il est temps de revenir a une politique plus réaliste avec la Russie

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Il est temps de revenir a une politique plus réaliste avec la Russie

Par Hubert Védrine *

Propos recueillis par Eugénie Bastié et Guillaume Perrain

Le 19 aout, Emmanuel Macron recevra Vladimir Poutine à Brégançon, avant le G7 de Biarritz. Comment analysez-vous ce geste ?

Hubert Védrine. – C’est une tentative très  ulile pour sortir la France et si possi­ble l'Europe d'une impasse, d'une guerre de positions stérile engagée depuis des années, avec des torts partagés des deux côtés, notamment depuis le troisième mandat de VJadimir Poutine, et qui a abouti à une absurdité stratégique : nous avons des rapports plus mauvais avec la Russie d'aujourd'hui qu'avec l'URSS pendant les trois dernières décennies de son existence! Ce n'est pas dans notre in­térêt. Essayer d'entamer un processus différent m'apparaît très justifié, même s'il ne faut pas attendre de cette rencontre des changements immédiats. La date choisie par Emmanuel Macron pour ce geste est très opportune : il reçoit Vladi­mir Poutine juste avant le G7 de Biarritz, qu'il préside. Le G7 était devenu G8, mais la Russie en a élé exclue en 2017 à la suite de l’annexion de la Crimée. Tout cela aurait pu être géré autrement. La volonté américaine d’élargir l’Otan à l’Ukraine était malencontreuse, mais il faut regarder l’avenir.

Certains évoquent une « complaisance du président français à l’égard d’un autocrate ?

Ce genre de propos ne conduit à rien. L'Occident a été pris d'une telle arrogan­ce depuis trente ans, d'une telle hubris dans l'imposition des valeurs au reste du monde, qu'il faut réexpliquer le b.a.-ba des relations internationales: rencontrer ce n' est pas approuver; dis­cuter, ce n’est pas légitimer ; entretenir des relations avec un pays. œ n'est pas être «amis » C'est juste gérer ses intérêts. Il faut évidemment que la France entretienne des relatioons avec les dirigeants de toutes les puissances, surtout quand est en jeu la question cruciale de la sécurité en Europe, aJors que les grands accords de réduction des armements conclus à la fin de  la guerre froide par Reagan puis Bush et Gorbatchev sont abandonnés les uns après les autres et ne sont encore remplacés par rien. Cette rencontre n'indigne que de petits groupes enfermés dans une attitude de croisade antirusse. Ils ne proposent aucune solution concrète aux problèmes géopolitiques et se contentent de camper dans des postures morales inefficaces et stériles.

« L’idée libérale est devenue obsolète », a déclaré Poutine au Financial Times. Que pensez de pareille déclaration ?

Depuis le début de son troisième mandat, Vladimir Poutine aime les provocations, assez populaires dans son pays. Durant ses deux derniers mandats il avait tendu la main aux occidentaux qui ont eu le tort de ne pas répondre vraiment. Même Kissinger pense ça ! Poutine est loin d’être le seul à contester l’hégémonie libérale occidentale. D’autres l’ont théorisé avant lui, notamment plusieurs penseurs asiatiques de la géopolitique. Eux considèrent même, à l’instar du Singapourien Kishore Mahbubani, que nous vivons la fin de la « parenthèse » occidentale.  Je préfère quant à moi parler de la fin du « monopole » occidental sur la puissance et les valeurs. Par ailleurs, on ne serait pas aussi vexé et ulcéré par les déclarations de Poutine si les démocraties occidentales n’étaient pas contestées de l’intérieur par les populismes, sous-produit de la perte de confiance des peuples dans les élites qui ont la mondialisation et l’intégration européenne. Poutine ou pas, il faut trouveer à ce défi des réponses chez nous, par nous-mêmes.

Plusieurs centaines d’opposants ont été arrêtés lors de manifestations réclamant des élections libres. N’est-ce pas le signe d’un durcissement préoccupant ?

Les Occidentaux se sont fait des illusions sur une démocratisation rapide de la Russie, illusions comparables à celles qu’ont eues les Américains sur l’entrée de la Chine à l’OMC en 2000, qui allait selon eux apporter mécaniquement la démocratie libérale. Ce n’est pas ce qui s’est produit : loin de se transformer en démocrates scandinaves, les Russes sont restés… russes. On leur en veut pour cela. Ce n’est ni un un régime démocratique à notre façon ni une dictature comme avant. Une partie der l’opinion occidentale enrage, mais, c’est ainsi : nous ne changerons pas la Russie, elle évoluera d’elle-même, à son propre rythme et selon sa manière. Nous nous sommes beaucoup trompés : il est temps de revenir à une politique plus réaliste tout en souhaitant publiquement un meilleur  respect des règles électorales et démocratiques. Cela ne devrait pas empêcher, au contraire, un dialogue musclé avec Vladimir Poutine sur toutes ces questions et tous les sujets de désaccord ou d’inquiétude. Mais, pour cela, il faut qu’il y ait un dialogue régulier.

Précisément, comment devraient évoluer les relations entre l’Europe et la Russie ? La France a-t-elle un rôle particulier à jouer ?

L’objectif très juste, formulé à plusieurs reprises par Emmanuel Macron, est de « réarrimer la Russie à l’Europe » et donc de corriger la politique occidentale inconséquente des dernières années qui a poussé la Russie vers la Chine. Notre relation doit être exigeante et vigilante sans être vindicative et prosélyte. Il faut établir, ou rétablir, de bons rapports de force dans les domaines militaires, spatial et numérique. Mais aussi redevenir pragmatiques car nous aurons toujours à gérer les relations de voisinage avec la Russie. Et donc parler, discuter, négocier, faire des propositions. L’urgence est celle de la sécurité : il faut rebâtir, en repartant presque de zéro, une politique de contrôle des armements et de désarmement équilibrée. Je pense que nous avons bien d’autres terrains de coopération : la lutte contre le terrorisme islamiste, mais aussi l’écologisation de nos économies, enjeu principal du 21e siècle. Macron essaye, et il a raison. S’il arrive à déclencher un processus, d’autres pays européens suivront, et il pourrait y avoir un effet d’entraînement plus large. Il faut réinventer nos rapports avec la Russie sans attendre Trump, qui, s’il est réélu, réenclenchera une dynamique entre les Etats-Unis et la Russie sans tenir aucun compte des intérêts de l’Europe.

(*) Hubert Védrine est l'ancien ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Lionel Jospin de 1997 à 2002. Il a été secrétaire général de l'Elysée de 1991 à 1995.

Source : Le Figaro 17/08/2019

dimanche, 23 juin 2019

Homo festivus sur le cours Mirabeau

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Homo festivus sur le cours Mirabeau

par Pierre-Emile Blairon

 

L’homo festivus est un type d’homme très commun à notre époque dans le monde occidental. On le verra se répandre sur toutes les places et les artères de nos villes européennes, sur le cours Mirabeau, les Champs-Elysées ou la Promenade des Anglais, la Piazza del Duomo ou la Puerta del Sol, à la recherche d’étourdissement et de paradis artificiels. Il a besoin de la foule de ses semblables pour ne pas se sentir seul. Il est l’homme des derniers jours.

Le vendredi 14 juin 2019, L’une des plus anciennes, des plus belles et des plus fameuses artères de notre pays, le cours Mirabeau à Aix-en-Provence, était investie par un étrange ballet de semi-remorques ; affairés à l’arrière des camions, des hommes en noir déversaient des échafaudages qui furent montés en un temps record ; Quelques temps après, on entendait de formidables explosions qui faisaient trembler l’eau des fontaines ; les techniciens testaient le son qui jaillissait des énormes enceintes. Le soir même, des milliers de jeunes gens se trémoussaient tout le long du cours aux injonctions saccadées de la musique techno qui avait envahi la totalité de la ville ancienne.

Le charme discret de l’aristocratie

Je ne connaissais pas Aix-en-Provence quand je suis arrivé à la fin des années 60 (XXe siècle) pour y poursuivre quelques études (à moins que ce ne soit le contraire). Quoiqu’il en soit, je n’ai plus voulu en partir ; j’avais été séduit par cette atmosphère de sérénité, de légèreté paisible, qui se dégageait de ses ruelles, quelques notes de piano qui dégoulinaient d’un balcon, le murmure cristallin des fontaines, émerveillé par la beauté des façades dont nulle faute de goût ne venait rompre l’harmonie ; la ville tout entière était un pur chef-d’œuvre, délicat et fragile. Aix-en-Provence était alors vouée entièrement à l’art, à l’étude, à l’éloquence, à la musique classique, à la flânerie, à une certaine qualité de vie qui correspondait bien à sa personnalité issue des traditions les plus élaborées de son prestigieux passé. Cette lente maturation de ce que le génie européen avait produit de plus beau avait fini par constituer une valeur incontestée, immuable et transcendante, un recours auquel pouvait se raccrocher tous ceux qui se sentaient en perte de repères, un lieu sacré éternel, sorte de temple urbain inviolable. Inviolable ? Vraiment ?

Les coups de boutoir des progressistes

Les progressistes mondialistes portent leurs coups de boutoir en priorité contre tout ce qui les dépasse – le passé les dépasse, il est trop riche - tout ce qui est enraciné profondément dans la terre et la pierre. Dans un premier temps, le patrimoine rural fut la cible prioritaire des destructeurs : musées, châteaux, église, abbayes… tous ces marqueurs traditionnels furent systématiquement dégradés par des spectacles, des expositions ou des architectures hors-sol accolées aux monuments visant à les dévaloriser. Ils en viennent maintenant à attaquer les villes anciennes elles-mêmes.

Une ville de culture et de tradition comme Aix-en-Provence va attirer la haine et la jalousie de tous ceux qui veulent faire table rase du passé.

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Ils y emploieront tous les moyens dont ils disposent pour dégrader et ridiculiser cette richesse patrimoniale qui leur fait horreur ; rien que le mot : patrimoine contient la notion de père et de patrie. L’art contemporain, l’architecture mondialiste, la publicité, la mode, la musique déracinée, les minorités revendicatives, l’homme nomade sans feu ni lieu, L’homo festivus, fabrications superficielles et éphémères (mais renouvelables à l’infini) du Système constituent la panoplie non exhaustive de ces moyens.

Des platanes emmaillotés

La première agression contre cette identité dont je me souviens a été visuelle. L’art dit contemporain avait envahi la ville. C’était en 2013 ; la cosmopolite métropole marseillaise, désignée alors ville de culture européenne, avait poussé ses manifestations modernistes et pathétiques jusque dans les cours de nos aristocratiques hôtels particuliers ; les platanes du cours Mirabeau avaient été emmaillottés d’un tissu rouge à pois blancs, la cour de la mairie ornée de personnages en plastique rouge vif moulé, et l’entrée du palais de justice, solennelle comme il sied à cette vénérable institution, ridiculisée par d’improbables « sculptures » aux couleurs bigarrées qui en barraient l’accès.

On commence à comprendre aujourd’hui que l’art contemporain est essentiellement une imposture destinée à devenir une monnaie virtuelle mondiale[1].

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Symbolisme de pacotille

En ce qui concerne l’architecture contemporaine, qu’il faudrait nommer plus clairement mondialiste[2] (comme l’art tout aussi « contemporain »), nos édiles ont eu, jusqu’à présent, la sagesse de l’autoriser uniquement à l’extérieur du périmètre ancien. Ainsi a pu se construire un « pôle culturel » qui ressemble à un alignement hétéroclite d’égos d’architectes nomades venus poser là leur dernière lubie. Ah ! Chacun y est allé de sa référence à un symbolisme de pacotille pour justifier son caprice, en feignant d’avoir recours à la « tradition ». Ainsi, le Pavillon noir, Centre de danse, conçu par Rudy Ricciotti, évoque pour certains l’emplacement proche de l’ancienne manufacture des allumettes, aujourd’hui bibliothèque Méjanes, et la disposition des croisillons qui constitue la trame de l’édifice rappelle le mikado, ce jeu de bâtonnets jetés d’une manière aléatoire ; mais l’architecte lui-même, qui se confie au Monde[3], va plus loin : « Il y a ici une sexualité particulière ; un côté un peu sado-maso, un peu latex, un peu cuir, moulé, très près du corps … C'est un bâtiment pour les initiés et pour Pythagore sous l'emprise de l'absinthe » (imaginer Pythagore sous l’emprise de l’absinthe, c’est… gore.)

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Le japonais Kengo Kuma assure, lui, avoir été inspiré par l’art traditionnel du pliage japonais (origami) en construisant le Conservatoire de musique qui jouxte le Pavillon noir ; fort bien, mais quel rapport avec la tradition provençale ?

Quant au GTP, Grand Théâtre de Provence, situé juste en face du Pavillon noir et du Conservatoire de musique, son architecte italien Vittorio Gregotti a souhaité "faire écho à la montagne Sainte-Victoire, et intégrer l’œuvre dans son paysage aixois". L’aspect massif, genre buncker, du bâtiment, effectivement, plaide pour ce rapprochement un peu facile.

Le mirage de la modernité

L’évocation de cette salle nous ramène au cours Mirabeau. La modernité est le lien entre tous ces domaines culturels. La modernité, c’est cette fuite en avant qui consiste à rechercher sans cesse ce qui peut être « tendance », qui peut constituer une « avancée » (mais de quoi ?) ; c’est comme la mode qui a, comme la modernité, cet aspect momentané (la mode est ce qui se démode) mais à un niveau qui globalise l’ensemble des facettes de la vie, qui consiste à rejeter tout ce qui fait partie du passé pour le prochain « coup de cœur » éphémère, qu’il soit d’ordre culturel, politique, matériel, etc. La modernité, autrement dit, c’est le dogme du progrès qui a été imposé dès notre plus tendre enfance par les partisans de ce qui était encore une utopie, devenue le Système lui-même. Dans cette perspective, aucun élément du passé ne trouve grâce aux yeux des progressistes, toujours prêts à tout démolir selon le goût du moment pour s’enticher d’une nouvelle coqueluche. C’est la société du tout-à-jeter. Le syndrome kleenex.

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La société du spectacle

L’homo festivus, selon la formule de Philippe Muray, est l’individu qui se donne avec enthousiasme à la société du spectacle, selon le titre d’un livre de Guy Debord. Il n’y a là rien de bien nouveau ; c’est le fameux « panem et circenses » de la fin de l’Empire romain ; donnons au peuple du pain et des jeux (du cirque, à l’époque) afin de le soumettre plus facilement à nos lois, même si elles sont iniques.

La majorité des individus de notre fin de cycle ne dispose pas d’une formation suffisante lui permettant l’accès à des activités culturelles de qualité. Elle ne pense, pour ses moments de loisir, qu’à s’étourdir dans la fureur, dans le bruit et dans la consommation de substances alcooliques ou stupéfiantes. C’est déjà un bon début pour le Système, qui a pour ambition d’asservir les « masses ».

Il est à parier, dans ce contexte, que la drogue sera bientôt en vente libre.

Mais pourquoi la municipalité accepte-t-elle ces violentes intrusions ?

Le GTP a coûté 45 millions d’euros pour une capacité d’accueil de 1382 personnes. Mais une salle encore plus grande (8000 spectateurs) a vu le jour fin 2017 : l’Arena. Elle a coûté 50 millions d’euros H.T. En juin, l’Arena a accueilli deux spectacles.

Alors se pose la question : pourquoi diable la municipalité qui a construit ou aménagé des salles de spectacle innombrables (bien d’autres salles existent dans le Pays d’Aix) se croit-elle obligée d’offrir le cours Mirabeau et la quasi-totalité du centre ancien aux bruyants « teufeurs » (on disait « fêtards » à une autre époque) ?

Pourquoi prend-elle le risque de mécontenter une grande partie des habitants de la ville qui ne sont pas spécialement des adeptes de ce genre de musique, ou, tout simplement (pour des motifs qui ne peuvent échapper à personne) ont peut-être envie de dormir la nuit, alors que des salles construites à grands frais sont disponibles pour ce genre de manifestation ? On ne parle pas des dégâts adjacents que tout le monde peut imaginer dans ce genre de circonstances (insalubrité et saleté) qui n’existent pas dans ces équipements modernes qui disposent de tout le confort adéquat, c’est bien le moins.

Il faut dire que le domaine artistique n’est pas le seul bénéficiaire de ce laxisme. Des dizaines de stades ont été aménagés tout autour de la ville qui persiste à accueillir à grand bruit et charroi sur ce même cours Mirabeau des manifestations sportives qui n’ont pas vocation à s’y produire.

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Pourquoi ? Mais parce que la plupart des décideurs municipaux font eux-mêmes partie, consciemment ou inconsciemment, de cette caste de destructeurs avec le sentiment d’être du côté du « bien ». Et c’est le cas dans toutes les structures administratives, nationales, locales ou régionales de notre pays, gangrenées depuis bien longtemps par l’illusion du progrès, méprisant tout ce qui tient encore debout.

L’Homo festivus, comme toutes les minorités, considèrerait comme outrageant et discriminatoire d’être cantonné dans une salle réservée à une activité particulière, serait-ce la sienne. Il veut investir l’espace public, comme il ne viendrait pas à l’idée des cyclistes d’aller exercer leur sport sur un vélodrome, plutôt que sur les routes, ou aux trottinettistes de respecter un quelconque code de déplacement spécifique, ou aux membres des groupuscules LGBT-UVWXYZ d’aller manifester leurs « fiertés » ailleurs que sur les endroits stratégiques des cités les plus en vue (leur exhibitionnisme souffrirait, bien sûr, d’une moindre exposition). Notre pays est livré à la dictature des minorités. Mais ce sera le sujet d’un prochain article.                                                                                                                   

Pierre-Emile Blairon

Notes:

[1] http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2018/09/23/l-art-de-la-provocation.html

[2] Il s’agit d’une architecture qui n’a aucune attache avec le sol où elle est construite ; on peut la retrouver n’importe où dans n’importe quel pays de n’importe quelle culture.

[3] 20 octobre 2006

mercredi, 19 juin 2019

Burke et le destin de la France depuis la Révolution

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Burke et le destin de la France depuis la Révolution

par Nicolas Bonnal
Ex: https://echelledejacob.blogspot.com
 
Un historien anglais disait que la France depuis sa révolution était devenue la terre du fiasco récurrent. Lisons encore Burke alors. Sur le mode de gestion de nos élites modernes, voici ce que le vieux maître écrivait il y a presque deux siècles et demi :

« …les chefs des clubs et des cafés législatifs sont enivrés d'admiration pour leur sagesse et leur habileté. Ils parlent avec le plus souverain mépris du reste du monde. Ils disent au peuple, pour lui donner du courage sous les vêtements déguenillés auxquels ils l'ont réduit, qu'il est un peuple philosophe; et de temps en temps, ils emploient les parades du charlatanisme, l'éclat, le bruit et le tumulte, quelquefois l'alarme des complots et des invasions, pour étouffer les cris de l'indigence, et pour écarter les yeux de l'observateur de dessus la ruine et la misère de l'Etat. »

Rien de nouveau sous le sommeil…

Ceux qui ne se sentent plus très bien dans notre Paris incendié, hors de prix, envahi, dépenaillé et recouvert de rats, de touristes arnaqués, de taxes et de lois liberticides, apprécieront cette envolée du maître :

« La population de Paris est tellement diminuée, que M. Necker a exposé sous les yeux de l'Assemblée, qu'il fallait déjà compter sur un cinquième de moins pour son approvisionnement. On dit, et je ne l'ai jamais entendu contredire, que cent mille personnes sont dépouillées de tout emploi dans cette ville, quoiqu'elle soit devenue le séjour d'une cour prisonnière et de l'Assemblée Nationale. Rien ne peut être comparé au spectacle dégoûtant de la mendicité qui y règne, et je puis croire à mes informations. Assurément les décrets de l'Assemblée ne laissent pas de doute sur ce fait. Elle a dernièrement établi un comité de mendicité; elle a établi une police rigoureuse sur cet objet, et elle a imposé pour la première fois une taxe des pauvres, dont les secours actuels fournissent une somme considérable dans les comptes de cette année. »

Burke connait bien notre histoire. Elle était souvent agitée mais ce n’était pas si grave. La France c’était encore du solide :

« C'est une chose étonnante de voir avec quelle promptitude la France, aussitôt qu'elle a eu un moment pour respirer, s'est relevée des guerres civiles les plus cruelles et les plus longues qui aient été jamais connues dans aucune nation.

Pourquoi ? Parce que, dans tous leurs massacres, ils n'avaient pas assassiné le caractère (mind) de leur pays. Une dignité, sûre d'elle-même, une noble fierté, un généreux sentiment de gloire et d'émulation, n'étaient point éteints : au contraire, ils furent excités, enflammés. Les organes de l'Etat, quoiqu'endommagés, subsistaient encore : l'on avait conservé toutes les récompenses et toutes les distinctions qui encouragent l'honneur et la vertu. »


burke.jpgMais en 89 Burke sent que cette fois la France ne se relèvera pas. Il en donne les raisons, avant Chateaubriand, Tocqueville, Balzac ou Bernanos :

« Mais votre confusion actuelle, comme une paralysie, a attaqué la source de la vie elle-même. Tous ceux qui, parmi vous, étaient faits pour n'être guidés que par le principe de l'honneur, sont disgraciés et dégradés, et n'ont d'autres sentiments de la vie que le tourment des mortifications et des humiliations. Mais cette génération sera bientôt éteinte : celle de la noblesse, qui la doit suivre, ressemblera aux artisans, aux paysans, aux agioteurs, aux usuriers et aux brocanteurs, qui seront à jamais leurs égaux, et quelquefois leurs maîtres. Croyez-moi, Monsieur, ceux qui prétendent niveler, n'égalisent jamais. »

Depuis notre système oligarque-niveleur met la charrue avant les bœufs. Burke écrit plus joliment :

« Dans toutes les sociétés qui, nécessairement, sont composées de différentes classes de citoyens, il faut qu'il y en ait une qui domine : c'est pourquoi les niveleurs ne font que changer et intervertir l'ordre naturel des choses; ils surchargent l'édifice de la société, en plaçant en l'air ce que la solidité de la construction demandait de placer à la base. »

Mais les artistes et sophistes aux commandes se rattrapent déjà avec du storytelling en diabolisant le passé :

« A entendre quelques personnes parler de la feue monarchie française, on aurait dit qu'elles parlaient de la Perse encore toute fumante du sang répandu par l'épée féroce de Thamas Kouli Kan; ou, au moins, qu'elles faisaient la description du despotisme anarchique et barbare de la Turquie, où les plus belles contrées , sous le climat le plus enchanteur du monde, ont plus à souffrir des langueurs de la paix, que d'autres provinces, ravagées par la guerre, n'ont à gémir de ses désastres; de ce pays où les arts sont inconnus, où les manufactures sont languissantes… »

Le futur de la France ce sont… les perruquiers alors. Burke :

« L'occupation d'un perruquier ou d'un chandelier, pour ne pas parler de beaucoup d'autres emplois, ne peut être pour personne une source d'honneur. L'Etat ne doit exercer aucune oppression sur les hommes de cette classe ; mais l'Etat en aurait une très grande à souffrir, si tels qu'ils sont collectivement, ou individuellement, on leur permettait de le gouverner. Vous croyez qu'en vous conduisant ainsi vous avez vaincu un préjugé, vous vous trompez : vous avez déclaré la guerre à la nature. »

Malheureusement l’astucieux Montesquieu précédait Burke. Il écrivait déjà dans une de ses plus perçantes lettres persanes, la C :

« Quand je te dis qu’ils méprisent tout ce qui est étranger, je ne parle que des bagatelles ; car, sur les choses importantes, ils semblent s’être méfiés d’eux-mêmes jusqu’à se dégrader. Ils avouent de bon cœur que les autres peuples sont plus sages, pourvu qu’on convienne qu’ils sont mieux vêtus ; ils veulent bien s’assujettir aux lois d’une nation rivale, pourvu que les perruquiers français décident en législateurs sur la forme des perruques étrangères. Rien ne leur paraît si beau que de voir le goût de leurs cuisiniers régner du septentrion au midi, et les ordonnances de leurs coiffeuses portées dans toutes les toilettes de l’Europe. »

Oui, le Français de la Régence pense déjà bien aux fringues, à la tambouille, à la perruque-moumoute, au parfum, et pas assez à la politique. Aujourd’hui pensez à LVMH (le cours a triplé en trois ans et ce n’est pas un hasard – les services secrets et autres s’en sont mêlés, lisez Branco justement obsédé par la place prise par « l’ange exterminateur » dans cette république-poubelle) et l’Oréal, qui sont parmi les plus grosses capitalisations boursières d’Europe. L’île de la Cité passe sous leur coupe depuis le châtiment d’une certaine ex-cathédrale…

Les Carnets de Nicolas Bonnal
 

Le SCAF servira de révélateur à une volonté européenne de s'affranchir de la domination américaine

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Le SCAF servira de révélateur à une volonté européenne de s'affranchir de la domination américaine

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Nous avions indiqué, dans un article daté du 17 juin, intitulé « L'avion de combat européen de nouvelle génération » que la France et l'Allemagne avaient convenu de développer ensemble un projet dit SCAF ou « Système de combat aérien du futur », auquel devraient participer d'autres Etats européens. Il sera destiné à remplacer le Rafale français et l'Eurofighter européen d'ici 2040.

Il s'agit d'une excellente nouvelle. Non seulement cet avion permettra de ne plus faire appel aux appareils américains déjà obsolètes équipant les forces aériennes européennes, à l'exception de celle de la France équipée depuis plusieurs années du Rafale. Mais le projet aura l'avantage d'obliger les industriels européens à se doter des systèmes d'armes faisant largement appel aux technologies numériques terrestres et spatiales indispensables pour la mise en œuvre du SCAF. Celles-ci auront de larges retombées dans le domaine civil, encore dominé par les entreprises américaines.

On objecte déjà que bien avant 2040 les nouvelles armes russes notamment dans le domaine de l'hypersonique et de l'anti-missile rendront inutilisable un avion de combat même modernisé. Mais c'est inexact. La France, avec le Rafale, montre qu'elle a constamment besoin d'un avion de combat lui appartenant en propre capable de donner de la crédibilité à sa politique extérieure. Il en sera de même dans quelques années. Ceci ne devrait pas d'ailleurs l'empêcher de développer pour son compte des armes hypersoniques dont son important potentiel scientifico-industriel la rend déjà capable et dont le coût devrait être moindre.

Reste à savoir si les Européens donneront suite à ce projet, devant l'hostilité qu'il rencontre déjà au sein du complexe militaro-industriel américain. Celui-ci fera tout son possible, notamment dans l'immédiat par l'intermédiaire du président Donald Trump, pour obliger la France et l'Allemagne à renoncer à ce projet. D'ores et déjà, les Etats-Unis comptent faire pression sur ces deux pays au sein de l'Otan dont elles acceptent encore d'être membres. Rappelons que l'Otan n'a aucun sens sauf à préparer une guerre contre la Russie, que ni la France ni l'Allemagne à ce jour ne voudraient à aucun prix car elles en seraient les premières victimes.

La question de l'hostilité américaine s'était déjà posés à propos des timides efforts de certains pays européens, dont la France, de se doter d'une « défense européenne » indépendante de la prétendue « défense de l'Europe » que le Pentagone s'est toujours dit prêt à assurer à travers l'Otan et les forces armées américaines qui en constitueraient le volet militaire. Ce concept de défense européenne suppose évidemment une armée européenne là encore indépendante autant que possible de l'US Army, armée européenne à terme terrestre, aérienne, navale et satellitaire. Or l'idée d'une armée européenne support de la défense européenne, suggérée par la France, suscite une telle opposition de la part des Etats-Unis que les autres pays membres de l'Otan, y compris l 'Allemagne, hésitent encore à en prendre la décision.

Derrière le programme SCAF se posera nécessairement la question de savoir si la France et l'Allemagne resteront indéfiniment des outils au service de la politique américaine visant à détruire la Russie. Celle-ci est considéré par Washington comme une concurrente insupportable pour la domination du monde, domination dont jusqu'à présent l'Empire américain avait le monopole. Or l'Europe n'a aucune prétention à la domination du monde, notamment en servant de bras armé aux Etats-Unis. 

Son intérêt géopolitique et économique, tant aujourd'hui que pour l'avenir, est de coopérer avec la Russie et la Chine dans l'élaboration de ce que l'on nomme désormais un monde multilatéral, où l'Europe pourrait avoir toute sa part compte tenu de ses capacités propres. Les compétences technologiques nécessaires pour la mise au point du SCAF sont pour le moment pour la plupart contrôlées par Washington. Ce dernier pourrait à tout instant décider à titre de « sanctions » d'en interdire l'exportation vers l'Europe. Celle-ci pourrait alors faire appel, sur un pied de réciprocité, aux technologies russes.

Il en sera de même, à plus grande échelle, dans la participation de l'Europe à la construction d'un futur domaine spatial extraterrestre, par exemple dans un premier temps l'installation de bases permanentes sur la Lune. Il serait inacceptable que les Etats-Unis, disposant d'une large avance sur le reste du monde dans le domaine spatial, notamment grâce à leurs investissements militaires, puisse dominer indéfiniment l'espace et ses opportunités.

mardi, 18 juin 2019

Note sur une grande influence en France

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Note sur une grande influence en France

par Georges FELTIN-TRACOL

Le témoignage de Frédéric Pierucci (avec l’aide de Matthieu Aron) paru chez Jean-Claude Lattès sous un titre explicite, Le piège américain. L’otage de la plus grande entreprise de déstabilisation économique témoigne (postface d’Alain Juillet, JC Lattès, 2019), comporte deux niveaux de lecture :

– un récit glaçant sur les conditions de détention ainsi que sur l’aveuglement systématique de la supposée « justice » aux États-Unis (cf. « À l’intérieur du système carcéral étatsunien » et « Otage des États-Unis »),

– un rappel bienvenu sur la vente forcée d’Alstom à General Electric (GE) qui éclaire et confirme l’excellent documentaire plusieurs fois diffusé sur LCP, Guerre fantôme de David Gendreau et d’Alexandre Leraître.

Bien que condamné aux États-Unis à trente mois de prison, Frédéric Pierucci reste un innocent, d’abord victime de la rapacité d’affairistes outre-Atlantique de mèche avec le Department of Justice (DOJ) qui joue au Zorro planétaire pas très Robin des Bois.

Cet ouvrage passionnant signale en outre l’immense influence qu’exerce Washington auprès des cliques médiatique, politique et économique de l’Hexagone. L’auteur se montre très surpris de l’attentisme et du manque d’attention des médiats au moment du bradage d’Alstom. Son arrestation et son incarcération aux États-Unis dans une prison de haute sécurité ne soulevèrent pas la curiosité immédiate des journalistes, ni même des autorités françaises. Le contraste est saisissant par rapport au tintamarre orchestré autour des islamistes dits « français » condamnés à mort en Irak et de leurs gamins qui devraient rentrer en France…

Certes, Frédéric Pierucci et ses proches n’ont pas cherché à médiatiser cette prise d’otage terroriste économique, car ils ont craint d’éventuelles représailles du DOJ qui agit en digne imitation de la mafia. Ainsi reconnaît-il que son épouse ne donna aucune suite aux demandes de Fabrice Arfi de Médiapart. Le 27 mai 2014, Martine Orange et lui sortaient une enquête décapante sur la « Vente d’Alstom : l’enjeu caché de la corruption ». Ils notaient que l’arrestation d’un nouveau cadre d’Alstom aux îles Vierges étatsuniennes « a pu être utilisée comme un ultime moyen de pression sur l’état-major d’Alstom, juste avant qu’il ne signe avec GE (p. 232) ». Lors de leur première rencontre, Frédéric Pierucci se montra presque paranoïaque envers Matthieu Aron, alors journaliste à France Inter avant de rejoindre la rédaction de L’Obs.

À l’époque, il s’étonne que l’avenir d’Alstom ne suscite aucun débat public. Il apprendra plus tard que la direction d’Alstom débloquera 262 millions d’euros « en communication, en montage financier, et en assistance juridique. Alstom, pour mener à bien la vente, a eu recours à dix cabinets d’avocats, deux banques conseils (Rothschild & Co, Bank of America Merrill Lynch) et deux agences de communication (DGM et Publicis). Côté General Electric, on dénombre trois banques conseils (Lazard, Crédit Suisse, et Bank of America), l’agence de communication Havas et de nombreux cabinets d’avocats (pp. 357 – 358) ». Afin de remporter la bataille décisive de l’opinion publique française, le patron de GE Jeff Immett « a porté son choix sur Havas, dont le vice-président, Stéphane Fouks, est un ami intime du Premier ministre Manuel Valls (p. 234) ». Le sinistre locataire de Matignon ne voulait pas offrir un boulevard à son principal opposant interne au sein du Parti socialiste, le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg qui refusât avec raison et au nom de l’intérêt national la cession d’Alstom. Cet ardent défenseur fut écrasé par la foudroyante contre-offensive du PD-G d’Alstom, Patrick Kron qui « s’est entouré de deux experts trois étoiles : Franck Louvrier, l’ancien gourou de la communication de Nicolas Sarkozy, et Maurice Lévy de Publicis (très proche de Clara Gaymard, la présidente de GE France (p. 235) ». Point culminant d’une moralité très made in USA, « dans ses tractations avec GE, Alstom est conseillé par un cabinet d’avocats dirigé par Steve Immett… le propre frère de Jeff Immett, le patron de General Electric ! On n’est jamais aussi bien servi que par son propre clan… (p. 232) ». Le conflit d’intérêts n’est-il pas ici flagrant ? Aveuglés par leur suffisance, les si sourcilleux limiers du DOJ n’ont bien sûr rien vu… Seraient-ils en réalité des handicapés profonds ?

Si la vente bradée d’Alstom confirme l’atlantisme intrinsèque du PS en général, courant de Montebourg mis à part, et de François Hollande en particulier, Le Piège américain mentionne le jeu trouble d’Emmanuel Macron comme secrétaire général-adjoint de l’Élysée, puis en tant que ministre de l’Économie. Il révèle en outre l’apport déterminant de la Sarkozie dans cette félonie économique. L’ancien président de la République de 2007 à 2012 garda un silence assourdissant, lui qui avait sauvé Alstom quelques années auparavant. Patrick Kron est d’ailleurs l’un de ses très grands amis qui assista au Fouquet’s le soir de l’élection élyséenne de l’ancien maire de Neuilly. Les réseaux sarkozystes résistèrent à Montebourg. Celui-ci sollicita la DGSE qui lui opposa une fin de non-recevoir, car elle « ne met pas les pieds sur les plates-bandes d’un allié aussi puissant que les États-Unis (p. 211) ».

D’autres proches du sarkozysme, cette calamité hexagonale, ont participé à cette duperie industrielle nationale. Frédéric Pierucci évoque la succulente « Valérie Pécresse dont le mari a été parachuté en 2010 chez Alstom à la tête du business des énergies renouvelables et qui sera bientôt nommé en charge de l’intégration des équipes GE/Alstom, puis de l’ensemble des activités Power Renewable de GE, dépendant directement de Jeff Immelt (p. 231) ». Il s’attarde sur le cas de Clara Gaymard. Présidente du Women’s forum et considérée par le magazine Forbes en 2011 comme la trentième femme la plus influente au monde, la fille du professeur Jérôme Lejeune dirige à l’époque GE France. Malgré un attachement public au catholicisme, ce membre de la Commission Trilatérale ne cache pas un tropisme libéral, progressiste et LGBTiste. Au civil, elle est l’épouse de Hervé Gaymard, président Les Républicains du Conseil départemental de la Savoie et éphémère ministre de l’Économie en 2005 contraint de démissionner suite à des travaux d’aménagement coûteux de son logement de fonction.

Il ne fait guère de doute qu’Emmanuel Ratier aurait apprécié toutes ces connivences. Les numéros d’alors de son excellente lettre confidentielle d’informations Faits & Documents insistaient déjà sur la mainmise des États-Unis dans l’Hexagone. L’influence russe existe bien en France, mais, n’en déplaise aux complotistes officiels, elle demeure négligeable. Elle est sans commune mesure avec l’influence des États-Unis. Toutes les élites de l’Hexagone se pressent pour jouer aux larbins satisfaits de Washington.

Georges Feltin-Tracol

mardi, 11 juin 2019

Histoire de ta bêtise (François Bégaudeau)

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Histoire de ta bêtise (François Bégaudeau)

 
Une note de lecture sur un pamphlet consacré à une certaine forme de bien-pensance macroniste... https://www.amazon.fr/dp/B07L15K26Q
 
Sommaire :
 
Qui est "tu" ? : 2:55
 
"Tu", c'est les macronistes ? : 5:00
 
"Tu", c'est le macronisme ? : 6:20
 
Une révolte intellectuelle : 7:20
 
Une réflexion sur la nature du discours macroniste : 11:10
 
Une réflexion et non un procès : 12:25
 
Le refus de comprendre : 13:30
 
La pensée superficielle : 14:40
 
La destruction de la réalité : 20:15
 
La peur et la fausseté : 27:10
 
La bien-pensance de la nouvelle bourgeoisie cool : 31:25
 
Nihil novi sub sole : 32:50
 
Avis personnel : 34:45
 
Annonce prochaine vidéo : 41:00
 

samedi, 25 mai 2019

Europe : Orban contre Macron ou souverainistes contre globalistes

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Europe : Orban contre Macron ou souverainistes contre globalistes

En vue des élections européennes de 2019

L’émergence conservatrice en Europe et la politique des identités

L’évolution de la conjoncture européenne en vue des élections parlementaires de 2019 résulte d’une opposition entre dirigeants européens et américains à propos des deux notions, du « peuple » et du « gouvernement », se présentant comme une opposition entre populistes et élitistes, ou encore entre « nationalistes » et « globalistes », « souverainistes illibéraux » (Orban, Salvini et autres) et « libéraux anti-démocratiques », tels Macron, Merkel et Sanchez.

Cette opposition reprend la classification de Yascha Mounk, Professeur à Harvard,dans son essai, « Le peuple contre la Démocratie« , qui explique pourquoi le libéralisme et la démocratie sont aujourd’hui en plein divorce et pourquoi on assiste à la montée des populismes.

La crise de la démocratie libérale s’explique, selon Mounk, par la conjonction de plusieurs tendances, la dérive technocratique du fait politique, dont le paroxisme est représenté par l’Union Européenne, la manipulation à grande échelle des médias et une immigration sans repères qui détruit les cohésions nationales.

Ainsi l’atonie des démocraties exalte les nationalismes et les formes de « patriotisme inclusif », qui creusent un fossé entre deux conceptions du « peuple », celle défendue par Trump, Orban et les souverainistes européens, classifiés comme « illibéraux démocratiques » et celle des « libéraux anti- démocratiques »,pour qui les processus électoraux sont contournés par les bureaucraties, la magistrature (en particulier la Cour Suprême aux États-Unis) et les médias, dans le buts de disqualifier leurs adversaires et éviter les choix incertains des électeurs.

Ce type de libéralisme permet d’atteindre des objectifs anti-populaires par des méthodes détournées.

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Or, dans la phase actuelle, la politique est de retour en Europe, après une longue dépolitisation de celle-ci, témoignée par le livre de F. Fukuyama, qui vient de paraître aux États-Unis, au titre: « Identité: la demande de dignité et la politique du ressentiment« .

Fukuyama nous expliquait en 1992, que « la fin de l’histoire » était la fin du débat politique, comme achèvement du débat entre projets antagonistes, libéralisme et socialisme, désormais sans objet.

Au crépuscule de la guerre froide, il reprenait au fond la thèse de Jean Monnet du début de la construction européenne sur la « stratégie de substitution » de la politique pour atteindre l’objectif de l’unité européenne.

Une stratégie qui s’est révélée une « stratégie d’occultation » des enjeux du processus unitaire et de lente dérive des nouveaux détenteurs du pouvoir, les »élites technocratiques », éloignées des demandes sociales et indifférentes, voire opposées au « peuple ».

Pour Fukuyama l’approfondissement de sa thèse sur la démocratie libérale comme aboutissement du libéralisme économique, implique encore davantage aujourd’hui, après trente ans de globalisation, un choix identitaire et un image du modèle de société, conçue en termes individualistes, d’appartenance sexuelle, religieuse et ethnique.

Le contre choc de la globalisation entraîne un besoin d’appartenance et une politique des identités, qui montrent très clairement les limites de la dépolitisation.

Les identités de Fukuyama sont « inclusives », car elles réclament l’attachement des individus aux valeurs et institutions communes de l’Occident, à caractère universel.

Face à l’essor des mouvements populistes, se réclamant d’appartenances nationales tenaces, les vieilles illusions des fonctionnalistes, pères théoriques des institutions européennes, tels Haas, Deutsch et autres, selon lesquelles la gestion conciliatrice des désaccords remplacerait les conflits politiques et l’efficacité des normes et de la structure normative se substitueraient aux oppositions d’intérêts nationaux, est remise radicalement en cause, à l’échelle européenne et internationale, par les crises récentes de l’Union.

En effet, la fragilité de l’euro-zone, les politiques migratoires, les relations euro-américaines et euro- russes révèlent une liaison profonde, conceptuelle et stratégique, entre politique interne et politique étrangère.

Elles révèlent l’existence de deux champs politiques,qui traversent les différences nationales et opposent deux conceptions de la démocratie et deux modèles de société, celle des « progressistes (autoproclamés) » et celle des souverainistes (vulgairement appelés populistes).

« L‘illibéralisme » d’Orban contre le »le libéralisme anti-démocratique » de Macron

Ainsi l’enjeu des élections européennes de mai 2019 implique une lecture appropriée des variables d’opinions,le rejet ou l’aquiescence pour la question migratoire, l’anti-mondialisme et le contrôle des frontières.

Cet enjeu traduit politiquement une émergence conservatrice, qui fait du débat politique un choix passionnel, délivré de tout corset gestionnaire ou rationnel

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Ce même enjeu est susceptible de transformer les élections de 2019 en un référendum populaire sur l’immigration et le multi-culturalisme, car ce nouveau conservatisme, débarrassé du chantage humanitaire, a comme fondement l’insécurité, le terrorisme et le trafic de drogue, qui se sont installés partout sur le vieux continent.

Il a pour raison d’être l’intérêt du peuple à demeurer lui même et pousse les dirigeants européens à promouvoir une politique de civilisation.Il n’est pas qui ne voit que le phénomène migratoire pose ouvertement la question de la transformation démographique du continent et, plus en profondeur,la survie de l’homme blanc,

En perspective et par manque d’alternatives, l’instinct de conservation pourra mobiliser tôt ou tard les peuples européens vers un affrontement radical et vers la pente fatale de la guerre civile et de la révolte armée contre l’islam et le radicalisme islamique

Ainsi autour de ces enjeux, le débat entre les deux camps, de « l’illibéralisme » ou de l’État illibéral à la Orban et du « libéralisme sans démocratie » à la Macron, creuse un fossé sociétal dans nos pays, détruit les fondements de la construction européenne et remet à l’ordre du jour le mot d’ordre de révolution ou d’insurrection.

Il en résulte une définition de l’Europe qui, au delà du Brexit, n’a plus rien à voir avec le marché unique ou avec ses institutions sclérosées et désincarnées, mais avec des réalités vivantes, ayant une relation organique avec ses nations.

Les élections parlementaires de 2019 constitueront non seulement un tournant, mais aussi une rupture avec soixante ans d’illusions européistes et mettront en cause le primat de la Cour européenne des droits de l’homme, censée ériger le droit et le gouvernement des juges au dessus de la politique.

Ainsi le principe de l’équilibre des pouvoirs devra être redéfini et le rapport entre formes d’État et formes de régimes, revu dans la pratique, car mesuré aux impératifs d’une conjoncture inédite.

Le fossé entre élites et peuple doit être ré-évalué à la mesure des pratiques des libertés et à l’ostracisation du discours des oppositions, classé « ad libitum » comme phobique ou haineux, ignorant les limites constitutionnelles du pouvoir et de l’État de droit classiques.

revue2m.jpgOr la conception illibérale de l’État, dont s’est réclamé Orban en 2014, apparaît comme une alternative interne à l’équilibre traditionnel des pouvoirs et , à l’extérieur, comme une révision de la politique étrangère et donc comme la chance d’une « autre gouvernance » de l’Union, dont le pivot serait désormais la nation, seul juge du bien commun.

Cette conception de » l’État non libéral, ne fait pas de l’idéologie l’élément central de l’organisation de de l’État, mais ne nie pas les valeurs fondamentales du libéralisme comme la liberté ».

En conclusion « l’illibéralisme d’Orban »résulte d’une culture politique qui disqualifie, en son principe, la vision du libéralisme constitutionnel à base individualiste et fait du « demos » l’axe portant de toute politique du pouvoir.

Le débat entre « souverainistes » et « progressistes » est une preuve de la prise de conscience collective de la gravité de la conjoncture et de l’urgence de trancher dans le vif et avec cohérence sur l’ensemble de ces questions vitales.

En France le bonapartisme est la quintessence et la clef de compréhension de l’illibéralisme français, qui repose sur « le culte de l’État rationalisateur et la mise en scène du peuple un ».

Orban réalise ainsi la synthèse politique de Poutine et de Carl Schmitt, une étrangeté constitutive entre « la verticale du pouvoir » du premier et du concept de souveraineté du second, qui s’exprime dans la nation et la tradition et guère dans l’individu.

Cette synthèse fait tomber « un rideau du doute » entre les deux Europes, de l’Est et de l’Ouest, tout au long de la ligne du vieux « rideau de fer », allant désormais de Stettin à Varsovie, puis de Bratislava à Budapest et, in fine de Vienne à Rome.

D’un côté nous avons le libre-échange sauvage, la morale libertine et une islamisation croissante de la société, sous protection normative de l’U.E et de certains États-membres, de l’autre les « illibéraux » de l’Est, qui se battent pour préserver l’héritage de l’Église et de la chrétienneté.

L’espace passionnel de l’Europe centrale, avec, en fers de lance la Pologne et la Hongrie puise dans des « gisements mémoriels », riches en histoire, les sources d’un combat souverainiste et conservateur, qui oppose à l’Ouest deux résistances fortes, culturelles et politiques.

Sur le plan culturel une résistance déclarée à toutes les doctrines aboutissant à la dissolution de la famille, de la morale et des mœurs traditionnelles (avortement et théorie du genre).

Sur le plan politique, la remise en question du clivage droite-gauche, la limitation des contre- pouvoirs, affaiblissant l’autorité de l’exécutif et au plan général, la préservation des deux héritages, la tradition et l’histoire, qui protègent l’individu de la contrainte, quelle qu’en soit la source, l’État, la société ou l’Église; protection garantie par une Loi fondamentale à l’image de la Magna Carta en Grand Bretagne (1215), ou de la Constitution américaine de 1787.

Cette opposition de conceptions, de principes et de mœurs, aiguisés par la mondialisation et la question migratoire, constitueront le terrain de combat et de conflit des élections européennes du mois de mai 2019 et feront de l’incertitude la reine de toutes les batailles, car elles seront un moment important pour la création d’un nouvel ordre en Europe et, indirectement, dans le monde.


Irnerio Seminatore
Irnerio Seminatore

Irnerio Seminatore est le Directeur de l'IERI (Institut européen de relations internationales). Professeur des Universités, Essayiste, spécialiste de l'Europe, il est très proche de Résistance républicaine quant à ses analyses sur l'islam.

jeudi, 23 mai 2019

Fête de la COURTOISIE - 16 juin 2019

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Train à hydrogène. Succès français ou succès américain?

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Train à hydrogène. Succès français ou succès américain?
 
par Jean-Paul Baquiast
Ex: http://www.europesolidaire.eu
 
La presse indique le 21 Mai 2019 qu'Alstom vient de signer un contrat pour la fourniture de 27 trains alimentés par une pile à combustible. On s'en réjouira en France car Alstom dispose de nombreux établissements dans le pays et fournit de nombreux emplois. Mais Alstom est elle vraiment française ?

Alstom vient de remporter l'appel d'offre lancé par Fahma, filiale de l'opérateur allemand RMV Rhein-Main Verkehrsverbund (RMV) . Alstom devra livrer à partir de 2022 de 27 trains Coradia iLint qui remplaceront des rames diesel sur quatre lignes de la région de Taunus. Alstom devra également fournir l'hydrogène, la maintenance et la mise à disposition de capacités de réserve durant 25 ans. Le contrat est de 500 millions d'euros dont 360 millions pour Alstom. 

Rappelons que les trains à hydrogène fonctionnent en brûlant de l'hydrogène. Celui-ci est généralement fourni par l'hydrolyse de l'eau à partir d'un courant électrique au sein d'une pile à combustible. L'électricité utilisée par ces piles provient soit de l'énergie nucléaire comme en France soit de centrales thermiques utilisant du charbon, comme c'est encore le cas en grande partie en Allemagne. Mais la consommation de charbon en ce cas produit moins de CO2 que le recours au pétrole utilisé dans les locomotives dotées de moteurs à explosion, comme c'est encore le cas dans de nombreux pays, notamment sur les réseaux secondaires.

Cet appel d'offres est certainement un succès remarquable de Alstom. Mais faut-il rappeler que 6 février 2019, la Commission Européenne avait rejeté un projet de fusion entre Alstom et Siemens Mobility, au prétexte que cette fusion ne respectait pas les règles de concurrence au sein de l'Union Européenne. Le projet de fusion avait été présenté par Alstom le 26 septembre 2017, et prévoyait, en cas d'acceptation par les autorités de la concurrence, que la nouvelle entreprise prenne le nom de Siemens-Alstom. Siemens serait devenu l'actionnaire principal avec 50 % des parts. Dans le cadre du rapprochement, Siemens aurait apporté ses activités ferroviaires et de signalisation à Alstom, en échange de la moitié du capital de celle-ci. Le rejet de la fusion par l'Union Européenne avait été salué par les organisations syndicales, le gouvernement français avait parlé d'une "erreur économique" , Mais il n'avait utilisé aucun des moyens dont il disposait pour s'opposer à la Commission.

A la suite de quoi, Alstom qui avait besoin d'argent avait vendu à l'américain General Electric ses actions dans le domaine de l'énergie et du transport, notamment ferroviaire. Le Journal Libération avait pu à juste titre parler d'un « grand racket américain » .

Qui était président de la République à cette date, et qui avait laissé faire, sinon encouragé l'opération ?

mardi, 21 mai 2019

Mésententes franco-allemandes

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Mésententes franco-allemandes

par Georges FELTIN-TRACOL

Malgré la signature d’un nouveau traité entre la France et l’Allemagne à Aix-la-Chapelle, le 22 janvier 2019, qui parodie le traité de l’Élysée du 22 janvier 1963, force est de constater un paradoxe, l’indéniable dégradation des relations franco-allemandes. L’élection d’Emmanuel Macron avait pourtant ravi la caste politicienne outre-Rhin. L’européisme revendiqué, le réformisme affiché dans un sens de la rigueur budgétaire et le libéralisme en même temps économique et culturel du nouveau président français séduisaient les caciques de la CDU – CSU, du SPD, des Grünen et des libéraux.

Ainsi dès les premiers mois de sa présidence, Emmanuel Macron insista-t-il sur une nécessaire « souveraineté européenne », la création d’un budget commun de la Zone euro et le renforcement des coopérations inter-européennes avancées. Or Berlin répondit à toutes ces propositions audacieuses par une fin de non-recevoir. Le vice-chancelier social-démocrate, Olaf Scholz, et la nouvelle dirigeante de la CDU, Annegrett Kramp-Karrenbauer, revendiquèrent au contraire la mutualisation, sinon l’européisation, du siège permanent de la France au Conseil de sécurité de l’ONU et l’installation définitive du Parlement européen à Bruxelles aux dépens de Strasbourg.

Douché par ces initiatives intempestives, le président français comprend qu’il ne peut compter sur une classe politicienne allemande arc-boutée sur un statu quo déclinant alors que la première puissance économique d’Europe entre dans son hiver démographique, refuse de rénover ses infrastructures et se voit en prochaine victime des guerres douanières mondiales déclarées par Donald Trump. Même si les différents entre Berlin et Paris sont moins médiatiques que les tensions franco-italiennes, ils ne cessent de s’accumuler.

L’Allemagne ne permet pas à la France et à la Grande-Bretagne de livrer à l’Arabie Saoudite des armements dotés de composants allemands. Les industriels français de la défense n’apprécient guère cette interdiction. Le 29 avril dernier s’est tenu à Berlin un sommet informel sur les Balkans de l’Ouest (Serbie, Monténégro, Kossovo, Macédoine du Nord, Albanie, Croatie, Slovénie et Bosnie-Herzégovine). Les divergences entre les diplomaties française et allemande n’ont jamais été aussi grandes concernant cette région stratégique du Sud-Est de notre continent.

Le gouvernement allemand a réaffirmé son désir d’intégrer à terme les États balkaniques dans l’Union dite européenne. La France défend au contraire la suspension plus ou moins longue du processus d’« élargissement ». Paris propose en outre de résoudre le conflit serbo-kossovar par des échanges de territoires, ce qui implique l’abandon exceptionnel du principe de l’intangibilité des frontières. Cette hypothèse irrite Berlin. L’Allemagne craint en effet que la susceptible Pologne y voit une remise en cause implicite de la frontière Oder – Neisse.

Il est instructif de savoir qu’à l’occasion de ce sommet, Angela Merkel en fin de parcours et Emmanuel Macron n’ont discuté qu’un petit quart d’heure ! Les politiciens allemands, Wolfgang Schäuble en tête, ne font plus confiance à Macron depuis que ce dernier a concédé quelques milliards aux Gilets jaunes. Emmanuel Macron commence à comprendre les manœuvres dilatoires allemandes, d’où son intention de briser le binôme dirigeant PPE – socialistes au Parlement européen au profit de majorités d’idées plus volatiles. Le Rhin devient un peu plus chaque jour une faille béante entre ses deux rives…

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 125, mise en ligne sur TV Libertés, le 13 mai 2019.

lundi, 20 mai 2019

Quel choix dimanche prochain ?

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Quel choix dimanche prochain ?

par Georges FELTIN-TRACOL

Attention ! Prochaines mises en ligne des analyses de Georges Feltin-Tracol, le lundi 27 mai 2019. Georges Feltin-Tracol exprime ici son point de vue de citoyen français engagé, à un moment historique difficile pour son pays et pour l'Europe.

Les élections au Parlement européen ne déchaînent jamais la passion des foules depuis 1979. Cette apathie naturelle est bien sûr favorisée, valorisée et amplifiée par les médiats qui discriminent volontiers certaines des trente-quatre listes en lice. À ce tri d’accès à la diffusion à partir de sondages biaisés s’ajoutent les nombreuses difficultés pour financer une campagne électorale quand la mafia bancaire fait tout afin de nuire aux candidatures les plus rétives à ses dogmes.

Dans ces conditions matérielles et médiatiques défavorables, l’abstention, le vote blanc et le bulletin nul présenteraient l’avantage de récuser ce Système abject. Ce serait pour la circonstance une grave erreur. Autant il sera légitime de se détourner des municipales de l’an prochain, autant participer à ces élections européennes est impératif. Les électeurs doivent avant tout rejeter massivement la liste « Dégénérescence » de Nathalie Loiseau, naguère étudiante en Sciences Po qui se retrouva à l’insu de son plein gré candidate d’une formation étudiante fondée quelques années auparavant par Emmanuel Ratier. Dans le même ordre d’idées, il va de soi que la liste féministe de Nathalie Tomasini, « À voix égales », devrait recevoir de la part des électeurs une magistrale correction dans les urnes parce que le féminisme n’est pas une opinion, mais un poison pour notre civilisation.

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La gauche en miettes

Le scrutin de dimanche prochain offre le spectacle jubilatoire d’une gauche explosée. Délaissons les soi-disant « Insoumis » de Jean-Luc Mélenchon qui abandonnent la posture populiste de gauche pour l’inévitable gauchisme culturel. Le conseiller régional en Auvergne – Rhône-Alpes Andréa Kotarac vient de quitter La France insoumise (LFI) et appelle à voter RN. Son constat rejoint celui des autres souverainistes de gauche dont Djordje Kuzmanovic. Pseudo-« indigénistes » (les seuls indigènes en Europe sont les Albo-Boréens) et féministes hystériques maîtrisent maintenant l’appareil de LFI. N’oublions pas en outre que des séides de LFI siègent pour l’heure dans une commission d’enquête parlementaire contre l’« extrême droite » tendance Vychinski qui ose persécuter un groupe de chanteuses talentueuses, Les Brigandes… Voter LFI revient à se cracher dessus. Le PCF tente de s’extraire des poubelles bien méritées de l’histoire sous l’impulsion de l’« ultra-révolutionnaire » Ian Brossat, adjoint au maire de la néo-post-hyper-sociétaliste bien connue Anne Hidalgo. Le groupuscule de la place du Colonel-Fabien (à quand son changement en place Colonel-Rémy ?) subit une double concurrence, celle, d’une part, des « moines – militants » de Lutte ouvrière dont l’abnégation et l’engagement au quotidien devraient inspirer bien des nôtres et, d’autre part, du Parti révolutionnaire – Communistes d’Antonio Sanchez. Il ne s’agit pas d’une énième résurgence trotskyste, mais d’une scission du PCF survenue en 2002. Ce mouvement réunit les tenants d’un communisme marxiste-léniniste néo-stalinien, nostalgiques de la SFIC du début des années 1920.

La social-démocratie n’en cesse plus pour sa part de se décomposer sur pied. Sa longue et lente agonie se caractérise par deux listes. Un PS mal en point s’est allié à Nouvelle Donne de Pierre Larrouturou et à Place publique de Raphaël Glucksmann. Digne fils de son père André, défunt « nouveau philosophe » va-t-en guerre droits-de-l’hommiste, Raphaël Glucksmann demeure ce néo-conservateur belliciste un temps proche du président géorgien Mikheil Saakachvili. Ce sarközyste de gauche a lancé une formation sociale-libérale intitulée d’une façon grotesque Place publique. Y aura-t-il un jour un parti appelé « Décharge publique » ou bien « Tous sur le trottoir ! » ? Essoré par une présidentielle déplorable, Benoît Hamon joue son avenir politique ainsi que celui de son parti Génération.s. S’il continue avec raison à s’interroger sur l’avenir humain du travail et la grande substitution technicienne prochaine, ses propositions restent marquées par un réformisme radical qui déclenche l’hilarité de l’hyper-classe mondialiste.

Passons vite sur « Neutres et actifs », des hurluberlus qui combattent l’abstention, la liste jeuniste en écriture inclusive de Sophie Caillaud, « Allons enfants ! », qui ne compte que des candidats de moins de 30 ans (n’est-ce pas là une manifestation flagrante de discrimination par l’âge normalement puni par les haïssables lois liberticides ?) et celle de Jean-Christophe Lagarde au nom de l’UDI – Force européenne démocrateLa Gauche moderne, soit un centrisme post-sarközyste aussi peu reluisant que bien souvent détestable quand on observe le clientélisme pro-immigration des maires UDI en Île-de-France. D’incurables droitards, éternels abonnés au cocufiage politique, parient au « retour de la droite » en la personne du Versaillais François-Xavier Bellamy (1). Ils s’illusionnent une nouvelle fois sur les caniches hexagonaux d’Angela Merkel et d’Annegret Kramp-Karrenbauer. Dans le cadre du PPE, Les Républicains de Laurent Wauquiez obtempèrent aux injonctions de la CDU – CSU. Tout Européen résolu ne saurait choisir la liste Bellamy, faction libérale-conservatrice du globalitarisme.

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Plusieurs nuances de vert

Les forces écologistes présentent entre cinq et six listes. Outre celle du député européen sortant Yannick Jadot accusé d’être un « écotartuffe » par le mensuel La Décroissance en raison de ses positions libérales-libertaires, « Urgence Écologie » de l’universitaire Dominique Bourg rassemble l’ancienne ministre de l’Écologie de François Hollande, Delphine Batho, et le président du Mouvement des écologistes indépendants Antoine Waechter. Cette liste « alter-écolo » persiste néanmoins dans l’impolitique, ignore les enjeux de la puissance et se complaît dans le globalisme planétaire. Quant au Parti animaliste, il joue sur l’émotion publique en exposant sur des affiches de sympathiques gueules de chien et de chat. Ce parti veut l’abolition de traditions européennes comme la tauromachie ou la chasse.

Les décroissants ont réussi à monter une liste. Leur programme radical fait toutefois l’impasse sur l’inévitable décroissance des flux migratoires du Sud vers le Nord et la régulation draconienne de la démographie africaine. Ces béni-oui-oui des sordides droits de l’homme ne prennent toujours pas en compte les excellentes analyses du visionnaire finlandais Pentti Linkola. Fidèles aux rendez-vous européens, les espérantistes soutiennent la langue artificielle inventée par Ludwik Zamenhoff et utilisée plus ou moins régulièrement aux réunions internationales vertes et anarchistes comme la langue véhiculaire officielle de l’Union pseudo-européenne. Utopie (hors sol !) quand tu nous tiens…

Favorable à une République européenne bo-bo, inclusive et libre-échangiste, le Parti des citoyens européens se trouve au carrefour de l’écologie et du fédéralisme européen. Il se trouve en concurrence avec la liste du Parti fédéraliste européen. Elle décline le principe de subsidiarité entre l’État européen, les nations membres et leurs régions. Même si son unique élu allemand appartient au groupe des VertsAlliance libre européenne, le Parti pirate défend principalement la neutralité d’Internet et s’oppose à la mainmise par les transnationales de la Toile mondiale. Les questions fiscales européennes intriguent une Union démocratique pour la liberté, égalité, fraternité dont l’intitulé ne dit rien qui vaille.

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Souverainisme et « Gilets Jaunes »

À l’opposé des fédéralistes européens s’activent des candidats nationistes, nationaux-républicains et souverainistes. Les Patriotes de Florian Philippot n’ont aucun intérêt. La liste du député non-inscrit de l’Essonne Nicolas Dupont-Aignan frôle les 5 %. Un échec ne serait que justice. Malgré de fréquents coups d’éclat médiatiques, l’ancien maire d’Yerres a plié devant le politiquement correct en virant Emmanuelle Gave qui ne supporte pas l’existence en France de lois liberticides et en acceptant au contraire des zélotes du matriarcat. Debout la France demeurera toujours Debout la République !. Partisan du Frexit et contempteur du « Grand Remplacement », François Asselineau ne pouvait pas ne pas rater cette échéance électorale. Bénéficiant du renfort très people d’Aurélien Enthoven, le fils de Raphaël et de Carla Bruni Sarközy (les dîners du dimanche doivent être agités avec son ancien président de la République de beau-père), l’UPR (Union populaire républicaine) persiste dans sa perception obsolète d’un Hexagone débarrassé de toute « ingérence » européenne et en revanche ouvert à flux une suicidaire francophonie cosmopolite.

L’Alliance royale se conforme encore avec les règles républicaines. En refusant d’entrer dans les querelles entre prétendants, elle projette toutefois un royalisme sans visage et désincarné, tout le contraire du royalisme exposé par Vladimir Volkoff. « Le corps du roi est le roi, écrit-il. […] La royauté héréditaire commence là où commence l’homme : dans les reins d’un monsieur et dans le ventre d’une dame. Ce qui en naît, c’est un corps humain qui est le gage de la royauté (2). »

Les sondages placent le Rassemblement national de Jordan Bardella (avec Marine Le Pen en avant-dernière position non éligible) au coude-à-coude avec la coalition en décadence avancée LREM – MoDem – AGIR (droite juppéiste) – Mouvement radical libéral. La présidente du RN a créé la curiosité en désignant un jeune militant politiquement chevronné. Outre la présence de deux sarkozystes non repentis (Thierry Mariani et Jean-Paul Garraud), l’essayiste Hervé Juvin, par ailleurs chroniqueur géopolitique à Éléments et malgré de fortes contradictions (3), figure en cinquième place. Le discours frontiste pour cette campagne connaît un net infléchissement thématique sous l’influence de ce dernier en matière d’écologie, de localisme et de protectionnisme intelligent. Toutefois, l’ambiguïté perdure plus que jamais à propos de l’après – 26 mai. En raison des grandes manœuvres de la Lega dont le secrétaire fédéral, Matteo Salvini, frise l’hybris politique, avec le PiS, l’AfD et le Fidesz, il est envisageable que les députés européens du RN siègent finalement chez les non-inscrits. Ni Jaroslaw Kaczynski, ni Viktor Orban n’apprécient Marine Le Pen pour diverses raisons (absence d’une quelconque expérience gouvernementale, origines néo-fascistes du FN, soutien affiché à la Russie de Vladimir Poutine). Ils se défient aussi de l’amateurisme des élus marinistes et de leur propension à la gabegie financière. Les témoignages de Sophie Montel et de Jean-Paul Tisserand sont très pertinents (4). Peut-on enfin voter pour des candidats nommés par Marine Le Pen, la même qui dansait et chantait le soir de sa défaite présidentielle ? Plus que le débat de l’entre-deux-tours, c’est ce comportement désinvolte qu’il importe de sanctionner.

Malgré des sondages peu flatteurs, le mouvement hétéroclite et composite des « Gilets Jaunes » a sorti trois listes sans oublier des « Gilets Jaunes » candidats chez Dupont-Aignan et Philippot. Souhaitant la taxation du kérosène et une taxe Tobin plus rigoureuse et plus élevée sur les transactions financières internationales, le chanteur Francis Lalanne dirige une « Alliance jaune ». Ce partisan du non à Maastricht en 1992, un temps proche de Jean-Pierre Chevènement avant de rallier un écolo-naturalisme marginal, Francis Lalanne garde le silence sur l’immigration de masse. Gilles Helgen conduit un « Mouvement pour l’initiative citoyenne ». Il propose le RIC aux niveaux national et européen. Sait-il au moins qu’une démopédie est d’abord indispensable avant de recourir à l’initiative référendaire ? User du référendum d’initiative populaire aujourd’hui en France serait suicidaire du fait de l’abêtissement généralisé de la population. Candidat divers droite aux législatives de 2017, Christophe Chalençon anime la liste, « Évolution citoyenne », favorable à une « Europe des peuples souverains » et à une révision du droit du sol. L’artisan forgeron du Vaucluse ne brille pas par son sens politique. Il souhaitait cet hiver la nomination à Matignon du général atlantiste Pierre de Villiers alors que sa liste réclame la sortie de la France de l’OTAN. Sans appartenir directement aux « Gilets Jaunes », la liste « Les oubliés de l’Europe » soutenue par une Coordination nationale des indépendants rappelle la présence courante des intérêts catégoriels exprimés sous l’appellation des « socio-professionnels » (artisans, professions libérales, commerçants et indépendants). En 1979, Philippe Malaud monte une liste liée aux socio-professionnels, « Défense interprofessionnelle – Union des travailleurs indépendants pour la liberté d’entreprise » (1,40 %). Cinq ans plus tard, Gérard Nicoud, l’emblématique chef du CIDUNATI (Confédération intersyndicale de défense et d’union nationale des travailleurs indépendants), déposa une liste, « Union des travailleurs indépendants pour la liberté d’entreprendre (UTILE) », vite phagocytée par la liste frontiste (0,68 %). Des listes socio-professionnelles figurèrent entre 2004 et 2014 dans les différentes circonscriptions interrégionales.

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Présence des banlieues

Il faudra étudier avec soin le résultat, bureau de vote par bureau de vote, de deux listes surgies des « banlieues de l’immigration ». Dernière venue après un étonnant repêchage de la part du Conseil d’État (une liste identitaire aurait-elle bénéficié de la même indulgence ?), l’Union des démocrates musulmans français (UDMF) a constitué une « Union pour une Europe au service des peuples ». Son chef de file, Nagib Azergui, aimerait sans surprise renforcer la lutte contre les discriminations et accorder aux étrangers extra-européens le droit de vote aux élections locales. Pis, dans le programme officiel de l’UDMF, on lit une incroyable mesure liberticide, une énième loi qui « condamnera toute diffusion de discours de haine envers la communauté musulmane et permettrait, notamment en France, au ministère de l’Intérieur de dissoudre toute association ou groupement islamophobe, tous médias qui exploitent cette littérature islamophobe pour se faire du profit en véhiculant des théories complotistes dangereuses (à l’exemple de la théorie du grand remplacement) ». L’augmentation du nombre des mosquées et la multiplication des enseignes hallal ne sont-elles pas des signes tangibles d’une immigration de peuplement ? Le complotisme est la négation de la réalité. L’UDMF prend cette élection pour une répétition générale avant les municipales du printemps 2020. Il faudrait cependant que l’électorat immigré se mobilise pour un scrutin qui l’indiffère.

« Démocratie représentative » du Franco-Malien Hadama Traoré tient un discours favorable au Pacte de Marrakech, estime que « la sémantique “ immigration ” est une insulte » et se veut le porte-parole d’une « majorité silencieuse (zone rurale, zone périphérique et la banlieue) (5) ». Pas certain que cela suscite l’engouement des populations africaines dans l’Hexagone…

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Le choix de l’audace

Soutenue par Karim Ouchikh, le président du SIEL (Souveraineté, Identité et Libertés) et conduite par l’écrivain Renaud Camus, fondateur du Conseil national de la Résistance européenne et concepteur du « Grand Remplacement », « La Ligne claire » s’oppose à l’idéologie officielle remplaciste. La centaine de propositions dépassent l’enjeu européen et tendent plus vers une possible candidature présidentielle en 2022. Certaines se réfèrent au philosophe Jacques Ellul telles l’interdiction des courses et rallyes automobiles et motocyclistes (proposition 61). D’autres s’approchent des thèses décroissantes ou bien s’inscrivent dans une surprenante fidélité aux valeurs sinon républicaines pour le moins occidentales, celles qui contribuent au processus de remplacement en cours des peuples européens et du fallacieux « vivre-ensemble » multiculturaliste ! De tierces propositions se révèlent parfois incongrues comme la reconnaissance officielle de Jérusalem en tant que capitale de l’État d’Israël (proposition 86), quitte à refuser la suggestion vaticane de ville internationale, ou l’adhésion de la France au groupe de Visegrad (proposition 90) sans comprendre que ce groupe informel connaît maintes dissensions internes. Ce n’est pas pour rien si l’Italie et l’Autriche ne l’ont pas rallié… Bien que courageuse et fort européenne (faire de Vienne la capitale du Continent), la liste de Renaud Camus ne convainc pas.

Finalement, la liste la plus prometteuse porte le n° 10; c’est celle de La Dissidence française, « La Liste de la Reconquête ». Ce jeune parti politique a pu se présenter malgré une pesante chape de plomb médiatique; preuve que rien n’est impossible pour ceux qui ont une forte volonté. Certes, les beaux esprits parlent de nécessité tactique pour justifier leur vote pour le RN. C’est toujours pour eux « tactique ». C’était tactique de voter Sarközy aux primaires de la droite. C’était tactique de choisir François Fillon au premier tour de 2017. Aujourd’hui, il serait tactique de privilégier la raison au cœur. Bel aveuglement ! N’hésitons pas par conséquent à imprimer chez soi le bon bulletin, celui de la Reconquête. La Dissidence française doit devenir à l’instar de CasaPound en Italie ou du NPD en Allemagne un vrai aiguillon de radicalité. L’audace passe par conséquent par le seul vote révolutionnaire, nationale, identitaire, sociale, populaire et européen possible, à savoir « La Liste de la Reconquête » de Vincent Vauclin.

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : cf. Henry de Lesquen, « Bellamy, roi des candaules », mis en ligne sur YouTube, le 11 mai 2019.

2 : Vladimir Volkoff, Du Roi, Julliard – L’Âge d’Homme, 1987, pp. 32 – 33.

3 : cf. Georges Feltin-Tracol, « Hervé Juvin entre deux rives », mis en ligne sur Europe Maxima, le 6 janvier 2019.

4 : Sophie Montel, Bal tragique au Front national. Trente ans au cœur du système Le Pen, Éditions du Rocher, 2019, et Jean-Paul Tisserand, Front national. Un économiste dans la tourmente, manuscrit inédit, 2019. Ces deux témoignages confirment l’incompétence crasse d’un appareil dirigeant, faute d’école de cadres et d’instances de réflexions.

5 : « La sémantique immigration est une insulte », entretien avec Hadama Traoré mis en ligne sur Breizh-Info, le 8 mai 2019.

samedi, 18 mai 2019

Valentine de Saint-Point : le futurisme au féminin

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Valentine de Saint-Point : le futurisme au féminin

par Arnaud Bordes

Ex: http://rebellion-sre.fr

Née Anna Jeanne Valentine Marianne Desglans de Cessiat-Vercel, elle est par ascendance maternelle arrière-petite-nièce d’Alphonse de Lamartine. La famille s’installa à Mâcon où elle vécut son enfance entre sa mère, sa grand-mère, son précepteur, ses dons précoces, sa passion pour la lecture, et ses premières aquarelles et poésies. Rien ne lui fut mystère de sa glorieuse généalogie, dont elle s’enorgueillit jusqu’à prendre, d’après le nom du château de l’illustre poète, le pseudonyme de Saint-Point.

*

Dans le temps des années d’avant-guerre, dans ce Paris qui concertait toutes les élites cosmopolites et artistiques, où peintres, musiciens, sculpteurs, écrivains, collectionneurs s’unissaient et se désunissaient en académies, cénacles et galeries, V. de Saint-Point sut briller. Portant beau et aristocratiquement, d’une séduisante facilité de mœurs, souvent de pourpre vêtue1, bijoutée d’extravagances, émancipée dans l’activité sportive et l’escrime, mondaine accomplie, elle ne laissait pas indifférente la gent masculine qui s’empressait autour de ses impétuosités.

Si elle ne la lança pas dans le monde, puisqu’elle l’agitait déjà, sa rencontre, puis son union libre, avec le polygraphe Ricciotto Canudo, qui fréquentait les groupes de la modernité, lui permit toutefois d’imposer son engagement d’écrivain auprès des personnalités qui comptaient. Le couple avait de pareils intérêts pour le symbolisme et une conception universaliste du langage. Ricciotto Canudo fonda une revue (dont le nom, Montjoie !, n’était assurément pas fortuit) où l’on disputa du monde des Idées. Et tous deux firent le voyage d’Espagne et du Maghreb, où elle s’initia aussi bien à l’architecture mauresque qu’aux philosophes arabes et aux arcanes moyen-orientaux.

vspportrai.jpgTrès vite, dans son atelier de la rue de Tourville, à l’instar des salons d’Anna de Noailles, mais avec plus d’inventive faconde, V. de Saint-Point stimula, entre les différentes disciplines et leurs représentants, les rencontres dédiées à la rénovation des esthétiques. L’étude des religions, des mythes gréco-romains et des doctrines secrètes, le spiritisme et l’occultisme, y tenaient bonne place par l’intermédiaire du poète Vivian de Mas dont le théosophisme aigu dégageait des perspectives vers les sphères supérieures, vers les races et les cycles.

Tandis que Tristan Derème, Klingshor, Paul-Jean Toulet, Jean Cocteau, Blaise Cendrars y devisaient, les musiciens Florent Schmitt, Maurice Ravel y jouaient leurs compositions, puis Satie, que l’on redécouvrit, lui un peu oublié depuis les salons Rose-Croix de Péladan, avant de tous se réunir avec des chorégraphes, Diaghilev, Nijinsky, Jeanne Hugard, qui dansaient parfois en avant-première des actes de leurs ballets.

Cette effervescence précipitait les théories, dont la plus avérée fut l’Apollinisme qui, façon de pré-Futurisme, réclama le culte de la vie dans ses liens avec les énergies primordiales et posa le plaisir, au sens d’une jouissance purificatrice, en idéal.

V. de Saint-Point était devant ces aréopages ce que la « Domna » était devant sa cour de trouvères. Elle conduisait les hommages qui l’entouraient pour les transmuter en créativité.

Or, il est une figure qui dominait de son entière renommée toute cette concorde : Rodin, dont V. de Saint-Point fut le modèle puis, incidemment, la secrétaire. Une correspondance nombreuse révèle leur profonde amitié. Elle en révéra l’art qu’elle célébra dans des poèmes et étudia dans La double personnalité d’Auguste Rodin. Par sa présence célèbre, il attirait toujours plus de curieux dans l’atelier de la rue de Tourville. Et ses sculptures, ses nus, en l’occurrence Le Penseur et Le Baiser revêtent une importance particulière. Le premier représentant l’intellect saisi dans toute sa pure splendeur, et l’autre suggérant, au-delà de l’apparence passionnelle, une volupté sacrée voire métaphysique, puis leur aspect souple et massif et comme irradié de subtils mouvements intérieurs, semblent être la mesure symbolique de l’œuvre de V. de Saint-Point qui alternera incarnation et abstraction.

Plus ouvertement, travaillés de spéculations syncrétistes, les écrits de V. de Saint-Point superposèrent progressivement deux thèmes majeurs : la solution d’une féminité originale et la quête d’un pancalisme ou d’une synthèse des arts.

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Sa littérature fut donc requise par plusieurs mouvements. Du Symbolisme, déjà finissant, V. de Saint-Point retint les émotions raffinées, les quêtes synesthésiques et la tentative, par l’entremise d’éléments occultes associés au plaisir d’une langue invocatoire, d’affronter l’invisible au visible, de vérifier, en les entrevoyant peut-être, les intersignes qui nouent les formes finies et les formes infinies. Elle continua d’explorer autant la « forêt de symboles » de Baudelaire que les intuitions délicates de ses aînées, ces éphébesses floues que furent Renée Vivien ou Natalie Barney ou Lucie Delarue-Mardrus. Elle s’efforça aussi vers l’École Romane que Jean Moréas, qui fit sécession avec le Symbolisme dont, pourtant, il rédigea le manifeste, avait fondée dès 1891 afin de recouvrer les vertus d’un classicisme déclamatoire mêlé d’une prédilection pour les cultures méditerranéennes anciennes. Louant dans un style simple mais ample la contemplation de la nature, elle perpétua une mystique des éléments, du vent, de l’eau, du soleil, qui aboutit à une vision panthéiste comme à l’annonce d’un certain néo-paganisme. Un tel retour aux sources l’entraîna vers une critique du monde moderne similaire, momentanément, à celle de Charles Maurras ­ lui-même disciple de l’École Romane dont le refus de la civilisation occidentale, dénoncée comme barbare, s’augmentait d’un éloge des lumières hellènes. Pourtant, V. de Saint-Point inclina moins au rationalisme antique qu’à la célébration, soutenue par l’espoir des rythmes cosmiques, des instincts, des mouvements de l’âme et de sentiments nobles – elle accorda dans ses vers l’exaltation du moi au lyrisme hautain de son grand-oncle pour, à la fin, approfondir une veine romantique : car souvent, en effet, elle ne se déplut pas, presque par fidélité superstitieuse, à s’imprégner du souvenir d’Alphonse de Lamartine en engageant, plus ou moins directement ou magiquement2, son inspiration et son imaginaire sous son ombre tutélaire.

*

vspmanif.jpgToutefois, ce qui prime dans ces principaux recueils, Poèmes de la Mer et du Soleil, L’Orbe pâle, La Soif et les Mirages, c’est la mise en place progressive d’une écriture féminine. Non pas d’une écriture féministe mais d’une écriture au féminin qui promeut plus la femme intérieure que la femme sociale. Non pas d’une écriture revendicative mais d’une écriture créative qui énonce les règles d’une esthétique féminine à part entière et qui essaie de s’affranchir des représentations masculines et littéraires de l’Éternel féminin pour, en quelque sorte, réaliser la Femme éternelle. Et cette Femme ne sera ni la Salomé décadente, ni la Nana naturaliste, ni l’Amazone symboliste, ni la précieuse ridicule des salons, mais procèdera de mythes puissants, qui affleureront dans Les poèmes d’Orgueil et s’imposeront dans son triptyque romanesque de L’amour et de la Mort, dont les romans, Un Amour, L’Inceste, Une mort, seront une déclinaison de la femme en trois archétypes classiques : Aphrodite, Déméter, Hécate.

Dans Un Amour, au travers de personnages nourris de philosophie idéaliste, la relation amoureuse est perçue comme concentration de forces et activation, celles-ci présupposées, de potentialités supérieures résidant dans l’amante, tandis que l’éros, dénoté hors de toute considération biologique ou génésique, est moins une fin qu’un moyen assurant le passage de l’infrastructurel au suprastructurel : l’amante ne s’appréhende plus seulement en mode mineur, charnel et psychique mais en mode majeur et spirituel, elle ne relève plus, pour jouer sur les désinences, de l’aphrodisiaque mais s’élève vers l’aphrodisien – elle atteint à une manière de totalité. S’étant pérennisée, elle pérennise autant l’amant que, surtout, le couple. Ascendante, transcendante, révélée, initiée à elle-même, elle permet à la contemplation de s’apprécier en contemplation platonicienne.

Dans L’Inceste (qui fit scandale et posa à nouveau la question de la morale dans l’art), au-delà de la volonté de transgresser un interdit et de dépeindre une mère dont l’amour maternel verse dans la passion amoureuse, il s’agit de redécouvrir la féminité omnipotente qui, semblable à Gaïa ou à Déméter (ou à toute autre hypostase de grandes déesses antiques de la Nature), est source et principe de vie. La pulsion incestueuse, si elle est déviance, est entendue comme processus de retour à soi : prédominant à tout, une telle féminité tend à être fécondée par ce qui est né d’elle et, se rassemblant et ressemblant à perpétuité, assure certain ordre naturel.

Dans Une Mort, bien que d’un tour plus autobiographique, et où sont condamnés la société et, dans tous ses aspects, qu’ils soient artistiques et moraux, le sexe masculin, émerge une féminité qui se situe à l’opposé des précédentes : puisque la femme est, comme susdit, pouvoir de vie physique et métaphysique, elle est aussi pouvoir de mort. Ce sera alors l’Hécate (ou aussi Ishtar, Astarté, Kali) qui propage les influences démoni(a)ques, dissolvantes, hallucinantes – féminité qui est négation, destruction, non seulement de la virilité mais aussi de toutes formes. Descendante, abyssale, elle est la voie vers une pureté par défaut, subversive, une pureté froide, stérile, vide, la pureté de la tentation du néant.

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Pour compléter, à un niveau plus formel, cette analyse d’une écriture au féminin, il est nécessaire de remarquer que le dessein de V. de Saint-Point est d’entreprendre bel et bien le discours, de se l’approprier en tant qu’il est rhétorique. Or la rhétorique ne se résume pas à des procédés d’éloquence ou à une simple technique littéraire, judiciaire, délibérative ou épidictique. Elle a essentiellement pour fonction de pallier l’arbitraire du signe et de faire en sorte que le langage soit le plus possible en relation avec le réel ; elle est ordre et rythme et, par-là, s’accorde à l’ordre des choses et aux rythmes naturels3. Elle fut connotée comme hypostase, voire image du Verbe ou, si l’on préfère, comme une espèce de logos minuscule reflet du Logos majuscule. En tant que telle, elle est sophistique et en relation avec la Sophia qui est l’âme (l’ordre) du monde créé. Ainsi, V. de Saint-point, qui s’applique de manière souveraine à la rhétorique, s’oriente vers cette Sophia qui, en soi, rejoint une modalité de féminité archétypale. En même temps, dans ce triptyque de L’amour et de la Mort et, plus tard, dans La Soif et les Mirages, V. de Saint-Point rencontre une qualité de composition qui ressortit plus au poème en prose qu’au roman. Qualité de prose poétique qui, autour de 1900, fut explorée par Gustave Khan et Marie Kryzinska 4 et qui façonne une langue ornementale, une mise en décor de la langue, une langue distinctive qui, parce qu’elle se déprend de tout didactisme ou de toute doxa, pourrait apparaître comme un vain exercice de style mais qui, au contraire, est pure rhétorique laquelle, en effet, est intrinsèquement hautement signifiante : soumis à de très précises règles, le style se suffit à lui-même et pourvoit au sens5. Et V. de Saint-Point, faisant du style, fait du sens.

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Il était normal que cette quête de la féminité interrogeât la sexualité. L’essai La femme et le désir y contribua en argumentant sur une nouvelle approche du corps féminin qu’il convient de ne plus définir comme objet peccable ou tabou. Étayés par une dénonciation de la morale en vigueur et une analyse de l’intimité de la femme, le désir et la volupté sont, s’il en est, reconnus, jusqu’à être, par leur reconnaissance même, porteurs de la transgression attendue : l’inconvenance et l’épanouissement se prônent mutuellement tandis que le sentimentalisme, la tendresse, les fadeurs sont méthodiquement flétris.

Mais ce n’est là qu’une propédeutique à de plus vigoureux textes.

futurist_manifesto_lust_0.jpgV. de Saint-Point se proclamait femme d’avant-garde. Affairée à la nouveauté, elle trouva le Futurisme dont les scandales péremptoires, les facultés de provocation, l’idéologie de la révolte, de la tabula rasa et de la collision, le volontarisme, la fascinèrent et lui permirent d’exaspérer beaucoup de ses convictions, et dont, plus avant, elle enrichit la doctrine qui, derrière la personnalité percutante et lyrique de son chef de file F.T. Marinetti, assénait le mépris du sexe faible : « Nous, futuristes, nous honnirons les femmes tant qu’elles empêcheront les hommes de conquérir le monde en les emprisonnant dans les pièges de l’amour et du snobisme, tant qu’elles constitueront autant de chaînes à briser, d’entraves pour le combat et pour la lutte. »


V. de Saint-Point et F.T. Marinetti se rencontrèrent, se convainquirent, et ce dernier, qui augura du retentissement médiatique qui en résulterait, la consacra première femme futuriste. Aussi, sacrifia-t-elle à la mode des manifestes (lesquels se multipliaient en ces périodes de défis artistiques) et rédigea Le Manifeste de la Femme futuriste dont, vêtue d’une robe d’un rouge encore excentrique, chapeautée à la mexicaine et gardée par les importants du futurisme, Balla, Sevirini et, bien sûr, Marinetti qui ouvrit la conférence, elle donna lecture le 27 juin 1912, salle Gaveau.

Elle y développa une théorie.

Premièrement, sous l’influence, semble-t-il, de philosophes ou d’occultistes comme Otto Weininger6 ou Joséphin Péladan7, en suggérant que l’identité sexuelle telle qu’on l’entend n’est pas pertinente. En fait, et cela présupposant la notion de sexe intérieur et extérieur, la sexualisation est ensemble une réalité changeante et une gradation selon que dans un même individu prédomine la qualité mâle ou la qualité femelle : tel peut être anatomiquement masculin qui participe psychiquement, à divers degrés, de possibilités féminines ; telle peut être anatomiquement féminine qui participe psychiquement, à divers degrés, de possibilités masculines. Par conséquent, le type pur est rare, soit qu’il s’affirme pleinement masculin ou féminin, soit qu’il réalise, de manière plus complexe, comme le conçoit V. de Saint-Point, le parfait équilibre entre compétence masculine et compétence féminine : tel sera, d’après elle, « l’être complet ». Être complet qui se manifeste non seulement comme cause mais aussi comme conséquence de périodes et de races épiques: d’où les génies, les héros…

manifesto_saint-point_donna_320.jpgSecondement, en conceptualisant la surfemme, véritable parèdre du surhomme nietzschéen. Surfemme qui, refusant « les morales et les préjugés » qui la dévoient, prépare, dans l’élan dominateur de tout son instinct vainqueur, l’avènement d’une humanité supérieure d’où les compatissants seront sans merci éliminés : « Que la femme retrouve sa cruauté et sa violence qui font qu’elle s’acharne sur les vaincus parce qu’ils sont vaincus, jusqu’à les mutiler. Qu’on cesse de lui prêcher la justice spirituelle à laquelle elle s’est efforcée en vain. Femmes, redevenez sublimement injustes, comme toutes les forces de la nature ! »

Peu après, en 1913, paru Le Manifeste futuriste de la Luxure. Les données crypto-nietzschéennes, telles que d’être soi-même sa propre théorie de la vie et la réalisation autonome de soi à l’encontre des entraves et codes culturels, y sont renouvelées, poussées à l’extrême, en même temps qu’elles s’agrègent à l’invention d’une luxure éprouvée autant comme valeur ultime que comme explication et rééquilibrage de l’existence : « C’est l’insatisfaction renaissante qui pousse, dans une orgiaque volonté, l’être à s’épanouir, à se surpasser. » Orgueilleuse vitalité, la luxure ignore les valeurs établies, bouleverse les vérités, active les énergies et provoque les guerres qui créent un individu puissant, un soldat, un artiste « dont rien ni personne ne peut annuler l’identité8 » et, conjonction de Vénus et de Mars, elle « est une force, puisqu’elle tue les faibles et exalte les forts, aidant à la sélection. » C’est aussi un moyen de régénérer les critères calistiques qui, eux-mêmes se dynamisant, ouvrent sur une création (quasi au sens cosmogonique) selon la chair qui concurrence la création selon l’esprit : « La luxure, c’est aussi la recherche charnelle de l’inconnu, comme la cérébralité en est la recherche spirituelle. » Et il est évident que la luxure se pratique en pleine conscience. Elle exige concentration ­ autant que pour une œuvre artistique. De même, elle ne découle pas du sentiment amoureux, qu’elle ne prolonge pas mais qu’elle excède parce qu’elle est « éternelle » alors qu’il « suit les modes ».

Ces écrits firent du tapage. Le tumulte plut à V. de Saint-Point, qui se félicita d’avoir défié la société et d’avoir mis la femme au centre des débats du mouvement futuriste qui, dès lors, en compta beaucoup dans ses rangs. Les manifestes furent traduits dans toute l’Europe. Bien des capitales, où l’avant-garde s’activait, réclamèrent et sa présence et ses conférences, et l’accueillirent comme une pythie venant rendre d’audacieux oracles.

Parallèlement, et toujours sur le thème d’un féminisme inédit, V. de Saint-Point se diversifia dans le théâtre.

Le théâtre de la femme incite à réformer les rôles de la femme qui n’a plus à jouer « une ménagère complaisante et silencieuse » ou « une poupée jaboteuse, sentimentale ou perverse » entravée par d’adultérines intrigues boulevardières. L’héroïne doit s’affirmer telle (héroïque !), puis proposer l’énigme de sa féminité dont par « de sublimes gestes » et en s’exprimant « en divines paroles » elle révèlera, ou suggèrera, le chiffre. « Être étrangement complexe et mystérieux », elle élabore sa propre dramaturgie qui, en un essor ipséiste, suscite sa propre analyse psychologique : c’est « l’autopsychologie de la femme » qui lève les séquestres posés par le psychologue de la féminité. Pour ce faire, il conviendra de controuver le théâtre même : en le rétablissant dans sa grandeur antique et en l’associant, afin qu’il retrouve sa plénitude mimétique, à l’évolution des mœurs qui favorise, justement, l’expression de la femme. Pourtant, à bien le considérer, ce théâtre, convoquons L’agonie de Messaline9, de facture très idéaliste, parce que très cérébral, n’opère pas la purgation des émotions et se lit sans doute mieux qu’il ne se joue, à l’exemple des drames de Villiers de l’Isle-Adam, dont V. de Saint-Point louait les hautaines exigences.

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milideux.jpgÀ l’avenant, et de manière prépondérante, V.de Saint-Point s’investit dans un autre art de scène : la chorégraphie, qu’elle magnifia en Métachorie (du grec méta : déplacement, changement, ou, succession; et khoreia : danse).

La Métachorie est une danse qui tend à son propre dépassement et fusionne les arts auxquels elle se rapporte : la géométrie, la sculpture, la peinture, le nombre, la poésie, la musique. L’affirmant « d’essence cérébrale, créée spirituellement », V. de Saint-Point l’affronta, pour la parfaire en mystère, à la danse classique et de ballet « qui n’est que de la cadence marquée » enchevêtrée « d’inspiration charnelle ».
Danse supérieure donc, qui n’est pas « matérialisation exotérique, un rythme charnel, instinctif ou conventionnel », danse « idéiste », elle succède d’abord, néanmoins, à d’autres célèbres chorégraphies. D’une part à celle de Loïe Fuller qui, bien qu’en quête d’une gestuelle pure, déploya sur scène, à l’aide d’effets spéciaux de voiles, de miroirs, de lumières, toute une émulsion de métamorphoses sinueuses10. D’autres part, à celle d’Isadora Duncan qui, par la contemplation de la nature, et en empruntant à l’esthétique grecque comme aux rites dionysiaques, voulut retrouver des rythmes de transes et les corps ravis par des forces suprahumaines.

Et, V. de Saint-Point proclamant la stylisation géométrique des mouvements et la schématisation ultime des gestes, danse qui revoit le cubisme qui, à la même époque, restructura les objets et les êtres dans leur organisation première.

Mais l’important est ailleurs. V. de Saint-Point selon, comme on l’a vu, que ses goûts la portaient vers la culture des mondes méditerranéens, avait étudié la philosophie antique. En sorte que, touchée de gnose, pétrie de significations profondes, elle tint pour des thèmes cosmologiques subtils, pour des ontologies qui polarisent en hiérarchie complémentaire la manifestation universelle, pour le monde des archétypes qu’elle apprécia précisément, encore, selon des données géométriques : « toute figure géométrique a un sens ésotérique ». Or, la manifestation universelle s’ordonne en principe masculin et principe féminin. Le masculin, qui est essentiel, est forme, verticalité, immobilité, immutabilité, stabilité et station ­ existence, éternité ; quand le féminin, qui est substantiel, est informe, horizontalité, instabilité, mobilité, mutabilité et situations ­ vie, devenir. Ce sont, respectivement et pour reprendre des catégories traditionnelles, le khien et la khuen ou le yang et le yin extrême-orientaux, l’Acte et la Puissance ou la Totalité et l’Infini11 aristotéliciens, le nous et la psyché plotiniennes, les çiva et çakti indiens, qui se circonstancient en ciel et terre, feu et eau, nord et sud, droite et gauche, zénith et nadir. Catégories qui peuvent s’entendre selon un mode ternaire : principe masculin et principe féminin sont l’émanation par spécification d’un principe suprême qui, se maintenant identique à lui-même, les transcende et les comprend ; masculin et féminin sont conjoints en dualité par rapport à une unité. C’est, selon Pythagore, la Dyade opposée à l’Un, la Dyade à partir de laquelle se développera donc la création qui, précisons-le, s’appréhendera plutôt comme l’amplification du principe féminin ou l’animation par le principe masculin des potentialités de ce principe féminin. Ainsi, pour V. de Saint-Point, il s’agit d’abstraire la danse qui, parce qu’elle est mouvement et changement, phénoménale et multiple, est à l’image de la vie, de la création, de l’abstraire par induction progressive ou, éventuellement, car la valeur opérative n’est pas attestée, par étapes initiatiques et de la proposer peut-être comme voie sacrée vers ce que l’on appela les Petits Mystères et les Grands Mystères, sachant que les premiers relevaient du principe féminin alors que les seconds relevaient du principe masculin. Ainsi, par exemple, pour atteindre au principe féminin, V. de Saint-Point esquissa une chorégraphie en linéarités courbes et brisées favorisant l’expression du yin et illustrant soit l’eau « coulée » soit l’eau « baignée » et lustrale, l’acqua vivis en laquelle gisent les puissances indifférenciées ­ une chorégraphie également présentée horizontalement, orientée au sud et, comme autant d’exercices au sol, en contact avec l’élément terre. En même temps, elle figura de ces triangles inversés, dirigés vers le bas, qui symbolisent la matrice et l’organe sexuel, puis la force magique et fertile de la mater genitrix. Ensuite, V. de Saint-Point exhaussa le triangle, qui marquera le haut et le nord et assurera le passage à la verticalité et au principe masculin lequel, alors, sera stylisé en lignes droites favorisant l’expression du yang pour, après, être de plus en plus épuré en formes géométriques de plus en plus statiques. Jusqu’à la représentation de la Dyade (associée généralement à la rotondité, à la sphéricité androgyne – convoquons l’Androgyne de Platon ou de l’Être circulaire parménidien12), soit par des postures suggérant un cercle, soit par des postures verticales, axiales, en caducée, où le bras droit élèvera au zénith les forces mâles et le gauche descendra au nadir les forces femelles. Quant au principe suprême, il semblerait que V. de Saint-Point lui dédiât son anatomie rétractée le plus possible en un point qui, « en-stase », concentre véritablement le cercle qui en est l’« ex-tase », à moins qu’elle ne le représentât par une attitude pensive, à la manière du Penseur de Rodin qui symbolise l’Intellection/l’Idée pure. Au reste, cet effort n’était pas sans de précises techniques respiratoires13 qui, au-delà de la nécessité vitale, servaient, au sens strict des termes, à reprendre le souffle : reprise du souffle supérieur (divin) qui anime le cosmos et alterne Inspir et Expir, c’est-à-dire rétraction et expansion, c’est-à-dire, comme il vient d’être vu, « en-stase » et « ex-stase ».

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Également, la Métachorie, œuvre de purification, voire de dépouillement, n’est pas sans évoquer la danse des Sept Voiles que pratiquaient pythies et prêtresses d’Aphrodite et qui consistait à ôter précisément sept vêtures, symboles de la manifestation universelle (4+314, le quatre étant en relation avec l’axe horizontal et le trois avec l’axe vertical), à épuiser, certes, cette manifestation universelle afin d’atteindre à la nudité principielle, abyssale, vertigineuse ­ au Nu de l’Un.

Il faut imaginer notre métachoreute prise dans les satins impassibles d’une robe haute et médiévale : « Les costumes de ma métachorie ont la ligne longtemps traditionnelle des costumes mérovingiens, francs. » Car, en plus que de sublimer les gestes, elle souhaita contraindre le corps et le visage, en occulter les formes trop charnelles aussi bien que les émotions, jusqu’à qu’elles fussent hiératiques, jusqu’à ce qu’ils fussent lente solennité : « Pour danser, il faut donc voiler toute partie du corps où la chair a la prépondérance sur le muscle, ce qui ne peut que donner du flou nuisant par le détail de son agitation multiple à la ligne générale en mouvement. Le visage, dont l’expression est, naturellement, sans cesse changeante, ou artificiellement crispée dans le sourire figé, ou agitée par les détails d’une mimique par trop facile, est disharmonie avec les mouvements inévitablement plus lents du corps. »

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La réalité de la grande guerre affecta V. de Saint-Point. Les combats ne ravivaient pas la race non plus qu’ils n’appelaient les héros ou une beauté neuve. Elle considéra que la guerre n’était ni esthétique ni métaphysique mais ordinaire économie qui profitait aux marchands d’armes.

À l’instar des Picabia, Duchamp et de beaucoup des avant-gardes, elle s’exila aux Etats-Unis, où elle organisa en 1917 un festival de la Métachorie.

Mais la désillusion était immense. Dès son retour en Europe, elle se détourna des valeurs du monde moderne afin d’entreprendre mieux ses quêtes spirituelles qui s’intensifièrent lors de sa conversion à l’Islam. À Tanger, elle fut baptisée sous le nom de Rawhiya Nourredine.

La rupture fut consommée en 1925, lorsqu’elle s’installa au Caire. Son engagement auprès des nationalistes égyptiens, qu’elle servit en créant la revue Phoenix, l’affermit dans sa critique de la civilisation occidentale à laquelle elle opposa l’avènement d’un Orient uni et réuni à lui-même, tant au niveau de ses traditions qu’au niveau de ses peuples. Cependant, à cause de dissensions diverses, elle renonça à la lutte.

Ésseulée, démunie, elle vécut dans l’étude des prophètes et de consultations de radiesthésie et d’acupuncture. Méditant sur les états multiples de son être, elle approfondit ses recherches ésotériques. Elle se lia d’amitié avec René Guénon qui s’était aussi retiré au Caire. Elle mourut en 1953.

Arnaud Bordes

Romancier et  éditeur – http://alexipharmaque.eu/

 

Notes : 
1 Pour Gabrielle d’Annunzio, elle fut « la muse pourpre ».

2 Il semblerait qu’elle eût tenté, au cours de plusieurs séances de spiritisme, de prendre contact avec le glorieux aïeul.

3 « La nature elle-même nous apprend à choisir le mètre qui lui convient. » Aristote, Poétique.

4 L’un et l’autre prétendant à l’invention du vers libre. Leur rivalité passionna les cercles et les revues littéraires de l’époque : les Hydropathes, la Revue indépendante… Rappelons également Joris-Karl Huysmans, qui voyait dans le poème en prose « le suc concret, l’osmazôme de la littérature, l’huile essentielle de l’art. »

5 De fait, plus largement, il n’est pas sérieux de déprécier la coruscance de quelques écrivains ou mouvements : Stéphane Mallarmé, Mademoiselle de Scudéry, les Grands Rhétoriqueurs, Maurice de Scève… En relation avec ce que la rhétorique antique appelait « le genre relevé » ou, lorsqu’il y avait plus d’afféteries, « l’asianisme », de tels styles rythment souvent plus qu’une apparente préciosité.

6 Cf. Sexe et Caractère

7 Cf. De l’Androgyne

8 Mircea Eliade, Les Hooligans.

9 Messaline est une figure emblématique de l’époque. Topique littéraire, elle étend son emprise à de nombreuses œuvres : Messaline d’Alfred Jarry, Messaline de Nonce Casanova, L’Orgie latine de Félicien Champsaur…

10 Entre autres, la fameuse Danse Serpentine.

11 « Est donc infini ce dont, quand on le prend selon la quantité, il est toujours possible de prendre quelque chose à l’extérieur. Mais ce dont rien n’est à l’extérieur de lui, cela est achevé et une totalité » Aristote, Physique.

12 « Il ressemble à la masse d’une sphère arrondie de tous côtés, également distante de son centre en tous points. » Parménide, Poème.

13 Techniques respiratoires à mettre éventuellement en relation avec la méthode hésychaste. L’Hésychasme (hsuxia, en grec : calme, recueillement, quiétude) entreprend, par d’appropriées postures corporelles et par la régulation du souffle à travers la répétition du nom de Dieu, de délivrer l’Esprit enclos dans la chair.

14 En général, les nombres impairs sont en rapport avec le ciel, et les nombres pairs avec la terre.

jeudi, 16 mai 2019

François Bousquet : « Avec le départ de Kotarac, c’est la fin du populisme de gauche de Mélenchon de 2017 »

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François Bousquet : « Avec le départ de Kotarac, c’est la fin du populisme de gauche de Mélenchon de 2017 »

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François Bousquet analyse la portée du départ d’Andréa Kotarac de La France insoumise et son appel à voter pour la liste RN de Jordan Bardella. « Désormais, ce sera aux conservateurs type Bellamy à s’allier aux populistes et non plus l’inverse. »

Le conseiller régional Andréa Kotarac quitte la France Insoumise et affirme son soutien à Jordan Bardella, tête de liste au Rassemblement national. Cela va-t-il changer quelque chose politiquement ?

C’est un coup de tonnerre dans le landerneau polico-médiatique, en particulier chez les Insoumis. C’est un basculement chez nos frères ennemis, en l’occurrence le Rassemblement national. Cela clôt l’épisode populiste de 2017et la ligne que Mélenchon avait suivie pendant les élections présidentielles. Elle les avait portés à 20 % des voix. Pour avoir renoncé à cette ligne populiste, les Insoumis sont retombés à moins de 10 points.

La France Insoumise est un peu une auberge espagnole à tendance vénézuélienne. On peut dire que Ruffin était le pied gauche de Mélenchon, Raquel Garrido et Alexis Corbière étaient le bras droit et Djordje Kuzmanovic était la tête gauche. Ce dernier était le conseiller de Mélenchon pour les affaires internationales. Il a dû quitter les Insoumis en septembre pour avoir alerté le parti sur les dangers de l’immigration. Kotarac était le successeur. Danièle Obono était, elle, l’ulcère à l’estomac et l’indigéniste. Il semblerait que l’indigéniste ait pris désormais le dessus dans ce parti. Exit le populisme à gauche. Désormais, le populisme, c’est l’alliance du Rassemblement national et des Gilets jaunes.

Les Gilets jaunes à la France Insoumise ne sont jamais que des cols blancs. Ils ne peuvent rien comprendre aux Gilets jaunes !

Après le départ de Kuzmanovic et celui d’Andréa Kotarac aujourd’hui, peut-on bel et bien dire que le courant populiste de gauche est définitivement mort aux Insoumis ?

Kuzmanovic et Kotarac ont déserté. On peut donc dire qu’il est mort. Kuzmanovic reste un souverainiste de gauche, chevènementiste, incapable de franchir le Rubicon pour des questions générationnelles.

Kotarac a 29 ans. Il est désinhibé vis-à-vis des tabous de l’anti-racisme des années 80. C’est aujourd’hui un chapitre clos. C’est au niveau européen que le populisme est en train de disparaître. Podemos appelle à voter pour le parti socialiste espagnol.

Sahra Wegenknecht avait créé un micro parti sur les dangers de l’immigration, toujours à gauche de la gauche. Elle renonce aujourd’hui à la politique et va faire une carrière télévisuelle comme Raquel Garrido.

C’est le populisme tel que Mélenchon, Podémos et Sahra Wegenknecht l’envisageaient, c’est-à-dire transpartisan. Il est désormais derrière nous.

Manifestement il faut tirer un trait sur le populisme de gauche.

Peut-on pour autant parler de populisme de droite ? En réalité, le populisme, c’est un magma d’appel au peuple, de gilets jaunes, de souverainisme et de conservatisme. Il est classé sur l’échiquier politique à droite, mais je ne suis pas sûr qu’il soit complètement de droite. Il a été fréquent dans l’Histoire de France de voir ce type de débauchage de la gauche de la gauche vers la droite de la droite. C’était fréquent lors de l’épisode boulangiste. Il le redevient aujourd’hui avec le phénomène Front national.

Ce bloc populiste est aujourd’hui majoritaire dans l’opinion. Il n’a aucune perspective de pouvoir. Si vous additionnez les voix populistes entre les souverainistes populistes et conservateurs, on est à 30 % avec le Rassemblement national en tête.

Le rapport de force joue désormais en faveur des populistes et non plus des conservateurs. Marine, Dupont-Aignan et Philippot sont à 30 % et Bellamy à 15 %. Désormais, ce sera aux conservateurs de s’allier avec les populistes et non plus l’inverse.

Qu’a à gagner le Rassemblement national en mettant en avant le ralliement d’Andréa Kotarac ?

De souligner les impasses de ce populisme de gauche. Il lui a mordu quelques voix en 2017 en particulier dans la France périphérique. Il a un électorat populaire qui en 2017 a choisi LFI et non pas le RN. On peut imaginer que cet électorat populaire va désormais basculer vers le Rassemblement national. Kotarac appelle à voter Bardella et ne rejoint pas, pour l’heure, le Rassemblement national. Cela ne peut pas faire de mal au parti de Marine Le Pen.

mardi, 14 mai 2019

Soirée d'hommage à Dominique Venner

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Théorie de la dictature... - Un essai de Michel Onfray

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Théorie de la dictature...

Un essai de Michel Onfray

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Les éditions robert Laffont viennent de publier un essai de Michel Onfray intitulé Théorie de la dictature. Philosophe populaire, tenant d'un socialisme libertaire, Michef Onfray a publié de nombreux ouvrages, dont dernièrement sa trilogie  Cosmos (Flammarion, 2015), Décadence (Flammarion, 2017) et Sagesse (Flammarion, 2019).

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Il est admis que 1984 et La Ferme des animaux d'Orwell permettent de penser les dictatures du XXe siècle. Je pose l'hypothèse qu'ils permettent également de concevoir les dictatures de toujours.
Comment instaurer aujourd'hui une dictature d'un type nouveau ?

J'ai pour ce faire dégagé sept pistes : détruire la liberté ; appauvrir la langue ; abolir la vérité ; supprimer l'histoire ; nier la nature ; propager la haine ; aspirer à l'Empire. Chacun de ces temps est composé de moments particuliers.
Pour détruire la liberté, il faut : assurer une surveillance perpétuelle ; ruiner la vie personnelle ; supprimer la solitude ; se réjouir des fêtes obligatoires ; uniformiser l'opinion; dénoncer le crime par la pensée.
Pour appauvrir la langue, il faut : pratiquer une langue nouvelle ; utiliser le double langage; détruire des mots ; oraliser la langue ; parler une langue unique ; supprimer les classiques.
Pour abolir la vérité, il faut : enseigner l'idéologie ; instrumentaliser la presse ; propager de fausses nouvelles ; produire le réel.
Pour supprimer l'histoire, il faut : effacer le passé ; réécrire l'histoire ; inventer la mémoire ; détruire les livres ; industrialiser la littérature.
Pour nier la nature, il faut : détruire la pulsion de vie ; organiser la frustration sexuelle ; hygiéniser la vie ; procréer médicalement.
Pour propager la haine, il faut : se créer un ennemi ; fomenter des guerres ; psychiatriser la pensée critique ; achever le dernier homme.
Pour aspirer à l'Empire, il faut : formater les enfants ; administrer l'opposition ; gouverner avec les élites ; asservir grâce au progrès ; dissimuler le pouvoir.

Qui dira que nous n'y sommes pas ?

M.O.

lundi, 13 mai 2019

Extraits de la revue de presse de Pierre Bérard (13 mai 2019)

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Extraits de la revue de presse de Pierre Bérard (13 mai 2019)

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Au sommaire :

Emission de deux heures consacrée par Radio Méridien Zéro au dernier colloque de L’Institut Ilade, Europe, l’heure des frontières. Successivement, interview de Jean-Yves Le Gallou, du Rucher  patriote, François Bousquet qui résume le positionnement de la revue Éléments par la formule avoir un pied dans le système et un pied hors du système, d'un artisan du bois qui fabrique des objet de cuisine, de l’un des chroniqueurs de Sputnik Édouard Chanot, de Jean Peusse, géographe, de l’équipe artistique qui a confectionné les tentures exposées au colloque, d'un participant de la promotion Marc Aurèle, Romain Le Cap qui présente une exposition d’art liée à L’Institut qui aura lieu en septembre, de Sieghilde qui fabrique des objets de la quotidienneté dans des matières nobles, d'Anne-Laure Blanc qui insiste sur la transmission de l’héritage par la littérature-jeunesse, de Benoît Couëtoux pour terminer qui évoque la formation dispensée par L’Institut Iliade dont l’objectif est de créer un réseau d’influence centré sur l’héritage européen remplaçant ainsi un école défaillante :

 
Nous découvrons, dans un tribune publiée par Le Figaro, cet article de Mathieu Bock-Côté qui réfléchit aux propos du président Macron lors de sa conférence de presse du 25 avril qui disait vouloir pour la France un « patriotisme inclusif ».

" Dans sa conférence de presse du 25 avril, Emmanuel Macron a dit vouloir pour la France un « patriotisme inclusif ». La formule, qui se voulait positive, a peut-être néanmoins écorché certaines oreilles dans la mesure où elle laissait entendre que le patriotisme français, jusqu’à tout récemment, avait été « exclusif ». Doit-il connaître une mue idéologique pour redevenir moralement acceptable ? En quoi le patriotisme français d’hier et d’avant-hier échouait-il le test humaniste de l’hospitalité ? On serait en droit de poser la question à ceux qui se réclament de cette notion : que veut dire devenir inclusif ? Quels critères distinguent le bon patriotisme du mauvais ? Le patriotisme tragique du général de Gaulle était-il suffisamment inclusif ? On l’aura compris, en termes macroniens, le patriotisme français devrait passer de la société fermée à la société ouverte, ce qui n’est peut-être qu’une manière de reconduire en de nouveaux termes le clivage apparemment insurmontable entre progressistes et populistes que les premiers cherchent à imposer.

[...]

Le patriotisme inclusif témoignerait d’un autre rapport au monde. D’ailleurs, la formule n’est pas neuve. En 2013, le rapport Tuot, qui avait suscité un certain écho médiatico-politique, avait cherché à l’imposer en plaidant pour le modèle de la « société inclusive », délivré de toute conception substantielle de l’identité française, comme si cette dernière était autoritaire et poussiéreuse.

[...]

Pour peu qu’on traduise ce vocabulaire propre à la novlangue diversitaire, on retrouve tout simplement l’idéologie multiculturaliste.

[...]

Dans la perspective multiculturaliste, le peuple historique qui formait le corps de la nation n’est plus qu’une communauté parmi d’autres dans la société plurielle. Il doit consentir à son déclassement symbolique et consentir à une forme de décolonisation intérieure. S’il le refuse, il devient dès lors le principal obstacle à la reconstruction d’une nation véritablement inclusive, dans la mesure où il refuserait d’accepter une différence déstabilisant ses certitudes. Une telle posture serait condamnable.

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L’OJIM s’interesse également à Mathieu Bock-Côté pour la parution de son dernier essai L’Empire du politiquement correct. Essai sur la respectabilité politico-médiatique  paru récemment aux Editions du Cerf dans la mesure ou l’auteur y décrypte l’idéologie dominante qui s’étale dans les médias. Comme d’habitude l’OJIM se livre à un travail salutaire :

 
Analyse du discours d’Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse. L’auteur le désigne comme un Narcisse maladif :
 
 
 
Très belles réflexions d’Alain Finkielkraut au sujet de l’incendie de Notre-Dame de Paris. Pour lui le patrimoine est autre chose qu’un « filon touristique », c’est la présence des morts, un vestige palpable du passé. La présence de Notre-Dame rehausse de sa beauté et de sa spiritualité notre vie sur terre. C’est parce que nous sommes aussi des « habitants » que  nous avons besoin de ces choses durables qui résistent à l’érosion du temps. Pour que l’émotion qui nous étreint ne demeure pas sans lendemain, ajoute-t-il, il convient que la politique retrouve son sens. La politique n’est pas seulement comme elle tend à le devenir, gestion du processus vital (« bio-politique » comme disait Michel Foucault ou « administration ménagère » comme disait Anna Arendt). La tâche du politique est aussi de rendre le monde habitable, et l’une des bases de l’habitabilité c’est la beauté. Alors qu’Anne Hidalgo annonce fièrement que la cathédrale sera prête, pimpante pour les jeux olympique elle dévoile son jeu, celui du filon touristique, et celui de la vision économiste et marchande du monde. L’indécence du propos révèle, si besoin est, l’obscénité de nos gouvernants tous ancrés dans le culte du veau d’or. On notera également que Finkielkraut regrette que parler de racines soit devenu « réactionnaire » selon la doxa dominante et que donner une définition substancielle de la France soit prendre le risque d’exclusion des nouveaux arrivants si bien que dans notre pays même il est loisible d’afficher une identité quelle qu’elle soit à la condition de ne jamais faire mention de la notre ce que confirme la définition de l’Europe moderne selon le sociologue allemand Ulrich Beck : « Vacuité substancielle, ouverture radicale » (première référence).
L’émission qui promet d’être hebdomadaire reprend les recettes de L’esprit de l’escalier, toujours avec Elisabeth Lévy comme sparring-partner et tout cela dans un nouvel écrin au nom évocateur de 
« Réacnroll » qui s’annonce comme la web-télé des « mécontemporains » (deuxième référence)  :
 
 
 
Dans un article où il rappelle la tribune des 1170 conservateurs du patrimoine, architecte et professeurs qui estiment que 5 ans ne suffiront pas pour mener à bien les travaux de rénovations, Olivier Bost dénonce toutes les dérogations mises en place par le gouvernement pour précipiter les travaux de réfection de Notre-Dame de Paris. Visiblement Emmanuel Macron, homme pressé, entend faire de ce chantier une marque de sa mégalomanie de président bâtisseur en se passant des experts du patrimoine. On peut donc s’attendre au pire de la part de celui qui se veut le chef de file des « progressistes » :
 
 

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Extrait d’une réaction désabusée de l’architecte Rudy Ricciotti sur l’architecture contemporaine. « Si une façade du XIX siècle pouvait être décrite par 100 mots, aujourd’hui la façade d’un immeuble contemporain ne peut pas être décrite par plus de 3-4 mots ». Il célèbre également la beauté de Notre-Dame de Paris et déplore le manque de personnalité des bâtiments de notre époque ;
 
 
Michel Drac dans sa dernière vidéo rend compte de l’excellent livre de François Bégaudeau Histoire de ta bêtise. Drac ne cache pas son admiration pour cet écrivain d’ultra gauche qui a su, dans ce livre, prendre du recul face aux sermons de sa classe d’origine, en gros la bourgeoisie de gauche et les petits bourgeois d’extrême gauche, pour nous livrer un panorama consternant de leur cinéma. Les explications de Michel Drac pointent cependant l’impensé de l’auteur, ce qui fait de son exposé une bible pour la dissidence :
 
 
L’Inactuelle a eu l’excellente idée de republier un entretien revigorant de Cornelius Castoriadis sur l’écologie politique. Il y déclare, entre autre pépite, que « le politique est une architectonique de la cité dans sa totalité. Elle a de cette manière rapport au sacré, par son ancrage dans un récit, une histoire, un passé, un présent et un avenir, sans quoi le monde moderne s’effondrera sous le joug de la volonté de puissance de la techno-science… »  :
 
 
Émission du Libre journal de la Nouvelle Droite consacrée au livre très dense de Thibault Mercier Discriminer ou disparaitre , co-publication de l’Institut Iliade et des Éditions Pierre Guillaume de Roux  et à Maxime Dalle qui publie une anthologie des écrits parus dans Raskar Kapac revue littéraire intéressante de facture conservatrice :
 
 
Critique approbative du livre de Thibault Mercier Athéna à la borne. Discriminer ou disparaître par Michel Geoffroy sur le site très riche de la Fondation Polémia. Exister, c’est se distinguer de l’autre, c’est délimiter un dedans et un dehors, c’est inclure et exclure en fonction d’une limite. C’est donc discriminer. Discriminer ou disparaître, il faut choisir. À l’heure où le refus de toutes discriminations est devenue un argument essentiel de l’idéologie libérale, libertaire et mondialiste pour délégitimer toute les identités de manière à ne reconnaitre que l’individu et l'humanité, il réhabilite cette notion avec hardiesse et le raisonnement est véritablement implacable :
 
 

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Excellent exposé de Caroline Galactéros sur les déboires de la (non) politique extérieure de l’Europe et de la France :
 
 
Olivier Maulin qui vient de faire paraître Le populisme ou la mort (Via Romana) préfacé par François Bousquet est ici rapidement croqué par Jean-Yves Le Gallou. Ce dernier insiste sur le « coming out » d’un auteur qui jusqu’ici ne s’était pas signalé par des prises de position politique. Son livre contient ses meilleurs articles parus sous pseudonyme dans l'hebdomadaire Minute que toute le bien-pensance tient pour un vulgaire « torchon » mais qui à l’occasion se montre capable de recruter des collaborateurs d’exception comme ce volume en fait foi  :
 
 
Les  Gilets Jaunes constituent-ils un phénomène « miraculeux » ? Oui selon le romancier Olivier Maulin qui accorde un entretien au chroniqueur de Sputnik Édouard Chanot. « j’espère que les élites paieront un jour pour certaine trahisons! » déclare-t-il sans ambages au terme d’une prestation décapante :
 
 
Christophe Guilluy accorde un entretien à l’hebdomadaire Le Point. Pour ce géographe inventeur et théoricien de la France périphérique le repli identitaire est une conséquence logique du modèle multiculturel  arrivé dans les bagages de la mondialisation. Le peuple des Gilets jaunes a de quoi être amère puisque il se trouve cadenassé en dehors des grandes métropoles gentrifiées, tenus à l’écart des marchés de l’emploi et culturellement ringardisés. Le monde d’en haut, dit-il, a fait sécession et a abandonné toute notion de bien commun confinant l’État-providence à l’oubli programmé aussi est-il compréhensible que les classes populaires cherchent à préserver le bien qui leur reste à savoir leur capital culturel :
 
 
La diffusion hebdomadaire d'I-Média est un des moments phare de la réinformation surTV-Libertés. Présentée par un duo de choc constitué de Jean-Yves Le Gallou et Nicolas Faure il s’efforce chaque jeudi d’opérer la critique positive du traitement de l’actualité par les médias de grand chemin. Des médias qui sont certainement les principaux agents du politiquement correct et à ce titre de puissants agents inhibiteurs de la libre expression du peuple. Ci-joint le dernier numéro, toujours aussi captivant qui traite entre autres de la fake-new colportée par Julien Pain de France-info à propos du grand remplacement. Selon lui, interviewant François Hérant à l’appui de sa thèse, le grand remplacement relève d’une théorie complotiste (première référence). Hélas pour le journaliste redresseur de tort son intox s’avère comme une simple manipulation des chiffres comme le souligne la démographe Michèle Tribalat, une spécialiste de renom, membre de l’INED, qui s’est fait mettre au placard par le même François Héran, la caution malheureuse de Julien Pain, désormais au Collège de France pour services rendus. Ce monde de connivence qui viole la réalité des chiffres est décidément tout petit (deuxième référence)  :
 
 
 

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Réflexion très riche de Jean-François Gautier sur et à partir de l’ouvrage célèbre de Walter Benjamin, L’oeuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique. Selon Gautier la crise de l’art à l’époque contemporaine est d’abord une crise du politique :
 
 
Jean-Pierre Marielle vu par Ludovic Maubreuil. « Chantre d’un cinéma gouailleur et réfléchi, salace et profond ». L’une des meilleures chroniques parues sur ce témoin de la France d'avant :
 
 
Bernard Asso publie dans Le Figaro un tribune bien documentée sur le thème du gouvernement des juges. Nos lois remarque-t-il sont non seulement dictées par des normes européennes mais par l’interprétation qu’en font les juges de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme dans le domaine sociétal et mettent en danger les libertés fondamentales de l’individu et allant jusqu’à la sanctification du délit de blasphème. Une position clairement assumée chez ce professeur de droit, candidat sur la liste des Républicains pour les prochaines européennes :
 
 
Autre perversion du droit. Ali Laïdi vient de publier Le droit, nouvelle arme de guerre économique. Comment les États-Unis déstabilisent les entreprises européennes (Editions Actes Sud 2019). Dans cette enquête rondement menée il démontre comment les Américains se servent de l’extra-territorialité de leur droit pour mener une guerre économiques contre les entreprises européennes. Pourtant face à ces offensives récurrentes l’Union européenne demeure impuissante. Interrogé ici par Le Figaro, il déclare par exemple que la chancelière Angela Merkel trouve tout à fait normal que les États-Unis épinglent les entreprises étrangères soupçonnées de corruption et imposent leurs diktats dans le monde qu’ils contrôlent. Devant ce problème les Européens sont comme tétanisées et renoncent à réagir. Pourquoi ? Parce que la notion même de guerre économique est balayé à Bruxelles. « L’Europe c’est la paix, et la puissance est un gros mot à Bruxelles »  conclue-t-il :
 
 
Jean Messiha, Copte d’origine et énarque, membre du Rassemblement National, s’exprime devant les caméras d’Elise Blaise après la conférence de presse du président de la République et énonce les principales orientations de son mouvement avec vivacité  :
 
 
Nicolas Dupont-Aignan était l’invité d’Élise Blaise le 4 mai. Avec un minimum de démagogie il parle du fake-new de Christophe Castaner au sujet de l’affaire de la Pitié-Salpêtrière, de l’incendie de Notre Dame-de Paris et présente à grands traits les éléments de son programme pour les Européennes :
 
 
Entre succession de poses et déclarations contradictoires pour ne pas dire schizophréniques Nathalie Loiseau, la très charismatique tête de liste LREM pour les prochaines élections européennes se débat comme elle peut, c’est à dire très mal et révèle « en même temps » une propension pathologique au mensonge. Ce véritable feuilleton d'une saga macroniste ubuesque  est illustré par Nicolas Gauthier dans ce bref article de Boulevard Voltaire. Le kulturkampf mené par le président contre les « anti-progressistes » est mal parti :
 
 

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Un article bienvenu d'Hervé Juvin sur l’islam qui, contrairement à l’idée que s’en font nombre de nos contemporains, de se laisse réduire ni à son image terroriste, ni à ce que dans les élites occidentales les belles âmes aimeraient qu’il soit. Pour lui l’islam en Europe se nourrit des vertiges de l’Occident, de sa repentance, de sa haine de soi, et du vide spirituel qui le ronge : 
 
 
Une analyse d’Aurélien Marq qui confirme celle d’Hervé Juvin. Impossible pour un observateur honnête de considérer l’islam comme un bloc monolithique. Il évoque les réseaux obscurantistes de l’islam dans notre pays qui menacent de mort les apostats et livrent une guerres quotidienne aux musulmanes qui refusent de porter le voile. Mais il faut se rendre à l’évidence; seuls quelques intellectuels se réclamant de l’islam protestent contre cet état de fait alors que pour la grande majorité d’entre eux c'est un silence pesant qui fait loi vis à vis de ces exactions. Une société sécularisée comme la notre peut-elle supporter que l’allégeance dogmatique d’un nombre grandissant de fidèles musulmans à une foi venue d’ailleurs puisse s’exprimer ici avec une ostentation qu’en théorie la République réprime ?  Marq se réclame d’Abdelwahab Meddeb un tunisien musulman que la doxa occidentale qualifiera volontiers d'éclairé, animateur sur France culture aujourd’hui décédé qui ne craignait pas de passer pour un mécréant en réclamant une réforme du Coran afin que soit reconnue son origine humaine. Ce qui va, bien entendu à l’encontre de la croyance musulmane traditionnelle regardée comme vérité fondamentales. Mais la liberté de conscience que cette réforme permettrait d’introduire peut-elle se postuler hors de son contexte occidental sans sombrer dans le péché d’ethnocentrisme qui fut tant reproché à l’Europe coloniale ?
 
 
Non ce n’est pas carnaval mais le sourire énamouré d’un bouffon (et maire Républicain de Toulouse…) affiché au cours d’une cérémonie d’intronisation dans une culture africaine dans sa ville même. Jean-Louis Moudenc ne craint-il pas que le Conseil Représentatif des Associations Noires de France l’accuse de pratiquer une sorte de blackface, cette odieuse manière pour un Blanc se singer les Africains ? Dommage qu’il n’y ait pas de mot, fut-il en globish, pour désigner l’inverse, à savoir le fait pour les Africains de se grimer en Blanc; les exemples abonderaient. Mais il est vrai qu’il y manquerait l’essentiel c’est à dire l’idée d’une domination exercée par un groupe ethnique sur un autre. Que les « antiracistes » ne s'impatientent pas trop, avec des olibrius tel le maire de Toulouse ça sera bientôt chose faite :
 
 
« La vraie facture de l’assistanat en France, c’est celle de l’assistanat des entreprises. Nous allons bientôt 150 milliards de subventions à l’économie et aux entreprises dans ce pays (…) C’est cette manne d’assistanat qu’il faut reprendre, pour remettre le patronat au travail ». Mélenchon ? Non ! Alain Madelin en 2014…

samedi, 11 mai 2019

„Die Städte sind weiblich und nur dem Sieger hold.“

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„Die Städte sind weiblich und nur dem Sieger hold.“

Ex: http://www.blauenarzisse.de

Vor gut 80 Jahren begann Ernst Jünger sein Tagebuch zum Zweiten Weltkrieg.

Sein Kriegstagebuch über den Ersten Weltkrieg, In Stahlgewittern, ist zumindest vom Titel und groben Inhalt her sehr vielen bekannt. Dieses Erstlingswerk ist bis heute ohne Frage eines der erschütterndsten Zeugnisse über den Frontalltag des Grabenkrieges, welchen Jünger vier Jahre lang erlebte. Weitaus unbeachteter blieben hingegen seine Notizen über den Zweiten Weltkrieg, die Strahlungen.

ernst jünger,littérature,littérature allemande,lettres,lettres allemandes,révolution conservatrice,paris,occupation,france,allemagne,deuxième guerre mondiale,seconde guerre mondialeEin anderer Soldat als der von 1914

Davon abgesehen, erschien die Erstausgabe bereits 1949 mit einer Auflage von 20.000 Exemplaren und zählt für viele Jünger-Kenner mit zum Besten, was der Literat je zu Papier brachte. Die geringere Bekanntheit mag heute dadurch zu erklären sein, daß Jünger während des Zweiten Weltkrieges hauptsächlich in der Verwaltung tätig war, und nicht an der Front kämpfte, was bei einigen potentiellen Lesern sicherlich die „Action“ vermissen lässt. Ganz gefahrlos waren jedoch auch für Jünger die Jahre 1939 bis 1945 nicht.

Die von April 1939 bis Dezember 1948 reichenden Strahlungen, welche – je nach Auflage – über 1.000 Seiten umfassen, setzen zunächst mit dem Buch Gärten und Straßen an. In diesem schildert Jünger seine Erlebnisse aus dem Frankreichfeldzug, an welchem er als Hauptmann teilnahm. Prägten während des Ersten Weltkrieges buchstäbliche „Stahlgewitter“ seinen Kriegsalltag, bekam der Hauptmann der Infanterie nun nur noch „Gärten und Straßen“ zu sehen. Der Feldzug im Mai und Juni 1940 war bereits zu Ende, noch bevor seine stets zu Fuß vorwärts marschierende Truppe in das Kriegsgeschehen eingreifen konnte.

Die Jahre an der Seine

Dieser bereits 1942 veröffentlichte erste Teil ist dabei deutlich zurückhaltender geschrieben als der nach dem Krieg veröffentlichte Rest seines Tagebuches, was man insbesondere an den politischen Beurteilungen der Zeit erkennt. Den ergiebigeren Kern bilden daher die beiden aus den Jahren 1941-44 geschriebenen „Pariser Tagebücher“, die im besetzten Paris vom Leben in der Etappe erzählen.

Hier unterhielt Jünger auch Beziehungen zu unterschiedlichen Größen der Zeit, wie Pablo Picasso, Louise Ferdinand Céline und auch Carl Schmitt, der ihn in Paris besuchen kam. Aber auch zu den in Paris aktiv arbeitenden Verschwörern des 20. Juli, wie Speidel, Stülpnagel und Hofacker, unterhielt Jünger regen Kontakt.

Im Gegensatz zu den drei genannten blieb Jüngers Mitwisserschaft am Umsturzversuch jedoch unentdeckt. Seinen Beitrag am Widerstand lieferte er in Form der 1942 verfassten Friedensschrift, die nach dem Krieg gesondert veröffentlicht wurde. Eine noch spätere Veröffentlichung fand gar seine Schrift Zur Geiselfrage, in welcher er die Umstände der aus Berlin befohlenen Hinrichtungen inhaftierter Franzosen schildert, die 1941 als Racheakt durchgeführt werden mussten. Auf Grundlage dieser Schrift spielt zudem der 2011 erschienene Film vom Volker Schlöndorff Das Meer am Morgen.

Die innere Freiheit bewahren

Diese und viele weitere Themen sind es, welche gerade die beiden Pariser Tagebücher als den wertvollsten Teil der Strahlungen erscheinen lassen. Die öffentliche Beschäftigung mit ihnen beschränkt sich jedoch für gewöhnlich leider recht oberflächlich auf die immer gleichen Aspekte. So auf seine verschiedenen Liaisons in Paris oder auf seinen angeblich rein elitären Blick, der ihn das Leid um sich herum vergessen ließ.

ernst jünger,littérature,littérature allemande,lettres,lettres allemandes,révolution conservatrice,paris,occupation,france,allemagne,deuxième guerre mondiale,seconde guerre mondialeWas hier allgemein zu kurz kommt, ist die ernsthafte Beschäftigung mit seinen zahlreichen Schilderungen einer Welt, welche droht, gänzlich dem mechanischen Moloch der geschichtlichen Abläufe zu verfallen. Dem entgegengesetzt, versuchte Jünger gerade im alltäglichen Betrachten, der Freiheit im Menschen eine Bahn zu schlagen, die alle Bomben der Welt nicht vernichten können.

Paris, 14. März 1943
Wenn alle Gebäude zerstört sein werden, bleibt doch die Sprache bestehen, als Zauberschloß mit Türmen und Zinnen und mit uralten Gewölben und Gängen, die niemand je erforschen wird. Dort, in den Schächten, Oublietten und Bergwerken, wird man noch weilen können und dieser Welt verlorengehen.

Derlei Sentenzen bilden den eigentlichen Gewinn seiner Schriften. Sie sind zeitlich ungebunden. „Das Ordnen der Geschehnisse als Akt der Selbstbehauptung“, wie es in einem Vorwort des Verlages heißt.

„Wenn ein Pulverturm in die Luft fliegt, überschätzt man die Bedeutung der Streichhölzer.“

Nach dem Rückzug aus Paris vor den Invasionstruppen der Alliierten wird Jünger schließlich aus der Wehrmacht entlassen und kehrt zurück in das niedersächsische Kirchhorst, wo er das Kriegsende erlebt. Festgehalten wird diese Zeit in den beiden letzten Büchern Kirchhorster Blätter und Die Hütte im Weinberg (Jahre der Okkupation). Wie bereits 1940 in Frankreich, beschreibt Jünger den Einbruch einer gewaltigen Übermacht in eine bereits besiegte Region.

Kirchhorst, 11. April 1945
Von einer solchen Niederlage erholt man sich nicht wieder wie einst nach Jena oder nach Sedan. Sie deutet eine Wende im Leben der Völker an, und nicht nur zahllose Menschen müssen sterben, sondern auch vieles, was uns im Innersten bewegte, geht unter bei diesem Übergang. Man kann das Notwendige sehen, begreifen, wollen und sogar lieben und doch zugleich von ungeheurem Schmerz durchdrungen sein.

Nun braucht es keinen Weltkrieg, um zu vielen Einsichten zu gelangen, die Jünger in seinem Tagebuch niederschrieb. Diese Erkenntnis schließt denn auch wiederum den Bogen zu uns heutigen Lesern, die gerade in dieser Schrift Jüngers weitaus mehr finden als nur zeitbezogene Singularitäten. „Hinsichtlich der Wahrnehmung der historischen Realitäten bin ich vorgeschaltet – das heißt, ich nehme sie etwas eher, etwas vor ihrem Erscheinen wahr. Für meine praktische Existenz ist das nicht günstig, da es mich zu den jeweils waltenden Mächten in Widerspruch bringt.“

jeudi, 09 mai 2019

L'éclipse de Jupiter

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L'éclipse de Jupiter
 
Ex: https://echelledejacob.blogspot.com
 
Le président Macron a récemment déclaré à Libération qu’il fallait combattre durement les Gilets Jaunes parce qu’ils allaient « déboucher sur un régime autoritaire ».

Wikipédia donne la définition suivante du régime autoritaire, c’est « le caractère autoritaire, arbitraire, d’un pouvoir politique qui veut imposer à la société et aux citoyens son idéologie et la toute-puissance de l’Etat. Les rapports entre les gouvernants et les citoyens sont fondés sur la force et non sur une légitimité démocratique« .

C’est la description exacte de LREM qui tente par tous les moyens d’imposer à la société française sa conception de l’Europe fédérale, de la mondialisation, du multiculturalisme, de l’islam, de la Justice, de la migration africaine… et de la fiscalité dont la Constitution dit pourtant qu’elle doit être fondée sur le consentement des citoyens. Et cela sur la base électorale d’un quart des Français, ce qui ne donne pas de légitimité démocratique, seulement légale.

Il utilise pour cela les médias écrits et audiovisuels. Il les contrôle financièrement par les subventions copieuses et avantages fiscaux qu’il leur accorde. Et il leur demande de justifier l’usage de la force incarnée par les gros bras de Christophe Castaner dont la spécialité est de jeter de l’huile sur le feu des problèmes sociaux.

Pour les Français Macron est autoritaire et arrogant

Les Français en sont parfaitement conscients si l’on en croit le dernier sondage d’Elabe-BFMTV.

Pour 79 % d’entre eux, Macron est autoritaire, et pour 71 % arrogant.

Polemia et Contrepoints croient voir cet autoritarisme glisser lentement mais sûrement vers le totalitarisme, comme en témoignent les nombreuses lois votées par les godillots de l’Assemblée Nationale. Elle aboutissent toutes à de plus en plus d’interpellations, de mises en examen, de condamnations, de plus en plus d’interdictions et de contrôles de l’expression libre des Français, de plus en plus de prérogatives que s’accorde l’État en jouant à saute-moutons par dessus la représentation nationale et l’expression directe des citoyens.

Le traitement infligé aux Gilets Jaunes, ce caillou que Macron a dans sa chaussure, en est un bon exemple. Après avoir tenté le pourrissement du mouvement par le mépris, la corruption (les 10 milliards de décembre 2018), l’insulte (peste brune, extrême droite, ces gens qui ne sont rien, homophobes, etc.) et le mépris (incapables de s’organiser, de désigner des leaders, de définir clairement leurs revendications…), Macron a tenté la force : un peu plus de deux cents blessés graves dont une centaine resteront handicapés à vie (yeux crevés, enfoncements de la zone temporale, mâchoires pulvérisées…), arrestations nombreuses et fortes amendes en comparaison de la clémence dont bénéficiaient les Antifas et Black blocs de l’extrême gauche que beaucoup de Français considèrent maintenant comme les nervis, les milices du pouvoir macronien.

C’est l’échec. Les Gilets Jaunes sont toujours là, moins nombreux mais de plus en plus énervés, à demander de bonnes réponses à leurs attentes.

Même la minoration systématique du comptage des manifestants sur les ronds-points et dans les manifestations a échoué. Le monopole et la publication des chiffres à la presse a été réservé au ministère de l’Intérieur, ce qui permettait d’affirmer que le nombre de Gilets Jaunes chutait de semaine en semaine alors que les reportages les montraient toujours aussi nombreux ou presque, mais pas forcément là où ils étaient comptés. Comme cette fois où le comptage fut fait aux Champs Elysées alors que le rendez-vous des Gilets Jaunes était au pied du Sacré-Cœur ! Et, vous l’avez remarqué, il y avait 70 à 80 000 représentants de l’ordre mobilisés à chaque « acte » des Gilets Jaunes le samedi, mais dix fois moins pour le défilé des syndicats le 1er mai que Martinez de la CGT a du quitter à cause des violences !

« Macron ne comprend rien » (Yves Thréard, Alain Bauer)

Tout a échoué. Que ce soit le pourrissement, la force, le dénigrement, les fake-news gouvernementales. Cela démontre le caractère très artificiel et superficiel de l’intelligence prêtée à Macron. Nous le dénonçons depuis ses premiers discours en tant que ministre de Hollande, puis de candidat à la présidentielle ; nous sommes aujourd’hui rejoints par des célébrités de l’information et des médias comme Yves Thréard du Figaro ou l’ancien Grand Maître du Grand Orient de France et criminologue Alain Bauer. Ils s’accordent sur le constat que « Macron ne comprend rien » aux Gilets jaunes qu’il méprise et n’arrive pas à faire entrer dans les petites cases politiques et sociales qui lui ont été enseignées à l’ENA.

Il ne comprend pas les Français dont tous, si on les prend individuellement, ne sont peut-être pas très intelligents, mais qui en moyenne et pris globalement sont plus intelligents que les énarques. Comme l’a constaté en 2017 Patrick Gérard, le directeur de l’ENA, en déclarant « les énarques sont en-dessous de la moyenne« .

Les Français ont été jusqu’à 80 % à soutenir les Gilets Jaunes. Quand le gouvernement et la presse ont faussé l’information en affirmant que les violences dans les « actes » du samedi était le résultat de la radicalisation des manifestants en gilet jaune, et que leur nombre baissait à chaque acte, ce soutien à chuté à 60 %. Mais depuis, les Français ont compris que l’origine de la violence se trouve dans les milices d’extrême gauche, black blocs et antifas, que les forces de maintien de l’ordre avaient l’ordre de laisser passer sans les filtrer. « L’approbation » (soutien + sympathie) des Français pour le mouvement des Gilets Jaunes est remontée et serait, selon le dernier sondage, Elabe-BFMTV à 67 %, soit les deux tiers des Français.

Macron « manage » mal ses équipes

Macron ne comprend d’ailleurs rien à bien d’autres domaines à commencer par le management d’une équipe.

Par exemple, il n’a pas compris que les Gilets Jaunes fonctionnent selon un concept mis en œuvre dans les start-up en début de carrière : la « blockchain ». Il consiste à attendre que la ligne directrice qui assurera le succès de l’entreprise soit claire avant de décider qui seront les leaders officiels et quels seront les axes de la politique de l’entreprise. Il est d’ailleurs possible que la blockchain ne donne rien dans le cas des Gilets Jaunes, si aucun leader incontestable et aucune ligne politique n’émerge dans un délai raisonnable. Mais probablement veulent-ils seulement être entendus.

La débâcle du propre cabinet de Macron dont un tiers les éléments sont partis ou ont démissionné est une autre preuve de sa mauvaise gestion du personnel.

Les erreurs en économie se multiplient

Il ne comprend rien non plus à l’économie, mais la faute en revient à l’enseignement archaïque, professé tant à Sciences Po qu’à l’ENA, dont le résultat est l’incapacité des énarques à redresser les finances et l’économie de la France comme l’ont fait la quasi totalité des autres pays européens.

Macron n’a pas compris non plus que la solution n’est pas de fermer l’ENA. La France a besoin d’une élite administrative. Il suffit d’y moderniser l’enseignement de l’économie et des finances et d’y réintroduire des matières qui en ont été supprimées ou réduites à la portion congrue depuis une vingtaine d’années sous prétexte de progressisme, comme l’histoire, sans laquelle il est impossible de prendre les bonnes décisions faute de pouvoir s’appuyer sur l’expérience du passé.
D’où les erreurs d’appréciation et de jugement que la haute administration aux mains des énarques commet sans cesse. « On a besoin de gens qui, plus tard dans les cabinets, fassent des propositions aux ministres, soient créatifs, imaginatifs. » dit Patrick Gérard cité par l’Obs.

Ensuite, de diviser par deux le nombre des candidats admis car il y a trop d’énarques, et de leur interdire l’accès aux carrières politiques tant qu’ils n’auront pas démissionné de la fonction publique. Cela permettra à la France de remonter dans le classement international de la corruption administrative et politique où elle n’est qu’au 21ème rang, ce qui, sans être dramatique, n’est pas brillant !

Une communication d’amateurs

Et Macron, malgré tout ce que l’on raconte, n’est pas bon en communication non plus et ne sait pas choisir ses communicants, sinon nous n’aurions pas des couacs comme le dernier est très récent : en pleine conférence de presse, le Président de la république l’a affirmé, il n’y aura plus de fermeture d’hôpital. Patatras, deux jours plus tard on apprend que Saint-Martin-Vésubie (Alpes-Maritimes) va voir son hôpital fermer par manque d’infirmiers et de médecins.

Autre erreur, alors que Le Figaro publiait une tribune signée par 1170 personnalités du monde entier demandant que Notre-Dame soit réparée à l’identique dans le style gothique en prenant le temps nécessaire, le gouvernement faisait voter la loi disant qu’il va légiférer par ordonnances pour aller plus vite et « moderniser » la cathédrale.

Et enfin cette touche qui ne manque pas d’humour : Youtube annonce que les amateurs de vidéos verront bientôt s’afficher un bandeau sous les vidéos des médias publics ou gouvernementaux. Ce « label de transparence », précisera d’où vient le financement de l’éditeur et renverra vers sa page Wikipédia. Ceci pour donner aux internautes la possibilité de « mieux comprendre les sources des actualités qu’ils regardent ».

Au gouvernement, cette mesure suscite l’embarras : On va « assimiler les médias du service public à des médias d’Etat dans des régimes autoritaires ». Tiens donc !?

Pour un autre dirigeant de France Télévisions, cela risque « d’induire en erreur » le public, pour qui « la subtilité institutionnelle du service public à la française n’est pas forcément très claire ». Toujours cette même idée qu’au gouvernement ils sont trop intelligents et trop subtils pour que les Français comprennent pourquoi ils auraient besoin d’une propagande d’Etat dissimulée !

Ne riez pas, c’est vous qui payez !

L’image présidentielle de Macron était déjà ternie par des erreurs comme la Fête de la Musique de l’an dernier ou des frotti-frotta avec des jeunes délinquants antillais qui n’ont rapporté aucune voix à LREM. Maintenant, les Français doutent aussi de ses compétences intellectuelles et de sa capacité à redresser la France, réduire la dépense publique et les impôts, réformer la fonction publique quand, de surcroît, ils voient l’échec de sa politique européenne. Pratiquement aucun pays d’Europe n’en veut, pas même l’Allemagne comme le lui a dit crûment Annegret Kramp-Kattenbauer qui succède à Angela Merkel à la tête de la CDU allemande.

L’Imprécateur
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Macron rejette les critiques par l’ONU des violences policières contre les «gilets jaunes»

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Macron rejette les critiques par l’ONU des violences policières contre les «gilets jaunes»

 
 
Auteur : Anthony Torres
Ex: http://www.zejournal.mobi

Le gouvernement Macron a rejeté les déclarations de l’ONU qui condamnent sans ambiguïté les violences policières commises contre les «gilets jaunes». De la part de l’ONU, une organisation à la botte des puissances impérialistes qui a donné son aval à des guerres de l’OTAN comme celle de Libye en 2011, ces déclarations constituent un aveu que la répression brutale menée par Macron choque des millions de gens dans le monde.

Selon le ministère de l’Intérieur, il y a eu plus de 1900 blessés parmi les «gilets jaunes» dont 94 blessés graves, victimes des tirs de balles de défense ou des grenades de la police. La famille de Zinab Redouane, une octogénaire tuée en décembre à Marseille par un tir de grenade lacrymogène en plein visage alors qu’elle fermait ses volets au 4e étage, porte plainte. L’agression violente par la police de personnes âgées témoigne de la violence généralisée des forces de l’ordre, qui ont éborgné ou arraché des mains à des dizaines de manifestants.

Des chiffres publiés par Le Monde du 1er février font état de 9 228 tirs de lanceurs de balles de défense (LBD) depuis le début du mouvement et de 116 enquêtes judiciaires confiées à la police des polices dont 10 pour des blessures à l’œil irréversibles. A cela, il faut ajouter depuis le 17 janvier 71 blessures dues à des tirs de LDB, nombre d’entre elles «irréversibles», comme des mâchoires détruites, des mains et des pieds arrachés.

Il faut aussi ajouter les dix «gilets jaunes» morts sur les blocages de routes ou de ronds points. Benoît, 29 ans, gravement blessé à la tempe par un tir de LBD-40 à Toulouse le 1er décembre 2018, est, lui, dans le coma. Geneviève Legay, une septuagénaire de Nice est tombée dans le coma, gravement blessée à la tête après avoir été violemment heurtée par un policier.

Dans un discours prononcé en mars devant le Conseil des droits de l’homme à Genève, Michelle Bachelet a demandé «urgemment une enquête approfondie sur tous les cas rapportés d’usage excessif de la force».

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La Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU a également constaté que «les gilets Jaunes manifestent contre ce qu’ils considèrent comme leur exclusion des droits économiques et de leur participation aux affaires publiques […] Ils réclament un dialogue respectueux et de vraies réformes». Bachelet a cité la France parmi les pays ou les manifestants « sont accueillis par un usage violent et excessif de la force, par des détentions arbitraires, des tortures et même selon certaines informations des exécutions extrajudiciaires».

Le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a réagi à ces déclarations de l’ONU en leur opposant une fin de non recevoir totale. Il s’est dit « étonné» de voir la France citée «sur une liste entre le Venezuela et Haïti … où il y a eu des morts».

Griveaux a prétendu que «le niveau d’inclusion économique et démocratique en France est, selon les standards de l’ONU, un des plus élevés au monde».

Ainsi, Macron compte continuer la répression sanglante des «gilets jaunes», au mépris de l’ONU, des droits démocratiques et de l’opinion de millions de travailleurs en France et dans le monde. Cette réaction insouciante de Griveaux à la dénonciation par l’ONU de sa destruction des normes démocratiques de la société bourgeoise et des violences policières montre l’hypocrisie répugnante du gouvernement français.

En 2011, les puissances impérialistes faisant partie du Conseil de Sécurité, dont la France, et leurs alliés ont dénoncé les menaces de répression de leurs populations par les régimes libyen et syrien. Elles ont lancé des guerres en déclarant que le simple risque que ces régimes pourraient tuer ou blesser leurs citoyens était si intolérable qu’il fallait bombarder ou envahir ces pays. Ces guerres dans l’ancienne sphère d’influence de l’impérialisme français ont fait des centaines de milliers de victimes et des dizaines de millions de réfugiés.

Mais quand c’est l’État français qui tue, estropie, défigure et terrorise ses citoyens qui manifestent et sont dans leur écrasante majorité pacifiques, et que l’ONU dénonce ces actions, Macron traite cela comme si cela n’avait aucune importance. Il publie ensuite divers documents pour insister que les armes les plus sanglantes sont indispensables pour écraser l’opposition de centaines de milliers de travailleurs à sa politique.

Dans un argumentaire de 21 pages, les autorités françaises justifient leur recours aux grenades (lacrymogènes et de désencerclement) et aux LBD en traitant les manifestations des «gilets jaunes» d’émeutes violentes: «A aucun moment le LBD n’est utilisé à l’encontre de manifestants, même véhéments, si ces derniers ne commettent pas de violences physiques, notamment dirigées contre les forces de l’ordre ou de graves dégradations. Mais alors il ne s’agit plus de manifestants, mais de participants à un attroupement violent et illégal.»

Sur le LBD, si le gouvernement admet que «des cas de mésusages sont toujours malheureusement possibles, (…) ils ne sauraient remettre en cause l’utilisation régulière de cette arme en cas de nécessité.» Il nie par ailleurs toute «pratique intimidante» dans son recours massif à des contrôles d’identité et des interpellations aux alentours des lieux de rassemblement.

Les réactions de l’État français sont des évasions cyniques. Face à l’hostilité des travailleurs et des jeunes dirigée contre la montée de l’inégalité économique en France et la politique d’austérité et pro guerre du gouvernement Macron, celui-ci s’appuie sur l’État policier mis en place par le gouvernement PS et, après avoir salué le «soldat Pétain», sur une politique fascisante.

L’État français compte maintenir les politiques d’austérité et de militarisme qui dominent à travers l’Europe capitaliste en terrorisant et écrasant l’opposition des travailleurs, et en produisant une montée historique de la répression. La mobilisation de blindés, puis des militaires de la mission anti-terroriste Opération Sentinelle contre les «gilets jaunes», témoigne d’un degré de violence officielle contre les manifestants qu’on n’a pas vu en France depuis les luttes ouvrières qui ont suivi la Libération de la France du régime de Vichy.

Chaque samedi, des dizaines de milliers de policiers sont mobilisés avec carte blanche pour réprimer physiquement les «gilets jaunes». Rien que pour l’acte XXIII, plus de 60.000 policiers ont été mobilisés à travers le pays, utilisant des canons à eau, des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc. Le ministère de l’Intérieur a signalé qu’il avait arrêté plus de 200 personnes et en avait fouillé 17.000 alors qu’elles tentaient d’entrer dans la capitale.

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La police cible de plus en plus des journalistes qui font des reportages sur la répression policière. Parmi ceux-ci, Gaspard Glanz, journaliste indépendant et fondateur de Taranis News. Un autre journaliste, Clément Lanot, a publié sur Twitter une vidéo montrant des policiers qui le visaient et tiraient sur lui avec un lanceur de balles de défense. Une troisième journaliste aurait également été grièvement blessée à la main par l’explosion d’une grenade de désencerclement. Une vidéo sur les réseaux sociaux montre son évacuation par d’autres manifestants.


- Source : WSWS

vendredi, 03 mai 2019

La destinée tragique de l’éditeur de Louis-Ferdinand Céline

« Robert Denoël avait toutes les qualités d’un grand éditeur
et on peut rêver à ce qu’eût été son destin
si la guerre, suivie de cette mort tragique,
n’avait pas mis un terme à une vocation contrariée
par les vicissitudes du temps »

La carrière d’éditeur de Robert Denoël débute le 30 juin 1928 et s’achève le 2 décembre 1945. Durant ces dix-sept années d’activité, il a publié quelque 700 livres à différentes enseignes. Il fût l’éditeur de Louis-Ferdinand Céline et pour cela, assassiné à la fin de la IIe Guerre mondiale. Qui était vraiment Robert Denoël ? On trouvera des réponses à la question dans cette enquête ; Jean Jour s’est attaché à remonter aux sources, tout homme étant le fruit de ses origines et de son éducation. Pour cette figure secrète et sulfureuse de l’édition, il s’agissait de s’affranchir d’un milieu provincial figé : celui de la bourgeoisie catholique des années vingt : à travers son existence tumultueuse, ce sont tous les dessous terribles de l’édition, des années de guerre, des règlements de comptes politiques et financiers qui nous sont racontés avec talent par un auteur qui n’a cure du politiquement correct.

Préface de Marc Laudelout, directeur du Bulletin célinien,  du livre de Jean Jour Robert Denoël, un destin, désormais disponible aux éditions Dualpha.

Alors que Bernard Grasset, Gaston Gallimard ou René Julliard ont depuis belle lurette leur biographe, aucune étude approfondie n’existe encore sur Robert Denoël. Le livre de l’Américaine Louise Staman, paru en 2002, s’attache surtout à éclaircir le mystère de son assassinat. C’est dire si Jean Jour s’aventure sur un terrain en friche et manifestement périlleux, compte tenu des circonstances de la disparition de cet éditeur.

Robert-Denoel-quadri.jpgTragique destin que celui de ce jeune Liégeois qui n’aura pu exercer sa profession que durant une quinzaine d’années. Pour beaucoup, il de­meu­re le découvreur de Céline auquel son nom demeure associé. Et pourtant nombreuses sont les œuvres importantes du XXe siècle qu’il aura publiées : L’Hôtel du Nord d’Eugène Dabit, Héliogabale d’Artaud, Tropismes de Nathalie Sarraute, Les Beaux Quartiers d’Aragon, Les Décombres de Rebatet, Le Bonheur des tristes de Luc Dietrich, Les Marais de Dominique Rolin, Notre-Dame des Fleurs de Jean Genet, pour ne citer que les plus connues.

On a parfois traité Denoël d’opportuniste. C’est ne pas voir qu’il fut viscéralement éditeur, très tôt soucieux de diversifier sa production, de publier des livres de qualité à une époque où la concurrence était rude, et d’assurer la pérennité de sa maison. Il réussit même à damer le pion à ses illustres confrères dans la course aux prix littéraires, récoltant sept Prix Renaudot – dont le fameux Voyage au bout de la nuit – en une décen­nie. Il fut aussi l’un des premiers éditeurs à publier des textes psychanalytiques, notamment ceux de René Allendy, Otto Rank et Marie Bonaparte.

Jean Jour a raison d’écrire que sa vie d’éditeur se caractérisa par une incessante course à l’argent. Toujours sur le fil du rasoir, Denoël n’eut jamais les moyens de ses ambitions. C’est sans doute ce qui le perdit, étant sans cesse contraint de faire des concessions. Ceci concerne tout aussi bien la diffusion de ses livres que la publication de titres plus ou moins imposés par les circonstances, ou, plus fâcheux encore, la cession de parts de sa société à des tiers qui se révéleront encombrants, voire dangereux.

Il dut également se colleter à Céline. On sait que son auteur vedette n’était guère accommodant, ne craignant pas de mettre en péril la survie même de la maison d’édition par une redoutable avidité pécuniaire. Lorsqu’en 1936, Céline adresse, par huissier, une assignation en bonne et due forme à son éditeur, celui-ci le met en garde : « Si vous persistez dans votre attitude, vous réussirez simplement à me jeter par terre, sans obtenir un franc. En effet, l’affaire Denoël & Steele est hypothéquée pour 200 000 frs et elle doit 50 000 frs au fisc. Quand on aura vendu aux enchères, il ne restera rien pour les autres créanciers. Les bouquins se vendront au camion à raison de 80 frs les 1 000 kilos et tout le bénéfice que vous en aurez tiré sera d’avoir ruiné un homme qui, peut-être, vous a fait quelque bien. »

Terrible aveu qui montre à quel point Denoël se trouve alors tenaillé entre une situation financière difficile et le manque de souplesse de Céline qui se vantera plus tard d’avoir été l’auteur le plus exigeant sur le marché. Mais s’il abreuvait volontiers son éditeur de sarcasmes, cela ne l’empêchera pas, plus tard, de lui rendre un juste hommage : « Un côté le sauvait… il était passionné des Lettres… il reconnaissait vraiment ce travail, il respectait les auteurs. »

Nul éloge comparable, sous la plume de Céline, à l’égard de Gaston Gallimard, faut-il le préciser ?

Qui était vraiment Robert Denoël ? On trouvera des réponses à la question dans cette enquête qui s’est attachée à remonter aux sources, tout homme étant le fruit de ses origines et de son éducation. Le fait que Jean Jour soit également natif de Liège lui aura permis de mieux appréhender cette figure secrète. Il s’agissait aussi de comprendre cette volonté farouche de s’affranchir d’un milieu provincial figé : celui de la bourgeoisie catholique des années vingt.

Et si Denoël a marqué l’histoire littéraire des années qui ont suivi, c’est grâce à une forte personnalité qui lui permit de vaincre bien d’obstacles : « Le physique de l’homme traduit le caractère. Tête romaine, figure romantique, mais empreinte d’énergie. Les yeux observateurs, sous les lunettes, pétillent d’esprit ». Ainsi le voit un compatriote venu lui rendre visite dans son bureau directorial, trois ans seulement avant sa disparition.

Robert Denoël avait toutes les qualités d’un grand éditeur et on peut rêver à ce qu’eût été son destin si la guerre, suivie de cette mort tragique, n’avait pas mis un terme à une vocation contrariée par les vicissitudes du temps.

Journaliste, Jean Jour (1937-2016) est né sur l’île d’Outremeuse, à Liège, patrie de Simenon, et en a retenu tout le côté pittoresque. Il est l’auteur d’une cinquantaine de livres très divers et a traduit plu­sieurs romans américains.

Robert Denoël, un destin de Jean Jour, éditions Dualpha, collection «Vérités pour l’Histoire», dirigée par Philippe Randa, 246 pages, 27 euros. Nombreuses illustrations. Pour commander ce livre, cliquez ici.