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mercredi, 16 décembre 2020

Rome antique: les Saturnales (17-23 décembre)

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Rome antique: les Saturnales (17-23 décembre)

Ex : https://www.romanoimpero.com

SATURNALIA ET OPALIA

Les Saturnales constituaient un cycle de festivités célébrées du 17 au 23 décembre, période fixée à l'époque impériale par Domitien, en l'honneur de Saturne (Chronos) et de la déesse de l'abondance des fruits de la terre, Ops, son épouse. Dans la religion catholique, les Saturnales ont été remplacées par le cycle de festivités qui vont de la Noël au Nouvel An. Lors de ces festivités païennes, il y avait également des décorations dans les villes, des guirlandes, des torches, des braseros allumés devant les temples, des rubans, des branches et des fleurs d'hiver.

Les Saturnales ont été consacrées à l'installation dans le temple du Dieu Saturne, au mythique âge d'or. Selon le mythe, Saturne a été chassé du ciel par Jupiter et accueilli par Janus sur le sol italique, qui a dès lors pris le nom de Saturnia, où il a régné pendant l’âge d'or, enseignant aux hommes à cultiver la terre et établissant les premières lois.

9782842054069-475x500-1.jpgSelon Hésiode, c'était le premier âge mythique, où "une lignée de mortels ‘en or’ a créé dans les premiers temps les immortels qui habitaient l'Olympe". Ils vivaient au temps de Kronos, lorsqu'il régnait au ciel ; comme des dieux, ils passaient leur vie, l’âme sans angoisse, loin du labeur et de la misère ; et leur misérable vieillesse ne leur pesait pas... (Hésiode - Les travaux et les jours).

Que ce soient les hommes qui créent les Dieux et non l'inverse est une hypothèse également soutenue par Plutarque dans ses Dialogues Delphiques, comme pour dire que les religions sont inventées par les hommes, ce qui ne nie pas les puissances supérieures du cosmos, mais montre que l'homme les a senties, représentées et finalement polluées par ses désirs et ses projections, les déformant totalement.

En l'honneur de Saturne, pendant sept jours, les temps de son règne heureux sont commémorés par des divertissements, des échanges de cadeaux et des banquets, auxquels les esclaves étaient invités parce qu'il n'y avait pas de différences de classe sous la règle de ce dieu. En fait, pendant l'âge d'or, les hommes vivaient sans avoir besoin de lois, sans cultiver de haine ni se faire la guerre entre eux, et ne cultivaient pas la terre parce que les plantes y poussaient spontanément. C'était toujours le printemps, il n'était donc pas nécessaire de construire des maisons ou de s'abriter dans des grottes. Avec l'avènement de Jupiter, l'âge d'or s'est terminé et l'âge d'argent a commencé.

Hésiode dit que l'âge d'argent avait plusieurs défauts, car les enfants restaient longtemps chez leur mère (au lieu d'aller à la gymnastique pour apprendre la guerre) et les adultes étaient querelleurs (mais il n'y avait pas de guerres). Jupiter les a punis pour cela en les exterminant. L'âge d'or a dû être la période primitive et instinctive, où l'homme n'avait pas conscience de sa propre mort.

L'âge d'argent est celui du matriarcat (l'argent, la lune et l'eau sont tous des éléments du féminin), où aucune guerre n'a été faite, Jupiter (le nouveau patriarcat) les a exterminés en mettant fin à l'âge d'argent et en commençant l'âge de fer (toujours selon Hésiode) où les guerres ont été menées.

La fin de l'âge d'or se produisit à cause d'une femme, (mais là on oublie que le ‘bon’ Saturne a dévoré ses enfants et que pour cette raison il a été détrôné), parce que Prométhée, ayant eu pitié des hommes qui n'avaient pas de feu pour cuisiner, le vole aux dieux pour le donner aux humains. Jupiter, qui n'aime manifestement pas les humains, punit Prométhée et comme il y a aussi des hommes, coupables à ses yeux, il les punit aussi en envoyant Pandore, la femme curieuse. C'est elle qui ouvre la boîte interdite, donc fatale pour les humains. Étrange, car le principe de toute science et de tout progrès est la curiosité.

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Les Saturnales commençaient par de grandes processions, des sacrifices, de riches banquets avec de la nourriture et du vin en abondance, pour lesquels, comme il n'y avait pas de condamnation du sexe, même les relations plutôt licencieuses étaient autorisées. L'Eglise catholique a classé ces festivités de décembre dans la catégorie condamnable des orgies, parce que les Romains les aimaient trop. Catulle a appelé ces fêtes l’ "Optimo dierum" (le meilleur des jours).

Les invités de la fête échangeaient alors le souhait "Je suis les Saturnales" (ego Saturnalia), qui selon les auteurs était l'abréviation du souhait de passer des Saturnales heureuses (ego tibi optimis Saturnalia auspico). "Je suis les Saturnales" ne semble pas avoir beaucoup de sens, d'autant plus que c'était une fête très conviviale.

La première interprétation semble donc la plus valable, d'autant plus que le souhait était accompagné de petits cadeaux symboliques, appelés strenne (de la déesse Strenua, la déesse du solstice d'hiver), à base de bougies, de noix, de dattes et de miel.

En fait, les esclaves pendant la fête devenaient des hommes libres, ils n'avaient pas à servir leurs maîtres mais parfois c'étaient les maîtres eux-mêmes qui les servaient, ou du moins qui organisaient un banquet pour eux ; en souvenir du fait que, pendant le règne de Saturne, il n'y avait ni serviteurs ni esclaves. En outre, un "princeps", caricature de la classe noble, était élu par tirage au sort, à qui était attribué tout le pouvoir sur la fête elle-même, vêtu d'un drôle de masque et de couleurs vives parmi lesquelles le rouge, couleur des dieux et des empereurs, prédominait (Sénèque, Apocol., 8).

Le princeps, qui organisait la fête, en assurant son bon déroulement, représentait une divinité inférieure, Saturne ou Pluton, gardiens des morts, mais aussi protecteur des campagnes et des cultures. Dans les Saturnales, les jeux d'argent étaient également autorisés, interdits le reste de l'année, y compris les jeux de dés.

Les Saturnales étaient également célébrées dans l'armée ; la fête était appelée "Saturnalicium castrense", où de simples soldats s'asseyaient à côté des généraux en égaux et portaient un toast en même temps que la fête qui détendait des fatigues et des tensions du combat.

À l'époque romaine, on croyait que ces dieux (Saturne, Pluton, Proserpine), sortis du sous-sol, erraient en procession pendant toute la période hivernale, lorsque la terre se reposait sans être cultivée en raison du gel hivernal. Ils devaient ensuite être apaisés par l'offrande de cadeaux et de fêtes en leur honneur pour les rendre bienveillants, puis retourner dans l'en-deçà, où, en tant que dieux des profondeurs infernales, ils protégeraient les graines, les faisaient germer au printemps et favorisaient les récoltes de la saison estivale.

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Pendant les Saturnales, il n'y avait pas de jours tristes et le deuil était aboli. En effet, Suétone, pour faire comprendre combien Germanicus était aimé des Romains et combien ils pleuraient sa mort, rapporte le fait exceptionnel que le deuil de la population se poursuivait exceptionnellement aussi pendant ces fêtes. "Ainsi, à l'époque des saturnales, Suétone dit que le deuil de Germanicus était tel qu'il dura même en ces temps"

LE MYTHE DE SATURNE

Le dieu Saturne, ou plutôt son correspondant grec Kronos, ou Chronos, qui était aussi la divinité de l'époque, fut exilé par Zeus et ses fils olympiens à la fin de la Titanomachie. Il avait, selon certaines sources, déplacé son royaume vers un endroit que, d'abord les Grecs et ensuite les Romains, appelèrent les "îles bénies" qu’à partir de Claude Ptolémée (100 - 175 après J.C.) on a toujours prétendu qu'elles coïncidaient avec les îles Canaries.

Un autre mythe, purement italien, raconte que Saturne a été lié et enterré par Jupiter dans un endroit secret du Latium. Le nom de cette région remonte à "latere" (se cacher) et le Latium fait allusion au lieu caché du tombeau du dieu. Qui aurait pu découvrir le tombeau aurait pu obtenir la "graine d'or" que Saturne gardait dans sa tombe, graine qui aurait rendu heureux et immortel celui qui l'aurait possédée.

Pendant les Saturnales, les tribunaux et les écoles étaient fermés : il était interdit de commencer ou de participer à des guerres, d'établir des peines de mort, de porter le deuil et, en tout cas, dese livrer à toute autre activité que la célébration. Les Saturnales ont lieu dans la période précédant le solstice d'hiver, à la veille de la veille du Noël du Soleil : le nouveau Soleil renaît après sa mort symbolique.

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C'était la fête la plus prisée des Romains car elle était suivie par tout le peuple, une fête qui se déroulait dans tout l'empire surtout dans les rues, avec des foires, des spectacles et des marchés, d'où nos marchés de Noël. C'est pourquoi il n'a pas été bien vu par certains moralisateurs qui n'aimaient pas les mélanges entre les différentes classes sociales et surtout entre les hommes et les femmes.

La partie officielle de la fête consistait en un sacrifice solennel dans le temple où la tête du dieu était découverte et au cours duquel les bandages de laine qui enveloppaient les pieds du simulacre de Saturne fondaient. Un banquet public suivait, au cours duquel tous les participants échangeaient des toasts et des bons vœux.

Jusqu'à la fin de l'année, Saturne est resté détaché pour remplir ses fonctions de fondateur d'une ère nouvelle. Saturne est mort au solstice d'hiver pour renaître en tant qu'enfant de Dieu au début de l'année.

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Les SATURNALIA CASTRENSIS

Les Saturnales étaient également célébrées dans l'armée ; la fête était appelée "Saturnalicium castrense" ; dans les castra, les soldats décoraient les salles où étaient organisés les banquets et les toasts, et les rangs inférieurs s'asseyaient, pour une seule fois dans l’année, à côté des rangs supérieurs de l'armée romaine. C'était aussi l'occasion pour les supérieurs de faire connaissance avec certains de leurs légionnaires et peut-être, s'ils étaient impressionnés par leurs allures ou leurs propos, de leur confier des tâches plus importantes afin de se démarquer et peut-être de monter en grade.

LES JOURS DE FÊTE

- 17 décembre - ante diem sextum decimum Kalendas Ianuarias - Saturnalia -

- Les Saturnales commençaient par le rite du "lectisternium" : les statues de Jupiter et des douze dieux étaient disposées sur les lits dans une attitude commensale, évidemment les Romains avaient des statues ad hoc pour ce rite ; on leur parlait, et avec beaucoup de respect, on leur demandait leur protection pour Rome et ses citoyens, en leur expliquant les problèmes actuels ; puis on leur offrait de la nourriture qui était ensuite consommée publiquement par les participants, dans certains cas, quand il y avait un danger imminent, la nourriture était plutôt brûlée en offrande aux Dieux.

- Puis il y avait la célébration religieuse avec une procession au temple de Saturne placé au pied du Capitole et des sacrifices d'animaux étaient faits.

- Les bougies étaient allumées et un grand banquet était organisé dans le quartier, avec des focaccias, du fromage, des olives et du vin dilué, auquel tout le monde était invité ; des toasts et des vœux étaient également portés. Tout cela aux frais de l'État.

- À partir du 17, les festivités commençaient sans qu'aucun travail ne soit effectué, des cadeaux et des cartes de vœux s’échangeaient, souvent des épigrammes, ainsi que les trois symboles des saturnales : le myrte, le laurier et le lierre (sacré pour Vénus, Apollon et Bacchus).

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- De grands banquets étaient organisés et le "Princeps Saturnalicius" était élu pour diriger la fête. Même les robes portées changeaient : la toge étaient abandonnée et la synthesis était portée (une robe de maison très décontractée), et le pileus (un chapeau en forme de capuchon) s’utilisait comme coiffe.

"Dans le culte de sa personne et dans son habillement, il était si négligé que ses cheveux étaient toujours coupés en escabeau et, après le voyage en Grèce, lui tombaient même sur la nuque ; de plus, il sortait en public presque toujours sans ceinture et pieds nus, en robe de chambre (synthesis) et avec un mouchoir autour du cou" (Suetonius, La vie de Néron)

Selon une autre tradition, les Saturnales ont été établies par les compagnons d'Hercule qui sont restés en Italie.

Varro faisait remonter plutôt les Saturnales aux Pélasgiens qui s’étaient installés en Italie après en avoir chassé les Siculiens. En tout cas, les fêtes de Saturne sont bien antérieures à la fondation de Rome.

La fête, dont le règlement fut fixé en 217 av. J.-C., durait deux jours au temps de César, quatre jours au temps de Caligula et sept jours au temps de Domitien, car les Romains aimaient prendre des vacances.

Les esclaves erraient dans la ville déguisés et portant le chapeau phrygien (le chapeau de la libération, lorsqu'ils cessaient d'être esclaves et devenaient citoyens romains), s'abandonnant aux réjouissances les plus folles, mais les citoyens romains n'étaient pas moins nombreux dans les rues. Il est clair que pendant la semaine des Saturnales, Rome était en proie au chaos, au bruit et à la confusion, comme le rapportent Sénèque et Pline le Jeune : ce dernier nous raconte que pendant les festivités, il s'est réfugié dans une maison de banlieue, loin du bruit et de la fête.

- 18 décembre - ante diem quintum decimum Kalendas Ianuarias - Saturnalia -

Deuxième jour des festivités de Saturne. Toujours des banquets publics et privés, tout le monde invitait tout le monde, Rome était remplie d’échoppes, de jongleurs, de danseurs et de musiciens, les édicules dédiés aux Dieux étaient ornés de rubans et de fleurs. Ils furent rejoints par la fête d'Éponie, dédiée à Épona et particulièrement chère aux cavaliers, car Epona était la déesse celtique des chevaux, conservatrice et dispensatrice d'abondance et de fertilité. De plus, les 18, 19 et 20 ont été les jours de Mercatus, équivalents des foires et marchés d'aujourd'hui.

- 19 décembre - ante diem quartum decimum Kalendas Ianuarias - Opalia -

Troisième jour des Saturnales, en l'honneur de la déesse Ops ou Opis, ancienne déesse de l'Abondance, protectrice d'une riche récolte, considérée comme l'épouse de Saturne. C’est aussi l’anniversaire de la dédicace du temple du Capitole. La déesse était d'origine sabine, le culte a été introduit à Rome à l'époque de Titus Tatius. On lui demandait des grâces et des vœux se prononçaient.

- 20 décembre - ante diem tertium decimum Kalendas Ianuarias - Sigillaria -

Dans les Saturnales, il y avait aussi la fête des statuettes en terre cuite, appelées sigillaria, cire, pâtes ou figurines en terre cuite, comme offrandes votives et bons vœux. qui s’échangeaient pendant les Saturnales et étaient offertes aux dieux lares ; mais elles étaient aussi offertes au dieu Saturne, car il était le dieu du temps et donc aussi de la mort, rite effectué comme pour détourner celle-ci des siens : l'offrant donnait au dieu le sigillum à la place de sa propre personne.

- 21 décembre - ante diem duodecimum Kalendas Ianuarias - Saturnalia -

- Cinquième jour des festivités de Saturne. Rome était remplie de gens issus de tout l'empire et d'ailleurs, qui venaient voir la merveille de la fête romaine, où l'Urbs donnait le meilleur d'elle-même dans des spectacles sur les places. De la nourriture, des souvenirs, des sealaria, des vêtements, des ornements et des bijoux étaient vendus dans les rues. Des artisans de tous horizons proposaient des articles en cuir, en bois, en terre cuite, en bronze, en laiton, en argent et en succin (ambre jaune de la Baltique).

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- 22 décembre - ante diem undecimum Kalendas Ianuarias - Saturnalia -

Sixième jour des fêtes en l'honneur de Saturne. Comme la fête concernait tout l'empire, les compagnies de danseurs et de mimes qui se produisaient sur les places se rendaient à Rome depuis d'autres villes. En 84, Martial publie les Xenia (cadeaux pour les invités), ses écrits sur les cadeaux que les Romains s’échangeaient à l'occasion des Saturnales.

- 23 décembre - ante diem decimum Kalendas Ianuarias - Saturnalia -

Septième et dernier jour des festivités en l'honneur de Saturne. Les dieux sont remerciés par une nouvelle procession, les rues grouillent de torches et de braseros, et la journée se passe entre les banquets et les bains décorés de rubans et de guirlandes pour l'occasion. Les festivités s’achèvent au coucher du soleil.

BIBLIOGRAPHIE :

- Aulo Gellio - Noctes Atticae - libro II -
- Macrobio - I Saturnali - a cura di Nino Marinone - Unione Tipografico-Editrice Torinese - Torino - 1967 -
- Ambrogio Teodosio Macrobio - I Saturnali - a cura di Nino Marinone - classici latini - UTET - 1987 -

- G. Frazer - The golden bough - Il ramo d'oro - III - Londra - 1911 -
- G. Dumézil - La religione romana arcaica - Milano - 2001 -

- John F. Donahue - "Towards a Typology of Roman Public Feasting" in Roman Dining: A Special Issue of American Journal of Philology  - University Press - 2005 -

 

 

samedi, 05 décembre 2020

Fêtes romaines : les FAUNALIA RUSTICA (du 5 au 8 décembre)

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Fêtes romaines : les FAUNALIA RUSTICA (du 5 au 8 décembre)

Ex: https://www.romanoimpero.com

Le dieu Faune

Le faune est représenté sous forme humaine et farouche simultanément, en référence donc à l'origine naturelle de l'homme, en tant que fils de la Déesse nature. Faune est aimé mais aussi craint parce qu'il aime la forêt dense et les loups qui s'y promènent. Marcus Terentius Varron, transmis par Saint Augustin, raconte un rituel nocturne que les Romains accomplissaient pour empêcher le démon Faune, à l'occasion de la naissance d'un enfant, de faire du mal à la femme qui venait d’accoucher.

Trois hommes se sont fait passer pour les gardiens du seuil, ils ont franchi les limites de la maison et se sont rendus à la porte principale ; le premier, représentant Picumnus, démon du mortier et de la hache, a frappé le seuil avec une hache, le second, représentant Pilumnus, démon de la lance et du pilon, a frappé le seuil avec une arme de jet, et le troisième, imitant Stercutius, démon des ordures et pour faire contraste avec la purification, il nettoyait le seuil des éclats, commis par les deux autres ; avec un balai (dans les cultures anciennes, certains outils quotidiens avaient valeur magique) en invoquant la Deverra, divinité insérée dans la liste des "Indigitamenta" (invocations aux divinités).

Ces actes rituels auraient exorcisé l'intrusion du Faune ou plus traditionnellement du Silvanus. Varro affirme en effet que trois dieux sont assignés comme gardiens à la femme qui a accouché, afin que le dieu Silvanus n'entre pas la nuit et utilise la violence. Et pour symboliser les trois gardiens, trois hommes doivent faire le tour de la maison la nuit, frapper la limite d'abord avec la hache, puis avec le mortier et enfin la nettoyer avec le balai : avec ces signes d'adoration, le Dieu Silvanus ne peut pas entrer.

Le dieu Faune est plus tard identifié à Pan et, à l'époque classique, les faunes deviennent nombreux, les créatures rurales équivalentes aux satyres grecs. Comme ceux-ci, ils ont le corps moitié homme et moitié bouc, des cornes et des sabots. Selon la tradition, le culte du Faune a été introduit à Rome par Numa Pompilius (754 - 674 av. J.-C.) qui était d'origine sabine, on suppose donc que ce Dieu était aussi sabin : "Et (Numa) divisa l'année en douze mois, en suivant tout d'abord le cycle de la Lune ; ... Il divisa ensuite les jours en jours fastes et en jours mauvais, de sorte que certains jours aucune décision publique ne devait être prise".

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Les faunes rustiques

Dans le calendrier romain, le 5 décembre était le premier jour de la fête des Faunalia Rustica, il était indiqué comme dies faustus, un jour de bon augure, et était particulièrement adapté aux activités commerciales.

En fait, les Faunales étaient célébrées en l'honneur du Dieu Faune. Faune était, au départ, une divinité italique d'origine pastorale, protectrice du bétail et de la fertilité, dont le culte avait pour but de promouvoir la fécondité et la santé du bétail. En ce sens, le Faune était opposé au dieu des bois Silvanus, protecteur des lieux sauvages.

De la faune et de la flore

Lors des Faunalia Rustica, dont les célébrations se déroulaient en plein air et dans les champs, étaient allumés des feux et brûlés des parfums propitiatoires, et la fête durait pendant les heures nocturnes, lorsque des danses étaient organisées, également utilisées par les prêtres saliens pour invoquer la protection du Faune sur la récolte et sur le bétail. En son honneur, un chevreau ou un mouton était sacrifié, dont la chair était distribuée aux personnes présentes, ainsi que de grandes jarres de vin.

Caractéristique surtout des zones rurales, la célébration a lieu en hiver et au printemps : les Faunalia d'hiver, également appelées Faunalia Rustica, ont lieu du 5 au 8 décembre et clôt l'année des travaux à la campagne, tandis que les Faunalia de printemps, mieux connue sous le nom de Lupercalia, précède le réveil printanier de la nature en invoquant la protection des troupeaux, et a lieu le 15 février. L

En fin de compte, il s'agissait de deux Faunales d'hiver, également connues sous les noms de Faunalia Rustica et Faunalia Primaverili, pour célébrer le début du printemps et le renouveau de la nature et invoquer leur protection sur les troupeaux, ce qui se passait le 15 février, d'abord de manière isolée, puis souvent associée aux Lupercales. La nuit, il était d'usage de donner lieu à une danse spéciale, qui était également exécutée par les prêtres saliens, par laquelle la protection des cultures et du bétail par le Faune était invoquée.

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C'étaient des jours où les bœufs n'étaient pas soumis au joug, car même les animaux avaient le droit de se reposer et de participer à la joie, en effet pour l'occasion ils étaient couronnés de guirlandes et de rubans enroulés autour de leurs cornes. C'est pourquoi on célébrait les animaux et le côté animal de l'homme. En effet, dans les temps anciens, les Lupercales étaient l'accouplement des prêtresses avec les bergers, puis transformé en flagellation des femmes par les prêtres et la peur qu'un Dieu mystérieux ne viole la femme qui accouche. En bref, une réédition très élaborée du sexe libre pré-romain.

Les temples

À Rome, le seul temple dédié au Dieu Faune se trouvait sur l'île du Tibre et un autre hors les murs, près d'un bois situé près de la fontaine de l'Albunea, où se trouvait un célèbre oracle dédié au dieu, mais la fontaine portait le nom de la Sibylle appelée Albunea ou Tiburtina, d’après un ancien divinateur alors divinisé, protecteur de la ville de Tivoli et créateur des légendaires livres sibyllins.

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La Sibilla Tiburtina était également une favorite de la déesse Vénus, on soupçonne aussi qu'à des époques plus archaïques, les Faunalia Rustica, outre les banquets et le vin, incluait également les rapports sexuels. Horace ne considère pas le dieu avec grande tendresse et, dans son ode, invoque le Faune lui demandant de montrer son sexe, tout en ménageant surtout les créatures errantes dans la forêt, en particulier les loups, le plus grand danger pour les troupeaux.

BIBLIOGRAPHIE :

- Marco Terenzio Varrone - De lingua Latina -
- Ovidio - Fasti - IV -
- Renato Del Ponte - Dei e miti italici. Archetipi e forme della sacralità romano-italica - ECIG - Genova - 1985 -
- Robert Maxwell Ogilvie - The Romans and their gods in the age of Augustus - 1970 -
- William Warde Fowler - The Roman Festivals of the Period of the Republic - London - 1908 -
- Massimo Izzi - "Faunus/fauni" - in "Dizionario dei mostri" - Roma - L'Airone - 1997 -

 

mercredi, 02 décembre 2020

Rome: le rite et le mythe

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Rome: le mythe et le rite

par Mario Perniola

Ex: http://www.archiveseroe.eu

Le rite ne se réduit pas à une simple réactualisation du mythe comme la tradition spiritualiste de la Grèce relayée par le christianisme tendrait à le faire penser. La ritualité ne se fonde pas dans tous les cas sur un mythe d'origine. Le geste n'est pas toujours subordonné au mot, ni la pratique à la croyance, ni l'extériorité à l'intériorité. Mario Perniola, en un texte très documenté d'histoire et de linguistique latine, montre de manière convaincante que la caerimonia n'est pas carimonia. Il faut éviter de penser la cérémonie comme formalisme ou pure extériorité : « extériorité et cérémonie, rite sans mythe et sans foi, ne se trouvent pas au terme du processus historique [mais] se trouvent à l'origine de la romanité »

Le sociologue Claude Rivière remarque à propos de ce texte : « Comme des dieux nul ne sait rien que ce que les mythes leur attribuent, c'est-à-dire que le sacré n'a que le sens qu'on lui suppose à partir de son extériorité, leur véritable existence n'est pour nous que ce qui se manifeste dans l'objectivité de la caerimonia, dans la hiérophanie des liturgies. Les enseignes militaires des armées de César réunies en faisceau objectivent le serment d'alliance, et le symbole détient un pouvoir sacré. L'extériorité du rite correspond à l'extériorité du sacré, non pas actualisation d'un système mais existence objective d'une force immanente à l'histoire.

Certes la référence étymologique n'efface en rien la conception chrétienne, mais au moins montre-t-elle qu'un sens peut être donné à l'extériorité du rite, que les rites et symboles ont le sens que leur attribuent les hommes, fabricants de mythes et d'idéologies, qu'il n'y a pas de précession nécessaire d'un signifié, mais une possibilité de création simultanée du signifié et du signifiant, que l'extériorité du répétitif dans la vie sociale, doublant l'intériorité d'un vécu, énonce en langage gestuel, postural ou verbal la même chose que le mythe comme récit à décrypter, ou que l'idéologie en termes abstraits » (Les liturgies politiques, Puf, 1988).

[Ci-dessus : Equirria, cérémonie en l'honneur du dieu Mars où des chevaux étaient purifiés et sacralisés avant de partir en guerre]

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Le rite et le mythe

Si le mythe a constitué l’un des plus importants paradigmes culturels de la civilisation moderne, il semblerait que le modèle de l’organisation de la culture dans la société post-moderne soit plutôt le rite : le récit mythique — avec son idéalisation, ses implications émotives, sa référence à une dimension archétypique de l’existence — fait place à la performance, à une action qui réunit en elle-même les caractères de l’exécution et de l’exhibition, qui est désenchantée et répétitive, technique et stratégique, qui présente donc des similitudes substantielles avec le rite.

“Caerimonia” comme “carimonia”

Or, tandis que la société post-moderne perçoit la différence entre monde mythique et monde rituel comme étant le conflit entre une conception dorée et passionnée de la vie et une conception froidement opérante et effective de l’action, l’anthropologie, la sociologie et la philosophie contemporaines ignorent le plus souvent cette opposition ; considérant le rite comme une simple actualisation du mythe, ces disciplines nient à la répétition rituelle toute signification et tout intérêt qui lui soient spécifiques. Dans cette méconnaissance de la spécificité de la ritualité, on retrouve à l’oeuvre le préjugé spiritualiste de la tradition hellénico-chrétienne : on est prêt à reconnaître à l’action un sens et une valeur, mais à l’unique condition qu’elle soit subordonnée à la parole et à la foi. Une action répétitive qui ne trouve pas son fondement et sa justification dans un récit généalogique et dans une croyance individuelle ou collective, religieuse ou sociale, n’est pas considérée (des néo-platoniciens à Diderot, de saint Augustin à Lévi-Strauss) comme un véritable rituel, mais comme une simple cérémonie, c’est-à-dire comme un comportement que l’on jugera systématiquement vide de sens, stéréotypé, inutile, idolâtre, pathologique, désespéré ; au mieux, il fera l’objet d’une appréciation esthétique. Pas plus que les autres sciences humaines, la psychanalyse n’a soustrait la cérémonie à cette condamnation millénaire : en la mettant en relation avec le comportement des sujets atteints de névroses obsessionnelles, elle a même renforcé ce jugement.

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Le véritable scandale de la pensée occidentale, ce n’est pas le mythe, c’est la cérémonie : en premier lieu, en effet, les concepts de muthos et de logos ne sont pas dans la culture grecque aussi opposés que le laisse supposer la formulation sophistico-platonicienne du problème, puisqu’ils sont parfois utilisés comme synonymes ; en second lieu, l’étude scientifique des mythes se développe aujourd’hui en même temps que le mythe de la science, si bien que mythe et science, pensée sauvage et pensée rationnelle, s’avèrent beaucoup plus proches que l’irrationalisme romantique ou le rationalisme positiviste ne veulent bien l’admettre ; enfin, même sur le plan socio-politique, la formation du consensus par le biais d’un appel aux convictions rationnelles des individus, apparaît dans la civilisation politique ouverte par le Siècle des Lumières et par la Révolution française, inséparable de la diffusion de mythes politiques de masse. Tous ces éléments nous incitent à considérer la prétendue pensée rationnelle comme étant davantage la continuation et le travestissement de la pensée mythique que son alternative radicale. Du reste, l’une et l’autre se fondent sur la subordination des gestes aux mots, des pratiques aux croyances, cette subordination étant elle-même fondée sur le primat de l’intériorité.

Le déclin de la civilisation des XVIIIe et XIXe siècles, qui a été essentiellement mytho-logique, se manifeste dans le triomphe du spectacle et de l’apparence, dans l’exhibition obscène de tout ce qui était caché, voilé, secret, dans l’épanouissement de la simulation idéologique et culturelle qui, insensible aux contradictions et aux incompatibilités, rend interchangeables toutes les théories. Cependant, à considérer la société contemporaine comme une simple société du spectacle et de la simulation hyperréelle — et peu importe que ce soit de façon critique ou apologétique —, on ne voit pas l’ampleur et la profondeur du saut historique devant lequel nous nous trouvons ; en effet, ces caractères sont encore étroitement dépendants de la tradition spiritualiste occidentale, qui pense l’extériorité et la cérémonie comme formalisme, surface et sclérose, et qui ne voit en l’une et en l’autre qu’un manque de profondeur, de substance intérieure et de vie. Ainsi, on réduit la caerimonia à une carimonia (de careo, être privé de, sentir le manque de), suivant une étymologie erronée qui date de l’Antiquité, et qui faisait référence à l’offrande sacrificielle faite aux dieux par les hommes : en réalité, le manque que la métaphysique occidentale reproche à la cérémonie, ce manque concerne le mythe et la foi. Une offrande sacrificielle qui n’est pas motivée par une dévotion intime et spirituelle, et qui, en outre, est adressée à des divinités dont on ne sait rien, cela constitue une folie incompréhensible.

La cérémonie des dieux

Pourtant, cette folie constitue la base même de la religion et de la mentalité des anciens Romains. Le plus surprenant, c’est que dans la Rome antique, extériorité et cérémonie, rite sans mythe et sans foi, ne se trouvent pas au terme du processus historique, ne sont pas l’expression de la décadence et de l’essoufflement d’une religion qui aurait perdu tout rapport avec l’expérience vécue dont elle est née ; bien au contraire, ces caractéristiques se trouvent à l’origine de la romanité, elles constituent l’intuition centrale sur laquelle se fonde la conception romaine du divin, de l’humain et du temps.

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En partant de quelques textes d’écrivains de l’Antiquité, Karl-Heinz Roloff, l’auteur de l’étude la plus vaste et la plus exhaustive sur le mot et sur le concept latin de caerimonia (1), montre que parallèlement et antérieurement au sens d’action et de comportement rituels, le terme désigne l’être même du divin, l’objet de la religion, c’est-à-dire ce qu’on peut traduire très approximativement par le mot “Sacralité” (Heiligkeit). Que cérémonie veuille dire beaucoup plus que sainteté, cela paraît prouvé par un texte de Suétone, qui oppose la sanctitas des rois à la caerimonia des dieux, ce terme indiquant que le mode d’existence des dieux est infiniment supérieur à celui des souverains. Ce n’est donc pas à un manque que le mot fait référence, mais, bien au contraire, à la dimension ontologique du sacré ; cela explique que le terme ne soit utilisé dans cette acception qu’au singulier et que, plus tard, des grammairiens l’aient pris pour un nom pluriel. Quand Cicéron parle d’une caerimonia legationis, quand Tacite parle d’une caerimonia loci, ils pensent davantage à l’être de la chose elle-même qu’à l’attitude ou au sentiment humain envers celle-ci. Enfin, lorsque César raconte le complot ourdi contre lui par les Carnutes et par d’autres peuples de la Gaule (dans le De Bello Gallica, VII, 2), il nous dit qu’ils renoncèrent à échanger des otages, afin de ne pas dévoiler leur alliance, mais qu’ils demandèrent que toutes les enseignes militaires soient réunies en faisceau, et que tous fassent le serment de ne pas se séparer des autres lorsque la guerre aurait commencé : un tel acte est défini par César comme une gravissima caerimonia, car les enseignes ainsi réunies acquièrent un pouvoir sacro-saint, objectif, indépendant de la croyance des hommes, et qui remplace très efficacement l’échange d’otages.

S’il convient donc de parler d’une cérémonialité de l’être, celle-ci ne peut être entendue au sens de festivité (Feierlichkeit), de cette contemplation joyeuse que Kerényi attribuait à la religion grecque (2), envisagée dans son rapport direct à la vision, à la manifestation, à la splendide apparition du phénomène. Dans le texte de César, on ne trouve aucune allusion à une manifestation du divin : toute l’attention des Carnutes est concentrée sur l’action qu’ils s’apprêtent à entreprendre et sur la nécessité de fonder cette action historique, pleine de. risques et d’inconnues, sur l’obéissance à la gravissima caerimonia des enseignes réunies en faisceau ; cette cérémonie n’est pas une fête organisée à l’occasion de l’alliance, elle est la garantie objective, extrêmement sérieuse et astreignante, de cette même alliance.

La cérémonialité de l’être ne peut pas davantage être comprise comme spectacularité du divin. Les ludi scaenici sont étrangers à la religion romaine archaïque, à laquelle renvoie le mot utilisé par César (3). La caractéristique essentielle de la religion romaine, c’est l’extraordinaire imprécision de l’aspect des divinités, dont on ignore parfois jusqu’au sexe : les dieux romains sont si abstraits et désincarnés qu’ils se réduisent très souvent à un simple nom. Le Panthéon romain a été très justement comparé par Dumézil à un monde d’ombres presque immobiles, à une foule crépusculaire à l’intérieur de laquelle il est difficile de repérer un contour précis (4). Bien qu’il parle des Gaulois, il va de soi que César leur attribue en cette occasion une façon de penser typiquement romaine.

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Enfin, dans son acception la plus profonde, caerimonia deorum ne désigne ni le culte qui appartient aux dieux, ni le culte qui leur est dû, mais plutôt l’extériorité du mode d’existence du divin. Ici, la réflexion sur la religion romaine rencontre la théorie moderne du sacré conçu comme complètement autre, comme différence, comme refus radical de toute conception anthropomorphique du divin. Cette convergence d’une théorie du sacré qui plonge ses racines dans le monothéisme juif, et du paganisme romain (tenu par Hegel pour une des formes les plus blâmables de la superstition), une telle convergence ne laisse pas de surprendre. Pourtant, malgré la distance qui sépare Yahvé de la cérémonie romaine du divin, la convergence objective de l’iconoclastie hébraïque et de l’aniconisme de la religion romaine des origines (selon la tradition, celle-ci ne connut pas d’images sacrées pendant les premiers cent soixante-dix ans de son histoire), cette convergence nous laisse perplexe. Quoi qu’il en soit, l’essentiel est de comprendre que l’extériorité de l’être est tout le contraire d’un mode d’existence purement spectaculaire.

La cérémonie des hommes

La signification subjective de la cérémonie (entendue comme opération et comportement rituels) est tout aussi importante que la signification objective attribuée aux “choses elles-mêmes”. Cette seconde acception du terme, qui est la plus répandue et la plus usuelle, est toutefois étroitement liée à la première : par exemple, dans la cérémonie racontée par César, il n’y aurait eu aucune sacralité objective si l’action de réunir toutes les enseignes militaires (action orientée vers un but bien précis) n’avait pas été accomplie. « À cet égard, l’action est elle-même sacralité : sans elle, il n’y aurait pas de sacré, mais d’autre part, le sacré ne tient qu’à l’assemblage des signa » (5).

Ainsi, l’extériorité n’est pas seulement l’aspect fondamental de l’être divin, mais aussi — et au même titre — le caractère essentiel du rite religieux, lequel n’a nullement besoin de fonder sa validité sur une croyance, une foi, une expérience intérieure. Ici apparaît clairement la distance qui sépare la religion romaine et la théologie de la différence, d’origine judaïque ou chrétienne : dans la première, l’extériorité du rite correspond à l’extériorité du sacré ; dans la seconde, au contraire, l’intériorité du culte fait pendant à l’extériorité de Dieu (6). Cela ne signifie pas que la cérémonie romaine brise — comme dit Hegel — le cœur du monde, rompe l’individualité de tous les esprits, étouffe toute vitalité (7), c’est-à-dire qu’elle soit liée à une totale insensibilité émotionnelle et spirituelle. Dans la cérémonie romaine, le rapport entre extérieur et intérieur est inversé : ce n’est pas l’intériorité qui fonde et justifie le culte, comme dans le judaïsme et dans le christianisme, c’est la cérémonie — c’est-à-dire la répétition extrêmement précise et scrupuleuse d’actes rituels — qui ouvre la voie à un type de sensibilité non sentimentale, mais pas moins articulée et complexe pour autant. Dans le récit de César, la cérémonie fait naître chez les conjurés une solidarité plus sûre que celle qui eût été garantie par l’échange d’otages. Le caractère de cette solidarité n’est pas exclusivement religieux, il est également juridique et politique.

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On ne peut pleinement saisir la signification romaine du mot cérémonie si l’on fait abstraction de cette dimension juridico-politique ; cependant, celle-ci ne doit pas être entendue au sens de lex, c’est-à-dire d’acte volontairement contraignant, mais au sens de jus, c’est-à-dire de rite à caractère rigoureusement technique, de procédure dans laquelle le magistrat et les parties ont des rôles rigoureusement déterminés par la tradition. Cela signifie que le caractère obligatoire de la cérémonie ne dépendait pas de l’adhésion des participants à ses contenus, mais de la capacité des magistrats à rattacher le cas particulier à la forme générale et abstraite du rite.

Le jus est précisément un ars, un ars qui in sola prudentium interpretatione consistit : si on garde à l’esprit que ars et ritus dérivent de la même racine ar- qui désigne l’ordre (8), la répétition cérémonielle s’impose comme un des points cardinaux de la pensée romaine.

Le comportement cérémoniel se détermine donc par rapport à deux termes qui sont l’un et l’autre objectifs et extérieurs : la situation spécifique et la forme rituelle. La prudentia, c’est, précisément, la capacité de les harmoniser. D’un côté, l’obéissance à l’occasion, à la donnée particulière, à l’opportunité, ne se réduit pas à un pur opportunisme, car elle s’accomplit en référence à un cadre, à un schéma général hérité du passé ; de l’autre, l’obéissance à la tradition n’est pas pure sclérose, car elle vise à la solution d’un problème, d’un problème concret.

Cette harmonie entre opportunité et forme constitue l’un des principaux thèmes de l’important ouvrage que Jhering, au siècle dernier, consacra à l’esprit du droit romain (9), qu’il définit comme étant « le système de l’égoïsme discipliné ». L’instinct pratique des Romains, observe Jehring, avait permis l’établissement de règles et d’institutions si élastiques qu’elles s’adaptaient toujours aux besoins du moment, bien qu’elles fussent scrupuleusement observées.

1497262099.jpgAppliqué au monde romain, le concept d’extériorité ne veut pas dire, comme dans l’optique judéo-chrétienne, transcendance d’une loi qui s’impose inconditionnellement à l’intériorité humaine ; la cérémonie n’est pas l’exécution d’un devoir-être éternel et immuable, ni l’actualisation d’un mystère méta-historique : les termes sur lesquels elle se fonde sont tous objectifs, mais immanents à l’histoire. Chez les Romains, le sacré ne présente aucun caractère panthéiste ou mystique : il existe essentiellement, nous dit Roloff, dans le cas particulier, dans l’évènement particulier, ce qui est parfaitement conforme au caractère “casuistique” du mode de penser romain (10).

Cérémonie du temps

La cérémonie est aux antipodes du spectacle, de la mise en scène : elle apparaît comme étant la condition de toute production, de toute action, de toute histoire. C’est particulièrement évident dans la conception romaine du temps, qui diffère autant de l’éternel retour des sociétés primitives, avec son cycle de morts et de renaissances rituelles, que de l’histoire linéaire du judaïsme, avec son espérance messianique d’un rachat final. À Rome, la cérémonialité du temps, c’est le calendrier, une structure formelle de jours, de mois, de fêtes, qui revient toujours mais qui n’entrave pas l’activité historique des hommes ; bien au contraire, le calendrier fournit l’indispensable point de référence qui permet de situer chronologiquement toute action particulière.

Le temps cyclique des sociétés primitives, qui n’attribue d’importance qu’à la réactualisation de l’archétype mythique originel, et le temps linéaire du judaïsme, qui considère les entreprises d’Israël comme étant celles de Dieu lui-même, sont tous deux, sous des aspects bien différents, des temps mythologiques, c’est-à-dire des temps dans lesquels il existe un lien indestructible entre la dimension chronologique et son contenu : c’est ce lien, précisément, qui fonde la sacralité de ces expériences du temps. Le calendrier romain, au contraire, fonde un temps démythifié, mais non pour autant désacralisé ou insignifiant : il fournit un cadre, une grille de référence, un tissu dont les éléments sont sacrés, mais il ne dit pas a priori ce que ces éléments doivent contenir, et il ne transforme pas a posteriori leur contenu en histoire sacrée. La structure cérémonielle du calendrier romain se pose comme condition d’histoire : elle commence par laisser indéterminé le caractère concret de l’événement ; puis, quand celui-ci s’est produit, elle n’annule pas sa spécificité en l’insérant dans un processus dont la signification ultime est la rédemption finale, mais elle se soucie de la conserver en en faisant un précédent.

Selon une hypothèse suggestive, les douze mois de l’année doivent être mis en relation avec les douze boucliers réalisés par le forgeron Mamurius Veturius (le premier artisan qui soit mentionné dans l’histoire de Rome), pour le compte de Numa Pompilius. Qui plus est, Mamurius aurait été la représentation symbolique de l’année écoulée (11) ; en effet, le 14 ou le 15 mars (dans le calendrier romain, l’année se terminait à la fin du mois de février), les Romains accomplissaient un rituel connu sous le nom de Mamuralia : la foule portait en procession un homme couvert de peaux de bêtes, puis elle le frappait avec de longues baguettes blanches en l’appelant Mamurius. Ce rituel aurait également inspiré une expression populaire : suivant des sources grecques, lorsqu’on voulait faire allusion à quelqu’un qui avait reçu une bonne volée, on disait qu’il avait “joué les Mamurius” (tàn Mamourion paizein).

La figure de Mamurius serait donc liée à la fois à l’abolition de l’année écoulée (à travers les Mamuralia) et à la fondation de l’année nouvelle (suivant le récit qui le représente comme forgeron au service de Numa). En arguant du lien existant dans l’histoire des religions entre les initiations et les forgerons, en rappelant que les Mamuralia précédaient immédiatement les Liberalia (ces fêtes du 17 mars où les jeunes Romains revêtaient la toge virile), une interprétation particulièrement ingénieuse voit dans le dossier fort complexe de Mamurius rien de moins que ce rite d’initiation à l’âge d’homme, typique des sociétés primitives, que l’on tenait jusqu’à aujourd’hui pour étranger à la religion romaine archaïque (12).

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Si l’on nous demande à quels contenus, à quels idéaux, à quels modèles de vie, Mamurius initiait, la réponse est simple : Mamurius initiait à la cérémonialité du temps, au calendrier, au rite démythifié. Cela signifie que dans le monde romain, la mort simulée n’est pas suivie d’une vraie renaissance, d’une vraie vie (comme dans les rites de passage des sociétés primitives), mais d’une vie artificielle, juridique, cérémonielle, rythmée par le calendrier, qui fait abstraction de tout prototype et de tout temps intérieur, qui est depuis toujours répétitive et extériorisée, et dans laquelle mort et renaissance rituelles coïncident (13).

C’est maintenant qu’on peut comprendre, peut-être, le sens le plus profond du mot ludus, qui n’est pas seulement synonyme de rite, qui ne veut pas dire seulement simulation, qui n’est pas utilisé uniquement par rapport au jeu sexuel et à la séduction, mais qui signifie également école, apprentissage, instruction. Désormais, en effet, on n’a rien à enseigner, on n’a rien à apprendre, sinon les procédures, les cérémonies, les mouvements rotatoires à l’intérieur desquels l’occasion, la particularité la plus empirique, la situation la plus spécifique, doivent être “jouées”. Il est inutile de se dérober au “jeu de Mamurius” : l’essentiel est de vaincre en dépit des coups de bâton. L’enseignement du forgeron Mamurius apparaît donc opposé à celui des autres “maîtres du feu” de l’aire indo-européenne : pas le wut, la fureur religieuse, la colère qui terrorise les ennemis, mais, tout au contraire, le calme, l’indifférence, le mimétisme, en un mot : la cérémonie.

► Mario Perniola, Traverses n°21-22, 1981. [Traduit de l’italien par Thierry Séchan]

Notes :

91dBX7kQy4L.jpg1. K.-H. Roloff, « Caerimonia », in : Glotta, Zeitschrift für griechische und lateinische Sprache, Band XXXII, 1953, p. 101-138.
2. C. Kerényi, La Religion antique, 1957.
3. G. Piccaluga, Elementi spettacolari nei rituali festivi romani, Roma, 1965, p. 64.
4. G. Dumézil, La Religion romaine archaïque, Paris, 1974, p. 50.
5. K.-H. Roloff, op. cit., p. 111.
6. À ce sujet, cf. les thèses d’Emmanuel Levinas, in : Totalité et infini, Essai sur l’extériorité, La Haye, 1961, en ce qui concerne le judaïsme. Pour le christianisme, cf. les considérations de R. Otto, in : Le Sacré, 1929.
7. GWF Hegel, Leçons sur la philosophie de l'histoire, III.
8. E. Benveniste, Le Vocabulaire des institutions indo-européennes, 1968, t. II.
9. R. von Jehring, Geist des romischen Rechts auf den verschieden Stufen seiner Entwicklung, Leipzig, 1854-1865.
10. K.-H. Roloff, op. cit., p. 121.
11. J. Loicq, « Mamurius Veturius et l’ancienne représentation de l’année », in : Hommages à Jean Bayet, Paris, 1964, pp. 401- 425.
12. A. Illuminati, « Mamurius Veterius », in : Studi e materiali di storia delle religioni, a. XXXII, 1961, pp. 41-80.
13. M. Perniola, « Mort et naissance dans la pensée rituelle », in : Archivio di Filosofia, 1981.

♦ nota bene : dans un entretien postérieur à cet article, l'auteur précisait : « (...) j’ai orienté mes lectures vers l’étude de l’Empire romain, en particulier les techniques juridiques et administratives qui ont permis aux Romains de surmonter les guerres intestines. La notion-clé sur laquelle a porté mon attention a été celle de rituel sans mythe, qui est aux origines de la religion et de la jurisprudence romaine. L’issue de cet effort a été le volume Ritual Thinking. Sexuality, Death, World (2000). Mon travail a rencontré les tendances les plus récentes de l’anthropologie américaine, qui excluent l’existence des mythes fondateurs des rituels. Dans ce cas, le lien social est garanti uniquement par l’exécution d’une série de schèmes de comportement prédéterminés qui sont tout à fait indépendants de l’adhésion subjective à des croyances, doctrines, fois ou à l’émergence d’affects, d’émotions ou de sentiments. Cela se réalise à travers une épochè : cette expérience d’origine cynique-stoïque a ensuite été reprise par la phénoménologie de Husserl, qui en a fait la condition de toute connaissance rigoureuse. » (Rue Descartes n°4/2015).

 

mardi, 17 mars 2020

Le mur des lamentations a été construit par les romains !

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Le mur des lamentations a été construit par les Romains !

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com
 
Il va falloir revoir le chapitre «Mur des Lamentations » des guides touristiques d'Israël, car les origines de sa construction ne seraient pas celles que l'on croyait. Jusqu'à présent, il était admis que le site -le Mont du Temple pour les Juifs, l'Esplanade des mosquées pour les musulmans- avait été entièrement construit par Hérode, roi des Juifs.

Placé sur le trône par les Romains, Hérode règne sur la Judée de 37 avant Jésus-Christ jusqu'à sa mort, en 4 avant Jésus-Christ. Dans la tradition chrétienne, Hérode est avant tout connu pour avoir tenté de tuer l'enfant Jésus en ordonnant la mise à mort de tous les enfants de Bethléem âgés de moins de deux ans. Grand bâtisseur, il se lance dans de grands travaux en recourant aux techniques romaines. C'est ainsi qu'on lui attribue la construction du théâtre et de l'amphithéâtre de Jérusalem, mais surtout, l'extension du Second Temple, complexe religieux juif construit au VI ème siècle avant JC sur l'emplacement du Premier Temple, détruit par Nabuchodonosor II en 587 avant Jésus-Christ. Ce que l'on appelle communément le Mur des Lamentations, principal lieu saint du judaïsme, est considéré comme étant le mur occidental restant du Second Temple, qui sert également de soubassement à l'Esplanade des mosquées, le «Noble Sanctuaire» des musulmans.

Mais des archéologues travaillant pour l'Autorité des antiquités d'Israël ont annoncé mercredi que des fouilles sous les fondations en pierre du Mur avaient permis de mettre au jour des pièces frappées par un procurateur romain de Judée vingt ans après la mort d'Hérode. Ce qui indique qu'Hérode n'a pas construit le Mur des Lamentations.
Flavius Josèphe avait raison

Les pièces de bronze ont été frappées aux alentours de 17 après Jésus-Christ par Valerius Gratus, qui précéda Ponce Pilate en tant que représentant de Rome à Jérusalem, souligne Ronny Reich, de l'Université de Haïfa, l'un des deux archéologues en charge des fouilles. Ces pièces ont été découvertes dans un bain rituel qui était antérieur à la construction du complexe du Temple d'Hérode, et avait été comblé à l'époque pour soutenir les nouveaux murs, précise Ronny Reich. Si Hérode a bien mis en route l'extension du Second Temple, les pièces montrent que la construction du Mur des Lamentations n'avait même pas commencé avant sa mort et a été probablement achevée seulement des générations plus tard.

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La découverte vient confirmer un récit de Flavius Josèphe, historien romain du Ier siècle, qui après la destruction du Second Temple par Rome en 70 après Jésus-Christ, raconta que les travaux au Mont du Temple n'avaient été terminés que par le roi Agrippa II, arrière-petit-fils d'Hérode. Flavius Josèphe explique également que la fin du chantier avait laissé 18.000 travailleurs sans emploi, ce qui, selon certains historiens, est à mettre en relation avec l'éclatement de la Grande Révolte des Juifs de la province de Judée contre l'Empire romain en 66 après Jésus-Christ. Après quatre années d'affrontements, les légionnaires romains de Titus viennent à bout de l'insurrection en 70 et détruisent le Temple, marquant la fin de l'État hébreu à l'époque ancienne.

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Contrôlée depuis 1967 par Israël, l'enceinte abrite la mosquée Al-Aqsa et le Dôme du Rocher, sanctuaire musulman à la coupole dorée. Ce «Noble sanctuaire», un des lieux les plus saints de l'islam, cohabite dans la douleur avec, en contrebas, le Mur des Lamentations. 
 

mercredi, 05 février 2020

The concept of Empire: Pagan Rome

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The concept of Empire: Pagan Rome

 
Ex: https://www.geopolitica.ru

In our common understanding the term empire usually denotes a powerful country, in which one ethnicity oppressively rules others. Examples of these can include colonial empires of Spain, France, or Great Britain. Another way the term empire gets used is to describe the most powerful countries in their region that have gained control of that region militarily: examples of such naming conventions include all Chinese ‘empires’ from Qin to Qing, or Mughals in India, or the Mongols. Both these definitions however are later and erroneous ways of using the term empire that came into existence since the European Age of Modernity. However, the primordial definition and traits of an empire go way beyond these simplistic definitions that have stuck to our shared imagination. However, by exploring and un-covering the deep-lying etymological and historical roots of the term Empire it will be possible to transcend the flawed conception imposed on us since the times of Modernity.

There are three main stages through which the term empire has evolved. First stage is the Pagan Roman one – ‘imperium’ – that has its origins during the Roman Kingdom and ends with Constantine the Great. The second is the Christian Roman definition of ‘imperium’ and ‘basilea’ that runs from Constantine the Great all the way to Constantine XI. Finally, the last stage is the Orthodox Russian ‘tsardom’ that runs from Ivan IV up until Nicholas II.

In this first instance I invite you to consider the inception of the term Empire in Ancient Rome, covering the periods from Rome’s foundation in 753 BC to 312 AD, which is the date of Constantine the Great’s victory at the Milvian Bridge.

The term Empire or ‘imperium’ comes from the Latin verb ‘imperō’ – to command or to rule, which itself derives from the Proto-Indo-European root of ‘per’ – to bring forward or to produce.

Given such origin, ‘imperium’ was a political power that enabled a person to command other people, to be the first to propose new legislation or give military commands. In addition, the root ‘per’ suggests primacy and a vertical social relationship between the imperator – the one holding the ‘imperium’ – and those to whom his commands are directed.

The main application of the word ‘imperium’ in Roman Kingdom (753-509 BC) and Roman Republic (509-27 BC) was as a military position of an army general that granted a magistrate legal power to command. Importantly, ‘imperium’ was a social concept that conferred the commanding powers to a person by a group of subordinates. As such, Roman kings had to be elected by a group of patricians who also bestowed them with the power of ‘imperium’. Thus, an ‘imperator’ or emperor was the first man in society, but his powers were hinged upon that very society’s favour, creating a sort of a social contract. An excellent visualisation of imperium being a social contract is seen by another institutional rule of Ancient Rome – the Pomerium. The Pomerium was a legal border of the city of Rome proper which in Roman Republic was prohibited from entry by anyone in possession of army command – generals, imperatores. Any imperator who entered the gates of Pomerium automatically forfeited his social contract, lost the Imperium, and stopped being an army general. As such, it is crucial to understand that throughout the Roman Kingdom and Republic imperium was a commanding power that was bestowed upon a person by the society, and nothing but that.

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Fast forward to Augustus, we come to the period of Roman history generally called the ‘Principate’ in which all emperors from Augustus to Carinus maintained the importance of social contract as their source of power. In truth, Roman Empire should really denote the Roman state ruled by a commander, whose legitimacy derives from the public approval. Indeed, even though the role of the senate and the consuls was greatly diminished, the inner working of the Roman society remained the same as it was during the Republic. This was exemplified by the growing importance of the military class to ensure and dictate the office of Emperor. In particular, the Praetorian Guard, evolved into the elite bodyguard army unit to the emperor himself, by enjoying close proximity to the ruler, were able to orchestrate military coups and even sell the title of emperor on one occasion to Didius Julianus. The epitome of the importance of the army has come during the Crisis of the Third Century, whence the Roman state had seen almost 30 emperors in 50 years. The pretender emperor was usually acclaimed by his legions in exchange for monetary gains and promotions. The choosing of ‘imperator’ as well as his social status therefore remained as they were under the Republic: the emperor was a person vested with commanding powers through a social contract by a group of inferiors. Furthermore, incompetence or unpopularity of an emperor has often led to new pretenders, coups and murders, thus further reinforcing the idea of social contract between the ‘imperator’ and his inferiors.

Crisis of the Third Century brought such a strain on the political and economic bases of Rome that a radical change was necessary. Emperor Diocletian recognised this and implemented an overhaul of the empire creating a ‘tetrarchy’ splitting the power into four, and starting the historical period known as the ‘Dominate’. This period is characterised by the distancing of the ‘imperium’ holder from his inferiors, giving himself larger autonomy to rule and boosting the prestige of the position. Diocletian further divided Roman lands into more numerous provinces under dioceses, making it harder for pretenders to rise and gain support of the military. The next reform was to share the ‘imperium’ between four titleholders: two senior emperors and two junior caesars. Even though Diocletian’s reforms worked in the short term to stabilise Rome, the long term effects were rather inadequate and only really deepened the social contract between emperor and subjects. That is, now the emperor was expected to behave even more as a benevolent master, bestowing more gifts and promoting officials; quite obviously, the failure to do so resulted in civil strife as happened during the time of Constantine the Great. Furthermore, the division of the imperial power into four under ‘tetrachy’ has led in the long-term to the permanent split of Rome into East and West in 395 AD. Given what we have described about the nature of legitimacy of power through ‘imperium’ this split presents itself as unavoidable. The power to command the ‘imperium’ makes the titleholder appear as the first amongst equals by the Roman society as a whole. As such, two men could not simultaneously hold primacy without clashing. Furthermore, with the increasing importance of the role of the emperor during Dominate, the prestige and benefits have become too great to share between two ambitious men.

At the same time, however, Diocletian has set in motion two major developments to the social contract of ‘imperium’. First is the centralisation of the governmental administration on the figure of the emperor, making the entire state dependent on having a strong and capable ruler like never before. This development will come to clear view after the battle of Adrianople later on in 378 AD, which saw the emperor Valens killed on the battlefield. The death of Valens has sent shocks across the entire Eastern Roman administration, and produced a new political system in which emperors almost never left the capital Constantinople in order to preserve the administration, the ‘imperium’, and their lives. This state of affairs continued all the way until emperor Heracleios in 610 AD, who became the first Roman emperor to personally command the army against a foreign enemy since Valens. The second major development that can be attributed to Diocletian is his formal separation of Roman state from the city of Rome. Ever since the Crisis of the Third Century started, the capital of Rome was in practice wherever the acting emperor had his legions, thus diminishing the importance of Rome as a capital. Since the city of Rome was poorly protected from attacks and sieges from pretenders, its possession stopped conferring the same legitimacy as it did under the Principate. As such, Diocletian elevated this practical state of affairs to become legislation by moving his court to Nicaea in Eastern Anatolia. The big significance of this move is the detachment of the legitimacy of ‘imperium’ from one specific place or city. There will be two more major centres of Roman state throughout the rest of Roman history, namely Constantinople and Moscow. However, neither of them will have the Pomerium mentioned earlier, thus legally depriving the capital from having juridical force to grant or take away the power or ‘imperium’.

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This point seems to be a fitting end to the first part of my exploration of the concept of Empire, which concentrated specifically on Pagan Roman period and the usage of the term during this time. The main takeaways would be to underline how the Latin word for Empire – ‘imperium’ implied a social contract by which a person gained rights to command and legislate. This social contract was premised upon appeasing the lower social strata that has put the ‘imperium’ holder in charge. This fact has often led to rebellions, civil strife, and ultimately the Crisis of the Third Century. In the next article I will attempt to explicate the way ‘imperium’ changed when Rome became a Christian state, and the way Divine Favour started to replace social contract.

samedi, 18 janvier 2020

“Orthodoxie et hérésie durant l’Antiquité tardive”

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“Orthodoxie et hérésie durant l’Antiquité tardive”

par Claude Bourrinet

Recension:

Polymnia Athanassiadi, La lutte pour l’orthodoxie dans le platonisme tardif. De Numénius à Damascius, Les Belles Lettres, Paris, 2006, 276 p., 25 €

path-ortho.jpgLa période qui s’étend du IIIe siècle de l’ère chrétienne au VIe, ce qu’il est convenu d’appeler, depuis les débuts de l’Âge moderne, le passage de l’Antiquité gréco-romaine au Moyen Âge (ou Âges gothiques), fait l’objet, depuis quelques années, d’un intérêt de plus en plus marqué de la part de spécialistes, mais aussi d’amateurs animés par la curiosité des choses rares, ou poussés par des besoins plus impérieux. De nombreux ouvrages ont contribué à jeter des lueurs instructives sur un moment de notre histoire qui avait été négligée, voire méprisée par les historiens. Ainsi avons-nous pu bénéficier, à la suite des travaux d’un Henri-Irénée Marrou, qui avait en son temps réhabilité cette époque prétendument « décadente », des analyses érudites et perspicaces de Pierre Hadot, de Lucien Jerphagnon, de Ramsay MacMullen, de Christopher Gérard et d’autres, tandis que les ouvrages indispensable, sur la résistance païenne, de Pierre de Labriolle et d’Alain de Benoist étaient réédités. Polymnia Athanassiadi, professeur d’histoire ancienne à l’Université d’Athènes, a publié, en 2006, aux éditions Les Belles Lettres, une recherche très instructive, La Lutte pour l’orthodoxie dans le platonisme tardif, que je vais essayer de commenter.

Avant tout, il est indispensable de s’interroger sur l’occultation, ou plutôt l’aveuglement (parce que l’acte de voiler supposerait une volonté assumée de cacher, ce qui n’est pas le cas), qu’ont manifesté les savants envers cette période qui s’étend sur plusieurs siècles. L’érudition classique, puis romantique (laquelle a accentué l’erreur de perspective) préféraient se pencher sur celle, plus valorisante, du Ve siècle athénien, ou de l’âge d’or de l’Empire, d’Auguste aux Antonins. Pourquoi donc ce dédain, voire ce quasi déni ? On s’aperçoit alors que, bien qu’aboutissant à des présupposés laïques, la science historique a été débitrice de la vision chrétienne de l’Histoire. On a soit dénigré ce qu’on appela le « BasEmpire », en montrant qu’il annonçait l’obscurantisme, ou bien on l’a survalorisé, en dirigeant l’attention sur l’Église en train de se déployer, et sur le christianisme, censé être supérieur moralement. On a ainsi souligné dans le déclin, puis l’effondrement de la civilisation romaine, l’avènement de la barbarie, aggravée, aux yeux d’un Voltaire, par un despotisme asiatique, que Byzance incarna pour le malheur d’une civilisation figée dans de louches et imbéciles expressions de la torpeur spirituelle, dans le même temps qu’on saluait les progrès d’une vision supposée supérieure de l’homme et du monde.

Plus pernicieuse fut la réécriture d’un processus qui ne laissa guère de chances aux vaincus, lesquels faillirent bien disparaître totalement de la mémoire. À cela, il y eut plusieurs causes. D’abord, la destruction programmée, volontaire ou non, des écrits païens par les chrétiens. Certains ont pu être victimes d’une condamnation formelle, comme des ouvrages de Porphyre, de Julien l’Empereur, de Numénius, d’autres ont disparu parce qu’ils étaient rares et difficiles d’accès, comme ceux de Jamblique, ou bien n’avaient pas la chance d’appartenir au corpus technique et rhétorique utile à la propédeutique et à la méthodologie allégorique utilisées par l’exégèse chrétienne. C’est ainsi que les Ennéades de Plotin ont survécu, contrairement à d’autres monuments, considérables, comme l’œuvre d’Origène, pourtant chrétien, mais plongé dans les ténèbres de l’hérésie, qu’on ne connaît que de seconde main, dans les productions à des fins polémiques d’un Eusèbe.

La philosophie, à partir du IIe siècle, subit une transformation profonde, et se « platonise » en absorbant les écoles concurrentes comme l’aristotélisme et le stoïcisme, ou en les rejetant, comme l’académisme ou l’épicurisme, en s’appuyant aussi sur un corpus mystique, plus ou moins refondé, comme l’hermétisme, le pythagorisme ou les oracles chaldaïques. De Platon, on ne retient que le théologien. Le terme « néoplatonisme » est peu satisfaisant, car il est un néologisme qui ne rend pas compte de la conscience qu’avaient les penseurs d’être les maillons d’une « chaîne d’or », et qui avaient hautement conscience d’être des disciples de Platon, des platoniciens, des platonici, élite considérée comme une « race sacrée ». Ils clamaient haut et fort qu’il n’y avait rien de nouveau dans ce qu’ils avançaient. Cela n’empêchait pas des conflits violents (en gros, les partisans d’une approche « intellectualisante » du divin, de l’autre ceux qui mettent l’accent sur le rituel et le culte, bien que les deux camps ne fussent pas exclusifs l’un de l’autre). Le piège herméneutique dont fut victime l’appréhension de ces débats qui éclosent au seuil du Moyen Âge, et dont les enjeux furent considérables, tient à ce que le corpus utilisé (en un premier temps, les écrits de Platon) et les méthodes exégétiques, préparent et innervent les pratiques méthodologiques chrétiennes. Le « néoplatonisme » constituerait alors le barreau inférieur d’une échelle qui monterait jusqu’à la théologie chrétienne, sommet du parcours, et achèvement d’une démarche métaphysique dont Platon et ses exégètes seraient le balbutiement ou la substance qui n’aurait pas encore emprunté sa forme véritable.

Or, non seulement la pensée « païenne » s’inséra difficilement dans un schéma dont la cohérence n’apparaît qu’à l’aide d’un récit rétrospectif peu fidèle à la réalité, mais elle dut batailler longuement et violemment contre les gnostiques, puis contre les chrétiens, quand ces derniers devinrent aussi dangereux que les premiers, quitte à ne s’avouer vaincue que sous la menace du bras séculier.

Cette résistance, cette lutte, Polymnia Athanassiadi nous la décrit très bien, avec l’exigence d’une érudite maîtrisant avec talent la technique philologique et les finesses philosophiques d’un âge qui en avait la passion. Mais ce qui donne encore plus d’intérêt à cette recherche, c’est la situation (pour parler comme les existentialistes) adoptée pour en rendre compte. Car le point de vue platonicien est suivi des commencements à la fin, de Numénius à Damascius, ce qui bascule complètement la compréhension de cette époque, et octroie une légitimité à des penseurs qui avaient été dédaignés par la philosophie universitaire. Ce n’est d’ailleurs pas une moindre gageure que d’avoir reconsidéré l’importance de la théurgie, notamment celle qu’a conçue et réalisée Jamblique, dont on perçoit la noblesse de la tâche, lui qui a souvent fort mauvaise presse parmi les historiens de la pensée.

oeuvres-de-jamblique.jpgPendant ces temps très troublés, où l’Empire accuse les assauts des Barbares, s’engage dans un combat sans merci avec l’ennemi héréditaire parthe, où le centre du pouvoir est maintes fois disloqué, amenant des guerres civiles permanentes, où la religiosité orientale mine l’adhésion aux dieux ancestraux, l’hellénisme (qui est la pensée de ce que Paul Veyne nomme l’Empire gréco-romain) est sur la défensive. Il lui faut trouver une formule, une clé, pour sauver l’essentiel, la terre et le ciel de toujours. Nous savons maintenant que c’était un combat vain (en apparence), en tout cas voué à l’échec, dès lors que l’État allait, par un véritable putsch religieux, imposer le culte galiléen. Durant trois ou quatre siècles, la bataille se déroulerait, et le paganisme perdrait insensiblement du terrain. Puis on se réveillerait avec un autre ciel, une autre terre. Comme le montre bien Polymnia Athanassiadi, cette « révolution » se manifeste spectaculairement dans la relation qu’on cultive avec les morts : de la souillure, on passe à l’adulation, au culte, voire à l’idolâtrie des cadavres.

À travers cette transformation des cœurs, et de la représentation des corps, c’est une nouvelle conception de la vérité qui vient au jour. Mais, comme cela advient souvent dans l’étreinte à laquelle se livrent les pires ennemis, un rapport spéculaire s’établit, où se mêlent attraction et répugnance. Récusant la notion de Zeigeist, trop vague, Polymnia Athanassiadi préfère celui d’« osmose » pour expliquer ce phénomène universel qui poussa les philosophes à définir, dans le champ de leurs corpus, une « orthodoxie », tendance complètement inconnue de leurs prédécesseurs. Il s’agit là probablement de la marque la plus impressionnante d’un âge qui, par ailleurs, achèvera la logique de concentration extrême des pouvoirs politique et religieux qui était contenu dans le projet impérial. C’est dire l’importance d’un tel retournement des critères de jugement intellectuel et religieux pour le destin de l’Europe.

Il serait présomptueux de restituer ici toutes les composantes d’un processus historique qui a mis des siècles pour réaliser toutes ses virtualités. On s’en tiendra à quelques axes majeurs, représentatifs de la vision antique de la quête de vérité, et généralement dynamisés par des antithèses récurrentes.

L’hellénisme, qui a irrigué culturellement l’Empire romain et lui a octroyé une armature idéologique, sans perdre pour autant sa spécificité, notamment linguistique (la plupart des ouvrages philosophiques ou mystiques sont en grec) est, à partir du IIe siècle, sur une position défensive. Il est obligé de faire face à plusieurs dangers, internes et externes. D’abord, un scepticisme dissolvant s’empare des élites, tandis que, paradoxalement, une angoisse diffuse se répand au moment même où l’Empire semble devoir prospérer dans la quiétude et la paix. D’autre part, les écoles philosophiques se sont pour ainsi dire scolarisées, et apparaissent souvent comme des recettes, plutôt que comme des solutions existentielles. Enfin, de puissants courants religieux, à forte teneur mystique, parviennent d’Orient, sémitique, mais pas seulement, et font le siège des âmes et des cœurs. Le christianisme est l’un d’eux, passablement hellénisé, mais dont le noyau est profondément judaïque.

Plusieurs innovations, matérielles et comportementales, vont se conjuguer pour soutenir l’assaut contre le vieux monde. Le remplacement du volume de papyrus par le Codex, le livre que nous connaissons, compact, maniable, d’une économie extraordinaire, outil propice à la pérégrination, à la clandestinité, sera déterminant dans l’émergence de cette autre figure insolite qu’est le missionnaire, le militant. Les païens, par conformisme traditionaliste, étaient attachés à l’antique mode de transmission de l’écriture, et l’idée de convertir autrui n’appartenait pas à la Weltanschauung gréco-romaine. Nul doute qu’on ait là l’un des facteurs les plus assurés de leur défaite finale.

Le livre possède aussi une qualité intrinsèque, c’est que la disposition de ses pages reliées et consultables à loisir sur le recto et le verso, ainsi que la continuité de lecture que sa facture induit, le rendent apte à produire un programme didactique divisé en parties cohérentes, en une taxinomie. Il est par excellence porteur de dogme. Le canon, la règle, l’orthodoxie sont impliqués dans sa présentation ramassée d’un bloc, laissant libre cours à la condamnation de l’hérésie, terme qui, de positif qu’il était (c’était d’abord un choix de pensée et de vie) devient péjoratif, dans la mesure même où il désigne l’écart, l’exclu. Très vite, il sera l’objet précieux, qu’on parera précieusement, et qu’on vénérera. Les religions du Livre vont succéder à celles de la parole, le commentaire et l’exégèse du texte figé à la recherche libre et à l’accueil « sauvage » du divin.

Pour les Anciens, la parole, « créature ailée », selon Homère, symbolise la vie, la plasticité de la conscience, la possibilité de recevoir une pluralité de messages divins. Rien de moins étrange pour un Grec que la théophanie. Le vecteur oraculaire est au centre de la culture hellénique. C’est pourquoi les Oracles chaldaïques, création du fascinant Julien le théurge, originaire de la cité sacrée d’Apamée, seront reçus avec tant de faveur. En revanche la théophanie chrétienne est un événement unique : le Logos s’est historiquement révélé aux hommes. Cependant, sa venue s’est faite par étapes, chez les Juifs et les Grecs d’abord, puis sous le règne d’Auguste. L’incarnation du Verbe est conçue comme un progrès, et s’inscrit dans un temps linéaire. Tandis que le Logos, dans la vision païenne, intervient par intermittence. En outre, il révèle une vérité qui n’est cernée ni par le temps, ni par l’espace. La Sophia appartient à tous les peuples, d’Occident et d’Orient, et non à un « peuple élu ». C’est ainsi que l’origine de Jamblique, de Porphyre, de Damascius, de Plotin, les trois premiers Syriens, le dernier Alexandrin, n’a pas été jugé comme inconvenante. Il existait, sous l’Empire, une koïnè théologique et mystique.

9782251004143.jpgQue le monothéisme sémitique ait agi sur ce recentrement du divin sur lui-même, à sa plus simple unicité, cela est plus que probable, surtout dans cette Asie qui accueillait tous les brassages de populations et de doctrines, pour les déverser dans l’Empire. Néanmoins, il est faux de prétendre que le néoplatonisme fût une variante juive du platonisme. Il est au contraire l’aboutissement suprême de l’hellénisme mystique. Comme les Indiens, que Plotin ambitionnait de rejoindre en accompagnant en 238 l’expédition malheureuse de Gordien II contre le roi perse Chahpour, l’Un peut se concilier avec la pluralité. Jamblique place les dieux tout à côté de Dieu. Plus tard, au Ve siècle, Damascius, reprenant la théurgie de Jamblique et l’intellectualité de Plotin (IIIe siècle), concevra une voie populaire, rituelle et cultuelle, nécessairement plurielle, et une voie intellective, conçue pour une élite, quêtant l’union avec l’Un. Le pèlerinage, comme sur le mode chrétien, sera aussi pratiqué par les païens, dans certaines villes « saintes », pour chercher auprès des dieux le salut.

Les temps imposaient donc un changement dans la religiosité, sous peine de disparaître rapidement. Cette adaptation fut le fait de Numénius qui, en valorisant Platon le théologien, Platon le bacchant, comme dira Damascius, et en éliminant du corpus sacré les sceptiques et les épicuriens, parviendra à déterminer la première orthodoxie païenne, bien avant la chrétienne, qui fut le fruit des travaux de Marcion le gnostique, et des chrétien plus ou moins bien-pensants, Origène, Valentin, Justin martyr, d’Irénée et de Tertullien. La notion centrale de cette tâche novatrice est l’homodoxie, c’est-à-dire la cohérence verticale, dans le temps, de la doctrine, unité garantie par le mythe de la « chaîne d’or », de la transmission continue de la sagesse pérenne. Le premier maillon est la figure mythique de Pythagore, mais aussi Hermès Trismégiste et Orphée. Nous avons-là une nouvelle religiosité qui relie engagement et pensée. Jamblique sera celui qui tentera de jeter les fondations d’une Église, que Julien essaiera d’organiser à l’échelle de l’Empire, en concurrence avec l’Église chrétienne.

Quand les persécutions anti-païennes prendront vraiment consistance, aux IVe, Ve et VIe siècles, de la destruction du temple de Sérapis, à Alexandrie, en 391, jusqu’à l’édit impérial de 529 qui interdit l’École platonicienne d’Athènes, le combat se fit plus âpre et austère. Sa dernière figure fut probablement la plus attachante. La vie de Damascius fut une sorte de roman philosophique. À soixante-dix ans, il décide, avec sept de ses condisciples, de fuir la persécution et de se rendre en Perse, sous le coup du mirage oriental. Là, il fut déçu, et revint dans l’Empire finir ses jours, à la suite d’un accord entre l’Empereur et le Roi des Rois.

De Damascius, il ne reste qu’une partie d’une œuvre magnifique, écrite dans un style déchiré et profondément poétique. Il a redonné des lettres de noblesse au platonisme, mais ses élans mystiques étaient contrecarrés par les apories de l’expression, déchirée comme le jeune Dionysos par les Titans, dans l’impossibilité qu’il était de dire le divin, seulement entrevu. La voie apophatique qui fut la sienne annonçait le soufisme et une lignée de mystiques postérieure, souvent en rupture avec l’Église officielle.

Nous ne faisons que tracer brièvement les grands traits d’une épopée intellectuelle que Polymnia Athanassiadi conte avec vie et talent. Il est probable que la défaite des païens provient surtout de facteurs sociaux et politiques. La puissance de leur pensée surpassait celle de chrétiens qui cherchaient en boitant une voie rationnelle à une religion qui fondamentalement la niait, folie pour les uns, sagesses pour les autres. L’État ne pouvait rester indifférent à la propagation d’une secte qui, à la longue, devait devenir une puissance redoutable. L’aristocratisme platonicien a isolé des penseurs irrémédiablement perdus dans une société du ressentiment qui se massifiait, au moins dans les cœurs et les esprits, et la tentative de susciter une hiérarchie sacrée a échoué pitoyablement lors du bref règne de Julien.

Or, maintenant que l’Église disparaît en Europe, il est grand temps de redécouvrir un pan de notre histoire, un fragment de nos racines susceptible de nous faire recouvrer une part de notre identité. Car ce qui frappe dans l’ouvrage de Polymnia Athanassiadi, c’est la chaleur qui s’en dégage, la passion. Cela nous rappelle la leçon du regretté Pierre Hadot, récemment décédé, qui n’avait de cesse de répéter que, pour les Ancien, c’est-à-dire finalement pour nous, le choix philosophique était un engagement existentiel.

Claude Bourrinet

jeudi, 16 janvier 2020

In Praise of Rome’s Citizen Soldiers

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In Praise of Rome’s Citizen Soldiers

They fought for home and family, which was preferable to professional mercenaries only in it for the emperor's spoils.

Killing for the Republic: Citizen Soldiers and the Roman Way of War, Steele Brand, Johns Hopkins University Press, 370 pages

Steele Brand is a historian who pays not even lip service to historical determinism. The Roman Republic collapsed, Brand says, because of deliberate choices made by “grasping, ambitious and amoral” leaders who took advantage of a debased “culture” that became more “perfectly suited to autocracy” than to freedom. Brand’s book should be read with care by Americans as our republic enters its twilight, as the ambitions of our political class replace the traditions of our ancestors.

Readers of many tastes will receive great enjoyment from Brand’s book. For those interested in general history, Brand provides a readable, engaging political history of the Roman Republic from the Roman kings to the rise of Augustus. He overlays a fascinating account of the development of Roman military strategy, tactics, weaponry, and chain of command, as well as providing detailed accounts of some of the most important battles of the Roman Republic, such as Sentinum, New Carthage, Pynda, Mutina, and Philippi. He also opens a window into the public spiritedness, or “civic virtue,” of the typical soldier of the Republic, who loved Rome, not out of greed or ambition, but because it protected his “little platoon,” his family and his farm. Fighting for the things these soldiers loved concretely made them particularly lethal.

killing.jpgThe book, moreover, is stocked with well-selected quotes from great writers and historians of the time, such as Livy, Plutarch, Polybius, and Cicero, who were contemporaries of, or even participants in, the greatest events of the Republic. I have read all these authors, though I must admit that Brand gave me new appreciation for their writings by placing them firmly in their historical context.

What’s really not to be missed in the book are the last 100 pages, which provide a riveting account of the vicious political jockeying and outright civil wars that came in the wake of the assassination of Julius Caesar. While the historical events of the 1st century B.C. are not analogous to America’s current political turmoil, i.e. Donald Trump is not Julius Caesar, there are recognizable character flaws common to both the men who were willing to overthrow the Roman constitutional order and our current hubristic political class.

The Roman and American situations run parallel in that republics fall apart when the ambitions of amoral actors create such partisan rancor that they create competing claims of “legitimacy.” When political opponents become existential outlaws or are seen as wholly illegitimate, the nation slouches toward civil war. Here in America, magnanimity in politics is replaced by viciousness. And in the 1st century B.C., questions of political legitimacy put the Roman army into play: “At a time when Roman soldiers were being given conflicting information about who was legitimate, any commander became fair game for desertion, betrayal, or assassination if he behaved incompetently or failed to look out for their interests.”

Refreshingly, Brand is a partisan for the Roman Republic. He believes that a mixed regime, with both popular and aristocratic elements, is far preferable to vesting all political power in an emperor. And he believes that a citizen-soldier army that fights for its farms and families is preferable to a professional, mercenary army that fights for the booty dispensed by that emperor. Julius Caesar, he says, “deserves his place in history alongside other great generals like Cyrus, Alexander, Attila, Genghis Khan, Cortés, and Napoleon, but like them, he was nothing short of a monster.”

Brand ominously points out that most of the Framers of the U.S. Constitution, as well as Thomas Jefferson, were fans of the great Roman republican figures, such as Brutus and Cicero, while Americans today are more likely to be fans of Caesar, who is “admired as an exemplar of courage, decisiveness, skill, genius, and good fortune.” It is somewhat disconcerting that the American imagination now prefers the one to the other.

Finally, while Brand acknowledges that the Roman Republic sometimes pushed other people around, its constant warfare seems not to have been a general symptom of imperialism but a historical necessity. “During the time frame in which Rome rose to power,” he writes, “international state systems were declining or totally absent, and anarchy and lawlessness were at their peak. Law, justice, order and peace were impossible to maintain in a Hobbesian world where every state was as militaristic as the next.”

Unlike post-Cold War America, where a foreign invasion is unthinkable, the Roman Republic had been viciously sacked by the Gauls and nearly destroyed by Hannibal in the Second Punic War. For most of the Republic’s existence, “forever war” was a necessity, not a choice; in the contemporary American case, forever war is not a necessity, but a choice.

That said, when the virtue of many of the leading figures in Rome became debauched, the presence of a large military was undoubtedly a factor in the demise of the Republic. When the Republic displayed a crisis of legitimacy, the army turned on itself and “these citizen-soldiers were no longer killing for the Republic. They were killing it.”

There is a parallel danger in contemporary America. We now have a gigantic military-intelligence-industrial complex that seems to question the legitimacy of a duly-elected president and is willing to scheme unconstitutionally for his demise. A large-scale politicization of our huge national security establishment would be an ominous development indeed. When the ethos of that national security community has degenerated from the nonpartisan statesmanship of a George Marshall to the scheming partisanship of a John Brennan, it is apparent that the recovery of genuine statesmanship is the only thing that can save us from the Roman Republic’s fate.

William S. Smith is research fellow and managing director at the Center for the Study of Statesmanship at The Catholic University of America. His latest book is Democracy and Imperialism, published by the University of Michigan Press.

mercredi, 11 décembre 2019

La physique comme exercice spirituel chez Marc Aurèle

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La physique comme exercice spirituel chez Marc Aurèle

Nombreux sont les exercices spirituels dans la philosophie stoïcienne: méditation de la mort, prévision des maux, examen de conscience, regard d’en haut, concentration sur l’instant présent, contemplation de la nature, méditation de maximes, lecture, écriture, etc. La liste pourrait s’allonger encore, et j’ai eu l’occasion, au cours des dernières années, d’en présenter quelques-uns. Pour Epictète, il est nécessaire que le véritable philosophe mette en pratique le discours théorique, et cette mise en pratique du discours philosophique passe, précisément, par un certain nombre d’exercices spirituels. Pour bien comprendre le lien étroit entre discours et mode de vie philosophique, c’est-à-dire entre theôria et praxis, et pour comprendre comment le discours philosophique est mis en pratique par le véritable philosophe à travers les exercices, je prendrai aujourd’hui l’exemple de la physique[1], à partir de la lecture des Pensées de Marc Aurèle. Comment mettre en pratique la physique stoïcienne, et quels exercices proposent Marc Aurèle à cet égard ?

Marc Aurèle, empereur romain et philosophe stoïcien

Au livre X des Pensées pour moi-même, Marc Aurèle revient à plusieurs reprises sur les principes de la physique stoïcienne, rappelant non seulement à quoi correspond l’étude de la nature (phusis), mais montrant également comment faire de la physique un exercice à part entière, permettant au philosophe d’atteindre l’ataraxie, c’est-à-dire l’absence de trouble ou la tranquillité de l’âme, fondement du bonheur stoïcien. Le premier passage, tout en rappelant ce qu’étudie la physique, à savoir la nature des choses, rappelle l’importance de cette partie du discours philosophique :

« Le mime, la guerre, la peur, l’engourdissement, l’esclavage effaceront jour par jour en toi ces dogmes sacrés que tu imagines, sans les appuyer sur l’étude de la nature, et que tu négliges. Il faut tout voir, tout faire pour que, tout en accomplissant ce qu’exigent les circonstances, reste en même temps active ta faculté d’étudier et se conserve, de la science de chaque objet, une confiance inaperçue, mais non pas cachée. Quand pourras-tu en effet jouir de la simplicité, de la gravité, de la connaissance de chaque chose : ce qu’elles sont essentiellement, leur place dans le monde, la durée naturelle de leur existence, de quoi elles se composent, à qui elles doivent appartenir, qui peut les donner et les enlever ? » (Marc Aurèle, Pensées, X, 9)

La connaissance de la nature de chaque chose est essentielle pour la vie philosophique, et nécessite de la part du philosophe une étude de la nature qu’il doit prendre au sérieux. Plus encore, l’étude de la nature doit être un exercice quotidien. Pourquoi ? Qu’est-ce que la connaissance de la nature de chaque objet apporte au philosophe ? Qu’est-ce que la physique apporte au philosophe dont le but est d’atteindre le bonheur ? Marc Aurèle esquisse une réponse dans la pensée suivante, toujours au livre X :

« Acquiers une méthode pour observer comment les choses se changent l’une en l’autre ; fais-y continuellement attention, et exerce-toi de ce côté ; car rien n’est plus capable de produire les grandes pensées. Il s’est dépouillé de son corps, celui qui pense qu’il faudra sans délai abandonner tout cela en quittant les hommes ; il s’en remet à la justice en ce qui concerne ses propres actions, et à la nature universelle dans toutes les autres circonstances. Ce qu’on peut dire ou penser de lui, ce qu’on peut contre lui, ne lui vient même pas à la pensée ; il se contente de ces deux règles : agir avec justice dans ses actions présentes, aimer le sort qui lui est présentement attribué ; il laisse de côté toutes les affaires, tous les soucis ; il ne veut rien autre que marcher droit grâce à la loi, et suivre Dieu qui marche droit. » (Marc Aurèle, Pensées, X, 11)

Dans ce passage, Marc Aurèle précise que l’étude quotidienne de la nature, donc la physique, considérée ici comme un exercice quotidien, permet au philosophe de se détacher de son corps, et de manière générale, de tout ce qui ne dépend pas de lui (y compris « ce qu’on peut dire ou penser de lui, ce qu’on peut contre lui », c’est-à-dire le jugement des autres, et leurs méfaits contre lui), d’agir avec justice et d’accepter les choses telles qu’elles arrivent. Telles sont les « pensées » que produit l’étude de la nature et qui permet au philosophe de vivre de manière droite, c’est-à-dire de manière conforme à la nature. Le but de la physique, pour Marc Aurèle, est de prendre conscience de la nature des choses par l’étude et d’agir conformément aux résultats de cette enquête : « Qu’est tout cela [la physique] sinon les exercices d’un discours qui se rend compte exactement, d’après la science de la nature, des choses de la vie ? » (Marc Aurèle, Pensées, X, 31)

MA-p2.jpgIl existe plusieurs types d’exercices spirituels liés à l’étude de la nature, et donc à la physique. Pour Pierre Hadot, le premier exercice stoïcien qui permet de mettre en pratique la physique stoïcienne, c’est l’exercice qui consiste à « se reconnaître comme partie du Tout, à s’élever à la conscience cosmique, à s’immerger dans la totalité du cosmos » (P. Hadot, 1995, p. 211). C’est l’exercice du regard d’en haut, qui consiste à s’élever par l’imagination et considérer toutes choses dans la perspective de la raison universelle[2]. Regarder les choses humaines d’en haut, en prenant de la distance, c’est permettre de relativiser, de remettre toutes choses, y compris notre propre existence, dans le contexte plus large de l’ordre universel auquel nous appartenons, c’est considérer la petitesse de l’homme dans l’immensité de l’univers et la courte durée de notre existence comparée à l’histoire des hommes et du monde.

Quelques exemples de cet exercice du regard d’en haut tel qu’il est décrit et pratiqué par Marc Aurèle dans les Pensées :

« L’Asie, l’Europe, des coins du monde ; la mer entière, une goutte d’eau dans le monde ; l’Athos, une motte de terre dans le monde ; le présent tout entier, un point dans l’éternité. Tout est petit, fuyant, évanouissant. » (Marc Aurèle, Pensées, VI, 36)

« [Platon] ”Pour une pensée généreuse, qui contemple le temps tout entier et la substance entière, crois-tu que la vie humaine paraisse être une grande chose ? – Impossible, dit-il. – Donc elle ne verra dans la mort rien de terrible ? – Nullement”. » (Marc Aurèle, Pensées, VII, 35)

« Belle idée de Platon. Oui, quand on parle des hommes, il faut examiner aussi de haut les choses terrestres, les rassemblements, les armées, les mariages et les ruptures, les naissances et les morts, le tumulte des tribunaux, les contrées désertes, les diverses populations barbares, les fêtes, les deuils, les marchés, tout ce mélange et l’ordre qui naît des contraires. » (Marc Aurèle, Pensées, VII, 48)

« Tu peux t’enlever bien des obstacles superflus, s’ils dépendent entièrement de ton jugement ; et tu te donneras un champ très vaste, si tu embrasses par la pensée le monde entier, si tu penses à l’éternité du temps et au changement rapide de chaque être en particulier, si tu vois combien est court le temps qui va de sa naissance à sa dissolution, quel temps immense il y a eu avant sa naissance, quelle infinité il y aura après sa dissolution. » (Marc Aurèle, Pensées, IX, 32)

« Lucilla vit mourir Vérus ; puis Lucilla mourut. Secunda vit mourir Maximus ; puis Secunda mourut ; Epitychanos vit mourir Diotime ; puis il mourut ; Antonin vit mourir Faustine ; puis il mourut. Tout est pareil : Hadrien avant Céler, puis Céler. (…) Tout est éphémère ; tout est mort depuis longtemps ; de certains on ne se souvient même pas, si peu que ce soit ; d’autres se sont changés en personnages mythiques ; d’autres ont même déjà été effacés des mythes. Donc se souvenir que le composé qui est toi-même devra se disperser, ton souffle ou bien s’éteindre ou bien s’en aller et être transporté ailleurs. » (Marc Aurèle, Pensées, VIII, 25)

L’exercice du regard d’en haut, lié à la physique, c’est-à-dire à l’étude de l’homme, des choses et de l’univers tels qu’ils sont, permet au stoïcien de « regarder les choses avec détachement, distance, recul, objectivité, telles qu’elles sont en elles-mêmes » (P. Hadot, 1995, p. 316), sans être dans l’illusion, sans accorder une trop grande valeur à ce qui n’est qu’une minuscule partie de l’univers dans lequel nous vivons. Cette prise de conscience de soi et des choses qui nous entourent comme faisant partie d’un Tout qui nous dépasse, c’est cela la conscience cosmique, cette expansion du moi vers le Tout qui caractérise la philosophie stoïcienne, et qui s’exerce au quotidien par un certain nombre d’exercices comme ceux que pratiquent Marc Aurèle. L’objectif de ces exercices est de prendre conscience d’être un rouage du Tout, une partie de la Nature universelle, et d’être capable de dire, comme Marc Aurèle :

« Il t’est arrivé quelque chose ? C’est fort bien ; tout ce qui t’arrive vient de l’univers et dès le principe était dans ta destinée et dans ton lot. » (Marc Aurèle, Pensées, IV, 26)

« Quoi qu’il t’arrive, cela t’était préparé dès l’éternité ; c’est dans l’entrelacement des causes que, dès l’éternité, a été filée ton existence et ce qui t’arrive. » (Marc Aurèle, Pensées, X, 5)

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Vouloir que ce qui arrive arrive comme il arrive est le but avoué de l’étude de la nature. La physique, comme exercice spirituel, doit donc être quotidienne, afin de permettre au philosophe d’accepter chaque jour son destin. Se connaître soi-même comme partie de la nature permet en effet au philosophe d’accepter l’ordre de l’univers, de ne pas aller contre le destin mais d’y assentir, au contraire : « Le propre de l’homme de bien est d’aimer les dieux, d’accueillir les événements et tout ce qui lui vient du destin » (Marc Aurèle, Pensées, III, 16).

L’étude de la physique est un bon exemple du lien étroit qui existe, pour les stoïciens, entre le discours philosophique et la pratique d’un mode de vie philosophique. À la base de la physique comme exercice spirituel, on a un dogme ou un principe physique, par exemple la position stoïcienne concernant la Nature et la Providence, ainsi que la place de l’homme dans cet ordre universel (unité et rationalité de la Nature universelle, dont l’homme est une partie en tant que raison individuelle). Et par un certain nombre d’exercices pratiqués quotidiennement, le philosophe stoïcien peut mettre en pratique ces principes de la physique stoïcienne et intérioriser de plus en plus, dans ses pensées et dans son comportement, les principes de la physique. Ainsi, par l’étude de la physique, l’assentiment au destin lui permettra, petit à petit, de ne plus être troublé par les événements extérieurs auxquels il est confronté, et lui permettra d’atteindre l’ataraxie recherchée par la philosophie stoïcienne.

Notes

[1] Sur la physique comme exercice spirituel, voir P. Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique?, Paris, Gallimard, 1995, p. 316-322 et surtout P. Hadot, “La physique comme exercice spirituel ou pessimisme et optimisme chez Marc Aurèle”, in P. Hadot, Exercice spirituels et philosophie antique, Paris, Editions Albin Michel, 2002, p. 145-164.

[2] Sur l’exercice du regard d’en haut, voir P. Hadot, 1995, p. 314-316.


Crédits photographiques: Marc Aurèle, par gregory lejeune, Domaine Public; Morpho sp., par Thomas bresson, Licence CC BY; La Bataille d’Issos, par Altdorfer, Domaine Public; Hubble sees spiral in Serpens, par Nasa Goddard Flight Space Center, Licence CC BY.

Citer ce billet: Maël Goarzin, "La physique comme exercice spirituel chez Marc Aurèle". Publié sur Comment vivre au quotidien? le 19 février 2017. Consulté le 11 décembre 2019. Lien: https://biospraktikos.hypotheses.org/2706.

La magnanimité, à l’origine du péril européen ?

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La magnanimité, à l’origine du péril européen ?

par Jean de la Prairie

Ex: https://institut-iliade.com

S’il est une vertu qui dépasse les autres par sa beauté, sa hauteur, sa superbe, elle pourrait être la magnanimité. Apanage des princes, privilège des puissants, elle est l’expression du désintéressement de la force face à la petitesse.

Cette vertu, intimement européenne, fut possédée par de nombreux souverains. Attardons-nous sur la figure de l’empereur Marc Aurèle.

L’homme, s’il faut le décrire, usait de toute sa raison pour contrôler ses passions. À 12 ans seulement, bien qu’appelé à un destin hors du commun, il décide de revêtir le manteau de laine grossière des stoïciens et refuse toute autre couche que le sol dur et froid de sa chambre, souhaitant vivre en ascète philosophe. Devenu empereur, un de ses premiers actes est de nommer son frère Lucius également Auguste, alors que leur père a tout fait pour écarter ce dernier du pouvoir. Lucius, mou et frivole, vécut comme son père l’avait pressenti, en épicurien, laissant à son frère la charge incommensurable de l’immense empire. Marc Aurèle fermera continuellement les yeux sur les frasques fraternelles…

Une faiblesse, dira-t-on. Comment ne pas juger Lucius Verus Aurelius, Auguste décadent ? Comment surtout ne pas juger Marc Aurèle pour cet acte d’indulgence envers son frère ? N’y trouvons-nous pas l’origine de la faiblesse européenne actuelle, de cette empathie omniprésente pour les faibles et de cette indulgence envers la frivolité et le désordre ?

Marc Aurèle, le magnanime, se refusait de juger l’acte d’une personne. Bien ou mal, cela ne peut se définir que pour soi-même. Il fit ainsi preuve d’une grande indulgence et de patience envers ceux qui, à ses yeux, se trompaient. Il souhaitait les instruire pour les faire changer. Comment, une fois encore, ne pas faire un parallèle avec notre justice actuelle qui juge l’action d’un homme contre la communauté avec mansuétude à la moindre repentance éphémère et dans l’espoir naïf de sa conversion ?

L’empereur était très attaché à la notion de transformation : « Le monde est changement ; la vie, remplacement. » (Pensées pour moi-même, livre IV, § III). Par l’observation de la nature il défend l’idée du perpétuel changement. Inévitablement le fruit mûr pourrira, le jeune vieillira, la vie mourra. Il faut donc l’accepter, négliger la mort et vivre chaque jour comme le dernier. Certains n’y voient que l’excuse d’un faible assistant inexorablement et passivement à sa chute et sa disparition. Le raisonnement de Marc Aurèle ne justifie-t-il pas en effet celui de nos contemporains face à la disparition de l’homme blanc qu’ils jugent inéluctable ? De l’aveu d’une telle ligne de pensée, nous ne serons ni la première ni la dernière civilisation à disparaître. L’héritage stoïcien en devient délétère parce qu’il endort les consciences par toujours plus de fatalisme et l’homme bien-pensant en oublie l’instinct de survie.

Chère à Marc Aurèle, la recherche de la constance et de la retenue en tout permet-elle l’expression de la civilisation européenne, « peuple de poètes, d’artistes, de héros, de saints, de penseurs, d’hommes de science, de navigateurs, de migrateurs » ? Nul doute qu’être dépassionné, sans colère, sans émotion, sans désir, affaiblit ce peuple en affadissant sa conscience : Marc Aurèle, en promouvant la philosophie stoïcienne comme modèle de vie, aurait donc posé les bases de l’anesthésie de la conscience européenne face au désordre et à l’ambition de perdurer de siècle en siècle.

Pourtant, c’est faire procès un peu vite que de raisonner de la sorte. Attachons-nous d’abord aux faits historiques. L’Empire romain est à son apogée, la Pax Romana est de rigueur de la Perse jusqu’au mur d’Hadrien. L’accession au trône par Marc Aurèle fut marquée par la recrudescence des guerres aux périphéries de l’Empire. L’empereur guerroya contre les ennemis de l’Empire sans jamais remettre en cause le bien fondé de son action : « Le repentir n’est qu’un blâme qu’on se donne à soi-même d’avoir négligé quelque chose d’utile » (Pensées pour moi-même, livre VII, § X). Et force est de constater que pour lui la défense de l’Empire et de ses frontières est chose utile.

MApensees.jpgLes guerres se succédèrent, à peine la guerre (161–166) contre les Parthes (Perses) est-elle terminée, que les barbares menacent directement le nord de l’Italie. Il faut plus de cinq années (169–175) à l’empereur pour venir à bout de cette menace. C’est alors qu’une rumeur de la mort de Marc Aurèle conduit Avidius Cassius, gouverneur d’une large partie de l’Orient, à se proclamer empereur. Mais en juillet 175, celui-ci est assassiné et sa tête envoyée à Marc Aurèle. Ce dernier regretta sa mort, sûr de son repentir. Enfin, dès 177, Marc Aurèle doit repartir guerroyer sur la frontière danubienne où il y mourra (180).

Impossible donc de ne pas reconnaître en Marc Aurèle le modèle d’un grand européen. Il travailla incessamment à procurer la liberté à son peuple, par la simplicité, la douceur et la modestie (Pensées pour moi-même, livre VIII, § LI.), mais aussi, comme le témoigne sa vie, par la force lorsqu’il y fut contraint.

Il accepta son destin sans en désirer un autre, il y fit face chaque jour avec toute sa force et sa raison. « C’est pour faire œuvre d’homme » qu’il s’éveilla chaque matin, pour travailler à embellir « l’ordre du monde ». De même, Marc Aurèle insiste sur le caractère naturel d’œuvrer pour le bien commun. « Toute nature est contente d’elle-même lorsqu’elle suit la bonne voie […] lorsqu’elle dirige ses impulsions vers les seules choses utiles au bien commun. » Quelle leçon pour notre société moderne, et pour nous autres Européens ! Son action fut donc au service du bien commun car seul cela importe. Faire œuvre de bien commun aujourd’hui, c’est s’inscrire dans la lignée de Marc Aurèle qui défendait les frontières de son empire pour préserver la Pax Romana, la liberté et la justice. Notre civilisation européenne devrait donc réfléchir à redéfinir son bien commun, sa justice et sa liberté afin que ses enfants œuvrent chaque jour à les embellir.

Marc Aurèle ajoutait que « le moyen de faire avec gravité, avec douceur, avec liberté et avec justice tout ce que tu fais, c’est de faire chaque action comme si elle était la dernière de ta vie ». Plus de fatalisme comme nous le pensions au début de notre réflexion, mais de la grandeur dans l’acte ! En effet par là même, il insuffle à toute chose, même les plus petites, une grandeur exaltante. Il est loin le démon de l’anesthésie de la conscience car ne pas être soumis à ses désirs et ses passions n’empêche pas d’agir avec profondeur, avec la parfaite conscience que nos actes portent du fruit s’ils sont posés avec intensité et désintéressement. Le fruit est beau s’il œuvre pour le bien. L’ordre, la justice, la liberté sont les fruits exquis hérités de nos aïeux que nous transmettrons à notre descendance.

Au XVIIIe siècle, dans son Essai sur l’éducation morale de la jeunesse (intitulé « Les Beautés de l’histoire tirées des auteurs anciens et moderne de toutes les nations »), L. C. Morlet disait que « la magnanimité est l’amour des grandes choses, c’est un attachement inviolable pour le beau, le grand, le difficile et l’honnête. » Si Marc Aurèle est un modèle européen, c’est parce qu’il n’a eu de cesse de travailler à acquérir cette vertu en se remettant en cause chaque jour : « Souviens-toi que […] magnanime signifie pour toi la prééminence de la partie raisonnable sur les émotions douces ou rudes de la chair, sur la gloriole, la mort et toutes choses semblables. » Posons-nous donc également la question chaque jour quant à nos actes. Ainsi le rejet des actes inutiles et leur remise en question feront de nous des Européens, par l’attachement inviolable au beau à travers la recherche difficile de l’excellence.

Être européen, c’est accepter l’héritage de la pensée philosophique des Anciens, pensée qui, avant même le christianisme, porte en son sein la possible cause de sa destruction par ses ennemis. Elle se montre tendre, généreuse, pleine de compassion et d’indulgence. Nos adversaires l’ont compris. Mais la possible cause de sa destruction est aussi sa grandeur ! L’Européen raisonne, invente, se remet en cause, pardonne et se repent, admire et respecte ses ennemis pour tenter (toujours !) de s’en faire des alliés, certain que sa grandeur est le fruit de la liberté dans laquelle tous ses talents s’expriment.

L’Européen ne peut être libre qu’en prenant conscience de cette vérité ; sa force se déploie à partir de sa faiblesse. Tout comme Achille ne peut se séparer de son talon, qui est ce qui le définit, l’Européen ne peut se défaire de sa magnanimité. Mais il sait que sa survie nécessite de briser avec la plus grande fermeté une à une les flèches de Pâris, en usant de toute sa grandeur d’âme et de sa raison pour voir plus grand, plus loin, plus beau et tenter de s’en faire un ami.

S’il veut être lui-même, il lui faut être magnanime !

Jean de La Prairie — Promotion Marc Aurèle

Sources

  • Page Wikipédia Marc Aurèle
  • Marc Aurèle, Pensées pour moi-même.
  • Abbé de La Porte, L’Esprit des monarques philosophes, Amsterdam, Paris, 1764.
  • L. Morlet, Les Beautés de l’Histoire tirées des auteurs anciens et modernes de toutes les nations ou Essai sur l’éducation morale de la jeunesse, 1774. Disponible en édition à la demande.

jeudi, 16 mai 2019

L'universale significato spirituale della Romanità

 
Giandomenico Casalino
 
Ex: https://www.ereticamente.net
 
1)”Il Vero è l’Intero. L’Intero però, è solo l’essenza che si compie mediante il proprio sviluppo. Dell’Assoluto, infatti, bisogna dire che è essenzialmente un Risultato, che solo alla fine è ciò che è in Verità”. Hegel, Prefazione alla Fenomenologia dello Spirito.

2) Tale passo è la presentazione universale del concetto della Vita di ogni organismo dello Spirito, sia nel microcosmo come nel macrocosmo: l’uomo, l’universo, la Romanità… Pensare in guisa intensa i concetti profondissimi ivi presenti, conduce alla comprensione dell’Intero significato della Tradizione di Roma, proprio perché Realtà vivente.

louve.jpg3) Tale conoscenza non è sapere se non è innanzitutto uno stato dell’essere; lo stato dell’essere è vedere l’Invisibile, che è l’Indicibile, ma per colui che è Essere non è che l’Uno, l’Istante che è fuori dal tempo: colui che vive nella dimensione dello Spirito è nel tempo pur essendo, nella radice, fuori dal tempo, vedrà il Divenire che è Essere, come indica l’enigmatico sorriso dell’Apollo di Veio, Egli, sorridendo della nostra stupidità, accenna, svela e rivela la Verità: l’Assoluto, il Divino è semplicemente ciò che tu vedi e che sei! Tu però non lo sai!

4) Roma, nella sua essenza metafisica, nella sua potenza spirituale, nella sua eterna presenza come Simbolo dell’Ordine Cosmico, come Umbelicus Mundi, come Asse che non vacilla dell’Europa, è ciò che tu vedi se lo sei! È ciò che è se tu lo fai, lo vivi e lo crei, in ogni momento, in ogni Istante della tua vita, che sarà così il Rito filosofico interiore, come creazione costante del Kathekòn in quanto Limes nei confronti delle Tenebre e quindi  iniziazione all’Eterno.

5) È, quindi, necessario, oggettivamente necessario, come legge dello Spirito, acquisire il “mutamento di punto di vista”, di “stato mentale” in cui consiste, in buona sostanza, quello che Evola definisce lo stato dell’Essere interiore e, quindi, la sua manifestazione esterna che è la “Visione del mondo” che, se è necessario possedere in termini virtuali o potenziali, atteso che la stessa non si acquisisce sui libri né con altri strumenti se non la si possiede in potenza sin dalla nascita come “forma interna o carattere”, è vero anche che tutto ciò, secondo proprio il principio fondamentale della nostra Tradizione, che è il comando apollineo di Delfi: “conosci te stesso!”, deve essere però consapevolmente conosciuto e cioè esperimentato divenendo concretamente esso stesso!

CASALINO-3-1.jpgSi conosce solo ciò che si è e si è solo ciò che si conosce. Gli Dei non esistono a priori (per fede) ma esistono solo se si conoscono e si conoscono solo se si esperimentano, quindi esistono solo per colui il quale li esperimenta, cioè li vive e quindi li conosce; nel senso che, pur esistendo da sempre, per colui il quale non li conosce Essi non esistono. Tale è il significato della frase: “I Greci non credevano negli Dei; poiché li  vedevano!”

6) Se si vuole vivere l’esperienza spirituale dell’agire e della conseguenziale visione, tipica dell’Ascesi dell’Azione che qualifica la Romanità, della realizzazione, mediante il Rito giuridico-religioso, “del fenomenico per effetto della azione magica sul Numenico”, è necessario Sapere-Vedere  (non guardare…) che il Sé, la Mente, il Pensiero, che è l’Invisibile, è il Numenico e che solo agendo nell’Invisibile, cioè nel Pensiero e sul Pensiero, nella Mente e sulla Mente, nell’Animo e sull’Animo, cioè agendo sulla Causa, che è lo Spirito, creando la Forma in essa Causa, la stessa  Forma si riverbera, si riflette nello specchio che è il fenomenico e cioè il Mondo e così esso appare ed è conforme, identico al Numenico cioè al Pensiero che lo ha causato e ciò dimostra, tale processo dimostra che la paideia ed il mos majorum, sono la causa generatrice del Mondo, della Res Publica, dell’Ordine Giuridico-Religioso e quindi Politico: che è l’Idea realizzata nella storia di Juppiter Optimus Maximus. Tutto ciò è vero solo se è stato della Mente, che è stato dell’Essere, ed è vero solo se si è conseguenzialmente l’Uomo Nuovo,  Uomo che pensa, vede e quindi è l’Uomo aperto al Mondo, l’Uomo che non dice e non pensa mai in termini di “Io” ma sempre in termini del Noi, perché sente e sa di essere Noi; poiché la Romanità è Noi!

7) Essere Noi (ed è il secondo “momento dello Spirito”) significa entrare nel Mondo, superare e vincere la falsità dualistica dell’Io e del Mondo, del soggetto e dell’oggetto, della Trascendenza e della Immanenza  ed essere quindi realtà spirituale, esistenziale e concreta  e quindi Intero che è, secondo la nostra Tradizione classica Greco-Romana, l’Athanòr nella Filosofia Ermetica, l’Uno il Tutto nella Tradizione Platonica, la Res Publica Universale nella Romanità, l’Intero medesimo e cioè l’Assoluto nel significato che ha rivelato la Sapienza di Hegel. Tale è secondo la cultura tradizionale il vivere che coincide con l’essere che è il pensare, significando ciò Roma come l’Idea Vivente  e si ritorna al principio secondo cui il Pensiero è il Tutto essendo la Causa di Tutto, atteso il fatto che, se non vi è il mutamento di “stato”, il “Risveglio”, anche il Mondo continua ad essere caos ed oblio, oscurità e nebbia: solo nel “momento” in cui si “conosce se stessi”, il Mondo è salvo, il Mondo è Cosmos, Ordine, Unità; anzi il Sapere e l’Essere lo stato corrispondente, consente di acquisire la Conoscenza che quell’Ordine e quella Unità del Mondo ci sono da sempre, ab aeterno, solo che non lo si sapeva poiché non lo si era.

Giandomenico Casalino

jeudi, 25 avril 2019

L’Empire du mensonge : Comment nous nous effondrons de la même manière que l’Empire romain

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L’Empire du mensonge : Comment nous nous effondrons de la même manière que l’Empire romain

par Ugo Bardi & Dmitry Orlov

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com 

On dit parfois que le Diable est « Le Père du mensonge ». C’est une définition appropriée pour une créature qui n’existe même pas, si ce n’est comme le fruit de l’imagination humaine. Satan est un égrégore maléfique que nous avons nous-mêmes créé, une créature qui semble de plus en plus grande derrière notre actualité. La récente arrestation de Julian Assange n’est que le dernier acte d’un Empire qui semble vouloir vraiment créer sa propre réalité, un acte qui, en soi, ne serait pas nécessairement mauvais, mais qui le devient quand il implique de détruire toutes les autres réalités, y compris la seule vraie. 

Note du Saker Francophone
 
Dmitry Orlov a aussi publié cet article avec quelques commentaires que vous retrouverez ci dessous.

Comme notre empire moderne, l’ancien empire romain s’est retrouvé dans une spirale de mensonges dont il n’a jamais pu sortir : les Romains n’ont jamais trouvé le moyen de concilier leurs vues avec la réalité et ce fut leur perte. Aujourd’hui, la situation semble être la même mais, dans notre cas, notre orgueil semble être beaucoup plus grand qu’à l’époque romaine. Et c’est là l’origine de ce que nous voyons. Finalement, l’Empire mondialisé finira par s’effondrer sous le poids des mensonges qu’il a créés. 

Dans un premier temps, j’ai pensé commenter l’actualité récente en reproduisant un post « L’Empire du mensonge » que j’ai publié ici il y a environ un an, dans lequel je décrivais comment la transition de l’Empire romain au Moyen Âge était principalement une transition épistémologique, où il appartenait au Christianisme de rétablir la confiance que l’ancien empire avait perdue – le Moyen Âge était loin d’être « un âge sombre ». Mais, finalement, j’ai pensé publier quelque chose que j’avais à l’esprit sur la façon dont l’Empire romain et l’Empire occidental moderne suivent des trajectoires parallèles dans leur mouvement vers leurs falaises respectives de Sénèque. 

Voici donc mon évaluation de l’effondrement romain, basée sur l’excellent livre de Dmitry Orlov, Les cinq étapes de l’effondrement. Juste une note : dans le livre, Orlov ne décrit pas la phase post-effondrement de l’Union soviétique qui s’est terminée avec la Russie redevenue un pays prospère et uni, comme elle l’est aujourd’hui. C’était un bon exemple du Rebond de Sénèque – il y a la vie après l’effondrement et il y aura une nouvelle vie après que l’Empire maléfique du mensonge aura disparu.

Les cinq étapes de l’effondrement de l’Empire romain 

Dmitry Orlov a écrit Les cinq étapes de l’effondrement sous forme d’un article en 2008 et d’un livre en 2013. C’était une idée originale pour l’époque de comparer la chute de l’Union soviétique à celle des États-Unis. En tant que citoyen américain né en Russie, Orlov a pu comparer en détail les deux empires et noter les nombreuses similitudes qui ont conduit les deux à suivre la même trajectoire, même si le cycle de l’empire américain n’est pas encore terminé. 

Pour renforcer l’analyse d’Orlov, je pensais pouvoir appliquer les mêmes cinq étapes à un empire plus ancien, l’Empire romain. Et, oui, les cinq étapes s’appliquent bien aussi à ce cas ancien. Alors, voici mon point de vue sur le sujet. 

Pour commencer, une liste des cinq étapes de l’effondrement selon Orlov :

Étape 1 : Effondrement financier.
Étape 2 : Effondrement commercial.
Étape 3 : Effondrement politique.
Étape 4 : Effondrement social.
Étape 5 : Effondrement culturel. 

Voyons maintenant comment ces cinq étapes se sont déroulées pendant la chute de l’Empire romain. 

Étape 1 – Effondrement financier (IIIe siècle après J.-C.). Le système financier de l’Empire romain n’était pas aussi sophistiqué que le nôtre, mais, tout comme notre civilisation, l’Empire était basé sur l’argent. L’argent était l’outil qui gardait l’État uni : il servait à payer les légions et les bureaucrates et à faire en sorte que le système commercial approvisionne les villes en nourriture. La monnaie romaine était une marchandise physique : elle était basée sur l’argent et l’or, et ces métaux devaient être extraits. C’était le contrôle romain sur les riches mines d’or du nord de l’Espagne qui avait créé l’Empire, mais ces mines ne pouvaient pas durer éternellement. À partir du 1er siècle, le coût de l’exploitation minière des veines épuisées est devenu un fardeau de plus en plus lourd. Au IIIe siècle, le fardeau était trop lourd à porter pour l’Empire. Ce fut l’effondrement financier dont l’Empire n’a jamais pu se remettre complètement. 

Étape 2 – Effondrement commercial (Ve siècle après J.-C.). L’Empire romain n’avait jamais vraiment été un empire commercial ni une société manufacturière. Elle était spécialisée dans la conquête militaire et préférait importer des articles de luxe de l’étranger, certains, comme la soie, venant de l’autre côté de l’Eurasie, de Chine. En plus des légions, l’Empire ne produisait que deux marchandises en grandes quantités : du grain et de l’or. De ces produits, seul l’or pouvait être exporté sur de longues distances et il disparut rapidement en Chine pour payer les importations coûteuses que les Romains avaient l’habitude d’acheter. L’autre produit, le grain, ne pouvait pas être exporté et a continué à être commercialisé à l’intérieur des frontières de l’Empire pendant un certain temps – l’approvisionnement en grain venant des greniers d’Afrique et du Proche-Orient était ce qui maintenait en vie les villes romaines, Rome en particulier. Après l’effondrement financier, les lignes d’approvisionnement sont restées ouvertes parce que les producteurs de céréales n’avaient pas d’autre marché que les villes romaines. Mais, vers le milieu du Ve siècle, les choses sont devenues si mauvaises que Rome a été saccagée d’abord par les Wisigoths en 410, puis par les Vandales en 450. Elle s’est remise du 1er sac, mais le second était de trop. Les Romains n’avaient plus d’argent pour payer le grain dont ils avaient besoin, les voies maritimes commerciales se sont complètement effondrées et les Romains sont morts de faim. C’était la fin du système commercial romain. 

Étape 3 – Effondrement politique (fin du Ve siècle après J.-C.). L’effondrement politique est allé de pair avec l’effondrement commercial. Déjà à la fin du IVe siècle, les empereurs étaient devenus incapables de défendre Rome contre les armées barbares qui défilaient à travers l’empire et ils s’étaient retirés dans la sécurité de la ville fortifiée de Ravenne. Quand Rome a été mise à sac, les empereurs n’ont même pas essayé de faire quelque chose pour aider. Les derniers empereurs ont disparu à la fin du Ve siècle mais, déjà des décennies auparavant, la plupart des gens en Europe avaient cessé de se soucier de savoir s’il y avait ou non une personne pompeuse à Ravenne qui portait des vêtements violets et prétendait être un empereur divin. 

Étape 4 – Effondrement social (Ve siècle après J.-C.). L’effondrement social de l’Empire d’occident s’est accompagné de la désagrégation des structures politiques et commerciales. Déjà au début du 5ème siècle, nous avons la preuve que les élites romaines étaient parties en « mode évasion » – ce n’était pas seulement l’empereur qui avait fui Rome pour se réfugier à Ravenne, les patriciens et les chefs de guerre étaient en mouvement avec des troupes, de l’argent et des disciples pour établir leurs domaines féodaux où ils pourraient. Et ils ont laissé les roturiers se défendre seuls. Au VIe siècle, l’État romain avait disparu et la majeure partie de l’Europe était aux mains des seigneurs de guerre germaniques. 

Étape 5 – Effondrement culturel (à partir du VIe siècle après J.-C.). Ce fut très lent. L’avènement du christianisme, au IIIe siècle, n’a pas affaibli la structure culturelle de l’Empire, il a été une évolution plutôt qu’une rupture avec le passé. L’effondrement de l’Empire en tant qu’entité politique et militaire n’a pas tant changé les choses et pendant des siècles, les gens en Europe se sont toujours considérés comme des Romains, un peu comme les soldats japonais échoués dans des îles éloignées après la fin de la seconde guerre mondiale, (en Grèce, les gens se définissaient encore comme « Romains » au 19ème siècle). Le latin, langue impériale, a disparu en tant que langue vernaculaire, mais il a été maintenu en vie par le clergé catholique et il est devenu un outil indispensable pour l’unité culturelle de l’Europe. Le latin a gardé une certaine continuité culturelle avec l’ancien empire qui ne s’est perdue que très progressivement. Ce n’est qu’aux XVIIIe et XIXe siècles que le latin a disparu comme langue de l’élite culturelle, pour être remplacé par [le français, puis .. NdT] l’anglais de nos jours. 

Comme vous le voyez, la liste d’Orlov a une certaine logique bien qu’elle doive être un peu adaptée à l’effondrement de l’Empire romain occidental. Les 5 étapes ne se sont pas succédées, il y a eu plus d’un siècle de décalage entre l’effondrement financier du 3ème siècle (étape 1) et les trois étapes suivantes qui sont arrivées ensemble : l’effondrement commercial, politique, et social. La cinquième étape, l’effondrement culturel, a été une longue histoire qui est venue plus tard et qui a duré des siècles. 

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Et notre civilisation ? La première étape, l’effondrement financier est clairement en cours, bien qu’il soit masqué par diverses astuces comptables. La deuxième étape, l’effondrement commercial, au contraire, n’a pas encore commencé, ni l’effondrement politique : l’Empire maintient toujours une force militaire géante et menaçante, même si son efficacité réelle peut être mise en doute. Peut-être que nous voyons déjà des signes de la troisième étape, l’effondrement social, mais, si le cas romain est un guide, ces trois étapes arriveront ensemble. 

Alors, que diriez-vous de la dernière étape, l’effondrement culturel ? C’est une question pour un avenir relativement lointain. Pendant un certain temps, l’anglais restera certainement la langue universelle, tout comme le latin l’était après la chute de Rome, alors que les gens continueront à penser qu’ils vivent encore dans un monde globalisé (c’est peut-être déjà une illusion). Avec la disparition de l’anglais, tout peut arriver et quand (et si) un nouvel empire se lèvera sur les cendres de l’empire américain, ce sera quelque chose de complètement différent. Nous pouvons seulement dire que l’univers avance par cycles et que c’est évidemment ainsi que les choses doivent se passer. 

Ugo Bardi 

Par Dmitry Orlov - Source Club Orlov 
 
Dans cet article, Ugo Bardi a appliqué ma taxonomie d’effondrement à l’effondrement de l’Empire romain d’occident, et son analyse montre que la cascade canonique d’effondrement financier, commercial, politique et socioculturel a fonctionné comme prévu dans un autre cas, particulièrement célèbre. Mais cela soulève une question qui revêt une grande importance pour notre époque. L’analyse d’Ugo est exacte lorsqu’il s’agit spécifiquement de la vieille Rome et de son effondrement, sauf pour un détail crucial. La vieille Rome ne s’est pas seulement effondrée, elle a été abandonnée, puis, deux siècles plus tard, elle a disparu. 

Un événement assez significatif s’est produit le 11 mai 330 de notre ère. Ce jour-là, la vieille Rome (celle d’Italie) a cessé d’être la capitale de l’Empire romain. Ce jour-là, l’empereur Constantin Ier transféra la capitale vers la Nouvelle Rome (Νέα Ῥώμη), anciennement connue sous le nom de Byzance et informellement appelée Constantinople jusqu’en 1930, année où elle fut officiellement rebaptisée İstanbul. C’était la ville la plus grande et la plus prospère d’Europe tout au long du Moyen Âge et elle reste aujourd’hui encore la plus grande ville d’Europe (la deuxième plus grande est Moscou, parfois appelée la troisième Rome). De 330 après J.-C. au 13 avril 1204 – une période de 974 ans – elle fut la capitale de l’Empire romain, qui se scinda en Orient et en Occident en 395. Puis, 81 ans plus tard, en 476 après J.-C., l’Empire romain d’occident a cessé d’exister, rendant l’appellation « orientale » plutôt superflue. En effet, les habitants de la Nouvelle Rome se sont toujours qualifiés de Romains. En 1204 après J.-C., elle fut saccagée et brûlée par les chevaliers de la Quatrième croisade (un assaut barbare, pourrait-on dire) et il est très intéressant de se demander pourquoi les Romains ne leur opposèrent aucune résistance. Nous garderons cela pour une autre fois. Constantin ne s’est pas contenté de déplacer la capitale dans une ville existante ; il a reconstruit en grande partie l’ancienne Byzance (une colonie grecque datant de 657 av. J.-C.). 

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Il y avait de nombreuses raisons pour la décision de Constantin de déplacer la capitale. Le nouvel emplacement était tout simplement meilleur : plus facile à défendre, entouré de provinces économiquement développées, plus proche des centres d’apprentissage et de culture et stratégiquement situé à l’intersection de plusieurs routes commerciales. Constantin fit sortir beaucoup de richesses de la Vieille Rome pour fonder sa Nouvelle Rome, puis quitta la Vieille Rome qui languit dans un état considérablement affaibli, et ne s’en remit jamais. Mais il y avait une autre raison à ce déménagement : Constantin chevauchait une vague de passion nouvelle qui avait à voir avec la propagation du christianisme, et elle l’a emmené en Méditerranée orientale où le christianisme a d’abord pris racine. C’était une décision consciente d’abandonner la vieille Rome païenne et de construire une nouvelle Rome chrétienne. Bien que les cérémonies chrétiennes et païennes y aient d’abord eu lieu, les cérémonies païennes ont rapidement été abandonnées. 

La nouvelle Rome est devenue le centre de l’apprentissage chrétien, où la Bible et d’autres écrits chrétiens ont été traduits dans de nombreuses langues, dont le slave, étape essentielle dans la diffusion du christianisme en Eurasie, à l’exception de l’Europe occidentale, qui a connu un âge sombre. Là-bas, l’enseignement basé sur le latin a été maintenu à peine en vie par des moines qui travaillaient dans des scriptoria, vivants à peine eux-mêmes, taraudés par le froid, la faim et l’ennui. Le sacerdoce catholique, qui s’est fusionné en une structure autoritaire – la papauté – était désireux de maintenir la population dans l’ignorance parce que cela facilitait son contrôle et son exploitation. Au lieu de traduire la Bible dans les langues vernaculaires et d’enseigner aux paroissiens à lire, ils ont eu recours à l’enseignement de la doctrine chrétienne au moyen de dioramas sentimentalistes idolâtres. La réaction à cette répression de l’apprentissage, quand elle est arrivée, a été la Réforme protestante. Il en résulta beaucoup de massacres insensés et conduisit au développement d’une autre abomination : les interprétations littérales de la Bible par les sectes protestantes et les cultes apocalyptiques. Ainsi, la décision de Constantin de quitter la vieille Rome languissante s’est avérée très positive, nous donnant un millénaire de développement culturel à l’Est, et très négative, nous donnant l’âge des ténèbres et la guerre de Trente Ans qui ont causé la dévastation et des pertes de population en Europe occidentale. 

Quel est le rapport avec les cinq étapes de l’effondrement ? Il montre que les effondrements sont des phénomènes locaux. Ailleurs, la vie continue, parfois mieux qu’avant. Les effondrements peuvent avoir des causes internes (ressources épuisées) ou externes (le monde passe à autre chose). Mais la séquence d’effondrement reste la même : ceux qui contrôlent la situation répugnent à admettre ce qui se passe et prétendent qu’il n’en est rien. Ensuite, ils sont ruinés (effondrement financier). Ensuite, ils perdent la capacité d’importer des choses (effondrement commercial). Ensuite, leurs institutions publiques cessent de fonctionner (effondrement politique). Puis la société s’effondre. Et ce n’est qu’alors, après tout cela, que les gens réalisent enfin que le problème était dans leur tête depuis le début (effondrement culturel). L’adoption rapide d’une culture meilleure et plus réfléchie est, bien sûr, une bonne idée. Une alternative est de passer par un âge sombre suivi d’une longue période de carnage sans raison. 

Qu’est-ce que cela a à voir avec le monde d’aujourd’hui ? Eh bien, si vous le remarquez, il y a un pays en particulier dans le monde qui a un problème majeur : il consomme beaucoup plus qu’il ne produit. De plus, il consomme beaucoup de produits, mais la plupart de ce qu’il produit sont des services – pour lui-même – qui ont tendance à être surévalués et ne sont d’aucune utilité pour qui que ce soit d’autre, mais il compte fièrement dans son produit intérieur brut cette extase d’auto-satisfaction. Il justifie l’énorme écart entre sa production (réelle, physique) et sa consommation (réelle, physique) à l’aide d’astuces comptables, et il pense qu’il peut continuer à le faire pour toujours. Le reste du monde n’est pas d’accord, et fait connaître son mécontentement en se désengageant progressivement de ce pays. Il pourrait abandonner sa culture de surconsommation aveugle et de diffusion de la « liberté et de la démocratie » par des moyens militaires avant que les circonstances ne l’y obligent, mais il refuse de le faire, au risque d’être abandonné comme le fut la vieille Rome. 

Dmitry Orlov 

Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone

vendredi, 05 avril 2019

Polybius, Applied History, and Grand Strategy in an Interstitial Age

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Polybius, Applied History, and Grand Strategy in an Interstitial Age

Ex: https://warontherocks.com

Sometime around 118 B.C., a boar-hunting octogenarian cantering through southern Greece suddenly fell off his horse. The sprightly retiree — who ended up succumbing to his injuries — was Polybius, the great historian and chronicler of the Punic Wars. Born into the highest echelons of Greek aristocracy, Polybius lived a life worthy of Odysseus, or perhaps of a toga-clad Forrest Gump. From the rise of Rome as the uncontested hegemon of the Mediterranean to the brutal destruction of Carthage and the final subjugation of the Hellenistic world, he bore direct witness to a series of system-shattering events. His discussion of these epochal shifts, and his soulful reflections on what they might mean for the future of power, order, and international justice, are freighted with insights for our own troubled era.

Polybius was raised in a politically fractured Greece — a land wreathed in the shadows of its former glory, and too consumed with its own bitter rivalries to adequately prepare for the rising Roman challenger across the Ionian Sea. Indeed, one of the most memorable passages of Polybius’ Histories is a speech made by a Greek ambassador at a peace conference in 217 B.C., during which the diplomat pleads in vain with his feuding countrymen to put aside their petty grievances and pay attention to the “clouds that loom in the west to settle on Greece.”

Polybius’ hometown was Megalopolis, the most powerful member of the Achaean confederation, a collection of city-states that had joined forces to counterbalance Macedonian military might. Had Rome’s steady expansion into the Eastern Mediterranean not collided with his own leadership ambitions, the young noble would have enjoyed a highly successful political career. In all likelihood, the political wunderkind would have followed in the footsteps of his father, who had served as strategos — or top elected official — of the Achaean confederation several times throughout the 180s. In 170 B.C., 30-year-old Polybius was elected at the youngest possible age of eligibility to the position of hipparchos, the second highest office in the confederation. While in office, his cautious attempts to preserve Achaean independence by officially supporting Roman war efforts against Perseus of Macedon while tacitly pursuing a policy of passive neutrality ended up backfiring. At the end of the Third Macedonian War (168/167 B.C.) he was accused of anti-Roman conduct and unceremoniously bundled, along with a thousand other Achaeans, onto a ship bound for Italy.

Polybius, however, was no ordinary political detainee. Due to his close friendship with the sons of Aemilius Paullus, the consul who had ground down the Macedonian phalanxes, he was allowed to remain in Rome while most of his fellow Greek prisoners were sent to eke out their existences in dreary backwaters scattered across Italy. It was at the throbbing heart of a youthful empire, hundreds of miles from his ancestral homeland — and in his curiously ambiguous role as both a captive and friend of Rome’s elites — that Polybius began to compose his sprawling, 40-volume history of Rome’s rise to dominance. Of this monumental work, which stretches from the First Punic War in 264 B.C. to the destruction of Corinth in 146 B.C., only five full volumes remain, along with disparate fragments of the remaining sections.

Polybius’ Histories should not only be viewed as a precious repository of information for classicists, but also as required reading for today’s national security managers. Indeed, over the past decade or so, growing apprehensions about China’s rise and America’s relative decline have prompted a surge in the study of the kind of great-power transitions experienced by Polybius. This heightened interest in the tectonics of geopolitical shifts has been accompanied by a singular fixation on the works of Thucydides and on what some political scientists — perhaps somewhat hastily and haphazardly — have termed the Thucydides Trap. Thucydides is in many ways the doyen of strategic history and a seminal figure in the Western canon. His elegant ruminations on war, politics, and the vagaries of human nature brim with world-weary wisdom and penetrating insight. His contemporary popularity amongst political scientists is also no doubt tied to his familiarity, as he remains a recurring character on international relations and security studies syllabi and a well-known figure within the halls of U.S. military academies. Casual familiarity, however, does not always equate with genuine intimacy and unfortunately he is often only cursorily read and understood. This becomes especially apparent whenever the great Athenian historian is invoked by some of the more ideologically-driven analysts and political operatives roaming Washington’s corridors of power.

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Furthermore, the U.S. strategic community’s single-minded focus on Thucydides has perhaps obscured the intellectual depth and strategic relevance of some of his illustrious successors’ writings, including those penned by Polybius, a fellow Greek historian-cum-statesman. Indeed, in an era of great-power competition it may well be toward the latter that one should first turn for enduring insights into the prudential virtues of applied history, the insidious dangers of populism, and the challenges inherent to the exercise of primacy.

“Pragmatic History”: Polybius as the Father of Applied History

Polybius began by stating that his primary objective was to chart Rome’s rise to prominence, and to calmly and systematically explain both its drivers and underpinnings:

For who is so worthless and indolent as not to wish to know by what means and under what system of polity the Romans in less than fifty-three years have succeeded in subjecting nearly the whole inhabited world to their sole government—a thing unique in history?

For the Greek noble, this development was unprecedented not only in its scale and rapidity but also in its cross-regional character. Rome’s defeat of Carthage after more than a century of bipolar confrontation had allowed it to focus its vast resources on forcibly drawing Greece into its orbit. In so doing, he argued, the legions had meshed the Western and Eastern Mediterranean together, and subjected the entire civilized world — or oikumene — to their rule. The Roman soldiers fighting under Scipio Africanus at the battle of Zama, Polybius observed, had been fighting for a new form of glory — one that openly associated Rome’s destiny with that of universal empire. The power of this ideal — and its startling physical realization in the course of his lifetime — called for a new historiographical approach: one that viewed things synoptically, and that overrode antiquated geographical representations of the world. It also aimed for a deeper understanding of the connections between domestic political cultures and foreign policy, as well as between effective primacy and prudential leadership. “Previously,” Polybius notes,

The doings of the world had been, so to say, dispersed, as they were held together by no unity of initiative, results or locality; but ever since this date history has been an organic whole, and the affairs of Italy and Libya have been interlinked with those of Greek and Asia, all leading up to one end. (…) Fortune has guided almost all the affairs of the world in one direction, (…) a historian should likewise bring before his readers under one synoptical view the operations by which she has accomplished her general purpose.

PolybiusHistorionTaSozomena1670v3HalfTitle.jpgIt is this particular intellectual predisposition toward the synoptic, along with its acceptance of nuance, multicausality and complexity, that has rendered Polybius such an appealing figure over the centuries for theorists of statesmanship and grand strategy. Indeed, in his defense of what he termed “pragmatic history” — pragmatike historia — Polybius constantly exhorted his readers to move beyond their pinched disciplinary horizons to attain a sounder understanding of the issues at stake. In one of his more vivid parallels, Polybius compares the student of “isolated histories” to one “who, after having looked at the dissevered limbs of an animal once alive and beautiful, fancies he has been as good as an eyewitness of the creature itself in all its action and grace.” “One can get some idea of a whole from a part,” he adds, “but never knowledge or exact opinion.” Any accurate survey, he added, should involve an “interweaving” (symploke) of “all particulars, in their resemblances and differences.” In this, the reader is reminded of Sir Francis Bacon’s playful division of men of learning into various insect categories: ants, spiders, and bees—a taxonomy the Englishman laid out in the following terms:

The men of experiment are like the ant, they only collect and use, the reasoners resemble spiders, who make cobwebs out of their own substance. But the bee takes a middle course; it gathers its material from the flowers of the garden and of the field, but transforms and digests it by a power of its own.

Polybius was clearly arguing in favor of a historiographical approach akin to that of the cross-pollinating bee — one that widely absorbs multiple external sources of information, skillfully synthesizes that same information, and then seeks to infer connections by drawing on well-honed analytical abilities. Possessing such historically informed knowledge, along with a capacity for intellectual cross-pollination was, according to the Achaean, essential to statesmanship. Indeed, Polybius not only makes it evident from the get-go that his Histories are geared toward the policymaker, he also argues that a grounding in history is a prerequisite for political leadership.

In this the Greek historian was not wholly original. In periods of great-power flux, thinkers have traditionally glanced nervously over their shoulder, to scry past patterns of state behavior. For statesmen grappling with the uncertainty of their specific circumstances the “process of liaising between the universal and the particular has often been conceptualized in terms of a temporal process,” with the hope that the lessons of yesteryear hold the promise of better ascertaining future outcomes. Where Polybius stands out from his predecessors and contemporaries is in his dogged insistence on what is required of a true historian. Indeed, according to the Achaean, the scholar must also be something of an Indiana Jones-like figure — a man of action with a taste for travel, adventure, and preferably a firsthand experience in the handling of affairs of state.

Polybius, one classicist notes, “for the most part lived up to the high standards he set himself.” Not only did he crisscross the Mediterranean, traipsing across battle sites, decoding faded inscriptions, and interviewing eyewitnesses, he also bore witness to key events, such as the Roman destruction of Carthage in the company of Scipio Aemilianus. According to one account, the warrior-scholar (by then in his mid-fifties) even joined a Roman testudo, or shielded formation, in the storming of a Carthaginian position. Finally given permission to return to his homeland in 150 B.C., Polybius then played an important diplomatic role, assisting in the Roman reconstruction and settlement of Greece. Indeed, centuries later travelers such as Pausanias reported seeing monuments in Greece thanking the historian for having “mitigated Roman wrath against Greece.”

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The Tocqueville of Republican Rome?

It is the hybrid quality of Polybius’s experience — both as an individual subjected to hegemonic domination, and as an intimate of that same hegemon’s national security establishment — that renders his observations on Roman foreign policy so fascinating. His Histories are marked by a certain distance intérieure — and a dispassionate yet keen-eyed attention for detail — one that brings to mind other, more recent studies of emerging powers penned by shrewd outsiders, such as Alexis de Tocqueville’s Democracy in America. In some ways, Polybius fits within a broader tradition in Greco-Roman antiquity that associated great historical work with displacement and exile. In his essay De Exilo, Plutarch memorably drew attention to such a link, observing, “that the Muses as it appears, called exile to their aid in perfecting for the ancients the finest and most esteemed of their writings.” After all, Herodotus and Xenophon had both experienced the trauma of exile, and Thucydides famously confessed that his long years away from Athens “free from distractions” had allowed him to attain a greater degree of objectivity and clarity. Edward Said, in his commentary on the figure of the intellectual in exile, notes that such an individual can be compared to

a shipwrecked person who learns to live in a certain sense with the land, not on it, not like Robinson Crusoe, whose goal is to colonize his little island, but more like Marco Polo, whose sense of the marvelous never fails him, and who is always a traveler, a provisional guest, not a freeloader, conqueror, or raider. Because the exile sees things in terms both of what has been left behind, and what is actual here or now, there is a double perspective that never sees things in isolation.

Polybius’ own shipwrecked condition may have allowed him to reach conclusions about Rome’s strategic culture and trajectory that would have eluded other, more rooted, observers. It also meant that he was obliged to traverse the treacherous reefs of Rome’s culture wars, in a high society that entertained a bizarre, schizoid relationship with Greek culture. This was an era, after all, when leading politicians such as Cato openly associated Hellenism with sexual prurience, social decadence, and political disorder — all while seeking instruction from Athenian savants, admiring Thucydides, and quoting Homer. The historian was therefore required to walk something of a literary tightrope: providing an unvarnished assessment of the new hegemon’s strategic performance for the benefit of his fellow Greeks, yet taking care not to unduly alienate his Roman hosts and captors. There are certainly moments when the political detainee opts for circumspection over candor. For instance, when broaching the issue of the final destruction of Carthage — an event which sent ripples across the Mediterranean — Polybius avoids taking a clear position on the strategic necessity of such a radically punitive action.

All in all, however, one cannot help but be impressed by the dexterity with which he pulls off this intellectual balancing act. Although the Greek historian clearly admired Rome’s patriotic vigor and military prowess, along with aspects of its politeia, or socio-political structure, he was also unabashedly critical of what he perceived as early signs of Roman imperial overreach and hubris in the conduct of their “universal domination.” As University of Toronto professor Ryan Balot notes, Polybius was “no political anthropologist,” and his “account was far from value neutral.” Instead, he

offered a careful ethical appraisal of Rome’s domestic and foreign politics, with a view both to praising the Romans for their virtues and to criticizing the Romans’ excesses and self-destructive tendencies. His critique (…) was ameliorative. He posed his ethical challenges to the Romans with a deeper educational intention in mind, namely, to challenge the Romans’ self-destructive tendencies to behave harshly, arrogantly, and overconfidently.

Anacylosis and the Question of Hegemonic Decline

Like most Greco-Roman thinkers prior to the advent of teleological Christianity, Polybius understood time as more circular than linear. Drawing on an organicist vision of politics that can be traced back to the pre-Socratic age, Polybius argued that nations were ensnared within a quasi-biological cycle of growth and degeneration from which there can be no escape. There are two agencies “by which every state is liable to decay,” he explained, “the one external and the other a growth of the state itself.” There could be no “fixed rule about the former,” but the latter was a “regular process.” This process, which Polybius terms anacylosis, occurs as a polis’ system of government rotates through three separate conditions — monarchy, aristocracy, and democracy — each of which conceals, like a sinister larval parasite, its corrupted form.

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Monarchy usually devolved into tyranny, aristocracy into oligarchy, and democracy — the most dangerous system of all — inevitably collapsed into what Polybius called ochlocracy, i.e. mob (ochlos) rule. In an ochlocracy, the people are governed by thumos (passion, wrath, and the desire for recognition), rather than logimos (reason), and inevitably end up turning to a monarch in a desperate quest for order, thus setting off the cycle once more. In one of the more remarkable passages of the Histories, the Achaean compares the masses to an ocean, whose seemingly calm surface could, in the space of an instant, be whipped up by a ruthless demagogue into a raging tempest.

Such politically destructive storms could not be avoided, but they could be delayed. Famously, Polybius attributed Rome’s successful forestalling of anacylosis to its institutions, and to its “mixed constitution.” The Roman politeia, which combined elements of all three systems of government — democracy in the form of elections, aristocracy in the form of the senatorial class, and monarchic in the form of the considerable powers granted to consuls — maintained a state of delicate equilibrium, “like a well-trimmed boat.”

For Polybius, great-power competition was fundamentally a two-level game, and Rome’s imperial success was directly linked to the solidity of its internal political arrangement. The First Punic War, he suggested, lasted for so long (23 years) because both Rome and Carthage were “at this period still uncorrupted in principle, moderate in fortune, and equal in strength.” By the time of the Hannibalic War or Second Punic War, however, the Carthaginian system had begun to degenerate, until finally it had succumbed to the corrosive political forces which affect all empires. Polybius stresses the strategic importance of time — or of windows of opportunity — in bouts of protracted competition. One of the reasons Rome prevailed, he suggests, was because even though it may have been equal to Carthage at the outset of the competition, it was on an ascending curve, while Carthage’s power trajectory had begun to trend downward.

The power and prosperity of Carthage had developed far earlier than that of Rome, and in proportion to this her strength had begun to decline, while that of Rome was at its height, at least so far as her system of government was concerned.

Rome’s social cohesiveness and political stability had provided it with the necessary reservoirs of resilience to weather its enormous losses during the Second Punic War, as well as a series of crushing defeats. Patriotic unity in the face of misfortune, Polybius argued, was preserved through the shared memory of “the discipline of many struggles and troubles,” and by the “light of experience gained in disaster.” Indeed, some of the more interesting passages in the Histories deal with collective memory, and with the dangers of strategic amnesia. For Polybius, it was only when a state’s elites had a clear memory of past sacrifices, and of the efforts that had led to the construction of a political order, that they were capable of mustering the will to act in defense of that same order. The rapidity with which such recollections of the fragility of order and peace seemed to dissipate depressed Polybius, and — in his opinion — rendered anacylosis grimly ineluctable.

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The robustness of Rome’s politeia, Polybius argued, was in part tied to its citizens’ recognition of the importance of strong, shared civic traditions in arresting the process of memorial entropy that inevitably leads to disunity and decline. The Greek historian comments approvingly on the various festivals, rites, and traditions designed to inculcate in every Roman the virtues of self-sacrifice, along with a healthy love of the state. He appeared particularly taken with the Roman aristocratic funeral, elaborately staged events featuring ancestor masks, long narrations of the martial exploits of the deceased and his forebears, and a great deal of pomp and circumstance. “There could not easily be a more ennobling spectacle for a young man who aspires to fame and virtue,” he enthuses, positing that by this means future generations are inspired to remember past struggles and continuously strive toward self-sacrifice and glory in the service of Rome.

Like many ancient historians, Polybius believed in the power of education through example, and through the actions of a set of paradigmatic figures. The most memorable characters in the Histories are thus paragons of prudence and virtue, men who retain a strong awareness of the fickleness of tyche, or fortune, and whose actions are guided by moderation and empathy. One such example would be Aemilius Paullus, who in a speech following his triumph over the Macedonian King Perseus, exhorts his Roman comrades to learn from their experience:

“It is chiefly,” he said, “at these moments when we ourselves or our country are most successful that we should reflect on the opposite extremity of fortune; for only thus, and then with difficulty, shall we prove moderate in the season of prosperity.”

“The difference,” he said, “between foolish and wise men lies in this, that the former are schooled by their misfortunes and the latter by those of others.”

In another remarkably cinematic moment, Polybius recounts standing next to Scipio Aemilianus during the burning of Carthage. Moved to tears by the scene, Scipio purportedly whispered Homeric verses, quoting Hector predicting the destruction of Troy. Another version of the scene has the Roman general grasping his friend’s hands, and mentioning his “dread foreboding” that one day the same doom would be visited on his own country. “It would be difficult to mention an utterance more statesmanlike and more profound,” gushes Polybius. For the Greek historian, Roman primacy could only be preserved if its security managers preserved — through the medium of applied history and moral exemplars — such a sense of prudence and empathy, along with an alertness to the capriciousness of fortune, which, to quote Hannibal in the Histories, “by a slight turn in the scale” can bring about geopolitical “changes of the greatest moment as if she were sporting with little children.” Driving this lesson home, darker, more cautionary tales are proffered in the form of the vainglorious fallen — tragic figures such as Philip V of Macedon who, despite being initially viewed as “the darling of the whole of Greece,” gradually succumbs to his more irascible impulses, morphing into a sanguinary despot with a taste for “human blood and the slaughter and betrayal of his allies.”

Hubris and Imperial Overreach

Polybius’ reflections on Roman imperialism are tinged with the same melancholy that suffuse his discussion of domestic political systems. Indeed, for the Achaean, hubris erupts when a nation’s foreign policy begins to suffer from the same maladies that afflict its domestic system of government — i.e. moral degeneration and strategic amnesia. Polybius was also remarkably forthright in his discussion of the tenuousness of “total victory” — particularly in insurgency-prone regions. Commenting on the Carthaginians’ mismanagement of their territories in Spain, he pointedly remarks that

while success in policy and victory in the field are great things, it requires much more skill and caution to make a good use of such success (…) they [the Carthaginians] had not learnt that those who preserve their supremacy best are those who adhere to the same principles by which they originally established it.

When a nation’s foreign policy is unmoored from its founding principles, or — worse still — reflects the pathologies of its own domestic dysfunction, a sudden, swift reversal in geopolitical fortune is likely to follow. As the classicist Arthur Eckstein notes, many of the historian’s predecessors and contemporaries shared this pessimistic view of the corrupting effects of power. Where Polybius differs somewhat is in the urgency of his tone and in his desire that “his audience be aware of this corrupting trend, and fight against it.”

Throughout the Histories, Polybius reminds his Roman readership — sometimes subtly, sometimes not so subtly — that primacy can only endure if it appears more benevolent, just, and conducive to prosperity than the system or lack of system that preceded it. A Roman foreign policy that operated at a disjuncture from the very virtues that had enabled the Italian city-state to attain its hegemonic position would only nurture resentment, for “it is by kind treatment of their neighbors and by holding out the prospect of further benefits that men acquire power.” Wise hegemons should not engage in overly punitive military policies, for “good men should not make war on wrongdoers with the object of destroying or exterminating them, but with that of correcting and reforming their errors.”

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As Polybius contemplated the future of Roman imperial rule, his reflections began to appear more pessimistic. Noble figures such as Scipio Africanus and Scipio Aemilianus, with their ancient military virtue and humble acceptance of the role of contingency, are depicted as the granite-faced avatars of a dying era. Polybius frequently alludes to the fact that with Rome’s expansion, financial corruption, bureaucratic indolence, and strategic complacency have become endemic. He gives various examples of Roman boorishness and cultural insensitivity. One such anecdote involves a Roman diplomat sent to mediate a dispute between a Greek Seleucid king and Ptolemaic Egypt. Without giving the Greek monarch any time to deliberate with his advisers, the Roman envoy traces a circle in the sand and orders the king to give an answer before setting foot outside the circle. This action, Polybius notes, was “offensive and exceedingly arrogant.” The Achaean is also bluntly critical of the Roman decision, following the seizure of Syracuse in 212 B.C., to denude the city of all its art and riches, observing that it would only stoke the resentment of the despoiled and was therefore strategically shortsighted in addition to immoral. Perhaps most significantly, the surviving fragments of the Histories end with the ominous image of Polybius watching a gaggle of braying Roman legionaries roll dice across priceless works of art, torn from the smoking ruins of Corinth.

The Enduring Relevance of Polybius

It is unfortunate that Polybius is not as widely read as he once was. Part of the problem may be that he is not the most accessible of historians. Indeed, scholars have long griped about the dryness of his prose, which is bare of the stylistic embellishments and rhetorical adornments so characteristic of other classical writers. Ancient critics scoffed that Polybius’ Histories were one of the major works that socialites liked to display on their bookshelves but never actually read in their entirety, while the great classicist Arnaldo Momigliano — in a rather waspish turn of phrase — quipped that Polybius “wrote as badly as the professors who studied him.”

Notwithstanding these stylistic critiques, there is evidence that in reality Polybius exerted an enormous influence over successive generations of thinkers. First in the classical era, with towering figures such as Cicero and Livy praising Polybius as “a particularly fine author,” and “an author who deserves great respect,” then following his eventual rediscovery in fifteenth-century Florence after centuries of obscurity. Indeed, the adventurous academic’s painstaking descriptions of Roman military modernization and politics were an object of fascination during the Renaissance and early Baroque eras. Machiavelli, in particular, was captivated by Polybius’ theories, as was the great sixteenth-century neostoic Justus Lipsius, who called for the reorganization of modern armies along the lines of the Roman legions portrayed in the Histories. Polybius’ ideas on the virtues of a mixed constitution also shaped Enlightenment ideals, influencing luminaries ranging from Montesquieu to the Founding Fathers of the United States, while saturnine Victorians chewed over his concept of anacylosis as they debated the extent and duration of British imperial primacy.

What relevance do the Histories have for our own interstitial age? Can the Greek historian’s views on the conduct of geopolitical analysis help us refine our ability to engage with complexity and develop more thoughtful approaches to emerging challenges? And how can Polybian insights be applied to the present condition, as the United States grapples with growing domestic disunity, the rise of populism, and its own relative decline?

Embracing the Polybian Mode of Inquiry in the Study of Foreign Relations

Polybius took a multidisciplinary intellectual approach to the study of international affairs, and sought — like most effective grand strategists — to detect patterns across time, space, and scale. In this, he was also a product of his times. Indeed, ancient Greek culture distinguished between different modes of knowledge, and between speculative reason and practical wisdom. As Aristotle observes in his Nichomachean Ethics, the sphere of political action was one of ambiguity, inconstancy and variety — one that necessitated its own form of intelligence or “practical wisdom”: whereas “scientific knowledge is demonstrable, skill and practical wisdom are concerned with what is otherwise.” Geopolitics is a fundamentally human endeavor, ill-suited to the positivist, quantitative approaches now increasingly prevalent within the American social sciences. Polybius would no doubt be alarmed that in so many quarters (albeit thankfully not all) scholarly rigor has also come to be associated with universal models and parsimonious theories — rigid schema that seek to redefine the “cloudlike subject of [international] politics as the object of a clocklike science.” At a time when the field of applied history appears caught in a grim death spiral of its own, Polybius’ Histories serve as a powerful reminder of its prudential value — not only in terms of understanding the past, but also as a means of preparing for the onslaughts of Tyche — or Fortune, that most fickle of goddesses. As University of Edinburgh professor Robert Crowcroft rightly notes, “if one makes a claim to expertise in cause and effect, one should be trained to discern patterns and project trends forward.” A training in applied history can allow for greater intellectual agility, including with regard to the framing and conceptualization of epoch-spanning and cross-regional trends. Were he alive today, Polybius would most likely second the call, originating in Australia, to recast our collective mental map of the Asia-Pacific by referring to it as the Indo-Pacific. Indeed, the Indian and Pacific oceans now form part of a larger strategic continuum for U.S. defense planners, just as the Eastern and Western halves of the Mediterranean merged into one geopolitical space in the course of the Greek historian’s lifetime.

Great Power Competition Is a Competition Between Domestic Systems

Another of Polybius’s major insights is that any protracted bipolar struggle will likely constitute a death match between two domestic political systems. The Rome-Carthage rivalry was a grueling conflict of attrition that severely taxed the resources, morale, and alliance structures of both states. While Rome’s military efficiency and capacity for innovation played a major role in its final victory, Polybius argues that its institutional solidity and sense of societal cohesiveness played an equally significant part. As the United States seeks to restructure its grand strategy around the concept of great power competition, it must remain mindful of the need to strengthen its economic and societal foundations at home, by striving to remain a beacon of openness, freedom, and innovation. Equally important will be uniting the American people around a revived sense of shared destiny via a renewed emphasis on civics, national history, and a political discourse that privileges unity of purpose over the narcissism of small differences.

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International Order and the Perils of Strategic Amnesia

Indeed, Polybius also reminds us of the dangers inherent to a foreign policy unmoored from its nation’s founding principles. The current U.S. president’s disavowal of some of these core tenets — the American Republic’s creedal nature and its basis in civic rather than cultural nationalism — has fueled fears of an eventual renunciation of Washington’s international mission. Both are, after all, closely linked. America’s unique sense of political community has historically underpinned its postwar internationalism and sense of “ethical egoism.” It has also furnished the ideational cement for its alliances with like-minded democratic powers, and the spiritual foundations of its refusal to let authoritarian powers carve out exclusionary spheres of influence. While some of the current debates surrounding the concept of a liberal international order may occasionally seem somewhat circular and tedious — especially for foreign observers troubled by the rise of authoritarian actors, and mindful of the overall benefits of American leadership — their intensity does also serve a useful purpose. Indeed, by taking aim at some of the more rosy-hued preconceptions of the American strategic community, these critiques force the order’s champions to return to first principles — and subsequently present a more balanced, thoughtful, and accessible defense of the virtues of American primacy to their fellow citizens and allies. Indeed, according to Polybius, one of the main accelerants of decline is a nation’s tendency toward collective amnesia, and its denizens’ tendency, after barely a few generations, to forget the struggles and sacrifices that led to their dominance of the international system in the first place. By refocusing public attention on the conditions under which postwar statesmen labored to structure various aspects of the extant order, strategic commentators can help build a more considered, and less reflexive, base of support for American internationalism and leadership.

Prudence and Humility Buttress Primacy in an Era of Relative Decline

Last but not least, American primacy can only be preserved if it continues to appear more appealing than various structural alternatives, ranging from competitive multipolarity to a world divided by a twenty-first century concert of nations, or segmented into spheres of influence. In an era characterized by a decline in U.S. relative power, this will require a novel approach, one characterized by greater prudence and humility, and laser-focused on the cultivation and preservation of alliances. If Rome prevailed in its system-wide competition, Polybius suggests, it was also because, by and large, it appeared to offer smaller Mediterranean polities a more attractive and less coercive international order than that proposed by Carthage. The Polybian emphasis on strategic empathy and respectful diplomacy could prove instructive for current and future U.S. administrations as they seek to enroll the help of other, less powerful states in their global competitive strategy against authoritarian behemoths. Polybius’ own colorful life — as a Greek observer of Rome’s rise — also serves as a demonstration of the virtues of travel, multilingualism, and deep-rooted cultural awareness when conducting strategic assessments of both allies and adversaries.

It also suggests that foreign friends of hegemons, by remaining at a certain critical distance, can prove useful and are occasionally worth listening to. This has, of course, been a conceit of Europeans — and of the British in particular — ever since America’s rise to international prominence and Prime Minister Harold Macmillan’s condescending remark that London should play Greece to Washington’s Rome. Such notions have often been breezily dismissed by self-assured American statesmen and commentators — much as Virgil in the Aeneid dismissively contrasted the airy, intellectual Greeks to the vigorous, conquering Romans. Nevertheless, in this day and age, the defense of the existent order can no longer be a disproportionately American endeavor. Without greater unity and a shared sense of urgency, the world’s community of democracies may well end up like the squabbling Greek states at the beginning of Polybius’ Histories: mere shadows of their former glory, relegated to the sidelines of history as another great power — this time located to the East — forcibly takes the reins of the international system.

Iskander Rehman is a Senior Fellow at the Pell Center for International Relations and Public Policy, and an Adjunct Senior Fellow at the Center for a New American Security. He holds a PhD in Political Science with distinction from the Institute of Political Studies in Paris (Sciences Po) and is a contributing editor at War on the Rocks. He can be followed on Twitter at @IskanderRehman

 

mardi, 02 avril 2019

A quand la décadence finale ? De Salluste et Juvénal à nos jours

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A quand la décadence finale ?

De Salluste et Juvénal à nos jours

par Tomislav Sunic

Les Anciens, c’est à dire nos ancêtres gréco-germano-gallo-slavo-illyro-romains, étaient fort conscients des causes héréditaires de la décadence quoiqu’ils attribuassent à cette notion des noms fort variés. La notion de décadence, ainsi que sa réalité existent depuis toujours alors que sa dénomination actuelle ne s’implante solidement dans la langue française qu’au XVIIIème siècle, dans les écrits de Montesquieu.i Plus tard, vers la fin du XIXème siècle, les poètes dits « décadents », en France, étaient même bien vus et bien lus dans les milieux littéraires traditionalistes, ceux que l’on désigne aujourd’hui, de façon commode, comme les milieux « d’extrême droite ». Par la suite, ces poètes et écrivains décadents du XIXème siècle nous ont beaucoup marqué, malgré leur mœurs souvent débridées, métissées, alcoolisées et narcotisées, c’est-à-dire malgré leur train de vie décadent.ii

En Allemagne, vers la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle, bien que moins régulièrement qu’en France, le terme « Dekadenz » était également en usage dans la prose des écrivains réactionnaires et conservateurs qu’effrayaient le climat de déchéance morale et la corruption capitaliste dans la vie culturelle et politique de leur pays. Il faut souligner néanmoins que le mot allemand « Dekadenz », qui est de provenance française, a une signification différente dans la langue allemande, langue qui préfère utiliser son propre trésor lexical et dont, par conséquent, les signifiants correspondent souvent à un autre signification. Le bon équivalent conceptuel, en allemand, du mot français décadence serait le très unique terme allemand « Entartung », terme qui se traduit en français et en anglais par le lourd terme d’essence biologique de « dégénérescence » et « degeneracy », termes qui ne correspondent pas tout à fait à la notion originale d’ « Entartung » en langue allemande. Le terme allemand « Entartung », dont l’étymologie et le sens furent à l’origine neutres, désigne le procès de dé-naturalisation, ce qui n’a pas forcément partie liée à la dégénérescence biologique. Ce mot allemand, vu son usage fréquent sous le Troisième Reich devait subir, suite à la fin de la Deuxième Guerre mondiale et suite à la propagande alliée anti-allemande, un glissement sémantique très négatif de sorte qu’on ne l’utilise plus dans le monde de la culture et de la politique de l’Allemagne contemporaine.iii

En Europe orientale et communiste, durant la Guerre froide, le terme de décadence n’a presque jamais été utilisé d’une façon positive. À sa place, les commissaires communistes fustigeaient les mœurs capitalistes des Occidentaux en utilisant le terme révolutionnaire et passe-partout, notamment le terme devenu péjoratif (dans le lexique communiste) de « bourgeois ». En résumé, on peut conclure que les usagers les plus réguliers du terme « décadence » ainsi que ses plus farouches critiques sont les écrivains classé à droite ou à l’extrême droite.

On doit ici soulever trois questions essentielles. Quand la décadence se manifeste-t-elle, quelles sont ses origines et comment se termine-t-elle ? Une foule d’écrivains prémodernes et postmodernes, de J.B. Bossuet à Emile Cioran, chacun à sa façon et chacun en recourant à son propre langage, nous ont fourni des récits apocalyptiques sur la décadence qui nous conduit à son tour vers la fin du monde européen. Or force est de constater que l’Europe se porte toujours bel et bien malgré plusieurs décadences que elle a déjà subies à partir de la décadence de l’ancienne Rome jusqu’à celle de nos jours. À moins qu’on ne soit, cette fois-ci, voués – compte tenu du remplacement des peuples européens par des masses de peuplades non-européens – non plus à la fin d’UNE décadence mais à LA décadence finale de notre monde européen tout court.

sallustiuscongiura-catilina-ac9f6bc3-0abc-4cc0-b8c0-bee138b08f52.jpegAvant que l’on commence à se lamenter sur les décadences décrites par nos ancêtres romains et jusque par nos auteurs contemporains, et quelle que soit l’appellation qui leur fut attribuée par les critiques modernes, « nationalistes », «  identitaires », «  traditionalistes de la droite alternative, » «  de la droite extrême » et j’en passe, il est essentiel de mentionner deux écrivains modernes qui signalèrent l’arrivée de la décadence bien que leur approche respective du contenu et des causes de la décadence fut très divergente. Ce sont l’Allemand Oswald Spengler avec son Déclin de l’Occident, écrit au début du XXème siècle, et le Français Arthur de Gobineau avec son gros ouvrage Essai sur l'inégalité des races humaines, écrit soixante ans plut tôt. Tous deux étaient des écrivains d’une grande culture, tous deux partageaient la même vision apocalyptique de l’Europe à venir, tous deux peuvent être appelés des pessimistes culturels avec un sens du tragique fort raffiné. Or pour le premier de ces auteurs, Spengler, la décadence est le résultat du vieillissement biologique naturel de chaque peuple sur terre, vieillissement qui l’amène à un moment historique à sa mort inévitable. Pour le second, Gobineau, la décadence est due à l’affaiblissement de la conscience raciale qui fait qu’un peuple adopte le faux altruisme tout en ouvrant les portes de la cité aux anciens ennemis, c’est-à-dire aux Autres d’une d’autre race, ce qui le conduit peu à peu à s’adonner au métissage et finalement à accepter sa propre mort. À l’instar de Gobineau, des observations à peu près similaires seront faites par des savants allemands entre les deux guerres. On doit pourtant faire ici une nette distinction entre les causes et les effets de la décadence. Le tedium vitae (fatigue de vivre), la corruption des mœurs, la débauche, l’avarice, ne sont que les effets de la disparation de la conscience raciale et non sa cause. Le mélange des races et le métissage, des termes qui sont mal vus aujourd’hui par le Système et ses serviteurs, étaient désignés par Gobineau par le terme de « dégénérescence ». Selon lui, celle-ci fonctionne dorénavant, comme une machine à broyer le patrimoine génétique des peuples européens. Voici une courte citation de son livre :

Je pense donc que le mot dégénéré, s’appliquant à un peuple, doit signifier et signifie que ce peuple n’a plus la valeur intrinsèque qu’autrefois il possédait, parce qu’il n’a plus dans ses veines le même sang, dont des alliages successifs ont graduellement modifié la valeur ; autrement dit, qu’avec le même nom, il n’a pas conservé la même race que ses fondateurs ; enfin, que l’homme de la décadence, celui qu’on appelle l’homme dégénéré, est un produit différent, au point de vue ethnique, du héros des grandes époques.iv

Et plus tard, Gobineau nous résume peut-être en une seule phrase l’intégralité de son œuvre : « Pour tout dire et sans rien outrer, presque tout ce que la Rome impériale connut de bien sortit d'une source germanique ».v

Ce qui saute aux yeux, c’est que soixante ans plus tard, c’est-à-dire au début du XXème siècle, l’Allemand Oswald Spengler, connu comme grand théoricien de la décadence, ne cite nulle part dans son œuvre le nom d’Arthur de Gobineau, malgré de nombreuses citations sur la décadence empruntées à d’autres auteurs français.

* *

Nous allons poursuivre nos propos théoriques sur les causes du déclin de la conscience raciale et qui à son tour donne lieu au métissage en tant que le nouveau mode de vie. Avant cela, il nous faut nous pencher sur la notion de décadence chez les écrivains romains Salluste et Juvénal et voir quel fut d’après eux le contexte social menant à la décadence dans l’ancienne Rome.

sallustiusmd22789398788.jpgL’écrivain Salluste est important à plusieurs titres. Primo, il fut le contemporain de la conjuration de Catilina, un noble romain ambitieux qui avec nombre de ses consorts de la noblesse décadente de Rome faillit renverser la république romaine et imposer la dictature. Salluste fut partisan de Jules César qui était devenu le dictateur auto-proclamé de Rome suite aux interminables guerres civiles qui avaient appauvri le fonds génétique de nombreux patriciens romains à Rome.

Par ailleurs Salluste nous laisse des pages précieuses sur une notion du politique fort importante qu’il appelle « metus hostilis » ou « crainte de l’ennemi », notion qui constituait chez les Romains, au cours des guerres contre les Gaulois et Carthaginois au siècle précèdent, la base principale de leur race, de leur vertu, de leur virilité, avec une solide conscience de leur lignage ancestral. Or après s’être débarrassé militairement de « metus Punicus » et de « metus Gallicus », à savoir après avoir écarté tout danger d’invasion extérieure, les Romains, au milieu du IIème siècle avant notre ère, ont vite oublié le pouvoir unificateur et communautaire inspiré par « metus hostilis » ou la « crainte de l’Autre » ce qui s’est vite traduit par la perte de leur mémoire collective et par un goût prononcé pour le métissage avec l’Autre des races non-européennes.

Voici une courte citation de Salluste dans son ouvrage, Catilina, Chapitre 10.

Ces mêmes hommes qui avaient aisément supporté les fatigues, les dangers, les incertitudes, les difficultés, sentirent le poids et la fatigue du repos et de la richesse… L'avidité ruina la bonne foi, la probité, toutes les vertus qu'on désapprit pour les remplacer par l'orgueil, la cruauté, l'impiété, la vénalité.vi

La crainte de l’ennemi, la crainte de l’Autre, notion utilisée par Salluste, fut aux XIXème et XXème siècles beaucoup discutée par les historiens, politologues et sociologues européens. Cette notion, lancée par Salluste, peut nous aider aujourd’hui à saisir le mental des migrants non-européens qui s’amassent en Europe ainsi que le mental de nos politiciens qui les y invitent. Certes, la crainte de l’Autre peut être le facteur fortifiant de l’identité raciale chez les Européens de souche. On en est témoin aujourd’hui en observant la renaissance de différents groupes blancs et identitaires en Europe. En revanche, à un moment donné, le metus hostiles, à savoir la crainte des Autres, risque de se transformer en son contraire, à savoir l’amor hostiles, ou l’amour de l’ennemi qui détruit l’identité raciale et culturelle d’un peuple. Ainsi les Occidentaux de souche aujourd’hui risquent-ils de devenir peu à peu victimes du nouveau paysage multiracial où ils sont nés et où ils vivent. Pire, peu à peu ils commencent à s’habituer à la nouvelle composition raciale et finissent même par l’intérioriser comme un fait naturel. Ces mêmes Européens, seulement quelques décennies auparavant, auraient considéré l’idée d’un pareil changement racial et leur altruisme débridé comme surréel et morbide, digne d’être combattu par tous les moyens.

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Nul doute que la crainte de l’Autre, qu’elle soit réelle ou factice, resserre les rangs d’un peuple, tout en fortifiant son homogénéité raciale et son identité culturelle. En revanche, il y a un effet négatif de la crainte des autres que l’on pouvait observer dans la Rome impériale et qu’on lit dans les écrits de Juvénal. Le sommet de l’amour des autres, ( l’ amor hostiles) ne se verra que vers la fin du XXème siècle en Europe multiculturelle. Suite à l’opulence matérielle et à la dictature du bien-être, accompagnées par la croyance à la fin de l’histoire véhiculé par les dogmes égalitaristes, on commence en Europe, peu à peu, à s’adapter aux mœurs et aux habitudes des Autres. Autrefois c’étaient Phéniciens, Juifs, Berbères, Numides. Parthes et Maghrébins et autres, combattus à l’époque romaine comme des ennemis héréditaires. Aujourd’hui, face aux nouveaux migrants non-européens l’ancienne peur de l’Autre se manifeste chez les Blancs européens dans le mimétisme de l’altérité négative qui aboutit en règle générale à l’apprentissage du «  déni de soi ». Ce déni de soi, on l’observe aujourd’hui dans la classe politique européenne et américaine à la recherche d’un ersatz pour son identité raciale blanche qui est aujourd’hui mal vue. A titre d’exemple cette nouvelle identité négative qu’on observe chez les gouvernants occidentaux modernes se manifeste par un dédoublement imitatif des mœurs des immigrés afro-asiatiques. On est également témoin de l’apprentissage de l’identité négative chez beaucoup de jeunes Blancs en train de mimer différents cultes non-européens. De plus, le renversement de la notion de « metus hostiles » en « amor hostiles » par les gouvernants européens actuels aboutit fatalement à la culture de la pénitence politique. Cette manie nationale-masochiste est surtout visible chez les actuels dirigeants allemands qui se lancent dans de grandes embrassades névrotisées avec des ressortissants afro-asiatiques et musulmans contre lesquels ils avaient mené des guerres meurtrières du VIIIe siècle dans l’Ouest européen et jusqu’au XVIIIe siècle dans l’Est européen.

L’engouement pour l’Autre extra-européen – dont l’image est embellie par les médias et cinémas contemporains – était déjà répandu chez les patriciens romains décadents au Ièr siècle et fut décrit par le satiriste Juvénal. Dans sa IIIème satire, intitulée Les Embarras de Rome (Urbis incommoda), Juvénal décrit la Rome multiculturelle et multiraciale où pour un esprit raffiné comme le sien il était impossible de vivre...

Dans ces flots d’étrangers et pourtant comme rien

Depuis longtemps déjà l’Oronte syrien

Coule au Tibre, et transmet à Rome ses coutumes,

Sa langue, ses chanteurs aux bizarres costumes...vii

Juvénal se plaint également des migrants juifs dans ses satires, ce qui lui a valu d’être taxé d’antisémitisme par quelques auteurs contemporains.

Maintenant la forêt et le temple et la source

Sont loués à des Juifs, qui, pour toute ressource,

Ont leur manne d’osier et leur foin de rebut.

Là, chaque arbre est contraint de payer son tribut;

On a chassé la muse, ô Rome abâtardie

Et l’auguste forêt tout entière mendie viii

Juvenalis Decimus Title page.color.jpgLes lignes de Juvénal sont écrites en hexamètres dactyliques ce qui veut dire en gros un usage d’échanges rythmiques entre syllabes brèves ou longues qui fournissent à chacune de ses satires une tonalité dramatique et théâtrale qui était très à la mode chez les Anciens y compris chez Homère dans ses épopées. À l’hexamètre latin, le traducteur français a substitué les mètres syllabiques rimés qui ont fort bien capturé le sarcasme désabusé de l’original de Juvénal. On est tenté de qualifier Juvénal de Louis Ferdinand Céline de l‘Antiquité. Dans sa fameuse VIème satire, qui s’intitule Les Femmes, Juvénal décrit la prolifération de charlatans venus à Rome d’Asie et d’Orient et qui introduisent dans les mœurs romaines la mode de la zoophilie et de la pédophilie et d’autres vices. Le langage de Juvénal décrivant les perversions sexuelles importées à Rome par des nouveaux venues asiatiques et africains ferait même honte aux producteurs d’Hollywood aujourd’hui. Voici quelques-uns de ses vers traduits en français, de manière soignés car destinés aujourd’hui au grand public :

Car, intrépide enfin, si ton épouse tendre

Voulait sentir son flanc s’élargir et se tendre

Sous le fruit tressaillant d’un adultère amour,

Peut-être un Africain serait ton fils un jour ix

 

Les Romains utilisaient le mot « Aethiopis », Ethiopiens pour désigner les Noirs d’Afrique.

Qui interprète l’interprète ?

L’interprétation de chaque ouvrage par n’importe quel auteur, sur n’importe quel sujet social et à n’importe quelle époque, y compris les vers de l’écrivain latin Juvénal, se fera en fonction des idées politiques dominantes à savoir du Zeitgeist régnant. Or qui va contrôler l’interprète aujourd’hui si on est obligé de suivre les oukases pédagogiques de ses chefs mis en place après la fin de la Deuxième Guerre mondiale ? À cet effet on peut citer Juvénal et les fameux vers de sa VIème satire : «  Quis custodet ipsos custodes » à savoir qui va garder les gardiens, c’est à dire qui va contrôler nos architectes de la pensée unique qui sévissent dans les universités et dans les médias ?

A peu près le même principe de censure et d’autocensure règne aujourd’hui au sujet de l’étude et la recherche sur les différentes races. Aujourd’hui, vu le dogme libéralo-communiste du progrès et la conviction que les races ne sont qu’une construction sociale et non un fait biologique et en raison du climat d’auto-censure qui sévit dans la haute éducation et dans les médias, il n’est pas surprenant que de savants qui analysent les différences entre races humaines soient souvent accusés d’utiliser des prétendus « stéréotypes ethniques ». Or le vocable « stéréotype » est devenu aujourd’hui un mot d’ordre chez les bien-pensants et chez les hygiénistes de la parole en Europe. La même procédure d’hygiénisme lexical a lieu lorsqu’un biologiste tente d’expliquer le rôle des différents génomes au sein des différentes races. Un savant généticien, s’il s’aventure à démystifier les idées égalitaires sur la race et l’hérédité risque d’être démonisé comme raciste, fasciste, xénophobe ou suprémaciste blanc. La nouvelle langue de bois utilisée par les médias contre les mal-pensants se propage dans toutes les chancelleries et toutes les universités européennes.

Certes, les idées, en l’occurrence de mauvaises idées, mènent le monde, et non l’inverse. Dans la même veine, les idées dominantes qui sont à la base du Système d’aujourd’hui décident de l’interprétation des découvertes dans les sciences biologiques et non l’inverse. Nous avons récemment vu la chasse aux sorcières dont fut victime le Prix Nobel James Watson, codécouvreur de la structure de l'ADN et du décryptage du génome humain. Il a été attaqué par les grand médias pour des propos prétendument racistes émis il y a une dizaine d’année à propos des Africains. Je le cite : « Même si j'aimerais croire que tous les êtres humains sont dotés d'une intelligence égale, ceux qui ont affaire à des employés noirs ne pensent pas la même chose»x. Ce que Watson a dit est partagé par des milliers de biologistes et généticiens mais pour des raisons que nous avons déjà mentionnées, ils se taisent.

Nos Anciens possédaient un sens très aigu de leur héritage et de leur race qu’ils appelaient genus. Il existe une montagne d’ouvrages qui traitent de la forte conscience de la parenté commune et du lignage commun chez les Anciens. Nous n’allons pas citer tous les innombrables auteurs, notamment les savants allemands de la première moitié du XXème siècle qui ont écrit un tas de livres sur la dégénérescence raciale des Romains et d’autres peuples européens et dont les ouvrages sont non seulement mal vus mais également mal connus par le grand public d’aujourd’hui. Il est à noter qu’avant la Deuxième Guerre mondiale et même un peu plus tard, les savants et les historiens d’Europe et d’Amérique se penchaient sur le facteur racial beaucoup plus souvent et plus librement qu’aujourd’hui.

Prätorianer.jpgIl va de soi que les anciens Romains ignoraient le lois mendéliennes de l’hérédité ainsi que les complexités du fonctionnement de l’ADN, mais ils savaient fort bien comment distinguer un barbare venu d’Europe du nord d’un barbare venu d’Afrique. Certains esclaves étaient fort prisés, tels les Germains qui servaient même de garde de corps auprès des empereurs romains. En revanche, certains esclaves venues d’Asie mineure et d’Afrique, étaient mal vus et faisaient l’objet de blagues et de dérisions populaires.

Voici une brève citation de l’historien américain Tenney Frank, tirée de son livre Race Mixture in the Roman Empire ( Mélange des races dans l’Empire de Rome), qui illustre bien ce que les Romains pensaient d’eux-mêmes et des autres. Au début du XXème siècle Frank était souvent cité par les latinistes et il était considéré comme une autorité au sujet de la composition ethnique de l’ancienne Rome. Dans son essai, il opère une classification par races des habitants de l’ancienne Rome suite à ses recherches sur les inscriptions sépulcrales effectuées pendant son séjour à Rome. Voici une petite traduction en français de l’un de ces passages :

.…de loin le plus grand nombre d’esclaves venait de l'Orient, notamment de la Syrie et des provinces de l'Asie Mineure, avec certains venant d’Égypte et d’Afrique (qui, en raison de la classification raciale peuvent être considères comme venant de l'Orient). Certains venaient d’Espagne et de Gaule, mais une proportion considérable d'entre eux étaient originaires de l'Est. Très peu d’esclaves furent recensés dans les provinces alpines et danubiennes, tandis que les Allemands apparaissent rarement, sauf parmi les gardes du corps impériaux. (L’auteur) Bang remarque que les Européens étaient de plus grand service à l'empire en tant que soldats et moins en tant que domestiques.xi

Et plus tard il ajoute :

Mais ce qui resta à l’arrière-plan et régit constamment sur toutes ces causes de la désintégration de Rome fut après tout le fait que les gens qui avaient construit Rome ont cédé leur place à un race différente.xii

Les anciens Romains avaient une idée claire des différents tribus et peuples venus d’Orient à Rome. Comme l’écrit un autre auteur, « Les esclaves d’Asie mineur et les affranchis cariens, mysiens, phrygiens et cappadociens, à savoir les Orientaux, étaient, par rapport aux esclaves d'autres provinces, particulièrement méprisés dans la conscience romaine. Ces derniers sont même devenus proverbiaux à cause de leur méchanceté. » xiii

En conclusion, on peut dire qu’une bonne conscience raciale ne signifie pas seulement une bonne connaissance des théories raciales ou pire encore la diffusion des insultes contre les non-Européens. Avoir la conscience raciale signifie tout d’abord avoir une bonne mémoire de la lignée commune et une bonne mémoire du destin commun. Cela a été le cas avec les tribus européennes et les peuples européens depuis la nuit des temps. Une fois l’héritage du peuple, y compris son hérédité, oublié ou compromis, la société commence à se désagréger comme on l’a vu à Rome et comme on le voit chaque jour en Europe aujourd’hui. « Les premiers Romains tenaient à leur lignée avec beaucoup de respect et appliquaient un système de connubium selon lequel ils ne pouvaient se marier qu’au sein de certains stocks approuvés »xiv. Inutile de répéter comment on devrait appliquer le devoir de connubium en Europe parmi les jeunes Européens aujourd’hui. Voilà un exemple qui dépasse le cadre de notre discussion. Suite à la propagande hollywoodienne de longue haleine il est devenu à la mode chez de jeunes Blanches et Blancs de se lier avec un Noir ou un métis. Il s’agit rarement d’une question d’amour réciproque mais plutôt d’une mode provenant du renversement des valeurs traditionnelles.

Il est inutile de critiquer les effets du métissage sans en mentionner ses causes. De même on doit d’abord déchiffrer les causes de l’immigration non-européenne avant de critiquer ses effets. Certes, comme if fut déjà souligné la cause de la décadence réside dans l’oubli de la conscience raciale. Or celle-ci avait été soit affaiblie soit supprimée par le christianisme primitif dont les avatars séculiers se manifestent aujourd’hui dans l’idéologie de l’antifascisme et la montée de diverses sectes égalitaristes et mondialistes qui prêchent la fin de l’histoire dans une grande embrassade multiraciale et transsexuel. Critiquer les dogmes chrétiens et leur visions œcuméniques vis-à-vis des immigrés est un sujet autrement plus explosif chez nos amis chrétiens traditionalistes et surtout chez nos amis d’Amérique, le pays où la Bible joue un rôle très important. Or faute de s’en prendre aux causes délétères de l’égalitarisme chrétien on va tourner en rond avec nos propos creux sur le mal libéral ou le mal communiste. On a beau critiquer les « antifas » ou bien le grand capital ou bien les banksters suisses et leurs manœuvres mondialistes. Reste qu’aujourd’hui les plus farouches avocats de l’immigration non-européenne sont l’Église Catholique et ses cardinaux en Allemagne et en Amérique. Roger Pearson, un sociobiologiste anglais de renom l’écrit . « Se répandant d'abord parmi les esclaves et les classes inférieures de l'empire romain, le christianisme a fini par enseigner que tous les hommes étaient égaux aux yeux d'un dieu créateur universel, une idée totalement étrangère à la pensée européenne... Puisque tous les hommes et toutes les femmes étaient les "enfants de Dieu", tous étaient égaux devant leur divin Créateur ! » xv

Si l’on veut tracer et combattre les racines de la décadence et ses effets qui se manifestent dans le multiculturalisme et le métissage, il nous faut nous pencher d’une manière critique sur les enseignements du christianisme primitif. Ce que l’on observe dans l’Occident d’aujourd’hui, submergé par des populations non-européennes, est le résultat final et logique de l’idée d’égalitarisme et de globalisme prêchée par le christianisme depuis deux mille ans.

Tomislav Sunic et écrivain, ancien professeur de sciences politiques aux Etats-Unis, ancien diplomate croate. (www.tomsunic.com)

Notes:

i Montesquieu, Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence (Paris:

Librairie Ch. Delagrave : 1891), Ch. IX, p. 85-86, où il cite Bossuet; “Le sénat se remplissait de barbares ; le sang romain se mêlait ; l’amour de la patrie, par lequel Rome s’était élevée au-dessus de tous les peuples du monde, n’était pas naturel à ces citoyens venus de dehors..” http://classiques.uqac.ca/classiques/montesquieu/consider...

ii T. Sunic, „Le bon truc; drogue et démocratie“, dans Chroniques des Temps Postmodernes ( Dublin, Paris: éd Avatar, 2014), pp 227-232. En anglais, „The Right Stuff; Drugs and Democracy“, in Postmortem Report; Cultural Examinations from Postmodernity ( London: Arktos, 2017), pp. 61-65.

iii Voir T. Sunic, « L'art dans le IIIème Reich », Ecrits de Paris, juillet—août 2002, nr. 645, Also “Art in the Third Reich: 1933-45”, in Postmortem Report ( London: Artkos, 2017) pp. 95-110.

iv Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des races humaines, (Paris: Éditions Pierre Belfond, 1967), Livres 1 à 4, pp. 58-59.

v Ibid, Livres 5 à 6., p. 164.

https://ia802900.us.archive.org/27/items/EssaiSurLinegaliteDesRacesHumaines/EssaiSurLinegaliteDesRacesHumaines.pdf

vi Salluste, Ouvres de Salluste, Conjuration de Catilina - ( Paris: C.L. F. Pancoucke, 1838), pp 17-18.

https://ia802706.us.archive.org/5/items/uvresdesalluste00pancgoog/uvresdesalluste00pancgoog.pdf

vii Satires de Juvénal et de Perse, Satire III, traduites en vers français par M. J . Lacroix (Paris : Firmin Didot frères Libraries, 1846), p. 47.

viii Ibid. p.43

ix Ibid., p.165

Egalement sur le site: http://remacle.org/bloodwolf/satire/juvenal/satire3b.htm

x “ L'homme le plus riche de Russie va rendre à James Watson sa médaille Nobel”, Le Figaro, le 10 Dec. 2014.

http://www.lefigaro.fr/international/2014/12/10/01003-20141210ARTFIG00268-l-homme-le-plus-riche-de-russie-va-rendre-a-james-watson-sa-medaille-nobel.php

xi Tenney Frank, „Race Mixture in the Roman Empire“, The American Historical Review, Vol. XXI, Nr. 4, July 1916, p. 701.

xii Ibid. 705

xiii Heikki Solin, “Zur Herkunft der römischen Sklaven”

https://www.academia.edu/10087127/Zur_Herkunft_der_r%C3%B...

xiv Roger Pearson, « Heredity in the History of Western Culture, » The Mankind Quarterly, XXXV. Nr. 3. printemps 1995, p. 233.

xv Ibid p. 234.

dimanche, 18 novembre 2018

Le Mos Majorum : les vertus cardinales de l’homme romain

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Le Mos Majorum : les vertus cardinales de l’homme romain

Le Mos Majorum, signifiant « mœurs de anciens » ou « coutume des ancêtres », désigne dans la Rome antique, les 7 vertus cardinales de l’homme romain : la Fidès, la Pietas, la Majestas, la Virtus, la Gravitas, la Constantia et la Frugalitas.


Issues de l’ère républicaine (509 av J-C – 27 av J-C), considérée comme l’âge d’or de Rome, ces vertus ont pour fonction de modeler l’homme et de définir son attitude vis-à-vis de la cité et de ses pairs. Lorsque des pratiques ou des mœurs décadentes envahissent la vie de la cité, des voix s’élèvent pour rappeler le Mos Majorum, demandent à ce que l’on revienne à la Virtù et à la Gravitas : Cicéron et Caton l’ancien y font référence dans leurs écrits, ainsi que Virgile et Ovide. Et lors de tels rappels, une figure est particulièrement évoquée : celle de Lucius Quinctius Cincinnatus, l’homme politique patricien (-519-430 av J-C), modèle de droiture et d’humilité qui sauva Rome à deux reprises en endossant le rôle de dictateur.

Dans la société romaine, le profane et le divin ne sont pas séparés comme dans nos sociétés modernes ; l’homme romain vit dans un espace sacré au milieu des dieux, dont la présence est sans cesse rappelée par les temples et les statues qui occupent la cité; il honore aussi ses aïeux par un autel consacré dans sa demeure ou lors des Parentalia, en février et des Lemuria, en mai.
Cependant, la religion n’est pas seulement ce culte rendu aux dieux et aux ancêtres : elle permet aussi la sacralisation et même la déification d’un corpus d’attitudes et de coutumes appelé Mos Majorum. Ces attitudes idéales sont au nombre de 7 dont 4 d’entre elles sont particulièrement importantes, la Majestas, la Pietas, la Fides et surtout la Virtus.

La Majestas (sentiment d’être élu)

Les Romains se considèrent comme « élus », choisis par une destinée particulière ; Rome se sent invulnérable face à tous ses ennemis car ses habitants et ses soldats ont foi en ses traditions et en ses mœurs qui lui assurent une supériorité de fait sur les « barbares » : austérité, discipline, fidélité aux engagements, stricte honnêteté, dignité, constance font d’elle et de ses habitants le pôle dominant et sûr de lui de la civilisation face aux autres, au reste du monde qui ne reconnait pas encore « le légitime ascendant » de Rome. Si Rome est puissante, c’est par la force de ses légions mais également par la tenue des Romains. Polybe, l’historien grec, constate « qu’un Grec, s’engageât-il par serment en présence de dix témoins, trouvera toujours le moyen de se dégager, tandis que la parole d’un Romain, » fût-il prêteur ou consul », sera sa loi.

La pietas (piété)

Les Romains désignent sous le nom de Pietas, l‘attitude qui consiste à observer scrupuleusement non seulement les rites mais également les codes de conduite entre eux.
Les choses doivent être à leur place, bien ordonnées et on doit les y remettre à chaque fois qu’un accident a révélé quelques troubles. Le terme est en rapport étroit avec piare, qui désigne l’action d’effacer une souillure, un mauvais présage, un crime. Dans l’ordre intérieur, la pietas consistera, pour un fils, à obéir à son père, à le respecter, à le traiter en conformité avec la hiérarchie naturelle. Alors qu’un fils qui désobéit à son père ou même qui le frappe est un monstrum.
La pietas peut donc être également assimilée au patriotisme, au respect de l’ordre social et à la dévotion aux divinités tutélaires.

La Fidès (fidélité)

La Fidès est l’une des manifestations les plus anciennes de la pietas car elle est le respect des engagements. Mais si La Pietas régit l’attitude de l’homme romain envers la société, la Fidès permet de souder les êtres entre eux. Son importance est-elle que les Romains la divinisent comme figure présente sur le Capitole où elle a son temple à côté de celui de Jupiter Très bon et Très grand. Elle est là pour garantir la bonne foi et la bienveillance dans la vie sociale toute entière. Elle est la fidélité à la parole donnée, le lien de confiance inébranlable et l’assurance de la réciprocité entre deux citoyens. Elle garantit donc les rapports entre les êtres, aussi bien dans les contrats que dans les traités, et plus profondément encore dans l’accord implicite, défini par les différentes coutumes, qui lie les citoyens entre eux. « O Fides Quiritium ! » (Ô Bonne Foi des Citoyens) crient les personnages du théâtre comique lorsque s’abat sur eux quelque catastrophe. Cet appel au secours invoque la solidarité que se doivent tous les membres de la cité. Y manquer revient à compromettre tout l’édifice. Et l’on comprend alors pourquoi la fides constitue l’une des vertus cardinales de la morale romaine.

La virtus (vertu) 

Le Romain est non seulement supérieur au barbare par la qualité de ses institutions, la grandeur de ses dieux qu’il ne manque de servir ou le lien de solidarité qui l’unit aux autres citoyens mais également par ses qualités propres, son énergie et son courage qu’il met au service de la cité.
La virtu, la virilité, se manifeste d’abord par le courage physique. Un courage qui à Rome est au service de l’armée, pour la défense de la patrie car c’est dans la guerre que s’exprime en priorité la virilité romaine. La virtus, c’est d’abord le courage militaire mais un courage individuel qui se fond au sein de la légion, dans le respect de la discipline. La recherche de l’exploit individuel est qualifiée de façon négative, d’intemperantia, et il faut une autorisation hiérarchique pour commettre ce genre d’acte comme allumer un incendie dans un camps ennemi ou détruire une voie de passage.
Être un Romain, c’est donc être un citoyen viril, c’est « facere et pati fortia », « accomplir et subir avec un courage indomptable. » et la guerre est bien le moment de vérité où se révèle la virtus du citoyen, du mâle romain : Les Romains ne sont-ils pas des Martigenae, des fils de Mars ?
L’emploi du mot Vir désigne souvent le chef courageux et héroïque qui meurt au combat ; dans la locution latine, ce héros est même comparé au viril taureau : « Sic pugnant tauri, sic cecidere viri » (c’est ainsi que combattent les taureaux, c’est ainsi que sont tombés les héros »).
Mais si le Romain défend la cité par devoir patriotique, il le fait également pour montrer sa virtus et posséder ainsi une bonne réputation auprès de ses pairs et de ses descendants. Il se doit en effet de laisser un souvenir de ses actions pour être honoré après sa mort, pour rester « sur les lèvres des hommes ». C’est donc en combattant pour Rome et surtout en tuant et en obtenant la victoire pour Rome que l’on atteint la gloire, que la vie acquiert valeur exemplaire pour les générations suivantes qui perpétueront la puissance de Rome.

La gravitas (sens du devoir), la frugalitas (simplicité) et la constancia (l’humeur égale) complètent ses 4 valeurs : elles caractérisent l’exemplarité du simple citoyen mais aussi la figure du héros romain, du chef politique idéal que de nombreux politiciens ou écrivains romains comme Tite-Live louent au travers du personnage de Lucius Cincinnatus.

concinnatus.jpgLucius Quinctius Cincinnatus

Lucius Quinctius Cincinnatus incarne les valeurs d’impersonnalité active et de loyauté envers la cité. Son chemin est celui de l’homme qui n’agit que pour le bien commun, qui ne s’impose pas mais répond par l’affirmative (avec un peu d’hésitation d’ailleurs) à la demande de ceux qui voient en lui LE RECOURS face aux périls qui menacent.
Figure emblématique de tout un empire, Cincinnatus va pourtant entrer dans l’histoire assez tardivement. 
Lucius Quinctius Cincinnatus est un patricien appauvri par la lourde amende payée après la condamnation de son fils, cultivant lui-même son champ, quand il est élu « consul suffect » en remplacement d’un autre consul tué pendant une révolte d’esclaves, fomentée par les Sabins. Cincinnatus reprend la ligne politique anti-plébéienne tenue par son fils exilé et s’oppose violemment aux tribuns de la plèbe réélus sans cesse. Il réinstaure la moralité en politique, dénonce l’oisiveté des consuls et neutralise pendant quelques temps l’outrance des plébéiens en trouvant un accord de gouvernement avec eux. Mais en – 458 av J-C, les tensions reprennent vite entre les deux factions et c’est à ce moment précis que deux peuples voisins, les Eques et les Sabins, rompent les accords de paix et envahissent le latium vetus. Les tribuns de la plèbe s’opposant à toute mobilisation, le peuple prend de lui-même les armes et, mené par le consul Caius Nautius Rutilus repousse les Sabins sur leur propre territoire puis le dévaste. Mais la situation face à l’avancée des Eques est intenable : les Consuls supplient alors Cincinnatus de prendre la dictature. Celui-ci accepte malgré la nécessité de cultiver ses terres pour nourrir sa famille ; il nomme un commandant de cavalerie et, en seize jours, libère un consul et ses troupes assiégés par les Eques, les écrase à la bataille du Mont Algide, célèbre un « triomphe », fait condamner les traitres à la solde de l’ennemi et… abdique.

C’est l’« auto-destitution » de Cincinnatus, celle de l’homme providentiel qui remet les pouvoirs confiés après l’accomplissement du devoir, qui deviendra pour la postérité, l’incarnation de la Virtu.

Vingt années s’écoulent quand les Consuls viennent à nouveau chercher Cincinnatus. Il s’agit, cette fois, de parer au danger de guerre civile que fait courir un riche plébéien, Spurius Maelius, manoeuvrant pour déstabiliser l’Urbs en corrompant une partie de la population et bon nombre de tribuns de la Plèbe. Cincinnatus accepte à nouveau la dictature et riposte de façon foudroyante. Il fait exécuter le ploutocrate, ordonne qu’on rase sa maison et que l’on confisque ses biens. Une fois encore, Cincinnatus se démet de ses fonctions de dictateur après la crise surmontée.

Depuis des dizaines de siècles, Rome nous offre non seulement l’héritage d’une langue, d’une culture, d’une histoire grandiose et jamais égalée, mais elle nous propose aussi un mode de comportements vertueux, le Mos Majorum, ce corpus de vertus qui lui permit de forger un type d’homme supérieur, conquérant et bâtisseur, doté d’une force de caractère et d’un courage dans l’action : le « summus operator ». Celui qui subjugue la femme, soumet l’étranger, vainc le barbare et dont, la fidélité à la parole donnée et à la patrie reste infaillible.

Julius Evola, le métaphysicien italien du vingtième siècle (1), rendra hommage à cette figure du romain, en écrivant : « Sur le plan de l’esprit, il existe quelque chose qui peut déjà servir de trace aux forces de résistance et de renouveau : c’est l’esprit légionnaire. C’est l’attitude de ceux qui surent choisir la voie la plus dure, de ceux qui surent combattre… de ceux qui surent « convalider » les paroles de la vieille saga : « Fidélité est plus forte que feu », et à travers lesquels s’affirma l’idée traditionnelle qui veut que ce soit le sens de l’honneur ou de la honte – et non de petites mesures tirées de petites morales – qui crée une différence substantielle, existentielle, entre les êtres, comme entre une race et une autre race. » (2)

(1) Julius Evola, « le dernier des romains » comme aimaient le nommer ses contempteurs.
(2) Orientations – Julius Evola

Pour aller plus loin :

L’Empire romain – Pierre Grimal
Histoire des guerres romaines – Yann Le Bohec
Bellum Iustum – Jean-François Chemain préfacé par Yann Le Bohec
Histoire romaine – Tite-Live

 

http://www.blogimperatif.fr/le-mos-maiorum-les-vertus-car...

jeudi, 25 octobre 2018

Tacite et le message anti-impérialiste

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Tacite et le message anti-impérialiste 

Les Carnets de Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

Les extraits que vous allez lire sont de Tacite (Agricola, XXX-XXXII). Ils exposent le message national, rebelle et anti-impérial du chef de la résistance bretonne à l’envahisseur romain qui l’attaque avec son armée mondialisée, ses mœurs sexuelles dépravées et ses impôts incroyables et son esclavage assorti. Ils sont d’une actualité brûlante et valent tous les écrits de résistance postérieurs. Lisez-les bien par conséquent :

 « Parmi les chefs, Calgacus se distinguait par sa bravoure et son lignage. Devant la foule qui s’agglutinait et réclamait le combat, il prit la parole.

51X1TNV36PL._SX210_.jpgVoici les propos qu’on lui prête :

XXX. 1. « Chaque fois que je pense à nos raisons de faire le guerre et à l’état d’urgence où nous sommes réduits, j’ai vraiment l’espoir que cette journée, qui scelle aujourd’hui notre entente, marquera pour toute la Bretagne le début de sa liberté. Car c’est tous ensemble que vous êtes ici réunis, vous qui n’avez jamais connu l’esclavage. Au-delà de notre terre, il n’y a plus rien. La mer ne nous protège même plus : la flotte romaine nous y attend. 2. Alors, prendre les armes pour combattre – un honneur que revendiquent les braves – c’est le choix le plus sûr, même pour les pleutres ! 3. Ceux qui autrefois, avec des fortunes diverses, ont combattu les Romains, voyaient dans notre force armée l’espoir d’être secourus. Pourquoi ? »

 On se croyait loin des invasions impériales en Bretagne. Mais comme a dit Guy Debord à la fin des années 80, « dans un monde unifié, on ne peut s’exiler » :

« Nous étions de toute la Bretagne les plus dignes et, pour cette raison, nous vivions dans son cœur même, sans voir les rivages où vivent des hommes asservis. Nous préservions même nos regards à l’abri des atteintes de l’oppression. 4. Nous occupons les confins du monde, la terre des derniers hommes libres, car c’est notre éloignement même et tout ce qui entoure notre réputation qui, jusqu’aujourd’hui, nous ont protégés ; or tout ce qui est inconnu est magnifié. 5. Mais maintenant voilà que s’ouvre l’extrémité de la Bretagne. Au-delà, il n’y a plus un seul peuple. Il n’y a plus rien. Rien que des vagues, des écueils et une menace encore plus grande, celle des Romains. Ne croyez surtout pas que vous échapperez à leur fierté méprisante en vous effaçant dans l’obéissance. »

 L’empire romain ressemble à notre empire actuel néolibéral. Il pille, il est omniprésent, il est sexuellement dépravé et insatiable ; il profane le monde et notre humanité.

« 6. Le monde entier est leur proie. Ces Romains, qui veulent tout, ne trouvent plus de terre à ruiner. Alors, c’est la mer qu’ils fouillent ! Riche, leur ennemi déchaîne leur cupidité, pauvre, il subit leur tyrannie. L’Orient, pas plus que l’Occident, n’a calmé leurs appétits. Ils sont les seuls au monde qui convoitent avec la même passion les terres d’abondance et d’indigence. 7. Rafler, massacrer, saccager, c’est ce qu’ils appellent à tort asseoir leur pouvoir. Font-ils d’une terre un désert ? Ils diront qu’ils la pacifient. XXXI. 1. La nature a voulu que les enfants et les proches soient aux yeux de chacun les êtres les plus chers. Les conscriptions les arrachent pour en faire ailleurs des esclaves. Même si en temps de guerre, épouses et sœurs ont échappé aux appétits sexuels des envahisseurs, ceux-ci attentent à leur pudeur en invoquant l’amitié et les lois de l’hospitalité. »

823773.jpgSelon ce grandiose Calgacus, on est là aussi pour être rincés par les impôts qui n’ont jamais été aussi élevés (France, Allemagne, USA) pour les couches faibles et moyennes dans ce monde pourtant si libéral :

« 2. Les revenus des biens sont dévorés par l’impôt, chaque année les récoltes passent à donner du blé, les corps eux-mêmes et les bras s’épuisent, sous les coups et les injures, à défricher des forêts et assécher des marais. 3. Ceux qui sont nés pour servir ne sont qu’une seule fois pour toutes destinés à être vendus comme esclaves. Mieux, ils sont nourris par leurs maîtres. Mais la Bretagne, c’est chaque jour qu’elle achète son asservissement, chaque jour qu’elle le repaît. 4. Au sein du personnel domestique, tout esclave acheté en dernier lieu est tourné en ridicule, même par ses compagnons d’esclavage. De la même façon, dans ce monde domestiqué depuis bien longtemps, on nous voue à l’extermination: nous qui sommes les derniers venus, nous ne valons rien ! »

 Extraordinaire Calgacus ou Tacite ! Les peuples n’ont plus de patrie et ils sont remplacés comme dans notre nouvelle économie de plantation (on déplace les esclaves, on remplace les locaux, on envoie les bénéfices à Dubaï ou Wall Street). Description des envahisseurs romains si proches des anglo-américains contemporains (le thème est repris par Geoffroy de  Monmouth, X, voyez mon livre sur Perceval et la reine) :

 « XXXII. 1. Croyez-vous vraiment que les Romains soient aussi vaillants à la guerre que dévergondés dans la paix ? Il n’y a que nos divergences et nos différends pour mettre en valeur ces gens, qui font des défauts de leurs ennemis la gloire de leur propre armée. Or cette armée n’est qu’un ramassis des peuples les plus disparates. Seules des circonstances favorables préservent son unité, que des revers réduiront en miettes. Mais, peut-être, pensez-vous que, tout en offrant leur sang pour asseoir ce pouvoir étranger, des Gaulois et des Germains et – quelle honte ! – bien des Bretons, qui furent plus longtemps les ennemis que leurs esclaves, se sentiront retenus par des sentiments de fidélité et d’attachement ? 2. La crainte et l’effroi sont de bien faibles liens d’amitié et, quand ils sont dépassés, ceux qui n’ont plus peur se mettent à haïr ».

Calgacus espère faire reculer l’armée de l’envahisseur en évoquant la patrie et la famille, les deux réalités les plus massacrées à notre époque.

« 3. Tout ce qui fait vaincre est de notre côté. Ici, les Romains n’ont pas d’épouses qui enflamment leur courage, pas de familles pour les blâmer s’ils ont fui. Beaucoup n’ont pas de patrie ou peut-être est-ce une autre que Rome. 4. Ils ne sont que peu nombreux. Ils ne connaissent rien de cette terre et cela les fait trembler : le ciel lui- même, la mer, les forêts, c’est l’inconnu tout autour d’eux ! Tout se passe comme si les dieux nous avaient livrés des prisonniers enchaînés ! 5. Ne vous laissez pas impressionner par de vains dehors ni par l’éclat de l’or et de l’argent, qui ne protège ni ne blesse. 6. C’est dans les rangs mêmes de l’ennemi que nous recruterons nos propres troupes. 7. Les Bretons reconnaîtront leur propre cause ! Les Gaulois se souviendront de leur liberté perdue ! Tout comme viennent de le faire des Usipiens, tous les autres Germains déserteront ! 8. »

On a peur de résister, sauf quand on a plus mal que peur. La résistance ne doit alors plus effrayer car c’est cela ou l’esclavage et la mine :

« Après cela, qu’est-ce qui nous fera encore peur ? Des fortins vides ? Des colonies de vieillards ? Des municipes en mauvaise posture où se déchirent ceux qui se soumettent de mauvais gré et ceux qui les dominent injustement ?

Ici, il n’y a que leur général, ici, il n’y a que leur armée. Là d’où ils viennent, on paie des impôts, on peine dans les mines et tous les autres sévices s’abattent sur ceux qui sont asservis. Subirons-nous ces outrages à jamais ou nous en vengerons-nous tout de suite dans cette plaine ? Marchez au combat en pensant à vos aïeux et à vos fils ! »

Rassurons le système : Calgacus fut tué, les bretons écrasés (XXXVII),  et les héritiers anglo-saxons devinrent les meilleurs impérialistes de l’histoire !

Bibliographie

Nicolas Bonnal – Perceval et la reine

Guy Debord – Commentaires sur la Société du Spectacle

Niall Ferguson – Empire_How Britain made the modern world

Geoffrey of Monmouth – History of the kings of Britain – book X – In Parentheses publications

Tacite – Agricola (sur Wikisource_ traduction Danielle De Clercq-Douillet)

dimanche, 05 août 2018

Invoquons Mars, père des Européens !

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Invoquons Mars, père des Européens !

Mars, père des Européens

par Thomas Ferrier

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com

Il est le dieu latin de la guerre, et si son nom de Mars est connu de tous, il était également appelé Mamers et surtout Mavors, directement issu de son nom indo-européen originel *Maworts (génitif *Mawertos), désignant le dieu de l’orage et de la guerre, correspondant au dieu letton Martins et aux divinités indiennes de l’orage, les Maruts, qui font partie du cortège d’Indra. Sous d’autres noms indo-européens, Mars correspond au Thor scandinave ou au Perun slave, et bien sûr à l’Arès grec.

C’est le dieu du « printemps sacré » (uer sacrum), lorsque toute la jeunesse d’une tribu est envoyée fonder une nouvelle cité guidée par un animal sacré associée au dieu. Les Mamertins furent guidés par le dieu en personne sous sa forme physique, comme leur nom l’indique. Les Eques furent guidés par un cheval envoyé par Mars, tandis que les Taurins avaient été guidés par un taureau, les Hirpins pas un loup, les Picéniens par un pivert, et toute la nation italique, le nom originel étant Vitalia, le pays des (troupeaux de) veaux, est en réalité associée au dieu Mars.

Parmi tous les peuples et au sein des peuples latins, la cité de Rome est des plus éminentes. La tradition attribue sa fondation à deux jumeaux, Romulus et Rémus, fils de Mars et de la vestale Rhea Silvia, elle-même fille de Numitor, le roi d’Albe, et que son oncle Amulius avait fait enfermer. Les jumeaux furent protégés par un pivert et une louve envoyés par leur père. Et un couple de bergers les adopta, ignorant leur origine divine et royale. C’est ainsi que Mars fut qualifié de « père des Romains ».

Lorsque Romulus et ses hommes enlevèrent les filles sabines, les mariages furent bénis par Venus Cloacina, épouse de Mars. C’est ainsi que Rutilius Namatianus, douze siècles plus tard, dira des Romains qu’ils associent les qualités réunies de Mars et de Venus, mère d’Enée par ailleurs. C’est sous la forme d’un nuage d’orage que Mars enlèvera par la suite son fils Romulus, devenu alors le dieu Quirinus, et l’emmènera sur l’Olympe.

Père des Romains, il s’assura toujours d’intervenir aux côtés des légions face au danger et plusieurs soldats à plusieurs époques témoigneront de la présence à leur côté d’une figure puissante galvanisant leur élan guerrier. Il est vrai que les Grecs aussi chantaient le péan afin qu’Arès soit parmi eux. Protecteur de César, qui dédaigna malgré tout ses avertissements, comme lorsque le dieu fit tinter ses lances dans la Regia la veille de son assassinat, il veilla auprès d’Octavien et d’Antoine afin que le dictateur soit vengé. C’est Mars Vengeur (Ultor) qui porta la colère des légions contre Brutus et Cassius. C’était aussi Mars Vengeur qui avait incité Brutus l’ancien à chasser les rois étrusques, Brutus qui avait dédié le poignard de Lucrèce au dieu puis offert un champ à celui-ci, le Champ de Mars (Campus Martius).

A la tête des armées de la république, il était Mars Gradivus, qui parcourt le champ de bataille afin d’occire les ennemis de la cité. Et en temps de paix, il devenait Mars Quirinus, « rassembleur du peuple », et à l’occasion protecteur du blé contre la rouille, agissant en guerrier même sur le champ du paysan latin.

Par la guerre, il amenait la paix. On l’honorait comme Mars Pacifer, lorsqu’il apportait la paix, et comme Mars Pacator, quand il revenait vainqueur de la bataille. Bien avant le dieu du soleil (Sol Invictus), Mars était dit Invictus, c’est-à-dire invaincu et invincible. Il était souvent simplement vainqueur, Mars Victor, aux côtés d’une Venus Victrix l’accompagnant tout comme Nerio, Bellone et Minerve au combat.

Au sein de la légion, Mars était devant et harcelait l’ennemi, il était Propugnator. Les cris de colère des Gaulois invoquant leur dieu champion, Camulos, lui répondaient. Et lorsque la légion était triomphante, et que l’empire s’étendait, il était honoré comme dieu Propagator. C’est ainsi que les valeurs de la Rome italique s’étendaient jusque dans les provinces orientales, sans grand succès ceci dit dans ce dernier cas.
L’empereur Maxence, face à Constantin qui se tournait vers un dieu étranger, honora à son tour Mars Propagator et donna même à son propre fils le prénom de Romulus. Il reconstruit quatre-vingt temples à Rome comme l’empereur Auguste en son temps s’en était vanté dans ses Res Gestae. Et Julien lui-même voulut sacrifier à Mars avant sa guerre contre les Perses. Mais le dieu ayant envoyé des signes contraires, tout comme César avant lui, Julien négligea son message et trouva la mort au combat, transpercé d’une lance revendiquée par le parti chrétien.

Mais Mars était là en témoin silencieux lorsque l’armée européenne d’Arbogast fut écrasée par l’armée chrétienne de l’empereur Théodose. Il ne sauva pas Rome car il avait promis douze siècles, et pas un de plus, à Romulus, comme les douze vautours que ce dernier avait vus dans le ciel.

Et aujourd’hui, alors que l’Europe est menacée comme jamais elle ne l’a été de toute son histoire, et que son existence même est en question, il est temps d’invoquer la puissance de celui qui ne fut pas seulement le père des Romains mais qui est aussi celui de tous les Européens, amis de la bravoure comme les qualifiait Hippocrate il y a 2.500 ans, de tous ces *Āryōs ancestraux dont Arès porte le nom.

Mars, uigila !

dimanche, 01 juillet 2018

The Ancients on Speaking Rightly

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The Ancients on Speaking Rightly

We are all faced with the challenge of speaking, and living, truths which are felt to be offensive by a great many of our countrymen, not to mention the powers that be. This is not a new problem. By definition, the natural diversity of men means that knowledge of the truth is highly unequally distributed and those who know most about the truth are necessarily a tiny minority. This minority must alone face the prejudices and ignorance of the masses and the violence of the state. The Ancients are in universal agreement in saying that the truth must be spoken carefully, with due regard for one’s social position, social harmony, and the general society’s necessarily limited ability to grasp the truth.

Hesiod, that most practical Grecian poet, said: “The tongue’s best treasure among men is when it is sparing, and its greatest charm is when it goes in measure. If you speak ill, you may well hear greater yourself” (Works and Days, 720-25). He advised to “never venture to insult a man for accursed soul-destroying poverty, which is the dispensation of the blessed ones who are for ever” (W&D, 715-20). And ought we not to be even kinder to those suffering from poverty of culture and soul?

On the positive side, Hesiod also eloquently described the almost magical ability of the heaven-blessed king to unite his community through right speech: “upon his tongue” the Muses “shed sweet dew, and out of his mouth the words flow honeyed; and the peoples all look to him as he decides what is to prevail with his straight judgments” (Theogony, 80-90). There was a unique ideal of isogoria – equality or freedom of speech, the right for each citizen to speak before the public –  in ancient Greece. This right however was, even for citizens, not unqualified and entailed responsibility, particularly with regard to the social consequences of one’s words.

In a faraway India, the followers of the Buddha paired gracious, truthful speech with perfect self-control. According to the Gandharan Dharmapada, Gautama said:

One who utters speech that isn’t rough
But instructive and truthful
So that he offends no one,
Him I call a Brahmin.

The one who does no wrong
Through body, speech, or mind,
Restrained in the three ways,
Him I call a Brahmin.

One perfectly calmed, ceased,
A gentle speaker, not puffed up,
Who illuminates the meaning and the Dharma,
Him I call a Brahmin. (Dharmapada, 1.22-24)

Lest one think this is but the fearful self-censorship of peasants and monks, the Norse poets have Odin say much the same thing. The Sayings of the High One (Hávamál) contain several verses advising caution in speech. Odin says:

He’s a wretched man, of evil disposition,
the one who makes fun of everything,
he doesn’t know the one thing he ought to know:
that he is not devoid of faults (Hávamál, 22)

Wise that man seems who retreats
when one guest is insulting another;
the man who mocks at a feast doesn’t know for sure
whether he shoots off his mouth amid enemies. (Háv., 31)[1] [2]

For, as Odin adds: “For those words which one man says to another, often he gets paid back” (Háv., 65). The foul-speaking, friendless man goes to the Assembly and finds himself “among the multitude and has few people to speak for him” (Háv., 62).[2] [3]

One must have the right speech, the most truthful speech possible, according to time and place and audience. The most important truths – those about life and death, about purpose and community – are rarely apprehended explicitly and rationally, nor do they need to be, operating at a far deeper psychological level. Your whole demeanor, your generous attitude ought to, without words, invite your kinsmen to live seriously and love their people. For as Aristotle said, so far as persuasion is concerned, the speaker’s “character contains almost the strongest proof of all” (Rhetoric, 1.2)

Unless you are a prophet (feel free to “announce yourself”), you must work with existing, living traditions, national and spiritual, whatever their imperfections, for these resonate with people and, if appealed to, invite them to higher purposes. (Actually, even the prophets, both ancient and modern, appealed to, expanded upon, and transformed existing traditions.) That which is bad in a tradition can be graciously understated, that which is good celebrated and glorified. You do not convince people with statistics and syllogisms, but by touching their soul. In terms of ethics, a living tradition is worth more than all the libraries and databases in the world.

All this is not to say that one should not say anything offensive to society. All the traditions are equally clear: there are times when truth must be adhered to openly, necessarily meaning the breaking of ties with society, one’s own family, one’s life. The point I would make is that this must not be done carelessly, but with self-mastery and effectiveness. The gains in terms of knowledge of truth must outweigh the costs in terms of social entropy, division, and hatred. Your words are actions. A generation cannot, and should not, be expected to abandon the religion and fundamental values it was brought up with (we ought to have a compassionate thought for the Boomers here). In all this, one should trust one’s instincts rather than calculate. Some truths are spoken in vain if one lacks power. As a Spartan once said: “My friend, your words require the backing of a city” (Plutarch, “Sayings of Lysander,” 8). Socrates lived cryptically his entire life, confounding convention and encouraging the good, choosing to die at precisely the moment when this would make truth resonate for the ages.

aristotelesrhetoric.jpgAbove all, we must shed from within ourselves the idea that we, personally, are “entitled” to free speech or that the masses can welcome the whole truth. If we still have these notions, then we are in fact still slaves to our time’s democratic naïveté. No, free speech is at once a duty and a prize, to be exercised only once we have become worthy, by our own personal excellence and self-mastery. That was, at any rate, the way Diogenes the Cynic saw things, calling free speech “the finest thing of all in life.”[3] [4] But this free speech was not to be used carelessly: the Dog’s notoriously vicious wit and outrageous behavior were always meant to benefit others educationally, metaphorically biting his “friends, so as to save them.”[4] [5] Do not worry about your right to freedom of speech: try to be worthy of freedom of speech.

On this point, I can do better here than quote the philosopher-emperor Julian, in his letter denouncing the so-called “Cynics” of his day, who had degenerated into something like a band of lazy and offensive hippies (my emphasis):

Therefore let him who wishes to be a Cynic philosopher not adopt merely their long cloak or wallet or staff or their way of wearing the hair, as though he were like a man walking unshaved and illiterate in a village that lacked barbers’ shops and schools, but let him consider that reason rather than a staff and a certain plan of life rather than a wallet are the mintmarks of the Cynic philosophy. And freedom of speech he must not employ until he have first proved how much he is worth, as I believe was the case with Crates and Diogenes. For they were so far from bearing with a bad grace any threat of fortune, whether one call such threats caprice or wanton insult, that once when he had been captured by pirates Diogenes joked with them; as for Crates he gave his property to the state, and being physically deformed he made fun of his own lame leg and hunched shoulders. But when his friends gave an entertainment he used to go, whether invited or not, and would reconcile his nearest friends if he learned that they had quarrelled. He used to reprove them not harshly but with a charming manner and not so as to seem to persecute those whom he wished to reform, but as though he wished to be of use both to them and to the bystanders. Yet this was not the chief end and aim of those Cynics, but as I said their main concern was how they might themselves attain to happiness and, as I think, they occupied themselves with other men only in so far as they comprehended that man is by nature a social and political animal; and so they aided their fellow-citizens, not only by practicing but by preaching as well. (To the Uneducated Cynics, 201-02)

Your words are a side effect, a very secondary one, of your way of life. How are you living?

Bibliography

 Aristotle (trans. H. C. Lawson-Tancred), The Art of Rhetoric (London: Penguin, 2004).

Hard, Robin, (ed. and trans.), Diogenes the Cynic: Sayings and Anecdotes with Other Popular Moralists (Oxford: Oxford University Press, 2012).

Hesiod (trans. M. L. West), Theogony and Works and Days (Oxford: Oxford University Press, 1988).

Julian (trans. Emily Wright), To the Uneducated Cynics: https://en.wikisource.org/wiki/To_the_uneducated_Cynics [6]

Larrington, Carolyne (trans.), The Poetic Edda (Oxford: Oxford University Press, 2014).

Plutarch (trans. Richard Talbert and Ian Scott-Kilvert), On Sparta (London: Penguin, 2005)

Roebuck, Valerie (trans.), The Dhammapada (London: Penguin, 2010).

Notes

[1] [7] One could also cite verse 32:

Many men are devoted to one another
and yet they fight at feasts;
amongst men there will always be strife,
guest squabbling with guest.

[2] [8] More generally, one is struck at the degree to which the ethos of the Hávamál are in harmony with those of Homer and Hesiod, no doubt reflecting similar ways of life as farmers, wanderers, and conquerors.

[3] [9] Robin Hard (ed. and trans.), Diogenes the Cynic: Sayings and Anecdotes with Other Popular Moralists (Oxford: Oxford University Press, 2012), 50.

[4] [10] Ibid., 24.

 

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[10] [4]: #_ftnref4

 

 

mardi, 23 janvier 2018

Religious Piety in Sparta & Rome

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Religious Piety in Sparta & Rome

As (post-)Christian moderns, we are twice handicapped in trying to understand the religions of the ancient pagan states such as Sparta and Rome. Where we tend to think of religious belief as universalistic, other-worldly, monolatrous, and dogmatic, ancient paganism was particularistic, world-embracing, polytheistic (almost ecumenical), and non-dogmatic (but ritualistic). 

FdC-CA.jpgThe nineteenth-century French historian Fustel de Coulanges memorably showed, in his La Cité antique, the fundamental role which the religion had in shaping the laws, families, and very statehood of Greek and Roman societies. The ancient family and state were presided over by fathers also playing the role of priests. Participation in the religion defined who was a member of the community, whether familial or political, what were the inviolable sacred spaces were (the household, the city, the federal sanctuary), what were the duties of each, and who were the ancestors and gods one had to live up to. The religious-familial-political community – all the associated sentiments reinforcing one another in wondrous harmony – and its rules were constantly reinforced by regular and mandatory ritualistic activity featuring sacrifices, a set calendar, festivals, and so on. Coulanges says:

The comparison of the beliefs and laws [of the Greco-Romans] shows that the primitive religion created the Greek and Roman family, established marriage and paternal authority, fixed the categories of kinship, consecrated the right of property and the right of inheritance. This same religion, after having enlarged and extended the family, shaped a wider association, the city, and reigned in it as in the family.[1] [2]

He stresses furthermore: “There was not a single act of public life in which one did not have the gods intervene.”[2] [3] This cannot be overemphasized: all ancient Greco-Roman government buildings (including the treasury) were in fact temples. Assembly meetings and court cases were held under the auspices of the gods. Hence, selection of officials by lot was thought to be the gods’ choice and meetings could only be held on propitious religious days. Even on military campaigns, one finds the general acting as head priest, making regular sacrifices to the gods and looking for omens, and making decisions on that basis. Where Christianity has often been separated from the state (“Render unto Caesar . . .”), Coulanges is at pains to emphasize that in pagan Greece and Rome, religion was the state.

We are struck at how “scientific” the Greeks could be. Sophists, historians, and philosophers could explain phenomena in often surprisingly naturalistic and rational ways: that dreams are the return of what concerned us during the day, that the Nile Delta was formed by the river’s steady depositing, or that fossilized shells found in the mountains are proof that the seas used to be high. We find philosophers like Xenophanes criticizing the inherited tales about the gods in a surprisingly free spirit. Then there is Anaxagoras’ memorable claim that the sun was a “a hot stone larger than the Peloponnese”! The historian Thucydides is also remarkable for his lack of religious interpretation.

Yet, these “rationalists” seem to have been very much the exception in these societies, or at least, religious piety and superstition nonetheless dominated daily life. The ancient religion seems to us exceedingly superstitious in many ways. Look at what the most pious Xenophon has his idealized Cyrus say on his death-bed:

Zeus, god of my fathers, and you, O Sun, and all you gods, accept this sacrifice, my offering for many a noble enterprise, and suffer me to thank you for the grace you have shown me, telling me all my life, by victims and by signs from heaven, by birds and by the voices of men, what things I ought to do and what I ought to refrain from.[3] [4]

xenophon03.jpgWe are shocked to see, throughout Greco-Roman history, government and even military business being significantly affected by apparently trivial “omens” such as the weather, the entrails of animals, the flight of birds, dreams, sneezes, the inscrutable sayings of the oracles, to not speak of more significant events such as earthquakes and eclipses. All these were interpreted not as chance occurrences but as manifestations of divine will.

This was not merely a matter of form: one constantly sees ancient generals, say, delaying their action because of a religious festival or because the day’s sacrifice has not yielded an “auspicious” omen (e.g. the Spartans’ not coming to help the Athenians at Marathon, the Athenian Nicias’ passivity in Sicily). We also see religious controversies – such as the vandalization of the Athenian herms or the failure to to recover bodies at the Battle of Arginusae – leading to serious political crises.

On the subjective level, the Ancients experienced the world in a different way from us. Mystery and meaning were everywhere, and that is why they saw “omens” everywhere. On the sociological level, however, the religion clearly served a useful social purpose (otherwise, some tribe of atheists would have conquered their superstitious counterparts, something which never happened until the modern era).[4] [5]

Requiring all members of the community (family or city) to participate in given rituals and festivals no doubt fostered social unity. If men could agree on the interpretation of an omen, this could create social consensus when a decision had to be made, as the decision was considered to have been made by the gods. These decisions could indeed concern whether to undertake a particular military course of action or whether to launch a colonial expedition. We also witness occasional manipulation of omens for political ends. Wandering “seers” also seem to have used claims of divine insight for economic ends, and were sometimes dismissed as charlatans.

In any event, the piety of ancient societies, and in particular of the most successful states, is beyond doubt. Take Sparta for instance. The Spartans were famously pious and punctilious in respect of ritual. Herodotus says that for them “divine matters took precedence over human ones.”[5] [6] Xenophon, in his account of the Spartan state, unsurprisingly emphasizes Spartan martial prowess. However, it is after giving an account of the excellence of the Spartans’ rituals while on campaign that he says: “if you witnessed this you would think that militarily others are amateurs, whereas Spartans alone are real masters of the craft of war.”[6] [7] How telling that the warrior Xenophon reserves the term “craftsmen of war” for experts in religious ritual.

The social sense in this is no doubt in the powerful psychological impact of communal religious ritual in creating feelings of harmony, purpose, and steadfastness. On one occasion, Xenophon says that the Spartans were inspired with confidence, not only by the presence of many weapons in the city, but by the sight of their priest-king:

And here was another sight to warm the heart – the soldiers, with Agesilaus at the head of them, coming back from the gymnasia with their garlands and then dedicating them to Artemis. For where you find men honoring the gods, disciplining themselves for war and practicing obedience, you may be sure that there everything will be full of good hope.[7] [8]

We emphasize: the sight of and participation in a familiar ritual makes everything “full of good hope.”

PLU-VP.JPGPlutarch, in his Life of Lycurgus, attributes a similar role to religious ritual in promoting hope and courage (my emphasis):

Once their phalanx was marshaled together in sight of the enemy, the king sacrificed the customary she-goat, instructed everyone to put on garlands, and ordered the pipers to play Castor’s Air. At the same time he began the marching paean, so that it was a sight at once solemn and terrifying to see them marching in step to the pipes, creating no gap in the phalanx nor suffering any disturbance of spirit, but approaching the confrontation calmly and happily in time to the music. In all likelihood men in this frame of mind feel neither fear nor exceptional anger, but with hope and courage they steadily maintain their purpose, believing heaven to be with them.[8] [9]

Nor are such comments restricted to Sparta. We find similar observations on Rome, that other very great martial republic of the ancient world. Religious life was just as pervasive in Rome as in Greece. Livy says of Rome: “There was nowhere in this city that was not imbued with religion and which was not occupied by some divinity . . . The gods dwell there.”[9] [10] Indeed, one has to walk amidst the ruins of the Roman Forum to realize this: one is stunned to see such a concentration of religious-governmental buildings, the inevitable urban over-development produced by a vast empire.

The Greco-Roman historian Polybius, who like Xenophon was also an experienced politician and military officer, explicitly cites religious piety as a fundamental source of Roman power:

But the respect in which, in my opinion, the Roman constitution is most markedly superior is in its view of the gods. It seems to me that superstition, which we criticize in other people, is precisely what gives the Roman state its cohesion. In Rome, nothing plays a more elaborate or extensive role in people’s private lives and in the political sphere than superstition. Many of my readers might find this strange, but it seems to me that it has been done for the sake of the common people. In a state of enlightened citizens, there would presumably be no need for such a course. But since the common people everywhere are fickle – since they are driven by lawless impulses, blind anger, and violent passion – the only option is to use mysterious terrors and all this elaborate drama to restrain them.[10] [11]

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Again, it is striking that Polybius claims that religious piety was the aspect of Rome which was most superior to other states, promoting cohesion and morality among the people. It is also noteworthy that the emperor Marcus Aurelius, whose religious beliefs could be deemed deist or sometimes agnostic, took his role as Rome’s head priest very seriously: the father of the family and the state, by his pious example, shows the way for his flock.

Religion then played a fundamental role in the construction and cohesion of Greco-Roman societies. Religious practice, no doubt, reflects not only custom but deep-seated and in-born human psychological mechanisms, which seek to find meaning in the world and community with others. These mechanisms find their satisfaction through compelling existential narratives and pious rituals in common. The powerful effects are plain for all to see, both in the history of religions, and, for those who have not fully severed themselves from the ancestral ways, in individual experience.

Notes

[1] [12] Fustel de Coulanges, La Cité antique (Paris: Flammarion, 2009 [1864]), 36.

[2] [13] Ibid., 230.

[3] [14] Xenophon, The Education of Cyrus, trans. Henry Graham Dakyns (London: J. M. Dent & Sons, 1914), 8.7.3.

[4] [15] Actually, we should not think that atheistic liberals and communists, when they have engaged in some “crusade,” were not acting in a de facto religious spirit of fanaticism.

[5] [16] Herodotus, The Histories, trans. Robin Waterfield (Oxford: Oxford University Press, 1998), 5.63.

[6] [17] Xenophon, Spartan Constitution, 13, in Plutarch, On Sparta, trans. Richard Talbert (London: Penguin, 2005).

[7] [18] Xenophon, A History of My Times [Hellenica], trans. Rex Warner (London: Penguin, 1966), 3.4.18.

[8] [19] Plutarch, Life of Lycurgus, 22, in Plutarch, On Sparta.

[9] [20] Quoted in Coulanges, La Cité, p. 202.

[10] [21] Polybius, The Histories, trans. Robin Waterfield (Oxford: Oxford World’s Classics, 2010), 6.56.

mercredi, 17 janvier 2018

Stoic Spiritual Hygiene with Regard to Normies

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Stoic Spiritual Hygiene with Regard to Normies

Ancient philosophy, as Pierre Hadot has argued, was not merely a set of ideas but meant to include something far more practical: the leading of a good life in the pursuit of truth. In the case of Stoicism, as with Cynicism, the notion of leading a philosophical way of life is particularly explicit and central.[1] [2]

The philosopher is interested in living a life according to purpose and principle, as opposed to the frivolous or the popular. This necessarily can make him seem a bit of a kill-joy and can make interacting with what we call “normies” problematic. This is not a new problem. Here is Epictetus’ advice on avoiding gossip, chit-chat about the ball-game, and other small talk:

Lay down from this moment a certain character and pattern of behavior for yourself, which you are to preserve both when you’re alone and when you’re with others.

Remain silent for the most part, or say only what is essential, and in few words. Very infrequently, however, when the occasion demands, do speak, but not about any of the usual topics, not about gladiators, not about horse-races, not about athletes, not about food and drink, the subjects of everyday talk; but above all, don’t talk abut people, either to praise or criticize them, or to compare them. If you’re able to so, then, through the manner of your own conversation bring that of your companions round to what is fit and proper. But if you happen to find yourself alone among strangers, keep silent. (Handbook, 33)

stoique.jpg“Show, don’t tell,” besides being good writing advice, is then an important Stoic principle concerning philosophy. One will always be tempted to make a philosophical and political point in order to show off or best another in argument, which of course defeats the whole purpose. Epictetus reiterates the point:

Never call yourself a philosopher, and don’t talk among laymen for the most part about philosophical principles, but act in accordance with those principles. At a banquet, for example, don’t talk about how one ought to eat, but eat as one ought. . . . And accordingly, if any talk should arise among laymen about some philosophical principle, keep silent for the most part, for there is great danger that you’ll simply vomit up what you haven’t properly digested. (Handbook, 46)

Epictetus is quite explicit that adoption of the Stoic way of life means a radical change, perhaps analogous to religious conversion. The change is so radical that one must be careful who one associates with. Obviously, one’s own spiritual practice will be all the greater insofar as one associates with like-minded people. Conversely, this also means one may have to abandon boorish old friends:

This is a point to which you should attend before all others, that you should never become so intimately associated with any of your former friends and acquaintances that you sink down to the same level as them; for otherwise, you’ll destroy yourself. But if this thought worms its way into your mind, that “I’ll seem churlish to him, and he won’t be as friendly to me as before,” remember that nothing is gained without cost, and that it is impossible for someone to remain the same as he was if he is no longer acting the same way. Choose, then, which you prefer: to be held in the same affection as before by your former friends by remaining as you used to be, or else become better than you were and no longer meet with the same affect . . . if you’re caught between two paths, you’ll incur a double penalty, since you’ll neither make progress as you ought nor acquire the things that you used to enjoy. (Discourses, 4.2.1-5).

Epictetus_Enchiridion_1683_page1.jpgThe message is clear: the low spiritual and intellectual condition of “normies” is highly contagious, one must exercise the utmost caution. No doubt this bad condition has been severely aggravated and magnified by television and pop culture.

By these metrics, I observe that the modern university experience is something of an anti-education: the stupidities of youth are exaggerated and made fashionable, rather than curtailed. The soul grows obese with pleasure and pride, rather than being moderated and cultivated. (I note in passing that Plato would no doubt be surprised, to not say worse, to learn that “academia” would grant degrees to 40 percent of the population.)

The Stoic will manage his social relations with moderation. He will economically support himself, honor his parents, and find a wife and raise of family of his own. Nonetheless, to the extent possible within the web of relations implied by his social role, he will live a philosophical life, and raise his peers by his example. In this, I should think, a shared spiritual practice with the wife and other immediate family is a great aid, to not say fundamental: by prayer, meditation, readings, song, and other rituals in common, one can lift up souls away from the sensuous and the frivolous, and towards principle.

References

Epictetus, Discourses, Fragments, Handbook, trans. Robin Hard (Oxford: Oxford University Press, 2014).

[1] [3] Epictetus scolds those who adopt the name Stoic but prefer to talk about philosophical principles than live them:

What difference does it make, in fact, whether you expound these teachings or those of another school? Sit down and give a technical account of the teachings of Epicurus, and perhaps you’ll give a better account than Epicurus himself! Why call yourself a Stoic, then; why mislead the crowd; why act the part of a Jew when you’re Greek? Don’t you know why it is that a person is called a Jew, Syrian, or Egyptian? And when we see someone hesitating between two creeds, we’re accustomed to say, “He is no Jew, but is merely acting the part.” But when he assumes the frame of mind of one who has been baptized and has made his choice, then he really is a Jew, and is called by that name. And so we too are baptized in name alone, while in fact being someone quite different, since we’re not in sympathy with our own doctrines, and are far from making any practical application of the principles we express, even though we take pride in knowing them. (Discourses, 2.9.19-22)

Epictetus repeatedly contrasts Middle-Eastern “Jews, Syrians, and Egyptians” with “Romans,” as culturally and perhaps ethnically others.

 

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mercredi, 06 décembre 2017

‘Caesar was de volmaakte staatsman, niet Bismarck!’

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‘Caesar was de volmaakte staatsman, niet Bismarck!’

De beroemde historicus Theodor Mommsen beschouwde Caesar als de 'volmaakte staatsman'. Als liberaal bestreed hij rijkskanselier Otto von Bismarck.

Bijzonder mag het toch wel genoemd worden wanneer een historicus op 30 november, de tweehonderdste verjaardag  van zijn geboorte, een ‘Gedenktafel’, een herdenkingsplaat, krijgt in de twee steden, Berlijn en Leipzig, waar hij als professor voor respectievelijk Romeins Recht en Romeinse Oudheidkunde had gewerkt. Theodor Mommsen (1817-1903) speelde dan ook een grote rol als ‘politischer Professor’, politiek geëngageerde professor, in het Duitsland van de 19de eeuw. Hij was de eerste Duitser – en tot nog toe de enige historicus – die in 1902 de Nobelprijs voor Literatuur in de wacht sleepte, en dat voor een werk dat hij 50 jaar daarvoor had geschreven, een werk dat de nuchtere titel ‘Römische Geschichte’ draagt. In een meesterlijke taal schilderde Mommsen daarin de geschiedenis van Rome vanaf zijn ontstaan als boerendorp aan de Tiber tot aan zijn opkomst als wereldmacht onder Julius Caesar, de staatsman die ‘das Römertum gerettet und erneuert’, gered en hernieuwd had, en zo na tweeduizend jaar nog voortleeft ‘im Gedächtnis der Nationen’, in het collectieve geheugen van de naties, als ‘der erste und doch auch der einzige Imperator Cäsar’.

Revolutie

mommsen_postcard.jpgWas de geschiedenis van Rome een voorafspiegeling van die van het Duitsland waarin Theodor Mommsen leefde en stierf? Toen hij in 1817 in het Noord-Duitse Garding het levenslicht zag, vormde Duitsland nog een confederatie van 38 kleine en middelgrote staten. Maar toen hij in 1903 overleed, was Duitsland al een Keizerrijk en een geduchte Europese grootmacht met grootste ambities op het wereldtoneel. Als journalist, professor en later lid van het Pruisische parlement zou de jonge Mommsen ijveren voor een vrij en verenigd Duitsland. In 1849 had hij in Dresden zelfs de barricades van de (mislukte) revolutie beklommen, wat tot zijn ontslag als professor aan de universiteit van Leipzig leidde.

Wedergeboorte

Was Otto von Bismarck, de architect van de Duitse eenmaking in 1871, dan in zijn ogen een staatsman zoals Caesar voor wie het hoogste doel bestond in ‘die politische, militärische, geistige und sittliche Wiedergeburt der tief gesunkenen eigenen Nation’ (de politieke, militaire, geestelijke en morele wedergeboorte van de diep gezonken eigen natie)? Nee. Als volbloed liberaal vond Mommsen dat de Duitse eenmaking ten koste van de vrijheid was gegaan. Rijkskanselier Bismarck wilde met zijn protectionistische ‘Schutzzollpolitik’ de Duitse industrie en landbouw beschermen tegen de invoer van onder meer ijzer en goedkoper graan uit het buitenland. Dat kon Mommsen in zijn afschuw voor de staalbaronnen en de ‘Junker’, de kaste van adellijke grootgrondbezitters, niet pruimen. Bismarck wilde ook met een pakketje sociale wetten de sociaaldemocraten de wind uit de zeilen halen. De liberale Fortschrittspartei, waarvan Mommsen een van de oprichters was, deed dit alles af als ‘zwendel’ en ‘demagogische Volksbeglückung’ (een demagogisch paaien van het volk). Mommsen relativeerde ook de macht die Duitsland onder Bismarck had gewonnen, want bij de eerstvolgende ‘storm van de wereldgeschiedenis’ zou die weer verloren gaan – het klinkt haast profetisch – , terwijl de ‘Knechtung der deutschen Persönlichkeit, des deutschen Geistes’ iets noodlottigs was dat niet meer goedgemaakt kon worden.

Dominantie

Roemische_Geschichte-210x300.jpegZijn die harde woorden, die harde oordelen van Mommsen over Bismarck en het door hem verenigde Duitsland wel gerechtvaardigd? Het Duitse keizerrijk (1871-1918) was beter dan zijn reputatie. Wetenschappen en kunsten bloeiden, de ene na de andere universiteit werd opgericht, duizenden kranten- en tijdschriftentitels verschenen, iedere (weliswaar mannelijke) burger genoot stemrecht en waar in Groot-Brittannië 70% van de gronden in handen van de adel was, gold dat in Duitsland voor ‘slechts’ 30%. Had Bismarck niet ook met zijn ‘Sozialgesetze’ de kiemen gelegd voor de sociale zekerheid? En was de ‘Schutzzoll’ (de ‘beschermende tol’) niet revolutionair, zoals Paul Lensch (1873-1926), journalist en sociaaldemocratisch lid van de Reichstag, stelde in zijn boek ‘Drei Jahre Weltrevolution’ (Leipzig 1917)? Deze tol zou immers de opkomende Duitse industrie tegen de Britse concurrentie beschermd en uiteindelijk naar haar dominantie op de wereldmarkt geleid hebben.

Geest

Mommsen was het prototype van de ‘politischer Professor’. Duitsland heeft er zo heel wat gekend, maar de auteur van meer dan 1500 publicaties was misschien wel een van de scherpste. Het ‘Rasiermesser’, het scheermes, zo noemden zijn studenten hem omwille van zijn strijdlustig, maar ook opvliegend karakter. Als liberaal streed hij niet alleen voor een economisch systeem, waaruit de staat zich moest buiten houden, maar ook voor een samenleving waarin de vrijheid van alle burgers zou gewaarborgd zijn. Zo haalde hij hard uit naar zijn collega-historicus Heinrich von Treitschke die met zijn beruchte uitspraak ‘Die Juden sind unser Unglück’ de haat tegen de Duitse burgers van joodse origine aanzwengelde.

Mommsen was in 1890 een van de oprichters van de ‘Verein zur Abwehr des Antisemitismus’, maar besefte al gauw dat de Jodenhaters niet overtuigd kon worden met ‘logische en morele argumenten’.  De geest van Theodor Mommsen leeft niet alleen in zijn werken, maar ook in zijn nakomelingen voort. Kleinzoon Wilhelm Mommsen was professor geschiedenis aan de universiteit van Marburg, en diens beide zonen, Hans (1930-2015) en Wolfgang (1930-2004), behoorden tot de beroemdste historici van de Bondsrepubliek Duitsland. Een van de dochters van Theodor Mommsen was gehuwd met de grote classicus Ulrich von Wilamowitz-Moellendorf (1848-1931). Deze werd in de grotere openbaarheid bekend door een vete met de dichter-filosoof Friedrich Nietzsche (1844-1900) die hij een in de ogen van filologen onwetenschappelijke want intuïtieve werkwijze aanwreef.

mardi, 21 novembre 2017

Populisme antique: les institutions romaines avant Jules César

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Populisme antique: les institutions romaines avant Jules César

Bernard Plouvier
Auteur, essayiste

Ex: https://metamag.fr

Ce que l’on sait, par la tradition, des institutions romaines est tiré pour l’essentiel des ouvrages de  Tite-Live et Denys d’Halicarnasse, qui furent deux contemporains d’Octave-Auguste. C’est assez dire que ces deux historiens ont travaillé sur des archives que l’on avait eu largement le loisir de caviarder et de remanier durant un demi-millénaire, chaque nouvelle version vantant une philosophie politique édifiée sur mesure pour conforter les prétentions du potentat ou les intérêts de la caste dominante à l’époque de sa rédaction.

Il est exact qu’au milieu du 5e siècle avant J.-C., la célèbre Loi des XII Tables a, en principe, ouvert l’accès à une justice égalitaire entre tous les citoyens romains. Qu’elle ait été appliquée est une autre affaire. Officiellement, la vie publique de la République romaine est fondée sur l’entente entre deux groupes sociaux : les patriciens, riches et titulaires des charges de magistrats, et les plébéiens, qui ont pour seul rôle public d’élire les candidats officiellement sélectionnés par les augures et les sénateurs. Longtemps ces deux groupes vivent en vase clos, les mariages mixtes étant formellement prohibés.

La civilisation romaine est mâle en ses valeurs, opposées à la mollesse féminine

Elle est de type féodal : un chef de famille patricienne a autant de clients plébéiens qu’il le veut bien. Ils lui doivent assistance physique en cas de danger ; en contrepartie, il les aide au plan pécuniaire et les défend le cas échéant devant les tribunaux. Entre patriciens, l’amicia est une entente fondée sur la réciprocité de services bien plus que sur des unions matrimoniales. L’hostilité entre groupes rivaux dégénère très vite en batailles de rues.

C’est une rude oligarchie qui atteint son bref apogée au 2e siècle, une fois écrasée Carthage, la concurrente de langue. C’est à cette époque que débute l’hellénomanie. De ce fait, l’on introduit dans la bonne société les réflexions philosophiques, on méprise davantage qu’auparavant les esclaves – d’où la révolte de – 73 à – 71, semble-t-il dirigée par le Thrace Spartacus – et plus que jamais l’aristocratie domine la vie publique.

Tout au plus, les sénateurs, les seuls qui puissent accéder aux magistratures élevées, distinguent-ils la partie la plus riche de la plèbe pour en faire la classe équestre, à qui est dévolue l’inspection des comptes et des actes des magistrats en fin d’exercice, ainsi que la cavalerie en cas de guerre. À compter du 3e siècle, les familles sénatoriales ruinées condescendent à des unions matrimoniales avec cette nouvelle caste équestre pour redorer leur blason.

Seuls les riches, ayant les moyens de se payer le coûteux armement (glaive et bouclier, pique, casque et armure, chevaux) sont des citoyens de grande importance, qui, versant leur sang pour la défense ou l’agrandissement de la Patrie, sont dispensés d’impôt, sauf cas exceptionnel. Comme en Grèce, les plus riches n’acquittent que l’impôt du sang. Cette tradition perdurera en France jusqu’au règne de Louis XIV. 60% des citoyens, les moins riches ou proletarii, s’associent pour armer quelques-unes des 175 centuries de fantassins et leurs voix ne comptent guère, comparées à celles des sénateurs et des chevaliers, sauf pour élire leurs propres magistrats, les tribuns de la plèbe… encore les choisissent-ils presque toujours dans les familles sénatoriales ou équestres.

Aux 3e et 2e siècles, la loi affermant entre guerriers victorieux les terres étrangères conquises (l’ager publicus) n’est en pratique plus appliquée : les sénateurs et les chevaliers les plus influents se les font attribuer. Le principe non écrit, mais tacitement reconnu par tous, est que seuls les propriétaires sont de bons soldats, car ils doivent défendre (ou accroître) leur patrimoine.

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Ce serait une erreur  que de prendre les Gracques, Tiberius et Caius, pour des populistes

Ces deux frères, issus d’une famille sénatoriale, commencent leur carrière dans le dernier tiers du 2e siècle, en protestant à juste titre contre les conditions de partage de l’ager publicus. Mais au lieu de le faire affermer aux seuls Anciens Combattants, ils veulent le distribuer aux pauvres citoyens de Rome, qui ne sont nullement des paysans, mais qui sont des électeurs, et Tiberius instaure, pour ce faire, une commission où ne figurent que ses parents et amis.

De la même façon, Caius fait vendre, aux frais de l’État, des céréales à prix bradés aux chômeurs et aux petits artisans de l’Urbs. Il cherche à fidéliser une clientèle plébéienne, parvenant à obtenir sa réélection plusieurs fois de suite au tribunat, grâce à une loi qui est une entorse grave au système institutionnel. Parallèlement, il fait octroyer aux chevaliers la perception des taxes perçues dans les provinces conquises. S’il est abattu, c’est pour avoir voulu unifier les castes équestre et sénatoriale un siècle trop tôt.

Ces très riches transfuges de la classe sénatoriale se sont comportés en démagogues, s’assurant une popularité facile en période de crise économique, sans recourir à la mesure efficace, mais peu prisée des paresseux : fournir du travail aux chômeurs plutôt que de les assister. Ils furent les prédécesseurs des modernes socialistes de salon, issus de la très riche bourgeoisie, généreux avec l’argent de l’État et promettant la lune sans effort.
Objectivement, ils ne reculèrent pas devant le risque de guerre civile pour imposer leur domination. Toutefois ils appartenaient à la gens Scipio et divers chroniqueurs leur étaient apparentés ou faisaient partie de la clientèle de leur très noble famille. Ils furent donc fort bien traités par l’historiographie conventionnelle, au point d’être encensés de tous bords depuis plus de deux millénaires… un observateur doué d’un rien de malice pourrait soutenir que cette réputation même les exclut du groupe des populistes qui, toujours et partout, furent réprouvés des auteurs bien-pensants et bien-narrants.

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Caius Julius Caesar, le premier grand populiste romain

Appartenant à la très aristocratique gens Julii, il est, par sa mère, le neveu d’un très grand chef de guerre, Caius Marius, le vainqueur des Cimbres du Jutland, des Teutons des rivages méridionaux de la Baltique, des Maures et des Noirs de Numidie (le Maghreb occidental). Marius fit œuvre de populiste : il ouvrit largement l’accès au corps des officiers aux plus valeureux des légionnaires d’origine obscure (des plébéiens pauvres) et ordonna une équitable distribution des terres conquises entre tous les soldats parvenus à leur « congé honorable ».

Il fut le créateur d’un symbole populiste destiné à défier les siècles. Durant la guerre qui l’opposa, à la fin du 2e siècle, aux sénateurs, dirigés par son ex-chef d’état-major Lucius Cornelius Sylla, il rassembla ses partisans par le logo de la botte de foin plantée sur un pilum. Leur guerre, durant laquelle ni l’un ni l’autre n’hésita devant le franchissement du modeste Rubicon ni ne recula devant le pillage des demeures romaines des adversaires, fut le prélude d’un siècle de guerres civiles qui ne se terminèrent que par la victoire, en – 30, d’Octave, héritier et neveu de César. Premier titulaire de l’imperium majus, en – 27, avec le titre de princeps senatus, soit en français moderne les pouvoirs d’un empereur, Octave-Auguste fut le premier chef permanent, civil, militaire, mais aussi religieux de Rome, titulaire de l’Auctoritas – la primauté morale et spirituelle – et de la Potestas – la toute-puissance temporelle….

Caius Julius Caesar,  né en – 100, ne fut jamais « empereur », mais sous l’Empire romain, l’héritier, associé au trône d’un Augustus (l’empereur), était appelé un Caesar… Kaiser et tsar furent des titres impériaux se référant à l’illustre Jules. Épargné par Sylla, César est d’abord l’ami du chevalier et grand général Pompée, tous deux s’associant au plus riche des Romains, Marcus Lucius Crassus. César parcourt à très vive allure le traditionnel cursus honorum : Flamine de Jupiter (prêtre) à 17 ans, tribun militaire à 27, Pontifex maximus (grand-prêtre) à 38 ans, il accède pour la première fois au consulat en – 59, puis devient le proconsul des Gaules (de – 58 à – 51), ce qui lui apporte gloire et fortune. De – 49 à – 46, il mène la lutte contre Pompée et divers sénateurs, d’Italie en Espagne, d’Afrique du Nord en Égypte, puis en Asie Mineure. Élu dictateur par les Comices (l’assemblée des citoyens de Rome) à compter de – 49, il meurt assassiné en mars – 44, six mois après avoir désigné Octave comme successeur.

Qu’il ait été victime d’épilepsie et bisexuel n’est d’aucun intérêt pour l’historien. Ce fut en revanche, un génie politique et militaire comme l’on en a rarement vu dans l’histoire. Plutarque ne s’y est pas trompé qui mit en parallèle les vies d’Alexandre le Grand et de César. Toutes les réformes de César ont pour finalité de lutter contre le parlementarisme (le Sénat) et sa corruption électoraliste (entre bien d’autres exemples possibles, il n’est pas exagéré d’affirmer que Marcus Tullius Cicero – Cicéron – fut un démagogue). Il peuple le Sénat, accru d’un tiers de ses membres, de Celtes et d’Ibères, mais aussi de plébéiens de talent, les espérant moins corruptibles que les aristocrates.

Parallèlement, il diminue d’un tiers le montant des fermages publics et celui des impôts, mais il fait désormais payer sénateurs et chevaliers. Il protège les provinciaux de l’avidité des gouverneurs (issus des deux castes riches de Rome), puis décide de remplacer les gouverneurs issus du sénat ou de la classe équestre par des fonctionnaires, révocables par le chef de l’Exécutif. Il lutte contre la prévarication et le trafic d’influence des magistrats… on comprend son impopularité chez les chroniqueurs issus de la caste sénatoriale et sa popularité extrême du côté de la plèbe, qui exige pour ses funérailles une innovation : l’incinération dans les limites de l’Urbs.

Il a indéniablement créé un culte de la personnalité, moins par goût de la gloriole que pour asseoir son autorité. S’il fut « divinisé » après sa mort, ce fut pour signifier que son esprit s’était rendu digne d’être admis en la présence des dieux, où qu’ils demeurent. C’est ce que les Juifs et les chrétiens, intoxiqués par leur fanatisme monothéiste, n’ont jamais compris… pourtant les « saints » ont la même prérogative que les sujets « divinisés » par les païens : contempler la gloire divine.

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Toute l’œuvre de César, poursuivie par son exceptionnel neveu, a pour but de créer un État centralisé, fort, de type monarchique, où la Justice soit réellement égalitaire. Octave-Auguste fait ensuite adopter par le Sénat une loi permettant à chaque libre ressortissant de l’Empire, citoyen romain ou non, d’être jugé selon les coutumes de sa Nation, avec un droit d’appel au princeps senatus. César tente de moderniser la civilisation romaine, acceptant ainsi une mise à jour du calendrier, qui sera réactualisée au XVIe siècle… mais en pays antipapistes, on restera longtemps fidèle au calendrier julien.

Les droits de douane, qui font rugir tant de riches chroniqueurs, ne sont que la contrepartie de la Pax romana régnant en Méditerranée et sur les routes, de la fin de la guerre civile jusqu’au IIIe siècle. Seuls les citoyens romains ont le privilège de posséder une habitation n’importe où dans l’Empire, tandis que les hommes libres qui ont droit de cité ne peuvent en posséder une ou plusieurs que dans les limites de cette cité et de son terroir… Saül-Paul ne fut jamais citoyen romain, mais citoyen de Tarse.

Tout changera avec le grotesque édit de Caracalla, en 212, étendant le droit de citoyenneté romaine à tous les hommes libres de l’Empire. La décision (de motivation fiscale) de ce berbère par son père et syrien par sa mère, fut l’une des causes majeures de la destruction de l’Empire, conjuguant ses effets désastreux avec l’affaissement moral de l’élite, le fanatisme religieux et la très niaise charité des chrétiens, en une époque où les ennemis, avides de richesses, étaient innombrables.

Avant cet édit désastreux, durant le long apogée de l’Empire, le princeps senatus devait, pour plaire aux aristocratiques chroniqueurs, se comporter en digne personnage, sage et respectueux des formes (sinon des lois), étant « le bon berger du troupeau impérial »… la phraséologie chrétienne n’a fait que reprendre une expression païenne qui date du règne d’Octave-Auguste, manifestement reprise par Jésus de Nazareth lors de son enseignement semi-public, sous le règne de Tibère.

Texte tiré pour l’essentiel de Bernard Plouvier : Le populisme ou la véritable démocratie, Les Bouquins de Synthèse Nationale, 2017

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jeudi, 25 mai 2017

Cicero’s “On Old Age” and Modernity’s Obsession with Newness

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Cicero’s “On Old Age” and Modernity’s Obsession with Newness

Ex: https://neociceroniantimes.wordpress.com 

I don’t believe that it will come as a surprise to most readers that Western Civilization is obsessed with the idea of being “modern,” and has been for quite a while. Concomitant with this concept is that of “newness.” If something is new, then this is equated with it being better. Conversely, things which are old are viewed as out-of-date or even useless.  This mentality has wormed its way into practically every facet of life in the West. Indeed many of our industries operate on the principle of planned obsolescence – purposefully engineering their products to be superseded buy newer models on a regular basis.

Coupled with this tendency is the one similar to it that fetishizes youth while disdaining old age. Our shallow societies equate youth with beauty, and give preference to those in our societies who have the least knowledge and wisdom. Youthful foolishness is honored over staid, grumpy old wisdom. Westerners spend billions of dollars every year on surgeries and pharmaceuticals, vainly trying to stave off the inevitable effects of both entropy and their degenerate lifestyles.  Nearly the entirety of our entertainment, advertising, and related establishments are focused on catering to the young – when is the last time you saw an older person hawking the latest electronic gadget or starring in the hottest new sitcom?

In his essay “On Old Age,” Cicero lauds the blessing of the aged, giving four reasons why men fear growing old and then refuting those reasons.

First, there is the reason that old age withdraws a man from the public life.  Because he is not as physically vigourous, an old man could not participate in the wars and other employments requiring bodily strength.  Yet, to this Cicero rejoins that there were many, many examples of old men still active in the public life who rendered great services to the state through their passion, oratory, and wisdom.  Though the sword arm may be enfeebled, the swords of the tongue and the mind need not be dulled in the least.

Second, old age saps the bodily strength of a man.  Yet, as Cicero through the elder Cato argues, though this is often the case, it is not always so.  Even when it is, old men bring forth other areas of strength in which they exercise power with others – dignity, influence, paternal authority, knowledge, erudition, wisdom.  These allow them to act in ways even greater than those who merely depend on physical strength.

Third, there is the reason that old age deprives a man of the enjoyment of sensual pleasures.  Yet, Cicero points out that the aged should be thankful for this, rather than regretting it.  Sensual pleasures generally corrupt a man, being the author of innumerable evils ranging from adulteries to treason.  If a man did not train himself through philosophy to eschew these pleasures anywise, then he ought to be glad that old age deprives him of them.  Yet, the old man may still enjoy the pleasures of intellectual attainments, of philosophy and literature and the cultivation of his property and family.  So while old age robs a man of the evil, it leaves him in possession of the capability to enjoy the good.

Fourth, old age brings one nearer to death than other men.  Yet, as the author notes, death comes to us all, and none will enjoy the possession of this life for very long in the grand scheme of things.  A great-souled man will not fear what he cannot escape anywise, but will instead strive to act in such a way as to bring the most good through his life at every stage of it, in the ways most appropriate to each of its seasons.

These four reasons are generally complementary, and while he examines them in detail, they may essentially be boiled down to the fact that old age allows a man full access to the wisdom of both study and experience. Leading the contemplative, examined life is indeed easiest for the hoary head.  At the same time, the exercise of his wisdom – in giving counsel, in providing the sum of his wisdom through the influence of oratory, of passing on his accumulated knowledge and the perspicacity that comes with long exercise of his foresight and judgment – allows him to lead the active life even while physically weakened.  In a sense, he is able to participate in both of Evola’s “two paths.”

Cicero’s observations are indeed in very good accord with what we may observe in Traditional societies. Unlike cultures ravaged by modernism, Traditional societies do not view their elders as burdens or as hindrances.  Instead, the elders are the repositories of their society’s collective shared wisdom.  Equally as important, they are the vehicles through which this wisdom is passed on to future generations. There are very good reasons why kings and generals were often attended by councils of elders.

This may be seen in Cicero’s own Roman Republic.  The word “senate” derives from the Latin root senex, meaning “old, aged” and by connotation describe old men who were full of wisdom.  The Senate as originally constituted was intended to be a source of council for the executive, a place where the collective wisdom of aristocrats who had spent their lives in service to the state could be drawn upon by the consuls tasked with leading the nation.

In Cicero’s day – as in our own – this reverence for age and wisdom was passing away.  Much of this was because Roman society was falling into the trap of idolising youth without requiring either manly vigour or sound wisdom from it.  One need only look at the relative leniency with which Clodius Pulcher, of bona dea and trial for incest fame, was dealt and his ability to secure the exile of Cicero later on.  Clodius was so popular with the plebs, in part, because his youthful beauty and sexual magnetism ingratiated him with an increasingly frivolous and trivially-minded populace.  However, another cause for the Republic’s decadence was that her old men were acting foolishly, pursuing individual ambition at the expense of the state and nation.  Much like the Baby Boomers in America, the people in Roman society who should have been passing on timeless wisdom were merely passing time pleasing themselves with flippancy.

The Scripture hints at the divide between the two types of elders when it says,

“The hoary head is a crown of glory, if it be found in the way of righteousness.” (Proverbs 16:31)

The grey hairs are the corona of golden grandeur surrounding the head of the wise and majestic elder who follows the path of wisdom and righteousness.  Yet, what a cause for shame and disgrace is it for an elder to be found in frivolity, puerility, and waste!

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The inordinate amount of money which Westerners spend on try to hide the effects of age and extend their youth has already been mentioned above.  Unfortunately, Westerners also spend billions of dollars hiding our elders away in nursing homes and other facilities which are designed to replace traditional familial piety and enable the children to live lives just a little bit freer from their responsibilities.  Nursing homes are perhaps the perfect storm of ways in which our wrongheaded society deals with our elders.  In these facilities, our elders are shuffled off to die, treated like children, abused by the scum of our society – there is no pursuit of their knowledge and experience, no respect for their exalted status.  That this is the case, in light of the decades-long trends in our societies, should not be surprising, for reasons which are quite manifest.  Age demands things like responsibility, maturity, and faithfulness.  Our youth- and pleasure-centered societies today prefer to shift their burdens onto others while living for themselves for as long as they possibly can.

Even aside from its treatment of people, the West worships newness in other ways while unmooring itself from tradition, experience, wisdom, and what is old and tried.  We see this even in the very architecture of the buildings constructed in recent years.  For centuries, the West built beautiful buildings, finely proportioned and richly decorated, as befitting a civilisation full of confidence in itself.  This architecture built upon millennia of traditional forms and consciously sought to connect the present with the past.  Now, we build angular, disjointed monstrosities which no sane or reasonable person could ever call “beautiful.”

In our literature, the West has abandoned timeless forms in poetry and prose in favour of “free verse” and “stream of consciousness” and other modernistic forms.  In our music, we’ve replaced musical forms that invigourated the soul and spirit and which celebrated our history and cultural legacy with repetitive, pre-packaged garbage appealing only to the flesh.  In our education system, we have replaced the traditional curricula and classical learning with useless electives on one hand, and with such narrow specialisations in technical fields on the other that the students are functionally retarded in any area outside their specialty.

All of this combined – the casting off of the anchors of our cultural traditions with their nobility and cultivation – is why very few know, and even fewer really understand, our history.  “History” is the very opposite of today’s zeitgeist that worships at the altar of modernity and innovation.  History, by its very nature, turns the eye back to the past, demanding that the soul learn from those who have gone on before.  When the focus of your attention only goes back a few months, it’s hard to connect with music, poetry, architecture, or philosophy which is centuries old.  And when your primary concern is getting the latest iPhone so that millennials will think you’re “with it,” it’s hard to be sympathetic to your elders who are there, just waiting to pass on to you our combined civilisational wisdom, if only you’d have the sense to receive it.

Restoring a reverence for the elders of our society – and doing so in a timely enough fashion that the elders remaining will be ones with any traditional wisdom left to pass on – ought to be a long-term goal for Traditionalists and neoreactionaries.  The idolatry of youth must give way once again to the veneration of the elders.  This is a shift in polarity which will go completely against the grain of so-called modern society.  Yet, it is one which must take place – and which we must encourage at every step and in every way we can – if the good and noble elements of our civilisation are to be preserved for future generations.

jeudi, 09 mars 2017

GERMANICUS de Yann RIVIERE

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GERMANICUS de Yann RIVIERE 

par Hubert de Singly

Ex: http://www.culture-chronique.com 

Le dernier ouvrage de Joël Schmidt “La mort des César” raconte avec beaucoup de talent  la fin des soixante dix empereurs romains qui se succédèrent à la tête de l’Empire jusqu’à sa fin.  Mais il existe une catégorie de princes qui n’accédèrent jamais  à la magistrature suprême alors même qu’ils en avaient l’étoffe. Ce fut le cas de Germanicus qui mourut à 34 ans à Antioche manquant une consécration qui lui tendait les bras. Yann Rivière qui  connait parfaitement l’histoire politique et juridique de la Rome  Antique nous propose  une biographie serrée de plus de cinq cents pages  de celui qui fut le petit fils de Marc Antoine, l’époux d’Agrippine et le père de Galigula. 

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   D’emblée l’historien s’interroge.  L’Empire n’aurait-il pas été plus puissant  si Germanicus n’était pas mort  si jeune ?  Son entreprise de consolidation de la domination romaine en Orient n’aurait-elle pas été menée à son terme?  S’il avait vécu, le roi des Parthes qui a pleuré sa mort n’aurait-il pas pas vécu en bonne entente avec Rome au cours  des années suivantes plutôt que de s’engager dans une guerre qui vida les caisses de l’Empire pour le contrôle de l’Arménie. Toutes ces hypothèses restent évidemment au conditionnel mais elles en disent long sur cette personnalité hors du commun. En effet peu de ses contemporains auraient pu imaginer que le fils de Livie et de Marc Antoine occuperait une telle place dans l’Etat Romain et qu’il contribuerait autant à la défense de l’Empire. Rappelons  qu’il brilla avec ses légions en Illyrie  et qu’il effaça le désastre de Varus en Germanie en infligeant une cruelle défaite au chef légendaire Arminius.  La suite de son ascension  se poursuit en Orient  où il consolida la paix  et joua un rôle politique de premier plan.  Il mourut persuadé qu’on l’avait  empoisonné  ce qui est bien possible et ce qui ne déplut pas forcément à Tibère qui assistait l’ascension de Germanicus avec inquiétude.  Reste que dans toutes les régions où il passa son souvenir resta vif longtemps  après sa disparition.

  Ce “Germanicus”  de Yann Rivière se lit comme un roman. Nous traversons  l’Empire au côté de l’un des personnages les plus flamboyants que Rome enfanta.   L’ouvrage est à fois un formidable récit et  une minutieuse reconstitution  historique. L’une des meilleures biographies historiques de l’année. 

Hugues DE SINGLY

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mardi, 03 janvier 2017

Alemanni

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Alemanni

Definition

Ex: http://www.ancient.eu 

The Alemanni (also known as the Alamanni and the Alamans, meaning "All Men" or "Men United") were a confederacy of Germanic-speaking people who occupied the regions south of the Main and east of the Rhine rivers in present-day Germany. Many historians claim that the Alemanni first enter the historical record in 213 CE when Cassius Dio records the campaigns of Caracalla and his duplicitous dealings with the Alemanni. It is true that the name "Alemanni" first appears in Cassius Dio but, if one accepts that the Alemanni and the Suebi (or Suevi, who appear in earlier records) were the same (as not all do), then their first mention comes in 98 CE in Tacitus' Germania. They were a constant threat to the Roman Empire from 213 CE until they were defeated by Julian at the Battle of Strasbourg in 357 CE and then again by Valentinian I in 367 CE. After the Battle of Strasbourg, Julian entered into treaties with the Franks of Gaul who were then left alone by Rome. They were able to stabilize their communities and grow in power until, in 496 CE, the Frankish king Clovis conquered the Alemanni tribes and absorbed them into his kingdom. After this, their name lived on in the language of the region they had once inhabited and in the name given to Germany, Allemagne, in French and other languages.

THE ALEMANNI WERE STILL A FORMIDABLE FORCE WHEN THEY JOINED THE FORCES OF ATTILA THE HUN AND BATTLED THE ROMANS IN 451 CE.

APPEARANCE & RELIGION

The Roman senator and historian Tacitus (56-117 CE) wrote of the Suevi in the 1st century CE, claiming they controlled the better part of the region known as Germania. He links the Alemanni with the Hermunduri, another Germanic tribe, but this claim has been contested by modern-day scholarship. The Suevi Tacitus depicts sound very much like the later Alemanni, in that they were a confederation of different tribes, which may have even included the Cherusci (famous for their leader Arminius' destruction of Varus' three legions in Teutoburger Wald in 9 CE). Tacitus is the first writer to note the Suevi's distinctive hair styles and religious practices. He writes:

We have now to speak of the Suevi; who do not compose a single state, like the Catti or Tencteri, but occupy the greatest part of Germany and are still distributed into different names and nations, although all hearing the common appellation of Suevi. It is characteristic of this people to turn their hair sideways, and tie it beneath the poll in a knot.

By this mark the Suevi are distinguished from the rest of the Germans; and the freemen of the Suevi from the slaves. Among other nations, this mode, either on account of some relationship with the Suevi, or from the usual propensity to imitation, is sometimes adopted; but rarely, and only during the period of youth.

The Suevi, even till they are hoary, continue to have their hair growing stiffly backwards, and often it is fastened on the very crown of the head. The chiefs dress it with still greater care and in this respect they study ornament, though of an undebasing kind. For their design is not to make love, or inspire it; they decorate themselves in this manner as they proceed to war, in order to seem taller and more terrible; and dress for the eyes of their enemies (Germania, 38).

Regarding religion, Tacitus writes that the Suevi were pagan and seem to have practiced a form of Druidism. Their chiefs were drawn from a tribe in the confederation known as Semnones who also served as high priests:

The Semnones assert themselves to be the most ancient and noble of the Suevi; and their pretensions are confirmed by religion. At a stated time, all the people of the same lineage assemble by their delegates in a wood, consecrated by the auguries of their forefathers and ancient terror, and there by the public slaughter of a human victim celebrate the horrid origin of their barbarous rites. Another kind of reverence is paid to the grove. No person enters it without being bound with a chain, as an acknowledgment of his inferior nature, and the power of the deity residing there. If he accidentally falls, it is not lawful for him to be lifted or to rise up; they roll themselves out along the ground. The whole of their superstition has this import: that from this spot the nation derives its origin; that here is the residence of the Deity, the Governor of all, and that everything else is subject and subordinate to him. These opinions receive additional authority from the power of the Semnones, who inhabit a hundred cantons, and, from the great body they compose, consider themselves as the head of the Suevi (Germania, 39).

The religious practices centered on chthonic locales, then, where a central deity held sway. Rivers, streams, glades, and valleys were often chosen as sacred ground for the energies which manifested themselves in these locales. As with many other ancient civilizations, the Suevi believed the soul had to cross a body of water to reach the afterlife and that the soul lived on after death. Suevi/Alemanni grave excavations have revealed that they were buried fully dressed and with personal items that they would need in the next world. These burial practices continued after they converted to Christianity sometime between the 6th and 8th centuries CE although, of course, their religious practices changed dramatically.

THE ALEMANNI & ROME

Although the Suevi have been identified with the later Alemanni, historians caution against equating the two without recognizing their differences over the centuries which separate Tacitus' account (98 CE) from Cassius Dio's (c. 229 CE). The scholar Guy Halsall writes, "It is unlikely that the situation which pertained in the mid-first century was at all relevant to the late Roman period. Tacitus' Germania is a minefield probably best avoided [in this regard]" (121). The scholar Peter Heather comments on this also, stating how unified the Alemanni appear in the work of Ammianus Marcellinus (c. 325-391 CE) while, "One of the central points brought home by even the quickest read of Tacitus' Germania is just how fragmented, in political terms, the Germanic world was at that date" (36). It is for this reason that historians usually cite Cassius Dio's account as the first mention of the Alemanni and ignore Tacitus' earlier description of the Suevi.

By the time of Dio's account, the Alemanni were largely Romanized from their long acquaintance with the Romans. Halsall writes how, in the border region of the Danube and the Roman Empire,

some of the Alemanni, who it has been suggested were formed at least partly by the Romans themselves from inhabitants of the agri decumates [a term possibly meaning 10 agricultural regions]and authorised barbarian settlers, occupied former Roman villa sites, such as at Wurmlingen in Baden Wurttemberg (128).

The Alemanni at this time wore Roman attire and emulated Roman social customs. Even so, they were not 'Romans' in the accepted sense of that word and maintained their own language and culture. Therefore, when they asked the emperor Caracalla for help against a neighboring tribe in 213 CE, he saw no reason why he should not conquer them instead. Cassius Dio writes:

Antoninus [Caracalla] made a campaign against the Alamanni and whenever he saw a spot suitable for habitation, he would order, "There let a fort be erected. There let a city be built." And he gave these places names relating to himself, though the local designations were not changed; for some of the people were unaware of the new names and others supposed he was jesting.  Consequently he came to feel contempt for these people and would not spare even them, but accorded treatment befitting the bitterest foes to the very people whom he claimed to have come to help. For he summoned their men of military age, pretending that they were to serve as mercenaries, and then at a given signal — by raising aloft his own shield — he caused them all to be surrounded and cut down, and he sent horsemen round about and arrested all the others (78.13.4).

Whether the Alemanni were particularly hostile to Rome before this is not known, but they became one of Rome's most bitter enemies afterwards.

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ENGAGEMENTS AGAINST ROME

  • 256 CE: Gregory of Tours (c. 538-594 CE) famously wrote of the Alemanni invasion of Gaul in 256 CE under their king Chrocus. Chrocus led his army across the land, destroying the cities, churches, towns, and slaughtering the inhabitants until he was defeated at Arles and executed. Surviving members of his army were then either killed or absorbed into the Roman ranks as mercenaries.
  • 259 CE: The Alemanni invaded Italy, ravaging the fertile Po Valley, until they were defeated at the Battle of Mediolanum by a Roman force led by emperor Gallienus.
  • 268 CE: The Battle of Benacus was fought in 268/269 CE between the emperor Claudius II (supported by the later Emperor Aurelian) and the Alemanni. The Alemanni, allied with the Juthungi, invaded northern Italy and were met at Benacus by the Roman forces. The Romans again decisively defeated the Alemanni, killing most of them and scattering the rest.
  • 271 CE: The Alemanni and Juthungi again invaded Italy, while the emperor Aurelian was busy repulsing Vandals on the Danube frontier. He marched his forces to meet the Alemanni threat but was ambushed and defeated at the Battle of Placentia. This defeat resulted in widespread panic throughout Rome, as the Juthungi marched toward the city which had no sizeable force to protect it. Aurelian regrouped, however, and chased the Juthungi, finally meeting them at the Battle of Fano where he defeated them completely, driving them into the Metaurus River where many of them drowned. The surviving Juthungi then sued for a peace which Aurelian rejected. He pursued them and their Alemanni allies and destroyed most of the force at the Battle of Pavia. Those Alemanni who survived were hunted down and killed trying to escape back home through the province of Raetia. Although he had stopped the invasion and destroyed the enemy, Aurelian recognized the need for better defenses for Rome and so ordered a new and stronger wall built around the city.
  • 298 CE: The emperor Constantius defeated the Alemanni twice at the Battle of Lingones and then again at the Battle of Vindonissa.
  • 356 CE: Julian, commanding his first military force (prior to becoming emperor), was surprised and defeated by the Alemanni at the Battle of Reims.
  • 357 CE: Julian defeated the Alemanni at the Battle of Strasbourg, completely overwhelming their forces and capturing one of their most important leaders, Chnodomar (also known as Chnodomarius) who had mobilized the Alemanni for battle and led them from the front. Although Julian's victory subdued the Alemanni and allowed him to march into Germania, re-build and garrison Roman forts, and force tribute from the tribes, it did not destroy the Alemanni or disperse them. Peter Heather writes:

The defeat of Chnodomarius did not mean the total destruction of the alliance at whose head he had stood, as the defeats of his first-century counterparts such as Arminius and Maroboduus had done three centuries before. Not only were many of the lesser Alamannic kings who had participated in the battle left in place by Julian's diplomacy, but, within a decade of the battle, a new pre-eminent leader, Vadomarius, was worrying the Romans. He was skillfully removed by assassination, but then a third appeared in his place: Macrinus. Ammianus records three separate attempts by one of Julian's successors, Valentinian I, to eliminate Macrinus by capture and/or assassination, but eventually, pressed by events further east, the emperor gave in. Roman and Alamann met in the middle of the Rhine for a water-borne summit, where the emperor acknowledged Macrinus' pre-eminence among the Alamanni. Unlike in the first century, even major military defeat was not enough to destroy the larger Alamannic confederation (40-41).

alemanni1.jpgThe "major military defeat" Heather refers to is not only the Battle of Strasbourg but the later Battle of Solicinium in 367 CE, in which Valentinian I defeated the Alemanni in the southwestern region of Germany. Even though he was victorious, the Alemanni were by no means broken and were still a formidable force some 80 years later when they joined the forces of Attila the Hun and took part in the Battle of the Catalaunian Plains against the Romans under Flavius Aetius in 451 CE. Even so, the Battle of Strasbourg severely limited their abilities to threaten Rome for years after. The historian Roger Collins writes,

This single battle really turned the tide as far as the Alaman penetration of Gaul was concerned. It broke the Alamannic confederacy of tribes that had largely been built up and held together by the military credibility of Chnodomar, and for the first time enabled the Romans to take the initiative…Threatened with a Roman invasion of their own territory, the Alamans sought a truce (35).

Again, however, it must be noted that the confederacy was not disbanded nor did the Alemanni seem to consider themselves a conquered people.

THE FRANKISH CONQUEST OF THE ALEMANNI

First Julian, and then Valentinian I, entered into treaties with the confederacy of the people known as the Franks ("the fierce people"). In an effort to maintain the newly restored Roman city of Cologne, Julian blockaded the territory of the Franks, depriving them of much-needed trade goods, until they agreed to his terms. Collins comments on this, writing:

It is notable that Julian made no attempt to penetrate the marshy lands north of the Meuse that the Franks had occupied, and their continuing occupation of this area was tacitly accepted by the Romans. From this small start the subsequent Frankish occupation of all of Gaul would develop. This, it might be said, was `the birth of France'. In 357/8, however, what was achieved was a treaty of federation: Frankish occupation of Roman territory was accepted in return for their helping to defend the region (35).

This arrangement was good for the Franks, who began to steadily flourish, but not as beneficial to the Alemanni. By the time the Alemanni fought alongside the Huns in 451 CE at the Catalaunian Plains, the Franks had become powerful enough to be counted as allies of the Romans under Aetius. The Franks were united under the reign of their first king, Clovis I (466-511 CE), who then expanded the boundaries of Gaul to conquer western Europe. The Alemanni continued to inhabit the region of Germania until they were defeated by Clovis I at the Battle of Tolbiac in 496 CE and were subjugated by the Franks. Afterwards, some were assimilated into Frankish culture and took up residence in Gaul, while others continued to live in their former region under Frankish rule. Their name is remembered today in the Alemannic dialect of German, and the word for 'Germany' (Allemagne, Alemania) in many modern-day languages.

ABOUT THE AUTHOR

A freelance writer and part-time Professor of Philosophy at Marist College, New York, Joshua J. Mark has lived in Greece and Germany and traveled through Egypt. He teaches ancient history, writing, literature, and philosophy.

jeudi, 29 décembre 2016

Le Satiricon de Pétrone et la contre-civilisation antique

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Le Satiricon de Pétrone et la contre-civilisation antique

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

Le Satiricon est souvent ramené à l’orgie romaine sauce Fellini. Or la réalité est autrement plus intéressante. Sur l’éducation romaine, voici par exemple ce que Pétrone a écrit :

« Donc, à mon sens, le résultat le plus clair des études est de rendre nos enfants tout à fait stupides : de ce qui se présente en réalité dans la vie ils n'entendent rien, ils ne voient rien. On ne leur montre que pirates, les chaînes à la main, attendant leurs victimes sur le rivage ; que tyrans rédigeant des arrêts pour commander aux fils d'aller couper la tête de leur père ; qu'oracles préconisant, pour chasser la peste, l'immolation de trois vierges ou davantage; que phrases s'arrondissant en pilules bien sucrées : faits, et pensées, tout passe à la même sauce… (Satiricon, I à IV)»

satiricon.jpgPétrone dénonce la rhétorique, cette reine perturbante de l’Antiquité et de la politique. Il comprend avant Nietzsche que l’éducation, la répétition scolaire et universitaire tueront l’inspiration :

 « Si vous me permettez de le dire, ô rhéteurs, c'est vous les premiers. Artisans de la ruine de l'éloquence. Vos harmonies subtiles, vos sonorités creuses peuvent éblouir un instant ; elles vous font oublier le corps même du discours qui, énervé, languit et tombe à plat. La jeunesse s'entraînait-elle à déclamer, quand Sophocle et Euripide trouvèrent le langage qu'il fallait au théâtre ? Existait-il des maîtres pour étouffer dans l'ombre de l'école les talents naissants quand Pindare et les neuf lyriques renoncèrent à lutterle même mètre avec Homère?  »

Il faudrait retourner à la nature :

« Et, sans appeler les poètes en témoignage, je ne vois pas que Platon ni Démosthène se soient livrés non plus à ce genre d'exercices. La grande et, si j'ose dire, la chaste éloquence, méprisant le fard et l'enflure, n'a qu'à se dresser sans autre appui que sa naturelle beauté. »

Comme Juvénal Pétrone incrimine l’Asie, qui accélère en quelque sorte le vieillissement du monde - et sa putréfaction :

« Naguère, ce bavardage intempérant et creux qui, né en Asie, a envahi Athènes, tel un astre porteur de la peste, souffla sur une jeunesse qui se dressait déjà pour de grandes choses : du coup, sous une règle corrompue, l'éloquence, arrêtée dans son essor, a perdu la voix. Qui depuis lors a approché de la maîtrise d'un Thucydide, de la gloire d'un Hypéride ? L'éclat même dont brille la poésie n'est plus celui de la santé : tous les arts, comme si leur source commune avait été empoisonnée, meurent sans attendre les neiges de la vieillesse (Ac ne carmen quidem sani coloris enituit, sed omnia quasi eodem cibo pasta non potuerunt usque ad senectutem canescere). La peinture, enfin, n'est pas en meilleure posture depuis que des Égyptiens ont eu l'audace de réduire en recettes un si grand art… »

Les pauvres parents en prennent eux aussi pour leur grade comme à toutes les époques :

« Au fond, ce sont les parents qui sont les vrais coupables : ils ne veulent plus pour leurs enfants d'une règle sévère, mais salutaire. Ils sacrifient d'abord, comme le reste, à leur ambition, ces fils, leur espérance même, puis, pour réaliser plus vite leur rêve, sans leur laisser le temps de digérer leurs études, ils les poussent au forum…»

Notre pédagogue d’indiquer le remède :

« Que les parents aient la patience de nous laisser graduer les études les jeunes gens pourront travailler sérieusement, mûrir leur goût par des lectures approfondies, faire des préceptes des sages la règle de leur pensée, châtier leur style d'une plume impitoyable, écouter longtemps d'abord ce qu'ils aspirent à imiter. Dès lors ils n'admireront plus rien de ce qui n'éblouit que l'enfance, et l'éloquence, jadis si grande, aura recouvré sa force, sa majesté, son autorité. »

Enfin la désormais triviale dénonciation de notre société trop ludique :

« Mais aujourd'hui, à l'école l'enfant s'amuse ; jeune homme, on s'amuse de lui sur le forum, et, ce qui est encore plus ridicule, après avoir fait ses études tout de travers, devenu vieux, il ne voudra pas en convenir. »

Je citai Nietzsche ici. Sa deuxième et splendide considération inactuelle sur l’inutilité des études historiques corrobore notre Pétrone :

« L’excès des études historiques trouble les instincts du peuple et empêche l’individu aussi bien que la totalité d’atteindre la maturité. L’excès des études historiques implante la croyance toujours nuisible à la caducité de l’espèce humaine, l’idée que nous sommes des êtres tardifs, des épigones. L’excès des études historiques développe dans une époque un état d’esprit dangereux, le scepticisme, et cet état d’esprit plus dangereux encore, le cynisme ; et ainsi l’époque s’achemine toujours plus vers une pratique sage et égoïste qui finit par paralyser la force vitale et la détruire. »

Nietzsche exagère, car comme nous l’avons montré avec Céline (cf. Princhard) et Paul Valéry, les études historiques précipitèrent héros et suicidaires sur le champ de bataille.

Enfin, encore un peu de Pétrone ; c’est sur l’excès de la construction immobilière (voyez Sénèque) et le déclin de la vitalité qui va avec :

« Est-ce que tu te sens vaincue par le poids de l'Empire romain
Et ne peux-tu davantage soutenir cette masse vouée à la perdition ?
Lui-même ennemi de sa puissance, le peuple romain
Soutient mal l'œuvre immense qu'acheva sa jeunesse.

Vois, partout le luxe nourri par le pillage, la fortune s'acharnant à sa perte.
C'est avec de l'or qu'ils bâtissent et ils élèvent leurs demeures jusqu'aux cieux ; ici les amas de pierre chassent les eaux, là naît la mer au milieu des champs : en changeant l'état normal des choses, ils se révoltent contre la nature. » (Satiricon, CXX)

Il n’est pas un problème de notre société que l’on ne retrouve évoqué chez les grands auteurs romains ; la contre-civilisation de Philippe Grasset rejoint la décadence romaine.

Bibliographie

Juvénal- Satires

Nietzsche – Deuxième considération inactuelle

Pétrone – Satiricon (sur Remacle.org)

Sénèque – Lettres à Lucilius