Parution du numéro 437 du Bulletin célinien
Sommaire :
La Société d’études céliniennes à la croisée des chemins
Mirabeau devancier de Céline
Céline dans Candide (2e partie, 1937-1944)
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« Toutes choses ont un pourquoi, mais Dieu n’a pas de pourquoi. »
(Maître Eckhart, 1260 – 1328)
La substitution relativiste
Dans le monde actuel de la « post-vérité » normalisée, la seule posture à strictement parler acceptable et acceptée consiste à considérer que chaque individu est sa propre source de vérité et d’autorité morale. Un tel état de fait, entériné par l’évidence culturelle qui nous pénètre et nous habite presque universellement, finit par induire en nous la croyance illusoire que nous ne répondons finalement à aucune autorité épistémique et morale objective, immuable et transculturelle—à l’exception bien sûr de celle de l’État, surtout lorsque celui-ci enjoint au peuple ses directives sanitaires au nom des principes sacrosaints du Covidisme institutionnel.
La détermination de ce qu’il est juste de penser, de croire et de proférer ne saurait, en dernière instance, que résider en l’individu—c’est du moins ce que l’on fait avaler à dessein à l’individu massifié par le relativisme universel, moyennant l’influence soustraite mais efficace de la suggestibilité lobbyiste, de la programmation neurolinguistique, du détournement numérique de la compréhension intellective, et de toutes les formes contemporaines du contrôle social s’exerçant sur l’inconscient du public. En matière de « post-vérité », l’individu n’est donc sa propre référence imaginaire que dans la mesure de sa soumission bien réelle à une programmation culturelle neuro-mentale fondée sur la prestidigitation logique de l’absolutisation du relativisme.
De même dans l’ordre de la causalité, principe universel lui aussi de nature à la fois épistémique et morale, la substitution relativiste et pluraliste a aujourd’hui fait son chemin culturel pour supplanter graduellement l’objectivité que lui reconnaissaient jusque récemment aussi bien les sciences naturelles que la métaphysique, et par-là induire une nouvelle norme « post-causale » des effets observés dans le monde et dans la société [1].
Nous examinons dans ce qui suit ce phénomène de supplantation relativiste par rapport aux principes de causalité et de vérité objectives, plus érodés que jamais en ces temps de contagion par la fausse nouvelle mondialisée.
Fictions sociales et reprogrammation mentale des peuples
Pour beaucoup de gens aujourd’hui, respecter ou admettre certaines « vérités » revient simplement à souscrire à certaines opinions parmi d’autres, leurs opinions propres ou celles d’autrui, qui ne sont souvent que leurs opinions du moment—un peu comme le sont les relations amoureuses contemporaines qui, centrées sur la sentimentalité et ses satisfactions toujours éphémères, se font et se défont au gré de quelque forme de commodité transitoire, financière, sexuelle, etc. [2].
Dans nos sociétés axées sur la communication instantanée de l’information via le réseau mondial du neuro-pouvoir numérique, la pensée relativiste (consciente ou inconsciente) constitue la norme philosophique sous-jacente la plus répandue. L’hyper-connexion numérique et le relativisme cognitif sont désormais synonymiques. Tout est a priori sur un pied d’égalité (égalitarisme dogmatique oblige), tout se vaut (selon une estimation évidemment illusoire mais implicitement adoptée, par conformité démocratique et par crainte d’enfreindre l’impératif antidiscriminatoire). Le pluralisme informationnel en continu supplée le pouvoir d’une forme d’éthique supérieure (par supplantation du « bien » et du « mal », notions tenues pour obsolètes puisque associées à la vision chrétienne du monde et d’un ordre moral universel) et de réévaluation de ce qui est communément tenu pour « vrai » ou « réel » en termes de pluralités cognitives et de nihilisme métaphysique (lequel engendre tôt ou tard l’anéantissement collectiviste des individus réels sur l’autel du matérialisme athée), comme le dicte le perspectivisme radical et inconditionnel de la pensée moderne, en sa racine distinctement protestante.
Par contraste avec cet ordre « ancien », nos sociétés postchrétiennes se targuent de promouvoir le libéralisme, l’inclusivité multiculturelle et la tolérance à tous crins. Le régime qu’elles préconisent nous fait passer de la vérité objective au pluralisme opinioniste, de la moralité fondée sur une loi naturelle et la cultivation des vertus à une éthique des « préférences » et des « valeurs » personnelles. Le paradigme est foncièrement différent. Il s’appuie entièrement sur le support d’une logique relativiste intrinsèquement viciée, ce que nous montrerons plus loin.
Dans l’ordre de la réalité alternative façonnée et véhiculée au moyen de la fausse nouvelle, le discours paralogique va jouer un rôle parallèle à celui que joue l’authentique discours logique dans l’ordre de la pensée et de son rapport au monde réel....
Lire la suite ici:
https://drive.google.com/file/d/1K7lu3ytFCD8C7qSfjm2slR0FOfQ5bVgy/view
20:42 Publié dans Définitions, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philosophie, définition, relativité, relativisme, causalité, vérité, post-vérité | |
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Eurocrate et atlantiste : Draghi dicte la nouvelle politique étrangère de l'Italie
Par Lorenzo Vita
Ex : https://it.insideover.com
Un gouvernement eurocratique et atlantiste. Avec ces mots, Mario Draghi définit la politique étrangère de son gouvernement et envoie un message adressé non seulement aux alliés du gouvernement, mais aussi à ceux qui se trouvent hors d'Italie. Il y a un pays, l’Italie, qui, pour Draghi, doit confirmer les lignes directrices qui ont caractérisé la diplomatie de Rome depuis des décennies. Et Draghi répond aux attentes d'un exécutif qui est clairement né avec la bénédiction de Washington et de Berlin (et de Bruxelles). Les deux capitales de l'Occident politique, celle de l'Amérique et celle de l'Europe, regardent très attentivement ce qui se passe au Palazzo Chigi, conscientes que l'Italie est un pays que personne ne peut ou ne veut perdre. Les États-Unis pour des questions stratégiques, l'Allemagne pour des raisons économiques et donc politiques.
Ces dernières années, l'Italie est apparue très erratique sur les questions clés de sa politique étrangère. Ce n'est pas nécessairement un défaut, mais ce n'est pas non plus une vertu. Très souvent, le fait d'être ambigu est pris pour une forme de politique non alignée ou pour un signe d'indépendance. Cependant, ce qui semble presque être un appel à une diplomatie de type "primo-public" cache très souvent (et dissimule) l'incapacité à suivre une certaine voie qui conduirait à des avantages évidents. Giuseppe Conte, en changeant de majorité, a certes modifié profondément sa façon de faire de la politique étrangère : mais cela n'a pas suffi à donner des garanties aux pouvoirs qui se portent garants de l'Italie sur la scène internationale. Une question qui a pesé comme un roc dans la politique d'un gouvernement déjà miné par des problèmes internes.
Draghi est arrivé au Palazzo Chigi avec un arrière-plan précis. Et les lignes qu'il dicte révèlent encore plus la faveur avec laquelle il est revenu à Rome. L'axe entre le Palazzo Chigi et le Quirinal, qui a façonné ce gouvernement né des cendres de la coalition jaune-rouge, repose sur une ligne programmatique qui s'articule autour de trois éléments clés : l'OTAN, l'Union européenne et l'idée d'un pays qui représente ces blocs en tant que pilier méditerranéen. Les propos du Premier ministre confirment cette ligne par une phrase qui ne laisse aucun doute : "Dans nos relations internationales, ce gouvernement sera résolument pro-européen (eurocratique) et atlantiste, en accord avec les ancrages historiques de l'Italie : l'Union européenne, l'Alliance atlantique, les Nations unies".
Sur le front européen, il est clair que le gouvernement Draghi est né dans un système profondément lié à la vision unitaire de l'Europe. Le curriculum de Draghi, dans ce sens, ne peut certainement pas être sous-estimé étant donné qu'en tant que président de la Banque centrale européenne, il a sauvé l'euro d'une crise potentiellement explosive et a répété, dans son discours au Sénat, qu’il fallait considérer l'euro comme irréversible. Ces orientations économiques et financières vont également de pair avec une politique étrangère au sein de l'UE qui apparaît immédiatement très précise, et qui ne doit pas être sous-estimée. L'idée d'affirmer que la France et l'Allemagne sont les premiers référents au sein du continent, en distinguant clairement Paris et Berlin des autres gouvernements méditerranéens (expressément l'Espagne, Malte, la Grèce et Chypre) construit une frontière bien définie du réseau stratégique italien. Avec la France et l'Allemagne, on a l'impression qu'ils veulent créer des canaux sûrs et directs qui impliquent une entrée progressive de l'Italie dans les choix communautaires, ce que le politologue Alain Minc, conseiller de Macron, a également rappelé dans son interview au journal La Repubblica. En effet, Minc a également lancé une blague sans surprise sur la déception espagnole face à l'arrivée de Draghi, étant donné que l'objectif de Madrid est de saper la position de Rome en tant que troisième capitale de l'UE.
Ces piliers européens, ainsi que les piliers atlantiques, représentent la position diplomatique du gouvernement lancée ces dernières semaines. Des lignes rouges qui ouvrent la porte à un scénario de repositionnement également vis-à-vis de la Chine, jamais mentionnée dans le texte alors même qu’elle est un partenaire fondamental du pays. La Russie et la Turquie ont certes été mentionnées – mais une seule fois pour parler des tensions dans leurs environnements et en Asie centrale. Un choix qui ne peut pas être seulement dialectique : pour Draghi, l'Italie n'a qu'une seule appartenance, qui est celle de l'aire atlantique et de l'Europe eurocratique. La Chine est un partenaire commercial inévitable, mais en évitant d'en parler dans son discours programmatique, il montre aussi clairement qu'elle n'a aucune valeur stratégique au contraire de l'Amérique, de l’Union européenne et de pays avec lesquels l'Italie a une profonde connaissance économique, politique, d'intelligence et de contrôle de la Méditerranée.
Par conséquent, s'il est clair que, pour Rome, les relations avec Berlin et Paris restent essentielles pour renforcer un projet européen qui implique également notre gouvernement, en évitant qu'Aix-la-Chapelle ne dicte totalement la ligne sur les changements en Europe, l'Italie se tourne également vers la Méditerranée, étant donné que le Premier ministre a affirmé au Sénat qu'il voulait "consolider la collaboration avec les États avec lesquels nous partageons une sensibilité méditerranéenne spécifique".
Cette question est particulièrement importante car elle permet également de comprendre comment la géopolitique italienne évolue dans une période de transition aussi complexe dans la zone euro-méditerranéenne. Pour les États-Unis et l'Union européenne, la Méditerranée représente une ligne de faille qui divise un monde occidental affaibli par la crise et une zone de chaos (la revue géopolitique Limes la définit notamment comme Chaoslandia) qui comprend une grande partie de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient et où plusieurs puissances moyennes et grandes sont impliquées. L'Italie est au centre, la dernière bande d'un bloc en quête de sa nouvelle vocation après l'effondrement de l'URSS et avec une Amérique qui tente de se recentrer sur la Chine tout en évitant d'abandonner le théâtre européen et moyen-oriental. Cette condition implique que Rome doit choisir ses meilleurs alliés avec le plus grand soin, car il est clair que dans ce jeu il n'y a pas de tirage au sort : il y a des gagnants et des perdants, qu'ils soient entrants ou sortants. L'axe pro-européen et atlantiste défini par Draghi dirige l'Italie dans le sillage de ceux qui la considèrent comme la tranchée creusée face à cette frontière brûlante de l'ordre libéral international. Et cela implique clairement aussi un rôle précis cadrant dans ce schéma : à partir de la Méditerranée élargie elle-même. La Libye, le Levant et les Balkans sont des régions vers lesquelles l'Italie ne peut pas refuser de tourner les yeux. Et en attendant des gestes précis de l'administration Biden, qui a déjà fait savoir qu'elle appréciait les nouvelles orientations de l’Italie, on a l'impression que le Palazzo Chigi, le Quirinal et la Farnesina (qui est en fait "commandée" par la ligne Draghi-Mattarella) ont désormais un horizon parfaitement en ligne avec les mouvements de l'OTAN et de l'UE.
20:30 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mario draghi, europe, italie, affaires européennes, eurocratie, atlantisme, géopolitique, politique internationale | |
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par Peter Columns
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Peter Columns consacré à la question de la recherche de la suprématie. Entrepreneur, Peter Columns est un ingénieur spécialisé dans les technologies de l’Intelligence Artificielle. Il anime le site Science et Remigration et tient un blog personnel.
La suprématie des peuples de bien
Ces dernières années, l’expression de suprémacisme blanc a commencé à fleurir un peu partout pour désigner ceux désirant lutter contre la submersion migratoire et la tiers-mondisation des pays européens. Parce que l’accusation de racisme est tombée en désuétude, on accuse désormais les gens d’être des suprématistes. Cette accusation recouvre plusieurs degrés:
• D’abord, l’accusation de volonté d’hégémonie mondiale. Même si l’Occident ne conquiert plus de territoires depuis des siècles, il reste néanmoins cette accusation que ce serait le monde qu’il faudrait “décoloniser”, car forgé par la suprématie occidentale durant des siècles. Par exemple, les industries culturelles européennes, ayant une portée mondiale, devraient représenter la diversité de l’humanité plutôt que de mettre en avant des Européens. En d’autres termes, l’excellence occidentale, dépassant les frontières de l’Occident, nous obligerait à représenter ce qui n’est pas occidental.
• Ensuite, l’accusation de volonté d’hégémonie nationale. Il s’agit de la pensée que l’homogénéité ethnique des sociétés occidentales serait révolue, que les Européens ne seraient plus réellement chez eux, et que toute volonté de bloquer les flux migratoires, de les inverser, révèlerait la volonté de maintenir une société blanche. Cela va avec l’idée que les sociétés européennes seraient fondamentalement construites pendant des siècles par des blancs et qu’une “décolonisation” serait là aussi nécessaire, sur le propre sol des peuples européens.
• Et enfin, l’échelle locale. C’est à dire le fait que les Européens devraient être dépossédés du droit de pouvoir vivre entre Européens, toute volonté de se préserver voudrait dire exclure les autres et faire donc preuve d’une suprématie ethnique sur un territoire quelconque. C’est à dire que la diversité devrait être présente en tout temps, en tout lieu, en quantité très importantes, dès qu’une société européenne se constituerait.
• Pourtant, de toutes ces définitions du suprémacisme blanc, aucune ne semble juste. Il ne s’agit ni plus ni moins toujours que de supprimer des libertés aux peuples européens. Celle de pouvoir exprimer leur génie sans qu’il ne soit universel. Celle de pouvoir continuer à exister en tant que nations, de posséder des sociétés qui nous représentent. Celle de la liberté d’association en pouvant décider avec qui nous voulons vivre et construire un avenir commun.
Derrière toute cette confusion sémantique, la question du suprémacisme reste pourtant fondamentale pour déterminer:
La suprématie est un revolver unique dont l’existence est inéluctable, qu’il vaut mieux confier aux peuples les plus bienveillants
Qu’est ce que faire le bien? Si on devait m’accuser d’être un suprémaciste blanc, je répondrais que je suis pour la suprématie des peuples de bien.
Je préfèrerais toujours une domination occidentale, portée sur le progrès, la dignité humaine et la liberté, qu’une domination chariatique arabe, tribaliste noire, communiste chinoise, etc. Les valeurs de la civilisation occidentale sont les meilleures. 97% des découvertes et inventions sont du fait des peuples européens. Ils sont ceux qui ont sorti l’humanité de la triste condition dont elle était issue. Ils auraient pu garder tous ces bienfaits pour eux, mais ce n’est pas ce qu’ils ont fait. Ils ont tenu à en faire profiter tout le monde entier, et ils en ont été bien mal remerciés.
Dans la logique actuelle, tous les suprémacismes se valent. De fait, nous sommes passés d’une criminalisation du “racisme”, comme opposition à la submersion migratoire, à la criminalisation du “suprémacisme”, comme opposition au projet de “décolonisation” des pays occidentaux. Ce glissement sémantique ne témoigne en vérité que d’un insupportable relativisme. Qu’il soit d’extrême-gauche, considérant les valeurs du tiers-monde comme supérieures à celles du monde développé, ou bien du centre, parlant de tenaille identitaire, mettant la cause des remplacés à égalité avec celle des remplaçants.
S’il existe toujours une suprématie, qui doit forcément appartenir à quelqu’un, il existe des suprémacismes. Quel serait le rapport par exemple entre un suprémacisme blanc qui souhaite préserver sur leur propre sol des peuples millénaires inventifs et bienveillants, et le suprémacisme islamique qui vient dans d’autres pays commettre des exactions, imposer sa culture à l’étranger et remplacer démographiquement d’autres populations? Les peuples ne se valent pas. Les cultures ne se valent pas. Les immigrations ne se valent pas. Les idéologies ne se valent pas. De la même façon, les suprémacismes ne se valent pas.
Faire le bien, consiste à donner de la force à ceux qui sont des personnes de bien. Et d’abord et avant tout la force pour qu’elles se préservent elles-mêmes. De fait, elles sont souvent les plus sujettes à se remettre en question, à éprouver de la culpabilité, à douter d’elles-mêmes. Ne pas leur donner cette force, c’est donner la suprématie au pire.
Par l’aide au développement et l’immigration de masse, c’est exactement ce que nous avons fait. Nous avons donné à des sociétés profondément viciées la possibilité de se développer géographiquement de façon exponentielle, avec même l’avènement de crimes de masse comme les viols collectifs de Telford ou de Rotherham sur le sol de pays qui étaient pourtant civilisés.
Souvent, lorsqu’il est question de l’expulsion d’un violeur, l’argument opposé est que le violeur qu’il soit en France ou en Algérie continuerait de commettre des exactions. Mais c’est avec ce genre de raisonnement épouvantable que tous les pays civilisés se transforment en terres de culture du viol. La criminalité ne se transvase, en effet, pas uniquement d’un pays vers un autre. Dans les faits, nous permettons à des cultures criminogènes de se répandre, de se nourrir, et de dominer.
De la même façon, les institutions internationales, dans toute leur efficacité très relatives, ne sont garantes des Droits de l’Homme que parce que les peuples européens ont encore un certain poids. Les Droits de l’Homme sont le devoir de l’Européen. Avec des Hommes de plus en plus nombreux, et des Européens de moins en moins. Nous avons aboli l’esclavage, nous avons reconnu l’auto-détermination des peuples, nous avons posé des barrières au pouvoir des États sur les individus, nous avons reconnu aux personnes de toutes origines, races, confessions le droit à une dignité. Qui nous reconnaitra tous ces droits? Personne sinon nous-mêmes. Qui se soucie aujourd’hui même de l’environnement, des inégalités, du sort des animaux?
Le procès des peuples européens
Systématiquement, toujours pour diminuer un risque de suprématie, il sera fait le procès des peuples européens, en mentionnant toutes leurs exactions réelles ou imaginaires. Pourtant, les exactions des peuples ne peuvent être jugées indépendamment des moyens à leur disposition, et de la suprématie qu’ils pouvaient avoir sur autrui. Un peuple peut ne pas avoir commis de crimes pour la simple raison qu’il n’en avait pas les moyens. Un peuple peut avoir commis beaucoup de crimes, mais que cela reste infinitésimal par rapport à ce qu’il était réellement en capacité de commettre. Les vrais peuples bienveillants sont ceux qui avaient les moyens de commettre le mal, et qui ne l’ont pas fait.
De la même façon, il est trop facile de considérer comme bienveillants des peuples qui n’ont rien accompli. Toujours, réaliser des choses, avoir une histoire riche, implique son lot de conflits, de choix difficiles, d’erreurs qu’il ne fallait pas commettre. On reprochera ainsi toujours à ceux qui font, et jamais à ceux qui se drapent dans la pureté de l’inaction, voire de l’extinction. De ce point de vue, encore une fois, la contribution européenne a sorti l’humanité de sa condition originelle qui était épouvantable. Était-ce faire le bien que de s’éteindre?
La liberté ne dépend que de celui qui possède la suprématie
De fait, nous ne pouvons pas échanger notre liberté contre une autre. Nous ne pouvons pas céder notre pouvoir pour le bien de tous, car c’est avec ce pouvoir que nous garantissons les droits de chacun. C’est parce que nous avons la suprématie, que nous pouvons imposer de bonnes valeurs. Cette liberté a été acquise dans le sang, oui, et elle n’aurait jamais pu être acquise autrement. C’est parce que nous voulions être forts et que nous étions épris de liberté, que nous sommes devenus libres, et que les autres sont devenus libres aussi.
La liberté ne peut pas aller sans le suprémacisme. C’est la volonté constante en tant que peuple de devenir plus fort qui fait que nous nous maintenons au-dessus de ce qui voudrait bien nous asservir. Et pour un monde en paix, le mieux reste de militer pour la suprématie des peuples de bien. C’est l’adage bien connu si vis pacem, para bellum. Si pour avoir la paix, il faut préparer la guerre, encore faut-il avoir la volonté de dominer en cas de conflit.
L’histoire de la suprématie a été violente, oui. Mais ce n’est que parce que nous avons gagné à ce jeu, que nous avons pu instaurer un monde qui soit plus paisible, où la suprématie se joue sur le territoire économique et technologique. Absolument rien ne garantit que les règles resteront les mêmes une fois que nous ne serons plus les plus influents. Les Européens ont tellement été au dessus de tout durant des siècles qu’ils ont fini par penser que leurs propres dogmes étaient universels. Et lentement, ils réapprennent les véritables règles du jeu.
Si nous devenons minoritaires, si nous devenons faibles, cette liberté ne dépendra que d’autrui. Cet autrui qui génocide sans sourciller les minorités quand il est majoritaire, qui envahit le pays d’à coté juste parce qu’il le peut, qui considère la femme comme un butin, qui pratique l’esclavage encore, qui rêve de mettre le monde à la merci de la charia ou bien du Parti.
La volonté de suprématie est le feu intérieur d’un peuple
Parler de suprémacisme blanc sur le sol occidental, n’a qu’un seul effet concret: démoraliser encore un peu plus les Européens, leur interdire les rêves de grandeur, leur refuser le droit de faire grandir tout ce qu’ils aiment sur leur propre sol, après leur avoir refusé le droit de se préserver. C’est tirer une balle dans la tête de toutes les valeurs positives occidentales.
C’est parce que nous avons un rêve de grandeur, parce que nous voulons accomplir des choses, parce que nous voulons être une puissance économique et technologique, parce que nous voulons avoir la population la plus érudite, que nous allons de l’avant, que nous restons compétitifs, que notre travail de tous les jours trouve un sens. C’est parce que nous pouvons avoir une identité, et que cette identité débouche sur des accomplissements, que nous pouvons trouver une cohésion. Sans suprémacisme, sans identité, nous avons la liberté sans rien pouvoir en faire. En attendant qu’on nous prenne la liberté tout court.
Par conséquent, il revient de poser une question simple: si vous n’êtes pas pour la suprématie des peuples européens, si garantir leur force dans l’équilibre mondial ne vous apparait pas comme une nécessité, si vous ne voulez pas voir les valeurs et les réalisations occidentales grandir avec le temps, qu’est-ce qui doit selon vous dominer à la place ?
Peter Columns (Blog de Peter Columns, 3 février 2021)
19:49 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : suprématie, peuples de bien | |
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17:53 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michel drac, actualité | |
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Parution du numéro 437 du Bulletin célinien
Sommaire :
La Société d’études céliniennes à la croisée des chemins
Mirabeau devancier de Céline
Céline dans Candide (2e partie, 1937-1944)
• Jean-Charles HUCHET. La joie haineuse (Le moment pamphlétaire de Louis-Ferdinand Céline), L’Harmattan, coll. “Espaces littéraires”, 2020, 302 p.
17:47 Publié dans Littérature, Revue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : louis-ferdinand céline, revue, littérature, littérature française, lettres, lettres françaises | |
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Ex: Moon of Alabama
Le cirque qu’a été cette mise en scène de « l’impeachment de Trump » se termine et la réalité peut maintenant reprendre sa place :
Maintenant que le procès pour la destitution de son prédécesseur est terminé, le
président Biden va rapidement faire pression pour faire adopter son plan d'aide
aux victimes du coronavirus, d'un montant de 1 900 milliards de dollars, avant
de passer à un programme encore plus important au Congrès qui comprend les
infrastructures, l'immigration, la réforme de la justice pénale, le changement
climatique et les soins de santé.
Après le spectacle qu’a été ce conflit constitutionnel, le nouveau président
"occupe maintenant le devant de la scène d'une manière que les premières
semaines n'ont pas permis", a déclaré Jennifer Palmieri, qui a été directrice
de la communication de l'ancien président Barack Obama. Selon elle, la fin
du procès signifie que "2021 peut enfin commencer".
« Attendez ! » crie l’industrie médiatique. Cela ne correspond pas à notre scénario. Le côté « gauche » des médias est là pour accuser Trump chaque minute qui passe et le côté « droit » est là pour condamner constamment la « gauche » pour s’en prendre à Trump. Au cours des cinq dernières années, ce système a produit des taux d’audience record pour tout le monde.
Wolf Blitzer @wolfblitzer - 16:11 UTC - Feb 15, 2021 Le procès Trump est terminé, mais les enquêtes locales, étatiques et fédérales
se poursuivent. Il pourrait y avoir une commission de type 11 septembre. Les
organisations de presse continuent d'enquêter. Et @realBobWoodward travaille
à un livre sur les derniers jours de Trump. En résumé : nous allons en apprendre
beaucoup plus.
« Je vous ai entendu », répond Nancy Pelosi. Et quel meilleur moyen de cacher que Biden poursuivra les mêmes politiques que Trump (mais saupoudrées de quelques charlataneries LBGTQWERTY) plutôt que de prolonger le cirque narratif :
Le Congrès va créer une commission indépendante pour enquêter sur l'attaque du
Capitole le 6 janvier, y compris sur les faits "relatifs à l'interférence avec
le transfert pacifique du pouvoir", a annoncé lundi la présidente du Parlement
californien, Nancy Pelosi. ... Les appels se sont multipliés en faveur d'une enquête bipartite et indépendante
sur les manquements de l'administration et des forces de l'ordre qui ont conduit
à la première violation du Capitole depuis deux siècles, en particulier après
que le Sénat ait acquitté l'ancien président Donald J. Trump dans son procès
de destitution pour incitation aux émeutes. Pour certains législateurs, une
telle commission offre la dernière grande occasion de tenir M. Trump pour
responsable.
Oui Nancy, enquêtons sur cette question et sur d’autres du même genre : Pourquoi la demande du chef de la police du Capitole du renfort d’une garde nationale a-t-elle été refusée avant l’émeute ? demandent les républicains à Nancy Pelosi.
Garder un œil sur Trump est bien sûr le meilleur moyen de garantir que les Républicains continueront à s’en tenir à son récit et qu’il reviendra :
Bien que les primaires de 2024 soient encore loin, qui sait ce qui se passera
avec Trump dans trois mois, et encore plus dans trois ans ? - il est actuellement
en train d'écraser tout rival potentiel. 53 % des Républicains ont déclaré qu'ils
voteraient pour Trump si la primaire avait lieu aujourd'hui. Tous les autres espoirs Républicains sont dans le bas de l'échelle, à part Mike
Pence, qui a obtenu 12 % des voix. Marco Rubio, Tom Cotton, Mitt Romney, Kristi
Noem, Larry Hogan, Josh Hawley, Ted Cruz, Tim Scott et Rick Scott ont tous des
intentions de vote en dessous de 5 %. Seuls Donald Trump Jr. et Nikki Haley ont
obtenu 6 %.
Une enquête plus approfondie sur l’invasion du Capitole lors du Mardi Gras contribuera également à faire adopter de nouvelles lois sur le « terrorisme intérieur ». On sait déjà vers qui elles seront dirigées :
Thomas B. Harvey @tbh4justice 17:56 UTC - 15 février 2021
Le FBI arrête un manifestant BLM, affirmant que ses messages sur les médias
sociaux montrent qu'il est "sur la voie de la radicalisation". Un juge a
déterminé qu'il est dangereux à cause de ces posts et a ordonné sa détention
sans caution. C'est vers cela que nous nous dirigeons si nous acceptons cette
histoire de terrorisme intérieur : Le FBI a mis en garde contre les attaques d'extrême droite. Ses agents arrêtent
un ex-soldat de gauche.
Bienvenue à l’ère du capitalisme de surveillance, où chaque diatribe que vous aurez publiée et qui ne correspond pas au récit officiel peut (et sera) utilisée contre vous :
Cela représente clairement une toute autre ampleur de "contrôle" - et lorsqu'il
est allié aux techniques anti-insurrectionnelles occidentales de détournement
du récit "terroriste", mises au point pendant la "Grande Guerre contre le
terrorisme" - il constitue un outil formidable pour freiner la dissidence,
tant au niveau national qu'international. Mais il présente cependant une faiblesse fondamentale. Tout simplement, parce qu’à cause du fait d'être si investi, si immergé, dans
une "réalité" particulière, les "vérités" des autres ne sont plus - ne peuvent
plus - être entendues. Elles ne peuvent plus fièrement se distinguer au-dessus
de la morne plaine du discours consensuel. Elles ne peuvent plus pénétrer dans
la coquille durcie de la bulle narrative dominante, ni prétendre à l'attention
d'élites si investies dans la gestion de leur propre version de la réalité. La "faiblesse fondamentale" ? Les élites en viennent à croire leurs propres récits
- oubliant que ce récit a été conçu comme une illusion, parmi d'autres, créée pour
capter l'imagination au sein de leur société (et non celle des autres). .... Les exemples sont légion, mais la perception de l'administration Biden selon
laquelle le temps a été gelé - à partir du moment où Obama a quitté ses fonctions
- et en quelque sorte dégelé le 20 janvier, juste à temps pour que Biden reprenne
tout à cette époque antérieure (comme si ce temps intermédiaire n’existait pas),
constitue un exemple de croyance en son propre mème. La stupéfaction - et la colère -
de l'UE, qui a été décrite comme "un partenaire peu fiable" par Lavrov à Moscou,
est un exemple de plus de l'éloignement des élites du monde réel et de leur captivité
dans leur propre perception. L'expression "l'Amérique est de retour" pour diriger et "fixer les règles du jeu"
pour le reste du monde peut être destinée à faire rayonner la force des États-Unis,
mais elle suggère plutôt une faible compréhension des réalités auxquelles les
États-Unis sont confrontés : Les relations de l'Amérique avec l'Europe et l'Asie
étaient de plus en plus distantes bien avant l'entrée de Biden à la Maison Blanche
- mais aussi avant le mandat (volontairement perturbateur) de Trump. Pourquoi alors les États-Unis sont-ils si systématiquement dans le déni à ce sujet ?
Les États-Unis – ou du moins leurs « élites » – ont besoin de se réveiller, de sortir de leur monde narratif et de revenir à la réalité.
L’alternative est une collision violente avec les réalités que d’autres, nationaux ou étrangers, perçoivent.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone
10:26 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, états-unis, politique internationale | |
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Ex: http://www.europemaxima.com
Le 17 octobre 2020 se tenaient en Nouvelle-Zélande des élections législatives. Depuis trois ans, le Premier ministre travailliste, Jacinta Ardern, gouvernait en coalition avec New Zealand First (NZF) de Winston Peters, un parti populiste nationaliste modéré. Pour bénéficier d’une réelle stabilité, Jacinta Ardern avait aussi noué un accord complémentaire avec les Verts, habituels adversaires de NZF, qui apportaient leur soutien au cas par cas.
En tant que vice-Premier ministre, Winston Peters (photo) a exercé pendant près de six semaines la fonction de chef du gouvernement par intérim quand s’achevait la grossesse de Jacinta Ardern. Au cours de ces trois années de coopération, les neuf députés de NZF ont souvent avalé des couleuvres, voire des boas, comme la limitation du port d’arme, la réglementation plus stricte de la vente des dites-armes et la surveillance des opinions sur Internet. Il a résulté de cette expérience ministérielle que NZF perde tous ses sièges d’élus et ne réalise que 2,66 % des suffrages.
Porté par la nouvelle icône planétaire de la gauche féministe, égalitaire et multiculturaliste, le Parti travailliste recueille 49,10 % des suffrages, soit une hausse de 12,20 points, et gagne dix-huit sièges. Avec soixante-quatre députés, Jacinta Ardern obtient la majorité absolue dans le cadre d’un mode de scrutin largement proportionnel. En progrès de 1,3 point, les Verts gagnent deux sièges, soit dix élus et 7,57 %. Les deux derniers enseignements de ce scrutin sont, d’une part, l’échec cinglant du Parti national de centre-droit (trente-cinq députés, soit une perte de vingt-et-un sièges, 26,81 % et 17,60 points de moins) et, d’autre part, l’apparition d’une formation libérale centriste, l’ACT New Zealand de David Seymour (7,98 % et dix sièges). Ainsi, même à l’autre bout de la Terre, le globalisme, le mondialisme et le gendérisme s’implantent-ils avec facilité.
Les élections néo-zélandaises démontrent une nouvelle fois que le national-populisme ne peut pas souscrire à un accord gouvernemental en tant que partenaire minoritaire sous peine de perdre élus et électeurs. Il y a vingt ans, le conservateur autrichien Wolfgang Schlüssel s’alliait avec Jörg Haider, le charismatique dirigeant du parti national-libéral FPÖ. Tout l’Univers s’éleva contre la nomination de six ministres FPÖ ! Jamais à court d’idées néfastes, le calamiteux Jacques « Sniff-Sniff » Chirac suggéra aux autres membres de l’Union dite européenne d’ostraciser les ministres autrichiens.
Malgré ces pressions inacceptables et grâce au soutien constant de la CSU bavaroise, le chancelier fédéral autrichien Schlüssel mèna une politique libérale-conservatrice qui séduisit ministres et notables du FPÖ. Aux législatives de 2002, le bilan fut effroyable pour la droite nationale. Le FPÖ stagna à 10,01 % pour dix-huit députés (moins 16,90 points et une perte de trente-quatre sièges). Reconduit dans ses fonctions de chancelier, Schlüssel poursuivit son alliance avec les nationaux-libéraux. Puis, en 2005, Haider et ses partisans abandonnèrent le FPÖ et lancèrent le BZÖ (Mouvement pour l’avenir de l’Autriche). Aux législatives de 2006, avec 4,10 %, le BZÖ gagna sept sièges. Deux ans plus tard, il réalisa son meilleur résultat (10,70 % et vingt-et-un députés) avant de s’effondrer dès 2013 (3,50 %).
Le « populisme de gouvernement » a aussi échoué en Italie avec la rupture de l’alliance entre la Ligue de Matteo Salvini et le Mouvement Cinq Étoiles. Cette alliance était prometteuse si le M5S n’était pas aussi hétéroclite sur le plan des idées et des pratiques politiques. Gérée par une mairesse Cinq Étoiles, Rome reste dans un état de délabrement avancé. La municipalité préfère avantager les non-Italiens aux Romains. En Norvège, le Parti du Progrès, à l’origine hostile à la fiscalité, et en Finlande, les Vrais Finlandais, ont eux aussi noué des ententes ministérielles qui se caractérisèrent ensuite par des revers électoraux cinglants au point que les Vrais Finlandais se scindèrent entre « modérés » et « radicaux ». Pour couler les formations populistes, les inviter à gouverner semble une tactique plus efficace que les maintenir au-delà d’un stupide « cordon sanitaire ». Toutefois, cette tactique commence à montrer ses limites.
C’est la raison pour laquelle il faut suivre avec attention les événements politiques à venir outre-Quiévrain. Fruit d’une alliance incongrue entre sept partis (!), le gouvernement fédéral belge ne dispose que d’une majorité relative en Flandre. Les sondages présentent les républicains indépendantistes du Vlaams Belang en tête aux prochaines élections générales devant les autonomistes conservateurs-libéraux de la NVA (Nouvelle Alliance flamande) du maire d’Anvers Bart De Wever qui ont appartenu à une précédente coalition ministérielle fédérale entre 2014 et 2018 avec le très falot Charles Michel. Cela n’empêcha pas ce dernier d’appliquer un programme globaliste pro-migrants. La montée en puissance en Wallonie de la gauche radicale du Parti du Travail de Belgique rendra les prochaines négociations gouvernementales à l’échelle fédérale problématiques.
Le populisme médiatique ne doit donc pas compter sur une illusoire « union des droites ». Son espérance d’occuper quelques strapontins ministériels paraît encore bien lointaine. Il est temps de se tourner vers une aristocratie de militants formés, convaincus et dévoués.
Georges Feltin-Tracol
• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 201, mise en ligne sur TVLibertés, le 9 février 2021.
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Philosophie chinoise ancienne et intelligence artificielle
Par Bing Song
Ex : http://novaresistencia.org (Brésil)
Dans ce texte, Bing Song élucide certains aspects du confucianisme, du taoïsme et du bouddhisme qui contribuent à expliquer pourquoi certains philosophes chinois ne sont pas aussi alarmés par l'IA que leurs homologues occidentaux.
Sur la scène internationale, on a beaucoup discuté de l'ambition de la Chine de devenir le leader de l'innovation en matière d'intelligence artificielle et de robotique dans les prochaines décennies. Mais quasi rien des débats entre philosophes chinois sur les menaces de l'IA et sur les approches éthiques de l'IA n'ont réussi à pénétrer les médias de langues occidentales.
Comme de nombreux commentateurs occidentaux, de nombreux philosophes chinois (principalement formés au confucianisme, au taoïsme et au bouddhisme) ont exprimé leur profonde inquiétude quant à la diminution de l'autonomie et du libre arbitre de l'homme à l'ère de la manipulation et de l'automatisation des données, ainsi qu'à la perte potentielle de tout sens à donner à la vie humaine sur le long terme. D'autres penseurs s'inquiètent de l'empressement de l'humanité à bricoler le génome humain et à intervenir sur le processus d'évolution naturelle pour atteindre la longévité et le bien-être physique tant désirés. Les spécialistes confucéens semblent être plus alarmés, car certains développements de l'IA et de la robotique, notamment ceux liés aux relations familiales et aux soins aux personnes âgées, menacent directement le fondement du confucianisme, qui met l'accent sur l'importance des lignées et des normes familiales.
Plus intéressants, cependant, sont les trois axes de réflexion suivants, radicalement différents, qui contribuent à expliquer pourquoi il y a eu beaucoup moins de panique en Chine qu'en Occident face aux risques existentiels perçus qu’apportent les technologies de pointe telles que l'intelligence artificielle.
Anthropocentrisme vs. non-anthropocentrisme
L'anthropocentrisme veut que les humains soient considérés comme des êtres séparés et au-dessus de la nature. L'Homo sapiens, avec sa rationalité, sa conscience de soi et sa subjectivité uniques, est placé au-dessus des autres animaux, plantes et autres formes du vivant. L'anthropocentrisme a atteint son apogée à l'époque de l'industrialisation et de la mondialisation. Bien que cette mentalité centrée sur l'homme se soit quelque peu atténuée dans les pays développés au cours des dernières décennies, elle est encore répandue dans la Chine, qui s'industrialise rapidement, et ailleurs.
Cependant, le confucianisme, le taoïsme et le bouddhisme sont tous d'accord sur la notion de non-anthropocentrisme. Dans la pensée chinoise classique, la construction typique pour comprendre la relation entre l'homme, la nature et la société est ce qu’on y appelle la « trinité du ciel, de la terre et de l'homme ». Cette notion est issue d'un des plus anciens classiques chinois - le "I Ching" ou "Livre des changements" - qui est la source intellectuelle des écoles de pensée les plus influentes en Chine, dont le confucianisme et le taoïsme.
Le ciel, la terre et l'homme, ainsi que les forces yin et yang qui y sont associées, étaient considérés comme les constituants les plus fondamentaux de l'univers, au sein duquel la nature évolue, les êtres humains prospèrent et les sociétés se développent. Dans cette construction, les êtres humains font intrinsèquement partie de la nature et sont liés à elle. Les êtres humains ne peuvent s'épanouir et être soutenus que s'ils suivent les lois de la nature et réalisent l'unité de la nature et de l'homme.
L'humanité, entre ciel et terre, est dotée d'une capacité unique à apprendre de la nature, à agir pour promouvoir les causes de l'épanouissement et de la durabilité du ciel et de la terre, et à propager le "Dao" ou "voie". Dans le contexte confucéen, le Dao implique des enseignements éthiques de bienveillance et de droiture. Bien que la tradition confucéenne ait beaucoup insisté sur la proactivité des êtres humains, elle est toujours fondée sur le respect et la révérence des lois de la nature et sur les ajustements à apporter à ces lois plutôt que sur l'expropriation inconsidérée de la nature. Les êtres humains doivent comprendre les changements saisonniers et vivre en conséquence.
La mentalité consistant à être en phase avec l'évolution des temps et des circonstances est ancrée profondément dans l'enseignement de Confucius. En fait, Confucius a été salué comme le "sage ancien" par Mencius, un autre maître chinois du confucianisme. Ce que Confucius prêchait et pratiquait n'était pas un dogme, mais la connaissance et la sagesse les plus appropriées pour le temps et le contexte concernés.
La notion d'unité entre la nature et l'homme est encore plus importante dans le taoïsme. Selon Laozi, le philosophe fondateur du taoïsme chinois, "l'homme est orienté par la terre, la terre est orientée par le ciel, le ciel est orienté par Dao, Dao est orienté par sa propre Nature’’. "Dao est immanent au ciel, à la terre et à l'homme, qui sont mutuellement incarnés et constitutifs et doivent se mouvoir en harmonie. Zhuangzi, un philosophe qui a vécu au quatrième siècle avant Jésus-Christ, a encore renforcé la notion d'unité de la nature et de l'homme. Il soutenait que le ciel, la terre et l'homme étaient nés ensemble et que l'univers et l'homme ne faisaient qu'un.
Aucune des trois écoles dominantes de la pensée philosophique chinoise ne place l'être humain dans une position suprême au sein de l'univers.
Le bouddhisme, qui a été introduit en Chine depuis l'Inde au milieu de la période de la dynastie des Han, accorde encore moins d'importance à la primauté de l'être humain sur les autres formes d'existence. Un enseignement bouddhiste fondamental évoque l'égalité de tous les êtres sensibles, dont les humains ne sont qu'un, et que tous les êtres sensibles ont la nature de Bouddha. Le bouddhisme exhorte les gens à pratiquer l'attention et la compassion pour les autres formes d'êtres vivants et sensibles.
En résumé, aucune des trois écoles dominantes de la pensée philosophique chinoise ne place les êtres humains dans une position suprême au sein de l'univers, ni ne considère les êtres humains et la nature comme étant dans une relation mutuellement indépendante ou compétitive. Située dans le contexte du développement des technologies de pointe, l'intelligence artificielle n'est pas un développement "naturel", donc du point de vue de l'unité entre l'homme et la nature, l'IA doit être guidée et parfois supprimée au nom du respect des modes de vie naturels. En effet, c'est exactement ce que de nombreux philosophes en Chine ont préconisé.
Cependant, il est également vrai que, probablement en raison de la forte influence du non-anthropocentrisme dans les systèmes de croyances traditionnels chinois, la panique a été beaucoup moins forte en Orient qu'en Occident à propos du risque existentiel posé par l'IA. D'une part, de nombreux philosophes chinois ne sont tout simplement pas convaincus par la perspective d'une intelligence mécanique dépassant celle des humains. De plus, les humains ont toujours vécu avec d'autres formes d'existence qui peuvent être plus capables que nous à certains égards. Dans l'enseignement taoïste, où les immortels abondent, l'IA ou les êtres numériques ne sont peut-être qu'une autre forme de ‘’super-être’’. Certains universitaires confucéens et taoïstes ont commencé à réfléchir à l'intégration de l'IA dans l'ordre éthique de l'écosystème, considérant potentiellement les IA comme des compagnons ou des amis.
Ouverture relative à l'incertitude et au changement
Une autre raison probable de la panique relativement moins importante que suscitent les technologies de pointe en Chine est le niveau élevé d'acceptation de l'incertitude et du changement dans cette culture. On peut à nouveau remonter jusqu'au "I Ching". Selon son enseignement central, l'existence ultime de l'univers est celle d'un changement constant, plutôt que la notion d'"être" (stable,statique), qui postule, parfois inconsciemment, une existence statique largement repérable dans la pensée européenne du XXe siècle.
L'influence du "Yi Jing" se fait sentir dans de nombreux aspects du confucianisme, comme la doctrine concernant la proactivité de l'homme dans l'anticipation et la gestion du changement, que j'appelle le dynamisme humaniste. Selon Richard Wilhelm, un missionnaire allemand qui a vécu en Chine à la fin du XIXe et au début du XXe siècle et à qui l'on attribue la première traduction européenne du "Yi Jing" : "Il n'y a pas de situation sans issue. Toutes les situations sont des étapes de changement. Ainsi, même lorsque les choses sont les plus difficiles, nous pouvons semer les graines d'une nouvelle situation”.
Depuis la dynastie Han, le taoïsme est caractérisé comme un mode de pensée qui met l'accent sur le progrès des temps et l'évolution en fonction des circonstances. Les enseignements du philosophe taoïste Zhuangzi sur l'adaptation à l'avenir et le refus de la rigidité sont devenus aujourd'hui essentiels dans la culture chinoise. L'idée est que le changement et l'incertitude ne sont pas des problèmes qui doivent être réglés (ndt : c’est-à-dire « éliminés »), mais font partie intégrante de la réalité et de la normalité.
Dans le bouddhisme, le concept de l'impermanence de notre réalité perçue est un principe fondamental. De plus, la nature illusoire de notre réalité perçue réduit encore l'importance des changements de vie dans la pensée bouddhiste.
Peut-être ces modes de pensée sont-ils une autre raison pour laquelle les Chinois ne sont pas aussi inquiets que leurs homologues occidentaux quant à l'avenir possible de l'ère des machines.
Réflexion sur soi, culture de soi et illumination de soi
Le philosophe chinois Thomé Fang a souligné qu'une des similitudes entre les trois traditions philosophiques dominantes en Chine est l'accent qu'elles mettent sur l'importance de la maîtrise de soi, de l'introspection constante et de la poursuite incessante de la sagesse. Ces trois traditions reposent sur l'idée que le bien social commence par l'auto-culture individuelle et est lié à celle-ci.
Thomé Fang.
Ainsi, de nombreux philosophes chinois soulignent qu'à ce stade de la réflexion sur les risques existentiels pour l'homme et sur l'orientation future du progrès technologique, il est très important que nous regardions en nous-mêmes et que nous réfléchissions sur nous-mêmes, en tirant les leçons de l'évolution et du développement de l'homme. En d'autres termes, les humains doivent réfléchir à leur propre passé et réaliser que nous sommes peut-être au cœur du problème - que nous ne serons pas capables de créer une IA moralement saine si nous ne devenons pas rapidement des êtres réfléchis et responsables sur le plan éthique.
Face à des défis plus globaux, nous devrions peut-être ouvrir de nouvelles voies de réflexion et nous inspirer des anciennes traditions philosophiques. Il est temps d'affronter et de remplacer notre mentalité de concurrence à somme nulle, notre propension à maximiser la création de richesse et notre individualisme débridé. La meilleure chance de développer une IA respectueuse de l'homme et d'autres formes de technologies de pointe est que les humains eux-mêmes deviennent plus compatissants (au sens bouddhiste) et s'engagent à construire un écosystème mondial harmonieux et inclusif.
Source : https://www.noemamag.com/applying-ancient-chinese-philoso...
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par Nicolas Bonnal
L'autre jour à Madrid, par quarante degrés centigrades et sur la plaza del sol, « des milliers » (comme on dit) de jeunes professionnels et autres étudiants prometteurs se sont réunis en tongues, short et T-Shirt pour une réunion Pokémon qui promettait beaucoup. Ils se réunissaient donc pour chasser le Pokémon devant les médias émerveillés qui en rendaient compte, et qui affirmaient qu'enfin les jeux vidéo ne sédentarisent pas (pourquoi leur chercher des poux dans la tête ? T'es facho ?), qu'enfin une action japonaise (Nintendo) montait autant qu'à Wall Street (où elles sont toutes achetées, comme Hillary, par les robots de la Fed insatiable), qu'enfin surtout soixante-cinq millions de zombies qui, comme dans un roman de Phillip K. Dick, faisaient la même chose (la chasse à une électro-bestiole donc) au même moment, c'était, c'est fantastique. Quel signe de modernité, tralala.
Nous sommes tombés bien bas mais, comme dit un allègre ami franco-algérien, qui n'a pourtant pas de permis camion, nous creusons encore ! Car enfin, souvenez-vous que du temps de nos aïeux, pour paraphraser Corneille, nous ne valions guère mieux. Nous avions déjà une technologie de choix pour nous ahurir, enfants de ce règne de la quantité et de la révolte des masses...
La seule et vraie révolution politique française, c'est 1870, et la seule grande révolution technologique, c'est l'électricité. C'est Villiers de l'Isle-Adam qui a le mieux perçu l'air du temps, qui est à la sottise entretenue, créée et chouchoutée par la benoite technologie. Le recueil des Contes cruels contient bien des perles qui calmeront les grincheux du web : nous étions alors crétinisés par l'avènement de la lumière et du reste. C'était pour reprendre le bon mot de Philippe Béchade l'inintelligence artificielle au berceau. Je ferai mon distinguo entre technique et technologie : la première sert et soutient le corps, la deuxième s'attaque à l'âme. La première vous transporte, la deuxième vous occupe.
La force de Villiers, qui intéressera PhG, est de relier le phénomène de la technologie à celui du chauvinisme qui nous enverra à Verdun et ailleurs. Voyez ces mots qui en annoncent d'autres (de maux) :
« Autour de lui, sous les puissantes vibrations tombées du beffroi, − dehors, là−bas, au−delà du mur de ses yeux −, des piétinements de cavalerie, et, par éclats, des sonneries aux champs, des acclamations mêlées aux salves des Invalides, aux cris fiers des commandements, des bruissements d'acier, des tonnerres de tambours scandant des défilés interminables d'infanterie, toute une rumeur de gloire lui arrivait (1) ! »
Tout cela très lié donc au militaire festif et ludique, comme la guerre allemande du futur, qui enchante le Kaiser ou même le bien jeune Thomas Mann. Le mégaphone (revoyez le Dictateur de Chaplin pour comprendre) et la fée électricité annoncent les massacres qu'ils inspirent et encensent :
« Son ouïe suraiguë percevait jusqu'à des flottements d'étendards aux lourdes franges frôlant des cuirasses. Dans l'entendement du vieux captif de l'obscurité, mille éclairs de sensations, pressenties et indistinctes, s'évoquaient ! Une divination l'avertissait de ce qui enfiévrait les cœurs et les pensées dans la Ville (2). »
La guerre fraîche et joyeuse est d'abord une guerre électrique, une guerre de conditionnement donc. Macluhan a bien parlé de l'imprimerie pour la révolution puritaine en Angleterre (révolution si j'ose dire du peuple du Livre et de la livre...).
Après Villiers lance le grand débat auquel personne ne répond jamais : les membres du docte public moderne, les gens donc, sont-ils abrutis par la technologie ou sont-ils ahuris naturellement ? Céline était clair : pour lui le populo n'est pas victime, il est collabo, et il n'apprécie que le faux et le chiqué :
« Que demande toute la foule moderne ? Elle demande à se mettre à genoux devant l'or et devant la merde !... Elle a le goût du faux, du bidon, de la farcie connerie, comme aucune foule n'eut jamais dans toutes les pires antiquités... Du coup, on la gave, elle en crève... Et plus nulle, plus insignifiante est l'idole choisie au départ, plus elle a de chances de triompher dans le cœur des foules... mieux la publicité s'accroche à sa nullité, pénètre, entraîne toute l'idolâtrie (3)... »
Autrement dit la technologie révèle la bêtise humaine, elle ne la fabrique pas ; elle la répand, elle ne la provoque pas. Medium is not message. Quelques milliers de Happy Few chaque jour pour Dedefensa.org, un milliard pour Lady Gaga et son Twitter (sans oublier le million de commentaires par chanson, - voyez YouTube et vous saurez de combien de zombis vous êtes entourés), qui aplatit pape, Trump, Clinton, tout « le flot de purin mondiale » qu'a dénoncé notre bon Francis Ponge.
Moins agressif, mais aussi misanthrope que Céline ou Léautaud, Villiers ajoute :
« Car le public raffole, remarquez ceci, de l'Extraordinaire ! Mais, comme il ne sait pas très bien en quoi consiste, en littérature (passez−moi toujours le mot), ce même Extraordinaire dont il raffole, il s'ensuit, à mes yeux, que l'appréciation d'un portier doit sembler préférable, en bon journalisme, à celle du Dante (4). »
Villiers écrit que dans la société du spectacle il ne faut pas faire semblant d'être bête (c'est trop difficile) : il faut l'être.
« Mais le pire, c'est que vous laissez pressentir dans l'on ne sait quoi de votre phrase que vous cherchez à dissimuler votre intelligence pour ne pas effaroucher le lecteur ! Que diable, les gens n'aiment pas qu'on les humilie (5) ! »
Et on a bien fait de détrôner ces rois qui avaient des goûts élitistes. Ils préféraient Phèdre et le roi Lear à American pie ou Taxi.
« Les rois, tout ennuyeux qu'ils soient, approuvent et honorent Shakespeare, Molière, Wagner, Hugo, etc. ; les républiques bannissent Eschyle, proscrivent le Dante, décapitent André Chénier. En république, voyez−vous, on a bien autre chose à faire que d'avoir du génie ! On a tant d'affaires sur les bras, vous comprenez (6). »
Certes on a notre classe moyenne relookée en bobo qui adore se presser aux expos. Mais comme elle ne fait pas la différence entre Turner et Rothko, entre Memling et Dubuffet, elle accomplit le mot de mon ami Paucard sur la crétinisation par la culture (7).
Puis notre écrivain maudit (il mourut de faim ou presque, ce descendant de croisé, après avoir épousé sa bonne) énonce la loi d'airain du système ploutocratique, démocratique et technologique moderne (loi que dénonçaient aussi bien Poe ou Thoreau) : dépenser beaucoup et fabriquer beaucoup d'effets spéciaux pour vendre... rien du tout ou presque. La camelote...
« On voit d'ici ce mouvement, cette vie, cette animation extraordinaire que les intérêts financiers sont seuls capables de donner, aujourd'hui, à des villes sérieuses. Tout à coup, de puissants jets de magnésium ou de lumière électrique, grossis cent mille fois, partent du sommet de quelque colline fleurie, enchantement des jeunes ménages, − d'une colline analogue, par exemple, à notre cher Montmartre ; − ces jets lumineux, maintenus par d'immenses réflecteurs versicolores, envoient, brusquement, au fond du ciel, entre Sirius et Aldébaran, l'Oeil du taureau, sinon même au milieu des Eyades, l'image gracieuse de ce jeune adolescent qui tient une écharpe sur laquelle nous lisons tous les jours, avec un nouveau plaisir, ces belles paroles : On restitue l'or de toute emplette qui a cessé de ravir (8)! »
Eh oui, il faut faire les courses et surtout se faire rembourser si on n'est pas content. Notez que Zola écrit la même chose ou presque dans son Bonheur des dames. Sauf qu'il adore lui le système. La femme va au bruit, dit-il...
« Il professait que la femme est sans force contre la réclame, qu’elle finit fatalement par aller au bruit (9). »
Enfin, bien avant le culte hollywoodien (peu avant en fait, car enfin il a écrit sur Edison), Villiers décrit une tordante machine à gloire – car on veut tous être célèbre comme Andy Warhol, Woody Allen ou les ayatollahs.
« Le rendement de sa machine, c'est la GLOIRE ! Elle produit de la gloire comme un rosier des roses ! L'appareil de l'éminent physicien fabrique la Gloire. Elle en fournit. Elle en fait naître, d'une façon organique et inévitable. Elle vous en couvre ! N'en voulût−on pas avoir : l'on veut s'enfuir, et cela vous poursuit (10). »
Et si un public par trop assoupi ne répond pas assez vite, qu'on lui botte le derrière, comme aux émissions dites de divertissement ! Il faut qu'il applaudisse le célèbre.
« Ici, la Machine se complique insensiblement, et la conception devient de plus en plus profonde ; les tuyaux de gaz à lumière sont alternés d'autres tuyaux, ceux des gaz hilarants et dacryphores. Les balcons sont machinés, à l'intérieur : ils renferment d'invisibles poings en métal − destinés à réveiller, au besoin, le Public− et nantis de bouquets et de couronnes (11). »
Tout cela pour dire que finalement le Pokémon n'est pas si grave !
On laisse Villiers nous amuser une dernière fois, et hélas plus qu'un Alphonse Allais :
« Témoin le délicieux Appareil du professeur Schneitzoëffer (junior), de Nürnberg (Bayern), pour l'Analyse chimique du dernier soupir. Prix : un double thaler − (7 fr. 95 avec la boîte), − un don ! ... − Affranchir. Succursales à Paris, à Rome et dans toutes les capitales. − Le port en sus. − Eviter les contrefaçons. Grâce à cet Appareil, les enfants pourront, dorénavant, regretter leurs parents sans douleur ... C'est à se demander, en un mot, si l'Age d'or ne revient pas (12). »
Car l'âge d'or a la vie dure !
Notes
1.) Villiers, Contes cruels, Ed. Garnier, conte Vox populi.
2.) Ibid.
3.) Céline, Bagatelles pour un massacre, p.33.
4.) Villiers, op.cit., Deux augures.
5.) Ibid.
6.) Ibid.
7.) Alain Paucard, la crétinisation par la culture, l'Age d'Homme.
8.) Villiers, op.cit., l'affichage céleste.
9.) Zola, Au bonheur des dames, chapitre IX.
10.) Villiers, op.cit., la machine à gloire.
11.) Ibid.
12.) Villiers, op.cit., L'appareil pour l'analyse chimique du dernier soupir.
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Le 21 novembre 2010 décédait à Paris Jean Parvulesco, né en Roumanie le 29 septembre 1929 (jour de la Saint-Michel). Auteur confidentiel à la renommée cryptée et à l’influence souterraine, il intégrait volontiers ses relations amicales dans ses intrigues romanesques et mêlait géopolitique, mystique, ésotérisme et théologie dans des essais audacieux. La minable République des Lettres hexagonale a volontiers négligé cette personnalité ambiguë et fascinante. Le nouvel ouvrage de Christophe Bourseiller, En cherchant Parvulesco, aurait pu éclairer d’un point de vue para-universitaire son parcours intellectuel ainsi que la richesse de son œuvre qui contrastait avec un grand dénuement personnel.
Âgé de 63 ans, Christophe Bourseiller a enseigné à « Sciences Porcs » – Paris. Il a écrit une assez bonne biographie sur Vie et Mort de Guy Debord (1999), une remarquable histoire sur les Maoïstes (1996) en France et une très honorable Histoire générale de l’ultra-gauche (2003) qui vient de reparaître sous le titre d’Une nouvelle histoire de l’ultra-gauche. Il présente la fâcheuse manie de rééditer sous un nouveau titre un texte légèrement corrigé. Son intérêt politique ne se limite pas à l’extrême gauche; il concerne aussi l’« extrême droite ». Or, quand il aborde ce sujet, ses travaux reflètent une réelle insignifiance tant leur auteur reste engoncé dans ses préjugés.
Outre l’histoire politique, Christophe Bourseiller se pique d’écrire, de faire du journalisme, d’animer des émissions à la radio et à la télé et de jouer au cinéma. Sa filmographie au cinéma et à la télévision correspond à une cinquantaine d’interprétations. Enfant typique des « Trente Glorieuses », il vit dans un milieu favorisé de théâtreux orienté très à gauche : « Chantal Darget, ma mère, comédienne; André Gintzburger, mon père, auteur et producteur; Mme Darget, ma grand-mère, caissière et figurante; Antoine Bourseiller, mon beau-père, metteur en scène (p. 22). » Au bout de quelques pages, on se demande si l’éditeur ne s’est pas trompé d’appellation. En cherchant Parvulesco ne serait-il pas en fait En cherchant Bourseiller tant une pénible introspection envahit l’ouvrage ? Il rapporte par ailleurs que l’actrice Danièle Delorme et le cinéaste Jean-Luc Godard étaient ses marraine et parrain. « Je n’ai bien entendu jamais pu compter sur aucun des deux (p. 26). »
On devine assez vite que Jean Parvulesco n’est qu’un prétexte facile. Ce livre devrait en réalité s’intituler En cherchant Godard puisqu’il s’agit d’un sordide règlement de compte contre le vieil ami du couple Darget – Bourseiller, qui a vu grandir un jeune Christophe souvent insupportable au point de l’engager pour figurer dans de brefs plans de plusieurs de ses films. Par l’intermédiaire fallacieuse de Jean Parvulesco, Christophe Bourseiller critique son « parrain ». Pourquoi l’auteur du Manteau de glace est-il mentionné dans À bout de souffle et interprété par Jean-Pierre Melville lors d’une scène célèbre ?
Figé dans ses certitudes politiques d’un temps éclairé et progressiste bientôt révolu, Christophe Bourseiller ne comprend pas l’insaisissable Parvulesco. Sur les traces de Dominique de Roux, fondateur de l’« Internationale gaulliste » et auteur en 1967 d’un prophétique L’Écriture de Charles de Gaulle, Jean Parvulesco soutient le « grand gaullisme » continental, une ambitieuse synthèse géopolitique de l’eurasisme, de la Révolution conservatrice germanophone, de la géostratégie fasciste et de l’eschatologie providentialiste d’un alter-catholicisme occulté.
Collaborateur à de multiples revues, d’Éléments à La Place royale, Jean Parvulesco a le génie de relier le royalisme traditionnel français à l’idée néo-gibeline européenne, en particulier dans le très méconnu Henry Montaigu clandestinement en Colchide (DVX en 2006 ?). Il pose les bases théoriques d’une entente effective et fructueuse entre le « Regnum Sanctum et […] l’Imperium Sanctum, du Royaume et de l’Empire, de la France et de l’ensemble suprahistorique et de l’unité géopolitique impériale ultime du Grand Continent eurasiatique (p. 28) ». À l’interrogation quasi-manichéenne, « la France ou l’Europe », il postule « pour la France avec l’Europe », car, sans la France, l’Europe serait autre, et, sans l’Europe, la France n’existerait pas.
Il sait que dans une perspective politique messianique, le Grand Monarque français dont on retrouve les variants ailleurs en Europe et au-delà (l’empereur Arthur Frédéric endormi dans les montagnes d’Allemagne centrale, le tsar Dimitri en Russie, le roi Arthur en convalescence en Angleterre, le roi Sébastien au Portugal, voire le retour de l’imam caché du chiisme duodécimain iranien…) sera roi de France et ceindra la Couronne de fer des souverains du Saint-Empire romain germanique. Bien que méconnue de l’historiographie officielle française, la prétention fréquente des Valois, puis des Bourbons, à l’Empire n’en fut pas moins réelle. On peut même estimer que les trois pactes de famille (1733, 1743 et 1761) conclus entre les Bourbons de France, d’Espagne, de Parme et des Deux-Siciles, et l’alliance entre les Capétiens et les Habsbourg à partir de 1756 avec l’appui stratégique de la Russie, s’inscrivent assez tardivement dans cette revendication symbolique forte.
Non content de bousculer les certitudes nationalistes les plus vaines, Jean Parvulesco se plaît à bouleverser la théologie chrétienne. Il assume une hyperdulie radicale et souhaite que l’Église de Rome adopte enfin le dogme de la Coronation de Marie, ce qui en ferait l’Épouse de Dieu. On est bien loin des billevesées de Vatican II et de la xénophilie du pseudo-pape Bergoglio.
Christophe Bourseiller survole donc des écrits complexes et parfois hermétiques. Il préfère flinguer l’ancien « garde rouge » suisse du cinéma français. Veut-il le compromettre a posteriori avec Parvulesco, rédacteur à l’été 1960 dans une revue phalangiste espagnole d’une série d’articles laudateurs sur la « Nouvelle Vague » en qui il remarque une forte inclination néo-fasciste ? En langage cinématographique, En cherchant Parvulesco est un flop, un immense flop éditorial. L’auteur de ce livre paru à La Table Ronde (Revenez Roland Laudenbach !) correspond bien au stéréotype enseignant à l’Institut d’études politiques de Paris. On plaindrait presque les étudiants de la rue Saint-Guillaume si ceux-ci n’étaient pas à 99,99 999 % pétris de conformisme historique, d’aveuglement littéraire et de politiquement correct. Jean Parvulesco méritait mieux qu’un évident travail bâclé.
Georges Feltin-Tracol
• Christophe Bourseiller, En cherchant Parvulesco, La Table Ronde, 2021, 125 p., 14 €.
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L'Allemagne dionysiaque d'Alfred Bäumler
par Luca Lionello Rimbotti
Recension : Alfred Baeumler, L'Innocenza del divenire, Edizioni di Ar
Baeumler fut le prophète du retour aux racines de la Grèce présocratique, lorsque la dévotion primordiale aux dieux de l'Europe était pratiquée.
Alfred Baeumler a été le premier philosophe allemand à donner à Nietzsche une interprétation politique. Avant Jaspers et Heidegger, qui ont été influencés par lui, il a vu dans l'Allemagne "hellénique" envisagée par Nietzsche la représentation héroïque d'une révolution des valeurs primordiales incarnées dans la Grèce archaïque, dont le pivot philosophique et idéologique a été perçu dans le texte controversé de Nietzsche sur la volonté de puissance. Non systématique dans la forme, mais très cohérent sur le fond.
Dans une série d'écrits allant de 1929 à 1964, Baeumler s'est engagé dans une lutte culturelle pour ramener Nietzsche à sa place naturelle de penseur historique et politique, le sauvant des tentatives de ceux - alors comme maintenant – qui insistaient sur des interprétations métaphysiques ou psychologiques et voulaient, de ce fait, désamorcer le potentiel perturbateur de la vision du monde de Nietzsche, afin de le réduire à un cas purement intellectuel donc inoffensif.
Ces écrits de Baeumler sont maintenant rassemblés et publiés par les Edizioni di Ar sous le titre L'innocenza del divenire, dans une édition de grande valeur philologique et documentaire, mais surtout philosophique et historico-politique. Un événement culturel unique et rare dans le panorama de l'édition savante italienne, si souvent consacré à des répétitions stériles plutôt qu'au travail scientifique de fouille en profondeur.
En outre, l'édition en question comporte un appendice avec une postille de Marianne Baeumler, épouse du philosophe, dans laquelle sont précisés les thèmes de la célèbre controverse déclenchée par Mazzino Montinari, éditeur d'une édition italienne des œuvres de Nietzsche qui est resté célèbre pour ses efforts tenaces de rééducation de la pensée de Nietzsche, en déformant souvent les passages culminants.
La controverse, vieille de plusieurs décennies (vu l'amour fou de la "gauche" pour Nietzsche : car dans les replis de sa pensée et de ses aphorismes, cette « gauche » philosophique a cherché en vain la consolation au regard de l'insurmontable rupture culturelle et idéologique qu’ils recelaient, consolation qui s’est précipitée dans le syndrome de la "pensée faible"), est toujours d'actualité, étant donné l'impasse jamais dépassée du progressisme. La ‘’gauche philosophique‘’ n'a pas encore pu faire une analyse honnête de son échec historique ; elle a donc consacré de longues années à des opérations de peinturlurage instrumental de la culture européenne du XXe siècle. C'est aussi pour cette raison que le bref écrit de Marianne Baeumler acquiert une signification particulière, voire symbolique, de redressement de l'exégèse nietzschéenne, après de longues saisons d'altération opiniâtre et/ou frénétique par le biais d’interprétations incontrôlées.
En effet, une falsification de Nietzsche a existé - surtout en ce qui concerne la volonté de puissance, mais pas du côté d'Elisabeth Nietzsche, mais précisément de ceux qui, comme Montinari et Colli, ont cherché à transformer l'héroïsme tragique exprimé par Nietzsche dans la métaphore du lion rugissant pour en faire le bêlement d'un agneau bon enfant : un coup d'œil à la postface de l'éditeur et traducteur Luigi Alessandro Terzuolo, suffira pour se rendre compte, textes en main, de la volonté de mystification idéologique poursuivie lucidement par les habituelles célébrités du nietzschéisme officiel, avec des résultats révélant une falsification ouverte et démocratique.
Dans les écrits (études, postfaces, essais ou extraits d'autres ouvrages) rassemblés dans L'Innocence du devenir, Alfred Baeumler mesure la force conceptuelle de Nietzsche par rapport à l'histoire, au caractère culturel germanique et au destin de la culture européenne. Il identifie l'esprit bourgeois comme le dernier élément de division, qui s'est inséré sous la dialectique hégélienne pour opérer une malheureuse superposition entre l'ancien monde classique et le christianisme, obtenant ainsi un infâme obscurcissement du premier et du second. Un procédé, tel celui-ci, Nietzsche le considérait comme déterminant pour la perte de contact entre la culture européenne et l'identité originelle de l’Europe (hellénique). C’est là une catastrophe de la pensée qui se serait répercutée sur le destin européen, l’aurait oblitéré du moralisme et l’aurait soustrait à toute authenticité, d'abord pour des raisons spéculatives, puis politiques. C'est seulement dans une nouvelle Hellas qu'allait pouvoir se retrouver l'Allemagne ; annoncée d'abord par la culture romantique et sa sensibilité aux traditions mythiques et populaires, puis par Hölderlin et enfin par Nietzsche, la reconquête de l'unité de l'homme se réalisera, selon Baeumler, enfin libérée des intellectualisations rationalistes et ramenée à la vérité première faite d'esprit, de corps, de volonté, de lutte organisée, d'héroïsme dionysiaque, de liens entre l'histoire et la nature, de virginité des instincts et des pulsions, de coexistence sereine avec la nature tragique du destin, de dépassement vers une vision du mythe comme âme religieuse primordiale, comme volonté surhumaine de pouvoir. Avec son travail d'érudit, c'est comme si Baeumler nous rendait, en somme, le vrai Nietzsche. Le prophète du retour aux sources des peuples de la Grèce présocratique, lorsque la première dévotion aux dieux de l'Europe était encore pratiquée, selon ce que chantait Hölderlin, dans un passage repris non par hasard par Baeumler dans son Hellas und Germanien publié en 1937 : "Ce n'est qu'en présence des Célestes que les peuples / obéissent à l'ordre hiérarchique sacré / érigent des temples et des villes . .".
La publication des écrits de Baeumler - due à la seule maison d'édition italienne qui s'intéresse méthodiquement au philosophe allemand, délibérément occulté à cause des blocages mentaux persistants - s'inscrit dans l'effort culturel pour mettre fin, autant que possible, à l’époque des falsifications dogmatiques. Un document décisif qui va dans le même sens est, entre autres, le travail récent de Domenico Losurdo sur Nietzsche en tant que rebelle aristocratique. Publier Baeumler - comme l'ont fait les Edizioni di Ar avec les précédentes Estetica. e Nietzsche filosofo e politico (= Esthétiques et Nietzsche, philosophe et homme politique) - c'est laisser des traces visibles de cette contre-pensée intimement ancrée dans l'âme européenne et articulée sur la dénonciation du modernisme progressif comme masque du chaos final. Une telle démarche, aujourd'hui, est tout simplement ignorée, faute de moyens intellectuels, ou est pliée aux besoins du pouvoir censurant, ou est reléguée au placard où sont exilées les voix de la dissonance. Ce qui, dans la logique de la pensée unique, signifie condamnation et diffamation.
Luca Lionello Rimbotti,
in Linea, 1/12/2003) [source].
00:13 Publié dans Philosophie, Révolution conservatrice | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : friedrich nietzsche, alfred baeumler, philosophie, allemagne, révolution conservatrice | |
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par Nicolas Bonnal
Jocho Yamamoto a « écrit » le traité Hagakure au début du siècle des Lumières, quand la crise européenne bat son plein. On passe en trente ans de Bossuet à Voltaire, comme a dit Paul Hazard, et cette descente cyclique est universelle, frappant France, Indes, catholicisme, Japon. J’ai beaucoup expliqué cette époque : retrouvez mes textes sur Voltaire ou sur Swift et la fin du christianisme (déjà…). Le monde moderne va se mettre en place. Mais c’est ce japonais qui alors a le mieux, à ma connaissance, décrit cette chute qui allait nous mener où nous en sommes. On pourra lire mes pages sur les 47 rônins (que bafoue Yamamoto !) dans un de mes livres sur le cinéma. Le Japon, comme dit notre génial Kojève, vit en effet une première Fin de l’Histoire avec cette introduction du shogunat et ce déclin des samouraïs, qui n’incarnèrent pas toujours une époque marrante comme on sait non plus. Voyez les films de Kobayashi, Kurosawa, Mizoguchi et surtout de mon préféré et oublié Iroshi Inagaki.
Comment supporter notre temps alors ? Voyons Yamamoto.
Les hommes deviennent (ou sont invités à devenir) des femmes ? Eh bien pour Yamamoto aussi, déjà :
« Lorsque j’essaie d’appliquer à mes patients mâles les soins prévus à leur intention, je n’obtiens aucun résultat. Le monde est, en effet, en train d’aborder une période de dégénérescence ; les hommes perdent leur virilité et ressemblent de plus en plus aux femmes. C’est une conviction inébranlable que j’ai acquise au cours de mon expérience personnelle et que j’ai décidé de ne pas ébruiter. Depuis, n’oubliant jamais cette réflexion, quand je regarde les hommes d’aujourd’hui, je me dis : « Tiens, Tiens, voilà un pouls féminin ». Je ne rencontre pratiquement jamais ce que je nomme un homme véritable. »
On est déjà dans la dévirilisation moderne. Pensez aux courtisans poudrés et étriqués de nos rois-sommeil. Hagakure :
« C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il est possible, de nos jours, d’exceller et d’accéder à une position importante avec un moindre effort. Les hommes deviennent lâches et faibles, la preuve en est que rares sont ceux qui ont, aujourd’hui, l’expérience d’avoir tranché la tête d’un criminel aux mains liées derrière le dos. Quand il leur est demandé d’être l’assistant de celui qui va se suicider rituellement, la plupart considèrent qu’il est plus habile de se défiler et invoquent des excuses plus ou moins valables. Il y a seulement quarante ou cinquante ans, on considérait la blessure dans un combat comme une marque de virilité. Une cuisse sans cicatrice était un signe tellement rédhibitoire de manque d’expérience que personne n’aurait osé la montrer telle quelle, préférant plutôt s’infliger une blessure volontaire. «
Le maître ajoute :
« On attendait des hommes qu’ils aient le sang bouillant et soient impétueux. Aujourd’hui, l’impétuosité est considérée comme une ineptie. Les hommes de nos jours utilisent l’impétuosité de leur langue pour fuir leurs responsabilités et ne faire aucun effort. J’aimerais que les jeunes gens réfléchissent sérieusement à cet état de choses. »
Il ajoute avec pessimisme :
« J’ai l’impression que les jeunes Samouraïs d’aujourd’hui se sont fixés des objectifs pitoyablement bas. Ils ont le coup d’œil furtif des détrousseurs. La plupart ne cherchent que leur intérêt personnel ou à faire étalage de leur intelligence.Même ceux qui semblent avoir l’âme sereine ne montrent qu’une façade. Cette attitude ne saurait convenir. Un Samouraï ne l’est véritablement que dans la mesure où il n’a d’autre désir que de mourir rapidement – et de devenir un pur esprit – en offrant sa vie à son maître, dans la mesure où sa préoccupation constante est le bien-être de son Daimyo à qui il rend compte, sans cesse, de la façon dont il résout les problèmes pour consolider les structures du domaine. »
(…)
« On ne peut changer son époque. Dès lors que les conditions de vie se dégradent régulièrement, la preuve est faite que l’on a pénétré dans la phase ultime du destin.On ne peut, en effet, être constamment au printemps ou en été, il ne peut pas non plus faire jour en permanence ; c’est pourquoi il est vain de s’entêter à changer la nature du temps présent pour retrouver les bons vieux jours du siècle dernier. L’important est d’œuvrer pour que chaque moment soit aussi agréable que possible. L’erreur de ceux qui cultivent la nostalgie du passé vient de ce qu’ils ne saisissent pas cette idée. Mais ceux qui n’ont de considération que pour l’instant présent et affectent de détester le passé font figure de gens bien superficiels. »
Voir aussi :
http://www.dedefensa.org/article/les-47-ronins-a-la-lumie...
10:19 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hagakure, tradition, traditionalisme, japon, samourai | |
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La guerre "off limits" des Colonels Qiao Liang et Wang Xiangsui (1999) et le "rêve chinois" (2010) du Colonel Liu Mingfu
Irnerio Seminatore
Un dépassement du concept militaire de guerre?
Si dans la tradition occidentale la guerre comme "poursuite de la politique par d'autres moyens" (Clausewitz), associe à la finalité, conçue par la politique (Zweck), des actes de violence pour imposer à l'autre notre volonté, le concept décisif de la violence étatique et de l'action guerrière sont-ils toujours essentiels à la rationalité politique du conflit belliqueux dans la pensée militaire chinoise?
Avec le concept stratégique de "guerre sans limites" et de défense active, élaboré par les deux Colonels chinois Qiao et Wang en 1999, avons nous surmonté le concept militaire de guerre? Avons nous touché au "sens" même de la guerre, comme soumission violente de l'un par l'autre? Sommes nous passés d'une civilisation de la guerre violente et sanglante, à une ère dans laquelle l'importance de l'action non guerrière influence à tel point la finalité de la guerre comme lutte (kampf) que l'esprit, dressé contre les adversités parvient à remplacer la force par la "ruse" et à atteindre ainsi le but de guerre (Zweck)? A ce questionnement il faut répondre que, dans le manuel des Colonels Qiao-Wang nous sommes restés au niveau de la méta-stratégie et donc à l'utilisation d'armes et de modalités d'action qui distinguent en Occident, la défense passive de la défense active. Une posture stratégique n'est au niveau géopolitique qu'un mode asymétrique pour ne pas céder et ne pas se soumettre et, au niveau opérationnel et doctrinal, de mettre en œuvre un stratégie anti-accès.
Le Général Qiao Liang.
Le livre des deux colonels de l'armée de l'air a été reçu par les analystes occidentaux comme un examen des failles de la force américaine de la part des spécialistes chinois et comme la recherche de ses talons d' Achille, à traiter par les biais de la "ruse". La "guerre hors limites" inclut, dans une conception unitaire, la guerre militaire et la guerre non-militaire et comprend tout ce qu’on a pu parfois désigner sous le terme d’opérations autres que la guerre. Dans une acception très extensive, la guerre économique, financière, terroriste, présentées avec une vision prémonitoire et anticipatrice. La guerre informatique et médiatique y fait figure de champs d'innovation ouvrant à de nouveaux théâtres d’opération, qui nécessitent d'un dépassement des objectifs de sécurité traditionnels. Dans cette "guerre omnidirectionnelle", la guerre ne sera même plus la guerre classique, car "ni l’ennemi, ni les armes, ni le champ de bataille ne seront ce qu’ils furent". Le jeu politique et militaire a changé. Dans cette situation aux incertitudes multiples, il va falloir définir une nouvelle règle du jeu (…), un produit hybride…" (Qiao-Wang), seule certitude, l’incertitude. Une recommandation toutefois pour tous! Savoir combiner le champ de bataille et le champ de non bataille, le guerrier et le non guerrier. Les préceptes de cette réflexion sont-ils encore valables aujourd’hui? (février 2021)
Du point de vue général, en aucun cas les conseils dispensés à l'époque n'ont conduit à une remise en cause de la notion de pouvoir/puissance, puisque la doctrine et la stratégie militaires de la Chine demeurent, depuis la parution de ce manuel, celles de ses principaux rivaux et visent la maîtrise de secteurs-clés des technologies avancées pour acquérir la supériorité dans une guerre locale et parvenir à une solution négociée, évitant que le risque assumé ne dégénère en conflit ouvert. Or le succès de la stratégie chinoise de contrôle des "secteurs clés" d’une campagne militaire repose sur un principe décisif: l’initiative. Cependant une succincte conclusion conduit à la considération que le "concept d'asymétrie" de la pensée et du programme de modernisation militaire chinois se situe sur le plan opérationnel et se concentre sur la capacité de saisir la supériorité dans le domaine de l'information et de l'exploitation du réseaux informatique et guère au niveau de la théorie politique ou militaire. En effet le centre de gravité des interrogations repose sur la question de fond pour la défense et la sécurité chinoise. Comment faire face à la superpuissance américaine La modernisation de l'Armée Populaire de Libération n'a pas débuté après les réformes économiques de Deng Tsiao Ping et elle n'a pas concerné la dissuasion nucléaire, qui structure étroitement la relation entre stratégie et pouvoir, mais sur les réponses à donner à la modernisation des armées, en vue d'un combat conventionnel et fut conçue comme un moyen de combler le retard et les lacunes accumulés à partir de la première guerre du Golfe (1991). Ce livre reflète les idées d'un des courants, le plus radical, qui s'est imposé dans le débat sur la modernisation des forces armées comme expression d'un pouvoir unique.
Pouvoir unique et plusieurs théâtres
Il prôna l'inutilité de songer à rattraper les États-Unis dans le domaine conventionnel et il est parvenu à la conclusion de concevoir une stratégie asymétrique et sans règles (ruse conceptuelle), pour s'opposer et réagir à la supériorité des moyens et des forces des États-Unis. La multiplication des foyers de conflit, des théâtres de confrontation et des alliances militaires dans un monde à plusieurs pôles de pouvoir, assure-t-elle encore la pertinence d'une telle analyse? Le concept de défense active, jugé insuffisant, n'a t-il pas infléchi le deux notions de Soft et de Hard Power et, par voie de conséquence, la rigidité ou la souplesse interne et extérieure du régime? Par ailleurs, dans une vision non militaire du rapport mondial des forces ne faut il pas prendre en considération, comme potentiel de mobilisation, les nouvelles routes de la soie, comme extension des moyens et d'emploi d'une autonomie stratégique globale et dépendante d'un pouvoir unique, utilisant la force et la ruse, la séduction et l'autorité? Et comment une philosophie et une culture de l'esquive à la Sun-Tzu peut elle se traduire en posture et doctrine active, de pensée et d'action dans un contexte d'hypermodernité technologique? En revenant à l'analyse des deux Colonels chinois, la modernisation de l'ALP, envisagée dans l'hypothèse d'une confrontation avec les États-Unis, a exigé une observation attentive des avancées militaires et des talons d'Achille de la superpuissance américaine. Considérant que l'évolution de l'art de la guerre s'étend bien au delà du domaine de la pure technologie et de ses applications militaires, sur lesquelles tablent les américains, le domaine de la guerre est devenu le terrain d'une complexité brownienne, qui combine plusieurs enjeux et plusieurs objectifs, différenciant ainsi les buts de guerre. La frontière entre civil et militaire s'efface, de telle sorte que les composantes et les formes non militaires de l'affrontement, sont intégrées et annexées dans un effort beaucoup plus important, qui modifie non pas le "sens" ou la "logique (politique) de la guerre, mais sa "grammaire".
Liu Mingfu et le"Rêve Chinois" (Zhongguo meng)
Ce livre est par ailleurs l'illustration d'un courant nationaliste, qui n'exclut aucune hypothèse, y compris une confrontation avec les États-Unis. Cette hypothèse s'inscrit d'une part dans l'analyse des tendances stratégiques contemporaines et de l'autre dans le débat sur le destin national chinois, permettant d'accorder, au moins théoriquement, la "montée pacifique" du pays, avec la conception d'un "monde harmonieux"(ou d'un ordre politique juste et bienveillant) Cependant son point d'orgue repose sur l'idée de profiter d'une grande "opportunité stratégique", à l'ère post-américaine, dont témoigne le texte le "Rêve Chinois" du Colonel Liu Mingfu, prônant la consolidation de la puissance chinoise et le rattrapage de l'Occident. En effet le rétablissement du rôle central de la Chine dans les affaires internationales, régionales et mondiales, opère dans une période d'affaiblissement des États-Unis (années 2010). Dans ce début de millénaire, l'Amérique ne serait plus "un tigre un papier", comme à l'époque de Mao Zedong, mais "un vieux concombre peint en vert" (Song Xiao JUn), de telle sorte que la Chine ne peut plus se contenter d'une "montée économique" et a besoin "d'une montée militaire".
Ainsi elle doit se tenir prête à se battre militairement et psychologiquement, dans un affrontement pour la "prééminence stratégique". C'est "le moment ou jamais", pour le Colonel Liu Mingfu, puisque le but de la Chine est de "devenir le numéro un dans le monde", la version moderne de sa gloire ancienne, une version exemplaire, car "les autres pays doivent apprendre de la Chine- dit Liu Mingfu dans une interview en 2017 au New York Times, mais la Chine a également besoin d'apprendre d'eux. D'une certaine manière, tous les pays sont les professeurs de la Chine!
Le Colonel Liu Mingfu.
Depuis 1840, la Chine est la meilleure élève du monde. Nous avons analysé la Révolution française ; la dynastie Qing a mené de grandes réformes en suivant l'exemple du Royaume-Uni ; nous avons étudié le marxisme de l'Occident, le léninisme et le stalinisme de l'Union soviétique ; nous avons également regardé de très près l'économie de marché des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France. C'est grâce à cette soif d'apprendre que, à terme, la Chine dépassera les États-Unis. Les États-Unis, eux, ne cherchent pas à s'inspirer des autres pays... et surtout pas de la Chine. Ma conviction c'est que les États-Unis manquent d'une grande stratégie et de grands stratèges. J'ai écrit sur ce sujet, de 2017, un livre intitulé "Le Crépuscule de l'hégémonie", qui a d'ailleurs été traduit en anglais. Le New York Times m'a interviewé à ce moment-là. Voici ce que j'ai dit au journaliste qui m'interrogeait." De façon générale, la revendication d'un statut de puissance mondiale de la part de la Chine, s'accompagne, depuis le livre "La Guerre hors limites" des Colonels Quiao et Wang, jusqu'au "Rêve Chinois" du Colonel Liu Mingfu, du sentiment historique d'un "but grandiose", celui d'une grande mission à poursuivre contre un ordre politique international injuste et amoral.
Bruxelles 15 février 2021
Source: http://www.ieri.be/fr/publications/wp/2021/f-vrier/la-gue...
10:09 Publié dans Actualité, Géopolitique, Polémologie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, polémologie, guerre, chine, asie, affaires asiatiques, géopolitique, politique internationale | |
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par Christopher Gérard
Ex: http://archaion.hautetfort.com
Terrible nouvelle, à moi parvenue comme cela arrive de plus en plus souvent par le biais de la toile : Pierre-Guillaume de Roux, mon ami, mon éditeur, vient de mourir d’un cancer caché avec autant de soin que de courage à presque tout son entourage.
L’autre jour, je recevais encore l’un de ces services de presse qui illuminent ma journée, le livre d’un ami, Ludovic Maubreuil, autour du cinéaste Claude Sautet, empaqueté par son éditeur et dont l’étiquette portait son écriture.
A l’instar de son ami et parrain dans l’Orthodoxie, Vladimir Dimitrijevic, alias Dimitri, Pierre-Guillaume aura travaillé jusqu’au bout. Le premier est tombé sur la route, au volant de sa camionnette bourrée de livres ; le second, aux commandes de sa maison, avec droiture et courage. Comment, aujourd’hui, ne pas unir ces deux magnifiques figures dans pensées & prières ?
« Je souhaite qu’il soit Attila », écrivait un jeune père - et quel père, le comte Dominique de Roux, un vrai corsaire ! - le jour de la naissance de Pierre-Guillaume, son premier fils. Un demi-siècle et des poussières plus tard, Attila était désigné, si l’on en croit des gazettes, comme « l’éditeur des proscrits », voire comme « celui du Diable ». A l’heure des gestionnaires et des curateurs, Pierre-Guillaume de Roux, actif dans l’édition depuis presque quarante ans, tour à tour à La Table ronde, chez Julliard et chez Critérion, aux Syrtes ou au Rocher, continuait d’incarner la figure solitaire du passeur, totalement dévoué à cet art austère, souvent délicat, dangereux parfois, de l’édition vécue comme un sacerdoce.
Il l’a payé cher : sa collaboratrice, une consoeur, me rappelait hier à quel point, pour avoir osé publier un auteur considéré comme maléfique, il fut agoni d’injures et même menacé de mort, jour après jour. L’envie, la méchanceté, la rage idéologique ont sapé cet homme d’une folle intégrité qui n’aimait que la littérature en tant qu’expérience spirituelle et initiatique. Toutes nos conversations tournaient autour de ce thème – qu’est-ce qu’éditer ? Comment résister aux étouffoirs spirituels de notre temps ? - qu’il défendait avec une ferveur de jeune homme, mais sans naïveté aucune, car lucide était l’homme que je pleure aujourd’hui.
Il y a vingt ans, lors de son départ des éditions des Syrtes, qu’il avait fondées et dont il fut exclu (un peu comme son père le fut de L’Herne), il expliquait à un confrère que son objectif était de « maintenir très haut la barre » et d’assurer le renouvellement et de « nouvelles échappées du génie français, issues des marges, des parages incontrôlables ». Tout Pierre-Guillaume, que j’appelais parfois Louis-Ferdinand, son autre prénom, est là, dans cette inflexible volonté de résister au fatal renoncement.
J’aimais chez Pierre-Guillaume qu’il incarnât une figure, fidèle aux rêves de l’enfant qui lisait Bloy et Shakespeare, entre deux missives de son père, occupé à éditer Pound ou Céline, quand il ne fomentait pas quelque révolution dans la brousse africaine.
J’aimais qu’il m'ait accueilli dans son capharnaüm de la rue de Richelieu par ces mots : « vous êtes ici chez vous ». J’aimais qu’il ait repris le flambeau de son maître, Vladimir Dimitrijevic, et qu’il voulût jouer pour moi comme pour tant d’autres le rôle de Dimitri.
Lors de mes trop rares passages parisiens, j’aimais me retrouver en face de cet homme élégant (je ne l’ai jamais vu sans cravate), un tantinet distant, hautain peut-être (par timidité et parce que ce monde le blessait, lui aussi), toujours attentif, d’une si rare affabilité, qui croisa Pound et Gracq, conversa avec Abellio et Savimbi, et qui parlait - cet imparfait me crucifie - comme personne de Gregor von Rezzori ou de Boris Biancheri.
J’aimais qu’il publiât de nouveaux maudits que les censeurs ne prenaient pas la peine de lire, tout aveuglés par la haine aux noires prunelles.
J’aimais qu’il me confiât sa passion pour Dickens ou pour l’Italie, quand il me demandait des nouvelles de tel ami. J’aimais lui transmettre mes hommages à Madame Mère, à qui vont aujourd’hui mes fidèles pensées. J’aimais cette raideur de la nuque sans rien de sec, cette tenue et la vision chevaleresque qu’il avait de son métier - je devrais dire, de son destin.
J’aimais enfin cette modestie devant la chose écrite, son émerveillement intact, sa passion d’éditer malgré les embûches et les cabales.
Adieu, jeune frère, que la terre te soit légère !
Christopher Gérard
Le 14 février MMXXI
Face à un géant, en compagnie de Madame Mère.
00:35 Publié dans Hommages, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre-guillaume de roux, christopher gérard, littérature, littérature française, édition, lettres, lettres françaises, hommage | |
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Hommage à Pierre-Guillaume de Roux
par Juan Asensio
Pierre-Guillaume de Roux n'est plus.
Le 26 janvier dernier, il m'écrivait pourtant être en convalescence, se remettant d'une péritonite opérée en urgence. Il me disait aussi qu'il espérait que cette nouvelle année n'allait pas nous entraîner dans les derniers précipices.
Il fut le premier éditeur (il travaillait alors au Rocher, place Saint-Sulpice) digne de ce nom, courageux en diable et indépendant, qui me fit confiance, m'accueillant dans un bureau (évidemment !) intégralement occupé par des livres, et publia ma Critique meurt jeune, à une époque où, déjà, plus aucun éditeur ne voulait entendre parler de critique littéraire. Auparavant, je l'avais rencontré alors qu'il dirigeait les éditions des Syrtes, où il fit paraître les monumentales Approximations du grand critique Charles Du Bos.
Je n'oublie pas qu'il me conseilla de lire, bien des années plus tard, Les Fous du Roi de Robert Penn Warren, accomplissant ainsi l'office de tout véritable lecteur : transmettre, servir avant que de se servir. Je lui devais, dès lors, une reconnaissance éternelle comme on dit !
Je pleure un ami grand lecteur qui m'aura toujours été fidèle, malgré de vives oppositions sur le talent de tel ou tel (comme Richard Millet, pour n'en citer qu'un), car jamais il ne lui serait venu à l'idée de me reprocher les chroniques assassines que j'ai consacrées à ce prétendu dernier écrivain de langue française autoproclamé. Peu importe. J'aurais aussi fait ce que j'ai pu pour lui conseiller de publier tel ou tel; il m'écouta au moins une fois.
Pierre-Guillaume a rejoint son père Dominique, qui jamais ne s'en laissa compter, fit découvrir de grands noms à une époque où les prudents s'en tenaient très prudemment éloignés avant, bien sûr, de se bousculer aux portillons pour être les premiers à prétendre les consacrer en colloques et volumes de La Pléiade.
Ainsi, Pierre-Guillaume de Roux honorait de la plus belle des manières, la seule qui vaille, celle de la ténacité et de la constance, la très vive mémoire de son père, avec lequel, maintenant, il doit contempler cette triste époque de saccage de la littérature, de massacre de la langue, de destruction du Verbe, tout simplement.
À la mémoire de Pierre-Guillaume de Roux, donc, cette étude sur un roman immense qu'il me fit découvrir en 2008 ou 2009, amusé que je n'en sache rien (vous, le Stalker !).
Je l'avais déjà remercié, je le refais, dans cette longue note publiée en 2010.
Adieu, cher Pierre-Guillaume.
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Par Nicolas Faure
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Claude Lévi-Strauss est un anthropologue et ethnologue de renom, décédé en 2009 à l’âge de 100 ans. Ce monument intellectuel est respecté par tous. Mais cet homme brillant a développé plusieurs opinions qui vont à l’encontre de la pensée unique et du politiquement correct. Parmi ces prises de position qui lui vaudraient aujourd’hui le pilori médiatique, son apologie de la défense de son identité.
En 1971 et Claude Lévi-Strauss donnait une conférence pour l’UNESCO sur le thème Race et culture.
Sa conclusion était sans appel : la protection des particularismes identitaires d’une culture passe par une fermeture minimum aux cultures extérieures.
Selon l’ethnologue, protéger son identité ne peut pas être assimilé à du racisme ou à de la xénophobie, c’est une constante humaine que de vouloir transmettre son identité à ses descendants.
Les quelques lignes de son intervention ci-dessous sont limpides.
« La fusion progressive de populations jusqu’alors séparées par la distance géographique, ainsi que par des barrières linguistiques et culturelles, marquait la fin d’un monde qui fut celui des hommes pendant des centaines de millénaires, quand ils vivaient en petits groupes durablement séparés les uns des autres et qui évoluaient chacun de façon différente, tant sur le plan biologique que sur le plan culturel.
Les bouleversements déclenchés par la civilisation industrielle en expansion, la rapidité accrue des moyens de transport et de communication ont abattu ces barrières.
En même temps se sont taries les chances qu’elles offraient pour que s’élaborent et soient mises à l’épreuve de nouvelles combinaisons génétiques et des expériences culturelles.
Or, on ne peut se dissimuler qu’en dépit de son urgente nécessité pratique et des fins morales élevées qu’elle assigne, la lutte contre toutes les formes de discrimination participe de ce même mouvement qui entraîne l’humanité vers une civilisation mondiale, destructrice de ces vieux particularismes auxquels revient l’honneur d’avoir créé les valeurs esthétiques et spirituelles qui donnent son prix à la vie et que nous recueillons précieusement dans les bibliothèques et dans les musées parce que nous nous sentons de moins en moins certains d’être capables d’en produire d’aussi évidentes.
Sans doute nous berçons-nous du rêve que l’égalité et la fraternité régneront un jour entre les hommes sans que soit compromise leur diversité. Mais si l’humanité ne se résigne pas à devenir la consommatrice stérile des seules valeurs qu’elle a su créer dans le passé, capable seulement de donner le jour à des ouvrages bâtards, à des inventions grossières et puériles, elle devra réapprendre que toute création véritable implique une certaine surdité à l’appel d’autres valeurs, pouvant aller jusqu’à leur refus, sinon même leur négation.
Car on ne peut, à la fois, se fondre dans la jouissance de l’autre, s’identifier à lui, et se maintenir différent.
Pleinement réussie, la communication intégrale avec l’autre condamne, à plus ou moins brève échéance, l’originalité de sa et de ma création. Les grandes époques créatrices furent celles où la communication était devenue suffisante pour que des partenaires éloignés se stimulent, sans être cependant assez fréquente et rapide pour que les obstacles indispensables entre les individus comme entre les groupes s’amenuisent au point que des échanges trop faciles égalisent et confondent leur diversité. »
Claude Lévi-Strauss fait même l’éloge des frontières, voyant en elles une nécessité pour développer des différences.
« Une culture consiste en une multiplicité de traits dont certains lui sont communs, d’ailleurs à des degrés divers, avec des cultures voisines ou éloignées, tandis que d’autres les en sépare de manière plus ou moins marquée. Ces traits s’équilibrent au sein d’un système qui, dans l’un et l’autre cas, doit être viable, sous peine de se voir progressivement éliminé par d’autres systèmes plus aptes à se propager ou à se reproduire.
Pour développer des différences, pour que les seuils permettent de distinguer une culture des voisines deviennent suffisamment tranchés, les conditions sont grosso modo les mêmes que celles qui favorisent la différenciation biologique entre les populations : isolement relatif pendant un temps prolongé, échanges limités, qu’ils soient d’ordre culturels ou génétiques.
Au degré près, les barrières culturelles sont de même nature que les barrières biologiques; elles les préfigurent d’une manière d’autant plus véridique que toutes les cultures impriment leur marque au corps : par des styles de costume, de coiffure et de parure, par des mutilations corporelles et par des comportements gestuels, elles miment des différences comparables à celles qui peuvent exister entre les races; en préférant certains types physiques à d’autres, elles les stabilisent et, éventuellement, les répandent. »
Appelé à se justifier de ses propos jugés dérangeants, Claude Lévi-Strauss reste droit dans ses bottes, condamnant même la banalisation des accusations de racisme et de xénophobie.
« Je m’insurge contre l’abus de langage par lequel, de plus en plus, on en vient à confondre le racisme et des attitudes normales, légitimes même, en tout cas inévitables.
Le racisme est une doctrine qui prétend voir dans les caractères intellectuels et moraux attribués à un ensemble d’individus l’effet nécessaire d’un commun patrimoine génétique. On ne saurait ranger sous la même rubrique, ou imputer automatiquement au même préjugé l’attitude d’individus ou de groupes que leur fidélité à certaines valeurs rend partiellement ou totalement insensibles à d’autres valeurs.
Il n’est nullement coupable de placer une manière de vivre et de la penser au-dessus de toutes les autres et d’éprouver peu d’attirance envers tels ou tels dont le genre de vie, respectable en lui-même, qui s’éloigne par trop de celui auquel on est traditionnellement attaché. Cette incommunicabilité relative peut même représenter le prix à payer pour que les systèmes de valeurs de chaque famille spirituelle ou de chaque communauté se conservent, et trouvent dans leur propre fonds les ressources nécessaires à leur renouvellement.
Si comme je l’ai écrit ailleurs, il existe entre les sociétés humaines un certain optimum de diversité au-delà duquel elles ne sauraient aller, mais en dessous duquel elles ne peuvent non plus descendre sans danger, on doit reconnaître que cette diversité résulte pour une grande part du désir de chaque culture de s’opposer à celles qui l’environnent, de se distinguer d’elles, en un mot d’être soi : elles ne s’ignorent pas, s’empruntent à l’occasion, mais pour ne pas périr, il faut que, sous d’autres rapports persiste entre elles une certaine imperméabilité. »
Un intellectuel de l’envergue de Claude Lévi-Strauss tenait donc il y a quelques décennies un discours que ne renieraient pas ceux qui se battent pour défendre leur identité, menacée par l’immigration extra-européenne.
Cependant, si un nombre croissant d’intellectuels de gauche (Onfray, Finkielkraut, etc.) saisit de plus en plus l’importance de la question identitaire – même avec énormément de prudence -, la base de cette famille politique reste, elle, en grande majorité imperméable à la prise de conscience identitaire.
Nicolas Faure
26 juin 2017
10:46 Publié dans anthropologie, Ethnologie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : identité, claude lévi-strauss, ethnologie, races, racisme, anthropologie | |
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En rappelant que la guerre n'a pas un caractère moral et ne peut comporter en soi un caractère criminel, en disqualifiant d'avance et par le droit la figure de l'ennemi, la guerre d'anéantissement, en dehors de toute référence aux legs de la civilisation, se développe en dessous de la paix apparente, conformément au sens originel de la lutte et de sa fureur élémentaire. Elle se définit dans la dimension conjointe de l'affrontement guerrier et de la perspective d'anéantissement de l'adversaire. Sous forme de lutte à mort, elle resserre en un seul concept, trois buts de guerre, politique, militaire et civil. Politique (par un choc étatique des armées), militaire (par une suppression de toute opposition et de toute résistance sur les arrières), et enfin, génocidaire (par la confusion des civils et des militaires et l'absence de toute retenue et contrainte violente). Elle produit une fusion destructrice de trois facteurs de résistance, la force actuelle, le potentiel de mobilisation et la force vive du peuple ou de la nation. Enfin, dans une apothéose de mort elle conduit à la suppression de tout antagonisme, peuple, race ou religion. Cela signifie l'éradication de l'ennemi du cours de l'histoire et, de ce fait, une guerre totale, en son pur principe. Ce type de guerre comporte la liquidation immédiate et soudaine d'une portion définie, organisée et territoriale de l'espèce humaine et configure ainsi la conception d'une guerre d'effacement existentiel, au dessus de laquelle tout armistice est trompeur, aléatoire et précaire. Deux exemples confirment cette analyse: la bataille de Canne (216 a.J-C) et la destruction de Carthage par les Romains dans l'antiquité et l'Opération "Barbarossa" pour l'anéantissement de l'URSS dans la troisième guerre mondiale (juin 1941). Le but d'éliminer l'adversaire et de raser Carthage après la deuxième guerre punique, fit de Rome la maîtresse du "Mare Nostrum"; la conquête de l'espace vital (le Lebensraum), devait permettre un repeuplement de l'immense étendue des terres de l’hémisphère Nord de l'Eurasie pour la constitution allemande d'un empire millénaire. Le Drang Nach Osten (la marche vers l'Est) aurait pu assurer une domination in-contrastée au Herrenvolk (le Peuple des Seigneurs).
Différente dans la forme, mais similaire pour les enjeux et surtout pour les issues, l'anéantissement des populations européennes par la guerre du ventre des femmes musulmanes. L'asymétrie démographique et la mobilité humaine compensent ainsi les buts de conquête politiques et militaires. La proclamation de la guerre du ventre fut une anticipation prémonitoire de Houari Boumediene. L'avait-on oublié?
En avril 1974, le président de la république algérienne, Houari Boumediene, prévenait l’Europe du projet de transplantation de peuple qui se préparait :
« Un jour, des millions d’hommes quitteront l’hémisphère sud pour aller dans l’hémisphère nord. Et ils n’iront pas en tant qu’amis. Ils iront là-bas pour le conquérir, et ils le conquerront en le peuplant avec leurs fils. C’est le ventre de nos femmes qui nous donnera la victoire ».
L'histoire c'est aussi la démographie, éruption irrésistible du vivant.
La perspective d'anéantissement du Nord par le Sud de la planète est la forme de la Lebensraum des opprimés contre les nantis Une perspective d'anéantissement lent, souterrain et insidieux, par l'étreinte démographique des populations. Une poursuite de la décolonisation, en forme d'invasion et de revanche, qui montent par vagues successives, par terre et par mer, soutenues par des organisations militantes. C'est le purgatoire des démunis et la noyade des populations autochtones. Ce sont les flux, refusés par la Grande Bretagne et sources de dissolution, de désagrégation et de conflit. Est loin des esprits, dans cette forme piétiste de la guerre des mondes, le principe westphalien du "cuius regio eius religio" (ou non ingérence idéologique), mais aussi celui du "cuius economia, eius regio" (individualisme ou étatisme économique), et encore le différent déterminisme des paradigmes de la connaissance "cuius religio, eius universalis cognitio"(telle religion, tel universalisme), visant l'identité, la famille, le groupe, la religion et la divinité. L'anéantissement touche ici aux principes premiers, ceux de la mission et de la foi. Un peuple ou un communauté affectés de l'intérieur par une "guerre des dieux" sont un peuple et une communauté condamnés à la disparition et à la sortie de l'histoire. Dans la guerre d'anéantissement démographique ou racial, la défense immunitaire de la philosophie et du droit est pervertie en son contraire, l'égalisation des conditions et des statuts. C'est la porte ouverte à l'exercice d'une violence disruptive, vindicative et revendicative de la part de l'étranger, devenu citoyen. Dans ces conditions la guerre n'est plus considérée comme une relation d’État à État, mais comme une révolte et insoumission permanentes, dépourvues de leaders et donc in-négociable. L’envahisseur, ami de l'ennemi extérieur est le premier fossoyeur de l'arène politique à qui on a remis les clés de la cité et qu'il livre au frère ennemi, lorsque la guerre civile est surmontée par la guerre étatique. La guerre de substitution, par noyade ethnique ou raciale, a son moment culminant dans la délivrance de toute obéissance, désignant une crise d'autorité et une prise de terre à repeupler.
Protégé par une philosophie humanitariste, consentie à l'ennemi sécessionniste, l'ekthrsos profite de la vie publique pour attiser les antagonismes des vieux conflits interconfessionnels et se hisser à la tête de la terreur extrémiste. De facto la guerre d'anéantissement se prépare dans l'antériorité de la guerre civile des sociétés ouvertes et dans la préparation souterraine des guerres d'étripement et de terreur qui la précèdent. Cela prouve que le monde n'est pas un village planétaire mais un espace protégé par les murailles du droit qui veillent à la sécurité des nations, sous le brouillard de la paix apparente de Saint Augustin. La bataille qui précède la guerre d'anéantissement est au même temps juridique et philosophique, afin que l’envahisseur ne puisse disposer des armes lui permettant de violer l'état de la pacification existante et de poignarder au dos le parti de la cohabitation et du "statu quo", par une fausse égalisation des conditions. Est guerre d'extermination dans les deux cas, la perspective d'anéantissement par l’atome, le globalisme prophétique, le millénarisme climatique et le réinitialisation de Davos. Concepts englobés dans les deux expressions de destruction complète et d'abattement total, sans pour autant que soit identifié l'auteur de cette guerre d'anéantissement qui, à l'inverse des perspectives civilisationnelles du passé, permettrait demain sa condamnation et sa mise au ban des nations.
Bruxelles, le 5 janvier 2021
NdR. Ce billet fait partie d'une étude sur le thème :"GUERRE ET POLITIQUE. La désignation de l'ennemi et la discorde dans les alliances"
Source: http://www.ieri.be/fr/publications/wp/2021/janvier/la-gue...
00:42 Publié dans Définitions, Polémologie, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : guerre, paix, polémologie, anéantissement, théorie politique, définition, politologie, sciences politiques | |
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Le pivot de Moscou vers l’Asie pour construire la Grande Eurasie a un air d’inévitabilité historique qui met les États-Unis et l’UE à l’épreuve.
Les futurs historiens pourraient l’enregistrer comme le jour où le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, habituellement imperturbable, a décidé qu’il en avait assez :
« Nous nous habituons au fait que l’Union Européenne tente d’imposer des restrictions unilatérales, des restrictions illégitimes et nous partons du principe, à ce stade, que l’Union Européenne est un partenaire peu fiable ».
Josep Borrell, le chef de la politique étrangère de l’Union européenne, en visite officielle à Moscou, a dû faire face aux conséquences.
Lavrov, toujours parfait gentleman, a ajouté : « J’espère que l’examen stratégique qui aura lieu bientôt se concentrera sur les intérêts clés de l’Union Européenne et que ces entretiens contribueront à rendre nos contacts plus constructifs ».
Il faisait référence au sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’UE qui se tiendra le mois prochain au Conseil européen, où ils discuteront de la Russie. Lavrov ne se fait pas d’illusions : les « partenaires peu fiables » se comporteront en adultes.
Pourtant, on peut trouver quelque chose d’immensément intrigant dans les remarques préliminaires de Lavrov lors de sa rencontre avec Borrell : « Le principal problème auquel nous sommes tous confrontés est le manque de normalité dans les relations entre la Russie et l’Union Européenne – les deux plus grands acteurs de l’espace eurasiatique. C’est une situation malsaine, qui ne profite à personne ».
Les deux plus grands acteurs de l’espace eurasiatique (mes italiques). Que cela soit clair. Nous y reviendrons dans un instant.
Dans l’état actuel des choses, l’UE semble irrémédiablement accrochée à l’aggravation de la « situation malsaine ». La chef de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a fait échouer le programme de vaccination de Bruxelles. Elle a envoyé Borrell à Moscou pour demander aux entreprises européennes des droits de licence pour la production du vaccin Spoutnik V – qui sera bientôt approuvé par l’UE.
Et pourtant, les eurocrates préfèrent se plonger dans l’hystérie, en faisant la promotion des bouffonneries de l’agent de l’OTAN et fraudeur condamné Navalny – le Guaido russe.
Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Atlantique, sous le couvert de la « dissuasion stratégique », le chef du STRATCOM américain, l’amiral Charles Richard, a laissé échapper avec désinvolture qu’il « existe une réelle possibilité qu’une crise régionale avec la Russie ou la Chine puisse rapidement dégénérer en un conflit impliquant des armes nucléaires, si elles percevaient qu’une perte conventionnelle menaçait le régime ou l’État ».
Ainsi, la responsabilité de la prochaine – et dernière – guerre est déjà attribuée au comportement « déstabilisateur » de la Russie et de la Chine. On suppose qu’elles vont « perdre » – et ensuite, dans un accès de rage, passer au nucléaire. Le Pentagone ne sera qu’une victime ; après tout, affirme STRATCOM, nous ne sommes pas « enlisés dans la Guerre froide ».
Les planificateurs du STRATCOM devraient lire le crack de l’analyse militaire Andrei Martyanov, qui depuis des années est en première ligne pour expliquer en détail comment le nouveau paradigme hypersonique – et non les armes nucléaires – a changé la nature de la guerre.
Après une discussion technique détaillée, Martyanov montre comment « les États-Unis n’ont tout simplement pas de bonnes options actuellement. Aucune. La moins mauvaise option, cependant, est de parler aux Russes et non en termes de balivernes géopolitiques et de rêves humides selon lesquels les États-Unis peuvent, d’une manière ou d’une autre, convaincre la Russie « d’abandonner » la Chine – les États-Unis n’ont rien, zéro, à offrir à la Russie pour le faire. Mais au moins, les Russes et les Américains peuvent enfin régler pacifiquement cette supercherie « d’hégémonie » entre eux, puis convaincre la Chine de s’asseoir à la table des trois grands et de décider enfin comment gérer le monde. C’est la seule chance pour les États-Unis de rester pertinents dans le nouveau monde ».
L’empreinte de la Horde d’Or
Bien que les chances soient négligeables pour que l’Union européenne se ressaisisse sur la « situation malsaine » avec la Russie, rien n’indique que ce que Martyanov a décrit sera pris en compte par l’État profond américain.
La voie à suivre semble inéluctable : sanctions perpétuelles ; expansion perpétuelle de l’OTAN le long des frontières russes ; constitution d’un cercle d’États hostiles autour de la Russie ; ingérence perpétuelle des États-Unis dans les affaires intérieures russes – avec une armée de la cinquième colonne ; la guerre de l’information perpétuelle et à grande échelle.
Lavrov affirme de plus en plus clairement que Moscou n’attend plus rien. Les faits sur le terrain, cependant, continueront de s’accumuler.
Nord Stream 2 sera terminé – sanctions ou pas – et fournira le gaz naturel dont l’Allemagne et l’UE ont tant besoin. Le fraudeur Navalny, qui a été condamné – 1% de « popularité » réelle en Russie – restera en prison. Les citoyens de toute l’UE recevront Spoutnik V. Le partenariat stratégique entre la Russie et la Chine continuera de se renforcer.
Pour comprendre comment nous en sommes arrivés à ce gâchis russophobe malsain, une feuille de route essentielle est fournie par le Conservatisme russe, une nouvelle étude passionnante de philosophie politique réalisée par Glenn Diesen, professeur associé à l’Université de la Norvège du Sud-Est, chargé de cours à l’École supérieure d’Économie de Moscou, et l’un de mes éminents interlocuteurs à Moscou.
Diesen commence en se concentrant sur l’essentiel : la géographie, la topographie et l’histoire. La Russie est une vaste puissance terrestre sans accès suffisant aux mers. La géographie, affirme-t-il, conditionne les fondements des « politiques conservatrices définies par l’autocratie, un concept ambigu et complexe de nationalisme, et le rôle durable de l’Église orthodoxe » – impliquant une résistance au « laïcisme radical ».
Il est toujours crucial de se rappeler que la Russie n’a pas de frontières naturelles défendables ; elle a été envahie ou occupée par les Suédois, les Polonais, les Lituaniens, la Horde d’Or mongole, les Tatars de Crimée et Napoléon. Sans parler de l’invasion nazie, qui a été extrêmement sanglante.
Qu’y a-t-il dans l’étymologie d’un mot ? Tout : « sécurité », en russe, c’est byezopasnost. Il se trouve que c’est une négation, car byez signifie « sans » et opasnost signifie « danger ».
La composition historique complexe et unique de la Russie a toujours posé de sérieux problèmes. Oui, il y avait une étroite affinité avec l’Empire byzantin. Mais si la Russie « revendiquait le transfert de l’autorité impériale de Constantinople, elle serait forcée de la conquérir ». Et revendiquer le rôle, l’héritage et d’être le successeur de la Horde d’Or reléguerait la Russie au seul statut de puissance asiatique.
Sur la voie de la modernisation de la Russie, l’invasion mongole a non seulement provoqué un schisme géographique, mais a laissé son empreinte sur la politique : « L’autocratie est devenue une nécessité suite à l’héritage mongol et à l’établissement de la Russie comme un empire eurasiatique avec une vaste étendue géographique mal connectée ».
« Un Est-Ouest colossal »
La Russie, c’est la rencontre de l’Est et de l’Ouest. Diesen nous rappelle comment Nikolai Berdyaev, l’un des plus grands conservateurs du XXe siècle, l’avait déjà bien compris en 1947 : « L’incohérence et la complexité de l’âme russe peuvent être dues au fait qu’en Russie, deux courants de l’histoire du monde – l’Est et l’Ouest – se bousculent et s’influencent mutuellement (…) La Russie est une section complète du monde – un Est-Ouest colossal ».
Le Transsibérien, construit pour renforcer la cohésion interne de l’empire russe et pour projeter la puissance en Asie, a changé la donne : « Avec l’expansion des colonies agricoles russes à l’est, la Russie remplace de plus en plus les anciennes routes qui contrôlaient et reliaient auparavant l’Eurasie ».
Il est fascinant de voir comment le développement de l’économie russe a abouti à la théorie du « Heartland » de Mackinder – selon laquelle le contrôle du monde nécessitait le contrôle du supercontinent eurasiatique. Ce qui a terrifié Mackinder, c’est que les chemins de fer russes reliant l’Eurasie allaient saper toute la structure de pouvoir de la Grande-Bretagne en tant qu’empire maritime.
Diesen montre également comment l’Eurasianisme – apparu dans les années 1920 parmi les émigrés en réponse à 1917 – était en fait une évolution du conservatisme russe.
L’Eurasianisme, pour un certain nombre de raisons, n’est jamais devenu un mouvement politique unifié. Le cœur de l’Eurasianisme est l’idée que la Russie n’était pas un simple État d’Europe de l’Est. Après l’invasion des Mongols au XIIIe siècle et la conquête des royaumes tatars au XVIe siècle, l’histoire et la géographie de la Russie ne pouvaient pas être uniquement européennes. L’avenir exigerait une approche plus équilibrée – et un engagement avec l’Asie.
Dostoïevski l’avait brillamment formulé avant tout le monde, en 1881 :
« Les Russes sont autant asiatiques qu’européens. L’erreur de notre politique au cours des deux derniers siècles a été de faire croire aux citoyens européens que nous sommes de vrais Européens. Nous avons trop bien servi l’Europe, nous avons pris une trop grande part à ses querelles intestines (…) Nous nous sommes inclinés comme des esclaves devant les Européens et n’avons fait que gagner leur haine et leur mépris. Il est temps de se détourner de l’Europe ingrate. Notre avenir est en Asie ».
Lev Gumilev était sans aucun doute la superstar d’une nouvelle génération d’Eurasianistes. Il affirmait que la Russie avait été fondée sur une coalition naturelle entre les Slaves, les Mongols et les Turcs. « The Ancient Rus and the Great Steppe », publié en 1989, a eu un impact immense en Russie après la chute de l’URSS – comme je l’ai appris de mes hôtes russes lorsque je suis arrivé à Moscou via le Transsibérien à l’hiver 1992.
Comme l’explique Diesen, Gumilev proposait une sorte de troisième voie, au-delà du nationalisme européen et de l’internationalisme utopique. Une Université Lev Gumilev a été créée au Kazakhstan. Poutine a qualifié Gumilev de « grand Eurasien de notre temps ».
Diesen nous rappelle que même George Kennan, en 1994, a reconnu la lutte des conservateurs pour « ce pays tragiquement blessé et spirituellement diminué ». Poutine, en 2005, a été beaucoup plus clair. Il a souligné :
« L’effondrement de l’Union soviétique a été la plus grande catastrophe géopolitique du siècle. Et pour le peuple russe, ce fut un véritable drame (…) Les anciens idéaux ont été détruits. De nombreuses institutions ont été démantelées ou simplement réformées à la hâte. (…) Avec un contrôle illimité sur les flux d’information, les groupes d’oligarques ont servi exclusivement leurs propres intérêts commerciaux. La pauvreté de masse a commencé à être acceptée comme la norme. Tout cela a évolué dans un contexte de récession économique des plus sévères, de finances instables et de paralysie dans la sphère sociale ».
Appliquer la « démocratie souveraine »
Nous arrivons ainsi à la question cruciale de l’Europe.
Dans les années 1990, sous la houlette des atlantistes, la politique étrangère russe était axée sur la Grande Europe, un concept basé sur la Maison européenne commune de Gorbatchev.
Et pourtant, dans la pratique, l’Europe de l’après-Guerre froide a fini par se configurer comme l’expansion ininterrompue de l’OTAN et la naissance – et l’élargissement – de l’UE. Toutes sortes de contorsions libérales ont été déployées pour inclure toute l’Europe tout en excluant la Russie.
Diesen a le mérite de résumer l’ensemble du processus en une seule phrase : « La nouvelle Europe libérale représentait une continuité anglo-américaine en termes de règle des puissances maritimes, et l’objectif de Mackinder d’organiser la relation germano-russe selon un format à somme nulle pour empêcher l’alignement des intérêts ».
Pas étonnant que Poutine, par la suite, ait dû être érigé en épouvantail suprême, ou « en nouvel Hitler ». Poutine a catégoriquement rejeté le rôle pour la Russie de simple apprentie de la civilisation occidentale – et son corollaire, l’hégémonie (néo)libérale.
Il restait néanmoins très accommodant. En 2005, Poutine a souligné que « par-dessus tout, la Russie était, est et sera, bien sûr, une grande puissance européenne ». Ce qu’il voulait, c’était découpler le libéralisme de la politique de puissance – en rejetant les principes fondamentaux de l’hégémonie libérale.
Poutine disait qu’il n’y a pas de modèle démocratique unique. Cela a finalement été conceptualisé comme une « démocratie souveraine ». La démocratie ne peut pas exister sans souveraineté ; cela implique donc d’écarter la « supervision » de l’Occident pour la faire fonctionner.
Diesen fait remarquer que si l’URSS était un « Eurasianisme radical de gauche, certaines de ses caractéristiques eurasiatiques pourraient être transférées à un Eurasianisme conservateur ». Diesen note comment Sergey Karaganov, parfois appelé le « Kissinger russe », a montré « que l’Union soviétique était au centre de la décolonisation et qu’elle a été l’artisan de l’essor de l’Asie en privant l’Occident de la capacité d’imposer sa volonté au monde par la force militaire, ce que l’Occident a fait du XVIe siècle jusqu’aux années 1940 ».
Ce fait est largement reconnu dans de vastes régions du Sud global – de l’Amérique latine et de l’Afrique à l’Asie du Sud-Est.
La péninsule occidentale de l’Eurasie
Ainsi, après la fin de la Guerre froide et l’échec de la Grande Europe, le pivot de Moscou vers l’Asie pour construire la Grande Eurasie ne pouvait qu’avoir un air d’inévitabilité historique.
La logique est implacable. Les deux pôles géoéconomiques de l’Eurasie sont l’Europe et l’Asie de l’Est. Moscou veut les relier économiquement en un supercontinent : c’est là que la Grande Eurasie rejoint l’Initiative Ceinture et Route chinoise (BRI). Mais il y a aussi la dimension russe supplémentaire, comme le note Diesen : la « transition de la périphérie habituelle de ces centres de pouvoir vers le centre d’une nouvelle construction régionale ».
D’un point de vue conservateur, souligne Diesen, « l’économie politique de la Grande Eurasie permet à la Russie de surmonter son obsession historique pour l’Occident et d’établir une voie russe organique vers la modernisation ».
Cela implique le développement d’industries stratégiques, de corridors de connectivité, d’instruments financiers, de projets d’infrastructure pour relier la Russie européenne à la Sibérie et à la Russie du Pacifique. Tout cela sous un nouveau concept : une économie politique industrialisée et conservatrice.
Le partenariat stratégique Russie-Chine est actif dans ces trois secteurs géoéconomiques : industries stratégiques/plates-formes technologiques, corridors de connectivité et instruments financiers.
Cela propulse la discussion, une fois de plus, vers l’impératif catégorique suprême : la confrontation entre le Heartland et une puissance maritime.
Les trois grandes puissances eurasiatiques, historiquement, étaient les Scythes, les Huns et les Mongols. La raison principale de leur fragmentation et de leur décadence est qu’ils n’ont pas pu atteindre – et contrôler – les frontières maritimes de l’Eurasie.
La quatrième grande puissance eurasiatique était l’empire russe – et son successeur, l’URSS. L’URSS s’est effondrée parce que, encore une fois, elle n’a pas pu atteindre – et contrôler – les frontières maritimes de l’Eurasie.
Les États-Unis l’en ont empêchée en appliquant une combinaison de Mackinder, Mahan et Spykman. La stratégie américaine est même devenue connue sous le nom de mécanisme de confinement Spykman-Kennan – tous ces « déploiements avancés » dans la périphérie maritime de l’Eurasie, en Europe occidentale, en Asie de l’Est et au Moyen-Orient.
Nous savons tous à présent que la stratégie globale des États-Unis en mer – ainsi que la raison principale pour laquelle les États-Unis sont entrés dans la Première et la Seconde Guerre mondiale – était de prévenir l’émergence d’un hégémon eurasiatique par tous les moyens nécessaires.
Quant à l’hégémonie américaine, elle a été conceptualisée de façon grossière – avec l’arrogance impériale requise – par le Dr Zbig « Grand Échiquier » Brzezinski en 1997 : « Pour empêcher la collusion et maintenir la dépendance sécuritaire entre les vassaux, pour garder les affluents souples et protégés, et pour empêcher les barbares de se rassembler ». Le bon vieux « Diviser pour mieux régner », appliqué par le biais de la « domination du système ».
C’est ce système qui est en train de s’effondrer – au grand désespoir des suspects habituels. Diesen (photo) note comment, « dans le passé, pousser la Russie en Asie reléguait la Russie dans l’obscurité économique et éliminait son statut de puissance européenne ». Mais maintenant, avec le déplacement du centre de gravité géoéconomique vers la Chine et l’Asie de l’Est, c’est un tout nouveau jeu.
La diabolisation permanente de la Russie-Chine par les États-Unis, associée à la mentalité de « situation malsaine » des sbires de l’UE, ne fait que rapprocher la Russie de la Chine, au moment même où la domination mondiale de l’Occident, qui dure depuis deux siècles seulement, comme l’a prouvé Andre Gunder Frank, touche à sa fin.
Diesen, peut-être trop diplomatiquement, s’attend à ce que « les relations entre la Russie et l’Occident changent également à terme avec la montée de l’Eurasie. La stratégie hostile de l’Occident à l’égard de la Russie est conditionnée par l’idée que la Russie n’a nulle part où aller et qu’elle doit accepter tout ce que l’Occident lui offre en termes de « partenariat ». La montée de l’Est modifie fondamentalement la relation de Moscou avec l’Occident en permettant à la Russie de diversifier ses partenariats ».
Il se peut que nous approchions rapidement du moment où la Russie de la Grande Eurasie présentera à l’Allemagne une offre à prendre ou à laisser. Soit nous construisons ensemble le Heartland, soit nous le construisons avec la Chine – et vous ne serez qu’un spectateur de l’histoire. Bien sûr, il y a toujours la possibilité d’un axe inter-galaxies Berlin-Moscou-Pékin. Des choses plus surprenantes se sont produites.
En attendant, Diesen est convaincu que « les puissances terrestres eurasiatiques finiront par intégrer l’Europe et d’autres États à la périphérie intérieure de l’Eurasie. Les loyautés politiques se déplaceront progressivement à mesure que les intérêts économiques se tourneront vers l’Est et que l’Europe deviendra progressivement la péninsule occidentale de la Grande Eurasie ».
Voilà qui donne à réfléchir aux colporteurs péninsulaires de la « situation malsaine ».
Traduit par Réseau International
***
«Qui veut la paix prépare la guerre»: la Russie annonce être prête en cas de rupture des relations avec l'UE
La Russie est prête à rompre ses relations diplomatiques avec l’Union européenne si cette dernière adopte des sanctions créant des risques pour les secteurs sensibles de l‘économie, a déclaré ce vendredi le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, sur la chaîne YouTube Soloviev Live.
« Nous y sommes prêts. [Nous le ferons] si nous voyons, comme nous l’avons senti plus d’une fois, que des sanctions sont imposées dans certains secteurs qui créent des risques pour notre économie, y compris dans des sphères sensibles. Nous ne voulons pas nous isoler de la vie internationale mais il faut s’y préparer. Qui veut la paix prépare la guerre ».
De nouvelles sanctions en vue
Cette semaine, le chef de la diplomatie de l’Union européenne Josep Borrell a annoncé, après sa visite à Moscou, la possibilité de nouvelles sanctions. Il s’est dit préoccupé par les « choix géostratégiques des autorités russes ».
Condamnant les autorités pour avoir emprisonné en janvier l’opposant Alexeï Navalny et les qualifiant de « sans pitié », Josep Borrell a notamment indiqué dans son blog que sa visite avait conforté son opinion selon laquelle « l’Europe et la Russie s’éloignaient petit à petit l’une de l’autre ».
Les propos tenus à Moscou
Lors de sa visite dans la capitale russe du 4 au 6 février, Josep Borrell avait vanté le vaccin Spoutnik V, le qualifiant de « bonne nouvelle pour l’humanité ». Il avait en outre espéré que l’Agence européenne pour les médicaments l’enregistrerait.
Il avait également dit qu’il y avait des domaines dans lesquels la Russie et l’UE pouvaient et devaient coopérer, et que Bruxelles était favorable au dialogue avec Moscou, malgré les difficultés.
Anastassia Verbitskaïa - Sputnik
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De Mao au monde multipolaire: l'évolution de la doctrine militaire chinoise
Par Lorenzo Ghigo
Ex : https://geopol.pt
Suite à la crise du modèle international unipolaire et à son énorme croissance économique et technologique, la République populaire de Chine (RPC) est le grand prétendant à l'hégémonie internationale aujourd’hui exercée par les États-Unis. Cette volonté chinoise s’exprime également au niveau militaire. La présence croissante des États-Unis en Asie, la crise persistante à Hong Kong et les relations avec Taïwan ont conduit le gouvernement chinois à abandonner l'isolationnisme qui caractérisait sa politique étrangère au début des années 2000, au profit d'une politique plus affirmée.
La stratégie de la Chine est basée sur la défense et la poursuite des intérêts nationaux, en assurant la sécurité intérieure et extérieure, la souveraineté nationale et le développement économique. Sous le gouvernement de Xi Jinping, le progrès technologique est considéré comme une occasion importante de relancer la nation chinoise et son rôle sur la scène internationale. Au cœur du projet du dirigeant chinois se trouve la création d'un nouvel ordre sinocentrique fondé, au moins formellement, sur des relations d'égalité avec les autres États et visant à la constitution d'"une Asie harmonieuse".
La nouvelle doctrine militaire chinoise est à toutes fins utiles une redécouverte et une extension des théories de L'Art de la guerre de Sun Tzu. L'objectif tactique est de conditionner l'esprit et la volonté de l'ennemi dans un cadre stratégique en constante évolution en profitant de situations favorables grâce à divers stratagèmes et tromperies. La pensée militaire chinoise se caractérise par une approche indirecte, il existe chez les Chinois une vision holistique des objectifs qui, contrairement à l'Occident, ne se concentre pas sur une cible spécifique mais sur l'ensemble du système, et le recours à la force doit être utilisé dans le cadre d'une stratégie à long terme en intégrant les sphères militaire et civile, en utilisant la guerre hybride et la cyberguerre dans la conduite des opérations de guerre traditionnelles. L'Armée populaire de libération est en effet en train de développer des capacités opérationnelles et technologiques incroyables dans le cyberespace, non seulement en ce qui concerne l'espionnage et l'acquisition d'informations sensibles, mais aussi en ce qui concerne les attaques sur les infrastructures critiques pendant les conflits armés. La RPC considère le contrôle du cyberespace comme une prérogative essentielle pour affirmer son pouvoir national.
L'armée n'est plus appelée à préparer des guerres menées à grande échelle sur le territoire chinois, mais plutôt des guerres limitées, tant sur le plan de l'entité des objectifs politiques que sur celui de l'intensité de la violence, soit des guerres à mener dans des zones périphériques et circonscrites, principalement des conflits régionaux à forte informatisation.
L'approche maoïste de la guerre semble avoir été définitivement abandonnée, les forces armées sont dépolitisées et, bien que l'influence du parti communiste chinois soit encore forte, on ne peut plus parler d'une armée populaire, mais d'une armée d’élite spécialisée et professionnelle dans les opérations militaires. De plus, en consolidant ses frontières, la Chine a renoncé à une défense stratégique en profondeur, en utilisant une stratégie de projection de forces sur les mers, et d'influence politique dans d’autres pays asiatiques.
Le texte Unristricted Warfare publié par les colonels Qiao Liang et Wang Xiangsui a apporté une contribution notable à la nouvelle doctrine stratégique de la RPC. Cet ouvrage, qui dans l'édition américaine prend le sous-titre de China's Master Plan to Destroy America, prescrit les règles et les stratégies de conduite des conflits contemporains dans le but de défendre les intérêts nationaux en exploitant les nouvelles possibilités offertes par la mondialisation et l'évolution technologique. Le concept de guerre sans restriction prévoit une multiplication de nouveaux types d'armes et que chaque endroit peut devenir un champ de bataille. L'armée, pour faire face aux nouveaux conflits, doit mener des batailles adaptées à ses armes et adapter ses armes à la nouvelle bataille.
Dans le manuel Zhànlüè xué (Science de la stratégie), compilé par le département de recherche stratégique de l'Académie des sciences militaires, il est affirmé que "les champs de bataille sur terre, sur mer, dans les airs, dans l'espace extra-atmosphérique, dans l'espace électromagnétique ne font qu'un ; les combats et les opérations sur chaque champ de bataille sont des conditions pour les combats et les opérations sur les autres".
Cette vision est basée sur des actions de guerre hybride, qui impliquent non seulement des capacités militaires mais aussi l'application d'un concept holistique de défense nationale par la coopération des secteurs civil et militaire. Les stratèges chinois développent également la doctrine Shashou Jian ("club de fer"), qui vise à dominer l'espace physique et cybernétique en désarmant l'ennemi et en l'empêchant d'être une menace pour l'intérêt national. Ce concept repose sur la nécessité de développer une capacité militaire capable de désarmer l'adversaire avant qu'il ne puisse frapper. L'utilisation d'armes hautement technologiques, de missiles, de cyberarmes, de bombes intelligentes, de drones, est finalisée pour annuler la puissance de feu ennemie.
Toujours à la lumière des conséquences dramatiques de la récente pandémie, la Chine doit se préparer à un scénario international incertain et indéterminé, caractérisé par de nouveaux types de conflits, de nouvelles menaces, de nouvelles technologies, de nouveaux champs de bataille et de nouvelles stratégies.
Publié à l'origine dans Osservatorio Globalizzazione
12:16 Publié dans Actualité, Géopolitique, Militaria, Polémologie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, chine, doctrine militaire, militaria, politique internationale, géopolitique, asie, affaires asiatiques, polémologie | |
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L'Iran, Biden sur les traces de Trump, pas d'Obama
par Alberto Negri
Sources : Il Manifesto et https://www.ariannaeditrice.it
Dans une interview télévisée, le nouveau président confirme les mesures restrictives contre Téhéran, voulues par Trump. Elles demeureront donc. Après tout, Biden a été un ardent exportateur de "démocratie" pour qui la République islamique reste le sacrifice à offrir aux Saoudiens et aux Israéliens.
Aux prises avec l'Iran, et aussi avec la Chine et la Russie (le dossier le plus épineux des affaires étrangères), Biden confirme l'ordre du jour de Trump et prend même un peu de recul par rapport à Obama. Sa recette est la suivante : d'abord, l'habituel double standard du pacte d'Abraham, hérité du tycoon malgré sa seconde mise en accusation. Nous verrons très bientôt le suite.
Dans l’échange qui a eu lieu avec le Guide suprême Khamenei, qui a demandé la levée, au moins partielle, des sanctions avant de négocier sur le nucléaire, le nouveau président américain n'a pas hésité : il a choisi de dire "non" et durement.
La médiation européenne avancée par l'omniprésent Macron semble hésitante et encore à venir. Hésitante parce que la France, qui dans ses investissements a écarté le Qatar, sponsor des Frères musulmans, au profit des Saoudiens, était la puissance européenne qui en 2015, précisément à cause de ses affaires en cours avec Riyad, a soulevé les plus grandes objections à l'accord américain avec l'Iran : il suffit de demander à Mogherini et à Zarif des informations sur les négociations qui se tinrent à l'époque.
La substance est toujours la même : les Européens vendent des armes à Israël, aux Emirats, aux Saoudiens, au Qatar, à l'Egypte et à la Turquie, et non à l'Iran des ayatollahs. Ils sont donc des membres non déclarés mais super actifs du Pacte d'Abraham et de l'"OTAN arabe" avec les États-Unis, Israël, les Émirats, Bahreïn, le Soudan et le Maroc.
Sans oublier qu'Israël vient de rejoindre le CentCom (Commandement central) avec les Arabes, c’est-à-dire le commandement militaire américain au Moyen-Orient. Avec son inclusion dans le CentCom et le déploiement d'Iron Dome sur des bases américaines, Israël devient une autorité déléguée que Washington utilisera pour gérer la région, même à distance.
C'est pourquoi le sénateur Renzi, à qui l'on attribue des ambitions car il vise le poste de secrétaire général de l'OTAN, clame que Mohammed bin Salman est comme Laurent le Magnifique, le prince héritier d'une nouvelle renaissance dans les sables de la péninsule arabique, où, toutefois, les journalistes sont littéralement taillés en pièces et les opposants pourrissent en prison.
Nous aimerions savoir, un jour, ce que Draghi en pense. Mais nous le soupçonnons déjà : avec l'élection de Biden, la "fenêtre américaine" s'est ouverte en novembre et le bulldozer Renzi, à commencer par l'attentat contre la délégation de services aux mains de Conte, a ouvert la voie au "sauveur de l'euro", très estimé par l'establishment américain où il a été l'élève de Stanley Fisher, ancien député de la Fed et ancien directeur de la Banque centrale d'Israël.
Les Iraniens ne peuvent pas mordre à l'hameçon que constituent les propos doucereux de Biden qui se distancie de la guerre saoudienne et émiratie au Yémen et retire les Houthis de la liste noire des groupes terroristes. A Téhéran, ils se penchent sur le fond et lors de la prochaine élection présidentielle, si les choses restent en l'état, on peut imaginer que l'aile la plus dure de la République islamique pourrait prendre le dessus sur des modérés comme le président sortant Hassan Rohani.
L'année dernière, les Américains et les Israéliens ont éliminé un de leurs généraux, Qassem Soleimani, et un éminent scientifique comme Mohsen Fakrizadeh. Les États-Unis et l'État juif n'ont jamais cessé de bombarder les Pasdaran iraniens en Syrie et sont prêts à brouiller encore les eaux libanaises déjà passablement boueuses pour porter quelques coupssupplémentaires aux alliés du Hezbollah pro-iranien qu'ils voudraient expulser du Levant et du Moyen-Orient.
Sans compter que les États-Unis, dans la panoplie de leurs sanctions et par l'embargo pétrolier sur Téhéran, continuent à maintenir des dizaines de milliards de dollars gelés sur les comptes étrangers de l'Iran, au point d'empêcher la République islamique de négocier récemment un approvisionnement en vaccins anti-Covid avec la Corée du Sud.
Mais les Etats-Unis, insiste M. Biden, sont une démocratie et l'Iran n’en est pas une, donc ils peuvent punir qui ils veulent, comme ils veulent. Un argument un peu brutal, car la façade démocratique brillante des États-Unis a certainement été ternie par l'assaut contre le vénérable bâtiment du Congrès.
Mais Biden est un exportateur convaincu de la démocratie américaine, ce n'est pas pour rien qu'il a voté en 2003 en faveur de l'attaque contre l'Irak et qu'il s'est maintenant lancé dans d’agressives diatribes contre la Russie de Poutine sous prétexte de l'affaire Navalny.
Biden est un peu moins virulent contre la Chine car avec Xi Jinping, qu'il connaît bien, il est convaincu de s'entendre alors que les banques d'investissement de Wall Street, qui l'ont soutenu dans la campagne électorale, débarquent en force à Pékin. Bref, chacun a ses propres banquiers, qui ont très souvent travaillé pour le même maître.
Il est dommage que le visage démocratique de Biden, si impétueux avec l'Iran des ayatollahs, disparaisse lorsqu'il s'agit d'examiner les relations avec les satrapes du Golfe, les monarchies absolues et les ennemis des droits de l'homme, ou les dictateurs comme Al Sissi qui reçoit l'aide militaire américaine et peut faire ce qu'il veut sans la moindre objection de Washington.
Le gel temporaire des fournitures militaires américaines à Riyad vise en fait non pas tant à montrer que les États-Unis ont l'intention de s'entendre avec Téhéran qu'à convaincre les Saoudiens d'accélérer la reconnaissance d'Israël et, par suite logique, d'adhérer au Pacte d'Abraham. Puis la boucle sera bouclée avec la célébration du sanguinaire Laurent le Magnifique, Prince des sables.
11:54 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : joe biden, états-unis, levant, moyen-orient, proche-orient, géopolitique, politique internationale | |
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Traduction d’une conférence donnée au Pérou, par Israel Lira, directeur du centre des études Crisolistes – Le 24 décembre 2020
«…Les formes politiques et sociétales de la modernité se brisent. Les voies archaïques émergent dans tous les domaines politiques, la résurgence d’un Islam conquérant en est un parfait exemple. Finalement les futures altérations de la technoscience -principalement en génétique – tout comme le retour tragique à la réalité que le 20ème siècle a préparé, va demander un retour vers une mentalité archaïque. C’est le modernisme qui est une tendance passagère. Il n’y a aucun besoin de revenir au classique traditionalisme, imprégné de folklore et rêvant à un retour au passé. La modernité est déjà obsolète. Le futur doit être archaïque, c’est à dire, ni moderne ni passéiste.(Faye, 1998:15). (revoir d’après l’original, p43)
Cette citation de Faye montre le flou dans lequel il laissait les principes consubstantiels à son système théorique, pour éviter précisément qu’ils puissent être confondus avec d’autres théories ayant aussi la technoscience dans le champ de leur réflexion. Dans le cas particulier de Faye, sa proposition, dans ce qu’elle a d’universel, relève de la catégorie du constructivisme vitaliste, tandis que sa conceptualisation spécifique prend la forme du néologisme « archéofuturisme ».
Cette nouvelle doctrine a influencé un large éventail d’écoles de pensées théoriques à ce jour, dans le cadre de propositions anti-globalistes, anti-individualistes et anti-libérales, face au monde postmoderne qui porte l’estampille du nihilisme culturel, dont les principales expressions phénoménales s’expriment dans la laïcité nihiliste, la globalisation néolibérale, le narcissisme hyper-individualiste et l’extrême relativisme culturel.
La trichotomie centrale de l’archéofuturisme (TCAf)
L’archéofuturisme a trois thèses principales à l’intérieur desquelles nous devons remarquer son rejet absolu – par Guillaume Faye – des positions techno phobiques (le traditionalisme classique et le conservatisme) ainsi que les positions technophiles acritiques (technicisme et transhumanisme), et elles peuvent être résumées ainsi :
Première thèse (T1): la civilisation contemporaine qui est la fille de la modernité et de l’égalitarisme, termine déjà son cycle historique, ainsi, « la vieille croyance dans le miracle de l’égalitarisme et de la philosophie du progrès, qui affirmait qu’il était toujours possible d’obtenir plus, est morte. Cette idéologie angélique a créé un monde qui devient moins viable chaque jour. » (Faye, 1998: 2-3)
Seconde thèse (T2) : Les idéologies contemporaines qui émergent comme un fait symptomatique du retour des structures psycho-bio-sociales à un état très moderne sont caractérisées par le rejet de l’individualisme et de l’égalitarisme, ce dernier comme expression maximal du nihilisme culturel. Pour affronter le futur il faut reproduire une mentalité archaïque, c’est-à-dire, pré-moderne, non égalitaire et non humaniste, qui restaurera les valeurs ancestrales d’ordre des sociétés. Maintenant, les découvertes en techno science, particulièrement dans le domaine de la biologie et de l’informatique, ne peuvent être administrée à travers les valeurs humaniste et les mentalités modernes.
Aujourd’hui les événements géopolitiques et sociaux sont dominés par des problèmes religieux, ethniques, alimentaires et épidémiologiques. Revenons à la question principale. Je (Guillaume Faye) propose donc, une nouvelle notion, l’archéofuturisme, qui nous permettra de rompre avec les dogmes modernes, égalitaire, humaniste et individualiste, inadaptés pour penser au futur, et qui nous permettrait de survivre dans le siècle de feu et de fer qui vient. (Faye, 1998:4-5)
Troisième thèse (T3) : l’avènement d’un nouveau type de scénario dans un cadre qui est totalement différent du monde égalitaire régnant et actif, dans la mesure où il est clair pour nous que « nous devons nous projeter et imaginer le monde post-chaos, le monde après la catastrophe, un monde archéofuturiste, avec des critères radicalement différent de ceux utiliser dans la modernité égalitaire.»
Ces trois thèses centrales constituent les fondamentaux de l’archéofuturisme, configurant sa trichotomie centrale (TCAf) comme système théorique qui s’exprime de la façon suivante :
Af = <T1,T2,T3>
Où,
Af = Archéofuturisme comme proposition théorique.
T1 = Thèse de la mort du mythe du progrès.
T2 = Thèse de l’éternel retour et la sombre illumination.
T3 = Thèse du nouveau paradigme existentiel.
Qui plus est, il faut mentionner qu’une partie du discours de Guillaume Faye doit être comprise dans le cadre littéraire qu’il se donne afin d’illustrer son travail, et/ou d’élaborer une sorte de projection hypothétique en forme d’utopie et de dystopie, que l’on voit se refléter dans son œuvre, l’Archéofuturisme V2. 0 ( 2016).
Archéofuturisme et transhumanisme : un antagonisme irréconciliable
Aux antipodes de TCAf, on peut présenter le transhumanisme tel qu’il ressort de manière claire et nette des travaux de Max More et Anders Sandberg, et de cette déclaration de la World Transhumanist Association, qui réaffirme la systématisation faite par ces deux auteurs :
«Le transhumanisme est une sorte de philosophie qui tente de nous guider vers une condition post-humaine. Le transhumanisme a de nombreux points communs avec l’humanisme, tel que son respect de la raison et de la science, son acceptation du progrès et la priorité donnée à l’existence humaine (et transhumaine) dans cette vie au lieu d’une vie future surnaturelle. Le transhumanisme diffère de l’humanisme dans la reconnaissance et l’anticipation d’altérations radicales dans la nature et notre potentiel biologique grâce à différentes sciences et technologies telles que les neurosciences et la neuropharmacologie, l’extension de la vie, la nanotechnologie, l’ultra-intelligence artificielle, la vie dans l’espace, combinées à une philosophie rationnelle et un système de valeur rationnel.» (More, 1990)
Dans la même veine : « les philosophies de vie qui recherchent la continuation et l’accélération de l’évolution de la vie intelligente au-delà de la forme humaine actuelle et de ses limitations au travers de la science et la technologie, sont guidées par des valeurs et des principes qui promeuvent la vie. » (More et Sandberg 2001)
De ce qui précède, il ressort clairement, littéralement et explicitement que le transhumanisme se trouve dans la logique narrative de la modernité, dans la mesure où il implique la continuation et l’expansion de la philosophie du progrès linéaire, compris comme une perfectibilité indéfinie du genre humain et qui n’admet aucun recul que ce soit (Canguilhem, 1999 :669). C’est ce principe névralgique du transhumanisme, celui sur lequel il repose entièrement et que même l’histoire de la science a démystifié, qui apparaît comme l’antagoniste de la trichotomie centrale de l’archéofuturisme (TCAf).
Très contraire à l’idée de la modernité du progrès linéaire,l’ archéofuturisme met devant lui une idée de mouvement synergique, qui est plus intégrale, un dynamisme vitaliste, dans la mesure où l’archéofuturisme rejette l’idée de progrès comme fin en soi. Car tout ce qui découle de la vision du monde d’un peuple doit être fondée sur des bases immémoriales, et parce que depuis 50 000 ans, Homo sapiens n’a que très peu changé, mais aussi parce que le modèle archaïque pré-moderne des organisations sociales a donné des preuves de son efficacité. À la fausse idée de progrès, nous devons opposer l’idée de mouvement ( Faye, 1998: 89) (revoir d’après l’original, p71)
De ce qui vient d’être exposé il peut être réaffirmé que l’archéofuturisme ne penche aucunement vers le système théorique du transhumanisme contemporain, comme le voit Michael O’Meara (2013) et, plus explicitement encore, Roberto Manzocco (2019), et ce système de pensée ne peut pas non plus être considéré comme une branche conservatrice du transhumanisme, un transhumanisme conservateur, erreur encore pire que toutes celles qu’on pourrait faire. A l’appui de cette idée, on ne peut trouver d’explication que dans la prétention totalitaire du transhumanisme international de s’annexer tout projet qui ferait allusion à l’utilisation de technologie pour l’amélioration de la qualité de la vie et de la condition humaine, initiatives qui ont été présentes depuis la révolution industrielle, étant donné que comme pour tout système théorique, les idées qui lui ont servi de base, et les premières pensées apparentées, ont pu être retracées comme esquissé dans les travaux de Hugues (2002) et Bostrom (2005).
Mais on ne peut en déduire que toute idée qui préconise l’utilisation des technologies pour l’amélioration de la qualité de la vie et de la condition humaine, est en soi du transhumanisme, même si cela est validé par les transhumanistes eux-mêmes, dans la mesure où « l’Homme +» (l’Homme Af) a des particularités qui le différencient précisément comme philosophie et comme proposition théorique, aussi bien par exemple de la pensée futuriste (artistiques et technologiques), et de l’utopisme technoscientifique.
Le terme transhumanisme est apparu en 1957 sous la plume du biologiste Julian Huxley, tout comme le terme «transhumain» en 1966 dans la bouche de l’Américain futuriste F.M. Esfandiary, sans qu’on puisse parler de transhumanisme à proprement parler avant l’usage systématique du terme par la World Transhumanist Association (WTA) fondée par Nick Bostrom. Il fallait éviter de tomber dans une anarchie sémantique et méthodologique, sous peine de voir le transhumanisme se perdre lui-même dans l’imprécision. Dans cette mesure, «… l’affirmation qu’il est éthique et souhaitable d’utiliser les moyens technoscientifiques pour améliorer fondamentalement la condition humaine…(…) est simplement le plus petit dénominateur commun du transhumanisme et peut être adopté et adapté à ses propres besoins, par la majorité des idéologies politiques à l’exception des idéologies bio-conservatrices et néo luddites.(…)
Les fondateurs du transhumanisme moderne, conscients de ces risques, essayèrent d’orienter le Central Axis of Transhumanism (CAT) vers des concepts tels que le respect des individualités, liberté, tolérance et démocratie, faisant remarquer que les racines du transhumanisme reposent sur la philosophie des lumières, l’humanisme et le libéralisme. Les extropiens sont allés encore plus loin, essayant d’imposer au CAT, des concepts tels que « l’ordre spontané » et, plus tard, les principes de l’Open society de Soros (Estropico, 2009).
Cependant, dans la pratique, il est clair que ces incitations n’ont pas été totalement couronnées de succès, étant donné qu’à ce jour, tel que nous le voyons, il n’est pas nécessaire d’adhérer au transhumanisme pour pouvoir prétendre que grâce à la technoscience, la qualité de vie et la condition humaine peuvent être améliorées. Cet impératif de précision téléologique et catégorique est partagé par la WTA , pour ne pas tomber dans ce qu’ils appellent le futur fascisme racialiste et eugéniste ou dans l’utopisme technoscientifique du socialisme classique.
Ainsi, il est clair que le transhumanisme et ses courants marginaux (extropianisme, techno-progressisme, singularitarisme, transfigurisme etc.), jusqu’à aujourd’hui, représentent les antithèses des propositions de l’archéofuturisme…
Le mythe de la quatrième révolution industrielle
Faye lui-même notait déjà tout ce qui est exposé dans cet article, dans un court essai publié sur son blog le 23 mai 2016, qui partageait de nombreuses similarités avec les récents commentaires que Mario Bunge a apportés sur le sujet. Il englobait en effet le transhumanisme dans le cadre plus large des réactions quasi religieuse issues de la foi en l’idée du progrès et du développement linéaire, y voyant un fait symptomatique de l’effondrement économique mondial à venir.
«L’optimisme forcé, assez irrationnel, sur la ”nouvelle économie numérique”, avec le big data, la blockchain, l’impression 3D, le ”transhumanisme”, etc. qui préfigureraient une “quatrième révolution industrielle” et un nouveau paradigme (et paradis) économique mondial, relève probablement de l’utopie et de l’auto-persuasion. Et de la croyance aux miracles» (Faye, 2016).
La première révolution industrielle – début du XIXe siècle– s’organisait autour de la machine à vapeur, la deuxième (fin du XIXe) autour de l’électricité, la troisième autour de l’informatique (milieu XXe). La quatrième révolution (début XXIe), issue des deux dernières, l’électrique et l’électronique, concernerait la généralisation d’Internet et des connections universelles numériques par le web. Le concept de « 4ème révolution industrielle » est né après la foire de Hanovre en 2011, où l’on a célébré la naissance de l’ ”usine connectée” ; cette dernière, entièrement ”webisée” et branchée directement sur les clients, est robotisée et emploie de moins en moins de salariés. On a créé l’expression abstraite d’” industrie 4.0”. C’est un concept assez creux : à quand, l’ ”industrie 5.0” ?
Le néo-scientisme et l’écologisme
Les prophéties sur la révolution de l’économie numérique, avec ses mots fétiches, cloud, big data, transhumanisme, etc, appartiennent à une idéologie néo-scientiste qui risque de déboucher sur des désillusions terribles. Or, ce néo-scientisme sans prise de recul, comme celui de la fin du XIXe siècle, cohabite curieusement, chez les mêmes, avec un anti-progressisme écologiste. Il est aussi stupide que les théories de la décroissance : il relève du même extrémisme.
Ce romantisme néo-scientiste est l’exact pendant de celui de la fin du XIXe siècle – relisez Jules Vernes et Victor Hugo – où l’on s’imaginait l’avenir en rose sous l’influence du concept magique et au fond peu rationnel de ”Progrès”. À la fin de son poème La légende des siècles, Victor Hugo brossait une vision idyllique du XXe siècle.
Les erreurs des pronostics technologiques sont une habitude. Jules Vernes prévoyait qu’en 1960, les habitants des villes se déplaceraient en engins volants individuels. Mais il n’avait pas prévu l’automobile. Et, dans les années 60, on pronostiquait des bases humaines nombreuses sur la Lune et sur Mars, astronomiques et d’extraction minière, la généralisation des transports aériens supersoniques et hypersoniques stratosphériques ainsi que la diffusion de l’énergie de fusion nucléaire. Bien des pronostics sur le futur de la ”révolution numérique” relèvent probablement des mêmes erreurs utopiques de jugement.
L’utilité marginale déclinante de l’économie numérique
Le téléphone, l’électrification, le chemin de fer et l’automobile, l’aviation comme la radio et la télévision, la pénicilline, l’anesthésie, etc. ont été des bonds technologiques énormes, de par leurs conséquences, bien plus qu’Internet ou l’économie numérique. Le binôme numérique/informatique offre moins de facilités qu’on ne croit ; parce qu’il complique les processus autant qu’il ne les simplifie. Les innovations technologiques de la ”révolution numérique” ne répondent pas dans la pratique quotidienne, à leurs promesses. Elles sont inférieures en terme d’avantages marginaux aux innovations des précédentes mutations techno-industrielles» (Faye, 2016).
Archéofuturisme et Crisolisme
L’archéofuturisme, selon ce que nous venons de voir, est une position équilibrée, qui intègre dialectiquement deux catégories : l’archaïsme et le futurisme. C’est une théorie critique de la modernité mais aussi des traditions.
L’héritage fayen est à la base de l’archéofuturisme péruvien dans le cadre de la Théorie Crisoliste, laquelle prévoit une harmonie entre la vision traditionnelle de diverses ethnies, dont la Péruvienne, et l’idée d’une synergie technoscientifique ainsi qu’un mouvement socio-économique harmonieux, sans affecter les environnements, par exemple, les communautés Andine et Amazonienne, face au danger d’un idéal de progrès infini représenté par une vision d’exploitation de la nature, qui jusqu’à ce jour n’a apporté que des exploitations minières illégales dans la région de Madre de Dios, des effondrement minier à Ancash, des marées noires en Amazonie, la déprédation dans les réserves écologiques telle que Chaparri, augmentant le risque d’extinction d’espèces menacées, et la déforestation exacerbées provoquant la perte de 164 662 hectares de forêt tropicale amazonienne en 2016, ce qui mit en danger la santé et l’équilibre environnemental.
L’archéofuturisme donc, n’est pas la misanthropie cachée du transhumanisme, nourri par l’idée d’un progrès infini, qui déteste l’être humain ordinaire, limité par ses faiblesses biologiques. L’archéofuturisme n’est pas non plus, et ne sera jamais, un transhumanisme conservateur. L’archéofuturisme est la réaffirmation d’un amour authentique des potentialités de l’humain originel en tant que tel, dans la mesure où il est évident que l’idée moderne du progrès, tel qu’il fut dénoncé par Rousseau (1750), génère un être riche matériellement et techniquement puissant, mais moralement répugnant.
Un grand merci à Olivier Dubuis pour la traduction
11:24 Publié dans Définitions, Nouvelle Droite, Philosophie, Synergies européennes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : guillaume faye, définition, nouvelle droite, archéofuturisme, vitalisme, philosophie, synergies européennes | |
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par Christopher Gérard
Ex: http://archaion.hautetfort.com
Quelle surprise de voir paraître un essai intitulé En cherchant Jean Parvulesco, sous la plume de Christophe Bourseiller, journaliste, spécialiste de l’ultragauche… et surtout connu comme acteur. Fils de comédiens, il apparaît en effet très jeune dans trois films de Jean-Luc Godard, son « parrain », aux côtés, le veinard, de Marina Vlady ou de Macha Méril. Avec le recul, il se voit comme un « singe savant » ou, plus âgé (dans les films d’Yves Robert ou de Claude Lelouch), comme « un pitre plein de morgue ».
En réalité, le livre est une sorte de lettre à Godard, pleine d’amertume. Sa première moitié est centrée sur le cinéaste, à la fois placé sur un piédestal et cible de reproches plus ou moins implicites. A l’origine, la fameuse scène d’A bout de souffle où Jean-Pierre Melville, qui joue le rôle d’un écrivain qui s’appelle Jean Parvulesco, répond à Jean Seberg que sa plus grande ambition dans la vie est de « devenir immortel, et puis mourir ».
Christophe Bourseiller semble s’agacer a posteriori de l’importance accordée par Godard à cet inconnu, car, en 1960, Jean Parvulesco n’a rien publié ; il grenouille dans les milieux de la Nouvelle Vague avec Alfred Eibel et Michel Mourlet. Ce futur auteur ésotérique, ami d’Abellio et de Rohmer, proche d’Eliade et de Melville, justement, est en train de devenir une figure mythique. Fut-il un agent de la Sécurité militaire française, voire des services britanniques, dans la Vienne du Troisième Homme ? Quel fut son rôle occulte dans certain gouvernement provisoire en exil à Madrid ? Sauva-t-il l'acteur Maurice Ronet d’une plongée fatale dans la guérilla anti-marxiste en Angola ? Mystère et boule de gomme.
Tout au long des pages, le lecteur perçoit chez Christophe Bourseiller un mélange de fascination ennuyée pour Parvulesco, perdant complet aux yeux de cet homme installé (professeur à Sciences Po, chez lui dans tout l’appareil politico-médiatique) et aussi de profond ressentiment à l’égard de Godard. Nous passons de l’une à l’autre sans toujours savoir où veut en venir ce Narcisse contrarié. Parfois pointe l’impression que l’exilé roumain sert de stylet dans un règlement de compte.
Bourseiller n’est pas écrivain, juste un journaliste – lui manque hélas ! la patte du styliste pour décrire ce malaise. D’où ma déception à lecture de son livre, qui n’est pas vraiment une enquête ni une descente en soi-même. Dommage.
En un mot comme en cent, l’énigmatique Jean Parvulesco (1929-2010), un ami regretté, qui écrivait « dans un but de guerre eschatologique finale », le voyant extra-lucide entre burlesque et vision, le continuateur en géopolitique de Karl Haushofer -Endkampf pour le bloc continental ! -, le conspirateur-né et le flamboyant mythomane, cette figure attachante des décennies durant d’un certain underground, attend toujours un livre digne de lui.
Christopher Gérard
Christophe Bourseiller, En cherchant Jean Parvulesco, La Table ronde, 128 pages, 14€
Voir aussi :
http://archaion.hautetfort.com/archive/2010/11/24/exit-je...
00:15 Publié dans Jean Parvulesco, Littérature, Livre, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean parvulesco, livre, littérature, littérature française, lettres, lettres françaises | |
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De la morale
En hommage au Prince de Ligne
par Luc-Olivier d'Algange
La fin du siècle dernier pouvait, aux regards distraits, laisser croire que le temps de la morale sévère était révolu et que, par un assentiment général, on allait pencher vers une sorte d'hédonisme démocratique et universel, ainsi que le laissaient à entendre les théoriciens de la « fin de l'Histoire » et les mœurs les plus ostentatoirement affichées. Force est de constater qu'il n'en fut rien; nous voici en des temps où la morale la plus âpre, la plus « indignée », souvent persécutrice, s'exerce sur tous les fronts.
Rien ne vaut, pour prendre la mesure du présent que de prendre conseil d'un Maître plus ancien, et, peut-être, de tenter de voir par ses yeux ce que nous sommes devenus. A cet exercice de dioptrique morale, nul ne nous invite mieux que le Prince de Ligne.
Un esprit hâtif, jugeant ses œuvres d'après ses titres et l'homme par la réputation que lui firent ses contemporains, serait enclin à le classer, comme on classe un dossier, pour s'en défaire comme d'un legs obsolète, parmi les libertins du XVIIIe siècle, auquel, certes, il appartient mais dont il se dégage par sa désinvolture même. Nul ne fut moins idéologue que le Prince de Ligne; ses voltes ne sont pas des révoltes: elles surgissent de son propre mouvement, lequel est guidé par le goût, cette notion française par excellence.
Il faut lire l'auteur des Contes immoraux et de Mes Ecarts, pour comprendre que la morale demeure son grand souci, que ses goûts ne cessent d'alerter son intelligence et que celle-ci, si libre qu'elle soit dans ses exercices, demeure ancrée dans une idée du beau indissociable du bien; idée d'autant plus exigeante qu'elle ne s'abandonne jamais à la confusion ou à l'outrance. Une certaine longanimité est nécessaire afin que l'expression de ce que l'on croit être le bien ne soit pas une grimace. La formule bien connue du Prince de Ligne: « Etre heureux et rendre heureux » nous semblerait une morale minimale, sinon minimaliste, si l'on ne s'avisait aussitôt qu'elle est, à tout le moins, plus difficile à exercer que son contraire, « être malheureux et rendre les autres malheureux », - ce qui pourrait être la devise des moralisateurs puritains.
Réduire la morale, pour le Prince de Ligne, ce ne sera pas lui accorder un statut inférieur, mais la réduire, presque au sens d'une « réduction phénoménologique », la décanter, en révéler l'essence, lui ôter ses écorces mortes, la délivrer de ses idolâtries forcenées, afin qu'elle nous revienne, calme, et source des heures heureuses.
Une morale décantée est une morale concrète, une morale du cas particulier qui ne se laisse pas fasciner par l'abstraction, par ces généralisations abusives, et fausses, qui seront, ultérieurement, au principe des contraintes les moins légitimes: « J'ai souvent vu ces Messieurs, qui travaillent pour le bien des hommes en général, ne pas assister un homme en particulier. Ils me rappellent cet Anglais qui, après avoir passé la nuit à travailler contre la traite des nègres et leur esclavage, tirait tous les jours les oreilles au sien, parce qu'il se levait un peu trop tard. »
La morale décantée par le bonheur, celle, enfin, qui sait qu'elle retrouve sa raison d'être en se délivrant du ressentiment, est d'abord délicatesse, - cette subtile science de ne point offenser: « Je trouve horrible à un homme d'esprit d'attraper un sot. Qu'il attrape un autre homme d'esprit, s'il le peut. Celui des deux qui sera l'attrapé est à coup sûr le plus présomptueux des deux ». Mes Ecarts, ou ma tête en liberté propose une morale, non point générale et déclarative, non point présomptueuse ou fière mais humble à sa façon, parfois pyrrhonienne, pratiquant la « suspension de jugement », mais seulement jusqu'au point où ne défaille l'impératif premier de « rendre heureux ».
Notre temps est aux justiciers, c'est dire à l'outrecuidance fondée sur la méconnaissance de la nature humaine. Punir est la grande affaire de ces esprits à la fois naïfs et retors, - naïfs car ils s'imaginent accroître l'empire du Bien, alors qu'ils ne font que leur propre bien, au détriment d'autrui, et retors car l'usage excessif de la mauvaise foi, qui est le filigrane de leurs arguties, en fait des sophistes controuvés et perpétuellement menaçants. A l'inverse, le style du Prince de Ligne témoigne du juste, qui est plus profond que la Justice, de même que la civilité est plus profonde que la civilisation. La juste formulation est pour lui, comme elle le fut pour Confucius, la garante de l'harmonie entre les hommes. Au juste, en tant qu'épithète plutôt qu'à la Justice, en tant qu'hypostase, va la préférence du Prince de Ligne: « Il est souvent de la justice de ne pas faire justice ».
Le Prince de Ligne, réputé homme d'esprit, et que ses mauvais disciples imitent en rivalisant d'arrogance, nous semble d'abord un homme de cœur, ayant la vigueur de l'homme de cœur, c'est dire le courage de celui ne s'en conte pas. La certitude, la remontrance, le grief ne sont pas fort: « Malheur aux gens qui n'ont jamais tort, ils n'ont jamais raison ». Sa leçon est de ne point faire leçon. Il s'adresse au lecteur avec amitié et ne porte pas plus loin ses maximes, dans l'idée qu'il s'en fait, que des propos de table. Ce convive, qui n'est pas de pierre, ne veut pas imposer sa loi mais se rendre aimable, simplement, et sans ambages: « Une seule chose peut nous ennoblir, c'est élévation de l'âme. Mais mon Dieu ! Que cela devient rare ! On en avait plus quand on avait pas tant d'esprit ».
Encore que le ton donné à ses propos, à ses contes, soit porté par un résolu carpe diem, que sa sagesse soit enclose dans la célébration du moment présent et que ses regards soient orientés en avant, vers le bonheur attendu, vers l'un de ces « commencements amoureux » qu'il préfère à toutes les vanités mondaines, voire aux gloires de l'héroïsme, parfois lui pointe une nostalgie pour des temps plus nobles et d'une plus haute vigueur, mais cette nostalgie même lui est un encouragement à vivre pour en délivrer les sources empierrées.
S'il y eut jadis cette vigueur, eh bien, qu'elle soit ! Le Prince de Ligne, telle est son intelligence appliquée aux situations, n'avait nul besoin de connaître quelque philosophie existentialiste pour comprendre qu'il faut tout jeter dans le feu de l'acte d'être, dans « l'être-là », et avec ces quelques brins de folie qui font, selon la formule d'Héraclite, « le feu mêlé d'aromates ». L'ataraxie ne lui vaut guère. Plus danseur que stylite, et danseur dionysien, qui fait « danser la terre », selon la formule antique, d'une danse où l'on s'oublie pour faire corps avec quelque mouvement plus grand que nous, le Prince de Ligne préfèrera la danse des Cosaques ou « des jeunes femmes grecques et des beautés de Géorgie et de Circassie » à « la grâce stupide et importante d'un menuet, accompagné d'un sourire en donnant la main, avec un sot balancé ».
Plus on le fréquente et mieux l'on comprend que le Prince de Ligne, tout immoraliste qu'il se donne, célèbre les vertus, au sens étymologique, non la vertu des ligues et des censeurs, des jaloux et des aigris, mais les vertus immémoriales, de bonne venue, qui font les gens de bonne compagnie, les vertus qui sont générosité et vigueur: « Je ne vois plus d'envie de s'amuser: tous les esprits sont lents; plusieurs sont pesants; on croit aux impossibilités. On se laisse aller à une vie uniforme, à une monotonie insupportable; on n'a plus qu'une sourde ambition. »
La force qui ne se représente pas, la force sans la prétention au bon droit, est pour le Prince de Ligne la preuve, et la condition, de la bonté heureuse, faite pour le bonheur, et pour en donner, sans pour autant déroger à ces goûts dont on hérite et dont on inventera le jour qui vient; il nous offre ainsi de ces phrases souveraines, que l'on voudrait pouvoir faire siennes: « On n'a que des bonheurs d'enfant. Je ne connais pas de carrière plus heureuse que la mienne. Le remord, l'ambition, la jalousie n'en ont jamais troublé le cours ».
L'exemple de sagesse vaut mieux que la leçon de sagesse. L'intuition du Prince de Ligne précède la grande pensée morale de Nietzsche: le ressentiment est l'écueil affreux; sans la jalousie, il y aurait du paradis sur terre. Or, pour le Prince de Ligne, héritier des Moralistes du XVIIe siècle, que Nietzsche affectionnait particulièrement, cette jalousie tient à la boursoufflure, à l'importance que l'on se donne et que l'on se joue: « C'est l'importance que je reproche le plus à tout le monde. Les dévots, par exemple, s'imaginent que Dieu même doit leur savoir gré de leurs soins. »
S'il est une mauvaise dévotion et de sinistres dévots, - et celle-ci ne dira la grandeur de Dieu que pour affirmer ce que ceux-là pensent être la leur, et leur droit à méconnaitre la simple dignité des êtres et des choses, - il est cependant, pour le Prince de Ligne, une bonne dévotion, qu'il prend la peine de définir, « la dévotion de bonne foi d'une âme tendre et un peu exaltée, d'un cœur juste et pur ». Ce qu'il nous en dit, de la façon exquise qui lui est propre, vaut singulièrement pour notre temps: « Ce dévot, tel que je l'entends, avec toutes les aimables vertus de la société, ne dira, ni ne fera, ni ne désirera le mal. Il ne scandalisera pas, il ne condamnera personne et tirera d'affaire une jolie femme que les lois de bien des pays condamnent à la mort pour le plus joli petit péché du monde ».
Mesurons, en passant, l'effroyable régression de la morale depuis l'heureux Prince de Ligne. Prenons à cœur de recevoir ce qu'il nous donne sans prétendre à nous édifier, sans nous livrer à ces rituels spectaculaires où la défense du « Bien » devient une forme d'hystérie; et songeons enfin, avec une « bienveillance » enfin non galvaudée, mais résolue à les défendre, à ces « plus jolis petits péchés du monde » qui désormais, ne seront, parfois, que de laisser ses cheveux au vent et ses regards aux couleurs de la vie.
Cet homme particulièrement actif, qui fut guerrier, cosmopolite à sa façon, galant, connaisseur des hommes et des femmes pour en avoir fréquenté diverses sortes en divers lieux plus qu'à son tour, fut aussi, on le sait moins, un contemplatif et un rêveur, pour lequel l'imagination était, non pas « la folle du logis », mais l'une des facultés reines de l'esprit humain. Entre ses excursions d'homme pressé par le sentiment de la brièveté de la vie, entre ses voyages et ses conquêtes, le temps des heures creuses n'est nullement, pour le Prince de Ligne, du temps perdu ou gâché, mais un temps qui s'approfondit, un temps en conque marine où se rassemblent des rumeurs de réminiscence et de songe. Sa façon d'écrire, tout en musiques sous-jacentes, et de voir, tout en couleurs et nuances, tient à ce temps-là, qui n'est plus le temps de l'usure et de la mort.
Le Prince de Ligne, dont l'imagination n'est pas moins visuelle que musicale, nous entraîne en des tableaux vivants, comme le savent les véritables amateurs qui, plutôt que de gloser sur l'histoire de l'art, aiment à se promener dans les arrière-plans des peintures illustres et, dédaignant le motif principal, le sujet historique ou religieux représenté, préfèrent s'imaginer, promenant ou divagant, sous le soleil peint là-bas comme sous un vrai soleil, au milieu des cyprès, ou dans sa nuit, sous d'indiscernables feuillages, comme dans une nuit véritable. Au repos, un repos gagné par la vigueur dépensée, livré à sa songerie, le Prince de Ligne ne dédaigne pas, en homme de son temps, à imaginer quelque cité idéale, qui serait, non l'accomplissement d'une idéologie, toute idéologie étant la préméditation d'un massacre, mais un reflet de son âme, qui est une âme chromatique: « Je voudrais qu'on s'attachât plus aux couleurs qu'on ne le fait ». Dans cette cité, advenue, non par la vengeance des envieux mais par un rêve venu de loin, peut-être de quelque conque marine atlantidéenne, il y aurait, précise le Prince de Ligne un beau climat « Astrakan, par exemple, ou Poltava, quelque part où l'été ne fût pas trop chaud, avec très-peu d'un hiver assez léger ». On y verrait des « brunes vêtues de bleu » et des « blondes, de rose cendré ». « La mort viendrait, je crois, plus tard qu'ailleurs descendre sur cette jolie ville ».
Luc-Olivier d'Algange
12:27 Publié dans Histoire, Hommages, Littérature, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : prince de ligne, 18ème siècle, hommage, lettres, lettres françaises, littérature, littérature française, philosophie morale, morale | |
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L'immaturité de la diplomatie européenne
Par Ricardo Teixeira da Costa
Ex : https://geopol.pt
L'Union européenne a une fois de plus fait preuve de son immaturité diplomatique, et mis en évidence ses maillons faibles, en déclarant hier à l'unisson trois diplomates russes personae non grata.
Après le premier voyage désastreux de Josep Borrell à Moscou, où il s'est révélé être un bien piètre diplomate face au colossal Lavrov, l'Allemagne, la Pologne et la Suède ont décidé de prendre une revanche digne d’un jardin d’enfant et ont retiré les lettres de créance de trois diplomates russes de leurs territoires.
Sans invoquer aucune raison juridique pour de telles décisions, démontrant que leur diplomatie est guidée par des instincts risibles et non par des critères rationnels, ils ont même précisé que l'action était coordonnée entre les trois et obéissait au principe de réciprocité, en représailles à une décision "similaire" de Moscou quelques jours plus tôt.
Moscou n'a pas retiré ses lettres de créance suite à un déchaînement d'émotions, mais parce que les diplomates européens en question étaient impliqués dans des activités illégales sur son territoire. Mais l'UE, qui ressemble de plus en plus aux États-Unis, ne connaît pas le principe de non-intervention. Elle suppose qu'elle peut agir sur le territoire russe comme elle ne l'admettrait jamais sur le sien.
Peut-on imaginer la réaction de Berlin si des diplomates russes devaient participer à des manifestations de rue non autorisées contre Mme Merkel ? Eh bien, renversons les événements, soyons honnêtes et regardons l'énorme hypocrisie que révèle ce feuilleton, dont le seul motif est un citoyen russe condamné par la justice russe pour fraude et corruption sur le territoire russe.
Qu'implique donc toute cette escalade perpétrée par des technocrates bruxellois et par la presse occidentale à l'heure actuelle ? Je suppose qu'il s'agit d'une escalade délibérée dans certains secteurs, et qu'elle sert d'entrée en matière pour le Conseil européen de mars, au cours duquel les dirigeants de l'UE jetteront les bases de leurs futures relations avec la Russie. Nous savons que la question énergétique, l'Ukraine et le Belarus sont des points chauds et qu'il y a des intérêts majeurs à boycotter un accord entre l'Europe occidentale et le géant eurasien.
Étant donné que, de l'autre côté de l'Atlantique, la nouvelle administration progressiste a déjà fait savoir qu'elle "n'hésitera pas à augmenter les coûts pour la Russie", il faut s'attendre à ce que l'UE soit incitée à se tourner vers Joe Biden, où les nostalgiques des années Obama et de son humanitarisme mondial ne manqueront pas, comme en témoignent le coup d'État en Ukraine et les bombardements en Afghanistan, en Irak, au Yémen, en Syrie, en Libye, en Somalie et au Pakistan, ainsi que les vagues de réfugiés qui en ont résulté. Est-ce là ce qu'ils veulent pour l'Europe dans le monde ?
En tant que Portugais, et avec notre influence limitée, il est souhaitable que nous fassions savoir clairement que nous insistons sur la voie diplomatique et que nous croyons en la bonne foi de nos collègues à l'autre bout du continent, notamment parce que l'Europe n'est pas seulement une réalité géographique, mais surtout une réalité civilisationnelle, et que la compréhension entre l'Est et l'Ouest est une nécessité et n'est qu'une question de temps.
11:52 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique internationale, diplomatie, europe, affaires européennes, russie | |
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