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lundi, 14 mai 2018

Face à l’«Imperium juridique» des États-Unis

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Face à l’«Imperium juridique» des États-Unis

Ex: http://echelledejacob.blogspot.com

Sans rire : UE versus USA

Pour certains, ils n’oseront pas, pour d’autres ils seront obligés d’oser. Ainsi trouve-t-on sur le site TheDuran.com, à quelques heures d’intervalle, un texte affirmant que les Européens ne réagiront pas face aux USA, qu’ils n’oseront pas (Alexander Mercouris), et un autre disant qu’ils le feront pas, qu’ils réagiront directement contre les USA (Frank Sellers)... En l’occurrence, TheDuran.com ne se contredit pas, il expose loyalement le débat qui s’est immédiatement ouvert depuis la décision de Trump de jeudi de sortir du JCPOA.

Un des aspects qui n’est pas le moins important, tant s’en faut, des effets de la décision de Trump de sortir du traité JPOAC avec l’Iran, c’est de placer les USA et l’UE sur ce qu’on nomme dans leur langage transatlantique commun a collision course. On sait de quoi il s’agit : les exorbitants pouvoirs d’exterritorialité que s’est attribuée la justice américaniste, qui permettent, en l’espèce, de punir une société non-US, essentiellement une société d’un pays de l’UE puisque c’est de cela que nous parlons, qui contreviendrait au diktat des USA interdisant tout commerce avec l’Iran, et serait lourdement punie par une amende au montant astronomique.

On a connu tant et tant de situation de confrontation potentielle entre UE et USA qui, finalement, se réglaient “à l’amiable” selon une situation de compromis qui était une capitulation à peine déguisé de l’UE, qu’on a peine à croire qu’on puisse aller jusqu’à une confrontation. Ce n’est pas l’absence de moyens, d’“armes”, qui prime en la circonstance, mais l’hypothétique manifestation d’une volonté politique et d’un courage dans l’action des Européens. Les pays de l’UE ont tout l’arsenal nécessaire pour résister, voire répliquer à ces actions de piratage juridique des USA, et c’est donc bien une affaire de volonté politique pour cette psychologie européenne qui a si souvent montré son américanisation et son zèle pour la vassalisation.

Quelles sont les circonstances qui font de ce cas plus une exception qu’un cas routinier de capitulation assurée des pays européens ? Car c’est bien le cas... L’Europe se trouve devant une situation économique, juridico-financière et surtout politique, où elle est directement engagée du point de vue de ses intérêts économiques, où elle est directement engagée en confrontation directe avec les USA, dans une circonstance qui représente l’un des seuls accomplissements solides et de poids d’une pseudo-“diplomatie européenne” ; et encore, jusque dans la possibilité d’un enchaînement pouvant entraîner par ailleurs des conditions catastrophiques d’affrontements d’engagement militaire où elle n’aurait aucun poids d’influence si elle capitulait aussitôt devant les USA. A ces exceptions de circonstances objectives de la situation, s’ajoutent les exceptions de circonstances disons subjectives qui aggravent les conditions générales et rendent tout arrangement (entre UE et USA), y compris la capitulation avec un peu de cosmétique “pour sauver la face”, – c’est-à-dire tout sauf la capitulation sans conditions extrêmement difficile sinon presque impossible.

• L’Iran est dans une situation juridiquement solide et dans une situation politique loin d’être isolée. (L’isolement,c’est plutôt pour la bête déchaînée que sont devenus les USA.) L’Iran est économiquement activement soutenu par la Russieet la Chine, et tous les pays de ce bloc hors-bloc-BOA, qui pourraient trouver dans le soutien apporté à l’Iran un moyen non négligeable de réduire la nocivité de l’action des USA, voire d’attaquer son statut de superpuissance entrée dans une folie d’entropisation en activant la crise interne à Washington D.C.

• Car Washington D.C. est plus que jamais “D.C.-la-folle”. La décision de Trump, si elle est soutenue par les divers extrémismes qui pullulent comme des rats dans un égout dans la capitale du Système, n’empêche en rien l’hostilité qui se poursuit dans autant de milieux divers contre l’actuel président. (Par exemple, la conviction de l’équipe Trump est bien que, si les démocrates emportent les élections dites mid-termde novembre prochain, pouvant aller jusqu’à la majorité dans les deux Chambres, une procédure de destitution sera lancée contre lui, – pour le motif, on verra le moment venu, n’est-ce pas...) Il ressort de tout cela que Trump reste dans une position délicate tout en sachant que l’opposition au retrait du JPCOA ne peut s’exprimer en tant que tel, – malgré certaines critiques sur l’isolement des USA ; ainsi Trump a-t-il d’autant plus tendance à être intransigeant, y compris avec les Européens d’ailleurs, – et cette intransigeance rejoignant l’une des facettes exubérantes de son hypomanie narcissique..

C’est bien là notre argument essentiel, de considérer le retrait du JCPOA d’un point de vue politique, selon deux perspectives : 1) l’extrémisme de la décision, impliquant la possibilité d’un conflit catastrophiste dont personne sauf les extrémistes qu’on sait, ne veut ; 2) l’état de crise également catastrophique où se trouvent les USA, qui font de cette monstrueuse puissance une tourmenteuse du reste du monde aux abois et au bord de l’effondrement. Dans ces conditions, la crise iranienne contient tous les ingrédients pouvant conduire au paroxysme d’une crise générale, impliquant tous les acteurs, et poussant d’ores et déjà les uns et les autres à assurer des positions aussi fermes que possibles dans la tempête qui pourrait éclater. Ce raisonnement vaut évidemment au premier chef pour les pays européens. Ils n’ont jamais brillé ni par leur courage, ni par leur indépendance d’esprit et de politique d’une part ; ils n’ont jamais rencontré de circonstances qui impliquent la possibilité d’une criss aussi catastrophique que celle qui se dessine d’autre part. On voit qu’il y a assez d’incertitudepour envisager que, cette fois, la partie n’est pas jouée et que les Européens pourraient être obligés de réagir, au cas par cas ou collectivement. Nous sommes dans une époque où les évènements décident, et dans certains cas même la couardise et la servilité ne parviennent pas à en contenir les effets.

Cela ravirait Pierre Lellouche, ce “jeune loup” proaméricaniste largement chouchouté par les amis de Washington au début de sa carrière (fin des années 1970), devenu, notamment au cours de la présidence Sarkozy, un spécialiste et un avocat ardent d’une riposte européenne aux entreprises de pressions et de chantage des USA vis-à-vis de l’Europe. Il donne ici plusieurs avis en réponse à une interview de Maxime Perrotin pour Spoutnik-français, texte publié hier soir, 11 mai 2018, et que nous reproduisons ici.
dedefensa.org
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Face à l’«Imperium juridique» des États-Unis

Avec le retour des sanctions contre l’Iran, l’extraterritorialité du droit américain est à nouveau sous les projecteurs. Face à cette situation, les hommes politiques français multiplient les «moulinets diplomatiques», regrette l’ancien Secrétaire d'État de Nicolas Sarkozy, Pierre Lellouche, auteur d’un rapport sur cette épineuse question.

«Il n'y a pas vraiment de surprise à découvrir que nous avons en fait à faire à un Imperium juridique américain, à un mur extrêmement complexe de textes de loi que les Américains n'hésitent pas à faire appliquer aux entreprises étrangères. Ce qui, naturellement, enlève toute souveraineté aux pays européens», déclare à Sputnik Pierre Lellouche, ancien Secrétaire d'État des Affaires européennes.

Trois à dix-huit mois, c'est le délai que le département du Trésor américain accorde aux entreprises françaises et européennes pour quitter l'Iran et mettre un terme à tout contact avec la République islamique. Un ultimatum qui fait suite à la décision de Donald Trump de claquer la porte de l'accord sur le nucléaire iranien et de rétablir les sanctions américaines à l'encontre de Téhéran.

Une décision unilatérale du Président américain de se retirer d'un accord négocié et avalisé par le Conseil de Sécurité, paraphé en 2015 par son prédécesseur, contre laquelle des voix s'élèvent à Paris, Berlin, Londres et Bruxelles. Jeudi 10 mai, à l'occasion du prix Charlemagne, Emmanuel Macron a plaidé en faveur d'une «souveraineté européenne», appelant notamment à ne pas être «faibles» et ne pas «subir» les décisions de gouvernements étrangers.

Vendredi matin, Bruno le Maire, affirmant s'inscrire dans la ligne du Président de la République déclarait sur le plateau d'Europe1 qu'il «est temps que l'Europe passe des paroles aux actes en matière de souveraineté économique» et se dote des «mêmes instruments dont disposent les États-Unis» afin de défendre leurs intérêts.

Une déclaration fort louable. Mais pour Pierre Lellouche, les déclarations d'intention ne suffiront pas, bien au contraire. Pour l'ancien député Les Républicains, auteur d'un rapport consacré justement à la problématique de l'extraterritorialité du droit américain, «la question d'une réaction européenne est à la fois une question économique et politique fondamentale»:

«Si l'Europe accepte cette décision sans réagir, elle aura montré spectaculairement qu'elle n'existe pas et qu'elle n'existera plus sur les questions politiques majeures du monde, même quand ces questions soulèvent directement la sécurité de 500 millions d'Européens.»

Des déclarations politiques que l'ex-député assimile donc pour l'heure à de «faux semblants». «On ne peut pas prétendre que ces sanctions sont une surprise, puisqu'elles sont appliquées par les États-Unis depuis 40 ans», insiste-t-il.

Reste à savoir de quelle manière réagiront les Européens. Toujours lors de son interview à Europe1, le ministre de l'Économie précise avoir «demandé des exemptions ou des délais d'application plus longs à son homologue américain.» Une voie sans issue, estime Pierre Lellouche, qui rappelle que jusqu'à présent, le Président américain n'a jamais, en matière de politique extérieure, considéré l'avis de ses alliés européens.

«Toutes les visites qui ont été faites par les Européens à la Maison-Blanche n'ont eu aucun résultat. Il ne faut pas se leurrer, si nous conservons le rôle de simples quémandeurs, demandant à Trump de bien vouloir nous donner des exemptions, on risque d'être lourdement déçus.»

Qu'ils s'agissent des récentes sanctions mises en place sur l'acier et l'aluminium, de la relocalisation dans la ville de Jérusalem de l'ambassade américaine en Israël ou de l'accord de Paris, force est de constater que les Européens n'ont pour l'heure jamais obtenu gain de cause face à Donald Trump,

«La seule chose que Trump et le Congrès vont respecter, c'est un rapport de force avec les Européens. Donc, il faut absolument que le Président Macron obtienne des autres Européens une position ferme et à défaut, au moins qu'on se fasse respecter, seul, en prenant au plan national les lois de blocages qui s'imposent.»

Pour Pierre Lellouche, les Européens doivent «commencer à se faire respecter» par Washington. Pour ce faire, des solutions existent, tant à l'échelle européenne que nationale, d'autant plus que la Commission européenne a déjà remporté des bras de fer avec le Trésor américain, notamment sur l'Iran, grâce à un recours devant l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Une procédure que Pierre Lellouche invite les responsables européens à réitérer, en publiant la liste des entreprises américaines qui pourraient être visées par des contre-mesures.

Pour lui, l'Europe «doit envoyer un signal fort à l'allié américain. On ne peut pas accepter de subir ce que décident unilatéralement les États-Unis.» Il rappelle également l'existence des lois de blocage qui ont vu le jour lors des précédentes passes d'armes entre les deux rives de l'Atlantique, au siècle dernier, comme en 1996 face à la loi Helms-Burton renforçant l'embargo sur Cuba.

«Les lois de blocage interdisent aux sociétés européennes ou aux sociétés du pays concerné de se soumettre au droit d'un pays étranger- en l'occurrence au droit américain- sous peine de sanctions fortes. Donc ces lois existent, elles existent même dans les codes juridiques français, nous avons des lois de blocage depuis 1968.»

Preuve que même des États européens isolés peuvent, pour l'heure, obtenir des résultats vis-à-vis des sociétés américaines, Pierre Lellouche revient sur son expérience de député:

«J'entends beaucoup de moulinets diplomatiques, mais on demande des exemptions, on va quémander des exemptions aux États-Unis. La seule façon de les obtenir, c'est de créer un rapport de force. Quand les Européens taxent Apple, je peux vous dire que les Américains font attention! Quand j'ai mis dans la loi Sapin II une clause qui permet de poursuivre les filiales d'entreprises américaines situées en France pour des actes de corruption commis à l'autre bout du monde, ça, ils l'ont parfaitement noté. Mais il appartient d'établir cette crédibilité.»

Des sanctions, qui ont coûtées cher à la France par le passé, à BNP Paribas et Alstom pour ne reprendre que les plus médiatiques. À l'échelle du vieux continent, ce ne sont pas moins de 38,5 milliards d'euros qui ont été versés — ces dernières années — par les entreprises européennes aux autorités américaines, d'après Jean-Michel Quatrepoint, auteur d'un ouvrage sur le scandale politico-judiciaire du rachat Alstom par son concurrent américain General Electrics. Des sanctions unilatérales américaines qui, comme le souligne Pierre Lellouche, sont à géométrie variable, revenant sur le cas de la banque française :

«Figurez-vous que Trump a levé les sanctions contre le Soudan. Le Général al-Bashir, qui commande le Soudan et qui est un dictateur épouvantable et sanguinaire, qui était soumis à des sanctions, brutalement est libéré de ces sanctions et devient un allié des États-Unis. Très franchement, si j'étais l'avocat de la BNP, je demanderais à être remboursé.»

Pierre Lellouche, en bon juriste et ancien Secrétaire d'État chargé des Affaires européennes, tient à rappeler, en trois points, les mesures qu'il suggère d'appliquer afin de sortir du piège des sanctions américaines.

«1) Une saisine de l'OMC, pour une initiative contraire au commerce international
2) une interdiction à nos entreprises de s'y plier, c'est la directive de blocage de 96, qui peut être complétée, y compris avec des lois de blocages prises au niveau national et
3) il convient de publier la liste des entreprises américaines qui seraient susceptibles de subir des sanctions dans la mesure où elles bénéficieraient des problèmes causés à leurs concurrents européens.»


Reste à savoir si de telles mesures, sur le long terme, seront suffisantes. Qui plus est dans une Europe où ses 28 membres n'ont pas tous les mêmes intérêts, ni la même volonté de s'opposer aux décisions américaines. À bon entendeur…

Maxime Perrotin, interview de Pierre Lellouche

dimanche, 13 mai 2018

Manuel Ochsenreiter »Russland, USA, Europa. Souveränität und Hegemonie«

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Manuel Ochsenreiter »Russland, USA, Europa. Souveränität und Hegemonie«

 
Manuel Ochsenreiter spricht über die geopolitischen Zusammenhängen in Bezug auf Syrien aber auch beispielsweise die Ukraine und die USA und wie diese in deutsche und europäische Politik hineinreichen. Besonders brisant war dies vor den in der Nacht zuvor durchgeführten, völkerrechtswidrigen aber folgenlos bleibenden Luftschlägen der USA und deren Verbündeten gegen Syrien und dessen Machthaber Assad.
 
Weiterführende Informationen:
staatspolitik.de
sezession.de
antaios.de
 

La société ouverte contre l’Europe et la Moldavie

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La société ouverte contre l’Europe et la Moldavie

par Pierre-Antoine Plaquevent

Ex: http://www.les-non-alignes.fr

Voici la version écrite d’une conférence donnée au cours du colloque : « L’Europe, une civilisation politique ? La politique pour éviter la guerre ». Colloque organisé par les éditions « BIOS » en partenariat avec les éditions « Le retour aux sources ». J’y intervenais aux côtés de Robert Steuckers, Tomislav Sunic, Alessandro Sansoni et Laurent Hocq. ERTV couvrait l’événement. 

Au cours de cette conférence j’ai rappelé l’importance (déjà évoquée début 2018) des rencontres non-alignées de Chișinău ainsi que la place de la Moldavie dans le contexte géopolitique actuel. J’ai ensuite développé les différentes technologies politiques employées afin de déstabiliser puis de recomposer les équilibres des régions convoitées par le globalisme. En fin de conférence j’ai évoqué quelques pistes qui pourraient nous permettre de concevoir nos propres outils de cyberpolitique ; ceci afin de contrer l’ingénierie métapolitique qui est employée contre les populations par les forces de la société ouverte. 

Je profite de l’occasion pour signaler à nos lecteurs, la parution prochaine d’un livre sur ces thématiques aux éditions du Retour aux sources. Il s’agit d’une étude approfondie que j’ai réalisée durant les derniers mois sur la méthodologie et l’idéologie des réseaux Soros et plus largement sur la notion de « société ouverte ». La société ouverte comme projet métapolitique de transformation et d’ingénierie social furtif ; un projet qui se rattache à un courant d’idées et de pratiques politiques qui modèlent et traversent toute l’histoire contemporaine. Ce premier livre politique se veut à la fois un travail d’investigation autant qu’un exposé de la philosophie politique du globalisme. A suivre prochainement …

Pierre-Antoine Plaquevent

Forum de Chișinău, une plateforme non-alignée contre le globalisme

L’événement métapolitique le plus important de la fin de l’année 2017 fût sans conteste le second forum eurasiste de Chișinău. Un colloque qui fera date, tant par l’appui que lui a apporté l’exécutif moldave que par la qualité de ses participants et de leurs interventions. De par la variété des intervenants et du public présent, on peut dire que populistes et conservateurs se sont retrouvées à Chisinau en décembre dernier afin de penser et de projeter l’alternative possible à la marche en cours vers le globalitarisme. L’ensemble des conférences et travaux du colloque sont disponibles sur le site moldave flux.md/fr dont Iurie Rosca est le rédacteur en chef ainsi que sur le site du saker : lesakerfrancophone.fr ou encore sur geopolitica.ru.

Igor Dodon, un président illibéral et continentaliste sous pression

Cet événement qui a reçu l’appui de l’exécutif moldave se tenait dans un contexte géopolitique difficile : la Moldavie s’efforçant de maintenir une position d’équilibre entre Est et Ouest, entre Union-Européenne et Union Eurasiatique malgré les tensions entre Occident et Russie. Le Président de la République de Moldavie, Igor Dodon, a ainsi évoqué le rôle stratégique que peut jouer la Moldavie en se positionnant comme interface géoéconomique et géostratégique entre l’Union Européenne et l’Union Eurasiatique.

Ainsi, après s’être défini comme « résolument souverainiste », Igor Dodon a rappelé lors de son discours inaugural la nécessité de revenir à la vision gaullienne d’une Europe-puissance et à l’axe stratégique Paris-Berlin-Moscou comme alternative à la construction européenne actuelle. Pour le président Dodon, la voie de l’indépendance pour une nation de la taille de la Moldavie passe par le multilatéralisme et le non alignement plutôt que par l’unipolarité et l’adhésion univoque à l’agenda occidental.

Le président Dodon a aussi évoqué la situation économique critique de la Moldavie qui se trouve face à une grave hémorragie de ses forces vives en direction de l’Union-Européenne. Une hémorragie qui ne pourra être freinée que par une relocalisation partielle de l’économie moldave.

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Dans cette perspective, Igor Dodon s’était prononcé en 2017 en faveur d’une annulation par son parlement de l’accord commercial signé avec l’Union européenne en 2014, espérant ainsi rétablir des relations économiques normalisées avec la Russie. Une position qui lui vaut d’être mis en difficulté par le parlement moldave où les élus pro-UE sont majoritaires.

La République de Moldavie se caractérisant par un régime parlementaire, le Président Dodon n’a qu’une  marge de manœuvre réduite mais il s’efforce par tous les moyens à sa disposition de maintenir la Moldavie dans une position d’équilibre entre Russie et UE.

Pour le Président  Dodon seul un patriotisme économique stratégique est en mesure de transcender les différences culturelles internes de la Moldavie et les tensions identitaires que pourraient être tenté d’attiser les forces de la Société Ouverte.

Peuplée d’une population russophone nombreuse et d’une grande minorité russe, la Moldavie peut connaître un scénario de type ukrainien : à savoir une agitation politique envers un président jugé trop proche de la Russie, agitation qui pourrait être suivi de provocations inter-ethniques attisées depuis l’étranger. L’équilibre politique moldave étant fragilisé par la question de la Transnistrie.

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Vlad Plahotniuc en compagnie d'Erdogan

Le rôle de l’oligarque Vlad Plahotniuc

Évoquons ici le rôle de l’oligarque Vlad Plahotniuc dans les manœuvres qui visent à destituer l’exécutif moldave. Un article du centre de presse de Donetsk résumait dans les grandes lignes la situation politique moldave :

« Récemment, la Cour constitutionnelle a décidé de suspendre les pouvoirs de l’actuel président de la Moldavie, Igor Dodon (NDA : le 5 janvier 2018). (…) La tension dans la république est liée à l’opposition entre le président pro-russe Igor Dodon, l’opposant Renato Usatii et le bloc politique pro-européen dirigé par Vlad Plahotniuc. L’oligarque Plahotniuc est, depuis décembre 2016 , le chef du Parti Démocrate. Il est intéressant de noter qu’en même temps, officiellement, il n’est pas membre du parti. Aujourd’hui, Vlad Plahotniuc n’occupe aucun poste au gouvernement, mais reste un homme qui contrôle pleinement l’économie, le pouvoir législatif et exécutif dans un petit État, sans aucune responsabilité en tant que fonctionnaire. »

Dans cette perspective les prochaines élections législatives qui devraient se tenir en novembre 2018 constitueront un test. D’après le centre de presse de Donetsk :

« Le rejet de Plahotniuc et de son gouvernement atteint 80 % selon les sondages. Dans de telles circonstances, la dernière chance pour Vlad Plahotniuc de rester au pouvoir sera de provoquer l’escalade du conflit en Transnistrie et de lancer un appel à l’UE et aux États-Unis pour qu’ils exigent une protection contre l’agression russe. »

Et l’article du centre de presse de Donetsk d’expliquer : « Il y a un an, la Moldavie était au bord d’une guerre civile entre citoyens pro-russes et pro-européens. Compte tenu de l’augmentation significative des sentiments pro-russes dans le pays ces dernières années, nous ne pouvons pas exclure le scénario ukrainien en Moldavie. »

Fractures géopolitiques et enjeux énergétiques

La Moldavie se trouve aujourd’hui sur l’une des lignes de fracture de la tectonique géopolitique contemporaine qui voit se confronter unipolarité et multipolarité. Petit État d’environ 4 millions d’habitants, la Moldavie est enclavée entre : la Roumanie à l’Est (Roumanie qui est une pièce majeure du « containement » de la Russie par l’Otan) ;  l’Ukraine occidentale au nord et l’Ukraine proche de la Russie sur ses frontières de l’Est. Une situation qui place d’emblée la Moldavie comme pivot stratégique des enjeux géopolitiques de la région.

Un autre facteur qui éclaire les enjeux régionaux se trouve être la présence massive de réserves de gaz dans le sous-sol moldave. Sur ce sujet, le Président Igor Dodon s’est à nouveau confronté à son gouvernement : en mars 2017, il a ainsi demandé de rendre public les dessous de la concession qu’aurait accordé le gouvernement moldave à la société américaine Frontera Resources International LLC. D’après cet accord, le gouvernement moldave céderait  une grande partie de son territoire (principalement dans la région autonome de Gagaouzie) pendant 50 années extensibles ; ceci afin de permettre à la société américaine d’effectuer des prospections visant à identifier les sources de pétrole et de gaz de schiste présentes dans le sous-sol moldave.

Lorsque l’on connaît les risques liés à l’extraction du gaz de schiste, les inquiétudes du président Dodon sont plus que légitimes à l’échelle d’un pays de la taille de la Moldavie. Dans ce domaine le ministère de l’écologie moldave, aurait par ailleurs évité de publier précisément la partie de l’accord relatif à la méthodologie d’exploration des sols. Une concession qui aurait de plus été accordée à la société Frontera, sans que les organes de la région autonome de Gagaouzie en aient été informés.

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Le Président Dodon et Poutine.

Il est important de noter que le fondateur de la société de prospection Frontera, Steve Nicandros, est l’un des membres importants de l’Atlantic Council, l’un des think-tanks atlantistes les plus influents. Un think-tank qui coopère régulièrement avec l’Open Society de George Soros sur ce qui touche aux affaires Est-européennes. Ce même Steve Nicandros est aussi à l’origine de la rencontre aux États-Unis entre l’oligarque Vladimir Plahotniuc qui contrôle l’opposition au président Dodon et Victoria Nuland, sous-secrétaire d’État des USA pour l’Europe et l’Eurasie jusqu’en 2017. Épouse du théoricien néo-conservateur Robert Kagan, Victoria Nuland est l’une des figures de proue et architecte du changement de régime advenu en Ukraine en 2014.

Moldavie / OTAN / Fédéralisme identitaire / Shismogenèse

C’est dans ce contexte que de très fortes pressions sont exercées sur la Moldavie afin de la faire adhérer à l’Otan. Là encore, Igor Dodon est en opposition avec son gouvernement : le ministre de la défense Eugen Sturza étant favorable à une intégration progressive de la Moldavie dans l’Otan là où Igor Dodon est – selon ses termes – opposé à « l’entrée de la Moldavie dans l’OTAN et d’autres alliances militaires, et à la participation de nos soldats et officiers à des opérations militaires à l’étranger ».

Sur cette question, un article de 2017 de Iurie Rosca nous offre une mise en perspective historique éclairante :

« Après avoir convaincu Saakachvili de mesurer son potentiel militaire avec celui de la Russie en 2008, l’aventure s’est conclue par la perte de deux parties du territoire national géorgien, territoires devenues des sujets de droit international et des protectorats de Moscou. Après avoir incité le nouveau régime de Kiev à des actions imprudentes en 2014, qui ont entraîné des hostilités militaires massives, des pertes humaines considérables, la prise de la péninsule de Crimée par la Russie et la sécession de facto des régions orientales du pays aspirant à Séparés de l’Ukraine, les stratèges américains ont atteint leur objectif : la Géorgie et l’Ukraine ont été amenés à détériorer leurs relations avec la Russie (au détriment de leurs propres intérêts nationaux) ce qui les a conduit au besoin de demander la protection américaine face au « danger russe ». »

Une manœuvre habile, qui s’insère dans un ensemble de procédés plus large comme le rappelle encore Iurie Rosca : « L’histoire montre que les stratèges anglo-saxons sont les maîtres les plus fins, les plus pervers et les plus expérimentés dans l’art de stimuler le nationalisme partout dans le monde, selon leur avantage impérial et au grand malheur des peuples aveugles, utilisés dans ces jeux géopolitiques sales et sanglants. »

S’appuyer sur des nationalismes « proxy » afin de miner l’homéostasie d’un État-nation ou d’un groupe constitué évoque aussi ce que le politologue Andrew Korybhko dénomme le fédéralisme identitaire.

Dans un article intitulé : « Fédéralisme identitaire : de l’unité à la scission » , il décrit la manière dont cette division et cette parcellisation organisée des Etats-nations constitue une caractéristique centrale de l’impérialisme contemporain. Il explique ainsi, qu’à l’opposé du mot d’ordre inscrit sur le grand sceau des Etats-Unis « E Pluribus Unum » (Un à partir de beaucoup), le mode d’exercice du pouvoir par le globalisme consiste en fait à éclater l’unité en multiplicité ; ce qui est très précisément l’idéal de la gouvernance globale et de la société ouverte.

On notera au passage que cette idée d’une division des grands ensemble jusqu’en leurs éléments constitutifs les plus minimes, constitue une tendance profonde de l’esprit post-moderne ; idée que l’on retrouve aussi dans la physique contemporaine et qui conduit à vouloir dissoudre le réel dans son ontologie même.

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La société ouverte contre les peuples natifs-européens

Ce fédéralisme identitaire évoque aussi la notion de shismogenèse. Un concept utilisé en ethnologie et qui fût théorisé par l’anthropologue Grégory Bateson, un auteur qui, tout comme Karl Popper, inspire les vues sociologiques de George Soros. Dans le livre « Underwriting democracy » – au sous-titre explicite « encouraging free enterprise and democratic reform among the Soviets In Eastern Europe » – George Soros explique l’influence qu’ont eu sur sa pensée les travaux de anthropologue Gregory Bateson.

Dans ses travaux d’anthropologie, Gregory Bateson a précisément étudié la manière dont des groupes humains au départ homogènes se séparent et se différencient. C’est en partie de ce domaine de recherche que sera tirée la technologie politique qui permet aux forces de la société ouverte de fracturer et de remodeler les nations et les groupes humains selon leur agenda. L’empire avance en divisant, en fracturant, en émiettant, en pulvérisant les peuples, les États et les valeurs qui les fondent.

Rappelons qu’après avoir servi dans le renseignement militaire américain durant la seconde guerre mondiale comme anthropologue au sein de l’OSS (l’ancêtre de la CIA), Gregory Bateson deviendra l’un des pères de la cybernétique, une discipline centrale de l’ingénierie sociale. (NDA : Dans l’étude à paraître aux éditions du Retour aux Sources, j’expose les liens qui unissent la notion de société ouverte avec le domaine de l’ingénierie sociale.)  

En conclusion il convient de rappeler que l’impérialisme contemporain peut avoir recours à différentes stratégies qui couvrent le plus large champ possible : depuis l’aide humanitaire et l’appui aux groupes minoritaires jusqu’à l’agression militaire pure et simple, en passant par toutes les nuances possibles de l’ingérence.

La Moldavie est en ce sens l’un des nombreux théâtres d’opération contemporain pour les forces de la société ouverte.

Que faire ? Métapolitique et influence stratégique 

Face à cette fracturation organisée de nos populations et de nos territoires, de notre sol, de notre sang et aussi de notre esprit par les divisions inter-religieuses exacerbées de l’extérieur, que faire ?

Il nous faut créer les outils de notre émancipation et de notre emprise sur le monde contemporain à l’exemple de la méthodologie mondialiste : instituts de recherches, outils d’influence médiatique ou bien encore, pourquoi pas, des chambres de commerce non-alignées qui mettraient en place les conditions de partenariats économiques – même de petite échelle au départ – ceci dans la perspective des nouvelles possibilités économiques qu’offrent les nouvelles routes de la soie et le développement de pôles économiques eurasiatiques.

Créer du politique là où les forces de la société ouverte veulent dissoudre le politique. En ce sens, la coopération Orient et Occident contre le Moloch globaliste est un impératif catégorique de notre temps. Le soutien mutuel et stratégique des forces hostiles à la marche forcée vers la société ouverte est fondamental. L’unipolarité déclinante est un animal malade qui n’admet pas « l’esprit du temps » de notre époque ; un esprit qui est celui du changement et du renouveau dans le recours à la Tradition. Le monde unipolaire – le vieux monde et son projet cosmopolitique réactionnaire et anachronique – est un animal malade mais encore dangereux : il cherche à allumer des incendies partout où il le peut, ceci afin de pallier à sa perte de légitimité et de contrôle. Face à lui, le monde multipolaire est encore dans les douleurs de l’enfantement. C’est à nous, non-alignés contemporains, de l’aider à naître par notre maïeutique métapolitique et par nos capacités d’anticipation et de perception des changements de civilisation qui sont en cours.

Par nos capacités à saisir et à comprendre les transformations silencieuses à l’œuvre dans le monde, transformations qui s’opposent à la logique de subversion planétaire de la société ouverte et de ses réseaux tout autant qu’au choc des civilisations qui en découle. Société ouverte et choc des civilisations qui se renforcent l’un l’autre et  participent ainsi d’une même stratégie de domination indirecte et furtive des populations par les forces anonymes du globalisme apatride. Globalisme qui use tantôt de l’une, tantôt de l’autre selon les nécessités stratégiques du moment.

Pierre-Antoine Plaquevent

samedi, 12 mai 2018

L'Arménie, avec Nikol Pashinyan, va-t-elle devenir une « colonie » américaine ?

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L'Arménie, avec Nikol Pashinyan, va-t-elle devenir une « colonie » américaine ?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Bien que chacun connaisse directement ou indirectement en France un ou plusieurs citoyens se disant Arméniens, l'Arménie y est pratiquement inconnue.

Il s'agit d'une république du sud-Caucase théoriquement alliée avec la Russie. Elle est venue à l'actualité il y a quelques jours à propos d'une prise de pouvoir par le leader de l'opposition Nikol Pashinyan. Celui-ci, qui vient de devenir Premier ministre avait forcé à la démission le précédent Premier ministre, Serzh Sargsyan, à la suite d'une série de grèves générales et manifestations de rues très vraisemblablement organisée par Nikol Pashinyan. La jeunesse du pays avait massivement participé à ces mouvements.

Lorsque de tels mouvements se produisent, il convient de se demander s'ils ne sont pas organisés ou financés par les deux grandes puissances voulant conserver leur influence dans la région, les Etats-Unis ou la Russie. A priori, l'Arménie qui vient de se libérer de la domination de l'URSS, continue à se méfier d'éventuels rapprochements avec la Russie actuelle. D'éventuelles interventions russes discrètes n'avaient pas réussi à inverser la tendance. Au contraire le pays est de plus en plus influencé par les intérêts arméniens dits néo-libéraux dont le modèle est Wall Street et Washington. Pour ceux-ci l'Ambassade américaine, une des plus importantes du monde, abondamment pourvue en dollars, notamment par la CIA, sert d'interlocuteur privilégié.

Rappelons que l'Arménie avait pris son indépendance à l'égard de l'Union soviétique en 1991. Le premier président élu a été le néo-libéral Levon Ter-Petrosyan. Immédiatement après, le territoire de Nagorno-Karabakh, faisant partie de l' Azerbaïdjan (capitale Bakou), sous influence russe, et principalement peuplé d'Arméniens, avait décidé de faire sécession pour rejoindre l'Arménie, sous la forme d'une république indépendante associée. Il en était résulté une guerre qui avait fait environ 6.000 morts Arméniens et 30.000 Azeris.

Dans la suite, Petrosyan, confronté à une stagnation économique de l'Arménie, avait décidé de restituer le Nagorno-Karabakh à Bakou, en échange de relations de libre-échange et d'intégration économique avec l' Azerbaïdjan et la Turquie. Cependant ces deux pays étaient des ennemis traditionnels de l'Arménie. L'Azerbaïdjan restait à tort ou à raison considérée comme restée sous influence russe, la Turquie était non sans raison détestée, ayant été responsable du « génocide arménien » de 1915, responsable de 1.200.000 victimes. Notons qu'Ankara refuse toujours de parler de génocide. Le rapprochement de l'Arménie avec la Turquie désiré par Petrosyan n'avait donc pu se faire que sous la pression de l'Otan, du département d'Etat américain et de l'Union européenne.

Ceci avait été ressenti comme une trahison par le peuple arménien, provoquant la démission de Petrosyan. Après 10 ans de silence relatif, celui-ci s'était à nouveau présenté aux élections présidentielles de 2008. Il les avait perdu au profit de son ancien ministre de la Défense devenu Premier ministre, Serzh Sargsyan. Sargsyan a été réélu Premier ministre en avril 2018. Mais Petrosyan avait à nouveau contesté cette élection. Il avait organisé à cette fin de premières manifestations de masse. Celles-ci furent réprimées par le gouvernement, provoquant la mort d'une dizaine d'Arméniens.

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Nikol Pashinyan, qui vient de devenir Premier ministre, avait joué un rôle majeur dans l'organisation de ces manifestations. Il avait donc été accusé de meurtre par la police et condamné à 7 ans de prison. Il bénéficia d'une amnistie en 2011. Petrosyan avait décidé de renforcer son pouvoir en créant à partir de mouvements qui lui étaient favorables un parti dit Congrès National Arménien, principal parti d'opposition, dans lequel Nikol Pashinyan a tout de suite pris un rôle directeur.

Nous passons sur le détail des événements ayant suivi une sorte de printemps arabe destiné à organiser un « regime change » où les ONG, au nombre de plusieurs centaines, financées par l'Ambassade américaine en Arménie ont joué un rôle déterminant. Disons seulement que l'Ambassadeur américain était intervenu directement pour provoquer la vente aux Américains de l'entreprise arménienne dite Armenian Hydro, précédemment nommée Armenia Sapa.

Il en était résulté une hausse sensible des prix de l'électricité et plus généralement du coût de la vie. Les ONG et Pashinyan, certainement financés par George Soros and Co, en ont imputé la responsabilité à la Russie ainsi qu'à l'administration de Sargsyan restée en place. D'où les manifestations dans les rues d'Erevan et finalement l'accès au pouvoir de Pashinyan, dans des conditions n'ayant rien de démocratique, comme on le devine.

L'Arménie colonie américaine

L'Arménie dans ces conditions deviendra-t- elle une « colonie » américaine ? Le risque est grand.

Il faut savoir qu'il y aurait plusieurs centaines d'ONG (organisation non gouvernementale) pour une population d'environ 3 millions de personnes. Il est difficile d'y échapper. Or ces ONG travaillent pratiquement toutes pour permettre la mise en place de « valeurs américaines » et d'un gouvernement « pupett » tout dévoué à Washington. Cela s'explique car vu la proximité géographique de l'Arménie avec la Russie, elle est considérée comme une plate-forme utile pour diffuser en Russie même les mots d'ordre de la propagande américaine. Inutile de dire que, comme précédemment indiqué, ces ONG ne trouvent leurs ressources qu'à partir des dollars américains qui leur sont généreusement alloués.

Elles financent une grande partie du secteur éducatif primaire et secondaire, ainsi que les programmes de la télévision et de la radio. Ainsi dès l'enfance les Arméniens sont appelés à considérer la Russie comme un ogre avec lequel éviter tout contact.

Ceci n'a pas été sans conséquences politiques majeures. En effet les différents mouvements et manifestations anti-gouvernementales ayant provoqué la chute du précédent gouvernement ont été animées par des jeunes sans perspectives d'emploi et rêvant aux valeurs occidentales, présentées comme capables de résoudre toutes les difficultés de l'Arménie.

La « révolution de velours » ayant finalement conduit Nikol Pashinyan au pouvoir a été menée essentiellement par ces jeunes et les ONG qui les mobilisaient. Faut-il en conclure que l'Arménie deviendra un satellite de Washington comme le sont certaines républiques d'Amérique centrale ou l'actuelle Ukraine ?

La montée d'un nationalisme arménien qui sera certainement encouragé par le futur gouvernement peut dans l'immédiat faire craindre qu'il ranime le conflit avec l'Azerbaïdjan dans les territoires du Nagorno-Karabakh. De nouveau le nettoyage ethnique dirigée contre les populations Azeris pourrait reprendre. Ceci pourrait donner matière à de réelles interventions militaires occidentales par exemple dans le cadre de l'Otan. On ne voit pas dans ces conditions comment la Russie pourrait rester seulement spectatrice.

 

jeudi, 10 mai 2018

Ukrainian Nationalist Perspective of the Events in Ukraine and the Third Geopolitical Way

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Olena Semenyaka:

Ukrainian Nationalist Perspective of the Events in Ukraine and the Third Geopolitical Way

NOTE DE LA REDACTION: Ce texte émane d'Olena Semenkaya, théoricienne de la révolution conservatrice allemande en Ukraine, dont elle cherche à appliquer les principes dans la réalité ukrainienne d'aujourd'hui. Elle travaille sur une thèse de doctorat qui sera consacrée à Ernst Jünger. Elle est membre du Haut-conseil du Corps National, branche politique du Mouvement néo-nationaliste ukrainien Azov, chargée des relations internationales, coordinatrice du réseau paneuropéen Reconquista et du projet géopolitique Intermarium.

Inutile de préciser que ses thèses sur la révolution conservatrice rencontrent notre plus vif intérêt, d'autant plus qu'elles s'expriment, non pas dans le "Grand Hospice" occidental fustigé par Edouard Limonov, mais dans une zone de grande effervescence politique, comme le furent sans aucun doute les premières années de la République de Weimar.

En revanche, les positions antirusses irrationnelles des mouvements qu'elle anime et patronne, nous les percevons comme dangereux pour l'ensemble de l'écoumène européen qui devrait, comme nous l'avons maintes fois répétés, retrouvé l'harmonie de l'alliance franco-austro-russe du 18ième siècle et de la Sainte Alliance pentarchique née à Vienne en 1814. Géopolitiquement parlant, il nous est impossible de théoriser un abandon du bassin de la Volga et des richesses sibériennes ou de renoncer à tout accès direct à l'espace de la Caspienne. Ensuite, les forces dites "illiberal" doivent unir leurs efforts et non pas se disperser en des combats fratricides.

Mais ce qui est le plus intéressant, et en même temps, le plus amusant dans cette étude qu'elle livre ici pour une revue allemande, en l'occurrence Gegenlicht, c'est sa critique féroce de la russophilie de ce qu'il est convenu d'appeler la "Nouvelle Droite": sa cible favorite, qui l'eût cru, est évidemment Alexandre Douguine mais elle n'épargne pas davantage les frères ennemis de la ND française, l'inénarrable de Benoist et l'homme que ce dernier n'a cessé d'injurier et de calomnier, Guillaume Faye. A ce duo s'ajoutent Robert Steuckers et Pavel Toulaev (Tulaev) même si on sent bien qu'Olena Semenkaya s'est bien amusée à lire leur entretien, consacré à divers sujets dont la ND (voir bibliographie en fin d'article). Douguine, Benoist, Faye, Steuckers et Toulaev prennent quelques volées de bois vert. Steuckers estime que cette fureur féminine est amusante et ne voit aucun inconvénient à ce qu'elle figure sur la grande toile, y compris sur des sites fréquentés par ses lecteurs; il a toujours brocardé les "gourouïsmes" inféconds du milieu néo-droitiste, l'article d'Olena Semenkaya pouvant dès lors servir d'antidote à ceux qui y succombent et qui veulent faire de lui, à son corps défendant, un gourou aussi ridicule que les autres.

De plus que ce texte permet de mieux comprendre l'imbroglio ukrainien, pour autant que cela soit possible, ici, en Europe de l'Ouest. Olena Semenkaya doit comprendre que l'extrême complexité des clivages à l'oeuvre en Ukraine laisse bon nombre d'observateurs perplexes.

Sur le sujet on lire un article didactique en langue espagnole:

https://slavyangrad.es/2017/01/13/el-contexto-ideologico-...

* * *

Olena Semenkaya:

During the past year after Maidan Ukrainian intellectuals have been mostly preoccupied with refuting anti-Ukrainian fake news and answering the interviews rather than developing a coherent analysis of the events at Maidan or at least criticizing its accounts by the most authoritative figures in the New Right community – Alain de Benoist and Guillaume Faye. The information warfare on occasion of the Ukrainian conflict may be fairly regarded as a climax of postmodern, for in this case the infamous simulacra not only function as real, but overpower every ideology due to the total domination of mass media over people’s minds, unprecedented historical ignorance of recipients and such a strong anti-“fascist” neo-Soviet propaganda in Russia that the practice of denazification in the post-war Germany looks like a delicate therapeutic procedure.

The anti-Russian highlights of the Western media might be double-standard and hypocritical, but the Russian drivers of an anti-Ukrainian hate machine, which is worse, do believe in their own lies, and people stick to it (for instance, a story of the crucified by the Ukrainian National Guard little boy in the recaptured city of Slovyansk) even when it is denied by their own idols like Igor Strelkov (Girkin), which is a way of recruiting the new fighters for the “Novorussian” militia. Thus the developments in Ukraine and Russia give more data to psychiatrists and sociologists than historians and philosophers.

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Début avril 1992: conférence de presse à Moscou: de gauche à droite, Alexandre Prokhanov, ancien rédacteur-en-chef de "Lettres soviétiques" et directeur du journal Dyeïnn, Alain de Benoist, Alexandre Douguine et Robert Steuckers.

Even though both of the aforementioned thinkers tried to offer a balanced overview of the Ukrainian situation, and de Benoist admitted the split among the revolutionaries, the most passionary part of which transcends the false geopolitical dilemma between the EU / NATO and the Russian Federation [1], their main premises are in full accord with the interpretative axioms of the leader of neo-Eurasianism Alexander Dugin whose strategy may be summarized in terms of four basic aspirations: 1) to reduce the complexity of the cultural-historical relations between the Russian Empire and its heir, the Russian Federation, and Ukraine to geopolitics and the geopolitical rivalry of the US and Russia over Ukraine and Europe; 2) to deconstruct the historical and geopolitical ambitions of the Ukrainian Right and their claims to represent the Third Position and thus to show that they are at best the useful idiots of Euro-Atlanticism and Ukraine is a playground of another colour revolution in service of the American hegemony; 3) to make everyone associate resistance against the new world order and, arguably synonymously, the ideal of “the multi-polar world” under Russian protection namely with the project of “Novorussia” and Putin; 4) to emphasize disappearance of the communistic camp (two-polar world), silence the fact that the Soviet Union was a co-founder of the NWO that criminalized German and, consequently, European national self-awareness and to denigrate “ethnonationalism” as favorable for the America-dominated one-polar world “fascism.”

These cornerstones of Dugin’s fourth (after liberalism, communism and fascism / Conservative Revolution) political theory were accepted by de Benoist a long time ago: his thematic work was published in Russian under the title “Against Liberalism: to the Fourth Political Theory” in 2009 before a visit to St. Petersburg and after his participation in the Moscow conference in 2008 which were organized by Dugin. During these visits de Benoist defined liberalism as the main enemy and confirmed his cooperation with the Eurasianist movement as the only real alternative of mondialism and American hegemony. In other words, Alain de Benoist, as a co-founder of the 4PT, in his analysis of the Ukrainian conflict simply restated similar to Dugin’s ideas in a more moderate manner.

4pt-2.jpgMoreover, Dugin himself drew inspiration from de Benoist’s version of the New Right when he wrote his introduction to Conservative Revolution in a monograph of the same title back in 1994. As a result, the residents of the post-Soviet countries who had no access to the original sources since the very beginning perceived “failed” Conservative Revolution (the 3PT) as a prelude to the pro-Soviet “Young Europe” of Jean Thiriart, the French New Right of Alain de Benoist and Eurasianism as such that don’t repeat the “anti-Soviet” mistake of their predecessors. Thus Dugin singles out one of the conservative-revolutionary trends, the National Bolshevik, which favors the Soviet Union, more precisely, the National Bolshevik group led by Ernst Niekisch within the classic national-revolutionary direction and portrays it as the only relevant one.

According to Dugin’s “Conservative Revolution,” the progress of de Benoists’ New Right consists in refusal from white supremacism and Euro-centrism along with westernalism and capitalism: the new rightists fight not against immigrants, but against immigration and not for the people (their own nation), but for the peoples [2]. As a result, the reader gets a distorted idea of the “Old Right”: firstly, it is almost reduced to the media representation of Nazism, secondly, the Conservative Revolution is described as a theory devoid of the methodological and theoretical (above all, geopolitical) foundations for the effective resistance against the left-liberal world order at the global level and securing diversity of traditions and nations. In addition, the idea of old Europe as a cultural and mythological, even a sacred center vanishes; this role is also hijacked by the “real” Third Rome Moscow, which is unequivocally associated by the Russian Right with the multicultural Carthage, “Moscwabad.”

Jean Thiriart et Alexandre Douguine à Moscou, en 1992.

jthad.jpgBelgian right-wing writer and politician Robert Steuckers who advocates his own version of Eurasianism and welcomed the National Bolshevik shift in the French New Right as a way to overcome “petty conservatism” and “alternative liberalism” at the same time severely criticized de Benoist’s opportunism and fear of being labeled a far right extremist, according to his subjective experience of collaboration with the French “Guru” and his followers. Probable ideological rivalry and Steuckers’ own pro-Russian position aside, he shares an opinion that the attempts to bury the conservative-revolutionary authorities by some new rightists are a bit hasty, which proves his story about de Benoist’s admirer Toto-Lapin (“…he shouted in the middle of the pub, next to the astonished other guests, “Alain de Benoist is the greatest philosopher of the 20th Century!”. “Maybe” answered Bresnu ironically, “but what about Heidegger then…?”. Toto-Lapin: “He has only paved the way for Alain de Benoist…”. We both burst out laughing…”) [3]. It’s doubtful that de Benoist himself, who was very fond of Heidegger, would make similar arrogant statements, the same as Dugin, but looks like both of them cast out colleagues whose views are somehow different, which also follows from my experience of communication with Eurasianists.

Likewise, sarcastic reconstruction of de Benoist’s ideological maneuvers by Steuckers is worth quoting as valid with regard to Dugin’s 4PT: “…Alain de Benoist tried to demonstrate that the “New Right” was in fact the real “New Left” and the true inheritor of Marx’ ideas as well as the devoted intellectual protector of the masses of African and Muslim immigrants against the centralization and assimilation efforts of the alleged “xenophobic” French State’s system, while the “New Left” was genuinely a neo-conservative islamophobe movement… [de Benoist] wrote all that very seriously, in the credulous hope he would have been finally taken as a genuine leftist by the Left and would have transformed his alleged false rightist young fellows in true new leftists more leftist than the usual leftists…” [4].  In spite of his Euro-Siberian solidarity, Steuckers underlines that Leontiev’s and Gumilev’s equation between Europe and the West, which was adopted by Dugin’s neo-Eurasianism, is not acceptable: firstly, the subversive Western spirit entered Russia in form of Bolshevism; secondly, it excludes Western Europeans from the area of the future political reconquest and threatens with reactivation of “the worst aspects of Nazi or NATO propaganda,” which already happens today.

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Oleg Bakhtiyarov.

In this context I would like to mention an opinion of the Russian-Ukrainian scientist Oleg Bakhtiyarov who, overall, justifies Putin’s struggle for the world domination or at least one of the leading roles in the global politics, albeit at the expense of Ukraine, but believes that Putin made a big mistake when he did not support “Right Sector” and the Ukrainian rightists in general, back then united under this title, who were against joining the EU [5]. As a matter of fact, the latter were the only possible allies of Putin if he wanted to prove that Russia does not threaten Ukrainian sovereignty and national identity. He chose the opposite forceful way and understood that his main enemy was a pro-Western “junta” only after the presidential and parliamentary elections which showed that Ukrainian nationalists either did not have such a big support of population, or lacked resources and influence to gain a decisive political victory. Moreover, the Kremlin’s propaganda made a scarecrow of “Right Sector” as an embodiment of the Ukrainian Right not only in the Russian but also the Ukrainian society that voted for the liberal forces in order “not to provoke” Putin, but it was too late to regret weakening the national-revolutionary factor in Ukraine when the Kremlin realized that the new government was far more pro-EU than the Maidan “radicals.” After Putin changed its strategy and turned “the junta” into the main target of the anti-Ukrainian information warfare, further denigration of the Ukrainian rightists as “the pseudo-revolutionary puppets of the pro-Western oligarchs” was, actually, odd, the same as sporadic hopes of the “rebels” from “DNR” and “LNR” to form an alliance with “Right Sector” as the only political force that dares to challenge the Ukrainian authorities: Ukrainians were ready to unite with them only before they started capturing the administrative buildings under the Russian flags, and now thousands of the fallen Ukrainian soldiers make reconciliation impossible.

Besides, Oleg Bakhtiyarov fairly draws attention to the fact that after Maidan the Russian language in Ukraine reinforced its positions, because what really counts for Ukrainians today is only a pro-Ukrainian standpoint, heroic values and readiness for self-sacrifice in war for homeland, although speaking Ukrainian and wearing the traditional clothes have become “fashionable,” too. A lot of fighters of “Right Sector’s” DUK (Volunteer Ukrainian Corpse) are Russian speaking, not mentioning other military forces, especially the “Azov” regiment. Thus those who claim that Ukrainians violated the rights of Russian speaking population in East Ukraine and Crimea by depriving Russian of the status of the second state language, Guillaume Faye in particular, are ignorant: Russian has never been the second state language in Ukraine, including Crimea where it only had a special status. Reaffirming Ukrainian as the only official state language (which means a language of communication in state institutions) after Maidan was not provocative, only untimely, for raising this topic before the new government gained a popular support was a true “gift” for Putin. Today the key “junta” officials like Interior Minister Arsen Avakov also freely speak publicly Russian. Moreover, a big part of the political Ukrainian nation that is being created now, apart from the titular nation, by various national minorities, is represented namely by the ethnic Russians. Yet the Russian nationalists who fight on the Ukrainian side confess that Ukraine is a white paradise unknown to the multicultural Russia.

As a vanguard of the struggle for the multi-polar world in theory, in practice Russia and its new rightist glorifiers do not hesitate to sacrifice the national peculiarities of Ukraine or Baltic countries in the name of the new “traditional order”: after all, for them the “anti-Russian” Slavic and Western European nationalists are ungrateful and narrow-minded servants of the US and fascists who discriminate the rights of Russians or Russophobes. One does not have to be a liberal to see hypocrisy of these considerations; the New Right is fairly recognized as a mask for the same Old Left face, which was openly stated by de Benoist: “We’ll finally prefer to put on our heads Red Army caps than to finish as fat old guys eating disgusting hamburgers somewhere in a nasty Brooklyn lane” [6]. Thus the 4PT is not natural surpassing of the previous political theory under the changed historical conditions, but giving up the very idea of the Third Way, the geopolitical projection of which has always been the sovereign Mitteleuropa and which can never be reduced to mere geopolitics.

ej-ng.jpgSuch godfathers of Conservative Revolution as Ernst Jünger and Julius Evola did not abandon the Third Way in their post-war writings, which, in all fairness, may be estimated as the documents of a firm refusal from geopolitical reductionism that is a diagnosis and a sacred mantra of the vast majority of “experts” on the Ukrainian crisis; above all, it concerns their polemic on the East-West problem and its treatment in Jünger’s essay “The Gordian Knot.” It’s enough to read a concluding chapter of Evola’s classic “Revolt Against the Modern World,” in which he discusses the cultural and civilizational foundations of America and Russia as the two sides of the same coin, or his article “Presuppositions of the European Union,” in which Evola clearly explains not only his “third” geopolitical ideal, but the very condition on which building a genuine European union is possible: equal remoteness from Russia and the USA, “both “East” and “West,” that is to say from the two blocs which, like the arms of a single pair of pincers, are closing themselves around us” [7], to guess what would be his reaction to the 4PT. Ernst Jünger, who viewed experience of the USSR and the socialist camp in general as the brightest confirmation of his metaphysical theory of the Worker that mobilizes the world by means of technology, at the same time was far from embracing its cultural, social and political practice, thus disagreeing and polemicizing with pro-Soviet Ernst Niekisch. The same as in Evola’s case, namely metaphysics and culture were a reason for Jünger’s choice in favor of the third geopolitical way as stated in his treatise “Peace”: “With the destruction of our towns, Goethe's saying has ceased to apply to this extent, that America now possesses the tradition of construction which we require. Napoleon prophesied that in our day the world would become republican or Cossack. If he had foreseen our situation in detail he would have said “American or Russian,” as Tocqueville, too, long ago foretold. Although America, like Russia, will exert a powerful influence on Europe, neither of these two possibilities will be realized. Against them is the immense gravitational force of history, the treasure of old heritage, which has not only been formed by the spirit or art but still lives in men” [8]. Therefore, the geopolitical fetishism, according to which “there is only the geopolitical truth” and the proponents of which dismiss the struggle of Ukrainian patriots as unimportant due to the partial coincidence of their and Western interests, should be considered as alien to the traditionalist worldview. Armin Mohler, a legendary author of the classic research “Conservative Revolution in Germany, 1918-1932” and an original founder of the New Right, considered Americans more German friendly than Frenchmen and Englishmen and admitted that he was not that anti-American in this respect as de Benoist [9].

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Un débat entre Pavel Tulaev et Guillaume Faye, à Termonde en Flandre.

The aforementioned quotations by Steuckers are taken from his interview (2014) with Pavel Tulaev, a Russian right-wing intellectual and a contact person for both Robert Steuckers and Guillaume Faye, who has also been on various occasions in Russia since 2005 to participate in the events organized by Tulaev. Theoretically a far more right-wing opponent of de Benoist who had to start his own school of the French New Right thought, which in this context means restoration of the normal conservative-revolutionary course, in reality Faye falls in exactly the same trap of celebrating the worst ideological biases of neo-Sovietism under the guise of “disappearance” of the communistic camp and the need to support “the only real alternative” of the NWO. Tulaev, who sent to de Benoist an issue of his Russian New Right journal “Athenaeus” and heard in response that this “far right,” almost “Neo-Nazi” edition had nothing in common with the theoretic platform of the real New Right under de Benoist’s supervision, in turn, accused the latter of the left-wing phraseology and attitudes and described their exchange as a remarkable historical event which proved that the Russian intellectuals finally abandoned the revolutionary populism and demagogy of the French Commune [10]. However, when it comes to the Ukrainian conflict, Tulaev repeats far worse demagogical Bolshevik clichés about the “Banderist fascists” who kill the Slavic people for American dollars, in comparison with which the accounts by Faye and de Benoist, taken together, look rather moderate [11].

L'ouvrage de Pavel Tulaev sur la Crimée: de Catherine II à Vladimir Poutine.

Tulaev-on-Crimea_cover.jpgAs an ideologist of Euro-Siberia, later the Euro-Siberian Empire, Faye owes his fame to different aspects of his theory, for in his highly acclaimed book “Archeofuturism” he displayed quite approximate, if not fantastic, knowledge of Russia. A logical summary of Faye’s visits to Russia has become his pamphlet “Frenchman’s View on Russia” (2012), which was not the climax of his fascination with the Russian genius, though: the titles of his recent thematic texts like “Viva Putin!” say it all. Given that, it’s no wonder that Faye calls hypocritical only American condemnation of violating the international law by Russia, but does not find outrageous the fact that the country that annexed Crimea not only was obliged to protect the territorial integrity of Ukraine in exchange for its renouncing the nuclear weapons according to the Budapest memorandum, but even dared to threaten Ukraine with a nuclear strike. Moreover, he believes that Russia’s response to the Western “aggression” was moderate and that Putin follows the rules, as opposed to the USA.  Though little is expected from the right-wing idol who traces back the statist history of Ukraine from its membership in the USSR, considers Ukrainian independence from the Soviet Union purely nominal and believes that this “half-Russian” country would sooner or later “break up” itself [12], which is quite laughable, taking into account a current size of “Novorussia” thanks to the efforts of the Ukrainian military and active help of the “Russian” cities’ residents like Kharkiv, Odessa and Mariupol.

As usual, nobody mentions that namely Ukraine was an original Kievan Rus and only after accepting the Russian protectorate by the Ukrainian Hetman Bogdan Khmelnytskyi at the Council of Pereyaslav (1654) started entering the cultural and geopolitical orbit of the tsarist Russian Empire, which was renamed from Muscovy to Russia by Peter the Great in 1721 and was an heir of the Golden Horde in terms of the governing traditions. The last Hetman of Ukraine Pavlo Skoropadsky, who was quite pro-Russian culturally, conducted a multivector foreign policy and could easily defeat the Bolshevik invaders unless the social-revolutionary government of UPR (Ukrainian People’s Republic) Directoria revolted against his conservative government in November of 1918 and dispersed its well-trained and disciplined military units under the pretext of Hetman’s signing a federative treaty with the already non-existent non-Bolshevik Russia. Skoropadsky, who was a German ally and met Paul von Hindenburg in person, was forced to do it under conditions of the predictable defeat of Germany in the First World War, tried to establish a military alliance with the Russian White movement, the officers in particular, against Bolsheviks and, overall, considered this move a tactical step that did not undermine the national self-determination of Ukraine but, quite the opposite, could save and reinforce it.

The anti-Hetman uprising, among others, supported two prominent figures: Yevhen Konovalets, the head of the Sich Riflemen and the future legendary Organization of Ukrainian Nationalists (OUN), and a brilliant colonel Petro Bolbochan, most famous as the commander of the Zaporozhian Corps, who was probably the first to start creating the professional Ukrainian military from the former Russian units and was against both the Red and White Army. Namely the ideal of the independent Ukrainian state made him support the UPR instead of Hetmanate, for he had tensions with the pro-Russian associates of Skoropadsky. Later Konovalets had an opportunity to talk to Skoropadsky in Berlin and regretted his decision: according to his memoirs, if he had known that Bolsheviks would take advantage of the overthrow and capture Kiev, he would have never joined the UPR. Bolbochan’s “disillusionment” with the republican authorities was much more tragic, since this talented colonel, who liberated from the Bolshevik invaders even Crimea, became a victim of the internal intrigues, was accused of a state treason, preparing regime overthrow and eventually executed by order of the Directoria’s leader Symon Petliura in 1919. It was a price for his sharp criticism of the Directoria’s defeatism, indecisiveness and incompetence that was rooted in the hopes to stop the Bolsheviks by peace talks.

I retell the short history of the Ukrainian liberation struggle of 1917-1921 precisely in order to draw parallels with the modern Ukrainian war for sovereignty between “the civilized West” and the neo-imperialist Russia. There is no need to apply the inadequate terms like “junta” to a post-Maidan Ukrainian government, for two reasons. Firstly, it’s quite “collaborationist” and obviously resembles Directoria in its 1) attempts to come to an agreement with a Bolshevik aggressor, which claims to be absent in Ukraine, while surrendering to him new territories; 2) to look “democratic” in the eyes of the West (back then the Entente alliance) and meet its most “colonizing” demands in order to get help instead of conducting total mobilization within the country; 3) to restrict or repress its most effective militaries and elevate the corrupt or doubtful bureaucrats instead. In this respect Ukrainian volunteer forces and army units do compromise like Bolbochan to preserve the state and remain loyal to the top commandment in spite of severe criticism of certain its steps, officials or the whole defense system and foreign policy. The two-dimensional black-and-white picture of the useful tools in service of globalism describes the pro-Russian forces, not Ukrainians who simply continue reviving their statehood between the Scylla of neo-Soviet imperialism / Russian chauvinism and the Western Cultural Marxism and “ethnomasochism” in the XXIst century.

SBandera.jpgUkrainian Insurgent Army (UPA) that eventually waged a guerilla war on two fronts, that is both against the Soviet Union and the Third Reich that didn’t hurry to grant independence to the Ukrainian state and imprisoned Stepan Bandera, also confirms this geopolitical rule. The OUN (Organization of Ukrainian Nationalists) and the UPA occupy the central place in the Kremlin’s propagandistic machine that for some unknown reason associates invasion of the Third Reich with the current Euro-Atlanticist “expansion” within the living space of Russia, that is Ukrainian eurointegration negotiations. Further, Western Ukrainian non-Orthodox Greek-Catholics and “Nazis” who once sided with Adolf Hitler and now made a choice in favor of the EU, according to the Kremlin, somehow have managed to overthrow the pro-Russian regime of Victor Yanukovych in Kiev (with the help of the American money) during the Maidan revolution and imposed their “anti-Russian” ideology on the rest of “confused compatriots” who owe everything to Russia.

Moreover, the Ukrainian nation is often portrayed by the neo-Eurasianists and theorists of Euro-Siberia as a “project” of the Austro-Hungarian, Polish, American and so on secret services that is aimed to undermine Russia’s geopolitical power. In other words, the Ukrainian nation is reduced to the status of the technical anti-Russian project, and nobody considers this vision chauvinistic. Besides, the Kremlin’s historiography has always represented the UPA as the “punitive” army of “cops” in service of the Third Reich that eagerly murdered the civil population; the fact that the identical propaganda is applied today by the Kremlin with regard to the whole Ukrainian nation while the Russian-backed militants kill the very people they claim to defend or shoot down the foreign aircraft only confirms the inconvenient truth about the NKVD officers disguised as the partisans of the UPA who committed the horrific crimes against the civil population in order to denigrate Ukrainian “fascism.”

alainbadiou.jpgEchoes of the anti-UPA Soviet propaganda may be also found in the account of the Ukrainian events by French leftist philosopher Alain Badiou [13] who considers Ukrainian Orthodox church the most reactionary in the world (“a megalomaniac center of Imperial Orthodoxy”), calls the army of General Vlasov, who turned against the Bolsheviks and founded Russian Liberation Army, a “Ukrainian army” and accuses Ukrainian “Nazi collaborators” of “turning entire villages to blood and fire, including French ones”; not a single word is said about the NKVD crimes, which shows quite well the propagandistic continuity of the new and classic Left and raises a question of whether the authors of New Right, who condemn Ukrainian “ultra-nationalistic” threat and silence the neo-Bolshevik imperialism, are really right-wing. At the same time Badiou draws partially correct parallels between the events in Egypt, Turkey and Ukraine (“Tahrir Square, Taksim Square, the Maidan Square…”) and articulates much clearer than Faye or de Benoist the split between the pro-liberal and identitarian forces (“old-school Ukrainian nationalists who do not at all see their future in terms of ‘European freedoms’”), which was especially bright during Egyptian and Ukrainian revolutions. On condition of disregarding Badiou’s attacks on what is simply called “a titular nation” in Eastern Europe and negative scenario of the possible outcome of Maidan, his warnings against the “finitude,” that is historical reductionism that leads to simplified and distorted representation of the events in Ukraine as “the desire for the West,” are worthy of attention.

The aforementioned aspect of the Kremlin’s information warfare against Ukrainian “junta” concerns its presumable anti-Russian character and became especially strong after the successful beginning of the anti-terrorist operation (ATO) in Donbas in spring of 2014. Another reason why the Kremlin ascribed this inadequate term to the Ukrainian authorities is the forceful overthrow of Yanukovych’s regime at Maidan which supposedly makes the newly elected government “illegitimate” and distracts from the fact of the Russian invasion of Ukraine. It was a big surprise for all pro-Russian forces when the leader of “Novorussian” militia Igor Strelkov (Girkin), probably due to the deceived hopes for the historical changes and disappointment with Putin, admitted that Crimean referendum (recognized by “Front National”) was a farce and explained in detail the process of its occupation by Russian “green men” who forced the MPs to vote in favor of Russia [14].

OS-intermarium.jpgStereotypical assertions about Crimea that “has always been Russian” or “a Russian territory for at least four centuries populated mainly by Russian populations,” as de Benoist contends, also stand no chance. Crimea was united with the rest of modern Ukrainian territories back in IV century within the Gothic Empire, has always been inhabited by various nationalities and remained under the rule of the Ottoman Empire much longer than the Russian. Besides, namely Ukrainian Zaporozhian Cossacks, who for centuries protected the rest of Europe from the Tatar and Turkish invasion, helped Russian empress Catherine II to conquer Crimea, which ended with destruction of Zaporozhian Sich in 1775 by her order. Only after several waves of resettlement, during which Russians immigrated to Crimea, and deportation of Crimean Tatars, who were a dominant ethnic group in Crimea, by Stalin in 1944, Russians have become the majority of Crimean population. To sum up, Crimea was under the reign of the Russian Empire (134 years) and Russian Soviet Republic (34 years), taken together, maximum for two centuries. Moreover, precisely the lands of Ukrainian Cossacks, which were mentioned in all international treaties as a territory of “Zaporozhian Lower Cossack Host,” have become the core of the “New Russia” after the Küçük Kaynarca peace treaty of 1774 and the destruction of the Sich in 1775 during the Russo-Turkish wars.

In other words, fairytales about Ukrainian state “as a gift of Lenin” and the South-East (“Novorussia”) that “has never belonged to Ukraine” are just another part of the anti-Ukrainian propaganda. As a matter of fact, such a gift could not happen, because the Bolsheviks haven’t seized power yet and were not recognized by the Ukrainian government – the Central Rada (Council). The borders of Ukraine in 1917-1918 were shaped solely by the Central Council of the Ukrainian People’s Republic that chose the ethnographic factor (ethnic composition of population and language) as a criterion of demarcation and made a basic administrative unit a province. Besides, further inclusion of other provinces of the former Russian Empire that were inhabited by Ukrainians was also an option (among them were mentioned Kholm, Grodno, Minsk, Kursk, Voronezh, and the Kuban regions).

Likewise, the Ukrainian Soviet Republic was not “nominal” as Faye tries to portray it; anti-Ukrainian chauvinism of the modern Russian government would be impossible in the USSR at the official state level, the same as Putin’s outrageous attempts to prescribe all victories and losses in WW2 solely to Russia and Russians. Further, Crimea was not transferred to Ukraine by the will of Nikita Khrushchev, as it widely believed today, but by Stalinist Georgiy Malenkov and other old members of the Communist party. Besides, they tried to win the loyalty of Ukrainians who had to restore devastated by the war peninsula and made this gift on occasion of the 300th anniversary of the Council of Pereyaslav as a result of which Ukrainian Hetman Bogdan Khmelnytskyi accepted Russian protectorate that was originally meant to be simply a military alliance.

Finally, the historical truth is important, but only the will to defend one’s own lands really counts. In this respect it’s necessary to mention an unexpected position of Byelorussian President Alexandr Lukashenko, who has always been considered a Russian puppet. He not only criticized Ukrainian authorities for giving up Crimea and offered Russia to return its lands to Kazakhstan and Mongolia, but also underlined that Belarus has never been a part of the “Russian world” and swore to protect integrity of Belarus in case of facing the threat of “the green man”: “Somebody thinks that there was no such country… It was not, but now it exists, and this must be considered. And we will not give our land to anyone” [15].

Pro-Russian sentiments of rightists are largely based on ignorance and wishful thinking. They have no idea about Russian “anti-extremist” laws and Putin’s war on historical revisionism, revisionism of the outcomes of WW2, Neo-Nazism, rehabilitation of fascism and glorification of Nazi collaborators on occasion of which he invited rabbis from Israel and Europe to take part in the conference in occupied Sebastopol (July of 2014). Not only Russian nationalists but also liberals who disagree with the authorities are effectively suppressed under 282 article of the Russian Penal code. These are the fruits of the well-known to Germans Historikerstreit (“Historians’ Dispute”) of 1986-87 which demonstrated solidarity of German and Soviet leftists regarding the German and, wider, European guilt and criminalized even the scientific study of these topics. Actually, namely Fyodor Dostoyevsky, who started his path as a leftist and is one of the biggest Russian conservative authorities, openly stated that a natural ally of Russian conservative is not a European rightist, but a European leftist as the one who desires complete destruction of the European order [16], which proves collaboration of Alexandr Dugin with Greek leftists “Syriza.”

Furthermore, according to the recent confession of the leader of the largest Russian right-wing organization (ethnopolitical association “Russians”) Dmitry Demushkin, who had to undergo a humiliating search by the FSB for the eighth time, “the Kremlin simply persecutes nationalists, and the force structures threaten them independent of the position of the nationalist on any particular question [such as Ukraine]. You can even glorify Putin, but this is no guarantee that you won’t be arrested or treated illegally. One must love Putin only with permission” [17]. Not surprisingly, this organization wrote an appeal to all European right-wing and conservative movements and organizations in which its Council highlighted concrete political steps of the Russian regime which ruin Russia ethnically and economically and urged them to respect the struggle of Russian comrades and not to support Putin. They added that annexation of Crimea and war in Donbas much worsened the situation of Russians and that defense of the rights of Russians is just a pretext for economic exploitation and further destruction of the Slavic world and unity [18].

LypaЛипа_Юрій.jpgThus Ukrainian nationalists, traditionalists and patriots realize that we deal with competition of the two poles of globalism that spring from the same root and justify themselves through reference to different mythologies. Authentic Ukrainian analogue of the European conception of Mitteleuropa is the project of Baltic-Black Sea Alliance (Union, Unia) that was developed, above all, by Ukrainian geopolitician Yury Lypa, the author of “The Black Sea Doctrine” and other works. One of the main Lypa’s ideas was rejection of the alien and destructive for Ukraine “East-West” dilemma (between Catholicism and Orthodoxy, West and Russia, liberalism and despotism, etc. that make Ukrainians look as a product of mix, say, between Poles and Russians) in favor of the traditional and natural for Ukraine orientation “North-East.” Lypa highly estimates both Germanic and Southern factors in Ukrainian history: for example, from the north came Goths and Normans (Vikings) who played an important political and state-building role, the south has always been the direction of Ukrainian cultural, military and trade expansion. The Baltic-Black Sea alliance as the third geopolitical way is partially connected with the Euro-Atlanticist integration, since some Eastern European and Baltic countries are members of the EU and NATO, but it aims at building of a sovereign geopolitical bloc which, apart from Eastern European and Baltic, could also include Scandinavian countries, as well as European part of Russia. It may become a starting point for the great European Reconquista which is heralded at present by the “Azov” regiment. The authoritative figures of the Right who produce the pro-Kremlin overviews of the events in Ukraine won’t change history and the logic of the struggle for the Ukrainian statehood and will only understand less and less in the Ukrainian developments along with their misguided readers.

Notes:

  1. 1) Alain de Benoist on Ukraine (Part 1) <http://openrevolt.info/2014/04/06/alain_de_benoist_ukraine/>; (Part 2) <http://openrevolt.info/2014/04/20/alain_de_benoist_ukraine_2/>
  2. 2) Александр Дугин, Консервативная Революция (Москва: Арктогея, 1994, с. 32).
  3. 3) Robert Steuckers, Interview with Pavel Tulaev <http://robertsteuckers.blogspot.com/2014/02/answers-to-questions-of-pavel-tulaev.html>
  4. 4) Ibid.
  5. 5) Олег Бахтияров, Майдан и Юго-Восток Украины: три ошибки Кремля <http://artpolitinfo.ru/oleg-bahtiyarov-maydan-i-yugo-vostok-ukrainyi-ili-tri-oshibki-kremlya/>
  6. 6) Robert Steuckers, Interview with Pavel Tulaev <http://robertsteuckers.blogspot.com/2014/02/answers-to-questions-of-pavel-tulaev.html>
  7. 7) Julius Evola, Presuppositions of the European Union (North American New Right, San Francisco: Counter-Currents Publishing Ltd., 2012, Volume 1, p. 19).
  8. 8) Ernst Jünger, The Peace (Hinsdale, Illinois: Henry Regnery Company, 1948, p. 65-66).
  9. 9) Ian B. Warren, The Heritage of Europe’s “Revolutionary Conservative Movement.” A Conversation with Swiss Historian Armin Mohler <http://www.ihr.org/jhr/v14n5p3_warren.html>
  10. 10) Кто из нас правый? Письмо французского лидера «НОВЫХ ПРАВЫХ» Алена де Бенуа редакции журнала АТЕНЕЙ <http://velesova-sloboda.vho.org/actual/newrightwing.html>
  11. 11) Павел Тулаев, Современные вызовы славянскому миру <http://suzhdenia.ruspole.info/node/5401>; Павел Тулаев об успехах и противоречиях новых правых < http://modus-agendi.org/articles/3374>
  12. 12) Guillaume Faye, Ukraine: Understanding the Russian Position <http://www.counter-currents.com/2014/03/ukraine-understanding-the-russian-position/>; Guillaume Faye, On the Russian Annexation of Crimea <http://www.counter-currents.com/2014/03/on-the-russian-annexation-of-crimea/>; Guillaume Faye, Vive Poutine, la bête noire des bien pensants <http://www.gfaye.com/vive-poutine-la-bete-noire-des-bien-pensants/>
  13. 13) Alain Badiou, A present defaults – unless the crowd declares itself: Alain Badiou on Ukraine, Egypt and finitude <http://www.versobooks.com/blogs/1569-a-present-defaults-unless-the-crowd-declares-itself-alain-badiou-on-ukraine-egypt-and-finitude>
  14. 14) Moscow Agent Strelkov Admits Russian Army Behind Crimea Referendum <http://uatoday.tv/news/moscow-agent-strelkov-admits-russian-army-behind-crimean-referendum-404995.html>
  15. 15) Lukashenko: Belarus is not Part of the Russia World <http://www.unian.info/politics/1038195-lukashenko-belarus-is-not-part-of-russian-world.html>
  16. 16) Федор Достоевский, Дневник писателя, Книга 1 (Москва: Астрель: Аст, 2007, с. 354-355).
  17. 17) Putin Targets All Russian Nationalists <http://windowoneurasia2.blogspot.com/2015/03/putin-targets-all-russian-nationalists.html>
  18. 18) Appeal of Russian Nationalists to European (White) Nationalist (Right) and Conservative Organizations <http://vnnforum.com/showthread.php?t=253240>; Original <http://rusnat.com/2015/03/11929/>

 

mercredi, 09 mai 2018

L'Atlantique Nord redevient une mer américaine

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L'Atlantique Nord redevient une mer américaine

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

La Marine américaine, par la voix de l'Amiral John Richardson, chef des Opérations navales, vient d'annoncer qu'elle réactivait sa « Seconde flotte ». Celle-ci, décommissionnée depuis 2011, couvrira une grande partie de l'Atlantique depuis le pôle nord jusqu'à la Mer des Caraïbes, incluant les côtes européennes. La Seconde flotte avait été mise en place après la seconde guerre mondiale, dans le cadre de l'Otan.

Aujourd'hui, comme précédemment, la Seconde Flotte sera principalement dirigée contre la Russie. Les incursions de la marine russe sont extrêmement rares dans l'ensemble de cette zone. Elles se limitent à la mer de Norvège et à la mer du Nord, en couverture des frontières russes. Récemment l'Otan avait accusé la Russie d'opérations de surface et sous-marines en Baltique, Atlantique Nord et mers arctiques. Avant 2011, la flotte comportait environ 126 navires, 4.500 avions et 90.000 hommes. Elle était répartie sur diverses bases de la cote Est américaine.

La nouvelle Seconde flotte, d'effectifs sans doute plus réduits, pour raisons d'économie, se donnera pour mission, selon l'amiral Richardson, d'exercer toutes manœuvres utiles dans l'ensemble de l'Atlantique, ainsi que d'intercepter pour examen tout navire suspecté de représenter une menace. Le concept de coordination éventuelle avec les marines européennes n'a pas été évoqué. Manifestement, celles-ci ne seront pas consultées.

On notera que cette annonce de l'US Navy suit de près celle faite par Vladimir Poutine concernant l'existence de missiles hypersoniques. Le Pentagone sait parfaitement que de tels missiles peuvent détruire tout navire ennemi, sans possibilités avant longtemps de parade. On consultera à ce sujet un article de Dedefensa http://www.dedefensa.org/article/les-usa-face-a-lhyperson...

Faut-il en conclure que Washington courra délibérément le risque de voir un de ses navires, après des provocations répétées de la Seconde flotte, détruit par un missile russe du type Kinzal ? La seule riposte à sa portée sera en ce cas nucléaire, nucléaire tactique avant de devenir stratégique. Ce seront l'occasion attendue d'une guerre nucléaire contre la Russie, difficile à engager actuellement sans prétexte.

Comme nous l'avons relaté, Vladimir Poutine le sait et ne veut pas provoquer délibérément d'incident avec les Etats-Unis susceptible d'entraîner une riposte nucléaire. D'où l'accusation de « mollesse » que certains lui ont faite. Mais si la Seconde flotte, en Atlantique Nord, en Baltique et en Arctique, se fait de plus en plus agressive, pourra-t-il longtemps ne pas répondre ?

lundi, 07 mai 2018

Un « Maidan » à Erivan?

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Un « Maidan » à Erivan?

Par Bernard Tomaschitz

On veut pousser à un changer de régime en Arménie et détacher le pays de tous ses liens avec la Russie

L’Arménie vient de subir des journées politiquement très turbulentes. Au bout de deux semaines d’agitation, avec des manifestations assez violentes, le premier ministre Serge Sarguissian a démissionné. La population appauvrie reproche amèrement à l’ancien président de la république de n’avoir pas tenu sa promesse de quitter les plus hautes fonctions de l’Etat après deux mandats. Serge Sarguissian « a surestimé ses capacités à demeurer au sommet du pouvoir » estime le politologue Nikolaï Zilayev, actif au sein d’un centre d’études sur les problèmes du Caucase.

Les affaires du chef du gouvernement sont désormais gérées par le représentant du premier ministre Karen Karapetyan, tandis que le chef de l’opposition Nikol Pachinyan, un journaliste qui critique les œuvres du gouvernement, exige de nouvelles élections. Il avait été condamné, il y a quelques années, à un an de prison pour avoir incité les foules à l’émeute. Pachinyan (photo) espère sans aucun doute améliorer les scores de son alliance électorale libérale, le « Yelk », qui n’avait glané que 7% des voix lors des législatives de 2017.

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La politologue Zilayev pense que ceux qui ont organisé les dernières manifestations en Arménie sont « pour une bonne part des personnes ayant reçu un appui financier de l’Occident ». De fait, à l’appui de l’hypothèse de Zilayev, on constate que, depuis des années, des fondations semi-étatiques américaines, dont l’objectif est soi-disant de promouvoir la « démocratie », comme le « National Endowment for Democracy » (NED) et la fondation « Open Society » (OSF) du spéculateur George Soros, sont actives dans la petite république caucasienne qui compte trois millions et demi d’habitants. Les observateurs ont notamment constaté que le NED et l’OSF ont soutenu très souvent des projets médiatiques pour favoriser l’éclosion d’opinions pro-occidentales. Ainsi, le NED a soutenu au printemps dernier un programme de télévision soi-disant « indépendant » à hauteur de 42.000 dollars américains, programme qui devait montrer aux Arméniens combien la république voisine de Géorgie profitait avantageusement de son rapprochement avec l’Union Européenne, alors que l’Arménie, inféodée à l’Union économique eurasienne, ne récoltait pas autant d’avantages. L’Arménie est membre tout à la fois de l’Union économique eurasienne, pilotée par la Russie, que de l’OTSC (« Organisation du Traité de la Sécurité Collective »), où Moscou donne également le ton.

Les derniers événements d’Arménie pourraient donc bien être les signes avant-coureurs d’un changement de cap politique, comme ce fut le cas avec les incidents de Maidan en Ukraine, qui ont déclenché la révolte soutenue par l’Occident en 2014. Sarguissian et Karapetyan entendent rester fidèles à Moscou, tandis que Pachinyan est clairement hostile aux Russes. Le Washington Post écrit à ce propos, que si Pachinyan obtient les succès qu’il escompte, « l’Arménie se joindra à un petit groupe de républiques ex-soviétiques, comme, principalement, l’Ukraine et la Géorgie, qui ont pu imposer à leurs dirigeants une révolution pro-démocratique, un quart de siècle après l’effondrement de l’Union Soviétique ».  Le journal américain limite toutefois son euphorie, en admettant que la révolte arménienne de ces dernières semaines « n’est pas portée par le désir de s’affranchir de l’influence russe ». Cela explique aussi pourquoi le Kremlin a réagi de manière sereine et se borne à garder un « œil vigilant » sur la situation de son petit voisin du sud. Le porte-paroles du Kremlin, Dimitri Peskov a déclaré : « Nous constatons que les événements qui secouent l’Arménie ne conduisent pas à une déstabilisation. Ce qui se passe en Arménie concerne exclusivement nos amis arméniens ».

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Cependant, les rapports amicaux entre Moscou et Erivan sont quelque peu troublés à cause du conflit du Nagorno-Karabakh, où l’armée arménienne a conquis et tenu quelques régions appartenant de jure à l’Azerbaïdjan mais peuplées majoritairement d’Arméniens. A la grande déception d’Erivan, les Russes veulent conserver de bons rapports aussi bien avec les Azéris qu’avec les Arméniens. Cette attitude conciliante de Moscou a forcément déplu aux Arméniens. Le géopolitologue russe Andrew Korybko explique la situation : l’Arménie « en dépit de ses obligations institutionnelles envers la Russie dans le cadre de l’Union économique eurasienne et de l’OTSC, s’est rapprochée de plus en plus de l’UE (et, lato sensu, de l’OTAN et des Etats-Unis), parce que l’attitude conciliatrice et équilibrante de la Russie dans le conflit arméno-azéri a généré de la méfiance dans le pays, traditionnellement allié à Moscou.

Si l’on suit le raisonnement de Korybko, des « éléments hypernationalistes » ont profité de plusieurs facteurs pour appeler la population à manifester violemment, dont, surtout, ceux qui ont suscité la colère populaire contre les dirigeants, posés désormais comme corrompus et contre les erreurs qu’ils auraient commises. Cette colère sert de prétexte à certains pour se hisser au pouvoir, à d’autres pour transformer l’Etat arménien en un pays antirusse, à l’exemple de l’Ukraine.

La conséquence de tout cela, c’est que l’Arménie risque dorénavant de basculer dans le « camp unipolariste », c’est-à-dire dans le camp américain. Korybko est convaincu que les Américains profiteront pleinement de l’occasion : « L’Arménie se rapproche à grands pas de l’UE et de l’OTAN et Washington ne va pas perdre du temps à engager là-bas des moyens militaires pour soutenir un nouveau régime contre l’ennemi azéri, posé comme pro-russe ». En fin de compte, l’Arménie, pays dont les contours ressemblent à une faucille, sera comme un poignard à proximité des régions qui sont au cœur de la nouvelle alliance russo-irano-turque. Les événements récents en Arménie ont donc une signification importante sur l’échiquier géopolitique international.

Bernhard TOMASCHITZ.

(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°18/2018, http://www.zurzeit.at .

samedi, 05 mai 2018

MAROC : Quels enjeux stratégiques pour l'Europe et l'Afrique ?

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MAROC : Quels enjeux stratégiques pour l'Europe et l'Afrique ?

Conférence de Charles Saint-Prot et Michel Ruimy à l’Ecole de guerre économique, le 19 mars 2018
 
 
 

vendredi, 04 mai 2018

Rencontre de Wuhan. Étonnant silence des gouvernements européens

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Rencontre de Wuhan. Étonnant silence des gouvernements européens

Ex: http://www.europesolidaire.eu
 
Un événement dont les conséquences géostratégiques, en Asie comme dans le monde, pourraient être très importantes, s'est tenu dans la ville de Wuhan, ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Wuhan) en Chine centrale, les 4 et 5 mai 2018.

Le président chinois Xi Jinping et le premier ministre indien Narendra Modi y ont eu une rencontre de deux jours présentée comme « informelle ». Mais manifestement elle a été prise très au sérieux par les gouvernements respectifs, comme en témoigne les articles citées ci-dessous en référence, et auxquels nous conseillons de se reporter.

On se souvient que longtemps l'Inde et la Chine avaient entretenu de bons rapports, comme en témoigne le rôle qu'elles avaient eu, conjointement avec la Russie, pour la mise en place de l'accord du BRIC. Mais c'en était trop pour Washington. Le maintien de l'Inde dans sa sphère d'influence était, vu l'importance du sous-continent indien, essentiel. Un changement de présidence, très largement favorisé par les dollars et les pressions de la CIA, avait conduit à la présidence Narendra Modi, membre du parti nationaliste hindou Bharatiya Janata Party. Modi, qui devait beaucoup à Washington avait multiplié les gestes de bonne entente à l'égard des Etats-Unis. Il avait aussi, malgré une volonté affichée d'encourager l'industrie indienne, notamment dans le domaine militaire, laissé le complexe militaro-industriel américain récupérer des positions stratégiques, qu'il n'a pas perdues depuis.

Cependant, la montée en puissance de la Chine et l'aggravation des problèmes économiques de l'Inde, notamment dans les domaines agricole, urbain et des infrastructures de transport, a changé la donne. La Chine n'aurait aucun intérêt à annexer en quoi que ce soit l'Inde. Elle a assez de difficultés à résoudre pour son propre compte. Quelques heurts de frontière très grossis par les nationalistes dans les deux pays, ne changeront rien à cela. Par contre l'Inde aura beaucoup à gagner d'investissements financiers et industriels chinois dont ses propres intérêts économiques espèrent devenir partenaires. Quant à la Chine, son principal objectif sera d'éviter que l'Inde ne retombe sous l'influence américaine. Voir le sous-continent devenir un abri pour la marine et l'aviation des Etats-Unis serait catastrophique.

Manifestement, bien que Xi et Modi n'en aient pas dit grand chose à ce jour précis, la rencontre entre les deux chefs d'Etat a permis d'envisager de nombreux domaines de coopération réciproque sur le modèle gagnant-gagnant. La possibilité pour l'Inde de s'intégrer dans le vaste programme chinois dit OBOR, Nouvelle route de la soie, terrestre et maritime, permettra notamment de désenclaver une Inde plus isolée géographiquement qu'il n'apparait à la lecture de la carte.

On comprend dans ces conditions que ni les gouvernements « occidentaux » ni les médias à leur service n'aient guère faits de commentaires à cette rencontre. Si l'Europe reste sous l'influence atlantique, elle perdra l'occasion de s'intégrer avec succès dans le vaste ensemble indo-asiatique en train de se mettre en place. Emmanuel Macron espère peut-être permettre à la France  de jouer un rôle dans cette perspective. Encore faudrait-il qu'il se dégage des intérêts américains qui ont joué un grand rôle dans son élection. 

Références

http://blogs.rediff.com/mkbhadrakumar/2018/05/02/guns-vs-...

http://www.globaltimes.cn/content/1100289.shtml

* Voir aussi, en français (à lire avec du recul) Le Monde http://abonnes.lemonde.fr/international/article/2018/04/3...

 

vendredi, 27 avril 2018

John Charmley et la very-British bêtise de Churchill

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John Charmley et la very-British bêtise de Churchill

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

JCH-ch1.jpgBrute impériale, raciste humaniste, boutefeu impertinent, affameur et bombardier de civils, phraseur creux et politicien incapable en temps de paix, américanophile pathétique, Winston Churchill est naturellement le modèle de cette époque eschatologique et de ses néocons russophobes (Churchill recommanda l’usage de la bombe atomique contre les russes à Truman). On laisse de côté cette fois Ralph Raico et on évoque cette fois le brillant historien John Charmley qui l’analysa d’un point de vue british traditionnel : Churchill anéantit l’empire, choisit le pire et a guerre, varia d’Hitler (le moustachu puis Staline) et humilia l’Angleterre transformée en brillant troisième des USA. Autant dire que Charmley n’est pas bien vu en bas lieu. Il écrit en effet que l’Angleterre ruina deux fois l’Europe pour abattre une Allemagne qui finit par la dominer économiquement ! Niall Ferguson a reconnu aussi les responsabilités britanniques dans la Première Guerre mondiale.

Coup de chance pour nous, un autre livre de Charmley a été traduit par Philippe Grasset pour les éditions Mols il y a quelques années. Dans Grande alliance Charmley notre historien montre le progressif abaissement matériel et moral de l’Angleterre – menée au suicide de civilisation par le boutefeu préféré de notre presse au rabais. Et cela donne :

« Les Britanniques voulaient-ils un geste montrant qu’on se préoccupait d’eux ? Roosevelt leur livrait cinquante vieux destroyers, pour lesquels les Britanniques payeraient avec la cession de leurs bases des Caraïbes. Churchill pouvait voir ce qui lui plaisait dans ce geste mais l’échange fut décrit de façon plus précise par le secrétaire au Foreign Office, Anthony Eden, comme « un sérieux coup porté à notre autorité et, finalement ... à notre souveraineté ». Le fait qu’en janvier 1941, l’Angleterre n’avait reçu que deux des fameux cinquante destroyers faisait, pensait-il, qu’« on pouvait raisonnablement regarder ce marché comme un marché de dupes ».

Très vite, pendant la Guerre, on sent que l’empire britannique va, grâce à Churchill, changer de mains :

« Un commentateur dit justement qu’ « aucun officiel américain n’aurait jamais proclamé grossièrement que l’un des buts essentiels de notre politique extérieure serait l’acquisition de l’empire britannique » ; mais Cordell Hull déclara tout de même qu’il utiliserait « l’aide américaine comme un canif pour ouvrir cette huître obstinément fermé, l’Empire ». 

Parfois le gros homme devenait lucide :

« La version finale de la requête britannique, transmise le 7 décembre 1940, mettait en évidence le sérieux de la situation économique du pays. Le ton de la lettre de Churchill était grave et d’une prescience inattendue. Il dit à Roosevelt qu’il croyait que son interlocuteur « accepterait l’idée qu’il serait faux dans les principes et mutuellement désavantageux dans les effets si, au plus haut de cette bataille, la Grande Bretagne devait être privée de toutes ses possessions dans une mesure où, après avoir vaincu grâce à notre sang ... nous nous retrouverions dépouillés jusqu’aux os ». C’était une affirmation superbe et émouvante mais elle ne détourna en rien les Américains dans leur détermination d’utiliser la situation dramatique de l’Angleterre pour obtenir des concessions qui garantiraient qu’elle ne se trouverait pas sur la voie de la paix qu’ils voulaient. »

WC-c1.jpgLes Britanniques devaient livrer leur or eux-mêmes :

« Le 23 décembre, FDR dit à l’amiral Stark, le chef de la Navy, qu’il voulait un navire de guerre « pour récupérer les [réserves] d’or [britanniques] en Afrique » ; non seulement Roosevelt entendait se payer sur les vastes avoirs britanniques d’outre-mer mais il entendait également que les Britanniques assurent le paiement du transport… La première réaction de Churchill fut de dire à FDR que ce marché lui rappelait « un sheriff qui saisit les derniers biens du débiteur sans protection »

En vain Lord Beaverbrook se réveille et houspille :

« Dans une lettre furieuse à Churchill, à la fin décembre, il accusa les Américains de « n’avoir rien concédé » et d’avoir « obtenu un gain maximum de tout ce qu’ils ont fait pour nous. Ils ont pris nos bases sans autres considérations. Ils prennent notre or. » Les livraisons américaines étaient rares, contrairement aux promesses faites. »

Charmley en conclut logiquement une chose :

« Rien ne dit que FDR ait jamais considéré l’Angleterre comme son principal allié…façon dont Churchill traça le portrait de FDR : si la réalité de l’accord sur les destroyers et sur le lend-lease avait été révélée et la réalité des ambitions de FDR pour l’Amérique mise en lumière, Churchill aurait passé pour une dupe de plus du Président. »

Pour une fois Lord Cherwell, réfugié juif allemand (Lindeman) chargé des bombardements de la population civile allemande (un million de morts sus les bombes contre 17000 à l’Angleterre), a raison :

« Comme son conseiller scientifique nouvellement ennobli Lord Cherwell le dit à Churchill, « les fruits de la victoire que Roosevelt nous prépare semble se résumer à la sauvegarde de l’Amérique et la famine virtuelle pour nous ». Ce n’était pas « une nouvelle très enthousiasmante à annoncer au peuple anglais ». Bien que le Chancelier jugeât les prévisions de Cherwell pessimistes, le fait est que, dans l’après-guerre, l’Angleterre allait être confrontée à un choix que ses hommes politiques jugeraient insupportable. »

On fait le maigre bilan de cette guerre que ne voulait pas Hitler (lisez Liddell Hart ou Preparata pour savoir pourquoi) :

« Alors, qu’avait donc obtenu l’Angleterre ? Elle avait acquis l’admiration de larges tranches du public américain et avait gagné leur respect. Elle s’était battue pour son indépendance mais elle avait été capable de le faire seulement avec l’aide américaine et, en fait, comme un satellite de l’Amérique. Son avenir était endetté, son économie pressée jusqu’à un point de rupture, ses villes bombardées et sa population soumise à un rationnement radical. Ce superbe et héroïque effort ne fut nullement récompensé pendant dix-huit mois. »

Le bellicisme churchillien s’accompagne d’une grosse paresse des soldats (lisez mon maître Masson, qui en parlait très bien) :

« Le féroce assaut japonais et la résistance indolente des Britanniques à Singapour montrèrent que la puissance impériale était au-delà de ses capacités ; le spectacle des 100.000 soldats se rendant à une puissance asiatique à la chute de Singapour était une de ces images à laquelle le prestige impérial ne pourrait pas survivre. »

WC-c2.jpgChurchill a multiplié les mauvais conseils et les mauvaises décisions, rappelle Charmley :

« C’est Churchill qui mit son veto à l’idée de garantir à Staline ses frontières de 1941 ; c’est Churchill qui refusa de reconnaître l’organisation gaulliste comme gouvernement provisoire de la France ; c’est Churchill qui, par-dessus tout, montra un jugement si mauvais qu’il rejeta à la fin de 1944 l’idée d’une alliance européenne occidentale avec le commentaire méprisant qu’on n’y trouverait rien « sinon de la faiblesse ». Dans l’attitude de Churchill, on trouve le thème obsédant de l’Amérique. »

Nous évoquions Preparata qui s’inspira pour sa vision de Veblen. Litvinov (découvrez aussi Nicolas Starikov) confirme alors que le but de guerre était d’abord la destruction mutuelle de l’Allemagne et de la Russie :

« Maxim Litvinov, qui était marié à une Britannique et qui n’était en aucune façon anglophobe, avait dit à Davies que les Britanniques « repoussaient l’idée d’un second front de façon à ce que la Russie “soit vidée de son sang en affrontant seule les Allemands”. Après la guerre, le Royaume-Uni pourrait ainsi “contrôler et dominer l’Europe” ».

On y arriva mais bien après, avec les américains…la destruction de l’Europe est encore au programme sous domination anglo-saxonne (on ignorera la France renégate).

A l’époque, rappelle Charmley, l’opinion publique n’est pas trop hostile à l’U.R.S.S. Elle voit d’un mauvais œil le maintien des empires coloniaux (nous aussi, il fallait les liquider en 45 :

« L’opinion publique américaine n’était pas prête à lier son avenir à une alliance exclusivement anglo-américaine. Elle tendait plutôt à partager l’opinion de Josephus Daniels, du Raleigh News & Observer, selon lequel il importait d’inclure dans l’alliance générale « la Russie et la Chine » parce que « les espoirs d’une paix permanente basés sur une alliances serrée entre grandes puissances suscite la frustration en inspirant la peur et la jalousie dans les zones hors de celle que couvre l’alliance » ; la sécurité doit être « collective » pour être effective. »

Après cerise sur le bonbon. John Charmley se défoule :

« Derrière la politique américaine de Churchill, on trouve la proposition que le crédit moral de l’action du Royaume-Uni en 1940-41 pouvait être converti en influence sur la politique américaine. Comme nombre d’américanophiles, Churchill imaginait que l’Amérique survenant sur la scène mondiale aurait besoin d’un guide sage et avisé, et il se voyait fort bien lui-même, avec le Royaume-Uni, dans ce rôle. Cela paraît aujourd’hui une curieuse fantaisie mais c’est bien le principe qui guida la diplomatie britannique à l’égard de l’Amérique pendant la période que nous étudions dans ces pages. »

La naïveté britannique a une pointe d’arrogance :

« En tentant d’exposer « l’essence d’une politique américaine » en 1944, un diplomate définit parfaitement cette attitude. La politique traditionnelle du Royaume-Uni de chercher à empêcher qu’une puissance exerça une position dominante était écartée : « Notre but ne doit pas être de chercher à équilibrer notre puissance contre celle des États- Unis, mais d’utiliser la puissance américaine pour des objectifs que nous considérons comme bénéfiques ». La politique britannique devrait être désormais considérée comme un moyen d’ « orienter cette énorme péniche maladroite [les USA] vers le port qui convient ». 

Charmley ironise alors (que peut-on faire d’autre ?) :

« L’idée d’utiliser « la puissance américaine pour protéger le Commonwealth et l’Empire » avait beaucoup de charme en soi, en fonction de ce que l’on sait des attitudes de Roosevelt concernant l’Europe. Elle était également un parfait exemple de la façon dont les Britanniques parvenaient à se tromper eux-mêmes à propos de l’Amérique. On la retrouve avec la fameuse remarque de MacMillan, en 1943, selon laquelle les Britanniques devraient se considérer eux-mêmes comme « les Grecs de ce nouvel Empire romain ». »

WC-c3.jpgUn peu d’antiquité alors ? Charmley :

« L’image de la subtile intelligence des Britanniques guidant l’Amérique avec sa formidable musculature et son cerveau de gringalet était flatteuse pour l’élite dirigeante britannique ; après l’horrible gâchis qu’elle avait réalisé à tenter de préserver son propre imperium, elle avait l’arrogance de croire qu’elle pourrait s’occuper de celui de l’Amérique. Même un Béotien aurait pu se rappeler que, dans l’empire romain, les Grecs étaient des esclaves. »

La banqueroute britannique se rapproche (l’Angleterre est broke) :

« Les besoins britanniques pour l’après-guerre étaient aussi simples à définir qu’ils étaient difficiles à obtenir : une balance commerciale favorable et une balance des paiements excédentaire.

L’absence de ces deux facteurs signifiait la banqueroute et la fin du Royaume-Uni comme grande puissance. « 

Keynes en est conscient :

« Comme observait Keynes dans une lettre à Stettinius en 1944, ce dernier « avait non seulement omis de noter que l’administration US prenait toutes les mesures pour que le Royaume-Uni soit le plus près possible de la banqueroute avant qu’une aide lui soit apportée »…

C’était le prix de l’alliance américaine… »

Annaud me disait un jour que même affaiblie la critique de cinéma gardait son pouvoir de nuisance. De même pour l’Angleterre, qui toute à son obsession de diriger le monde avec son compère américain casse l’union sacrée antifasciste de l’après-guerre. On va citer le vice-président Wallace, humaniste progressiste et homme éminent cité du reste par Bernanos dans sa France contre les robots :

« Pour autant, on ne dira pas que les Américains « tombaient » d’une certaine façon dans ce que Wallace dénonçait comme « les intrigues » britanniques ; ce serait plutôt à ce point que la nature pyrrhique des relations spéciales anglo-américaines deviendrait évidente. Pragmatique jusqu’au tréfonds de l’âme, la diplomatie britannique avait comme objectif de convaincre les Américains que ses batailles dans la Méditerranée orientale et la zone autour des Détroits s’appuyait sur la cause de la démocratie. »

Puis l’Amérique prend la rage antirusse (lisez Raico pour comprendre comment il fallut se faire réélire !) :

« En cherchant à susciter le soutien américain, les Britanniques fabriquaient leur propre Frankenstein. Une fois que les Américains furent convaincus que les Soviétiques ne coopéreraient pas dans leur proposition de nouvel ordre mondial, la voie était ouverte pour un conflit idéologique qui écarterait les objectifs des Britanniques et les enchaînerait dans un conflit manichéen… »

Chose intéressante, Charmley confirme que l’UE est une création 100% américaine destinée à servir les intérêts de l’amère patrie !

« L’aide américaine avait été sollicitée pour préserver la place du Royaume-Uni parmi les grandes puissances mais elle ne fit rien pour préserver l’Empire et, rapidement, les Américains exigèrent impatiemment que les Britanniques prennent la tête d’une fédération européenne. »

Pré carré américain, l’Europe devait être colonisée froidement (il était recommandé au soldat de ne pas sympathiser avec la population – cela n’excluait pas les viols qui inspirèrent le classique Orange mécanique). D’ailleurs la France :

« Les ministres n’étaient guère séduits par les conceptions de FDR selon lesquelles la France devrait être dirigée pendant un an après sa libération par un général allié. »

Le Plan Marshall ? Parlons du plan Marshall :

« Le Plan Marshall allait se révéler également un puissant instrument pour ce dessein. George Kennan écrit dans ses mémoires : « Nous espérions forcer les Européens à penser en Européens et non en nationalistes » ; évidemment, le « nationalisme » n’était acceptable que lorsqu’il était américain. Le Plan Marshall projeta le système d’organisation industrielle et fédéraliste américain en Europe, son objectif ultime était de créer une Europe convenant aux Américains. »

Un crochet par Eisenhower, personnage plus falot que prévu ici, mais qui va dénoncer comme on sait le lobby militaro-industriel :

« Malgré son engagement dans l’Alliance atlantique, Eisenhower ne pouvait pas ne pas s’inquiéter de l’augmentation des dépenses de défense, de leur poids sur l’économie et sur l’American way of life en cas d’aggravation de la Guerre froide. Comme il le dit en mars 1953 à un vieil ami de Churchill, Bernie Baruch, « accoutumer notre population à vivre indéfiniment sous un tel contrôle [gouvernemental] conduira graduellement à de nouvelles relations entre l’individu et l’Etat – une conception qui changerait d’une façon révolutionnaire le type de gouvernement sous lequel nous vivons ». Le Président était un vrai républicain dans le sens où il pensait que, « en permettant la croissance incontrôlée du gouvernement fédéral, nous nous sommes d’ores et déjà largement éloigné de la philosophie de Jefferson… »

Encore un clou à enfoncer pour la construction européenne :

« Dulles voulait cet élément  supranational qui aurait donné un nouvel élan à l’union européenne, dont les Américains trouvaient les progrès désespérément lents. »

On en restera là. Vous pouvez lire la suite ailleurs… On aura appris grâce à John Charmley que l’histoire moderne en occident, si elle pleine de bruit et de fureur, est racontée non par un, mais beaucoup d’idiots dont le Nobel modèle reste Churchill. Car les idiots sont aussi dans le public.

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Churchill’s Grand Alliance ou La Passion de Churchill, troisième volet d’une trilogie de l’historien britannique John Charmley, publié en 1995, décrit la fondation (1941) des “relations spéciales” (special relationships) entre les USA et le Royaume-Uni et leur développement jusqu’au tournant décisif de 1956 (crise de Suez).

http://www.editions-mols.eu/publication.php?id_pub=41

Auteur: John Charmley

Format: 155 x 230, 522 pages, ISBN: 2-87402-071-0

Prix: 15 Euros

Fin de l'ère des empires maritimes

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Fin de l'ère des empires maritimes

par Dimitri Orlov

Ex: http://www.dedefensa.org

Au cours des 500 dernières années, les nations européennes − le Portugal, les Pays-Bas, l’Espagne, la Grande-Bretagne, la France et, brièvement, l’Allemagne − ont été capables de piller la planète en projetant leur puissance navale à l’étranger. Comme une grande partie de la population mondiale vit le long des côtes et que la plus grande partie de cette population commerce par voie maritime, les navires armés arrivés soudainement de nulle part pouvaient mettre les populations locales à leur merci. Les armadas pouvaient piller, imposer un tribut, punir les désobéissants, puis utiliser ce pillage et ces rançons pour construire plus de navires, élargissant la portée de leurs empires navals. Cela a permis à une petite région avec peu de ressources naturelles et peu d’avantages concurrentiels au-delà d’une extrême pauvreté et d’une multitude de maladies transmissibles, de dominer le globe pendant un demi-millénaire.

Les héritiers ultimes de ce projet naval impérial sont les États-Unis, qui, avec la puissance aérienne additionnelle, leur flotte de porte-avions et leur vaste réseau de bases militaires à travers la planète, sont supposés pouvoir imposer la Pax Americana sur l’ensemble de la planète. Ou, plutôt dira-t-on, “ont été en mesure de le faire” pendant la brève période entre l’effondrement de l’URSS et l’émergence de la Russie et de la Chine en tant que nouvelles puissances mondiales et leur développement de nouvelles technologies antinavires et anti-aériens. Désormais, ce projet impérial touche à sa fin.

Avant l’effondrement soviétique, l’armée américaine n’osait pas menacer directement les pays auxquels l’URSS avait étendu sa protection. Néanmoins, en utilisant sa puissance navale pour dominer les voies maritimes qui transportaient du pétrole brut, et en exigeant que le pétrole soit échangé en dollars américains, les USA ont pu vivre au-dessus de leurs moyens en émettant des instruments de dette libellés en dollars et en forçant les pays du monde entier à y investir. Les Américains ont pu importer tout ce qu’ils voulaient en utilisant de l’argent emprunté tout en exportant de l’inflation, et en expropriant l’épargne des gens à travers le monde. Dans le processus, les États-Unis ont accumulé des niveaux absolument stupéfiants de dette nationale − au-delà de tout ce qui a été vu auparavant en termes absolus ou relatifs. Lorsque cette bombe de dette explosera, elle propagera la dévastation économique bien au-delà des frontières américaines. Et elle explosera une fois que la pompe à richesse qu’est le pétrodollar, imposée au monde par la supériorité navale et aérienne américaine, cessera de fonctionner.

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Une nouvelle technologie de missiles permet maintenant, à un coût très raisonnable, de vaincre un empire naval. Auparavant, pour mener une bataille navale, il fallait avoir des navires qui surpassaient ceux de l’ennemi en vitesse et en puissance de feu. L’Armada espagnolea été coulée par l’armada britannique. Avec l’époque industrielle surtout au XXème siècle, cela signifiait que seuls les pays dont la puissance industrielle correspondait à celle des États-Unis pouvaient envisager de s’y opposer militairement. Cette situation est désormais dépassée. Les nouveaux missiles russes peuvent être lancés à des milliers de kilomètres, ne peuvent être arrêtés, et il en suffit d’un seul pour couler un destroyer et seulement de deux pour couler un porte-avions. L’armada américaine peut maintenant être coulée sans avoir une contre-armada en opposition. La taille relative des économies américaine et russe ou des budgets de la défense devient sans importance : les Russes peuvent construire de nombreux missiles hypersoniques beaucoup plus rapidement et à un coût infiniment  moindre que ce qui est nécessaire aux Américains pour construire un seul porte-avions.

Tout aussi important est le développement de nouvelles capacités de défense anti-aérienne en Russie : les systèmes S-300 et S-400, qui peuvent largement protéger l’espace aérien d’un pays. Partout où ces systèmes sont déployés, comme en Syrie, les forces américaines sont contraintes de rester hors de portée. Avec leur supériorité navale et aérienne qui s’évapore rapidement, tout ce que les États-Unis peuvent tenter militairement est d’utiliser de grandes forces terrestres − une option politiquement désagréable qui s’est avérée inefficace en Irak et en Afghanistan. Il y a bien sûr l’option nucléaire ; mais, bien que leur arsenal nucléaire ne soit pas susceptible d’être neutralisé de sitôt, les armes nucléaires ne sont utiles qu’en tant que moyens de dissuasion. Leur valeur particulière est d’empêcher les guerres d’atteindre le seuil critique de l’anéantissement mais ce point d’inflexion est bien au-delà de leur domination navale et aérienne mondiale. Les armes nucléaires sont pires qu’inutiles pour un comportement agressif contre un adversaire doté aussi de l’arme nucléaire ; invariablement, elles le transforment en comportement suicidaire. Ce à quoi les États-Unis sont maintenant confrontés est essentiellement un problème financier de dette irrécouvrable et d’une pompe à richesse défaillante, et il apparaît extraordinairement évident que susciter des attaques nucléaires partout dans le monde ne peut résoudre les problèmes d’un empire qui se délite sinon par l’anéantissement collectif.

Les événements qui signalent de vastes changements d’époque dans le monde semblent souvent mineurs lorsqu’ils sont considérés isolément. La traversée du Rubicon par Jules César n’était que la traversée d’une rivière ; les troupes soviétiques et américaines se rencontrant et fraternisant sur l’Elbe étaient, relativement parlant, un événement mineur, loin de l’échelle du siège de Leningrad, de la bataille de Stalingrad ou de la chute de Berlin. Pourtant, ils ont signalé par leur caractère symbolique un changement tectonique dans le paysage historique. Peut-être venons-nous d’assister à quelque chose de similaire avec la récente et minuscule bataille de la Ghouta orientale en Syrie, où les États-Unis ont utilisé un simulacre d’armes chimiques comme prétexte pour lancer une attaque tout aussi symbolique sur certains aérodromes et bâtiments en Syrie. L’establishment de la politique étrangère des États-Unis a voulu montrer qu’il a toujours de l’importance et un rôle à jouer, mais ce qui s’est réellement passé est la mise presque totalement hors-jeu de la puissance navale et aérienne américaine.

Bien sûr, tout cela est une terrible nouvelle pour l’armée américaine et la politique étrangère de l’establishment, ainsi que pour les nombreux membres du Congrès américain dans les districts où le complexe militaro-industriel opère et là où les bases militaires sont situées. De toute évidence, c’est aussi une mauvaise nouvelle pour le business de la défense, pour le personnel des bases militaires et pour beaucoup d’autres. C’est aussi une mauvaise nouvelle sur le plan économique, puisque les dépenses de défense sont à peu près le seul moyen efficace de relance économique dont le gouvernement américain est politiquement capable. Si vous vous en souvenez, les « emplois à la pelle »d’Obama n’ont rien fait pour prévenir la chute spectaculaire du taux d’activité, qui est un euphémisme pour ne pas parler du taux de chômage réel. Il y a aussi le merveilleux plan pour dépenser beaucoup d’argent avec le projet SpaceX d’Elon Musk (tout en continuant d’acheter des moteurs de fusée d’importance vitale aux Russes qui discutent actuellement de bloquer leur exportation vers les États-Unis en représailles des sanctions américaines). En bref, enlevez le stimulus de la défense, et l’économie américaine s’effondrera dans une grande détonation suivie d’un sifflement diminuant graduellement.

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Inutile de dire que tous ceux qui sont impliqués feront de leur mieux pour nier ou cacher le plus longtemps possible que la politique étrangère américaine et le complexe militaro-industriel sont maintenant neutralisés. Ma prédiction est que l’empire naval et aérien de l’Amérique n’échouera pas parce qu’il sera vaincu militairement, ni ne sera démantelé une fois que l’information de son inutilité se diffusera ; au lieu de cela, il sera forcé de réduire ses opérations pour cause de manque de fonds. Il y aura peut-être encore quelques grosses frictions avant qu’il n’abandonne, mais surtout nous aurons beaucoup de gémissements et de geignements. C’est ainsi que l’URSS a trépassé ; c’est ainsi que s’effacera l’Empire américain.

Dimitri Orlov

(Le 19 avril 2018, Club Orlov– Traduction par Le Sakerfrancophone)

jeudi, 26 avril 2018

Hervé Juvin : "Le réel est notre premier problème politique"

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Hervé Juvin : "Le réel est notre premier problème politique"

Conseiller en stratégie, ancien président d'Eurogroup Institute, essayiste, notamment chez Gallimard, Hervé Juvin est vice-président de Geopragma. Lors de la soirée de lancement, il évoquait la nécessité d'une géopolitique réaliste.
 

lundi, 23 avril 2018

Iranian Oil and European Independence

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Iranian Oil and European Independence

Ex: https://www.geopolitica.ru
 
The Polish media and energy market experts have given a very large, prestigious significance to the arrival of oil tanker "Delta Kanaris" to the Gdansk Refinery, which supplied 130,000. tons of light Iranian oil for the needs of PKN ORLEN. On Friday, 13th April, this was the most important news of the main Polish state television channels, together with the announcement that in a few months PKN ORLEN may sign a long-term agreement for the supply of oil from Iran. And a day later, Polish decision makers were already behaving, saying and looking as if they had heard for the first time in their lives that Iran existed at all. This is a perfect example (of course one of many) for the comprador status of Poland, typical for all Central Europe. With Russia in the background – as always in our times…
 
 "Delivery from Iran has become a reality. Oil from the Middle East gives us many opportunities. First and foremost, it enables diversification of delivery directions and increasing the energy security of the state. No less important, however, is that it is a species that is completely safe for processing at our Płock Refinery, allowing for very satisfactory economic effects" – enjoyed Daniel Obajtek, the Chairman of PKN ORLEN, biggest Polish oil company. What is important aspect - ORLEN is also the eighth largest buyer of Russian oil, in 2017 buying 10.4 million tons for $ 3.8 billion, but company owned by Polish Government is “looking for diversification”.

“Diversify” means buy from Americans

“Diversification” is the most favourable term of present Polish pseudo-economical language, and it is understood as final proof of Polish independence. Independence only from Russia, of course. Changing directions of supply of energy raw materials is just a political decision, because, regardless of Polish-Russian gas disputes (with of course Ukraine in the background) - on the petroleum market Warsaw-Moscow cooperation is just model. Russia supplies Poland with 29% oil purchased (in 2017), while Norway 12%, and thanks to the "Friendship" oil pipeline built in 1965 we have access to the cheapest oil in the region and we enjoy the benefit of both so called transport and geographic rents. If we count the average of last 13 years, it turns out that Russian oil is cheaper by $ 1.6 per barrel. At prices of $ 60-70, it seems not much, but with more than 25 million tons of imported oil, it gives us a huge sum of billions of zlotys of savings per year (compared to average prices of oil purchased by EU countries). Thus, a clean economic calculation means, that trade relations with Russia should continue, America, however, imposes its own solutions under the cover of diversification, forcing purchases of Iraqi or Saudi oil, despite their clearly worse parameters, as heaviness and sulfation. Especially it is Iraqi oil which in recent years has been winning European markets, its share in EU imports increased from 2% in 2005 to over 8% in the previous year. 
 
In the same time Russia also diversifies outlets, especially to China and whole Pacific Region, Iran could therefore prove to be a supplementary supplier for Europe (e.g. Italy in January signed a $6 billion investment deal with Tehran) – but even this solution is unacceptable for Saudi salesmen called American Government. Following Trump’s instructions – London, Berlin and Paris have just supported the new sanctions on Iran, and now all members of EU should accept it. That is why this symbolic contract with Iran, enthusiastically welcomed in Poland – caused quick and aggressive reaction of the Embassy of USA. Management of Polish state television and leader of Polish ruling party they were called urgently by Paul B. Jones, American Ambassador in Warsaw, who announced them that Donald Trump administration is determined to ban further economic and economic Polish ties with Iran. The only one accepted directions of diversification for Poland – these are USA (and their Iraq colony) and Saudi Arabia. Some of the media immediately changed their tone triggering an alarm that because of the contract with Teheran, Poles could get this evil, wrong... oil from Russia! There is no sense in such “argumentation”, but in the present state of mind and towards intensity of propaganda, that argument is still more important than all economic profits…

Not sovereign enough

That way, in the context of earlier enthusiasm for cooperation with Iran - Poland is undergoing one of the next serious tests of its sovereignty and national dignity. As other American colonies, especially in Eastern Europe – Poland is to be as much “independent” as possible to reject the savings, profits and benefits of trade with Russia, but not sovereign enough to buy any from another source, not accepted and pointed by The Big Brother. 
 
However, this is not only about the typical complaints about the subordinate status of Poland and the whole of Europe in the American interests. This also shows straight importance of the Middle Eastern front of the global war for the whole Eurasia. Just as Western Eurasia depends on Russian oil and gas supplies - for Russia, basing the economy almost exclusively on the status of an energy supplier also means addiction, stopping the authorities in Moscow from almost any serious geopolitical decision. In the future bipolar World, Russia, as the center of Eurasia, must play a key role anyway, but Russian economy must look for new variables by itself. Just with that in mind, there is also a place for potential parallel centers – as Iran. And here is the level of the new community: Europe (including Poland), Russia, Iran (also Turkey as an element necessary for security reasons), of course, however, under one essential condition - getting rid of American hegemony. And those stupid 130,000 tons of oil – become a symbol of this the symbol of the liberation.
 

dimanche, 22 avril 2018

« FONDEMENTS DE LA GÉOPOLITIQUE: LE FUTUR GÉOPOLITIQUE DE LA RUSSIE »

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COMPTE RENDU ANALYTIQUE:

« FONDEMENTS DE LA GÉOPOLITIQUE: LE FUTUR GÉOPOLITIQUE DE LA RUSSIE »

 
Ex: https://www.geopolitica.ru

Philosophe, professeur, politologue, sociologue, idéologue, Aleksandr Dougine aime brouiller les pistes. Dans ses « Fondements de géopolitiques », somme de 600 pages paru en 1997, il revient sur un siècle de théorie géopolitique et propose une analyse programmatique de ce que devrait être l’orientation stratégique russe dans une perspective résolument « néo-eurasiste ». Il concerne ainsi plus de 13 chapitres non seulement à la Russie, mais aux pays constituant sa périphérie immédiate, destinés dans l’optique de Dougine à faire partie d’un bloc eurasiatique sous influence russe. Ces thèses, appuyées sur une lecture manichéenne du monde inspirée entre autre de Carl Schmitt, font l’objet de vives inquiétudes occidentales depuis l’annexion de la Crimée et le conflit à l’Est de l’Ukraine.

LA RUSSIE, SON ESPACE ET L’EURASIE SELON DOUGINE

L’homme, décrit dans les médias russes comme « l’idéologue du néo-eurasisme » 1, adhère très tôt à des courants extrémistes marginaux, dès la fin des années 80, telle l’organisation russe anti-sémite, Pamyat 2 créée dans l’illégalité en 1984 puis médiatisée durant la Glasnost à l’occasion de manifestations dénonçant le complot juif international et le sionisme. Dougine est également membre du cercle secret Yuzhinsky 3, crée dans les années 1960, composé d’intellectuels versés dans le mysticisme, le paganisme et le fascisme. Au gré des bouleversements politiques de la Russie de l’après-URSS et de ses relations avec l’appareil politique et le milieu intellectuel, Alexandre Dougine enrichit son discours initialement nationaliste et développe une version d’extrême droite d’une idéologie présente depuis le XIXème siècle dans le paysage intellectuel russe, l’eurasisme. Ce néo-eurasisme consiste “à s’appuyer sur une commune conception de l’identité russe et de son destin impérial : les peuples vivant sur le territoire de l’entité eurasienne appartiennent à une seule et même communauté de destin, leur unité est fondée sur l’alliance turko-slave ainsi que sur le rejet de l’Occident » selon la définition proposée par Marlène Laruelle 4.

Dans l’ouvrage de Dougine, l’idée d’un destin propre au peuple russe se taille la part du lion.

La théorie géopolitique de Dougine, novatrice selon son auteur, puise pourtant ses sources dans l’histoire intellectuelle européenne et russe du 19ème et du 20ème siècle. Il convient de souligner que la géopolitique russe ne s’est pas fondée sur les sciences politiques, géographiques ou stratégiques mais sur l’histoire et principalement la philosophie 5 d’où la prédominance dans l’ouvrage d’Alexandre Dougine et bien d’autres, de concepts tels que les « facteurs de civilisations » (présents chez Danilevski et plus tard chez Spengler dans «Le Déclin de l’Occident»). 

L’idée impériale, sous une forme messianique, civilisatrice ou communiste, a donc toujours été profondément ancrée dans la pensée russe

Dans l’ouvrage de Dougine, l’idée d’un destin propre au peuple russe s’y taille la part du lion. Cette « spécificité russe » a été pensée dès le début du XIXème par ceux qui à l’époque de la Russie tsariste se qualifiaient de « slavophiles ». Opposés à l’idée, défendue par les intellectuels « occidentalistes », selon laquelle l’imitation de l’Occident serait un facteur de progrès, les slavophiles, issus de différentes disciplines, ont cherché à démontrer que la Russie a une trajectoire historico-politique propre, qu’en raison de sa dimension eurasiatique et de sa proximité avec l’univers de la steppe on ne peut la comprendre à l’aide des grilles d’analyse purement occidentales. Cette spécificité russe, d’aucuns comme Lev Gumilev 6 l’ont expliquée par des facteurs naturalistes ; d’autres comme Alexandre Panarin 7 privilégient l’explication culturaliste. Ainsi, en raison de ses filiations idéologiques complexes et de ses nombreux référents culturels, l’eurasisme peut simultanément prendre la forme d’une philosophie, une conception du monde, une politique ou une doctrine. Le néo-eurasisme de Dougine en reprenant cette tradition – qui a pu prendre souvent la forme d’une pensée de la « troisième voie » entre occidentalisme et slavophilie, comme le rappelle Jeffrey Mankoff 8– et en la mâtinant d’une idéologie décadentiste aux accents fascistes l’amène à ses conclusions les plus extrêmes, justifiant comme nous allons le voir une stratégie géopolitique d’influence à peine voilée.

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LA RUSSIE ET SON ESPACE SELON DOUGINE

« Rassembler l’Empire »

Elaboré dans le contexte de détresse sociale et économique post-soviétique qu’à connu la Russie dans les années 1990 9 le courant néo-eurasiste d’Alexandre Dougine reprend à son compte l’idéologie impérialiste russe du 19ème siècle pour « rassembler un nouvel Empire : l’Eurasie » « ni nation-état, ni pouvoir régional » (p.96) car « la Fédération de Russie n’est pas un Etat russe 10 …n’est pas un Etat historique, ses frontières sont aléatoires, ses marqueurs culturels vagues» (p.103).

Rappelons ici que la Russie n’a connu de puissance internationale que sous la forme « impériale » : tsariste ou soviétique et qu’il est difficilement concevable, chez de nombreux penseurs russes, d’imaginer une autre forme de rayonnement ou de « participation à la civilisation » (p.112) autrement que sous cette forme. L’idée impériale, sous une forme messianique, civilisatrice ou communiste, a donc toujours été profondément ancrée dans la pensée russe, et ce dès le début de l’expansion de la Moscovie, au XVIème siècle à travers le territoire eurasiatique.

Poutine et son entourage savent qu’il y a à l’Ouest une tradition séculaire de russophobie qu’il s’agirait de mettre à profit

Or la légitimité impériale ne pouvant plus, dans le contexte qui voit la publication du texte de Dougine, reposer sur une « mission civilisatrice », l’auteur reprend la conception de l’État, organisme vivant, développée par l’ethnographe et géographe allemand Friedrich Ratzel et théoricien du « Lebensraum »11. (p.19) L’éclatement politique et territorial de l’Union Soviétique pousse une partie de la population, notamment ses franges les plus paupérisées et radicalisées, à penser la Russie comme « démembrée » de son espace et de son peuple, telle que l’Allemagne ou la Hongrie de l’entre-deux guerre ont pu le faire. Ce démembrement, cet éclatement est pour Dougine à mettre au compte d’une absence criante de vision géopolitique de la part des dirigeants soviétiques depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et particulièrement en 1989, lorsque « personne parmi les dirigeants soviétiques n’était capable d’expliquer avec cohérence la logique de la politique étrangère traditionnelle eut pour résultat la destruction de l’organisme géant qu’est l’Eurasie ». L’Union Soviétique « pour ne pas avoir pris en considération les travaux de ses patriotes russes les plus exigeants, les plus éclairés » (p.57) se serait retrouvée, comme l’Allemagne d’après-guerre, « dépossédée d’une grande partie de son espace et avec une influence internationale proche du néant. ».

L’eurasisme pragmatique et conservateur de Vladimir Poutine ne s’accorde pas avec le radicalisme de Dougine

Ce jugement extrêmement sévère se couple d’un appel à « rassembler l’Empire », qui s’appuie sur une vision du monde bipolaire inspirée de Mackinder 12. Cette vision d’un affrontement de longue durée entre la Russie continentale et le bloc occidental thalassocratique, fondé sur une « dualité planétaire » (p.54) opposant la tellurocratie, le « Nomos » de la Terre (Carl Schmitt) 13 l’Eurasie, le « Heartland » (Mackinder) d’un côté et la thalassocratie, le pouvoir maritime, le monde anglo-saxon, la « civilisation du commerce » de l’autre, trouve son prolongement direct dans une politique d’expansionnisme vers les pays situés à l’Ouest et au Sud de la Russie. Dougine voit par exemple l’Asie Centrale et le Caucase comme des régions où les relations internationales et la diplomatie doivent être développées afin de contrer le séparatisme, produit de la stratégie thalassocratique (USA, Royaume Uni et leurs alliés).

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« Le futur est au Nord »

La zone arctique du Nord du continent eurasien, hautement stratégique sur le plan énergétique, économique et logistique, représente une zone clé pour la géopolitique eurasiatique. Elle est en effet partagée par cinq autres pays appartenant au bloc « thalassocratique » (entre autres, les Etats-Unis, le Canada), qui entretiennent des convoitises à son sujet, et dont il s’agit de la protéger.

LE REDÉCOUPAGE DE L’EUROPE CENTRALE

Dans la pensée géopolitique de Dougine, le « cordon sanitaire » formé par les états indépendants d’Europe orientale et médiane tel qu’il fut conçu par les puissances thalassocratiques n’a plus lieu d’être et représente un obstacle à la réalisation du projet impérial eurasiatique. « Fait de petites nations et Etats belliqueux et historiquement irresponsables, aux prétentions européennes nombreuses et servilement dépendants de l’Ouest thalassocratique » (p.212), le cordon sanitaire doit évoluer « partout où il existe des facteurs de liens avec l’Eurasie, ou l’orthodoxie, ou une conscience slave, ou la présence d’une population russe ou historiquement proche. » (p.212).Une complète redistribution géopolitique (« et non l’annexion d’un pays ») est prévue pour l’Europe orientale, et se tradurait par « l’établissement d’une fédération d’Etats ou groupes d’Etats dont l’orientation géopolitique serait néanmoins unique ». Ainsi, Dougine, recompose l’Europe du centre par secteurs, afin de créer une zone de coopération et de partenariat stratégique, « de Vladivostok à Berlin » reprenant l’expression de Jean Thiriart 14, et dont la « Nouvelle Allemagne prussienne » serait au centre.

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Le secteur Nord

Le secteur Nord serait centré sur une « Nouvelle Allemagne prussienne », qui prendrait sous sa protection l’ensemble des régions de culture catholique et protestante situées en Europe du Nord-Est. Elle serait composée des régions baltiques et de la Scandinavie, structurées autour de la région historique prussienne autour de Kaliningrad et de Berlin, reliés entre eux par une identité ethnique, culturelle et géographique commune. Dougine s’interroge également sur le problème polono-lithuanien (en raison de leur religion catholique et de leur géopolitique thalassocratique) lequel pourrait présenter un obstacle majeur à la « réorganisation » du Nord. Pour lui l’unique façon de le régler serait de soutenir l’orientation non-catholique de certaines populations (minorités ethniques, communauté orthodoxe et protestante ou sociaux-démocrates). (p.214). De même, le secteur uniate -l’église dite « gréco-orthodoxe », issue de l’allégeance à Rome d’une partie des églises de rite orthodoxe situées dans le sud-est de la Pologne et l’Ouest de l’Ukraine et de la Biélorussie actuelles- ferait partie de ce nouvel espace germano-centré, indépendant de Moscou mais dans lequel la Russie jouerait un rôle de facilitateur.

Le secteur sud

Le secteur sud (Bélarussie, centre de l’Ukraine, Moldavie, Roumanie, Serbie et Bulgarie) en raison de la prédominence des populations slaves et du christianisme orthodoxe, appartient selon Dougine à la « sphère civilisationnelle russe ». De ce fait, Moscou ne pourrait « déléguer ces régions à l’Allemagne » (p.217) et y exercerait toute son influence. Lorsque Dougine évoque l’Ukraine comme « Etat indépendant avec des ambitions territoriales », c’est pour mieux souligner le « grand danger pour toute l’Eurasie » que celles-ci représenteraient. Selon lui l’Ukraine doit de ce fait rester, géopolitiquement, sous la stricte projection de Moscou. Concernant la Crimée, il est intéressant de noter que Dougine n’est pas favorable à son rattachement à la Russie, qui pourrait « susciter une réaction négative ».

LA « DOCTRINE » DOUGINE : UN SOFT POWER À MULTIPLES FACETTES

Une influence faible sur le pouvoir actuel et sur la population russe

Si Dougine a entretenu des liens avec le pouvoir, il en rapidement été écarté par la suite. Conseiller du président de la Douma G. Seleznev en 1998, il crée son parti politique en 2001, Evrazija, rallié à Vladimir Poutine 15. L’eurasisme pragmatique et conservateur 16 de Vladimir Poutine, tourné vers le développement des échanges commerciaux et diplomatiques avec l’Asie tout en s’étant écarté de l’Ouest, ne s’accorde pas avec le radicalisme de Dougine, En le renvoyant de la chaire de sociologie qu’il occupait à l’Université de Moscou, le pouvoir a montré qu’il ne tolérait pas les propos extrémistes et l’appel au meurtre proférés par Dougine contre “les personnes en Ukraine qui devraient être tuées, tuées, tuées » à la suite des événements de 2014. La presse nationale généraliste russe s’épanche peu sur l’homme, même si l’on note le succès de certains articles écrits à son sujet en français et traduits en russe 17

Dans la pensée géopolitique de Dougine, le « cordon sanitaire » formé par les états indépendants d’Europe orientale et médiane n’a plus lieu d’être

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Ses ouvrages ne figurent pas au palmarès des meilleures ventes en librairie 18 même si les récents ouvrages de Dougine sont en vente dans les principaux points de vente des grandes villes, « Les Fondations de Géopolitique » semble l’ouvrage le plus difficile à obtenir 19. Dans une étude Eurobroadmap 20, effectuée en 2015, il apparaît que les étudiants russes, supposés représenter une nouvelle génération plus éclairée et informée que celle de leurs parents, restent peu sensibles à la notion d’Eurasie, selon les définitions proposées par le néo-eurasisme. Les théories de Dougine semblent séduire principalement une frange extrémiste, supra-nationaliste russe, que l’on peut comparer aux mouvements actuels ultra-nationalistes en Europe centrale et occidentale. L’Organisation de la Jeunesse Eurasiste 21 créée en 2005 dans le cadre du Mouvement International Eurasiste, qui lui même se situe dans le sillage du parti Evrazija, reprend toutes les caractéristiques des milices fascistes para-militaires de l’entre-deux guerres : symboles, slogans, camps d’entraînement dispersés sur tout le territoire russe avec cours de géopolitique, préparation physique pour des « actions dans les conditions urbaines » 22 etc.

Un élément rassembleur interne

Bien qu’extrémiste et de ce fait, mise à l’écart des instances dirigeantes, la « doctrine Dougine », mélange de propagande anti-occidentale, de mythes historiques et de messianisme sacré s’inscrit dans le conservatisme du pouvoir et peut être rassembleur d’éléments minoritaires potentiellement «déstabilisants » pour la cohésion nationale  : les régions sensibles, les musulmans, les extrémistes et les nostalgiques de l’URSS, notamment parmi les militaires appartenant à la génération soviétique… Notons de plus que l’orientation résolument conservatrice, notamment sur les questions de société, de la doctrine de Dougine, ainsi que ses accents anti-individualistes et organicistes la rendent efficace auprès d’ une frange à la fois traditionnaliste et extrémiste de la population russe.

dugliv.pngUNE CONTRIBUTION

AU « РУССКИЙ МИР 23»

DANS L’ EUROPE DU CENTRE

 

En mettant l’accent sur la spécificité slavo-orthodoxe des pays d’Europe du centre-est, le néo-eurasisme rejoint  sur de nombreux points l’idéologie nationaliste qui imbue aujourd’hui le discours politique ambiant au sein de ces états. Ainsi est-ce le cas pour la Serbie : Dougine peut y  apparaître comme un allié dans les courants radicaux extrémistes, n’hésitant pas à se réapproprier leur nationalisme exalté et doloriste. Des expressions telles que « la Serbie est une civilisation de la douleur »24, servent à raviver le sentiment d’une grandeur perdue (commun à l’eurasisme russe et au nationalisme grand-serbe) ainsi que les tensions liées au conflit encore en cours de résolution pour les Serbes du Kosovo et de la Republika Srpska, en Bosnie. Dougine revitalise par là même un  soft power » russe présent depuis le XIXème siècle en Serbie, afin de contre balancer l’investissement croissant des américains dans les médias et l’économie serbes 25.

On peut toutefois douter de la compatibilité, sur le long terme, de l’idéologie néo-eurasiste et du nationalisme serbe. Les velléités panslavistes de Dougine se sont révélées d’une manière éclatante lorsqu’en en visite à Belgrade, au mois de juin 2017, il a prononcé les mots suivants, lors d’une conférence de presse: 26 « Le Kosovo, c’est la Serbie et la Serbie, c’est la Russie ». 27 Mais ce risque a été bien pris en compte, en effet, puisque la dernière partie de la phrase a été supprimée sur toutes les vidéos relatant l’événement, entre le 5 septembre, date de la première visualisation pour cet article et le 15 septembre 2017. Au mois de juin, l’Organisation du Mouvement International eurasiste de Dougine a annoncé sa collaboration avec la Faculté de politique et de sécurité internationale de l’Université Nikola Tesla, en Serbie, et l’organisation de cours portant sur « la quatrième théorie politique».28 et la géopolitique balkanique, avec une influence néo-eurasiste.

Un épouvantail à l’Ouest

Restaurer la position de la Russie sur la scène internationale, projeter une image de puissance et d’influence à l’ouest reste une priorité pour le pouvoir. Dès lors, autoriser la véhémence et la provocation d’Alexandre Dougine, bien que dans un cadre limité à l’intérieur de la Russie, peut provoquer des réactions en Europe occidentale en suscitant la crainte et la confusion, mais aussi en ouvrant un débat poussant la Russie sur le devant de la scène. En effet Poutine et son entourage savent qu’il y a à l’Ouest une tradition séculaire de russophobie qu’il s’agirait de mettre à profit, en poussant jusqu’à ses conclusions extrêmes le postulat selon lequel la « voie russe », résolument eurasiste et traditionnaliste ne peut s’envisager que dans le rejet d’un monde unipolaire dominé par les valeurs occidentales stigmatisées comme « décadentes »Screenshot 2017-08-24 23.44.37

Partager :

  1. Komsomolskaïa Pravda, Kommersant, Novaïa Gazeta, Lenta.ru, РБК, Snob.ru, Diplomat.ru, etc…
  2.  Henri Duquenne, « Les mouvements extrémistes en Russie », Le Courrier des pays de l’Est 2007/2 (n° 1060), p. 70-86,
  3. Marlène Laruelle, « The Iuzhinskii Circle: Far-Right Metaphysics in the Soviet Underground and Its Legacy Today”, Russian Review, 2015
  4. Marlène Laruelle, Le Nouveau Nationalisme russe, Cahiers du monde russe, 2010
  5. Oleg Serebrian, La Russie à la Croisée des Chemins, l’Harmattan, 2016
  6. Lev Gumilev (1912-1992) eurasiste naturaliste «fonde le devenir eurasien sur une ethnogenèse russe » – p.79 Alexandra Goujon,  « Martine LaruelleLa Quête d’une Identité Impériale : Le néo-eurasisme dans la Russie Contemporaine, Petra, 2007 » Presses de Sciences Po, 2008
  7. Alexandre Panarin (1940-2003) eurasiste culturalise «rejette le nationalisme ethnique mais s’appuie sur une définition civilisationniste et religieuse d’une Eurasie qui peut prendre la forme d’un empire en raison de sa diversité culturelle et qui doit permettre la fusion de l’orthodoxie et de l’islam » p.100-102 – Alexandra Goujon, « Martine LaruelleLa Quête d’une Identité Impériale : Le néo-eurasisme dans la Russie Contemporaine, Petra, 2007 » Presses de Sciences Po, 2008
  8. Jeffrey Mankoff, RussianForeign Policy : The Return of Great Power Politics, 2009
  9. François Benaroya, « La transition russe ou la redécouverte de la complexité du marché, L’Economie Politique, 2006
  10. Dougine fait ici référence à l’Empire russe et non à l’ethnie
  11. « Lebensraum » ou la théorie de l’espace vital (1901) repose sur l’idée que l’Allemagne doit reconstituer son espace, privé d’empire colonial. Cette théorie sera suivie par la politique extérieure du IIIème Reich, en conquérant de nouveaux espaces pour le peuple allemand (aussi pour des raisons économiques) en Europe, dans les pays limitrophes. 
  12. La théorie du Heartland de Mackinder (1904) oppose la puissance maritime (Rimland : Etats-Unis, Royaume Uni et Occident) à la puissance continentale (Heartland). Ce schéma de perception de « forteresse assiégée » sera celui des Soviétiques et des néo-eurasistes aujourd’hui.
  13.  Dans le « Le Nomos de la Terre » (1950) Carl Schmitt montre que l’existence de l’ordre ne peut être sans enracinement, le rapport à la terre étant le fondement de toute société 
  14. Jean Thiriart, géopoliticien belge, pro-fasciste dans les années 1940, considérait l’Union Soviétique comme le dernier bastion de la civilisation en Europe face au consumérisme américain
  15. Martine Laruelle, « « Dédoublement » d’une idéologie ? Deux partis eurasistes en Russie » Outre-Terre 2003, p. 229
  16. Paradorn Rangsimaporn, «Interpretations of Eurasianism : Justifying Russia’s Role in East Asia », Central Asia Studies,2006
  17. Article paru dans le Nouvel Observateur le 3 mai 2014, « Le Raspoutine de Poutine » par Vincent Jauvert. Cet article traduit en russe a été lu par plus de 4000 personnes et « liké » par 2000. En comparaison, la vidéo youtube (en russe) du cours « Fondements de Géopolitique » de Dougine à l’Université de Moscou a été vue par 1200 personnes.
  18. Le site russe pro-books.ru/raiting destiné aux professionnels de l’édition publie les meilleures ventes de livres d’un échantillon de 11 librairies de Moscou, St Petersbourg et les sites de vente en ligne.
  19. Alexandre Dougine possède sa propre maison d’édition, Artogaia.
  20. Enquête Eurobroadmap effectuée en 2015 et analysée par Belgeo, revue belge de géographie www.belgeo.revues.org
  21. Site de l’organisation www.rossia3.ru et page détaillée des actions, congrès, camps www.ru.wikipedia.org/wiki/Евразийский_союз_молодёжи...
  22. “Ouverture d’un camp de l’Organisation de la Jeunesse Eurasiste dans l’oblast de Vladimir » (« Во Владимирской области открылься лагерь Евраийского Союза Молодежи») www.regnum.ru, 26/08/2006
  23. Fondation Russkiy Mir (Monde Russe) créée en 2007 pour la sauvegarde de la langue russe mais principalement un concept de « rayonnement » culturel, linguistique, religieux et aujourd’hui civilisationnel, que l’on peut dater de l’époque soviétique, sous d’autres appellations.
  24. http://so-l.ru/news/show/aleksandr_dugin_serbiya_civiliza...
  25.  « The growing influence of global media in the region » 29/06/2016 mediaobservatory.net
  26. www.news-front.info/2017/06/30/aleksandr-dugin-na-vidovdan-...
  27. Cette phrase prononcée à la 13ème minute de la conférence, visualisée le 5 septembre, sur youtube, a été modifiée par la suite en supprimant la partie « la Serbie, c’est la Russie ».
  28. wwnews-front.info/2017/06/30/aleksandr-dugin-na-vidovdan-v-belgrade-serby-na-kosovom-pole-znali-odnu-istinu-chto-serbiya-vechnaya-strana/

Geopolitics of water

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Geopolitics of water

 
https://www.geopolitica.ru
 
At the center of the earthly paradise is the Tree of Life. From its roots are born four rivers whose branches, according to St. John Damascene, are to be identified respectively with the rivers Nile (Gihon), Tigris (Hiddekel), Euphrates (Prath) and Ganges (Pison). No coincidence that the four lines along which some of the most important civilizations of antiquity evolved. The water of these rivers has a sacred value that exceeds the function of source and sustenance of life of which they are carriers. From the floods of the Nile, to which a divine character was attributed, depended on the prosperity or otherwise of the ancient Egyptian dynasties. And on an island of Lake Tana, at the source of the Blue Nile, it is said that it was kept, before its transfer to Axum (ancient spiritual center long disputed between Fascist Italy and Britain in the previous century), the Ark of the Covenant, given, according to the Ethiopian national poem The glory of Kings, from King Salomon to Menelik I, the son he had with the Queen of Sheba. And again in 2009, the then patriarch of the Ethiopian Orthodox Church of Coptic Rite, Abuna Paulos, said: Ethiopia is the throne of the Ark of the Covenant.
 
For those familiar with sacred geography, it will not be surprising to see the presence of profound archetypal reminiscences of the aforementioned subject in today's geopolitical dispute around the waters of the Nile. This river, which has a course of over 6000 km, with its tributaries, is a vital and cultural resource for at least 160 million people divided over ten different nations. International jurisprudence regarding the use of this resource is surprisingly limited. In 1929 a Treaty about the waters of the Nile was signed between the Kingdom of Egypt (formally independent) and Great Britain which recognized the country of the Pharaohs the exclusive right to exploit the resource with a small share to be allocated to Sudan. The 1959 Treaty between Egypt and Sudan touched this quota in favor of Khartoum (75% of the water to Egypt and 25% to Sudan) but continued to exclude the eight upstream countries from which the water comes. Nearly 85% of the Nile's waters come from Ethiopia.

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Precisely Ethiopia was the main architect of the Cooperation Framework Agreement of 2010: an agreement made by the Nile Basin Initiative which, without the consent of Egypt and Sudan, has called into question the 1959 Treaty and the volume of water intended for Egypt. The renewed regional ambitions of Ethiopia do not derive exclusively from its proud nationalism or its imperial heritage. These are also born from the observation that the ever increasing rates of economic and demographic growth (the country, with a rate of 8.7%, ranked second in the world as economic growth in 2015) will require an ever-increasing need for water and energy at low cost to support industrial and agricultural development.

The Grand Ethiopian Renaissance Dam

Already in the thirteenth and in the fourteenth century the Ethiopian emperors threatened to intervene to block the course of the Nile. Today, this perspective, long been feared by an Egypt that for centuries has considered the river as an exclusive and intractable property (just think that Mubarak during the entire course of his long presidency has never visited a country in sub-Saharan Africa ), is becoming a reality with the project of the Grand Ethiopian Renaissance Dam: a project capable of annihilating the famous Aswan dam of Nasserian memory in importance and scope and which is leading the region to the brink of the umpteenth armed conflict inherent the rights of exploitation of natural resources. The dam, whose construction site was inaugurated in 2013 (during the Morsi presidency in Egypt) and whose construction is protected by a no-fly zone over the surrounding area, was founded on the basis of a substantial Chinese funding associated with the Italian project by Salini-Impregilo. 1.8 km long and 155 m high, the dam will be the largest structure of its kind in Africa and will support what will be the largest power plant on the continent with a capacity of 6000 megawatts.

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The project, despite the Ethiopian assurances, has naturally upset the Egyptian plans that continue, threatening also the military intervention, to consider inalienable their right to 55.5 billion cubic meters of water on the 88.8 that the river produces every year. For al-Sisi, water is a matter of national security. And Egypt, as he said, is able to protect his national security. A statement that sounds at least paradoxical if one considers that the Arab state, despite the proclamations and the grandiose projects of economic development (doubling of the Suez Canal and exploitation of the Zohr gas field), continues to remain a sort of Saudi economic protectorate: it’s enought think of the transfer of sovereignty to the Saudis, obviously approved by Israel, of the islands of Tiran and Sanafir located at the entrance to the Gulf of Aqaba.
 
The arrogance with which Egypt seeks to prevent a real emancipation or the development of neighboring countries reminds us the Zionist geostrategy all directed to the exclusive possession of natural resources and the maintenance of neighbors in an eternal state of necessity and under the constant threat of retaliation. Consider the fact that recently, in defiance of any rule of international law and in total antithesis with what is the classic deterrence (threat to a potential enemy not to harm you on "your" territory), Israel has managed to threaten the Lebanon of attack in case it builds military infrastructures on its territory or if it exploits the resources of its territorial waters. In fact, even before it was born, the Zionist geopolitical strategy was based on the possession and control of the water resources of the region. It is not simply by religious feeling that the living space for the Jewish state designed by Theodor Herzl recalled the biblical verse:
 
from the river of Egypt (the Nile) to the great river (the Euphrates)
 
The exclusive possession of water is the foundation of Israel's very existence. On it the Zionist entity was able to found the myth, however wholly questionable, of the desert transformed into a garden.
 

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Thus, in the instant after the creation of the state, the first objective was the deviation of the river Jordan. Today, Jordan can only take 30% of this river's waters. And then, with the wars of aggression of 1967 and 1982 (Operation Peace in Galilee in southern Lebanon), Israel managed to seize all the major water resources of historic Palestine, including a good part of the Yarmouk River on Syrian heights of the Golan and part of the Litani River in southern Lebanon. At the same time, Zionist settlers from the West Bank, despite repeated UN convictions and failing to comply with the same conventions Israel is signatory to (above all the IV Geneva Convention of 1949 prohibiting the destruction of property in the occupied territories or the transfer of these to the occupying authorities), exploit water resources and prevent access to the Palestinians. Not to mention that the Israeli national water companies, Mekorot and Tahal, continue to extract water from the Palestinian wells and then resell it at increased price to the Palestinians, while the bills of the Zionist settlers remain at the expense of the World Zionist Organization.
 
Now, returning to the Nile game, it is important to underline that Sudan, so unpopular with the West, is playing a decisive role in it. After its exit from the coalition that attacks Yemen since 2015 and after renewing the diplomatic and commercial ties with Turkey (Egypt's sworn enemy), through the sale of the former Ottoman port of Suakim (an island close to Port Sudan and port with an ancient reputation as a crossroads between Asia and Africa), Sudan began to be represented in the Egyptian media as a nation that is conspiring against Egypt under the shadow of Turkey and, not to mention, of the Iran. In fact, the Sudan of Omar al-Bashir, thanks to the secession of the South imposed by the invading hand of the International Community, despite the parties in conflict had reached a historic agreement in Nairobi shortly before, has lost 50% of its oil resources and was forced to implement programs of profound economic diversification that, once again, affected the problem of exploitation of the waters of the Nile. And this time he could not help but align himself with the Ethiopian claims and firmly oppose the project of division into five parts of the country desired by the United States whose realization would be entrusted, according to al-Bashir, to Eritrea: a nation that has supported not a few terrorist groups in the region and in which Egypt and United Arab Emirates have deployed their troops.

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The situation is deeply unstable and the recent meeting between al-Bashir and al-Sisi does not seem to have mitigated the tension despite the promise of new future meetings. Undoubtedly,  United States can not allow nations like Ethiopia and Sudan to become new pivots of multipolar order. The request to Russia to protect against North American aggression, accompanied by the offer of a military base on the Red Sea and a preferential channel for trade relations, sounds like a further threat to the thalassocratic control over the Eurasian rimland after the weary and unpopular role that the US is playing in the unsuccessful aggression of their Wahhabi allies in Yemen.
 
A country rich in natural resources, Sudan is a crucial junction between North Africa and sub-Saharan Africa. Two arrest warrants of the International Criminal Court are already hanging on the head of its president, unpopular to the West for its unprecedented union between nationalism and Islam. An institution to which 120 countries in the world belong but from which, not accidentally, USA and Israel look good from adhering to: two nations, war criminals in effect, who are in the front row in demanding the capture of al -Bashir. China, in spite of Western sanctions, has sensed the enormous potential of the country and has started the project for the construction of a railway that connects Port Sudan to the capital of Chad, N'Dajamena: a sort of African silk road that in the future could connect the west coast of the continent with the east coast.
 
The repositioning of Ethiopia in a perspective of opposition to the North American hegemonic design (already during the previous US administration prominent exponents of the Church had indicated in Barack Obama the incarnation of the Black Antichrist, sign of the times in the Ethiopian Coptic tradition) and the Sudan's approach to Russia and China are news in the geopolitical dynamics within the macro-region that includes the western shore of the Arabian peninsula, the Red Sea with the basic passages of Suez and Bab el-Mandeb and the northeastern band of Africa . In this context, the match of the Nile can mark a further turning towards the establishment of a real multipolar order.
 
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Original article by Daniele Perra:
 
Translation by Costantino Ceoldo – Pravda freelance
 

vendredi, 20 avril 2018

Eric de la Maisonneuve: Les Routes de la Soie

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Eric de la Maisonneuve:

Les Routes de la Soie

Le général Eric de la Maisonneuve, spécialiste de la Chine, évoque pour nous l'histoire des routes de la Soie de la Préhistoire aux projets de Xi Jinping.
 

mardi, 27 mars 2018

Les guerres de l’impérialisme américain au Proche-Orient

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Les guerres de l’impérialisme américain au Proche-Orient

par Matin Baraki*

Ex: http://www.zeit-fragen.ch

Aktham Suliman est un journaliste originaire de la Syrie et ancien chef du bureau berlinois de la chaîne de télévision qatarienne Al Jazeera, connue sous le nom «CNN Arabic», qu’il a dirigée de 2002 à 2012. Récemment, il a présenté une brillante analyse critique et objective sur les guerres et le chaos créés par l’impérialisme américain au Proche-Orient. Suliman est trop modeste en voulant limiter son analyse au Proche-Orient. L’auteur parvient à illustrer d’une manière impitoyable les causes, les forces actives et l’arrière-plan stratégique de la catastrophe géopolitique au Proche-Orient et à analyser les dimensions stratégiques allant bien au-delà du Proche-Orient. Il analyse également de manière détaillée le conflit entre Israël et les Palestiniens, en décrivant la politique de l’occupation coloniale du gouvernement israélien et de ses alliés internationaux. (p. 34sq.)
Al Jazeera était la seule chaîne arabe indépendante diffusant en direct des informations sur la brutalité de la guerre impérialiste dirigée par les Etats-Unis contre l’Irak et atteignant ainsi 50 millions de foyers arabes. A l’époque, cela rendit tellement furieux l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, le «caniche» de George W. Bush opérant en Europe, qu’il appela à bombarder la centrale d’Al Jazeera de Doha, capitale du Qatar. On n’est pas allé jusque-là, mais la centrale de la chaîne de Bagdad, capitale de l’Irak, fut détruite.
Avec l’«arabellion» [les «Printemps arabes»] l’orientation politique de la chaîne changea. D’une institution informant de manière ouverte et objective, elle se transforma en un instrument du mouvement islamiste «ikhwan al-Muslimin» de la Société des Frères musulmans et de la politique extérieure du gouvernement de l’Emirat de Qatar et des intérêts des Etats-Unis. (p. 18)
Suliman analyse très subtilement les guerres du Golf fomentées par les Etats-Unis, prouve la manière dont les résolutions de l’ONU ont été instrumentalisées et comment les Nations Unies sont constamment humiliées par l’administration américaine. La résolution 678 du 29 novembre 1990 fut interprétée de telle sorte que, du jour au lendemain, on transforma le prétendu bouclier de protection pour les civils en une agression contre l’Irak. (p. 25)
Les inspecteurs de l’ONU ont pu attester que l’Irak ne disposait en réalité d’aucune arme de destruction massive. Pourtant, selon l’auteur, l’armée américaine a tout de même bombardé le pays «à l’âge de pierre» pour détruire sa prétendue capacité nucléaire. (p. 27) En Irak elle a «lâché davantage de bombes que pendant toute la Seconde Guerre mondiale». (p. 26) Le reporter de CNN Bernard Shaw a décrit la situation de la manière suivante: «Le ciel au-dessus Bagdad est en feu». (p. 39)
Les horreurs de la guerre, dont la fin est difficile à déterminer, sont minutieusement décrites. (p. 113–161) Commençant par les tortures à la prison de la CIA d’Abou Ghraib jusqu’à l’exécution de civils dans les rues de Bagdad depuis un hélicoptère par des mercenaires américains, Aktham Suliman nous informe de manière très précise des crimes de guerre commis par les Etats-Unis et leurs alliées. (p. 28sq.)
Suliman démontre que tant l’ambassadrice américaine à Bagdad April Glaspie que le département d’Etat américain ont donné le feu vert au gouvernement de Saddam Hussein pour l’invasion du Koweït. (p. 32) De cette façon, le gouvernement irakien a été attiré dans le piège de Koweït pour être finalement écrasé. Même lors de leur retrait du Koweït, on n’accorda aucune grâce aux unités militaires irakiennes. A mon avis, cela s’apparente à un crime de guerre.
Francis Fukuyama avec sa thèse de la «fin de l’histoire» et Samuel P. Huntington avec son terme violent du «choc des civilisations» sont qualifiés d’incendiaires spirituels soutenant aussi la réelle guerre. (p. 49) Suliman met fortement en cause la version officielle des événements du 11 septembre 2001 et met en avant les liens entre le chef d’Al-Qaïda Ousama ben Laden et le théologien et dirigeant palestinien des Frères musulmans Abdallah Azzam avec la CIA. (p. 65–110)
Dans le dernier chapitre, il décrit, en bon observateur, les dits «printemps arabes» qui n’en étaient point. Je recommande chaleureusement la lecture du livre de Aktham Suliman à quiconque désire s’informer de première main sur les interdépendances et les contextes nationaux, régionaux et internationaux des guerres et des conflits du Proche- et Moyen-Orient.    •

*    Matin Baraki est un politologue et interprète germano-afghan. Après sa formation professionnelle de mécanicien de précision, il a étudié la pédagogie à Kaboul et y a travaillé en tant qu’enseignant. De 1970 à 1974, il a été assistant technique à la faculté de sciences à l’Université de Kaboul. En 1974, il s’est rendu en République fédérale d’Allemagne où il a obtenu son doctorat à l’Université Phillips de Marbourg en 1995. Puis il a enseigné, en tant que politologue, la politique internationale dans les universités de Marbourg, de Giessen, de Kassel et de Münster.

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Suliman, Aktham. Krieg und Chaos in Nahost.
Eine arabische Sicht. Frankfurt/ Main 2017.
ISBN 978-3-939816-40-9
(Traduction Horizons et débats)

«La guerre et le chaos au Proche-Orient»

«Ce livre se comprend, d’un point de vue arabe, comme le curriculum vitae de la mort au Proche-Orient du dernier quart de siècle. Il y a environ 25 ans, au début de l’année 1991, le nombre d’hommes et de femmes armés provenant de plus de trente pays, rassemblés sur une petite zone désertique du nord-est de la péninsule Arabique, atteignit plus d’un demi-million. Pour l’Occident, c’était le début de l’opération «Tempête du désert» pour libérer le Koweït de l’invasion irakienne s’étant déroulée l’été précédent. Pour un grand nombre de personnes du monde arabe, cette opération fut une tempête de la mort, dont la région entre l’océan Atlantique et le golfe Persique ne s’est toujours pas remise. […]
L’ouvrage «La guerre et le chaos au Proche-Orient» ne prétend pas être LA vision arabe, mais UNE vision arabe, sachant que plus de 400 millions d’Arabes vivant dans plus de vingt pays arabes et à l’étranger ont droit à plus d’une seule vue. Mais il y a ce sentiment commun. D’un point de vue arabe, les 25 dernières années ne sont pas seulement des faits et des événements historiques, mais plutôt des moments fatidiques pour des êtres humains de chair et de sang. Ils ont transformé les biographies de millions d’Arabes, y compris celle de l’auteur de ce livre. Toutefois, ou justement pour cette raison, il faut rappeler que du point de vue arabe – malgré toutes les images d’actualité –, la mort et la tristesse ne sont pas les seules réalités au Proche-Orient, sont présentes également la vie et joie.»

Une politique délicate au Proche-Orient

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«Les Etats-Unis ont détruit par le feu de la guerre toute la région de l’Afghanistan à la Libye – région qu’on peut appeler avec raison le berceau de notre civilisation. Les objectifs poursuivis sont la création de nouvelles frontières au Moyen-Orient et la volonté d’envoyer la Fédération de Russie en enfer.»

Une politique délicate au Proche-Orient

par Willy Wimmer*

Ex: http://www.zeit-fragen.ch

hd. Le 15 février 2018, alors qu’un drone venait de pénétrer dans l’espace aérien israélien avant d’être abattu, lors d’une nouvelle attaque israélienne contre des positions en Syrie et la destruction d’un avion de combat israélien, le journal israélien «The Times of Israel» (https://www.timesofisrael.com/russian-official-if-iran-at...) a retransmis les propos de l’ambassadeur adjoint russe Leonid Frolov formulés lors d’une interview: «En cas d’agression contre Israël il n’y aura pas que les Etats-Unis aux côtés de Tel Aviv – la Russie, sera elle aussi, aux côtés d’Israël.» Willy Wimmer, ancien secrétaire d’Etat au ministère allemand de la Défense et ancien vice-président de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE place cette déclaration dans un contexte politique plus large.

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On n’a probablement encore jamais entendu une telle chose. Un ambassadeur adjoint russe du nom de Frolov s’exprime à Tel Aviv et le monde entier l’écoute. Il désigne Israël comme pays contre lequel la Russie n’acceptera aucune agression. Et il en rajoute. Selon lui, la Russie se tiendra aux côtés d’Israël – tout comme les Etats-Unis – au cas où l’Iran agresserait Israël. Voilà des mots ayant instantanément fait le tour du monde. Le charme de ces paroles prononcées sur les rivages de la Méditerranée par M. Frolov est dû au fait suivant: ce ne sont pas des remarques faites en tant que simple membre d’une hiérarchie. En écoutant attentivement les paroles de M. Frolov, on entend parler son président Poutine. Il n’est guère imaginable qu’un vice-ambassadeur se soit déjà exprimé aussi fermement.

L’objectif essentiel de la politique américaine est l’affaiblissement de la Russie

Les deux guerres du Caucase des années 1990 ont démontré la volonté des Etats-Unis de s’en prendre à la partie faible de la Fédération de Russie. Maintenant, on veut utiliser les peuples caucasiens – ayant peuplés depuis les guerres du Caucase du XIXe siècle les Etats du Levant – contre la Russie actuelle. Il suffit d’écouter l’ancien conseiller en sécurité américain, le général à la retraite Michael Flynn, pour comprendre que les Etats-Unis ont détruit par le feu de la guerre toute la région de l’Afghanistan à la Libye – région qu’on peut appeler avec raison le berceau de notre civilisation. Les objectifs poursuivis sont la création de nouvelles frontières au Moyen-Orient et la volonté d’envoyer la Fédération de Russie en enfer.


A Berlin, nous étions bien avisés d’écouter les diplomates de l’ancienne RDA, fort bien formés et connaissant parfaitement cette région. Cela nous a énormément aidés à bien comprendre les dimensions des affrontements. La révolution iranienne a déclenché de gros bouleversements. Par exemple, que les Etats-Unis ont, de ce fait, perdu leurs stations d’écoute dirigées contre les forces militaires stratégiques de l’Union soviétique le long de la frontière irano-soviétique. Les Soviétiques craignaient alors l’installation de nouvelles stations américaines le long de la frontière afghano-soviétique, ce qui fut empêché par l’invasion de l’Afghanistan. Depuis lors, cette lutte entre Moscou et Washington détermine les événements dans la région, et Washington n’a pas rechigné à la détruire en grande partie.

La Russie est de retour sur la scène internationale

Les Etats-Unis avec leur «alliance de guerre perpétuelle» formée avec l’Angleterre et la France ne se sont pas préoccupés le moins du monde du droit international et de la protection des biens culturels des 5000 ans passés, quand ils ont lancé leurs attaques dans la région entre Kaboul et Tripolis. Moscou se comporte différemment, illustré par son soutien du gouvernement légitime syrien. Après le coup d’Etat de 2014 à Kiev en faveur de Washington, la situation au Proche- et Moyen-Orient s’est rapidement développée en faveur de la capacité d’action russe. Les dirigeants iraniens, israéliens et saoudiens se sont rendus à Moscou et s’y rendent toujours. Le président Poutine peut s’entretenir avec tous, malgré ou plutôt parce qu’il soutien le gouvernement légitime de Damas. Gagner du temps est toujours une bonne maxime en diplomatie.


La honte occidentale est que les Etats-Unis s’engagent dans toutes les guerres mais ne s’engagent nulle part en faveur de la paix. Il se peut qu’on doive faire une exception concernant l’actuel président Trump. Cependant, le comportement de son conseiller principal de sécurité McMaster à Munich a montré qu’il semble être étroitement encerclé par des «Pentagonistes». En comparaison, Poutine, le président russe, donne une tout autre impression.

Et Israël?

Il faudrait que nous nous rappelions tous qu’avant la guerre en Syrie, il était prévu de trouver un accord entre Tel Aviv et Damas concernant le plateau du Golan. Le règlement de ce litige, vieux de plusieurs décennies, a été empêché par un revirement de la part d’Israël. Tel Aviv est appelé à bien réfléchir au sens à donner aux déclarations énergiques de M. Frolov. Il faut également se demander, s’il n’y aura jamais une autre manifestation de perspectives de paix aussi crédibles que celles contenues dans ce «coup de tonnerre» russe? Israël devra également prendre des décisions, pas seulement Téhéran.    •

*    Willy Wimmer a été député du Bundestag pour la CDU de 1976 à 2009, secrétaire d’Etat au ministère allemand de la Défense de 1988 à 1992 et vice-président de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE de 1994 à 2000. Il est co-auteur du livre «Die Wiederkehr der Hasardeure. Schattenstrategen, Kriegstreiber, stille Profiteure 1914 und heute» (avec Wolfgang Effenberger, 2014) et auteur du livre «Die Akte Moskau» (2016).
(Traduction Horizons et débats)

«Les Etats-Unis avec leur ‹alliance de guerre perpétuelle› formée avec l’Angleterre et la France ne se sont pas préoccupés le moins du monde du droit international et de la protection des biens culturels des 5000 ans passés, quand ils ont lancé leurs attaques dans la région entre Kaboul et Tripolis.»

dimanche, 25 mars 2018

Jean Parvulesco et la Géopolitique transcendantale

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Jean Parvulesco et la Géopolitique transcendantale

par Laurent James

Ex: http://parousia-parousia.blogspot.com

Le Comité Jean Parvulesco a l’honneur d’être l’un des organisateurs de ce colloque de Chisinau (Moldavie).

Ce Comité a été fondé par les descendants de Jean Parvulesco, Constantin et Stanislas (co-auteurs du texte de cette intervention) en date du 12 novembre 2016 à Câmpulung-Muscel, en Roumanie, non loin de Pitești, lieu de naissance de l’écrivain Jean Parvulesco (et jumelée avec Chișinău). Un service religieux orthodoxe fut alors célébré en l'église princière du Monastère de Negru Voda, commémorant le décès de Jean Parvulesco survenu le 21 novembre 2010, à l’intention à la fois du repos de son âme, de l’unité de l’Eglise et de la plus grande Europe. Une réunion fut ensuite tenue sur le thème : "Les racines spirituelles de la grande Europe eurasiatique".
(Une publication de ces allocutions est présentement en cours, il est possible d'en commander un exemplaire sur le lien suivant : https://www.lepotcommun.fr/pot/0u22zl5r ).

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Ce thème a été la ligne de fond de toute sa pensée, aussi bien poétique que géopolitique, affirmée au cours de ses nombreux textes et ouvrages, dont certains sont actuellement en cours de traduction en langues roumaine et russe.

Il est parfois difficile pour nombre d’entre nous d’établir un lien direct entre la spiritualité et la politique. On se souvient que Charles Péguy craignait que « la mystique soit dévorée par la politique à laquelle elle a donné naissance ». Or, il est fort possible que nous nous trouvions aujourd’hui à une époque si particulière que ce soit au contraire la politique qui donne naissance à la mystique, et afin précisément de pouvoir être dévorée par celle-ci.

Ou, dit autrement : les événements politiques majeurs de notre temps sont tous concernés directement par la spiritualité, et de plus en plus, car la politique se débarrasse aujourd’hui complètement de l’idéologie pour entrer tête la première dans la géopolitique. Et, comme l’écrivait Jean Parvulesco en 2005 : « C’est la géopolitique en tant qu’expérience gnostique abyssale de l’histoire qui en pose les buts ultimes, et tend en avant les ultimes raisons eschatologiques en action ». Ou alors, de manière encore plus claire : « La géopolitique transcendantale est, en effet, une mystique révolutionnaire en action ».

Deux événements très importants eurent lieu en Europe durant la même période que la fondation du Comité Jean Parvulesco en fin d’année dernière, deux événements politiques absolument opposés l’un à l’autre.

L’élection de M. Igor Dodon à la présidence de la Moldavie d’une part, et la transformation du Régiment Azov en parti politique à Kiev, le 14 octobre 2016, d’autre part. Une dénommée « Marche de la Nation » menée par Azov, Praviy Sektor, C14 et d'autres formations nationalistes  a alors réuni plusieurs milliers de personnes dans les rues de la capitale ukrainienne.

Ces deux événements témoignent de la présence réelle, dans le champ politique européen, de deux pôles spirituels absolument opposés entre eux, deux ennemis irréconciliables dont la lutte sans merci se tient depuis les origines de l’humanité.

D’abord un pôle continental anti-atlantiste, régi par la volonté d’unification de destin des peuples eurasiatiques, porté par une foi vivante et agissante, catholique à l’ouest et orthodoxe à l’est, un pôle d’obédience christique et mariale pour lequel Jean Parvulesco a combattu durant sa vie entière.

Et puis, en face, un pôle violemment nationaliste, en réalité dépendant intégralement des forces atlantistes.

eurasiemicheldragon.jpgLes discours tenus publiquement par les dirigeants du Corps National, la branche politique du mouvement Azov, évoquent ouvertement une volonté d’en finir avec l’Eglise et toutes ses valeurs. Les textes théoriques et publics des intellectuels d’Azov, tels que Olena Semenyaka, coordinatrice du projet « Reconquista Azov » et membre du service de presse du Parti, mettent en avant une conception gnostique et anti-cosmique du monde basée sur le rejet absolu de l’idée messianique chrétienne au service intégral des Dieux des profondeurs. Ils estiment que le monde moderne, qu’ils prétendent combattre sans merci, est symboliquement incarné par le christianisme. Différentes modalités de la Voie de la Main Gauche sont proposées dans ses textes afin de faire intégrer la musique Black Metal et ses valeurs « nationalistes et chthoniennes » dans l’espace politique de l’assemblée de Kiev. Ces modalités peuvent être (je cite) : l’athéisme radical et nihiliste, l’occultisme, le satanisme théiste, et les cultes païens archaïques reliés à l’« aryano-luciférianisme ».

Je rajoute que le 17 mars 2017, un Manifeste politique national pan-ukrainien a été signé à la Maison des professeurs à Kiev entre les responsables des forces nationalistes les plus importantes du pays. Parmi les vingt points du Manifeste se trouve ceux-ci : « Reconnaître la fédération de Russie comme un pays agresseur à tous les niveaux de la diplomatie internationale. » ; « Reconnaître juridiquement certaines zones des régions de Donetsk et Louhansk comme des territoires occupés et développer un véritable plan pour libérer la Crimée et le Donbass de leurs occupants. Procéder immédiatement à la mise en œuvre d’actions concrètes allant de la reconnaissance militaire et du sabotage à la guerre économique et de l’information. » ; « Assurer à la langue ukrainienne le statut de langue d’État unique. ». Le texte de ce véritable manifeste de guerre ouverte a été déclamé par le chanteur du célèbre groupe de rock gothique ukrainien Komu Vnyz.

Il faut bien comprendre que ces mouvements ne se déclarent pas anti-eurasistes, dans la mesure où ils estiment être les seuls véritables pan-européens, revendiquant l’héritage de la Révolution Conservatrice. C’est la vieille tradition bien connue de l’inversion des paramètres : le vrai soleil c’est la lune, l’enfer est la porte du paradis, etc.

Nous comprenons donc aisément que ces deux pôles politiques très récemment inscrits dans l’espace européen sont la face visible de deux pôles spirituels antagonistes : le premier pôle est christique, ecclésial et favorable à la notion d’Empire comme serviteur du Christ, basé sur un faisceau d'alliances pacifiques entre souverainetés européennes et une synergie économique au service de l'homme, un Empire de la Paix ; le second pôle peut également être favorable à l’Empire mais avec une finalité toute différente, c’est l’Empire du Dragon détourné du Christ et résolument hors de l’Eglise, un pôle nationaliste par idolâtrie et ouvertement luciférien.

pendu-1.pngLes ramifications françaises du luciférianisme sont également très importantes, et elles ne sont pas près de faiblir depuis que la carte du Tarot « Le Pendu » vient d’être élue président de la République, l’envoyé des profondeurs parrainé par le maître Barack Obama.

On évoque toujours, à juste titre, la Révolution française, mais ces événements sont également la prolongation directe de la Révolution américaine, dont les Pères fondateurs n’étaient absolument pas chrétiens. Thomas Paine, qui en fut l’inspirateur, publia après celle-ci « The Age of Reason » qui constitue une des plus violentes attaques jamais écrites contre la Bible et les Evangiles. Il y dénonce la conception virginale du Christ, et écrit des phrases comme :

« Ce n’est pas un Dieu, juste et bon, mais un diable, sous le nom de Dieu, que la Bible décrit ».

« Un bon maître d’école est plus utile qu’une centaine de prêtres ».

« Le Vatican est un poignard au cœur de l’Italie ».

ou encore des professions de foi progressistes comme : « La nature humaine n’est pas vicieuse d'elle-même ».

Une véritable littérature de Pendu par les pieds, d’homme à l’envers.

andreiev.jpgUn écrivain russe encore trop peu connu en France a donné des prédictions qui correspondent tout à fait à notre monde contemporain. Il s’agit de Daniel Andreiev, qui prévoit dans son ouvrage « Roza Mira » (La Rose du Monde), écrit en prison sous Staline et parfois comparé à la Divine Comédie, la transformation des Etats nationaux en machines infernales, en centrales de production d’énergie négative.

Le seul avantage de notre époque repose sur le fait que la visibilité politique de ces deux pôles spirituels (l’un christique et l’autre luciférien) soit d’une clarté absolue. Néanmoins, la dernière chance pour certains est de tenter d’introduire la confusion et de mélanger ces deux pôles, ou plutôt de les inverser, et ceci au seul bénéfice du mal, bien entendu. L’inversion des paramètres dont je parlais à l’instant.

Il y a le détournement en Ukraine du principe de la Révolution Conservatrice par des nationalistes autoproclamés lucifériens. Et puis, en ce moment même, a lieu en France une tentative de récupération de Jean Parvulesco au service intégral de la puissance des ténèbres, essayant d’inverser sa pensée et de le faire passer pour un membre de la secte des Adorateurs du Serpent, c’est-à-dire un contempteur des religions assimilées à des égrégores dégénérés et des vampires psychiques, un ennemi absolu des trois monothéismes vus comme des trahisons de la spiritualité première, un opposant radical au processus de la création démiurgique et un gnostique fidèle de Lilith l’avorteuse.

Rose_du_Monde.jpgNotre grand écrivain catholique, notre grand visionnaire de l’Empire Eurasiatique du Saint-Esprit a écrit de nombreux textes très clairs sur toutes ces questions, et notamment deux que l’on peut trouver dans « Le Retour des Grands Temps ». Il pressentait sans doute déjà, de son vivant, l’éventualité d’une telle malversation.

Il est beaucoup plus simple d’attendre qu’un écrivain soit mort pour lui faire dire le contraire de ce qu’il a toujours dit.

La notion d’Empire défendue tout au long de sa vie par Jean Parvulesco ne doit pas être confondue avec la volonté d’hégémonie politique au service d’un seul pays.

D’abord, il livre un appel à ce que (je cite) « les uns et les autres nous trouvions comment revenir à la vision contre-révolutionnaire de l’Empereur Mystique, le grand Alexandre Ier, et de la Sainte Alliance des Trois Empires chrétiens, l’Empire d’Allemagne, l’Empire d’Autriche et l’Empire Russe, ce qui revient à prévoir à terme l’intégration du catholicisme et de l’orthodoxie en une seule instance impériale de présence et de témoignage de vie au sein d’une même et seule structure impériale d’Eglise ».

N’oublions pas que Guillaume II, qui se considérait lui-même comme l’Empereur de l’Atlantique, appelait son cousin Nicolas II, l’Empereur du Pacifique.

« Ainsi les actuelles retrouvailles nuptiales de la Russie et de l’Europe vont-elles devoir imposer le retour du sacré vivant au sein de la communauté impériale grand-continentale », écrivait encore Jean Parvulesco.

L’Empire est la structure naturelle de toute organisation communautaire. Il est basé sur le principe de subsidiarité : tout ce qui peut être réglé politiquement par la base doit être réglé par la base.

Ce sont les communautés naturelles qui régissent elles-mêmes leur propre organisation, l’économie de leur territoire.

Le principe de l’Empire est celui de l’unité suprême au sommet, et de l’hétérogénéité à la base.

On retrouve le principe spirituel de la monarchie, liée à une logique organique de la vie des peuples, et qui fait qu’un empire est naturellement lié à la notion de civilisation.

Le philosophe catholique et anti-communiste Jean Daujat a parfaitement décrit la manière dont les corporations de métiers des XIIè et XIIIè siècles en France furent codifiés par Saint Louis, mais pas organisés ni dirigés par celui-ci. « Ce qui couronnait tout l’intense mouvement de la vie sociale du XIIIè siècle était l’inspiration chrétienne de la politique mise au service du règne du Christ dans l’ordre temporel dont les souverains se considéraient comme les ministres », écrit-il. Et encore : « Tous les rois de France, en étant sacrés à Reims, s’engageaient à préserver le peuple contre toutes rapines et iniquités. »

Des événements historiques tels que la querelle des Investitures puis, bien plus tard, le Traité de Westphalie, ont engendré la dislocation des Empires, et conséquemment de leurs spiritualités, puis l’avènement des nations athées et orgueilleuses qui se sont toutes mises à guerroyer les unes contre les autres. Au seul bénéfice intégral de la puissance financière régnant sur le chaos.

stHRRDN.jpgPersonne ni aucun peuple ne doit être identifié ni s’identifier lui-même au pouvoir impérial. Le pouvoir impérial n’est pas l’attribut d’une nation, mais un attribut divin prêté et repris au souverain. Et il a pour seule fin le service des communautés.

Aucun pays européen, aucune nation européenne n’a hérité de l’Empire de Rome. C’est l’Eglise elle-même qui en a hérité, comme l’a bien expliqué Soloviev dans son ouvrage « La Russie et l’Eglise Universelle », où il écrit les phrases suivantes :

« Les grandes puissances du monde ancien n’ont fait que passer dans l’histoire : Rome seule vit toujours. La roche du Capitole fut consacrée par la pierre biblique, et l’empire romain se transforma en la grande montagne qui, dans la vision prophétique, était née de cette pierre. Et la pierre elle-même, que peut-elle signifier, sinon le pouvoir monarchique de celui qui fut appelé Pierre par excellence et sur qui l’Église Universelle — cette montagne de Dieu — fut fondée ? »

L’Eglise est une et indivisible, à la fois catholique (universelle dans l’espace) et orthodoxe (permanente dans le temps). 

L’Empire et l’Eglise sont donc indissolublement liées l’un à l’autre.

C’est ce que démontre avec superbe Dante dans son De Monarchia.

Je terminerai ma courte allocution en citant une phrase très significative de Jean Parvulesco, extraite d’une conférence donnée à Neuilly le 20 décembre 1994, titrée « La signification suprahistorique du massacre des Romanov ». Cette phrase permettra d’effectuer une ouverture à la fois sur nos origines les plus lointaines et sur la thématique précise de notre colloque.

« Ainsi que l’observait Guido Giannettini dans un de ses essais géopolitiques d’avant-garde, pour la première fois depuis des temps indéfinis, depuis la fin même, peut-être, du néolithique, les hommes d’un même sang et appartenant à la même vision fondamentale de l’être et du monde, à une même civilisation profonde, se retrouvent à nouveau ensemble, prêts à intégrer l’ancienne unité de leur prédestination commune, de l’Atlantique au Pacifique. »

https://www.geopolitica.ru/fr/studio/jean-parvulesco-et-l...

http://www.estica.eu/article/jean-parvulesco-si-geopoliti...

http://flux.md/opinii/jean-parvulesco-si-geopolitica-tran...

Warum Amerika den Krieg braucht

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Warum Amerika den Krieg braucht

Warum wollen die Amerikaner ständig Krieg, Krieg und noch mehr Krieg? Eine zeitlose Analyse.

Von Dr. Jacques R. Pauwels / Antikrieg

Ex: https://www.contra-magazin.com

Anmerkung der GlobalResearch-Redaktion: Dieser prägnante Artikel wurde am 30. April 2003 von dem Historiker und Politikwissenschaftler Jacques Pauwels in unmittelbarer Folge des Krieges gegen den Irak verfasst. Der Artikel bezieht sich weitgehend auf die Präsidentschaft von George W. Bush. Eine aktuelle Frage: Warum will die Trump-Administration Krieg, einschließlich Krieg gegen Nordkorea, Iran, Russland und China?

Korea, Vietnam, Kambodscha, Irak, Libyen, Syrien, Jemen…. Warum sind die USA seit mehr als einem halben Jahrhundert im Krieg? Und warum unterstützen die Amerikaner die militärische Agenda der USA?

* * *

Kriege sind eine schreckliche Verschwendung von Leben und Ressourcen, und deshalb sind die meisten Menschen grundsätzlich gegen Kriege. Der amerikanische Präsident hingegen scheint den Krieg zu lieben. Warum? Viele Kommentatoren haben die Antwort in psychologischen Faktoren gesucht. Einige meinten, dass George W. Bush es für seine Pflicht hielt, die Arbeit zu beenden, die begonnen wurde, aber aus irgendeinem obskuren Grund von seinem Vater zur Zeit des Golfkriegs nicht abgeschlossen wurde, andere glauben, dass Bush Junior einen kurzen und triumphalen Krieg erwartete, der ihm eine zweite Amtszeit im Weißen Haus garantieren würde.

Ich glaube, wir müssen anderswo eine Erklärung für die Haltung des amerikanischen Präsidenten suchen.

USWM-1.jpgDie Tatsache, dass Bush scharf auf Krieg ist, hat wenig oder nichts mit seiner Psyche zu tun, aber sehr viel mit dem amerikanischen Wirtschaftssystem. Dieses System – Amerikas Marke des Kapitalismus – funktioniert in erster Linie, um extrem reiche Amerikaner wie die "Geld-Dynastie" Bush noch reicher zu machen. Ohne heiße oder kalte Kriege kann dieses System jedoch nicht mehr das erwartete Ergebnis in Form von immer höheren Gewinnen bringen, die die Wohlhabenden und Mächtigen Amerikas als ihr Geburtsrecht ansehen.

Die große Stärke des amerikanischen Kapitalismus ist auch seine große Schwäche, nämlich seine extrem hohe Produktivität. In der historischen Entwicklung des internationalen Wirtschaftssystems, das wir Kapitalismus nennen, haben eine Reihe von Faktoren zu enormen Produktivitätssteigerungen geführt, zum Beispiel die Mechanisierung des Produktionsprozesses, die in England bereits im 18. Jahrhundert begonnen hat. Im frühen 20. Jahrhundert leisteten die amerikanischen Industriellen dann einen entscheidenden Beitrag in Form der Automatisierung der Arbeit durch neue Techniken wie die Produktion am Fließband. Letzteres war eine Innovation, die von Henry Ford eingeführt wurde, und diese Techniken sind daher kollektiv als "Fordismus" bekannt geworden. Die Produktivität der großen amerikanischen Unternehmen stieg spektakulär an.

So rollten bereits in den 1920er Jahren täglich unzählige Fahrzeuge von den Fließbändern der Automobilfabriken in Michigan. Aber wer sollte all diese Autos kaufen? Die meisten Amerikaner hatten damals nicht ausreichend gefüllte Brieftaschen für einen solchen Kauf. Auch andere Industrieprodukte überfluteten den Markt und es entstand eine chronische Disharmonie zwischen dem ständig wachsenden Wirtschaftsangebot und der nachlassenden Nachfrage. So entstand die Wirtschaftskrise, die allgemein als die Große Depression bekannt ist. Es war im Wesentlichen eine Krise der Überproduktion. Lagerhallen platzten vor unverkauften Waren, Fabriken entließen Arbeiter, die Arbeitslosigkeit explodierte, und so schrumpfte die Kaufkraft des amerikanischen Volkes noch mehr, was die Krise noch verschlimmerte.

Es ist nicht zu leugnen, dass in Amerika die Weltwirtschaftskrise während und wegen des Zweiten Weltkriegs endete. (Sogar die größten Bewunderer von Präsident Roosevelt geben zu, dass seine viel beachtete New-Deal-Politik wenig oder keine Erleichterung brachte. Die wirtschaftliche Nachfrage stieg spektakulär an, als der Krieg, der in Europa begonnen hatte und an dem die USA selbst vor 1942 nicht aktiv beteiligt waren, der amerikanischen Industrie erlaubte, unbegrenzte Mengen an Kriegsgerät zu produzieren. Zwischen 1940 und 1945 würde der amerikanische Staat nicht weniger als 185 Milliarden Dollar für solches Gerät ausgeben, und der Anteil der Militärausgaben am BSP stieg damit zwischen 1939 und 1945 von unbedeutenden 1,5 Prozent auf etwa 40 Prozent. Darüber hinaus lieferte die amerikanische Industrie über Lend-Lease gigantische Mengen an Ausrüstung an die Briten und sogar an die Sowjets. (In Deutschland produzierten inzwischen die Tochtergesellschaften amerikanischer Konzerne wie Ford, GM und ITT alle möglichen Flugzeuge und Panzer und anderes Kriegsgerät für die Nazis, auch nach Pearl Harbor, aber das ist eine andere Geschichte). Das Hauptproblem der Großen Depression – das Ungleichgewicht zwischen Angebot und Nachfrage – wurde damit gelöst, weil der Staat die wirtschaftliche Nachfrage durch riesige Aufträge militärischer Art "in Schwung brachte".

Was die einfachen Amerikaner betrifft, so brachte Washingtons Militärausgabenorgie nicht nur praktisch Vollbeschäftigung, sondern auch viel höhere Löhne als je zuvor; es war während des Zweiten Weltkriegs, als das mit der Großen Depression verbundene weit verbreitete Elend zu Ende ging und die Mehrheit des amerikanischen Volkes einen beispiellosen Wohlstand erreichte. Die mit Abstand größten Nutznießer des Kriegswirtschaftsbooms waren jedoch die Geschäftsleute und Unternehmen des Landes, die außerordentliche Gewinne erzielten. Zwischen 1942 und 1945, schreibt der Historiker Stuart D. Brandes, waren die Nettogewinne der 2.000 größten amerikanischen Firmen mehr als 40 Prozent höher als im Zeitraum 1936-1939. Ein solcher "Gewinnboom" sei möglich gewesen, weil der Staat Milliarden von Dollar an Rüstungsgütern bestellt, keine Preiskontrollen eingeführt und die Gewinne kaum oder gar nicht besteuert habe. Diese Großzügigkeit kam der amerikanischen Geschäftswelt im Allgemeinen zugute, insbesondere aber der relativ eingeschränkten Elite der Großkonzerne, die als "Big Business" oder "Corporate America" bekannt sind. Während des Krieges erhielten insgesamt weniger als 60 Firmen 75 Prozent aller lukrativen militärischen und sonstigen staatlichen Aufträge. Die großen Konzerne – Ford, IBM, etc. – erwiesen sich als die "Kriegsschweine", schreibt Brandes, die sich an der großen Talsohle der Militärausgaben des Staates vollfraßen. So steigerte IBM den Jahresumsatz zwischen 1940 und 1945 dank kriegsbedingter Aufträge von 46 auf 140 Millionen Dollar und steigerte den Gewinn entsprechend.

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Amerikas große Konzerne nutzten ihr fordistisches Know-how voll aus, um die Produktion anzukurbeln, aber selbst das reichte nicht aus, um den Kriegsbedarf des amerikanischen Staates zu decken. Viel mehr Ausrüstung wurde benötigt, und um sie zu produzieren, brauchte Amerika neue Fabriken und eine noch effizientere Technologie. Diese neuen Anlagen wurden ordnungsgemäß aus dem Boden gestampft, so dass der Gesamtwert aller Produktionsanlagen des Landes zwischen 1939 und 1945 von 40 auf 66 Milliarden Dollar anstieg. Es war jedoch nicht der Privatsektor, der all diese neuen Investitionen getätigt hat; aufgrund seiner unangenehmen Erfahrungen mit der Überproduktion in den dreißiger Jahren fanden Amerikas Geschäftsleute diese Aufgabe zu riskant. Der Staat hat also 17 Milliarden Dollar in mehr als 2.000 Verteidigungsprojekte investiert. Als Gegenleistung für eine geringe Gebühr durften private Unternehmen diese brandneuen Fabriken mieten, um … zu produzieren und Geld zu verdienen, indem sie die Produktion an den Staat zurückverkauften. Außerdem, als der Krieg vorbei war und Washington beschloss, sich von diesen Investitionen zu trennen, kauften die großen Unternehmen der Nation sie für die Hälfte und in vielen Fällen nur für ein Drittel des realen Wertes.

Wie finanzierte Amerika den Krieg, wie bezahlte Washington die hohen Rechnungen von GM, ITT und den anderen Lieferanten von Kriegsausrüstung? Die Antwort lautet: teilweise durch Steuern – etwa 45 Prozent -, aber viel mehr durch Kredite – etwa 55 Prozent. Dadurch stieg die Staatsverschuldung dramatisch an, nämlich von 3 Milliarden Dollar im Jahr 1939 auf nicht weniger als 45 Milliarden Dollar im Jahr 1945. Theoretisch hätte diese Schuld durch die Erhebung von Steuern auf die riesigen Gewinne, die während des Krieges von Amerikas Großkonzernen eingesteckt wurden, reduziert oder ganz getilgt werden müssen, aber die Realität war anders. Wie bereits erwähnt, hat der amerikanische Staat es versäumt, die Windfall-Profite der amerikanischen Unternehmen sinnvoll zu besteuern, ließ die Staatsschulden explodieren und bezahlte seine Rechnungen und die Zinsen für seine Darlehen mit seinen allgemeinen Einnahmen, d.h. mit Hilfe der durch direkte und indirekte Steuern generierten Einnahmen. Vor allem aufgrund des im Oktober 1942 eingeführten regressiven Steuergesetzes wurden diese Steuern zunehmend von Arbeitern und anderen einkommensschwachen Amerikanern gezahlt, nicht von den Superreichen und den Unternehmen, deren Eigentümer, Großaktionäre und/oder Topmanager diese waren. "Die Last der Finanzierung des Krieges", beobachtet der amerikanische Historiker Sean Dennis Cashman, "wurde fest auf die Schultern der ärmeren Mitglieder der Gesellschaft geschlagen."

Die amerikanische Öffentlichkeit, die vom Krieg betroffen und von der hellen Sonne der Vollbeschäftigung und der hohen Löhne geblendet war, hat dies jedoch nicht bemerkt. Die wohlhabenden Amerikaner hingegen waren sich der wunderbaren Art und Weise bewusst, in der der Krieg Geld für sie selbst und ihre Unternehmen generierte. Übrigens waren es auch die reichen Geschäftsleute, Banken, Versicherer und andere Großinvestoren, die Washington das für die Finanzierung des Krieges benötigte Geld geliehen haben; so profitierte die amerikanische Wirtschaft auch vom Krieg, indem sie den Löwenanteil der durch den Kauf der berühmten Kriegsanleihen generierten Zinsen einsteckte. Zumindest theoretisch sind die Reichen und Mächtigen Amerikas die großen Verfechter des so genannten freien Unternehmertums, und sie lehnen jede Form von staatlicher Intervention in die Wirtschaft ab. Während des Krieges erhoben sie jedoch nie Einwände gegen die Art und Weise, wie der amerikanische Staat die Wirtschaft führte und finanzierte, denn ohne diese groß angelegte dirigistische Verletzung der Regeln des freien Unternehmertums hätte sich ihr kollektiver Reichtum niemals so stark vermehren können wie in diesen Jahren.

Während des Zweiten Weltkrieges haben die wohlhabenden Eigentümer und Topmanager der großen Konzerne eine sehr wichtige Lektion gelernt: Während eines Krieges gibt es Geld zu verdienen, viel Geld. Mit anderen Worten, die mühsame Aufgabe der Gewinnmaximierung – die Schlüsselaktivität innerhalb der kapitalistischen amerikanischen Wirtschaft – kann durch Krieg viel effizienter gelöst werden als durch Frieden; allerdings ist die wohlwollende Mitwirkung des Staates erforderlich. Seit dem Zweiten Weltkrieg sind sich die Reichen und Mächtigen Amerikas dessen bewusst. So ist ihr Mann im Weißen Haus heute [2003, also George W. Bush], der Spross einer "Geld-Dynastie", der ins Weiße Haus katapultiert wurde, um die Interessen seiner wohlhabenden Familienmitglieder, Freunde und Mitarbeiter im korporativen Amerika, die Interessen des Geldes, der Privilegien und der Macht zu fördern.

USWM4.gifIm Frühjahr 1945 war es klar, dass der Krieg, die Quelle fabelhafter Gewinne, bald vorbei sein würde. Was würde dann passieren? Unter den Ökonomen beschworen viele Cassandras Szenarien, die für die politischen und industriellen Führer Amerikas äußerst unangenehm waren. Während des Krieges hatten Washingtons Käufe von Rüstungsgütern und nichts anderes die wirtschaftliche Nachfrage wiederhergestellt und damit nicht nur Vollbeschäftigung, sondern auch beispiellose Gewinne ermöglicht. Mit der Rückkehr des Friedens drohte der Geist der Disharmonie zwischen Angebot und Nachfrage wieder nach Amerika zurückzukehren, und die daraus resultierende Krise könnte noch akuter sein als die Große Depression der "schmutzigen Dreißiger Jahre", denn während der Kriegsjahre war die Produktionskapazität der Nation erheblich gestiegen, wie wir gesehen haben. Arbeiter müssten gerade in dem Moment entlassen werden, in dem Millionen von Kriegsveteranen auf der Suche nach einem zivilen Arbeitsplatz nach Hause kommen würden, und die daraus resultierende Arbeitslosigkeit und der Rückgang der Kaufkraft würden das Nachfragedefizit verschärfen. Aus der Sicht der Reichen und Mächtigen Amerikas war die kommende Arbeitslosigkeit kein Problem; wichtig war, dass das goldene Zeitalter der gigantischen Profite zu Ende gehen würde. Eine solche Katastrophe musste verhindert werden, aber wie?

Militärische Staatsausgaben waren die Quelle hoher Gewinne. Um die Gewinne großzügig fließen zu lassen, waren nach der Niederlage Deutschlands und Japans neue Feinde und neue Kriegsdrohungen dringend nötig. Welch ein Glück, dass es die Sowjetunion gab, ein Land, das während des Krieges ein besonders nützlicher Partner war, der den Alliierten in Stalingrad und anderswo die Kastanien aus dem Feuer geholt hatte, aber auch ein Partner, dessen kommunistische Ideen und Praktiken es erlaubten, sie leicht in den neuen schwarzen Mann der Vereinigten Staaten von Amerika zu verwandeln. Die meisten amerikanischen Historiker geben heute zu, dass 1945 die Sowjetunion, ein Land, das während des Krieges enorm gelitten hatte, keine Bedrohung für die wirtschaftlich und militärisch weit überlegenen USA darstellte und dass Washington selbst die Sowjets nicht als Bedrohung empfand. Diese Historiker bestätigen auch, dass Moskau in der Nachkriegszeit sehr daran interessiert war, eng mit Washington zusammenzuarbeiten.

Tatsächlich hatte Moskau nichts zu gewinnen und alles zu verlieren in einem Konflikt mit der Supermacht Amerika, die dank ihres Monopols der Atombombe voller Zuversicht war. Doch Amerika – das Amerika der Superreichen – brauchte dringend einen neuen Feind, um die titanischen Ausgaben für "Verteidigung" zu rechtfertigen, die nötig waren, um die Räder der Volkswirtschaft auch nach Kriegsende in Schwung zu halten und damit die Gewinnmargen auf dem erforderlichen – oder besser gesagt, gewünschten – hohen Niveau zu halten oder gar zu erhöhen. Aus diesem Grund wurde der Kalte Krieg 1945 nicht von den Sowjets, sondern vom amerikanischen "militärisch-industriellen" Komplex ausgelöst, wie Präsident Eisenhower diese Elite wohlhabender Individuen und Unternehmen bezeichnete, die von der "Kriegswirtschaft" zu profitieren wussten.

In dieser Hinsicht übertraf der Kalte Krieg ihre kühnsten Erwartungen. Immer mehr Kampfmittel mussten produziert werden, weil die Verbündeten in der sogenannten "freien Welt", zu der eigentlich viele böse Diktaturen gehörten, mit US-Ausrüstung bis an die Zähne bewaffnet werden mussten. Darüber hinaus haben die amerikanischen Streitkräfte nie aufgehört, größere, bessere und anspruchsvollere Panzer, Flugzeuge, Raketen und, ja, chemische und bakteriologische Waffen und andere Massenvernichtungswaffen zu fordern. Für diese Waren war das Pentagon immer bereit, große Summen zu zahlen, ohne schwierige Fragen zu stellen. Wie schon während des Zweiten Weltkrieges waren es wieder vor allem die Großkonzerne, die die Aufträge ausführen durften. Der Kalte Krieg brachte beispiellose Gewinne, und sie flossen in die Kassen jener äußerst wohlhabenden Personen, die zufällig Eigentümer, Top-Manager und/oder Großaktionäre dieser Unternehmen waren. (Kommt es als Überraschung, dass in den Vereinigten Staaten frisch pensionierten Pentagongenerälen routinemäßig Jobs als Berater von den großen Korporationen angeboten werden, die in militärische Produktion mit einbezogen werden, und dass die Geschäftsmänner, die mit jenen Konzernen verbunden sind, regelmäßig zu hochrangigen Beamte des Verteidigungsministeriums, zu Beratern des Präsidenten, etc. ernannt werden?)

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Auch während des Kalten Krieges finanzierte der amerikanische Staat seine explodierenden Militärausgaben durch Kredite, wodurch die Staatsverschuldung in schwindelerregende Höhen stieg. 1945 lag die Staatsverschuldung bei "nur" 258 Milliarden Dollar, aber 1990 – als der Kalte Krieg zu Ende ging – betrug sie nicht weniger als 3,2 Billionen Dollar! Das war ein gewaltiger Anstieg, auch unter Berücksichtigung der Inflationsrate, der den amerikanischen Staat zum größten Schuldner der Welt werden ließ. (Übrigens: Im Juli 2002 hatte die amerikanische Staatsverschuldung 6,1 Billionen Dollar erreicht. Washington hätte die Kosten des Kalten Krieges decken können und sollen, indem es die enormen Gewinne der an der Rüstungsorgie beteiligten Unternehmen besteuerte, aber davon war nie die Rede. Als 1945 der Zweite Weltkrieg zu Ende ging und der Kalte Krieg wieder an Fahrt gewann, zahlten die Unternehmen noch immer 50 Prozent aller Steuern, doch im Verlauf des Kalten Krieges schrumpfte dieser Anteil stetig und beträgt heute nur noch etwa 1 Prozent.

Dies war möglich, weil die großen Konzerne der Nation weitgehend bestimmen, was die Regierung in Washington tun darf oder nicht, auch im Bereich der Steuerpolitik. Darüber hinaus wurde die Senkung der Steuerlast von Unternehmen erleichtert, da sich diese nach dem Zweiten Weltkrieg in multinationale Konzerne verwandelten, "überall und nirgends zu Hause", wie ein amerikanischer Autor im Zusammenhang mit ITT geschrieben hat, und es daher leicht fällt, sinnvolle Steuern überall zu vermeiden. In den USA, wo sie die größten Gewinne einstreichen, zahlten 37 Prozent aller amerikanischen multinationalen Unternehmen – und mehr als 70 Prozent aller ausländischen multinationalen Unternehmen – 1991 keinen einzigen Dollar Steuern, während die übrigen multinationalen Unternehmen weniger als 1 Prozent ihrer Gewinne an Steuern überwiesen.

Die himmelhohen Kosten des Kalten Krieges wurden also nicht von denen getragen, die davon profitierten und übrigens auch weiterhin den Löwenanteil der auf Staatsanleihen gezahlten Dividenden einnahmen, sondern von den amerikanischen Arbeitern und von der amerikanischen Mittelschicht. Diese Amerikaner mit niedrigem und mittlerem Einkommen erhielten keinen Pfennig aus den Gewinnen des Kalten Krieges, aber sie erhielten ihren Anteil an der enormen Staatsverschuldung, für die dieser Konflikt weitgehend verantwortlich war. Sie sind es also, die wirklich mit den Kosten des Kalten Krieges belastet wurden, und sie sind es, die weiterhin mit ihren Steuern für einen unverhältnismäßig hohen Anteil der öffentlichen Schulden bezahlen.

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Mit anderen Worten, während die durch den Kalten Krieg generierten Gewinne zum Vorteil einer extrem wohlhabenden Elite privatisiert wurden, wurden ihre Kosten rücksichtslos zum großen Nachteil aller anderen Amerikaner sozialisiert. Während des Kalten Krieges degenerierte die amerikanische Wirtschaft zu einem gigantischen Schwindel, zu einer perversen Umverteilung des Reichtums der Nation zum Vorteil der Reichen und zum Nachteil nicht nur der Armen und der Arbeiterklasse, sondern auch der Mittelschicht, deren Mitglieder gerne dem Mythos anhängen, dass das amerikanische kapitalistische System ihren Interessen dient. Während die Reichen und Mächtigen Amerikas immer größere Reichtümer ansammelten, wurde der Wohlstand, den viele andere Amerikaner während des Zweiten Weltkriegs erreicht hatten, allmählich untergraben und der allgemeine Lebensstandard sank langsam aber stetig.

Während des Zweiten Weltkriegs hatte Amerika eine bescheidene Umverteilung des kollektiven Reichtums der Nation zum Vorteil der weniger privilegierten Mitglieder der Gesellschaft erlebt. Während des Kalten Krieges jedoch wurden die reichen Amerikaner reicher, während die Nichtreichen – und sicherlich nicht nur die Armen – ärmer wurden. Im Jahr 1989, dem Jahr, in dem der Kalte Krieg auslief, waren mehr als 13 Prozent aller Amerikaner – etwa 31 Millionen Menschen – nach den offiziellen Armutskriterien arm, was das Problem definitiv unterschätzt. Umgekehrt besitzen heute 1 Prozent aller Amerikaner nicht weniger als 34 Prozent des Gesamtvermögens der Nation. In keinem großen "westlichen" Land ist der Reichtum ungleichmäßiger verteilt.

Der winzige Prozentsatz der superreichen Amerikaner fand diese Entwicklung äußerst zufriedenstellend. Sie liebten die Idee, immer mehr Reichtum anzuhäufen, ihr ohnehin schon riesiges Vermögen auf Kosten der weniger Privilegierten zu vermehren. Sie wollten es dabei belassen oder, wenn überhaupt möglich, dieses erhabene Schema noch effizienter gestalten. Doch alle guten Dinge müssen ein Ende haben, und 1989/90 brach der beutereiche Kalte Krieg zusammen. Das war ein ernstes Problem. Gewöhnliche Amerikaner, die wussten, dass sie die Kosten dieses Krieges getragen hatten, erwarteten eine "Friedensdividende".

Sie dachten, dass das Geld, das der Staat für Militärausgaben ausgegeben hatte, nun dazu verwendet werden könnte, sich Vorteile zu verschaffen, zum Beispiel in Form einer staatlichen Krankenversicherung und anderer Sozialleistungen, die die Amerikaner im Gegensatz zu den meisten Europäern nie genossen haben. 1992 konnte Bill Clinton tatsächlich die Präsidentschaftswahlen gewinnen, indem er einen nationalen Gesundheitsplan in Aussicht stellte, der natürlich nie zustande kam. Eine "Friedensdividende" war für die wohlhabende Elite des Landes überhaupt nicht von Interesse, denn die Erbringung sozialer Dienstleistungen durch den Staat bringt keine Gewinne für Unternehmer und Unternehmen und schon gar nicht die hohen Gewinne, die durch militärische Staatsausgaben erzielt werden. Es musste etwas getan werden, und zwar schnell, um die drohende Implosion der Militärausgaben des Staates zu verhindern.

Amerika, oder besser gesagt, das korporative Amerika, war seines nützlichen sowjetischen Feindes verlustig gegangen und musste dringend neue Feinde und neue Bedrohungen heraufbeschwören, um ein hohes Maß an Militärausgaben zu rechtfertigen. In diesem Zusammenhang trat Saddam Hussein 1990 wie eine Art Deus ex Machina auf. Dieser Blechtopf-Diktator war zuvor von den Amerikanern als guter Freund wahrgenommen und behandelt worden, und er war bis an die Zähne bewaffnet worden, um einen hässlichen Krieg gegen den Iran führen zu können; es waren die USA – und Verbündete wie Deutschland -, die ihn ursprünglich mit allen möglichen Waffen versorgten. Doch Washington brauchte dringend einen neuen Feind und fingerte ihn plötzlich als schrecklich gefährlichen "neuen Hitler" an, gegen den dringend Krieg geführt werden musste, obwohl klar war, dass eine Verhandlungslösung der Frage der Besetzung Kuwaits durch den Irak nicht ausgeschlossen war.

George Bush Senior war der Casting-Agent, der diese nützliche neue Nemesis Amerikas entdeckte und den Golfkrieg entfesselte, während dessen Bagdad mit Bomben überschüttet wurde und Saddams unglückliche Rekruten in der Wüste abgeschlachtet wurden. Der Weg in die irakische Hauptstadt war weit offen, aber der triumphale Einzug der Marines in Bagdad wurde plötzlich abgeblasen. Saddam Hussein wurde an der Macht gelassen, damit die Drohung, die er bilden sollte, weiter geltend gemacht werden konnte, um zu rechtfertigen, dass Amerika in Waffen gehalten wurde. Schließlich hatte der plötzliche Zusammenbruch der Sowjetunion gezeigt, wie ungelegen es sein kann, wenn man einen nützlichen Gegner verliert.

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Und so konnte Mars der Schutzpatron der amerikanischen Wirtschaft bleiben, genauer gesagt, der Pate der korporativen Mafia, die diese kriegsgetriebene Wirtschaft manipuliert und ihre riesigen Gewinne ernten kann, ohne ihre Kosten zu tragen. Das verachtete Projekt einer Friedensdividende konnte kurzerhand begraben werden, und die Militärausgaben konnten der Dynamo der Wirtschaft und die Quelle ausreichend hoher Gewinne bleiben. Diese Ausgaben stiegen in den 90er Jahren unaufhaltsam an. 1996 beliefen sie sich beispielsweise auf nicht weniger als 265 Milliarden Dollar, aber wenn man die inoffiziellen und/oder indirekten Militärausgaben, wie die Zinsen für Kredite zur Finanzierung vergangener Kriege hinzuzählt, belief sich die Summe 1996 auf etwa 494 Milliarden Dollar, was einem Aufwand von 1,3 Milliarden Dollar pro Tag entspricht! Doch mit nur einem beträchtlich gezüchtigten Saddam als Feindbild fand es Washington zweckmäßig, auch anderswo nach neuen Feinden und Bedrohungen zu suchen. Somalia sah vorübergehend vielversprechend aus, aber zu gegebener Zeit wurde ein weiterer "neuer Hitler" auf der Balkanhalbinsel in der Person des serbischen Führers Milosevic identifiziert. Die Konflikte im ehemaligen Jugoslawien boten also in den 90er Jahren die notwendigen Vorwände für militärische Interventionen, große Bombenangriffe und den Kauf von immer mehr und neueren Waffen.

Die "Kriegswirtschaft" konnte somit auch nach dem Golfkrieg weiter auf allen Zylindern laufen. Angesichts des gelegentlichen öffentlichen Drucks wie der Forderung nach einer Friedensdividende ist es jedoch nicht einfach, dieses System aufrechtzuerhalten. (Die Medien stellen kein Problem dar, da Zeitungen, Zeitschriften, Fernsehsender usw. sich entweder im Besitz großer Unternehmen befinden oder auf sie als Werbeeinnahmen angewiesen sind. Wie bereits erwähnt, muss der Staat kooperieren, also braucht man in Washington Männer und Frauen, auf die man zählen kann, vorzugsweise Individuen aus den eigenen Reihen, Individuen, die sich voll und ganz dafür einsetzen, das Instrument der Militärausgaben zu nutzen, um die hohen Gewinne zu erzielen, die nötig sind, um die sehr Reichen Amerikas noch reicher zu machen. In dieser Hinsicht war Bill Clinton hinter den Erwartungen zurückgeblieben, und das korporative Amerika konnte seine Erbsünde nie verzeihen, nämlich, dass er es geschafft hatte, sich selbst wählen zu lassen, indem er dem amerikanischen Volk eine "Friedensdividende" in Form eines Krankenversicherungssystems versprach.

Aus diesem Grund wurde im Jahr 2000 vereinbart, dass nicht der Clinton-Klon Al Gore ins Weiße Haus zog, sondern ein Team von militaristischen Hardlinern, praktisch ausnahmslos Vertreter des reichen, korporativen Amerika, wie Cheney, Rumsfeld und Rice, und natürlich George W. Bush selbst, Sohn des Mannes, der mit seinem Golfkrieg gezeigt hatte, wie es geht; auch das Pentagon war direkt im Bush-Kabinett in der Person des angeblich friedliebenden Powell vertreten, in Wirklichkeit ein weiterer Todesengel. Rambo zog ins Weiße Haus, und es dauerte nicht lange, bis die Ergebnisse sichtbar wurden.

Nachdem Bush Junior in die Präsidentschaft katapultiert worden war, sah es für einige Zeit so aus, als würde er China zum neuen Erzfeind Amerikas erklären. Ein Konflikt mit diesem Riesen war jedoch etwas riskant; außerdem verdienen allzu viele große Konzerne gutes Geld mit dem Handel mit der Volksrepublik. Eine weitere Bedrohung, vorzugsweise weniger gefährlich und glaubwürdiger, war erforderlich, um die Militärausgaben auf einem ausreichend hohen Niveau zu halten. Zu diesem Zweck hätten sich Bush und Rumsfeld und die Firma nichts bequemeres wünschen können als die Ereignisse vom 11. September 2001; es ist sehr wahrscheinlich, dass sie sich der Vorbereitungen für diese monströsen Angriffe bewusst waren, aber dass sie nichts taten, um sie zu verhindern, weil sie wussten, dass sie davon profitieren würden. Auf jeden Fall nutzten sie diese Gelegenheit, um Amerika mehr als je zuvor zu militarisieren, Bomben auf Menschen zu werfen, die nichts mit dem 11. September zu tun hatten, Krieg nach Herzenslust zu führen und damit für Unternehmen, die mit dem Pentagon Geschäfte machen, beispiellose Verkäufe zu erzielen. Bush hat nicht einem Land den Krieg erklärt, sondern dem Terrorismus, einem abstrakten Konzept, gegen das man nicht wirklich Krieg führen kann und gegen das ein endgültiger Sieg nie erreicht werden kann. In der Praxis bedeutete der Slogan "Krieg gegen den Terrorismus" jedoch, dass sich Washington nun das Recht vorbehält, weltweit und dauerhaft Krieg gegen jeden zu führen, den das Weiße Haus als Terroristen definiert.

Damit war das Problem des Endes des Kalten Krieges endgültig gelöst, denn es gab fortan eine Rechtfertigung für immer höhere Militärausgaben. Die Statistiken sprechen für sich. Die 1996 insgesamt 265 Milliarden Dollar an Militärausgaben waren bereits astronomisch, aber dank Bush Junior durfte das Pentagon im Jahr 2002 350 Milliarden ausgeben, und für 2003 hat der Präsident etwa 390 Milliarden versprochen; es ist nun aber praktisch sicher, dass das Cape von 400 Milliarden Dollar in diesem Jahr gerundet wird. (Um diese Militärausgaben-Orgie zu finanzieren, muss an anderer Stelle Geld gespart werden, z.B. durch die Absage von kostenlosen Mittagessen für arme Kinder; jede Kleinigkeit hilft). Kein Wunder, dass George W. vor Glück und Stolz strahlt, denn er – im Wesentlichen ein verwöhntes, reiches Kind mit sehr begrenztem Talent und Intellekt – hat die kühnsten Erwartungen nicht nur seiner wohlhabenden Familie und Freunde, sondern des gesamten Amerika der Konzerne, dem er seinen Job verdankt, übertroffen.

9/11 versah Bush mit einer Blankovollmacht, Krieg zu führen, wo und gegen wen auch immer er wählte, und wie dieser Aufsatz versucht hat, deutlich zu machen, spielt es keine Rolle, wer als Feind des Tages dran kommt. Letztes Jahr ließ Bush Bomben auf Afghanistan hageln, angeblich weil die Führer dieses Landes Bin Laden beherbergten, aber vor kurzem kam letzteres aus der Mode und es war wieder einmal Saddam Hussein, der angeblich Amerika bedrohte. Wir können hier nicht im Detail auf die spezifischen Gründe eingehen, warum Bushs Amerika unbedingt einen Krieg mit dem Irak Saddam Husseins und nicht etwa mit Nordkorea wollte. Ein Hauptgrund für das Führen dieses bestimmten Krieges sind die Gelüste auf die grossen Ölreserven des Iraks seitens der US-Ölkonzerne, mit denen die Bushes selbst – und Bushiten wie Cheney und Rice, nach der sogar ein Öltanker benannt ist – so eng verbunden sind. Der Krieg im Irak ist auch nützlich als Lektion für andere Länder der Dritten Welt, die nicht nach Washingtons Pfeife tanzen, und als Instrument, um die einheimische Opposition zu entmannen und das rechtsextreme Programm eines nicht gewählten Präsidenten in die Kehle der Amerikaner selbst zu rammen.

Das Amerika des Reichtums und der Privilegien ist vom Krieg abhängig, ohne regelmäßige und immer stärkere Dosen Krieg kann es nicht mehr richtig funktionieren, das heißt, die gewünschten Gewinne bringen. Im Moment wird diese Sucht, dieses Verlangen durch einen Konflikt gegen den Irak befriedigt, der auch den Ölbaronen sehr am Herzen liegt. Aber glaubt jemand, dass die Kriegstreiberei aufhören wird, sobald Saddams Skalp neben den Taliban-Turbanen in George W. Bushs Trophäenvitrine hängt? Der Präsident hat bereits mit dem Finger auf diejenigen gezeigt, die bald an die Reihe kommen werden, nämlich die "Achse des Bösen": Iran, Syrien, Libyen, Somalia, Nordkorea und natürlich Kuba, der alte Dorn in der Seite Amerikas. Willkommen im 21. Jahrhundert, willkommen in George W. Bushs schöner neuer Ära des permanenten Krieges!

samedi, 24 mars 2018

Entretien avec Jean-Loup Izambert La géopolitique de Trump

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Entretien avec Jean-Loup Izambert

La géopolitique de Trump

Ex: https://rebellion-sre.fr

Diplômé de l’École des Hautes Études Sociales, de l’École des Hautes Études Internationales et de l’École Supérieure de Journalisme de Paris, Jean-Loup IZAMBERT a pratiqué depuis 1972 plusieurs qualifications dans la presse régionale, spécialisée et nationale française. Il s’intéresse aux questions économiques, politiques et sociales et s’engage dans son métier en indépendant en 1987. De 1987 à 1995, il collabore régulièrement à l’hebdomadaire VSD, au mensuel économique et financier du groupe Les Échos, et à L’Humanité.

Rébellion : Les orientations géopolitiques des États-Unis sont difficiles à suivre depuis l’élection de D. Trump. Existe t-il une « doctrine Trump » en la matière ?

Jean-Loup Izambert : Pour l’essentiel, Trump poursuit la même politique intérieure que l’ancienne administration Obama. Il en est de même dans le domaine de la politique extérieure puisque depuis l’arrivée de Trump à la Maison Blanche les tensions contre plusieurs pays, principalement contre la Fédération de Russie, n’ont cessé d’augmenter et la guerre impérialiste de s’accroître. Quand je parle de guerre impérialiste, je ne parle pas que de la guerre militaire mais également des guerres diplomatique, économique, financière, médiatique et terroriste, de l’espionnage débridé et des provocations que mènent « le pays de la guerre » contre les peuples du monde, y compris sur le continent européen. Son action politique est identique à celle d’Obama et se résume en une phrase : laisser les grandes puissances financières continuer de déréguler et piller l’économie. Pour faire une comparaison française, je dirai qu’il y a à peu près autant de différences entre l’action politique de Trump et celle de Clinton qu’il y en a entre celle du parti « socialiste » ou de Les Républicains avec celle de Macron. Si leurs discours et programmes peuvent paraître divergents sur certains aspects, au-delà des effets d’annonces et de leurs petites querelles médiatiques, ils ont tous sur le fond le même programme commun : laisser les grands propriétaires privés de la finance et de l’économie s’enrichir au détriment de l’intérêt général. C’est en cela, comme je le décris dans le dernier chapitre de Trump face l’Europe, que Trump et Clinton sont les deux faces d’un même système.

trump-face-a-leurope.jpgRébellion : Qui l’entoure sur ces questions ? Les conseillers de la Maison Blanche sont t-ils des néo-conservateurs ou des isolationnistes ?

J-L.I. : Trump est aujourd’hui entouré par des hommes qui sont tous liés, d’une manière ou d’une autre, au complexe militaro-industriel et aux cercles impérialistes de Washington au sein desquels se retrouvent dirigeants de sociétés transnationales, hauts fonctionnaires d’administrations, des membres des services de renseignement et certains militaires. Peu importe à la limite qu’ils soient « néo-conservateurs » ou « isolationnistes » puisqu’ils participent tous à la même politique impérialiste c’est-à-dire à une politique qui n’envisage l’existence des Etats-Unis que comme puissance hégémonique sur le monde. Depuis l’arrivée de Trump au pouvoir, les principaux conseillers qui l’entouraient pendant sa campagne et lors de sa première année de présidence ont soit claqué la porte, soit été remerciés pour des raisons diverses. La principale d’entre elles est que la campagne électorale terminée ceux-ci ont découvert, sans doute un peu naïvement, que tout continue à peu près comme avec l’administration Obama. Chaque lobby, économique et militaro-industriel essaie de placer ses hommes pour influer en faveur de ses intérêts particuliers. Ce n’est pas une chose nouvelle au sein du pouvoir étasunien et les jeux des groupes d’influences ne font que prendre un peu plus d’ampleur. Bien sûr ces changements incessants provoquent des troubles dans le fonctionnement de certains secteurs de l’administration étasunienne.

Rébellion : Comment Trump juge l’Union européenne ?

J-L.I. : La seule préoccupation de Trump concernant l’Europe est la même que celle d’ Obama avec son ancienne Secrétaire d’Etat Hillary Clinton, à savoir neutraliser l’Europe avec deux objectifs : d’une part empêcher par-dessus tout qu’une nouvelle construction européenne se réalise de Vladivostok à Lisbonne et d’autre part pousser les principaux pays d’Europe occidentale à collaborer aux guerres étasuniennes, qu’elles soient diplomatiques, militaires, financières, économiques ou médiatiques. Comme je le rappelle dans Trump face à l’Europe, à la fin des années 1950, la CIA organisait le soutien au « Comité Américain pour une Europe Unie » (American Committee on United Europe – ACUE). Créée en 1950 par l’administration étasunienne, cette organisation avait pour objectif d’empêcher l’Europe occidentale de se rapprocher des pays d’Europe de l’Est, principalement de l’Union soviétique, au lendemain de la seconde Guerre mondiale. Le journaliste Ambrose Evans-Pritchard, s’appuyant sur des documents déclassifiés des services de l’administration étasunienne, rapporte dans une enquête très documentée (1) qu’« un mémorandum daté du 26 juillet 1950, donne des instructions pour une campagne visant à promouvoir un véritable Parlement européen. Il est signé du Général William J. Donovan, chef du bureau américain des services stratégiques en temps de guerre (OSS), l’ancêtre de la CIA […] Les documents montrent que l’ACUE a financé le Mouvement européen, l’organisation fédéraliste la plus importante d’après-guerre. En 1958, par exemple, l’ACUE a assuré 53,5 % du financement du mouvement […] L’European Youth Campaign, une branche du Mouvement européen, était entièrement financée et contrôlée par Washington. Son directeur belge, le Baron Boel, recevait des versements mensuels sur un compte spécial […] Les dirigeants du Mouvement européen – Retinger, le visionnaire Robert Schuman et l’ancien premier ministre belge, Paul-Henri Spaak – étaient tous traités comme des employés par leurs parrains américains. Le rôle des États-Unis fut tenu secret. L’argent de l’ACUE provenait des fondations Ford et Rockefeller, ainsi que de milieux d’affaires ayant des liens étroits avec le gouvernement américain ». C’est cette mini-Europe que le traité de Maastricht, écrit par les dirigeants des grandes banques liés à la grande finance anglo-saxonne, a enfermé dans de nouvelles frontières après qu’en 1990 les dirigeants communistes d’Union soviétique aient, avec d’autres, décidés d’abattre le « rideau de fer ». Une nouvelle fois, les dirigeants étasuniens ont pris peur que l’Europe occidentale se retrouve avec son entier continent et ouvre ainsi les portes du plus grand espace économique, social et culturel au monde. Trente ans après, ils sont toujours d’autant plus effrayés par cette perspective que la Fédération de Russie est aujourd’hui engagée aves ses partenaires de l’Organisation de coopération et de sécurité (OCS), de l’Union économique eurasiatique (UEEA) et de la BRICS dans la construction d’un monde multipolaire. Là est la raison essentielle des attaques incessantes de Washington et de Londres contre la Fédération de Russie. Non seulement ce monde s’oppose à tout impérialisme, se débarrasse progressivement du dollar mais il promeut une politique de paix en développant les plus grands chantiers au monde. De plus, la Fédération de Russie est devenue le maillon dynamique reliant l’Europe occidentale et centrale à l’Asie ainsi qu’en témoignent, par exemple, ses partenariats à long terme avec des pays comme la République populaire de Chine, le Kazakhstan, la République socialiste du Viêt Nam ou le Japon. Cela signifie que nous vivons le temps de la fin de l’hégémonie étasunienne sur le reste du monde. Aussi l’Europe occidentale que Trump souhaite plus que jamais est une Europe atlantiste, c’est-à-dire soumise aux intérêts politiques, économiques, militaires et culturels étasuniens, divisée et séparée de son entier continent. Obama ne visait pas un autre objectif lorsqu’il alla en mars 2016, afin de dissuader les anglais de quitter l’Union dite « européenne » qui convient si bien à Washington, jusqu’à s’ingérer ouvertement dans les élections organisées en Angleterre pour influencer les résultats du référendum prévu en juin suivant.

Rébellion : Le retrait des États-Unis des négociations sur le traité Transatlantique vous semble répondre à des objectifs précis du gouvernement Trump ?

J-L.I. : Oui, bien sûr. L’administration Trump s’est désengagée ou a voulu renégocier plusieurs traités multinationaux. Ce fût notamment le cas du Traité de libre-échange transpacifique, le TPP, signé par douze pays (Australie, Brunei, Canada, Chili, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour, Etats-Unis et Vietnam) qui n’a jamais été appliqué en raison de l’opposition du Congrès US ; de l’Accord de libre-échange nord-américain (Aléna) ; de l’accord de Paris sur le climat ratifié par 147 pays. L’administration Trump vise ainsi deux objectifs principaux : en premier lieu, il tente d’élargir sa base électorale sous le slogan « America first » en faisant croire que son action relance l’économie ; ensuite, il cherche à désengager les Etats-Unis des négociations multi-Etats trop contraignantes pour eux. Il leur préfère des négociations bilatérales dans lesquelles Washington peut imposer plus facilement son hégémonie. C’est notamment le cas avec le gouvernement anglais avec lequel son administration tente péniblement de négocier un accord bilatéral au détriment de l’Europe occidentale. Mais les désengagements de ces traités et les initiatives de toutes sortes comme la multiplication des taxes sur les produits importés aux USA au prétexte de protéger l’économie étasunienne en déclin va contre les intérêts des grands capitalistes qui poursuivent leur mondialisation financière. Vous remarquerez du reste que les milliardaires étasuniens comme George Soros qui financent des associations en Europe occidentale pour y faciliter la déportation et l’implantation de millions de fuyards sont du même « club » que ceux qui enferment les Etats-Unis dans des frontières de barbelés pour s’en protéger chez eux. Ces mesures entravent les intérêts privés des grands capitalistes qui sont hostiles à toute réglementation et à toute régulation de l’économie et des territoires. C’est aussi pourquoi Trump tente de les calmer en diminuant encore les impôts des grandes fortunes et les règlements tout en les laissant continuer de traficoter avec les places off-shore qui sont l’un des piliers de la survie du capitalisme. Un autre fait important est significatif de la poursuite de la politique d’Obama par l’administration Trump : la décision des Etats-Unis et d’Israël de se retirer ensemble, en octobre 2017, de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la (Unesco), sous prétexte qu’elle serait « anti-israélienne ». Depuis 2011, Washington avait arrêté de participer au financement de l’Unesco après que ses pays membres aient admis la parmi ses Etats membres. L’ensemble de ces faits témoignent bien de la volonté de l’administration Trump de continuer la même politique méprisante à l’égard du droit à des peuples à décider de leur avenir, du droit international et des traités dans tous les domaines. « Le pays de la guerre » doit se faire à l’idée que le temps où il pouvait décider à tout moment de la légalité des opérations commerciales entre entreprises d’Etats différents et prononcer des sanctions contre des entreprises étrangères qui ne lui conviennent pas et qui commercent entre elles touche à sa fin. Il est du reste particulièrement honteux pour la France de voir comment le pouvoir politique français s’est couché en 2014 puis en 2015 devant les très lourdes sanctions imposées par les Etats-Unis aux groupes BNP Paribas et Crédit Agricole Société Anonyme au prétexte que ces banques françaises auraient contourné la législation étasunienne sur l’utilisation du dollar dans les transactions commerciales avec des pays sous sanctions de Washington. Mais les yankees ne font qu’occuper le vide en profitant de la lâcheté des dirigeants français.

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Rébellion : Une crise financière et économique majeure est-elle possible dans les prochains mois ? Les géants de la finance préparent-ils ce nouveau choc ?

J-L.I. : Les crises financières sont inhérentes au capitalisme. Elles sont plus nombreuses, rapprochées et fortes au fur et à mesure que le Capital se concentre plus fortement entre les mains de ses principaux acteurs. Ce sont ces opérations de concentration du Capital qui ont pour conséquence la destruction de l’économie réelle. Dans le capitalisme les géants de la finance rançonnent les entreprises et les pays afin de financiariser leurs activités les plus rapidement rentables au profit des intérêts privés de packs de très gros actionnaires. J’en donne plusieurs exemples dans Trump face à l’Europe, notamment au-travers des témoignages de John Perkins, ancien consultant de haut niveau de sociétés transnationales étasuniennes, et du professeur Michel Chossudovsky, directeur du Centre de recherche sur la mondialisation basé au Canada. Ces transnationales de la finance sont responsables de ces krachs, s’opposent à toute intervention de l’Etat et propagent leurs activités d’abord à partir des zones économiques les plus déréglementées. Les autorités de régulation des marchés financiers ne régulent plus grand-chose et n’ont plus d’autre choix que de laisser courir les marchés financiers livrés à eux-mêmes. A ce stade de développement du capitalisme que Lénine qualifiait d’impérialisme, derrière des immeubles de verre et des bilans en quadrichromie sur papier glacé, les intégristes du marché se livrent à des pratiques criminelles pour servir les exigences d’accumulation du Capital des grandes fortunes de l’oligarchie financière.

Rébellion : Pouvez-vous donner des exemples de la manière dont les acteurs financiers du capitalisme organisent ces krachs financiers au détriment de l’économie réelle ?

J-L.I. : Les exemples ne manquent pas et se multiplient depuis les années 2000. Bridgewater Associates, l’un des plus importants fonds d’investissement étasunien, vient de nous en donner un nouvel exemple. En quelques mois, d’octobre 2017 à février dernier, cette société du trading de haute fréquence a multiplié ses paris à la baisse sur la valeur des titres de plusieurs grandes sociétés d’Europe occidentale pour un total de 17,7 milliards d’euros (22 milliards de dollars), pariant sur un krach dans les douze à dix-huit prochains mois. Bridgewater a ainsi spéculé à la baisse pour la moitié du DAX allemand, – l’équivalent allemand du CAC40 – soit sur 5,93 milliards d’euros (7,3 milliards de dollars), sur des sociétés transnationales à base capitalistique française (BNP Paribas, Total, Sanofi, Vivendi, Airbus) à hauteur de 3,65 milliards d’euros ( 4,5 milliards de dollars), sur dix-huit sociétés italiennes pour 2,43 milliards d’euros (3 milliards de dollars) et sur plusieurs grands groupes comme la banque néerlandaise ING ou le groupe finlandais de télécommunications Nokia.

Cette action concentrée sur des sociétés transnationales – toutes situées en Europe occidentale dans le cas présent – est un processus classique de la spéculation à hauts risques. Il s’agit pour Bridgewater d’opérer une vente à découvert. Celle-ci consiste à vendre des actions à un certain cours en espérant que celui-ci va chuter fortement pour pouvoir les racheter ensuite moins chères et engranger ainsi de super profits tout en renforçant sa position financière au sein de ces entreprises. Il suffit de vendre au moment où la baisse commence puis d’acheter lorsque celle-ci s’arrête. Mais à l’origine il ne s’agit que d’une information financière, largement reprise par des médias, et avec laquelle il faut être très prudent. Il faut toujours garder en mémoire que dans la financiarisation de l’économie les achats d’actions se portent à la hausse non sur les entreprises potentiellement les plus rentables mais sur celles dont la communication financière accrédite l’idée qu’elles le sont ou qu’elles constituent une opportunité et qu’une majorité le pense. Et une majorité le pense d’autant plus facilement que cette information furtive qui suggère l’acte d’achat ou de vente est diffusée au moment opportun par les communicants des sociétés de trading. Elle circule rapidement et largement par les médias qui s’empressent de la relayer. Pour la plupart d’entre eux, l’information est émise par un spécialiste des marchés financiers donc par une institution « honorable » qui a pignon sur rue et, pour eux, celle-ci ne peut en conséquence qu’être vraie. Ce type d’action comme celle de Bridgewater peut aussi être destiné à favoriser des sociétés transnationales concurrentes de celles visées. Vous remarquerez que dans cette opération le fonds d’investissement US ne cible aucune entreprise étasunienne. Les européennes visées ne le sont pas en raison de leur place sur le marché européen mais plutôt de leur dépendance vis-à-vis du marché étasunien ou international. Pour ma part je n’y vois pas un effet de « la main invisible du marché » mais plutôt une attaque en règle contre des concurrentes de sociétés transnationales étasuniennes. J’observe, par ailleurs, que cette opération spéculative à hauts risques vient après l’échec cuisant des années de campagne de Washington et de quelques pays de l’Union « européenne », principalement l’Angleterre et la France, contre la Fédération de Russie. C’est un aspect des contradictions du capitalisme dont les monopoles concurrents se battent entre eux pour se disputer de « nouveaux territoires économiques » en s’affaiblissant mutuellement. Aussi, il faut toujours se méfier de ce genre d’annonces médiatiques. Quand des sociétés du trading de haute fréquence opèrent ce genre d’actions elles doivent s’entourer de la plus grande discrétion et agir très rapidement afin que personne ne vienne entraver leurs opérations d’une manière ou d’une autre. En la matière, la réussite dépend de l’information – captée et diffusée par l’opérateur financier – et de sa rapidité. Aussi, la désinformation et la manipulation des marchés financiers sont devenues un sport pratiqué par la plupart des grandes banques et sociétés financières dans lequel tous les coups sont permis.

Dans son remarquable travail de recherche, Jean-François Gayraud, haut fonctionnaire de la police nationale, livre des exemples révélateurs de cet aspect criminel du capitalisme. (2) Cette désagrégation des milieux financiers par ces crises qui se succèdent traduit le désarroi de leur système devenu complètement incontrôlable, un peu comme frappé par une succession de crises de panique devant une très lente mort qu’ils savent inéluctable et à laquelle ils se refusent. Mais pour ces gens-là, les conséquences économiques et sociales n’ont d’importance que dans la mesure où elles peuvent leur permettre de s’enrichir.

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Rébellion : Comment le capitalisme peut-il être en même temps de plus en plus affaibli, rester aussi facilement incontrôlable et poursuivre sa mondialisation financière ?

J-L.I. : Il y a effectivement une situation qui peut paraître contradictoire dans le fait que le capitalisme est affaibli et continue de subsister en poursuivant son développement. L’économie réelle du capitalisme est en pleine déconfiture et son développement n’est plus que financier. ICD London, société basée à Londres spécialisée dans le conseil, la création, la domiciliation et la gestion de sociétés basées dans les places off shore indique que « le rôle des paradis fiscaux dans la mondialisation est important. Ils sont l’un des piliers sans lequel la mondialisation économique contemporaine ne pourrait pas fonctionner (…) ils jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement du capitalisme aujourd’hui. Ils ont connu un boom dans les années soixante et ils ont aujourd’hui un poids considérable dans le commerce international. Toutes les grandes banques internationales ont installé des succursales dans les paradis fiscaux. Ces territoires s’insèrent dans l’économie mondiale avec un poids économique tout particulier. » Les marchés financiers sont devenus aujourd’hui un vaste complexe de systèmes informatisés et interconnectés auquel ces centres financiers internationaux garantissent « le secret des transactions financières.» Dans ces conditions d’opacité, de liberté totale des mouvements de capitaux internationaux, de structures échappant à la réglementation bancaire internationale et aux services fiscaux et de réseaux hautement informatisés, des acteurs importants des marchés financiers capitalistes perdent des dizaines de millions de dollars, voire beaucoup plus, en quelques minutes.

Il existe une multitude de Hedge Funds qui sont spécialisés sur des stratégies différentes, voire sont parfois multi-stratégies. La plupart sont basés aux îles Caymans, aux Etats-Unis et à la City de Londres qui est la première place off shore du continent européen. Des algorithmes informatiques sont conçus pour prendre des décisions de trading et exécuter seuls les ordres sur les marchés financiers en fonction de différents paramètres. Leur contenu est différent selon la ou les stratégies du fonds financier. Certains prennent à la fois des positions vendeuses et acheteuses sur des actions, d’autres se focalisent sur les sociétés dont l’actualité peut avoir un fort impact sur la valeur de ses actions, parient sur les matières premières, sur l’évolution des taux d’intérêt ou même sur l’évolution à court terme de la croissance de l’ensemble d’un secteur l’économie mondiale, etc. Ces stratégies nécessitent une très importante quantité de connaissances, des informations précises et de nombreux calculs, souvent complexes, que les capacités de calculs du cerveau humain ne permettent pas de réaliser rapidement. Les algorithmes sont les outils de calcul, d’analyse et de décision qui peuvent dépasser les possibilités humaines en réagissant bien plus rapidement pour réaliser l’objectif pour lequel ils ont été programmés . Mais, ainsi que l’explique Jean-François Gayraud, « une fois que le trader a choisi un algorithme, qu’il l’a actionné, il perd le contrôle du processus engagé. Des machines surpuissantes communiquent entre elles. Et plus personne ne comprend en totalité ces marchés financiers. » Les algorithmes qui opèrent sur les marchés financiers sont nourris d’intelligence artificielle, conçus pour être autonomes, dotés d’une réelle indépendance décisionnelle et capables d’enregistrer et d’apprendre, donc de « progresser » dans un contexte évolutif très complexe qui échappe à l’entendement humain. Et comme le souligne Gayraud, « personne, là encore, ne peut donc savoir comment ils vont se comporter. » C’est ainsi, que parmi d’autres nombreux exemples que cite Jean-François Gayraud, Infinium Capital Management, l’une des plus puissantes sociétés de courtage des Etats-Unis, a perdu en février 2010 plus de 1 million de dollars en 3 secondes avec un nouvel algorithme destiné à… dégager des profits sur le marché du pétrole brut ! La même année, deux mois plus tard, le 6 mai, eut lieu le premier krach majeur imputé au trading de haute finance sur un modèle similaire à celui initié aujourd’hui par Bridgewater : en 45 minutes 1000 milliards de dollars se sont volatilisés ! Wall Street n’a pu être sauvée que par une suspension des cotations, un peu comme on débranche un simple ordinateur qui continue de travailler hors contrôle. Ces opérations ne visent pas à optimiser l’économie au profit de l’intérêt général mais à permettre à des groupes de gros actionnaires privés d’accumuler un profit maximum immédiat. Les montages financiers sont si complexes que seuls des initiés peuvent y recourir. A l‘autre bout de ce monde aussi passionnant et créatif qu’égoïste et répugnant, l’immense masse des producteurs fait les frais de cette « économie-casino ». Nous sommes en plein dans cette crise économique et financière majeure. Elle ne se manifeste pas de manière identique aux crises passées car celle-ci n’est plus conjoncturelle mais structurelle. De krach en krach, elle touche et gangrène lentement comme un cancer tous les aspects de la société : économique, financier, social, culturel, moral.

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Rébellion : L’élection de Donald Trump n’a donc rien changé. Pourtant des médias disent que le chômage baisse et que l’économie repart. Qu’en pensez-vous ?

J-L.I. : Je renvoie ceux qui diffusent de telles fausses informations en reproduisant les chiffres officiels de l’administration étasunienne aux travaux de chercheurs, d’enquêteurs, d’économistes et de statisticiens étasuniens comme ceux de The Economic Innovation Group. Tout d’abord, des organismes étasuniens officiels eux-mêmes contredisent certains des propres chiffres émis par le gouvernement pour tenter de faire croire à une reprise économique. Le Bureau du recensement des Etats-Unis, indique que plus de 146 millions d’Etasuniens sur 321 millions figurent dans les catégories « revenu médiocre » ou « faible revenu ». De son côté, si l’on prend comme référence les recherches du Département des statistiques du travail étasunien (3) il appert que plus de 102 millions sont sans emploi. Parmi ceux-ci 94,708 millions sont exclus du marché du travail et 47 millions, soit plus que la population de l’Espagne, ne survivent que de coupons alimentaires tandis que 1,6 million d’enfants dorment dans des refuges. Le Bureau de la Réserve Fédérale qui conduit des enquêtes sur la situation économique et financière de la population constatait en mai 2016 que 47% de la population se trouvait dans l’impossibilité de sortir 400 dollars pour couvrir les frais relatifs à une visite aux urgences sans devoir emprunter ou vendre quelque chose ! Ensuite, dans son étude intitulée The 2017 Distressed communities index publiée à la fin de l’année 2017 et qui dresse une situation de l’évolution des conditions de vie de la population, The Economic Innovation Group constate que la précarisation économique de la population des USA continue de s’aggraver et de s’étendre. Permettez-moi de citer quelques extraits : « La précarisation des populations américaines a fortement augmenté depuis 2000 », atteignant dans plusieurs Etats des pourcentages d’augmentation compris entre 20 et 50% ; « Le pourcentage de la population vivant en état de total détresse (distressed) diffèrent selon les États, mais peut atteindre des pourcentages impressionnants. Exemple : 43% des habitants de l’État du Mississipi sont en situation de détresse absolue» ; « 54,3% de la population des États-Unis est aujourd’hui en voie de précarisation ou en détresse », etc. Voilà des données qui, pour le moins, permettent de douter des chiffres officiels sur la prétendue chute du chômage à moins de 5% relayée par des médias officiels et sites Internet français…(4) Ceux qui disent que les choses vont mieux depuis que Trump est au pouvoir peuvent également se reporter au Rapport financier annuel de l’année 2017 publié en février dernier par le Département du Trésor US lui-même. Ils y apprendront en tournant les pages de ce document, on ne peut plus officiel, que le gouvernement étasunien a un passif de 20 400 milliards de dollars !( 5) Chaque seconde la dette publique étasunienne augmente de plus de 47 200 euros, soit de plus de 4 milliards de dollars chaque jour ! Mais, à ce chiffre doit s’ajouter, a minima, les 3 000 milliards de dollars d’endettement des Etats de l’Union, des comtés et des communes étasuniennes… A ma connaissance, le Saker Francophone est le seul média de langue française a avoir publié intégralement ce rapport financier du gouvernement US. Dans un article de Simon Black commentant le rapport du gouvernement étasunien mis en ligne par le Saker Francophone, l’économiste observe que « la valeur actualisée totale nette des dépenses futures par rapport aux revenus futurs » pour la sécurité sociale et l’assurance maladie est de 49 000 milliards de dollars. Cela signifie que les deux programmes de retraite et de soins de santé sont insolvables de près de 50 000 milliards de dollars mais surtout que le gouvernement US est dans le rouge à hauteur de près de 70 000 milliards de dollars ! ( 6)

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Le déficit du gouvernement US en 2017 atteint un record : 1.200 milliards de dollars, soit plus que le PIB australien ! Tel est le pays de Trump que des médias bourgeois présentent comme « l’homme le plus puissant du monde ». Belle « démocratie » et magnifique « relance économique » ! Connaissez-vous un seul média français qui ait traité de cette situation dramatique des Etats-Unis comme de ses causes ? L’administration Trump a-t-elle pris des mesures d’urgence pour contrer le chômage, la baisse des salaires, la précarité qui continue de se répandre sur le pays, permettre aux Etasuniens d’accéder à des logements de qualité à bas loyers, relancer l’économie, faciliter l’accès aux soins et à l’éducation de la population ? Aucune et pour une raison simple : il lui aurait fallu pour cela remettre la grande finance au service du développement économique et de l’intérêt général, ce qui est contraire à l’essence même du capitalisme. Le parti « Républicain » comme le parti « démocrate » n’ont, bien sûr, aucunement l’intention de changer le système dont ils sont les promoteurs. Les dirigeants des sociétés transnationales capitalistes, principalement anglo-saxonnes, sont les principaux responsables de la crise et les Etats-Unis sont les plus touchés par celle-ci car la finance et l’économie y sont moins régulées et contrôlées par la puissance publique. Même si l’administration Trump n’est au pouvoir que depuis dé but 2017, force est de constater que dans tous les domaines les géants financiers que vous évoquez ont les mains encore plus libres et la situation héritée de l’administration Obama ne fait que s’aggraver. De même, à la suite de l’administration Obama, celle de Trump s’active à répandre la guerre : au nord-est de la Syrie et en Afghanistan en armant de nouveaux groupes terroristes et en violant le droit international, en développant l’OTAN que Trump qualifiait hier « d’organisation obsolète » lors de sa campagne électorale, en faisant voter le budget militaire le plus important de l’histoire des Etats-Unis – 700 milliards de dollars – et surtout en relançant l’armement nucléaire. Nous sommes donc bien en plein dans le choc que vous évoquez qui peut encore gagner en violence dans tous les pays gérés par le même système politique et économique.

Rébellion : Que vaut dès lors la théorie selon laquelle l’Europe serait plus ou moins à l’abri de la crise des Etats-Unis et le discours de Macron sur « l’Europe qui protège les Européens » ?

J-L.I. : Formé à l’ENA, le président français a été formaté pour gérer le système. Son action est semblable à celle d’un « compteur de petits pois » dont l’activité se borne à programmer des taxes, des règlements et des lois qui protègent et favorisent les intérêts privés de la bourgeoisie à qui il doit son pouvoir. Celle-ci le fait danser comme un pantin sur le thème « laissez-nous faire sire et protégez-nous beaucoup ». Au Parlement dit « européen » qui n’a d’européen que le nom puisque l’Europe ne se borne pas aux 27 de la Commission « européenne » mais compte 51 pays dont la Fédération de Russie qui est la plus grande puissance de notre continent, les parlementaires de droite comme de gauche – exception faite des parlementaires communistes, tout particulièrement ceux du Parti communiste de Grèce (KKE) -, votent la plupart du temps ensemble. Les élus qui se déclarent « socialistes » ou de « gauche » votent avec les partis de droite représentant les grands propriétaires privés de l’économie et de la finance. Les hauts fonctionnaires de Bruxelles qualifient pudiquement cette tromperie de « bonne entente » des « grandes coalitions ». Sur les questions essentielles traitant de la gestion de la crise capitaliste, de l’organisation politique, administrative et économique des territoires (pays, régions, zones géopolitiques), les « socialistes » votent de plus en plus fréquemment avec les coalitions de la classe capitaliste (Groupe du Parti Populaire Européen – PPE –, du centre droit Groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe – ADLE, groupe Europe des Nations et des Libertés (MENL). Qu’il s’agisse des normes de sécurité, de la politique agricole commune, de la fiscalité, de l’union bancaire, de la qualité des carburants, des obligations légales pour l’industrie agro-alimentaire, de la règlementation environnementale, de l’immigration ou même de la guerre et de l’intervention dans les affaires intérieures d’Etats, sur tous ces sujets des groupes de lobbying « travaillent » les députés de PPE et PSE. Au-delà des discours, passé le temps des élections ceux-ci gèrent tous deux le même système d’organisation économique et politique sur l’Europe occidentale. La droite et la gauche se retrouvent ainsi à voter ensemble sur des enjeux inter-institutionnels (organisation et responsabilité du service diplomatique de l’Union européenne, financement de l’Union européenne par de nouvelles taxes, budget pluriannuel 2014-2020, etc.) comme sur des enjeux variables (Politique agricole commune –PAC-, modalité de réintroduction de contrôles temporaires aux frontières nationales, énergie nucléaire). Dans une étude sur l’analyse d’une vingtaine de votes clés ayant marqué les politiques européennes et nationales entre 2009 et 2014, Yves Bertoncini – administrateur de la Commission européenne et directeur de Notre Europe – Institut Jacques Delors – et Thierry Chopin – Docteur en sciences politiques de l’Ecole des hautes études en sciences sociales et directeur des études de la fondation Robert Schuman -, indiquent que sur la période 2009-2014 « plus des deux tiers des votes par appel nominal analysés par Vote Watch Europe traduisent la formation de majorités de grande coalition au Parlement européen, c’est-à-dire de majorités formées sur la base d’une négociation entre les groupes PPE et S&D » (Groupe de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen – S&D). Sur cette période la proportion de votes communs entre PPE et PSE (S&D) s’établissait à une moyenne globale de 64,5 % ! Les auteurs de ce rapport très intéressant sur qui vote quoi loin de sa terre d’élection soulignent que « c’est parce que des élus issus d’autres forces politiques, y compris le Front de gauche et le Front national, peuvent fréquemment se rallier à ces votes que près de la moitié d’entre eux ressortent de facto de la catégorie des « majorités de consensus », et que seule l’autre moitié (c’est-à-dire un tiers) peut être classée dans la catégorie des « majorités de grande coalition » stricto sensu.(7) .De même, le Front national « se joint à plus de la moitié des coalitions PS et UMP » constatait déjà en mai 2014 la journaliste Diane Jean. (8) La conséquence de cette mascarade et de cette tromperie qui devraient conduire les électeurs à déserter massivement le scrutin des prochaines élections de 2019 au Parlement « européen » est que la crise capitalise continue de se propager sur l’Europe occidentale de Maastricht avec les deux mêmes tendances dominantes qu’aux Etats-Unis: un enrichissement continu et accentué des fortunes privées à très hauts revenus et des difficultés et un appauvrissement de la grande masse du peuple. Selon un rapport présenté en septembre 2015 par Isabel Ortiz, Directrice du Département de la Protection sociale à l’Organisation internationale du travail (OIT), « 123 millions de personnes sont actuellement exposées au risque de pauvreté au sein de l’UE (soit un quart de la population de l’Union), contre 116 millions en 2008 ». (9) .Le capitalisme est dans la crise la plus profonde qu’il n’ait jamais connue et celle-ci ne peut continuer à ce rythme soutenu qu’en raison de l’absence de force politique qui éclaire sur les causes de la crise et propose des ruptures radicales avec ce système. Les gens sont conscients que les choses ne vont pas mais ne voient pas comment changer vraiment les choses.

Rébellion : Face à cette mondialisation financière et aux guerres des Etats-Unis contre l’Europe que vous décrivez dans Trump face à l’Europe, quelle analyse faites-vous des forces qui déclarent s’opposer au système ?

izam.jpgJ-L.I. : Dans le travail de Jean-François Gayraud auquel je faisais référence, l’auteur donne une idée de l’importance de la pénétration de la grande finance privée dans l’appareil d’Etat et des moyens dont elle a su se doter. Mais, par voie de conséquence, il met aussi en évidence les connaissances et le niveau de conscience que le peuple doit acquérir pour prendre l’économie en mains. L’enjeu est de taille ainsi que le décrit Hervé Sérieyx lorsqu’il analyse les liens entre l’entreprise et la société dans son ouvrage Alerte sur notre contrat social  (10 ) « Par simple souci d’efficacité économique, il s’agit, dit-il, de passer du « personnel-instrument » au service de l’organisation à « l’organisation-instrument » au service des personnes ». Cette simple phrase est un appel à la réflexion pour changer tout le système de production et cela commence au cœur des entreprises auxquels hommes et femmes consacrent l’essentiel de leur existence. Or, dans l‘immédiat il n’y a rien à attendre des centrales syndicales nationales que leurs directions ont transformé en associations caritatives et de « randonneurs Bastille-République » qui négocient la régression quand il faut la combattre. Rien à attendre non plus, en l’état actuel, du parti communiste dirigé par une bordée d’apparatchiks dont la plupart n’ont jamais travaillé de leur vie et sont ignorants des réalités du monde de l’entreprise et de la grande finance comme des relations internationales.

De « l’insoumis » Mélenchon qui fit hier campagne pour le traité de Maastricht avant de voter la guerre de l’OTAN contre la Libye en 2011 avec ses amis « socialistes » et de droite au Parlement « européen » au Front national, chacun se dispute l’aménagement du système à coups de réformettes ; chacun y va de son petit couplet sur le thème de «l’avenir en commun » et « au nom du peuple » mais aucun ne propose des mesures afin de mettre un terme à la mainmise de la grande finance sur l’avenir du peuple. Comme l’écrit Jean-François Gayraud, ce « capitalisme de connivence » s’accommode parfaitement d’une « démocratie de basse intensité » : « votez pour qui vous voudrez, cela est indifférent, puisque au final c’est le marché et non le parlement qui décide. » Face à ce désert politique et syndical, vous avez un grand patronat organisé au plan international et dirigé par des personnes formées à la gestion capitaliste d’entreprises économiques et financières, des traders rodés aux circuits financiers internationaux et aux montages économico-financiers les plus complexes réservés à des initiés. Concernant les directions de la plupart des organisations ouvrières, la gestion démocratique reste un slogan. Les syndicats et les partis politiques dits « démocratiques » ne menant pas la bataille d’idées dans les entreprises et au plan national à la hauteur des enjeux, les salariés découvrent du jour au lendemain, par exemple, qu’ils vont être licenciés d’entreprises dont ils font la richesse et qui réalisent souvent des super profits. Des directions syndicales appellent même à négocier le montant des primes de licenciements quand c’est l’entreprise, l’emploi et le contrat social français qu’il faut défendre. Le drame est devenu profond et le grand patronat poursuit sa destruction de l’économie avec l’appui du gouvernement Philippe et du ministre de l’Economie Le Maire.

Rébellion : Un peu comme Trump l’a déclaré et fait voter, le ministre français de l’Economie et des finances, Bruno Le Maire, veut supprimer l’ISF sur les valeurs mobilières et baisser l’impôt sur les sociétés, en le ramenant de 33,3 % à 25 %. Cela peut-il changer les choses ?

J-L.I. : La réduction par le gouvernement de Trump du taux de l’impôt sur les sociétés de 35 à 21%, les dispositions pour que les entreprises rapatrient aux Etats-Unis les capitaux qu’elles détiennent à l’étranger – ce qui ne les gênera en rien puisqu’elles peuvent placer ceux-ci en offshore aux Etats-Unis -, la suppression de l’amende que devaient payer les citoyens renonçant à souscrire une couverture maladie avec l’augmentation des primes d’assurance maladie qui vont suivre et autres mesurettes sont, comme le soulignait Nouriel Roubini dans Les Echos, « du sur-mesure pour les plus riches » (11) Des mêmes mesures semblables entraîneront en France comme aux Etats-Unis les mêmes conséquences : la dette va continuer de s’alourdir, la croissance n’augmentera pas et les inégalités vont s’accentuer. Les riches vont devenir encore plus riches tandis que l’immense majorité de la population va connaître des difficultés grandissantes, une réduction drastique des services publics et la pauvreté va continuer de se développer. C’est la suite des politiques précédentes qui, depuis le gouvernement Fabius de 1984, ont toujours laissé courir la financiarisation de l’économie contre le développement économique derrière un discours sur la lutte contre le chômage, la création d’emplois et la relance de l’économie. Les patrons vont payer encore moins d’impôts et être ainsi encore un peu plus dégagés de leur participation au développement des entreprises et de leur environnement. Le ministre Le Maire trompe d’autant plus les gens qu’il ne peut ignorer que l’Etat apporte des milliards d’euros à perte dans des entreprises transnationales qui non seulement ne créent pas d’emplois mais sont les principaux « fabricants de chômage » du pays. Les sociétés de l’indice boursier CAC40 sont celles qui réalisent les plus importants chiffres d’affaires. En 2017 ces entreprises ont engrangé plus de 94 milliards d’euros de profits pour un chiffre d’affaire cumulé de 1252 milliards d’euros. Or, ces sociétés du CAC40 sont celles qui captent la très grande majorité des aides publiques de Bruxelles mais surtout de l’Etat et des collectivités locales tout en bénéficiant d’autres milliards d’euros d’exonérations fiscales à différents titres. Il ressort des études et rapports réguliers du Comité de suivi des aides publiques aux entreprises et des engagements (COSAPE) que, si vous prenez en compte le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et l’ensemble des aides et exonérations sociales et fiscales de toutes sortes, de 2012 à 2017, le montant annuel moyen du soutien de l’Etat central et des collectivités locales aux entreprises se situe à plus ou moins 200 milliards d’euros selon les années ! (12) D’année en année ce montant ne cesse de croître sans aucun effet en faveur de l’emploi, bien au contraire : le chômage et le sous-emploi continuent d’augmenter, ces grandes entreprises de licencier et de délocaliser, le tissu social et économique de se désagréger. La casse du Code du travail et l’accélération du processus de privatisations commencées sous le ministre « socialiste » Macron se poursuivent aujourd’hui sous le président Macron et vont détériorer encore plus la situation en portant de nouveaux coups au contrat social français. Ces privatisations créent les conditions favorables à l’écroulement de nouveaux pans de l’économie et ouvre grand les portes des entreprises privatisées à leur financiarisation. La grande finance va pouvoir désormais y assouvir sans aucune contrainte son appétit de profits maximums immédiats afin de permettre à ses clients privilégiés, à ses gros actionnaires et à des cadres supérieurs de s‘enrichir plus et plus vite. Le grand patronat et ses politiciens qui n’arrêtent pas de discourir sur les bienfaits de la mondialisation, de la liberté d’entreprise et du prétendu poids des charges en France sont ainsi la plus lourde charge que le pays doive supporter dans le budget de l’Etat ! Quel parti politique propose d’en finir réellement avec ce pillage permanent de l’Etat par ces accapareurs ?

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Rébellion : La France macroniste a t-elle encore un rôle dans le jeu international ?

J-L.I. : Emmanuel Macron est un partisan «des Etats-Unis d’Europe», soumis à la Commission « européenne » dont il applique les orientations et embrigadé dans l’OTAN dirigé par les Etats-Unis. Il ne peut donc tenir sur l’Europe qu’un discours trompeur et réducteur de phrases vides d’avenir pour éviter la réalité géographique, historique, politique, économique et culturelle de notre continent. Il s’est même dit prêt, en avril 2017, à bombarder la Syrie « sans mandat de l’ONU » ! Voilà qui en dit long sur son mépris pour l’Assemblée générale de l’ONU, le droit international et le respect de la volonté des peuples à disposer d’eux-mêmes. Après les crimes d’agression commis depuis Sarkozy contre la Libye puis contre la Syrie, la France de Macron est aujourd’hui en pleine illégalité internationale. Jean-Yves le Drian, le ministre des Affaires étrangères du gouvernement Philippe, continue de diriger la politiqué étrangère de la France en toute impunité alors qu’il est l’un des principaux responsables du trafic de matériel militaire et d’armes et de l’entraînement de groupes irréguliers et criminels contre la République arabe syrienne. Ces actions en font un complice du crime d’agression et des crimes de guerre dont l’ancien président Hollande est le principal instigateur français Ces violations flagrantes du droit international et du droit humanitaire, outre qu’elles ont prolongé et aggravé le conflit armé déclenché par Washington, Londres et Paris ont mis en danger la paix, la sécurité et la stabilité régionale. Vous avez pu lire les faits que je rapporte sur la complicité de l’Etat français avec des groupes criminels dans les deux tomes de 56. (14) Il n’y a donc rien à attendre de ce président et de ce gouvernement qui poursuivent la même politique atlantiste que celle des présidences et gouvernements passés depuis les années soixante-dix. Entre une politique intérieure soumise aux Grandes orientations de politique économique – les Gopé – décidées par les fonctionnaires de la Commission « européenne » et une politique étrangère alignée sur les desiderata de Washington, le seul rôle que la France puisse jouer est celui d’une cantinière qui attend les consignes de ses maîtres.

Notes :

1/ Euro-federalists financed by US spy chiefs (Les Euro-fédéralistes financés par les dirigeants de l’espionnage US), par Ambrose Evans-Pritchard (Bruxelles), The Telegraph, 19 septembre 2000. Les documents ont été trouvés par Joshua Paul, un chercheur à l’université de Georgetown à Washington. Ils incluent des dossiers des Archives nationales des États-Unis

2/ Le nouveau capitalisme criminel, par Jean-François Gayraud, préface de Paul Jorion, Ed. Odile Jacob.

3/ Source : Bureau of Labor Statistics, BLS, 3 juin 2016.

4/ Source : The Economic Innovation Group, The 2017 Distressed communities index, www.eig.org

5/ Source : FY2017, Financial Report of the United States Government, p.55.

6/ Source : FY2017, Financial Report of the United States Government, p.58 et suivantes, le Saker Francophone : US : Un bilan financier déficitaire abyssal en 2017, par Simon Black, 27 février 2018, http://lesakerfrancophone.fr/us-un-bilan-financier-defici...

7/ Sources : Clivage et compromis politiques au Parlement européen : comment vote-t-on à Strasbourg ? par Thierry Chopin et Camille Lépinay, Fondation Robert Schuman (Centre de recherches français sur l’Europe), 13 décembre 2010 et Des visages sur des clivages – Les élections européennes de mai 2014, par Yves Bertoncini et Thierry Chopin, Études et Rapports, 7 mai 2014, Fondation Robert Schuman, Vote Watch Europe, et Notre Europe-Institut Jacques Delors

8/ Quand les députés FN votent avec l’UMP et le PS à Bruxelles, par Diane Jean, Le Monde.fr, 23 mai 2014.

9/ Rapport Une Europe au service de la majorité et non d’une élite, Oxfam France, 9 septembre 2015, p. 3, intervention d’Isabel Ortiz, Directrice du Département de la Protection sociale à l’Organisation internationale du travail (OIT), www.oxfamfrance.org

10/ Alerte sur notre contrat social, par Hervé Sérieyx, Ed.Eyrolles.

11/ Les baisses d’impôt de Trump, du sur-mesure pour les plus riches, par Nouriel Rubini, Les Echos, 9 novembre 2017.

12/ L’argent des contribuables dans les poches des actionnaires, CGT, pôle économique, 25 septembre 2017 et Les aides publiques aux entreprises privées c’est 200 milliards d’euros ! par Daniel Roucous, L’Humanité, 5 février 2018.

13/ 56, tomes 1 et 2, par Jean-Loup Izambert, IS Edition, en version broché et numérique (www.amazon.fr).

Quel avenir pour le projet de gazoduc North Stream 2?

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Quel avenir pour le projet de gazoduc North Stream 2?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Le projet de gazoduc dit North Stream 2 vise à permettre à la Russie d'exporter son gaz naturel vers l'Allemagne et éventuellement vers d'autres pays européens. Il va directement à l'encontre des projets de Washington consistant à vendre à l'Europe du gaz de schiste américain qui sera transporté à travers l'Atlantique par une flotte de méthaniers.

Aussi ouverts que soient les gouvernements européens aux intérêts des Etats-Unis, le programme américain ne suscite aucun enthousiasme. Le gaz une fois livré en Europe sera considérablement plus cher que le gaz russe, relativement aux coûts comparés du transport. De plus, une grande incertitude règne concernant la pérennité des gisements de gaz de schiste américains à échéance d'une dizaine d'année.

Les Etats-Unis se devaient de réagir. Le 15 mars un groupe bipartisan de sénateurs a demandé au Département fédéral du Trésor de s'opposer au projet, menaces de sanctions à l'appui. La raison invoquée est purement politique. North Stream permettra à la Russie, selon eux, d' « influencer » l'Europe...comme si le projet de gaz américain ne permettrait pas à à Washington d'influencer les gouvernements européens en faisant dépendre une partie de leurs approvisionnements en gaz de la volonté américaine.

Les bons élèves de l'Amérique en Europe, la Pologne, la Moldavie et l'Estonie, rejointes par l'Ukraine, ont par la voix de leurs gouvernements ou de leurs Parlements, repris l'argument américain. North Stream 2 sera un facteur déstabilisant, qui affaiblira l'Europe. Gazprom, qui vendra le gaz en Europe, n'est pas une entreprise pétrolière russe, mais une plate forme politique permettant à Moscou d'exercer une coercition sur l'Europe.

Au niveau de l'Otan et de la Commission européenne, cet avis est très largement partagé, mais ces deux organismes manquent de base légale pour intervenir dans des domaines relevant du droit commercial.

Par contre, le jeune chancelier autrichien Sebastian Kurz vient de s'exprimer. Si le slogan de l'Amérique est « America first », celui de l'Autriche est « Autriche d'abord ». La chancelière Merkel à son tour considère que le projet North Stream 2 ne pose pas de problèmes, vu la diversité des sources auxquelles peut s'adresser l 'Allemagne.

Seule l'Ukraine y perdra, car le transit actuel du gaz par son territoire deviendra redondant et plus coûteux. Elle verra disparaître les 2 milliards de droits de transit annuels qu'elle perçoit.

L'avenir proche dira qui commande dans l'Union européenne, les Etats-Unis ou l'Allemagne et l'Autriche, que rejoindra probablement la France. Les paris sont ouverts.

Pour en savoir plus

US Threatens Sanctions for EU Firms Participating In Nord Stream 2
https://russia-insider.com/en/us-threatens-sanctions-eu-f...

Voir aussi

https://insolentiae.com/les-americains-ont-leur-interet-p...

Le prétendu impérialisme chinois

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Le prétendu impérialisme chinois

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

La Chine ne renforce pas sa présence géopolitique en menaçant militairement ses voisins, comme ne cesse de le prétendre Washington. A plus forte raison elle explique ne pas comprendre l'acharnement américain à la présenter, après la Russie, comme une menace existentielle pour l'Amérique, alors qu'elle n'a jamais fait de démonstration de force à l'égard de ce pays.

Tout au plus a-t-elle voulu, face au déploiement de puissance navale américaine en Mer de Chine Sud, marquer en y envoyant une ou deux unités sa volonté de voir laisser libre ce passage essentiel à son équilibre économique et politique.

C'est par contre en accélérant la mise en place de son grand programme de Nouvelle Route de la Soie (ou BRI, Belt and Road Initiative https://fr.wikipedia.org/wiki/Nouvelle_route_de_la_soie qu'elle prétend s'affirmer comme puissance incontournable dans cette partie du monde. Nous avons plusieurs fois précédemment présenté et discuté cette initiative. Aujourd'hui, il est évident que Pékin cherche à accélérer la mise en place du processus.

Le président Xi Jinping a présidé en mai 2017 une première table-ronde associant des représentants de tous les Etats concernés. Il s'agit de la Roundtable Summit Phase One Sessions of the Belt and Road Forum. Voir https://www.cnbc.com/2018/01/28/first-official-belt-and-r...

Il y a expliqué que la BRI était effectivement essentielle pour la Chine. Celle-ci pourra y investir ses réserves de change considérables permettant la réalisation de travaux d'infrastructures bénéficiant à tous les pays associés. Ce faisant, elle pourra y utiliser ses excédents de production d'acier et de ciment. La BRI fera appel à des financements publics-privés ouverts à tous. Il s'agira d'un pas important vers l'internationalisation du yuan comme monnaie commune d'échange. Mais Xi a confirmé que cette initiative ne devrait en rien être considérée comme ayant un caractère militaire.

Face à ce qu'ils considèrent comme une menacé économique d'ampleur, le Japon, l'Inde, l'Australie et évidemment les Etats-Unis accélèrent la mise en place d'une mini-BRI présentée essentiellement comme un moyen de combattre la domination économique de la Chine. Mais ce projet peine encore à recueillir les financements nécessaires. Comme il fallait s'y attendre, l'accession de Xi au statut de président à vie leur sert à justifier l'accusation de vouloir être désormais le nouvel Empereur de Chine. Mais en dehors d'arguments purement politiques, cette accusation ne suffit pas à mobiliser les dollars nécessaires à la mise en place de la future mini-BRI.

Plus inquiétant pour les Etats-Unis est le fait que la Chine et la Russie se sont associées dans une Union Economique Eurasiatique, Eurasia Economic Union (EAEU) qui devrait réunir les Etats intéressés par la BRI avec divers membres de l'Organisation de Coopération de Shanghai, Shanghai Cooperation Organization (SCO) et du BRICS. Un pays pivot dans cet ensemble est le Kazakhstan https://fr.wikipedia.org/wiki/Kazakhstan dont l'importance dans cette partie de l'Eurasie ne cesse de grandir. On notera que ce pays entretient avec la France de nombreux liens de coopération, notamment dans le domaine de l'éducation.

Aujourd'hui, la liaison par rail entre le Xinjiang en Chine et l'Europe de l'Est, via le Kazakhstan et la Russie, prend 15 jours. Elle devrait ne demander que 10 jours avec l'amélioration des liaisons résultant des premiers investissements de la BRI et quelques jours seulement quand les trains à grande vitesse prévus auront été mis en service. Ceci se fera évidemment au détriment des liaisons maritimes. Ces dernières ne resteront compétitives que pour les très gros tonnages.

La faiblesse géostratégique de la BRI est que les lignes ferroviaires prévues dans un premier temps seront à la merci d'attentats terroristes qui désorganiseront les transports. L'armée chinoise serait incapable de les empêcher. Mais manifestement la Chine fait le pari de la paix. A-t-elle raison?

jeudi, 22 mars 2018

Syrie : comment y comprendre quelque chose

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Syrie : comment y comprendre quelque chose

Michel Lhomme
Philosophe, politologue

Ex: https://metamag.fr

Les armées kurdes ont officiellement été formées pour combattre Daech dans leur région. Or, il s’avère  qu’elles ont aussi combattu l’armée syrienne et que dans cette région, elles aident à instaurer une base américaine sur la frontière. Avec 3 000 soldats américains présents, 15 000 Kurdes et 15 000 combattants de Daech « repentis », il s’agit pour les États-Unis de créer une zone “autonome” entre les deux pays, la Turquie et la Syrie et d’y maintenir une base arrière capable d’assurer leur hégémonie sur la région. Les forces spéciales françaises participent à cette opération.

L’intervention turque entamée le 21 janvier dans la région et le retrait parallèle des troupes russes sans doute âprement négocié entre Ankara et Moscou est une réponse inattendue pour l’Occident et en particulier pour la France qui n’imaginait pas  se retrouver contre le nouveau Bismarck ottoman, membre par ailleurs de l’Otan. Par l’intervention turque d’Afrin, l’espoir américain de laisser une écharde entre la Turquie et la Syrie s’amenuise de jour en jour. De fait, Erdogan n’a jamais digéré le coup d’État manqué orchestré contre lui par les USA en 2016 et il s’est juré de faire payer Washington au prix fort, quitte à renverser ses alliances et voir avec jubilation les forces kurdes définitivement écrasées.

En diversion de la question kurde du nord-est de la Syrie, la ville de Damas est actuellement bombardée par Al-Qaïda, soutenue  par la coalition occidentale depuis la Ghouta orientale. On reparle donc de la Syrie dans les médias et la guerre continue. La Ghouta orientale, zone banlieue assez vaste de Damas était peuplée avant la guerre par plus de 400 000 personnes. Selon l’Onu, ils seraient aujourd’hui 367 000. Selon le gouvernement syrien, ils sont beaucoup moins et en tous cas, pas plus de 250 000.

Sur le Ghouta, la famille d’ Allouche règne sans pitié. Depuis la victoire d’Alep, la reprise en main de la Ghouta orientale est devenu l’objectif principal de l’armée syrienne puisque sa population y sert de bouclier humain et affamée régulièrement si elle ne prête pas allégeance au wahhabisme et à la charia. Depuis six ans, les jihadistes attaquent régulièrement Damas depuis la Ghouta, terrorisent et massacrent les habitants du quartier dans le silence le plus total de la communauté internationale. Bachar el Assad a décidé d’en finir et de libérer la Ghouta orientale des jihadistes.

Curieusement  la déclaration d’Emmanuel Macron a-t-elle été  suivie de l’annonce d’une conversation téléphonique entre Macron et le président turc Recep Tayyip Erdogan, soulignant «l’impératif absolu que la cessation des hostilités (…) soit immédiatement et pleinement respectée », en conformité avec la résolution 2401 du Conseil de sécurité votée et défendue par Paris. La France maintient plus que fermement sa position anti-Assad en s’opposant maintenant non seulement à la Russie (elle respecte à la lettre l’embargo) mais à la Turquie. L’ONU a réclamé une trêve de 30 jours en Syrie pour distribuer des aides humanitaires et évacuer les blessés de la Ghouta. Emmanuel Macron aurait souligné auprès d’Erdogan que cette trêve humanitaire « s’appliquait à l’ensemble du territoire syrien, y compris à Afrine, et devait être mise en œuvre partout et par tous sans délai ».

Sans mentionner directement la résolution de l’ONU, Erdogan a désavoué clairement Emmanuel Macron et affirmé qu’il n’y aurait jamais de trêve dans l’enclave d’Afrin « jusqu’à ce que le dernier terroriste soit éliminé », respectant à ce titre l’esprit en fait du processus d’Astana et de l’accord entre la Turquie, la Russie et l’Iran sur la volonté de démantèlement de la région par les Occidentaux (Usa, France, Royaume-Uni). En tentant d’imposer un cessez-le-feu de trente jours dans la Ghouta, le Royaume-Uni et la France ne font pas mystère de leur soutien à la famille Allouche et de leur hostilité à la République arabe syrienne en général et à son président.

lundi, 19 mars 2018

Beaucoup ne comprennent pas cette mise sous tutelle de la France par le monde anglo-saxon»

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Beaucoup ne comprennent pas cette mise sous tutelle de la France par le monde anglo-saxon»

 
FP-VP.jpgAprès la réélection de Vladimir Poutine ce 18 mars, le journaliste Frédéric Pons a expliqué à RT France que beaucoup de Russes ne comprenait pas «le ralliement, l'alignement de la France» sur le Royaume-Uni dans l'affaire de l'ex-espion empoisonné.
 
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