jeudi, 02 octobre 2025
«De la Méditerranée au Nord Olympien»: entre articles et conférences, l’héritage hyperbolique de Julius Evola
«De la Méditerranée au Nord Olympien»: entre articles et conférences, l’héritage hyperbolique de Julius Evola
Une nouvelle anthologie de textes de l’écrivain traditionaliste qui situe sa production de 1920 à 1945
par Giovanni Sessa
Source: https://www.barbadillo.it/124930-dal-mediterraneo-al-nord...
Dal Mediterraneo al Nord olimpico, de Julius Evola
Julius Evola fut un penseur à la production extrêmement vaste. Au cours de son existence, notamment à partir des années vingt du siècle dernier, il entretint de nombreuses relations avec des personnalités éminentes du monde politique et, surtout, culturel, qu'il ait été italien ou européen. Il voyagea beaucoup en Europe centrale, se rendant à plusieurs reprises en Autriche, en Allemagne, en Hongrie, en Roumanie. Vient de paraître en librairie une anthologie précieuse d’articles et de conférences du penseur traditionaliste, qui permet de faire la lumière sur ses vastes relations internationales autant que sur ses intentions politiques et métapolitiques, lors des années décisives de 1920 à 1945. Il s’agit de Julius Evola, Del Mediterraneo al Nord olimpico; Articoli e conferenze nella Mitteleuropa (1920-1945), paru dans le catalogue des Éditions Mediterranee (pour commander: ordinipv@edizinimediterranee.net, ++39-6/3235433).
Les nouveautés dans ce livre
Les traductions des textes et la direction de l’ouvrage sont dues à Emanuele La Rosa, collaborateur de la Fondation Evola, qui a retrouvé dans les archives et bibliothèques allemandes des articles jusqu’ici inconnus ou jamais traduits en italien.
La Rosa et Nuccio D’Anna, spécialiste de l’histoire des religions et du symbolisme, signent deux essais introductifs, propédeutiques à la compréhension de l’action dite d’« interventionnisme traditionnel » menée par Evola en Europe centre-orientale. Le livre se distingue également par sa troisième partie, qui rassemble des articles consacrés à Evola par la presse germanophone de l’époque, dont beaucoup restent inédits en italien, et par son appendice composée d’une revue de presse dédiée à Evola peintre.
Les voyages, les écrits et les conférences du traditionaliste visaient à la constitution d’un front commun paneuropéen, révolutionnaire et conservateur, destiné, d’une part, à « rectifier » les limites théoriques et pratiques du fascisme et du national-socialisme, et d’autre part, à donner une réponse forte et convaincante à la prégnance du moderne dans tous les domaines de la vie. D’Anna note : « Dans ses interventions, il n’omettait pas d’indiquer des comportements “exemplaires”, des formes de coutume et des modèles existentiels considérés comme importants dans une société qui, à la suite du lourd krach économique de 1929, avait sombré dans une profonde crise d’identité » (p. 9).
À l’avis de l’auteur, la revue la plus prestigieuse dans laquelle écrivit Evola fut la Europäische Revue du prince Rohan (photo). Parmi ses collaborateurs figuraient, entre autres, W. F. Otto, Heidegger, Schmitt, Sombart, C. G. Jung et notre compatriote Ernesto Grassi.
Dans tous les cas, même dans d’autres périodiques: « Evola continuera à avancer […] dans une seule direction dont les caractéristiques fondamentales apparaissent ordonnées autour de traditions sacrées […] symboles et formes du prépolitique qui trouvent sur le plan métahistorique leur véritable raison d’être » (p. 11).
Pour Evola, en effet, l’organisation de l’État de la Tradition était caractérisée par la synthèse de deux puissances, la temporelle et la spirituelle (Melchisédek), que le Moyen Âge gibelin tenta de réintroduire dans l’histoire (cycle du Graal). À la lumière de telles positions, le traditionaliste œuvra à renforcer, dans des termes non seulement politiques, l’alliance italo-allemande. Dans cette anthologie figurent également des écrits dans lesquels Evola critique la version purement biologique du racisme alors prédominante en Allemagne, au nom d’une race de l’esprit, traditionnelle, consciente de la tripartition humaine en esprit, âme et corps.
Impérialisme païen en Italie et en Allemagne
De certains des textes d’Evola, comme l’observe La Rosa, on relève d’importantes différences entre la version italienne de Impérialisme païen et sa traduction allemande de 1933: dans la première, le penseur « oppose au “danger euro-chrétien” la fonction positive d’une reprise de la tradition méditerranéenne, tandis que dans la version allemande il se fait porte-parole de la tradition nordique-germanique » (p. 31).
Ce changement de perspective s’explique par des raisons biographiques (la rupture avec Reghini, néo-pythagoricien et partisan de la très ancienne sapientia italique de Vico, ayant fini devant les tribunaux) et par des motivations idéales. Certes, comme il ressort de l’essai du directeur de la publication, il y eut chez Evola un choix stratégique, de type « machiavélique », visant à déplacer son influence théorique vers les pays d’Europe centrale, ce qui permet d’interpréter les deux versions d'Impérialisme païen « comme deux programmes politiques différents par leur forme et leur contenu […] comme une proposition (méta)politique offerte tantôt au gouvernement fasciste, tantôt au gouvernement national-socialiste naissant » (p. 32).
Le changement théorique s’explique aussi par des raisons idéales: après la rencontre avec Guénon, Evola changea de perspective sur la civilisation méditerranéenne et porta un autre regard sur la Renaissance italienne. Alors que dans Impérialisme païen, Giordano Bruno et la philosophie de la Renaissance (comme dans ses œuvres philosophiques) jouent un certain rôle, dès le début des années trente, le philosophe de la vicissitude universelle et les néoplatoniciens du Quattrocento ne sont plus cités, sauf négativement. Dans Révolte, le traditionaliste en viendra à affirmer : « La véritable Renaissance (de la Tradition), c’est le Moyen Âge ».
Evola « transpose dans l’idée impériale celle de la réalisation de l’individu […] dont la règle fondamentale est le principe de solidarité entre les éléments d’un organisme » (p. 33). L’Empire devient le modèle métapolitique du philosophe, réponse autant à l’internationalisme marxiste qu’à la ploutocratie américaine. La même inflexion “nordique” se manifeste également au niveau des symboles: du faisceau liturgique on passe à l’aigle impérial. « Evola doit agir “machiavéliquement” en activant des forces motrices, des symboles et des mythes […] capables de fasciner […] le public auquel il s’adresse » (p. 35).
La dimension cruciale de la pensée d’Evola
Cet interventionnisme traditionnel ne produisit ni en Italie, ni en Allemagne, les résultats espérés. Il ressort pourtant, même de ce recueil, le legs hyperbolique du penseur. Sur le plan individuel, il est symbolisé par l’individu absolu, « délié » au sens latin, libéré, même de lui-même, tendu dans la tension existentielle induite par l’incipit vita nova. Son existence est déjà, en soi, exemplaire, elle renvoie, métapolitiquement, au dépassement sublime des organisations politiques contemporaines. Son arbitraire ne saurait être compris par l’œil moderne, éduqué aux distinctions exclusives induites par le logocentrisme.
Del Meditarraneo al Nord olimpico est une œuvre qui apporte une lumière supplémentaire sur la pensée abyssale de Julius Evola, à lire et méditer avec un regard non représentatif, absolu, au-delà de la dichotomie sujet-objet, car pour Evola, phénomène et noumène disent la même chose…
Julius Evola, Del Mediterraneo al Nord olimpico. Articoli e conferenze nella Mitteleuropa (1920-1945), sous la direction d’Emanuele La Rosa, Éditions Mediterranee, 331 pages, 31,50 euros.
16:10 Publié dans Livre, Livre, Révolution conservatrice, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : julius evola, révolution conservatrice, tradition, traditionalisme, livre | |
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mardi, 30 septembre 2025
Pour la fête de l’archange Michel
Pour la fête de l’archange Michel
Karl Richter
Aujourd’hui, 29 septembre, c’est le jour de l’archange Michel. Il est vénéré non seulement comme guide des âmes et prince des anges, mais aussi comme le saint patron des Allemands. Sous la bannière de l’archange Michel, une armée composée de tribus germaniques sous Otton le Grand remporta, en août 955, une victoire écrasante sur les Hongrois lors de la célèbre bataille du Lechfeld – un symbole marquant du fait que le mal doit, si nécessaire, être combattu par la force brute. Ici-bas, sur terre, c’est malheureusement ainsi.
On devrait se rappeler l’ancienne prière de protection adressée à l’archange:
"Saint Michel archange, défends-nous dans le combat ! Sois notre protection contre la malice et les embûches du démon ! Que Dieu lui commande, nous t’en supplions humblement; et toi, prince de la milice céleste, précipite en enfer, par la puissance de Dieu, Satan et les autres esprits mauvais qui parcourent le monde pour la perte des âmes ! Amen".
L’Allemagne a aujourd’hui besoin de l’archange et de son soutien d’une manière toute particulière. Il est profondément significatif que ce soit précisément l’archange Michel, guerrier, qui ait été attribué aux Allemands. Il n’y aura pas de salut sans combat. Je me souviens d’une réflexion profondément sage de l’ancien pape Jean-Paul II lors de sa visite à Munich en 1987. Il déclara alors que l’un des plus grands triomphes du diable était d’avoir fait croire qu’il n’existait pas. Mais il existe. Bien sûr qu’il existe. Il suffit de sortir de chez soi ou d’allumer la télévision, et de regarder les objectifs que se fixe la politique. Il faut prendre conscience de l’aveuglement inimaginable de la majorité des gens en Occident, de leur hédonisme, de leur obscurcissement qui mène à la mort et porte la mort en lui. Tout cela est satanique. Il faut affronter le mal. Et il ne faut pas avoir honte de demander dans ce combat l’aide et la force de l’archange Michel.
19:55 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tradition, archange michel, saint michel | |
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mercredi, 24 septembre 2025
Quelle est donc cette « civilisation judéo-chrétienne » à laquelle nous appartiendrions ?
Quelle est donc cette «civilisation judéo-chrétienne» à laquelle nous appartiendrions?
Pierre-Emile Blairon
Ce texte pourrait constituer une suite à mon précédent article : L’Occident et la droite nationale française face à l’anéantissement de Gaza (Ier septembre 2025), s’il n’en était plus logiquement… son introduction.
Les Français, et les Européens, sont-ils « judéo-chrétiens » ?
Il n’est peut-être pas nécessaire d’entretenir le suspense : si l’on s’en tient au plan historique, le judéo-christianisme stricto sensu n’aura duré qu’un siècle environ puisqu’il ne concerne que les « chrétiens », à l’origine une secte juive qui s’est dispersée après la mort du Christ et surtout après la destruction du temple de Jérusalem en 70 par Titus. Secte qui a réussi puisqu’elle a converti 2.5 milliards d’habitants dans le monde et demeure la première religion de la planète en 2025 même si les statistiques constatent une érosion croissante au profit des non-affiliés et des musulmans.
Cependant, le terme de « judéo-christianisme » a été plus largement assimilé à des valeurs occidentales plus qu’européennes (c’est-à-dire englobant les deux Amériques, mais surtout les Etats-Unis) désignant un corpus moral issu de la Bible quand elle revêt ses plus beaux atours (tolérance, humanisme, etc). Les Américains sont dans leur ensemble profondément biblistes, se référant, depuis l’arrivée des Pères pilgrims, à la Bible de l’Ancien testament, donc juive, plus qu’au catholicisme du Nouveau testament, à l’instar de leur président Trump, ce qui explique bien des prises de positions pour le moins étonnantes de ce dernier. Ce qui explique aussi la proximité politique et spirituelle d’Israël et des Etats-Unis.
Les premiers colons américains, les Puritains, qui débarquent en Amérique dans l’Etat actuel du Massachusetts en novembre 1620 du May Flower ont été chassés d’Angleterre à cause de leur fanatisme religieux. Les colons ont gardé une certaine rancœur à l’encontre de la mère-patrie, et de l’Europe en général (ils avaient séjourné un temps en Hollande, où ils ne se plaisaient pas).
Nombre d’Américains considèrent même Israël comme leur véritable patrie spirituelle, identifiant l’exil qui les a conduits en Amérique à celui des Juifs et l’Amérique à leur « Terre promise », Israël constituant la nouvelle « maison-mère » des Américains.
Si l’Occident contemporain (1) peut être considéré globalement comme judéo-chrétien, ce ne peut être le cas pour l’Europe des peuples (que j’oppose à l’Union européenne) ni même pour la France, 53% des Français ne s’identifiant à aucune religion et se déclarant sans religion (agnostique, athée ou non-croyant).
L’expression « judéo-christianisme » constitue un amalgame qui permet d’englober de manière abusive dans le « camp du bien », de l’Etat profond et du mondialisme tous ceux qui ne trouvent pas matière à protester.
Les Indo-Européens : chronologie courte et chronologie longue
Les peuples français, comme tous les peuples vivants sur le sol européen, sont d’origine indo-européenne, si l’on excepte les peuple basque et sarde de provenance plus ancienne.
Mes propos vont s’éloigner quelque peu des idées reçues dans le domaine de l’archéologie, de la préhistoire, de l’anthropologie ou de l’histoire conventionnelles.
- Bien sûr qu’il y a de nombreux peuples français (cultures locales, patries charnelles – patrie : la terre des pères -, terroirs, régions …) (2) qui vivent sur le même territoire depuis que les « tribus » gauloises (celtes), au nombre d’une centaine, ont disparu au profit d’une « nation » française dont on situe la première ébauche au couronnement de Clovis, sacré roi des Francs en 481 et converti au christianisme lors de son règne. Mais c’est en 987 que Hugues Capet inaugurera la dynastie des rois capétiens qui durera jusqu’en 1792. Les limites de cette nation française recoupent encore actuellement à peu près celles de l’ancienne Gaule si l’on en retranche l’Italie du Nord, terre des Insubri, un peuple gaulois qui avait Milan pour capitale (3).
- Bien sûr qu’il y a une unité ethnique des peuples européens (4), et non pas seulement linguistique, qui s’est constituée il y a 6000 ans comme en témoignent les sépultures kourganes (en steppe pontique et eurasienne), et qui s’est étendue au moins jusqu’à l’Oural (fleuve et monts) et au-delà aux confins de la Sibérie.
Il s’agit d’un passé récent, d’une chronologie courte… et conventionnelle.
L’Atlantide
L’ésotériste Paul Le Cour (1871-1954) (photo) se réfère à un passé plus lointain puisqu’il évoque l’Atlantide, ce continent disparu sous les eaux il y a 12.000 ans, dont Platon avait assuré l’existence dans ses Dialogues, le Timée suivi du Critias. L’Atlantide, selon Platon, avait été engloutie parce que ses habitants s’étaient peu à peu dispensé des lois morales inculquées par les souverains d’Atlantis et avaient sombré dans la corruption et le matérialisme.
Le mythe de l’Atlantide a fait florès et quantité « d’aventuriers du continent perdu » ne cessent encore aujourd’hui de tenter de le localiser.
Pour René Guénon, l’un des premiers théoriciens de la Tradition primordiale, l’Atlantide était un comptoir, une colonie, un centre secondaire d’Hyperborée, continent enfoui sous les glaces de l’Arctique bien des millénaires auparavant, civilisation-mère et source de toutes les civilisations traditionnelles qui lui ont succédé.
Paul Le Cour, le fondateur de la revue Les Etudes atlantéennes et l’auteur de L’Ere du Verseau (1937), se basant chronologiquement sur le cycle des ères zodiacales, fait remonter la création du christianisme à la période atlantéenne et, donc, rejette lui aussi l'expression "judéo-christianisme" car il considère qu'elle représente un amalgame erroné et une déviation des racines spirituelles authentiques du christianisme, compris dans sa propre vision.
Le primordialisme
Pour ma part, comme je suis primordialiste, (tenant de la Tradition primordiale), je remonte notre passé aux débuts de notre cycle, celui qui s’achève actuellement, qui a commencé, selon les sources traditionnelles il y a 64.800 ans; sa dernière partie, la plus courte, l’Âge de fer, aura duré environ 6480 ans (5); il lui reste quelques années, ou quelques dizaines d’années avant de disparaître dans un cumul de catastrophes de toutes sortes, naturelles et humaines; mais notre cycle n’est que l’un des nombreux cycles qui ont déroulé leurs anneaux pendant des millénaires et ont disparu l’un après l’autre, toujours de la même façon, depuis l’apparition du peuple-source, qui vivait en Hyperborée, ce continent qui serait désormais enfoui sous les glaces (6).
Selon la tradition shivaïte, notre grand cycle d’Humanité, que les Hindous appellent Manvantara, est le septième sur Terre; la première Humanité est née il y a plus de 400.000 ans.
Le système des cycles dans les anciennes sociétés traditionnelles
Notre Manvantara, dont nous pourrions voir la fin rapidement, s’est étendu sur 64.800 ans, nombre qui correspond à: 2,5 cycles précessionnels de 25.920 ans, 5 « grandes années » de 12.960 ans, 30 « Ères » zodiacales de 2160 ans. Tous ces nombres sont à la fois symboliques et réels. Il ne s’agit pas d’une « tradition » basée sur le « merveilleux », mais d’observations empiriques, à un niveau de connaissance que nos astronomes contemporains commencent à acquérir… (7).
Avant d’entrer dans l’Ère du Verseau, nous sortons de l’Ère des Poissons, caractérisée par la prédominance du christianisme grâce à la descente de l’avatar Christ.
Dans la tradition hindoue, un avatar est la descente d’un dieu ou d’un représentant de Dieu qui s’incarne pour rétablir l’ordre et sauver le monde à chaque ère zodiacale.
Notre Humanité a donc connu au moins 30 avatars, mais sûrement plus, car il peut y avoir apparition de plusieurs avatars pour chaque début d’ère zodiacale, qui ont à peu près tous le même profil: fils de Dieu, ou d’un dieu et d’une mortelle vierge, venus combattre le démon, ou les démons, guérisseurs et initiateurs, périssant en sacrifice avant de remonter vers le Père (voir, par exemple, la figure d’Héraklès ou celle de Mithra, ou celle d’Horus).
Pour le primordialiste chrétien Jean Phaure (photo, ci-dessous), le Christ a ceci de différent d’avec ses prédécesseurs, c’est qu’il arrive à la fin du grand cycle, du Manvantara, pour le clôturer dans l’Apocalypse, la gloire de la Révélation et la parousie qui est le second avènement du Christ (8).
Une vision quelque peu différente de celle de Paul Le Cour que nous avons évoquée auparavant.
Cette fin apocalyptique pourrait survenir dans un délai très court à l’heure où nous écrivons car Jean Phaure, reprenant un texte sacré hindou, précise qu’elle pourrait se situer en… 2030 (9).
Pérennité de la Tradition primordiale à l’époque chrétienne
Il paraît inconcevable qu’un continent enfoui sous les glaces, dépendant d’une zone, l’Arctique, qui s’étend sur une superficie de 21.027.000 km2 pouvant donc contenir 38 fois la France n’ait laissé aucune trace physique de sa très ancienne présence. Il est vrai que l’épaisseur du pergélisol (glace qui ne fond jamais) est de 600 mètres en Yacoutie et peut atteindre 1 km selon les régions.
Il n’a cependant pas cessé de produire ses effluves tout au long des siècles en s’incarnant de façon éphémère, quelquefois fulgurante et inattendue, dans des personnages, des idéaux, des groupes qui ont laissé des traces dans l’histoire; en France, la plupart de ces manifestations ont surgi au Moyen-Âge et démontrent que la sagesse et la connaissance de nos druides anciens est passée secrètement en héritage à des structures traditionnelles plus catholiques que chrétiennes, rompant ainsi de manière cinglante avec le mythe du « judéo-christianisme ». Pour exemple, en vrac: le Cycle du Graal (10), le roi Arthur et les chevaliers de la Table ronde, les cours d’amour, l’édification des églises romanes (l’Ordre cistercien) puis gothiques, des châteaux-forts, Jeanne d’Arc, les ordres de chevalerie (11) comme les Templiers, les chevaliers teutoniques ou les chevaliers de l’Ordre de Saint-Jean de Malte.
Autant de signes et de manifestations qui dénotent que le génie européen et indo-européen et, au-delà, hyperboréen, avait pris dès lors le pas sur les influences judéo-chrétiennes en Europe même afin de produire ces chefs-d’œuvre sous forme de personnages, de groupes spirituels ou guerriers et de constructions flamboyantes.
Monothéismes
C’est l’apparition du (ou des) monothéisme (s) à caractère linéaire (un début-une fin) qui va se substituer au système cyclique cosmique traditionnel qui n’a ni début ni fin.
A l’origine, la spiritualité du peuple juif était identique à celles des autres peuples qui lui étaient contemporains.
Le principe cyclique auquel se référaient toutes les sociétés traditionnelles tenait sa légitimité de l’observation des lois naturelles régies par le triptyque naissance-vie-mort que personne ne venait contester.
Toute cette belle mécanique céleste va se gripper avec l’apparition du monothéisme chez les Hébreux. Ce monothéisme israélite va lui-même engendrer deux autres versions, le christianisme et l’islam; un seul dieu, mais pour chacune des trois variantes (qui apparaîtront à des périodes différentes), toutes trois issues du Moyen-Orient: on les appellera religions du Livre (parce qu’elles sont issues d’un livre « révélé ») ou abrahamiques (parce qu’elles se réclament du même Père virtuel: Abraham) (12).
Dès lors, chacune des trois variantes va se reporter à la « tradition », c’est-à-dire une « histoire », une « fable », un « conte », une « légende », un « merveilleux », un « roman » national ou religieux, ou les deux, inventé et adapté à la mentalité et aux besoins du peuple concerné plutôt qu’au strict examen des faits naturels dont découlait l’observance de lois, ce qui était la démarche logique des peuples « païens » (13) d’avant l’apparition du monothéisme. Il n’existe que de très faibles indices permettant de reconnaître l’authenticité des écrits bibliques originels. Les historiens contemporains en réfutent la quasi-totalité. Et rappelons que ce n’est qu’en 495 que le Décret de Gélase fixe définitivement le contenu des Évangiles du Nouveau Testament.
Comment est apparu le monothéisme juif ?
C’est l’aboutissement d’un lent processus; les Hébreux pratiquaient une sorte d’hénothéisme (14): ils croyaient en plusieurs dieux d’un panthéon où trônait Yahweh (YHWH) qui rappelle le panthéon grec dont les dieux étaient soumis à l’autorité de Zeus.
La croyance en Yahweh comme dieu unique se renforcera après l’exil du peuple juif à Babylone (586-539); Yahweh sera sollicité pour venger ses malheurs. Le monothéisme des Juifs aura vraisemblablement été inspiré par le zoroastrisme alors contemporain, religion fondée par le prophète perse Zarathoustra dont le dieu est appelé Ahura Mazda; cette religion est encore pratiquée de nos jours par une partie des Perses, peuple indo-européen de l’actuelle Iran. Il est plaisant de voir ici désigné le personnage de Friedrich Nietzsche comme l’un des inspirateurs du… judaïsme ! Mais il n’y a rien de plus logique que le chantre du « surhumain » ait nommé son « héros » Zarathoustra et que le peuple juif ait pris ce même Zarasthoustra comme idéal religieux.
Rappelons le récit mythique du peuple hébreu: les Hébreux étaient esclaves des Egyptiens sous la XVIe dynastie (vers -1500); un personnage légendaire nommé Moïse (légendaire parce qu’on n’en trouve nulle trace historique) apparaît, qui guide la fuite de son peuple vers le pays des Cananéens, la «terre promise» aux Hébreux, après avoir erré dans le désert du Sinaï pendant 40 ans; « terre promise » par qui? Par un dieu caché dans un «buisson ardent» qui parle à Moïse; passons sur les tribulations invraisemblables qui amènent Moïse et son peuple aux portes de Judée, peuple désormais « élu » par Dieu, un dieu qui ne peut être donc qu’unique par réciprocité, c’est ce que dit le philosophe des monothéismes, Jean Soler: «Aux termes de "l'alliance", si le peuple vénère ce dieu au-dessus des autres dieux, le dieu le placera au-dessus des autres peuples. Il s'agit d'un accord strictement ethnique».
Ainsi commença le monde profane, celui des hommes, qui, dans l’esprit de ses promoteurs, devait succéder au monde sacré, celui des dieux.
Pour le monde européen, Julius Evola avait bien compris la nature de cette rupture lorsqu’il distinguait la Voie des Pères introduite par le Titan Prométhée qui donne le pouvoir à l’Homme qui se survit à lui-même par la lignée, et la Voie des Dieux, ou Voie olympienne, où l’Homme admet et respecte la supériorité divine tout en s’efforçant d’atteindre à nouveau ce statut perdu.
La dispersion des Juifs dans le monde (diaspora) commence après la destruction du temple de Jérusalem par le romain Titus en 70. Les Hébreux, ensuite dénommés Israélites, puis Juifs, vont alors prendre leur revanche sur les grandes puissances de l’Antiquité qui les ont chassés et contraints à de nombreux exils ou exodes: l’Egypte, l’Assyrie (15), la Mésopotamie, Rome, en prenant une place importante dans le monde économique contemporain dédié de plus en plus à la matérialité comme il sied à chaque fin de cycle.
La diaspora juive a, dans sa grande majorité, continué à pratiquer avec ferveur sa religion, appliquant les règles strictes des origines qui, sous couvert de prescriptions religieuses, servaient surtout à canaliser les pulsions primaires des fidèles en leur imposant des garde-fous sanitaires et moraux, règles archaïques qui sont toujours en vigueur mais qui n’ont plus beaucoup de sens à notre époque.
Parallèlement, le judaïsme, comme toutes les grandes religions, a élaboré un ésotérisme, la Kabbale, qui a perduré dans le monothéisme indépendamment des contraintes dogmatiques ultérieures, comme il existe un ésotérisme chrétien, qu’on dit hermétique ou mystique, ou un ésotérisme musulman, représenté par le soufisme.
Economie, religion et spiritualité: nous sommes loin de ce qui est en place actuellement en Israël: le sionisme dogmatique qui risque de provoquer la disparition du pays par les excès de sa politique jusqu’au-boutiste.
Titanisation et satanisation de « l’Occident » : le cauchemar de Gaza
Involution
Israël, comme l’ensemble de la planète, ne peut échapper à l’inexorable course du monde vers sa fin, avant le dernier salto qui le fera retomber sur ses pieds pour entamer un nouveau cycle; Israël semble bien être en pole position pour cet ultime tour de piste, cette dernière facétie macabre.
L’observation de la marche cyclique du monde nous apprend que toutes les manifestations terrestres vont toujours dans le même sens: l’involution, du meilleur au pire, de la naissance à la mort, du spirituel au matériel, de la beauté à la flétrissure. Rien ne pourra arrêter ce processus qui dément toutes les utopies qui vous ont fait croire aux lendemains qui chantent. Le principe de « progrès » et d’évolution qu’on a fait entrer dans la tête et la logique de tous au point d’être considéré comme une évidence est la plus formidable réussite de manipulation et de conditionnement des masses, avant même celle de la pseudo-pandémie et du pseudo-vaccin que nous avons vécue en direct il y a quelques années. Et ceci depuis que la vie est apparue sur notre planète (16).
C’est pour cette raison que le principe d’un temps linéaire est absurde.
Les cycles se suivent et se ressemblent, ils se terminent tous dans la confusion, le chaos, la décadence et la totale inversion de toutes les valeurs vertueuses qui constituaient le socle de nos sociétés millénaires, il faut attendre l’horreur absolue (et je crois que nous n’en sommes pas loin) pour voir arriver la fin de ces désordres et l’émergence du nouveau cycle.
Deux processus maléfiques sont en cours et vont trouver leur point de jonction dans une explosion de terreur et d’épouvante. Ils se rattachent l’un et l’autre au titre même de notre article: l’un est un produit de la mythologie juive, l’autre de la mythologie européenne.
Ces deux processus ont des racines qui remontent très loin dans le temps et dans les mythes de leurs histoires respectives mais chacun des deux a produit un être artificiel, une représentation qui n’est pas liée directement aux deux grandes figures mythologiques dont nous allons parler (si ce n’est le nom pour l’une des deux!) qui a bouleversé et effrayé les imaginations populaires: le Golem et Frankenstein.
Le Golem de la mythologie juive est créé par le rabbin Loew au XVIe siècle, c’est un monstre qui est fait de terre glaise, d’argile, il est destiné à protéger son créateur.
L’autre créature est celle d’un jeune savant nommé Frankenstein qui fabrique un être à partir de chairs mortes, de cadavres, lequel va semer la terreur quand il sera animé par son créateur; le roman a été publié en 1818 par une jeune femme, Mary Shelley sous le titre: Frankenstein ou le Prométhée moderne, un nom, Prométhée, qui va réapparaître – coïncidence? - dans les lignes qui suivent.
Titan
Je parle de siècles et de millénaires.
Si je vous disais que les transhumanistes sont les héritiers de la race des Titans qui, dans la mythologie grecque, ont voulu se mesurer aux dieux par la révolte de leur figure la plus emblématique qui s’appelle Prométhée, lequel est réputé avoir créé les humains; le prométhéisme, ou le titanisme, a donné naissance au surhumanisme, qui est lui-même l’antichambre de l’actuel transhumanisme, qui milite pour un « homme augmenté », équivalent du surhomme.
Cette vanité, cet orgueil qui a poussé les Titans à défier les dieux s’appelle l’hubris, la démesure élevée en mode de fonctionnement de nos sociétés actuelles, la folie titanesque; je ne prendrai pour seul exemple de cette folie, exemple qui est caricatural, que cette course à celui qui élèvera la plus haute tour au monde (on pense à la Tour de Babel), compétition engagée par les Bédouins richissimes du Golfe persique qui les distrait de leurs collections de Ferrari ou des courses de chameaux dont ils sont restés friands ; ils ont été pris de cette même frénésie de constructions verticales apparue à New-York et à Chicago, à la fin du XIXe siècle, hautes tours qu’on a appelées gratte-ciel – le mot gratte-ciel symbolise à merveille cette volonté de concurrencer les dieux.
Le psychothérapeute Paul Diel (photo) dira que « Les hommes, en tant que créatures de Prométhée, formés de boue et animés par le feu volé, réalisent la révolte du Titan et ne pourront que se pervertir. Guidés par la vanité de l’intellect révolté, fiers de leurs capacités d’invention et de leurs créations ingénieuses, les hommes s’imagineront être pareils aux dieux » (17).
C’est en effet le Titan Prométhée qui, dans la mythologie grecque, a été chargé de créer l’être humain. Il va le faire en façonnant de l’argile, de la terre glaise.
Le mythe de l’Homme (Adam) créé à partir d’argile va se retrouver dans la genèse monothéiste, comme, on l’a vu, il se retrouve aussi dans la création du Golem.
Mais il y a mieux : de récentes découvertes scientifiques accréditent le fait que la vie serait apparue sur Terre à partir d’une certaine espèce d’argile, la montmorillonite, qui tient son nom d’un village français, Montmorillon, dans le département de la Vienne (18)
Ainsi, le mythe européen du Titan sera à l’origine de la filiation : humanisme, surhumanisme, transhumanisme, posthumanisme (avec la robotisation de l’être humain qui s’annonce).
Il constitue l’un des deux volets de l’emprise du Mal sur le monde sous son aspect lisse high tech.
Satan
Et ce n’est pas un hasard si l’équivalent des Titans chez les monothéistes sont les anges rebelles, et de ce fait déchus, dont le chef s’appelle évidemment Satan, dont la racine serait la même que celle de Titan, selon le chercheur Daniel E. Gershenson. La cause de la déchéance de ces anges est identique à celle qui a poussé Prométhée à défier les dieux: l’hubris, l’orgueil, la vanité, la volonté de se mesurer à Dieu, voire de le remplacer.
Le satanisme, qui s’acoquine avec le titanisme, présente un aspect plus ancien, dans un décor fait de vieux grimoires et de chaudrons de gorgones qui concoctent une bouillie d’êtres en décomposition destinée à nourrir le monde des vivants. C’est un tableau qu’on pourrait trouver actuellement dans ces spectacles qui rassemblent des centaines de milliers de personnes, spectacles largement promus et subventionnés par la secte satano-mondialiste, comme ce fut le cas lors des derniers Jeux olympiques. C’est de ce satanisme que se réclament ouvertement les dirigeants de notre monde occidental qui ont vendu leur âme au diable pour réaliser leur rêve d’immortalité.
De nombreux Israéliens ont gardé leur dignité et leur humanité face au cauchemar que leurs dirigeants font vivre à ce qu’il reste de la population de Gaza comme ce psychiatre et écrivain français, Gérard Haddad, qui apporte son témoignage indigné (19)
Le monde se bouche les oreilles, les yeux et le nez avec lâcheté et indifférence devant ces horreurs ; il ne sortira pas intact de cette épreuve qui l’a vu basculer et se prosterner devant le trône du Prince des ténèbres.
Mais l’Occident s’en balance, Trump attend que les derniers enfants Palestiniens soient massacrés pour mettre en place son projet de station balnéaire à Gaza (20).
Notes :
(1) Ce qu’on peut appeler l’Occident actuel est composé d’Israël, des Etats-Unis et de l’Union européenne.
(2) Voir L’Europe aux cent drapeaux de Yann Fouéré, éditions de l’Institut de Documentation Bretonne et Européenne. Thème repris sous forme de poème par Maurice Rollet, Hyperborée n° 4, nouvelle série.
(3) Mediolanon : mot gaulois qui signifie « centre sacré ».
(4) Peuples grecs, italiques, albanais, indo-iraniens, celtiques, germaniques, nordiques, slaves, arméniens.
(5) À peu de chose près, à l’apparition des peuples indo-européens, si l’on s’en tient à la chronologie officielle.
(6) Voir les travaux du mathématicien indien Bal Gangadhar Tilak (1856-1920): Orion ou Recherche sur l'antiquité des Védas et L'Origine Polaire de la Tradition védique, éditions Edidit & Archè, Milan et Paris. « Tilak effectue des recherches sur les textes des Védas [qui] l'amènent à défendre la théorie d'une origine arctique de la tradition indo-européenne. Sa thèse influence profondément le philosophe italien Julius Evola. Elle est reprise par Jean Haudry. » (Wikipedia). Voir aussi Adriano Romualdi (trad. de l'italien par le professeur Jean Haudry), La question d'une tradition européenne, Akribeia, 2014.
(7) Ainsi, si je prends comme exemple le nombre 25 920, il correspond à une durée réelle du cycle précessionnel comme indiqué ci-dessus, mais aussi :
-La vitesse de la lumière est de 300.000 km par seconde, comme il y a 86.400 secondes en un jour, la lumière parcourt donc 25.920 millions de kilomètres par jour.
-Encore une « coïncidence » ? La vitesse de la Terre autour du Soleil est de 30 km par seconde. Elle couvre donc 2.592.000 km par jour. Et il y en a d’autres…
(8) Jean Phaure, Le cycle de l’Humanité adamique, éditions Dervy, p. 245 et suiv.
(9) Ibid, p. 511.
(10) « …cette possession du Graal représente la conservation intégrale de la Tradition primordiale dans un tel centre spirituel. La légende, d’ailleurs, ne dit pas où ni par qui le Graal fut conservé jusqu’à l’époque du Christ ; mais l’origine celtique qu’on lui reconnaît doit sans doute laisser entendre que les Druides y eurent une part et doivent être comptés parmi les conservateurs réguliers de la Tradition primordiale. » René Guénon, Le Roi du Monde, NRF Gallimard, p.43.
(11) Voir notre article du 2 février 2025: L’être « sigma » : manipulation CIA-woke-LGBTQ+ ou résurgence des valeurs chevaleresques ?
(12) Virtuel parce que les historiens n’ont jamais trouvé nulle trace de ce personnage : « Si la question de l’historicité du personnage biblique Abraham a fait, au cours du XXe siècle, l’objet d’un important travail scientifique par les archéologues, au début du XXIe siècle, les chercheurs ont depuis longtemps renoncé à tenter de faire de la figure d'Abraham — pas plus que de celles d'Isaac ou de Jacob — un personnage historique et la ʺquête d'un Abraham historiqueʺ, propre à l'archéologie biblique, a été abandonnée. […] la Terre promise du récit biblique ne saurait se trouver sur aucune carte dans la mesure où elle est à comprendre comme un lieu symbolique et non géographique » (Article Abraham, Wikipedia).
(13) Je n’emploie pas souvent le mot « païen » (paganus) qui, dans la bouche des premiers chrétiens installés à Rome, avait une connotation péjorative à l’encontre des gens du cru, les paysans qui avaient conservé leurs pratiques polythéistes.
(14) Culte prédominant rendu à un dieu particulier, tout en acceptant l’éventuelle existence d'autres divinités.
(15) Les recherches historiques démentent le récit sioniste inventé par un Netanyahou qui s’acharne à vouloir démontrer que l’Iran est l’ennemi héréditaire d’Israel : « Les Juifs sont déportés à Babylone par les Assyriens à la suite de la prise de Jérusalem par le roi Nabuchodonosor en 586 avant J.-C. Cinquante ans après, les Juifs sont libérés par le roi de Perse Cyrus. Entre temps, les Perses (indo-européens) avaient éliminé les Assyriens (sémites) et pris Babylone. Cyrus ne se contente pas de libérer les Juifs, il patronne leur réinstallation à Jérusalem : 40.000 y retournent, les autres restant en Mésopotamie. Il nomme un préfet juif, Néhémie. C’est sous la domination politique des Perses qu’est reconstruit le Temple de Jérusalem. Mais il y a plus : c’est à ce moment qu’est mise au point la Bible hébraïque dans la version que nous connaissons. » (Aleteia, Roland Hureaux, 21/03/2017)
(16) Voir notre article du 3 octobre 2023: La France, laboratoire de la Secte mondialiste
(17) Paul Diel, Le Symbolisme dans la mythologie grecque, Payot.
(18) Voir mon ouvrage La Roue et le Sablier édité chez Amazon.
(19) https://www.facebook.com/100063440329884/videos/731797502...
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dimanche, 21 septembre 2025
L'Eglise, le chagrin, la pitié, et des tonnes de larmes
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samedi, 20 septembre 2025
Quand l’hellénisme rencontra le bouddhisme
Quand l’hellénisme rencontra le bouddhisme
par Odysseus Bournias Varotsis
Odysseus Bournias Varotsis montre comment le gréco-bouddhisme, né des conquêtes d’Alexandre, fusionna l’art, la royauté et la philosophie grecques avec le bouddhisme pour créer une vision universelle de la sagesse et de la compassion.
Lorsque la plupart des gens imaginent le Bouddha, ils pensent à des images sereines venant d’Inde, du Tibet ou du Japon. Peu sauraient deviner que les premières statues de Siddhārtha Gautama — le Bouddha historique — furent sculptées dans un style manifestement grec, à l’ombre de l’Hindu Kush. Moins nombreux encore sont ceux qui savent que, pendant des siècles, le bouddhisme parla grec, porta des tuniques grecques, et débattit selon la dialectique grecque.
Ce mariage culturel remarquable est ce que les historiens appellent le gréco-bouddhisme : la rencontre de la civilisation hellénistique, née des conquêtes d’Alexandre le Grand, avec les courants spirituels de l’Inde. Mais le gréco-bouddhisme fut bien plus qu’un art. Ce fut une fusion de mondes qui bouleversa l’évolution même du bouddhisme, posa les fondements du Mahāyāna et influença la façon dont des millions de personnes comprendraient la compassion, la sagesse et le cosmos.
Rencontre au carrefour des mondes
Lorsque les armées d’Alexandre atteignirent le Pendjab au IVe siècle av. J.-C., elles laissèrent derrière elles des cités, des institutions et des routes commerciales reliant la Grèce à l’Inde. Les royaumes indo-grecs de Bactriane et du Gandhāra devinrent un corridor culturel vibrant où la philosophie grecque et la spiritualité bouddhiste se rencontrèrent d’égal à égal.
Les artistes du Gandhāra commencèrent à sculpter le Bouddha sous des formes naturalistes et hellénistiques : serein, juvénile, drapé dans les plis d’un himation de philosophe. Jusqu’alors, le Bouddha n’était représenté que par des empreintes de pas, des roues, ou des trônes vides ; soudain il devint visible en tant que theios anēr, un « homme divin » au sens hellénistique — à l’instar d’Héraclès, d’Asclépios ou de Pythagore, qui incarnaient la présence divine sous une forme humaine. Cette transformation ne fut pas un simple emprunt stylistique. Elle exprima la reconnaissance du Bouddha comme maître universel, dont le rôle pouvait être compris à travers toutes les cultures.
Ménandre : un roi du Dharma dans la mémoire grecque et bouddhiste
Un roi indo-grec, en particulier, marqua l’imaginaire bouddhiste : Ménandre Ier (Milinda), qui régna vers 165–130 av. J.-C. Connu dans le Milindapañha (« Les questions de Milinda »), Ménandre engagea le moine Nāgasena dans une série de dialogues philosophiques aussi rigoureux que ceux de l’Académie de Platon. Ils discutèrent de la nature du soi, de la renaissance et de la libération — des questions formulées dans un style dialectique grec, mais résolues par une sagesse bouddhiste.
Ménandre fut retenu non seulement comme roi-philosophe, mais aussi comme protecteur du Dharma. Après l’usurpation anti-bouddhiste qui fractura l’Empire Maurya, Ménandre défendit à la fois ses sujets grecs et la saṅgha bouddhiste, méritant le titre de Soter, le « Sauveur ». À sa mort, les chroniques bouddhistes racontent que ses reliques furent honorées comme celles du Bouddha lui-même : divisées et enchâssées dans des stupas à travers son royaume. Cet acte extraordinaire le place aux côtés d’Aśoka parmi les grands cakravartins — rois universels qui font tourner la roue du Dharma.
Panthéons au carrefour : héros, gardiens et bodhisattvas
Le grand panthéon du bouddhisme Mahāyāna, avec ses Bouddhas cosmiques, ses bodhisattvas rayonnants et ses origines primordiales de l’éveil, n’est pas né dans l’isolement. Il vit le jour au carrefour culturel du Gandhāra, là où les visions du monde indienne, iranienne et hellénique se rencontrèrent et fusionnèrent. Cette fusion ne fut pas symétrique : le bouddhisme absorba et transfigura les motifs extérieurs pour les intégrer à sa propre vision sotériologique.
Des Grecs vint le modèle du héros et de l’homme divin (theios anēr) — des figures comme Héraclès et Asclépios qui faisaient le lien entre dieux et mortels. Ceux-ci trouvèrent un écho dans les bodhisattvas, qui incarnent compassion, sagesse et puissance, ponts entre le samsāra et le nirvāṇa. Des Iraniens vinrent les yazatas, gardiens angéliques de l’ordre cosmique, dont la fonction structurelle se retrouve dans les Cinq Bouddhas cosmiques, chacun présidant à un domaine de l’éveil. De l’Inde vinrent le cadre karmique et l’idéal du cakravartin, le souverain du Dharma, qui se combina à la royauté hellénistique pour façonner la figure du roi-sauveur bouddhiste.
Il en résulta un panthéon proprement bouddhiste, mais dont les formes étaient reconnaissables à travers les cultures : héros grecs, gardiens iraniens, Devas hindous et intermédiaires platoniciens, tous réinterprétés comme des émanations du Dharmakāya, la réalité ultime.
Pyrrhon en Inde : un philosophe grec parmi les sages
La rencontre ne fut pas à sens unique. Pyrrhon d’Élis, qui accompagna Alexandre en Inde, retourna en Grèce transformé. Les récits antiques le décrivent passant du temps parmi les Σαμαναίοι (Śramaṇas) — des philosophes ascétiques, sans doute les précurseurs de la saṅgha bouddhiste qui conservaient les premiers enseignements radicaux du Bouddha. Leur rejet du dogme et des attachements mondains impressionna profondément Pyrrhon.
De ces sages, il développa la philosophie du scepticisme, prônant la suspension du jugement (epochè) et la quête de la paix intérieure (ataraxia). Son disciple Timon de Phlionte consigna ces enseignements. Certains chercheurs ont suggéré que cela représenterait le tout premier témoignage écrit d’idées directement influencées par le bouddhisme — et, fait remarquable, en grec plutôt qu’en forme indienne. Bien que spéculative, cette thèse est solidement argumentée et met en lumière combien tôt le dialogue gréco-bouddhique put entrer dans l’histoire littéraire.
L’oikouménè d’Alexandre et le Grand Véhicule
Alexandre rêvait d’une oikouménè, un monde uni par des lois et une culture communes. Son empire s’éteignit, mais l’archétype survécut : le salut non par la fuite du monde, mais en son sein, à travers un ordre universel embrassant la diversité tout en tendant vers l’unité.
Cette vision résonna lors de l’émergence du Mahāyāna ou « Grand Véhicule » du bouddhisme. De même qu’Alexandre voulait unir des peuples divers en une seule oikouménè, le Mahāyāna conçut un vaste véhicule menant tous les êtres vers l’éveil — non pas une voie solitaire de renoncement, mais un projet universel de compassion et de libération.
Gandhāra : berceau d’une révolution savante
Au-delà de l’art et de la royauté, le Gandhāra fut aussi un centre intellectuel. C’est là que la tradition de l’Abhidharma se cristallisa — des analyses systématiques de l’esprit, de la matière et de la conscience. Les moines gandhāriens catégorisèrent les phénomènes avec la rigueur de la taxinomie aristotélicienne, mêlant méthode logique grecque et intuition bouddhiste.
Cette culture scolastique donna naissance aux grandes écoles du Mahāyāna: le Madhyamaka, avec ses déconstructions dialectiques, et le Yogācāra, avec sa psychologie de la conscience. Le bouddhisme que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de Mahāyāna — philosophique, cosmologique, dévotionnel — a germé sur ce terreau gréco-bouddhique.
Un destin partagé : hier et aujourd’hui
Le gréco-bouddhisme nous montre que les civilisations ne s’épanouissent pas dans l’isolement, mais dans la rencontre. Sans l’influence grecque, le bouddhisme serait peut-être resté une voie ascétique austère et individualiste. Sans le bouddhisme, l’universalisme œcuménique grec pourrait être vu comme un impérialisme aveugle où prévaut la loi du plus fort. Ensemble, ils créent une vision de la sagesse et de la compassion qui transcende les frontières culturelles et confessionnelles.
Dans le monde hellénistique, l’Europe et l’Asie partagèrent un destin pendant un temps. La fusion de l’hellénisme et du bouddhisme créa un symbole de l’ordre universel : un Dharma capable de porter le monde, un « Grand Véhicule » pour l’humanité.
Aujourd’hui, à l’heure où l’Orient et l’Occident se rencontrent à nouveau dans un monde multipolaire fait de tensions et de convergences, cette rencontre ancienne reprend la parole. Elle n’offre pas seulement une leçon d’histoire, mais sans doute aussi un symbole primordial pour une nouvelle civilisation : la synthèse créatrice de l’esprit européen et asiatique peut donner naissance à une nouvelle aube culturelle. Pour l’Europe, cette fusion pourrait annoncer rien de moins qu’une renaissance — une résurrection inspirée par la mémoire que, il n’y a pas si longtemps, des rois issus de l’empire d’Alexandre rêvaient d’un royaume où l’Europe, le Moyen-Orient et l’Asie s’entremêlaient. De leur union naquirent de nouveaux horizons, tant terrestres que métaphysiques, irradiant d’une puissance numineuse et d’une inspiration audacieuse.
Bibliographie recommandée
Beckwith, Christopher I. Greek Buddha: Pyrrho’s Encounter with Early Buddhism in Central Asia. Princeton: Princeton University Press, 2015.
Halkias, Georgios T. “The Self-Immolation of Kalanos and Other Luminous Encounters among Greeks and Indian Buddhists in the Hellenistic World.” Journal of the Oxford Centre for Buddhist Studies 8 (2015): 163–186.
Halkias, Georgios T. “When the Greeks Converted the Buddha: Asymmetrical Transfers of Knowledge in Indo-Greek Cultures.” In Religions and Trade: Religious Formation, Transformation and Cross-Cultural Exchange between East and West, edited by Peter Wick and Volker Rabens, 65–115. Leiden: Brill, 2014.
Halkias, Georgios T. “Yavanayāna: Scepticism as Soteriology in Aristocles’ Passage.” In Buddhism and Scepticism: Historical, Philosophical, and Comparative Perspectives, edited by Oren Hanner, 83–108. Hamburg Buddhist Studies 13. Hamburg: University of Hamburg, 2020.
Karttunen, Klaus. India and the Hellenistic World. Helsinki: Finnish Oriental Society, 1997.
Mairs, Rachel. The Hellenistic Far East: Archaeology, Language, and Identity in Greek Central Asia. Oakland: University of California Press, 2016.
McEvilley, Thomas. The Shape of Ancient Thought: Comparative Studies in Greek and Indian Philosophies. New York: Allworth Press, 2002.
Mukherjee, B. N. The Rise and Fall of the Kushāṇa Empire. Calcutta: Firma KLM, 1988.
Narain, A. K. The Indo-Greeks. 2nd rev. ed. Delhi: Oxford University Press, 1980. Originally published Oxford: Clarendon Press, 1957.
Stoneman, Richard. The Greek Experience of India: From Alexander to the Indo-Greeks. Princeton: Princeton University Press, 2019.
Wenzel, Marian. Echoes of Alexander the Great: Silk Route Portraits from Gandhara — A Private Collection. Chicago: Art Media Resources, 2000.
18:11 Publié dans archéologie, Traditions | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : bactriane, gandhara, helléno-bouddhisme, gréco-bouddhisme, bouddhisme, philosophie, philosophie grecque, alexandre le grand | |
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lundi, 11 août 2025
La fin du politique
La fin du politique
Renzo Giorgetti
Source: https://www.heliodromos.it/la-fine-della-politica/
En ces moments historiques, se taire pourrait sembler de l'apathie – et c'est la seule raison pour laquelle nous écrivons ces considérations – même s'il n'y aurait en réalité presque rien à ajouter, ayant déjà largement préfiguré dans le passé les développements sinistres de la situation actuelle. La chute des derniers masques derrière lesquels se cachait le régime tyrannique du totalitarisme mondial n'est pas une surprise, car elle était prévisible, du moins pour ceux qui avaient un minimum de sensibilité et d'intelligence pour discerner les dynamiques du pouvoir des deux derniers siècles dans le monde occidental dit moderne.
Le fait que toutes les « conquêtes » et tous les « droits » du passé aient été éliminés avec une totale désinvolture et sans aucune résistance ne peut que susciter l'hilarité et la peine (surtout à l'égard de ceux qui y ont cru), car tout cet appareil de formules vides n'était rien d'autre qu'un décor, une fiction créée pour persuader les malheureux de vivre dans un monde libre. Il ne s'agissait en fait que de produits artificiels, présentés comme des valeurs absolues, mais qui n'étaient en réalité que de misérables concessions dont l'apparence d'intangibilité n'était garantie que par la parole, c'est-à-dire par des déclarations solennelles mais inconsistantes d'individus à la crédibilité douteuse.
Et en effet, tout ce qui a été donné a ensuite été repris avec intérêts, laissant en plus les dommages psychologiques du lavage de cerveau sectaire, de l'incapacité à élaborer des pensées réellement alternatives. Il est inutile maintenant de se plaindre et de réclamer « plus de droits », « plus de liberté » ou même de se plaindre du « manque de démocratie » : ces schémas sont perdants. Ils ont été implantés dans l'esprit de la population à une époque où les besoins de l'époque imposaient ce type de fiction. Il fallait en effet faire croire que l'on avait été libéré (on ne sait pas bien par qui) et, après une série de « luttes » et de « conquêtes », que l'on était enfin arrivé au summum de l'évolution et du progrès. Mais aujourd'hui, les choses ont changé et de nouvelles fictions sont nécessaires pour garantir la continuité du pouvoir.
Le « Nouveau Régime » (1789-2020) est en cours de restructuration, devenant « Tout Nouveau » : la période de transition que nous vivons sera caractérisée par le démantèlement définitif de tout l'appareil des droits et des garanties qui ont caractérisé la vie civile précédente. Ce démantèlement ne sera pas suivi d'un vide, mais de nouveaux ordres fondés sur de nouvelles logiques et de nouveaux paradigmes. La destruction du pacte social ne conduira pas à l'état de nature (qui n'a probablement jamais existé) et au rejet de toutes les règles, mais à un « nouveau pacte » avec de nouvelles règles plus ou moins volontairement acceptées. La forme de gouvernement des derniers temps ne sera pas l'anarchie mais l'imperium, un sacrum imperium, une hégémonie à la fois spirituelle (façon de parler) et temporelle, une forme de pouvoir avec sa sacralité toute particulière, très différente de la laïcité du présent.
La polis, entendue comme lieu de rencontre et de résolution dialectique et pacifique des conflits, s'est désormais effondrée, désagrégée par le lent travail mené à l'intérieur de ses propres murs, et tout discours politique est donc dépassé, irréaliste, irréalisable, un tour de passe-passe sans aucun effet pratique. Mais la désagrégation de la polis ne ramènera pas à l'état sauvage. Le retour aux origines sera d'un tout autre ordre. À la polis, c'est-à-dire à la civitas, ne s'oppose pas la silva, mais le fanum, ce territoire consacré au dieu, dont les habitants doivent se soumettre aux règles de la divinité à laquelle ils appartiennent. Ceux qui vivent dans le fanum vivent selon des lois particulières, selon un ordre qui n'est pas celui de la vie civile, un ordre différent, pas nécessairement négatif. Le cives se rapporte aux autres sur un plan horizontal, tandis que le fanaticus vit la dimension verticale, il est possédé, parfois pour le meilleur, parfois pour le pire (le terme fanatique doit être compris dans un sens neutre, son anormalité n'étant telle que dans un monde politique) ; ses actions répondront à des critères différents dans la mesure où la présence de l'invisible s'est désormais manifestée, rendue à nouveau tangible, agissant dans le monde de manière concrète.
Dans la mesure où des influences qui ne sont plus liées à la stricte matérialité entrent dans le monde, tout reprend alors des accents sacrés et rien ne peut plus être profane, rien ne peut plus être exclu de l'irruption du numineux qui imprègne et transfigure tout.
Par « sacré », nous entendons au sens large ce qui n'est pas confiné dans les limites de la matière, et le terme peut donc désigner à la fois ce qui est proprement sacré (comme la spiritualité supérieure) et ce qui s'y oppose comme une force blasphématoire, exécrable, même si elle possède sa propre « sainteté ».
L'irruption du transcendant dans le monde laïc et matérialiste (dans le monde profane) entraîne un changement historique, modifiant non seulement les règles de la vie civile, mais aussi les paradigmes mêmes sur lesquels repose l'existence. La fin de la politique s'inscrit dans ce contexte et porte la confrontation sur un autre plan.
L'effondrement du monde politique laisse déjà entrevoir, parmi les décombres, la montée d'une puissance étrangère, le numen, les forces de l'altérité qui déconcertent en manifestant la puissance du tremendum. Le nouveau saeclum verra se manifester ce qui, invisible mais existant, se cachait derrière l'apparence d'une matérialité fermée et autoréférentielle, des forces absolues qui agiront de manière absolue, ignorant les constructions conventionnelles inutiles de la pensée humaine. La dernière époque verra le retour des dieux.
Mais cela, qu'il soit dit pour le réconfort de tous, ne se fera pas à sens unique. Certaines forces ne peuvent se manifester impunément sans que d'autres, de signe opposé, descendent pour rétablir l'équilibre.
La lutte reviendra à des niveaux primaires, car l'anomie, l'hybris a trop prévalu et, dans sa tentative de s'imposer, risque sérieusement de bloquer le cours même de la vie. En effet, comme nous l'ont montré de nombreux mythes (nous devons nous tourner vers le mythe car la situation actuelle n'a pas de précédent historique connu), cet état de choses n'est pas durable et conduit toujours à des interventions d'équilibrage qui, en contrant les forces de la prévarication, éliminent également le déséquilibre devenu trop dangereux pour l'ordre cosmique lui-même.
La fin de la polis conduit à l'impossibilité de résoudre les conflits par le compromis et la médiation. Tout passe désormais du politique au fanatique, car les forces qui s'affrontent sont des forces antithétiques, absolues, qui, tout comme la vie et la mort ou la justice et l'injustice, ne peuvent coexister simultanément dans un même sujet.
Ces discours ne sont peut-être pas très compréhensibles pour ceux qui ont été programmés selon les anciens schémas de pensée, mais il serait bon de commencer à les assimiler, car l'avenir ne fera pas de concessions à ceux qui tenteront de survivre avec des outils désormais obsolètes : avec la polis, c'est en effet cette autre construction artificielle appelée raison qui s'est effondrée. La nouvelle ère, en montrant l'aspect le plus vrai de la vie, c'est-à-dire la confrontation entre des forces pures, rendra à nouveau protagoniste ce qui a été trop longtemps et injustement appelé l'irrationnel.
Renzo Giorgetti
16:31 Publié dans Philosophie, Théorie politique, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philosophie, philosophie politique, théorie politique, tradition, traditionalisme | |
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dimanche, 03 août 2025
L'« apoliteia » de Julius Evola, la révolte contre le monde moderne et le rôle de la Russie en tant que Katechon contre le mondialisme satanique
L'« apoliteia » de Julius Evola, la révolte contre le monde moderne et le rôle de la Russie en tant que Katechon contre le mondialisme satanique
Werner Olles
Depuis que l'ordre mondial globaliste et impérialiste de l'Occident collectif est en train de s'effondrer au profit d'un ordre mondial multipolaire dans lequel les peuples, les nations et les États exercent leur droit à l'autodétermination, une partie de la dite « nouvelle droite intellectuelle » est en effervescence. Ce qui ressort avant tout, c'est leur inertie intellectuelle et la surestimation totale de leurs propres « analyses », qui ne leur permettent pas de reconnaître que les États-Unis sont avant tout ce qu'ils ont toujours été et ce qu'ils seront éternellement : la première civilisation de gauche au monde, l'enfant mal aimé de l'Europe et une « expérience de la modernité » (Alexandre Douguine). En tant qu'émanation de la véritable droite, cela ne devrait toutefois pas nous empêcher de louer le président américain Trump pour ses mesures de politique intérieure anti-woke et en faveur de la remigration, tout en critiquant certains aspects de sa politique étrangère. Se perdre dans des théories dignes d'une cour de récréation ne mène toutefois à rien, car celles-ci restent nécessairement superficielles et sont donc dénuées de sens.
Que l'on soit encore enthousiaste ou plutôt désillusionné à l'égard de Trump après la débâcle américano-israélo-iranienne au Moyen-Orient n'a en principe qu'une importance secondaire. Qu'il s'agisse de trumpistes éternellement ravis ou d'ex-trumpistes profondément déçus, les deux postures sont tout aussi insignifiantes. Ce qui importe réellement, c'est de plonger plus profondément et plus sincèrement dans la sphère politico-spirituelle du monde de l'Antéchrist et du Katechon. Pour comprendre cela ne serait-ce que d'une manière simple, il faut toutefois étudier sérieusement et intensément les philosophies de Julius Evola, de René Guénon et bien sûr d'Oswald Spengler. Sans eux, on ne comprend rien et toutes les « analyses » ne valent pas le papier sur lequel elles sont imprimées. Pour une partie de la soi-disant « nouvelle droite », qu'elle se qualifie d'« antisioniste » ou de « pro-sioniste » – deux termes qui sont de toute façon relativement vides de sens –, tout cela semble toutefois être un terrain totalement inconnu. Au lieu de s'inspirer de Douguine ou des intellectuels américains Peter Thiel, Steve Bannon, Marjorie Taylor-Greene et Thomas Massie et de réfléchir à leurs thèses, ils théorisent et idéologisent tout à tout prix et avec un fanatisme exacerbé, soulignant leur propre grandeur et leur conviction absolue, sans percevoir le vide existentiel profond qui les habite. En réalité, il serait préférable pour la plupart d'entre eux de se replier sur leur propre spiritualité, ce qui est exactement le contraire du désengagement. Mais les sentiments enthousiastes du moment, qui n'ont pas de racines profondes, ont malheureusement encore trop souvent pour principales sources d'énergie la négativité, l'orgueil et l'arrogance.
Selon Alexandre Douguine, une nouvelle constellation politico-théologique-eschatologique de l'absolu métaphysique se profile, qui pourrait conduire soit à un cataclysme, une catastrophe destructrice, soit à un ordre mondial multipolaire de peuples et de civilisations libres. Cela expliquerait également pourquoi la religion, la philosophie, la géopolitique et l'eschatologie sont les éléments centraux d'une culture traditionnelle, comme nous pouvons le lire chez Oswald Spengler. Ainsi, Peter Thiel, Thomas Massie et Steve Bannon, les principaux architectes de la victoire de Trump, expliquent que le mondialisme est l'idéologie de la civilisation de l'Antéchrist, tandis que pour les juifs pratiquants, l'arrivée du Messie est imminente et le secrétaire d'État américain Marco Rubio a déclaré que les chiites iraniens attendent l'arrivée prochaine de l'imam Mahdi, qui annoncera la fin des temps, tandis qu'Evola parlait de l'ère du Kali Yuga, de l'âge sombre de la mythologie hindoue. Dans le même temps, on a appris que la droite paléo-américaine, avec Thomas Massie à sa tête, s'était fermement opposée à une intervention en Iran.
Mais quel est le rapport entre tout cela et Julius Evola et l'extrémisme de la non-ingérence dans les affaires militaires étrangères, absolument nécessaire et indispensable à toute véritable droite, que ces affaires se déroulent en Afghanistan, en Iran ou en Israël ? Cela ne peut s'expliquer que dans le contexte culturel d'une transcendance immanente au monde et d'une ontologie de tout ce qui vit, ainsi que dans l'adaptation par Evola du traditionalisme intégral.
Même l'extrême droite italienne, après son effondrement, avait presque totalement ignoré la vie culturelle du fascisme, bien que les essais écrits par Evola dans la revue Diorama, par exemple, fussent « une chose formidable », comme l'a avoué Pino Rauti (photo, ci-dessus) lors d'un de ses nombreux séjours en prison. D'autres intellectuels de droite, comme Marco Tarchi, voyaient dans la lecture d'Evola le danger d'un « mythe rendant incapable de faire de la politique » et perdaient ainsi la clé de son message traditionnel, tandis que le « Centre Studi Ordine Nuovo », fondé en 1954 par Pino Rauti, également rédacteur en chef du journal « Ordine Nuovo », le « mensuel de politique révolutionnaire » dans lequel Evola publiait régulièrement, et depuis la fin des années 1960, l'extrême droite et les sections du MSI considéraient la lecture d'Evola comme une sorte de rite d'initiation. Au plus tard dans les années 1970, Evola est devenu une icône de la jeunesse italienne de droite, et ce malgré le fait qu'il ait qualifié la marche sur Rome de Mussolini de « caricature d'une révolution » et critiqué son régime, de son point de vue aristocratique et traditionnel, comme étant trop « populiste », « matérialiste » et « dépourvu de toute spiritualité ».
Mais comme il le notait dans ses livres Révolte contre le monde moderne (« Rivolta contro il mondo moderno », 1934/1951) et Chevaucher le tigre (Cavalcare la Tigre, 1961), les forces du mal, les princes des ténèbres, étaient trop puissantes et les forces du bien beaucoup trop marginalisées dans la société moderne et décadente. Pour survivre dans cet environnement hostile, la jeunesse de droite devait adopter une « attitude attentiste », qu'Evola qualifiait d'« apoliteia ». Il fallait attendre le moment opportun, jusqu'à ce que le « tigre » – une analogie avec le monde moderne – soit trop fatigué et affaibli pour représenter encore un danger. Evola, qui s'est inspiré de l'histoire culturelle de l'humanité tout entière, notamment de la Grèce antique et de l'Inde classique, mais aussi de la spiritualité du bouddhisme, de l'hindouisme et du monde mythologique anglo-saxon, ne prône en aucun cas la résignation ou le repli sur soi, mais plutôt la prévention des actions kamikazes. De plus, il juge totalement inacceptable de défendre le statu quo du passé récent, c'est-à-dire le monde de la bourgeoisie, déjà complètement contaminé par les idées libérales et égalitaires de gauche. Il n'est pas question de négocier avec la subversion, car faire des concessions aujourd'hui signifierait être définitivement vaincu demain. Mais lorsque le moment opportun se présentera, il faudra alors passer à l'action avec une violence pure. La métapolitique d'Evola ne découle donc pas des sentiments actuels de désillusion et d'impuissance, de frustration, de soumission ou de résignation apathique, mais du fait que la droite fait ce qui doit être fait, tout en étant prête à mener une bataille perdue d'avance. Pour Evola, « l'héroïque dans l'histoire » – qui est d'ailleurs le titre d'un livre de Thomas Carlyle (photo, ci-dessous), un érudit écossais du temps de l'Angleterre victorienne passionné par la culture intellectuelle allemande – occupe toujours la première place, tout comme la tradition, qui repose sur des principes métaphysiques transcendantaux.
Si la philosophie d'Evola est aujourd'hui plus que jamais recherchée par les philosophes russes, les traditionalistes et les néo-eurasiens comme Alexandre Douguine et les conservateurs américains comme Steve Bannon et l'Alt-Right, et si, depuis les années 1980, la droite métapolitique paneuropéenne s'intéresse également à Evola – même si cette dernière a encore aujourd'hui du mal à la décrypter en raison de sa complexité et la comprend malheureusement souvent de travers –, c'est parce qu'il rejetait le national-socialisme allemand comme une aberration, critiquait son orientation moderniste et biologiste et mettait en avant ses propres principes traditionalistes face à ces dérives. Pour les nazis, il restait un « Romain réactionnaire » dont le rêve d'un nouvel empire romain et la conception de la race n'avaient rien à voir avec la vision purement biologiste d'un Alfred Rosenberg ou d'un Heinrich Himmler, vision qu'Evola qualifiait d'« infantilisme spirituel ». Il interprétait au contraire la « race » dans un sens transcendantal, comme une culture. Élite et aristocratie, il prônait un « racisme de l'esprit et de l'âme ».
Dans le sillage du mouvement de 1968, le président du MSI, Giorgio Almirante, qualifiait Evola, non sans raison, de « notre Marcuse de droite, mais en mieux ». Pour Douguine, tout comme René Guénon, auquel Evola fait souvent référence, il est aujourd'hui un défenseur d'une société spirituelle traditionnelle, car en réalité, la guerre de l'Occident collectif ne se déroule pas seulement sur les plans économique, militaire, politique et culturel, mais aussi sur le plan religieux. Alors que les médias pro-OTAN sont désormais tombés dans le terrorisme pur et dur, que les politiciens vassaux de l'UE et de l'OTAN mentent effrontément à leurs populations jour après jour, et de fausses informations, l'Occident collectif, avec son alliance militaire agressive qu'est l'OTAN, prépare une politique cohérente de destruction des pays européens et d'asservissement de la Russie, et tente d'empêcher la Russie de mener à bien son opération pour imposer la paix. Néanmoins, le combat principal est aujourd'hui moins militaire que culturel. Il est d'autant plus important de réveiller les consciences des gens à la vérité de la tradition et d'éclairer les peuples sur le rôle de la Russie en tant que Katechon, en tant que frein au mal incarné par l'Antéchrist, représenté par le mondialisme, le libéralisme, le gnosticisme, l'antimoralité de l'UE et de l'OTAN, l'État profond européen, la bureaucratie bruxelloise secrète et mafieuse avec ses innombrables scandales de corruption et ses révolutions colorées, dans les préparatifs de guerre mégalomaniaques et meurtriers contre la Sainte Russie, dans l'hypocrisie et le mépris des politiciens mondialistes envers leurs propres peuples manipulés, auxquels ils servent des paillettes démocratiques, bonnes pour les seuls idiots, dans les perversions des femmes LGTB barbues et des pédophiles, dans l'innovation de tous les vices sataniques promus par la législation, comme par exemple la légalisation de l'avortement jusqu'à la naissance, un holocauste de millions d'enfants à naître auxquels on refuse le droit à la vie, dans la légalisation délibérée de la décomposition de la liberté d'expression, de parole et de réunion des citoyens, dans la « melonisation » de la droite qui, selon l'influenceuse conservatrice espagnole Ada Lluch (photo, ci-dessous), prouve que la démocratie est une illusion, à savoir une « démonocratie », que nous ne sauverons jamais l'Occident parce que la politique dominante est contrôlée par des forces maléfiques, et que la libération et la résurrection de notre continent vieillissant, envahi et occupé par des peuples étrangers et hostiles, de l'UE et de sa nomenklatura idiote, corrompue et politico-criminelle devraient figurer en tête de l'agenda libéral-conservateur-droite.
L'« apoliteia » d'Evola signifie donner un sens révolutionnaire à notre combat, contrairement à la simple érudition de salon, et faire renaître les racines cachées de notre civilisation, de notre culture, de notre tradition, de notre histoire et de notre spiritualité.
Werner Olles
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vendredi, 25 juillet 2025
Cosmogonies
Cosmogonies
par Francesco Petrone
Source : https://www.ariannaeditrice.it/articoli/cosmogonie
L'étrange affinité entre la cosmogonie de la Renaissance et celle des Upanishads
La Renaissance est considérée comme une époque où s'est forgée l'identité de la civilisation occidentale. Ce sentiment est probablement renforcé par le fait que cette période est principalement étudiée sous l'angle de l'esthétique, de la plasticité des formes, de la perspective, du rationalisme urbanistique, de l'équilibre des volumes et du prétendu individualisme. Il existe un autre aspect de cette période historique importante, une transcendance de type quasi initiatique et magique. Il s'agissait cependant d'une «Magia Naturalis», illustrée par l'érudit napolitain Giovan Battista Della Porta.
L'auteur souhaitait étudier les secrets de la nature qu'Héraclite affirmait aimer cacher. Ce qui se développait à cette époque heureuse était une conception mystique associée à une spiritualité de type cosmologique. Ce réveil culturel qui a touché l'Italie, avant de déborder sur toute l'Europe, était imprégné d'une profonde religiosité à saveur presque ésotérique qui, bien qu'elle n'ait eu aucun point de contact, était très similaire à certaines doctrines orientales. La philosophie platonicienne et néoplatonicienne semble fournir à la Renaissance certains éléments analogues à une certaine religiosité indienne. On pourrait penser à un lien avec l'Orient à travers la philosophie platonicienne, mais nous savons que ces élaborations spirituelles étaient des systèmes de pensée éloignés les uns des autres dans le temps et dans l'espace.
De plus, il semble y avoir un peu moins d'un demi-millénaire entre les écrits de Platon et la rédaction des Upanishads. Malgré cela, nous sommes surpris par les incroyables similitudes. Les deux philosophies accordent de l'importance à un principe transcendant, l'Un pour Platon et le Brahman pour l'hindouisme, d'où émaneraient toutes choses. Dans le néoplatonisme, l'âme est conçue comme une entité intermédiaire entre le monde divin et le monde matériel. De ce principe découle le concept, tout à fait renaissanciste, de l'homme au centre de l'univers, concept qui veut exprimer le même principe, un pont entre la matière et Dieu. De même, dans l'hindouisme, l'âme (Atman) est une étincelle divine piégée dans le cycle des renaissances. De plus, à la Renaissance, nous avons le concept de Philosophia perennis ou « théologie arcane », une tradition primordiale à la saveur presque métahistorique. Cette définition semble présenter de profondes analogies avec le concept de « Sanatana Dharma », littéralement « loi éternelle » ou « doctrine éternelle », qui serait le véritable nom de l'hindouisme.
Dans les deux cas, il est question d'une vérité universelle intemporelle qui, historiquement, se serait dispersée en multiples filets. Les Romains parlaient de Mos Maiorum, les coutumes des anciens, que les Romains considéraient comme ayant été transmises par leurs ancêtres. À la Renaissance, on retrouve le concept d'une entité divine vivant dans l'univers lui-même.
Le philosophe du 16ème siècle Bernardino Telesio (illustration), reprenant le concept d'un univers imprégné d'essence divine, et par conséquent la nature serait dotée, pour lui, de ses propres lois, en arrivant à concevoir chaque chose comme dotée d'une âme ou d'une sensibilité, une forme de panpsychisme.
C'est exactement le contraire de la philosophie cartésienne. Tommaso Campanella hérite de ces principes de Bernardino Telesio et suppose lui aussi qu'il existe une âme dans de nombreuses parties de l'univers imprégnées de Dieu qui nous semblent inanimées mais qui auraient une intelligence ou du moins une conscience, même si elle est différente de celle que nous concevons. C'est un principe que l'on retrouve également dans certains courants du jaïnisme et dans une école particulière du bouddhisme, l'école Mahayana Tien Tai. Cette forme de pensée considère que ce que nous appelons la conscience n'est pas une exception mais une caractéristique fondamentale de l'univers, même si elle ne se manifeste pas à nous. Ce sont des écoles de pensée que l'Orient qualifie d'insondables.
En Italie, un autre philosophe, Agostino Steuco (illustration), érudit et philologue, traite de la « philosophie pérenne ». Pour en revenir à Campanella, le philosophe dominicain, lui aussi homme de la Renaissance, conçoit un univers vivant et intelligent où tout participe à la connaissance. Nous savons qu'il n'y a pas eu d'influences, mais l'affinité avec certains aspects de l'hindouisme et de certaines écoles bouddhistes est indéniable.
Le philosophe Karl Jaspers, décédé au siècle dernier, a également remarqué certaines similitudes entre des mondes aussi éloignés que la Grèce et l'Inde, et l'a justifié par sa théorie des périodes axiales de l'histoire au cours desquelles différentes traditions philosophiques et religieuses se seraient développées dans diverses parties du monde. Une méthode différente pour justifier de nombreuses analogies soulignées par la philosophia perennis. Ces analogies ont également été observées par un célèbre théologien, le cardinal français Jean Marie Danielou, dans son essai où il décrit les profondes affinités entre Dionysos et la divinité indienne Shiva.
À la Renaissance, à l'Académie néoplatonicienne de Careggi à Florence, en étudiant Platon et en traduisant, comme l'a fait Marsilio Ficino (portrait), le Corpus Hermeticum, ils pensaient jeter un regard sur les anciennes traditions de la Méditerranée et, sans le vouloir, ils ont construit un pont spirituel avec l'Inde, anticipant de plusieurs siècles le romantisme de Friedrich Schelling ou les études menées après la découverte en Europe des écrits de l'Inde ancienne. William Jones présenta en 1786 un essai dans lequel il soulignait la similitude entre le sanskrit, le grec et le latin. Au siècle dernier, le philologue et spécialiste des religions Georges Dumézil, dans une étude comparative des religions, découvrit que certains rites de la religiosité archaïque romaine étaient tout à fait similaires à des rites que l'on retrouvait dans l'hindouisme. Un seul exemple est celui des deux sœurs qui portaient un enfant au temple et représentaient l'aurore, le lever du soleil et le nouveau soleil.
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La fable chrétienne et le mythe
La fable chrétienne et le mythe
Claude Bourrinet
Le christianisme, issu du judaïsme, n'était pas armé conceptuellement, pour comprendre le paganisme. C'est un truisme. Il n'est qu'à lire par exemple La Cité de Dieu, de Saint Augustin, pour constater que l'évêque d'Hippone ne saisissait pas la complexité polysémique et pluridimensionnelle, de la Weltanschauung gréco-romaine. Le lien religieux, au tournant du 5ème siècle, tant du reste chez les chrétiens, que chez les néoplatoniciens, se résolvait en une relation morale entre l’existence et Dieu, relation justifiée par le suprahumain, qui porte sens. Toute la traduction de l'histoire de l'empire romain pivote autour de la question nodale de la vertu – non au sens antique de valeur, de force éthique, mais dans l'acception que le terme a fini par prendre, de probité, d'honnêteté, de décence, de pureté, bref, de convenance avec le Bien en soi. Pour autant, Augustin a beau jeu de souligner combien l'élite romaine usait de cette manière de juger la religion en critiquant l' « immoralité » des dieux du panthéon. Il note ce jugement chez un Pline l'Ancien, par exemple. En vérité, l'épistémè « païenne » correspondait, de facto, à celle des chrétiens, en cette fin du paganisme, c’est-à-dire à partir du triomphe de Constantin. Il existait de nombreux ponts entre le monde nouveau et le monde ancien.
Quoi qu'il en soit, le rationalisme occidental, même quand il fut antichrétien, partagea ce mépris pour les « superstitions » païennes, y voyant, au mieux, un divertissement pour écoliers ahanant sur des exercices latins ou grecs, au pire, des contes pour les paysans arriérés, voire de la sorcellerie. Christianisme et scientisme sont tombés d'accord pour conférer au polythéisme un rang civilisationnel inférieur, puéril, dans la longue marche de l'humanité, qui doit aboutir au nettoyage de toutes les impuretés irrationnelles dans la vie, comme dans la cité. De là, par exemple, la répulsion pour le panthéon fourmillant de dieux grands ou petits de l'Hindouisme, ou bien, paradoxalement, a contrario, l'attirance irrésistible pour lui de la part d'Occidentaux las de trop de rationalisme.
L'accord entre christianisme et rationalisme modernes s'est aussi effectué sur un terrain commun, celui de l'Histoire. Pour les Juifs et les Chrétiens, la Bible, longtemps, a conté des faits datés, et prétendument avérés. On évaluait, sous l'Ancien Régime, l'histoire humaine, à quelque six mille ans. Je passe les détails chronologiques, en ce qui concerne la durée qui était censée nous séparer de la Création, mais le comput très compliqué qui était pratiqué en cette matière était sujet à débats. Toujours est-il que la conception commune avait pour socle la véracité des faits contés. Il ne faisait guère de doute que David eut existé, qu'il fut roi de Jérusalem, et que la Ville sainte fut une cité riche et resplendissante (ce que, maintenant, les archéologues contestent), et que Jésus ressuscita le troisième jour de sa crucifixion.
Il est vrai que l'Eglise actuelle évite de s'appesantir sur les miracles, très nombreux dans le Nouvel Evangile, sauf à y voir des allégories. On ne met pas expressément en doute la transformation de l'eau en vin, mais cette mutation passe pour traduire une métanoïa spirituelle, soit collective, soit individuelle. On se gausse en général qu'une demoiselle se transforme en buisson, ou qu'un gentilhomme malchanceux devienne un cerf dévoré par les chiens de Diane (dont la seule existence supposée suscite le sourire ou la moue méprisante), mais on n'osera pas démentir l'Evangile qui évoque l'exfiltration, par la volonté de Jésus, des démons résidant chez des porcs, ou dans un possédé, et se mettant à galoper comme des lapins.
On ne sortira pas de ces apories si on pose comme postulat l'existence d'un seul et unique mode de perception et d'interprétation, de fait tributaire de la valeur que l'on accorde à des traditions religieuses. Pour un chrétien, que la Vierge lui apparaisse soudainement fait partie des choses possibles. D'innombrables cas de cette espèce en attestent la réalité. En revanche, le païen, qui vivait en adéquation constante, dans sa vie quotidienne ou dans ses actions politiques, avec les dieux de la cité, aurait bien été surpris si Zeus lui fût apparu au détour d'un chemin, bien qu'une telle situation ne fût pas rare dans les mythes.
Paul Veyne s'est demandé si les Anciens « croyaient » à leurs mythes. C'est en fait une question qui n'appartient qu'à un monde où la « foi » est devenue le fondement du lien religieux. Les païens n'avaient pas la « foi » (qui est une adhésion toute subjective), mais considéraient que le monde, qui était bien fait, avait été compartimenté en plusieurs domaines, et que les dieux avaient le leur, comme les hommes, ou les animaux, et que, parfois, il pouvait y avoir des passerelles. Mais ce cadre était pour ainsi dire « objectif », et tenait le cosmos, à la suite de quoi les rites étaient bien utiles pour cimenter le tout.
Il se peut en outre que les quatre Evangiles, pour ne pas parler de l’Ancien Testament, qui, somme toute, appartient à la même catégorie littéraire, soit le prototype de tout roman moderne. La fiction contemporaine, dont l’on peut dater la naissance au 12ème siècle, avec les récits de la « matière de Bretagne », passe conventionnellement pour transcrire la réalité (qu’elle soit « réaliste », ou « fantastique », l’essentiel étant qu’elle soit « vraisemblable », c’est-à-dire respectant les codes du genre), et ce, à partir d’un protocole psychologique de lecture, d’un « pacte », selon lesquels il va de soi, durant le procès de lecture, et même après, comme une traînée atmosphérique, que ce qui est raconté est « vrai ». Quand on lit un roman de Chrétien de Troyes, les fées sont aussi chargées de réalité que la locomotive de La Bête humaine, de Zola. La prise de distance critique relève d’une autre dimension de l’existence, comme le monde profane est séparé du monde de la sacralité. Le roman est du « mentir-vrai ». Il arrive même que les faits racontés émeuvent davantage que les faits vécus dans la vie vernaculaire. Julien Sorel est plus vivant que mon voisin.
Or, tout se passe comme si les Evangiles proposaient ce genre de « pacte ». On présente comme une « preuve » de la résurrection du Christ, non seulement le témoignage de femmes, mais aussi, entre autres, le fait que Thomas, le sceptique, soit convaincu (et nous avec) de la réalité christique par l’acte de toucher les plaies de Jésus. Le croyant naïf se satisfait de cette démonstration, et l’Église aussi, en l’érigeant comme l’archétype de l’attestation indiscutable, témoignage pourtant qui ne dépasse pas les bornes de ce qui est raconté-lu, de la « legenda ». Il aurait fallu un témoignage contemporain qui ne fût pas celui d’un chrétien. Et encore ! Tous les historiens actuels d’un temps aussi reculés (et même plus proche de nous) savent combien il est difficile de « prouver » la réalité d’un fait, et même chez les meilleurs historiens de ces époques, comme Tacite, Suétone etc. Ce n’est qu’en recoupant les témoignages que l’on peut donner quelque crédit à une assertion. Bref, le croyant fait du bovarysme, en accordant pleinement, avec tout son coeur, la confiance à un récit qui n’a aucune valeur historique.
Le christianisme, néanmoins, a pu bénéficier d’un doute favorable, parce qu’il est une religion de l’Histoire, et qu’il a appuyé son eschatologie et ses révolutions internes (par exemple, le césaropapisme, ou bien le papisme de Grégoire VII - icône, ci-dessus), sur l’Histoire des hommes. Dans les Evangiles, d’ailleurs, combien de fois se soucie-t-on d’inscrire la geste de Jésus dans la réalité de la société juive de l’époque ! La religion du Christ est une spiritualité qui ne peut que reposer sur des faits qui ne reviennent jamais. Ce qui est fait, est fait. C’est une force, mais aussi une faiblesse, si ces « faits » sont mis en doute.
Mais quand les sciences du temps long, le naturalisme, la zoologie, la paléontologie, la géologie, les sciences de la préhistoire et de la longue durée, au 19ème siècle, se sont imposées, il y eut un conflit violent entre cette vision diachronique de l’évolution des espèces, de la nature, et ce qui est proposé dans la Bible, surtout vétérotestamentaire. En reculant indéfiniment l’âge du monde, et l’apparition de l’homme, on mit en cause les « vérités » bibliques. L’Église anglicane, notamment par la voix de W. Buckland, tenta de faire la part du diable, en récupérant certaines découvertes, comme les fossiles d’animaux plus ou moins géants, enfouis dans les strates profondes de la terre, en affirmant qu’il s’agissait de bêtes noyées par le Déluge. Mais la Genèse ne pouvait être inscrite dans le grand Récit positiviste de la science de la Terre et des espèces. Le singe taquinait Adam et Eve.
Le christianisme, en prétendant être en adéquation avec l’histoire positive, refusait le mythe, contrairement au paganisme. Pour lui, le mythe, la « fable », le « mythos », c’est du mensonge. Qu’Europe soit enlevée par Zeus transformé en Taureau blanc, c’est une fabulation. Qu’Adam et Eve ait croqué le fruit de l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal, et que le Serpent leur ait suggéré de devenir des dieux, c’est ce qui arriva vraiment. Que Prométhée ait volé le feu à Zeus, et qu’il en ait été puni en étant attaché au mont Caucase, son foie dévoré éternellement par un vautour, c’est de la fable d’ivrogne.
Le mythe, faut-il le rappeler, est un récit (mythos) expliquant pourquoi les choses sont comme cela. En quelque sorte, il fait concurrence à la démonstration scientifique, mais en se déroulant sur un autre mode, celui de l’imaginaire. Il n’en est pas moins aussi efficace. Les hommes, durant un temps immense, peut-être 99 % de leur existence en tant qu’hommes, ont construit leur vie sur des visions mythiques. Ils le font encore. Mais ces mythes, pour autant qu’ils donnaient du sens aux actions, à la vie, se situaient « in illo tempore », en ce temps-là, comme on dit dans les contes. Ils étaient « vrais », mais en même temps, ils appartenaient à une dimension qui était celle des dieux, ou à un âge où ceux-ci étaient très présents.
En refusant la légitimité du mythe, en alléguant une véracité historique pleinement qu’il ne pouvait avoir, le christianisme s’est condamné à entrer violemment et frontalement en conflit avec les sciences du temps. Il n’allait pas en sortir indemne. En revanche, le paganisme, qui a toujours distingué des ordres innombrables de réalité, peut gérer des contradictions, qui n’en sont pas, car elles relèvent de la multiplicité des états d’être. L’unilatéralité, l’intolérance, la réduction du champ d’interprétation de l’histoire humaine ou naturelle, qui marquent le judaïsme et ses avatars, les condamnent au sort du chêne orgueilleux et rigide brisé par la tempête, tandis que le roseau plie, mais ne rompt pas.
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lundi, 07 juillet 2025
La noblesse de la défaite dans la culture japonaise entre mort et éternité
La noblesse de la défaite dans la culture japonaise entre mort et éternité
Les éditions Medhelan publient en Italie le volume d’Ivan Morris sur l’honneur et l’action des chevaliers et samouraïs, combattant au nom de l'«héroïsme».
par Manlio Triggiani
Source: https://www.barbadillo.it/122402-segnalibro-la-nobilta-de...
L’écrivain anglais Ivan Morris (1925-1976) consacra de longues années d'études à la tradition héroïque japonaise. Britannique, diplômé d’Harvard en langue et littérature japonaise, il fut écrivain et chercheur sur la culture nippone. Connaissant bien cette culture, il fut envoyé à Hiroshima le 6 août 1945, en tant qu’interprète, après l’holocauste causé par l’aviation américaine.
Morris, ami de Mishima
Il rencontra Yukio Mishima (1925–1970), dont il devint l'ami et qui l’incita à étudier la tradition héroïque et à apprécier le code de conduite des Japonais de Tradition. Au cours de ses études, il découvrit la différence entre l'Occident et l'Orient: pour la culture occidentale, l’échec, la non-réalisation d’un projet, la défaite dans un combat, sont une honte, et le suicide est contraire à la religion chrétienne et à la morale commune. Pour la culture bouddhiste et l’éthique chevaleresque des samouraïs, en revanche, la défaite et le suicide sont une affirmation de soi, un geste qui sera rappelé par les générations suivantes, créant autour du défunt une aura d’héroïsme. Probablement, le vainqueur ne restera pas dans la mémoire collective comme le perdant. Ivan Morris, dans un livre utile pour comprendre la mentalité et la vision du monde des peuples d'Extrême-Orient, La noblesse de l'échec, examine le désir d’honneur à travers dix cas de samouraïs et de chevaliers depuis 72 après J.-C., avec, en premier lieu, le prince Yamato Takeru, figure typique du héros japonais, puis, peu à peu, jusqu’aux samouraïs plus récents comme les kamikazes.
Il décrit l’éthique du samouraï, la psychologie japonaise, et surtout celle des héros japonais, en retraçant un millénaire d’histoire japonaise. Morris a dédié le livre à son ami Mishima et a appris à admirer les vaincus. On peut se demander: d’où venait ce charme pour des personnages qui perdent la vie de façon violente et sans hésitation, comme si la mort était quelque chose de recherché, peut-être même dès le plus jeune âge ?
Les assises culturelles du Japon
L'éditeur du livre, Marcello Ghilardi, analyse, dans l’introduction, les bases culturelles et religieuses de la formation japonaise traditionnelle. Il met en évidence que la composante religieuse et culturelle qui a façonné le Japon se divise en trois courants principaux: le shinto (qui peut se traduire par la “voie des dieux”, seul élément d’origine vraiment japonaise, codifié rétrospectivement entre les 17ème et 18ème siècles, mais le terme était déjà en usage au 16ème siècle), le confucianisme et le bouddhisme.
Le shinto a constitué un ensemble cohérent de pratiques qui a conservé au fil du temps ses références conceptuelles. La vertu shintoïste de la pureté se relie à celle, confucéenne, de sincérité, d’honnêteté, de fiabilité. Car, selon la mentalité japonaise, la fidélité à la parole donnée et le respect des engagements sont fondamentaux. D’où la fidélité envers ceux à qui l’on a prêté allégeance. Et la mort n’est pas considérée comme inutile, bien au contraire, elle est vue comme la parfaite coïncidence entre ce que l’on est et l’image à laquelle on aspire à adhérer.
La méditation sur « l’impermanence » est une constante de l’enseignement bouddhiste, qui dérive de Siddharta le Bouddha, ayant vécu en Inde entre le 6ème et le 5ème siècle avant J.-C., selon lequel « une personne ordinaire, ou un moine, voit le monde ainsi : ‘Ceci est le Soi, ceci est le monde ; après la mort, je serai permanent, impérissable, éternel, et je ne serai pas soumis au changement ; je durerai pour l’éternité’ ».
La mort et l’éternité
C’est un enseignement qui mène à l’habitude de l’impermanence, par le détachement du Soi, en tenant compte du fait que l’impermanence est propre à toutes les réalités — selon l’enseignement bouddhiste — qu'elles soient physiques ou métaphysiques, visibles ou invisibles. Il est évident que pour les civilisations comme l'occidentale, ces discours ne paraissent pas convaincants: l’homo oeconomicus privilégie le bien-être matériel, la réussite professionnelle, l’accumulation d’argent, la vie confortable.
Ainsi, Ivan Morris, dans ce livre plein d’enseignements, explique que les hommes de valeur, qui affrontent l’ennemi, finissent souvent comme perdants. Selon l’opinion occidentale, celui qui perd doit être méprisé, c’est un perdant qui ne peut pas être admiré. La philosophie japonaise, en revanche, enseigne qu’il vaut mieux sortir vainqueur en ayant appris quelque chose, plutôt que de gagner sans rien apprendre. Un proverbe japonais dit : “Tomber sept fois, se relever huit fois”. La confrontation avec soi-même est prioritaire. Ivan Morris, dans ce livre, décrit plusieurs biographies d’hommes passés à l’histoire comme des perdants mais, en même temps, comme des hommes d’honneur et de valeur, ayant traversé divers degrés de défaite. Pourtant, le niveau de dignité qui peut émerger du comportement de ces demi-dieux, guerriers, samouraïs, nobles et chefs, est élevé. Morris explique bien comment une vie finissant dans la défaite et la mort peut laisser le souvenir de la force, de l’honneur, du courage et du caractère.
Ivan Morris, La noblesse de l'échec, Medhelan éd., 500 pages, 28,00 euros (traduction Francesca Wagner, préface de Marcello Ghilardi). Commandes : www.edizionimedhelan.it
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lundi, 23 juin 2025
Réflexions sur la souveraineté, la main gauche et les machines de guerre
Réflexions sur la souveraineté, la main gauche et les machines de guerre
Juan Gabriel Caro Riviera
La souveraineté a deux facettes : l'une chaotique et guerrière, l'autre ordonnée et législative. De Mitra-Varuna à Romulus-Numa, l'histoire montre comment les sociétés oscillent entre l'élan dionysiaque de la conquête et la stabilité apollinienne de la loi. En explorant les mythes indo-européens et l'oeuvre de penseurs tels que Dumézil, Evola et Deleuze, Juan G. C. Riviera enquête sur les « machines de guerre » qui défient l'État et propose une relecture de la tradition pour faire face à la stagnation moderne.
Dans son ouvrage sur Mitra-Varuna, Georges Dumézil établit que la souveraineté a deux facettes : l'une anarchique, l'autre législative. Les dieux indo-européens vont toujours par paires et représentent les deux facettes de la souveraineté: Mitra-Varuna, Odin-Týr, Mars-Jupiter, etc. D'un côté, nous avons le dieu guerrier, chef des batailles, des armes, des voyages et de la mort, et de l'autre, le dieu des lois, des contrats, du nomos et des limites.
Les premiers sont les dieux dont la fonction est le conflit et autour desquels s'organisent les ligues masculines conquérantes (Mannerbünde) qui, par le biais de rituels statiques, de l'usage de drogues et d'activités militaires, se constituent en bandes armées qui établissent leur domination sur un temps et un lieu déterminés. Lorsque ces bandes anarchiques parachèvent leurs conquêtes, des pactes sont établis qui norment la terre, délimitent l'espace et segmentent le monde pour l'organiser. Cette deuxième étape est dominée par les dieux dont la souveraineté s'exprime à travers le nomos, la loi, et qui établissent une certaine tradition basée sur les coutumes et la morale particulières des habitants d'un lieu.
Selon Dumézil, ce schéma se retrouve chez les hindous et la division entre les ghandarvas et les brahmanes ou chez les Romains dans leur division entre Lupercalia et Flamins. Dans la tradition hindoue, les ghandarvas sont des guerriers sans loi qui mangent de la viande, consomment des drogues et font des choses que les brahmanes ont l'interdiction de faire en raison des lois strictes imposées à leur caste. Il en allait de même pour les Lupercales romaines, qui étaient en quelque sorte une représentation anarchique de la fondation de Rome et qui ont progressivement perdu leur place jusqu'à être réduites à une fête et à un culte de la fertilité.
Dans le cas de Rome, la différence entre les Lupercales et les Flamines est établie dans l'histoire de la fondation de la ville par le duo Romulus-Numa. Romulus est le fils d'une louve, un chef guerrier qui rassemble autour de lui des bandits, des voleurs et des criminels pour établir les limites de Rome. Romulus tue son frère, enlève des femmes sabines pour obtenir des épouses pour ses hommes et mène toutes sortes d'expéditions militaires pour piller la région environnante. Après la mort de Romulus, Numa prend sa place, étant tout le contraire du premier. Contrairement à Romulus, Numa rédige des lois, organise l'espace de la ville, distribue des terres, enseigne le culte des dieux, établit le calendrier et fixe les directives de la vie civique. Romulus est représenté comme un jeune homme, tandis que Numa est représenté comme un vieil homme.
Dans ces exemples mythiques et historiques, nous pouvons trouver les deux fonctions de la souveraineté: l'une basée sur la partie maudite, la transgression et l'ouverture (Georges Bataille) et l'autre basée sur l'état d'exception, l'ordre et la fermeture (Carl Schmitt). La première est ce que nous pourrions appeler la voie dionysiaque et la seconde, une forme apollinienne. Ces deux aspects de la souveraineté sont complémentaires et ne peuvent être considérés comme opposés l'un à l'autre. En fait, on pourrait dire qu'ils se produisent en grande partie en parallèle, et que chaque société oscille entre les deux pôles. Toute société passe par une période de fermeture, de hiérarchie, de tension et d'ordre, mais aussi par une période d'ouverture, de déstructuration, de relâchement et de désordre.
On pourrait dire que les dieux et les chefs militaires, réunis autour des ligues masculines (Mannerbünde), sont les représentants de la Main gauche, tandis que les dieux législatifs et contractuels sont les représentants de la Main droite. Ce qui est interdit aux adeptes de la Main droite est permis aux adeptes de la Main gauche. La seule façon de rétablir un monde traditionnel, à une époque où tous les éléments qui ont rendu possible la Main droite ont disparu, est précisément d'aborder les fondements de la Main gauche et d'éveiller nos facultés dionysiaques atrophiées par la civilisation contemporaine.
Ces réflexions ont sans aucun doute inspiré de nombreux grands chercheurs et penseurs du 20ème siècle, tels que Julius Evola et Mircea Eliade, qui ont tenté de reconstruire les rituels chamaniques des anciennes ligues masculines indo-européennes avec leurs cultes du loup, leurs guerriers vêtus de peaux d'animaux qui se transformaient en ceux-ci et l'utilisation de masses guerrières et de techniques de guerre inspirées par le comportement de ces différentes espèces d'animaux. Le mythe de Zalmoxis, étudié par Eliade, montre que les anciens Romains, les Daces et les Mongols se considéraient comme les descendants des loups. Zalmoxis, le Hercule dace, était aussi un représentant de ces rites chamaniques.
En ce sens, les Mannerbünde et leurs défenseurs (Evola, Blüher, Wikander, Höfler, Eliade et autres) voulaient revenir à la religion originelle des Indo-Européens, qui était basée sur un culte dont les principales caractéristiques sont la vénération des morts, les festivals sacrificiels orgiaques, le lien avec les organisations martiales et une attitude positive envers les forces obscures et démoniaques de la vie, où ses adeptes utilisaient une masse et combattaient au corps à corps avec des animaux sauvages. Les Ghandarvas hindous, les Maruts iraniens, les centaures grecs et les Berserkers nordiques sont des exemples de ces confréries masculines.
On peut certainement affirmer ce qui suit: tandis que dans la tradition du Sud (l'hindoue, la grecque, la romaine, etc.), le culte des dieux législateurs a fini par prédominer, dans la tradition du Nord, le culte des dieux anarchiques tels qu'Odin a perduré beaucoup plus longtemps et les confréries masculines ont joué un rôle important jusqu'à une période historique avancée. Cependant, on peut dire que la Voie de la Main Gauche ne s'est jamais totalement établie dans les sociétés du Sud, mais le fait que des cultes tels que ceux de Dionysos et de Shiva aient toujours refait surface en est la preuve a contrario. Il en va de même pour d'autres traditions.
Il est intéressant de noter que des auteurs postmodernes tels que Deleuze et Guattari, dans Mille Plateaux, consacrent un chapitre entier à l'analyse de Mitra-Varuna par Dumézil, intitulé « Traité de nomadologie : la machine de guerre ». Deleuze et Guattari soutiennent que les dieux indo-européens tels que Mitra et Varuna ne contrôlent pas leurs propres machines de guerre (leurs guerriers), mais ont tendance à conclure des pactes avec des guerriers indépendants et indomptables, tels qu'Indra, qui ont leurs propres lois et règles. Les guerriers sont indépendants des pactes et des rites promus par les dieux anarchiques et législatifs et établissent des relations avec ces derniers pour différentes raisons. Le guerrier Indra peut libérer des individus asservis par des dettes et établir ses propres lois selon ses idées.
La machine de guerre est extérieure à l'État et aux lois les plus strictes de la civilisation. Alors que le Dieu législateur ordonne et organise le monde pour attribuer à chaque personne sa place, la machine de guerre est nomade et en mouvement constant. Deleuze et Guattari considèrent que la science de l'État est la science de l'immobilité, du lourd, du macro, tandis que la science de la machine de guerre est la science du mouvement, du pouvoir et des forces agissantes. Ici, Deleuze et Guattari s'inspirent largement des idées de Nietzsche et considèrent les conquêtes mongoles, l'expansion de l'islam et les constructeurs de cathédrales gothiques comme différentes incarnations de cette « science mineure » nomade basée sur la force et le mouvement.
En ce sens, l'anthropologie anarchique de Pierre Clastres et la nomadologie de Deleuze-Guattari constituent une analyse intéressante des ligues masculines et des machines de guerre politiques. Les ligues masculines ne sont pas nécessairement identifiées à l'État, même si dans certains cas, les rois ou les empereurs sont issus de ligues masculines. Dans certains cas, ces ligues masculines deviennent la garde qui protège le roi de ses ennemis, mais elles peuvent aussi être les principales instigatrices de guerres civiles. Lorsque les machines de guerre sont interdites et persécutées par l'État, elles peuvent finir par devenir des gangs criminels, voire terroristes, qui attaquent les formations ordonnées par l'État.
De ce point de vue, nous pouvons dire que notre objectif actuel doit être de faire revivre les machines de guerre comme moyen de détruire le monde moderne, en unissant le prémoderne et le postmoderne, l'archaïque et le futur. Promouvoir la figure du héros tragique, qui affronte son destin, est le seul moyen de mettre fin à la stagnation actuelle.
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dimanche, 22 juin 2025
L’Iran: l’un des principaux socles de nos origines indo-européennes
L’Iran: l’un des principaux socles de nos origines indo-européennes
Pierre Emile Blairon
« Regardons-nous en face. Nous sommes des Hyperboréens – nous n’ignorons pas à quel point nous vivons à l’écart. « Ni par terre, ni par mer, tu ne trouveras le chemin qui mène chez les Hyperboréens » : voilà ce que Pindare savait déjà de nous. Par-delà le nord, la glace, la mort – notre vie, notre bonheur… Nous avons découvert le bonheur, nous connaissons le chemin, nous avons trouvé la voie pour sortir de millénaires entiers de labyrinthe. Qui l’a trouvé, à part nous ? »
C’est ce qu’écrivait Nietzsche dans L’antéchrist en 1896.
Qui sont donc ces « Hyperboréens » qui seraient nous-mêmes et dont très peu de personnes ont entendu parler ? Eh bien, il s’agit de nos plus lointains ancêtres, le peuple-source dont nous sommes issus [1], dont la grande ethnie indo-européenne est issue [2], une ethnie dont nos ennemis ne veulent considérer que l’aspect linguistique et qui est composée à l’origine des peuples grecs, italiques, albanais, indo-iraniens, celtiques, germaniques, nordiques, slaves, arméniens, qui sont nos frères et nos cousins.
Julius Evola écrivait, dans l’entre-deux-guerres, à propos de nos ancêtres : « Cette hérédité des origines, cet héritage qui nous vient du fond des âges est un héritage de lumière »
Parmi ces peuples européens, l’une des principales composantes est constituée par les Indo-Iraniens qui étaient autrefois appelés Perses et qui sont venus de la Russie méridionale et du Caucase vers la fin du IIe millénaire avant notre ère.
L’Iran « a donné naissance il y a 2500 ans au premier empire à vocation universelle en s'emparant de la prestigieuse Babylone : en 539 av. J.-C., Cyrus II le Grand, roi des Perses et des Mèdes, fonde le premier empire à vocation universelle de l'Histoire humaine. Depuis lors, les plateaux iraniens ont abrité des civilisations du plus extrême raffinement, qui n'ont rien à envier à l'Occident comme à l'Orient.
À la différence de leurs voisins, les Iraniens ne souffrent d'aucune frustration à l'égard de l'Occident. Ils n'ont de « revanche » à prendre sur personne, sinon sur les trublions cupides qui ont tenté depuis la Seconde Guerre mondiale de s'approprier leurs réserves pétrolières […] Dans l'Antiquité domine le mazdéisme (de Mazda, Dieu, dans la langue perse), aussi appelé zoroastrisme parce que fondé par le prophète Zarathoustra (ou Zoroastre) au VIIe siècle avant J.C. Il prospère sous les Achéménides (les héritiers de Cyrus) et va survivre jusqu'à l'approche de l'An Mil avant de s'effacer presque complètement face à la poussée de l'islam.
Cependant, l’islam ne réussira pas à brider la culture persane qui « s'épanouit sous le règne d'Abbas I er comme en témoignent les beaux monuments d'Ispahan, les tapis, les céramiques et les délicieuses miniatures de cette époque. » (André Larané, 2500 ans d'Histoire de la Perse à l'Iran, Hérodote.net [3]
L’Iran est un grand pays, par son histoire, ses paysages, ses peuples, sa culture, son courage, mais aussi par sa superficie: 1.648.000 km2, soit plus de trois fois celle de la France.
Nous avons montré que les Iraniens ne sont pas des Sémites, comme on pourrait le croire parce qu’ils sont musulmans. A l’origine, ils n’étaient pas musulmans, tout comme les Gaulois n’étaient pas chrétiens.
La société traditionnelle iranienne, malgré l’intense propagande occidentale qui veut la faire passer pour une société aux mœurs obscurantistes, est à nouveau tournée vers son ancienne religion zoroastrienne (oui, encore une référence à Nietzsche : Zarathoustra) ainsi que nous l’explique cette jeune femme [4].
Une autre vidéo est encore plus explicite: elle nous montre la jeunesse de Téhéran lors de la dernière fête païenne, mazdéiste, du printemps (Norooz [5]). Vous voyez beaucoup de jeunes filles voilées et de mollahs barbus ? Non ! La vidéo d’origine iranienne est accompagnée de ce commentaire : « Hier soir, c'était Chaharshanbe-Soori (fête du mercredi) que les Iraniens festoient et font la fête alors qu'ils disaient adieu à la dernière semaine de l'année avant l'arrivée de NOROOZ (le nouveau jour et l'arrivée du printemps). Voici à quoi ressemblaient les rues de Téhéran... C'est merveilleux de voir notre peuple célébrer malgré les difficultés économiques.
La jeune génération sait ce qu'elle veut, et la tyrannie de la religion n'en fait PAS partie. »
Les mensonges de l'Occident et de Nétanyahu ainsi que la bêtise et l'ignorance crasse de nos politiciens (voir, par exemple, les dernières positions de Marine Le Pen sur le sujet) nous conduisent tout droit à une guerre mondiale.
Le « régime des Mollahs », qui touche à sa fin, n’aura constitué qu’une parenthèse dans la grande et splendide histoire de l’Iran, toponyme qui signifie « royaume des Aryens », et une parenthèse encore plus insignifiante dans l’histoire fabuleuse de nos origines, notre cycle qui s’achève ayant débuté il y a plus de 60.000 ans.
Cette fin de cycle voit s’opposer deux grandes factions [6] qui vont s’affronter dans une guerre impitoyable : les Traditionalistes contre les Globalistes [7], la vérité contre le mensonge, la dignité des cultures anciennes contre l’abjection de notre monde en décomposition.
Si un conflit majeur devait survenir, ma place de cœur serait auprès de ces frères et de ces cousins que je ne connais pas, cette intuition lointaine, venue « du fond des âges », me le murmure, cet héritage des origines me le rappelle, le sort de cette jeunesse iranienne encore insouciante me l’impose.
Notes:
[1] Les Hyperboréens étaient le peuple-source qui habitait l’Hyperborée à une époque relativement ancienne, il y a 64800 ans, selon la tradition indoue ; ce continent serait désormais enfoui sous les glaces ; le concept et la spiritualité qui se rattachent à l’Hyperborée se nomment : la Tradition primordiale, et ses partisans, les primordialistes. Voir l’article sur ce site : Qu’est-ce que la Tradition primordiale ? du 4 mai 2022.
[2] C’est le mathématicien indien Bal Gangadhar Tilak (1856-1920) qui a, le premier, ouvert l’ère des recherches indo-européennes contemporaines ; lui ont succédé, pour les principaux noms connus, dans l’ordre chronologique : Ananda Coomaraswamy, René Guénon, Julius Evola, Mircea Eliade, Alain Danielou, Jean Phaure, Paul-Georges Sansonetti ; les professeurs Georges Dumézil et Jean Haudry, linguistes et historiens des religions, ont plus particulièrement traité des langues et de l’organisation des sociétés indo-européennes.
[3] Voir la vidéo « De la Perse à l’Iran, 2500 ans d’histoire » https://www.youtube.com/watch?v=_uVPt7GLNH0
[4] https://www.facebook.com/reel/4177251819176792
[5] https://www.facebook.com/IranFocusedForum/videos/15201020...
[6] Voir mon article du 17 octobre 2024 : La guerre des deux mondes
[7] Voir mon article du 22 février 2024 : Traditionalistes contre globalistes : le grand chambardement planétaire
15:54 Publié dans Actualité, Traditions | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : iran, actualité, tradition | |
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mardi, 03 juin 2025
La Chine est-elle moderne ou traditionnelle?
La Chine est-elle moderne ou traditionnelle?
Raphael Machado
Lorsque l'on débat de la Chine aujourd'hui, l'une des questions qui se pose est de savoir si le pays a complètement embrassé la modernité ou s'il reste attaché à la tradition.
L'un des principaux débats actuels sur la Chine est de savoir si elle est « capitaliste » ou « socialiste », avec de bons arguments des deux côtés (et même de bons arguments qui vont dans le sens du "ni l'un ni l'autre").
Une discussion moins populaire, mais plus intéressante, porte sur la question de savoir si la Chine contemporaine correspond à une « société traditionnelle » ou si elle s'inscrit déjà pleinement dans les repères de la modernité.
Par « société traditionnelle », nous entendons ici l'adhésion sociopolitique à des principes considérés comme intemporels et inconditionnels, qui renverraient à une dimension transcendante et sacrée et qui irradieraient la totalité sociale. Le contenu de cette principologie dépendrait naturellement de la manière dont un peuple s'est structuré historiquement (raison pour laquelle la « tradition » a une nature kaléidoscopique – elle est une éternité instanciée). Par modernité, nous faisons bien sûr essentiellement référence aux croyances des Lumières dans la primauté de la raison, le constitutionnalisme, la séparation entre l'État et la religion, la conception négative de la liberté, le principe de légalité, etc.
D'une manière générale, les arguments en faveur de la catégorisation de la Chine contemporaine comme pleinement moderne soulignent la persécution religieuse menée par le maoïsme, le contrôle des religions par l'État, le pragmatisme technique et pratique dont font preuve les Chinois dans leurs affaires et leurs relations, sans oublier, bien sûr, le fait que le PCC interdit officiellement à ses membres d'avoir une religion.
La réalité est cependant infiniment plus complexe.
Tout d'abord, parce que la conception chinoise de la « religion » est totalement différente de la perception occidentale. Pour les Chinois, « religion » (zongjiao) désigne exclusivement les sectes organisées et institutionnelles dotées d'une doctrine et d'un dogme. Cela exclut d'emblée tant la spiritualité populaire (appelée plus récemment « shénisme » ou « shénxianisme ») que le confucianisme. Pour le PCC (et pour la plupart des Chinois), adhérer aux rites traditionnels chinois et aux pratiques et croyances confucéennes n'équivaut pas à avoir une « religion ». Il est donc possible de participer au culte des ancêtres, de pratiquer le feng shui, d'allumer de l'encens pour l'Empereur Jaune et de participer aux rites confucéens sans être considéré comme ayant une « religion ».
Guénon est, à proprement parler, un auteur qui rejette classiquement l'attribution du mot « religion » (telle qu'elle est comprise lorsqu'on parle de christianisme, de judaïsme et d'islam) aux traditions orientales, y compris le taoïsme et le bouddhisme (qui sont considérés comme des « religions » en Chine), car Guénon affirme qu'elles sont dépourvues des éléments sentimentaux, moraux et dévotionnels qui sont plus typiques de ces religiosités moyen-orientales.
C'est dans ce sens qu'il faut interpréter les statistiques religieuses de la Chine, où « identification religieuse » et « pratique religieuse » ne sont pas confondues. En d'autres termes, les statistiques indiquent que 90% de la population chinoise n'a pas de religion, mais que 80% de la population chinoise adopte régulièrement des pratiques religieuses traditionnelles. Cela inclut les membres du PCC. Une statistique du Pew Research Center, par exemple, indique que 79% des membres du PCC se rendent au moins une fois par an au cimetière pour vénérer leurs ancêtres. Ce taux est supérieur à celui de la population chinoise moyenne.
Il est intéressant de noter qu'en ce qui concerne les autres pratiques religieuses, les non-membres du PCC ont tendance à être plus religieux que les membres. Mais l'explication est très simple: la plupart des membres du PCC n'ont pas de religion... mais sont confucéens. Ils célèbrent tous les rites et fêtes confucéens, vénèrent leurs ancêtres, se rendent probablement dans les temples confucéens (qui sont d'ailleurs subventionnés par l'État) et cultivent les vertus confucéennes. En d'autres termes, le confucianisme « pur » semble être très populaire parmi les membres du Parti, tandis que le reste de la population est plus adepte du shénisme mélangé à des éléments confucéens, à du bouddhisme et du taoïsme. Néanmoins, 40% des membres du PCC pratiquent le feng shui, et au moins 18% d'entre eux brûlent de l'encens plusieurs fois par an pour Bouddha ou les dieux.
En ce qui concerne les relations entre l'État et la religion, il est important de souligner que l'État chinois s'est toujours attribué le droit de contrôler, de placer sous tutelle, d'influencer et de supprimer les différentes sectes, écoles et doctrines qui ont tenté de se répandre en Chine. Ainsi, le fait que le PCC cherche à exercer une influence sur le christianisme, le taoïsme, le bouddhisme, etc. par le biais d'institutions alignées sur l'État signifie simplement que le PCC s'inscrit dans la continuité de la relation typique entre ces sphères en Chine.
En outre, on parle beaucoup du « contrôle négatif » imposé par la Chine, mais on mentionne rarement que la Chine vise à limiter la croissance des religions étrangères en particulier, alors qu'elle subventionne et encourage depuis plusieurs années l'ouverture de nouveaux temples et la formation de nouveaux prêtres bouddhistes, taoïstes, confucéens et shénistes. Il en résulte, par exemple, une augmentation de 300% de la fréquentation des temples bouddhistes depuis 2023, la majorité des fidèles étant des jeunes.
Pour en revenir au confucianisme, l'État a récemment commencé à rétablir le guoxue dans les écoles, c'est-à-dire l'étude des classiques confucéens, qui était autrefois une condition préalable à la réussite des examens impériaux. En outre, il existe un courant intellectuel fort qui défend l'institutionnalisation du confucianisme et sa transformation en religion civile officielle. Bien que cela semble lointain, dans la pratique, la pensée de Xi Jinping représente déjà une synthèse entre le maoïsme et le confucianisme, ce qui est très explicite dans la manière non dualiste dont la Chine aborde aujourd'hui la question des classes sociales.
Laissant de côté l'adhésion et la pratique religieuses, nous pourrions nous détourner vers l'observation des valeurs traditionnelles chinoises. Le « communisme » a-t-il fondamentalement déraciné ou déstructuré les valeurs traditionnelles de la Chine ?
Pour cela, nous devons comprendre quelles sont ces valeurs. L'intellectuel russe Nikolai Mikhailov a énuméré une série de concepts, de principes et d'affections qui composent la vision traditionnelle chinoise du monde; nous pouvons en citer quelques-uns: « Le monde comme harmonie intrinsèquement parfaite entre le Ciel et l'Homme, comme un équilibre naturel et harmonieux des contraires, dont la violation implique la détérioration de la nature et de l'homme », « Rapidité, responsabilité, pragmatisme, religiosité quotidienne », « Perception de la société comme une « grande famille », où les intérêts de l'individu sont subordonnés aux intérêts de la famille, les intérêts de la famille aux intérêts du clan et les intérêts du clan aux intérêts de l'État », « paternalisme et tutelle des aînés sur les plus jeunes », « hospitalité », « modération », « dignité, humilité, obligation, respect des traditions et des canons, respect de la hiérarchie sociale, piété filiale, vénération des ancêtres, patriotisme, soumission aux supérieurs, sens du devoir et justice sociale ».
Ainsi, lorsqu'un anticommuniste sinophobe disqualifie la Chine contemporaine en la qualifiant de « collectiviste » ou critique les Chinois pour leur « soumission à la famille et au gouvernement », attribuant tout cela à la « Révolution », il ne fait que décrire des caractéristiques chinoises qui ont pourtant été cultivées depuis des millénaires. Même cette question de « faire payer le prix de la balle aux proches de la personne exécutée pour avoir été condamnée à mort » est typiquement chinoise. La tradition chinoise croit en des punitions collectives pour les familles suite aux crimes d'un de leurs membres, et considère cela comme une question évidente et habituelle.
Passant des coutumes à une dimension plus métaphysique, même le Tianxia (c'est-à-dire l'idée de la Chine comme centre du monde, gouvernée par un Mandat Céleste, imprégnée de la mission d'apporter l'harmonie et l'équilibre aux « terres barbares ») reste vivante dans la pensée de Xi Jinping, dans la conception du multipolarisme selon Jiang Shigong (photo), qui envisage la Chine occupant le centre du cosmos dans une structure planétaire harmonieuse, bien que décentralisée. L'initiative « Belt & Road » n'est donc rien d'autre que l'application pragmatique et technique de l'idée métaphysique de « Tout sous le ciel ».
Il est toutefois indéniable que les Chinois ont souffert des mêmes dilemmes et fardeaux liés à l'urbanisation, au technocratisme, au consumérisme et à la société du spectacle – même si c'était peut-être d'une manière différente et dans une moindre mesure que les Occidentaux, les Européens, etc. La Chine a clairement connu une « modernisation » très rapide, même si elle n'était peut-être que partielle.
La meilleure catégorie pour décrire la condition chinoise est donc le concept douguinien d'« archéomodernité ». Selon Douguine, l'archéomodernité est « un système dans lequel tout est très moderniste à l'extérieur, mais profondément archaïque à l'intérieur ». Dans les pays archéomodernes, c'est comme s'il y avait deux niveaux existentiels contradictoires et concomitants: une sorte d'ordre officiel moderniste, tandis que la population reste profondément immergée dans le monde traditionnel.
Douguine utilise ce terme pour expliquer les contradictions russes et, à mon avis, il convient bien pour décrire la Chine, où coexistent gratte-ciel, méga-ponts, IA et drones, avec le culte religieux de Mao (et des dieux traditionnels), la pratique quotidienne de la médecine chinoise et l'utilisation du feng shui pour organiser les espaces publics et privés.
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dimanche, 01 juin 2025
Tristan et Iseut et la naissance de l’Occident
Tristan et Iseut et la naissance de l’Occident
Claude Bourrinet
Source: https://www.facebook.com/profile.php?id=100002364487528
L’Occident celtique a porté à un point d’incandescence une mystique de l’existence, mêlant dans des récits lumineux la source païenne à la source chrétienne.
Disons tout de suite qu’il est vain de se demander si les œuvres qui sont nées de cette fusion brûlante furent païennes, ou chrétiennes. Cette dichotomie appartient à l’homme moderne. Les hommes du moyen âge, surtout au XIIe siècle, acceptaient sans trop de trouble les deux canaux de l’imagination. Ils avaient souvent le sentiment d’évoluer dans un univers où se produisaient volontiers des miracles, des « merveilles », et le surnaturel investissait le naturel. Du reste, dans la Bible, les « monstres », les phénomènes étranges ne sont pas rares, surtout si des légendes populaires se sont greffées au corpus judéo-chrétien. Les apparitions de fées, de fantômes, de bêtes bizarres, n’étaient pas considérées comme des phénomènes anormaux. On adhérait avec foi et enthousiasme à des images mentales qui donnaient à l’existence une saveur et une densité que nous avons perdues.
De même ne faut-il pas traduire en langage moderne les conceptions que l’on avait de la mort, de l’amour-passion, des règles sociales. Il est vain de chercher dans les récits de cette époque une matière sociologique pour comprendre les créations qui en auraient résulté. Qu’importe de savoir que les Celtes vivaient et dormaient en commun, dans de grandes salles ! Quelle importance, pour le « sen » (le sens) ?
La vie d’un homme, alors, affleurait au monde de l’au-delà, et l’on ignorait à quel moment il pouvait passer de l’une à l’autre.
Tristan et Iseut est sans aucun doute la légende (« ce qui se lit ») qui cristallise toutes ces tendances.
On a du roman de « Béroul » (dont on ne sait pas grand-chose, seulement deux occurrences d’un nom : « Berox », aux vers 1268 et 1790) qu’un unique manuscrit amputé du début et de la fin. On suppose même qu’il y eut deux auteurs. On distingue une partie, probablement écrite vers 1165-1170, et une autre, vers 1190.
On notera que c’est la période où écrivit Chrétien de Troyes, qui aurait même commencé ses chefs d’œuvre par un roman del roi Marc et d'Ysalt la blonde, roman perdu.
Pourtant, Chrétien est présumé avoir rejeté l’amour courtois, fondé sur le principe de l’adultère. Serait-ce la raison de la disparition du roman ?
Il est nécessaire de s’interroger sur la nature romanesque de l’œuvre de Béroul.
D’abord, n’oublions pas que tout livre, en ce temps, est lu à haute voix, sa réalité est perçue comme une « performance » orale, peut-être en partie gestuelle (comme des parties de la messe). La voix devait être articulée, le texte, scandé, comme dans une cérémonie, un rituel. De même le souffle devait-il être pris en considération, et accentué. Dans la vision théologique que l’’on a alors, il est d’une importance capitale : le pneuma, le souffle de Dieu, est aussi Verbe, Énergie. Celle-ci insuffle toute la création, qui octroie à la nature, aux êtres, à tout ce qui est, un support. Elle est l'acte (energeia, Ἐνέργεια ), couplée à la puissance (dynamis), et, au-delà du physis, de la natura, permet de fonder sa pensée.
Le cercle des lecteurs (famille, clan, visiteurs) a un rôle primordial dans la mise en scène de la lecture. Il est le réceptacle qui provoque tension, concentration, dramatisation, communion, émotions. L’homme médiéval éprouve une grande sensibilité, parfois hyperbolique. Il devait se passer, lors de lectures telles que celle de Tristan et Iseut, quelque chose d’analogue avec les grand-messes wagnérienne, mais en plus intime, cela va de soi.
Il ne faut surtout pas plaquer sur cette ritualisation du texte les représentations modernes de l’acte de lecture (silencieuse depuis la fin du moyen âge) et de réception modernes. La création de ce second monde qu’engendre le livre n’est pas encore littérature. La littérature naît quand l’acte de lire devient individuel, et orienté vers la conscience du lecteur, qui produit dans sa conscience singulière, par un acte qui mêle la graphie et l’imagination, un univers de substitution à sa propre vie. Les représentations qui naissaient de la lecture, au XIIe siècle, avaient de grande chances d’être communes. La question touche à la fonction de cette « construction », qui ressemble à celle de Dieu faisant surgir du néant, par le Verbe, la Création. La vision de cette dernière n’a fait, au fil du temps, que se réduire, comme peau de chagrin, à la mesure de cet atome qu'est l’individu.
Les « romans » (récits en langue romane, faut-il le rappeler ?), à l’origine, ne sont pas des objets triviaux. Il est même permis de penser qu’ils se situent à la frontière entre le profane et le sacré. C’est le cas de ceux de Chrétien de Troyes. Sa dernier œuvre, Le Conte du Graal, est un récit initiatique. Le Graal fait office d’idéal, de finalité d’un pèlerinage aux sources de la vie, qui est esprit, mais aussi d’emblème de tout un courant mystique qui, au fond, ne s’est pas encore éteint, puisque le thème de la Queste guide encore d’innombrables récits, même aujourd’hui.
Le Roman de Tristan et Iseut, à ce titre, est d’une perfection jamais égalée. Beaucoup le considèrent comme le symbole et le début de la civilisation occidentale, par son élan vital puissant allié à la pulsion de mort la plus radicale, ainsi que par sa fascination océanique de l’infini et de l’amour. Par lui, on atteint les sommets de l’âme enlacée au corps, au seuil de l’éblouissement divin, qui les emportent en effaçant, par l’extase, toutes les oppositions qui meurtrissent l’existence terrestre. Comme l’écrit Marcel Schneider, auteur d’un splendide « Wagner », aux éditions du Seuil, « d’une main qui n’a pas tremblé, [Tristan et Iseut] ont tracé la courbe de la passion la plus aventureuse, la plus destructrice et la plus pure. Amour et mort, corps et âme, destin et volonté, Dieu et ses créatures, tous les contrastes ont été réunis à jamais, une fois pour toutes – et jamais plus. »
Il est fascinant de suivre les traces de cette merveille dans la littérature. De la Princesse de Clèves à Manon Lescaut, du Rouge et le Noir à Carmen, d’Atala aux romans de Gracq, en passant par Nadja et les surréalistes, si l’on s’en tient au domaine français, on trouve l’amour et la mort, la vacuité tragique de la vie et l’aspiration à l’infini, la confrontation au monde mesquin de ce que les adeptes de la Fin’amor appelaient les Losengiers, les jaloux, les mesquins, les « vieux ».
Et, bien évidemment, le Mage de Bayreuth est sans doute celui qui en a retrouvé, à la perfection, l’âme.
Cependant – et nous laisserons de côté les versions qui suivirent celle de Béroul, au XIIIe siècle, et qui sont en quelque sorte des dégradations trop humaines du mythe, Wagner a changé ce qui constitue probablement l’épisode capital de la légende. Dans la version princeps de Béroul, la servante Brangien se trompe, et verse dans la coupe le philtre d’amour, destiné au roi Marc et à la fiancée que lui mène Tristan, au lieu d’un breuvage inoffensif, infusant ainsi aux héros l’amour-passion et la mort. En revanche, pour Wagner, l’amour est né dès le premier regard. Il humanise, psychologise le mythe. Or, nous savons, nous, comme les Indiens, que le hasard est toujours l’instrument préféré des dieux. Le coup de dés est aussi le coup de la grâce. Un André Breton le savait bien, qui en fit le fil aventureux de la Quête surréaliste, et un leitmotive de son beau roman, Nadja.
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lundi, 26 mai 2025
La Chine et le retour de Confucius
Présentation de « La Chine et le retour de Confucius »
Carlo X. Blanco
Source: https://www.hiperbolajanus.com/posts/presentacion-china-r...
Nous présentons ici « La Chine et le retour de Confucius », une compilation éditée par Carlos X. Blanco. Le livre explore le confucianisme aux 20ème et 21ème siècles, ses défis, ses transformations et sa revitalisation dans la Chine contemporaine, en soulignant son rôle culturel, social et politique.
Nous avons le plaisir de présenter à notre public de lecteurs l'ouvrage La Chine et le retour de Confucius, une compilation d'articles du prestigieux professeur Carlos X. Blanco, auteur prolifique et collaborateur du groupe Hipérbola Janus, où nous sommes honorés et gratifiés par ses contributions à la diffusion de différents sujets et domaines de connaissance. En l'occurrence, l'Extrême-Orient reste une grande inconnue pour nous, Européens, surtout en ce qui concerne la mentalité et les idées qui animent la vision du monde de la nation la plus représentative, dont la puissance économique, commerciale et géopolitique l'a hissée au rang de superpuissance mondiale, nous parlons évidemment de la Chine. Sous une forme légère et agréable, celle du dialogue, l'ouvrage nous présente une série de textes qui nous permettent de percer les clés de la pensée confucéenne et de son évolution tout au long des 20ème et 21ème siècles. Un bref avant-propos de David Ownby sert d'introduction au livre. L'un des principaux essais est « Un siècle de confucianisme » de Chen Lai (1952), qui structure l'analyse en trois sections principales: les défis du confucianisme, ses réponses et la manière dont il a survécu à l'ère moderne.
L'analyse du confucianisme, qui reste fortement ancré dans la conscience du peuple chinois, aborde quatre défis majeurs, qui sont énumérés ci-dessous :
- Les réformes politiques et éducatives de l'ère Qing et de l'ère républicaine (1901-1912): l'abolition du système des examens impériaux a affaibli la base institutionnelle du confucianisme, affectant son rôle dans la société et l'éducation.
- Mouvement de la nouvelle culture (1915-1919): la modernisation fondée sur la culture occidentale est encouragée, le confucianisme étant considéré comme un obstacle au progrès.
- Révolution de 1949 et révolution culturelle (1966-1976): la collectivisation et les communes populaires détruisent la base sociale confucéenne, tandis que la révolution culturelle l'attaque sur le plan idéologique.
- Réformes de Deng Xiaoping (à partir de 1978): la modernisation et l'économie de marché ont réduit l'influence des valeurs confucéennes face au pragmatisme et à l'utilitarisme.
Auparavant, le confucianisme avait toujours été un facteur de cohésion nationale, contribuant à préserver l'unité du peuple chinois, notamment face aux menaces extérieures, comme la confrontation avec le Japon dès le début des années 1930, avec l'occupation japonaise de la Mandchourie, et les épisodes successifs de guerre contre le Japon entre 1937 et 1942.
Pour toute commande: https://www.hiperbolajanus.com/libros/china-regreso-confu...
Le texte de Chen Lai prend pour point de départ les dernières années de la dynastie Qing et les premières années de l'ère républicaine, entre 1901 et 1912, en mettant particulièrement l'accent sur le processus de modernisation entrepris durant cette période, avec l'introduction des sciences et disciplines occidentales, qui a contribué à la mise à l'écart des classiques confucéens.
Ce processus s'est déroulé en plusieurs étapes, avec l'abolition du système des examens impériaux, qui avait été pendant des années le pilier institutionnel du confucianisme, ce qui a eu pour conséquence inévitable que les érudits confucéens ont abandonné leur rôle central dans la société chinoise. La tendance à dénigrer la tradition confucéenne s'est accentuée avec le passage de la dynastie Qing aux premières années de la République, comme en témoignent l'élimination des cérémonies sacrificielles en l'honneur de Confucius et l'interdiction de l'étude obligatoire des classiques confucéens. Le confucianisme a ainsi perdu son rôle prépondérant dans l'éducation et l'administration publique et a été relégué dans le domaine de l'éthique et de la culture.
Ce processus de rejet et d'érosion du confucianisme dans son rôle de contribution à l'identité nationale chinoise et à la formation de la jeune génération s'est accéléré au cours des décennies suivantes. Ce processus a été conduit par des intellectuels tels que Chen Duxiu et Hu Shih, qui ont activement promu la modernisation et l'adoption de valeurs occidentales telles que la science et la démocratie. Adoptant des positions analogues à celles de l'Occident par rapport à la Tradition, ils ont considéré le confucianisme comme une forme de pensée arriérée et dépassée, totalement opposée au progrès, et donc jetable, ses enseignements n'ayant aucune valeur opérationnelle pour le développement de la Chine.
En conséquence, le confucianisme a été culturellement et intellectuellement mis à l'écart.
Avec l'avènement de la révolution culturelle chinoise et la formation du régime communiste de 1949 à la mort de Mao Tsé Toung (1893-1976), la situation du confucianisme ne s'est pas améliorée et, au contraire, il a été considéré comme incompatible avec le socialisme marxiste. Les attaques se multiplient et le confucianisme fait l'objet de campagnes de haine brutales, comme la « Critique de Lin Biao et de Confucius » de 1973 à 1976, qui l'accuse d'être une « idéologie féodale et réactionnaire ». La destruction des temples confucéens et la persécution des intellectuels confucéens étaient monnaie courante durant cette période.
Dans la période qui suit immédiatement, à partir de 1978, le facteur idéologique s'atténue avec l'arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping (1904-1997), au profit d'une ère marquée par le pragmatisme et l'importance croissante du développement économique et matériel. Les attaques contre le confucianisme ont largement cessé, mais celui-ci a été soumis à la logique unificatrice de l'utilitarisme et de la croissance économique.
Kang Youwei et Liang Shuming
Cependant, malgré les attaques continues contre le confucianisme, Chen Lai met en évidence la résilience du confucianisme, sa volonté inflexible face à la menace de sa disparition, à travers les propositions de divers penseurs confucéens contemporains. C'est le cas, par exemple, de Kang Youwei (1858-1927) avec ses propositions de faire du confucianisme une religion officielle ou de l'intégrer dans le modèle éducatif avec ses enseignements moraux pour l'ensemble du peuple chinois. D'autres philosophes, comme Liang Shuming (1893-1988), ont tenté de surmonter les antithèses du monde moderne et de faire de la doctrine confucéenne un élément fonctionnel du socialisme grâce à ses fondements moraux et sociaux, car il voyait dans ces idées la clé de l'harmonie et de la stabilité sociale, comme cela avait été le cas dans les moments les plus délicats de l'histoire du grand pays asiatique.
Xiong Shili et Feng Youlan
Parallèlement, des intellectuels confucéens tels que Xiong Shili (1885-1968), Feng Youlan (1895-1990) et He Lin (1902-1992) ont tenté d'apporter de nouveaux développements à la doctrine confucéenne dans les domaines de la philosophie et de la métaphysique. Ces spéculations ont donné naissance à de nouvelles écoles, telles que la « nouvelle philosophie des principes » de Feng Youlan et la « nouvelle philosophie de l'esprit » de He Lin. De nouvelles tentatives d'intégration entre les valeurs traditionnelles et le socialisme marxiste ont également vu le jour grâce aux interprétations de Xiong Shili. Ce n'est qu'après l'arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping que le confucianisme a été réévalué, subissant un révisionnisme qui l'a finalement ramené dans les universités et la société chinoises, et à partir de ce moment, son héritage a été récupéré en tant que partie de l'identité nationale.
Ce processus de revitalisation a contribué à l'étude du confucianisme et à l'émergence de nouvelles interprétations au cours des dernières décennies. Les réinterprétations de la pensée confucéenne ont mis la doctrine en contraste avec les idées politico-idéologiques du monde d'aujourd'hui, liées à la « démocratie », aux « droits de l'homme » et à la « mondialisation », c'est-à-dire avec ces éléments idéologiques dont nous souffrons depuis longtemps et qui sont à l'origine de changements dramatiques dans nos sociétés en ce moment même. Cependant, cette récupération du confucianisme ne s'est pas limitée aux sphères les plus cultivées et académiques, mais est également devenue populaire, et sa présence dans la société chinoise s'est accrue depuis les années 1990, comme on le voit à travers la connaissance des classiques confucéens par le biais d'activités et de cours destinés à l'ensemble de la population.
Ainsi, pour Chen Lai, le moment actuel, après la réhabilitation de la pensée confucéenne, est un moment-clé pour continuer à renforcer sa doctrine, notamment en raison de la montée de la Chine en tant que puissance mondiale, qui a conduit à un intérêt croissant pour la Chine et sa culture au-delà de ses frontières. Mais aussi, et au-delà des aspects généraux et plus formels, en raison de son contenu éthique et moral inhérent, qui peut agir comme un frein à la corruption et à la dégradation des temps modernes. Nous pouvons donc affirmer qu'une véritable synergie est possible entre les valeurs traditionnelles et les nouveaux défis que la modernité propose à la Chine, sur un large front, dans les domaines culturel, politique, social, etc.
Dans le deuxième chapitre du livre, Chen Ming, l'une des figures les plus importantes de la résurgence du confucianisme dans la Chine contemporaine, aborde la signification de cette doctrine dans le contexte de l'État et de la nation chinoise au 21ème siècle. Son approche donne un aperçu des aspects politiques, sociaux, éducatifs, culturels, identitaires et religieux du confucianisme, tout en le distinguant d'autres perspectives néo-confucéennes plus orientées vers la philosophie ou l'éthique.
Tu Weiming
Le néo-confucianisme hors des frontières chinoises a diversifié ses courants et ses thèmes, en se concentrant sur le rapport à la démocratie, à la science et, en somme, sur sa compatibilité avec les valeurs du libéralisme occidental. Ces thèmes ne sont pas nouveaux dans les dérives interprétatives et les spéculations confucéennes du siècle dernier. Tu Weiming (1940), philosophe d'origine chinoise naturalisé américain, en est un éminent représentant.
En Chine continentale, le discours confucéen s'est révélé pleinement fonctionnel pour les intérêts de l'État chinois, contribuant à fonder les valeurs de l'État et de la nation, se dissociant de toute recherche de compatibilité avec les valeurs occidentales et, à son détriment, essayant de renforcer l'identité culturelle chinoise en s'affichant ouvertement comme un pilier fondamental du nationalisme culturel et politique du pays. Ainsi, Chen Ming ne considère pas la doctrine confucéenne comme un ensemble d'idées abstraites et anachroniques, mais comme un potentiel en devenir permettant de renforcer les fondements de l'État et de la société chinoise dans le monde d'aujourd'hui.
Son analyse du confucianisme par rapport à la religion est également importante, car elle différencie ses éléments de toute forme de religion monothéiste telle que nous la concevons en Occident. Néanmoins, il y a un élément religieux dans son origine, et l'idée d'un Dieu (Shangdi ou Tian) en tant que créateur et colonne vertébrale d'un ordre moral. On peut dire que Confucius a transformé cette pensée en une pratique fondée sur l'éthique et la vertu, mais sans en éliminer la dimension spirituelle. Certains interprètes modernes de la doctrine ont tenté d'en dénaturer le contenu en la réduisant à ce que l'on appelle en chinois le « wenjiao » (enseignement culturel), cherchant une formule de sécularisation pour la vider de son contenu transcendant. Selon Chen Ming, ces tentatives de sécularisation ont été perpétrées par le Mouvement du 4 mai à partir de 1919.
Il faut cependant insister sur le fait que le confucianisme, tout en possédant une dimension spirituelle, ne doit pas être confondu avec notre concept de religion, et que l'accent doit être mis sur l'idée de structure morale et sociale, comme une sorte de guide moral et spirituel qui agit comme un antidote à la crise des valeurs si caractéristique de l'époque moderne. Le texte de Chen Ming aborde également d'autres questions que nous ne pouvons décomposer dans cette présentation en raison de leur ampleur et de leur complexité, comme par exemple la relation entre le confucianisme et l'État, l'athéisme du parti communiste chinois, la recherche de formes d'intégration et de synthèse, la cohésion sociale, le problème de l'éducation, etc. Les idées confucéennes sont remises en cause dans la mesure où cette recherche d'insertion dans la Chine contemporaine pose une série de défis qui mettent en péril l'essence même de sa tradition.
Le dernier chapitre du livre est réservé à un entretien entre Chen Yizhong et Chen Ming dans lequel toutes les questions abordées dans les chapitres précédents sont traitées sous la forme d'un dialogue approfondi. Nous assistons à une confrontation entre une multitude d'arguments sur le confucianisme et sa relation avec la modernité, avec les défis de l'avenir, avec les tensions et les réticences soulevées par les valeurs libérales et occidentales, totalement sécularisées et, nous le disons, vouées à la destruction de tout fondement traditionnel, ethnique ou spirituel à tous les niveaux.
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lundi, 17 mars 2025
Julius Evola et la "Flamma non urens"
Julius Evola et la Flamma non urens
par Troy Southgate
Source: https://troysouthgate.substack.com/p/julius-evola-and-fla...
JULIUS Evola (1898-1974), dans son ouvrage de 1931, La Tradition Hermétique : Symboles et Enseignements de l'Art Royal, note que:
« Le feu est la vertu propre du principe solaire, non pas le feu du désir, de l'ardeur génératrice ou de la luxure, mais la flamma non urens, le principe immatériel de toute animation. La lumière, en elle-même, est plus étroitement liée au principe féminin, lunaire, comme Sagesse qui, par rapport au [soleil], a la même nature que la lumière que la Lune reflète du principe solaire. » (p.35)
Examinons ce concept en termes quotidiens. Lorsque nous lisons à la lumière d'une petite lampe de chevet placée d'un côté de nous, que ce soit à gauche ou à droite, la page la plus éloignée de la lampe reçoit plus de lumière que celle qui est plus proche de la source lumineuse. Cela, naturellement, est dû à la position de la lumière et à l'effet de l'ombre. Il n'y a rien de particulièrement surprenant dans cette observation, mais la page la plus éclairée peut être utilisée pour illuminer la page qui est moins discernable à l'œil humain. En d'autres termes, la lumière sur la surface de la page plus claire peut être dirigée vers celle qui est moins claire.
En astronomie, ce processus est connu sous le nom de « lumière cendrée » et se produit lorsque la lumière du soleil se reflète sur la surface de la Terre et éclaire la portion non éclairée de la Lune. Cela signifie que la lumière du soleil est reflétée deux fois: d'abord par la Terre, puis par la Lune. Si l'on imagine que le Soleil est l'ampoule de notre lampe de chevet et que la Terre est la page du livre la plus éloignée, nous pouvons voir que la page moins lumineuse est éclairée de la même manière que la portion non éclairée de la Lune.
Le point d'Evola, pour poursuivre avec ma propre analogie, est que le texte sur la page plus sombre devient essentiellement lisible grâce à la lumière qui se reflète de la surface de ce qui est comparativement plus lumineux. La perspective féminine, dans la vision du monde d'Evola, repose donc sur des considérations matérielles et sa « lumière » du désir humain ne doit pas être comparée à la pureté plus transcendante du principe solaire.
En s'appuyant sur la création artificielle de lumière, d'autre part, l'ampoule à incandescence dans mon exemple est elle-même le résultat de facteurs générateurs et - pour rester cohérent - peut être elle-même décrite comme flamma non urens, ou flamme sans feu.
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vendredi, 07 mars 2025
Deux réflexions sur l'oeuvre de Henry Corbin
Deux réflexions sur l'oeuvre de Henry Corbin
Henry Corbin et les racines ésotériques de l'histoire
Troy Southgate
Source: https://troysouthgate.substack.com/p/henry-corbin-and-the...
Le philosophe français Henry Corbin (1903-1978) a été profondément influencé par L'Être et le Temps de Heidegger et s’est attaché à démontrer que la conscience ne peut être réduite à des forces physiques, sociales ou historiques. Il a ainsi développé une interprétation fascinante à la fois de l’espace et du temps. Concernant le premier, il affirme que nous n’existons pas dans l’espace tel que le suggèrent les positivistes newtoniens, mais que nous spatialisation le monde en accord avec la distinction faite par Heidegger entre l'existential (ce que signifie être) et l'existentiell (la vie dans une perspective profane). Comme l’explique Corbin :
"L’orientation est un phénomène primordial de notre présence au monde. Une présence humaine possède la propriété de spatialiser un monde autour d’elle, et ce phénomène implique une certaine relation de l’homme avec le monde, son monde, cette relation étant déterminée par le mode même de sa présence au monde. Les quatre points cardinaux, est et ouest, nord et sud, ne sont pas des choses rencontrées par cette présence, mais des directions qui expriment son sens, l’acclimatation de l’homme au monde, sa familiarité avec lui. Avoir ce sens, c’est s’orienter dans le monde."
Ainsi, notre manière d’interpréter l’espace n’est pas prédéterminée, en ce sens que nous devons nous adapter au monde et en tirer le meilleur parti, mais elle dépend plutôt de la façon dont nous nous concentrons sur l’acte de présence.
En ce qui concerne l’analyse du temps par Corbin, le penseur français s'inscrit dans la continuité de la philosophie de son homologue allemand en employant la notion heideggérienne d’historicité. Celle-ci constitue la structure ontologique cachée qui rend l’Histoire – et donc une temporalité plus fondamentale – possible. Si cela n’apparaît pas immédiatement, selon Heidegger, c’est en raison de la prédominance du monde profane. Même la culture, selon Corbin, renforce notre incapacité à percevoir ce qui se cache sous la surface du temps dans sa forme la plus basique et profane. Corbin rend hommage à la philosophie de Heidegger en ces termes :
"Je dois dire que le cours de mon travail a pris naissance dans l’analyse incomparable que nous devons à Heidegger, mettant en évidence les racines ontologiques de la science historique et prouvant qu’il existe une historicité plus originelle, plus primordiale que celle que nous appelons Histoire Universelle, l’histoire des événements extérieurs, la Weltgeschichte, l’Histoire au sens ordinaire du terme […] Il y a le même rapport entre historicité et historicité qu’entre l’existentiel et l’existentiell. Ce fut un moment décisif."
Plus intéressant encore, l’inspiration que Corbin a puisée dans cette interprétation phénoménologique unique du temps l’a conduit à conclure qu’une structure ontologique cachée ne nous rend pas totalement impuissants et que tout repose sur deux possibilités : "se jeter dans le courant ou lutter contre lui". Ironiquement, Corbin rejette ces deux options, car se soumettre ou combattre revient à accepter les limitations de l’espace quantitatif. Il nous rappelle donc que les objets du monde sont à notre merci, et non l’inverse.
En refusant de reconnaître "l’historicité de l’Histoire", comme Corbin la décrit, nous validons ainsi une historicité impliquant "les racines secrètes, ésotériques, existentielles de l’Histoire et de l’historique". Autrement dit, c’est la seule méthode véritablement efficace pour mener une guerre spirituelle contre le passage linéaire du temps.
* * *
Henry Corbin et «l’Être-vers-l’Autre-Côté-de-la-Mort»
Troy Southgate
Source: https://troysouthgate.substack.com/p/henry-corbin-and-bei...
J’ai récemment mentionné que Henry Corbin avait été profondément inspiré par l’approche phénoménologique dans L'Être et le Temps (1927) de Martin Heidegger, mais pour Corbin, ce dernier n'était qu'une clé philosophique ouvrant la voie à une potentialité bien plus grande.
Bien que Heidegger ait évoqué l’idée selon laquelle le Da du Dasein renvoie à la présence effective de l’individu dans le monde, Corbin estime que la focalisation du penseur allemand sur la notion d’« être-pour-la-mort » est trop ancrée dans la finitude humaine et qu’elle enferme inévitablement la pensée heideggérienne dans une historicité incapable d’appréhender une question bien plus essentielle : celle de « l’être-vers-l’autre-côté-de-la-mort ».
Le fait que Heidegger ait consacré bien moins de temps à la question de l’éthique humaine, selon Corbin, l’empêche de réaliser que sa propre analyse du Dasein contient en réalité le secret fondamental qui permet de s’éloigner d’une interprétation purement séculière de l’histoire. Une fois les limites de « l’être-pour-la-mort » dépassées, la réunification de l’éthique et de l’ontologie aboutira à un sens plus profond de la présence, permettant ainsi à l’humanité de dépasser l’horizon de la finitude et de poser la question essentielle : « À quoi la présence humaine est-elle présente ? »
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samedi, 01 mars 2025
Guénon et Georgel: un lien philosophique et métaphysique
Guénon et Georgel: un lien philosophique et métaphysique
Alexandre Douguine
Georgel a crédité Guénon de lui avoir fourni la "boussole" pour naviguer et développer ses idées, en particulier celles dérivées de la cosmologie hindoue et d'autres sources traditionnelles.
Gaston Georgel (1899–1978) était un historien et écrivain français qui est devenu un adepte et disciple intellectuel significatif de René Guénon, le célèbre métaphysicien et penseur traditionaliste.
Georgel n'était pas un élève dans le sens formel d'un étudiant en fac, mais plutôt quelqu'un de profondément influencé par les idées de Guénon, en particulier son travail sur les doctrines traditionnelles et les cycles cosmiques.
Leur relation était davantage une dynamique de mentor-disciple, ancrée dans des recherches intellectuelles et spirituelles partagées. Georgel, étudiant en histoire à Paris, est tombé sur le concept des cycles historiques à travers un article qu'il avait lu dans une salle d'attente durant les années 1930.
Cela a éveillé sa curiosité pour les motifs présents dans l'histoire, le conduisant aux écrits de Guénon. Guénon, déjà une figure bien établie à ce moment-là, avait esquissé la doctrine des cycles dans des œuvres comme Formes Traditionnelles et Cycles Cosmiques (publiée à titre posthume mais basée sur des articles antérieurs).
Georgel a crédité Guénon de lui avoir fourni la "boussole" pour naviguer et développer ses idées, en particulier celles dérivées de la cosmologie hindoue et d'autres sources traditionnelles. La contribution la plus notable de Georgel, Les Quatre Âges de l’Humanité (1949), s'appuie directement sur le cadre des cycles de Yuga établi par Guénon — la division de l'histoire humaine en quatre âges déclinants (Satya, Treta, Dvapara et Kali).
Guénon avait proposé un Manvantara (un cycle complet de l'humanité) de 64.800 ans, le Kali Yuga, l'actuel "âge sombre", s'étendant sur 6480 ans. Georgel a poussé cela plus loin, calculant des dates spécifiques, suggérant initialement que le Kali Yuga avait commencé vers 4450 av. J.-C. et se terminerait en 1999 apr. J.-C., bien qu'il ait par la suite ajusté cela pour proposer l'année 2030 apr. J.-C. dans Le Cycle Judéo-Chrétien (1983).
Guénon a examiné les premiers travaux de Georgel, approuvant la plupart d'entre eux mais suggérant un cycle plus large de 25.920 ans lié à la précession des équinoxes, que Georgel a incorporé dans ses études ultérieures.
Leur connexion n'était pas seulement intellectuelle — il existe des preuves de correspondance directe entre eux, dont certaines subsistent aujourd'hui. Le travail de Georgel a attiré l'attention pendant la Seconde Guerre mondiale, mais ses livres, comme Les Rythmes dans l’Histoire, ont été saisis par la Gestapo en 1942 pour leur critique perceptible de l'idéologie nazie, l'amenant en prison jusqu'à ce que la Croix-Rouge intervienne. Guénon, vivant alors au Caire, est resté pour lui une influence-guide, encourageant Georgel à affiner ses théories sous le prisme traditionaliste.
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lundi, 24 février 2025
Julius Evola: vues sur le Droit, l'État et l'Empire
Julius Evola: vues sur le Droit, l'État et l'Empire
Troy Southgate
Source: https://troysouthgate.substack.com/p/julius-evolas-revolt...
Du point de vue d'Evola, le DROIT est inséparable des principes de « vérité, réalité et stabilité ». Le fait que le pouvoir et l'autorité descendent de ce qui est spirituellement transcendant, plutôt que de procéder du domaine humain, confère à la sphère juridique une légitimité divine qui l'emporte sur toutes les considérations terrestres :
Par conséquent, l'homme traditionnel soit ignorait, soit considérait comme absurde l'idée que l'on puisse parler de règles de droit et de l'obéissance qui leur est due si ces règles avaient une simple origine humaine – qu'elle soit individuelle ou collective. Toute règle de droit, pour être considérée comme objective, devait avoir un caractère « divin ». Une fois le caractère « divin » d'une règle sanctionné et son origine rattachée à une tradition non humaine, son autorité devenait absolue : cette règle devenait alors quelque chose d'ineffable, d'inflexible, d'immuable et au-delà de toute critique. [p.21.]
Ainsi, toute transgression de ce droit n'est pas simplement perçue comme un crime ordinaire contre la société, mais comme une offense religieuse qui apporte honte et déshonneur à l'individu ainsi qu'à sa famille. Inutile de préciser que, lorsque l'autorité spirituelle est placée à la racine même du système judiciaire, il devient très difficile de plaider sa cause sur des bases plus séculières, ce qui entraîne inévitablement des accusations d'hérésie.
Dans le contexte de la Tradition, le droit n'est pas un simple outil fonctionnel comme il l'est aujourd’hui, mais il fait partie intégrante de l'ordre naturel tout entier :
La notion d'utilité est le critère matérialiste ultime de la société moderne, alors que ce n'était pas le cas dans les sociétés traditionnelles, qui la considéraient plutôt comme un moyen au service d'un objectif supérieur. [p.22.]
Comme nous l'avons vu préalablement, en d'autres articles, cela découle du fait que le pouvoir émane d'en haut et se manifeste ensuite dans la personne du monarque juste.
Evola se penche ensuite sur la nature de l'État et affirme que les affaires politiques, sociales et économiques ne doivent jamais être confinées à l'ordre temporel, comme c'est le cas dans le monde moderne. Dans les sociétés traditionnelles, il était fréquent que l’autorité spirituelle exerce une influence considérable sur les affaires gouvernementales, à l’image de la hiérarchie catholique dans l’Europe médiévale :
Ainsi, les États et empires traditionnels employaient souvent les symboles de la « centralité » et de la « polarité » associés à l'archétype de la royauté. [p.23.]
Reprenant la « doctrine des deux natures » évoquée dans le premier chapitre – une référence à la séparation entre les royaumes physique et métaphysique – il l'applique ici à la division entre l'État et le peuple (demos). Tandis que les États non traditionnels ou anti-traditionnels tirent leur légitimité du peuple, Evola rejette catégoriquement cette idée en la qualifiant de « perversion idéologique ». Bien que je comprenne pourquoi l'Italien s'oppose aux formes d'autorité non spirituelles, cette situation est rare en pratique, car les gouvernements modernes sont en réalité contrôlés par de grandes banques et corporations dont l'unique objectif est l'enrichissement personnel au détriment du plus grand nombre.
Néanmoins, Evola associe les formes plus authentiques d'autorité populaire à
des formes sociales naturalistes dépourvues d'un véritable chrême spirituel. Une fois que cette voie fut empruntée, un déclin inévitable s’ensuivit, qui se termina par le triomphe du monde collectiviste des masses et l’avènement de la démocratie radicale. [p.24.]
La solution proposée par l'auteur de Révolte contre le monde moderne est la réinstauration de « l'ordre venu d'en haut », ce qui implique même de dépasser l'idée des « droits de l'homme ». Sur ce point, je suis d'accord, car la notion contemporaine selon laquelle nous avons un « droit » à quoi que ce soit repose entièrement sur un anthropocentrisme fallacieux. Cela ne signifie pas que les individus ne doivent pas participer au processus décisionnel, mais Evola rejette toute structure qui ne porte pas l'approbation divine.
Pour approfondir la question de l'ordre social, le Baron fait référence au système des castes indo-européennes (aryennes). Comme le prédisent les prophéties du Vishnu Purana, les sociétés finiront entre les mains de barbares, tandis que les monarchies établies délaisseront leurs responsabilités et régneront d’une main de fer. La caste dominante sera celle des shudras, les artisans et ouvriers, tandis que les vaishyas abandonneront l'agriculture et seront traités comme des serfs. Par ailleurs, les kshatriyas, guerriers, pilleront leurs propres terres au lieu de les protéger, et les brahmanes, prêtres, perdront leur piété et leur respect de soi, étant alors réduits au rang d’hommes ordinaires.
Evola note également que la différence entre les ārya (« deux fois nés ») de la noblesse aryenne et la « masse indifférenciée » des śūdra illustre bien le déclin progressif du système des castes. À l'origine, dit-il, les śūdra étaient contrôlés par les brāhmana, un rôle qui fut ensuite repris par l'État et son système juridique. En utilisant cet exemple, Evola cherche à établir une affinité entre l'État et la royauté divine universelle, bien que cette justification du gouvernement traditionnel semble vague et discutable.
Bien qu'il reconnaisse que l'État est une création tardive, il est surprenant qu'il l’intègre dans la vision traditionaliste, étant donné que l’humanité a survécu sans lui durant la majeure partie de son histoire et préhistoire. Contrairement à René Guénon, qui a contourné la question de l'État en prônant la théocratie ou en affirmant la primauté du spirituel sur le temporel, Evola – ce qui explique pourquoi certains de ses admirateurs incluent des fascistes et des totalitaires – considère l'État comme un instrument de la Tradition.
Le troisième pilier de la pensée d'Evola est l’empire, qu’il voit comme un prolongement logique du droit et de l’État. Contrairement à l’État, qui est limité par des frontières, l’empire s’étend au-delà des limites géographiques et élève l’unité à un niveau supérieur.
Les critiques de l’impérialisme sont bien connues – notamment les désastres de l'Inde britannique ou du Congo belge –, mais Evola dépasse ces considérations administratives en légitimant l'empire comme une transmission des valeurs spirituelles des castes guerrières traditionnelles vers d'autres peuples. Naturellement, ceux qui ont perdu leur souveraineté ne seraient sans doute pas d’accord avec cette vision, mais pour Evola, l’empire est une réalité métaphysique qui transcende le temps et l’espace. Ainsi :
le « monde » ne disparaîtra pas tant que l'Empire romain existera. Cette idée est liée à la fonction mystique de salut attribuée à l'empire, à condition que le « monde » ne soit pas compris dans un sens physique ou politique, mais plutôt comme un « cosmos » garantissant l'ordre et la stabilité face aux forces chaotiques. [p.27.]
Et, finalement :
Les empires furent remplacés par des « impérialismes », et l’État ne fut plus compris que comme une organisation temporelle, nationale, particulariste, sociale et plébéienne. [p.28.]
On ne peut contester cette assertion même si, comme nous l’avons vu, il n’y a pas d’aspect authentiquement « plébéien » dans la démocratie occidentale.
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jeudi, 20 février 2025
Nuits magiques (et brûlantes) entre les deux guerres racontées par Julius Evola
Nuits magiques (et brûlantes) entre les deux guerres racontées par Julius Evola
Un recueil rassemble désormais une série de reportages du philosophe datant des années trente (seuls deux des articles figurant dans cette anthologie remontent à 1929)
Par Giovanni Sessa
Source: https://www.barbadillo.it/119337-notti-magiche-e-roventi-...
Dans l'année qui vient de s'achever, 2024, et qui marque le cinquantenaire de la mort de Julius Evola, plusieurs livres consacrés au penseur traditionaliste ont été publiés, ainsi que de nouvelles éditions de ses œuvres. Nous nous intéressons ici à la dernière parutio : une anthologie de ses articles intitulée Notturno europeo - Serate sull'orlo della catastrofe (Vies nocturnes en Europe. Soirées au bord de la catastrophe, publiée chez Altaforte Edizioni sous la direction d’Andrea Scarabelli et Adriano Scianca (156 pages, 16,00 euros). Le livre s’ouvre sur une note de la Fondation Evola, suivie d’une introduction de Scarabelli et d’une postface signée Scianca. Le volume rassemble une série de reportages du philosophe datant des années trente (seuls deux des articles inclus remontent à 1929). L’auteur y apparaît comme un observateur attentif de la vie nocturne des grandes capitales européennes. Ces textes sont issus de divers journaux auxquels le penseur collaborait : en premier lieu Il Regime Fascista de Farinacci, dont Evola devint, à partir de 1937, correspondant à l’étranger, mais aussi Il Tevere, Il Corriere Padano et Il Roma. Le livre se clôt sur une annexe regroupant deux lettres du traditionaliste adressées au peintre De Pisis, ainsi que divers témoignages sur la fréquentation par Evolae des établissements nocturnes.
À certains lecteurs, cet intérêt du philosophe, cette activité méconnue, pourraient sembler atypiques, voire impensables. Pourtant, il n’en est rien. Comprendre les raisons qui poussèrent Evola à fréquenter les tabarins jusqu’à l’aube – et pas seulement les cloîtres cisterciens ou les sommets enneigés – permet d’acquérir une vision plus complète de sa personnalité, centrée sur la volonté de se mettre sans cesse à l’épreuve. Il parcourut les capitales européennes pour interviewer d’éminents représentants du monde politique et culturel de son époque, notamment au sein du milieu révolutionnaire-conservateur allemand et autrichien. Il explicitait ainsi ses intentions métapolitiques qui, comme le note Scarabelli, avaient « la révolution conservatrice pour abscisse “horizontale” et le traditionalisme intégral pour ordonnée “verticale” » (pp. 12-13).
La vie nocturne est observée par le philosophe avec une attention et une distance intérieure propres à un convive de pierre. Pour saisir le sens profond de l’anthologie, il convient de garder à l’esprit qu’Evola rédigea ces textes à l’aube de la catastrophe européenne, alors que se profilait l’issue fatale du Second Conflit mondial. Comme introduction, on peut citer ce que note le philosophe dans Moments de l’Europe nocturne : « La “vie nocturne” est […] un concept bourgeois. C’est à la conception bourgeoise que l’on doit […] l’opposition entre la vie diurne normale, plus ou moins domestiquée […] et la “vie nocturne”, entendue comme […] une compensation […] aux accents d’interdit […] et de péché » (p. 26).
Une Europe en déclin
Vienne est décrite par Evola en ces termes : « Tu n’es plus la Vienne royale et impériale […] la monumentalité toute et pérenne de ton âme de pierre » (p. 50) appartient désormais au passé. La vie viennoise est marquée par une agitation perpétuelle, dépourvue de centre et de sens, où s’étend la haine de la grandeur et de l’aristocratie. La Vienne qu’il décrit est une ville sans qualité. À Budapest, le souvenir de la grandeur passée est ravivé en lui par les violons tziganes : cette musique, empreinte de magie, suscite, sur fond de nuit danubienne, l’éveil d’une vision du monde momentanément assoupie. Magnifique et envoûtant, souligne Scarabelli, est le récit de sa chevauchée nocturne aux abords de la ville hongroise, où le philosophe éprouva la vastitude et la douceur du ciel étoilé, face auquel « ce qui n’était qu’un sentiment se libère et s’illumine, et la nostalgie humaine cède place à une nostalgie plus vraie et virile, la nostalgie de l’infini » (p. 93). À Belgrade, l’eau-de-vie, consommée dans les établissements nocturnes, plonge Evola dans des états de conscience où « il semble que les impressions des choses […] nous parviennent […] comme dans une révélation naturelle et calme » (p. 42).
Entre traditions perdues et flânerie métaphysique
Le philosophe fit des expériences similaires à Capri, île païenne, avant qu’elle ne devienne, à partir des années trente, le théâtre de l’invasion touristique perpétrée par des barbares modernes insensibles à la voix du Méditerranée métaphysique. Là, il comprit que la vie dionysiaque transfigure la réalité, révélant l’unité dans la physis, dans la multiplicité tragique et éblouissante de la nature solaire. Il se confronta à l’invisible, au principe qui anime le monde, aussi bien lors de ses séjours alpins, dans le château hanté des Tauferes à Campo Tures (photo ci-dessous).
Dans l’essai final du recueil, Scianca établit une comparaison originale entre l’écriture nocturne d’Evola et celle des situationnistes. Selon lui, Evola, à l’instar du premier Debord, réalise ici un exercice de psycho-géographie : « Il ne s’agit pas d’imaginer des synthèses artificielles entre Evola et le situationnisme, mais plutôt de lire Evola à travers le prisme du situationnisme » (p. 137). Evola et les situationnistes ont en effet élaboré une critique radicale de la vie quotidienne, dénonçant l’urbanisme moderne et ses déterminismes souterrains, capables d’agir en profondeur sur l’imaginaire collectif. Pour déconstruire le mécanicisme de la modernité, la dérive urbaine, les rencontres fortuites dans les cabarets nocturnes jouèrent, pour Evola comme pour les situationnistes – tous deux sensibles au mythe –, un rôle déterminant. Evola apparaît ainsi comme un flâneur baudelairien, porteur d’une métaphysique de l’épisodique (préférons ici l’expression de philosophie du singulier).
Dans les cabarets, le philosophe mit à l’épreuve son idéal d’individu absolu, tendu vers la conquête d’une liberté sans cesse en devenir. C’est la référence à Dionysos qui différencie Evola de Debord. L’errance éthylique du traditionaliste vise un moi renforcé, intégrant en lui des éléments dionysiaques sublimés dans une lucidité supérieure, où Dionysos parle avec la voix d’Apollon (p. 150). Son dionysisme n’est pas une simple échappatoire à la vie bourgeoise, mais la conscience de la présence éternelle de la potestas dionysiaca, de l’origine. Là où le situationnisme s’arrête, Evola franchit un seuil grâce à sa conception de la tradition : le spectacle de la tradition, avec ses mythes et ses rites, est l’antidote à la société du spectacle contemporaine, car il enracine l’homme dans une communauté de destin.
Que le lecteur sache que ces articles d’Evola sont de véritables joyaux littéraires. Sa prose, parfois lyrique et poétique, reflète l’homme difficile de Hofmannsthal. Il appartenait à cette race d’hommes à l’aise aussi bien dans les cabarets que sur les sommets alpins, digne représentant de l’aristocratie de l’esprit dont parle Péter Esterházy dans Harmonia Caelestis. Quitte à bousculer les dogmes de la vulgate des "évolomanes".
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lundi, 17 février 2025
Archéo-futurisme et traditionalisme révolutionnaire en Chine
Archéo-futurisme et traditionalisme révolutionnaire en Chine
Jiang Qing et l'ordre confucéen
Ladislav Malý
Source: https://deliandiver.org/archeo-futurismus-a-revolucni-tra...
Un livre à étudier ou comment le passé ancien de la Chine peut façonner son avenir politique
J'ai récemment acheté un livre intitulé The Confucian Constitutional Order (Philosophy, 2020), en version tchèque. Il est écrit par un auteur contemporain chinois, l'universitaire Jiang Qing, et traduit par Milan Kreuzzieger. Intéressant : on dit généralement qu'il existe une sorte de dictature numérique en Chine, ou encore une dictature communiste et une censure, mais en lisant le texte de Jiang Qing, le lecteur en vient à croire, en souriant, qu'il s'agit là de calomnies haineuses à l'égard de la Chine contemporaine.
L'auteur évoque le nouveau système sociopolitique qui conviendrait le mieux à la Chine, en s'inspirant de Confucius (Confucius 551-479 après J.-C., vécut à l'époque de l'apogée de la culture et de la philosophie grecque en Europe - note LM). J'ai lu ce livre avec intérêt et gourmandise, et comme il y a en cet ouvrage quelque chose qui interpelle les personnes intéressées par la politique, j'ai fait quelques recherches, que je vais maintenant vous présenter brièvement.
Selon Jiang Qing, le meilleur système sociopolitique pour la Chine, et pas seulement pour elle, est la « Voie de l'autorité humaine », qui repose sur la question des trois formes de légitimité politique. La légitimité est le facteur décisif pour déterminer si un dirigeant a le droit de gouverner. Selon l'auteur, la Voie de l'autorité humaine relie les trois sphères, ce qui signifie que le pouvoir politique, pour être légal et juste, doit s'appuyer sur trois types de légitimité: le Ciel, la Terre et l'Homme.
La première se réfère à une légitimité transcendantale et sacrée ; la deuxième se fonde sur une légitimité dérivée de l'histoire et de la culture, puisque la culture est créée au cours du processus historique dans des lieux spécifiques ; la troisième se réfère à la volonté du peuple, puisque le respect de cette volonté détermine directement la soumission du peuple à l'autorité politique. Ces trois facteurs de légitimité peuvent garantir que l'autorité du dirigeant et l'obéissance du peuple sont considérées comme un droit et un devoir.
Réflexions complémentaires : la légitimation de la Voie est comprise comme la légitimité du pouvoir politique, tandis que la mise en œuvre de la Voie est comprise comme la manière dont le pouvoir politique est exercé, ainsi que les méthodes et l'art d'utiliser le pouvoir légitime. La légitimation du pouvoir politique est le fondement et l'objectif de tout système politique : la méthode, l'ordre et l'art de la politique. Sans cela, la réalité politique n'a ni sens ni valeur.
Dans un cadre constitutionnel, la voie de l'autorité humaine établit le régime parlementaire. Le Parlement est composé de trois chambres, chacune d'entre elles représentant l'une des trois sortes de légitimité: la Chambre des lettrés, c'est-à-dire la Chambre des lettrés confucéens, représente la légitimité sacrée ; la Chambre du peuple, la légitimité populaire ; et la Chambre de la nation (du pays), la légitimité culturelle. Le Parlement ainsi constitué, en tant qu'organe souverain de l'État, est - selon Jiang - le mieux réalisé dans une monarchie, et pour la Chine contemporaine, le monarque souverain est le dernier héritier de Confucius.
Le sous-titre du livre, qui justifie sa qualification d'« archéo-futuriste », est « Comment le passé ancien de la Chine peut façonner son avenir ». La manière dont Jiang Qing compare différents systèmes sociopolitiques, y compris la démocratie occidentale, présente un intérêt particulier pour nous, en République tchèque. Il déclare notamment: "Lorsque la démocratie a été confrontée à la question de la légitimité, elle a trouvé ses fondements théoriques dans le contrat social, qui justifie et nomme l'origine de l'État et la légitimité politique qui en découle. La légitimité de la démocratie est donc un produit de la raison pure et de la spéculation, qui souffre d'un manque d'arrière-plan historique authentique".
Ailleurs, dans le livre, nous pouvons lire : "L'examen de la question de la légitimité sous l'angle des trois éléments que sont le Ciel, la Terre et l'Homme révèle une légitimité tridimensionnelle et la division de ses éléments constitutifs. La conception occidentale contemporaine de la souveraineté du peuple n'est que le résultat du rejet de la souveraineté médiévale de Dieu. Dans le Moyen Âge chrétien, l'autorité politique venait de Dieu. Dieu était unique, absolu, ne dépendant que de lui-même, et donc d'une essence exclusive et suprême, et donc tout découlait de Dieu. En fait, la souveraineté du peuple n'est que l'équivalent séculier de la souveraineté de Dieu. Dans la culture occidentale contemporaine, Dieu a été remplacé par le peuple. Par conséquent, la politique démocratique affirme une légitimité unique et ne peut imaginer d'autres formes de légitimité".
Et elle a une autre conséquence grave : elle manque de moralité. Dans un système démocratique, l'autorité et la légitimité du gouvernement sont déterminées, dans un sens purement formel, par la « volonté du peuple ». Ce qui compte, c'est l'opinion de la majorité, quelle que soit sa qualité. Si la volonté du peuple était contraire à la morale humaine (comme c'est le cas dans notre pays tchèque depuis 1918 - note LM), il suffirait qu'une majorité de l'électorat obtienne le nombre de voix légalement requis pour que le gouvernement dispose de l'autorité et de la légitimité politiques nécessaires. La démocratie consiste à compter les votes, la moralité n'est pas prise en compte. La volonté immorale du peuple peut créer une autorité et un gouvernement légitimes. Le problème plus profond est qu'au niveau de la légitimation, la volonté du peuple n'est pas limitée par une légitimité sacrée ou une morale universelle. Ses origines historiques et culturelles sont enracinées dans la séparation de l'Église et de l'État. En Occident, la morale est représentée par l'Église, et la séparation de l'Église et de l'État signifie donc que l'Église (la morale) a quitté la sphère politique.
Par conséquent, il n'y a pas de grand niveau de moralité ou d'idéaux élevés en politique. Il ne reste que des désirs et des intérêts nus. Il n'y a pas de place pour les grands espoirs et la grande vitalité. Dans ces conditions, la politique devient de plus en plus décadente et invite à la satisfaction des désirs ; le gouvernement devient une entreprise gérée par les dirigeants politiques en tant que directeurs ; le gouvernement politique devient une question de contrats et tout peut être jugé en termes d'intérêts financiers. Il n'y a plus de place pour les idéaux sublimes ou les nobles personnalités du passé.
Par ailleurs, Jiang Qing souligne que l'État est un corps organique et vivant. Il évolue dans le temps historique. L'État est l'État du passé, du présent et de l'avenir. Le rôle de l'État aujourd'hui est de porter la vie de l'état passé vers l'avenir. L'État n'est pas le résultat d'un choix rationnel ou de la volonté du peuple. Il est le résultat de la continuité historique et de l'héritage de la tradition. C'est la nature organique de l'État qui décide des questions de légitimité. Les autorités politiques doivent être reconnues sur la base de l'histoire et de la culture. Elles doivent s'appuyer sur la continuité de la vie antérieure de l'État, et ce n'est qu'à cette condition qu'elles peuvent gagner en légitimité.
Si la volonté du peuple est considérée comme la seule source de légitimité, la politique ne peut jamais chercher à réaliser le bien. Par conséquent, le problème n'est pas l'établissement de la démocratie, mais la question de savoir comment changer les principes de base de la démocratie et rétablir les principes de légitimité. C'est le problème politique le plus fondamental auquel sont confrontées les sociétés humaines.
En pratique, il s'agit d'attribuer une légitimité moindre à la légitimité issue du peuple, de lui retirer son statut d'unique source de légitimité, et d'établir un nouveau modèle politique dans lequel plusieurs types de légitimité fonctionnent simultanément, côte à côte, en équilibre.
Voilà pour Jiang Qing.
En lisant le livre, je me suis demandé comment il était possible qu'un penseur chinois contemporain puisse utiliser quelque chose d'aussi vieux et d'aussi « faisandé » que la doctrine confucéenne pour l'organisation sociopolitique future de son pays. Pourquoi fouille-t-il dans la vieille remise philosophique chinoise peu prometteuse et en sort-il Confucius ? Sans doute parce que la Chine n'a pas été habitée pendant de nombreux siècles par des penseurs biblistes et illuministes, comme l'a été l'Europe. Il n'y avait pas d'intellectuels biblistes ni d'illuministes en Chine, il n'y avait personne, jusqu'à l'époque de l'endoctrinement marxiste-bolchevique, qui aurait soumis l'histoire et la culture chinoises à une analyse historico-critique et ainsi privé les masses du peuple chinois de leur mystérieuse poésie issue de la religion païenne ; les chefs spirituels de la Chine et les sages philosophes chinois ont été moqués impunément pendant des siècles et ont souligné l'invisibilité de leurs divinités, par conséquent elles n'ont pas existé. C'est la raison pour laquelle la doctrine confucéenne s'élève au-dessus de la Chine comme le soleil à l'est.
Écrit pour Delian Diver, Prague.
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dimanche, 16 février 2025
La royauté sacrée. Universalité et antiquité du roi sacré
La royauté sacrée. Universalité et antiquité du roi sacré
Walter Venchiarutti
Source: https://www.ereticamente.net/la-regalita-sacra-universali...
Le pouvoir politique, autrefois basé sur les vertus divines dans le cadre d'une monarchie sacrée, est aujourd'hui passé de main en main. Il est cependant encore possible de retrouver dans les démocraties, fondées sur le dogme du nombre, les vestiges survivants de cette institution désormais réduite à la parodie ; ces vestiges sont souvent camouflés sous la matérialité des idéaux, cachés sous les apparences du sentimentalisme humanitaire envers les marginaux, lorsqu'ils sont parés d'eschatologie salvifique.
Dans l'Occident européen, à une époque lointaine médiévale, il existait la croyance selon laquelle le pouvoir surnaturel, en particulier celui qui est d'ordre thaumaturgique, provenait directement du pouvoir souverain par des interventions surnaturelles. Cette conviction, riche de témoignages séculaires, a été observée sous les premiers Capétiens et dans l'Angleterre normande. En France, elle était officiellement reconnue grâce à l’onction et à l'incarnation royale, cérémonies réalisées par le pouvoir religieux (illustration, ci-dessus). L'attribution de ce privilège se produisait officiellement avec la transmission du pouvoir du père au fils aîné, désigné pour hériter du trône. La légitimation des rois-saints, détenteurs du pouvoir guérisseur, reposait sur la croyance selon laquelle un malade de la scrofule, de l'épilepsie ou souffrant de douleurs musculaires pouvait guérir grâce à l'imposition des mains du monarque (illustration, ci-dessous), selon la formule bien connue: "Le roi te touche, Dieu te guérit". Cette investiture impliquait le toucher royal sur les malades, accompagné du signe de la croix. Les grands monarques, grâce à ce pouvoir traditionnel, étaient réputés être des guérisseurs prodigieux, des personnages sacrés et les gardiens de la santé de la société.
Même la structure théocratique des premières sociétés africaines plaçait au sommet la figure du roi divin.
"Comme le pharaon, ce roi est le médiateur entre les forces cosmiques et le peuple et est lui-même considéré comme ayant une essence divine. Il réunit dans ses mains le sacré et le profane et est à la fois grand prêtre et législateur suprême. Son pouvoir est absolu, mais uniquement dans les limites de sa fonction sociale. Il est responsable devant le peuple du bien-être collectif qu'il doit assurer et maintenir constant par des rituels appropriés." (B. de Rachewiltz, Eros nero, 1963).
Frazer évoque la figure associée aux fonctions sacrées royales et divines, présentes dans la figure du roi de la forêt, du roi sacrificiel à Rome et du magistrat appelé "roi" à Athènes. Ces archétypes apparaissent fréquemment "au-delà des limites de l'Antiquité classique et sont communs à des sociétés de tous les degrés, de la barbarie à la civilisation... ainsi, dans les forêts du Cambodge, il existe deux souverains mystérieux appelés "roi du feu" et "roi de l'eau" (J.G. Frazer, Le rameau d'or, vol. I, 1965, p. 169). Dans la poésie tamoule, "l'hommage au souverain et l'adoration du dieu se confondent, les bardes louent les rois de la même manière qu'ils exaltent les divinités du sol" (E. Zolla, Les trois voies, 1995).
"Les grandes civilisations de l'Antiquité qui se sont développées à l'époque de la soi-disant révolution urbaine – Mésopotamie, Égypte, Chine – étaient des sociétés stables gouvernées par des ‘rois sacrés’. De même, les États agricoles de l'Amérique centrale et méridionale, les Aztèques et les Incas étaient organisés comme des monarchies sacrées, tout comme les sociétés d'Afrique, d'Europe et d'Asie, qui ont maintenu ces réalités pendant des millénaires." (Encyclopédie des religions, dirigée par Mircea Eliade, vol. I, Objet et modalités de la croyance religieuse, Milan, 1993).
L'épilogue de cette institution en Occident s'est produit au 18ème siècle, pendant la Révolution française, avec la décapitation du "citoyen" Louis XVI. Par la suite, la saga de la royauté sacrée s'est définitivement conclue avec le massacre de la famille entière de Nicolas II Romanov, empereur et martyr. Dans le passé, ce privilège et la dignité des souverains n'avaient jamais été annulés délibérément ; bien que certains aient trouvé la mort au combat ou aient été assassinés, cette légitimité était portée par la suite de la lignée ou par le remplacement de la dynastie déchue.
La figure du roi sacré, en plus d'être extrêmement ancienne et universelle, a toujours assumé, bien que sous différentes formes, la fonction de gardien et de garant du bien-être social. En particulier, la royauté divine dans le contexte africain est liée au pouvoir sacré, un attribut lié à la fertilité de la terre. Depuis des temps immémoriaux, le roi devient homme-Dieu, incarne le numen, ses prérogatives permettant la guérison et la protection de la communauté. Cette défense peut être d'ordre sanitaire ou, dans le cas des Ashantis de la Côte d'Ivoire, se manifeste dans la préservation des récoltes, garantissant ainsi la soumission des forces naturelles, telles que l'arrivée de la pluie nécessaire et favorable, ou l'éloignement de la grêle et des inondations, la gestion du feu ami et simultanément sa soumission contre le danger d'incendie.
Chez les Abron (ci-dessus), qui font partie du groupe Akan résidant toujours en Afrique de l'Ouest, le roi représente le principe même de la vie (M. Lunghi, Les Abron de la Côte d'Ivoire, Milan 1984). C'est pour cette raison qu'il ne parle jamais. Une énergie extraordinaire lui vient de l'Être Suprême par transmission directe. Le chef, en tant que père terrestre, est le représentant de toute la communauté tribale et transmet à son tour cette force vitale à tous les membres des tribus. Pour ce peuple, la sacralité du chef est le prérequis même de la vie. Le roi reçoit les dons de fécondité prolifique de Dieu. Lors de la fête des ignames (tubercules amidonnés qui jouent un rôle majeur dans l'alimentation), le souverain, ayant autorité sur les quatre familles entre lesquelles la communauté est divisée, s'adresse aux points cardinaux respectifs avec des inclinaisons, remercie l'Être Suprême et les ancêtres pour lui avoir accordé d'être le médiateur de la continuation vitale, qui se manifeste à travers l'octroi de récoltes abondantes. Les simulacres des ancêtres, les anciens prédécesseurs, sont présents à l'église comme des protecteurs et occupent la place des saints. La fonction du roi est de communiquer avec la divinité, de recevoir les pouvoirs, de transmettre les messages et les volontés célestes, et de distribuer les récoltes dont les fruits proviennent directement de l'Être Suprême.
Les délégitimation de l'institution monarchique observées précédemment se sont produites selon un processus historique qui a vu la diffusion de la laïcité des mœurs et de la rationalité de la pensée, ces évolutions se manifestant tant dans les gouvernements démocratiques que dans les régimes autoritaires. Dans les deux cas, ces nouvelles tendances, d'abord soutenues par un large consensus, n'ont pas toujours su être à la hauteur des engagements pris. Aujourd'hui, à la naïveté, à la force brute et à la corruption s'est ajoutée la finesse du système informationnel. Cette option indolore est aujourd'hui active et pratiquée à grande échelle. Le lavage de cerveau contribue davantage que la force brute à affaiblir et à enterrer les quelques voix rares de la dissidence. Le résultat obtenu est atteint en droguant les consciences des utilisateurs.
Dans les cas historiques européens et africains, selon différentes modalités, la mystique du roi s'est manifestée dans les mythes des guérisseurs et dans les rituels de fertilité qui ont contribué à la protection prophylactique et à la sécurité alimentaire des communautés. Des anecdotes superficiellement considérées comme secondaires de faits sociaux (maladies, récoltes) deviennent les pierres angulaires pour identifier l'universalité sur laquelle repose la légitimité justifiée du pouvoir, car défendre, administrer et protéger une communauté, garantir l'application des lois et des jugements impartiaux est le premier pas vers la légitimation.
Bien que sous différentes formes, la royauté sacrée, des rois français aux chefs africains, répondait à des problématiques d'ordre alimentaire ou sanitaire visant à suppléer aux besoins primaires d'une collectivité. Ces fonctions trouvaient résolution dans les rituels de reconnaissance. Ces processus historiques d'aide ont continué à évoluer. Dans certains cas, on est passé du roi sacré en tant que divinité, au roi prêtre, ce dernier étant le médiateur, porte-parole des entités suprêmes mais non pour cela considéré comme Dieu. Et pour continuer jusqu'à nos jours, nous les voyons reflétés dans les fonctions attribuées et soutenues par l'icône de l'expert environnementaliste, dernier connaisseur, détenteur et diffuseur des vérités ultimes, désigné pour la sauvegarde de l'environnement et donc de l'humanité, investi d'une véritable ou présumée onction destinée à la défense planétaire.
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mercredi, 22 janvier 2025
Les écrits de Julius Evola pour "Vie della Tradizione"
Les écrits de Julius Evola pour "Vie della Tradizione"
La collection complète des essais d'Evola parus dans la revue traditionaliste sicilienne
par Giovanni Sessa
Source: https://www.barbadillo.it/118364-gli-scritti-di-julius-ev...
Parmi les livres d'Evola les plus importants, publiés à l'occasion du cinquantième anniversaire de la mort du penseur traditionaliste, on trouve Julius Evola, Scritti per « Vie della Tradizione » 1971-1974, récemment édité par L'Arco e la Corte (sur commande: info@arcoelacorte.it, pp. 119, euro 15,00). Le recueil a été publié en première édition comme supplément au numéro 104 de la même revue. La nouvelle publication contient l'avant-propos de Gaspare Cannizzo, l'inoubliable fondateur de la revue, et l'introduction de Gianfranco de Turris, accompagnée d'une brève note d'Anna Cannizzo. Dans le volume est également reproduite une lettre d'Evola du 29 juillet 1971 adressée à Cannizzo concernant les modalités de sa collaboration à « Vie della Tradizione ». Le philosophe n'a pas seulement collaboré avec le périodique, mais il a également fait le nécessaire pour obtenir d'autres contributions précieuses pour la revue. Cannizzo écrit, après avoir rendu hommage à la cohérence de la vie et de la pensée d'Evola : « Notre supplément [...] se veut un hommage à sa mémoire, un hommage à un véritable, peut-être dernier, homme de tradition » (p. 17). Les contributions d'Evola, au nombre de douze, seront publiées à partir du deuxième numéro de 1971 et ne cesseront d'arriver à la rédaction que l'année de la mort du penseur (1974).
De Turris note qu'il s'agit autant d'essais organiques, doctrinaux et interprétatifs que d'écrits à caractère journalistique. Ce sont les écrits du premier type qui prévalent, certains d'entre eux étant réellement pertinents d'un point de vue théorique. Ils abordent « des thèmes et des philosophies chers à Evola [...]: le bouddhisme zen, la Voie de la Main Gauche, l'initiation, la magie sexuelle » (p. 21). On notera, entre autres, Les centres initiatiques et l'histoire et Le mystère de la décadence. Pour des raisons de place, nous n'en évoquerons que quelques-uns. En particulier, ceux qui sont les plus proches de la sensibilité de l'auteur. Commençons par Dionysos et la « Voie de la Main Gauche ». Dans ses pages, Evola présente au lecteur les pouvoirs divins de Dionysos et d'Apollon. L'homme originel était animé d'une "vocation inouïe", il voulait se placer au-delà de l'être: "par le pouvoir de l'être et du non-être, du Oui et du Non" (p. 85). Un tel homme avait en lui, contrairement aux dieux, également une nature mortelle, avec l'infini en lui; vivait, au-delà de tout dualisme, le fini. Les pouvoirs spirituels sont statiques: « sous la forme d'existences objectives autonomes [...] devenues extérieures et fugitives à elles-mêmes, le pouvoir a perdu l'espèce de l'existence objective [...] et la liberté [...] est devenue la contingence [...] des phénomènes » (p. 86). Le « dieu tué » de l'illimité, Dionysos, prend les traits de la limite, de la forme, de l'acte aristotélicien : il devient Apollon.
Ce dieu est essentiellement un savoir distinctif, centré sur la « visualité » spatio-temporelle du principium individuationis. L'homme commence à « dépendre » des choses, du désir, et il est rhétoriquement, aurait commenté Michelstaedter, conditionné: « la tangibilité et la solidité des choses matérielles [...] sont l'incorporation » du principe infini (p. 87). La limite est représentée par la loi, positive et morale à la fois, qui fait taire le pouvoir. Il s'agit, par la « Voie de la Main Gauche », de surmonter l'horreur de l'apeiron. L'individu absolu, dans ce contexte, se place au-delà du domaine de la signification et du finalisme: sa conscience est la même que celle qui vit dans le Tout unique, dans le cosmos, elle n'est plus corrélativement liée aux choses, aux actes, elle descend dans les profondeurs de la vie, au-delà des catégories de la « causalité » et de la « raison suffisante » et de tout « providentialisme ». Le « je » a en lui la possibilité dionysiaque d'abattre les barrières apolliniennes: « Ainsi est attestée la tradition concernant le “Grand Œuvre”, la création d'un second “Arbre de Vie” » (pp. 89-90). Pour cela, il faut déchirer les voiles qui cachent la puissance qui nous habite : il faut consister en elle, sans reculer. Telle est en effet la « mort initiatique ». Un chemin, nous rappelle Evola, dangereux, pour les plus rares....
Le penseur revient sur ce thème dans l'essai Le symbolisme érotique antique en Orient et en Méditerranée. Dans cet essai, il montre comment la pensée chinoise considère le yin et le yang, le mâle et la femelle, principes agissant dans le cosmos, dans une interaction instable. Une doctrine qui n'est pas sans rappeler celle attestée dans le tantrisme par Çiva et Çakti. L'Europe ancienne, la Grèce et la Rome aurorales, connaissaient également de telles conceptions, et Bachofen, en les rappelant à la vie, a construit sa propre vision du monde, centrée sur l'antithèse de la génécocratie et de la civilisation uranique (qu'Evola a inversée).
Pour le traditionaliste, à cet égard, le symbolisme de l'étreinte inversée, déjà attesté dans l'Egypte ancienne, est décisif : une étreinte caractérisée par l'immobilité du mâle et la motilité de la femelle: « La vraie virilité n'agit pas de façon matérielle, elle suscite seulement le mouvement, elle le commande » (p. 115). Dans la « Voie de la Main Gauche », la dvandvâita est supérieure à tous les contraires, au masculin comme au féminin, elle n'est plus liée à la dimension réelle des entités, elle est pure liberté-puissance : « la voie peut être comparée à chevaucher sur le fil du rasoir ou à chevaucher le tigre » (p. 117).
L'essai La morsure de la tarentule mérite une attention particulière. Dans cet essai, Evola présente les civilisations traditionnelles comme différentes de la civilisation moderne produite par la « morsure de la tarentule ». L'homme occidental souffre de cette morsure mortelle, productrice de décadence, depuis que son imagination a été colonisée par l'idole de la démesure capitaliste. Le philosophe, dans ces pages, critique sévèrement, plus que dans d'autres écrits, la politique expansionniste et mondialiste de la civilisation américaine : le capitalisme, précise-t-il, « a pour but de procéder à de nouvelles invasions barbares » (p. 105). Un projet qu'il faut donc arrêter. La morsure de la tarentule est un essai d'une grande actualité. Scritti per « Vie della Tradizione » 1971-1974 est un volume à lire et à méditer.
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lundi, 30 décembre 2024
Raâga Blanda, les compositions poétiques d'Evola 1916-1922
Raâga Blanda, les compositions poétiques d'Evola 1916-1922
L'éditeur évoque, avec une évidente participation émotionnelle, sa rencontre avec Evola, un auteur qui a joué un rôle important dans l'histoire de la courageuse maison d'édition romaine.
par Giovanni Sessa
Source: https://www.barbadillo.it/117475-libri-strenne-di-natale-...
Raâga Blanda, un recueil de poèmes de Julius Evola pour les éditions Mediterranee
À l'occasion du 50ème anniversaire de la mort de Julius Evola, un nombre considérable d'œuvres du philosophe ou qui lui sont dédiées ont été imprimées. Nous abordons ici le recueil de compositions poétiques d'Evola, Raâga Blanda, récemment sorti en librairie grâce aux Edizioni Mediterranee (pour les commandes : 06/3235433, ordinipvdizionimediterranee.net, pp.79, 14,50 euros). Le livre, qui comprend un essai introductif de Giorgio Calcara, se termine par une postface de Giovanni Canonico, patron des Edizioni Mediterranee, ainsi que par une brève biographie du penseur. L'éditeur évoque, avec une évidente participation émotionnelle, sa rencontre avec Evola, un auteur qui a joué un rôle important dans l'histoire de la courageuse maison d'édition romaine. Il s'attarde en particulier sur l'histoire de la couverture du volume que nous présentons, reproposée dans cette nouvelle édition anastatique, exactement telle qu'elle a été conçue et souhaitée par le philosophe.
Calcara, dans l'essai introductif, présente, de manière organique et avec des accents persuasifs, le sens et la signification de la production poétique d'Evola. Il s'agit d'un moment central dans la production artistique futuriste-dadaïste du traditionaliste et d'une grande importance. La première édition de Raâga Blanda est parue en 1969, grâce à l'extraordinaire sensibilité éditoriale de Vanni Scheiwiller.
La saison poétique d'Evola, contemporaine de sa saison picturale, s'est en effet achevée vers 1922. Ses lueurs poétiques ont attendu cinquante ans pour être éditées dans leur intégralité, grâce à l'insistance de l'auteur qui considérait ces expériences « de jeunesse » comme centrales dans son processus de réalisation spéculative. Les compositions de Raâga Blanda témoignent, comme l'indique la Note préparée par la Fondation, de « l'unité profonde d'un philosophe encore capable de penser en artiste et d'un artiste qui [...] n'a jamais cessé de faire de la philosophie » (p. X). Le terme Raâga apparaît pour la première fois chez Evola en 1920, dans le poème I sogni (Rêves), inclus dans Arte astratta (Art abstrait), texte capital de la théorie abstractionniste européenne. Calcara affirme qu'il évoque : « une présence mystérieuse qui se manifeste sous la forme d'une expression phonique abstraite » (p. XIV). Ce lemme prend une forme définitive dans le poème La parole obscure, devenant l'un des quatre « élémentaires » de cette composition, Monsieur Raâga.
Ce dernier exerce une fonction d'enregistrement, en transcrivant : « les mécanismes du paysage intérieur activés par les trois élémentaires précédents » (p. XIV), Lilian, Ngara, Hhah. Grâce à l'étude d'Elisabetta Valento de 1989, centrée sur la relation épistolaire que l'artiste-philosophe entretenait avec le dadaïste Tzara, nous savons que, dès 1919, Evola pensait à son livre poétique, probablement achevé à la fin de l'année 1920. Le livre ne vit pas le jour à ce moment-là en raison de désaccords avec Marinetti et les futuristes et, par conséquent, certaines des compositions furent intégrées à l'essai théorique L'art abstrait, un texte qui, à bien des égards, était déjà dadaïste. Franco Crispolti, éminent critique d'art, a redécouvert le caractère crucial de la production artistique d'Evola à la fin des années 1950 et a organisé une exposition de ses peintures à la galerie de Claudio Bruni à Rome en 1963. Comme nous l'avons dit, Scheiwiller a adhéré avec enthousiasme à la proposition d'Evola, comme en témoigne la correspondance entre les deux hommes, conservée dans le Fonds Apice de l'Université de Milan.
Pour saisir le sens de ces poèmes, il est nécessaire de se référer à la signification que le terme raâga avait dans le bouddhisme primitif. Il peut être traduit par « attachement », « désir » et fait allusion à ce qui pèse sur l'esprit, le reléguant à la seule dimension « causale », « sensorielle ». En sanskrit, ce mot peut être traduit par « couleur », « tache sombre », signe de l'impureté de la condition humaine générant « la souffrance et l'impossibilité d'atteindre l'état final de la grande libération » (p. XVII). L'adjectif blanda (doux) vise, quant à lui, à adoucir cette condition de stase existentielle, en faisant allusion à son possible dépassement. Les poèmes d'Evola ont donc des traits de « mystérieuses abstractions verbales, ils décrivent des paysages intérieurs [...] qui tantôt chantent des territoires doux et acides et des galops féroces, tantôt descendent soudain dans de sombres profondeurs abyssales pour finir projetés sur des orbites stellaires glacées » (p. XIX). À travers l'expérience du vide, les poèmes d'Evola font allusion au dépassement de la limite qui nous caractérise encore, en découvrant, alchimiquement, notre nature divine.
La parole poétique évolienne est mantra, rébus phonologique, qui libère le dire de la dimension de la signification, c'est une parole magique qui porte en elle l'incipit vita nova, tant à l'égard du moi que du monde, comme dans les accords de la perspective philosophique de l'idéalisme magique. Raâga blanda témoigne de l'irruption du spirituel dans l'art. L'art authentique, en effet, est orphique, acte dé-déterminant, mettant en évidence l'être toujours à l'œuvre au commencement.
Pour ce faire, le mot doit se libérer de son rapport univoque aux choses, mais aussi de son propre usage métaphorique : ce n'est que dans ce cas qu'il devient une porte royale grande ouverte sur le divin. Sur les trente compositions rassemblées dans le volume, huit sont tirées de L'art abstrait, bien que révisées. Certains textes sont explicitement dadaïstes. Parmi eux, « A » dit : Lumière dans lequel est évoqué le serpent Ea, typique de l'imagerie hermétique évolienne. Les poèmes de la première période se réfèrent, à partir de 1916, à la phase picturale de l'« idéalisme sensoriel » : « ce qui frappe [...], c'est le recours obsessionnel à l'addition des couleurs » (p. XXII). Ceci est particulièrement évident dans les Esquisses (Schizzi). Les poèmes composés pendant la période où Evola a participé à la Première Guerre mondiale sont également dignes d'intérêt. Dans ces poèmes, « ce qui est représenté, c'est la conséquence de l'action : la visée, le tir [...] et l'explosion » (p. XXII).
Il convient de noter que, transversalement, dans de nombreux poèmes, il y a une valorisation évidente du « féminin », on pense surtout à la Ballade en rouge (Ballata in rosso). La nouvelle édition de Raâga blanda permet au lecteur de saisir pleinement la valeur de la poésie d'Evola, moment saillant de son parcours idéal et de sa réalisation.
20:13 Publié dans Littérature, Livre, Livre, Philosophie, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : julius evola, poésie, dadaïsme, art abtrait, lettres, lettres italiennes, littérature, littérature italienne, tradition, traditionalisme | |
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mardi, 19 novembre 2024
Trois grands penseurs du monde indien
Trois grands penseurs du monde indien
Troy Southgate
Source: https://troysouthgate.substack.com/p/three-great-thinkers...
L'approche de certains aspects de l'idéalisme absolu qui a vu le jour dans la philosophie allemande à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle est similaire à celle du Vedanta que l'on trouve dans l'hindouisme. Les trois principaux textes traitant de l'approche védique de la réalité ultime sont les Upanishads, la Bhagavad-gita et le Brahma-sutra, tandis que trois des principaux penseurs ayant examiné la relation entre Brahman (la réalité ultime) et Atman (le soi) sont originaires du sud de l'Inde : Shankara (788-820 CE), Ramanuja (1017-1137 CE) et Madhvacharya (1238-1317 CE).
Le premier d'entre eux, Shankara, s'est inspiré d'un vieux conte hindou dans lequel un père place un cube de sel dans une casserole d'eau pour montrer à son fils que sa dissolution éventuelle est un exemple de la manière dont le moi est absorbé par la réalité ultime. Cela a conduit Shankara à développer un système connu sous le nom d'Advaita (non-dualisme), qui cherche à illustrer comment le soi n'est pas une entité séparée qui peut être reliée à diverses parties du corps, mais indissociable du principe universel de Brahman. En supprimant l'identité entre les deux, Shankara a prouvé qu'il était possible d'atteindre la libération. La connaissance de la vraie réalité est donc une forme de liberté, de la même manière que le penseur idéaliste allemand Friedrich Schelling insistera plus tard sur le fait que le sujet et l'objet ne font qu'un en fin de compte.
Notre deuxième philosophe indien, Ramanuja, est arrivé deux siècles après Shankara et n'a pas eu à relever le défi du bouddhisme comme l'avait fait son prédécesseur. La stratégie de Ramanuja était plutôt différente dans le sens où il opérait dans le domaine des Vaishnavas, ou adeptes de Vishnu, et utilisait cette dimension particulière de la religion pour accentuer la relation entre Brahman et Atman par le biais de récits épiques tels que le Mahabharata et les textes mythologiques des Puranas.
Le principal argument de Ramanuja est que les humains ne sont ni différents de Dieu, ni eux-mêmes, et que nos sens sont donc illusoires. Cela ne signifie pas que la réalité ultime est impersonnelle, comme le décrit Shankara, mais seulement que tout est une manifestation du Seigneur (Ishvara), ou du puissant. Dieu contrôle donc à la fois le moi intérieur et le monde.
On pourrait penser qu'il y a encore peu de place pour l'identité, mais les choses changent rapidement avec l'apparition de Madhvacharya au XIIIe siècle. En effet, bien qu'il ait imité Ramanuja en rejoignant le culte de Vishnu, il rejette la non-dualité de ses homologues et promeut une forme de dualisme. Pour Madhvacharya, il doit y avoir une distinction entre la réalité ultime et le moi et ils ne doivent pas être considérés comme identiques. Tous les phénomènes, conformément à la volonté du Divin, sont clairs et définis, mais avec une particularité fondamentale qui exige que l'on vénère le Seigneur Krishna comme quelque chose qui se trouve à l'extérieur du soi. C'est ce qu'il appelle le « témoin intérieur ».
Néanmoins, malgré ces interprétations subtiles entre une réalité impersonnelle et un Dieu personnel, les trois traditions continuent de prospérer sous la forme de l'Ordre Ramakrishna et de la Société Vedanta de Shankara, du mouvement Shri-Vaishnava et Gujarati Swaminarayan de Ramanuja, et du Gaudiya Math et de la Société internationale pour la conscience de Krishna. En ce qui concerne les idéalistes allemands comme Schelling, il est allé au-delà du dualisme que l'on trouve dans le cartésianisme et a formulé une « identité absolue » qui unit la singularité de la réalité ultime à la multiplicité qui découle de la réalité ultime. Comme il l'explique à propos de l'erreur cartésienne elle-même :
« Le "je pense donc je suis", est, depuis Descartes, l'erreur fondamentale de toute connaissance ; la pensée n'est pas ma pensée, et l'être n'est pas mon être, car tout n'est que de Dieu ou de la totalité ».
19:10 Publié dans Philosophie, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tradition, tradition indienne, inde, hindouïsme, philosophie | |
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