mercredi, 01 mai 2024
1er mai: rites et parfums
Le 1er mai. Rites et parfums
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/calendimaggio-riti-e-profumi/
Ce soir, j'aimerais danser sur un feu. Sur un feu de joie allumé dans les bois. Entre les arbres.
Et je voudrais tresser des couronnes de lierre, les orner de muguet et boire de la bière fraîche, épicée et poivrée.
Voilà, dira le réalisateur, c'est l'explication... la bière.
Mais ce n'est pas ça... Je n'ai pas bu. Pas trop.
Seulement, ce soir, c'est Beltaine. Ce qui, encore aujourd'hui, dans certaines régions de nos Apennins, ou dans les vallées alpines, est célébré comme la fête du Calendimaggio.
Et c'est une fête autrefois importante. Ancienne. D'origine celtique. La fête de la lumière. Exactement 40 jours après l'équinoxe de printemps. Lorsque la lumière s'est élargie. S'est répandue. Et que le jour a pris le pas sur la nuit.
Pour les peuples du Nord, les Celtes, les Allemands, avec cette nuit, et avec la première aube de mai, le printemps a commencé.
Quand le Soleil est devenu progressivement plus intense. Chaud. Jusqu'au feu de l'été qui approche. Beltaine en est l'annonce.
Bien sûr, en cette fin de mois d'avril, parler de Soleil, de Lumière, de chaleur... d'été, semble presque... ironique. Des journées plus froides qu'en novembre, de la brume, de la pluie battante... de la neige sur les montagnes environnantes.
Une résurrection inattendue de l'hiver.
Mais ce soir, le soir de la Sainte Walpurga (Walpurgisnacht), le soleil est à nouveau chaud. Et le ciel est clair. D'un bleu profond. On dit que cela ne durera pas. Que demain, la pluie reviendra.
Mais je voudrais allumer un feu. Et, devant ces flammes dansantes, lire le Faust de Goethe. Le final. De la première partie. Le Sabbat sur le Mont Chauve. Et écouter Moussorgski.
Peut-être, parmi ces ombres, verrais-je les sorcières du rêve de Goethe. Et aussi la Marguerite de Boulgakov, qui est arrivée avec la chevauchée sauvage du professeur Voland.
Fantaisies littéraires. Et pas seulement.
En attendant, il me semble percevoir, intense, le parfum du muguet. qui sont les fleurs de ce jour. Les fleurs de Beltaine. Symbole de fertilité. Et d'éros. Parce que c'est une fête qui a à voir avec le printemps. Et donc à l'amour. Au sens le plus large du terme.
C'est pourquoi autrefois, dans de nombreux pays, il était de coutume d'apporter à l'être aimé un bouquet de muguet.
Blanc, presque éblouissant. Et avec un doux parfum. Séduisant.
Et pourtant... dangereux. Car ils sont toxiques.
Bonne fête de mai à tous!
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samedi, 27 avril 2024
L'Ivresse et les dieux
L'Ivresse et les dieux
par Luc-Olivier d'Algange
Qu'en est-il des dieux antérieurs ? Peut-on, sans avoir à se dire « païen », recevoir d'eux quelque lumière ? Peut-on s'interroger, par leurs ambassades ouraniennes, maritimes ou forestières sur le monde tel qu'il s'offre à nos sens et à notre intelligence? Pouvons nous les entendre, ces dieux, dans l'acception ancienne du verbe, c'est-à-dire les comprendre, les ressaisir dans la trame de notre entendement où vogue la navette du tisserand, dieu lui-même, comme des réalités allant de soi, mues par elles-mêmes, pourvues de cet impondérable que l'on nomme l'âme ? Les dieux existent: c'est leur faiblesse car ce qui existe peut disparaître; ce qui existe n'est point l'être; et l'être lui-même n'est qu'à l'infinitif (or l'impératif seul est créateur !). Mais ce qui existe vaut tout de même que l'on s'y attarde... L'existence des dieux demeure difficile à situer car elle est ubique: à la fois intérieure et extérieure. Précisons encore. Les dieux sont ce qui se laisse dire comme une réalité qui est à la fois en dedans et au-dehors, subjective non moins qu'objective. Hélios éclaire à la fois la terre et notre intellect. Dionysos fait danser en même temps la terre et nos âmes. Apollon ordonne ensemble le Cosmos et nos pensées. Ces quelques notes, prises sur le vif, il y a déjà longtemps, s'interrogent sur cette « zone frontalière », avec les inconséquences désirables qui sont le propre du promeneur.
Longtemps, et il n'est pas vraiment certain que l'on se soit dépris de cette habitude, on associa l'intérêt pour le monde antique à un engagement « républicain » dont nos sociétés modernes (où la res publica, hélas, s'est évanouie dans le culte de l'économie) seraient les héritières. Le fidèle aux anciens dieux se retrouvait ainsi fort paradoxalement du côté de la modernité, des « réformes », voire d'une forme de « progressisme » opposée aux « ténèbres » du Moyen-Age et des souverainetés royales Or, on ne saurait imaginer forme de pensée plus étrangère aux Anciens que l'idéologie du Progrès. Toute leur pensée était au contraire orientée par le constat d'une dégradation, d'une déchéance, d'un éloignement graduel de l'Age d'Or. Comment cette pensée « pessimiste » fut à l'origine des créations les plus audacieuses en philosophie, de la plus grande plénitude artistique, c'est là une question décisive à laquelle il nous importe d'autant plus d'apporter une réponse que nous constatons que la croyance inverse, « optimiste », nous fait sombrer dans la veulerie et l'informe. Le Progrès, disait Baudelaire, est la doctrine des paresseux. N'est-ce point se dispenser d'avance de tout effort et briser tout élan créateur que d'assigner au seul écoulement du temps le pouvoir de nous améliorer ou de nous parfaire ? Au contraire, si, comme Hésiode, nous croyons au déclin, à l'assombrissement des âges, ne disposons nous point alors nos intelligences et nos âmes, notre ingéniosité et notre courage à faire contrepoids à ce déclin?
Pour une intelligence qui s'accorde aux présocratiques, le monde de la symbolique romane demeurera certes infiniment plus proche, plus amical, que la « société du spectacle » du monde des esclaves sans maîtres. Fidèles à la logique du tiers inclus, nous n'entrerons pas dans ces polémiques qui font du paganisme une sorte d'anti-christianisme à peine moins sommaire que l'anti-paganisme des premiers chrétiens, tel que le décrivent Celse et l'Empereur Julien. Si le combat du Poète contre le Clerc revêt à nos yeux quelque importance, comment n'engagerions-nous pas la puissante vision poétique et métaphysique de Maître Eckhart et de Jean Tauler contre les lugubres cléricatures de la «pensée unique»? De plus en plus vulgaire, utilitaire, éprise de médiocrité, l'idéologie dominante n'a jamais cessé de détruire la splendeur divine chère aux Archaiothrèskoi, les fidèles aux anciens dieux, alors même qu'elle paraît de temps à autres s'en revendiquer. Mais cet éloignement, n'est qu'un éloignement quantitatif. La qualité de l'être, sa vision, demeure, elle, subtilement présente.
Le monde des dieux anciens n'est pas mort car il n'est jamais né. Que cette pérennité lumineuse soit devenue provisoirement hors d'atteinte pour le plus grand nombre d'entre nous, n'en altère nullement le sens ni la possibilité sans cesse offerte. Pérennes, les forces et les vertus divines s'entrecroisent dans le tissu du monde et nous laissent le choix d'être de simples spectateurs enchaînés dans une représentation schématique du monde ou bien d'entrer dans la présence réelle des êtres et des choses par la reconnaissance de l'Ame du monde. Séparés de tout, enfermés dans une « psyché » qu'il croit être l' « autre » du monde, le Moderne s'asservit à la représentation narcissique qu'il se fait de lui-même.
Pour le Moderne, les dieux, les Idées, les Formes prennent source dans son esprit, mais il ne voit pas assez loin pour comprendre que cet esprit lui-même prend source ailleurs qu'en lui-même. Cette impuissance à imaginer au-delà du cercle étroit de sa propre contingence, n'est-ce point ce que les platoniciens nommaient « être prisonniers des ombres de la Caverne » ? Le Moderne idolâtre sa propre contingence, il en fait la mesure de toute chose, inversant le principe grec qui enseigne que l'homme doit retrouver la mesure de toute chose. Croire que les dieux sont purement « intérieurs », aboutit à une idolâtrie de l'intériorité. Les utopies meurtrières du vingtième siècle, le fanatisme uniformisateur et planificateur des fondamentalismes divers qui se donnèrent cours n'ont-ils pas pour origine ce subjectivisme effréné qui veut faire de l’intériorité de l'homme et de son incommensurable prétention d'être moral, la mesure du monde ? Pour l'homme ancien, les dieux sont en nous car ils miroitent en nous. Notre entendement capte les forces extérieures auxquelles il lui appartiendra, en vertu d'un principe de création poétique, de donner des Formes; et ces Formes, à leur tour, seront hommages aux dieux qu'elles nomment et enclosent pour d'autres temps.
Cette vue du monde est humble et généreuse, attentive et donatrice. Loin de penser l'homme comme l'Autre, ou face à l'Autre, elle reconnaît en soi le Même sous les atours de l'apparition divine. Le dieu est celui qui apparaît. Or l'homme, qui va à la rencontre du monde divin et ne connaît ni naissance, ni mort, apparaît à l'éternité et le dieu qui lui apparaît est selon l'admirable formule d'Angélus Silésius, « un éclair dans un éclair ». C'est dans l'éclat le plus bref et le plus intense que l'éternité nous est donnée. La fulguration d'Apollon demeure à jamais dans l'instant de l'apparition qui nous révèle à nous-mêmes, dans la pure présence de l'être.
Etres de lumière, les dieux; et non point êtres d'ombre, êtres de présence et non point êtres de représentation. L'apparition est l'acte du saisissement souverain où la vision se délivre de la représentation pour reconquérir la présence. Telle est la promesse, la seule, que nous font les dieux antérieurs. Ils ne nous promettent que d'être présents au monde, car aussitôt sommes-nous présents au monde que nous entendons leurs voix. Etre présent au monde, n'est-ce point déjà, dans une large mesure, être déjà désencombré de soi-même ? N'est-ce point devenir l'infini à soi-même ? Que suis-je qui ne soit à l'image des vastes configurations des forces du monde que nomment les dieux ?
Croire aux dieux, c'est croire que le monde intérieur et le monde extérieur sont un. La force lumineuse apollinienne se manifeste à la fois dans le soleil physique, qui épanouit la nature et le soleil métaphysique, le Logos, qui épanouit l'Intelligence. Le génie de l'ancienne sagesse est d'avoir donné un même nom à ces forces intérieures et extérieures, visibles et invisibles. Comment vaincre l'usure des temps, la transformation progressive de la vie en objet, la réification propre à la société marchande, sans le recours aux exigences et aux beautés plus anciennes? La diversité, la liberté, la complexité des anciennes sagesses, la précellence accordée aux Poètes, Bardes, Chantres ou Aèdes (qui sont les créateurs de la vérité qu'ils énoncent, à la différence du clerc qui administre une vérité déjà définitivement formulée) nous demeurent une injonction permanente à ne point nous soumettre. Le monde moderne paraît triompher dans ses vastes planifications, mais il est bien connu qu'il existe des triomphes dont on périt.
Le « déterminisme » dont les Modernes se rengorgent n'est probablement qu'une vue de l'esprit, particulièrement inepte, qu'un peu de pragmatisme suffirait à corriger. Là où le Moderne voit un enchaînement nécessaire, ce qu'il nomme un « progrès » ou une « évolution », un esprit libre ne verra qu'une interprétation à posteriori. La suite d'événements qui conduisent à un désastre ou à une circonstance heureuse, selon l'interprétation qu'on lui donne, n'apparaît précisément comme « une suite » qu'après coup. Cette suite, que la science du dix neuvième siècle nomme déterminisme, apparaît à l'intelligence dégagée et pourvue de quelque imagination, comme un leurre. Dans la vaste polyphonie humaine et divine, les choses eussent pu se passer autrement, et de fait, elles ne cessent de se passer autrement. Les configurations auxquelles elles obéissent engagent non seulement la ligne et le plan, mais aussi les hauteurs et les profondeurs.
Apollon et Dionysos, par exemple, se manifestent par une logique différente de celle de la planification ou de la linéarité. Apollon fulgure des Hauteurs et s'épanouit dans l'ensoleillement intérieur des Formes parvenues à l'équilibre parfait. Dionysos, lui, selon la formule d'Euripide, fait danser la terre. « Quand Dionysos guidera, la terre dansera » chante le chœur des Bacchantes. La formule mérite que l'on s'y recueille. Ce recueillement est recueillement dans la légèreté. La terre dionysiaque n'est plus la terre lourde, immobile, des gens « terre à terre », c'est la terre vibrante, la terre mystérieuse, la terre gagnée par le Symbole aérien de l'excellence: la danse, victoire sur la pesanteur.
Dans le temps et le monde profane, la pesanteur est ce qui nous attache à la terre, nous ferme le royaume du ciel, le séjour des dieux. Dans l'espace et le temps sacré, sous le signe de Dionysos, les forces telluriques elles-mêmes nous délivrent de la pesanteur: la terre danse. Notre danse sur cette terre gagnée par les puissances phoriques du sacré, est la danse de la terre elle-même. L'ivresse nous accorde au monde.
Cet accord, certes, ne préjuge point d'ultérieurs désaccords. L'accord au monde que suscite l'ivresse n'est pas une béatitude définitive, il n'est pas davantage une approbation sans limite. La face sombre du mythe dionysien, comme du mythe orphique, témoigne que l'accord est la conquête d'un dépassement de la condition humaine ordinaire, avec toutes les audaces, les périls, mais aussi les enchantements qu'implique un tel dépassement. La part dangereuse de l'ivresse n'est pas seulement dangereuse pour l'individualisme, elle est aussi dangereuse pour l'ordre social lorsque celui-ci ne parvient pas à lui donner la place qui lui revient.
Le génie grec fut d'avoir donné au mystérieux et inquiétant Dionysos une place centrale dans la mythologie. Alors que les fondamentalismes modernes paraissent être avant tout des expressions humaines de la crainte devant les dionysies de l'âme et du corps, les mythologies anciennes surent réserver au sens de la dépense pure et à l'exubérance festive, la part royale. Dans la mythologie grecque, Dionysos est souvent nommé, à l'égal de Zeus, « le maître des dieux ». C'est que l'infinie prodigalité de l'ivresse est à l'image de l'inépuisable richesse du monde des dieux.
Aux valeurs d'utilité, de thésaurisation, l'ivresse oppose le Don rendu à son ingénuité native. Lorsque Dionysos guide, les identités sont bouleversées. Ce qui, dans la temporalité profane, nous circonscrit dans l'espace-temps dont nous tenons nos identités, est ici remis en jeu sous l'influx des forces du devenir. Dans les époques bourgeoises, les êtres humains qui ne savent conquérir de nouvelles vertus sont de plus en plus attachés à leur identité, mais cet attachement est mortel, car l'identité n'est qu'une écorce morte et seule importe la tradition qui irrigue, traverse et bouleverse les apparences comme une rivière violente. Lors des dionysies, les identités profanes sont mises à mal et une force de renouvellement saisit l'être, le désencombre de ses écorces mortes, l'expose à nouveau aux aventures. Pour les hommes épris de leur statut, pour les hommes imbus de leurs certitudes, les dionysies sont la pire des menaces. En revanche, pour le poète, voire pour l'homme qui désire faire de sa vie un hommage au Beau et Vrai, les dionysies sont une promesse. Les certitudes qu'elles détruisent dans leur emportement, les identités dont elles révèlent le mal fondé ne sont que des leurres qui font obstacle à l'expérience de la vérité de l'être.
Le resplendissement de l'être, dont les dieux sont en ce monde les messagers, ne cesse, dans les conditions profanes de l'existence, d'être voilé, recouvert de scories qui sont autant d'habitudes mentales. C'est en nous délivrant de ces habitudes mentales par l'apport de la vigueur donatrice de l'ivresse que nous recouvrons une vision de la réalité qui n'est plus une vision instrumentale mais ontologique. L'ivresse nous révèle le monde non plus tel que nous l'utilisons ou le planifions, mais tel qu'il est dans l'ouragan de l'être se révélant à lui-même. Quittant les évidences illusoires de l'identité, nous nous retrouvons au centre d'un jeu de forces dansantes qui nous portent témoignage de l'être que nous méconnaissions.
L'ivresse, lorsque Dionysos en personne guide la danse est connaissance. Le monde devant lequel nous passons habituellement, comme devant un spectacle qui ne nous concerne pas, s'impose à nous, retentit en nous, nous exalte et nous effraie tour à tour. L'homme en proie à l'ivresse, ou mieux vaudrait dire, à une ivresse (car il existe autant d'ivresses que de couleurs et même de nuances à l'arc-en-ciel) est enclin à voir dans les choses des Mystères. Les arbres deviennent des arcanes. Les ciels et les mers s'offrent à lui comme de lancinantes interrogations. Les forêts sont bruissantes de présences, et les villes elles-mêmes deviennent des Brocéliande. Mais par dessus tout, les mots acquièrent une puissance et une résonance nouvelles.
Le dithyrambe dionysiaque fête les retrouvailles de l'homme avec les sources de la parole. Car la source de la parole n'est pas dans l'utilisation du réel mais dans sa célébration. Ces mots qui, dans le langage profane sont des écorces mortes, de vaines identités, la puissance dionysiaque va leur rendre la magie invocatoire. Là où le monde est rendu à la présence de l'être, le mot résonne infiniment dans l'âme humaine. Le mot n'est pas étranger à la réalité qu'il nomme, il est le site magique de la rencontre de l'homme et du monde. L'ivresse dionysiaque désempierre la source de la parole. De tout temps, le génie verbal eut partie liée avec l'ivresse. La pauvreté de la parole, la ladrerie de l'expression (que certains critiques modernes vantent sous l'appellation « d'économie des moyens ») qu'est-elle d'autre sinon une crispation sur les évidences, un refus de se laisser gagner par les vastes exactitudes de l'ivresse. Les belles éloquences sont les œuvres du consentement à l'ivresse, de l'accord souverain de l'âme et du corps. La parole, lorsqu'elle se fait rythme et musique et entraîne avec elle la pensée en de nouvelles aventures, naît de l'accord de l'âme et du corps. Lorsque l'âme et le corps sont désaccordés, la parole se fige et s'étiole.
La culture du ressentiment, anti-dionysienne par excellence, répugne à ces preuves magnifiques de la concordance de la hauteur et de la profondeur. La parole, elle la veut « écriture » et « minimaliste », c'est-à-dire aussi peu enivrée que possible, comme si l'ivresse, qui bouleverse les identités, était le Mal par excellence. Les œuvres d'André Suarès, de Saint-John Perse ou de John Cowper Powys sont de magnifiques défis à cette culture du ressentiment dont les seules « valeurs » irréfutables sont la mesquinerie et le calcul. Le « rire des dieux » dont parle Nietzsche est fait précisément pour effaroucher le « bien-pensant », pour montrer le comique foncier des « valeurs », et leur inanité face aux Principes et la puissance dont se compose la polyphonie du monde.
Le Moderne, soumis au principe d'identité, est foncièrement attaché aux « valeurs » alors que l'Archaiothrèskos est fidèle aux Principes qui seront dans la geste éperdue des extases, principes de métamorphoses. Protéenne, l'ivresse invente des formes là où l'identité se contente de reproduire des formes. L'ivresse change, l'ivresse transfigure, là où le principe d'identité profane se limite à la duplication quantitative. L'ivresse crée des qualités. Elle inaugure l'ère, sans cesse reportée mais sans cesse sur le point d'advenir, du qualitatif. Toute perception d'une qualité est prélude d'ivresse. La qualité appartient à l'ordre de l'indiscutable. Celui qui ne la perçoit point ne saurait en parler. Perçue, la qualité suscite une interprétation infinie. L'herméneutique de la qualité est sans limite, alors que la quantité, aussi considérable soit-elle, se définit d'emblée par sa limite. La quantité est limitée, la qualité est infinie. L'ivresse dionysiaque est principe de poésie car elle invite au registre des harmoniques qualitatives du monde. Le souffle s'accorde à l'idée et le poème naît de ce « rien » qui est la chose elle-même rendue à la souveraineté de l'être. Les Mystères orphiques ou dionysiaques n'ont d'autre sens. Le moment du mystère est celui où l'être apparaît sous les atours de la réalité. Mystère car le site d'où se déploie le chant est celui de l'être irréductible dont aucune explication logique, ou grammaticale, ne peut s'emparer. Ce Mystère n'est point le mystère des « arrière-mondes », il ne relève pas davantage de cette sorte d'occultisme qu'affectionnent les Modernes. C'est le Mystère de la chose rendue, enfin, après la traversée odysséenne du Chant, à son propre silence.
Or, nous ne pouvons dire les choses que si nous recevons en nous, comme une promesse, le silence dont elles émanent. Longtemps, les sciences humaines feignirent de croire que les dieux n'étaient que de maladroites explications, dont on pouvait désormais se passer, des phénomènes naturels. Le dieu, en réalité, est ailleurs. Il n'explique pas, il nomme, et il nomme avec une pertinence telle que nous n'avons pas jusqu'à présent trouvé mieux que les noms des dieux, et les récits de leurs aventures, pour décrire les aléas de l'âme et du monde. Dire que la croyance aux dieux est morte avec le christianisme, c'est se faire de cette croyance, et de la croyance en général, une bien pauvre idée. L'exubérance, la prodigalité, l'ivresse ne meurent pas sur un décret, fût-il « théologique ». Leconte de l'Isle, par son goût pour la plénitude prosodique, les espaces grands et profonds, les symboles augustes, retrouve naturellement une part du génie ancien. La fidélité aux dieux antérieurs loin d'être une construction artificielle renoue avec une tradition qui ne fut jamais vraiment interrompue. L'éloignement des sagesses anciennes, leur supposée incompréhensibilité pour nous « Modernes », apparaît de plus en plus comme un vœu pieux que la plupart des œuvres d'art, de littérature ou de poésie modernes démentent avec ardeur.
Les dieux virgiliens frémissent dans la Provence de Giono avec une évidence que la morale chrétienne, pour louable qu'elle soit à certains égards, ne saurait leur ôter. Celui qui veut connaître l'être comme une présence, et non comme un concept, voit paraître les dieux qui nomment et racontent les aspects et les forces du monde réel qui échappent à toute utilisation possible. Nous pouvons ainsi reconnaître la pertinence herméneutique du récit mythique, son aptitude à dire ce qui advient en ce monde dans l'obéissance à des lois que nous ne comprenons pas entièrement. Les dieux décrivent une connaissance et disent en même temps les limites de la connaissance. Les dieux, certes, régissent, mais l'homme consent à la limite de sa science en disant qu'il ne sait pas exactement de quelle façon les dieux régissent. On ne saurait attendre une plus heureuse pondération de la part d'un physicien actuel. Le dieu ne dit pas la cause d'un mécanisme, il nomme le mécanisme et tout ce qui dans son antériorité ou sa postérité ne révèle rien d'évaluable.
Si nous acceptons de reconsidérer cette terminologie divine dans la perspective de nos propres préoccupations herméneutiques, nous allons au-devant d'heureuses surprises. Qui n'a constaté que la faiblesse de maints systèmes d'interprétation tenait d'abord à la scission entre l'intérieur et l'extérieur, l'objet et le sujet ? Dans l'épistémologie moderne, la science du monde intérieur et la science du monde extérieur paraissent séparées par des barrières infranchissables. Or, chacun sait que le monde intérieur conditionne la connaissance du monde extérieur, et inversement. Il n'en demeure pas moins que les sciences de l'Ame et les sciences de la « physis » se développent de façon séparées et marquent l'une à l'égard de l'autre une indifférence immense.
Le génie du paganisme et des récits mythologiques fut de formuler la connaissance du monde dans une terminologie qui concernait simultanément le monde physique et le monde l'Ame. Loin d'être au-delà de la science, cette recherche d'une coïncidence de l'intérieur et de l'extérieur semble désormais au diapason des recherches contemporaines. Pourquoi faudrait-il tenir en des catégories radicalement séparées ce qui ordonne le monde et ce qui ordonne l'esprit ? Cette obstination dualiste n'est-elle pas la cause du désemparement où nous sommes ? Le triomphe de la technique extérieure et l'absence totale de maîtrise de soi, de discipline intérieure, où nous voyons nos contemporains n'est-il point la preuve de l'inefficience de cette pensée dualiste ? Le dieu antique nous parle car il parle d'un site qui ignore la séparation de l'en-dehors et de l'en-dedans.
Dans les mythologies hindoues, grecques, celtiques, les principes intérieurs et les principes extérieurs ne sont pas jugés de nature différente. Ils sont des degrés différents, non des natures différentes. Nous avons traité ailleurs de l'erreur d'interprétation fort commune, qui voit dans l'œuvre de Platon une « séparation radicale » entre l'Idée et le monde sensible, là où Platon parle d'une « gradation infinie ». De même, les dieux ne sont pas radicalement séparés du monde. Ils sont eux-mêmes gradation infinie, messagers, principes de variations infinies, reliés à d'autres principes selon la loi de l'analogie qui gouverne le monde et nous enseigne que, dans la présence de l'être, rien ne se crée et rien n'est perdu. Les dieux témoignent de l'éternité de nos âmes, de nos pensées comme ils témoignent de l'éternité du monde.
Maître des ivresses, Dionysos nous invite à une expérience du temps dégagé de toute servitude linéaire. L'ivresse dionysiaque est la première, et la plus immédiate, des approches du temps modifié. Par l'ivresse, la temporalité devient chatoyante, complexe, variable selon des données métaphoriques et poétiques dont l'imagination est alors la maîtresse souveraine. L'accélération et l'exacerbation des idées, la fougue des sentiments et de l'imaginaire, les puissances démultiplicatrices de l'ivresse subvertissent l'illusion du temps mécanique et du temps quantifiable. Lorsque Dionysos mène la danse, l'âme bondit de qualités en qualités, d'intensités en intensités, si bien que le temps devient semblable à un espace résonnant d'échos et miroitant d'apparitions, toutes moins prévisibles les unes que les autres. L'univers entier devient alors le théâtre de cette fête dithyrambique. Pleine d'intersignes, de manifestations brusques, d'illuminations, au sens rimbaldien, la temporalité dionysiaque est une temporalité illuminée.
La lumineuse construction apollinienne n'est pas moins dégagée du temps linéaire que la fougue dionysiaque. Dionysos lutte encore avec le temps linéaire comme avec un ennemi, alors qu'Apollon domine toutes les temporalités de son évidence sculpturale. L'erreur d'interprétation la plus commune croit tirer avantage de l'intemporalité des dieux pour conclure à leur inexistence, car, selon l'historiographie profane, seules existent les choses et les créatures soumises au temps. Certes, tout ce qui tombe sous nos yeux semble soumis au temps. N'est-ce point parce que nous sommes soumis au temps que nous croyons voir dans les choses la marque de cette soumission ? N'anticipons-nous point arbitrairement de la nature des dieux par la connaissance de nos propres infirmités ? Nous passons à travers les apparences vers une extinction plus ou moins certaine et nous en concluons à la fugacité de toute chose. N'est-ce point sauter directement de la prémisse à la conclusion et faillir aux exigences élémentaires de l'exactitude philosophique ? L'ivresse, en nous délivrant de nos affaires trop humaines, de nos préoccupations mesquines, et des conditions qui nous enchaînent, nous laisse enfin face au monde réel que nous ne nous croyons plus obligés, alors, d'assujettir aux circonstances qui voient nos limites et nos défaites. Les théurgies anciennes, néoplatoniciennes et orphiques, prescrivaient de sortir de soi-même par l'extase afin d'accéder à la vision. Ce n'est que délivré des conditions de la nature humaine que nous pouvons voir. L'extase visionnaire fut ainsi longtemps considérée comme un instrument de connaissance.
Connaître par l'extase, voir par l'extase, loin de ramener l'homme vers la subjectivité ou l'intériorité, était alors un moyen de voir le monde hors des limites ordinaires de l'entendement humain. La mesure de l'homme ne devient la mesure du monde, du Cosmos, que si nous acceptons de nous abandonner à l'Odyssée de la pensée et de l'Ame. L'exigence épique n'est pas radicalement différente de l'exigence philosophique. Empédocle rejoint Homère dans la célébration de l'areté, cette vertu fondamentale qui dégage l'homme de la soumission banale aux phénomènes. L'éthique héroïque est une éthique du dégagement qui peut aller jusqu'à paraître désinvolture. La vision sera d'autant plus juste, et d'autant plus riche d'enseignements, qu'elle sera plus inhabituelle, mieux dégagée des conditions ordinaires de l'existence. De même, par ses instruments, explorateurs de l'infiniment grand et de l'infiniment petit, par ses audacieuses hypothèses mathématiques, le chimiste et le physicien usent de méthodes qui invitent le regard à voir la réalité sous un jour radicalement différent de celui auquel elle se propose dans la vie quotidienne. Ce que le physicien nous apprend de la nature du Temps, depuis Newton, contredit l'expérience que nous en faisons dans la succession de nos travaux et de nos jours. Le Théurge des Mystères dionysiens ou orphiques n'agissait pas autrement en faisant de l'expérience visionnaire, qui rompt les logiques de la perception profane, une source de connaissance. Seul le point de vue inhabituel peut nous renseigner sur la nature de l'habituel. La « sur-temporalité » du monde divin qui se révèle dans la vision du Théurge délivre de la prison de la subjectivité, qui ne voit en toute chose que sa propre image insignifiante et périssable.
Dans les civilisations de masse, soumises à la loi du plus grand nombre et au règne de la Quantité, il est de coutume d'expliquer le supérieur par l'inférieur. Ainsi le désintéressement et les comportements humains, qui participent de la vertu donatrice, sont-ils soumis à la suspicion de l'inférieur qui cherchera les motifs intéressés là où s'exerce librement un génie dispendieux. De même, l'inspiration divine, l'extase visionnaire, les hautes opérations de l'entendement auxquelles nous convie la Théurgie orphique seront-elles soumises, par la critique profane, à la « subjectivité » ou justiciables d'une psychologie plus ou moins naturaliste. Dans un ordre plus récent et plus restreint, l'œuvre littéraire et son auteur, lorsqu'ils ne bénéficient point, en espèces sonores et trébuchantes, des fruits de leur labeur sont invariablement taxés de vanité. L'inaptitude du Moderne à voir au-delà du cercle étroit de ses intérêts les plus immédiats lui ôte d'emblée toute compétence à juger de la poésie et de la métaphysique. Il s'agit là moins d’une question de culture que d'orientation intérieure. Le monde auquel l'ivresse porte atteinte laisse place à de plus subtiles constructions où la multiplicité des états de conscience dévoile la multiplicité des états de l'être.
Les cultes grecs tardifs, les philosophies hermétiques, loin d'être seulement les éléments décadents d'une civilisation destinée à laisser place au christianisme, paraissent ainsi à celui qui s'y attache avec une certaine déférence, d'une richesse exceptionnelle. Les Hymnes Orphiques, dont une traduction nouvelle et musicale a été donnée par Jacques Lacarrière, témoignent d'une ferveur ancienne et portent en eux le témoignage des plus lointaines méditations grecques. De même le Discours sur Hélios-Roi de l'Empereur Julien, Les Mystères égyptiens de Jamblique, les fragments pythagoriciens, loin de témoigner d'une corruption des sagesses anciennes en révèlent certains aspects probablement maintenus cachés jusqu'alors, la discipline de l'arcane se levant, par exception, en ces périodes pressenties comme ultimes.
Si ces témoignages ne sont que lubies ou médiocres compilations, alors, en effet, le christianisme le plus exclusif et le plus administratif prouve sa nécessité. En revanche, si les ultimes formes libres du paganisme sont diaprées de sens et de beauté, si nous pouvons entendre et laisser miroiter en nous ce sens et cette beauté, alors, rien n'est joué. La perspective traditionnelle, à laquelle certains des plus éminents auteurs catholiques se sont ralliés, incline à croire que la Sagesse n'est point datable, « qu'elle naît avec les jours » selon la formule de Joseph de Maistre, et que les formes religieuses les plus anciennes sont aussi les plus lumineuses ambassadrices de la lumière d'or des origines. Ces conceptions, ennemies de toute exclusive religieuse, étaient partagées par les fidèles aux dieux antérieurs. Si le centre du temps est l'origine du monde, alors toutes nos formulations sont des points sur la périphérie, horizon d'éternité que rien n'altère, qu'aucune obsolescence ne menace fondamentalement.
Le génie du paganisme tardif fut d'avoir transposé dans l'ordre du secret, en vue d'une transmission de maître à disciple, les vastes certitudes des dieux afin de garantir leur survie en « ces temps de détresse » qu'évoquait Hölderlin. L'orphisme, le pythagorisme, les poétiques dionysiennes, alexandrines, hermétiques, ne sont pas du paganisme « pré-chrétien », mais du paganisme rendu subtil, en vue d'une traversée historique pleine d'incertitudes. Si les polémiques contre le christianisme, surtout sous la forme vulgaire qu'affectionnent les Modernes, nous semblent vaines (un cloître roman demeurant plus proche, par la forme et le fond, du temple d'Epidaure que de n'importe quelle construction moderne, fût-elle « néo-classique », issue de l'hybris moderniste) nous garderons à cœur, en revanche, de ne rien céder des ferveurs anciennes à l'illusion d'un quelconque « progrès ». Si le génie grec persiste dans l'architecture romane, il persiste aussi ailleurs, avant et après. La similitude entre la fin de l'Empire et l'actuel déclin de l'Occident est trop évidente pour n'être pas de quelque façon fallacieuse.
Certes, l'Occident sombre, et l'arrogance occidentale est mise à mal, mais voici bien longtemps que cet Occident-là, voué au dogme bicéphale de la marchandise et de la technique n'est plus que la subversion des principes fondateurs des Cités et des Empires dont nos arts et nos philosophies furent les héritiers. Voici bien longtemps que le génie de l'Europe et les destinées historiques de l'Occident ne coïncident plus en aucune façon, et souvent paraissent, aux observateurs les plus avisés, antagonistes. Le génie de l'Europe n'a pas disparu avec le triomphe historique de l'Occident mais il est devenu secret, apanage des individus audacieux qui surent résister à la planification et à l'uniformisation.
Le vingtième siècle restera dans l'Histoire comme le siècle de la destruction programmée de toutes les cultures traditionnelles. L'Occident fut destructeur de la magnifique culture chevaleresque et visionnaire des Indiens d'Amérique parce qu'il avait déjà renié en lui-même le génie européen. Pourquoi serions-nous solidaires de ce qui nous tue ? Poètes, artistes, ou amoureux des grandes heures, des ivresses dionysiennes et des songes apolliniens, pourquoi notre destin se confondrait-il avec le titanisme d'un pouvoir qui se fonde, selon l'excellente formule de Heidegger, sur « l'oubli de l'être » ? Le génie de l'Europe est fidélité aux dieux, le destin de l'Occident est la soumission aux Titans. Lorsque, selon la formule de Drieu « les Titans à genoux raidissent leur buste », ce ne sont point les dieux qui rêvent leur défaite mais le règne d'une force mécanique, aussi insolite que destructrice et passagère. Certes, des milliers de destinées humaines peuvent encore s'y briser, mais le simple regard d'Athéna qui se pose sur nos tumultes, si nous en prenons conscience, éloigne déjà tout ce dont nous souffrons dans les limbes des erreurs passées. Quoiqu'il advienne, les dieux nous précèdent. Les dieux ne sont pas dans notre passé, c'est nous qui sommes dans le passé des dieux et qui nous efforçons de les rejoindre.
Luc-Olivier d'Algange
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jeudi, 18 avril 2024
Symbologie de l'ours
Symbologie de l'ours
Source: https://huestantigua.wordpress.com/2024/04/02/simbologia-del-oso/
"Car ce qui peut reposer éternellement n'est pas mort..."
- H.P. Lovecraft
Introduction
C'est parti pour une nouvelle analyse du symbolisme animal. Dans ce cas, nous nous intéresserons à l'ours, cet animal magnifique et inquiétant qui peuplait autrefois la majeure partie de l'Europe et que l'on trouve encore aujourd'hui dans certaines régions.
Critères et motivations
Rappelons une partie de ce qui a été commenté dans l'article consacré au loup.
En ce qui concerne le critère d'analyse :
"[...] observez l'animal en question et essayez de déterminer quelle est sa caractéristique particulière, quels sont les éléments de sa physionomie ou de son comportement qui sont suffisamment exclusifs pour en être un facteur d'identification. Cette particularité doit donc être quelque chose qui n'est pas présent chez les autres animaux ou pas avec l'intensité qu'il aurait chez l'animal particulier que l'on analyse.
La recherche portera donc sur les aspects de l'animal qui le différencient des autres animaux. [...]"
Et en ce qui concerne la motivation de l'analyse :
"[...] certains symboles ont la capacité, pour ainsi dire, de proposer ou de postuler des "changements de conscience". Plus concrètement : nous pouvons directement désigner la "fascination" que certains symboles suscitent comme une manifestation de ce "processus de changement" dans la conscience de l'homme. C'est cette fascination que nous pouvons interpréter comme une manifestation de ce changement, un "générateur de l'approche" de la conscience vers la coïncidence avec le symbole : être comme lui".
Ceci étant dit, nous allons maintenant, sans plus attendre, exposer les éléments que nous souhaitons identifier dans le cas de l'Ours.
Caractéristiques importantes de l'ours
Comme le loup, l'ours est un autre protagoniste de son milieu, la forêt, du moins dans les conditions naturelles. Par exemple, dans des conditions normales, l'ours n'a pas de prédateur et partout où il va, il manifeste sa présence; c'est-à-dire que, sous ces aspects, l'ours n'est pas différent des autres grands prédateurs des forêts, des steppes, des montagnes ou des zones côtières septentrionales.
Nous pourrions souligner la férocité et la force de l'ours, ainsi que sa capacité d'intimidation, mais nous savons bien que ces caractéristiques sont présentes chez bon nombre d'animaux sauvages. C'est pourquoi, bien que nous devions les prendre en compte, nous les écarterons et ne les considérerons pas comme exclusives à l'ours. Nous soulignerons, dans ce sens, que, comme dans le cas du loup, la rencontre avec un ours peut être fatale. Cette qualité mortelle, tant chez le Loup que chez l'Ours, nous "chuchoterait" qu'il s'agit de symboles transcendants, car la rencontre avec eux nous rapproche dangereusement de la possibilité de la mort. En d'autres termes, elle nous expose à la limite humaine.
Il est également important de souligner que l'ours, contrairement au loup, est un animal solitaire et, sauf dans le cas d'une mère et de ses petits, ne forme pas de groupes. Cet aspect nous amène à interpréter l'éventuelle proposition de l'Ours comme quelque chose à prendre en compte dans le domaine de la solitude, du propre, et non pas en se projetant dans le domaine social. C'est-à-dire que sa proposition serait orientée vers l'individu, vers l'homme avec lui-même.
Nous pourrions analyser d'autres particularités de l'ours, comme le fait qu'il est l'un des rares animaux qui, grâce à sa capacité d'endurance, peut prendre du miel sans que les abeilles s'en préoccupent. Nous pourrions également évaluer et commenter l'impressionnant rugissement d'avertissement que l'ours émet avant d'entrer en combat.
Mais, de toutes les caractéristiques que nous avons évaluées dans cet article, celle qui nous semble la plus significative et l'une de celles qui identifient le mieux l'ours est sa capacité à hiberner, sa capacité à rester endormi pendant les mois d'hiver. Cette facette de l'ours nous oblige à valoriser le sommeil comme "apparence de la mort", de sorte que même s'il semble mort, il reste vivant et attend le moment où il se réveillera à nouveau. Le moment où il "reviendra à la vie" dans "l'analogie du sommeil et de la mort".
Dans cette perspective, et en gardant à l'esprit que l'ours est lui-même une force impressionnante et puissante de la nature sous la forme d'un animal, nous ne pouvons que sourire en imaginant ce que la signification de l'ours pourrait être pour quiconque s'est immergé dans une Quête Intérieure.
Ce que représente l'ours
Enfin, il y a maintenant la partie concernant "certains symboles qui ont la capacité, pour ainsi dire, de proposer ou de postuler des "changements de conscience"", nous devons donc souligner ces changements. Contrairement au cas du loup, ces changements seront un peu plus complexes et pas si faciles à percevoir ou à comprendre. En principe, il ne s'agira pas de tendances vers des caractéristiques à prendre en compte, comme c'était le cas dans notre analyse précédente.
Nous comprenons que la proposition de l'Ours consiste à comprendre - si possible intuitivement et même expérimentalement - le potentiel qui se trouve dans notre profondeur et à "faire de la place" dans la conscience pour que ce pouvoir ait un passage ou une liberté de mouvement au sein de nos possibilités. En d'autres termes : l'exercice âme-mental que proposerait le Symbole de l'Ours serait de regarder dans la "Profondeur de Soi" afin de prendre conscience que, lorsque le moment est venu - le "Printemps" - l'immense potentiel qui réside dans certaines personnes peut - et doit - se manifester ; c'est-à-dire qu'il doit s'éveiller.
Une trace de la représentation
Le premier cas que nous évoquerons pour retracer cette "représentation par l'ours du potentiel intérieur" est celui du soi-disant "Berserk" des mythes et des anciennes cultures nordiques. Fondamentalement, le "Berserk", qui est apparemment un homme normal, est - au moment opportun - un "homme-ours" dont la caractéristique visible, et très redoutée, est de "réveiller en lui une fureur sans mesure" qui, dans un scénario de bataille, fait de lui un adversaire bien supérieur aux autres. On peut dire qu'au combat, le Berserk est, comme l'Ours, une puissante force de la nature. Cette fois-ci sous la forme d'un homme.
Cependant, bien que l'image du Berserk nous suggère de nombreuses idées - y compris le concept du "titanesque" chez Evola - et que nous la considérions toujours comme positive pour l'analyse, nous ne sommes pas enclins à interpréter la Proposition de l'Ours dans un cadre matériel, mais comme une proposition plus spirituelle et, comme nous l'avons noté, orientée vers l'intérieur. Dans la même veine que le Loup, il nous semble que nous pourrions interpréter le Berserk comme "cet homme qui est capable de dépasser son état de domestication - culturel - et de retrouver sa condition "sauvage" et indomptée".
Dans ce sens, nous trouvons beaucoup plus précieux et illustratif un autre argument que nous allons souligner. Bien qu'il n'ait pas fait directement partie de notre recherche sur l'ours, il est réapparu - peut-être comme une synchronicité magique - alors que nous étions en train de l'étudier. Cet argument a été déterminant dans notre approche de la même analyse. Nous nous référons au cas du roi Arthur dans les mythes du Graal. La clé n'est autre que le nom même d'"Arthur", dont l'étymologie le rattache au grec "ἄρκτος" ("arktos", ours) et qui, comme l'indique l'histoire : est le personnage qui rétablit l'ordre transcendant dans le royaume.
En d'autres termes : Arthur - l'ours - est le représentant de cette puissance qui, au moment opportun, fait son apparition pour tout changer; cette fois-ci, non pas par la destruction, mais par l'imposition d'un Ordre transcendant. Telle est la mesure du pouvoir que représente l'Ours.
Nous pensons que les idées exposées ci-dessus sont suffisantes par rapport à notre motivation. Il appartiendra aux lecteurs/chercheurs d'approfondir les arguments et les innombrables détails qui les entourent (la grotte, la montagne, l'ours polaire, sa capacité à se tenir sur deux pattes, son odorat puissant, etc.
Quoi qu'il en soit, bon lecture !
Enfin, bravo aux "Ours" qui, depuis leur grotte, attendent la "Prima Vera" ("première vérité") appréciée qui les sortira de leur léthargie !
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vendredi, 12 avril 2024
L'éternel retour d'Evola 50 ans après sa mort
L'éternel retour d'Evola 50 ans après sa mort
Gennaro Malgieri
Source: https://electomagazine.it/leterno-ritorno-di-evola-a-50-anni-dalla-morte/
L'oeuvre de Julius Evola se confirme, avec le temps, un demi-siècle après sa mort (en date du 11 juin 1974), comme une aire incontournable au cœur de la modernité. Andrea Scarabelli lui a consacré un livre magnifique et volumineux, Vita avventurosa di Julius Evola, publié chez Bietti (pp.737,39,00 €), dont nous parlerons dans les prochaines semaines, un livre indispensable qui, par sa complexité et son exhaustivité, nous fait découvrir l'un des plus grands penseurs du vingtième siècle.
Pour avoir lu et apprécié Evola, bien que sur plus d'un point avec des réserves compréhensibles, il y a cinquante ans, ou même plus tôt quand le débat autour de ses idées faisait rage, en essayant de le sauver d'une diabolisation préventive, c'est comme si on ne l'avait pas connu du tout quand on le relit aujourd'hui, surtout après la publication du livre de Scarabelli, dans le contexte de la révolution la plus subtile et la plus radicale qui ait eu lieu: l'affirmation d'une pensée unidimensionnelle et homologatrice, totalitaire dans son essence et libertaire dans sa forme, qui est à la fois fiction et enveloppe du déracinement des valeurs auquel nous participons, consciemment ou inconsciemment. Evola, paradoxalement, est beaucoup plus notre contemporain qu'il ne l'était à l'époque où son observation minutieuse et son diagnostic précis de la décadence se sont déployés, se projetant dans une dimension qui, seulement des décennies plus tard, comme il l'imaginait lui-même, s'ouvrirait même dans les sphères culturelles qui, de son vivant, tendaient à le marginaliser, voire à le "réduire au silence".
L'œuvre d'Evola, loin d'être embaumée et conservée dans les recoins d'une aire intellectuelle minoritaire, fréquentée uniquement par des "dévots" sans esprit critique, est surtout aujourd'hui, dans sa complexité, non seulement un formidable réquisitoire, extraordinairement efficace et approprié, contre l'idéologie du déclin sous les différentes formes qu'elle a prises, mais se révèle pour ce que tant de gens ont pu y voir en s'y plongeant au point d'en sortir transformés, comme ce fut le cas par exemple pour le grand poète allemand Gottfried Benn après la lecture de Révolte contre le monde moderne. Et si ce sont les traits stylistiques d'une certaine "révolution conservatrice" que Benn a reconnus dans le livre du penseur italien, qui devait conquérir avec lui une notoriété non éphémère dans les milieux culturels européens, il faut dire aussi que l'analyse profonde et complète de la Tradition par Evola laissait entrevoir un horizon culturel qui, au tournant de la crise continentale, pas encore libéré des affres de la première grande guerre civile européenne, s'apprêtait à se dissoudre dans la crise de l'Europe, se préparait à se dissoudre dans la seconde, comme le prédisait "prophétiquement" un fascinant diagnosticien représentant le "déclin de l'Occident", un peu comme Evola lui-même le fera des années plus tard en entraînant la "prophétie" spenglérienne au-delà des contingences qui l'avaient inspirée pour la fonder dans l'éclipse d'une religiosité, même non fidéiste; la "crise du monde moderne" dont René Guènon avait déjà donné une représentation convaincante au point qu'elle tient encore face aux convulsions qui nous habitent et auxquelles nous avons l'impression de ne pas pouvoir échapper.
C'est à ce sentiment d'impuissance qu'Evola s'est souvent intéressé, nous invitant à une sorte de révolution spirituelle qui, en ce début du 21ème siècle, nous apparaît comme la seule carte à jouer face aux contradictions de l'égarement intellectuel. Les conséquences politiques sont connues et la crise substantielle de la démocratie, démembrée par les pouvoirs oligarchiques, maîtres absolus du marché, n'est que la dernière étape de la dissolution sociale qui a commencé avec les crimes commis par la Grande Révolution.
Le "totalitarisme mou", auquel Evola s'est implicitement référé tant de fois, ne s'arrête pas à la prétention d'uniformiser la vie selon l'uniformisation imposée par les potentats transpolitiques et la finance prédatrice à travers les médias, la publicité, l'allégorie fantasmagorique de la liberté exaltée - pour la nier - par les réseaux sociaux, l'apologie de l'homo consumans comme seul être réputé pertinent, la suppression de la souveraineté des peuples, des nations et des Etats en vue de la création d'un Marché Universel dont l'égalitarisme formel devrait être la ligne directrice. Avec pour objectif, de la part des oligarques intellectuels et politiques qui tiennent les ficelles, de transformer, jusqu'à les réduire à néant, les faits et phénomènes de diversité et de catapulter finalement la "théorie du genre" dans l'assimilation pratique de l'unisexe dans une société réduite à un désert de formes et privée de forces vives: bref, la révolution la plus bouleversante qui ait traversé l'humanité.
La "pensée unique" a hâtivement consumé, dans l'horrible lande des idéologies mortes, ses gloires, renversant le principe d'"universalité" (qui n'est pas l'uniformité) propre aux soi-disant "civilisations traditionnelles" en celui de "collectif" propre à la soi-disant "civilisation moderne". Celle-ci s'oppose à l'"universel" comme la "matière" s'oppose à la "forme", affirme Evola. Et il explique, dans les dernières pages de Révolte contre le monde moderne, que "la différentiation de la substance dans la promiscuité de la collectivité et la constitution d'êtres personnels par l'adhésion à des principes et à des intérêts supérieurs constituent la première étape de ce qui, dans un sens éminent et traditionnel, a toujours été compris comme la "culture". Lorsque l'individu est parvenu à donner une loi et une forme à sa propre nature, de sorte qu'il s'appartienne à lui-même au lieu de dépendre de la partie purement physique de son être, la condition préalable à un ordre supérieur est déjà présente, dans lequel la personnalité n'est pas abolie, mais intégrée: tel est l'ordre même des "participations" traditionnelles, dans lesquelles chaque individu, chaque fonction et chaque caste acquièrent leur signification propre par la reconnaissance de ce qui leur est supérieur et de leur lien organique avec lui. Et, à la limite, l'universel est atteint dans le sens du couronnement d'un édifice dont les solides fondations sont précisément constituées à la fois par les diverses personnalités différenciées et formées, chacune fidèle à sa propre fonction, et par des organismes ou des unités partielles avec des droits et des lois correspondants, qui ne se contredisent pas mais se coordonnent solidement grâce à un élément commun de spiritualité et à une disposition active commune à un dévouement supra-individuel".
Il en va tout autrement dans la modernité, où s'impose une conception opposée, de type mécaniste pourrait-on dire, visant au collectivisme. Ainsi, comme l'explique si bien Evola, l'individu apparaît de plus en plus incapable de valoir autrement qu'en fonction de quelque chose: dans ce "quelque chose", indéfini, il cesse d'avoir un visage propre; son visage est celui que les autres lui donnent, fruit de l'homologation, du renoncement à être lui-même du moins formellement. Aujourd'hui, on range tout cela sous le titre de "pensée unique", dont le déploiement est une praxis existentielle visant à la construction d'un indifférentisme accepté, presque toujours inconsciemment, comme une valeur apportée par le déploiement de la démocratie la plus accomplie, alors que c'est exactement l'inverse qui est vrai. C'est-à-dire que la régression dans l'indistinct constitue la dissolution non seulement des différences ordinaires et donc des hiérarchies morales, culturelles et civiles, mais aussi d'une démocratie populaire dont l'essence devrait être l'exaltation des pièces individuelles d'une mosaïque communautaire cimentée par la reconnaissance de la dignité.
À l'époque de la quantification et de l'absolutisme mercantile, il est inévitable que la force du nihilisme devienne un puissant facteur de stabilisation de l'instabilité, avec des conséquences facilement imaginables que nous pouvons déjà voir à l'œuvre autour de nous, massivement présentes dans notre imaginaire culturel et destinées à submerger même les îles isolées que l'on croyait jusqu'à récemment à l'abri des flots de la vulgarité massifiante qui véhicule les modes et les coutumes qui remontent à l'univers de l'unicité de la pensée et donc au triomphe de la modernité. Âge sombre" ou "âge de fer", reprenant l'antique image d'Hésiode: c'est ainsi qu'Evola a défini notre époque. Et lorsque les formulations ont pris des allures de polémiques politiques, il ne s'est pas trouvé un seul homme pour ne pas stigmatiser le "baron noir" par des épithètes irrévérencieuses et pour ne pas considérer ses disciples comme pathétiques. Le temps s'est fait gentilhomme et le néo-totalitarisme, préfiguré et analysé par Evola en des termes on ne peut plus alarmants, bien avant que ses miasmes n'envahissent nos existences, progresse dans l'indifférence de ceux qui ne perçoivent pas les restrictions des espaces de liberté désormais occupés par les cris des multitudes qui réclament l'attention d'on ne sait qui, étant donné que ceux qui tissent les fils de la modernité ont intérêt à faire semblant de donner l'apparence de l'autonomie et de la critique à ceux qui la réclament, à condition, bien entendu, de disposer d'un cadre et d'une structure impénétrables et blindés pour protéger la citadelle du pouvoir qui n'admet aucune contestation, celui de l'argent qui domine les consciences en les achetant avec des gadgets culturels et des croyances nouvellement créées.
Le spenglérien Evola écrit, toujours dans Révolte contre le monde moderne De même que les hommes, les civilisations ont leur cycle, un début, un développement, une fin, et plus elles sont immergées dans le contingent, plus cette loi est fatale. Cela, bien sûr, ne peut impressionner ceux qui sont enracinés dans ce qui, étant au-dessus du temps, ne serait altéré par rien et qui demeure comme une présence éternelle. Même si elle disparaissait définitivement, la civilisation moderne n'est certainement pas la première des civilisations à s'éteindre, ni celle au-delà de laquelle il n'y en aura pas d'autre. Les lumières s'éteignent ici et se rallument ailleurs dans les vicissitudes de ce qui est conditionné par le temps et l'espace. Les cycles se ferment et les cycles se rouvrent. Comme on l'a dit, la doctrine des cycles était familière à l'homme traditionnel, et seule l'insipidité des modernes leur a fait croire un instant que leur civilisation, plongée, plus qu'aucune autre ne le fut jamais, dans l'élément temporel et contingent, pouvait avoir un destin différent et privilégié.
Mais est-il possible que la fin d'un cycle puisse préluder à l'ouverture d'un autre dans une continuité, certes essentielle et marginale ? C'est un grand thème qui, projeté sur l'immense marécage contemporain, sollicite des considérations anthropologiques par rapport auxquelles tous les domaines de la pensée sont remis en question, à commencer par le religieux (même s'il n'est pas ancré dans une foi donnée) jusqu'à l'économico-social. C'est dans ce contexte que celui que l'on a appelé la "lux évolienne" s'est imposé de manière décisive, surpassant même des théoriciens de la crise et du déclin beaucoup plus acclamés. Evola, contrairement à ce que l'on pourrait penser - et surtout dans les dernières années, bien qu'il n'ait pas cultivé les illusions à court terme d'une possible renaissance (les nombreux articles qu'il a écrits pour Il Conciliatore, L'Italiano et Roma en sont la preuve) - a imaginé la possibilité d'inverser le cours des choses, sans s'attarder à les chercher dans certains renouveaux plus folkloriques qu'autre chose des "traditionalistes" autoproclamés de la dernière heure ou dans une religiosité de seconde main, telle qu'on l'observe dans Masques et visages du spiritualisme contemporain.
Il a imaginé qu'une minorité active et culturellement consciente de la tâche à laquelle elle doit se consacrer après avoir mesuré les étapes de la décadence et tiré les conséquences de la dissolution des formes même élémentaires inhérentes à une existence à peine ordonnée, pourrait émerger. Il définit les personnalités qui composent ce noyau comme des egregoroi, c'est-à-dire ceux qui regardent. Mais en plus grand nombre, dit-il, "il y a des individualités qui, sans savoir au nom de quoi, ressentent un besoin confus mais réel de libération. Orienter ces personnes, les mettre à l'abri des dangers spirituels du monde présent, les amener à reconnaître la vérité, et rendre absolue leur volonté que certains d'entre eux puissent atteindre la phalange des premiers, c'est encore ce que l'on peut faire de mieux". Et, toujours dans un rigoureux réalisme, il ajoutait: "Mais là encore il s'agit d'une minorité et il ne faut pas s'imaginer qu'il puisse en résulter une variation appréciable dans l'ensemble des destinées. Telle est donc la seule justification de l'action tangible que certains hommes de la Tradition peuvent encore exercer dans le monde moderne, dans un milieu avec lequel ils n'ont aucun lien. Pour l'action directrice précitée, il est bon que de tels "témoins" soient là, que les valeurs de la Tradition soient toujours indiquées, sous une forme d'ailleurs d'autant plus atténuée et dure que le courant adverse est plus fort. Même si ces valeurs ne peuvent pas être réalisées aujourd'hui, elles ne sont pas réduites à de simples "idées"". Et encore: "Rendre clairement visibles les valeurs de vérité, de réalité et de Tradition à ceux qui, aujourd'hui, ne veulent pas de "ceci" et cherchent confusément "autre chose", c'est apporter un soutien pour que la grande tentation ne l'emporte pas chez tous, où la matière semble désormais plus forte que l'esprit".
La Tradition, prise non pas comme conatus réactif à la "pensée unique", mais comme véhicule d'affirmation d'une "pensée autre", est donc l'héritage d'Evola pour les "derniers temps". Une Tradition, bien sûr, vécue dans ses valeurs constitutives et non dans les déchets rhétoriques qui lui sont associés, auxquels les attitudes culturelles ont offert un espace pour le moins irrespectueux à l'égard de l'univers traditionnel lui-même. Et qui ne peut devenir "active" qu'en prenant les traits d'une "révolution conservatrice", comme le suggère Evola lui-même dans Gli uomini e le rovine (Les hommes au milieu des ruines), dans Cavalcare la tigre (Chevaucher le tigre) et dans de nombreux autres écrits organiques et occasionnels. La formule met en évidence l'élément dynamique représenté par la "révolution", qui n'a donc pas de valeur subversive ou violente d'un ordre légitime, et l'élément constitutif qui l'étaye, lequel est "conservateur". Mais conserver quoi? La tradition et ce qui en découle, en la faisant vivre - et c'est là la tentative la plus ardue - à travers les instruments de la modernité sans être conditionnée ou même subjuguée par eux. Préserver la Tradition et ce qu'elle signifie est le seul véritable acte révolutionnaire imaginable. Et il est loin d'être irréaliste de croire qu'une réaction loin d'être stérile au totalitarisme de la "pensée unique" puisse en découler.
Loin de cristalliser l'idée de Tradition, Evola la relance comme proposition culturelle à l'heure de la crise de toutes les croyances et à la veille de l'effondrement d'idéologies élevées au rang de pratiques quasi mystiques. Dans un article paru dans Il Conciliatore en juin 1971, Evola écrit: "L'introduction de l'idée de Tradition vaut pour libérer chaque tradition particulière de son isolement, précisément en ramenant son principe générateur et ses contenus essentiels dans un contexte plus large, en des termes qui soient d'une intégration effective. Seules les éventuelles revendications d'exclusivisme et de privilèges sectaires en pâtissent. Nous reconnaissons que cela peut être dérangeant et créer une certaine désorientation chez ceux qui se sentaient en sécurité dans une zone donnée et clôturée. Mais pour d'autres, la vision traditionnelle ouvrira des horizons plus larges et plus libres, elle ne fera qu'instiller une sécurité supérieure, à condition qu'ils ne trichent pas au jeu: comme dans le cas de ces "traditionalistes" qui n'ont mis la main sur la Tradition que comme une sorte de condiment à leur propre tradition particulière réaffirmée dans toutes ses limites et dans tout son exclusivisme".
La personnalité multiforme d'Evola se prête, on le sait, à des interprétations diverses, variées, voire contradictoires. Mais sur un aspect de sa pensée, il n'y a probablement pas de différence de jugement. Evola - au-delà de ses propres intentions - est le protagoniste incontesté d'une révolte culturelle contre le conformisme dont la dictature de la "pensée unique" est l'expression la plus macroscopique et la plus meurtrière.
Evola est en bonne compagnie, bien sûr. Mais la pertinence contemporaine de ses idées est telle qu'il est considéré comme la référence d'une vision du monde qui embrasse, contrairement à d'autres, bien que contigus, les domaines les plus importants de l'esprit et de l'action, du sexe (à la "Métaphysique" duquel, anticipant prodigieusement les résultats de la soi-disant "libération sexuelle", il a consacré des pages qui déboulonnent la théorie du genre et l'unisexisme dominant) à la religiosité dans ses multiples déclinaisons, en passant par la science, la démographie, la contestation de la jeunesse et ses mythes, et les formes de décadence.
Quelle est sa pertinence aujourd'hui ? Question inutile. La réponse se trouve dans ses livres.
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mercredi, 10 avril 2024
Le traditionalisme et la Lituanie
Le traditionalisme et la Lituanie
Mindaugas Kaktavičius
Source: http://www.radikaliai.lt/
La tradition est ce qui se transmet. C'est ce qui reste constant dans les métamorphoses constantes de l'histoire et de la vie lituaniennes. C'est une source authentique de valeurs fiables de la culture nationale, qui nourrit toutes les cellules de la culture et de la mentalité nationale (1). La présente publication étudie les origines philosophiques et la vision du monde des nouvelles doctrines des mouvements religieux traditionalistes en Lituanie. Elle se concentre sur les concepts traditionalistes les plus influents du passé et du 20ème siècle, qui ont eu l'impact le plus fort sur l'émergence des nouveaux mouvements religieux (NRM) contemporains les plus influents dans notre pays.
Sacrum versus profanum
Avant de procéder à un examen plus détaillé des origines philosophiques et de la vision du monde des doctrines traditionalistes des NRM en Lituanie, nous aborderons brièvement l'idéologie du traditionalisme et définirons les concepts de base que nous utiliserons, ainsi que les doctrines traditionalistes qui ont eu l'impact le plus fort sur l'émergence et la propagation des NRM. Nous commencerons notre analyse par son concept central. L'origine du terme NRM doit être retrouvée au Japon, où le phénomène a commencé à être étudié au début du 20ème siècle. Le terme "nouvelles religions" est une traduction du japonais shin shukyo. Emprunté aux sociologues japonais dans les années 1970, les chercheurs occidentaux en ont fait un terme universel à utiliser à la place des termes "secte", "culte" ou autres "dénominations". Les sectes sont limitées aux groupes religieux, psychothérapeutiques, politiques ou commerciaux hautement manipulateurs [2].
En Occident, une approche différente des phénomènes religieux en général a commencé à émerger aux 19ème et 20ème siècles. Pierre Daniel Chantepie de la Saussaye (1848-1920) (photo, ci-dessus), le père néerlandais des études religieuses modernes, a inventé pour la première fois le terme "phénoménologie de la religion" dans son livre Lehrbuch der Religionsgeschichte (1887). Pour cet érudit, l'objectif de la phénoménologie de la religion était de collecter des données historiques afin d'analyser les concepts de la religion. Les idées de P. D. Chantepie de la Saussaye ont été suivies par un autre Néerlandais, William Brede Kristensen (1867-1953), qui a proposé de décomposer le phénomène de la religion en éléments spécifiques à des religions particulières.
La phénoménologie de Kristensen (photo, ci dessus) s'est beaucoup inspirée, mais elle s'est encore plus appuyée sur le concept très influent de sacré (das Heilige) développé par le théologien luthérien allemand Rudolf Otto (1869-1937) dans son livre éponyme publié en 1917.
Le sacré selon R. Otto se trouve "derrière" le sacré, [...] elle peut le déterminer, le conditionner, mais il ne peut pas être identifiée à la sainteté" [3]. Pour Otto, "l'espace et le temps sont divisés en deux sphères: le sacré et le profane" [4]. Cette division donne au sacré une nouvelle "place" - le "centre" du monde, l'axis mundi. Les Lituaniens, comme beaucoup de peuples, avaient leurs propres "centres" du monde - les alci.
Un exemple de "centre" du monde moderne et du nouvel âge est la pyramide dite de Merkinė dans le village de Česuki dans le district de Varėna (photo, ci-dessus). Plus tard, le thème du sacré a été développé par le spécialiste roumain des religions Mircea Eliade [5] (1907-1986), par le Néerlandais Gerardus van der Leeuw (1890-1950) [6] et par de nombreux autres chercheurs, qui ont tenté de définir la différence entre les deux mondes - celui dans lequel vit la personne religieuse et le monde séculier. Il est vrai que la dichotomie entre le sacré et le séculier, l'ésotérique et l'exotérique, n'est pas forte dans toutes les religions. Dans le bouddhisme, par exemple, le dualisme entre le sacré et le profane n'est pas reconnu, alors que dans les mouvements du nouvel âge, il revêt une importance capitale, comme en témoigne la stricte hiérarchie des membres de ces mouvements : les nouveaux venus se voient enseigner les "secrets" du NRM jusqu'à ce qu'ils atteignent le seuil de l'initiation, et, une fois ce seuil franchi, ils sont introduits dans le royaume du sacrum.
La distinction entre le sacré et le profane a été définie par les traditionalistes, influents partisans de la méthodologie comparative, dont l'école est également connue sous le nom de traditionalisme intégral ou de pérennisme (de Sophia Perennis, qui signifie "sagesse éternelle" en latin). L'inspirateur du mouvement traditionaliste, René Guénon (1886-1951), célèbre spécialiste français des études culturelles comparatives, de l'esthétique et de l'histoire de l'art, converti à l'islam, "a souligné la relativité du "culte des valeurs matérielles" et de la "civilitsation" qui sont exaltés en Occident et qui sont considérés dans le système de valeurs des civilisations traditionnelles comme des manifestations de "barbarie"".
Outre cet érudit, plusieurs autres pionniers du mouvement traditionaliste ont exercé une grande influence: de Ceylan (aujourd'hui Sri Lanka), où le mouvement traditionaliste a été fondé.
Ananda Coomaraswamy (1877-1947), métaphysicien né en Suisse et l'un des plus grands spécialistes des études comparatives indiennes et occidentales de la culture, de l'esthétique et des arts;
Le poète et peintre Frithjof Schuon (1907-1998), érudit suisse de langue allemande;
Titus Burckhardt (1908-1984);
Le spécialiste iranien de la religion, de la philosophie, de l'esthétique et de l'art Seyyed Hossein Nasr (né en 1933).
Ces penseurs ont affirmé que le monde moderne devait être réformé sur la base des traditions culturelles chères à l'humanité depuis des millénaires, qu'ils ont identifiées dans leurs textes comme le concept fondateur de la Tradition, qu'ils ont capitalisé et associé à la Sophia Perennis. Le terme Sophia Perennis ou Philosophia Perennis remonte d'ailleurs à la Renaissance. L'érudit allemand Gottfried Leibniz (1646-1716) a écrit plus tard sur ce sujet, mais c'est en fait le bibliothécaire du Vatican et théologien Agostino Steuco (Steucho/Steuchus/Steuchius), moins connu, qui a décrit pour la première fois l'idée de sagesse éternelle et inventé le terme "Philosophia Perennis" dans son ouvrage De philosophia perenni sive veterum philosophorum cum theologia christiana consensu libri X, publié en 1540. Il est vrai que les termes "source éternelle de la volonté de Dieu" ou "sagesse éternelle de Dieu" ont été utilisés par les scolastiques dès les 12ème et 15ème siècles, mais la phrase "Dieu est l'entendement, le compris et l'entendement de l'entendement" de Steuchius est devenue légendaire pour les philosophes à venir.
Comme nous pouvons le constater, les idéologues traditionalistes susmentionnés et leurs inspirateurs ont souligné l'importance du symbolisme, de la métaphysique et de la spiritualité. Ils se sont inspirés des traditions orientales pour affirmer que le monde occidental vivait un âge des ténèbres (Kali Yuga). Il ne pouvait être aidé que par une élite intellectuelle revivifiée qui ressusciterait de l'oubli les connaissances longtemps oubliées qui avaient formé le cœur de la mentalité des sociétés traditionnelles il y a des centaines ou des milliers d'années. L'époque au cours de laquelle la tradition divine s'est épanouie est appelée l'âge d'or (Satya Yuga).
Par une coïncidence intéressante, de nombreux traditionalistes étaient des adeptes de l'islam, la religion qui a connu la plus forte croissance dans le monde au cours du siècle dernier. L'islam est aujourd'hui pratiqué par plus de 1,5 milliard de personnes dans le monde. En Lituanie, bien que de nombreux adeptes de cette religion aient servi fidèlement notre État multiculturel et polyconfessionnel (en particulier dans les structures militaires) au cours des siècles, depuis l'apogée du Grand-Duché de Lituanie (elle constituait certaines des unités militaires les plus fiables du Grand-Duché de Lituanie), une petite communauté de musulmans - environ 3200 personnes - a survécu jusqu'à aujourd'hui. Comme les Karaïtes, les Juifs (Hassidim et Mitnageds) et les confessions chrétiennes (catholiques latins, catholiques grecs, vieux croyants, orthodoxes, luthériens évangéliques, réformés évangéliques), ils sont reconnus par la loi lituanienne comme une communauté religieuse traditionnelle, qui regroupe sept communautés (8). Comme dans le reste du monde, l'islam est la religion la plus en expansion en Lituanie. En témoignent non seulement le nombre croissant de convertis à l'islam en Lituanie, mais aussi la littérature qu'ils publient et les sites web qu'ils gèrent [9].
L'islam a une longue et profonde tradition en Lituanie. Les premiers musulmans étaient des Tatars, un groupe ethnique unique qui vit actuellement en République de Lituanie, dans la partie occidentale de la République du Belarus et à la frontière orientale de la République de Pologne. Les Tatars sont apparus aux 14ème et 16ème siècles et se sont installés dans le Grand-Duché de Lituanie, à l'invitation de Vytautas le Grand. Ayant perdu leur langue en peu de temps, les Tatars de Lituanie ont préservé leur identité nationale pendant plus de 600 ans, grâce à leur fort attachement à leur religion ancestrale, l'islam. Selon certaines sources, les souverains de Lituanie et de Pologne ont toujours été tolérants à l'égard de la société tatare et de sa religion, construisant des mosquées sur leurs terres et permettant aux Tatars de pratiquer leur religion sans entrave. En 1988, la Société culturelle tatare lituanienne a été fondée et les activités sociales des communautés tatares ont été rétablies.
En 1998, le Muftiyat, le centre spirituel des musulmans sunnites en Lituanie, a été restauré. "Cependant, les Tatars ne sont pas les seuls musulmans à vivre en Lituanie. Au cours des dix dernières années, des visiteurs étrangers ont commencé à arriver en Lituanie et à s'y installer pour y vivre ou y étudier. Bien que la Lituanie soit un pays chrétien, ils ont suivi avec diligence les traditions de leur pays d'origine. En collaboration avec des muftis et des imams tatars, les étudiants étrangers ont relancé les prières du vendredi et ont commencé à organiser des conférences dominicales dans les mosquées et les écoles des petites villes peuplées de Tatars. Outre les nombreuses communautés tatares, Vilnius abrite le muftiyat, le centre spirituel des musulmans sunnites de Lituanie, ainsi que la communauté de la jeunesse musulmane lituanienne, dont le centre est la mosquée de Kaunas" [10].
Martin Lings
Kurt Almqvist
Tage Lindbom
Ashq Dahlén
Il n'est pas surprenant qu'outre Guénon, les musulmans comprennent le traditionaliste F. Schuon, ses disciples Martin Lings (1909-2005), un Britannique, et les Suédois Kurt Almqvist (1912-2001) et Tage Lindbom (1909-2001), ainsi que Burckhardt, S. H. Nasr, et le compatriote iranien Ashq Dahlén (né en 1972).
D'autres traditionalistes, il faut le souligner, ne pratiquaient que des religions traditionnelles: Coomaraswamy était hindou, Marco Pallis (1895-1989), un Britannique, était bouddhiste, avec un intérêt particulier pour les traditions religieuses et la culture du Tibet, et le Français Jean Borella (né en 1930) était chrétien et néoplatonicien.
Julius Evola (1898-1974), éminent spécialiste italien des études culturelles et religieuses comparatives, qui s'est intéressé toute sa vie à l'hermétisme, au bouddhisme et au taoïsme, et qui a publié un certain nombre d'études comparatives importantes, s'est également décrit comme un traditionaliste "en cette époque de ténèbres spirituelles". La liste pourrait s'allonger à l'infini. Mais le fait est que la victoire du traditionalisme, ou plutôt de la Tradition, qui est restaurée à travers lui, sur la postmodernité peut être considérée comme au moins partiellement acquise. Les traditionalistes soulignent que notre époque n'est pas seulement une période d'obscurité et de crise, mais aussi un "royaume de la quantité" (terme de Guénon), où l'homme et le cosmos sont de plus en plus remplis de matérialité. Depuis la Renaissance, affirment-ils, le monde occidental a presque complètement perdu tout lien avec la Sophia Perennis et le sacrum. Dans le sous-continent indien, ces termes ont un équivalent sanskrit, le sanātana dharma ("loi éternelle"). L'hindouisme est la plus ancienne religion du monde, qui fait partie d'une tradition extrêmement complexe, la troisième après le christianisme et l'islam en termes de nombre d'adeptes (environ 1 milliard).
Voici un bref aperçu des principales thèses des gardiens de la Tradition. Selon René Guénon, "[...] les civilisations traditionnelles sont fondées sur l'intuition intellectuelle. En d'autres termes, dans ces civilisations, la doctrine métaphysique est la chose la plus importante, et tout le reste en découle. [...] Le monde moderne tente de toutes ses forces, tout en se réclamant de la science, de tendre vers un seul but: le développement de la production et de la mécanisation. Ainsi, en voulant asservir la matière, les hommes deviennent eux-mêmes ses esclaves. Ils ne se contentent pas de limiter leurs prétentions intellectuelles - si elles existent encore aujourd'hui - à l'invention et à la construction de mécanismes. Les hommes sont devenus eux-mêmes des mécanismes. [...] La qualité ne signifie plus grand-chose, seule la quantité compte. C'est pourquoi la civilisation moderne peut être qualifiée de quantitative, c'est-à-dire de matérialiste" [11].
Guénon souligne l'existence d'une "science sacrée" et d'une "science profane". "Le monde moderne est un monde de négation de la Tradition et de la vérité surhumaine. Si les hommes le comprenaient, la transformation finale du monde ne serait pas une catastrophe, mais il est désormais impossible de l'éviter. [...] Mais rien ne pourra jamais vaincre la vérité. Rappelons donc la devise de certaines des anciennes organisations initiatiques d'Occident : "Vincit omnia Veritas" - "La vérité triomphe de tout" [12]. Les paroles de Guénon sont devenues prophétiques des décennies plus tard, le rapport de la Fédération de la Croix-Rouge indiquant que le nombre de catastrophes naturelles a atteint un niveau record cette année, avec pas moins de 500 désastres en 2007 (contre 427 l'année précédente).
Burckhardt (photo, ci-dessus) a enseigné à aimer la tradition. "Pour comprendre une culture, il faut l'aimer, et cela ne peut se faire que sur la base de ses valeurs universelles et intemporelles. Ces valeurs sont essentiellement les mêmes dans toutes les vraies cultures, et elles satisfont non seulement les besoins physiques mais aussi les besoins spirituels de l'homme, sans lesquels sa vie n'a pas de sens. Rien ne nous rapproche plus d'une autre culture que les œuvres d'art qui la représentent, comme si elles en étaient le "centre". Il peut s'agir de peintures sacrées, de temples, de cathédrales, de mosquées ou encore de tapis anciens. Nous pouvons donc beaucoup mieux comprendre, par exemple, les formes intellectuelles et éthiques de la culture bouddhiste si nous connaissons l'image typique du Bouddha" [13].
Schuon a ajouté à la profondeur de la pensée de ces penseurs la miniature mystique "Être avec Dieu": "Soyez avec Dieu dans la vie. Dieu sera avec vous dans la mort. Soyez avec Dieu dans le temps. Dieu sera avec vous dans l'éternité. Souvenez-vous de Moi. Je me souviendrai de vous" [14].
Coomaraswamy a dit: "Les nations sont créées par les poètes et les artistes, et non par les commerçants et les politiciens. Les principes les plus profonds de la vie sont dans l'art" [15]. Pour ce penseur, le mot "nationalisme" signifiait l'expression culturelle d'une nation. Lorsque l'Inde est devenue indépendante, il a déclaré publiquement : "Soyez vous-mêmes". Le traditionaliste déclarait ainsi l'authenticité esthétique plutôt que l'aspect politique de la liberté.
Il est regrettable que de nombreux nouveaux mouvements religieux en Lituanie n'aient rien à voir avec la Tradition, mais soient influencés par la "McDonaldisation", l'expansion de la "culture" occidentale que Guénon craignait tant, ainsi que par le syncrétisme. Il est également désagréable que les traditionalistes soient souvent accusés de promouvoir un nationalisme fasciste. Pourtant, Guénon, Burckhardt, Schuon, Coomaraswamy, Pallis et Lings sont des humanistes qui luttent pour les droits des opprimés, des humiliés et pour la préservation de leurs traditions, et de telles accusations sont à l'origine de l'émergence de figures ultra-nationalistes à travers le monde, comme par exemple celle du philosophe russe, néo-eurasiste, qui s'est fait un nom sur la scène internationale, le philosophe russe et néo-eurasiste Alexandre Douguine (né en 1962) [16], le fondateur français du mouvement "Nouvelle Droite" Alain de Benoist (né en 1943), ou encore des propagandistes néo-nazis comme Stephen McNallen (né en 1948) [17].
Cependant, à côté des figures fascistes, il existe aussi dans notre pays des gardiens holistiques du sacrum.
Le terme "holisme" est dérivé du mot grec "holos", qui signifie "entier". "Le principe de base du holisme remonte à la Métaphysique d'Aristote: "Le tout est plus que la somme des parties". En d'autres termes, pour nous comprendre nous-mêmes, comprendre le monde, l'univers, nous devons considérer l'ensemble (sphères biologique, chimique, sociale, économique, mentale, linguistique et autres). Ce n'est qu'en comprenant le tout que nous pouvons comprendre comment les différentes parties du tout fonctionnent. Le terme "holisme" a été utilisé pour la première fois par le Premier ministre sud-africain, officier militaire (maréchal), botaniste et philosophe Jan Christian Smuts (1870-1950) dans son livre de 1926 intitulé Holism and Evolution (Holisme et évolution). Il définit le holisme comme "la tendance de la nature à former des ensembles qui sont plus grands que la somme de leurs parties, en tenant compte de la créativité de l'évolution".
La vie de J. Ch. Smuts, érudit et polyglotte, n'est pas sans rappeler la philosophie du holisme : il a lutté contre l'apartheid naissant en Afrique du Sud et a fondé les Nations unies. Lorsqu'Albert Einstein a lu "Holisme et évolution", il a déclaré qu'au cours du prochain millénaire, les gens seraient influencés par deux choses : sa théorie de la relativité et le holisme de J. Ch. Smuts. Le célèbre physicien a également ajouté que J. Ch. Smuts est "l'une des onze personnes au monde" à avoir compris sa théorie de la relativité. Une statue en l'honneur du fondateur du holisme est érigée sur Parliament Square, à Londres. J. Ch. Smuts est également considéré par les Juifs comme l'une des personnes ayant le plus contribué à la fondation d'Israël. Plusieurs rues des villes israéliennes portent son nom, ainsi qu'un certain nombre de plantes qu'il a trouvées en Afrique du Sud.
Par ailleurs, le holisme rappelle non seulement la culture mélanésienne de Nouvelle-Calédonie, que le missionnaire protestant Maurice Leenhardt (1878-1954) appelait le cosmomorphisme (la symbiose parfaite entre l'homme et le monde naturel qui l'entoure), mais aussi la foi balte, où nos ancêtres recherchaient l'harmonie avec les plantes, les animaux et les phénomènes naturels.
Dans la seconde moitié du 20ème siècle, les théories physiques du chaos et de la complexité se sont développées à partir du holisme. Le holisme a influencé l'écologie, une nouvelle approche de la théorie économique, la philosophie du langage, l'anthropologie, l'architecture, le design, l'éducation, la médecine psychosomatique" [18]. Il est vrai que certains spéculent sur le holisme et le transforment en un autre mouvement new age. Par exemple, l'Institut de santé holistique de Kaunas a été fondé, où l'on enseigne la médecine extrasensorielle, la bioénergie, l'"astrologie médicale", la chiromancie, la parapsychologie, la "psychologie spirituelle", etc.
Le retour à la tradition est également recherché par la foi balte, souvent qualifiée sans raison de "païenne" (latin paganus - "villageois"), bien que les adeptes de cette foi n'aient pas peur du mot "païen".
Il est vrai que Gintaras Beresnevičius admet qu'il est impossible de recréer une religion ancienne, "mais il est possible de recréer (créer ?) une certaine attitude, une humeur de l'âme - une ouverture religieuse à l'environnement - sur la base d'expériences spéciales sacrées" [20]. Beresnevičius qualifie les Romuviens - membres de la communauté confessionnelle balte Romuva - de "bouddhistes zen partiellement lituaniens", "et le bouddhisme zen, comme l'expérience sacrée de la nature, n'exclut pas un autre type de religiosité" [21]. Selon l'universitaire, l'idée du peuple romuva est le lien entre l'homme, ses ancêtres, la nature et l'univers. En d'autres termes, il s'agit d'un retour à la tradition. Surtout que dans le mouvement romuva, on peut sentir l'individualité de la personnalité, ils ne sont pas nivelés comme dans beaucoup de NRM : "... les Romuvas sont différents, individuels, leur religiosité ne les met pas dans un ghetto socialement, émotionnellement, elle n'endommage pas leur psyché", tandis que, mentionnant le cas de la Parole de Foi comme exemple, G. Beresnevičius souligne que "si vous parlez à l'un d'entre eux, vous parlez à tous" [22].
Les Romuvas eux-mêmes le disent: "Romuva est une foi et une religion baltes. Romuva, c'est la paix, l'harmonie et la beauté - les valeurs les plus importantes de notre esprit. Romuva est une religion de vie et d'harmonie. Le nom de Romuva a brillé à nouveau avec la renaissance d'un peuple et d'une ancienne foi naturelle. En la qualifiant de "baltique", nous soulignons son ancienneté et sa tradition ininterrompue" [23]. Par ailleurs, les Romuvas reconnaissent la réincarnation, bien que cette doctrine soit issue de la philosophie indienne.
Le premier krivi lituanien Jonas Trinkūnas (photo) a été ordonné sur la tombe de Gediminas à Vilnius en 2002, après un hiatus de 600 ans. G. Beresnevičius a qualifié cet événement d'importance européenne. Il s'agit bien sûr d'une des pierres angulaires de la restauration de la Tradition. Malheureusement, les autorités de notre pays, la Lithuanie, favorisent les NRM destructeurs - par exemple, le mouvement très controversé des adeptes d'Osho est enregistré comme une communauté bouddhiste auprès du ministère de la Justice, alors qu'il n'a rien à voir avec le bouddhisme, et ceux qui professent la foi balte ne reçoivent toujours pas de reconnaissance de la part de l'État.
Dans son livre sur la foi balte, Trinkūnas explique: "Vydūnas a écrit à plusieurs reprises sur l'ancienne foi des Lituaniens et s'est émerveillé de sa sagesse. Une caractéristique importante de cette foi était son autosuffisance; elle a grandi et s'est développée comme un chêne sacré dans sa terre natale. Malheureusement, l'expérience spontanée du Grand Mystère a été entravée et interrompue, et la perte de conscience de soi a pu se poursuivre pendant des siècles. Notre ancienne foi n'a jamais consisté à lire des livres et à en discuter. L'essence de cette foi était la vie elle-même et sa sagesse. Aujourd'hui, cependant, nous avons besoin de livres sur la religion naturelle et la vision du monde, car la connaissance vivante de la foi ancestrale s'est évanouie. La civilisation agressive dilue encore davantage la mémoire naturelle des peuples. En pensant à l'avenir de la nation, nous aspirons à sa survie et à celle de ses valeurs spirituelles. La tradition balte est la vision du monde, les anciennes croyances, les coutumes, le folklore, etc. et Romuva symbolise l'unité et la continuité de cette tradition" [24].
La nature traditionnelle de la foi balte a fait l'objet de nombreux écrits de la part de G. Beresnevičius (1961-2006), ainsi que Norbertas Vėlius (1938-1996) (photo, ci-dessus), qui a écrit The Ancient Baltic Worldview (1983), Sources of Baltic Religion and Mythology (4 volumes, 1996-2005) et d'autres ouvrages, Marija Gimbutienė/Marija Gimbutas (1921-1994), Pranė Dundulienė (1910-1991), Nijolė Laurinkienė, Elvyra Usačiovaitė, Libertas Klimka, Dainius Razauskas, Radvilė Racėnaitė, Vladimiras Toporovas et d'autres.
L'idée de Gimbutiene (Marija Gimbutas) selon laquelle la mythologie balte est une fusion des cultures matricentriques de la vieille Europe et de la nouvelle religiosité patricentrique apportée par les Indo-Européens est la plus proche du concept de Tradition. Il est vrai que le matricentrisme de la Vieille Europe n'est qu'une hypothèse qui existe depuis le 19ème siècle et qui a influencé les mouvements néopaïens qui ont émergé dans le monde dans la seconde moitié du 20ème siècle (dont le plus célèbre est peut-être la Wicca, un NRM, créé en 1954 par l'occultiste britannique Gerald Gardner (1884-1964).
Il faut cependant admettre que les origines du néopaganisme remontent à la Renaissance, avec la publication en 1532 de la Theologia mythologica du médecin allemand Georg Pictorius de Villigen (c.1500-1569) (gravure, ci-contre). Plus tard, en 1717, l'"Ordre des druides" a été fondé, suivi d'un intérêt pour l'héritage scandinave et, au début du 20ème siècle, pour les runes. Le plus grand spécialiste des runes est peut-être le poète, écrivain et occultiste autrichien Guido von List (1848-1919), qui a publié en 1908 une sorte de classique, Das Geheimnis der Runen (Le secret des runes).
Malheureusement, le néopaganisme a ensuite fusionné avec le mouvement new age. Selon Beresnevičius, cette fusion complète la société moderne avec la montée des tendances polythéistes, des doctrines orientales, des enseignements sur la réincarnation, du féminisme, de l'environnementalisme, de l'essor de l'astrologie et de l'exploration de la conscience et de l'inconscient dans la science et la parapsychologie. Tout cela a éloigné la société de la Tradition et l'a rendue laïque [25].
La tradition n'a pas complètement disparu. Des tentatives relativement mineures ont été faites pour étudier les runes lituaniennes (sic!). L'érudite lituanienne Pranciška Regina Liubertaitė (photo) affirme que non seulement les Scandinaves, les Anglo-Saxons (Anglais, Saxons, Jutes, Frisons), les Goths, les Turcs, les Hongrois, mais aussi... les Lituaniens possédaient des runes. Une plaque avec des signes runiques, qui a donné beaucoup à réfléchir [26], a été trouvée lors de la construction de l'ascenseur de la colline de Gediminas en 2003. Le mot rune est d'origine indo-européenne, et il signifie un secret, c'est-à-dire une tradition.
En résumé, tous les traditionalistes, qu'ils soient modérés ou radicaux, partagent le même désir de ramener la Tradition, seuls les moyens qu'ils proposent diffèrent.
À l'opposé des gardiens du sacrum (des phénoménologues aux traditionalistes et aux holistes) se trouvent les philosophes cyniques du postmodernisme et du transhumanisme.
Profanum contre sacrum
La philosophie postmoderne a été influencée par la phénoménologie, le structuralisme, l'existentialisme et la philosophie analytique. Mais voyons ce qui nous intéresse le plus dans ce cas, à savoir l'approche de la religion par la philosophie postmoderne.
Commençons par une hypothèse: le postmodernisme, contrairement aux gardiens du sacrum, nie le dualisme entre le monde spirituel et le monde physique, entre l'esprit et les objets qu'il valorise; en d'autres termes, la postmodernité est un monde qui peut être influencé par la seule pensée. Les postmodernistes nient la Tradition et influencent la mentalité de la société moderne sécularisée avec la vision que tout est hyperréalité, pseudo-événement, virtualité, simulacre. Les transhumanistes nient également la Tradition, mais ils rêvent d'une utopie du corps. Rappelez-vous les paroles prophétiques du penseur anglais Thomas More (1478-1535): "[...] les utopistes, par leurs facultés instruites par les sciences, sont admirablement habiles dans les inventions qui procurent toutes les commodités de la vie" [27].
Nous aimerions définir les principaux termes inventés et utilisés par les anti-traditionalistes (transhumanistes).
Daniel Boorstin
Hyperréalité. Dans la philosophie postmoderne, l'incapacité de la conscience à distinguer la réalité de la fantaisie. Les philosophes les plus célèbres qui ont étudié l'hyperréalité sont le Français Jean Baudrillard (1929-2007), l'Allemand Albert Borgmann (né en 1937), l'Américain Daniel Boorstin (1914-2004) et l'Italien Umberto Eco (né en 1932).
Baudrillard a déclaré: "La distorsion de l'espace qui suit la distorsion d'une planète équivaut au désensablement de la souche humaine, ou à sa réversion dans l'hyper-courant de la simulation. C'est la fin de la métaphysique, la fin du fantasme, la fin de la science-fiction, le début d'une ère d'hyperréalité" [28]. Borgmann a souligné l'aliénation de notre société par rapport à la Tradition, car elle est devenue hyperactive, pathologiquement accro au travail. Boorstin a dit un jour que le plus grand obstacle qui nous empêche de découvrir la forme de la terre, ses continents et ses océans, est l'illusion que nous savons. Eco a qualifié l'hyperréalité, paradoxalement, de "faux authentique".
Pseudo-événement. D. Boorstin a emprunté ce terme à Guy Debord (1931-1994), le célèbre situationniste auteur de l'ouvrage légendaire La Société du spectacle (1967). Un pseudo-événement est créé pour attirer l'attention des médias, mais il ne fonctionne pas dans la réalité. C'est la publicité qui s'est emparée de notre monde, les "nouvelles" biaisées, les "nouvelles" créées par les sociétés de relations publiques (PR). L'événement n'existe plus dans une société qui a oublié la Tradition, mais il a été remplacé par un pseudo-événement qui devient "plus réel que la réalité". Par exemple, la lettre "M" est censée créer le monde de McDonnald's, qui représente un certain aliment, mais en réalité la lettre "M" dans le monde profane ne signifie pas grand-chose. En revanche, la rune M (mannaz ou manwaz) a toujours signifié l'homme et, dans la Tradition, comme d'autres runes, elle a été chargée de sens.
Virtualité. Le terme a été inventé par Ted Nelson (né en 1937) (photo), philosophe américain et expert en technologies de l'information qui a inventé le terme hypertexte en 1963. On lui attribue également la phrase suivante: "La plupart des gens sont stupides, le gouvernement est mauvais, Dieu n'existe pas, tout est mauvais". Le virtuel représente tout ce qui n'est pas réel. En d'autres termes, c'est un profanum.
Simulacre. Le "père" de ce terme est Baudrillard. Les simulacres sont l'imagination utopique, la science-fiction et la "réalité" hyperréelle.
Pour résumer les grandes lignes de la philosophie postmoderne, il est clair que, selon Baudrillard, ce monde est une copie (copyworld). La réalité n'est plus réelle, elle a disparu de sa propre carte. Ou, comme le dirait Jacques Derrida (1930-2004), un autre philosophe postmoderne français, il y a "religion et espace-temps virtuel" [29].
"Il est vrai qu'il existe aussi une alternative (ou plutôt une opposition) positiviste à la Tradition: le transhumanisme. Le concept d'Übermensch, présenté au public dans le livre de Friedrich Nietzsche (1844-1900) de 1883 Ainsi parlait Zarathoustra (Also sprach Zarathustra), est au cœur de cette alternative. Elle trouve son origine dans l'expression "survie du plus apte" inventée par le philosophe anglais Herbert Spencer (1820-1903), telle qu'elle est décrite dans son ouvrage Principles of Biology de 1864, écrit en réponse à son admiration pour les idées de Charles Darwin (1809-1882). L'idée du surhomme a cependant dégénéré lorsque les nazis l'ont utilisée à leurs propres fins, déclarant que les Aryens étaient des surhommes, la "race supérieure" (en allemand: Herrenvolk). Dans la culture populaire et dans les nouveaux mouvements religieux, le surhomme est l'un des personnages les plus importants. Les hommes politiques utilisent également l'image du surhomme.
On peut qualifier tout cela de sophismes historiques ou de simples spéculations. Cependant, depuis un certain temps, il existe dans le monde une philosophie futuriste du transhumanisme (ou posthumanisme), qui est prise très au sérieux par beaucoup.
La pionnière du transhumanisme contemporain est l'artiste américaine Natasha Vita-More (née en 1950; de son vrai nom Nancie Clark) (photo), qui a écrit en 1982 le Manifeste pour l'art transhumaniste. On peut y lire: "L'art transhumaniste développe et prolifère de nouveaux modes d'expression artistique. Notre esthétique et nos expressions, liées à la science et à la technologie, stimulent l'expérience sensorielle. Les transhumanistes cherchent à améliorer et à activer la vie. Nous utilisons la technologie pour activer et améliorer la vie" [30].
Mais il ne s'agit là que des premières étapes du transhumanisme moderne (ou posthumanisme). L'une des figures les plus importantes associées au transhumanisme moderne est le philosophe et futurologue d'origine iranienne Fereidoun M. Esfandiary (1930-2000) (photo), qui a déclaré avoir "une grande nostalgie de l'avenir". En 1989, il a écrit un ouvrage de référence sur la philosophie du transhumanisme, Are You a Transhumanist?
Fils d'un diplomate iranien, il avait déjà visité 17 pays à l'âge de 11 ans, puis a travaillé pour la Commission des Nations unies en Palestine entre 1952 et 1954. Il a écrit plusieurs livres de fiction sous son vrai nom, et des ouvrages philosophiques scientifiques, futurologiques et transhumanistes sous le pseudonyme FM-2030 (il pensait qu'en 2030, notre civilisation aurait déjà considérablement changé - "cette année-là, nous serons devenus éternels"). Malheureusement, en 2000, le philosophe est emporté par un cancer. À sa demande, le corps de FM-2030 a été cryogénisé à l'Alcor Life Extension Foundation en Arizona.
Le transhumanisme (également connu sous le nom de >H ou H+) est aujourd'hui un vaste mouvement intellectuel et culturel qui soutient les dernières découvertes technologiques et scientifiques. Les transhumanistes pensent que les humains deviendront progressivement beaucoup plus intelligents et capables, c'est-à-dire des post-humains qui seront immortels - mais dans leur corps plutôt que dans leur âme [32].
La transformation des humains en post-humains a été décrite par l'éminent philosophe américano-japonais Francis Fukuyama (né en 1952). Dans son célèbre ouvrage La fin de l'histoire et le dernier homme (1992), il affirme que l'époque actuelle est la fin de l'histoire, car elle représente le point final de l'évolution idéologique de l'humanité et l'universalisation de la démocratie libérale occidentale.
Dix ans plus tard, dans son livre Our Posthuman Future: Consequences of the Biotechnology Revolution (2002), Fukuyama a développé cette thèse, affirmant que la fin de l'histoire ne peut survenir avant la fin des sciences naturelles et de la technologie. Pour lui, le fait que l'humanité soit sur le point de prendre le contrôle de ses processus évolutifs aura un effet profond et extrêmement destructeur sur la démocratie libérale. Les post-humains, selon Fukuyama, en manipulant le génome humain, seront capables de refaire l'humanité de la manière la plus neutre sur le plan idéologique et de la vision du monde. En d'autres termes, ce sera aussi la fin de la Tradition.
Incidemment, il convient de noter qu'en tant qu'ennemi idéologique du président américain George W. Bush (né en 1946), Fukuyama a souligné que les États-Unis ont grandement exagéré le danger de l'"islam radical", car la lutte contre le djihad n'est pas militaire, mais plutôt politique, une bataille avec les cœurs et les esprits de la population musulmane du monde, c'est-à-dire une bataille avec la Tradition. "Dans la période post-historique, il n'y aura ni art ni philosophie, seulement l'entretien perpétuel du musée de l'histoire" [33], conclut tristement Fukuyama.
Ainsi, après avoir brièvement discuté des origines philosophiques et de la vision du monde des doctrines des nouveaux mouvements religieux traditionalistes en Lituanie, nous pouvons dire qu'ils ont été principalement influencés par les diverses théories traditionalistes qui se sont répandues au cours du 20ème siècle. Leurs idéologues les plus influents ont encouragé les personnes de différents pays et religions à se tourner vers leurs racines et à prendre conscience de l'importance des valeurs traditionnelles dans un monde désacralisé dominé par de puissantes tendances à la commercialisation culturelle.
Parallèlement aux doctrines traditionalistes, des systèmes de vision du monde et des religions influentes telles que le taoïsme, le bouddhisme chan, le bouddhisme zen, le bouddhisme seon, l'hindouisme et le shintoïsme gagnent du terrain dans le monde d'aujourd'hui, tout comme la promotion du holisme et la déclaration de la relation indissoluble de l'homme avec la nature. Le nombre croissant de partisans de ces visions du monde, des holistes profondément enracinés dans l'élite universitaire et artistique occidentale, sont convaincus que, comme l'affirme le célèbre Livre des changements chinois (Yijing), tout est lié dans le monde et que, par conséquent, la nature ne peut être séparée de l'homme, et l'homme ne peut être séparé de la nature (ou de Dieu). Ces attitudes, qui ont suivi la puissante vague de l'orientalisme postmoderne, se sont largement répandues en Occident et sont devenues partie intégrante de la culture, de l'esthétique, de l'art et de la religion postmodernes. Selon les idéologues postmodernes influents, il n'y a plus de religion et de réalité clairement centrées dans le monde postmoderne de la culture méta-civilisationnelle, car nous vivons dans un contexte de lutte et de concurrence entre une multitude d'idées et de théories religieuses, et nous errons donc dans le monde comprimé de la mondialisation, à la recherche d'une vision du monde et d'une attitude religieuse plus acceptables pour tout le monde.
Selon les transhumanistes, à l'avenir, "dans l'ère humaine, les machines seront des dieux", "les machines complexes seront une forme évolutive de la vie" et "la logique sera un produit de l'imagination humaine" (selon les mots de l'écrivain anglais Robert Pepperell, fondateur de la branche posthumaniste du mouvement transhumaniste, né en 1963). Contrairement à de nombreuses régions du monde, où l'on observe un retour croissant aux valeurs traditionnelles de la culture, de la religion, de l'éthique et de l'art, en Lituanie, nous devons dire que les nouveaux mouvements religieux ont tendance à ignorer la tradition.
La plupart du temps, par manque de compréhension de l'importance des traditions culturelles dans le monde actuel, ils courent après des modes post-mondaines qui séduisent les gens qui ne croient pas en la valeur de la Tradition. En effet, la tradition ne se promeut pas d'elle-même, elle doit être découverte pour elle-même. C'est l'une des nombreuses raisons pour lesquelles la tradition unique de la culture et de la religion baltes, qui est si importante pour notre culture, notre mentalité et notre conscience nationale, a si peu de partisans. Cette situation est très surprenante pour de nombreux spécialistes religieux étrangers, en particulier les Japonais, qui sont parfaitement conscients de l'importance du maintien des traditions culturelles et religieuses nationales dans un monde post-moderne qui nivelle les distinctions.
Notes:
[1] A. Andrijauskas, Beresnevičius et les possibilités de la réception heuristique de l'histoire de la culture de la GDL // Kultūrologija 14. Est-Ouest: études comparatives V. - Vilnius, Institut de la culture, de la philosophie et de l'art, 2006, p. 29.
[2] M. D. Langone, Secular and Religious Critics of Cults : Complementary Visions, Not Irresolvable Conflicts, 22 novembre 2006, http://www.csj.org/infoserv_articles/langone_michael_secularandreligious....
[3] G. Beresnevičius, "Sanctification et laïcité": une brève introduction à un sujet inattaquable // Mircea Eliade, Sanctification et laïcité - Vilnius, Mintis, 1997, p. viii.
[4] Ibid, p. x
[5] M. Eliade, Sanctification et laïcité - Vilnius, Mintis, 1997.
[6] G. Van der Leeuw, Phänomenologie der Religion - Tübingen, J. C., 1933.
[7] A. Andrijauskas, Histoire comparée des idées de civilisation. - Vilnius Academy of Arts Publishing House, 2001, p. 335.
[8] http://www.state.gov/g/drl/rls/irf/2006/71392.htm.
[9] Cheikh Ali El-Tantawi, Introduction à l'islam. - Kaunas, Mosque, 2001 ; le journal de l'Union des communautés tatares de Lituanie "Lietuvos totoriai" - près de 140 numéros ont été publiés depuis 1995 [données du 26.02.2012], le journal peut être consulté sur Internet à l'adresse http://www.tbn.lt/lt/?id=8&item=43 ; et il y a également les sites web des musulmans vivant en Lituanie www.islamas.lt et www.musulmonai.lt.
[10] http://islamas.lt/il.htm.
[11] http://www.lib.ru/POLITOLOG/genon.txt.
[12] Ibid.
[13] http://www.worldwisdom.com/Public/Authors/Detail.asp?AuthorID=4#excerpt.
[14] http://www.frithjof-schuon.com/TEXT1142ENG.htm.
[15] http://www.tamilnation.org/hundredtamils/coomaraswamy.htm.
[16] http://www.evrazia.org.
[17] McNallen a créé en 1985 une pseudo-science, la métagénétique, prônant un homme nouveau au-delà des découvertes de la génétique, rappelant le "vrai Aryen" créé par les ariosophes nazis.
[18] M. Peleckis, The Phenomenon of Industrial Subculture (5) : Holistic Art in Lithuania // Literatura ir menas, 23.11.2007, http://www.culture.lt/lmenas/?leid_id=3166&kas=straipsnis&st_id=11786.
[19] Publicité dans le magazine Būrėja, 2005, n° 12 (38).
[20] G. Beresnevičius, Ant laiko ašmenų (Sur les axes du temps) - Vilnius, Aidai, 2002, p. 95.
[21] Ibid, p. 94.
[22] Ibid, pp. 93-94.
[23] Sous le signe de Romuva. Notre foi aujourd'hui. - Vilnius, Floramedia Baltic, 2001, p. 2.
[24] J. Trinkūnas, Baltic Faith. Vilnius, Diemedžio leidykla, 2000, pp. 5, 6, 8.
[25] G. Beresnevičius, Ant laiko ašmenų - Vilnius, Aidai, 2002, p. 87.
[26] Il y avait peut-être la seule communauté en Lituanie, bien que virtuelle, intéressée par Tradicija ir ruų paslaptys (Tradition et mystères des runes), qui se trouvait sur le site http://lietuva.white-society.org et s'appelait " Baltosios tradicijos " (Traditions baltes), mais sa page a été fermée ; les runes intéressent également certains musiciens industriels, comme le groupe Sala, originaire d'Utena.
[27] T. More, Utopia. - Vilnius, Vaga, 1968, p. 109.
[28] J. Baudrillard, Simuliakrai ir simuliacija - Vilnius, Baltos lankos, 2002, p. 143.
[29] J. Derrida, G. Vattimo et al, Religija - Vilnius, Baltos lankos, 2000, p. 10.
[30] http://www.transhumanist.biz/transhumanistartsmanifesto.htm.
[31] FM-2030, Êtes-vous un transhumain ? Monitoring and Stimulating Your Personal Rate of Growth in a Rapidly Changing World - New York, Warner Books, 1989.
[32] M. Peleckis, Transhumanisme : espoirs et dangers // Literatura ir menas, 14.09.2007, http://www.culture.lt/lmenas/?leid_id=3156&kas=straipsnis&st_id=11370.
[33] F. Fukuyama, La fin de l'histoire // The Natural Interest, été 1989, p. 18.
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mardi, 09 avril 2024
Magie arthurienne
Magie arthurienne
Fernando Galván
Source: https://melmothlibros02.blogspot.com/2024/04/la-magia-arturica.html
Le monde arthurien est étroitement lié à la fantaisie et à la magie du Moyen Âge. Il suffit d'évoquer le nom d'Arthur et de ses célèbres chevaliers pour que surgissent immédiatement à l'esprit les figures mythiques du magicien Merlin, de la fée ou de la sorcière Morgane, ou des objets magiques - aux pouvoirs extraordinaires - comme le Graal, ou l'épée Excalibur, ou encore des lieux dotés d'un important halo mythique et magique, comme Camelot, Avalon, la Forêt Stérile, la Chapelle Dangereuse, etc.
On pourrait citer des dizaines de motifs bien connus qui apparaissent partout au Moyen Âge et qui survivent encore dans les réécritures et les adaptations des récits arthuriens.
Il suffit de consulter un ouvrage aussi bien documenté que El Rey Arturo y su mundo. Diccionario de mitología artúrica (=Le Roi Arthur et son monde - Dictionnaire de la mythologie arthurienne (1)) de Carlos Alvar, pour constater la richesse magique et mythologique sous-jacente.
Dans le prologue de cet ouvrage, il est fait référence à l'Histoire de Lancelot du Lac comme noyau central des récits arthuriens, car elle contient la plupart des thèmes qui sont répétés et modifiés ailleurs.
Mais dans ce même récit sur Lancelot, étant donné sa longueur singulière, nous trouvons également ce que l'on peut observer dans d'autres récits en vers et en prose dans les différentes langues européennes médiévales.
C'est-à-dire que les personnages, les incidents, les objets et les lieux de ce monde fictif ne conservent pas une identité concrète et fixe, mais changent constamment, modifient leur nature et se transforment, comme par magie, en de multiples versions.
Le dictionnaire d'Alvar est irremplaçable, dans notre langue espagnole, pour trouver les clés de tant de transformations, des changements de physionomie et de noms adoptés par les centaines de personnages et d'incidents du monde arthurien.
Parfois, on croit percevoir dans tel ou tel élément narratif la trace de l'antiquité classique, d'autres fois celle du monde celtique primitif - d'où proviennent certainement beaucoup des légendes qui ont façonné le monde du roi Arthur - ; et à d'autres occasions, la présence du christianisme est indiscutable, qui - comme à d'autres époques - s'est efforcé au Moyen Âge d'adapter les fantaisies et les mythes païens à la doctrine de l'Église.
Il n'est donc pas facile de résumer la très longue liste d'événements magiques qui abondent dans tant de textes médiévaux.
Il existe des livres et des articles bien connus sur chacun des éléments importants liés à la magie et à la fantaisie. Citons, par exemple, les ouvrages prestigieux de R. S. Loomis, l'encyclopédie monumentale de N. J. Lacy et d'autres, les études de Geoffrey Ashe, William Albert Nitze et Nikolai Tolstoy.
Mentionnons également les livres de Carlos García Gual sur les légendes arthuriennes.
Pour ne pas me perdre dans le labyrinthe des détails magiques qui affectent le cycle arthurien, je préfère me concentrer sur une tentative d'explication de certaines des raisons de cette magie et de ses relations avec la science, la religion et l'histoire, et commenter brièvement les effets de cette magie au Moyen Âge et même à une époque ultérieure, car les résultats de la magie arthurienne dépassent largement les frontières du quinzième siècle.
Le monde de la fantaisie, du merveilleux, n'a pas eu la même importance dans d'autres périodes historiques.
Ann Swinfen, dans son livre Defence of Fantasy, qui étudie le roman fantastique contemporain, affirme ce qui suit :
L'un des aspects les plus difficiles de l'étude critique du roman fantastique résulte peut-être de l'attitude de la plupart des critiques contemporains, une attitude qui suggère que le mode d'écriture dit "réaliste" est en quelque sorte plus profond, plus engagé moralement, plus directement lié aux préoccupations humaines "réelles" qu'un mode d'écriture qui fait appel au merveilleux.
La raison pour laquelle je défends le fantastique est que c'est loin d'être le cas. Pour clarifier cette question, nous pouvons peut-être nous rappeler que ce que nous considérons aujourd'hui comme le monde "réel" - c'est-à-dire le monde de l'expérience empirique - a été considéré pendant de nombreux siècles comme le monde des "apparences". Pour nos ancêtres, plus enclins que nous par conviction et par apprentissage à chercher la réalité au-delà du monde matériel, ce qui était définitivement réel résidait dans les autres mondes spirituels. C'est sur la réalité de ces autres mondes que porte, dans une large mesure, la fantaisie".
En effet, au Moyen Âge, le surnaturel, la magie, n'était pas nécessairement une fantaisie irréelle, ni ne devait nécessairement s'opposer au concept de science, mais c'était souvent un moyen didactique de transmettre une connaissance profonde de la réalité, non accessible à un niveau empirique, et qui pouvait donc être présentée à travers des paradoxes et des contradictions avec les apparences du monde réel.
Fernando Galván : MAGIE ARTHURIENNE
- Carlos Alvar, El Rey Arturo y su mundo. Diccionario de mitología artúrica, Madrid, Alianza Editorial, 1991.
21:00 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fantastique, traditions, cycle arthurien, magie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
lundi, 08 avril 2024
La fonction religieuse et astronomique des monuments mégalithiques
La fonction religieuse et astronomique des monuments mégalithiques
Mario Alinei & Francesco Benozzo
Source: https://melmothlibros02.blogspot.com/2024/04/la-funcion-religiosa-y-astronomica-de.html
La fonction astronomique des mégalithes, en particulier en relation avec leur fonction religieuse, est peut-être leur aspect le plus fascinant.
Niée avec obstination par les spécialistes jusqu'à récemment, elle est aujourd'hui universellement acceptée, après qu'Atkinson [1979] l'a clairement démontrée pour Stonehenge. Par la suite, cette fonction a été vérifiée pour les autres monuments.
Comme le dit Cunliffe (2001), même si "une partie de ce qui a été écrit est complètement fallacieux et une autre partie n'est pas prouvée, il reste un fait indiscutable que plusieurs de nos tombes mégalithiques les plus impressionnantes ont été conçues avec une immense habileté pour se rapporter précisément à d'importants événements solaires ou lunaires".
Il suffit de rappeler, parmi les exemples les plus connus, que la tombe irlandaise de Knowth (ci-dessus) a une orientation équinoxiale, associée au début de la saison des semailles et des récoltes.
Newgrange (ci-dessus), situé à peu de distance de Knowth, est l'un des cas les plus illustratifs. Il s'agit d'un sanctuaire mégalithique, daté entre 2475 et 2465 avant J.-C., qui consiste en une tombe à couloir.
La tombe a été construite de telle sorte que la ligne du couloir ou du passage d'accès à la chambre centrale était orientée vers le point de l'horizon où le soleil se lève le 21 décembre, le jour du solstice d'hiver le plus court de l'année (en termes religieux modernes, le jour de Noël).
La fonction à la fois scientifique et religieuse du monument est ici évidente. Le solstice, que le monument "capture" avec une précision absolue, marque à la fois la fin du principal cycle annuel de la nature, le cycle agricole, et l'aube d'un nouveau cycle : la nuit de la Saint-Sylvestre.
De plus, la lumière du soleil solsticial tombant sur le tombeau au centre du monument, il est clair que la résurrection du soleil devait impliquer celle des morts et assurer la même renaissance à tous les vivants, héritiers ou sujets de l'enseveli.
L'importance de ces observations pour l'interprétation des mégalithes est énorme, car elle permet de comprendre le lien entre la résurrection du soleil et la résurrection des morts. Plus généralement, la fonction du monument était à la fois scientifique, funéraire et magico-religieuse.
Les fouilles récentes ont également montré que les alignements, c'est-à-dire les rangées simples ou multiples de pierres placées les unes à côté des autres (très répandus en Bretagne) ont probablement une fonction mixte, rituelle et astronomique (cette dernière étant liée aux collines environnantes).
Les études menées au cours des vingt dernières années ont fourni des preuves statistiques impressionnantes que les bâtisseurs de mégalithes et les communautés mégalithiques observaient constamment le cycle de la lune.
Un exemple emblématique est Le Grand Menhir Brisé en Bretagne, aujourd'hui interprété comme le plus grand observatoire lunaire de l'Europe néolithique.
MARIO ALINEI - FRANCESCO BENOZZO : Origines des mégalithes européens
20:25 Publié dans archéologie, Traditions | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : archéologie, traditions, mégalithes, préhistoire | | del.icio.us | | Digg | Facebook
samedi, 30 mars 2024
Dadaïste, séducteur, dandy. L'aventure d'être Evola
Dadaïste, séducteur, dandy. L'aventure d'être Evola
par Stenio Solinas
Source : Il Giornale & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/dadaista-seduttore-dandy-l-avventura-di-essere-evola
"Tout ce que vous avez voulu savoir sur Evola sans jamais oser le demander" pourrait être, en paraphrasant Woody Allen, le sous-titre de la solide biographie de plus de 700 pages qu'Andrea Scarabelli, avec Vita avventurosa di Julius Evola (Bietti, 39 euros), consacre à ce personnage complexe et controversé. Fort d'une décennie de recherches, d'archives italiennes et étrangères, de correspondances, d'interviews et de témoignages, Scarabelli a réussi à contextualiser son œuvre tout en mettant l'accent sur le type humain qui l'a rendue possible et à dresser un portrait convaincant de l'époque, ou plutôt des époques, dans lesquelles Evola a vécu: la Rome artistique, politique et idéologique du début du 20ème siècle puis de l'entre-deux-guerres; Vienne, qui n'est plus habsbourgeoise mais pas encore nazie; Paris surréaliste et moderniste; l'"île païenne" de Capri, par excellence: mais aussi le fer et le feu de la Seconde Guerre mondiale, l'effondrement italien et la capitulation allemande, la difficile période de l'après-guerre marquée par la paralysie physique de ses jambes, par de longues hospitalisations, par des difficultés économiques et de soudaines poussées de notoriété publique, des arrestations et des procès, qui ne contribueront pas peu à sa réputation de "mauvais maître" ou de maître tout court du néo-fascisme italien dans les années 1950 et 1960.
Le premier élément qui saute aux yeux, contredisant et/ou corrigeant cette aura d'impassibilité et d'impersonnalité qu'il a lui-même contribué à construire et que ses exégètes ont transformé en une sorte de totem intemporel, est qu'Evola était un interventionniste, immergé dans son époque, désireux de se tailler un espace public et de jouer un rôle à l'ère de l'agonie culturelle. C'était un homme colérique et polémique, mais il était prêt à faire des compromis lorsque d'autres voies n'étaient pas viables, à être marqué et dénoncé, voire calomnié dans la presse, et à se faire battre la main... Dès ses débuts, il fut un peintre dadaïste et théoricien d'un art abstrait dans sa volonté de faire tabula rasa de tout ce qui était tradition, conservation, passé, ainsi qu'un adepte d'un dandysme à la Oscar Wilde, comme le lui reprochaient ses détracteurs: monocle, brillantine, ongles émaillés, élégance extrême, faux titre de noblesse, prédilection pour les femmes mûres qui voyaient sans doute dans la séduction de cet "élégant abatino" (définition du futuriste Bragaglia) quelque chose de pervers et en même temps d'excitant.
Il l'était encore plus sous sa forme ultérieure de philosophe et, comment dire, d'idéologue, dans cet archipel déchiqueté qu'était le mouvement fasciste avant qu'il ne se cristallise en régime, et qui pourtant, une fois qu'il l'était, maintenait en son sein une telle vivacité de positions et de contrastes qu'elle rendait caduque aussi bien l'idée d'un système monolithique que celle d'une absence de débat culturel, voire d'une absence totale de culture.
De ce point de vue, le livre de Scarabelli est d'autant plus intéressant qu'il dresse une carte, aussi raisonnée que composite, des différentes âmes intellectuelles qui ont vu le jour à l'époque, chacune avec ses propres points de référence, qu'il s'agisse de journaux, de lieux de rencontre, de maisons d'édition, ainsi que des référents politiques et donc des centres de pouvoir alternatifs. Une chose que l'on n'a jamais assez soulignée, et que Scarabelli met au contraire en évidence, c'est que l'intellectualité fasciste qui s'est manifestée à l'époque était l'enfant de l'interventionnisme de guerre qui l'avait précédée. Tout le monde, plus ou moins, avait été au front, tout le monde était revenu du front à la vie civile en conservant une mentalité militaire. C'était la répétition de ce phénomène que furent les demi-soldes napoléoniens si bien décrits par Balzac, des inadaptés par rapport au monde qui aurait dû les accueillir comme si rien ne s'était passé entre-temps...
L'idée que ceux qui avaient été dans les tranchées ou à l'attaque devaient maintenant s'asseoir derrière un bureau et recevoir des ordres de ceux qui étaient restés à la maison semblait surréaliste, tout comme l'appel au vieux décorum bourgeois, à l'échange poli d'opinions, à la polémique polie... Bien que moins virulent que les champions de l'insulte gratuite tels que Mario Carli et Emilio Settimelli dans les colonnes de L'Impero, Evola a également joué son rôle, un bellicisme des mots qui a paradoxalement débordé du fascisme vers le néo-fascisme d'après-guerre, où ce n'est pas une coïncidence qu'Evola se retrouve souvent décrit sur les mêmes tons et avec les mêmes épithètes dénigrantes qui l'avaient accompagné pendant les vingt années de fascisme...
Il faut cependant préciser, et Scarabelli le fait très bien, qu'Evola n'était en aucun cas un personnage marginal dans la culture fasciste. S'il s'est trouvé en marge, c'est en raison des batailles idéologiques très précises qui ont été menées et débattues, les batailles anticatholiques et racialistes, pour ne citer que les deux plus importantes, et qui, même si elles l'ont enveloppé d'un cône d'ombre, n'ont jamais réussi à le mettre complètement hors-jeu. Il est significatif qu'en décembre 1942, le jeune Italo Calvino demande à Eugenio Scalfari, collaborateur de la Rome fasciste, des éclaircissements sur Evola et "ses balivernes sur la pensée aryenne" qui, pour balourdes qu'elles soient, "exercent une certaine fascination, au point qu'en lisant certains de ses articles, j'ai puisé plus d'une inspiration dramatique". D'ailleurs, de Moravia à de Pisis, de Croce à Gentile, à Marinetti et Papini, de la maison d'édition Laterza à la maison d'édition Bocca, Evola a eu, dès sa première apparition, des fréquentations et des publications qui ont contribué à faire de lui un personnage complet, pas du tout folklorique, et encore moins insignifiant.
Il a également des connaissances chez les politiques, en premier lieu Farinacci, qui le prend sous son aile protectrice, mais aussi Bottai, bien que de manière discontinue et fluctuante. Surtout, et malgré ses dénégations à cet égard, il avait en Mussolini, sinon un protecteur, un référent pragmatique et non a priori hostile. Ce que l'historiographie sur le fascisme tend à oublier, c'est qu'avant le Mussolini politique, il y avait eu le Mussolini intellectuel, le fondateur d'Utopia et le collaborateur de La Voce, l'ami de Prezzolini, mais aussi de Lombardo Radice et de Salvemini, l'agitateur socialiste et interventionniste, le préfet du Porto sepolto d'Ungaretti, l'ami et le compagnon d'armes de Marinetti...
Mussolini connaissait la culture de son temps parce qu'il l'avait pratiquée, elle ne lui était pas étrangère, il la comprenait. Cela explique l'attention, même paroxystique, avec laquelle il en suivait les événements, punissant ou récompensant tel ou tel écrivain, tel ou tel mouvement. C'était en quelque sorte son terrain de chasse et les intellectuels son gibier, avec autant d'espèces protégées et d'espèces à tuer ou à sacrifier. Evola, après tout, se rangeait dans la première catégorie.
Le livre contient également un examen approfondi de sa pensée, passionnant et difficile, mais, comme le titre l'indique, l'intérêt de l'auteur se porte ailleurs, sur cette vie "aventureuse", en fait, qui, au moins jusqu'à la tragique crise de 1945 au cours de laquelle il a perdu l'usage de ses jambes, correspondait tout à fait à cet adjectif. Depuis son expérience dadaïste, Evola avait également une vision non provinciale de lui-même : il était polyglotte, avait une bonne connaissance des langues classiques, une passion pour l'Europe de l'Est et une irritation pour le climat culturel romain qui s'est souvent avéré asphyxiant pour lui.
Par rapport à la mythologie que l'après-guerre a construite autour de lui, le portrait que dessine Scarabelli est aussi celui d'un bon vivant, brillant et jamais ennuyeux, à l'humour discret, conscient de sa valeur, mais soucieux de ne pas tomber dans la caricature. Très jaloux aussi de sa liberté: du travail, des charges familiales, des contingences matérielles, et prêt à en payer le prix. Courageux aussi, amoureux du danger compris comme une sorte de blind date, un test spirituel en quelque sorte, un test et en même temps une offrande, et finalement un signe. À Vienne, marcher sous les bombes signifiait précisément cela. "Nous ne pouvons comprendre qu'à travers toutes les conséquences". Toutes, sans exception, comme il l'a expérimenté lui-même, mais sans jamais s'insurger contre le destin cynique et barbare.
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mardi, 26 mars 2024
Massimo Scaligero: "L'homme renaît du sacré"
Massimo Scaligero: "L'homme renaît du sacré"
par Luca Leonello Rimbotti
Source : Italicum & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/l-uomo-rinasce-dal-sacro
En réalité, le lien entre l'archaïque et le postmoderne serait toujours possible, à condition qu'il y ait une décision politique adéquate. Selon Scaligero, l'actualité n'est que le dernier exutoire du primordial. Et nul ne peut invoquer l'incompatibilité du primordial et du futuriste.
La vertu de la pensée serait de créer l'action. La question est de savoir s'il n'est pas possible d'établir un lien entre la sphère intérieure, d'où naît la volonté, et la décision, d'où naît l'action. Habituellement, dans l'histoire, c'est dans les moments d'effondrement civil, de décadence politique et culturelle, que l'homme se tourne vers son âme, l'interrogeant sur le sens de l'existence, exigeant des réponses absolues et recherchant la possibilité d'activer des solidarités protectrices. Lorsqu'une société est triomphante, noyée dans le bien-être, les mystiques et les prophètes ne se manifestent guère. La science du quotidien, qui répond à toutes les questions, suffit. La contrefaçon de l'esprit, la superficialité, comme l'a fait le New Age dans le monde occidental, suffisent. L'esprit d'un peuple, mais aussi celui de l'individu, plane lorsque les inquiétudes sont éveillées et que les questions sont posées. La véritable antithèse créative au matérialisme séculaire est le soin de l'âme, la construction d'un esprit artistique.
Les sciences de l'esprit, en ce sens, ont toujours constitué une contre-culture visant à reconstruire l'histoire comme une apparition du sacré. Surtout dans la modernité, cette convergence a souvent pris des significations de résistance caractérielle et culturelle, capable de tailler des lignes de roc sur lesquelles construire l'appareil d'une volonté antagoniste. L'Europe du vingtième siècle a connu des personnages qui, de Schuré à Guénon, de Meyrink à Steiner et au-delà, ont contribué, du côté ésotérique, pour ainsi dire, à ériger une barrière - quelle que soit la manière dont on la juge - sur laquelle certaines dérives de la modernité se sont parfois brisées, laissant non seulement des témoignages, mais des arguments, des gestes mentaux, des attitudes et des exemples qui, à chaque époque, constituent le précieux héritage de la "race indomptable".
Un personnage comme Massimo Scaligero, aujourd'hui réduit à n'être plus qu'une divinité secondaire et relevant presque du sectaire, lui comme tant d'autres présents sur la dangereuse crête des "nouvelles spiritualités" rongées par le vice américain, dans ce compartiment ambigu qu'est la pensée ésotérique, nous le prenons comme exemple de ce que pourrait représenter la condition dans laquelle se trouve l'homme qui entend s'opposer à l'expansion de la Cosmopolis matérialiste. On pourrait dire qu'il s'agit d'individualités, d'individus, d'avant-gardes, mais potentiellement l'événement de la révolte intérieure investit les masses, implique toute la société chancelante. En effet, la révolution de l'esprit créateur, nécessaire à la fois pour supporter le poids de la dégradation quotidienne et pour penser à l'abattre, est le premier tour d'une roue confucéenne capable de faire bouger l'histoire et même de la renverser.
La recherche d'une vérité absolue se tourne vers l'Orient. C'est un classique de la modernité européenne. Depuis Schopenhauer, cet "ex Oriente lux" a régné pendant plus d'une saison. Et c'est précisément l'"homme de lumière", sur la piste persane de la gnose éclairante, c'est précisément cette entité transfigurée qui est le mirage qui maintient la volonté créatrice en éveil. Scaligero en a ravivé le sens à une époque de grands bouleversements, celle de l'immédiat après-guerre. C'est alors que se rejoignent la demande de salut, l'évasion du monde de l'envie, l'entrée dans une dimension d'altérité et de libération du besoin. La vertu "consolatrice" de la philosophie, appliquée à la catastrophe historique, engendre la mystique, on le sait. Et la mystique de la lumière, c'est la pensée de Scaligero.
Il s'agit d'une tentative - l'une des nombreuses, au 20ème siècle, mais l'une des rares, en Italie - d'endiguer la vague moderniste et de greffer sur le progrès matériel quelques-unes des branches les plus touffues de la tradition. Mais la pensée est-elle capable d'enrayer l'effondrement de la civilisation dans l'inculture ? Le repli sur les plis de l'esprit peut-il construire une vérité encore nouvelle ?
Tout tourne autour du concept d'édification. La pensée puisée dans les profondeurs de la transcendance peut construire, éduquer, former. Sur ce point, la procédure de concentration intérieure quitte la phase solipsiste individuelle et devient - peut devenir - une affaire communautaire, de repousse de nouvelles techniques d'apprentissage formatif. La solitude du sage, à partir de Zarathoustra, devient le cadre de valeurs d'un peuple. Toute pensée qui creuse l'énergie en elle-même, toute religion ou religiosité, à condition d'être mise en contact avec le feu de l'action, peut devenir et devient une révolution. Cela signifie donc que le retour aux soins de l'âme n'est pas une fuite dans l'irréalité, dans l'intimité ou dans le secret des arcanes, s'il est effectué avec la compréhension de la véritable metànoia, la soif de changement qui grandit chaque fois qu'un homme lit dans les yeux d'un de ses semblables ses propres rêves.
L'Orient repensé par Maximus Scaligerus devait être un remède pour l'Occident perturbé par la démocratie libérale et jeté à corps perdu dans les mâchoires d'un matérialisme séculaire brutal. L'obsession progressiste a besoin d'un apaisement, et c'est ce pouvoir que l'essai met en évidence dans les processus de renaissance de l'ego. Comment échapper à l'emprise du temps progressif, qui enferme les individus et les masses dans l'angoisse de l'égarement, au contact de la violence nihiliste ? Comment ne pas ressentir dans son cerveau et dans sa chair la violence du monde à notre égard ? Cette civilisation de l'anéantissement n'a qu'un seul adversaire : nous-mêmes et notre force. Scaligero s'est formé à travers Nietzsche, Stirner et Steiner : cela nous dit déjà tout. L'homme brise sa chaîne schizophrénique en brisant le sortilège progressiste qui l'a forgée. L'homme est puissance, force, lutte. Il a en lui les outils de la libération. Ici, donc, la pensée peut devenir et devient un exercice, c'est-à-dire une ascèse, d'opposition. Chacun peut boire à la fontaine qui lui plaît. Scaligero, comme beaucoup d'autres avant lui, dans le long après-guerre, a désigné l'Orient traditionnel comme un réservoir de conscience et d'édification intérieure encore suffisamment limpide, puis l'a fusionné avec des apports christiques, avec des intuitions néo-païennes, avec des foudres hermétiques. Même si cet Orient s'est entre-temps contracté davantage, du fait de la désastreuse occidentalisation planétaire, avec sa cour du profit, son règne de l'argent, son oubli du savoir, sa domination techno-scientiste, malgré l'ensemble grandiose qui massacre les héritages et s'appelle puissance mondiale, malgré cela et le recul d'époque de la pensée mythique et transcendante, tout cela ne suffit pas encore à déclarer l'inanité de la persévérance.
La civilisation issue de la dialectique socratique et du scientisme cartésien a été elle-même détruite et engloutie par la tempête ruineuse qu'est l'irruption mondiale du pouvoir économique sur les substrats cognitifs de l'homme et ses paramètres existentiels habituels. Face à cet assaut, l'homme conscient a besoin d'armes pour faire face. La "vitalité transcendante" et la "chaleur des instincts" étaient, selon Scaligero, des moments de cette "puissance d'amour" qui, comme une nouvelle gnose, devait enlever la lourdeur du présent. Et voici le devenir de la lumière, l'avènement d'une puissance solaire qui se concrétise dans le détachement de la ruine et dans la gymnastique/ascèse de la contemplation du symbole : quelque chose qui bouge et qui dérive, comme toute notre vie, de la "mémoire sensible", cette sorte d'atavisme communautaire inné que chaque individu peut déterrer de lui-même, comme avec une hachette [1].
Dans ces propositions, nous ne trouvons pas d'impuissance passéiste. Nous y trouvons au contraire la détermination sereine de déterrer les trésors de la conscience de soi. Le retour à la source aujourd'hui n'est pas une lubie d'intellectuel désorganisé, ni une complainte impuissante de mélancolique : celui qui voit, touche et savoure la source accomplit un miracle communautaire, il irradie autour de lui la puissance du sacré. "Une montée des temps, à contre-courant", si je ne me trompe, disait Evola. Savoir unir les choses du monde à celles de l'idée hyperboréenne déclenche la puissance de cette révolution expansive: le ciel et la terre. Se pencher sur les dangers de la transcendance, décider d'activer l'ascétisme, ce sont des voies du monde, pas des échappatoires au monde. La formation d'une espèce humaine ancienne et rénovatrice est mise en gestation, l'avènement d'un type est invoqué, auquel est réservée la tâche de détruire la société de l'usure pour donner naissance à la société de la valeur. Penser la transcendance et vivre la vie. Deux symboles en mouvement. Ce que Scaligero, à un certain moment, encore jeune, de sa maturation intellectuelle, avait aussi esquissé en termes de pouvoir politique organique, qui, historiquement, unit les sphères privées et cosmiques :
La race qui vénère les forces du ciel conçoit un rapport symbolique entre le feu du foyer, l'atmosphère et le feu solaire, de sorte que, par la flamme, les offrandes sont brûlées et absorbées par l'éther, la grande divinité céleste ; la race qui vénère les forces terrestres communique avec ses divinités en apportant des offrandes dans les cavernes et en les plongeant dans l'abîme. Dans l'unité olympienne-terrestre, d'origine hyperboréenne, renouvelée par Rome, un motif symbolique dominant est le "feu qui réchauffe la terre", la flamme qui brûle à l'intérieur du temple de Vesta : ici se manifeste la rencontre des deux symboles et des deux spiritualités qui sont les fondements métaphysiques de l'Empire [2].
L'union du tellurique et de l'uranique est la garantie qu'il n'y a pas de dissociation entre le sacré et le profane.
S'agit-il d'une conception de l'existence trop éloignée du quotidien banal de la société de l'anarcho-libéralisme mondialiste ? En apparence seulement, et seulement pour ceux qui ont perdu toute capacité à croire en la possibilité de renverser le néant massifié.
En réalité, le lien entre archaïque et postmoderne serait toujours possible, dès lors qu'il y a une décision politique adéquate. Il n'existe rien d'inéluctable, sauf la résignation. Les cultes anciens, par exemple, pourraient encore aujourd'hui, et même demain, réapparaître comme des moments crédibles de réciprocité sociale, à nouveau viables. La tradition sacerdotale et la tradition héroïque, en ce sens, selon le langage des sciences de l'esprit, peuvent très bien coexister avec la technoscience de masse et la "mégamachine" productiviste.
Selon Scaligero, comme selon les grandes voies de l'Orient et de l'Occident métaphysique, l'actualité n'est que le dernier débouché du primordial. Et nul ne peut invoquer l'incompatibilité du primordial et du futuriste. L'argument nous mènerait loin, mais l'histoire a montré à maintes reprises que le primordial revit dans l'actualité, pour peu qu'il y ait une volonté - non seulement culturelle, mais précisément politique - qui l'évoque. Le monde du Logos et du Mythos se voit barrer la route si la transcendance se réfugie dans les plis de l'intimité individuelle ; il voit l'horizon s'ouvrir si, au contraire, le sacré se répand dans le monde comme obéissance à la vie. "La mémoire du Logos est le principe de la régénération de l'homme", écrit Scaligero. "Chaque fois que l'Esprit rencontre l'âme pour l'expression de la pensée, le Logos resplendit, mais imperceptiblement". Pour inverser la tendance et pour que l'ouverture à la transcendance soit perçue même au milieu du vacarme moderniste, il faut que surgisse une pensée qui unisse l'idée et l'expérience, le monde et le surmonde :
Dans les temps nouveaux, le chemin vers le don de la Vie passe par la pensée : elle seule peut réveiller la vie perdue du sentiment. Aujourd'hui, la possibilité directe de l'Esprit est la pensée. [...] Cette pensée veut se relever de sa mort, veut revenir à la vie, à la Lumière de la Vie : elle veut se relever en tant que mélodie, parce que la mélodie cosmique est la force à partir de laquelle elle se meut réellement [3].
Il ne s'agit pas de promenades gratuites dans les prairies de l'illusion ou de digression ésotérique rêveuse, mais du produit d'un effort empirique, physique, sans lequel il n'est pas possible d'attaquer le monde dans lequel nous vivons, si imposant, si monolithique, pas même du côté de l'utopie. Il s'agit en effet de donner la parole à cette race particulière d'hommes qui, dans l'histoire du monde de toutes les époques, a toujours constitué le moteur immobile du changement et de l'événement : ceux qui, par l'éducation, l'édification personnelle, la sanctification providentielle ou autre, gardent toujours en eux, à chaque moment, même le plus désespéré en apparence, le "courage de l'impossible" [4].
Notes:
[1] Cf. Scaligero, L'immaginazione creatrice [1964], introd. par Pio Filippani Ronconi, F.lli Melita Editori, Rome 1989, p. 27, où, se référant à la substance de lumière de l'être éthérique, Scaligero affirme que dans l'homme sont produites des images qui "se traduisent en lui immédiatement en sensations et en pensées conformes à la mémoire sensible : qui est la mémoire de la race et du sang".
[2] Scaligero, La razza di Roma, éd. Mantero, Tivoli 1938, p. 49.
[3] Scaligero, Isis-Sophia, la dea ignota, Edizioni Mediterranee, Rome 1980, pp. 62-63.
[4] Cf. Aa. Vv, Massimo Scaligero, Il coraggio dell'impossibile, Tilopa, Teramo 1982.
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vendredi, 23 février 2024
La vie aventureuse du philosophe Julius Evola
La vie aventureuse du philosophe Julius Evola
La biographie monumentale du penseur traditionaliste éditée par Andrea Scarabelli arrive dans les librairies d'Italie
par Giovanni Sessa
Source: https://www.barbadillo.it/113097-la-iita-avventurosa-del-filosofo-julius-evola/?fbclid=IwAR2lRtsNMLf6gASscEhKwbfiSxW943v2iyLXDc-IZYCqZ0J3sujOn38OFj4
Julius Evola est mort il y a cinquante ans. Son nom continue d'être accablé de préjugés aprioristiques récemment ravivés par le battage journalistique mainstream visant à promouvoir un volume mal informé dans lequel le penseur traditionaliste est présenté, rien de moins, comme l'"instigateur moral" du "viol de Circeo". Le philosophe Piero di Vona, l'un des plus fins exégètes de la vision du monde d'Evola, avait en effet raison de souligner l'urgence, pour sauver Evola d'un dénigrement préconçu ou d'une exaltation hagiographique tout aussi stérile, d'écrire une biographie objective et équilibrée de cet intellectuel qui a traversé le "petit siècle" en tant que l'un de ses protagonistes. Andrea Scarabelli a répondu à ce besoin de clarification historique avec sa Vita avventurosa di Julius Evola (Vie aventureuse de Julius Evola), désormais en librairie grâce aux éditions Bietti (pour les commandes : 02/29528929, pp. 830, 39,00 euros).
Il s'agit d'une reconstruction méticuleuse de la vie du traditionaliste, développée en dix chapitres à caractère organique, révisée avant publication par de nombreux spécialistes d'Evola et d'autres. Le travail de Scarabelli a surtout une qualité littéraire évidente. La vie d'Evola, certainement peu commune et "au-dessus des lignes", est également étudiée dans le récit par le biais de références appropriées à son cheminement de pensée. Ces pages ne se limitent pas à la présentation de données biographiques et de contingences historico-existentielles, mais constituent un portrait: la "pensée incarnée" d'Evola. Le lecteur doit être conscient qu'il lit "la biographie de quelqu'un qui n'a pas voulu être biographié, la périodisation d'une pensée qui a tout fait pour se situer au-delà de l'Histoire, sauf alors à parier sur l'Histoire elle-même" et sur l'engagement en elle pour en "rectifier" le cours. On sort de la lecture avec une certitude: la linéarité de l'iter d'Evola est plus problématique que ce que le philosophe veut bien nous faire croire, car elle est constituée de points d'arrivée et de redémarrages conséquents qui, dans certains cas, représentent une rupture par rapport à la phase précédente.
Scarabelli (photo) a utilisé une vaste documentation d'archives, a parcouru (pour la première fois) tout le matériel conservé par la Fondation, a consulté des lettres épistolaires (parfois inédites), a recueilli de nouveaux témoignages, a suivi les traces laissées par Evola en Italie et en Europe. Grâce à la vaste documentation produite, on peut parler, et pas seulement pour le volume que constitue l'ouvrage, d'un livre monumental, d'une œuvre charnière dans la bibliographie critique concernant le penseur traditionaliste. Le personnage d'Evola fait ici l'objet d'une étude approfondie, ses points positifs et sa grandeur sont notés, mais aussi ses limites et ses traits "humains, trop humains". Il en ressort un portrait équilibré: un Evola face au miroir. Dans l'incipit, l'environnement familial est reconstitué dans son intégralité (dans la mesure où les documents le permettent), révélant la nature tout sauf aristocratique de la famille (le surnom de "baron", par lequel Evola est souvent désigné, est en fait un surnom qui lui a été donné à l'époque du dadaïsme).
Il s'agit d'une reconstitution évocatrice du mileu ésotérico-occultiste dont Evola était l'animateur à Rome dans les premières décennies du siècle dernier, à l'époque du "Groupe UR", avec ses divisions et les personnages extraordinaires qui l'animaient, de Reghini (photo) à Maria de Naglowska (photos). L'auteur présente également une reconstruction précise de l'environnement des cercles futuristes que l'artiste-philosophe, d'abord proche de Balla et ensuite le plus grand interprète italien du dadaïsme poétique, fréquentait en animant des soirées mémorables aux "Caves d'Augusteo".
Evola était également un voyageur passionné. Il aimait la Capri pré-touristique, le cœur de la Méditerranée panique-dionysienne, un refuge, à cette époque, pour les "hérétiques" de toutes sortes et où Evola a acheté une maison avec deux amis en 1943 (Villa Vuotto, dans la Via Campo di Teste). C'est là qu'il travaille à l'une des nombreuses revues prévues mais jamais réalisées, Sangue e Spirito (Sang et Esprit), aidé par une jeune et belle secrétaire allemande, Monika K., fille d'un photographe berlinois, qui, Evola absent de l'île, se suicidera en ingérant une grande quantité de tranquillisants. Cela incite Evola à revenir brusquement à Capri et à écrire une lettre sincère à la sœur de la jeune amie (l'épisode, jusqu'à présent, n'a pas été connu).
Toujours à Vienne, le penseur participe à la fondation, avec les principaux éléments de la révolution conservatrice locale, du Kronidenbund : "il passait en revue [...] la dimension nocturne de la ville. Il fréquente un club appelé, non sans raison, "Le Rien", dont les murs arborent des symboles hermétiques et astrologiques et où : "Au lieu de tables, il y a des cercueils et les boissons sont servies dans des crânes". En Allemagne, il est bien accueilli dans les milieux aristocratiques et entretient des relations positives avec Edgar Julius Jung, secrétaire de von Papen, qui sera plus tard éliminé par les nazis.
Les épisodes de la vie d'Evola liés au paranormal ne manquent pas : il est invité, par exemple, au château de Taufers (photo), à Campo Tures, où se produisent des phénomènes médiumniques. À son entrée, ces phénomènes, au lieu de s'atténuer, se sont accentués. Evola les a qualifiés d'"influences errantes", d'"énergies" : "influences errantes, énergies à l'état libre".
Il se rendit également à la chartreuse de Maria Hain (photo), près de Düsseldorf, où il fut témoin d'un rituel: Au milieu de la nuit, il évoque quelque chose de radical. Deux aspects, à notre avis, sont les plus pertinents qui ressortent de la biographie:
1) un rapport médical anonyme de l'hôpital où Evola a été hospitalisé après l'explosion de la bombe du 21 janvier 1945 (un bombardement sans doute américain !) dans lequel apparaît l'histoire médicale de l'état de santé du penseur et des thérapies qu'il a suivies. Jusqu'à présent, on avait toujours supposé qu'Evola était paralysé des membres inférieurs immédiatement après le bombardement. L'exégèse des dossiers médicaux montre au contraire que ce sont les thérapies appliquées, inadaptées à la pathologie d'Evola, qui ont aggravé et dégénéré la situation: il s'agit d'une faute professionnelle, qui s'explique par les conditions des hôpitaux autrichiens de l'époque ;
2) l'analyse du racisme d'Evola. Le "racisme spirituel" proposé par le philosophe n'était pas seulement impraticable à la lumière des contingences historiques et donc politiquement inutile, mais il était aussi combattu, comme "anti-allemand", non seulement par les nazis, mais aussi par des cercles appartenant à la Compagnie de Jésus, le père Agostino Gemelli (photo) et Pietro Tacchi-Venturi. Même Giorgio Almirante (qui décrira plus tard Evola comme "notre Marcuse") et Giulio Cogni ont contribué à l'isolement d'Evola.
Scarabelli note que, dans certains écrits et certaines circonstances, même le philosophe a succombé à la culture de l'époque, au racisme "populaire", et a développé des considérations qui ne pouvaient pas être partagées. Il n'en reste pas moins que le "raciste" Evola était moins "raciste" et "antisémite" que beaucoup d'autres qui se sont convertis par la suite aux idéaux des nouveaux maîtres. L'histoire terrestre d'Evola s'est achevée par le dépôt de ses cendres parmi les glaciers du Lyskamm, après bien des vicissitudes : "C'est la conclusion d'une vie aventureuse et peu commune, qui a traversé le XXe siècle, en portant ses masques et en interrogeant ses énigmes".
Giovanni Sessa
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Traditionalistes contre globalistes: le grand chambardement planétaire
Traditionalistes contre globalistes: le grand chambardement planétaire
par Pierre-Emile Blairon
1.
Etat des lieux
En 2020 a eu lieu un événement sans précédent dans l’histoire du monde : un groupe d’oligarques psychopathes a fomenté un coup d’État planétaire, qu’il a dénommé le Great Reset, la « grande réinitialisation » en français, une expression à l’évidence inspirée par la main-mise de la technologie informatique sur le monde que nous vivons. Ce coup d’État est toujours en cours ; il trouve ses origines funestes et son but pernicieux dans un lointain passé de l’humanité, transmis de siècle en siècle, de sociétés secrètes en officines « satanistes » (terme revendiqué par ces mêmes officines et, actuellement, par ces mêmes psychopathes), de cooptation en cooptation d’individus malfaisants jusqu’à la secte maléfique qui s’est emparée de quasiment toutes les structures civilisationnelles du monde d’aujourd’hui[1]. Pourquoi cette engeance a-t-elle décidé d’intervenir à ce moment ? Parce que la fin de notre cycle, qui s’accompagne, comme tous les précédents, de nombreux troubles, d’origine humaine ou naturelle, présente une vulnérabilité que les globalistes attendent depuis bien longtemps et qu’il s’agit d’empêcher la naissance de celui qui va suivre.
C’est amusant, ces personnages nuisibles qui semblent issus en droite ligne d’Epiméthée, le frère idiot de Prométhée, plus que de Prométhée lui-même, ont ouvert la boîte de Pandore (qui, dans la mythologie, était une jarre) répandant tous les malheurs qui vont inévitablement leur tomber sur la tête. Oui, l’existence des racailles en col blanc qui dirigent le monde procède de cette filiation mythologique dont ils se réclament.
En effet, par cette soudaine entrée en scène et la répression qui l’a suivie, les globalistes se sont révélés au monde et, de ce fait, ont déclenché une prise de conscience de tous ceux qui ne se sentaient pas concernés jusque là par les agissements de leurs gouvernants, valets, complices ou adeptes de la secte.
Les mondialistes avaient méticuleusement préparé leur coup depuis de longues années ; leur première tâche avait consisté à prendre le contrôle de tous les médias afin de conditionner les populations ; il faut reconnaître que cette étape décisive a parfaitement fonctionné ; les techniques d’ingénierie sociale sont très au point ; et les quelques rares esprits lucides qui n’ont pas été atteints par cette épidémie de crétinisation ont regardé avec effarement les masses se plier sans broncher à toutes les absurdes injonctions qui leur étaient lancées afin de tester leur degré de soumission.
En quelques mois, toutes les valeurs qui constituaient le socle même des sociétés civilisées depuis des siècles ont disparu ; en moins de quatre ans, ce qu’on a appelé l’Occident s’est effondré sur tous les plans: spirituel, économique, diplomatique, technologique, culturel, intellectuel, sapientiel, mémoriel...
L’infime minorité qui a su conserver son esprit critique a pu se relever, se regrouper et entamer une résistance courageuse avec ses faibles moyens. Des personnes venues de tous horizons, qui ne se côtoyaient pas auparavant, se sont reconnues comme faisant partie d’une même communauté, sentiment accru du fait qu’elles sont passées par les mêmes épreuves, surtout lors de la troisième offensive lancée contre les peuples, celle d’une pseudo-vaccination mortifère, après l’entreprise de conditionnement planétaire des populations - de leur lobotomisation - et après la fabrication du coronatralalavirus en Chine et sa diffusion.
Les clivages artificiels économiques (de classe) ou politiques (gauche-droite) laissent place désormais à une reconfiguration des archétypes sociaux avec d’un côté, les individus conformistes qui ont été conditionnés par l’ingénierie sociale (les plus nombreux) adhérant par défaut - de cerveau - au camp mondialiste ou, pour les autres, plus éveillés mais en minorité, rejoignant le camp traditionaliste.
Mais nous verrons que ces nouveaux résistants n’ont pas le profil attendu de gens passéistes qui s’accrochent à leurs privilèges, à leur confort ou à une idéologie conservatrice ; ceux-ci rejoignant le camp mondialiste sans se poser de questions. Les cartes ont été rebattues avec l’accélération et la multiplication d’événements significatifs qui ont divisé le monde selon des critères inattendus.
En voici quelques exemples.
- La guerre déclenchée par les Occidentistes [2] en Ukraine a, contrairement aux espérances des Américains, de l’OTAN et de leur entité vassale, l’Union Européenne, renforcé ces dissidents occidentaux qui se sont rapprochés de la Russie, laquelle brandit sans complexe et avec fermeté le flambeau des valeurs pérennes indo-européennes de nos origines communes.
- La création de l’alliance des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ouvre une alternative à l’hégémonie planétaire américaine ; la Russie, bien loin de succomber économiquement face aux sanctions occidentales, s’est, au contraire, consolidée sur le plan économique, déclenchant même un marasme sans précédent dans beaucoup d’Etats européens (dont la France).
- La récente entrevue du journaliste-vedette américain Tucker Carlson avec Vladimir Poutine, qui a pu enfin exposer le point de vue de la Russie sur la guerre en Ukraine, a déclenché un tsunami médiatique et une vague de sympathie pour le dirigeant russe à laquelle ne s’attendaient pas les globalistes.
- Les Etats-Unis - « dirigés » par un vieillard sénile compromis, en compagnie de son fils, dans d’innombrables affaires douteuses - sont en complète déliquescence, à tel point que de nombreux Etats songent à faire sécession.
- Autre théâtre de troubles internationaux, le massacre en cours perpétrée par Israël sur la population palestinienne ne peut, à terme, que fragiliser l’état sioniste et ses alliés, Israël constituant l’un des trois principaux composants du bloc occidental avec les Etats-Unis et l’Union européenne.
- Les Africains commencent à se réveiller et chassent les Français (dont c’était la « chasse gardée », la Françafrique), à cause de l’ignorance, de la bêtise, de la vanité et de la maladresse d’Emmanuel Macron ; la France est brusquement remplacée par la Chine et la Russie.
- Enfin, la fronde des paysans européens contre le projet sournois de l’Union européenne visant à les éradiquer (fronde toujours en cours à l’heure où nous publions) a radicalisé les franges les plus traditionnelles de la population qui semblent décidées à ne plus se laisser manipuler.
C’est ainsi que se dessine lentement un monde bipolaire (à défaut, pour l’instant, d’être multipolaire) à la fois sur le plan économique mais aussi sociétal, les BRICS, composés essentiellement de très anciennes civilisations traditionnelles, solidement structurées par des valeurs ancestrales, refusant unanimement les errances d’un Occident déboussolé et suicidaire.
Quelles sont les caractéristiques de chacun des deux blocs ainsi constitués ?
2.
Le camp traditionaliste
Le terme de « tradition » vient du latin traditio, action de transmettre et du verbe tradere : transmettre ; on confond souvent les traditionalistes avec les conservateurs ; le latin précise bien qu’il y a une action qui est requise ; la tradition n’est donc pas un simple « retour au passé », un concept figé, contrairement au mot « conservation » qui suppose une préservation, certes, mais aussi le « maintien d’un statu quo », selon le Larousse. C’est exactement la différence que décrit l’adage russe : « Le passé n’est pas un port, c’est un phare ». c’est-à-dire ce qui éclaire notre présent pour envisager notre avenir.
Il faut toujours remonter à la source pour comprendre le présent et tenter de deviner le futur. Remonter à la source, c’est prendre de la hauteur, l’eau coule toujours du haut vers le bas ; l’eau qui sourd de la source est un renouvellement constant, comme une fontaine de Jouvence.
Nos ancêtres avaient observé la nature et les astres et en avaient conclu que le temps était cyclique et que le processus pérenne « naissance-vie-mort » n’avait ni début ni fin. Les anciennes civilisations indo-européennes indiennes, grecques et iraniennes avaient partagé les grandes périodes de ce temps cyclique en quatre âges représentés par des métaux qui allaient du plus précieux au plus vil (or, argent, bronze et fer), l’or étant incorruptible et le fer se décomposant en rouille jusqu’à disparaître avec la fin du cycle avant qu’en renaisse un nouveau. L’Âge d’or représentant le plus haut sommet d’une civilisation, chacun des citoyens vivait selon les préceptes d’une spiritualité raffinée, productrice de valeurs admirables, aristocratiques et chevaleresques qui structuraient une société policée et enracinée au sol qui lui avait été dédié, ces vertus s’émoussant au fil du temps et des âges jusqu’au déclin de l’Âge de fer qui voit la totale décomposition de cette société par l’inversion de ses valeurs, l’abêtissement et l’ensauvagement de l’humanité et le règne du matérialisme le plus abject.
Nous sommes à la fin de ce dernier âge et l’on peut constater les méfaits qui l’accompagnent inévitablement et inexorablement dans la vie de tous les jours.
Une certaine catégorie d’hommes et de femmes (que Julius Evola appelle « les êtres différenciés ») se consacre, au fil des siècles et des générations, à la transmission et à la maintenance des valeurs de l’Âge d’or qui devraient être les valeurs naturelles et spirituelles de l’humanité si elles n’avaient pas été détournées. La réactivation de ces valeurs étant la condition indispensable à la résurgence du nouveau cycle lorsque le temps sera venu.
Le camp globaliste veut coûte que coûte empêcher cette réactivation qui, si elle est menée à bien, signifierait la fin de son hégémonie matérielle. C’est tout le combat des « êtres différenciés » dont nous parlerons en fin d’article. Toutes les actions qui visent à retarder la chute de cette modernité matérialiste constituent une production d’énergie en pure perte ; le seul combat utile consiste à préparer le grand retournement en rassemblant les bagages (les valeurs) pour franchir le gué qui mène au nouveau cycle, au nouvel Âge d’or, et en empêchant les satanistes d’interrompre le processus d’avènement du nouveau cycle.
Ce processus est expliqué dans la plupart de mes ouvrages et articles ; je ne pourrai pas ici l’expliciter plus avant. Je donne juste quelques indications qui, dans le cadre de cette intervention, permettent de comprendre les événements qui nous préoccupent actuellement, c’est-à-dire les raisons de l’offensive inattendue et brutale des forces négatives qui ont pris le pouvoir sur l’ensemble de la planète.
3.
Le camp globaliste
Je parlerai indifféremment de mondialistes, globalistes, satanistes ou transhumanistes puisque ce sont autant de sectes nuisibles qui interfèrent, se complètent et se substituent l’une à l’autre selon les situations ou les besoins du moment, mais qui visent le même but sous des apparences quelquefois patelines et anodines : la réduction puis la mise en esclavage et/ou en robotisation de ce qui restera de la population planétaire, « l’élite » (que ces groupes s’arrogent le droit exclusif de représenter) ne se préoccupant que d’accroître sa durée de vie et son bien-être matériel au prix de bien de turpitudes et de misères infligées aux peuples sans le moindre état d’âme, ce qu’a amplement prouvé l’épisode sanitaire et ses suites tragiques.
Nos globalistes se veulent les héritiers de la race des Titans qui, dans la mythologie grecque, ont voulu se mesurer aux dieux par la révolte de leur figure la plus emblématique qui s’appelle Prométhée, lequel est réputé avoir créé les humains ; le prométhéisme, ou le titanisme, a donné naissance au surhumanisme, qui est lui-même l’antichambre de l’actuel transhumanisme qui milite pour un « homme augmenté », équivalent du surhomme. Humanisme (domination de l’Homme sur les autres règnes), surhumanisme, transhumanisme et, but ultime : posthumanisme qui voit l’Homme transformé en robot dans un épouvantable cliquetis de ferraille...
Cette vanité, cet orgueil qui a poussé les Titans à défier les dieux s’appelle l’hubris, la démesure élevée en mode de fonctionnement de nos sociétés actuelles, la folie titanesque qui voit, par exemple, s’élever des tours toujours plus hautes au sein de mégapoles toujours plus gigantesques.
Et ce n’est pas un hasard si l’équivalent des Titans chez les monothéistes sont les anges rebelles, et de ce fait déchus, dont le chef s’appelle évidemment Satan, dont la racine serait la même que celle de Titan, selon le chercheur Daniel E. Gershenson. La cause de la déchéance de ces « anges » est identique à celle qui a poussé Prométhée à défier les dieux : l’hubris, l’orgueil, la vanité, la volonté de se mesurer à Dieu, voire de le remplacer.
Les ancêtres de nos modernes transhumanistes sont les auteurs d’une grande manipulation, bien avant celles de la pseudo-pandémie et des pseudo-vaccins, une totale inversion des valeurs et de la logique.
Cette manipulation s’est révélée à la faveur, d’une part, des multiples inventions scientifiques qui ont jalonné la fin du 19e siècle (inventions qui ne pourront que tourner la tête des foules et les persuader qu’une ère nouvelle était en train de bouleverser leur vie, celle du progrès sans fin) et, d’autre part, à la même époque, de la parution du livre de Charles Darwin, L’Origine des espèces, qui professe que l’ancêtre de l’homme est un singe. Ces nouveaux « progressistes » en ont profité pour diriger l’humanité vers une croyance entièrement tournée vers le matérialisme et le monde artificiel qui ne pouvait qu’avantager leur ambition démesurée de contrôler la planète par ce biais, ces individus d’alors, tout comme leurs successeurs d’aujourd’hui, étant incapables de toute démarche spirituelle.
La théorie du progrès (lequel ne peut être que technique, et encore sous certaines réserves) et celle de l’évolution qui procèdent toutes deux d’un même illogisme sont des aberrations dans un monde qui, quand on observe la nature, ne peut que nous conduire à constater que tout ce qui vit sur Terre vit sous le principe traditionnel de l’involution, expliqué par Julius Evola [3], c’est-à-dire, dans un sens qui va du meilleur au pire, de la naissance à la mort et non pas le contraire [4]. Ces aberrations ont également infesté le raisonnement de l’archéologie naissante qui voit dans les ossements humains qu’elle découvre encore aujourd’hui des ancêtres de l’homme actuel alors que ce sont, dans un flux naturel qui coule en sens contraire, des restes de branches humaines dégénérées qui appartiennent vraisemblablement à des fins de cycles antérieurs au nôtre, tout comme les peuplades primitives qui sont nos contemporaines [5].
Toujours selon Evola, seule une petite minorité de personnes a conscience de cette manipulation parce que ces personnes ont conservé ce qu’il appelle « cette hérédité des origines, cet héritage qui nous vient du fond des âges qui est un héritage de lumière. […] Seul peut adhérer au mythe de l’évolutionnisme et du darwinisme l’homme chez qui parle l’autre hérédité (celle introduite à la suite d’une hybridation) car elle a réussi à se rendre suffisamment forte pour s’imposer et étouffer toute sensation de la première [6]».
Le constat d’involution est la plus grande idée révolutionnaire que l’on puisse émettre car, à partir de ce constat, tous les fondements illusoires de notre société matérialiste basés sur les notions de progrès et d’évolution s’écroulent.
4.
Qui est Laurent Alexandre ?
Le chantre du transhumanisme en France, bien connu depuis la parution de son livre en 2011, La Mort de la mort, se nomme Laurent Alexandre.
Chirurgien-urologue, diplômé de Sciences-Po, d’HEC, de l’ENA, il vit actuellement en Belgique (histoire de ne pas payer d’impôts ?) avec sa famille, après avoir vendu son site internet Doctissimo pour 139 millions d’euros au groupe Lagardère.
Dans son livre, il nous prédit une révolution technologique notamment dans le domaine médical, si radicale que la notion même de mort sera caduque dans les quelques dizaines d’années qui viennent. Ces progrès spectaculaires tiennent, dit-il, en quatre lettres : NBIC, pour : Nanotechnologies, Biologie, Informatique, et sciences Cognitives. « Grâce à ces révolutions concomitantes de la nano-technologie et de la biologie, chaque élément de notre corps deviendra ainsi réparable, en partie ou en totalité, comme autant de pièces détachées. »
Alexandre tente, avec beaucoup de maladresse et de désinvolture – on sent bien que c’est le moindre de ses soucis – de se doter d’une morale, ou plutôt d’une philosophie, ou tout au moins d’une posture pour contrebalancer l’excessivité de ses positions matérialistes et le cynisme qui va avec. Le résultat est un naufrage, l’auteur se contredisant d’une page sur l’autre et émettant tous les poncifs en vogue. On se demande ce que vient faire ici, dans ce livre où il est question d’une révolution majeure, l’épuisant et mesquin conflit gauche-droite : « Le mouvement transhumaniste deviendra l’allié de l’Etat-providence, et défendra l’accès pour tous aux technologies bionanomédicales. Répétons-le, le transhumanisme est une idéologie de gauche très égalitariste. Ce n’est pas la défense d’une race supérieure contre les autres… » (page 247) mais, page 301 : « L’alliance des transhumanistes et des humanistes égalitaristes de gauche pourrait conduire à la généralisation de normes administratives réductrices de libertés. » Seulement administratives ?
Page 303 : « Dans les siècles qui viennent, les souvenirs pourront être manipulés directement dans les cerveaux humains. De quoi donner un nouvel élan aux sinistres mouvements ˝conspirationnistes˝ qui contestent les vérités les plus établies, de la Shoah à la conquête de la lune, en passant par les attentats du 11 septembre. » Un nouvel élan dans plusieurs siècles ? Il faut être patient. Mais, page 309 : « Le problème, c’est que le lobby transhumaniste est très organisé et puissant alors que l’on attend toujours qu’une contestation aux technologies NBIC s’organise. »
Page 248 : « Les transhumanistes sont fondamentalement des sociaux-démocrates et pas du tout une nouvelle extrême-droite. » (retenez bien ceci qui va nous servir dans un moment) mais, page 317 : « Rien ne garantit qu’une humanité augmentée sera tolérante vis-à-vis des humains traditionnels. […] La possible tyrannie de la minorité transhumaniste doit être envisagée avec lucidité. ».
Et voici une perle : en 2011, Laurent Alexandre avait « prédit » ce qui allait se passer en 2020, mais ce ne sont pas des terroristes qui sont à l’origine de cette attaque, ce sont ses amis, et il avait même prévu le pseudo-vaccin qui allait suivre : « Une attaque terroriste virale, avec par exemple une version génétiquement modifiée du SRAS, de la variole ou autre, pourrait provoquer des millions de victimes avant qu’un vaccin ne soit disponible. » Mais Alexandre nous met la puce… à l’oreille ; les transhumanistes sont prêts à tout pour arriver à leur fin : « La hantise de la mort chez beaucoup des transhumanistes pourrait bien les conduire à accélérer l’histoire technologique, quitte à utiliser la force ».
C’est ce qu’ils ont déjà commencé à faire ; la tactique des globalistes consiste à conditionner les populations aux abominations qu’ils ont préparées pour elles, tout en laissant croire qu’il ne s’agit que d’une fatalité contre laquelle personne ne peut rien, et sûrement pas eux.
Le grand chambardement dont il est question dans le titre de cet article ne fait pas seulement référence à la création des BRICS, il est aussi européen, mais surtout français parce qu’il concerne notre classe politique qui ne réagit pas du tout comme nous étions en droit de l’attendre.
5.
La trahison des droites populaires
Georgia Meloni n’est pas le seul dirigeant européen à avoir trahi ses électeurs, mais elle a été la première à l’avoir fait avec une telle rapidité et un tel dédain de ses électeurs et elle est encore actuellement le modèle des deux courants principaux de la droite populaire française : RN et Reconquête qui, désormais, ne se distinguent pratiquement plus : Marion Maréchal a annoncé récemment son intention de rejoindre le groupe de Meloni au Parlement européen si elle est élue et nous allons voir que les deux partis cochent toutes les cases du politiquement correct sous la houlette de l’Union européenne.
En décembre 2023, Georgia Meloni, en reniant ses promesses électorales et surtout celle concernant l’arrêt de l’immigration pour laquelle elle a été élue, a décidé d’accueillir légalement 452.000 travailleurs étrangers en Italie (en plus des clandestins qui débarquent à flots à Lampedusa) pour combler les prétendus déficits en main-d’œuvre de l’agriculture, de la pêche et de la restauration ; situation similaire à celle de la France : si les ouvriers et employés étaient bien payés et si les indépendants ne succombaient pas sous les charges, les mondialistes n’auraient pas besoin d’appeler au secours des migrants pour les traiter en esclaves ; les secteurs concernés apprécieront, surtout les paysans [7].
Tout comme les Fratelli d’Italia (le parti de Meloni), RN et Reconquête ont coché et cochent encore toutes les cases du politiquement correct de l’Union européenne :
- Pendant la crise sanitaire, les deux partis français étaient favorables à la « masquarade », au confinement et à l’injection des pseudo-vaccins.
- Les deux partis ont pris position pour l’Otan lors de la guerre que cette organisation a initiée en Ukraine contre la Russie.
- les deux partis se sont rangés derrière Israël pour dénoncer l’agression du Hamas contre Israël et, du même coup, soutenir le massacre en cours des Palestiniens par les sionistes.
- L’immigration devrait encore être le cheval de bataille des deux partis puisqu’ils sont mandatés par le peuple pour l’arrêter même si, à l’arrivée aux affaires de l’un des deux, il n’aurait strictement aucun pouvoir, - la reculade de Meloni l’a prouvé - puisque tous les organismes satellites de l’Union européenne ayant force de loi sur ce sujet sont pleinement favorables à une invasion migratoire sans limite. Rappelons cependant que Marine Le Pen n’a pas attendu les élections pour donner des gages de soumission à l’Europe (alors qu’on ne lui demandait rien) puisque, au début de ce mois de février, elle a « mis en garde » le parti dit « d’extrême-droite » allemand, l’AFD, sur son projet d’organiser la remigration des étrangers non-européens contre lequel elle est vent debout ( par souci électoral?)
Nous en serions là de ces « droites populaires » acquises à presque toutes les dérives mondialistes si le RN, jamais en retard d’un asservissement, n’avait pas poussé le bouchon beaucoup plus loin !
6.
Laurent Alexandre : coucou, le revoilou ! Il joue au gourou ! chez Bardella !
Oui, ce personnage, d’apparence qui ne peut pas être qualifiée de guillerette, se trouve désormais être l’un des principaux conseillers du RN, propulsé à cette fonction par Marine Le Pen et Jordan Bardella ; rappelons ce qu’écrivait Laurent Alexandre dans son ouvrage La mort de la mort, p. 248 : « Les transhumanistes sont fondamentalement des sociaux-démocrates et pas du tout une nouvelle extrême-droite. »
Son ralliement à « l’extrême-droite » nous fait penser à la position de l’éminence grise qui se tenait derrière l’élection de chacun de nos présidents depuis des décennies, je veux parler de Jacques Attali (celui qui rêve de voir disparaître les personnes âgées de plus de 65 ans parce qu’elles sont « improductives »), personnage pour lequel Alexandre a la plus grande sympathie [8] et qu’il rêve peut-être de remplacer. Et quoi de plus facile à faire avec le RN quand on sait avec quel empressement les dirigeants de ce parti saisissent n’importe quelle occasion de s’immiscer dans la cour fermée des lanceurs de fatwa du politiquement correct pour tenter d’être épargnés de leurs traits redoutables.
Le philosophe Gaspard Koenig [9] a publié dans le journal Les Echos du 11 octobre 2023 un article au sujet de cette marotte inattendue de Marine Le Pen et Jordan Bardella sous le titre : Pourquoi l’extrême-droite est devenue technophile ?
« Le transhumanisme a trouvé un écho très favorable dans les milieux d'extrême droite, satisfait de voir se dessiner une humanité homogénéisée, faite de clones hyperconnectés dressés dans le culte de la performance, regrette Gaspard Koenig. Les masques tombent : le transhumanisme est un antihumanisme. Qui, parmi la classe politique, parle aujourd'hui de colonisation du cosmos, de sélection embryonnaire, d'Homo deus ou d'IA forte (« l'autre grand remplacement ») ? Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, qui se fait remarquer depuis un an par sa technophilie galopante et qui vante avec candeur les progrès des NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives) en déplorant les ardeurs régulatrices de l'Europe. Il se fait ainsi l'écho fidèle de Laurent Alexandre , l'importateur zélé des rêves de la Silicon Valley, qui parle aux politiques de tous bords et semble avoir trouvé oreille attentive. »
Cet engouement du RN pour le transhumanisme ne date pas d’hier, déjà, en 2020, le journal L’Opinion s’en faisait l’écho sous le titre : Laurent Alexandre, le docteur qui phosphore avec la droite radicale[10] : « Son allure sage, chemise à rayures et lunettes invisibles, est trompeuse : Laurent Alexandre est le showman qui parle de repousser les limites de la mort. Marine Le Pen l’écoute. Elle a invité l’ancien chirurgien-urologue à sa rentrée politique à Fréjus, en septembre , quitte à dérouter un public militant peu porté sur le transhumanisme. Qu’importe, la patronne du RN sort ravie de l’amphithéâtre : la preuve que son parti « réfléchit » ! Quoi de mieux qu’un futurologue médiatique pour dépoussiérer un meeting ronronnant ? « Je les perturbe », rigole l’intéressé auprès de l’Opinion. »
Un article du Monde du 10 février 2023 relate que Jordan Bardella a été fortement impressionné par le livre Homo deus, une brève histoire du futur de Yuval Harari, le principal théoricien des sectes mondialistes et transhumanistes.
Enfin, pour couronner le tout, Laurent Alexandre a été invité à participer à un débat avec le philosophe Olivier Rey le 28 juin 2023 sur le thème de « L’irruption de l’IA (intelligence artificielle) : un bouleversement sous-estimé pour nos sociétés » lors du colloque de la Fondation ID intitulé « Relever le défi de l’IA en Europe » présenté par le jeune député RN de l’Hérault Aurélien Lopez-Liguori, président du groupe d’études de l’Assemblée nationale consacré à la souveraineté numérique [11].
Eliezer Yudkowsky, l'un des experts de cette nouvelle science met en garde le monde, dans le Guardian du 17 février 2024 contre les dangers de l'intelligence artificielle [12]. Et le magazine Geo rapporte ainsi l’entretien: « Selon lui, l’IA pourrait nous mener à notre perte. Pour détruire l’humanité toute entière... Elle n’aurait besoin que de quelques années. "Si vous me mettez au pied du mur, si vous m’obligez à faire des probabilités, [je peux vous dire que] j’ai le sentiment que notre calendrier actuel ressemble plus à cinq ans qu’à cinquante ans, a-t-il confié au quotidien. Cela pourrait mettre deux ans, cela pourrait en mettre dix."
En bref, Yudkowsky prévient le monde qu’il serait très dangereux de laisser n’importe quel apprenti-sorcier farfelu s’occuper d’I.A car les conséquences pourraient être très graves.
Disons-le clairement: cette dérive des droites populaires est consternante et gravissime, dérive qui s’effectue dans l’indifférence ou l’ignorance des militants et électeurs de ces mêmes droites, dont les espérances légitimes pour un retour aux valeurs saines qui ont fondé nos sociétés traditionnelles européennes sont entièrement bafouées.
Nous aurions pu espérer au moins que les théoriciens des milieux identitaires et traditionalistes auraient promptement et vivement réagi à ces dévoiements. Il semble bien que ce soit tout le contraire; ces structures quelquefois vieilles de plus de 50 ans sont restés cantonnées dans leur microcosme intellectuel parisien, dans leur attachement désuet au concept surhumaniste qu’elles n’ont pas vu bifurquer vers le transhumanisme; ces mêmes « élites » qui, tout au long de ces cinquante années, n’ont jamais pu prendre le moindre pouvoir effectif sur le plan spirituel, culturel, idéologique, politique, métapolitique, économique, etc., tous détenus par la gauche, l’extrême-gauche et les mondialistes d’une manière générale, auraient, paradoxalement (?), retrouvé un nouveau souffle en se ralliant aux structures mondialistes et ainsi favorisé le dérapage globaliste de ces droites renégates si l’on en croit l’étude de Périne Schir, rapportée par Marine Turchi dans Médiapart du 18 déc 2023 sous le titre : « Sous la présidence Bardella, la Nouvelle Droite retrouve un rôle de premier plan au RN » :
« Chercheuse à l’université George-Washington, Périne Schir (photo) démontre l’influence que retrouvent au Rassemblement national deux cercles radicaux : la Nouvelle Droite sur l’idéologie, la « GUD Connection » sur les finances. Tout en partageant les mêmes connexions avec l’extrême droite italienne.
Sous la présidence de Jordan Bardella, deux réseaux radicaux ont retrouvé une place de premier plan au Rassemblement national (RN) : la Nouvelle Droite et la « GUD Connection ». Et ces cercles, qui bénéficient de connexions étroites avec l’extrême droite italienne, pourraient aider le nouveau président du RN à se rapprocher de la première ministre italienne, Giorgia Meloni. »
La boucle est bouclée.
7.
Les êtres différenciés
On comprend mieux l’expression du visionnaire Julius Evola, « les êtres différenciés », ceux qui sont chargés de faire repartir la roue du nouveau cycle depuis l’offensive, en 2020, des sectes globalistes.
En effet, on pouvait prévoir que ces êtres différenciés surgissent des habituels cercles d’une vieille droite nationale qui ne semblait pas très éloignée du concept traditionnel.
Il s’est avéré que ces êtres différenciés étaient des êtres différents de ceux que l’on attendait.
Ce ne sont pas ces militants qui se disent « nationalistes » (par opposition au mondialisme) qui se sont érigés en résistants lors de ces agressions mondialistes ; ceux-ci sont restés, pour la plupart, confinés en leur demeure, comme l’ordre leur en avait été donné. Ce sont d’autres personnes, souvent issues du milieu médical qui, par leur courage et leur charisme, ont pu rassembler autour d’eux, l’embryon d’une communauté destinée à préparer l’après-fin de notre cycle.
C’est ainsi que l’on a pu voir une librairie nationaliste être saccagée par des gauchistes qui ont rallié le grand capital (notamment celui de Big Pharma) tout comme l’ont fait les droites dites « populaires » ; c’est sans doute ce que Guillaume Faye appelait la « convergence des catastrophes » ! Et, oh surprise ! Les vitrines de cette librairie dénonçaient comme « facho » un Louis Fouché, médecin de son état, qui fut l’un des grands lanceurs d’alerte se dressant courageusement et avec talent contre la dictature sanitaire [13], un homme que ces mêmes gauchistes appellent un « covidonégationniste » ! Il se fait que Louis Fouché a, ou avait, plutôt des sympathies de gauche si l’on s’en tient encore à ce manichéisme suranné droite-gauche ; les terroristes gauchistes expliquent ainsi leur « action » dans un style qui nous a quand même fait pouffer de rire :
Malgré ses positionnements politiques, il est traité avec complaisance par une partie de celleux (sic !) qui devraient être ses ennemis, parce qu’il mobilise des références prisées à l’extrême-gauche telles qu’Alain Damasio ou Murray Bookchin dans le cadre d’une stratégie confusionniste, et parce que le mouvement antifasciste n’a pas entièrement pris la mesure de la menace continue que constitue le covidonégationnisme. Louis Fouché, comme tous ceux qui nient la gravité du Covivid-19, l’efficacité du vaccin et des masques, est un eugéniste, prêt à sacrifier les personnes les plus vulnérables à la maladie. Il est également clair que lui et ses amis sont des fascistes, et doivent désormais être traités comme tel par tou-tes les révolutionnaires. »
On peut classer aussi comme « covidonégationnistes » toutes les grandes personnalités du monde médical comme le professeur Raoult, le professeur Perronne, la généticienne Alexandra Henrion-Caude, le regretté prix Nobel Luc Montagnier, etc. qui se sont élevés contre Big pharma et la secte mondialiste.
Dans d’autres domaines ont surgi aussi sur le devant de la scène des êtres différenciés tel l’ingénieur-physicien Philippe Guillemant (photo), lui aussi spécialiste de l’intelligence artificielle, mais qui n’en tire pas, loin de là, les mêmes conclusions que Laurent Alexandre ou que Jordan Bardella. Philippe Guillemant inclut dans ses recherches la dimension spirituelle qui fait cruellement défaut aux transhumanistes et autres chercheurs scientistes. On le voit ici en photo en compagnie de Georges Gourdin (ci-dessous), le créateur et rédacteur en chef du site Nice-Provence Info.
Les préoccupations de son livre paru en 2021 chez Trédaniel, Le grand virage de l’humanité, rejoignent celles que nous avons exprimées en tout début de cet article et dans les paragraphes traitant du transhumanisme, avec le grand plus de son expertise en matière scientifique et notamment de science physique, et son talent de prospectiviste, tel que nous l’indique la dernière de couverture de ce même ouvrage : « Si la crise du coronavirus représente un grand tournant dans l’histoire de l’humanité, vers quel futur nous dirige-t-elle dorénavant ? D’après Philippe Guillemant, la physique peut répondre à cette question. L’avenir serait en effet déjà tracé, mais pourrait radicalement changer, comme le parcours d’un GPS, en produisant des coïncidences étranges suivies de défaillances irrationnelles. L’auteur en déduit que les événements sidérants que nous avons vécus de 2019 à 2021 sont des signes que, dans le futur, l’humanité s’est débarrassée du transhumanisme pour s’orienter vers une nouvelle destinée, construite par par un éveil de conscience à la véritable nature de l’humain. »
Je conclurai cet article comme je le fais désormais pour tous les autres, à savoir rappeler que ces forces négatives qui veulent arrêter le cours de la vie sur Terre en défiant Dieu ou les dieux ne réussiront JAMAIS à venir à bout de leur projet qui ne peut se situer que sur un plan matériel, la spiritualité qui gouverne tous les autres plans, y compris le plan matériel, leur étant inaccessible du fait même de leur origine satanique ou du pacte qu’ils auraient éventuellement conclu avec un supposé diable, dont ils se revendiquent en permanence [14].
Pierre-Emile Blairon
Notes:
[1]. Voir sur ce même site mon article : Mais quelles est cette secte qui dirige le monde ?
[2]. Comme nomment les Occidentaux les anciens dissidents russes Zinoviev et Boukowski, bien placés, de par leur expérience en Union soviétique, pour prédire que l’Europe dite de Bruxelles allait devenir une dictature. Voir mon livre La Roue et le sablier, p. 202.
[3]. « Alors que l'homme moderne, jusqu'à une époque toute récente, a conçu le sens de l'histoire comme une évolution et l'a exalté comme tel, l'homme de la Tradition eut conscience d'une vérité diamétralement opposée à cette conception. Dans tous les anciens témoignages de l'humanité traditionnelle, on retrouve toujours, sous une forme ou sous une autre, l'idée d'une régression, d'une "chute" : d'états originels supérieurs, les êtres seraient descendus dans des états toujours plus conditionnés par l'élément humain, mortel et contingent. Ce processus involutif aurait pris naissance à une époque très lointaine. ». Julius Evola, Révolte contre le monde moderne.
[4]. Consulter à ce sujet sur ce même site les articles que j’ai signés : La France, laboratoire de la secte mondialiste et aussi : Evola et la Tradition primordiale : une autre vision de l’Histoire.
[5]. « Il est très significatif, d'autre part, que les populations où prédomine encore ce que l'on présume être l'état originel, primitif et barbare de l'humanité ne confirment guère l'hypothèse évolutionniste. Il s'agit de souches qui, au lieu d'évoluer, tendent à s'éteindre, ce qui prouve qu'elles sont précisément des résidus dégénérescents de cycles dont les possibilités vitales étaient épuisées, ou bien des éléments hétérogènes, des souches demeurées en arrière du courant central de l'humanité ». Julius Evola, Révolte contre le monde moderne.
[6]. Julius Evola, Révolte contre le monde moderne
[7]. https://www.youtube.com/watch?v=hKcOARkVHZs
[8]. https://www.tiktok.com/@ingridcourregesofficiel/video/7283487210056207648
[9]. Lequel n’a pas compris que le transhumanisme n’est pas un « antihumanisme » mais la suite logique de l’humanisme et du surhumanisme.
[10]. https://www.lopinion.fr/politique/laurent-alexandre-le-docteur-qui-phosphore-avec-la-droite-radicale
[11]. https://www.youtube.com/watch?v=Lf088Pj7XVA
[12]. https://www.geo.fr/sciences/ia-pourrait-terrasser-humanite-en-deux-ans-seulement-alerte-un-expert-guardian-eliezer-yudkowsky-218905
[13]. https://paris-luttes.info/attaque-de-la-librairie-vincent-17863
[14]. Voir à ce sujet sur ce même site mes articles : La France, laboratoire de la secte mondialiste et, auparavant : Mais quelle est cette secte qui dirige le monde ?
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mardi, 13 février 2024
Digression sur... Arlequin
Digression sur... Arlequin
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/divagazione-su-arlecchino/
Mi so' Arlechin batòcio, orbo de na recia, e sordo de n'ocio...
Nous sommes en plein carnaval. Et les masques, anciens, classiques, nouveaux, sont nombreux. Seuls quelques-uns sont vraiment emblématiques... Punchinello, Pantalone...
Mais aucun n'est aussi emblématique que lui. Arlequin. Le vrai visage (masqué) de ces fêtes.
Goldoni en a fait un personnage théâtral (et littéraire) extraordinaire, d'abord dans "Arlequin, serviteur de deux maîtres", paradigme du serviteur idiot et preuve de bravoure, même athlétique, pour les différents Arlequins de cette longue tradition qui remonte au grand Ferruccio Soleri. Pour s'arrêter là. Malheureusement.
Puis, en le transformant en un masque beaucoup plus complexe, cet "Arménien de Bergame", à qui il a taillé sur mesure l'extraordinaire épisode de "La famille de l'antiquaire".
Mais lui, Arlequin, venait de bien plus loin que Goldoni. Et aussi de la Commedia dell'Arte. Où il était entré furtivement, en se superposant à Zuannj, le serviteur idiot qui dérivait directement du Maccus de l'Atellana romaine. Et qui, en fait, était originaire de Bergame. Car c'est de ces vallées que venaient les serviteurs de bas étage, les hommes de peine, des grandes maisons vénitiennes. Et le nom de Giovanni était commun. Zuàn, en dialecte. Zanni ou Zuanni.
Et sot, en vérité, il ne l'était pas. Un personnage inquiétant, plutôt. Avec son masque qui, à bien y regarder, conserve des traits... démoniaques.
C'était, ou plutôt c'est toujours, un démon, notre Arlequin. Attention: un démon, pas un diable. Ce qui est, si vous voulez, une catégorie tout à fait différente. Lorsqu'il était encore appelé Hallequin en France, il menait la Chevauchée sauvage les nuits d'orage. Un cortège de morts et autres créatures infernales, selon la tradition médiévale. La suite d'Odhin (ou Wotan, ou Wodden) dans le mythe germanique. Un chevalier et un seigneur des ténèbres. Dont la sagesse lui permet de passer du royaume des morts à celui des vivants....
Et, selon la légende, pendant la période du carnaval, en particulier lors des "jours gras", sa cavalcade s'arrête, même si c'est pour une courte durée. Arlequin se promène alors parmi nous. Avec sa cape irisée, sa petite épée au côté, bientôt transformée en bâton, louche ou matraque de bois.
Borgne et sourd. D'une oreille et d'un œil. Inversé entre les deux. Mais ces déficiences étaient typiques des personnages de l'Antiquité. Du mythe. Voyants, magiciens... Odin lui-même est borgne. Car il a sacrifié un œil en échange de connaissances occultes.
Il parcourt les maisons, les rues, les fêtes. Et tisse des illusions. Des canulars. Qui, uniquement à cause de notre habitude de tout rabaisser à notre (bas) niveau, deviennent les fameuses farces... avec le corollaire : au Carnaval, toutes les blagues comptent...
Mais dans ce très vieux dicton, il y a quelque chose de troublant. Pensez-y : toutes les blagues. Même les plus féroces. Les plus cruelles. Comme peuvent l'être les farces démoniaques d'Arlequin.
Bon carnaval, donc. En espérant ne pas tomber sur... Harlequin.
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samedi, 03 février 2024
Japon: la fête d'Hanami
Japon: la fête d'Hanami
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/hanami/
Au Japon, plus ou moins en cette dernière partie du mois de janvier, des prévisions sont publiées par l'Institut météorologique national sur la... floraison des cerisiers. Celle-ci commencera fin mars dans l'île méridionale de Honshū et se terminera à la mi-mai dans l'île septentrionale d'Hokkaido, qui, généralement, reste longtemps enneigée.
Il s'agit bien sûr de permettre à ceux qui le souhaitent de se rendre sur les lieux de floraison. De se consacrer à la contemplation du Sakura. Des cerisiers en fleurs.
Une coutume, voire une fête ancienne, plus que millénaire. Et qui porte le nom de Hanami.
Saisissant... et étrange pour nous. Car notre façon de concevoir les fêtes calendaires est de plus en plus détachée des cycles de la nature. Elle est devenue quelque chose d'abstrait.
Même les fêtes traditionnelles, comme Noël ou Pâques, sont, au moins dans le sentiment commun, des fêtes de l'esprit.
Pour les religieux, ce sont des fêtes de la foi. Ou, plus précisément, de l'Église. Mais d'une Église qui, de plus en plus, les célèbre comme une mémoire. Une sorte de mémoire qui fonde son existence. Sa raison d'être.
Ici aussi, on a perdu le sens des anniversaires dans lesquels le Mystère, la Naissance, la Mort et la Résurrection, est inhérent. Il est présent, il se reproduit à chaque fois. Comme si c'était la première fois. C'était une conscience très claire dans le christianisme des premiers siècles. Et nous en trouvons encore un écho dans les Hymnes sacrés de Manzoni.
Mais aujourd'hui, tout cela est perdu. Incapables de vivre le Mystère, les hommes se limitent à s'en souvenir abstraitement. Comme n'importe quel fait historique.
Et les nouveaux festivals sont encore pires. Pensez au modèle américain, que nous sommes en train d'importer. Thanksgiving... Black Friday, la fête de la consommation et du consumérisme.
Dans la culture japonaise, en revanche, la perception, ou le sentiment, d'un lien avec la nature a été maintenu.
Ce sentiment se concrétise par des festivals liés à des phénomènes saisonniers spécifiques. Comme, précisément, la floraison du Sakura. Des cerisiers.
Ce qui rappelle une certaine tradition sur la floraison des amandiers, à la fin de l'hiver, qui était autrefois vivante dans nos contrées. Comme dans la Vallée des Temples, à Agrigente. Un héritage extrême de la civilisation hellénique.
Il n'est cependant pas nécessaire d'établir des parallèles complexes entre des traditions et des cultures différentes. Au contraire, ce ne serait qu'une abstraction de plus. Une dialectique traditionaliste.
Hanami, en revanche, est quelque chose d'essentiel. Simple. Et, pour cette même raison, difficile à réaliser pour nous, Occidentaux modernes.
Contempler en silence la floraison des cerisiers. Apprécier leur beauté à l'aube. Et leur parfum le plus intense au coucher du soleil.
C'est tout.
Bien sûr, on pourrait ensuite parler du symbolisme complexe du Sakura.
Mais un symbole, s'il est authentique, ne doit pas être expliqué.
Il doit être contemplé... et ressenti dans sa force vitale.
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vendredi, 02 février 2024
Traditionalisme: le projet radical de restauration de l'ordre sacré
Traditionalisme: le projet radical de restauration de l'ordre sacré
Un compte-rendu
Source: https://reactionair.nl/artikelen/traditionalism-the-radical-project-for-restoring-sacred-order/
Mark Sedgwick, professeur d'études arabes et islamiques à l'université d'Aarhus, a publié son premier livre sur le traditionalisme en 2004 et vient d'écrire une nouvelle introduction à ce mouvement philosophique et religieux avec Traditionalism : The Radical Project for Restoring Sacred Order (= Le traditionalisme : le projet radical de restauration de l'ordre sacré). Cette publication comble une lacune importante dans l'étude du traditionalisme. Elle offre un aperçu approfondi mais accessible du mouvement traditionaliste et constitue donc une bonne introduction pour quiconque souhaite se familiariser avec ce monde de pensée intéressant. Malheureusement, l'auteur n'exploite pas tout le potentiel du sujet en raison de certains choix étranges et d'omissions flagrantes. Néanmoins, la conclusion finale est que le livre contient beaucoup d'informations précieuses sur le traditionalisme et constitue donc une bonne introduction à cette philosophie.
Dans son ouvrage, Sedgwick affirme que l'essence du traditionalisme se compose de trois éléments. Premièrement, les traditionalistes sont pérennialistes. En d'autres termes, ils croient que sous toutes les religions se cache "une tradition sacrée unique, intemporelle et ésotérique" (p. 43). Deuxièmement, les traditionalistes ont une vision cyclique de l'histoire, selon laquelle l'histoire peut être divisée en plusieurs périodes successives. Le fondateur du traditionalisme, René Guénon, s'appuie pour cela sur les quatre jugas hindous. Ce qui est caractéristique, c'est que l'histoire n'est pas perçue comme une progression, mais comme une dégénérescence. Troisièmement, le traditionalisme propose une critique fondamentale de la modernité. Dans la modernité, l'individualisme, le sentiment, le chaos social et, surtout, la matérialité deviennent centraux selon les traditionalistes (p. 102-103). Tous ces éléments s'opposent à la Tradition dans laquelle il y avait un ordre social et une orientation vers la transcendance.
Selon Sedgwick, ce noyau de la pensée traditionaliste est suivi d'un certain nombre de projets centraux et secondaires. Les projets centraux comprennent la réalisation de soi, la religion et la politique. Les projets plus latéraux comprennent l'art, le genre, la nature et le dialogue interconfessionnel. Toutes ces composantes sont largement abordées dans l'ouvrage et, dans l'ensemble, on obtient donc une vue d'ensemble assez large et, pour une introduction relativement courte, assez profonde de l'essence du traditionalisme et de la manière dont il s'exprime dans les différents projets.
Le réactionnaire
Néanmoins, il convient de noter que le contenu du livre présente des choix étranges et des lacunes. Tout d'abord, il y a le choix particulier des représentants centraux de la pensée traditionaliste. Sedgwick choisit de considérer René Guénon, Fritjhof Schuon et Julius Evola comme les représentants centraux et les plus originaux de la pensée traditionaliste. Or, les deux premiers penseurs sont universellement reconnus comme des figures centrales qui se sont trouvées à la base du filon traditionaliste. Evola, en revanche, est une figure controversée du mouvement et n'est donc pas considéré par beaucoup comme faisant partie du traditionalisme. Par exemple, Evola semble s'opposer directement à Guénon et à Schuon sur des points importants. Pour citer quelques exemples: Evola a une compréhension fondamentalement différente de ce que signifie la tradition primordiale. Alors que Guénon et Schuon se concentrent sur les grandes religions mondiales telles que l'hindouisme, le bouddhisme, le christianisme et l'islam, Evola s'intéresse davantage à la mythologie européenne et aux divers mouvements ésotériques et hermétiques. Il convient également de mentionner qu'alors que Guénon et Schuon mettent l'accent sur la vita contemplativa, Evola semble mettre l'accent sur la vita activa. Dans le même ordre d'idées, on peut dire que si pour Guénon et Schuon la politique n'avait que peu d'importance, pour Evola la politique a joué un rôle plus ou moins important au cours de sa vie - par exemple, Evola a été un partisan de l'apolitisme pendant la dernière phase de sa vie. Le choix de considérer Evola comme le penseur central du traditionalisme est tout à fait étrange, étant donné qu'Ananda Coomaraswamy ne se voit attribuer qu'un rôle latéral, alors que ce grand écrivain et penseur a joué un rôle fondamental dans le traditionalisme. En fait, il est tout à fait défendable d'affirmer que ses œuvres et ses écrits sur l'art, le symbolisme et la métaphysique sont d'une qualité au moins égale, sinon supérieure, à celle de Guénon. Il ne s'agit pas de minimiser les brillants travaux de Guénon, mais d'indiquer le haut niveau de réflexion et d'écriture des travaux que Coomaraswamy partage avec nous. Malheureusement, Coomaraswamy n'est abordé en profondeur que dans le chapitre sur l'art.
Une autre critique, que nous entendons formuler, est que Sedgwick choisit de discuter de certains "compagnons de route" traditionalistes dans presque tous les chapitres. Les points de vue de ces penseurs ne correspondent pas suffisamment aux hypothèses fondamentales du traditionalisme pour qu'on puisse les classer dans cette catégorie, mais ils s'en rapprochent par certains aspects importants. Par exemple, Jordan Peterson est cité plusieurs fois et discuté en détail. Le lecteur peut avoir des doutes sur le fait de citer Peterson comme compagnon de route, car ses archétypes ont une origine principalement jungienne et qu'il soutient la plupart des hypothèses de la modernité. Il ne semble donc pas y avoir de raison valable de lui accorder une place prépondérante dans le livre.
En outre, la discussion sur le sujet du symbolisme est une absence thématique importante dans le livre. Sedgwick déclare lui-même qu'il a choisi cette option parce que l'attention et l'interprétation du symbolisme par les traditionalistes n'ont eu que peu d'impact. Que cela soit vrai ou non - on pourrait certainement affirmer que Coomaraswamy et Nasr ont eu un certain impact académique dans ce domaine - la question est de savoir si l'on doit considérer le sujet uniquement d'un point de vue externe pour évaluer l'intérêt d'un sujet. En effet, pour les traditionalistes eux-mêmes, le symbolisme est d'une importance capitale. Guénon a écrit des dizaines d'articles et de livres sur les symboles, et ces réflexions nourrissent en quelque sorte l'ensemble de la pensée traditionaliste. Aujourd'hui encore, les traditionalistes publient des ouvrages importants sur le symbolisme. En 2020, par exemple, le Dr Charles William Dailey a publié un ouvrage important intitulé The Serpent Symbol in Tradition (1). L'absence de chapitre sur le symbolisme signifie que cet ouvrage ne peut donc pas être considéré comme une introduction complète et exhaustive au traditionalisme.
En conclusion, il convient toutefois de dire que Mark Sedgwick a fourni une bonne introduction au traditionalisme. Sur la base de ce livre, le profane peut avoir un bon aperçu des pensées fondamentales du mouvement et de certains de ses principaux penseurs. Toutefois, le lecteur doit garder à l'esprit que certains choix de l'auteur concernant les penseurs et les sujets abordés ne sont pas entièrement défendables. Toutefois, compte tenu de ces points, l'ouvrage est vivement recommandé à toute personne désireuse d'en savoir plus sur ce sujet.
Note:
(1) En vente dans la librairie https://reactionair.nl/winkel/
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mardi, 30 janvier 2024
Mi-hiver
Mi-hiver
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/mezzo-inverno/
Nous sommes à mi-chemin dans le temps d'hiver. Quarante jours nous séparent de Noël, du Solstice. Et donc aussi de l'Equinoxe.
L'air est encore gelé, mais au milieu de la journée, il scintille de lumière. Le ciel est clair, d'un bleu profond. Le vent froid apporte un soupçon de neige et de brume provenant des montagnes.
Les Celtes célébraient Imbolc. Leur coutume a toujours été de placer les fêtes du calendrier à quarante jours des solstices et des équinoxes. C'est-à-dire, chaque fois, au tournant de la saison. Imbolc, Beltane, Lughaid, Samahin...
C'était le jour de la fête d'Imbolc. Fête des pluies, désormais imminentes, qui allaient revitaliser la terre, préparant le printemps. La renaissance.
Et la nuit, du 31 janvier au 2 février, de grands feux étaient allumés. Pour envoyer de la lumière et de la chaleur. La déesse invoquée était Brighid. La Dame du feu, en effet.
La tradition des feux survit encore. Résiduelle. Dans certains endroits de la campagne et des vallées montagneuses de notre Nord-Est. Qui était autrefois la terre des peuples celtes, les Boi, les Insubri...
Dans le Piémont, on parle de la Giobbianna ou Giubiana (photo). La Zòbia dans la région de Piacenza...
Brighid, ou Brugit, avait plusieurs visages. Jeune fille, femme, vieille femme. Déesse représentant le temps et son écoulement. D'où le destin et la vie. Comme les Parques ou Moires classiques. Comme les Nornes germaniques.
Les jours précédant la mi-hiver, du 29 au 31 janvier, sont connus sous le nom de jours du Merle. Les plus froids de l'année, selon la tradition, bien que ce ne soit pas toujours le cas. Mais c'est un symbole. Le gel doit précéder la fête du feu. Et représenter ainsi la lutte de la lumière contre les ténèbres. Dont, à la fin, le vainqueur est... la vie.
Il y a une pièce de Shakespeare, Le Conte d'hiver, qui fait probablement écho à la mémoire d'Imbolc.
Une pièce étrange. Parce que les deux premiers actes sont sombres. Ils dévoilent une progression, un rythme tragique. Puis, c'est le tournant. Et les deux derniers actes deviennent progressivement une comédie. Avec, inévitablement, survient le happy end. Et tout se remet en place... toutes les situations complexes sont résolues. Et la fin est joyeuse.
Loin de moi l'idée de faire l'exégèse du texte shakespearien. De discuter des genres théâtraux, tragédie, comédie, tragi-comédie...
Ce n'est pas mon affaire... cependant, pensez-y....
Le sens tragique de la mort. Puis, le tournant. Et la fin lumineuse.
Pensez-y... et regardez autour de vous ces jours-ci.
Des jours lugubres et glaciaux, des jours de merle. Si froids qu'ils ne donnent aucun espoir. Je me promène dans les rues du village... et elles sont désertes. Juste quelques passants, bien emmitouflés, qui promènent leur chien. On a envie de rester à l'intérieur. De se terrer au chaud. On a l'impression que l'hiver, avec son visage le plus sombre et le plus morose, n'en finira jamais....
Mais en réalité, la saison froide touche à sa fin. Ou plutôt, elle est au tournant. Bientôt, la nature va renaître. Les haies, les branches sèches des arbres se couvrent de bourgeons. La saison hivernale décline en printemps. Et les vents apportent déjà d'autres senteurs. Une vibration... différente, comme une légère fièvre qui mettra bientôt les gens dans un état d'esprit différent pour sortir, faire... pour vivre.
Imbolc... le mi-hiver. Quel est ce dicton que j'entendais souvent ?
Il fait toujours plus sombre avant que le soleil ne se lève....
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vendredi, 15 décembre 2023
Mircea Eliade - Le chamanisme indo-européen
Mircea Eliade - Le chamanisme indo-européen
par Joakim Andersen
Source: https://motpol.nu/oskorei/2011/03/23/mircea-eliade-indo-e...
Mircea Eliade (1907-1986) est l'un des plus grands spécialistes des religions de l'époque moderne. Dans sa jeunesse, il avait des liens avec la Garde de fer roumaine et était influencé par des traditionalistes tels que Julius Evola et René Guénon, ainsi que par le spécialiste des religions indo-européennes Georges Dumézil. Malgré cela, ou à cause de cela, il est l'un des plus grands noms de cette science que l'on appelle la religion comparée et il a pu décrire la vision mythique du monde dans des ouvrages tels que L'éternel retour.
L'un des ouvrages les plus fascinants d'Eliade est Le Chamanisme, dans lequel il étudie le chamanisme dans différentes parties du monde. Toutefois, pour éviter de confondre toutes les formes possibles de religion et de magie, il utilise systématiquement une définition stricte du phénomène, se référant non pas à toutes les formes de magie, mais à une technique extatique spécifique basée sur une vision spécifique de la structure du monde (voir plus loin). Le chaman a également des fonctions spécifiques, notamment celle de guider les âmes des morts en tant que psychopompe et de protéger les gens contre les maladies. Contrairement aux individus qui, dans certaines cultures, deviennent "possédés" et peuvent transmettre des messages d'autres royaumes, le chaman est normalement maître de la situation.
Le chamanisme
Eliade raconte les traditions chamaniques de différentes parties du monde. Il donne un aperçu de la spiritualité traditionnelle des Esquimaux et des traditions des Négritos asiatiques. Pour les traditionalistes et les spécialistes des religions, ce livre n'est rien de moins qu'une véritable mine d'or. Nous avons également un bon aperçu des religions des peuples sibériens.
La profession de chaman est souvent héritée au sein d'une certaine famille, mais le futur chaman peut aussi l'acquérir par disposition, par rêve ou à la suite d'un traumatisme (par exemple, une personne qui semble "mourir" puis revenir). Il, ou plus rarement elle, reçoit sa formation auprès de chamans plus âgés, mais subit également son initiation à d'autres niveaux, à travers des rêves et des contacts avec divers esprits. Le futur chaman peut être capturé par les esprits et découpé en morceaux ou bouilli pendant une période qui est perçue comme durant plusieurs années.
Les étrangers ont souvent considéré les chamans et les "hommes-médecine" comme des psychopathes ou des escrocs, mais Eliade les décrit généralement avec respect. Souvent, ils ont souffert d'épilepsie et d'autres troubles similaires dans leur enfance, mais leur initiation leur permet de les contrôler eux-mêmes. Eliade mentionne des chamans esquimaux et des tantriques tibétains qui se déplacent nus dans un froid intense, réchauffés uniquement par leur feu intérieur. D'autres chamans peuvent avaler des charbons ardents, etc.
Il décrit également leurs costumes, leurs langues secrètes, le symbolisme du tambour, la façon dont ils protègent leur peuple des maladies et aident les morts à retrouver leur chemin. Ils conservent souvent les traditions et l'histoire de leur peuple, et c'est grâce à leurs descriptions de la "géographie" du royaume des morts que les religions ultérieures ont acquis une grande partie de leur contenu. Eliade décrit également la manière dont ils recueillent les esprits auxiliaires, comment ils peuvent les épouser, etc. La description est généralement fascinante, qu'il s'agisse des Esquimaux ou des Yakoutes, qu'Eliade décrive les taltos hongrois ou les nåjden samis.
La tradition hyperboréenne
Les fortes similitudes entre la spiritualité indo-européenne et les traditions sibériennes, finno-ougriennes, proto-turques et centre-asiatiques décrites par Eliade sont particulièrement intéressantes. Ces similitudes intéressent tout particulièrement les traditionalistes qui suivent Julius Evola. Evola décrit une tradition hyperboréenne, caractérisée par la position du dieu du ciel et l'absence relative de déesses. On trouve des dieux du ciel dominants similaires chez les peuples sibériens et turco-tatars, qui ont probablement été les premiers voisins des Indo-Européens. Chez les Samoyèdes, le dieu du ciel est connu sous le nom de Num, chez les Toungouses sous celui de Buga et chez les Mongols sous celui de Tengri. Les traditionalistes reconnaissent les attributs et les descriptions donnés au dieu du ciel par ces peuples ; il est décrit comme "haut/élevé" et "brillant". Les Yakoutes le connaissent sous le nom de "Seigneur Père Chef du Monde" et les Turko-Tatars sous celui de "Père".
Souvent, cependant, le grand dieu s'est retiré des affaires directes des hommes, devenant un deus otiosus. Ses fils, qui ont davantage de contacts avec les humains, sont plus importants. Un autre point commun entre la foi proto-indo-européenne et ces traditions nordiques est que les divinités féminines sont moins présentes. Lorsqu'il y a des femmes chamanes, il est également normal qu'elles n'effectuent que le voyage "chthonique", la descente vers les sphères souterraines, alors que les chamanes masculins se rendent à la fois dans les sphères supérieures et dans les sphères inférieures.
Les similitudes ne s'arrêtent pas là. L'arbre du monde, Yggdrasil, par exemple, a plusieurs équivalents chez les peuples chamaniques. La croyance en l'existence de trois mondes, le ciel, la terre et le monde souterrain, est au cœur de la vision chamanique du monde. Ils sont unis par un "axe", un axis mundi, qui les traverse tous. Autrefois, les gens pouvaient voyager librement le long de cet axe, mais après une catastrophe quelconque, seuls les chamans peuvent le faire. Dans certaines traditions, cet axe du monde est décrit comme un arbre, chez les Indo-Européens nous avons Yggdrasil et Irminsul. On trouve des arbres similaires chez les peuples chamaniques, où le chaman grimpe souvent à un arbre lorsqu'il s'élève vers la sphère céleste.
Dans l'asatron, un aigle se trouve au sommet de l'arbre du monde, ce qui peut être comparé aux croyances des chamanes. D'une part, on considère souvent que le premier chaman était un aigle, ou le fils d'un aigle, et d'autre part, dans l'arbre du monde, il y a d'innombrables oiseaux qui sont en fait des âmes attendant de renaître. Le symbolisme de l'oiseau est également très présent dans le chamanisme nordique, où le chaman prend souvent la forme d'un oiseau dans son costume.
Il est intéressant de noter que d'autres thèmes, tels que l'importance du cheval, le rôle central du feu dans le culte, la montagne et le loup, unissent également les traditions indo-européennes et chamaniques d'origine tatare, finno-ougrienne et sibérienne. Dans une certaine mesure, d'autres affinités peuvent également être observées, certains groupes finno-ougriens ayant, par exemple, un degré de cécité plus élevé que de nombreux Indo-Européens.
Tatar de Chine
Un thème intéressant pour les traditionalistes plus évolutionnistes est celui du chaman en tant que figure. Le chaman est considéré comme le défenseur du groupe contre les forces démoniaques et comme membre d'une élite (alors que les morts voyagent normalement dans une direction, un chaman mort voyage dans la direction opposée, et il est considéré comme acquis qu'il atteindra les royaumes supérieurs après la mort). Ce que les autres croyants n'entendent que raconter, le chaman en fait l'expérience directe, au prix de grands risques. Cela signifie qu'à bien des égards, le chamanisme est un stade supérieur aux monothéismes et polythéismes institutionnalisés ultérieurs, avec leurs éléments de dévotion, de superstition et de foi aveugle.
En même temps, Eliade décrit comment le chamanisme a également subi une dégénérescence. Les différents peuples nous disent qu'il y a quelques générations, les chamans étaient beaucoup plus puissants qu'aujourd'hui, et qu'ils sont également mis à l'écart à mesure que les peuples sibériens se modernisent et sont touchés par des religions plus modernes. Si les archétypes chamaniques peuvent survivre pendant un certain temps même dans un environnement nominalement chrétien ou musulman, Eliade raconte que certains mystiques musulmans d'Asie centrale, comme les chamans, étaient logés sur les toits et dans les arbres. Suite à la dégénérescence décrite, l'utilisation de drogues (le chanvre chez certains peuples indo-européens, les champignons et la nicotine sont également décrits) pour atteindre l'état chamanique qui était auparavant atteint sans "aides".
Éléments iraniens
Parallèlement, Eliade retrouve des éléments iraniens (et chinois) dans les différents chamanismes d'Asie du Nord. C'est notamment le cas de la croyance en un pont étroit que seuls les justes peuvent franchir sur le chemin du paradis. Le pont de Cinvat (illustration) rappelle fortement le pont que le chaman altaïque doit traverser pour atteindre Erlik Khan et le royaume des morts. De même, Eliade affirme que la forte signification symbolique du chiffre 9 suggère une origine iranienne (neuf cieux, neuf sphères infernales, voire neuf mondes). L'apparition d'animaux comme les serpents dans le chamanisme de peuples qui vivent trop au nord pour les avoir vus suggère également une influence plus méridionale. Nous avons tendance à penser que les "peuples primitifs" sont complètement isolés de leur environnement, mais Eliade montre comment la civilisation iranienne, avancée et complexe, a influencé les peuples situés loin au nord, ainsi que les systèmes occultes complexes de l'Inde qui ont influencé les peuples de l'actuelle Malaisie et de l'Indonésie.
Le livre est particulièrement passionnant lorsqu'il explique comment les différentes traditions du Bhoutan et de la région himalayenne ont donné naissance au tantrisme et à la religion Bon-Po.
Le chamanisme indo-européen
Wodan, id est furor
- Adam de Brême
Eliade consacre un chapitre spécifique au chamanisme indo-européen. Il affirme que le chamanisme de ces peuples est devenu subalterne, probablement en raison de la division de leur société en trois fonctions. Le chamanisme s'est ensuite intégré à la première fonction et n'a pas été aussi dominant que chez les peuples orientaux.
Il identifie des traces de chamanisme, notamment chez Odin, qui est lié à la fois à l'extase et à la mort. Les chevaux à huit pattes ne sont pas rares dans les contextes chamaniques d'Asie du Nord, et les corbeaux Hugin et Munin ont également une certaine ressemblance avec les esprits auxiliaires des chamans. L'autosacrifice d'Odin rappelle également l'initiation brutale que subissent les chamans, qui sont souvent considérés comme étant littéralement en train de mourir. Eliade compare la tête du sage Mimir à la pratique de certains peuples consistant à conserver les crânes des chamans et à les utiliser pour prédire l'avenir. Il existe également des similitudes entre la "furor teutonicus" et l'extase chamanique.
Les parallèles sont plus clairs avec les voyages d'Odin et d'autres dans le monde souterrain et l'utilisation du seiðr. Les voyages dans le royaume des morts rappellent fortement les voyages du chaman dans la sphère inférieure. Il existe également des parallèles dans le seiðr, comme l'élément de transe, les esprits, les costumes rituels, et le fait qu'il ne soit pas considéré comme masculin nous rappelle les peuples sibériens où les chamans étaient souvent des femmes ou des travestis. Comme les chamans sibériens, les magiciens nordiques pouvaient aussi s'affronter dans le port des animaux, et la vision pluraliste des trois âmes de l'homme unit également les deux groupes.
On a prétendu que ces traces d'une idéologie chamanique étaient dues à l'influence sami, mais Eliade montre qu'il pourrait tout aussi bien s'agir d'une tradition plus ancienne et partagée. Car les Samis et les Finlandais ont été considérés comme des magiciens supérieurs tant au Moyen Âge qu'à la Renaissance. Eliade donne également plusieurs exemples de traces de chamanisme chez des peuples indo-européens qui n'ont probablement jamais eu de contacts avec les Samis, comme les Grecs et les Iraniens.
Dans l'ensemble, il s'agit d'une étude très intéressante, vivement recommandée aux traditionalistes et à tous ceux qui s'intéressent à la religion.
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jeudi, 14 décembre 2023
Le Kali Yuga a toujours existé...
Le Kali Yuga a toujours existé...
par Michele (Blocco Studentesco)
Source: https://www.bloccostudentesco.org/2023/11/29/bs-il-kali-yuga-e-sempre-stato-qui/
Il n'y a pas de doute sur le poids qu'a eu un certain ésotérisme et une pensée traditionnelle dans le monde bigarré du fascisme et surtout du néo-fascisme. L'une des thèses centrales consiste à associer le concept de kali yuga au sentiment européen de décadence - résultat de la révolution industrielle et de la sécularisation engendrée par la modernité (la fameuse "perte de l'auréole" de Baudelaire) - et à son pendant philosophique, à savoir le nihilisme. Le cas le plus illustratif à cet égard est peut-être celui de Chevaucher le Tigre d'Evola. Dans les toutes premières pages du livre, il en explique la signification :
"dans le monde classique, il était présenté comme une descente de l'humanité depuis l'âge d'or jusqu'à ce qu'Hésiode appelait l'âge de fer. Dans l'enseignement hindou correspondant, l'âge terminal est appelé kali-yuga (= l'âge des ténèbres), et l'idée essentielle est ici clarifiée en soulignant que le kali-yuga est précisément un climat de dissolution, le passage à un état libre et chaotique des forces individuelles et collectives, matérielles, psychiques et spirituelles, qui étaient auparavant contraintes de diverses manières par une loi venue d'en haut et par des influences d'un ordre supérieur".
En d'autres termes, la phase terminale que nous vivons actuellement ne peut s'expliquer uniquement dans une perspective historico-politique, mais s'inscrit dans un cycle cosmique. Elle touche non seulement les cordes intimesde l'humain, mais aussi celles du divin. Une image - même si ce n'est pas précisément le cas d'Evola (Chevaucher le Tigre lui-même est une tentative, certes plus existentielle que politique, de trouver une voie et une direction au sein du kali yuga) - qui pourrait conduire à un certain défaitisme et à un certain fatalisme. En tout cas, ce n'est pas très encourageant pour ceux qui doivent faire face à la réalité qui les entoure. Au contraire, penser que tout est en proie à la décrépitude et donc intimement lacunaire peut conduire à un étrange snobisme, où l'erreur de l'époque dans laquelle nous vivons devient l'alibi de nos propres erreurs et de nos propres manques.
Cette tentation est encore plus forte lorsque nous idéalisons et exagérons comme les heures les plus sombres les derniers siècles de notre histoire où tout est perdu, ou lorsque nous ignorons tout simplement l'étendue du kali yuga. En dehors de la tradition hésiodique, qui reconnaît une renaissance de l'âge d'or juste avant l'âge de fer, l'âge des héros se terminant à peu près avec la guerre de Troie, dont nous avons quelques documents historiques en plus des poèmes homériques, l'ensemble de l'histoire humaine que nous connaissons se situe dans l'âge sombre du kali yuga. Dans la plupart des mythes, ce dernier commence avec le déluge universel.
Savoir cela peut être encore plus désespérant pour certains, mais il est utile d'éviter de se créer de fausses illusions sur le passé. Les traditions ne sont que l'écho d'une sagesse primordiale, elles ne sont pas ce savoir exact. De Sparte à Rome, même les références politiques les plus anciennes que nous pouvons prendre comme exemple idéal sont encore plongées dans l'imperfection et l'obscurité, même si elles brillent de leur propre lumière. Il s'agit précisément de modèles qui naissent de et avec leur époque. En approfondissant la doctrine des cycles cosmiques, les humanités qui peuplent les différents âges sont métaphysiquement différentes les unes des autres. La nostalgie d'un âge d'or a donc quelque chose de paradoxal ; elle est d'ailleurs le plus souvent utilisée comme mythe politique par les forces progressistes qui s'imaginent pouvoir racheter le monde et trouver un nouvel âge d'or dans l'utopie, qui ressemble d'ailleurs le plus souvent à une sorte de tranquillité animale.
La doctrine des cycles cosmiques est-elle donc à jeter aux oubliettes ? Pas du tout, à condition de savoir la comprendre. On pourrait la comparer à cette forme d'étrange pessimisme existentiel qu'est l'esprit tragique des Grecs. La contemplation lucide de la souffrance, de l'imperfection et de l'absence de sens de l'existence ne conduit pas à une acceptation passive, ni à l'idée qu'il s'agit d'une sorte de péché à éradiquer ou d'erreur à corriger. Il en résulte au contraire une volonté de s'affirmer, une exaltation de la vie et du destin comme amor fati, car "s'il y a quelque chose de plus puissant que le destin, / c'est le courage qui le porte inébranlablement". Penser à cela dans une époque sombre, sinon dans les temps les plus sombres, doit donc être pris comme une invitation au courage et à l'affirmation de soi malgré tout.
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mercredi, 29 novembre 2023
Le "Zalmoxis" de Mircea Eliade
Le "Zalmoxis" de Mircea Eliade
par Joakim Andersen
Source: https://motpol.nu/oskorei/2023/10/30/mircea-eliade-zalmoxis/
Le spécialiste roumain des religions Mircea Eliade (1907-1986) est une source d'enrichissement pour les universitaires et les critiques de la civilisation, notamment parce que ses critiques s'inscrivent dans une perspective de droite. Dans sa jeunesse, il a été proche de la Garde de fer nationaliste et, en exil, il a fréquenté Evola, Dumézil, Bataille et le cercle Eranos de Carl Jung. Sa critique de la civilisation s'appuie sur une connaissance approfondie des sociétés et des cultures historiques, qui démontre avec force à quel point l'Occident moderne est devenu déviant. En outre, il manque quelque chose que les comparaisons avec d'autres cultures montrent comme la dimension mythique est universellement humaine; son absence est remplie de pseudo-mythes, de manies et de problèmes de santé.
Eliade a écrit de manière initiée et passionnante sur tous les sujets, de l'initiation et des forgerons aux chamans et à l'éternel retour. Un ouvrage intéressant est Zalmoxis - The Vanishing God. Il s'agit d'un recueil d'articles intitulé "Comparative Studies in the Religions and Folklore of Dacia and Eastern Europe" (Études comparatives des religions et du folklore de la Dacie et de l'Europe de l'Est). En termes d'histoire religieuse, ils sont unis par un intérêt pour les créations religieuses qui manquent d'expression écrite et, souvent, de critères chronologiques. Eliade a écrit qu'en étudiant le folklore roumain, il a souvent rencontré des problèmes méthodologiques similaires à ceux rencontrés dans l'étude des peuples "primitifs". En même temps, il était conscient que la rencontre avec les valeurs religieuses archaïques pouvait être fructueuse pour l'homme moderne, "ces univers de valeurs spirituelles archaïques enrichiront le monde occidental autrement qu'en ajoutant des mots à son vocabulaire (mana, tabu, totem, etc.) ou à l'histoire des structures sociales". On reconnaît ici Eliade comme un critique de la civilisation, soucieux de rappeler à l'homme moderne ce qu'il a perdu. Un fil conducteur intéressant de Zalmoxis, étant donné que les articles se concentrent sur la patrie d'Eliade, est la tentative d'identifier les aspects de l'âme populaire. Eliade était bien conscient que le monde religieux des Géto-daces ne correspond pas nécessairement à celui que nous trouvons dans le folklore roumain, mais l'approche est fructueuse et peut être utilement appliquée au folklore suédois également.
Dans l'introduction de "Les Daces et les loups", Eliade constate que les Roumains sont un peuple de loups. De nombreuses tribus indo-européennes s'identifient au loup, notamment par le biais de noms ethniques tels que daoi/daker, hyrkanoi, orkoi et hirpi sorani. Il existe un lien évident avec les associations cultuelles masculines dans lesquelles le loup jouait souvent un rôle central. Parfois, des tribus entières semblent avoir adopté le nom de loup à partir de ces associations, parfois des Männerbünde ont conquis d'autres groupes et leur ont donné leur nom. C'est une lecture fascinante, mais qui n'est probablement pas nouvelle pour les lecteurs de notre site suédois Motpol. Eliade résume tout cela en disant que "l'essentiel de l'initiation militaire consistait à transformer rituellement le jeune guerrier en une espèce d'animal sauvage prédateur. Il ne s'agissait pas seulement de courage, de force physique ou d'endurance, mais "d'une expérience magico-religieuse qui changeait radicalement le mode d'être du jeune guerrier. Il devait transmuter son humanité en accédant à une fureur agressive et terrifiante qui le transformait en un carnivore enragé".
Eliade a constaté que les Roumains étaient un peuple de loups à trois égards. Ils descendaient des Daces, conquis par les Romains, qui à leur tour descendaient de Rémus et Romulus ("les fils du dieu-loup Mars, allaités et élevés par la louve du Capitole"). Seul un tel peuple pouvait assimiler les Daces. La Roumanie moderne est ensuite née de l'invasion des terres daco-romaines par Gengis Khan et ses descendants, où l'on retrouve le mythe du loup ("le mythe généalogique des Gengis-Khanides proclame que leur ancêtre était un loup gris descendu du ciel et accouplé à une biche").
La section sur Zalmoxis est également intéressante, Eliade comparant son culte à la fois aux mystères initiatiques comme ceux d'Éleusis et au chamanisme. Il évoque l'immortalité de l'âme, le symbolisme des grottes, les katabasis, l'immortalité, Pythagore, les dieux-ours, les Jordanes, la confusion entre les chèvres et les Goths, et les traces de chamanisme dans la Grèce antique. Il est fascinant de constater que le chaman apparaît en partie dans les récits de philosophes tels que Parménide et Pythagore. Cependant, la conclusion d'Eliade est que Zalmoxis était un représentant des mystères plutôt que des chamanes. Il mentionne également que Zalmoxis a été rapidement assimilé par le Christ, ce qui est logique étant donné les grandes similitudes entre les deux personnages. D'autres figures ont survécu jusqu'à l'époque moderne dans le folklore roumain, mais Zalmoxis a presque complètement disparu. Du moins jusqu'à ce qu'une renaissance nationale, à l'époque moderne, fasse revivre l'archétype indigène, "toujours et partout Zalmoxis est revivifié parce qu'il incarne le génie religieux des Daco-Gètes, parce que, en dernière analyse, il représente la spiritualité des "autochtones", des ancêtres presque mythiques conquis et assimilés par les Romains". L'union du pouvoir religieux et du pouvoir séculier apparaît ici comme un fil rouge, une caractéristique nationale, de l'époque dacienne à la Garde de fer et à Ceausescu.
Un chapitre passionnant sur l'histoire des religions traite d'un mythe de la création qui revient chez les Roumains, les Bulgares, les Russes, les Polonais et les Roms de Transylvanie, mais aussi chez plusieurs peuples d'Asie et d'Amérique du Nord. Le monde est recouvert d'eau, Dieu et le Diable se rencontrent et le Diable prend de la boue au fond de la mer. Dans certaines versions du mythe, il tente ensuite de noyer un Dieu endormi en le faisant rouler dans l'eau, mais au lieu de cela, la masse terrestre se développe. Dans d'autres versions, moins dualistes, un oiseau aide Dieu pendant le processus de création. Dans plusieurs variantes, Dieu est alors inopinément passif et a besoin d'aide pour achever la création. Eliade retrace ici une relation avec le dieu du ciel plutôt lointain, un deus otiosus, chez plusieurs peuples d'Eurasie. Dans une société chrétienne, elle peut également séparer le Créateur des éléments de la création tels que le mal et le péché, "la distance de Dieu est directement justifiée par la dépravation de l'humanité. Dieu se retire au ciel parce que les hommes ont choisi le mal et le péché". Eliade a également constaté qu'il semble s'agir d'un mythe ancien qui a atteint l'Amérique du Nord et l'Europe, souvent influencé par le dualisme iranien, où le Diable a remplacé l'aide de Dieu dans le port des animaux.
Un passage intéressant de Zalmoxis raconte comment le prince Dragos a fondé la Moldavie à la suite d'une chasse à l'aurochs, une version des mythes sur la chasse rituelle et les guides animaux. C'est notamment un animal sauvage qui a montré aux Vandales le chemin de Gibraltar ; de même, les Huns ont trouvé leur chemin vers des terrains de chasse plus civilisés au-delà des marécages. Eliade a également abordé le symbolisme du cerf et du taureau. Dans d'autres chapitres, il aborde la mandragore, le monachisme, le chamanisme roumain et l'importante ballade Miorita. Cette dernière est très populaire parmi les Roumains, Eliade affirmant qu'elle exprime l'âme populaire ("nous sommes en présence d'une création populaire encore vivante, qui touche l'âme populaire comme aucune autre ; en d'autres termes, il y a une "adhésion" totale et spontanée du peuple roumain aux beautés poétiques et au symbolisme de la ballade"). Dans le chapitre consacré à Miorita, il aborde également ce qu'il appelle le christianisme cosmique, une version sud-est européenne de la foi.
Dans l'ensemble, comme d'habitude, l'ouvrage est très facile à lire. Certaines sections peuvent être plus pertinentes que d'autres, les chapitres sur le peuple des loups et le mythe de la création m'ayant personnellement davantage intéressé, mais Eliade est intéressant quel que soit le sujet qu'il aborde. L'approche consistant à explorer l'âme populaire roumaine à travers l'étude des coutumes et du folklore est inspirante et peut fournir des pistes à ceux qui souhaitent faire quelque chose de similaire avec les Suédois.
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vendredi, 24 novembre 2023
NOOSPHÈRE : la guerre pour l'hégémonie - L'aspect ontologique de la confrontation
NOOSPHÈRE : la guerre pour l'hégémonie - L'aspect ontologique de la confrontation
Artur Alonso
Source: https://www.geopolitika.ru/pt-br/article/noosfera-guerra-pela-hegemonia-o-lado-ontologico-do-confronto
"Le mal n'existe pas en tant que conscience, comme nous l'enseignent les maîtres kabbalistiques. C'est plutôt l'absence plus ou moins grande du souverain Bien (l'essence divine) qui génère des illusions. En ce sens, ce que l'on entend par "mal" n'est rien d'autre que l'ignorance, la plus grande absence du Bien, qui est la Lumière de la Conscience pure et éternelle".
- João Paulo Haak Miranda
Le concept de Noosphère
Selon Vladimir Vernadski, le développement de la Terre a connu trois phases: la géosphère, caractérisée par la prédominance de la matière inanimée, la biosphère, celle de la vie biologique, et la noosphère, le moment où les êtres intelligents entrent en relation avec l'environnement dans lequel ils vivent.
Tout comme l'émergence de la vie a transformé la géosphère, donnant naissance à la biosphère, l'émergence de la cognition humaine transforme la biosphère, donnant naissance au concept de noosphère.
James Lovelock, qui a élaboré la "théorie Gaïa" en 1979, a développé certaines des hypothèses de Vernadski.
Pour Vernadski, la pensée "scientifique" humaine est considérée comme une nouvelle force géologique agissant sur la biosphère. Cette force est qualitativement différente des forces physiques, chimiques et biologiques.
L'humanité et ses actions intégratives représentent une nouvelle étape dans l'évolution de la biosphère, façonnant ce que Vernadski a appelé la Noosphère: la sphère de la raison.
La biosphère serait l'espace où l'énergie cosmique, en particulier l'énergie solaire, est transformée en énergie terrestre active telle que l'énergie électrique, chimique, mécanique et thermique - la vie est une énergie qui se développe. Tandis que la noosphère serait chargée de canaliser cette énergie vitale et de la transformer en conscience de vie, permettant à l'humanité de partir en pèlerinage à la recherche de ce qui est le plus évolutif: la recherche intérieure de la transcendance.
C'est cette recherche intérieure de ce qui transcende qui sous-tend les différents mythes des différentes cultures: l'être en transformation à la recherche de la gnose, de l'ascension. Le Lugh celtique, le Quetzalcoatl des Toltèques - et son chemin de Toltecayotl ; l'Horus égyptien et son ascension - élévation - transformation d'un être terrestre qui a obtenu la connaissance matérielle et revient comme un faucon, le spirituel - La crucifixion du Christ - l'Oint. L'octuple sentier - la voie médiane du Bouddha. Les douze travaux d'Hercule, les douze heures du Nucteremon d'Apollonius de Tyane, les douze chevaliers de la table ronde du roi Arthur, vécus selon l'idée de Joseph Campbell du "mono-mythe" ou du "voyage du héros".
C'est sur ce chemin en faveur du dépassement que l'être humain entre dans sa conscience, d'abord axée sur la survie - l'énergie vitale en action (physicalité - animalité, maîtrise des instincts - lutte territoriale) jusqu'à ce qu'il atteigne le niveau le plus élevé de la recherche d'une raison d'être. S'élever, se transcender (développement supérieur du psychisme à la recherche de la gnose : la connaissance) - Ainsi l'énergie vitale évolue en faveur de la conscience vitale (la raison psychologique unie à l'intuition, la connexion intérieure de l'âme avec la nature et le cosmos).
C'est là que le mythe des 7 Pléiades renferme son profond secret - dans l'élévation de la conscience initiale d'"Alcione" à la supra-conscience ou esprit cosmique de "Maya". Maya (à ne pas confondre avec l'illusion de la "Matrice" de la mythologie indienne) mère de Mercure - le pont entre le Divin et le Titanique - le messager des Dieux, le chef d'orchestre - "Psychopomp" des âmes - qui guide les êtres intérieurs les plus ouverts à la connaissance. L'être transformé, porteur de la connaissance divine.
C'est là que la philosophie, en tant qu'amour de la sagesse et investigation de la dimension essentielle et ontologique du monde réel, prend son sens le plus profond. Avec ses différentes écoles anciennes (platonisme, aristotélisme, stoïcisme, épicurisme, scepticisme...) et modernes (rationalisme, empirisme et idéalisme) qui tentent d'utiliser cette énergie vitale en faveur d'une conscience vitale capable de donner un sens au monde qui nous entoure. Organiser la pensée humaine dans la période historique qui lui correspond.
Et tout ce corpus philosophique occidental et oriental, qu'il soit chinois (confucianisme, taoïsme, pensée ying-yang...), persan (Zoroastre, les Lumières de Sohrawardi, ou le mouvement chiite iranien - qui porte en lui des idées grecques, gnostiques et persanes) ou encore l'héritage indien déjà cité, le bouddhisme tibétain ou le bouddhisme zen... Ils font partie d'un moment historique spécifique, également façonné par la prédominance d'une certaine période politique et sociale et d'un modèle économique, qui à son tour façonne également la vision intérieure et extérieure du monde. Mais sans jamais abandonner, dans son essence, la racine transformatrice - la transmutation initiale - à la recherche de l'évolution individuelle et collective.
Des périodes qui commencent toujours par l'évolution (ouverture de la spirale de croissance - expansion) et qui connaissent leur apogée dans l'involution (contraction de cette spirale - décadence - diminution).
C'est également le cas aujourd'hui avec le pouvoir du capital mercantile - financier. Sommes-nous dans une contraction de ce modèle économique, politique et social mené par l'Occident ? Sommes-nous dans une spirale inversée qui rend le système politique, économique, social, culturel et civilisationnel actuel involutif ?
Le capital comme anti-évolution
Denis Collin, dans son texte "Progressisme et ectogenèse : l'ingénierie des machines appliquée à l'homme", nous met en garde :
"l'une des dimensions essentielles du capital est la marchandisation de l'être humain, sa transformation en marchandise. Le nazisme semblait être l'aboutissement de ce processus de réification : des êtres humains réduits à l'état de cadavres, dont les dents en or étaient réutilisées, en revanche, dans des élevages, il y avait des êtres humains parfaits, ou du moins améliorés (les Lebensborn). Il ne fallait pas beaucoup d'audace pour comprendre que le nazisme n'était pas réactionnaire, mais tout à fait "progressiste". Les nazis ont fait tout cela avec une cruauté et une brutalité que nous trouvons insupportables, et à juste titre".
Luiz Alberto Moniz Bandeira, pour sa part, dans son livre The World Disorder - The Full Spectre of Domination, nous a donné des aperçus très intéressants sur l'orientation de l'inertie expansive du capital, qui a créé un secteur financier mercantile tout-puissant, toujours en vigueur aujourd'hui, et qui, par logique évolutive, tend vers la marchandisation totale de la société, y compris de l'être humain lui-même. Y compris la psyché humaine? Cela inclut-il également la "noosphère", c'est-à-dire la manière dont les êtres humains sont en relation avec leur environnement? Voici un petit extrait du livre de Bandeira :
"Le nazisme n'était pas un phénomène propre à l'Italie et à l'Allemagne, puisqu'il a menacé et s'est répandu, sous différentes formes, dans d'autres pays d'Europe, tels que le Portugal et l'Espagne, entre les années 1920 et le début de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). Ce qui s'est passé dans ces pays est une sorte de ce que Niccolò Machiavelli (1469-1527) a appelé la mutazione dello stato (mutatio rerum, commutatio rei publicae), lorsque la res publica, un État, sous le nom de liberté, s'est transformée en un État tyrannique, avec ou sans violence. Le phénomène politique connu sous le nom de nazifascisme au 20ème siècle a pu et peut se produire dans les États modernes lorsque l'oligarchie et le capital financier ne sont plus en mesure de maintenir l'équilibre de la société par les moyens normaux de répression, couverts par les formes classiques de la légalité démocratique, et prennent des caractéristiques et des couleurs différentes, en fonction des conditions spécifiques de temps et de lieu".
Nous laissant bien conscients, dans les pages de son livre, que toute puissance aspire à un maximum de domination par l'inertie matérielle expansionniste intrinsèque à tout corps en ascension, à moins qu'un contrepoids transcendant, issu de la puissance cognitive de la noosphère supérieure, ne vienne équilibrer ce processus. En nous montrant un épisode historique peu connu où le pouvoir de l'ombre manœuvre contre la démocratie, la montée des peuples vers la connaissance et la nécessité d'ouvrir des voies pour qu'une société plus complète se développe dans "l'entraide".
Examinons le fait surprenant raconté par Moniz Bandeira :
"Pendant la Grande Dépression, qui a suivi l'effondrement de la bourse de Wall Street en octobre 1929, le vendredi noir, certains groupes financiers et industriels - quelque 24 des familles les plus riches et les plus puissantes des États-Unis, dont Morgan, Robert Sterling Clark, DuPont, Rockefeller, Mellon, J. Howard Pew et Joseph Newton Pew, de la Sun Oil company, Remington, Anaconda, Bethlehem, Goodyear, Bird's Eye, Maxwell House, Heinz Schol et Prescott Bush - ont conspiré. Ils projettent de financer et d'armer des vétérans de l'armée, sous le couvert de la Légion américaine, avec pour mission de marcher sur la Maison Blanche, d'arrêter le président Franklin D. Roosevelt (1933-1945) et de mettre fin aux politiques du New Deal. L'objectif est d'instaurer une dictature fasciste, sur le modèle de l'Italie et de ce qu'Hitler commence alors à construire en Allemagne. Le complot de Wall Street a cependant échoué.
Le major général Smedley Darlington Butler (1881-1940), que les grands hommes d'affaires ont tenté de coopter, dénonce la conspiration au journaliste Paul French du Philadelphia Record et du New York Evening Post. Et le 20 mars 1934, la Chambre des représentants adopte la résolution 198, 73e Congrès, proposée par John W. McCormack (Massachusetts) et Samuel Dickstein (New York), membres du Parti démocrate, créant la Commission spéciale sur les activités anti-américaines, l'enquête sur les activités de propagande nazie et l'enquête sur certaines autres activités de propagande du Congrès des États-Unis (HUAC)"
La nécessité d'un contrepoint social bien informé, formé et conscient, pour faire contrepoids à un pouvoir corporatif privé ou étatique omniprésent, devient donc plus visible à nos yeux incrédules lorsque les preuves sont très claires, comme dans le cas raconté par Moniz Bandeira. Encore une fois, Denis Collins, dans son article susmentionné, nous met en garde avec force, précisément pour réveiller ce besoin qu'ont les humains les plus rationnellement et spirituellement compétents de prendre position et d'agir:
"Si, en tant que matérialiste convaincu, nous pensons que l'être humain, comme tous les autres êtres vivants, n'est rien d'autre qu'un ensemble de cellules, parmi lesquelles, en particulier, un ensemble très complexe de cellules neuronales, et que, par conséquent, il n'y a rien de particulièrement "sacré" dans l'être humain, rien qui le rende intouchable, comme nous améliorons nos voitures et nos robots domestiques, pourquoi ne pas améliorer l'être humain et le rendre plus "performant"?".
La philosophie transhumaniste de Yuval Noah Harari (qui est l'un des fondements de la pensée progressiste de ce pouvoir capitaliste transnational et mondialiste) reflète en partie cette conception de l'être humain comme une machine à transformer.
Ainsi, pour le pouvoir financier corporatif progressiste qui dirige l'Occident, un chemin d'évolution rationnel et non spirituel est nécessaire afin que la société qui l'affronte et travaille en faveur du changement vers un nouveau cycle de pouvoir civique n'ait pas de référents ontologiques, mais des informations centrées sur l'activité et l'accomplissement matériel de la vie.
Ce pouvoir financier a besoin d'une société domestiquée axée sur la raison de la recherche de la subsistance. Au lieu d'une nouvelle voie universelle plus traditionaliste (enracinée dans les savoirs anciens de chaque peuple) et donc spirituelle et transcendante. Une voie transcendante qui, auparavant (pour nos grands-parents plus éveillés au côté religieux et plus ancrés dans la connexion avec la nature), était nécessaire à l'évolution et à la coexistence de la société. Nos anciens, nos grands-parents, étaient plus intégrés dans le concept étymologique de la religion, son aspect de reconnexion et de révélation - plus présent dans la religion bien avant le concept sacré de la nature.
Un concept transcendant qui peut continuer à être nécessaire aujourd'hui pour faire face à cette tentative de domestiquer les êtres humains au capital transnational et à sa dynamique : accommoder les êtres humains à une réalité de dépendance totale aux chaînes de production, contrôlées par des sociétés multinationales et des fonds d'investissement. Des entités sans soi, contrôlant les sources, la distribution et l'expédition des différentes énergies qui alimentent le système, jusqu'à monopoliser les chaînes de l'alimentation, de l'habillement et même de l'éducation, de la santé et des loisirs. Le danger de soumettre l'être humain rationnel - transcendantal - à une entité juridique déjà liée à l'intelligence artificielle - intrascendantale - du raisonnement algorithmique séquentiel.
C'est un danger pour le même concept d'asservissement de l'humanité - en optant pour un contrôle de la psyché humaine qui est beaucoup plus subtil que l'esclavage physique.
Le concept d'"égrégore" étudié par Carl G. Jung, appliqué à l'"anneau" de contrôle civilisationnel d'une période historique donnée - d'un territoire d'influence donné d'un certain empire - est crucial pour comprendre comment une communauté, une nation, un État ou un empire est dominé. Comme "l'égrégore actuel" du christianisme - en voie de dissolution et de naissance d'un nouvel égrégore, celui qui commande encore l'Occident, et impose donc sa vision du monde à l'humanité (par le processus de globalisation ou d'américanisation - homologation - unification à une idée spécifique du monde occidental, en l'occurrence).
Cet égrégore, désormais usé, doit muter en un nouvel égrégore, comme une tentative de contrôle global - Cette construction du nouvel égrégore, qui commandera l'avenir de l'humanité, et celui qui met en conflit l'Unipolarité occidentale avec la Multipolarité du soi-disant "Sud global" (l'Eurasie étant son représentant le plus combatif et le plus puissant dans la confrontation).
Ainsi, comme nous l'avons dit dans d'autres articles, le nouvel égrégore (la matrice ontologique qui commande un processus civilisateur) en cours dans l'œcuménisme doit décider s'il mise sur l'œcuménisme rationaliste de l'Occident ou sur l'œcuménisme eschatologique spiritualiste de l'Orient.
Il s'agit là du noyau central de la grande dispute pour l'hégémonie mondiale entre la puissance occidentale anglo-saxonne (en contraction mais qui conserve sa suprématie) et la nouvelle puissance eurasienne (en pleine ascension mais qui construit encore son organigramme multipolaire alternatif en contrepoint).
L'"homme nouveau" (homo economicus) amoral et unidimensionnel du néolibéralisme s'oppose à l'être humain que le marxisme envisage, doté d'une conscience sociale, d'un haut degré d'humanisme et d'une compréhension des processus historiques, dans lesquels les critères individuels et collectifs peuvent coexister harmonieusement", affirme Daniel Vaz de Carvalho, dans son article du 12-09-2023 intitulé "Quatre leçons de la "démocratie libérale"" ; en nous faisant comprendre pourquoi cet homme nouveau marxiste peut s'enraciner avec l'homme traditionaliste auquel aspire René Guénon et, comme l'observe Serguei Glaziev (photo, ci-dessous), "l'unique voie vers un nouveau modèle économique": la seule voie vers un nouveau modèle économique passe par le socialisme chinois; les deux travaillent dans ce nouvel homme spirituel et social du 21ème siècle, qui tend à former la nouvelle matrice - l'égrégore traditionnel spiritualiste de l'Orient (si son modèle finit par se tronquer) dans une confrontation de plus en plus ouverte avec l'égrégore matérialiste évolutionniste de l'Occident.
Deux forces opposées
Nous sommes face à un changement non seulement géopolitique, mais aussi civilisationnel, dans le cadre de la recherche de la maîtrise du nouvel "Imaginaire Collectif Global" - le Nouvel Egrégore Oecuménique (en remplacement de l'Egrégore qui, jusqu'à aujourd'hui, commandait l'Occident et donc influençait l'ensemble de l'humanité). En principe, cet œcuménisme dépasse les églises chrétiennes et englobe l'union future de l'islam, du judaïsme et du christianisme susmentionné. Tout ce processus s'inscrit dans un changement de cycle du pouvoir mercantile (devenu néo-féodalisme financier, tel que conceptualisé par Michael Hudson - et transhumaniste, comme nous en avertit Collins) en faveur d'un nouveau cycle de pouvoir civique.
Et ce grand "carrefour" derrière notre évolution quotidienne "normale" crée beaucoup de confusion, faute de repères solides sur la direction que prend le monde.
Deux modèles politiques sont à l'œuvre : l'Occident progressiste, qui se dirige vers un fascisme d'entreprise, camouflé en "capitalisme inclusif" (dans le cadre de l'agenda 2030 et de son agenda woke) ; et l'Orient autocratique étatiste - social ou socialiste, conservateur (avec son agenda traditionaliste et anti-trashumaniste, qui remet aujourd'hui en question l'agenda 2030, sur lequel le consensus a déjà volé en éclats).
Ce fascisme d'entreprise, de nombreux analystes le qualifient aujourd'hui de supposées "Démocraties absolues", qui s'opposeraient aux actuelles et supposées "Autocraties de l'Est" qui luttent pourtant pour un monde multipolaire et des prises de décisions internationales plus "démocratiques". Des dynamiques contradictoires qui perturbent encore plus la vision d'ensemble.
Dans cette nouvelle situation - qui fait ses premiers pas - la dichotomie gauche/droite se dilue : elle ne peut expliquer la nouvelle réalité...
Dans la nouvelle dichotomie du mondialisme occidental - le monde multipolaire du "Sud global" (commandement économique par la Chine, commandement militaire par la Russie), l'Eurasie (de l'île mondiale de Mackinder) se situe comme le nouveau centre géographique à disputer, ainsi que sa croissance économique qui colonise le monde...
Cette "île mondiale", où le pouvoir occidental thalassocratique affronte le pouvoir oriental tellurocratique, est-elle en train de redevenir d'actualité ?
Les États-Unis eux-mêmes ont déjà déclaré que le centre économique et civilisationnel se déplace de l'Ouest vers l'Est. Le point de vue de Mackinder, selon lequel celui qui contrôle l'"île-continent" contrôle le monde, continue-t-il de façonner les processus géopolitiques ?
C'est pourquoi la lutte contre la Russie (il suffit de regarder une carte géographique) devient une priorité, puis la soumission de la Chine est une évidence, car l'Iran se retrouverait sans défense.
Le PNAC (Project for the New American Century) formulé par les néo-conservateurs dans les années 1990, destiné à maintenir la suprématie, parlait déjà de cette priorité ; il s'agissait à l'époque de contrôler totalement le Moyen-Orient. Le plan a ensuite été retiré en raison d'un échec militaire.
L'administration Obama/Biden a ensuite tenté de faire pivoter sa politique étrangère en élaborant le projet Pacific Pivot, avec l'intention de concentrer ses forces en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique afin de contenir la Chine. En laissant le Moyen-Orient "brûler" pour éviter de consolider les routes de la soie chinoises.
À l'heure actuelle, la chute de la Russie permettrait de faire les deux: contenir la croissance de la Chine en Asie et briser l'alliance énergétique russe et le commerce chinois avec l'Europe. Mais pour l'instant, cette entreprise ne porte pas ses fruits en Ukraine.
Avec la création du Quad (partenariat de sécurité quadrilatéral entre les États-Unis, l'Inde, l'Australie et le Japon) et d'Aukus (alliance entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie pour la coopération technologique et militaire), l'endiguement de la Chine dans la région indo-pacifique devient, avec l'affaiblissement de la Russie, comme nous l'avons déjà mentionné, la nouvelle doctrine géostratégique des États-Unis - leur nouvelle realpolitik. Une doctrine qui, par inertie, place l'Europe à la périphérie.
Dans cette nouvelle conjoncture, la vieille analyse (typique de la guerre froide) de la polarité gauche ou droite ne peut fournir aucune réponse viable pour comprendre la réalité en cours. Une réalité plurielle, diverse, non cohésive et parfois même chaotique... D'où la perte de la gauche woke et la désorientation de l'extrême droite européenne. Une droite très conservatrice, en théorie altermondialiste, mais en pratique pro-OTAN atlantiste - bras armé du mondialisme - et économiquement néo-libérale, incompatible avec un Etat minimum garant de la souveraineté...
La droite et la gauche européennes sont toutes deux des individualistes, nihilistes, favorables au pouvoir privé qui diminue l'État, tandis que la droite et la gauche souverainistes du Sud sont devenues étatistes par nécessité de confronter le néocolonialisme occidental des entreprises privées à un pouvoir fort et centralisé. C'est pourquoi des gens comme le président du Salvador, Nahib Bukele (photo, ci-dessous), s'allient à la Chine et se déclarent socialistes avec des valeurs conservatrices...
Ici, la gauche et la droite européennes perdent leurs références, évitant de se prononcer clairement sur le sujet. Mais même dans le sud de l'Amérique, une nouvelle gauche et une nouvelle droite (qui forment l'axe de la Nouvelle Résistance) commencent à tisser des alliances anti-nord-américaines en faveur d'un État social, s'unissant en faveur de la souveraineté et en confrontation avec le pouvoir privé corporatif anglo-saxon (perçu comme le plus grand ennemi).
C'est pourquoi l'axe de la nouvelle résistance au pouvoir mondial occidental est actuellement si divers et contradictoire. Ses visages les plus visibles sont ceux des dirigeants des pays tels : la Russie - la Chine - l'Iran - la Corée du Nord - le Venezuela - le Salvador - et l'Afrique "francophone" dans une guerre de libéralisation - de ce qu'ils appellent le joug néocolonial; avec l'Algérie affrontant le Maroc pro-US - et maintenant le Nigeria (pro-occidental) essayant de soumettre le Niger (pro-russe)...
Les rues du Sénégal brûlent, le Mali et le Burkina Faso abandonnent la tutelle française. Le Gabon ne sait pas quelle direction il va prendre... Le cri de l'Afrique est contre l'Occident et en faveur du nouveau centre eurasien; tandis qu'en Europe de l'Est, de la fin des années 1990 à l'inverse, les populations se sont soulevées contre le pouvoir soviétique - lors des soi-disant révolutions de couleur (soutenues par le pouvoir néo-conservateur occidental "progressiste", qui a occupé les espaces laissés par le pouvoir soviétique traditionaliste, perçu comme inefficace)...
L'arrivée au pouvoir de ces néo-conservateurs (néo-conservateurs "straussiens") aux États-Unis, qui ont pris le contrôle des partis démocrate et républicain, aide à comprendre ce phénomène. Aujourd'hui, Blinken, James Sullivan et Victoria Nuland font tous partie de cette école du philosophe Leo Strauss.
Seuls Robert F. Kennedy Jr. (militant contre le vaccin anti-Covid) du côté démocrate et Donald Trump (lié au mouvement Qanon) du côté républicain - tous deux associés à d'étranges théories du complot - échappent au contrôle des néoconservateurs aux États-Unis. Trump étant apparemment écarté de la course à la présidence et Kennedy Jr n'ayant pas beaucoup de chances, il n'est pas difficile d'imaginer que la démocratie américaine n'a que très peu de pluralité dans la pratique. Elle n'est plus vraiment représentative car elle ne couvre pas l'ensemble de la société (que ses propositions nous plaisent ou non).
A son tour, elle ressemble à l'Empire occidental qui a atteint sa limite économique dans l'effondrement systémique de 2007-2008 et qui atteint peut-être aujourd'hui sa limite d'expansion territoriale (puissance de l'OTAN) en Ukraine...
Les précédents de son lent déclin sont le retrait de l'armée américaine d'Afghanistan, l'atout de l'Iran au Yémen et l'atout de la Russie en Syrie. Le tournant en faveur d'une nouvelle puissance militaire russe capable de faire face à l'Occident s'est peut-être produit lors de la crise de l'Abkhazie contre la Géorgie (en août 2008), qui a entraîné une nouvelle délimitation de la pression exercée par l'OTAN sur la Fédération de Russie aux frontières du Caucase. Depuis lors et jusqu'à la crise actuelle au Kazakhstan et en Arménie dans le Haut-Karabakh, la Russie est devenue un nouvel acteur international. Aidée par l'échec de la Turquie, qui a été livrée à la puissance financière occidentale (qui contrôle désormais sa banque centrale) - morte ou retardée à l'idée de devenir une puissance régionale turque selon Erdogan, mais ayant besoin d'un certain accord avec Moscou, afin de ne pas se diluer complètement (en tant qu'acteur régional).
Une nouvelle situation dans le corridor Heartland de Mackinder, qui doit faire partie de la guerre américaine (non plus offensive, mais défensive) dans tout l'Est, afin d'empêcher la consolidation des Routes de la Soie chinoises...
Des visions divergentes
Empêcher que la crise générale ne devienne une guerre mondiale hybride - qui pourrait se transformer en guerre mondiale ouverte, avec un danger thermo-nucléaire - est la question la plus difficile. En effet, les visions des deux modèles concurrents (occidental déjà esquissé, oriental encore en formation) sont résolument discordantes.
En gardant à l'esprit la déclaration du ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov : "Accompagner les malades en phase terminale jusqu'à leur mort, en évitant de les piéger" semble être la solution de l'alliance orientale russo-chinoise-iranienne, qui consiste à repousser l'Occident, à diminuer sa force. D'où le processus de dédollarisation de l'ASEAN et des BRICS. La nouvelle puissance orientale occupera alors les espaces laissés vides par le recul de la puissance américaine, toujours en vigueur. Elle évitera ainsi une guerre directe.
Ce rétrécissement occidental et cette tentative d'expansion eurasienne créent de nombreuses franges de friction dans le monde, et pourraient même affecter l'Amérique du Sud, avec des conflits ouverts au Pérou (qui complique aujourd'hui la situation en Amazonie brésilienne - avec des troupes américaines du côté péruvien) ; en Argentine, où le néolibéral Milei promet de cesser sa coopération avec la Chine et de quitter le Mercosur ou d'adopter le dollar comme monnaie de référence de la nation...
En pratique, il s'agit de céder le peu de souveraineté qu'il reste au pouvoir des entreprises occidentales, où des agences comme Black Rock font du bon travail en faveur du capital financier transnational privé. Black Rock est en train de réorienter ses achats dans la zone BRICS. Ou encore au Venezuela, ruiné dans sa tentative de disputer aux deux blocs le contrôle de ses richesses minières et pétrolières.
Jusqu'à présent, le pouvoir des sanctions occidentales, qui a fonctionné comme une bombe atomique sur les économies défiantes, ruinant ceux qui osaient contredire la dynamique du capital mondial, n'a pas fonctionné sur la Russie. Et ces manœuvres russes sous le tapis, contournant SWIFT qui contrôle près de 11.000 banques dans plus de 200 pays, ont ouvert une fenêtre d'espoir pour ceux qui veulent soustraire leurs pays au contrôle occidental de leurs ressources naturelles, de leurs monnaies et de leurs économies. Même en comptant sur l'aide militaire russe et l'aide économique chinoise.
L'idée occidentale de tomber dans les griffes d'une puissance beaucoup plus oppressive (la Russie ou la Chine non démocratiques) n'a pas changé la dynamique de la confrontation et les tentatives de libérer le "Sud global" de ce contrôle unilatéral de l'Occident.
Aujourd'hui, la contestation s'étend à l'ensemble de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique latine. Cela crée un scénario de déstabilisation très inquiétant : trop de frictions déclenchent des affrontements généralisés, qui peuvent même dégénérer.
Puisque la puissance financière occidentale contrôle le faux conservatisme néolibéral et, à son tour, la nouvelle gauche "progressiste antistalinienne" qui a remplacé la théorie de la "révolution permanente" progressiste de Trotsky par l'uniformité culturelle mondialiste de l'agenda Woke. Un programme qui, curieusement, appelle à la diversité, mais qui unifie globalement en donnant du pouvoir à un être humain déraciné: sans ethnie, clan ou lignée. D'où la confrontation avec l'Orient, où la vision de la lignée, de l'ethnie et de la tradition fait partie de la racine de leur imagination individuelle et collective.
Cette puissance financière occidentale néo-féodale, dans l'ombre, contrôle l'agenda de la droite néo-libérale. Un programme qui affaiblit l'ancien État-nation en faveur des puissances transnationales: des institutions corporatives qui, dans la pratique, dévorent toute la souveraineté politique et économique de n'importe quel pays. Tandis que la gauche (ce même pouvoir) domine des programmes tels que le programme transnational Woke, qui, dans la pratique, supprime toutes les racines culturelles susceptibles de garantir à un peuple un sentiment d'appartenance commun. Dans la pratique, cela affaiblit l'État et la nation en faveur d'un modèle culturel qui favorise le développement de pouvoirs supra-étatiques et supra-nationaux.
René Guénon, qui (comme nous l'avons déjà mentionné) a planté la graine philosophique et même "ésotérique" du traditionalisme moderne - et la racine commune de toutes les traditions (dans son ouvrage de 1927 "La crise du monde moderne"), revient enfin dans l'actualité.
Guénon avertissait qu'à côté de la nécessité pour chaque tradition d'être enracinée dans son peuple, il y avait l'essence commune du transcendantal - du spirituel, qui fait évoluer l'être humain en harmonie avec lui-même et avec la nature. Dans une certaine mesure, cette pensée est aujourd'hui ressuscitée par l'Orient dans ses versions orthodoxe - russe, taoïste - confucéenne chinoise - chiite iranienne, et maintenant avec la convergence de la tradition sunnite de Mohamed Bin Salman en Arabie saoudite.
Tandis que la Chine tente d'ouvrir des ponts entre l'Iran et l'Arabie pour éviter la rupture de ce projet de nouvel édifice civilisationnel, dont le commerce est pour Pékin l'une des priorités et l'un des liens les plus fédérateurs...
Pour l'instant, en Occident, les puissances financières libérales, se relayant au gouvernement, à droite comme à gauche, introduisent et normalisent (pas à pas) l'agenda économique et politique transnational et l'agenda culturel mondialiste. L'Orient ne semble pas du tout à l'aise avec cette inertie, que l'Occident tente de mondialiser - et ce n'est qu'en regardant les choses de cette manière que nous pouvons comprendre le tournant de la péninsule arabique (un allié fidèle des États-Unis) au-delà de ses différends en matière d'hydrocarbures.
C'est pourquoi, à ce stade, la difficulté de comprendre la mondialisation de cette nouvelle gauche progressiste occidentale est évidente. En même temps, sa perte de terrain est due précisément à la crise économique, qui a commencé avec le renversement du système de domination anglo-saxon lorsque son poumon, Wall Street, a éclaté en 2007-2008.
Dans ce contexte de crise, la gauche peut perdre une grande partie de son soutien politique. En temps de crise, de bouleversements systémiques et de "confrontation imminente", le capital a besoin de se tourner vers le côté le plus rigoureux et le plus inflexible mentalement, en laissant de côté le côté le plus émotionnel et le plus flexible.
Cette puissance financière internationale va lentement donner tout l'espace politique et médiatique à la droite et au discours néo-fasciste afin d'orienter "l'ordre social" et d'éviter les réactions excessives de mécontentement. Imposer un ordre favorable à son agenda mercantile - financier - transactionnel. Avec la destruction progressive de l'Etat et de la souveraineté nationale déjà très fragile.
Puis, une fois la crise enclenchée, elle a donné la priorité à la gauche et à sa vision plus "intégrative". Cette nouvelle droite néo-fasciste rompt avec certaines parties du discours Woke et maintient un conservatisme qui n'est plus traditionaliste. Mais son agenda économique néolibéral offre un accommodement momentané au pouvoir mondialiste, qui utilise sa force belliciste - en cas de confrontation généralisée. Prenez l'exemple du gouvernement polonais, très actif dans la confrontation avec la Russie, ou de l'Italie de Meloni, également très active dans son programme militariste en faveur de l'OTAN.
Un cas différent est celui du gouvernement Orbán en Hongrie, qui ouvre une brèche dans cette nouvelle aile droite. Ce type de droite, ainsi qu'une gauche plus réticente à l'égard de l'agenda Woke, est ce qui tente de rassembler Serguei Glaziev dans son idée de nouveaux mouvements "socialistes populistes" européens (beaucoup plus favorables à l'accommodement de l'Union européenne avec la Russie), qui, dans l'Europe d'aujourd'hui, sont considérés comme la cinquième colonne du Kremlin.
Glaziev, s'inspirant des théories de Douguine, veut nourrir une alliance rouge-brune sur la voie d'un nouveau modèle socialiste - défini comme un pouvoir étatique en confrontation avec le pouvoir privé des entreprises transnationales.
Du côté lumineux, ce pouvoir devrait utiliser l'État pour servir le peuple, en dirigeant l'économie et la politique, avec l'aide de capitaux privés, dans le cadre de partenariats concrets d'intérêt mutuel. Du côté obscur, cet État se transformerait en un modèle bureaucratique typique, essayant d'occuper tous les espaces sociaux (un modèle qui a déjà prouvé sa faillite).
Dans ses écrits, Glaziev se concentre sur l'expérience soviétique : ses erreurs (trop de contrôle étatique et social, manque d'initiative privée et absence de contrepoids spirituel) et ses réussites (traditionalisme, primauté du collectif sur l'individuel et accès des citoyens à la formation académique et aux garanties d'emploi).
L'idée du nouveau modèle des vertus soviétiques, des vertus de l'initiative privée et des vertus du traditionalisme existentialiste (qui puise aux sources de René Guénon, de Charles Maurras, du moralisme d'Ernest Renan et de l'héritage russe de la Génération dite de l'Âge d'Argent) devrait être le point de départ d'une nouvelle orientation étatique plus souple et mieux adaptée aux sociétés. Ce nouveau gouvernement aurait ainsi plus de possibilités de résoudre les problèmes actuels et ceux de l'avenir. Il devrait être basé à l'Est - comme champ prioritaire d'expérimentation des changements, et pénétrer ensuite à l'Ouest, de la main de la nouvelle résistance - qui deviendrait alors l'avant-garde.
Une nouvelle vision du monde dont le modèle chinois d'efficacité basé sur le pragmatisme et la créativité, au-delà des dogmes idéologiques, est l'un des piliers directeurs. L'activation d'un pouvoir étatique modérateur et non interventionniste.
Glaziev estime que cet "État modérateur" est le seul catalyseur capable d'apporter des réponses à des problèmes anciens et non résolus, et qu'il est mieux à même de prendre les rênes à l'heure des nouveaux défis, dont beaucoup sont aujourd'hui dangereux pour l'humanité. Pour lui, le pouvoir financier privé a atteint sa limite historique et est hors du temps (puisqu'il est incapable de résoudre les problèmes actuels, tout en accumulant les problèmes du passé, selon Glaziev, générés par l'"inopérabilité" typique de la décadence).
Mais comme ce pouvoir de l'Entreprise privée (toujours dominant) refuse de céder la place au nouveau pouvoir d'Etat du nouveau Socialisme "traditionaliste" en cours - le choc entre les deux modèles serait, du point de vue de plusieurs auteurs de l'Est et du Sud globaux, inévitable. Ce concept a déjà été présenté par Serguei Glaziev dans son livre "The Last World War : USA starts and loses". Ici, le modèle chinois est une fois de plus central et pertinent.
Tels des ingénieurs concevant une nouvelle machine, les dirigeants chinois travaillent constamment à de nouvelles relations de production en résolvant des problèmes concrets, en menant des expériences et en sélectionnant les meilleures solutions. Ils construisent patiemment leur socialisme de marché, étape par étape, en améliorant constamment le système d'administration de l'État, en sélectionnant uniquement les institutions qui œuvrent au développement de l'économie et du bien-être social".
Dans son ouvrage précité, Glaziev souligne que le modèle chinois est en fait déjà en train de se confronter au modèle américain :
"La réactivation de la planification du développement économique et social et la régulation par l'État des principaux paramètres de la reproduction du capital, la politique d'action industrielle proactive, le contrôle des flux de capitaux transfrontaliers et les restrictions monétaires pourraient cesser d'être un menu interdit par les institutions financières de Washington et devenir les outils généralement acceptés des relations économiques internationales. Pour faire contrepoids au consensus de Washington, plusieurs universitaires ont commencé à parler du consensus de Pékin, qui est beaucoup plus attrayant pour les pays en développement, où vit la majeure partie de la population de l'humanité"
Confrontation - assumer le rôle initial de la guerre hybride
Dans ce nouveau concept, l'État souverain serait le seul véritable acteur capable d'affronter le pouvoir transactionnel privé. Sur le plan économique, l'État ne commanderait pas, mais chercherait à rapprocher les mondes scientifique, technologique et entrepreneurial. Et sur le plan social, en tant que redistributeur de revenus, pour éviter l'accumulation excessive au sommet de la pyramide.
En opposition au modèle privé, où l'État devrait perdre cette fonction, laissant le marché libre créer les mécanismes d'homéostasie sociale et de partenariat économique.
Le problème est que ces visions opposées ne laissent pas beaucoup de place à l'accord, ce qui rend le risque de combat - de guerre - dangereux. Et seule la crainte d'une guerre thermo-nucléaire de la part des deux belligérants a minimisé les pulsions les plus belliqueuses. La transformation de la guerre totale en guerres partielles hybrides : elles se répandent à travers le monde, avec le Yémen et l'Ukraine en première ligne.
La guerre hybride signale le début d'une guerre plus ouverte et globale, au cas où les franges de friction augmenteraient et la course aux territoires et aux ressources: terres rares, centres technologiques (comme Taïwan), régions productrices d'énergie et leurs corridors (comme le Sahel africain)... Afin de parvenir à un accord fructueux pour les deux parties, la seule voie possible serait celle des diviseurs territoriaux, qui pourraient commencer par le Dniepr en Ukraine, si la guerre s'arrête enfin. Cela ouvrirait la voie à une nouvelle étape: un mur de séparation qui serait érigé au fil du temps.
Cette division par la force devrait générer une division dans la Noosphère - et, à l'heure de la communication globale, c'est difficile à accepter, sans une usure préalable forte et prolongée de part et d'autre.
Les nouveaux parallèles et méridiens, là où l'Occident et l'Eurasie ont commencé à diviser le pouvoir privé et étatique, laissent des puissances régionales (mais avec la capacité de décider sur des questions globales) comme l'Arabie Saoudite, le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud comme des ponts de compréhension - des centres plus neutres - entre les parties ; si ces pays savent jouer le jeu d'une certaine neutralité.
Dans le cas de l'Arabie saoudite, de l'Inde et de l'Afrique du Sud, l'agenda traditionaliste est très apprécié (voir Narendra Modi appelant l'Inde Bharat lors du sommet du G20), de même que le pouvoir de l'État, mais ils ont tendance à coopérer avec le pouvoir privé transnational occidental, ainsi qu'avec le pouvoir étatique et privé chinois et russe.
Déclin de la valeur individualiste nihiliste - nouvel humanisme ?
Il sera nécessaire d'être attentif aux nouveaux développements, tant dans le domaine scientifique que philosophique ; comme l'indique le philosophe français Denis Collins dans l'ouvrage susmentionné, "il faut le répéter : le projet d'un nouvel humanisme n'est pas qu'un projet de société, mais aussi un projet de civilisation :
"Il faut le répéter : le projet d'ectogenèse est, dans son essence, un projet malthusianiste, c'est une nouvelle forme d'apothéose du capital. La dénaturation radicale de l'homme est sa désubjectivisation et sa transformation en matière première pour les machines ou en cyborg. Les délires de Marcela Iacub, Thierry Hoquet et Donna Haraway ne sont pas seulement des délires. D'une part, ce sont des délirants qui occupent des postes académiques importants et, d'autre part, ces "délires" sont l'expression de la rationalité du mode de production capitaliste qui, dans son mouvement incessant, ne doit rien laisser de sacré (...). Si nous croyons que les idées philosophiques sont aussi un champ de bataille (Kampfplatz, comme disait Kant), alors nous devons mener une critique exhaustive, systématique et raisonnée du progressisme et de ses fondements insidieux, dont le positivisme. Dans cette bataille, les humanistes, ceux qui croient que l'homme est un Dieu pour l'homme, comme le disait Spinoza, se retrouveront du même côté de la tranchée, face à ces matérialistes de pacotille et à leurs amis déconstructivistes".
Après cette discussion philosophique, nous pouvons constater que le pouvoir occidental a atteint sa limite d'expansion et que ses précieuses réalisations rationalistes, qui ont transcendé l'impulsion spirituelle de la Renaissance, au siècle des Lumières, en raison de la nécessité d'activer le pouvoir rationnel de l'être humain contre la superstition irrationnelle, ont atteint leur moment d'entropie - à la fin du 20ème siècle (où le nihilisme individualiste a pris forme). Ce nihilisme ne permettait pas une vision plus large et plus transcendante. En pratique, il a empêché la philosophie rationnelle de renouer avec la source spirituelle dont elle émane. Cependant, de nombreux hommes de science et de lettres pensent qu'il est nécessaire de déconnecter les deux : laisser le transcendant de la rationalité ouvrir les stimuli du chemin évolutif, en laissant le transcendant spirituel en dehors de l'équation qui programmera la future "société idéale".
Nous voyons ainsi, en suivant cet élan progressiste stellaire, comment le philosophe israélien Yuval Noah Harari ouvre la possibilité que les êtres humains génétiquement améliorés, grâce aux progrès scientifiques et technologiques, deviennent le centre d'intérêt de la nouvelle pensée. La possibilité de manipuler nos esprits et nos corps grâce à ces avancées, d'améliorer l'espèce jusqu'à la transcender. Un progressisme technologique très favorable à la vision rationaliste occidentale de l'être humain comme un "être organique" à améliorer. Jusqu'à ce que nous atteignions le transhumain - par libre choix évolutif.
Des déclarations telles que : "La nouvelle base est le flux de données dans le monde, au point de changer même la compréhension de ce qu'est un organisme, de ce qu'est un être humain ; l'être humain n'est plus ce moi magique, autonome, avec un libre arbitre et capable de prendre des décisions sur le monde. Désormais, l'être humain, comme tous les autres organismes, n'est rien d'autre qu'un système de traitement de l'information qui circule sans cesse". Harari se situe dans le champ rationaliste mécaniste et matérialiste dans lequel s'inscrit le processus historique d'évolution de l'Occident, mais il est très éloigné des conceptions historiques et dynamiques héritées de l'Orient et qui y prévalent encore. C'est pourquoi le fossé tend à se creuser au fil du temps.
Des thèmes tels que l'identité sexuelle, qui semblent si attrayants pour Harari, sont considérés comme un signe de l'entropie sociale occidentale en Orient. "Je suis en train de lire un livre qui traite des nouvelles théories sur les personnes transgenres, les personnes non binaires et tout le reste. Le livre que j'ai lu juste avant portait sur les débuts du christianisme. Je suis frappée par la similitude des deux sujets. Une grande partie du débat actuel sur le genre ressemble étrangement à ce que les premiers chrétiens discutaient de la nature de Jésus-Christ et de la Trinité. Leur question était, en substance, de savoir si Jésus-Christ était une personne non binaire. Jésus-Christ était-il divin, humain, ou divin et humain, ou ni divin ni humain? J'y vois des échos de nombreux débats actuels sur la nature de l'être humain et de la personne. Pouvons-nous être l'un et l'autre? Pouvons-nous seulement en être un? Et si l'autre personne ne pense pas comme moi, alors c'est un hérétique. En réalité, les héros des premiers chrétiens étaient des martyrs et des moines ascétiques, comme le célèbre Simon, qui a passé des années au sommet d'une colonne. Ils ont exploré les limites du corps humain avec les moyens dont ils disposaient. Aujourd'hui, avec les questions de genre, nous posons davantage de questions sur ce que nous pouvons faire de notre corps, si nous pouvons le modifier de telle ou telle manière". Cette réflexion de Yuval Harari est dépourvue de toute signification ontologique pour la pensée fondamentale de l'Orient.
Une tendance progressive vers une approche rationnelle supprime en quelque sorte l'intervention du surhomme "transcendantal" (que les Orientaux affectionnent tant) dans les processus naturels et le sens de la vie. Ce faisant, l'Orient élimine la raison de l'esprit.
Même si des groupes comme Eranos, dans leur travail conscient, ont ouvert le chemin de l'unité entre la science et la spiritualité depuis l'Europe du progrès, il semble (parce qu'il n'y a pas un virage très profond en Occident) que cette nouvelle feuille de route sera utilisée par le nouveau centre civilisationnel oriental en cours, tandis que l'Occident préfère continuer à plonger dans ce nouveau rationalisme technotronique, à la recherche de cette société dont l'ancien conseiller des présidents américains Carter et Clinton, Zbigniew Brzezinski, a rêvé un jour.
Cependant, à l'époque, Brzezinski comptait sur la puissance militaire, économique et culturelle unilatérale et unique de l'Occident, incarnée par la suprématie totale des États-Unis, comme il l'a montré lors de la présentation de son livre "La grande partie d'échecs" au jeune Alexandre Douguine. Le jeune philosophe russe de l'époque a dû regarder avec stupéfaction le jeu théorique à deux (les échecs) se transformer en un jeu où un seul joueur déplace les pièces de part et d'autre de l'échiquier.
Cependant, depuis la crise systématique de 2007-2008, ce pouvoir total a commencé à décliner et est aujourd'hui très contesté.
L'Est s'organise à l'opposé de cette vision de la "destinée manifeste" unipolaire (qui puise aux sources universalistes médiévales du Pape Sylvestre II et du Seigneur du Saint Empire Othon III - planificateurs d'une puissance mondiale unique). Dans cet affrontement Est-Ouest, la tentative de réaliser un nouveau monde multipolaire naît comme le vecteur d'une nouvelle philosophie humaniste transcendantale. Une philosophie qui organise utopiquement, plus lentement, à l'horizon du futur (à partir du présent ouvrage) l'inévitable communion entre l'intelligence artificielle et l'intelligence humaine. Dans un lieu où la tradition, la racine collective, est la coupe dans laquelle inclure le progrès technologique et le modèle social de l'État.
Harari ne cache pas son idée d'un être humain en voie d'obsolescence, qui doit se transcender, mais d'une manière qui s'améliore avec les avancées technologiques : "Je pense que la raison pour laquelle les débats sur les personnes transgenres, les personnes non binaires et tout le reste génèrent tant de chaleur est que les gens ont peut-être le sentiment subconscient que les débats de l'avenir porteront sur ce que nous pouvons faire avec le corps et le cerveau humains ; comment nous pouvons les redessiner, comment nous pouvons les modifier. La première réalité pratique que nous rencontrons avec ces questions est celle du genre. On peut dire que les gens sont intolérants et très sensibles lorsqu'il s'agit de sexe et de genre, mais je pense qu'ils savent inconsciemment qu'il s'agit du premier débat sur le transhumanisme. Il s'agit de savoir ce que nous pouvons faire avec la technologie pour transformer le corps, le cerveau et l'esprit des êtres humains. Cette idée transhumaniste est quelque peu inacceptable pour la vision orientale du monde. C'est pourquoi l'Occident est considéré par ses élites culturelles comme décadent.
L'Orient commence donc à assimiler son rôle de modificateur de l'impulsion entropique d'un Occident en chute libre (devenu matériel). Une nouvelle orientation, plus conservatrice, face aux défis environnementaux, scientifiques et technologiques actuels émerge de l'intérieur. Reconnecter les racines des peuples avec les problèmes à résoudre à notre époque et les complexités héritées du passé. Ordonner plus lentement l'impulsion créatrice : s'adapter à ces temps de planification, de la racine commune traditionnelle de la société à l'impulsion impétueuse nécessaire du progrès.
C'est peut-être la mission de l'Orient de guider et celle de l'Occident d'impulser.
Tous deux forment une polarité parfaite, dont nous n'avons pas encore su (par ignorance) tirer suffisamment parti pour créer une plus grande harmonie et une meilleure humanité. Une ignorance collective qui crée la confrontation et favorise la prise de pouvoir d'un pôle sur l'autre, selon le cycle. L'Occident ouvre la voie du progrès - une graine sur le chemin. L'Orient conserve cet élan - il génère le moule pour créer la nouvelle forme. Est-ce là le mystère à découvrir ? L'hémisphère nord plus rigoureux - masculin - la volonté en action ; l'hémisphère sud plus aimant - féminin - la sagesse dans la sauvegarde du concept fonctionnel ? S'agit-il d'un autre mystère, plus grand, qui complète le précédent ? Nous n'en sommes pas encore sûrs !
La mort comme transcendance - L'immortalité comme transcendance
La tradition orientale et le point de vue traditionaliste occidental (aujourd'hui minoritaire en Occident) considèrent la mort comme quelque chose de transcendant: une chose à laquelle il faut se préparer à l'avance. Avec son côté léger de retour à la "maison du Père" pour les chrétiens ou de retour au "palais du roi" pour les juifs, le retour à l'Orient éternel, avec différentes perceptions allant de la réincarnation et de l'idée de karma à l'évolution et à la transformation naturelles sur différents plans ou à la réunion avec l'essence (du Tao). Mais toutes donnent à la mort un sens profond et mystérieux, comme l'antichambre d'un plan plus transcendantal.
Le progressisme occidental (dominant dans nos sociétés) commence à se concrétiser dans certaines visions philosophiques, comme l'"Accélérationnisme" ; la prise de conscience de la possibilité de transcender la mort elle-même, grâce aux développements scientifiques et technologiques qui ouvrent la porte à ce processus.
En 1967, l'écrivain Roger Zelazny a publié "Le seigneur de la lumière". Un roman qui, bien que plongeant dans les traditions hindoues orientales, spéculait sur la possibilité d'une transformation abrupte de la réalité humaine. De nos jours, cette transformation, dans une perspective "accélérationniste", va au-delà du concept de la mort elle-même, de sorte que notre développement puisse enfin la dépasser.
Dans une récente interview, l'ancien ingénieur de Google Ray Kurzweil a déclaré que les êtres humains pourraient atteindre l'immortalité grâce à la profonde révolution de la recherche dans des domaines tels que les nanotechnologies, la génétique et la robotique.
Ce sont précisément les "accélérationnistes" qui pensent qu'il faut donner un coup de pouce au modèle capitaliste mondialisé, notamment dans des domaines tels que l'automatisation, en vue d'une fusion rapide entre l'être humain et l'intelligence artificielle. Cela ne sera possible qu'avec une réduction drastique de l'État et une déréglementation des marchés. C'est le seul moyen d'orienter nos sociétés en crise profonde vers une solution unique, grâce à un saut évolutif qu'elles estiment très précis. Le temps appelle cette direction et, selon cette philosophie, il semble qu'il n'y ait pas d'autre voie. Mais l'Orient a d'autres voies.
Ce sont ces perceptions post-modernes et technocratiques du monde qui blessent l'âme la plus conservatrice de l'Orient. Elles effraient ses dirigeants politiques actuels, ses élites spirituelles et philosophiques et creusent un fossé de plus en plus infranchissable entre les modèles de civilisation oriental et occidental. Un fossé qui divise la vision ontologique des deux mondes. Dans ce partage des eaux, le traditionalisme socialiste, la droite conservatrice traditionnelle, l'"environnementalisme" qui défend les racines des peuples et leur connectivité, et même le nouveau populisme émancipateur africain (dans la lutte contre la néo-colonisation) ont commencé à créer une unité autour de l'ennemi commun, le changement de la géopolitique au niveau mondial. Dépasser la vieille dichotomie gauche-droite. Cet ennemi, c'est précisément le progressisme occidental, qu'ils considèrent comme tellement accéléré qu'il ne peut que conduire à l'autodestruction de l'humanité elle-même.
En Occident, cette lutte à l'Est et dans certaines parties du "Global South" (notamment en Afrique) trouve des alliés dans un traditionalisme européen (en perte de vitesse constante) qui devient en quelque sorte la nouvelle résistance à la dynamique progressiste et mondialiste de l'Occident collectif.
C'est pourquoi il n'est pas étrange de voir de vieux ennemis comme la droite traditionaliste et la gauche traditionaliste unir leurs forces, très lentement, contre un ennemi commun. Nous voyons des opposés avec des discours similaires. Du côté plus alarmiste du conservatisme chrétien traditionaliste, le discours de Monseigneur Viganó est en phase avec celui de l'ancien président chiite de l'Iran, Mahmoud Ahmadinejad. Alors que Viganó voit dans ce progressisme accéléré l'"Antéchrist", Almadinejad y voit le "Nouveau Satan"...
Et ce clivage, même dans ses positions les plus modérées, ne cesse de s'élargir et de déteindre sur tous les domaines de notre réalité sociale.
C'est pourquoi il est impossible, aujourd'hui, de faire un diagnostic correct de notre réalité à partir de la vieille dichotomie conservateurs-progressistes. Sans même essayer de l'assimiler à l'universalisme récurrent qu'est l'isolationnisme.
Étant donné que dans le traditionalisme oriental, qui s'éloigne du progressisme occidental et commence à le combattre, il y a une idée d'universalisme qui va de pair avec la formulation de Guénon d'une essence qui unifie toutes les traditions. Mais il y a aussi la nécessité pour chaque tradition de suivre son propre chemin jusqu'à ce qu'une rencontre fructueuse ait lieu au moment opportun de l'histoire. C'est pourquoi l'Orient considère que l'accélération du processus, le passage d'une tradition à l'autre, ne respecte pas leurs propres cycles naturels de maturation et est donc en soi entropique. Et s'éloigner de cette racine spirituelle commune des peuples (perçue comme transcendante) est totalement inacceptable
Ainsi, dans toute cette confrontation, au milieu de ce carrefour des cycles évolutifs humains - société - révolution scientifico-technologique, se trouve la voie dissidente entre l'"Occident collectif" et l'Est/une partie du "Sud global", conduisant à la détermination d'un nouveau modèle multipolaire, qui se cristallisera progressivement, et qui sera finalement ce qui véhicule ce choc avec le "modèle unilatéral occidental globalisant".
Le nouveau modèle
Curieusement, ce nouveau modèle oriental, étendu au "Global South", tronqué dans ce choc, sera spirituellement le bâtisseur du nouvel égrégore de l'œcuménisme spirituel eschatologique - dans la nouvelle philosophie anti-transhumaniste - au sein d'un nouveau modèle économique politique socialiste conservateur - traditionaliste (avec le soutien du pouvoir privé au service de l'État) - et culturellement anti-Woke.
Même si, dans un premier temps, compte tenu de l'ampleur de la transaction en cours - et des tensions cachées et manifestes - et même en tenant compte de la faible évolution des sociétés actuelles, tout va dans le sens que, même si le modèle oriental est supplanté par le modèle occidental, le pouvoir autocratique se renforcera toujours en temps de crise. Ainsi, on voit comment la Chine du libéralisme philosophique libertaire de Liu Junning s'efface devant le confucianisme autoritaire de Jiang Qing. Alors que son élite dirigeante conserve ses racines taoïstes, dépassant les polarités sociales, mais privilégiant certaines formes de cohésion culturelle, plus d'ordre et de rigueur collective que de libération de l'individu par rapport à la collectivité.
Mais la flexibilité est également nécessaire à ce pouvoir chinois, car elle est comprise comme la base de tout changement, et le changement est continu. Ainsi, l'élite dirigeante laisse toujours une marge de manœuvre à la base, hors du contrôle du sommet, ce qui donne au peuple le sentiment d'une certaine liberté.
C'est là que réside le succès ou l'échec de la montée du facteur humain en Chine, qui doit accompagner le grand développement matériel qui a hanté le monde ces dernières années.
Malgré son développement industriel, technologique et scientifique, la Chine conserve sa vision organique de la réalité. Sa flexibilité est orientée vers l'intégration des contraires, dépassant la vision manichéenne du bien et du mal. Au-delà de notre pensée occidentale, inerte et tournant en rond, la pensée chinoise (qui a les pieds bien ancrés dans le monde des émotions) est beaucoup plus subtile, fraîche et directe : plus symbolique que littérale. Soutenue par un effort précis, sans forcer : elle suit le cours de la loi naturelle du flux.
Cette vision chinoise peut, malgré les apparences, être reliée à la vision chiite iranienne de la perfection cosmologique ; car le naturel de la voie du Tao a cette universalité implicite. C'est pourquoi la perception iranienne des réalités du passé et du futur présentes, sous forme d'exemple ou de germe dans l'ici et maintenant, peut se rattacher à cette interprétation symbolique, très présente dans la philosophie chinoise, en dehors du sens de la linéarité rationnelle occidentale
Des perceptions du monde qui sont également liées à la vision messianique russe, alliée à l'attente iranienne du Mahdi ou Mesiah ; sa figure se dilue dans la réalité spirituelle comme un guide précis dans le comportement des croyants dans la vie. Et ces chemins, à travers divers raccourcis, convergent vers la nécessité d'une attitude éthique face aux épreuves du destin.
La réalité cyclique des temps est un autre lien dans la vision orientale du monde, tandis que l'idée chiite que la justice doit être rétablie, en surmontant l'injustice historique qui les a condamnés, est évidemment liée au sentiment africain de la nécessité de rétablir la justice après la période actuelle de néo-colonisation et de la nécessité de reprendre la souveraineté, comme étape préalable au rétablissement du pouvoir des Africains sur leur continent. Les racines de l'Afrique peuvent s'unir aux racines de l'Asie et à une Russie qui a définitivement abandonné son désir d'être acceptée par l'Europe.
Et cela peut constituer une base concrète pour créer une nouvelle vision de ce nouveau monde multipolaire, qui peine aujourd'hui à donner naissance à son nouveau-né en période de crise systémique. Et comme toujours dans l'histoire, ce nouveau centre, s'il se réalise, développera une nouvelle voie civilisationnelle avec ses lumières et ses ombres.
Des mouvements de pendule dans la noosphère jusqu'à ce que l'humanité atteigne un tonus évolutif capable d'équilibrer les différentes polarités, afin que l'énergie vitale puisse enfin prendre forme dans une conscience de vie plus élargie et amplifiée.
Les Orientaux saisiront cette opportunité, car ils connaissent la pensée de Lao Tse :
"Il y a un temps pour vivre et un temps pour mourir, mais il ne faut jamais refuser le moment présent.
Source : https://novaresistencia.org
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samedi, 11 novembre 2023
Sans mythes...
Sans mythes...
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/senza-miti/
Georges Dumézil disait qu'un peuple sans mythes est un peuple déjà mort.
Car les mythes, ou plutôt les récits, sont ce qui se transmet. Per saecula saeculorum. À travers les générations. Ils sont donc la Tradition. Qui n'est pas un corpus de doctrines abstraites. De vieux livres et de vêtements rituels dont le sens a été perdu. Ce ne sont plus que des mascarades pour peintres enrichis en quête de rédemption sociale et hygiénistes dentaires aux ambitions ésotériques.
La tradition, ce sont les racines. Des racines qui s'enfoncent dans la terre. Dans son nòmos, pourrait-on dire en citant l'œuvre majeure de Carl Schmitt. Et le nòmos, c'est la loi. Celle qui n'est pas écrite. Qui n'a pas besoin d'être écrite, ni de juges, ni d'avocats. C'est la loi qui parle au cœur des hommes, parce que c'est là qu'elle se fonde.
Et le langage du nòmos, ou plutôt la manière dont il parle, c'est précisément le mythe.
Et les mythes sont tout sauf des fables, simplifiées pour des esprits primitifs. Au contraire, c'est l'absence de mythes qui révèle une pauvreté d'esprit.
Les exemples de cet appauvrissement sont constamment sous nos yeux. Il suffit de penser à ces "traditions chrétiennes" qui font partie de notre histoire. Et une part importante. En fait, fondamentale. Étant donné que même un laïc (et bouffeur de prêtres en colère) comme Don Benedetto Croce est allé jusqu'à déclarer que "nous ne pouvons pas ne pas nous appeler chrétiens".
Bien sûr, il ne posait pas la question de la foi, mais celle des récits, des mythes qui innervent notre culture.
Et qui, aujourd'hui, sont de plus en plus abjurés. Voire moqués.
L'université importante (selon son jugement incontestable et autoréférentiel) qui décide de remplacer Noël par une "fête de l'hiver" plus générique... le curé progressiste qui nous invite à ne pas faire la crèche pour ne pas offenser ceux qui appartiennent à d'autres religions (et qui, soit dit en passant, n'ont jamais rêvé d'être offensés)... l'opposition désormais de plus en plus répandue des chefs d'établissement scolaire à tout symbole de Noël, ne sont que ce qui émerge d'une perte de mythes beaucoup plus profonde et radicale.
De tous les mythes, chrétiens et "païens", qui constituent la trame de notre culture. La référence de notre civilisation. Et qui, aujourd'hui, ont été remplacés par une conception de l'existence purement économiste, mais aussi (même si c'est banal de le dire) consumériste.
Notre société est moribonde. En fait, elle est morte depuis longtemps. Et notre peuple, une sorte de zombie sans mémoire culturelle. Facile à manipuler et à contrôler par des sorciers vaudous plus ou moins improvisés. Et par de mauvaises imitations de Baròn Samedi.
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vendredi, 03 novembre 2023
Ludi plebeii (4-19 novembre)
Ludi plebeii (4-19 novembre)
Source: https://www.romanoimpero.com/2019/11/ludi-plebei-4-19-novembre.html
"Chaque manifestation de la vie, tant publique que privée, était à Rome étroitement liée aux idées religieuses : de la naissance du citoyen à son éducation, à son entrée dans la vie publique, à son mariage, à l'accomplissement de tout devoir civil et militaire, jusqu'à la clôture de son cycle mortel, et même au-delà, dans la tombe, avec le profond sentiment religieux qui l'entourait et la protégeait, la maintenant à travers les âges, comme un avertissement perpétuel aux descendants et aux concitoyens : le véritable monument, qui "monet", dans le sens latin le plus propre du terme. C'est ainsi que les manifestations les plus anciennes de l'éducation physique à Rome nous apparaissent intimement liées au double objectif de l'entraînement à la guerre et de l'expression du culte aux divinités de la patrie, ce dernier étant une condition préalable essentielle du premier" (GIUSEPPE MARCHETTI LONGHI - Ludi et cirques dans la Rome antique).
Les Ludi Plebei étaient une série de fêtes religieuses romaines qui se déroulaient du 4 au 17 novembre, puis du 18 au 19 novembre. Comme tous les jeux (ludi), ils comprenaient à la fois des représentations théâtrales (ludi scaenici) et des compétitions athlétiques. Les édiles de la plèbe étaient responsables de ces jeux qui se déroulaient dans le Cirque Flaminius, une exception car la plupart des jeux se déroulaient dans le Cirque Maxime.
Les Ludi Plebei ont été instituées par et pour les plébéiens, afin qu'elles puissent être célébrées parmi les gens du peuple, sans être datées par le calendrier officiel. Ce fut le cas jusqu'à ce que les plébéiens obtiennent de plus grands pouvoirs et qu'ils deviennent officiels.
COURSES DE CHARS
Au cours de l'événement, des courses de chars étaient également organisées :
- le 13 novembre (Idibus Novembribus), la fête de Jupiter (Epulum Iovis).
- le 14 novembre, un défilé des équites avec les honneurs militaires accrochés aux armures de parade.
- Une procession semblable aux Ludi Romani en général, avec les Flamines qui sacrifient des taureaux, mais aussi des porcs et des moutons.
- Du 15 au 17 novembre, des courses de chars, mais aussi de chevaux individuels avec des jockeys dans une sorte de "palio".
- Les 18 et 19 novembre (ante diem quartum decimum Kalendas Decembres et ante diem tertium decimum Kalendas Decembres), des fêtes étaient célébrées à la fin des Ludi Plebei. Des marchés et des foires s'y tenaient certainement pour acheter ou vendre des marchandises à la fin des Ludi Plebei.
Naturellement, ils comprenaient non seulement la procession (où les femmes, mais pas seulement, défilaient avec les plus belles robes) mais aussi des spectacles, et pas seulement des danses et des compétitions athlétiques, car c'est là que Plaute a présenté pour la première fois sa comédie Stichus lors des jeux plébéiens de 200 av. Tite-Live note que les ludi ont été répétés trois fois en 216 avant J.-C., en raison d'une erreur rituelle (vitium) qui a interrompu le bon déroulement des jeux.
LE CIRQUE FLAMINIUS
Le cirque Flaminius, situé dans la partie la plus méridionale du Champ de Mars, près des rives du Tibre, a été construit par le censeur plébéien Gaius Flaminius Nepot (celui-là même qui a fait construire la Via Flaminia) en 221 avant J.-C., en 220 avant J.-C., et les premiers jeux publics ont été institués la même année, mais Cicéron pensait qu'il s'agissait des plus anciens ludi de Rome, donc bien antérieurs (5ème-4ème siècle avant J.-C.).
Le cirque était circulaire, mais même s'il ne disposait pas d'une piste spéciale pour les courses de chars, il n'aurait pas été difficile d'en préparer une à travers des barrières en bois, pour les prisons et la colonne vertébrale centrale. Dans les premiers temps, il mesurait 500 mètres de long et occupait une grande partie des terres Flamini sur lesquelles il était construit. Le cirque n'avait pas de sièges ni d'installations permanentes.
Mais son terrain était si tentant pour les promoteurs qu'au 2ème siècle avant J.-C., l'espace fut réduit pour la construction de bâtiments et de monuments jusqu'à ce qu'au 3ème siècle après J.-C., il ne reste du cirque qu'une place de 300 mètres de long où se déroulaient les Ludi (jeux publics).
La zone était parfois utilisée comme lieu d'assemblée et même comme marché. En 2 av. J.-C., le cirque fut transformé en un immense bassin destiné à accueillir 36 crocodiles, qui furent tués lors des célébrations de l'inauguration du Forum d'Auguste, et en 9 ap. J.-C., Auguste décerna la Laudatio à Drusus dans cet espace.
SUR LES COURSES DE CHARS
Strabon n'en fait pas mention lorsqu'il évoque le cirque Flaminius. Valerius Maximus affirme que les Ludi Plebeii (jeux de la plèbe) s'y déroulaient, mais d'autres sources le démentent. Titus Livius et Marcus Terentius Varro mentionnent que certains jeux se déroulaient à l'intérieur du cirque, comme les Ludii Taurii, organisés en l'honneur des dieux des enfers, qui ne se déroulaient que dans le Circus Flaminius, car ils étaient liés à l'espace et c'est là que se déroulaient les courses de chevaux et non de chars, mais avec un seul jockey, comme dans les enjeux médiévaux.
Naturellement, les paris et les déjeuners somptueux avec des démonstrations immodérées de la part des plébéiens et des affranchis fleurissaient, avec une telle ostentation qu'en 161 avant J.-C., le consul Gaius Fannio Strabo proposa la loi, qu'il appela Lex Fannia, qui fixait à 100 as le plafond des dépenses pour les déjeuners organisés à cette occasion.
Autour du cirque Flaminius, plusieurs édifices ont vu le jour :
- Le temple de la Piété, près du Forum Holitorium (photo), à côté du temple de Janus, détruit lors de la construction du théâtre de Marcellus.
- Le temple de Mars, au nord-ouest du cirque.
- Le temple de Jupiter Stator (érigé par Quintus Caecilius Metellus Macedonianus)
- Six autres temples, dont le temple d'Apollon, se trouvaient à proximité en 220 av. J.C.
- Une statue dédiée à Divus Augustus a été érigée en l'an 15 par Gaius Norbanus Flaccus sur la place. - Le portique d'Octavie, reconstruit sur l'ancien Porticus Metelli.
- Le temple de Junon Regina (érigé par le censeur M. Aemilius Lepidus en 179 av. J.C.).
- À l'est s'élevait le théâtre de Marcellus, construit entre 45 et 17 avant J.-C., qui occupait une grande partie du cirque.
L'un des trois arcs de triomphe, érigés en l'honneur de Germanicus, servait d'entrée à la place. La zone a été abandonnée vers la fin du IVe siècle, en même temps que les bâtiments qui s'y trouvaient.
L'ancienne zone occupée par le cirque se situait entre les actuelles Via del Teatro di Marcello, Piazza Cairoli, Via del Portico di Ottavia et les rives du Tibre, entre l'actuelle synagogue et le quartier juif.
BIBLIOGRAPHIE:
- Eutropius - Breviarium ab Urbe condita
- Giuseppe Marchetti Longhi - Ludi et cirques dans la Rome antique
- G. Marchetti Longhi - Circus Flaminius - Notes sur la topographie de la Rome antique et médiévale
- Daniel P. Harmon - The Religious Significance of Games in the Roman Age - in The Archaeology of the Olympics - University of Wisconsin Press - 1988
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jeudi, 02 novembre 2023
Apulée et la « reine du Ciel »
Apulée et la « reine du Ciel »
Nicolas Bonnal
La royauté et la suprématie de la Femme dans le Graal ont toujours possédé une dimension ésotérique. Les origines païennes – au sens éminemment traditionnel du terme – sont bien établies et elles sont liées aux religions à mystères liées aux deux grandes déesses de l’Antiquité, Aphrodite-vénus et Cérès-Déméter. Aucun texte n’est plus instructif ni inspirateur que l’Âne d’or d’Apulée, dans lequel nos écrivains du Graal ont puisé à foison. C’est Evola qui nous a donné l’idée de nous y référer férocement (dans notre Chevalerie hyperboréenne), dans sa préface du Mythe du Graal.
Voici comment Lucius apostrophe sa bien-aimée déesse, parée comme nos dames de toutes forces et vertus, déesse omniprésente à laquelle tous se réfèrent sans parfois le savoir. Le paganisme œcuménique s’en donne ici à cœur joie, à science profuse :
« Reine des cieux, qui que tu sois, bienfaisante Cérès, mère des moissons, inventrice du labourage, qui, joyeuse d’avoir retrouvé ta fille, instruisis l’homme à remplacer les sauvages banquets du vieux gland par une plus douce nourriture ; toi qui protèges les guérets d’Éleusis ; Vénus céleste, qui, dès les premiers jours du monde, donnas l’être à l’Amour pour faire cesser l’antagonisme des deux sexes, et perpétuer par la génération l’existence de la race humaine ; toi qui te plais à habiter le temple insulaire de Paphos, chaste sœur de Phébus, dont la secourable assistance au travail de l’enfantement a peuplé le vaste univers ; divinité qu’on adore dans le magnifique sanctuaire d’Éphèse ; redoutable Proserpine, au nocturne hurlement, qui, sous ta triple forme, tiens les ombres dans l’obéissance ; geôlière des prisons souterraines du globe ; toi qui parcours en souveraine tant de bois sacrés, divinité aux cent cultes divers, ô toi dont les pudiques rayons arpentent les murs de nos villes, et pénètrent d’une rosée féconde nos joyeux sillons ; qui nous consoles de l’absence du soleil en nous dispensant ta pâle lumière ; sous quelque nom, dans quelque rit, sous quelques traits qu’il faille t’invoquer, daigne m’assister dans ma détresse, affermis ma fortune chancelante. »
Ensuite la sage déesse révèle ses noms :
« Dans les trois langues de Sicile, j’ai nom Proserpine Stygienne, Cérès Antique à Éleusis. Les uns m’invoquent sous celui de Junon, les autres sous celui de Bellone. Je suis Hécate ici, là je suis Rhamnusie. Mais les peuples d’Éthiopie, de l’Ariane et de l’antique et docte Égypte, contrées que le soleil favorise de ses rayons naissants, seuls me rendent mon culte propre, et me donnent mon vrai nom de déesse Isis. »
Parmi ses attributs, on distingue vases et amphores – comme dans nos légendes du Graal :
« La déesse tenait dans ses mains différents attributs. Dans sa droite était un sistre (petit instrument) d’airain, dont la lame étroite et courbée en forme de baudrier était traversée de trois petites baguettes, qui, touchées d’un même coup, rendaient un tintement aigu. De sa main gauche pendait un vase d’or en forme de gondole, dont l’anse, à la partie saillante, était surmontée d’un aspic à la tête droite, au cou démesurément gonflé (…)
Ce dernier portait aussi du lait dans un petit vase d’or arrondi en forme de mamelle, et il en faisait des libations. Un cinquième était chargé d’un van d’or, rempli de petits rameaux du même métal. Enfin, un dernier marchait présentant une amphore. »
On retrouve chez Apulée les miroirs omniprésents dans nos contes (ils accompagnent les cortèges de Vénus) et aussi le peigne de Guenièvre que recueille Lancelot, précieux talisman nimbé de cheveux d’or :
« D’autres avaient suspendus sur le dos des miroirs tournés vers la déesse, afin qu’elle pût avoir la perspective du train dévot qui la suivait. Quelques-unes, tenant en main des peignes d’ivoire, simulaient, par les mouvements du bras et des doigts, des soins donnés à la royale chevelure. »
Revoyez Fort Apache de John Ford dans cette perspective, quand Shirley Temple mire par son miroir le train de cavaliers qui suit son carrosse.
Le peigne et le cheveu d’or se retrouvent chez Chrétien. C’est présent chez Homère. Eliade les analyse dans Méphistophélès et l’androgyne (Chant VIII de l’Iliade, sur la chaîne d’or de Zeus-Pater).
Apulée n’est pas sceptique (même crétinisme pour évoquer Omar Khayyâm) et il voit ce dont il parle (comme Chrétien ou Wolfram, quoiqu’en disent les commentateurs plus informés que les génies colporteurs de ces contes) :
« On voyait, en outre, un concours nombreux de personnes des deux sexes, munies de lanternes, de torches, de bougies et autres luminaires, par forme d’hommage symbolique au principe générateur des corps célestes. »
La puissance vertigineuse du symbolisme dépasse alors toute représentation ; et comme le dit notre génial auteur antique :
« Un autre serrait dans ses bras fortunés l’effigie vénérable de la toute puissante déesse : effigie qui n’a rien de l’oiseau, ni du quadrupède domestique ou sauvage, et ne ressemble pas davantage à l’homme ; mais vénérable par son étrangeté même, et qui caractérise ingénieusement le mysticisme profond et le secret inviolable dont s’entoure cette religion auguste. L’or le plus brillant en compose la substance ; et quant à sa forme, la voici : c’est une petite urne à base circulaire, dont le galbe légèrement renflé développe à l’extérieur un de ces mythes propres aux Égyptiens. »
Le vessel (vase et vaisseau) du Graal est aussi présent ici. Nous avons vu les amphores, les urnes, l’or, les oiseaux, les mythes égyptiens. Voici la nef sacrée de Robert de Boron dotée du pin imputrescible (cher aussi à Ovide et au Locus Amoenus) et du cygne de Lohengrin !
« Le grand prêtre s’approche d’un vaisseau de construction merveilleuse, dont l’extérieur était peint sur toutes les faces de ces signes mystérieux adoptés par les Égyptiens ; il le purifie, dans les formes, avec une torche allumée, un œuf et du soufre ; et l’ayant ensuite nommé, il le consacre à la déesse. Sur la blanche voile du fortuné navire se lisaient des caractères, dont le sens était un vœu pour la prospérité du commerce maritime renaissant avec la saison nouvelle.
Le mât se dresse alors. C’était un pin d’une parfaite rondeur, du plus beau luisant, et d’une hauteur prodigieuse, dont la hune surtout attirait les regards. La poupe, au cou de cygne recourbé, était revêtue de lames étincelantes ; et la carène, construite entièrement de bois de citronnier du plus beau poli, faisait plaisir à voir. »
Apulée joue diligemment avec le symbolisme animaux-dragons, griffons hyperboréens :
« Je me montrais chamarré, sous tous les aspects de figures d’animaux de toutes couleurs. Ici, c’étaient les dragons de l’Inde ; là, les griffons hyperboréens, animaux d’un autre monde et pourvus d’ailes comme les oiseaux. Les prêtres donnent à ce vêtement le nom d’étole olympique. Ma main droite tenait une torche allumée ; mon front était ceint d’une belle couronne de palmier blanc, dont les feuilles dressées semblaient autant de rayons lumineux. »
C’est que dans le symbolisme les palmes signifient la récompense et l’initiation.
Puis Lucius se remet à prier sa Dame, pardon sa Déesse :
« Divinité sainte, source éternelle de salut, protectrice adorable des mortels, qui leur prodigues dans leurs maux l’affection d’une tendre mère ; pas un jour, pas une nuit, pas un moment ne s’écoule qui ne soit marqué par un de tes bienfaits. Sur la terre, sur la mer, toujours tu es là pour nous sauver ; pour nous tendre, au milieu des tourmentes de la vie, une main secourable ; pour débrouiller la trame inextricable des destins, calmer les tempêtes de la Fortune, et conjurer la maligne influence des constellations. »
La machinerie cosmique nous est alors dévoilée. C’est que la souveraine du ciel fait fonctionner la terre :
« Vénérée dans le ciel, respectée aux enfers, par toi le globe tourne, le soleil éclaire, l’univers est régi, l’enfer contenu. À ta voix, les sphères se meuvent, les siècles se succèdent, les immortels se réjouissent, les éléments se coordonnent. »
Vénérée dans le Ciel. Apulée écrit en latin Regina Coeli, Reine du ciel des traditions chrétiennes.
La domination de la reine du monde s’applique au domaine aérien et à la terre :
« Un signe de toi fait souffler les vents, gonfler les nuées, germer les semences, éclore les germes. Ta majesté est redoutable à l’oiseau volant dans les airs, à la bête sauvage errant sur les montagnes, au serpent caché dans le creux de la terre, au monstre marin plongeant dans l’abîme sans fond. »
Enfin un simple rappel : le chant des oiseaux accompagne naturellement la déesse de l’Amour et son train initiatique et sensuel. Ce char cosmique (voyez l’analyse de Guénon dans sa Science sacrée) est conçu comme le bouclier d’Enée par l’ignipotens Vulcain et il marque un enseignement profond. Les colombes sont ici les vahana (véhicules divins de la « mythologie » hindoue) de la déesse :
« Cependant Vénus, qui a épuisé tous les moyens d’investigation sur terre, en va demander au ciel. Elle ordonne qu’on attelle son char d’or, œuvre merveilleuse de l’art de Vulcain, qui lui en avait fait hommage comme présent de noces. La riche matière a diminué sous l’action de la lime ; mais, en perdant de son poids, elle a doublé de prix. De l’escadron ailé qui roucoule près de la chambre de la déesse, se détachent quatre blanches colombes ; elles s’avancent en se rengorgeant, et viennent d’un air joyeux passer d’elles-mêmes leur cou chatoyant dans un joug brillant de pierreries. Leur maîtresse monte ; elles prennent gaiement leur vol ; une nuée de passereaux folâtres gazouillent autour du char. D’autres chantres des airs, au gosier suave, annoncent, par leurs doux accents, l’arrivée de la déesse. »
Lancés ? On vous laissera persévérer !
Bibliographie essentielle :
Apulée – L’Ane d’or (XI)
Bonnal – La chevalerie hyperboréenne et le Graal
Chrétien de Troyes – Le Chevalier de la charrette
Eliade – Méphistophélès et l’androgyne
Enéide – Chant VIII
Evola – Le Mythe du Graal
Guénon – Symboles Science sacrée, XL
Homère – L’Iliade
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mercredi, 01 novembre 2023
Halloween et le diable
Halloween et le diable
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/halloween-il-diavolo/
Ponctuellement est arrivé le premier novembre. Ponctuellement, les polémiques habituelles sur Halloween ont commencé... habituelles et stériles. Parce que, de toute évidence, le monde catholique n'a pas d'autres problèmes à résoudre.
Les séminaires sont pleins à craquer. Les prêtres abondent. La foi est toujours plus forte grâce à un pape qui réaffirme et fait revivre la plus haute et la plus noble tradition catholique...
Ironie facile, pourrait-on dire... on sait que, désormais, dans les paroisses, l'office religieux est confié à des laïcs, faute de prêtres. Que les églises sont de plus en plus vides. Et les quelques fidèles aliénés par un clergé qui, depuis la Chaire de Pierre, parle de tout, d'écologie, de politique, des migrants, des goûts sexuels... sauf du Christ et de la Vie éternelle...
Une église qui a vénéré le Divin Vaquessin, qui s'apprête à supprimer les symboles de Noël pour ne pas heurter les autres religieux. Qui, d'ailleurs, n'ont jamais été offensés.
Une entreprise avec un PDG qui n'est ni très compétent, ni indépendant des... autres pouvoirs forts. Et comprenez ce que vous voulez. Dans cette phrase, il y a tout et le contraire de tout.
Inutile de tirer sur la Croix-Rouge. Mais il m'est impossible de ne pas remarquer que, chaque année, des parties du monde catholique - et des parties très différentes, des traditionalistes les plus ardents aux modernistes les plus débridés - poussent des cris d'orfraie face à l'usage de plus en plus envahissant de la célébration d'Halloween. La considérant, dans de nombreux cas, comme une véritable fête satanique. Et c'est bien étrange, puisque cette Église ne croit plus vraiment à Satan... ni à l'existence de Dieu....
Halloween est définitivement une mode américaine. Ou, du moins, c'est ainsi qu'elle est configurée aujourd'hui. Et je la trouve à peine décente, voire ridicule, si elle est célébrée par des adultes déguisés, une sorte de carnaval suspendu entre le macabre et le sexy.
J'ai cependant des doutes révérencieux sur le fait qu'il s'agisse de rites sataniques. Le Diable est, c'est bien connu, très intelligent... lisez le traité de diabolologie de Papini, ou "Tactique du Diable" (The Screwtape Letters) de C.S. Lewis et vous comprendrez... Je ne vous raconterai pas le Faust de Goethe, car ce serait trop demander...
Quoi qu'il en soit, comme il est intelligent, il se masque à tout sauf à lui-même. Tel est le Diable. C'est généralement un philanthrope, un homme bon en apparence. Comme le Drago Gerione de Dante. Et ses disciples lui ressemblent. Ils exercent le pouvoir. Ils ne se produisent pas.
Ceux qui font des ersätze d'orgie déguisés en sorcières, en zombies et autres ne sont que des porcs de province. Ils le feraient de toute façon, ils n'ont pas besoin d'Halloween. Et le diable ne s'occupe d'eux que lorsqu'il est temps pour eux de descendre en enfer.
Il y aurait ensuite quelque chose à dire sur la fête des enfants, sur la chasse aux bonbons, sur l'origine de certains symboles, sur les traditions anciennes... mais ce serait un long discours, et je le réserve pour une autre fois.
Je voudrais simplement, ici, dire une chose à mes amis catholiques. Si vous l'êtes vraiment, catholiques, vous devez toujours croire à l'existence du Diable. Et toujours vous en inquiéter. Pas seulement lorsque de joyeux enfants frappent à votre porte pour vous demander des bonbons.
Pas seulement quand vous voyez une ménagère agitée habillée en femme-chat, et un ex-commandant bedonnant des Carabinieri, habillé en squelette improbable...
Cherchez le diable ailleurs. Dans le quotidien. Chez ceux qui vous font croire qu'ils font tout - guerres, confinement si, vac cins, persécutions et autres - pour votre intérêt. Pour votre bien matériel.
Pour sauver vos précieuses vies....
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Fêtes romaines en novembre
Fêtes romaines en novembre
Source: https://www.romanoimpero.com/2016/11/novembre.html
Pour les Romains de la République, les jours réservés aux ludi étaient au nombre de 77; à l'époque impériale, ils étaient au nombre de 177: 101 jours comprenaient les ludi scéniques, 66 les ludi circenses et 10 les munera.
Sous l'empire, les Romains disposaient alors de 45 jours de feriae publicae et de 22 jours de fêtes uniques obligatoires. Ils avaient également 12 jours de ludi uniques et 103 de ludi regroupés sur plusieurs jours. En bref, près de la moitié de l'année était chômée.
Les fêtes romaines appelées "Feriae" étaient des jours de fête célébrés solennellement, car elles étaient normalement célébrées en l'honneur d'une divinité ou pour la dédicace d'un temple. Ces fêtes ont ensuite été abolies par l'édit de Thessalonique du 27 février 380, promulgué par l'empereur Théodose Ier, lorsque le christianisme est devenu la religion officielle de l'État et que tous les autres types de religion ont été abolis sous peine de mort et de confiscation des biens familiaux.
Novembre tire son nom du fait qu'il était le neuvième (novem) mois du calendrier de Romulus, et bien qu'il soit devenu le onzième mois, il a conservé son nom, qui est november en latin.
1er novembre - EPOLUM IOVIS
(Kalendis Novembribus), banquet sacré en l'honneur de Jupiter. Un banquet sacré pour une divinité, et pour cette raison le simulacre de celle-ci est placé près de la table dressée. La coutume du repas sacré remonte à la plus haute antiquité. À l'origine, il s'agissait de simples offrandes à la divinité, mais le roi Numa aurait ensuite dicté des dispositions précises, comme le rapporte Pline (N.H. 32, 10).
Selon Festus (Pollucere), on pouvait offrir à ces occasions: épeautre, polenta, vin, pain, figues sèches, viande de porc et de bœuf, d'agneau et de mouton, fromage, farine d'épeautre, sésame et huile, poisson à écailles, à l'exception du scaro.
Gellius se souvient d'un célèbre Epulum Iovis, au cours duquel Publius Cornelius Africanus et Tiberius Gracchus, assis l'un à côté de l'autre et divinement inspirés, devinrent amis alors qu'ils étaient auparavant des ennemis acharnés.
1er novembre - LUDI VICTORIAE SULLANAE
Fête instituée en mémoire de la victoire de Sulla à la Porta Collina (I novembre 82). Elles s'étendent du 27 octobre au 1er novembre. On y fait référence par l'épigraphe du préteur Sextus Nonius Sufenates qui, le premier, a fourni l'argent pour les Ludi susmentionnées : l(udos) V(ictoriae) p(rimus) f(ecit).
1er novembre - ISIA
Les festivités en l'honneur d'Isis se poursuivent. L'Inventio Osiridis commence, un spectacle sacré commémorant le meurtre du dieu par Seth, qui l'a enfermé dans un cercueil et l'a jeté dans la rivière. Commencent alors les lamentations d'Isis, que l'on appelle "la pleureuse".
DEA EPONAE
2 novembre - EPONAE
Fête (ante diem quartum Nonas Novembres) en l'honneur d'Epona, la première déesse celte et plus tard romaine des chevaux et des mules.
Elle avait pour symbole la corne d'abondance, dispensatrice de cadeaux et de fertilité.
Elle était souvent représentée assise sur un trône avec des corbeilles de fruits sur les genoux. Les equites romains lui vouaient une grande dévotion.
3 novembre - HILARIA
(ante diem tertium Nonas Novembres) Ce culte très ancien avait lieu au cours du neuvième mois de l'année, car à l'époque, l'année ne comptait que 10 mois et commençait en mars. À l'époque républicaine, Valerius Maximus mentionne des jeux en l'honneur de la Mère des Dieux.
À l'époque impériale, Hérodien nous apprend qu'une longue et solennelle procession était organisée, au cours de laquelle une grande statue de la déesse était portée, devant laquelle étaient exposés des objets précieux et des œuvres d'art appartenant aux plus riches de la ville et à l'empereur lui-même. Des plaisanteries et des jeux étaient organisés lors de cette fête, avec une préférence pour la mascarade.
Chacun était autorisé à prendre l'identité et l'apparence de n'importe qui, même des membres de hautes fonctions publiques comme les magistrats. Les célébrations de l'Hilaria représentaient le dernier jour des festivités dédiées à Cybèle, la Sanguem.
Son culte a été introduit à Rome en 204 avant J.-C., lorsque la pierre noire symbolisant la déesse a été transférée de Pessinonte pour écarter le danger d'Hannibal, selon les conseils des Livres sibyllins. Elle fut placée sur l'autel de la Curie du Forum, puis dans un temple du Palatin construit en 191 avant J.-C. près de la maison de Romulus. La pierre noire était l'une des sept pignora imperii, c'est-à-dire l'un des objets qui garantissaient le pouvoir perpétuel de l'empire.
4 novembre - LUDI PLEBEI
(pridie Nonas Novembres) Cette fête fut peut-être instituée pour célébrer la fin de la lutte entre patriciens et plébéiens ainsi que le retour de ces derniers dans la cité. Elle fut reconnue à partir de 216 av. J.C.
5 novembre - LUDI PLEBEI
(Nonis Novembribus) Elles étaient organisées par les édiles plébéiens.
6 novembre - LUDI PLEBEI
(ante diem octavum Idus Novembres) Elles étaient organisées par les aediles plébéiens.
7 novembre - LUDI PLEBEI (suite)
7 novembre - MUNDUS PATET
(ante diem septimum Idus Novembres) Cette fête était également appelée Mondo Vasto. Un des trois jours où le mundus Cereris, la troisième fête des dieux du monde souterrain, était ouvert. Dans le Comitium, il y avait une ouverture qui communiquait avec le monde souterrain. L'ouverture était fermée par le lapis manalis.
Trois fois par an, le lapis était levé : le 24 août, le 5 octobre et le 8 novembre. Il s'agissait d'une fosse située dans le sanctuaire de Cérès et consacrée aux dieux Mani (mânes), de forme circulaire, creusée au centre de la ville à la jonction des axes du decumanus et du cardus.
La fosse restait fermée toute l'année, à l'exception des trois jours où le mundus patet, le mundus était ouvert. L'ouverture du mundus mettait en communication le monde des vivants et le monde des morts ; le rite d'ouverture du mundus avait un caractère chtonien avec aussi des valeurs agricoles, puisque Cérès non seulement faisait pousser les récoltes mais était aussi la gardienne des phénomènes telluriques et du monde souterrain des morts.
8 novembre - MUNDUS PATET - (ante diem sextum)
(ante diem sextum Idus Novembres) Le mundus relie l'extérieur de la Terre au monde souterrain et aux dieux du monde souterrain qui l'habitent. Dans le mundus patet, les âmes des morts pouvaient revenir dans le monde des vivants et se promener dans la ville. C'est le jour où les sorcières pratiquaient leurs rites.
8 novembre - LUDI PLEBEI
Les Ludi Plebei se déroulaient au Cirque Flaminius, avec des représentations théâtrales (ludi scaenici) et des compétitions athlétiques. Elles étaient également présentées par des édiles plébéiens.
Le cirque Flaminius a été construit par le censeur plébéien Gaius Flaminius Nepos en 220 av. J.-C., et les premiers jeux ont peut-être été institués à partir de cette même année et pour toutes les années à venir, mais ils pourraient être encore plus anciens, Cicéron estimant qu'il s'agissait des plus anciens ludi de Rome.
Selon T. P. Wiseman, ils ont été créés par la plèbe dès les 5ème et 4ème siècles avant Jésus-Christ. Ils pouvaient être célébrés sans date sur le calendrier, puis ils ont été institutionnalisés. La fête de Jupiter (Epulum Iovis) est également célébrée à l'occasion de cet événement,
9 novembre - LUDI PLEBEI
(ante diem quintum Idus Novembres) Elles étaient organisées par les édiles plébéiens. Tite-Live note que les ludi ont été répétés trois fois en 216 av. J.-C., en raison d'une erreur rituelle (vitium) qui a interrompu le bon déroulement.
10 novembre - LUDI PLEBEI
(ante diem quartum Idus Novembres) Elles étaient organisées par les édiles plébéiens. Une procession semblable aux Ludi romaines faisait également partie de cette fête.
11 novembre - LUDI PLEBEI
(ante diem tertium Idus Novembres) Elles étaient organisées par les édiles plébéiens. Plaute a présenté pour la première fois sa comédie Stichus aux jeux plébéiens en 200 av. J.-C.
12 novembre - INVENTIO OSIRIDIS - (pridie Idus Novembres)
(pridie Idus Novembres) Jeu dans lequel Isis recherche les parties de son corps.
12 novembre - LUDI PLEBEI
Ces jeux étaient organisés par les édiles plébéiens.
13 novembre - INVENTIO OSIRIDIS
Isis trouve les morceaux (de corps) et enterre le corps de son mari.
13 novembre - LUDI PLEBEI
(Idibus Novembribus) Elles étaient organisées par les édiles plébéiens. Un défilé de cavalerie avait lieu en même temps que les ludi.
13 novembre - TEMPLUM FORTUNAE PRIMIGENIAE IN COLLE
Fête en l'honneur de la déesse Fortuna Primigenia in Colle, c'est-à-dire sur le Quirinalis.
13 novembre - EPULUM IOVIS
Banquet sacré en l'honneur de Jupiter. On commémore la fondation du Templum Iovis au Capitole. Les triumvirs épulones organisent l'epulum, c'est-à-dire le banquet sacré célébré lors de la Ludi romaine et de la Ludi plébéienne.
Le collège des épulones a été créé en 196 av. Les dieux étaient invités officiellement, portant des statues dans de riches lits, garnis de coussins moelleux, appelés pulvinaria.
13 novembre - TEMPLUM PIETATIS
Fête célébrée en l'honneur de la déesse Pietas, personnification du sentiment du devoir, de la religiosité et de l'amour. On commémore la dédicace du temple. Il y avait deux temples de Pietas, l'un dans la 9ème et l'autre dans la 11ème région de Rome.
FERONIA
13 novembre - FERONIAE
Fête en l'honneur de la déesse Feronia, la Dame des Bêtes, protectrice des sources et des bois. Le sanctuaire le plus important, le Lucus Capenatis ou Feroniae, se trouvait dans la vallée du Tibre, près de Capena.
14 novembre - LUDI PLEBEI
(ante diem duodevicesimum Kalendas Decembres) Ils étaient organisés par les édiles plébéiens. Ils étaient contemporains des jeux du cirque (ludi circenses, principalement des courses de chars). Cependant, le Circus Flaminius n'avait pas de piste de course de chars, de sorte que, selon certains, ils devaient avoir lieu au Circus Maximus, mais cela est discuté.
14 novembre - INVENTIO OSIRIDIS - Résurrection d'Osiris et de son fils
Résurrection d'Osiris et son entrée solennelle dans le temple.
15 novembre - FERONIAE
(ante diem septimum decimum Kalendas Decembres) Fête en l'honneur de Feronia. Feronia, déesse de la fertilité, protectrice des bois et des récoltes, fêtée par les malades et les esclaves qui ont réussi à se libérer, honorée par les Romains et les Sabins, sur le territoire desquels se trouvait le Lucus Feroniae.
Parmi les lieux sacrés qui lui sont dédiés, on peut citer Scorano (hameau de Capena), où se trouve le Lucus Feroniae, Trebula Mutuesca (Monteleone Sabino), Terracina, Preneste (Palestrina), Etruria et la zone sacrée du Largo di Torre Argentina (Temple C) à Rome.
On dit qu'elle est la mère d'Erilus, un monstre à trois vies et trois corps, conçu avec le roi de Preneste, à qui sa mère avait donné trois corps et trois âmes.
Evandre, allié d'Enée, fils de Mercure et de la nymphe Carmenta, chef des Arcadiens d'Argos, arrivé sur la côte du Latium, est le deuxième peuple venu de Grèce après les Pélasgiens.
Évandre, fondateur de la ville de Pallas, sur le Palatin, tua trois fois Hérilus et lui dédia un autel, sous l'Aventin, près de la Porta Trigemina, également connue sous le nom de Porta Minucia.
15 novembre - LUDI PLEBEI
Elles étaient organisées par les édiles plébéiens.
16 novembre - LUDI PLEBEI
(ante diem sextum decimum Kalendas Decembres) Elles étaient organisées par les édiles plébéiens.
17 novembre - LUDI PLEBEI
(ante diem quintum decimum Kalendas Decembres) Cette fête a peut-être été institutée pour célébrer la fin de la lutte entre patriciens et plébéiens ainsi que le retour de ces derniers dans la cité. Plus que tout, il s'agissait de célébrer la plèbe pour ses droits acquis.
18 novembre - MERCATUS
(ante diem quartum decimum Kalendas Decembres) Fête célébrée à la fin des Ludi Plebei. Des marchés et des foires s'y tenaient certainement pour acheter ou vendre des marchandises.
19 novembre - MERCATUS - (ante diem tertium decimum Kalendas Decembres)
(ante diem tertium decimum Kalendas Decembres) Fête célébrée à la fin des Ludi Plebeii.
19 novembre - LECTISTERNIA CIBELE - (en l'honneur du troisième décimale de Kalendas Decembres)
Banquet sacré en l'honneur de Cybèle.
20 novembre - MERCATUS - (ante diem duodeca)
(ante diem duodecimum Kalendas Decembres) Fête célébrée à la fin des Ludi Plebeii.
22 novembre - PLUTONIS ET PROSERPINAE - (ante diem decimum Kalendas Decembres)
Fête célébrée à la fin des Ludi Plebeii (ante diem decimum Kalendas Decembres) en l'honneur des dieux de l'Hadès. Le culte de Proserpina à Rome a été introduit en même temps que celui de Dis Pater (Hadès) en 249 avant Jésus-Christ. D'abord considéré comme le dieu des richesses du monde souterrain, Dis Pater est devenu le dieu du monde souterrain et a été identifié à Pluton, l'équivalent d'Hadès.
Dis, ditis est un adjectif latin contracté de dives, divitis signifiant riche. Son nom signifie "le père des richesses". Pluton signifiait également riche en grec.
Les Ludi Tarentini étaient célébrées en leur honneur, du nom d'un lieu du champ de Mars, Tarentum, devenu par la suite Ludi séculaire, avec des sacrifices et des représentations théâtrales, pendant trois jours et trois nuits pour marquer la fin d'un saeculum (siècle) et le début du suivant (entre 100 et 110 ans).
Elles semblent remonter à 509 av. J.-C., mais les seules attestées dans la République romaine ont eu lieu vers 249 et 140 av. J.-C., sous Auguste, puis sous Claude en 47 pour célébrer le 800ème anniversaire de la fondation de Rome, ce qui donna lieu à une deuxième série de Jeux en 148 et 248, qui furent finalement abolis par les empereurs chrétiens.
24 novembre - BRUMALIA
(ante diem octavum Kalendas Decembres) Fête en l'honneur de Saturne, Cérès et Bacchus, célébrée au solstice d'hiver (bruma) Brumalia était célébrée comme une période de repos pour les armées, les agriculteurs et les chasseurs, mais avait aussi un caractère chthonique associé aux récoltes, dont les graines étaient enterrées avant de germer.
Les agriculteurs sacrifiaient des porcs à Saturne et Cérès, tandis que les vignerons sacrifiaient des chèvres en l'honneur de Bacchus (les chèvres étant un danger pour les vignes), qui étaient ensuite dépecées pour en faire des sacoches, sur lesquelles ils sautaient. Les magistrats apportaient aux prêtres de Cérès les premiers fruits de la vigne, des oliviers, du blé et du miel. Il était d'usage d'échanger le vœu "Vives annos !", "Vivez de nombreuses années".
25 novembre - LUDI SARMATICI - (ante diem septimum)
(ante diem septimum Kalendas Decembres) Fête en l'honneur des victoires de Constantin Ier ou Constance II sur les Sarmates, duraient six jours, du 25 au 30 novembre et le 1er décembre. Elles ont été instituées par Constantin Ier. Elles étaient encore célébrées en 354 ( Chronographe de 354).
26 novembre - LES DAMES SARMATIQUES
(ante diem sestum Kalendas Decembres) Fête en l'honneur des victoires de Constantin Ier ou Constance II sur les Sarmates, duraient six jours, du 25 au 30 novembre et le 1er décembre.
27 novembre - LUDI SARMATICI - (ante diem quintum)
(ante diem quintum Kalendas Decembres) en l'honneur des victoires de Constantin Ier ou Constance II sur les Sarmates, a duré six jours, du 25 au 30 novembre et le 1er décembre.
28 novembre - LUDI SARMATICI
(ante diem quartum Kalendas Decembres) en l'honneur des victoires de Constantin Ier ou Constance II sur les Sarmates, a duré six jours, du 25 au 30 novembre et le 1er décembre.
29 novembre - LUDI SARMATICI
(ante diem tertium Kalendas Decembres) en l'honneur des victoires de Constantin Ier ou Constance II sur les Sarmates, a duré six jours, du 25 au 30 novembre et le 1er décembre.
30 novembre - LUDI SARMATICI
Fête en l'honneur des victoires de Constantin Ier ou Constance II sur les Sarmates, dure six jours, du 25 au 30 novembre et le 1er décembre.
30 novembre - DIANAE
(pridie Kalendas Decembres) Fête en l'honneur de Diane, déesse de la chasse, de la lune et du monde souterrain. Elle était appelée Diana Aricina près du lac Nemi, dans le maquis d'Aricia, où il y avait un célèbre temple en son honneur. Servius Tullius en érigea une en son honneur sur l'Aventin, protectrice des serviteurs et des esclaves.
Identifiée à l'Artémis grecque, elle était surnommée "Trivia", en référence à ses trois aspects de terre, de ciel et de monde souterrain.
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Halloween - Mundus patet
Halloween - Mundus patet
Source: https://www.romanoimpero.com/2012/10/halloween-mundus-patet.html
C'est une fête spécialement dédiée aux enfants, célébrée principalement aux États-Unis dans la nuit du 31 octobre, héritage de la religion celtique. Très répandue dans d'autres pays, elle est célébrée par des défilés costumés et par des enfants, souvent masqués de façon quelque peu effrayante, qui vont de maison en maison pour demander des friandises.
L'élément directeur de la fête est le symbolisme lié à l'occulte, au macabre et aux sorcières, avec leurs citrouilles sculptées et illuminées de manière si caractéristique. On dit qu'elle dérive d'anciens cultes celtiques, et il est vrai que ceux-ci ont existé, mais il y avait aussi des cultes indigènes originaux à Rome.
Les lois des divinités des morts sont saintes", ou "Deorum Manium iura sancta sunt", était l'une des lois romaines des XII Tables, qui sanctionnait le caractère sacré et l'importance des dieux de la mort : les Mani.
OVIDE
Ovide décrit dans pas moins de six livres les fêtes du calendrier romain et le mois de février était pour les anciens Romains le mois consacré au souvenir des morts. Neuf jours étaient réservés à ce culte : ils s'étendaient du 13 au 21 février et consistaient en un cycle qui commençait par les Parentalia le 13 et se terminait par les Feralia le 21.
Les Feralia étaient appelées ainsi, comme l'atteste Ovide, parce que durant ces journées les vivants apportaient (en latin fero fers) des offrandes aux morts, d'où l'adjectif italien ferale, lié à la mort.
Les rites servaient à apaiser les esprits des morts envers les vivants, avec l'aide des dieux Mani. En effet, selon Varron, dans l'Antiquité, l'adjectif manus signifiait "bon" : les dieux Mani étaient donc bons et aidaient les vivants.
Pour Ovide, "ils se contentent de peu, les Mani, ils apprécient la dévotion plus que les riches cadeaux ; il n'y a pas de cupidité parmi les dieux qui se pressent sur les rives des fleuves infernaux. Il suffit d'une tuile de la maison, couverte d'une guirlande, de quelques grains de blé, d'une poignée de sel, d'un pain trempé dans le vin, de quelques violettes".
L'offrande votive peut également être déposée dans un bol, au milieu de la rue, mais avec des prières et des paroles appropriées. Les jours consacrés aux morts, il est interdit de contracter des mariages et les temples doivent être fermés, les autels dépourvus d'encens et les braseros éteints.
LE RITE ROMAIN
Festus, en accord avec Caton, explique que : "Mundo nomen impositum est ab eo mundo qui supra nos est", c'est-à-dire "le nom Mundus vient du monde qui est au-dessus de nous", niant ainsi le caractère profond et terrestre de mundus, parce qu'il faisait peur. Au contraire, le côté chtonien du monde invisible était beaucoup plus familier aux femmes, mais dans des temps plus reculés.
Le rite de commémoration des morts est en fait très ancien et préromain, et a survécu aux époques ultérieures, en particulier dans la Rome antique.
La période consacrée au souvenir et à la commémoration des morts n'était pas, comme aujourd'hui, le premier jour de novembre, mais durait une semaine entière en février, dernier mois du calendrier romain et mois de la purification.
On croyait que les haricots noirs contenaient les larmes des morts ; selon Pythagore, ils cachaient même les âmes des morts en eux. Pour implorer la paix des morts, on les éparpillait sur les tombes et on les jetait derrière elles en disant: "avec ces fèves, je me rachète et je rachète mes proches".
À Rome, la tradition voulait que, le jour des morts, on prenne un repas près de la tombe d'un parent pour lui tenir compagnie. Une autre tradition romaine consistait en une évocatrice cérémonie de suffrage pour les âmes qui avaient trouvé la mort dans le Tibre. À la tombée de la nuit, les gens se rendaient sur les rives du fleuve à la lueur des torches et célébraient le rite.
LES MAINS ET LE MUNDUS
Le mundus Cereris (le monde de Cérès) appartient à la religion romaine archaïque d'origine étrusque.
"Aucune ville étrusque ne s'est jamais développée au hasard, comme un enchevêtrement de plus en plus grand d'habitations humaines... la ville fondée selon des lois sacrées constituait... une minuscule cellule du Tout, harmonieusement insérée dans un ordre gouverné et déterminé par les dieux".
(W. Keller, La civiltà etrusca, Garzanti, Milan, 1981, p. 85).
DÉTAIL DE L'ENTRÉE DU MUNDUS
Après avoir délimité un espace sacré au moyen de deux axes orthogonaux (donc disposés en forme de croix) que les Romains appelleront plus tard Cardus (axe Nord-Sud) et Decumanus (axe Est-Ouest), on creusait au point central une fosse qui servait de lien entre le monde des vivants et celui des morts ; celle-ci était ensuite recouverte de grandes dalles de pierre et, avec la "voûte céleste dont elle semblait être la contrepartie, on l'appelait mundus".
(W. Keller, Op. Cit., p. 85).
Tout autour, des limites étaient ensuite tracées selon des rituels prescrits. Il s'agissait d'une fosse circulaire placée à la jonction des axes decumanus et cardus, dans le sanctuaire de Cérès et consacrée aux dieux Mani, la fosse était fermée toute l'année sauf trois jours où "mundus patet", c'est-à-dire le mundus est ouvert.
En effet, les 24 août, 5 octobre et 8 novembre, le mundus était ouvert, reliant le monde des vivants à celui des morts et aux dieux du monde souterrain qui l'habitent. Pendant ces trois jours, les âmes des morts pouvaient revenir dans le monde des vivants et parcourir la ville, à l'instar des fantômes, des squelettes et des citrouilles ricanantes qui apparaissent lors d'Halloween.
Selon un magistrat du 1er siècle après J.-C., Gaius Ateus Capiton, le Mundus était situé sur le Palatin, où les festivités du Mundus étaient célébrées, mais il n'existe aucune trace du rituel. Selon certains, un enfant y était descendu pour observer à quel niveau les rayons du soleil croisaient l'axe central spécialement placé, afin de pouvoir calculer les positions du soleil, mais cela est peu crédible, chercher les rayons du soleil dans une tranchée est improbable, d'autant que les Romains connaissaient le cadran solaire depuis l'Antiquité.
Or, Plutarque utilise pour ce rite le terme Telete, terme grec réservé aux mystères sacrés, et en fait Déméter, qui à Rome s'appelait Cérès, et sa fille Proserpine (Perséphone) avaient à voir avec le monde des morts, où régnaient Hadès et Proserpine, c'est-à-dire Pluton et Perséphone. L'ouverture du mundus était un moment important mais dangereux, car, selon Macrobius, le mundus attirait les vivants dans le monde des morts, surtout pendant les combats et les batailles.
Donc, soit il y avait deux mundus, l'un sur le Comitium et l'autre sur le Palatin, soit Plutarque se trompait.
À l'époque, il était interdit de;
1) de livrer bataille (ou de commencer une guerre) ; en fait, Varron rapporte que les Romains "considéraient qu'il valait mieux aller se battre quand la bouche de Pluton était fermée".
2) de procéder à la conscription ;
3) de prendre femme
4) et les portes des temples restaient fermées.
PORTE DU MUNDUS (sarcophage romain)
LES ORIGINES DU MUNDUS
Plutarque
Racontant la fondation de Rome, Plutarque rapporte que Romulus convoqua quelques Étrusques à Rome pour apprendre la procédure sacrée de fondation de la ville.
Il creusa ensuite une fosse circulaire "à l'endroit qu'on appelle aujourd'hui le Comitium", comme le rapporte encore Plutarque, et y jeta les prémices de tout ce qui existait. Les partisans de Romulus, à leur tour, y jetèrent une poignée de terre de leur patrie. Cette fosse était appelée "mundus" par les Romains, le même terme que pour l'Olympe.
Plutarque affirme que le mundus était le centre du sillon circulaire tracé autour de la fosse avec une charrue, tirée par un bœuf attelé et une vache ; ce sillon représentait le périmètre des murs de la ville.
Au fur et à mesure que la charrue avançait, les compagnons de Romulus la suivaient, ramassant les mottes de terre qui se détachaient et les jetant à l'intérieur du chemin. Lorsqu'ils arrivaient à l'endroit où aurait dû se trouver la porte, ils soulevaient la charrue et laissaient un espace non marqué par le sillon : c'est la raison pour laquelle les murs sont sacrés, mais pas les portes.
Encore une fois, pour Plutarque, le cornouiller sacré poussait à côté du mundus, né après que Romulus eut jeté un poteau de l'Aventin si profond que personne ne put l'en retirer. (Ne ressemble-t-il pas effrontément à l'épée dans la pierre que seul Arthur, le vrai roi, peut dégainer ? Qui a copié qui ? Certainement pas le premier. Seulement ici, personne ne dégaine la hampe, aussi parce qu'elle n'a pas de fourreau, et que c'est le vrai roi qui l'enfonce dans le sol).
Le sol était si fertile à l'endroit où il s'était planté que le cornouiller produisit des pousses, puis une grande plante. Cet arbre devint sacré pour les Romains et fut gardé par leurs successeurs comme l'une des reliques les plus sacrées, qu'ils protégèrent par un mur.
Plutarque semble croire que le mundus situé dans le Forum dans la zone du Comitium était la fosse de fondation de Rome, bien que de nombreuses sources indiquent le Palatin, dans la zone devant le temple d'Apollon, comme l'endroit où Romulus a fondé la Rome carrée des origines.
CANAL INTERNE DANS LE MUNDUS
Ovide
Pour Plutarque, le site de fondation est donc le Comitium dans le Forum, mais pour Ovide, et pour de nombreuses autres sources, c'est le Palatin.
Ovide confirme qu'après la prise des auspices sur le Palatin, une fosse a été creusée pour la fondation, dans laquelle ont été jetés non pas des prémices de quelque nature que ce soit, mais des fruges (récoltes, cultures). La fosse était si profonde qu'elle atteignait le rocher en contrebas, puis elle était comblée par un autel qui représentait le "novus focus".
Les céréales, les fruits qui, selon Ovide, sont déposés dans la fosse, se rapportent sans aucun doute à Cérès. Il existait un lien entre Cérès et le monde des morts, soit en tant que déesse de la croissance, soit en tant que Déméter. Dans le premier cas, le lien avec les morts proviendrait de sa nature chthonique, dans le second, il y a l'enlèvement de Perséphone qui disparaît dans le monde souterrain et sa recherche par Déméter jusqu'au monde souterrain.
Autres auteurs
Ainsi, selon Ovide, le mundus n'est pas un espace vide comme le raconte Plutarque, et d'autres auteurs comme Varron, Festus et Macrobe ne mentionnent pas le mundus comme le puits de fondation de Rome, pour eux il s'agit du mundus Cereris, la frontière entre le monde des vivants et le monde des morts, d'où les âmes des Mani sortiraient parfois pour entrer chez les vivants et qui parfois, à des dates précises, s'ouvrirait, facilitant la descente des vivants parmi les morts.
Festus écrit : mundus appellatur coelum, terra, mare et aer.
Mais le mot mundus désigne aussi un lieu souterrain, au plafond voûté ressemblant à la voûte céleste, dédié aux dieux Mani et donc normalement fermé, ouvert seulement trois fois par an à des dates précises.
Selon Gaius Atheus Capito, dans le 7ème livre pontifical, elle est ouverte trois fois par an: après la fête de Volcanalia (24 août), trois jours avant les Neuf jours d'octobre (5 octobre) et six jours avant les Ides de novembre (8 novembre).
Caton, dans ses commentaires sur le droit civil, explique :
"On l'a appelé un monde semblable à celui qui est au-dessus de nos têtes: j'ai appris de ceux qui y sont entrés que sa forme lui ressemble. Nos anciens pensaient que le mundus qui se trouve sous la terre devait être consacré aux dieux Mani et devait toujours rester fermé, sauf les jours indiqués ci-dessus. Notre peuple considérait également ces jours comme des jours "religieux", et il a donc décidé que les jours où, pour ainsi dire, les profonds secrets de la religion des Dieux Mani étaient mis en lumière et rendus manifestes, aucune activité publique ne devait avoir lieu. Par conséquent, ces jours-là, on n'amorçait pas la bataille contre l'ennemi, on ne recrutait pas de soldats, on n'organisait pas de rassemblements, on ne faisait rien d'autre que ce qui était strictement nécessaire".
Il est interdit de commencer une bataille pendant la fête de Jupiter latin, c'est-à-dire pendant les fêtes latines solennelles, les jours des Saturnales et lorsque le Mundus patet (le mundus s'ouvre): les jours des fêtes latines parce qu'une trêve a été signée entre les peuples romain et latin ces jours-là, les jours des Saturnales, parce que l'on sait que Saturne a régné en paix, lorsque le Mundus patet, parce que cette fête est consacrée à Dieu le Père et à Proserpine.
On considérait qu'il valait mieux partir au combat lorsque la porte de Pluton était fermée. C'est pourquoi Varron écrit : lorsque le mundus patet, la porte des tristes dieux du monde souterrain s'ouvre pour ainsi dire, c'est une impiété non seulement de commencer la bataille, mais aussi de procéder à la conscription militaire, de faire partir les soldats ou naviguer les navires, de s'unir aux femmes pour avoir des enfants.
Carandini pense que sur Cermalus, dans la zone située devant le futur temple de la Victoire, on peut identifier, sinon la fosse de fondation de la ville, le lieu qui, aux yeux des Romains, la représentait: il s'agissait d'une tombe, réutilisée plus tard à d'autres fins, sur laquelle un autel avait été construit.
Cet autel jouissait d'un tel respect et d'une telle considération qu'il n'a jamais été touché par les changements urbains au cours des siècles et qu'il est toujours considéré comme le fameux Mundus.
ENTRÉE DU MUNDUS SUR LE FORUM ROMAIN
LAPIS MANALIS
Festus rapporte que les Romains croyaient que le lapis manalis était la porte de l'Orcus, par laquelle les divinités du monde souterrain, appelées Mani, pénétraient dans le monde des vivants. L'Orque est ensuite devenu le monstre maléfique qui mange les enfants s'ils font des crises de colère, et avec lequel les adultes trop sévères les effraient.
Une pierre placée à l'extérieur de la porte de Capena, près du temple de Mars, était également appelée lapis manalis.
En cas de sécheresse, la pierre était apportée dans la ville et faisait immédiatement pleuvoir.
Sur la base de la définition de Festus, nous comprenons que le lapis manalis qui provoquait la pluie n'avait rien à voir avec le lapis manalis qui fermait l'accès au mundus, et nous pouvons en outre supposer que l'ouverture du mundus ne devait pas être plus grande que la bouche d'un puits, s'il pouvait être fermé par un couvercle de pierre facilement amovible.
Selon Servius (Aen. 3, 134): certains pensent que les dieux supérieurs sont propriétaires des foyers, les dieux intermédiaires et marins des foyers, et le mundus des dieux du monde souterrain, et c'est peut-être vrai.
LA LEMURIA
Le jour culminant de la Lémurie, le 13 mai 609 ou 610, le pape Boniface IV consacra le Panthéon de Rome à la Sainte Vierge et à tous les martyrs, et la fête de cette dedicatio Sanctae Mariae ad Martyres a été célébrée à Rome depuis lors. Selon les historiens, cette coutume a été christianisée dans la fête de la Toussaint, auparavant fixée au 13 mai, afin d'oublier la Lémurie romaine.
Au 8ème siècle, la fête de la Toussaint a été déplacée au 1er novembre, pour coïncider avec la fête celtique des esprits de Samhain, afin qu'elle soit également oubliée.
Le pape Grégoire III (731-741) consacra une chapelle de la basilique Saint-Pierre à tous les saints et en fixa l'anniversaire. En 998, Odilo, abbé de Cluny, ajouta le 2 novembre au calendrier chrétien comme date de commémoration des défunts. Les fêtes païennes sont donc mortes et enterrées.
Mais qu'est-ce que les Lemuria, ou Lemuralia ?
Dans la Rome antique, les Cerealia étaient célébrées le 4 mai en l'honneur de Cérès, puis les 9, 11 et 13 mai, les fêtes des esprits, les Lemuria, étaient célébrées en silence et la nuit.
On y offrait des haricots aux morts et les Vestales préparaient une salsa de mola avec les premières céréales de la saison. Selon Ovide, cette fête est dérivée d'une Remuria Lemuria instituée par Romulus pour apaiser l'esprit de Remus, donc d'une personne décédée.
Ovide note qu'il y avait une coutume à cette fête qui consistait à éloigner les mauvais esprits en marchant pieds nus et en jetant des haricots noirs par-dessus son épaule pendant la nuit. C'est le chef de famille qui se levait à minuit et marchait pieds nus dans la maison en lançant des haricots noirs et en répétant neuf fois : "Envoyez ces haricots, avec ces haricots, rachetez-moi et ce qui m'appartient". La famille battait ensuite des pots de bronze en répétant neuf fois : "Fantômes de mes pères et de mes ancêtres, ils sont partis !".
Question : Mais qu'est-ce qui avait été envoyé, c'est-à-dire qui était parti, ce qui équivaut en latin à "Itum est" ?
Réponse : La même chose que le prêtre envoie à la fin de la Messe, et que l'on dit aussi : "Ita est", c'est-à-dire a été envoyé.
Q : Et qu'est-ce qui a été envoyé ?
R : Une entité invisible, nous sommes dans le domaine de la magie.
Q : Mais si le Mundus était si dangereux, pourquoi a-t-il été ouvert ces trois jours ?
R : Pour le savoir, il faut remonter encore plus loin dans le temps, lorsque Cérès était une Grande Mère, pas encore identifiée à la Déméter grecque.
MUNDUS PATET
CERES LA GRANDE MERE
Comme toutes les grandes déesses, elle avait un aspect terrestre lié à la naissance et à la croissance des plantes, en l'occurrence des cultures (mais aussi des animaux et des humains), et un aspect chtonique, en tant que déesse de la mort et du monde souterrain. Ainsi, les fèves, comme les haricots, étaient des gousses qui cachaient une graine plus importante que sa coquille. L'homme était donc la gousse de l'âme, dont la graine peut être replantée pour une nouvelle vie.
Q : Une réincarnation ?
R : Quelque chose de très similaire.
Le monde visible avait donc besoin de puiser de l'énergie dans le monde invisible, le mundus, dont le contact était vivifiant pour certains et terrifiant pour d'autres. A une époque, ce sont les prêtresses de Cérès qui entraient en contact avec le mundus, puis ce sont les prêtres romains qui le faisaient, mais comme la magie était désormais redoutée, l'effet était plutôt atténué.
Ainsi, durant ces trois jours, les prêtresses puis les sorcières, c'est-à-dire les prêtresses d'un culte privé non reconnu par l'Etat, les sorcières attiraient donc les esprits des morts, appelés Lémures, en leur offrant des cadeaux, notamment des friandises, afin qu'ils ne leur jouent pas de mauvais tours, en d'autres termes, trick or treat.
Le terme cerritus signifie en fait "envahi par l'esprit de Cérès", car ses prêtresses étaient "possédées" (comme le terme analogue larvatus), de la déesse en tant que mater larvarum ("mère des spectres"). La déesse Laverna était également appelée mater larvarum, d'où son nom.
À Rome, près de la zone du Comitium, à proximité de l'extrémité nord-est de la Rostra, se trouve l'Umbiliculus Urbis Romae, l'Ombelic de la ville de Rome, le lieu où, par définition, le ciel a été réuni à la terre et Rome à l'univers.
C'est ici que les Romains célébraient le 24 août l'ouverture du Mundus (Mundus patet) à l'époque archaïque, immédiatement après la fête des Volcanalia (23 août) et avant celle de l'Opiconsivia (25 août).
Le Mundus était un édifice souterrain au sol semi-circulaire, une fosse archaïque creusée dans le sol, d'abord à nu puis pavée, qui permettait d'entrer en contact avec les divinités du monde souterrain auxquelles on offrait des sacrifices et des cadeaux : fruits de la terre, restes de sacrifices, formules tracées sur des tablettes d'argile. La fosse était ensuite recouverte du lapis manalis, la pierre sacrée des dieux Mani ou Lari, divinités qui représentaient également les esprits des ancêtres et protégeaient la ville et ses habitants.
Il semble que la fosse ait été remplacée par la suite par un autel que l'on enterrait et que l'on découvrait à nouveau en enlevant la terre à chaque cérémonie. Il est clair que le rituel le plus ancien était lié à la consultation des esprits ou de la déesse du monde souterrain.
Le Mundus a été creusé par Romulus en même temps que la fondation de l'Urbs : "Dans la fosse, les gens rassemblés par Romulus pour former le peuple romain jetèrent chacun une poignée de leur terre natale et les prémices de tout ce que, chacun selon sa propre culture, il considérait comme bon ou nécessaire".
Plutarque désigne le rite lié au Mundus comme Telete, un mot grec faisant référence aux mystères initiatiques, liés à Déméter, ou Cérès romaine, et à Perséphone, ou Proserpine romaine. La déesse de la mort vole la vie, d'où son nom de déesse voleuse, et récolte la vie, d'où son nom de déesse de la moisson.
LES DIEUX LARES
Chez les Romains, les Larves ou Maniae étaient les esprits des morts qui étaient mauvais de leur vivant. Même dans la mort, ils tourmentaient les vivants et les morts en s'opposant aux Lares (Larves), qui étaient au contraire des esprits bienveillants.
Leur apparence était terrifiante, ressemblant à des squelettes (nudis ossibus) et à des démons écorchés ; ils avaient l'habitude de déclencher la folie chez les vivants, qui ne pouvaient les chasser que par des expiations et des lustrations.
Ce n'est pas un hasard si les embryons de certaines espèces qui deviendront adultes à la suite d'une ou plusieurs métamorphoses sont appelés larves (qui signifie masques en latin), en référence à la transformation entre la vie et la mort.
Et ce n'est pas un hasard si le mot manie est utilisé pour désigner un état psychique altéré impliquant à la fois des obsessions et une alternance d'exaltation et de dépression.
On croyait que les larves et la manie pouvaient nuire aux vivants, les premières aspirant l'énergie et la seconde provoquant des déséquilibres mentaux.
Dans certains souvenirs anciens de certaines croyances religieuses, les "maniaques morts" ou larves étaient mentionnés dans le sol italique, surtout en Campanie mais aussi ailleurs, correspondant aux sensations, surtout au moment du réveil le matin, d'avoir été touché ou au moins approché par une présence humaine invisible. On croyait qu'il s'agissait d'âmes de défunts errants qui pouvaient transmettre quelque chose, que ce soit une nouvelle importante ou un mal, d'où leur aspect inquiétant.
MUNDUS PATET
DIANA
Lorsque le christianisme a éclipsé les cultes païens, le culte de Diane, celle qui enseignait les herbes curatives, qui protégeait les forêts et surtout qui enseignait la magie, est resté secret sur le sol italique, surtout dans les campagnes. Elle a toujours été une Grande Mère, qui protégeait et enseignait aux femmes. C'est pour cela que l'Église a amené les sorcières au bûcher, parce qu'il y avait un noyau dur qui résistait au christianisme, parce que les chrétiens croyaient, mais que les sorcières savaient, et que savoir est beaucoup plus puissant que croire.
Le culte du monde souterrain est ensuite passé dans l'obscurité de la nuit et de l'hiver, de mai à fin octobre début novembre. Les sorcières plaçaient des friandises et des boissons pour les esprits dans le trivium, afin de communiquer avec eux et de leur soutirer non seulement de l'énergie, mais surtout des prophéties.
Diane était Trina, comme toutes les Grandes Mères, la plus ancienne statuette d'argile cuite représentant la déesse tricéphale sur un seul corps date d'au moins 30.000 ans, et était triviale pour ses trois facultés de donner la vie, de l'augmenter et d'apporter la mort.
Bref, comme la nature, seuls les anciens pensaient que derrière la nature visible se cachait une nature invisible, appelée en latin Natura Naturata et Natura Naturans, dont les images devinrent plus tard Mater Matuta et Mamma Mammosa.
Le terme Trina a donné naissance à la Sainte Trinité de l'Église catholique, adoptée pour un Père, un Fils et un Saint-Esprit, qui, n'ayant pas de sens, a été déclarée Mystère et donc inexplicable pour l'homme. La Sainte Trinité de la Grande Mère, en revanche, était explicable et sans mystère.
Or Diana, en tant que Trina, avait le pouvoir sur les quadrivii, où précisément les prêtresses, ou sorcières, plaçaient des friandises pour attirer les morts, un peu comme le fit Ulysse, puis Énée, mais pour l'Église, cela devenait un péché et de la sorcellerie.
Le Mundus Patet passait donc à la fin du mois d'octobre, lorsque les travaux des champs étaient terminés et que l'arrosage des potagers cessait, bref, lorsque la campagne devenait déserte. Le jour, ou plutôt la nuit, choisi étant la veille du 1er novembre, l'Église proclama la fête de tous les saints le 1er novembre, mais comme on continuait à chercher les morts dans le quadrivium et les cimetières, elle proclama la fête des morts le lendemain, c'est-à-dire le 2 novembre, afin que le culte passe du quadrivium et des cimetières à l'église.
C'est ainsi que disparut la dernière possibilité de prophétie, remplacée au 19ème siècle par un spiritisme sordide, dépourvu de la conscience profonde et du cheminement spirituel des prêtresses, de sorte que les souhaits inconscients du médium remplaçaient presque toujours la voix des morts.
Aujourd'hui, l'Eglise catholique est très agacée par la résurgence de la fête païenne d'Halloween, déplorant l'adoption de fêtes démoniaques, et américaines d'ailleurs, aussi païennes. Mais le Mundus Patet était chez lui à Rome et les lois romaines autorisaient la magie dans les cimetières ou ailleurs, à condition qu'elle ne se fasse pas au détriment d'autrui.
Le Mundus Patet ferait encore peur aujourd'hui, car nous avons perdu ce caractère païen et sobre des anciens Romains qui faisait de Rome un Caput Mundi et un phare absolu de la civilisation.
BIBLIOGRAPHIE:
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- Lucius Caecilius Firmianus Lactantius - De mortibus persecutorum - XXVI -
- Renato Del Ponte - Les Lari dans le système spatio-temporel romain - in Arthos - vol. 6 - n° 10 - 2002 -
- J. Eckhel - Doctrina numorum veterum - IV - Vienne - 1794 –
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