mardi, 07 février 2023
Evola et la Tradition primordiale: une autre vision de l’histoire
Evola et la Tradition primordiale: une autre vision de l’histoire
Pierre-Emile Blairon
C’est en 1934 que Julius Evola écrivit son plus fameux ouvrage : Révolte contre le monde moderne[1], un livre qu’on ne peut pas lire sans être stupéfait par l’ampleur des connaissances du baron sur l’ensemble des anciennes traditions du monde, et plus particulièrement indo-européennes, par la lucidité avec laquelle il a su en dégager les axes spirituels principaux et leurs diverses concordances et analogies entre elles, au point de pouvoir prédire alors (il y maintenant 90 ans), certaines circonstances dans lesquelles le monde allait vivre les derniers instants de notre cycle historique[2]. Il est bien évident qu’on ne peut lire cet ouvrage autrement qu’en y consacrant une part importante de notre temps, de nos facultés d’analyse, de synthèse et de réflexion, en essayant de nous dégager de tous les mensonges que des forces négatives ont imprimé d’une manière perverse non seulement à notre simple vie, mais aussi, depuis des millénaires, à l’histoire du monde qui est le nôtre ; nous devons, pour bien comprendre les énormes enjeux que cet ouvrage met en perspective, y donner le meilleur de nos facultés.
J’ai choisi, pour ne pas alourdir le texte, de présenter en notes de nombreuses citations tirées principalement de ce livre qui illustreront les sujets abordés.
Il est impossible à un individu contemporain, infirme ayant perdu bon nombre de ses facultés physiques et mentales autrefois naturelles et maintenant disparues ou atrophiées, n’existant plus que grâce à des prothèses artificielles – ce que l’homme moderne appelle la technique-, inséré psychologiquement depuis des siècles dans une vision historique rationnelle, sinon rationaliste, et évolutionniste, détachée de tout lien avec le sacré, il est impossible, donc, à cet individu qui ne sait plus ce qu’est une communauté réelle, de se mettre dans la peau d’un homme vivant il y a des milliers d’années, « qui était comme les dieux[3] » dans un milieu essentiellement tourné vers le supranaturel et ses pratiques quotidiennes.
Une conception du temps élargie et involutive pour l’homme de la Tradition
Avoir la prétention de l’Homme moderne de ressembler à l’Homme primordial, ou même, plus tardivement, à l’homme du temps sacré, est une totale illusion.
Les partisans de la Tradition primordiale ont une autre perspective du temps qui ne se limite pas à la durée d’une vie humaine constituant le modèle d’étalonnage (environ 80 ans actuellement), mais qui se reporte à la durée d’un cycle cosmique qui est de 64800 ans, selon les textes sacrés indiens [4] ; et nous pouvons penser qu’il a existé des centaines de cycles avant le nôtre comme l’indiquent, entre autres, ces mêmes textes ; les premiers hommes auraient été immortels, selon plusieurs traditions de par le monde, même ceux qui ont participé à la naissance du nôtre, celui qui est en train de s’achever.
Cette seule assertion donne une idée du gouffre qui sépare l’homme moderne, profane, de l’homme traditionnel qui vivait dans le monde du sacré.
Ces hommes immortels, selon les anciennes traditions, étaient donc ceux qui étaient contemporains de l’Âge d’or qui a duré 25920 ans, puis l’Âge d’argent lui a succédé (19440 ans), avant de laisser la place à l’Âge de bronze (12960 ans) et, enfin, nous vivons l’Âge de fer (6480 ans qui est l’unité de temps de base la plus courte selon la déclinaison 4-3-2-1[5]).
Cet Âge d’or est celui de la perfection, les hommes sont des dieux, vivent heureux sans besoin, sans travail, dans une paix et une harmonie totales, c’est le paradis terrestre[6].
Mais la vie sur Terre est régie par un cycle qui est involutif : du meilleur au pire, de la spiritualité la plus pure au matérialisme le plus abject.
De même, physiquement, si l’on prend un exemple tout à fait superficiel mais très pragmatique, les hommes et les femmes ne naissent pas vieux et laids pour finir jeunes et beaux mais c’est le contraire[7].
L’évolution, ou le progressisme qui est son synonyme politique, est un attrape-nigauds[8]. Nous vivons dans le monde de l’inversion et du mensonge.
Une autre histoire du monde
Les textes sacrés indiens et iraniens, les Grecs Hésiode, Ovide, Platon, Diodore, Pindare, ou le Romain Virgile, nous donnent les principales caractéristiques des quatre âges (cinq pour Hésiode qui y rajoute l’Âge des héros) qui composent un cycle.
Le premier âge, l’Âge d’or, est solaire, d’où son nom ; l’or, de par sa couleur est solaire, mais il est aussi incorruptible, indestructible, ce qui nous amène à sa deuxième fonction : sa représentation géographique est polaire, axiale, terrestre, l’Yggdrasyl. Le solaire représente la vie, le mouvement, le cycle, la roue, et le polaire la stabilité, le moyeu, le lien vers les dieux.
Le deuxième âge, l’Âge d’argent, se déroule sous le signe de la Magna Mater, il est donc lunaire (l’argent-métal), matriarcal, et de ce fait lié au domaine de la fertilité et de la terre nourricière, l’enfance est un état qui dure longtemps, mais les premiers signes d’hubris (la démesure, l’Homme qui sort de sa condition pour prétendre égaler les dieux) se font sentir à la fin de cet âge. L’Âge d’argent correspondrait au centre secondaire (post-hyperboréen) de l’Atlantide et inclurait la catastrophe finale de cette dernière.
Les Amazones, en tant que femmes guerrières représentantes de l’ère matriarcale, font le lien entre l’Âge d’argent et l’Âge de bronze qui introduit la violence guerrière masculine et son triomphe ; les Amazones étaient en guerre contre les Atlantes [9] (L’Atlantide eut comme premier roi un Titan, Atlas, frère de Prométhée.)
Le troisième âge, l’Âge de bronze, est l’âge des conflits et des combattants, celui où règnent encore et toujours les Titans, l’âge prométhéen, celui des hommes qui contestent la suprématie des dieux, les précurseurs de l’Homme moderne, l’âge de l’hubris, de la vanité.
Le quatrième âge, le dernier du cycle, l’Âge de fer, confirme la détérioration des valeurs traditionnelles et chevaleresques[10], l’apparition de peuples voués à des cultes démoniaques, l’adoration du Veau d’or, l’instauration des valeurs matérielles, du rationalisme, du mensonge et de l’esclavage[11] généralisés ; les dernières grandes civilisations traditionnelles meurent. Symboliquement, le fer, à l’inverse de l’or incorruptible, est amené à se décomposer, à rouiller et à disparaître totalement.
Il est bien évident que cette présentation de l’Histoire ne peut apparaître que comme loufoque pour nos historiens officiels qui ne remontent leurs investigations, au plus loin, qu’à l’apparition de l’écriture qu’ils continuent de dater de la période sumérienne alors qu’il est plus vraisemblable de reculer cette datation à la découverte en 1961 des tablettes de Tartaria, en Roumanie, datées de 5000 ans avant notre ère ; 1961 : la découverte a été faite il y a maintenant plus de 60 ans ; faudra-t-il attendre encore 60 ans pour qu’elle soit validée ? Pour ces historiens, comme pour les archéologues ou anthropologues, presque tous adeptes du dogme évolutionniste darwinien, et presque tous conditionnés par la doxa progressiste, l’idée d’un processus d’involution ne leur a même pas traversé l’esprit, d’autant plus qu’il viendrait les projeter hors de leur zone de confort intellectuel bien douillet et les priver de leurs prébendes et de la reconnaissance de leurs pairs, reconnaissance dont tous ces intellectuels ont tant besoin [12].
Il est d’ailleurs intéressant de constater que le Kali-Yuga, l’âge qui voit advenir la décomposition de toutes les valeurs qui fondaient le monde des anciens Indo-européens, débute avec l’apparition de l’écriture[13] ; ainsi, les historiens conformistes ne voient le passé que comme une succession de malheurs, d’horreurs et de damnations, ignorant ce qui précède cette apparition, et en déduisant que tout ce qui est antérieur à la date supposée de l’invention de l’écriture profane – marqueur tout aussi supposé de la « civilisation » - est un monde obscur et sauvage de plus en plus cruel aussi loin qu’on le remonte, peuplés d’êtres frustes qui ont beaucoup de mal à se dégager de leurs origines bestiales pour devenir des hommes[14].
De même, leurs confrères en évolutionnisme, archéologues, paléontologues, anthropologues et les autres « logues », se sont évertués à ne donner de leurs recherches que les aspects pseudo-scientifiques qui les arrangeaient et qui s’adaptaient si bien à l’idéologie progessiste ; ils ont systématiquement et minutieusement ignoré (voire occulté) les découvertes qui les dérangeaient parce qu’elles ne pouvaient pas entrer dans la logique de leur système. Il suffit de lire à ce sujet les nombreuses recensions de ces découvertes parues dans le livre de Michael Cremo et Richard Thompson, Histoire secrète de l’espèce humaine ou bien de se rappeler les persécutions dont fut victime Emile Fradin qui avait découvert les tablettes de Glozel en 1924[15].
Nous pouvons considérer que les temps modernes, profanes, historiques sont issus, à peu près, de la même période que celle de l’invention de l’écriture matérielle.
L’historicisme
Les historiens évolutionnistes, ou progressistes, ne travaillent que sur ce schéma à court terme sans avoir accès à la longue histoire qui permet de fixer des bases plus solides de recherche même si, en contrepartie, le travail de certains d’entre eux rend compte de quelques péripéties qui permettent d’expliquer les causes dont nous voyons de nos jours les effets.
C’est ainsi que l’on peut comprendre des événements importants qui constituent des paliers de la lente putréfaction de notre monde ; si on remonte aux débuts de « l’Epoque moderne » fixés par les historiens conformistes à La Renaissance, on constate que les concepts élaborés par ces historiens sont en inversion totale avec les faits, et cette inversion est l’une des principales caractéristiques d’une fin de cycle : La Renaissance constitue en réalité le début de la fin, la philosophie des Lumières le commencement de l’obscurcissement du monde et la Révolution française, la fin des peuples que les gentils démocrates progressistes enverront au carnage tout au long des siècles qui ont suivi la « mère » des révolutions dans des conflits sanglants à répétition jusqu’à celui qui est en cours qui voit la population ukrainienne décimée pour que les Américains puissent conserver leur domination monopolistique sur la planète.
D’autre part, l’Histoire conventionnelle s’est donné comme projet, au fil du temps, de constituer une science « moderne », ce qu’on appelle l’historicisme[16], mais la science, on le sait, travaille sur des faits de préférence répétitifs et contrôlés ; les événements historiques ne pouvant être répétitifs, elle est devenue une activité basée sur l’analyse des faits passés et s’est scindée, comme tout autre domaine de la science, en une multitude de secteurs et d’individus spécialisés qui, bien souvent, ne connaissent pas grand-chose de la spécialité de leur voisin et n’ont pas une vue d’ensemble (une synthèse) de leur travail suffisante ; lequel, de ce fait, s’est réduit jusqu’à ne constituer que l’énoncé d’une suite d’anecdotes sans lien avec les autres domaines de connaissance, faits divers susceptibles de ne pas durer plus longtemps que les signes que vous tracez sur le sable, emportés par la première vague qui vient.
En trois ans, le cerveau de milliards d’êtres humains a proprement été vidé.
Mais il y a encore plus grave : nous savons désormais que tout ce qui appartient au domaine de la technique dans lequel s’est exclusivement enfermée la science profane peut être caduc et anéanti en un clic.
Voici pourquoi :
Une camarilla d’individus psychopathes et corrompus, en lien avec les Etats-Unis et les grandes organisations internationales (ONU, OTAN, FMI, OMS, U.E...), représentant les secteurs de la haute finance, de la politique, de diverses mafias, d’une idéologie mortifère, le transhumanisme, ont pris le pouvoir au niveau planétaire au début de l’année 2020.
Cette « élite » démoniaque tente de mener à son terme un projet machiavélique de soumission et de robotisation des populations, minutieusement élaboré depuis longtemps, grâce à des méthodes de manipulation qu’on appelle d’ingénierie sociale (mise en conditionnement de toute la population mondiale, en l’occurrence par une propagande effrénée largement diffusée par l’ensemble des médias subventionnés, mais aussi, tout aussi sournoisement, par l’invention d’une pseudo-pandémie et par l’injection de pseudo-vaccins). Ces méthodes se sont révélées particulièrement efficaces puisque les rares observateurs qui ont su conserver une certaine lucidité et un esprit critique ont pu constater que la quasi-totalité des populations se soumettaient complaisamment aux directives les plus absurdes.
En trois ans, le cerveau de milliards d’êtres humains a proprement été vidé, tout ou partie.
Et même la plupart de ceux qui disposaient d’un certain niveau culturel apte à se former un jugement sur ou tel sujet ont succombé de la même façon, sinon plus, que des esprits moins développés à une léthargie qui a annihilé tous les acquis intellectuels qui pouvaient les aider à la surmonter.
Ce bagage intellectuel comprenait, entre autres, la connaissance de certaines matières acquises habituellement à l’école, ou par la lecture, ou par la transmission, telle la matière qui nous occupe : l’histoire.
Quelle influence peut donc conserver l’Histoire officielle après ce lavage de cerveau ? Quasiment aucune à moins d’un énorme et rigoureux travail de réappropriation du savoir dans les écoles et les universités et à condition d’un changement radical de tout l’appareil enseignant.
Ces techniques de manipulation ont prouvé qu’on peut effacer toute empreinte du passé. Il ne reste plus à la secte qui nous dirige qu’à détruire les livres, les bâtiments, les productions artistiques et toute trace de ces anciennes connaissances. Nous sommes bien dans 1984 ou Le Meilleur des mondes.
De la même manière, si l’on prend en compte une histoire institutionnelle, on peut constater qu’il est tout aussi aisé de détruire en quelques années toute la mise en place des structures qui ont composé, au fil des siècles, ce qu’on appelle un Etat de droit. C’est l’exploit qu’ont réalisé les derniers gouvernements français, soumis au Nouvel Ordre Mondial, en démantelant, secteur par secteur, quasiment toutes les bases administratives, économiques, juridiques, sanitaires, politiques... de notre pays, en prenant particulièrement soin de bien réduire à néant les fonctions régaliennes de l’État : la justice, l’administration (fonctionnaires), la sécurité des citoyens français à l’intérieur (police) et à l’extérieur avec la protection des frontières et de l’intégrité du territoire national (armée), la santé des citoyens (gestion des hôpitaux), leur instruction (et non pas leur éducation), la diplomatie et les affaires étrangères, l’économie nationale (défense de la monnaie et de l’indépendance des grandes entreprises nationales), les Postes et télécommunications, la circulation des personnes et des biens par voie terrestre, maritime, aérienne.
Ces gouvernements, peu soucieux de l’intérêt public, ont agi comme s’il était temps de démonter les panneaux d’un décor de cinéma à Hollywood ou à Cinecitta à la fin d’un film. Ce qui démontre bien que le mensonge était en place depuis bien longtemps et que, comme il ne sert plus à rien de cacher encore la vérité crue[17], à savoir que, derrière ces décors en carton-pâte, il n’y a, désormais, strictement plus… rien, autant les démonter. René Guénon disait, dans Le Règne de la quantité : « On peut dire en toute rigueur que la "fin d’un monde" n’est jamais et ne peut jamais être autre chose que la fin d’une illusion. ».
Les êtres différenciés
Pourquoi certaines personnes ont-elles pu se préserver de cette lobotomisation ?
Parce qu’elles ont conservé ce que Julius Evola appelle « cette hérédité des origines, cet héritage qui nous vient du fond des âges qui est un héritage de lumière. […] Seul peut adhérer au mythe de l’évolutionnisme et du darwinisme l’homme chez qui parle l’autre hérédité (celle introduite à la suite d’une hybridation) car elle a réussi à se rendre suffisamment forte pour s’imposer et étouffer toute sensation de la première ». Il parle aussi « d’un feu éternel ».
Guénon invoque, lui, l’intuition intellectuelle, pour Jung, c’est l’inconscient collectif, « dépôt constitué par toute l’expérience ancestrale depuis des millions d’années », et Jung rajoutait : « Nous ne sommes pas d’aujourd’hui ni d’hier ; nous sommes d’un âge immense ».
Cette faculté spirituelle qui permet à certains de conserver la mémoire des temps primordiaux présente l’avantage de ne pas être vulnérable aux attaques des nouveaux Titans qui ne peuvent s’exercer que sur le plan de la technique et de la matérialité ; face à ces hommes et ces femmes différenciés, la charge transhumaniste, qui vise à s’introduire dans le corps de chaque individu pour en faire un robot ou un esclave, ne peut rien.
Le concept d’être différencié, pour Evola, se résumait à une attitude devant la vie moderne : être dans ce monde tout en n’étant pas de ce monde, appliquer le vieil adage : « Fais ce que dois », sans te préoccuper des circonstances, ni du résultat, ni de l’opinion des gens insérés dans ce monde finissant. Mais combien de personnes connaissent vraiment leur mission et combien sont-elles prêtes à l’accomplir ?
Evola soulignait bien que les êtres différenciés n’avaient pas à agir ; pour lui, ce sont des veilleurs, des mainteneurs : « Les possibilités qui demeurent ne concernent qu'une minorité et peuvent être précisées comme suit : En marge des grands courants du monde, existent encore aujourd'hui des hommes ancrés dans les "terres immobiles". Ce sont, en général, des inconnus, qui se tiennent à l'écart de tous les carrefours de la notoriété et de la culture moderne. Ils gardent les lignes de faîte, n'appartiennent pas à ce monde bien qu'ils se trouvent dispersés sur la terre et, bien qu'ils s'ignorent souvent les uns les autres, sont invisiblement unis et forment une chaîne infrangible dans l'esprit traditionnel. Cette phalange n'agit pas : sa seule fonction est celle qui correspond au symbole du "feu éternel". Grâce à ces hommes, la tradition est malgré tout présente, la flamme brûle invisiblement, quelque chose relie toujours le monde au monde supérieur. Ce sont "ceux qui veillent", les έγρήγοροι. »
Mais cette attitude passive est-elle suffisante pour faire repartir la roue du nouveau cycle, sachant que les forces sataniques en action en ces derniers moments de l’Âge de fer utiliseront tous leurs moyens pour empêcher ce nouveau départ ? (et nous avons vu que ces moyens, sur le plan matériel, sont colossaux).
La vocation de l’homme européen n’est-il pas de se battre pour tenir ses positions ?
René Guénon, peut-être plus attentif que Julius Evola sur les modalités d’apparition du nouveau monde qui est en train de naître en même temps que l’ancien se désagrège, va plus loin que Julius Evola dans l’implication nécessaire de ces êtres différenciés.
Il disait, dans Le Règne de la quantité, que les événements qui vont inévitablement advenir « ne pourront pas être compris par la généralité, mais seulement par le petit nombre de ceux qui seront destinés à préparer, dans une mesure ou dans une autre, les germes du cycle futur. Il est à peine besoin de dire que, dans tout ce que nous exposons, c’est à ces derniers que nous avons toujours entendu nous adresser exclusivement, sans nous préoccuper de l’inévitable incompréhension des autres. »
Dans les derniers événements, provoqués par la caste mondialiste, qui ont précipité le monde dans le chaos, certains hommes et certaines femmes se sont portés courageusement en avant d’un combat qui paraît désespéré, simplement parce qu’ils sont plus lucides que les autres, parce qu’ils possèdent, tout au fond de leur être, cette petite flamme qui les rattache aux temps primordiaux, même s’ils n’en sont pas conscients.
Ces personnes qu’apparemment rien ne prédisposait à devenir des résistants à la plus grande opération de manipulation de tous les temps, d’une part, ni, d’autre part, à se rencontrer et se découvrir nombre de points communs, constituent peut-être le creuset de cette communauté dispersée partout de par le monde, et qui pourrait bien représenter l’armée destinée « à préparer les germes du cycle futur » selon l’expression de René Guénon ; on ne peut pas ne pas penser comme tels à ces personnes qui, pendant les nombreuses mesures d’asservissement prises par le gouvernement mondial dans le cadre de la pseudo-pandémie et de l’injection des pseudo-vaccins, ont su résister, envers et contre tout, souvent rejetés par leurs « amis », leur famille, leurs collègues de travail, travail qu’ils ont souvent perdu dans des conditions terribles, je pense à ces soignants, qui n’ont fait que respecter leurs codes déontologiques, « suspendus », sans moyens de subsistance, et que le gouvernement français continue à traiter comme des parias.
Vers le nouveau monde
Pour conclure, Les grands penseurs traditionalistes, d’une manière générale, et Julius Evola en particulier, ont mis en place, méthodiquement, tous les éléments d’une histoire alternative à l’Histoire profane, éléments qui constituent, en miroir inversé, une Histoire sacrée, cosmique, qui s’est efforcée d’apporter une vue synthétique aux sujets fondamentaux qui l’occupaient en traitant analogiquement les matériaux dont elle disposait.
Ces Traditionalistes sont allés au bout de la connaissance que des historiens peuvent apporter en la matière pour la compréhension de la marche du monde en cette fin de cycle ; nous pouvons néanmoins émettre une objection : ils ont tous vécu et écrit leurs principaux textes dans la première moitié du XXe siècle et se sont élevés vigoureusement contre cette tendance, alors à la mode, de l’occultisme et du spiritisme ; a contrario, les Traditionalistes ont aussi été marqués, cette fois favorablement, par une autre mode qui voit resurgir à cette époque des sociétés dites initiatiques, elles-mêmes supposées être les dépositaires d’autres sociétés plus anciennes, avec leur attirail de rituels secrets, de magie et de dogmes auxquelles les Traditionalistes adhéreront parfois (par exemple, René Guénon consacré « évêque gnostique » en 1909 sous le nom de Palingénius) ; dans cet état d’esprit, il est possible qu’ils aient ensuite assimilé les premières recherches commencées quelques dizaines d’années plus tard sur les EMC, états modifiés de conscience, à ces mêmes tendances entachées souvent de charlatanisme ; cependant, ces travaux récents sérieusement menés sur des milliers de cas et de témoignages concordants ne peuvent plus faire apparaître comme farfelus des phénomènes qui prouvent l’existence d’un monde parallèle comme les « sorties hors du corps » ou les « expériences proches de la mort », ou, dans un autre domaine, les travaux des physiciens quantiques et autres savants éveillés qui ne font que confirmer, par un autre biais, les antiques connaissances issues de la Tradition primordiale ; ces nouvelles donnes constitueront peut-être, parmi d’autres, les bases du nouveau cycle.
Pierre-Emile Blairon
Notes:
[1]. La dernière bonne édition de cet ouvrage a été réalisée par les éditions Kontre Kulture en mai 2019
[2]. Douguine en a récemment parlé, Evola y a songé, à une différence près, à savoir que la Russie n’a plus, comme en 1934 à l’époque où elle s’appelait l’Union soviétique, cette vocation messianique (alors communiste), alors que l’Amérique ne cesse de vouloir maintenir son hégémonie planétaire par tous les moyens : « La Russie et l'Amérique, dans leur certitude d'être investies d'une mission universelle, expriment une réalité de fait. Comme nous l'avons dit, un conflit éventuel entre les deux pays correspondrait, dans le plan de la destruction mondiale, à la dernière des opérations violentes, impliquant l'holocauste bestial de millions de vies humaines, afin que se réalise complètement la dernière phase de l'involution et de la descente du pouvoir, jusqu'à la plus basse des anciennes castes, afin que se réalise l'avènement du pur collectif. Et même si la catastrophe redoutée par certains, résultant de l'utilisation des armes atomiques, ne devait pas se réaliser, lorsque s'accomplira ce destin, toute cette civilisation de titans, de métropoles d'acier, de verre et de ciment, de masses pullulantes, d'algèbre et de machines enchaînant les forces de la matière, de dominateurs de cieux et d'océans, apparaîtra comme un monde qui oscille dans son orbite et tend à s'en détacher pour s'éloigner et se perdre définitivement dans les espaces, là où il n'y a plus aucune lumière, hormis la lumière sinistre qui naîtra de l'accélération de sa propre chute. » Julius Evola, Révolte contre le monde moderne. 1934.
[3]. « Ils n’ont pas à travailler, ils ne connaissent pas la vieillesse. Ils naissent, deviennent dans la force de l’âge et ensuite leurs jarrets, leurs bras, leur poitrine, tout cela ne bouge plus. Il n’y a pas de vieil âge et il n’y a pas non plus de mort. Ils ne meurent pas » dit Jean-Pierre Vernant, spécialiste de la Grèce antique, reprenant les écrits d’Hésiode.
[4]. Et pas seulement indiens, les connaissances de nos anciens ne sont pas toujours que des fariboles : « la constante de Ninive » est une période de temps qui sépare deux conjonctions de toutes les planètes, cette période est de 2 268 000 000 jours. C’est un assyriologue britannique, George Smith (1840-1876), qui découvrit les tablettes de Ninive (civilisation de Sumer) comportant les nombres s’y rapportant dans les ruines de la bibliothèque du roi Assurbanipal. Un ingénieur franco-américain de la Nasa, Maurice Chatelain, en reprenant les calculs, a découvert qu’ils avaient été formulés il y a environ 64800 ans ; ce qui pourrait induire, si cette hypothèse s’avère exacte, que notre cycle serait née d’une civilisation capable de calculs accessibles actuellement par l’emploi d’horloges atomiques au césium.
[5]. Ces nombres et ces chiffres ne sont pas choisis au hasard. J’ai montré dans la plupart de mes ouvrages et particulièrement dans La Roue et le sablier qu’ils avaient tous leur signification et leurs applications concrètes dans le mouvement des astres et la vie des humains, les uns (les astres) et les autres (les humains) étant en correspondance cosmique.
[6]. « En tant qu'âge de l'être, le premier âge est aussi, au sens éminent, l'âge des Vivants. Selon Hésiode, la mort - cette mort qui est vraiment une fin et ne laisse plus après elle que l'Hadès - ne serait intervenue qu'au cours des deux derniers âges (du fer et du bronze). A l'Âge d'or de Kronos, la vie était "semblable à celle des dieux" ίσός τε θεοί. » Julius Evola, Révolte contre le monde moderne.
[7]. Il est intéressant de prendre cette éventualité comme un exercice mental, en imaginant les innombrables répercussions de cette inversion, sans tenir compte , bien sûr, de l’impossibilité matérielle de sa réalisation.
[8]. « Alors que l'homme moderne, jusqu'à une époque toute récente, a conçu le sens de l'histoire comme une évolution et l'a exalté comme tel, l'homme de la Tradition eut conscience d'une vérité diamétralement opposée à cette conception. Dans tous les anciens témoignages de l'humanité traditionnelle, on retrouve toujours, sous une forme ou sous une autre, l'idée d'une régression, d'une "chute" : d'états originels supérieurs, les êtres seraient descendus dans des états toujours plus conditionnés par l'élément humain, mortel et contingent. Ce processus involutif aurait pris naissance à une époque très lointaine. Le mot eddique ragna-rökkr, "obscurcissement des dieux", est celui qui le caractérise le mieux. Selon deux témoignages caractéristiques, la "chute" a été provoquée par le mélange de la race "divine" avec la race humaine au sens strict, conçue comme une race inférieure ». Julius Evola, Révolte contre le monde moderne.
[9]. « Sur le plan historique, nous nous contenterons de mentionner, et ceci est significatif, que, selon certaines traditions helléniques, les Amazones auraient constitué un peuple voisin des Atlantes, avec lesquels elles entrèrent en guerre. Mises en déroute, elles furent repoussées dans la zone des monts Atlantes jusqu'en Libye (certains auteurs ont attiré l'attention sur la survivance, caractéristique, dans ces régions, parmi les Berbères, les Touaregs et les Dahoméens, de traces de constitution matriarcale) ». Julius Evola, Révolte contre le monde moderne.
[10]. L’esprit chevaleresque est bien antérieur aux codes de chevalerie qui ont marqué le Moyen-Âge et se retrouve dans la plupart des grandes traditions, olympienne, nordique, égyptienne, aztèque, indienne… Evola a développé ce thème de ce qui peut apparaître comme des formes archaïques de l’amour courtois après avoir précisé les conditions d’ordination de ces chevaliers : « Dans les formes les plus anciennes de l'ordination chevaleresque, le chevalier ordonnait le chevalier, sans l'intervention de prêtres, presque comme s'il existait chez le guerrier une force « semblable à un fluide », capable de faire surgir de nouveaux chevaliers par transmission directe : cet usage se retrouve également dans la tradition indo-aryenne « des guerriers qui consacrent des guerriers » (Révolte contre le monde moderne.)
Nous pouvons considérer que le Moyen-Âge a été un chaudron de résurgence momentanée et miraculeuse de certains aspects de la Tradition primordiale avec, également, l’irruption de la légende du Graal dont Julius Evola dit, dans Révolte contre le monde moderne, que « cette légende se relie également à des veines cachées, que l'on ne peut rattacher ni à l'Eglise, ni, d'une façon générale, au christianisme. Non seulement la tradition catholique, en tant que telle, ne connaît pas le Graal, mais les éléments essentiels de la légende se rattachent à des traditions pré-chrétiennes et même nordico-hyperboréennes, comme celle des Tuatha, race "dominatrice de la vie et de ses manifestations".
Rajoutons encore pour cette même période l’invraisemblable foisonnement des constructions de cathédrales et d’abbayes accompagnées de la richesse symbolique qu’elles expriment à travers leurs sculptures et leurs agencements.
[11]. « S'il y a jamais eu une civilisation d'esclaves dans les grandes largeurs, c'est bien la civilisation moderne. Aucune culture traditionnelle n'a vu d'aussi grandes masses condamnées à un travail aveugle, automatique et sans âme : esclavage qui n'a même pas pour contrepartie la haute stature et la réalité tangible de figures de seigneurs et de dominateurs, mais est imposé de façon anodine à travers la tyrannie du facteur économique et des structures d'une société plus ou moins collectivisée. » Julius Evola, Révolte contre le monde moderne .
[12]. « Le fait qu'à la conception aristocratique d'une origine d' "en haut", d'un passé de lumière et d'esprit, se soit substituée de nos jours l'idée démocratique de l'évolutionnisme, qui fait dériver le supérieur de l'inférieur, l'homme de l'animal, la civilisation de la barbarie – correspond moins au résultat "objectif" d'une recherche scientifique consciente et libre, qu'à une des nombreuses influences que, par des voies souterraines, l'avènement dans le monde moderne des couches inférieures de l'homme sans tradition, a exercées sur le plan intellectuel, historique et biologique. ». Julius Evola, Révolte contre le monde moderne.
[13]. L’invention de l’écriture représente un palier important sur la route de la matérialité et de la disparition du monde sacré au profit du monde profane sur lequel s’appuieront, sauf exception (comme Jean Phaure, Traditionaliste chrétien) les religions du Livre, les bien nommées ; cependant, il a existé, et il existe encore, des écritures à caractère sacré, donc antérieures à Sumer, celles qui n’ont pu être élucidées, comme les signes inscrits sur les tablettes de Glozel, ou celles qui sont imprégnées d’un caractère sacré et symbolique comme l’écriture runique étudiée par Paul-Georges Sansonetti, notamment dans son livre : Les Runes et la Tradition primordiale.
[14]. « Il est très significatif, d'autre part, que les populations où prédomine encore ce que l'on présume être l'état originel, primitif et barbare de l'humanité ne confirment guère l'hypothèse évolutionniste. Il s'agit de souches qui, au lieu d'évoluer, tendent à s'éteindre, ce qui prouve qu'elles sont précisément des résidus dégénérescents de cycles dont les possibilités vitales étaient épuisées, ou bien des éléments hétérogènes, des souches demeurées en arrière du courant central de l'humanité. Julius Evola, Révolte contre le monde moderne.
[15]. « Sans vouloir aborder les problèmes, dans une certaine mesure transcendants, de l'anthropogénèse, qui ne rentrent pas dans le cadre de cet ouvrage, nous ferons observer qu'une interprétation possible de l'absence de fossiles humains et de l'exclusive présence de fossiles animaux dans la plus haute préhistoire, serait que l'homme primordial (s'il est toutefois permis d'appeler ainsi un type très différent de l'humanité historique) est entré le dernier dans ce processus de matérialisation, qui, - après l'avoir déjà donné aux animaux - a donné à ses premières branches déjà dégénérescentes, déviées, mélangées avec l'animalité un organisme susceptible de se conserver sous la forme de fossiles. C'est à cette circonstance qu'il convient de rattacher le souvenir, gardé dans certaines traditions, d'une race primordiale "aux os faibles" ou "mous" […] Or, outre qu'il y a de l'ingénuité à penser que des êtres supérieurs n'ont pu exister sans laisser de traces telles que des ruines, des instruments de travail, des armes, etc., il convient de remarquer qu'il subsiste des restes d’œuvres cyclopéennes, ne dénotant pas toujours, il est vrai, une haute civilisation, mais remontant à des époques assez lointaines (les cercles de Stonehenge, les énormes pierres posées en équilibre miraculeux, la cyclopéenne « pedra cansada » au Pérou, les colosses de Tiuhuanac, etc.) et qui laissent les archéologues perplexes au sujet des moyens employés, ne serait-ce que pour rassembler et transporter les matériaux nécessaires. Julius Evola, Révolte contre le moderne.
[16]. « … Les notions d’Histoire, de "progrès" et d’ "évolution" se sont trouvées, dans de nombreux cas, intimement associées, l’historicisme apparaissant souvent comme partie intégrante de l’optimisme progressiste de la philosophie des Lumières qui a caractérisé tout le XIXe siècle et a servi de toile de fond à la civilisation rationaliste, scientiste et technique. […] Cet historicisme, quand il ne masque pas une folle ébriété de naufragés, n’est évidemment que le rideau de fumée derrière lequel travaillent les forces de la subversion mondiale » Julius Evola, Les Homme au milieu des ruines.
[17]. Les élites au pouvoir ne dissimulent désormais plus rien de leurs turpitudes ni de leurs projets monstrueux, elles sont persuadées d’avoir définitivement gagné.
21:10 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : tradition, traditionalisme, julius evola, pierre-émile blairon | | del.icio.us | | Digg | Facebook
dimanche, 05 février 2023
De Zalmoxis à Gengis Khan: religions et folklore de la Dacie et de l'Europe de l'Est selon Eliade
De Zalmoxis à Gengis Khan: religions et folklore de la Dacie et de l'Europe de l'Est selon Eliade
Giovanni Sessa
Source: https://www.paginefilosofali.it/da-zalmoxis-a-gengis-khan...
Mircea Eliade, l'éminent historien roumain des religions, bien qu'ayant vécu la majeure partie de sa vie en exil à l'étranger, a conservé un lien étroit avec la culture de son propre peuple et, surtout, un intérêt jamais dissimulé pour la spiritualité de l'ancienne Dacie. En témoigne, de manière très détaillée, son ouvrage intitulé Da Zalmoxis a Genghis Khan. Le religioni e il folklore dell'Europa orientale (= "De Zalmoxis à Gengis Khan. Les religions et le folklore de l'Europe orientale"), que l'on peut trouver en librairie grâce aux Edizioni Mediterranee, édité par Horia Corneliu Cicortaş et avec une traduction d'Alberto Sobrero (pour les commandes : 06/3235433, ordinipv@edizionimediterranee.net, pp. 275, euro 27,00). Ce volume a été publié pour la première fois en France en 1970. Il est sorti en Italie en 1972 et, vu son discret succès critique et commercial, a été traduit dans de nombreuses langues en peu de temps. Le texte se compose de huit chapitres: six d'entre eux sont des reprises d'essais précédents publiés dans des magazines et des périodiques. Deux chapitres sont spécialement conçus pour ce livre.
Le premier d'entre eux fait référence à Zalmoxis et traite de l'histoire religieuse des Gétes & Daces. Un autre essai est consacré à la relation entre cette ancienne population et les loups, tandis qu'un article sur la "Ballade du mouton devin" est destiné, selon les intentions d'Eliade, à compléter les cinq autres essais sur les traditions populaires roumaines. Ils traitent respectivement des mythes cosmogoniques dualistes, de la chasse rituelle, de la légende de Maître Manole, des pratiques chamaniques et du culte de la mandragore. La référence du titre à Gengis Khan, nous rappelle Cicortaş, est purement symbolique: "puisque les invasions mongoles ne sont pas mentionnées dans le livre" (p. 8), alors qu'elles ont joué un rôle fondamental dans la formation de l'imaginaire des Daco-Romains, notamment par rapport à l'ancêtre totémique identifié dans le Loup gris. Il ne faut pas oublier que, pour Eliade, "le culte de Zalmoxis et tous les mythes, symboles et rituels qui informent le folklore religieux des Roumains ont leurs racines dans un univers de valeurs spirituelles antérieur à l'apparition des grandes civilisations du Proche-Orient ancien et de la Méditerranée" (p. 17).
Cela explique l'intérêt pour ce patrimoine spirituel, qui n'a jamais failli chez l'érudit. Elle s'est d'abord manifestée à la fin des années 1920, après le séjour du savant en Inde, mais est revenue se manifester dans les années 1940, avant et après la fin de la Seconde Guerre mondiale. De plus, Eliade avait fondé, en 1938, la première revue internationale roumaine d'études historico-religieuses, intitulée, non par hasard, Zalmoxis. Sur le texte que nous présentons, l'intellectuel a travaillé entre 1968 et 1969, à une époque où il était occupé à peaufiner certaines de ses œuvres les plus érudites. Sans cette concomitance d'engagements, De Zalmoxis à Genghis Khan "aurait probablement été beaucoup plus vaste" (p. 11). En effet, l'auteur avait prévu d'ajouter à la première édition des chapitres consacrés à d'autres aspects de la ritualité et du folklore de la Roumanie et de l'Europe de l'Est. Le lecteur de la nouvelle édition italienne trouvera en annexe l'essai que l'historien des religions a consacré à l'exégèse des căluşari, fêtes masquées saisonnières.
Cet essai confirme également l'importance méthodologique attribuée par Eliade, dans le comparatisme historico-religieux, à la dimension ethnologique. Il recourt continuellement, pour aller au fond des choses, au sens caché des mythes et des rituels: "à l'héritage culturel du folklore [...] Une source précieuse surtout dans le cas des peuples dits "non scripturaires"" (p. 11). Le chercheur est fermement convaincu que l'humus spirituel des Daces ne pouvait être appréhendé que "dans l'univers des valeurs spécifiques des chasseurs et des guerriers, ou plus précisément à la lumière des rites initiatiques de nature militaire" (p. 18). Plus précisément, la duplicité ambiguë, chthonique et tellurique, de Zalmoxis "devient compréhensible lorsque le sens initiatique de l'occultation et de l'épiphanie du dieu est révélé" (p. 18). Le mythe cosmogonique roumain, à la lumière de cette intuition, ne peut être réduit, sic et simpliciter, aux dualismes des Balkans et de l'Asie centrale, mais doit être lu, note Eliade, à travers le thème de la "lassitude de dieu": "une expression surprenante de ce deus otiosus réinventé plus tard par le christianisme populaire, dans la tentative désespérée de rendre dieu étranger aux imperfections du monde et à l'apparition du mal" (p. 18).
La même "chasse rituelle", pratiquée aux premiers temps de la Dacie, pour l'intellectuel roumain doit être placée à l'origine de la principauté de Moldavie. Le monastère d'Argeş parvient également à rendre son symbolisme explicite, non pas simplement par rapport aux mythes de construction, mais par rapport aux autres: "le sens originel d'un sacrifice humain primitif" (p. 18). L'une des ballades populaires les plus connues de Roumanie, la Mioriţa présente la fonction oraculaire des animaux dans la Dacie antique.
Le culte de la mandragore, s'il est interprété correctement, met en évidence le lien étroit entre la Vie et la Mort. Lire ce livre, c'est être projeté dans un univers archaïque d'une grande profondeur symbolique. Eliade, dans ces pages, a transmis à l'époque contemporaine l'héritage immémorial sur lequel s'est construite la civilisation européenne. Une occasion à ne pas manquer, à ne pas gaspiller, à l'heure où la culture de l'annulation entend faire une tabula rasa de notre mémoire historique.
Giovanni Sessa
19:10 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : traditions, traditionalisme, mircea eliade, roumanie, dacie, gètes, daces, mythologie, folklore, zalmoxis | | del.icio.us | | Digg | Facebook
samedi, 04 février 2023
Tradition apophatique: le théologien Dionysius l'Aréopagite
Tradition apophatique: le théologien Dionysius l'Aréopagite
Darja Douguina
Source: https://www.geopolitika.ru/de/article/apophatische-tradition-die-theologe-von-dionysius-dem-areopagiten
L'œuvre de ce célèbre théologien et mystique chrétien, dont les écrits sont entrés dans la tradition chrétienne sous le nom de Denys l'Aréopagite, constitue un phénomène unique dans l'histoire de la pensée philosophique et religieuse. Il a exercé une influence considérable sur l'ensemble de la philosophie chrétienne, en Orient et en Occident, et par conséquent, d'une manière ou d'une autre, sur la pensée philosophique moderne depuis le Moyen Âge, dans laquelle les Aréopagites ont joué un rôle très important.
Presque tous les connaisseurs du Corpus Areopagiticum s'accordent à dire qu'il représente le platonisme sous une forme chrétienne. Par conséquent, nous devons le replacer dans le contexte plus large de la philosophie platonicienne afin de comprendre sa position et d'étudier ses caractéristiques.
Il est prouvé que les Aréopagites ont existé depuis le 5ème siècle de notre ère. Ils sont donc séparés de Platon lui-même, ainsi que de son Académie, par une bonne dizaine de siècles. Durant cette période, le platonisme a subi une série de transformations, d'institutionnalisations et de réinterprétations profondes, dont il faut prendre conscience au niveau le plus général pour comprendre l'évolution historico-philosophique de Platon (Vème - VIème siècles av. J.-C.) aux Aréopagites (Vème siècle après J.-C.).
Cette période peut être divisée en trois phases :
(a) L'Académie post-platonicienne (Speusippe, Xénocrate, etc.), pour laquelle il existe peu de traditions fiables et dont la définition philosophique est aujourd'hui particulièrement difficile ;
(b) Le platonisme moyen (Poseidonios, Plutarque de Chéronée, Apulée, Philon) ;
(c) Le néoplatonisme, qui est apparu à Alexandrie et s'est divisé dès le début en deux écoles : l'école païenne (Plotin, Porphyre, etc.) et l'école chrétienne (Clément d'Alexandrie, Origène, etc.).
"Les Aréopagites sont proches du néoplatonisme et leur particularité réside précisément dans le fait que l'on peut trouver chez eux des influences simultanées des deux courants du néoplatonisme - le courant origéniste (qui a en outre indirectement contribué à déterminer la base dogmatique du christianisme) et le courant païen (qui a été incarné au Vème siècle par le monumental système philosophique et théologique de Proclus Diadoque, qui a entrepris une tentative sans précédent de systématiser le platonisme dans son ensemble)".
En général, nous pouvons considérer la première phase comme une continuation de la Paideia de Platon, selon la direction prévue par Platon lui-même: comme un raffinement du discours philosophique et de la pratique herméneutique selon la propre approche de Platon, sans privilégier une direction et sans tentative essentielle de systématiser la doctrine platonicienne.
Avec la deuxième phase, une systématisation a commencé, qui a conduit à la reconnaissance des nœuds de son enseignement. Il en résulte la reconnaissance de contradictions, de parties opaques et d'interprétations contradictoires. Il est très important pour nous de noter que l'enseignement de Platon est ainsi devenu pour la première fois un savoir théologique, c'est-à-dire qu'il a été théologisé. Cela se manifeste tout d'abord dans l'œuvre de Philon d'Alexandrie, qui a tenté de relier la philosophie et la cosmologie de Platon, repérable dans le Timée et la République à la religion de l'Ancien Testament et à sa dogmatique - en particulier en ce qui concerne Dieu en tant que Créateur, le monothéisme, etc. C'est ici qu'apparaît pour la première fois la problématique de la relation entre les idées platoniciennes et les demi-dieux platoniciens, ainsi que la relation de ces derniers avec le Dieu personnalisé du monothéisme juif. Philon a ensuite exercé une influence considérable sur la naissance de la dogmatique chrétienne et, par conséquent, le lien entre le platonisme et la théologie dans sa philosophie a pris une importance fondamentale pour tout ce qui a suivi.
Après Philon, les gnostiques chrétiens (en particulier Basilide) sont devenus un lien important pour le développement du platonisme. Beaucoup d'entre eux ont été influencés par Platon, comme Plotin l'a largement démontré dans les Ennéades II.9. Mais les gnostiques lisaient déjà Platon à travers la lentille du platonisme moyen, en particulier selon les écrits de Philon, ainsi que dans le contexte du christianisme primitif avec ses réflexions pointues sur la relation entre le Nouveau Testament et le temps de la grâce et l'Ancien Testament et le temps du jugement. Chez les gnostiques, cette relation a conduit à un antagonisme qui a débouché sur le dualisme. Il est essentiel pour nous que ce dualisme soit encadré par la philosophie platonicienne. Par conséquent, le gnosticisme chrétien peut être considéré comme une certaine forme dualiste du platonisme.
Troisième étape de ce mouvement, qui a conduit directement à l'auteur de l'Aréopagite, les écoles de Plotin et d'Origène, c'est-à-dire le néoplatonisme au sens strict, étaient un effet des développements du platonisme moyen et, dans une large mesure, une réaction au platonisme dualiste des gnostiques. Non seulement Clément d'Alexandrie et Origène, mais aussi Plotin, ont polémiqué contre les gnostiques, et ce rejet du gnosticisme les a conduits à développer un platonisme dialectique et systématique qui s'est confronté aux tâches de théologisation et de dualisme, caractéristiques des platoniciens moyens et des gnostiques, mais qui leur a répondu d'une manière résolument non-dualiste. En empruntant un terme à la philosophie hindoue, il serait approprié de qualifier le néoplatonisme d'"advaita-platonisme", c'est-à-dire de platonisme non-duel.
La théologie mystique de l'Aréopagite se situe entièrement dans le contexte de ce platonisme non-duel et peut être considérée comme un exemple remarquable de celui-ci, bien que de manière moins systématique et moins développée que chez Origène ou Proclus. Parallèlement, le Vème siècle marque une période de déclin de la dogmatique, qui avait dominé les siècles précédents, de la patristique gréco-romaine, ce qui préfigure déjà la période suivante du Moyen Âge chrétien. La forme et les outils conceptuels de l'Areopagitica étaient adaptés de la meilleure façon possible à cette période de transition : elle a achevé l'ère du néoplatonisme, d'une part, et celle de la patristique gréco-romaine, d'autre part, et a contribué à préparer l'une des plus importantes évolutions futures de la pensée chrétienne - y compris celle de la scolastique transeuropéenne, sur laquelle Jean-Scott Erigène et Thomas d'Aquin ont eu une telle influence.
katehon.com
20:28 Publié dans Philosophie, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tradition, tradiionalisme, platonisme, néoplatonisme, philosophie, grèce antique, hellénisme, darya douguina | | del.icio.us | | Digg | Facebook
jeudi, 02 février 2023
L'ABC des valeurs traditionnelles - Partie 1: La tradition
L'ABC des valeurs traditionnelles
Partie 1: La tradition
Konstantin Malofeev, Archiprêtre Andrei Tkatchev & Alexandre Douguine
Source: https://www.geopolitika.ru/en/article/abcs-traditional-values-part-1-tradition
La première chaîne de télévision russe Tsargrad a lancé un nouveau projet télévisé, avec une série intitulée "L'ABC des valeurs traditionnelles". Il s'agit d'une série de conférences données par des experts, trois penseurs russes, sur les fondements de l'existence russe et sur l'avenir de la Russie. Ainsi, Konstantin Malofeev, Alexander Douguine et l'archiprêtre Andrei Tkatchev analysent les fondements de la politique d'État pour la préservation et le renforcement des valeurs spirituelles et morales traditionnelles, approuvés par Vladimir Poutine. La première section, introductive, traite de la Tradition elle-même.
Konstantin Malofeev : Récemment, le décret présidentiel 809 a été publié pour approuver la politique fondamentale de l'État visant la préservation et le renforcement des valeurs spirituelles et morales traditionnelles. Nous aimerions maintenant parler de ces valeurs traditionnelles, les définir. Afin que chacun puisse réfléchir au bouleversement qui s'est produit en Russie, lorsque les abominations libérales ont été remplacées par des valeurs traditionnelles. Mais parlons d'abord de la tradition en tant que telle. Mes interlocuteurs sont Aleksandr Douguine et le père Andrey Tkatchev.
Aleksandr Gel'evič, qu'est-ce que la tradition exactement ?
Alexandre Douguine : La chose la plus importante est de comprendre ce qui s'oppose à la tradition. Si nous comprenons cela, nous comprendrons la signification de la tradition. La tradition s'oppose à la modernité, elle s'oppose à l'idée d'un progrès omnipotent, qui va toujours du moins au plus. Dans une vision matérialiste du monde, nous sommes habitués à voir le monde comme une amélioration constante de l'histoire humaine, mais la tradition dit le contraire : c'est ce qui a précédé qui compte. Ce sont les origines qui sont fondamentales et décisives.
Si nous parlons de valeurs traditionnelles, alors nous défendons ce qui appartient aux racines. Aux pères porteurs de Dieu, au commencement du monde, à ce qui est à la base du monde, son fondement. Et lorsque nous parlons de valeurs contemporaines, cela signifie qu'au contraire, chaque nouvelle édition de celles-ci supplante, remplace la précédente et nous nous rapportons alors à ce qui se passe d'une manière complètement différente. En termes de tradition, ce qui compte, c'est ce qui était là au début et ce qui a toujours été là. En termes de modernité, au contraire, ce qui vient maintenant, ce qui est le dernier élément d'une chaîne d'événements, d'inventions, de découvertes. Le présent remplace ici le passé.
Du point de vue de la tradition, le passé est un point de référence pour le présent. Et si nous regardons l'histoire européenne dans sa transition vers la modernité, nous verrons que la base des valeurs traditionnelles était l'Éternité, tandis que la base des valeurs modernes était le temps. La modernité est basée sur l'hypothèse qu'il n'y a pas d'Éternité, seulement du temps.
La valeur traditionnelle est Dieu et la valeur moderne est l'homme. La valeur traditionnelle est le ciel, la valeur moderne est la terre. La valeur traditionnelle est l'esprit, la valeur moderne est la matière.
Il existe une opposition fondamentale entre la tradition et la modernité, et si nous jurons, comme nous le faisons maintenant, par les valeurs traditionnelles, même s'il existe un tel décret présidentiel - cela bouleverse en fait un mode de pensée habituel. Nous découvrons quelque chose de complètement oublié : la tradition et sa logique, sa structure, sa philosophie.
Archiprêtre Andrei Tkatchev : "Rappelle-toi d'où tu es tombé et repens-toi", dit l'Apocalypse de l'apôtre Jean l'Évangéliste. Ce "souviens-toi d'où tu es tombé" est la mémoire du passé. Mnémosyne règne dans le chœur des muses, elle est la principale égérie de la mémoire. Et cette mémoire vivante, en fait, construit le présent. On a dit aux Juifs : "Regarde le rocher dans lequel tu as été taillé", en se référant à Abraham, mais ensuite l'homme du rocher devient caillou, du caillou devient gravats, et ensuite les gravats deviennent poussière.
C'est là, en fait, le progrès à son pire. En tant que tel, il n'y a pas de progrès du tout. Après tout, il faut en parler haut et fort. Parce que, par exemple, les œuvres de Bach écrites en une nuit étaient données à des groupes d'étudiants qui les apprenaient en deux jours, mais aujourd'hui notre conservatoire les enseigne depuis des années. Et si vous mettez tous les philosophes ensemble, vous n'obtenez que le talon de Platon. Ou l'oreille d'Aristote. C'est-à-dire qu'on peut étudier Aristote toute sa vie et ne pas le comprendre toute sa vie.
Le meilleur, étrangement, a déjà été fait. Nous devons constamment nous mesurer au meilleur. Contrairement au progrès, qui transforme les pierres en tas, les tas en décombres et les décombres en poussière. En réalité, c'est là le progrès qui nous est offert.
K.M. : Ce qui est surprenant, d'un point de vue juridique, c'est que cette tradition n'est apparue que récemment dans notre système juridique. Cette profondeur que vous venez de mentionner n'était pas présente dans notre législation. Et les valeurs traditionnelles sont une sorte d'euphémisme cachant le religieux: l'orthodoxie pour les orthodoxes ou toute autre morale religieuse.
Dans la législation laïque d'aujourd'hui, imprégnée de tous les grands mots, la bureaucratie prédomine. Les mots sublimes ont disparu de notre législation en 1917. Si vous ouvrez le code des lois de l'Empire russe, vous serez étonné de voir à quel point elles sont écrites de manière poétique, et si vous lisez le statut du tsar Alexei Mikhailovich ou les 100 chapitres d'Ivan le Terrible, vous serez étonné de ce qui est écrit, car cela semble très poétique comparé au mode d'écriture de la bureaucratie moderne.
En d'autres termes, les valeurs traditionnelles sont toutes à un niveau élevé dans le droit moderne. Ainsi, pour un avocat, pour tout responsable de l'application de la loi, ce qui est écrit sur les valeurs traditionnelles russes signifie tout ce que vous venez de dire. C'est toute la philosophie, toute la religion et toute la moralité. C'est ainsi que cela est décrit dans le langage sec d'un acte normatif.
A.D. : Vous avez tout à fait raison au sujet de l'année 1917. Le fait est que, au moins de 1917 à 2022, l'idée de progrès était dominante dans notre société, d'abord dans un contexte bolchevique, puis dans un contexte libéral. En d'autres termes, les idéologies communiste et libérale étaient toutes deux contraires à la tradition. En fait, toutes deux proclament explicitement que la tradition doit être dépassée, éradiquée, libérée. C'est là que le progrès est dogmatique.
Toutes ont pour but délibéré la pulvérisation ultime de ce rocher dont parlait le Père Andrey. Après tout, avant 1917, nous vivions dans une société traditionnelle, ou du moins beaucoup plus traditionnelle qu'ultérieurement. Les principaux points de référence de l'époque étaient la monarchie, l'empire, l'orthodoxie, la nationalité. La philosophie slavophile, la philosophie religieuse russe. Tout cela était orienté vers les valeurs traditionnelles.
Une autre question est qu'il y a une différence entre les valeurs traditionnelles authentiques de la Russie du 17ème siècle et les valeurs traditionnelles qui étaient déjà passées par la modernisation et l'occidentalisation au 18ème et partiellement au 19ème siècle. Tout, à proprement parler, n'était pas vraiment traditionnel dans l'Empire russe à partir de Pierre le Grand, mais la loyauté envers la tradition était toujours énoncée comme un objectif, comme un idéal.
Aujourd'hui, nous ne nous contentons pas de revenir 100 ans en arrière. Grâce au décret 809, nous créons un pont entre notre présent, notre avenir et notre ancienne tradition indigène russe. Et ceci, bien sûr, est pour nous à nouveau centré sur la religion, l'Empire, la Narodnost, le commencement russe, l'identité russe. Tout cela est réaffirmé. C'est un tournant unique, il n'y a rien eu de tel au cours des 100 dernières années.
A.T. : Je pense qu'il s'agit aussi de la préservation de l'homme. Chesterton a écrit un livre intitulé The Eternal Man. Il y exprime l'idée, similaire à celle de St Nicolas de Srpska, qu'autrefois le poète appartenait entièrement à la tradition orale. Plus tard, il a commencé à écrire avec une plume d'oie, puis il a commencé à taper sur les touches d'une machine à écrire et maintenant il est assis devant son clavier. Mais l'essence ne change pas. Cependant, la poésie est un cœur vivant et battant, qui répond à des questions vivantes.
La modernité, c'est l'éloge de l'ordinateur contre la plume d'oie: comment vivait-on avant, sans téléphone portable? L'homme moderne a une certaine confiance vulgaire en sa supériorité sur toutes les générations précédentes, une confiance basée sur le gadget qu'il tient dans sa poche. La vérité est que les gens étaient autrefois beaucoup plus intelligents et plus forts.
Un homme normal est un homme qui aime les enfants, mange du pain, respire de l'air, prie Dieu et cultive le petit bout de terre qu'il lui a été donné de posséder. C'est l'homme traditionnel, "l'homme éternel" selon Chesterton. Les âges changent, le manteau remplace le gilet, la veste remplace le manteau, mais le cœur bat toujours pareil, le cœur humain. L'homme moderne risque l'extinction, car il se nourrira d'on ne sait quoi, il sera incinéré pour on ne sait quoi. Il ne donnera pas naissance, mais changera de sexe et mangera des vers assaisonnés au lieu d'une bonne schnitzel.
C'est-à-dire qu'on se moque tout simplement de lui de tous les côtés, le détruisant exactement en tant qu'homme, et la tradition préserve l'homme tel que Dieu l'a créé. Nous sommes entrés dans une ère de lutte pour l'homme biblique. C'est-à-dire qu'il est nécessaire de préserver l'homme. C'est la tradition - car les musulmans nous comprennent mieux que les athées européens, et les juifs nous comprennent comme les musulmans. Et en général, toute personne qui veut être humaine, quelle que soit sa croyance ou sa vision du monde, nous comprend. De sentir que c'est une période de lutte pour au moins rester tel qu'ils sont.
Oui, notre objectif est d'être transformés, d'être enveloppés. Mais nous devons d'abord rester. Alors nous luttons pour rester humains, capables de nous transformer.
K.M. : Vous avez tout à fait raison. Rappelez-vous la célèbre maxime attribuée au compositeur Mahler selon laquelle la tradition consiste à passer le flambeau, et non à vénérer les cendres. Et ceci est très important à comprendre. La tradition est différente du conservatisme et le traditionalisme, lui aussi, est différent du conservatisme.
Lorsque nous parlons de tradition, nous faisons référence à l'avenir, pas au passé. Il y a des gens qui pensent que si nous devenons un État traditionnel, nous ne parlerons plus que du passé. Que tout le monde se promènera en sabots et que les gadgets seront supprimés. Ce n'est pas vrai. La tradition est une façon de nous regarder, de regarder le monde. Et vous, Monsieur le Président, avez raison lorsque vous dites que la vision traditionnelle est que Dieu est au centre de l'univers. Dans ce cas, la société traditionnelle est une société dans laquelle nous vivons dans l'Éternité et nous nous préparons à l'Éternité. Et nous désirons le Royaume des Cieux, le salut de nos âmes. Cela signifie que notre vie n'est pas pour le plaisir du moment, pas pour la gloire, pas pour le consumérisme, pas pour le confort. Elle est pour l'éternel, pour Dieu. C'est la signification la plus importante de la tradition.
C'est un souffle vivant, réel, palpitant, le souffle de Dieu. Et nous pouvons vivre avec Lui grâce à la tradition. Et grâce à la modernité, nous vivons dans la société de celluloïd dont vous parlez, Père Andrey. Qui mangera bientôt des vers, car elle a déjà oublié toute dignité humaine. Cette dignité que Dieu lui a donnée à son image et à sa ressemblance.
A.T. : L'Eglise, hélas, veut parfois faire de la tradition un dépôt d'antiquité. Nous chantons avec le chant de la bannière, comme cela se faisait autrefois, mais nous ne comprenons pas ce que nous chantons et pourquoi; nous créons des formes architecturales semblables à celles du cinquième siècle, nous reproduisons des basiliques, mais nous ne comprenons pas pourquoi, c'est-à-dire que nous nous mettons dans un lit de Procuste d'imitations. C'est une terrible farce dont nous devons sortir. Car oui, nous conduirons des voitures, mais dans ces voitures, nous chanterons des psaumes. Telle est bien la tradition.
R.D. : Mais il est nécessaire de maintenir le chant znamenny [tradition de chant utilisée par certains orthodoxes. C'est un cato malismatique à l'unisson avec une intonation spécifique, Ndlr]. Il fait partie de notre ancienne tradition spirituelle russe.
A.T. : Je suis d'accord.
K.M. : Le Père Andrei parle du fait que cela doit être compris.
A.D. : Bien sûr, il le faut. En général, tout doit être compris : ce que nous faisons, protégeons, restaurons et affirmons.
K.M. : C'est la tradition. La tradition est de comprendre la langue slave de l'Eglise, qui est plus riche que la langue russe. Elle a plus de nuances.
A.D. : Bien sûr. Sans le slavon de l'Eglise, le russe moderne est incompréhensible. En slavon d'église, nous avons nos racines et nos origines, nos significations originales. Ce que vous, Konstantin Valeryevitch, avez dit sur l'éternité est important. Le fait est que la tradition n'est pas le passé, mais l'éternel; or l'éternel est toujours vivant, toujours frais. L'éternité était, mais est toujours et sera. C'est dans l'éternité que nous puisons le contenu de l'avenir.
Si nous n'avons pas l'Éternité, nous recyclons simplement le passé dans le futur. Les personnes qui aspirent à la modernité, au progrès, au développement, exploitent le passé, le gaspillent tout simplement et n'ont pas d'avenir. C'est-à-dire qu'ils sont beaucoup plus vieux et archaïques que les gens de tradition, qui font face à l'Éternité. Car l'Eternité est toujours fraîche, l'Eternité est toujours nouvelle.
K.M. : L'Éternité est éternelle.
A.D. : Oui, elle est éternelle. Elle nous donne la possibilité de l'avenir.
A.T. : Pour prendre soin d'un arbre, il ne faut pas s'occuper de chaque feuille, il faut arroser et en trouver les racines dans le sol. C'est ce qu'on appelle la tradition - en ce qui concerne l'état, la société et l'homme. Car si nous traitons séparément la médecine, l'éducation, les transports et d'autres choses, par exemple l'écologie, c'est comme si nous enduisions chaque feuille d'une sorte de médicament. Mais si la racine est pourrie, plus rien ne fonctionne. La tradition veut donc que l'on creuse et arrose les racines. Les feuilles feront leur travail.
A.D. : Non seulement la couronne pousse, mais aussi les racines. Donc la tradition est une chose absolument vivante.
K.M. : Parce que le sol est la foi et le soleil est Dieu. Si nous nous référons à cet exemple, la tradition est tout dans le domaine du religieux. La tradition est tout ce qui concerne la foi. Il y a la tradition au sens philosophique et au sens théologique, mais au sens juridique, la tradition signifie tout ce qui est élevé. Tout ce qui est élevé et noble est appelé "valeurs spirituelles traditionnelles". L'expression "valeurs spirituelles traditionnelles" est utilisée au lieu d'écrire directement sur le début religieux ou orthodoxe, le fondement de la société. Maintenant, avec les Fondements de la politique d'État, nous avons ouvert une fenêtre sur le monde de l'Éternel et du Haut. Nous avons secoué notre législation poussiéreuse et ouvert une fenêtre vers le haut, vers l'Éternité. Et c'est déjà beaucoup.
A.D. : C'est la chose la plus importante. Fondamentalement, il s'agit de regrouper tous les ministères et départements, la culture, l'éducation et la médecine sous une seule autorité suprême. Et la sphère sociale, l'économie, la politique d'information et la sécurité: désormais, tout doit être placé sous le signe de la tradition.
K.M. : Oui. Ceci conclut la première partie de notre discussion. Nous avons parlé de la tradition avec un grand "T".
20:57 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : konstantin malofeev, andrey tkatchev, alexandre douguine, russie, tradition, traditionalisme | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mardi, 31 janvier 2023
La malédiction de l'Occident et le salut de la Russie
La malédiction de l'Occident et le salut de la Russie
Alexandre Douguine
Source: https://www.geopolitika.ru/it/article/la-maledizione-delloccidente-e-la-salvezza-della-russia
Dans la dernière partie de son étude, le philosophe russe Alexandre Douguine tire des conclusions pessimistes sur l'état de la société moderne en Occident et sur les chances de salut de la Russie en se fondant sur une analyse de fond de la nature humaine.
La modernité à travers les yeux de la tradition
Passons maintenant à une partie absolument différente de l'anthropologie : la manière dont la philosophie et la science de l'Occident moderne présentent l'homme, son essence, sa nature. Nous commençons presque toujours par des notions modernes, que nous tenons pour acquises ("le progrès est obligatoire"), et à travers leur prisme, nous nous tournons vers d'autres notions, par exemple pré-modernes. Avec un certain degré d'indulgence.
Si tel était le cas, toute anthropologie religieuse, et en particulier sa section eschatologique, apparaîtrait comme une généralisation naïve et arbitraire. Or voici ce qui est intéressant. Si nous regardons de l'autre côté et essayons d'évaluer les théories anthropologiques de la modernité à travers les yeux d'un homme de la Tradition, une image choquante s'ouvrira devant nous.
Si l'histoire est le processus de division de l'humanité en moutons et en boucs, c'est-à-dire l'actualisation finale, à travers quelques étapes successives, de la liberté des hommes à choisir soit en faveur des enfants de la lumière soit en faveur des enfants des ténèbres, alors les derniers siècles de la civilisation de l'Europe occidentale, qui se positionne de plus en plus en retrait de Dieu, de la religion, de la foi, du christianisme et de l'éternité, apparaîtront comme un processus continu et croissant de glissement vers l'abîme, un glissement massif vers le côté Denitsa, un vecteur conscient et structurellement vérifié de lutte directe contre Dieu.
La modernité européenne est la "voie des boucs", c'est-à-dire l'invitation compulsive faite aux sociétés et aux peuples à devenir des boucs émissaires lors du Jugement dernier. La civilisation européenne occidentale de la modernité s'est construite dès le départ sur le rejet de la religion: d'abord par la relativisation de ses enseignements (le déisme), puis par un athéisme dogmatique pur et simple.
L'homme est désormais pensé comme un phénomène matériel/psychique indépendant, porteur de rationalité. Dieu apparaît comme une hypothèse abstraite. Dans la culture New Age, ce n'est pas Dieu qui crée l'homme, mais l'homme s'invente un "Dieu", dans la quête naïve d'expliquer l'origine du monde. Avec cette approche, ni les mondes spirituels ni les anges n'ont de place dans l'existence, toute la spiritualité est réduite à l'esprit humain.
En même temps, l'acte même de la création et l'éternité créée sont rejetés; par conséquent, l'idée de la structure du temps et de l'histoire change: le Paradis et le Jugement dernier sont présentés comme des "mythes naïfs" ne méritant aucune considération sérieuse. L'apparition de l'homme est décrite comme une étape dans l'évolution des espèces animales et l'histoire de l'humanité comme un progrès social graduel menant à des formes d'organisation sociale considérées toujours plus parfaites, avec des niveaux de confort et de développement technologique toujours plus élevés.
Cette image du monde et de l'homme nous est si familière que nous réfléchissons rarement à ses origines ou aux hypothèses sur lesquelles elle repose, mais si nous nous y intéressons quand même, nous voyons qu'il s'agit d'un rejet radical de l'ontologie du salut, d'une volonté d'interdire catégoriquement à l'homme de créer son être dans les domaines propres aux moutons de l'eschatologie. Le paradigme de la modernité tourne le dos à Dieu et au ciel et, par conséquent, se dirige vers l'intérieur.
Dans la topologie religieuse, c'est un choix sans équivoque en faveur de l'enfer, un glissement dans l'abîme d'Avaddon. Dans l'ordre mondial formellement athée et laïc, l'image de l'ange déchu devient de plus en plus claire. Le diable a attiré l'humanité à lui à travers toutes les phases de l'histoire sainte, en commençant par le paradis terrestre. Mais ce n'est qu'à l'époque moderne qu'il parvient à prendre le pouvoir sur l'humanité et à devenir le véritable "prince de ce monde" et le "dieu de ce temps".
Postmodernité : le retour du diable
La transformation de l'anthropologie dans un sens ouvertement satanique est particulièrement évidente dans ses dernières étapes, dans ce que l'on appelle communément le Postmoderne. Ici, l'optimisme de la modernité est remplacé par le pessimisme et l'humanisme est totalement écarté.
Si la modernité (l'ère moderne) s'est rebellés contre Dieu, la religion et le sacré, le postmodernisme va plus loin encore et appelle à l'élimination de l'homme (de tout anthropocentrisme), à la rationalité scientifique et à la destruction ultime des institutions sociales - États, familles - en passant par le rejet du genre (politique du genre) et le passage au transhumanisme (transfert de l'initiative à l'intelligence artificielle, création de chimères et de cyborgs par génie génétique, etc.)
Si dans la Modernité, le mouvement menant à la civilisation du diable était planifié et s'exprimait par le démantèlement de la société traditionnelle, la Postmodernité, elle, pousse cette tendance jusqu'à sa conclusion logique en mettant directement en œuvre un programme d'abolition définitive de l'humanité.
Ce programme, en tant que triomphe du matérialisme, est présenté de manière particulièrement vivante dans l'orientation moderne de la philosophie occidentale - le réalisme critique, ou ontologie orientée objet (OO).
Il proclame ouvertement le démantèlement de la subjectivité et l'appel à l'Absolu extérieur (C. Meillas) comme fondement ultime de la réalité. En outre, de nombreux philosophes de cette tendance identifient directement la figure de l'Absolu extérieur à Satan ou à ses homologues dans d'autres religions - en particulier, à l'Ahriman zoroastrien (voir Reza Negarestani à ce sujet).
Ainsi, ensemble, la modernité et la postmodernité représentent une seule et même tendance qui vise à mettre l'humanité sur la voie de la victime rejetée, du bouc émissaire, et au moment du Jugement dernier, lequel est nié, à la plonger dans l'abîme de la damnation irréversible.
Le déni de l'anthropologie religieuse et de son apothéose eschatologique contiennent déjà un programme de désignation de boucs émissaires, et à mesure que la culture séculière s'enracine, se développe et s'explicite, notamment dans le postmodernisme et le transhumanisme, ce programme devient explicite et transparent. Nous pouvons dire, en simplifiant, que d'abord l'âge moderne se moque de l'existence de Dieu et du diable, rejetant l'existence de la verticalité comme axe de la création, puis, dans la Postmodernité, le diable et la moitié inférieure de la verticale reviennent et se font pleinement connaître.
Cependant, il n'y a plus de Dieu (Dieu est mort, s'exclame Nietzsche, nous l'avons tué) qui puisse aider l'humanité. Le divin est écarté à un stade antérieur et, partant, ce rejet du divin reste un thème indiscutable du postmodernisme. Il n'y a que le diable qui conduit l'humanité sur le large chemin de la damnation, cyniquement (Satan aime plaisanter) appelé "progrès".
L'Armageddon de nos cœurs
Si nous combinons maintenant ces deux perspectives, l'anthropologie eschatologique et les conceptions de l'homme dans la modernité et surtout dans la postmodernité, nous obtenons un tableau assez vaste. Il apparaîtra clairement que nous sommes dans la phase finale de la fin des temps, à proximité immédiate du moment du Jugement dernier. Il n'y a rien d'arbitraire ou de spéculatif dans cette déclaration. Sur le plan vertical du monde, l'humanité se trouve dans cette position à chaque moment de son histoire: le Jugement dernier et la résurrection des morts sont toujours proches de Dieu et sont présents à chaque instant et dans chaque lieu de vie.
Dans l'ensemble, cependant, en ce qui concerne l'humanité, cet événement se produit une fois pour toutes: lorsque les deux dimensions, la verticale et l'horizontale, se rencontrent de la manière la plus complète et la plus pure. Si, lors du grand jugement, il y a beaucoup de gens qui ne sont pas du tout préparés à cela, qui ont même été élevés avec l'idée que rien de tel ne peut se produire, parce que seule la matière et ses dérivés existent, ils peuvent se retrouver parmi ceux qui seront envoyés à l'abîme.
Surtout ceux qui, en succombant à l'hypnose du progrès, iront si loin sur la voie de la déshumanisation qu'ils perdront complètement contact avec leur propre nature humaine, et donc avec la possibilité de choisir le bon côté, ce qui est toujours possible lorsqu'on a affaire à des humains - aussi difficile que ce choix puisse être dans certaines circonstances. Mais lorsque le projet transhumaniste sera pleinement réalisé et que l'humanité aura irréversiblement migré dans la zone de la post-humanité (ce que les futurologues modernes appellent le moment de la singularité), en coupant les liens avec sa nature, la paix et l'histoire prendront fin, car un témoin sera retiré du centre de la réalité.
Ce ne sera pas le vide, mais le déploiement de la création éternelle et de la verticale angélique dans son intégralité: ce sera le temps de la seconde venue, de la résurrection des morts et du jugement dernier. En attendant que ce moment arrive, la division de l'humanité en moutons et en boucs prend une expression dramatique, particulièrement intense. De plus en plus de personnes deviennent des "enfants des ténèbres" et se détournent de la foi en la vraie lumière de Dieu. En face d'eux se trouvent les "enfants de lumière" qui, malgré tout, restent fidèles à Dieu, au Sauveur, à la verticale...
Les deux catégories, consciemment ou inconsciemment, bien que la figure de l'ange ait depuis longtemps disparu de l'image holistique du monde, se retrouvent tout près des pôles angéliques, séparés de l'éternité et de la fin du monde aussi loin que possible. Pour les boucs, cela signifie qu'ils deviennent littéralement possédées par le diable, se transformant en son instrument impuissant et perdant toute autonomie.
C'est cela que signifie devenir des "enfants des ténèbres", des boucs émissaires, un sacrifice rejeté par Dieu. Mais il est également extrêmement difficile de rester fidèle au ciel et à la lumière dans une situation aussi extrême, et cette position désespérée du "petit troupeau" nécessite le soutien et la protection spéciale de Dieu et des anges dévoués. À un certain moment, la bataille des anges éternellement justes coïncide avec la dernière guerre de l'humanité, dans laquelle les "enfants de la lumière" s'opposent directement aux "enfants des ténèbres" dans l'imminence du Jugement dernier. C'est exactement ce que la Bible décrit comme la bataille d'Armageddon. Il est impossible de la décrire en termes rationnels purement terrestres, car elle comprend les expressions ultimes du contenu théologique, métaphysique et ontologique.
VO, soit l'ontologie vraie, l'ontologie orientée vers la vérité, a la relation la plus directe avec l'anthropologie eschatologique. Personne ne connaît son moment exact, notamment parce qu'il ne s'agit pas d'un événement situé dans le temps, mais de cet état du monde difficile à imaginer dans lequel le temps entre directement en collision avec l'éternité et, par conséquent, l'éternité cesse d'être le temps qu'elle était auparavant. Ici commence un "âge futur" qui fait face à la verticale de l'existence. Tout cela s'est déjà produit et se produit maintenant, mais sera pleinement révélé au cours de l'Apocalypse, qui signifie en grec "révélation", "découverte".
Le caché devient manifeste. C'est ainsi que le mystère de la dualité de l'homme est résolu, et que chaque homme en devient un participant direct - car la ligne de front ne passe pas seulement par la géographie terrestre, mais strictement par notre cœur.
Partie I - Le problème anthropologique en eschatologie
Partie II - Le dualisme du monde spirituel
Partie III - La division finale entre les Fils de la Lumière et les Fils des Ténèbres
23:55 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tradition, apocalypse, jugement dernier, eschatologie, alexandre douguine, théologie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mercredi, 25 janvier 2023
Douguine: Le problème anthropologique en eschatologie
Douguine: Le problème anthropologique en eschatologie
Alexandre Douguine
La question de l'homme
À notre époque, il est de plus en plus clair que l'homme lui-même, son existence même, est en question, et il est de plus en plus clair que nous vivons un moment critique, extrêmement critique de l'histoire, et il est possible (et même probable) que nous vivions la fin des temps.
Les épidémies et les guerres déciment des millions de vies et, suite à l'Opération militaire spéciale, le monde a été amené au bord d'une guerre nucléaire qui, une fois déclenchée, pourrait mettre fin à l'existence de l'humanité.
Dans le même temps, les horizons du futur post-humain se précisent dans la philosophie et la science. La théorie de la singularité, le transfert de l'initiative à l'intelligence artificielle, les progrès du génie génétique, le raffinement de la robotique, les tentatives de fusion de l'homme et de la machine (création de cyborgs) - tout cela remet en question l'existence même de l'homme, suggérant que nous devrions tourner cette page de l'histoire et entrer résolument dans l'ère du post-humanisme, du transhumanisme.
Dans une telle situation, il est extrêmement important d'aborder à nouveau les questions anthropologiques, avec le plus grand sérieux. Si l'homme est au bord de l'extinction, de l'anéantissement, de la mutation fondamentale et irréversible, alors qu'est-il ? Qu'était-il ? Quelle est son essence et sa mission ? En s'approchant de la limite, l'homme peut mieux réviser ses formes et ainsi connaître son essence, son eidos.
Cette révision peut se faire de différentes manières. Tout dépend du point de vue initial. Chaque paradigme scientifique ou idéologique procédera à partir de ses propres structures. Dans cet article, nous visons à donner un sens à l'homme avant tout dans le contexte de l'eschatologie chrétienne, mais afin de clarifier la manière dont la doctrine chrétienne représente l'homme, sa nature et son destin dans les derniers temps, une excursion dans un problème plus général de l'anthropologie religieuse en général est d'abord nécessaire.
Le dualisme de l'humanité dans le Jugement dernier
La fin du monde dans la tradition chrétienne (ainsi que dans d'autres versions du monothéisme) est décrite en détail. Le point culminant de toute l'histoire du monde sera le moment du Jugement dernier. Et nous rencontrons ici une caractéristique principale de l'anthropologie eschatologique : le dualisme, la division finale de l'humanité en deux groupes, représentés par les images des agneaux (bétail, troupeau - πρόβατον) et des boucs (ἔριφος). Les agneaux sont les élus qui recevront une bonne réponse lors du Jugement dernier. Les boucs sont les damnés, destinés à la destruction éternelle. Les agneaux vont à droite, vers le salut, les boucs vont à gauche, vers la damnation.
L'Évangile de Matthieu [ch. 25, versets 31-36] décrit cette division de la manière suivante :
31. Quand le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, et tous les saints anges avec lui, il s'assiéra sur son trône glorieux, et toutes les nations seront rassemblées devant lui ;
32. Il séparera les uns des autres comme un berger sépare les moutons des chèvres ;
33. Il placera les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche.
34. Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : "Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde" ;
35. Car j'avais faim et vous m'avez donné à manger, j'avais soif et vous m'avez donné à boire, j'étais un étranger et vous m'avez accueilli ;
36. J'étais nu et vous m'avez habillé, j'étais malade et vous m'avez visité, j'étais en prison et vous êtes venus à moi.
L'Évangile de Matthieu [ch. 25, versets 31-36].
31. ὅταν δὲ ἔλθη̨ ὁ υἱòς του̃ ἀνθρώπου ἐν τη̨̃ δόξη̨ αὐτου̃ καὶ πάντες οἱ ἄγγελοι μετ' αὐτου̃ τότε καθίσει ἐπὶ θρόνου δόξης αὐτου̃
32. καὶ συναχθήσονται ἔμπροσθεν αὐτου̃ πάντα τὰ ἔθνη καὶ ἀφορίσει αὐτοὺς ἀπ' ἀλλήλων ὥσπερ ὁ ποιμὴν ἀφορίζει τὰ πρόβατα ἀπò τω̃ν ἐρίφων
33. καὶ στήσει τὰ μὲν πρόβατα ἐκ δεξιω̃ν αὐτου̃ τὰ δὲ ἐρίφια ἐξ εὐωνύμων
34. τότε ἐρει̃ ὁ βασιλεὺς τοι̃ς ἐκ δεξιω̃ν αὐτου̃ δευ̃τε οἱ εὐλογημένοι του̃ πατρός μου κληρονομήσατε τὴν ἡτοιμασμένην ὑμι̃ν βασιλείαν ἀπò καταβολη̃ς κόσμου
35. ἐπείνασα γὰρ καὶ ἐδώκατέ μοι φαγει̃ν ἐδίψησα καὶ ἐποτίσατέ με ξένος ἤμην καὶ συνηγάγετέ με
36. γυμνòς καὶ περιεβάλετέ με ἠσθένησα καὶ ἐπεσκέψασθέ με ἐν φυλακη̨̃ ἤμην καὶ ἤλθατε πρός με.
Cette formulation suggère que la division se produit entre les nations (πάντα τὰ ἔθνη), mais la tradition l'interprète comme une division entre les personnes sur un principe plus profond - ontologique. Les brebis sont celles dont la nature s'avère être bonne. Les boucs - et ici la référence au rite juif du bannissement expiatoire du bouc est claire - sont ceux qui se sont tournés de manière décisive du côté du mal.
L'eschatologie voit donc la fin de l'histoire humaine non pas comme une unité, non pas ex pluribus unum, mais précisément comme une division, une bifurcation, un carrefour fondamental.
L'humanité bifurque lors du Jugement dernier, de manière complète et irréversible. Le résultat de son existence dans le temps est la répartition en deux ensembles, qui dans cet état de bifurcation entrent dans l'éternité. Ce n'est plus une étape, ni une position intermédiaire, mais précisément une fin irréversible. La fin de l'homme est la décision absolue et irrévocable de Dieu lors du Jugement dernier.
Ainsi, l'eschatologie affirme strictement que le point oméga de l'humanité sera sa bifurcation, sa division en moutons et boucs. Sur les damnés - en tant que boucs émissaires - seront placés symboliquement tous les péchés de l'humanité, et en tant que tels, ils seront séparés des autres, dont les péchés seront au contraire pardonnés par la Grâce divine.
L'unité particulière de l'Église
Ainsi, la fin de l'homme sera sa bifurcation. Selon la tradition biblique, l'histoire humaine commence avec Adam et le Paradis. L'homme a été créé comme un tout et sa division en homme et femme (création d'Eve) était le prélude à la chute dans le péché et à une plus grande fragmentation. Le résultat final de l'ensemble du processus historique sera le Jugement dernier. On peut dire que le vecteur général de l'histoire passe de l'unité à la dualité.
L'enseignement chrétien se fonde sur le fait que, dans les dernières étapes de l'histoire sainte, le processus de chute dans le péché a été surmonté par le sacrifice volontaire du Fils de Dieu, le Christ, qui a rétabli - mais à un autre niveau ontologique - l'unité originelle, en unissant les peuples dispersés en une nouvelle totalité - l'Église du Christ. L'unité de l'Église restaure l'unité d'Adam et transforme cette partie de l'humanité qui, au Jugement dernier, sera comptée parmi les brebis, le troupeau du Christ.
Cependant, cette unité n'est pas mécanique, elle n'est pas le résultat de la somme de tous. L'unité et l'intégrité de l'Église, comme le souligne le Credo ("Je crois en l'Église une, sainte, catholique et apostolique"), n'inclut que ceux qui sont sauvés. C'est ce que raconte la parabole de l'Évangile sur les invités au banquet de noces : "Nombreux sont les invités, mais rares sont les élus" (Matthieu 22:14).
En fin de compte, l'unité de l'Église consiste en la communion des élus - les saints, les sauvés, ceux qui ont accepté le Christ et sont restés fidèles à ce choix jusqu'à leur dernier souffle. Les pécheurs n'hériteront pas du royaume de Dieu, mais en seront chassés ; ils n'ont aucune part dans le "prochain âge". Leur destin est la ruine totale, le naufrage dans l'abîme. Par conséquent, l'unité de l'Église n'inclut pas ceux qui s'en sont éloignés de leur propre chef.
Le bouc émissaire
Il convient d'examiner de plus près l'image évangélique de la division en brebis et en boucs. Il est évident qu'il y a ici une référence claire au rite du sacrifice de l'Ancien Testament, dans lequel un animal (brebis et taureaux) était séparé des animaux sacrifiés, qui devenait le "bouc émissaire" (en hébreu "azazel" - עֲזָאזֵֽל ; l'expression לַעֲזָאזֵֽל est littéralement "pour une élimination complète"). Dans la Septante, cette expression était traduite par ἀποπομπαῖος τράγος, en latin caper emissarius.
Le livre du Lévitique donne cette description du sacrifice d'Aaron :
21. Aaron posera ses deux mains sur la tête du bouc vivant, il confessera sur lui toutes les iniquités des enfants d'Israël et tous leurs péchés, il les mettra sur la tête du bouc, et il l'enverra avec un messager dans le désert :
22. Le bouc portera toutes leurs iniquités dans le pays impénétrable, et il enverra le bouc dans le désert.
L'Évangile de Matthieu. [ch. 22:14].
21. καὶ ἐπιθήσει αρων τὰς χεῖρας αὐτοῦ ἐπὶ τὴν κεφαλὴν τοῦ χιμάρου τοῦ ζῶντος καὶ ἐξαγορεύσει ἐπ' αὐτοῦ πάσας τὰς ἀνομίας τῶν υἱῶν ισραηλ καὶ πάσας τὰς ἀδικίας αὐτῶν καὶ πάσας τὰς ἁμαρτίας αὐτῶν καὶ ἐπιθήσει αὐτὰς ἐπὶ τὴν κεφαλὴν τοῦ χιμάρου τοῦ ζῶντος καὶ ἐξαποστελεῖ ἐν χειρὶ ἀνθρώπου ἑτοίμου εἰς τὴν ἔρημον
22. καὶ λήμψεται ὁ χίμαρος ἐφ' ἑαυτῷ τὰς ἀδικίας αὐτῶν εἰς γῆν ἄβατον καὶ ἐξαποστελεῖ τὸν χίμαρον εἰς τὴν ἔρημον
וְסָמַךְ אַהֲרֹן אֶת-שְׁתֵּי [יָדֹו כ] (יָדָיו ק) עַל רֹאשׁ הַשָּׂעִיר הַחַי וְהִתְוַדָּה עָלָיו אֶת-כָּל-עֲוֹנֹת בְּנֵי יִשְׂרָאֵל וְאֶת-כָּל-פִּשְׁעֵיהֶם לְכָל-חַטֹּאתָם וְנָתַן אֹתָם עַל-רֹאשׁ הַשָּׂעִיר וְשִׁלַּח בְּיַד-אִישׁ עִתִּי הַמִּדְבָּרָה׃
וְנָשָׂא הַשָּׂעִיר עָלָיו אֶת-כָּל-עֲוֹנֹתָם אֶל-אֶרֶץ גְּזֵרָה וְשִׁלַּח אֶת-הַשָּׂעִיר בַּמִּדְבָּר׃
En d'autres occasions, le " bouc émissaire " était jeté du haut d'une falaise. Ce rituel entre clairement en résonance avec le récit évangélique de la façon dont le Christ a guéri un homme possédé dans le village de Gardarins en ordonnant aux démons de sortir de lui et d'habiter un troupeau de porcs voisin. Les démons ont obéi, puis le troupeau s'est hâté vers le précipice et est tombé dans l'abîme. Dans ce cas, le rôle du bouc émissaire était celui d'un troupeau de porcs, qui prenait sur lui les péchés pour lesquels la personne possédée souffrait.
Selon la tradition, un morceau de laine rouge était attaché au bouc pour être envoyé dans le désert. Le prêtre de l'Ancien Testament en arrachait une partie lorsque le bouc passait les portes de la ville et la suspendait à la vue de tous. Si Dieu avait accepté le sacrifice de purification, le tissu serait miraculeusement devenu blanc.
Il est important de noter que le bouc émissaire était distinct des animaux sacrifiés, qui étaient considérés comme purs, et représentait un sacrifice spécial. Le symbolisme complexe du bouc émissaire l'associait à l'ange déchu, Satan, mais restait entièrement dans la structure du monothéisme juif. Dans le livre apocryphe d'Enoch (Livre d'Enoch, chapitre 8:1), Azazel apparaît comme le nom de l'un des "anges déchus".
Dans la Grèce antique, un rite similaire était associé à l'exécution rituelle d'un criminel qui emportait les péchés de la communauté (φαρμακός, κάθαρμα, περίψημα). En cela, nous pouvons probablement reconnaître des échos des anciens cultes de Dionysos (le philosophe français René Girard a fondé son système philosophique sur une analyse de la figure du bouc émissaire). Il faut souligner ici que le destin final de l'humanité lors du Jugement dernier la divise en un sacrifice agréable à Dieu (les brebis, et ce n'est pas un hasard si l'agneau symbolise le Christ lui-même), et ceux qui sont retirés, séparés, retranchés, déchus du troupeau principal (l'humanité). Les boucs ne plaisent pas à Dieu, ne sont pas acceptées par Lui et sont donc rejetées - elles périssent sans laisser de trace dans le désert ou tombent dans l'abîme.
On peut se rappeler l'histoire des deux fils d'Adam (l'unité de l'humanité), Abel et Caïn. Le sacrifice d'Abel est accepté et celui de Caïn est rejeté. La création d'Eve (la division de l'humanité), la consommation du fruit défendu de l'arbre de la connaissance du bien et du mal (à nouveau la dualité opposée à l'unité de l'arbre de vie) et la naissance de Caïn et Abel (l'histoire du premier meurtre) sont autant de prototypes initiaux de la fin de l'histoire humaine, du sacrifice final lors du Jugement dernier.
Ainsi, à la fin du monde, la dualité de l'humanité, manifestée dans sa division irréversible, devient pleinement explicite mais implicitement cette division commence déjà au paradis.
23:55 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : tradition, apocalypse, bouc émissaire, traditionalisme, alexandre douguine | | del.icio.us | | Digg | Facebook
lundi, 23 janvier 2023
Saint Michel, icône guerrière du sujet radical
Saint Michel, icône guerrière du sujet radical
par René Henri Manusardi
Source: https://www.ideeazione.com/san-michele-icona-guerriera-del-soggetto-radicale/
L'archétype angélique d'Insurrection
Si, d'un point de vue phénoménologique, nous observons ce que la figure de Saint Michel Archange a en commun avec celle du Sujet Radical, nous arrivons sans doute à la conclusion qu'il s'agit du phénomène de l'Insurrection. Nous parlons ici d'insurrection et non pas de révolte qui, historiquement, reste dans de nombreux cas un acte de rébellion provoqué par des situations d'urgence où les besoins fondamentaux ne sont plus satisfaits ou où les libertés individuelles et sociales sont suspendues sans avertissement; une telle révolte constitue un phénomène typique d'autodéfense sociale, circonscrit, local, sans véritable leadership idéologique et politique capable de faire face aux institutions ou de les renverser.
Nous ne comprenons pas non plus l'esprit théorique et métapolitique de l'Insurrection, considérée comme une stratégie à long terme, une méthode de déstructuration et, finalement, un mouvement populaire capable de renverser radicalement un pouvoir inégal d'oppression civile et d'injustice sociale, qui sous-tend une direction idéologique clandestine ou du moins d'opposition au Système, qui passe progressivement de l'exercice des règles démocratiques à celui de la lutte violente, armée et non conventionnelle.
La valeur propre à l'Insurrection en tant que phénomène que nous souhaitons esquisser ici de manière synthétique, est donnée au contraire par la constitution ontologique propre à l'archange Michel, l'Être angélique fidèle au Divin, qui, mis à l'épreuve par le même Divin qui laisse le Trône à découvert, choisit librement la fidélité au Trône, se place devant le Trône pour défendre l'omnipotence du Divin, se dresse contre Lucifer et les anges prévaricateurs qui ont abandonné et trahi le Trône, et s'engage dans un combat furieux avec le concours des anges restés fidèles pour faire tomber du Ciel les prévaricateurs.
D'un point de vue phénoménologique, nous pouvons donc noter quatre moments qui caractérisent dynamiquement le thème de l'Insurrection : l'épreuve de la tentation, le choix de la fidélité, l'élan de l'Insurrection, la véhémence de la lutte destinée à son propre salut (aspect sotériologique) et la victoire certaine (aspect téléologique). Ces quatre moments forment également certaines périodes inhérentes à l'histoire personnelle de chaque sujet radical individuel, que nous avons déjà décrites dans des articles précédents et que nous allons brièvement rappeler ici.
Le sujet radical et son double noir, le Doppelgänger
Après sa conception inconsciente dans le liquide amniotique du Chaos, dans le ventre de la Tradition, pendant la phase de permanence existentielle dans le nihilisme intérieur postmoderne, exacerbé par son rejet de la société liquide postmoderne qui le conduit à la marginalisation sociale et souvent économique et politique, le Sujet radical voit sa naissance effective au moment où sa connaissance intellectuelle de la Tradition devient définitivement un choix de vie, une compréhension intégrale, une volonté de puissance au service de la Tradition. Mais précisément parce que la Tradition est essentiellement le retour de l'Ordre Divin dans le monde, il est clair que l'Ordre Divin présuppose un Divin, le promoteur de cet Ordre. Ainsi, dans une scansion plus ou moins longue de l'ordre temporel, dans la conscience du Sujet radical, dans les profondeurs de son âme, s'ouvre une porte vers le Supérieur, se dévoile l'"esprit", cette chambre de l'âme humaine où le Divin devient présent, et où il perçoit intuitivement, de différentes manières et, pour lui, cette Présence vivante qui parle à sa conscience et lui demande de la suivre.
Le Divin révèle aussi intuitivement le chemin que le Sujet radical devra suivre pour devenir un guerrier ardent, gardien du feu de la Tradition, c'est-à-dire sa kenosis, cette descente aux enfers qui le conduira à la purification de son ego, à l'annihilation de son égocentrisme, de son égoïsme, de son narcissisme, afin qu'en lui brille et règne son âme purifiée, c'est-à-dire le Soi, sa vraie nature d'image du Divin. Arrivé à ce point, le sujet radical est mis à l'épreuve: il est libre de choisir de suivre la voix et la lumière du Divin et, ainsi, de procéder courageusement au saut dans la descente aux enfers; ou de poursuivre la voix de sa propre chair, de vivre narcissiquement les petites satisfactions humaines de sa lumière réfléchie et, ainsi, de se mettre au service conscient du seigneur du mal, d'être ainsi rejeté et submergé dans le liquide du postmodernisme, de vivre comme le "double noir", le "Doppelgänger" du sujet radical dont nous parle Alexandre Douguine :
"Comme dernier acte, le postmodernisme dissout tout ce qui pourrait être la proie d'éléments extérieurs - temps, formation, changement et matérialité - dans l'homme, la société, la culture et l'histoire. Seul l'élément le plus pur et le plus éternel n'est pas touché par ce processus - c'est le sujet radical. Nous nous heurtons ici à un nouveau problème. Le postmodernisme est le domaine des simulacres, des copies sans originaux (Baudrillard). Par conséquent, tous les phénomènes et créatures sont remplacés, clonés et répliqués par la virtualisation et la numérisation globales de l'Être. Ainsi, il est nécessaire de discerner les simulacres, en sortant de leur champ d'action. Le point culminant de cette action métaphysique voit apparaître un double noir du même sujet radical. L'identification de l'Antéchrist, de son ontologie et de son anthropologie, passe du niveau religieux au niveau philosophique, culturel, social et politique. D'où le titre russe du livre: "Le sujet radical et son double", qui fait référence à la figure de la Sosia, le double noir - un développement de la célèbre métaphore d'Antonin Artaud sur la nature du théâtre. Cette question ne se réduit pas à identifier la nature infernale de la civilisation actuelle, à analyser les conditions du Kali Yuga. Au contraire, le problème de l'Antéchrist exige l'internalisation de la nouvelle métaphysique, ainsi que tous les autres aspects liés au "traditionalisme du sujet radical". Le problème du double, en tant que simulateur essentiel, acquiert une centralité absolue" (A. Douguine, Théorie et phénoménologie du sujet radical, AGA 2019, p. 34).
Essayons maintenant de comprendre un peu plus profondément le moment phénoménologique de la tentation et de son dépassement en tant que précurseur de l'Insurrection, vue comme une constitution ontologique et un mouvement métaphysique de lutte contre le mal de la part du Sujet radical, en nous réservant le droit d'analyser dans un autre article les trois autres moments phénoménologiques qui suivent et qui ont été nommés précédemment, à savoir le choix de la loyauté, l'élan de l'Insurrection et la véhémence de la lutte.
A cet égard, de ces mêmes moments, nous ne ferons qu'esquisser les points suivants qui seront développés ultérieurement. A. Le choix de la fidélité : la tentation est un test de fidélité; la fidélité est un choix basé sur la vérité et la confiance; la fidélité est un acte d'amour; la fidélité est le principe de la désintégration de l'égoïsme et la pratique de l'altruisme. B. L'élan de l'insurrection : L'insurrection est l'élan métaphysique et la volonté de puissance contre le mal ; l'insurrection est la constitution ontologique et ethnobiologique du sujet radical ; la principale caractéristique de l'insurrection est la répression du dialogue intérieur avec la tentation et le mal. C. La véhémence de la lutte : la lutte contre le mal est d'abord une violence contre soi-même ; la lutte contre le mal est violente, continue, interminable jusqu'au Retour du Roi à venir ; le seul désir et le seul espoir du Sujet radical doit être la lutte pour elle-même.
L'épreuve de la tentation
La nature de la tentation du Sujet radical, en tant qu'humain, est différente de la tentation à laquelle étaient soumises les armées angéliques, mais elle est similaire et, par conséquent, non substantiellement différente. La tentation pour les anges était de conquérir le trône de Dieu afin d'être égaux à Dieu, faisant ainsi fi de leur rôle de créatures. Le prophète Isaïe décrit ainsi la tentation et la chute de Lucifer: "Comment se fait-il que tu sois tombé du ciel, Lucifer, fils de l'aurore? Comment se fait-il que tu aies été mis à terre, seigneur des nations? Et pourtant tu as pensé: Je monterai au ciel, sur les étoiles de Dieu j'élèverai mon trône, j'habiterai sur la montagne de l'assemblée, dans les régions les plus reculées du nord. Je monterai dans les régions supérieures des nuages, je me rendrai égal au Très-Haut. Et au lieu de cela, vous avez été jeté en enfer, dans les profondeurs de l'abîme !" (Isaïe 14 : 12-15). La nature de la tentation angélique est donc, par essence, un acte d'orgueil qui ne veut pas reconnaître la vérité d'être une créature angélique et non un Créateur, ce qui se manifeste par une tentative de prévarication et l'acquisition conséquente d'un pouvoir illégitime. L'intelligence de la condition angélique prévoyait d'ailleurs la connaissance parfaite de la nature divine et l'impossibilité de venir se substituer à Dieu mais, comme nous l'enseignent les Pères de l'Église, leur rébellion, leur "Non serviam", s'est produite lorsque Dieu leur a révélé l'incarnation du Verbe et qu'ils n'ont pas accepté qu'un Homme-Dieu puisse leur être supérieur.
Ainsi, en résumant et en donnant un ordre logique à l'événement d'ordre théologique, nous pouvons en résumer la dynamique comme suit : 1. Dieu révèle son intention de créer l'être humain Homme et Femme ; 2. Dieu révèle son intention que son Verbe soit incarné dans un Homme à travers une Femme ; 3. Dieu laisse le Trône à découvert pour tester les Anges ; 4. Une partie des hôtes angéliques (les Pères de l'Église affirment un tiers) n'accepte pas la volonté divine et se rebelle, cherchant à renverser le Trône ; 5. l'archange Michel, à la tête des Anges fidèles, s'engage dans une lutte furieuse contre Lucifer et ses partisans et les plonge dans les profondeurs de l'abîme. Jusqu'à présent, voilà ce que nous dit la théologie...
D'autre part, d'un point de vue philosophique, en observant un tel récit, on peut déduire le rejet métaphysique de l'autorité vraie, bonne et légitime (la modernité), ainsi que le rejet anthropologique de la paternité, donc de la famille et de la vie humaine elle-même (la postmodernité). L'affirmation de Douguine est claire ici, lorsqu'il cite la Tabula smaragdina d'Hermès Trismégiste, qui affirme la coexistence de ce qui se passe au Ciel avec ce qui se passe sur Terre - ajoutons-le - dans les temps historiques de l'humanité: "Il est vrai sans mensonge, certain et très vrai, que ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et que ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, pour faire le miracle d'une seule chose".
La nature de la tentation à laquelle est soumis le Sujet radical, par contre, d'un point de vue théologique, est similaire à celle des Anges, mais pas la même, en ce sens qu'elle tient compte de l'obscurcissement de la conscience qui s'est produit avec la chute originelle, et qu'elle est un sujet qui peut être abordé avec les connaissances et les outils offerts par l'anthropologie mystique. En appliquant le schéma métahistorique douguinien (Prémoderne - Moderne - Postmoderne), nous apprenons que la Postmodernité a porté à son paroxysme la mort de Dieu et, par conséquent, l'exclusion de Dieu hors de la vie sociale et individuelle qui a commencé avec l'ère de la Modernité. La tentation à laquelle le Sujet radical doit nécessairement s'exposer est donc aussi, par essence, un acte d'orgueil qui ne veut pas reconnaître la vérité d'être une pure créature, image du Divin, et non le Divin lui-même, ce qui se manifeste par une tentative d'exclure le Divin de sa propre intériorité, par l'acquisition conséquente d'une lumière sombre (une aurore luciférienne) et d'un faux pouvoir d'ordre magico-théurgique, qui donne ainsi naissance à son Double noir, le Doppelgänger. Il s'ensuit que, d'un point de vue philosophique, le Doppelgänger va au-delà du rejet métaphysique de l'autorité et du rejet anthropologique de la paternité, mais se qualifie catégoriquement comme un rejet métaphysique du Divin et se quantifie comme une haine métaphysique exterminatrice de la Tradition et de la Création.
La dynamique de la tentation à la lumière de l'anthropologie mystique
Après sa conception et sa nage sans conscience dans le ventre de la Tradition, au moment de sa naissance, le Sujet radical perçoit et voit progressivement la même Tradition, c'est-à-dire l'Ordre divin, dans sa splendeur et sa plénitude et décide donc d'en faire la raison de sa vie, mais ce choix ne représente pas encore "l'option fondamentale", qui a besoin d'une épreuve, d'une tentation pour qu'il fasse un choix de type immuable.
Au cours de cette période néonatale, la compréhension que le sujet radical a de la Tradition au sein de son âme/de sa conscience devient de plus en plus spirituelle et sapientielle: elle investit chaque fibre de son être, il découvre par l'expérience la réalité de son âme et de son existence dans laquelle il est immergé, il entend la voix du Divin qui parle à son âme à travers l'esprit. Le Divin, donc, par l'intermédiaire de l'esprit, qui est cette partie constitutive de l'âme ouverte vers le Haut, révélée par le Divin lui-même et nécessaire pour percevoir sa voix et ses intuitions divines, fait percevoir à l'âme elle-même son altérité, c'est-à-dire son être "Totalement Autre" par rapport à l'âme, tant de manière personnelle qu'impersonnelle.
Suite à de tels événements, en raison de la fidélité de l'âme, le Divin provoque une rupture spirituelle dans l'âme elle-même, ainsi l'âme fait l'expérience du satori (vision intuitive de l'essence lumineuse de sa propre nature), le Brahman transmet à l'Ātman un courant de sa lumière éternelle, Dieu le Père communique à l'âme la perception vivante d'être son image de lumière (précisons son image, et non sa ressemblance, ce qui présuppose la vie surnaturelle de la grâce, c'est-à-dire l'amitié avec Dieu qui nous est donnée par le sang du Christ). Le principal effet de l'âme dans les expériences de satori est de voir disparaître la perception psychologique de sa propre individualité, l'âme "se sent être Dieu" et dans certains cas, l'âme elle-même continue à prononcer le mot "Je Suis" sans interruption, étant totalement absorbée par celui-ci.
Et c'est précisément après ces expériences sublimes que l'âme est mise à l'épreuve: le Divin lui fait comprendre que ces expériences ne sont qu'un pur cadeau pour la libérer sur le chemin douloureux de la kenosis, de la purification dans la descente aux enfers à laquelle elle est destinée, nécessaire pour détruire l'égoïsme, le masque et le narcissisme du "Moi" afin de faire ressortir dans toute sa splendeur la lumière divine de son âme, du "Moi" qui, comme le corps et l'esprit, est prisonnier de l'emprise étouffante des vices capitaux.
À ce stade, l'âme est confrontée à un choix, son option fondamentale, ainsi qu'à la très forte tentation de s'arrêter à la réalisation du satori - qui, de toute façon, sera de plus en plus raréfié jusqu'à disparaître. L'âme est choquée et éprouvée, elle doit choisir si elle reste puérilement attachée au cadeau reçu en se donnant mille justifications d'ordre intellectuel, se croyant une incarnation du Divin et son Avatar, ou si elle fait confiance au Divin lui-même par une foi soutenue par la raison et un abandon total à sa volonté. Dans ce discriminant, dans ce oui ou non au Divin, dans le sens surhumain de cette tentation, le destin de l'âme élue sera à jamais marqué: soit elle sera pleinement ce Sujet radical destiné à devenir le gardien du feu sacré de la Tradition et son ardent guerrier, soit elle sera le sosie, le double noir, le singe du même Sujet radical, adepte de l'Antéchrist et de ses hordes infernales.
Le drame de cette épreuve, de cette tentation, ne doit pas nous décourager. Comme le disait saint Augustin, "Deux amours ont donc fondé deux cités: l'amour de soi jusqu'au mépris de Dieu a engendré la cité terrestre, l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi a engendré la cité céleste. L'une - la cité terrestre - se glorifie, l'autre - la cité de Dieu - se glorifie en Dieu; l'une est dominée par le désir de dominer, l'autre par le devoir de servir; l'une dans sa puissance aime son propre pouvoir, l'autre le met en Dieu; l'une, insensée tout en se croyant sage, n'aime pas Dieu, l'autre, dotée de la vraie sagesse, rend le culte qui lui est dû au vrai Dieu". (De civ. Dei 14, 28). Par conséquent, celui qui est choisi pour être un Sujet radical ne peut pas hésiter à se situer dans un camp et à appartenir à un autre.
Concluons, dans le respect du style, par une exhortation d'Alexandre Douguine, afin que le Sujet radical, ayant passé l'épreuve de l'auto-déification, de la tentation autosatisfaite de Lucifer, s'efforce d'amorcer un nouveau départ de l'Ordre divin dans le monde, donc du triomphe de la Tradition pour un nouvel ordre impérial multipolaire :
"Les classiques du traditionalisme et de la révolution conservatrice ont décrit les stratégies et les méthodes d'une révolte contre le monde moderne. Ce monde, cependant, a presque cessé d'exister, remplacé par le monde postmoderne. En parlant, dans Le règne de la quantité et les signes des temps, des "fissures de la Grande Muraille" et de l'ouverture de l'Œuf du monde par le bas, René Guénon a anticipé le problème métaphysique de la Grande Parodie, c'est-à-dire du postmoderne. Evola, avec Chevaucher le Tigre et son idée d'homme différencié, a indiqué l'instance qui résistera à l'épreuve de la dissolution finale. Moeller van den Bruck propose aux conservateurs qui combattent la révolution de la diriger, en lui assignant une autre fin - la résurrection du Sacré. Aujourd'hui, dans le processus de transition vers le postmodernisme, il est nécessaire de franchir l'étape suivante: développer une stratégie de révolte contre le monde postmoderne, en adaptant le traditionalisme aux nouvelles conditions historiques et culturelles; non pas tant pour résister aux changements en cours, mais pour en être profondément conscient, pour intervenir dans le processus en lui assignant une direction radicalement différente. L'objectif n'est pas tant la victoire que la bataille elle-même. Si elle est correctement préparée et menée contre le véritable ennemi, cette guerre sera déjà une victoire. Ainsi commence l'ère du sujet radical. A en juger par certains signes, les premiers à le saisir furent précisément les héritiers directs des "hommes différenciés", les disciples du héros de la grande guerre contre l'esprit de la modernité - Julius Evola". (A. Douguine, op. cit. p. 35).
Avec la bénédiction du Prince de la Milice Céleste, Saint Michel Archange. Quis ut Deus ? ...
20:45 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tradition, traditionalisme, saint michel, archanges | | del.icio.us | | Digg | Facebook
dimanche, 08 janvier 2023
Janvier
Janvier
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/gennaio/
J'aperçois des vers de Rilke. Un petit texte que je ne connaissais pas. Janvier. Un poème sur ce mois. Une denrée rare. Pourquoi des poèmes sur Noël, sur le printemps, sur les mois d'été ...mais sur janvier ? Honnêtement, je ne m'en souviens pas.
C'est un mois gris, froid... interminable. Les lumières des vacances se sont éteintes. Et il ne reste plus qu'à attendre.
Attendre de sentir le prolongement du jour. Un soleil qui réchauffera à nouveau. Pouvoir sortir à nouveau, sans avoir à se déguiser.
Nous devons rester, pour la plupart, à l'intérieur. Comme nos ancêtres paysans et bergers. Qui, dans les temps anciens, n'avaient même pas ce mois sur leurs calendriers. On ne pouvait rien faire. Il suffit d'attendre qu'il passe. Et espérer survivre.
"...le jour blanc devient éternel, infini" écrit Rilke. Et il saisit les éléments, deux, essentiels à ce mois. La blancheur, en tant que (non-)couleur dominante. Absolue. A peine tachetée par les dernières étincelles d'une bûche, qui finit de brûler dans la cheminée. Et le sentiment que le temps ralentit. Presque... immobile.
L'atmosphère est résolument... nordique. Rilke était originaire de Prague. Un Bohémien parlant allemand. Comme Kafka. Et le peuple de Prague, avait écrit Goethe, est le peuple le plus triste d'Europe.
Mélancolique. Comme le mois de janvier.
Et pourtant, ou peut-être à cause de cela, il parvient à en capturer la beauté cachée.
(Januar Gedichte)
Es treibt der Wind im Winterwalde
Es treibt der Wind im Winterwalde
die Flockenherde wie ein Hirt
und manche Tanne ahnt, wie balde
sie fromm und lichterheilig wird,
und lauscht hinaus;
den weißen Wegen streckt sie die Zweige hin,
bereit und wehrt dem Wind
und wächst entgegen
der einen Nacht der Herrlichkeit.
Une beauté, peut-être, dure et cruelle. Certainement mélancolique. Une beauté, un charme, qui frise la peur. Toute cette blancheur éclatante... ô la grisaille luminescente du brouillard. J'ai souvent pensé que ce devait être la couleur de la mort. Pas la noir. Comme dans certaines cultures orientales, où le blanc est la couleur du deuil.
Peut-être une suggestion de l'Averne de l'Odyssée. Peut-être le souvenir d'une scène d'"Armacord", pour moi le véritable chef-d'œuvre de Fellini. Lorsque le grand-père, enveloppé dans son tabard, se retrouve à errer dans une mer de brouillard épais. Et il se demande, étranglé, si c'est à cela que ressemble la mort. Ajoutant : ce n'est pas une bonne chose, cependant...
En janvier, tout ce qui nous entoure semble en effet statique. La nature semble paralysée, morte. En ville, c'était moins évident. Là-bas, tout est artificiel. Falsifié. Ici, où je suis, entouré de forêts et de montagnes, c'est une évidence qui saute, immédiatement, aux yeux. Et le froid, qui devient plus mordant de jour en jour, vous pousse à l'intérieur. Ou à l'intérieur. Dans la rue, peu de gens se pressent. D'un autre côté, les marchés de Noël étant désormais fermés, il y a peu de raisons de circuler à l'extérieur. En fait, pas du tout.
Une certaine tristesse, parfois, me saisit. Et me serre le cœur. Alors que je suis là, à fumer ma pipe. Je regarde le ciel couleur fer. Et le soleil froid qui, par moments, brille à travers. Un sentiment... étrange. Parce que tout semble immobile. Et, en effet, mort. Pourtant, c'est comme si je ressentais un frémissement caché de la vie. Quelque chose se précipite derrière ce... voile. La vie, je dirais. Une vie plus fervente, plus intense, que celle qui nous entoure en été. Ce qui est la vie, certes, mais tout extérieur. Et, si j'y pense, proche du déclin automnal. D'où... la mort.
Alors qu'ici, dans le cœur gelé de janvier, la vie est cachée. Presque imperceptible. Mais c'est la vie qui se prépare. S'épanouir.
"Ils respirent légèrement les grands sapins / enfermés dans le manteau de neige..."
Rilke encore. Il attrape, là où les autres ne voient que le gel et la mort, le souffle de la nature. Un faible souffle. Presque imperceptible. Ce qui, cependant, est intense. Profondément. Il révèle, comme dans un conte de fées, des royaumes souterrains enchantés. Où se prépare le mystère de la renaissance du printemps. Et tout, alors, la neige, le givre, le vent froid, le ciel gris... tout devient simplement beauté
19:31 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : janvier, hiver, saisons | | del.icio.us | | Digg | Facebook
jeudi, 15 décembre 2022
Le Cromlech, temple et espace intérieur du sujet radical
Le Cromlech, temple et espace intérieur du sujet radical
par René-Henri Manusardi
Source: https://www.ideeazione.com/il-cromlech-tempio-e-spazio-interiore-del-soggetto-radicale/
La structure interne du sujet radical
Saint Bernard de Clairvaux (1090-1153), abbé cistercien, inspirateur et guide spirituel des Chevaliers du Temple, révèle la structure interne du Sujet radical ante litteram comme suit : "Vous trouverez plus dans les forêts que dans les livres. Les arbres et les rochers vous apprendront des choses qu'aucun maître ne vous dira" (Épître 106 n. 2). En fait, les saints de toutes les confessions et dénominations religieuses, en chaque siècle et dans leur expérience existentielle, étant assiégés et devant lutter directement et parfois face à face avec le seigneur du mal - prenez par exemple Padre Pio de Pietrelcina et Séraphin de Sarov, mais aussi les saints musulmans, hindous et bouddhistes - ont été en eux-mêmes des préfigurations objectives du Sujet radical. En fait, ils ont vécu en eux-mêmes le Chaos, la descente aux enfers et le nihilisme intérieur en plénitude, tout cela pour obtenir leur propre sanctification, même si la situation sociale et l'époque historique dans lesquelles ils vivaient étaient en un sens spirituellement meilleures et éthiquement moins dévoyées que la corruption finale et liquide de l'actuelle période postmoderne.
La phrase de saint Bernard est importante car elle nous révèle une partie pertinente de la structure interne du sujet radical, celle de sa symbiose avec la nature. Une symbiose, qui n'est certainement pas à comprendre dans un sens religieux panthéiste - qui pourrait toutefois coexister avec certains sujets radicaux appartenant à ce courant philosophique - mais une symbiose perçue dans un sens d'ordre existentiel et structurel. Il existe en effet des Sujets radicaux de différentes confessions qui vont dans des églises, des mosquées ou des temples, mais qui, structurellement, n'ont pas de tels bâtiments comme archétype intérieur, même si ceux-ci sont construits dans les sylves, parmi les arbres et sont bâtis avec des pierres. Au lieu de cela, leur archétype intérieur est représenté par la nature sauvage: bois, forêts, rochers, montagnes, glaciers, crevasses, cascades, lacs, océans, terre, eau, feu, vent, loups, ours, aigles, cerfs, lynx et plus encore.
Comme l'explique saint Bernard, en réalité, la nature leur parle du Divin et le Divin, en tant que maître, leur parle à travers la nature : il leur parle de son infinité, de sa beauté, de son immensité, de sa grandeur, de sa majesté, de sa gloire mais, surtout, de son amour infini qui a créé la beauté du cosmos pour l'être humain, placé par le Divin sur terre en tant que Prince de la création.
Cette symbiose avec la nature, nous révèle que la structure intérieure du sujet radical est de forme ancestrale, nous pourrions dire indubitablement adamique, et s'organise en une paire individu/tribu, dans laquelle l'individu clarifie sa pleine symbiose avec la nature, tandis que la tribu caractérise l'essentialité de sa structure intérieure dans les liens interpersonnels, sans les autres stratifications et sédiments d'un ordre psychologique, intellectuel et social causé par la civilisation. Intérieurement, cette structure innée qui s'organise comme "pensée sauvage" - pour reprendre une expression heureuse de l'anthropologue Claude Lévi-Strauss -, place le sujet radical dans une zone de limes par rapport au sentiment propre à la civilisation.
Mais précisément parce qu'il est un homme de la frontière, dans un monde devenu tabula rasa sous l'action pernicieuse du nihilisme postmoderne, il réveille par sa vie et son comportement la "structure ontologique-génétique du Soi primordial" et sa centralité dans l'existence des individus et des sociétés, afin de l'opposer catégoriquement à la "stratification dialectique-psychosomatique du Moi", lorsque ce dernier, justifié par la lex humana, s'écarte et s'oppose à la lex divina, la lex æterna, la lex naturalis.
Le Cercle de Pierres
"Les arbres et les rochers vous apprendront des choses qu'aucun maître ne vous dira". La structure interne du Sujet radical se trouve donc dans un état de quasi ressemblance avec la virginité naturelle des origines et est donc ouverte, irrépressible, substantiellement libre de tout schéma pré-constitué, de toute imposition culturelle et de tout dogmatisme intellectuel. Ce sentiment d'ouverture existentielle, d'incommunicabilité de l'âme et de liberté spirituelle, fait naître au sein du Sujet radical l'archétype d'une structure archaïque de temple intérieur que nous pourrions décrire avec la figure du Cromlech, le Cercle de pierres, établi par le Menhir, les Pierres longues. Non pas un cromlech élaboré comme celui de Stonehenge en Angleterre avec son système trilithique (c'est-à-dire avec les pierres verticales soutenues par des menhirs), mais plutôt comme ceux du cercle mégalithique de Callanish sur l'île de Lewis en Écosse ou du cercle de Brogdar dans les Orkneys écossais, où les menhirs en cercle s'élancent librement de manière brute, grossière et primordiale vers l'immensité du Zodiaque et de la voûte céleste.
Pierres de Callanish
Le Cercle de Brogdar dans les Orkneys.
De même que les menhirs disposés en cercle forment un cromlech ouvert, incontrôlable et libre - caractéristiques particulières, celles-ci, d'ordre spirituel et existentiel qui font partie de la structure interne du sujet radical -, de même leur manière brute, grossière et primordiale de s'élever vers le ciel représente également les qualités primaires de tout sujet radical authentique. La rudesse du caractère et du comportement métapolitique est ce qui distingue le sujet radical de l'idéal chevaleresque ou du sujet politique et, à cet égard, la phrase: "Tu n'es pas un chevalier mais un guerrier barbare!" circulant dans l'espace national-populaire par le sexe doux, synthétise cette connotation. Il en va de même, pour le même beau sexe, de phrases telles que "Il est impossible de vous proposer quoi que ce soit de bourgeois et de mondain!" et "Vous ne comprenez jamais que vous vivez au XXIe siècle et que, par conséquent, vous devriez au moins vous adapter et faire quelques compromis, parce que la vie est courte...", dénotent, respectivement, et plus que tout discours théorique, les connotations qualitatives par rapport à la substance brute, c'est-à-dire non structurée, du sujet radical - qu'il s'agisse indifféremment de l'homme ou de la femme, ainsi que sa substance primordiale, c'est-à-dire celle d'une conduite intemporelle liée aux principes de la Tradition.
Le cromlech est un cercle de menhirs immergés dans la nature et chacun des menhirs représente l'une des 12 vertus qui nous lient au Divin et nous mettent en contact avec Lui : la foi, l'espoir, l'amour, la miséricorde, la compassion, l'humilité, la bienveillance, le calme, le partage, la modération, la vitalité, la maîtrise de soi. Le cromlech est un cercle de pierres et sa circularité est l'un des signes de l'unité primordiale de l'homme avec sa propre ethnie, avec le cosmos et ses éléments, en particulier avec le soleil et la lune, éléments arcanes et primordiaux représentant la paternité et la maternité du Divin. Étant ouvert, libre et indéfinissable, le Sujet radical, qui par sa nature même, c'est-à-dire en lui-même, est étymologiquement et structurellement monarchique et non anarchique, doit librement mettre au service de la circularité caractéristique et typique de la communauté organique de destin à laquelle il doit appartenir de droit et surtout par devoir, cet ensemble de dons que le Divin lui a prodigués au moment où il a dit oui à son destin existentiel de transformation en un ardent guerrier et archer de la Tradition. Ce n'est que si le cromlech, d'être l'archétype intérieur du Sujet radical, réussit à se transformer en la réalisation communautaire de l'ordre militant de plusieurs Sujets radicaux, qu'il pourra devenir un symbole efficace et une opportunité concrète pour provoquer le Grand Réveil dans les réalités micro-sociales et par conséquent stimuler une lutte authentique dans le tissu métapolitique et macro-social pour l'avènement de la civilisation multipolaire.
La pierre sacrificielle
Au centre du cromlech intérieur, l'archétype et le symbole qui caractérisent la spiritualité du Sujet radical, nous trouvons la pierre sacrificielle. Elle représente l'image de l'appel, de la vocation et de la mission que le Divin donne et confie au Sujet radical. C'est sur cette pierre, sur cet autel grossier, qu'il écorche son âme dans la Grande Guerre Sainte pour annihiler l'égoïsme dialectique de l'Ego et faire resplendir l'altruisme ontologique du Soi. Une lutte quotidienne, cela, qui doit générer ténacité et courage combinés à la joie et au mépris, car le Sujet radical vit exclusivement pour la guerre intérieure et la guerre métapolitique et sait, avec certitude, que ce n'est qu'en soumettant totalement l'Ego au Soi qu'il atteindra la seule vraie liberté qui est la liberté de l'esprit. Ainsi, il pourra devenir l'humble maître du temps, de l'espace et de l'histoire et acquérir la perfection intérieure de l'immobilité, du courage, de la détermination, de l'impassibilité, ainsi que développer ces dons, fruits de la contemplation du Divin, que sont l'intuition, l'empathie, la pénétration, la conscience, la miséricorde et la compassion.
Pour se connaître vraiment, le Sujet radical doit affronter son Ombre, cette ombre de la mort qui, comme un oxymore, vit en lui et est le réceptacle de ses vices mortels, les conséquences de ses péchés et de sa négativité. Il doit écraser ses vices capitaux sur la pierre sacrificielle avec une force belliqueuse et angélique, en travaillant surtout sur l'orgueil, qui est la racine spirituelle de tous les autres, et sur la sensualité, car la luxure est le seul vice capital qui réussit à plier et à gagner là où tous les autres vices capitaux ont échoué dans leur tâche de tentation du mal, la luxure étant la racine biologique de tous les autres vices. Sur la pierre sacrificielle, le sujet radical doit également anéantir les conséquences de ses péchés qui le ramèneraient à une vie morale basée sur les expédients du laissez-faire et du chacun-pour-soi. De plus, il doit détruire sa propre négativité par la bataille du silence de l'esprit, cet esprit qui ment et ne nous donne aucune capacité objective de jugement mais seulement des impressions subjectives souvent fausses, altérées et débilitantes sur le plan psychophysique.
En travaillant sur sa propre ombre, le sujet radical fera enfin tomber le masque de sa fausse nature et de sa fausse personnalité. Ce masque sur lequel l'Ego a construit une fausse image de soi, projetant sur lui-même cette fausse conception du Divin par laquelle il s'est proclamé le dieu de lui-même, autour duquel les autres doivent tourner en l'adorant, en le vénérant, en proclamant qu'il est le meilleur, en le gonflant démesurément d'orgueil, de fierté et de vanité. Dans sa dureté et sa grossièreté, la pierre sacrificielle dans le cromlech intérieur du sujet radical est donc la seule chance de rédemption de la vie antérieure inutile et nauséabonde, loin de la Tradition et immergée dans l'isolement existentiel et la désintégration collective typiques de cette époque postmoderne. La pierre sacrificielle représente également l'arme privilégiée du sujet radical pour se transformer, car c'est le corps même du Divin qui se révèle prêtre et victime, qui prend en lui les faiblesses de la condition humaine et qui, par notre nécessaire et inéluctable coopération, le transforme et le transfigure en guerrier et archer ardent gardien du feu sacré de la Tradition.
L'épée dans la pierre
Au centre du cromlech intérieur de pierres se trouve la pierre du sacrifice et au centre de la pierre du sacrifice se trouve l'épée encastrée dans la roche. L'Épée dans la Pierre est un cadeau du Divin et représente l'investiture du Sujet Radical en tant que guerrier ardent de la Tradition, de celui qui a eu le courage surhumain de descendre dans les enfers de sa propre âme en écrasant les vices, les péchés et la négativité contre la pierre sacrificielle du Divin, menant la Grande Guerre Sainte en lui-même. Le sujet radical ne voit pas immédiatement l'épée enfoncée au centre de la pierre sacrificielle, car il doit purifier son âme en humiliant son Ego afin que la lumière du Soi puisse éclairer sa vision intérieure et ainsi voir. Ce n'est que lorsqu'il réalisera l'Ego vidéo, le voir spirituel, parce que l'œil spirituel est maintenant suffisamment purifié, qu'il pourra voir l'épée d'investiture enchâssée au centre de la pierre sacrificielle. Une épée qui est la forme de son âme, que le sujet radical perçoit comme étant la sienne et qui doit être tirée par lui.
Pourquoi l'épée est-elle enfoncée dans la pierre et qu'est-ce que cela signifie? La signification de ce symbole, pour le Sujet Radical, est de comprendre que les racines des vices capitaux et de l'hypertrophie de l'ego ne sont pas un produit ad extra et n'affectent pas seulement le corps et l'esprit mais, au contraire, ont leurs racines dans l'âme, dans la demeure du Soi. L'âme doit donc subir une longue purification et épuration, en particulier celle de l'orgueil, car selon les mots de ce grand maître de la vie spirituelle qu'est saint François de Sales: "L'orgueil meurt un quart d'heure après la mort de notre corps"; et, comme l'enseignent les Pères du désert: "Plus nous nous approchons de Dieu, plus la tentation est grande", car elle devient clairement une tentation satanique plus orgueilleuse, plus subtile et plus difficile à discerner et à combattre. Tirer une épée du rocher n'est pas la même chose que dégainer une épée, mais c'est un don suprême du Divin qui libère le Soi du conditionnement pécheur, c'est-à-dire qu'il permet à l'âme de se connaître, de se connaître dans le Divin et de connaître le Divin.
Lorsque le sujet radical réussit à extraire l'épée du rocher sur l'ordre du Divin, cette action mystique peut être réalisée parce que son ascèse spirituelle a atteint le point où il est complètement projeté dans l'altérité du Divin et de son prochain, s'oubliant lui-même et vivant dans une communion et une adoration perpétuelles, dans la tension spirituelle continue de l'écoute de la voix de Dieu qui est le vent subtil de l'Esprit, rempli de calme et d'immobilité. "Dieu dit à Élie: "Sors et sois sur la montagne en présence du Seigneur. Et voici que le Seigneur passa. Il y avait un vent puissant et impétueux pour briser les montagnes et briser les rochers devant le Seigneur, mais le Seigneur n'était pas dans le vent. Après le vent, un tremblement de terre, mais le Seigneur n'était pas dans le tremblement de terre. Après le tremblement de terre, un feu, mais le Seigneur n'était pas dans le feu. Après le feu, le murmure d'une douce brise. Dès qu'il l'entendit, Élie se couvrit le visage de son manteau, sortit et se tint à l'entrée de la grotte. Et voici qu'une voix s'adressa à lui, disant: "Que fais-tu ici, Élie ?". (Extrait du Premier Livre des Rois 19:11-13)
La danse cosmique
Enfin, à l'intérieur du cercle de pierre, au milieu de l'altérité totale, se déchaîne dans les profondeurs de l'âme du sujet radical la Danse Cosmique faite de louanges du divin, d'adoration, de glossolalie, de danses tribales, de danse de la pluie, de danse du soleil, de danse de la lune, de danse du zodiaque, de danse des esprits angéliques, de danse des épées, toutes danses sous l'influence directe de l'Esprit Saint qui dirige cette explosion de louanges cosmiques dans une liberté suprême. Ce que l'Occident post-moderne a perdu, contrairement à d'autres pays géo-ethniques et géopolitiques, c'est précisément le sens tribal de la danse - à quelques exceptions ethniques locales près -, tout comme a disparu la perception que le mouvement libérateur du corps est capable d'éteindre l'esprit et de libérer l'âme au seuil du Créateur des cieux, de la terre et de l'immensité de l'univers. La Danse Cosmique est la plus haute louange du Divin et la plus grande extériorisation de la puissance de la Tradition, car elle seule est capable d'engager l'être humain dans la totalité de son corps, de son âme et de son esprit et d'unifier les pensées, les sentiments, les émotions et les sensations dans le courant unificateur du mouvement corporel.
L'une des caractéristiques du sujet radical est précisément de tout faire en dansant intérieurement et en créant autour de lui l'harmonie du Kosmos dans la paix comme dans la guerre, dans l'action comme dans la contemplation, dans la joie comme dans la peine, dans la vie comme dans la mort. La danse cosmique est comme le soleil-svastika avec ses bras en forme de faux, un soleil qui tourbillonne dans le cosmos en créant l'harmonie et en fauchant les esprits de l'enfer. Tout comme le soleil-svastika, le sujet radical tourbillonne dans la danse cosmique en tant que guerrier ardent et archer-gardien du feu sacré de la Tradition, déplaçant dans ses membres l'horreur du Chaos et l'ordre du Kosmos, fauchant et annihilant les promoteurs de l'Anti-Tradition, lançant des fléchettes incendiaires contre les puissances des ténèbres et l'anti-société liquide postmoderne. La danse cosmique doit être effectuée en commun par les sujets radicaux, héritiers spirituels des anciens kshatriyas. Certainement pas dans l'affirmation d'une nouvelle religion à placer à côté des religions traditionnelles, mais dans l'expression particulière d'une nouvelle religiosité guerrière, qui doit retrouver son ubi consistam même au sein du christianisme oriental et occidental, pour pouvoir enfin revenir danser avec le Prince de la milice céleste saint Michel et tous les anges guerriers autour du Deus Sabaoth, le Rex regum et Dominus dominantium, dans la fureur et la consolation du Paraclitus.
Danses des épées: en Flandre (Dunkerque), au Pays Basque et en Croatie
... Encore une fois, les Hommes de la Tradition, se souviennent de la dernière fois où les Mousquetaires du Roi de France, ont fait la Danse des Epées devant l'ostensoir de l'hostie immaculée du Fils de Dieu, pendant la procession du Saint Sacrement, alors que leur Roi s'agenouillait en adorant le Seigneur... et ils souhaitent sa restauration future, car la danse des épées sera la danse cosmique de l'Empire européen qui reviendra à la croyance et à l'amour de son unique Seigneur, trois fois Saint, Dieu des Armées, qui remplit les cieux et la terre de sa gloire...
20:54 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tradition, traditionalisme, cromlechs, danse des épées | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mardi, 13 décembre 2022
Le sujet radical et la spiritualité de l'épée
Le sujet radical et la spiritualité de l'épée
René-Henri Manusardi
Source: https://www.geopolitika.ru/it/article/il-soggetto-radicale-e-la-spiritualita-della-spada
L'épée est l'archétype de l'âme du guerrier
Chaque type humain a une essence et un archétype imprimés dans son âme. L'épée est l'essence et l'archétype de l'âme guerrière. Quelle que soit la façon dont nous la tenons ou la positionnons, l'Épée se projette toujours vers l'extérieur avec le terrible éclat de son acier ou avec la sourde agressivité de son polissage. Cette projection vers l'extérieur, hors de son centre, tout en maintenant la stabilité et la sécurité appropriées, est le principal trait qui a caractérisé l'âme guerrière à travers les âges et les siècles. L'âme sacerdotale intercède et offre, l'âme paysanne sème et récolte, l'âme artisanale crée et produit, l'âme guerrière défend et combat. Alors que la trajectoire spirituelle du prêtre est verticale (foi) et horizontale (charité), celle des âmes paysannes et artisanales est horizontale (distribution), la trajectoire spirituelle de l'âme guerrière est - comme la pointe de l'épée in usum - vers toutes les directions de la Rose des vents et vers tous les points du Zodiaque et de la voûte céleste, comme une oblation permanente pour la défense de l'Ecclesia, du Peuple et de la Terre des Pères contre les agressions des ennemis. Pour ces raisons de spatialité sidérale, les âmes guerrières peuvent être assimilées à une légion d'Anges en version terrestre appartenant également au "Sanctus, Sanctus, Dominus Deus Sabaoth", le Dieu des Armées, les "armées" étant ici comprises comme les hôtes célestes, la milice angélique.
Se défendre et combattre sont la physiologie propre de l'âme guerrière, comparable à la physiologie de la respiration. J'inspire pour défendre, en mettant derrière moi la gens, l'Urbs et le Vaterland avec un sentiment de protection; j'expire pour combattre agressivement et anéantir les agresseurs mêmes qui portent atteinte à la sécurité de la patrie. L'expiration (phase expiratoire), comme l'épée, est une ascèse, une discipline intérieure qui présuppose attention et abandon. Dans la Voie du sabre japonaise, il est enseigné que dans le duel le samouraï ne doit pas être concentré sur un seul point, mais doit avoir une attention totale sur le "tout" à travers une pratique de déconcentration ; si je me concentre sur un point je perds les quatre-vingt-dix-neuf autres et je suis sûrement tué, donc je dois avoir une attention globale, impersonnelle et déconcentrée en appliquant la respiration zen dans sa phase expiratoire tout en observant l'ennemi devant moi. La Voie du sabre japonaise enseigne également qu'en combat avec l'ennemi, je dois me déplacer avec lui dans une sorte de symbiose dansante et d'abandon, car ce n'est qu'ainsi que je pourrai anticiper ses mouvements, les neutraliser et le tuer.
Par conséquent, même dans l'ascèse personnelle, c'est-à-dire dans la Voie de l'épée intérieure, le guerrier de l'esprit doit observer attentivement les passions qui l'attaquent de l'extérieur, les repousser avec l'épée de l'invocation du nom divin et utiliser l'expiration agressive du cri de guerre. Considérant que, face à l'agression interne de ses vices capitaux, le guerrier de l'esprit doit utiliser l'épée de la volonté pour les briser ainsi que la phase expiratoire, c'est-à-dire l'expiration de l'air par les narines, pour pratiquer l'abandon au Divin en tant que Logos incarné dans son dernier cri guerrier, qui maintenant en tant que Ressuscité combat avec lui et pour lui afin de lui donner la victoire: "Il était déjà environ midi et il fit nuit sur toute la terre, jusqu'à trois heures de l'après-midi, parce que le soleil s'était éclipsé. Le voile du temple a été déchiré en deux. Jésus s'écria d'une voix forte et dit : "Père, je remets mon esprit entre tes mains. Ayant dit cela, il a rendu son dernier soupir". (Évangile de Luc 23:46)
Jeter son cœur par-dessus l'obstacle" était l'une des devises qui caractérisait la cavalerie italienne, comme une expression sanglante de son essence guerrière. Cet esprit d'oblation totale, ce mouvement vers l'extrême sacrifice sanglant ou non, en jetant non seulement son cœur donc la physicalité et la vie, mais même son âme pour l'accomplissement de la Civilisation Multipolaire, pour le retour de l'Ordre divin, est ce qui caractérise et doit caractériser le Sujet Radical. Seule la naissance du Chaos édificateur du Kosmos et, en outre, seule la descente et la permanence dans le sous-monde subjectif et objectif du Postmoderne, donnent au Sujet radical cette force métaphysique et, surtout, cette puissance spirituelle qui lui permettent d'être modelé par l'énergie du Divin comme un combattant invincible et belliqueux ou plutôt éradicateur ontologique de la présence satanique dans le monde. Ne pas s'épargner pour le Bien de la Cause, vivre côte à côte avec l'Ange de la Mort pour éradiquer le mal en soi et dans le monde, choisir une vie de frontière en dehors des feux de la rampe, faire la transition vers la forêt en contribuant à construire activement des communautés organiques de destin avec ses semblables, mener la guerre métapolitique à 360 degrés selon ses propres forces et les dons reçus d'En Haut : Ce sont là le plus petit dénominateur commun et les éléments de base de la Voie de l'Epée, qui doivent caractériser la vie et l'action d'un authentique Sujet Radical.
L'épée est un symbole de la Grande Guerre Sainte
Il est donc nécessaire de se mettre à l'école du Duel pour apprendre à utiliser son Épée intérieure, qui avant d'être retournée contre ses ennemis doit être retournée contre soi-même, dans une sorte de seppuku ou harakiri spirituel, car ce n'est qu'en éviscérant sa propre âme que ressort l'essence de la vraie connaissance, de la sagesse et de la ténacité implacable dans la lutte contre le mal qui domine le monde. L'enseignement géopolitique d'Aleksandr Douguine s'applique également à cette lutte intérieure. En effet, le Sea Power, l'anti-civilisation satanique de la mer, la société liquide qui a ses agents intérieurs dans nos vices capitaux, tentera toujours de dominer et de prendre définitivement possession du Heartland, c'est-à-dire de la présence du Divin en nous, afin de le détruire et de s'installer à sa place. Pour cette raison, le Sujet radical devra nécessairement vivre une lutte intérieure sanglante dans l'enfer de l'âme, afin que son Cœur solide puisse vaincre définitivement la puissance liquide de la Mer, au point de pouvoir s'exclamer avec le hurlement de la victoire : "Carthago delenda est !"
La nécessité de cette Grande Guerre Sainte est inéluctable, tout comme l'art d'apprendre à utiliser l'épée intérieure. Le cœur de cette lutte n'est pas d'écouter les pourquoi de la raison qui, placée dans la souffrance, dans mille cas avec ses raisonnements, montrera l'irrationalité apparente d'une lutte intérieure qui est au contraire fondée précisément sur le réalisme et sur la réalité univoque de la foi et de la raison : le redimensionnement de l'ego à la lumière du Soi, la mort du démoniaque et la victoire du Divin, la destruction de l'homme libéral comme homme de la corruption et l'affirmation du Sujet radical comme homme de la Tradition. À cet égard, il faut toujours se rappeler "l'esprit" et que le moyen sûr de gagner cette lutte est le don d'une forte intuition illuminée par la voix et la sagesse du Divin, capable de couper les pensées et les raisonnements négatifs et accommodants dès leur origine.
L'art de l'épée intérieure consiste principalement - mais pas exclusivement - en ce qui suit. Il faut exercer au plus haut degré et contre toute plainte de sa propre nature corrompue la lutte contre les 7 vices mortels, par la pratique généreuse des 7 vertus contraires avec l'aide du Divin, qui ne doit jamais faire défaut et qui peut nous apporter la victoire finale dans la Grande Guerre Sainte :
- Pratiquez l'humilité pour éradiquer l'orgueil, avec ses émanations de fierté et de vanité, car l'humilité nous libère de l'excellence et nous donne des ailes d'aigle pour voler librement.
- Faites preuve de bienveillance pour éradiquer l'envie, car la bienveillance nous libère de la tristesse et nous rend joyeux et gais.
- Atteignez la tranquillité pour éradiquer la colère, car la tranquillité nous libère de l'agressivité et nous rend sereins.
- Atteignez la générosité pour tuer l'avarice, car la générosité nous libère de l'avarice et ouvre nos cœurs.
- Atteignez l'assiduité pour tuer la paresse, car l'assiduité nous libère de l'apathie et nous donne du bonheur et un sentiment d'accomplissement personnel.
- Atteignez la sobriété pour modérer la gourmandise, car la sobriété nous libère de la gourmandise et nous donne l'équilibre des sens.
- Entraînez-vous à la pureté pour atténuer la convoitise, car la pureté nous libère de la convoitise et nous permet de bien contrôler notre sexualité.
L'épée est la voie du sujet radical
La Voie, la vocation, la mission du Sujet Radical est la Voie de l'Epée. C'est un chemin de lumière, un chemin vers la lumière du Divin qui passe par l'obscurité monstrueuse, ad intra de sa propre nature corrompue, ad extra de la liquéfaction du transhumanisme postmoderne. Comme l'enseigne Corneliu Zelea Codreanu, une pierre angulaire d'inspiration indispensable pour tout véritable Subjectiviste radical: "Aime la tranchée, méprise le salon!", doit être le point de départ et une ferme conviction du style de vie personnel, afin de ne pas se laisser tenter par les mirages constants du consumérisme postmoderne et de la dolce vita. Cependant, la lutte quotidienne du sujet radical va au-delà de la tranchée et, comme l'icône de Saint-Georges le chevalier, il est toujours confronté à la gueule du dragon, au Léviathan, à ses miasmes, à ses entraves, à son souffle ardent et à ses hôtes, non seulement pour lui résister en face mais aussi pour le blesser par la droiture surhumaine de son comportement et la cruauté de son radicalisme exterminateur.
Dans ce type d'existence constamment vécue sur le limes de l'assaut métapolitique, le sujet radical doit dérouter et grandir dans l'apathie la plus rigoureuse, dans l'impassibilité la plus rustre, dans l'imperturbabilité la plus granitique. Le but ultime in itinere du Sujet Radical qui pratique la Voie de l'Epée, ne doit être que la lutte apocalyptique et la poursuite de ce combat titanesque. Lui, dans l'indifférence totale, ne doit pas se réjouir des victoires comme il ne doit pas s'affliger des défaites mais doit seulement continuer la bataille pour le Bien de la Cause. Le Sujet Radical est né et ne vit que pour continuer à se battre jusqu'à la Victoire finale, de place en place, de barricade en barricade, de front en front, de tranchée en tranchée. Comme un panzer qui n'a pas d'âme propre mais qui est guidé par l'habileté d'un chariste expert, ainsi le Sujet radical, désormais dépourvu de volonté propre, sera guidé exclusivement par le Divin, par l'Esprit de Dieu qui habitera son âme non pas par possession mais par amour libre et partagé, faisant ainsi de lui un guerrier invincible et ardent gardien du feu de la Tradition.
La voie de l'épée est donc le destin des vies héroïques et la vie du sujet radical est une existence héroïque vécue au plus haut degré. Un seul plaisir immense, infini, céleste et angélique anime et doit animer les profondeurs de l'âme du sujet radical, comme le substrat émotionnel constant de sa Weltanschauung. Nous parlons ici d'un plaisir guerrier ou plutôt belliciste, un plaisir qui met son cœur martial dans la paix et la sécurité d'être guidé par le Divin et d'en être l'instrument conscient et libre. Un plaisir qui sert de guide dans la continuité de l'action et dans les moments de repos, un plaisir qui tourmente dans les veilles et angoisse dans les attentes. Un plaisir qui met en fibrillation les fibres les plus cachées et les plus intimes de l'âme, un plaisir qui est la quintessence de l'âme guerrière et du Sujet radical. C'est le plaisir suprême du "goût du combat"... le sens ultime de l'essence de la Voie de l'épée.
18:12 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tradition, traditionalisme, épée, voie de l'épée | | del.icio.us | | Digg | Facebook
samedi, 10 décembre 2022
Le serpent dans les anciennes traditions religieuses égyptiennes et autres
Le serpent dans les anciennes traditions religieuses égyptiennes et autres
Source: https://melmothlibros02.blogspot.com/2022/11/el-eje-del-mundo-y-la-serpiente.html
Parmi les artefacts sumériens et akkadiens, nous trouvons des images d'arbres ou de troncs symbolisant l'AXIS MUNDI ou axe du monde. Il s'agit de l'arbre de la sagesse ou de l'arbre de vie, le même que celui que l'on trouve dans la Genèse et dans tant d'autres traditions culturelles.
Invariablement, aussi, un serpent grimpe ou serpente le long du tronc ou se trouve enroulé à sa base. Parfois, ce serpent est personnifié comme l'archétype d'une déesse, comme dans le conte de Gaileach du cycle arthurien.
Dans le mythe grec de la Toison d'or, la toison d'or est suspendue au sommet d'un arbre magique gardé par un dragon ou un serpent. Dans les mythes de ce type, le serpent est le gardien et le protecteur de la sagesse secrète de la vie éternelle. Mais le secret du serpent réside aussi dans le serpent lui-même.
Selon Adolf Erman, les Égyptiens croyaient que "si l'âme venait de Nout ou du Serpent qui gardait le Soleil, les deux devaient l'accueillir comme leur fils. Ils devaient avoir pitié de lui et lui offrir leur sein à téter, afin qu'il vive et redevienne un enfant".
Ceci est un parfait exemple de la façon dont le dieu ou la déesse serpent était considéré comme un être capable d'insuffler une "nouvelle vie" à quiconque en faisait la demande, tout en indiquant que les anciens Égyptiens connaissaient l'Élixir de vie.
Nous retrouvons une idée similaire dans le mythe d'Osiris, dont on dit qu'il est entré dans la queue d'un énorme serpent, qu'il a percé son corps et qu'il est ressorti de sa bouche comme un être renaissant. La queue du serpent représente la fin de l'ancienne vie et sa tête le début de la nouvelle vie : une image liée à l'Ouroboros (le serpent qui se mange lui-même).
Le mythe d'Osiris est également lié à celui des "12 heures de Duat", les 12 heures de la nuit ou du temps nocturne, l'"obscurité" et donc la moitié "négative" du cycle de 24 heures de la journée, pendant laquelle, croyait-on, le soleil traversait le monde souterrain ou Duat.
Une autre figure importante du panthéon égyptien est la déesse Isis (*). On disait que des serpents sacrés dotés de pouvoirs oraculaires vivaient dans ses temples et que d'énormes catastrophes se déchaîneraient sur l'Égypte si jamais les serpents décidaient de la quitter.
Isis tirait son pouvoir du venin des serpents et des scorpions. Il existe un texte dans lequel on la voit poser ses mains sur un enfant empoisonné et extraire le poison.
Il existe de nombreux textes dans lesquels Isis est vue comme Isis-Meri, allaitant l'enfant Horus, dans une image très similaire à celles de Marie et de l'enfant Jésus, ce qui renvoie aux origines symboliques de Jésus en tant que serpent.
Il ne faut pas oublier que l'axis mundi était symbolisé par le Caducée (**). Dans l'Égypte ancienne, la santé était immédiatement associée au serpent, comme en témoigne la couronne formée par l'Aspic ou Thermutis sacré, un attribut particulier d'Isis, déesse de la vie et de la santé. Selon Hargrave, auteur d'OPHIOLATREIA, "il était sans doute destiné à symboliser la vie éternelle".
Isis aussi, le serpent "Reine du Ciel", tel un chien ou un loup, guidait les âmes à travers les "tours d'Amenti" ou "séjours d'Amenti", autre nom du labyrinthe des Enfers. Il s'agit d'une autre image du serpent en tant que gardien ou protecteur du trésor secret de la connaissance.
Isis et Nephitis, divinités respectives des opposés de la vie et de la mort, sont devenues le double serpent : une association qui rappelle les énergies serpentines Pingala et Ida associées à l'expérience d'illumination du Kundalini Yoga. L'ascension de ces deux serpents dans et autour des CHAKRAS alignés avec la colonne vertébrale humaine est un écho de la légende égyptienne dans laquelle la "mère serpent" tisse le fil rouge de la vie avec le fil noir et blanc du jour et de la nuit, dont le résultat est l'immortalité. (***)
Philip Gardiner - Gary Osborn : LE GRAAL ET LE SERPENT.
Notes:
(*) Puissante magicienne, épouse d'Osiris (le dieu des morts) et mère d'Horus. Grâce à ses connaissances magiques, elle a réussi à ressusciter Osiris et à protéger son fils du dieu Seth, qui avait assassiné et démembré son mari.
(**) Le caducée est un bâton muni d'ailes à l'une de ses extrémités, entouré de deux serpents ou couleuvres entrelacés ensemble. Aujourd'hui, il est le symbole de la médecine et du commerce. Le dieu romain Mercure portait un caducée comme symbole de paix et de richesse.
(***) Le rouge, le blanc et le noir sont les trois couleurs symboliques de l'alchimie.
16:36 Publié dans Actualité, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tradition, mythologie, mythologie égyptienne, égypte antique, isis, osiris, égyptologie, serpent, culte du serpent | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mercredi, 30 novembre 2022
La métaphysique du crâne et le sujet radical
La métaphysique du crâne et le sujet radical
par René-Henri Manusardi
Source: https://www.ideeazione.com/metafisica-del-teschio-e-del-soggetto-radicale/
Une vision existentielle
Le crâne, sous forme synthétique, est la représentation de la mort. La mort comme événement existentiel final de notre Dasein, de notre Être dans le monde des vivants. La mort comme présence d'un être angélique, dans la contradiction sémantique de se manifester comme extrêmement vivant et omniprésent dans certaines expériences mystiques. La mort comme pensée, réflexion, méditation discursive sur ce qui nous attend après la fin de la vie et qui alimente le désir d'immortalité, dans le doute hamlétique de savoir si cette immortalité est réelle, une réalité post-mortem, ou juste un désir, le désir de ceux qui refusent de disparaître dans le néant. La mort comme état de souffrance psychique qui peut conduire au suicide ou qui nous fait vivre une vie morne, sans stimuli, dans la grisaille d'un coucher de soleil continu, dans l'anesthésie de toute relation humaine et en traînant son existence comme un zombie. Tout ceci et bien d'autres significations sont contenues dans l'image du crâne.
Le crâne, dans l'itinéraire existentiel du sujet radical, représente le symbole effectif de sa vision du monde, une Weltanschauung qui ne se termine pas avec la mort obscure mais avec le retour solaire de la Tradition. Et qui, dans le symbole du crâne, justifie à la fois l'adhésion usque ad mortem du Sujet radical à la cause sainte de la victoire future de la civilisation multipolaire contre le mondialisme, et le message de mort que le Sujet radical veut communiquer explicitement aux ennemis de la Tradition, en déclarant par l'affichage du crâne que la fin de leur Anti-Civilisation est désormais proche et arrive à son terme.
Le crâne, donc, pour le Sujet Radical est un vecteur de mort pour la Vie, tant dans son destin humain que dans sa mission métapolitique et dans la radicalité de ses combats quotidiens pour l'affirmation d'un nouveau retour à la Tradition, pour la reconstitution de l'Ordre Divin dans le monde après les tempêtes séculaires de l'anthropocentrisme qui, partant du narcissisme de la Renaissance, se termine dans le cloaca maxima de l'anti-civilisation du Postmodernisme.
Contempler le crâne pour le Sujet radical n'a aucun sens, puisque lui-même, après sa descente aux enfers, est la véritable image incarnée du crâne. Il traverse sa propre existence et celle des autres en plaçant et en confrontant les autres à la terrible vérité du choix ultime de la vérité contre l'erreur, du bien contre le mal, du courage contre la terreur. Puis en utilisant cette même terreur que le Pouvoir mondialiste exerce sur les consciences pour les dominer, en les inoculant pour les détourner de l'hédonisme bourgeois et du consumérisme effréné à travers l'image du Héros primordial et des derniers temps, qui comme un prophète de malheur remue, agite, secoue les consciences en les obligeant à choisir et à prendre position.
C'est le sens qu'Alexandre Douguine donne au Sujet radical en tant que meurtrier froid et assoiffé de sang, qui utilise ce meurtre verbal provocateur comme accusateur du Pouvoir en temps de paix et comme auteur d'un malicide en temps de guerre. C'est pourquoi Douguine affirme que le substantif guerrier est insuffisant et plébéien pour identifier le Sujet radical, qu'il définit plutôt comme l'Ange destructeur et terrifiant. Ainsi, alors que la tradition chrétienne définit les moines comme des anges et - ajoutons-le - des anges de paix, nous pouvons définir les Sujets radicaux non pas tant comme des anges de guerre, mais plutôt comme des anges du dernier kali yuga, des anges de l'Apocalypse, des anges du Ragnarök, des anges du retour du Roi immortel qui : "Et habet in vestimentum et in femore suo scriptum : Rex regum et Dominus dominantium" (Ap 19:16).
Une question anthropologique
La valeur totémique du crâne se perd dans la nuit des temps dans notre ADN. Exorciser la mort en exposant des crânes, l'attirer à soi comme défense collective en tant que totem du village, instiller la peur et la terreur en portant les crânes des ennemis déjà tués au combat, boire dans les crânes de ses ennemis. Les civilisations tribales, avec ces comportements et d'autres, enseignent que le problème de la mort ne doit pas être éludé mais plutôt contemplé à travers le crâne et les ossements humains et animaux, comme un archétype de l'impermanence de la vie et comme une porte étroite vers une vie plus vraie, où les membres de la tribu pourront coexister avec les entités spirituelles et les dieux, au-delà du seuil et sans les contraintes et les obstacles que ces esprits posent dans leur courte vie terrestre. Dans l'organisation tribale, la figure du chaman dans sa tripartition traditionnelle d'homme en contact avec le divin, de conseiller du chef et d'homme de médecine, qualifie son importance de médiateur et d'ordonnateur d'un culte de la mort et des dieux qui, préfigurant les religions historiques, se pose en médiateur et intercesseur de toute la tribu avec l'ange de la mort qui devient singulièrement une présence vivante et conditionnante.
Dans le Sujet radical, la question anthropologique se pose de son association habituelle avec la mort comme une seconde peau, comme une présence et presque comme le guide silencieux de son âme. En réalité, la descente existentielle dans le Chàos primordial que le Sujet radical entreprend non pas de sa propre volonté mais à travers les événements de la vie (contrairement à la descente aux enfers qui reste un choix ultérieur d'adhésion et de confirmation volontaire), l'amène à vivre confusément et en contact étroit avec une série de forces élémentaires et primaires appartenant au Chàos lui-même, dont la mort elle-même est un des éléments principaux en tant qu'instinct de destruction préfigurant sa future anthropomorphisation en tant que Thanatos, avec l'instinct de conservation préfigurant sa future anthropomorphisation en tant que Vénus, et l'instinct de survie préfigurant sa future anthropomorphisation en tant que Mars.
La question anthropologique se résout dans la nécessité biologique et mentale d'une relation interpersonnelle de la part du sujet radical avec une entité existentielle, qui si elle ne se révèle pas toujours comme un être spirituel angélique, le conditionne néanmoins à s'y référer constamment, à un moment où tant les êtres humains que le Divin semblent l'avoir abandonné à son sort. A partir de ce moment, le crâne en tant qu'omniprésence invoquée et en tant que symbole d'appartenance devient pour le sujet radical également un mode d'action métapolitique et un style de vie personnel. Un style de vie basé sur le détachement affectif et sentimental qui n'est plus conditionné par les événements de la vie. Un mode d'action métapolitique qui, dans cette phase chàotique, affine les motivations intellectuelles de la lutte multipolaire, se perfectionnant avec la descente aux enfers ultérieure à une perception ontologique de la Tradition qui pousse le Sujet radical vers un choix métaphysique et spirituel de domination de la "réalité morte" sur sa propre vie, domination qui crée la fécondité de l'action pour le bien de la cause, en faveur de la guerre sainte pour la civilisation multipolaire.
Un problème sociologique
Le symbolisme du crâne a traversé l'histoire de l'humanité et, avec des accents différents, l'histoire du continent européen. D'une ostentation tribale principalement celtique et nordique à un culte de la mort gréco-romain païen; de la contemplation chrétienne sur le crâne et le sens de la mort à la méditation maçonnique sur le cercueil ; d'un symbole d'arditisme et de corps spécial à l'échouage actuel dans les tatouages du nihilisme postmoderne comme une déclaration consumériste, pseudo-tribale et destructrice.
Aujourd'hui, le crâne est exhibé comme un culte satanique, comme un culte gothique d'un autre monde ou comme un glamour de designer, mais il est toujours lié au sens nihiliste et auto-implosif de la société liquide contemporaine. Il semble certain que l'omniprésence des médias sociaux a pu créer des tribus pseudo-idéologiques virtuelles dont le credo repose sur des aspects imaginatifs ou aberrants du culte de la mort lié au crâne, de la mutilation des membres à la pédophilie homicide en passant par les selfies dans des situations architecturales limites à haut risque pour la sécurité personnelle.
Dans ce magma postmoderne, se pose donc le problème sociologique de la communication de la réalité ancestrale et symbolique du crâne par le sujet radical, qui court en fait le grave risque d'être englouti par les paramètres cultuels de la mort présents dans la liquidité sociale contemporaine, l'empêchant de proclamer et de témoigner des vérités de la Tradition, y compris la vérité sur la mort. Ce problème sociologique peut cependant être facilement contourné, car la réalité du sujet radical est tellement antinomique de la vie sociale actuelle que sa seule présence est un choc qui provoque l'éveil des consciences endormies ou assoupies sous le consumérisme. Son témoignage et sa parole féroce marquent d'ailleurs une condamnation et un avertissement à la vie post-moderne, capable d'invoquer le vrai sens de la mort dans le sentiment commun, provoquant finalement une réification, c'est-à-dire une concrétisation du symbolisme du crâne qui conduit à la perception du souffle glacé de la mort, capable de révéler l'insignifiance de vivre le mirage du consumérisme, qui conduit précisément à la mort de l'âme et de la société.
Concernant le choc social donné par la présence de sujets radicaux dans la société, Alexandre Douguine nous enseigne ce qui suit : "... le sujet radical cherche à affirmer quelque chose d'absolu et de radical en lui-même, qui n'est pas entièrement lié aux conditions paradisiaques dans lesquelles sa nature royale était évidente. En d'autres termes, il entend afficher sa nature supérieure non pas sur le trône royal mais sous les traits d'un paysan, d'un ramoneur, d'un mendiant, d'un monstre".
En effet, le Sujet radical est Homme de l'abîme et Homme ancestral, il est Homme du sommet et Homme liminal, il est prédicateur du Chàos qui précède le Kosmos, c'est-à-dire du retour de l'Ordre divin dans le monde, il annonce à ce monde la mort même de ce monde, il agite le symbole du crâne contre l'horizontalité de la vie post-moderne et en faveur de la verticalité, fruit de ce Chàos ordonnateur qui descend du Divin et remplit l'humain. En effet, comme l'enseigne Douguine : "Nous ne voulons pas restaurer quoi que ce soit, mais revenir à l'Éternel, qui est toujours frais, toujours nouveau: ce retour doit donc être compris comme une démarche en avant, et non en arrière". D'où l'émergence d'une urgence sociologique et d'un état d'urgence décrété par la fureur et l'intensité de la lutte, c'est-à-dire l'absolue nécessité pour les Sujets Radicaux de créer, vivre et graviter autour de Communautés Organiques de Destinée qui donnent une orientation sûre dans la lutte contre le globalisme unipolaire et mettent en commun ces ressources humaines des ressources spirituelles, intellectuelles et émotionnelles capables de construire la civilisation multipolaire, comme de petites abbayes territoriales travaillant activement au retour du Saint Empire romain d'Europe.
Une question psychologique et une solution spirituelle
Au-delà du problème de la mort psychique, traité en profondeur par les psychothérapies et succinctement exposé dans notre précédent article Thanatos et Odysséus, il n'en demeure pas moins que l'évanescence des relations interpersonnelles et sociales dans la société contemporaine - liée comme un fil au scintillement virtuel des médias sociaux -... la désintégration de la famille et des corps intermédiaires, ainsi que la transformation de cet être humain post-moderne désormais seul et atomisé en un "individu consommateur", nous font prendre conscience de l'état d'agonie sociale et, dans de nombreux cas, de mort sociale et individuelle que vivent les gens en cette période historique presque finale du kali yuga. Par exemple, le nombre de meurtres familiaux tels que les infanticides, les féminicides, les masculinocides, les gérontocides, les parricides, les matricides, les enfanticides, a atteint des sommets impressionnants. Cela dénote que l'esprit postmoderne de la transformation de la société de personnes sociales en individus isolés atteint son but en tant que rejet ontologique/satanique de la bonté de la nature humaine, de sa structure et de son équilibre. Et il est évident que le contenu thanatologique lié au symbolisme du crâne si souvent exhibé par la société liquide du postmodernisme, est précisément une annonce claire de ces intentions d'annihilation diabolique de la nature de l'être humain et, avec l'affirmation du melting-pot, également de ses spécificités génomiques, raciales et culturelles.
La question psychologique qui peut se poser quant à la présence du sujet radical dans la société postmoderne liquide en tant que dévot de la mort pour la mort, est donnée par sa nature de dévot de la mort pour la Vie. Et nous désignons ici le choc inévitable qui a lieu au niveau humain et social, entre la virtualité hédoniste et anti-traditionnelle à la mode de l'individu postmoderne et la dure réalité du Sujet radical, en tant que personne qui affirme la cohérence métaphysique de la lutte pour la Tradition. La question est précisément de savoir si la violence de cet affrontement, à la fois verbal et relevant d'habitudes antithétiques dans une anti-société essentiellement babélienne, peut affecter l'équilibre humain et la stabilité émotionnelle et rationnelle du Sujet radical. Ce questionnement est légitime et place le Sujet radical en souffrance entre deux pôles psychologiques existentiels d'un genre extrême, celui d'abandonner la lutte et de disparaître englouti dans le liquide postmoderne avec ses vices, ou celui de passer de l'intransigeance verbale à la violence purement physique et à la cruauté psychologique dans les relations sociales.
La question psychologique d'un tel nœud gordien ne peut être dénouée qu'à condition que le sujet radical, à partir de sa permanence initiale dans le Chàos primordial, se résolve à faire confiance au Divin qui l'appelle à faire le grand saut de la purification dans la descente des enfers de la matérialité liquide postmoderne, par une lutte généreuse contre les vices mortels. Ces vices, issus de la chute primordiale et semés par le poison satanique, des vices qui saisissent toute la structure de sa nature humaine, c'est-à-dire l'âme, l'esprit, le corps. Des vices qui, s'ils sont généreusement combattus, permettent à l'esprit - lieu de la rencontre avec le Divin au centre de l'âme - d'écouter le Divin lui-même et de recevoir la force d'en Haut, dans cette grande guerre sainte intérieure qui ne peut être gagnée que par les violents avec eux-mêmes car : "...le Royaume des Cieux souffre de la violence et les violents en prennent possession". (Mt 11:12). Dans cette dimension de lutte spirituelle, de violence envers soi-même pour éradiquer les vices mortels combinée à la pratique quotidienne de la prière profonde et/ou de la méditation apophatique trans-subjective, c'est-à-dire la méditation silencieuse, le symbole du crâne trouve donc, pour le Sujet radical, sa compréhension la plus claire et son accomplissement le plus profond.
16:23 Publié dans Philosophie, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tradition, traditionalisme, sujet radical, philosophie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
samedi, 12 novembre 2022
Le sujet radical, le masque et la chute des dieux
Le sujet radical, le masque et la chute des dieux
René-Henri Manusardi
Source: https://www.geopolitika.ru/it/article/il-soggetto-radicale-la-maschera-e-la-caduta-degli-dei
L'option fondamentale
Le Sujet radical qui fait le choix de suivre le Divin, dévoilé dans son âme/conscience au moment de sa naissance dans le Chàos, lors de la première catharsis qui l'a conçu au préalable, sous l'effet de la lumière divine aveuglante, ainsi que des consolations spirituelles et des visions métapolitiques qui le confirment dans le choix qu'il a fait, voit aussi les ténèbres de sa nature, la zone d'ombre de son être, la pollution des vices capitaux à travers sa personne et sa personnalité.
La lumière du Divin éclaire et aveugle et, dans cette obscurité chaotique, le Sujet radical voit la substance fragile dont il est fait, le masque qu'il a lui-même placé sur le visage de sa vraie nature où, s'adorant lui-même comme Narcisse, il a construit un royaume égocentrique de faussetés et de croyances déformées qu'il croit lui-même, dont il s'est convaincu et dont il a convaincu les autres. Ainsi, la vision initiale du caractère fallacieux de sa propre nature, la prise de conscience de l'obscurité impliquant le corps, l'esprit et l'âme créent comme réponse différentes dynamiques intérieures de type égoïste, du rejet d'une telle vision et prise de conscience négatives à la recherche exclusive de consolations spirituelles, de la lumière du Divin sans l'ombre de sa propre nature contaminée que l'on ne tolère pas de voir.
Ici, le sujet radical, au moyen de ces dynamiques égoïstes, est projeté dans le temps au bord de la fournaise du monde souterrain, le monde souterrain de sa nature corrompue et est encore placé devant un choix, un nouveau choix, le choix radical. C'est-à-dire, soit reculer, abandonner et se contenter d'une vie illusoire, soit faire confiance au Divin qui l'a guidé jusqu'ici et l'a amené là et, par conséquent, avoir le courage de se jeter dans l'abîme, de se résoudre à descendre aux enfers dans un abandon et une kénose totale. Ce choix terrible s'appelle "l'option fondamentale" et c'est la seule voie accordée au sujet radical pour devenir, après la grande épreuve, un guerrier ardent et un archer gardien du feu de la Tradition. Sinon, le sujet radical vivra selon des expédients humains ou, dans le pire des cas, deviendra un opérateur d'iniquité, devenant lui-même l'architecte de la décadence liquide postmoderne, dans l'illusion de vivre selon sa propre lumière réfléchie égoïste plutôt que de lutter dans l'ombre de la radiance du Divin.
Le Masque
Tout être humain possède sur son visage originel un masque de fausseté, créé par son orgueil ou, mieux - comme nous le font remarquer les Pères de l'Église orientale, qui divisent l'orgueil lui-même en deux sphères - il possède un masque de type mythique, auto-construit avec la vanité et l'orgueil, qui ont grandi avec lui depuis sa naissance jusqu'à l'accomplissement de sa maturité psychophysique. Ce masque, si l'on peut l'appeler ainsi, tend naturellement à s'ossifier, à se durcir au fil des ans, devenant inestimable à moins que le Divin n'intervienne directement pour l'éradiquer de manière progressive avec la coopération active de l'homme, comme dans le cas du Sujet radical qui adhère à la descente aux enfers.
Il semble évident que la déclaration éclairante de Luigi Pirandello dans le roman Un, personne et cent mille : "Vous apprendrez à vos dépens qu'au cours du long voyage de la vie, vous rencontrerez beaucoup de masques et peu de visages", non seulement trouve une confirmation ici, mais peut même être considérée comme une vérité de la nature, irréfutable. Dans le fondement, compris comme la formation initiale du masque mythique, les composantes de fragilité héréditaire de l'ADN et l'environnement familial ont une influence négative extraordinaire que seul un haut talent d'ordre intellectuel, très rare à un jeune âge, pourrait éviter. Aussi parce que, à l'exception d'une formation monastique rigoureuse comme c'est encore le cas pour les enfants au Tibet et dans le reste de l'Asie, chez l'enfant la compréhension morale et éthique ne va pas de pair avec ses élans spirituels précoces et cela démontre donc la virginité de sa minuscule Weltanschauung, encore en dessous et au-dessus du bien et du mal.
Dans la phase de croissance, donc, le développement du masque mythique prend généralement forme par l'imitation des normes culturelles et sociales présentes dans l'environnement et, dans les quatre à cinq dernières générations, on peut dire que ce développement a surtout adhéré aux comportements dictés successivement par les médias radiophoniques et télévisuels, les médias cinématographiques, et par le biais des PC, des téléphones portables et des smartphones aux médias virtuels des réseaux sociaux, y compris l'actuelle vacuité intellectuelle du phénomène consumériste des "Influenceurs".
En gardant à l'esprit la spécificité du type humain Rebelle, un candidat à être in fieri un Sujet Radical qui, en antithèse du monde médiatique, est un dévot de l'idée de Tradition, son masque mythique à peine effleuré par la pseudo-culture médiatique, Elle se nourrit plutôt de la négativité représentée par les aspects non éthiques et faussement spirituels des idéologies et des totalitarismes du 20ème siècle, qui se mêlent à la Tradition elle-même en proposant la naissance de l'Homme nouveau aux dépens de l'Homme de l'éternel retour, l'Homme qui est l'image du Divin et le gardien du feu de la Tradition. Ainsi, l'aspect le plus douloureux de la chute du masque mythique chez le sujet radical est donné non seulement par l'éradication de ses vices mais aussi par le renoncement au poison idéologique inhérent aux trois théories politiques que sont le libéralisme, le communisme et le fascisme, étant incapable de séparer existentiellement ce qui reste encore de valeur traditionnelle dans ces idéologies de ce qui est laxisme ou utopie irréalisable dans la mesure où elle n'est pas conforme à la nature humaine.
Le masque mythique est donc l'ossification de la méconnaissance des vices mortels et du fait de s'y complaire avec le mythe fondateur de notre rapport narcissique à nous-mêmes, aux autres, au monde, et qui recherche, désire, exige bruyamment l'adoration. Le masque mythique s'élève ainsi au rang de "dieu de lui-même et des autres" et, par un mécanisme d'attraction centripète, cherche à utiliser, dominer, écraser, manipuler et plagier les autres personnes à ses propres fins exclusives. Nous nous sommes tellement habitués à agir et à nous comporter de cette manière que nous en sommes rarement conscients -d'autant plus à l'époque du totalitarisme libéral, qui représente l'organisation socio-politique scientifique et anti-spirituelle, à travers les médias, l'opinion publique et le politiquement correct- de la production de masques mythiques. Mais le masque mythique doit finalement tomber dans la perspective existentielle du sujet radical, et pour le faire tomber, il doit faire tomber les dieux qui habitent les profondeurs de son âme et conditionnent son corps, son esprit, sa vie et son existence.
La chute des dieux
Du sanskrit dyàuh, le mot "dieu" signifie "brillant, éclatant, aveuglant". Et, ainsi, la lumière du Divin apparaît lorsqu'elle pénètre les profondeurs de l'âme et convoque le Rebelle député à l'ultime transformation en Sujet radical. Mais à l'intérieur de l'être humain, dans sa nature, dans son âme ainsi que dans son corps et son esprit, résident avant tout ces lumières illusoires, ces dieux de la mort qui ont patiemment construit au cours de chaque existence humaine le masque mythique qui voile son visage originel et ont fait en sorte que sa capacité à communiquer avec le Divin soit obscurcie en chaque personne.
Les noms de ces lumières trompeuses, ces dieux de la mort, sont : Orgueil, Envie, Colère, Avarice, Paresse, Luxure. Ils sont comme des pieuvres qui, à partir du centre de commandement de notre âme, se ramifient et s'enroulent dans l'esprit, le corps, les relations et créent des maladies spirituelles et psychosomatiques ainsi que physiques. Ces dieux sont aussi terribles que peu connus et leurs vertus contraires, en tant qu'émanations du Divin à travers lesquelles le Sujet radical doit réaliser l'Opus magnum de sa propre transformation, le sont encore moins.
Selon la tradition monastique occidentale et orientale, "toute maladie du corps et de l'esprit, directe ou indirecte, a une racine spirituelle, car elle trouve sa demeure dans l'âme". En effet, à l'intérieur du binôme instinctif anthropologique tempéramental Attraction/Répulsion, qui génère le binôme de caractère existentiel Amour/Haine, l'anthropologie mystique reprend les enseignements expérimentaux de la philosophie classique, en lisant les vices mortels sous le nom technique d'habitudes négatives (du latin habitus - robe), dans le sens d'altérations, d'irrégularités dans les relations interpersonnelles et intrapersonnelles, profondément enracinées dans l'âme/conscience.
Ajoutons que les habitudes négatives (vices capitaux) ayant leur origine dans l'âme/conscience, sont décrites comme des conditions pathologiques de la conscience elle-même, qui se ramifient ensuite dans le tissu psychosomatique pour donner naissance à des troubles neurobiologiques. De même, nous considérons la pratique d'habitudes positives (vertus naturelles) comme une réponse antagoniste aux habitudes négatives et, par conséquent, des conditions de saluto-genèse de la conscience et un chemin sûr vers la régénération psychophysique.
Dans le schéma ci-dessus, nous avons interfacé les vices (à gauche du tableau) et les vertus opposées (à droite du tableau) avec la neutralité des passions (au centre du tableau), que les anciens philosophes considéraient comme les "moteurs de l'âme", c'est-à-dire de l'activité humaine, et qui, en termes scientifiques, constituent l'instinct de survie et l'instinct de conservation. En plus des termes traditionnels décrivant les vices capitaux et les vertus naturelles, nous avons ajouté des termes anthropologiques actuels, qui nous aident à mieux comprendre la réalité des habitudes négatives et positives.
Au cours des prochains articles, nous nous plongerons dans l'analyse de chaque vice capital et de sa vertu contraire, qui fera également l'objet d'un prochain volume avec une orientation spécifique. Pour l'instant, nous nous limitons à souligner l'urgence de cette lutte, clé essentielle et passe-partout pour passer du Rebelle au Sujet radical. Une lutte qui doit être généreuse, sans rabais, cruelle et tenace, visant à faire mourir le vieil homme avec ses vices pour donner naissance à l'Homme de la Tradition avec ses vertus et sa foi dans le Divin. Dans un environnement hautement égocentrique, plein de petits chefaillons et de solipsistes pseudo-nietzschéens (mais qui n'ont pas grand-chose de Nietzsche en eux) comme celui de la zone nationale-populaire dont nous sommes issus, le motif de cette lutte vers l'auto-décentralisation et la maîtrise sereine de soi pour devenir des guerriers gardiens du feu de la Tradition ne doit être qu'un seul : la chute des dieux !
15:18 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rebelle, sujet radical, philosophie, tradition, traditionalisme | | del.icio.us | | Digg | Facebook
jeudi, 10 novembre 2022
Evola entre art et alchimie : l'Homo faber d'Elisabetta Valento
Evola entre art et alchimie: l'Homo faber d'Elisabetta Valento
Giovanni Sessa
Source: https://www.paginefilosofali.it/evola-fra-arte-e-alchimia-lhomo-faber-di-elisabetta-valento-giovanni-sessa/
Dans la note éditoriale qui ouvre l'annuaire de la Fondation Evola, intitulé Studi Evoliani 2021, il est dit que 2022 a été pour Evola, une année admirable. En mars, une émission de télévision de Paolo Mieli a été entièrement consacrée à la "Révolte contre le monde moderne" du philosophe romain. Les orateurs, professeurs et étudiants distingués, ont conservé, malgré quelques erreurs de fait et de jugement, une attitude calme, loin des invectives pleines de préjugés jusqu'alors habituelles contre le philosophe. Par ailleurs, le 18 septembre, l'exposition Julius Evola et le spirituel dans l'art, fortement souhaitée par Vittorio Sgarbi et la Fondation Evola, dont les commissaires sont Beatrice Avanzi et Giorgio Calcara, a fermé ses portes au prestigieux musée MART de Rovereto. Ici, pour la première fois, les nombreux visiteurs ont pu admirer pas moins de 55 tableaux du traditionaliste. L'exposition a accrédité de manière irréfutable Evola comme un artiste de niveau européen.
Pour apprécier pleinement la valeur de la phase artistique du penseur romain, une nouvelle édition du livre d'Elisabetta Valento, Homo faber. Julius Evola fra arte e alchimia, avec une introduction de Claudia Salaris et un appendice de Giorgio Calcara, disponible en librairie auprès des Edizioni Mediterranee (pour les commandes : 06/3235433, ordinipv@edizionimediterranee.net, pp. 160, €24,50). Le texte est sorti en 1994 et son noyau principal reste inchangé dans la nouvelle édition. Il est enrichi d'un important appareil iconographique, dans lequel sont reproduites des images des œuvres discutées par l'auteur. L'annexe de Calcara "rend compte de ce qui s'est passé en presque trente ans de recherche sur l'art de Julius Evola [...] les nouvelles images et les découvertes picturales, l'incroyable affirmation des œuvres d'Evola [...] sur le marché international de l'art, les expositions qui en découlent et les nouvelles publications" (p. 7). Salaris note que l'engagement artistique du philosophe : "s'est déroulé dans le climat de l'avant-garde romaine des années 1910 et du début des années 1920, caractérisé par une intense ferveur expérimentale, également exprimée par l'activité de Balla" (p. 9), dans l'atelier duquel Evola a vécu son initiation artistique.
Le futurisme romain n'avait pas de traits sectaires ou extrémistes et dialoguait avec les tendances les plus diverses de l'avant-garde européenne. Dans ce contexte, un rôle important a été joué par Prampolini, qui a édité la revue Noi, dans les colonnes de laquelle Tzara lui-même a écrit avec des représentants de la poésie française, De Chirico et Savinio et le jeune Evola. Un aspect qui caractérisait l'avant-garde romaine de manière originale était l'intérêt explicite pour l'ésotérisme. En témoignent les tableaux de Balla tels que Mercure passe devant le soleil (illustration, ci-dessous) et la revue, comme le rappelle Salaris, L'Italia futurista (Italie futuriste), dans laquelle les thèmes abordés tournaient autour du psychisme et de l'onirisme, considérés comme les fondements d'une poétique du fantastique, proche des suggestions théosophiques et anthroposophiques.
Le poète était considéré comme le porteur de facultés magiques, transformatrices, liées au trait apparemment a-logique de ses propres productions linguistiques. Evola était au centre d'un tel milieu créatif et paganisant. Le livre de Valento montre qu'en 1918, il avait achevé la première phase de son activité artistique, définie comme "l'idéalisme sensoriel". Il a donc initié une nouvelle phase, "l'abstractionnisme mystique", liée aux doctrines sapientielles, notamment l'alchimie.
Cette transition a eu lieu après la publication du Manifeste Dada de 1918, dans lequel Evola, comme il l'affirmera dans L'art abstrait de 1920, a trouvé de profondes consonances avec sa propre idée de l'art non médium, de l'art comme "expression pure", art du caprice, de l'arbitraire, hors du temps. Tzara n'avait-il pas lui-même déclaré que Dada était un retour à une religion de l'indifférence : "de type presque bouddhiste" ? (p. 11). C'était une véritable rupture, note Salaris, avec la logique et la dialectique de l'Occident, au nom de l'exaltation de la créativité, comprise comme un acte spontané, une manifestation de la liberté originelle qui, dans l'idéalisme magique évolien, serait considérée comme un principe sans fondement. La clé de voûte, indique Valento, pour entrer avec profit dans le processus de décodage de la peinture et de la poésie évoliennes, doit être identifiée dans le symbolisme alchimique. L'universitaire utilise la lecture de l'alchimie par Evola dans La tradition hermétique pour encadrer théoriquement sa production picturale-poétique.
En termes généraux, les procédures alchimiques visent à faire passer l'Ego individuel de la conscience corporelle opaque à l'Ego réel, à l'être en acte. L'Ars Regia "présuppose une métaphysique, c'est-à-dire un ordre de connaissance suprasensible, qui à son tour présuppose la transmutation initiatique de la conscience humaine", écrit Evola dans La tradition hermétique. Nigredo, Albedo et Rubedo, sont les moments constitutifs du processus de transmutation, tandis que l'or alchimique symbolise l'accomplissement du principe.
Les références métallurgiques dans la tradition hermétique sont liées à l'analogie qui relie le microcosme au macrocosme. L'opérateur est donc à la fois la "matière première" à transformer et la fin du travail. Le Soleil Unique donne l'essence et la substance au Tout. A la matière, correspond le principe de la Lune, qui fait allusion au trait de devenir de la réalité. Au Soleil correspond l'Or, à la Lune l'Argent.
Dans le corps, lié par le désir, l'âme est paralysée : pour la réanimer, il faut libérer l'Esprit, qui détient les clés de la "prison", des conditions d'individuation. Lorsque l'âme, l'esprit et le corps redeviennent une seule et même substance indivise, "le voyage dans l'interiora terrae, qui n'est rien d'autre qu'un voyage à l'intérieur de nous-mêmes, se termine par l'Opera al Rosso" (p. 55). L'homme est ainsi repoussé vers ce Centre dans lequel il est possible d'expérimenter l'élimination de toute divergence entre l'être et le devenir.
Du Centre poïétique du dadaïsme, Evola est passé au Centre magique. Le chemin qu'il a suivi, note Valento, est en fait transcrit dans ses œuvres picturales et poétiques, qui sont analysées en détail dans le livre.
Giovanni Sessa
20:06 Publié dans art, Livre, Livre, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, homo faber, avant-gardes, julius evola, tradition, traditionalisme | | del.icio.us | | Digg | Facebook
jeudi, 03 novembre 2022
La grande guerre sainte du sujet radical
La grande guerre sainte du sujet radical
par Rene Henri Manusardi
Source: https://www.ideeazione.com/la-grande-guerra-santa-del-soggetto-radicale/
"Le sujet radical donne à l'homme postmoderne un sentiment de mort, mais aussi de vie - sauf que c'est une vie si frénétique qu'elle est plus terrible que la mort elle-même, une vie qui se déchire. Ce n'est pas la vie normale, qui dans la Tradition rassemble ce qui est épars et dans la modernité traîne l'inertie, mais une vie particulière qui exacerbe la rupture. Mieux vaut ne pas s'en approcher : c'est terrible. Son nom est cette force qui lie tout ensemble, symbolisée par le Fascio Littorio, dont les tiges indiquent les douze signes du zodiaque...".
(Aleksandr Douguine, Le soleil de minuit, l'aube du sujet radical, pp.27-28, AGA Editrice, 2019)
Incipit
Les réflexions contenues dans ce texte et dans d'autres de nos écrits publiés précédemment sur le thème du Sujet radical n'ont pas une priorité didactique d'approfondissement intellectuel, ni une fonction strictement éducative, qui, bien que présentes, ne sont pas le but des écrits eux-mêmes. C'est pour cette raison que nous ne nous attardons délibérément pas sur l'origine historique ou l'étymologie de certains concepts qui sont considérés comme acquis ou qui nécessitent une étude plus approfondie de la part du lecteur, comme celui de guerre sainte ou celui d'ascétisme.
Il est également clair que le canon de rédaction de ces réflexions est principalement anthropologique ainsi que phénoménologique en ce qui concerne l'évidence subjective de l'expérience humaine vécue par le sujet radical. Un canon lié à la globalité de l'Anthropologie en tant que science humaniste qui s'exprime dans ses différentes formes intellectuellement consolidées : ethno-raciales, philosophiques, théologiques, culturelles, mystiques, phénoménologiques et qui, par rapport à d'autres disciplines humanistes, est restée plus à l'abri de la perversion idéologique darwinienne, marxienne et freudienne.
C'est précisément en raison de ces caractéristiques que l'Anthropologie, dans la multiplicité de ses branches, se révèle être un terrain neutre de compréhension et une base objective sûre de connaissance de la Vérité de l'être humain situé dans le cosmos, dans le temps et dans l'espace. Un terrain neutre sur lequel peut converger toute vision philosophique, spirituelle, religieuse ou confessionnelle appartenant à la spécificité de chaque sujet radical individuel, sans considérer cette Weltanschauung comme des superstructures hégéliennes de connaissance naturelle d'ordre anthropologique, mais plutôt comme une intégration et un achèvement métaphysique et spirituel dans l'ordre de l'Être et du Divin.
Les présentes réflexions, en revanche, sont réalisées avant tout comme des articles écrits "pour le bien de la Cause", comme des idées méta-réflexives avec un double objectif évocateur et exhortatif. Evoquer les archétypes symboliques de la Tradition qui sont toujours présents même dans notre ADN postmoderne, les vivre dans une expérience vivante de Dasein, de l'être-là-dans-le-monde ; exhorter et aiguillonner avec une véhémence métapolitique la lutte pour le Grand Réveil, pour la construction d'un nouvel ordre mondial basé sur la civilisation multipolaire.
En parlant d'idées méta-réflexives issues de la contemplation intuitive des symboles de la Tradition, on parle donc d'idées androgynes "au-delà du bien et du mal", c'est-à-dire au-dessus d'une perception purement éthique, ainsi que d'idées apophatiques, échappant ainsi parfois au principe de non-contradiction sur lequel elles reposent pourtant inductivement, puisqu'elles ne sont pas des idées irrationnelles mais supra-rationnelles. C'est pourquoi il sera inutile pour d'éventuels censeurs de chercher des apories ou des antinomies dans ces idées méta-réflexives qui sont certainement présentes, car le mysterium dépasse verticalement l'extension logique horizontale de la pensée, comme le disait aussi saint Thomas d'Aquin à son secrétaire Reginald, qui l'exhortait à écrire à nouveau après avoir eu une vision de Dieu qui a bouleversé sa vie et l'a conduit à la décision irrévocable de poser plume et encrier pour toujours: "Reginaldo je ne peux pas, parce que tout ce que j'ai écrit est comme de la paille pour moi [...] c'est comme de la paille par rapport à ce qui m'a été révélé". (Guillaume de Tocco, Histoire de Saint Thomas, 47)
La grande guerre sainte
"J'affirme donc que le Chevalier du Christ donne avec certitude la mort, mais avec une certitude encore plus grande, il tombe. En mourant, il gagne pour lui-même, en donnant la mort, il gagne pour le Christ. Car ce n'est pas sans raison qu'il porte l'épée : il est le ministre de Dieu pour le châtiment des méchants et la louange des justes (Rom, 13:4 ; I Pet, 2:14). Lorsqu'il tue un malfaiteur, il n'est pas considéré à juste titre comme un meurtrier, mais, si j'ose dire, comme un "malfaiteur" et un vengeur de la part du Christ contre ceux qui font le mal, défenseur du peuple chrétien Et lorsqu'il est tué, on sait qu'il ne périt pas mais qu'il accomplit son dessein (Saint Bernard de Clairvaux, De Laude Novae Militiae, III Dei Cavalieri di Cristo)
Saint Bernard de Clairvaux, écrit ainsi aux Chevaliers du Temple sur l'esprit qui doit animer leur Croisade, la Petite Guerre Sainte et, de cette manière, il énonce un principe de vérité universelle qui, au-delà de sa forme purement confessionnelle, représente la manière dont l'Homme de la Tradition doit affronter sa lutte contre le mal extérieur et qui peut être pris comme modèle par tout Sujet radical, indépendamment de sa Weltanschauung spécifique.
Si telle est la façon correcte de comprendre la Petite Guerre Sainte, alors la Grande Guerre Sainte, dans sa substance la plus profonde, n'est rien d'autre que l'application pratique du concept bernardien de "malicide" à son intériorité, nécessaire pour tuer son ego et donner naissance au Soi ; c'est la condition incontestable pour tuer son égoïsme et être transféré dans l'altérité du Divin.
Parmi les innombrables formes d'ascèse propres à la spiritualité universelle, la forme propre de l'ascèse guerrière est précisément représentée par la Voie de l'épée qui, dans le Sujet radical, revêt le drame d'un nihilisme intérieur aux accents apocalyptiques et d'un nihilisme extérieur vers la phase finale du Kali Yuga post-moderne, capable de dépasser la définition même du guerrier en celle d'ange destructeur, meurtrier terrifiant et froid, du moins dans la détermination de son mode d'action :
" L'hypostase de l'assassin qui redonne à l'homme le goût de la vie est une fonction fondamentale du Sujet radical. Il n'est pas un guerrier - un concept, à ses yeux, trop plébéien - mais un assassin sans but, froid, dépersonnalisé, à la solde de personne. Il est un ange destructeur, un ange terrifiant". (Aleksandr Douguine, Ibid. p. 27)
La Voie de l'Épée naît du silence et devient la Parole de vérité et d'accusation contre l'Anti-Tradition présente dans le monde et en nous-mêmes : "Alors qu'un profond silence enveloppait toutes choses, et que la nuit était au milieu de son cours rapide, ta parole toute-puissante venue du ciel, de ton trône royal, guerrier implacable, s'est élancée au milieu de cette terre d'extermination, portant, comme une épée tranchante, ton décret irrévocable, et, s'arrêtant, a tout rempli de mort ; elle a touché le ciel et a eu les pieds sur la terre (Wis. 18:14-16).
Cette même épée de la Parole de vérité entre ensuite en nous-mêmes pour réaliser l'opus magnum de la déification du Sujet radical. Accomplissant par l'alternance de la souffrance et du bouleversement cosmique intérieur total à un silence mystique régénérant et absolu, la destruction progressive de l'égoïsme personnel cristallisé dans les sept vices capitaux : "Car la parole de Dieu est vivante, efficace et plus tranchante qu'aucune épée à deux tranchants ; elle pénètre jusqu'à la limite de l'âme et de l'esprit, jusqu'aux articulations et aux moelles, et elle discerne les sentiments et les pensées du cœur. Il n'y a aucune créature qui puisse se cacher devant Dieu, mais tout est nu et découvert devant celui à qui nous devons rendre des comptes" (Héb. 4:12-13).
La destruction de l'ego, la lutte contre les vices mortels sont équivalents à la mort de l'âme en attendant l'éveil, sa résurrection, la pleine manifestation du Soi, ainsi que du Divin dans son "Soi radical", terme avec lequel Alexandre Douguine préfère définir correctement le Sujet radical dans un sens métaphysique. Dans le HAGAKURE, le livre secret des anciens Samouraïs, les chevaliers du Soleil Levant, il est indiqué :
"J'ai découvert que la Voie du Samouraï est la mort... L'essence du Bushido est de se préparer à la mort, matin et soir, à chaque instant de la journée. Lorsqu'un samouraï est toujours prêt à mourir, il maîtrise la "Voie". (Yamamoto Tsunetomo, HAGAKURE, Mondadori 2001, p. 24)
Phénoménologie des qualités d'ultra-guerrier dans la Grande Guerre Sainte
La déclaration métaphorique ultra guerrière de Douguine, concernant l'identité phénoménologique du Sujet radical en tant qu'ange destructeur, meurtrier terrifiant et froid, rappelle à l'écrivain le rude enseignement qui lui a été transmis en 1985 par le défunt maître zen, le père Johannes Baptista Ishii, prêtre catholique et ermite camaldule japonais, né à Tokyo, qui, pour lui faire comprendre la réalité de la propre neutralité technique du zen, a dit d'une manière très déterminée une vérité crue qui, à l'époque, l'a laissé stupéfait pendant de nombreux jours :
"Considéré d'un point de vue purement technique, le Zen est une technique neutre en soi, neutre, sans accroche morale ou religieuse d'aucune sorte. Ne soyez pas effrayé si je vous dis qu'au Japon, la méditation zen est utilisée par les membres des Yakuzas, la mafia japonaise, entre autres, pour être impassibles, froids et déterminés lorsqu'ils tuent leurs ennemis ou leurs victimes". (René Manusardi, Visiologie. Une contribution socioclinique aux neurosciences de la méditation, p. 125, Primiceri Editore, 2018).
D'autre part, nous sommes conscients que l'alternance entre le bouleversement cosmique intérieur total et le silence mystique régénérateur et absolu, provoqué par le nihilisme intérieur auquel est soumis le Sujet radical dans la Grande Guerre Sainte provoquée avant tout par l'appel du Divin en conjonction avec l'ascèse contre les vices mortels et la pratique de la prière profonde ou des pratiques méditatives apophatiques, c'est-à-dire basées sur le silence intérieur et le vide mental, peut engendrer une série de qualités et d'actions intérieures capables de justifier la vision ultra-guerrière douguinienne.
Avec la pratique constante de l'ascèse, de la prière profonde et/ou des pratiques méditatives apophatiques, des qualités et des actions intérieures singulières sont développées chez le sujet radical, qui par des moyens ordinaires ne pourraient être atteintes qu'après des décennies de maturation personnelle. Ces qualités clés (également appelées effets phénoménologiques primaires) peuvent être encapsulées dans deux macro-zones ou quadrants : le quadrant "existentiel" et le quadrant "action".
Dans le quadrant existentiel, sont développés au maximum : le calme intérieur, le courage, la détermination, l'imperturbabilité, qualités nécessaires à l'acquisition du bien-être intérieur, de la maîtrise de soi et d'une base psychophysique solide ainsi que des relations sociales. Dans le quadrant de l'action, les effets primaires sont l'enracinement d'une nouvelle personnalité dotée d'une intuition profonde, d'une empathie intense, d'une pénétration aiguë, d'une conscience aiguë, qualités intrinsèques nécessaires aux besoins infinis de la guerre totale.
Les deux quadrants ne sont nullement séparés et développent des qualités intérieures et des qualités d'action de manière réticulaire et interdépendante. Ainsi, la croissance d'une qualité spécifique favorise également le développement des autres, de manière progressive et presque simultanée, à mesure que l'engagement envers l'ascèse et les techniques méditatives devient habituel et quotidien. Examinons maintenant brièvement les qualités qui se développent d'abord dans le quadrant existentiel, puis dans le quadrant de l'action.
Qualités pour le bien-être psychophysique et la maîtrise de soi :
Calme intérieur
Aspects anthropologiques et phénoménologiques : le calme ou l'immobilité intérieure est le premier effet palpable de la pratique ascétique et méditative, qui s'obtient par un rééquilibrage énergétique et une domination sereine progressive de l'âme/conscience sur l'esprit et le corps. L'être humain redécouvre son centre de gravité anthropologique et s'ouvre progressivement aux relations interpersonnelles et sociales, amplifiant sa capacité de médiation et tissant des liens de collaboration et de dialogue. Effet neurophysiologique primaire : décharge d'endorphine et de sérotonine.
Courage
Aspects anthropologiques et phénoménologiques : la pratique de l'ascèse et de la méditation génère du courage. Observer son chaos mental de manière détachée conduit progressivement à une connaissance profonde de soi et des mécanismes du gouvernement psychophysique. L'émotivité s'apaise, les fantômes de l'esprit sont localisés puis progressivement expulsés. De ce travail intérieur constant émerge le courage de lutter contre ses propres tendances indisciplinées, courage qui émane ensuite de l'extérieur de la personne et implique ses relations sociales et interpersonnelles. Le sentiment de peur envers les autres et les incertitudes de la vie s'estompe de plus en plus. Un contenu de relations sociales basé sur la sincérité, la fierté humble, le sens de la dignité personnelle, le respect des autres et de leurs droits est affirmé. Effet neurophysiologique primaire : montée d'adrénaline avec réponse positive au stimulus primaire de combat/voltige.
Détermination
Aspects anthropologiques et phénoménologiques : l'ascétisme et les techniques méditatives développent la qualité d'une forte détermination. Le travail intérieur sur soi et le désir de s'améliorer en sortant de ses propres traumatismes et déficits, déclenchent de manière élevée la volonté, la constance, la ténacité, l'entêtement, qui forment le contenu anthropologique et phénoménologique de la détermination comprise comme résilience et capacité de renouvellement personnel, communautaire et social. Effet neurophysiologique primaire : équilibre parfait des sous-systèmes sympathique et parasympathique du système nerveux autonome.
Imperturbabilité
Aspects anthropologiques et phénoménologiques : une approche ascétique-méditative intéressante à bien des égards - du stoïcisme gréco-classique à la littérature orientale la plus récente sur les samouraïs - est l'acquisition de l'imperturbabilité également appelée impassibilité. La pratique de la méditation, qui d'un point de vue phénoménologique crée des personnes qui recherchent la paix, se consacrent à la paix et la construisent, ne peut être dissociée de l'audace poussée au-delà de toutes les limites, qui est nécessaire, comme par exemple dans le cas de Gandhi, pour mener une lutte non violente et efficace. En effet, d'un point de vue anthropologique, l'acquisition de l'imperturbabilité génère une endurance surhumaine à la douleur, une indifférence à son sort, un détachement total de son ego, une apathie ou une froideur à l'égard de la composante sensorielle, émotionnelle et sentimentale qui est réduite par ses excès perceptifs et passionnels. Effet neurophysiologique primaire : anesthésie neuromusculaire provoquée par l'élévation du seuil de résistance à la douleur et diminution contrôlée de l'état d'éveil psychomoteur.
Les qualités pour réussir dans l'action :
Intuition
Aspects anthropologiques et phénoménologiques: l'intuition est la qualité première par laquelle la conscience se manifeste par la perception instantanée de réalités non encore manifestées, au moyen de l'illumination et de la vision intérieure, et ce processus est renforcé par la pratique méditative. Le relief phénoménologique le plus perceptible de l'intuition est la capacité de compréhension sans jugement de tout ce qui est ad extra et l'appréciation, le respect et l'intégration de la diversité sociale dans la vision épistémologique d'un corps social articulé. Effet neurosocial primaire: perception aiguë de vérités, d'événements et de faits non encore manifestés.
Empathie
Aspects anthropologiques et phénoménologiques : fortement intensifiée par la pratique méditative, l'empathie est anthropologiquement la connaissance des autres comme conséquence de la connaissance de soi et donc chargée de compréhension, de tolérance, de générosité, d'amour libre, de compassion. D'un point de vue phénoménologique, la plus grande instance de l'empathie est celle d'être considérée comme une vertu sociale, capable de créer des liens profonds et durables dans la société, dans les corps intermédiaires et dans les relations familiales et interpersonnelles. Effet neurosocial primaire : connaissance progressivement intégrale de la personnalité d'autrui.
Pénétration
Aspects anthropologiques et phénoménologiques : la qualité de pénétration (paññã/prajna dans le dictionnaire bouddhiste Theravada de la langue Pali), développée avec les techniques méditatives, d'un point de vue anthropologique peut être définie comme l'unification complète de l'intuition et de l'empathie projetées vers l'analyse ad extra. D'un point de vue phénoménologique, elle représente une qualité capable de générer des actes d'observation substantiels, qui nous permettent de saisir des situations et des réalités personnelles, environnementales et sociales par un examen approfondi. Effet neurosocial primaire : vision profonde et globale des choses.
Sensibilisation
Aspects anthropologiques et phénoménologiques: la qualité de la conscience méditative n'est rien d'autre que la pratique anthropologique du hic et nunc, de l'ici et maintenant, capable de relier par un fil d'or la culture philosophique expérimentale et méta-historique commune, qui partant de la métaphysique grecque classique arrive dans la tradition Arya hindoue et bouddhiste des origines. Les implications phénoménologiques de la pleine conscience sont liées au fait que le détachement habituel de soi et l'immersion totale dans la réalité présente font que les personnes se projettent hors de l'axe de leur "moi" afin d'expérimenter pleinement la nouvelle dimension du "nous", de "l'autre", de la "communauté", en perfectionnant pleinement cette "compassion", ce choix d'altruisme déjà construit par la qualité de l'empathie. Effet neurosocial primaire : état de vide, c'est-à-dire état de vacuité mentale.
Concluons ces réflexions en gardant à l'esprit que les qualités d'ultra-guerrier que le Sujet radical acquiert pendant la purification de la Grande Guerre Sainte ne représentent pas la naissance de l'Homme Nouveau, tel que conçu par les trois théories politiques du 20ème siècle, à savoir le libéralisme, le communisme et le fascisme. Mais, comme nous l'enseigne la quatrième théorie politique du multipolarisme, ils nous parlent de l'éternel retour de l'Homme ancestral, l'image du Divin, l'Homme de la Tradition, le Gardien de l'Ordre Divin et du feu sacré de la Tradition, l'Homme qui ne change jamais, qui en tant que Sujet radical sait se repositionner pour surmonter indemne les époques historiques, se réfugiant dans les profondeurs du Chaos primordial pour finalement atteindre les hauteurs du Kosmos, comme nous l'enseigne notre Alexandre Douguine avec cette merveilleuse réflexion :
"Les choses changent, tout change, mais pas le Sujet radical, qui reste le même, traversant les trois paradigmes (Tradition, modernité et postmodernité) comme une ombre. Il ne se perd pas dans ces espaces et ne change pas de nature. Il reste à tous égards toujours lui-même, en passant par les trois phases. Il change de position, passant du centre à la périphérie, mais reste exactement le même, se comportant toujours comme s'il était dans l'espace de la Tradition. C'est un roi mendiant, qui cache son origine royale sous les misérables haillons d'un serviteur". (Aleksandr Douguine, Ibid. p. 26)
14:44 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : alexandre douguine, tradition, traditionalisme | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mercredi, 12 octobre 2022
Traces d'anthropologie mystique dans Le sujet radical d'Aleksandr Douguine
Traces d'anthropologie mystique dans Le sujet radical d'Aleksandr Douguine
René-Henri Manusardi
Source: https://www.geopolitika.ru/it/article/cenni-di-antropologia-mistica-sul-soggetto-radicale-di-aleksandr-dugin?fbclid=IwAR30-k1SaDcG11wd4fdiCw1U1YbikqIMDwP8530Fugsfqn960YCjNBQoyUU
Tradition ist nicht die Anbetung der Asche, sondern die Weitergabe des Feuers. La tradition n'est pas le culte des cendres, mais la transmission du feu. (Gustav Mahler)
L'esprit de guerre, l'immuabilité de la nature humaine et le sujet radical
Le Sujet Radical - dans lequel résident le Soleil, la Lumière et la Tradition - est cette épreuve ultime, la fin de la descente cyclique et, peut-être, l'éclat d'un Nouveau Départ. C'est une réalité qui doit être créée, par un esprit actif et radical, qui n'apparaît qu'au moment le plus critique du cycle cosmique.
On a beaucoup parlé de la guerre, et de nombreuses sensibilités différentes ont traversé l'histoire du phénomène belliqueux. De l'Iliade aux Croisades, le sens de l'honneur a prévalu en mettant en exergue l'aspect réparateur des injustices subies. Des Croisades à la Renaissance, la part du lion a été prise par le caractère sacré de la guerre et l'aspect expiatoire de la mort visant l'entrée victorieuse dans le Royaume des Cieux. De la Renaissance à l'ère moderne, la guerre est devenue une technologie de plus en plus raffinée et sanglante, soutenue par le principe "la fin justifie les moyens", propre de la nouvelle amoralité machiavélique. De la Modernité à l'ère post-moderne, la guerre devient idéologique: désintégration des empires, comme but maçonnique; hygiène des peuples, comme but nationaliste et futuriste; justice sociale et vocation impériale, comme but fasciste; impérialisme économique et exploitation des peuples, comme but capitaliste; lutte des classes et matérialisme, comme social-communiste; expansion territoriale bio-ethnique, comme but national-socialiste. Dans notre actualité post-moderne, la guerre devient finalement la nécessité néo-malthusienne, propre du transhumanisme voulu par les seigneurs de l'or qui se réunissent à Davos, ainsi qu'à leur enrichissement financier avec l'industrie florissante de l'armement, notamment l'industrie aérospatiale hautement technologisée.
Le tableau historiquement complexe, qui est résumé ici, semble donc révéler une mutation de la Weltanschauung sur l'"esprit de guerre", qui, à partir du 16ème siècle, a perdu l'homogénéité éthico-sacrée propre à l'antiquité gréco-romano-barbare et au christianisme romano-germanique, essentiellement théocentriques, au profit d'un anthropocentrisme radicalement renaissanciste, puis s'est poursuivi dans la fragmentation idéologique moderne et s'est finalement éteint dans le nihilisme postmoderne contemporain où la guerre est comprise comme la réalisation d'un nouveau matérialisme à la fois euthanasique, financier, technocratique et transhumain, où la centralité de l'action humaine est remplacée par l'Intelligence Artificielle guidée par d'obscurs lobbies participant du pouvoir supranational, dont les intentions, cependant, sont désormais clairement explicitées par eux et non plus dissimulées par le réseau médiatique.
Cependant, si l'esprit de la guerre avec ses justifications - des plus spirituelles aux plus matérielles - a changé au cours des Ages historiques, il ne semble pas en être de même pour la nature profonde de l'être humain. La prétendue mutation anthropologique, parrainée par l'identité de genre LGBT, semble être solidement désavouée par les neurosciences en raison de l'ancrage profond de l'ADN humain, immunisé contre la manipulation et la contamination culturelles, ce qui confirme l'adage scolastique natura non facit saltus, malgré l'alarme légitime lancée par la bioéthique depuis des décennies à cet égard. La seule condition pour provoquer une mutation anthropologique reste le transhumanisme, prôné par les seigneurs de l'or qui, à Davos, planifient un avenir mortifère pour l'espèce humaine : cyborgs, c'est-à-dire des êtres humains technologiquement implantés, animaux humanoïdes, robots équipés d'IA.
Cette mutation anthropologique ratée, cette tentative prométhéenne mal résolue par les stratèges sataniques du nouvel ordre mondial, réalise la vérité métaphysique et métapolitique des mots d'Alexandre Douguine sur le sujet radical : "Le sujet radical est l'acteur de la nouvelle métaphysique, son pôle. Le sujet radical apparaît lorsqu'il est déjà trop tard, lorsque tous les autres et tout le reste ont disparu".
Le sujet radical ne peut pas apparaître plus tôt, car il n'est pas prévu. Il est éveillé par la volonté post-sacrée. La Volonté post-sacrée est ce quelque chose qui ne coïncide pas avec le sacré, mais qui ne coïncide pas non plus avec le néant. C'est le principal attribut du Surhomme. En dehors du sacré, il n'y a que le néant. Cela signifie qu'il n'y a pas de Volonté post-sacrée, et pourtant elle existe. Ce n'est que dans ce mode qu'il peut exister".
Si donc il y a encore l'être humain avec sa nature profonde et inaliénable, s'il émerge en tant que Sujet radical lorsque la civilisation humaine semble définitivement éteinte ou en voie d'extinction, alors il y a encore le guerrier, il y a encore l'esprit de guerre - le plus vrai - l'esprit de la Guerre Sainte pour la Tradition, avec sa réalisation métapolitique de l'établissement de la civilisation planétaire multipolaire.
L'Atman comme archétype guerrier du sujet radical
Le sujet radical est immortel, traverse la mort et constitue la racine du sujet normal - c'est un soleil noir situé dans l'abîme intérieur le plus profond. C'est un sujet apophatique (terme désignant le non encore manifesté) situé au sein du sujet positif, dont il constitue la racine immortelle, invisible et indestructible.
Dans la liquéfaction du monde post-moderne, l'Éveil du Sujet Radical est l'éveil d'une conscience guerrière chaotique et en même temps très intuitive, qui émerge au début de la partie finale du Kali Yuga et au moment de l'inversion de l'Apocalypse. Laissant à d'autres la tâche d'approfondir le substrat prophétique et eschatologique des temps, finis mundi, nous tentons ici une ébauche expérientielle synthétique d'un ordre anthropologique mystique, concernant la manifestation éveillée du Sujet radical.
Dans son être-au-monde, l'éveil du Sujet radical - précisément la racine de la personne - à travers un critère perceptif de réduction phénoménologique, se révèle comme une manifestation soudaine de chàos énergétique pré-logique et, en même temps, d'intuition supralogique lucide. Une telle simultanéité de nature expérimentale, non encombrée par les superstructures logiques de l'être, les superstructures émotionnelles de l'être et la conflictualité émotionnelle/rationnelle permanente desdualités corps/mental et cœur/cerveau, est perçue ab intus comme un retour à sa vraie nature, qui est vécue comme la seigneurie de l'Atman/âme, la domination de l'Atman sur le corps et l'esprit, et la manifestation de l'Atman lui-même d'abord comme une lumière soudaine/satori, puis progressivement comme l'obscurité intérieure, la lumière et enfin le feu.
Le sujet radical manifeste ainsi une constitution anthropologique avec une prédominance de l'âme-spirituelle, où dans la triade corps-esprit-âme émerge la structure même de l'âme comme co-présence ontologique de l'énergie vitale (chàos dynamique) et de l'essence consciente (présence déiforme), que la philosophie hindoue désigne sous le nom d'Atman.
La kénosis de l'Atman, le choix existentiel, le guerrier ardent
"Nous ne voulons pas restaurer quoi que ce soit, mais revenir à l'Éternel, qui est toujours frais, toujours nouveau : ce retour est donc un mouvement en avant, et non en arrière. Le sujet radical, en outre, se manifeste entre un cycle qui se termine et un cycle qui naît. Cet espace liminal est plus important que tout ce qui vient avant et que tout ce qui viendra après" (Aleksandr Dugin).
L'éveil de l'Atman dans le Sujet radical est un éveil guerrier, in interiore homine, une chute libre dans les profondeurs du moi, dans le fondement sans fondement (Urgrund), par une ferme volonté de puissance illuminée par le divin, qui a contemplé la tabula rasa du moi social, familial et individuel et du tissu collectif, déchaînée par la société liquide postmoderne de l'individu atomisé et consumérisé.
Individu à la personnalité intransigeante, doté d'une saine furor angelicus, bellicus et belluinus dans la lutte contre le mal, n'ayant plus de liens avec le passé et la Tradition, qui par un effort surhumain et cathartique se jette dans l'abîme, le Sujet radical trouve dans cette première kénosis, dans ce vidage, la mort de l'ego et la lumière du chàos primordial, celui de sa propre énergie vitale.
Dans cette "vision intuitive de l'essence de sa propre nature" (D. T. Suzuki) - le satori de la lumière, la vision de son âme qui est la lumière qui donne tout son sens à son existence - il est consciemment placé devant un choix. Le choix de vivre le solipsisme de l'orgueil luciférien, en se contentant de sa propre lumière réfléchie qui, à jamais séparée de sa source divine, mute en ténèbres et, ainsi, devient un opérateur d'iniquité dans la liquidité postmoderne. Ou le choix d'aller au-delà de sa propre lumière, d'entrer dans la grande tribulation, la terrible Nuit des sens et de l'esprit, la seconde kénosis ou nihilité absolue, pour finalement être rétabli comme l'Homme de la Tradition, qui vient devant le feu de la Présence Divine, origine de la Lumière immortelle, et là s'immerge pour devenir un esprit guerrier du Chàos, qui de l'essence ouverte du Chàos lui-même va construire le Kosmos, l'Ordre divin.
Pénétrant ainsi le Chàos primordial avec la lumière de l'énergie vitale, et acceptant même la limitation d'une vie vagabonde et impersonnelle pour le bien de la cause, le Sujet radical va plus loin. En sombrant dans le nihilisme du moi, jusqu'à l'anéantissement de l'esprit, jusqu'à atteindre l'essence de sa propre âme qui est la pleine conscience de soi et qui se manifeste comme un feu, un feu ardent participant au feu divin, au-delà du bien et du mal, le Sujet radical, désormais mieux identifiable comme le Soi radical, devient ainsi un nouvel archétype guerrier : non plus le guerrier de la lumière comme l'étaient les anciens guerriers, mais le guerrier de feu, gardien du feu de la Tradition, enveloppé de l'Esprit Saint qui est feu, pour transmettre comme un archer les fléchettes ardentes de la Tradition qui reconstruisent le Kosmos. Et à ce moment-là, une épée lui sera délivrée d'en haut, signe - visible et intérieur - de sa nouvelle âme.
"Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l'épée. Car je suis venu séparer le fils du père, la fille de la mère, la belle-fille de la belle-mère, et les ennemis de l'homme seront ceux de sa maison". (Évangile de Matthieu 10:34-36)
23:55 Publié dans Actualité, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alexandre douguine, tradition, traditionalisme, mysticisme, anthropologie mystique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mardi, 11 octobre 2022
Les Culdee, Lug et Merlin. Naissance et splendeur des phratries médiévales de bâtisseurs
Les Culdee, Lug et Merlin. Naissance et splendeur des phratries médiévales de bâtisseurs
Le 5ème siècle en Grande-Bretagne constitue un jalon dans notre recherche. En 43 après J.-C., des artisans employés par les légions romaines étaient à l'œuvre dans ces contrées lointaines, construisant des tours et des murs pour protéger les citoyens romains des attaques écossaises.
Ce travail militaire s'est poursuivi jusqu'au début du 3ème siècle. Certains artisans sont retournés sur le continent, d'autres se sont installés en Britannia et sont restés. Ils ont transmis leur savoir aux Bretons, ce qui explique la naissance au 5ème siècle de la confrérie des CULDEE, qui a remplacé les collèges de bâtisseurs romains.
D'obédience chrétienne, les Culdee ont gardé secret leurs techniques et leurs réunions. Ils ont rapidement rejeté la civilisation romaine et ses formes artistiques au profit du symbolisme celtique.
Après la chute de l'Empire romain d'Occident au 5ème siècle, les grandes commandes architecturales ont disparu. De nombreux artisans se sont retrouvés sans travail et un bon nombre d'entre eux sont partis à Byzance.
Malgré l'insécurité, il y a eu de nombreux voyages et contacts entre les bâtisseurs occidentaux et orientaux. C'est pourquoi, au cours des 5ème et 6ème siècles, un grand nombre de bâtiments séculiers et religieux ont été érigés en France, montrant une nette influence orientale.
Avec la chute de Rome, beaucoup de ceux qui, en Occident, croyaient encore que la vie avait un sens transcendant se sont tournés vers l'Irlande, le fief du celtisme. La verte Eirinn, cependant, n'était pas fermée au christianisme apporté par les moines.
Leur rencontre avec les maçons de Culdee a été positive. Ces derniers deviennent désormais des moines bâtisseurs organisés en collèges. Ils acceptaient le mariage et ne reconnaissaient pas l'autorité suprême du pape romain, qui était considéré comme un simple évêque.
Parmi les Culdee, on trouve les descendants des druides et des bardes celtiques, dont la vocation chrétienne était surtout un moyen de garder un profil bas.
Les moines du continent et les bâtisseurs locaux ont travaillé ensemble pour créer des cités entièrement monastiques. Certains quartiers sont attribués aux maîtres maçons et aux maîtres charpentiers qui jouissent d'une certaine autonomie.
Ils ont besoin des moines et les moines ont besoin d'eux. Il s'agissait de bâtir une nouvelle civilisation avec la foi chrétienne et de construire des bâtiments sacrés et profanes pour atteindre l'harmonie sociale.
L'héritage celtique est présent dans l'âme de ces bâtisseurs. Ils rappellent la robe rituelle blanche des druides, leurs maîtres spirituels, les rites d'initiation où les profanes entrent dans une peau d'animal, mourant au "vieil homme" et renaissant au "nouvel homme" (métanoïa ou transformation spirituelle radicale).
Dans les assemblées de constructeurs, on porte un tablier. Le membre est expulsé de la communauté.
Le celtisme, c'est aussi LUG, le dieu de la lumière et le seigneur de tous les arts. On retrouve son nom dans plusieurs villes européennes (Lugo, Lyon et Londres, par exemple). Il se manifeste en la personne du chef de clan, détenteur de la massue.
L'initiation se traduit, tout d'abord, par la pratique d'un métier, et nul n'est admis à TARA, la ville sainte de l'Irlande, s'il ne connaît pas un métier.
À Tara, la salle des banquets rituels est appelée la "demeure de la chambre du milieu". Rappelons que le conseil des maîtres francs-maçons est appelé la "chambre du milieu".
Par l'intermédiaire des moines culdee, le grand souffle de l'initiation celtique revigore le christianisme occidental, trouvant son symbole le plus parfait dans la figure de MERLIN LE SAGE, dont on oublie souvent qu'il était un maître-bâtisseur. Il a fait appel à des guerriers et des artisans pour transporter des pierres d'Écosse et d'Irlande afin de construire un gigantesque tombeau en l'honneur du roi Uter Pendragon.
Merlin a enseigné aux bâtisseurs que l'esprit doit prévaloir sur la matière et que seul le Maître Bâtisseur, le magicien de la pierre, est capable de réaliser l'Œuvre totale.
20:06 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : celtisme, celtitude, pays celtiques, irlande, moines bâtisseurs, lug, traditions, paganisme | | del.icio.us | | Digg | Facebook
lundi, 10 octobre 2022
La nature de l'homme dans le mythe grec
La nature de l'homme dans le mythe grec
Alex Capua
L'ascension d'Héraklès vers l'Olympe dans un char tiré par quatre chevaux symbolise le fait qu'Héraklès était un héros solaire, patron des Jeux olympiques. Chaque cheval représentait une année, tandis que les quatre chevaux ensemble représenteraient les quatre années entre les Jeux olympiques.
Chaque héros atteint sa capacité productive maximale et son meilleur état possible lorsqu'il développe pleinement sa nature. C'est ce qu'on appelle l'arete, la vertu. L'homme y est enclin par les forces germinatives qu'il porte en lui dès sa naissance, mais ce sont des "graines", des "étincelles" et il doit lui-même atteindre le développement et la vertu par ses propres efforts. Heraklès en est un bon exemple.
La sensibilité grecque ne s'exprime pas par "vous devez", mais par "vous pouvez". Les plantes ou les animaux portent en eux une autodétermination innée qui leur fait atteindre une satisfaction conforme à leur nature ; de même, l'homme ne doit développer pleinement son essence particulière que pour atteindre sa nature, l'arete, et en elle doit aussi résider son eudaimonia, un mot grec qui signifie originellement que l'homme a son propre daimon par lequel il est guidé.
Daimon est synonyme de Theos (Dieu), mais chez Homère et Hésiode, il désigne les dieux ou la divinité en général. Par exemple : lorsque Homère dit de Lycaon qu'un dieu "l'a jeté dans les mains d'Achille" (Iliade XXI, 47), il ne fait pas référence à un dieu spécifique, mais à un démon (daimon). Chez Homère, le mot daimon était appliqué aux dieux en tant que puissance indéfinie ; cependant, Hésiode est le premier à se référer avec ce mot à des divinités mineures (Travaux et Jours v. 123).
Ainsi, les démons d'Hésiode n'agissent pas comme des êtres intermédiaires entre les dieux et les hommes. Ils étaient conçus comme des êtres immortels vivant sur un plan intermédiaire, participant à l'action invisible et à la vie éternelle des dieux. Dans Homère, le démon exerce une action bénéfique ou maléfique sur l'humanité (Iliade, XV, 418, 468 ; XXI, 93). De là est né le terme de polydémonisme, c'est-à-dire la croyance en de nombreux démons qui entourent la vie de l'individu.
Dans le domaine philosophique, Pythagore exprime que "l'air est tout plein d'âmes qui sont appelées démons et héros. Ce sont eux qui envoient aux hommes des rêves et des signes de maladie et de santé" (cf. D. L., VIII 32). Ici, le terme change radicalement, par rapport à Hésiode et Homère, car les pythagoriciens soulignaient l'idée que l'âme recevait à chaque renaissance un nouveau daimon.
Chez Platon, le terme daimon oscille entre des nuances bien précises : le daimon-conseiller qui guide l'homme durant sa vie et conduit son âme devant les juges après sa mort (Phèdre, 242) ; le daimon-âme, une âme raisonnable donnée à chaque homme (Timée, 41e) ; et, enfin, le produit d'un dieu et d'un mortel (Lois, IV, 717b).
Chez Socrate, il fait référence au guide de l'âme pendant la vie et après la vie, c'est un protecteur personnel qui accompagne et dirige.
"Il m'arrive je ne sais quoi de divin et de démoniaque... C'est une voix qui se fait entendre de moi et qui, chaque fois que cela m'arrive, me détourne de ce que je suis éventuellement sur le point de faire, mais qui ne me pousse jamais à l'action" (Apologie de Socrate, 31d).
Quelle est la nature de l'homme ?
Les courants philosophiques grecs expriment que seul le logos peut indiquer à l'homme sa fin et façonner à juste titre sa vie.
Dans le monde de la Tradition, elle indique que l'homme partage le principe actif de l'éternité (l'Atman). On comprend ainsi que l'homme se considère comme éternel, mais pas immortel ; tout le contraire des dieux.
L'Atman ne se niche qu'en l'homme, à l'état dormant, c'est la semence divine. Le but de l'homme est l'éveil de la graine divine par l'initiation. Héraklès (avec l'accomplissement de ses douze travaux), Jason (dans la recherche de la Toison d'or), Ulysse lors de son retour à Ithaque, sont des exemples clairs de processus initiatiques pour l'éveil de la divinité en l'homme.
En bref, avec Héraclès, nous apprenons que la nature de l'homme est orientée vers le développement et le maintien de notre essence donnée par la nature. Si nous tournons le dos au Transcendant, nous nous écartons de notre nature, nous nous séparons de nos racines, c'est-à-dire de tout ce qui est d'origine divine avec ses multiples manifestations sur le plan humain. La rupture homme-divinité se produit lorsque nous ne reconnaissons pas notre véritable nature. Héraklès, Jason, Thésée, Ulysse nous rappellent dans leurs histoires pérennes notre nature divine et la lutte quotidienne et continue que nous devons mener pour atteindre ce développement spirituel.
14:32 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tradition, mythologie, dieux grecs, mythologie grecque, hellénisme | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mercredi, 07 septembre 2022
Alain Daniélou et le point de vue hindou sur le Kali-Yuga européen
Alain Daniélou et le point de vue hindou sur le Kali-Yuga européen
Nicolas Bonnal
Alain Daniélou, frère du cardinal, est païen et a vécu quinze ans en Inde au beau milieu du vingtième siècle. Là, il parfait sa connaissance de l’hindouisme, des textes sacrés, de la musique traditionnelle et de la danse initiatique. Puis il revient en Europe et assiste bien placé par ses relations mondaines au déploiement de cette Europe décadente dont a parlé Raymond Aron. Au début des années 80 il publie ses mémoires, Le Chemin du labyrinthe.
Le livre est fabuleux, à couper le souffle, totalement passionnant. Et il va appliquer sa connaissance de la Tradition, jointe à un remarquable esprit libertarien, cet esprit libre n’ayant jamais supporté la discipline occidentale, pour analyser ce qui se passe en Europe, qui, dès les années 60 et 70, court au Reset et à la dystopie.
« C’est armé de ce bagage que j’ai commencé à reprendre contact avec l’Europe qui m’est apparue comme une région malade, atteinte d’une sorte de cancer qui fait que certaines cellules se développent de façon incontrôlée et contaminent peu à peu les autres. Ce développement à forcement une limite. L’espace vital est de plus en plus réduit pour chacun dans ces énormes termitières qui recouvrent peu à peu les campagnes et les forêts. »
Le cancer de la civilisation et la fin de l’espace vital, nous y sommes. A l’époque on en parlait, aujourd’hui on applique. Daniélou évoque son toupet habituel les origines « aryennes » (violence et pillage) de ces occidentaux toujours en guerre et colonialistes :
« La recherche de la prospérité étouffe celle de la sagesse et du bonheur de vivre. Je me suis interrogé sur les raisons qui rendaient les Occidentaux modernes si agités et en somme assez rarement heureux. Les Aryens dont sont issus la plupart des peuples qui ont dominé l’Europe, les Achéens, les Doriens, les Celtes, les Romains, les Germains, les Russes, sont des peuples prédateurs. Ayant récemment envahi une grande partie de la planète, peuplé les Amériques et l’Australie, imposé leurs langues à l’Afrique et parfois même à l’Asie, ils ont atteint une limite et leur force d’expansion se retourne contre eux-mêmes. Il semble peu probable qu’ils arrivent à se contrôler. »
Oui, la force se retourne contre soi, et avec quelle alacrité !
Daniélou attaque l’occident là où il se croit fort, sur le plan des idées et de l’intellect ; il est aussi percutant que René Guénon :
« J’ai été surpris par l’incohérence des concepts, la naïveté des croyances, le manque de rigueur des raisonnements. De soi-disant « intellectuels » s’acharnent, sur des bases plus qu’incertaines, à changer le monde sans en étudier la logique ni en rechercher la raison d’être ; et prétendent « reformer » la société en partant de postulats irréalistes qui en tiennent aucun compte de la nature et du rôle de l’animal humain dans l’ensemble de la Création. »
Daniélou comprend comme Schopenhauer (voyez mon texte) que l’on ne peut convaincre en Occident. Alors il faut exterminer – surtout si on est le plus fort :
« Cette sorte de jeu artificiel ne peut aboutir qu’à de fausses valeurs imposées par des formes de tyrannie car, quand on arrive au bout du mensonge, on n’a plus d’autre issue que la destruction des preuves des opposants et l’annihilation physique de ceux qui les soutiennent ainsi que l’Histoire l’a trop souvent démontré. »
Il balaie la France fonctionnaire, républicaine et liquéfiée en une phrase :
« Les Français notamment apparus comme des gens particulièrement légers et irresponsables. »
La clé c’est la catastrophe bourgeoise. Taine en a très bien parlé dans son La Fontaine et les fables (voyez mon texte) ; Daniélou ajoute que le bourgeois est dangereux, surtout sur le plan culturel, car il est un snob. Cela donne les Femmes savantes, le bourgeois gentilhomme, la quête du mamamouchi et pas du Graal, ou le festival de Cannes et la sous-culture moderne qui repose sur la bêtise conformiste et le terrorisme critique :
«Le monde occidental, qu’il se prétende capitaliste ou socialiste, est entièrement dominé par la mentalité bourgeoise, c’est-à-dire par l’esprit qui caractérise la troisième caste, celle des marchands, non point tellement par suite de la puissance que donne l’argent que par l’importance attachée aux questions matérielles et surtout par le snobisme, un mot qui, selon certains, viendrait de l’italien snobile, « sans noblesse »
L’esprit libre et indépendant devient une rareté dans cet occident alors :
« Les esprits indépendants qui cherchent leur propre vérité, veulent vivre selon leurs goûts, sont suspects dans ce monde artificiel et prétentieux. Les snobes prônent les modes artistiques comme s’il s’agissait de valeurs incontestables. »
Daniélou insiste sur ce snobisme qui crée un déclin actif de l’art (visible par tous dès le dix-neuvième siècle, voyez Tolstoï ou Max Nordau) :
« Il semble qu’il n’existe plus de lien entre la cosmologie et la science, entre l’art et le sacré. Il y a des maladies et des idéologies à la mode alors qu’il s’agit de questions d’importance vitale. Le communisme de salon va de pair avec la musique aléatoire ou l’enthousiasme feint pour des toiles dépourvues d’intérêt esthétique, de talent ou même de technique. »
Et de conclure sur cette question :
« Les snobs sont des naïfs vaniteux aisément manipulés par les intérêts des puissances d’argent et des impérialismes. Les prétendus intellectuels font bien souvent partie de ce troupeau. »
Le déclin de la science est évident aujourd’hui, sur fond d’épidémie, de la fin de l’énergie et d’arnaque spatiale (coucou Apollo ? Coucou Ariane ?) ; Daniélou ajoute :
« Rares sont les savants qui au bout de leur carrière osent jeter, comme le faisait Oppenheimer, un regard effrayé sur le monde qu’ils ont contribué à construire tout en sachant qu’ils sont irresponsables, que la science collective poursuit son développement aveugle vers un destin inconnu que chacun pressent, qu’en théorie nul ne désire, et qui nous terrifie tous. »
L’abrutissement téléradio en une phrase :
« Un silence inquiétant est tombé sur les hommes saturés du bruit des radios et des images publicitaires de la télévision. »
Daniélou pressent la liquidation au nom de la lutte contre le racisme de la diversité sur terre :
« Au lieu de permettre aux différentes races de coexister, on encourage un abâtardissement général comme une solution qui contredit en fait la notion d’égalité de base. Là encore, au lieu de contempler, d’admirer, d’essayer de comprendre d’œuvre divine dans sa multiplicité, on cherche à l’abolir. »
Enfin après ce bilan la solution ? Il n’y en a pas de solution :
« On m’a souvent demandé si je ne pourrais pas définir des lignes de conduite, une méthode, une « religion » qui pourrait sortir l’Occident de l’impasse ou du moins aider quelques-uns à se réaliser. Mais je ne suis ni un maître ni un prophète. Dans un monde qui court à sa perte, selon la théorie des cycles, il n’existe de salut qu’individuel. Nous approchons, selon la conception hindoue, de la fin de kali yuga, l’âge des conflits, qui doit finir par un cataclysme. »
Macron réélu impose à son lâche et débile "peuple nouveau" (son peuple prolétaire, dirait le grand roumain Vlaicu Ionescu) un totalitarisme énergétique sur fond d’effondrement intellectuel et moral. "L’homme libre au milieu des ruines" (Julius Evola) ne peut qu’espérer passer au milieu des gouttes notamment s’il développe, dirait Laborit, sa capacité de fuite et ses dons manuels. Daniélou surdoué prétendait pouvoir exercer 32 métiers dont celui d’horloger, de jardinier ou de mécanicien.
J’oubliais : sur les USA, il explique, qu’avant Roosevelt et la guerre, ce pays était un paradis avec des gens libres et de bonne humeur – noirs compris (ils constituaient une caste). Puis est venu l’empire et sa bureaucratie… On croirait lire du Rothbard. Comme je l’ai expliqué dans mon opus sur la comédie musicale cette nostalgie a créé un genre spécial : l’americana…
Sources :
Alain Daniélou – Le Chemin du labyrinthe, Robert Laffont, pp.321 -341 et 75.
Nicolas Bonnal – Chroniques sur la Fin de l’Histoire
https://www.dedefensa.org/article/max-nordau-et-lart-dege...
https://www.dedefensa.org/article/taine-et-le-cretinisme-...
https://www.dedefensa.org/article/leon-tolstoi-et-les-joy...
18:26 Publié dans Philosophie, Traditions | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : alain daniélou, tradition, traditionalisme, nicolas bonnal, inde, hindouïsme, kali yuga, déclin européen, déclin occidental, occident | | del.icio.us | | Digg | Facebook
lundi, 05 septembre 2022
Hommes et ruines : Evola et le jusnaturalisme
Hommes et ruines : Evola et le jusnaturalisme
par Giovanni Sessa
Source: https://www.paginefilosofali.it/gli-uomini-e-le-rovine-ev...
Evola a joué un rôle de premier plan dans l'espace public journalistique et doctrinaire de l'après-Seconde Guerre mondiale en Italie. Le penseur romain était un point de référence pour ces jeunes qui, à la fin de la guerre, n'avaient aucune intention de se soumettre aux valeurs et aux hommes du nouveau régime. Un moment central de l'action culturelle promue par les traditionalistes pour corriger les références théoriques fallacieuses du milieu néo-fasciste se trouve dans la publication de l'ouvrage Gli uomini e le rovine (Les Hommes au milieu des ruines). Marco Iacona reconstruit la genèse, le contenu et les objectifs politiques et culturels de l'auteur dans son dernier ouvrage, Contro il giusnaturalismo moderno. Evola, lo Stato, gli uomini, le rovine, en librairie chez Algra Editore (par commande : algraeditore@gmail.com, pp. 83, euro 7.00). Le texte comporte une préface de Claudio Bonvecchio.
Le livre d'Evola a été publié pour la première fois en 1953, presque au même moment où a eu lieu le procès du F.A.R. dans lequel le philosophe avait été injustement impliqué. Le penseur, dans ses pages, était animé par l'intention d'expliciter les prérequis théoriques d'un véritable Droit, afin de libérer les jeunes qui le regardaient comme un Maître, d'un nostalgisme stérile, en les orientant vers les valeurs de la Tradition. Comme pour le pamphlet Orientamenti, ainsi que pour la rédaction de Gli uomini e le rovine, l'intellectuel romain a utilisé les contributions qu'il avait préparées à ce moment historique pour "l'encre des vaincus" et, comme le note Iacona : "on peut affirmer, sans trop de scrupules, que les idées qui y sont exprimées peuvent être datées des deux années 1949 et 1950" (p. 13). Le livre est introduit par un essai du prince Junio Valerio Borghese, commandant de la fameuse division X Mas. Evola a donc assumé un rôle théorique, Borghese, au contraire, un rôle pratique. Il devait organiser "des forces capables d'intervenir en cas d'urgence" (p. 15). La même stratégie, dans ces années-là, rappelle Evola dans Le chemin du Cinabre, avait été adoptée par les communistes, auxquels il fallait répondre en s'inspirant de leurs propres tactiques.
L'élite traditionnelle d'une part, donc, et les hommes préparés à l'action d'autre part. Des années plus tard, le traditionaliste l'a reconnu : "Tout ce projet n'a eu aucun suivi" (p. 17). Les Edizioni dell'Ascia, chez lesquelles est sorti le volume d'Evola, auraient dû prévoir, sur la recommandation du penseur, de publier douze textes destinés à orienter ceux qui étaient restés "debout parmi les ruines". En réalité, seuls deux textes sont issus de cette série. Dans Les hommes au milieu des ruines, les positions des traditionalistes sont ouvertement contre-révolutionnaires. Le pouvoir légitime, affirme-t-il, dans le monde de la tradition, vient toujours "d'en haut". Cela avait été réitéré, bien qu'avec des nuances différentes, par les intellectuels qui s'opposaient aux retombées de la Révolution française. La véritable cible polémique du volume est le droit naturel moderne, qui place à l'origine de la condition humaine "un état de nature dont il aurait fallu sortir [...] et envisager un pouvoir organisé garant des droits naturels appartenant à chaque individu " (p. 27). Au contraire, pour Evola, "le peuple lui-même a son centre dans le souverain qui surgit naturellement comme tel par voie divine" (p. 28).
L'unité d'état organique est structurée de manière hiérarchique, une re-proposition de la hiérarchie existant dans chaque homme, tripartite en corps, âme et esprit. Une structure politique traditionnelle, avec en son centre l'omphalos rayonnant du rex, est réputée favoriser la pulsion anagogique qui conduit les individus à la conquête de la personnalité. La loi de la nature est donc, pour Evola, "le fondement non pas de l'égalité mais de l'inégalité" (p. 31). Le penseur nie la condition présociale de l'état de nature, rejette le contrat social et la souveraineté populaire, et postule la nécessité de restaurer un droit différencié. La "révolution" évolienne ne peut donc se présenter que comme conservatrice. En effet, Les hommes au milieu des ruines "est un livre unique pour l'Europe de l'époque ; il délimite clairement [...] les positions que peut prendre une droite d'opposition authentique" (p. 38). De nombreux jeunes ont répondu passionnément à l'appel d'Evola. Malheureusement, l'action métapolitique et la formation spirituelle présentées dans le livre, conclut Iacona, n'ont apporté aucun changement à la droite italienne. La classe dirigeante du MSI et, plus tard, celle de l'Alleanza Nazionale, étaient insensibles à la proposition du traditionaliste qui, comme le notait Geminello Alvi, avait, par rapport à notre époque, une "distance sidérale".
Il s'agissait d'un radicalisme "de 'reconstruction'" (p. 43), capable d'accorder une extraordinaire capacité de résistance au moderne. Les membres du groupe des "Fils du Soleil", proches d'Evola, rappelant la Tradition métahistorique, ont définitivement laissé derrière eux les scories du néofascisme. Le philosophe était un critique acerbe de l'État totalitaire défini comme "une école de la servilité" (p. 64), de l'idée du parti unique (une véritable contradiction dans les termes : la partie s'arrogeant la qualité du tout), du nationalisme, central dans l'idée fasciste. Pour lui, il fallait identifier les principes de l'État véritable, compris comme la forme aristotélicienne du pouvoir démotique de la nation "dans l'imperium et l'auctoritas [...] dans l'ordre politique et sa prééminence sur l'ordre social et économique" (p. 46). Ces principes appartiennent à la dimension de l'être, du stare (se tenir debout), ils sont impérissables. Une telle référence traditionnelle fait défaut à l'histoire italienne depuis la période romaine.
Les références, donc "aux principes de la Tradition qui seront d'un type idéal" (p. 47). Le contenu de Gli uomini e le rovine était un antidote à la modernité : aujourd'hui, il peut jouer le même rôle vis-à-vis de la société liquide, son successeur.
19:35 Publié dans Livre, Livre, Philosophie, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : julius evola, tradition, traditionalisme, jusnaturalisme, italie, philosophie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
lundi, 29 août 2022
Guo Xi et le grand vide à l'heure de l'effondrement de l'Occident
Guo Xi et le grand vide à l'heure de l'effondrement de l'Occident
Nora Hoppe & Tariq Marzbaan
Source: https://katehon.com/en/article/guo-xi-and-great-emptiness-times-collapse-west?fbclid=IwAR0rOpYsXI3UQxsatIex3P2LHldkOQGVop26NP7F23pGlGQiwNgo0dLbV1A
La présente contribution n'a pas l'intention de fournir une analyse profonde ou de sposer comme un essai exhaustif sur l'histoire complexe et riche de la peinture chinoise sous la dynastie Song. Elle entend offrir un aperçu modeste et superficiel de la pensée classique chinoise... qui peut nous offrir des leçons précieuses pour notre vision du monde et du cosmos alors que le monde occidental continue de s'effondrer.
Guo Xi (c. 1020 - c. 1090) était un peintre paysagiste originaire de Wenxian dans la province du Henan qui a vécu pendant la dynastie des Song du Nord. Au début de sa carrière d'artiste, il a peint un grand nombre de paravents, de parchemins et de peintures murales sur les parois de grands palais et de salles. Réalisant des peintures de paysages monumentaux représentant des montagnes, des pins et des paysages enveloppés de brume et de nuages, il a servi comme peintre de cour sous l'empereur Shenzong (qui a régné de 1068 à 1085) et a été chargé de peindre les murs d'un palais nouvellement construit dans la capitale. Guo a été promu au poste le plus élevé de peintre attitré de l'Académie de peinture de la cour de Hanlin.
Lorsqu'on lui demandait pourquoi il avait décidé de peindre des paysages, Guo Xi répondait : "Un homme vertueux se délecte des paysages pour que, dans une retraite rustique, il puisse nourrir sa nature, au milieu du jeu insouciant des ruisseaux et des rochers, il puisse se délecter, pour qu'il puisse constamment rencontrer dans la campagne des pêcheurs, des bûcherons et des ermites, et voir l'envol des grues et entendre le cri des singes. Le vacarme du monde poussiéreux et l'enfermement des habitations humaines sont ce que la nature humaine abhorre habituellement ; au contraire, la brume, le brouillard et les esprits obsédants des montagnes sont ce que la nature humaine recherche, et pourtant ne peut que rarement trouver."
La dynastie Song
La dynastie Song (960-1279 ap. J.-C.), fondée par l'empereur Taizu de Song (après son usurpation du trône de la dynastie Zhou antérieure, mettant fin à la période des Cinq dynasties et des Dix royaumes), a été une époque culturellement riche et sophistiquée pour la Chine. Elle a vu de grandes avancées dans les arts visuels, la musique, la littérature, la philosophie, la science, les mathématiques, la technologie et l'ingénierie. Les fonctionnaires de la bureaucratie dirigeante, qui étaient soumis à un processus d'examen strict et approfondi, ont atteint de nouveaux sommets d'éducation dans la société chinoise, tandis que la culture chinoise a été améliorée et promue par l'impression généralisée, l'alphabétisation croissante et divers arts.
L'expansion de la population, la croissance des villes et l'émergence d'une économie nationale ont conduit au retrait progressif du gouvernement central de toute implication directe dans les affaires économiques. La petite noblesse a assumé un rôle plus important dans l'administration et les affaires locales. La vie sociale pendant les Song était dynamique. Les citoyens se réunissaient pour admirer et échanger des œuvres d'art précieuses, la population se mêlait aux festivals publics et aux clubs privés, et les villes disposaient de quartiers de divertissement animés. La diffusion de la littérature et du savoir était favorisée par l'expansion rapide de l'impression sur bois et l'invention au 11ème siècle de l'impression à caractères mobiles. Des philosophes tels que Cheng Yi et Zhu Xi ont revigoré le confucianisme avec de nouvelles interprétations, imprégnées d'idéaux bouddhistes, et ont institué une nouvelle organisation des textes classiques qui ont établi la doctrine du néo-confucianisme.
La dynastie a été divisée en deux périodes : celle des Song du Nord et celle des Song du Sud. Il y avait une différence significative dans les tendances de la peinture entre la période des Song du Nord (960-1127) et celle des Song du Sud (1127-1279). Les peintures des fonctionnaires des Song du Nord étaient influencées par leurs idéaux politiques consistant à mettre de l'ordre dans le monde et à s'attaquer aux plus grands problèmes affectant l'ensemble de leur société, c'est pourquoi leurs peintures représentaient souvent des paysages immenses et vastes. En revanche, les fonctionnaires des Song du Sud étaient plus intéressés par la réforme de la société à partir de la base et à une échelle beaucoup plus petite, une méthode qui, selon eux, avait plus de chances de réussir à terme.
La cour des Song entretenait des relations diplomatiques avec l'Inde Chola, le califat fatimide d'Égypte, Srivijaya, le khanat Kara-Khanide en Asie centrale, le royaume Goryeo en Corée et d'autres pays qui étaient également des partenaires commerciaux du Japon. Les archives chinoises mentionnent même une ambassade du souverain du "Fu lin" (c'est-à-dire l'Empire byzantin), Michel VII Doukas, et son arrivée en 1081.
Pendant la dynastie Song, l'art a atteint un nouveau niveau de sophistication avec le développement de la peinture de paysages, dont les œuvres sont aujourd'hui considérées comme certains des plus grands monuments artistiques de l'histoire de la culture visuelle chinoise. La peinture de paysages ou shan shui, (la traduction littérale du terme chinois pour paysage - "shan" signifiant montagne, et "shui" signifiant rivière) à l'époque Song était fondée sur la philosophie chinoise.
"Zao Chun Tu" ("Printemps précoce") de Guo Xi
Le Printemps précoce de Guo Xi, considéré comme l'une des plus grandes œuvres de l'histoire de l'art chinois, est un énorme rouleau suspendu qui représente une grande montagne et sa nature intérieure dans un état constant de métamorphose.
La peinture semble animée de mouvements, le Yin se transformant en Yang et vice versa. Le peintre a obtenu cette sensation de mouvement rythmique en alternant des zones d'encre sombre et des surfaces non peintes, des rochers massifs et des vallées aériennes, ainsi qu'un feuillage dense et une brume légère.
L'une des techniques de Guo Xi consistait à superposer des lavis d'encre et des traits de texture pour construire des formes tridimensionnelles crédibles. Les traits particuliers à son style comprennent ceux sur les rochers "ressemblant à des nuages", et le "trait de texture du visage du diable", que l'on peut voir dans la surface quelque peu tachée des plus grandes formes rocheuses.
"L'angle de la totalité"
Avec ses techniques innovantes pour produire des perspectives multiples, Guo visait quelque chose qu'il a appelé "l'angle de la totalité". Parce qu'un tableau n'est pas une fenêtre, il n'est pas nécessaire d'imiter la mécanique de la vision humaine et de regarder une scène d'un seul endroit ! Guo s'intéresse particulièrement à l'effet de la distance sur la visualisation d'un paysage, et à la façon dont le détachement et la proximité peuvent modifier plusieurs fois l'apparence d'un même objet. Ce type de représentation visuelle est également appelé "Perspective flottante", une technique qui déplace l'œil statique du spectateur et souligne les différences entre les modes chinois et occidentaux de représentation spatiale.
Contrairement à l'aspiration centrale de la peinture de paysage occidentale - peindre un endroit particulier d'un point de vue fixe, la peinture de paysage chinoise visait à incorporer l'essence de milliers de montagnes, les vues accumulées d'une vie dans un paysage composite. Ainsi, regarder une peinture de paysage dans la tradition chinoise, c'était se sentir connecté à l'ensemble des lieux et des êtres vivants.
La relation entre l'homme et la montagne recherchée dans la peinture de Guo Xi est une relation de compatibilité, de participation et d'interconnexion. Selon les propres mots de Guo Xi, cités par son fils dans son traité The Lofty Message of Forests and Streams, "La montagne ne vit que dans l'acte d'errer. La forme de la montagne change à chaque pas. Une montagne vue de près a un aspect, et elle en a un autre à quelques distances, et encore un autre de plus loin. Sa forme change à chaque pas. Une montagne vue de face a un aspect, un autre vu de côté et un autre vu de derrière. Son aspect change sous tous les angles, autant de fois que le point de vue. Ainsi, il faut réaliser qu'une montagne combine en elle plusieurs milliers de formes." Ces commentaires suggèrent que la montagne n'est concevable que depuis de multiples points de vue, comme si l'on s'y promenait. Si nous examinons attentivement les sections inférieure, médiane et supérieure du tableau de Guo Xi de cette manière, nous verrons une illustration du déplacement des perspectives, une caractéristique typique de la peinture de paysage chinoise. Les trois rochers du bas et les arbres qui les accompagnent semblent être vus comme si nous nous tenions au-dessus d'eux ; le registre du milieu semble être vu de face ; et la partie supérieure, le sommet royal, semble être vue d'en bas. Nous ajustons constamment nos yeux pour prendre un nouveau point de vue. Guo Xi appelait cet exercice "regarder la forme d'une montagne depuis chacune de ses faces". Le spectateur devient ainsi un voyageur dans le tableau, qui lui offre l'expérience de se déplacer dans l'espace et le temps.
Comme beaucoup d'autres œuvres anciennes rares de la collection d'art impérial, Printemps précoce se trouve aujourd'hui au Musée du Palais national à Taiwan. Il fait partie des chefs-d'œuvre qui y ont été appropriés en 1949 lorsque l'armée de Chiang Kai-Shek a fui la Chine continentale après la victoire des communistes dans la guerre civile.
Linquan Gaozhi - "Le noble message de la forêt et des cours d'eau".
Le texte intitulé "Linquan Gaozhi" ("Le noble message de la forêt et des ruisseaux") est un recueil de remarques et de déclarations de Guo Xi qui a été compilé par son fils, Guo Si, avec ses propres annotations et qui est devenu l'un des plus grands traités sur la théorie de la peinture de paysage en Chine.
Dans un extrait du "Traité des montagnes et des eaux", Guo Xi remarque : "Les nuages et les vapeurs des paysages réels ne sont pas les mêmes aux quatre saisons. Au printemps, ils sont légers et diffus, en été riches et denses, en automne dispersés et fins, et en hiver sombres et solitaires. Lorsque de tels effets sont visibles en photo, les nuages et les vapeurs ont un air de vie. La brume qui entoure les montagnes n'est pas la même aux quatre saisons. Les montagnes au printemps sont légères et séduisantes comme si elles souriaient ; les montagnes en été ont une couleur bleu-vert qui semble s'étendre sur elles ; les montagnes en automne sont brillantes et ordonnées comme si elles étaient fraîchement peintes ; les montagnes en hiver sont mélancoliques et tranquilles comme si elles dormaient.
Dans ce traité, le fils de Guo Xi décrit comment son père a reçu une reconnaissance spéciale de l'empereur pour ces œuvres magnifiques, et comment l'artiste passait des jours en contemplation silencieuse avant d'entreprendre une peinture murale, après quoi, s'étant préparé mentalement, il produisait des peintures entières dans un seul élan de création. En effet, Guo Xi aurait probablement été harcelé par sa charge de travail jour après jour, sans avoir le loisir d'une telle introspection. Cependant, Guo Si décrit à maintes reprises les œuvres de son père comme étant imprégnées d'esprit, insistant sur le fait qu'il ne s'agit pas de simples pièces de compagnon mais plutôt des "œuvres" d'un artiste du plus haut raffinement culturel.
Selon Maromitsu Tsukamoto, professeur associé à l'Institute for Advanced Studies on Asia, un passage particulier de Guo Si capture les véritables pensées de son père : "... "Mon père, Guo Xi, m'a dit : "Le poète Tang Du Fu, voyant une peinture de paysage du célèbre peintre shan shui Wang Zai, a déclamé : 'Dix jours pour peindre un ruisseau ! Cinq jours pour peindre un rocher!' Et ma réponse : 'Pourtant, c'est exactement ainsi !'..." La protestation de Guo Xi selon laquelle il ne faut pas se hâter, qu'on ne peut pas produire un bon travail sans y consacrer le temps nécessaire, était certainement son intention franche et honnête, accaparé qu'il était par la peinture d'énormes fresques murales pour la cour impériale. L'affection complexe contenue dans ces mots prononcés entre un parent et un enfant il y a mille ans, ainsi que ces œuvres, suscitent une profonde sympathie même chez ceux d'entre nous qui vivent dans le monde contemporain d'aujourd'hui."
Les aspects philosophiques : La peinture de paysage chinoise unit les concepts philosophiques confucéens à la pensée taoïste et bouddhiste sur la nature.
Selon le philosophe et sinologue français François Jullien, le double terme chinois pour le paysage shanshui ("shan = montagne"/"shui = eau") reflète l'interaction entre les dualités complémentaires (yin et yang). Jullien écrit : "Nous avons ce qui tend vers les hauteurs (la montagne) et ce qui tend vers les profondeurs (l'eau). Le vertical et l'horizontal, le Haut et le Bas, s'opposent et se répondent à la fois. Nous avons aussi ce qui est immobile et impassible (la montagne) et ce qui est en mouvement constant, à jamais ondoyant et coulant (l'eau). Permanence et variance sont à la fois confrontées et associées. Nous avons, en outre, ce qui possède une forme et présente un relief (la montagne) et ce qui est par nature informe et prend la forme d'autres choses (l'eau). L'opaque et le transparent, le solide et le dispersif, le stable et le fluide se mélangent et se rehaussent mutuellement.
"Au lieu du terme unitaire de 'paysage', la Chine parle d'un jeu sans fin d'interactions entre des facteurs contraires qui s'apparient, formant une matrice à travers laquelle le monde est conçu et organisé. Ici, il n'y a pas de Sujet gouvernant, dominant (le sujet de la Renaissance en Europe), pas d'individu qui tienne le monde de son point de vue et y développe librement son initiative, comme s'il était Dieu. Il n'y a pas d'"objet" tenu en vis-à-vis, rien qui soit "jeté" "devant" l'œil de l'individu, rien qui s'étale passivement pour son inspection et se découpe différemment à chacun de ses pas. Contre ce pouvoir monopolisant de la vue, la Chine offre la polarité essentielle par laquelle le matériel mondial entre en tension et se déploie. Aucune substance humaine ne s'en détache. L'humain reste implicite, contenu dans ces multiples implications, car le vis-à-vis ainsi établi se situe à l'intérieur du monde ; il est entre les 'montagnes' et les 'eaux'."
Comment une peinture de paysage chinoise de la dynastie Song envisage-t-elle la relation de l'humanité avec le cosmos ? Le Tao voit l'être humain dans l'immensité du cosmos comme une présence mineure. L'échelle minuscule des humains par rapport aux montagnes dans une peinture de paysage chinoise typique suggère que nous, les humains, coexistons avec de nombreux autres êtres vivants. Les êtres humains sont intégrés dans un ensemble plus vaste plutôt que d'être célébrés comme une présence imposante. La philosophie néo-confucéenne, développée pendant la dynastie Song, cultivait un profond respect pour tous les êtres vivants et soulignait l'interconnexion de l'humanité avec un univers plus vaste.
La peinture de paysage classique chinoise, dans son ensemble, unit les concepts philosophiques confucéens à la pensée taoïste et bouddhiste sur la nature. Par exemple, la force vitale dans le taoïsme et le bouddhisme est représentée par l'eau. Selon le Tao Te Ching, "le bien le plus élevé est comme l'eau, parce que l'eau excelle à profiter aux myriades de créatures sans entrer en conflit avec elles et s'installe là où aucune ne voudrait être, elle se rapproche de la Voie." Les chutes d'eau ou les cours d'eau dans les peintures de paysages chinois évoquent un sentiment de possibilité et d'opportunité, car la fluidité de l'eau perce les rochers et ouvre un espace de manœuvre. Les bouddhistes vénèrent également l'averse tonitruante d'une chute d'eau et la vapeur qui l'accompagne en spirale vers le haut. Dans le bouddhisme, le flux de brume et d'eau suggère la circulation de la sagesse dans le corps, l'esprit et l'univers obtenue par la méditation. Dans les peintures tibétaines thanka, par exemple, les nuages représentés au-dessus des chutes d'eau représentent l'essence éclairée partagée par tous les êtres vivants.
François Jullien affirme que les Chinois accordaient une importance centrale à l'activité de la respiration comme caractéristique déterminante de la vie. Alors que les Grecs "privilégiaient le regard et l'activité de perception", les Chinois concevaient la réalité en termes de qi, ou souffle-énergie. L'activité d'expiration et d'inspiration unit les humains aux rythmes alternés du ciel et de la terre. Dans le classique taoïste Tao Te Ching, l'univers est représenté comme un grand soufflet engagé dans un processus cosmique de respiration.
Le vide
Parce que les peintres chinois placent "l'esprit" (qi) à la place la plus importante pour la peinture, ils laissent progressivement l'esprit de la nature, l'esprit humain et l'esprit du pinceau et de l'encre s'exprimer dans le tableau. Ainsi, l'"espace vide" initialement apparent dans la peinture devient la caractéristique principale pour exprimer l'esprit esthétique. Les anciens peintres chinois disaient souvent qu'ils ne cherchaient pas la similitude avec ce que leurs yeux percevaient, mais qu'ils poursuivaient l'esprit de la réalité devant et autour d'eux.
Que ce soit dans une perspective historique ou logique, l'esthétique de Lao Tse, auteur principal du Tao Te Ching et fondateur du taoïsme philosophique, doit être considérée comme le point de départ de l'histoire de l'esthétique chinoise. Même s'il existe des différences substantielles entre le confucianisme, le bouddhisme et le taoïsme, ils ont tous eu une large et longue influence sur la culture et les valeurs traditionnelles chinoises. Les pensées esthétiques de chacun expriment une conception artistique unifiée qui combine le matériel et l'immatériel, le solide et le vide, le limité et l'illimité, donnant ainsi naissance à cette forme unique d'expression artistique du vide voulu.
L'esthéticien chinois du 20e siècle Zong Baihua estime que la peinture chinoise attache la plus grande importance à "l'espace vierge". "L'espace vide n'est pas vraiment vide, mais l'endroit où l'esprit se déplace. Si vous prenez le vide pour de la blancheur, alors il devient le néant complet ; si vous prenez la partie solide pour du béton complet, alors l'objet perdra sa vivacité ; ce n'est qu'en mettant le vide dans la solidité et en transformant la solidité en vide qu'il y a de l'espace pour une imagination sans fin." Le vide est indéfini, indifférencié et, par conséquent, avec des possibilités infinies de transformation.
L'espace dans la peinture chinoise est construit par association et imagination, et la méthode consistant à combiner l'être et le non-être est une technique essentielle pour créer un espace vaste et étendu. Tout comme le contenu essentiel présenté par les préceptes du taoïsme, du confucianisme et du bouddhisme de la Chine ancienne, la réalité et la nihilité, l'être et le non-être sont étroitement liés, et ils constituent une unité à la fois conflictuelle et indivisible. Sans l'échange entre l'existence et la non-existence, il n'y aurait ni rythme ni esprit dans l'art.
Et en effet, Lao-Tse n'a cessé de prôner la ressource inépuisable du vide : "Les trente rayons convergent en un moyeu : là où il n'y a rien, il y a l'usage-fonctionnement du char. Sans le vide du moyeu, la roue ne tournerait pas ; sans le vide de l'argile, le vase ne contiendrait pas d'eau..." Le vide procède du creusement du plein, et le plein est, à son tour, creusé par le vide. Ni opposés ni séparés l'un de l'autre, ces deux états, le vide et le plein, "sont structurellement corrélés et n'existent que l'un par l'autre". Il ne reste plus au peintre ou au poète taoïste, au lieu de figer et de réifier, qu'à accomplir par son geste cette respiration qui va remplir le vide et désaturer le plein.
L'éminent spécialiste du bouddhisme et de la philosophie comparative Est-Ouest, le professeur Kenneth K. Inada, a déclaré : "Pour le bouddhiste, c'est la 'découverte' de la vacuité (sunyata) dans le devenir des choses ou du vide dans les êtres-en-devenir. Pour le taoïste, c'est la 'découverte' du rien (wu) dans le Tao des choses."
Le Tao n'a pas de nom et ne peut être déterminé. Pourtant, c'est une force cosmique, le processus mystique du monde, la nature intérieure de tout ce qui existe, la nature, qui n'est pas découverte, mais révélée. C'est la force dominante de l'éternel changement qui inspire tout, agit par le non-agir (wu-wei), crée, non pas en faisant, mais plutôt en grandissant, elle crée de l'intérieur. Le taoïsme est une affirmation de la connaissance non conventionnelle par le développement de ce qu'on appelle la vision périphérique ou non consciente de soi, la pénétration inintelligible dans tout, dans la nature des choses. Le taoïsme et le bouddhisme sont tous deux des philosophies de l'expérience. Tous deux sont des écoles holistiques. Les choses ne sont pas opposées, elles sont Une. Le Yin et le Yang ne sont que les modèles énergétiques de son apparition. Il n'y a pas de dichotomie.
Le point de vue philosophique chinois, qui implique une perception des choses dans leur globalité et leur mouvement éternel, comme parties intégrantes d'un ensemble fonctionnel de l'existence, et non comme fragments séparés. La peinture chinoise peut donc être comprise comme une réalisation visible de ce qui est en train d'être pensé. "La vision orientale des choses empêchait d'emblée tout traitement dichotomique de quoi que ce soit et favorisait en retour l'exploration de la plénitude du processus de devenir." (Inada, 1997)
"L'espace entre le Ciel et la Terre n'est-il pas comme un grand soufflet ?" demande Lao Tse. "Vide, il n'est pas aplati, et plus on le remue, plus il expire; mais plus on en parle, moins on le saisit...". Il n'est donc pas étonnant que les Chinois aient conçu la réalité originelle, non pas selon la catégorie de l'être et à travers le rapport de la forme et de la matière (les Chinois ne concevaient pas la "matière"), mais comme "souffle-énergie", comme qi ("devenir").
Jullien écrit : "Tout le paysage appréhendé dans ce jeu de corrélations est la totalité du monde dans sa vibration : non pas un monde qui ferait signe de l'Ailleurs mais un monde perçu dans le va-et-vient de sa respiration. C'est cette même tension du vivant que la peinture chinoise capte dans le paysage."
20:27 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chine, tradition, traditionalisme, guo xi, peinture, peinture chinoise | | del.icio.us | | Digg | Facebook
samedi, 27 août 2022
L'impact des conséquences géopolitiques de l'effondrement de l'URSS sur l'image de l'islam traditionnel dans le paysage médiatique russe
L'impact des conséquences géopolitiques de l'effondrement de l'URSS sur l'image de l'islam traditionnel dans le paysage médiatique russe
Rustam Nugumanov
Source: https://www.geopolitika.ru/article/vliyanie-geopoliticheskih-posledstviy-raspada-sssr-na-obraz-tradicionnogo-islama-v
Le développement des technologies de l'information et des communications a créé des conditions particulières pour l'impact de l'information sur la conscience de masse, ce qui a sans aucun doute influencé la formation de la conscience religieuse des musulmans russes. L'espace médiatique, avec ses attributs d'accès universel à l'information de n'importe où dans le monde et la possibilité d'exprimer librement son opinion sur n'importe quelle question, y compris religieuse, a imposé ses propres exigences spécifiques aux clercs musulmans et aux spécialistes de l'Islam en termes d'argumentation adéquate de sujets donnés et de promotion des idées et valeurs islamiques traditionnelles. Malgré les efforts continus pour faire revivre la bonne tradition, l'image de l'islam traditionnel a été influencée par des cadres contenant des représentations biaisées de l'islam, avec une tendance caractéristique à la destruction. Pour continuer à œuvrer de manière productive à la préservation de la véritable pureté des valeurs traditionnelles de l'Islam dans la nouvelle réalité, il faut tenir compte des conséquences géopolitiques de l'effondrement de l'URSS.
Depuis le jour de la propagation de l'islam, les musulmans ont mené leurs activités éducatives en se basant strictement sur des principes qui garantissent que les concepts intégrés dans les sermons reflètent exactement les significations transmises aux associés par le Messager de Dieu Mohammed (que la paix soit avec lui) lui-même. Conscients de la grande responsabilité qui leur incombe à l'égard des générations futures, les musulmans ont veillé méticuleusement et soigneusement à la pureté des significations transmises, ce qui les a sans doute encouragés à déployer des efforts titanesques pour relever les défis de chaque époque successive. Grâce à ce travail minutieux, les savants musulmans ont développé toute une série de sciences, qui comprenaient, entre autres, non seulement les questions de croyance (aqeedah) et de jurisprudence (fiqh), mais aussi une méthodologie spéciale pour déterminer la fiabilité des jugements transmis remontant au Prophète Muhammad (la paix soit avec lui), qui a pris forme plus tard dans la science de l'hadithologie. C'est par cette transmission rigoureuse et cette assimilation sérieuse des valeurs sociales et culturelles de génération en génération que les significations de l'orthodoxie qui caractérisent l'Islam traditionnel ont survécu jusqu'à ce jour dans leur essence inchangée.
Dans tout le monde islamique, la plupart des spécialistes de l'islam sont unanimes pour dire que l'islam traditionnel (Ahlu Sunna wal Jama'a) (1) reconnaît un islam dans laquelle le fondement de la croyance (usul ad-din) remonte aux penseurs théologiens musulmans al-Ashari (2) et al-Matrudī (3), et la pratique religieuse et juridique repose sur les quatre madhhabs (4) (Hanafi'i (5), Shafi'i (6), Maliki (7) et Hanbali (8)).
Les Fondements de l'orthodoxie sont les résultats compilés des disputes polémiques des adeptes du Dieu unique avec les adeptes de différentes religions, mouvements hérétiques, écoles de philosophie, etc., qui ont eu lieu pendant la vie du Prophète (PBUH) et sont devenues par la suite une partie intégrante de la vie culturelle des centres scientifiques de la civilisation musulmane. Ces compilations, qui exposent et étayent les principales idées dogmatiques, les normes et règles juridiques, rituelles et éthiques de la conception traditionaliste de la foi, deviennent un élément obligatoire du système éducatif de pratiquement toutes les institutions éducatives musulmanes (madrasahs).
Malgré l'énorme quantité de littérature dans le domaine des croyances religieuses, la présentation la plus populaire et la plus répandue de la doctrine de la foi islamique parmi les musulmans est la dénommée Akida al-Tahawiyya, œuvre d'un contemporain des imams al-Ashari et al-Matroudi, un juriste et érudit égyptien, l'imam Abu Jaafar Ahmad ibn Muhammad al-Azdi (9), connu sous le nom d'imam al-Tahawi. Étant un résumé concis de la doctrine islamique et composé de 105 dictons, l'Akida at-Tahawiyya a incité de nombreux érudits islamiques à écrire des commentaires détaillés sur ce credo universellement accepté par les musulmans.
En Russie, notamment dans la région de Volga-Ourals, malgré la présence du credo Tahawi, la version Nasafi était la plus connue et la plus populaire. "Akida an-Nasafi", écrit par l'Imam Abu-Hafs an-Nasafi (10), est un résumé de la doctrine de l'Imam al-Matrudi et de ses disciples, et a atteint la célébrité, selon les chercheurs turcs, grâce à l'interprétation de l'Imam at-Taftazani (11) dans son livre "Sharh al-aka'id". La popularité du commentaire d'at-Taftazani montre qu'il a été publié une quinzaine de fois à Kazan, et le théologien tatar Shihab-ad-din al-Marjani y a écrit son commentaire détaillé sous le titre "al-Hikma al-baliga al-janiyya fi sharkh al-akaid al-khanafiyya" (12), qui a été publié à Kazan en 1888.
Pendant la période soviétique, malgré la domination de l'idéologie athée, la transmission de l'héritage musulman s'est poursuivie, mais dans un cadre très étroit et sous le strict contrôle de l'État, au sein de la madrasa "Mir-Arab" de Boukhara et de l'Institut islamique de Tachkent. La qualité de l'enseignement dans ces institutions spirituelles soviétiques est démontrée par les nombreux diplômés de ces institutions, qui occupent aujourd'hui des postes à responsabilité dans de nombreuses structures religieuses de l'ancienne Union soviétique.
Après l'effondrement du système soviétique, les enseignements traditionnels de l'Islam ont pu regagner leurs positions perdues et être ravivés sous une forme fraîche et moderne, enrichie par les réalisations des sciences séculaires. Cependant, la pénétration incontrôlée de diverses organisations et mouvements islamiques étrangers et internationaux sur le territoire de l'ex-Union soviétique, dont la controverse idéologique et politique interne n'est pas la moindre, a non seulement créé des obstacles au retour de la bonne tradition, mais a également révélé les graves défis auxquels est confronté l'Islam traditionnel. Les musulmans de l'ex-URSS ont été confrontés à une nouvelle réalité dans laquelle le travail de retour aux valeurs traditionnelles exigeait de prendre en compte les conséquences géopolitiques de l'effondrement de l'URSS.
Les conséquences géopolitiques de l'effondrement de l'URSS ont été caractérisées par le démantèlement du système communiste et la proclamation du modèle de société occidental-libéral comme universel pour tous les peuples du monde, suivis par l'intégration et l'unification de tous les aspects de la société sous la domination directe des États-Unis et de leurs alliés.
Les États-Unis ont profité de l'absence d'obstacles juridico-internationaux pour arranger le monde selon leurs propres normes. Ils se sont empressés de reconstruire les frontières de l'Europe de l'Est, du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, en créant de nouveaux États indépendants, des autonomies non reconnues, dont la direction est sous le contrôle total de Washington. La guerre en Yougoslavie, en Irak, en Afghanistan, en Syrie, en Libye, au Yémen ne sont qu'une liste mondialement connue de points chauds qui ont pris des centaines de milliers de vies innocentes et laissé des millions de réfugiés. En outre, poursuivant une politique d'endiguement contre la Russie, l'Occident collectif, dirigé par les États-Unis, met en scène une série de révolutions de couleur dans les pays post-soviétiques. Le Kirghizistan, la Géorgie, l'Arménie, l'Ukraine et la Moldavie deviennent les principaux théâtres de la confrontation géopolitique entre l'Occident et la Russie.
En raison de la politique irresponsable et criminelle des États-Unis, de nombreux peuples musulmans sont devenus les otages des intrigues politiques des élites pro-occidentales, qui ont divisé l'Oumma musulmane, commune dans sa foi, en plusieurs camps politiquement hostiles. En outre, divers acteurs non étatiques extrémistes et terroristes sont devenus plus actifs en raison des tensions croissantes au Moyen-Orient. Les activités criminelles de divers mouvements djihadistes, dont Al-Qaïda (13) et ISIS (14), ont créé de nouveaux obstacles à la perception adéquate du bon héritage de l'islam traditionnel, accompagnés d'une haine pure et simple des autres musulmans et d'une islamophobie rampante.
Dans le contexte du facteur géopolitique, la renaissance des valeurs de l'Islam traditionnel est confrontée à plusieurs défis sérieux. D'une part, la proclamation de l'universalité du modèle de société occidental-libéral et les processus de mondialisation qui y sont liés ont posé des exigences intransigeantes quant à l'adaptation des valeurs islamiques séculaires aux modèles de la culture occidentale, ce qui se manifeste davantage dans les activités dites réformistes des activistes orientés vers l'Occident. D'autre part, il existe un soutien constant et tout à fait délibéré à tous les mouvements et organisations pseudo-islamiques radicaux, extrémistes et terroristes possibles pour discréditer les adeptes de l'Islam traditionnel et diaboliser l'Islam dans son ensemble, accompagné d'une promotion constante de l'islamophobie.
Une sorte de dichotomie est en train de se créer, où l'effet destructeur de deux directions apparemment sans rapport vise à freiner les aspirations positives des représentants de l'islam traditionnel. La popularisation par les "réformateurs" d'idées telles que la "libéralisation de l'Islam", la "suprématie de l'individualisme sur la famille élargie", l'"égalité des sexes", le "rejet des traditions des écoles religieuses et juridiques", la "pertinence de la vie présente par rapport à la vie future" se fait sur fond de slogans radicaux et extrémistes des mouvements pseudo-islamiques sur le renforcement des normes religieuses, le rejet de toutes les formes de vie séculière et de traditions populaires, ainsi que le maintien d'un état de guerre constant (jihad) contre les "infidèles".
Tout cela crée une instabilité socio-économique et politique persistante, désorganisant la société et rendant impossible la planification de toute tâche positive et constructive pour l'avenir.
Pour contrer les menaces et les défis posés par le facteur géopolitique, il est nécessaire d'établir les fondements théoriques et méthodologiques de l'Islam traditionnel comme base scientifique pour la formation de contenu dans l'espace médiatique. En conséquence, toutes les images médiatiques tendancieuses existantes de l'Islam seront confrontées et ajustées selon la méthodologie scientifique de l'Islam traditionnel. Dans ce cas, l'image de l'Islam traditionnel sera adéquate et non déformée dans l'espace médiatique, ce qui assurera la souveraineté spirituelle et des bases saines pour le développement ultérieur de l'Islam dans l'intérêt non seulement des citoyens russes mais aussi de l'humanité entière.
Notes:
1. traduit de la langue arabe, il signifie "les gens de la Sunnah et de l'harmonie communautaire".
2. Le plus éminent penseur musulman, théologien, et fondateur de l'une des écoles kalama, qui porte son nom, les Asharites.
3. Abu Mansur Muhammad ibn Muhammad ibn Mahmud al-Maturidi as-Samarqandi (870, Maturid, près de Samarqand - 944, Samarqand), penseur islamique, fondateur et éponyme d'une école de kalam, le maturid.
4. "École théologique et juridique".
5. Les enseignements de l'école religieuse sunnite de l'islam sont liés à la doctrine de la charia.
6. Le madhhab Shafi'i est l'une des écoles de droit de l'islam sunnite, fondée par Muhammad ibn Idrees ash-Shafi'i. Ce mazhab a été formé sous la forte influence des mazhabs Hanafi et Maliki et a adopté leurs caractéristiques.
7. Le madhab Maliki est un madhab sunnite dont le fondateur est considéré comme étant Malik ibn Anas.
8. Le madhab hanbali (les adeptes du madhab sont appelés Hanbali) est l'une des quatre écoles de droit canoniques (madhabs) de l'islam orthodoxe sunnite ; son fondateur et éponyme est Ahmad ibn Hanbal, l'un des plus célèbres experts en hadiths.
9. Abu Ja'far Ahmad ibn Muhammad al-Tahawi (843/853, Taha-935, Égypte) est un célèbre érudit musulman sunnite, l'une des autorités du madhab Hanafi.
10. Najmuddin Abu Hafs 'Umar ibn Muhammad al-Nasafi (1067, Nasaf-1142, Samarqand) - Théologien islamique, juriste du mazkhab Hanafi, spécialiste du hadith, interprète du Coran.
11. Sadd al-Din Masud ibn Umar at-Taftazani (1322, Taftazan, Khorasan, - 1390, Samarqand) - le philosophe arabo-musulman, le représentant exceptionnel du Kalam tardif. Ses ouvrages sur la logique, la jurisprudence, la poétique, la grammaire, les mathématiques, la rhétorique et l'exégèse coranique étaient populaires comme guides d'étude.
12. "La sagesse mature dans l'explication des dogmes d'al-Nasafi".
13. Interdit sur le territoire de la Fédération de Russie.
14. Interdit sur le territoire de la Fédération de Russie.
22:23 Publié dans Actualité, Islam, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : islam, russie, fédération de russie, traditions, traditionalisme, urss, actualité | | del.icio.us | | Digg | Facebook
jeudi, 25 août 2022
De la Mensur, ou du duel académique
De la Mensur, ou du duel académique
Alessandro Staderini Busà
Source: https://www.ilprimatonazionale.it/approfondimenti/della-mensura-ovvero-del-duello-accademico-240927/
Rome, 6 août - Pour les anciens Germains, la justice était une affaire privée et était exercée par l'individu. C'était un devoir aussi bien qu'un droit. Dans les litiges, la partie lésée servait ainsi un processus judiciaire qui consistait en l'usage de la force, et ce n'est que s'il ne voulait ou ne pouvait se prévaloir de cette option que le coupable était amené à rendre des comptes devant les autorités. Une sorte de vengeance réglementée, c'était la Fehde (fehida, en vieil allemand). Le droit romain, qui était beaucoup plus sophistiqué, ne pouvait pas la concevoir, et ce qui s'en rapproche le plus aujourd'hui peut être considéré comme de la légitime défense. Une différence substantielle réside toutefois dans le fait que si, pour ce droit romain, l'usage de la force s'exprime dans la prévention des dommages aux personnes ou aux biens, dans la Fehde, la force s'exerce après que l'action a déjà eu lieu. Froidement, pour ainsi dire. L'effusion de sang pour expier une violation de la loi était courante et, comme cette institution juridique n'avait aucune limite entre l'individu et la communauté, elle pouvait avoir lieu non seulement d'individu à individu, mais aussi de famille à famille, dégénérant en conflits qui voyaient des villes entières s'affronter en armes.
Mensur, le duel académique
Au fur et à mesure que le monde continental-germanique s'intégrait au monde méditerranéen-romain, sa version pacifique devenait de plus en plus populaire. Il s'agissait de ce qu'on appelle le guidrigildo, qui, comme le certifie l'édit de Rotari (643) pour le royaume lombard en Italie, consistait en une somme d'argent équivalente à la réparation de l'offense subie. La centralité germanique, qui s'est uniformément réalisée avec le Saint Empire romain germanique, a permis à la Fehde de traverser l'âge médiéval, bien qu'avec une série de limitations que l'Église a imposées comme nécessaire. Elle devait être introduite par une "lettre de Fehde", elle ne pouvait pas être exercée sur un terrain consacré, certains jours de la semaine et à certaines périodes de l'année, et ne pouvait pas non plus toucher les clercs, les mères, les personnes gravement malades, les pèlerins, les marchands ambulants et les paysans dans les champs. Devenant, par exclusion, l'héritage d'une catégorie sociale précise - celle des chevaliers - la Fehde change de visage pour devenir un duellum. C'était jusqu'en 1495, lorsque Maximilien Ier a fini par l'interdire dans tous les territoires impériaux, par décret à la Diète de Worms. Cette pratique est toutefois restée dans l'ADN culturel des peuples germaniques, tant et si bien qu'elle s'est poursuivie dans le monde contemporain. Il s'agit du "duel académique", encore pratiqué dans certaines universités en Autriche, en Allemagne, en Pologne, en Flandre et en Suisse, et appelé proprement Mensur (die Mensur). Ce terme dérive du latin du même nom et se traduit par "mesure", c'est-à-dire la distance fixe à respecter entre les duellistes.
Les premières traces de combats à l'épée au sein des universités allemandes remontent au 17ème siècle et sont le plus souvent sous forme indirecte, c'est-à-dire en tant que sanctions imposées par les autorités de l'ordre des étudiants. Une des premières interdictions est celle de 1570 à Wittemberg, sous la forme d'une requête que l'université a adressée au prince électeur Auguste de Saxe, souhaitant souligner que les universités "ne sont pas des cours d'appel, ni des terrains de jeu, ni des abattoirs", mais doivent induire "la crainte de Dieu, la discipline, l'honneur". Avec l'essor des ordres étudiants au siècle suivant, chaque université s'est donnée ses propres règles d'escrime ainsi qu'à un type d'arme spécifique. À une époque où porter une épée à son côté était la coutume pour tout gentilhomme, un moyen de régler les diatribes à la manière du Caravage, la Mensur est devenue une forme de confrontation réglementée. Les raisons de demander un duel pouvaient être de natures diverses et banales, allant du droit de passer en premier sur un trottoir, à celui de s'asseoir au premier rang d'une conférence ou d'un cours, en passant par la défense de l'honneur d'une femme dont on était amoureux.
Mais l'occasion la plus courante, qui réclamait satisfaction au sein de l'environnement universitaire, était une insulte spécifique. Traiter quelqu'un de dummer Junge (de garçon stupide) n'avait qu'une seule issue: le duel. Comme l'indique la définition de l'époque, strictement en latin pour sanctionner la rigueur académique : est maxima et atrocissima iniuria, quia agitur de sana mente et sapientia studiosi. C'est-à-dire qu'elle représente l'offense la plus profonde et la plus grave, car elle met en cause la lucidité mentale et la sagesse d'un érudit. On pouvait aussi remédier sur place à l'emmerdeur du dummer Junge en lui infligeant une simple gifle. Et cela, inévitablement, conduisait à une escalade que seules les armes pouvaient dompter. Après avoir répondu à la note que le défié a envoyée au prétendant, ils se rencontraient sur la place publique - la présence de témoins étant nécessaire. Là où les lois l'interdisaient, la confrontation devait avoir lieu en toute confidentialité, peut-être dans l'arrière-boutique d'une brasserie. Ensuite, les seconds (die Sekundanten), assistants des duellistes, s'avançaient les uns vers les autres, épées tendues, jusqu'à ce que la pointe de l'une touche la tête de l'autre. On prenait le point où reposait le pied gauche de chacun et à partir de là, on traçait un cercle. Ici était prise la mesure du champ de bataille, la Mensura.
Souvent, il s'agit de duels, même entre amis, déclenchés par la testostérone des jeunes dans la vingtaine qui veulent défoncer le monde et qui, peut-être, avaient bu un peu trop de schnaps. Le but n'était pas de blesser à mort celui qui vous faisait face, mais d'obtenir une satisfaction, ce qui, la plupart du temps, impliquait simplement de se mettre à l'épreuve. Sortir marqué d'un Schmiss (cicatrice) sur le visage, devenait ainsi la marque d'appartenance au rang des intellectuels. A une époque où l'épopée des paladins n'était plus d'actualité, où l'éthique chevaleresque avait été remplacée par le pragmatisme machiavélique et l'utilitarisme mercantiliste, il s'agissait pour ces hommes en âge d'étude de se targuer d'une noblesse de cœur finement rétro. Des décès pouvaient se produire mais, au sein des universités, ils se comptaient sur les doigts d'une main sur une période de plusieurs années ; et, de toute façon, une réglementation progressivement plus codifiée en limitait encore le nombre. En tant qu'héritage viril, archaïque et médiéval, le siècle des Lumières, dans sa mégalomanie à tout vouloir rationaliser, moderniser, féminiser, ne pouvait pas bien accepter cette tradition. Au milieu des protestations des citoyens bien intentionnés et des collectes de signatures par les précurseurs intellectuels du politiquement correct, en 1785, un appel alarmé est lancé depuis le Journal von und für Deutschland : "Quels sont les moyens les plus efficaces pour empêcher la pratique du duel universitaire et pour rendre la morale des étudiants appropriée à leur rôle ?" Aucun, en fait.
La Mensur se poursuit parmi les cercles d'étudiants et les ligues telles que la Burschenschaft, les Turnerschaften, les Landsmannschaften et les Corps. La question revient sur le devant de la scène en 1850, par le biais d'une question parlementaire censée mettre fin à sa pratique au sein de la Confédération germanique, mais qui est un échec, révélant que ce type de confrontation armée, est considéré comme un sport par les Allemands, comme le tennis l'est pour les Britanniques. La nature de la Mensur était alors, et à toutes fins utiles, délimitée dans ce que l'anthropologie appelle l'Übergangsritus (rite de passage). Aucune motivation formelle n'était nécessaire pour prendre l'épée, l'ambition de rejoindre une association d'étudiants dans un centre d'études suffisait. Le recours à cette pratique s'est ralenti suite à l'action de la Freie Studentenschaft, un mouvement anti-étudiant qui, au début des années 1900, a réussi à rassembler quelques milliers de membres et jusqu'à 20 communautés locales dans les villes universitaires.
Elle est ensuite tombée complètement en désuétude pendant le Troisième Reich, qui a interdit toutes les associations de jeunesse autres que celles du parti, malgré le fait que de nombreux visages du régime aient été marqués par l'entaille d'une lame lors d'une Mensur : une célébrité parmi ceux-ci: Otto Skorzeny. Aujourd'hui encore, elle est pratiquée, et chaque club ou ligue qui perpétue sa tradition affiche sans vergogne ses couleurs, ses bannières, ses casquettes et les portraits de ses membres historiques. Maschisme, élitisme, nationalisme, les valeurs communes. L'arme de tous est le sabre, convenablement aiguisé, bien qu'émoussé. La protection consiste en un collier de cuir pour réparer la jugulaire, des lunettes de protection pour éviter les coupures du nez ou l'aveuglement, une cotte de mailles sur le torse et un rembourrage sur le bras. Après tout, l'objectif est d'obtenir ce beau Schmiss à exhiber pour la vie, et non d'en sortir kaputt ou irrémédiablement mutilé. Le Fechtcomment (arbitre), généralement l'un des étudiants les plus âgés, ouvre les danses. Puis, immobile sur place, l'épée brandie au-dessus de sa tête, le duelliste fait pleuvoir les coups. Ceux-ci peuvent être reçus et renvoyés, jamais parés. Même le plus petit mouvement instinctif de la tête pour en esquiver un entraîne le cri de "Halte !" du Fechtcomment et une réprimande qui, si elle était répétée, mettrait fin au duel pour lâcheté (Abfuhr auf Moral). Deux médecins sont présents, prêts à évaluer l'évolution des plaies, les suturant sur place. En suivant le déroulement, on ne peut s'empêcher de considérer qu'il s'agit d'un exercice sans précédent de mépris de la sécurité, quelque chose de gratuit, de primordial, d'impensable. Si peu spectaculaire, d'ailleurs, en termes d'impact visuel, aussi fugace et névrotique soit-il. Et on a l'impression de voir chacun des deux sabreurs devant un miroir, car les soubresauts et les mouvements de l'un sont reproduits exactement par ceux de l'autre.
Aucun gagnant
C'est l'essence même de la Mensur. Il ne s'agit pas de vaincre un adversaire autre que soi, en établissant une primauté sur son voisin, comme l'exigerait une vision vulgaire, anglo-américaine et bourgeoise. C'est, en effet, prendre les armes contre soi-même, et contrer les traits de sa limite naturelle, physique et mentale. Et compte tenu de cet objectif, il n'y a pas de gagnant. Car la satisfaction ne viendra pas de celui qui aura marqué le plus de coups, mais de celui qui, le visage couvert de sang, ne pourra plus dégainer son arme. La douleur, la discipline, les blessures, le sacrifice de soi : combien ils détonnent avec une contemporanéité qui aime anesthésier même les maux de gorge, épiler les pubis et les sourcils, lisser au laser les marques d'acné, psychanalyser les peurs. Comme il doit être étrange de lire tout cela à ceux qui, par hasard, tombent sur l'histoire de la Mensur. Mais pas pour nous. Nous qui l'aimons.
Alessandro Staderini Busà
19:03 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : burschenschaften, corporations étudiantes, allemagne, mensur, duels étudiants, vie étudiante, traditions | | del.icio.us | | Digg | Facebook
dimanche, 14 août 2022
Julius Evola et l'idéalisme, entre Benedetto Croce et Giovanni Gentile
Julius Evola et l'idéalisme, entre Benedetto Croce et Giovanni Gentile
Luca Valentini
Source: https://www.paginefilosofali.it/julius-evola-e-lidealismo-tra-benedetto-croce-e-giovanni-gentile-luca-valentini/
"...la question de savoir si l'homme peut ou non donner une certitude et un sens à sa vie et à son expérience - ne peut être démontrée théoriquement : elle peut être décidée non par un acte intellectuel mais par une réalisation concrète -" (1).
La relation entre Julius Evola et l'idéalisme, loin de représenter la phase dite "philosophique" du traditionaliste italien, rend en fait explicite la première conquête ontologique de son propre parcours existentiel et ésotérique. Ce qui ressort des textes sur l'Individu Absolu et surtout des réflexions sur l'Idéalisme Magique présuppose que le thème gnoséologique ou la connaissance ne peut être lié à une détermination abstraite, mais à une phase expérientielle directe, où le hiatus entre connu et connaissable est et peut être dépassé. Par conséquent, l'idéalisme qui peut être sublimé est pour Evola une praxis philosophale plutôt que philosophique, qui détermine une acquisition initiale de nature magico-hermétique : il n'y a pas d'entité cosmique qui se différencie de l'individualité humaine et transitoire, soumise aux influences de ce mode hétéronome, mais un Ego activement transcendant peut et doit être réalisé, qui connaît le monde parce qu'il a commencé à se connaître lui-même, restant, sous une apparence philosophique dans l'idéalisme, une vérité hermétique, l'identification non seulement spirituelle, mais aussi spatiale - temporelle entre Homme - Monde - Dieu, comme trois phases phénoménales du même processus cognitif, que seul l'égarement moderne et chrétien présuppose comme différentes, successives, sinon même opposées. Dans le parcours d'Evola, commence à émerger ce qui, dans l'idéalisme classique (Böhme, Hegel,...), était défini comme l'"Abgrund", ou le centre obscur de la conscience, le point focal où l'ego se contracte et se dilate, se dissout et se coagule hermétiquement, pour déterminer une acquisition initiale d'identité avec Dieu :
"L'activité spéculative du philosophe, qui tente de comprendre la création dans son telos et dans tous ses aspects, représente en effet l'achèvement ou l'accomplissement de l'autoréflexion de l'Infini" (2).
C'est dans ce contexte que se trouve la nouvelle édition des lettres de Julius Evola à Benedetto Croce et Giovanni Gentile - "Julius Evola - Le Radici dell'Idealismo - Fondazione Julius Evola - I Libri del Borghese, Roma 2022" -, écrites entre 1925 et 1933, grâce à l'habile édition de Stefano Arcella, avec une introduction de Hervè A. Cavallera, un appendice d'Alessandro Giuli et une postface de Giovanni Sessa. Concrètement, le mérite qui doit être définitivement attribué à l'éditeur est celui d'avoir reconstitué avec un scrupule documentaire et philologique l'environnement culturel dans lequel sont nées et se sont développées les relations entre le traditionaliste et les deux grands représentants de la culture et de la philosophie du début du 20ème siècle, Croce et Gentile. Il en ressort une image précise et nullement désinvolte d'une rencontre non fortuite entre un Evola en cours de formation, mais pas seulement un philosophe, et deux intellectuels qui, dans la vulgate générale, n'avaient que peu à voir avec le monde de la spiritualité et surtout de l'ésotérisme.
Dans le contexte de l'approbation de Croce aux éditions Laterza pour la publication des ouvrages d'Evola "Théorie de l'individu absolu" et "La tradition hermétique", mais aussi pour la réimpression sous sa direction de l'ouvrage alchimique de Cesare della Riviera "Le monde magique des héros", un intérêt insoupçonné du philosophe italien émerge
"en ce qui concerne les textes ésotériques des XVIe et XVIIe siècles en Italie, l'attention qu'il porte aux études savantes qui émergent dans les années 1920 sur la tradition alchimique-hermétique de la Renaissance, ainsi que les influences philosophiques qui, dans sa propre formation, sont à la base de cette attention à l'ésotérisme italien de la Renaissance et du XVIIe siècle" (3).
Les fréquentations de Croce non seulement avec des cercles culturels napolitains spécifiques, mais aussi avec Evola lui-même, comme documenté dans le texte, semblent ne pas avoir été accidentelles, comme celle avec Reghini (4), cité méritoirement par Arcella, mais aussi avec un certain Vincenzo Verginelli (appelé 'Vinci' par Gabriele D'Annunzio), un disciple direct de l'hermétiste napolitain Giuliano Kremmerz et un point de référence central, pour le Circolo Virgiliano de Rome, dans la sphère de la Fratellanza Terapeutica di Myriam pendant toute la période d'après-guerre, qui avait une tendre connaissance avec Elena, la propre fille de Croce (5).
Toujours la sphère idéaliste, est le thème de comparaison qui a permis à Evola de se mettre en relation avec l'actualisme de Giovanni Gentile, auquel Stefano Arcella consacre un chapitre spécifique "Il fiore che non sboccia. Un tentativo di confronto fra Weltanschauung tradizionale e idealismo attuali stico" (6). Un attrait archaïque commun est évident dans l'œuvre, celui-là même qui a lié l'idéalisme classique à l'hermétisme par l'intermédiaire de Böhme (7), avant même Hegel, mais une inconciliabilité de fait. Même si la familiarité chez Gentile entre l'esthétique originelle et la modalité magique doit être considérée comme heureuse, comme le souligne Giovanni Sessa dans sa postface (8), même si dans l'acte de Gentile il est possible de reconnaître une première expérience mystique, le logos assume et reste dans son sémanthème "dianotique" décandent, comme une simple activité cognitive discursive. La rencontre - même avec Spirito, comme le précise Alessandro Giuli dans son Appendice - n'a pas lieu, mais une agréable connaissance demeure, car Evola fait le saut que Croce et Gentile ne font pas, celui de la Diánoia, comme raison déductive et réflexive, à la Nóesis, comme intuition intellectuelle exprimant la connaissance directe, fulgurante, non réfléchie, l'identité :
"La science en action est identique à son objet" (9).
Il est cependant nécessaire, pour la sublimation magique de l'idéalisme, telle qu'elle est exprimée et vécue par Evola, de ramener le terme "logos" à son sens premier : non plus discours ou parole exprimée, mais Pensée inexprimée, Noûs, Minerve opérante, sphère de l'intelligible où, hégéliennement et hermétiquement, le Tout exprime le Tout et l'Un, sans opposition.
La philosophie, en conclusion, démontre toujours ce à quoi elle se réfère in nuce, mais qu'elle a irrémédiablement perdu au cours des siècles, à savoir "l'identité entre verum et factum" (10), dans un processus régressif de miroir, puis de spéculation, qui ne permet pas la reconnaissance authentique de la dimension originelle. Une ombre peut être une bonne trace pour repartir sur le chemin de la redécouverte de la lumière authentique, à condition d'être convaincu qu'une ombre est telle et persiste, sans même la confondre avec une lumière éphémère. La relation entre Julius Evola, Benedetto Croce, Giovanni Gentile et le monde de l'idéalisme et de la culture italienne, sert également à sceller cette hypothèse irréductible et à ne pas se limiter à l'étude approfondie d'Evola, s'aventurant même dans ses œuvres majeures, à savoir les œuvres magiques et méditatives. Il n'y a pas que Orientamenti, en somme ... !
Notes :
1 - 1 – J. Evola, Saggi sull’Idealismo Magico, Casa Editrice Atanor, Todi – Roma, 1925, p. 14;
2 - G. A. Magee, Hegel e la tradizione ermetica, Edizioni Mediterranee, Rome, 2013, p. 113. Dans la postface du texte, rédigée par Giandomenico Casalino, et non par hasard, dans l'examen des relations entre le platonisme, l'hermétisme et la philosophie hégélienne, l'intuition évolienne est reproposée : "C'est la connaissance fondée sur la concordance nécessaire, purement platonicienne, entre les lois de la pensée et celles de la réalité..." (p. 295) ;
3 - Le Radici dell’Idealismo, référence dans le texte, p. 24 :
4 - Ibid, p. 55 ;
5 - Ibid. Vous trouverez de nombreuses informations à ce sujet dans le texte édité par Enzo Tota et Vito Di Chio, Vinci Verginelli, SECOP Edizioni, Corato (BA), 2016 ;
6 - Le Radici dell'idealismo, op. cit. p. 99 et suivantes ;
7 - Emile Boutroux, Jakob Boehme o l’origine dell’Idealismo tedesco, Luni Editrice, Milan, 2006, p. 70 : "L'homme possède ainsi toutes les conditions de la liberté, et peut, à volonté, s'enfoncer en lui-même ou se trouver réellement, en renonçant à lui-même", dans lequel le renoncement est supposé être la déconstruction du Moi, pour une pleine affirmation du Moi ;
8 - Le Radici dell'idealismo, op. cit. p. 174 et suivantes ;
9 - Aristote, De anima, III, 431 a, 1 ;
10 - Le Radici dell'idealismo, op. cit. p. 44.
21:50 Publié dans Philosophie, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : idéalisme, philosophie, italie, julius evola, giovanni gentile, benedetto croce, tradition, traditionalisme | | del.icio.us | | Digg | Facebook
jeudi, 11 août 2022
Kokutai no Hongi ou l'essence du Japon
Kokutai no Hongi ou l'essence du Japon
SOURCE : https://www.barbadillo.it/105574-kokutai-no-hongi-ovvero-lessenza-del-giappone/
Kokutai no Hongi. L'essenza del Giappone (éd. Idrovolante, Roma 2021, traduction Daniela Errico) offre pour la première fois en Italie la brochure publiée au Japon en 1937 par le ministère de l'Éducation à Tokyo.
Le site Barbadillo propose ici aux lecteurs deux extraits de l'ouvrage édité par Federico Ramaioli (photo), diplomate et avocat : le premier fait référence au rôle de l'empereur (tenno) et le second à la critique de l'individualisme.
L'auguste trône de tennō
Ainsi, le tennō est une divinité manifeste (akitsumikami) qui règne sur notre pays selon l'auguste volonté des ancêtres divins. Lorsque nous y faisons référence en tant que déité manifeste ou déité vivante (arahitogami), ce n'est pas comme si nous faisions référence à un soi-disant dieu absolu ou omniscient et omniprésent, mais nous faisons référence au fait que les ancêtres divins se manifestent dans le tennō, qui est leur descendant divin. Le tennō ne fait qu'un avec les ancêtres divins et est une source éternelle de croissance et de développement du peuple et du pays, ainsi qu'une personne extrêmement auguste. La nature auguste du tennō est précisée dans l'article 1 de la Constitution de Meiji, qui stipule que "l'Empire du Japon est dirigé par un empereur de la seule dynastie de l'éternité", ainsi que dans l'article 3 qui stipule que "le tennō est sacré et inviolable". Par conséquent, Tennō diffère des dirigeants des autres pays en ce qu'il n'a pas été placé sur le trône par nécessité pour gouverner la nation et n'a pas été choisi par le peuple parce qu'il possède l'intelligence et la vertu. Le tennō est l'auguste descendant d'Amaterasu Ōmikami et le descendant divin des Ancêtres divins. L'auguste Trône de tennō est important et majestueux car il y entre en tant qu'auguste descendant des Déités célestes (Pp. 61-62).
Éloge de la loyauté
Dans notre pays, depuis sa fondation, la valeur la plus profonde de cette grande Voie du sujet réside dans le lien fort entre le peuple japonais et le concept de loyauté. Récemment, ayant été influencé par les théories individualistes de l'Occident, un mode de pensée centré sur l'individu a pris forme. Par conséquent, le véritable objectif de notre Voie de la loyauté, qui diffère par nature de cette façon de penser, n'est pas toujours rigoureusement poursuivi. C'est-à-dire que ceux qui expriment encore leur loyauté et leur patriotisme envers notre pays, ayant été fortement influencés par l'individualisme et le rationalisme occidentaux, ont tendance à perdre de vue la véritable signification de ces valeurs (p. 113). En comprenant le grand principe de loyauté, nous devons nous purifier de la corruption de notre esprit qui découle de l'élévation de l'ego, de l'obsession de notre "moi" et de l'obscurcissement de notre conscience afin de revenir à un état d'esprit pur et clair qui nous connote intrinsèquement (p. 114). Le Tennō, en tant qu'exemple de dévotion et de respect, honore toujours les Divins Ancêtres et, prenant l'initiative pour toute la nation, montre la véracité d'être leurs descendants. En tant que descendants des sujets qui ont servi les ancêtres de Tennō, nous héritons nous aussi de leur loyauté en la faisant revivre dans les temps présents et en la transmettant aux générations futures. Ainsi, la dévotion et le respect pour les Ancêtres et la Voie de la Loyauté sont une seule et même entité et constituent essentiellement une seule Voie. Cette unité ne peut être trouvée que dans notre pays et c'est là que réside le fondement sacré de notre kokutai.
18:58 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tradition, traditionalisme, japon, tenno, loyauté | | del.icio.us | | Digg | Facebook