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vendredi, 24 septembre 2010

Tomislav Sunic sur "Radio Courtoisie"

Sur Radio Courtoisie

mardi, 21 septembre 2010

De la Croatie par défaut à l'Occident par excès

De la Croatie par défaut à l’Occident par excès

par Georges FELTIN-TRACOL

hl_croatie_pays_defaut.jpgAncien enseignant en sciences politiques aux États-Unis, ex-diplomate croate, maîtrisant parfaitement l’anglais, l’allemand et le français, auteur d’articles remarquables dans Éléments ou Catholica, Tomislav Sunic vient de publier aux Éditions Avatar son premier ouvrage rédigé dans la langue de son cher Céline, La Croatie : un pays par défaut ?. Il faut se réjouir de cette sortie qui, prenant prétexte du cas croate, ausculte avec attention le monde contemporain occidental. Précisons tout de suite que ce livre bénéficie d’une brillante préface de Jure Vujic, responsable par ailleurs d’un exceptionnel article « Vers une nouvelle “ epistémè ” des guerres contemporaines » dans le n° 34 de la revue Krisis sur la guerre.

 

La Croatie : un pays par défaut ? est un ouvrage essentiel qui ne se limite pas aux seuls événements historiques liés à l’indépendance croate des années 1990. Avec le regard aigu du sociologue, du linguiste, du philosophe et du géopoliticien, Tomislav Sunic examine l’Occident-monde postmoderniste en se référant à son vécu d’ancien dissident qui a grandi dans la Babel rouge de Joseph Tito. L’auteur a ainsi acquis une expérience inestimable que ne peuvent avoir les chercheurs occidentaux sur le communisme.

 

De ce fait et à travers maints détails, il constate que l’Occident ressemble étonnamment au monde communiste en général et à la Yougoslavie en particulier. Il lui paraît d’ailleurs dès lors évident que « l’échec de la Yougoslavie multiculturelle fut également celui de l’architecture internationale édifiée à Versailles en 1919, à Potsdam en 1945 et à Maastricht en 1992 (p. 188) ». C’est la raison fondamentale pour laquelle les grandes puissances occidentales firent le maximum pour que n’éclate pas l’ensemble yougoslave. À la fin de la décennie 1980, les États occidentaux témoignaient d’une sympathie indéniable envers l’U.R.S.S., la Yougoslavie et la Tchécoslovaquie avec le secret espoir d’empêcher des désintégrations qui risqueraient de perturber durablement les flux marchands mondiaux.

 

En ces temps d’amnésie historique, Tomislav Sunic revient sur la tragédie méconnue des Volksdeutsche, des Allemands des Balkans, massacrés en 1944 – 1945 par les partisans titistes au point que « le favori de longue date des Occidentaux, l’ex-dirigeant communiste yougoslave et défunt maréchal Josip Broz, avait un passé bien plus chargé d’épurations ethniques et de meurtres de masse (p. 187) ». Il aurait pu aussi rappeler ce qu’on sait peu et que savait certainement Charles de Gaulle qui n’a jamais apprécié l’imposteur. « Natif d’Odessa où son patronyme était Wais, signale Jean-Gilles Malliarakis, il usurpe l’identité de Josip Broz, révolutionnaire communiste croate et son pseudonyme de résistant correspondait au sigle T.I.T.O. de Tajna Internationalna Terroricka Organizatia en serbe (1). » En note, il précisait qu’« après guerre, la mère de Josip Broz ne reconnaîtra pas Tito (2) ». Ces omissions de première importance démontrent que, loin de l’idéal autogestionnaire de la Deuxième Gauche hexagonale, la « Titoslavie » n’était pas le paradis terrestre en édification, mais un banal système communiste soumis à la terreur diffuse et implacable de la police politique secrète.

 

Si on peut déplorer que Tomislav Sunic donne une interprétation banale et convenue de l’œuvre européenne du cardinal Richelieu (3), il insiste, en revanche, sur l’importance géopolitique des Balkans tant en stratégie que dans la mise en place des futurs réseaux de transports d’énergie (oléoducs et gazoducs). Depuis la fin de la Yougoslavie s’est manifesté le « cheval de Troie des États-Unis » avec le soutien total de Washington envers des entités fantoches comme la Bosnie-Herzégovine et le Kossovo, ou mafieuses tel le Monténégro.

 

La Yougoslavie, anticipation de l’Occident !

 

Pour Tomislav Sunic, cet appui occidental n’est pas seulement utilitariste ou à visée géopolitique, il est aussi et surtout idéologique parce que, pour le Système occidental, la fédération de Tito « à bien des égards, représentait une version miniature de leur propre melting pot (p. 81) ». La comparaison n’est pas anodine, ni fortuite.

 

L’auteur discerne dans les sociétés multiraciales post-industrielles d’Occident des facteurs d’explosion similaires aux premiers ferments destructeurs de la Yougoslavie. En effet, « la société multiculturelle moderne, comme l’ex-Yougoslavie l’a bien montré, est profondément fragile et risque d’éclater à tout instant. Ce qui fut le cas en ex-Yougoslavie peut se produire au niveau interethnique et interracial à tout instant, en Europe comme aux États-Unis (pp. 60 – 61) ». De plus, pensé et voulu comme une amitié forcée et fictive entre les peuples, « le multiculturalisme, quoique étant un idéal-cadre de l’Union européenne, peut facilement aboutir à des conflits intra-européens mais également à des conflits entre Européens de souche et allogènes du Tiers-Monde (p. 210) ». Enfin, « l’ex-Yougoslavie fut un pays du simulacre par excellence : ses peuples n’ont-ils pas simulé pendant cinquante ans l’unité et la fraternité ? (p. 206) ». Le projet européen n’est-il pas une nouvelle illusion ?

 

L’auteur développe éclaircit ce rapprochement osé : l’Occident serait donc une Yougoslavie planétaire en voie de délitement. Il s’inquiète par exemple de l’incroyable place prise dans les soi-disant « démocraties libérales de marché » des lois liberticides en histoire (conduisant à l’embastillement scandaleux de Vincent Reynouard), du « politiquement correct », de la novlangue cotonneuse et de l’éconolâtrie. Pour lui, ces cas d’entrave patents prouvent que « l’Union se trouve déjà devant un scénario semblable à celui de l’ex-Yougoslavie, où elle est obligée de modifier ses dispositifs juridiques pour donner un semblant de vraisemblance à sa réalité surréaliste (p. 126) ».

 

La multiplication des actions contre les opinions hérétiques en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne, témoignent de la volonté des oligarchies transnationales et de leurs relais politiques à exiger par la coercition plus ou moins douce une mixité mortifère et ultra-marchande. « Le rouleau compresseur du globalisme triomphant entend détruire les identités substantialistes (nationales, locales, généalogiques) et les identités “ par héritage ” qui font du citoyen le membre d’une communauté définie par l’histoire, par la continuité de l’effort de générations sur le même sol – pour leur substituer le nouveau mythe de la citoyenneté postmoderne, une sorte de bric-à-brac constructiviste, à savoir la citoyenneté “ par scrupules ” qui ne reconnaît le citoyen qu’en tant que simple redevable à la communauté dont il est membre et à laquelle il oppose l’humanité sans frontière des droits de l’homme immanents et sa propre individualité (p. 70) ». Une puissante pression psychologique s’impose à tous, sans la contrainte nécessaire, et « à l’instar de la Yougoslavie défunte, les sociétés multiculturelles ne réussissent jamais à accommoder les identités de tous les groupes ethniques (p. 68) ».

 

Naissance archétypale de l’homme occidental soviétique

 

En fin observateur, Tomislav Sunic avance aussi que les formules venues d’outre-Atlantique ne conviennent finalement pas aux attentes matérielles (ou matérialistes) des peuples de l’ancien bloc communiste pétris par des années de bolchevisme triomphant. Ces peuples – désemparés de ne pas bénéficier d’un autre culte du Cargo – « vont vite se rendre compte que l’identité de l’homo americanus ne diffère pas beaucoup  de celle de son homologue, l’homo jugoslavensis (p. 114) ». Il relève plus loin que « le mimétisme de l’homo sovieticus a trouvé son double dans le mimétisme de l’homo occidentalis (p. 239) » et considère qu’une « identité paléo-communiste subsiste toujours dans les structures mentales de la population post-yougoslave, partout dans les Balkans (p. 34) ». Le communisme comme le libéralisme a a tué les peuples ! Il en découle chez les Européens de l’Est une immense déception à l’égard des « nouvelles élites […] issues, pour la plupart, de l’ancienne nomenklatura communiste, habilement reconvertie au modèle libéral, directement issue du système de structuration soviétique (p. 53) ». Auraient-ils compris que l’ultra-libéralisme mondialiste serait le stade suprême du communisme ?

 

Comme Guy Debord qui, prenant acte de la fin des blocs, annonçait dans ses Commentaires sur la société du spectacle l’émergence d’un spectaculaire intégré dépassant les spectaculaires diffus et concentré, Tomislav Sunic entrevoit un processus de fusion en cours entre les types occidental et communiste afin de créer un homme occidental soviétique. Celui-ci aurait « une existence combinant le charme et le glamour de l’homo americanus, comme dans les films américains, tout en jouissant de la sécurité sociale et psychologique offerte par l’homo jugoslavensis ! (p. 115) ». Ainsi apparaît la figure rêvée de la social-démocratie, du gauchisme et du libéralisme social… Stade final du bourgeois, l’homme occidental soviétique est le Travailleur postmoderniste de l’ère mondialiste. Il s’épanouit dans la fluidité globalitaire marchande. « La globalisation de l’économie n’est nullement une simple extension des échanges commerciaux et financiers, comme le capitalisme l’a connue depuis deux siècles. À la différence de l’internationalisation qui tend à accroître l’ouverture des économies nationales (chacune conservant en principe son autonomie), la globalisation ou mondialisation tend à accroître l’intégration des économies. Elle affecte les marchés, les opérations financières et les processus de production, réduit le rôle de l’État et la référence à l’économie nationale (p. 42). » Les ravages torrentiels de la mondialisation atteignent tous les pays, y compris les États les plus récents. Ainsi, « le folklorisme de masse qui fut l’unique manifestation de l’identité croate à l’époque yougoslave et communiste, fut après l’éclatement de la Yougoslavie, vite suivie par la coca-colisation des esprits au point que la symbolique nationaliste croate est devenue une marchandise – au grand plaisir des classes régnantes en Occident (p. 58) ». Après une période d’exaltation nationale, voire nationaliste, correspondant à la présidence de Franjo Tudjman, les responsables croates actuels ont tout fait pour l’évacuer, l’oublier et accentuer au contraire une occidentalisation/mondialisation qui flatte leur internationalisme d’antan… Pis, « les élites post-néo-communistes croates […] n’ont jamais aspiré à l’indépendance de la Croatie et n’ont jamais eu, il faut le dire clairement, une quelconque vision d’une identité croate matricielle et fondatrice (p. 238) ». On retrouve ce manque de volonté nationale en Ukraine. Les nouvelles oligarchies, croate ou ukrainienne, salue le produit du Mur de Berlin et de Wall Street : l’homme occidental soviétique.

 

Victimes, histoire et mémoire

 

Tomislav Sunic retrace l’historique de la fin du modèle yougoslave. Avant d’être le père de la Croatie indépendante, Franjo Tudjman fut un compagnon de route de Tito et un responsable communiste. Puis, écarté des cénacles dirigeants, il se passionna pour l’histoire, en particulier pour la Seconde Guerre mondiale, au risque de se faire accuser par certains cénacles mi-officieux et demi-mondains de « révisionniste »… Dans sa belle préface, Jure Vujic considère que l’identité nationale croate « qui à bien des égards, se trouve bousculée par les défis du globalisme, les processus intégrationnistes régionaux et supranationaux, à bien du mal à se stabiliser dans un espace-temps exsangue et à mûrir autour d’un projet politique commun, libéré des réminiscences et du trop-plein d’histoire fratricide hérités de la Deuxième Guerre mondiale (p. 12) ». Bien avant le déchaînement titanesque des violences nationales et étatiques, les antagonismes ne se cachaient pas et s’exposaient plutôt par l’intermédiaire d’une « guerre des mots » et de revendications mémorielles perceptibles lors des compétitions de football. En estimant avec raison que « dans le monde vidéosphérique d’aujourd’hui, l’image de guerre incite fatalement au narcissisme et à l’individualisme extrême (p. 207) », Tomislav Sunic ponte le rôle belligène des médias qui se sont substitués à l’intelligentsia. « De même qu’il n’y a pas de guerre sans morts, il ne peut plus aujourd’hui y avoir de guerre sans mots d’ordre, donc sans communication (p. 197) », d’où la montée en puissance dans les coulisses du pouvoir des spin doctors, ces agents d’influence très grands communicants. Pour parvenir à leurs fins, ils pratiquent « tout d’abord, les actions “ pédagogiques ” à long terme, ensuite le conditionnement des esprits et le modelage des mentalités (p. 198) ». Ils portent ainsi jusqu’à l’incandescence les opinions publiques facilement manipulables.

 

tomislav_sunic_2eaf3.jpgLes médias accaparent la thématique victimaire. Dorénavant, toute mémoire, identité ou communauté soucieuse d’acquérir une légitimité se pose avant tout en victime. Or « toute identité victimaire est par définition portée à la négation ou au moins à la trivialisation de la victimologie de l’Autre (p. 213) ». Pourtant, rappelle Tomislav Sunic, « l’esprit victimaire découle directement de l’idéologie des droits de l’homme. Les droits de l’homme et leur pendant, le multiculturalisme, sont les principaux facteurs qui expliquent la résurgence de l’esprit victimaire (p. 219) ». Loin d’être les ultimes exemples d’antagonismes nationalitaires meurtriers propres aux XIXe et XXe siècles, les conflits yougoslaves ont préfiguré les guerres postmodernistes. La Post-Modernité qui met au cœur de sa logique l’identité. Au risque de se mettre à dos tous les néo-kantiens, l’auteur croît que « toute identité, qu’elle soit étatique, idéologique, nationale ou religieuse, est à la fois la victime et le vecteur d’un engrenage qui aboutit souvent à la violence et à la guerre (p. 37) ». L’identité est donc l’inévitable corollaire du politique.

 

Il faut néanmoins prendre ici le terme « identité » dans son acception d’identique, de similitude, parce que « souvent, ce sont les ressemblances et non les différences qui provoquent les conflits, surtout lorsque ces conflits prennent la forme d’une rivalité mimétique (p. 70) ». Autrement dit et dans le contexte croate, « peut-on être Croate aujourd’hui sans être antiserbe ? (p. 37) ». La réponse serait affirmative si n’entraient pas en ligne de compte d’autres paramètres. « De l’affirmation d’une identité patriotique fondée sur l’ethnos et le mythos, écrit Jure Vujic, la Croatie d’aujourd’hui est à la recherche d’un “ piémontisme axiologique ” qui n’est autre qu’une identité de valeurs communes (p. 16) ». Et puis, « dans notre postmodernité, poursuit Tomislav Sunic, c’est l’Union européenne et l’Amérique qui décident, dans une large mesure, de l’identité d’État croate et même de l’identité supra-étatique de la Croatie dans un monde futur (p. 74) ». Par ailleurs, « avec et dans l’Union européenne, les valeurs marchandes imposent une hiérarchie des valeurs qui va directement à l’encontre de la survie des petits peuples (p. 57) ». Le postmodernisme multiculturaliste et ultra-individualiste s’apparente à une broyeuse de cultures enracinées. Il détient pourtant en lui ses propres objections.

 

Les paradoxes explosifs de la postmodernité multiculturelle

 

Oui, la postmodernité (ou plus exactement selon nous, l’ultra-modernité) creuse sa propre tombe en suscitant des contradictions insurmontables. Pour Tomislav Sunic, « le multiculturalisme est […] une constellation de politiques et de pratiques qui cherche à concilier l’identité et la différence, à déconstruire et à relativiser la métaculture des sociétés post-industrielles (p. 47) ». Puisque « le problème de l’identité en tant qu’altérité est devenu essentiel dans l’Occident postmoderne (p. 211) », la seule réponse « politiquement correcte » apte est l’acceptation du fait multiculturel (l’empilement individualiste et chaotique de communautés de nature ou de choix) et le rejet du corps social homogène. « Le pluralisme classificatoire qu’induisent les droits positifs en faveur de populations stigmatisées ou discriminées en fonction de l’âge et du sexe est interprété, notamment en Europe, comme une déstructuration de l’homogénéité sociale et culturelle de la nation et du concept de citoyenneté (pp. 41 – 42). » Il appert que « le choix d’un style de vie individuel, la tribalisation et l’atomisation de la société moderne ainsi que la multiculturalisation de la société européenne, rendent l’analyse de l’identité nationale croate encore plus compliquée. Même les Croates modernes, qui sont bien en retard en matière d’identité d’État, doivent faire face à une multitude de nouvelles identités. Leur identité nationale varie au gré des circonstances internationales, ces changements se juxtaposent quotidiennement et ils remettent en cause leur ancien concept d’identité nationale. On pourrait facilement qualifier ces nouvelles identités juxtaposées d’identités apprises ou acquises, par rapport aux anciennes identités qui relevaient de la naissance et de l’héritage culturel (pp. 49 – 50) ». Dans ces conditions, doit-on vraiment s’étonner qu’« à défaut d’une diplomatie cohérente, les eurocrates préfèrent tabler sur une identité croate consumériste et culinaire, et miser sur une classe politique locale aussi corrompue que criminogène (p. 232) » ? L’identité subit une pseudomorphose : « peu à peu, l’ancienne identité nationale, voire nationaliste, qui sous-entendait l’appartenance à un terroir historique bien délimité, est supplantée par le phénomène du communautarisme sans terroir – surtout dans les pays occidentaux qui ont subi une profonde mutation raciale (p. 38) ».

 

Malgré l’affirmation répétitive et incantatoire des valeurs fondatrices de l’actuelle entreprise européenne, à savoir un antifascisme obsessionnel et fantasmatique pitoyable, la multiplication des contentieux mémoriels résultant du fait multiculturaliste renforce une « rivalité des récits victimaires [qui] rend les sociétés multiculturelles extrêmement fragiles. Par essence, tout esprit victimaire est conflictuel et discriminatoire. Le langage victimaire est autrement plus belligène que l’ancienne langue de bois communiste et il mène fatalement à la guerre civile globale (p. 220) ». Extraordinaire paradoxe ou hétérotélie selon les points de vue ! Surtout que « dans une société pluri-ethnique et multiculturelle, l’identité des différents groupes ethniques est incompatible avec l’individualisme du système libéral postmoderne (pp. 37 – 38) ». Tomislav Sunic ajoute que « la schizophrénie du monde postmoderne consiste, d’une part, dans la vénération absolue de l’atomisation individualiste qui met en exergue l’identité individuelle et consumériste, et d’autre part, dans le fait qu’on est tous devenu témoin du repli communautaire et de la solidarité raciale (p. 39) ».

 

Certes, si Jure Vujic craint que « la Croatie comme toutes les “  démocraties tardives ”, ainsi qu’aime à le dire la communauté internationale, se doit de transposer de manière paradigmatique le sacro-saint modèle libéral, politique et économique, sans prendre en considération les prédispositions psychologiques, historiques et sociales spécifiques du pays (p. 13) », « pour l’instant, lui répond Sunic, les Croates, comme tous les peuples est-européens, ignorent complètement le danger de la fragmentation communautaire. La société croate, au début du IIIe millénaire, du point de vue racial est parfaitement homogène, n’ayant comme obsession identitaire que le “ mauvais ” Serbe. Pourtant, il ne faut pas nourrir l’illusion que la Croatie va rester éternellement un pays homogène. Le repli communautaire dont témoignent chaque jour la France et l’Amérique, avec le surgissement de myriades de groupes ethniques et raciaux et d’une foule de “ styles de vie ” divers, deviendra vite la réalité, une fois la Croatie devenue membre à part entière du monde globalisé (p. 38) ». La Croatie parviendra-t-elle enfin au Paradis occidental ? Rien n’est certain. En observant les pesanteurs de l’idéologie victimaire sur l’opinion et constatant que « souvent, la perception d’un groupe ira jusqu’à se considérer comme la victime principale d’un autre groupe ethnique (p. 68) », Tomislav Sunic y devine l’amorce de futurs conflits.

 

Des guerres communautaires à venir

 

« On a beau critiquer le communautarisme et l’identité nationale et en faire des concepts rétrogrades, relève l’auteur, force est de constater que le globalisme apatride n’a fait qu’exacerber la quête d’identité de tous les peuples du monde (p. 61). » Bonne nouvelle ! La vision morbide et totalitaire d’une humanité homogène ne se réalisera jamais. Ses adeptes chercheront quand même à la faire en se servant de cette idéologie moderne par excellence qu’est le nationalisme. « À l’instar des nationalistes classiques, le trait caractéristique des nationalistes croates est la recherche de la légitimité négative, à savoir la justification de soi-même par le rejet de l’autre. Impossible d’être un bon Croate sans être au préalable un bon antiserbe ! Ceux qui en profitent le plus sont les puissances non-européennes : jadis les Turcs, aujourd’hui l’Amérique ploutocratique et ses vassaux européens. Ce genre de nationalisme jacobin, qu’on appelle faussement et par euphémisme, en France, le souverainisme, ne peut mener nulle part, sauf vers davantage de haine et de guerres civiles européennes (p. 53). »

 

Un regain ou une résurgence du nationalisme étatique moderne n’empêchera pas la « contagion postmoderniste » de la Croatie, ni d’aucun autre État post-communiste. Bien au contraire ! « Les mêmes stigmates de la décomposition identitaire occidentale sont visibles en Croatie, qui subit les assauts conjugués d’une dénationalisation politique et institutionnelle ainsi qu’un raz-de-marée de réseaux “ identitaires ” relevant de la postmodernité. Université, presse, politique, syndicat, on pourrait poursuivre la liste : administration, clubs, formation, travail social, patronat, Églises, etc., le processus néo-tribal a contaminé l’ensemble des institutions sociales. Et c’est en fonction des goûts sexuels, des solidarités d’écoles, des relations amicales, des préférences philosophiques ou religieuses que vont se mettre en place les nouveaux réseaux d’influence, les copinages et autres formes d’entraide qui constituent le tissu social. “ Réseau des réseaux ”, où l’affect, le sentiment, l’émotion sous leurs diverses modulations jouent le rôle essentiel. Hétérogénéisation, polythéisme des valeurs, structure “ hologrammatique ”, logique “ contradictionnelle ”, organisation fractale (p. 50). »

 

On le voit : Tomislav Sunic « dévoile “ au scalpel ” les dispositifs subversifs, psychologiques et sociopolitiques, qui sont actuellement à l’œuvre dans une matrice identitaire croate qui reste très vulnérable face aux processus pathogènes de l’occidentalisation, assène Jure Vujic (p. 21) ». Les Croates ont obtenu un État-nation et une identité politique au moment où ceux-ci se délitent, dévalorisés et concurrencés par un foisonnement d’ensembles potentiellement porteurs d’identités tant continentales que vernaculaires ou locales (4). Le décalage n’en demeure pas moins patent entre l’Ouest et le reste de l’Europe ! « La petite Estonie, la Croatie et la Slovaquie vont bientôt réaliser que dans l’Europe transparente d’aujourd’hui, on ne peut plus se référer aux nationalismes du XXe siècle. Après avoir refusé le jacobinisme des Grands, ils se voient paradoxalement obligés de pratiquer leur propre forme de petit jacobinisme qui se heurte fatalement aux particularismes de leurs nouveaux pays. Sans nul doute, affirme alors Sunic, la phase de l’État-nation est en train de se terminer dans toute l’Europe et elle sera suivie par un régime supranational. Peu importe que ce régime s’appelle l’Union européenne ou le IVe Reich (p. 57). » Et si c’était plutôt l’Alliance occidentale-atlantique ou le califat universel ?

 

Dans sa riche préface, Jure Vujic s’élève avec vigueur contre le supposé « retour en Europe » des anciens satellites soviétiques. En appelant à une « réappropriation de l’identité grand-européenne » de la croacité, il appelle à une réflexion majeure sur l’Europe de demain, celle qui surmontera les tempêtes de l’histoire.

 

Seule une prise de conscience générale de leur européanité intrinsèque permettra aux peuples autochtones du Vieux Continent de contrer le travail corrosif de l’Occident moderne, du multiculturalisme et du postmodernisme. La transition des sociétés pré-migratoires et migratoires (Croatie et Ukraine par exemple) vers des sociétés post-migratoires (Europe occidentale) risque de provoquer une riposte identitaire virulente de la part de peuples européens (ou de certaines couches sociales) les moins séniles. « Une guerre larvée et intercommunautaire entre des bandes turcophones et arabophones vivant en Allemagne ou en France, et des groupes de jeunes Allemands ou Français de souche ne relèvent plus d’un scénario de science-fiction (p. 125) », avertit Tomislav Sunic. Il tient pour vraisemblable que « le nationalisme inter-européen d’antan, accompagné par la diabolisation de son proche voisin, comme ce fut le cas entre les Croates et les Serbes, peut dans un proche avenir devenir périmé et être supplanté par une guerre menée en commun par les Serbes et les Croates contre les “ intrus ” non-européens (pp. 38 – 39) ». La réalisation effective d’une identité politique et géopolitique européenne s’en trouverait grandement renforcée et annulerait le présent dilemme des populations croates par défaut et occidentalisées par excès. C’est dire, comme le remarque Jure Vujic, que « le livre de Tomislav Sunic […] constitue […] un éclairage politologique et philosophique considérable sur l’actuelle transition de l’identité croate dans la postmodernité (pp. 17 – 18) ». Une lecture indispensable en ces temps incertains et désordonnés.

 

Georges Feltin-Tracol

 

Notes

 

1 : Jean-Gilles Malliarakis, Yalta et la naissance des blocs, Albatros, 1982, p. 152.

 

2 : Idem. Ajoutons en outre qu’on n’a pas de sources exactes quant à la naissance de Tito. Ce dernier parlait d’ailleurs un mauvais serbo-croate avec un accent russe,  loin de sa prétendue région natale au nord de la Croatie. Sa syntaxe était également mauvaise.

 

3 : Tomislav Sunic reprend une erreur courante quand il qualifie « le Conseil de l’Europe […de…] corps législatif (p. 137) ». Il confond le Parlement européen et le Conseil de l’Europe qui tous deux siègent à Strasbourg. Le Conseil de l’Europe ne relève pas de l’Union européenne puisque ses membres sont tous les États du continent – sauf le Bélarus qui est un invité spécial -, la Turquie et l’Azerbaïdjan. Sont membres observateurs les États-Unis, le Canada, Israël, le Mexique et le Japon…

 

De ce Conseil procède la Convention européenne des droits de l’homme et sa sinistre Cour qui entérine les lois liberticides et encourage la fin des traditions européennes.

 

Il ne faut pas mélanger ce conseil avec le Conseil européen qui  réunit les chefs d’État et de gouvernement, ni avec le Conseil de l’Union européenne rassemblant les ministres des États-membres pour des problèmes de leurs compétences.

 

4 : Une fois la Croatie membre de l’U.E., il se posera la question de l’adhésion à l’Union européenne des autres États ex-yougoslaves. À la demande expresse de Franjo Tudjman, la Constitution croate, par l’article 141, interdit explicitement toute reconstitution d’une union balkanique. Or l’arrivée de la Serbie, de la Bosnie-Herzégovine, du Monténégro, etc., dans l’U.E. ne sera-t-elle pas perçue comme la reformation d’un ensemble slave du sud dans le giron eurocratique et atlantiste ? Zagreb ne risquera-t-il pas de poser son veto à l’entrée de Belgrade, de Sarajevo ou de Skopje ?

 

• Tomislav Sunic, La Croatie : un pays par défaut ?, préface de Jure Vujic, Éditions Avatar, coll. « Heartland », 2010, 252 p., 26 €.


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mardi, 06 avril 2010

Tomislav Sunic répond aux identitaires

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2004

Tomislav SUNIC répond aux Identitaires 

 

Le 30 Janvier 2004

sunicXXX.jpgRencontre avec le docteur Tomislav SUNIC, enseignant en sciences politiques aux Etats Unis et écrivain croate.

Pamphlétaire et contestataire de la droite antilibérale croate, ancien diplomate, il est l’auteur d’ouvrages traitant entre autre de la géopolitique dans les Balkans, de la démocratie et de l’utopie égalitaire. Tom Sunic dénonce inlassablement le danger de la globalisation mondialiste en train d’éclore sur les décombres du communisme dans les pays de l’Est. Tomislav Sunic est également le correspondant en Croatie de la revue Nouvelle Ecole.

 

Aujourd'hui, il milite notamment pour un véritable rapprochement entre les deux frères ennemis croates et serbes. Cette guerre larvée servant, selon Tomislav SUNIC, les intérêts des ennemis de l'Europe.

 

Au début des années 90, les occidentaux voyaient s'engager le provisoire dernier acte d'une guerre civile européenne qui avait commencé presque 80 ans plus tôt. Quels étaient les ingrédients récurrents de ce conflit yougoslave encore mal compris en France ?

 

Tomislav SUNIC : Les responsables de cet acte de guerre sont à chercher chez les jacobins français, chez Clemenceau, dans le Traité de Versailles, chez Mitterrand, et bien sûr, chez les Américains qui avaient prêché, à partir de 1948 et jusqu’en 1990, “ l’unité et l’intégrité ” d’un pays artificiel, connu sous le nom de “ Yougoslavie ”.

 

Aujourd'hui, vous souhaitez un rapprochement entre les deux frères ennemis croates et serbes. Celui-ci semble encore bien précaire. Comme l'ont démontré les affrontements sérieux survenus lors de rencontres sportives, notamment au cours du match Croatie-Serbie de water-polo du dernier championnat d'Europe, les cicatrices semblent profondes. Bien sûr, les ennemis de l'Europe s'en réjouissent. Une normalisation réelle des rapports croato-serbes est-elle concevable ou encore illusoire ?

 

TS : Laissons le sport à part. Lorsque les équipes de différentes villes croates s’affrontent, il y a toujours une pagaille - comme d’ailleurs partout chez les supporters en Europe. Le problème réside dans la mythologie grande-serbe et la martyrologie grande-croate. Au cours des dernières 70 années, à savoir depuis la fondation de la Yougoslavie en 1919, les intellectuels serbes et croates, n’ont jamais jugé nécessaire de se débarrasser de leurs mythes pseudo-historiques. Le vrai délire commença en 1945 lors de la prise du pouvoir par les communistes, et lorsque l’hagiographie serbe imposa dans les écoles, et auprès du grand public occidental, sa victimologie “ anti-fasciste ” s’élevant à 600.000 Serbes prétendument tués par les fascistes croates de 1941 à 1945. Cette surenchère a eu pour cause, chez les Croates, de profondes frustrations, un romantisme politique souvent bête, et une poussée révisionniste qui aboutit en 1990 à l’éclatement du pays. Hélas, le nationalisme croate est également à la base de sa “ légitimité négative ” ; malheureusement on reste un bon Croate en fonction de son anti-serbisme, c’est-à-dire en diabolisant l’Autre. Le résultat fut la deuxième guerre entre les Serbes et les Croates en 1991.

Tant que les intellectuels serbes et croates ne se mettront pas sérieusement au travail pour examiner leurs victimologies respectives, et qui remontent à la deuxième guerre mondiale, la guerre larvée sera là, au grand plaisir des ennemis de l’Europe.

 

Croatie et Serbie semblent rivaliser d'ardeur pour livrer leurs patriotes respectifs au Tribunal Pénal International de La Haye. Quel est votre avis sur cette Cour et sa légitimité ?

 

TS : Aucun. La Cour de La Haye fonctionne d’après le principe du “ deux poids deux mesures. ” Ce qui n’est pas permis aux Serbes et aux Croates, est loisible pour les guerriers américains, israéliens, etc… Revenons à la phrase lapidaire de Carl Schmitt : “ Auctoritas non veritas facit legem ” (*). En bon français, c’est la qualité du flingue qui décide qui ira à La Haye, qui aura raison et qui aura tort, et qui va façonner par la suite le droit international. Le Tribunal de La Haye est un alibi pour l’incompétence de la classe politique en Union Européenne, qui fut d’ailleurs totalement incapable de mettre fin au conflit yougoslave dans les années 90.

 

Bien que les composants soient un peu différents – distinctions ethniques plus franches – les gouvernements des principales capitales européennes continuent leur politique de l'autruche, et semblent nier l'évidence en minimisant la possibilité d'affrontements multiculturels et/ou multiethniques graves dans les années à venir. Est-ce, selon vous, lâcheté ou volonté délibérée de refuser l'évidence ? Qu'est-ce qui pourrait faire échapper l'UE a une crise “ à la yougoslave ” ?

 

TS : “ L’Euroslavie ” actuelle ressemble étrangement à l’ex-Yougoslavie. Soyons sérieux. Le système bruxellois n’est pas conçu comme vecteur pour réunir les peuples européens dans un destin commun. L’UE est un vaste marché, un bazar dont l’avenir dépend uniquement d’un perpétuel bond économique en avant.

 

En effet, qui aurait cru que la Yougoslavie multiculturelle allait éclater en décombres ? Je crois que la même “ balkanisation ” attend l’Union européenne demain, avec des conséquences beaucoup plus graves. Tant que l’État-providence fonctionne, bon gré mal gré, tant que les allogènes reçoivent leur morceau de sucre de la part des contribuables européens, le calme est garanti. Une fois que la crise économique deviendra palpable, nous serons témoins d’une guerre civile autrement plus sauvage que dans les Balkans. Victime de ses illusions du progrès, et croyant naïvement en la théologie du marché libre, l’Union Européenne va devenir la proie de ses propres chimères. Le soi-disant bon fonctionnement de l’UE, avec son prétendu élargissement à l’Est, ressort d’un nouveau romantisme politique. Ce projet reste la plus grande imposture après la deuxième guerre mondiale.

 

Pertes des valeurs traditionnelles, plaisirs petits-bourgeois, dévirilisation, paradis artificiels, le matérialisme libéral triomphe en Europe occidentale. Quelle est votre réponse au chaos du monde moderne ?

 

TS : Lorsqu’on lit les écrivains des années trente nous nous rendons compte du même scénario en Europe. Nul doute, le libéralisme touche a sa fin. Le roi est nu ; il n’a plus de repoussoir communiste. Donc sa dégénérescence apparaît plus clairement. Tant mieux. Il faut que la situation empire davantage, pour que davantage de gens puissent déchiffrer l’ennemi principal.

 

On a dit que Rome était tombée car ses Dieux l'avaient abandonnée. Voyez-vous dans la perte totale de sens du sacré en Occident, une des causes profondes de son déclin ?

 

TS : Bien entendu. Même les grandes religions monothéistes ne sont plus capables d’insuffler le sens du sacré à leurs brebis. Hélas, dans la perspective historique, cinquante, voire une centaine d’années, ne veulent rien dire. Mais pour nous-mêmes, pour qui le temps vole si rapidement, il est peu probable que le grand retour des dieux ait lieu pendant notre parenthèse terrestre… Mais, peut-être dans une vingtaine d’années, verrons-nous la grande renaissance des dieux européens !

 

Les hommes debout au milieu des ruines - identitaires éveillés- ont coutume de dire que le soleil se lèvera à l'Est. Le salut de l'Occident peut-il venir de l'exemple des jeunes générations d'Europe de l'Est ? Et, selon vous, un rapprochement concret des forces nationales de chacun des pays de l'Ouest et de l'Est pour une renaissance européenne est-il sérieusement envisageable ?

 

TS: Le grand avantage du communisme fut sa barbarie et sa transparence vulgaire. Son grand avantage fut également qu’il sut préserver, malgré son dogme international, l’homogénéité ethnique des Européens de l’Est. La Russie, la Croatie, la Serbie, l’Estonie, etc. restent des enclaves blanches, de solides “ camps des saints ”. Espérons que la classe dirigeante en Europe orientale ne va pas tomber dans la surenchère du mimétisme pro-occidental et qu’elle ne va pas remplacer sa maladie de “ l’homo sovieticus ” par la nouvelle pathologie de “ l’homo occidentalis ”. Il y a quelques signes encourageants que cette Europe cioranienne commence à s’apercevoir de l’imposture occidentalo-libérale. Mais pour mener le travail de renaissance à son terme, il faut que ses citoyens fassent table rase de leur petit nationalisme et qu’ils abandonnent la haine de l’Autre, c’est-à-dire de leurs voisins. Les individus sages et cultivés de l’Europe occidentale pourraient y aider et cela d’une manière considérable.

 

Pour finir, un message pour les visiteurs du site “ les-identitaires.com ” ?

 

TS : Unissons nos forces identitaires et patriotiques, apprenons les langues et la culture de nos voisins européens ! Pratiquons l’identification – non seulement avec notre tribu – mais surtout avec l’Autre, à savoir nos frères voisins européens !

(*) Littéralement : “ C’est l’opinion et non la vérité qui fait la loi ”, à prendre ici au sens de “ C’est l’autorité et non la vérité qui commande à la loi ”.

 

Propos recueillis par Renaud BOIVIN

Pour en savoir plus : http://doctorsunic.netfirms.com

samedi, 13 mars 2010

Postmortem Report: het laatste werk van Dr. Sunic

Postmortem Report: het laatste werk van Dr. Sunic

Tomislav Sunic is een van de vooraanstaande kenners van Nieuw Rechts.
In 2008 was hij nog te gast op het colloquium van Identiteit-Deltastichting. Tomislav Sunic publiceert in het Kroatisch, Engels, Frans en Duits onder andere over de ideeën van Oswald Spengler, Carl Schmitt, Vilfredo Pareto en Alain de Benoist.

Zijn culturele kritiek handelt voornamelijk over: religie, cultuurpessimisme, ras, het derde rijk, liberalisme en democratie,multiculturalisme en communisme. Dit boek bundelt Sunics beste teksten van de afgelopen tien jaar. Als Europees waarnemer die het liberalisme en het communisme aan beide zijden van het IJzeren Gordijn heeft meegemaakt, schetst hij enkele indringende culturele beelden van de westelijke en postcommunistische maatschappij. Altijd erudiet en soms humoristisch, biedt dit boek een zeer leesbaar postmortem verslag over de dood van het Westen.


Dit boek kan besteld worden bij Identiteit op het volgende E-postadres voor de prijs van 18 €.(verzending inbegrepen)

dimanche, 20 décembre 2009

Entretien avec Maître Jure Vujic

Jure_Vujic[1].jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2001

 

ENTRETIEN avec MAITRE JURE VUJIC

 

 

Jure Vujic, avocat, diplômé de droit à la Faculté de droit d'Assas Paris II, est géopoliticien et écrivain franco-croate. Il est diplômé de la Haute Ecole de Guerre „Ban Josip Jelacic“ des Forces Armées Croates et de l'Académie diplomatique croate où il donne des conférences régulières en géopolitique et géostratégie. Il est l’auteur des livres suivants:  Fragmenti geopoliticke misli ( Zagreb, éditions ITG, 2004), Hrvatska i Mediteran – geopoliticki aspekti ( éditions de l'Académie diplomatique du Ministère des Affaires Etrangères et des intégrations européennes de la République de Croatie, 2008)  Intelektualni terorizam - Hereticki brevijar ( Zagreb, éditions Hasanbegovic, 2007), Trg marsala Tita: Mitovi i realnosti titoizma “ ( Zagreb, éditions Uzdanica, 2008), „Anamnèses et transits“ ( Zagreb-Bruxelles, éditions NSE), „Nord-Sud l'honneur du vide“ ( Zagreb-Bruxelles, éditions NSE), „Eloge de l'esquive“ ( Zagreb, éditions Ceres, 2006), Kad andeli utihnu - Apokrif Ante Gotovine “( Zagreb 2009). Il est également auteur d'une centaine d'articles en philosophie, politologie, géopolitique et géostratégie. Il collabore avec le Centre d'Etudes Politiques de Zagreb, les journaux „Vjesnik“, „Fokus“ „Vijenac“, „Hrvatski list“, Eurasia, Catholica, etc.

 

Maitre Jure Vujic, co-fondateur de la revue «Au fil de l'épée », collaborateur aux revues «Nouvelles de Synergies Européennes» et «Vouloir», penseur et écrivain, a répondu aux questions que lui a posées Robert Steuckers, responsable de Synergies européeennes.

 

Pouvez nous exposer les principales caractéristiques de la société globale contemporaine ?

 

Ce qui caractérise à mon sens la société globale c'est indéniablement la manipulation mentale généralisée. En effet la société globale est un vaste laboratoire où l'on s'ingénue à créer par le contrôle des esprits une société psycho civilisée qui grâce à la génétique expérimente le clonage d'êtres humains, décervelés et domestiqués, C'est en quelque sorte le remake du « procédé Bokanovsky » imaginé par Adous Huxley dans « le Meilleur des mondes ». Le but est dans l'esprit d'un Francis Fukuyama d'abolir . par l'intermédiaire des biotechnologies d'abolir le temps et les conrétudes naturelles, pour mettre un terme à l'histoire et anéantir les êtres humains en tant qu'êtres concrets, pour aller au de là de l'humain. Par les procédés de manipulation mentale on aboutit dans cette scociété globale à une nouvelle forme d'esclavagisme moderne. En effet, les nouvelles technologies informatiques et le monde des images, bouleversent toutes les données de la vie quotidienne comme le champ des investigations scientifiques. L'écran devient fatal et omniprésent comme du reste le règne du spectacle et du « simulakrum » de l'époque postmoderne stigmatisé par Jean Baudrillard. C'est de l'intérieur du monde envahissant des images que peut se voir la manipulation vidéographique, se déployer le régne des artifices et des simulations, se mettre en place une sacralisation nouvelle de l'image et de sa présence. La manipulation mentale dont je parle s'apparente à une secte globale. En effet, il y a une parenté flagrante en tre la secte, exigeant le consentement intime à un groupe donné et l'adhésion au marché universel , société à la fois globale et fragmentée en cellules consuméristes rendues narcissiques. La « société bulle » des cultes sectaires n'est que le plagiat microsociologique de la secte globale planétaire sommant chacun de devenir un « gentil et docile membre de l'humanité »_ Comme dans les sectes, la société globale qui se propose d'abolir le temps et l'histoire sécréte en elle une volonté de suicide collectif refoulée, l'autodestruction étant vécue de manière indolore de manière aseptique tel un voyage spirituel vers une autre incarnation. Il s'agit bien d'une nouvelle forme de « Kharma »moderne. La révolution technologique, le règne du cyberspace, la révolution numérique, le développement des réseaux électroniques d'information provoquent un syndrome de saturation cognitive. Assommés par un flux continu d'informations et d'images, les individus sont de moins en moins en mesure de penser et de décider, donc finalement de travailler, étant de plus en plus accablés et abrutis. Nous sommes au coeur de la cybercrétinisation. La manipulation mentale aboutit de même à la colonisation de l'inconscient et de l'imagination, en tant qu'espace intime onirique et symbolico-archétypal. Le capitalisme traditionnel qui se contentait jadis de la publicité s'attaque aujourd'hui aux domaines du rêve, de l'imagination, dans les visions du monde les plus intimes ; Cette colonisation de l'imagination s'opère par la diffusion de supplétif telle la science fiction, prêt à porter de l'imaginaire s'adressant aux « étages inférieurs » de l'inconscient, un imaginaire standardisé, pauvre,  qui se  ré duit le plus souvent à des formes bâtardes de vulgarisation, nulles aussi bien sur le plan littéraire qu'intellectuel. Le. loisir. imaginaire comtemporain qui vise à instaurer une société dejoie permanente se résout a une incitation collective à l'achat. La production symbolique autrefois ajustée à l'évolution des siècles est devenue frénétique, Le but est ici d'aboutir à une perte d'identité et des capacités réactives. Ainsi la société globale est une vaste techno utopie à propos de laquelle Armand Mattelart a dit « qu'elle se révèle une arme idéologique de premier plan dans les trafics d'influence, en vue de naturaliser la vision libre échangiste de l'ordre mondial, la théocratie libérale ».

 

Pour finir avec ce tableau, je dirais que la société globale est affectée d'un complexe Oedipe idéatique . Je m'explique, Pour reprendre un schéma Freudien dont je récuse. Toutefois.,le réductionnisme, la résolution du complexe d' Oedipe, s'effectue dans les conditions suivantes : le devenir fils requiert le deuil du « père idéalisé » (le tout puissant non « castré »), Cest àdire le consentement à la finitude du père, un tel consentement marque la reconnaissance de la différence et de la similitude entre le fils et le père. Dans notre société globale, faute de procédés d'idéalisation, le fils tue prématurément le père, de sorte que son deuil est en quelque sorte avorté. Il devient un individu néopatrimonial autocentré, qui résulte non d'une filiation naturelle voir paternelle mais d'une filiation patrimoniale, non pas héréditaire, mais toute artificielle, matérielle, autogénérée, une filiation bâtarde. En l'absence « d'une castration symbolique du fils », ce dernier ne peut articuler simultanément d'une part le manque d'oùj ili naît comme sujet, sa finitude, sa mortalité, et d'autre part son identification au père. La société globale est un auspice d'orphelins néo-patrinioniaux. Oedipo idéatique je disait. Idéatique, car selon la théorie du néocoriservateur, Arnold Gehien, la conscience suprême dans la vie sociale est la conscience idéative laquelle consiste en une activité créatrice qui s'exprime par la création et le fondement d'institutions, La société globale faute de vision de monde, engagée sur la voie d'un progrès sans fin s'emploie à démultiplier a l'infini les institutions pour pallier à son manque de conception et de sens historique. C'est la raison pour laquelle on aboutit à une hypertrophie institutionnelle de même qu'à une inflation législative et bureaucratique, dédale où le pauvre Oedipe se débat tel un foetus traumatisé.

 

Croyez vons en un possible éclatement de la société globale ?      

 

Même si je dois deçevoir les adeptes de l'apocalypse et les futurologues fantaisistes, les disciples du Kali Yuga, je ne suis pas en mesure de donner un réponse exacte à cette question et Préfère me cantonner à certaines leçons tirées de l'expérience Organiciste. Tout Etat, toute nation, toute culture comme tout corps social, sont en quelque sorte des Organismes. Le développement de tout organisme s'exprime Par la différenciation au sein de l'unité. Mais on doit admettre aussi la proposition contraire : à savoir que l'approche de, la décomposition se traduit par la confusion de ce qui fut distinct. Cette décomposition se traduit par un fléchissement de cette unité qui régnait sur l'innombrable variété des parties intégrantes. Ce morcellement qui marque l'affaiblessement de l'unité peut être la fin de tout. Le commencement de la fin. Le processus de  développement dans la vie organique suppose une gradation lente, la passage successif du plus simple au progressive , la plus complexe. , l'individualisation a la différenciation de tous les phénomènes analogues. L'unité dans la diversité, la complexité « florissante et polymorphe » est l'apogée du développement organique. A contraire la, société globale affiche sous le visage fallacieux dé ladifférence apparente , une complexité artificielle, mécaniciste et infernale, qui n'aboutit nullement à une différenciation par gradation mais bien à une uniformisation par nivellement, Toute société est vouée à des phases de naissance, de développement et de maturation puis de décomposition et de mort. La mort et la décomposition d'un organisme sont précédées des mêmses symptômes : simplification des parties intégrantes, diminution du nombre des signes, affaiblissement de l'unité et de la force, en même temps que confusion. Tout baisse graduellement, se dégrade et fusionne. C'est à ce momment là qu'entrent en scène la corruption et la mort. On aboutit alors au déclin de la forme qui n'est autre qu'une idée intérieure qui empêche la matière de se disjoindre.

 

Tous les sympthomes énoncés se retrouvent dans la société globale : uniformisation et simplification des parties intégrantes, absence de signes et règne des messages-information par écrans interposés, affaiblissement de l'unité et de la force par propagation du progressisme libéral et de l'égalitarisme niveleur, et confusion par démultiplication polyarchique des centres de décisons ; une telle société quiest en voie de décomposition pourrait bien imploser par entropie. Mais on ne peut préjudicier sur la fin d'une société:» l'agonie peut être lente, si lentequ'elle peut durer des années ou des siècles entiers, le temps durant lequel l'identité de peuples ainsi que des cultures entières peuvent disparditre.

 

Pouvez vous vous définir politiquement ?

 

Au lieu de typologies politico idéologiques, je crois plutôt à un certain déterminisme du tempérament, du caractère, l'oeuvre de l'intuition, une certaine tendance qui conditionnent dès notre plus jeune âge notre orientation politique. Comme Nikos Kazantzaki, je crois qu'il faut plutôt que de se soucier des hommes davantage aimer la flamme qui n'est pas humaine et qui les brûle. « Nous ne devons pas lutter pour l'humanité, niais pour cette flamme qui transforme en feu cette paille humide, l'inquiet, le ridicule que nous appelons humanité ». Oui il s'agit d'une tendance spCcifique, stylistique particulière, une résonnance insolite bref une intuition qui prend forme progressivement pour se traduire par une expression idéologique et politique. Non pas qu'il s'agit de ne pas se soumettre à un examen critique, mais plutôt accepter ce déterminisme et travailler pour que cette tendance aboutisse au plus haut degré de maturation, qui n'est rien d'autre qu'une conviction, une foi élégamment habillée. Une visée globale à la fois nuancée et déterminée, tranchée et rapace, agairie et détachée, visée incarnée par une certaine pensée vivante, un certain mode d'être, des formes d'actions qui résultent d'un vécu subjectif et qui poussent à agir, construire un devenir, ouvrant sur une voie chargée d'un sens historique, une destinée capable de recevoir un futur antérieur au de là des dichotomies tradition/modernité. Plus' qu'une mécanique particulière de 'structuration idéologique, il s'agit d'une tension qui oriente et enflamme l'action.

 

Je commencerais par une citation de L.F Céline : « la vieillesse rabâche et la jeunesse déconne ». Pour na part, arrivé à l'âge moyen et après avoir atteint un certain degré de maturité je l'espère, l'autoattribution d' étiquettes politiques ne me convient plus, elles me semblent risibles et incongrues à la fois. J'aurais peur de me répéter, de rabâcher et de décevoir les lecteurs. De nos jours se dire national révolutionnaire, nouvelle droite, nouvelle gauche, anarcho syndicaliste, de droite ou de gauche dans le cadre du système global qui détient des procédés d'autorégulation, de récupération et de neutralisation de groupes politiques les plus marginaux jugés subversifs, me semble tout à fait illusoire. D'autant plus que l'appartenance à une famille politique quelconque de doite ou de gauche me semble être un réflexe sécuritaire, que j'ai il y a longtemps dépassé, car j'ai fais l'expérience que l'on appartient nullement à un groupe social, politique, ni même pas à soi  même, si ce n'est à rien. Appartenir ou la douce complainte des adeptes du nostrisme. Je dois remarquer d'ailleurs que tous les disciples du cororminautarisme, du national, de la mouvance de droite ou de gauche sont profondément, contaminés par l'individualisme. On le voit dans leur impossibilité de fédérer les plus petites formations politiques et la fragmentation en plusieurs chapelles sectaires. J'inviterais donc tous les sbires du communautarisme à venir faire l'expérience sur le terrain, de vivre quelque temps dans les sociétés de type holiste dans les pays islamiques du moyen orient, en Asie en Inde, ou bien dans certaines régions de l'Europe centrale, plutôt que de cogiter et de se délécter cérébralement sur les bienfaits des sociétés communautaires, archaiques et appartenant à un passé mythique. Je vous assure que beaucoup d'entre eux désenchanteraient rapidement et reviendraient camper dans les cériacles hermétiques et confortables sur des positions incohérentes car mis à l'épreuve par le vécu subjectif Je préfère tout simplement garder ma dignité, en restant libre et debout, et prendre à chaque fois levirage d'un exil intérieur pour n'appartenir à rien, pour tout simplement demeurer et comprendre en toute liberté. C'est la raison pour laquelle je préfère développer une Pensée qui échappe aux carcans conformistes du globalisme ce qui n'est pas chose facile.

 

Parler de non conformisme à l'heure ou tous les avatars institutionnels, médiatiques ,politiques et sociaux du « political correct », font Office de sacerdoce religieux de pédagogues

sociaux et de censeurs à l'oeuvre dans toutes nos bonnes vielles démocraties Parlementaires, me parait être un exercice périeux engagé sur une pente raide de désaveu collectif. Faire

l'apologie élogieuse des Premiers non conformistes libertins du 18è' siècle, de Brantôme, Montluc, Bodin, Serres, de Verville, Vauquelin de la Fresnaye et dont le courant de

penser  constituait         ce        que      l'on       appelle aujourd'hui «artistocratisme      libertin » jusqu'aux        non conformistes contemporains anarcho-droitistes, Bernanos, Nimier, Céline et tant d'autres, se reclarner comme l'héritier de leur pensée, peut être éminemment honorable pour leur mémoire et rhétoriquernent satisfaisant, mais sans doute quelque peu prétentieux, lorsqu'un sait que seuls des êtres d'exception peuvent assumer un combat intégral et quasi

ontologique contre la société globale, et les plus faibles se fourvoieront très vite eux mêmes sur ce chemin dangereux. Etaler incongrûment les pâles constats de l'uniformisation et

du nivellement culturel dans nos sociétés dominées par l'anomie généralisée, dénoncer les mécanismes perfectionnés d'autorégulation et de récupération à l'oeuvre dans tous les

sytèmes bourgeois, nous conduit dans les méandres de réflexes conditionnés que nous contestons à priori pour aboutir a une réaction unique, contestataire dans l'âme, mais cependant stérile sur le plan pratique, et laquelle ne représente au fond que le pendant politique et philosophique opposé, „l'alter ego“renversé et répudié de la pensée dominante qui se nourrit allégrement de boucs émissaires affaiblis et manipulés. Dire et crier à tout bout de champ que le système nous. menti s'apparente aujourd'hui à une vérité de polichinelle. Les guerres de tranchée que se  livrent depuis des décennies certains individus libres face au mollock étatique, le monstre froid Nietzchéen, qui broit les individualités sur son passage, sont inéluctablement enlisés dans l'absence de stratégie globale, l'incohérence et l'inconsistance de certains laudateurs de l'ordre à tout prix, ou tout simplement dans le désarroi et la fatigue des protagonistes de « l'anticonformisme ». Bernanos l'avait bien compris : « les Êtres d'exception se forment à la lisière des pouvoirs forts ». Les tenants de l'ordre établi et leurs sbires goulurnent stipendiés ont bien compris la leçon : la démocratie parlementaire, le constitutionnalisme, les relais institutionnels et médiatiques de la société civile qui ne sont ce que Gramsci et Althusser appelèrent les « appareils de répression idéologique », sont bien plus efficaces dans la neutralisation de leurs ennemis que la bayonnette des militaires, car ils noient toute discussion supposée contestatrice dans le cadre d'une discussion globalisante par excellence, ou la confrontation des opinions finit par devenir une douce complainte consensuelle. La « clasa discutadora » de Donoso Cortes reste triomphante. Charles Péguy avait raison « ne rien dire c'est déjà capituler ». Il faut être agairi de cet irrespect chronique fait de manisfestations intermittentes et d'une lucidité à tout épreuve pour éviter les colibris de la récupération. Comprendre cela c'est déjà percevoir les crêtes escarpées d'une attitude authentiquement non conformiste.

 

 

Croyez vous encore en un non conformisme de gauche ou de droite ?

 

Les « non conformistes » de gauche, les quelques réscapés bolchos et rnaoistes, les anarcho libertaires, les émules de la nouvelle gauche de l'école de Francfort, que l'on retrouve dans les manifestations anti globalistes à Seattle et à Prague, restent depuis la dislocation de l'Union soviétique, marginalisés dans les dédales de la protohistoire relégués a un sectarisme épidermique, ou bien habilement transformés en courroie de transmission du système, porte parole et avantgarde de la mouvance globale de l'Euro social démocratie. Que dire d'un non conformisme à droite ? depuis 1789, la gauche prêche la fidélité aux idéaux de la Révolution fi ançaise. A l'inverse la droite se définit par le refus de ces idéaux. Elle n'est pas toujours réactionnaire mais elle originairement réactive. Se définir par le refus de quelque chose c'est accepter d'occuper une situation dérivée et rion matricielle, depuis deux siècles , la droite française occupe cette espace de négativité.

 

Que pensez vous de la possibilité de voir,se constituer un front idéologique contre révolutionnaire ?

 

L'histoire de la droite n'est que l'histoire d'une suite de division. La droite contre révolutionnaire est en voie de disparition et ne subsiste que dans un état embryonnaire qui se préoccupe plus de bons dieuseries que de pratique politique. Tout le monde à droite semble au moins rhétoriquement, rejeter l'héritage de 1789, sinon de 1793, même Le Pen , la droite monarchiste et intégriste reste empêtrée dans les inimités entre légitimistes et orléanistes, sans parler de la droite nostalgique bonapartiste et vichysoise.

 

Quels seraient alors les fils conducteurs et idéologiques d'une pensée authentiquement non conformiste ?

 

Etre non conformiste de nos jours ce serait refuser un certain ,ordre naturel des choses qui constitue le fondement de la pensée dominante, et autour duquel s'articule l'ordre publie qui lui même se confond avec la vérité officielle, et la politique qui reste cantonnée à la sauvegarde d'une prétendue morale publique. A l'inverse il s'agit de proclarrier la relativité générale des prduction humaines, des moeurs, des idéaux, des régles morales, des tendances esthétiques, comme autant de valeurs et de formes humaines  , Cela consiste à poursuivre et re3ter fidèle à une certaine conception tragique de l'homme et du monde, que les détracteurs épris d'empirisme béat refusent au nom de leur commodité intellectuelle.

 

Pouvez vous nous expliquer cette notion du tragique dansle monde ?

 

Le « tragisme » inhérent à notre non conformisme, consiste à accepter que l' univers est immense et infini alors quel 'homme est éphémère. Ainsi le vif sentiment tragique de, la vie present chez les esprits élevés s'inscrit dans lajouissance de r intensité de chaque mstant. Mais c'est aussi clarner la révolte permanente sans se résigner et être conseientque l'homme est appelé à historiciser son existence, et d'avoir la puissance de volonté nécessaire pour donner une forme dans un monde livré. au chaos. La forme, oui, voilà le mot clé, le concept central de nos préoccupations dans un monde deliquescent  voué à l'adoration du glossaire mécanique de l'argent. L'idéal  de forme, initié par les, doriens, qui s'est perpétue au cours des siècles, du moyen âge à l Age d'or chretien de la Renaissance , en passant par les arts florissants du 18ème siècle et présent dans une certaine mesure chez certains mouvements avantgardistes du 20ème siècle. Mais il convient de transcender cet idéal de forme comme simple attribut esthétique pour en faire un impératif catégorique existentiel et absolu ; « Autarciac », être sa propre loi, son propre principe disaient les anciens Romains, incarner une forme constitue chez l'homme un des attributs les plus nobles mais aussi des plus subversifs, face à une sociéte ou les idées, les principes se diluent dans un moule sulfureux et acide d'où sortent les pigmalions en série, les « remake » du dernier homme Nietzchéen, miniatures hominisés, écervelés, désensibilisés par une castration intellectuelle, produits fétiches de la société de consommation. Incarner une forme, c'est encore mûrir une disposition intérieure qui conjugue la nécessité, l'art de la nuance, le détachement et mépriser dignement sans hair, en étant conscient tout comme l'avait compris Drieu La Rochelle que « le venin de la faiblesse est dans la haine et l'accoutumance ».

 

Ainsi la forme devient un véritable antidote efficace contre le monde opaque de nos contemporains qui ricanent méchamment dans leurs niaiseries pusillanimes, sans avoir la force de regarder à la petite surface d'eux mêmes pour y entrevoir leur petitesse d'esprit et leur gouardise atavique. Une chose est sur, nos contemporains fiaissent tout ce qui est forme et pure beauté, lesquelles dans leur esprit ne sont que le fruit de la séléction naturelle. C'est pourquoi ils cultivent l'hypersubjectivisme, le relatif et la morbidité. Ils préfèrent l'informe, les laminations corporelles et spirituelles désarticulées par le jeu des compromissions, des alliances et des traîtrises, lot quotidien des existences sereines et communes. Nos contemporains vivent enfermes dans une caverne d'ombres qui ne sont pas malheureusement la projection des idées Platoniciennes, mais représentent les chimères fictives d'un monde Dantesque. C'est pourquoi l'égalitarisme tant vénéré par nos aieuls de la pévolution française, sur l'autel de la déesse Raison, constitue l'alibi favori des esprits médiocres, comme 116 l'évolutionnisme est la profession de foi des parvenus, afin de maintenir dans l'abrutissement, l'incapacité réactive des pans entiers de la population, quotidiennement gavé à la soupe médiatique, et dans le but d'écouler en toute quiétude leur camelote dans leur négoce usurier. Les affinités naturelles sur lesquelles de nos temps se bâtissent les prétendues amitiés, les amours, les réseaux de relations ne sont qu'une supercherie du monde monderne, dans laquelle se complaisent les invertébrés du système qui cultivent le nostrisme, la proximité, et l'identique par souci sécuritaire. Le non conformisme au contraire reconnait l'excellence des affinités éléctives qui sont soumises à notre libre examen et notre liberté de choix. Ce que redoutent les contemporains qui nous gouvernent, c'est, la luminosité d'un homme en forme, verticalité tendue, avec la prestance d'une proue, et qui comme les anciens perses se limitent à « bander l'arc et dire la vérité », seuls actes de foi qui dans leur dépouillement et leur sobriété propagent un souffle de liberté rédempteur.

 

Endosser une forme, c,est aussi revendiquer une vision plurielle du monde qui requiert un certain détachement à l'égard des biens matériels et du bonheur illusoire sur cette terre. C'est tout comme les gueux qui dans leurs hailloris rapiécés, portaient la croix et dédiaient leur dernier souffle dans le grodndement du « Quirie Eleison miscre nostre » ; alors la forme revêt la tunique de la passion, s'anime au coeur, de cette légion d'infortunés, sublimes cadavres en marche, morts vivants lancinants, aux bannières en berrie, de pure braise, psalmodiant les dernières paroles: « Pater, quia nesciunt, quid faciunt ». L'humilité prend corps. dans la supplication, la divine supplication, le « lamentu » du proscrit. L'humilité chavire dans l'écueil d'une pose statuaire dans le plasma marbré, son bustier rafistolé glapit aux accents d'une supplication qui émerge des sillons d'une glèbe ingrate qu'on lacère hardiement pour récolter que des racines décapitées. Cette supplication ne vocifère pas, ne quémande rien, comme elle n'éspère rien, car si c'était le cas elle serait vite renvoyée dans l'antichambre des bacchantes, qui désabusées attendent, gloussent et s'éteignent dans l'ivresse carnassière. Comme Charles Péguy l'a si bien écrit chez les modernes la supplication est une opération d'aplatissement mais infiniement plus profonde, plus vraie, tout autre, toute sage, toute résigéne est la supplication dans laquelle le supplié a une grande, une haute situation humaine. Alors la supplication constitue un vaste mouvement de retournement convulsif qui ne tolère aucun aucun atemoierrient évasif, aucune pose, aucune mise à l'épreuve devant la vindicte du révolté, de l'humble, du bâni ; car c'est avec verve, avec un courroux cinglant qu'il faut supplier méticuleusement sans signe de soumission, chasser les soubresauts élégiaques d'une pensée résignée et tout dire comme Céline le préconisait: »il faut tout dire, se taire, c'est trahir ». Cette supplication est un appel à l'affranchissement des intelligences et à la libération des âmes. Il s'agit d'une affaire d'honneur, car tous les menteurs et les laches baissent l'honneur qu'ils vilipendent et vitupèrent comme s'acharnant sur un vieillard affaibli , car l'honneur représente pour eux cette sonnerie stridente qui retentit dans leurs oreilles affaissées suspendues telles des fibules de pacotille. Car l'on ne peut conspuer l'honneur, comme on ne peut le décliner par une volte face, car il est entier et intégral comme l'amour  , il faut l'affronter, le regarder en face , mais pour cela il faut avoir du courage....

 

Une chose est sûre , Pescroquerie se perpétue remarquablement depuis 1789. Il n'en demeure pas moins pour employer des expressions à la mode que les droits de l'homme et l'égalitarisme, figures d'images virtuelles et synthétiques restent soumises à la triste réalité de Ferosion sociale, la paupérisation sociale acrrue et la criminalité rampante. Certes les acteurs d'hier ont troqué leur étoffe tricolore thermidorienne pour leur complet gris de l' Enarque docile, des dynasties bourgeoises qui nous gouvernent depuis des siècles dans l'irresponsabilité et la démission, restent les mêmes et la souveraineté nationale, la liberté et la dignité humaine sont bradées au nom des intérêts du capital financier dans une grande foire et en toute impunité  Avoir ce tableau la. roulette russe pourrait être lejeu favori de ceux qui ont chosis la voie du non conformisme. Mais les dés sont jetés, il faut affronter avec courage le Grand Inquisiteur Dostoïevskien qui dévore les libertés vulnérables et chancelantes de notre monde Orwellien , Le sentiment d'être un réprouve, mis au pied du mur, revient à accepter le bréviaire d'une conjuration permanente dans la joie et la sérénité , une joie qui comme le disait F. Nietzsche « veut l'éternité de tout ce qui est ».

 

Croyez vous au retour de l'idéologie et quelle serait son rôle dans notre société globale ?

 

Le discours dominant de la pensée globale qu'il soit de droite ou de gauche est celui de la priorité de la question sociale qui est à l'oeuvre dans tous les social démocraties au pouvoir, et qui tend volontairement à se substituer à la question nationale : il s'agit en fait du retour de la compétition pour le contrôle du champ intellectuel et religieux et du champ politique. En d'autres termes, i . e pense que ce qui est a l'ordre du jour est le fondement même du projet social et historique (de la rationalité ou de la transcendance) et ce que cela peut engager dans la gestion des systèmes des relations au sein du Soi et avec l'altérité : la question de l'enjeu d'une véritable idélogie à la fois nationale, et grande européenne est la réinscription du religieux dans la sphère politique qui sera en mesure de mettre un terme au « liberal age ». Sans me prononcer pour une quelconque forme de fétichisme de l'idélogie, à notre époque d'anomie généralisée, et de dépolitisation endémique, je pense~ qu'il convient de réhabiliter le rôle moteur d'une grande idélogie « oecuménique » qui devrait être un instrument de libération et de galvanisation des forces populaires inhibées, latentes de la société. Si j'insiste sur le rôle de l'idélogie dans la politique et de la société, c'est que l'homme politique est un animal idéologique. L'idéologie n'est pas qu'un leurre (le leurre fait partie de la réalité) , elle structure le comportement de l'homme d'autant plus que l'homme travaille contre ses intérets propres tout en les transposant sur la lutte contre les autres. Ce mécanisme étrange est une sorte de « pulsion aveugle ».

 

En ce sens  l'esprit de stratégie que développe volontiers l'homme politique est une manière de se préserver contre cette énergie irrationnelle. La stratégie introduit au jeu, elle introduit de l'ordre, lequel entraine au désordre et aux guerres de position. L'idéologie est dore, pour les partis, une référence de base afin d'affirmer leur identité, leur rôle dans la société, puisqu'elle permet au politicien de se reproduire en tant qu'animal idéologique. Dans le jeu de la contiguïté idéologique, plusieurs positions sont à conquérir: une concurrence déclarée ou suspendue, une alliance tantôt larvée ou ouverte , une complémentarité où chacun a sa place réelle , le regroupement par séries de différences ou par une simple juxtaposition , une fédération comme horizon ou comme projet fiable . Ce type d'idéologie secondée par une authentique éthique de droits et de devoirs tenderait à regrouper de façon oecuménique et à l'échelon national, les oppositions à l'intérieur de l'Etat et de l'administration, les oppositions veritablement alternatives a l'intérieur des Partis, les oppositions a l'oeuvre à tous les échelons associatif, les oppositions par l'abstention lors des élections, les oppositions radicales contre tout système électoral, les oppositions silencieuses difficiles a identifier qui sommeillent dans la communaute de base. Cette série d'oppostions latentes et explicites alimente chacune de nos sociétés. La fonction du politique serait d'identifier, d'intégrer et de polariser les positions de conflits, les potentialités « subversives et alternatives »et de les mettre en place dans.. une strucure révolutionnaire identifiable à un Etat de salut publie, Etat à la fois national remplissant une fonction « anagogique » et dont le moteur est une révolution permanente pour combattre le libéralisme intégral, véritable fléau du globalisme en oeuvre. Transnational et transétatique, ce phénomène a atteint une autonomie aux effets encore incalculables de l'économie par rapport au politique, dictant ses choix politiques aux Etasnations les plus fragiles, en fin ce qui reste des Etats nations ; Ajustez vos économies et soyez démocrates en imitant notre sacrosaint modèle : tel est le slogan en vogue. Pour les pays en voie de développement on utilise le chantage de la stratégie du « coupe feu » en vertu de laquelle on leur octroit de l'aide qu'à condition de libéraliser leur marché. Le libéralisme théocratique est le fer de lance du règne du marché sans frontières, concurrence intraitable qui pousse à la

modernisation soutenue de l'entreprise, à la mondialisation informatisée des flux et reflux monétaires, à un autre nouveau partage de la décision internationale du travail (matérielle ou virtuelle) . Pour contrecarrer le libéralisme qui détruit les fondements de la nation, les liens organiques et de solidarité de la société, dans sa logique irréversible, il est fondamental à chaque échelon national des nations européennes de rétablir la suprématie du politique sur l'économique et le fiancier.

 

Avant de penser géopolitiquement à une Union grande européenne, l'idéal serait de constituer à chaque échelon national, de vastes mouvements politiques auto centrés en équilibre avec leurs forces constructrices et destructrices, regroupés autour d'une communauté d'esprit et de valeurs salutaires, autour d'objectifs prioritaires dont le but principal est de rétablir la suprématie du politique pour l'ancrer dans tous les segments de la vie sociale, Cela présuppose une redéfinition et un recentrage radicale de la notion de Hierarchie et de PAutorité dans le sens d'un élitisme profond. Les leaders de tels mouvements seront amenés à être des manieurs d'hommes et d'idées selon la nouvelle loi de la hierarchie, du principe elitiste défini par Mosca, Pareto, Michels. Hierarchie établie en toute légitimité charismatique ou par d'autres moyens. A ce propos, le poète Ezra Pound écrivit « lorsque l'usure s'est installée dans toutes les couches de la société, le bistouri du chirurgien devient nécessaire.... ». Ou bien était il vraiment fou ou avait il fait preuve d'une extrême lucidité. J'opterais pour cette dernière explication.

 

Quelle est votre orientation philosophique ?

 

Tercerisme et differenciation !

 

Dans dans le monde des idées, comme dans la praxis existentielle, il est toujours plus facile d'exclure, de dissocier, de séparer des éléments, des notions , des concepts, des croyances contraires, apparement  antinomiques plutôt que de les relier, les réconcilier, y déceler les points de convergences tout en respectant leur sigularité et autonomie intrinsèque, et en évitant l'écueil d'un syncrétisme réducteur. D'ailleurs la signification originelle etymologique de toute vraie religion, le vocable « religare » signifie relier, réconcilier.L'“Ekumen“ non pas dans un sens strictement ecclesial et institutionnel, mais dans son sens étymologique, vient du verbe « oikos », habiter, vient de l'expression qui veut dire « la terre entière » donc le monde entier, connu à une époque donnée. Cet « Ekumen », cette « terre entière » renferment et expliquent la condition cosmique de l'homme son « autochtonie », son inaliénable appartenance à la terre, son être au monde, l'eau (Peau de la matrice maternelle, de l'oasis, ou de la pluie qui donne la vie, mais aussi l'eau du déluge ou de la mer qui dévaste ou noie), le feu ( le feu qui réchauffe et revigore, mais aussi qui brûle et détruit, le feu solaire créateur, ou le feu de l'enfer), la cendre ou la terre (la terre mère de notre naissance et subsistance, mais aussi la terre sépulcre de notre tombeau et de notre retour à la poussière) , le pain (le pain blanc de nos joies mais aussi le pain bis de nos larmes et de nos manques insatisfaits), la lumière (la lumière qui éclaire et rassure, mais aussi qui aveugle et dévoile au grand jour les trahisons). Ces éléments ou étants subsistarits qui sont les supports de l'autochtonie, de l'être au monde viennent métaphoriser l'existence de chacun. Bien en deçà de la conscience que nous en avons ou de l'intention que nous affichons, ils nous renvoient archaiquement l'écho de notre indissoluble mariage avec la terre, de notre condition existentielle originelle de l'être au monde. L'Ekumen, l'Oikos, représentent à mon sens notre habitus orginel, notre nomos spirituel pancréatique, où vient se consurrier, se rejoindre et se réconcilier tous les opposés, les impondérables antinomiques, la résolution de toutes les contradictions individuelles comme universelles. Il s'agit ici d'aboutir à un principe d'individuation dans le sens que lui a donné Nicolas de Cuses par le jeu de la résolution des conflits. Cet Ekumen est le lieu d'expression er de réalisation du schéma symbolique de l'altérité. En effet, la résolution et la conjonction des éléments antinomiques s'opèrent par le jeu « oecuménique » d'une différenciation, et d'un acte de néantisation. Non point le schéma métaphysique de la différence, conçue comme distance et éloignement, mais la différenciation par l'altérité. En effet, ce type de différenciation est intrinséquernent lié à une identité ou similitude des deux termes. Identité et différence sont exprimés comme « co appartenantes » et corpropriétaires l'une à l'autre, ainsi que l'a démontré Heidegger dans Identité et Différence. Non point donc comme deux réalités pleines qui seraient seulement en rapport dialectique inséparable  , un peu comme le recto verso d'une feuille de papier. mais comme deux réalités qui n'adviennent que barrée chacune par l'autre (de même que la présence et l'absence). La différenciation-altérité n'est jamais autant réalisée que dans la relation d'identité similitude, alors que l'altérité est le lieu symbolique d'où peut s'effectuer toute communication. Par ce que l'autre, le différent, le contradictoire, l'opposé est un sujet, et non un objet. C'est ici qu'intervient un deuxième concept central, la « taxis », qui nous renvoit à la notion grec d'un ordre trinaire, à l'idéal symphonique terceriste. Ce principe trinaire est aussi à l'origine de la corpropriété de l'homme concept qui articule dans'« l'archi symbole » du propre corps de chaque sujet, un triple rapport :au système culturel du groupe (corps social), à sa mémoire collective (corps traditionnel) et à l'univers (corps cosmique). Une telle articulation symbolique s'effectue de manière originale pour chacun, selon notamment l'histoire de son désir. Mais chacun n'est soi même que par ce qu'il est habité par ce triple corps. La « taxis » pésuppose que l'unicité et la totalité ne peuvent être réalisées par un procédé uniforme, par un nivellement unilatéral, mais intégre l'idée de la polymorphie respectueuse de la diversité. L'unicité ne peut être atteinte par la voie de la contrainte, mais uniquement par la voie de l'assimilation intériorisation et l'ouverture extériorisa tien. L'unicité de la taxis est à la fois mystère, communion et vocation. Comme dans l'unicité trinaire de la „taxis“, comme du reste est présent dans tout homme et être vivant, la matière et le spirituel, je suis convaincu en l'existence et l'action bénéfique d'une troisème force, sorte de réalité intermédiaire, modalité d'existence spécifique. Dans toute réalité intermédiaire, toute interface ou isthme, réside une forme d'entre deux, inséparable et insaisissable, un domaine de l'existence situé entre une: réalité déjà considérée comme existante et une autre envisagée comme non encore existante, c'est à dire non encore actualisée. Ainsi cette troisième forme, réalité intermédiaire reste une, identique à elle même, quel que soit le domaine où on l'envisage et la fonction qu'elle assure dans l'existence. Elle s'applique à des réalités les plus diverses qui la délimitent. Elle peut être considérée dans le processus d'actualisation des potentialités quasi divines, comme une relation toujours unique unissant les domaines où les mêmes réalités sont vues sous différentes perspectives.

 

A cet égard, l'idée d'illusion, non pas un phénomène qui réduit l'illusion à des représentations objectivables et subjectivisantes, joue un rôle primordial dans le processus de différenciation Dans le prolongement de la phénoménologie de Husserl, l'illusion est concue comme une action « édeitique » structurante de la conscience et qui aboutit à l'appréhension  d 'une surréalité. En ce sens il convient de déconstruire les fondements de la Raison pour lui restituer sa, fonction de turbulence et d'agressivité. Une raison expérimentale serait susceptible d'organiser surrationneleme le réel comme le rêve expérimental de Tristan Tzara organise surréalistiquement la liberté poétique. Nous sommes au coeur de l'idée de surrationalisme et de surerriffirisme forgé par Craston Bachelard et se, fondant sur les travaux de métagéométrie de Lobatchewsky et de Ouspensky. L'acte de langage est au centre de la notion de taxis, il est le lieu originel du rapport de l'altérité. Il correspond à la structure triadique de la personae » linguistique ( le « il », le « neutre je », le relationnel» ,le « différent »). C'est de cette faille insaturable d'altérité que nait la différenciation et la réciprocité permettant la communication. La troisième force, réalité terceriste dynamisante qui agit telle une monade, ne fait qu'actualiser cet acte de langage entre réalité distinctes et antinomiques j . usqu'à leur communion dialectique. Ainsi l'Ekumen, notre Oikos, habitus spirituel en perpétuel devenir est le lieu d'expression d'un langage synthétisant, oecuménique et unificateur qui mène vers l'ouverture sur le monde, lequel est indissociable de l'ouverture sur le temps, du temps profane qui ne touve sa consécration que dans je temps sacré transcendental, le temps existentiel de N. Berdiaeff, le monde de la totalité fragmentée de laquelle s'échappe et se dissocie les éléments distincts, parcellisés, individualisés, faute d'une différenciation par altérité correspond dans sa substance à une spirale ouverte regroupant globalement des éléments et unions secondaires induites dans l'erreur et l'illusion durant leur long voyage de permutation. Le jeu synthétisant de la taxis dont la force motrice est cette réalité trinaire intermédiaire, établit un rapport dialectique entre ces fragments du tout qui touvent ensemble et individuellement dans leur organisation organique et systémique, et dans le cadre du temps historique conçu comme espace symbolique, leur place mobile et multidimensionnelle dans l'interaction et la communion. Ainsi dans le cadre de l'Ekumen, se rencontre et se consument en se copénétrant dans un rapport dialectque d'altérité, le logos /concu comme langage, le penser/monde, le théos/dieu du monde, le Kosmos et la Physis/monde de la nature, Epoha/le monde historique, la Poesis et la Tehné/monde de la poésie et de l'art, et l'Anthropos/le monde de l'homme. L'ensemble de ces catégories particulières peut être contradictoire, se combattre, s'opposer, mais force est de constater que leur signification et interprétaion thématique, spéculative, théorique et technico scientifique ne font que résulter du monde et ne peuvent être réduites qu'à cela. L'ensemble de ces vocables, mots magiques, formules diverses s'explique par leur jeu mystérieux. Ce qui est pluriel et fondamental ne peut être traduit que dans l'unité d'une totalité quelconque. Car le véritable fondement ne résulte pas seulement de la synthèse de tous les avis et positions engagés dans un processus centrifuge, sans passer par une démarche centripète et centrale. De même qu'il existe un rapport dialectique entre la « tehné » et le rite/anthropos, de même il existe une intime communion, une copénétration entre le logos/langage et la « poesis ». le poème ne fait dailleurs que manifester ce qui « se joue » en tout language même le plus quotidiennement banal : la poésie proprement dite n'est jamais seulement qu'un mode plus haut de la fréquence plus subtile de la langue quotidienne, comme dans la « notion pure » Mallarméenne. La métaphore en tant que parole action, une parole qui construit qui fait  « poiein »le monde, n'est pas une sorte d'exorcisme, mais elle est ce qui porte le langage au plus proche de sa source vive. La poésie écrivait Bachelard, met le langage en état d'émergence. L'homme /Anthropos a une vocation poétique pour accomplir dans toute son essence la présence du monde , il est traversé par un dire qui le constitue et qui est le dire de l'être

 

La totalité et l'unicité représente cette ouverture vers le temps, passé, présent et avenir. L'homme est plongé dans un monde fracturé et fragmentarisé, lui même et les fragments sont

impliqués dans le jeu relationnel entre forces opposées. Cette situation qui peut être douloureuse pourtant l'interpelle sur le déplacement des horizons, de l'horizon du monde. Cette idée, cette notion d'Ekumen, n'est pas un monde figé, un mythe archaique, elle est une certaine expérience intérieure qui peut etre l'oeuvre de chaque homme, en effort tendu pour penser, intéger de façon synchronique, le logos, le théos, le kosmos, la physis, le bios, la psyché, la polis, la poesis et la tehné, pour dépasser leur dissociation et les réconcilier dans une direction d'ouverture ontologique multidimensionnelle et transhistorique, parfbis sans rechercher par crispation le sens et la vérité des choses et des êtres humains, qui au fond ne sont que des signes, L'Ekumen établit entre l'espace et le temps un rapport hérméneutique. En ce sens l'espace est conçu comme le lieu privilégié de rencontre et de communication entre le rituel et l'outil. Le rituel n'est pas compris ici dans un sens archaique et ne saurait être réduit à une forme de cristallisation du social dans un mode Durkheimien. Il s'agit ici d'un phénomène de « filialisation » qui essentialise à chaque instant. tout outil, tout élément appréhendé, manié concu comme un tout, qu'il soit ludique, utilitaire, ou a vocation prométhéenne transformable. Ici la dialectisation, la »communio » entre le tehné et l'action de l'anthropos proviennent et s'effectuent par le jeu d'un vieux fond de schèmes sub- rituel qui nous parlent sans cesse. Exemple la station verticale, le geste partageur droite/gauche ou avant/arrière, l'introspection ou la projection, l'action circulaire, l'ouverture ou la fermeture de la main, la souillure qui  vient tâcher la peau ou la purification qui vient l'effacer. Ce sont autant de schèmes sub-rituels appartenants à la symbolique primaire inscrite dans le topique du corps. Cette dialectisation rituelle entre l'anthropos et la tehné, l'outil et le rite aboutit à la « teleiosis » de l'homme, métaphorisée dans chaque action par le symbole du remplissage des mains qui désigne ainsi son accomplissement. De la sorte, il existe une imbrication du tehné et du rituel/anthropos, du matériel et du sacré. L'espace devient un espace polyphonique où s'opére une subtile articulation essentialiste entre le domaine matériel et spirituel. Le temps dans mon intime conviction est une vaste transhumance de l'esprit qui s'exile volontairement et intérieurement, et par voie de despatialisation conjointe, pour vaincre la peur, principale obstacle à la réalisation de toute forme d'Ekumen d'unité. Ainsi cette transhumance jalonnée par les réminiscences, les anmnèses et transits s'apparente à un voyage intérieur herméneutique où l'on rencontre autant de signes révélateurs, guides espistémologiques et esthétiques, et s'apparente donc à un voyage.,qui est un départ renouvelé et perpétuel vers le devenir qui mène à l'extérieur de soi même et nous fait osciller entre le réel et l'imaginaire , cette même transhumance, est un chemin tansitif, car penser, exister même, c'est par là même être toujours en chemin. Mais,un tel chemin n'est pas objectivisable comme une voie tracée devant nous. Il est inséparable de nous mêmes, C'est un « be wëgender . weg », un chemin cheminant, un chemin transitif; « c'est le chemin qui met tout en chemin; et ce chemin est parlant. Il est parlant en ce qu'il est ouvert à l'appel premierde l'être à l'égard duquel toute parole humaine est écoute et réponse. Il n' y a pas de récompenses ni de trésors à saisir au bout du chemin ». La seule forme de récompense n'est autre que le travail d'acheminement qui se fait en nousmêmes, travail d'enfantement de nous mêmes. Cet enfantement qui révèle la vraie nature de l'être qui sans mesure, calcul, sans explication ni justification est pure grâce

par don. Ici le véritable événement à penser et à méditer est l'appropriation du gratuit qui ne peut s'effectuer que dans une démarche de « désappropriation ». le mode humain de l'appropriation de l'être comme jeu et trace est la désappropriation.

 

Dans votre perspective qu'est ce que l'individu peut attendre de l'existence ?

 

Il s'agit ici pour chaque être de l'attente d'une venueprésence, une présence dont l'essence est la venue, l'avénement dans le temps chronologique de ce qui est donc essentiellemnt marqué du trait de l'absence « la trace matinale de la différence », qui telle une présence trace s'inscrit dans le temps transcendental et existentiel, qui n'est autre que l'éternel présent.

 

Comment qualifieriez vous votre sensibilité et votre style littéraire ?

 

Je pourrais me définir, même si je m'éfforce d'échapper à toute forme de catégorisation, ou plutôt je serais e . nelin à me réclamer d'un certaine forme d'existentialisme postsymbolique, un parnassien intuitionniste d'avant garde. En effet je pense que la vie intérieure, l'intuition sensible mis en forme est susceptible non seulement d'influer profondément sur toutes les formes de l'art mais aussi d'orienter tel un diapason l'existence entière. Dans mes écrits je me fais le chantre d'un certain imagisme émancipé de l'emprise de la réflexion affligeante; imagisme, faisceau d'images motrices qui véhiculent une imagination épurée, c'est à dire qu'elle est attirée ou possédée par l'image sans essayer de comprendre le sens de l'image. Il s'agit tout simplement de sentir, d'avoir l'intuition que l'image a une certaine signification, qu'elle est donc l'expression d'un état d'ame, cette expression n'est qu'une correspondance dont il est difficile ou impossible de donner une explication logique que d'ailleurs je ne recherche pas. Ainsi ma traduction ou la correspondance imaginative pourra être tour à tour d'apparence classique et d'apparence abstraite incohérente. Le style doit avoir une grande liberté, mais ponctué par un certain rythme. Les phrases peuvent se juxtaposer, s'entrechoquer, sans aucun souci de logique, mais elles doivent être ponctuées d'une rythmique intérieure de l'émotion qui les porte. Pour moi comme du reste je l'ai écrit dans mon ouvrage « Les bûchers de la Renaissance », l'art n'est peut être que la rythmique des formes absolues, et la forme absolue s'apparente à la beauté optimale  lontenue dans l'équation minimale, Le mouvement n'est plus qu'un mouvement musical échappant à un examen analytique. Ces formes absolues s'enroulent ou se diffusent ou bien jaillissent par brèves échappées et par ellipses. Il s'agit de phrases rytmiques et non logiques  Le symbolisme ne doit pas être pris a la lettre, il ne s'agit nullement de la transposition allégorique d'une image, d'un discours mais une suggestion comme une corde  vibre au son qu'elle même doit rendre. Henri de Régnier disait à ce propos « la poésie semble donc résigner son vieux pouvoir oratoire dont elle s'est servie si longtemps. Elle n'explique pas, elle suggère. » Encore une fois, je le répète la pratique du symbole n'est ni la comparaison ni la métaphore qui sont plus ou moins cherchés ou du moins acceptées par l'intelligence. Il s'agit parfois d'une intervalle , d'une faille, d'une image brisée,d'une arabesque qui jaillissent spontanement et dont on sent qu'elles ne traduisent pas mais qu'elles expriment qu'elles contiennent l'idée et l'émotion. Ici nous sommes dans le domaine du signe incantatoire, Paul Claudel disait: « le langage en nous prend une valeur moins d'expression que de signe, de surface et de l'esprit.“ Comme tous les philosophes qui influencèrent le mouvement symboliste, tels Hartmann et Shopenhauer ou chez les symbolistes décadents tel Jules Laforgue, je pense qu'à notre époque globale et virtuelle, le thème de l'illusion est d'une grande actualité, et comme je l'ai souligné auparavant l'illusion comme structure organisatrice d'une surréalité. A cet titre mes travaux littéraires et philosophiques s'inscrivent dans la lignée d'auteurs et de penseurs tels que Maurice Maeterlinck, Peter Jacobsen, Gontcharov, Lenormand, L. Pirandello, Ibsen, Henry Bataille, dont la réflexion était centrée sur le monde subsconscient et le sens de la réalité cachée, l'invisible derrière le visible. J'acceuille toutes les illusions dan , leur totalité et dans l'indifférenciation, toutes celles qui se présentent, celles qui' expriment des dégoûts comme celles qui égarent un instant dans le rêve, des visions de vie plate et grossières comme des rêveries exaltantes cosmogoniques, sans souci de codes, du goût, sans crainte du cru, du forcené, des dévergondages cosmologiques et du grottesque.

 

Tout comme grand européen que je suis, dans un sens métapolitque, je puis me dire existentialiste, car depuis Kierkegaard, Bergson, Max Scheler, Husserl, Heidegger,

 

Merleau Ponty, Louis Lavelle, les questions relatives au rapport essence existence, temps existence, la liberté, l'angoisse, l'intention action, subi ectivism e obj ectivisme restent des questions fondamentales et d'une extrême actualité. Existentialiste, j'ai toujours prôné pour la suprématie de la vie sur les structures abstraites et la réhabilitation de l'irrationalisme contemporain qui trouve ses ramifications philosophiques chez Schopenfauer, Nietzche, Adler, Jung, Schelling, Maurice Blondel, Wilhelm Dilthey, G . Simmel. En matière de morale, si mon option philosophique est d'essence terceriste, je réfute l'aliénation de la personne aux morales .classiques qui soumettent l'homme à un ordre préétabli par une « troisième personne ». Il convient en morale de rétablir la souveraineté de la « première personne », et il n'y a de moralité que dans la fidélité à soi même, dans t'obéissance aux exigences profondes de sa nature, comme le suggérait Georges Gusdorf.

 

Existentialiste, car depuis des décennies, depuis Wittgenstein, la philosophie contemporaine est soumise à une.contagion de la pensée analythique et pragmatique typiquement anglosaxone laquelle se livre à des divagations discurssives et spéculatives sur des thèmes stériles. En effet je. pense que la pensée antique, celle du moyen âge, de la Renaissance étaient hantées par la quête du sens et de la signification , l'essentiel de l'effort théorique et philosophique de ces périodes civilisationnelles, s'orientaient vers la morale, la religion, la mystique, les questions de l'être et de l'existant. La civilisation contemporaine et surtout en fin de siècle est une civilisation de l'information et de l'image. Toutefois je pense que la quête du sens ne sera jamais abandonnée, car elle est intimement liée à l'humanisme de l'homme à son essence même. Extentialiste, je suis car je pense que la portée et la thématique de l'ontologie et de l'épistémologie sont plus imprtants que la simple analytique discurssive à base syllogiste. La .. pensée . philosophique  européenne contemporaine se devrait de restituer et se consacrer comme depuis l'antiquité à la vraie question de toute grande philosophie qui est dans le sens donné à l'homme, à son devenir dans le monde, son rapport avec le temps et l'espace, avec le temps historique, l'infini, la mort, le pouvoir, la transcendance. A ce titre je pense que toute « tradition philosophique » se doit d'être revivifiée, irriguée par de nouveaux courants de penser, et je pense que l'apport de penseurs structuralistes tels que Lacan, Baudrillard, Derrida, Lyotard, Foucault en tant que Nietzchéens postmodemes est considérable dans la critique de la modernité et la déconstruction du langage dogmatique de la pensée unique, par le biais d'une démarche « rhizornique » et transversale. Mon existentialisme n'a que faire d'un réductionnisme rationaliste et logique, prétentieuse logique car elle n'a rien à faire dans le monde des idées, ni du reste dans la destinée du monde et de l'homme. Le plan de la réalité apparente n'est pas celui de la réalité transcendante. Cette dernière n'est pas faite de poussière de réalités pratiques pragmatiques. C'est un monde indépendant, organisé non pas par causes et effets, principes et conséquences, mais par analogies. Il s'agit d'un ordre d'affinités electives. L'une des plus grandes questions de l'homme est celui de son rapport et sa lutte avec l'infini et l'éternité. Et bien je terminerais pour clore cet entretien avec une citation de Mallarmé qui traduit très bien ce thème: .»un coup de dés jamais n'abolira le sort ».

 

Quels sont vos projets ?

 

Tout en continuant ma collaboration dans Synergies Européennes et avec au Fil de l'Epée, je viens d'inaugurer une série de brochures sous le sigle « Oikos » qui reprendra les thèses philosophiques et politiques que je viens de tracer sur des thèmes varies touchant aussi bien à la religion, la sociologie qu'à la politique. Les premières de ces brochures : »Benedetto Croce, la dialectique de la différence et l'esthétisation phalangiste de l'action », « Surrationalisme et suprématique de l'illusion », « le martyre de l'aigle bicéphale, petite chronique du Saint Empire », « L'expérience coloniale d'Alexandre le Grand », sont disponibles chez SynergiesBelgique et dans les points librairies habituels , Je rappelle que mon premier ouvrage « les Bûchers de la Renaissance » qui est un essai personnel sur le devenir de l'Europe à travers une actualisation des thèmes philosophiques et politiques de la Renaissance, ainsi que mon ouvrage philosophique « Anamnèses et transits » sont en vente sur commande toujours chez Synergies Européennes Belgique.

 

vendredi, 04 décembre 2009

Entretien avec Tomislav Sunic - Journal "zur Zeit" (Vienne)

sunic0000.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Entretien avec Tomislav Sunic

Journal zur Zeit (Vienne)

 

Tomislav Sunic est né en 1953 à Zagreb. Il est l'auteur de trois ouvrages importants: Against Democracy and Equality. The European New Right et Dissidence and Titoism (tous deux chez Peter Lang à Berne/Francfort) et Americka Ideologija (= L'idéologie américaine). A cause de sa dissidence politique, il a dû émigrer aux Etats-Unis en 1983, où il a étudié et obtenu son doctorat à la California State University à Sacramento et à l'University of California à Santa Barbara. Il a écrit pour plusieurs journaux aux Etats-Unis et enseigné à la California State University à Long Beach et au Juniata College en Pennsylvanie. Depuis 1993, il est revenu en Europe. Il écrit aujourd'hui pour Chronicles of American Culture et pour les journaux croates Hrvatsko Slovo et Matica. Robert Steuckers l'a interrogé pour l'hebdomadaire viennois zur Zeit.

 

Q.: Dr. Sunic, dans quel contexte familial avez-vous grandi? Quelles sont les influences idéologiques que vous a transmises votre père?

 

TS: Mon père était avocat, il défendait les dissidents politiques. Deux fois, il a été emprisonné pour non-conformité politique dans la Yougoslavie communiste. Il était hostile au communisme et fortement imprégné du catholicisme paysan croate. Amnesty International  l'a adopté comme exemple, parce qu'en 1985 il était le prisonnier politique le plus âgé du bloc communiste est-européen. La Frankfurter Allgemeine Zeitung et le journal Die Welt se sont engagés pour lui. Nous vivions dans des conditions très modestes, nous n'avions ni télévision ni voiture. Mon père pensait que seuls les livres transmettaient une culture réelle. Nous subissions sans cesse toutes sortes de tracasseries; mon père a rapidement perdu le droit d'exercer sa profession. Pendant la guerre, il n'avait nullement appartenu au parti oustachiste et se montrait plutôt critique à l'égard du système politique de Pavelic. Mon père a simplement servi dans les unités de défense territoriale (Domobran). Il a aujourd'hui 83 ans et a publié ses mémoires en 1996 sous le titre Moji “inkriminari” zapisi (= Mes papiers “incriminés”), ce qui a suscité beaucoup d'intérêts dans le nouvel Etat croate.

 

Q.: Comment décririez-vous votre propre voie philosophique et idéologique?

 

TS: Pour être bref, je commencerais par dire que je suis un “réactionnaire de gauche” ou un “conservateur socialiste”. Je n'appartiens à aucune secte, à aucun parti théologien et idéologue. J'étais anti-communiste comme mon père mais, quand j'étais jeune, ma révolte personnelle a pris l'aspect du hippisme. Je me suis rendu à Amsterdam puis en Inde, à Srinagar au Cashemir et dans la ville de Goa. L'alternative au communisme, pour moi, était, à l'époque, la communauté hippy. Je m'opposais à toutes les formes d'établissement, quelle qu'en ait été la forme idéologique. J'ai cependant bien vite compris que le hippisme était une triste farce. Pour m'exprimer sans détours: “Même en tirant des joints, les hippies ont réussi à reproduire une sorte de hiérarchie accompagnée de toutes les hypocrisies possibles”. Cela vaut également pour le féminisme et le mouvement gay. Ma seule consolation a été la lecture des grands classiques de la littérature mondiale. Eux seuls sont les antidotes aux conformismes. Enfant, je lisais Tintin en français, Karl May en allemand, de même que le poète Nikolas Lenau. Adolescent, j'ai continué à lire des livres allemands, français et anglais. C'est armé de cette culture livresque et de mon expérience hippy que j'ai découvert la musique rock, notamment Krafwerk et Frank Zappa, qui était tout à la fois anarchiste, pornographe et non-conformiste. Zappa a été très important pour moi, car il m'a appris la puissance de la langue réelle contre les hypocrisies des établis. Avec lui, j'ai appris à maîtriser le slang américain, que j'utilise très souvent dans mes écrits, afin de tourner en dérision l'établissement libéral de gauche, mais cette fois avec l'ironie et le sarcasme du conservateur.

 

Q.: Pouvez-vous nous dire quelques mots sur vos études?

 

TS: En Croatie, au temps de la domination communiste, j'ai étudié la littérature, les langues modernes et la littérature comparée. En 1977, j'avais achevé mes études. Sur les plans esthétiques et graphiques, je ne pouvais plus supporter le yougo-communisme, la langue de bois et l'économie népotiste des Balkans. Cela me faisait littéralement gerber. En 1980, j'ai saisi la première occasion venue pour sortir du pays en travaillant comme interprète dans une entreprise yougoslave en Algérie. En 1983, j'ai émigré aux Etats-Unis. Là-bas, je me suis aussitôt plongé dans la littérature non-conformiste. A cette époque, mes auteurs favoris étaient Kerouac et le Français Barbusse; j'ai aussi lu Sartre, non pas parce qu'il était homme de gauche, mais parce qu'il était un dénonciateur caustique, il démasquait les hypocrisies. Je n'oubliais pas Hermann Hesse qui me rappelait mon voyage en Inde.

 

Q.: Aux Etats-Unis, vous avez découvert le néo-conservatisme américain...

 

TS: Je dois d'abord vous préciser que le néo-conservatisme américain ne peut pas être mis sur pied d'égalité avec le néo-conservatisme européen. Ce sont des écoles de pensée différentes. Ensuite, la gauche, la droite, qu'est-ce que cela signifie encore aujourd'hui? Je préfère distinguer les gens entre conformistes et non-conformistes. Mais dans les milieux néo-conservateurs américains, l'homme qui m'a le plus impressionné est Thomas Molnar. C'était lui mon maître-à-penser, sans doute parce qu'il est Hongrois et appartient à l'espace culturel de l'ancienne monarchie austro-hongroise. A l'évidence, Molnar est un conservateur, mais il reste un homme capable de manier l'ironie avec beaucoup d'humour. C'est ainsi que Molnar va toujours à l'essentiel. Ensuite, le spécialiste américain de Hegel et de Schmitt, Paul Gottfried, a exercé sur moi une profonde influence. J'ai ensuite connu Paul Fleming, qui dirige le journal Chronicles of American Culture. Je fais partie de son équipe rédactionnelle depuis plus de dix ans. En dépit de mes excellents contacts avec les néo-conservateurs américains, je suis resté une âme rebelle; c'est pourquoi je me suis intensément proccupé de la nouvelle droite ou du néo-conservatisme en Europe, notamment de l'œuvre d'Armin Mohler avec sa vision du “réalisme héroïque”, des travaux de Caspar von Schrenck-Notzing et de son hostilité à la dictature de l'“opinion publique”, des écrits de Gerd-Klaus Kaltenbrunner avec sa fascination pour la beauté dans notre monde en ruines, pour de Benoist et la synthèse qu'il a offerte dans Vu de droite. J'ai lu les auteurs que recommandaient les nouvelles droites européennes. Mon livre sur la nouvelle droite est en fait le résultat de mon plongeon dans cet univers culturel. Cependant, le label “nouvelle droite” peut être trompeur: je préfère parler de ce mouvement culturel, du moins pour son volet français, de “grecisme”. Je partage là la vision de de Benoist quand il conçoit son propre mouvement comme une centrale de recherche dynamique visant le maintien de la vivacité de notre culture européenne. Inutile d'ajouter que j'ai apprécié Céline (avec son âpre argot parisien qui détruit préventivement toutes les certitudes établies), Benn et Cioran, avec leur style inimitable. Ils restent tous trois les auteurs favoris du rebelle, que je suis et resterai.

 

Q.: En 1993, vous êtes rentré en Croatie et en Europe. Comment jugez-vous la situation en Europe centrale et orientale?

 

TS: Le destin de la Croatie est étroitement lié à celui de l'Allemagne, quel que soit par ailleurs le régime politique qui règne dans ce pays. Comme le disait le fondateur suédois de la géopolitique, Rudolf Kjellén: “on ne peut échapper à sa détermination géopolitique”. D'autre part, Erich Voegelin nous a appris que l'on peut certes rejeter les religions politiques comme le fascisme ou le communisme, mais que l'on ne peut pas échapper au destin de sa patrie. Le destin allemand, celui d'être encerclé, est comparable au destin croate, même si la Croatie n'est qu'un petit pays de la Zwischeneuropa. Un facteur géographique lie les Allemands et les Croates: l'Adriatique. Le Reich et la Double-Monarchie austro-hongroise ont été des Etats stables tant qu'ils ont bénéficié d'une ouverture sur la Méditerranée par la côte adriatique. Les puissances occidentales ont toujours tenté de barrer la route de l'Adriatique aux puissances centre-européennes: Napoléon a verrouillé l'accès de l'Autriche à l'Adriatique en annexant directement la côte croate à la France. C'était les “départements illyriens”. Plus tard, les architectes du désordre de Versailles ont réussi à parfaire magistralement cette politique. L'Allemagne et l'Autriche ont perdu leur accès à la Méditerranée et la Croatie a perdu son hinterland centre-européen et sa souveraineté. C'est là la clef du drame croate au cours du XXième siècle.

 

Q.: La Croatie sera-t-elle en mesure de trancher le nœud gordien? Pourra-t-elle utiliser sa position entre la Mitteleuropa et la Méditerranée de façon optimale?

 

TS: Notre classe moyenne et notre intelligentsia ont été totalement liquidées par la répression titiste après 1945. D'un point de vue sociobiologique, ce fut la pire catastrophe pour le peuple croate. La circulation optimale et normale des élites n'a plus été possible. L'“homo sovieticus” et l'“homo balkanicus” ont dominé le devant de la scène, au détriment de l'“homo mitteleuropeus”.

 

Q.: Comment voyez-vous les relations futures entre l'Etat croate et ses voisins dans les Balkans?

 

TS: Tout mariage forcé échoue. Deux fois au cours de ce siècle, le mariage entre la Croatie et la Yougoslavie a échoué. Il vaudrait mieux vivre avec les Serbes, les Bosniaques, les Albanais et les Macédoniens en bons voisins qu'en mauvais époux qui ne cessent de se quereller. Tous les peuples de l'ancienne et de l'actuelle Yougoslavie devraient pouvoir disposer de leur Etat. L'expérience yougoslave est un exemple d'école qui montre clairement l'échec de toute multiculture imposée de force.

 

Q.: Que se passera-t-il après Tudjman?

 

TS: L'avantage principal de Tudjman a été de dénoncer totalement l'historiographie propagandiste du yougo-communisme. Pour une grande partie, il a contribué à guérir le peuple croate et surtout sa jeunesse des affres de la falsification de l'histoire.

 

Q.: Docteur Sunic, nous vous remercions de nous avoir accordé cet entretien.

(propos recueillis le 13 décembre 1997).

jeudi, 22 octobre 2009

R. Steuckers: entretien pour le journal Hrvatsko Slovo

Hotel_de_ville_Bruxelles_1.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Robert Steuckers :

Entretien pour le journal

Hrvatsko Slovo

 

Propos recueillis par Tomislav Sunic

 

1. Quelle est votre carte d'identité?

 

Je suis né en 1956 à Uccle près de Bruxelles. J'ai été à l'école de 1961 à 1974 et à l'Université et à l'école de traducteurs-inter­prètes de 1974 à 1980. Dans ma jeunesse, j'ai été fasciné par le roman historique an­glais, par la dimension épique de l'Ivanhoe  de Walter Scott, de la légende de Robin des Bois, par l'aventure de Quentin Durward, par les thématiques de la Table Ronde. Le cadre médiéval et la profondeur mythique ont très tôt constitué chez moi des réfé­rentiels importants, que j'ai complété avec notre propre héritage littéraire épique flamand, avec le Lion des Flandres  de Hendrik Conscience, et par les thèmes bretons, dé­couverts dans Le Loup Blanc de Paul Féval. Certes, j'ai lu à l'époque de nombreuses édi­tions vulgarisées, parfois imagées, de ces thématiques, mais elles n'ont cessé de me fasciner. Des films comme Excalibur ou Braveheart  prouvent que ce filon reste malgré tout bien ancré dans l'imaginaire eu­ropéen. En dépit des progrès techniques, du désen­chantement comme résultat de plusieurs décennies de rationalisme bureaucratique, les peuples ont un besoin vital de cette veine épique, il est donc néces­saire que la trame de ces lé­gendes ou que ces figures héroïsées de­meurent des réferentiels im­pas­sables. Sur le plan philosophique, avant l'université, dans l'adolescence de 12 à 18 ans qui reste la pé­riode où s'acquièrent les bases éthiques et philosophiques essen­tielles du futur adulte, j'ai abordé Nietzsche, mais surtout Spengler parce qu'il met l'histoire en perspective. Pour un adolescent, Spengler est difficile à digé­rer, c'est évident et on n'en retient qu'une caricature quand on est un trop jeune lecteur de cet Allemand à la culture immense, qui nous a légué une vision synoptique de l'histoire mondiale. Toute­fois, j'ai retenu de cette lec­ture, jusqu'à aujourd'hui, la vo­lonté de mettre l'histoire en perspec­tive, de ne jamais soustraire la pensée du drame planétaire qui se joue chaque jour et partout. Juste avant d'en­trer à l'université, pen­dant la dernière année de l'école secondaire, j'ai découvert Toynbee, A Study of History, sa classification des civilisations, son étude des ressorts de celles-ci, sa dynamique de “chal­len­ge-and-response”; ensuite, pour la Noël 1973, il y avait pour moi dans la hotte des ca­deaux Révolte con­tre le monde moderne  de Julius Evola et une anthologie de textes de Gottfried Benn, où celui-ci insistait sur la notion de “forme”. J'avais également lu mes premiers ouvrages d'Ernst Jünger. A l'école, j'avais lu no­tamment le Testament espagnol  de Koestler et La puissance et la gloire  de Graham Greene, éveillant en moi un intérêt durable pour la littérature carcérale et surtout, avec le prêtre alcoolique admi­rablement mis en scène par Greene, les notions de péché, de perfectibilité, etc. que transcende malgré tout l'homme tel qu'il est, imparfait mais sublime en dépit de cette imperfection. Dès la première année à l'Université, je découvre la veine faustienne à partir de Goethe, les deux chefs-d'œuvre d'Or­well (La ferme des animaux et 1984), Darkness at Noon de Koe­st­ler (autre merveille de la littérature car­cérale!). Im­mé­dia­te­ment dans la foulée, je me suis plongé dans son ouvrage philoso­phi­que The Ghost in the Machine, qui m'a fait dé­cou­vrir le com­bat philosophique, à mon avis central, contre le ré­ductionnisme qui a ruiné le continent eu­ro­péen et la pensée occi­dentale en ce siècle et dont nous tentons péniblement de sortir au­jourd'hui. Depuis ma sortie de l'université, j'ai évi­demment travaillé comme traducteur, mais j'ai aussi fondé mes revues Orien­tations (1982-1992), Vouloir (depuis 1983), et co-édité avec mes amis suisses et français, le bulletin Nou­velles de Synergies Européennes (depuis 1994). Entre 1990 et 1992, j'ai travaillé avec le Prof. Jean-Fran­çois Mattéi à l'Encyclopédie des Œuvres philosophiques des Presses Univ­er­si­tai­res de France. 

 

2. Dans les milieux politico-littéraires, on vous colle souvent l'étiquette de “droitier”. Etes-vous de droite ou de gauche. Qu'est-ce que cela signifie aujourd'hui?

 

Dans l'espace linguistique francophone, cela a été une véritable manie de coller à tout constestataire l'étiquette de “droite”, parce que la droite, depuis le libéralisme le plus modéré jusqu'à l'affirmation natio­naliste la plus intransigeante, en passant par toutes les variantes non progressistes du catholicisme, ont été re­jetées sans ménagement dans la géhenne des pensées interdites, considé­rées arbitrairement comme droitières voire comme crypto-fascistes ou carrément fascistes. Cette manie de juger toutes les pensées à l'aune d'un schéma binaire provient en droite ligne de la propagande communiste française, très puissante dans les médias et le monde des lettres à Paris, qui tentait d'assimiler tous les adversaires du PCF et de ses satellites au fas­cisme et à l'occupant allemand de 1940-44. Or, au-delà de cette polé­mique  —que je ne reprendrai pas parce que je suis né après la guerre—  je constate, comme doivent le constater tous les observa­teurs lucides, que les cultures dans le monde, que les filons cultu­rels au sein de chaque culture, sont l'expression d'une pluralité inépuisable, où tout se compose, se décompose et se recompose à l'infini. Dans ce grouillement fécond, il est impossible d'opérer un tri au départ d'un schéma simplement binaire! La démarche binaire est toujours mutilante. Ceci dit, je vois essentiellement trois pistes pour échapper au schéma binaire gauche/droite.

- La première vient de la définition que donnait le grand économiste français François Perroux du rôle de l'homme dans l'histoire de l'humanité et dans l'histoire de la communauté où il est né par le hasard des circonstances. L'homme selon Perroux est une personne qui joue un rôle pour le bénéfice de sa communauté et non pas un individu qui s'isole du reste du monde et ne donne rien ni aux siens ni aux autres. En jouant ce rôle, l'homme tente au mieux d'incarner les valeurs impassables de sa communauté nationale ou religieuse. Cette définition a été classé à droite, précisément parce qu'elle insistait sur le caractère impassable des grandes valeurs traditionnelles, mais bon nombre d'hommes de gauche, qu'ils soient chrétiens, musulmans, agnostiques ou athées, en recon­naîtront la pertinence.

- La deuxième piste, très actuelle, est celle que nous indique le communauta­risme américain, avec des auteurs comme Sandel, Taylor, McIntyre, Martha Nussbaum, Bellah, Barber,Walzer, etc. Au cours du XXième siècle, les grandes idéologies politiques dominantes ont tenté de mettre les valeurs entre paren­thè­ses, de procéder à une neutralisation des valeurs, au bénéfice d'une approche purement techno­cra­ti­que des hommes et des choses. Dans les années 50 et 60, l'idéologie dominante de l'Occident, aux Etats-Unis et en Europe de l'Ouest, a été ce technocratisme, partagé par le libéralisme, la sociale-dé­mo­cra­tie et un conservatisme qui se dégageait des valeurs traditionnelles du ca­tholicisme ou du pro­testantisme (en Allemagne: de l'éthique prussienne du service à l'Etat). Les ques­tions soulevées par les valeurs, dans l'optique d'une certaine philosophie empirique, néo-logique, étaient des questions vides de sens. Ce refus occidental des valeurs a généré un hyper-individualisme, une anomie générale qui se tra­duit par un incivisme global et une criminalité débridée en croissance continue. Le questionnement sou­le­vé aujourd'hui par l'école communautarienne américaine est une réponse à l'anomie occidentale (dont on n'est pas toujours fort conscient dans les pays européens qui ont connu le communisme) et cette ré­ponse transcende évidemment le clivage gauche/droite.

- La troisième piste est celle des populismes. Sous le titre significatif de Beyond Left and Right. Insur­gency and the Establishment,  une figure de proue de la gauche radicale américaine, David A. Horowitz, a publié récem­ment un ouvrage qui fait sensation aux Etats-Unis depuis quelques mois. Horowitz recence toutes les ré­voltes populaires américaines contre l'établissement au pouvoir à Washington, depuis 1880 à nos jours. Délibérément, Horowitz choisit à gauche comme à droite ses multiples exemples de révoltes du peuple contre ces oligarchies qui ne répondent plus aux nécessités cruelles qui frappent la population dans sa vie quotidienne. Horowitz brise un tabou tenace aux Etats-Unis, notamment en s'attaquant au caractère quelque peu coercitif des gauches, depuis le New Deal de Roosevelt jusqu'à nos jours. Une coercition subtile, bien camouflée derrière des paroles moralisantes... C'est à dessein que j'ai choisis ici des exemples américains, car les idéologèmes américains sont indépendants, finalement, des clivages eu­ro­péens nés de la seconde guerre mondiale. Même des propagandistes chevronnés ne pourront ac­cuser de “fascisme” des filons idéologiques nés en plein centre ou en marge des traditions “républi­caines” ou “démocrates”. Ce qui importe, c'est de défendre un continuum dans lequel on s'inscrit avec sa lignée.

 

3. Dans vos écrits sur la géopolitique, on perçoit une très nette influence des grands géopolitologues comme Kjellén, Mackinder, Haushofer et Jordis von Lohausen; vous semblez aussi vous intéresser aux travaux du Croate Radovan Pavic. De votre point de vue d'Européen du Nord-Ouest, comment percevez-vous la Mitteleuropa, plus particulièrement la Croatie?

 

C'est certain, j'ai été fasciné par les travaux des classiques de la géopolitique. J'ai rédigé des notes sur les géopolitologues dans l'Encyclopédie des Œuvres philosophiques, éditée par le Prof. Jean-François Mattéi (Paris, 1992). Le dernier numéro de ma revue Vouloir   (n°9/1997) est consacré à ces pionniers de la pensée géopolitique. En ce qui concerne votre compatriote Pavic, c'est, avec le Français Michel Fou­cher (Lyon), le meilleur dessinateur de cartes expressives, parlantes, suggestives en Europe au­jourd'hui. L'art de la géopolitique, c'est avant tout l'art de savoir dessiner des cartes qui résument à elles seules, en un seul coup d'oeil, toute une problématique historique et géographique complexe. Pavic et Klemencic (avec son atlas de l'Europe, paru cette année à Zagreb) perpétuent une méthode, lancée par la géopo­litique allemande au début de ce siècle, mais dont les racines remontent à ce pionnier de la géogra­phie et de la cartographie que fut Carl Ritter (1779-1859). Quant à ma vision de la Mitteleuropa, elle est quelque peu différente de celle qu'avait envisagée Friedrich Naumann en 1916. Au beau milieu de la pre­mière guer­re mondiale, Naumann percevait sa Mitteleuropa comme l'alliance du Reich allemand avec l'Autriche-Hon­grie, flanquée éventuellement d'une nouvelle confédération balkanique faisant fonction d'Ergänzungs­raum pour la machine industrielle allemande, autrichienne et tchèque. Cette alliance articu­lée en trois vo­lets aurait eu son prolonge­ment semi-colonial dans l'empire ottoman, jusqu'aux côtes de la Mer Rouge, du Golfe Persique et de l'Océan Indien. Aujourd'hui, un élément nouveau s'est ajouté et son importance est ca­pitale: le Rhin et le Main sont désormais reliés au Danube par un canal à gros gabarit, assurant un tran­sit direct entre la Mer du Nord et l'espace pontique (Fleuves ukrainiens, Crimée, Mer Noire, Cau­case, Ana­to­lie, Caspienne). Cette liaison est un événment extra­ordinaire, une nouvelle donne importante dans l'Eu­ro­pe en voie de formation. La vision du géopolitologue Artur Dix, malheu­reu­sement tombé dans l'oubli au­jourd'hui, peut se réaliser. Dix, dans son ouvrage principal (Politische Geographie. Weltpolitisches Hand­buch, 1923), a publié une carte montrant quelles dynami­ques seraient possibles dès le creusement défi­nitif du canal Main/Danube, un projet qu'avait déjà envisagé Charlemagne, il y a plus de mille ans! Aujour­d'hui le Rhin est lié à la Meuse et pourrait être lié au Rhône (si les gauches françaises et les nationalistes é­triqués de ce pays ne faisaient pas le jeu des adversaires extra-européens de l'unité de l'Europe et du rayonnement de sa cul­tu­re). Les trafics sur route sont saturés en Europe et le transport de marchandises par camions s'avèrent trop cher. L'avenir appar­tient aux péniches, aux barges et aux gros-pousseurs fluviaux. Ainsi qu'aux oléoducs transcaucasiens. Fin décembre 1997, l'ar­mée belge en poste en Slavonie orientale a plié bagages et a ache­miné tout son charroi et ses blindés par pousseurs jusqu'à Liège, prou­vant de la sorte l'importance militaire et stratégique du sy­stème fluvial intérieur de la Mitteleuropa. La mise en valeur de ce réseau diminue ipso facto l'importance de la Méditerranée, contrô­lée par les flottes amé­ri­cai­ne et britannique, appuyées par leur allié turc. Les Etats d'Europe centrale peuvent contrôler aisé­ment, par leurs propres forces terrestres la principale voie de passage à travers le con­ti­nent. La liaison Rot­terdam/Constantza devient l'épine dorsale de l'Europe.  Quant à la Croatie, elle est une pièce impor­tante dans cette dynamique, puisqu'elle est à la fois riveraine du Danube en Slavonie et de l'Adriatique, partie de la Méditerranée qui s'enfon­ce le plus profondément à l'intérieur du continent européen et qui revêt dès lors une importance stratégique considérable. Au cours de l'histoire, quand la Croatie apparte­nait à la double mo­narchie austro-hongroise et était liée au Saint-Empire, dont le territoire belge d'aujour­d'hui faisait partie intégrante,  elle offrait à cet ensemble complexe mais mal unifié une façade méditerra­néen­ne, que l'empire ottoman et la France ont toujours voulu confis­quer à l'Autriche, l'Allemagne et la Hon­grie pour les as­phy­xier, les en­claver, leur couper la route du large. Rappelons tout de même que la misère de l'Europe, que la ruine de la civilisation européen­ne en ce siècle, vient essen­tiellement de l'al­lian­ce perverse et pluriséculaire de la France monarchique et de la Turquie ot­tomane, où la France reniait la civilisation européenne, mobilisait ses forces pour la détruire. La Mitteleuropa a été prise en tenaille et ra­vagée par cette alliance: en 1526, le Roi de France François Ier marche sur Milan qu'il veut arracher au Saint-Empire; il est battu à Pavie et pris prisonnier. Ses alliés ot­tomans profitent de sa trahison et de sa di­version et s'emparent de votre pays pen­dant longtemps en le ra­vageant totalement. Au XVIIième siècle, la collusion franco-ottomane fonctionne à nouveau, le Saint-Em­pire est attaqué à l'Ouest, le Palatinat est ra­vagé, la Franche-Comté est annexée par la France, la Lorraine impériale est en­va­hie, l'Alsace est elle aus­si définitivement arrachée à l'Empire: cette guerre inique a été menée pour soulager les Turcs pen­dant la grande guerre de 1684 à 1699, où la Sainte-Alliance des puissances européennes (Autriche-Hongrie, Po­logne, Russie) con­jugue ses efforts pour libérer les Balkans. En 1695, Louis XIV ra­vage les Pays-Bas et incendie Bruxelles en inaugurant le bom­bardement de pure terreur, tandis que les Ottomans reprennent pied en Serbie et en Roumanie. En 1699, le Prince Eugène, adver­sai­re tenace de Louis XIV et brillant serviteur de l'Empire, impose aux Turcs le Traité de Carlowitz: la Sublime Porte doit céder 400.000 km2 de territoires à la Sainte-Alliance, mais au prix de tous les glacis de l'Ouest (Lorraine, Alsace, Franche-Comté, Bresse). La Répu­bli­que sera tout aussi rénégate à l'égard de l'Europe que la monar­chie française, tout en introduisant le fanatisme idéologique dans les guerres entre Etats, ruinant ainsi les principes civilisateurs du jus publicum europæum:  en 1791, alors qu'Autrichiens, Hon­grois et Russes s'apprêtaient à lancer une offensive définitive dans les Balkans, la France, fidèle à son anti-européisme foncier, oblige les troupes impériales à se porter à l'Ouest car elle lance les hordes révolu­tion­naires, récrutées dans les bas-fonds de Paris, contre les Pays-Bas et la Lorraine. Le premier souci de Napoléon a été de fabriquer des “départements illyriens” pour couper la côte dalmate de son “hinterland mittel­europäisch” et pour pri­ver ce dernier de toute façade méditerra­néenne. L'indépendance de la Croatie met un terme à cette logi­que de l'asphyxie, redonne à la Mitteleuropa une façade adriati­que/méditerranéenne.

 

4. A votre avis, quelles seront les forces géopolitiques qui auront un impact sur le destin croate dans l'avenir?

 

Le destin croate est lié au processus d'unification européenne et à la rentabilisation du nouvel axe central de l'Europe, la liaison par fleuves et canaux entre la Mer du Nord et la Mer Noire. Mais il reste à savoir si la “diagonale verte”, le verrou d'Etats plus ou moins liés à la Turquie et s'étendant de l'Albanie à la Macédoine, prendra for­me ou non, ou si une zone de turbulences durables y empêchera l'émergence de dynamiques fécondes. Ensuite, l'af­frontement croato-serbe en Slavonie pour la maîtrise d'une fe­nê­tre sur le Da­nube pose une question de principe à Belgrade: la Serbie se sou­vient-elle du temps de la Sainte-Alliance où Austro-Hongrois ca­tholiques et Russes orthodoxes joignaient frater­nel­lement leurs efforts pour libérer les Balkans? Se faire l'allié in­conditionnel de la France, comme en 1914, n'est-ce pas jouer le rôle dévolu par la monarchie et la république françaises à l'Em­pire ottoman de 1526 à 1792? Ce rôle d'ersatz  de l'empire otto­man moribond est-il compatible avec le rôle qu'entendent se don­ner certains na­tionalistes serbes: celui de bou­clier européen con­tre tout nouveau déferlement turc? La nou­velle Serbie déyougo­slavisée a intérêt à participer à la dyna­mi­que danubien­ne et à trouver une liaison fluviale avec la Russie. Toute autre politique serait de l'aberration. Et serait contraire au principe de la Sainte-Alliance de 1684-1699, qu'il s'agit de restaurer après la chute du Rideau de fer et des régimes communistes. Par ail­leurs, l'intérêt de la France (ou du moins de la population française) serait de joindre à la dynamique Rhin/Danube le complexe fluvial Saô­ne/Rhône débouchant sur le bassin occidental de la Méditerra­née, zone hautement stratégique pour l'ensemble européen, dont Mackinder, dans son livre Democratic Ideals and Reality  (1919), avait bien montré l'importance, de César aux Vandales et aux Byzantins, et de ceux-ci aux Sarrazins et à Nelson.

 

5. En vue de la proximité balkanique, quelles seront les synergies convergentes?

 

Favoriser le transit inter-continental Rotterdam/Mer Noire et faire de la région pontique le tremplin vers les matières premières caucasiennes, caspiennes et centre-asiatiques, est une nécessité économique vitale pour tous les riverains de ce grand axe fluvial et de cette mer intérieure. D'office, dans un tel contexte, une symphonie adviendra inéluctablement, si les peu­ples ont la force de se dégager des influences étrangères qui veu­lent freiner ce processus. Les adversaires d'un consensus harmo­nieux en Europe, de tout retour au jus publicum euro­pæum  (dont l'OSCE est un embryon), placent leurs espoirs dans la ligne de fracture qui sépare l'Europe catholique et protestante d'une part, de l'Europe orthodoxe-byzantine d'autre part. Ils spéculent sur la classification récente des civilisations du globe par l'Amé­ricain Samuel Huntington, où la sphère occidentale euro-amé­ricaine (“The West”) serait séparée de la sphère orthodoxe par un fossé trop profond, à hauteur de Belgrade ou de Vukovar, soit exactement au milieu de la ligne Rotterdam/Constantza. Cette césure rendrait inopérante la nouvelle dynamique potentielle, couperait l'Europe industrielle des pétroles et des gaz caucasiens et l'Europe orientale, plus rurale, des produits in­dustriels alle­mands. De même, la coupure sur le Danube à Belgrade a son é­quivalent au Nord du Caucase, avec la coupure tchétchène sur le parcours de l'oléoduc transcaucasien, qui aboutit à Novorossisk en Russie, sur les rives de la Mer Noire. La guerre tchétchène profite aux oléoducs turcs qui aboutissent en Méditerranée orientale contrôlée par les Etats-Unis, tout comme le blocage du transit danubien profite aux armateurs qui assurent le transport transméditerranéen et non pas aux peuples européens qui ont intérêt à raccourcir les voies de communication et à les contrôler directement. La raison d'être du nouvel Etat croate, aux yeux des Européens du Nord-Ouest et des Allemands, du moins s'ils sont conscients du des­tin du continent, se lit spontanément sur la carte: la configuration géographique de la Croatie, en forme de fer à cheval, donne à l'Ouest et au Centre de l'Europe une fenêtre adriatique et une fenêtre danubienne. La fenêtre adriatique don­ne un accès direct à la Méditerranée orientale (comme jadis la République de Venise), à condition que l'Adriatique ne soit pas blo­quée à hauteur de l'Albanie et de l'Epire par une éven­tuelle barrière d'Etats satellites de la Turquie, qui verrouilleraient le cas échéant le Détroit d'Otrante ou y géneraient le transit. La fenêtre danubienne donne accès à la Mer Noire et au Caucase, à condi­tion qu'elle ne soit pas bloquée par une entité serbe ou néo-you­go­slave qui jouerait le même rôle de verrou que l'Empire ottoman jadis et oublierait la Sainte-Alliance de 1684 à 1699, prélude d'une symphonie efficace des forces en présence dans les Balkans et en Mer Noire. L'Europe comme puissance ne peut naître que d'une telle symphonie où le nouvel Etat croate à un rôle-clé à jouer, no­tamment en reprenant partiellement à son compte les anciennes dynamiques déployées par la République de Venise, dont Ragu­se/Dubrovnik était un superbe fleuron.

 

6. Vous semblez être assez critique à l'égard de l'Etat pluri-ethnique belge? Quel se­ra son rôle?

 

L'Etat et le peuple belges sont des victimes de la logique partito­cra­tique. Les peuples de l'Ostmitteleu­ropa  savent ce qu'est une logi­que partisane absolue, parce qu'ils ont vécu le communisme. A l'Ouest la logique partisane existe également: certes, dans la sphè­re privée, on peut dire ou proclamer ce que l'on veut, mais dans un Etat comme la Belgique, où les postes sont répartis entre trois formations politiques au pro rata des voix obtenues, on est obligé de s'aligner sur la politique et sur l'idéologie étri­quée de l'un de ces trois partis (démocrates-chrétiens, socialistes, libéraux), sinon on est marginalisé ou exclu: la libre parole dérange, la volonté d'aller de l'avant est considérée comme “impie”. On m'objectera que la démocratie de modèle occidental permet l'alternance politique par le jeu des élections: or cette possibilité d'alter­nan­ce a été éli­minée en Belgique par le prolongement et la succession ad infini­tum de “grandes coalitions” entre démocrates-chrétiens et socia­listes. A l'exception de quelques années dans les “Eigh­ties”, où les libéraux ont participé aux affaires. Ce type de “grandes coali­tions” ne porte au pou­voir que l'aile gauche de la démocratie-chré­tienne, dont l'arme principale est une démagogie dangereuse sur le long terme et dont la caractéristique majeure est l'absence de principes politiques. Cette absence de prin­ci­pes conduit à des bricolages politiques abracadabrants que les Belges appellent ironiquement de la “plom­berie”. L'aile plus conservatrice de cette démocratie-chrétienne a été progressivement marginali­sée en Flandre, pour faire place à des politiciens prêts à toutes les combines pour gouverner avec les socia­listes. Or, les socialistes sont relativement minoritaires en Flandre mais majoritaires en Wallonie. Dans cet­te partie du pays, qui est francophone, ils ont mis le patrimoine régional en coupe réglée et ils y rè­gnent com­me la mafia en Sicile, avec des méthodes et des pratiques qui rap­pellent les grands réseaux ita­liens de criminalité. Les scandales qui n'ont cessé d'émailler la chronique quotidienne en Belgique vien­nent essentiellement de ce parti socialiste wallon. La Belgique fonctionne donc avec l'alliance de so­cia­listes wallons majoritaires dans leur région, de socialistes flamands minoritaires dans leur région, de dé­mo­crates-chrétiens wallons minoritaires et de dé­mo­crates-chrétiens flamands majoritaires, mais dont la ma­jorité est aujourd'hui contestée par les libéraux néo-thatché­riens et les ultra-nationalistes. Une très for­te minorité flamande conserva­tri­ce (mais divisée en plusieurs pôles antagonistes) est hors jeu, de mê­me que les classes moyennes et les entrepreneurs dynamiques en Wallonie, qui font face à un socia­lisme ar­chaïque, vindicatif, corrompu et inefficace. La solution réside dans une fédéralisation toujours plus pous­sée, de façon à ce que les Flamands plus conservateurs n'aient pas à subir le mafia-socialisme wal­lon et les Wallons socialistes n'aient pas à abandonner leurs acquis sociaux sous la pression de néo-tha­tché­riens flamands. Mais la pire tare de la Belgique actuelle reste la nomination politique des magis­trats, éga­lement au pro rata des voix obtenues par les partis. Cette pratique scandaleuse élimine l'indé­pen­dan­ce de la magistrature et ruine le principe de la séparation des pouvoirs, dont l'Occident est pour­tant si fier. Ce principe est lettre morte en Belgique et la cassure entre la population et les institutions judi­ciai­res est dé­sormais préoccupant et gros de complications. L'a­venir de la Belgique s'avère précaire dans de telles con­ditions, d'autant plus que la France essaie d'avancer ses pions partout dans l'économie du pays, de le co­loniser financièrement, avec l'ac­cord tacite de Kohl  —il faut bien le dire—  qui achète de la sorte l'ac­cep­tation par la France de la réunification allemande. Le pays implosera si son personnel poli­tique con­ti­nue à ne pas avoir de vision géopolitique cohérente, s'il ne reprend pas cons­cience de son destin et de sa mis­sion mitteleuropäisch,  qui le con­duiront de surcroît à retrouver les intérêts considé­rables qu'il avait dans la Mer Noire avant 1914, surtout les entreprises wallonnes! Non seulement l'Etat belge implosera s'il ne retrouve pas une vision géopolitique cohérente, mais chacune de ses compo­san­tes imploseront à leur tour, entraînant une catastrophe sans précédent pour la population et créant un vi­de au Nord-Ouest de l'Eu­rope, dans une région hautement stratégique: le delta du Rhin, de la Meuse et de l'Es­caut, avec tous les canaux qui les relient (Canal Albert, Canal Juliana, Canal Wilhelmina, Willems­vaart, etc.).

 

7. Le peuple flamand en Belgique a joué un rôle non négligeable lors de la guerre en ex-Yougoslavie, en apportant son aide au peuple croate. Qu'est-ce qui les unit?

 

Les nationalistes flamands s'identifient toujours aux peuples qui veulent s'affranchir ou se détacher de structures étatiques jugées oppressantes ou obsolètes. En Flandre, il existe un véritable engouement pour les Basques, les Bretons et les Corses: c'est dû partiellement à un ressentiment atavique à l'égard de la France et de l'Espagne. La Croatie a bénéficié elle aussi de ce sentiment de solidarité pour les peuples concrets contre les Etats abstraits. Pour la Croatie, il y a encore d'autres motifs de sympathie: il y a au fond de la culture flamande des éléments baroques comme en Autriche et en Bavière, mais mar­qués d'une truculence et d'une jovialité que l'on retrouve surtout dans la peinture de Rubens et de Jor­daens. Ensuite, il y a évidemment le catholicisme, partagé par les Flamands et les Croates, et un Kultur­na­tionalismus  hé­rité de Herder qui est commun aux revendications nationalistes de nos deux peuples. Mais ce Kulturnationalismus  n'est pas pur repli sur soi: il est toujours accompagné du sentiment d'ap­partenir à une entité plus grande que l'Etat contesté  —l'Etat belge ici, l'Etat yougoslave chez vous—  et cette en­tité est l'Europe comme espace de civilisation ou la Mitteleuropa comme communauté de destin histo­rique. Certes, dans la partie flamande de la Belgique, le souvenir de l'Autriche habsbourgeoise est plus ancien, plus diffus et plus estompé. Mais il n'a pas laissé de mauvais souvenirs et l'Impératrice Ma­rie-Thérèse, par exemple, demeure une personnalité historique respectée.

vendredi, 18 septembre 2009

Gespräch mit Dr. Tomislav Sunic

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Archiv von "SYNERGIES EUROPEENNES" - 1998

Gespräch mit Dr. Tomislav Sunic

Tomislav Sunic, 1953 in Zagreb/Agram geboren, ist Autor von drei wichtigen Büchern Against Democracy and Equality. The European New Right, Dissidence and Titoism  (beide bei Peter Lang, Bern/Frankfurt a. M.) und Americka Ideologija  (= Die amerikanische Ideologie). Wegen politischer Dissidenz muß­te er 1983 in die Vereinigten Staaten emigrieren, wo er in der Ca­lifor­nia State Uni­versity von Sacramento und in der University of Ca­lifornia in Santa Barbara studierte und promo­vierte. Er hat in den VSA für verschiedenen Zeitschriften ges­chrieben und hat in der California State University in Long Beach und in den Ju­nia­ta College in Pennsylvanien doziert. Seit 1993 ist er zurück in Eu­ropa. Heute schreibt er für Chronicles of American Culture und für Eléments  (Frankreich).

 

Dr. Sunic, in welchem Familienkontext sind Sie aufgewachsen? Welche ideologische Einflüße hat ihr Vater auf Ihnen gehabt?

 

Mein Vater war Anwalt, hat politische Dissidenten verteidigt, wurde zweimal wegen politischer Nonkonformität im kommu­nistischen Jugoslawien eingesperrt. Er war antikommunistisch und stark vom kroatischen Bauernkatholizismus geprägt. Amnisty International hat ihn als Mustergefangenen adoptiert, weil er 1985 der älteste politische Gefangene im kommunisti­schen Osteuropa war. Die FAZ  und Die Welt  haben sich auch für ihn engagiert. Wir lebten in sehr bescheidene Umstände, wir hatten weder Fernsehen noch Pkw. Mein Vater war der Mei­nung, nur Bü­cher machen eine richtige Bildung. Wir wur­den ständig schika­niert und mein Vater verlor bald das Recht, seinen Beruf auszu­üben. Er war während des Krieges nicht Mitglied der Ustascha, stand eher kritisch dem kroatischen Staats­wesen von Pavelic gegenüber. Mein Vater war Domobran, d. h. in der Einwohner­wehr. Heute ist er 83 und hat 1996 seine Memoiren unter den Titel “Moji "inkriminari” zapisi” (= Meine “inkrimi­nier­ten” Pa­piere) publiziert, wobei er im neuen kroati­schen Staat viel Aufmerksamkeit geregt hat.

 

Aber wie würden Sie ihre eigenen philosophisch-ideologischen Weg beschreiben?

 

Um es kurz zu fassen, bin ich ein “reaktionärer Linke” oder ein “konservativer Sozialist”. Ich gehöre keiner Sekte oder keiner theologish-ideologischer Partei. Ich war antikommunistisch wie mein Vater, aber, als ich jung war, nahm meine persön­liche Revolte den Gewand des Hippismus. Ich pilgerte nach Amster­dam, danach nach Indien im kaschmirischen Srinagar und in der Stadt Goa. Der Ersatz zum Kommunismus war für mich die hippy Gemeinschaft. Ich war gegen alle Formen von Establish­ment, egal welche ideologische Gestalt es hat. Aber ich verstand sehr bald, daß der Hippismus auch eine traurige Farce war. Um es salopp auszudrucken: “Eben beim Joints-Rauchen, haben die Hippies eine Art Hierarchie mit aller möglichen Heu­chelei re­produziert”. Das gilt auch selbstverständlich für den Fe­minis­mus und den Schwulenbewegungen. Mein einziger Trost war das Lesen der großen Klassiker der Weltliteratur. Die sind die richtigen Antidoten zum Konformismus. Als Kind las ich Tintin (dt. “Tim”) auf französisch, Karl May auf deutsch sowie den Dichter Nikolas Lenau. Als Jugendlicher las ich weiter deutsche, französische und englische Bü­cher. Mit dieser klassi­schen Bildung und meiner Hippy-Erfahrung, habe ich dann die Rock-Musik entdeckt, u. a. “Kraft­werk” und Frank Zappa, der zur gleichen Zeit Anarchist, Porno­graph und Nonkonformer war. Zappa war für mich sehr wich­tig, da er mich die Realsprache gegen alle Heucheleien der eta­blier­ten Gesellschaft gelernt hat. Mit ihm habe ich das ame­rikanische Slang bemeis­tern können, die ich oft benutzt in meinem Schreiben, um das links-liberale Establishment diesmal konser­vativ aber im­mer ironisch und höhnisch zu bes­potten.

 

Können Sie uns ein Paar Worte über ihre Studien sagen?

 

In Kroatien zur Zeit der kommunistischen Herrschaft habe ich Literatur, moderne Sprachen und Vergleichende Literatur stu­diert. Ich war 1977 fertig. Ästhetisch und graphisch konnte ich den Jugo-Kommunismus nicht mehr ertragen, Betonsprache und balkanische Vetternwirtschaft machten mich kotzen. 1980 nutzte ich die Gelegenheit, für ein jugoslawisches Unternehmen in Algerien als Dolmetscher zu arbeiten. 1983 emigrierte ich in den Vereinigten Staaten. Dort las ich wiedermal die nonkon­forme Li­teratur. Damals waren meine Lieblingsautoren  Ke­rouac und der Fran­zose Barbusse; weiter habe ich Sartre gele­sen, weil er nicht nur Linker sondern ein bissiger Entlarver war, oh­ne Her­mann Hesse zu vergessen, weil er mich an meine Indien-Reise erinnerte.

 

In den Vereinigten Staaten haben Sie den amerikanischen Neo­kon­servatismus entdeckt?

 

Zuerst muß ich sagen, daß der amerikanische Neokonservatis­mus nicht mit dem europäischen gleichgestellt sein kann. Links, rechts, was heißt das heute? Ich teile die Leute in Konformisten und Nonkonformisten. Der Mann, der mich in diesen Kreisen beeindruckt hat, war Thomas Molnar. Er war damals mein Mentor, weil er Un­garn und Angehöriger des ehemaligen k.u.k-Kulturraumes ist. Molnar ist ganz und klar Konservativer aber er bleibt ein Mann mit Ironie und sehr viel Humor. So trifft er immer das Wesentliche. Der Schmitt- und Hegel-Spezialist Paul Gottfried übte auch auf mich einen tiefen Einfluß. Danach habe ich Paul Fleming kennengelernt, der die Zeitschrift Chronicles of Ame­rican Culture  leitet. Ich bin Autor der Redaktion seit mehr als zehn Jahre. Aber Rebell bin ich ge­blieben, deshalb interessierte ich mich intensiv für die sogenannten europäi­schen Neue Rech­te bzw. den Neo­konservatismus Europas mit Mohler und seinem heroischen Realismus, Schrenck-Notzing und seiner Feind­schaft jeder öffentlichen Meinungsdiktatur gegenüber, Kalten­brun­ner und seiner Faszination für die Schönheit in unse­rer geistigen Trümmernwelt,  Benoist mit seine Syn­these in Von rechts ge­sehen.  Ich habe dann die Autoren gelesen, die die Neue Rechte empfahl. Mein Buch über die Neue Rechte ist eigentlich ein fol­low-up meines Eintauchens in diese Bil­dungswelt. Aber die Benennung “Neue Rechte” kann auch trügen: ich ziehe es vor, diese neue Kulturbewegung als “GRECE” zu bezeichnen, d.h. wie Benoist es sieht, als ein dynamische Forschungstelle zur Erhal­tung der Lebendigkeit unserer gesamteuropäischen Kultur. Cé­line (mit seiner groben Pariser Rotwelschsprache die alle einge­bür­gerten Gewißheiten zertrümmert), Benn und Cioran mit ihrem unnachahmbaren Stil bleiben aber die Lieblingsautoren des Rebells, der ich bin und blei­ben werde.

 

Sie sind in Kroatien und in Europa 1993 zurückgekommen. Wie haben Sie die neue Lage in Ostmitteleuropa beurteilt?

 

Das Schicksal Kroatiens ist eng mit dem Schicksal Deutschlands verbunden, egal welches politische System in Deutschland herr­scht. Sowie der schwedische Gründer der Geopolitik, Rudolf Kjellén, sagte: “man kann seine geopolitischen Bestimmung nicht entweichen”. Andererseits, hat uns Erich Voegelin gelernt, daß man politische Religionen wie Faschismus und Kommu­nis­mus wegwerfen kann, aber daß man das Schicksal seines Hei­matlandes nicht entrinnen kann. Das deutsche Schicksal, ein­gre­kreist zu sein, ist dem kroatischen Schicksal ähnlich, eben wenn Kroatien nur ein kleiner Staat Zwischeneuropas ist.  Ein gemeinsames geographisches Fakt ve­reint uns Deutsche und Kroaten: die Adria. Das Reich und die Doppelmonarchie waren stabile Staatswesen solange sie eine Öffnung zum Mittelmeer durch die Adria hatten. Die westlichen Mächte haben es immer versucht, die Mächte Mitteleuropas den Weg zur Adria zu ver­s­perren: Napoleon riegelte den Zugang Österreiches zur Adria, indem er die Küste direkt an Frankreich annektierte (die sog. “départements illyriens”), später sind die Architekte von Versail­les in dieser Politik meisterhaft  gelungen. Deutschland verlor den Zugang zum Mittelmeer und Kroatien verlor sein mittel­eu­ropäisches Hinterland sowie seine Souveränität. Das ist der Schlüssel des kroatischen Dramas im 20. Jahrhundert.

 

Wird Kroatien den Knoten durchhaken können? Seine Position zwischen Mitteleuropa und Mittelmeer optimal benutzen kön­nen?

 

Unsere Mittelschichten und unsere Intelligentsija wurden total durch die Titoistischen Repression nach 1945 liquidiert: Das ist soziobiologisch gesehen die schlimmste Katastrophe für das kroatisches Volk. Der optimale und normale Elitekreislauf ist seitdem nicht mehr möglich. Der “homo sovieticus” und der “homo balkanicus” do­minieren, zu Ungunsten des “homini mit­teleuropei”.

 

Wie sehen Sie die Beziehungen zwischen Kroatien und seinen balkanischen Nachbarn?

 

Jede aufgezwungene Heirat scheitert. Zweimal in diesem Jahrhun­dert ist die Heirat zwischen Kroatien und Jugoslawien geschei­tert. Es wäre besser, mit den Serben, Bosniaken, Albanern und Makedoniern als gute Nachbarn statt als schlechte und zän­ki­sche Eheleute zu leben. Jedes Volk in ehemaligen und in Rest­ju­goslawien sollte seinen eigenen Staat haben. Das jugosla­wische Ex­periment ist ein Schulbeispiel für das Scheitern jeder aufgez­wun­gen Multikultur.

 

Was wird nach Tudjman?

Hauptvorteil von Tudjman ist es, daß er völlig die Geschichts­schreibung des Jugokommunismus entlarvt hat. Größtenteils hat er das kroatische Volk und besonders die Jugend von der Ver­fälschung der Geschichte genesen.

Herr Dr. Sunic, wir danken Ihnen für dieses Gespräch.

(Robert STEUCKERS, Brüssel, den 13. Dezember 1997).

samedi, 20 juin 2009

Kulturpolitisches Erbe Kroatiens im Rahmen Europas

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Dr. Tomislav Sunic :

 

Kuturpolitisches Erbe Kroatiens im Rahmen Europas

 

Kultur:

Heute wird sehr viel über Kultur geredet. Alle Leute und alle Völker der Welt berufen sich auf ihr echtes oder angebliches kulturelles Erbe. Niemand will sich als „kulturlos“  bezeichnen.  Was uns in diesem Zusammenhang interessiert, ist nicht die Frage in welchem Masse die kroatische Kultur eine quantitative Fortsetzung  europäischer Kultur darstellt, sondern was an der Kultur in Kroatien so besonders und einzigartig ist.

Die Selbstwahrnehmung der Kroaten  entspricht nicht immer den Vorstellungen die sich die Ausländer von Kroatien machen. Das haben die Kroaten vor kurzem in ihrem Verteidigungskriege in tragischer Weise erleben müssen.  Das Gleiche gilt auch für ihren Umgang mit der eigenen Geschichte und ihre tägliche Politik.

Ist kroatische Selbstwahrnehmung maßgeblich oder sind es die  Fremdbeschreibungen der Kroaten die uns weiterführen  sollen? Das sollte ich ihnen überlassen und ich möchte auch versuchen, meine eigenen Werturteile zu dämpfen.

 

Hier sollten ein Paar Punkte erörtert werden  - das spezifisch kroatische Kulturerbe kurz darzustellen. Lassen wir die schönen Floskeln wie die vom „Paradies auf der Erden“, „Touristenparadies“, und die Berichte über FKK Strände, usw. beiseite. Besonders die Deutschen wissen nur zu gut, was die kroatische Adria bietet und wie gut man sich dort amüsieren kann. 

 

 

I.

Ziehen wir, zum besseren Verständnis und zur Illustration meiner Ausführungen, einen Vergleich mit Deutschland. Im gleichen Maße wie für die Deutschen ist auch für die Kroaten die Geografie ihr Schicksal;  man kann alles verändern, aber die geographische Lage bleibt. Historisch betrachtet, ändern sich die Grenzen in Deutschland und Kroatien fast alle 40 Jahre. Beide Völker sind weniger als „staatsgebunden-“, vielmehr „volksgebunden“ zu bezeichnen – im Gegensatz zu den Franzosen,  Briten und den Amerikanern,  deren Lage geographisch betrachtet besser geeignet für eine Staatsbildung war. Viele Kroaten leben nach wie vor außerhalb der Hoheit des modernen Kroatien, bspw. in Bosnien, und noch immer steht die Frage wo eigentlich die Grenzen Kroatiens liegen offen?   Man kann sagen daß Kroatien, ebenso wie Deutschland,  ein verspäteter Staat ist –immer noch auf der Suche nach der eigenen Identität. 

 

II.

Die kroatische Einzigartigkeit erkennt man an verschiedensten kulturellen Verflechtungen. Im kroatischen Raum begegnet nicht nur der Osten dem Westen, sondern auch der Norden dem Süden. Beispiele: Der Norden Kroatiens ähnelt stark dem Süden Deutschlands, bzw. Ősterreichs. Der südliche Teil Kroatiens, die adriatische Küste, wurde stark vom venezianischen Kulturkreis geprägt,  besonders in der Architektur. Zahlreiche Gebäude und Klöster wurden dort im 15. und 16. Jahrhundert errichtet. Jodoch  findet man auch zahlreiche kleine vorromanischen dreischiffige Kirchen mit gewölbtem Turm und verschieden Grundrissen,  die typsich für die Baukunst in Kroatien sind. Dazu kommt ein merkwürdiges Phänomen, nämlich die sogenannten „Gromače“ die Steinmauern, deren Zweck war es den Boden und die Erde gegen die oftmals heftigen Nordwinde, genannt „Bura“, zu schützen. Zusätzlich markierten sie auch die Grundstücke der Bauern. Diese hundert Kilometer lange Steinmauern, von ca. anderthalb Metern Höhe, findet man überall auf den Inseln und an der Küste. Die Mauern wurden in Jahrhunderten von Hand dort errichtet. Man kann sagen, daß sie ein echtes „Denkmal der Arbeit“ darstellen, das uns zeigt, wie schwer die Arbeit der damalig Ansässigen war.

 

Der Schwerpuntek der Kultur verlagerte sich im 18. Jahrhundert vom Süden her nach Norden, bzw. auf die panonische Fläche im Donauraum.  Die verschiedene Barockformen  von dort stammen aus Österreich. Kroatien war vier Jahrhunderte hindurch ein Teil der K. u. K. Doppelmonarchie. Der deutsche Einfluß in Baukultur, Ackerbau, und Weizenkultur war selbstverständlich enorm. Aber man findet auch manche deutlich kroatische Besonderheiten in diesem Teile Kroatiens, nämlich  Holzbauten, Holkzkirchen und größere Holzgebäude die unter dem Namen  "Kurija" - die Kurie, bekannt sind. Diese „Kurijas“  sind einschiffige, einstöckige Gebäude mit Elementen aus dem Rokoko und Barock.

 

Stein als Rohmaterial wurde vorwiegend im mediterranem Raum Kroatiens, an der Adria  benutzt – im Gegensatz zu Holz, besonders der Eiche, die häufig in Slawonien benutzt wurde und dadurch weltberühmt wurde. 

 

Dazu kommt kommt auch ein Hauch des Orients im Süd-Osten, bzw. in Bosnien, wo man deutliche türkisch-ottomansiche Spuren findet.  Beispiele dieser Verschiedenheiten:  Rijeka ist ein Hafen an der Küste Kroatiens, unweit von Trieste; er liegt ca. 40 Kilometer Luftlinie von Bosnien entfernt; das ist ein Nachbarstaat der starken  türkischen Einfluß erfuhr. Obgleich Kroatien ein winziges Land mit ca. 4, 5 Millionen Menschen auf 50.000 Quadratkilometern ist, stellt man überall enorme Unterschiede zwischen verschiedenen Regionen fest. Die Hauptstadt Zagreb, oder auf Deutsch „Agram“, ist eine typisch mitteleuropäische, „franzjosefinische“ Stadt, wie Graz oder Wien mit Details aus dem Barock und Sezessionismus.  Im Gegenzatz dazu sieht man in den  Küstenstädten Sibenik, Split oder Dubrovnik überall Rennaisance- oder spätgotische Bauformen.

 

III.

Schrift/Alphabet:

Die Sprache ist das wichtigste Element der  Kulturgeschichte aller Kulturvölker.  Besonders wichtig für das alte Kroatien des Mittelalters (entlang der Küste),  war die Benutzung der glagolitischen Schrift bspw. auf den Stein-Denkmälern und als Handschriften in Messbüchern und Brevieren. Das älteste Denkmal der kroatischen Schriftkultur ist die sogenannte Tafel von Baska. Baska ist ein bekannter Turistenort auf der Insel Krk.  Diese Steintafel zeugt davon, dass der Name Kroatien schon früh in Europa und besonders im Vatikan  bekannt war. Die Inschrift auf der Tafel  Baska besagt, daß der kroatische König Zvonimir im 11. Jahrhunder dem benediktinischen  Mönchen das Land geschenkt hatte.  Auch in Deutschland findet man viele Exponate dieser glagolitschen Schriften Kroatiens,  zum Beispiel das „Berliner Messbuch“ in der Staatsbibliothek Berlin. Aber auch in vielen Museen in ganz Europa.  Über Jahrhunderte hinweg wurden in Kroatien zwei Schriften benutzt, die „Glagolitsche“  und die Lateinische.  Von der Herkunft der glagolitschen  Schrift  gibt es viele endlose Spekulationen, aber man kann mit großer Wahrscheinlichkeit sagen, daß sie von den slawisch-christlichen Missionaren im 8. Jahrhundert ins Land gebracht wurde, und später von den Kroaten in ihre eigene einzigartige Schrift übernommne wurde. 

 

Warum beharre ich auf der Sprache ?  Weil die Sprache nach wie vor die Quelle der schweren Missverständnissen zwischen Serben und Kroaten ist; und, die Sprache war auch die erste intelektuelle Ursache des Krieges zwischen Serben und Kroaten und das zweimal innerhalb des 20. Jahrhunderts. Zu Beginn jedes Krieges in der Welt stand der „Krieg der Wörter“; dieser beginnt als Kulturkampf.  Leider muss man eingestehen, daß die Kultur in Kroatien stark politisiert war und noch immer ist. Zwar sind die  kroatische- und die serbische- Sprache zwei verschiedene Sprachen, mit zwei verschiedenen  Schriften, und verschiedener Syntax - doch im täglichem Leben brauchen die Serben und  Kroaten keinen Dolmetscher. Ihre mündliche Sprachart ist sehr ähnlich -  fast gleich. Aber Ähnlichkeit bedeutet keine Gleichheit. Im kommunistichen Jugoslawien des Jahres 1955,  wurde die Hybridsprache serbo-kroatisch erfunden, deren Ziel es war, im Namen der falschen „Brüderlichkeit und Gleichheit“ den Staat Jugoslawien besser und schneller zu zentralisieren.  Die Schlußfolgerung dieses politisch-romantischen Scheinmultikulturalismus endete in einer zweimaligen Katastrophe für beide Völker. 

 

Die Kirche:

Der katholischen Kirche in Kroatien kommt eine außerordentliche Rolle in der kroatischer Kultur zu. Die Kirche ist ein Schützer der Kultur. Auch die Kroaten die agnostisch sind, bestätigen die These, daß ohne den Katholizismus, d.h. ohne die katholische Kirche es niemals ein unabhängiges Kroatien geben hätte. Es ist kein Zufall,  daß die Kroaten immer in Richtung Vatikan schauen -  ihre  Volksidentität hängt zum großen Teile von ihrer Religion ab.  Übrigens spielte die Kirche im Jahre 1991 eine gewichtige Rolle, als der Papst die Unabhängigkeitsbestrebungen der Kroaten unterstützte.  Katholizismus ist ein deutlicher Aspekt der kroatischen Eigenart gegenüber den christlich-orthodoxen Serben.

 

Nach kroatischen Selbstbewußtein bilden die Kroaten  einen Vorbau des Abendlandes. Die Kroaten  berufen sich stets auf ihre katholischen Wurzeln und auf die Donau-Doppelmonarchie; sie verstehen sich als Beschützer Europas - zu erst gegen Byzanz, später gegen die türkische Gefahr, und zu guter letzt gegen den Kommunismus. Kroaten glauben daß sie von den Mächtigen der Erde stets betrogen und belogen wurden, und man sie immer wieder ausgrenzt.

 

Die Deutschen in Raum Kroatien:

Das heilige  deutsche Reich spielte eine ausserordentliche Rolle bei der Befreiung Kroatiens und des gesamten sudöstlichen Europas von der Türkengefahr. Nach dem Ende der Türkengefahr, also nach der Zurückschlagung  der Türken vor den Toren Wiens im 17. Jahrhundert, wurde der nördliche Teil Kroatiens, bzw. das Donaugebiet zur Kornkammer des Reiches. Die deutschen Siedler aus Rheinland-Pfalz und Hessen  machten aus diesem verwüstetem Land das beste Ackerland Europas. Vor dem 2. Weltkriege lebten insgesamt über 2,5 Millionen Volksdeutsche im Donauraum, im Drei-Ländereck Jugoslawien-Ungarn-Rumänien. 500.000 Deutsche lebten im ersten Jugoslawien, 200.000 davon in Kroatien. Die Barockstädte im nördlichen Teil Kroatiens wie Osijek (Frankfurt an der Drau) , Vukovar und  viele andere wurden während der Zeit Maria Theresas von deutschen Baumeistern errichtet.

Was später mit diesen jugoslawischen Voksdeutschen geschah -   kann man nur erahnen.

 

Sprache:

Die deutsche Sprache und Kultur erfährt keinen ausreichenden Gebrauch in der heutigen EU und in Kroatien. Deutschland und fast alle Länder Europas sind einer „Amerikanisierung“ ausgesetzt, so daß weniger Deutsch gesprochen wird als früher.  Ich glaube die deutsche Regierung sollte sich besser einsetzen um die deutsche Sprache stärker zu  promovieren. Deutschland ist heute der Hauptantriebsmotor der Europäischen Union. Die Rolle der deutschen Kultur sollte nicht in Mitteleuropa, bzw. in Krotien verloren gehen.

vendredi, 12 juin 2009

L'honneur d'un général

L'honneur d'un général

Marc Reguy - http://www.voxnr.com

L'honneur d'un général
Il est vrai que de nos jours, dans un monde où domine la dictature du politiquement correct, prendre la défense d'un officier de l'armée, de surcroit patriote ou nationaliste, est peu populaire. C'est se livrer à un exercice péérilleux qui risque bien de déclencher les salves bien connues de nombreux censeurs du sytème dominant, et c'est se risquer a un ostracisme certain. Souvenons nous des quelques intellectuels courageux qui ont pris la défense du colonel Bastien Thiry, du colonel putschiste Seineldin en Argentine et de bien d'autres.

C'est à ce difficile labeur apologétique que s'est livré maitre Jure Vujic, intellectuel franco- croate, géopoliticien et écrivain, en publiant en Croatie son dernier livre Quand les anges se taisent-apocryphe de Ante Gotovina.

Souvenons nous. Le général Gotovina était l’un des accusés le plus recherché du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Il est inculpé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité lors de l’Opération Tempête (Oluja) entre 4-7 août 1995 dans la région de Krajina (sur la frontière bosniaque, dans la Slavonie de l’Est touchant la Serbie) en Croatie. Cependant le général Gotovina n’est pas l’un de ces généraux « habituels » avec des registres immaculés derrière eux.. Il n’avait que dix-huit ans quand il a fuit la Yougoslavie pour s’engager dans la Légion étrangère. Après avoir été qualifié de l’école de formation des parachutistes à Pau, il est devenu membre du 2éme Régiment étranger parachutiste, et est entré dans les Commandos de recherche et d’action en profondeur. Gotovina a participé aux opérations de la Légion étrangère à Djibouti, Kolwezi (Zaïre) et en Côte d’Ivoire. Après cinq ans de service, il a quitté l'armée française en 1979. Pendant les années 1980, Gotovina a travaillé pour plusieurs entreprises privées de sécurité françaises. Dans les années 1990, on retrouve ses traces au Paraguay. Là-bas en 1991, dans un bar à Iguac, son destin a changé pour jamais. Il a rencontré quelques réfugiés croates, qui lui ont raconté le massacre des policiers croates à Borovo Selo (dans la banlieue de Vukovar) ce qui l'a décidé de rentrer au pays pour y rejoindre les forces armées. Une fois en Croatie, il a gravi les échelons de la hiérarchie militaire à toute vitesse grâce à sa formation et à ses talents, que possédaient très peu de soldats croates à l’époque. D’abord, il a été nommé au 1er Brigade de la Garde « Tigres » de l’Armée croate avec la mission de former les nouvelles recrues. Bientôt il a abandonné cette mission pour combattre dans la région de Novska (sur la frontière bosniaque, en Slavonie) où il a été blessé. En novembre 1994, Gotovina a été promu au grade de général de division. En septembre 2000 cependant, le nouveau président croate Stjepan Mesic a mis le général Gotovina et six autres généraux à la retraite d'office après que ceux-ci aient refusé de coopérer dans les enquêtes sur les «crimes de guerre». Gotovina a été aussi accusé de conspiration en vue d'un coup d’État par Ivo Pukanic, le directeur de l’hebdomadaire croate Nacional. Son nom a été rayé des cadres militaires. Connu en France, légendaire en Croatie, Gotovina a été inculpé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité par le TPIY le 21 mai 2001.

Le livre en question a, dès sa sortie, suscité de nombreuses controverses et a fait l'objet d'une campagne de dénigrement et de diffamation systématique contre son auteur de la part de la presse croate qui est en majorité gauchisante et anti-nationale. Il est vrai que la Croatie des années 1990, souverainiste et nationaliste sous le règne du feu président Tudjman, n'est pas la Croatie d'aujourd'hui largement plongée dans un système néolibéral capitaliste et pro-atlantiste (la Croatie ayant rejoint l'Otan tout récemment). De sorte, qu'un intellectuel comme Vujic, anti-conformiste de sensibilité nationaliste gêne, comme du reste c'est le cas dans toute l'Europe occidentale. Sur près de seize chapitres, le livre qui ressemble plus à un essai philosophique qu'à une biographie, tend sous forme de fragments à restituer la teneur symbolique et métaphysique du général Gotovina. Le livre est un plaidoyer pour les valeurs artistocratiques européennes, guerrières et spirituelles, une vrai claque à la politique politicienne, à la prébende quotidienne de la justice soit-disant internationale, et à l'esprit de lucre et pharisien qui domine la politique contemporaine. Les nombreuses références littéraires francophones ( Péguy, Bernanos, Drieu ) témoignent d'un vaste travail d'analaye et de synthèse literraire et philosophique. Le livre fait aussi référence à la théologie angélique et au phénomène politique du sacrifice empruntée au philosophe Girard.

Au dela du conflit traditionnel et séculaire entre serbes et croates, il convient de faire le bilan de la justice internationale du tribunal de la Haye : le tribunal en question n'est un instrument politique de plus du systéme néolibéral anglo-saxon qui a pour but de criminaliser et de mettre sur un pied d'égalité tous les belligerants du conflit yougoslave, Mladić et Gotovina, pour établir un protectorat atlantiste en Croatie comme en Serbie.

Relevons aussi l'étrange parcours de Jure Vujic, cet intellectuel parfois inclassable et contradictoire. Ayant vécu en France, ancien élève de la Faculté de droit Assas, il est issu des milieux nationaux-révolutionnaires dits „terceriste“, il sera le chef de fil de la jeunesse nationaliste croate en France, pour devenir plus tard l'un des animateurs du cercle „Minerve“ et collaborateur de divers organes de la nouvelle francaise et belge dans le cadre du cercle Synergies européennes. Dans le giron de Synergies européennes, il fondra le mensuel de géopolitique Au fil de l'épée dont de nombreux numéros seront consacrés à la guerre dans les Balkans. Il tissera un vaste reseau franco-italien, belge, espagnol regroupant de nombreux intellectuels d'horizons aussi divers que le neofascisme, le trotskisme et le personnalisme chrétien. Après une courte carrière d'avocat, dans les années 1990, il partit comme volontaire en Croatie pour soutenir la lutte de libération de ses concitoyens croates. Proche du Parti du droit croate et des Argentins peroniste issus de l'émigration croate, il rompt assez vite avec la tendance conservatrice de la droite croate qu'il juge trop peu moderniste, révolutionnaire et sociale. Actuellement, Vujic prône un rapprochement de la gauche nationale croate avec la droite nationaliste et eurasiste dans une perspective de front uni contre le glolablisme néolibéral occidental. C'est dans cette persepctive qu'il participe aux réunions et conférences du Renouveau croate côte à côte avec l'amiral Domazet Loso, et le fils du président Tudjman Miroslav Tudjman, et l'ex-marxiste converti au catholicisme Zdravko Tomac.Diplomé de la Haute école de guerre des forces armées croates, il donne régulièrement des conférences géopolitiques et philosophiques. Vujic se consacre aussi a la poésie et signe de nombreux articles sur Hoffmansthal, Leopardi ou Sfefan George, il a publié en Croatie aux éditions Ceres une prose biligue ( francais et croate) Eloge de l'esquive un essai posthermétiste sur le devenir de l'écriture, l'être et le temps.

C'est à lui que l'on doit largement avec ces publications et ses articles dans les journaux Vjesnik, Foku“, Hrvatski list, la diffusion de la pensée révolutionnaire-conservatrice en Croatie. Un vrai travail de défrichage et de diffusion métapolitique dans un pays où la «droite» campe encore sur des positions conservatrices et anti-communistes primaires. Vujic se consacre actuellement à des travaux de recherches sur la géopolitique eurasiste et publira un livre l'autonomne prochain sur l'Eurasie contre l'atlantisme, dont la préface est de Robert Steuckers.

00:34 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : croatie, europe, affaires européennes, europe centrale | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

vendredi, 22 mai 2009

Eslovenia-Croacia: cainismo ex-yugoslavo

Eslovenia-Croacia: cainismo ex-yugoslavo

Diferendo con Eslovenia le complica a Croacia su acercamiento con la Unión Europea

En el piso de una taberna en los Balcanes, el dueño trazó una raya amarilla: a un lado queda Eslovenia; al otro, Croacia, de modo que quienes piden un bistec de cerdo y una jarra de cerveza en un país de la Unión Europea, salen de las fronteras comunitarias un rato después, en busca de los baños. Y el asunto es motivo de risa para los parroquianos.

La anécdota, contada por el diario británico The Independent, sirve para recordar que ambos países, escindidos de Yugoslavia a principios de los años 90, todavía tienen un litigio fronterizo. Se trata de la bahía de Piran, un espacio de apenas 13 kilómetros cuadrados que está complicándole a Croacia el avance hacia su integración en la UE.

Sí, porque desde diciembre pasado Eslovenia bloquea el proceso, hasta tanto no se resuelva el contencioso. «¡Tanto lío por cinco o seis cuadras!», pensará el lector no enterado, pero sucede que ese espacio tan reducido es prácticamente lo único con que cuentan los eslovenos para poder acceder a aguas profundas, pues el país está geográficamente aprisionado entre Italia y Croacia, a las que, si algo les sobra, es agua salada…


El diferendo esloveno-croata cumple ya 19 años, y aunque Ljubljana y Zagreb han tenido tiempo de sobra para definir por dónde pasa la línea amarilla, hasta ahora «nananina». Con un pequeño detalle: la primera entró a la UE en mayo de 2004, mientras que la segunda está aún a la puerta.

¿Qué significa eso? Pues que, para admitir a un nuevo miembro en el bloque comunitario, tienen que levantarse 27 manos para aprobarlo, y la de Eslovenia se ha quedado abajo a última hora, cuando se preveía que las negociaciones terminarían a finales de 2009, y que Croacia ingresaría en 2011.

No será la primera vez que se utiliza esta ventaja para frenar la adhesión de un país candidato: poco tiempo atrás, Chipre bloqueó las conversaciones con Turquía, porque esta decidió no permitir el acceso de barcos y aeronaves chipriotas a su territorio. Otro caso, el de la Antigua República Yugoslava de Macedonia, puede sentarse a esperar las calendas griegas, porque —¡vaya coincidencia de palabras!— Grecia no permitirá su adhesión hasta que aquella quite de su denominación oficial el nombre «Macedonia». Atenas recela de futuras pretensiones anexionistas hacia su norteña provincia homónima, patria de aquel belicoso Alejandro que conocemos por los libros de historia…

De pronto, la UE suena el silbato de árbitro. Olli Rehn, comisario europeo para la Ampliación, propone un plan: cinco jueces —de ellos, uno esloveno y otro croata— tendrán a su cargo la partición exacta de la frontera. Croacia querría dividir la bahía en partes iguales, pero a Eslovenia le parece que ello obstaculizaría la navegación de sus barcos. Entonces, con esta suerte de «ni pa’ ti, ni pa’ ti», la Comisión Europea pone en manos de los dos la resolución del conflicto por vías más expeditas. Y los croatas, que consideraban llevar el asunto a la Corte Internacional de Justicia de La Haya, han dado el sí. Falta ahora su contraparte…

Paradójicamente, si a alguien le beneficiaría salir rápido de este asunto y no enredarse en La Haya, es a Zagreb. Con la crisis económica apagando los embullos de los países eurocomunitarios de recibir a nuevos miembros (por regla general, cortos de billete), y mientras los pronósticos internos dicen que la economía se encogerá en un 3,7 por ciento y que el de-

sempleo subirá rápidamente (ahora ronda el 14 por ciento), tal vez al país de la corbata más le valdría ahorrarse papeleos y correr cuanto antes bajo el paraguas de Bruselas. Es lo que hará, previsiblemente, Islandia.

Debe ser por eso que algunos políticos de los países miembros de la UE confiesan que, en verdad, les importa un pepino ácido el tema de la bahía de Piran, y más les preocupa sumarse un nuevo socio que vendría con el pico abierto, como los pichones en el nido, en un momento en que hay muy poca lombriz que repartir. Otros, entretanto, se fijan más en un aspecto hasta aquí no mencionado: la rampante corrupción y la amenaza del crimen organizado, que ha sacado de escena, bombas mediante, lo mismo a periodistas que a abogados.

El sitio web oficial de la UE lo refiere: «En Croacia, la corrupción afecta sobre todo a los sectores de la salud, la construcción, la economía y las ciencias, así como al aparato judicial y a la administración local y pública», mientras que el propio comisario Rehn, la pasada semana, dedicó un aparte en un discurso a recordarle al país balcánico que «aún tiene mucho que hacer en cuanto a la reforma judicial y el combate a la corrupción».

Quizá sea tiempo de que Zagreb pregunte al tabernero por dónde le aconseja pasar la rayita amarilla, y de poner la cabeza en asuntos más urgentes.

Luis Luque Álvarez

Extraído de Juventud Rebelde.

jeudi, 30 avril 2009

Aux sources du droit étatique et communautaire croate

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Aux sources du droit étatique et communautaire croate

 

La révolution conservatrice que nous prônons pour chacune des nations européennes, marque avant tout la volonté de retrouver et de réhabiliter un droit historiquement ancré, que ce droit soit d'essence celtique, slave, germanique ou romaine. C'est ce travail de "défrichage" historique-analytique et de synthétisation juridique que nous nous proposons de faire à l'égard du droit croate, de tradition éminemment étatique et communautaire, et dont les fondements historiques se trouvent dans les antiques conceptions et constructions juridiques thraces-celtiques-illyriennes d'une part, romaines d'autre part, puis spécifiquement croates. L'idée de communauté était une constante ainsi qu'une dominante dans l'ancien droit croate. Toute l'histoire du droit étatique croate est pénétrée de la volonté de constituer des sociétés et des communautés ancrées dans la substance du peuple croate. La défense et l'unité naturelle historique et organique de la nation croate constituaient les premières sources et le fondement du droit étatique croate.

 

Friedrich Karl von Savigny

 

En ce sens, cette conception juridique spécifiquement croate rejoint les thèses juridiques de Friedrich Karl von Savigny qui s'oppose aux conceptions individualistes de la philosophie du droit naturel qui a fortement influencé le droit romain. Aujourd'hui, dans le cadre de la globalisation juridique et économique qui affecte le monde entier, et les réformes juridiques "d'harmonisation" en cours en Croatie, tendent à aligner le droit croate sur la conception juridique dominante, d'essence individualiste, libérale et économiciste qui génère dans le monde entier des règles et des normes qui renforcent le cinétisme généralisé, le pouvoir économique polyarchique et technocratique favorisant la propagation de l'intérêt cumulatif. Et c'est précisément afin d'éviter que ces réformes juridiques ne vident le droit croate de sa substance originelle et organique, étatique et communautaire, qu'il convient de rappeler et d'analyser les filons conceptuels de la pensée juridique croate depuis ses origines, ainsi que de souligner ses réalisations sur le plan institutionnel et historique.

 

Dès leur venue en 626 sur les bords de l'Adriatique, les Croates furent considérés comme les souverains incontestables de leur patrie, mais ils durent successivement prêter allégeance à Byzance puis aux Francs. Après que les Rois croates Petar Kresimir et Dmitar Zvonimir aient rompu définitivement les liens qui les unissaient à Byzance, la Croatie connaîtra une grave crise interne qui aboutira à la conclusion d'un accord entre la noblesse croate et le roi hongrois Arpadovic Koloman, connu sous le nom de Pacta Conventa (1102). De 1180 à 1527, la Croatie resserre ses liens avec la Hongrie. C'est au cours de cette période que Bela III détruisit la structure nobiliaire croate en lui substituant un système dit du "Donat". En conséquence, la Croatie fut partagée en plusieurs seigneuries autonomes. Entre 1527 et 1790, la Croatie sera liée à la Dynastie des Habsbourgs. Ces liens débuteront avec le diplôme inaugural de Vladislav II Jagelovic, l'accord conclu avec Maximilien I, et s 'affermiront davantage lors du parlement de Cetinje (1527), jusqu'à leur complète affirmation à travers la Pragmatique Sanction (1712).

 

Au cours de cette période, les Croates et les Hongrois lutteront ensemble contre l'absolutisme éclairé de Joseph II ( 1780-1790 ) et le centralisme viennois. En 1790, leur lutte sera couronnée par un succès puisqu'ils réussiront à faire reconnaître par l'Empereur Léopold II leur individualité étatique et juridique. Mais après 1790, après la période du centralisme habsbourgeois, la Croatie sera confrontée aux prétentions hégémonistes des Hongrois, lesquels, à l'occasion du parlement de Pozun de 1830, 1847-1849 et après la conclusion de l'accord bilatéral de 1868, multiplieront leurs efforts afin d'asservir économiquement et politiquement la Croatie. Cette politique hégémoniste incitera la Croatie à rompre en 1918 les liens juridico-étatiques qui l'unissaient à la couronne hongroise de Saint-Stéphane (Stjepan).

 

Un droit communautaire à l’usage de lignées

 

Lors de leur arrivée dans le territoire qui constitue leur patrie actuelle, les Croates importèrent avec eux un mode de vie et une structure sociale "communautaire" de type classique qui caractérise l'organisation sociale des peuples slaves. Sur les territoires conquis alors par les Croates, trois types de normes et de systèmes juridiques étaient en vigueur: les coutumes d'origine thrace, illyrienne et celte, le droit romain et le droit des gens croate. On peut ajouter à cela une très forte influence des coutumes juridiques slaves. Ces trois types de systèmes juridiques thraco-illyrien-celte, romain et croate se compénètrent mutuellement pour aboutir à une expression et une conception juridique unitaire bien spécifique. Cette alchimie juridique qui ne se fera pas sans convulsions intracommunautaires aboutira à la formation et de développement des institutions du pouvoir monarchique croate, notamment le "Ban" et le Parlement. Jusqu'au Xième siècle, le souverain croate avait successivement pour titre l'appellation de "Dux", de "Rex Chroatorum", "Rex Chroatorum et Dalmatinorum". L'institution du "Ban" (héritière de la conception juridique germanique du "Bann") était spécifique au peuple croate. Le "Ban" constituait le rôle intermédiaire entre le Parlement et le roi croate. Le pouvoir monarchique était limité par le conseil de la Cour et le Parlement, et toute son activité était sous le contrôle de la chancellerie constitué des membres du clergé devant lesquels les rois pratiquaient leurs offices de culte. Dans la mesure ou les Croates occupèrent le territoire de leur actuelle patrie partagée entre plusieurs groupes de familles, de clans, il en résulte que la première organisation administrative et judiciaire devait correspondre au principe de l'appartenance à la lignée. Chaque famille constituait une unité sociale, politique et juridique hermétique. Tout pouvoir et chaque norme juridique dérivaient de l’organisation "clanique". L'individu se définissait par sa naissance et son appartenance à la lignée, laquelle déterminait son droit spécifique. Le droit des personnes et les valeurs sociales se fondaient sur la communauté de sang à laquelle appartenait chaque individu.

 

Il existait dans la Croatie du moyen âge, autant de "comitats" territoriaux, avec à leur tête des "zupan" (chefs de comitats), que de communautés familiales "claniques". Les membres des "clans familiaux" croates habitaient soit la ville soit les villages. A l'origine de la formation des villes et des premières migrations rurales vers le milieu urbain, figure, à l'endroit de la colonie, une fortification (castrum) qui était le siège des chefs des comitats territoriaux, défenseurs des comitats. Contre la fortification, s'élevaient les "Dom" qui constituaient  la périphérie (suburbium). Entre la ville et la périphérie se trouvait la place publique le "trg" où siégeaient les tribunaux et se tenaient les réunions publiques. Parallèlement aux villes des comitats territoriaux, il existait des cours seigneuriales (curtes). A côté des châteaux patriciens se trouvaient des villages de “paysans libres” et des serfs attachés au domaine. Un groupe de ville, de châteaux et de villages (avec ses domaines) constituait un comitat territorial.

 

L’institution du « Pristav »

 

Dans le cadre de la procédure judiciaire à cette époque du haut moyen âge, une place importante était concédée à l'institution du "Pristav". Dans l’île de Pag en 1701, le "pristav" était l'organe exécutif du "Knez" local (régent local) . Cette institution particulière figure dans le code de Vinodol (1288) et le “poljicki statut” (1440). Cette institution était connue en Tchéquie et en Russie. Son appellation latine est le "Camerarius". L'institution judiciaire du "pristav" correspondait à l'institution judiciaire franque du "sacebarona" ou, en langue germanique, du "schultheisa" ou "schultza": ce dignitaire siégeait en qualité de témoin public à l'ensemble des procès à l'issue desquels il recevait l'ordre de mettre en pratique le titre de propriété de parties et de contraindre le débiteur d'honorer ses dettes à l'amiable ou par voie d'exécution du jugement. L'institution "des bons hommes" était connue à l'époque du roi Petar Kresimir et il en est fait mention dans le code de Vinodol. Cette institution était connue en Italie du Sud, dans le Péloponnèse en Grèce. Dans le Royaume franc, elle existait sous l'appellation de "Rachinburgi". Le bon homme correspondait au frère de sang, au membre de la même communauté; chacune des parties engagées dans un procès choisissait le même membre parmi les hommes de confiance. Les "bons hommes" jugeaient alors que les "porotnici" (les iuratores) garantissaient par le serment la juste défense des parties. En qualité de haut commandant militaire et chef des clans familiaux croates, le roi avait entre ses mains le pouvoir exécutif. Ses revenus provenaient des diverses amendes prononcées contre les individus et les communautés villageoises. L'exécution de ces peines d'amende était confiée au "satnik" (chef militaire à la tête d'une centaine d'hommes).

 

L'ancienne structure étatique romaine présente en Croatie au moyen âge était constituée par deux groupes sociaux: les guerriers et les non-guerriers. Ces derniers devaient payer des impôts alors que les premiers étaient libérés de tout paiement d'impôts. Plus tard, des guerriers non romains acquirent le statut de guerrier: les Ostrogoths, les Visigoths, les Francs et les Burgondes. Ce fut également le cas des Croates. Ils adoptèrent le même statut social que toutes les castes guerrières romaines et ne devaient pas en conséquence payer d'impôts. En qualité de pouvoir exécutif et comme représentants de l'Etat Romain, ils disposaient de biens meubles et immeubles de l'Etat. Les revenus de la Couronne provenaient de l’impôt des biens de la couronne (Tributum). Le paysan qui labourait la terre appartenant aux clans familiaux se devait de donner à son seigneur une partie de son revenu et n'avait pas le droit d'abandonner sa terre. Avec sa terre, le paysan disposait aussi d'une maison. Sa terre et sa maison en qualité de biens inaliénables, indivisibles et héréditaires, pouvaient changer de seigneur, mais le paysan ne pouvait en aucune façon être écarté de sa possession s'il jouissait lui-même ou son prédécesseur de sa terre depuis au moins trente ans. Malgré la soumission à l'autorité du seigneur qui lui assurait sa sécurité, le paysan ne pouvait être considéré comme un esclave (servus, ancilla). A la différence des paysans, les serfs étaient employés sur les domaines et biens publics ou appartenant au clergé. Bien qu'ils étaient dépendants de la volonté du seigneur dans les affaires matrimoniales et patrimoniales, ils se différenciaient de par leur statut des esclaves, lesquels étaient employés dans les affaires domestiques, dans les labeurs dépendants directement du seigneur ou dans des activités de pâturage. D'autre part, les membres des clans familiaux "non-privilégiés" (lesquels étaient soumis au paiement de l'impôt) étaient constitués de paysans "libres" ou de "villani", "habitatores villarum", lesquels disposaient librement de leur propriété.

 

Le déshonneur juridique

 

Le droit croate des "gens", à l'instar du droit des biens (régi par le "tripartite de Werboczyjev") au moyen âge était fortement imprégné de la notion de devoir civique, de l'idée de fraternité de sang, et de la notion d'honneur civique. En ce qui concerne la capacité à agir juridiquement des personnes, une importance majeure était accordée à la capacité corporelle (de corporis et animi integritate). La personne incapable était mise en curatelle soit en tutelle. Une place importante était concédée à la question de la "signification personnelle" (existimatio), c’est-à-dire un jugement équitable quant à sa rectitude personnelle. A l'antipode de la "probité personnelle", on trouvait la notion de "voix mauvaise" (infamia) ou celle de l'opprobre personnel (ignominia). Les personnes faisant l'objet de cette "infamia" et de cette "ignominia" ne pouvaient exercer de tutelle sur d'autres personnes et ne pouvaient pas valablement témoigner devant les tribunaux. Les tribunaux rejetaient les enfants naturels illégitimes ainsi qui les enfants de traîtres. Le droit croate des gens faisait une distinction majeure entre le "déshonneur réel" et le “déshonneur juridique" (infamia iurius) lequel est prononcé par le juge et excluait de la profession judiciaire et militaire les personnes frappées par ce type de déshonneur, et leur refusait la capacité de témoignage. Le déshonneur juridique était prononcé à l’encontre des personnes ayant été incriminées et reconnues coupables des actes suivants:

-     la trahison fraternelle, l'exclusion d'un frère de la propriété patriarcale ;

-           l'irrectitude du tuteur vis-à-vis de la personne mise sous tutelle ;

-           la falsification de documents officiels et l'emploi de documents officiels falsifiés ;

-           la participation à un faux serment de juré ;

-           la désobéissance du juge vis-à-vis des commandements royaux ;

-           la dissimulation de documents probants ;

-           l'utilisation de fausse identité et de "masqué" devant les tribunaux ;

-           l'usurpation de fausse identité ;

-           la proposition d'offices et de biens matériels aux barons, seigneurs et aux membres du parlement à l'occasion des sessions parlementaires (actes de corruption) ;                             

-           la mise en application dans le cadre des comitats territoriaux, de tribus royaux non votés et non approuvés par le Parlement ;

-           l'organisation et la tenue de réunions, d'assemblées et d'association dirigés contre les intérêts généraux de l’Etat ;

-           le non respect d'accords garantis par la parole d'honneur ;

-           l’outrage à Magistrat.

 

Le déshonneur prononcé par une décision judiciaire pouvait être effacé par la grâce royale ou par une seconde décision judiciaire.

 

Le code de la nationalité

 

La capacité juridique était indivisiblement liée à l'appartenance nationale et étatique. Dans ce contexte, aucune différence n'était faite entre les citoyens de Croatie, de Dalmatie, de Slavonie et de Hongrie (de l'Erdelj). Tous étaient considérés aux yeux de la loi comme de véritables "Ugri" (veri Hungari); Une distinction était cependant faite entre les citoyens (cives), les habitants (incolae) et les nouveaux venus (advenae). Le citoyen séjournant en permanence sur le territoire national disposait de l'ensemble des droits civiques. Ceux qui étaient limités dans ces droits civiques étaient les simples habitants (incolae). Les nouveaux venus ou des étrangers pouvaient être des immigrés, s'ils résident un peu plus longtemps sur le territoire national, ou de simple passagers (transeurte) lorsqu'ils ont des possessions sur les terres, ou bien des commerçants (forenses, les gens qui viennent sur la place publique). La nationalité s'obtenait par le sang et la naissance ou bien était accordée comme un privilège. Il était nécessaire de recueillir l'assentiment de la classe sociale correspondante lorsqu'un étranger devait entrer en possession d'un bien nobiliaire. Le nouveau citoyen devait prêter serment, et s'engageait à respecter les lois, de défendre la liberté du royaume et de ne jamais céder devant les actes de spoliation dirigés contre l’Etat. Plus tard, au XVIIième siècle, on délivrait un diplôme de nationalité (diploma indigenatus). En dehors de cette reconnaissance officielle et solennelle de la nationalité, il existait une procédure d’acceptation tacite (receptio simples vel tacita). L’étranger qui s’était établi pour une longue période ininterrompue pouvait devenir un citoyen lorsque le pouvoir royal l’inscrivait en qualité d’assujetti aux impôts. C’était le cas pour la catégorie des simples habitants (incolae). Les étrangers ne pouvaient appartenir à la noblesse et occuper des professions publiques et ne pouvaient obtenir de bénéfices du clergé. Ils ne pouvaient, sous peine de sanctions, posséder des biens immeubles et effectuer des actes de commerce. Ils ne pouvaient racheter les dettes des citoyens d’origine. La capacité juridique dépendait aussi de l’appartenance confessionnelle. Durant de longs siècles en Croatie et en Slavonie, la religion catholique était unique et exclusive (religio dominans). Les migrations des Valaques, qui débutèrent au XIIIième siècle, amenèrent en Dalmatie et en Croatie un nombre important de croyants orthodoxes qui adoptèrent rapidement la liturgie gréco-catholique. Avant la bataille de Mohacs (1526), on assiste à Budim à la venue de protestants luthériens, en majorité des Allemands. Durant tout le moyen âge, en Croatie comme en Hongrie, la religion juive fut simplement tolérée (religio tolerata). L’ancien droit des gens croate connaîtra une période de déclin au XIIIième siècle. La vengeance du sang séculaire restera intacte et toujours en vigueur dans les régions montagneuses. Les anciennes coutumes zagreboises, comme le Code de Vinodol, en font mention. On sauvegardera l’ancien rituel de la réconciliation qui rappelle l’institution du jury et qui est semblable chez les Francs, à l’institution du “compositio”, en Corse aux “parolanti”, en Sardaigne aux “razionali e savii del popolo”, dans la région de Boka-Kotorska aux “arbitri amicabiles”, à Dubrovnik aux “amicabiles compositories”.

 

Progressivement, ce droit croate des gens, d’essence organique, différencié et hiérarchique, marqué par la notion d’honneur et de fraternité charnelle, sera remplacé au fil des réformes constitutionnelles et juridiques démocratiques du XIXième siècle (réformes politiques de 1830, révolution de 1848) et sous l’influence des bouleversements économiques et sociaux et des idées illuministes de la “Révolution” française, par un droit de plus en plus libéral et individualiste de conception prédominante romaine, favorisant davantage la protection et la circulation de la propriété individuelle, l’enrichissement usurier et rentier des individus au détriment des intérêts de la communauté.

 

Me Jure VUJIC.

lundi, 13 avril 2009

Aux origines de la Croatie militaire

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995

 

Aux origines de la Croatie militaire

 

L'éditeur C. Terana, spécialisé dans les rééditions de livres d'histoire militaire, publie La Croatie militaire (1809-1813). Les régiments croates à la Grande Armée  du Commandant P. Boppe, ouvrage paru en 1900 et illustré de six planches en couleurs et d'une carte des “Provinces Illyriennes”. L'auteur nous rappelle les origines de la Croatie militaire: «Après que les Turcs, en 1685, eurent été contraints de le­ver le siège de Vienne et eurent été rejetés en Bosnie, l'empereur Léopold Ier, roi de Hongrie, organisa en 1687 un cordon de régiments frontières pour servir de barrière aux incursions qu'ils pourraient en­core tenter, autant qu'à la propagation de la peste. Ce cordon fut établi sur une longue bande de pays s'étendant du littoral hongrois de l'Adriatique à la Transylvanie et ne dépassant pas la largeur moyenne de huit lieues, c'est à dire une journée de marche. Tout ce territoire fut soustrait à la féodalité seigneu­riale, le souverain en devenant le maître absolu, et fut divisé en dix-sept provinces dites régiments; chaque régiment fut subdivisé en compagnies et celles-ci en familles (...). Cette organisation subsistait au commencement de ce siècle telle qu'elle avait été créée, tant elle s'adaptait aux besoins qui l'avaient fait concevoir, aussi bien qu'aux mœurs et au tempérament des habitants de contrées qui por­taient le nom, justifié dans la réalité, de Confins militaires. Les Croates ayant toujours à se défendre contre les brigands venant de Turquie, vivaient sur un perpétuel qui-vive et étaient constamment ar­més; un fusil, un khangiar, plusieurs pistolets à la ceinture faisaient partie de leur costume, on pourrait presque dire d'eux-mêmes; ils étaient soldats de naissance:l eur groupement en régiments s'imposait donc par la nature même des choses et c'est un peuple organisé militairement que Napoléon devait, en 1809, trouver sur la rive droite de la Save» (P. MONTHÉLIE).

 

P. BOPPE, La Croatie militaire, Editions C. Terana; 31 bd Kellermann, F-75.013 Paris, 268 p., 150 FF.

lundi, 23 mars 2009

Homo Americanus: Child of the Postmodern Age

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Homo Americanus: Child of the Postmodern Age

by Tomislav Sunic BookSurge Publishing, 2007

Reviewed by Troy Southgate - http://www.rosenoire.org/

BOOK REVIEW

HAVING endured life under communist and liberal-capitalist regimes in both Croatia and the United States respectively, Tom Sunic is particularly well-qualified to address the serious problem of postmodern America and to examine the hard-line theocracy that lies at the very core of its current geopolitical impetus. The author is renowned both for his honesty and for his penetrating insight, and this – similar to his previous literary offerings - represents a perfect blend of empirical and intellectual wisdom. However, this is not simply the latest in a series of gratuitous Eurocentric attacks on the American people themselves; it is a scathing indictment of their system and the wider implications it has for the rest of the world. More importantly, Sunic argues that the nostalgic America of the past had, and still retains, the creativity and potential to become a positive driving force for those inhabitants of European extraction.

It is no great secret that Europe has also fallen victim to Americanism and “often appears unnerving to American visitors in Europe in search of an elusive ‘true’ Frenchman, German or a Dutchman.” (p.5) So this book is also written from the perspective of Homo Americanus himself, avoiding the usual stereotypes with which some of the more unthinking critics here in Europe tend to chip away at the American edifice. The book’s working postulate looks at Homo Americanus as “a distinct sociobiological specie and not only a derogatory label for an average American citizen” (p.8), regardless of his social or geographical status. This useful form of terminology allows Sunic to dissect, examine and formulate American development over the last 200 years.

The author, who is a former Croatian diplomat and Professor at the University of California, spends a great deal of time explaining why critics of America’s egalitarian values are likely to incur the wrath of the U.S. system. Opponents of these values are denounced as ‘fascists’ and ‘anti-Semites’, or portrayed as ‘anti-American’ heretics. Sunic has been a victim of this narrow-mindedness himself, although the fact that he is no longer resident in America or working for the Croatian government does, at least, mean that he is at slightly more liberty to criticise the intellectual hypocrisy of the international thought police. The rabid vilification of those who dare to stand outside of the liberal parameters, Sunic explains, is being perpetuated by intellectuals who not only cut their teeth in the leftist environs of the Frankfurt School, but who also represent a secularised version of early American Calvinism. In fact the theocratic roots of America are much to blame for the millenarian fervour that now drives the free-market economy and its army of docile consumers. In fact modern American racialists are criticised for failing to appreciate that “[w]hile they bewail the passing of the white race, they fail to critically examine the foundations of Americanism . . . Why should one worry about the passing of the great white race if that race has only been involved in endless economic transactions?” (p.23)

America’s role in the Cold War is also examined, although the relationship between Homo Americanus and Homo Sovieticus is shown to have been far less antagonistic than most people think. Sunic does contend that, without America, “the Soviet Union would likely have become a reality for most people on earth” (p.29) and that the masses much prefer American consumerism to life under the Soviets themselves. However, whilst anti-communist rhetoric is often solely obsessed with the ‘atheistic’ nature of communism, it remains a fact that both systems share the same egalitarian undercurrent and that no attempt is made to examine the dynamics of this relationship. Sunic goes on to speculate that communism – as a direct result of its egalitarianism - has to a large extent managed to achieve its ends through the American system. It is already a well-known fact that after the collapse of communism, many former party apparatniks in Eastern Europe eagerly pinned their colours to the new liberal mast, but the author capably demonstrates that a similar form of intellectual and ideological duplicity has taken place in the West: “A large number of American left-leaning intellectuals seriously began to think that ‘true’ communism could have a second chance with a humane face in America, and this by means of employing different forms of social engineering. Some European authors observed that communism died in the East because it has already been implemented in the West.” (p.34) It is not uncommon, of course, for rats to leave a sinking ship and to redirect their energies elsewhere. We see this opportunistic trend happening in the economic sphere, too, as Big Business conglomerates continue to transfer their business operations to China and the Third World. But lest you doubt the author’s theory concerning the gradual importation or transference of Communist principles to America, we need only remind ourselves that the egalitarian ideals of Thomas Jefferson and other formulative American leaders were – as writers like Noam Chomsky and Lawrence R. Brown openly contend – a radical and pronounced form of leftism. The seeds, therefore, had already been sown at the very beginning of American history.

One of the more successful weapons in the struggle for liberal ascendancy has been political correctness. The kind of terminological double-speak that we so often hear emanating from the mass media, particularly during the Anglo-American attacks on Iraq and Afghanistan, had previously been developed for the purposes of self-policing, censorship and social engineering. Sunic rightly attributes the early origins of political correctness to the Frankfurt School, which, as the name suggests, was a German-based think-tank headed mainly by Jewish intellectuals who had fled to America during the rise of Hitler. At the end of World War Two, however, these individuals returned to Germany and the Frankfurt School was then used by America to essentially brainwash the next generation of young Germans. Sunic explains: “Most of the American educators, however, were former disciples of Freud and Marx, who considered that the best approach in curing defeated Germany was by treating Germans as a nation of ‘clinical patients’ in need of a hefty dose of liberal and socialist therapy.” (p.66) The clandestine book-burning and shelf-clearing that followed, however, was designed to function as an intellectual tabula rasa for the subsequent re-education of the German people themselves. After more than 60 years the witch-hunts are still going on, of course, with nationalists and revisionists alike facing the wrath of the modern German system. But more importantly, perhaps, the kind of political persecution that was first hatched on the drawing boards of the Frankfurt School, soon found their way into America. There may not be as much overt repression in the United States as there has been among those who laboured under Soviet communism or who suffered the spiteful tribulations of post-war Germany, but the same objectives are being pursued: “The entire West, including America itself, has become a victim of collective guilt which, strangely enough, is induced more by intellectual self-denial and by Christian-inspired atonement, and less by State repression.” (p.73)

Chapter IV is the most illuminating and revealing section of the book, particularly for those American readers who often find it hard to look at themselves objectively and particularly in the way that they are viewed by outsiders. Despite the fact that the political and religious realms are kept entirely separate in public life, Christian fundamentalism is still a potent force in modern-day America and Sunic gets to grips with the country’s seemingly inextricable Calvinist origins. This potency is reflected in the attitude that Americans express, not merely with regard to one another, but also towards the rest of the world: “Foreigners, by contrast, and particularly Europeans, immediately notice in American behaviour strong pedagogical outbursts which they wrongly interpret as camouflage for capitalist hypocrisy (p.87) . . . It is often formulated in petty sentimentalism, passing pep talks, gigantic fake smiles, verbiage teeming with bombastic adjectives, and a vicarious ‘love thy neighbour attitude’, always accompanied by a strong desire for social conviviality.” (p.89) The arrogant and patronising morality so often associated with the vast majority of Americans is the direct result of Protestant influence among the New England settlers of the seventeenth-century; something which, in turn, was transported directly from the dogmatic horror show that was Oliver Cromwell’s Puritan England. Sunic, by way of Werner Sombart, demonstrates how Christianity has acted as the perfect impetus for American universalism, not least because the traditional values of Calvinism, which are stringently linear and progressivist in nature, are so very similar to Judaism. This proliferation of the Jewish spirit through Christian fundamentalism, which, as Carl Schmitt also believed, has since become secularised but certainly no less formidable, has caused many people to attribute blame to the Jews themselves. However, Sunic notes that Jewish power in America is not simply down to the Jews, it has also been aided and abetted by those philo-Semites who have swallowed Jewish theocracy hook, line and sinker. In other words, the Calvinist tradition, with its so-called ‘work ethic’ and universalistic mores, matches precisely the mercantile framework in which cosmopolitan Jewish capitalists have managed to ascend the gilded throne of opulence, or, as the author puts it, “America became a Jewish substitute utopia . . . This multi-racial social engineering was facilitated by the ecumenical and globalistic framework of the early American Puritans – who had considered themselves as spiritual Jews.” (p.99) American racialists who retain their Christian roots also come in for some flak: [R]egardless whether they are hypermoralistic Puritans or more authority prone Catholics, [they] are in no position to found an ethnically and racially all-white Gentile society while adhering at the same time to the Christian dogma of pan-racial universalism.” (p.101) Sunic believes this conflict of interests will result in some form of neurosis, because despite his hatred for Jews, the American anti-Semite “lugs behind himself a Levantine deity that is not of European cultural origin.” (p.104)

The alternative, of course, as other New Right figures such as Alain de Benoist have advocated, is some form of pagan revival. But Sunic is careful to point out that “the rejection of monotheism does not imply a return to the worship of Indo-European deities or the veneration of some exotic gods and goddesses. It means forging another civilisation, or rather, a modernised version of scientific and cultural Hellenism, considered once as a common receptacle for all European peoples.” (p.106) On the other hand, Oswald Spengler’s ‘second religiosity’ – which may be interpreted as an ineffectual escape from reality - is cited as one example of how not to proceed, particularly as its modern legacy is epitomised by the multifarious cults that swamp the face of America but which completely fail to have any unified political or cultural impact. Sunic concludes his assault upon the theocratic foundations of America by stating emphatically that “the Western world did not begin with the birth of Christ or in America. Neither did the religions of ancient Europeans see the first light of day with Moses – in the desert . . . America’s Greco-Roman-Nordic ancestors also believed in honour, justice, and virtue, although they attached to those notions a radically different meaning.” (p.114)

Now that he has addressed the origins of Americanism, the author turns his mind to the dissemination of those ideals overseas. Beginning with the Monroe Doctrine in 1917, which, if you know your history, was rather a curious year to launch such a profoundly egalitarian statement, Sunic takes us into the murky world of American geopolitics. But whilst the relationship between America and the Israelis appears to make no sense whatsoever to the average American taxpayer, let alone the rest of the world, once you recall the Calvinist roots of those now at the helm it becomes easier to grasp why America is so disastrously committed to the eradication of its Islamic enemies from the face of the earth. Samuel Huntingdon’s ‘clash of civilisations’ thesis appeared to pre-empt the cataclysmic attack on New York in September 2001, but as far as the author is concerned “the scope of his analyses and predictions about Americanism are far behind the probity of the German jurist Carl Schmitt or the expert on geopolitics Karl Haushofer.” (p.140)

Postmodernism, at least from the perspective of those who oppose it, has been discussed on several occasions, one of the best examples appearing in Michael O’Meara’s well-researched New Culture, New Right: Anti-Liberalism in Postmodern Europe (1stBooks, 2004). Similarly, Sunic devotes a whole chapter to this crucial topic and tells us that “postmodernity reflects an intellectual climate in which preceding political paradigms are meant to be discarded on the grounds of their allegedly outdated nature.” (p.143) In fact, just like the denizens of the Frankfurt School, postmodern theorists are derived from Freudian and Marxist circles. This fact demonstrates the validity of the author’s earlier theory concerning the ideological ‘conversion’ that many of academia’s key players seem to go undergo and reminds me somewhat of the cultural and intellectual ‘seeding’ process discussed by Ernst Scott in The People of the Secret (Octagon Press, 1983). According to these postmodern shapers of reality, “[i]ntellectual history has finally come to an end and everything must be replaced by micro-histories and consensual truth from all parts of the world, including all lifestyles imaginable.” (p.145) However, despite what appears to represent an increase in individual freedom and expression, the old egalitarian myths still cannot be questioned and therefore the Calvinist-inspired dogma and economic progressivism still lurk in the background; “postmodernity is a historical oxymoron, a buzzword which neatly covers up intellectual mendacity.” (p.145) Ironically, perhaps, much postmodern rhetoric is infused with the language of Nietzsche and Heidegger, although once again, this is a smokescreen for the Orwellian double-speak that masks the more nefarious objectives of its shadowy progenitors. Sunic, like Gilles Lipovetsky before him, believes that a more appropriate term for this development is ‘hypermodernity’: “Postmodernity is hypermodernity insofar as the means of communication render all political signs disfigured and out of proportion.” (p.150) In other words, committed efforts by postmodernists to assign to an innumerable amount of discourses and lifestyles their own peculiar validities – however surreal – now means that everything has become ‘memorialised’; hence the term ‘postmodern’ and its relation to ‘hypermodernism’.

But once again, certain matters are not open to scrutiny and postmodern discourse is highly-selective and there to ensure that only certain things are retained for posterity: “First comes the American virtual icon, most likely by means of a movie, a TV show, or a computer game; then the masses start using this imagery in the implementation of their own local reality. It is the media projection of hyper-real America which serves from now on as the best propaganda weapon for the American dream.” (p.152) This manifests itself through narcissistic behaviour and a fear of the unpredictable. Whilst America is infatuated with its own contrived image, the effects of this fragile state of unreality on the general population have led to widespread anxiety and health problems. Indeed, “given that Americanism, at least in the eyes of its non-American imitators, functions solely as a make-believe system, i.e. as a hyper-copy of its own projected and embellished self” (p.154), surely it won’t be too long before the whole artificial structure begins to collapse completely?

The author then counteracts this frighteningly realistic image with his own heady dose of optimism, referring us instead to great American cultural icons like Henry Miller, H.L. Mencken, Ezra Pound and Francis Parker Yockey. He contrasts nostalgia and reality, arguing that one’s memories can often be unexpectedly shattered by an unpleasant experience in a place that once held a sense of great personal significance. At the same time, Sunic asks “Is not the dream of having another geographic alternative at hand the only way to make human life bearable?” (p.161) He is suggesting, of course, that another America still exists in the memory, and that it is still possible to make it a reality once again. This, he claims, can be achieved by using postmodernity “as a launching pad for diverse forms of Euro-American-nationalism, including the rebirth of a new European-inspired American political elite . . . No one can rule out that European-Americans will cordon themselves off into their own well-guarded racial reserves.” (p.166) The anti-egalitarianism of Nietzsche, meanwhile, is posited as a potential saviour from the Puritanical dogma of hypermodernism, and the author goes on to suggest that whilst Americanism has been derided, no serious attempt has been made to seize the cultural initiative. I would argue that this is slowly beginning to change, not least as a result of the impending marriage between the ‘Industrial’ music underground, self-styled National-Anarchists and sections of the New Right. All it takes is for this current to be tilted in the right direction; one spark of organisational brilliance and the future will be ours.

Sunic’s optimism continues with a brief look at postmodern agrarianism and American scholars like George Fitzhugh and Richard Weaver. But whilst these figures are undeniably part of the hidden America, they are perhaps a little out of place in an otherwise radical work such as this. Indeed, when used in this context they represent little more than an appeal to the kind of nostalgic Paleoconservative mindset that one finds in the pages of Chronicles magazine .

The parting shot, however, is reserved for American democracy and the author takes an elitist position by rightly conceding that the masses are not interested in traditional American ideas. He also explains that egalitarian, multi-racial societies are doomed and that the consequences will inevitably plunge America into balkanisation and civil strife. Furthermore, “as the American system becomes more and more economically opulent, even the slightest economic crisis, resulting in a small drop in living standards is bound to cause social discord and political upheavals.” (p.188)

Tom Sunic’s classic American hero can be found in the celluloid beauty of a Spaghetti Western, or perhaps among the characters of a Jack London novel. Finally, let it be said that his excellent book represents a final chance for Homo Americanus to redeem himself. Let’s hope he does so before it’s too late.

jeudi, 20 novembre 2008

Croatie, OTAN et américanisation

Tomislav Sunic a enseigné les sciences politiques aux Etats-Unis. Il est l'auteur de Homo americanus: Child of the Postmodern Age.  Il travaille  actuellement sur son nouvel ouvrage : La Croatie : Un pays par défaut.

Il livre dans ce texte que nous reprenons, une analyse très intéressante.


Ex: http://antiotan.over-blog.com

La Croatie est un vrai laboratoire pour étudier le phénomène de l'identité mimétique pris au sens large. Ce petit État se prête idéalement à une bonne étude d'un pays «malgré soi» et de la façon dont l'américanisme  joue un rôle déterminant dans la formation de sa conscience nationale.  Dans une large mesure, la  symbolique identitaire et la mauvaise appréhension de l'Autre furent à l'origine du conflit serbo-croate. A l'époque, les nationalistes croates ne pouvaient se définir sans afficher leurs sentiments antiserbes; aujourd'hui, en raison de nouvelles données géopolitiques, on se demande s'ils peuvent fonctionner sans pour autant singer l'américanisme.


Toute société multiculturelle, comme l'ex-Yougoslavie l'a bien montré, est profondément fragile et risque d'éclater à tout instant. Le climat du faux semblant multiethnique était la marque déposée de la Yougoslavie titiste qui avait réussi à duper un grand nombre d'observateurs occidentaux. Or l'Amérique s'est toujours fichée éperdument du sentiment identitaire, des Serbes comme des Croates. D'ailleurs, elle a inlassablement répété tout au long de l'année 1991 qu'elle ne donnerait pas son aval à l'indépendance croate et ainsi fut donné le feu vert à l'agression de l'armée yougoslave contre la Croatie. En 2008, en revanche, cette même Amérique n'a pas hésité à miser sur les sentiments antiserbes des Croates pour crédibiliser le processus de création de l'état-avorton du Kosovo.
 
Cependant, avec la rapide américanisation de la Croatie par le biais de l'OTAN et de l'Union  Européenne,  l'identité nationale croate est plus ou moins vouée à disparaître. Il s'agit d'une érosion « soft » mais elle est gravissime.  Le meilleur vecteur de ce phénomène est l'Amérique elle-même, car ce pays fonctionne de moins en moins comme un État tandis que son idéologie multiculturelle  « à la yougoslave »  devient un bon substitut pour les anciennes identités nationales. En ce début du XXIe siècle, le processus d'américanisation fait des nouveaux États des Balkans  une grotesque décalcomanie de la lointaine Amérique.

En dépit du caractère bouffon de leur imitation de tout ce qui est américain, imitation dont ils sont très fiers, les Croates et leur classe politique ne s'en croient pas moins les meilleurs héritiers de l'américanisme. Les anciens fonctionnaires communistes croates sont, en effet, convaincus d'en être les plus dignes émules. «Voilà pourquoi les anciens apparatchiks communistes, » remarque Claude Karnouh,  « tant ceux des institutions politico-policières que de l'économie planifiée, se sont si facilement adaptés à l'économie de marché et se sont complus à brader sans vergogne le bien commun par des privatisations massives qui représentent, à coup sûr, le plus grand holdup du siècle sur la propriété collective ».
 
La perception fantasmée de  l'Amérique ne fait que renforcer l'expansionnisme américain. On a beau critiquer les USA pour leur prétendu hégémonisme dans les Balkans, force est de constater que c'est souvent la singerie à laquelle se livrent volontairement les peuples croate, bosniaque, slovène et albanais qui sert de tremplin aux appétits américains.  La servilité des élites  croates envers les élites américaines est en quelque sorte la conséquence logique de leur ancienne soumission à l'égard de leurs précédents maitres, vénitien,  hongrois ou autrichien. Il n'y a pas si longtemps, c'étaient Belgrade et les Serbes qui rendaient les Croates «plus yougoslaves» que les Serbes eux-mêmes ; aujourd'hui, ce sont diverses institutions américaines qui mènent la danse en coulisse.  Autrefois, il était de rigueur pour les communistes croates de faire le pèlerinage de Belgrade ; aujourd'hui ce sont  Washington et, le cas échéant, Tel Aviv qui servent de  lieux saints à leur nouvelle identité.

On s'aperçoit vite que l'identité de l'homo americanus ne diffère pas beaucoup de celle de son homologue ex-communiste, l'homo jugoslavensis. Après une première extase suscitée par la liberté et l'indépendance, les Croates sont en train de perdre toutes traces d'une souveraineté que même l'ex-Yougoslavie  avait su tant bien que mal préserver. Pour l'homme de la rue, l'américanisation est  toujours perçue comme une promesse de richesse. Si l'Amérique ne les avait pas séduits par son apparente opulence, la plupart des Croates seraient encore bien heureux de vivre dans la Yougoslavie communiste.  Par son effet négatif, le référent «communiste» a longtemps servi de puissant support au rêve américain.
 
Au fond, dans la Croatie d'aujourd'hui, les élites politiques et médiatiques se composent essentiellement d'apparatchiks communistes qui se sont convertis après la Guerre Froide en idéologues du libéralisme et de l'américanisme, et dont la démocratie importée d'Amérique se réduit souvent à l'incantation de termes comme «droits de l'homme» ou «marché libre. Cela semble aujourd'hui bien arranger les institutions supra-étatiques comme l'OTAN ou l'EU car celles-ci ne semblent intéressées que par un seul but, à savoir permettre aux entreprises d'Europe Occidentale et d'Amérique de s'approprier les principales richesses industrielles et naturelles du pays. En conséquence,  les élites américaines ne s'étonnent pas du tout de voir les nouvelles élites croates conceptualiser le rêve américain et occidental d'une façon très éloignée de la réalité. En effet, des pays balkaniques aux pays baltes, la majorité des politiciens est-européens se compose de fils et de filles de communistes qui, pour des raisons géopolitiques et technoscientifiques, se sont recyclés et convertis en farouches Américanophiles. Rétrospectivement, on peut se demander dans quelle mesure les ex-post-communistes croates croyaient vraiment en leurs anciennes divinités communistes. Reste à découvrir maintenant s'ils resteront longtemps fidèles à leur nouveau credo du marché libre façonné par l'Amérique.

Le Croate moyen est souvent en proie à des accès d'identité négative comme en témoigne l'histoire de ses relations avec ses voisins, Serbes, Hongrois, Italiens ou autres. La dernière influence en date est celle des Américains. En raison de leur manque d'identité étatique, les dirigeants croates, à l'instar des autres fonctionnaires est-européens, ont appris, il y a bien longtemps, à survivre grâce a l'usage immodéré de la langue de bois. Aujourd'hui,  ils vont bruyamment applaudir les Américains et le jour suivant, ils se mueront aussi facilement en antiaméricains primaires.  La loyauté civique, l'esprit d'initiative, l'engagement professionnel et l'indépendance économique sont presque inexistants. Dans la Croatie postcommuniste, l'idée s'est répandue que pour réussir dans le libéralisme moderne tel qu'il est prêché par l'Amérique, il faut être un escroc. Pour tous les Croates rompus à la pathogenèse communiste, la "frime" politique est un mode de vie.
 

L'impact de l'américanisme en  Croatie se révèle d'ores et déjà plus nocif que le legs du yougo-communisme. Force est de constater qu'au moment où la répression communiste battait son plein en Croatie communiste, les universitaires américains enseignaient la scolastique freudo-marxiste, tout en prenant le multiculturalisme yougo-titiste comme modèle social. Plus tard, quand la Yougoslavie est morte, ces mêmes professeurs américains ont  jugé nécessaire de remplacer leur discours marxiste par un discours libéral. Mais ils n'ont pas abandonné pour autant leurs anciens objectifs de promiscuité mondialiste. De leur côté, au lendemain de la Guerre Froide, les dirigeants croates avaient  cru qu'à l'aide de slogans pro-américains, ils ouvriraient la route à l'occidentalisme et se dédouaneraient ainsi de leurs péchés communistes. Ce fut surtout évident en 2000, lors de l'arrivée au pouvoir d'une équipe profondément inféodée aux intérêts américains. Dès lors, la servilité vis-à-vis de l'américanisme ne connut plus de bornes. Tout le monde s'est gargarisé en Croatie de mots tels que «croissance économique», «privatisation», «globalisation», et «intégration euro-atlantique», sans savoir au juste ce que signifiaient ces expressions. Or, cette phase d'américanolâtrie arrive lentement à expiration, laissant de nombreuses interrogations quant à l'avenir des Balkans. On ne peut pas totalement éliminer l'hypothèse de voir les Croates, guéris de l'expérience libérale « made in USA », se retourner soudain, et par défi, vers des leaders plus musclés. L'Amérique, telle qu'elle a fonctionné dans l'imaginaire croate, est loin de se concrétiser. Il reste donc aux Serbes et aux Croates à définir quel est vraiment leur ennemi principal...

Tomislav Sunic
 

mardi, 12 août 2008

Aymon de Savoie, Roi de Croatie

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Erich KÖRNER-LAKATOS:

Aymon de Savoie, Roi de Croatie au temps du Poglavnik Pavelic

 

Le matin du 30 janvier 1948, le drapeau de l’Hôtel Plaza de Buenos Aires est en berne. Comme une traînée de poudre, la nouvelle  se répand parmi les clients rassemblées dans la grande salle boisée des petits  déjeuners: Aymon, Prince de Savoie, est mort. Ce client permanent et célèbre de l’hôtel a définitivement ermé les yeux dans la plus belle force de l’âge, à 48 ans. Sa vie fut courte, certes, mais animée.

 

Aimone (Aymon) Roberto di Savoia était né le 9 mars 1900 à Turin, l’ancienne capitale du Royaume de Piémont-Sardaigne, dans une lignée apparentée à la famille royale d’Italie. Son père, Emmanuel-Phillibert était un cousin du roi et portait le titre de Duc d’Aoste. Sa mère est Hélène d’Orléans, princesse française née en 1971 à Twickenham en Angleterre et descendante du roi bourgeois. Le chef de la famille est Amadeo, un frère de deux ans plus âgé.

 

Selon la tradition de la famille, Aymon entame rapidement une carrière militaire et opte pour la marine de guerre. En 1918, il participe aux combats en tant que pilote de l’aéronavale. Outre son service d’officier, l’aristocrate se consacre à des travaux scientifiques. Il dirige ainsi l’expédition dans le désert de Karakoroum, patronnée par l’Institut Géographique italien. Les fouilles archéologiques menées en plein centre de l’ancien empire mongol, où résida jadis Gengis Khan, passionne la nation italienne. Aymon, que la nature a doté d’un physique imposant, se fait aduler par les Italiens comme le Marco Polo du 20ème siècle. Le roi lui octroie le titre de Duc de Spolète.

 

En 1931, son père, qui est surtout son modèle, meurt. Emmanuel Phillibert avait sympathisé dès 1922 avec le mouvement fasciste et mis sa personne à la disposition du pays, pour assurer les fonctions de régent, au cas où Victor-Emmanuel III s’opposerait à la Marche sur Rome. Mussolini n’avait pas oublié cette offre et, reconnaissant, n’a jamais cessé de promouvoir les deux princes désormais orphelins de père.

 

Lors de la guerre contre l’Abyssinie (Ethiopie), Aymon se porte volontaire  pour l’Erythrée, en tant qu’officier de marine. Le 1 juillet 1939, il se fiance à Irène de Grèce, une fille de Constantin, Roi des Hellènes, mort en exil à Palerme. En  novembre de la même année, il devient amiral et commandant-en-chef de la flotte à Pola. A partir de mars 1941, il commande la base navale de La Spezia, sur la côte de Ligurie. Le Duc de Spolète est au sommet de sa carrière militaire. Mais  Mussolini, qui a installé son frère Amadeo comme vice-roi en Abyssinie en novembre 1937, réserve une meilleure promotion encore à Aymon.

 

Le jour décisif est le samedi 18 mai 1941. Lieu de l’action: le Quirinal, résidence royale. A la fin de la matinée se déroule une cérémonie prestigieuse, où la dynastie déploie tout son faste. Le roi est assis sous un baldaquin, avec, à sa droite, le prince héritier Umberto et, à sa gauche, Aymon prend place. C’est alors qu’une délégation, conduite par Ante Pavelic, portant un uniforme de colonel, fait son entrée. Pavelic est le chef, le “Poglavnik”, de l’Etat indépendant de Croatie, proclamé le 10 avril 1941. Avec toute la rigidité de l’étiquette, le roi demande quelle est le requête du visiteur. Celui-ci exprime le souhait du peuple croate d’avoir un souverain issu de la glorieuse dynastie des Savoie. A la suite de quoi, le roi, en sa qualité de chef de la Maison de Savoie, prononce un nom: Aymon. Les assistants se lèvent et les “Evviva” italiens et les “Zivio” croates retentissent dans la salle. Et ainsi se termina l’acte de fondation du royaume de Croatie.

 

La Croatie, qui venait, trois jours plus tôt, de hisser la Couronne médiévale de Zvonimir au rang de symbole du nouvel Etat, devint ainsi une monarchie, mais le pouvoir réel demeure aux mains du premier ministre Ante Pavelic. Benito Mussolini n’avait toutefois nulle intention de tolérer ce nouveau royaume comme un Etat pleinement souverain et lui prépare dès lors un statut que les croates connaissent trop bien depuis des siècles  et qu’ils croient pourtant avoir dépassé définitivement, soit le statut d’un pays qui existe mais comme subalterne, comme annexe, d’une grande puissance ou d’une puissance plus grande; jusqu’en 1918, Zagreb avait tourné ses regards vers Vienne ou Budapest, ensuite, vers Belgrade.

 

Le 18 mai 1941, une bonne heure après sa nomination, Aymon a le sentiment d’avoir été rétrogradé et d’être devenu le Capitaine d’un Etat satellisé. Dans la salle “Mappamondo” du Palazzo Venezia, siège du Duce, Mussolini et Pavelic signent trois traités. Le premier de ces traités concerne les frontières du nouvel Etat croate; il prévoit la rétrocession des villes dalmates de Sebenico, Traù et Spalato (Split), ensuite de la région autour de la ville de Zara (la ville elle-même est italienne depuis le traité de Saint-Germain) et de la Baie de Cattaro/Kotor. Ces territoires appartiennent tous à la Dalmatie dite “classique”, qui faisait jadis partie de la République de Venise. L’ensemble de ces territoires rétrocédés a une superficie de 5400 km2 et compte 380.000 habitants, parmi lesquels seulement 5000 Italiens. La plus belle ville de la région, Ragusa/Dubrovnik, reste croate.

 

Dans le deuxième traité, l’italie garantit l’indépendance de la Croatie. Le troisième réduit l’ampleur de la souveraineté croate: Rome se réserve le droit de faire circuler ses troupes le long de l’antique voie longeant les côtes dalmates, y compris dans les portions relevant de l’Etat croate. De plus, l’Etat oustachiste ne peut se doter d’une flotte de guerre.

 

Après la signature des traités, Benito Mussolini s’est levé pour porter un toast; il évoque alors Aymon de Savoie: “Je me réjouis de penser à ce prince lumineux que l’on vient de choisir pour occuper le trône de Croatie et je me réjouis également de formuler les souhaits les plus cordiaux pour vous, Pavelic, afin que la nation croate aille au devant d’un avenir glorieux!”.

 

Un banquet chez le roi termine cette étrange journée, qui fut aussi, pourtant, une journée de défaite pour la Maison de Savoie: à Amba Alagi en Ethiopie, le frère aîné d’Aymon, Amadeo, Duc d’Aoste, est contrait de capituler devant les Anglais. Le 19 mai, le quotidien helvétique “Neue Zürcher Zeitung”  évoque les accords de Rome de la veille: “Ils maintiennent plus ou moins l’équilibre entre les deux parties contractantes”. Mais le journaliste suisse estime tout de même qu’en fin de compte, c’est l’Italie qui en tire les meilleurs avantages. En Croatie, la rétrocession des régions dalmates suscite un sentiment général de haine à l’encontre des Italiens. Pavelic et le mouvement oustachiste perdent beaucoup de crédit au sein de la population. Le Poglavnik tentera alors de se  dégager de la tutelle italienne.

 

C’est pourquoi Aymon, sous le nom de Tomislav II, ne sera pas couronné à Zagreb, dans la cathédrale Saint-Etienne par l’Archevêque Alois Stepinac. Le roi désigné  —qui est également devenu Prince de Bosnie-Herzégovine et Voïvode de Dalmatie et de Tuszla—  ne mettra jamais les pieds sur le sol croate; il se consacrera entièrement à la marine et assumera les fonctions d’inspecteur général des célèbres et glorieuses unités MAS de vedettes rapides.

 

Le 27 septembre 1943, un héritier voit le jour: Amadeo Umberto Constantino. Le nourrisson ne sera prince héritier de Croatie que pendant fort peu de temps car son père abandonne la Couronne le 12 octobre. En juin 1946, à la suite du plébiscite qui fait de l’Italie une république, la dynastie des Savoie quitte le pays pour l’exil. Aymon-Tomislav prend, lui aussi, la route de l’exode: il n’a plus qu’un an et demi à vivre.

 

Erich KÖRNER-LAKATOS.

(article tiré de “zur Zeit”, Vienne, n°3/2006; trad. franç.: Robert Steuckers).

vendredi, 13 juin 2008

The Right Stuff (Drugs and Democracy)

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Chronicles of American Culture (October 1996)

The Right Stuff (Drugs and Democracy)

by Tomislav Sunic


Morphine is said to be good for people subject to severe depressions, or even pessimism. Although the drug first surfaced in a laboratory at the end of the last century, its basis, opium, had been used earlier by many aristocratic and reactionary thinkers. A young and secretive German romantic, Novalis, enjoyed eating and smoking opium juice, probably because he had always yearned to alleviate his nostalgia for death. Probably in order to write his poem Sehnsucht nach dem Tode. Early poets of Romanticism rejected the philosophy of rationalism and historical optimism. They turned inward to their irrational feelings, shrouding themselves in the pensive loneliness which opiates endlessly offer.

Once upon a distant time we met Homer's Odysseus, who was frequently nagged by the childish behavior of his pesky sailors. Somewhere along the shores of northern Africa, Odysseus and his sailors had strayed away into the mythical land of the lotus flower. As soon as his sailors began to eat the lotus plant, they sank into forgetfulness, and immediately forgot their history and their homeland. It was with great pain that Odysseus succeeded in extracting them from artificial paradises. What can be worse for a nation than to erase its past and lose its collective memory?

Unlike many modern wannabe conservatives and televangelists, Greeks and Romans were not hypocrites. They frankly acknowledged the pleasures of wine and women. Sine Cerere et Bacco friget Venus - without food and wine sexual life withers away, too.

The escape from industrial reality and the maddening crowd was one of the main motives for drug use among some reactionary poets and thinkers, who could not face the onset of mass society. The advent of early liberalism and socialism was accompanied not only by factory chimneys, but also by loneliness, decay, and decadence. If one could, therefore, not escape to the sunny Mediterranean, then one had to craft one's own artificial paradise in rainy and foggy London. The young English Tory Thomas De Quincey, in his essay Confessions of an English Opium Eater, relates his Soho escapades with a poor prostitute Anna, as well as his spiritual journeys in the aftertaste of opium. De Quincey has a feeling that one life-minute lasts a century, finally putting an end to the reckless flow of time.

The mystique of opium was also grasped by the mid-19th century French symbolist and poet Charles Baudelaire. He continued the aristo-nihilistic-revolutionary-conservative tradition of dope indulgence via the water pipe, i.e., the Pakistan huka. Similar to the lonely albatross, Baudelaire observes the decaying France in which the steamroller of coming liberalism and democratism mercilessly crushes all esthetics and all poetics.

When studying the escapism of postmodernity, it is impossible to circumvent the leftist subculture and its pseudo-intellectual sycophants of 1968. The so-called sixty-eighters hollered out not only for liberty from all political authority, but also for free sex and drugs. Are these leftist claims not part of the modern religion of human rights? At the beginning of the 60's, the musical alter egos of the Western left, the Rolling Stones and Bob Dylan, called out to millions of young people throughout America and Europe, telling intruders to "get off of my cloud" and concluding that "everybody must get stoned."

Predictably, the right-wing answer to the decadence of liberal democracy was nihilistic counterdecadence. The main difference, however, between these two is that reactionary and rightist addicts do drugs for elitist and esoteric purposes. By their temperament and literary style they reject all democracy- whether it is of a socialist or liberal brand. When in the 20th century the flow of history switched from first gear into fifth gear, many rightist poets and thinkers posed a question: What to do after the orgy? The French right-leaning author Jean Cocteau answered the question this way: "Everything that we do in our life, even when we love, we perform in a rapid train running to its death. Smoking opium means getting off the train."

Hashish and marijuana change the body language and enhance social philanthropy. Smoking joints triggers abnormal laughter. Therefore hashish may be described as a collectivistic drug custom-designed for individuals who by their lifestyle loathe solitude and who, like Dickens' proverbial Ms. Jellyby, indulge in vicarious humanism and unrepentant globalism. In today's age of promiscuous democracy, small wonder that marijuana is inhaled by countless young people all over liberalized Europe and America. In the permissive society of today, one is allowed to do everything-provided one does not rock the boat, i.e., "bogart" political correctness. Just as wine, over the last 2,000 years, has completely changed the political profile of the West, so has marijuana, over the last 30 years, completely ruined the future of Western youth. If Stalin had been a bit more intelligent he would have solemnly opened marijuana fields in his native Transcaucasia. Instead, communist tyrants resorted to the killing fields of the Gulag. The advantage of liberalism and social democracy is that via sex, drugs, and rock 'n' roll, by means of consumerism and hedonism, they function perfectly well; what communism was not able to achieve by means of the solid truncheon, liberalism has achieved by means of the solid joint. Indisputably, Western youth can be politically and correctly controlled when herded in techno-rap concerts and when welcomed in cafes in Holland, where one can freely buy marijuana as well as under-the-table "crack," "speedball," and "horse." Are these items not logical ingredients of the liberal theology of human rights?

Cocaine reportedly induces eroticism and enhances the sex act. The late French fascist dandy and novelist Pierre Drieu La Rochelle liked coke, desiring all possible drugs and all impossible women. The problem, however, is that the coke intaker often feels invisible bugs creeping from his ankles up to his knees, so that he may imagine himself sleeping not with a beautiful woman but with scary reptiles. In his autobiographical novels Le feu follet and L'homme couvert de femmes, La Rochelle's hero is constantly covered by women and veiled by opium and heroin sit-ins. In his long intellectual monologues, La Rochelle's hero says: "A Frenchwoman, be she a whore or not, likes to be held and taken care of; an American woman, unless she hunts for a husband, prefers a passing relationship... Drug users are mystics in a materialistic age. Given that they can no longer animate and embellish this world, they do it in a reverse manner on themselves." Indeed, La Rochelle's hero ends up in suicide-with heroin and revolver. In 1945, with the approaching victory of the Allies, and in the capacity of the intellectual leader of the defunct Eurofascist international, Pierre Drieu La Rochelle also opted for suicide.

The English conservative and aristocrat Aldous Huxley is unavoidable in studying communist pathology (Brave New World Revisited) and Marxist subintellectual schizophrenia (Grey Eminence). As a novelist and essayist his lifelong wish had been to break loose from the flow of time. Mexican mescaline and the artificial drug LSD enabled him new intellectual horizons for observing the end of his world and the beginning of a new, decadent one. Apparently mescaline is ideal for sensing the colors of late impressionist and pointillist painters. Every drop on Seurat's silent water, every touch on Dufy's leaf, or every stone on the still nature of old Vermeer, pours away into thousands of billions of new colors. In the essay The Doors of Perception, Huxley notes that "mescaline raises all colors to a higher power and makes the percipient aware of innumerable fine shades of difference, to which, at ordinary times, he is completely blind." His intellectual experiments with hallucinogenic drugs continued for years, and even on his deathbed in California in 1963, he asked for and was given LSD. Probably to depart more picturesquely into timeless infinity.

And what to say about the German centenarian, enigmatic essayist and novelist Ernst Jünger, whom the young Adolf Hitler in Weimar Germany also liked to read, and whom Dr. Joseph Goebbels wanted to lure into pro-Nazi collaboration? Yet Jünger, the aristocratic loner, refused all deals with the Nazis, preferring instead his martial travelogues. In his essay Annäherungen: Drogen and Rausch, Jünger describes his close encounters with drugs. He was also able to cut through the merciless wall of time and sneak into floating eternity. "Time slows down. . . . The river of life flows more gently... The banks are disappearing." While both the French president François Mitterrand and the German chancellor Helmut Kohl, in the interest of Franco-German reconciliation, liked meeting and reading the old Jünger, they shied away from his contacts with drugs.

Ernst Jünger's compatriot, the essayist, early expressionist, and medical doctor Gottfried Benn, also took drugs. His medical observations, which found their transfigurations in his poems "Kokain" and "Das Verlorene Ich," were collected by Benn as a doctor-mortician in Berlin of the liberal-Weimarian Germany in decay. He records in his poetry nameless human destinies stretched out dead on the tables of his mortuary. He describes the dead meat of prostitutes out of whose bellies crawl squeaking mice. A connoisseur of French culture and genetics, Benn was subsequently offered awards and political baits by the Nazis, which he refused to swallow. After the end of the war, like thousands of European artists, Benn sank into oblivion. Probably also because he once remarked that "mighty brains are strengthened not on milk but on alkaloids."

Modern psychiatrists, doctors, and sociologists are wrong in their diagnosis of drug addiction among large segments of Western youth. They fail to realize that to combat drug abuse one must prevent its social and political causes before attempting to cure its deadly consequences. Given that the crux of the modern liberal system is the dictatorship of well-being and the dogma of boundless economic growth, many disabused young people are led to believe that everybody is entitled to eternal fun. In a make-believe world of media signals, many take for granted instant gratification by projecting their faces on the characters of the prime-time soaps. Before they turn into drug addicts, they become dependent on the videospheric surreality of television, which in a refined manner tells them that everybody must be handsome, rich, and popular. In an age of TV-mimicry, headless young masses become, so to speak, the impresarios of their own narcissism. Such delusions can lead to severe depressions, which in turn can lead to drugs and suicide. Small wonder that in the most liberal countries of the West, notably California, Holland, and Denmark, there is also the highest correlation between drug addiction and suicide.

If drug abuse among some reactionary and conservative thinkers has always been an isolated and Promethean death wish to escape time, the same joint in leftist hands does more than burn the fingers of the individual: it poisons the entire society.


Tomislav Sunic is the author of Against Democracy and Equality; The European New Right (1990).

mardi, 10 juin 2008

T. Sunic: homo americanus, homo sovieticus

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Homo sovieticus, homo americanus ?

Entretien avec Tomislav Sunic

Tomislav Sunic, essayiste croate et traducteur, ayant longuement séjourné aux États-Unis où il a enseigné la science politique, vit actuellement dans son pays d’origine. Il a récemment publié un ouvrage intitulé Homo Americanus. Child of the Postmodern Age, BookSurge, Charleston 2007, 15.99 $, avec une préface de l’historien Kevin MacDonald. L’auteur a accepté de s’expliquer sur le parallèle suggéré par son titre, de prime abord audacieux, avec l’homo sovieticus de Zinoviev.


Catholica : Vous effectuez une longue comparaison entre le système soviétique et le système américain, et entre les types humains qui les caractérisent. Dans la description de la culture sociale américaine, vous notez une sorte de phobie de l’autorité, sous l’effet de l’égalitarisme. Peut-on vraiment établir un parallèle avec le communisme ?

Tomislav Sunic : Un mot tout d’abord au sujet du titre de mon livre. J’ai d’abord été tenté par l’expression boobus americanus, inventée par le grand écrivain américain, H. L Mencken. Mais le boobus a une connotation limitée, restreinte au cadre provincial des États-Unis ; cette expression décrit plutôt un Américain un peu bête et d’esprit provincial (on dirait en France un plouc) ne reflétant guère le système-monde comme le font si bien les expressions homo sovieticus et homo americanus.

À propos de l’autorité, de laquelle parle-t-on ? On n’a pas forcément besoin de la police et de l’armée pour imposer son autorité. En dehors des grandes métropoles américaines et en dehors de quelques cercles clos qui partagent les mêmes intérêts intellectuels, l’Amérique est un pays très autoritaire au sens large du terme. C’est la fameuse autocensure américaine relevant de l’esprit calviniste et vétérotestamentaire qui rend la vie difficile dans les petites villes américaines pour un intellectuel européen. Rien à voir avec le vrai individualisme civique et spirituel dont, malgré l’américanisation outrancière, on perçoit encore les signes en Europe. Le prétendu individualisme américain est une contradiction en soi ; partout règne l’esprit grégaire qui se manifeste, bien sûr, en fonction de la tribu, du lobby politique, ou de la chapelle religieuse à laquelle on appartient. Tocqueville en parle dans son livre, De la démocratie en Amérique. Or le problème inquiétant, c’est que les Américains se perçoivent et se posent devant le monde entier comme des individualistes et des libertaires modèles alors qu’en réalité, tout véritable individualisme est incompatible avec l’esprit de l’homo americanus. À l’instar de l’Union Soviétique, la réussite professionnelle en Amérique exige qu’on « joue le jeu » et qu’on ne « fasse pas de vagues ». Cette fausse convivialité œcuménique est surtout visible aujourd’hui dans l’Amérique multiculturelle où il faut être extrêmement prudent dans le choix des mots. Même le terme « multiculturalisme » que l’on utilise abondamment en Occident est un tic de la langue de bois américaine dont la naissance remonte aux années 1970. Multi-ethnisme conviendrait mieux pour décrire la situation atomisée du système américain… et occidental.

Quant au système ex-soviétique et à sa prétendue structure pyramidale et hiérarchique il nous faut nous débarrasser des demi- vérités relayées par les ex-soviétologues et autres kremlinologues occidentaux. Le système communiste fut parfaitement démocratique au vrai sens du terme. Une fois terminés les grands massacres et achevée l’élimination des élites russes et est- européennes dans les années 1950, de larges masses purent jouir, en Russie comme en Europe orientale, et dans le moule communiste, d’une qualité de vie dont on ne pouvait que rêver en Occident. La vie sans soucis, quoique spartiate, assurait à tous une paresse facile - pourvu qu’on ne touchât pas au mythe fondateur communiste. Alexandre Zinoviev fut l’un des rares écrivains à bien saisir l’attraction phénoménale et la pérennité de l’homo sovieticus. En fait, si le communisme a disparu à l’Est, comme l’a dit Del Noce, c’est parce qu’il s’est encore mieux réalisé à l’Ouest, notamment en Amérique multi-ethnique et égalitaire.

Catholica : Dans votre livre, vous procédez à l’analyse du décor et de l’envers du décor, si je puis m’exprimer ainsi. Par exemple, vous relevez que les grands médias, dans l’image qu’ils cultivent sans cesse d’eux-mêmes, se présentent comme des contestataires du pouvoir, alors qu’en réalité ils en constituent l’un des principaux piliers. Vous vous intéressez ainsi non seulement aux représentations conceptualisées, mais également au langage et à sa transformation. Pouvez-vous dire ce qui a attiré votre attention sur ces points, et en particulier quelle fonction vous attribuez à la « gestion de la langue » ?

T. S. : En Amérique, les grands médias ne constituent aucunement un contre-pouvoir. Ils sont le pouvoir eux-mêmes et ce sont eux qui façonnent le cadre et le dénouement de tout événement politique. Les politiciens américains sondent au préalable le pouls des médias avant de prendre une décision quelle qu’elle soit. Il s’agit d’une synthèse politico- médiatique qui règne partout en Occident. Quant au langage officiel utilisé par les faiseurs de l’opinion américaine tout discours politico-médiatique est censé recourir aux phrases au conditionnel ; les politiciens et les medias, et même les professeurs d’université, abordent toujours les thèmes politiques avec une grande circonspection. Ils recourent de plus en plus à des locutions interrogatives telles que « Pourrait-t-on dire ? » ou « Le gouvernement serait-il capable de … ? », etc. Ici, nous voyons à nouveau l’auto-abnégation chère au calvinisme mais transposée cette fois dans le langage châtré de la communication officielle. Les phrase lourdes, à connotation négative, où on exprime un jugement de valeur, disons sur Israël, l’Irak, ou un autre problème politique grave, sont rares et prudemment feutrées par l’usage d’adjectifs neutres.

Cette « langue de coton », de provenance américaine, on la voit se propager de plus en plus en France et en Allemagne. On est témoin de locutions américaines très en vogue et soft en Europe qui disent tout et rien à la fois : je pense notamment aux adverbes neutres de provenance américaine tels que considerably, apparently, etc. – dont l’usage fréquent permet à tout homme public d’assurer ses arrières.

Catholica : Pouvez-vous, en tant que vous-même avez été professeur dans une université américaine bien représentative, indiquer quelle couche de l’intelligentsia possède un pouvoir réel, et de quelle manière concrète elle l’exerce au quotidien, en particulier dans le contrôle du langage, et pour quelle raison il en va ainsi ?

T. S. : Contrairement à ce qu’on dit en Europe, les universités américaines, surtout les départements de sciences sociales, jouent un rôle fort important dans la fabrication de l’opinion publique. On lit régulièrement dans la grande presse américaine les editorials écrits par des professeurs connus. Quoique l’Amérique se targue de son Premier Amendement, et notamment de sa totale liberté d’expression, les règlements universitaires témoignent d’une véritable police de la pensée. La haute éducation est une chasse gardée des anciens gauchistes et trotskistes recyclés, où toute recherche indépendante allant à l’encontre des mythes égalitaires et multi-ethnique peut aboutir à de sérieux ennuis (jusques et y compris le licenciement) pour les esprits libres. Nombreux sont les cas où de grands spécialistes en histoire contemporaine ou en anthropologie doivent comparaître devant des « Comités de formation à la sensibilité interethnique universitaires » (Committees for ethnic sensitivity training) pour se disculper d’accusations de « fascisme » et de « racisme ». Malgré la prétendue fin de tous les grands récits, il y a, dans notre postmodernité, un champ de thèmes tabous où il vaut mieux ne pas se hasarder. Très en vogue depuis dix ans, l’expression hate speech (« discours de haine ») n’est que le dernier barbarisme lexical américain grâce auquel on cherche à faire taire les mal-pensants. Le vrai problème commence quand cette expression s’introduit dans le langage juridique du code pénal, comme ce fut le cas récemment avec une proposition législative du Sénat américain (HR 1955). Je ne vois aucune différence entre le lexique inquisitorial américain et celui de l’ex-Yougoslavie ou de l’ex-Union soviétique, sauf que le langage de l’homo americanus est plus insidieux parce que plus difficile à déchiffrer.

Catholica : À propos du pouvoir (au sens générique), le système américain d’aujourd’hui est-il, ou n’est-il pas le prototype, ou l’aile avancée de la « démocratie » postmoderne, dans laquelle tout le monde est censé contribuer à la « gouvernance » globale sans que personne soit réellement identifiable comme responsable des décisions qu’il prend ?

T. S. : Voilà la mystique démocratique qui sert toujours d’appât pour les masses déracinées ! Dans le système collectiviste de l’ex-Union soviétique, et aujourd’hui de façon similaire en Amérique, on vivait dans l’irresponsabilité collective. Rien d’étrange. L’irresponsabilité civique n’est que la conséquence logique de l’égalitarisme parce que selon les dogmes égalitaires libéralo-communistes, tout homme est censé avoir sa part du gâteau. À l’époque de la Yougoslavie communiste, tout le monde jouait le double jeu de la chapardise et de la débrouillardise, d’une part, et du mimétisme avec le brave homo sovieticus, d’autre part, du fait même que toute propriété et tout discours appartenaient à un État-monstre. Par conséquent, tout le monde, y compris les apparatchiks communistes, se moquait de cet État-monstre dont chacun, à son niveau social, cherchait à tirer un maximum d’avantages matériels.

Le vocable gouvernance n’est qu’un piège supplémentaire du langage technoscientifique tellement cher à l’homo americanus. D’une manière inédite, les classes qui nous gouvernent, en recourant à ce nouveau vocable, conviennent qu’il en est fini de cette ère libéralo-parlementaire, et que c’est aux « experts » anonymes de nous tirer hors du chaos.

Catholica : On a largement étudié les États-Unis comme nouvelle forme d’empire, une forme appelée à périr à force d’étendre ses conquêtes au-delà de ses capacités, selon une sorte de loi inexorable d’autodestruction. Mais au-delà de cette perspective – que l’on supposera ici fondée, par hypothèse – ne peut-on pas voir dans l’américanisme postmoderne la fin de la modernité, fin à la fois comme achèvement et comme épuisement ?

T. S. : Le paradoxe de l’américanisme et de son pendant l’homo americanus consiste dans le fait qu’il peut fonctionner à merveille ailleurs dans le monde et même mieux que dans sa patrie d’origine. Même si un de ces jours, l’Amérique en tant qu’entité politique se désagrège (ce qui n’est pas du tout exclu) et même si l’Amérique disparaît de la mappemonde, l’homo americanus aura certainement encore de beaux jours devant lui dans différentes contrées du monde. Nous pouvons tracer un parallèle avec l’esprit de l’homo sovieticus, qui malgré la fin de son système d’origine est bel et bien vivant quoique sous une forme différente. Oublions les signifiants – regardons plutôt les signifiés postmodernes. À titre d’exemple, prenons le cas des nouvelles classes politiques en Europe orientale y compris en Croatie, où quasiment tout l’appareil étatique et soi-disant non-communiste se compose d’anciens fonctionnaires communistes suivis par des masses anciennement communisées. L’héritage communiste n’empêche pas les Croates d’adopter aujourd’hui un américanisme à outrance et de se montrer aux yeux des diplomates des États-Unis plus américanisés que les Américains eux-mêmes ! Il y a certes une généalogie commune entre le communisme et l’américanisme, notamment leur esprit égalitaire et leur histoire linéaire. Mais il y a également chez les ex-communistes croates, lituaniens ou hongrois, un complexe d’infériorité conjugué à une évidente servilité philo-américaine dont le but est de plaire aux politiciens américains. Après tout, il leur faut se disculper de leur passé douteux, voire même criminel et génocidaire. Il n’y a pas si longtemps que les ex-communistes croates faisaient encore leurs pèlerinages obligatoires à Belgrade et à Moscou ; aujourd’hui, leurs nouveaux lieux saints sont Washington et Tel-Aviv. Malgré l’usure de l’expérience américaine aux U.S.A., l’Amérique peut toujours compter sur la soumission totale des classes dirigeantes dans tous les pays est-européens.

Catholica : L’anti-américanisme de beaucoup de marxistes européens s’est fréquemment mué depuis plusieurs décennies en admiration pour la société américaine. Au-delà du retournement opportuniste, ne croyez-vous pas qu’il puisse s’agir d’une adhésion intellectuelle, de quelque chose comme l’intuition que l’Amérique postmoderne représente une certaine incarnation de l’utopie socialiste, alors même que le capitalisme y domine de manière criante ?

T. S. : Après l’effondrement de son repoussoir dialectique qu’était l’Union soviétique, il était logique que beaucoup d’anciens marxistes européens et américains se convertissent à l’américanisme. Regardons l’entourage néo-conservateur du président George W. Bush ou de la candidate présidentielle Hillary Clinton : il se compose essentiellement d’anciens trotskistes et d’anciens sympathisants titistes dont le but principal est de parachever le grand rêve soviétique, à savoir l’amélioration du monde et la fin de l’histoire. Il n’y a aucune surprise à voir le Double devenir le Même ! L’ancien rêve calviniste de créer une Jérusalem nouvelle, projetée aux quatre coins de monde, se conjugue avec les nouvelles démarches mondialistes de nature mercantiles. Or au moins pour un esprit critique, il y a aujourd’hui un avantage épistémologique ; il est plus facile de s’apercevoir maintenant des profondes failles du système américain. L’anticommunisme primaire de l’époque de la guerre froide qui donnait une légitimité à l’Amérique par à rapport à son Autre n’est plus de mise. On ne peut plus cacher, même aux masses américaines incultes, que le système américain est fragile et qu’il risque d’éclater à tout moment. N’oublions jamais la fin soudaine du système soviétique qu’on croyait invincible. Le capitalisme sauvage et la pauvreté grandissante en Amérique ne vont pas de pair avec le prêchi-prêcha sur les droits de l’homme et les matins qui chantent.

Catholica : Il se dégage de l’ensemble de votre ouvrage, dont le titre pourrait être traduit L’homo americanus, ce rejeton de l’ère postmoderne, que les phénomènes que vous décrivez conduisent à produire en masse un type d’humanité dégradé, sans repères, sans racines, sans idéal. Dans la mesure où ce diagnostic est fondé (même s’il ne concerne pas également la totalité des Américains), n’est-ce pas la preuve de l’échec, non seulement du projet de régénération qui était à l’origine des États-Unis, mais de l’humanisme tout entier, tel qu’il a été affirmé au début de la période moderne ?

T. S. : Soyons honnêtes. Nous sommes tous plus ou moins des homini americani. L’américanisme, à l’instar du communisme, est parfaitement compatible avec l’état de nature cher aux plus bas instincts de tout homme. Mais donner dans un anti-américanisme primaire, comme celui que revendique l’extrême droite européenne et surtout française, ne repose pas sur une bonne analyse du système américain. En Amérique, surtout chez les Sudistes, il y a des couches populaires, quoique très rares, qui préservent le concept d’honneur largement perdu en Europe.

On a tort de nourrir des fantasmes au sujet des prétendues visées impérialistes des Américains sur l’Europe et l’Eurasie, comme c’est le cas chez de nombreux droitiers européens victimes de leur propre manie du complot. À part son délire biblique et son surmoi eschatologique incarné dans l’État d’Israël – qui représentent tous deux un danger pour la paix mondiale – l’engagement américain en Europe et ailleurs n’est que le résultat du vide géopolitique causé par les incessantes guerres civiles européennes. Il est fort possible que la guerre balkanique ait eu un bel avenir sanguinaire sans l’intervention militaire des Américains. Qu’ont-ils donc à offrir, les fameux communautarismes européens, hormis les fantasmes sur un empire européen et euroasiatique ? Au moins, les Américains de souche européenne ont réussi à se débarrasser des querelles de chapelles identitaires qui font toujours le bagage des peuples européens.

Le sens prométhéen, l’esprit d’entreprise et le goût du risque sont toujours plus forts en Amérique qu’en Europe. L’Amérique pourrait offrir, dans un proche avenir, encore de belles surprises à la civilisation européenne.

Propos recueillis par Bernard Dumont.

Paru dans Catholica, n° 98, hiver 2007 - 2008.

00:20 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, croatie, entretiens | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook