Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 30 octobre 2014

Projet de Cercles d’Études enracinés

4868606.jpg

Projet de Cercles d’Études enracinés

par Claude BOURRINET

 

Qui ne sent qu’un monde a disparu, ou est en train de se dissoudre ? L’État, qui abandonne de plus en plus rapidement ses prérogatives traditionnelles, ses fonctions régaliennes mêmes, déléguant au marché la tâche de gérer, à sa manière, la société, ne dispense plus la vision qui était la sienne, et qui servait de boussole, ou de contre-boussole, au citoyen. L’Exécutif n’exécute que ce que lui enjoignent les puissances d’argent. Le Législatif entérine les lois décidées par des aréopages de technocrates apatrides. La Justice et la Police se politisent à outrance et obéissent à des officines privées ou communautaires. Et l’École, devenue un tas de ruines, ne s’occupe plus que de rendre compatibles avec l’entreprise des cerveaux et des corps endoctrinés sur des patrons libertaires et libéraux.

 

Dans le même temps, les contre-pouvoirs, qui existaient encore il y a une trentaine d’années, époque qui semble maintenant appartenir à une autre civilisation, ont été discrédités, ou se sont dilués dans la société dite « civile ». Presse, partis, organisations, associations, syndicats sont passés dans le champ des pouvoirs contrôlés par l’oligarchie, ou ne subsistent que comme l’ombre de leur ombre. Seuls les réseaux sociaux numériques, par le truchement d’un Internet animé par un mouvement brownien pour une durée dont on commence à percevoir, par ailleurs, les limites, paraissent apporter un peu de cet oxygène sans lequel l’intelligence critique ne saurait fonctionner.

 

Toutefois, une réunion dans une arrière-salle enfumée de café, au milieu des invectives, des propositions, des analyses et des exclamations, portait sans doute plus de potentialité belliqueuse, en tout cas pratique, que les inter-connexions spasmodiques d’utilisateurs virtuels, quand bien même ces communications seraient riches et suggestives.

 

Du reste, le trop plein d’informations et de contributions réflexives tue l’action, et même, parfois, brouille la compréhension de ce qui se trame dans le monde. Les articles, les papiers, les interventions plus ou moins brèves, les vidéos, les analyses ou les nouvelles, les réflexions et les faits transmis par les « dissidents », dans le meilleur des cas, apportent un éclairage salutaire, mais aussi promeuvent, tout simplement, une coterie, un leader d’opinion. C’est aux dépens souvent d’un approfondissement nécessaire, et de liens concrets, qui ne se résolvent piteusement qu’en manifestations de sympathie, traduites par des « likes » ou des commentaires obligeants. Le discours normatif, qui faisait autorité, et sur lequel étaient axées les gloses, a été remplacé par un flux horizontal et ubiquiste, aux éléments duquel rien ne confère d’autorité, sinon la qualité intrinsèque de l’auteur de la source d’émission. Derrière l’intellectuel, l’individu, il n’est rien d’autre que son savoir, sa science, et sa puissance de conviction.

 

Autrefois, la vulgate doctrinale du Parti communiste, son appareil idéologique et ses armes politiques, efficacement déployés, détenaient, une puissance opératoire efficace. Les militants, sans état d’âme, dispensaient la bonne parole en assurant un contact personnel avec les groupes sociaux visés. Des cours de formation politique et culturelle tentaient d’apporter aux ouvriers un corps de savoirs qui avait pour conséquence d’offrir la possibilité d’appréhender la lutte en étant doté d’une morale élevée. Aussi le Parti communiste se manifestait-il comme une contre-société, une contre-culture, parfois, tant il mêlait à ses ambitions prétendument « scientifiques » les attributs de la foi, une religion alternative. Il en allait de même, mutatis mutandis, pour l’Église de cette époque.

 

Le mot, la phrase, le discours étaient, il y a seulement encore une cinquantaine d’années, lestés d’un arrière-plan historique, d’un mythe national, dont seuls les spécialistes de la déconstruction communautaire disent qu’il n’était qu’une légende mensongère. Dans une société normale, le mythe a valeur de vérité, car il génère un récit vrai, chargé de sens, et pourvoyeur de lisibilité, donc de visibilité. Les contempteurs du passé national sont ceux-là qui adulent le mythe libéral et mondialiste.

 

La parole grave et directrice, c’est-à-dire « autoritaire », qui faisait autorité, n’était possible que dans un contexte historique où l’humanisme programmatique, issu de la Renaissance, et suractivé par les Révolutions américaine et française, supposait que l’homme pouvait être acteur de sa propre histoire, et qu’il était tributaire de l’éducation. Avec le changement de paradigme civilisationnel qui a suivi la chute du Mur de Berlin, les certitudes se sont effondrées, et il ne semble plus aller de soi qu’on ait prise sur le destin de sociétés qui s’atomisent, se diluent dans les flux mondiaux de la marchandise, rendant vaines les frontières et les associations cohérentes d’êtres unifiant leurs visions politiques, et qu’il y ait à dire quoi que ce soit de juste et de solide à propos de ce monde. Les Grands Récits sont morts, et, avec eux, c’est toute tentative de construction historique qui paraît vouée à l’échec.

 

106657.jpgToutefois, en croyant en finir avec l’Histoire, l’idéologie libérale rencontre un obstacle, cette réalité qu’elle tente d’abolir par la liquéfaction discursive et l’arraisonnement des fondements de la vie. Même en creux, par l’expansion mélancolique des dysfonctionnements mentaux, sociétaux, par la raréfaction de l’humain, la désertification sociale, le broyage familial, les déchirures du tissu relationnel, la solitude, la violence, la réduction de la vie intérieure, la contamination des sources originelles de l’existence saine, normale, décente, l’immense et désespéré besoin d’authenticité, de normalité, d’équilibre, se fait sentir universellement. Les mœurs décalées de l’oligarchie, son cynisme, son matérialisme grossier et brutal, n’ont pu fleurir que parce que la société a été surprise, violée, déshonorée sans qu’on l’ait préparée à l’annihilation qu’elle a dû subir. Les séductions vulgaires qui l’ont désarmée, en la dépravant, l’ont préparée à la dégradation qui est son malheur aujourd’hui. Et, comme une femme humiliée, elle n’a plus les mots pour dire sa souffrance. Qu’est devenue cette princesse de conte de fées, dont parlait le général de Gaulle, au début de ses Mémoires ? Il n’est pas exagéré d’évoquer un traumatisme collectif, tel que notre nation en a connu durant sa longue histoire, et dont elle su se relever, grâce à des sursauts qui tenaient, parfois, du miracle.

 

Ainsi, ce qui nous tue, ce qui nous condamne à la mort historique, qui abolit en nous toute ressource civilisationnelle, c’est la perte d’un langage commun, communautaire, historial, capable de porter l’espoir d’un destin. Nous devons réapprendre à parler. Entre nous. À partir d’un substrat commun, qui serait un savoir, une expérience, une visée. Mais ces impératifs ne se décrètent pas, et leur nécessité n’a pas force de loi. Si l’Histoire est le champ de la liberté humaine, toute prescription historique doit être le fruit de la volonté. Si la force des choses, comme disait Saint-Just, prévaut sur les volontés, nous sommes bien à plaindre, car les peuples occidentaux semblent se ruer vers la servitude volontaire, ou, du moins, la subir avec une résignation proche du suicide.

 

La tentation des groupements, ou des individus, qui désirent retrouver la sensation d’agir sur la réalité politique, consiste, parfois, à récupérer les vestiges des discours idéologiques de jadis, et à essayer de réanimer les vieux fantômes. À vrai dire, même s’il se trouve encore des nostalgiques du fascisme, du nazisme, du stalinisme, et d’autres « ismes », à supposer qu’ils ne soient pas utilisés comme idiots utiles, ils sont de moins en moins crédibles et audibles. Les défenseurs de l’« Occident », néanmoins, semblent être les plus belliqueux des ennemis de l’Europe indépendante et libre. Mais ce qui est sans doute le plus insupportable, c’est l’infection de la parole par des bribes pétrifiées de la parole d’antan, des lambeaux réfrigérés de catéchismes disparus, des stéréotypes de langages poussiéreux. Les meilleures intentions peuvent en être méconnaissables. Cependant, des analystes brillants sont de plus en plus nombreux pour faire comprendre le nouvel état des lieux, et ils rencontrent un certain succès sur la toile. Mais leurs éclairages, aussi subtils et pertinents soient-ils, se manifestent sur le mode de la dénonciation, et n’ont pas prise sur une société atomisée et impuissante, sidérée par les médias propagandistes.

 

Ce qu’il faut concevoir et réaliser, c’est ce lien en même temps exigeant culturellement, et assez pragmatique pour dépasser le cadre d’un cercle élitiste. Ce que j’envisage-là, c’est un travail sur plusieurs dizaines d’années, un projet aussi ambitieux et de longue haleine que la constitution des Écoles cathédrales aux XIe et XIIe siècles. Celles-ci, échappant à l’emprise des monastères, se présentaient comme une forme souple, adaptée à la nouvelle société des villes, et visaient à former les cadres du clergé, puis une élite laïque. Elles étaient groupées autour de Maîtres, qui jouissaient d’une certaine liberté. Tenant pour principe que ce n’est pas dans les vieilles outres qu’on fait le meilleur vin, il nous est nécessaire de trouver la bonne formule pour renouveler, et notre parole commune, et les cadres d’une société que nous pourrions appelée « nôtre ».

 

Il faut sans doute citer Danton : « Il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France sera sauvée ! » À vrai dire, quel choix avons-nous pour retrouver la vie ? Chacun percevra dans cette citation des raisons de rêver, qui aux élections, qui à la lutte armée. Pour ma part, je ne crois pas qu’on ait quelque espoir de réformer le système. On ne recouvrera pas notre identité en investissant une place qui est tellement reconfigurée, rebâtie, et en grande partie ruinée, qu’on a plus à gagner à restaurer notre demeure à côté de l’ancienne.

 

Nous (sur)vivons dans un cadre de plus en plus totalitaire. La seule question valable devient celle du degré de tolérance que nous accordera encore pour un temps le système. Si nous voulons être libres, vraiment, ce sera une épreuve de vérité que le degré de liberté qui nous sera laissée. La patience dont nous bénéficierons ne sera pas la mesure de la générosité de nos ennemis, mais celle de notre combativité.

 

Quant aux écoles libres, il semblerait qu’elles dussent se répandre, pour des raisons multiples. C’est un phénomène qui se remarque aussi bien en Europe qu’aux États-Unis. Peut-être est-il l’un des symptômes de l’émergence d’une nouvelle société, qui n’existera que par la création de zones libérées, intérieures ou extérieures, mentales ou locales. Comme l’a très bien expliqué Laurent Ozon, l’avenir est à la relocalisation. Ce processus se produira en partie de lui-même, par opposition au gigantisme babylonien d’une logique qui rend la vie, même biologique, impossible. Mais tout ce qui est « culturel » doit être le résultat d’une volonté et d’une organisation.

 

Global-Skole-.jpg

 

Le projet d’une École relocalisée, en phase avec notre identité française et européenne, plongeant ses racines dans une mémoire longue, et réactivant le levain de la pensée, de la découverte, de la recherche philosophique et religieuse, s’inscrit dans un programme méta-politique de réappropriation de notre pouvoir historial dans l’espace de notre vie concrète, quotidienne, de proximité, et dans celui, plus vaste, du continent eurasiatique, siège et cœur de notre civilisation, les deux pôles étant intimement liés par un combat vital contre le mondialisme létal.

 

La conjonction historique actuelle est non seulement inédite, car nulle époque ne présente une configuration civilisationnelle telle que toute civilisation, au sens français (qui s’oppose au sens spenglérien) soit devenue impossible, mais aussi particulièrement favorable à une révolution véritable (au sens littéral), c’est-à-dire à un retour aux valeurs traditionnelles (ce qui ne signifie pas « traditionalistes »). En effet, le mondialisme n’est pas un Monde, c’est-à-dire un Ordre, mais un Chaos. Sa logique est illogique, son organisation est l’anarchie, sa hiérarchie est un aplatissement matérialiste des conditions sur le plus petit dénominateur commun de l’animalité. De ce fait, les valeurs suprêmes de l’humanité, celles qui font sens, sacralité, respect, rejoignent les intérêts vitaux des peuples. Aussi semble-t-il possible de joindre les héritages spirituels anciens aux luttes les plus actuelles.

 

C’est pourquoi un mouvement éducatif, fondé sur une enquête individuelle et collective, susceptible de nourrir culturellement la Résistance au système totalitaire qui cultive l’oubli et le néant, est indispensable.

 

Concrètement, je propose un dispositif très modeste, en ayant à l’esprit que, à moyen terme, dans les trente ans, s’il est encore possible d’en arriver là, si une catastrophe n’a pas eu lieu, et si le peuple possède encore quelque degré de résilience, il sera concevable de créer de nouvelles Universités.

 

Ainsi serait-il peut-être envisageable de constituer des structures régionales qui accueilleraient, quel que soit leur niveau scolaire, des hommes et des femmes, de la pré-adolescence à un âge avancé, désireux d’armer culturellement leur désir de retrouver des racines et de renforcer leur combat.

 

L’organisation de tels cercles est à débattre ensemble (1), mais je peux tenter quelques propositions.

 

D’abord, on peut imaginer que ces cercles d’Étude seraient fédérés, et ordonnés selon des degrés de complexité croissante. À la base serait proposée une formation que l’on appellerait « élémentaire », relevant de corpus premiers et allant de soi, sans être d’une difficulté d’approche insurmontable. Puis, un autre niveau, supérieur, serait proposé, avec des problématiques approfondies. Enfin, un cercle de recherche couronnerait le tout, qui donnerait occasion d’une publication régulière.

 

À mon sens, les domaines d’études pourraient être ceux-ci :

 

•L’Histoire (tout ce que l’Éducation nationale laisse tomber) comme passé qui nous a fait ce que nous sommes.

 

• La littérature (grecque, latine, française, européenne) comme témoin de notre sensibilité et de notre esprit.

 

• Les sources philosophiques, comme intelligence de ce que nous sommes.

 

• Les sources religieuses, comme itinéraire de l’âme et lien aux racines.

 

• L’art, comme expression esthétique de notre être.

 

Il va de soi que la participation à de tels cercles serait très large et varié. Un seul critère d’appartenance à cette aventure serait exigé : l’opposition radicale au « nouvel ordre mondial » voulu par le libéralisme globalisé. Quant à l’esprit qui présiderait aux études, ils seraient tout de tolérance, de respect, et de désir ardent de vérité.

 

Claude Bourrinet

 

1 : Les « Cercles » d’Études seraient, bien entendu, d’importance variable, allant de l’unité à un nombre indéfini de membres. Il paraît essentiel, cependant, qu’ils soient situés de telle sorte qu’ils soient assez proches géographiquement. C’est pourquoi une répartition régionale semble appropriée. Quant aux lieux où ils se tiendraient, tout est possible.

 


 

Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

 

URL to article: http://www.europemaxima.com/?p=3999

mercredi, 29 octobre 2014

Les chroniques acérées de Tomislav Sunic

Tomislav_Sunic.JPG

Les chroniques acérées de Tomislav Sunic

par Georges FELTIN-TRACOL

Les lecteurs d’Europe Maxima connaissent bien sûr notre ami Tomislav Sunic. Ancien diplomate croate et naguère professeur de sciences politiques aux États-Unis, il vécut dans le système titiste yougoslave avant de se retrouver confronté au système occidental étatsunien. Dans les deux cas, il comprit, par-delà les maigres différences de l’un et de l’autre élevées en données majeures rivales, leur fonctionnement similaire. Pour le public francophone, il vient de publier dans une nouvelle collection, « Fahrenheit 451 », dirigée par un autre vieil ami, l’infatigable combattant des ondes Pascal G. Lassalle, un recueil d’articles, d’entretiens et de conférences sobrement intitulé Chroniques des Temps Postmodernes.

 

Richement illustré par les magnifiques peintures du Serbe Dragos Kalajic (1943 – 2005), l’ouvrage développe trois axes principaux : la question de la liberté d’expression en Occident globalitaire, le destin contrarié de l’Amérique d’origine européenne et le sort des Balkans. Tomislav Sunic ne se contente pas d’utiliser les enseignements de la géopolitique. Il met à son profit les connaissances de la philosophie politique, de l’histoire et de la sociobiologie (ou psychologie évolutionnaire).

 

Très attaché à la liberté de recherche en histoire, il ose aborder un talon contemporain : « la “ solution finale ” de la question allemande (p. 113) ». Il s’inquiète de l’instrumentalisation de l’histoire et de son piratage par une mémoire reformatée qui dévalorise l’héroïsme et encourage la victimisation. « L’esprit victimaire découle directement de l’idéologie des droits de l’homme. Les droits de l’homme et leur pendant, le multiculturalisme, sont les principaux facteurs qui expliquent la résurgence de l’esprit victimaire. Quand tous les hommes sont déclarés égaux, chacun a droit à sa victimologie (p. 104). » Toutefois, « dans “ la concurrence mondiale pour la mémoire historique ”, soutient-il, toutes les victimes ne bénéficient pas des mêmes droits (p. 241) ». L’auteur observe que « le Système multiculturel actuel est par force conflictuel : chaque doctrine victimaire persiste dans sa propre unicité et ne se propage qu’aux dépens des autres (p. 245) ». Or « le multiracialisme, qui se cache derrière l’hypocrite euphémisme du “ multiculturalisme ”, mène à la guerre civile et à la haine interraciale. Les Serbes et les Croates, toujours immergés dans leurs victimologies conflictuelles, ignorent toujours que l’Europe occidentale a franchi depuis belle lurette le cap du Camp des Saints et que nous, les Européens, nous sommes tous menacés par une mort raciale et culturelle (p. 99) ». Et c’est gravissime, car « lorsqu’un peuple oublie son mythe fondateur, il est condamné à périr. Pire, il peut se transformer en un agrégat de robots heureux dont le nouveau principe des droits de l’homme universel pourrait n’être qu’un masque pour un hédonisme insouciant (p. 43) ».

 

 

chroniques_cov_500.jpg

 

 

Dans le même temps, « l’Europe orientale subit deux maux : d’une part, le tragique héritage du mental communiste, d’autre part, la grotesque imitation de la sphère occidentale. […] Les Européens de l’Est absorbent essentiellement le pire de l’Occident : décadence et anomie (p. 84) ». Pourquoi ? Parce que « le communisme a disparu en Europe orientale parce qu’en pratique, il a su beaucoup mieux réaliser ses principes égalitaires en Europe occidentale quoique sous un autre signifiant et sous un autre vocable. Le Système, soit sous son vocable communiste, soit sous son vocable multiculturel, croit que toutes les nations européennes sont remplaçables au sein du Système supra-étatique et supra-européen (p. 215) ». Il en découle que « le libéralisme, avec son jumeau le marxisme et son avatar moderne le multiculturalisme, sont des systèmes profondément inhumains (p. 27) ». Mais, optimisme ou réalisme ?, « l’Amérique actuelle est devenue un système hautement balkanisé qui fonctionne de plus en plus comme l’ancien système soviétique et où les formes élémentaires de “ survivalisme ” de chaque groupe ethnique risquent de déclencher des guerres interraciales (p. 186) ». Toutefois, on ne doit pas se focaliser sur le seul fait étatsunienne. « L’homo americanus n’est pas propre à la seule Amérique. C’est une figure transpolitique mondiale qui réside partout et surtout en Europe (p. 161). » Il remarque enfin que « l’américanisme est devenu un concept liquide qui fonctionne de plus en plus comme un système supra-étatique aux identités disparates (p. 139) ».

 

Avec une rare lucidité, Tomislav Sunic pense que « les grands conflits du futur n’opposeront plus la gauche à la droite, ni l’Est à l’Ouest, mais les forces du nationalisme et du régionalisme au credo de la démocratie universelle (p. 39) » et formule un vœu : « Les Blancs en Europe et en Amérique se doivent de surmonter leur sentiment d’enracinement territorial ainsi que des querelles intra-ethniques : l’identité raciale et culturelle européenne va de l’Argentine à la Suède et de la Russie à bien d’autres coins du globe. Plus important encore : les Blancs doivent clairement accepter leur identité de Blanc (p. 199). » Attention cependant aux éventuels contresens ! Il avertit que « l’Identité, lorsqu’elle repose seulement sur l’hérédité, a peu de sens si elle manque de “ Gestalt ” – si elle refuse de s’assigner un nom, un prénom et un lieu d’origine. Une identité blanche abstraite, dépourvue d’« âme raciale », n’a pas de sens. Nous portons tous des noms et nous traînons tous notre mémoire tribale et culturelle  (p. 205) ». Il prévient par ailleurs que « tous les beaux discours contre l’immigration non européenne, tous les récits sur un certain axe Paris – Berlin – Moscou, tous les projets d’une Europe empire, qui sont de bon ton parmi les identitaires ouest-européens, ne veulent pas dire grand-chose en Europe de l’Est (p. 133) ». Il se méfie en outre du concept d’Empire. « Il nous faut être fort prudent avec l’emploi du vocable “ empire ” – vu que ce terme porte des signifiés fort différents des deux côtés du Rhin – et de l’autre côté de l’Atlantique (p. 298). »

 

Ces précautions indispensables prises, cela n’empêche pas l’auteur d’insister sur « notre ennemi principal : le capitaliste local et son alter ego, le spéculateur globalitaire (p. 142) ». Il suppose dès lors que « très probablement, nous aurons besoin de davantage de chaos dans notre cité, parce que c’est seulement du chaos que de nouvelles élites et un nouveau système de valeurs peuvent émerger (p. 25) ». Le dissident à l’Occident global vient encore de frapper les esprits ! Écoutons et méditons ses judicieux conseils.

 

Georges Feltin-Tracol

 

• Tomislav Sunic, Chroniques des Temps Postmodernes, Avatar Éditions (B.P. 43, F – 91151 Étampes C.E.D.E.X.), coll. « Fahrenheit 451 », 2014, 303 p., 25 €.

 


 

Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

 

URL to article: http://www.europemaxima.com/?p=3917

 

mardi, 28 octobre 2014

“Giambattista Vico and Modern Anti-Liberalism”

Counter-Currents Radio
Vico & the New Right

This is Greg Johnson's lecture

“Giambattista Vico and Modern Anti-Liberalism”

delivered at the London Forum on Saturday, September 27, 2014. 

 

Vico.jpgTo download the mp3, right-click here [2] and choose “save target or link as.”

To subscribe to our podcasts, click here [3].

 


 

Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

 

URL to article: http://www.counter-currents.com/2014/10/vico-and-the-new-right/

Entretien avec Georges Feltin-Tracol sur son dernier livre "En liberté surveillée"...

Entretien avec Georges Feltin-Tracol sur son dernier livre "En liberté surveillée"...

Propos recueillis par Catherine Robinson

Ex: http://synthesenationale.hautetfort.com

AAA946028896.jpgPrésent : En liberté surveillée est votre cinquième ouvrage. En regardant votre bibliographie, on relève la grande diversité des sujets abordés. Comment êtes-vous venu à écrire ce livre ?

Georges Feltin-Tracol : C’est l’affaire Dieudonné en janvier dernier qui en est l’étincelle. Mon éditeur et ami, Roland Hélie, me demanda une réaction. En y réfléchissant et en utilisant les nombreuses notes extraites de la Grosse Presse, j’en suis arrivé à la conclusion que la censure préventive contre l’artiste s’inscrivait dans un cadre liberticide plus large et plus global. Dès lors, plutôt que de me focaliser sur un seul exemple édifiant, j’élargissais la thématique et en explorait tous les rouages.

Présent : Dans plusieurs chapitres convaincants, vous revenez sur la répression orchestrée par le pouvoir socialiste à l’occasion des « Manifs pour tous ». Mais vous ne cachez pas non plus votre détestation des gouvernements de droite qui l’ont précédé. Pourquoi ?

GF-T : L’histoire des idées politiques françaises montre que ce qu’on appelle la « droite » est souvent d’anciennes gauches poussées à tribord par de nouvelles… Une certaine « droite » intègre déjà en acquis intangibles l’avortement, l’abolition de la peine de mort, etc. Elle se prépare à accepter l’homoconjugalité si bien que dans deux décennies, elle le défendra avec force. En outre, les organisateurs des manifestations anti-loi Taubira ont manqué de courage en ne faisant pas des places de la Concorde ou de la Nation des Maïdan parisiens. Mais il est vrai qu’on ne déclenche pas des révolutions avec des poussettes et des carrées Hermès ! Voir la récupération de ce vaste mouvement populaire par l’UMP, les sarközystes et l’Église de France montre surtout l’ignorance des enjeux par les manifestants. Et puis, sont-ils prêts à manifester contre les ravages du libéralisme, le travail dominical, le contrôle du vivant par les multinationales ou les méfaits de l’immigration ? Je ne le crois pas. Ils veulent conserver cette société. Je souhaite pour ma part la renverser. L’ennemi principal s’appelle par conséquent la droite, le libéralisme, l’Occident.

Présent : À plusieurs reprises, vous employez des néologismes tels que « financialisme », « gendérisme » ou « sociétalisme ». Qu’apportent-ils de pertinent à votre démonstration ?

AAAliberté-surveillée.jpgGF-T : « Financialisme » est un invention sémantique du théoricien russe Alexandre Douguine pour évoquer la toute-puissance du fait marchand et son caractère planétaire. Le « gendérisme » incarne l’idéologie du genre. Quant à « sociétalisme », il repose sur un simple constat : le social, produit du monde du travail, s’efface au profit de préoccupations futiles excessives qui présentent l’avantage de détourner l’attention des peuples du coup d’État bankster. Tous proviennent toutefois de la même matrice délétère.

Présent : Vous n’hésitez pas à vous affranchir des limites territoriales françaises et à regarder l’étranger. La situation est-elle pareille ailleurs ?

GF-T : À peu de choses près, c’est le cas ! La situation hexagonale n’est pas unique. En Allemagne, la liberté d’expression est de plus en plus restreinte. En Grande-Bretagne, la vidéo-surveillance espionne toute la population et poursuit en justice ceux qui ne jettent pas leurs ordures aux heures prévues. Aux États-Unis, l’endettement des ménages constitue un véritable esclavage ultra-moderne. Bref, l’Occident correspond à un effroyable bagne.

Présent : En liberté surveillée est-il un essai foncièrement pessimiste ?

GF-T : D’un pessimiste actif et héroïque ! En dépit des nombreux exemples de déliquescence des libertés publiques et privées, l’espoir demeure avec les concepts révolutionnaires-identitaires de B.A.D. (bases autonomes durables) et d’autochtonopie. Il faut inciter à la sécession froide, douce, discrète, voire secrète et indolore, de nos territoires afin de bâtir une « contre-société » identitaire, solidariste, illibérale et anti-capitaliste. Un travail de très longue haleine !

Georges Feltin-Tracol, En liberté surveillée. Réquisitoire contre un système liberticide, Les Bouquins de Synthèse nationale, 284 p., 23 € (+ 3 € de port), à commander à Synthèse nationale, 116, rue de Charenton, 75012 Paris, chèque à l’ordre de Synthèse nationale.

Site du quotidien Présent cliquez ici

Commandez En liberté surveillée cliquez là

Le commander en ligne cliquez ici

lundi, 27 octobre 2014

Anatomie de l'Occident globalitaire

 

 

10325182_783758251682340_2911326711964711650_n.jpg

Libre Journal des lycéens du 18 octobre 2014 :

“Anatomie de l'Occident “globalitaire” : de l'imposture sécuritaire à la tyrannie liberticide”

 

Par Pascal Lassalle

 

Pascal Lassalle recevait Georges Feltin-Tracol, essayiste, conférencier, rédacteur en chef du site Europe Maxima. Thème : “Anatomie de l'Occident “globalitaire” : de l'imposture sécuritaire à la tyrannie liberticide”.

Pour écouter:

http://www.radiocourtoisie.fr/22436/libre-journal-des-lyceens-du-18-octobre-2014-anatomie-de-loccident-globalitaire-de-limposture-securitaire-a-la-tyrannie-liberticide/

 

samedi, 25 octobre 2014

Terre & Peuple Magazine n°61

Le nouveau numéro (n°61) de "Terre et peuple magazine" est paru :

TP_n61_couverture_Copier.jpg

En savoir plus cliquez ici

lundi, 20 octobre 2014

En souvenir de Jean Mabire

Robert Steuckers:

En souvenir de Jean Mabire

jm2.jpgPour autant que je m’en souvienne, j’ai dû lire Jean Mabire pour la première fois en 1972, dans un numéro spécial d’“Historia”, sans trop bien me souvenir si l’article était signé Henri Landemer ou de son nom propre. C’était la belle époque de nos adolescences, que je narre très superficiellement dans mon hommage à Yves Debay, camarade d’école, futur directeur des revues “Raids” et “L’Assaut” et bien entendu, fervent lecteur précoce, lui aussi, de Jean Mabire. Finalement, par le biais des premiers numéros d’“Eléments”, au début des années 70, l’image de Jean Mabire, écrivain, se précise pour moi: non seulement, il est celui qui narre, avec simplicité et puissance, la geste des soldats de tous horizons mais il est aussi celui qui s’intéresse aux réalités charnelles et vernaculaires, au vécu des gens, disciple qu’il est, à ce niveau-là, d’Olier Mordrel, l’ancien directeur de la revue nationaliste bretonne “Stur”, pour qui l’engagement devait être dicté par les lois du vécu et non par des abstractions et des élucubrations intellectuelles. Mordrel et Mabire sont en ce sens nos “Péguy” païens, ceux qui nous demandent d’honorer les petites et honnêtes gens de chez nous, nos proches, nos prochains, et d’honorer aussi le brave soldat qui, avec l’humilité de sa condition, accomplit son devoir sans récriminer.

C’est en 1981 d’ailleurs que je rencontre pour la première fois Jean Mabire, en chair et en os, lors de la présentation du livre d’Olier Mordrel, “Le Mythe de l’Hexagone”, à Paris, dans une salle au pied de la Tour Montparnasse. Quand Jean Mabire est entré et s’est tout de go dirigé vers la table où Mordrel signait ses livres, c’est un véritable bulldozer de joie de vivre, de ferveur, d’énergie qui a fait irruption dans cette salle surchauffée et enfumée. Nous nous sommes simplement salué sans entamer la moindre conversation. Il faudra attendre quelques années, je crois, pour que nous nous retrouvions face à face, au “Dauphin”, à Paris, avec Pierre Vial et pour que nous entamions une conversation plus approfondie sur des sujets divers, tournant tous bien sûr autour des deux thèmes de fond qui nous sont chers: l’enracinement et l’aventure. J’y reviens. Depuis ce déjeuner au “Dauphin”, Mabire m’adressera chacun de ses livres, assortis d’une gentille dédicace. Nous nous reverrons dans le Beaujolais, milieu des années 80, où le G.R.E.C.E. avait organisé une “Fête de la Communauté” et où Jean Mabire, ainsi que Robert Dun, tenaient des stands pour vendre et dédicacer leurs ouvrages. Guibert de Villenfagne de Sorinnes m’avait accompagné, avec son épouse et sa fille, et y a acheté le livre de Jean Mabire sur les “Chasseurs alpins” pour l’offrir à son père Jacques, un des organisateurs du régiment des Chasseurs ardennais, dès les années 20 avec le Colonel Chardome, puis combattant du front de la Lys pendant les “Dix-Huit” jours de mai 1940 et animateur du maquis de la Semois pendant la deuxième guerre mondiale.

Quand Jean Mabire débarque à Bruxelles, fin des années 80, pour venir présenter ses ouvrages sur les “Bourguignons”, il me demande de lui servir de guide pour trouver la salle à Sterrebeek, qui doit le recevoir. Nous y apprenons la mort, sur l’autoroute Liège-Bruxelles, d’un ancien (très jeune) officier, venu chercher son exemplaire et sa dédicace particulière, lui, le défenseur des quais de Stettin à l’âge de dix-huit ans... J’avais connu son fils en 1983, qui lui ressemblait comme deux gouttes d’eau, à l’Hôpital militaire de Neder-over-Hembeek, affligé qu’il était d’une maladie infectieuse, émacié sur son lit mais gardant, héritage paternel, un regard de feu et la fibre énergique que nous aimons voir vibrer chez nos interlocuteurs. La transmission avait été faite, aussi par l’apport d’Alexis Curvers et de Marcel Decorte, mais la Parque, méchante, avait tranché le fil qui reliait le Lieutenant Régibeau, valeureux Liégeois, à la vie.

jm3.gifJean Mabire m’invite ensuite, près de dix ans plus tard, à l’Université d’été des “Oiseaux Migrateurs”, un mouvement de jeunesse qui lui tenait fort à coeur. Au programme de la journée que j’ai animée avec d’autres: le long processus d’unification de l’Hexagone à partir du bassin de la Seine et de l’axe Paris-Orléans, soit la distance la plus courte entre la Seine et la Loire. Belle leçon de géopolitique, sur le modèle d’un cours prodigué à l’Ecole de guerre et évoqué, sous Weimar, par deux éminents géopolitologues allemands, aujourd’hui oubliés et pillés, Henning et Körholz! Personnellement, je devais parler de l’époque de la christianisation de l’Europe, entre l’effondrement mérovingien, le renouveau pippinide et la renaissance carolingienne. Mais une fois de plus, ce furent nos longues conversations vespérales puis à la terrasse d’une taverne de village qui furent les plus passionnantes: sur la Normandie, sur la métapolitique, sur l’histoire en général et surtout, ces jours-là, sur l’oeuvre de Marc. Eemans, qui venait tout juste de décéder à Bruxelles. Mabire était fort ému: il avait appris le décès du peintre surréaliste, poète et historien de l’art quelques jours auparavant. Deux jours après l’annonce de cette triste nouvelle, Mabire avait reçu une dernière lettre du peintre, prouvant que celui-ci avait bien l’intention de demeurer actif, au-delà de ses 91 ans. Mabire avait déjà été victime de la maladie qui devait l’emporter un peu moins de huit ans plus tard: il avait gagné la première bataille. Il était heureux. Actif. Nous partagions le même dortoir, sur un matelas, à même le sol, comme en bivouac. Mabire était septuagénaire et ne craignait pas les nuits à la spartiate, sur une paillasse à même le carrelage. Je me suis promis de faire pareil, au moins jusqu’à 75 ans. Jusqu’ici, j’ai tenu ma promesse.

Je reverrai ensuite Mabire près de Lille, où il était venu prononcer une conférence sur Drieu la Rochelle dans le cadre des activités de “Terre & Peuple”, magistralement gérées par le camarade Pierre Loubry à l’époque. Mais, la plus poignante de nos rencontres fut incontestablement la dernière, début décembre 2005. C’était dans le cadre du “Cercle de Bruxelles” de l’époque, qui se réunissait le plus souvent rue des Renards, près du “Vieux Marché” (cher à Hergé qui l’a croqué dans “Le Secret de la Licorne”). Les membres et animateurs du “Cercle de Bruxelles” —dont le regretté Ivan de Duve, mort en mars 2014—  avaient décidé de dîner avec Jean Mabire dans un restaurant animé par la Comtesse de Broqueville, la “Flûte enchantée”, également situé dans les Marolles. Ce restaurant était un resto du coeur de haute tenue: on y jouait du Mozart, forcément, mais aussi les meilleurs morceaux de jazz, on y avait organisé une bibliothèque et les démunis pouvaient manger chaque jour à leur faim un repas complet, en trois suites, pour 3,50 euro, servi par des garçons en veste blanche, avec boutons argentés et belles épaulettes. Ceux-ci étaient généralement des musiciens ou des chanteurs d’opéra venus d’Europe orientale ou de l’ex-URSS, qui logeaient aux étages supérieurs pour un loyer plus que modeste et, en échange, servaient en semaine les démunis du quartier. Les samedis et les dimanches, le restaurant était ouvert au public: on y servait le même repas qu’aux démunis mais on le facturait 20 euro. Les bénéfices étaient affectés à la cuisine et permettaient, sans déficit, de nourrir les déclassés pendant une semaine. Le “Cercle de Bruxelles” avait décidé de participer avec Jean Mabire, à une conférence organisée à la “Flûte enchantée” par les “Patagons”, les amis de Jean Raspail. Un couple qui avait vécu au fin fond de la Patagonie et y avait rencontré Raspail dans la gargotte au milieu de nulle part, qu’il avait construit de ses mains, nous a évoqué ces voyages de l’auteur du “Camp des Saints” dans un pays dont la nature est pleine de contrastes: où un glacier coule le long d’une forêt tropicale ou d’un désert aride. Les orateurs commentaient un vaste diaporama, illustrant cette luxuriance ou cette aridité, ces paysages si diversifiés. On comprenait dès lors la fascination de Raspail pour cette région du monde.

jm4.pngAprès la conférence et le diaporama, les conversations sont allés bon train. Mabire était certes marqué par le mal sournois qui le rongeait. La présence de la maladie était palpable mais Maît’Jean, superbe, l’ignorait délibérément, faisait comme si elle n’était pas là. Il parlait comme il avait toujours parlé: Ana, Hupin, de Duve, moi-même, nous l’écoutions, muets, car il exprimait sans détours tous les enthousiasmes qui animaient sa carcasse d’enraciné normand, de combattant des Aurès, d’écrivain prolixe. Son érudition, dépourvue de toute sécheresse, relèvait indubitablement de ce “gai savoir” que préconisait Nietzsche. Mabire, effectivement, avait franchi les caps que Nietzsche nous a invités à franchir: il n’était plus —et depuis longtemps!— le chameau de la fable du Zarathoustra de Nietzsche qui traînait un savoir lourd et sans joie ni le lion qui se révoltait contre les pesanteurs des prêtrailles de tous poils et cassait tout autour de lui: il était devenu un compagnon de l’enfant joyeux et insouciant qui joue aux billes, qui ne voit malice nulle part, qui n’est pas affecté par les pesanteurs et les ressentiments des “derniers hommes”. La faconde de Jean Mabire, en ce 9 décembre 2005, a été une formidable leçon de virilité romaine, de stoïcisme joyeux. Le flot ininterrompu des joies et des aventures, des pieds-de-nez aux sots qui nous gouvernent ou, pire, veulent gouverner nos âmes, ne doit pas s’interrompre, même si l’on doit mourir demain. En écrivant ces lignes, je nous revois sur le trottoir, en face de la “Flûte enchantée”, et je revois les yeux perçants de Mabire qui se braquent sur moi et m’intiment l’ordre de continuer le combat auquel il ne pourra bientôt plus participer. Et puis il me serre longuement la pince, la secoue doucement: je sens l’adieu du chef. Je ne pourrai plus jamais me dérober. Je me disais souvent: “J’y suis, j’y reste!”. Après l’ultime poignée de main de Mabire, je dis: “J’y suis et j’y resterai!”.

ete-rouge-de-pekin.jpgTelle fut donc ma dernière rencontre avec Mabire. La plupart de nos conversations passaient toutefois par le téléphone. Comment exprimer l’essentiel de ce qui est passé entre lui et moi, entre l’écrivain et le lecteur, entre l’ancien qui évoque ses idées et ses sentiments et le jeune homme qui écoute? Mabire, c’est avant tout un charisme, sûrement inégalé dans l’espace politico-idéologique qui est le nôtre. Mabire a traité des sujets brûlants, controversés, sans jamais blâmer les hommes dont il décrivait les aventures et les sentiments, fussent-ils totalement contraires aux principes figés de la “rectitude politique”. Mabire était capable de balayer les objections par le simple ton de sa voix, toujours enjouée et chaleureuse. Et de fait, Mabire n’a jamais été vraiment attaqué par les petits organes de presse, chargés par le système et ses polices de traquer les non-conformistes et de leur tailler “un beau costume”, pour qu’ils soient honnis par la postérité, houspillés hors des cercles où l’on cause, hors des médias, couverts d’opprobre. Souverain et parfaitement maître de sa propre parole, Mabire a largement échappé, grâce à son charisme si particulier, aux chasses aux socières, dont il n’aurait, de toutes les façons, pas eu cure.

Le fond philosophique de la vision du monde de Mabire est un existentialisme, le seul vrai. Né dans la seconde moitié des années 20, Mabire vit son adolescence pendant la seconde guerre mondiale et arrive à l’âge adulte en 1945, quand sa Normandie a été totalement ravagée par les bombardements alliés et les combats, quand s’amorcent des années de déchéance et de misère pour la vieille Europe, une ère noire que les historiens ne commencent qu’à décrire aujourd’hui, notamment dans les pays anglo-saxons: je pense à Ian Buruma et à Keith Lowe, auteurs de livres à grand succès sur la déréliction de l’Europe entre 1945 et 1952. L’engouement littéraire de cette époque est l’existentialisme, dont on ne retient que les figures de Sartre et de Camus, avec leur cynisme ou leurs interrogations morales biscornues et alambiquées. Cependant le primat de l’existence sur l’essence —ou plutôt le primat de l’existence sur les fabrications purement intellectuelles ou les morales désincarnées— peut s’interpréter en un tout autre langage: l’aventure, la projection de soi vers un monde souvent dangereux, vers un monde non conforme, sont des formes d’engagement, politique ou non, plus pétulantes, plus enthousiastes, plus fortes que l’immersion facile dans les glauques caves “existentialistes” des quartiers branchés de Paris dans les années 50 où l’on protestait en abandonnant toute tenue, toute forme et surtout toute éthique. L’oeuvre toute entière de Mabire, y compris son oeuvre militaire, est l’affirmation haute et claire du primat des existences fortes, des volontés tranchées mais cette fois trempées dans une beauté, une luminosité, une éthique naturelle et non affichée, que le sinistre sartrisme, ponctué de sa jactance politicienne et communisante, ne possédait évidemment pas.

jm5.gifBernard Garcet, qui avait animé les écoles de cadre du mouvement “Jeune Europe” de Jean Thiriart, au moment où Mabire, avec Venner, côtoyait “Europe-Action”, le MNP et le REL, nous a un jour rappelé un cours qu’il avait donné et où était esquissée l’humanité idéale que devait incarner le militant de “Jeune Europe”: une humanité enracinée et désinstallée. Quant à l’humanité en déchéance qui avait promu la société triviale du “coca-cola et du frigidaire de Tokyo à San Francisco”, elle était, aux yeux des cadres formateurs de “Jeune Europe”, déracinée et installée. Mabire recourait aux racines, —normandes pour lui— et prônait le grand large, l’aventure, le désinstallement. Le bourgeois frileux, fustigé par tous les existentialistes, y compris les sartriens, n’avait plus le souci de ses racines et s’installait dans un confort matériel post bellum que secoueront pendant un bref moment les plus pugnaces des soixante-huitards. Mabire a donc été un homme de son temps. Mais il a clairement dépassé l’existentialisme mainstream de la place de Paris, qui n’est qu’une sinistre caricature, expression de la trivialité d’une époque de déclin, d’endormissement des énergies.

La désinstallation, pour Mabire, était éveil et aventure. La notion d’éveil, chez lui, est un éveil permanent au message subtil des racines, à leur chant intérieur qui doit nous saisir et nous mobiliser entièrement. C’est dans cet esprit que Maît’Jean a voulu entamer une longue enquête sur les “éveilleurs de peuple”, dont, hélas, un seul volume seulement paraîtra chez Fayard, vu le désintérêt du public français pour ces figures d’Irlande, de Hongrie ou de Danemark. La notion d’éveilleur est la marque la plus patente du “Jungkonservativismus” de Mabire. Il entend conserver les valeurs innées du peuple, avec ses éveilleurs, mais les mettre au service d’un bouleversement régénérateur qui va culbuter les notables moisis de l’univers de Mauriac, les modérés d’Abel Bonnard, ceux qui se délectent dans les compromis. Mais l’élément “jung”, l’élément de jeunesse, est précisément ce qui doit redonner en permanence un élan nouveau, un “Schwung”, à une entité politique ou à un groupe ethnique marginalisé et persécuté. Cela amène notre Maît’Jean tout droit dans l’optique de la philosophie sphérique de l’histoire, mise en exergue par Armin Mohler dans son célèbre ouvrage sur la “révolution conservatrice” allemande des années 1918-1932. Pour la “révolution conservatrice”, tributaire de la nietzschéanisation de la pensée allemande, le temps historique n’est ni linéaire ni cyclique, c’est-à-dire ni messianique/déterminé ni répétitif/déterminé mais sphérique, c’est-à-dire qu’il reçoit à intervalle régulier —quand les âmes cessent soudain de subir le processus d’endormissement— l’impulsion d’élites, de peuples vivants, de personnalités énergiques, donc d’éveilleurs, qui le poussent dans le sens voulu par leurs volontés. Il n’y a pas d’existentialisme possible sans ces coeurs rebelles, sans ces cerveaux hardis, sans ces peuples enracinés, sans ces éveilleurs aventureux.

Jean Mabire est aussi notre encyclopédiste. Sa série “Que lire?”, issue d’une chronique dans “National-Hebdo”, nous indique la voie à suivre pour saisir justement, dans les patrimoines littéraires européens, toutes les facettes possibles de cet existentialisme profond et impassable qui fera, un jour encore, bouger les choses, culbutera les institutions vermoulues, impulsera à la sphère du temps une direction nouvelle. Les “Que lire?” sont donc des bréviaires, qui attendent, d’une génération nouvelle, de recevoir suite. Où sont les volontaires pour constituer l’équipe?

Robert Steuckers.

Forest-Flotzenberg, 25 mai 2014.

mercredi, 15 octobre 2014

Mikhaïl Khodorkovski : le joker de la CIA contre la Russie

Mikhaïl Khodorkovski : le joker de la CIA contre la Russie

mikhail-khodorkovsky-freed-310x415.jpgLes médias occidentaux font actuellement de ce personnage peu clair un héros, une icône virginale, symbole de la résistance contre la ”dictature” de Poutine. En réalité, c’est un pion dans la stratégie de l’administration de Washington pour affaiblir et subvertir la Russie. Retour sur le parcours d’un imposteur.

Le faux martyr

Mikhaïl Borissovitch Khodorkovski était jadis le tout puissant PDG milliardaire de la compagnie pétrolière post-soviétique Ioukos. Il fut jugé, condamné et emprisonné pour fraude fiscale. Immédiatement, tous les médias occidentaux ont raconté que c’était un procès politique et que ce nouveau Soljenitsyne avait été envoyé au « goulag » parce qu’il faisait partie de l’opposition ”libérale” à Vladimir Poutine. Argument sans preuves et ridicule, fabriqué par la propagande de la CIA : en effet, bien d’autres ”oligarques” ploutocrates corrompus et fraudeurs ont été incarcérés alors qu’ils ne faisaient pas de politique et, d’autre part, des centaines de personnalités russes, des opposants politiques à Poutine, vivent tranquillement et parlent librement sans jamais avoir étés inquiétés par la justice. De plus, en quoi, M. Poutine, qui a été élu à deux reprises par une majorité écrasante de son peuple (”par fraude !” dit, bien sûr, la propagande) aurait-il besoin de faire incarcérer ses opposants ? Si M.B. Khodorkhoski s’était présenté à la présidentielle, il n’aurait même pas obtenu 5% des voix.

M. Poutine a, par l’équivalent de notre droit de grâce présidentiel, fait libérer Khodorkovski avant les Jeux olympiques d’hiver de Sotchi. On a, bien sûr, répété partout que c’était un cynique moyen d’apparaître humain et magnanime pour éviter le boycott des Jeux. Où sont les  preuves  de ces allégations ? Une fois libéré,  M. Khodorkovski se lance, avec  l’aide de ses amis américains, dans une violente campagne internationale contre Poutine, contre son propre pays, la Russie et sa nouvelle politique de renaissance identitaire, d’indépendance et de puissance.

Entretemps, la crise ukrainienne a commencé. Provoquée (voir autres article de ce blog)  par Washington et une UE aux ordres, elle vise à museler la Russie en relançant la guerre froide et, à terme, à renverser le régime de Poutine – et tout autre régime patriotique et populaire qui lui succéderait – au profit d’un régime de type  ”eltsinien” entièrement soumis à Washington, c’est-à-dire ”démocratique occidental”. Neutraliser la renaissance russe est l’objectif principal – et normal – des dirigeants US. On choisit donc Khodorkovski, collaborateur des intérêts américains, comme l’emblème de la ”résistance russe” à Poutine et candidat de la CIA à sa succession.

L’agitateur intrigant

M. Khodorkoski multiplie les conférences aux USA ; il est l’invité des galas de l’ONG Freedom House, filiale de la CIA, qui le payent très largement. Il a obtenu des entretiens au State Department  (Ministère des Affaires étrangères), il a été reçu à la Maison-Blanche et au Congrès. Il est devenu la coqueluche de tout le lobby washingtonien anti-Poutine. Les USA seraient-il sa nouvelle patrie ?

Quelles sont les idées de M. Khodorkovski et qu’il répand dans tous les médias américains et européens, avec une extraordinaire prétention à faire parler de lui ? Tout d’abord, que le régime de Poutine est une dictature qui opprimerait le peuple russe CQFD ; ensuite qu’il menace la sécurité de l’Occident et du monde et qu’il risque de provoquer une Troisième guerre mondiale. (Au fait, M. Khodorkovski n’a pas pensé à la menace extraterrestre ?)

Outre ses conférences aux États-Unis, M. Khodorkovski  se rend en Ukraine pour prêcher la bonne parole contre la Russie actuelle de Poutine. Il se présente, ne doutant pas de son génie et de sa hauteur morale, comme une alternative à Poutine, au Kremlin, à la tête d’une future Russie. Il est entouré d’un service de presse et de relations publiques international. Son organisation ”Russie ouverte” (1) – qui est une antenne de la CIA – mène en Russie une campagne de propagande pour lancer un mouvement d’opposition. Dans ses interviews (en France au Monde et au Figaro), il assène le même discours : le régime actuel, despotique, impérialiste et corrompu, va s’effondrer, donc il faut être prêt ; il qualifie ainsi la popularité de Poutine : « le pouvoir bénéficie aujourd’hui d’un soutien hystérique parce qu’il utilise la carte nationaliste en surfant sur la crise ukrainienne ».

Inversant la réalité, il prêche, se présentant comme ”patriote” alors qu’il est un agent des desseins de Washington  : «  rompre avec l’Ouest est un pas dangereux pour la Russie qui la couperait de son identité culturelle » : ou bien : « les vrais patriotes russes doivent dire la vérité, la guerre en Ukraine a pour seule motivation de préserver un régime moribond » ; il entend être celui qui «  permettra au peuple de réaliser l’exploit nécessaire pour sauver la Russie ».  Ou bien encore, cette prédiction ridicule : « ceux qui en Occident font semblant de ne pas comprendre l’enjeu de l’Ukraine ont tort. Ils ne veulent pas voir le danger de l’agressivité du régime russe. Mais si vous n’arrêtez pas Poutine, c’est votre propre sécurité qui sera en jeu, demain. » Grosse ficelle : il s’agit de relancer l’esprit de guerre froide en faisant croire à l’opinion qu’il existe une menace militaire russe contre l’Europe !

Le côté pervers (et l’esprit faux) du discours de MBK est qu’il prétend que la Russie patriote de Poutine est anti-européenne parce qu’elle serait ”anti-occidentale”, alors que c’est exactement l’inverse. Elle est ”anti-occidentale”, parce qu’elle est pro-européenne ! Ce que Khodorkovski appelle l’ ”Occident” n’a rien à voir avec l’Europe historique et enracinée, ni d’ailleurs avec la véritable Amérique profonde ; c’est tout simplement l’atlantisme, l’Union européenne vassale de l’OTAN et de Washington, la civilisation décadente que nous connaissons. La Russie de Poutine est à la fois ”anti-occidentale”, consciente de ses racines européennes et désireuse d’un partenariat global avec l’Europe.

L’objectif de la subversion

Le patriotisme russe est ce que déteste le plus M.B. Khodorkovski. On nous le fait passer pour un petit Saint alors qu’il est un joker de l’administration américaine destiné à déstabiliser le pouvoir russe actuel et le remplacer par un régime soumis. Exactement la même stratégie qu’en Ukraine et en Géorgie. Le programme de M. Khodorkovski  est, sous couvert de ”démocratie”, la soumission de la Russie à  l’Occident sous direction de l’OTAN. Khodorkovski est souvent considéré en Russie comme un traître à son pays, un personnage parfaitement méprisable, qui se drape dans la posture de la résistance au ”despote” Poutine et à son bellicisme.

Saint Khodorkovski est à la tête d’un lobby, piloté depuis les USA, et le but de la CIA est limpide : imposer Khodorkovski, dans les prochaines années, comme une icône, à la fois dans l’opinion russe et sur la scène internationale. Il s’agit de fabriquer un personnage qui s’imposerait comme le nouveau président russe, comme le successeur ”démocratique” de Poutine. Un proconsul, au service des intérêts US, à la tête d’une Russie décapitée. Cette stratégie a peu de chances de réussir. En effet MBK et son lobby sont complètement déconnectés du peuple russe des couches populaires, profondément patriotes et attachées à l’identité, à l’ordre et aux valeurs. MBK n’est en phase idéologique qu’avec une fraction minoritaire de l’opinion russe, une certaine petite bourgeoisie cosmopolite et occidentaliste concentrée à Moscou et dans les grandes villes. De plus, son discours de propagande sur la ”menace”, notamment militaire, que représenterait la nouvelle Russie n’est pas crédible et risque de ne pas passer dans l’opinion occidentale elle-même. Cette dernière, en effet, voit bien que la vraie menace est islamiste.

Khodorkovski espère qu’il aura un destin national en Russie parce qu’il parie sur l’échec et l’effondrement du régime de Poutine, notamment sur le plan économique. Les sanctions occidentales, voulues par Washington, vont dans ce sens : créer une crise socio-économique en Russie pour y semer le désordre. Et puis sortir le joker Khodorkovski. Cette stratégie, voulue par la CIA et certains milieux du Congrès, a peu de chances de réussir. Mais si elle réussissait, ce serait une très mauvaise nouvelle pour l’Europe.

(1)  Le terme même de « Russie ouverte » est très significatif d’une certaine idéologie laxiste et décadentiste, dont souffre toute l’Union européenne : ouverture des frontières à tous les flux commerciaux et migratoires, ouverture d’esprit à toutes les doctrines délirantes, abandon de la souveraineté et de l’indépendance, renoncement à l’identité et à la puissance.

 

 

vendredi, 10 octobre 2014

Prof. B. de Cordier: Doegin en het projekt "Groot-Eurazië"

10478023_10152754886934609_5464241396129641758_n.jpg

mercredi, 08 octobre 2014

Robert Steuckers:De quelques questions géopolitiques inhabituelles

 geopolitics.jpg

 

Robert Steuckers:

De quelques questions géopolitiques inhabituelles

 

Entretien accordé à J. P. Zúquete, dans le cadre d’un mémoire universitaire

 

Acceptez-vous l’étiquette de “nouvelle droite”?

 

Personne dans la “nouvelle droite” ou en marge de celle-ci n’a jamais accepté l’étiquette, inventée par les journalistes dénonciateurs du Nouvel Observateur de Paris en 1979. Seul peut-être Jean-Claude Valla, aujourd’hui décédé, a-t-il profité de ce label pour ancrer son équipe dans le paysage journalistique français, à une époque où elle investissait le Figaro Magazine. Dans le cadre de ce nouvel hebdomadaire à succès, dirigé par Louis Pauwels, cette étiquette pouvait séduire. Aujourd’hui, il convient de dire tranquillement qu’elle n’est plus de mise, qu’elle est une sorte de vocable-reliquat, de joujou idéologique pour faire mousser les dinosaures d’une gauche hystérique et groupusculaire, généralement utilisée par les services pour perpétrer des “coups tordus”. L’évolution ultérieure de quasi tous les animateurs du “Groupe de Recherche et d’Etudes pour la Civilisation Européenne” (ou GRECE) et, même, du “Club de l’Horloge” (qui en était distinct à partir de la fin des années 70), a amené leurs réflexions bien au-delà de l’ensemble circonscrit des droites françaises, sans pour autant nier certaines bases théoriques qui sont soit conservatrices au sens le plus général du terme, soit nationalistes-révolutionnaires, au sens proudhonien du terme ou au sens du non-conformisme des années 30. Alain de Benoist, qui aime qu’on écrive de lui qu’il est une “figure de proue” de ce mouvement dont il récuse pourtant l’étiquette, ne peut plus, aujourd’hui, être considéré comme appartenant au champ des droites françaises, vu qu’il s’est très nettement démarqué de l’actuelle idéologie dominante, le néo-libéralisme, flanqué de son cortège d’idéologèmes boiteux et de nuisances idéologiques que l’on appelle le “politiquement correct”.

 

Les animateurs de la “nouvelle droite” (selon l’étiquette forgée par le Nouvel Observateur) n’ont donc pas adopté les schèmes du néo-libéralisme, toutes variantes confondues, et n’ont jamais embrayé sur la vague néo-atlantiste que l’on observe en France depuis l’arrivée de Mitterrand au pouvoir en 1981, vague qui s’est renforcée et a submergé les ultimes redoutes du gaullisme de tierce voie. En critiquant le néo-libéralisme, comme nouvelle idéologie nuisible et posée par ses thuriféraires comme universaliste, et en refusant la logique atlantiste, ces animateurs dits “néo-droitistes” ont forcément emprunté des formes critiques auparavant ancrées à gauche de l’échiquier idéologique français et abandonné l’anti-gaullisme des vieilles droites françaises pour opter en faveur d’une sorte de néo-gaullisme, hostile aux politiques suggérées par l’hegemon américain depuis Carter et Reagan. La critique du néo-libéralisme (toutefois assez insuffisante au sein de l’actuelle “post-nouvelle-droite” quant au nombre de textes fondateurs) et le rejet de l’atlantisme des post-gaullistes et des socialistes font que les avatars actuels de la “nouvelle droite” —fustigée par les journalistes du Nouvel Observateur en 1979— sont l’expression d’une fusion originale d’éléments auparavant (et apparemment) hétérogènes. Par rapport à ce qu’elle a pu être éventuellement dans sa préhistoire (années 60 et première moitié des années 70) ou à ce qu’elle était quand une partie de ses animateurs investissait avec Jean-Claude Valla le Figaro Magazine de Louis Pauwels, le mouvement pluriel (à têtes multiples) que l’on appelle toujours par convention et par paresse intellectuelle la “nouvelle droite” constitue aujourd’hui une synthèse nouvelle, qui opère des convergences, mais toujours partiellement, avec des mouvements issus de milieux complètement différents, ancrés ailleurs avant 1979 ou nés de circonstances nouvelles, propre aux années 90 du 20ème siècle ou aux quinze premières années du 21ème.

 

Reste aussi à signaler que les rangs de la génération fondatrice se sont éclaircis, par la force des choses, et que les réflexes politiques et les sentiments de ces anciens ne sont plus nécessairement partagés par des générations nouvelles (moins nombreuses toutefois) qui, sociologiquement parlant, ont eu d’autres jeux, d’autres distractions, vécu au sein d’un système scolaire différent (et surtout déliquescent), se sont plongées dans l’univers de l’informatique puis du multimédia, n’ont plus que de vagues souvenirs des réalités si pesantes, si déterminantes, d’avant 1989 (guerre d’Algérie, décolonisation, Rideau de Fer, bloc soviétique, etc.).

 

J’appartiens évidemment à une fournée tardive qui s’est forgé dès la prime adolescence une vision du monde alternative, disons, à partir de l’année 1970, où j’avais quatorze ans. La période de maturation première et confuse s’est déroulée jusqu’en 1974, année où j’achève mes secondaires et où je rentre à l’université. Dès 1974, ma vision philosophique et politique se précise grâce à des amis comme Bernard Garcet, Frédéric Beerens, Alain Derriks, etc. Ces citoyens belges ne sont évidemment pas marqués par les événements d’Algérie, comme leurs contemporains français, et ne raisonnent jamais selon les clivages habituels du monde politique français, en dépit de la très forte influence de la presse et des médias français sur la partie francophone de la Belgique (j’étais le seul qui lisait en néerlandais et en allemand, vu que j’étudiais les langues). Garcet s’intéressait surtout à l’école italienne (Mosca, Pareto), Beerens aux sciences de la vie (Konrad Lorenz, Robert Ardrey), Derriks, journaliste de formation, aux idéologies politiques, à l’actualité la plus brûlante. C’est dans nos échanges hebdomadaires, ou au cours de voyages, où nous commentions nos lectures et l’actualité, que mes options personnelles se sont consolidées entre 1974 et 1980, années où, justement, la géopolitique revient à l’avant-plan, surtout parce que depuis le coup de Kissinger, qui parvient en 1972 à s’allier à la Chine maoïste, on s’aperçoit, d’abord timidement, que les critères géopolitiques pèsent plus lourd que les positions idéologiques. Derriks et moi potasserons —suite à un article de la revue évolienne et “traditionaliste-révolutionnaire” Totalité, animée par Georges Gondinet, Philippe Baillet et Daniel Cologne— le travail du général italien Guido Giannettini (Dientre la Granda Muraglie) qui fut quasiment le premier à préconiser un renversement d’alliance pour l’Europe: si les Etats-Unis, sous l’impulsion de Kissinger et de Nixon, s’alliaient à la Chine pour faire pression sur l’Union Soviétique et pour se maintenir par la même occasion en Europe occidentale, il fallait, sans adopter nécessairement le système économique communiste, s’allier à Moscou pour fédérer les peuples de souche européenne dans la partie septentrionale de l’Eurasie. Jean Parvulesco et Jean Thiriart emboîteront le pas. Par ailleurs, Alexander Yanov, un dissident libéral soviétique exilé en Californie, hostile au néo-slavisme officiel en plein développement dans l’URSS d’alors, démontrait que la néoslavophilie du régime et de la dissidence enracinée s’opposait à un occidentalisme russe présent dans la dissidence (Sakarov) et dans le PCUS au pouvoir. Notre position face à cette première définition par le libéral-occidentaliste Yanov de la “Russian New Right” (1): soutenir la néo-slavophilie dans le régime et dans la dissidence, chez Valentin Raspoutine, primé en URSS, et chez Soljénitsyne, exilé dans le Vermont. Position implicitement partagée par de Benoist (qui recense l’ouvrage de Yanov dans les colonnes du Figaro Magazine) et par l’observateur du monde slave dans la presse non conformiste allemande de l’époque, Wolfgang Strauss, ancien déporté du Goulag de Vorkhuta, qui n’a cessé de plaider pour une alliance de tous les slavophiles.

 

Les travaux géopolitiques de Jean Thiriart ont-ils influencé vos thèses sur l’Europe?

 

robert steuckers, entretien, géopolitique, politique internationale, nouvelle droite, synergies européennes, jean thiriart, ayméric chauprade, front national, eurasisme, eurasie, brics, Jean Thiriart n’a pas, à proprement parlé, rédigé de travaux spécifiquement géopolitiques. Dans les années 60, à l’apogée de son engagement politique sur la petite scène belge (assurément trop étroite pour lui!), il a cependant montré qu’il avait du flair en la matière. Dans l’espace de plus en plus réduit de ceux qui déploraient la défaite européenne (et non pas seulement allemande) de 1945, Thiriart, qui avait horreur des nostalgies qu’il considérait comme des anachronismes incapacitants, voulait réconcilier les volontés, de gauche comme de droite, rejetées dans les marges de nos mondes politiques au moment où se déployait la société de consommation, celle “du frigidaire et du Coca-Cola de Tokyo à San Francisco”. On peut évidemment affirmer que Thiriart opte pour cette position —celle de réconcilier les volontés apparemment hétérogènes sur le plan idéologique— afin d’adopter un discours de “libération continentale”, de dégager l’Europe de l’Ouest et l’Europe de l’Est de la bipolarité instaurée à Yalta en 1945, parce qu’il est lucide et rationnel et sent bien que cette césure au beau milieu du continent entraîne, sur le long terme, la déchéance de notre espace civilisationnel. De fait, Thiriart vouait aux gémonies les irrationalismes politiques, ce qu’il appelait les “romantismes incapacitants”, les délires du “zoo politique” et du “racisme des sexuellement impuissants” relevant, selon lui, psychanalyste amateur à ses heures, de la psycho-pathologie et non de la “politique politique”, selon l’expression de Julien Freund, autre pourfendeur des “impolitismes”. Thiriart ne mâchait jamais ses mots, il avait la parole dure, il nous engueulait copieusement et c’est surtout pour cela que je me souviens de lui avec grande tendresse, notamment en circulant dans le quartier que nous habitions tous deux et où je le vois encore promener son chien noir ou embarquer dans son mobile-home, monté sur 4X4 Toyota. Cependant —et nous ne le devinions que vaguement— Thiriart était tributaire d’un contexte idéologique d’avant-guerre, aujourd’hui exploré pour la première fois scientifiquement, et de manière exhaustive.

 

robert steuckers, entretien, géopolitique, politique internationale, nouvelle droite, synergies européennes, jean thiriart, ayméric chauprade, front national, eurasisme, eurasie, brics, En effet, il existait un “européisme” belge avant 1940, qui avait pris son envol au lendemain de la première guerre mondiale. Docteur en histoire à l’Université catholique de Louvain, Geneviève Duchenne a systématiquement cartographié ces “esquisses d’une Europe nouvelle” (2), où les adversaires de toute réédition de la Grande Guerre évoquaient les possibilités de transcender les inimitiés létales qui avait fait déchoir l’Europe face, notamment, aux Etats-Unis montants ou face, déjà, à une URSS qui se targuait de forger un modèle de société indépassable, annonçant au forceps “la fin heureuse de l’histoire”. Parmi ces mouvements européistes, ou paneuropéens (Coudenhove-Kalergi), il y eut le “Bloc d’Action européenne”, qui a émergé dans les milieux d’une gauche très non conformiste, sympathique et anarchisante, “Le Rouge et le Noir”, où officiait Pierre Fontaine qui, après 1945, évoluera vers une “droite” représentée par l’hebdomadaire Europe magazine (première mouture); ensuite, ce “Bloc d’Action”, qui a oeuvré de 1931 à 1933, fut suivi d’un “Front européen” (1932-1933), animé par des diamantaires juifs d’Anvers et par des Flamands francophones, plutôt catholiques, actifs dans la biscuiterie, se réclamant de l’idéologie briandiste, fustigée par les nationalistes d’Action française. De 1932 à 1940, se crée l’”Union Jeune Europe” (UJE), dont l’inspiration initiale sera “helvétisante” —on veut une Europe démocratique selon le modèle suisse—, comme l’attestent ses premiers bulletins Agir puis Jeune Europe. L’UJE plaide pour un recentrage continental européen, jugé plus efficace que la fédération universelle qu’entendait incarner la SdN. Le mouvement cherchera, sous la bannière du briandisme, à parfaire une réconciliation belgo-allemande, à purger les discours politiques de toutes les scories de germanophobie, en vigueur depuis le viol de la neutralité belge en août 1914. Il finira germanophile au nom d’un pacifisme intereuropéen. Il est difficile de dire, aujourd’hui, quels sont les ingrédients de ces discours briandistes et paneuropéens, plus ou moins germanophiles, qui ont influencé le jeune Thiriart entre, disons, 1937 et 1940. Il est toutefois évident que les strates pensantes de la société belge d’avant-guerre, à gauche comme à droite de l’échiquier politique, optent pour une carte européiste, qui pourra éventuellement déboucher sur une forme ou une autre de collaboration pendant la seconde guerre mondiale. Après 1945, les factions non collaboratrices reprendront les aspects les plus “démocratiques” de ce briando-européisme et l’appliqueront au processus de construction européenne, comme le démontre l’historienne flamande Els Witte (VUB) (3), qui constate aussi, par ailleurs, que les historiens qui ont plaidé pour ces formes “démocratiques” (néo-briandistes, sociales-démocrates et maritainistes/démocrates-chrétiennes), entendaient se débarrasser de “tout finalisme belgiciste”, c’est-à-dire de tout finalisme “petit-nationaliste”, comme le dira Thiriart, en fustigeant les éléments nationalistes et “belgicistes” de droite, présents dans son propre mouvement “Jeune Europe” au début des années 60.

 

Je ne pense pas que l’on puisse encore penser l’originalité marginale du mouvement “Jeune Europe” de Thiriart sans prendre en compte le contexte fort vaste de l’européisme belge de l’entre-deux-guerres, cartographié par Geneviève Duchenne. En résumé, pour Thiriart, avatar tardif et résilient de cet européisme d’avant 1940, il faut faire l’Europe en réconciliant les Européens, en créant les conditions pour qu’ils ne se fassent plus la guerre, et mettre un terme à toutes les formes non impériales de petit nationalisme diviseur. Vers 1968-69, Thiriart constate, avec grande amertume, que ce projet européiste, qu’il a cultivé, en lisant Pareto, Freund, Machiavel, Hobbes, etc., ne peut pas se concrétiser au départ d’une petite structure militante, en marge du monde politique officiel, parce que de telles structures n’attirent que des marginaux, des délirants ou des frustrés (“Je ne veux plus voir tous ces tocards...”, me dira-t-il à bord de son voilier, un jour très froid de printemps, au large de Nieuport). Il abandonne la politique et ne reviendra sur scène qu’à la fin de l’année 1981, où, comme Giannettini et Parvulesco, il opte pour un projet “euro-soviétique”, affirmant par la même occasion que l’Europe ne peut se libérer du joug américain —de plus en plus pesant au fur et à mesure que l’URSS déclinait— qu’en regroupant ses forces contestatrices du statu quo autour d’une structure comparable au PCUS et à un avatar réactualisé du “Komintern”. Thiriart, bien qu’assez libéral sur le plan économico-social, opte pour une logique néo-totalitaire, pour un communisme rénové et mâtiné de nietzschéisme. Quand s’effondre l’Union Soviétique et que la Russie tombe dans la déchéance eltsinienne, il fait connaissance avec Alexandre Douguine, lui rend visite à Moscou et espère que les forces patriotiques et néo-communistes russes vont renverser Eltsine, transformer la nouvelle Russie en un “Piémont” capable d’unir l’Europe et l’Eurasie sous l’égide d’une idéologie néo-communiste nietzschéanisée (Thiriart lisait le seul exégète soviétique de Nietzsche, un certain Odouev). Deux mois après être revenu de sa tournée moscovite, dont il était très heureux, Thiriart meurt d’un malaise cardiaque dans son chalet ardennais, en novembre 1992.

 

J’ai été tributaire de l’européisme de Thiriart parce que j’avais découvert un exemplaire de son ouvrage 400 millions d’Européens chez un bouquiniste, plusieurs années avant de le rencontrer personnellement dans son magasin d’optique, avenue Louise à Bruxelles. Nous avons échangé de nombreuses impressions, par lettres et de vive voix, entre 1981 et sa mort, en novembre 1992.

 

Croyez-vous possible un front commun eurasiatique contre le “nouvel ordre mondial” américain?

 

Ce front commun existe déjà, dans le chef du Groupe dit de Shanghaï et dans le BRICS, qui s’étend à l’Amérique latine, avec le Brésil et, partiellement, l’Argentine, et à l’Afrique avec la République sud-africaine. Ce groupe vise la “dé-dollarisation”, qui ne prendra pas effet tout de suite mais érodera lentement la domination de la monnaie américaine dans le domaine des échanges commerciaux internationaux. Ensuite, le centre de la masse continentale eurasiatique sera unifié par le réseau des gazoducs et oléoducs qui amèneront les hydrocarbures vers l’Ouest, c’est-à-dire la Russie (et éventuellement l’Europe si elle s’abstient de maintenir les sanctions exigées par les Etats-Unis), et vers l’Est, c’est-à-dire la Chine et l’Inde. Ce réseau est dans l’espace-noyau eurasien, celui qui était à l’abri des canons des “dreadnoughts” britanniques, et qui ne peut être conquis au départ du “rimland” littoral, seulement bouleversé par des guerres de basse intensité, menée par des fondamentalistes fous. Par ailleurs, la Chine a déjà, fin des années 90, exigé que l’interprétation des “droits de l’homme” par le Président américain Carter et ses successeurs soit contre-balancée par des éléments éthiques issus d’autres civilisations que l’occidentale, notamment des éléments bouddhistes, taoïstes et confucéens, et que ces “droits de l’homme” ne puissent jamais plus servir de prétexte pour s’immiscer dans les affaires intérieures d’un pays ou y générer du désordre. Le front uni eurasiatique, s’il veut exister un jour comme facteur incontournable sur l’échiquier planétaire, doit donc agir sur trois fronts: celui de la dé-dollarisation, celui de l’aménagement du réseau des oléoducs et gazoducs sur la masse continentale eurasiatique, celui du principe sino-confucéen de la non-immixtion, assorti d’une diversification éthique et philosophique de l’interprétation des “droits de l’homme”.

 

Quelles sont les différences pour vous entre Eurosibérie et Eurasie?

 

Le terme d’Eurosibérie a été forgé dans les milieux “post-néo-droitistes” par Guillaume Faye, sans doute la figure historique de la dite “nouvelle droite” qui était la plus proche, par la pensée, de Jean Thiriart: même intérêt pour les questions géopolitiques, même aversion pour les fanatismes religieux, même engouement pour la pensée politique pure (Hobbes, Machiavel, Pareto, Freund, Schmitt, etc.). Historiquement, le concept d’Eurosibérie nous vient de Youri Semionov (Juri Semjonow), un Russe blanc de l’entre-deux-guerres, qui deviendra professeur de géographie à Stockholm en Suède. Dans son Sibirien – Schatzkammer des Ostens, dont la dernière version allemande date de 1975, Semionov démontre que l’Europe a perdu, avec la guerre de 1914 et la révolution bolchevique qui s’ensuivit, ses principales réserves de minerais et de matières premières, dont elle bénéficiait entre la Sainte-Alliance de 1815 et la première guerre mondiale. Semionov pariait, comme Faye et Thiriart, pour une rentabilisation de la Sibérie par le truchement d’un nouveau Transsibérien, le BAM, réactualisation des projets de Witte dans la première décennie du 20ème siècle. Le concept d’Eurosibérie est avant tout un projet économique et technique, comme le souligne Semionov. Thiriart a dû glaner des éléments de la démonstration de Semionov via des travaux analogues d’Anton Zischka, un auteur allemand qu’il appréciait grandement et qui était beaucoup plus lu en traduction française ou néerlandaise en Belgique qu’en France.

 

Le concept d’Eurasie vient tout droit de la littérature russe: avant 1914, la Russie se voulait européenne et craignait, par la voix de bon nombre de ses écrivains, l’“enchinoisement” des âmes, soit l’endormissement des énergies vitales propres à la civilisation grecque et européenne au bénéfice d’une massification prêtée, par les idées de l’époque, à la civilisation chinoise, alors en plein déclin. Avec la révolution bolchevique, certains intellectuels soviétisés adoptent des positions eurasistes, en se réclamant des Scythes, peuple cavalier et nomade, des steppes d’Ukraine au Kazakhstan et au plateau iranien, puis d’une idéologie russo-touranienne, rêvant d’une fusion nouvelle des peuples turco-mongols et slaves, capable de balayer un Occident vermoulu. L’eurasisme actuel s’inspire de cette vision fusionniste et quelque peu apocalyptique. Il existe aussi un eurasisme impérial, qui prend forme concrètement dès les conquêtes par les armées d’un Tsar moderne, Alexandre II, qui s’empare, au grand dam des Britanniques de tous les sultanats centre-asiatiques jusqu’aux frontières de la Perse et de l’Afghanistan, menaçant potentiellement les Indes sous souveraineté anglaise. Ici l’eurasisme est l’expression d’un hégémonisme russe sur l’Europe (ou sur la partie d’Europe dévolue à la Russie) et sur l’Asie centrale, coeur du continent, avec projection possible vers le sous-continent indien.

 

Dans un débat amical, qui a eu lieu en Flandre, Pavel Toulaev et Guillaume Faye ont confronté leurs idées quant à l’Eurosibérie et l’Eurorussie. Toulaev estimait, à juste titre —et Faye l’a reconnu— que la Sibérie n’était pas un sujet de l’histoire, ne l’avait jamais été. Le sujet de l’histoire dans l’espace eurasien et eurosibérien a été la Russie, d’Ivan le Terrible à Poutine. C’est la raison pour laquelle on parle davantage d’Eurorussie dans nos régions que d’eurasisme.

 

Finalement, croyez-vous que le Front National français devient russophile?

 

robert steuckers, entretien, géopolitique, politique internationale, nouvelle droite, synergies européennes, jean thiriart, ayméric chauprade, front national, eurasisme, eurasie, brics, Ma réponse ne sera pas très utile, d’abord parce que je ne suis pas français même si j’utilise le plus souvent la langue française. Je n’ai guère d’affinités, comme la plupart de mes compatriotes, avec la pensée politique française, très éloignée de nos modes d’action et de nos préoccupations idéologiques et politiques. Sur l’Europe et sur la Russie, les Français ont toujours eu dans l’histoire des visions totalement différentes des nôtres. On nous enseignait que le modèle indépassable pour l’Europe était la vision lotharingienne de Charles dit le Téméraire (nous devions dire: “Charles ou Karle le Hardi”, le terme “téméraire” étant jugé injurieux et de fabrication française), la Grande Alliance forgée par l’Empereur Maximilien I entre l’héritage des Bourguignons et des Habsbourgs et celui de la Castille-Aragon par le mariage de son fils Philippe et de la princesse Jeanne, l’Empire universel de Charles-Quint, toutes formes politiques respectables que d’affreux personnages, disaient nos instituteurs, comme Louis XI (“l’Universelle Aragne”) ou le félon François I avaient délibérément saboté en s’alliant aux Ottomans. Je vous passe les descriptions très négatives que l’on nous donnait de Louis XIV, des sans-culottes et des jacobins ou encore de Napoléon III. Ce dernier a notamment participé à la première guerre, fomentée par les Britanniques, contre la Russie tsariste, la Guerre de Crimée, une fois de plus avec le concours des Ottomans, tandis que la Belgique, à l’époque, était plutôt pro-russe, à l’instar de Bismarck. Le communisme a connu des succès retentissants en France, en s’alliant avec le vieux fonds criminel jacobin, tandis qu’en Belgique le communisme a toujours été très marginal, n’a pas connu des figures avides de sang comme en URSS ou en France.

 

Je ne peux pas me représenter ce que ressentirait un adepte du nouveau FN de Marine Le Pen face à la Russie actuelle. Je pense que l’électorat français de base —du FN ou de tout autre parti— ne sait guère ce que représente la Russie sur le plan géopolitique. Il est donc inutile pour un parti, quel qu’il soit, de faire de la géopolitique, pro-russe ou anti-russe, pro-américaine ou anti-américaine, pro-arabe ou anti-arabe, pro-israélienne ou anti-israélienne, etc. Ce n’est pas sa tâche et, s’il en fait sa tâche, il finira par commettre des bêtises, comme le constatait d’ailleurs une figure tragique de la première moitié du 20ème siècle, l’officier, diplomate et explorateur allemand von Niedermeyer, face aux interventions insuffisantes et ineptes des partis politiques de la République de Weimar en matières de politique étrangère. Les interventions des sociaux-démocrates pour contrer les politiques de coopération avec la jeune URSS étaient l’objet des colères de von Niedermeyer. Le personnel politique de base est généralement trop inculte pour aborder raisonnablement ces questions.

 

Ceci dit, le FN, qu’on le veuille ou non, que l’on l’accepte ou que l’on ne l’accepte pas, remplit deux vides dans la politique française: il a recueilli énormément de voix communistes, celles d’un populisme de gauche, russophile parce qu’anciennement soviétophile, et, par voie de conséquence, des sentiments favorables à la Russie, dont son arithmétique électorale prospective doit dorénavant tenir compte; ensuite, deuxième vide, dû aux politiques successives de l’atlantiste Sarközy et du social-démocrate filandreux Hollande; tous deux ont effacé de l’horizon politique français les dernières traces du gaullisme non-aligné et, en vertu de ce non-alignement, hostile à toute prépondérance de l’hegemon américain. Le FN recueille donc, actuellement (provisoirement? définitivement?), en son sein, les résidus de russophilie communiste et les résidus du gaullisme assassiné une bonne fois pour toutes par Sarközy.

 

Les orientations apparemment pro-russes du nouveau FN de Marine Le Pen sont également un résultat de la fameuse affaire Chauprade. Le professeur Ayméric Chauprade, qui enseignait il y a quelques brèves années à l’école de guerre de Paris, développait une vision nationale-française et para-gaullienne dans des ouvrages de référence absolument incontournables pour tous ceux qui s’intéressent à la géopolitique comme science et comme pratique. Pour Chauprade, la France avait sur la scène internationale et en vertu de son droit de veto à l’ONU une mission anti-impériale à parfaire, en se distanciant autant que possible des projets imposés par Washington. Bref, Chauprade était une sorte de maurassien moderne, gaullien en sus. Position intéressante sauf qu’elle était justifiée par une revalorisation scandaleuse de la figure de François I, ennemi de Charles-Quint, position absolument inacceptable pour vous, Espagnol, et pour moi, Impérial. Son précis de géopolitique est toutefois indispensable pour son interprétation originale et gaullienne des stratégies anglo-saxonnes dérivées de la géopolitique de Sir Halford John Mackinder et de ses disciples. Encore plus intéressant a été le livre de Chauprade sur le choc des civilisations, où ne transparaissait heureusement plus cette apologie indécente du stato-nationalisme avant la lettre de François I (le “petit-nationalisme” fustigé par Thiriart!). Inutile de vous dire que ces deux ouvrages trônent en bonne place dans ma bibliothèque, à côté de ceux d’autres géopolitologues français: ceux de l’homme de gauche Yves Lacoste et ceux du directeur des collections “Major” des “Presses Universitaires de France”, Pascal Gauchon, qui vient de fonder la revue “Conflits” ainsi que ceux du très regretté Hervé Couteau-Bégarie, prématurément décédé. Sarközy a commis l’indicible infâmie de casser la carrière de Chauprade à l’école de guerre, sous prétexte que ce géopolitologue hors pair ne développait pas des thèses atlantistes, pareilles sans doute à celles, fumeuses et hystériques, de l’insupportable sycophante Bernard-Henry Lévy, dont les délires ont conduit à l’anéantissement de la Libye et à l’horrible guerre civile et fratricide qui n’est pas encore terminée là-bas.

 

robert steuckers, entretien, géopolitique, politique internationale, nouvelle droite, synergies européennes, jean thiriart, ayméric chauprade, front national, eurasisme, eurasie, brics, A mon très grand étonnement, Chauprade, n’a pas fait front commun avec Gauchon, par exemple, en prenant la plume pour fustiger l’abandon de toutes les positions gaulliennes par les affaires étrangères françaises, en organisant des colloques avec des sceptiques de gauche comme Jacques Julliard ou Jacques Sapir. Au lieu de tout cela, au lieu de toutes ces bonnes actions potentielles, il a adhéré au FN, ce qui n’est pas une bonne idée pour défendre sur le long terme ses positions sans risquer les entraves politiciennes que peut subir, tout d’un coup et le cas échéant, tout intellectuel pointu et pertinent qui s’embarque dans une aventure politique. Car la politique, en toute période triviale de l’histoire comme la nôtre, est un espace irrationnel, flou, imprécis, soumis à toutes les variations possibles et imaginables. Celles-ci, d’ailleurs, ne se sont pas fait attendre: hostile à la géopolitique de l’hegemon américain dans ses excellents ouvrages de référence, Chauprade, par compromis politicien, aligne ses positions de militant FN néophyte sur la nouvelle politique d’Obama face à l’EIIL, alors que ce sont les Etats-Unis, l’Arabie Saoudite et le Qatar qui sont responsables de l’émergence de ce djihadisme virulent et du chaos indescriptible qu’il a provoqué en Syrie, au détriment du régime baathiste et en Irak au détriment de la majorité chiite et de la minorité kurde (dans une moindre mesure). Une position vraiment non alignée, gaullienne, aurait été de dire: “nous refusons de participer au nettoyage du Levant et de l’Irak, réclamé par Obama —les Américains et leurs alliés pétro-monarchistes y ont créé le chaos et les Européens doivent maintenant payer pour réparer les dégâts!— car notre seule politique est de vouloir le retour au statu quo ante dans la région, car ce statu quo ante évitait la présence belligène d’éléments fondamentalistes incontrôlables et créait la paix civile par l’imposition d’un système militaro-politique moderne et syncrétique, seul apte à gérer les diversités et divergences effervescentes de cette zone-clef de la géostratégie internationale; de plus, le prix à payer pour ce travail de nettoyage est trop élevé pour une Europe encore fragilisée par la crise de l’automne 2008: cet argent doit servir exclusivement à nos infrastructures hospitalières, à nos écoles, à nos départements de recherche et développement, au sauvetage de notre sécurité sociale”. Chauprade vient d’ailleurs d’être mis sur la sellette dans les colonnes du mensuel Le Causeur (octobre 2014), où on l’appelle à justifier ses positions actuelles, parfois contradictoires par rapport à ses écrits scientifiques antérieurs.

 

Seules les visites de Chauprade à Moscou, où il plaide en faveur de la politique familiale du Président Poutine, permettent de conclure à une néo-russophilie non communiste au sein du FN, puisque, désormais, le géopolitologue, chassé de sa chaire par Sarközy, en fait partie. Ce soutien à la politique familiale n’est pas exclusivement géopolitique: la France profonde —avec le mouvement “Manif’ pour tous”, téléguidé entre autres par “Civitas”— entend défendre la famille contre les politiques socialistes et sociétalistes (comme on se plait à le souligner maintenant par le biais de ce néologisme) du gouvernement de François Hollande au point que même l’électorat catholique de la France profonde préfère la politique familiale du président russe, en dépit d’une indécrottable russophobie occidentale, qui marquait aussi la France non communiste, et que dénonce avec brio l’éditeur Slobodan Despot, installé sur les rives du Lac Léman.

 

(Forest-Flotzenberg, octobre 2014).

 

Notes:

(1)   Alexander Yanov, Alexander YANOV, “The Russian New Right – Right-Wing Ideologies in the Contemporary USSR”, Institute of International Studies, University of California, Berkley, 1978.

(2)   Geneviève DUCHENNE, Esquisses d’une Europe nouvelle – L’européisme dans la Belgique de l’entre-deux-guerres (1919-1939), P.I.E. Peter Lang, Bruxelles, 2008.

(3)   Els WITTE, Voor vrede, democratie, wereldburgerschap en Europa – Belgische historici en de naoorlogse politiek-ideologische projecten (1944-1956), Uitgeverij Pelckmans, Antwerpen, 2009.

 

Sortir l’Europe de l’impolitique

 honore_daumier.jpg

Sortir l’Europe de l’impolitique

par Georges FELTIN-TRACOL

Impolitique est un adjectif de la langue soutenue qui se rapporte à un manque d’habilité dans une situation où des intérêts sont en jeu. Dans un nouvel essai, L’effacement du politique, Pierre Le Vigan ne l’utilise pas et, pourtant, l’actuelle politogenèse (pseudo-)européenne ou « construction euro-atlantiste » à vocation mondialiste et d’ambition oligarchique correspond parfaitement à cette définition. Pis, elle la dépasse en excluant le politique de son champ d’horizon. L’auteur constate en effet que « notre continent est sans existence politique, sans volonté, sans défense. Un embryon de gouvernement européen existe, mais en fait, ce sont des équipes de technocrates. Le pouvoir européen n’a pas de légitimité démocratique. Il n’a pas non plus acquis une légitimité par son efficacité. Il a beaucoup réglementé mais n’a guère construit (pp. 21 – 22) ». A contrario, «  tout vrai projet politique repose sur la vision d’une singularité de civilisation. C’est pourquoi il est absurde de dire que seule la politique extérieure compte. Extérieure à quoi ? De quel intérieur est-elle l’envers ? C’est toujours la question à se poser. Politique intérieure et politique extérieure sont toujours profondément liées (p. 121) ». Mieux encore, « il n’y a pas de politique sans identités collectives (p. 27) ».

La phobie du politique qu’il discerne dans les discours et les actes officiels de la bureaucratie euro-atlantiste provient en droite ligne du refus d’affirmer l’identité propre de l’Europe. « L’Europe actuelle se veut d’abord universaliste. Sa seule identité serait d’être le réceptacle des identités des autres. On y célèbre tout ce qui n’est pas nôtre (p. 22). » Il faut reconnaître, à sa décharge, que « l’Europe a eu comme destin l’Occident, qui a fini par nier l’Europe elle-même. C’est-à-dire que l’Europe a eu comme destin la démesure, l’hubris. […]L’occidentalisation du monde est devenue la déseuropéanisation de l’Europe. L’Europe n’a pas vocation à offrir un modèle au monde (p. 159) ».

Mais comment définir alors l’identité européenne ? « La géographie donne des indications (Bornéo, non, ce n’est décidément pas l’Europe) mais pas de réponses indiscutables à la question des frontières. C’est le politique qui doit trancher (p. 61). » Il examine ensuite d’autres critères comme le fait ethnique. Sur ce point, Pierre Le Vigan dénie l’ancestralité indo-européenne et rejette la thèse du foyer boréen originel circumpolaire qu’il trouve absurde. Il passe ensuite l’Europe au crible de la religion, puis des valeurs sans, finalement, les estimer déterminantes. Aucune définition ne lui convient parfaitement. En fait, l’auteur récuse toute idée essentialiste de l’Europe. Si une délimitation floue demeure concernant les frontières orientales de l’Europe, l’identité fondamentale européenne repose sur un riche patrimoine spirituel commun et une anthropologie évidente d’ordre bio-culturel partagée entre des peuples issus du même terreau auxquels se rattachèrent d’autres peuples européanisés (Finnois, Estoniens, Lapons, Hongrois, Gagaouzes, etc.). Si son présent est certes marqué par l’impuissance et l’affliction mémorielle, son avenir peut être riche en espoir ou… en désespérance.

Cette désespérance semble prendre le pas sur toutes les tentatives, vénielles et partielles, de renaissance continentale. Du fait de la sécularisation, « le pouvoir politique va s’obliger à ne croire en rien d’ultime. Il va se restreindre à une croyance évidente et minimale : que les hommes veulent la liberté et le bonheur. L’État va donc devenir l’État garant des droits de l’homme (p. 43) ». Désormais, « le processus démocratique consiste en une production sans fin de nouveaux droits de l’homme (p. 90) » si bien que « c’est l’homme qui déclare ses propres droits (p. 87) ». Cette lourde tendance fait que « notre société n’est plus régulée que par le Droit et par le Marché (p. 156) » d’autant que « la pensée libérale est du côté du commerce, et des puissances maritimes. Elle privilégie la morale et l’économie par rapport au politique et à l’État (p. 80) ». La conséquence la plus visible est, à part l’hypertrophie du secteur médiatique au point qu’il phagocyte le minable petit personnel politicien, l’exagération du «  pouvoir judiciaire [qui] est une façon de ne pas faire de la politique ou plutôt de la laisser faire par les juges, car il ne suffit pas de nier le politique pour le dissoudre (p. 136) ». Parallèlement, la neutralisation du politique bouleverse la fonction même de l’État. « L’État est fort pour assurer un certain nombre de missions. S’il ne le fait pas, il perd sa légitimité (p. 132). » À croire qu’on arrive au terme d’un cycle     historique !

« Au Moyen Âge, les Européens avaient le choix entre trois formes politiques : la Cité, l’Empire, l’Église. La Cité était trop petite, l’Empire trop grand, l’Église trop universelle. Ils ont choisi une forme nouvelle : la nation (p. 136). » Aujourd’hui, le concept de nation apparaît comme une coquille vide, voire comme le serviteur zélé du mondialisme. L’exemple le plus flagrant de ce détournement n’est pas les États-Unis d’Amérique, cette aire peuplé par des strates successives d’immigration, mais la France pervertie par les sottes idées d’une république mortifère. « Les intellectuels de la pensée dominante pensent, non seulement que tout le monde peut devenir français, mais que tout le monde doit souhaiter le devenir, devenir citoyen du “ pays des droits de l’homme ” donc de la seule patrie qui n’est pas une patrie. Ils ont pour le coup raison puisque, être français au sens actuel du terme, cela veut dire : être membre de “ la patrie de la sortie de toutes les patries ”. C’est le comble de l’hypermodernité (ou archimodernité), et par là même c’est le comble de l’humanité. Pourquoi ? Parce que c’est là le stade suprême du dessaisissement de soi, de la rupture avec tous les attachements. C’est la victoire du présentisme intégral (pp. 99 – 100). »

Pierre Le Vigan concède volontiers que « l’Europe actuelle apparaît […] une prison des peuples, une négation de la souveraineté populaire (p. 160) ». En revanche, il assure que « l’Europe actuelle n’est pas fédérale, c’est là l’équivoque qu’il convient de dissiper. Elle est faussement fédérale (p. 162) ». Par cette mise au point, il exprime son attachement à la vocation d’une d’Europe à la fois unie et diverses, d’une Europe politique, véritable garante des procédures démocratiques authentiques. C’est pour l’heure une gageure, « mais qu’entendent les élites par démocratie ? Moins le gouvernement du peuple par lui-même (les élites globalisées ne comprennent tout simplement pas ce que veut dire la notion de “ peuple ”) que le respect de procédures, et des droits individuels : la démocratie, c’est les droits de l’homme. La démocratie selon les élites devient donc un processus de déliaison par rapport au politique : c’est plus de droits de l’homme et moins de droits des citoyens (pp. 58 – 59) » à un moment crucial où « nous vivons une stasis : à la fois une guerre civile interne, moléculaire, et une dissolution de l’intérieur (p. 23) ».

Au terme de son raisonnement de philosophie politique, il considère que la réponse idoine aux défis du XXIe siècle s’appelle l’Empire. Il ne s’agit pas pour lui de relever les vieux slogans totalitaires du XXe. À la suite du philosophe Philippe Lacoue-Labarthe qui appréhendait le national-socialisme hitlérien comme un humanisme, Pierre Le Vigan, Pierre Le Vigan pense que « le nazisme était essentiellement un vitalisme (p. 124) » et qu’il « était, à sa façon, un progressisme (p. 125) ».

Pourquoi donc l’Empire ? Peut-être parce qu’il « est porteur d’un sacré et d’un universel (p. 51) ». Universel et non universaliste, cela a son importance. Le retour du politique passerait-il nécessairement par un compromis post-moderne entre le holisme d’antan et l’individualisme présent ? Pierre Le Vigan le suppose, lui qui voit en Jean-Jacques Rousseau, le seul penseur apte à dépasser cet antagonisme (cette aporie ?) : « Être libre peut pourtant vouloir dire être libre de s’engager, voire libre d’aliéner sa liberté apparente pour une liberté intérieure plus profonde. Mais la modernité refuse cette forme de liberté. La modernité voit l’engagé convaincu comme un aliéné. Il ne faut que des engagements de circonstances et surtout, des engagements qui n’engagent à rien (p. 94). »

Nul doute que L’effacement du politique de Pierre Le Vigan est un essai qui fera date, au-delà des querelles désuètes et déplacées entre un européisme aveugle et un souverainisme réductionniste.

Georges Feltin-Tracol

• Pierre Le Vigan, L’effacement du politique. La philosophie politique et la genèse de l’impuissance de l’Europe, préface d’Éric Maulin, La Barque d’or (12, rue Léon-Blum, 94600 Choisy-le-Roi), 2014, 163 p., 15 € + 4 € de port.


Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

URL to article: http://www.europemaxima.com/?p=3919

Catalanismo hispánico

Novedad editorial

Revista Nihil Obstat, Nº 22: Dossier “Catalanismo hispánico”

NIHIL OBSTAT 22Revista de historia, metapolítica y filosofía
Tarragona, primavera/verano 2014
21×15 cms., 180 págs.
Cubierta impresa a todo color, con solapas y plastificada brillo
PVP: 15 euros

Sumario

Editorial: Catalanismo hispánico / José Alsina Calvés

El giro aretáico / Alberto Buela

Cybergeopolítica / Leonid Savin

La experiencia de Ronaldo Ragola: cuando el trabajo era un problema de Estado / Giacomo Ciarcia

La Europa de ayer: a cien años de 1914 / Juan de Pinos

¿Otro discurso social? / Carlos Martínez-Cava Arenas

El “Socialismo alemán”. Análisis de las relaciones entre nacionalismo y socialismo desde 1900 a 1933 en Alemania / Thierry Mudry

DOSSIER: Catalanismo hispánico

Necesidad de un catalanismo hispánico / José Alsina Calvés

Catalanidad e Hispanidad en frente del separatismo y el centralismo:
por una reconstrucción conceptual de la identidad catalana / Javier Barraycoa

El misterio de la Marca Hispánica / Jaume Farrerons

Eugenio d’Ors, el bien plantado / José María García de Tuñón Aza

Apuntes para la defensa de España / Manuel Peón

La relación Nietzsche-Wagner: Arte, Filosofía y Metapolítica / Ángel Fernández Fernández

La tragedia italiana. El recelo de la Casa de Saboya malogró la continuidad de la Revolución fascista / Paul Gentizon

Carl Schmitt, el nuevo Benito Cereno / Alberto Buela

La conquista de América según Todorov / Pedro Gobeo

Pedidos: edicionesfides@yahoo.es

Fuente: Ediciones Fides

00:05 Publié dans Nouvelle Droite, Revue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle droite, revue, catalanisme, catalogne | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 07 octobre 2014

Giorgio Locchi

jeudi, 02 octobre 2014

A propos du dernier livre de Georges Feltin-Tracol

souscontromle.jpg

A propos du dernier livre de Georges Feltin-Tracol, "En liberté surveillée"

Bastien Valorgues

Europe maxima cliquez ici

 

Le 10 septembre 2014, le tribunal de Paris condamnait à des amendes avec sursis les vigiles de Notre-Dame et relaxait les Femen qui avaient détérioré les nouvelles cloches de la cathédrale. Le jour même à Saint-Étienne, le tribunal de police acquittait un curé poursuivi pour l’hébergement de « sans-papiers ». Quelques jours plus tard, tandis qu’Alain Soral se voyait condamné à 7 000 euros (soit 2 000 euros d’amende, 2 000 euros de dommage et intérêts et 3 000 euros de frais de justice) pour diffamation envers le F.N. Louis Aliot, le militant panafricaniste radical Kémi Séba était arrêté le 14 septembre et écroué pour purger – en régime d’isolement ! – une peine de deux mois de prison. Le 16 septembre dernier, en Bretagne, le procureur de la République obtint de lourdes peines – dont un an et demi de prison ferme – à l’encontre de quatre Bonnets rouges accusés de la destruction de radars automatiques et de portiques d’éco-taxe. Le 20 septembre, enfin, après l’incendie justifié du centre des impôts et des bureaux de la M.S.A. (Mutuelle sociale agricole) à Morlaix, le gouvernement de Manuel Valls somma l’appareil judiciaire de retrouver leurs auteurs écrasés par les charges, les normes, les oukases de la grande distribution parasitaire et le contre-coup des sanctions occidentales anti-russes. Dans le même temps, le Parlement discute d’un projet de loi anti-terroriste, soixante-dix ans après le triomphe en France des « terroristes »…

 

Tous ces exemples auraient pu figurer dans le nouvel essai de Georges Feltin-Tracol, En liberté surveillée. Comme l’indique le sous-titre, il s’agit d’un virulent « Réquisitoire contre un système liberticide ». L’ouvrage était attendu. Sa lecture ne déçoit pas. Sollicité par l’éditeur Roland Hélie au moment de l’affaire Dieudonné en janvier, le livre devait à l’origine s’appeler La Quenelle interdite. Mais en mobilisant une multitude de faits prélevés dans la presse officielle depuis plusieurs années, le rédacteur en chef du site Europe Maxima a très rapidement élargi son enquête et nous livre un diagnostic complet, édifiant et terrifiant d’une tendance lourde du monde moderne.


 

 

En liberté surveillée se compose de huit chapitres ainsi que d’une part entièrement dédiée aux notes et aux références. Si les sept premiers forment une sorte de généalogie du processus liberticide, le dernier examine les possibilités tangibles d’édification d’une alternative à la société carcérale voulue par le libéralisme mondialiste. Par ailleurs, l’intérêt de l’ouvrage montre que la puissante opposition à la loi Taubira sur le « mariage pour tous » et la féroce répression gouvernementale qui en découla, ne doit pas faire oublier que la lente éclipse des libertés françaises ne commence pas avec François Hollande. Leur sape systématique remonte aux présidences catastrophiques de Jacques Chirac, de Nicolas Sarkozy et de François Mitterrand sous laquelle fut adoptée l’abjecte loi Gayssot de 1990.

 

Georges Feltin-Tracol présente l’insigne mérite de mettre en perspective une longue et progressive dissolution qui correspond au transfert de l’action étatique de l’espace public en cours de privatisation vers le domaine privé personnel. « Si le sociétalisme et ses déclinaisons circonstancielles, le sécuritarisme et le gendérisme, constituent l’armature stratégique de l’oligarchie planétarienne, avance-t-il, la tactique bâtie sur le monde corrompu des médiats s’organise autour d’une conception singulière de la liberté d’opinion. Les bien-pensants aiment le début d’idées à la condition qu’ils agréent les idées présentées. Ils prêchent la tolérance, le vivre-ensemble, la liberté de parole, mais en même temps dénient toute expression à ceux qui exprimeraient avec vigueur, méthode et intelligence leurs divergences. La récente proposition de loi pénalisant les clients de prostituées le prouve amplement. » D’autres nombreux exemples d’intrusion étatique dans l’ordre de l’intime prouvent que « l’État incline trop à épier la vie privée de ses citoyens ».

 

L’auteur rappelle fort à propos que Jacques Chirac a inscrit dans la Constitution de la Ve République l’interdiction du rétablissement de la peine de mort et que le déplorable Nicolas Sarkozy n’hésita pas, ici, à pourchasser militants syndicaux, défenseurs d’une agriculture écologique et non-productiviste et victimes de l’insécurité comme René Galinier en appliquant des textes juridiques destinées à l’origine à combattre les terroristes ou la petite criminalité. Toutes les rombières retraitées de l’U.M.P. et les pauvres gars qui acclament le soi-disant retour de leur calamiteux champion à talons rehaussés devraient s’en souvenir. Or, naufrage de l’âge, ces futurs euthanasiés font preuve pour la circonstance d’Alzheimer politique.

 

Après avoir passé en revue les échecs récents de l’engagement politicien, du putsch envisagé ou des trois applications du gramscisme  (l’entrisme dans des partis de droite, le contrôle d’une rédaction de presse et l’usage technonumérique), le dernier chapitre dénonce d’abord les tentatives de récupération de la contestation populaire par les inévitables auxiliaires d’une « droite » servile. L’auteur récuse toute éventuelle et fallacieuse « union des droites » et rejette avec force une hypothétique union nationale, avant de tracer de stimulantes voies révolutionnaires favorables à une contre-société construite hors du cadre républicain français. Influencé par le concept d’hétérotopie cher à Michel Foucault, Georges Feltin-Tracol prolonge les travaux de Michel Drac sur la B.A.D. (base autonome durable) dans une version 2.0. « La B.A.D., relève-t-il, représente la genèse d’une autre politie, concurrente de l’État-nation fragmenté et de l’État pénal-carcéral programmé, l’embryon conceptuel d’une autochtonotopie, d’un lieu adapté par et pour les autochtones albo-européens. » Mais deux autres chapitres se révèlent particulièrement percutants. L’un décrit les différentes formes de l’« État profond » tant en France qu’aux États-Unis. L’autre dépeint un nouvel Occident qui, du fait de sa transformation en allié du Marché et du libéralisme, prend un contenu liquide, fluide, mouvant. L’auteur accole par conséquent au concept éculé d’Occident le terme de « Mer » afin de désigner cette mutation encouragée par les oligarchies transnationales : l’Occident-Mer.

 

Georges Feltin-Tracol revient en outre sur les sentences d’une justice gangrenée par des stipendiés du Nouveau Désordre mondial qui traquent Dieudonné, Alain Soral, Vincent Reynouard, René Galinier, Nicolas Bernard-Buss, etc., ainsi que tout opposant véritable au multiculturalisme, au libéralisme et au mondialisme. La partialité des jugements rendus fait qu’il n’a dorénavant aucune confiance dans la justice de son pays, ce qui témoigne d’un indéniable bon sens. Il attaque d’autres cibles que sont le gendérisme, terme qu’il préfère à « théorie du genre », le sociétalisme et le sécuritarisme. Le P.S. obéit depuis 1983 aux injonctions de la Finance internationale si bien qu’il a perdu son adjectif « socialiste » pour devenir « sociétaliste ». Ainsi a-t-il renié les ouvriers, les employés et les salariés pour désormais défendre les seules minorités allogènes et sexuelles. Ce choix sociétaliste converge vers un certain sécuritarisme, un autoritarisme ridicule au service du Capital anonyme. L’auteur n’accorde aucune confiance à la grotesque « droite » institutionnelle pour qui l’impératif de consommer exige la restriction concrète des libertés.

 

Lecteur des penseurs suisses Éric Werner et Bernard Wicht, il observe que les autorités cleptocratiques cherchent surtout à terroriser les honnête gens en laissant volontairement proliférer une petite délinquance qui pourrit la vie quotidienne. Mieux, « en pratiquant et en gagnant pour l’instant une effroyable guerre des classes à l’échelle planétaire, la ploutocratie réalise une véritable guerre des idées afin de promouvoir l’idéologie de l’indistinction. L’oligarchie et ses médias distillent subtilement auprès des populations hébétées une censure pernicieuse et une propagande insidieuse. Ils justifient ce discours réifiant et utilitariste par la célébration obligatoire du Progrès, de la  “ gouvernance ”, de l’égalitarisme et du dogme quasi-intangible des droits de l’homme. En réalité, insiste Georges Feltin-Tracol en citant Yvan Blot, la doxa droit-de-l’hommiste représente un magnifique  “ prétexte pour une intervention toujours plus grande de l’État et pour une restriction des libertés ”. »

 

Ces restrictions avérées de liberté passent aussi par la manipulation du droit et l’hypertrophie des groupes de pression, en particulier des vigilantes associations féministes qui poursuivent tout propos ou réflexion soi-disant sexiste. Elles s’en prennent à l’écrivain Robert Sabatier, au rappeur blanc Orelsan ou à une réclame radiophonique vantant les charmes physiques du département du Jura, mais se taisent à propos de la publicité pour la marque de café Senséo qui exprime une « violence subliminale envers l’homme […] flagrante ».

 

Georges Feltin-Tracol dénonce le rôle délétère et aliénant de l’argent. Dans l’Occident ultra-moderne, le fric est devenu un « super-flic » avec l’extension du paiement électronique et la généralisation de l’endettement des ménages. En s’appuyant sur de récents exemples argentin et chypriote, « la détention obligatoire d’un compte en banque susceptible d’accueillir une épargne abondante facilite la spoliation à venir par les banques et les États de cette même épargne. Le F.M.I. a proposé de saisir 10 % de l’épargne privée afin de sauver les États endettés. Le 11 décembre 2013, Bruxelles a accepté le principe d’une ponction (en fait, un vol légalisé) de 10 % sur tous les avoirs bancaires supérieurs à 100 000 euros dans le cas où la banque aurait 8 % de pertes ». Il est clair que « cette perte de liberté par l’endettement se mesure surtout aux États-Unis. Dans cette offensive contre les peuples, le crédit devient en effet une arme redoutable » parce que « l’hyper-classe veut disposer d’un moyen, à la fois coercitif, efficace et quasi-invisible et/ou indolore, de maîtrise des populations sans qu’elles s’en aperçoivent ».

 

En liberté surveillée est finalement un constat lucide d’un monde effrayant contre lequel s’élèvent de plus en plus des résistants déterminés. On y trouve bien sûr le courageux « artiviste » Dieudonné, mais Georges Feltin-Tracol se réfère à d’autres humoristes entrés en politique tels que l’Italien Beppe Grillo ou, guère connu en France, l’Islandais Jon Gnarr, maire de Reykjavik de 2010 à 2014. Les médias du Système liberticide clament sans cesse qu’on vivrait dans le meilleur des mondes libres. Mensonge éhonté puisque cet essai prouve que nous sommes pour l’heure dans le pire des  Systèmes possibles !

 

 

Georges Feltin-Tracol, En liberté surveillée. Réquisitoire contre un système liberticide, Les Bouquins de Synthèse nationale, 284 p., 23 € (+ 3 € de port), à commander à Synthèse nationale, 116, rue de Charenton, 75012 Paris, chèque à l’ordre de Synthèse nationale.

GFT Flyer 3.jpg

Pour le commander en ligne cliquez ici

Bulletin de commande cliquez là

Plus d'informations cliquez ici

mardi, 30 septembre 2014

L’Europe espionnée par la NSA

Robert Steuckers

L’Europe espionnée par la NSA

 

Conférence prononcée au “Cercle Proudhon”, Genève, 10 avril 2014

 

snow97827.jpgLa réalité dans laquelle nous vivons aujourd’hui est une réalité entièrement sous surveillance, sous l’oeil d’un “panopticon” satellitaire et électronique. Tous les citoyens de l’américanosphère sinon du monde entier sont surveillés étroitement dans leurs activités “sensibles” ou dans leurs faits et gestes quotidiens. L’Etat a certes le droit, le cas échéant, de surveiller des individus qu’il juge dangereux mais là n’est pas vraiment le problème pour nos polities développées d’Europe. Le problème le plus grave, c’est la surveillance permanente et étroite que subissent nos entreprises de pointe, nos ingénieurs les plus performants, dans l’Union Européenne, pour ne même pas mentionner nos institutions diplomatiques et militaires. L’installation du système global de surveillance ne concerne donc pas le terrorisme —là n’est que le prétexte— mais bel et bien les fleurons de nos industries et les laboratoires de recherche de nos entreprises de haute technologie, d’électronique, d’avionique ou de bio-chimie. Le “telescreen” réel d’aujourd’hui ne surveille donc pas en priorité des citoyens rétifs susceptibles de devenir un jour de dangereux subversifs ou des révolutionnaires violents, comme l’imaginait encore Orwell à la fin des années 40 du 20ème siècle. Via Facebook, Twitter ou autres procédés de même nature, le “telescreen” actuel surveille certes la vie privée de tous les citoyens du globe mais cette surveillance se rapproche davantage du Palais des rêves d’Ismaïl Kadaré que du 1984 d’Orwell.

 

L’Europe a fait mine de s’étonner des révélations d’Edward Snowden en juin 2013. Pourtant, ce n’est jamais que le troisième avertissement qui lui a été lancé depuis 1997, les précédents n’ayant pas été suivis d’effets, de réactions salutaires et légitimes. D’abord, il y a eu, en cette année 1997, la révélation de l’existence du réseau ECHELON et, consécutivement, le fameux “Rapport de Duncan Campbell”, journaliste d’investigation écossais, qui a été établi après la demande d’enquête des instances européennes. Le réseau ECHELON avait suscité l’inquiétude il y a seize ans: depuis lors l’amnésie et l’inertie ont fait oublier aux grandes entreprises de pointe et aux masses de citoyens qu’ils étaient étroitement espionnés dans leurs activités quotidiennes. Ensuite, les révélations “Wikileaks” de Julian Assange révélaient naguère ce que l’hegemon pense réellement de ses vassaux et du reste du monde. L’affaire Snowden est donc le troisième avertissement lancé à l’Europe: la NSA, principal service secret américain, déploie un système d’espionnage baptisé “Prism” avec la complicité très active du GCHQ britannique. Les révélations de Snowden ne sont ni plus ni moins “révélatrices” que celles que nous dévoilait naguère l’existence du réseau ECHELON: simplement les techniques avaient considérablement évolué et l’internet s’était généralisé depuis 1997 jusqu’à équiper le commun des mortels, des milliards de quidams apparemment sans importance. Les écoutes sont perpétrées avec davantage de sophistication: Angela Merkel l’a appris à ses dépens.

 

Le réseau ECHELON

 

Revenons à l’année 1997, quand le parlement européen apprend l’existence du réseau ECHELON et manifeste son inquiétude. Il mande le STOA (Bureau d’Evaluation des options techniques et scientifiques) pour que celui-ci établisse un rapport sur l’ampleur de cet espionnage anglo-saxon et sur les effets pratiques de cette surveillance ubiquitaire. Les instances européennes veulent tout connaître de ses effets sur les droits civiques et sur l’industrie européenne. Plus tard, l’IC 2000 (“Interception Capabilities 2000”) dresse le bilan de l’espionnage commis par les satellites commerciaux qui interceptent les communications privées et commerciales. En effet, l’essentiel de cet espionnage s’effectue à des fins commerciales et non politiques et militaires au sens strict de ces termes. Les satellites ne sont pas les seuls en cause, le rapport vise aussi les câbles sous-marins, notamment en Méditerranée. Le résultat de l’enquête montre que les firmes françaises Alcatel et Thomson CSF ont été surveillées étroitement afin de leur rafler certains marchés extra-européens.

 

L’hegemon indépassable doit le rester

 

Le premier rapport du STOA évoque la possibilité d’intercepter les courriels, les conversations téléphoniques, les fax (télécopies par procédé xérographique). Il constate que les cibles sont certes les messages militaires et les communications diplomatiques (ruinant du même coup toute indépendance et toute autonomie politiques chez les nations européennes, grandes comme petites). L’espionnage systématique pratiqué par les Etats-Unis et les autres puissances anglo-saxonnes (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande et Grande-Bretagne) est un avatar direct de la fameuse doctrine Clinton pour laquelle les opinions publiques et les espaces médiatiques des alliés et vassaux ne sont pas mieux considérés que ceux de leurs homologues relevant de l’ennemi ou d’anciens ennemis: tous sont à égalité des “alien audiences” qu’il s’agit de maintenir dans un état d’infériorité économico-technologique. L’hegemon américain —s’insiprant, à l’époque où est énoncée la doctrine Clinton, de la pensée du Nippo-Américain Francis Fukuyama— se donne pour objectif d’organiser le “monde de la fin de l’histoire”. Pour y parvenir et pérenniser la domination américaine, il ne faut plus laisser émerger aucune suprise, aucune nouveauté. Washington se pose donc comme l’hegemon indépassable: il l’est, il doit le rester.

 

Le gouvernement profond de la planète

 

Menwith-hill-radome.jpgLes rapports successifs du STOA et d’IC 2000 révèlent donc au monde l’accord secret UKUSA (United Kingdom + United States of America). Celui-ci date cependant de 1947, tout en étant la prolongation de la fameuse Charte de l’Atlantique signée par Churchill et Roosevelt en 1941. Chronologiquement, l’accord secret UKUSA précède donc la guerre froide et se forge avant le fameux coup de Prague qui fait basculer, en 1948, la Tchécoslovaquie dans le camp communiste; celui-ci acquiert ainsi l’espace hautement stratégique qu’est le “quadrilatère bohémien” qui avait procuré tant d’atouts à Hitler suite aux accords de Munich de 1938. Il précède aussi l’existence de l’Etat d’Israël (né également en 1948). Aux deux puissances fondatrices, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, se joignent la Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande puis, progressivement, en tant que “cercle extérieur”, la Norvège, le Danemark, l’Allemagne (en tant que pays occupé et non entièrement souverain) et la Turquie. Le GCHQ britannique surveille l’Afrique et l’Europe (jusqu’à l’Oural), le Canada surveille, quant à lui, la zone arctique. Le personnel qui travaille au service de ce système d’espionnage est soumis à une discipline de fer et doit garder pendant toute sa vie les secrets qu’il a appris pendant ses années de service. Ces membres du personnel sont endoctrinés et ré-endoctrinés (si la perspective change, si, à l’instar du scénario imaginé par Orwell dans son 1984, l’ennemi n’est plus, tout d’un coup, l’Eurasia mais devient, en un tourne-main, l’Eastasia...). En 1995, aucun gouvernement n’a reconnu publiquement l’existence du réseau UKUSA. Rien n’a transparu. Nous pouvons donc parler du “gouvernement profond” de la planète,  qui n’a jamais fondamentalement connu d’échecs, juste quelques petits ressacs, bien vite rattrapés....

 

Jusqu’en 1989-1991, la politique officielle était d’endiguer l’Union Soviétique, le bloc communiste. Après l’effondrement définitif de ce bloc soviétique et la dissolution de ses franges stratégiques, le réseau justifie son existence en prétextant la lutte contre le terrorisme ou le narco-trafic. Cette nouvelle “mission” est donc officiellement dirigée contre, il faut le rappeler, des golems fabriqués par la CIA elle-même dans le but de mener un “low intensity warfare” (une belligérance de basse intensité), à l’instar des talibans afghans ou des islamistes tchétchènes, ou générés pour financer des guerres en contournant les contrôles parlementaires, comme l’a été le trafic de drogues au départ du “triangle d’or” en Asie du Sud-Est. L’existence réelle, bien médiatisée, de ces deux fléaux que sont le terrorisme et le narco-trafic, postule que l’hegemon et ses alliés proches doivent sans cesse “élargir la surveillance”, une surveillance élargie qui ne visera évidemment plus les seuls narco-trafic et terrorisme, pour autant que leur surveillance ait même été imaginée autrement que pour faire pure diversion. En 1992, quand l’URSS a cessé d’exister et que la Russie résiduaire entre dans une phase de déliquescence sous Eltsine, le directeur de la NSA, William Studeman prononce son discours d’adieu. On peut y lire les phrases suivantes: 1) “Les demandes pour un accès global accru se multiplient”; et 2) “La partie commerciale de cet accès global est une des deux jambes sur laquelle la NSA devra s’appuyer”. L’espionnage, d’ECHELON à Prism, n’est donc plus seulement militaire mais aussi civil. Ce sont d’ailleurs des civils qui dirigent les bases de Mennwith Hill (Grande-Bretagne), de Bad Aibling (Allemagne) et de Yakima (Etat de Washington, Etats-Unis).

 

Le phénomène n’est toutefois pas nouveau. Déjà, il y a 80 ou 90 ans, l’ILC (“International Leased Carrier”) collectait toutes les informations arrivant des Etats-Unis en Grande-Bretagne et partant de Grande-Bretagne vers les Etats-Unis. En 1960, les puissances anglo-saxonnes ne peuvent pas (encore) contrôler les câbles terrestres mais bien les ondes radiophoniques de haute fréquence par lesquelles passent les messages militaires et les communications diplomatiques. Elles contrôlent aussi les câbles subaquatiques assurant les communications téléphoniques entre les continents. En 1967, les Etats-Unis lancent les premiers satellites de communication. En 1971, c’est au tour du programme Intelsat d’être lancé, procédé permettant la transmission des communications téléphoniques, du télex, de la télégraphie, de la télévision, des données informatiques et des télécopies. En l’an 2000, dix-neuf satellites du programme Intelsat sont à l’oeuvre dans l’espace circumterrestre: ils relèvent de la cinquième à la huitième générations de satellites.

 

De 1945 à nos jours, le programme codé “Shamrock” assure le travail en tandem de la NSA et des principales entreprises de télécommunications (RCA, ITT; Western Union). Le 8 août 1975, le Lieutenant-Général Lew Allen, directeur de la NSA, reconnait que son service intercepte systématiquement les communications internationales, les appels téléphoniques et tous les messages câblés. Cet aveu est retranscrit intégralement dans le rapport de Duncan Campbell qui, en plus, nous explicite tous les aspects techniques de ce gigantesque pompage de données.

 

GCHQ.jpg

 

Ordinateur dictionnaire

 

Nous sommes à l’heure de la captation des données circulant sur l’internet. On a cru, dans l’euphorie qui annonçait le lancement de cette technique “conviviale” (“user’s friendly”), qu’on allait échapper au contrôle total, qu’on allait communiquer à l’abri des regards indiscrets. Mais tous les instruments de pompage étaient déjà présents, dès leur commercialisation à grande échelle. L’“ordinateur dictionnaire” du GCQH britannique trie systématiquement les données avec la complicité d’ingénieurs de la British Telecom. Cet instrument a été sans cesse affiné et constitue désormais la plus grande banque de données du monde. Si l’objectif de ce contrôle avait une destination purement militaire ou s’il servait réellement à combattre le terrorisme ou le narco-trafic, personne ne pourrait avancer des arguments moraux sérieux pour critiquer l’ampleur de cette surveillance. Mais, on le sait, les drogues ou les terroristes ne sont que des prétextes. Le but réel, comme l’atteste le rapport de Duncan Campbell, est l’espionnage commercial qui, lui, a un impact direct sur notre vie réelle, notre vie quotidienne. Ce but véritable ne date pas de la découverte d’ECHELON ou de la doctrine Clinton, c’est-à-dire des années 90 du 20ème siècle. L’espionnage est commercial dès les années 60, et date même d’avant si l’on veut bien admettre que le but réel de la guerre menée par les Etats-Unis contre l’Allemagne n’était nullement la lutte contre l’idéologie nationale-socialiste ou contre le totalitarisme hitlérien ou était dictée par la nécessité de sauver et de libérer des personnes exclues ou persécutées par les politiques nazies, mais bien plus prosaïquement la conquête des brevets scientifiques allemands raflés au titre de butin de guerre (course aux brevets à laquelle Français et Soviétiques ont également participé). Gérard Burke, ponte de la NSA, déclare en 1970: “Dorénavant l’espionnage commercial devra être considéré comme une fonction de la sécurité nationale, jouissant d’une priorité équivalente à l’espionnage diplomatique, militaire et technologique”. Ce nouvel aveu d’un haut fonctionnaire de la NSA montre que les actions de son service secret n’ont plus seulement un impact sur la sphère étatique, sur les fonctions régaliennes d’un Etat allié ou ennemi, mais sur toutes les sociétés civiles, entraînant à moyen ou long terme la dislocation des polities, des espaces politiques et civils, autres que ceux de l’hegemon, quels qu’ils soient.

 

Nouvelle cible: les affaires économiques

 

Dans cette optique, celle d’une “commercialisation” des intentions hostiles concoctées par les Etats-Unis à l’endroit des autres puissances de la planète, il faut retenir une date-clef, celle du 5 mai 1977. Ce jour-là, la NSA, la CIA et le Département du Commerce fusionnent leurs efforts au sein d’un organisme nouveau, l’OIL ou “Office of Intelligence Liaison” (= “Bureau de liaison des renseignements”), dont la base principale est logée dans les bâtiments du “Département du Commerce” américain. Le but est d’informer et de soutenir les intérêts commerciaux et économiques des Etats-Unis. En avril 1992, le but à annoncer aux employés de la NSA ou de l’OIL n’est évidemment plus de lutter contre le bloc soviétique, alors en pleine déliquescence “eltsiniste”. L’Amiral William O. Studeman, de la NSA, désigne les nouvelles cibles: ce sont tout bonnement les “affaires économiques des alliés des Etats-Unis”, plus précisément leurs groupes industriels. La notion d’“allié” n’existe désormais plus: les Etats-Unis sont en guerre avec le monde entier, et il faut désormais être d’une naïveté époustouflante pour croire à l’“alliance” et à la “protection” des Etats-Unis et à l’utilité de l’OTAN. Aux “affaires économiques des alliés”, visées par l’espionnage des services américains, s’ajoutent des cibles nouvelles: les “BEM” ou “Big Emerging Markets”, les “gros marchés émergents”, tels la Chine, le Brésil ou l’Indonésie. Le but est d’obtenir des “renseignements compétitifs”, comme les définit la nouvelle terminologie, soit les offres formulées par les grandes entreprises de pointe européennes ou autres, les ébauches d’innovations technologiques intéressantes.

 

Balladur à Riyad

 

En 1993, Clinton opte “pour un soutien agressif aux acheteurs américains dans les compétitions mondiales, là où leur victoire est dans l’intérêt national”. Ce “soutien agressif” passe par un “aplanissement du terrain”, consistant à collecter des informations commerciales, industrielles et technologiques qui, pompées, pourraient servir à des entreprises américaines homologues. Quels sont dès lors les effets premiers de cette doctrine Clinton énoncée en 1993? Ils ne se font pas attendre: en janvier 1994, le ministre français Balladur se rend à Riyad, en Arabie Saoudite, pour signer un contrat général englobant la vente d’armes françaises et d’Airbus à la pétromonarchie, pour un montant de 6 milliards de dollars. Il revient les mains vides: un satellite américain a préalablement tout pompé en rapport avec les tractations. Et la presse américaine, pour enjoliver cette vilénie, argue de pots-de-vin payés à des Saoudiens et accuse la France et l’Europe de “concurrence déloyale”. Boeing rafle le marché. Et a forcément donné des pots-de-vin aux mêmes Saoudiens... mais personne en Europe n’a pu pomper les communications entre la firme aéronautique américaine et les bénéficiaires arabes de ces largesses indues. Ce contexte franco-saoudien illustre bien la situation nouvelle issue de l’application de la doctrine Clinton: les Etats-Unis ne veulent pas d’une industrie aéronautique européenne. Déjà en 1945, l’Allemagne avait dû renoncer à produire des avions; elle ne doit pas revenir subrepticement sur le marché aéronautique mondial par le biais d’une coopération aéronautique intereuropéenne, où elle est partie prenante. En 1975, lors du marché du siècle pour équiper de nouveaux chasseurs les petites puissances du Bénélux et de la Scandinavie, les Américains emportent le morceau en imposant leurs F-16, réduisant à néant tous les espoirs de Dassault et de Saab de franchir, grâce au pactole récolté, le cap des nouveaux défis en avionique.

 

En 1994 toujours, le Brésil s’adresse à Thomson CSF pour mettre au point le “Programme Sivam”, qui devra surveiller la forêt amazonienne. L’enjeu est de 1,4 milliards de dollars. Le même scénario est mis en oeuvre: les Français sont accusés de payer des pots-de-vin donc de commettre une concurrence déloyale. La firme américaine Raytheon rafle le contrat; elle fournit par ailleurs la NSA. Dans son rapport sur ECHELON, sur la surveillance électronique planétaire, Duncan Campbell dresse la liste, pp. 98-99, des entreprises européennes flouées et vaincues entre 1994 et 1997, pour un total de 18 milliards de dollars. Une analyse de la situation, sur base des principes énoncés par Carl Schmitt sous la République de Weimar, tracerait le parallèle entre cette pratique de pompage et la piraterie anglaise dans la Manche au 14ème siècle où un “maître des nefs”, le Comtois Jean de Vienne, a tenté d’y mettre fin (cf. “Les Maîtres des Nefs” de Catherine Hentic). Au 16ème siècle, la Reine d’Angleterre Elisabeth I annoblit les pirates de la Manche et de la Mer du Nord pour vaincre la Grande Armada: l’historiographie espagnole les a nommés “los perros de la Reina” (= “les chiens de la Reine”). Aujourd’hui, on pourrait tout aussi bien parler de “los hackers de la Reina”. Le principe est le même: rafler sans créer ou créer uniquement en tirant bénéfice de ce que l’on a raflé. Depuis la rédaction du rapport de Campbell, rien ne s’est passé, l’Europe n’a eu aucun réaction vigoureuse et salutaire; elle est entrée dans un lent déclin économique, celui qui accentue encore les misères des “Trente Piteuses”, advenues à la fin des “Trente Glorieuses”.

 

Julian Assange et Wikileaks

 

assange-on-time-co.jpgIl y a ensuite l’affaire dite “Wikileaks”, médiatisée surtout à partir d’octobre 2010 quand d’importants organes de presse comme Le Monde, Der Spiegel, The Guardian, le New York Times et El Pais publient des extrtaits des télégrammes, dépêches et rapports d’ambassades américaines pompés par le lanceur d’alerte Julian Assange. Celui-ci divulguait des documents confidentiels depuis 2006. Il disposerait de 250.000 télégrammes diplomatiques américains rédigés entre mars 2004 et mars 2010. Obama a tenté d’allumer des contre-feux pour éviter le scandale, en vain (du moins provisoirement, les Européens ont la mémoire si courte...). Les révélations dues au hacker Assange portent essentiellement sur le travail des ambassades américaines et dévoilent la vision sans fard que jettent les Etats-Unis sur leurs propres “alliés”. Bornons-nous à glaner quelques perles qui concernent la France. Sarkozy est “très bien” parce qu’il “possède une expérience relativement limitée des affaires étrangères”, parce qu’il “est instinctivement pro-américain et pro-israélien”; par ailleurs, il aurait “une position ferme à l’égard de l’Iran” et “accepterait le principe d’un front uni contre la Russie”; “son réseau de relations personnelles” serait “moindre avec les leaders africains que celui de Chirac”; “il ménagera moins la Russie et la Chine au nom de la Realpolitik que Chirac”. Ces deux dernières caractéristiques prêtées à l’ex-président français indiquent clairement un espoir américain de voir disparaître définitivement la politique gaullienne. C’est au fond l’objectif des Américains depuis Roosevelt, en dépit de l’alliance officielle entre gaullistes et Anglo-Saxons... Continuons à éplucher les rapports qui ont Sarkozy pour objet: celui-ci sera un bon président de France car “il acceptera des mesures sortant du cadre des Nations Unies”. Cette remarque montre que les Etats-Unis abandonnent le projet mondialiste et “nations-uniste” de Roosevelt car il ne va plus nécessairement dans le sens voulu par Washington. Il s’agit aussi d’un rejet des critères usuels de la diplomatie et la fin non seulement des stratégies gaulliennes, mais de tout espoir de voir se forger et se consolider un “Axe Paris-Berlin-Moscou”. Sarkozy devra toutefois “accepter la Turquie dans l’Union Européenne”. Son absence de “réalpolitisme” à l’endroit de la Russie et de la Chine permettra à terme “un front uni occidental au conseil de sécurité de l’ONU” (sinon il n’y aurait pas de majorité). Sarkozy “rompt avec les politiques traditionnelles de la France” et “sera un multiplicateur de force pour les intérêts américains en politique étrangère”.

 

DSK, Ségolène Royal et le pôle aéronautique franco-brésilien

 

Dominique Strauss-Kahn est largement évoqué dans les documents de “Wikileaks”. Des oreilles attentives, au service de l’ambassade des Etats-Unis, ont consigné ses paroles dans un rapport: pour le futur scandaleux priapique de Manhattan, “Segolène Royal”, au moment des présidentielles françaises de 2007, “ne survivra pas face à Sarkozy”. Mieux, en dépit de l’appartenance de DSK au parti socialiste français, celui-ci déclare à ses interlocuteurs au service des Américains: “La popularité de Segolène Royal est une ‘hallucination collective’”. Coup de canif dans le dos de sa camarade... Cynisme effrayant face aux croyances du bon peuple socialiste de toutes les Gaules... Quant à Hollande, “il est”, selon DSK, “bon tacticien mais médiocre stratège”. Bis. Cependant le dossier “Wikileaks” à propos de Sarkozy contient quelques notes discordantes: il y a d’abord les transactions aéronautiques avec le Brésil, où “Paris tente de vendre le Rafale”, concurrent du F/A-18 américain et du Gripen suédois. Ces rapports discordants reprochent à Sarkozy de faire de la “France le partenaire idéal pour les Etats qui ne veulent pas dépendre de la technologie américaine”. C’est évidemment qualifiable, à terme, de “crime contre l’humanité”... Le but de la politique américaine est ici, à l’évidence, d’éviter toute émergence d’un vaste complexe militaro-industriel dans l’hémisphère sud, grâce à une collaboration euro-brésilienne. Le pôle franco-brésilien, envisagé à Paris sous le quinquennat de Sarkozy, doit donc être torpillé dans les plus brefs délais. Ce torpillage est une application de la vieille “Doctrine de Monroe”: aucune présence ni politique ni économique ni technologique de l’Europe dans l’hémisphère occidental n’est tolérable. Nouer des relations commerciales normales avec un pays latino-américain est considéré à Washington comme une “agression”. La politique aéronautique et militaro-industrielle franco-brésilienne, poursuivie selon les règles gaulliennes en dépit du réalignement de la France sur l’OTAN, est-elle l’une des raisons de l’abandon puis de la chute de Sarkozy, coupable d’avoir gardé quand même quelques miettes de l’“alter-diplomatie” gaullienne? Les historiens de notre époque y répondront dans une ou deux décennies.

 

Wikileaks et les banlieues de l’Hexagone

 

Les dossiers de Wikileaks révèlent aussi le spectre d’une instrumentalisation potentielle des banlieues françaises par les stratégistes américains: si la France branle dans le manche, renoue avec ses traditions diplomatiques et géopolitiques gaulliennes, persiste à commercer avec les Brésiliens ou d’autres Ibéro-Américains, les “services” de l’Oncle Sam mettront le feu aux banlieues de Lille à Marseille en passant par Paris et Lyon. Le scénario imaginé par Guillaume Faye d’un embrasement général des quartiers immigrés, où la République s’avèrerait incapable de juguler les débordements par manque de moyens et d’effectifs, est bel et bien retenu dans les officines stratégiques des Etats-Unis. Les textes de Wikileaks, révélés par un numéro spécial du Monde (et non pas par une officine nationaliste ou identitaire) dévoilent les liens systématiques qu’entretient l’ambassade des Etats-Unis avec les populations arabo-musulmanes en France. On constate, à la lecture de ces documents, que les Etats-Unis, en s’appuyant sur les réseaux associatifs de ces communautés allochtones, visent “à créer les conditions d’une ‘démocratie participative’, prélude à une intégration totale”. Les Etats-Unis doivent y travailler, favoriser et accélérer le processus “parce que l’établissement français se montre réticent face aux problèmes des immigrés”. On y lit aussi cette phrase: “Nous poussons la France à une meilleure mise en oeuvre des valeurs démocratiques qu’elle dit épouser”. L’ambassade des Etats-Unis regrette aussi qu’en France, il subsiste “trop d’inégalités” (ah bon...? Au pays de l’égalitarisme maniaque et forcené...?). Un rédacteur anonyme estime quant à lui que “la laïcité est une vache sacré” (ce qui est exact mais sa définition de la “laïcité” ne doit pas être exactement la nôtre, qui est inspirée d’Erasme et des “letrados” espagnols du début du 16ème siècle, et non pas des pèlerins du Mayflower ou des sans-culottes). Dans une autre dépêche, le rédacteur anonyme promet “un soutien aux activistes médiatiques et politiques”, afin de “faciliter les échanges interreligieux” (voilà pourquoi la “laïcité” est une “vache sacrée”...) et de “soutenir les leaders communautaires modérés” (tiens, tiens...). L’intermédiaire de cette politique a sans nul doute été le “très démocratique” émirat du Qatar... On le voit: tout retard dans la politique d’une “intégration totale” pourrait donner lieu au déclenchement d’une mini-apocalypse dans les banlieues avec pillages de belles boutiques dans les centres urbains plus bourgeois. Or tout observateur un tant soit peu avisé des méthodes de propagande, d’agitprop, de “révolutions colorées” ou de guerres indirectes sait qu’il y a toujours moyen de “faire imaginer”, par des dizaines de milliers d’échaudés sans jugeote, un “retard” d’intégration, médiatiquement posé comme scandaleux, anti-démocratique, xénophobe ou “raciste” pour mettre le feu aux poudres. Le panmixisme idéologique des bêtas “républicains”, laïcards ou maritainistes, pétris de bonnes intentions, s’avère une arme, non pas au service d’une intégration qui renforcerait la nation selon la définition volontariste qu’en donnait Renan, mais au service d’une puissance étrangère, bien décidée à réduire cette nation à l’insignifiance sur l’échiquier international et dans le domaine des industries et des technologies de pointe.

 

L’affaire Snowden

 

Passons à l’affaire Snowden, qui éclate en juin 2013, quand le “lanceur d’alerte” publie ses premières révélations. Qui est cet homme? L’un des 29.000 employés civils de la NSA (qui compte également 11.000 collaborateurs militaires). Sa biographie était jusqu’alors inodore et incolore. On savait qu’il avait été un adolescent plutôt renfermé et un élève assez médiocre. Il avait cependant développé, pendant ses heures de loisir, des talents pour le piratage informatique qu’il qualifiait de “sanction contre l’incompétence des fabricants”. Sur le plan politique, Snowden s’est toujours montré un défenseur sourcilleux des libertés démocratiques et s’est opposé au “Patriotic Act” de Bush qui jugulait certaines d’entre elles. Sa manière à lui d’être rebelle, dans ses jeunes années, était de se déclarer “bouddhiste” et fasciné par le Japon. Il avait voulu s’engager à l’armée qui l’a refusé. En 2006, il s’est mis à travailler pour la CIA à Genève. Pourquoi cette ville suisse? Parce qu’elle abrite d’importants centres de décision pour le commerce international, qu’elle est un centre de télécommunication, qu’on y fixe les normes industrielles et qu’elle est une plaque tournante pour toutes les décisions qui concernent l’énergie nucléaire. Il constate, en tant qu’adepte naïf des libertés démocratiques et qu’admirateur des qualités éthiques du bouddhisme, que, pour les services américains, tous les moyens sont bons: comme, par exemple, saoûler un banquier suisse pour qu’il soit arrêté au volant en état de franche ébriété et qu’on puisse le faire chanter. En 2009, Snowden tente pour la première fois d’accéder à des documents auxquels il n’avait normalement pas accès. En 2008, il soutient la candidature d’Obama car celui-ci promet de mettre un terme à la surveillance généralisée découlant du “Patriotic Act”. Mais, par ailleurs, il n’aime pas la volonté des démocrates de supprimer le droit de posséder et de porter des armes ni leur projet de mettre sur pied un système public de retraite. Comme beaucoup d’Américains, son coeur penche vers certaines positions démocrates comme, simultanément, vers certaines options républicaines. Finalement, pour trancher, il devient un partisan de Ron Paul, défenseur, à ses yeux, des libertés constitutionnelles.

 

 

EDWARD-SNOWDEN-570.jpg

Entre 2008 et 2012, il sera progressivement très déçu d’Obama qui, en fin de compte, poursuit la politique anti-démocratique de ses prédécesseurs républicains. En 2009, Snowden part travailler pour Dell à Tokyo. Il vient d’être formé aux techniques offensives de la cyberguerre. Il a appris à pénétrer un système sans laisser de traces. Il est devenu un “cyberstratégiste” au service des “services”. En langage actuel, cela s’appelle un “hacker”, soit un pirate moderne au service d’une civilisation particulière qui doit son envol à l’annoblissement des pirates de la Manche et de la Mer du Nord par la Reine d’Angleterre Elisabeth I. Snowden travaillait chez Booz Allen Hamilton à Hawaï quand il a déserté et commencé son odyssée de “lanceur d’alerte”, de “whistleblower”, série de tribulations qui le conduiront à son actuel exil moscovite. Pour donner un impact international à son travail de dénonciation des méthodes de la NSA, il choisit de rechercher l’appui de Glenn Greenwald et de la journaliste Laura Poitras, animatrice principale de la “Freedom of the Press Foundation”, qui s’était donnée pour spécialité de dénoncer le faux humanitarisme de la propagande américaine, notamment en révélant les atrocités de la prison irakienne d’Abou Ghraïb et l’inconduite des soldats américains, membres des troupes d’occupation en Mésopotamie. Snowden, Poitras et Greenwald vont mettre au point la divulgation des documents, en sécurisant leurs communications grâce à des normes de sécurité et de cryptage que le journaliste français Antoine Lefébure décrit en détail dans le livre fouillé qu’il consacre à l’affaire (cf. bibliographie).

 

L’UE fait montre de servilité

 

Rétrospectivement, on peut dire que, malgré l’impact que cet espionnage généralisé a de facto sur l’Europe asservie, aucune réaction n’a eu lieu; de même, aucun rejet de la tutelle américaine ni aucune modification du comportement servile d’une eurocratie qui n’est qu’atlantiste alors que, pour survivre, même à court terme, elle ne devrait plus l’être. Déjà, après le rapport pourtant révélateur de Duncan Campbell en 1997-98, l’eurocatie, maîtresse de l’Europe asservie, n’avait pas réagi. Elle s’était empressée d’oublier qu’elle était totalement sous surveillance pour vaquer à son train-train impolitique, pour se complaire dans l’insouciance de la cigale de la fable. Avec l’affaire Snowden, on a eu l’été dernier, peut-être jusqu’en octobre 2013, quelques réactions timides, notamment quand les Allemands ont appris que le portable personnel de la Chancelière Merkel était systématiquement pompé. Mais il ne faudra pas s’attendre à plus. L’affaire ECHELON, les révélations de Wikileaks par Julian Assange et l’affaire Snowden sont les preuves d’une soumission totale, d’une paralysie totale, d’une incapacité à réagir: les ambassades européennes aux Etats-Unis et dans les autres pays anglo-saxons qui participent au réseau ECHELON, les instances de Bruxelles et de Strasbourg sont sous étroite surveillance. Aucun secret diplomatique, aucune liberté d’action ne sont possibles. L’Europe ne répond pas, comme elle le devrait, par une sortie fracassante hors de l’américanosphère, au contraire, elle fait montre de servilité, au nom d’une alliance devenue sans objet et des vieilles lunes de la seconde guerre mondiale, ce qui n’empêche nullement les Etats-Unis de considérer, en pratique, que l’Europe (et surtout l’Allemagne qui en est la seule incarnation sérieuse, tout simplement parce que son territoire constitue le centre névralgique du sous-continent), est considérée comme un ensemble de pays “suspects”, de nations ennemies qu’il convient de surveiller pour qu’elles n’aient plus aucune initiative autonome. La seconde guerre mondiale est terminée mais le centre du continent européen, l’Allemagne, demeure un allié de “troisième zone”, un Etat toujours considéré comme “ennemi des Nations Unies”, comme le constate avec grande amertume Willy Wimmer, haut fonctionnaire fédéral affilié à la CDU d’Angela Merkel, dans un article publié sur le site suisse, www.horizons-et-debats.ch .

 

Le vague projet de Viviane Reding

 

redi07_D.jpgViviane Reding, commissaire européenne à la justice, annonce la mise en place d’une “législation solide” pour protéger les données individuelles et les communications entre entreprises de pointe, selon le modèle officiel américain (qui est une illusion, tous les citoyens américains étant étroitement surveillés, non pas directement par des instances étatiques mais par des entreprises privées qui refilent leurs données à la NSA contre monnaie sonnante et trébuchante et passe-droits divers). Le projet de Reding s’avèrera pure gesticulation car, il faut bien le constater, il n’y a aucune cohésion entre les Européens: la Grande-Bretagne, est juge et partie, et n’a pas intérêt à interrompre sa “special relationship” avec Washinton, pour les beaux yeux des Français ou des Allemands, des Espagnols ou des Italiens, tous ex-ennemis à titres divers. La “Nouvelle Europe” (Pologne et Pays Baltes), chantée par les néo-conservateurs de l’entourage des présidents Bush, père et fils, cherche surtout à s’allier aux Américains au nom d’une russophobie anachronique. La Grande-Bretagne avance comme argument majeur pour saboter toute cohésion continentale que “cette affaire ne peut être traitée au niveau européen”. Cette position britannique, exprimée de manière tranchée, a immédiatement provoqué la débandade et aussi, notamment, la reculade de François Hollande. Il n’y aura pas de demande d’explication commune! L’Europe est donc bel et bien incapable de défendre ses citoyens et surtout ses entreprises de pointe. On le savait depuis l’affaire ECHELON et le rapport de Duncan Campbell. Les révélations de Wikileaks et de Snowden n’y changeront rien. L’inféodation à Washington est un dogme intangible pour les eurocrates, l’Europe et la construction européenne (au meilleur sens du terme) dussent-elles en pâtir, en être ruinées.

 

Ingratitude à l’égard de Snowden

 

Antoine Lefébure nous rappelle, dans son enquête, que, dès 2005, le Président Bush junior nomme Clayland Boyden Gray ambassadeur des Etats-Unis auprès des instances européennes. Cet homme, avait constaté une enquête minutieuse du Spiegel de Hambourg, est un lobbyiste du secteur pétrolier et de l’industrie automobile américaine. Il est clair que sa nomination à ce poste-clef vise non pas l’établissement de relations diplomatiques normales mais bien plutôt la systématisation de l’espionnage américain en Europe et le sabotage de toutes les mesures visant à réduire la pollution et donc la consommation de pétrole en tant que carburant pour les automobiles. Plus tard, la France, qui, cette fois, avait protesté moins vigoureusement que l’Allemagne, constate que ses institutions sont également truffées d’instruments d’espionnage, que leurs disques durs sont régulièrement copiés par une structure annexe, le SCS (“Special Connection Service”), fusion de certains services de la CIA et d’autres de la NSA. Les Etats-Unis se méfient en effet de toutes velléités de politique étrangère autonome que pourrait mener Paris et s’intéressent de très près aux marchés militaires, au nucléaire et au commerce international, tous domaines où la politique gaullienne avait toujours cherché, depuis les années soixante, une voie originale, non inféodée aux directives atlantistes. L’Europe fait donc montre d’ingratitude à l’endroit de Snowden en ne lui accordant pas l’asile politique, en le considérant comme persona non grata. On a alors eu le scandale de juillet 2013: sous pression américaine, l’Espagne, le Portugal et la France interdisent le survol de leur territoire à l’avion du Président bolivien parce que ces trois Etats, inféodés à l’atlantisme, croient que Snowden se cache dans l’appareil pour aller demander ensuite l’asile politique au pays enclavé du centre du continent sud-américain. L’Autriche, neutre, non membre de l’OTAN, ne cède pas à la pression, mais l’avion ne peut dépasser Vienne. La réaction des pays ibéro-américains a été plus musclée que celle des pigeons européens: la Bolivie, l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay et le Vénézuela rappellent leurs ambassadeurs à Paris pour consultation. La servilité de l’Europe, et celle de François Hollande, suscitent le mépris des pays émergents d’un continent avec lequel l’Europe pourrait entretenir les meilleures relations, au bénéfice de tous.

 

Une surveillance serrée des ingénieurs allemands

 

L’Allemagne est un pays qui, à cause de son passé et de l’issue de la seconde guerre mondiale, se trouve en état d’inféodation totale, depuis la naissance du fameux réseau Gehlen, du nom d’un général national-socialiste ayant eu de hautes responsabilités dans les services de renseignement du Troisième Reich. En 1946, Gehlen est rayé de la liste des criminels de guerre, en échange de ses dossiers qu’exploiteront dorénavant les services secrets américains. Depuis, l’Allemagne ne cesse d’adopter un profil bas, de tolérer une base du réseau ECHELON sur son territoire en Bavière et aussi, nous le verrons, d’autres centres d’écoute sur son territoire, en Rhénanie notamment. Quand éclate l’affaire Snowden, le ministre Pofalla dit “ne pas être au courant”! Il minimise l’affaire. Il faudra attendre fin octobre 2013 pour que Berlin hausse le ton: on a appris, en effet, dans la capitale allemande, que la Chancelière Angela Merkel était étroitement surveillée depuis 2002. En effet, les documents dévoilés par Snowden contiennent une liste de chefs d’Etat pour lesquels il faut dresser en permanence un “profil complet”. Merkel figure sur la liste. Cependant, toute la population allemande, y compris les “non suspects” de subversion anti-américaine, est surveillée selon le “Fisa Amendments Act” de 2008, au même titre que les ressortissants de Chine, du Yémen, du Brésil, du Soudan, du Guatemala, de Bosnie et de Russie. Dans son n°14/2014 le Spiegel divulgue des révélations complémentaires: le GCHQ britannique, chargé de surveiller l’Europe et donc l’Allemagne, espionne surtout les ingénieurs allemands via une station de relais satellitaire au sol, installée à Hürth près de Cologne ou via CETEL, qui surveille tout particulièrement les ingénieurs qui travaillent avec l’Afrique ou le Moyen Orient ou encore via IABG qui se concentre principalement sur les dossiers du Transrapid (l’aérotrain allemand), sur Airbus, sur le programme des fusées Ariane et sur tous les contrats liant des ingénieurs non militaires à la Bundeswehr. Toutes les plaintes sont restées sans suite: le tribunal constitutionnel de Karlsruhe, si prompt à faire alpaguer quelques déments et psychopathes paléo-communistes ou néo-nazilloneurs qui relèvent davantage des facultés de médecine psychiatrique que des tribunaux, hésite à dénoncer les violations de la sphère privée de citoyens honorables, au-dessus de tout soupçon, perpétrées par les Britanniques et les Américains à l’encontre d’honnêtes citoyens allemands pratiquant le noble métier d’ingénieur. Le risque serait trop grand, paraît-il, car cela “compliquerait les relations transatlantiques”. Ben voyons...!

 

Courageuse et lucide Finlande

 

Le seul pays européen à avoir réagi correctement, à ne pas avoir succombé à l’atlantisme généralisé, est la Finlande. Le gouvernement finnois, en effet, a décidé que “toute entreprise qui espionnerait les Finlandais” se verrait infliger des amendes carabinées, jusqu’à 25% du chiffre d’affaires, y compris si l’espionnage est organisé depuis un pays tiers. En outre, les lanceurs d’alerte, ne pourrait en aucun cas être expulsés ou extradés du pays. L’exemple finlandais, c’est un minimum: il devrait être généralisé à l’ensemble de l’UE. Toujours dans le numéro 14 de 2014 du Spiegel, Viviane Reding, répondant aux questions des journalistes de l’hebdomadaire, estime que les entreprises lésées devraient pouvoir bénéficier d’un droit de recours, que le principe de “Safe harbour” devrait être généralisé, que les amendes doivent être prévues (comme la France qui a infligé à Google une amende de 150.000 euro, soit 2% du chiffre d’affaire annuels de la firme). Elle souligne également les contradictions de l’Allemagne: Merkel veut un “plan européen” mais n’est pas suivie par ses fonctionnaires. Il faut également, disent la Chancelière et la Commissaire, élever considérablement le niveau de protection interne, mais, par ailleurs, l’Allemagne vend au secteur privé des données statistiques relatives à ses propres citoyens.

 

Les nouvelles superpuissances

 

Il reste à formuler quelques remarques, tirées d’une lecture du livre de Daniel Ichbiah, intitulé Les nouvelles superpuissances. Celles-ci, pour notre auteur, sont les entreprises telles Facebook, Wikipedia, Google, Twitter, etc. Facebook, par exemple, collecte des données émanant de tout un chacun et les conserve pour toujours, comme si elles devenaient, une fois affichées sur la grande toile, son exclusive propriété. Facebook coopère avec la NSA, si bien, écrit Ichbiah, que l’on peut parler de “réseaux cafteurs”. Mais il y a pire: la mémoire de l’humanité, potentiellement exhaustive depuis l’apparition de Facebook, demeurera-t-elle? Si Facebook, ou d’autres entreprises similaires, peuvent les conserver, elles pourraient tout aussi bien les effacer. Les supports, qu’on nous offre, sont tous périssables, les mémoires informatiques tout à la fois effaçables et réinscriptibles. Idem pour Wikipedia. Les données révélées par Wikipedia ne sont pas toujours exactes parfois mensongères ou carrément fausses, fruits de manipulations évidentes, mais il y a grande difficulté sinon impossibilité de faire aboutir des requêtes individuelles formulées devant tribunaux contre la teneur diffamatoire ou insultante de bon nombre d’informations divulguées sur la grande toile. Ces “nouvelles superpuissances” (selon la définition qu’en donne Ichbiah) sont au-dessus des lois, en Europe, parce qu’elles ne relèvent pas de lois européennes: Google, Facebook, Twitter sont des entreprises basées en Californie ou dans l’Etat de New York qui n’ont pas la même conception de la “privacy” que nous Européens.

 

La solution serait de ne pas utiliser Facebook ou Twitter ou de ne les utiliser qu’avec parcimonie. Quelques exemples de bon sens: supprimer tous les “amis” que l’on ne connaît pas personnellement; ne pas utiliser trop de produits Google; ne pas organiser sa vie autour des services Google; diversifier au maximum. Et surtout ne pas oublier que Google possède plus d’informations sur les citoyens américains que la NSA! Car l’avènement de ces “nouvelles superpuissances” équivaut à la négation totale des droits individuels, au nom, bien entendu, des “droits de l’homme”. On est en plein cauchemar orwellien: la propagande dit que nous bénéficions des “droits de l’homme” mais nos droits individuels (au jardin secret, à l’intimité), par l’effet des articifes mis en place par ces “nouvelles superpuissances”, sont totalement niés au nom d’une “transparence  cool”: nous ne sommes pas obligés, en effet, de dévoiler nos intimités sur la grande toile, mais l’exhibitionnisme humain est tel qu’hommes et femmes racontent tout, spontanément, au grand bonheur des flics et des censeurs. Il n’y a dès lors plus, à notre époque, de distinction entre sphère personnelle et sphère publique. En bref, la contre-utopie imaginée par l’écrivain albanais Ismaïl Kadaré dans son oeuvre Le palais des rêves, annonçant la venue d’un monde finalement problématique et dangereux, où règne la transparence totale, à cause précisément de la promptitude des sujets de l’empire décrit à confier la teneur de leurs rêves aux scribes désignés par le souverain. Nous y sommes.

 

Robert Steuckers.

(Forest-Flotzenberg, Fessevillers, Genève, mars-avril 2014; rédaction finale, septembre 2014).

 

BIBLIOGRAPHIE:

 

-          Duncan CAMPBELL, Surveillance électronique planétaire, Ed. Allia, Paris, 2001.

-          Daniel ICHBIAH, Les nouvelles superpuissances, Ed. First, Paris, 2013.

-          Joseph FOSCHEPOTH, “Die Alliierten Interessen sind längst in deutschem Recht verankert”, in: Hintergrund, Nr.4/2013 (propos recueillis par Sebastian Range).

-          Antoine LEFEBURE, L’affaire Snowden. Comment les Etats-Unis espionnent le monde, La Découverte, Paris, 2014.

-          Hans-Georg MAASSEN, “Von angeleinten Wachhunden”, in: Der Spiegel, Nr. 14/2014.

-          Yann MENS, “Guerres secrètes sur Internet”, in: Alternatives internationales, n°59, juin 2013.

-          Laura POITRAS, Marcel ROSENBACH & Holger STARK, “ ‘A’ wie Angela”, in: Der Spiegel, Nr. 14/2014.

-          Viviane REDING, “Ich werde hart bleiben”, in: Der Spiegel, Nr. 14/2014 (propos recuellis par Christoph Pauly & Christoph Schult).

-          Marcel ROSENBACH & Holger STARK, Der NSA-Komplex – Edward Snowden und der Weg in die totale Überwachung, Deutsche Verlags-Anstalt, München, 2014.

-          Matthias RUDE, “Partnerdienst – US-Geheimdienste in der BRD”, in: Hintergrund, Nr. 4/2014.

-          Peter Dale SCOTT, American War Machine. La machine de guerre américaine – La politique profonde, la CIA, la drogue, l’Afghanistan, Ed. Demi-Lune, Coll. Résistances, Plogastel Saint-Germain, 2012.

-          Andreas von WESTPHALEN, “Rechtlos: Whistleblower in Deutschland”, in: Hintergrund, Nr. 4/2013.

 

Dossiers et articles anonymes:

 

-          Le Monde hors série, Les rapports secrets du département d’Etat américain – Le meilleur de Wikileaks, s.d.

-          “Grenzenloser Informant”, in: Der Spiegel, Nr. 27/2013.

-          “Angriff aus Amerika”, in: Der Spiegel, Nr. 27/2013.

 

Totalitarianism: A Specious Concept

Totalitarianism: A Specious Concept

By Dominique Venner

Ex: http://www.counter-currents.com

Translated by Giuliano Adriano Malvicini

vennerstudy-211x300.jpgThe American historian George Mosse has pin-pointed the specious nature of the theory of totalitarianism: it “looks upon the world exclusively from a liberal point of view”. In other words, totalitarianism is a concept elaborated by liberal thought in order to present itself in a favorable light, contrasting itself to its various enemies, all of which are confused together in a single, unholy category, according to the binary opposition of “us and them.”

The theory of totalitarianism reveals the intensely ideological character of liberalism. It generalizes and reduces very different realities to a single category, hiding everything that distinguishes the different anti-liberal systems from each other. How can one compare the blank-slate, egalitarian, internationalist communist system, responsible for millions of deaths before the war, and elitist, nationalist Italian fascism, to which only about ten executions can be attributed during the same period?[1]

This immense quantitative difference corresponds to essential qualitative differences. What liberalism refers to with the blanket term “totalitarianism” includes distinct realities that have only superficial appearances in common (“the one-party state”). The liberal theory of totalitarianism utilises an ideological patchwork to justify itself negatively, by asserting its “moral” superiority. It is a kind of ideological sleight of hand that is devoid of scientific value.

In an interview dealing with this subject, Emilio Gentile – having defined himself as “a liberal critiquing the liberal historical interpretation of totalitarianism” – recognised that this interpretation involves three serious errors: “It first assimilates two very different things to each other, fascism and bolshevism. Furthermore, it considers rationality to be an exclusive attribute of liberalism, denying any form of rationality to the three anti-liberal experiments. Finally, the third error consists in transforming merely apparent similarities into essential similarities. In other words, one might consider fascism, bolshevism and nazism as three different trees with certain similarities, while liberal theory wants to make them into a single tree with three branches.”[2]

This amounts to asserting that the use of the word “totalitarianism” as a generic, universal term is scientifically abusive. As soon as the concept indistinctly covers everything that is opposed to liberalism, only paying attention to this negative criterion, it is emptied of meaning. It can now be applied to anything: Islamism, various exotic tyrannies, and why not the Catholic church? This polemical device is as reductive as that used by the communists, when they wanted to reduce everything that opposed them to “capitalism” or “imperialism.”

Notes

1. We have already noted that beyond a few rare actions that can be imputed to the Italian secret service, the assassination of Matteotti and the street violence following the civil war of the twenties, and also excluding the war and colonizations, there were only nine political executions in fascist Italy from 1923 to 1940 (and seventeen others from then on until 1943). Cf. the American historian S. G. Payne (Franco José Antonio. El extrano caso del fascismo espanol, Planeta, Barcelona, 1997, p. 32).

2. A conversation between Emilio Gentile and Dominique Venner in La Nouvelle Revue d’Histoire, 16th issue, January-February 2005, pp. 23-26. On the same subject, I also refer the reader to my interview with Ernst Nolte (Éléments, issue 98, May 2000, pp. 18-21).

Source: Dominique Venner, Le Siècle de 1914: Utopies, guerres et révolutions en Europe au XXe siècle (Paris: Pygmalion, 2006).

 

Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

URL to article: http://www.counter-currents.com/2014/09/totalitarianism-a-specious-concept/

URLs in this post:

[1] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2013/10/vennerstudy.jpg

[2] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2014/09/mussolini-stalin-hitler-e1411246314185.jpg

dimanche, 28 septembre 2014

Terre & Peuple Magazine n°60

TP60_juin_2014_Copier.jpg

Communiqué de "Terre & Peuple" - Wallonie

 

TERRE & PEUPLE Magazine n°60

 

Dans son éditorial, Pierre Vial juge que les dernières élections européennes ont tourné une page : en France, malgré une forte abstention, 42% des ouvriers ont voté FN, 38% des employés, 37% des chômeurs ! Les syndicats, inquiets, perdent le contrôle de leur base et qualifient le mouvement de 'délire identitaire'. Mais Le Nouvel Observateur parle d'une Europe sans les peuples.

 

Ouvrant le dossier central, Pierre Vial rappelle que la guerre de 1914 a liquidé neuf millions d'hommes, trois empires et les aristocraties européennes.  Citant Dominique Venner, il impute à la guerre de 1914 la seconde guerre mondiale, le déclin de l'Europe, la décolonisation, l'américanisation, l'immigration et le terrorisme.  Il cite Jean Giono, dans 'Le grand troupeau', pour évoquer la saignée de la paysannerie française, que révèle dramatiquement les listes de familles entières sur les monuments au morts, dans les villages.  L'Europe a tué ses meilleurs fils.

 

Alain Cagnat reprend le titre de l'historien anglais Christopher Clark 'Les somnambules' pour désigner les gouvernants des pays belligérants, aveugles à la réalité des horreurs déclenchées.  L'Alsace et une partie de la Lorraine avaient été récupérées au nom de l'unité culturelle et linguistique par l'Allemagne à qui Napoléon III avait sottement déclaré la guerre, pour se faire battre.  La revanche va alimenter chez les Français la haine patriotique des 'Boches'.  Le Sultan du Maroc, auquel la France imposait un protectorat de fait, en avait appelé au Kaiser, qui s'était déclaré prêt à la confrontation. L'Angleterre, les Etats-Unis et l'Italie avaient aussitôt réagi.  En 1911, une nouvelle crise marocaine verra l'Allemagne renoncer à ses intérêts au Maroc contre un territoire que la France lui cède au Cameroun.  Le détonateur se déplace vers les Balkans, où la décrépitude de l'Empire ottoman a encouragé la Grèce et nombre de petits peuples slaves à conquérir leur indépendance.  Les Anglais, redoutant une unification panslave, ont veillé qu'ils restent petits et faibles et déchirés par leurs querelles.  Profitant de cette situation trouble, l'Empire austro-hongrois qui assurait l'administration de la Bosnie-Herzégovine l'a annexée purement et simplement, alors que 51% des Bosniaques sont serbes. 

 

En 1912, la Ligue balkanique (Serbie/Bulgarie/Grèce/Monténégro) attaque l'Empire ottoman et le bat sévèrement.  L'année suivante, la Bulgarie attaque la Serbie, qui l'écrase avec l'appui de la Grèce, de la Roumanie et de la Turquie.  La poudrière balkanique est près d'exploser.  Mais les rivalités des puissants sont plus graves.  La Weltpolitik du Kaiser alarme l'Angleterre.  Pendant ce temps, la Russie connaît une croissance fulgurante (10% an).  Pour l'Angleterre, il s'agit de conserver son amitié à tout prix, de la décourager de s'entendre avec l'Allemagne et de l'empêcher de s'étendre en Turquie et en Perse.  En 1882, l'Italie avait rejoint l'alliance de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie pour former la Triplice, accord de dupes vu la rivalité des Italiens et des Autrichiens dans les Balkans.  Pour y faire pièce, l'Angleterre, la Russie et la France forment l'Entente Cordiale (1904).  Et c'est alors la course aux armements, florissants suite aux progrès de la technique.  Le service militaire est prolongé à trois ans.  L'Amiral Tirpitz reçoit du Kaiser l'ordre de construire une flotte équivalente à celle de l'Angleterre.  Le Général Joffre ne pense qu'en termes d'offensive.  Le Plan Schlieffen des Allemands vise à contourner la puissance française par la Belgique.  Le 28 juin 1914, un attentat préparé par un mouvement panserbe réussit par hasard et l'Archiduc héritier de l'Empire austro-hongrois et son épouse sont tués.  La presse accuse aussitôt le gouvernement serbe.  Pourtant, prévenu par ses informateurs, le premier ministre de Serbie Nikola Pasic avait averti l'ambassadeur d'Autriche du risque que courait l'archiduc à Sarajevo, mais on avait cru à une manoeuvre. 

 

Pour se ménager son opinion, Pasic a alors promis, si les Autrichiens exploitaient « ce regrettable événement », que les Serbes se défendraient.  Leur promettant son soutien contre l'avis de son chancelier, le Kaiser encourage alors les Autrichiens à adresser un ultimatum martial à  cette « bande de brigands serbes ».  Le Tsar aurait calmé le jeu, mais le Président Poincarré va en Russie l'en dissuader.  Chacun espère l'emporter au bluff et, c'est dans cette partie de poker-menteur que l'Autriche adresse à la Serbie un ultimatum en dix points, dont plusieurs sont des atteintes à sa souveraineté.  Bien que le Tsar l'ait invité à le rejeter, Pasic l'accepte, à l'exception d'un seul point.  Alors que le Kaiser croit la paix sauvée, l'Autriche refuse toute négociation et rappelle son ambassadeur.  C'est la guerre.  La mécanique des traités est enclenchée : c'est la guerre mondiale. Jean-Patrick Arteault rappelle l'itinéraire de la Société des Elus de Cecil Rhodes et le jeu d'influence du Groupe Milner, à propos du célèbre roman d'espionnage 'Les 39 marches', paru en 1915. 

 

Son auteur John Buchan est, comme Rhodes et Milner, sorti  d'un collège d'Oxford, coeur de la civilisation anglo-saxonne.  Supérieurement informé, il est correspondant du Times, qui est devenu l'organe du Groupe Milner, et il est un proche des quatre membres les plus influents du groupe et finira Gouverneur général du Canada.  Dans son roman, il 'imagine' une conspiration, menée par une alliance 'd'anarchistes instruits' avec des financiers internationaux, pour déclencher à partir des Balkans une guerre entre l'Allemagne et la Russie.  Afin de profiter du chaos pour établir un nouvel ordre mondial conforme aux aspirations des idéologues comme des capitalistes. 

 

Deux ans avant la sortie du roman, les financiers de Wall Street avaient constitué la Réserve Fédérale, mettant la main sur la création monétaire américaine.  Leur entente complémentaire avec les banquiers de la City dessine le nouveau consortium des puissances maritimes, qui ressent les empires germaniques et russe comme des obstacles à éliminer. Robert Dragan dresse les tableaux saisissants des chiffres officiels des forces en présence dans les deux guerres mondiales et des pertes respectives, avec le relevé des victimes pacifiques : civils et prisonniers, y compris les 30.000 résistants français fusillés (20,5 par jour!).  Mais non comptés les centaines de milliers de viols par les armées soviétiques, américaines et françaises.  Robert Dragan, encore fait le bilan d'un siècle de révolution culturelle de la muflerie bourgeoise.  Elle débouchera sur le refus de vivre, plus dévastateur encore que les deux terribles saignées des deux guerres.  L'art populaire est alors passé d'une émotion collective pour le beau à une cote fixée par un marché, dans un comédie sociale montée pour un grand public qu'on a amputé dès l'enfance de tout sens critique. 

 

C'est en Allemagne que la réaction folkloriste a été la plus vivace, autour du mouvement völkisch.  Celui-ci sera mis sous l'étouffoir, en 1945, par Hollywood, vrai ministère de la culture et de la propagande US.

 

Jean Haudry ouvre le dossier des trahisons allemandes qui ont saboté les défenses atlantiques de la Wehrmacht, si redoutables à l'égard du hasardeux débarquement allié que le Général Bedell Smith n'estimait qu'à 50% les chances de succès.  Les cas cités sont innombrables et certains plus que suspects.  C'est bouleversant, indépendamment des faits, matériellement constitutifs ou non de trahison, et des mobiles de leurs auteurs, bas ou élevés, notamment l'espoir de poursuivre la guerre ensemble avec les occidentaux qu'ont nourri des militaires approchés par les services secrets britanniques, maîtres en manipulation.

 

Sur le même thème démoralisant, Godefroid Landemer rapporte l'opinion d'un expert en la matière, Friedrich Georg ('Verrat in der Normandie'), sur les éléments qui se sont superposés à la trahison caractérisée : il est moins difficile de percer les intentions de l'ennemi que de persuader un chef qui a une idée préconçue ; les théoriciens appellent 'friction' l'effet d'innombrables aléas (complexité de l'organisation militaire, rivalités, doctrines divergentes, transmission déficiente des ordres, sottise) qui contrecarrent l'exécution d'un plan ; les Américains jouissaient d'une logistique pléthorique ; les interventions parfois malheureuses d'Adolf Hitler dans des détails d'exécution, à rebours de l'Auftragstaktik (principe militaire prussien, qui laisse au subordonné pénétré de l'esprit de la mission une large autonomie dans l'exécution de l'ordre). Robert Dragan dénonce la 'peste blanche', mortelle pour la famille, qu'a semée la révolution sexuelle du début des années '60. 

 

La diffusion explosive des contraceptifs et la libération de la femme ont encouragé le vagabondage sexuel.  L'auteur remarque que les sociétés matriarcales acceptent l'homosexualité masculine, voire la valorisent.  Prétendument judéo-chrétienne, notre patrilinéarité est en fait indo-européenne.  Pour lui, l'effondrement démographique (suicide des Blancs) a été programmé.  L'ONU et les ong font du contrôle des naissance une entreprise humanitaire.  La femme libérée (du salaire de son mari) poussant les salaires à la baisse, comme l'immigration consécutive au dépeuplement.

 

Roberto Fiorini sonne l'alarme ; le projet de Marché Transatlantique vise à soumettre l'UE aux USA.  Il met en place au tribunal arbitral 'indépendant' qui condamnera à réparations les pays qui imposeraient aux investisseurs américains des mesures plus lourdes (par exemple de protection sociale) que les nouvelles 'normes mondiales' (américaines).  Les amendes seront à la charge des contribuables.  Il n'y aura pas de consultation populaire (Traité de Lisbonne) et Obama s'efforce d'écarter tout débat.

 

Claude Valsardieu poursuit sa captivante étude sur les racines du monde blanc.  Il en relève les traces ( gravures rupestres, pierres 'écrites', dolmens et autres mégalithes,) de l'Atlas saharien jusqu'aux côtes méditerranéennes.  Il éclaire le cas de Guanches, repliés sur les Canaries, et celui des Basques, grands marins devant l'éternel, qui parlent une langue agglutinante et synthétique, comme toutes celles de l'aire cromagnoïde.

 

Paul Durand  présente son Guide dissident de l'Allemagne et de l'Autriche, qui vient d'être réédité chez Facta (328 pages, 26€).  C'est le produit de longues années de pérégrinations d'un 'passeur de mémoire', qui a mené des recherches méthodiques très poussées, dans la documentation touristiques depuis ses origines, dans les ouvrages d'architecture et dans la documentation historique, mais surtout sur le terrain.  Il a notamment relevé des tombes inconnues.  Des victimes des crimes de l'extrême-gauche, policiers ou militants nationalistes avant la désignation d'Hitler comme chancelier.  Des traces qui s'effacent, notamment les églises dédiées à sainte Hedwige (1174-1243, qui n'est pas la reine de Pologne que Jean-Paul II a canonisée en 1986!), que les Silésiens, 'déplacés' dans la Rhur, y ont édifiées sous la protection de la patronne de leur région devenue territoire polonais.

 

 

L’action française 2000 Interviews Dominique Venner

venner.jpg

L’action française 2000 Interviews Dominique Venner

Translated by Giuliano Adriano Malvicini

Ex: http://www.counter-currents.com

L’Action française 2000: You define yourself as a “meditative historian.” What precisely do you mean by this term? 

Dominique Venner: To meditate is not to daydream, but to intensely fix one’s thoughts on a precise object. I have always been astonished by the fact that people are so little astonished. Above all when it comes to history. And yet, astonishment is the first condition of thought. In the conventional interpretation of History, one describes a succession of events as though they were necessary or self-evident. But that’s false.

Nothing is ever necessary or self-evident. Everything is always held in suspense by the unforeseeable. Neither Richelieu nor Mazarin, for example, neither Caesar nor Octavius, nor the Chinese emperor Shi Huangdi, the great founder, were necessary or pre-ordained by Providence. They could all have never existed or have died before completing their work. In the face of facts and unforeseeable historical events, I ask myself the questions that lazy history doesn’t ask, I meditate.

For example: Louis XIV was called le Roi Très Chrétien (“the Most Christian King”). Despite this, he had Versailles and his park built as a hymn to the divinities of ancient paganism. Surprising, isn’t it? And the source of new reflections on the representations of the king and the religion of his time, which has nothing to with the pious story invented in the nineteenth century.

Let’s dwell for a moment upon the Great King, who witnessed the English Revolution and the execution of Charles I, in January 1649. An astonishing revolution! In the following century, Edmund Burke could oppose the Glorious Revolution of 1688 to the French Revolution of 1789. Why did a “conservative revolution” take place in England and a destructive revolution take place in France? That’s a good question, and there are a hundred answers. There’s something to meditate upon.

Moreover, since I was born in troubling times for a Frenchman and a European, a time that has seen the collapse of our old power and the destruction of certainties that were considered eternal, I meditate by studying History outside of all conventions. Following the example of Ulysses, I believe that thought is a prerequisite for action. I even believe that it is action.

AF: Europe today is “dormant,” as you nicely put it. Why is that?

DV: When I think of Europe, I’m not thinking about political or technocratic structures. I’m thinking of our multi-millenial civilization, our identity, a certain “European” way of thinking, of feeling and of living, across time. Yes, Europe is historically “dormant.” Since when? Since the second half of the twentieth century, after the catastrophe of the two wars that started in 1914 and ended in 1945. When the universal exhibition opened in Paris in 1900, Europe was the intellectual and spiritual center of the world. She dominated everything, almost everywhere. The United States was still only a marginal power. Fifty years later, everything was reversed! After Yalta, a Europe bled of its strength was divided up between the two new powers that had emerged in the Century of 1914: the United States and the USSR. Two messianic powers that wanted to impose on her their models: Americanism and communism. I might add that Europe has not only lost its power and its colonies, worse still, it has lost faith in itself, eroded by an unheard of moral crisis and manipulation by guilt. She is “dormant.”

AF: You are nevertheless optimistic with regard to her identitarian awakening. So what are, this time, the reasons for hope?

DV: Those reasons are above all connected with the “shock of History” that we are currently experiencing without knowing it. This “shock” heralds a new era. It began with the collapse of the USSR and of communism in 1989. At the same time, old powers and old civilisations, previously thought to be dead, went through a spectacular revival, China, India, Islam (despite its conflicts), South America, to speak only of large entities. The unipolar world that the power of the dollar wanted is being replaced by a multipolar world, and that will give Europe its chance. However, she is confronted with a  huge and unprecedented historical danger, the mass immigration of populations that bring with them another civilization. Mass immigration is producing, on European soil, a shock of civilizations that could end up being deadly. But, in an astonishing historical surprise, it could also reveal itself to be our salvation. From the alterity represented by the immigrant populations, their customs, and their treatment of women, which deeply shocks us, we are seeing a new awareness being born among Europeans of their identity, an awareness that they rarely possessed in the past. Let me add that in spite of all these dangers, I also believe in the survival of the fundamental qualities of energy and innovation that are characteristic of Europeans. For the moment, they are not being exercised in the realm of politics, which is why we can’t see them.

AF: How may the lessons of the great masters of the dawn of European civilization, Hesiod and Homer, be salutary for us?

DV: Homer has bequeathed to us, in its pure state, the model of a specific mental morphology — our own — prior to the distortions of contrary influences. We need to impregnate ourselves with it if we are to be spiritually reborn, as a precondition to other forms of renaissance. The consequences of the Century of 1914 have cast the French and Europeans into an immense disorder. Nothing escapes it. This disorder affects both churches and laymen. So much so that we we are witnessing apparently bewildering attempts on the part of the upper hierarchies of the church to come together with the Islam of the immigrants. These attempts rightly shock many Catholics. They go beyond the “obligation of hospitality” invoked by the pastoralism of submission, and also have to do with a kind of solidarity between monotheistic “believers” in the face of the growing religious indifference of society. That is the explicit meaning of meetings like the one in Assisi. In short, when disorder has become general, you have to go back to what is completely pure, to the fundamental sources of our civilization, which go back much farther than Christianity, as Benedict XVI reminded us in his Regensburg speech. That is why we have to go back to Homer and the granite foundations of our founding poems, nature as a bedrock, excellence as a goal and beauty as the horizon. That’s a truth that Charles Maurras had seen clearly since his youth.

AF: You speak, not without admiration, of the “intractable character” of Maurras. Did he influence you intellectually?

DV: I have never concealed my admiration for Maurras’ bravery in the face of hardship. But I have also been a close reader of his early writings and an observer of his development. Just recently I read the correspondence between Charles Maurras and the Abbé Penon (1883-1928), published by Privat in 2008. It’s a primary source. As you know, Abbé Penon, who later became the bishop of Moulins, had been the private tutor and later the confessor of the young Maurras. He saw his task compromised by development of his pupil and the inflexible autonomy of his mind. The Abbé had introduced the boy to Greek and Roman literature, which little by little turned him away from Christianity. The young Maurras’ stay in Athens on the occasion of the first Olympic games in 1898, completed the transformation. It’s all summed up in a letter of June 28, 1896, which I can quote for you: “I return from Athens more remote, more hostile to Christianity than before. Believe me, it was there that the perfect men lived . . .” After having referred to Sophocles, Homer, and Plato, the young Maurras concludes: “I am returning from Athens as a pure polytheist. All that was still vague and confused in my thought has become sparklingly clear . . .” Right until his death in 1928, the Abbé Penon tried to make Maurras go back on this conversion. All he could get out of him were purely formal concessions, but also Maurras’ argument that in his eyes, the Catholic church had once corrected, through its principle of order, the pernicious nature of primitive Christianity.

AF: You are a Jüngerian practitioner of the “recourse to the forest.” Have you found peace there, or a way to prepare for the wars of the future?

DV: Before writing so many books, Ernst Jünger started out by living, in the trenches of WWI, certain ideas that he later articulated. Jünger was authenticated by his life. That made me take his writings seriously. I should also add that the image of the “recourse to the forest” resonates very strongly with me. I don’t see it as an incitement to go underground, but to discover the noble spirituality manifested in trees and nature, or as Bernard de Clairvaux said: “You will find more in forests than in books. The trees will teach you things that no master will speak to you of.” That’s proof that in him, the spirituality of his Frankish and Gallic ancestors was still alive. That is what I call tradition. It makes its way through us, unbeknownst to us.

French original: http://www.dominiquevenner.fr/2011/12/entretien-avec-louis-montarnal-publie-dans-laction-francaise-2000-n-2827-du-3-au-16-novembre-2011/

samedi, 27 septembre 2014

Les douze plaies de la France

stseb88708961_o.jpg

Les douze plaies de la France

Par Guillaume Faye

Ex: http://www.gfaye.com

Bien sûr, la France a encore de beaux restes. Mais pour combien de temps encore ? La dégradation de la vieille Nation, mal entretenue, mal gouvernée et envahie se poursuit inexorablement. Voici les douze plaies qu’on peut diagnostiquer. Après, j’expliquerai pourquoi il ne faut pas désespérer.

1 Immigration de masse qui modifie le paysage anthropologique millénaire. Il s’agit d’une colonisation de peuplement (par le bas) qui risque d’aboutir à un remplacement de population, donc à terme, à la fin de la France, sur les plans anthropologique, culturel et même linguistique. Cette colonisation est au mieux ignorée, au pis favorisée (pompe aspirante des aides sociales,  inexpulsabilité, régularisations, naturalisations etc.) par les élites politiques, avec la complicité du système judiciaire.

2 Islamisation rampante de la société qui bouleverse l’identité culturelle et qui a pour finalité, conformément à la logique universelle de l’islam, la conquête totale du pays. Sur fond d’aveuglement et de déni des élites, voire souvent de complicité collaborationniste (ethnomasochisme). L’ignorance profonde de la nature de l’islam (l’inculture des énarques) est la toile de fond du système mental de nos dirigeants politiques et médiatiques. 

3 Économie étatisée, socialisée, endettée, surfiscalisée, fabrique de chômage de masse, de désindustrialisation et de récession endémique. Avec baisse du niveau de vie des classes moyennes, dégradation de la productivité et de la compétitivité du tissu économique des PME seul créateur réel de richesses et d’emplois, et poids de plus en plus coûteux de fonctions publiques pléthoriques. Les dirigeants politiques français  et les élus étant en majorité des fonctionnaires, il leur est difficile de comprendre le fonctionnement  de l’économie réelle, c’est à dire de ceux qui gagnent leur vie en produisant  

4 Système éléphantesque d’Éducation publique en plein échec qui n’assure plus la transmission des savoirs, de la culture européenne et des compétences ni l’ascension sociale et la circulation des élites. L’enseignement de l’ histoire de France, dénigrée, est sabordé ; déculturation, déracinement et apologie des cultures immigrées prévalent (xénophilie) Seul l’enseignement privé payant, réservé à la bourgeoisie, reste à niveau. L’enseignement public gratuit produit illettrisme et ignorance, avec un coût de fonctionnement parmi les plus élevés au monde.

 Fuite accélérée à l’étranger des cerveaux, des fortunes, des jeunes forces vives. On estime à deux millions de Français les expatriés. Ils cherchent à échapper à une fiscalité délirante. Leur travail et leurs investissements seront toujours ça de moins pour la France. Les bac +6 sont remplacés par les bac-6.  On n’aime pas les riches ni la réussite : c’est immoral. Les riches iront ailleurs créer des emplois et investir. En France, on restera entre pauvres. Mais la classe politique n’a pas de soucis à se faire, pour l’instant, elle vit sur vos impôts.

6 Criminalité, délinquance, insécurité en hausse quantitative et en extension géographique constantes qui dégradent le cadre de vie. Les deux causes sont l’immigration incontrôlée et le laxisme judiciaire, provoqué par l’idéologie gauchiste de la nouvelle magistrature, appuyée par les instances européennes. Plus la criminalité (étrangère à 90%) augmente, moins on la réprime. C’est la nouvelle ”démocratie” et l’idéologie des ” Droits de l’homme”, qui sont en réalité des machines de guerre contre le peuple de souche.

7. Dégradation de la riposte judiciaire à la criminalité, ce qui l’encourage, avec, pour corollaire paradoxal, le durcissement de la répression pour les Français de souche, en particulier dans le secteur fiscal. Deux poids, deux mesures, même dans le domaine du droit commun : tolérance pour l’étranger, sévérité pour le concitoyen. La criminalité immigrée est objectivement protégée et encouragée par l’État ”français”. La police, démotivée, est inopérante et risque d’être remplacée par des milices d’autodéfense  populaires, brutales et efficaces. 

8. Débandade de l’État souverain, à la fois ligoté par une Union européenne mal conçue et par une soumission déshonorante de sa politique étrangère à Washington. (1) Ce à quoi il faut ajouter les coupes constantes dans le budget de la Défense, qui ont deux effets désastreux : perte progressive de l’autonomie militaire et affaiblissement de l’outil industriel de haute technologie.

9. Liberté d’expression en déclin. Émergence d’un pouvoir répressif néo-totalitaire soft visant à punir ou à marginaliser les opinions dissidentes. La religion idéologique d’État, monopolistique, est intolérante pour qui défend l’identité française et européenne, et tolérante pour qui la combat. Logique ethnomasochiste, et syndrome du collabo, présente depuis longtemps chez les élites françaises. Les grands médias français, écrits ou audiovisuels, soumis au ”politiquement correct”, pratiquent, sauf exceptions, la censure et la fermeture d’esprit. La France est mal classée dans la hiérarchie des pays qui présentent une diversité et une liberté  d’expression publique.

10. Médiocrité de la classe politique, pas au niveau, droite et gauche confondues. L’explication est simple : des incompétents qui font carrière. Députés en majorité fonctionnaires, énarques coupés des réalités dans l’appareil d’État, absence générale de deux choses essentielles : 1) l’amour du pays, de la patrie, dans sa dimension historique, et non pas seulement la drague démagogique envers des électeurs ; 2) la compétence, notamment en matière économique, remplacée par des dogmes idéologiques. Globalement, la carrière politique n’attire plus les vraies élites, mais les intrigants. La classe politique  regroupe ce qu’on  pourrait appeler ” la lie de l’élite”.

11. Effondrement de la créativité culturelle. L’ ”exception culturelle française”, subventionnée par l’État pachydermique, n’accouche que de souris. Le Festival d’Avignon, vitrine brisée, en est la preuve. Subventionner la culture (intermittents du spectacle !), c’est tuer la création, c’est la fonctionnariser. La force culturelle, c’est la liberté. De plus, l’enseignement des savoirs traditionnels disciplinaires (linguistiques, plastiques, etc.) étant abandonné par l’idéologie nihiliste et anarchisante dominante, la créativité futuriste est asséchée. L’arbre ne pousse que sur des racines, l’innovation est fille et n’est fille que de la Tradition.   

12 Faiblesse démographique de la France européenne de souche. On se félicite que la fécondité française soit au dessus de celle nos voisins européens. Illusion. Déjà, en elle-même, elle n’est même pas suffisante pour renouveler les générations. Et surtout, elle est artificiellement haussée par la natalité immigrée. Globalement, la natalité française autochtone décline, comme chez nos voisins européens. C’est là le point le plus important de ce diagnostic, la plaie la plus inquiétante. Car un peuple, une nation ne sont pas des abstractions, des ”idées”. Ce sont des réalités charnelles, c’est-à-dire ethniques, comme d’Aristote à Péguy beaucoup l’ont compris. Ce qui signifie, en terme de réalisme biologique, qu’un peuple qui ne reproduit pas ses générations de souche (et qui, de surcroît, affronte une flux migratoire plus fécond) entame la pente de sa disparition. L’histoire est un cimetière.

Faut-il désespérer ? Non

Il ne s’agit pas d’être stupidement pessimiste ou béatement optimiste mais cyniquement réaliste. La France ressemble à un être qui a d’immenses qualités mises en danger par de terribles défauts ; à un malade qui est touché mais qui peut encore se guérir. Le problème central se résume à ce constat : c’est le peuple français lui-même, dans son tréfonds, et pas seulement dans ses élites, qui creuse sa tombe : idéal fonctionnarisé, culte du travail minimal et du ”petit loisir”, ressentiment  envers la réussite des ”riches”, égalitarisme qui préserve ses propres privilèges corporatistes, tolérance inconsciente envers l’invasion migratoire, propension apeurée à la collaboration avec les envahisseurs, etc.  

 Ce sont les valeurs qui sont en cause. Le mal touche 50% des Français, ce qui est déjà énorme. Pourtant le génie français n’est pas un vain mot, dans tous les domaines. Mais il ne concerne qu’une minorité. Une minorité active qui existe dans toutes les classes sociales. Le génie français (part intégrée du génie européen de tous nos peuples frères) n’est pas mort, il est en danger. Il est menacé à la fois par les envahisseurs et par leurs collaborateurs, chez les élites, les sabordeurs. La France ne peut pas changer tranquillement ; elle doit se reprendre par des révolutions, des crises et non par des réformes. Il faut une rage de dents pour oser aller chez le dentiste.

Mais les choses évoluent et la prise de conscience, donc la révolte de la France profonde sont une possibilité. Le Front National  est un élément de l’équation, mais il n’est pas le seul car l’imprévu peut surgir d’où on l’attendait pas. D’un point de vue, ”dialectique”, dirions nous, l’échec de l’intégration et de l’assimilation est positif. À quelque chose malheur est bon. Le pire eût été que les immigrés se rallient en masse au modèle français, se sentent charnellement français et européens. Au contraire, la réislamisation et les revendications identitaires des immigrés sont positives en ce qu’elles marquent clairement la différence avec le peuple de souche. De même, la prise de conscience d’une cohabitation impossible, notamment avec la criminalité immigrée, peut réveiller le peuple de souche. Les lois sur les logements sociaux obligatoires, durcies à partir de 2015, vont désillusionner les Français et leur faire juger sur pièces l’enfer utopique de la cohabitation ethnique.

Sans le savoir, le gauchisme immigrationniste et islamophile  favorise le réveil de l’identité franco-européenne, y compris dans les classes moyennes supérieures, jadis préservées. L’utopie de l’idée française comme appartenance strictement intellectuelle (ou linguistique) s’effondre. Se rétablit la vieille notion aristotélicienne, d’une justesse solaire, qu’un peuple, qu’une nation, qu’une Cité, bref que l’essence d’une communauté politique et historique sont fondées sur la philia, c’est à dire sur l’appartenance aux mêmes racines ethno-culturelles. Entre parenthèses, De Gaulle avait la même idée ethno-culturelle de la France, ce que les pseudo-gaullistes actuels, occultent.

 En cela, l’idée du Front National (influencé par l’ex-marxiste Alain Soral, créateur de l’association Égalité et Réconciliation) de mettre l’accélérateur sur l’ ”intégration” relève de l’utopie ; et d’une méconnaissance fondamentale de ce qu’est l’islam, qui ne vise ni l’égalité ni la réconciliation mais la soumission. Le fameux génie français est fragile. Si les meilleurs partent et sont remplacés par des bras cassés ou des fanatiques au cerveau de poule, l’avenir sera noir. Ce que je dis là de la  France, « cher pays de mon enfance » est applicable à nos voisins européens. Je suis patriote français et nationaliste européen –y compris pour la Russie, voire même pour l’Amérique du Nord d’origine européenne, projection de l’Europe. Mais c’est un autre débat.

 Quand on y réfléchit, les maux qui nous accablent sont très voisins de ceux qui ont précipité la fin de l’Empire romain. Ce dernier, entre la fin du IIIe siècle et le milieu du Ve a chuté pour trois causes : un État Providence (panem et circenses) dispendieux et créateur d’oisiveté entretenue, une fiscalité de vautours et une impuissance face aux invasions barbares. La seule solution pour la France, c’est, à mon sens, la révolution. Elle procèdera du choc du réel, d’un prise de conscience, d’un ”ras le bol” dans la vie quotidienne. L’hypothèse révolutionnaire est la seule crédible pour la France – et peut-être l’Europe. Seul le chirurgien peut guérir les plaies du malade, pas le psychiatre. La France doit passer au bloc opératoire. C’est dur, douloureux, mais on s’en sort. C’est mieux que de dépérir dans un lit.  La guerre ou la mort.    

(1) Je ne suis pas dogmatiquement anti UE ou anti USA mais seulement critique de manière concrète.

 

 

lundi, 22 septembre 2014

Réquisitoire contre un système liberticide

GFT78872488.jpgEN LIBERTE SURVEILLEE

Réquisitoire contre un système liberticide de Georges Feltin-Tracol

Pierre Le Vigan
Ex: http://metamag.fr

L’actuel Premier ministre Manuel Valls (ou hyper-premier ministre ?) représente parfaitement la mise en cohérence du système politico-médiatique dominant. D’un côté, nous avons le libéralisme économique, de l’autre, nous avons un libertarisme sociétal mais qui est obligatoire. En d’autres termes, l’idéologie libertaire, celle du libéralisme sociétal (pas celle de Proudhon bien sûr, non plus celle de Bakounine), est appliquée autoritairement. Il est ainsi obligatoire d’acquiescer à ses prémices sous peine d’être exclu du « cercle de la raison » et d’être assimilé à des « factieux ». Du coup, des moyens disproportionnés sont mobilisés contre les ennemis des lois « libertaires », lois qui ne sont autres que celles qui appliquent à la société les principes du libéralisme marchand.

Du même coup, les humoristes qui ont le malheur de faire de l’humour sur des sujets décrétés « sensibles », et a fortiori quand ils sont tabous, sont privés de toute liberté d’expression, comme si la loi devait se faire l’arbitre des convenances, des élégances, des bonnes manières. C’est ce qui est arrivé à Dieudonné et c’est ce que relate Georges Feltin-Tracol dans En liberté surveillée.

Son ouvrage a le grand mérite d’aborder, au travers d’exemples nombreux et significatifs, le processus de limitation ou même de suppression des libertés en France. Nous sommes passés d’un Etat « territorial et militaire » à un Etat « pénal, policier et carcéral ». L’ennemi de l’Etat est désormais à l’intérieur. La grande menace est interne, et le contrôle social (et la préemption fiscale) devient la grande affaire de l’Etat. Il y déploie, sous les ministres de l’Intérieur successifs, quelle que soit leur « couleur » politique, une grande énergie, toujours dirigée dans le même sens, c’est-à-dire visant à ne laisser subsister que les « petites différences », les « petits oppositions », les marges folkloriques du système, celles qui ne le mettent pas en cause, mais en constituent en quelque sorte le colifichet décoratif. 

Pour le contrôle de tous et l’intégration de tous au grand ordre mondial de la sécurité et de la marchandise, tous les moyens de l’Etat sont mobilisés, mais aussi ceux des groupes privés proches de l’Etat, des institutions judiciaires, etc. Louis Althusser appelait cela les appareils idéologiques d’Etat. Il convient de parler aujourd’hui plutôt d’ « Etat profond » pour mieux caractériser la forme actuelle de ce réseau, réseau tissé de convenances non dites mais évidentes, de connivences, d’ambitions, de renvois d’ascenseurs, de dissuasion aussi si nécessaire. Une carrière peut aussi vite être accélérée qu’elle peut être brisée.

Le domaine sociétal fait partie du champ d’application de la nouvelle intolérance. Plus les innovations pseudo-égalitaires, en fait niveleuses, et hostiles à toute sexuation, sont délirantes et de mauvais goût, plus elles sont encouragés, voire même obligatoires. Professeur(re)s et recteur(e)s prônent la « journée de la jupe » avec le soutien de toute l’institution éducative. La Grande Rééducation est en marche, et elle marche vite (aujourd’hui avec la bien jolie et si bien utilisée Najat Vallaud-Belkacem, Young leader 2006 de la French-American Foundation, tout comme l’atlantiste extrême Jean-Marie Colombani, Aquilino Morelle, Yves de Kerdrel et tant d’autres, représentatifs de toutes les fausses gauches et les fausses droites que le bon Dieu voudra bien imaginer). 

Il s’agit, avec la révolution sociétale déjà bien engagée, d’éradiquer toutes les différences. Il s’agit d’aller vers une société androgyne. Pour rééduquer, la méthode est toute trouvée : il s’agit de considérer le peuple comme une classe d’élèves, et le gouvernement, aujourd’hui « socialiste », comme de bons instituteurs(trices).   Cela tombe bien puisque, avec la gauche, l’idéologie du progrès se caractérise par le fait que l’homme (la femme aussi !) est considéré comme une table rase, sur laquelle il convient, par l’éducation, d’inscrire les idées adéquates et de programmer le comportement adéquat. C’est ainsi que la loi s‘invite, nous rappelle Feltin-Tracol, dans le lit des hommes et des femmes, statuant sur tel homme « pas assez actif » sexuellement avec sa conjointe. Délire occasionnel ? Bien plutôt, c’est l’aboutissement logique d’un mouvement de publicisation de l’espace privé (qui est le revers de la privatisation de la politique, notamment par la création de milices privées à la place des armées).

Plus aucun acte n’est d’ordre privé, l’Etat a le droit et même le devoir de regard sur tout. Il ne s’agit plus seulement de juger ce qui est dit mais ce qui pourrait être dit – jurisprudence Dieudonné, on interdit le spectacle avant que soient peut-être tenus des propos qui tomberaient sous le coup de la loi. Il s’agit même d’investiguer sur ce qui pourrait être pensé sans être dit. Le désir non conforme est interdit, par exemple celui éprouvé depuis quelques milliers de générations par des hommes pour des femmes faisant profit de leur charme. L’exemple de la prostitution, que le gouvernement veut interdire, est emblématique. Il s’agit non d’interdire une offre mais de mettre au pénal la demande qui s’exprimerait en face de cette offre. On ne fait pas plus hypocrite. La parole des femmes précisant se prostituer volontairement est niée. On ne saurait trop remarquer l’importance de ce retournement. La modernité a été l’assomption du sujet. Or, nous n’en sommes plus là du tout. Le sujet est agi dans certains domaines, il n’est pas libre. Voilà ce que nous dit l’idéologie. Qui le sait mieux que lui ? Qui sait « qui agit qui » mieux que le sujet ? Qui peut nous dire par qui les prostituées, y compris celles qui s’affirment libres, sont agies ? La réponse est simple, ce sont les associations qui peuvent nous dire le vrai, ces fameuses associations, celles légitimitées par des financements publics (ce qui assure le bouclage du système : l’Etat n’est pas en première ligne, il met en première ligne des structures qui dépendent de lui. De même, la Nuit de Cristal ne venait pas officiellement de l’Etat, mais de mouvements pseudo-« spontanés » de nazis de base). Ces associations ne sont pas n’importe lesquelles. Ce sont les associations dites féministes, celles qui sont à la fois le produit de l’idéologie dominante et ses agents de contrôle.

Les bien-pensants développent ainsi, comme le remarque fort bien G. Feltin-Tracol un véritable discours d’exclusion. A l’égard de qui ? A l’égard des gens simples, normaux, des sans voix, des sans grades, des sans associations.  Il s’agit de changer le peuple à coups de réformes sociétales. Et c’est finalement plus facile que d’être accepté ou aimé par le peuple.

Georges Feltin-Tracol a le mérite d’aller à l’origine de ce processus de réduction toujours plus grande des libertés. L’idéologie « de gauche » a en fait gagné toute la droite. L’idéologie du genre n’a pas été mise en place par Vincent Peillon et Najat Vallaud-Belkacem, elle date – au moins –, dans sa prise en charge institutionnelle, de Luc Chatel. Pourquoi ? Parce que la droite et la gauche ont tout intérêt à détourner le peuple des problèmes économiques, sociaux et politiques. Parce que les gouvernants ont tout intérêt à faire du « sociétal » à la place du social qu’il ne peuvent plus faire, pour cause de désindustrialisation, de chômage de masse, de choix mondialistes et du soutien de toute la classe politique à la financiarisation de l’économie. Il s’agit soit d’endormir le peuple soit de lui fournir des dérivatifs.

Il s’ajoute à cela autre chose, très présent dans l’affaire Dieudonné : la culpabilisation due à la reconnaissance par Chirac de la responsabilité de la France (et non seulement du régime de Vichy) dans les déportations de Juifs pendant l’Occupation. A partir de là s’est répandu dans les élites une course au « rachat ». Il s’agit de ne plus jamais être en retard d’une lutte pour les droits humains. Mais ceux-ci n’ont plus guère de rapports avec les droits de l’homme de 1789 (même s’ils en sont l’aboutissement logique et incestueux), il s’agit désormais du « pourtoussisme », des droits pour tous à tout. L’indifférenciation généralisée est à l’horizon de cette lutte « pourtoussiste ». Ce projet est logique : pour l’idéologie dominante, les identités, les peuples n’existent pas. La France ? C’est une marque touristique qu’il s’agit de bien vendre. C’est au mieux la somme des entreprises françaises. C’est tout, sauf une patrie. Sexe masculin et féminin n’existent eux-mêmes guère plus que les peuples. Il n’y a plus d’hommes mais des gens qui ont une « orientation hétérosexuelle ». De même, il n’y a plus de Français mais des gens qui ont une « orientation française » (ou pas, et on appelle cela la « diversité »). 

Indifférenciation, sans-frontièrisme, mondialisation, tels sont les fondamentaux de l’idéologie dominante. Elle se raidit. Elle recherche le contrôle sur tout : sur les semences, qui ne sauraient être produites par tout un chacun (loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006), sur les médicaments, sur les idées, qui doivent être agréées, sur les comportements, qui doivent être  conformes aux normes jugées « appropriées » par l’idéologie, sur le porte-monnaie des  citoyens, qui doivent être endettés – sous prétexte de « relancer » la croissance – ce qui permet de les contrôler par le crédit.

Nous en sommes là. C’est très exactement un néo-totalitarisme post-démocratique. Il s’agit, comme avec tous les totalitarismes, de réduire la diversité du vivant. Tout doit être contrôlé et marchandisé. Or, le contrôle nécessite de rationaliser le vivant. Voilà les enjeux que Georges Feltin-Tracol nous aide à comprendre. Ce qui n’est pas mince. A lire pour retrouver (ou garder !) une joyeuse lucidité. Et l’envie d’enlever leurs masques aux imposteurs. 


Georges Feltin-Tracol, En liberté surveillée. Réquisitoire contre un système liberticide, Les Bouquins de Synthèse nationale, 284 pages, 23 €. Synthèse nationale 116, rue de Charenton 75012 Paris (adresse postale uniquement)


dimanche, 21 septembre 2014

En liberté surveillée...

En matière de liberté d’expression, la France donne facilement des leçons aux autres. Mais est-elle la mieux placée pour cela ?

Spectacles de Dieudonné interdits, livres édités par Soral ou d’autres caviardés, manifestations violement dispersées, mouvements patriotiques dissouts… c’est tout le système français, mais aussi occidental, que met en cause Georges Feltin-Tracol.

Étayé par de nombreux exemples pris dans la presse officielle, il démontre que loin de demeurer le « pays des hommes libres », la France est devenue, suite au sécuritarisme développé par l’UMP sous Sarkozy et appliqué avec zèle par Valls et par Hollande, un Hexagone surveillé où comportements et pensées sont scrutés en permanence.

Aujourd’hui, il est préférable d’être un délinquant de droit commun plutôt qu’un opposant politique convaincu au mondialisme.

En sept chapitres d’observations accablantes et parfois terrifiantes, Georges Feltin-Tracol examine l’incroyable et lente évaporation des libertés publiques avant d’esquisser quelques réponses révolutionnaires, populaires et identitaires.

Mais, faites attention, le simple fait de lire ce livre risque de vous rendre suspect aux yeux du Pouvoir…

mercredi, 17 septembre 2014

Pour mieux comprendre la Révolution Conservatrice allemande

Pour mieux comprendre la Révolution Conservatrice allemande

par Georges FELTIN-TRACOL

junger-1-198x300.jpgEn dépit de la parution en 1993 chez Pardès de l’ouvrage majeur d’Armin Mohler, La Révolution Conservatrice allemande 1918 – 1932, le public français persiste à méconnaître cet immense ensemble intellectuel qui ne se confine pas aux seules limites temporelles dressées par l’auteur. Conséquence immédiate de la Première Guerre mondiale et de la défaite allemande, cette mouvance complexe d’idées plonge ses racines dans l’avant-guerre, se retrouve sous des formes plus ou moins proches ailleurs dans l’espace germanophone et présente de nombreuses affinités avec le « non-conformisme français des années 30 ».

Dans son étude remarquable, Armin Mohler dresse une typologie pertinente. À côté d’auteurs inclassables tels Oswald Spengler, Thomas Mann, Carl Schmitt, Hans Blüher, les frères Ernst et Friedrich Georg Jünger, il distingue six principales tendances :

— le mouvement Völkisch (ou folciste) qui verse parfois dans le nordicisme et le paganisme,

— le mouvement Bündisch avec des ligues de jeunesse favorables à la nature, aux randonnées et à la vie rurale,

— le très attachant Mouvement paysan de Claus Heim qui souleva le Schleswig-Holstein de novembre 1928 à septembre 1929,

— le mouvement national-révolutionnaire qui célébra le « soldat politique »,

— il s’en dégage rapidement un fort courant national-bolchévik avec la figure exemplaire d’Ernst Niekisch,

— le mouvement jeune-conservateur qui réactive, par-delà le catholicisme, le protestantisme ou l’agnosticisme de ses membres, les idées de Reich, d’État corporatif (Ständestaat) et de fédéralisme concret.

Le riche ouvrage d’Armin Mohler étant épuisé, difficile à dénicher chez les bouquinistes et dans l’attente d’une éventuelle réédition, le lecteur français peut épancher sa soif avec La Révolution Conservatrice allemande, l’ouvrage de Robert Steuckers. Ancien responsable des revues Orientations, Vouloir et Synergies européennes, animateur aujourd’hui de l’excellent site métapolitique Euro-Synergies, Robert Steuckers parle le néerlandais, le français, l’allemand et l’anglais. À la fin des années 1970 et à l’orée des années 1980, il fit découvrir aux  « Nouvelles Droites » francophones des penseurs germaniques méconnus dont Ernst Niekisch. Il faut par conséquent comprendre ce livre dense et riche comme une introduction aux origines de cette galaxie intellectuelle, complémentaire au maître-ouvrage de Mohler.

Vingt-cinq articles constituent ce recueil qui éclaire ainsi de larges pans de la Révolution Conservatrice. Outre des études biographiques autour de Jakob Wilhelm Hauer, d’Arthur Mœller van den Bruck, d’Alfred Schuler, d’Edgar Julius Jung, d’Herman Wirth ou de Christoph Steding, le lecteur trouve aussi des monographies concernant un aspect, politologique ou historique, de cette constellation. Il examine par exemple l’œuvre posthume de Spengler à travers les matrices préhistoriques des civilisations antiques, le mouvement métapolitique viennois d’Engelbert Pernerstorfer, précurseur de la Révolution Conservatrice, ou bien « L’impact de Nietzsche dans les milieux politiques de gauche et de droite ».

De tout cet intense bouillonnement, seuls les thèmes abordés par les auteurs révolutionnaires-conservateurs demeurent actuels. Les « jeunes-conservateurs » développent une « “ troisième voie ” (Dritte Weg) [qui] rejette le libéralisme en tant que réduction des activités politiques à la seule économie et en tant que force généralisant l’abstraction dans la société (en multipliant des facteurs nouveaux et inutiles, dissolvants et rigidifiants, comme les banques, les compagnies d’assurance, la bureaucratie, les artifices soi-disant “ rationnels ”, etc., dénoncés par la sociologie de Georges Simmel) (p. 223) ».

La Révolution Conservatrice couvre tous les champs de la connaissance, y compris la géopolitique. « Dans les normes internationales, imposées depuis Wilson et la S.D.N., Schmitt voit un “ instrumentarium ” mis au point par les juristes américains pour maintenir les puissances européennes et asiatiques dans un état de faiblesse permanent. Pour surmonter cet handicap imposé, l’Europe doit se constituer en un “ Grand Espace ” (Grossraum), en une “ Terre ” organisée autour de deux ou trois “hegemons ” européens ou asiatiques (Allemagne, Russie, Japon) qui s’opposera à la domination des puissances de la “ Mer ” soit les thalassocraties anglo-saxonnes. C’est l’opposition, également évoquée par Spengler et Sombart, entre les paysans (les géomètres romains) et les “ pirates ”. Plus tard, après 1945, Schmitt, devenu effroyablement pessimiste, dira que nous ne pourrons plus être des géomètres romains, vu la défaite de l’Allemagne et, partant, de toute l’Europe en tant que “ grand espace ” unifié autour de l’hegemon germanique. Nous ne pouvons plus faire qu’une chose : écrire le “ logbook ” d’un navire à la dérive sur un monde entièrement “ fluidifié ” par l’hégémonisme de la grande thalassocratie d’Outre-Atlantique (p. 35). »

Robert Steuckers mentionne que la Révolution Conservatrice a été en partie influencée par la riche et éclectique pensée contre-révolutionnaire d’origine française. « Dans le kaléidoscope de la contre-révolution, note-t-il, il y a […] l’organicisme, propre du romantisme post-révolutionnaire, incarné notamment par Madame de Staël, et étudié à fond par le philosophe strasbourgeois Georges Gusdorf. Cet organicisme génère parfois un néo-médiévisme, comme celui chanté par le poète Novalis. Qui dit médiévisme, dit retour du religieux et de l’irrationnel de la foi, force liante, au contraire du “ laïcisme ”, vociféré par le “ révolutionnarisme institutionnalisé ”. Cette revalorisation de l’irrationnel n’est pas nécessairement absolue ou hystérique : cela veut parfois tout simplement dire qu’on ne considère pas le rationalisme comme une panacée capable de résoudre tous les problèmes. Ensuite, le vieux-conservatisme rejette l’idée d’un droit naturel mais non pas celle d’un ordre naturel, dit “ chrétien ” mais qui dérive en fait de l’aristotélisme antique, via l’interprétation médiévale de Thomas d’Aquin. Ce mélange de thomisme, de médiévisme et de romantisme connaîtra un certain succès dans les provinces catholiques d’Allemagne et dans la zone dite “ baroque ” de la Flandre à l’Italie du Nord et à la Croatie (p. 221). » Mais « la Révolution Conservatrice n’est pas seulement une continuation de la Deutsche Ideologie de romantique mémoire ou une réactualisation des prises de positions anti-chrétiennes et hellénisantes de Hegel (années 1790 – 99) ou une extension du prussianisme laïc et militaire, mais a également son volet catholique romain (p. 177) ». Elle présente plus de variétés axiologiques. De là la difficulté de la cerner réellement.

La postérité révolutionnaire-conservatrice catholique prend ensuite une voie originale. « En effet, après 1945, l’Occident, vaste réceptacle territorial océano-centré où est sensé se recomposer l’Ordo romanus pour ces penseurs conservateurs et catholiques, devient l’Euramérique, l’Atlantis : paradoxe difficile à résoudre car comment fusionner les principes du “ terrisme ” (Schmitt) et ceux de la fluidité libérale, hyper-moderne et économiciste de la civilisation “ états-unienne ” ? Pour d’autres, entre l’Orient bolchevisé et post-orthodoxe, et l’Hyper-Occident fluide et ultra-matérialiste, doit s’ériger une puissance “ terriste ”, justement installée sur le territoire matriciel de l’impérialité virgilienne et carolingienne, et cette puissance est l’Europe en gestation. Mais avec l’Allemagne vaincue, empêchée d’exercer ses fonctions impériales post-romaines, une translatio imperii (une translation de l’empire) doit s’opérer au bénéficie de la France de De Gaulle, soit une translatio imperii ad Gallos, thématique en vogue au moment du rapprochement entre De Gaulle et Adenauer et plus pertinente encore au moment où Charles De Gaulle tente, au cours des années 60, de positionner la France “ contre les empires ”, c’est-à-dire contre les “ impérialismes ”, véhicules des fluidités morbides de la modernité anti-politique et antidotes à toute forme d’ancrage stabilisant (p. 181) ». Le gaullisme, agent inattendu de la Révolution Conservatrice ? Dominique de Roux le pressentait avec son essai, L’Écriture de Charles de Gaulle en 1967.

Ainsi le philosophe et poète allemand Rudolf Pannwitz soutient-il l’Imperium Europæum qui « ne pourra pas être un empire monolithique où habiterait l’union monstrueuse du vagabondage de l’argent (héritage anglais) et de la rigidité conceptuelle (héritage prussien). Cet Imperium Europæum sera pluri-perspectiviste : c’est là une voie que Pannwitz sait difficile, mais que l’Europe pourra suivre parce qu’elle est chargée d’histoire, parce qu’elle a accumulé un patrimoine culturel inégalé et incomparable. Cet Imperium Europæum sera écologique car il sera “ le lieu d’accomplissement parfait du culte de la Terre, le champ où s’épanouit le pouvoir créateur de l’Homme et où se totalisent les plus hautes réalisations, dans la mesure et l’équilibre, au service de l’Homme. Cette Europe-là n’est pas essentiellement une puissance temporelle; elle est la “ balance de l’Olympe ” (p. 184) ». On comprend dès lors que « chez Pannwitz, comme chez le Schmitt d’après-guerre, la Terre est substance, gravité, intensité et cristallisation. L’Eau (et la mer) sont mobilités dissolvantes. Continent, dans cette géopolitique substantielle, signifie substance et l’Europe espérée par Pannwitz est la forme politique du culte de la Terre, elles est dépositaire des cultures, issues de la glèbe, comme par définition et par force des choses toute culture est issue d’une glèbe (p. 185) ».

On le voit, cette belle somme de Robert Steuckers ne se réduit pas à une simple histoire des idées politiques. Elle instruit utilement le jeune lecteur avide d’actions politiques. « La politique est un espace de perpétuelles transitions, prévient-il : les vrais hommes politiques sont donc ceux qui parviennent à demeurer eux-mêmes, fidèles à des traditions – à une Leitkultur dirait-on aujourd’hui -, mais sans figer ces traditions, en les maintenant en état de dynamisme constant, bref, répétons-le une fois de plus, l’état de dynamisme d’une anti-modernité moderniste (p. 222). » Une lecture indispensable !

Georges Feltin-Tracol

• Robert Steuckers, La Révolution Conservatrice allemande. Biographies de ses principaux acteurs et textes choisis, Les Éditions du Lore (La Fosse, F – 35 250 Chevaigné), 2014, 347 p., 28 € + 6 € de port.

Pour commander: Editions du Lore

Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

URL to article: http://www.europemaxima.com/?p=3947

Dugin on the Subject of Politics

dugin_by.jpg

An agent of chaos: Alexander Dugin with the chaos star, symbol of Eurasianism[1]

Dugin on the Subject of Politics

By Giuliano Adriano Malvicini

Ex: http://www.counter-currents.com

Dugin’s Social Constructionism

The claim that there is no biological basis for the concept of race, or that it is not useful in explaining contemporary reality, is of course patently false. But Dugin follows postmodern thinkers like Foucault and Althusser in arguing that not only race, but all political subjects are constructs. 

Race is a product of society, rather than society a product of race. Man, he argues, exists as a subject only within the political realm. “What man is, is not derived from himself as an individual, but from politics. It is politics that defines the man. It is the political system that gives us our shape. Moreover, the political system has an intellectual and conceptual power, as well as transformative potential without limitations” (The Fourth Political Theory, p. 169). In other words, the subject does not create itself, nor is it a natural given like race or the individual. The subject is a construct, existing only within a political system.

It follows that ultimately, there is no master subject who creates or exercises conspiratorial control over the system. On the contrary: subjects exist only as functions, produced by subjectless political structures. As the political system changes, shifting from one historical paradigm to another — from traditional society to modern society, for example — it constructs the normative type of subjectivity it requires to function. “[T]he political concept of man is the concept of man as such, which is installed in us by the state or the political system. The political man is a particular means of correlating man with this state and political system. […] We believe we are causa sui, generated within ourselves, and only then do we find ourselves within the sphere of politics. In fact, it is politics that constitutes us. […] Man’s anthropological structure shifts when one political system changes to another” (The Fourth Political Theory, p. 169). In other words, the subject does not bring about a political paradigm shift on its own — it is the new paradigm that will call a new subject into being through a process of “interpellation.”

The study of the anthropological shift from the type of man belonging to traditional society to the type of man belonging to modern society leads to the relativization not only of modern man, but of modern rationality as such. This relativization of modernity is “postmodernity.” The modern idea of progress towards a humanity unified on the foundation of universal Reason is shown to be an illusion, and this implies that traditional societies are placed on the same level as modern society.

Dugin’s reasoning appears to be as follows: the subject cannot radically break through the system (carry out a revolution or “paradigm shift”) and go beyond it if it is itself a product of the system, and can only exist within the limits of that system. This was why class, race, and the individual, all of which are subjects constituted and defined within the horizon of modernity, failed to overcome the crisis and impasses of modernity. In other words, the subject would have to be grounded in a reference point outside of the political system, in order to have the leverage needed for any radical political agency. There would have to be a “radical subject,” and for Dugin the “radical subject” seems to be chaos [2]. Chaos is freedom beyond its capture within the limits of the bourgeois or humanist conception of the individual. The shattering of the liberal individual is not the negation of freedom, but the revelation of the essence of freedom as anarchic, sovereign chaos, a chaos that will be mastered only through the emergence of a new kind of subject.

The political subject acts within the realm of politics, but must be founded in a realm beyond and before the political – in the case of modern, secular ideologies, the realm of nature. The subject of politics must transcend the sphere of politics in order to be able to master it, define it, and set its boundaries and goals. For example, liberal ideology posits the existence of the individual as a natural given, prior to the existence of the social order. Only in this way can it found the political order on the individual and its universal, natural rights.

Analogously, National Socialists view race as a biological given existing prior to and beyond the political, and the state as possessing meaning only insofar as it is an instrument through which a race is protected, preserved and its potentialities are actualized and enhanced. This means that for National Socialists, race transcends the political realm, subordinating it to itself. The political consciousness they strive to awaken others to is racial self-consciousness, much as Marxists attempt to awaken the proletariat to class consciousness.

For Marxists, the means of production transcend the political realm, forming its material basis and driving force. A class constitutes itself as a political subject by taking control of the means of production. Marx defined labor as “the metabolism of nature.”

“The definition of a historical subject is the fundamental basis for political ideology in general, and defines its structure” (The Fourth Political Theory, p. 38). For example: for nationalists, the real subjects of history are nations, viewed as a sort of supra-individuals with a will and a destiny of their own. History is the history of nations. Identity is primarily national, and the friend/enemy distinction (which is constitutive for the political) goes along national lines. For racism, on the other hand, the true subjects of history are the various races, locked in a Darwinian struggle for life. This view of history is determined by the modern concepts of biological evolution and progress. Identity is primarily racial, and the friend/enemy distinction goes along racial lines. For Marxism, the subjects of history are classes, again viewed as forms of collective subjectivity, and consequently, the whole of history was interpreted as the history of class struggle. Identity is class identity, and the friend/enemy distinction goes along class lines.

The political subject is also an historical subject. This means that each modern political ideology corresponds to a “grand narrative” — an over-arching interpretation — of history. History as a whole is viewed as created through the agency of a certain historical subject. It then becomes obvious that political ideologies are secular substitutes for a theological interpretation of history, and that the historical subjects posited by them are substitutes for divine Providence as the transcendent subject of history. As Carl Schmitt argued, all the fundamental concepts of politics are secularized theological concepts.

The place of the political subject — a kind of vacuum left by the withdrawal of God from the world and history — is the site of contestation between the various modern political ideologies. Each of them fought to occupy that vacant place with their own concept of the political subject. Each of them claimed to master the destructive and creative forces liberated by modernity, bringing modernity to its full actualization. Communism saw itself as the final, inevitable and culminating phase of modernity, towards which industrial capitalism had only paved the way. Liberalism views the progressive liberation of the individual, along with the processes of secularization, modernization, and globalization, as an historical necessity. Fascism saw itself as an avant-garde, revolutionary movement, dismissed liberal, bourgeois democracy as a doomed residue of the nineteenth century, and claimed that the organic state was the only adequate form through which the masses could be mobilized in modern societies. Both Italian Fascism and German National Socialism modernized and revolutionized their respective nations, and would not have been politically successful if they had not done so. Early Fascism was influenced by the avant-garde modernism of Futurism, which called for the nihilistic destruction of the past and unconditionally worshipped modern technology and “progress.” (This lead Evola to reject Futurism as a form of “Americanism.” Marinetti retorted that he had as little in common with Evola as with “an Eskimo.” Bizarrely — for someone who claims to be a traditionalist — Dugin views Futurism as one of the admirable elements of early Fascism that he wishes to recuperate.)

Each of these political systems, then, claimed that it was the most appropriate form for modern, technologically advanced society. This form corresponded to a certain figure or human type, an embodiment of a certain political project, the normative “man of the future”: be it homo sovieticus, the new Fascist man, the racially purified Aryan superman, or the enlightened, bourgeois individual. In other words, each of these ideologies or “political theories” posited a normative subject as the basis of its political vision and its interpretation of history. The transition into fully realized modernity was not only a political revolution, but also an anthropological revolution: the production of a “new man.”

According to Dugin, in the crisis of the end of modernity, not only race and class, but also the nation-state ceases to be an authentic political subject, even though he recognizes that the will to preserve national sovereignty is, in the current situation, a natural locus of resistance to globalism. The de-sovereignization of the nation is its de-subjectivization. After 1945, European nations ceased to be sovereign, independent historical actors, and effectively also ceased to exist as historical subjects with a real identity.

However, Dugin sees this de-sovereignization/de-subjectivization as inevitable, even inherent in the nature of the nation itself. He fully accepts the postmodern idea that the nation is an artificial, ideological, and political construct, an “imagined community” created as a means of unifying fragmented, modern societies. The nation is, in his view, merely a simulacrum, an artificial substitute for the lost totality of traditional society (presumably, he views race similarly, as being a modern simulacrum of the “ethnos”). Historically, its emergence corresponds to the precise moment when traditional society enters into crisis. It is a compromise, a transitional form, a ruse.

Moreover, he views the function of the nation as a device for facilitating the transition from pre-modern, traditional society to fully modern, liberal, civil society. As a result, it cannot constitute an enduring force of resistance to liberal globalization. He views the nation as a dispositive of power geared to producing a certain standardized, normative type of political subject: the bourgeois individual (citizen). In doing so, it destroys regional, organic, ethnic communities (for example, through the suppression of regional autonomy, traditions, and linguistic variation in Italy and France, and the imposition of a standardized national language) as well as liquidating the last residues of traditional elites (the aristocracy).

Thus, the concept of “ethno-nationalism” is, in his view, ultimately an absolute contradiction in terms: the nation is inherently “ethnocidal [3].” It destroys the ethnos and replaces it with a “demos.” Nationalism, according to Dugin, must be condemned not just because it has been the cause of pointless, destructive wars, but because the nation itself is inherently violent — violent in the sense that it is an arbitrary construct without any sacred, transcendent basis. Its violence is the violence of modernity itself. (Certainly, this is true of many nations, perhaps most notably of the nation of Israel, which is an entirely modern, artificial construction, as is perhaps the idea that Jews are a unified, homogeneous race or ethnic group.) Nothing, however, so far assures us that the idea of Eurasian empire dominated by Russia would be less artificial, violent or “ethnocidal.”

(The new European post-war order projected by the dominant faction of the Waffen SS was not based on the nation-state, but on a pan-European federation of culturally autonomous regions. Dugin fails to mention this fact, but his characterization of National Socialism is tendentious.)

In any case, the ultimate incompatibility of Eurasianism with ethno-nationalism is clear. David Beetschen of the Eurasianist artists’ association has given poetic expression to this incompatibility in the following (stirring!) lyrical effusion:

Have you dreamt of the eurasian parliament
for which all energy we have joyfully spent.
There isn’t any discriminatory segregation
in class, race, sex or in any form of a nation.

As for the fascist concept the organic state, based on Hegel’s philosophy of the state, Dugin does not discuss his reasons for rejecting it as a credible candidate for the political subject. In general, Dugin simply takes the defeat of both the second and third political theories as axiomatic, without providing much in the way of substantial argument for this. The third political theory simply does not exist after 1945. “Each and every declared fascist after 1945 is a simulacrum” (The Fourth Political Theory, p. 174). In his view, modernity has been fully actualized in liberal society, and consequently, the ideological contest of modernity is over.

This view is more credible with regard to communism than with regard to fascism. The death of communism was, as Dominique Venner has written, an “inglorious demise.” Its collapse was due to its own bureaucratic inertia and utter failure to effectively manage economic development. Fascism and National Socialism, on the other hand, were spectacularly successful as political experiments, and, perhaps for this very reason, had to be militarily destroyed by their international rivals.

Dugin clearly views the defeat of National Socialist Germany as a consequence of its anti-Russian and anti-communist policies. Since Dugin views both of these policies as connected with the infection of National Socialism by atlanticism and Anglo-Saxon, biological racism, he views the defeat of the third position as a consequence of ideological errors, and not simply as an historical contingency. Not only was Nazi Nordicism a vulgar, materialist misinterpretation of the traditional doctrine of the north as the pole of tradition, National Socialism was anti-communist and anti-Slavic because it was anti-Eastern, that is, pro-Western (modern).

Today, according to Eurasianists (who in this respect are inheritors of National Bolshevism), European nationalists are repeating the disastrous errors of the German National Socialists when they again oppose “the East” in the form of Islamisation. Generally, Eurasianists try to downplay the idea of a “clash of civilizations” or any claim that there is a sharp opposition between Islam and European civilization. They accuse nationalists who view Islam as incompatible with European values of confusing “Europe” with “the West.”

Any interpretation of European history that sees some enlightenment values as rooted in the European tradition itself — in classical Greece, for example — is accused of trying to legitimate “the West” by inventing historical precedents and falsifying the true European tradition, which is rooted in Eurasia and in no way opposed to Islam. This is undoubtedly consistent with a Traditionalist position, which only recognizes those elements of European civilization as valid that are derived from the unitary, universal Tradition, of which Islam is viewed as a part. However, the exclusivist claims of Islam, especially in its modern, radical form, are wholly non-Traditional.

Dugin sees the triumph of liberalism as a necessary, fatal triumph, in a sense. Liberalism has triumphed because it can legitimately lay claim to being the most successful actualization of the potentialities of modernity. Liberalism did indeed succeed in modernizing the West to a much greater degree than communism succeeded in modernizing the countries of the Eastern bloc, so much so that “the West,” and particularly the United States, is today more or less synonymous with modernity. In the decades after the second world war, capitalism, using economic means, modernized Western European societies to a degree undreamed of by fascism, making the third position ideologies seem archaic and obsolete by comparison. In a sense, liberalism is the origin of the other ideologies of modernity – both communism and fascism emerged as attempts to overcome liberalism, while mastering the forces liberated by modern industrial capitalism and technology. It has also outlived the adversaries it engendered.

Dugin Contra Nationalism

Why does Dugin reject nationalism? His negative view of nationalism differs to some extent from that of Evola, who saw it not only as destructive of the traditional European order, but also as leading towards modern collectivism (Dugin, on the contrary, sees collectivism as something positive). Does Dugin follow Heidegger in viewing nationalism as an “anthropologism” (cf. “Letter on Humanism”)? What Heidegger mean by this is that nationalism, like Marxism, places man, rather than Being, at the center of history. Nationalism is a “subjectivism,” in the sense that it views man as the subject of history. In this sense, nationalism is indeed a modern phenomenon, since modernity, for Heidegger, is essentially an epoch in the history of metaphysics that was initiated with Descartes’ cogito: with the rational subject as the secure foundation of philosophy and science. Descartes identifies the subject with reason (ratio). This became the metaphysical foundation for the Enlightenment and its anthropology.

However, Dugin does not, unlike Heidegger, reject subjectivism as such. On the contrary, the whole point of the fourth political theory is that it is the search for a new “political subject,” an alternative to the individual as a political subject.

Why does Dugin give Heidegger’s concept of “Dasein” the pivotal role in the “fourth political theory”? Heidegger elaborated his analysis of Dasein as an attempt to overcome the abstractions of the metaphysical concept of the subject. Hence, his “analytic of Dasein” offers the possibility of going beyond the modern political ideologies based on various interpretations of the subject. Dasein is beyond, or prior to, the subject-object split. Dasein is not the rational subject as the abstract basis of the concept of universal man. Dasein is the historical, spatio-temporal structure of concrete existence. The subject is outside of the world, relating to the world as a system of objects. Dasein is always already in the world, involved in it, struggling within it. The world, as Heidegger uses the term, is a totality of relations of meaning. Each thing refers to other things in a circuit of relations. Dasein’s relation to things is one of understanding and interpretation, not (primarily) one of objectification.

The subject is reason, that is, it is defined by its relation to an ultimate cause and foundation (Grund). Dasein is defined by its relation to finitude, death, and the abyss (Ab-grund). However, all this means that it is not clear how Dasein, which according to Heidegger is precisely not the subject, can be called “the subject” of the fourth political theory. Dasein is not a subject that arbitrarily imposes its will, creates itself from nothing or freely makes history. Instead, it is part of a cosmic process that transcends man and his agency. Man does not decide the history of Being. Heidegger is not interested in re-elaborating or modifying the concept of the subject, nor is he interested in returning man to “God and Tradition” in the sense of metaphysical foundations, but is trying to overcome metaphysics itself, that is, all thinking in terms of the Being of beings as a “foundation” (Grund). This also means that Heidegger is far from the metaphysical conceptions of Traditionalism.

If Dugin invokes Heidegger and the analytic of Dasein, we must assume that behind the critique of liberalism and the West, he is attempting a critique of modernity as such (identified with the West). Heidegger’s critique of modernity is linked to an attempt to overcome the philosophy of the subject. In Heidegger’s view, modernity, when the humanitarian masks of the Enlightenment fall off, is technological nihilism, and this nihilism is the fatal consequence of Western metaphysics. Western metaphysics, however, is the foundation of Western civilization as a whole.

Heidegger’s critique is not simply political. He is criticizing bolshevism, liberalism (which paved the way for bolshevism), and other modern ideologies for failing to understand not only their own essence, but the essence of modernity itself: technological nihilism. According to Heidegger, the emancipation of the subject (humanity interpreted as subject) is not the purpose of technological development. It is the other way around — the emancipation of the the subject is a means through which technology emancipates itself. Here, Heidegger’s interpretation of modern technology draws on Nietzsche’s concept of the Will to power. According to Nietzsche, the self is not the subject of the will to power, but is brought into being by the will to power. The last glimmers of transcendence are extinguished from the world so that technology can pursue, unobstructed and on a planetary scale, the endless, circular self-enhancement of its productive power, drawing everything into its vortex, with no ultimate goal or end other than power for its own sake. The West becomes “das Abendland,” the evening-land, the realm of the darkening of the divine, the withdrawal of the gods. Technology as “Ge-stell” is not mastered by man (the subject), but an impersonal destiny of Being itself. Man as a subject can never master technology, since the essence of technology as Gestell constitutes man as a subject. Technological development has no intrinsic, immanent limit, and no boundary can be arbitrarily set to it as long as thinking remains within the horizon of the philosophy of the subject (humanism) and of technological calculation (the final deviation of the Western logos). But as modern technology reaches the full actualization of its dominion, the subject that it once called into being enters into crisis, begins to “vanish.” It is liquidated in a system of purely functional relations without a center, without fixed norms or foundations. The essence of the subject reveals itself to be a kind of limit, which initially functioned as a necessary ground or condition, but now becomes only an obstacle to be overcome. For Heidegger, this crisis, this ultimate threshold of nihilism — brought about by technology itself — opens up the possibility of thinking the essence of man and Being in a much deeper dimension, beyond or before the subject. Instead of man as subject, Heidegger tries to think the historicity of Dasein. This is why the “inner truth” of National Socialism for him meant the confrontation between modern technology and historical man (that is, not man as subject).

For Heidegger, Western modernity and materialism are not, as traditionalists claim, the consequence of a fall from the normal, traditional society of medieval Europe. On the contrary, he views the transition from the Middle Ages to the modern age more as a development than as a radical break with the traditional past. For Heidegger, medieval scholasticism, with its misinterpretation of the Greek logos as “ratio” and its onto-theological synthesis of Greek philosophy with Christianity, prepared the way for Descartes’ rationalism. In a sense, Heidegger develops Nietzsche’s idea that nihilism is not so much a break with Christianity, but instead a revelation of the nihilistic essence of Christianity. As a Christian and a traditionalist, however, Dugin consistently avoids the anti-Christian aspect of Heidegger’s thought, without, however, being able to articulate a critique of it. For Heidegger, as for the majority of the conservative revolutionaries, the origin of modernity is Christian, or rather, it lies in the “onto-theological” synthesis of Christianity and Greek metaphysics. It is the Christian conception of the “sovereignty” of God with regard to the world as creation that is at the origin of the modern concept of the subject, just as the Christian notion of the free individual with a personal relation to God and the Christian concern with the salvation of the immortal soul of all individuals is the origin of modern mass individualism. It is God as the “highest being” — both causa sui and causa prima, the first cause, sovereign over all other beings and the “maker” of the world — that is at the origin of the sovereign subject whose relation to things is one of instrumental manipulation and objectification. Modern secular humanism is onto-theological: it has its origin not in Greek thought, but in the Christian interpretation of Greek thought.

We may add that the Evola of Revolt Against the Modern World also sees Christianity as a primary cause of the involution of the West. He does not view modernity as a fatality somehow inherent in the nature of the West. For Evola, the Western mode of spirituality, which is primarily an active rather than contemplative spirituality, was cut off from the dimension of transcendence by the Semitic, lunar, self-mortifying type of religiosity of Christianity, which ultimately lead to the Western drive to activity being deviated, finding an outlet only on a purely material and human plane.

In any case, whether from a Heideggerian or Traditionalist view, one may agree that race, insofar as it is conceived as a purely human, biological characteristic, is ultimately insufficient, or rather, that it is too narrowly anthropological, and must be integrated into a deeper conception. This is not the same as liquidating the concept of race. It does mean the rejection of certain narrow forms of racism, where the biological concept of race plays an analogous reductive role to the Marxist concept of a material base that determines the ideological superstructure (culture, mentality etc.) of a society.

Man is not the unconditioned, self-creating subject of modern metaphysics. Human existence is conditioned and finite — men are, as Jünger wrote, “sons of the earth.” Race is one of the earthly conditions of man’s existence. An historical world is not an unconditioned, arbitrary “construct.” There is, in Heidegger’s terms, an historical world is always founded through a struggle between world and earth — the world, an articulated, historical space of possibilities and decisions, and the conditions set by the un-objectified, elemental forces of the earth. Blood and soil are given the meaning of a destiny in an historical world (this is not at all the same as claiming that it is an arbitrary historical and social construct). For Heidegger, the limits set by the biological potentialities of human beings are not arbitrary historical creations — what is historical is the particular “figure” or constellation of relations that gives them meaning.

We can also note that the statistical concept of race referred to by race realists today is very different from National Socialist racial theories, which were based on the idea of racial purity. The modern concept of race is not on its own sufficient to non-reductively account for the specificity of our or other civilizations or cultures. The differences between the mentality of Americans of European descent, on the one hand, and the mentality of Europeans, on the other, underscores this clearly. However, it is more than obvious that race plays a role in shaping the general character of civilizations.

Editor’s Note

1. On the chaos star, see Wikipedia [4].


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

URL to article: http://www.counter-currents.com/2014/09/dugin-on-the-subject-of-politics/

URLs in this post:

[1] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2014/09/Dugin-chaos-star-e1410484135489.jpg

[2] chaos: http://against-postmodern.org/dugin-necessity-metaphysics-chaos

[3] ethnocidal: http://www.youtube.com/watch?v=fdH6JgqNsPo

[4] Wikipedia: http://en.wikipedia.org/wiki/Symbol_of_Chaos

samedi, 13 septembre 2014

Dugin Contra Liberalism

ADagd-sweden4_0.jpg

Dugin Contra Liberalism

By Giuliano Adriano Malvicini

Ex: http://www.counter-currents.com

Editor’s Note:

This is a beginning of a series of more or less self-contained articles on Alexander Dugin drawn from a larger text, “Race, ‘Ethnos,’ and the Fourth Political Theory.”

Alexander Dugin has designated “liberalism” as the enemy of the “fourth political theory.” Or rather, since the enemy can only be an actually existing group of people and not an idea or ideology, he has designated as the enemy all those are in favor of the global hegemony of liberalism (the hegemony of “the West” and “atlanticism”): “If you are in favor of global liberal hegemony, you are the enemy.”

What does Dugin mean by “liberalism”? Is it the ideology of the people referred to as “liberals” in America? Calling someone a “liberal” in Europe means something quite different from calling someone a “liberal” in the United States. “Liberals” in the United States are on the left: they vote for the Democratic party and are in favor a welfare state and a regulated economy. In Europe, they would be considered social democrats. Ideologically, they are egalitarians and tend to be critical of laissez-faire capitalism. They oppose “racism,” “sexism” and “homophobia” from an egalitarian point of view. They view prison sentences as therapeutic and socializing rather than as forms of punishment. They believe in “social justice” rather than justice through retribution. They believe that human beings are basically good and can be redeemed through “social work.” They believe in social conditioning rather than personal responsibility. They tend to be in favor of a strict separation of church and state, while at the same time advocating an egalitarian world-view that is essentially a form of secularized Christianity.

In Europe, “liberals” are on the right: they are generally opposed to the welfare state, in favor of free markets, the privatization of the infrastructure and a largely unregulated economy. Traditionally, they also support various conservative social policies, placing an emphasis on individual responsibility as the correlative of the notion of individual rights. In other words, liberalism is a bourgeois ideology, favoring a capitalist economy, based on the enlightenment concept of individual human rights.

Today, however, the polarity between left and right is becoming much less sharp, and is gradually being replaced by a general consensus. The social policies of European liberal parties often coincide with those associated with the post-1968, libertarian left. Liberal, pro-capitalist parties oppose “racism,” “sexism,” and “homophobia” from the point of view of individualist libertarianism. Everyone is supposed to be treated as an individual, in an unprejudiced” way. Forms of collective identity — national, religious or racial – are declared passé. National borders and ethnic communities, insofar as they limit the freedom of the individual, are to be abolished. The freedom of the individual must be defended as long as it does not interfere with the rights of other individuals. This is the liberalism that Dugin has designated as the enemy: globalist capitalism founded on the ideology of human rights. The fourth political theory is anti-capitalist, against globalism, and against the ideology of human rights.

Today, the common foundations and origins of the social democratic, egalitarian left and the bourgeois, liberal right in the enlightenment ideology of human rights has become clearer, as “the left” and “the right” become increasingly hard to distinguish from one another. Both left and right-wing mainstream parties today tend to favor multiculturalism, immigration, gay rights, and the separation of church and state. They share fundamental views about gender equality and sometimes drug liberalization. These policies are legitimized by the “right” from the point of view of individual rights, and by the “left” from the point of view of egalitarianism. Moreover, the middle-class leftist “revolutionaries” of the late ’60s and early ’70s have often made a transition from the communist left to the libertarian right, realizing that their adherence to the left was based on an ideological self-misunderstanding. They were essentially bourgeois, left libertarians who briefly mistook themselves for communist revolutionaries.

In other words, the differences between the left and the right in Europe today are only differences of interpretation of a single legacy: the enlightenment. It would more correct to talk about “liberal-egalitarian hegemony” rather than simply “liberal hegemony.” Both liberalism and egalitarianism are based on the ideology of human rights, but emphasize different aspects. Right-wing liberals emphasize the individual aspect of human rights. Leftist egalitarians emphasize the universal aspect of human rights. Both conceptions of humanity — universal man and individual man — are abstractions, that is, defined only in negative terms. Both universal man and individual man are defined as not belonging to a particular group or category (ethnic or otherwise). Insofar as man is universal, “he” cannot belong to any particular ethnic group, gender or other category. The individual, on the other hand, cannot as such be subsumed under any category or defined as belonging to any collectivity (nationality ethnicity, gender, etc.) since this would violate his or her absolute singularity. “The individual,” then, is any and every human being and potentially corresponds to all of humanity. The individual is universal (as a representative of “humanity” as such) and all human beings are, as human beings, individuals. In other words, “universal man” can only be “individual man.” Egalitarianism and individualism ultimately boil down to the same abstract conception of man.

All established, mainstream political parties in Europe today gravitate towards this liberal-egalitarian center. This leaves all other groups marginalized. This center is the rational, humane, bourgeois individual, monopolizing the legacy of the enlightenment, with reason itself as the defining trait of humanity, it follows that those who deviate in some way from the center are non- or less-than-human (monsters), irrational and unenlightened. The marginalized are de-humanized and dismissed as irrational, “mentally ill” or “extremist.” They are denied a voice, the capacity to think and a right to participate in the political sphere: in other words, they are in various ways deprived of political subjectivity.

These groups include the various losers of liberal modernity, such as religious conservatives who oppose gay rights and the separation of church and state. Christian religious conservatives are not completely marginalized — they still have a presence within established political parties, albeit one that is steadily weakening. Communists, who oppose the idea of individual rights, free enterprise, and private property are not entirely marginalized, especially within academia and cultural institutions. When necessary, they post-communist parties in Europe are allowed to form parts of coalition governments. Leftist activists, in the form of “antifa” groups are tolerated insofar as they perform functions as the watchdogs of the system, when measures are required that lie outside of the limits of legality. They also share a common basis with the established political parties in the egalitarian, universalist aspects of their ideology, which has its roots in the enlightenment.

Much more marginalized and demonized are nationalists, who oppose, in varying degrees, universalism (to the extent that they value national identity), free trade (to the extent that they want to protect national economies), and individualism (to the extent that they view national and ethnic identity as in some cases having primacy over individual identity). Finally, the most marginalized and demonized group of all are racialists and racial nationalists, who oppose not only universalism, but also egalitarianism. However heterogeneous these groups are, they are sometimes placed in the same category – that of “totalitarian” or “anti-democratic” movements – by the liberal center.

It is on this basis that Alain de Benoist, Dugin, and Alain Soral have wanted to create an “alliance of the periphery against the center,” that is, of more or less marginalized groups against the dominant political establishment. In their case, this has so far meant not so much an alliance between the radical left and the radical right as an alliance between religious conservatives (to a large extent Muslims) and ex-communists. A good example of this in Western Europe is Alain Soral’s “Egalité et réconciliation” (“Equality and Reconciliation”), which rejects the repatriation of immigrants, instead embracing “communitarianism,” and attempts to build an alliance between Muslim immigrants and French “patriots.” The name of Soral’s movement already makes it clear that a critique of egalitarianism is not part of the agenda. Neither, of course, is racialism or racially-based nationalism.

It is noteworthy that Dugin, too, avoids any critique of egalitarianism. To the extent that opposition to egalitarianism is the essence of the true right, this means downplaying the real differences between left and right by focusing entirely on attacking “liberalism.” The concept of “liberalism” — intentionally left ambiguous, referring at times to capitalist economic individualism, at times to the moral individualism of gay rights activists and secularists — is meant to function as a central pole of opposition that will artificially unify into a single, cohesive front groups that are otherwise profoundly heterogeneous.

It is crucial to understand that Dugin, who calls for a “crusade against the West” is not opposed to liberalism because it is leading to the destruction of the white race. On the contrary, he frequently identifies “the West” with the white race (since he does not view Russians as white, as will be explained later). His primary stated goal is to destroy liberalism, even if that means destroying the white race (“European humanity”) along with it. As he puts it in The Fourth Political Theory:

. . . liberalism (and post-liberalism) may (and must – I believe this!) be repudiated. And if behind it, there stands the full might of the inertia of modernity, the spirit of Enlightenment and the logic of the political and economic history of European humanity of the last centuries, it must be repudiated together with modernity, the Enlightenment, and European humanity altogether. Moreover, only the acknowledgement of liberalism as fate, as a fundamental influence, comprising the march of Western European history, will allow us really to say ‘no’ to liberalism. (The Fourth Political Theory, p. 154)

He also defines the race of the subject of the “fourth political theory” as “non-White/European” [Ibid. p. 189]. He has predicted world-wide anti-white pogroms as retribution for the evil deeds of the white race, pogroms that Russians, however, will be exempt from, since they are not, according to him, fully white [2].


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

URL to article: http://www.counter-currents.com/2014/09/dugin-contra-liberalism/

URLs in this post:

[1] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2014/09/Dugin4.jpg

[2] not, according to him, fully white: http://www.arcto.ru/article/1289

jeudi, 11 septembre 2014

La russophobie: stratégie US contre la France et l’Europe

La russophobie: stratégie US contre la France et l’Europe

Dans un précédent article, j’ai défendu l’idée que l’administration américaine (”les Trois Sœurs”) poussait à une confrontation de l’OTAN avec les Russes, à l’occasion de la crise ukrainienne qu’elle a elle-même provoquée, avec deux buts en tête : empêcher la Russie de redevenir une grande puissance et briser tous les liens UE–Russie. Logique géopolitique évidente.  Approfondissons l’analyse pour mieux saisir ce qui se passe.

Sanctions anti-russes : affaiblir l’économie européenne

Ce qu’il faut comprendre maintenant, c’est que cette hostilité fabriquée envers la Russie est beaucoup plus dangereuse et dommageable pour la France et l’Union européenne que pour la Russie elle-même. En effet, la Fédération de Russie est un trop gros morceau pour Washington. Le maillon faible, c’est l’Europe occidentale et centrale. Dans toute cette machination qu’est la crise ukrainienne, ce n’est pas seulement la Russie que vise l’administration américaine mais surtout l’Union européenne. En effet, en cassant les relations économiques entre l’UE et la Russie, par des sanctions qui ne nuisent absolument pas aux USA mais au contraire les favorisent, Washington n’espère pas d’abord déstabiliser l’économie russe mais briser tous les liens de coopération techno-économique entre la Russie et la France, l’Allemagne, l’Italie, le Bénelux, les pays nordiques et danubiens. Même cette pauvre Grande Bretagne qui y perd des plumes (ses relations financières avec Moscou) suit aveuglement son maître américain.

Le but est l’affaiblissement du commerce extérieur européen, selon la stratégie mercantiliste américaine, reprise de celles de la Grande Bretagne et des Provinces Unies néerlandaises des XVIe au XVIIIe siècles : la guerre au service du commerce. Rompre les liens d’échange euro-russes a pour corollaire le traité de libre échange EU-USA en préparation. Comme sur le plan stratégique, la naissance d’un espace économique euro-russe privilégié est inacceptable pour les USA, qui n’utilisent le libre-échange qu’à leur profit.

Ce qui est dramatique, c’est la soumission des Européens. Violant sa parole et sa signature, le gouvernement socialiste français, aux ordres de Washington, renonce à honorer le contrat de livraison des BPC Mistral à la marine russe aux dates prévues. Ignominieux et déshonorant. Catastrophique pour les exportations de l’industrie de défense française et pour l’image d’indépendance de la France. Ajoutons que Washington a toujours essayé de torpiller les exportations militaires françaises depuis…les années 60 ! 

La construction d’une ”nouvelle guerre froide”

Washington et ses alliés dans l’UE (notamment la Pologne de Donald Tusk, agent américain, et les pays baltes) accentuent maintenant la provocation envers la Russie en essayant d’inciter l’Ukraine à adhérer à l’OTAN. C’est volontairement franchir la ligne rouge pour pousser la Russie de Poutine à la faute. L’objectif américain est de créer une nouvelle guerre froide contre la Russie pour briser définitivement la perspective d’un dynamisme économique euro-russe. 

La construction idéologique de la russophobie, pensée par les milieux atlantistes, vise à découpler l’Europe de la Russie, en présentant cette dernière comme infréquentable et antidémocratique. Le calcul des stratèges de Washington est plus encore l’affaiblissement de l’Europe que celui de la Fédération de Russie. C’est le point central qu’il faut comprendre.

Du temps du communisme, il y avait un condominium américano-soviétique sur l’Europe, coupée par le rideau de fer. Après la chute du communisme,  de 1991 à l’an 2000, les USA ont cru à leur superpuissance unilatérale et qu’ils allaient dominer à la fois l’UE et la Russie. Lorsque Poutine est arrivé au pouvoir, avec l’idée de renaissance russe traditionnelle (hors communisme) et d’alliance avec l’Europe, selon la vision de la ”Maison commune” dont avait d’ailleurs parlé M. Gorbatchev, Washington a fait une crise de nerfs.

Le but global de Washington est donc aujourd’hui parfaitement logique : créer un conflit gravissime entre l’UE et la Russie (à partir du prétexte ukrainien) afin de rendre impossible cette idée de ”Maison commune” à la fois stratégique et économique. Il était impératif de briser la volonté du président Poutine de construire une alliance stratégique, politique et économique, avec l’Europe, notamment avec l’Allemagne et la France. Déligitimer Poutine, le présenter comme un dictateur et un fauteur de guerre a été la base de la désinformation. Quand on pense au fauteur de guerre irresponsable GW.Bush, on rêve…

Véritable agresseur et crimes de guerre

En effet, ce qui est incroyable, c’est que l’idéologie russophobe présente aujourd’hui la Russie de Poutine, qui n’a absolument rien d’un pays totalitaire, comme pire que l’Union soviétique ! La désinformation fonctionne à plein régime. Du temps de Staline, Krouchtchev , Andropov, Brejnev, l’idéologie dominante des ”droits de l’homme” était beaucoup plus sympathique et accommodante avec le régime communiste ! Cherchez l’erreur.

De plus, le gouvernement de Porochenko, issu d’un coup d’État, présenté comme humaniste et démocratique, choyé par les Occidentaux, a commis des actes de guerre unilatéraux contre les provinces sécessionnistes. L’armée ukrainienne, en effet, aux ordres de ce gouvernement, s’est livrée dans la région de Donetsk à des bombardements d’artillerie meurtriers contre les populations civiles russophones et de nationalité ukrainienne, provoquant des centaines de morts et des milliers de réfugiés (près de 500.000). En droit international, on appelle cela un crime de guerre, car il n’y avait aucun objectif tactique et il ne s’agissait pas de ”dégâts collatéraux”, comme dans la bande de Gaza, mais de frappes destinées à terroriser les populations. Est-ce que le gouvernement britannique de Westminster commet des actions militaires contre les populations civiles écossaises dont une partie veut l’indépendance ? Et l’armée espagnole contre les indépendantistes catalans ? L’armée ukrainienne, soutenue par l’Occident, se comporte  exactement comme les armées de pays dictatoriaux en Asie et en Afrique qui massacrent les dissidences.

Même s’il s’avère que des mercenaires russes, des convois humanitaires et militaires en provenance de Russie ont tenté de venir en aide aux populations russophones indépendantistes, jamais l’armée russe n’a commis la moindre exaction, le moindre meurtre de civils, le moindre acte de guerre offensif en Ukraine. La violence est uniquement le fait des forces du régime  de Porochenko, soutenues par Washington, l’OTAN et, malheureusement,  par des gouvernements européens peu sérieux. On présente M. Poutine comme un cynique machiavélien, un agresseur masqué. De qui se moque-t-on ? Les troupes ukrainiennes, aidées par des conseillers de la CIA, qui bombardent les populations civiles ne seraient donc pas des agresseurs ? Qui sont donc les criminels ?  Et qui les poursuivra ? (1)

L’impératif de l’alliance russe

 Il ne s’agit pas de diaboliser les USA et de faire de l’anti-américanisme primaire. Comme je l’ai toujours dit, Washington joue son deal au poker mondial, à la fois géopolitique, économique, idéologique et polémologique. Mais ce jeu, brutal et maladroit, a toujours eu des résultats catastrophiques depuis la guerre du Vietnam. Provoquer la Russie en dressant l’Ukraine contre elle après avoir fomenté un coup d’État afin d’asservir l’ensemble de l’Europe, telle est la carte abattue sur le tapis par les brillants stratèges de Washington Au nom de la liberté et de la démocratie. Ce calcul échouera, comme tous les autres auparavant.

Le gouvernement actuel de Kiev est entièrement soumis aux ordres de Washington et de l’OTAN et des dirigeants de l’UE inconscients des enjeux. L’intérêt des populations de l’Ukraine ne peut résider que dans une relation pacifique avec la Russie et non pas dans une confrontation fabriquée de toutes pièces depuis les rives du Potomac.

 Si la France se pensait encore comme une puissance indépendante, elle n’aurait jamais dû réintégrer le commandement intégré de l’OTAN, qui n’est pas une alliance égalitaire mais de soumission. Elle ressemble à la Ligue de Délos dominée par Athènes dans l’Antiquité qui visait à soumettre les autres Cités grecques. Les Russes ont été bien sympathiques  après la chute du communisme soviétique et la dissolution du Pacte de Varsovie. On leur avait promis, après la réunification allemande, que jamais l’OTAN ne s’étendrait jusqu’à leurs frontières. On leur a menti. Je serais russe, je penserais qu’on assiste objectivement à une agression soft contre la Russie. Je serais à la place de M. Poutine, je serais beaucoup plus coléreux que lui.

Notre alliance avec la Russie est dictée par la géographie, l’histoire et la culture. La menace russe, l’impérialisme russe sur l’Europe sont des légendes, des fabrications de propagande idéologique. Du temps de l’URSS, la menace de l’Armée rouge et du Pacte de Varsovie n’était déjà pas crédible, aux yeux même de la CIA et du Pentagone. Encore moins aujourd’hui, avec la Russie de Poutine. D’ailleurs, les autorités de Washington  trompent le peuple américain lui même en réactivant la russophobie. Car la véritable menace vient d’ailleurs…

L’objectif central serait évidemment non seulement une nouvelle sortie de la France du commandement intégré de l’OTAN, mais à terme la disparition de l’OTAN et une union, à la fois économique et militaire entre l’Europe et la Russie. Pour l’instant, c’est une perspective très éloignée. Mais l’histoire peut s’accélérer. L’essentiel, aujourd’hui, est de substituer à une russophobie dictée de l’extérieur contre nos intérêts, une russophilie conforme à nos intérêts. 

 (1) À  ce propos, il serait parfaitement licite et recevable d’engager des plaintes contre les membres et dirigeants du gouvernement actuel ukrainien et de son armée auprès du Tribunal pénal international pour bombardements de populations civiles et crimes de guerre.