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jeudi, 28 août 2025

Le corridor du Zangezur: un corridor américain dans le Caucase

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Le corridor du Zangezur: un corridor américain dans le Caucase

Daniele Perra

Source: http://newsnet.fr/288452

L’accord de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan (avec tous ses retentissements géopolitiques) constitue une étape nouvelle vers la fin de l’influence russe dans le Caucase du Sud et la construction définitive d’un espace sous un contrôle partagé par la Turquie et les États-Unis, auquel s’ajoute la présence discrète (mais très envahissante) d’Israël.

On distingue généralement trois écoles géopolitiques qui caractérisent la projection stratégique de la Turquie contemporaine :

1) la doctrine de la "patrie bleue" de l’amiral Cem Gürdeniz (dont le rôle intérieur a été minimisé en raison d’un supposé lien avec le réseau terroriste lié à Fethullah Gülen) ;

2) le "panturquisme" largement soutenu par l’ancien ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoğlu, qui prône une extension de l’influence turque vers les peuples "frères" d’Asie centrale ;

3) le "néo-ottomanisme" qui semble être la principale référence de l’erdoganisme et qui constitue la base du rôle actif de la Turquie dans la dislocation de la Syrie en zones d’influence, de l’intérêt croissant pour l’Irak et des ambitions ouvertement affichées en Libye.

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La doctrine de la "patrie bleue" est particulièrement intéressante car elle propose une vision de l'hégémonie turque non seulement sur les mers adjacentes à l’Anatolie (source d’inquiétude pour la Grèce, qui conserve sa souveraineté sur plusieurs îles situées à quelques kilomètres de la côte turque), mais aussi en mer Caspienne, qui est considérée comme une "mer intérieure du monde turc". Un aspect qui, à son tour, peut être perçu comme une source d’inquiétude pour d’autres puissances régionales, principalement la Russie et l’Iran (sans oublier que l’URSS et l’Iran avaient signé en 1940 un accord pour l’exploitation exclusive des ressources caspiennes — accord évidemment abandonné avec l’effondrement du géant soviétique).

La participation active de la Turquie dans les événements du Caucase ces dernières décennies s’inscrit comme l’expression directe de la volonté d’Ankara de construire un pont vers l’Asie centrale turcophone, et plus précisément, elle résulte d’une fusion géopolitique entre la pensée de Gürdeniz et un panturquisme jamais abandonné, qui depuis l’époque d’Enver Pacha caractérise le rêve (plus ou moins secret) d’une large partie de l’élite turque.

De plus, la volonté turque de devenir le nœud central des flux énergétiques vers l’Europe doit être comprise dans cette optique. La participation active d’Ankara à des projets infrastructurels tant "orientaux" qu’"occidentaux" doit donc être interprétée comme une tentative de s’imposer comme un hub stratégique. Son soutien géopolitique au "corridor du Zangezur" est absolument cohérent dans cette dynamique. Mais de quoi s’agit-il réellement?

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Ce corridor serait le fruit de l’accord de paix signé lors d’un sommet trilatéral récent entre les États-Unis, l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Un accord, accompagné d’une déclaration conjointe, qui doit de fait mettre fin à des décennies de conflit à intensité variable entre ces deux pays du Caucase concernant le contrôle du Nagorny Karabakh. C'est en cette région-là, au moment de l’effondrement de l’URSS, que les Arméniens et Azerbaïdjanais se sont combattus dans l’un des nombreux conflits ethno-tribaux issus de cette politique soviétique des nationalités, selon laquelle la majorité ethnique dans les républiques de l’Union devait toujours être accompagnée d’une minorité pour éviter toute ambition d’autonomie totale. Ce qui a permis à Moscou de se présenter, pendant plusieurs décennies (avec un succès indéniable, malgré des épisodes tragiques comme la déportation de peuples entiers), comme garant de la protection des minorités et du concept de "peuples frères".

De toute façon, le premier conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan (comme d’autres dans la région) a également été utilisé par Moscou comme un outil pour maintenir une emprise sur la zone, qui lui échappait rapidement, et pour ralentir le rapprochement azéri avec l’Occident.

Il n’est donc pas surprenant que les tensions au Nagorno-Karabakh se soient accrues chaque fois qu’un accord pétrolier entre des compagnies occidentales et la République azérie naissante semblait imminent. En même temps, il faut rappeler que l’Azerbaïdjan, durant toute la décennie 1990, avec l’aide de sociétés pétrolières de façade, gérées directement par la CIA, est devenu une sorte de point d’entrée du terrorisme islamiste dans le Caucase — un rôle similaire à celui joué par la Turquie avec "l’autoroute du djihad" en Syrie.

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Grâce à l’aide russe, en partie par intérêt propre et en partie (ironiquement) avec l’accord iranien, les Arméniens ont réussi à s’emparer, entre 1992 et 1993 (malgré la condamnation par l’ONU de leur avancée), de toute la région du Nagorny-Karabakh, qu’ils considèrent comme le cœur battant de leur patrie ancestrale, avec plusieurs zones adjacentes, pour établir la République de l’Artsakh (qui occupait 20% du territoire azéri). La situation n’a changé qu’à partir de la reprise du conflit en 2020, en partie à cause de l’incapacité politique des dirigeants arméniens, et avec l’expulsion définitive des Arméniens du territoire azéri en 2023 (plus de 100.000 réfugiés, tragédie dont peu de médias ont parlé).

Avant d’aller plus loin dans l’analyse de la fonction géopolitique du corridor du Zangezur, il est opportun de faire une brève parenthèse sur le contexte culturel-politique propre aux dirigeants des deux pays. Ilham Aliyev, comme cela est connu, est le fils de Heydar Aliyev (membre de la vieille nomenklatura communiste), qui a longtemps dirigé l’Azerbaïdjan après la chute de l’URSS, en pratiquant le népotisme. Il n’est pas surprenant que le même Ilham ait été vice-directeur de la compagnie pétrolière nationale lorsque, en 1994, a été signé le "contrat du siècle" entre le gouvernement azéri et un consortium multinational dirigé par BP.

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Ce contrat avait pour but de faire de l’Azerbaïdjan une filiale pétrolière de l’Occident, pour exclure la Russie des routes énergétiques dans le Sud du Caucase. La construction du pipeline Bakou-Tbilisi-Ceyhan, de grande importance stratégique, est également liée à ce contrat, et cette infrastructure constitue aujourd’hui un point clé pour Israël, qui y tire une partie de ses besoins énergétiques. Il n’est pas surprenant qu'Israël, avec la Turquie, ait joué un rôle majeur dans la fourniture d’armes à Bakou pour soutenir ses efforts militaires contre l’enclave arménienne.

L’Iran, quant à lui, a souvent pointé du doigt l’Azerbaïdjan, le considérant comme une base sioniste dans la région, utilisée par Tel Aviv pour lancer des attaques asymétriques contre Téhéran (une implication azérie dans la récente "guerre de douze jours" n’est pas à exclure). Geydar Aliyev a également souvent persécuté et opprimé des mouvements religieux inspirés du khomeinisme, qui auraient pu facilement prendre pied dans un pays où la majorité est encore chiite, malgré les aspirations laïques de l'élite dirigeante.

Rappelons que, juste avant la mort de son père, qui avait au début des années 2000 amélioré ses relations avec la Russie, Ilham Aliyev avait déclaré que les principaux alliés de l’Azerbaïdjan étaient les États-Unis et la Turquie. Cela illustre bien la nature de sa politique. Plus récemment, il a encore accru la tension avec la Russie, avec l’arrestation d'hommes d'affaires russes à Bakou et avec l’augmentation des exportations azéries de pétrole vers l’Ukraine (la Russie a bombardé plus de 17 dépôts de la compagnie azérie en Ukraine ces derniers mois). Alyiev a déclaré par provocation (et de façon menaçante) que l’armée azérie n’était pas une masse de prisonniers libérés, mais la force la plus nombreuse du Caucase du Sud: 130.000 soldats en service actif, 300.000 réservistes, bien entraînés et équipés de drones turcs et israéliens, prêts à la guerre. "Réfléchissez bien, surtout maintenant, après avoir perdu près de 800.000 soldats en Ukraine."

L’histoire du Premier ministre arménien Nikol Pashinyan est tout aussi révélatrice. Il est arrivé au pouvoir après ce qui pourrait être qualifié de "révolution de couleur", bien qu’avec un soutien initial limité de l’Occident. Le mouvement qui l’a mené à la tête, Yelk ("sortir" ou "issue", parce qu'hostile dès le départ à l’adhésion à l’Union eurasiatique), reposait sur une stratégie classique: transformer une minorité (Yelk a obtenu environ 7% lors des élections de 2018) en une majorité, et créer une "vérité sur mesure" pour que l’opinion publique, interne et internationale, soutienne les manifestants. Plusieurs parlementaires azéris ont également ouvertement soutenu la protestation qui a abouti à déposer le Premier ministre Sargsyan.

Pashinyan a aussi souvent affirmé que les accords militaires avec la Russie étaient désormais obsolètes et que seuls les États-Unis (ou l’Occident en général) pouvaient garantir la sécurité de l’Arménie.

Ainsi, l’accord sur le corridor de Zangezur peut aussi être interprété comme la dernière étape de la politique actuelle de l’Arménie qui vise un tropisme occidental. Il prévoit la construction d’une voie ferrée, d'oléoducs, de gazoducs et d’un réseau de fibres optiques reliant l’Azerbaïdjan à sa partie occidentale (le Nakhchivan), en passant par 32 km de territoire arménien (sur la frontière avec l’Iran). Les États-Unis obtiennent ainsi des droits sur le développement et la construction du corridor, et une présence économique et financière accrue dans la région (souvent accompagnée de présence militaire et d'agents du renseignement).

Ce projet va à l’encontre de la Route de la Soie chinoise (il faut penser aussi à sa connexion avec le pipeline Bakou-Tbilisi-Ceyhan) et du "middle corridor" reliant la Chine à l’Europe par la mer Caspienne, l'Azerbaïdjan, la Géorgie et la Turquie, ce qui montre l’intention de construire une véritable barrière sanitaire le long de la frontière nord de l’Iran. De plus, cela ébranle encore davantage le mythe de l’isolationnisme trumpiste. Le corridor de Zangezur apparaît clairement comme une nouvelle intervention étrangère des États-Unis, masquée par le business et la nouvelle administration.

mardi, 26 août 2025

L'importance de la rencontre Poutine/Trump en Alaska

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L'importance de la rencontre Poutine/Trump en Alaska

Alex Krainer

Le vendredi 15 août, Donald Trump et Vladimir Poutine se sont rencontré en Alaska. Le choix de ce lieu a envoyé un message très encourageant au monde entier.

Source: https://alexkrainer.substack.com/p/the-significance-of-alaska

Mise à jour [12 août 2025] : J'ai établi la chronologie du projet visant à relier les États-Unis et la Russie à travers le détroit de Béring à partir du Substack de Matthew Ehret (lien ci-dessous), mais j'ai omis de mentionner l'économiste visionnaire et candidat à la présidence Lyndon LaRouche, qui a conceptualisé le projet dès les années 1980 et « fait du programme du détroit de Béring le centre de sa stratégie internationale » dès 1993. Pour en savoir plus, cliquez sur ce lien: https://x.com/CHahnT/status/1955161957297733710.

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La semaine dernière, j'ai eu le privilège de m'entretenir avec un auteur et géostratège chevronné, l'amiral Davor Domazet, que j'ai mentionné ici le mois dernier dans « La défaite de la stratégie du chaos de l'Occident » (https://trendcompass.substack.com/p/defeat-of-the-wests-strategy-of-chaos). Alors que nous discutions des événements géopolitiques en cours, le sommet entre le président américain Trump et son homologue russe venait d'être annoncé.

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L'amiral Domazet (photo) a déclaré que le choix du lieu du sommet serait extrêmement important et qu'il constituerait en soi un message adressé au monde entier. Il n'était sûr que d'une chose : ce ne serait pas en Europe occidentale.

Nous n'avions pas deviné que ce serait l'Alaska, mais une fois ce choix annoncé, cela nous a paru tout à fait logique. Cela envoie un message très important : la Russie et les États-Unis se rapprochent dans la paix, achevant ainsi un cycle historique important mais interrompu. J'y ai fait allusion dans un article que j'ai rédigé en février de cette année : https://alexkrainer.substack.com/p/is-a-grand-bargain-between-us-and

L'histoire inachevée

L'Alaska est l'endroit où les États-Unis sont limitrophes de la Russie et où les deux puissances peuvent et doivent se rapprocher. Comme Matthew Ehret l'a superbement résumé dans son récent article Substack (https://matthewehret.substack.com/p/will-upcoming-putin-trump-summit ), l'idée de relier physiquement les États-Unis et la Russie à travers le détroit de Béring est une idée ancienne, car elle est assez évidente. Elle a été avancée pour la première fois sous la présidence d'Abraham Lincoln en 1864, mais elle est malheureusement morte avec lui. Elle a été relancée en 1890 par William Gilpin, ancien gouverneur du Colorado, sous la forme de son projet « Cosmopolitan Rail », qui prévoyait la construction d'un tunnel sous le détroit de Béring.

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L'importance de ce projet n'a pas échappé au gouvernement russe sous le tsar Nicolas II et à son ministre des Finances, Sergei Witte, qui ont engagé en 1905 plusieurs ingénieurs ferroviaires américains et français pour réaliser des études de faisabilité. Malheureusement, le tsar a rapidement été contraint d'abdiquer, son Premier ministre a été assassiné et le projet n'a jamais vu le jour.

La paix future

Il fut relancé sous l'administration de Franklin Delano Roosevelt et discuté en 1942 par son vice-président Henry Wallace et le ministre des Affaires étrangères de Staline, Molotov. Wallace a exprimé ainsi l'importance de relier physiquement les États-Unis à la Russie :

« Il serait très important pour la paix future qu'il existe un lien tangible de ce type entre l'esprit pionnier de notre propre Ouest et l'esprit frontalier de l'Est russe. »

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Cependant, Wallace (photo) fut rapidement écarté et remplacé par Harry Truman, l'instrument aveugle de l'oligarchie britannique. Une fois FDR mort, le projet fut à nouveau relégué aux oubliettes : relier les deux superpuissances, que ce soit physiquement, politiquement, socialement, culturellement ou commercialement, tomba en disgrâce.

Dans son discours sur le « rideau de fer » en 1946, Winston Churchill déclara l'Union soviétique ennemie de l'Occident. Il prononça ce discours devant Harry Truman et, au lieu de cultiver une coopération productive entre les États-Unis et la Russie, l'Occident opta pour la guerre froide.

Le soleil brille déjà différemment

L'idée de rapprocher les deux puissances et les deux continents n'est cependant jamais morte, et les dirigeants actuels de la Russie et des États-Unis sont clairement désireux de la faire revivre. En 2008, le Premier ministre de l'époque, Vladimir Poutine, a approuvé le projet de construction d'une ligne ferroviaire vers le détroit de Béring dans le cadre du plan de développement des infrastructures de la Russie à l'horizon 2030. Ce projet prévoyait la construction d'un tunnel de 60 miles (près de 100 km) entre Tchoukotka, dans l'Extrême-Orient russe, et l'Alaska, pour lequel la Russie proposait de financer les deux tiers du coût total.

La Russie a proposé ce projet à ses « partenaires occidentaux » en 2011 et en mai 2014, mais à l'époque, l'Occident dans son ensemble avait des projets tout à fait différents concernant la Russie. Aujourd'hui, ces projets ont tous échoué et le peuple américain a voté pour un changement radical de cap en élisant Donald Trump à la Maison Blanche.

Reste à voir si l'administration Trump réussira à mener à bien ce changement de cap, mais la volonté du peuple américain, exprimée lors de trois élections présidentielles consécutives, donne un nouvel espoir au monde. Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, a exprimé cet espoir après la deuxième investiture de Trump en janvier, en déclarant que « le soleil brille déjà différemment ».

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Pour sa part, le président Trump nous a donné quelques indications de son intérêt pour le raccordement ferroviaire de l'Alaska au continent lorsqu'il a annoncé, en septembre 2020, son approbation du projet de liaison ferroviaire de 2579 kilomètres entre l'Alaska et l'Alberta (A2A).

Le projet A2A était une initiative privée qui a finalement échoué, apparemment en raison d'une mauvaise gestion, mais en soulignant son approbation du projet, Trump nous a donné une indication de ses intentions, qui ont peut-être influencé l'accord entre la Russie et les États-Unis pour tenir le sommet imminent entre les deux pays en Alaska. Le message derrière ce choix est indéniablement celui de la paix, de la construction de ponts de confiance, de respect mutuel et de coopération constructive.

Il est important de noter qu'en accueillant Vladimir Poutine sur le territoire américain, l'administration Trump signale qu'elle ne reconnaît pas la condamnation de Poutine comme criminel de guerre par le tribunal de La Haye. Ce faisant, elle légitime l'opération militaire spéciale de la Russie en Ukraine.

* * *

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La question du Canada

Incidemment, la connexion entre la Russie et l'Alaska et entre l'Alaska et le continent américain pourrait également être liée à l'intention déclarée de Trump d'absorber certaines parties du Canada dans les États-Unis. Si l'Alberta, la Colombie-Britannique et le Yukon devenaient partie intégrante des États-Unis, leur territoire serait relié à l'Alaska, créant ainsi un pont terrestre contigu vers la Russie.

Si les États-Unis annexaient également les territoires nordiques du Canada et le Nunavut, ils pourraient se relier territorialement au Groenland et partager la zone arctique avec la Russie afin de rejoindre le projet de la Route de la soie arctique. En février, j'écrivais ce qui suit :

Ces développements pourraient-ils faire l'objet d'un futur accord majeur entre Vladimir Poutine et Donald Trump ? Je pense que c'est possible. Du point de vue actuel, tout cela peut sembler être un changement radical et dangereux par rapport au statu quo d'après-guerre, mais ce statu quo n'était peut-être qu'une pause dans les processus géopolitiques qui ont commencé à se dessiner dès le 19ème siècle.

Nous le saurons peut-être dans quelques jours. Il est certain que si les deux dirigeants ont déjà convenu de se rencontrer, une sorte de grand accord a déjà été conclu entre leurs représentants respectifs. Nous en saurons bientôt plus, notamment grâce à la manière dont les dirigeants canadiens, britanniques et européens qualifieront les résultats du sommet très attendu de cette semaine en Alaska.

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La signification du 15 août

La date du sommet, le 15 août 2025, est également significative à plusieurs égards. Le 15 août 1971, Richard Nixon a temporairement (bien sûr) suspendu la convertibilité du dollar américain en or. Le 15 août 1945 a été une date charnière dans l'histoire de la Chine : elle a marqué la capitulation du Japon devant les Alliés, mettant fin à la guerre de résistance contre le Japon.

Le 15 août revêt une profonde signification religieuse pour les chrétiens catholiques et orthodoxes, car c'est le jour de la fête de l'Assomption (ou Dormition dans la tradition orthodoxe), qui commémore la croyance selon laquelle la Vierge Marie, mère de Jésus, a été élevée corps et âme au ciel à la fin de sa vie terrestre.

La cécité stratégique européenne conduit l'Ukraine à la destruction

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La cécité stratégique européenne conduit l'Ukraine à la destruction

par Antonio Terrenzio

Source : Antonio Terrenzio & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/la-cecita-strateg...

Le sommet d’Anchorage, en plus de marquer un premier rapprochement officiel entre les États-Unis et la Russie, a posé les bases non seulement pour parvenir à la paix en Ukraine, mais aussi pour redessiner le système de sécurité international qui, cette fois, prenne en compte les nouveaux équilibres et les besoins de sécurité de la Fédération de Russie.

Lors du sommet de Washington, lors de la rencontre trilatérale impliquant Trump, les dirigeants européens et Zelensky, les positions entre les partenaires demeurent encore assez éloignées les unes des autres, avec une Europe qui tente de récupérer un rôle autour de la table des négociations, mais qui risque de rester la grande exclue dans une compétition géopolitique extrêmement complexe. Les non-leaders européens, prenant la parole tour à tour, ont simulé une volonté d’arriver à une paix, tout en défendant en réalité des conditions inacceptables pour Moscou.

Les conditions d’un cessez-le-feu immédiat, soutenues par Rutte et Merz, ainsi que la nécessité de soutenir l’Ukraine avec des contingents et des armements, restent essentiellement, en fait, sur les positions de départ. Zelensky a tenté de persuader Trump en proposant un accord sur le business militaire : une livraison d’armements américains pour 100 milliards de dollars, financée par l’UE, ainsi qu’une collaboration dans l’industrie militaire par une joint-venture américaine installée sur le territoire ukrainien pour la production de drones. Un moyen de créer un lien direct avec les intérêts occidentaux, et de les impliquer explicitement dans le conflit. Hypothèse inacceptable pour le Kremlin, tout comme la proposition d’établir un accord alternatif à l’entrée dans l’OTAN de l’Ukraine, garantissant des garanties de sécurité et où les pays membres organiseraient un déploiement direct de leurs forces en Ukraine occidentale. Aucune mention de Zelensky et des "volontaires" européens sur la cession de territoires. 

Maintenant que la catastrophe est sur le point de se réaliser, l’Europe craint de rester en dehors du processus de négociation, de ne pas avoir voix au chapitre sur le destin de l’Ukraine, étant donné que celle-ci n’est que la première d’une série de nœuds, où la Russie voudra rediscuter du système de sécurité dans son voisinage immédiat, allant de la Baltique à la mer Noire.

Nous le répétons: si l’Europe s’est elle-même brisée les jambes, écrasée par les intérêts géostratégiques des deux grandes superpuissances, c’est parce qu’elle a renoncé à se penser comme un sujet indépendant capable de reconnaître ses propres intérêts vitaux. Et de ne pas considérer les liens historiques, culturels et surtout sécuritaires qui unissent l’Ukraine et la Russie. Maintenant, certains gouvernements parlent d’autonomie technologique-militaire, de “vision stratégique commune”, alors que l’Allemagne prévoit un programme de réarmement de plus de 500 milliards d’euros, ce qui sonne comme un prétexte, intempestif et surtout dangereux. 

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L’Ukraine est aujourd’hui une nation détruite, où la guerre a contraint plus de onze millions d’habitants à la diaspora. Continuer à soutenir son président dénigré et corrompu, en le comblant de promesses qui ne peuvent être tenues qu’au prix d’une confrontation frontale impliquant directement l’Union européenne, est une initiative folle, aux coûts humains et économiques énormes. S’accrocher à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, à son indisponibilité à céder des territoires, est une rhétorique fausse et mensongère qui ne tient pas compte de la réalité de l’histoire, de ses changements, et surtout du manque de sensibilité stratégique face aux autres acteurs étatiques – car les conséquences de ce qui s’est passé dans l’est de l’Ukraine étaient largement prévisibles (voir une interview d’Eduard Limonov au début des années 90 disponible sur YouTube, sans évoquer les thèses de Huntington et Brzezinski): les politiciens européens ont délibérément choisi de les ignorer. Acte de servilité atlantiste et de cécité géopolitique, dirions-nous. 

Il est peu probable que le sommet de Washington aboutisse à quelque chose de décisif concernant la résolution du conflit. Moins encore à une trêve, soutenue par l’Europe sous la direction de Merz, puisqu’il ne s’agirait que d’un moyen de tromper Moscou en fournissant des drones et des missiles à Kiev. L’Europe, depuis longtemps déjà a fait la preuve de son immaturité (et a perdu sa crédibilité) en acceptant de soutenir la cause des nationalistes ukrainiens et les plans des néoconservateurs américains.

Une Europe enfin crédible accepterait le verdict des forces sur le terrain, sauverait des vies humaines, rechercherait un compromis acceptable pour Moscou et élaborerait un plan de reconstruction pour l’Ukraine – à condition que celle-ci reconnaisse son statut neutre et n’ait plus à menacer la Russie, toutes initiatives qui contribueraient à retrouver sa crédibilité et à garantir la sécurité des citoyens européens. Et de telles initiatives doivent être prises maintenant, et non pas plus tard, lorsque la guerre sera terminée sur le front ukrainien, car le conflit pourrait s’étendre à l’intérieur de ses frontières. Et après avoir détruit l’Europe sur le plan industriel et politique, il est légitime de s'attendre à toutes sortes d'autres aberrations émanant de la part de cette classe de dirigeants incompétents et irresponsables.

 

Ukraine, la guerre sans fin des néoconservateurs

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Ukraine, la guerre sans fin des néoconservateurs

par Davide Malacaria

Source : Insideover & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/ucraina-la-guerra-infinita-dei-neoconservatori

La guerre en Ukraine « se dirigeait vers la troisième guerre mondiale... vous n'aviez plus à vous en soucier ». C'est ce qu'a déclaré Donald Trump dans une interview. Au fond, comme nous l'avions d'ailleurs mentionné par ailleurs, la rencontre d'Anchorage avec Poutine servait essentiellement à cela.

Il y a une erreur dans la reconstruction de Trump, car la guerre en Ukraine est en soi « la troisième guerre mondiale », étant donné les nombreuses nations qui se sont engagées contre la Russie ; mais il est légitime qu'il revendique avoir empêché qu'elle devienne thermonucléaire, perspective inhérente à l'escalade folle contrôlée et déployée par l'administration Biden puis interrompue par le nouveau gouvernement américain (rappelons-nous, par exemple, la folie d'attaquer les bombardiers stratégiques russes chargés de la dissuasion atomique).

Cela dit, il reste à voir si le conflit pourra bientôt se terminer. De nombreuses pressions sont exercées pour le maintenir vivace et pour que Trump revienne sur ses positions. Hier, la Russie a pris fermement position contre le déploiement envisagé d'une force d'interposition européenne en Ukraine, lequel devrait avoir lieu après un éventuel accord.

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Une option qui gagne toutefois du terrain, comme le montre le sommet des chefs d'état-major des pays de l'OTAN qui s'est tenu tout récemment, où ils ont exprimé leur soutien à la « coalition des volontaires » en ce qui concerne les négociations en cours et ont affirmé être unis dans la recherche d'une « paix juste ».

Ces déclarations sont très ambiguës, car la « coalition des volontaires » tente activement de saboter les négociations en y introduisant des variables qui, en fait, servent à faire capoter les négociations car elles sont inacceptables pour la partie adverse, et que la recherche d'une « paix juste » est un pur slogan utilisé pour prolonger la guerre, car la tension apparente vers une paix idéale – en fait une paix selon leurs désirs – sert à réduire à néant toute tentative de trouver des compromis plus ou moins acceptables pour les parties (où la marge de manœuvre est pourtant assez large).

D'ailleurs, le conflit ukrainien, qui est sur le théâtre de la guerre une confrontation entre l'Occident et la Russie, est aussi, sur le plan culturel, si l'on peut dire, une confrontation entre l'idéalisme et la réalité, l'Occident étant en proie aux fumisteries des néoconservateurs selon lesquelles la réalité n'a pas de consistance en soi, mais est seulement quelque chose à modeler par l'exercice de la puissance.

Lorsque la réalité à laquelle ils étaient confrontés était l'Irak ou la Libye, cette prétention avait son poids, même si tout ne s'est pas déroulé selon leurs plans, mais maintenant que ces fumisteries se sont heurtées au mur que constitue la Russie, cette présomption montre ses limites.

Pourtant, obsédés par leur idéalisme, qui les empêche de prendre acte de la réalité, ils continuent imperturbablement à ânonner leur refrain, dans la certitude déconcertante qu'ils finiront tôt ou tard par avoir raison de cette réalité obstinée.

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Nous n'avons pas cité les néoconservateurs américains par hasard, car la guerre en Ukraine est leur guerre. Elle a été préparée en 2014 grâce au coup d'État de Maidan, dont l'architecte public était la néoconservatrice Victoria Nuland, épouse de Robert Kagan, figure incontestée des néoconservateurs et rédacteur de leur Project for a New American Century.

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Son frère, l'analyste militaire Frederick Kagan, est marié à Kimberly Kagan (née Kessler) (photo), elle-même directrice de l'Institute of Study of War, un groupe de réflexion qui a façonné le récit occidental sur le conflit ukrainien grâce à des analyses précises, mais partiales, auxquelles tous les médias grand public américains et, par ricochet, ceux des colonies européennes ont puisé de manière dogmatique.

Même l'expression « coalition des volontaires » dont se targuent les dirigeants européens aujourd'hui est une invention des néoconservateurs, puisqu'elle a été créée à l'époque pour désigner l'alliance qui a donné impulsion à l'invasion de l'Irak afin d'éliminer la menace des armes de destruction massive inexistantes de Saddam Hussein.

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Même la reprise de cette expression dans le contexte ukrainien n'est pas le fruit des dirigeants de l'UE, puisqu'il s'agit d'une proposition avancée par l'ancien chef de la CIA, le néoconservateur David Petreaus (photo). Ainsi, le choix d'accepter cette définition par les volontaires audacieux n'est pas seulement un choix de camp, mais aussi une déclaration publique de soumission.

Même la décision de faire obstacle à l'élan diplomatique de Trump – indirectement bien sûr, car ils n'en ont pas la force – ne vient pas de ces "volontaires" européens, mais est le fait des néoconservateurs. C'est ce que souligne la violente accusation de Brett Stephens à l'encontre de Trump et de son nouvel élan diplomatique, accusation publiée par le New York Times, dont le titre en dit long : « Trump vient de me rappeler pourquoi je suis toujours néoconservateur ».

Dans cette note, on retrouve le mélange d'idéalisme et d'agressivité irréductible propre aux adeptes du mouvement néoconservateur, irrévocablement voué à l'unilatéralisme américain.

Les conclusions sont évidentes, elles exhortent à « une opposition ferme à Poutine par le biais de sanctions, d'ostracisme et d'un soutien militaire et économique à l'Ukraine », etc. La recette habituelle des guerres sans fin.

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Nous avons choisi Stephens (photo) pour mettre en évidence l'opposition irréductible des néoconservateurs à l'élan diplomatique de Trump, bien sûr férocement stigmatisé dans l'article, non seulement parce que Stephens est un représentant influent du mouvement néocon, mais aussi parce qu'il y a quelques jours, il avait publié, toujours dans le New York Times, un article sur une autre guerre. Dont voici le titre : « Non, Israël ne commet pas de génocide à Gaza ».

Dans cet article, Stephens non seulement disculpe Israël de toutes les critiques, mais explique que ce qui se passe à Gaza est propre à toutes les guerres, rien de plus. Le seul aspect que Stephens trouve « inhabituel est la manière cynique et criminelle dont le Hamas a choisi de mener la guerre » (et dire que même les plus fervents défenseurs d'Israël ont dû admettre certains excès de l'armée israélienne...).

Ce deuxième article explique mieux que de longs discours le sens que revêt cette idée de "paix juste" pour le conflit ukrainien à laquelle tiennent les néoconservateurs et la « coalition des volontaires » qui leur est subordonnée. Il contribue également à expliquer la connivence tacite des volontaires face au génocide de Gaza.

lundi, 25 août 2025

Stratégie de l'UE: d'un projet de paix à une alliance militaire

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Stratégie de l'UE: d'un projet de paix à une alliance militaire

Par Elena Fritz

Source: https://www.compact-online.de/eu-strategie-vom-friedenspr...

Les élites européennes misent sur une nouvelle escalade avec la Russie et veulent passer à l'offensive autour de la mer Noire. Une stratégie extrêmement dangereuse. Avec notre édition « Frieden – Мир – Peace », nous nous y opposons. Pour en savoir plus : https://www.compact-shop.de/shop/compact-magazin/compact-... .

Le 28 mai, l'UE a présenté sa nouvelle « stratégie pour la région de la mer Noire ». Officiellement, il s'agit de stabilité, mais en réalité, un changement de cap se profile : l'UE jette les bases d'une « OTAN de la mer Noire ».

- Elle prévoit la création d'un centre pour la sécurité maritime, la protection des infrastructures critiques et la surveillance commune.

- Le cadre s'étend au-delà des pays de l'UE, riverains de la mer Noire, et englobe jusqu'à la Moldavie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan. L'UE prétend ainsi fixer les règles du jeu dans une région qui, jusqu'à présent, ne relevait pas de sa compétence directe.

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Les risques pour l'Europe et ses citoyens :

1) Militarisation au lieu d'intégration : l'UE s'éloigne de l'idée fondatrice d'une union économique et pacifique et s'oriente de plus en plus vers des structures militaires.

2) Explosion des coûts : des milliards qui auraient dû être investis dans la recherche, l'éducation et les infrastructures sont désormais consacrés aux appareils de sécurité et à l'armement.

3) Déficit démocratique : ces décisions sont prises en grande partie sans large débat public – les citoyens sont confrontés à des faits accomplis.

4) Nouvelles lignes de conflit : la militarisation de la mer Noire crée des points de friction supplémentaires qui peuvent entraîner l'Europe dans des crises géopolitiques, sans que l'UE dispose d'un réel pouvoir d'action dans ces domaines.

5) Abandon du discours pacifiste : En 2012, l'UE a reçu le prix Nobel de la paix. Aujourd'hui, elle s'éloigne progressivement de cette image qu'elle avait d'elle-même.

Conclusion : l'UE déplace son centre de gravité de la coopération économique vers la confrontation militaire. Pour les citoyens, cela signifie moins d'investissements dans les domaines d'avenir et plus de risques d'être entraînés dans des conflits qui ne sont pas dans l'intérêt même de l'Europe.

À Berlin, le gouvernement envisage actuellement d'envoyer jusqu'à 25.000 soldats de la Bundeswehr en Ukraine, officiellement dans le cadre d'une « mission de paix » visant à garantir la sécurité.

Cessez de jouer avec le feu et de brandir vos sabres ! Dans notre numéro intitulé « Frieden – Мир – Peace », vous découvrirez ce qui est vraiment à l'ordre du jour. Commandez ici : https://www.compact-shop.de/shop/compact-magazin/compact-4-2025-frieden-%d0%bc%d0%b8%d1%80-peace/

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La stratégie globale derrière les droits de douane américains selon Stephen Miran

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La stratégie globale derrière les droits de douane américains selon Stephen Miran

Par Domenico Moro

Source: https://comedonchisciotte.org/la-strategia-globale-dietro...

Les droits de douane marquent le deuxième mandat de Donald Trump. Cependant, le président américain affiche une attitude hésitante en matière de droits de douane, menaçant de les augmenter ou de les suspendre, puis à nouveau de les augmenter ou de les diminuer.

Si nous voulons comprendre les causes profondes des droits de douane et du comportement hésitant de Trump, nous devons nous détacher du contingent et essayer de comprendre quelle est la stratégie globale.

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À cet égard, nous devons nous référer à Stephen Miran, qui est le stratège de la politique douanière et qui est actuellement président du Council of Economic Advisor, un organisme interne au Bureau exécutif du président des États-Unis, dont la tâche est de conseiller le président sur les questions économiques. Au cours du premier mandat de Trump, Miran a été conseiller principal au ministère du Trésor, puis stratège principal chez Hudson Bay Capital Management, un grand investisseur institutionnel au sein du Trump Media & Technology Group, qui gère également la plateforme Truth Social.

Nous devons notamment nous référer à un texte de Miran qui constitue le manifeste de la politique douanière, A User's Guide to Restructuring the Global Trading System (Guide de l'utilisateur pour la restructuration du système commercial mondial), publié par Hudson Bay en novembre 2024, parallèlement à la victoire de Trump.

Introduction

Commençons donc par voir ce que dit ce texte. Miran commence par attribuer à la surévaluation du dollar la raison du déficit commercial extérieur et du déclin de l'industrie manufacturière américaine. Miran se propose d'identifier les outils permettant de remédier à ces problèmes. L'outil unilatéral le plus important est celui des droits de douane qui, contrairement à l'opinion courante, n'augmentent pas nécessairement l'inflation. En effet, lorsque les droits de douane ont été augmentés en 2018-2019, pendant le premier mandat de Trump, il n'y a pas eu d'augmentation notable de l'inflation, notamment parce que les droits de douane ont été compensés par le renforcement du dollar.

Un autre instrument consiste à abandonner la politique du dollar fort. La surévaluation du dollar a, d'une part, créé des déficits commerciaux de plus en plus importants et, d'autre part, pénalisé l'industrie manufacturière américaine au profit du secteur financier. Cela ne signifie toutefois pas qu'il faille abandonner le rôle du dollar comme monnaie de réserve, mais qu'il faut trouver des moyens de conserver aux États-Unis une partie des avantages que les autres pays tirent de la fourniture de réserves. Au partage des coûts liés à la fourniture des actifs de réserve s'ajoute celui des coûts du parapluie de sécurité que les États-Unis fournissent à leurs alliés.

Les bases théoriques

Miran établit un lien entre le déclin de l'industrie manufacturière américaine, dû à la surévaluation du dollar, et la dégradation des communautés où existaient auparavant des centres industriels. À la suite de la désindustrialisation, de nombreuses personnes deviennent dépendantes de l'aide sociale et de la drogue ou sont contraintes de se déplacer vers des régions plus prospères. Au départ, on estimait à 2 millions le nombre d'emplois perdus, mais de nombreux emplois qui, bien que n'étant pas liés à l'industrie manufacturière, dépendaient de celle-ci ont également été supprimés. La perte de l'industrie manufacturière a également un impact sur la sécurité des États-Unis, souligne Miran, car ce secteur est nécessaire pour contrer l'essor non seulement économique mais aussi militaire de la Chine et de la Russie : « Si vous n'avez pas de chaînes de production pour fabriquer des armes et des systèmes de défense, vous n'avez pas non plus de sécurité nationale. Comme l'a déclaré le président Trump : « Si vous n'avez pas d'acier, vous n'avez pas de pays » (1).

Mais, se demande Miran, pourquoi le dollar ne se déprécie-t-il pas en présence de déficits commerciaux importants, permettant ainsi de rééquilibrer la balance commerciale ? Normalement, les devises devraient s'adapter à long terme à la balance commerciale: si un pays enregistre un déficit commercial prolongé, sa devise se déprécie, ce qui entraîne une augmentation des exportations et une diminution des importations, afin de rééquilibrer la balance commerciale. Un autre aspect important est la notion d'équilibre financier. Selon cette conception, les devises s'ajustent jusqu'à inciter les investisseurs à détenir des actifs libellés dans différentes devises.

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Ces mécanismes ne fonctionnent toutefois pas si la monnaie nationale est une monnaie de réserve, comme c'est le cas du dollar. Étant donné que les États-Unis fournissent des actifs de réserve au monde entier, la demande de dollars et de titres d'État américains (UST) ne dépend ni de la balance commerciale ni de l'optimisation des gains financiers. Ces actifs sont détenus à l'échelle mondiale davantage pour des raisons politiques que pour optimiser les gains. Comme l'a déclaré l'économiste belge Robert Triffin (photo), les actifs de réserve sont une fonction du commerce et de l'épargne mondiale, et non de la balance commerciale ou des rendements des titres du pays qui détient la monnaie mondiale.

Les États-Unis supportent donc ce déficit non pas parce qu'ils importent trop, mais parce qu'ils doivent exporter des UST afin de fournir des actifs de réserve et de faciliter la croissance mondiale. Plus le PIB américain diminue par rapport au PIB mondial, plus le déficit est difficile à soutenir. Toujours selon Triffin, il arrive un moment où le déséquilibre économique devient si important qu'il menace le statut de monnaie de réserve internationale. Cependant, malgré la réduction de leur part dans le PIB mondial de 40 % dans les années 1960 à 26 % aujourd'hui, les États-Unis sont encore loin de ce danger, car il n'existe aucune alternative au dollar, ni le yuan renminbi chinois, qui ne répond pas aux critères requis d'une monnaie internationale, tels que la convertibilité totale, ni l'euro, étant donné que l'économie de la zone euro s'est davantage contractée que celle des États-Unis au cours des dernières décennies.

Face au relatif recul de l'économie américaine, la structure actuelle des droits de douane américains – 3 % en moyenne, contre 5 % pour l'UE et 10 % pour la Chine – semble adaptée aux caractéristiques d'une époque très différente de la nôtre, où les États-Unis devaient assumer la charge de relancer l'économie européenne et japonaise après la guerre et de créer des alliances contre l'URSS.

Miran identifie alors les conséquences d'être une nation détentrice d'actifs de réserve.

La possibilité d'emprunter à bon marché. En réalité, les États-Unis n'empruntent pas nécessairement moins cher que les autres pays, mais ils peuvent emprunter davantage sans que les taux d'intérêt augmentent.

Une monnaie plus forte. La demande de réserves fait monter le dollar bien plus haut qu'il ne le devrait selon la balance commerciale, ce qui le surévalue. Cela se produit surtout en période de crise, car les investissements en dollars sont les plus « sûrs ». C'est pourquoi l'emploi dans le secteur manufacturier baisse considérablement aux États-Unis pendant une récession, sans qu'il soit possible de le récupérer pendant la phase de reprise.

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Extraterritorialité financière. Le fait de disposer d'une monnaie de réserve permet aux États-Unis d'exercer leur volonté en matière de politique étrangère et de sécurité en utilisant leur puissance financière plutôt que leur puissance physique. En effet, les sanctions que les États-Unis imposent dans le monde entier grâce à leur statut de détenteur de la monnaie de réserve constituent une forme moderne de blocus naval.

Ainsi, le statut de monnaie de réserve n'offre qu'un faible avantage en termes de coût des emprunts et un inconvénient majeur, à savoir la surévaluation du dollar qui érode la compétitivité des produits américains, compensé en partie toutefois par l'avantage géopolitique que représente la possibilité d'imposer des sanctions. Mais en échange de leur statut de monnaie mondiale, les États-Unis fournissent aux démocraties libérales, outre un vaste marché pour leurs exportations manufacturières, un autre service, celui d'un parapluie défensif. Les déficits commerciaux et la défense sont donc liés par la monnaie. Cette situation devient plus lourde pour les États-Unis, car à mesure que leur poids relatif dans l'économie mondiale diminue, le déficit courant augmente et la capacité de produire des équipements militaires diminue. Pour toutes ces raisons, selon Miran, il existe aux États-Unis un consensus croissant en faveur d'un changement des relations qui les lient au reste du monde.

Si les États-Unis veulent changer le statu quo, ils doivent trouver des solutions. En général, les solutions unilatérales sont plus susceptibles d'avoir des effets indésirables, tels que la volatilité des marchés. Les solutions multilatérales sont, en revanche, très difficiles, voire impossibles à mettre en œuvre, même si elles contribuent à réduire la volatilité en impliquant les pays étrangers dans les décisions. Le dollar est une monnaie de réserve non seulement parce qu'il offre stabilité, liquidité, ampleur du marché et primauté du droit, mais aussi parce que les États-Unis peuvent projeter leur puissance physique dans le monde entier, façonnant et défendant l'ordre mondial. Le lien entre le statut de monnaie de réserve et la sécurité nationale est une histoire de longue date.

Selon Miran, les droits de douane et les politiques monétaires permettent d'améliorer la compétitivité de l'industrie manufacturière en réaffectant la production et les emplois aux États-Unis. Les droits de douane ne visent pas à réinternaliser les secteurs dans lesquels d'autres pays – par exemple le Bangladesh dans le textile – ont un avantage comparatif, mais à préserver l'avantage concurrentiel des États-Unis dans les productions à forte valeur ajoutée. En outre, étant donné que les politiques commerciales et de sécurité sont étroitement liées, les droits de douane auront tendance à défendre les installations industrielles nécessaires à la sécurité nationale, dont la portée doit être comprise au sens large, incluant par exemple des produits tels que les semi-conducteurs et les médicaments.

L'objectif n'est pas d'éliminer le statut de monnaie de réserve du dollar, que Trump a menacé de droits de douane élevés pour les pays qui l'abandonneraient, mais de partager avec ses alliés le poids de la fourniture d'actifs de réserve et du parapluie de défense.

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Les droits de douane

Miran pose d'abord la question de la mesure dans laquelle les droits de douane sont compensés par l'appréciation de la monnaie. Si le taux de change et les droits de douane se compensent presque entièrement, les droits de douane n'entraînent aucune augmentation de l'inflation, mais il n'y a pas de rééquilibrage commercial. À l'inverse, si le taux de change ne compense pas les droits de douane, les importations du pays soumis aux droits deviennent plus chères et, par conséquent, il y aura un certain rééquilibrage des flux commerciaux, mais aussi des prix plus élevés. Le choix se pose donc entre une faible inflation et un rééquilibrage commercial. Le seul aspect qui ne change pas dans les deux cas est que les droits de douane génèrent d'importantes recettes fiscales.

L'histoire récente, comme celle des droits de douane imposés à la Chine par la première administration Trump, montre, selon Miran, qu'il n'y a pas d'augmentation notable de l'inflation, puisque le yuan renminbi s'est alors déprécié de 13,7 % par rapport au dollar, compensant ainsi une grande partie de l'augmentation des droits de douane à 17,9 %. Si la compensation monétaire n'est pas mise en œuvre, les prix augmenteront à la suite des droits de douane et les consommateurs en supporteront le poids. Toutefois, avec le temps, les prix élevés inciteront à une reconfiguration des chaînes d'approvisionnement, les producteurs américains amélioreront leur compétitivité en vendant davantage sur le marché intérieur et les importateurs seront incités à trouver des alternatives aux produits importés soumis à des droits de douane.

La situation du marché financier est différente de celle du marché des marchandises. Si la compensation monétaire réduit la volatilité des prix à la consommation, elle peut entraîner une plus grande volatilité sur les marchés financiers, du moins à court terme. Toutefois, Miran souligne : « Ce qui importe, c'est de savoir si les droits de douane ont un effet durable, car, comme tout investisseur le sait, les réactions initiales du marché s'annulent souvent et s'inversent avec le temps» (2).

La variable financière la plus puissante pour expliquer les variations monétaires sur les marchés financiers est l'écart entre les taux d'intérêt. Pendant la période de guerre commerciale, l'avantage des rendements des obligations d'État américaines a diminué, passant d'environ 2 % en janvier 2018 à environ 1,5 % au moment de l'armistice dans la guerre commerciale en septembre 2019, malgré la hausse des taux par la Réserve fédérale américaine en 2018. La baisse des rendements peut rendre plus difficile l'appréciation du dollar et, par conséquent, ne pas compenser la hausse des droits de douane. Toutefois, Miran estime que la compensation monétaire se produira lors de la prochaine série de droits de douane.

Miran se concentre désormais sur les modalités de mise en œuvre des droits de douane. Une augmentation forte et soudaine des droits de douane peut accroître la volatilité des marchés. Mais dès le premier mandat de Trump, l'introduction des droits de douane s'est faite progressivement : « Les droits de douane étant un outil de négociation, le président s'est montré versatile dans leur mise en œuvre – l'incertitude quant à leur application, leur date et leur ampleur renforce le pouvoir de négociation en créant la peur et le doute» (3). Une telle approche progressive aidera les entreprises à redéfinir leurs chaînes d'approvisionnement, facilitant ainsi le transfert de la production hors de Chine.

Un autre aspect important de la mise en œuvre des droits de douane au cours du second mandat de Trump serait la segmentation des différents pays en plusieurs groupes soumis à des droits de douane différents en fonction de leurs relations avec les États-Unis, notamment en matière de défense. En effet, « les pays qui veulent rester sous le parapluie de sécurité doivent également rester sous le parapluie du commerce équitable. Un tel instrument peut être utilisé pour faire pression sur d'autres nations afin qu'elles se joignent à nos droits de douane contre la Chine, créant ainsi une approche multilatérale des droits de douane » (4). De cette manière, en créant un mur douanier mondial autour de la Chine, la pression sur cette dernière pour qu'elle réforme son système économique s'accentuera.

Il y a également la question du rapport entre les droits de douane et la fiscalité. Selon Miran, la réduction des impôts, par exemple sur le travail, est un moyen de générer des investissements et des emplois aux États-Unis, surtout si elle est financée par des droits de douane sur les importations étrangères. Les conséquences économiques d'une augmentation des droits de douane pourraient être moins problématiques qu'une augmentation des impôts sur le revenu et le capital. Le fait que les droits de douane augmentent d'abord le bien-être avant de le diminuer implique l'existence d'un taux de droits de douane « optimal », au niveau duquel un pays a obtenu tous les avantages possibles et où un droit plus élevé réduit le bien-être. Selon Miran, le droit optimal pour les États-Unis est de 20 %. Une autre question est celle des éventuelles représailles des pays auxquels les États-Unis imposent des droits de douane, qui peuvent conduire à une escalade bien au-delà des droits optimaux. Cependant, les États-Unis, qui sont de loin la plus grande source de demande mondiale et disposent d'un marché des capitaux solide, peuvent résister à une escalade plus que la Chine.

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Un autre moyen de dissuader les représailles douanières est la menace de rendre moins contraignantes les obligations de défense mutuelle, en ne garantissant plus le parapluie nucléaire américain. Par exemple, si l'Europe impose des contre-droits de douane sur les importations en provenance des États-Unis, mais augmente en même temps ses dépenses militaires, cela permet aux États-Unis d'alléger le fardeau de la sécurité mondiale et « de se concentrer davantage sur la Chine, qui est de loin la plus grande menace pour l'économie et la sécurité nationale américaine que ne l'est la Russie, tout en générant des recettes » (5).

Quoi qu'il en soit, les droits de douane sont un moyen d'augmenter les impôts des étrangers afin de maintenir ceux des Américains à un niveau bas et d'éviter que la prolongation de la réduction des impôts sur le revenu ne se traduise par une nouvelle dette publique.

Les devises

Outre les droits de douane, la surévaluation du dollar peut être contrée par une réévaluation des devises des partenaires commerciaux. Les politiques monétaires posent toutefois le problème de rendre les actifs en dollars moins attractifs aux yeux des investisseurs étrangers. Une dévaluation du dollar pourrait provoquer une fuite massive des capitaux hors du marché des obligations d'État américaines, ce qui entraînerait une hausse des rendements à long terme. Cela aurait des répercussions négatives sur plusieurs secteurs de l'économie, à commencer par la construction.

Ce risque augmenterait si l'inflation restait élevée et si la banque centrale américaine (Fed) décidait de relever ses taux d'intérêt. C'est pourquoi il sera important pour l'administration Trump de coordonner sa politique monétaire avec une politique réglementaire et énergétique déflationniste. En outre, une part importante des ventes des entreprises du S&P 500 est réalisée à l'étranger, et ces ventes ont plus de valeur lorsque le dollar se déprécie.

Historiquement, les accords monétaires multilatéraux ont été le principal moyen de guider les changements intentionnels du taux de change du dollar. L'un d'entre eux était l'accord du Plaza en 1985, lorsque les États-Unis, en accord avec la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne de l'Ouest et le Japon, ont coordonné l'affaiblissement du dollar. Aujourd'hui, les devises les plus importantes, outre le dollar, sont l'euro et le yuan chinois, mais il y a peu de raisons de s'attendre à ce que l'Europe et la Chine acceptent de renforcer leurs devises. Selon Miran, il est possible que l'Europe et la Chine deviennent plus malléables après une série de droits de douane punitifs et acceptent une forme d'accord monétaire en échange d'une réduction des droits de douane. Miran propose d'appeler un tel accord « accord Mar-a-Lago », du nom de la résidence de Trump en Floride.

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Les différences entre aujourd'hui et 1985 sont toutefois nombreuses. À commencer par l'ampleur de la dette publique américaine, qui était alors de 40 % du PIB et atteint aujourd'hui 120 %, ce qui pose des problèmes plus importants de gestion de la hausse des rendements des obligations d'État. La solution serait de justifier la réduction des taux par la nécessité de financer la fourniture par les États-Unis d'un parapluie de sécurité. De cette manière, les pays partenaires seront incités à échanger leurs UST à court terme contre des UST à cent ans. La durée plus longue contribuera à réduire les rendements et la volatilité du marché financier. Ainsi, un seul accord permet d'atteindre plusieurs objectifs : réduire la valeur du dollar, et donc le déficit commercial, et partager avec les étrangers le coût de la zone de sécurité.

Tout cela fonctionne si les pays partenaires concernés disposent d'actifs en dollars à vendre pour réduire la valeur du dollar. Contrairement à 1985, les réserves d'UST ne sont pas aujourd'hui situées en Europe, mais au Moyen-Orient et en Asie de l'Est, notamment en Chine, au Japon et en Arabie saoudite. Ces pays seraient moins disposés à satisfaire les demandes des États-Unis que les Européens en 1985. Il serait donc préférable que les instruments monétaires soient utilisés après les droits de douane, qui constituent un levier supplémentaire dans les négociations.

Beaucoup à Wall Street pensent qu'il ne peut y avoir d'approche unilatérale de la dévaluation du dollar, car cela nécessiterait une baisse des taux d'intérêt par la Fed, ce qui ne semble pas pouvoir se produire aussi facilement. En réalité, ce n'est pas vrai, car il existe une série d'instruments qui peuvent être utilisés. L'un d'entre eux est l'International Emergency Economic Power Act (IEEPA) de 1977. Si la cause de la surévaluation du dollar est la demande d'actifs de réserve, l'IEEPA peut être utilisée pour la réduire, par exemple au moyen d'une user fee (taxe d'utilisation), en retenant une partie du paiement des intérêts sur ces titres.

Cela pourrait toutefois entraîner une fuite du dollar, des pics des taux d'intérêt et des restrictions au pouvoir d'extraterritorialité. Pour éviter ces problèmes, on peut commencer par une taxe d'utilisation modeste, puis trouver au fil du temps le « juste » niveau et différencier selon les pays, comme cela a déjà été fait avec les droits de douane, en augmentant la taxe d'utilisation pour les adversaires géopolitiques tels que la Chine, par exemple, et enfin s'assurer la coopération volontaire de la Fed. À cet égard, il est essentiel que le « double » mandat de la Fed soit un triple mandat : plein emploi, prix stables et taux d'intérêt modérés à long terme. Ce dernier engagement permet d'intervenir si les taux d'intérêt atteignent un pic en raison de la politique monétaire.

Une autre approche unilatérale consiste à renforcer les devises étrangères en vendant des dollars et en achetant des devises étrangères. Dans ce cas, le risque réside dans l'inflation qui peut être générée par l'émission massive de dollars par la Fed pour acheter des devises étrangères. Dans ce cas, la Fed peut opérer une stérilisation de l'intervention qui soutiendra le dollar et contrera certains effets des ventes. Pour ces raisons, les économistes se sont montrés sceptiques quant à l'utilisation de ce moyen pour intervenir sur la devise. Tout dépendra donc du contexte dans lequel cette politique sera adoptée : dans un contexte de faible inflation, une stérilisation modérée est envisageable.

Considérations sur le marché et la volatilité

Selon Miran, le président Trump pourra, au cours de son second mandat, se concentrer sur ses objectifs centraux : la réindustrialisation, la revitalisation de l'industrie manufacturière et l'amélioration de la compétitivité internationale. Trump a acquis une expérience discrète en matière de droits de douane au cours de son premier mandat, tandis qu'une intervention sur la politique du dollar serait une nouveauté.

C'est pourquoi, en matière de politique monétaire, il convient d'être plus prudent qu'en matière de politique douanière et d'attendre que l'inflation et le déficit soient faibles afin d'éviter des hausses des taux d'intérêt qui pourraient s'accompagner d'un changement de politique sur le dollar, et surtout d'attendre un changement à la tête de la Fed qui garantisse sa coopération volontaire. Étant donné qu'une faible inflation est nécessaire pour permettre à la Fed de baisser ses taux, il faudra recourir à des politiques structurelles, par le biais de libéralisations de l'offre, de déréglementations et de réductions des prix de l'énergie.

Les approches monétaires unilatérales présentent des risques accrus de volatilité. Sans l'aide de la Fed pour plafonner les rendements et sans la volonté des détenteurs étrangers de bons du Trésor américain de renégocier la durée de la dette, une administration dispose de peu d'options pour stabiliser les rendements.

Pour ces raisons, une approche multilatérale visant à renforcer les monnaies sous-évaluées peut contribuer à contenir la volatilité indésirable. Un accord dans lequel les partenaires commerciaux des États-Unis convertissent leurs réserves en UST à très longue échéance allégerait la pression de refinancement sur le Trésor, améliorerait la viabilité de la dette et renforcerait l'idée que la fourniture d'actifs de réserve et le parapluie de défense sont étroitement liés. De cette manière, le dollar et les rendements à long terme pourraient baisser ensemble.

Dans tous les scénarios possibles, il y a des conséquences communes. Premièrement, une distinction claire est établie entre les amis, les ennemis et les neutres. Les amis sont ceux qui se trouvent sous le parapluie sécuritaire et économique, et en partagent les coûts. Ceux qui se trouvent en dehors du parapluie de sécurité se retrouveront également en dehors des accords commerciaux amicaux. Deuxièmement, l'expulsion de pays étrangers de la couverture du parapluie de sécurité américain peut entraîner une augmentation de la perception du danger et, par conséquent, une augmentation des primes de risque pour les actifs de ces pays. Troisièmement, il y aura une augmentation de la volatilité sur les marchés monétaires. Quatrièmement, les efforts pour trouver une alternative au dollar s'intensifieront. À cet égard, Miran est convaincu que les tentatives d'internationalisation du yuan et de création d'une monnaie des BRICS continueront d'échouer, mais qu'il est en revanche possible que l'or et les cryptomonnaies se renforcent.

Les conclusions de Miran

Miran réaffirme que son objectif est de trouver des moyens de remédier au déficit commercial et public tout en évitant les effets secondaires indésirables. L'opinion de Wall Street selon laquelle il n'est pas possible de modifier délibérément la valeur du dollar est fausse. Il existe de nombreux moyens, unilatéraux et multilatéraux, l'important étant de minimiser la volatilité qui en résulte. Quoi qu'il en soit, il est très probable que les droits de douane, qui constituent un important outil de négociation, seront utilisés avant tout autre instrument monétaire. Il est donc probable que le dollar se renforce avant d'inverser sa tendance, si tant est qu'il le fasse. Miran conclut en disant qu'« il existe une voie par laquelle l'administration Trump peut reconfigurer le commerce et les systèmes financiers mondiaux au profit de l'Amérique, mais cette voie est étroite et nécessitera une planification minutieuse, une exécution précise et une attention particulière aux mesures à prendre pour minimiser les conséquences négatives » (6).

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Nos conclusions

La lecture du texte de Miran est très intéressante, car elle correspond en grande partie à ce que Trump a fait et dit jusqu'à présent, en expliquant sa logique interne et en la replaçant dans le contexte de la redéfinition des relations entre les États-Unis et le reste du monde, à commencer par leurs alliés. Cela implique, étant donné que les États-Unis sont la première économie mondiale et le premier acheteur mondial, comme Miran l'anticipe déjà dans son titre, une restructuration du système commercial mondial.

Le plus frappant est que Miran considère le rôle du dollar comme monnaie de réserve internationale et le rôle des États-Unis en tant que puissance militaire garante de l'ordre mondial comme un service que les États-Unis offrent généreusement aux autres pays. Un service qui coûte aux États-Unis la désindustrialisation, un déficit commercial important et une dette fédérale énorme. Les autres pays sont donc des profiteurs, comme l'ont affirmé à plusieurs reprises Trump et son vice-président, J.D. Vance, en référence à l'Europe, qui bénéficierait gratuitement du parapluie de sécurité et du marché américain.

Le fait est cependant que l'interprétation de Miran renverse la réalité effective des choses. La désindustrialisation est avant tout le produit de la logique interne du mode de production capitaliste et, en particulier, de la tendance à la baisse du taux de profit. Les géants américains ont délocalisé une part considérable de leur production à l'étranger, car à l'étranger – au Mexique, en Chine et en Asie de l'Est – les profits étaient plus importants et le coût du travail moins élevé. La surévaluation du dollar a certainement joué un rôle, mais dans une mesure plus limitée que ne le prétend Miran.

s-l640-455788041.jpgMais l'aspect le plus important est que le dollar et son rôle de monnaie d'échange commercial et de réserve mondiale ne sont pas un fardeau, mais plutôt le « privilège exorbitant » des États-Unis, comme l'a affirmé l'ancien président français Giscard d'Estaing. C'est ce privilège qui lui a permis de financer sa double dette, commerciale et publique, en imprimant simplement des dollars. Les dépenses militaires colossales servent à imposer de manière coercitive l'hégémonie américaine et le rôle international du dollar. Ce n'est donc pas un hasard si le secrétaire américain au Trésor, John Connally, a déclaré en 1971 que « le dollar est notre monnaie et votre problème », lorsque les États-Unis ont rendu le dollar inconvertible en or, se donnant ainsi la possibilité de s'endetter à leur guise.

Mais si le dollar est l'instrument qui permet aux États-Unis de gérer leur double dette, quelle est la raison de l'introduction de droits de douane élevés et de politiques visant à dévaluer le dollar ? La raison, toujours selon le raisonnement de Miran, réside dans le fait que ces politiques s'opposent aux délocalisations et favorisent les relocalisations de l'industrie manufacturière. En effet, toujours selon Miran, sans industrie manufacturière, il n'y a pas de sécurité nationale, surtout si celle-ci est entendue au sens large, comme l'autonomie dans les productions stratégiquement importantes, telles que l'acier, les semi-conducteurs et les médicaments. D'ailleurs, la guerre en Ukraine a mis en évidence les graves insuffisances de l'industrie militaire américaine dans l'approvisionnement de Zelensky en armes et en munitions, aggravées par l'aide que les États-Unis ont simultanément offerte à Israël.

Une industrie de l'armement plus forte est nécessaire car – et c'est là l'autre point important du raisonnement de Miran – les rapports de force économiques et politiques ont changé ces dernières années. En particulier, la Chine s'est développée au point de devenir « de loin la plus grande menace pour l'économie et la sécurité nationale des États-Unis, plus encore que la Russie ». Étant donné que la Chine dispose d'une industrie manufacturière très forte et désormais également à la pointe de la technologie, les États-Unis ne peuvent se permettre d'avoir une industrie manufacturière faible et dépassée.

Un autre aspect important est la viabilité de la dette publique américaine et donc le niveau des taux d'intérêt sur les bons du Trésor américain (UST). Comme nous l'avons vu, Miran, toujours dans le but de résoudre le déficit commercial et de relancer l'industrie manufacturière, soutient que le dollar doit être dévalué ou, ce qui revient au même, que les monnaies des principaux partenaires économiques, à commencer par le yuan et l'euro, doivent être réévaluées. Or, le problème est que la dévaluation du dollar rend les investissements en dollars moins attractifs, y compris ceux dans les UST, ce qui fait remonter les rendements. L'optimum pour les États-Unis serait plutôt un dollar dévalué et des taux d'intérêt bas sur la dette publique.

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Or, depuis le début de l'année, le dollar s'est déprécié de 13 % par rapport aux principales devises, tandis que les taux d'intérêt sur la dette à 10 ans sont passés de 1,1 % en 2021 à environ 4,3 % en juillet 2025. À cela s'ajoute, sous la présidence Biden, la plus forte augmentation de la dette publique jamais enregistrée, soit 8 500 milliards de dollars supplémentaires. La tendance sous Trump ne semble pas s'inverser, compte tenu de l'ampleur du budget fédéral pour 2026, qui, entre autres raisons, a conduit à la rupture entre Trump et Musk. La hausse des taux et de la dette publique a fait exploser les dépenses nettes d'intérêts : de 658 milliards de dollars en 2023 à 880 milliards en 2024, pour atteindre plus d'un billion prévu en 2025, soit trois fois le niveau de 2020 (7).

Pour ces raisons, Miran souligne à plusieurs reprises la nécessité pour la Fed de respecter un triple mandat, en ajoutant à la pleine emploi et à la stabilité des prix la poursuite de taux d'intérêt modérés à long terme. Ce n'est pas un hasard si, ces derniers mois, Trump a vivement critiqué le président de la Fed, Jerome Powell, pour ne pas avoir baissé les taux d'intérêt. Toujours en lien avec le taux d'intérêt sur la dette fédérale, Miran propose de parvenir à un accord, qu'il appelle l'accord de Mar-a-Lago, avec les partenaires économiques pour une dévaluation concertée du dollar qui prévoit également un passage des UST à court terme à des UST à très long terme, ce qui rendrait le financement de la dette moins coûteux pour les États-Unis.

Revenons donc aux droits de douane qui, selon le raisonnement de Miran, sont avant tout un moyen de négociation pour imposer deux objectifs : dévaluer le dollar et financer la dette publique. Les droits de douane peuvent être instaurés, supprimés ou réduits si les autres pays acceptent les conditions imposées par les États-Unis, telles que l'appréciation de leur monnaie, l'acceptation d'acheter des dettes à très long terme et de réaliser des investissements productifs sur le sol américain. Un autre moyen de négociation important est la menace de retirer le parapluie de sécurité aux pays qui ne respectent pas les conditions imposées par les États-Unis. Miran explique également l'attitude hésitante de Trump en matière de droits de douane par la volonté d'augmenter le pouvoir de négociation, en créant le doute et la peur à travers l'incertitude. En définitive, les droits de douane, les politiques monétaires, le parapluie de sécurité sont autant d'expressions d'une politique de chantage par laquelle les États-Unis tentent de se faire financer par le reste du monde, y compris leurs alliés. Il s'agit d'un comportement parasitaire, basé sur l'accumulation par expropriation et typique de la phase impérialiste du capitalisme.

À ce stade, il est naturel de se demander : les politiques envisagées par Miran seront-elles couronnées de succès ? C'est une question importante, car en cas de succès ou d'échec, le monde auquel nous serons confrontés dans les prochaines décennies pourrait être très différent. Il est toutefois difficile de répondre à cette question aujourd'hui, après seulement six mois d'administration Trump, notamment parce que les variables à prendre en compte sont nombreuses.

Nous pouvons toutefois avancer quelques hypothèses. En ce qui concerne la relocalisation de la production, les choses bougent déjà, puisque les dix premières multinationales pharmaceutiques, face à la perspective de droits de douane élevés, ont annoncé 316 milliards de dollars de nouveaux investissements pour se relocaliser sur le sol américain (8). Un autre exemple à cet égard est celui du Japon qui, en échange d'une réduction des droits de douane à 15 %, a promis 550 milliards de dollars d'investissements aux États-Unis (9). En ce qui concerne le statut du dollar, il est possible que sa part dans les réserves mondiales, actuellement de 57,74 % (10), continue de s'éroder, notamment en raison de l'utilisation abusive qui en a été faite pour infliger des sanctions et de la tactique hésitante de Trump en matière de droits de douane, qui l'ont affaibli. D'autre part, les pays du BRICS ont eux-mêmes reconnu qu'une monnaie commune n'était pas viable, mais ils ont en même temps déclaré vouloir utiliser de plus en plus leurs monnaies nationales comme moyen de transaction commerciale internationale. Cela se produit d'ailleurs déjà depuis le début de la guerre en Ukraine dans les échanges de matières premières énergétiques entre la Russie, d'une part, et la Chine et l'Inde, d'autre part.

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Quoi qu'il en soit, comme le soutient Miran, les États-Unis ont peu de marge de manœuvre pour mener des politiques monétaires alternatives si la Fed ne baisse pas ses taux et surtout si, au niveau mondial, les conditions imposées par les États-Unis ne sont pas acceptées. C'est précisément là que réside le principal problème pour les États-Unis. Une grande partie du monde, celle que l'on appelle le « Sud global », ne semble plus disposée à se soumettre à l'Occident et en particulier aux États-Unis. Cela vaut surtout pour la Chine et la Russie, mais aussi pour le Brésil et de nombreux autres pays. La Chine et le Brésil, en particulier, ont réagi avec fermeté lorsque Trump a menacé d'imposer des droits de douane très élevés. L'expansion même des BRICS témoigne de la volonté d'un nombre croissant d'États de trouver des lieux de confrontation et de coopération alternatifs à ceux que les États-Unis et l'Occident collectif ont offerts dans le passé.

La situation est différente pour l'Occident collectif, dont font partie l'Europe occidentale et le Japon. Les pays qui en font partie semblent les plus perméables aux politiques de chantage de Trump et les plus disposés à lui venir en aide, notamment parce qu'ils tirent de nombreux avantages du système économique mondial organisé autour des États-Unis. En témoignent la soumission observée lors du dernier sommet de l'OTAN, où l'Europe a accepté d'augmenter ses dépenses militaires à 5 % du PIB, et la réticence de l'UE à envisager des contre-mesures douanières à l'encontre de Trump, justifiée par le mantra « il faut éviter une guerre commerciale avec les États-Unis ». Une guerre commerciale ou, mieux, une confrontation interimpérialiste, comme on aurait dit autrefois, qui est en réalité déjà en cours. À cet égard, il semble que l'unité de l'Occident soit quelque chose à laquelle Trump accorde une valeur bien inférieure à celle que lui attribue Meloni.

Par Domenico Moro pour ComeDonChisciotte.org

25.07.2025

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Domenico Moro s'intéresse à la mondialisation et à l'économie politique internationale. Il est l'auteur de Globalizzazione e decadenza industriale (Mondialisation et déclin industriel) et Nuovo compendio del Capitale (Nouveau compendium du Capital) ; Eurosovranità o democrazia? Perché uscire dall'euro è necessario (Eurosouveraineté ou démocratie ? Pourquoi il est nécessaire de sortir de l'euro), Meltemi, Milan 2020.

NOTES

(1) Stephen Miran, A User's Guide to Restructuring the Global Trading System, Hudson Bay Capital, 24 novembre 2024, p. 5.

(2) Ibidem, p. 19.

(3) Ibid., p. 22.

(4) Ibid., p. 23.

(5) Ibid., p. 26.

(6) Ibid., p. 38

(7) Peter G. Peterson Foundation, What are Interest costs on the national debt? 14 juillet 2025. Committee for a responsible Federal Budget, Interest costs could explode from high rates and more debt, 20 mai 2025.

(8) Monica D'Ascenzo, « Effet des droits de douane sur l'industrie pharmaceutique : 316 milliards investis aux États-Unis », Il Sole24ore, 23 juillet 2025.

(9) Stefano Strani, « Droits de douane, accord États-Unis-Japon : des tarifs à 15 % et Tokyo investira 550 milliards aux États-Unis », Il Sole24ore, 24 juillet 2025.

(10) Données du FMI, Composition monétaire des réserves officielles de change (Cofer), 2025 T1.

jeudi, 21 août 2025

Quand la France abandonnera-t-elle l'atlantisme?

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Quand la France abandonnera-t-elle l'atlantisme?

Raphael Machado (*)

Source: https://geoestrategia.eu/noticia/44946/politica/no-tiene-solucion-la-union-europea-y-su-servilismo-ante-estados-unidos.-analisis.html

Il est peu probable que la France puisse imprimer un renouveau stratégique à l'Union européenne, compte tenu de la récente capitulation de Bruxelles face au chantage tarifaire de Trump.

Un nouveau rapport politique français est passé inaperçu de la plupart des analystes géopolitiques, mais il représente un document stratégique fondamental qui pourrait déterminer des changements significatifs dans l'orientation internationale de l'Élysée.

Il s'agit du rapport n°1588 de la Commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale française, consacré aux relations entre l'Union européenne et la Chine. Ce document, élaboré avec la contribution de représentants de tous les partis de l'Assemblée, vise à analyser les relations UE-Chine à la lumière du contexte géopolitique actuel et à suggérer des changements dans leur évolution.

La France, l'un des principaux pays de l'UE, aura tout naturellement une influence plus importante sur la politique étrangère du bloc si l'Élysée adopte les recommandations de la commission de l'Assemblée nationale.

Le point de départ du rapport est le constat que les relations entre l'UE et la Chine n'ont jamais été aussi tendues. Si l'UE a initialement salué l'ouverture économique de la Chine dans les années 1970 et cherché à développer ses relations commerciales bilatérales, aujourd'hui, malgré des échanges importants, la diplomatie est ternie par des déclarations hostiles prononcées par des responsables euro-bruxellois à l'égard de Pékin, comme celle qualifiant la Chine de « rival systémique » en 2019.

Le rapport attribue cette position à l'adhésion aveugle de l'Europe à une politique atlantiste dans le Pacifique, dirigée par Washington et servant principalement ses intérêts. Cette politique a été marquée par le « pivot stratégique » vers l'Asie sous le mandat de Barack Obama, approfondi sous le premier mandat de Donald Trump, l'administration de Joe Biden et le second mandat de Trump, qui a lancé une guerre commerciale avec la Chine par le biais de droits de douane élevés. Par exemple, lors d'un sommet tenu en 2021 au Royaume-Uni, l'UE et les nations du G7 ont publié un communiqué ouvertement sinophobe. Alors que les États-Unis, sous le Parti démocrate, entretenaient des relations plus fluides avec l'UE, Biden a orienté Bruxelles de façon à ce que l'UE traite Pékin comme étant un « défi systémique ».

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En outre, le rapport souligne la tendance de Bruxelles à adopter un ton moralisateur à l'égard de la Chine sous prétexte de défendre les soi-disant « droits de l'homme ». Il existe également de profondes divisions autour de l'Ukraine et de Taïwan.

Cependant, d'une manière que l'UE n'avait jamais prévue, la Chine a connu une croissance rapide, devenant un acteur mondial incontournable. Bien que 21% des importations européennes proviennent de Chine, le pays n'est plus seulement « l'usine du monde »: il est désormais le plus grand centre de R&D en science et technologie de la planète et le principal moteur du développement mondial des infrastructures grâce à l'initiative « Belt and Road », qui inclut même certains pays de l'UE.

Pour l'UE elle-même, le retour de Trump à la Maison Blanche a été un retour forcé à la réalité.

Le rapport souligne : « Les politiques de l'administration Trump ont marqué une rupture forte avec les fondements du multilatéralisme commercial et diplomatique ». Il souligne comment les États-Unis ont imposé des droits de douane élevés à la Chine et à l'UE, contournant les règles de l'OMC, voire menaçant de quitter ce cadre. Mais ce qui choque vraiment les auteurs, c'est le silence de Bruxelles lorsque Trump a menacé d'annexer le Groenland (territoire danois), sans émettre aucune critique quant à ce projet annexionniste et sans exprimer de la solidarité avec Copenhague. Cela soulève des doutes quant à la possibilité de continuer à considérer les États-Unis comme un « allié » et la Chine comme un « rival ».

À la lumière de toutes ces considérations et d'autres encore, la Commission propose 50 recommandations pour orienter la politique étrangère française et, plus précisément, pour que la France exerce une pression sur la politique étrangère européenne.

Parmi ces dizaines de recommandations, certaines se distinguent par un revirement à 180 degrés par rapport à la politique européenne actuelle envers la Chine.

Sur le plan géopolitique direct, par exemple, la recommandation n°11 propose de remplacer l'actuelle stratégie atlantiste appliquée dans la région indo-pacifique par une coopération avec la Chine; la recommandation n°13 propose de remplacer les institutions financières mondiales actuelles par une structure dans laquelle tous les pays seraient représentés de manière égale; la recommandation n°14, quant à elle, préconise la dédollarisation de l'économie mondiale par la création d'un étalon monétaire commun à l'échelle planétaire, afin de faciliter les échanges et le financement des économies nationales.

L'accent est également mis sur la création d'entreprises mixtes franco-chinoises et d'associations de coopération, en particulier dans les secteurs de haute technologie, comme le montrent les recommandations 6, 34 et 37, ainsi que sur la proposition de promouvoir la langue chinoise dans les écoles françaises et les associations universitaires, comme le montrent les recommandations 46, 48, 49 et 50. Le document est empreint de réalisme et surprend donc à la lumière des décisions contre-productives prises en permanence par Bruxelles dans ses relations extérieures.

Toutefois, compte tenu du leadership eurocratique actuel, incarné par Ursula von der Leyen, il est peu probable que la France puisse imprimer un renouveau stratégique à l'Union européenne, compte tenu de la récente capitulation de Bruxelles face au chantage tarifaire de Trump.

(*) éditeur, analyste géopolitique et politique, écrivain spécialisé dans les questions latino-américaines.

Deux mondes s'affrontent: les États-Unis assouplissent leurs sanctions, l'UE les renforce

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Deux mondes s'affrontent: les États-Unis assouplissent leurs sanctions, l'UE les renforce

Source: https://unzensuriert.de/306897-zwei-welten-treffen-aufein...

Alors que les préparatifs du sommet entre le président américain Donald Trump et le président russe Vladimir Poutine sur la guerre en Ukraine battent leur plein en Alaska, le fossé entre les États-Unis et l'Union européenne ne pourrait être plus profond.

Signaux d'ouverture au dialogue

Washington a suspendu de manière ciblée certaines sanctions afin de permettre aux participants russes de se rendre aux pourparlers. Cette suspension n'est valable que jusqu'au 20 août et concerne exclusivement les activités liées à la rencontre. Les biens bloqués ne seront pas débloqués, mais le signal est clair: les États-Unis misent sur la volonté de dialogue et la flexibilité diplomatique. Trump salue publiquement les efforts de son gouvernement pour mettre fin à la guerre en Ukraine et laisse entrevoir des garanties de sécurité pour Kiev.

L'UE sur la voie de la confrontation

L'UE, en revanche, reste sur la voie de la confrontation. À Bruxelles, on travaille actuellement sur le 19ème paquet de sanctions contre Moscou, qui devrait être adopté en septembre. La ministre des Affaires étrangères, Kaja Kallas, a clairement indiqué qu'aucune concession ne serait faite à la Russie sans un « cessez-le-feu complet et inconditionnel ». La pression sur Moscou doit continuer à s'intensifier, malgré les conséquences économiques parfois lourdes pour les États membres.

Un coup dans le pied

Ces répercussions sont désormais clairement mesurables. En raison de l'autolimitation des importations de gaz bon marché en provenance de Russie, les prix de l'énergie en Europe sont si élevés que l'industrie n'est plus compétitive. Les contre-sanctions russes touchent durement l'Europe, notamment l'agriculture: les producteurs de fruits et légumes, les éleveurs et l'industrie alimentaire souffrent parce qu'ils perdent des opportunités de vente. Rien qu'en Haute-Autriche, les maraîchers ont dû détruire des centaines de tonnes de choux.

Un moyen de pression inutile

Les économistes avertissent que les sanctions européennes n'affaibliront pas de manière décisive la Russie. Au contraire, la Chine profiterait de prix plus bas pour les matières premières, tandis que les produits transformés reviendraient en Europe par des voies détournées et à des prix beaucoup plus élevés. Une politique symbolique au détriment des intérêts stratégiques de l'Europe.

Le sommet de l'Alaska pourrait donc être non seulement un test pour les chances d'un cessez-le-feu, mais aussi le reflet de la capacité à résoudre les conflits: étroitesse d'esprit et obstination d'un côté, diplomatie et flexibilité de l'autre côté de l'Atlantique.

Alexandre Douguine: La transformation de Trump en néoconservateur

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La transformation de Trump en néoconservateur

Alexandre Douguine

Tatiana Ladiaeva : Nous allons continuer à suivre les événements autour des sous-marins nucléaires qui se trouveraient près de la Russie sur ordre du président américain Donald Trump. C'est en tout cas ce qu'il a déclaré lors d'une récente rencontre avec la presse. La zone précise n'est toutefois pas précisée. Je rappelle que cette déclaration a été précédée d'une dispute publique avec le vice-président du Conseil de sécurité russe, Dmitri Medvedev. Selon Trump, Moscou menace désormais ouvertement Washington. Est-ce le cas ? Analysons la situation en détail.

Alexandre Douguine : Oui, malheureusement, l'escalade s'intensifie. Au cours des deux dernières semaines, voire de cette dernière semaine, des changements importants se sont produits.

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Trump a en fait complètement renoncé à la ligne qu'il avait annoncée pendant sa campagne électorale et immédiatement après son arrivée au pouvoir. Nous avons analysé méthodiquement son comportement dans l'émission « Escalade ». J'ai surestimé sa cohérence et sa dépendance à l'égard de sa base électorale, pensant qu'il maintiendrait sa position réaliste en matière de relations internationales, ce pour quoi il avait été élu. Mais il s'en est éloigné, non pas par de simples ajustements ou hésitations, mais en changeant complètement de cap. Alex Jones (photo), l'un des plus fidèles partisans de Trump, l'a dit de manière convaincante. Aujourd'hui, ses partisans en parlent : Tucker Carlson, Candace Owens, Jeffrey Sachs, John Mearsheimer — ils avaient placé leurs espoirs dans ses actions, car ses adversaires, les mondialistes et les libéraux, sont le mal que l'Amérique réelle rejette. Mais Trump déçoit non seulement ses adversaires, mais aussi ses partisans. Ses actions deviennent de moins en moins prévisibles pour eux — précisément pour eux, et non pour tous les autres.

Notre analyse doit donc être révisée. Trump agit de manière extrêmement agressive, mettant en œuvre la politique des néoconservateurs, alors qu'il s'y opposait initialement. Les néoconservateurs sont les mêmes mondialistes que les autres mondialistes, mais ils sont plus cyniques, plus francs et plus intransigeants. Si les libéraux de gauche parlent de démocratie mondiale et de coopération multilatérale, les néoconservateurs déclarent : « Quelle coopération ? Nous sommes la principale puissance hégémonique, soumettez-vous ou nous vous détruirons ». C'est le même programme mondialiste, mais sans masque, agressif et cynique. Trump s'est opposé aux néoconservateurs et aux mondialistes de gauche, mais il mène désormais leur politique. C'est ce qui explique l'escalade des tensions avec la Russie. Lorsqu'il est arrivé au pouvoir, il a déclaré : « Ce n'est pas ma guerre, c'est celle des mondialistes – de gauche, de droite, Biden et Crow. C'est la guerre de Biden, je la terminerai. Je sais comment : je vais téléphoner aux Russes, arrêter les livraisons d'armes à l'Ukraine, et nous trouverons une solution avec l'éminent leader souverain de la Russie, Vladimir Poutine ». Il l'avait promis, il comptait dessus, mais les choses se sont passées autrement.

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Trump a renoncé à sa stratégie MAGA. Je ne sais pas si certains éléments ont été conservés, mais il semble que non. Il a adopté la position classique des néoconservateurs, revenant à l'approche de Biden : soutien inconditionnel à la junte nazie, volonté d'infliger une défaite stratégique à la Russie, pression par tous les moyens, y compris la menace d'un conflit nucléaire direct avec Moscou. C'était l'argument clé de Trump lors de son arrivée au pouvoir : « Biden a conduit deux grandes puissances au bord de la guerre nucléaire. Nous allons rectifier cela, il y aura la paix, aucune menace nucléaire ». Les Américains ont répondu : « Très bien, nous votons pour vous, nous avons besoin de ce programme ». Trump a tenu bon pendant un certain temps, mais ce que nous voyons en août 2025, c'est la politique de Biden, sur un ton plus franc et cynique.

Tatyana Ladaeva : Se rend-il compte qu'il répète certaines erreurs et certaines mesures de Biden ? Il a toujours souligné à quel point lui et Biden étaient différents et à quel point leurs politiques étaient différentes. Mais regardez-le, ce qu'il dit et ce qu'il fait. « Avec moi, tout sera différent ». Et sur quoi va-t-il mettre l'accent maintenant ?

Alexandre Douguine : Sur Internet, de nombreux messages de partisans et d'opposants de Trump affirment que quelque chose ne va pas dans son état mental. Ils analysent les veines de ses mains, l'expression de ses yeux, la couleur de sa peau. Il n'est pas exclu qu'il ait subi un accident vasculaire cérébral. Il est âgé, en pleine campagne électorale, victime d'attentats — on ne peut exclure certains processus.

Il y a un commandement important dans l'Évangile: ne traite pas quelqu'un d'imbécile. Nos analystes utilisent souvent les mots « imbécile », « débile », « idiot », « sénile », « fou ». Mais l'Évangile l'interdit: en insultant, en humiliant, tu risques de t'attirer cela sur toi-même. Le comportement grossier de Trump envers ses adversaires — peut-être le méritent-ils, peut-être Biden a-t-il vraiment des déficiences liées à l'âge — mais trop insister là-dessus, se frapper la poitrine et déclarer : « Je bois du light et je vivrai éternellement », c'est faire preuve d'une arrogance excessive. Cela pourrait se retourner contre lui.

Quand tout le monde autour de vous est stupide et que vous êtes le seul à être intelligent, vous devenez vous-même victime de cette stratégie. C'est un orgueil démesuré. Trump récolte ce qu'il a semé : il figure sur les listes d'Epstein, mène une politique agressive. Ses propres critiques se retournent contre lui. On ne peut exclure que ce soient des manifestations de démence.

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Comme dans « Faust », les rôles s'inversent et on ne sait plus qui est le diable et qui est la victime. Il se passe quelque chose avec Trump. Il s'accroche à son égocentrisme, à son narcissisme, mais cela prend une tournure inquiétante. Ses actions en matière de droits de douane, avec le monde – il distribue des coups, peut donner un coup de pied au visage d'un allié comme l'Inde, en qualifiant son économie de rétrograde.

Nous nous opposons aux Américains en Ukraine, mais l'Inde est un allié clé des États-Unis en Asie du Sud-Est, beaucoup dépend d'elle. Qualifier son économie de nulle alors qu'elle est en pleine croissance est contre-productif. Ses relations avec Lula au Brésil et avec les BRICS sont les mêmes. Il distribue des coups à tout le monde.

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L'envoi de sous-marins nucléaires vers nos côtes rappelle un cow-boy dans un saloon qui enfonce la porte, tire sur les siens et les étrangers, brise des bouteilles de whisky. Dans un western, cela peut passer, mais dans la politique mondiale, dans les relations avec une puissance nucléaire, c'est dangereux. Au départ, il avait une idéologie, une stratégie cohérente, mais Trump l'a chiffonnée et jetée à la poubelle avec ses partisans. Il peut repousser tous ceux qui se sont battus pour lui. C'est ce qu'il fait avec l'Europe, la Chine, la Russie. Il a conclu un accord avec la Chine sur des tarifs douaniers insensés, et maintenant il menace à nouveau d'imposer des droits de douane de 100% si la Chine continue d'acheter des ressources russes. C'est peut-être un signe de démence, mais c'est objectif, et c'est plus dangereux que la somnolence de Biden.

Certains analystes américains notent un phénomène de confabulation, un diagnostic dans lequel des troubles mentaux conduisent à remplacer des lacunes dans la conscience par des situations fictives. Une personne peut décrire en détail une conversation téléphonique qui n'a jamais eu lieu. Trump publie des messages et fait des déclarations qui ne correspondent ni aux renseignements ni aux propos de ses conseillers. Il s'agit de confabulation, un mécanisme de défense qui comble les lacunes de la conscience. Ce phénomène est fréquent chez les personnes âgées. Trump comble peut-être ses lacunes mentales avec de tels placebos.

Il s'est offusqué des messages virulents de Dmitri Medvedev, vice-président du Conseil de sécurité. Trump considère probablement la Russie comme un pays pauvre et arriéré, mais il perçoit Vladimir Poutine comme une menace sérieuse, un joueur coriace avec lequel il faut négocier. Cependant, lorsque Medvedev s'exprime, Trump est perplexe : « Poutine est poli avec moi, et là, quelle brusquerie ! ». Il lui semble que Poutine est devenu grossier. Il oublie ses « 50 jours », l'ultimatum qu'il nous a lancé, comme à des subordonnés, sans objectif clair. Il a envoyé des sous-marins nucléaires vers nos côtes. Un tel traitement de la Russie et des autres puissances mondiales est le signe d'un désordre. On pourrait mettre cela sur le compte d'une déviation ou d'une démence, mais cet homme a entre les mains le potentiel nucléaire des États-Unis. L'Amérique est une puissance, et le fait qu'elle soit dirigée par un leader partiellement dément est inquiétant. Ses partisans commencent à douter de lui, et cela donne à réfléchir. Son attitude de cow-boy lui a peut-être été utile dans le passé, mais il semble désormais se prendre pour Dieu : il est le seul sujet, tous les autres sont des objets. Lorsqu'ils manifestent leur propre volonté, il se met en colère. C'est une situation dangereuse.

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Le mois d'août est un mois sinistre dans l'histoire. On ne peut pas affirmer que tout est perdu et qu'une guerre nucléaire est inévitable, mais sa probabilité augmente. Il faut être prêt à tout. On peut s'attendre à tout de la part de Trump. Si sa rationalité refait surface, c'est une chose ; si elle s'éteint, remplacée par un patch-work de confabulations où il se prend pour Dieu, la situation pourrait devenir catastrophique. Nous devons être extrêmement vigilants. Ce n'est pas une raison pour plaisanter, on ne peut pas balayer cela d'un revers de main en pensant que tout ira bien. Peut-être que tout ira bien, mais peut-être pas. Il faut prendre cela au sérieux.

Tatyana Ladaeva : Permettez-moi de poursuivre un peu sur le thème des relations entre Moscou et Washington, compte tenu de la situation actuelle. Il y a quelques minutes à peine, le Kremlin a publié des commentaires, notamment ceux du porte-parole du président russe, Dmitri Peskov. Il a souligné que Moscou était extrêmement prudente dans ses déclarations sur la question nucléaire et estimait que tout le monde devait aborder ce sujet avec le même sens des responsabilités. Quant aux déclarations de Trump, le Kremlin n'y voit pas d'escalade: il s'agit de sujets sensibles, que beaucoup perçoivent de manière émotionnelle. Cela dit, le Kremlin n'exclut pas la possibilité d'une rencontre entre Poutine et Witkoff cette semaine. La Russie reste attachée à l'idée d'un règlement politique et diplomatique en Ukraine comme voie préférable. Dès le début, je me suis posé deux questions classiques qui se posent dans tout débat : qui est responsable et que faire ? Nous avons déjà répondu à la question « que faire » dans la partie précédente de l'émission. Mais si l'on examine la situation sous l'angle de la responsabilité, en sachant qu'il y a toujours au moins deux parties dans un conflit, pouvons-nous apporter une réponse ?

Alexandre Douguine : Lorsque nous considérions Trump comme un homme politique cohérent et rationnel, désireux de s'éloigner du mondialisme et du pouvoir de l'État profond pour se diriger vers un projet d'Amérique indépendante, souveraine et puissante, nous voyions des perspectives de rapprochement avec nous, des positions communes sur les valeurs traditionnelles entre les États-Unis de Trump et la Russie. Nous voyions des modèles qui auraient pu conduire à une désescalade, si Trump avait été cohérent.

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Mais même dans le scénario le plus favorable pour les relations entre l'Amérique de Trump et la Russie de Poutine, il y avait une exception : le conflit ukrainien, la guerre en Ukraine. Du point de vue de la psychologie de Trump, qui a toujours été particulière, cela est devenu une pierre d'achoppement. Dans des conditions acceptables pour Trump, nous ne pouvions en aucun cas mettre fin à ce conflit, quelle que soit la pression exercée. Ce n'est pas négociable. Pour la Russie souveraine, il existe des positions qui ne sont pas négociables, qui ne font pas l'objet d'un compromis. Il s'agit de l'absence d'une Ukraine souveraine, anti-russe et armée en tant qu'entité pro-occidentale et russophobe. Cela était inacceptable pour nous, c'est pourquoi nous avons lancé une opération militaire spéciale. Et c'est la condition pour la cessation des hostilités : l'Ukraine renonce à son adhésion à l'OTAN, à son idéologie hostile à la Russie et réduit son armée à un niveau qui ne représente plus une menace pour nous, sans appartenir à aucun bloc. Nous sommes d'accord avec cela. À partir de là, nous discutons de la manière, du moment et de l'ordre dans lesquels nous passerons à la désescalade. Les frontières ne sont pas si importantes: tout ce qui restera derrière nous restera derrière nous, y compris ce que nous libérerons ou acquerrons. Mais il faut d'abord s'entendre sur le principe.

Pour les États-Unis, ce n'est pas si important, et Trump aurait pu accepter, mais cela aurait suscité une forte pression de la part de l'Union européenne, des mondialistes, des néoconservateurs, bref, de tous ceux qui ne sont pas ses partisans. Ses partisans le voulaient, Trump disait : « Je vais y réfléchir », mais il hésitait entre ses opposants et ses partisans, compte tenu de la position pacifiste de l'électorat MAGA, qui souhaitait mettre fin au soutien à l'Ukraine. Il avait commencé, mais il était déjà clair que cela serait extrêmement difficile. Accepter nos conditions minimales et non négociables était problématique, même pour un Trump sensé, tel qu'il semblait être quelques mois après son arrivée au pouvoir. Maintenant qu'il a abandonné sa stratégie, la situation est devenue beaucoup plus volatile, imprévisible et chaotique.

Qui est responsable ? Auparavant, Trump comprenait que la responsabilité incombait à Biden et aux mondialistes qui avaient déclenché une guerre contre la Russie, laquelle n'augurait rien de bon. Il disait : « Je vais y mettre fin ». De bonnes intentions : la guerre a été déclenchée par des forces maléfiques, il n'y a aucune perspective, ce n'est pas une guerre américaine, je veux y mettre fin. C'est sur cela que reposait la bonne volonté du président américain, soutenue par Moscou, Poutine, les négociations avec Trump, les échanges avec Witkoff, qui était venu, la préparation de la rencontre en Arabie saoudite. Tout allait bien, mais soudain, Trump a brusquement changé de cap, perdant rapidement le contact avec ce qu'il avait proclamé. Maintenant, qui est responsable, ce n'est pas clair.

Notre position reste la même, dans le même esprit. Les paroles pacifiques de Peskov sont sincères, il n'embellit pas la situation, mais la décrit telle qu'elle est. La Russie est attachée à son plan de victoire et à l'accomplissement des missions de ses forces armées. Sur cette base, nous sommes prêts à prendre des mesures pour nous rapprocher des États-Unis. De plus, il existe de nombreux sujets que nous pourrions discuter avec les États-Unis en dehors du cadre ukrainien avec beaucoup de succès et des résultats constructifs. Trump sacrifie sa stratégie, sa base électorale, ses promesses, ses intérêts. C'est pourquoi je pense que l'escalade actuelle est à blâmer. Nous ne la voulons pas, mais si quelqu'un nous déclare la guerre, nous ne pouvons pas répéter que nous ne voulons pas la guerre. Nous voulons la victoire. Dire « nous ne voulons pas la guerre » alors qu'elle est en cours revient à reconnaître notre défaite, et nous ne l'acceptons pas. Nous en sommes loin, et cela n'arrivera jamais. C'est un moment grave.

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Nous sommes peut-être à l'aube d'une troisième guerre mondiale, peut-être nucléaire. Tout le monde veut l'éviter. Quand la propension à maintenir la paix s'épuise, il faut agir avec détermination. L'escalade est une chose dangereuse, car les doctrines nucléaires de la Russie et des États-Unis prévoient la notion de frappe préventive. Si une partie estime que l'autre va certainement lancer une frappe nucléaire, il faut appuyer sur le bouton en premier. Mais que signifie « sait qu'elle va certainement lancer » ? Imaginez : la personne qui doit prendre la décision reçoit des informations sur une frappe imminente, et à ce moment-là, elle commence à perdre la raison, à confondre la réalité et la fiction, à perdre ses repères mentaux.

Une image tirée d'un film d'action, d'un western ou d'un film Marvel apparaît, où il « reçoit » cette information. Le décalage entre la réalité et les pensées de Trump devient inquiétant. Il peut ne pas recevoir le briefing des services de renseignement, mais « s'en souvenir » dans sa tête. Nous sommes dans une situation où il est question d'une frappe préventive.

Nos dirigeants sont tout à fait sensés et responsables, ce qui a été prouvé à maintes reprises. Nous soutenons Poutine parce que nous sommes convaincus de sa rationalité, de sa logique claire, de la déclaration de ses intentions, de ses méthodes et de son évaluation précise du coût des actions. Mais à l'autre bout, la situation est différente. Nous pouvons agir de manière rationnelle et pacifique, mais là-bas, c'est irrationnel, émotionnel, agressif, spontané. Les signes inquiétants se multiplient de ce côté-là.

Avec Biden, dont l'hostilité était prévisible, la situation était plus ou moins claire. Mais que fera Trump ? Ni ses partisans, ni ses adversaires, ni nous-mêmes ne le savons. C'est un signal inquiétant. Ce n'est pas que Trump soit un méchant, mais la perte de ses capacités cognitives dans une escalade aussi tendue est extrêmement dangereuse. Comment y faire face ? Nous avons des moyens, mais ils sont limités. Nous ne dirigeons pas les États-Unis, ils sont un sujet souverain. Comment faire passer notre message ? On peut reprocher à Medvedev ses messages virulents, mais le faire pourrait donner à Trump l'impression que nous sommes ses subordonnés, qu'il peut simplement prendre par les oreilles.

Tatyana Ladaeva : Revenons aux commentaires très pertinents, mesurés et calmes de Vladimir Poutine. Vendredi dernier, il a rencontré le président biélorusse Alexandre Loukachenko à Valaam. Il a notamment déclaré : « La déception vient des attentes excessives ». Il me semble que c'était une allusion à Trump, à ses déceptions constantes envers la Russie et Vladimir Poutine personnellement. Pourquoi avoir choisi cet endroit, cette île ? Y a-t-il selon vous une symbolique ?

Alexandre Douguine : Tout d'abord, c'est là que se trouve l'ancien monastère russe de Valaam, que l'on appelle le Mont Athos du Nord. C'est le cœur du monachisme orthodoxe. Le Mont Athos du Nord est la plus haute destination spirituelle. C'est notre grand monastère (photo), où se concentrent les traditions spirituelles de notre peuple. C'est très important.

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Poutine montre qu'il parle au nom de toute l'humanité orthodoxe, de la civilisation orthodoxe. Les valeurs sacrées sont importantes pour lui. Regardez comment, imprégné de l'esprit de ce lieu ancien et pieux, il s'est entretenu avec humilité et bienveillance avec Loukachenko, comment il semblait, comment le vent agitait les branches derrière le banc où les deux grands leaders slaves orientaux étaient assis en chemise après la messe, parlant de la grandeur de notre armée, du héros russe.

Dans le sanctuaire de Valaam, à Smolensk, où Loukachenko et Poutine se sont tenus debout et ont prié, se trouve notre principal temple des forces armées, un petit temple où les moines honorent la mémoire des soldats tombés au combat. Ce n'est pas un lieu fastueux, bruyant ou riche, mais un lieu riche en esprit, en pureté, en silence, en concentration monastique et en contact direct avec les armées des martyrs russes, des héros russes.

Je me suis moi-même rendu au sanctuaire de Smolensk, c'est un lieu sacré. Nos deux dirigeants l'ont choisi pour un entretien afin de parler des questions fondamentales de la politique mondiale. Ce n'est pas un hasard, car tout ce que font Poutine et Loukachenko, ils le mettent en relation avec la logique de l'histoire russe, avec l'esprit, avec Dieu. Ils essaient de comprendre ce que Dieu attend de nous, du peuple russe, comment nous en sommes arrivés là, ce que nous devons faire.

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C'est une ouverture, contrairement à l'orgueil satanique de Trump, et cela crée une atmosphère complètement différente. Les grands dirigeants écoutent ce que Dieu veut, et non ce qu'ils veulent, et parlent au monde, à l'humanité, à partir de ce discours subtil, à peine audible, qu'ils essaient de saisir au sanctuaire de Smolensk, à Valaam. La vie des moines, la vie du monastère, c'est le silence, l'élément, le silence qui permet à l'humanité de se taire et à Dieu de parler à travers nos cœurs, nos âmes. L'état d'esprit de Poutine et de Loukachenko, les formules dans lesquelles ils ont habillé leurs opinions, témoignent de cette attitude de prière de nos dirigeants. De nombreux grands princes, vainqueurs de guerres difficiles, ont pris les traits monastiques avant leur mort : ils sont forts et fiers devant les hommes, mais humbles et obéissants devant Dieu.

Poutine nous a transmis ce message, à nous et au monde entier. Il dresse le tableau de ce moment sinistre et inquiétant de notre histoire, où il y a des gens qui écoutent la volonté de Dieu, qui sont humbles, qui accomplissent leur devoir, qui s'appuient sur la tradition, la responsabilité, le souci des autres, et où il y a ceux qui sont leur contraire, même sur le plan esthétique.

J'ai beaucoup aimé cette image : Poutine, un homme mûr et sage, au visage simple et bon, assis et réfléchissant très sérieusement au sort du monde, pesant chaque mot, à côté de lui son plus proche allié, Alexandre Grigorievitch Loukachenko. C'est un pôle d'esprit, de lumière dans la situation actuelle. Nous nous reconnaissons dans ces dirigeants qui ne sont ni menaçants, ni agressifs, ni narcissiques. Nous voyons en eux la volonté concentrée qui anime notre histoire.

Tatyana Ladaeva : Nous continuons de recevoir de nombreuses questions et messages, tous concernant Trump. Beaucoup de gens ne comprennent pas et cherchent des réponses. Voici, par exemple, ce qu'écrit un certain Alexandre, de Belgorod : « Peut-être que les choses iront vraiment mal aux États-Unis dans un avenir proche et que Trump essaie simplement de semer la confusion avec sa rhétorique ? » Ce message a été posté sous notre vidéo sur YouTube. Il me semble que Trump n'avait pas dès le départ de plan précis pour mettre fin à la guerre. Il voulait en finir d'une manière ou d'une autre, mais il n'y arrive pas, alors il est en colère. Compte tenu de l'instabilité de son discours, il est très difficile de faire des prévisions. Avons-nous quelque chose à ajouter ?

Alexandre Douguine : Nos auditeurs évaluent très justement la situation, et pas seulement parce que nous en parlons. Ils sont capables d'analyser eux-mêmes la situation mondiale, en saisissant globalement l'essentiel.

À présent, l'essentiel est de comprendre que, comme le disent les personnes spirituelles, de nombreuses guerres ont lieu pour nous rappeler l'existence de Dieu. Les tragédies et les catastrophes surviennent pour nous montrer qu'il existe quelque chose de plus grand que les êtres humains et leurs besoins quotidiens : les valeurs, l'esprit, Dieu, l'immortalité, la résurrection, l'Église, la foi, les rites. Quand tout va bien, nous l'oublions. Mais lorsque deux sous-marins nucléaires, envoyés par un homme politique imprévisible à la psyché instable, approchent de nos côtes, il est temps de se demander : qu'est-ce que notre vie, notre pays, notre histoire ?

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Il y a une chanson de Roman Neumoyev, interprétée par Egor Letov dans l'album « Instructions pour survivre », qui s'intitule « Et le monde a une heure avant minuit ». Il faut vivre comme s'il ne restait qu'une heure avant minuit, en étant conscient que nous sommes face à l'éternité et que nous devons répondre de tout. Nous ne sommes pas maîtres des événements mondiaux, mais nous pouvons influencer notre vie, notre repentir, nos relations avec nos proches, nos décisions morales. Si le sentiment que « l'heure de minuit approche » s'éveille en nous en raison de la situation géopolitique et stratégique difficile, c'est peut-être là que réside le dessein. Si nous reprenons nos esprits, si nous nous réveillons, si nous prenons conscience, peut-être que le Seigneur aura pitié de nous et nous épargnera cette épreuve. Ou peut-être pas. Qui sait ? Tout est entre les mains de Dieu. Il faut comprendre qu'il existe des forces bien plus élevées et plus fondamentales que nous, les êtres humains.

mercredi, 20 août 2025

Le monde selon le mode russe et la Pax Americana

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Le monde selon le mode russe et la Pax Americana

Leonid Savin

La visite à Moscou du représentant spécial du président américain Steve Witkoff et les déclarations officielles concernant la rencontre prévue entre le président russe Vladimir Poutine et son homologue américain Donald Trump pour discuter du règlement du conflit en Ukraine soulèvent à nouveau la question d'une éventuelle cessation des hostilités et du lancement d'un processus de paix, si les conditions conviennent à toutes les parties.

Bien que l'on parle de paix, des connotations contradictoires et des questions supplémentaires apparaissent. Les objectifs de l'opération militaire spéciale annoncés par les dirigeants russes seront-ils atteints ? Le cessez-le-feu prévu affaiblira-t-il la Russie ou, au contraire, lui offrira-t-il de nouvelles possibilités de défendre ses intérêts ? Qu'adviendra-t-il des sanctions ?

La réunion à venir et les négociations éventuelles se déroulent dans un contexte d'expansion de la zone de contrôle russe sur la ligne de contact, de sorte que les craintes d'un échec du succès militaro-politique par le biais de décisions diplomatiques sont tout à fait plausibles. Les précédents historiques des guerres russo-ottomanes et, en particulier, la politique perfide de la Grande-Bretagne, puis des États-Unis, rendent ce risque assez élevé.

Mais avant tout, lorsque l'on réfléchit à la paix, il faut tenir compte du fait que nous la comprenons quelque peu différemment que l'entendent, disons, les représentants de la culture anglo-saxonne. Un détour par l'étymologie est important pour comprendre ce à quoi nous aurons affaire par la suite.

Dans la langue russe moderne, le mot « mir » a deux significations. Il désigne 1) l'espace qui nous entoure, c'est-à-dire la planète Terre, et 2) l'état de paix et d'harmonie. En sciences politiques, on utilise souvent le terme latin Pax, dont est dérivé le mot anglais Peace. Le plus souvent, le mot Pax est utilisé avec un adjectif, par exemple dans l'expression Pax Britannica, qui décrivait la puissance de l'Empire britannique et l'existence de ses colonies à travers le monde. La Pax Americana, c'est-à-dire la paix à l'américaine, est apparu dans la seconde moitié du 20ème siècle, lorsque la Grande-Bretagne, pour diverses raisons, n'a plus été en mesure d'exercer sa domination mondiale et que ses colonies ont commencé à se séparer les unes après les autres dans différentes parties du monde. Mais dans le dictionnaire latin-russe classique (édité par Dvoretsky), le mot Pax est donné dans un sens plus large, appliqué à l'Antiquité. Il existait alors la Pax Romana, décrite comme « la partie du monde pacifiée par les conquêtes romaines, c'est-à-dire par l'Empire romain, l'Imperium romanum ».

Donc, l'Imperium n'est pas simplement un état de paix et d'harmonie. D'abord, c'est le résultat des actions de l'acteur politique qui instaure cet Imperium. Ça peut être fait par la force des armes ou par la persuasion, mais la « pacification » en soi implique qu'elle n'a pas été réalisée de plein gré par ceux à qui s'applique cet ordre mondial. Deuxièmement, il s'agit de contours territoriaux bien définis. La Pax Romana s'étendait sur la région méditerranéenne, la Gaule et la Bretagne, mais la Scythie, la Perse et, a fortiori, l'Inde et la Chine, plus lointaines, n'ont jamais été soumises à l'autorité de Rome.

Au 21ème siècle, les réalités sont différentes. Si quelqu'un ne peut être « pacifié » par la force des armes, on aura très probablement recours à des instruments économiques, à l'influence culturelle, ainsi qu'aux services d'une tierce partie, qu'il s'agisse d'un organe supranational ou d'une organisation internationale influente. Il semble qu'un tel scénario d'Imperium, selon lequel certaines restrictions seraient imposées à la Russie, pourrait se réaliser aujourd'hui. Il s'agirait en quelque sorte d'une version de la Pax Americana qui s'approcherait de nos frontières (compte tenu des informations préliminaires selon lesquelles les États-Unis ont refusé de garantir que l'Ukraine n'adhérerait pas à l'OTAN).

Voilà donc une option, la pire pour la Russie. Quelles autres versions de l'apaisement actuel sont possibles ? Bien que Zelensky affirme également sans cesse la nécessité d'établir la paix, il est tout à fait évident que ce processus n'a pas grand-chose à voir avec l'Ukraine, car celle-ci n'est pas un sujet souverain. On peut également parler, avec beaucoup de bonne volonté, d'une Pax Europaea, car les principaux acteurs du processus de négociation sont la Russie et les États-Unis.

Si un partage des sphères d'influence sur le territoire ukrainien a lieu, comme ce fut le cas lors de la conférence de Potsdam, deux ordres mondiaux – américain et russe – se côtoieront et disposeront peut-être d'une zone tampon. Comme à l'époque de la bipolarité; à cette époque-là, cependant, la frontière se trouvait beaucoup plus à l'ouest. La question cruciale et urgente sera alors de savoir où passera exactement la ligne de démarcation. Suivra-t-elle les frontières administratives et territoriales ? Le Dniepr (compte tenu du retrait des forces armées ukrainiennes de la partie occupée de la région de Kherson) ? Ou la Pax Russica s'étendra-t-elle beaucoup plus à l'ouest, où se trouvent les terres historiques du monde russe ?

Il convient de souligner que la Pax Russica est plus qu'une zone de contrôle militaire et politique de Moscou. Il s'agit d'un espace culturel et historique, d'une zone d'activité commerciale et économique, et d'un espace de liberté, sans entraves, pour les compatriotes vivant dans d'autres États. Cependant, d'un point de vue étymologique, la Russie mène actuellement une politique d'apaisement par la voie militaire à travers ses forces armées.

D'un point de vue géographique plus large et dans une perspective stratégique à long terme, la nuance suivante est importante. Tant que la Pax Americana règne en Europe (ce qui est évident dans le contexte actuel de l'UE et de l'OTAN), la Pax Russica ne pourra pas se transformer en Pax Eurasiatica, même avec la participation active des autres membres de l'UEE et l'adhésion de l'Inde, de la Chine et de l'Iran avec leur propre vision de la Pax, qui peuvent coexister de manière organique dans le cadre de l'Ordo Pluriversalis, un ordre géopolitique multipolaire. Il est donc nécessaire d'établir des bases solides (garanties, respect des exigences, communication des positions impératives) non seulement pour la mise en œuvre adéquate de la Pax Russica, mais aussi pour créer un terrain favorable à la future Pax Eurasiatica, qui implique évidemment la disparition du régime transatlantique, à travers lequel la Pax Americana continue d'exercer son hégémonie dans la péninsule occidentale de l'Eurasie.

L'Europe bascule en marge de la politique mondiale

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L'Europe bascule en marge de la politique mondiale

Elena Fritz

(Facebook)

Les États-Unis peuvent se permettre un ordre multipolaire. Même sans alliés, ils restent une puissance mondiale grâce à leurs ressources, leur population, leur armée et leur influence internationale.

L'Europe, en revanche, a principalement dû son rôle dans la politique mondiale ces dernières décennies à son statut de « partenaire privilégié » de la superpuissance américaine. Tant qu'il y avait unipolarité, l'Europe était importante. Mais dans un monde multipolaire, elle n'est plus qu'un acteur secondaire, dépassé par ses concurrents.

C'est précisément pour cette raison que l'idée que Washington, sous Trump, négocie avec la Russie et tienne compte de ses intérêts est un cauchemar pour l'Europe. Un monde dans lequel les États-Unis renonceraient à leur toute-puissance ferait automatiquement sortir l'Europe de la première division en politique internationale.

À court terme, déléguer la sécurité aux États-Unis consistait à se donner une position confortable: moins de dépenses militaires, des normes sociales plus élevées. Mais la guerre en Ukraine a montré le revers de la médaille :

- Avec les États-Unis à ses côtés, l'Europe n'est qu'une marionnette.

- Sans eux, il ne reste qu'un conglomérat d'États inquiets qui réclament des garanties dans la panique.

La leçon fondamentale de la politique internationale :

- Ceux qui ne financent pas leur propre armée financeront celle d'un autre – dans le cas de l'Europe, celle des États-Unis. Et au final, on paie le triple du prix.

mardi, 19 août 2025

Sous la pression des États-Unis, Zelensky devrait signer un accord de paix, convoquer de nouvelles élections et quitter la scène politique

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Sous la pression des États-Unis, Zelensky devrait signer un accord de paix, convoquer de nouvelles élections et quitter la scène politique

Source: https://www.unser-mitteleuropa.com/174221

Selon une information qui circule actuellement, Zelensky devrait être poussé, lors de sa visite à Washington, à signer un accord de paix. Pour cela, il devra toutefois convoquer des élections en Ukraine et démissionner de ses fonctions politiques. C'est du moins ce que rapporte le politologue ukrainien Vladislav Olentschenko dans l'émission de la journaliste Natalia Moseichuk.

"Lundi, Zelensky se verra proposer de signer un accord de paix global et de convoquer des élections en Ukraine – pour la paix. En contrepartie, on lui promet les garanties suivantes: une sécurité totale pour lui-même et les membres de sa famille, la conservation de son capital et même la possibilité de devenir réalisateur à Hollywood. Ils essaient de l'« acheter » et de le convaincre qu'il n'y a pas d'autre issue".

– selon Olentschenko.

Cela devrait donc empêcher Zelensky de participer aux nouvelles élections.

Pourquoi participerait-il aux élections ? Il les perdrait de toute façon. Ils lui diront : « Tu es fatigué, il est temps de te reposer ». Quelles sont les possibilités ? Quel type de politique ? Après tout, tu n'es venu que pour une courte période, et c'est ce qui s'est passé. Ils n'ont plus besoin de toi. Tu as déjà tout fait, accepte-le, tout ira bien... »

Sommet Trump-Poutine-Zelensky dans quelques jours déjà ?

Comme on le sait, Zelensky se rendra aujourd'hui lundi chez le président américain Donald Trump pour discuter des conditions de Poutine pour un accord de paix.

Selon les médias occidentaux, un sommet tripartite entre Zelensky, Trump et Poutine pourrait avoir lieu dès le 22 août. Trump ne commencerait toutefois les préparatifs que si les discussions préliminaires avec Zelensky, qui se déroulent aujourd'hui lundi, aboutissent dans le sens souhaité par la Russie et les États-Unis.

Zelensky bientôt de l'histoire ancienne ?

D'autres analyses d'experts indiquent également que Zelensky serait sur le point de renoncer à la présidence ukrainienne. Et le nouveau chef de l'État ukrainien accepterait alors probablement des conditions de paix avec la Russie qui étaient auparavant inacceptables pour Zelensky. Sa démission serait donc une mesure attendue depuis longtemps et sans surprise, comme l'a mentionné David Mauricio Castrillon Kerrigan, expert en politique internationale à l'université colombienne Externado, à l'agence russe « RIA Novosti ».

Et d'ajouter :

"Il ne serait pas surprenant que Zelensky, à l'issue de ces rencontres, quitte son poste pour laisser la direction du pays à une autre personnalité. Et ainsi, avec une nouvelle image, accepter les conditions qui sont aujourd'hui inacceptables pour lui. Cela pourrait être politiquement judicieux pour toutes les parties et permettre à l'Ukraine d'accepter une décision coordonnée qui stabiliserait la situation sous la pression des États-Unis".

– selon Castrillon. (vadhajtasok)

Le Maure Zelensky a-t-il fait son devoir ?

Pour l'ancien comédien, ce serait l'un des moments les plus amers de sa vie: il aurait rempli son rôle de marionnette au service de l'État belliciste et se retrouverait là où il réussissait le mieux: caché, jouant du piano avec ses parties intimes, comédien de bas étage...

lundi, 18 août 2025

Trump accélère et élargit le découplage

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Trump accélère et élargit le découplage

Leonid Savin

La décision de la Maison Blanche d'imposer des droits de douane à de nombreux pays d'Europe, d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine a eu un double effet. Certains ont accepté les nouvelles conditions avec toutefois certaines réserves, confirmant ainsi leur statut de satellite et de client des États-Unis. D'autres se sont indignés à juste titre de cette forme de néocolonialisme, et les plus fervents partisans du second camp ont déclaré être prêts à défendre leurs propres intérêts et à affirmer leur souveraineté, notamment par des mesures de rétorsion à l'encontre des États-Unis.

Deux d'entre eux sont des géants économiques et sont membres du Groupe BRICS: l'Inde et le Brésil. Si Washington a temporairement convenu avec la Chine, dont l'économie dépend clairement des États-Unis, de ne pas appliquer de sanctions sévères (auxquelles Pékin inclut sans aucun doute les nouveaux droits de douane annoncés par Donald Trump), la situation est quelque peu différente dans le cas de ces deux pays. Et, selon toute vraisemblance, cette politique peu clairvoyante des États-Unis poussera Brasilia et New Delhi à prendre rapidement leurs distances avec leur récent partenaire dans les domaines les plus divers.

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Dans le cas de l'Inde, les conditions imposées par les États-Unis se concentraient sur l'exigence de renoncer à l'achat de pétrole russe, ce que la partie indienne a judicieusement jugé irréalisable et a protesté.

Le 4 août, le gouvernement indien a publié une déclaration indiquant que « l'Inde a subi des pressions de la part des États-Unis et de l'UE pour acheter du pétrole russe... Alors qu'en réalité, l'Inde a commencé ces importations en provenance de Russie parce que les chaînes d'approvisionnement traditionnelles ont été rompues et redirigées vers l'Europe. Dans le même temps, les États-Unis ont activement soutenu les importations indiennes afin de renforcer la stabilité des marchés énergétiques mondiaux... Il est apparu que tous les États qui critiquaient l'Inde commerçaient eux-mêmes avec la Russie... En 2024, le commerce bilatéral entre l'UE et la Russie s'élevait à 67,5 milliards d'euros... Le commerce entre la Russie et l'UE comprend non seulement les ressources énergétiques, mais aussi les engrais, les minéraux, les produits chimiques, le fer et l'acier, les machines et les équipements de transport. Les États-Unis continuent d'importer de Russie de l'hexafluorure d'uranium pour leur industrie nucléaire, du palladium pour leur radioélectronique, des engrais et des produits chimiques... Les accusations portées contre l'Inde sont donc injustes et sans fondement. Comme toute grande économie, l'Inde prendra toutes les mesures nécessaires pour protéger ses intérêts économiques et sa sécurité économique. »

Le 6 août, Trump a tout de même imposé des droits de douane de 25 % sur les produits indiens.

Il convient de noter que, relativement récemment, Apple a transféré sa production de smartphones de Chine vers l'Inde, ce qui a considérablement réduit le flux de gadgets en provenance de Chine vers les États-Unis, mais a augmenté le volume en provenance de l'Inde. Désormais, les consommateurs américains devront probablement payer plus cher, car le prix final inclura les nouveaux droits de douane. Il en va de même pour les autres produits expédiés de l'Inde vers les États-Unis, des médicaments (y compris les génériques) et l'électronique aux biens de consommation. Les exportations indiennes vers les États-Unis s'élèvent au total à environ 90 milliards de dollars par an. Leur réduction significative, qui est inévitable, obligera l'Inde à rechercher d'autres marchés, probablement en mettant l'accent sur les pays de la région afin de simplifier la logistique. Cependant, les consommateurs américains ressentiront très prochainement une hausse des prix ou une pénurie de produits indiens.

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Au niveau politique, cela donne à l'administration de Narendra Modi, qui se présentait comme un ami personnel de Donald Trump, une raison de revoir d'autres accords avec les États-Unis, y compris le partenariat militaire – l'Inde est membre de l'alliance Quad, qui comprend également le Japon, l'Australie et les États-Unis. Les accords précédents dans le domaine des technologies critiques et de la coopération scientifique, qui avaient été annoncés en grande pompe, pourraient également être gelés.

L'Inde a déjà annoncé qu'elle renonçait à l'achat d'avions de combat polyvalents américains et qu'elle envisagerait très probablement une alternative russe, d'autant plus qu'elle a une longue expérience de coopération avec Moscou dans le domaine militaro-technique depuis l'époque de l'URSS. D'ailleurs, la Russie et l'Inde ont rapidement signé un nouveau paquet d'accords de coopération technique, ce qui témoigne de leur capacité à réagir rapidement à des mesures indésirables de la part de tiers. En outre, l'Inde a renoncé à acheter un lot supplémentaire de six drones lourds Boeing P-8A, l'annonçant ostensiblement dès l'introduction des droits de douane.

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Mais surtout, la politique de la Maison Blanche pourrait modifier l'équilibre géopolitique en Asie du Sud. Washington ayant toujours considéré l'Inde comme un instrument pour contenir la Chine (et compte tenu de la taille et de la puissance de ce pays, il s'agissait d'un théâtre d'opérations opérationnel et stratégique), les relations entre les deux pays pourraient désormais se réchauffer sensiblement. Le Premier ministre Narendra Modi a déjà annoncé qu'il participerait personnellement au sommet de l'OCS en Chine le 31 août, où de nouveaux plans d'action pourraient être convenus pour coordonner les efforts conjoints de l'Inde et de la Chine (ainsi que de la Russie et d'autres membres de l'organisation) face à la pression américaine.

En Brésil, la situation est tout aussi intéressante et assez tendue.

Au sujet des nouveaux droits de douane, le président du pays, Luiz Inácio Lula da Silva, a déclaré qu'il existait une option concernant les métaux rares dans les relations avec les États-Unis, qui pourrait être utilisée dans les négociations. Dans d'autres déclarations, il a souligné que Washington n'effraierait pas le Brésil, car celui-ci commerce avec de nombreux pays. Mais le 4 août, il a vivement accusé les États-Unis de tenter d'organiser un coup d'État et a déclaré qu'il fallait trouver une alternative au dollar dans le commerce mondial.

Parallèlement aux discussions sur les nouveaux droits de douane, les États-Unis et l'UE ont imposé des sanctions contre le juge de la Cour suprême brésilienne Alexandre de Moraes et son épouse, bloquant leurs comptes bancaires en Europe. Cette mesure a été prise dans le cadre de la loi dite « Magnitsky ». Washington voulait ainsi faire pression sur le Brésil dans l'affaire de l'ancien président Jair Bolsonaro, qui a été assigné à résidence et dont les téléphones portables ont été confisqués. En réponse, les États-Unis ont imposé une nouvelle interdiction, retirant les visas de tous les membres de la Cour suprême brésilienne. Le site web du président américain a également publié un message faisant état de menaces présumées de la Brésil à l'encontre des États-Unis (un message similaire a été publié à propos de la Russie).

Dans le même temps, Lula da Silva a déclaré que les entreprises technologiques américaines ne pourraient plus travailler au Brésil si elles ne respectaient pas la législation de leur pays. La référence est plus qu'évidente.

Il est révélateur que, dans ce contexte, la compagnie aérienne brésilienne GOL ait annoncé le lancement de vols réguliers entre São Paulo et Caracas, malgré les sanctions américaines contre le Venezuela et les restrictions précédemment imposées à son voisin.

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Enfin, Lula a déclaré que les pays du BRICS devaient élaborer conjointement une stratégie pour contrer les mesures unilatérales des États-Unis afin de protéger leurs intérêts.

Une telle coopération reflétera sans aucun doute l'esprit de multipolarité et démontrera une véritable ouverture dans le commerce et la coopération économique entre les pays et les régions, contrairement aux tentatives grossières des États-Unis de rétablir leur hégémonie unipolaire, si ce n'est par la force militaire, alors par des mécanismes géoéconomiques, ce qui équivaut à une guerre par d'autres moyens.

samedi, 16 août 2025

Il n'y a pas de place en Alaska pour les folies «européistes»

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Il n'y a pas de place en Alaska pour les folies «européistes»

par la rédaction de Contropiano

Source: https://www.sinistrainrete.info/articoli-brevi/31062-reda...

Il n'y a rien de plus compliqué que les négociations pour mettre fin à une guerre, à moins que l'une des deux parties n'ait atteint une situation écrasante sur le terrain. Ce qui n'est certainement pas le cas, dans le conflit en Ukraine, pour l'alliance occidentale qui soutient Kiev, mais pas non plus pour Moscou, qui semble pourtant avoir un avantage stratégique très important.

Le sommet désormais imminent entre Poutine et Trump en Alaska, comme nous l'avons déjà dit, ne peut avoir lieu que parce que – sans qu'aucun contenu concret sur un éventuel accord n'ait été révélé – les deux principales diplomaties ont manifestement obtenu des résultats suffisants pour garantir que la rencontre entre les deux présidents puisse être présentée comme un « succès ». Sinon, elle n'aurait même pas lieu...

D'autres complications viennent de la qualité médiocre des négociateurs américains – le principal responsable, Witkoff, est un milliardaire de l'immobilier qui n'a aucune expérience de la diplomatie institutionnelle – et donc de la possibilité que cette partie ne comprenne pas pleinement les conséquences concrètes de ce qui est discuté.

C'est l'hypothèse avancée par exemple par le journal allemand Bild, très « gouvernemental », selon laquelle Witkoff aurait échangé la proposition de « retrait pacifique » des troupes ukrainiennes des parties des oblasts de Kherson et de Zaporizha encore sous leur contrôle (environ un quart des deux territoires) contre le retrait unilatéral de l'armée russe des deux régions, qui a certainement coûté très cher en termes de moyens, d'hommes et d'investissements.

Un « quiproquo » de cette ampleur scellerait évidemment l'échec complet du rendez-vous. Mais c'est précisément pour cette raison – si tout le monde le sait dans les rédactions, tout le monde le sait aussi à Washington et à Moscou – que le fait que la rencontre ait lieu semble garantir que ce sont les Allemands, et donc tous les petits nains européens, qui ont mal compris (ou espéré pire).

Qui, bien sûr, s'agitent beaucoup en ce moment pour obtenir une place dans les négociations, tant pour eux-mêmes que pour leur protégé Zelensky, en alignant des phrases gonflées de rhétorique apparemment pleine de bon sens mais pratiquement dénuées de fondement (« Il ne peut y avoir de processus de paix sans l'Ukraine », « Non à la modification des frontières de Kiev par la force », et ainsi de suite...).

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Nous parlons ici de négociations « entre États », et non d'un conflit social ou d'une guerre révolutionnaire, où, outre les « intérêts », les « valeurs » entrent également en jeu. Et à ce niveau, les choses se passent malheureusement ainsi : on met fin à une guerre par une négociation qui prévoit pour les perdants la cession de territoires (surtout s'ils sont habités par des populations de nationalité et de langue différentes), des accords exigibles et contrôlables pour garantir la « sécurité » mutuelle et tout ce qui sera mis sur la table.

La situation sur le terrain ne laisse pas beaucoup de place à l'imagination: la Russie a l'avantage et chaque jour qui passe, cet avantage s'accroît, plus rapidement qu'auparavant.

Pour la population ukrainienne également, la situation est telle qu'elle renverse complètement les orientations qui prévalaient au début du conflit: dans le dernier sondage Gallup, réalisé début juillet 2025, 69% des personnes interrogées se déclarent favorables à une fin négociée de la guerre dès que possible, contre 24% qui soutiennent la poursuite des combats jusqu'à la victoire.

Cela marque un revirement presque total par rapport à 2022, où 73% étaient favorables à ce que l'Ukraine combatte jusqu'à la victoire et 22% préféraient que l'Ukraine cherche une issue négociée dès que possible. Mais surtout, cela indique que le temps dont dispose la junte Zelensky pour parvenir à la paix est désormais très court. Aucune armée ne peut soutenir une guerre si le peuple veut le contraire...

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Néanmoins, tant Zelensky que l'Union européenne semblent vouloir faire obstacle à une négociation qui les exclut explicitement, tant en termes de participation que de «lieu» (pour se rencontrer en Alaska, Poutine et Trump n'ont pas besoin de survoler des territoires «neutres» ou hostiles, et n'ont donc pas besoin de «demander la permission»).

Si nous devions analyser les déclarations tonitruantes, comme le font nos médias, nous devrions dire que « les négociations ne peuvent aboutir à aucun résultat ». Mais comme nous préférons utiliser la logique et la connaissance, nous arrivons à une conclusion opposée, même s'il n'est évidemment pas certain que ces négociations produiront des résultats satisfaisants à court terme.

Il y a au moins deux problèmes principaux.

1) L'Ukraine est militairement, économiquement et politiquement en ruine. Même Zelensky est désormais explicitement remis en question et des remplaçants potentiels se profilent (Zaluzhny semble être en pole position). Toutes les alternatives politiques, à l'exception des néonazis « purs et durs », sont prêtes à signer la paix, même avec des pertes territoriales importantes.

2) L'Union européenne et la Grande-Bretagne ont jusqu'à présent choisi la voie de la poursuite de la guerre jusqu'au bout. En proie à un délire de toute-puissance, elles sont allées jusqu'à déclarer noir sur blanc qu'un « cessez-le-feu » (celui-là même qu'elles posaient encore hier comme condition préalable à tout dialogue) était nécessaire pour permettre à l'OTAN non seulement de reconstituer les réserves d'armes pour Kiev, mais aussi d'envoyer des troupes européennes en Ukraine.

Il s'agit en fait d'un suicide politique, avant même d'être militaire, car empêcher la présence de tout contingent de l'OTAN en Ukraine – tout comme l'adhésion de Kiev à l'alliance – est précisément l'une des raisons de la guerre, au point que la « neutralité » stratégique de l'Ukraine future fait partie des conditions que la Russie a toujours posées sur la table.

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Une dernière réflexion sur la « crédibilité » de la position belliciste de l'Europe à ce stade.

Il y a quelques jours à peine, l'UE a brandi le drapeau blanc dans les négociations avec Trump sur les droits de douane. Un ensemble hétéroclite, incapable de trouver un terrain d'entente même sur les « déclarations » (sans aucun coût, en somme) concernant la prochaine invasion de Gaza par Israël (la France et d'autres pays reconnaissent la Palestine, l'Allemagne et l'Italie sont allées chercher les signatures de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande – qui ne sont pas vraiment proches de l'Europe – pour rédiger une critique timide à l'égard de Netanyahou)...

Comment peut-on penser que cette amibe dépourvue de stratégie et de sens historique puisse « empêcher » qu'un processus de paix soit identifié et imposé par l'« allié » américain et l'« ennemi » russe ? Autrement dit : que comptent-ils faire ? Partir seuls (et certainement pas tous...) en guerre contre une superpuissance dotée de 6000 ogives nucléaires ? Et ce, en s'attirant l'hostilité de leur « allié » qui les malmène financièrement et qui est également leur chef militaire ?

Peut-être que cette voie mènera de toute façon au désastre. Mais ce ne sera pas Bruxelles et Kiev qui y mèneront.

vendredi, 15 août 2025

La Turquie défie la Grèce et Chypre en bloquant des projets clés en Méditerranée orientale

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La Turquie défie la Grèce et Chypre en bloquant des projets clés en Méditerranée orientale

Par Tasos Kokkinidis

Source: https://www.defenddemocracy.press/turkey-challenges-greec...

La Turquie intensifie ses efforts pour faire obstacle à des projets d'infrastructure clés impliquant la Grèce et Chypre en Méditerranée orientale, notamment le Great Sea Interconnector (GSI) et l'East to Med Data Corridor (EMC). Ankara tire parti de sa revendication sur le « plateau continental turc » pour créer des obstacles géopolitiques qui compromettent la viabilité des projets et entraînent des retards importants.

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Les projets GSI et EMC créent un nouvel axe de connectivité reliant la Grèce, Chypre, Israël et l'Arabie saoudite à l'Europe. La Turquie considère ces initiatives comme une tentative de la contourner et de réduire son influence régionale.

La semaine dernière, Ankara a suspendu les travaux d'étude pour l'EMC. Des sources turques proches de la défense ont confirmé que le navire de recherche battant pavillon de Gibraltar, le Fugro Gauss, avait été intercepté pour avoir opéré sans autorisation dans des eaux que Ankara revendique comme faisant partie de son plateau continental. Le navire effectuait des études pour l'EMC, un projet de câble à fibre optique reliant Israël à la France via Chypre et la Grèce.

La rhétorique et les tactiques de la Turquie sont calquées sur celles utilisées contre le GSI. La Turquie s'est opposée à plusieurs reprises à ce projet, des sources du ministère turc de la Défense qualifiant les activités prévues de « provocatrices » et accusant la Grèce et Chypre de les poursuivre sans le consentement de la Turquie. Ces sources ont ajouté que ces efforts, motivés par ce qu'elles ont qualifié d'« ambitions maximalistes », sont mal conçus et ne disposent pas des ressources nécessaires.

Cela démontre une stratégie cohérente visant à entraver toute infrastructure qui contourne la Turquie, qu'il s'agisse d'énergie ou de télécommunications. La participation d'un consortium dirigé par Saudi Telecom et la Public Power Corporation (PPC) grecque souligne la volonté de la Turquie de faire pression sur les pays tiers qui collaborent avec la Grèce et Chypre.

Les actions de la Turquie s'inscrivent dans le cadre d'une doctrine plus large, celle de la « patrie bleue » (Mavi Vatan), une politique maritime qui revendique de vastes zones de la Méditerranée orientale. En émettant des contre-avis NAVTEX et en déployant des forces navales et aériennes, la Turquie vise à empêcher les études des fonds marins et la construction de projets qui ne l'incluent pas ou ne lui profitent pas.

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La Turquie n'est pas signataire de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), qui définit les modalités de délimitation des zones économiques exclusives (ZEE). Elle soutient que des îles telles que la Crète, Kasos et Karpathos n'ont pas droit à un plateau continental complet, contestant la ligne médiane entre ces îles grecques et le continent anatolien.

En créant de l'instabilité et de l'incertitude, Ankara cherche à faire pression sur ces pays et les acteurs internationaux pour qu'ils l'incluent dans leurs futurs projets ou négociations, se positionnant ainsi comme un acteur régional clé.

Le GSI : la Turquie harcèle la Grèce et Chypre

Le GSI est un projet ambitieux visant à créer un câble électrique sous-marin reliant les réseaux électriques de la Grèce (via la Crète), de Chypre et d'Israël. Il est considéré comme un projet d'intérêt commun (PIC) par l'Union européenne, qui a fourni un financement substantiel (environ 657 millions d'euros) pour mettre fin à l'isolement énergétique de Chypre et de la Crète.

La première phase du projet, qui relie la Crète et Chypre, a démarré, et la fabrication de certains câbles est en cours par la société française Nexans. Cependant, les tensions géopolitiques ont entraîné le gel des études depuis juillet 2024. Le harcèlement naval des navires de recherche par la Turquie est l'une des principales raisons du gel des études des fonds marins.

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Le gouvernement chypriote et son autorité de régulation de l'énergie, la CERA, ont hésité à accorder les autorisations financières et réglementaires nécessaires, invoquant les risques géopolitiques et une charge potentielle pour les consommateurs. Cela a été une source de tension avec la Grèce et l'UE.

Le fabricant de câbles Nexans s'est déclaré prêt à réaffecter ses ressources et les câbles fabriqués à d'autres projets si le GSI continue à faire face à des retards et à des incertitudes. Cette déclaration, bien que formulée avec prudence, témoigne de la patience limitée de l'entreprise et fait pression sur les parties prenantes pour qu'elles résolvent les problèmes.

La Grèce a fermement déclaré que le projet allait se poursuivre, mais a gardé secret le calendrier de reprise des opérations de recherche sous la pression croissante de la Turquie.

Le ministre grec des Affaires étrangères, George Gerapetritis, a reconnu l'incertitude qui entoure le calendrier de reprise des recherches, déclarant lors du Forum de Delphes au début de l'année : « Les recherches et la pose des câbles reprendront au moment opportun. Il n'y a jamais eu de date fixe pour cela. Nous procéderons comme nécessaire, lorsque le moment sera venu. »

lundi, 11 août 2025

Trump et Poutine: pourquoi l'Alaska?

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Trump et Poutine: pourquoi l'Alaska?

Par Elena Fritz

Source:  https://www.compact-online.de/trump-und-putin-warum-gerad...

L'Alaska, justement, pourrait-on dire en référence à un titre de film célèbre. Le lieu du sommet entre Trump et Poutine n'a pas seulement été choisi pour sa valeur symbolique, il revêt également une dimension stratégique.

Dans l'édition COMPACT « Vladimir Poutine : l'histoire de la Russie », vous en apprendrez davantage sur son agenda géopolitique ancré dans l'histoire, traduit en allemand. Pour en savoir plus: https://www.compact-shop.de/shop/sonderausgaben/edition-1....

Le choix de l'Alaska comme lieu du sommet du 15 août n'est pas un hasard. C'est l'État américain le plus proche de la Russie sur le plan géographique et historique, avec un message implicite: « Loin de tout le monde, surtout de l'UE ». Politiquement ancré dans le camp républicain et loin des réseaux mondialistes, des services secrets britanniques ou des structures de lobbying ukrainiennes, l'Alaska offre une occasion rare de mener des discussions sensibles sans fuites ni provocations ciblées.

Il est également idéal en termes de sécurité : survol minimal de territoires étrangers, contrôle maximal de l'environnement.

L'Arctique, clé stratégique

L'Alaska n'est pas seulement un symbole, il représente également la dimension arctique de la politique mondiale. En mai dernier, le Conseil européen des relations étrangères avait déjà mis en garde contre le fait que Moscou pourrait utiliser l'Arctique comme terrain de négociation avec Washington.

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Un scénario spéculatif, mais digne d'intérêt: une limitation de la présence chinoise dans l'Arctique en échange d'un soutien moindre des États-Unis à Kiev. Une chose est claire: l'Arctique n'est pas seulement un gisement de matières premières et une route maritime, il fait partie de l'équilibre mondial des forces entre les États-Unis, la Russie et l'Europe.

Signaux antérieurs et ligne de conduite de Trump

Février 2025, Riyad : un diplomate russe basé au Canada était également présent à la table des négociations russo-américaines, ce qui indique clairement l'importance accordée à l'Arctique. Dans le même temps, Trump a annoncé son intention de rattacher le Groenland aux États-Unis et d'intégrer davantage le Canada.

Cela prolongerait considérablement la côte arctique américaine et intensifierait la concurrence pour le plateau continental arctique. Contre-argument de la Russie : la dorsale de Lomonossov, qui étaye ses propres revendications sur une grande partie du plateau continental arctique.

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Perspectives

La rencontre en Alaska est plus qu'une simple discussion sur l'Ukraine. Elle s'inscrit dans le cadre d'un redécoupage de l'architecture du pouvoir mondial, avec l'Arctique comme monnaie d'échange potentielle, accompagnée de questions relatives au contrôle des armements, à la stabilité stratégique et à l'énergie. À Anchorage, un dialogue pourrait s'engager qui profilera non seulement les deux présidents, mais façonnera aussi l'ordre mondial à venir.

Plus important que jamais : ne lisez pas sur Poutine, mais lisez-le lui-même ! Dans l'édition COMPACT « Vladimir Poutine : l'histoire de la Russie », vous en apprendrez davantage sur son programme géopolitique ancré dans l'histoire, traduit en allemand. Le président russe dans ses propres mots. Commandes: voir lien supra.

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dimanche, 10 août 2025

L'Inde et la Russie forgent une alliance civilisationnelle - Les flux commerciaux libérés de la domination lointaine

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L'Inde et la Russie forgent une alliance civilisationnelle

Les flux commerciaux libérés de la domination lointaine

Constantin von Hoffmeister

Source: https://www.eurosiberia.net/p/india-and-russia-forge-a-ci... 

Sous le ciel voûté des empires, les seigneurs forgerons de l'Orient concluent leur pacte, et les montagnes elles-mêmes répondent par le rugissement du fer.

Le 6 août 2025, dans les salles du Vanijya Bhawan (photo, ci-dessous), dans la capitale de la civilisation hindoue, deux grandes puissances, l'Inde et la Russie, ont scellé le « Protocole de la 11ème session » de leur groupe de travail sur la modernisation et la coopération industrielle. Cet acte dépasse le cadre des traités ordinaires et entre dans le domaine de la géopolitique en tant qu'art sacré.

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Les domaines concernés par cet accord sont les piliers de la souveraineté. Le protocole touche profondément à des domaines stratégiques. Au-delà des industries traditionnelles telles que « l'aluminium et le transport ferroviaire », il aborde les éléments vitaux de l'indépendance technologique: « la coopération dans le domaine aérospatial », « l'extraction des terres rares et des minéraux critiques », « la gazéification souterraine du charbon » et la création d'« infrastructures industrielles » avancées. Ces secteurs constituent les fondements matériels et énergétiques qui permettent à un État-civilisation de tracer sa propre voie.

Du toit du monde au bord des mers gelées, le courant de la guerre coule, liant les royaumes dans les tendons du destin.

Présidant ce congrès des puissants, le secrétaire indien du DPIIT (Département pour la promotion de l'industrie et du commerce intérieur), Amardeep Singh Bhatia, et le vice-ministre russe Alexey Gruzdev, étaient flanqués de quatre-vingts délégués: fonctionnaires, ingénieurs et stratèges. Leur rassemblement était une convergence de deux pôles civilisationnels, unis dans la conviction que le destin se manifeste à travers la volonté, la technologie et une vision commune. C'est le lien qui unit un axe traversant les continents, transportant un courant vivant de l'Himalaya à l'Arctique.

Les navires noirs transportent la sève des royaumes, et les vents salés transportent l'odeur du pouvoir à travers les horizons de la Terre.

Les chiffres économiques ne mentent pas. Depuis le début de la guerre en Ukraine, le commerce a explosé, passant d'environ 13 milliards de dollars en 2021-2022 à plus de 68,7 milliards de dollars pour l'exercice 2024-2025, alimenté par les importations massives de pétrole et d'engrais russes par l'Inde, qui ont consolidé la position de la Russie comme l'un des principaux partenaires commerciaux de l'Inde. L'Inde achète désormais environ 35 à 40% de son pétrole brut à la Russie, ce qui représente 50 milliards de dollars d'importations énergétiques pour l'exercice 2024-2025.

À l'aube métallique, les couloirs s'étendent au-delà des cartes; des veines d'acier pompent des rêves bruts dans les poumons des continents, et le vieux monde, tremblant dans un coin, sent l'ozone de sa propre éclipse.

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Les transactions s'effectuent en roupies et en roubles, un abandon délibéré de la dépendance au dollar, rendu possible par des négociations entre les banques centrales et des accords visant à contourner l'étranglement financier occidental. Environ 90% des échanges bilatéraux s'effectuent désormais en monnaie locale, créant un réseau financier hors de portée de l'influence atlantique.

L'or et les céréales voguent sur le grand fleuve des rois, sans ingérence étrangère, vers les trônes qui commandent leur propre destin.

Ce bilan n'est pas le fruit du hasard. L'Inde et la Russie sont en train de construire un circuit sanguin économique qui bat au rythme de l'autonomie. Le fleuve du commerce traverse désormais Moscou et New Delhi, et non plus les couloirs SWIFT. Les flux commerciaux sont libérés de la domination lointaine.

L'ancienne couronne tremble sur un front flétri, tandis que de nouveaux seigneurs de guerre s'élèvent sous les bannières que les anciens dieux favorisent désormais.

Du côté du monde atlantique, la résistance prend la forme de décrets et de droits de douane. Le jour même de la signature de cet accord, Trump, se posant en porte-parole d'un trône unipolaire en déclin, a publié un décret imposant des droits de douane sur les importations indiennes et menaçant de sanctions secondaires ceux qui s'engagent dans le secteur énergétique russe. Loin de démontrer une suprématie durable, ce geste révèle le réflexe d'un empire confronté à son propre éclipse stratégique.

Dans les salles des bâtisseurs et des rois, les marteaux résonnent comme des tambours de guerre, et les plans des empires sont gravés à la lueur du feu du destin.

Le langage de la politique mondiale passe désormais d'un universalisme imaginaire à un champ de projets civilisationnels distincts. L'Inde et la Russie apparaissent comme des architectes actifs, et non comme des bénéficiaires passifs. Leur coopération s'étend à la production de défense, à la recherche scientifique et aux initiatives de villes intelligentes, mêlant la vision « Make in India » de l'Inde à la maîtrise technique russe. Chaque projet devient un rituel de création, affirmant la prérogative des civilisations à façonner leur propre destin technologique.

L'ancien empire se dresse sur des pierres qui s'effritent, tandis que les nouveaux royaumes marchent vers le soleil levant, leurs bannières brillant du feu d'une gloire ascendante.

Ce protocole n'est pas une note de bas de page dans la diplomatie ; c'est la carte d'un monde à venir. Chaque soufflerie assemblée, chaque ligne ferroviaire forgée, chaque gisement de terres rares exploité dans le cadre de cette alliance ajoute une brique à l'édifice d'un ordre multipolaire. Les États-Unis, avec leurs flottes et leurs banques, se dressent désormais comme un souverain vieillissant entouré par la couronne de nouvelles puissances. Des chambres de New Delhi aux mines de Sibérie, le message est clair : l'ère d'un centre unique est révolue ; l'ère des centres multiples a commencé.

samedi, 09 août 2025

Trois gifles en trois jours: la Chine, le Qatar et les États-Unis ridiculisent l'UE de von der Leyen & Co.

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Trois gifles en trois jours: la Chine, le Qatar et les États-Unis ridiculisent l'UE de von der Leyen & Co.

par Pino Cabras

Source: https://www.sinistrainrete.info/articoli-brevi/31010-pino...

Qui sème la guerre récolte la vassalité. Trois jours, trois gifles. Une Union européenne à genoux devant le monde, incapable de relever la tête, bonne seulement à servir les intérêts américains et à opprimer ses propres citoyens

Que reste-t-il du « rêve européen » ? Rien. Si ce n'est une gigantesque machine technocratique qui détruit l'économie, humilie les nations et impose un carcan de censure, de taxes et désormais de guerre permanente.

  1. 1. Chine : sommet éclair, humiliation totale

Von der Leyen, Costa et Kallas s'envolent pour Pékin comme trois écolières convaincues qu'elles vont dicter leur loi. Ils dérangent Xi Jinping, impénétrable derrière son masque de sphinx. Elles rentrent chez elles les mains vides. La Chine les liquide en quelques heures: zéro accord, irritation maximale. Elles prétendaient donner des leçons sur les droits de l'homme, alors que l'économie européenne est en récession et que les industries fuient. Au cours des 25 dernières années, la Chine a vu sa part du PIB mondial passer de 3% à environ 18%, s'imposant comme un géant économique mondial. Au cours de la même période, l'Union européenne est passée de plus de 20% à un peu plus de 13%, marquant un déclin constant qui semble désormais s'accélérer.

Alors que Pékin accumulait puissance productive et influence, Bruxelles s'enlisait dans l'austérité, les contraintes autodestructrices et la subordination géopolitique. Une dynamique qui a renversé les rapports de force à l'échelle planétaire. La trinité europoïde s'y rend avec la suffisance d'une équipe invincible de Ligue des champions, mais avec les jambes d'une équipe de poussins. Un boomerang diplomatique, une énième preuve d'irrélevance.

  1. 2. Qatar : « Vous me payez ou vous n'aurez pas de gaz »

Le Qatar, troisième fournisseur de GNL de l'Europe, met en garde : avec vos directives écologiques délirantes et vos menaces d'amendes de plusieurs milliards, vous pouvez toujours rêver de gaz. Les contrats seront honorés (pour l'instant), mais rien de plus. Les barils iront en Asie, où ne gouvernent pas des fanatiques du climat aux manies coloniales. L'UE, déjà orpheline de la Russie, se prépare à rester dans le froid. Ah, mais il y a nos chers amis d'outre-Atlantique, n'est-ce pas ?

  1. 3. États-Unis : Trump encaisse tout, l'UE signe comme un paillasson

Le « sommet » en Écosse entre von der Leyen et Trump est la scène principale. Des droits de douane de 15% imposés par les États-Unis sur les produits de l'UE, 50% sur l'acier et l'aluminium. En échange, l'UE ouvre grand ses marchés, s'incline devant le GNL américain, promet 750 milliards de dollars en énergie américaine, 600 milliards supplémentaires en investissements... et achète d'énormes quantités d'armes américaines. Ce n'est pas un accord: c'est une capitulation sans condition. Cela équivaut à la capitulation d'un pays rasé après une guerre mondiale.

Trump rit au nez des journalistes européens. Et il a raison. L'UE s'est autodétruite pour « s'affranchir » de la Russie et s'est liée pieds et poings à un empire qui la considère comme un fauteur automatique de guerre et un commerçant épuisé et usé sur lequel on peut sévir en pratiquant le racket.

  1. 4. L'UE : belliqueuse avec ses citoyens, servile avec ses maîtres

Cette Union ne sert qu'à une seule chose : écraser les peuples européens. Elle censure avec le Digital Services Act. Elle impose des taxes spéciales pour « sauver l'Ukraine ». Elle oblige les entreprises et les familles à payer l'énergie à des prix exorbitants. Elle détruit le tissu industriel avec des réglementations vertes qui ne plaisent qu'à BlackRock, tout en misant tout sur le diesel des chars d'assaut. Mais face aux États-Unis, à la Chine et au Qatar... elle s'agenouille de la manière la plus dégradante qui soit.

Le projet européen est désormais une caricature dystopique de la démocratie, comme un GPS détraqué qui vous conduit droit dans un mur, mais qui prétend en plus vous infliger une amende si vous ne suivez pas l'itinéraire.

  1. 5. Von der Leyen, Costa, Kallas : les liquidateurs de l'Europe

Trois noms, une défaite. Von der Leyen, la passionaria du complexe militaro-industriel américain. Costa, le médiateur opaque d'une technocratie sans âme. Kallas, le ventilateur automatique de la russophobie balte. Trois personnages qui incarnent non pas l'avenir de l'Europe, mais son agonie géopolitique.

  1. 6. L'hypocrisie belliciste du front atlantiste italien

Carlo Calenda et même le PD (= parti socialiste italien) se déchirent aujourd'hui pour l'accord captateur signé par Ursula von der Leyen avec Trump. Réveillez-vous. Vous étiez sur la place des « serrapiattisti » le 15 mars dernier pour glorifier exactement cette Europe, alors que le même jour, nous étions sur une autre place pour combattre cette Europe et prévoir rationnellement comment cela allait finir. Vous avez misé sur Ursula la belliciste. Vous êtes les mêmes qui réclamez une escalade militaire contre la Russie et demandez plus d'armes, plus de sanctions, plus de soumission à l'OTAN. Vous faites semblant d'ignorer que cette stratégie a un prix très élevé : la désindustrialisation, la dépendance énergétique et la sujétion commerciale envers les États-Unis. En réalité, on ne peut pas tout avoir : qui sème la guerre récolte la vassalité. Vous voulez le beurre et l'argent du beurre, une Europe aux couleurs des États-Unis. C'est impossible, et vos contradictions éclatent au grand jour.

  1. 7. Une issue existe : sortir de cette UE, entrer dans un monde multipolaire

Tout sauf une relance. L'UE est le Titanic qui coule en entraînant tout le monde avec lui. Il faut une sortie intelligente, ordonnée et stratégique, qui rende aux nations européennes leur souveraineté populaire, leur liberté économique, monétaire et énergétique.

La direction à prendre ? Ce n'est pas Washington. C'est le monde des BRICS+, qui croît, commerce, construit des alternatives et ne vous impose pas de renier votre souveraineté. L'avenir est multipolaire. Mais pour y entrer, nous devons sortir de la gabegie en laquelle nous nous sommes plongés.

Sortir de cette UE. Avant qu'elle ne nous coule complètement.

lundi, 04 août 2025

Le conflit énergétique va déterminer l'ordre mondial

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Le conflit énergétique va déterminer l'ordre mondial

Les deux jours de négociations commerciales entre les États-Unis et la Chine se sont achevés à Stockholm sans avancée notable.

Par Elena Fritz

Source: https://pi-news.net/2025/07/im-energiestreit-entscheidet-...

Alors que Washington brandit des menaces et durcit ses droits de douane, Pékin reste imperturbable: la Chine refuse l'ultimatum américain de renoncer au pétrole russe et iranien. Lors des dernières négociations commerciales à Stockholm, il est apparu clairement que le nouvel ordre mondial ne se joue plus depuis longtemps avec des armes, mais avec des contrats, des droits de douane et des matières premières. Et que la Chine est prête à en payer le prix.

Le ministre américain des Finances, Scott Bessent, n'a laissé aucun doute lors de la conférence de presse qui a clôturé les négociations: si la Chine continue d'importer du pétrole russe, Washington imposera des « sanctions secondaires », si nécessaire avec des droits de douane pouvant atteindre 100%. Un projet de loi au Congrès américain prévoit même des droits de douane pouvant atteindre 500%. L'accusation est dès lors la suivante: ceux qui achètent du pétrole russe contournent de fait les sanctions occidentales et sapent la « pression internationale » sur Moscou.

Mais Pékin a réagi avec une clarté remarquable: la Chine est un État souverain qui a ses propres besoins énergétiques, et les décisions relatives aux importations de pétrole relèvent exclusivement de la politique intérieure chinoise. M. Bessent a lui-même cité cette phrase, avec un mécontentement perceptible.

La carotte et le bâton – et la réalité

La stratégie des États-Unis est un mélange de menaces et de chantage moral: on invoque le prétendu « danger pour la sécurité de l'Europe » que représenterait le commerce entre la Chine et la Russie, tout en mettant en garde contre une perte d'image auprès de l'opinion publique occidentale. Mais la réalité est plus prosaïque: la Chine s'assure des approvisionnements énergétiques à long terme auprès de partenaires qui ne sont pas sous l'influence des États-Unis. Et elle est prête à accepter des désavantages économiques pour y parvenir.

Les droits de douane punitifs brandis par Trump ne garantissent aucun effet politique. Au contraire: le projet de loi est actuellement gelé, car même les républicains jugent les risques économiques pour les entreprises américaines « inacceptables ». Ce qui est présenté comme une menace n'est pour l'instant que du vent.

La rupture stratégique

Ce qui se profile ici est plus qu'un différend bilatéral. C'est le début d'une nouvelle ère: celle de la division géopolitique des flux énergétiques. L'Occident veut isoler la Russie et menace de sanctions économiques les États qui ne s'y plient pas. Mais ces menaces perdent de leur efficacité à mesure que des acteurs tels que la Chine, l'Inde ou le Brésil gagnent en assurance.

Le cas de la Chine montre que ceux qui ne se laissent pas intimider gagnent en pouvoir d'influence. Pas à court terme, mais à long terme. Car l'énergie n'est pas une arme comme un fusil: c'est une infrastructure, une sécurité de planification, un avenir.

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L'Europe : absente et divisée

Jusqu'à présent, l'Europe ne joue pratiquement aucun rôle dans cette épreuve de force stratégique. Si certains gouvernements insistent sur le respect des sanctions, la réalité est tout autre: l'Italie importe à nouveau du gaz liquéfié russe, la Hongrie maintient ses contrats énergétiques avec Moscou et les entreprises allemandes tentent de continuer à accéder aux matières premières russes via des pays tiers.

Au lieu d'une stratégie commune, nous assistons à une Europe tiraillée entre appel moral et réflexe de survie économique. Le gouvernement fédéral allemand donne l'impression d'être un spectateur dans un match dont les règles sont écrites par d'autres.

Que reste-t-il ?

À Stockholm, la Chine a clairement fait savoir qu'elle poursuivrait sa politique d'indépendance énergétique, même contre la volonté de Washington. Les droits de douane annoncés par les États-Unis semblent pour l'instant davantage être des gestes symboliques que des outils de realpolitik. Et l'Europe ? Elle devrait se demander si elle veut continuer à soutenir une politique énergétique dictée par d'autres ou si elle veut commencer à définir elle-même ses intérêts stratégiques.

dimanche, 27 juillet 2025

Syrie : le conflit par procuration entre la Turquie et Israël

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Syrie: le conflit par procuration entre la Turquie et Israël

par Davide Malacaria

Source: https://www.piccolenote.it/mondo/siria-il-conflitto-per-p...

Les affrontements en Syrie – au centre desquels il convient d'évoquer ceux qui se sont déroulés dans la région de Sweida, habitée par les druzes – ont causé plus de 500 victimes, avec la menace d’une forte augmentation, car le fragile cessez-le-feu, obtenu avec difficulté, vacille.

Tout a commencé avec le chaos qui a suivi la chute d’Assad, lorsque le terroriste de confiance de l’Occident, Ahmed Al-Sharaa, anciennement Mohammad al Golani, a été porté au pouvoir à Damas. Il était d’abord le chef d’une faction de l’État islamique, puis d'Al-Nusra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, un terroriste formé, comme le leader de l’État islamique al-Baghdadi et beaucoup d’autres, dans les prisons américaines, dont il a été libéré en 2011, au début des événements qui visaient le changement de régime en Syrie.

Après la chute d’Assad, Ahmed Al-Sharaa, aidé par Ankara qui l’avait guidé pour le compte de l’Occident lors du changement de régime, a eu du mal à recoller les morceaux de la Syrie, largement causés par sa propre action. Mais peu à peu, grâce à Ankara, il a réussi à rétablir une apparence d’État, même si beaucoup ne faisaient pas confiance à ce terroriste en costume-cravate, et refusaient de lui remettre les armes.

Cela a donné lieu, en mars dernier, aux pogroms de Latakia et Tartus, où plus de mille alaouites, branche dissidente du chiisme ayant soutenu le président Assad, ont été brutalement massacrés par ces anciens terroristes qui avaient pris le pouvoir.

Une partie aussi de la communauté druze, minorité avec une religion très particulière, a évité la consigne, mais leur insubordination a été en partie tolérée, car cette communauté bénéficiait de la protection israélienne qui, après la chute d’Assad, a étendu son influence dans le Golan et les régions environnantes, déclarées unilatéralement zones démilitarisées.

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Tous les druzes ne sont pas heureux de recevoir cette protection intéressée, bien au contraire. Beaucoup la rejettent comme une ingérence indue, mais pour les ambitions expansionnistes de Tel Aviv, déterminée à devenir une puissance mondiale grâce à sa mainmise sur le Moyen-Orient, cela ne représente qu’un détail secondaire.

Passons aux derniers événements: ce qui a déclenché le chaos actuel, qui a commencé, incidemment, un autre 11, funeste, précisément le vendredi 11 juillet, lorsqu’un jeune druze a été enlevé alors qu’il se rendait à Damas. Un événement plutôt fréquent dans cette région, où depuis longtemps, il y avait des frictions et des affrontements entre druzes et bédouins locaux.

Mais cette fois, les combats ont été de plus grande ampleur, obligeant Damas à intervenir en force. Mais au lieu d’éteindre l’incendie, l’intervention l’a en fait enflammé, les druzes accusant les forces de Damas de protéger leurs amis bédouins, également musulmans sunnites, et de déclencher des affrontements plus vastes entre druzes et l’armée syrienne, qui ont fait plus de 100 victimes.

Un conflit inégal, où les druzes sont voués à souffrir. Mais comme il était évident, Tel Aviv a envoyé ses forces pour défendre les druzes, qui constituent aussi une minorité bien intégrée dans l’État israélien.

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Et voici que la situation se retourne: l’armée syrienne ne pouvait rien contre l’aviation israélienne, qui non seulement a bombardé Damas, mais a également lancé des attaques contre la capitale, frappant le ministère de la Défense, en guise d’avertissement aux maîtres du jeu.

Une intervention qui a fait s’effondrer le réseau, que Washington a patiemment tissé ces derniers mois, espérant faire de la Syrie une sorte de pont entre la Turquie et Israël, consolidant la mainmise d’Ankara sur le pays tout en renforçant celle d’Israël sur le Golan, avec, pour couronner le tout, l’adhésion de Damas aux Accords d’Abraham, ce qui constitue un autre cadeau pour Tel Aviv. Le tout financé par l’argent du Qatar et d’autres monarchies sunnites, à qui Washington a confié la reconstruction du pays, dont bénéficieraient les intérêts turcs et israéliens.

Tous heureux, en apparence. Si ce n’est que le chaos créatif, soit la stratégie des néoconservateurs américains déployée depuis longtemps pour remodeler le Moyen-Orient, fonctionne peu lorsqu’on l’applique à la réalité, car le chaos est par nature destructeur.

Ni les convergences parallèles entre Netanyahu et Erdogan, évidentes dans de nombreux dossiers au Moyen-Orient malgré leur antagonisme joué pour la galerie, ne peuvent suivre un parcours non conflictuel comme d’autres partenariats à distance. L’expansionnisme d’Israël ne peut que entrer en conflit avec le rêve néo-ottoman d’Erdogan.

Si le fragile cessez-le-feu actuel, déjà brisé par des affrontements localisés risquant de déclencher de nouveaux incendies, a été une petite victoire de Washington, qui a négocié entre les parties en rassurant la Turquie qui voyait vaciller son influence sur le pays voisin, il est également vrai que cette fois la Russie et la Chine sont entrées en jeu pour préserver un minimum d’ordre dans la région.

Car elles savent toutes deux que l’objectif d’Israël est toujours le même: provoquer le chaos aux portes de l’Iran. Si la Syrie tombe dans le chaos, celui-ci se propagera inévitablement en Irak, qui redoute depuis longtemps cette possibilité, au point d’avoir renforcé ses frontières.

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Sans compter que la situation menace aussi le fragile Liban, déjà confronté aux incursions israéliennes incessantes et illégitimes, ainsi qu’aux pressions de l’envoyé américain pour le Liban et la Turquie, le funeste Tom Barrack, qui opère en tant que gouverneur colonial dans la politique du pays des cèdres.

Sa mission est d’éliminer le Hezbollah du Liban, en commençant par son désarmement, pour le livrer ensuite aux mains d’Israël. Il agit avec une certaine agressivité, allant jusqu’à proférer des menaces: si la milice chiite ne respectait pas les diktats de Washington, le pays reviendrait à l’époque de Bilad al-Sham, quand il faisait partie de la Grande Syrie.

Un projet qui, bien qu’il soit démenti, est toujours chuchoté par les néoconservateurs et par Ankara, comme le montre un article de The Cradle sur l’influence turque croissante, par le biais d’un bureau spécial à Damas et dans la ville libanaise de Tripoli, dont le port constitue une infrastructure éminemment stratégique. À cela s’ajoutent des rumeurs recueillies par i24NEWS sur la demande des autorités syriennes aux États-Unis de prendre le contrôle de la ville en échange de leur adhésion aux Accords d’Abraham. Telle est la sinistre nature du chaos créatif, qui a déjà causé beaucoup de souffrances dans la région.

vendredi, 25 juillet 2025

L'OTAN menace le Brésil de sanctions

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L'OTAN menace le Brésil de sanctions

Incapable de reconnaître sa défaite face à la Russie, l'OTAN, désormais impuissante, profère des menaces qui prêtent à rire.

Wellington Calasans

Source: https://jornalpurosangue.net/2025/07/15/otan-ameaca-o-bra...

Les menaces de l'OTAN envers le Brésil ne sont qu'un chapitre supplémentaire de l'histoire de l'impérialisme en crise. Victimes de leur propre corruption, les pays membres de l'OTAN n'ont pas eu le courage d'assumer qu'ils ont utilisé l'Ukraine pour mener une guerre par procuration contre la Russie, qu'ils ont perdu et qu'ils veulent maintenant blâmer les pays du bloc BRICS pour cet échec embarrassant.

L'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) a récemment élargi sa stratégie de pression mondiale en incluant le Brésil dans une liste de pays-cibles susceptibles d'être soumis à des représailles économiques.

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Le larbin de Trump, Mark Rutte, qui joue le rôle clownesque de secrétaire général de l'alliance, a publiquement menacé le pays, ainsi que la Chine et l'Inde, de sanctions « massives » s'ils ne faisaient pas pression sur la Russie pour qu'elle avance dans les négociations sur le conflit ukrainien.

Cette déclaration, faite au lendemain de l'annonce hilarante par Donald Trump de droits de douane supplémentaires de 100% contre les nations qui commercent avec Moscou, révèle une escalade inquiétante, car elle découle de la jactance des désespérés, dont l'ego a été passablement écorné.

L'OTAN instrumentalise la guerre pour imposer son programme, traitant les pays non alignés comme de simples pions géopolitiques. Une stratégie vouée à l'échec, car même si le Brésil est dirigé par un président faible, il sera difficile de l'isoler de ses partenaires du groupe BRICS, car les intérêts en jeu sont très nombreux.

La position de l'OTAN reflète une expansion de son rôle historique. Créée en 1949 comme alliance défensive, elle agit aujourd'hui comme le bras politico-militaire d'un ordre international en plein effondrement.

Malheureusement, le Brésil, qui a toujours recherché l'autonomie dans ses relations extérieures, est devenu une sorte de « pomme pourrie du bloc BRICS », en particulier avec les derniers présidents qui n'ont pas compris que les Occidentaux ne recherchent pas un partenariat, mais visent plutôt l'exploitation.

Aujourd'hui, après avoir offert des jabuticabas à Trump, Lula expose sa fragilité et le pays devient une cible pour ne pas avoir adhéré aux sanctions contre la Russie. Il suffisait d'un coup de poing sur la table pour mettre fin à la mascarade des lions édentés de l'OTAN, mais Lula, tout comme Bolsonaro, est le toutou de l'Occident et préfère raconter des blagues et faire des imitations.

Les menaces telles que celles proférées par Rutte ignorent la souveraineté brésilienne et exposent l'hypocrisie d'un bloc qui, tout en prônant la « sécurité collective », agit pour étouffer les voix critiques à l'égard de ses propres intérêts.

Comme le soulignent les analyses sur la démocratie au 21ème siècle, l'absence de soutien à l'OTAN peut transformer les pays réfractaires en « parias », soumis à un chantage systémique. Cependant, la Chine et la Russie étaient prêtes à affronter un tel chantage et vont remettre les ratés de l'OTAN à leur place.

Le discours de l'OTAN sur l'Ukraine mérite également d'être critiqué. L'alliance, qui depuis 2014 a alimenté la crise en étendant ses opérations à l'Europe de l'Est, utilise désormais le conflit comme justification pour étendre encore davantage son pouvoir coercitif.

Dans le même temps, des pays comme le Brésil sont accusés de « ne pas faire pression sur Poutine » — une exigence cynique, puisque c'est le Kremlin lui-même qui a récemment proposé la reprise des pourparlers de paix à Istanbul.

L'incapacité à reconnaître sa responsabilité dans le conflit révèle le caractère unilatéral de l'OTAN, qui préfère menacer des tiers et promouvoir des politiques néocolonialistes. Il est temps que le peuple brésilien exige de ses dirigeants une position souveraine ancrée dans les institutions.

Depuis les années 2000, le Brésil a renforcé son action sur les questions mondiales, défendant une politique étrangère indépendante. Cependant, la pression de l'OTAN cherche à saper cette autonomie, en imposant le dilemme suivant: « soit vous vous alignez, soit vous serez punis ».

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La menace de sanctions secondaires, telles que les tarifs douaniers de Trump, montre comment le bloc OTAN instrumentalise l'économie pour contraindre les gouvernements. Il s'agit d'une stratégie qui combine des « mesures défensives » ambiguës et une coercition ouverte, consolidant un ordre où la souveraineté des pays périphériques est subordonnée aux intérêts des puissances qui, pour le plus grand bonheur du monde, sont en déclin.

Enfin, il est crucial de dénoncer et de rejeter l'impérialisme structurel de l'OTAN. En menaçant le Brésil, l'alliance atlantique expose non seulement son visage autoritaire, mais met également en évidence la crise d'un système international qui traite la guerre comme un simple outil de domination.

Alors que l'OTAN refuse de dialoguer avec la réalité multipolaire émergente, des pays comme le Brésil et d'autres membres des BRICS doivent résister à ces chantages, en réaffirmant que la paix n'est possible que dans le respect de la souveraineté et du droit international — et non sous les menaces d'un bloc obsolète et belliciste.

Mark Rutte n'a même pas d'autonomie chez lui. En tant que larbin de Trump, il ne sert qu'à faire du bruit. Il aboie beaucoup, mais n'a même pas de dents pour mordre.

jeudi, 17 juillet 2025

La pause de Trump avant l’Armageddon

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La pause de Trump avant l’Armageddon

Retarder un affrontement avec la Russie et lâcher le mouvement MAGA

Alexander Douguine

Alexander Douguine révèle ici que Trump est une figure vacillante qui, pris entre une guerre avec la Russie et la colère de son mouvement MAGA, privilégie le délai au destin, reportant l’apocalypse de cinquante jours.

Hier, beaucoup s’attendaient à ce que Donald Trump fasse des déclarations nettes, concrètes et menaçantes concernant la Russie. Cependant, il a choisi de repousser une confrontation sérieuse — une confrontation que les néoconservateurs insistaient activement pour qu'il l'enclenche. La situation équivalait, très probablement, à un pari 50/50.

Trump aurait pu annoncer des sanctions sévères ou des livraisons sans précédent d’armes à l’Ukraine et ce, en grande quantité. D’un côté, cela aurait pu détourner l’attention des Américains de sa décision de ne pas publier la liste des clients d’Epstein — une décision qui a transformé bon nombre de ses anciens soutiens en opposants.

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Sur tout le territoire des Etats-Unis, les militants du mouvement MAGA brûlent, par dépit, leurs casquettes sur la voie publique.

Tout le mouvement MAGA est actuellement contre Trump parce qu’il a, à plusieurs reprises, trahi leurs attentes de manière flagrante et cynique. D’abord, il s’est lancé dans la guerre contre l’Iran. Maintenant, il refuse de divulguer les dossiers sur le lobby pédophile d’Epstein aux États-Unis — ce qui était initialement un point clé de sa plateforme électorale. En conséquence, une cascade de supporters l’a abandonné. En substance, tout le mouvement MAGA, tout le trognon du trumpisme, se dresse maintenant contre Trump.

Dans ce contexte, on aurait pu s’attendre à ce que Trump tente de détourner l’attention avec une Troisième Guerre mondiale — un « Armageddon » contre la Russie — en annonçant des mesures effrayantes et extrêmes: de véritables sanctions capables de frapper aussi la Chine et l’Inde, principaux consommateurs des ressources énergétiques russes, et des livraisons de missiles de portée moyenne à Kiev, ce qui marquerait effectivement le début d’un Armageddon ouvert.

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Trump aurait pu faire cela pour détourner l’attention de ses échecs — ou choisir de ne pas le faire, sachant que MAGA lui serait alors encore plus hostile. Un des principes fondamentaux du mouvement, et celui qui a permis à Trump d’accéder au pouvoir, était de mettre fin au conflit en Ukraine et d’arrêter de soutenir Kiev. Fondamentalement, il avait deux options: calmer le jeu (la "désescalade"), chercher la détente et tenter de regagner de l’influence sur le mouvement MAGA — ou lâcher ce public, abandonner le mouvement MAGA complètement et déclencher un conflit direct avec la Russie, créant ainsi un état d’urgence. Il aurait pu choisir l’une ou l’autre voie, mais finalement, il n’en a choisi aucune, reportant tout à une prochaine étape.

Il a lancé des menaces envers la Russie tout en reconnaissant en même temps la grande compétence ès-négociations du président russe Vladimir Poutine, montrant que Poutine est un homme dur qui ne compromet pas ses intérêts nationaux. En revanche, Trump, lui, compromet ses propres intérêts. Toute comparaison entre les deux est donc clairement à l’avantage de Poutine. La Russie a un dirigeant fort, ferme, poli, qui axe sa politique sur des principes, qui ne trahit pas son électorat — contrairement au leader américain. Dans cette compétition réelle et concrète, Trump perd sans aucun doute. Il a perdu le soutien de ses électeurs et est sur une trajectoire descendante. Son charisme et ses plans s’effondrent. En réalité, comme disent les jeunes, c’est un « échec épique » — un échec complet en politique intérieure.

Cependant, il n’a pas choisi de détourner l’attention mondiale de cet échec par une escalade avec la Russie. Il n’a pas dit grand-chose; il a simplement menacé qu'une telle escalade pourrait encore arriver, mais pas maintenant, peut-être dans cinquante jours. Mais même après cinquante jours, il pourrait changer d’avis — ou le faire demain. Trump se comporte de manière très imprévisible, et, à cet égard, on pourrait dire, frivole.

Pourtant, la pire issue — une déclaration immédiate de la Troisième Guerre mondiale — n’a pas eu lieu. Cela ne veut pas dire qu’elle ne se produira pas plus tard: dans cinquante jours, dans dix jours ou dans trois. En tout cas, l’élan d’attente entourant ce lundi a été efficacement désamorcé par le retour de Trump à une position neutre. La dynamique d’escalade reste énorme. Le monde file à toute vitesse vers l’Armageddon. Mais, pour l’instant — du moins — cela ne commencera pas aujourd’hui.

En conséquence, la bourse russe a connu une légère hausse, bien qu’en réalité elle ne devrait pas dépendre de telles choses, surtout compte tenu des pourcentages négligeables qui sont impliqués. Notre marché boursier est fondamentalement défectueux, car il est surveillé par Nabiullina, qui voit la bourse comme une rivale de la Banque centrale — comme c’est habituel dans tout pays et sous tout système. En résumé, notre système est simplement mal conçu, donc ce n’est pas un indicateur pertinent. Je ne lui accorderais pas trop d’attention.

Ce qui est positif, toutefois, c’est que la guerre n’a pas commencé hier. Cela signifie que son début a été quelque peu retardé. Bien que rien ne soit certain, tout peut arriver. L’histoire reste ouverte. Trump a pris une pause, prolongeant ses stratégies inefficaces, envers nous et envers l’Ukraine, de cinquante jours supplémentaires. Il a promis de livrer des systèmes Patriot à l’Ukraine, qui seront payés par les Européens, bien que cette décision ait déjà été prise il y a quelques temps. En somme, Trump a tenté de faire sensation à partir de quelque chose qui ne sera pas sensationnel. En d’autres termes, il a déclaré, en substance :

« Maintenant, je proclame haut et fort que je ne proclame rien. »

Tout reste dès lors comme avant. Mais cette fois, l’intervalle qui nous a été donné — avant la reprise du conflit mondial aujourd'hui reporté — doit être utilisé pour renforcer notre pays, la Russie. Nous ne pouvons plus compter sur personne, ni placer nos espoirs ailleurs. Seulement sur nous-mêmes. Ce que nous construisons de nos propres mains, c’est ce que nous aurons. Par conséquent, nous devons armer, réarmer, surarmer, renforcer, consolider notre souveraineté, et orienter la société vers des trajectoires militaires à long terme. C’est ce qui doit être fait — quoi qu’il arrive. L’Armageddon ne commencera pas aujourd’hui. Mais cela ne veut pas dire qu’il ne commencera pas demain.

samedi, 12 juillet 2025

Sommet des BRICS au Brésil – Un pouvoir sans structure?

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Sommet des BRICS au Brésil – Un pouvoir sans structure?

Elena Fritz

Source: https://pi-news.net/2025/07/brics-gipfel-in-brasilien-mac...

Le dernier sommet des BRICS au Brésil aurait pu être un événement marquant. Un jalon géopolitique. Après tout, le bloc représente aujourd'hui déjà une puissance économique supérieure à celle du G7, et la tendance est à la hausse. Et pourtant, l'impression demeure: les chiffres impressionnants contrastent avec une efficacité limitée. L'absence symbolique du président chinois Xi Jinping en dit long. Ce qui manque, ce n'est pas le potentiel économique, mais la cohérence politique. Et surtout: la structure.

L'hégémonie occidentale ne repose pas uniquement sur les armes, mais aussi sur des institutions: le FMI, la Banque mondiale, l'OMC, SWIFT, les tribunaux d'arbitrage, les systèmes de notation – un réseau de contrôle mondial qui filtre l'accès au marché, les investissements et les sanctions en fonction d'intérêts géostratégiques. Cette infrastructure est l'épine dorsale de la Pax Americana. Ceux qui s'y opposent ne sont pas nécessairement isolés militairement, mais ils le sont systématiquement.

La Russie a depuis longtemps compris ce lien. Les propositions russes au sein des BRICS ne visaient donc pas des résolutions symboliques, mais  à faire émerger un contre-pouvoir institutionnel réel :

- Création d'une cour multilatérale propre pour les litiges économiques.

- Mise en place d'un système de règlement autonome en dehors de SWIFT.

- Introduction d'une monnaie de réserve BRICS, éventuellement couverte par l'or.

- Développement de la New Development Bank en une banque d'investissement capable d'agir sur le plan géostratégique.

- Création d'un espace d'information commun pour contrer la domination occidentale sur l'opinion publique.

- Politique étrangère et de sécurité coordonnée, par exemple lors des votes à l'ONU.

Mais ces propositions sont restées sans suite.

Pourquoi les BRICS ne fonctionnent pas (encore)

Ce qui semble à première vue être de l'inertie est en réalité systémique: les pays du BRICS ne sont pas unis par une vision commune. La Chine profite massivement de l'ordre mondial existant, l'Inde est étroitement liée au marché américain, le Brésil tergiverse, l'Afrique du Sud reste dépendante des matières premières et la Russie est de plus en plus isolée. Les propositions de Moscou sont considérées comme « n'étant pas leurs guerres », et c'est précisément là que réside le problème.

Le BRICS n'est actuellement pas un système, mais le reflet d'intérêts divergents.

La souveraineté, que tous les États membres défendent, devient la plus grande faiblesse structurelle. Car le pouvoir ne naît pas de l'autosuffisance nationale, mais d'une action coordonnée et de règles communes. Et celles-ci ne sont justement pas en vue.

Le vide géopolitique – et l'illusion de la neutralité

Le monde se dirige vers une nouvelle formation de blocs. L'Occident consolide son ordre, tandis que « l'Orient » – s'il voit le jour – reste divisé. Dans cette constellation, la neutralité devient une fiction géopolitique. Ceux qui ne créent pas d'ordre finissent par être subsumés dans un ordre étranger.

La Russie reconnaît cette dynamique, non par idéalisme, mais par nécessité. Car Moscou est la première grande nation à s'être détachée de l'Occident, non seulement sur le plan militaire, mais aussi sur le plan systémique. Cependant, sans partenaires prêts à partager la responsabilité institutionnelle, les BRICS ne deviendront pas un contrepoids, mais un simple cercle de discussion.

Conclusion

Le sommet des BRICS n'a pas été un échec, mais une déclaration d'insolvabilité.

Tant que les BRICS ne mettront pas en place leurs propres structures, le bloc restera une puissance économique sans impact géopolitique. Ceux qui critiquent le dollar sans proposer d'alternative restent prisonniers du système qu'ils veulent renverser.

Il ne suffit pas d'être contre l'ordre occidental, il faut créer le sien.

16:25 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, politique internationale, brics | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 09 juillet 2025

Iran. Premier bilan

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Iran. Premier bilan

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/iran-primi-bilanci/

Cessez-le-feu au Moyen-Orient, nous dit-on. Ou plutôt, une illusion de cessez-le-feu, puisque Netanyahu n’a manifestement aucune intention de le respecter. Et l’Iran semble prêt à riposter coup sur coup.

Trump est furieux. Cependant, sa colère ne sert pas à grand-chose. Il espérait calmer le conflit et, en même temps, favoriser un changement de régime en Iran. C’est ainsi que le vieux prétendant au Trône du Paon, désormais complètement américanisé depuis des décennies, a été de nouveau évoqué: Reza Shah.

Mauvais calculs et mauvaises analyses. Car, en réalité, la République islamique semble sortir renforcée et resserrée par ces attaques. Ce n’est pas que l’opposition intérieure n’existe pas, mais il est clair que cela n’a rien à voir avec des sympathies pour Israël ou les États-Unis. Au contraire…

Ainsi, Khamenei a eu le dessus. Il a transféré le pouvoir effectif aux Pasdaran, dépossédant ainsi le modéré Pezeshkian.

En fait, c’est l’état d’urgence. Tout simplement. Ces mesures renforcent le régime iranien et donnent plus de pouvoir à l’aile militaire.

Et affaiblissent ceux qui espéraient une détente avec Washington, en particulier les classes bazari et marchandes.

Après quinze jours de guerre à distance, Israël semble en difficulté. Et ce malgré le militarisme proclamé par Netanyahu.

Il n’a simplement pas réussi à faire plier Téhéran ni à favoriser le dissensus iranien. Au contraire, le régime des ayatollahs semble plus solide que jamais, et la riposte militaire a provoqué de véritables crises de nerfs internes en Israël.

Netanyahu a même dû tenter d’empêcher la fuite des principales villes, notamment des citoyens juifs qui veulent se réfugier, ou plutôt revenir, à l’étranger.

Il est vrai que Bibi mise surtout sur les « colons », qui représentent la face la plus déterminée et agressive du sionisme.

Mais le malaise intérieur en Israël est évident.

Téhéran, d’ailleurs, n’est pas totalement seul. Plus que Poutine, qui est trop occupé en Ukraine pour pouvoir offrir autre chose qu’un soutien politique à l’Iran, le véritable allié du régime des ayatollahs est la Chine. La Chine importe du gaz et du pétrole iraniens, essentiels pour son économie.

La politique de Xi Jinping vise, bien sûr, à éviter autant que possible les conflits directs, surtout avec Washington.

Pourtant, cela n’empêche pas la Chine de soutenir Téhéran de toutes les manières possibles, car elle ne veut absolument pas de changement de régime. Xi Jinping a été très clair et ferme sur ce sujet.

De plus, le Pakistan s’est déjà dit prêt à intervenir militairement aux côtés des Iraniens. Et le Pakistan, en plus de sa puissance nucléaire, est étroitement lié à Pékin.

Puis il y a Kim Jong-un. La Corée du Nord est une puissance nucléaire, et le jeune dictateur, maître incontesté du pays, exploite habilement la situation internationale pour briser l’isolement politique et économique dans lequel Pyongyang était plongé depuis longtemps.

Il a également déclaré être prêt à intervenir militairement pour aider l’Iran.

Une situation donc extrêmement difficile à déchiffrer. Trop de variables, trop d’acteurs. Trop de dangers.

Incontestablement, nous vivons une époque « intéressante », qui, selon une vieille malédiction chinoise, signifie justement « dangereuse ».

 

19:15 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, iran, moyen-orient, politique internationale | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Chypre a peur...

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Chypre a peur...

Andrea Marcigliano

Bron: https://electomagazine.it/la-paura-di-cipro/

Chypre a peur. Une peur insidieuse, de plus en plus manifeste et parfaitement justifiée.

Car la Chypre grecque ne doit pas seulement faire face à la coexistence, déjà difficile et imposée de longue date, avec la partie turque de l’île. C’est-à-dire avec la partie occupée par les Turcs, qui y ont créé une république autonome, totalement dépendante d’Ankara.

C’est une vieille histoire. Une histoire de coexistence, toujours extrêmement difficile, entre Grecs et Turcs. Une cohabitation toujours pleine de menaces mutuelles et chargée de souvenirs sanglants.

Mais aujourd’hui, la peur concerne quelque chose de bien plus invasif. Quelque chose de profondément différent.

De nombreux citoyens israéliens, beaucoup de Juifs, pour simplifier, se sont déplacés vers la République de Chypre. S’éloignant d’Israël et, surtout, emportant avec eux leurs activités. Probablement effrayés par la politique de Netanyahu et par la situation de guerre permanente dans laquelle Tel-Aviv a été plongé.

Une situation où Bibi, bien sûr, bénéficie du soutien total des soi-disant « colons ». Qui sont des sionistes furieux, armés et combattants. Mais cette situation effraie les classes moyennes urbaines, qui craignent des répercussions négatives sur leur vie, leurs affaires et leurs intérêts, qui sont considérables.

Et ainsi, un exode silencieux a commencé vers Chypre. Qui a peu à peu vu émerger des synagogues au centre de nouveaux quartiers entièrement juifs.

Surtout, l’île, déjà tourmentée, doit désormais faire face à un nouveau problème: l'apparition d'une sorte d’État dans l’État. Et un État qui ne répond en rien à celui qui est légitime. Au contraire, il a ses propres règles et ses propres formes d’autogouvernement.

Il n’est donc pas surprenant que le gouvernement chypriote envoie des signaux au monde attestant de sa préoccupation croissante. Car cette invasion israélienne, pacifique, pourrait être porteuse de problèmes considérables, qui, eux, ne seront pas aussi pacifiques.

Tout d’abord, le transfert important d’activités financières juives en territoire chypriote expose l’île au risque d’attaques « terroristes » par les ennemis d’Israël, qui commencent à voir Chypre comme une sorte de colonie extérieure de l’État hébreu. Et, par conséquent, comme un lieu d’où sont données des directives politiques et économiques qui influencent tout le Moyen-Orient.

Et cela constitue déjà, en soi, un problème considérable, car cela entraîne Chypre dans une dimension moyen-orientale, que le gouvernement de Nicosie a toujours essayé d’éviter, en se connectant à l’Union européenne.

Ensuite, les enclaves israéliennes-juives sur l’île évoluent et agissent comme si elles étaient totalement indépendantes, devenant en fait un État autonome, niant l’autorité du gouvernement de l’île.

Sans compter que cette présence israélienne, croissante et massive, pourrait facilement enflammer des tensions avec la partie turque, ravivant un conflit latent qui n'avait jamais vraiment été éteint.