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mercredi, 14 septembre 2011

Piet Tommissen: le Grand Maître des notes en bas de page

Piet Tommissen: le Grand Maître des notes en bas de page

 

Modeste, il brisait les blocages mentaux

 

Hommage au Schmittien flamand Piet Tommissen

 

Par Günter MASCHKE

 

“La rcherche sur Carl Schmitt, c’est moi’”, aurait pu dire Piet Tommisen dès 1952, alors qu’il n’avait que vingt-sept ans. Ce Flamand était à l’époque un étudiant sans moyens, qui étudiait  seul l’économie politique et la sociologie, en autodidacte, alors qu’il avait un boulot banal. Sans cesse, il venait à Plettenberg dans le Sauerland pour rencontrer Carl Schmitt, après des voyages pénibles dans un pays totalement détruit. Et l’étudiant Tommissen posait des questions au Maître: il était très respectueux mais si curieux et si pressant qu’il exagérait parfois dans ses véritables interrogatoires, jusqu’à perdre la plus élémentaire des pitiés! A l’époque, il n’y avait pas de photocopieurs et Tommissen recopiait sur sa petite machine à écrire portable des centaines d’essais ou de documents, tout en pensant à d’autres chercheurs éventuels: il utilisait sans lésiner de gros paquets de papier carbone.

 

Sans Tommissen, la célébrité de Carl Schmitt aurait été plus tardive

 

Certes, Carl Schmitt, grand juriste et politologue allemand, diffamé et réprouvé après 1945, avait quelques autres amis fidèles mais il faut dire aujourd’hui que le travail le plus pénible pour le sortir de son isolement a été effectué par Piet Tommissen. Sans ce briseur de blocus venu de Flandre, la célébrité acquise par Schmitt aurait été bien plus tardive. Tommissen a établi la première bibliographie de Schmitt de bonne ampleur (cf. “Versuch einer Carl Schmitt-Bibliographie”, Academia Moralis, Düsseldorf, 1953); il a écrit une série impressionnante, difficilement quantifiable, de textes substantiels, en allemand, en français, en néerlandais, en espagnol, etc., sur la vie et l’oeuvre du plus récent de nos classiques allemands en sciences politiques; il a découvert et édité les multiples correspondances entre Schmitt, grand épistolier, et d’autres figures, telles Paul Adams, Hugo Fischer, Julien Freund, etc.; enfin, à partir de 1990, il a publié huit volumes de la série “Schmittiana” (chez Duncker & Humblot à Berlin), tous absolument indispensables pour qui veut s’occuper sérieusement de l’oeuvre de Schmitt. Tout véritable connaisseur de Schmitt devra dorénavant acquérir et potasser cette collection.

 

Tommissen était le maître incontesté d’un genre littéraire particulièrement noble: l’art de composer des notes en bas de page. Ses explications, commentaires, indices biographiques et bibliographiques réjouissent le “gourmet”, même après maintes lectures et relectures, et constituent les meilleurs antidotes contre les abominables simplifications qui maculent encore et toujours la littérature publiée sur Schmitt et son oeuvre. Dis-moi qui lit avec zèle les notes de Tommissen et je te dirai quelle est la valeur des efforts qu’il entreprend pour connaître Schmitt!

 

Tommissen était surtout la “boîte à connexions” dans la recherche internationale sur Schmitt ou, si on préfère, la “centrale de distribution”. Presque tout le monde lui demandait des renseignements, des indices matériels, des conseils. Ainsi, il savait tout ce qui se passait dans le monde à propos de Schmitt. Pour ne citer que quelques noms: tout ce à quoi travaillaient Jorge Eugenio Dotti en Argentine, Alain de Benoist en France, Antonio Caracciolo en Italie, Jeronimo Molina en Espagne ou moi-même, auteur de ces lignes nécrologiques, Tommissen le savait et c’est pour cette raison qu’il pouvait susciter de nombreux contacts fructueux. Tous ceux qui connaissent les cercles de la recherche intellectuelle s’étonneront d’apprendre que Tommissen a toujours su résister à la tentation de rationner ses connaissances ou de les monopoliser. Son mot d’ordre était: “Le meilleur de ce que tu peux savoir, tu dois toujours le révéler à tes étudiants!”.

 

Bon nombre d’admirateurs de Tommissen déploraient une chose: notre professeur ne prenait que fort rarement position et ne formulait qu’à contre-coeur des assertions théoriques fondamentales. Cette réticence n’était nullement la faiblesse d’un collectionneur impénitent mais le résultat d’une attitude toute de scrupules, indice d’une grande scientificité. Après une conversation de plusieurs heures avec Tommissen, mon ami Thor von Waldstein était tout à la fois enthousiasmé et perplexe: “Qui aurait cru cela! Cet homme incroyable creuse en profondeur. Il sait tout en la matière!”.

 

Il serait toutefois faux de percevoir Tommissen exclusivement comme un “schmittologue”. Il était aussi un excellent connaisseur des écrits de Vilfredo Pareto et de Georges Sorel, deux “mines d’uranium” comme les aurait définis Carl Schmitt. Il y a donc un mystère: comment un homme aussi paisible et aussi bienveillant que Tommissen ne s’est-il préoccupé que de ces “dinamiteros” intellectuels? Sa thèse de doctorat, qu’il n’a présentée qu’en 1971, et qui s’intitule “De economische epistemologie van Vilfredo Pareto” (Sint Aloysiushandelhogeschool, Bruxelles), lui a permis, après de trop nombreuses années dans le secteur privé, d’amorcer une carrière universitaire. Cette thèse restera à jamais l’un des travaux les plus importants sur le “solitaire de Céligny”, sur celui qui n’avait plus aucune illusion. Quant aux études très fouillées de Tommissen sur Sorel, cette géniale “plaque tournante” de toutes les idéologies révolutionnaires, devraient à l’avenir constituer une lecture obligatoire pour les lecteurs de Sorel, qui se recrutent dans des milieux divers et hétérogènes.

 

L’oeuvre majeure de Tommissen est une histoire des idées économiques

 

La place manque ici pour évoquer en long et en large les recherches de Tommissen sur la pensée politique française des 18ème et 19ème siècles, ses essais sur les avant-gardes surréalistes et dadaïstes en Europe. Pour mesurer l’ampleur de ces recherches-là, il faut consulter la bibliographie composée avec amour par son fils Koenraad Tommissen (“Een buitenissige biblografie”, La Hulpe, Ed. Apsis, 2010).

 

L’exemple le plus patent de l’excellence des travaux de Tommissen en sciences humaines (au sens large) est incontestablement son ouvrage majeur “Economische systemen” (Deurne, 1987). Dans l’espace relativement réduit de 235 pages, Tommissen nous brosse l’histoire des idées économiques de l’antiquité à la Chine post-maoïste, en complétant son texte, une fois de plus, d’innombrables notes de bas de page et d’indices substantiels. Il nous révèle non seulement l’histoire dramatique de l’économie politique à travers les siècles mais nous introduit également à l’étude du substrat politique, culturel et idéologique de “l’homme travaillant” au cours de l’histoire. Un bon livre nous épargne très souvent la lecture de centaines d’autres et nous encourage à en lire mille autres!

 

La personnalité de Piet Tommissen nous révèle aussi que le questionnement, la lecture, la compilation, la pensée, l’écriture ne connaissent jamais de fin, que ce travail est épuisant mais procure aussi énormément de bonheur.

 

“Si tu veux aller à l’infini

Borne-toi donc à arpenter le fini en tous ses recoins”

(“Willst Du ins Unendlichen schreiten,

Geh nur im Endlichen nach allen Seiten”),

nous dit l’Olympien de Francfort-sur-le-Main, de Weimar.

 

Piet Tommissen, né le 20 mars 1925 à Lanklaar dans le Limbourg flamand est décédé à Uccle le 21 août 2011.

 

Günter MASCHKE.

(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°36/2011 – http://www.jungefreiheit.de ).

In Memoriam Piet Tommissen

“Scribens mortuus est”

In memoriam Piet Tommissen

(20 mars 1925 – 21 août 2011)

 

par Hans VERBOVEN

 

Dans la basilique Saint Servais de Grimbergen nombreux étaient les amis, les collègues, les voisins et les parents du Professeur Piet Tommissen rassemblés pour prendre congé de lui, le 26 août 2011. Le prêtre, Gereon van Boesschoten, o. praem., dès le début de la célébration eucharistique, a rappelé la signification du vers “Mijn schild ende betrouwen, zijt Gij o God mijn Heer” (“Ô Seigneur, Mon Dieu, Tu es mon bouclier et ma confiance”), qui ornait le faire-part. Filip de Vlieghere, président du Marnixring (“Cercle Marnix”), a évoqué les grandes qualités humaines et les capacités d’organisateur du défunt Piet Tommissen. Un collègue “émérite” de la haute école EHSAL, esquissa un portrait très pertinent de ce professeur d’université à l’immense érudition. La cérémonie fut sobre, de grand style, avec le drapeau flamand orné du lion noir et le drapeau du “Cercle Marnix” flanquant l’autel; elle se termina par le “Gebed voor het Vaderland” (“la Prière pour la Patrie”), particulièrement bien joué par l’organiste Kamiel D’Hooghe. C’est vraiment ainsi que le défunt l’aurait voulu.

 

Lorsque je rendis visite au Professeur Tommissen, pour la dernière fois, à Uccle, au début de cette année, j’avais amené, à sa demande, une photo de mes enfants. A l’arrière de la photo, il a inscrit leurs noms et leurs dates de naissance. C’était typique de lui, de l’homme qu’il était, de cet archiviste invétéré, de ce collectionneur. Chaque rencontre, chaque conversation téléphonique commençait toujours par un petit débat sur les heurs et malheurs de la vie familiale: seulement après cette brève enquête, on parlait du “boulot”. Son fils Koenraad, ses petits-enfants et ses arrière-petits-enfants étaient sa grande passion.

 

Attendri et avec beaucoup d’emphase, il me parlait toujours des visites de ses plus jeunes descendants. Lors de notre dernière rencontre, je lui ai offert un livre, avec la dédicace suivante: “Pour le Professeur Tommissen, en remerciement de son amitié et de ses conversations grand-paternelles”. Pour moi aussi, il était un grand-père, dans tous les sens du terme. Il était cordial et prévenant, d’une gentillesse totale et il avait la sagesse et le raffinement que seule procure une longue vie. En vérité, un grand homme!

 

Le Professeur Tommissen était un grand savant et, surtout, le fondateur et le “grand seigneur” de toutes les recherches entreprises autour de l’oeuvre et de la personnalité du penseur et juriste allemand Carl Schmitt. Bon nombre de professeurs d’université allemands venaient lui demander conseil et lui soumettaient leurs manuscrits pour qu’il les corrige. Ses connaissances sur Vilfredo Pareto, Ernst Jünger, Victor Leemans et Georges Sorel, entre autres personnalités, étaient immenses, sans pareilles. Armin Mohler le nommait le “petit écureuil des Flandres”, allusion à cette pulsion qui était la sienne et le poussait à collectionner avec acribie et scientificité détails, notes, anecdotes et références. Outre sa riche bibliothèque, il possédait une énorme correspondance, composée de milliers de lettres et échangée avec les personnalités les plus diverses et les plus renommées de l’intelligence européenne de notre après-guerre. Il faut savoir que sa qualité de professeur n’était pas une vocation tardive, bien qu’elle ne put s’accomplir que fort tard dans sa vie.

 

Au cours des premières années de son mariage, il avait eu bien d’autres chats à fouetter. Tommissen fut un homme qui dut se tailler seul un sentier dans la vie, accompagné par sa chère épouse, Agnès Donders, morte beaucoup trop tôt. Sa thèse de doctorat, à l’UFSIA d’Anvers, fut la toute première qui fut défendue dans cette célèbre université dirigée par les Jésuites. Le poste d’enseignement universitaire qu’il obtint auprès de la haute école EHSAL à Bruxelles et de la LUC au Limbourg fut bel et bien la récompense méritée de son dévouement et de sa persévérance. Tommissen travaillait et s’occupait de sa famille sans fléchir: le résultat fut un flot ininterrompu d’articles dans toutes sortes de revues et de monographies. Son fils, le Dr. Koenraad Tommissen, en établissant la bibliographie de son père, a compté pas moins de 614 publications (cf. “Een buitenissige bibliografie”, La Hulpe, 2010).

 

Piet Tommissen était un grand Flamand, conscient de l’être, qui joua un rôle fort important dans la renaissance de la vie culturelle flamande après la seconde guerre mondiale. Les revues “Golfslag” et “De Tafelronde” sont étroitement liées à sa personne. Dès le départ, en 1956, il collabora à “Dietsland-Europa”, où il signait ses contributions de son propre nom, ce qui n’était guère évident en une époque où les conséquences de la répression gouvernementale étaient partout perceptibles. Tommissen fournit également des articles de bonne facture à “Teksten, Kommentaren en Studies” et à “Kultuurleven”. Ensuite, il participa à la création du “Marnixkring Zennedal” (“Cercle Marnix – Vallée de la Senne”) et fut, pendant un certain temps, le président de ce club de service d’inspiration nationale flamande.

 

J’ai lu beaucoup de ce qu’a écrit Piet Tommissen mais les textes de lui, que j’ai préférés, sont ceux qui furent, au cours de ces dernières années, consignés dans ses “Buitenissigheden”, ses “Extravagances”, une série de petits livres où notre homme a couché sur le papier de véritables petites perles: certaines d’entre elles étaient nouvelles, d’autres étaient anciennes et retravaillées, toutes concernaient des sujets variés. Deux d’entre ces “Extravagances” sont autobiographiques. Elles sont toutes d’une prose épurée, d’un ton doux et humoristique. Je les ai lues et je les relirai. En effet, celui qui écrit, demeure. Mais nous regretterons tous amèrement les bonnes conversations que nous avons eues avec ce gentil professeur.

 

Hans VERBOVEN.

(Hommage paru dans “’t Pallieterke”, Anvers, 31 août 2011).

lundi, 12 septembre 2011

Jonathan Bowden: Marxism and The Frankfurt School

Jonathan Bowden: Marxism and The Frankfurt School

Entretien avec Paul Gottfried

Entretien avec Paul Gottfried : les étranges métamorphoses du conservatisme

Propos recueillis par Arnaud Imatz

Ex: http://www.polemia.com/

gootfried.jpgProfesseur de Lettres classiques et modernes à l’Elizabethtown College, président du Henry Louis Mencken Club, co-fondateur de l’Académie de Philosophie et de Lettres, collaborateur du Ludwig von Mises Institute et de l’Intercollegiate Studies Institute, Paul Edward Gottfried est une figure éminente du conservatisme américain. Il est l’auteur de nombreux livres et articles sur notamment le paléo et néoconservatisme. Proche de Pat Buchanan, qui fut le candidat républicain malheureux aux primaires des présidentielles face à George Bush père (1992), Paul Gottfried a été l’ami de personnalités politiques comme Richard Nixon et intellectuelles prestigieuses telles Sam Francis, Mel Bradford, Christopher Lasch…

1. Au début des années 1970 vous sympathisiez avec le courant dominant du conservatisme américain. Quarante ans plus tard, le spécialiste notoire du conservatisme américain que vous êtes, déclare ne plus se reconnaître dans ce mouvement. Que s’est-il passé ?

L’explication tient dans le fait qu’il n’y a pas de véritable continuité entre le mouvement conservateur américain des années 1950 et celui qui a pris sa place par la suite. Sur toutes les questions de société, le mouvement conservateur actuel, « néo-conservateur », est plus à gauche que la gauche du Parti démocrate dans les années 1960. Depuis cette époque, et surtout depuis les années 1980, les néo-conservateurs [1] dominent la fausse droite américaine. Leur préoccupation essentielle, qui éclipse toutes les autres, est de mener une politique étrangère fondée sur l’extension de l’influence américaine afin de propager les principes démocratiques et l’idéologie des droits de l’homme.

2. Selon vous, les conservateurs authentiques croient en l’histoire et aux valeurs de la religion ; ils défendent la souveraineté des nations ; ils considèrent l’autorité politique nécessaire au développement de la personne et de la société. Aristote, Platon, Saint Thomas, Machiavel, Burke ou Hegel sont, dites vous, leurs références à des titres divers. Mais alors comment les néo-conservateurs, partisans de la croissance du PNB, du centralisme étatique, de la démocratie de marché, du multiculturalisme et de l’exportation agressive du système américain, ont-ils pu s’imposer?

J’ai essayé d’expliquer cette ascension au pouvoir des néo-conservateurs dans mon livre Conservatism in America. J’ai souligné un point essentiel : à l’inverse de l’Europe, les États-Unis n’ont jamais eu de véritable tradition conservatrice. La droite américaine de l’après-guerre n’a été, en grande partie, qu’une invention de journalistes. Elle se caractérisait par un mélange d’anticommunisme, de défense du libre marché et de choix politiques prosaïques du Parti républicain. Il lui manquait une base sociale inébranlable. Son soutien était inconstant et fluctuant. Dans les années 1950, le mouvement conservateur a essayé de s’enraciner parmi les ouvriers et les salariés catholiques ouvertement anti-communistes et socialement conservateurs. Mais à la fin du XXème siècle cette base sociale n’existait plus.

Les néo-conservateurs proviennent essentiellement de milieux juifs démocrates et libéraux. Antisoviétiques pendant la guerre froide, pour des raisons qui étaient les leurs, ils se sont emparés de la droite à une époque ou celle-ci était épuisée et s’en allait littéralement à vau-l’eau. J’ajoute que les conservateurs de l’époque, qui faisaient partie de l’establishment politico-littéraire et qui étaient liés à des fondations privées, ont presque tous choisi de travailler pour les néo-conservateurs. Les autres se sont vus marginalisés et vilipendés.

3. (…)

4. (…)

5. Vous avez payé le prix fort pour votre indépendance d’esprit. Vos adversaires néo-conservateurs vous ont couvert d’insultes. Votre carrière académique a été torpillée et en partie bloquée. La direction de la Catholic University of America a fait l’objet d’incroyables pressions pour que la chaire de sciences politiques ne vous soit pas accordée. Comment expliquez-vous que cela ait pu se produire dans un pays réputé pour son attachement à la liberté d’expression ?

Il n’y a pas de liberté académique aux États-Unis. La presque totalité de nos universités sont mises au pas ( gleichgeschaltet ) comme elles le sont dans les pays d’Europe de l’Ouest, pour ne pas parler du cas de l’Allemagne « antifasciste » ou la férule a des odeurs nauséabondes. Tout ce que vous trouvez en France dans ce domaine s’applique également à la situation de notre monde académique et journalistique. Compte tenu de l’orientation politique de l’enseignement supérieur aux États-Unis, je ne pouvais pas faire une véritable carrière académique.

6. (…)

7. (…)

8. Vos travaux montrent qu’en Amérique du Nord comme en Europe l’idéologie dominante n’est plus le marxisme mais une combinaison d’État providence, d’ingénierie sociale et de mondialisme. Vous dites qu’il s’agit d’un étrange mélange d’anticommunisme et de sympathie résiduelle pour les idéaux sociaux-démocrates : « un capitalisme devenu serviteur du multiculturalisme ». Comment avez-vous acquis cette conviction ?

Mon analyse de l’effacement du marxisme et du socialisme traditionnel au bénéfice d’une gauche multiculturelle repose sur l’observation de la gauche et de sa pratique aux États-Unis et en Europe. Le remplacement de l’holocaustomanie et du tiers-mondisme par des analyses économiques traditionnelles s’est produit avant la chute de l’Union soviétique. Au cours des années 1960-1970, les marqueurs politiques ont commencé à changer. Les désaccords sur les questions économiques ont cédé la place à des différends sur les questions culturelles et de société. Les deux « establishments », celui de gauche comme celui de droite, ont coopéré au recentrage du débat politique : la gauche s’est débarrassée de ses projets vraiment socialistes et la droite a accepté l’Etat protecteur et l’essentiel des programmes féministes, homosexuels et multiculturalistes. Un exemple : celui du journaliste vedette, Jonah Goldberg. Ce soi-disant conservateur a pour habitude de célébrer la « révolution féministe et homosexuelle » qu’il considère comme « un accomplissement explicitement conservateur ». Sa thèse bizarre ne repose évidemment sur rien de sérieux… Mais il suffit qu’une cause devienne à la mode parmi les membres du « quatrième pouvoir » pour qu’une pléiade de journalistes néo-conservateurs la présentent immédiatement comme un nouveau triomphe du conservatisme modéré.

9. Vos analyses prennent absolument le contrepied des interprétations néo-conservatrices. Vous rejetez comme une absurdité la filiation despotique entre le réformisme d’Alexandre II et le Goulag de Staline. Vous récusez comme une aberration la thèse qui assimile les gouvernements allemands du XIXème siècle à de simples tyrannies militaires. Vous réprouvez la haine du « relativisme historique » et la phobie de la prétendue « German connection ». Vous contestez l’opinion qui prétend voir dans le christianisme le responsable de l’holocauste juif et de l’esprit nazi. Vous dénoncez l’instrumentalisation de l’antifascisme « outil de contrôle au main des élites politiques ». Vous reprochez aux protestants américains d’avoir pris la tête de la défense de l’idéologie multiculturelle et de la politique culpabilisatrice. Vous affirmez que les chrétiens sont les seuls alliés que les Juifs puissent trouver aujourd’hui. Enfin, comble du « politiquement incorrect », vous estimez que la démocratie présuppose un haut degré d’homogénéité culturelle et sociale. Cela dit, en dernière analyse, vous considérez que le plus grave danger pour la civilisation occidentale est la sécularisation de l’universalisme chrétien et l’avènement de l’Europe et de l’Amérique patchworks. Pourquoi ?

En raison de l’étendue et de la puissance de l’empire américain, les idées qu’il propage, bonnes ou mauvaises, ne peuvent manquer d’avoir une influence significative sur les européens. Oui ! effectivement, je partage le point de vue de Rousseau et de Schmitt selon lequel la souveraineté du peuple n’est possible que lorsque les citoyens sont d’accords sur les questions morales et culturelles importantes. Dans la mesure où l’État managérial et les médias ont réussi à imposer leurs valeurs, on peut dire, qu’en un certain sens, il existe une forme d’homonoia aux États-Unis.

En fait, la nature du nationalisme américain est très étrange. Il est fort proche du jacobinisme qui fit florès lors de la Révolution française. La religion civique américaine, comme sa devancière française, repose sur la religion postchrétienne des droits de l’homme. La droite religieuse américaine est trop stupide pour se rendre compte que cette idéologie des droits de l’homme, ou multiculturaliste, est un parasite de la civilisation chrétienne. L’une remplace l’autre. Le succédané extraie la moelle de la culture la plus ancienne et pourrit sa substance.

Pour en revenir au rapide exposé que vous avez fait de mes analyses, je dirai que je suis globalement d’accord. Mais il n’est pas inutile de préciser pourquoi je considère aussi essentiel, aux États-Unis, le rôle du protestantisme libéral dans la formation de l’idéologie multiculturelle. Le pays est majoritairement protestant et la psychologie du multiculturalisme se retrouve dans le courant dominant du protestantisme américain tout au long de la deuxième moitie du XXème siècle. Bien sûr, d’autres groupes, et en particulier des intellectuels et des journalistes juifs ont contribué à cette transformation culturelle, mais ils n’ont pu le faire que parce que le groupe majoritaire acceptait le changement et trouvait des raisons morales de le soutenir. Nietzsche avait raison de décrire les juifs à demi assimilés comme la classe sacerdotale qui met à profit le sentiment de culpabilité de la nation hôte. Mais cette stratégie ne peut jouer en faveur des Juifs ou de tout autre outsider que lorsque la majorité se vautre dans la culpabilité ou identifie la vertu avec la culpabilité sociale. Je crois, qu’à l’inverse de la manipulation bureaucratique des minorités disparates et du lavage de cerveau des majorités, la vraie démocratie a besoin d’un haut degré d’homogénéité culturelle. Je suis ici les enseignements de Platon, Rousseau, Jefferson ou Schmitt, pour ne citer qu’eux.

10. Parmi les adversaires du néo-conservatisme, à coté des « vieux » conservateurs, souvent stigmatisés comme « paléo-conservateurs », on peut distinguer trois courants : le populisme, le fondamentalisme évangélique et le Tea Party. Pouvez-vous nous dire en quoi ces trois tendances diffèrent du vrai conservatisme ?

Je ne crois pas que l’on puisse trouver du « paléo-conservatisme » dans l’un ou l’autre de ces courants. Les membres du Tea Party et les libertariens sont des post-paléo-conservateurs. Les évangéliques, qui n’ont jamais partagé les convictions des vieux conservateurs, sont devenus les « idiots utiles » des néo-conservateurs, qui contrôlent les medias du GOP (Grand Old Party ou Parti Républicain). Actuellement, les « paléos » ont sombré dans le néant. Ils ne sont plus des acteurs importants du jeu politique. À la différence des libertariens, qui peuvent encore gêner les néo-conservateurs, les « paléos » ont été exclus de la scène politique. Faute de moyens financiers et médiatiques, ils ne peuvent plus critiquer ou remettre en cause sérieusement les doctrines et prétentions néo-conservatrices. Le pouvoir médiatique ne leur permet pas de s’exprimer sur les grandes chaînes de télévision. Ils ont été traités comme des lépreux, des « non-personnes », comme l’on fait les médias britanniques avec le British National Party. Pat Buchanan, qui fut un conseiller de Nixon, de Ford et de Reagan et qui est connu pour sa critique des va-t-en-guerre, a survécu, mais il est interdit d’antenne sur FOX, la plus grand chaîne de TV contrôlée par les néo-conservateurs. Il ne peut paraître que sur MSBNBC, une chaîne de la gauche libérale, où il est habituellement présenté en compagnie de journalistes de gauche.

11. Vous avez été traité d’antisémite pour avoir écrit que les néo-conservateurs sont des vecteurs de l’ultra-sionisme. En quoi vous différenciez-vous du sionisme des néo-conservateurs ?

Les néo-conservateurs sont convaincus que seule leur conception de la sécurité d’Israël doit être défendue inconditionnellement. Il est pourtant tout-à-fait possible d’être du côté des israéliens sans mentir sur leur compte. Que les choses soient claires : il n’y a aucun doute que les deux parties, les israéliens et les palestiniens, se sont mal comportés l’un vis-à-vis de l’autre. Cela dit, c’est une hypocrisie scandaleuse, une tartufferie révoltante, que de refuser à d’autres peuples (disons aux Allemands et aux Français) le droit à leur identité historique et ethnique pour ensuite traiter les Juifs comme un cas particulier, parce qu’ils ont connu des souffrances injustes qui les autoriseraient à conserver leurs caractères distinctifs.

12. Quels livres, revues ou sites web représentatifs du conservatisme américain recommanderiez-vous au public francophone ?

Je recommanderai mon étude la plus récente sur le mouvement conservateur  Conservatism in America  (Palgrave MacMillan, 2009) et le livre que je suis en train de terminer pour Cambridge University Press sur Leo Strauss et le mouvement conservateur en Amérique. Vous trouverez également les points de vue des conservateurs, qui s’opposent aux politiques des néo-conservateurs, sur les sites web : www.americanconservative.com 
www.taking.com [2]

13. Vos amis les néo ou postsocialistes Paul Piccone et Christopher Lasch, estimaient que les différences politiques entre droite et gauche se réduisent désormais à de simples désaccords sur les moyens pour parvenir à des objectifs moraux semblables ? Considérez-vous aussi que la droite et la gauche sont inextricablement mêlées et que les efforts pour les distinguer sont devenus inutiles ?

Je suis tout-à-fait d’accord avec mes deux amis aujourd’hui décédés. Les différences politiques entre droite et gauche se réduisent de nos jours à des désaccords insignifiants entre groupements qui rivalisent pour l’obtention de postes administratifs. En fait, ils ergotent sur des vétilles. Le débat est très encadré ; il a de moins en moins d’intérêt et ne mérite aucune attention. J’avoue que j’ai de plus en plus de mal à comprendre l’acharnement que mettent certains droitistes - censés avoir plus d’intelligence que des coquilles Saint-Jacques - à collaborer aux activités du Parti Républicain et à lui accorder leurs suffrages. Plutôt que d’écouter les mesquineries mensongères d’une classe politique qui ne cesse de faire des courbettes au pouvoir médiatique, je préfère encore assister à un match de boxe.

14. Dans les années 1990, deux universitaires néo-conservateurs ont soulevé de farouches polémiques en Europe : Francis Fukuyama, qui a prophétisé le triomphe universel du modèle démocratique, et Samuel Huntington, qui a soutenu que le choc des civilisations est toujours possible parce que les rapports internationaux ne sont pas régis par des logiques strictement économiques, politiques ou idéologiques mais aussi civilisationnelles. Ce choc des civilisations est-il pour vous une éventualité probable ou un fantasme de paranoïaque?

Je ne vois pas une différence fondamentale entre Fukuyama et Huntington. Les deux sont d’accords sur la nature du Bien : l’idéologie des droits de l’homme, le féminisme, le consumérisme, etc. La principale différence entre ces deux auteurs néo-conservateurs est que Fukuyama (du moins à une certaine époque car ce n’est plus le cas aujourd’hui) était plus optimiste qu’Huntington sur la possibilité de voir leurs valeurs communes triompher dans le monde. Mais les deux n’ont d’autre vision historique de l’Occident que le soutien du consumérisme, les revendications féministes, l’égalitarisme, l’inévitable emballage des préférences américaines urbaines c’est-à-dire le véhicule valorisant du hic et nunc.

Je ne doute pas un instant que si la tendance actuelle se poursuit les non-blancs ou les antichrétiens non-occidentaux finiront par occuper les pays d’Occident. Ils remettront en cause les droits de l’homme, l’idéologie multiculturaliste et la mentalité qui les domine aujourd’hui. Les nations hôtes (qui ne sont d’ailleurs plus des nations) sont de moins en moins capables d’assimiler ce que le romancier Jean Raspail appelle « un déluge d’envahisseurs ». En fait, l’idéologie des droits de l’homme n’impressionne vraiment que les chrétiens égarés, les Juifs et les autres minorités qui ont peur de vivre dans une société chrétienne traditionnelle. Pour ma part, je doute que l’idéologie ou le patriotisme civique de type allemand puisse plaire au sous-prolétariat musulman qui arrive en Europe. Cette idéologie ne risque pas non plus d’avoir la moindre résonance sur les latino-américains illettrés qui se déversent sur les États-Unis. Dans le cas ou les minorités revendicatrices deviendraient un jour le groupe majoritaire, une fois les immigrés parvenus au pouvoir, il y a bien peu de chances pour qu’ils s’obstinent à imposer les mêmes doctrines multiculturelles. En quoi leurs serviraient-elles ?

15. Vous avez anticipé ma dernière question sur les risques que devront affronter l’Europe et l’Amérique au XXIème siècle…

Je voudrais quand même ajouter quelques mots. La dévalorisation systématique du mariage traditionnel, qui reposait hier sur une claire définition du rôle des sexes et sur l’espoir d’une descendance, est la politique la plus folle menée par n’importe quel gouvernement de l’histoire de l’humanité. Je ne sais pas où cette sottise égalitariste nous conduira mais le résultat final ne peut être que catastrophique. Peut être que les musulmans détruiront ce qui reste de civilisation occidentale une fois parvenus pouvoir, mais je doute qu’ils soient aussi stupides que ceux qui ont livré cette guerre à la famille. Si ça ne tenait qu’à moi, je serai ravi de revenir au salaire unique du chef de famille. Et si on me considère pour cela anti-libertarien et anticapitaliste, je suppose que j’accepterai cette étiquette. Je ne suis pas un libertarien de cœur mais un rallié à contrecœur.

Propos recueillis par Arnaud Imatz
31/08/2011

Notes :

[1] Les figures les plus connues du conservatisme américain de l’après-guerre furent M. E. Bradford, James Burnham, Irving Babbitt, le premier William Buckley (jusqu’à la fin des années 1960), Will Herberg, Russell Kirk, Gerhart Niemeyer, Robert Nisbet, Forrest McDonald et Frank Meyer. Celles du néo-conservatisme sont Daniel Bell, Allan Bloom, Irving Kristol, S. M. Lipset, Perle, Podhoretz, Wattenberg ou Wolfowitz (N.d.A.I.).
[2] Dans son livre Conservatism in America, Paul Gottfried recommande trois autres sources qui peuvent aussi être consultées avec profit : l’enquête de George H. Nash, The Conservative Intellectual Movement in America Since 1945 (2ème éd., Wilmington, DE : ISI, 1996), l’anthologie de textes de Gregory L. Schneider, Conservatism in America Since 1930 (New York, New York University Press, 2003) et l’encyclopédie publiée par l’Intercollegiate Studies Institute, American Conservatism : An Encyclopedia (ISI, 2006), (N.d.A.I.).

Correspondance Polémia - 5/08/2011

dimanche, 11 septembre 2011

The Meaning of European National Populism

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The Meaning of European National Populism

By Francis Alexander

Ex: http://www.counter-currents.com/

In the last decade, and especially the last few years, parties called “far-right” by the mainstream media and “national populist” by their members, have enjoyed considerable electoral successes.

This has occurred primarily in France, Scandinavia, Austria, Switzerland, Belgium, and the Netherlands. No such breakthroughs have been seen in Britain, Germany, or Spain. These parties have in several cases participated in coalition governments, but only as junior partners unable to truly dominate the political agenda.

Their growth has clearly been driven by popular anger at official attitudes towards mass immigration, national identity, and the EU (as well as certain economic issues such as bailouts, foreign aid, and globalization).

While paleoconservatives tend to embrace these parties, most racialists regard them with suspicion because of their admission of non-whites, their attitudes towards Jewry, their focus on Islam, and their appeal to liberal principles against it.

Ideologically, these parties have both liberal and New Right elements. The liberal rhetoric is quite well known, even infamous, on the right. Thus the Sweden Democrats claim their party’s principles are based upon the Universal Declaration of Human Rights (a UN document). Marine Le Pen claims to defend French state secularism against Islamification. Geert Wilders demands “no tolerance for the intolerant” and positions himself as the truest defender of liberalism, gays, women, etc.

The influence of the New Right is less well known but is present in some, if not all movements. Thus Fillip Dewinter of Vlaams Belang describes non-white immigration to Europe as colonization. Both he and Le Pen speak of European rather than Western Civilization, a distinction not often found outside the New Right. Dewinter goes so far as to speak of its superiority. This is all the sort of terminology used by Guillaume Faye. Similarly Le Pen denounces globalism and the EU as totalitarian. Denouncing liberalism, or in this case liberal institutions and practices, as totalitarian is straight out of the Alain de Benoist playbook. Similarly, the pro-Russian orientation of the Front National and other parties  can be regarded as evidence of New Right influences.

These liberal and anti-liberal themes exist in state of tension in these parties’ discourses. But the liberal element is in fact less objectionable than one might think.

Consider the fact that when whites begin to awaken in the United States, they will first do so by demanding a seat at the multicultural table. Something analogous to this has already happened in Europe, but with the appeal being to liberal nostrums other than multiculturalism, which is strongly attacked.

Europeans have already begun taking their own side.

As the demographic situation worsens and the number of Europeans enraged by it increases, the populists will grow in strength. Having established their credibility with the electorate, they will soon be able to use more explicitly ethnocentric and less liberal rhetoric without fear of marginalization.

We mentioned that they oppose multiculturalism. It is certainly a good thing that Europeans have not been reduced to demanding inclusion into multiculturalism. But what the populists propose instead, namely assimilation, is just as bad.

The only real alternative to “multiculturalism” (meaning multiracialism) is not assimilation, but mass deportation, also known as repatriation, expulsion, banishment, or even ethnic cleansing. This is a drastic measure that we know to be necessary, but it is perceived as unnecessary, not to mention cruel and unusual, by most people. In short, it is unpopular, and we are referring to populist parties, with all the drawbacks that entails.

If implemented, however, it would be popular. The economic, cultural, and even psychological benefits would be very great, not to mention addressing the existential threat our people currently faces.

Ultimately the only question that truly matters about these parties is whether or not, given the opportunity, they would expel all non-white communities from their respective nations. I think they will, regardless of what they say now. The popular demand for such measures will be orders of magnitude greater than it is now.

Furthermore, let us assume for a moment, as has been alleged, that the leaders of these parties have sold out their people to the elite and care only for gaining and retaining office. Even if this is true (and for the most part we can only guess about these politicians’ true attitudes), they would still have selfish reasons to pursue this policy.

One can take it for granted that national populists will never receive significant support from non-whites. They cannot out pander the panderers-in-chief, i.e., the center left parties, and for obvious reasons, anti-immigration nationalism is unappealing to immigrants and their descendants (although there are some bizarre exceptions). It therefore follows that eliminating this irreconcilable portion of the electorate from the voting rolls will increase nationalists’ prospects of re-election.

A similar consideration may well lead to either quiet support or only token opposition from center-right parties that face the same dilemma that US Republicans currently face. This dilemma is of course, the hostility of the large welfare-dependent colored populations towards their beloved free market economic nostrums, i.e., the only thing that truly matters to these bourgeois conservatives.

One should also bear in mind that if national populists are ever elected to real power, it is because the people are sufficiently angry to accept radical measures. They will have a mandate to eliminate the ethnic chaos. Anything other than deportation will not fulfill that mandate and will result in nothing but a slower but continuous growth in the non-white population, thus in ultimate political defeat.

Finally, we must turn to the manner in which these movements identify friends and enemies. This concerns Europe, Jewry, Islam, and other non-whites.

Their basic stance towards the EU is one of hostility, combined with a demand for withdrawal from it. While they are correct to oppose the present EU, they are incorrect to oppose the idea of Pan-European government. This, however, is a problem that can wait until they are in a position to shape foreign policy. Advocacy of a European Imperium or Euro-Siberia is something better done at diplomatic conferences than on the campaign trail, as it is simply too esoteric to be compatible with populism. If foreign policy can wait, then winning power is rightly their first priority.

As to their stance on that most controversial issue, the Jewish question, aside from the anomalous Geert Wilders, we can rule out sincere philo-Semitism as a motive for their abandoning anti-Semitic rhetoric and adopting a pro-Israel stance.

As Kevin MacDonald has pointed out, Jews have not offered any significant support to the national populist parties. The explanation for their Zionist rhetoric lies largely in providing an alibi to voters skittish of anything regarding the Third Reich.

One might add that that it also ensures that the full hysterical force of the Jewish community is not unleashed against them. Remember when Jörg Haider (known for his sympathetic references to the Third Reich), joined the Austrian government, causing a minor international crisis with Austria facing diplomatic sanctions? Nothing of this kind has happened since.

It is difficult to say for certain whether the leaders of these parties know the truth about the Jews, but I suspect that they do. After all they have personal experience of antifa attacks, demonization from the controlled media, exclusionary electoral pacts, etc. They are obviously capable of deducing who is behind these actions, not to mention who lobbies the hardest for open borders and the abolition of national identities.

One therefore has good reason to think that if non-whites were ever expelled from Europe, the Jews would be next on the list. This would only be a short step further, and has been the fate of their people since antiquity, although for it to happen on a pan-European scale would be historically unprecedented. It is therefore quite possible that the national populists will, to a certain extent, “sneak up on the Jews,” due to the latter’s generally passive and sullen reactions to attempts at “outreach,” the fact that their influence is more limited than in the US, as well as Islamic anti-Semitic sentiments. These confusions may prove paralyzing for the Jews.

More precisely, the national populists will only challenge organized Jewry when they are strong enough to do so and win. Deception is part of politics. Who would not forgive their present Zionist rhetoric, were they to actually end up expelling the Jews?

As to the Muslims, it is much more simple. They are Europe’s oldest enemy, the largest, and most cohesive and culturally alien immigrant group. Going after them is simply good politics, especially given their anti-liberal and religious rather than ethno-racial identity.

As to the other non-whites and the future problems they will pose, this is a good point to emphasize a crucial point I have been trying to make, namely the difference between electoral campaigns and policy. As things stand now, European racialists are in a bind, as Negroes and Orientals have not yet caused the same degree of popular outrage as the bellicose Muslims. When that changes as Europe becomes more like the US, i.e., with around 40 million Negroes rather than 4 to 8 and a more “market-dominant” Oriental population, then attitudes change will too. They are populists, thus their motto about the people could well be, “I am their leader, so I must follow them.”

This is fine for now, but when the time of crisis arrives, nationalist leaders must be willing to show real leadership and lead from the front. This means political courage, in addition to the obvious cunning and stoicism in the face of intimidation that they already show. If they have all this, then their chances of prevailing over the gutless pseudo-leaders of Europe are very good. One cannot look at the current European economic crisis and see anything other than desperation, cowardice, impotence, and blinkered incompetence among the so-called leaders of Europe.

Certainly, the electoral rhetoric of these parties is disagreeable to racialists in many ways. But they have not yet had the chance to truly control policy. If gaining that opportunity is possible, then a rather heretical electoral campaign does not matter. Words matter less than deeds, and the national populist parties’ willingness to act has not yet been truly tested. What the populists say about non-Muslim non-whites is less important than what they do about them.

So despite the generally negative value we can attribute to current national populist discourses, one can nonetheless take away several positives from the whole phenomenon. First of all, Europeans have begun to take their own side. Secondly, nationalists have for the first time in generations established themselves as a credible political force and a real part of European political life

This latter point is crucial, because when Europe’s demographic situation begins to worsen, there will be a plausible alternative to the system parties and an outlets for Europe’s rage. A skinhead groupsucule is simply not organizationally capable of harnessing that popular rage like these ever-so-professional and apparently bourgeois parties are.

When this happens, these parties’ stances will harden rather than soften. The anti-white ideology is already on the retreat, and system politicians such as Merkel, Cameron, and Sarkozy are only playing catch-up in denouncing multiculturalism.

Much has been gained and nothing really lost. As to the ideological heresies, they are not immutable, and campaign rhetoric costs nothing. One can only hope that because Europeans have begun taking their own side, nationalist leaders will be soon be strong enough to speak the truth more clearly, and be benefited rather than be harmed by it.


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

samedi, 10 septembre 2011

Protestantism, Capitalism, & Americanism

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Protestantism, Capitalism, & Americanism

By Edouard RIX

Translated by M. P.

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Many authors distinguish between, on the one hand Catholicism, which is supposed to be a negative Christianity incarnated by Rome and an anti-Germanic instrument, and, on the other hand, Protestantism, which is supposed to be a positive Christianity emancipated from the Roman papacy and accepting traditional Germanic values. In this perspective, Martin Luther is a liberator of the German soul from the despotic and Mediterranean yoke of papal Rome, his grand success being the Germanization of Christianity. The Protestants thus include themselves in the line of the Cathars and the Vaudois as representatives of the Germanic spirit in rupture with Rome.

But in reality, Luther is the one who first fomented the individualist and anti-hierarchical revolt in Europe, which would find expression on the religious plane by the rejection of the “traditional” content of Catholicism, on the political plane by the emancipation of the German princes from the emperor, and on the plane of the sacred by the negation of the principle of authority and hierarchy, giving a religious justification to the development of the merchant mentality.

On the religious plane, the theologians of the Reformation worked for a return to sources, to the Christianity of the Scriptures, without addition and without corruption, that is to say, to the texts of the Oriental tradition. If Luther rebelled against “the papacy instituted by the Devil in Rome,” it is only because he rejected the positive aspect of Rome, the traditional, hierarchical, and ritual component subsisting in Catholicism, the Church marked by Roman law and order, by Greek thought and philosophy, in particular that of Aristotle. Moreover, his words denouncing Rome as “Regnum Babylonis,” as an obstinately pagan city, recall those employed by the Hebraic Book of Revelation and the first Christians against the imperial city.

The balance sheet is as completely negative on the political plane. Luther, who presented himself as “a prophet of the German people,” favored the revolt of the Germanic princes against the universal principle of the Empire, and consequently their emancipation from any supranational hierarchical link. In effect, by his doctrine that admitted the right of resistance to a tyrannical emperor, he would legitimize rebellion against imperial authority in the name of the Gospel. Instead of taking up again the heritage of Frederick II, who had affirmed the superior idea of the Sacrum Imperium, the German princes, in supporting the Reformation, passed into the anti-imperial camp, desiring nothing more than to be “free” sovereigns.

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Similarly, the Reformation is characterized on the plane of the sacred by the negation of the principle of authority and hierarchy, the Protestant theologians accepting no spiritual power superior to that of the Scriptures. Effectively, no Church or any Pontifex having received from the Christ the privilege of infallibility in matters of sacred doctrine, every Christian is able to judge for himself, by individual free examination, apart from any spiritual authority and any dogmatic tradition, the Word of God.

Besides individualism, this Protestant theory of free examination is connected with another aspect of modernity, rationalism, the individual who has rejected any control and any tradition basing himself on what, for him, is the basis of all judgment, reason, which then becomes the measure of all truth. This rationalism, much more virulent than that which existed in ancient Greece and in the Middle Ages, would give birth to the philosophy of the Enlightenment.

Beginning from the sixteenth century, Protestant doctrine would furnish an ethical and religious justification to the rise of the bourgeoisie in Europe, as the sociologist Max Weber demonstrates in The Protestant Ethic and the Spirit of Capitalism, a study on the origins of capitalism. According to him, during the initial stages of capitalist development, the tendency to maximize profit is the result of a tendency, historically unique, to accumulation far beyond personal consumption.

Weber finds the origin of this behavior in the “asceticism” of the Protestants marked by two imperatives, methodical work as the principal task in life and the limited enjoyment of its fruits. The unintentional consequence of this ethic, which had been imposed upon believers by social and psychological pressures to prove one’s salvation, was the accumulation of wealth for investment. He also shows that capitalism is nothing but an expression of modern Western rationalism, a phenomenon closely linked to the Reformation. Similarly, the economist Werner Sombart would denounce the Anglo-Saxon Handlermentalitat (merchant mentality), conferring a significant role to Catholicism as a barrier against the advance of the merchant spirit in Western Europe.

Liberated from any metaphysical principle, dogmas, symbols, rites, and sacraments, Protestantism would end by detaching itself from all transcendence and leading to a secularization of any superior aspiration, to moralism, and to Puritanism. It is thus that in Anglo-Saxon Puritan countries, particularly in America, the religious idea came to sanctify any temporal realization, material success, and wealth, prosperity itself being considered as a sign of divine election.

In his work, Les États-Unis aujourd’hui, published in 1928, André Siegfried, after having emphasized that “the only true American religion is Calvinism,” had already written: “It becomes difficult to distinguish between religious aspiration and pursuit of wealth . . . One thus admits as moral and desirable that the religious spirit becomes a factor of social progress and of economic development.” North America features, according to the formula of Robert Steuckers, “the alliance of the Engineer and the Preacher,” that is to say, the alliance of Prometheus and of Jean Calvin, or of the technics taken from Europe and of Puritan messianism issued from Judeo-Christian monotheism.

Transposing the universalistic project of Christianity into profane and materialistic terms, America aims to suppress frontiers, cultures, and differences in order to transform the living peoples of the Earth into identical societies, governed by the new Holy Trinity of free enterprise, global free trade, and liberal democracy. Undeniably, Martin Luther and, even more so, Jean Calvin, are the spiritual fathers of Uncle Sam . . .

As for us, we young Europeans viscerally reject this individualist, rationalist, and materialist West, the heir of the Reformation, the pseudo-Renaissance, and the French Revolution, as so many manifestations of European decadence. We will always prefer Faust to Prometheus, the Warrior to the Preacher, Nietzsche and Evola to Luther and Calvin.

Source: http://www.voxnr.com/cc/di_antiamerique/EpVAkuZFllAtfQNhcl.shtml [3]


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

URL to article: http://www.counter-currents.com/2011/09/protestantism-capitalism-and-americanism/

jeudi, 08 septembre 2011

Piet Tommissen o dell'ostinazione - In Memoriam

Piet Tommissen o dell'ostinazione 

In memoriam (1925-2011)

Günter Maschke

Si è spento lo scorso 21 agosto Piet Tommissen, sociologo ed economista belga, noto per i suoi studi su Vilfredo Pareto e Carl Schmitt, del quale fu amico e bibliografo e alla cui opera, a lungo negletta, ha dedicato una quantità di scritti che hanno contribuito a diffonderla su scala internazionale. Molto stretto fu anche il suo rapporto con Julien Freund. Tommissen – “il matto” come lo definiva amabilmente Gianfranco Miglio – è stato senz’altro uno degli esponenti più in vista della tradizione del realismo politico europeo e un punto di riferimento per tutti i giovani studiosi che a questa tradizione si sono richiamati nel corso degli anni. Lo ricordiamo pubblicando l’omaggio che in occasione dei suoi 75 anni, nel 2000, gli ha dedicato Günter Maschke, a sua volta amico ed editore di Schmitt, nonché curatore di alcune sue importanti raccolte di scritti.

Cicerone disse una volta: «Niente fa più impressione dell’ostinazione». Questa frase potrebbe applicarsi perfettamente alla vita e all’opera dell’economista politico fiammingo Piet Tommissen, che ha festeggiato lo scorso 20 marzo i suoi 75 anni conservando intatta la sua impressionante energia lavorativa.

Quanti cercano ancora la prova dell’evidenza che ogni cultura riposa sull’atto gratuito, sul lavoro prestato senza remunerazione, la troveranno nella persona di Piet Tommissen. Dopo la Seconda guerra mondiale, Carl Schmitt era il capro espiatorio favorito nella sfera delle scienze giuridiche e politiche tedesche, ma anche, occorre ripeterlo, la «quercia sotto cui i cinghiali venivano a cercare i loro tartufi» (Roman Schnur dixit). Durante questo buio periodo, il giovane Piet Tommissen ha dato la sua amicizia a Schmitt, insieme ad alcuni, rari fedeli amici tedeschi; ha presto redatto la prima bibliografia di Carl Schmitt in condizioni difficili (Versuch einer Carl-Schmitt-Bibliographie, Academia Moralis, Düsseldorf 1953). E quando dico «condizioni difficili», voglio ricordare ai miei contemporanei che Tommissen ha effettuato questo lavoro molto prima che esistessero ovunque, come oggi, delle fotocopiatrici in cui è possibile riprodurre testi a bizzeffe. Tommissen ritrascriveva a mano, con la sua penna a inchiostro, centinaia di articoli di Schmitt o li batteva su una vecchia macchia per scrivere da viaggio, con carta carbone, per aspera ad astra. Ha effettuato questo lavoro quand’era uno studente senza mezzi, nei duri anni del dopoguerra in cui ogni viaggio esplorativo verso Plettenberg (dove Schmitt si era ritirato) presentava continue difficoltà finanziarie. È dunque con inizi così difficili che Tommissen, nel corso degli anni, è divenuto il migliore esperto, e il più meticoloso, dell’opera di Carl Schmitt.

I frutti di questo lavoro così disinteressato si ritrovano oggi in innumerevoli articoli e studi, in nuove bibliografie e, a partire dal 1990, in una collana di libri battezzata «Schmittiana» che esce presso Duncker & Humblot a Berlino. Oggi noi riteniamo tutti che simili lavori siano facili da realizzare, ma fu lungi dall’essere così all’epoca eroica del giovane studente e del giovane economista Tommissen. Direi persino di più: senza la marea di contributi e di dettagli apportati e scoperti da Tommissen, l’impresa di diffamazione internazionale che ha orchestrato il boicottaggio e l’ostracismo contro Schmitt – e contribuito così alla sua gloria! – apparirebbe ancora più sciocca e pietosa perché non avrebbe alcun valido argomento, né saprebbe nulla delle tante sfaccettature delle sua persona.

Tommissen, che ha studiato le scienze economiche alla Haute Ecole économique Sint-Aloysius a Bruxelles e all’Université des Jésuites di Anversa, ha dovuto lavorare, accanto alle sue ricerche, per guadagnarsi il pane come procuratore industriale. Accede al titolo di dottore nel 1971 presentando una tesi su Vilfredo Pareto. Intitolata De economische epistemologie van Vilfredo Pareto (Sint-Aloysius Handelshogeschool, Bruxelles 1971), questa tesi può essere considerata come una delle più importanti e fondamentali opere mai redatte sul grande uomo. Ogni ricercatore che desiderasse dedicarsi seriamente all’italiano Pareto dovrebbe acquisire almeno una conoscenza passiva dell’olandese. Il che non mi impedisce di rimpiangere che Tommissen non abbia scritto il suo libro in tedesco o in francese: ma, ahimè, la gloria è ingiusta, mostruosa per le lingue minoritarie. In questo lavoro, noi incontriamo già tutto Tommissen: un osservatore interdisciplinare che si serve di questa interdisciplinarietà con la massima naturalezza, come se fosse evidente; un autore che possiede la grande arte di mettere in esergo i legami tra le cose più diverse. Alla lettura di questa tesi, non acquisiremo solo conoscenza dei problemi fondamentali dell’economia politica europea fino agli anni che hanno immediatamente seguito la Prima guerra mondiale, ma anche di tutto lo sfondo politico, filosofico e psicologico che animava il «solitario di Céligny». Tommissen ci restituisce con amore e espressività tutto questo sfondo, di solito ignorato da molti autori, troppo legati alla superficie dei testi. Nessun altro studio dettagliato renderà pertanto la tesi di Tommissen caduca.

Ma si capirebbe male il personaggio Tommissen se lo si considerasse solo come uno specialista di Schmitt e Pareto, lui che ha insegnato dal 1972 al 1990 alla Haute Ecole d’Economie Sint-Aloysius di Bruxelles in cui curava la collana «Eclectica» che contiene montagne di tesori, di aneddoti e dettagli sempre inaspettati su Schmitt. Pochi ricercatori sanno in Germania che conosce anche bene Georges Sorel, Julien Freund e il pensiero politico francese del XIX e del XX secolo. Tommissen ha sempre dichiarato, expressis verbis, che voleva praticare le «scienze umane nel senso più ampio del termine».

Un esempio particolarmente sorprendente di concretizzazione di questa volontà è il suo libro Economische Systemen (Uitgeverij N.V., Deurne, 1987). In poche pagine, Tommissen vi abbozza la storia delle idee economiche dall’antichità alla Cina post-maoista e le innumerevoli note e considerazioni fondate che ha aggiunto al testo ci aprono a quel dramma che è la storia economica dell’umanità e ci comunicano le radici e le fondamenta politiche, culturali e ideologiche dell’uomo lavoratore nel corso della storia. Un buon libro rende la lettura di cento altri superflua e ci incoraggia a leggerne ancora altre migliaia. Ecco! Straordinarie conoscenze in letteratura e storia dell’arte… Ma in tutti i lavori di economia e scienze politiche scritti da Tommissen il lettore è costantemente sorpreso dalle sue straordinarie conoscenze della letteratura e della storia dell’arte, poiché aveva a lungo accarezzato l’idea di studiare la filologia germanica e la storia dell’arte. Conosce ad esempio il dadaismo e il surrealismo europei in tutte le loro varianti. Non aveva ancora trent’anni quando invitava già nelle Fiandre per tenervi delle conferenze autori tedeschi come Heinz Piontek e Heinrich Böll (e sarei tentato di aggiungere: quando questi erano ancora degli scrittori interessanti!).

Solo quanti sono consapevoli dell’enorme lavoro prestato da Tommissen hanno il diritto di pronunciare una critica: questo maestro della nota a piè di pagina esagera talvolta nel suo zelo di voler dire tutto, poiché sottovaluta spesso le conoscenze dei suoi lettori. Ma in Tommissen non vi è alcun orgoglio a motivare la sua azione, né alcuna vanità, perché è il calore umano incarnato. Per lui, l’uomo è nato per aiutare il suo prossimo e per ricevere da questo un aiuto equivalente. Tanto che Tommissen, l’eminenza, non ha alcuna vergogna di imparare qualcosa, anche d’infima importanza, in uno scrittoretto appena uscito dalla pubertà e senza esperienza.

Una fedele dedizione a Pareto e Schmitt

Sempre felice di dare un’informazione, sempre alla ricerca di informazioni da altri con la più squisita amabilità, Tommissen ha permesso la nascita di molti lavori scientifici e ha seminato molto più di quanto i tanti ingrati lascino intendere al loro pubblico. Un uomo di questa natura così particolare e valida merita i nostri omaggi perché ha dedicato volontariamente e fedelmente una grande parte della sua vita a quelli che considera i suoi maestri: Vilfredo Pareto e Carl Schmitt. Viene in mente un brillante saggista e sovrano narratore come Adolf Frisé che per molti decenni non ha esitato a esplorare l’opera di Robert Musil e a diffonderla. Spesso la luce che brilla sotto il moggio è la più viva! Ad multos annos, Piet Tommissen!

lundi, 05 septembre 2011

Adieu au Professeur Piet Tommissen (1925-2011)

 

Adieu au Professeur Piet Tommissen (1925-2011)

 

Quelques jours après avoir lu l’hommage publié par “Junge Freiheit” suite au décès du Professeur Helmut Quaritsch, l’ancien éditeur de la revue “Der Staat” (Berlin), j’apprenais, jeudi 1 septembre, en feuilletant sur le comptoir même du marchand de journaux mon “’t Pallieterke” hebdomadaire, dont je venais de prendre livraison, la mort du Professeur Piet Tommissen, qu’évoque avec une belle émotion le journal satirique anversois. Deux géants mondiaux des sciences politiques viennent donc de disparaître cet été, nous laissant encore plus orphelins depuis les disparitions successives de Panayotis Kondylis, de Julien Freund, de Gianfranco Miglio ou d’Armin Mohler.

 

A la recherche de Pareto et Schmitt

 

J’avais appris, tout au début de mon itinéraire personnel, où, forcément, les tâtonnements dominaient, qu’un certain Professeur Tommissen avait publié des ouvrages sur Vilfredo Pareto et Carl Schmitt. Nous savions confusément que ces auteurs étaient extrêmement importants pour tous ceux qui, comme nous, refusaient la pente de la décadence que l’Occident avait empruntée dès les années 60, immédiatement après les “technomanies” et les américanismes des années 50. Nous voulions une sociologie et, partant, une politologie offensives, contructrices de sociétés ayant réagi vigoureusement, “quiritairement” contre l’éventail d’injustices, de dysfonctionnements, d’enlisements, de déliquescences que le complexe bourgeoisisme/économicisme/libéralisme/parlementarisme avait induit depuis la moitié du 19ème siècle. Pareto démontrait (et Roberto Michels plus sûrement encore après lui...) quelles étaient les étapes de l’ascension et du déclin des élites politiques, destinées au bout de trois ou quatre générations à vasouiller ou à se “bonzifier” (Michels). Nous voulions être une nouvelle élite ascendante. Nous voulions bousculer les “bonzes”, leur indiquer la porte de sortie. Naïveté de jeunesse: ils sont toujours là; pire, ils ont coopté les laquais de leur laquais. Nous connaissions moins bien Schmitt à l’époque mais nous devinions que sa définition du “politique” impliquait d’aller à l’essentiel et permettait de trier le bon grain de l’ivraie dans le kaléidoscope des agitations politiques et politiciennes du 20ème siècle: que ce soit sous la république de Weimar, dans le marais politicard de la pauvre Belgique de l’entre-deux-guerres (le “gâchis des années 30” dira le Prof. Jean Vanwelkenhuyzen), dans les turpitudes des Troisième et Quatrième Républiques en France auxquelles De Gaulle, formé par René Capitant, disciple de Carl Schmitt, tentera de mettre un terme à partir de 1958.

 

Première rencontre avec Piet Tommissen dans la rue du Marais à Bruxelles

 

Il y avait donc sur la place de Bruxelles, un professeur d’université qui s’occupait assidûment de ces deux géants de la pensée politique européenne du 20ème siècle. Il fallait donc se procurer ses ouvrages et les lire. J’avais vu une photo du Professeur Tommissen dans un numéro d’ “Eléments” ou dans une autre publication du “Groupe de Recherches et d’Etudes sur la Civilisation Européenne”. Ce visage rond et serein m’avait frappé. J’avais retenu ces traits lisses et doux et voilà qu’en février ou en mars 1975, en sortant des bâtiments réservés aux romanistes et germanistes des Facultés Universitaires Saint-Louis, rue du Marais à Bruxelles, je vois tout à coup le Prof. Piet Tommissen, campé devant l’entrée du 113, à l’époque occupé par la “Sint-Aloysius Handelhogeschool”, où il dispensait ses cours. Il était impressionnant, non seulement par la taille mais aussi, faut-il le dire, par le joyeux embonpoint qu’il affichait, lui qui fut aussi un très fin gourmet et un bon amateur de ripailles estudiantines, ponctuées de force hanaps de blonde cervoise. Je suis allé vers lui et lui ai demandé, sans doute un peu emprunté: “Bent u Prof. Tommissen?”. Une certaine appréhension me tourmentait: allait-il envoyer sur les roses le freluquet que j’étais? Que nenni! Le visage rond et lisse de la photo, ancrée dans le recoin d’une de mes circonvolutions cérébrales, s’est aussitôt illuminé d’un sourire inoubliable, effet d’une sérénité intérieure, d’une modestie et d’une bonté naturelles (et sans pareilles...). Cette amabilité contrastait avec l’arrogance qu’affichaient jadis trop d’universitaires, souvent à fort mauvais escient. Le Prof. Tommissen était à l’évidence heureux qu’un quidam cherchait à se procurer ses ouvrages sur Pareto et Schmitt. Il m’a indiqué comment les obtenir et je les ai achetés.

 

Piet Tommissen et Marc. Eemans

 

Ensuite, plus aucune nouvelle de Tommissen pendant au moins trois longues années. Je le retrouve plus tard dans le sillage de son ami Marc. Eemans, avec qui il avait édité de 1973 à 1976 la revue “Espaces”. Je rencontre Eemans, comme j’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion de le rappeler, à l’automne 1978, sans imaginer que le peintre surréaliste et évolien était lié d’une amitié étroite avec le spécialiste insigne de Pareto et Schmitt. L’histoire de cette belle amitié, ancienne, profonde, intense, n’a pas encore été explorée, n’a pas (encore) fait l’objet d’une étude systématique. De tous les numéros d’ “Espaces”, je n’en possède qu’un seul, depuis quelques semaines seulement, trouvé chez l’excellent bouquiniste ixellois “La Borgne Agasse”: ce numéro, c’est celui qui a été consacré par le binôme Tommissen/Eemans à l’avant-gardiste flamand Paul Van Ostaijen, dont on connait l’influence déterminante sur l’évolution future de Marc. Eemans, celui-là même qui deviendra, comme l’a souligné Tommissen lui-même, “un surréaliste pas comme les autres”. A signaler aussi dans les colonnes d’ “Espaces”: une étude de Tommissen sur la figure littéraire et politique que fut l’étonnant Pierre Hubermont (auquel un étudiant de l’UCL a consacré naguère plusieurs pages d’analyses, surtout sur son itinéraire de communiste dissident et sur son socialisme particulier dans un mémoire de licence centré sur l’histoire du “Nouveau Journal”; cf. Maximilien Piérard, “Le Nouveau Journal 1940-1944 - Conservation révolutionnaire et historisme politique – Grandeur et décadence d’une métapolitique quotidienne”; promoteur: Prof. Michel Dumoulin; Louvain-la-Neuve, 2002).

 

“De Tafelronde” et “Kultuurleven”

 

Tommissen, comme Schmitt d’ailleurs, n’était pas exclusivement cantonné dans les sciences politiques ou l’économie: il était un fin connaisseur des avant-gardes littéraires et artistiques, s’intéressait avec passion et acribie aux figures les plus originales qui ont animé les marges enivrantes de notre paysage intellectuel, des années 30 aux années 70. On devine aussi la présence de Tommissen en coulisses dans l’aventure de la fascinante petite revue d’Eemans et de Gaillard, “Fantasmagie”. “Espaces” fut une aventure francophone de notre professeur flamand, par ailleurs très soucieux de maintenir et d’embellir la langue de Vondel. Mais ses initiatives et ses activités dans les milieux d’avant-gardes ne se sont pas limitées au seul aréopage réduit (par les circonstances de notre après-guerre) qui entourait Marc. Eemans. En Flandre, Tommissen fut l’une des chevilles ouvrières d’une revue du même type qu’ “Espaces”: “De Tafelronde”, à laquelle il a donné des articles sur Ernst Jünger, Jean-Paul Sartre, Stefan George, Apollinaire, Edgard Tijtgat, Alfred Kubin, etc. Parallèlement à “Espaces” et à “De Tafelronde”, Piet Tommissen collaborait à “Kultuurleven”, qui a accueilli bon nombre de ses articles de sciences politiques, avec des contributions consacrées à Henri De Man, Carl Schmitt, Vilfredo Pareto et des notules pertinentes sur Thom et sa théorie des catastrophes, sur René Girard, Rawls et Baudrillard, sans oublier Heidegger, Theodor Lessing et Otto Weininger.

 

“Dietsland Europa”

 

Tommissen n’avait pas peur de “se mouiller” dans des entreprises plus audacieuses sur le plan politique comme “Dietsland-Europa”, la revue du “flamingant de choc”, un coeur d’or sous une carapace bourrue, je veux parler du regretté Bert Van Boghout qui, souvent, par ses aboiements cinglants, ramenait les ouailles égarées vers le centre du village. On sait le rôle joué par des personnalités comme Karel Dillen, futur fondateur du “Vlaams Blok”, et par le Dr. Roeland Raes, dans le devenir de cette publication qui a tenu le coup pendant plus de quarante années sans faiblir. Tommissen et moi, nous nous sommes ainsi retrouvés un jour, en l’an de grâce 1985, au sein de la rédaction d’un numéro spécial de la revue de Van Boghout sur Julius Evola, dossier qui sera repris partiellement par la revue évolienne française “Totalité” de Georges Gondinet. C’était au temps béni du meilleur adjoint que Van Boghout ait jamais eu: l’étonnant, l’inoubliable Frank Goovaerts, qui pratiquait les arts martiaux japonais jusque dans l’archipel nippon, traversait chaque été la France en moto, jouait au bridge comme un lord anglais et était ouvrier sur les docks d’Anvers; il fut assassiné dans la rue par un dément en 1991. Dans les colonnes de “Dietsland-Europa”, Tommissen a évoqué son cher Carl Schmitt, qui le méritait bien, le livre de Bertram sur Nietzsche, Hans Freyer (dont on ne connait que trop peu de choses dans l’espace linguistique francophone), Pareto, les courants de droite sous la République de Weimar, la théorie schmittienne des grands espaces et la notion évolienne de décadence.

 

L’appel de Carl Schmitt: devenir des “Gardiens des Sources”

 

Au cours de cette période —j’ai alors entre 18 et 24 ans— j’apprends, sans doute de la bouche d’Eemans, que la Flandre, et plus particulièrement l’Université de Louvain, avait connu pendant l’entre-deux-guerres, à l’initiative du Prof. Victor Leemans, une “Politieke Academie”, dynamique think tank focalisé sur tous les thèmes de la sociologie et de la politologie qui nous intéressaient. Tommissen s’est toujours voulu incarnation de l’héritage, réduit à sa seule personne s’il le fallait et s’il n’y avait pas d’autres volontaires, de cette “Politieke Academie”. Il a oeuvré dans ce sens, en laissant un maximum de traces écrites car, on le sait, “les paroles s’envolent, les écrits restent”. C’est la raison pour laquelle il est resté un “octogénaire hyperactif”, comme le soulignait très récemment Peter Wim Logghe, rédacteur en chef de “Teksten , Kommentaren en Studies”. Pourquoi? Parce que, dans ses “Verfassungsrechtlichen Aufsätze” et plus particulièrement dans la 5ème subdivision de la 17ème partie de ce recueil, intitulée “Savigny als Paradigma der ersten Abstandnahme von der gesetzesstaatlichen Legalität”, Carl Schmitt a réclamé, non pas expressis verbis mais indirectement, l’avènement d’une sorte de centrale intellectuelle et spirituelle, qu’il évoquait sous le nom poétique de “Hüter der Quellen”, “les Gardiens des Sources”. Voilà ce que Tommissen a voulu être: un “Gardien des Sources”, dût-il se maintenir à son poste comme le soldat de Pompéi ou d’Herculanum, en dépit des flots de lave qui s’avançaient avec fureur face à lui. Quand la lave refroidit et se durcit, on peut en faire de bons pavés de porphyre, comme celui de Quenast. Avec la boue “enchimiquifiée” et les eaux résiduaires de la société de consommation, on tuera jusqu’à la plus indécrottable des chienlits. Petite méditation spenglerienne et pessimiste...

 

La “Politieke Academie”

 

Nous aussi, nous interprétions, sans encore connaître ce texte fondamental de Schmitt, notre démarche métapolitique, au dedans ou en dehors de la “nouvelle droite”, peu importait, comme une démarche de “gardien des sources”. Alors qu’avons nous fait? Nous avons entamé une recherche de textes émanant de cette “Politieke Academie” et de ce fascinant Prof. Leemans. Nous avons trouvé son Sombart, son Marx, son Kierkegaard, que nous comparions aux textes sombartiens édités par Claudio Mutti et Giorgio Freda en Italie, aux rares livres de Sombart encore édités en Allemagne, notamment chez DTV; nous cherchions à redéfinir les textes marxiens à la lumière des dissidents de la IIème et de la IIIème Internationales (Lassalle, Dühring, De Man,...). Mais la “Politieke Academie” avait des successeurs indirects: nous plongions dans les trois volumes de monographies didactiques sur la vie et l’oeuvre des grands sociologues contemporains que la célèbre collection “Aula” offrait à la curiosité des étudiants néerlandais et flamands (“Hoofdfiguren uit de sociologie”); seul germaniste dans le groupe, j’ajoutais les magnifiques ouvrages de Helmut Schoeck (dont: “Geschichte der Soziologie – Ursprung und Aufstieg der Wissenschaft von der menschlichen Gesellschaft”). Tout cela constituait un complexe de sociologie et de sciences politiques tonifiant; avec cela, nous étions à des années-lumière des petits exercices insipides de statistiques étriquées et de meccano “organisationnel” à l’américaine, nappé de la sauce vomitive du “politiquement correct”, qu’on propose aujourd’hui aux étudiants, en empêchant du même coup l’avènement d’une nouvelle élite, prête à amorcer un nouveau cycle sociologique parétien, en coupant l’herbe sous les pieds d’avant-gardistes qui sont tout à la fois révolutionnaires et “gardiens des sources”.

 

A cette époque de grande effervescence intellectuelle et de maturation, nous avons rencontré le Professeur Tommissen à la tribune du “Centro Studi Evoliani” de Marc. Eemans, où il a animé une causerie sur Pareto et une autre sur Schmitt. Nous connaissions mieux Pareto grâce à l’excellent ouvrage de Julien Freund sur le sociologue et économiste italien, paru à l’époque chez Seghers. Notre rapport à Schmitt, à l’époque, était indirect: il passait invariablement par l’ouvrage de Freund: “Qu’est-ce que le politique?”. De Carl Schmitt lui-même, nous ne disposions que de “La notion du politique”, publié chez Calmann-Lévy, grâce à l’entremise de Julien Freund, sans que nous ne connaissions véritablement le contexte de l’oeuvre schmittienne. Celle-ci n’était accessible que via des travaux académiques allemands, difficilement trouvables à Bruxelles. Finalement, j’ai obtenu les références nécessaires pour aller commander les ouvrages-clefs du “solitaire de Plettenberg” chez ce cher librairie de la rue des Comédiens, au coeur de la vieille ville de Bruxelles. Résultat: une ardoise, alors considérable, de 5000 francs belges, que mon père est allé apurer, tout à la fois catastrophé et amusé. Une bêtise d’étudiant, à ses yeux... Nous étions au printemps de l’année 1980 et une partie de l’ardoise (il n’y avait pas seulement les 5000 francs résiduaires payés par mon géniteur...) avait été généreusement offerte par le Bureau de traduction de Mr. Singer, chez qui j’avais effectué mon stage pratique obligatoire de fin d’études. Singer, germanophone issu de la communauté israélite berlinoise, aimait les étudiants qui avaient choisi la langue allemande: il voulait toujours leur offrir des livres qui exprimaient la pensée nationale allemande, sinon des ouvrages qui communiquaient à leurs lecteurs l’esprit prussien de discipline. Quand je lui ai suggéré de me financer du Carl Schmitt, Singer, déjà octogénaire et toujours sur la brèche, était enchanté. Et voilà comment, de Tommissen à Singer, et de “Over en in zake Carl Schmitt” jusqu’à la pharamineuse commande au libraire de la rue des Comédiens, a commencé mon itinéraire personnel de schmittien en herbe. Inutile de préciser, que cet itinéraire est loin d’être achevé...

 

“Nouvelle école”: Tommissen à mon secours

 

En 1981, très exactement à la date du 15 mars, je débarque avec mes parents et mes bagages à Paris, où me reçoivent les amis Gibelin et Garrabos. J’étais devenu le secrétaire de rédaction de “Nouvelle école”, la très belle revue de l’inénarrable et fantasque de Benoist. Celui-ci, avec l’insouciance et l’impéritie de l’autodidacte parisien prétentieux, avait décidé de me faire fabriquer des numéros de “Nouvelle école” sur Pareto et sur Heidegger. C’est évidemment de la candeur de journaliste. Comment peut-on demander à un galopin de tout juste 25 ans, qui n’a pas étudié les sciences politiques ou la philosophie, de fabriquer de tels dossiers en un tourne-main? Tout simplement parce qu’on est un farfelu. Mais, moi, on ne m’a jamais appris à discuter, d’ailleurs Schmitt abhorrait la discussion à l’instar de Donoso Cortès. Il fallait obéir aux ordres et aux consignes: il fallait agir et produire ce qu’il fallait produire. Donc il a bien fallu que je m’exécute, sans trop gaffer. Comment? Eh bien, en m’adressant aux deux seules personnes, que je connaissais, qui avaient pratiqué Pareto à niveau universitaire: Bernard Marchand et Piet Tommissen! Bernard Marchand avait rédigé un mémoire à l’UCL sur les néo-machiavéliens, tels que James Burnham les avait présentés. Il nous a livré, à titre d’introduction, une version adaptée et complétée de son mémoire. Tommissen est ensuite venu à mon secours et m’a confié des textes de lui-même et d’un certain Torrisi. Guillaume Faye, plus branché sur les sciences politiques, a commis un excellent texte sur la notion de doxanalyse qu’il avait tiré de sa lecture très attentive des oeuvres de Jules Monnerot. D’où: première mission accomplie! Réaction grognone de de Benoist, dans l’affreux bouge dégueulasse de restaurant, qui se trouvait à côté des bureaux du GRECE, rue Charles-Lecocq dans le 15ème, et où il avait l’habitude de se “restaurer”: “C’est la colonisation belge... Je vais finir par m’appeler Van Benoist et, toi, Guillaume, tu t’appeleras Van Faye...”. Il ne manquait plus que “Van Vial” et “Van Valla” au tableau... Après cette parenthèse parisienne, où les anecdotes truculentes et burlesques ne manquent pas, il fallait que j’accomplisse mon service militaire et que je mette la  dernière main à mon mémoire de fin d’études, commencé en 1980.

 

La défense orale de mon mémoire: encore Tommissen à mon secours!

 

Vu la maladie puis le départ à la retraite de mon promoteur de mémoire, Albert Defrance, je ne présente mon pensum au jury qu’en septembre 1983. Ce n’est pas un mémoire transcendant. Ecole de traduction oblige, il s’agit d’une modeste traduction, annotée, justifiée et explicitée dans son contexte. Mais elle entrait dans le cadre des sciences politiques, telles que nous les concevions. Au début, j’avais souhaité traduire un des ouvrages de Helmut Schoeck mais ceux-ci étaient tous trop volumineux pour un simple mémoire dit de “licence” (selon le vocabulaire belge, avant l’introduction du vocabulaire de Bologne). Finalement, le seul ouvrage court brossant un tableau intéressant des pistes sociologiques et politologiques que nous aimions explorer était celui d’Ernst Topitsch et de Kurt Salamun sur la notion d’idéologie. Mais problème: Defrance s’intéressait à la question mais il n’était plus là. Mon cher professeur de grammaire allemande, Robert Potelle, reprend le flambeau mais avoue, avec la trop grande modestie qui le caractérise, qu’il n’est pas habitué à manier le vocabulaire propre à ces disciplines. Frau Costa, notre professeur d’histoire allemande, fait preuve de la même modestie exagérée (“Wie haben Sie einen solchen Wortschatz meistern können?”), alors que son cours sur le passage de Weimar au national-socialisme, avec la fameuse “Ermächtigungsgesetz” fut une excellente introduction à une problématique abordée par Schmitt. Que faire? Comment trouver un universitaire germanophone spécialisé dans la thématique? C’est simple: appeler Tommissen pour qu’il soit l’un de mes lecteurs extérieurs. Rendez-vous est pris à Grimbergen, dans le foyer, antre et bibliothèque de notre professeur. Tommissen accepte: il aime la clarté et la concision de Topitsch et Salamun. Lors de la défense orale, Tommissen aiguille le débat sur une note, que j’avais ajoutée, sur la notion wébérienne de “Wertfreiheit”. Ce terme est intraduisible en français. Seul Julien Freund avait forgé une traduction acceptable: “neutralité axiologique”. En effet, si je suis “libre”, donc “frei” donc en état de “liberté”, de “Freiheit”, et si je suis dépourvu de tout “jugement impromptu de valeur”, donc si je suis “neutre”, quand j’observe une réalité sociologique ou politique, qui, elle, véhicule des valeurs, je suis en bout de course “libre de toute valeur”, donc “axiologiquement neutre”, chaque fois que je pose un regard scientifique sur un phénomène social ou politique. Weber plaçait aussi cette notion de “Wertfreiheit” dans le contexte de sa distinction entre “éthique de la responsabilité” (“Verantwortungsethik”) et “éthique de la conviction” (“Gesinnungsethik”). Ni l’une ni l’autre ne sont dépourvues de “valeur” mais la responsabilité implique un recul, un usage parcimonieux et raisonnable des ressources axiologiques tandis que la conviction peut, le cas échéant, déboucher sur des confrontations et des blocages, des paralysies ou des déchaînements, justement par absence de recul et de parcimonie comportementale.

 

Voilà ce que j’ai pu répondre, en bon allemand, et ainsi obtenir une distinction. Je la dois indubitablement à l’ascendant de Tommissen et à sa manière habile de poser effectivement la question principale qu’il convenait de poser face à ce mémoire, modeste traduction.

 

La bibliothèque de Grimbergen

 

L’un des premiers textes de Piet Tommissen fut un récit de son voyage, avec son épouse Agnès, chez Carl Schmitt, à Plettenberg en Westphalie. Avec grande tendresse, Tommissen a décrit ce voyage, la réception profondément amicale que lui avait prodiguée Carl Schmitt. A mon tour de raconter aussi deux ou trois impressions de ma visite à Grimbergen, pendant l’été 1983: accueil chaleureux d’Agnès et Piet Tommissen, visite de la bibliothèque. Dans la pièce de séjour, il y avait ce fauteuil du maître des lieux, tout entouré d’étagères construites sur mesure, croulant sous le poids des livres du mois, potassés pour écrire le prochain article ou essai. Tout, dans la maison, était agencé pour faciliter la lecture. La bibliothèque de Grimbergen était fabuleuse: elle mérite bien la comparaison avec les autres grandes bibliothèques privées que j’ai eu l’occasion de visiter: celle d’Alain de Benoist évidemment; celle de Mohler, vue à Munich en plein été torride de 1984; celle, luxuriante et chaotique de Pierre-André Taguieff, véritable labyrinthe où évoluait un gros chat teigneux et espiègle; celle, somptueuse, dans la villa de Miglio, vue en mai 1995 à Côme et celle de Peter Bossdorf, la plus magnifiquement agencée, vue en automne 2010. Cette évocation des grandes bibliothèques est évidemment un clin d’oeil à Tommisen: celui-ci s’enquerrait toujours des livres achetés par ses hôtes et leur demandait d’évoquer leurs bibliothèques...

 

Pierre-André Taguieff à Bruxelles

 

Plus tard, début des années 90, quand Pierre-André Taguieff préparait son ouvrage “Sur la nouvelle droite”, paru en 1994 chez Descartes & Cie, il avait sollicité un rendez-vous avec Tommissen et avec moi-même: le soir de cette journée, nous avons dîné dans un restaurant minuscule, uniquement destiné aux gourmets, en compagnie de mon camarade Frédéric Beerens et d’un majestueux ami de Tommissen, affublé d’une énorme barbe rousse qui lui couvrait un poitrail de taureau. Discussion à bâtons rompus, surtout entre Taguieff et Tommissen sur la personnalité de Julien Freund. On reproche à Taguieff certains travaux jugés inquisitoriaux sur la “nouvelle droite” ou sur les mouvements populistes (l’ouvrage de Taguieff sur “L’illusion populiste” est d’ailleurs le plus faible de ses ouvrages: les chapitres concernant la Flandre et l’Autriche ne comportent aucune référence en langue néerlandaise ou allemande!). Mais il faut rendre hommage au philosophe qui a critiqué le “bougisme” contemporain et a assorti cette critique d’un appel à la résistance de toutes les forces politiques qui n’entendent pas s’aligner sur les poncifs dominants. Ensuite, l’oeuvre majeure de Pierre-André Taguieff, “L’effacement de l’avenir” deviendra indubitablement un grand classique: on y découvre un excellent constat de faillite du “progrès”, une critique extrêmement pointue du présentisme ainsi qu’une critique fort pertinente des nouvelles formes de fausse démocratie qui ne sont, explique Taguieff, que des “expertocraties”. On peut évoquer ici le “double langage” de Taguieff, non pas au sens orwellien du terme, où la “liberté” serait l’ “esclavage”, mais dans le sens où nous avons affaire à un théoricien en vue de la gauche mitterrandienne et post-mitterrandienne, obsédé par le joujou “racisme” comme il y avait un “joujou nationalisme” du temps de Rémy de Gourmont, un intellectuel post-mitterrandien qui a pondu une triclée de travaux sur cette notion-joujou qui n’a pas d’autre existence ou de statut que ceux de “bricolages médiatiques”; au fond: s’il existe à l’évidence des préjugés raciaux, cela n’empêchera nullement le pire des racistes de trouver un jour son bon “nègre”, son “bon arbi” ou son juif favori. Même le Troisième Reich recrutait Blancs, Blacks et Beurs, et Indiens bouddhistes, hindouistes, musulmans ou sikhs, pourvu qu’il s’agissait de lutter contre la ploutocratie britannique. Et le plus acharné des anti-racistes fulminera un jour contre un représentant quelconque d’une autre race que la sienne ou sera agité par un prurit antisémite; dans la vie quotidienne les exemples sont légion. Quant aux Blancs, ils sont tout aussi victimes de préjugés raciaux que les autres.

 

Taguieff situe ses propres travaux sur le racisme et l’anti-racisme dans le cadre d’un axe de recherches inauguré par l’Américain Gordon W. Allport (“The Nature of Prejudice”, 1ère éd., 1954): le danger que recèle ce genre de démarche, qui est propre à un certain libéralisme totalitaire, est d’amorcer une critique des “préjugés” qui amènera à un rejet puis à un arasement des “valeurs”, posées derechef comme des “irrationalités” à gommer, des  valeurs sans lesquelles aucune société ne peut toutefois fonctionner, sans lesquelles toute société devient, pour reprendre la terminologie du Prof. Marcel De Corte, principal collaborateur d’Eemans au temps de la revue “Hermès” (1933-1939), une “dissociété”. Taguieff est conscient de ce danger car son idéologie “républicaine” (certes plus nuancée que les insupportables vulgates que l’on entend ânonner à longueur de journées) n’est pas dépourvue de “valeurs”, notamment de “valeurs citoyennes”, qui risquent l’arasement au même titre que les valeurs catholiques, conservatrices ou “raciques” (dans la mesure où elles sont vernaculaires), pour le plus grand bénéfice de l’idéologie présentiste qui conçoit la société non pas comme une communauté de destin mais comme un supermarché. Taguieff est donc ce penseur post-mitterrandien, qui a partagé l’illusion de la grande foire multiraciale annoncée par les “saturnales de touche-pas-à-mon-pote” (dixit Louis Pauwels), et, simultanément, le penseur d’une “nouvelle révolution conservatrice” à la française, une “révolution conservatrice” qui critique de fond en comble la notion fétiche de progrès. C’est en ce sens que j’ai voulu présenter ses ouvrages lors d’une université d’été de “Synergies Européennes” en Basse-Saxe. Taguieff mérite maintenant plus que jamais ce titre de “théoricien révolutionnaire-conservateur” car il a oeuvré d’arrache-pied pour poursuivre, défendre et illustrer l’oeuvre de Julien Freund. Quant à la critique des préjugés, mieux vaut se plonger dans les écrits et les pamphlets de ceux qui luttent contre le festivisme (Philippe Muray), facteur d’un impolitisme total, ou contre les vrais préjugés et débilités du “politiquement correct” comme Elizabeth Lévy, Emmanuelle Duverger ou Robert Ménard. Ce sont là critiques bien plus tonifiantes.

 

Après le dîner avec Tommissen et son ami barbu, Beerens et moi avons ramené notre bon Taguieff à son hôtel: n’ayant pas le coffre et l’estomac breugheliens comme les nôtres, il est revenu de nos agapes en état de franche ébriété; sur la banquette arrière de la petite Volkswagen de Beerens, il émettait de joyeuses remarques: “je suis un être dédoublé, ha ha ha, un bon joueur d’échecs, hi hi hi, je parle avec tout le monde, hu hu hu, et je roule tout le monde, ha ha ha!”. Enfin un intellectuel parisien qui se comportait comme nos joyeux professeurs qui manient allègrement la chope de bière, comme Tommissen ou l’angliciste Heiderscheidt, ou comme l’heideggerien Gadamer, qui participait, presque centenaire, aux canti de ses étudiants et tenait à respecter les règles des festivités estudiantines. Dommage que Taguieff ne soit pas resté longtemps ou ne soit jamais revenu: on en aurait fait un bon disciple de Bacchus et du Roi Gambrinus! En réalité, c’est vrai, il est un “être dédoublé”, in vino veritas, mais il ne “roule” pas tout le monde, il séduit tout le monde, tant les tenants de la gôôôche de toujours que les innovateurs qui puisent dans le vrai corpus de la “révolution conservatrice”!

 

La Foire du Livre à Francfort

 

Mais où Tommissen était le plus présent, sans y être physiquement, c’était à la Foire du Livre de Francfort, que j’ai visitée de 1984 à 1999, ainsi qu’en 2003. Pour moi, la Foire du Livre de la métropole hessoise a toujours été “maschkinocentrée”, c’est-à-dire centrée autour de la truculente personnalité de Günter Maschke, cet ancien révolutionnaire de mai 68, devenu schmittien, un des plus grands schmittiens de la Planète Terre au fil du temps. Et qui dit Günter Maschke, dit Carl Schmitt et tout l’univers des schmittiens. Après avoir arpenté pendant toute la journée les énormes halls de la Foire, nous nous retrouvions fourbus le soir chez Maschke, pour discuter de tout, mais pas dans une ambiance compassée, faite de sérieux papal: nous avons sorti les pires énormités, en riant comme des collégiens ou des soudards qui venaient d’achever une bataille. A la table, outre le grand expert militaire suisse Jean-Jacques Langendorf, et le Dr. Peter Weiss, directeur de la maison d’édition “Karolinger Verlag”, nous avions très souvent le bonheur d’accueillir le grand philosophe grec Panayotis Kondylis et l’écrivain allemand Martin Mosebach. Dans ces joyeuses retrouvailles annuelles, Maschke évoquait toujours Tommissen avec le plus grand respect. En effet, de 1988 à 2003, Piet Tommissen a publié ses miniatures sur Carl Schmitt dans la série “Schmittiana”, chez le prestigieux éditeur berlinois Duncker & Humblot, acquerrant la célébrité dans l’univers restreint des bons politologues, qui sont tous, évidemment, des schmittiens, où qu’ils vivent sur le globe! Le système Tommissen, celui de la note pertinente, y a fait merveille: en quoi consiste l’excellence de ce système? Eh bien, il aiguille le train de la recherche vers des voies souvent insoupçonnées. Schmitt a rencontré telle personnalité, lu tel livre, participé à tel colloque: Tommissen explicitait en peu de mots l’intérêt de cette rencontre, de cette lecture ou de cette participation pour le reste ou la suite de l’oeuvre et ouvrait simultanément des perspectives nouvelles et inédites sur la personnalité rencontrée, l’auteur du livre lu par Schmitt ou les organisateurs du colloque qui avait bénéficié de sa participation. La même méthode vaut bien entendu pour Eemans et le champs énorme que celui-ci a couvert en tant que peintre avant-gardiste, éditeur de revues originales, historien de l’art. On a pu se moquer de cette méthode: à première vue et pour un esprit borné, elle peut paraître désuète mais, à l’analyse, elle porte des fruits insoupçonnés. Enfin, en 1997, nous avons pu célébrer la parution de “In Sachen Carl Schmitt” auprès de “Karolinger Verlag”, avec une analyse des textes satiriques de Carl Schmitt et une autre sur la correspondance Schmitt/Michels.

 

Alberto Buela et Horacio Cagni à Bruxelles

 

J’ai eu aussi le bonheur de recevoir un jour à Bruxelles le Dr. Alberto Buela et le Dr. Horacio Cagni du CNRS argentin. Ils voulaient voir trois personnes: Tommissen, dont ils n’avaient pas l’adresse, Christopher Gérard, l’éditeur de la revue “Antaios”, et moi-même. Ce ne furent que joie et libations. D’abord en l’estaminet aujourd’hui disparu que fut “Le Père Faro” à Uccle, ensuite sur la terrasse de “chez Karim”, Place de l’Altitude Cent, où la faconde de Buela, philosophe, professeur d’université, sénateur et rancher argentin, fascinait les autres clients et même les passants qui s’arrêtaient et commandaient un verre de vin, pour avoir l’insigne plaisir de l’entendre discourir! Bref, comme me disait en juin dernier un animateur de la radio “Méridien Zéro” (Paris): la métapolitique par la joie ! “Metapolitik durch Freude”! Le lendemain: à quatre, Buela, Cagni, Gérard et moi, nous prenions le train vers Vilvorde, où nous attendait Tommissen pour nous véhiculer jusqu’à Grimbergen. Nouvelle visite de la bibliothèque où le maître des lieux me montre une collection complète de mes “Orientations”, magnifiquement reliée et placée dans la bibliothèque aux côtés d’autres revues du même acabit. Et toujours le fauteuil, entouré d’étagères sur mesure... Ensuite, libations dans une salle jouxtant l’Abbaye et la Collégiale Saint Servais de Grimbergen: les bières de l’Abbaye, généreusement offertes par Tommissen, ont coulé dans nos gosiers. Thème du fructueux débat entre Tommissen et Buela: Carl Schmitt et l’Amérique latine. On sait que Buela écrit inlassablement des articles philosophiques à dimensions véritablement politiques (au sens de Schmitt et de Freund),  et qui gardent une mesure grecque, au départ d’auteurs hispaniques, marqués par la tradition espagnole et par l’antilibéralisme de Donoso Cortès, qui ont tant fasciné Carl Schmitt.

 

Visite à Uccle

 

Après la mort prématurée de son épouse Agnès, Tommissen, au fond, était inconsolable. La grande maison de Grimbergen était devenue bien vide, sans la bonne fée du foyer. Notre professeur a pris alors la décision de s’établir à Uccle, dans un complexe résidentiel pour seniors, où il s’est acheté un studio, dans lequel il a empilé la quintessence de sa bibliothèque. Là il rédigera ses “Buitenissigheden”, ses “Extravagances”, et sans doute les dernières livraisons de ses “Schmittiana”. Je lui ai rendu visite deux fois, d’abord avec ma future épouse Ana, ensuite avec mon fils. Lors de notre première visite, il m’a offert ses “Nieuwe Buitenissigheden”, avec de la matière à traiter fort bientôt car, en effet, ce petit volume aux apparences fort modestes, contient trois thématiques qui m’intéressent: Wies Moens comme avant-gardiste et “révolutionnaire conservateur” flamand et nationaliste. Un auteur qui fascinait également Eemans et a sans doute contribué à déterminer ses choix, quand il entra en dissidence définitive et orageuse par rapport au groupe surréaliste bruxellois, autour de Magritte, Mariën, Scutenaire et les autres. Il me reste à travailler cette matière “Moens” et à l’exposer un jour au public francophone. Deuxième thématique: la “Politieke Academie”, dont il s’agira de réactiver les projets jusqu’à la consommation des siècles. Troisième thématique: la théorie de Brück, qui fascinait les rois Albert I et Léopold III, et qui sous-tend une variante du “suprématisme” anglo-saxon. Mais, infatigable, et porté par la ferme volonté d’écrire jusqu’à son dernier souffle, pour témoigner, révéler, arracher à l’oubli ce que ne méritait pas de l’être, Tommissen avait également sorti en 2005, “Driemaal Spengler”, un recueil de trois maîtres articles sur Oswald Spengler, parmi lesquels une étude sur la réception de l’auteur du “Déclin de l’Occident” en Flandre. La réception, lors de cette première visite à l’appartement d’Uccle, fut joviale. Notre professeur était au mieux de sa forme.

 

Juillet 2011: ultime visite

 

Notre dernière visite, début juillet 2011, cinq semaines avant sa disparition et sous une chaleur caniculaire, avait pour objet premier de lui communiquer, entre autres documents, une copie d’un entretien que l’on m’avait demandé sur Marc. Eemans et le “Centro Studi Evoliani”. Cet entretien se référait souvent à la monographie que Tommissen avait consacrée au “surréaliste pas comme les autres”. Cet entretien a plu à beaucoup de monde, y compris au nationaliste révolutionnaire évolien Christian Bouchet et à l’inclassable post-communiste Alain Soral qui l’ont immédiatement affiché sur leurs sites respectifs. Pour définir les positions d’Eemans dans cet univers avant-gardiste et surréaliste, je ne pouvais pas trouver de meilleur inspirateur que Tommissen. J’ai trouvé notre Professeur assez fatigué mais il faut dire aussi que l’après-midi de notre visite était particulièrement chaud, lourd et malsain. La conversation s’est déroulée en trois volets: Eemans et les cercles politico-littéraires ou politico-philosophiques des années 30 en Belgique, avec surtout la présence à Pontigny de Raymond De Becker qui y évoqua le néo-socialisme de De Man et Déat, un thème récurrent dans les recherches de Tommissen; le cercle “Communauté” fondé par Henry Bauchau et De Becker; leur “académie” à laquelle participait Marcel De Corte, également collaborateur de la revue “Hermès” d’Eemans; l’évolution de Bauchau et De Becker vers la psychanalyse jungienne (et les retombées de cet engouement sur Hergé) et la participation de De Becker à la revue “Planète” de Louis Pauwels. Sans compter l’impasse dans laquelle s’est retrouvée l’intelligentsia “conservatrice” ou “révolutionnaire-conservatrice” ou “non-conformiste des années 30” en Belgique, à partir du moment où l’Action Française de Maurras est condamnée par le Vatican en 1926; pour remplacer l’idole Maurras, désormais à l’index, une partie de cette intelligentsia va changer de gourou et adopter Jacques Maritain. Les vicissitudes de cette transition, que n’a pas vécu l’intelligentsia flamande, expliquent sans doute le peu de rapports entre les intellectuels des deux communautés linguistiques, ou le caractère très ténu de leurs références communes. Enfin, l’étude de Tommissen sur le rapport entre Francis Parker Yockey et la chorégraphe flamande Elsa Darciel (cf. euro-synergies.hautetfort.com/ ). Au cours de l ‘entretien, mon fiston et moi-même fûmes gâtés: deux volumes autobiographiques de Tommissen (“Een leven vol buitenissigheden”) et un volume avec la bibliographie complète des oeuvres de notre professeur. Deuxième volet: Tommissen n’a cessé d’interroger mon fils sur les innovations à la KUL, sur l’état d’esprit qui y règne, sur les matières qui y sont enseignées, etc. Troisième volet, avec mon épouse; Tommissen n’importunait jamais les dames avec ses engouements politiques ou philosophiques, il passait aux thèmes de la vie quotidienne et de la famille. Il nous a dit: “Aimez-vous et profitez des bons côtés de la vie”. Ce fut notre dernière rencontre.

 

Nous avions promis de nous revoir en septembre pour poursuivre nos conversations: cette année les voies du dépaysement estival nous ont menés tour à tour en Zélande, dans l’Eifel et les Fagnes, au Cap Blanc-Nez et sur la côte d’Opale, dans la Baie de la Somme, à Oslo, dans les Vosges et en Franche-Comté, sur le Chasseral suisse et sur les bords du Lac de Neuchâtel. Le 21 août, deux jours après notre retour de cette escapade dans le Jura, Piet Tommissen s’éteignait à Uccle. Une magnifique et émouvante cérémonie a eu lieu à Grimbergen le 26 août, ponctuée par le “Gebed aan ’t Vaderland”.

 

Avec la disparition de Piet Tommissen, ce sont des pans entiers de souvenirs, de la mémoire intellectuelle de la Flandre, qui disparaissent. Mais, avec lui, une chose est sûre: nous savons ce que nous devons faire jusqu’à notre dernier souffle de vie. Nous devons témoigner, lire, recenser, repérer des anecdotes en apparence futiles mais qui expliquent les transitions, notamment les transitions qui partent de la gauche officielle pour aboutir à des gauches non conformistes comme celles que parcoururent Pierre Hubermont ou Walter Dauge en Wallonie, celles qu’empruntèrent Eemans ou Moens qui, tous deux, mêlent étroitement avant-gardes, militantisme flamand et engouements philosophiques traditionnels. Nous devons aussi rester des schmittiens, attentifs à tous les aspects de l’oeuvre du “catholique prussien du Sauerland”. Car il s’agit de demeurer, envers et contre toutes les déchéances, tous les impolitismes et tous les festivismes, des “Gardiens des sources”.

 

En attendant, nous devons encore dire “Merci! Mille mercis!” à Piet Tommissen, pour sa gentillesse et pour son érudition.

 

Robert STEUCKERS.

Rédigé, grande tristesse au coeur, à Forest-Flotzenberg, le 4 septembre 2011.

samedi, 03 septembre 2011

Sur le "Dictionnaire de géopolitique et de géoéconomie" de Pascal Gauchon


Sur le "Dictionnaire de géopolitique et de géoéconomie" de Pascal Gauchon (PUF)

lundi, 29 août 2011

Quel "nationalisme" pour les années 90 et le XXIème siècle?

Quel «nationalisme» pour les

 

années 90 et le XXIème siècle ?

 

par Robert STEUCKERS

 

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991

 

Dans nos régions, nous avons coutume d'opposer deux formes de nationalisme, le nationalisme de culture (ou nationalisme populaire : volksnationalisme) et le nationalisme d'État (staatsnationalisme). Le nationalisme culturel/populaire tient compte essentiellement de l'ethnicité, en tant que matrice historique de valeurs précises qui ne sont pas transposables dans un autre humus. Le nationalisme d'État met l'ethnicité ou les ethnicités d'un territoire au service d'une machine administrative, bureaucratique ou militaire. Pour cette idéologie, l'ethnicité n'est pas perçue comme une matrice de valeurs mais comme une sorte de carburant que l'on brûlera pour faire avancer la machine. L'État, dans la perspective du staatsnationalisme, n'est pas une instance qui dynamise les forces émanant de la Volkheit mais un moloch qui les consomme et les détruit.

Les nationalismes culturels/populaires partent d'une vision plurielle de l'histoire, du monde et de la politique. Chaque peuple émet des valeurs qui correspondent aux défis que lui lance l'espace sur lequel il vit. Dans les zones intermédiaires, des peuples en contact avec deux grandes aires culturelles combinent les valeurs des uns et des autres en des synthèses tantôt harmonieuses tantôt malheureuses. Les nationalismes d'État arasent généralement les valeurs produites localement, réduisant la diversité du territoire à une logique unique, autoritaire et stérile.

 

Valoriser l'histoire, relativiser les institutions

 

Par tradition historique, noua sommes, depuis l'émergence des nationalismes vers l'époque de la révolution française, du côté des nationalismes culturels contre les nationalismes d'État. Mais au-delà des étiquettes désignant les diverses formes de nationalisme, noua adhérons, plus fondamentalement, à des systèmes de valeurs qui privilégient la diversité plutôt qu'à des systèmes d'action qui tentent de la réduire à des modèles simples, homogénéisés et, de ce fait même, stérilisés. Toute approche plurielle des facteurs historiques et politiques implique une relativisation des institutions établies ; celles-ci ne sont pas d'emblée jugées éternelles et indépassables. Elles sont perçues comme exerçant une fonction précise et doivent disparaître dès que cette fonction n'a plus d'utilité. Les approches homogénéisantes imposent un cadre institutionnel que l'on veut intangible. La vitalité populaire, par définition plurielle dans ses manifestations, déborde tôt ou tard ce cadre rigide. Deux scénarios sont alors possibles : a) les mercenaires au service du cadre répriment la vitalité populaire par violence ou b) le peuple met à bas les institutions devenues obsolètes et chasse ou exile les tenants têtus du vieil ordre.

Qu'en est-il de cette opposition entre pluralité et homogénéisation à la veille du XXIème siècle ? Il me semble inopportun de continuer à répéter tel quel les mots d'ordre et les slogans nés lors de l'opposition, au début du XIXème siècle, entre «nationalismes de culture» (Verlooy, Jahn, Arndt, Conscience, Hoffmann von Fallersleben) et «nationalismes d'État» (jacobinisme, bonapartisme). Pour continuer à exprimer notre opposition de principe aux stratégies d'homogénéisation, qui ont été celles du jacobinisme et du bonapartisme, noua devons choisir, aujourd'hui, un vocabulaire moderne, dérivé des sciences récentes (biocybernétique, informatique, physique etc.). En effet, les «nationalismes d'État» ont pour caractéristique d'avoir été forgés sur le modèle des sciences physiques mécanicistes du XVIIIème siècle. Les «nationalismes culturels», eux, ont voulu suggérer un modèle d'organisation politique calqué sur les principes des sciences biologiques émergentes (J.W. Ritter, Carus, Oken, etc.). Malgré les progrès énormes de ces sciences de la vie dans le monde de tous les jours, certains États (Belgique, France, Italie, URSS, Yougoslavie, «démocraties socialistes», Algérie, etc.) fonctionnent toujours selon des critères mécanicistes et demeurent innervés par des valeurs mécanicistes homogénéisantes.

 

Les leçons d’Alvin Toffler

 

Le nationalisme, ou tout autre idéologie, qui voudrait mettre un terme à cette anomalie, devra nécessairement être de nature offensive, porté par la volonté de briser définitivement les pouvoirs anciens. Il ne doit pas vouloir les consolider ni remettre en selle des modèles passés de nationalisme statolâtrique. La lecture du dernier livre d'un écrivain américain célèbre, Alvin Toffler, nous apparaît utile pour comprendre les enjeux des décennies à venir, décennies où les mouvements (nationalistes ou non) hostiles aux établissements devront percer sur la scène politique. Entendons-nous bien, ces mouvements, dans la mesure où ils sont hostiles aux formes figées héritées de l'ère mécaniciste/révolutionnaire, sont authentiquement «démocratiques» et «populistes» ; nous savons depuis les thèses de Roberto Michels que le socialisme a basculé dans l'oligarchisation de ses cadres. Nous savons aussi que ce processus d'oligarchisation a affecté le pilier démocrate-chrétien, désormais connecté à la mafia en Italie et partout éloigné du terreau populaire. Si bien que les élus socialistes ou démocrates-chrétiens eux-mêmes se rendent compte que les décisions sont prises, dans leurs partis, en coulisse et non plus dans les assemblées générales (les tripotages de Martens au sein de son propre parti en sont une belle illustration).

Ce phénomène d'oligarchisation, de gigantisme et de pyramidalisation suscite l'apparition de structures pachydermiques et monolithiques, incapables de capter les flux d'informations nouvelles qui émanent de la réalité quotidienne, de la Volkheit en tant que fait de vie. Je crois, avec Alvin Toffler, que ce hiatus prend des proportions de plus en plus grandes depuis le milieu des années 80 : c'est le cas chez nous, où le CVP s'effrite parce qu'il ne répond plus aux besoins des citoyens actifs et innovateurs ; c'est le cas en France, où les partis dits de la «bande des quatre» s'avèrent incapables de résoudre les problèmes réels auxquels la population est confrontée. Toffler nous parle de la nécessité de provoquer un «transfert des pouvoirs». Ceux-ci, à l'instar de ce qui s'est effectivement produit dans les firmes gigantesques d'Outre-Atlantique, devront passer, «des monolithes aux mosaïques». Les entreprises géantes ont constaté que les stratégies de concentration aboutissaient à l'impasse ; il a fallu inverser la vapeur et se décomposer en un grand nombre de petites unités à comptabilité autonome, opérationnellement déconcentrées. Autonomie qui les conduira inévitablement à prendre un envol propre, adapté aux circonstances dans lesquelles elles évoluent réellement. Les mondes politiques, surtout ceux qui participent de la logique homogénéisante jacobine, restent en deçà de cette évolution inéluctable : en d'autres termes, ils sont dépassés et contournés par les énergies qui se déploient au départ des diverses Volkheiten concrètes. Phénomène observable en Italie du Nord, où les régions ont pris l'initiative de dépasser le monolithe étatique romain, et ont créé des réseaux alpin et adriatique de relations interrégionales qui se passent fort bien des immixtions de l'État central. La Vénétie peut régler avec la Slovénie ou la Croatie des problèmes relatifs à la région adriatique et, demain, régler, sans passer par Rome, des problèmes alpins avec la Bavière, le Tyrol autrichien, la Lombardie ou le canton des Grisons. Ces régions se dégagent dès lors de la logique monolithique stato-nationale pour adopter une logique en mosaïque (pour reprendre le vocabulaire de Toffler), outrepassant, par suite, les niveaux hiérarchiques établis qui bloquent, freinent et ralentissent les flux de communications. Niveaux hiérarchiques qui deviennent ipso facto redondants. Par rapport aux monolithes, les mosaïques de Toffler sont toujours provisoires, réorientables tous azimuts et hyper-flexibles.

 

La «Troisième Vague»

 

Caractère provisoire, réorientabilité et hyper-flexibilité sont des nécessités postulées par les révolutions technologiques de ces vingt dernières années. L'ordinateur et le fax abolissent bon nombre de distances et autonomisent d'importantes quantités de travailleurs du secteur tertiaire. Or les structures politiques restent en deçà de cette évolution, donc en discordance avec la société. Toffler parle d'une «Troisième Vague» post-moderne qui s'oppose à la fois au traditionalisme des mouvements conservateurs (parfois religieux) et au modernisme homogénéisant. Aujourd'hui, tout nationalisme ou tout autre mouvement visant l'innovation doit être le porte-voix de cette «Troisième Vague» qui réclame une révision totale des institutions politiques établies. Basée sur un savoir à facettes multiples et non plus sur l'argent ou la tradition, la «Troisième Vague» peut trouver à s'alimenter au nationalisme de culture, dans le sens où ce type-là de nationalisme découle d'une logique plurielle, d'une logique qui accepte la pluralité. Les nationalismes d'État, constructeurs de molochs monolithiques, sont résolument, dans l'optique de Toffler, des figures de la «Seconde Vague», de l'«Âge usinier», ère qui a fonctionné par monologique concentrante ; preuve : devant les crises actuelles (écologie, enseignement, organisation du secteur de santé, transports en commun, urbanisme, etc.), produites par des étranglements, des goulots, dus au gigantisme et à l'éléphantiasis des structures datant de l'«âge usinier», les hommes politiques, qui ne sont plus au diapason, réagissent au coup par coup, c'est-à-dire exactement selon les critères de leur monologique homogénéisante, incapable de tenir compte d'un trop grand nombre de paramètres. Les structures mises en place par les nationalismes d'État sont lourdes et inefficaces (songeons à la RTT ou la poste), alors que les structures en mosaïques, créées par les firmes qui se sont déconcentrées ou par les régions nord-italiennes dans la nouvelle synergie adriatique/alpine, sont légères et performantes. Tout nationalisme ou autre mouvement innovateur doit donc savoir s'adresser, dès aujourd’hui, à ceux qui veulent déconcentrer, accélérer les communications et contourner les monolithes désormais inutiles et inefficaces.

 

Les «lents» et les «rapides»

 

Toffler nous parle du clivage le plus important actuellement : celui qui distingue les «lents» des «rapides». L'avenir proche appartient évidemment à ceux qui sont rapides, ceux qui peuvent prendre des décisions vite et bien, qui peuvent livrer des marchandises dans les délais les plus brefs. Les pays du Tiers-Monde appartiennent évidemment à la catégorie des «lents». Mais bon nombre de structures su sein même de nos sociétés «industrielles avancées» y appartiennent également. Prenons quelques exemples : l'entêtement de plusieurs strates de l'establishment belge à vouloir commercer avec le Zaïre, pays hyper-lent parce qu'hyper-corrompu (tel maître, tel valet, serait-on tenté de dire...) relève de la pure aberration, d'autant plus qu'il n'y a guère de profits à en tirer ou, uniquement, si le contribuable finance partiellement les transactions ou les «aides annexes». Quand Geene a voulu infléchir vers l'Indonésie, pays plus rapide (dont la balancé commerciale est positive !), les flux d'aides belges au tiers-monde, on a hurlé au flamingantisme, sous prétexte que l'Insulinde avait été colonie néerlandaise. Pour toute perspective nationaliste, les investissements doivent, comme le souligne aussi Toffler, opérer un retour au pays ou, au moins, se relocaliser en Europe. Deuxième exemple : certains rapports de la Commission des Communautés européennes signalent l'effroyable lenteur des télécommunications en Belgique (poste, RTT, chemin de fer, transports en commun urbains, etc.) et concluent que Bruxelles n'est pas la ville adéquate pour devenir la capitale de l'Europe de 1992, en dépit de tout ce que Martens, les banques de l'établissement, la Cour, etc. ont mis en œuvre pour en faire accepter le principe. Hélas pour ces «lents», il y a de fortes chances pour que Bonn ou Strasbourg emportent le morceau !

 

Partitocratie et apartheid

 

Des démonstrations qui précédent, il est facile de déduire quelques mots d'ordre pour l'action des mouvements innovateurs :

- lutte contre toutes les formes d'oligarchisation issues de la partitocratie ; ces oligarchisations ou pilarisations (verzuiling) sont des stratégies de monolithisation et d'exclusion de tous ceux qui n'adhérent pas à la philosophie de l'un ou l'autre pilier (zuil). Sachons rappeler à Paula d'Hondt que ce ne sont pas tant les immigrés qui sont des exclus dans notre société, qui seraient victimes d'un «apartheid», mais qu'une quantité impressionnante de fils et de filles de notre peuple ont été ou sont «exclus» ou «mal intégrés» à cause des vices de fonctionnement de la machine étatique belge. Ne pas pouvoir être fonctionnaire si l'on n'est pas membre d'un parti, ou devoir sauter plus d'obstacles pour le devenir, n'est-ce pas de l'«apartheid» ? Conclusion : lutter contre l'apartheid de fait qu'est la pilarisation et rapatrier progressivement les immigrés, après les avoir formés à exercer une fonction utile à leur peuple et pour éviter précisément qu'ils soient, à la longue, victimes d'un réel apartheid, n'est-ce pas plus logique et plus humain que ce qui est pratiqué actuellement à grands renforts de propagande ?

- abattre vite toutes les structures qui ne correspondent plus au niveau actuel des technologies ; un nationalisme de culture, parce qu'il parie sur les énergies inépuisables du peuple, n'est forcément pas passéiste.

- s'inscrire, notamment avec la Lombardie et la Catalogne, dans les stratégies interrégionales en mosaïques ; tout en sachant que l'obstacle demeure la France, dont le conseil constitutionnel vient de décider que le peuple corse n'existait pas ! Ne dialoguer en France qu'avec les régionalistes et renforcer par tous les moyens possibles le dégagement des régions de la tutelle parisienne. Solidarité grande-néerlandaise avec la région Nord-Pas-de-Calais et grande-germanique avec l'Alsace. Pour la Wallonie, si d'aventure elle se dégage de la tutelle socialiste et maçonnique (pro-jacobine), solidarité prioritaire avec les cantons romans de la région Nord-Pas-de-Calais et avec la Lorraine, en tant que régions originairement impériales et romanes à la fois (la Wallonie traditionnelle, fidèle à sa vocation impériale, a un devoir de solidarité avec les régions romanes de l'ancien Reich, la Reichsromanentum, victime des génocides perpétrés par Louis XIV en Lorraine et en Franche-Comté, où 50% de la population a été purement et simplement massacrée ; les énergies de la Wallonie post-socialiste devront se porter le long d'un axe Namur/Arlon/Metz/Nancy/Genève). Appui inconditionnel aux régionalismes corse, breton, occitan et basque, si possible de concert avec les Irlandais, les Catalans, les Lombards et les Piémontais. Forcer les Länder allemands à plus d'audace dans les stratégies de ce type.

- diplomatie orientée vers les «rapides». Ne plus perdre son temps avec le Zaïre ou d'autres États corrompus et inefficaces. Les relations avec ce pays ne sont entretenues que pour défendre des intérêts dépassés, que l'on camoufle souvent derrière un moralisme inepte.

- combattre toutes les lenteurs intérieures, même si nous ne souhaitons pas que Bruxelles devienne la capitale de l'Europe. Si les institutions européennes déménagent ailleurs, les projets de Martens s'effondreront et son régime autoritaire, appuyé notamment sur la Cour et non sanctionné par la base de son propre parti, capotera. L'effondrement du CVP, comme son tassement annoncé, permettra l'envol d'un néo-nationalisme futuriste, tablant sur la longue mémoire et sur la vitesse. Car l'une n'exclut pas l'autre. Un peuple qui garde sa mémoire intacte, sait que l'histoire suit des méandres souvent imprévus et sait aussi quelles réponses ses ancêtres ont apportées aux défis insoupçonnés de l'heure. La mémoire garantit toujours une réponse modulée et rapide aux défis qui se présentent. L'ordinateur n'est-il pas précisément un instrument performant parce qu'il est doté d'une mémoire ? Donc, le nationalisme culturel/populaire, plurilogique, est un bon logiciel. Gardons-le et sachons l'améliorer.

 

Robert STEUCKERS

Source : Alvin Toffler, Les Nouveaux Pouvoirs : Savoir, richesse et

 

violence à la veille du XXlème siècle, Fayard, 1991, 658 p., 149 FF.

 

Ce texte de R. Steuckers a d'abord été publié en langue néerlandaise dans la revue «RevoIte» (été 1991). Il entrait dans le cadre d'un débat sur le nationalisme en Flandre.

mercredi, 24 août 2011

Geopolitics of Leviathan

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Geopolitics of Leviathan

By Edouard RIX

Ex: http://www.counter-currents.com/

Translated by Greg Johnson

“Nur Meer und Erde haben hier Gewicht.”
(Only sea and land matter here.)
—Goethe

This article is less concerned with geopolitics than with thalassopolitics, a neologism coined by professor Julien Freund “to call into question certain conceptions of geopolitics that privilege telluric phenomena over maritime phenomena.”

“World history is the history of the fight of maritime powers against continental powers and of continental powers against maritime powers” writes Carl Schmitt in Land and Sea.

In the Middle Ages, the cabbalists interpreted the history of the world as a combat between the powerful whale, Leviathan, and the no less powerful Behemoth, a land animal imagined as looking like an elephant or a bull. Behemoth tries to tear Leviathan with its defenses, its horns or its teeth, while Leviathan, for its part, tries to stop with its fins the mouth and the nose of the land animal to starve or suffocate it. A mythological allegory not unrelated to the blockade of a terrestrial power by a maritime power.

The “Sea Power” of Admiral Mahan

Around the turn of the 20th century, the American Alfred T. Mahan in The Influence of Sea Power upon History (1890), the German Friedrich Ratzel in Das Meer als quelle der Volkergrösse [The Sea as Source of National Greatness] (1900), and the British Halford John Mackinder in Britain and the British Seas (1902), attach a paramount importance to the sea as source of power of the nations.

Admiral, historian, and professor at the US Naval Academy, Alfred T. Mahan (1840–1914) is the most famous geopolitician of the sea, his work comprising twenty books and 137 articles. On the basis of the study of European History of the 17th and 18th centuries, he sought to show how maritime power (Sea Power) appeared determinative of the growth and prosperity of nations.

For him, the sea can act against the land, whereas the reverse is not true and, in the long run, the sea always ends up winning any fight against the land. Mahan is deeply persuaded that the control of the seas ensures the domination of the land, which he summarizes with the formula “the Empire of the sea is without any doubt the Empire of the world.” By thus affirming the intrinsic superiority of the maritime empires, he offers a theoretical justification to imperialism, the great expansionist movement of the years 1880–1914.

In The Problem of Asia, published in 1900, Mahan applies his geopolitical paradigm to Asia, insisting on the need for a coalition of maritime powers to contain the progression towards the open sea of the great terrestrial power of the time, Russia. Indeed, he stresses that its central position confers a great strategic advantage on the Russian Empire, because it can extend in all directions, and its internal lines cannot be crossed.

On the other hand—and here lies its principal weakness—its access to the sea is limited, Mahan seeing only three possible axes of expansion: toward Europe, to circumvent the Turkish blockade of the straits, toward the Persian Gulf, and toward the China Sea. This is why the admiral recommends damming up the Russian tellurocracy through the creation of a vast alliance of the maritime powers, thalassocracies, which would include the United States, Great Britain, Germany, and Japan, the Americans asserting themselves as the leaders of this new Holy Alliance.

Halford John Mackinder

Inspired by Admiral Mahan, the British academic Halford John Mackinder (1861–1947) also believed that the fundamental geopolitical reality is the opposition between continental powers and maritime powers. A fundamental idea run throughout his work: the permanent confrontation between the Heartland, i.e. the central-Asian steppe, and the World Island, the continental mass Asia-Africa-Europe.

In 1887, Mackinder delivered a short public speech to the Royal Geographical Society that marked his resounding debut on the geopolitical stage, declaring in particular “there are two types of conquerors today: land wolves and sea wolves.” Behind this allegorical and somewhat enigmatic utterance is the concrete reality of Anglo-Russian competition in Central Asia. In fact, Mackinder was obsessed by the safety of the British Empire vis-à-vis the rise of Germany and Russia. In 1902, in Britain and the British Seas, he noted the decline of Great Britain and concluded from it that she must “divide the burden” with the United States, which would take over sooner or later.

In his famous essay of 1904, “The Geographical Pivot of History,” he formulates his geopolitical theory. One can summarize it in two principal points: (1) Russia occupies the pivotal zone inaccessible to maritime power, from which it can undertake to conquer and control the Eurasian continental mass, (2) against Russia, maritime power, starting from its bastions (Great Britain, the United States, South Africa, Australia, and Japan) that are inaccessible to terrestrial power, encircles the latter and prohibits her from freely reaching the open sea.

Studying the “pre-Colombian” epoch, Mackinder contrasted the Slavs, who inhabited the forests, with the nomadic riders of the steppes. This semi-desert Asian steppe is the Heartland, surrounded by two densely populated crescents: the inner crescent, encompassing India, China, Japan, and Europe, which are territorially adjacent to the Heartland, and the outer crescent, made up of various islands. The inner crescent is regularly subject to the pressures of nomadic horsemen from the steppes of the Heartland.

Everything changed in the “Colombian” age, which saw the confrontation of two mobilities, that of England which began the conquest of the seas, and that of Russia which advanced gradually in Siberia. For the academic Mackinder, this double European expansion, maritime and continental, found its explanation in the opposition between Rome and Greece. Indeed, he affirms that the Germans were civilized and Christianized by the Roman, the Slavs by the Greeks, and that whereas the Romano-Germans conquered the oceans, the Slavs seized the steppes on horseback.

Mackinder made the separation between Byzantine and Western Empires in 395, exacerbated by the Great Schism between Byzantium and Rome in 1054, the nodal point of this opposition. He emphasized that after the fall of Constantinople to the Turks, Moscow proclaimed itself the new center of Orthodoxy (the Third Rome). According to him, in the 20th century, this religious antagonism will lead to an ideological antagonism, between Communism and capitalism: Russia, heiress of the Slavic country village community, the Mir, will choose Communism, the West, whose religious practice privileges individual salvation, for capitalism . . .

For Mackinder, the opposition Land/Sea is likely to lean in favor of the land and Russia. Mackinder noted that if the United Kingdom could send an army of 500,000 to South Africa at the time of the Boer Wars, a performance saluted by all the partisans of the maritime power, Russia at the same time had succeeded in an even more exceptional exploit by maintaining an equivalent number of soldiers in the Far East, thousands of kilometers of Moscow, thanks to the Trans-Siberian Railroad. With the railroad, the terrestrial power was henceforth able to deploy its forces as quickly as the oceanic power.

Enthralled by this revolution in land transportation, which would make it possible for Russia to develop an industrialized space that is autonomous from and closed to trade with the thalassocracies, Mackinder predicted the end of the “Colombian” age and concluded that the telluric power is superior, summarizing his thought in a striking aphorism: “Whoever holds continental Europe controls the Heartland. Whoever holds the Heartland controls the World Island.”

Indeed, any economic autonomy in central-Asian space leads automatically to a reorganization of the flow of trade, the inner crescent thus having an interest in developing its commercial relations with the center, the Heartland, to the detriment of the Anglo-Saxon thalassocracies. A few years later, in 1928, Stalin’s announcement of the implementation of the first Five Year Plan would reinforce the British thinker, who did not fail to stress that since the October Revolution, the Soviets built more than 70,000 kilometers of railways.

Shortly after the First World War, Mackinder published Democratic Ideals and Reality, a concise and dense work in which he recalls the importance of the Russian continental mass, that the thalassocracies can neither control from the seas nor invade completely. Thus, concretely, it is imperative to separate Germany from Russia by a “cordon sanitaire,” in order to prevent the union of the Eurasiatic continent. This prophylactic policy was pursued by Lord Curzon, who named Mackinder High Commissioner in “South Russia,” where a military mission assisted the White partisans of Anton Denikin and obtained from them the de facto recognition of the new Republic of Ukraine . . .

To make impossible the unification of Eurasia, Mackinder never ceased recommending the balkanization of Eastern Europe, the amputation from Russia of its Baltic and Ukrainian glacis, the “containment” of Russian forces in Asia so that they could not threaten Persia or India.

Notes

1. C. Schmitt, Terre et Mer (Paris: Le Labyrinthe, 1985), p. 23. [See the English translation available on this website here [2]. -- Trans.]

2. The names of Leviathan and Behemoth are borrowed from the Book of Job (chapters 40 and 41).

3. A. T. Mahan, The Problem of Asia and its Effect upon International Policies (London: Sampson Low-Marston, 1900), p. 63.

Source: Edouard Rix, Terre & Peuple, No. 46 (Winter Solstice 2010), pp. 39–41.

Online: http://tpprovence.wordpress.com/2011/07/07/geopolitique-du-leviathan/ [3]

Geopolitics of Leviathan, Part 2

Karl Haushofer’s Kontinentalblock 

 

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It was in Germany, under the decisive influence of Karl Haushofer (1869–1946), that geopoliticians, diplomats, and National Revolutionary and National Bolshevik theorists (the Jünger brothers, Ernst Niekisch, Karl-Otto Paetel) would oppose thalassocratic pretentions with greatest force.

A Bavarian artillery officer and professor at the War Academy, Karl Haushofer was sent to Japan in 1906 to reorganize the Imperial Army. During his return to Germany on the Trans-Siberian railroad, he became vividly aware of the continental vastness of Russian Eurasia. After the First World War, he earned a doctorate and became professor of geography in Munich, where connected with Rudolf Hess. In 1924, Haushofer founded the famous Zeitschrift für Geopolitik (Journal of Geopolitics). He was the direct intellectual heir to his compatriot Friedrich Ratzel and the Swede Rudolf Kjeller.

To begin, let us set aside the black legend of Haushofer as fanatical Hitlerist who used geopolitics to justify the territorial conquests of the Third Reich, a legend based in “American propaganda efforts,” according to Professor Jean Klein.[1] This diabolization will astonish only those who are ignorant of the anti-thalassocratic orientation of Haushofer’s geopolitics . . .

 

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Haushofer wished to rise above petty nationalisms. Thus, beginning in 1931, in Geopolitik der Pan-Ideen (Geopolitics of Continental Ideas), he advocated the constitution of vast continental spaces as the only means to go beyond the territorial and economic weakness of traditional States. The first stage could be the sub-continental gatherings theorized in 1912 by the geographer E. Banse, who recommended 12 large civilizational regions: Europe, Greater Siberia (Russia included), Australia, the East Indies, Eastern Asia, the “Nigritie” (the “black lands,” i.e., Africa), Mongolia (with China, Indochina, and Indonesia), Greater California, the Andes, America (Atlantic North America), and Amazonia.

HaushoferPazifischen0187-01.jpgHaushofer’s radically continentalist and anti-thalassocratic thought came into focus in 1941, when he published Der Kontinentalblock-Mitteleuropa-Eurasien-Japan (The Continental Bloc Central Europe-Eurasia-Japan). Written after the Germano-Soviet pact, this work argued for a Germano-Italo-Soviet-Japanese alliance that would radically reorganize the Eurasian continental mass. He stressed that the permanent fear of the Anglo-Saxons is the emergence of a Berlin-Moscow-Tokyo axis, which would completely escape the influence of the commercial thalassocracies, which, he writes, practice the policy of the anaconda, which consists in gradually encircling and slowly suffocating its prey. But a unified Eurasia would be too large for the Anglo-American anaconda. Thanks to its gigantic mass, it could resist any blockade.

haushofer_raum_small.jpgThe idea of a tripartite alliance first occurred to the Japanese and Russians. At the time of the Russo-Japanese War of 1905, when the British and Japanese united against the Russians, some of the Japanese leadership—including Hayashi, their ambassador in London, Count Gato, Prince Ito, and Prime Minister Katsura—desired a Germano-Russo-Japanese pact against the English seizure of global sea traffic. The visionary Count Gato recommended a troika in which the central horse, the strongest one, flanked by two lighter and more nervous horses, Germany and Japan. In Russia, the Eurasian idea would be incarnated a few years later by the minister Sergei Witte, the creative genius of the Trans-Siberian Railroad who in 1915 advocated a separate peace with the Kaiser.

Needless to say, Haushofer disapproved of Hitler’s wars of conquest in the East, which went against his historical project of creating a Eurasian continental bloc.

The Anaconda Strategy of Spykman and Brzezinski

 

Route of the Trans-Siberian Railroad

The fundamental idea, posed by Mahan and Mackinder, to prohibit Russia’s access to the open sea, would be reformulated by Nicholas John Spykman (1893–1943), who insisted on the pressing need for controlling the maritime ring or Rimland, the littoral zone bordering the Heartland and which runs from Norway to Korea: “Whoever controls the maritime ring holds Eurasia; whoever holds Eurasia controls the destiny of the world.”[2]

Interpreting this maxim at that onset of the Cold War, the United States tried by a policy of “containment” of the USSR, to control the Rimland by means of a network of regional pacts: NATO in Europe, the Baghdad Pact then the Organization of the central treaty of the Middle East, SEATO and ANZUS in the Far East.

With the collapse of the Soviet bloc, one might have expected a strategic redeployment of the USA and a break with Mackinderite orthodoxy. But that was not to be. So much so that still today, the (semi-official) foreign policy adviser most heeded by President Obama proves to be a dedicated disciple of Mackinder: none other than Zbigniew Brzezinski, a friend of David Rockefeller, with whom he co-founded the Trilateral Commission in 1973, and Jimmy Carter’s National Security Advisor from 1977 to 1980. His major theoretical work, The Grand Chessboard, appeared in 1997, at the time of the wars in Yugoslavia undertaken mainly under his initiative, under the aegis of the Secretary of State Madeleine Albright.

Brzezinski’s strategic analysis cynically reprises Anglo-Saxon geopolitical doxa: Eurasia, which comprises half the planet’s population, constitutes the spatial center of world power. The key to control Eurasia is Central Asia. The key to control Central Asia is Uzbekistan. For this Russophobe of Polish origin, the objective of the American Grand Strategy must be to fight against a China-Russia alliance. Considering that the principal threat comes from Russia, he recommends its encirclement (the anaconda, always the anaconda) by the establishment of military bases, or, in the absence of friendly regimes in the former Soviet republics (Ukraine included), insisting in particular on the necessary utilization of Islamists. Paradoxically, it is in the name of the fight against these same Islamists that American forces were deployed Uzbekistan after September 11th, 2001 . . . Machiavelli is not dead!

Notes

1. Jean Klein, Karl Haushofer, De la géopolitique (Paris: Fayard, 1986).

2. N. Spykman, The Geography of the Peace (New York: Harcourt-Brace, 1944), p. 43.

Edouard Rix, Terre & Peuple, No. 46 (Winter Solstice 2010), pp. 39–41.


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samedi, 20 août 2011

Choc des civilisations ou querelles intestines?

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Choc des civilisations ou querelles intestines ?

Thierry MUDRY
 
En Europe, la thèse du « choc des civilisations », en partie inspirée de l’œuvre de Samuel Huntington, s’est frayé, semble-t-il, un chemin jusque dans le discours de certains partis de gouvernement qualifiés de « modérés » ou « conservateurs ».

Cette thèse postule l’existence de conflits inévitables entre les systèmes religieux porteurs de normes politiques, juridiques et culturelles qui structurent les civilisations. Ainsi, aux yeux d’un nombre croissant d’Européens, la civilisation occidentale christo-centrée apparaît-elle menacée sur le territoire européen même par l’Islam: par le terrorisme islamique et, plus sournoisement, par les tentatives des croyants musulmans visant à imposer une plus grande visibilité sociale de leur religion et à se conformer à des normes dérogatoires à l’ordre public (polygamie) et à la culture dominante (port du voile).

Il est pourtant évident que tous les résidents ou citoyens européens d’origine ou de croyance musulmane ne partagent pas l’opinion des éléments les plus radicaux d’entre eux qui prétendent placer l’Islam, tant symboliquement que politiquement, au cœur de l’espace public. Et ce désaccord n’est pas seulement motivé par l’adhésion à un crédo laïque « à la française », mais aussi, dans de larges secteurs, par une interprétation somme toute assez classique de la doxa islamique ou une approche assez conforme à la jurisprudence islamique de ce que doivent être les rapports entre l’Islam et l’État dans une société majoritairement non musulmane.

Il est également évident que le terrorisme islamiste vise prioritairement les pays musulmans et les populations musulmanes elles-mêmes qu’il prétend vouloir ramener à ce qu’il affirme être la pureté du message muhamadien.

C’est là un exemple parmi d’autres du fait que les conflits religieux n’opposent pas tant les religions entre elles, dans un « choc des civilisations », que des factions adverses au sein de chaque religion, voire au sein de chaque dénomination.

Cela ne revient évidemment pas à dire que ce « choc des civilisations » est une fiction, qu’il est purement fantasmé, loin s’en faut. Il acquiert une réalité du seul fait que nombre d’acteurs politiques croient en son existence, et que certains autres l’instrumentalisent aux fins d’affaiblir leurs rivaux ou ennemis potentiels: on sait l’usage que les États-Unis ont fait de l’arme islamique contre le nationalisme arabe laïque et contre l’Union soviétique, usage que Zbigniew Brzezinski avait remarquablement décrit dans Le Grand Échiquier, et l’usage qu’en a fait Israël contre les chrétiens palestiniens, souvent surreprésentés dans le mouvement de libération nationale, et contre l’O.L.P. Aujourd’hui, il est permis de se demander si la promotion de la multi-culturalité par la puissance américaine, modèle imposé à l’Europe, avec les tensions sociales qu’elle y fait naître et le « choc des civilsations » qu’elle y favorise, n’obéit pas, elle aussi, à des buts politiques précis…

Qui qu’il en soit, il faut admettre que le « choc des civilisations » n’est bien souvent lui-même que le produit, que la conséquence d’un rapport de forces et de conflits internes aux ensembles religieux en cause.

Ainsi l’actuelle polémique pan-européenne sur la construction des minarets et sur le port du voile intégral apparaît-elle d’abord comme un débat interne à la communauté musulmane avant que d’être un débat impliquant la société globale. On peut même considérer qu’elle constitue d’abord un enjeu de pouvoir au sein de la communauté musulmane et que le bénéfice que souhaitent en tirer les radicaux n’est pas l’« islamisation » de l’Europe (objectif certes souhaitable à leurs yeux mais difficilement accessible) que la « ré-islamisation » et la radicalisation de l’opinion musulmane locale.

Les parallèles historiques avec la situation actuelle de l’Islam en Europe ne manquent pas.

On pourrait évoquer la conquête ottomane des Balkans avec laquelle s’affirme l’image d’un Islam militairement expansif voué à subjuguer l’Europe et à la plier à sa loi.

Or, comme l’ont montré Irène Beldiceanu-Steinherr et Michel Balivet, cette conquête a été menée, avec l’appui de derviches hétérodoxes, par des seigneurs des frontières indociles échappant au contrôle d’un pouvoir central ottoman embryonnaire. Elle a débouché, dans un premier temps, moins sur l’islamisation des populations soumises que sur l’émergence d’un syncrétisme local.

La réaction sunnite qui s’est fait jour à partir du règne de Selîm Ier (1512-1520), face à la menace des Safavides iraniens devenus les champions du chiisme (encore un conflit interne à l’Islam!), conduira les dynastes ottomans à mettre au pas les musulmans d’Anatolie et des Balkans, dont on pouvait craindre les sympathies safavides, et à procéder à leur normalisation politique et religieuse.

C’est dire que la conquête ottomane des Balkans a d’abord été l’expression de dissensions internes à la société et à l’État musulmans ottomans, plutôt qu’un affrontement frontal entre Chrétienté et Islam. Le sultan a d’ailleurs été longtemps plus assuré de la loyauté de ses sujets chrétiens que de celle de ses sujets musulmans balkaniques!

Quittant les rives de la Méditerranée, il n’est pas inutile d’évoquer l’un des derniers conflits « religieux » armés dont l’Europe a été le théâtre: le conflit nord-irlandais.

Même si Samuel Huntington n’a pas compté, au nombre des fractures civilisationnelles qu’il inventorie, l’opposition entre le « catholicisme gaélique irlandais » et le « protestantisme anglo-saxon britannique » (pour reprendre une terminologie populaire aux XIXème et XXème siècles tant dans les Îles britanniques qu’en Amérique du Nord), celle-ci revêt encore aux yeux de beaucoup en Irlande du Nord l’aspect d’un choc de civilisations.

Les accords du Vendredi Saint qui ont, en 1998, mis un terme progressif au conflit nord-irlandais en organisant le désarmement et le démantèlement des groupes para-militaires républicains et loyalistes, et la participation de leurs branches politiques au processus électoral local, ont en quelque sorte conforté cette vision des choses en associant indissolublement catholicisme, républicanisme et culture gaélique, d’un côté, protestantisme, unionisme et culture britannique dans sa variante « ulster scot », de l’autre. Avec ces accords destinés à restaurer la paix se voit donc consacrée la division « sectaire » des six comtés en deux sociétés, deux cultures irréductiblement distinctes.

Pourtant, la situation ainsi figée par les accords de paix est un produit de l’histoire récente de l’île.

Il faut relever en effet que la confédération de Kilkenny qui fut, au XVIIème siècle pendant la guerre des Trois Royaumes, la première expression politique du catholicisme irlandais unissant les Gaels, les habitants originels de l’île, et les Vieux-Anglais, les descendants des premiers colons anglais de l’île restés fidèles au catholicisme (la confédération de Kilkenny soutenait le roi Charles Ier contre le parlement anglais et Cromwell), consacra l’hégémonie de la langue anglaise et de la loi anglaise, la common law, au sein du catholicisme local.

A l’inverse, une grande partie, voire la majorité des colons presbytériens d’Irlande du Nord venus d’Écosse étaient à l’origine de langue et de culture gaéliques comme l’ont montré récemment J. Michael Hill et l’historien du presbytérianisme irlandais Roger Blaney.

Au XVIIIème siècle, ce sont les protestants, seuls détenteurs des droits politiques, qui contestèrent la domination politique, économique et culturelle britannique sur l’Irlande à travers le mouvement des Volontaires irlandais et celui, plus radical, des Irlandais-Unis, tandis que l’Église et les classes moyennes catholiques espéraient que l’union de l’Irlande à la Grande-Bretagne déboucherait sur l’émancipation des catholiques irlandais.

La situation actuelle résulte en fait clairement des mutations du catholicisme et du protestantisme irlandais amorcés au XIXème siècle.

Le premier a connu une « révolution dévotionnelle » (selon l’expression d’Emmet Larkin) initiée par le cardinal Cullen au lendemain de la Grande Famine. Ce prélat s’était donné pour objectif d’aligner le catholicisme local sur les canons du catholicisme continental et de « re-catholiciser » de la sorte ses ouailles suspectes d’indifférence religieuse, de s’adonner à des pratiques païennes ou, encore, de manifester des inclinations protestantes.

Chez les protestants s’affirma le courant évangélique et pan-protestant au sein du presbytérianisme et de l’anglicanisme, soucieux d’unir dans un prosélytisme agressif la famille protestante jusqu’alors divisée contre la menace démographique et les revendications « papistes ». Avec lui se dessina bien tardivement le « sectarisme » protestant dans ses dimensions tout à la fois religieuses, politiques et culturelles.

Mais il aura fallu pour cela que le courant évangélique l’emporte définitivement sur le courant « non-souscripteur » (ce courant refusait l’adhésion obligatoire à la confession de Westminster) et sur le courant millénariste du presbytérianisme irlandais, engagés à des degrés divers dans la lutte contre l’establishment politico-religieux anglican, comme le montre l’implication de leurs pasteurs et de leurs paroisses dans le mouvement des Irlandais-Unis et le soulèvement révolutionnaire de 1798.

Il aura fallu qu’il l’emporte également sur les courants anglo-catholique et libéral de l’anglicanisme irlandais sensibles aux convergences dogmatiques et liturgiques avec le catholicisme et aux affinités entre croyants des deux confessions.

Ce sont donc ces mutations décisives qui favoriseront en Irlande l’affrontement direct entre le catholicisme et le protestantisme.

Là aussi, à l’image de la question musulmane telle qu’elle est posée aujourd’hui en Éurope, la prétendue guerre de religions ou de civilisations n’y est que la conséquence d’un règlement de comptes interne.

C’est dire que la géopolitique des conflits religieux se doit d’être d’abord une géopolitique des conflits intra-confessionnels.

Thierry Mudry

À propos de l'auteur

Thierry Mudry
 
Docteur en droit et avocat au Barreau de Marseille, Thierry Mudry est également chargé d'enseignement à l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence. Ses recherches et ses cours portent sur le fait religieux et ses rapports avec la problématique identitaire et les dynamiques géopolitiques.

jeudi, 18 août 2011

Péguy parmi nous

Péguy parmi nous

par Pierre LE VIGAN

peguy.jpgIl y a cent ans, Péguy publiait Le mystère de la Charité de Jeanne d’Arc, pièce de théâtre qui est toute entière le mystère de la prière de Péguy. Il publiait aussi, cette même année 1911, Le Porche du mystère de la deuxième Vertu (« Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’espérance. » Cette « petite fille espérance. Immortelle » que chantera cet autre poète qu’était Brasillach). L’occasion de revenir sur Péguy, l’homme de toutes les passions.

En 1914 mourrait Charles Péguy, au début d’une guerre qui marqua la fin d’une certaine Europe et d’une certaine France. Péguy représentait précisément le meilleur de l’homme de l’ancienne France, atteint au plus haut point par les ravages du monde moderne. On dit parfois qu’il y eut deux Péguy, le premier socialiste et dreyfusard, et le second, nationaliste, critique du progrès, catholique proclamé (par ailleurs nullement pratiquant) et atypique. Ces deux Péguy ont leur grandeur, et les deux ont été bien vivants c’est-à-dire qu’ils ont écrits comme tout le monde aussi quelques bêtises. Mais c’est le même homme qui a été tour à tour socialiste idéaliste et critique passionné – et bien injuste – de Jean Jaurès. Et c’est le même homme qui fut poète, et qui fut hanté par l’idée de hausser l’homme. C’est pourquoi dans Notre jeunesse (1910), Péguy écrivait : « On peut publier mes œuvres complètes, il n’y a pas un mot que j’y changerais. » Et de dire dans ce texte, en substance : je ne renierais jamais mon engagement (dreyfusard) dans l’affaire Dreyfus et je ne renierais jamais la République.

Péguy est né à Orléans en 1873. Il sera influencé par Louis Boitier et le radicalisme orléanais. Fils d’un menuisier et d’une rempailleuse de chaises, Péguy peut faire des études grâce à une bourse de la République. Condisciple du grand historien jacobin Albert Mathiez, Péguy échoue à l’agrégation de philosophie. Dans les années 1890, il se range du côté des socialistes par aspiration à la fraternité et un ordre vrai. De même, il défend Dreyfus injustement accusé de trahison. C’est un anticlérical et un homme de gauche. « Les guerres coloniales sont les plus lâches des guerres », écrit-il en 1902. Sa première Jeanne d’Arc qui, parue en 1897, n’aura aucun succès est dédiée à ceux qui rêvent de la République socialiste universelle. Il abandonne la voie du professorat en 1897.

À partir de 1900, il évolue de manière de plus en plus autonome et inclassable. Il se convertit à un certain réalisme politique. « La paix par le sabre, c’est la seule qui tienne, c’est la seule qui soit digne », écrit-il alors à propos de la colonisation française. Ce qui n’est pas incompatible avec le premier propos mais marque une nette inflexion. C’est l’époque de Notre Patrie (1905) et du raidissement patriotique après l’incident de Tanger. « L’ordre, et l’ordre seul, fait en définitive la liberté. Le désordre fait la servitude », écrit-il alors dans les Cahiers de la Quinzaine. Mais ce ne peut être qu’un ordre vrai, c’est-à-dire un ordre juste.

L’antisocialisme de Péguy vers 1910 est surtout une protestation contre l’embourgeoisement du socialisme. Mais il faut le dire : il y aussi un profond recul de l’intérêt pour la question sociale. S’il ne fut jamais maurrassien (Daniel Halévy expliquera que ce qui a manqué au débat français c’est un face-à-face Maurras – Péguy), Péguy était par contre proche de Barrès.

Anticlérical mais chrétien – il trouve la foi en 1908 -, extrêmement patriote (jusqu’à un antigermanisme détestable mais naïf), Péguy était aussi philosémite (à une époque où le sionisme n’existait pas), ainsi grand admirateur de Bernard Lazare. Les amis juifs ne manquèrent pas à Péguy, tels le fidèle Eddy Marix. Sans parler de « Blanche », son dernier amour. Loin d’être attiré par les extrêmes, Péguy est à partir de 1900, en politique, très modéré. Il voue ainsi un grand respect à Waldeck-Rousseau, homme de gauche modéré, voire « opportuniste » au sens du moment, qui mit un terme  aux affres de l’affaire Dreyfus.

Après avoir ouvert une librairie, vite en faillite, Péguy crée les Cahiers de la Quinzaine, qui n’auront jamais assez d’abonnés pour être rentables (on parle de 1400 abonnés, mais des historiens tels Henri Guillemin indiquent qu’il n’en a jamais eu 1200). Abandonnant le socialisme devenu parlementaire, il s’attache à prôner une République idéale, indépendante des partis et de l’argent, patriote, sociale, apportant à tous l’éducation, la dignité dans le travail et la fraternité. C’est dire que Péguy n’a jamais complètement renié ses idéaux de jeunesse. « Une révolution n’est rien, si elle n’engage pas une nouvelle vie, si elle n’est entière, totale, globale, absolue… » Péguy devient l’homme de toutes les traditions, « des fleurs de lis mais aussi du bonnet phrygien (avec cocarde) ». « Un Michelet dégagé des vapeurs idéologiques », remarque Maurice Reclus. Une fidélité à la République comme continuité de toute notre histoire. C’est ce qu’il résuma par la fameuse formule : « La République c’est notre royaume de France ».

Ami de Jacques Maritain, de Lucien Herr, de Pierre Marcel-Lévy, de Georges Sorel (qui ne crut jamais à sa conversion catholique), de Léon Blum, avec qui il se fâcha, de Marcel Baudouin dont il épousa la sœur et à qui il vouait une affection fraternelle jusqu’à utiliser le pseudonyme de Pierre Baudouin, sous le nom duquel il publia sa première Jeanne d’Arc, Péguy était en relation avec les plus brillants mais aussi souvent les plus profonds des intellectuels de l’époque. De même qu’il échouera à l’agrégation de philosophie, il ne termina jamais sa thèse sur « l’histoire dans la philosophie au XIXe siècle », ni sa thèse complémentaire qui portait sur le beau sujet « Ce que j’ai acquis d’expérience dans les arts et métiers de la typographie ». Ce qu’il cherchait n’était pas de paraître, c’était de tracer un sillon bien précis : l’éloge des vertus d’une ancienne France, celle des travailleurs, des artisans, des terriens. « C’est toujours le même système en France, on fait beaucoup pour les indigents, tout pour les riches, rien pour les pauvres », écrivait-il dans une lettre du 11 mars 1914.

Souvent au bord de la dépression, Péguy ne se ménageait guère. « Le suicide est pour moi une tentation dont je me défends avec un succès sans cesse décroissant », écrivait-il à un de ses amis. Il ne cherchait pas le confort pour lui-même : ni le confort moral ni le confort intellectuel. « Il y avait en ce révolutionnaire du révolté, écrivait son ami Maurice Reclus, et, ces jours-là, je ne pouvais m’empêcher de voir en Péguy une manière de Vallès – en beaucoup plus noble, évidemment, en beaucoup moins déclamateur et revendicateur, un Vallès sans bassesse, sans haine et sans envie, mais un Vallès tout de même. » Péguy prétendait être un auteur gai, et s’il n’était pas comique ni léger, il était quelque peu facétieux. Oui, cet homme avait la pudeur de la gaieté. Il ne cherchait jamais à être étincelant, mais il étincelait.

Ce que récuse Péguy, et là, il n’est pas modéré, c’est le modernisme. Le danger qu’il annonce, c’est « la peur de ne pas paraître assez avancé ». C’est pourquoi sa critique de l’obsession moderniste est souvent associée au regret des temps passés, alors qu’elle témoigne pour un autre avenir possible. « Mais comment ne pas regretter la sagesse d’avant, comment ne pas donner un dernier souvenir à cette innocence que nous ne reverrons plus. […] On ne parle aujourd’hui que de l’égalité. Et nous vivons dans la plus monstrueuse inégalité économique que l’on n’ait jamais vue dans l’histoire du monde. On vivait alors. On avait des enfants. Ils n’avaient aucunement cette impression que nous avons d’être au bagne. Ils n’avaient pas comme nous cette impression d’un étranglement économique, d’un collier de fer qui tient à la gorge et qui se serre tous les jours d’un cran. » (L’Argent). Deux semaines avant d’être tué, le 5 septembre 1914, Péguy était au front à la tête d’une compagnie. Il écrivait : « nous sommes sans nouvelles du monde depuis quatre jours. Nous vivons dans une sorte de grande paix. »

Pierre Le Vigan

Bibliographie:

Arnaud Teyssier, Charles Péguy, une humanité française, Perrin, 2008.

Romain Rolland, Péguy, Albin Michel, deux volumes, 1945.

Maurice Reclus, Le Péguy que j’ai connu, Hachette, 1951.

Bernard Guyon, Péguy, Hatier, 1960.

Charles Péguy, L’Argent (1913), réédité par les éditions des Équateurs.

Paru dans Flash, n° 67 du 2 juin 2011.


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mardi, 16 août 2011

Hoe ontstaan revoluties?

Hoe ontstaan revoluties?

Peter LOGGHE

Ex: Nieuwsbrief Deltastichting - Nr. 50 - Augustus 2011


Hoe revoluties ontstaan, is een vraag die men zich al heel lang stelt. De actualiteit van de zogenaamde Arabische Lente in 2011 heeft ondertussen geleerd dat er geen antwoorden bestaan, die het fenomeen op zich volledig verklaren. Maar het Franse tijdschrift, La Nouvelle Revue d’Histoire, fraai uitgegevendoor Dominique Venner en één van de beste van zijn soort, heeft het nodig gevonden om hieraan een dossier te wijden. Een dossier dat net op tijd komt, want net rond deze periode werd ook het hoofdwerk van José Ortega y Gasset , La Rebelion De Las Masas (vertaal in het Nederlands als De Opstand der Horden, verschenen bij Nijgh & Van Ditmar met ISBN-nummer 9789023655671) opnieuw in het Frans uitgegeven.
 
Auteur Jean Michel Baldassari vraagt zich af op welke manier men het belang van een boek kan afmeten en geeft hierop als antwoord: “Als men het boek lang na de publicatie nog kan herlezen, zonder de indruk te hebben dat men verraden werd of bij de neus genomen”.  De Opstand der Horden, dat in 1929 in Spanje werd gepubliceerd, voldoet volkomen aan deze stelregel en – wat meer is – geeft daarenboven eeninteressante inkijk in het wezen en het ontstaan van revoluties. Een boek dat velen irriteert, want hetgaat helemaal in tegen de lineaire conceptie van de geschiedenis, die de vooruitgang van de mensheid afmeet aan de doorbraak van de democratie.

Voor deze Spaanse filosoof is democratie geen doel op zichzelf, maar slechts een middel van emancipatie, dat de beschaving ter beschikking stelt van het individu, zodat hij uit zijn apathie kanbreken. Europa kende op dat moment een beschaving waarbij de macht en de leiding van de maatschappij werd uitgeoefend door aldan niet verlichte minderheden. Maar tussen 1800 en 1914 groeide debevolking in Europa van 180 naar 460 miljoen mensen. Daarmee deed demassa haar intrede in het publieke leven. Samen hiermee ontwikkelde het De opstand der hordenonderwijs zichenorm en zorgden democratische rechten ervoor dat een ongekende situatie ontstond. Voor de eerste keer in de geschiedenis “oefenden individuen, die onverschillig stonden tegenover verleden en toekomst, die geen bijzondere ambitie of passie hadden, het recht uit om het lot van de wereld in een bepaalde richting te sturen” (Jean Michel Baldassari, pag. 35).

Beschouwde Ortega y Gasset de democratie dan niet als een vooruitgang? Natuurlijk wel, al waarschuwde hij er wel voor dat deze vooruitgang zich evengoed tegen zichzelf kon keren en in eennieuw barbarendom kon omslaan als de elites, anders gezegd diegenen die de zware verantwoordelijkheid op zich wilden nemen om de maatschappij te leiden, zich volledig zouden laten leiden door de blinde eisen van diegenen die hij met “massa’s” omschreef.

José Ortega y Gasset zal vooral de geschiedenis ingaan als de scherpe analyticus van het verschijnsel ‘massamens’.  Dit fenomeen is eigenlijk een agglomeraat van individuen zonder welomschreven groep of bijzonder talent, maar die zich soeverein opstellen, omdat men hen heeft laten geloven dat zij dat zijn.  “Want de gemiddelde mens heeft geleerd dat alle mensen wettelijk gezien gelijk zijn”, aldus de filosoof.  Verwaand in die mate dat hij elk hiërarchie als een agressie tegen zichzelf aanvoelt. Onverschillig tegenover de mogelijke plichten, kent hij maar al te goed zijn rechten.
 
Onvermijdelijk komen dan die andere groten in beeld: Alexis de Toqueville en Hannah Arendt. Want naar het voorbeeld van de Toqueville, die ongerust was over de gevolgen van de democratie, en ORTEGA Y GASSETHannah Arendt, die in haar De oorsprong van het totalitarisme het spiritueel ontworteld individu beschrijft datzeer gevoelig is voor collectivistische avonturen, zo vreest ook Ortega y Gasset de irrationele kracht van massa. Hij stond dus eerder afkerig van het Italië van Mussolini, maar was bovenal een anticommunist.
 
Was hij een reactionair? Helemaal niet, hij observeerde gewoon wat hij zag. Maarin tegenstelling tot Oswald Spengler die de fatale ondergang van het Westen voorspelde, dacht de Spanjaard niet dat Europa ‘gedoemd’ was tot een onomkeerbare decadentie. De Europese naties, aldus Ortega y Gasset, bevonden zich natuurlijk wel in een neerwaartse spiraal, maar als ze zich maar verenigden in iets nieuw, kon er zeker een nieuwe wereldmacht groeien. Was hij het eens met liberale denkers in die tijd om te stellen dat geschiedenis niet op voorhand geschreven was en dat mensen hun eigen lot perfect in eigen handen konden nemen, dan was hij in zoverre niet meer akkoord met diezelfde liberalen en stelde zich dus eerder als een conservatief op, dat hij als voorwaarde hieraan verbond dat vrijheid betekende dat diegenen die geroepen waren om te “leiden”, dit dan ook moesten kunnen zonder aan allerlei zware democratische regels te zijn gebonden.

José Ortega y Gasset stond positief tegenover een humanistische en tezelfdertijd elitaire beschaving, maar zou heel weinig voeling hebben gehad met “wat de beschaving vandaag heeft voortgebracht, een libertaire maatschappij, puur op consumptie gericht”.
 
Enkele historici belichtten verder in dit nummer 55 de Franse revolutie van 1789, de val van de burgerkoning Louis-Philippe, het belang van het jaar 1848 voor de opstanden over gans Europa, en de revolutie van 1917 in Rusland. Tenslotte belicht Dominique Venner in een bijdrage “Wanneer de revolutie een religie wordt” de gelijkenissen tussen de twee totalitaire ideologieën van de 20ste eeuw, het fascisme en het communisme. In deze beide collectivistische stromingen merkt de auteur – terecht naar mijn inschatting – een honger naar nieuwe religiositeit, en gaat hij op zoek wat er van het geloof van de fiere zeloten is overgebleven.

Een nummerén een tijdschrift dat we alleen maar kunnen aanbevelen:


La Nouvelle Revue d’Histoire.
Avenue des Ternes, 88
F-75017 Paris (Frankrijk)

Webstek
  
(Peter Logghe)

Tomislav Sunic on the European New Right

Tomislav Sunic on the European New Right

lundi, 15 août 2011

Londres dans la tempête anthropotechnique

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Londres dans la tempête anthropotechnique

par Jean-Paul BAQUIAST

Ex: http://www.polemia.com/ 

Pourquoi employer, pour désigner les émeutes qui se produisent en ce moment dans certains quartiers londoniens, un terme apparemment obscur, celui de tempête anthropotechnique, plutôt que parler de simples émeutes des banlieues, semblables à celles s'étant produites en France il y a quelques années?

Pourquoi, plus banalement encore, ne pas parler de simples scènes de pillage, comme l'on en voit partout dans le monde? Parce que s'il s'agit d'un phénomène sans doute classique, la révolte de minorités non assimilées par le système de pouvoirs dominants et par conséquent marginalisées, il prend des formes nouvelles, l'émergence de modèles de destruction de l'ordre social en place particulièrement visibles et exemplaires. Ces modèles sont « virtuels », sous la forme d'images et de commentaires se réverbérant en écho. Mais ils naissent d'actions concrètes sur le terrain et donnent à ces actions une force d'exemple quasiment illimitée. De nouveaux acteurs jusque là passifs sont incités à prendre des initiatives. Les troubles semblent alors se générer et se répandre spontanément, sur le mode viral.

Inévitablement les sociétés attaquées génèrent des réactions de défense dont les modèles se répandent à leur tour à travers les réseaux. Ces réactions, constructives ou destructrices selon le point de vue des observateurs politiques, sont d'abord classiques, sur le mode de la répression policière traditionnelle. Mais devant l'échec de cette forme de défense, les pouvoirs inventent des solutions reposant le plus souvent sur le contrôle des activités à travers les outils technologiques fournis par les réseaux et l'intelligence artificielle. Ces solutions paraissent émerger elles-aussi spontanément. Ceci tient en partie à la capacité d'adaptation rapide des technologies utilisées et des humains faisant appel à elles. Il est aujourd'hui difficile de prévoir le type de société qui résultera des affrontements à prévoir entre les forces agonistes et antagonistes en présence. D'où l'intérêt d'essayer de rafraichir en permanence les outils d'analyse.

Le facteur technologique

Le premier facteur à prendre en compte est la puissance du facteur technologique aujourd'hui en action, que nous venons de résumer rapidement. La capacité des réseaux sociaux et des images virtuelles à fédérer les oppositions a été découverte à l'occasion des révoltes arabes. Aujourd'hui, il semble que le pouvoir de Bachar El Hassad, malgré ses centaines de chars, sera obligé à la longue de s'incliner devant la mobilisation en profondeur provoquée par la diffusion des images, aussi rares et réprimées que soient celles-ci. Le pouvoir chinois est lui-aussi dans l'expectative face à la naissance d'oppositions de ce type.

Ce facteur technologique est désormais bien connu. Il comporte le volet des médias, la télévision et internet, qui propagent dans le monde entier des symboles d'une grande puissance contagieuse, servant pour beaucoup de spectateurs d'exemples à suivre. La mémétique a décrit ce mode de propagation, les acteurs se copiant les uns les autres tout en diversifiant par mutation la nature de leurs initiatives. Il faut actualiser les modèles mémétiques déjà anciens pour tenir compte de la puissance des nouveaux modes de production et de diffusion des contenus propres aux sociétés urbaines. On voit se généraliser des outils de communication instantanée entre individus et petits groupes qui les rendent en cas de confrontation plus mobiles et réactifs que les forces de l'ordre n'employant que des moyens traditionnels de communication. Il s'agit pourrait-on dire alors de superorganismes en reconstitution permanente.

Un point méritera d'être précisé. La généralisation de la société en réseau a depuis les origines favorisé l'apparition apparemment spontanée et quasiment irrépressible d'agents internes de destruction d'autant plus efficaces qu'ils s'attaquent spontanément aux systèmes complexes, comme si la complexité les stimulaient. Il s'agit des virus informatiques et en associations avec eux, des humains, pirates ou hackers. Beaucoup semblent motivés, non pour des raisons politiques ou économiques, mais par le désir très puissant de se montrer supérieurs, fut-ce anonymement, aux barrières qui leur sont opposées. Dans notre terminologie, il s'agit typiquement d'agents de type anthropotechniques, associant des technologies de type proliférant et des humains (anthropos) tourmentés par un besoin de sortir de la norme. Cela peut prendre une forme ludique mais aussi déboucher sur des actions qui seront qualifiées de criminelles.

Or dans le cas des émeutes urbaines, on voit systématiquement apparaître des groupes dits de casseurs qui ne se bornent pas à piller mais, semble-t-il, à détruire pour détruire. On a parlé de jeu ou de sport. Médiatisés sur les réseaux, de tels comportements se répandent et se diversifient sur le mode mémétique viral. On peut s'interroger sur les raisons de leur succès reproductif, déploré par les responsables de l'ordre. S'agit-il d'une propension séculaire des sociétés organisées à générer des comportements destructifs externes de la part de ceux que cette organisation rejette? Faut-il alors intensifier les mesures répressives classiques? S'agit-il au contraire de formes d'auto-destruction internes qui seront de plus en plus nombreuses et agressives au fur et à mesure que les sociétés en réseau se complexifieront? Quels rapports entretiendront ces auto-destructions avec les actions de contestation plus pacifiques s'exprimant à travers des manifestations médiatisées, sur le mode des campements de la place Tahrir au Caire. Ces dernières en souffriront-elles ou en tireront-elles profit? Des analyses systémiques semblent s'imposer, si l'on ne veut pas s'enfermer dans la vieille dialectique du « surveiller et punir » illustrée par Michel Foucault.

Le facteur anthropologique

En état de co-activation avec ce facteur technologique se trouve le facteur que nous nommons ici anthropologique. Il faut pas à cet égard se cacher derrière les non-dits bien pensants, qui ne trompent plus personne aujourd'hui. Les insurgés des banlieues européennes conjuguent le refus de l'exploitation propre à tous prolétariats ou minorités exploitées ou rejetées par le secteur productif avec des composantes ethniques. La Grande Bretagne, pour ce qui la concerne, dans la suite d'une histoire coloniale et industrielle dont les hauts-faits inspirent encore l'imagination des classes dirigeantes, a cru pouvoir faire venir sur son territoire, pratiquement sans contraintes, les représentants de populations et de religions qui se livraient chez elles à des conflits incessants. Elle espérait apparemment pouvoir les réconcilier autour des bonnes moeurs de la gentry, tout en continuant à exploiter leur force de travail sans offrir de perspective d'emplois sérieux et de promotion. Des aides à l'assimilation avaient été mises en place sous les gouvernements travaillistes, mais elles viennent d'être supprimées.

Il n'y a rien d'étonnant à ce que, la crise économique et politique actuelle aidant, ce soit dans le pot-pourri de nationalités provenant principalement de l'ancien Empire, que se recrutent - fussent-ils naturalisés depuis plusieurs générations, les individus les plus activistes. Certes, les affrontements de la décenie précédente opposants protestants et catholiques en Irlande avaient rappelé que les Européens peuvent à tout moment prendre les armes les uns contre les autres, comme ils l'ont fait tout au long du 20e siècle. Reste qu'aujourd'hui les images des combats de rue véhiculent l'image détestable de conflits ethniques, même si comme d'habitude les premières victimes des destructions sont des famlles fraichement immigrées. Il peut s'agir d'une véritable dynamite. Parler comme le fait aujourd'hui le gouvernement Cameron de comportements relevant du banditisme classique ne suffit donc pas à prendre la mesure anthropologique du problème.

En France ou dans les autres pays européens, il paraît évident que des facteurs voisins sont à l'oeuvre qui nourriront si rien n'est fait des révoltes également destructrices. Mais pour le moment il nous semble que le maillon faible face à de telles révoltes risque bien d'être le Royaume Uni. Pourquoi? La société britannique, bien qu'indéniablement profondément démocratique en termes politiques, est aussi profondément inégalitaire en termes sociaux. De plus elle a depuis des décennies perdu la capacité de faire appel au secteur public et à de véritables mesures économiques où l'Etat et les organisations syndicales pourraient faire un contrepoids aux oligarchies financières. C'est ainsi que la majorité libérale conservatrice a embouché sans aucunes précautions les trompettes du FMI et de Wall Street en démantelant la police, les universités et les services sociaux, entre autres barrages possibles aux revendications de la rue. S'est ajoutée à cela la corruption profonde générée par le système médiatique, où même l'austère Scotland Yard a perdu sa respectabilité.

Face aux mouvements de rue, le gouvernement se trouve un peu dans la situation de Bachar El Assad: devoir durcir encore la répression ou démissionner. Certains parlent de faire appel à l'armée. Cela fera peut-être taire un moment les manifestants. Mais ne fera qu'aggraver les difficultés à terme. Il faudrait pensons-nous proposer aux minorités ethniques en réseau des perspectives à plus long terme qui réinséreraient les manifestants les plus désireux de s'intégrer au sein d'autres réseaux offrant des perspectives d'activités technologiques motivantes. C'est la question évoquée dans notre éditorial du 27 juillet, « L'avenir de la Grèce est aussi le nôtre ». Mais cette perspective supposerait un véritable changement de système politique et économique. Rien ne prouve pour le moment que la peur générée par les émeutes fasse progresser, en Grande Bretagne comme ailleurs en Europe, la prise au sérieux du besoin d'un tel changement.

Jean-Paul Baquiast
Europe solidaire
09/08/2011  

Correspondance Polémia – 12/08/2011

dimanche, 14 août 2011

Zinoviev's Homo Sovieticus: Communism as Social Entropy

Zinoviev’s “Homo Sovieticus”: Communism as Social Entropy

Tomislav Sunic

Ex: http://freespeechproject.com/

 

Alexandre_Zinoviev_2002.jpgStudents and observers of communism consistently encounter the same paradox: On the one hand they attempt to predict the future of communism, yet on the other they must regularly face up to a system that appears unusually static. At Academic gatherings and seminars, and in scholarly treatises, one often hears and reads that communist systems are marred by economic troubles, power sclerosis, ethnic upheavals, and that it is only a matter of time before communism disintegrates. Numerous authors and observers assert that communist systems are maintained in power by the highly secretive nomenklatura, which consists of party potentates who are intensely disliked by the entire civil society. In addition, a growing number of authors argue that with the so-called economic linkages to Western economies, communist systems will eventually sway into the orbit of liberal democracies, or change their legal structure to the point where ideological differences between liberalism and communism will become almost negligible.

The foregoing analyses and predictions about communism are flatly refuted by Alexander Zinoviev, a Russian sociologist, logician, and satirist, whose analyses of communist systems have gained remarkable popularity among European conservatives in the last several years.

According to Zinoviev, it is impossible to study communist systems without rigorous employment of appropriate methodology, training in logic, and a construction of an entirely new conceptual approach. Zinoviev contends that Western observers of communism are seriously mistaken in using social analyses and a conceptual framework appropriate for studying social phenomena in the West, but inappropriate for the analysis of communist systems. He writes:

A camel cannot exist if one places upon it the criteria of a hippopotamus. The opinion of those in the West who consider the Soviet society unstable, and who hope for its soon disintegration from within (aside that they take their desires for realities), is in part due to the fact that they place upon the phenomenon of Soviet society criteria of Western societies, which are alien to the Soviet society.

Zinoviev’s main thesis is that an average citizen living in a communist system -- whom he labels homo sovieticus -- behaves and responds to social stimuli in a similar manner to the way his Western counterpart responds to stimuli of his own social landscape. In practice this means that in communist systems the immense majority of citizens behave, live, and act in accordance with the logic of social entropy laid out by the dominating Marxist ideology. Contrary to widespread liberal beliefs, social entropy in communism is by no means a sign of the system’s terminal illness; in fact it is a positive sign that the system has developed to a social level that permits its citizenry to better cope with the elementary threats, such as wars, economic chaos, famines, or large-scale cataclysms. In short, communism is a system whose social devolution has enabled the masses of communist citizens to develop defensive mechanisms of political self-protection and indefinite biological survival. Using an example that recalls Charles Darwin and Konrad Lorenz, Zinoviev notes that less-developed species often adapt to their habitat better than species with more intricate biological and behavioral capacities. On the evolutionary tree, writes Zinoviev, rats and bugs appear more fragile than, for example, monkeys or dinosaurs, yet in terms of biological survivability, bugs and rats have demonstrated and astounding degree of adaptability to an endlessly changing and threatening environment. The fundamental mistake of liberal observers of communism is to equate political efficiency with political stability. There are political stability. There are political systems that are efficient, but are at the same time politically unstable; and conversely, there are systems which resilient to external threats. To illustrate the stability of communist systems, Zinoviev writes:

A social system whose organization is dominated by entropic principles possesses a high level od stability. Communist society is indeed such a type of association of millions of people in a common whole in which more secure survival, for a more comfortable course of life, and for a favorable position of success.

Zinoviev notes that to “believe in communism” by no means implies only the adherence to the ruling communist elite of the unquestionable acceptance of the communist credo. The belief in communism presupposes first and foremost a peculiar mental attitude whose historical realization has been made possible as a result of primordial egalitarian impulses congenial to all human beings. Throughout man’s biocultural evolution, egalitarian impulses have been held in check by cultural endeavors and civilizational constraints, yet with the advent of mass democracies, resistance to these impulses has become much more difficult. Here is how Zinoviev sees communism:

Civilization is effort; communality is taking the line if least resistance. Communism is the unruly conduct of nature’s elemental forces; civilization sets them rational bounds.

It is for this reason that it is the greatest mistake to think that communism deceives the masses or uses force on them. As the flower and crowning glory of communality, communism represents a type of society which is nearest and dearest to the masses no matter how dreadful the potential consequences for them might be.

zinoviev1978.jpgZinoviev refutes the widespread belief that communist power is vested only among party officials, or the so-called nomenklatura. As dismal as the reality of communism is, the system must be understood as a way of life shared by millions of government official, workers, and countless ordinary people scattered in their basic working units, whose chief function is to operate as protective pillars of the society. Crucial to the stability of the communist system is the blending of the party and the people into one whole, and as Zinoviev observes, “the Soviet saying the party and the people are one and the same, is not just a propagandistic password.” The Communist Party is only the repository of an ideology whose purpose is not only to further the objectives of the party members, but primarily to serve as the operating philosophical principle governing social conduct. Zinoviev remarks that Catholicism in the earlier centuries not only served the Pope and clergy; it also provided a pattern of social behavior countless individuals irrespective of their personal feelings toward Christian dogma. Contrary to the assumption of liberal theorists, in communist societies the cleavage between the people and the party is almost nonexistent since rank-and-file party members are recruited from all walks of life and not just from one specific social stratum. To speculate therefore about a hypothetical line that divides the rulers from the ruled, writes Zinoviev in his usual paradoxical tone, is like comparing how “a disemboweled and carved out animal, destined for gastronomic purposes, differs from its original biological whole.”

Admittedly, continues Zinoviev, per capita income is three to four times lower than in capitalist democracies, and as the daily drudgery and bleakness of communist life indicates, life under communism falls well short of the promised paradise. Yet, does this necessarily indicate that the overall quality in a communist society is inferior to that in Western countries? If one considers that an average worker in a communist system puts in three to four hours to his work (for which he usually never gets reprimanded, let alone fears losing his job), then his earnings make the equivalent of the earnings of a worker in a capitalist democracy. Stated in Marxist terminology, a worker in a communist system is not economically exploited but instead “takes the liberty” of allocating to himself the full surplus value of his labor which the state is unable to allocate to him. Hence this popular joke, so firmly entrenched in communist countries, which vividly explains the longevity of the communist way of life: “Nobody can pay me less than as little as I can work.”

Zinoviev dismisses the liberal reductionist perception of economics, which is based on the premise that the validity or efficiency of a country is best revieled by it high economic output or workers’ standard of living. In describing the economics of the Soviet Union, he observes that “the economy in the Soviet Union continues to thrive, regardless of the smart analyses and prognoses of the Western experts, and is in fact in the process of becoming stronger.” The endless liberal speculations about the future of communism, as well as the frequent evaluations about whether capitalist y resulted in patent failures. The more communism changes the more in fact it remains the same. Yet, despite its visible shortcomings, the communist ideal will likely continue to flourish precisely because it successfully projects the popular demand for security and predictability. By contrast, the fundamental weakness of liberal systems is that they have introduced the principles of security and predictability only theoretically and legally, but for reasons of economic efficiency, have so far been unable to put them into practice. For Claude Polin, a French author whose analyses of communist totalitarianism closely parallel Zinoviev’s views, the very economic inefficiency of communism paradoxically, “provides much more chances to [sic] success for a much larger number of individuals than a system founded on competition and reward of talents.” Communism, in short, liberates each individual from all social effort and responsibility, and its internal stasis only reinforces its awesome political stability.

TERROR AS THE METAPHOR
For Zinoviev, communist terror essentially operates according to the laws of dispersed communalism; that is, though the decentralization of power into the myriad of workers’ collectives. As the fundamental linchpins of communism, these collectives carry out not only coercive but also remunerative measures on behalf of and against their members. Upon joining a collective, each person becomes a transparent being who is closely scrutinized by his coworkers, yet at the same time enjoys absolute protection in cases of professional mistakes, absenteeism, shoddy work, and so forth. In such a system it is not only impossible but also counterproductive to contemplate a coup or a riot because the power of collectives is so pervasive that any attempted dissent is likely to hurt the dissenter more than his collective. Seen on the systemic level, Communist terror, therefore, does not emanate from one central source, but from a multitude of centers from the bottom to the top of society, whose foundations, in additions to myriad of collectives, are made up of “basic units,” brigades, or pioneer organizations. If perchance an individual or a group of people succeeds in destroying one center of power, new centers of power will automatically emerge. In this sense, the notion of “democratic centralism,” derided by many liberal observers as just another verbal gimmick of the communist meta-language, signifies a genuine example of egalitarian democracy -- a democracy in which power derives not from the party but from the people. Zinoviev notes:

Even if you wipe out half the population, the first thing that will be restored in the remaining half will be the system of power and administration. There, power is not organized to serve the population: the population is organized as a material required for the functioning of power.

Consequently, it does not appear likely that communism can ever be “improved,” at least not as Westerners understand improvement, because moral, political, and economic corruption of communism is literally spread throughout all pores of the society, and is in fact encouraged by the party elite on a day-to-day basis. The corruption among workers that takes the form of absenteeism, moonlighting, and low output goes hand in hand with corruption and licentiousness of party elite, so that the corruption of the one justifies and legitimatizes the corruption of the others. That communism is a system of collective irresponsibility is indeed not just an empty saying.

IN THE LAND OF THE “WOODEN LANGUAGE”
The corruption of language in communist societies is a phenomenon that until recently has not been sufficiently explored. According to an elaborate communist meta-language that Marxist dialecticians have skillfully developed over the last hundred years, dissidents and political opponents do not fall into the category of “martyrs,” or “freedom fighters” -- terms usually applied to them by Western well-wishers, yet terms are meaningless in the communist vernacular. Not only for the party elite, but for the overwhelming majority of people, dissidents are primarily traitors of democracy, occasionally branded as “fascist agents” or proverbial “CIA spies.” In any case, as Zinoviev indicates, the number of dissidents is constantly dwindling, while the number of their detractors is growing to astounding proportions. Moreover, the process of expatriation of dissidents is basically just one additional effort to dispose of undesirable elements, and thereby secure a total social consensus.

for the masses of citizens, long accustomed to a system circumventing al political “taboo themes,” the very utterance of the word dissident creates the feeling of insecurity and unpredictability. Consequently, before dissidents turn into targets of official ostracism and legal prosecution, most people, including their family members, will often go to great lengths to disavow them. Moreover, given the omnipotent and transparent character of collectives and distorted semantics, potential dissidents cannot have a lasting impact of society. After all, who wants to be associated with somebody who in the popular jargon is a nuisance to social peace and who threatens the already precarious socioeconomic situation of a system that has only recently emerged from the long darkness of terror? Of course, in order to appear democratic the communist media will often encourage spurious criticism of the domestic bureaucracy, economic shortages, or rampant mismanagement, but any serious attempt to question the tenets of economic determinism and the Marxist vulgate will quickly be met with repression. In a society premised on social and psychological transparency, only when things get out of hand, that is, when collectives are no longer capable of bringing a dissident to “his senses,” -- which at any rate is nowadays a relatively rare occurrence -- the police step in. Hence, the phenomenon of citizens’ self-surveillance, so typical of all communist societies, largely explains the stability of the system.

In conclusion, the complexity of the communist enigma remains awesome, despite some valid insights by sovietologists and other related scholars. In fact, one reason why the study of communist society is still embryonic may be ascribed to the constant proliferation of sovietologists, experts, and observers, who seldom shared a unanimous view of the communist phenomenon. Their true expertise, it appears, is not the analysis of the Soviet Union, but rather how to refute each other’s expertise on the Soviet Union. The merit of Zinoviev’s implacable logic is that the abundance of false diagnoses and prognoses of communism results in part from liberal’s own unwillingness to combat social entropy and egalitarian obsession on their own soil and within their own ranks. If liberal systems are truly interested in containing communism, they must first reexamine their own egalitarian premises and protocommunist appetites.

What causes communism? Why does communism still appear so attractive (albeit in constantly new derivatives) despite its obvious empirical bankruptcy? Why cannot purportedly democratic liberalism come to terms with its ideological opponents despite visible economic advantages? Probably on should first examine the dynamics of all egalitarian and economic beliefs and doctrines, including those of liberalism, before one starts criticizing the gulags and psychiatric hospitals.

Zinoviev rejects the notion that the Soviet of total political consolidation that can now freely permit all kinds of liberal experiments. After all, what threatens communism?

Regardless of what the future holds for communist societies, one must agree with Zinoviev that the much-vaunted affluence of the West is not necessarily a sign of Western stability. The constant reference to affluence as the sole criterion for judging political systems does not often seem persuasive. The received wisdom among (American) conservatives is that the United States must outgun or out spend the Soviet Union to convince the Soviets that capitalism is a superior system. Conservatives and others believe that with this show of affluence, Soviet leaders will gradually come to the conclusion that their systems is obsolete. Yet in the process of competition, liberal democracies may ignore other problems. If one settles for the platitude that the Soviet society is economically bankrupt, then one must also acknowledge that the United States is the world’s largest debtor and that another crash on Wall Street may well lead to the further appeal of various socialistic and pseudosocialist beliefs. Liberal society, despite its material advantages, constantly depends on its “self-evident” economic miracles. Such a society, particularly when it seeks peace at any price, may some day realize that there is also an impossibly high price to pay in order to preserve it.

[The World and I   (Washington Times Co.), June, 1989]

Mr. Sunic, a former US professor and a former Croat diplomat, holds a Ph.D. in political science. He is the author of several books. He currently resides in Europe.

http://doctorsunic.netfirms.com

Vers la tyrannie?

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Vers la tyrannie ?

 
Avec en toile de fond un effondrement systémique global de la zone transatlantique (le "sauvetage" de la Grèce et le déplafonnement de la dette US n'étant que des pis-aller temporaires), l'élite dirigeante semble prête pour une véritable fuite en avant.

Difficile de dire quels visages prendront ces délires oligarchiques, mais on peut supposer que les "corporate globalists" et leurs laquais vont faire preuve d'une inventivité à toute épreuve.

Premier élément passé totalement inaperçu dans l'euphorie de l'accord Obama-Chambre des Représentants (1) la mise en place d'un Super-Congrès aux États-Unis. De quoi s'agit-il ?

L'activiste larouchiste Debra Freeman l'explique dans un communiqué publié le 1er août :

" Le Super-congrès est un comité de 12 représentants, composé de six démocrates et six républicains, qui auront le pouvoir, l’autorité et la responsabilité de décider, entre la mi et la fin novembre, de coupes supplémentaires de 1,5 mille milliards de dollars. Ces coupes seront ensuite présentées au vote de l’ensemble du Congrès. Cependant, lorsqu’il sera saisi des recommandations de ce groupe de douze, le Congrès n’aura pas le droit d’y apporter le moindre amendement ni même d’entreprendre un « filibuster », procédure d’obstruction parlementaire qui permet de retarder le plus possible, ou même bloquer l’adoption d’une loi. Les élus ne pourront se prononcer sur ce projet que par oui ou par non, et même s’ils votent non, c’est-à-dire contre le projet de loi, des coupes automatiques de l’ordre de 1,500 milliards de dollars auront lieu. Elles seront divisées également entre les dépenses de la défense, et celles des programmes sociaux, sans que plus aucune discussion ne puisse avoir lieu sur le sujet".

Si les mots ont encore un sens, cela s'appelle un coup d’État (anti)constitutionnel.

Oslo

Plus terrible encore : le massacre norvégien. Comme on pouvait le redouter dès les premières heures, cette tragédie exhale de très fortes odeurs de Gladio "scandinave" et de réseau stay-behind nouvelle mouture.

On évoque de plus en plus dans les milieux du renseignement la présence d'un deuxième tireur sur l'île d'Utoeya, ainsi que des "exercices" anti-terroristes qui se déroulaient dans le quartier d'Oslo où ont eu lieu les explosions (même scénario qu'à Londres le 7 juillet 2005 et aux Etats-Unis le 11 septembre 2001).

Des spécialistes mettent également en avant le rôle du SIMAS : une structure mise en place par l'US Intelligence et qui a recruté chez des policiers retraités, des anciens militaires etc.

Opération fausse bannière, dites-vous?

Restrictions des libertés

Il est à craindre qu'après le très mal nommé Patriot Act (concocté par John Ashcroft et le "délicieux" Michael Chertoff) et les iniques lois Perben, les gouvernements occidentaux pour plaire à leurs "employeurs", se lancent dans une nouvelle frénésie législative et liberticide qui mettra un peu plus en cause l'habeas corpus, les droits de la défense et les principes élémentaires de l'Etat de Droit.

Des affaires aussi rocambolesques et grotesques que celles de Tarnac risquent de se multiplier. Mais les prochaines fois, on peut supposer que ce n'est pas l'ultra-gauche qui sera visée mais plutôt les milieux de la droite radicale. Des officines barbouzardes cherchent déjà leur proie et promettent des coups de filet dans les jours ou les semaines à venir. On peut imaginer que le sémillant "frérot" Alain Bauer est déjà en embuscade pour offrir à la mediasphère les explications toutes faites dont il a le secret et dont il avait déjà gratifié la population française lors du scandale Julien Coupat-Yldune Lévy.

Les poulets anti-terroristes trouveront très opportunément des caches d'armes, des plans, des maquettes, des écrits subversifs etc.

Malheureusement on ne connait que trop bien ce genre de montage minable mais qui fonctionne toujours auprès d'un public crédule et totalement lobotomisé.

Port d'armes

Cette stratégie de la tension et ces restrictions des libertés s'accompagneront très probablement d'une guerre aux armes à feu notamment aux Etats-Unis.

Les tentatives multiples de ces derniers mois de mettre à mal le deuxième amendement (Rahm Emanuel, nouveau maire de Chicago, est très en pointe dans ce "combat"), font redouter aux patriotes, aux constitutionnalistes, aux libertariens et aux conservateurs américains une opération faux-drapeau de grande envergure qui mettrait en scène un tireur fou provoquant une fusillade dans une école, un jardin d'enfants ou tout autre lieu public.

Un événement tragique qui remettrait en cause ce droit fondamental et permettrait à l'oligarchie d'obtenir l'appui d'une population américaine traumatisée.

Il faut bien comprendre que les Américains n'ont pas le même regard que les Français sur le port d'armes.

Pour les Français le monopole de la violence légale et légitime est entre les mains des forces coercitives de l'Etat. Les Français ont accepté que leur sécurité soit assurée par la police et la gendarmerie. Pas d'auto-défense en France.(2)

Aux Etats-Unis la logique est différente. Le port d'armes n'est pas seulement envisagé comme une façon de mettre hors d'état de nuire un voyou ou un agresseur mais il est aussi le plus sûr et l'ultime moyen de se prémunir de la tyrannie du gouvernement.(3)

When governments fear the people, there is liberty. When the people fear the government, there is tyranny. The strongest reason for the people to retain the right to keep and bear arms is, as a last resort, to protect themselves against tyranny in government.” — Thomas Jefferson

Le même Jefferson d'ajouter :

"Aucun homme libre ne devrait être désarmé, les lois qui interdisent le port d’armes désarment seulement ceux qui ne sont pas enclins ni déterminés à commettre des crimes. De telles lois rendent les choses pires pour ceux qui sont assaillis et meilleurs pour les assaillants; elles servent plutôt à encourager les homicides que de les prévenir, parce qu’un homme désarmé peut être attaqué avec une plus grande certitude qu’un homme armé".

James Madison de son côté déclarait : "Pour préserver la liberté, il est essentiel que toute la population entière possède des armes en tout temps".

George Washington, lui, nommait sa collection d'armes privées "les dents de la liberté du peuple".

Les partisans du deuxième amendement ont-ils raison de se méfier d'un coup fourré de l’État fédéral?

Absolument. La presse américaine, y compris dominante, a révélé un scandale dont l'ATF (Alcohol, Tobacco, Firearms and explosives) est partie prenante. L'ATF aurait fourni des armes à des cartels mexicains.

Or, ces gangs de la drogue viennent régler une partie de leur "désaccord" sur le sol américain. Un carnage n'est donc pas impensable.
Depuis quelques jours, on voit déjà sortir du bois tous les opposants au deuxième amendement pour réclamer un contrôle plus drastique et une législation plus dure sur les armes à feu.

Il faut également rappeler l'affaire de la milice Hutaree. Cette milice avait menacé de déclarer la guerre à l'Etat fédéral et de commettre des attentats contre la police du Michigan. Après vérification, on découvrit que la milice Hutaree était infiltrée par le FBI et avait été transformée en simple "joujou" du Homeland Security...

Maurice Gendre

( 1 ) A l'heure où ces lignes sont écrites (lundi 1er août), on attend encore que le Sénat se prononce.

( 2 ) A la vue des troubles à l'ordre public permanents à Marseille et Sevran pour ne citer que ces deux exemples parmi des dizaines d'autres, on peut être désormais persuadé que "le monopole de la violence physique légitime" entre les mains de l’État n'est plus qu'un songe.
Les Français devant faire face à une réglementation sur les armes extrêmement restrictives (décrets du 6 mai 1995 et de décembre 1998), ils ne leur restent plus que trois solutions :
- assurer leur propre défense et ils termineront comme Papy Galinier (embastillé)
- ne rien faire et ils seront à la merci de la voyoucratie et n'auront plus qu'à prier d'être épargnés par la vindicte de la racaille
- s'organiser clandestinement et ils finiront également dans les geôles républicaines traités comme de vulgaires comploteurs qui souhaitent renverser la démocratie et l'Etat de Droit.
Heureuses perspectives, n'est-il pas ? Max Weber aurait de quoi philosopher...

( 3 ) La tyrannie n'est plus une simple crainte. Le congressman Brad Sherman avait raconté comment on l'avait menacé de déclencher la loi martiale si lui et certains de ses collègues ne votaient pas le plan de renflouement Paulson.

On rappellera aussi les tragédies de Waco et Ruby Ridge pour se convaincre que l'Etat fédéral peut traiter les citoyens américains de la plus ignoble des manières. C'est pour cela que des organisations telles que les Oath keepers (Les gardiens du serment fondé par Stewart Rhodes, un ancien proche de Ron Paul) ou les Gun owners of America (adeptes de l'open carry en référence au vieux principe "A right unexercised is a right lost"), se préparent à faire face à des troubles civils graves fomentés par le gouvernement fédéral et à une suspension des libertés constitutionnelles en cas d'écroulement.

samedi, 13 août 2011

Towards a New World Order: Carl Schmitt's "The LandAppropriation of a New World"

 

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Towards a New World Order: Carl Schmitt's "The Land Appropriation of a New World"

Gary Ulmen

Ex: http://freespeechproject.com/

 

The end of the Cold War and of the bipolar division of the world has posed again the question of a viable international law grounded in a new world order. This question was already urgent before WWI, given the decline of the ius publicum Europaeum at the end of the 19th century. It resurfaced again after WWII with the defeat of the Third Reich. If the 20th century is defined politically as the period beginning with the "Great War" in 1914 and ending with the collapse of the Soviet empire in 1989, it may be seen as a long interval during which the question of a new world order was suspended primarily because of the confrontation and resulting stalemate between Wilsonianism and Leninism. Far from defining that period, as claimed by the last defenders of Left ideology now reconstituted as "anti-fascism," and despite their devastating impact at the time, within such a context fascism and Nazism end up automatically redimensioned primarily as epiphenomenal reactions of no lasting historical significance. In retrospect, they appear more and more as violent geopolitical answers to Wilsonianism's (and, to a lesser extent, Leninism's) failure to establish a new world order.

Both the League of Nations and the United Nations have sought to reconstitute international law and the nomos of the earth, but neither succeeded. What has passed for international law throughout the 20th century has been largely a transitory semblance rather than a true system of universally accepted rules governing international behavior. The geopolitical paralysis resulting from the unresolved conflict between the two superpowers created a balance of terror that provided the functional equivalent of a stable world order. But this state of affairs merely postponed coming to terms with the consequences of the collapse of the ius publicum Europaeum and the need to constitute a new world order. What is most significant about the end of the Cold War is not so much that it brought about a premature closure of the 20th century or a return to the geopolitical predicament obtaining before WWI, but that it has signaled the end of the modern age--evident in the eclipse of the nation state, the search for new political forms, the explosion of new types of conflicts, and radical changes in the nature of war. Given this state of affairs, today it may be easier to develop a new world order than at any time since the end of the last century.

At the beginning of the 20th century, Ernest Nys wrote that the discovery of the New World was historically unprecedented since it not only added an immense area to what Europeans thought the world was but unified the whole globe.(n1) It also resulted in the European equilibrium of land and sea that made possible the ius publicum Europaeum and a viable world order. In his "Introduction" to The Nomos of the Earth, Carl Schmitt observes that another event of this kind, such as the discovery of some new inhabitable planet able to trigger the creation of a new world order, is highly unlikely, which is why thinking "must once again be directed to the elemental orders of concrete terrestrial existence."(n2) Despite all the spatial exploration and the popular obsession with extra-terrestrial life, today there is no event in sight comparable to the discovery of a New World. Moreover, the end of the Cold War has paved the way for the further expansion of capitalism, economic globalization, and massive advances in communication technologies. Yet the imagination of those most concerned with these developments has failed so far to find any new alternatives to the prevailing thinking of the past decades.



Beyond the Cold War


The two most prominent recent attempts to prefigure a new world order adequate to contemporary political realities have been made by Francis Fukuyama and Samuel P. Huntington.(n3) Fukuyama thinks the West has not only won the Cold War but also brought about the end of history, while Huntington retreats to a kind of "bunker mentality" in view of an alleged decline of the West.(n4) While the one suffers from excessive optimism and the other from excessive pessimism, both fail primarily because they do not deal with the "elemental orders of concrete terrestrial existence" and troth remain trapped in an updated version of Wilsonianism assuming liberal democracy to be the highest achievement of Western culture. While Fukuyama wants to universalize liberal democracy in the global marketplace, If Huntington identifies liberalism with Western civilization. But Huntington is somewhat more realistic than Fukuyama. He not only acknowledges the impossibility of universalizing liberalism but exposes its particularistic nature. Thus he opts for a defense of Western civilization within an international helium omnium contra omnes. In the process, however, he invents an "American national identity" and extrapolates from the decline of liberal democracy to the decline of the West.

Fukuyama's thesis is derived from Alexandre Kojeve's Heideggerian reading of Hegel and supports the dubious notion that the last stage in human history will be a universal and homogeneous state of affairs satisfying all human needs. This prospect is predicated on the arbitrary assumption of the primacy of thymos--the desire for recognition--which both Kojeve and Fukuyama regard as the most fundamental human longing. Ultimately, according to Fukuyama, "Kojeve's claim that we are at the end of history . . . stands or falls on the strength of the assertion that the recognition provided by the contemporary liberal democratic state adequately satisfies the human desire for recognition."(n5) Fukuyama's own claim thus stands or falls on his assumption that at the end of history "there are no serious ideological competitors to liberal democracy."(n6) This conclusion is based on a whole series of highly dubious ideological assumptions, such as that "the logic of modern natural science would seem to dictate a universal evolution in the direction of capitalism"(n7) and that the desire for recognition "is the missing link between liberal economics and liberal politics."(n8)

According to Fukuyama, the 20th century has turned everyone into "historical pessimists."(n9) To reverse this state of affairs, he challenges "the pessimistic view of international relations . . . that goes variously under the titles 'realism,' realpolitik, or 'power politics'."(n10) He is apparently unaware of the difference between a pessimistic view of human nature, on which political realism is based, and a pessimistic view of international relations, never held by political realists such as Niccolo Machiavelli or Hans Morgenthau--two thinkers Fukuyama "analyzes" in order to "understand the impact of spreading democracy on international politics." As a "prescriptive doctrine," he finds the realist perspective on international relations still relevant. As a "descriptive model," however, it leaves much to be desired because: "There was no 'objective' national interest that provided a common thread to the behavior of states in different times and places, but a plurality of national interests defined by the principle of legitimacy in play and the individuals who interpreted it." This betrays a misunderstanding of political realism or, more plausibly, a deliberate attempt to misrepresent it in order to appear original. Although he draws different and even antithetical conclusions, Fukuyama's claim is not inconsistent with political realism.(n11)

Following this ploy, Fukuyama reiterates his main argument that: "Peace will arise instead out of the specific nature of democratic legitimacy, and its ability to satisfy the human longings for recognition."(n12) He is apparently unaware of the distinction between legality and legitimacy, and of the tendency within liberal democracies for legality to become its own mode of legitimation.(n13) Even in countries in which legality remains determined independently by a democratic legislative body, there is no reason to believe it will be concerned primarily or at all with satisfying any "human longing for recognition"; rather, it will pursue whatever goals the predominant culture deems desirable. Consequently, it does not necessarily follow that, were democratic legitimacy to become universalized with the end of the Cold War, international conflict would also end and history along with it. Even Fukuyama admits that: "For the foreseeable future, the world will be divided between a post-historical part, and a part that is still stuck in history. Within the post-historical part, the chief axis of interaction between states would be economic, and the old rules of power politics would have decreasing relevance."(n14)

This is nothing more than the reconfiguration of a standard liberal argument in a new metaphysical guise: the old historical world determined by politics will be displaced by the new post-historical world determined by economics. Schmitt rejected this argument in the 1920s: according to liberals, the "concept of the state should be determined by political means, the concept of society (in essence nonpolitical) by economic means," but this distinction is prejudiced by the liberal aversion to politics understood as a domain of domination and corruption resulting in the privileging of economics understood as "reciprocity of production and consumption, therefore mutuality, equality, justice, and freedom, and finally, nothing less than the spiritual union of fellowship, brotherhood, and justice."(n15) In effect, Fukuyama is simply recycling traditional liberal efforts to eliminate the political(n16)--a maneuver essential for his thesis of the arrival of "the end of history" with the end of the Cold War. Accordingly: "The United States and other liberal democracies will have to come to grips with the fact that, with the collapse of the communist world, the world in which they live is less and less the old one of geopolitics, and that the rules and methods of the historical world are not appropriate to life in the post-historical one. For the latter, the major issues will be economic."(n17) Responding to Walter Rathenau's claim in the 1920s that the destiny then was not politics but economics, Schmitt said "what has occurred is that economics has become political and thereby the destiny."(n18)

For Fukuyama, the old historical world is none other than the European world: "Imperialism and war were historically the product of aristocratic societies. If liberal democracy abolished the class distinction between masters and slaves by making the slaves their own masters, then it too should eventually abolish imperialism."(n19) This inference is based on a faulty analogy between social and international relations. Not surprisingly, Fukuyama really believes that "international law is merely domestic law writ large."(n20) Compounded with an uncritical belief in the theory of progress and teleological history, this leads him to generalize his own and Kojeve's questionable interpretation of the master-slave dialectic (understood as the logic of all social relations) to include international relations: "If the advent of the universal and homogeneous state means the establishment of rational recognition on the level of individuals living within one society, and the abolition of the relationship of lordship and bondage between them, then the spread of that type of state throughout the international system of states should imply the end of relationships of lordship and bondage between nations as well--i.e., the end of imperialism, and with it, a decrease in the likelihood of wars based on imperialism."(n21) Even if a "universal and homogeneous state" were possible today, in an age when all nation-states are becoming ethnically, racially, linguistically and culturally heterogeneous, it is unclear why domestic and international relations should be isomorphic. Rather, the opposite may very well be the case: increasing domestic heterogeneity is matched by an increasingly heterogeneous international scene where "the other" is not regarded as an equal but as "a paper tiger," "the Great Satan," "religious fanatics," etc.

At any rate, imperialism for Fukuyama is not a particular historical phenomenon which came about because of the discovery of the New World at the beginning of the age of exploration by the European powers. Rather, it is seen as the result of some metaphysical ahistorical "struggle for recognition among states."(n22) It "arises directly out of the aristocratic master's desire to be recognized as superior--his megalothymia."(n23) Ergo: "The persistence of imperialism and war after the great bourgeois revolutions of the eighteenth and nineteenth centuries is therefore due not only to the survival of an atavistic warrior ethos, but also to the fact that the master's megalothymia was incompletely sublimated into economic activity."(n24) Thus the formal market relation between buyer and seller, both reduced to the level of the hyper-rational and calculating homo oeconomicus, comes to displace the master-slave dialectic whereby, miraculously, the interaction between these economic abstractions generates as much recognition as anyone would want, rendering conflict obsolete and putting an end to history.

In terms of Fukuyama's own formulation, the real end of history, as he understands it, is not even close. In his scenario, since there are still a lot of unresolved conflicts between the historical and the post-historical worlds, there will be a whole series of "world order" problems and "many post-historical countries will formulate an abstract interest in preventing the spread of certain technologies to the historical world, on the grounds that world will be most prone to conflict and violence."(n25) Although the failure of the League of Nations and the UN has led to the general discrediting of "Kantian internationalism and international law," in the final analysis, despite his Heideggerian Hegelianism, Fukuyama does not find the answer to the end of history in Hegel, Nietzsche or even Kojeve,(n26) but rather in Kant, who argued that the gains realized when man moved from the state of nature to civilization were largely nullified by wars between nations. According to Fukuyama, what has not been understood is that "the actual incarnations of the Kantian idea have been seriously flawed from the start by not following Kant's own precepts," by which he means that states based on republican principles are less likely than despotisms to accept the costs of war and that an international federation is only viable if it is based on liberal principles.

Although Huntington has a much better grasp of international relations than Fukuyama, his decline of the West scenario is equally unconvincing. The central theme of his book is that "culture and cultural identities, which at the broadest level are civilization identities, are shaping the patterns of cohesion, disintegration, and conflict in the post-Cold War world."(n27) But whereas Fukuyama couches his thesis in terms of a universal desire for recognition, Huntington couches his thesis in terms of a global search for identity: "Peoples and nations are attempting to answer the most basic question humans can face: Who are we?"(n28) The result is a "multipolar and multi-civilizational" world within which the West should abandon its presumed universalism and defend its own particular identity: "In the clash of civilizations, Europe and America will hang together or hang separately. In the greater clash, the global 'real clash,' between Civilization and barbarism, the worlds great civilizations . . . will also hang together or hang separately. In the emerging era, clashes of civilizations are the greatest threat to world peace, and an international order based on civilizations is the surest safeguard against world war."(n29)

In Huntington's new world, "societies sharing civilizational affinities cooperate with each other."(n30) Leaving aside his cavalier blurring of the differences between cultures, civilizations and societies, what does Huntington regard as the essence of Western particularism? Here he is ambiguous: he first mentions Christianity, then some secular residues of Christianity, but when he adds up the civilizational core of the West it turns out to be none other than liberalism. As Stephen Holmes points out, it is "the same old ideology, plucked inexplicably from the waste-bin of history that once united the West against Soviet Communism."(n31) But Huntington also claims that the West had a distinct identity long before it was modern (since he insists that modernization is distinct from Westernization, so that non-Western societies can modernize without Westernizing, thus retaining their civilizational distinctiveness). In this case, however, the West cannot really be identified with liberalism, nor can its heritage be equated sic et nunc with "American national identity." While liberalism may very well be declining, this need not translate into a decline of the West as such. Similarly, if "American national identity" is threatened by "multiculturalism,"(n32) it need not signal the arrival of barbarians at the gates but may only mark another stage in the statist involution of liberalism. Huntington's fears of a decline of the West at a time when it is actually at the acme of its power and vigor is the result of the unwarranted identification of Western civilization with liberalism and what he understands by "American national identity." Today liberalism has degenerated into an opportunistic statist program of "a small but influential number of intellectuals and publicists," and "American national identity" into a fiction invented as part of a failed project after the War between the States to reconfigure the American federation into a nation-state.(n33)

According to Huntington? the assumption of the universality of Western culture is: false, because others civilizations have other ideals and norms; immoral, because "imperialism is the logical result of universalism"; and dangerous, because it could lead to major civilizational wars.(n34) His equation of universalism and imperialism, however, misses the point of both it misunderstands the philosophical foundations of Western culture and the historical roots of Western imperialism. Other civilizations do have their own ideals and norms, but only Western civilization has an outlook broad enough to embrace all other cultures, which explains why it can readily sponsor and accommodate even confused and counterproductive projects such as "multiculturalism." Of course, Europeans set forth on their journeys of discovery and conquest not only in order to bring Christianity and "civilization" to the world but also to plunder whatever riches they could find. But whatever the reasons, Europeans were the ones who opened the world to global consciousness and what Schmitt called "awakened occidental rationalism."

Until recently, largely because of American cultural hegemony and technological supremacy, the goal of the rest of the world has been "Westernization," which has come to be regarded as synonymous with modernization. In Huntington's "realist" view, however: "A universal civilization requires universal power. Roman power created a near universal civilization within the limited confines of the Classical world. Western power in the form of European colonialism in the nineteenth century and American hegemony in the twentieth century extended Western culture throughout much of the contemporary world. European colonialism is over; American hegemony is receding."(n35) The real question is whether continued American world hegemony is primarily a function of the persistence of colonialism. Despite his emphasis on culture and civilization, Huntington does not appreciate the importance of cultural hegemony.? Had he not restricted the Western tradition to late 20th century liberalism, he may have appreciated the extent to which the rest of the world is becoming increasingly more, rather than less dependent on the US--in communication technologies, financial matters and even aesthetic forms. Today the Internet is potentially a more formidable agency of cultural domination and control than was the British Navy at the peak of the Empire. Here McNeill is right: Huntington's gloomy perception of the decline of the West may merely mistake growing pains for death throes.

If Huntington's salon Spenglerianism were not bad enough, he also adopts a kind of simplistic Schmittianism (without ever mentioning Schmitt). Complementing his "birds of a feather flock together" concept of civilizations --with "core states" assuming a dominant position in relation to "fault line" states--he pictures an "us versus them" type of friend/enemy relations based on ethnic and religious identities. But Schmitt's friend/enemy antithesis is concerned with relations between political groups: first and foremost, states. Accordingly, any organized group that can distinguish between friends and enemies in an existential sense becomes thereby political. Unlike Huntington (or Kojeve, who also explicitly drew geopolitical lines primarily along religious lines(n36), Schmitt did not think in terms of ethnic or religious categories but rather territorial and geopolitical concepts. For Schmitt, the state was the greatest achievement of Western civilization because, as the main agency of secularization, it ended the religious civil wars of the Middle Ages by limiting war to a conflict between states.(n37) In view of the decline of the state, Schmitt analyzed political realities and provided a prognosis of possible future territorial aggregations and new types of political forms.

Huntington finds the "realist" school of international affairs "a highly useful starting point," but then proceeds to criticize a straw man version of it, according to which "all states perceive their interests in the same way and act in the same way." Against it, not only power but also "values, culture, and institutions pervasively influence how states define their interests.... In the post-Cold War world, states increasingly define their interests in civilizational terms."(n38) Had Huntington paid more careful attention to hans Morgenthau, George Kennan or other reputable political realists, he would have concluded that their concept of power is not as limited as his caricature of it. In particular, had he read Schmitt more closely he would not have claimed that nation-states "are and will remain the most important actors in world affairs"(n39)--at a time when economic globalization has severely eroded their former sovereignty and they are practically everywhere threatened with internal disintegration and new geopolitical organizations. At any rate, political realism has been concerned primarily with the behavior of states because they were the main subjects of political life for the past three centuries.(n40) If and when they are displaced by other political forms, political realism then shifts its focus accordingly.

Huntington attempts to think beyond the Cold War. But since he cannot think beyond the nation-state, he cannot conceive of new political forms. When he writes that cultural commonality "legitimates the leadership and order-imposing role of the core state for both member states and for the external powers and institutions,"(n41) he seems to have in mind something akin to the concept of GroBraum.(n42) But Schmitt's model was the American Monroe Doctrine excluding European meddling in the Western Hemisphere. At that time (and well into the 20th century), the US was not a nation-state in the European sense, although it assumed some of these trappings thereafter. Thus it generally followed George Washington's policy--because of the "detached and distant situation" of the US, it should avoid entangling alliances with foreign (primarily European) powers. The Monroe Doctrine simply expanded on the reality and advantages of this situation. Schmitt rightly saw the global line of the Western Hemisphere drawn by the Monroe Doctrine as the first major challenge to the international law of the ius publicum Europaeum.

Given the current understanding of national sovereignty, it is difficult to see what Huntington means by "core state." Despite the title of his book, he has no concept of international law or of world order. Not only does he abandon hope for global regulations governing the behavior of states and civilizations, but he reverts to a kind of anthropological primitivism: "Civilizations are the ultimate human tribes, and the clash of civilizations is tribal conflict on a global scale."(n43) All he can suggest for avoiding major inter-civilizational wars is the "abstention rule" (core states abstain from conflicts in other civilizations), and the "mediation rule" (core states negotiate with each other to halt fault line wars).(n44) Huntington's vision is thus surprisingly conformist--it merely cautions the US from becoming embroiled in the Realpolitik of countries belonging to other civilizational blocs while defending a contrived liberal notion of"Western" civilization.

Anti-Colonialism and Appropriation
The anti-colonialism of both Fukuyama and Huntington is consistent with the predominant 20th century ideology directed primarily against Europe. Anti-colonialism is more historically significant than either anti-fascism and anti-communism. As Schmitt pointed out in 1962: "Both in theory and practice, anti-colonialism has an ideological objective. Above all, it is propaganda--more specifically, anti-European propaganda. Most of the history of propaganda consists of propaganda campaigns which, unfortunately, began as internal European squabbles. First there was France's and England's anti-Spanish propaganda--the leyenda negra of the 15th and 16th centuries. Then this propaganda became generalized during the 18th century. Finally, in the historical view of Arnold Toynbee, a UN consultant, the whole of Europe is indicted as a world aggressor."(n45) Thus it is not surprising that the 500th anniversary of the "discovery" of America was greeted with more condemnation than celebration.(n46)

Anti-colonialism is primarily anti-European propaganda because it unduly castigates the European powers for having sponsored colonialism.(n47) Given that there was no international law forbidding the appropriation of the newly discovered lands--in fact, European international and ecclesiastical law made it legal and established rules for doing so--the moral and legal basis for this judgment is unclear. On closer analysis, however, it turns out to be none other than the West's own universalistic pretenses. Only by ontologizing their particular Western humanist morality--various versions of secularized Christianity--as universally valid for all times and all places can Western intellectuals indict colonialism after the fact as an international "crime." Worse yet, this indictment eventually turns into a wholesale condemnation of Western culture (branded as "Eurocentrism") from an abstract, deterritorialized and deracinated humanist perspective hypostatized to the level of a universally binding absolute morality. Thus the original impulse to vindicate the particularity and otherness of the victims of colonialism turns full circle by subsuming all within a foreign Western frame-work, thereby obliterating the otherness of the original victims. The ideology of anti-colonialism is thus not only anti-European propaganda but an invention of Europeans themselves, although it has been appropriated wholesale and politically customized by the rest of the world.

As for world order, this propaganda has even more fundamental roots: "The odium of colonialism, which today confronts all Europeans, is the odium of appropriation,"(n48) since now everything understood as nomos is allegedly concerned only with distribution and production, even though appropriation remains one of its fundamental, if not the most fundamental, attributes. As Schmitt notes: "World history is a history of progress in the means and methods of appropriation: from land appropriations of nomadic and agricultural-feudal times, to sea appropriations of the 16th and 17th centuries, to the industrial appropriations of the industrial-technical age and its distinction between developed and undeveloped areas, to the present day appropriations of air and space."(n49) More to the point, however, is that "until now, things have somehow been appropriated, distributed and produced. Prior to every legal, economic and social order, prior to every legal, economic or social theory, there is the simple question: Where and how was it appropriated? Where and how was it divided? Where and how was it produced ? But the sequence of these processes is the major problem. It has often changed in accordance with how appropriation, distribution and production are emphasized and evaluated practically and morally in human consciousness. The sequence and evaluation follow changes in historical situations and general world history, methods of production and manufacture--even the image human beings have of themselves, of their world and of their historical situation."(n50) Thus the odium of appropriation exemplified by the rise of anti-colonialism is symptomatic of a changed world situation and changed attitudes. But this state of affairs should not prevent our understanding of what occurred in the past or what is occurring in the present.

In order to dispel the "fog of this anti-European ideology," Schmitt recalls that "everything that can be called international law has for centuries been European international law. . . [and that] all the classical concepts of existing international law are those of European international law, the ius publicum Europaeum. In particular, these are the concepts of war and peace. as well as two fundamental conceptual distinctions: first, the distinction between war and peace, i.e., the exclusion of an in-between situation of neither war nor peace so characteristic of the Cold War; and second, the conceptual distinction between enemy and criminal, i.e. exclusion of the discrimination and criminalization of the opponent so characteristic of revolutionary war--a war closely tied to the Cold War."(n51) But Schmitt was more concerned with the "spatial" aspect of the phenomenon: "What remains of the classical ideas of international law has its roots in a purely Eurocentric spatial order. Anti-colonialism is a phenomenon related to its destruction.... Aside from ... the criminalization of European nations, it has not generated one single idea about a new order. Still rooted, if only negatively, in a spatial idea, it cannot positively propose even the beginning of a new spatial order."(n52)

Having discovered the world as a globe, Europeans also developed the Law of Nations. Hugo Grotius is usually credited with establishing this new discipline with his De lure belli ac pacts (Paris: 1625), since he was the first to deal with the subject as a whole (although various European scholars had dealt at length with themes such as the justice of war, the right of plunder, the treatment of captives, etc.). Nys writes: ". . . from the I 1th to the 1 2th century the genius of Europe developed an association of republics, principalities and kingdoms, which was the beginning of the society of nations. Undoubtedly, some elements of it had been borrowed from Greek and Roman antiquity, from Byzantine institutions, from the Arabo-Berber sultanates on the coast of Africa and from the Moorish kingdoms of Spain. But at the time new sentiments developed, longing for political liberty. The members of this association were united by religious bonds; they had the same faith; they were not widely separated by speech and, at any rate, they had access to Latin, the language of the Church; they admitted a certain equality or at least none of them claimed the right to dominate and rule over the others. A formula came into use to describe this state of affairs: respublica a Christiana, res Christina."(n53)

Steeped in Roman law, 1 3th and 1 4th century jurists opposed any "Law of Nations" recognizing political distinctions between different peoples. In the Roman system, different peoples were only "parts of the Roman Empire." Thus, in a wider sense, ius gentium extended to all civilized peoples and included both public and private law. In a narrower sense, however, it also dealt with the rules governing relations between Romans and foreigners. Understood in this narrower sense, ius gentium promoted the constitution of distinct peoples and consequently kingdoms, intercourse and conflicts between different political communities, and ultimately wars. For this reason, those who still believed in the viability of the Holy Roman Empire thought that this interpretation of ius gentium led to disintegration. This is why the Law of Nations--European public law and international law--did not become a distinct "science" until the Middle Ages.

Spanish theologians first articulated the theoretical and practical problems of ius gentium understood as the Law of Nations. Chief among them was Francisco de Vitoria, whose Relectiones theologicae on the Indians and the right of a "just war" have become classics.(n54) In his lectures, Vitoria invokes the Law of Nations--the ius gentium. At the beginning of the third section of his account of the Spaniards' relations with the aborigines in the New World, he treats them as one people among others, and therefore subject to ius gentium: "The Spaniards have a right to travel into the lands in question and to sojourn there, provided they do no harm to the natives, and the natives may not prevent them. Proof of this may in the first place be derived from the law of nations (ius gentium), which either is natural law or is derived from natural law."(n55) That he understands peoples in the sense of "nations" becomes even more clear when he speaks about gentes nationes. He distinguishes between the political community--the respublica--and the private individual. The latter may defend his person and his property, but he may not avenge wrongs or retake goods after the passage of time. This is the respublica's prerogative--it alone has authority to defend itself and its members. Here Vitoria identifies the prince's authority with that of the state: "The prince is the issue of the election made by the respublica.... The state, properly so called, is a perfect community, that is to say, a community which forms a whole in itself, which, in other words, is not a part of another community, but which possesses its own laws, its own council, its own magistrates."(n56)

Clearly, what developed in Europe from antiquity to the respublica Christiana, from the origin of the sovereign state and ius publicum Europaeum to the Enlightenment and beyond, was as unique and significant as the discovery of the "New World." Yet, given today's predominant ideology, European culture has almost become the truth that dare not speak its name. Not only is Columbus demonized, but the whole Age of Discovery and all of European (Western) culture is dismissed as "imperialistic," "racist?" "sexist," etc. The Nomos of the Earth is a much needed antidote to this anti-European propaganda, which is only a symptom of the crisis of European identity and consciousness.(n57) All the major themes of Schmitt's book are either implicit or explicit in "The Land Appropriation of a New World": the origin and significance of the European and Eurocentric epoch of world history; the discovery of the New World and the American challenge to the European order; the search for a new nomos of the earth; the critique of the discriminatory concept of war; the critique of universalism and the danger of total relativism.

The Conquest of America and the Concept of a "Just War"


In the 20th century, the ideology of anti-colonialism was articulated most prominently by Woodrow Wilson and Vladimir Lenin, signaling the end of European domination in world history. Now, after the collapse of the Soviet Union and the end of communism, some American intellectuals have turned this anti-European propaganda against the US, seemingly unaware that their critique is possible only within the orbit of the European culture they otherwise castigate and dismiss. To attack European culture is tantamount to attacking American culture as well, since the latter is but a special case of the former, which is precisely why it has been able to accept and absorb peoples and influences not only from the Western hemisphere but from all over the world. American universalism is but an extension of that same Christian universalism which for centuries has defined European identity. As Schmitt emphasized, the European equilibrium of the ius publicum Europaeum presupposed a seemingly homogeneous Christian Europe, which lasted well into the 19th century. The American project has always been a fundamentally heterogeneous undertaking and Americans have always come from the most diverse ethnic, racial, religious and linguistic backgrounds. But if there had not been some homogeneous culture to unity this diversity, there would have been no distinct American culture which, unfortunately, today many educated Europeans and Americans no longer understand and therefore have come to despise.

A paradigmatic example of this general anti-European syndrome is Tzvetan Todorov's The Conquest of America. In an effort to vindicate the particularity of "the other," the author ends up castigating West European culture as a whole by deploying a secularized version of Christian universalism. Openly acknowledging the moralistic objectives and "mythological" character of his account,(n58) Todorov develops a "politically correct" postmodern interpretation of the Spanish conquista not to understand its historical significance but to show how it has shaped today's Western imperialist identity--one allegedly still unable to come to terms with "the other" and therefore inherently racist, ethnocentric, etc. The book closes with a discussion of "Las Casas' Prophesy" concerning the wrath that "God will vent" not only upon Spain but all of Western Europe because of its "impious, criminal and ignominious deeds perpetrated so unjustly, tyrannically and barbarously."(n59)

Todorov overlooks not only the generally religious framework of Las Casas' prophesy, but also the idiosyncratically Western concept of justice the Dominican bishop deployed. Having ontologized a humanism derived from the Western axiological patrimony, he does not realize the extent to which his postmodernism has already reduced "the other" to "the same," precisely in his effort to vindicate its particularity.(n60) Worse yet, inhibited by his "politically correct" moralism, he not only provides a ridiculous, if academically fashionable, explanation for the Spaniards' success,(n61) but he manages to subvert his own arguments with the very evidence he adduces to support them. He claims that the "present" is more important to him than the past, but in defining genocide he makes no reference whatsoever to either the Armenians or the Holocaust as reference points. Consequently, his claim that "the sixteenth century perpetuated the greatest genocide in human history"(n62) remains not only unsubstantiated but falsified. By his own account, most of the victims died of diseases and other indirect causes: "The Spaniards did not undertake a direct extermination of these millions of Indians, nor could they have done so." The main causes were three, and "the Spaniards responsibility is inversely proportional to the number of victims deriving from each of them: 1. By direct murder, during wars or outside them: a high number, nonetheless relatively small; direct responsibility. 2. By consequence of bad treatment: a high number; a (barely) less direct responsibility. 3. By diseases, by `microbe shock': the majority of the population; an indirect and diffused responsibility."(n63)

Todorov does acknowledge that Columbus was motivated by the "universal victory of Christianity" and that it was Columbus' medieval mentality that led him "to discover America and inaugurate the modern era."(n64) His greatest infraction, however, was that he conquered land rather than people, i.e., he was more interested in nature than in the Indians, which he is treated as "the other", "Columbus summary perception of the Indians [is] a mixture of authoritarianism and condescension . . . In Columus' hermeneutics human beings have no particular place."(n65) Had Todorov set aside his abstract moralizing, he may have realized that the conquest of the New World was primarily a land appropriation. It is not surprising, therefore, that the conquerors thought they were bringing "civilization" to those they conquered--something probably also true of the Mongols who invaded and colonized China, Russia and a few other which, by contrast, had higher than thier own.

The ideological slant of The Conquest of America is by no means unusual. Long before, Schmitt noted that non-European peoples who have undertaken conquest, land appropriations, etc. were not being tarred with the same brush as Europeans.(n66) Unlike Todorov's moralistic tirade, The Nomos of the Earth is dressed to historians and jurists. In no ways does Schmitt excuse the atrocities committed by the Spanish, but rather explains how they were possible in the given circumstances. "The Land Appropriation of a New World" begins with a discussion of the lines drawn by the European powers to divide the world. In this connection, Schmitt discusses the meaning of "beyond the line," which meant beyondn the reach of European law: " At this`line' Europe ended and `New World' began. At any rate, European law -- `European public law' -- ended. Consequently, so did the bracketing of war achieved by the former European international law, meaning the struggle for land appropriations knew no bounds. Beyond the line was an `overseas' zone in which, for want of any legal limits to war, only, the law of the stronger applied."n(67) For Todorov, it is a much simpler explanation: "Far from central government, far from royal law, all prohibitions give way, the social link, already loosened, snaps, revealing not a primitive nature, the beast sleeping in each of us, but a modern being? one with a great future in fact, restrained by no morality and inflicting death because and when he pleases."(n68) The Spaniards are simply racist, ethno-centric, ruthless exploiters, etc., i.e., modern -- they already exhibited traits Todorov claims are characteristic of Western identity.

Of particular interest here are Todorov's comments on Vitoria and the concept of a "just war," since most of Schmitt's chapter is devoted to these subjects. By his own admission, Todorov mixes (in fact, confuses) medieval and modern categories. This is particularly true in the case of Vitoria. Todorov observes that: "Vitoria demolishes the contemporary justifications of the wars waged in America, but nonetheless conceives that `just wars' are possible."(n69) More to the point: "We are accustomed to seeing Vitoria as a defender of the Indians; but if we question, not the subject's intentions, hut the impact of his discourses, it is clear that . . . under the cover of an international law based on reciprocity, he in reality supplies a legal basis to the wars of colonization which had hitherto had none (none which, in any case, might withstand serious consideration)."(n70) But there was no "international law based on reciprocity." Here Todorov is simply transposing modern categories to medieval matters for his own ideological purposes.

Unlike Todorov, Schmitt places the problem in perspective: "For 400 years, from the 16th to the 20th century, the structure of European international law was determined by a fundamental course of events the conquest of the New World. Then, as later, there were numerous positions taken with respect to the justice or injustice of the conquista. Nevertheless, the fundamental problem the justification of European land appropriations as a whole -- was seldom addressed in any systematic way outside moral and legal questions. In fact, only one monograph deals with this problem systematically and confronts it squarely in terms of international law.... It is the famous relectiones of Francisco de Vitoria."(n71) Vitoria rejected the contrary opinions of other theologians and treated Christians and non-Christians alike. He did not even accept discovery, which was the recognized basis of legal title from the 1 6th to the 1 8th century, as legitimate. More to the point, he considered global lines beyond which the distinction between justice and injustice was suspended not only a sin but an appalling crime. However: "Vitoria's view of the conquista was ultimately altogether positive. Most significant for him was the fait accompli of Christianization. . . . The positive conclusion is reached only by means of general concepts and with the aid of objective arguments in support of a just war.... If barbarians opposed the right of free passage and free missions, of liberum commercium and free propaganda, then they would violate the existing rights of the Spanish according to ius gentium; if the peaceful treaties of the Spanish were of no avail, then they had grounds for a just war."(n72)

The papal missionary mandate was the legal foundation of the conquista. This was not only the pope's position but also that of the Catholic rulers of Spain. Vitoria's arguments were entirely consistent with the spatial order and the international law of the respublica Christiana. One cannot apply modern categories to a medieval context without distorting both: "In the Middle Ages, a just war could he a just war of aggression. Clearly, the formal structure of the two concepts of justice are completely different. As far as the substance of medieval justice is concerned, however, it should be remembered that Vitoria's doctrine of a just war is argued on the basis of a missionary mandate issued by a potestas spiritualis that was not only institutionally stable but intellectually self-evident. The right of liberum commercium as well as the ius peregrinandi are to facilitate the work of Christian missions and the execution of the papal missionary mandate.... Here we are interested only in the justification of land appropriation--a question Vitoria reduced to the general problem of a just war. All significant questions of an order based on international law ultimately meet in the concept of a just war."(n73)

 

 

The Question of a New Nomos of the Earth


Following chapters on "The Land Appropriation of a New World" and "The Ius Publicum Europaeum," Schmitt concludes his book with a chapter titled "The Question of a New Nomos of the Earth, which is concerned primarily with the transformation of the concept of war. Clearly, this problem was uppermost in Schmitt's mind following Germany's total defeat in WWII and the final destruction of the European system of states. But he had already devoted a treatise to the development of a discriminatory concept of war following WWI,(n74) and in 1945 he wrote a legal opinion on the criminality of aggressive war.(n75) Despite whatever self-serving motives he may have had in writing these works,(n76) they are consistent with the historical and juridical structure of international law during the respublica Christiana, the ius publicum Europaeum, and what remains of international law today.

This progression can be put into perspective by following Schmitt's discussion of Vitoria's legacy: "Vitoria was in no sense one of the `forerunners of modern lawyers dealing with constitutional questions.'. . . Abstracted entirely from spatial viewpoints, Vitoria's ahistorical method generalizes many European historical concepts specific to the ius gentium of the Middle Ages (such as yolk prince and war) and thereby strips them of their historical particularity."(n77) In this context, Schmitt mentions the works of Ernest Nys, which paved the way for the popularization of Vitoria's ideas after WWI but who, because of his belief in humanitarian progress, also contributed to the criminalization of aggressive war. This was also true of James Brown Scott, the leading American expert on international law, who blatantly instrumentalized Vitoria's doctrines concerning free trade (liberum commercium, the freedom of propaganda, and a just war) to justify American economic imperialism. Schmitt sums up Sctott's argument as follows: "War should cease to be simply a legally recognized matter or only one of legal indifference; rather, it should again become a just war in which the aggressor as such is declared a felon in the full criminal sense of the word. The former right to neutrality, grounded in the international law of the ius publicum Europaeum and based on the equivalence of just and unjust war, should also and accordingly be eliminated."(n78)

Here then is the crux of the matter. Vitoria's thinking is based on the international law obtaining during the Christian Middle Ages rather than on the international law between states established with the ius publicum Europaeum. Moreover, as Schmitt points out, Vitoria was not a jurist but a theologian: "Based on relations between states, post-medieval international law from the 1 6th to the 20th century sought to repress the iusta causa. The formal reference point for the determination of a just war was no longer the authority of the Church in international law but rather the equal sovereignty of states. Instead of iusta causa, the order of international law between states was based on iustus hostis; any war between states, between equal sovereigns, was legitimate. On the basis of this juridical formalization, a rationalization and humanization--a bracketing--of war was achieved for 200 years." The turn to "the modern age in the history of international law was accomplished by a dual division of two lines of thought that were inseparable in the Middle Ages -- the definitive separation of moral-theological from juridical-political arguments and the equally important separation of the question of iusta causa, grounded in moral arguments and natural law," from the juridical question of iustus hostis, distinguished from the criminal, i.e., from object of punitive action."(n79)

With the end of the ius publicum Europaeum, the concept of war changed once again: moralistic (rather than theologically-based) arguments became confused with political arguments, and the iusta causa displaced the just enemy (iustus hostis). Accordingly, war became a crime and the aggressor a criminal, which means that the current distinction between just and unjust war lacks any relation to Vitoria and does not even attempt to determine the iusta causa.(n80) According to Schmitt: "If today some formulas of the doctrine of a just war rooted in the concrete order of the medieval respublica Christiana are utilized in modern and global formulas, this does not signify a return to, but rather a fundamental transformation of concepts of enemy, war, concrete order and justice presupposed in medieval doctrine."(n81) This transformation is crucial to any consideration of a new nomos of the earth because these concepts must be rooted in a concrete order. Lacking such an order or nomos, these free-floating concepts do not constitute institutional standards but have only the value of ideological slogans.

Unimpressed with the duration of the Cold War and its mixture of neither war nor peace, Schmitt speculated on the possibility of the eventual development of what he called GroBetaraume(n82) -- larger spatial entities, similar to but not synonymous with federations or blocs --displacing states and constituting a new nomos.(n83) Since his death in 1985 and the subsequent collapse of communism, the likelihood of his diagnosis and prognosis has increased. While the international situation remains confused and leading intellectuals such as Fukuyama and Huntington, unable to think behind predominant liberal democratic categories, can only recycle new versions of the old Wilsonianism, Schmitt's vision of a world of GroBetaraume as a new geopolitical configuration may well be in the process of being realized.

vendredi, 12 août 2011

Carl Schmitt's Decisionism

Carl Schmitt's Decisionism

Paul Hirst

Ex: http://freespeechproject.com/

 

politik.gifSince 1945 Western nations have witnessed a dramatic reduction in the variety of positions in political theory and jurisprudence. Political argument has been virtually reduced to contests within liberal-democratic theory. Even radicals now take representative democracy as their unquestioned point of departure. There are, of course, some benefits following from this restriction of political debate. Fascist, Nazi and Stalinist political ideologies are now beyond the pale. But the hegemony of liberal-democratic political agreement tends to obscure the fact that we are thinking in terms which were already obsolete at the end of the nineteenth century.

Nazism and Stalinism frightened Western politicians into a strict adherence to liberal democracy. Political discussion remains excessively rigid, even though the liberal-democratic view of politics is grossly at odds with our political condition. Conservative theorists like Hayek try to re-create idealized political conditions of the mid nineteenth century. In so doing, they lend themselves to some of the most unsavoury interests of the late twentieth century - those determined to exploit the present undemocratic political condition. Social-democratic theorists also avoid the central question of how to ensure public accountability of big government. Many radicals see liberal democracy as a means to reform, rather than as what needs to be reformed. They attempt to extend governmental action, without devising new means of controlling governmental agencies. New Right thinkers have reinforced the situation by pitting classical liberalism against democracy, individual rights against an interventionist state. There are no challenges to representative democracy, only attempts to restrict its functions. The democratic state continues to be seen as a sovereign public power able to assure public peace.

The terms of debate have not always been so restricted. In the first three decades of this century, liberal-democratic theory and the notion of popular sovereignty through representative government were widely challenged by many groups. Much of this challenge, of course, was demagogic rhetoric presented on behalf of absurd doctrines of social reorganization. The anti-liberal criticism of Sorel, Maurras or Mussolini may be occassionally intriguing, but their alternatives are poisonous and fortunately, no longer have a place in contemporary political discussion. The same can be said of much of the ultra-leftist and communist political theory of this period.

Other arguments are dismissed only at a cost. The one I will consider here - Carl Schmitt's 'decisionism' - challenges the liberal-democratic theory of sovereignty in a way that throws considerable light on contemporary political conditions. His political theory before the Nazi seizure of power shared some assumptions with fascist political doctrine and he did attempt to become the 'crown jurist' of the new Nazi state. Nevertheless, Schmitt's work asks hard questions and points to aspects of political life too uncomfortable to ignore. Because his thinking about concrete political situations is not governed by any dogmatic political alternative, it exhibits a peculiar objectivity.

Schmitt's situational judgement stems from his view of politics or, more correctly, from his view of the political as 'friend-enemy' relations, which explains how he could change suddenly from contempt for Hitler to endorsing Nazism. If it is nihilistic to lack substantial ethical standards beyond politics, then Schmitt is a nihilist. In this, however, he is in the company of many modern political thinkers. What led him to collaborate with the Nazis from March 1933 to December 1936 was not, however, ethical nihilism, but above all concern with order. Along with many German conservatives, Schmitt saw the choice as either Hitler or chaos. As it turned out, he saved his life but lost his reputation. He lived in disrepute in the later years of the Third Reich, and died in ignominy in the Federal Republic. But political thought should not be evaluated on the basis of the authors' personal political judgements. Thus the value of Schmitt's work is not diminished by the choices he made.

Schmitt's main targets are the liberal-constitutional theory of the state and the parliamentarist conception of politics. In the former, the state is subordinated to law; it becomes the executor of purposes determined by a representative legislative assembly. In the latter, politics is dominated by 'discussion,' by the free deliberation of representatives in the assembly. Schmitt considers nineteenth-century liberal democracy anti-political and rendered impotent by a rule-bound legalism, a rationalistic concept of political debate, and the desire that individual citizens enjoy a legally guaranteed 'private' sphere protected from the state. The political is none of these things. Its essence is struggle.

In The Concept of the Political Schmitt argues that the differentia specifica of the political, which separates it from other spheres of life, such as religion or economics, is friend-enemy relations. The political comes into being when groups are placed in a relation of emnity, where each comes to perceive the other as an irreconcilable adversary to be fought and, if possible, defeated. Such relations exhibit an existential logic which overrides the motives which may have brought groups to this point. Each group now faces an opponent, and must take account of that fact: 'Every religious, moral, economic, ethical, or other antithesis transforms itself into a political one if it is sufficiently strong to group human beings effectively according to friends and enemy.' The political consists not in war or armed conflict as such, but precisely in the relation of emnity: not competition but confrontation. It is bound by no law: it is prior to no law.

For Schmitt: 'The concept of the state presupposes the concept of the political.' States arise as a means of continuing, organizing and channeling political struggle. It is political struggle which gives rise to political order. Any entity involved in friend-enemy relations is by definition political, whatever its origin or the origin of the differences leading to emnity: 'A religious community which wages wars against members of others religious communities or engages in other wars is already more than a religious community; it is a political entity.' The political condition arises from the struggle of groups; internal order is imposed to pursue external conflict. To view the state as the settled and orderly administration of a territory, concerned with the organization of its affairs according to law, is to see only the stabilized results of conflict. It is also to ignore the fact that the state stands in a relation of emnity to other states, that it holds its territory by means of armed force and that, on this basis of a monopoly of force, it can make claims to be the lawful government of that territory. The peaceful, legalistic, liberal bourgeoisie is sitting on a volcano and ignoring the fact. Their world depends on a relative stabilization of conflict within the state, and on the state's ability to keep at bay other potentially hostile states.

For Hobbes, the political state arises from a contract to submit to a sovereign who will put an end to the war of all against all which must otherwise prevail in a state of nature - an exchange of obediance for protection. Schmitt starts where Hobbes leaves off - with the natural condition between organized and competing groups or states. No amount of discussion, compromise or exhortation can settle issues between enemies. There can be no genuine agreement, because in the end there is nothing to agree about. Dominated as it is by the friend-enemy alternative, the political requires not discussion but decision. No amount of reflection can change an issue which is so existentially primitive that it precludes it. Speeches and motions in assemblies should not be contraposed to blood and iron but with the moral force of the decision, because vacillating parliamentarians can also cause considerable bloodshed.

In Schmitt's view, parliamentarism and liberalism existed in a particular historical epoch between the 'absolute' state of the seventeenth century and the 'total state' of the twentieth century. Parliamentary discussion and a liberal 'private sphere' presupposed the depoliticization of a large area of social, economic and cultural life. The state provided a legally codified order within which social customs, economic competition, religious beliefs, and so on, could be pursued without becoming 'political.' 'Politics' as such ceases to be exclusively the atter of the state when 'state and society penetrate each other.' The modern 'total state' breaks down the depoliticization on which such a narrow view of politics could rest:

 

Heretofore ostensibly neutral domains - religion, culture, education, the economy - then cease to be neutral. . . Against such neutralizations and depoliticizations of important domains appears the total state, which potentially embraces every domain. This results in the identity of the state and society. In such a state. . . everything is at least potentially political, and in referring to the state it is no longer possible to assert for it a specifically political characteristic.

 



Democracy and liberalism are fundamentally antagonistic. Democracy does away with the depoliticizations characteristic of rule by a narrow bourgeois stratum insulated from popular demands. Mass politics means a broadening of the agenda to include the affairs of all society - everything is potentially political. Mass politics also threatens existing forms of legal order. The politicization of all domains increases pressure on the state by multiplying the competing interests demanding action; at the same time, the function of the liberal legal framework - the regulating of the 'private sphere' - become inadequate. Once all social affairs become political, the existing constitutional framework threatens the social order: politics becomes a contest of organized parties seeking to prevail rather than to acheive reconciliation. The result is a state bound by law to allow every party an 'equal chance' for power: a weak state threatened with dissolution.

Schmitt may be an authoritarian conservative. But his diagnosis of the defects of parliamentarism and liberalism is an objective analysis rather than a mere restatement of value preferences. His concept of 'sovereignty' is challenging because it forces us to think very carefully about the conjuring trick which is 'law.' Liberalism tries to make the state subject to law. Laws are lawful if properly enacted according to set procedures; hence the 'rule of law.' In much liberal-democratic constitutional doctrine the legislature is held to be 'sovereign': it derives its law-making power from the will of the people expressed through their 'representatives.' Liberalism relies on a constituting political moment in order that the 'sovereignty' implied in democratic legislatures be unable to modify at will not only specific laws but also law-making processes. It is therefore threatened by a condition of politics which converts the 'rule of law' into a merely formal doctrine. If this 'rule of law' is simply the people's will expressed through their representatives, then it has no determinate content and the state is no longer substantially bound by law in its actions.

Classical liberalism implies a highly conservative version of the rule of law and a sovereignty limited by a constitutive political act beyond the reach of normal politics. Democracy threatens the parliamentary-constitutional regime with a boundless sovereign power claimed in the name of the 'people.' This reveals that all legal orders have an 'outside'; they rest on a political condition which is prior to and not bound by the law. A constitution can survive only if the constituting political act is upheld by some political power. The 'people' exist only in the claims of that tiny minority (their 'representatives') which functions as a 'majority' in the legislative assembly. 'Sovereignty' is thus not a matter of formal constitutional doctrine or essentially hypocritical references to the 'people'; it is a matter of determining which particular agency has the capacity - outside of law - to impose an order which, because it is political, can become legal.

Schmitt's analysis cuts through three hundred years of political theory and public law doctrine to define sovereignty in a way that renders irrelevant the endless debates about principles of political organization or the formal constitutional powers of different bodies.

 

From a practical or theoretical perspective, it really does not matter whether an abstract scheme advanced to define sovereignty (namely, that sovereignty is the highest power, not a derived power) is acceptable. About an abstract concept there will be no argument. . . What is argued about is the concrete application, and that means who decides in a situation of conflict what constitutes the public interest or interest of the state, public safety and order, le salut public, and so on. The exception, which is not codified in the existing legal order, can at best be characterized as a case of extreme peril, a danger to the existence of the state, or the like, but it cannot be circumscribed factually and made to conform to a preformed law.

 



Brutally put: ' Sovereign is he who decides on the exception.' The sovereign is a definite agency capable of making a decision, not a legitimating category (the 'people') or a purely formal definition (plentitude of power, etc.). Sovereignty is outside the law, since the actions of the sovereign in the state of exception cannot be bound by laws since laws presuppose a normal situation. To claim that this is anti-legal is to ignore the fact that all laws have an outside, that they exist because of a substantiated claim on the part of some agency to be the dominant source of binding rules within a territory. The sovereign determines the possibility of the 'rule of law' by deciding on the exception: 'For a legal order to make sense, a normal situation must exist, and he is sovereign who definitely decides whether this normal situation actually exists.'

Schmitt's concept of the exception is neither nihilistic nor anarchistic, it is concerned with the preservation of the state and the defence of legitimately constituted government and the stable institutions of society. He argues that ' the exception is different from anarchy and chaos.' It is an attempt to restore order in a political sense. While the state of exception can know no norms, the actions of the sovereign within the state must be governed by what is prudent to restore order. Barbaric excess and pure arbitrary power are not Schmitt's objecty. power is limited by a prudent concern for the social order; in the exception, 'order in the juristic sense still prevails, even if it is not of the ordinary kind.' Schmitt may be a relativist with regard to ultimate values in politics. But he is certainly a conservative concerned with defending a political framework in which the 'concrete orders' of society can be preserved, which distinguishes his thinking from both fascism and Nazism in their subordination of all social institutions to such idealized entities as the Leader and the People. For Schmitt, the exception is never the rule, as it is with fascism and Nazism. If he persists in demonstrating how law depends on politics, the norm on the exception, stability on struggle, he points up the contrary illusions of fascism and Nazism. In fact, Schmitt's work can be used as a critique of both. The ruthless logic in his analsysis of the political, the nature of soveriegnty, and the exception demonstrates the irrationality of fascism and Nazism. The exception cannot be made the rule in the 'total state' without reducing society to such a disorder through the political actions of the mass party that the very survival of the state is threatened. The Nazi state sought war as the highest goal in politics, but conducted its affairs in such a chaotic way that its war-making capacity was undermined and its war aims became fatally overextended. Schmitt's friend-enemy thesis is concerned with avoiding the danger that the logic of the political will reach its conclusion in unlimited war.

Schmitt modernizes the absolutist doctrines of Bodin and Hobbes. His jurisprudence restores - in the exception rather than the norm - the sovereign as uncommanded commander. For Hobbes, lawas are orders given by those with authority - authoritas non veritas facit legem. Confronted with complex systems of procedural limitation in public law and with the formalization of law into a system, laws become far more complex than orders. Modern legal positivism could point to a normal liberal-parliamentary legal order which did and still does appear to contradict Hobbes. Even in the somewhat modernized form of John Austin, the Hobbesian view of sovereignty is rejected on all sides. Schmitt shared neither the simplistic view of Hobbes that this implies, nor the indifference of modern legal positivism to the political foundation of law. He founded his jurisprudence neither on the normal workings of the legal order nor on the formal niceties of constitutional doctrine, but on a condition quite alien to them. 'Normalcy' rests not on legal or constitutional conditions but on a certain balance of political forces, a certain capacity of the state to impose order by force should the need arise. This is especially true of liberal-parliamentary regimes, whose public law requires stablization of political conflicts and considerable police and war powers even to begin to have the slightest chance of functioning at all. Law cannot itself form a completely rational and lawful system; the analysis of the state must make reference to those agencies which have the capacity to decide on the state of exception and not merely a formal plentitude of power.

In Political Theology Schmitt claims that the concepts of the modern theory of the state are secularized theological concepts. This is obvious in the case of the concept of sovereignty, wherein the omnipotent lawgiver is a mundane version of an all-powerful God. He argues that liberalism and parliamentarism correspond to deist views of God's action through constant and general natural laws. His own view is a form of fundamentalism in which the exception plays the same role in relation to the state as the miracles of Jesus do in confirming the Gospel. The exception reveals the legally unlimited capacity of whoever is sovereign within the state. In conventional, liberal-democratic doctrine the people are sovereign; their will is expressed through representatives. Schmitt argues that modern democracy is a form of populism in that the people are mobilized by propaganda and organized interests. Such a democracy bases legitimacy on the people's will. Thus parliament exists on the sufferance of political parties, propaganda agencies and organized interest which compete for popular 'consent.' When parliamentary forms and the rule of 'law' become inadequate to the political situation, they will be dispensed with in the name of the people: 'No other constitutional institution can withstand the sole criterion of the people's will, however it is expressed.'

Schmitt thus accepts the logic of Weber's view of plebiscitarian democracy and the rise of bureaucratic mass parties, which utterly destroy the old parliamentary notables. He uses the nineteenth-century conservatives Juan Donoso Cortes to set the essential dilemma in Political Theology: either a boundless democracy of plebiscitarian populism which will carry us wherever it will (i.e. to Marxist or fascist domination) or a dictatorship. Schmitt advocates a very specific form of dictatorship in a state of exception - a "commissarial' dictatorship, which acts to restore social stability, to preserve the concrete orders of society and restore the constitution. The dictator has a constitutional office. He acts in the name of the constitution, but takes such measures as are necessary to preserve order. these measures are not bound by law; they are extralegal.

Schmitt's doctrine thus involves a paradox. For all its stress on friend-enemy relations, on decisive political action, its core, its aim, is the maintenance of stability and order. It is founded on a political non-law, but not in the interest of lawlessness. Schmitt insists that the constitution must be capable of meeting the challenge of the exception, and of allowing those measures necessary to preserve order. He is anti-liberal because he claims that liberalism cannot cope with the reality of the political; it can only insist on a legal formalism which is useless in the exceptional case. He argues that only those parties which are bound to uphold the constitution should be allowed an 'equal chance' to struggle for power. Parties which threaten the existing order and use constitutional means to challenge the constitution should be subject to rigorous control.

Schmitt's relentless attack on 'discussion' makes most democrats and radicals extremely hostile to his views. He is a determined critic of the Enlightenment. Habermas's 'ideal speech situation', in which we communicate without distortion to discover a common 'emancipatory interest', would appear to Schmitt as a trivial philosophical restatement of Guizot's view that in representative government, ' through discussion the powers-that-be are obliged to seek truth in common." Schmitt is probably right. Enemies have nothing to discuss and we can never attain a situation in which the friend-enemy distinction is abolished. Liberalism does tend to ignore the exception and the more resolute forms of political struggle.

jeudi, 11 août 2011

Carl Schmitt: The Conservative Revolutionary Habitus and the Aesthetics of Horror

Carl Schmitt: The Conservative Revolutionary Habitus and the Aesthetics of Horror

Richard Wolin

Ex: http://freespeechproject.com/

 

"Carl Schmitt's polemical discussion of political Romanticism conceals the aestheticizing oscillations of his own political thought. In this respect, too, a kinship of spirit with the fascist intelligentsia reveals itself."
—Jürgen Habermas, "The Horrors of Autonomy: Carl Schmitt in English"

"The pinnacle of great politics is the moment in which the enemy comes into view in concrete clarity as the enemy."
—Carl Schmitt, The Concept of the Political (1927)

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Only months after Hitler's accession to power, the eminently citable political philosopher and jurist Carl Schmitt, in the ominously titled work, Staat, Bewegung, Volk, delivered one of his better known dicta. On January 30, 1933, observes Schmitt, "one can say that 'Hegel died.'" In the vast literature on Schmitt's role in the National Socialist conquest of power, one can find many glosses on this one remark, which indeed speaks volumes. But let us at the outset be sure to catch Schmitt's meaning, for Schmitt quickly reminds us what he does not intend by this pronouncement: he does not mean to impugn the hallowed tradition of German étatistme, that is, of German "philosophies of state," among which Schmitt would like to number his own contributions to the annals of political thought. Instead, it is Hegel qua philosopher of the "bureaucratic class" or Beamtenstaat that has been definitely surpassed with Hitler's triumph. For "bureaucracy" (cf. Max Weber's characterization of "legal-bureaucratic domination") is, according to its essence, a bourgeois form of rule. As such, this class of civil servants—which Hegel in the Rechtsphilosophie deems the "universal class"—represents an impermissable drag on the sovereignty of executive authority. For Schmitt, its characteristic mode of functioning, which is based on rules and procedures that are fixed, preestablished, calculable, qualifies it as the very embodiment of bourgeois normalcy—a form of life that Schmitt strove to destroy and transcend in virtually everything he thought and wrote during the 1920s, for the very essence of the bureaucratic conduct of business is reverence for the norm, a standpoint that could not exist in great tension with the doctrines of Carl Schmitt himself, whom we know to be a philosopher of the state of emergency—of the Auhsnamhezustand (literally, the "state of exception"). Thus, in the eyes of Schmitt, Hegel had set an ignominious precedent by according this putative universal class a position of preeminence in his political thought, insofar as the primacy of the bureaucracy tends to diminish or supplant the perogative of sovereign authority.

But behind the critique of Hegel and the provocative claim that Hitler's rise coincides with Hegel's metaphorical death (a claim, that while true, should have offered, pace Schmitt, little cause for celebration) lies a further indictment, for in the remarks cited, Hegel is simultaneously perceived as an advocate of the Rechtsstaat, of "constitutionalism" and "rule of law." Therefore, in the history of German political thought, the doctrines of this very German philosopher prove to be something of a Trojan horse: they represent a primary avenue via which alien bourgeois forms of political life have infiltrated healthy and autochthonous German traditions, one of whose distinguishing features is an rejection of "constitutionalism" and all it implies. The political thought of Hegel thus represents a threat—and now we encounter another one of Schmitt's key terms from the 1920s—to German homogeneity.

Schmitt's poignant observations concerning the relationship between Hegel and Hitler expresses the idea that one tradition in German cultural life—the tradition of German idealism—has come to an end and a new set of principles—based in effect on the category of völkish homogeneity (and all it implies for Germany's political future)—has arisen to take its place. Or, to express the same thought in other terms: a tradition based on the concept of Vernuft or "reason" has given way to a political system whose new raison d'être was the principle of authoritarian decision—whose consummate embodiment was the Führerprinzep, one of the ideological cornerstones of the post-Hegelian state. To be sure, Schmitt's insight remains a source of fascination owing to its uncanny prescience: in a statement of a few words, he manages to express the quintessence of some 100 years of German historical development. At the same time, this remark also remains worthy insofar as it serves as a prism through which the vagaries of Schmitt's own intellectual biography come into unique focues: it represents an unambiguous declaration of his satiety of Germany's prior experiments with constitutional government and of his longing for a total- or Führerstaat in which the ambivalences of the parliamentary system would be abolished once and for all. Above all, however, it suggest how readily Schmitt personally made the transition from intellectual antagonist of Weimar democracy to whole-hearted supporter of National Socialist revolution. Herein lies what one may refer to as the paradox of Carl Schmitt: a man who, in the words of Hannah Arendt, was a "convinced Nazi," yet "whose very ingenious theories about the end of democracy and legal government still make arresting reading."

The focal point of our inquiry will be the distinctive intellectual "habitus" (Bourdieu) that facilitated Schmitt's alacritous transformation from respected Weimar jurist and academician to "crown jurist of the Third Reich." To understand the intellectual basis of Schmitt's political views, one must appreciate his elective affinities with that generation of so-called conservative revolutionary thinkers whose worldview was so decisive in turning the tide of public opinion against the fledgling Weimar republic. As the political theorist Kurt Sontheimer has noted: "It is hardly a matter of controversy today that certain ideological predispositions in German thought generally, but particularly in the intellectual climate of the Weimar Republic, induced a large number of German electors under the Weimar Republic to consider the National Socialist movement as less problematic than it turned out to be." And even though the nationalsocialists and the conservative revolutionaries failed to see eye to eye on many points, their respective plans for a new Germany were sufficiently close that a comparison between them is able to "throw light on the intellectual atmosphere in which, when National Socialism arose, it could seem to be a more or less presentable doctrine." Hence "National Socialism . . . derived considerable profit from thinkers like Oswald Spengler, Arthur Moeller van den Bruck, and Ernst Jünger," despite their later parting of the ways. One could without much exaggeration label this intellectual movement protofascistic, insofar as its general ideological effect consisted in providing a type of ideological-spiritual preparation for the National Socialist triumph.

 

Schmitt himself was never an active member of the conservative revolutionary movement, whose best known representatives—Spengler, Jünger, and van den Bruck—have been named by Sontheimer (though one might add Hans Zehrer and Othmar Spann). It would be fair to say that the major differences between Schmitt and his like-minded, influential group of right-wing intellectuals concerned a matter of form rather than substance: unlike Schmitt, most of whose writings appeared in scholarly and professional journals, the conservative revolutionaries were, to a man, nonacademics who made names for themselves as Publizisten—that is, as political writers in that same kaleidoscope and febrile world of Weimar Offentlichkeit that was the object of so much scorn in their work. But Schmitt's status as a fellow traveler in relation to the movement's main journals (such as Zehrer's influential Die Tat, activities, and circles notwithstanding, his profound intellectual affinities with this group of convinced antirepublicans are impossible to deny. In fact, in the secondary literature, it has become more common than not simply to include him as a bona fide member of the group.

The intellectual habitus shared by Schmitt and the conservative revolutionaries is in no small measure of Nietzschean derivation. Both subscribed to the immoderate verdict registered by Nietzsche on the totality of inherited Western values: those values were essentially nihilistic. Liberalism, democracy, utlitarianism, individualism, and Enlightenment rationalism were the characteristic belief structures of the decadent capitalist West; they were manifestations of a superficial Zivilisation, which failed to measure up to the sublimity of German Kultur. In opposition to a bourgeois society viewed as being in an advanced state of decomposition, Schmitt and the conservative revolutionaries counterposed the Nietzschean rites of "active nihilism." In Nietzsche's view, whatever is falling should be given a final push. Thus one of the patented conceptual oppositions proper to the conservative revolutionary habitus was that between the "hero" (or "soldier") and the "bourgeois." Whereas the hero thrives on risk, danger, and uncertainity, the life of bourgeois is devoted to petty calculations of utility and security. This conceptual opposition would occupy center stage in what was perhaps the most influential conservative revolutionary publication of the entire Weimar period, Ernst Jünger's 1932 work, Der Arbeiter (the worker), where it assumes the form of a contrast between "the worker-soldier" and "the bourgeois." If one turns, for example, to what is arguably Schmitt's major work of the 1920s, The Concept of the Political (1927), where the famous "friend-enemy" distinction is codified as the raison d'être of politics, it is difficult to ignore the profound conservative revolutionary resonances of Schmitt's argument. Indeed, it would seem that such resonances permeate, Schmitt's attempt to justify politics primarily in martial terms; that is, in light of the ultimate instance of (or to use Schmitt's own terminology) Ernstfall of battle (Kampf) or war.

Once the conservative revolutionary dimension of Schmitt's thought is brought to light, it will become clear that the continuities in his pre- and post-1933 political philosophy and stronger than the discontinuities. Yet Schmitt's own path of development from arch foe of Weimar democracy to "convinced Nazi" (Arendt) is mediated by a successive series of intellectual transformations that attest to his growing political radicalisation during the 1920s and early 1930s. He follows a route that is both predictable and sui generis: predictable insomuch as it was a route traveled by an entire generation of like-minded German conservative and nationalist intellectuals during the interwar period; sui generis, insofar as there remains an irreducible originality and perspicacity to the various Zeitdiagnosen proffered by Schmitt during the 1920s, in comparison with the at times hackneyed and familar formulations of his conservative revolutionary contemporaries.

The oxymoronic designation "conservative revolutionary" is meant to distinguish the radical turn taken during the interwar period by right-of-center German intellectuals from the stance of their "traditional conservative" counterparts, who longed for a restoration of the imagined glories of earlier German Reichs and generally stressed the desirability of a return to premodern forms of social order (e.g., Tönnies Gemeinschaft) based on aristocratic considerations of rank and privilege. As opposed to the traditional conservatives, the conservative revolutionaries (and this is true of Jünger, van den Bruck, and Schmitt), in their reflections of the German defeat in the Great War, concluded that if Germany were to be successful in the next major European conflagaration, premodern or traditional solutions would not suffice. Instead, what was necessary was "modernization," yet a form of modernization that was at the same time compatible with the (albeit mythologized) traditional German values of heroism, "will" (as opposed to "reason"), Kultur, and hierarchy. In sum, what was desired was a modern community. As Jeffrey Herf has stressed in his informative book on the subject, when one searches for the ideological origins of National Socialism, it is not so much Germany's rejection of modernity that is at issue as its selective embrace of modernity. Thus
National Socialist's triumph, far from being characterized by a disdain of modernity simpliciter, was marked simultaneously by an assimilation of technical modernity and a repudiation of Western political modernity: of the values of political liberalism as they emerge from the democratic revolutions of the eighteenth century. This describes the essence of the German "third way" or Sonderweg: Germany's special path to modernity that is neither Western in the sense of England and France nor Eastern in the sense of Russia or pan-slavism.

Schmitt began his in the 1910s as a traditonal conservative, namely, as a Catholic philosopher of state. As such, his early writings revolved around a version of political authoritarianism in which the idea of a strong state was defended at all costs against the threat of liberal encroachments. In his most significant work of the decade, The Value of the State and the Significance of the Individual (1914), the balance between the two central concepts, state and individual, is struck one-sidely in favour of the former term. For Schmitt, the state, in executing its law-promulgating perogatives, cannot countenance any opposition. The uncompromising, antiliberal conclusion he draws from this observation is that "no individual can have full autonomy within the state." Or, as Schmitt unambiguously expresses a similar thought elsewhere in the same work: "the individual" is merely "a means to the essence, the state is what is important." Thus, although Schmitt displayed little inclination for the brand of jingoistic nationalism so prevalent among his German academic mandarin brethern during the war years, as Joseph Bendersky has observed, "it was precisely on the point of authoritarianism vs. liberal individualism that the views of many Catholics [such as Schmitt] and those of non-Catholic conservatives coincided."

But like other German conservatives, it was Schmitt's antipathy to liberal democratic forms of government, coupled with the political turmoil of the Weimar republic, that facilitated his transformation from a traditional conservative to a conservative revolutionary. To be sure, a full account of the intricacies of Schmitt's conservative revolutionary "conversion" would necessitate a year by year account of his political thought during the Weimar period, during which Schmitt's intellectual output was nothing if prolific, (he published virtually a book a year). Instead, for the sake of concision and the sake of fidelity to the leitmotif of the "conservative revolutionary habitus," I have elected to concentrate on three key aspects of Schmitt's intellectual transformation during this period: first, his sympathies with the vitalist (lebensphilosophisch) critique of modern rationalism; second, his philosophy of history during these years; and third, his protofascistic of the conservative revolutionary doctrine of the "total state." All three aspects, moreover, are integrally interrelated.

II.


The vitalist critique of Enlightenment rationalism is of Nietzschean provenance. In opposition to the traditional philosophical image of "man" qua animal rationalis, Nietzsche counterposes his vision of "life [as] will to power." In the course of this "transvaluation of all values," the heretofore marginalized forces of life, will, affect, and passion should reclaim the position of primacy they once enjoyed before the triumph of "Socratism." It is in precisely this spirit that Nietzsche recommends that in the future, we philosophize with our affects instead of with concepts, for in the culture of European nihilism that has triumphed with the Enlightenment, "the essence of life, its will to power, is ignored," argues Nietzsche; "one overlooks the essential priority of the spontaneous, aggressive, expansive, form-giving forces that give new interpretations and directions."

It would be difficult to overestimate the power and influence this Nietzschean critique exerted over an entire generation of antidemocratic German intellectuals during the 1920s. The anticivilizational ethos that pervades Spengler's Decline of the West—the defence of "blood and tradition" against the much lamented forces of societal rationalisation—would be unthinkable without that dimension of vitalistic Kulturkritik to which Nietzsche's work gave consummate expression. Nor would it seem that the doctrines of Klages, Geist als Widersacher der Seele (Intellect as the Antagonist of the Soul; 1929-31), would have captured the mood of the times as well as they did had it not been for the irrevocable precedent set by Nietzsche's work, for the central opposition between "life" and "intellect," as articulated by Klages and so many other German "anti-intellectual intellectuals" during the interwar period, represents an unmistakably Nietzschean inheritance.

While the conservative revolutionary components of Schmitt's worldview have been frequently noted, the paramount role played by the "philosophy of life"—above all, by the concept of cultural criticism proper to Lebensphilosophie—on his political thought has escaped the attention of most critics. However, a full understanding of Schmitt's status as a radical conservative intellectual is inseparable from an appreciation of an hitherto neglected aspect of his work.

In point of fact, determinate influences of "philosophy of life"—a movement that would feed directly into the Existenzphilosophie craze of the 1920s (Heidegger, Jaspers, and others)—are really discernable in Schmitt's pre-Weimar writings. Thus, in one of his first published works, Law and Judgment (1912), Schmitt is concerned with demonstrating the impossibility of understanding the legal order in exclusively rationalist terms, that is, as a self-sufficient, complete system of legal norms after the fashion of legal positivism. It is on this basis that Schmitt argues in a particular case, a correct decision cannot be reached solely via a process of deducation or generalisation from existing legal precedents or norms. Instead, he contends, there is always a moment of irreducible particularity to each case that defies subsumption under general principles. It is precisely this aspect of legal judgment that Schmitt finds most interesting and significant. He goes on to coin a phrase for this "extralegal" dimension that proves an inescapable aspect of all legal decision making proper: the moment of "concrete indifference," the dimension of adjudication that transcends the previously established legal norm. In essence, the moment of "concrete indifference" represents for Schmitt a type of vital substrate, an element of "pure life," that forever stands opposed to the formalism of laws as such. Thus at the heart of bourgeois society—its legal system—one finds an element of existential particularity that defies the coherence of rationalist syllogizing or formal reason.

The foregoing account of concrete indifference is a matter of more than passing or academic interest insofar as it proves a crucial harbinger of Schmitt's later decisionistic theory of sovereignty, for its its devaluation of existing legal norms as a basis for judicial decision making, the category of concrete indifference points towards the imperative nature of judicial decision itself as a self-sufficient and irreducible basis of adjudication. The vitalist dimension of Schmitt's early philosophy of law betrays itself in his thoroughgoing denigration of legal normativism—for norms are a product of arid intellectualism (Intelligenz) and, as such, hostile to life (lebensfeindlick)—and the concomitant belief that the decision alone is capable of bridging the gap between the abstractness of law and the fullness of life.

The inchoate vitalist sympathies of Schmitt's early work become full blown in his writings of the 1920s. Here, the key text is Political Theology (1922), in which Schmitt formulates his decisionist theory of politics, or, as he remarks in the work's often cited first sentance: "Sovereign is he who decides the state of exception [Ausnahmezustand]."

It would be tempting to claim from this initial, terse yet lapidry definition of sovereignty, one may deduce the totality of Schmitt's mature political thought, for it contains what we know to the be the two keywords of his political philosophy during these years: decision and the exception. Both in Schmitt's lexicon are far from value-neutral or merely descriptive concepts. Instead, they are both accorded unambiguously positive value in the economy of his thought. Thus one of the hallmarks of Schmitt's political philosophy during the Weimar years will be a privileging of Ausnahmezustand, or state of exception, vis-à-vis political normalcy.

It is my claim that Schmitt's celebration of the state of exception over conditions of political normalcy—which he essentially equates with legal positivism and "parliamentarianism"—has its basis in the vitalist critique of Enlightenment rationalism. In his initial justification of the Ausnahmezustand in Political Theology, Schmitt leaves no doubt concerning the historical pedigree of such concepts. Thus following the well-known definition of sovereignty cited earlier, he immediantly underscores its status as a "borderline concept"—a Grenzbegriff, a concept "pertaining to the outermost sphere." It is precisely this fascination with extreme or "boundry situations" (Grenzsituationen—K. Jaspers—those unique moments of existential peril that become a proving ground of individual "authenticity"—that characterizes Lebensphilosophie's sweeping critique of bourgeois "everydayness." Hence in the Grenzsituationen, Dasein glimpses transcendence and is thereby transformed from possible to real Existenz." In parallel fashion, Schmitt, by according primacy to the "state of exception" as opposed to political normalcy, tries to invest the emergency situation with a higher, existential significance and meaning.

According to the inner logic of this conceptual scheme, the "state of exception" becomes the basis for a politics of authenticity. In contrast to conditions of political normalcy, which represent the unexalted reign of the "average, the "medicore," and the "everyday," the state of exception proves capable of reincorporating a dimension of heroism and greatness that is sorely lacking in routinized, bourgeois conduct of political life.

Consequently, the superiority of the state as the ultimate, decisionistic arbiter over the emergency situation is a matter that, in Schmitt's eyes, need not be argued for, for according to Schmitt, "every rationalist interpretation falsifies the immediacy of life." Instead, in his view, the state represents a fundamental, irrefragable, existential verity, as does the category of "life" in Nietzsche's philosophy, or, as Schmitt remarks with a characteristic pith in Political Theology, "The existence of the state is undoubted proof of its superiority over the validity of the legal norm." Thus "the decision [on the state of exception] becomes instantly independent of argumentative substantiation and receives autonomous value."

But as Franz Neumann observes in Behemoth, given the lack of coherence of National Socialist ideology, the rationales provided for totalitarian practice were often couched specifically in vitalist or existential terms. In Neumann's words,

 

[Given the incoherence of National Socialist ideology], what is left as justification for the [Grossdeutsche] Reich? Not racism, not the idea of the Holy Roman Empire, and certainly not some democratic nonsense like popular sovereignty or self-determination. Only the Reich itself remains. It is its own justification. The philosophical roots of the argument are to be found in the existential philosophy of Heidegger. Transferred to the realm of politics, exisentialism argues that power and might are true: power is a sufficient theoretical basis for more power.

 


[Excerpts from The Seduction of Unreason: The Intellectual Romance with Fascism from Nietzsche to Postmodernism (2004).]

Keith Preston: Understanding Carl Schmitt

 

Keith Preston: Understanding Carl Schmitt

mercredi, 10 août 2011

Le fédéralisme et la coopération permettent de mieux maitriser la crise

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Le fédéralisme et la coopération permettent de mieux maîtriser la crise

«Nous sommes reliés par le droit et la loi, nous sommes nous-mêmes l’Etat.» (Pestalozzi)

par Tobias Salander

Ex: http://www.horizons-et-debats.ch/

 

Tandis que la machine économique chinoise tourne à plein régime, que les Etats BRICS commencent à se défendre contre l’arrogance occidentale et à se redresser, la question se pose pour les Occidentaux de savoir comment se réorganiser dans cette grande crise. L’humanité dispose de modèles qui ont fait leurs preuves non seulement en Europe, mais en Amérique latine et en Afrique, voire dans le monde entier. Le principe de coopération et la structure fédérale de l’Etat permettent de réaliser l’égalité et de préserver la dignité humaine. L’étude approfondie de ces modèles serait sans doute un antidote valable à l’invasion de mauvaises nouvelles apportées par les médias où des notions comme «prochaine faillite d’Etat», «débat à propos du plafond de l’endettement», «troubles sociaux», «violences», «tests de résistance», «monnaies qui dégringolent» font les gros titres.
Ne vaudrait-il pas mieux, en particulier dans une période de crise comme celle que nous traversons, qui est loin d’être terminée et menace même d’empirer, que les citoyens responsables se mettent ensemble et agissent démocratiquement en partant de la base, au lieu d’avoir des structures de commandement qui s’imposent d’en haut. Ne serait-il pas préférable d’avoir des citoyens aguerris au système de milice qui voient où passe l’argent destiné aux infrastructures, à la sécurité, à la protection sociale et qui envisagent le général à partir du particulier, et non l’inverse,  plutôt que des groupes d’«experts» et de «commissaires» soumis à l’autorité et sujets à la corruption?
Si l’on jette un coup d’œil sur l’actualité et surtout sur l’histoire, on se rend compte que sur tous les continents et à toutes les époques, les sociétés fondées sur le fédéralisme et la participation des citoyens correspondent mieux à la dignité de l’homme et, en particulier, résistent mieux aux crises que les grandes structures centralistes.

La question est ancienne: Comment vivre en paix, dans la sécurité et la dignité? L’Antiquité a connu les deux modèles de Sparte et d’Athènes. Là la dictature d’une clique élitaire qui assurait la sécurité avec ses escadrons de la mort, ici la première tentative de répartir les pouvoirs sur un assez grand nombre de personnes. Le Moyen Age et le début des temps modernes ont été témoins, en Europe, au milieu des excès du pouvoir, de l’avidité et de la folie de l’oppression, de tentatives d’organiser la vie autrement, au sein de communautés où les individus coopéraient dans la dignité et l’égalité. Plus que jamais, nous avons besoin aujourd’hui de réfléchir à des concepts de coopération éprouvés et prometteurs à un moment où non seulement la Grèce mais toute une série d’autres pays, dont les Etats-Unis, sont au bord de la faillite. Après des années de mauvaise gestion, où l’on croyait que l’avenir était assuré lorsqu’on arrivait à caser un membre de sa famille dans l’administration; après des années où l’on a succombé à la séduction de l’argent facile de la haute finance, comme en Grèce; après des années de guerres contraires au droit international et coûtant des milliers de milliards; après des années de vie à crédit – crédit reposant sur le dollar, monnaie imposée par les Etats-Unis – passées dans l’insouciance et aux dépens des peuples du reste du monde; après des années de mégalomanie, d’excès, d’arrogance et de rêves occidentaux de domination mondiale, c’est le réveil cruel: dégradation de la note de certains pays par les agences de notation (institutions contestables en soi), menaces d’insolvabilité, manque de moyens financiers pour la protection sociale, les infrastructures, l’éducation, etc. Les responsables de la faillite ne sont pas seulement les banques, les économies nationales et des pays tout entiers, mais également un principe, une théorie erronée de la vie sociale, donc de la nature de l’homme, la théorie de l’«homo œconomicus» qui réduit l’individu à une créature égoïste, dominée par ses intérêts.

Le fédéralisme, modèle d’équilibre et de paix

Le concept opposé à celui de l’homo œconomicus, celui de coopération a existé dans toute l’Europe, voire dans le monde entier, comme l’ont montré les travaux d’Elinor Ostrom. L’exemple de la Suisse va nous montrer combien la collaboration peut être profitable. Les associations des communautés de vallées (Talschaften) de la Suisse centrale et peu à peu, celles des villes organisées en corporations et en guildes du Plateau suisse ont réussi assez tôt à transposer leur structure dans celle de l’Etat. Ce qui avait commencé dans la maîtrise de la vie de tous les jours et de la survie – entraide lors de catastrophes naturelles, sécurité de la production alimentaire, etc. – imprégnait la conception de l’Etat suisse et n’a cessé de le faire depuis lors. Mentionnons au passage qu’en vieux haut-allemand, le mot ginöz[o] (qui a donné Genosse et Genossenschaft, désignait «celui qui garde le bétail sur le même pâturage»). Selon les principes d’entraide, d’autogestion et de responsabilité individuelle, la vie n’était pas conçue comme un rapport entre des sujets et des maîtres mais entre des copropriétaires/cogestionnaires égaux en droits. L’association des cantons et des villes suisses n’avait pas pour but de les fondre dans des unités plus importantes mais au contraire de protéger ensemble efficacement les libertés et les particularités de chaque communauté. Le principe de cette structure, le fédéralisme, consiste, pour citer l’historien Wolfgang von Wartburg, en ceci: «Chaque tâche de la vie de la communauté doit dans la mesure du possible, être assumée par ceux qui sont les plus directement impliqués: Ce que la commune peut assumer elle-même doit lui être laissé. Il en va de même pour le canton. La Confédération, unité supérieure, doit n’assumer que les missions dont les plus petites unités ne peuvent pas se charger, comme la politique étrangère ou les chemins de fer. Les éléments constitutifs de la Confédération, jusqu’aux communes, agissent donc dans le cadre de leurs compétences selon leurs propres lois et leur propre responsabilité. […] Ce n’est pas une organisation centrale, bien qu’elle soit devenue dans une certaine mesure nécessaire, qui fait la véritable unité de la Suisse, mais la volonté commune de vivre en paix et de collaborer entre confédérés. La condition est par conséquent le maintien de l’indépendance des membres, la reconnaissance des droits de chaque petite communauté, voire de chaque confédéré, à la pleine responsabilité dans toutes les questions qui ne doivent pas nécessairement être confiées à une instance centrale.» (Geschichte der Schweiz, München, 1951, p. 243–244)
Cette conception fédéraliste recèle aussi un modèle de paix et d’équilibre. Voici ce qu’écrit von Wartburg à ce sujet: «Cet esprit fédéraliste […] triompha de la méfiance entre les villes et les campagnes, il mit les petits cantons sur le même pied que les grands, il permit de vaincre les conflits religieux et les querelles internes. Il imposa la modération aux vainqueurs des six guerres civiles que la Suisse a vécues, ce qui les empêcha d’abuser de leur force. Jamais on ne porta atteinte à l’existence ou aux particularités des vaincus. Les conditions de la paix ne dépendirent pas de l’importance du succès dû aux armes mais de principes juridiques compatibles avec l’esprit des traités. La victoire lors de guerres civiles était pour ainsi dire acceptée comme un jugement de Dieu qui devait choisir entre deux conceptions différentes du droit.» (von Wartburg, p 244)

Sens profond des responsabilités et de l’intérêt général

Si l’on veut considérer de plus près l’importance du fédéralisme pour la maîtrise de la crise actuelle, il vaut la peine de se replonger dans une époque pas si lointaine, celle de la Seconde Guerre mondiale et de la reconstruction de l’après-guerre. Il est apparu de manière exemplaire que les petits Etats de structure fédéraliste, avec leurs décisions décentralisées, agissaient et réagissaient aux situations imprévues de manière beaucoup plus adéquate. On trouve des exemples de ce phénomène chez le grand spécialiste de l’autonomie communale, l’historien Adolf ­Gasser:
«Notre centralisation, même en temps de guerre, n’est pas comparable à celle des Etats voisins en temps de paix. Le professeur F.T. Wahlen, auteur bien connu du plan d’extension des cultures [le Plan Wahlen avait pour objectif d’assurer la sécurité alimentaire de la population suisse pendant la Seconde Guerre mondiale lorsque le pays, encerclé par les nazis et les Alliés, ne pouvait importer que peu de marchandises, ts.], soulignait naguère, non sans justesse, la différence entre des tâches prescrites directement par la Confédération ou le canton aux entreprises intéressées, et celles qui sont dévolues par la commune elle-même; dans ce dernier cas, ce sont les autorités locales, jouissant de la confiance de la population, qui ordonnent, dirigent et surveillent la besogne. Dans le cadre restreint de la commune, les conditions et les possibilités de travail de chaque producteur sont bien connues et la tâche confiée à chaque entreprise s’accomplit sous le contrôle de l’opinion publique. En faisant appel au concours et à la responsabilité des communes, on facilite l’accomplissement des tâches imposées. De son côté, M. Arnold Muggli, chef du Service du rationnement, est arrivé aux mêmes constatations. Un jour, à ce qu’il rapporte, le chef d’une délégation étrangère lui avouait que, dans son pays, on n’aurait pas pu organiser un système de rationnement aussi décentralisé parce que les organes chargés de son application dans les communes ne seraient pas du tout préparés à un travail aussi compliqué. A ce propos, M. Muggli fait cette réflexion: ‹Nous devons notre succès avant tout à ce vif sentiment de solidarité et de responsabilité dont sait faire preuve la population de toutes nos communes.›» (Adolphe Gasser. Démocratie et fédéralisme: Confédération, Canton, Commune. In: La démocratie suisse 1848–1948. Morat 1948, p. 135/136.)

«Nous sommes nous-mêmes l’Etat.» (Pestalozzi)

Ces exemples historiques montrent que la pratique, vieille de plusieurs siècles, de la participation citoyenne a fait ses preuves précisément à une époque de très graves crises. C’est ici que l’on a pu constater ce que le grand représentant des Lumières et réformateur social qu’était Johann Heinrich Pestalozzi a dit un jour: «Nous sommes reliés par le droit et la loi, nous sommes nous-mêmes l’Etat.» Etre soi-même l’Etat ne signifie rien d’autre que les citoyens à part entière doivent agir avec d’autres citoyens dans un esprit d’égalité et se reposer de nouveau davantage sur leurs propres forces, au sein de la communauté, plutôt que de se laisser réduire à la conception mécaniste de l’homo œconomicus qui ne correspond pas à la nature de l’homme. Gasser a formulé cette idée de la manière suivante: «C’est cette confiance dans la volonté libre de la communauté qui a créé notre démocratie moderne et la maintient bien vivante. Elle nous donne la certitude que notre Suisse est capable d’établir un heureux et fructueux équilibre entre l’individualisme et le collectivisme dans le domaine économique, comme elle l’a déjà réalisé dans le domaine politique. Partout et toujours, notre Etat démocratique, à base communautaire et fédéraliste, devra s’efforcer de garder fidèlement ses caractères fondamentaux; son avenir en dépend.» (Gasser, p. 137).

Nature sociale de l’homme

Mais ceux qui prétendent que les approches fédéralistes et participatives sont spécifiques de l’Europe, voire uniquement des régions alpines, méconnaissent le fait que les principes d’entraide, d’autogestion et de responsabilité individuelle se rencontrent partout dans le monde parce qu’ils correspondent à la nature sociale de l’homme. Ainsi la grave crise en Argentine a été maîtrisée à partir de la base, grâce à la collaboration des hommes qui se sont organisés pour survivre lorsque l’Etat a dû se déclarer en faillite. Mais en Afrique également, les coopératives ont permis ici ou là aux habitants de subsister et les ont protégés notamment contre les conséquences tardives du colonialisme: Des gens se sont rassemblés, notamment pour créer des coopératives de vente de produits comme le poisson, le cacao et le café ou pour distribuer à leurs membres certains biens: logements, vivres, appareils ménagers, etc.
Le spécialiste des coopératives Helmut Faust résume la question de la manière suivante: «Depuis que les hommes peuplent la terre, ils ont formé des groupes ou des communautés quand il s’agissait de satisfaire des besoins économiques ou autres et que cela dépassait les forces des individus. L’ascension des hommes des ténèbres de l’état de nature à la lumière de la civilisation et de la culture n’a été possible que grâce à leur rassemblement et à l’évolution due à la collectivisation et à la division du travail.» (Helmut Faust, Geschichte der Genossenschaftsbewegung, Frankfurt, p. 17). Plus loin, Faust exprime l’idée que l’individu isolé, qui n’entretient aucune relation avec autrui, est certes pensable théoriquement mais ne se rencontre jamais dans l’histoire. L’idée d’association, de coopérative ne peut pas se limiter à un pays ou à un peuple. Il importe donc que les citoyens du monde entier échangent leurs idées sur leurs formes spécifiques de structures fédérales et associatives/coopératives pour le bien de tous et avant tout celui des générations futures qui devront gérer l’héritage des destructions politiques, sociales et économiques que nous avons causées.    •

Le principe fédéraliste prévaut aussi dans les cantons

Le principe fédéraliste est à la base non seulement des relations entre la Confédération et les cantons, mais encore des rapports entre le gouvernement cantonal et les communes. Au point de vue purement formel, ces dernières jouissent uniquement des droits que leur octroie la législation cantonale. Nulle part pourtant, on ne les a soumises à l’autorité des fonctionnaires cantonaux; au contraire, on leur a conservé et garanti une large autonomie. Aujourd’hui, nos communes sont encore des organismes pleins de vie. Du fait que le fédéralisme inspire de bas en haut toute notre organisation administrative, il est resté l’élément fondamental, des plus vigoureux, de notre Etat démocratique.

Source: Adolphe Gasser. Démocratie et fédéralisme: Confédération, Canton, Commune. In: La démocratie suisse 1848–1948. Morat 1948, p. 133.

Organiser l’administration suivant les nécessités de la condition humaine

Il n’était possible d’assurer la liberté individuelle, l’autonomie familiale et la sécurité des biens que dans le cadre de cet Etat en miniature qu’est la commune. On pouvait procéder à des échanges de vues à la «Landsgemeinde» ou à l’assemblée des bourgeois, au sein de la corporation agricole ou de la communauté villageoise; on organisait l’administration suivant les nécessités de la condition humaine. L’idée qui animait paysans et citadins, qui inspirait les communes des contrées alémaniques, romandes, grisonnes ou lombardes, c’était cette ferme volonté de vivre en hommes libres dans un Etat libre.

Source: Karl Meyer. Der Freiheitskampf der eidgenössischen Begründer, Frauenfeld 1942, cité selon
Adolphe Gasser, op.cit., p. 133

Pas de moyens coercitifs

En réalité, ce que nous appelons centralisation est tout différent de l’organisation centralisée et bureaucratique des grands Etats voisins. Les autorités de notre pays ne disposent pas des moyens coercitifs que l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Autriche ont toujours appliqués, même avec des constitutions libérales-démocratiques. On n’a jamais eu chez nous la hiérarchie administrative et ce fonctionnarisme, exécuteur aveugle des ordres de l’autorité supérieure.

Source: Adolphe Gasser. Démocratie et fédéralisme: Confédération, Canton, Commune. In: La démocratie suisse 1848–1948. Morat 1948, p. 134.

«Chef d’œuvre de la raison et de l’histoire»

L’Etat fédératif créé en 1848 a passé victorieusement par l’épreuve du temps, ne cessant de manifester sa force et sa vitalité. Deux principes opposés se trouvent à sa base et, se faisant constamment contrepoids, lui assurent un harmonieux équilibre politique: celui de la souveraineté cantonale qui, jadis, avait été le fondement même de la Confédération, et celui de l’unité nationale, qui devait donner à notre patrie plus de cohésion, plus d’énergie dans la défense de ses droits, en face d’Etats voisins toujours plus forts. Grâce à sa nouvelle organisation fédérative, la Suisse est devenue un chef-d’oeuvre politique que l’historien français, A. Aulard considérait comme le type parfait du pays moderne, caractérisé par l’unité dans la diversité et la diversité dans l’unité, comme le chef-d’oeuvre de la raison et de l’histoire.

Source: Adolphe Gasser. Démocratie et fédéralisme: Confédération, Canton, Commune. In: La démocratie suisse 1848–1948. Morat 1948, p. 132.

 

dimanche, 07 août 2011

La liberté, la démocratie, l'autonomie, mais non sans une défense forte

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La liberté, la démocratie, l’autonomie, mais non sans une défense forte

Envisager l’avenir avec une conscience historique fondée sur des faits –  correctif nécessaire à la falsification de l’histoire par le Rapport Bergier

par Tobias Salander

Ex:http://www.horizons-et-debats.ch/

A quelles conditions les citoyens suisses de 2011 peuvent-ils envoyer au monde le message selon lequel ils veulent conserver leur liberté, leur démocratie et leur autonomie et en même temps rester le peuple le plus pacifique mais le plus apte à se défendre? C’est à cette question, posée à temps dans une période de grave crise économique et financière aux répercussions encore imprévisibles en Occident, en particulier dans les zones dollar et euro, que répond une nouvelle étude sur l’histoire de la Suisse entre 1933 et 1945 due à la plume d’un économiste et ex-commandant de bataillon d’infanterie qui a travaillé pour la Banque mondiale, l’ONU, l’OCDE, divers gouvernements et commanditaires privés dans plus de 100 pays.
S’appuyant sur une quantité de publications scientifiques concernant la Seconde Guerre mondiale, Gotthard Frick, dans son livre intitulé «Krieg und die Selbstbehauptung der Schweiz 1933–1945» propose une vision nouvelle et complète de la manière dont la Suisse a affirmé son autonomie et ses valeurs pendant la Seconde Guerre mondiale. Il indique les leçons à en tirer pour l’avenir et apporte un correctif aux travaux de la Commission Bergier. Cet ouvrage peut être chaudement recommandé à tous les citoyens et en particulier aux professeurs d’histoire et à leurs élèves. Il nous offre une vision de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale qui, loin de tout dénigrement idéologique, rétablit les faits, vision que tous ceux qui les ont vécus ne pourront que confirmer.
Après les attaques des années 1990 contre la Suisse commandées par certains milieux financiers de la côte Est des Etats-Unis et livrées par une cinquième colonne de pseudo-artistes, de personnes «fatiguées de défendre la patrie» (Heimatmüde), de girouettes et de carriéristes vendus et vulnérables au chantage qui auraient voulu, au moyen d’une vaste manipulation psychologique, pousser le pays à intégrer le nouvel ordre mondial, Frick réussit, en évaluant clairement les événements historiques connus, à ressusciter la volonté du pays à affirmer son autonomie et ses valeurs et à aiguiser sa perception de l’avenir. Il ne s’agit pas pour lui uniquement d’apporter une contribution au débat sur l’avenir de l’Armée suisse. Si, à l’époque, il valait la peine de consentir d’importants sacrifices pour éviter la guerre au pays, il faudrait aujourd’hui également «engager des réflexions exhaustives et à long terme si nous voulons préparer notre pays à un avenir qui sera sans doute beaucoup plus difficile et exigeant et peut-être aussi beaucoup plus menaçant que ne le pensent aujourd’hui de nombreuses personnes». (p. 2 sqq.) Ce sont là des réflexions qui ne devraient pas être abordées sérieusement qu’à l’occasion des cérémonies du 1er-Août.

Ceux qui empêchent leurs concitoyens d’envisager le passé les privent d’une vision personnelle de l’avenir. Les interprétations tordues dont les idéologues de la Commission Bergier ont inondé le peuple – ils n’ont pas apporté de faits nouveaux mais uniquement des interprétations erronées de l’histoire – doivent maintenant être démontées patiemment pièce après pièce. Gotthard Frick a le grand mérite d’avoir accompli ce précieux travail d’assainissement. Son évocation de la volonté des Confédérés d’affirmer leur autonomie dans une situation difficile, c’est-à-dire entre 1933 et 1945, est si claire, si respectueuse des faits et toujours envisagée dans la perspective de l’époque actuelle qu’elle peut constituer pour la jeunesse un repère, un point d’ancrage à partir duquel elle pourra s’attaquer aux problèmes de l’heure en étant pleinement conscients de ce qu’ont réalisé nos ancêtres et de la spécificité de notre histoire, celle d’un peuple qui ne voulait pas se laisser asservir, qui aimait la liberté par-dessus tout et voulait prendre en main ses affaires, mais toujours en tenant compte de la situation, sensibles au sort du prochain au-delà des frontières, solidaires et apportant son aide en cas de nécessité. Frick nous offre un contrepoint bienvenu aux machinations déjà mentionnées et aux nouvelles machinations dont l’objectif facile à déceler est de faire entrer la Suisse dans l’UE et l’OTAN, à en faire par conséquent une vassale et un soutien occulte des intérêts des grandes puissances.

Chaque pays a une armée: la sienne ou une armée étrangère

Mettons l’accent sur certains aspects de la présentation de Frick qui sont importants pour notre époque: l’évocation concise des conquêtes d’Hitler et des plans des Alliés – que l’auteur ne présente pas dans l’ordre chronologique mais selon les motifs qui les sous-tendent et cela d’une manière éclairante – montre une chose qui doit paraître évidente aux personnes à l’esprit social et pacifiste: Dans un monde où il n’y a finalement, entre les Etats, jamais d’amitiés mais seulement des intérêts, il n’y a pas de place pour la liberté et la dignité quand les pays démocratiques n’envisagent ni ne préparent les situations de crise. Frick explique qu’on peut développer l’Etat providence, se déclarer neutre avec fierté et ne pas investir dans l’armement. Mais alors on ne doit pas s’étonner si la situation politique se modifie du jour au lendemain et si un pays autrefois ami vient remplir le vide ainsi créé. C’est ce qui s’est passé en 1940 avec le Danemark et la Norvège et ce serait de nouveau possible aujourd’hui. On pourrait dire que nous ne nous défendrons pas en cas d’attaque parce qu’il serait absurde de le faire contre une puissance plus forte. Quelles seraient les conséquences? L’occupant déporterait les hommes et les forcerait à travailler dans l’industrie d’armement pour remplacer les travailleurs et les paysans qui combattent dans l’armée de l’agresseur. Peut-être qu’on les contraindrait à se battre au sein de la machine de conquête, à tuer, ne serait-ce que pour ne pas être tués. Ces conséquences effroyables qu’ont subies les pacifistes belges, danois, norvégiens, français, etc. mais aussi ceux qui se sont bien défendus mais ont été vaincus, comme les Serbes, Frick les décrit fort bien et il détruit de manière salutaire l’illusion consistant à croire qu’on pourrait rester passif aujourd’hui, et que ce ne serait pas si terrible d’être asservi. Pour Frick, l’histoire dément cette attitude de manière douloureuse.

Des voix étrangères louaient la Suisse

S’appuyant sur une quantité de documents de généraux, d’hommes d’Etat et de journalistes, l’auteur montre que les efforts de défense de la Suisse, en particulier la création du Réduit national, étaient pris très au sérieux, et pas seulement en Allemagne. Grâce à ces déclarations d’éminents étrangers, il donne une image authentique de la Suisse de l’époque (cf. les encadrés). La Suisse n’y apparaît pas comme antisémite. Au contraire, dans l’opuscule «Welt-Dienst» de l’Erfurter Verlag – qui était financé par l’Etat – elle est décrite rageusement comme «le seul paradis d’Europe pour les juifs» (p. 15). Il n’y est pas question d’un prétendu défaitisme des Suisses mais de leur esprit combatif et de leur capacité à se défendre qui pourrait donner du fil à retordre à la Wehrmacht. C’est ce qu’écrivait le général des troupes de montagnes de la Wehrmacht Franz Böhme, qui se suicida pendant sa détention par les Alliés à Nuremberg, dans son étude relative à une éventuelle attaque contre la Suisse. Le Times de Londres soulignait qu’aucune armée au monde ne pouvait mobiliser ses troupes aussi rapidement que l’armée suisse et l’étude Tannenbaum de la Wehrmacht de 1940 confirme cette appréciation, bien qu’avec d’autres arrière-pensées.
Le «Kleines Orientierungsheft Schweiz» de l’état-major de l’armée de terre destiné aux troupes allemandes et datant du 1er septembre 1942 écrit à propos du système de milice suisse – que les idéologues de la Commission Bergier ont toujours dénigré: «Le système suisse de milice permet d’engager l’ensemble des soldats à un coût relativement modique. Il entretient l’esprit combatif très marqué depuis toujours dans le peuple suisse et permet la mise sur pied d’une armée qui, vu la petite taille du pays, est très forte, organisée de manière efficace et rapidement opérationnelle. Le soldat suisse se distingue par son amour de la patrie, sa résistance et son endurance.» (p. 55)

Le général Böhme est plein d’admiration pour le Réduit

Le général Böhme écrit à propos du Réduit – que les falsificateurs de l’histoire de la Commission Bergier considèrent comme un mythe: «La défense suisse du territoire dispose d’une armée de terre qui, notamment en raison de ses effectifs élevés représente un facteur extrêmement important. La prise du Réduit défendu par des troupes qui vont se battre avec acharnement représentera une tâche difficile.» (p. 57)
Cela semble étrange de voir vanter la valeur de nos ancêtres par un militaire de la Wehrmacht alors que grâce à des mensonges ordonnées par l’Etat, on voulait nous faire croire le contraire.
Frick montre parfaitement combien la préparation du retrait par le général Guisan du gros de l’Armée dans le Réduit était réfléchie et prévoyante. La faute capitale des généraux polonais, consistant à vouloir maintenir un front de 1500 kilomètres au lieu de s’appuyer sur les alliés naturels que sont les cours d’eau et de concentrer les forces armées, fut étudiée avec beaucoup d’attention par le général Guisan et son état-major. Ainsi, il fallut abandonner la ligne de défense de la Limmat établie à grands frais après la défaite française parce qu’elle était devenue inutile. Même si le flanc ouvert du Jura représenta pendant quelques semaines un danger considérable, il fut possible, grâce à un peu de chance, de mettre en place le Réduit sans que la Wehrmacht ne profite de la situation. La Suisse suivait aussi attentivement la lutte pour défendre les Alpes du Sud de la France où les troupes françaises résistèrent victorieusement aux forces de Mussolini et d’Hitler et elle pensait être sur la bonne voie avec son idée de forteresse alpine. Cela met dans un grand embarras les chefs de la guerre psychologique de la Commission Bergier avec leur dénigrement subjectif et fielleux de la conception du Réduit.

Les Alliés auraient pu raccourcir la guerre de plusieurs années

Frick réfute un autre argument incroyable, car sans aucun fondement, de notre cinquième colonne qui veut que la Suisse ait prolongé la guerre. Il constate en effet que les Alliés auraient pu réduire la durée de la guerre de plusieurs années en bombardant les installations allemandes de production de carburant. Les nazis savaient parfaitement que c’était leur talon d’Achille. Mais que s’est-il passé? Frick montre sans équivoque que les Alliés ont bombardé la population civile sans défense des villes protégée pourtant par le droit international. Ce fut un crime de guerre sans précédent au regard dudit droit et la plus grave erreur au point de vue stratégique. Ou ce «moral bombing», comme le qualifièrent Harris-la-Bombe et Churchill, n’était-il pas une erreur mais visait un autre objectif? Malheureusement, nous n’en saurons rien tant que les Alliés n’auront pas déclassifié les documents secrets de la Seconde Guerre mondiale. Il paraît qu’ils représentent plus de la moitié de la totalité des documents. Le fait que cela n’ait pas été fait après le délai habituel de quelques décennies est de mauvais augure.

La défense du pays aujourd’hui en 10 points

D’une part les mises au point de Frick nous permettent d’éclaircir nos idées et constituent un antidote à l’entreprise de démoralisation effectuée par la Commission Bergier et d’autre part son résumé en 10 points nous fournit des indications précieuses sur la manière dont nous pouvons tirer profit des leçons de l’histoire aujourd’hui dans une situation non moins explosive, si nous voulons garder la tête droite.

1.    Fidélité aux valeurs spirituelles

La condition la plus importante qui permet à un peuple d’affirmer son autonomie est la fidélité à ses valeurs spirituelles. Elles donnent au peuple la force morale de subsister dans les situations extrêmes. Ce sont en Suisse les valeurs suivantes, telles qu’elles sont confirmées par les sources étrangères de l’époque de la guerre et que seuls les idéologues de la Commission Bergier tournent en dérision: l’amour de la patrie, l’indépendance, la démocratie directe, le fédéralisme, le pacifisme associé aux capacités de défense, «c’est-à-dire la volonté, en cas d’agression, de défendre ces valeurs et l’intégrité territoriale du pays jusqu’à épuisement de toutes les ressources humaines et matérielles, sans se poser de questions sur les chances de succès.» (p. 116)
Le respect d’autrui et des convenances ainsi que le maintien de relations normales avec tous les Etats ont toujours fait partie de ces valeurs.

2. Cohésion politique vis-à-vis de l’extérieur

Une autre condition importante de l’affirmation de soi réside pour Frick dans la cohésion politique vis-à-vis de l’extérieur. L’auteur insiste sur le fait que contrairement à d’autres pays, les puissances étrangères n’ont pas réussi à instrumentaliser les partis gouvernementaux suisses pour qu’ils défendent leurs intérêts. Même pour le Parti socialiste, la défense du pays était devenue, certes tard, «l’alpha et l’oméga de la politique suisse» (Oprecht, président du Parti).

3.    Solidarité sociale

Il fallait également à l’intérieur une solidarité sociale. «Elle suppose une certaine mesure de la part de ceux qui détiennent le pouvoir économique et la conscience du fait que la force économique implique une responsabilité à l’égard de la société.» (p. 117) alors que les plus faibles renoncent aux luttes sociales. L’accord de paix entre employés et employeurs de l’industrie mécanique, de même que les allocations pour perte de gain et le rationnement alimentaire garantissaient que personne ne tomberait dans la misère en raison de son engagement pour la défense du pays.

4.    Une armée crédible capable de se défendre

Le 4e point de Frick est la capacité de défense et la mise sur pied d’une armée crédible. L’attaque de la Suisse doit apparaître trop chère à tout agresseur potentiel et s’il se risque quand même à attaquer, il doit s’attendre à des combats long et acharnés. Cependant cela présuppose de bons équipements, une instruction rigoureuse préparant à la guerre, de la discipline et une grande indépendance des chefs et des soldats. Si l’on néglige la capacité de se défendre, il devient difficile de la rétablir en peu de temps. (Précision importante face au concept de «montée en puissance» d’Armée XXI!)
L’histoire apporte un démenti à ceux qui croient que l’on est épargné si l’on renonce à se défendre. Les conséquences en sont les prises d’otages, le recrutement de travailleurs forcés ou l’incorporation des hommes dans l’armée de l’occupant pour servir de chair à canon. «Il n’y a qu’une solution, qui est d’ailleurs parfaitement morale: défendre la paix mais posséder une armée forte prête à se battre uniquement en cas d’attaque, mais alors avec une détermination inflexible.» (p. 119)

5.    Les Etats n’ont que des intérêts

Pour Frick, citant un Premier ministre anglais de jadis, les Etats n’ont ni amis ni ennemis, mais uniquement des intérêts: «Les petits pays surtout devraient se souvenir de cette maxime. Toutes les parties aux conflits n’agissent finalement qu’en fonction de leurs intérêts. Les sentiments d’amitié, l’identité des valeurs, la démocratie, les droits de l’homme n’ont joué aucun rôle quand il s’agissait de prendre des décisions.» (p. 119) A titre d’exemple, l’auteur mentionne notamment le fait que la Grande-Bretagne, entre 1939 et 1940, a étranglé économiquement la Suisse de manière impitoyable. Le ministre britannique des Affaires étrangères assura à l’envoyé de la Suisse que «la Grande-Bretagne éprouvait certes une grande sympathie pour la Suisse démocratique mais qu’elle menait un combat vital et qu’elle devait sauvegarder ses intérêts. Après la capitulation de la France, ce même gouvernement déclara qu’il était dans l’intérêt des Alliés que la Suisse maintienne sa capacité de défense et son indépendance le plus longtemps possible et qu’elle demeure un centre d’informations au cœur de l’Europe dominée par l’Allemagne. C’est pourquoi on ne devait pas exercer sur elle de trop grandes pressions économiques.» (p. 120)

6.    La neutralité implique nécessairement la capacité de se défendre

La neutralité ne protège ni des amis ni des ennemis et le pays a donc absolument besoin d’une armée crédible pour se protéger. «L’Allemagne a attaqué de nombreux pays neutres, même ceux qui, à son initiative, avaient conclu peu avant des pactes de non-agression. Mais les Alliés ont agi de même lorsque cela correspondait à leurs intérêts». (p. 121)
Pour que la neutralité soit crédible, il faut la défendre contre toutes les parties, sans égard pour les sympathies ou les antipathies. C’est dans ce contexte que Frick place la rencontre entre le général Guisan et le général SS Schellenberg. Le général a assuré le haut commandant allemand que la Suisse était déterminée à combattre tous ceux qui violeraient l’intégrité territoriale de la Suisse, également les Alliés: «Il s’agissait d’empêcher l’Allemagne d’attaquer la Suisse par précaution parce qu’elle pouvait douter de la volonté de la Suisse de résister de toutes ses forces à un passage des Alliés à travers son territoire.» (p. 122)

7.    Pas d’adhésion à des alliances

Pour Frick, il n’est jamais dans l’intérêt d’un petit pays d’adhérer à une alliance car les pays plus puissants ne font que défendre leurs intérêts même dans les alliances et utilisent les alliés plus faibles comme de la chair à canon.»

8.    Capacité de défense et de souffrance d’un peuple

Ce point concerne la capacité de défense et de souffrance des peuples qui veulent garder leur indépendance. Frick rend hommage aux Britanniques après la capitulation de la France, aux juifs affamés du ghetto de Varsovie luttant contre les SS, à l’armée de la Résistance polonaise et également à l’Union soviétique qui a compté le plus grand nombre de victimes des Allemands. En ce qui concerne la Suisse, Frick soulève la question suivante: «Nous autres Suisses jouissons aujourd’hui d’une prospérité sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Peut-on attendre d’une telle société qu’elle comprenne quelle volonté de se battre et quels préparatifs matériels sont nécessaires pour persuader un agresseur potentiel que le rapport bénéfice-coût d’une attaque est négatif et qu’elle ne vaut pas la peine d’être tentée? Et pouvons-nous nous représenter la capacité de défense et de souffrance qu’il faudrait manifester si l’agresseur ne se laissait pas dissuader et que le peuple devait résister avec son armée dans une guerre?» (p. 124 sqq.)
Et il enfonce le clou: «Quelle proximité avec la terrible réalité d’une guerre, quels risques notre peuple protégé, gâté, démocratique et attaché aux droits de l’homme permet-il à son armée au cours de la formation des soldats? Quels moyens est-il disposé à lui accorder qui la rendent suffisamment forte pour tenir une guerre future, avec ses souffrances inimaginables, le plus éloignée possible du peuple ou, dans le pire des cas, pour combattre longtemps? Car notre victoire serait de résister longtemps et non pas d’aller défiler dans la capitale du pays agresseur.» (Frick, p. 125)

9.    Réflexion à long terme

Frick invite à engager une réflexion à long terme malgré la tendance de la politique quotidienne à se limiter au court terme. On ne peut pas mettre sur pied une armée en peu de temps: «En tout cas, il faut beaucoup de temps pour créer une tradition de capacité à se défendre. Or toutes les puissances ont reconnu cette capacité à la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale. Pour Machiavel déjà, au XVe siècle, elle expliquait que les Suisses étaient le peuple le plus libre d’Europe.» (p. 125 sqq.)

10.    Les décisions de politique intérieure sont toujours des signaux envoyés à l’extérieur

Pour Frick, nous devrions être conscients «que toutes les décisions que nous prenons ne sont pas uniquement de nature intérieure. Nous envoyons par là des signaux au monde qui les reçoit et les interprète.» (p. 126) Jusqu’en 1939, la plupart des démocraties européennes ont envoyé à Hitler le signal qu’elles étaient démoralisées et qu’elles n’étaient pas prêtes à se battre pour défendre leurs valeurs. La Grande-Bretagne et la France ont leur part de responsabilité dans la Seconde Guerre mondiale parce qu’à Munich, elles ne se sont pas opposées de manière catégorique à Hitler: «En capitulant, ces deux puissances ont également désavoué la population de Berlin qui, 3 jours avant Munich, avait manifesté avec détermination contre la guerre.» (p. 126) En revanche, la Suisse fit savoir sans ambiguïté qu’elle était décidée à se battre. Le chef d’état-major allemand Halder notait au printemps 1940 dans son journal de guerre qu’une attaque de la France à travers une Suisse sans défense aurait été une éventualité séduisante. Mais il dut exclure cette option car la Suisse n’était pas sans défense.

Se préparer au pire

Dans sa conclusion, Frick écrit qu’une attaque contre la Suisse ou une guerre en Europe semble aujourd’hui inimaginable à beaucoup de personnes, de même qu’après la Première Guerre mondiale, personne ne s’attendait à une nouvelle guerre mondiale. Il est dans la nature de l’homme «de considérer une longue période de paix et, de manière générale, une situation en général bonne et agréable quasiment comme un don de Dieu qui va durer indéfiniment et de refouler les éventualités effrayantes.» (p. 127) Malheureusement, bien que l’on aimerait donner raison aux optimistes, l’histoire montre que «les comportements et les décisions irrationnels, souvent associés aux instincts humains les plus vils, déterminent toujours et partout la politique et l’action militaire.» (p. 127) Comme l’homo sapiens sapiens n’a pas changé récemment, on ne peut exclure ni une guerre en Europe ni une attaque contre la Suisse, même pas au cours des prochaines années. Que ceux qui trouvent cette idée trop bizarre méditent les dernières phrases de Frick: «Qu’arriverait-il si, par exemple, le monde ou seulement l’Europe sombrait, à cause des dettes accumulées, dans une grave crise monétaire et économique, et même s’effondrait, et si les nombreuses et anciennes tensions ethniques et territoriales se déchaînaient?» (p. 128) Sommes-nous aujourd’hui, à l’été 2011, éloignés de ce scénario? La «malice des temps» invoquée par nos pères fondateurs n’est-elle pas éternelle, à notre grand regret?
Combien d’années se sont écoulées entre la prise du pouvoir par Hitler et la remilitarisation de la Rhénanie, l’écrasement de la Tchécoslovaquie et l’invasion de l’Autriche et le début de la Seconde Guerre mondiale? Trois, cinq et six ans ! C’est pourquoi Frick conclut qu’il est indispensable «que la Suisse se prépare au pire tout en espérant qu’il n’arrivera pas». (p. 128) Il y a là un espoir mais aussi un appel auquel tout contemporain vigilant et amoureux de la liberté ne peut qu’acquiescer.    •

Bibliographie
Gotthard Frick. Hitlers Krieg und die Selbstbehauptung der Schweiz 1933–1945. Eine neue, umfassende Sicht auf die Selbstbehauptung der Schweiz im Zweiten Weltkrieg und die daraus für die Zukunft zu ziehenden Lehren. Eigenverlag Gotthard Frick, CH-4103 Bottmingen, Februar 2011,
ISBN 978-3-033-02948-4.

S’emparer du Réduit: une tâche difficile

 

«La défense suisse du territoire dispose d’une armée de terre qui, notamment en raison de ses effectifs élevés, représente un facteur extrêmement important. La prise du Réduit défendu par des troupes qui vont se battre avec acharnement représentera une tâche difficile.»

Franz Böhme, général des troupes allemandes de montagne, dans un plan d’attaque de la Suisse élaboré à l’intention de la SS à l’été 1943 (in: Gotthard Frick, Hitlers Krieg und die Selbstbehauptung der Schweiz 1933–1945, p. 57)

 

La Suisse représente un problème ardu

«Un dixième de la population suisse est sous les drapeaux, c’est plus que dans tous les autres pays du monde. Elle est prête à se battre pour défendre son style de vie. […] Les Hollandais seront une proie facile pour les Allemands car leur armée est misérable. La Suisse représentera un problème ardu et je doute que les Allemands vont se risquer à le résoudre.»

(William L. Shirer, journaliste américain, peu après le début de la guerre
(in: Gotthard Frick, Hitlers Krieg und die Selbstbehauptung der Schweiz
1933–1945, p. 54)

 

L’amour de la patrie des Suisses est extrêmement profond

«Le désir de se battre des soldats suisses est élevé et doit être placé sur le même plan que celui des Finlandais. Un peuple qui a de bons gymnastes a toujours en de bons soldats. L’amour de la patrie des Suisses est extrêmement profond.»

Franz Böhme, général des troupes allemandes de montagne, dans un plan d’attaque de la Suisse élaboré à l’intention de la SS à l’été 1943 (in: Gotthard Frick, Hitlers Krieg und die Selbstbehauptung der Schweiz 1933–1945, p. 57)

 

Ce qui serait arrivé à une Suisse occupée

L’exemple de la Grèce

«La Grèce resta occupée pendant trois ans par les troupes de l’Axe. Elle fut systématiquement pillée et dut livrer au vainqueur non seulement une grande partie de son équipement industriel et de ses véhicules et machines agricoles mais également, pendant tout le temps de l’occupation, une grande partie de ses vivres. Dès le premier hiver, cela provoqua une famine catastrophique à laquelle succombèrent quelque 100 000 Grecs et 80% des nouveau-nés. […] Les Grecs menant bientôt une guerre de partisans féroce, les troupes allemandes se vengèrent souvent, comme ailleurs, en fusillant la totalité de la population – hommes, femmes, enfants – de villages situés à proximité des attaques de la guérilla ou en exécutant des otages civils.»

(Gotthard Frick, Hitlers Krieg und die Selbstbehauptung der Schweiz 1933–1945, p. 92 sqq.)

L’exemple de la Yougoslavie

«Ici aussi, les Allemands prirent la population civile en otage. Pour chaque Allemand tué par les partisans, on fusillait 100 otages, pour chaque blessé, 50 otages. L’auteur de l’étude de 1943 sur l’attaque éventuelle de la Suisse, le général des troupes de montagne Franz Böhme, fut, en 1941, pendant deux mois et demi, général en chef doté des pleins pouvoirs en Serbie. Pendant cette seule période, 30 000 otages furent exécutés. Jugé au Tribunal militaire international de Nuremberg, il échappa à la condamnation, le 27 mai 1947, en se suicidant.»

(Gotthard Frick, Hitlers Krieg und die Selbstbehauptung der Schweiz 1933–1945, p. 91)

Problèmes d’un petit Etat neutre hier et aujourd’hui

Il n’y a pas de paix sans capacité de défense

«Notre capacité de défense vieille de plusieurs siècles a toujours été la sœur jumelle de notre amour de la paix et devrait le rester à l’avenir, quoi qu’il nous réserve.» (Frick, p. 3)

Quand on ne s’attend pas à une grande guerre, on néglige l’Armée

La Suisse est un des rares pays à s’être rendu compte assez tôt du danger représenté par l’Allemagne. Elle commença à se préparer au pire. En 1934, elle commença par la protection aérienne (aujourd’hui protection civile). Le 24 février 1935, le peuple approuva le projet de défense qui ouvrait la voie à un programme d’armement extraordinaire […] Le 21 septembre 1936, la Confédération émit un emprunt de défense nationale qui rencontra un vif succès. La durée de l’école de recrues fut allongée et l’instruction améliorée. On acheta du matériel de guerre, dont des avions de combat, et l’on développa les fortifications. Mais les lacunes importantes ne purent pas être comblées jusqu’au début de la guerre. On avait pendant trop longtemps négligé l’Armée en raison de l’idée, répandue dans le peuple, qu’une autre grande guerre était impossible.» (Frick, p. 12)

Cohésion entre la gauche et la droite

Ce n’est qu’en 1938, peu avant le début de la guerre, que le président du Parti socialiste Oprecht déclara: «La défense du pays est l’alpha et l’oméga de la politique suisse. Ce changement d’attitude se produisit certes beaucoup trop tard pour préparer l’Armée à la future guerre, mais il créa, à propos de cette question décisive de politique intérieure, une cohésion entre la gauche et la droite.» (Frick, p. 13)

Renforcer les valeurs suisses

«Le Schaffhousois Oscar Frey, le conseiller national Gottlieb Duttweiler (fondateur de Migros) et le professeur Karl Meyer, firent, depuis l’été 1940, des conférences dans tout le pays au cours desquelles ils insistaient sur la nécessité et la possibilité de la résistance. Inspiré par cela, le général Guisan institua, en mai 1941, la section Armée et Foyer dont l’objectif était de renforcer les valeurs suisses dans l’Armée et la population civile et de lutter contre le défaitisme et le découragement. C’était nécessaire car au vu de l’occupation rapide de la Yougoslavie puis de la Grèce par l’Allemagne, la Suisse doutait de nouveau de ses capacités de résistance. Ces deux opérations de la Suisse, qu’Hitler n’avait pas prévues d’emblée, apportèrent un répit supplémentaire.» (Frick, p. 14)

Crise de la lutte pour la survie économique

«Avec le début de la guerre commença pour la Suisse la crise de la lutte pour la survie. Il s’agissait d’assurer l’approvisionnement en denrées alimentaires, en carburants, en combustibles, en matières premières et en produits semi-finis, de poursuivre le réarmement, de continuer à faire du commerce avec le monde et de sauvegarder les emplois. Un chômage important aurait fait le jeu de l’extrême-droite. La Suisse introduisit le rationnement et l’économie de guerre, mit en place un programme d’extension des cultures et s’assura, en créant la «protection des militaires» (aujourd’hui «régime des allocations pour perte de gain»), pour que les familles des soldats mobilisés ne tombent pas dans la misère.» (Frick, p. 19)

Brutalité extrême des Alliés

«Bien que le droit international de la neutralité autorise expressément aux pays neutres le commerce avec les parties au conflit, chacun voulait que la Suisse mette fin à son commerce avec l’ennemi et ne livre à ce dernier ni biens stratégiques ni armes. L’extrême brutalité et le manque de compréhension des Alliés, en particulier des Etats-Unis, pour la situation exceptionnelle et difficile de la Suisse ne se différenciait en rien de celle des Allemands. Le conseiller fédéral Stampfli déclarait en 1944: Nous n’avons jamais été plus mal traités par les Allemands que nous le sommes maintenant par les Alliés. Ils étaient insensibles à la sympathie, à la démocratie, à l’Etat de droit et à des valeurs similaires.» (Frick, p. 19 sqq.)

C’est l’Armée suisse qui a mobilisé le plus rapidement

«Aucune armée au monde ne peut mobiliser ses troupes aussi rapidement que l’Armée suisse. C’est ce qu’écrivait le 11 novembre 1938 le Lord-maire de Londres dans le Times après une visite en Suisse. Il recommandait au Royaume-Uni d’adopter le système suisse. L’étude stratégique Tannenbaum de l’état-major allemand datant de 1940 estimait qu’une partie des troupes de frontières serait prêtes au combat au bout de 5 heures, les brigades de frontières et de montagne et les brigades légères dans les 24 heures, les divisions et les grands états-majors, c’est-à-dire la totalité de l’Armée en 48 heures. (A titre de comparaison, le chef d’état-major allemand Halder estimait, le 27 mars 1940, que la mobilisation de 20 divisions italiennes en vue d’opérations aux côtés de l’Allemagne prendrait deux semaines. A cela il fallait ajouter le temps de déplacement vers les lieux de combat.» (Frick, p. 53 sqq.)

Le mythe tenace d’une supériorité de la Wehrmacht

«Le mythe d’une supériorité militaire prétendument écrasante en 1939/1940 de l’Allemagne nazie est tenace. Il sert aujourd’hui encore de justification aux pays d’Europe de l’Ouest – y compris à la France – qui, démoralisés, ont pour la plupart capitulé sans véritable résistance.» (Frick, p. 74)

On n’épargne pas ceux qui se soumettent

«Il existe aussi des gens prêts à se soumettre dans le but d’avoir au moins la vie sauve. Comme le montrent la Seconde Guerre mondiale et tous les conflits ultérieurs, ces individus succombent eux-mêmes à la folie guerrière, non seule­ment en tant que victimes civiles de bombardements ou d’attaques de missiles ou d’artillerie, mais parce que des forces d’occupation sans scrupules les anéantissent pour des raisons politiques, racistes ou autres. Ou encore on les exécute en tant qu’otages pour venger des soldats ou des citoyens tués par des résistants. En effet, il y a dans chaque peuple des hommes qui préfèrent combattre plutôt que d’être asservis. En d’autres termes, renoncer à se défendre ne permet pas d’épargner la population d’un pays. Il n’y a qu’une solution, qui est d’ailleurs par­sfaitement morale: défendre la paix mais posséder une armée forte prête à se battre uniquement en cas d’attaque, mais alors avec une détermination inflexible.» (Frick, p. 119)

jeudi, 04 août 2011

Julien Freund et la dynamique des conflits

Julien Freund et la dynamique des conflits.jpg
 
Julien Freund et la dynamique des conflits
 
Caractéristiques :

Auteur :
DELANNOI GIL/HINTERM
Editeur : BERG INTERNATIONAL EDITIONS
Paru en : mars 2011
Présentation : 499 g - 15 cm * 23 cm
Collection : BERG INTERNATIO Code barre :9782917191361ISBN :
2917191368
 
Résumé
 
 
Julien Freund (1921-1993), auteur d’une oeuvre abondante au rayonnement international, s’est fait connaître par sa thèse de philosophie, préparée sous la direction de Raymond Aron et intitulée L’Essence du politique (1965). Il y tient le conflit pour l’une des données fondamentales de la vie sociale et politique. Comme pour d’autres universitaires très influents de leur vivant, la mort de Julien Freund a ouvert une période où la réception de son oeuvre est restée en suspens. C est à l’université de Strasbourg, qu’il avait suivie en tant qu’étudiant lorsqu’elle s’était repliée à Clermont Ferrand au début de la Seconde Guerre mondiale, qu’un premier colloque a été consacré à son oeuvre les 11 et 12 mars 2010. Ce colloque, résolument transversal, a réuni des philosophes, sociologues, politistes, anthropologues, juristes, linguistes, autour de la manière dont Julien Freund a renouvelé les recherches sur le conflit dans les sciences sociales contemporaines. Le présent ouvrage est le prolongement de ces perspectives croisées et de cette réflexion commune.
À partir de ses connaissances et de ses réflexions sur l’histoire, Julien Freund s’est beaucoup interrogé sur l’instabilité des sociétés contemporaines et notamment sur les multiples conflits qui les traversent et les opposent, donnant lieu à d’incessantes résurgences. Cette permanence des risques délétères que comportent les conflits le conduit à s’intéresser à toutes les ressources permettant de les stabiliser, de les désamorcer et d’en tirer parti. Cela le conduit à réaffirmer l’importance du politique et de sa vocation à assurer la sauvegarde collective. En même temps, Freund élabore une conception d’ensemble des processus conflictuels envisagés comme un continuum. À la suite de Georg Simmel, il relève les conditions propices à l’actualisation des potentialités socialisatrices des conflits et précise selon quelles modalités les conflits peuvent être source de transformations et de structurations sociales.
Les contributions ici réunies se proposent de montrer la fécondité de l’approche de Julien Freund pour analyser et comprendre les dynamiques conflictuelles contemporaines.