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mercredi, 23 juin 2010

Préférences de structures européennes: circuit, travail et réciprocité

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991

Préférences de structures européennes:

Circuit, travail et réciprocité

 

par Bernard NOTIN

 

Meunier2xxxccvv.jpgLe système économique dominant est actuelle­ment du type transnational: des groupes privés ont des stratégies mondiales. Ce type d'organi­sa­tion est renforcé depuis les années soixante par une conquête des esprits à travers les thèmes de propagande américains: culture de masse, droits de l'homme, etc…, et trouve un ap­pui au sein des bu­reaucraties publiques des Etats européens où se conjuguent sécurité de l'emploi et avantages de la richesse. Ce n'est toutefois qu'une modalité pos­sible d'organisation. Notre réflexion sur l'Em­pire suggère trois paradigmes alternatifs, dont l'ensemble forme système. Un paradigme politico-économique: le circuit euro­péen, moyen de puissance de l'Empire; un para­digme socio-économique: le travailleur, mobili­sateur de la tech­nique; un paradigme éthique: le service so­cial avec plus de réciprocité. Ces trois para­dig­mes favoriseraient l'émergence de structures eu­ro­péennes qui permettraient d'entretenir notre foyer de civilisation.

 

1 – Paradigme politico-économique

 

Le circuit européen a été abordé dans le numéro 45 de Nouvelle Ecole  consacré à l'économie. L'exis­tence d'une monnaie commune est l'hypo­thèse fondamentale, dont les chances de réali­sa­tion s'améliorent régulièrement. La monnaie per­met l'intégration des économies en éliminant les difficultés de changes et en don­nant naissan­ce à une masse financière d'un poids suffisant pour éliminer les effets de domi­nation du dollar. Les aménagements institu­tionnels ont leur im­por­tance. En particulier, le statut d'une banque centrale européenne condi­tionne l'indépendance des autorités monétaires par rapport aux autorités politiques. La fonction politique, dont nous de­vons aussi étudier les mo­dalités de repré­sen­ta­tion, se limite, dans le do­maine de l'économie, à favoriser l'émergence de l'innovation, et à éli­mi­ner les causes d'incertitudes par une infor­ma­tion de qualité. La constitution de banques de données est un en­jeu majeur en matière de cultu­re et d'information. L'idée générale est de li­mi­ter les conflits entre producteurs européens par une ac­tion communautaire en amont, sur l'in­dus­trie de l'information, mariage de l'infor­ma­tique, des télécommunications, de l'audiovisuel, de l'information de base dans ses dimensions mul­tiples dont les banques de données. L'allian­ce entre logique industrielle et fonde­ments cultu­rels est la question économique prin­cipale au ni­veau du politique.

 

Le paradigme politico-économique intègre aussi une perspective spatiale. L'activité des régions est à vivifier au prix de politiques reposant sur la notion de territoire. La logique territoriale repose sur la structure sociale existante, sur les liens créés par l'histoire et l'expérience entre des in­dividus et des agents vivant dans le même es­pace. Elle suppose d'offrir des opportunités par la décentralisation sur des thèmes aussi divers que la culture, les transports, la formation, et de fon­der une souveraineté régionale dans certains sec­teurs: ceux qui intéressent directement les ca­ractéristiques des acteurs du territoire (âge, com­position familiale, etc.), et ceux qui contribuent à l'amélioration des performances économiques. Les actions de soutien à la technologie sont pos­sibles pour favoriser des spécialisations. Reste à étudier les questions de financement, vaste sujet sur lequel les analyes de M. Allais (prix Nobel) à propos de l'impôt sur le capital nous paraissent la voie à suivre.

 

II – Paradigme socio-économique

 

Le changement technique est une des forces im­por­tantes qui donne forme aux directions que prend le système économique. Le cadre socio-ins­titutionnel influence toujours (et parfois faci­lite ou retarde) les processus de changements techniques et sociaux. Le changement de mé­tho­des de production est guidé par plusieurs forces. Il y a les connaissances générales (biens pu­blics); les contributions des autres firmes (con­cur­rentes ou coopérantes); le savoir-faire propre de la firme. La progression technologique est cu­mulative: à chaque étape s'ajoute des con­nais­san­ces nouvelles, et d'autres sont retirées. An­ciennes et nouvelles techniques s'insèrent par­fois dans un dispositif original. En sorte que les technologies comprennent une partie spéci­fique (issue de l'expérience et de l'apprentissage) et une partie générale (acquise à l'extérieur de la fir­me).

 

Un axe de réflexion lié à la pratique française est la distinction, dans le domaine de la technique, en­tre le Noble et le Vil. La technique est noble en ce qu'elle renvoie à l'univers de la connaissance pure et désintéressée et de l'art. Cette pratique é­lè­ve l'homme au dessus du règne de la néces­sité. Cette distinction Noble/Vil a des effets sur le nom­bre et le statut des métiers. La valorisation de la compétence, quelle qu'elle soit, assure une pla­ce de l'homme technicien dans l'entreprise et dans un groupe plus large, celui de ses sem­bla­bles, dans la notion de métier. Le vil apparaît com­me ce qui doit être minimisé dans la préoc­cupation technicienne.

 

Le second axe du paradigme socio-économique est la dialectique entre l'utilitaire immédiat et l'inutile. La théorie est souvent inutile à court ter­me, mais innerve, de façon indirecte, l'en­sem­ble des réalisations techniques. L'articu­la­tion entre ces deux données est essen­tielle. Nous avons à apprendre des pratiques al­lemande ou japonaise. La connaissance théo­rique y est sou­mi­se à la pratique dans toute orga­nisation: les per­sonnes démarrent au plus bas de l'échelle a­fin de comprendre ce que chacun fait. Alors, el­les peuvent monter en responsabilité.

 

Le paradigme socio-économique demande beau­coup de formation. En amont, le système éducatif doit préparer toujours plus de généralistes éclai­rés et cultivés, terreau indispensable à une in­dustrie qui doit se nourrir d'intelligence perma­nente. Une formation régulière pour tout le per­sonnel des organisations est à généraliser.

 

III – Paradigme éthique:

le service social

 

L'éthique est spécifique, non autonome. Ce n'est pas une activité pour elle-même. Elle se greffe sur toutes les autres actions. L'éthique consiste en la manière dont nous utilisons les moyens des autres activités avec la volonté d'atteindre leur fin propre. C'est selon la manière négligée ou ri­goureuse dont le chercheur scientifique accom­plit son travail qu'il agira moralement ou non. Il en va ainsi pour l'entrepreneur, le pédagogue, l'homme politique, etc.

 

Nous proposons de définir le service social com­me la recherche de l'optimum social, c'est-à-dire l'engagement en direction du meilleur état du monde possible pour l'Europe, à partir de main­tenant.

 

Le service social suppose une compréhension d'ensemble de la question européenne et la sélec­tion de principes qui guident l'action. L'iden­ti­fi­ca­tion des grands champs de force qui rendent in­terdépendantes les différentes facettes de notre continent est obtenue par la notion de pouvoir, ou de puissance. Dans cette perspective, l'éthique du service social s'exerce dans quatre grands champs de force:

 

– Puissance politique: recherche de la cohésion in­terne à l'Europe.

– Puissance administrative: rendre cette cohé­ren­ce effective.

– Puissance économique: produire le maximum de richesses.

– Puissance des groupes d'intérêts: animer la vie collective.

 

Les interrelations entre ces quatre champs sont multiples, et il faut chercher, pour chaque pro­blème, la meilleure action en terme de finalité et d'applicabilité. Nous pouvons considérer l'ac­tion comme un art: celui de trouver à chaque épo­que et en chaque lieu, la meilleure harmonie en­tre ces quatre champs. En économie par exemple, la question soulevée par Serge-Christophe Kolm est à méditer: comment réduire la part du mar­ché (échanges) et du plan (transferts forcés), au pro­fit de plus de réciprocité (dons).

 

Bernard NOTIN.

(résumé d'une intervention à l'Université d'été du GRECE, août 1991).

 

mardi, 22 juin 2010

Torheiten

Mourning_Athena.jpgTorheiten

Ex: http://rezistant.blogspot.com/
Die persönlichen Interessenverflechtungen sind in einer durchentwickelten Volksgemeinschaft derartig vielgestaltig und wegen des Spezialistentums so unlösbar, dass es weder zu einer erhöhten Freiheit noch zu einer wirklichen Brüderlichkeit und vor allem niemals zu einer echten Gleichheit kommen kann. In jedem einzelnen der unzähligen Fachgebiete muss es stets Zuständigkeiten, Befehlsbefugnisse, Verantwortlichkeiten, Kritikverbote und Gehorsamsverpflichtungen geben. Das ganze komplizierte Gebäude der Zusammenarbeit würde sehr schnell auseinander brechen, wenn jedermann in jeder Sache über seine spezielle Berufung hinaus ein Mitbestimmungsrecht ausüben würde, und sei es auch nur in personellen Fragen.

In der Politik kann es sich nicht anders verhalten, und infolgedessen pflegen politische Diskussionen in einer Demokratie unfachlich und praktisch unfruchtbar zu sein. Sie bedeuten eine ungeheuerliche Kraft- und Zeitvergeudung, wie es immer der Fall ist, wenn sich Laien in fachliche Dinge einmischen - noch dazu ohne für ihre Torheiten zur Verantwortung gezogen werden zu können - oder wenn Staatsführungen ihre Massnahmen auf ein laienhaftes Verständnis abstimmen müssen.

Hans Domizlaff, Die Seele des Staates. - Die Geburtsfehler der Demokratie. Privatdruck, Hamburg 1957.

dimanche, 20 juin 2010

Learning from the Left: Douglas Hyde's "Dedication & Leadership"

Learning from the Left:
Douglas Hyde’s Dedication & Leadership

White Nationalism is at present confined largely to the political right, i.e., the people who have been on a losing streak since Stalingrad. European rightists do, of course, have much practical wisdom to impart, even if they failed in the end.

But American rightists have not even managed to learn what they can from the losers, much less take an interest in learning from the winners: the left, which has now established ideological hegemony up and down the political spectrum, defining the Limbaughs and libertarians of the “respectable” (viz., ineffectual) opposition as surely as the liberals they huff and puff about.

For those rightists who want to learn from the winners, Douglas Hyde’s Dedication and Leadership (South Bend, Ind.: University of Notre Dame Press, 1966) is a good place to begin. Hyde was a 20 year veteran of Communist activism, serving as news editor of the Communist London Daily Worker, until 1948, when he resigned, renounced Communism, and announced his conversion to Catholicism.

Although Hyde rejected the ideals and aims of Communism, he thought that the party’s highly effective organizational techniques should be emulated by those who wish to change the world for the better. Dedication and Leadership is a 150-page distillation of his experiences and insights.

Communism has killed more than 100 million people world-wide and is still racking up victims. Thus it is hard to think of Communism as anything but evil. But even evil is an accomplishment, and prodigious evil is a prodigious accomplishment.

How did tiny minorities of Communists accomplish so much? Because they worked harder and smarter than their opponents. They were particularly effective in mobilizing important moral qualities: idealism, dedication, and self-sacrifice. (One tends to feel licensed to kill for causes that one is willing to die for oneself.)

The fact that these moral qualities were bent toward evil ends does not make them any less praiseworthy.

How does one find and mobilize idealism, dedication, and sacrifice? Hyde advises the following.

First, recruit people who are already idealistic.

Young people tend to be idealistic, so special efforts should be focused on recruiting them.

Second, if you want to get a lot from people, demand a lot from them.

Communists inspired tremendous efforts simply because they asked for them. Communists were taught not to ask what they party can do for them, but what they can do for the party. The Marine Corps has no shortage of recruits for the same reason: their recruitment propaganda emphasizes sacrifice and discipline, not the perks of membership.

I was particularly impressed by one example of the dedication and self-sacrifice that was routine in Communist circles. Hyde and his fellow party employees took 8/14 of their income—more than 50%—and tithed it back to the party. They did this every payday, not just on special occasions.

How many White Nationalists are willing to tithe any percentage of their income to the cause they claim is sacred to them?

There are legions of professional Jews and Blacks. But there are fewer than ten full-time White Nationalists in the entire United States, and most of them make so little from the cause that it would be inconceivable that they could tithe anything back to it. Poverty is their sacrifice.

It is not that money is lacking. There are individual White Nationalists whose wealth runs not just into tens, but hundreds of millions of dollars. Something else is lacking: the qualities of character that give rise to real, effective idealism, dedication, and sacrifice.

The truth is on our side. But truth is not enough to win if it remains locked in our hearts and heads, without consequences in the real world. When the first White Nationalist pledges 8/14 of his income to securing the existence of our people and a future for White children, I’ll believe that we will win.

But beyond asking for 8/14 of an employee’s income, Communism asked for 100% of each member, body and soul. And they got it.

Yes, demanding heroic dedication did make some hesitate before joining the party, but when they did, they were prepared to give their all. It also kept out lukewarm sympathizers and fellow travelers. But the party still had ways of utilizing the talents and resources of those who were unready or unable to take the plunge.  

Third, aim high.

If one is going to ask for everything, one has to have a good reason. The Communists asked everything of their activists because they had a world to win. Grandiose aims are only a problem if there is nothing concrete one can do in the here and now to realize them. But if one can forge that link, then even the humblest drudgery suddenly takes on a deeper and higher meaning.

I once asked an audience at a meeting on White community organizing why they were there. There were many answers: meeting new people, networking, seeing old friends, even learning about White community organizing. All of these were good enough reasons to get people there.

But then I offered a better reason: to save the world. Make no mistake, White nationalists are not just struggling to save the White race, since the welfare of the whole world depends upon our triumph. If we perish, the other races will breed recklessly and despoil the planet unchecked, and the one place in the universe where we know there is life will end up nothing but a burnt out cinder in the vastness of space.

So the next time you attend a White Nationalist gathering, remind yourself that you are saving the world. It will make the commute a little easier, parking less of a hassle.

The Communists realized that demanding heroic dedication to a higher cause does not drain people but energizes them. It does not hollow out their personalities but deepens them. Those who live for themselves alone have less meaningful lives than those who dedicate themselves to a higher cause.

Fourth, be the best.

The Communists taught that there is no contradiction between being a good Communist and being good in every other area of one’s life. The same should be true of White Nationalists. If you are going to be a good White Nationalist, you also have to be a good student, worker, employer, artist, spouse, parent, and neighbor.

One is a more credible and effective advocate for White Nationalism if one is well-regarded in other areas of one’s life. The Communists found that personal relationships with exemplary individuals were more important than ideology in recruiting new people to the cause.

Also, if one finds that one’s political commitments are interfering with excellence in other areas of one’s life, then one needs to scale back and regain balance. This prevents activists from burning out and keeps them in the fight.

Fifth, activism is essential.

Most individuals who joined the Communist party were immediately required to engage in some form of public activism. (A few with important social connections were trained as Communist secret agents.)

Public activism came before ideological instruction. By acting publicly as a Communist, one makes one’s commitment open and irreversible. By acting before one receives ideological instruction, one learns in a very personal and sometimes painful fashion the necessity of such instruction. Such activism also helps one weed out people who lack moral and physical courage before anything is invested in indoctrinating them.

Activism has a twofold purpose: to change the world and to change the activists. Since the party must act until the world changes, it must be organized for perpetual activism. Campaigns should be designed to (a) demonstrate that the party cares about its constituency, (b) to heighten the conflicts between the system and the party’s constituency, and (c) by building character, skills, and camaraderie among activists.

Hyde illustrates these and many other points with vivid anecdotes. His discussion of Communist cadre indoctrination techniques deserves an article of its own. I have not read many books that pack as much food for thought into so few pages.

Some White Nationalists might find Dedication and Leadership a depressing read, since it highlights the truly primitive, pathetic, unserious nature of the movement today. But that is the wrong way to look at it.

One does not need to read Douglas Hyde to see that White Nationalism in America today is full of kooks, losers, and dilettantes. One needs Hyde and authors like him if one is serious about creating a movement that can win.

The Occidental Observer, June 8, 2010

samedi, 19 juin 2010

Minorités et peuples autochtones

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1996

Minorités et peuples autochtones

N. Rouland, S. Pierre-Caps et J. Poumarède sont les auteurs d'un remarquable Droit des minorités et des peuples autochtones  aux PUF. Citons un passage de l'introduction: «Aujourd'hui, les droits de l'Homme font figure de nouvel universalisme: certains droits se retrouvent en tout homme, ce qui fonde partout l'obligation des Etats à les respecter et permettre leur épanouissement. Cette auto-limitation de la puissance souveraine caractériserait particulièrement les Etats de droit. Nourrie par la tradition française, cette aspiration se heurte à plusieurs obstacles. Tout d'abord le constat d'une autre universalité: celle du mal que l'homme peut infliger à ses semblables. Longtemps on voulut tout expliquer par la démesure de l'Occident et les méfaits du colonialisme. Mais en notre siècle, nous savons depuis les génocides du Cambodge et du Rwanda que l'horreur (au Rwanda, on crucifia des enfants) est possible partout, en dépit des religions et philosophies basées sur l'amour du prochain (le Rwanda est majoritairement chrétien) et la compassion (le Cambodge est bouddhiste). Ensuite, cette idéologie universaliste n'est pas universelle. Passe encore que dictatures et régimes autoritaires invoquent la différence “culturelle” pour tenir à distance les droits de leurs peuples: cette fausse monnaie intellectuelle pèse peu de poids. Mais il y a plus sérieux. Comme l'écrit C. Lévi-Strauss: “Les grandes déclarations des droits de l'homme ont, elles aussi, cette force et cette faiblesse d'annoncer un idéal trop souvent oublieux du fait que l'homme ne réalise pas sa nature dans une humanité abstraite, mais dans des cultures traditionnelles où les changements les plus révolutionnaires laissent subsister des pans entiers et s'expliquent eux-mêmes en fonction d'une situation strictement définie dans le temps et l'espace”. L'unité de l'homme, en laquelle croira volontiers tout anthropologue, s'il est fidèle à la qualification de sa discipline (anthropologie signifie discours sur l'Homme dans sa généralité), ne peut apparaître qu'au prix d'une navigation difficile entre deux écueils. Celui de l'uniformité: reconnaître que tous les hommes sont égaux ne postule pas qu'ils soient partout identiques; l'assimilation peut provoquer les fermetures identitaires qu'elle cherche à éviter (nous verrons que l'Etat-nation est une matrice de minorités). Celui de l'hétérogénéité: l'autonomie reconnue aux spécificités culturelles ne peut-être que relative, surtout dans un monde vibrant des flux migratoires. Exacerbée, elle conduit aux conflits, et réintroduit l'inégalité et l'oppression sous le masque du droit à la différence. Le monde n'est pas devenu le village global cher à Mac Luhan. A sa place apparaît un archipel planétaire: qui veut y naviguer doit en suivre les détroits. Le présent ouvrage convie à ce voyage».

 

Pierre MONTHÉLIE.

 

N. ROULAND, S. PIERRÉ-CAPS, J. POUMAREDE, Droit des minorités et des peuples autochtones, PUF, 1996, 584 p., 198 FF.

 

dimanche, 13 juin 2010

Georges Sorel

Georges Sorel

Ex: http://www.oswaldmosley.com/

sorel1.jpgGeorges Sorel was born in Normandy in 1847 and, after receiving a private education there, attended the Ecole Polytechnique, where he distinguished himself in mathematics. He entered the civil service as an engineer and retired after the requisite twenty-five years, then promptly took up writing, and through innumerable books, established his place as a major social critic. The most famous and most extreme advocate of syndicalism, Georges Sorel's passion for revolutionary activity in place of rational discourse made him most influential in shaping the direction of fascism, especially in Mussolini's Italy.

Georges Sorel stated his theory of "social myths" most clearly in a letter to Daniel Halevy in 1907. .....Men who are participating in a great social movement always picture their coming action as a battle in which their cause is certain to triumph. These constructions, knowledge of which is so important for historians, I propose to call myths; the syndicalist "general strike" and Marx's catastrophic revolution are such myths. As remarkable examples of such myths, I have given those which were constructed by primitive Christianity, by the Reformation, by the Revolution and by the followers of Mazzini. I now wish to show that we should not attempt to analyze such groups of images in the way that we analyze a thing into its elements, but that they must be taken as a whole, as historical forces, and that we should be especially careful not to make any comparison between accomplished fact and the picture people had formed for themselves before action.

I could have given one more example which is perhaps still more striking: Catholics have never been discouraged even in the hardest trials, because they have always pictured the history of the Church as a series of battles between Satan and the hierarchy supported by Christ; every new difficulty which arises is only an episode in a war which must finally end in the victory of Catholicism.

In employing the term myth I believed that I had made a happy choice, because I thus put myself in a position to refuse any discussion whatever with the people who wish to submit the idea of a general strike to a detailed criticism, and who accumulate objections against its practical possibility. It appears, on the contrary, that I had made a most unfortunate choice, for while some told me that myths were only suitable to a primitive state of society, others imagined that I thought the modern world might be moved by illusions analogous in nature to those which Renan thought might usefully replace religion. But there has been a worse misunderstanding than this even, for it has been asserted that my theory of myths was only a kind of lawyer's plea, a falsification of the real opinions of the revolutionaries, the sophistry of an intellectual.

If this were true, I should not have been exactly fortunate, for I have always tried to escape the influence of that intellectual philosophy, which seems to me a great hindrance to the historian who allows himself to be dominated by it.

In can understand the fear that this myth of the general strike inspires in many worthy progressives, on account of its character of infinity, the world of today is very much inclined to return to the opinions of the ancients and to subordinate ethics to the smooth working of public affairs, which results in a definition of virtue as the golden mean; as long as socialism remains a doctrine expressed only in words, it is very easy to deflect it towards this doctrine of the golden mean; but this transformation is manifestly impossible when the myth of the "general strike" is introduced, as this implies an absolute revolution. You know as well as I do that all that is best in the modern mind is derived from this "torment of the infinite"; you are not one of those people who look upon the tricks by means of which readers can be deceived by words, as happy discoveries. That is why you will not condemn me for having attached great worth to a myth which gives to socialism such high moral value and such great sincerity. It is because the theory of myths tends to produce such fine results that so many seek to refute it....

As long as there are no myths accepted by the masses, one may go on talking of revolts indefinitely, without ever provoking any revolutionary movement; this is what gives such importance to the general strike and renders it so odious to socialists who are afraid of a revolution....

The revolutionary myths which exist at the present time are almost free from any such mixture; by means of them it is possible to understand the activity, the feelings and the ideas of the masses preparing themselves to enter on a decisive struggle: the myths are not descriptions of things, but expressions of a determination to act. A Utopia is...and intellectual product; it is the work of theorists who, after observing and discussing the known facts, seek to establish a model to which they can compare existing society in order to estimate the amount of good and evil it contains. It is a combination of imaginary institutions having sufficient analogies to real institutions for the jurist to be able to reason about them; it is a construction which can be taken to pieces, and certain parts of it have been shaped in such a way that they can...be fitted into approaching legislation. While contemporary myths lead men to prepare themselves for a combat which will destroy the existing state of things, the effect of Utopias has always been to direct men's minds towards reforms which can be brought about by patching up the existing system; it is not surprising, then, that so many makers of Utopias were able to develop into able statesmen when they had acquired a greater experience of political life.

A myth cannot be refuted, since it is, at bottom, identical with the conviction of a group, being the expression of these convictions in the language of movement; and it is, in consequence, unanalyzable into parts which could be placed on the plane of historical descriptions. A Utopia, on the other hand, can be discussed like any other social constitution; the spontaneous movements it presupposes can be compared with the movements actually observed in the course of history, and we can in this way evaluate its verisimilitude; it is possible to refute Utopias by showing that the economic system on which they have been made to rest is incompatible with the necessary conditions of modern production.

For a long time Socialism was scarcely anything but a Utopia; the Marxists were right in claiming for their master the honor of bringing about a change in this state of things; Socialism has now become the preparation of the masses employed in great industries for the suppression of the State and property; and it is no longer necessary, therefore, to discuss how men must organize themselves in order to enjoy future happiness; everything is reduced to the revolutionary apprenticeship of the proletariat. Unfortunately Marx was not acquainted with facts which have now become familiar to us; we know better than he did what strikes are, because we have been able to observe economic conflict of considerable extent and duration; the myth of the "general strike" has become popular, and is now firmly established in the minds of the workers; we possess ideas about violence that it would have been difficult for him to have formed; we can then complete his doctrine, instead of making commentaries on his text, as his unfortunate disciples have done for so long.

In this way Utopias tend to disappear completely from Socialism; Socialism has no longer any need to concern itself with the organization of industry since capitalism does that....

People who are living in this world of "myths," are secure from all refutation; this has led many to assert that Socialism is a kind of religion. For a long time people have been struck by the fact that religious convictions are unaffected by criticism, and from that they have concluded that everything which claims to be beyond science must be a religion. It has been observed also that Christianity tends at the present day to be less a system of dogmas than a Christian life, i.e., moral reform penetrating to the roots of one's being; consequently, new analogy has been discovered between religion and the revolutionary Socialism which aims at the apprenticeship, preparation, and even reconstruction of the individual -- a gigantic task....

...by the side of Utopias there have always been myths capable of urging on the workers to revolt. For a long time these myths were founded on the legends of the Revolution, and they preserved all their value as long as these legends remained unshaken. Today the confidence of the Socialists is greater than ever since the myth of the general strike dominates all the truly working-class movement. No failure proves anything against Socialism since the latter has become a work of preparation (for revolution); if they are checked, it merely proves that the apprenticeship has been insufficient; they must set to work again with more courage, persistence, and confidence than before; their experience of labor has taught workmen that it is by means of patient apprenticeship that a man may become a true comrade, and it is also the only way of becoming a true revolutionary. (July 15, 1907)

G. Sorel: Electoral Democracy and Stock Exchange

sorelrv.jpgGeorges Sorel: Electoral Democracy and Stock Exchange

"Electoral democracy greatly resembles the world of the Stock Exchange; in both cases, it is necessary to work upon the simplicity of the masses, to buy the cooperation of the most important papers, and to assist chance by an infinity of trickery; there is not a great deal of difference between a financier who puts grand-sounding concerns on the market, which come to grief in a few years, and the politician who promises his fellow citizens an infinite number of reforms, which he does not know how to bring about and which resolve themselves simply into an accumulation of parliamentary papers. Neither one nor the other knows anything about production and yet they manage to obtain control over it, to misdirect it and to exploit it shamelessly: they are dazzled by the marvels of modern industry and they each imagine that the world is so rich that they can rob it on a large scale without causing any great outcry amongst the producers; to bleed the taxpayer
without bringing him to the point of revolt, that is the whole art of the statesman and the great financier. Democrats and businessmen have a very special science for the purpose of making deliberative assemblies approve of their swindling; parliamentary regimes are as fixed as shareholders' meetings. It is probably because of the profound psychological affinities resulting from these methods of operation that they both understand each other so perfectly: democracy is the paradise of which unscrupulous financiers dream."

(Reflections on Violence, Cambridge, Cambridge University Press, 1999, pp. 221-222.)

samedi, 12 juin 2010

Nations et nationalismes (E. Hobsbawm)

Ex: http://www.scriptoblog.com/

Nations et nationalismes (E. Hobsbawm)

« Nations et nationalisme » est un recueil de conférences prononcées par l’historien Eric Hobsbawm en 1985.

Hobsbawm_Eric.jpgPour Hobsbawm, la nation est un mystère. Tant qu’on ne nous demande pas ce que c’est, nous le savons. Dès qu’on nous le demande, ça devient beaucoup moins évident. Aucune définition de « la nation » n’est valable pour toutes les nations et à toutes les époques – et certaines nations n’ont même pas de définition spécifique à un instant « T » : elles existent, mais personne n’arrive à dire ce qu’elles sont. En fait, le seul moyen de vérifier qu’une nation existe, c’est de s’assurer qu’il existe des gens, assez nombreux, qui estiment lui appartenir.

Le nationalisme paraît plus clair à Eric Hobsbawm. C’est une doctrine qui exige, en substance, que l’unité politique et l’unité nationale se recouvrent. En ce sens, la nation est, à ses yeux, indissociable au fond de l’Etat-nation (soit comme réalité, soit comme revendication). De fait, une nation se reconnaît au fait que des gens estiment lui appartenir et veulent défendre (ou instituer) un Etat qui la recouvre. Donc, pour dire les choses simplement, aux yeux d’Eric Hobsbawm, le nationalisme crée la nation – et non l’inverse. Et donc, puisque le nationalisme est un produit de la modernité, la nation (au sens où nous l’entendons aujourd’hui) est une notion moderne.

 

*

Cette définition de la nation s’est constituée progressivement, par un glissement sémantique étalé sur plusieurs siècles. La nation est, au départ, formée par les gens issue de la même lignée. C’est une manière de classer les gens racialement – par un ancêtre commun, ou un groupe d’ancêtres communs. Le concept est moins éloigné qu’on pourrait le croire de celui de patrie : pendant longtemps, être né à un endroit impliquait presque systématiquement qu’on descendait de gens eux-mêmes nés à cet endroit. Au début du XVIII° siècle encore, la nation désigne, dans la plupart des pays européens, une « petite patrie » dont on est issu par le lieu de naissance et, généralement, par le sang.

Au cours du XVIII° et surtout du XIX° siècle, progressivement, la nation émerge dans un sens nouveau : elle est une collectivité unifiée par l’Etat. Ce sens nouveau relègue  l’ancien signifié « nation » au signifiant « province ». Il y a déplacement du contenu des mots : le terme « nation » est en quelque sorte capturé par l’Etat, ce qui impose que, pour décrire l’ancien concept, on déplace insensiblement le périmètre d’un autre concept, « province », afin de lui donner un sens légèrement modifié. Amorcé sous la Révolution Française (très ambiguë sur la question nationale), ce jeu de translations conceptuelles est généralisé à l’Europe par les révolutions de 1830. La nation devient l’ensemble des membres d’une même nationalité, qui sont supposés désirer être dirigés par une partie d’eux-mêmes (Stuart Mill). Une assimilation non dite se constitue entre Etat, nation, peuple, et Peuple Souverain.

Dans une très large mesure, comme le montre Hobsbawm, il s’agit là d’une ruse conceptuelle : on permet, en créant un champ sémantique peu ou mal balisé, l’enclenchement d’un processus flou, un peu comme une mécanique dont les pièces s’ajustent les unes aux autres grâce au jeu excessif qu’on a toléré initialement, et qu’on réduit ensuite peu à peu. En France, par exemple, la « nation » des révolutionnaires est d’abord un concept purement politique (le Peuple Souverain, incarné dans l’Assemblée Législative), qui se teinte très vite d’une forme d’ethnicisme non racial, car fondamentalement linguistique (est français qui parle français et reconnaît le pouvoir de la Convention). Il y a donc une assimilation implicite entre nationalité (linguistique) et souveraineté populaire, assimilation dont le propos réel est de cautionner l’Etat, figure centrale du triptyque.

Le XIX° siècle est consacré en Europe à la généralisation de cette formule de pensée (en Allemagne, de 1813 à 1871 ; en Italie, de 1848 à 1865 ; en Autriche-Hongrie, en 1867, en Pologne, à partir de 1830). Cette généralisation recouvre toujours à peu près, au fond, les mêmes mécanismes profonds : le principe national s’impose parce qu’il permet à la bourgeoisie (alors nationale) de stabiliser le mouvement révolutionnaire (la nation détruit ou transforme le royaume, donc l’aristocratie, tout en interdisant la prolongation du mouvement jusqu’à la révolution prolétarienne). Sous cet angle, la nation du « nationalisme bourgeois » est un leurre (en lisant Hobsbawm, ici, on pense inévitablement au chef d’œuvre de Visconti, « Le guépard »).

Concrètement, au XIX° siècle, apparaît ainsi peu à peu, par un mélange de flou savamment entretenu dans le champ politique et de précision solide sur les catégories de l’économie, une certaine idée de la nation : un territoire d’une taille et d’une population suffisante pour constituer un marché adapté aux besoins du capitalisme de l’époque, doté d’une élite appuyée sur une tradition sérieuse (idéologie bourgeoise XIX° siècle du mérite), capable de se défendre militairement (voire de pratiquer l’impérialisme), et pourvue d’une homogénéité facilitant l’unification (langue en général). La « nation » au sens contemporain était née, issue du nationalisme bourgeois. Elle était, fondamentalement, pensée comme une étape vers l’unification mondiale sous la domination incontestée de la classe maîtresse du capital : la bourgeoisie.

*

Fondamentalement, donc, pour Hobsbawm, le nationalisme est une création bourgeoise. Mais, ajoute-t-il, cette création a été récupérée, détournée, assimilée en partie par les peuples.

Le leurre bourgeois valait aussi concession à la réalité vécue par les peuples. Il a correspondu aux intérêts des bourgeoisies nationales, mais limitait potentiellement les capacités du Marché à structurer, à travers  le capitalisme international, l’embryon d’une globalisation. Sous l’angle de l’analyse marxiste, la nation est donc le lieu d’une dialectique : leurre manipulé par les bourgeoisies nationales, elle est aussi un frein à l’émergence de la bourgeoisie transnationale. Grâce au nationalisme, la bourgeoisie nationale fabrique l’Etat dont elle a besoin ; mais comme cet Etat repose sur la notion de Peuple Souverain, il définit une volonté potentiellement rivale de celle constituée par l’alliance transnationale des bourgeoisies : unificatrice des marchés nationaux, l’idée nationale est potentiellement un frein au libre-échange promu par l’Empire Britannique. Du point de vue des économistes libéraux du XIX° siècle, la nation est un pis-aller en attendant l’économie mondiale intégrée – mais du point de vue des peuples, c’est aussi, potentiellement, un lieu de souveraineté. Cette communauté imaginée par la bourgeoisie peut donc, progressivement, être réinvestie par la vie réelle des peuples.

Comment ce réinvestissement se produit-il ? Comment la bourgeoisie gère-t-elle cette situation complexe, au fil de son histoire, jusqu’au milieu du XX° siècle ?

Pendant longtemps, le « nationalisme » a été pour les peuples, pour les nations (au sens ancien du terme), une idéologie impensable. Il repose sur la dimension quasi-mythique d’une langue unitaire qui, bien souvent, est le résultat d’une homogénéisation imposée. On a ainsi calculé qu’en 1860, seulement un Italien sur quarante utilisait l’Italien « pur », aujourd’hui celui qu’on écrit, comme langue d’usage quotidien. En 1789, un Français sur deux ne parlait pas le Français d’Île de France, et seulement un sur huit le parlait correctement.

En outre, le nationalisme suppose un niveau d’abstraction tout à fait incompatible avec  le vécu de populations fondamentalement paysannes. Hobsbawm s’attarde ici longuement sur les étymologies et documents historiques. Son observation la plus frappante : encore aujourd’hui, être russe, c’est être « russki », de « Rus », la patrie issue de la tradition médiévale « de toutes les Russies » (au pluriel) – le terme pour « la » Russie, « Rossyia », est un néologisme créé par les Tsars moscovites. Ainsi, pour un Russe, encore aujourd’hui, son pays est « Rossya » (« la » Russie) parce qu’étant « russki », il se rattache à sa « Rus » (« une » Russie, orthodoxe avant tout).

Pour les peuples, ce qui est réel, ce n’est donc pas la nation du nationalisme : ce sont des petites nations (provinces), reliées par l’appartenance à un même « monde mental » (la religion). C’est pourquoi, remarque Hobsbawm au passage, la « Sainte Russie » ne définit pas une « nation » au sens que ce terme a pris en Occident (elle n’est définie ni par la langue, ni par le Peuple Souverain, mais par l’inscription des terroirs dans un monde mental partagé). On en trouve une version fort différente, mais finalement tout aussi éloignée de la conception contemporaine de la « nation », dans le cas très particulier de la Suisse : unie ni par la langue, ni par l’ethnie, la Suisse l’est par un contrat reliant des cantons, le niveau d’homogénéisation restant très local. Dans les deux cas, l’architecture générale renvoie à une conception de la communauté charnelle très restreinte, encadrée par un « monde mental », ou par un « monde contractuel » supérieur, mais qui ne prétend pas traduire une réalité charnelle quotidienne.

Cette ancienne conception des très grands ensembles fédérateurs (assez proche au fond de celle du Royaume de France), antérieure au nationalisme, a été en Occident balayée avec la chute des monarchies de droit divin (en France, en 1789). Le nationalisme, idéologie bourgeoise (cf. ci-dessus) a permis de recycler une partie de cette mystique dans un cadre favorable à la domination bourgeoise. Mais ce recyclage implique qu’à l’intérieur de l’idéologie bourgeoise, des éléments fondamentalement extérieurs au monde bourgeois ont été importés.

D’où une situation fondamentalement chaotique, religion, communautarisme local et autres vecteurs d’identification collective venant constamment interagir avec la conception héritée du nationalisme bourgeois, pour la nourrir et, en même temps, la parasiter. Concrètement, la nation est certes  aujourd’hui structurée par la conscience partagée d’avoir appartenu à une entité politique durable ; mais cette conscience elle-même est éclatée entre divers niveaux, qui coexistent anarchiquement. En pratique, donc, l’organisation du monde bourgeois par l’échelon national est structurellement instable.

Cette instabilité implique que le contenu de l’idée nationale est constamment renégociable. Donc, il est susceptible, suivant les moments de l’Histoire, d’être investi soit par les bourgeoisies, soit par leurs adversaires. Le nationalisme, en ce sens, n’est pas un acteur de l’Histoire, mais un enjeu, un lieu où s’affrontent les véritables acteurs. Hobsbawm, ici, souligne que la « Nation » révolutionnaire de 1790-1793, en France, a constitué un cas d’école : à la fois inscription de tous les Français dans le cadre conceptuel produit par la bourgeoisie nationale, elle a, aussi, impliqué que ce cadre était théoriquement co-construit par tous les citoyens. En réalité, derrière la définition de la nation, se cache donc le combat pour la définition de sa définition. Le combat visible oppose les centralistes aux partisans de l’ancienne conception. Mais sous ce combat, un autre combat oppose, au sein des centralistes, ceux qui veulent la nation comme outil de la domination bourgeoise et ceux qui la veulent comme instrument d’encadrement et de dépassement de cette même domination.

Combat gagné par la bourgeoisie (Thermidor). Pour Hobsbawm, la démocratie bourgeoise a été au XIX° siècle et au début du XX°, fondamentalement, le cadre construit par la bourgeoisie pour rester maîtresse du nationalisme. Il s’agissait d’ouvrir au débat un espace clos, afin de le laisser s’épancher tout en le gardant sous contrôle. Ainsi, le patriotisme, potentiellement une force révolutionnaire, devint l’instrument d’une conception réactionnaire de la nation en devenir – d’où le chauvinisme, idéologie qui devait aider au déclenchement de la Première Guerre Mondiale, et son expression extrême, le racisme d’Etat.

En conclusion et pour résumer : aux yeux d’Hobsbawm, le patriotisme n’est pas, en soi, une idéologie bourgeoise. C’est une idéologie captée par la bourgeoisie – à travers les nationalismes d’Etat. Le caractère réactionnaire de l’idée de nation ne tient pas à la substance de cette idée (en elle-même assez évanescente), mais à la capacité que développa la bourgeoisie d’instrumentaliser le concept, et d’en maîtriser habilement l’investissement émotionnel collectif. D’où, exemple paroxystique souligné par Hobsbawm, la coexistence, dans les nationalismes des années 30, de fascisme, d’antifascisme, de droite et de gauche – comme si, à tout moment, dès qu’une tendance politique desserre son étreinte sur le manche du drapeau, la tendance opposée voulait s’en saisir.

*

Et maintenant ?

Hobsbawm commence, pour analyser la situation présente, par démolir méthodiquement le discours sur le déclin des nationalismes. En réalité, fait-il observer, avec l’explosion de la Yougoslavie et de l’URSS, le nombre d’entités souveraines se réclament plus ou moins ouvertement du principe des nationalités n’a cessé d’augmenter. Inversement, le monde musulman semble travaillé par une remise en cause des nationalismes arabes. Le mouvement n’est donc nullement homogène, et le principe des nationalités, fort ici, est affaibli là. Il n’y a ni déclin, ni expansion du nationalisme : il y a mutation.

C’est que le nationalisme est devenu, pour l’essentiel, une expression de défense face à la globalisation – alors qu’il avait été, par le passé, une offensive contre les structures locales. C’est donc toujours une force agie, mais au lieu de l’être par des bourgeoisies nationales qui veulent un marché national, elle l’est tantôt par une bourgeoisie transnationale qui veut détruire les Etats-nations (désormais dépassés) en soutenant des micro-nationalismes, tantôt par des opposants à la bourgeoisie transnationales, qui veulent eux préserver ces Etats, contre un gouvernement mondial latent.

L’ambiguïté du nationalisme, agi plus qu’acteur, s’est maintenue, mais elle le positionne sur un nouveau front, selon de nouveaux clivages. C’est pourquoi le nationalisme est de plus en plus difficile à penser comme il le fut jadis : la brique de base de l’internationalisme. Ce n’est plus une étape vers l’unification, c’est un frein à l’étape ultérieure. Investi par des revendications identitaires traduisant souvent une véritable panique face à un monde devenu totalement indéchiffrable, le nationalisme est devenu une idéologie défensive : telle est la thèse d’Eric Hobsbawm.

De toute évidence, c’est la thèse d’un adversaire des nationalismes – Hobsbawm voit en eux une fausse idée, simple leurre des véritables forces agissantes.

Mais c’est aussi, pour les nationalistes, la thèse d’un adversaire intelligent, qu’il faut lire et comprendre.

vendredi, 11 juin 2010

Par-delà droite et gauche (A. Imatz)

Par-delà droite et gauche (A. Imatz)

Récemment, quelques scriptoboys assistaient, en un lieu parisien bien connu, à une conférence sur Arnaud Imatz, auteur de « Par-delà droite et gauche, histoire de la grande peur des bien-pensants ». Conférence passionnante, sur un ouvrage passionnant.

Et donc, pour ceux qui n’habitent pas Paris et/ou n’ont pas le temps de bouquiner les 400 pages d’Arnaud Imatz, une note de lecture.

 

alicante2007_08.jpgL’hypothèse d’Arnaud Imatz est la suivante : nous découpons le champ politique entre conservateurs et révolutionnaires, mais ce découpage nous masque un autre clivage, potentiellement plus déterminant : celui qui oppose les partisans de l’enracinement, généralement non-conformistes, aux partisans du déracinement, généralement conformistes. Si ce découpage fallacieux est profondément planté dans nos esprits, c’est parce que l’ensemble des institutions s’acharnent à le cautionner. Il est entendu, une bonne fois pour toutes, que le débat politique doit opposer deux catégories l’une et l’autre essentialisées : « la gauche » et « la droite », les révolutionnaires et les conservateurs. Verrouillé d’abord par la gauche « officielle », qui a imposé son être propre en référence aux clivages possibles, le débat a ensuite été étouffé par une soft-idéologie individualiste, où une fausse opposition pseudo-démocratique entre la fausse-droite et la fausse-gauche (deux modes de gestion du même capitalisme) a servi de prison mentale encore plus efficace que l’ancienne opposition entre la vraie-droite (capitalisme libéral) et la vraie-gauche (socialisme dirigiste). L’intelligentsia « en place » témoigne, à travers ses reniements successifs, de la même fermeture à tout ce qui n’est pas elle-même : peu importe que ses utopies successives implosent, elle continue à se penser comme détentrice du sens de l’Histoire. Exit le communisme, voici le socialisme autogestionnaire. Exit le socialisme, voici la sacralisation des « Droits de l’homme » et l’antiracisme militant. Que l’enracinement puisse fédérer révolutionnaires et conservateurs autour d’une révolution conservatrice contre l’ordre cosmopolite, voilà qui ne doit pas être dit – à ceux qui le disent, tout système démultiplicateur de la parole est fermé, les médias sont interdits.

Qu’est-ce donc, en réalité, que ce « non conformisme » dont le pouvoir ne veut surtout pas, et qui unit, autour de l’enracinement, conservateurs et révolutionnaires ? C’est, pour résumer, la compréhension de la matrice de l’aliénation contemporaine comme relevant fondamentalement des catégories fondées par le rationalisme des Lumières – catégories qui nient au nom d’un impératif d’uniformité le sens et la valeur de l’identité et et celle de la différence. Pour le non-conformiste, par contre, la source des catastrophes du XX° siècle n’est pas dans l’affirmation des identités collectives, mais au contraire dans leur négation, négation qui les a faites revenir sous une forme pathologique. Pour le non-conformiste, les mécanismes du « progrès » reviennent à nier qu’il existe une dimension de l’homme au-dessus de la matière, et que l’humain peut donc, contre les illusions des progressismes tant marxistes que libéraux, déterminer ses déterminations.

Un schéma de société existe hors de celui où l’opposition « droite/gauche » a tendance à nous enfermer. Dans ce schéma « holiste », qui était celui des sociétés traditionnelles et communautaires, la totalité préexiste à la somme des parties, elle n’est pas construite par leur affrontement, elle l’évite en organisant l’englobement du contraire et l’inclusion du différent. Le non-conformisme s’est construit, historiquement, autour de la rencontre de ce schéma de pensée traditionnelle avec la dialectique hégélienne, qui veut que négation et négation de la négation produisent une totalité par synthèse-dépassement. Dans une très large mesure, le non-conformisme est une tentative pour reconstituer, à travers l’hégélianisme, la totalité socio-organique préexistante, que le rationalisme a détruite.

C’est justement parce qu’il propose une alternative au système que les deux pans du système, jadis vraie gauche et vraie droite, aujourd’hui fausse gauche et fausse droite, s’acharnent à nier l’existence du non-conformisme. Les doctrinaires au pouvoir veulent détruire toutes les communautés naturelles, nier les racines, faire de l’homme une pâte modelable. C’est le cadre général à l’intérieur duquel « gauche » et « droite » s’affrontent – ou plutôt, au fur et à mesure qu’on ne parvient plus à les identifier autour d’une ligne de partage claire sur la question de la plus-value, font semblant de s’affronter. Le non conformisme n’a pas sa place dans ce système précisément parce qu’il énonce une thèse étrangère au paradigme dans lequel la pensée institutionnelle est confinée : la légitimité des communautés naturelles. C’est pourquoi, lorsqu’il ne parvient plus à exclure les anticonformistes du débat, le bloc institutionnel les contraint systématiquement à choisir : sont-ils « de gauche », ou « de droite » ? Et lorsque les non-conformistes ne parviennent pas à répondre, pour toutes les raisons exposées ci-dessus, on les répute inexistants politiquement.

 

*

 

Pour démonter ce piège, Imatz propose de faire sortir de l’essentialisme les catégories de « gauche » et de « droite ».

Dans une perspective essentialiste, la gauche, c’est l’anthropologie optimiste issue du mythe du progrès, et la droite, c’est l’anthropologie pessimiste issue de l’Histoire longue. A gauche, le rêve de l’individu libéré du poids de la faute – à droite, le péché originel. A gauche, l’homme est un projet qu’on construit – à droite, c’est une donne qu’on gère. A gauche, une vision matérialiste et mécaniciste, qui veut uniformiser à tout prix – à droite, l’acceptation des paramètres complexes sous-jacents à une conception organiciste qui connaît et reconnaît la nécessité de l’altérité.

A cette perspective essentialiste qui dans une certaine mesure confond la droite avec le non-conformisme, Imatz oppose une vision historiciste et relativiste (au sens de : qui relativise ses propres analyses), vision selon laquelle « la gauche » et « la droite » sont en réalité des catégories conventionnelles et opératoires, et nullement des catégories signifiantes stables.

Imatz cite, par exemple, la question du colonialisme en France : il exista historiquement une droite colonialiste (par souci du prestige national), une droite anticolonialiste (par souci de bonne gestion, en fait néocolonialiste avant la lettre), une gauche colonialiste (par souci de « civiliser » les peuples colonisés) et une gauche anticolonialiste (par respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes). Le concept même de colonialisme ne fut pas stable dans l’Histoire, et à certaines phases, il devint presque indéfinissable tant gauche et droite le comprenaient différemment (exemple : en 1962, quand l’ancien colonialisme s’efface devant le néocolonialisme).

Autre exemple : l’antisémitisme, qui peut être de gauche (par égalitarisme) comme de droite (par crainte d’un élitisme rival), tout comme le philosémitisme peut être de gauche (pour défendre le petit juif opprimé) ou de droite (par solidarité avec la haute bourgeoisie juive). Et l’on voit aussi parfois les antisémites de droite, à certains moments de l’Histoire, échanger leurs arguments avec les philosémites de gauche, quand la question juive percute celle du sionisme – on peut être sioniste par philosémitisme ou par antisémitisme, et antisioniste par antisémitisme ou philosémitisme, si bien qu’une droite antisémite et une gauche philosémite peuvent se retrouver sur le pro-sionisme contre l’antisionisme partagé par une droite arabophile et une gauche antisémite !

De nombreux thèmes peuvent donner lieu à ce type de chassé-croisé ironique entre gauche et droite (le racisme, la « démocratie », la technocratie, le régionalisme, l’écologie…). Si bien qu’en pratique, quand on s’éloigne de la vision essentialiste pour s’intéresser à la vision historiciste, on finit par se dire que « gauche » et « droite » n’ont aucun sens. Ou plutôt : que le sens de ces concepts est tellement fluctuant, tellement peu stable dans sa dimension significative, que les signifiants en question doivent être redéfinis à chaque fois qu’on les emploie.

En face de ce vide conceptuel, les non-conformistes doivent répondre par la définition d’eux-mêmes, et s’installer non dans une réponse à la question « droite ou gauche », mais comme un point de référence par rapport auquel on définira droite et gauche. Il faut répondre à la question piégée du bloc institutionnel en le piégeant dans une question différente : la gauche est-elle conformiste ou non-conformiste, la droite est-elle conformiste ou non-conformiste ? Cette question en réponse déjoue le piège où le bloc institutionnel fait tomber le non-conformisme, piège qui consiste à essentialiser le concept de droite pour y enfermer un mouvement qui organiserait, s'il était libre, la rencontre entre l’univers mental de la tradition (associé classiquement à la droite) avec la reconnaissance des revendications du travail (associées classiquement à la gauche).

Ceci suppose, pour Imatz, d’opérer une critique approfondie de la sensibilité contre-révolutionnaire. Il faut en comprendre la dynamique interne : la conscience de la décadence, et surtout la conscience du fait qu’elle est inéluctable, dès lors qu’un principe d’égalité s’impose au détriment d’un principe élitiste. Et il faut comprendre comment cette sensibilité, qui dit une partie du Vrai, se combine de manière très complexe avec la préoccupation sociale caractéristique des légitimistes les plus contre-révolutionnaires, qui se sont dressés, au nom de l’Ancien Régime et de l’aristocratisme, contre l’injustice de la domination exercée par la bourgeoisie sur les classes laborieuses, et surtout contre l’inefficacité économique de cette domination incohérente.

C’est seulement une fois qu’on a saisi la genèse de la sensibilité contre-révolutionnaire, antibourgeoise par aristocratisme, qu’on peut comprendre la filiation du non-conformisme : la rencontre de l’esprit national et du projet socialiste. La droite contre-révolutionnaire, matrice du non-conformisme, s’est constituée initialement contre le projet libéral de la bourgeoisie. Par la suite, quand par expérience on séparera démocratie et liberté, les libéraux, devenus élitistes, apparaîtront comme des alliés de classe potentiels aux contre-révolutionnaires, et le libéralisme, né à gauche où il fréquentait l’idée nationale, glissera dans une alliance antinationale avec une fraction des milieux contre-révolutionnaire. Simultanément, l’exigence de progrès matériel envahira tout le champ de la gauche, ou presque, jusqu’à rejeter l’idée de la Nation au sens de communauté enracinée. Dès lors, une partie orpheline de la sensibilité contre-révolutionnaire (celle qui a refusé l’alliance avec les libéraux devenus secrètement antidémocrates) errera jusqu’à croiser une partie de la sensibilité orpheline de la sensibilité socialiste (celle qui a refusé de sacrifier la nation, la communauté charnelle, sur l’autel du progrès matériel). De cette rencontre entre la partie de la droite qui a refusé la liberté comme idole et la partie de la gauche qui a refusé le progrès comme idole naîtra le non-conformisme – le parti de ceux qui ont refusé de se conformer aux cultes parallèles des idoles Liberté et Progrès, pour conserver une vision juste, naturelle, enracinée, de leurs valeurs nationales et sociales.

 

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Pour bien comprendre ce qu’est le non-conformisme, pour ne pas le confondre avec la simple addition du nationalisme doctrinaire et du socialisme doctrinaire (ce que fut largement le nazisme), il faut saisir la différence entre amour de la nation et nationalisme, entre préoccupation sociale et socialisme.

Le parti non-conformiste n’est pas « nationaliste » au sens où le nationalisme est, pour lui, une adaptation de l’individualisme à l’échelle nationale. Organiciste, il refuse le concept constructiviste et potentiellement mécaniciste de la nation comme corps d’associés, concept issu de la Révolution Française (Sieyès). C’est pourquoi, même en France, il fait une large place aux conceptions germaniques de la Gemeinschaft (communauté) comme sous-jacent indispensable à toute société, et s’il est souvent démocrate (exception : l’AF), il n’est jamais partisan du suffrage universel direct comme instrument de la démocratie.

Soucieux de reconstituer l’harmonie du peuple, il défend des conceptions sociales, mais pas socialistes, en ce sens qu’il récuse le culte du Progrès. L’accroissement indéfini des forces productives ne lui paraît pas bon en soi (ce qui ne veut pas dire qu’il soit mauvais en soi, mais simplement qu’il est bon ou mauvais selon l’usage qu’on en fait). Surtout, il ne combat pas le capitalisme parce que celui-ci serait un régime de propriété privée, mais au contraire parce qu’il constitue un premier pas vers le socialisme, c'est-à-dire vers l’abolition de la propriété privée. Pour lui, la propriété privée trouve sa source dans le travail, et c’est pourquoi le capitalisme, en coupant la propriété du travail, constitue déjà une forme de socialisme non su. Par nature, cette doctrine trouve très facilement des passerelles avec la gauche syndicale, celle qui refuse tout esprit doctrinaire et se méfie du matérialisme des intellectuels.

Ce non-conformisme commence à prendre forme à partir du « nouveau nationalisme », réputé de droite, cristallisé pour la première fois avec le général Boulanger. Il trouvera ensuite son expression intellectuelle dans les cercles, surtout français, qui lui donneront son nom, entre les deux guerres. En Espagne, on en trouvera un début de réalisation avec la Phalange de Jose Antonio Primo de Rivera. Il sera parfois soutenu par une fraction du capitalisme (le capital enraciné de l’industrie, par opposition au capital spéculatif mondialisé de la haute banque), comme par exemple avec Mosley en Angleterre – et il sera également alimenté depuis l’autre bord, par des transfuges de la gauche la plus radicale (Mussolini, franc-maçon socialiste, les SA de gauche en Allemagne). A des degrés divers, ces soutiens le dénatureront soit parce qu’ils étaient intéressés (dans le cas des capitalistes), soit parce qu’ils reposaient sur un malentendu (dans le cas des « gauchistes »). Une fois le pouvoir conquis avec de tels soutiens (Mussolini en Italie, Hitler en Allemagne), le non-conformisme sera toujours esquivé par les fascismes, qui se penseront plus comme l’addition de la droite et de la gauche que comme leur dépassement à proprement parler. Après la Seconde Guerre Mondiale, la sensibilité non-conformiste s’exprimera encore, en France, avec le gaullisme (en particulier dans son versant « social »).

Après mai 68, le non conformisme doit s’exprimer dans le champ qui devient de plus en plus important au sein du combat politique : le champ métapolitique, c'est-à-dire le domaine de la formation des idées en amont des idées elles-mêmes. C’est ce que fait, en France, le GRECE, que les médias s’empresseront d’enfermer dans l’étiquette « Nouvelle Droite », pour l’empêcher de se poser en dépassement non-conformiste. Le GRECE lui-même suit en fait une voie ambiguë. Son principal fondateur, A. de Benoist, se définit à la fin des années 70 comme nominaliste, donc potentiellement relativiste et individualiste. Le discours néo-païen se définit contre le christianisme, ce qui constitue une rupture avec la plupart des non-conformismes préexistants. Engagée initialement dans le « nationalisme européen », la tendance GRECE s’oppose à l’américanisation, et finit par se faire cannibaliser par ce combat, au point de se retrouver sur des positions universalistes et anti-impérialistes classiques. La pensée qui émerge de ce courant repose au final sur une série d’alternatives dont certaines paraissent critiquables, en particulier du point de vue des auteurs chrétiens. En particulier, l’affirmation selon laquelle le christianisme serait égalitaire et totalitaire par nature heurte la conception classique, pour laquelle la religion chrétienne est porteuse d’une vision du monde hiérarchique et d’un discours politique organiciste. Par son antichristianisme, la Nouvelle Droite renvoie donc au fond à une grille de lecture aujourd’hui contestée, le totalitarisme comme sécularisation du messianisme (Arendt, Aron), par opposition à une grille de lecture qui resitue le phénomène dans sa filiation, et l’appréhende d’abord comme le fils du rationalisme des Lumières (Soljenitsyne). Au final, on peut se demander, nous dit Imatz en substance, si le GRECE, isolé dans un contexte intellectuel imprégné par le gauchisme, n’a pas fini par être contaminé par le germe dont il se voulait le vaccin.

Un autre courant non-conformiste, moins connu, émerge à la même époque : le traditionalisme intégral des héritiers de René Guénon. Prenant le contrepied de la Nouvelle Droite, il récuse entièrement les grilles de lecture nominalistes, et se construit en référence aux conceptions les plus anciennes (société de castes, doctrine des deux pouvoirs), comme si des siècles de modernité n’avaient pas existé. Beaucoup plus stable idéologiquement, ce courant présente la faiblesse classique du jusqu’auboutisme : il est totalement coupé de la société dans laquelle il évolue – ce qui limite forcément son influence.

A partir de la fin des années 80, avec le lancement de la revue « Krisis », la Nouvelle Droite, désormais dirigée de facto par Alain de Benoist, s’éloigne de son positivisme initial, et se rapproche du traditionalisme. Mais cette tentative de synthèse ne débouche sur rien de concluant. Un courant de pensée qui formule des idées pendant deux décennies sans jamais les faire passer dans le réel social s’épuise nécessairement, et à partir des années 90, cette « nouvelle Nouvelle Droite » vivote à côté de divers groupes de réflexion et de quelques revues d’intérêt divers (Nationalisme et république, Terre et peuple, Vouloir et orientations). Que reste-t-il de la Nouvelle Droite ? Imatz ne répond pas à la question, mais on comprend très bien ce qu’il veut dire.

A l’époque où se formait ce courant prometteur voué à se disperser dans un marécage peut-être fécond ( ?), un autre courant naissait dans les milieux non-conformistes : le libéral conservatisme, très influencé par la révolution conservatrice dans sa version américaine « néoconservatrice » (comprendre : financée par la haute banque cosmopolite), et doté assez vite d’un centre actif, le Club de l’Horloge. Les libéraux-conservateurs du Club de l’Horloge doivent cependant en rabattre, par rapport au discours à l’emporte-pièce de leurs inspirateurs anglo-saxons. La sainte trinité néoconservatrice (esprit judéo-chrétien, capitalisme libéral, démocratie de marché) ne « prend » pas en France, pays de tradition catholique étatiste, depuis toujours porté à l’idéologisation des affrontements politiques. Conscients du fait que la mondialisation des néoconservateurs parle Anglais, les libéraux-conservateurs français vont tenter de définir une voie de conciliation entre nationalisme et libéralisme. Ils prônent un libéralisme associant la population au capitalisme (distribution d’actions), la liberté de l’enseignement, la destruction des systèmes de protection sociale - exaltation, en somme, de la liberté et de la responsabilité individuelle dans un cadre national – ce que sera le sarkozysme, au moins en paroles, pendant la campagne 2007, rappelle par certains côtés les thèses du Club de l’Horloge.

Cependant, pour Arnaud Imatz, le principal courant non-conformiste de la fin du XX° siècle n’est ni la Nouvelle Droite (confinée aux cercles intellos), ni le Club de l’Horloge (tenu en marge ou récupéré par les milieux capitalistes qui donnent le « la » dans la galaxie libérale). Le grand non-conformisme actuel, c’est le nouveau populisme. Cette réaction qui monte du peuple n’est pas ou très peu idéologisée. Elle traduit  d'une part l’attachement aux structures communautaires, et d’autre part la prise de conscience de la distance qui sépare les gouvernants des gouvernés. Resurgissement du solidarisme et de l’organicité, ce nouveau populisme est le contraire de l’individualisme issu de la modernité capitaliste. Il est la traduction politique de ce qui pousse vers l’autre, de ce qui pousse à aider l’autre. Il n’exclut donc que pour inclure, et n’est pas xénophobe, mais communautaire. Il offre, face à la régression néo-tribale, la possibilité d’une véritable refondation du sentiment d’appartenance – et c’est précisément pour cette raison qu’il est constamment combattu par l’oligarchie capitaliste, qui tente soit de l’interdire (quand elle ne le maîtrise pas, cf. l’histoire du FN), soit de le récupérer (cf. F. Bayrou, ou en Angleterre Tony Blair).

Imatz termine son bouquin par l’analyse du FN. Il le perçoit comme un phénomène certainement pas univoque, plutôt un lieu de compromis (difficile) entre une sensibilité national-populiste (qui reprend une partie des thématiques de la Nouvelle Droite, en les désintellectualisant) et une sensibilité libéral-conservatrice (qui fait de même avec les thématiques du Club de l’Horloge), tout en essayant de constituer un parti capable de surfer sur une vague populiste a-idéologique. Les deux sensibilités constitutives se combinent par ailleurs, de manière assez anarchique, avec les deux camps d’un clivage islamophile/islamophobe qui renvoie, implicitement, à la validation ou à l’invalidation de la thèse néoconservatrice du « choc des civilisations ». Confronté à l’agressivité permanente d’un système d’autant plus persécuteur qu’il se sait fragile, confronté aussi à la médiocrité des ambitions personnelles en interne, qui fait chambre de réverbération aux heurts entre grandes tendances idéologiques, confronté encore à la concurrence potentielle d’un courant souverainiste naissant, le FN de 2003 apparaît à Imatz comme une expérience intéressante, dont l’objectif secret est tout simplement la reconstruction de la société française, mais qu’il sera très, très difficile à conduire dans le contexte des années 2000.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’histoire récente ne lui a pas donné tout à fait tort !

 

*

 

Ce qui, de notre point de vue, rend le travail d’Arnaud Imatz intéressant, c’est qu’il permet de remettre en perspective la démarche qui est aujourd’hui celle, par exemple, des gens qui gravitent autour d’un modeste site comme Scriptoblog. Imatz ne crée pas de concept, ce n’est pas son propos. Il fait œuvre d’historien des idées, et montre d’où viennent fondamentalement les idées qui sont les nôtres : du refus du matérialisme, tant par une fraction de l’ancienne « vraie droite » que par une fraction de l’ancienne « vraie gauche ».

Imatz a le mérite de nous sortir de la perception des enjeux « depuis l’intérieur du débat ». Il nous permet de re-cartographier notre position en nous plaçant « au-dessus de la mêlée ». C’est un déplacement de point de vue créateur : en nous repositionnant à ce niveau de lecture, nous pouvons comprendre comment nous devons, à l’intérieur de la mêlée, nous placer pour que le pack, dans son ensemble, pousse exactement là où l’adversaire est faible.

 

jeudi, 10 juin 2010

Cette droite schizophrène

CETTE DROITE SCHIZOPHRÈNE

Ex: http://www.emediat.fr/

Chronique de Paul-Alexandre Martin

Après la diffusion sur TF1 d’un reportage au sein des musulmans salafistes de Marseille, j’entends dire ici et là que le temps des modérés est révolu, qu’une nouvelle ère se doit de débuter, et que nos gouvernants doivent faire preuve de courage face à la menace des minarets qui commenceraient à percer le sol sous nos pieds. Cependant, je ne peux m’empêcher de sourire au vu des commentaires des uns et des autres, tous se disent « réacs’ », « très à droite », « ultraconservateurs », une vraie génération de camelots du Roy à les entendre. Et quand il s’agit de leur demander d’expliciter leurs « croyances » politiques, ceux-ci me répondent alors : « libéral-conservateur », ou « capitaliste-traditionaliste ». Tous affirment cela avec arrogance, et un air de gentil provocateur, se pensant encore plus subversif qu’un gay qui ferait son coming-out aujourd’hui. Leurs idoles ? Ils tiennent en un couple : Ronald Reagan et Margaret Thatcher. Aucun d’eux n’est français, mais peu importe ils vous expliqueront là aussi que plus patriotes qu’eux : « y’a pas ! ».

Revenons-en au sujet initial, et aux réactions suscitées par la diffusion d’un tel reportage. N’est-il pas déjà risible de voir TF1, aller enquêter sur les méfaits des replis identitaires religieux, conséquence directe du communautarisme, et de l’abandon de l’assimilation ? TF1, chaîne détenue par Martin Bouygues, fils de Francis Bouygues, qui nous expliquait dans les années 70, que la main d’œuvre étrangère avait toutes les vertus du monde et qu’il fallait la faire venir sur notre sol, crachant ainsi à la figure des ouvriers français, « trop chers » – salauds de pauvres ! Bref, un Francis Bouygues d’ores et déjà converti au libéralisme anglo-saxon, dont le seul appât du gain s’est substitué à l’éthique entreupreunariale, et qui a du applaudir des deux mains lorsque Ronald & Margaret ont été portés au pouvoir outre-Atlantique, et outre-Manche.

Des grands patrons qui se sont appuyés sur des politiques adeptes du libéralisme pour pouvoir toujours plus déréglementer et obtenir ainsi satisfaction. Des politiques qui pensaient toujours que la solution se trouvait là où la croissance était « la plus forte », qu’importent les dégâts occasionnés dans certains secteurs, comme en Angleterre qui propose désormais un magnifique éventail de professions allant du « Mac job », au trader de la City…les usines ont entre temps disparu du paysage, elles. Nos bons lobbys ont ainsi obtenu gain de cause de nos dirigeants, sans trop d’encombres, pour que le regroupement familial voit le jour. Adieu l’immigration régulée, et assimilée ! Désormais, on met aussi de côté la tradition française de l’assimilation pour embrasser la seule intégration sur le marché du travail.

Une conversion au libéralisme, et une volonté de construire un marché toujours plus grand, débordant du cadre national, puis continental, à qui l’on doit des banlieues surpeuplées, une France désindustrialisée, une précarité de l’emploi, une immigration incontrôlée…Ces constats là, que la plupart des gens censés, et qui gardent les pieds sur terre, font, ces jeunes dont je vous parlais plus haut sont incapables d’en tirer des conclusions. L’instabilité chronique de nos sociétés, qui font face à une communautarisation sauvage, débouchant sur des replis identitaires et religieux, où des déracinés s’enferment dans ce qui faisait leur identité originelle, doit être résorbée certes, afin de garantir une unité nationale menacée. Sauver aussi une France, en décomposition, en voie de devenir à terme un tas de décombres, sur lequel ne doivent pas prospérer ceux qui nous ont mené à cette situation.

Il faut surtout, et avant toute chose, sortir la droite de son carcan schizophrène, qui lui fait dire des choses aussi absurdes, que grotesques. Cette dite « droite » qui pense que capital et tradition ne font qu’un, que l’ordre marchand est l’allié des valeurs ancestrales, et du conservatisme social. La droite dominante, et qui nous gouverne – s’il nous reste un tantinet de pouvoir à Paris – sombre aujourd’hui dans un état de déliquescence car sa spiritualité a disparu, ses valeurs originelles ayant été troquées pour celle d’un libéralisme issu de 68…et si cette fameuse dichotomie libérale ne faisait en réalité qu’un, messieurs les « droitiers » ?

mercredi, 09 juin 2010

Le terrorisme, l'Etat et la mafia

Le terrorisme, l’État et la mafia

Article placé par Frédéric Courvoisier (Genève)

Ex: http://www.mecanopolis.org/

Alors que, sur de nombreux sites et forums « spécialisés », les indices et rumeurs d’une « attaque terroriste » de grande ampleur s’intensifient depuis quelques semaines, il nous apparait utile, sinon même urgent, de replacer ce texte qui fut à l’origine de l’élaboration de notre site.

anton

« La société qui s’annonce démocratique semble être admise partout comme étant la réalisation d’une perfection fragile. De sorte qu’elle ne doit plus être exposée à des attaques, puisqu’elle est fragile ; et du reste n’est plus attaquable, puisque parfaite comme jamais société ne fut.
Cette démocratie si parfaite fabrique elle-même son inconcevable ennemi : le terrorisme. L’histoire du terrorisme est écrite par l’État, elle est donc éducative. Les populations ne peuvent certes pas savoir qui se cache derrière le terrorisme, mais elles peuvent toujours en savoir assez pour être persuadées que, par rapport à ce terrorisme, tout le reste devra leur sembler plutôt acceptable, en tout cas plus rationnel et plus démocratique. »
Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle, 1988


L’exaltation idéologique peut conduire à toutes sortes de crimes, et l’héroïsme individuel comme les assassinats en série appartiennent à toutes les sociétés humaines. Ces sortes de passions ont contribué depuis toujours à construire l’histoire de l’humanité à travers ses guerres, ses révolutions, ses contre-révolutions. On ne peut donc être surpris qu’un mitrailleur, un kamikaze ou un martyre commettent des actes dont les résultats politiques seront exactement opposés à ceux qu’ils prétendent rechercher, car ces individus ne sont pas ceux qui négocient sur le marché des armes, organisent des complots, effectuent minutieusement des opérations secrètes sans se faire connaître ni appréhendés avant l’heure du crime.

Quoiqu’elle veuille s’en donner l’allure, l’action terroriste ne choisit pas au hasard ses périodes d’activités, ni selon son bon plaisir ses victimes. On constate inévitablement une strate périphérique de petits terroristes islamistes, dont il est toujours aisé de manipuler la foi ou le désir de vengeance, et qui est, momentanément, tolérée comme un vivier dans lequel on peut toujours pécher à la commande quelques coupables à montrer sur un plateau : mais la « force de frappe » déterminante des interventions centrales ne peut-être composée que de professionnels ; ce que confirme chaque détails de leur style.

L’incompétence proclamée de la police et des services de renseignements, leurs mea-culpa récurrent, les raisons invoquées de leurs échecs, fondées sur l’insuffisance dramatique de crédits ou de coordination, ne devraient convaincre personne : la tâche la première et la plus évidente d’un service de renseignements est de faire savoir qu’il n’existe pas ou, du moins, qu’il est très incompétent, et qu’il n’y a pas lieu de tenir compte de son existence tout à fait secondaire. Pourtant, ces services sont mieux équipés techniquement aujourd’hui qu’ils ne l’ont jamais été.

Tout individu notoirement ennemi de l’organisation sociale ou politique de son pays, et, d’avantage encore, tout groupe d’individus contraint de se déclarer dans cette catégorie est connu de plusieurs services de renseignements. De tels groupes sont constamment sous surveillance. Leurs communications internes et externes sont connues. Ils sont rapidement infiltrés par un ou plusieurs agents, parfois au plus haut niveau de décision, et dans ce cas aisément manipulable. Cette sorte de surveillance implique que n’importe quel attentat terroriste ait été pour le moins permis par les services chargés de la surveillance du groupe qui le revendique, parfois encore facilité ou aidé techniquement lorsque son exécution exige des moyens hors d’atteinte des terroristes, ou même franchement décidé et organisé par ces services eux-mêmes. Une telle complaisance est ici tout à fait logique, eu égard aux effets politiques et aux réactions prévisibles de ces attentats criminels.

Le siècle dernier, l’histoire du terrorisme a démontré qu’il s’agit toujours, pour une faction politique, de manipuler des groupes terroristes en vue de provoquer un revirement avantageux de l’opinion publique dont le but peut être de renforcer des dispositifs policiers pour contrer une agitation sociale, présente ou prévisible, ou de déclancher une opération militaire offensive, et son cortège d’intérêts économiques, à laquelle s’oppose la majorité de la nation.

Etat et Mafia

On se trompe chaque fois que l’on veut expliquer quelque chose en opposant la Mafia à l’Etat : ils ne sont jamais en rivalité. La théorie vérifie avec efficacité ce que toutes les rumeurs de la vie pratique avaient trop facilement montré. La Mafia n’est pas étrangère dans ce monde ; elle y est parfaitement chez elle, elle règne en fait comme le parfait modèle de toutes les entreprises commerciales avancées.

La Mafia est apparue en Sicile au début du XIXe siècle, avec l’essor du capitalisme moderne. Pour imposer son pouvoir, elle a du convaincre brutalement les populations d’accepter sa protection et son gouvernement occulte en échange de leur soumission, c’est-à-dire un système d’imposition directe et indirecte (sur toutes les transactions commerciales) lui permettant de financer son fonctionnement et son expansion. Pour cela, elle a organisé et exécuté systématiquement des attentats terroristes contre les individus et les entreprises qui refusaient sa tutelle et sa justice. C’était donc la même officine qui organisait la protection contre les attentats et les attentats pour organiser sa protection. Le recours à une autre justice que la sienne était sévèrement réprimé, de même que toute révélation intempestive sur son fonctionnement et ses opérations.

Malgré ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas la Mafia qui a subvertit l’Etat moderne, mais ce sont les Etats qui ont concocté et utilisé les méthodes de la Mafia. Tout Etat moderne contraint de défendre son existence contre des populations qui mettent en doute sa légitimité est amené à utiliser à leur encontre les méthodes les plus éprouvées de la Mafia, et à leur imposer ce choix : terrorisme ou protection de l’Etat.

Mais il n’y a rien de nouveau à tout cela. Thucydide écrivait déjà, 400 ans avant Jésus-Christ, dans « La guerre du Péloponnèse » : « Qui plus est, ceux qui y prenaient la parole étaient du complot et les discours qu’ils prononçaient avaient été soumis au préalable à l’examen de leurs amis. Aucune opposition ne se manifestait parmi le reste des citoyens, qu’effrayait le nombre des conjurés. Lorsque que quelqu’un essayait malgré tout des les contredire, on trouvait aussitôt un moyen commode des les faire mourir. Les meurtriers n’étaient pas recherchés et aucune poursuite n’était engagée contre ceux qu’on soupçonnait. Le peuple ne réagissait pas et les gens étaient tellement terrorisés qu’ils s’estimaient heureux, même en restant muet, d’échapper aux violences. Croyant les conjurés bien plus nombreux qu’ils n’étaient, ils avaient le sentiment d’une impuissance complète. La ville était trop grande et ils ne se connaissaient pas assez les uns les autres, pour qu’il leur fût possible de découvrir ce qu’il en était vraiment. Dans ces conditions, si indigné qu’on fût, on ne pouvait confier ses griefs à personne. On devait donc renoncer à engager une action contre les coupables, car il eût fallut pour cela s’adresser soit à un inconnu, soit à une personne de connaissance en qui on n’avait pas confiance. Dans le parti démocratique, les relations personnelles étaient partout empreintes de méfiance, et l’on se demandait toujours si celui auquel on avait à faire n’était pas de connivence avec les conjurés ».

Aujourd’hui, les manipulations générales en faveur de l’ordre établi sont devenues si denses qu’elles s’étalent presque au grand jour. Pourtant, les véritables influences restent cachée, et les intentions ultimes ne peuvent qu’être assez difficilement soupçonnée, presque jamais comprises.

Notre monde démocratique qui, jusqu’il y a peu, allait de succès en succès, et s’était persuadé qu’il était aimé, a du renoncer depuis lors à ces rêves ; il n’est aujourd’hui plus que l’arme idéologique du projet mondialiste.

Mecanopolis

lundi, 07 juin 2010

Hommage au Prof. B. Willms: entre Hobbes et Hegel

 

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991

 

Hommage au Professeur Bernard Willms

 

(7.7.1931 - 27.2.1991)

Entre Hobbes et Hegel

 

par le Dr. Thor von WALDSTEIN

 

A Bochum vient de mourir le Fichte de notre époque, le Professeur Bernard Willms.

 

«C'est parce que vous mentez sur ce qui est, qu'en vous ne naît pas la soif de connaître ce qui adviendra» (Friedrich NIETZSCHE).

 

Lorsqu'une Nation dominée par des puis­san­ces étrangères n'a pas encore définiti­vement renoncé à s'auto-déterminer, elle doit impérativement travailler à une chose en priorité: reconnaître son propre état des lieux. Dans l'Allemagne vaincue d'après 1945, c'est surtout un tel bilan, clair, net, précis, qui a manqué. Privés de souverai­neté, privés de la possibilité de décider pour eux-mêmes, les Allemands ont honoré des valeurs, certes importantes, comme la «dé­mo­cratie», les «droits de l'Homme», la «paix», la «stabilité». Valeurs qui, sans ré­fé­rence à la Nation et sans souveraineté, de­meuraient de tristes coquilles linguis­tiques vides, exportées d'Outre-Atlantique et n'a­yant plus qu'une seule fonction: jeter un voi­le pudique sur l'impuissance impolitique des Allemands. Mais, comme lors de la Guerre des Paysans du XVIième siècle, lors des com­bats pour la libération du territoire en 1813-1814, lors du Vormärz de 1848, à la fin de l'ère wilhelminienne et sous Weimar, l'Al­lemagne a eu des penseurs brillants et courageux; pendant l'éclipse de Bonn aussi: des hommes qui ont su désigner les profi­teurs de notre misère nationale. Plus la dé­mission de la politique allemande s'insti­tu­tio­nalisait, plus la domination étrangère, don­née factuelle éminemment concrète, se dissimulait derrière le rideau de fumée des «valeurs occidentales», plus les régisseurs de la dogmatique politique am­biante, solide­ment installée, réagissaient avec fiel et ai­greur contre les hommes cou­rageux et civi­ques qui dégageaient la réalité de la cangue médiatique, où on l'avait enser­rée, et mon­traient clairement aux Alle­mands dans quel­le situation ils vivaient.

 

Parmi ces hommes: Bernard Willms.

 

En écrivant cette phrase, «L'homme existe po­litiquement ou n'existe pas», dans son re­marquable article intitulé «Antaios oder die Lage der Philosophie ist die Lage der Na­tion» (= Antaios ou la situation de la philoso­phie est la situation de la Nation), Willms, en 1982, réveillait brusquement la philoso­phie universitaire fonctionnarisée de son som­meil théorique et réclamait un ancrage (Ver­ortung)  de la philosophie dans le con­cept de Nation. Willms relançait ainsi dans le débat une thématique que les déten­teurs de chaires universitaires, en Alle­magne de l'Ouest, avaient enfouie pendant quarante ans sous un tas de scories dogma­tiques occi­dentales, prétextant que toute philosophie allemande après Auschwitz avait cessé d'exis­ter. Au cours du renouveau national des années 80, Bernard Willms est devenue une figure-clef de la nouvelle re­naissance allemande, un homme qui «éloigne de soi ce qui est vermoulu, lâche et tiède» (Stefan Geor­ge) et mange le «pain dur de la vérité philosophique» (Willms).

 

Celui qui étudie la biographie de ce philo­so­phe allemand constatera que son évolu­tion, qui le conduira à devenir un nouveau Fichte dans un pays divisé, n'a pas été dictée par les nécessités.

 

Né en 1931 à Mönchengladbach dans un mi­lieu catholique, Willms a étudié la philoso­phie à Cologne et à Münster, après avoir été pendant quelque temps libraire. Il rédige un mémoire à Münster en 1964, dont Joachim Ritter est le promoteur. Titre de ce travail: Die totale Freiheit. Fichtes politische Philo­sophie (= La liberté totale. Philosophie poli­tique de Fichte). Pendant la seconde moitié des années 60, lorsque l'Ecole de Francfort transformait l'Université allemande en un se­cond-mind-shop, Willms était l'assistant du célèbre sociologue conservateur Helmut Schelsky. A cette époque-là, Willms visite éga­lement, de temps en temps, les Sémi­nai­res d'Ebrach, où Ernst Forsthoff attire les esprits indépendants et les soutient. En 1970, Willms est appelé à l'Université de la Ruhr à Bochum, où il acquiert une chaire de profes­seur de sciences politiques avec comme thé­ma­tiques centrales, la théorie politique et l'histoire des idées. Marqué profondément par Hegel  —Willms s'est un jour décrit com­me «hégélien jusqu'à la moëlle»—  il avait abordé et approfondit, depuis son pas­sage chez Schelsky, la philosophie de l'An­glais Thomas Hobbes. En 1970, Willms fait paraître Die Antwort des Leviathans. Tho­mas Hobbes' politische Theorie  (= La ré­pon­se du Léviathan. La théorie politique de Tho­mas Hobbes). En 1980, il complète ses études sur Hobbes en publiant Der Weg des Levia­than. Die Hobbes-Forschung von 1968 bis 1978  (= La voie du Léviathan. Les re­cherches sur Hobbes de 1968 à 1978). En 1987, enfin, il résume ses vingt années de ré­flexions sur le vieux penseur de Malmesbury dans Das Reich des Leviathan  (= Le Règne du Lévia­than). Pendant ces deux dernières décen­nies, Willms est devenu l'un des meil­leurs connaisseurs de la pensée de Hobbes; il était devenu membre du Conseil Honoraire de la International Hobbes Association  à New York et ne cessait de prononcer sur Hobbes quantité de conférences dans les cercles aca­démiques en Allemagne et ail­leurs.

 

Tout en assurant ses positions, en devenant profond connaisseur d'une matière spéciale, Willms n'a jamais perdu le sens de la globa­lité des faits politiques: son souci majeur était de penser conjointement et la philoso­phie et la politique et de placer ce souci au centre de tous ses travaux. De nombreux livres en témoignent: Die politischen Ideen von Hobbes bis Ho Tschi Minh  (= Les idées politiques de Hobbes à Ho Chi Minh, 1971); Entspannung und friedliche Koexistenz  (= Détente et coexistence pacifique, 1974); Selbst­be­hauptung und Anerkennung  (= Au­to-affirmation et reconnaissance, 1977), Ein­führung in die Staatslehre  (= Introduc­tion à la doctrine de l'Etat, 1979) et Politische Ko­existenz  (= Coexistence politique, 1982).

 

Au cours des années 80, Bernard Willms fonde une école de pensée néo-idéaliste, en opérant un recours à la nation. Cette école désigne l'ennemi principal: le libéralisme qui discute et n'agit pas. En 1982, paraît son ouvrage principal, Die Deutsche Nation. Theorie. Lage. Zukunft  (= La nation alle­man­de. Théorie. Situation. Avenir) ainsi qu'un autre petit ouvrage important, Identi­tät und Widerstand  (= Identité et résis­tance). Entre 1986 et 1988, Willms édite en trois vo­lumes un Handbuch zur deutschen Nation  (= Manuel pour la nation allemande), trois recueils contenant les textes scientifiques de base pour amorcer un renouveau national. En 1988, avec Paul Kleinewefers, il publie Erneuerung aus der Mitte. Prag. Wien. Ber­lin. Diesseits von Ost und West  (= Renou­veau au départ du centre. Prague. Vienne. Berlin. De ce côté-ci de l'Est et de l'Ouest), ouvrage qui esquisse une nouvelle approche géopolitique du fait centre-européen (la Mit­teleuropa),  qui a prévu, en quelque sorte, les événements de 1989. Dans son dernier ar­ticle, intitulé Postmoderne und Politik  (= Postmodernité et politique, 1989), Willms re­lie ses références puisées chez Carl Schmitt et chez Arnold Gehlen à la critique française contemporaine de la modernité (Foucault, Lyotard, Derrida, Baudrillard, etc.). Sa dé­monstration suit la trajectoire suivante: la négation de la modernité doit se muer en principe cardinal des nations libres.

 

Si Bernard Willms a bien haï quelque chose dans sa vie, c'est le libéralisme, qu'il conce­vait comme l'idéologie qui fait disparaître le politique: «Le libéralisme par essence est hostile aux institutions; sur le plan politique, il n'a jamais existé qu'à l'état parasitaire. Il se déploie à l'intérieur même des ordres po­litiques que d'autres forces ont forgés. Le li­bé­ralisme est une attitude qui vit par la ma­xi­misation constante de ces exigences et qui ne veut de la liberté que ce qui est agréable». La phrase qu'a prononcée Willms avant la réunification à propos du libéra­lisme réel ouest-allemand n'a rien perdu de sa perti­nen­ce, après l'effondrement du mur. Ju­geons-en: «La République Fédérale n'a des amis qu'à une condition: qu'elle reste ce qu'elle est».

 

Ceux qui, comme Willms, s'attaquent aux «penseurs débiles du libéralisme» et stigma­tisent la «misère de notre classe politique», ne se font pas que des amis. Déjà au début des années 70, quelques énergumènes avaient accroché des banderoles sur les murs de l'Université de Bochum, avec ces mots: «Willms dehors!». Quand, pendant les années 80, les débats inter-universitaires ont tourné au vinaigre, d'autres drôles ont sur­nommé Willms «le Sanglant», démontrant, en commettant cette ahurissante et ridicule sottise, combien ils étaient libéraux, eux, les défenseurs du libéralisme, face à un homme qui, somme toute, ne faisait que sortir des sentiers battus de l'idéologie imposée par les médias et appelait les choses par leur nom. La remarque d'Arno Klönne, qui disait que Willms était le principal philosophe du néo-nationalisme, et le mot du Spiegel,  qui le dé­signait comme «le fasciste le plus intelligent d'Allemagne», sont, face à l'ineptie de ses contradicteurs les plus hystériques, de véri­tables compliments et prouvent ex negativo que ses travaux de Post-Hegelien serviront de fil d'Ariane pour une nouvelle génération d'Allemands qui pourront enfin penser l'Al­lemagne dans des catégories philoso­phiques allemandes, sans rêver aux pompes et aux œuvres d'Adolf Hitler.

 

Bernard Willms était un philosophe qui pre­nait au sérieux le mot de Cicéron, vivere est cogitare,  vivre, c'est penser. Avec sa mort, la nation perd la meilleure de ses têtes philo­sophiques des années d'avant le 9 novembre 1989, jour de la chute du Mur. Ernst Jünger nous a enseigné que la tâche de tout auteur est de fonder une patrie spirituelle. Chose rare, Bernard Willms est l'un de ceux qui ont réussi une telle œuvre d'art. Dans un in­terview, en 1985, il avait répondu: «On écrit des livres dans l'espoir qu'ils seront lus et compris par les hommes qui doivent les lire et les comprendre». Une jeune génération, formée par son école néo-idéaliste, a donc désormais la mission de témoigner de l'idéal national de Willms, d'utiliser ses livres et ses idées comme des armes pour construire, à Berlin et non plus à Bonn, une Allemagne nouvelle, au-delà des gesticulations stériles des bonzes qui la gouvernent aujourd'hui.

 

A Münster en Westphalie, ses disciples l'ont porté en terre sous les premiers rayons d'un pâle soleil de mars. Sur son cercueil, ils avaient fixé une plaque en cuivre, reprodui­sant la page de titre qui figurait sur la pre­mière édition du Léviathan, écrit par le Sage de Malmesbury. Bernard Willms avait l'ha­bitude, au cours des années 80, de pro­noncer une phrase, imitée de Caton, à la suite de chacune de ses nombreuses confé­rences: ceterum censeo Germaniam esse restituen­dam (je crois que l'Allemagne doit être resti­tuée). C'est le message et la mission qu'il nous laisse. Soyons-en digne.

 

Dr. Thor von WALDSTEIN,

14 mars 1991.

 

dimanche, 06 juin 2010

Hommage à Bernard Willms

DerStaat.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991

Hommage à Bernard Willms

prononcé par Robert Steuckers à l'occasion du XXIVième Colloque du GRECE (Paris,

24 mars 1991)

 

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers amis et camarades,

 

Si notre ami Alexandre Dou­gui­ne n'a­vait pu parler à cette tri­bune, j'avais été chargé de le remplacer et de pro­noncer une conférence sur les no­tions de «na­tion» et d'«empire», telles que les con­ce­vait l'idéalisme de tradi­tion fich­téenne. Et pour parfaire cette tâche, j'a­vais très peu de temps devant moi. J'ai préparé une allocution au départ de tex­tes é­pars, que j'avais déjà écrits pour di­vers édi­teurs. Parmi ces textes, il y a un hom­mage à un ami qui, comme Pier­re Gri­pari ou Marc Augier dit «Saint-Loup», vient de mourir, le Pro­fesseur Bernard Willms de l'Université de Bo­chum. Ber­nard Willms avait été pres­sen­ti pour participer à notre dernier collo­que mais n'avait pu y venir parce qu'il pré­parait une étude sur la post-mo­der­nité et le po­litique. Cette étude est pa­rue à Berlin, dans la plus grande revue de politologie en Europe, Der Staat, dont il était le co-rédac­teur, no­tamment avec Helmut Qua­ritsch, grand spé­cialiste de Carl Schmitt et l'un des pre­miers Allemands diplômé de l'ENA. Pro­fesseur de philo­sophie po­litique,  Ber­nard Willms était, lui, l'un des plus grand spécia­liste au monde de la pensée de Thomas Hobbes et de cel­le de Fichte. Bon nombre de définitions que j'aurais dû vous administrer aujour­d'hui sont is­sues de son œuvre, encore totalement inconnue du public franco­phone. Ber­nard Willms est mort le 27 février der­nier, à l'âge de 59 ans, lais­sant derrière lui une œuvre impression­nante en quan­tité et en densité. Les thé­matiques de l'idéalisme philosophique, de la na­tion, du politique, de la notion de plan, de post-modernité poli­tique, du nomina­lis­me, du grand espace confédé­ral, ont été, chez lui, approfondies pour plu­sieurs gé­nérations. Je saisis l'occa­sion de ce col­loque pour lui rendre un pre­mier hom­mage public dans l'espace lin­guistique francophone et pour vous dire que son décès prématuré nous in­cite à pour­suivre son œuvre en en fai­sant l'exé­gèse, en l'explicitant, en la tra­dui­sant, en témoi­gnant d'elle. Merci.

 

samedi, 05 juin 2010

Algo sobre el poder y el poderoso

Algo sobre el poder y el poderoso

Alberto Buela (*)

A Germán Spano, que me lo obsequió

 

Se reeditó recientemente el pequeño Diálogo sobre el poder y acceso al poderoso del iusfilósofo alemán Carl Schmitt, que fuera publicado tanto en Alemania como en España en 1954[1], y que naciera como un diálogo radiofónico, que en un principio tendría el autor y el politólogo francés Raymond Arón o el sociólogo Helmut Schelsky o el filósofo Arnold Gehlen, pero los tres se rehusaron. Claro está la demonización mediática que pesaba sobre Schmitt era tal que cuando en el semanario Die Zeit, su jefe de redacción escribe a propósito del Diálogo: “En la República Federal de Alemania, el gran jurísta Carl Schmitt es una figura controvertida. Sin embargo, incluso sus enemigos deberían prestar atención cuando hace observaciones originales y sagaces…Nadie que se proponga escribir sobre el poder debería abordar el tema sin haber leído el texto de Carl Schmitt”(N° 9 del 2/7/54), al jefe de redacción lo echaron del trabajo y le prohibieron la entrada al edificio.

 

La naturaleza del poder

 

Se trata de hablar específicamente del poder que ejercen los hombres sobre otros hombres, pues el poder no procede ni de la naturaleza ni de Dios, al menos para la sociedad desacralizada de nuestro tiempo.

El poder establece una relación de mando-obediencia entre los hombres que cuando desaparece la obediencia, desparece el poder. Se puede obedecer por confianza, por temor, por esperanza, por desesperación que se busca junto al poder, pero “la relación entre protección y obediencia sigue siendo la única explicación para el poder”.

 

El acceso al poderoso

 

Como todo poder directo está sujeto a influencias indirectas, quien presenta un proyecto al poderoso, quien lo informa, quien lo ayuda o asesora ya participa del poder. Esto ha desvelado a los hombres que en el mundo han ejercido poder directo. Existen cientos de anécdotas al respecto, de cómo los poderosos han tratado de romper el círculo de influencias indirectas que los rodeaban. “Delante de cada espacio de poder directo se forma una antesala de influencias y poderes indirectos, un acceso al oído, un pasaje a la psique del poderoso”. Y cuanto más concentrado está ese poder en una cima, más se agudiza la cuestión del acceso a la cima. Más violenta y sorda se vuelve la lucha de aquellos que están en la antesala y controlan el pasaje al poder directo.

Quienes tienen  acceso al poder ya participan del poder y como consecuencia no permiten u obstruyen el acceso de otros al poder. En una palabra, el poder no se comparte, solo se ejerce.

 

Maldad o bondad del poder

 

Si el poder que ejercen los hombres entre sí no procede de la naturaleza ni de Dios sino es una cuestión de relación entre los hombres ¿es bueno, es malo, o qué es?, se pregunta.

Para la mayoría de los hombres el poder es bueno cuando lo ejerce uno y malo cuando lo ejerce su enemigo. El poder no hace a los hombres buenos o malos sino que cuando se ejerce muestra en sus acciones si el poderoso es bueno o malo, que es otra cosa distinta.

Para San Pablo todo poder viene de Dios, y para San Gregorio Magno la voluntad de poder es mala, pero el poder en sí mismo siempre es bueno.

Pero actualmente la mayoría de las personas siguen el criterio expresado por Jacobo Burckhardt que “el poder en sí mismo es malo”. Lo paradójico que esto fue escrito a partir de los gobiernos de Luís XIV, Napoleón y los gobiernos populares revolucionarios surgidos a partir de la Revolución Francesa. Es decir, que en plena época del humanismo laico, de los derechos humanos del hombre y el ciudadano se difunde la universal convicción de que el poder es malo.

 

A que se debe este cambio de ciento ochenta grados en la concepción del poder que pasó de bueno hasta finales del siglo XVIII, a malo hasta nuestros días.

El avance exponencial de la técnica, transformada luego en tecnología y finalmente en tecnocracia ha hecho que sus productos se desprendan del control del hombre y por lo tanto el poderoso no puede asegurar la protección que supone el tener poder sobre aquellos que le obedecen. Se supera así la relación protección obediencia que caracteriza la naturaleza del poder.

El poder es se ha transformado en algo objetivo más fuerte que el hombre que lo emplea.

El concepto de hombre ha cambiado y es vivido como más peligroso que cualquier otro animal, es el homo homini lupus de Hobbes, autor reverenciado por Schmitt.

 

Nota bene:

Sin cuestionar la excelencia de este brevísimo diálogo, quisiéramos observar que aun cuando Schmitt quiere hablar sobre el poder en general, se limita sin quererlo al poder político pues no tiene en cuenta el poder que nace de la autoridad, esto es el poder que nace del saber o conocer algo en profundidad y que pueda ser enseñado. No es por obediencia, al menos primariamente, que un discípulo se acerca a un verdadero maestro, ni por protección que un maestro ejerce su profesión, sino en busca de la transmisión genuina del saber.

Es que la obediencia a la autoridad se funda en el saber de dicha autoridad, y no en la mayor o menor protección que pueda brindar dicha autoridad.

 

(*) arkegueta- UTN(Universidad Tecnológica Nacional)

alberto.buela@gmail.com

 



[1] Revista de estudios políticos N° 78, Madrid, 1954

vendredi, 04 juin 2010

G. Maschke: ex-gauchiste, schmittien, pessimiste et amoureux de la vie

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

Günter Maschke: ex-gauchiste, schmittien, pessimiste et amoureux de la vie

 

maschke.jpgA l'âge de six ans, Günter Maschke, natif d'Erfurt en Thuringe, s'installe dans la ville épiscopale de Trêves, en Rhénanie-Palatinat. En 1960, il adhère à la Deutsche Friedensunion  (l'Union allemande pour la paix) et, plus tard, à la KPD communiste illégale. Deux tentatives pour échapper à l'étroitesse d'esprit de cette ville provinciale. Après des études secondaires et un diplôme de courtier d'assurances, il décide de devenir écrivain. Dans le cercle qui se réunissait autour de Max Bense et de Ludwig Harig, il fait la connaissance de Gudrun Ensslin (future figure de proue de la Bande à Baader) à la Technische Hochschule de Stuttgart. Accompagné de la sœur de Gudrun, Johanna, il va s'installer à Tübingen pour y prendre en charge la rédaction du journal étudiant Notizen, de concert avec le futur terroriste Jörg Lang.

 

En 1964, Maschke met sur pied un “Groupe d'Action Subversive” à Tübingen, une organisation légendaire qui a préfiguré la fameuse SDS gauchiste, à laquelle ont appartenu Rudi Dutschke et Bernd Rabehl. Un an plus tard, Maschke reçoit son ordre de rejoindre la Bundeswehr: il refuse tant le service armé que le service civil. Il prend la fuite et commence un exil qui l'amènera d'abord à Paris puis à Zurich et finalement à Vienne, où il est collaborateur occasionnel de Volksstimme (d'obédience communiste) et du Wiener Tagebuch. Après une manifestation énergique contre la guerre du Vietnam dans la capitale autrichienne, Maschke est arrêté par la police. Il est déclaré “étranger indésirable” et il risque d'être refoulé en Allemagne où l'attend un mandat d'arrêt pour désertion. Après trois semaines de prison, l'ambassade de Cuba lui propose l'asile politique.

 

Il restera à Cuba du début de 1968 à la fin de 1969. Dans le pays de Castro, Maschke est devenu national-révolutionnaire. Les raisons de cette conversion sont sans doute multiples: les conditions déplorables dans lesquelles végétaient ses amis ou les formes spéciales du “stalinisme tropical”... Ami du poète Padilla, un adversaire du régime cubain, il est impliqué dans cette affaire, arrêté par la police de Castro et renvoyé en Allemagne. Il y passera d'abord treize mois dans les prisons de Munich et de Landsberg.

 

C'est là qu'il passera définitivement à “droite”. Mais le camp de la droite a hérité là d'un allié très critique, trop critique aux yeux de bon nombre de conservateurs bon teint. Ses premières avances sont brusquement repoussées. Beaucoup de droitiers et de conservateurs rejettent aveuglément les idées de gauche, un aveuglement que Maschke n'a jamais compris. Avec la gauche radicale, il s'est révolté contre l'américanisme, contre le parlementarisme et a milité en faveur d'une réforme du droit de la propriété. Mais, par ailleurs, il a toujours plaidé, contre une gauche qui ne cesse plus de s'éloigner du marxisme, pour un Etat fort, modérément autoritaire.

 

Dans sa vie privée aujourd'hui, Maschke traduit et édite les textes de l'Espagnol Juan Donoso Cortés et de Carl Schmitt. Sur le plan scientifique, il travaille dur, il est exigeant et méticuleux, mais quand il reçoit ses amis, il est un hôte jovial et généreux, qui aime les bons plats et les bons vins, qui dissimule son pessimisme notoire derrière des blagues hautes en couleurs, derrière un charme exquis, avec une souveraineté bien consciente d'elle-même.

 

Werner OLLES.

(article paru dans Junge Freiheit, n°26/97).

jeudi, 03 juin 2010

L'Addictature: la tyrannie de la dépendance

L'Addictature : La tyrannie de la dépendance

Ex: http://www.polemia.com/

Polémia a reçu un excellent texte sur « l’addictature ». « L’addictature », c’est la dictature du système marchand, mondialiste et médiatique à travers l’addiction : l’addiction aux images, l’addiction à la consommation ; notamment par la prise du contrôle des esprits par les publicitaires et la décérébration scientifique, une addiction à la consommation à la publicité et au commerce qui est, selon l’auteur, la principale cause du politiquement correct. C’est le chef d’entreprise, le publicitaire et l’éditorialiste qui cherchent à éviter tout ce qui peut nuire à un « bon climat », ce qui les conduit à privilégier le conformisme et à craindre la liberté de l’esprit.

Polémia

1/ Consommer c’est détruire

Londres, été 2000, à proximité du célébrissime Hyde Park, une réunion se tient dans les locaux d’une agence de publicité regroupant une vingtaine de « marqueteurs » du monde entier… Face à l’agence, un panneau publicitaire de 4m sur 3 attire l’attention du passant, dérange la bonne société londonienne et émerveille nos jeunes cadres un brin efféminés, grands prêtres de l’impact pour l’impact, adeptes des idées décalées qui « feraient bouger le monde », ennemis jurés de la normalité d’emblée jugée réactionnaire ou simplement emmerdante.

Sur l’affiche géante : une femme septuagénaire ridée comme une pomme, le visage révulsé et bestial, un corps misérable au deux tiers dénudé, simplement sanglé dans une combinaison sado-maso de latex noir clouté ; dans sa main droite un fouet hérissé d’épines de métal, dans sa main gauche une boîte de pastilles à la menthe et un « claim », une signature, un message : « Draw the pleasure from the pain » (tirez votre plaisir de la souffrance). Un clin d’œil bien british à la gloire du menthol contenu dans ces anodines pastillettes mais qui pourrait en dire long sur la dégradation de notre rapport au monde ô combien tourmenté.

Et si consommer c’était consumer et se consumer, altérer l’objet et s’altérer soi-même… et si consommer c’était avant tout détruire ? Le désir est castré par la totale accessibilité des biens. Contrairement au discours des publicitaires, les médias ne créent jamais le désir mais surinforment sur l’hyper-disponibilité des biens et des plaisirs qu’ils sont censés générer. Mais, au fait, peut-on réellement désirer quelque chose de prêt à consommer ? Tout est susceptible d’être consommé : des derniers yaourts à boire à la jeune blonde siliconée. Les fabricants de biens de consommation sont des créateurs d’éphémère et les consommateurs les destructeurs compulsifs de ces biens. Cette évidence met en lumière un malaise profond dans la relation de l’homme à l’objet, de l’Etre à l’Avoir. L’acquisition du bien est sacrée mais curieusement le bien ne l’est plus car son destin est d’être rapidement détruit. Cette évidence fonde le non-respect des choses, mais aussi des personnes ou de soi-même, ce qui est l’une des origines de l’apologie du morbide dans notre société. Les clins d’œil publicitaires d’un goût douteux ne sont d’ailleurs pas les seuls à cultiver cette pulsion destructrice, cette pathologie collective.

2/ De la répression à la dépression

Le système marchand mondialisé et son paravent droit-de-l’hommiste mis en majesté par la médiacratie n’en finit pas de stigmatiser les répressions pour mieux nous faire sombrer en dépression. Lorsqu’il n’y a plus de résistance, de combats, d’appartenance, il reste la dépendance. Lorsqu’il n’y a plus de tradition il reste les addictions.

Les épouvantails dressés par l’addictature sont les paravents bien pratiques d’une redoutable machine à lobotomiser le cerveau humain. A la manière des sectes, qui dénoncent le pouvoir répressif du milieu familial pour mieux couper la nouvelle recrue de ses racines, le système diabolise les points d’ancrage intangibles (gisements potentiels d’éclairs de lucidité) pour mieux pratiquer ses lavages de cerveau.

3/ La machine à générer le manque

Imaginons l’espace d’un instant un historien du futur portant un regard critique sur l’ère des marchands. Que décrirait-il en vérité ? Un monde dont le fonctionnement peut se résumer à la relation du dealer au toxicomane. Un monde hanté par la phobie du manque et de la répression au point de lui préférer la décérébration, l’aliénation, l’addiction. Personne ne semble échapper à la grande machine à générer le manque… Ni les oligarques, tour à tour marchands et consommateurs, ni les intellectuels les plus éclairés voire les plus dissidents. La véritable dissidence n’est possible dans l’addictature que si, et seulement si, la prise de conscience des aberrations du système, la réinformation et l’éveil du sens critique sont accompagnés d’un véritable sevrage au sens le plus addictologique du terme. La société de consommation agit sur l’homme comme une drogue, comme l’ont approché bon nombre de sociologues depuis Jean Baudrillard. Mais un drogué pourra avoir conscience que son dealer est son bourreau tout en mettant tout en œuvre pour le protéger car il a besoin de sa dose. Cette relation morbide et masochiste du drogué au dealer est l’une des principales caractéristiques d’une machine à détruire. Détruire les biens (consommer c’est consumer), détruire la planète (on ne peut indéfiniment ou « durablement » détruire des ressources finies), détruire l’homme (privé de tout repère, vidé de tout projet, de toute valeur et de tout désir).

La soif de nouveauté et son corollaire, l’insatisfaction permanente, traduisent non pas une envie de vie, mais un manque, là encore au sens toxicologique du terme.

4/ La manipulation marchande au cœur du réacteur médiatique

Ne cherchons pas derrière l’hypnose médiatique la main d’un « Big Brother » idéologue et manipulateur. Ils sont des milliers, les « Big Brothers » du système marchand, et leur seul dieu, leur unique idéal est l’Argent ; un système multicéphale ultra-matérialiste, qui a pour seul objectif de réduire le citoyen à l’état de consommateur. Régis Debray dans son cours de médiologie générale observe : « Pour s’informer de ce qui se passe au dehors, il faut regarder la télévision et donc rester à la maison. Assignation à résidence bourgeoise car un “chacun pour soi” était en filigrane, qu’on le veuille ou non, dans le “chacun chez soi”. La démobilisation du citoyen commence par l’immobilisation physique du téléspectateur. »

La tyrannie médiatique n’est en vérité que l’un des moyens mis en œuvre par le véritable bras armé du système qu’est le marketing. Son aversion pour le dissensus, son penchant pour la pensée unique, le politiquement correct, découlent très directement d’un impératif absolu dans toute relation d’affaire : le bon climat. Le bon climat, c’est la confiance et l’éviction de tout ce qui pourrait gêner, choquer, distraire de ce qui est l’objectif principal : l’échange.

Le dealer se montre toujours rassurant sur les risques encourus, sur l’environnement, la qualité de la marchandise ou sur les conséquences du shoot… La confiance est la clé, surtout pas les vagues : l’origine de la bien-pensance est très exactement là ! Plus un seul éditorialiste ne peut ignorer les postes clés du compte d’exploitation du journal qui l’emploie et les chiffres clés du nombre d’abonnés et du chiffre d’affaires lié aux annonceurs. Nous pouvons faire le pari que c’est la « consophilie » ou la « consodépendance » du médiacrate qui le rend politiquement correct avant même ses partis pris idéologiques. La liberté de la presse, malgré ses postures et sa prétendue et arrogante indépendance, apparaît désormais bien plus libérale au sens idéologique du terme que réellement libérée.

L’addictature se met ainsi en place pas à pas en agissant grâce à un formidable rouleau compresseur : le mix-marketing. Actions sur les produits (toujours innovants ou mieux emballés) ; actions sur la diffusion (des relais, des distributeurs) ; actions sur le prix (attractif, promotionnel, compétitif) ; actions sur la communication (un objectif et une promesse par cible, bien intelligible, un ton bien testé, un choix média pertinent) ; actions sur la connaissance des cibles.

Ce dernier point en dit long sur un processus de décérébration quasi scientifique : outre les études quantitatives qui permettent de segmenter et de croiser de façon très fiable les comportements d’achat sur différentes catégories de biens de consommation, le marketing a recours à des « focus groups », véritables séances de psychanalyse où des consommateurs-cobayes sont exposés à des projets, des produits, des signatures de communication (plus une seule campagne publicitaire n’échappe à des pré-tests approfondis où l’impact et la « valeur incitative » sont pré-évalués et l’offre réajustée).

Plus récemment, les publicitaires et marqueteurs se sont intéressés à notre cerveau. On connaissait les tests de pupimétrie (évaluation de la dilatation de la pupille en fonction des stimuli visuels) ; les études de « eye-tracking » (observation du cheminement du regard sur un rayon de supermarché en vue de hiérarchiser la place en linéaire ; les observations in situ par caméras du comportement du consommateur, analysé par des spécialistes en comportement animal sur le lieu de vente, le tout complété d’interviews in vivo…

Mais voici venue l’ère du « neuro-marketing » qui vient parachever le système de surveillance de l’addictateur marchand sur nos misérables vies de toxicos soi-disant libérés. En mars 2007, le journal Le Monde révélait dans l’indifférence générale que Omnicom, leader mondial de l’achat publicitaire, avait recours aux neurosciences pour comprendre et influencer les consommateurs. L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMF) peut en effet livrer désormais des images du cerveau et de ses réactions à toutes sortes de stimulations. Le Collège de médecine de Houston a largement contribué à populariser ces techniques jusqu’à « interroger » les cerveaux pour leur poser une question du type : « Etes-vous plutôt Pepsi ou Coca ? ». Lorsque Patrick Le Lay rappelait, en 2005, que ce qu’il vendait à Coca Cola c’était du temps de cerveau disponible, il ne croyait pas si bien dire. Ses successeurs sont désormais en mesure de vendre une part de cerveau qualifié, pré-testé, encadastré, radiographié, formaté. Il est aujourd’hui possible de prédire l’acte d’achat en observant à l’IRMF l’activation des circuits neuronaux. De la même manière, il est possible d’évaluer la mémorisation d’une campagne de communication en fonction de la répétition du message et du couplage de plusieurs médias pour sa diffusion.

5/ Des barbelés dans nos têtes

Sucrée, sans tyrans identifiables, sans miradors ni répressions visibles, l’addictature à pas de velours a tressé des barbelés dans nos têtes en exécutant le désir par l’hyper-disponibilité des biens, en nous emprisonnant dans la néophilie et l’insatisfaction permanente, en digérant les germes des contestations, en entretenant une névrose, une obsession : remplir un vide (comme un puits sans fond). La tyrannie de la dépendance est en marche, de la découverte d’une drogue jusqu’à la quête insatiable d’un plaisir pour aboutir à la dépendance absolue et à l’overdose. Toxicomanes, cyber-addicts, consommateurs, même combat !! Seul le fil à la patte change de forme, seule la dose change d’aspect.

Le dealer (oligarque ou revendeur) est peut-être l’archétype de la réussite moderne, mais lui aussi est tour à tour victime et bourreau, esclave et maître. Il devient alors difficile de désigner la tête, le tyran responsable, ce qui est généralement très confortable dans une démarche révolutionnaire classique.

Pourtant, lorsqu’une névrose s’érige en système de valeurs, que l’Avoir prend le pas sur l’Etre et que des milliards de cerveaux passent au micro-ondes, il serait inconcevable qu’une certaine dissidence émanant de quelques rescapés ne puisse émerger pour organiser au bout du compte : une rupture.

6/ Des ratés qui nourrissent l’espoir

Comme toujours, les organismes (des plus simples aux plus complexes) portent en eux les germes de leur propre destruction. Des cellules s’altèrent, mutent et compromettent tout à coup un équilibre par essence précaire voire miraculeux : le principe vital. Le système dans lequel nous vivons, aussi technomorphe et désincarné soit-il, n’en reste pas moins une production humaine dont le matériau, le carburant principal, demeure l’homme et à ce titre comporte le même niveau de vulnérabilité biologique. L’idée selon laquelle le système marchand occidental serait un aboutissement, la fin de l’histoire, le bonheur universel ou le salut éternel est une vue de l’esprit englué dans un mythe progressiste, d’origine chrétienne, laïcisé par les Lumières. Les crises actuelles sont en train de venir à bout de ce mythe.

7/ Radioscopie de la dissidence

Rendre le dissensus possible n’est pas à la portée de tous. Deux voies très différentes s’offrent à nous : la dissidence révolutionnaire avouée, extrémiste, anarchiste ; elle est l’élément extérieur au système qui l’attaque frontalement tel un chevalier parti à l’assaut des moulins ; autre voie, la dissidence métastatique : lovée au cœur du système elle œuvre contre lui à son insu en amplifiant de façon exagérée ses caractéristiques jusqu’à les rendre toxiques pour le système lui-même. Une mutation, un cancer dont l’exemple le plus parlant est ce que représente le capitalisme financier en regard du capitalisme industriel : les traders et les banques d’investissement auront finalement fait beaucoup plus contre le capitalisme que des décennies d’idéologies anticapitalistes. On connaissait les idiots utiles, voici venue l’ère des intelligences cyniques. La menace endogène se révèle toujours plus efficace pour détruire un modèle politique que les attaques exogènes. Le cancer qui pénètre chaque jour un peu plus le système marchand aura raison de lui ; il se nourrit de lui, vit à ses dépens, lui pompe toutes ses réserves, son énergie, sa moelle, son avenir.

Vouloir mieux encore retourner les armes du système contre le système peut aujourd’hui nous inciter à maîtriser la méthodologie marketing afin d’optimiser la pénétration des idées. A cet égard le « marketing idéologique » pourrait représenter une sorte de combat post-gramsciste où l’entrisme socio-culturel laisserait la place à une stratégie rigoureuse et marquettée d’ajustement des thématiques en fonction des cibles (sans les travestir car nous ne nous situons pas dans une approche de marketing de la demande mais dans un marketing de l’offre, c'est-à-dire, un peu comme dans l’industrie du luxe, un marketing « Gardien du Temple », éloigné d’un clientélisme façon démocratie participative). A ces ajustements il conviendrait d’adjoindre une réflexion approfondie sur la diffusion de ces thématiques et de leurs meilleurs porte-drapeaux ainsi qu’un plan détaillé sur la communication desdites thématiques (message, ton, supports médias…). Vaste programme !!!

8/ De l’idéologie de la destruction aux valeurs de la création

Le sevrage par la déconsommation semble être la condition préalable. Rien ne sera possible dans la procrastination sur le registre « J’arrête demain » ou le constat passif du type « Ce monde est fou… ». Impossible de transiger sur la normalité et les fonctions vitales. Impossible de ne pas hurler que l’essence même de l’humain est de créer, de procréer, de se surpasser et que l’appartenance vaut mieux que toute dépendance.

Les marchands doivent quitter le temple et rejoindre le marché. Il est pour le moins paradoxal de faire le constat aujourd’hui que l’homme matérialiste (libéral ou marxiste) aura été en réalité un antimatérialiste, c’est-à-dire au sens propre du terme un destructeur de matières, de biens, d’environnement. Les ruptures mortelles se sont multipliées depuis la mainmise de certaines visions monothéistes et de leurs produits dérivés pseudo-humanistes sur nos consciences : rupture organisée du corps avec l’âme ; du matériel avec le spirituel ; de l’Homme avec la Nature ; du Peuple avec sa terre.

Passer de l’idéologie de la destruction aux valeurs de la préservation et de la création, c’est redonner tout à la fois à l’homme et à la matière leur noblesse, leur statut… C’est affirmer et même sacraliser la filiation des matières entre le minéral, le végétal, l’animal et l’humain… C’est redonner à l’homme ses attaches dans le temps et dans l’espace, loin des mystifications, loin des addictions… C’est remettre l’Homme à sa place et retrouver les liens fondamentaux… ceux qui délient les chaînes.

H. Calmettes

19/05/2010

Correspondance Polémia 24/05/2010

T. Sunic: Sex and Politics

Ex: http://www.theoccidentalobserver.net/authors/Sunic-Sex&Politics.html#TS


Sex and Politics

Tom Sunic

May 29, 2010 

Political mores often reflect sexual attitudes. Conversely (and more commonly) political environment affects sexual mores. In our so-called best of all worlds, “free love” has become an aggressive ideology transmitted by left-wing opinion makers. The underlying assumption, going back to the Freudian-Marxist inspired student revolts of 1968, is that by indulging in wild sex a muscled regime can be muzzled and any temptation for an authoritarian rule can be tamed.  

Palaver about “free love equals no war” is still a prevalent dogma in the liberal system. Hans Eysenck, the late psychologist and expert on race and intelligence (also occasionally defamed as a ‘racist’), deconstructed the Freudian fraud in his book The Decline and Fall of the Freudian Empire: “Freud’s place is not with Copernicus and Darwin but with Hans Christian Andersen and tellers of fairy tales.  Psychoanalysis is at best a premature crystallization of spurious orthodoxies; at worst a pseudo-scientific doctrine that has done untold harm to psychology and psychiatry alike” (1990, p. 208). One could infer from Eysenck’s statement what a great many Whites have known for decades, but have been afraid to utter aloud: Freudianism has been an excellent tool for pathologizing Whites into feelings of guilt in regard to their traditional attitudes toward sex and politics.  

Politically correct — sexually incorrect 

Freudianism, instead of curing alleged sexual neuroses and phobias, has ended up creating far more serious ones. Fifty years after the “sexual revolution” the West is replete with men suffering from sexual impotence, with an ever growing number of women and men indulging in odd, perverted and criminal sexual behavior. Yet, despite the fact that the quackery of Sigmund Freud and Wilhelm Reich is no longer trendy, the topic of sex continues to play a crucial role in social interaction. In order to liberate White youth from their feelings of traditional European shame (which is not the same as the Judaic concept of guilt), the non-stop media parading of geometric Hollywood beauties makes many young Whites develop the inferiority complex about their own sexual equipment — or performance in the bedroom.  As a result, a classical nucleus of society — the family — falls apart. 

There is a widespread assumption fostered by liberal and leftist opinion-makers that right-wingers and nationalists are sexual perverts, misogynists, or wild macho-types suffering from a proto-totalitarian Oedipus complex — which accordingly, must lead to proverbial anti-Semitic pogroms. Such a diagnosis of the White man was offered by Erich Fromm in his famed The Anatomy of Human Destructiveness, a book in which the ultimate symbols of evil, the incorrigible Hitler and Himmler, are routinely depicted as “case studies of anal-hoarding-necrophilic sadists.” (1973, pp. 333–411). Fromm’s and Freud’s avalanche of nonsense may tell us more about their own troubled childhood and their obsession with their own misshapen anal-nasal-oral-circumcised-penile-protrusions than about the non-Jewish objects of their descriptions. 

Once could invert the Freudian dogma regarding the alleged pathogenic sexuality of young Whites and supplant it by solid empirical data offered by renowned sociobiologist Gérard Zwang,  an expert on sex and sexual pathologies and a contributor to European New Right journals — and someone who enjoys the occasional privilege of being labeled a ‘racist’.

If one was to assume that traditional child rearing is conducive to a White man’s sexual aberrations and his violent behavior in the political arena, then one should start with Oriental and African practices of circumcision first — which in Europe, ever since the ancient Greeks and Romans has been viewed as an act of morbid religious fanaticism.  

Back from the Exodus, 500 years later, the "dictatorship" of Moses established circumcision as an absolute obligation, for fear of being excluded from the Chosen People. The prescription is still valid for the Orthodox Jew and for Israelis. ... In France, the pro-circumcision followers argue that the prepuce would be a parasitic remnant of the femininity inside a masculine body. The myth of "native bisexuality" is an old craze with disastrous consequences. … In our territory (France), the very numerous circumcisions requested by Jewish or Muslim parents are often paid by the Social Security of a so-called secular country!  ... The ideal should obviously be one day the definitive extinction of the dismal monotheistic religions, of their unacceptable dogmas, and of their ridiculous prescriptions. (G. Zwang, “Demystifying Circumcision)

 

 

Auguste Rodin, „The Kiss,“ 1889 

Liberal pontificators are quick to denounce the practice of infibulation (female mutilation of clitoris) on many immigrant African women residing in Europe, but hardly will they utter a word to denounce equally painful circumcision on new-born Jews or Muslims. 

With or without this strange Levantine make-believe metaphysical mimicry of penile pseudo-castration, unbridled sexual activity has become today a quasi categorical imperative, largely dependent on the whims of the capitalist market. According to the logic of supply and demand one should not rule out that the liberal system may soon issue a decree for mandatory multiracial marriages. Marriage of White couples may be “scientifically” attested as an “unhealthy union at variance with democratic principles of ethnic sensitivity training.”  Never has the West witnessed so much psycho-babble about “love”, “interracial tolerance,” “gender mainstreaming,” “women’s rights,” “gay rights,” etc. — at the time when suicidal loneliness, serial divorces, sexual narcissism, and sexual violence have become its only trademarks of survivability. 

The Ancients were no less sexually active (and probably even more so) than our contemporaries, as testified by their plastic art showing naked women in warm embrace of their men, or as depicted by Homer in his numerous stories of cupid gods and goddesses. Apuleius, a Roman writer of Berber origin, writes explicitly about a woman enchanted by the sex act. From the 14th-century ItalianBoccaccio, to modern Henry Miller, countless European authors offer us graphic stories of love making between White women and White men. But there is one crucial distinction. In the modern liberal system sex has become an aggressive ideology consisting of mechanistic rituals whose only goal is a “dictatorship of the mandatory orgasm,” thus becoming the very opposite of what sex once was.  

In societies marked by the Puritan spirit, which is still the case among large segments of the White American population, the century-old scorning of sexual encounters has had its logical postmodern backlash: prudishness, promiscuity and pornography. The English-born poet and novelist, D. H. Lawrence was a remarkable man who is close to what we call today a “revolutionary conservative” and is highly popular among European White nationalists. In his essayPornography and Obscenity he wrote how one must reject Puritanism and sentimentalism. “Puritan is a sick man, soul and body sick, so why should we bother about his hallucinations. Sex appeal, of course, varies enormously. There are endless different kinds and endless degrees of each kind.”  (The Portable D.H. Lawrence, 1977, p. 652,). 

Despite globalization, “Americanization” and the increasing difficulty to distinguish between sexual mores in White America and in White Europe, some differences are still visible and often lead to serious misunderstanding among transatlantic partners. This time, the inevitable cultural factor, and not a genetic factor, takes the upper hand. 

White Spectral Lovers  

What may be viewed as vulgar sexual conduct from the perspective of WhiteAmerica is often hailed as something natural in Europe. A sharp and well-travelled European eye, even with no academic baggage, notices a strong dose of hypermoralism and sentimentalism among White American males and females. Examples abound. For instance, public tearful confessions by an American male, either on the podium or at the pulpit about cheating on his wife, while viewed as normal in America, are viewed as pathetic in Europe. Many European White males and women, when visiting America, are stunned when an intelligent American speaker, gripped by emotions, starts shedding tears on his microphone, regardless of whether the theme of his allocution is the plight of Jesus Christ or the predicament of the White race.  

One might explain this phenomenon by suggesting that on a psychological level White Americans, given the early and strong influence of the Old Testament, have been more influenced by the Judaic spirit of guilt than White Europeans, who have traditionally been far more obsessed with a sense of shame. Judaic feelings of guilt were, in the 20th century, successfully transposed in a secular manner by the Marxist Frankfurt School on the entire White population all over the West, and particularly on the German people. By contrast, in the ancient Greek drama and even later among heroes of the Middle Ages, one can hardly spot signs of guilt. Instead, characters are mostly immersed in endless introspective brooding about some shameful act they may or may have not committed. 

Conversely, many White American women rightly conclude that sexual behavior of European males is often erratic, quirky and disorderly. European males are often poorly groomed when dating or mating, often lacking respect for their female partners. For a newcomer to Europe, the overkill of pornographic literature all over public places and the torrents of x-rate movies aired on prime time are indeed unnerving. There is also a different conceptualization of sex and decadence by White Europeans and White Americans respectively.  

Many European White nationalists like to brag about their Dionysian spirit, which often borders on undisciplined behavior. Numerous Catholic holidays in Europe, such as St. Anthony’s day in June, St. Patrick’s day in March, St. George day in April etc., are celebrated from Ireland to Flanders. Typical are Flemishkermesse celebrations depicted by Pieter Breughel.  

Pieter Brueghel the Younger, „The Kermesse of St. George“ (1628)

These celebrations are not meant for Bible preaching, but rather as an occasion to release residual, primordial and pagan feelings. The pent-up sense of the tragic, the accumulated sorrows that come along with age, must be wildly vented, even at the price of appearing grotesque in foreigners’ eyes.

The duration of such mega-feasts is strictly limited. Over the centuries, the Catholic Church has been shrewd enough to incorporate the pagan heritage into Catholic feasts, because otherwise its monotheistic dogma would not have lasted long. Not surprisingly, kermesses and carnivals are in reality far more prophylactic and effective for good sex than all the Viagra and Freudian shrinks combined. On such occasions, still alive in Catholic rural Europe, everybody revels, drinks, everybody pinches each other’s backside, as shown long time ago on Rubens’ and Breughel’s paintings. However, when the fun is over the same revelers go back to their traditional family chores.      

It is a common practice among high intellectual classes in Europe for a married man to flirt with an unknown attractive woman at a social gathering — even in the presence of his own spouse. In fact, for a married man in Europe courting an intelligent woman is considered a sign of good upbringing and chivalry — with a tacit ocular understanding between the two that they may end up in bed together — but with no strings attached. On public beaches from France’s Saint Tropez to Croatia’s Dalmatia, all the way to public parks in Copenhagen, it is normal in hot summers to observe naked women of all ages sunbathing and skinny-dipping in the presence of young children. This is something unimaginable on the Santa Cruz Riviera in California, as it would immediately attract a crazed local peeping tom or a stern-faced police officer. 

Several years ago a scandal broke out in the USA caused by the former US President William Clinton’s sexual escapade with a Jewish woman, Monika Lewinsky. Clinton’s sexual adventures literally became a federal case in America, with many American journalists across the political spectrum demanding his resignation. In Europe, Clinton’s extramarital affair was received by many with a shrug of shoulders. One can hardly imagine a voter in Europe asking for the president to be removed from office just because he was cheating on his wife. Having a mate, a concubine a maitresse has been an age-old practice among European politicians, deliberately ignored  by their spouses, approved by their constituencies, and tolerated by the Church, and in no way seen as a sign of character weakness.  

Thousands of Western scientists, artists and poets, who had an organic view of love making, have disappeared now from the academic radar screen. The antebellum South, still demonized as a backward place, was the last place in the West that had at some point in history salvaged White European medieval customs of honor, virility, generosity and chivalry. This can be seen in the tragic poetry of unreconstructed Southerners, such as John Crowe Ransom.  

By night they haunted a thicket of April mist, 
Out of that black ground suddenly come to birth, 
Else angels lost in each other and fallen on earth. 
Lovers they knew they were, but why unclasped, unkissed? 
Why should two lovers be frozen apart in fear? 
And yet they were, they were.

(John Crowe Ransom, “Spectral Lovers”)  

An iconic French nationalist scholar, an artist, and a political prisoner in France after WWII, Maurice Bardèche  was well aware of the slow coming darkness in the West following the defeat of the South in the Civil War:

Firstly, to be a Southerner is to see and feel that one of the biggest catastrophes of our times was the capture of Atlanta. The defeat atSedan is for me nothing more than an event of history; a sad event, but as any other event colorless and historical.  As for the defeat atWaterloo – I cannot convince myself that it has changed the destiny of the world. Even the collapse of Germany, although it seems to me an injustice, a bad whim of God and as any other appearance against all good sense — I do not consider irrevocable.  But the capture of Atlanta — this is for me an irreparable event, the fatal beacon of History. It is the victory of the Barbarians. (Sparte et les Sudistes, 1969, p. 96). 

  

Tom Sunic (http://www.tomsunic.info; http://doctorsunic.netfirms.com) is author, translator, former US professor in political science and a member of the Board of Directors of the American Third Position. His new book, Postmortem Report: Cultural Examinations from Postmodernity, prefaced by Kevin MacDonald, has just been released. Email him.  

Permanent link: http://www.theoccidentalobserver.net/authors/Sunic-Sex&am...

lundi, 24 mai 2010

Politique et tyrannie de la transparence

Politique et tyrannie de la transparence

par Pierre LE VIGAN

Transparenz-142834.jpgOn vit une époque étonnante. Tout le monde s’épanche. Tout le monde y va de sa petite larme, de Jospin à Hillary Clinton. Il ne manque plus qu’Obama. Nous nageons dans l’épanchement intime. « J’ai bien connu votre “ papa ” (ou votre “ maman ”) » dit à l’un Michel Drucker dans son émission Vivement Dimanche –  il n’y a plus de père et de mère, plus que des papa et des maman. Ségolène Royal l’avait compris, elle qui se présentait en disant : « Je suis une maman ». Chacun juge utile de se « livrer », de se dévoiler, de faire si besoin son coming out. Les politiques comme les people. « J’ai souffert », affirme l’un. « J’ai changé », dit l’autre (ou le même). « Je me reconstruis », susurre une troisième. D’où la pipolisation de la politique. À tel point que cela finit par agacer d’autres politiques. « Ségolène [Royal] va trop loin dans la description de sa vie privée », disait récemment le socialiste Jean-Marie Le Guen.

La question est : faut-il « tout dire » ? Pour nous dire quoi ? Des choses que nous n’avons pas demandé à savoir ? Tel concurrent U.M.P. de Mme Pecresse en Île-de-France nous dit qu’il préfère les garçons. Et alors ? Cela n’a pas plus d’intérêt politique que de savoir s’il aime ou non les œufs au plat. Nous sommes dans l’expression brute des subjectivités, et non des idées. C’est le grand déballage des narcissismes. Exhibition et voyeurisme obligatoires : on parle à ce sujet de l’idéologie de transparence, et même à juste titre de la tyrannie de la transparence. C’est l’idée que tout doit être dit. Pour montrer qu’on est sincère et authentique. Et pour « trouver une solution » à tout.

Car si on dit tout, si on est transparent à soi et aux autres, « ça » devrait mieux « communiquer ». Donc, les conflits devraient disparaître. Exemple : la réponse au stress, ce sont les outils de gestion du stress, la réponse à l’angoisse c’est « trouver quelqu’un à qui parler » (un psy). La société de la transparence est aussi la société du « tout est psy ». Sortir du mal-être et des conflits c’est au fond une question… d’organisation et de communication.

La transparence, ce sont aussi les émissions de « sexo-réalité » dans lesquelles chacun vit en direct des expériences intimes. Ainsi, l’homme devient un objet manipulable. Il devient l’enjeu des dispositifs et des outils de gestion de la « ressource humaine ». C’est L’extension du domaine de la manipulation dont parle très bien Michela Marzano (Grasset, 2008). Car vouloir apparaître sincère et ouvert, c’est d’abord une stratégie de communication et donc une stratégie de pouvoir. La transparence repose sur la négation de la séparation entre ce qui est public et ce qui relève du privé. Les Grecs ne connaissaient pas cette séparation sous cette forme. Pour eux, il y avait ce qui est « naturel », zoologique, et n’avait en fait aucune importance, et ce qui est politique et public, et est seul important. C’est pourquoi les critiques de l’exposition de l’intime ne sont pas forcément des puritains. Ce sont des gens qui estiment que ce n’est pas important. Ou encore, ce sont des gens qui estiment qu’en ne parlant pas de tout, on préserve justement la possibilité des échanges. En effet, comme l’écrit Yves Jeanneret, la transparence est une illusion car « le langage ne donne directement accès, ni à l’être, ni à la vérité de celui qui parle ».

Les conséquences de l’exposition publique de qui était auparavant privé ne sont pas minces. C’est la réduction de l’espace public et de la politique au traitement d’affaires privées, en tout cas singulières et particulières. L’horizon du bien commun disparaît, les manifestations des ego de chacun prennent le pas sur lui. La politique se dilue dans l’expression d’intérêts particuliers, généralement humanitaires, qui appellent des réponses elles-mêmes segmentées : faire « quelque chose » pour les femmes battues, pour les handicapés, pour les supposés descendants d’esclaves, etc. Des objectifs parfois estimables mais parcellaires. Il y a là les ferments d’une privatisation du politique. « Le programme politique, l’expérience, la vision d’ensemble comptent moins que l’image personnelle, les anecdotes privées, les mésaventures mêmes qui pourront alimenter une chronique médiatique », écrivait la revue Esprit en janvier 2007 au seuil de la dernière campagne présidentielle.

Depuis Sarkozy et Royal, la médiatisation de la vie privée a pris des proportions inédites. Le privé est devenu la norme du politique. « La vie, la santé, l’amour sont précaires. Pourquoi  le travail échapperait-il à cette loi ? », disait récemment Laurence Parisot, patronne du MEDEF. C’est une façon de faire des incertitudes de la vie personnelle de chacun la norme du social et du politique. Sophisme et cynisme du grand patronat.

En conséquence, le statut de l’intime, le plus privé du privé, est chamboulé. Exposé et surexposé, l’intime devient trivial. Quand il faut « tout dire », l’homme est privé de l’intime comme l’explique Michael Foessel dans La privation de l’intime (Seuil, 2008). L’intime s’évanouit : il ne supporte pas la lumière. Pas plus qu’il ne supporte l’excès de manipulation. La privatisation du politique a ainsi pour corollaire la privation de l’intime.

Mais l’instrumentalisation de l’intime a peut-être atteint ses limites.  Le culte de la transparence aussi. Loin d’être dupe, le public est devenu méchant. Il ricane plus qu’il ne sourit. Et surtout il ne respecte plus les politiques et se détourne de la politique. Il faudra pourtant bien y revenir. Sous des formes nouvelles peut-être.

Pierre Le Vigan

dimanche, 23 mai 2010

Fédéralisme: réflexions générales et cas espagnol

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1994

 

 

Fédéralisme: réflexions générales et cas espagnol

 

Au lendemain de la dernière guerre, après la chute des totalitarismes de moutures fasciste ou nationale-socialiste, la pensée politique était confrontée aux problèmes suivants:

1) comment créer un Etat démocratique

- capable de rapprocher les gouvernants et les gouvernés;

- soucieux de ne pas rééditer l'anonymat des démocraties formelles;

- générateur d'un équilibre social et d'une justice équitable dans la redistribution?

2) comment conserver l'imbrication des structures politiques dans un tissu histo­rique précis, légué par l'histoire?

3) comment conserver un minimum de cohésion dans les Etats disparates sur les plans ethnique, linguistique, confessionnel, etc.?

4) comment éviter l'affrontement perpétuel entre ces différentes composantes?

5) comment maintenir la souveraineté et permettre l'exercice de la décision dans des sociétés envisagées d'emblée comme plurielles et conflictuelles?

6) quelles règles allaient devoir faire fonctionner cet Etat nouveau, qui prenait à la fois le relais des totalitarismes (qui avaient rapproché les gouvernants des gouver­nés en accentuant une dynamique sociale hyper-effervescente conduisant au pa­roxysme de la mobilisation totale, voire de la guerre) et celui des démocraties for­melles (qui avaient suscité l'indifférence et/ou l'hostilité des masses parce qu'elles refusaient de tenir compte des valeurs)?

7) comment mettre fin aux rigidités des centralismes sans sombrer dans le chaos de l'indécision?

8) comment articuler ces nouveaux Etats dans un concert européen, ou plutôt dans un contexte stratégique étendu désormais à l'ensemble du continent? Quelles mé­thodes inventer pour déconstruire progressivement et positivement les antago­nismes stato-nationaux qui avaient mis l'Europe deux fois à feu et à sang?

 

Le premier constat des constitutionalistes, notamment en Allemagne: le modèle hel­vétique fonctionnait sans heurt depuis plus de six siècles, faisant de l'espace suisse une oasis de paix civile dans un océan européen en proie aux pires tempêtes. Force était de constater que la vieille démocratie de type helvétique avait su con­server des éléments de démocratie acclamative (les votes sur place publique à main levée et sous la supervision d'un «amman») et le principe référendaire, qui brise les logiques trop arithmétiques des scrutins classiques et permet de trancher et de dé­cider sans heurter de plein fouet les sentiments profonds du peuple. Le référendum permettait la mobilisation des factions, des militants et des strates d'opinion dans un cadre juridiquement établi et pour un laps de temps suffisamment bref pour ne pas basculer dans le chaos. La «mobilisation» n'était pas permanente comme dans les modèles totalitaires, elle était ponctuelle et temporaire, mais, en tant que telle, ja­mais évacuée: il était toujours possible d'y faire recours pour trancher des «sacs de nœuds» idéologico-politiques.

 

Enfin, le modèle constitutionnel helvétique permettait la survivance voire le renfor­cement des identités multiples établies sur le territoire morcelé en d'innombrables vallées alpines ou zones enclavées, ayant chacune leurs spécificités linguistiques ou confessionnelles. Enfin, ce puzzle helvétique, en apparence disparate, a su faire preuve de décision dans l'histoire, de cohérence politique et a assuré le consensus de ses citoyens, de façon quasiment ininterrompue.

 

L'Allemagne reconnaît dans ce respect helvétique des spécificités un linéament im­mémorial de droit germanique. Dans son fédéralisme, elle veillera dès lors à transpo­ser ce linéament dans sa constitution, en reconnaissant la «nature d'Etat» (Staatlichkeit) des multiples composantes de la RFA. Mais la RFA ne retient pas le principe référendaire, estimant sans doute implicitement que le peuple ferait un mauvais usage de cet outil politique, comme sous le III° Reich lors du référendum de 1937 («Dein Ja dem Führer»). L'omission du principe référendaire est-elle, sur le fond et en dernière instance, compatible avec le principe cardinal de la constitution, qui affirme que le Volk est le seul détenteur de la souveraineté, selon la double lo­gique du principe républicain et national-démocratique qui sous-tend finalement cette constitution, en dépit des modes actuelles qui tendent à refouler ces éléments de base de toute politique concrète dans la «poubelle politique» que constitue l'«extrême-droite», fourre-tout conceptuel ne renvoyant à d'autre réalité que les fan­tasmes des agents en place dans les médias? Or, sans tenir compte des aspirations républicaines et démocratiques (au sens vieux-romain et quasi-communautaire du terme) et du fait national (qui fait que les hommes vivant là sont tels et non autre­ment), on ne peut pas faire de politique concrète, seulement de la politique senti­mentale, chavirant trop souvent dans l'hystérie et l'irréalisme.

 

Si la structure fédérale allemande fonctionne correctement dans des espaces plus vastes que les cantons helvétiques, les problèmes qui affectent la démocratie alle­mande résident dans 1) l'absence de principe référendaire; 2) le poids trop lourd des principaux partis; 3) la barre des 5% pour l'accès aux structures de représentations, qui, couplée à l'absence de référendum, ne permet guère une refonte démocratique, naturelle et potentiellement permanente du paysage politique (la démocratie étant, aux yeux de ses pères fondateurs, un système politique tentant de se mettre au dia­pason des changements sociaux, psychologiques et techniques qui affectent la vie quotidienne du peuple).

 

Néanmoins, jusqu'au seuil des années 80, le système allemand était le plus moderne d'Europe, abstraction faite de la Suisse, dont le relief particulier rendait inexpor­table son modèle tel quel. Mais la «troisième vague», pour employer le vocabulaire du futurologue Toffler, portée, entre autres, par la “révolution informatique”, contri­buait fortement à changer la donne en Europe et ailleurs dans le monde industrialisé. Toutes les formes et modalités de centralisation devenaient plus ou moins ca­duques, partiellement ou entièrement obsolètes. Toffler, dans son ouvrage «Les Nouveaux pouvoirs» (en anglais, le titre est plus explicite: «Powershift»), constate le passage des monolithes aux mosaïques, c'est-à-dire le découpage pragmatique des grandes entités (notamment les énormes consortiums industriels) en unités au­tonomes, dont le fonctionnement est plus souple, plus adapté aux tissus locaux. Cette évolution du monde industriel correspond à une nouvelle nécessité, répondant à des impératifs de rentabilité et de facilité. Forcément, en dépit de son conserva­tisme naturel, le monde des institutions politiques allait devoir suivre.

 

Mais aucun projet cohérent, juridiquement étayé, n'est né en Europe occidentale pour répondre à ce défi, qui, qu'on le veuille ou non, exige une réponse claire et ra­pide. Pendant les années 60, les démocraties formelles d'Europe occidentale et la démocratie fédérale allemande ont coexisté harmonieusement, portées par une con­joncture haute, inégalée, et qui ne reviendra sans doute jamais plus. Les démocra­ties formelles de notre frange occidentale de l'Europe ont été prises en otage par les grands partis politiques et par leur relais dans la société civile (syndicats, mu­tuelles, mouvements de jeunesse, lobbies de diverses moutures, etc.), que le lan­gage sociologique néerlandais nomme les «zuilen», littéralement les «piliers», véri­tables étouffoirs des spontanéités populaires, visant au départ à canaliser celles-ci, ils ont systématiquement transformé les flux émanant du peuple en trop maigres pe­tits pisselets, étroitement surveillés par un fonctionnariat qui défendait jalousement et crapuleusement, anti-démocratiquement et mafieusement, ses acquis et empê­chait les autres, les nouveaux venus, d'apporter leurs compétences à la collectivité populaire, forçant de nombreux sujets d'élite à émigrer; en Allemagne, le duopole des chrétiens-démocrates et des sociaux-démocrates n'a pas permis d'adapter la constitution, pourtant réceptive dans son essence, aux innombrables différences qui innervent le monde.

 

Il a fallu attendre la chute d'un autre système ancien (le régime franquiste) pour réamorcer, quelque part en Europe (en l'occurence en Espagne), une réflexion nou­velle en vue d'élaborer une constitution plus adéquate à notre société-monde en phase de complexification croissante. Or la pertinence d'un système politique se mesure à sa capacité d'intégrer très rapidement les complexités émergentes et sur­tout, de se mettre en disponibilité permanente pour effectuer ce travail d'intégration. Si ce travail n'est pas fait, ou n'est pas fait à temps, les problèmes s'accumulent, les dysfonctionnements sociaux se succèdent à une allure de plus en plus rapide et l'on débouche sur l'ingouvernabilité, l'incohérence et le chaos (et nous y sommes!). Les fascismes de formes diverses qui ont animé la scène politique européenne dans les années 20-40 ont cru pallier à l'enlisement, produit de l'indécision, en concen­trant le pouvoir entre les mains d'un chef charismatique (cf. Max Weber) ou d'élites quiritaires-militantes (cf. Gaetano Mosca, Vilfredo Pareto), qui se donnaient pour objectif de mettre un terme aux discussions interminables des parlements (ceux-ci ne représentaient plus que des élites qui n'étaient déjà plus au diapason des inno­vations), et raccourcir le temps entre l'émergence d'un fait nouveau et la décision qui devait l'arraisonner (cf. Mussolini: «la dictature fait en six minutes ce que le parlementarisme fait en soixante ans»).

 

Ces éléments de réflexion doivent nous conduire à condamner les vieilles démocra­ties formelles, à réfuter les idéologies qui leur servent d'assises et à concevoir l'évolution réelle de la pensée politique européenne comme suit:

1) une phase de démocratie formelle (rousseauiste ou conservatrice), qui a été ina­daptée aux évolutions sociales, psychologiques et techniques, dans la période 1880-1950, et qui prouve une nouvelle fois son inadaptation à intégrer l'innovation depuis le choc pétrolier, la révolution informatique et la robotisation des tâches ré­pétitives dans l'industrie. La démocratie formelle n'est bonne que sous la situation «rebus sic stantibus», c'est-à-dire si l'on abolit les facteurs «temps» et «espace», ce qui est finalement une impossibilité pratique.

2) Une phase de réaction fasciste, nationale-socialiste, stalinienne, militariste (Japon) ou directoriale (= première phase du New Deal de Roosevelt). L'objectif: rac­courcir le temps de décision. L'inconvénient: une hyper-concentration qui, à court ou moyen terme, aurait empêché les informations glânées à la base d'accéder aux plus hautes sphères du pouvoir.

3) Une première innovation/adaptation intéressante: la naissance du système fédé­ral allemand, présentant toutefois quelques lacunes.

4) La chute du franquisme espagnol, par la mort du Caudillo, oblige les constitution­nalistes espagnols à élaborer un système démocratique plus moderne, plus ancré dans le divers du réel, plus souple, plus intégrateur de l'innovation.

 

C'est ainsi que les juristes espagnols ont élaboré une nouvelle forme de démocratie fédérale, développant et améliorant en théorie les acquis allemands. La décentrali­sation espagnole redistribuait les cartes après la disparition du centralisme fran­quiste, selon la logique, émergente dans les années 1975-80, de la révolution infor­matique qui permettait de «passer des monolithes aux mosaïques» (Toffler). Les ju­ristes espagnols constataient que les composantes de l'ensemble étatique espagnol n'étaient pas égales entre elles du point de vue quantitatif et ne présentaient pas un degré de conscience historique équivalent. Cette diversité, fort complexe, devait être prise en compte par la constitution. Cette diversité ne permettait pas de décou­per la masse territoriale espagnole, en vue d'une dévolution, en entités symétriques. Il fallait donc un découpage "asymétrique", un octroi à la carte d'autonomies, exac­tement comme il faudra, dans l'Europe de demain, effectuer une nouvelle répartition des compétences politiques selon un schéma asymétrique à l'espagnole. Ce schéma permet notamment aux composantes territoriales d'un Etat, anciennement centralisé comme l'Espagne, de se donner des compétences législatives propres et d'adapter ainsi les règles de gouvernement aux besoins spécifiques d'une communauté, défi­nie par l'histoire, la langue ou l'originalité ethnique. Ensuite, d'avoir le droit de défi­nir une politique de relations internationales, commerciales ou autres, avec des enti­tés similaires dans d'autres pays de la communauté, puis de l'union, européenne. Ainsi, l'«Etat asymétrique des communautés autonomes» permet de sortir des en­fermements stato-nationaux anciens et de passer graduellement et harmonieusement à l'échelle européenne. Remarquons aussi que le législateur a tenu compte des «communautés régionales» (aux compétences plus vastes) et des «communautés lo­cales» (aux compétences plus restreintes).

 

Nous avons là un modèle théorique intéressant. Mais il n'est pas encore parfait, loin s'en faut: les conceptions théoriques sont faibles, certains textes constitutionnels sont ambigus, le montage nouveau a été laborieux, le processus politique n'a pas été suffisamment maîtrisé, les dysfonctionnements n'ont pas tardé à se manifester, le processus coûte cher surtout quand les caciques des partis cherchent à caser leurs féaux dans les nouvelles administrations: bref, la gestation est lente; s'incruster dans le réel prend du temps, la maîtrise de la complexité ne se fait pas en deux coups de cuiller à pot. Cette lenteur, loin d'être criticable, est au contraire un signe positif, la hâte ne résolvant généralement pas les problèmes. Mais l'expérience espagnole, qui se déroule dans un pays plus pauvre que la moyenne de l'UE, donc plus fragile et plus sujet à la dissolution, demeure un exemple pour le reste du continent, pour plusieurs raisons:

- L'Etat des autonomies fonctionne, parfois cahin-caha, mais il fonctionne.

- Le consensus de base sur le système autonomique ne s'est pas effrité. Socialistes du PSOE et conservateurs du Parti Populaire souhaitent poursuivre et approfondir l'expérience.

 

Cette expérience espagnole ne conduit pas à la dissolution ou au séparatisme, tout comme le fédéralisme allemand de la RFA n'a pas conduit à l'éclatement d'une Allemagne finalement plus récemment unifiée que l'Espagne. Or le fractionnement de l'Allemagne avait été le vœu de certains planificateurs alliés; le nouveau fédéralisme devant, à leurs yeux, conduire à terme à l'émergence de plusieurs petites Allemagnes, selon la logique même du Testament de Richelieu. Ce double constat permet d'affirmer que le fédéralisme, l'octroi de compétences étatiques à des entités nationales ou régionales au sein d'Etats souverains, renforcent l'unité plutôt qu'ils ne la dissolvent. L'unité européenne se réalisera par un recours aux autonomies, pratique centripète et non centrifuge, et non par un renforcement des centralismes à tous niveaux, qui débouche sur un rejet instinctif des populations, qui voient le gou­vernement s'éloigner ainsi de leurs préoccupations quotidiennes et des problèmes multiples et divers du vivre-en-commun. Le consensus n'est possible que par la res­tauration des autonomies. Le dissensus naît, par contre, du divorce entre le pays réel et le pays légal. L'expérience espagnole permet donc de déduire des observa­tions intéressantes pour notre objectif final: la constitution d'un grand espace euro­péen, soustrait à l'arbitraire de puissances tierces.

 

Robert STEUCKERS.

 

BIBLIOGRAPHIE:

 

- Dimitri Georges LAVROFF, «Les institutions politiques de l'Espagne», La Documentation française, coll. «Notes et études documentaires», juillet 1981.

- Dieter NOHLEN, José Juan GONZALES ENCINAR (Hrsg.), Der Staat der Autonomen Gemeinschaften in Spanien, Leske u. Budrich, Opladen, 1992.

- Luciano PAREJO ALFONSO, «Aufbau, Entwicklung und heutiger Stand des spani­schen Staates und seiner Autonomen Gemeinschaften», in J.J. Hesse u. W. RENZSCH (Hrsg.), Föderalistische Entwicklung in Europa, Nomos-Verlagsgesellschaft, Baden-Baden, 1991.

- Franck MODERNE & Pierre BON, L'Espagne aujourd'hui. Dix années de gouverne­ment socialiste (1982-1992), Documentation française, 1993.

- Plus général: Arthur BENZ, Föderalismus als dynamisches System, Westdeutscher Verlag, Opladen, 1985.

 

samedi, 22 mai 2010

Eugen Lemberg: anthropologie des systèmes idéologiques

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1987

Eugen Lemberg: anthropologie des systèmes idéologiques

Eugen LEMBERG, Anthropologie der ideo­logischen Systeme, Nomos Verlag­sgesellschaft, Baden-Baden, 1987, 168 S., DM 39, ISBN 3-7890-1144-4.

Deuxième édition d'un ouvrage capital de po­lito­logie paru immédiatement après le décès de l'auteur en 1976. Ce livre se veut le couron­ne­ment de l'œuvre sociologique de son auteur et une analyse comparative des systèmes reli­gieux, philosophiques et politiques qui structu­rent les sociétés en leur communiquant des va­leurs et des normes et en dirigeant leur compor­tement global. D'où la question principale à la­quelle répond Lemberg: quelles sont les pulsions motrices, les systèmes-guides de l'espèce hu­maine? Quel est le rôle de l'idéologie sociale dans la pensée et dans l'agir? Dans la veine des grands fondateurs de la sociologie, Ratzenhofer, Pareto, Gumplowicz, Mosca, etc., Lemberg a écrit un classique incontournable. Il étudie les mobiles instinctifs, institutionnels et idéolo­gi­ques de l'agir social et politique. Il en retrace la phylogénèse et en examine les fonctions (for­mation des groupes, désignation de l'en­nemi, po­sitionnement dans l'environnement politico-culturel, polarisations diverses, etc.). Les sys­tè­mes idéologiques, en­suite, donnent à leurs adep­tes une explication du monde simple, «clé sur porte». Explication qui génère des vérités et des fois qu'ébranlera l'avènement des démar­ches empiriques. Lem­berg étudie aussi le rôle des dubitatifs, des héré­tiques et des dissidents dans les sociétés. L'une des fonctions essen­tiel­les des systèmes idéolo­giques est de guider le com­portement, ce qui a pour effet de stabiliser les sociétés. Stabilisation qui peut déchoir dans la rigidité ou, au contraire, permettre la persis­tan­ce d'un terreau fécond. Dans toute société, s'o­pè­re un partage des rôles entre idéologues et prag­matiques. Les hiérar­chies fonctionnantes sont dès lors marquées par un dosage de principes im­muables et de prag­matisme souple. Enfin, les systèmes idéolo­giques sont soit marqués du sceau du sacré soit rationnels. Conclusion de Lemberg: les idéolo­gies sont tantôt une malé­dic­tion tantôt une béné­diction.

 

 

vendredi, 21 mai 2010

Etat fédéral et confédération d'états

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1999

Etat fédéral et confédération d’états

 

Invité d’un récent débat radiophonique, Charles Pasqua, président du RPF, stigmatisait dans une diatribe anti-européenne, «vieille gaulliste», l’imbroglio juridique sur lequel repose l’Union Européenne, mélange confus d’institutions fédérales et de dispositions confédérales. Si son projet d’«Europe des nations», qu’il partage avec MM Chevènement, Le Pen et Mégret, nous est étranger, reconnaissons-lui d’avoir dit vrai sur l’impéritie des institutions européennes. Quelques précisions concernant ces deux formes de politique commune nous ont donc paru s’imposer, à l’heure où de graves décisions à l’échelle continentale s’avèrent chaque jour plus nécessaires.

 

L’idée fédérale n’est pas nouvelle dans le circuit des idées politiques, apparue comme une alternative in­sti­tutionnelle et culturelle à l’installation de l’Etat unitaire, central et omnipotent faisant fi des desiderata régionaux. Et paradoxalement pour l’Etat jacobin et centralisateur que constitue la France républicaine, notre pays compte trois des quatre premiers théoriciens du fédéralisme européen, en les personnes de Montesquieu et Rousseau au XVIIIe siècle, Proudhon au XIXe siècle. Kant, Frantz, Albertini et l’Américain Hamilton a­chè­ve­ront d’apporter au fédéralisme son corpus doctrinal, sans toutefois distinguer ouvertement confédération et as­so­ciation fédérative. Les expériences politiques américaine, suisse, et plus récemment allemande et es­pa­gnole, seront le terrain pratique sur lequel s’affirmeront fédéralisme et confédération, se dégageant peu à peu les éléments de clivage qui aujourd’hui restent d’actualité avec l’édification d’un grand espace européen os­cil­lant entre lune et l’autre des deux conceptions. Il est significatif que Louis le Fur dans la conclusion à sa thèse Etat fédéral et confédération d’Etats ait écrit que: «en dehors de cette idée de participation des membres de l’E­tat fédéral à la souveraineté, il est impossible d’établir une distinction juridique précise entre l’Etat fédéral et les autres formes d’Etats qui présentent avec lui quelques analogies». Pour sa part, Bernard Barthalay prend par­tie, estimant que «tandis que la confédération n’est pas un Etat mais une somme d’Etats qui conservent leur souveraineté absolue, impliquant l’idée dune unanimité paralysante, le fédéralisme est une organisation plu­rielle de gouvernements indépendants et coordonnés entre eux, exerçant un pouvoir strictement indis­pen­sa­ble et résiduel». Définitions aléatoires qu’il va s’agir ici de clarifier au mieux dans une étude abordant corréla­tive­ment aspects juridiques et aspects politiques pour déboucher sur l’évocation du fédéralisme suisse et eu­ropéen.

 

 

 

Aspects juridiques:

 

Dans son ouvrage De l’esprit des Lois, Montesquieu emploie le terme de république fédérative, «convention par laquelle plusieurs corps politiques consentent à devenir citoyen d’un Etat plus grand qu’ils veulent former», union de plusieurs Etats souverains en un Etat dont ils sont membres tout en gardant leur souveraineté. Rousseau dans le Contrat Social et Kant dans le Projet pour une paix perpétuelle évoquent le même projet sans se préoccuper de la problématique fédération/confédération. Au demeurant nos voisins suisses ont baptisé «Confédération Helvétique» leur pays qui toutefois présente toutes les caractéristiques d’un Etat fédéral. C’est au constitutionaliste suisse Jean-François Aubert que l’on doit l’étude la plus affirmée du rapport fédération/confédération, sans précise-t-il, offrir de définition assurée et rigoureuse, l’histoire présentant à l’envi la contradiction à ses dires. Aubert met l’accent sur cinq aspects essentiels dans l’opposition fédération/confédération.

 

1) Premier distingo, la confédération établit pour organe central une conférence d’ambassadeurs nommés par les Etats membres, munis d’instructions qui garantissent l’indépendance de ceux-ci au sein de l’entente, réduite à une association purement contractuelle. A contrario, les organes fédéraux sont dotés dune liberté essentielle au regard des états membres, et disposent donc de plus de pouvoir.

 

2) De même la confédération réduit ses prérogatives essentiellement aux affaires étrangères, la défense et l’économie, cependant que la fédération élargit ces compétences à l’ensemble des cadres d’intervention de tout Etat souverain, comme s’y emploie la Suisse.

 

3) En matière de droit, la confédération applique le droit international entre Etats membres, synonymes de leur distance. La fédération quant à elle utilise un droit spécifique, le droit constitutionnel du nouvel Etat fédéral (exemple du droit communautaire de l’Union Européenne). Comme le note le professeur Triepel, la Confédération d’Etats s’apparente au droit international alors que l’Etat fédéral se caractérise par une relation de subordination. Dans le premier cas, c’est la coordination, tandis que dans un Etat fédéral celui-ci domine les Etats fédérés dans un système de droit interne.

 

4) La révision du traité d’union diffère de même, opposant l’unanimité confédérale, lourde et incapacitante, à la majorité de la fédération, largement plus souple, qui impose ses décisions aux plus réticents (on songe au jeu britannique au sein de lUE).

 

5) Et, plus sûre différenciation, la possibilité de sécession qui, pour la confédération laisse libre chaque état membre de se dégager quand bon lui semble, mais nécessite dans le cas de la fédération négociations en vue de reformer l’acte fondateur.

 

Aspects politiques:

 

Plus largement, et selon les études des américains Duchacek et Elazar, la fédération se démarque le plus résolument de la confédération par sa volonté affichée de créer au-delà des états membres une nation nouvelle et un Etat nouveau. Ainsi l’Etat fédéral est territorialement divisé entre deux structures autonomes de juridiction, provinciale et nationale, deux compétences de pouvoir, fédérale et locale, interdépendantes. A l’inverse le système confédéral laisse aux communautés considérées toute souveraineté et indépendance, leur association se résumant à des objectifs déterminés, limités et sans idée supranationale. C’est le cas du Benelux par exemple. Historiquement parlant, il est intéressant de noter que Suisse et Etats-Unis, d’une base confé­dérale, s’orientèrent vers la fédération pour se pérenniser. La Suisse en 1848, après que l’année 1847 eut vu s’af­fronter en des combats sanglants catholiques et protestants; les USA après que l’idée initiale de con­fédération inscrite dans la Déclaration d’Indépendance eut fait la preuve de son immobilisme. Pour ne pas a­voir su mettre à profit ses expériences passées, la Yougoslavie, état confédéral sur la base révisée de la constitution de1974 se désagrégea, empêtrée quelle était dans un système hybride de confédération et de fédéralisme au sortir dramatiquement inopérant.

 

En finalité, pour une fédération apportant une importance prépondérante aux libertés individuelles et locales, la confédération se consacrera davantage à la préservation des libertés nationales. Là où l’Etat fédéral transcendera communautés nationales, religieuses, linguistiques en une union garantissant la souveraineté des entités locales la composant tout en leur assurant la participation aux décisions des autorités fédérales dans un système de gouvernement bicaméral et collégial, la confédération aura le souhait de garantir les prérogatives des Etats nationaux unitaires épisodiquement reliés sur un objectif commun, sans considération d’ordre communautariste. L’Etat-nation, hostile à la méthode fédéraliste, prospèrera sous un traité confédéral.

 

Dusan Sidjanski, dans un article titré Fédéralisme et néo-fédéralisme, écrit au sujet de l’état fédéral: «Le même principe s’applique à l’Europe fédérée qui ne doit se charger que de tâches qui dépassent la capacité des Etats européens pris séparément (...) A divers niveaux correspondent des pouvoirs autonomes. A mesure qu’augmentent les dimensions des tâches —transport, énergie, emploi, inflation, défense—  le niveau de dé­cision s’élève jusqu’à devenir continental ou mondial». Un principe de subsidiarité qui fonde le fédéralisme et que réfute la confédération, réunion purement occasionnelle, conditionnée par la bonne volonté des états membres et par conséquent davantage éphémère et fragile que l’Etat fédéral, fruit du consentement des parties, réseau de responsabilités et d’interdépendances conciliant unité et diversité. L’opposition entre Etat fédéral au singulier et confédérations d’Etats au pluriel prend ainsi tout son sens.

 

Fédéralisme suisse et Communauté européenne:

 

Le fédéralisme dans la Confédération Helvétique se propose prioritairement de sauvegarder l’autonomie des cantons du pouvoir central en termes de financement, d’institutions, de coopération, de décision politique. L’Union Européenne a inversement des difficultés à affirmer un pouvoir autonome, fédéral, face à des Etats membres, vieilles nations européennes qui exercent leurs attributions étatiques. L’Union Européenne n’assure ainsi aucune responsabilité de défense commune ni de sécurité et ses relations extérieures sont tributaires dune procédure confédérale. Jusqu’à la mise en œuvre de l’Acte unique européen en 1987 le Conseil prenait ses décisions sauf exceptions de manière confédérale, unanime. Aujourd’hui, la procédure fédérale s’affirme mais reste exclue des décisions fondamentales telles que la révision des traités, l’admission des nouveaux membres, l’innovation des institutions..., cependant que l’intervention du vote pondéré suit une optique fédérale, notamment appliquée par le Parlement Européen.

 

La Confédération Helvétique réunit en son sein des communautés diverses, gardant la souveraineté des cantons tout en leur permettant de participer aux décisions des autorités fédérales dans un système bicaméral et collégial où intervient la démocratie directe et semi-directe. C’est en référence à cette constitution fédérale et faussement «confédérale» helvétique que l’Union Européenne travaille à renforcer la participation des citoyens, les convergences politiques et économiques, en parallèle au renforcement des autonomies et personnalités locales qu’incarne l’Europe des régions.

 

Le but avoué mais encore lointain étant de passer dune Europe implicitement confédérale à une Europe explicitement fédérale.

 

Max SERCQ.

 

mercredi, 19 mai 2010

Breve sobre indios e indigenistas

Jes3.jpgBreve sobre indios e indigenistas

 

Alberto Buela(*)

 

Ya empezamos mal hablando de indios cuando lo políticamente correcto es hablar de aborígenes, término que viene del sufijo latino ab que indica procedencia, más el sustantivo origo-inis que significa origen, nacimiento. Cuando decimos aborigen nos queremos referir a alguien originario del suelo donde vive.

Aparece aquí la primera contradicción los indigenistas que se auto titulan con un término del latín como aborigen, en lugar del indio que es mucho más genuino y originario. Es verdad que nació de un error de Colón, pero eso es todo, no existió una manipulación ex profesa del término, como ocurrió y ocurre con el de aborigen.

Ahora bien en el caso de los aborígenes de la Patagonia y de la Pampa argentina no son originarios para nada, eso no es cierto, es una falsedad de toda falsedad. Los que hoy se denominan mapuches son un cuento, son un bluff, lo decimos en inglés porque la oficina política de estos “indios” está en Londres. Ellos llegan a La Pampa a partir de 1770 y eran pehuenches de Ranquil (hoy Chile) y se instalan en pleno cladenar (montes del Caldén) de la Pampa central, llamada también Mamil Mapu (país del monte). Vemos como estos indios son menos originarios que los criollos viejos de la Pampa. Y en la Patagonia, cuando invadieron por esa misma época, mataron a los tehuelches sus verdaderos habitantes originarios.

Sobre este tema se puede consultar el excelente artículo de Fredy Carbano Julio Argentino Roca y la gran mentira mapuche que está en Internet.

 

Es sabido que hoy día uno de los temas y asuntos más aprovechados políticamente por el progresismo, tanto de izquierda como liberal, es el del indigenismo.

No existe prácticamente ningún gobernante- nacional o provincial- de Nuestra América que no cante loas al mundo precolombino, a los indios, a los autóctonos, a los pueblos originarios.

Ni que decir de los militantes políticos del progresismo  y los intelectuales del pensamiento único, el tema está comprado en bloque. Es como si una voz de orden venida del imperialismo yanqui dijera: “Así como para nosotros el único indio que vale es el indio muerto, para Uds. lo único valioso es: que todos sean o se declaren indios”.

 

Para apoyar este principio de dominación política y cultural nos han vendido, y nuestra intelligensia  ha comparado, la teoría del multiculturalismo que hace pedazos la poca unidad nacional que hemos logrado luego de 500 años de existencia. Esta teoría ruin se expresa en el apotegma: la minorías tienen derechos por el sólo hecho de ser minorías, tenga o no algún valor lo suyo.

¿y la voluntad de las mayorías? Solo sirve para convalidar en el momento de votar a la élite ilustrada que gobernará para las minorías, llámense grupos concentrados de la economía (Etztain, Grobocopatel, Mildin, Werthein), de la cultura (gays, lesbianas, bisexuales, homosexuales), de la farándula mediática (Leuco, Eliaschev, Sofovich, Gelblung), del pensamiento (Feimann, Forster, Kovaldof, Abraham). Gringos de la peor laya que viven esquilmando a nuestros pueblos bajo la mascarada democrática de servirlos.

Y así como es políticamente correcto criticar a los fumadores y a los cazadores de ciervos, por el contrario, es políticamente incorrecto criticar a cualquiera de las mil variantes del indigenismo americano.

La crítica al indigenismo inmediatamente nos demoniza, porque el indigenismo es un mecanismo más de dominación del imperialismo y como tal funciona. Su verborrea criminaliza a quien se opone. Su lenguaje busca despertar sentimientos primarios a dos puntas: se presentan como víctimas y criminaliza a quienes se le oponen o ponen simplemente reparos.

Lo grave del indigenismo es que en nombre de las falsas razones de origen que dan ellos, nos quitan, al menos a los criollos americanos, nuestro lugar de origen. Y nosotros los criollos bajo la firma de gauchos, huasos, cholos, montuvios, jíbaros, ladinos, gaúchos, borinqueños, charros o llaneros somos lo mejor, el producto más original que dio América al mundo. Ya lo decía Bolivar sobre él mismo: ni tan español ni tan indio.

Es este mundo criollo que dio el barroco americano y que peleó por la independencia y libertad de nuestros pueblos. Este mundo criollo que tuvo sus mejores frutos intelectuales en la universidad de Chiquisaca, llamada La Plata, Charcas y hoy Sucre. ¿O por qué se piensan que Bolivia, así pobre y desmantelada como la vemos, ha sido la que mayor cantidad de pensadores nacionales hispanoamericanos ha dado en el siglo XX? Porque funciona sobre una matriz de pensamiento que tiene medio milenio.

Qué es ser criollo sino la mejor forma de sentir lo nuestro, lo propio, lo auténtico. No es necesario andar vestido de gaucho, huaso o llanero, ni tener diez generaciones de americanos. Criollo puede ser un bancario, y un plomero, un cura o un médico, un rico o un pobre, el inmigrante italiano o alemán, el turco o el judío. Lo criollo es la captación del valor de lo genuino en nosotros. La valoración del modo gaucho de vida con sus costumbres y tradiciones. No porque nos vistamos de gauchos vamos a ser más criollos, yo conozco tantos gauchos de tienda. Hace muchos años, Juan Carlos Neyra, el padre del Colorado Neyra, escribió: Criollo es aquel que interpreta al gaucho y lo criollo es un modo de sentir, una aproximación afectiva a lo gaucho. Es por  eso que lo gaucho es necesariamente criollo pero un criollo puede no ser gaucho. De allí que esos viejos camperos de antes decían: Nunca digas que sos gaucho, que los otros lo digan de vos.[1]

 

Hace unos días escribió Solíz Rada desde Bolivia un brillante artículo El canciller y las hormigas donde el canciller de su país afirma: “para nosotros los indios están primero las mariposas y las hormigas y en último lugar está el hombre. A lo que comenta Solíz: Lo inaceptable es separar la preservación de la Madre Tierra de la defensa del género humano. Recuérdese que los nazis también pensaban que judíos y gitanos valían menos que hormigas y bacterias.” Lo postulado por su canciller viene a coincidir con los planes de John Rokeffeller III de control de la natalidad de los países del tercer mundo.

El historiador y amigo chileno Pedro Godoy nos dice: “Chile no escapa del plan desmembrador. Modas primermundistas nos contaminan: tatuajes, grafitis, piercing, swingers, punkies… Ahora adquiere fuerza otra: los indigenista bajo el grito “cada etnia una nación” ¡Inquietante!. Los asesores rubios de esta campaña motorizan, hoy como ayer, la leyenda negra. Aportan así a acentuar nuestra crisis de identidad”

La instrumentación política que está detrás del indigenismo la hace notar muy bien Félix Rodríguez Trelles cuando afirma: “Los mal llamados "originarios" son el brazo de la quinta columna interior. El experimento imperial ha logrado un éxito notable al controlar Bolivia con el cocalero manejado desde atrás por García Linera (el Cohn-Bendit boliviano), y acechan con fuerza en Ecuador (no es casual que a Correa los "originarios" lo ataquen cuando repudia la deuda externa)” (cfr. En Internet su artículo Los pueblos originarios: una operación de pizas).

Tanto Andrés Solíz Rada como Pedro Godoy, dos hombres de la izquierda nacional suramericana, como Trelles un hombre del peronismo genuino, quieren poner el acento y distinguir entre la existencia y primacía de la identidad de la comunidad política de origen (aquella que nos da el Estado-nación al que pertenecemos)  y una identidad adquirida o secundaria que es la que cada uno puede darse o crearse por estudio o convicciones (comunidad mapuche, gaucha, gringa, judía o árabe). Si no tenemos en cuenta esta distinción política fundamental caemos en el error todos los separatismos.

 

Y así todo suma y sigue, y podríamos poner mil ejemplos.

 

De este indigenismo se desprende la primera mentira mayúscula: la matanza de indios que realizaron los españoles fue de 120 millones según Escarrá Malavé, presidente de la comisión de relaciones exteriores del Congreso de Venezuela, de ahí que Chávez hable equivocadamente de “holocausto aborigen”. De 70 millones según el sociólogo brasileño Darcy Ribeiro y así siguen los números más inverosímiles.  Pero estas cifras son solo suposiciones artificiosas teñidas por el odio a España y lo español producto de la “leyenda negra” creada por las oficinas políticas de Holanda e Inglaterra.

El filósofo e historiador mejicano José Vasconcelos, nada hispanista, hace constar en su Breve historia de México que no había más de seis millones de indios en todo el norte de América, tesis que años después convalidarían las investigaciones del antropólogo W. Denevan.  Mientras que don Angel Rosemblat, profesor de historia de América colonial y nada sospechoso de prohispanismo, estimó una población a la llegada de Colón de trece millones y medio para toda América. La que disminuyó en gran parte no por las matanzas, que ciertamente las hubo sobre todo en los primeros treinta años de la conquista,  pero ni por asomo con la magnitud que se les otorga, sino por las epidemias que los españoles trajeron: gripe, viruela, sífilis, etc.

Angel Rosemblat nació en Polonia en 1902 en el seno de una familia judía y llegó a Buenos Aires a los seis años, realizó sus estudios en la Universidad de Buenos Aires, se perfeccionó en Europa y en 1946 se afincó en Venezuela contratado por ese gran pensador venezolano que fue Mariano Picón Salas, y allí murió en 1984.Este filólogo y antropólogo cultural se destacó por su continuado trabajo de treinta años sobre el tema de la población originaria de América a la llegada de Colón y en un libro memorable que tiene muchas ediciones La población de América en 1492. Viejos y nuevos cálculos, FCE, México, 1967.

Afirma Pierre Chaunu, historiador francés y protestante, el mayor revisionista de la Revolución Francesa junto con Francois  Furet, escribe: “La leyenda antihispánica en su versión norteamericana (la europea hace hincapié sobre todo en la Inquisición) ha desempeñado el saludable papel de válvula de escape. La pretendida matanza de los indios por parte de los españoles en el siglo XVI encubrió la matanza norteamericana de la frontera Oeste, que tuvo lugar en el siglo XIX. La América protestante logró librarse de este modo de su crimen lanzándolo de nuevo sobre la América católica.

La tenaz y reiterativa acusación de genocidio a los españoles por parte de los indigenistas contrasta con el silencio sobre uno de los episodios más terribles y duraderos, la matanza y explotación de indios y negros por parte de las oligarquías americanas ilustradas luego de la independencia. Así durante casi todo el siglo XIX las oligarquías locales masónicas y liberales bajo régimen de esclavitud  hicieron desaparecer pueblos enteros como los charrúas en Uruguay, los mayas en México y varias etnias en el Brasil amazónico.

 

Nosotros al no ser antropólogos culturales, sólo conocemos tres trabajos serios sobre el tema en Argentina: a) los de Ernesto Sánchez Ance para el área norte del país. b) el libro del antropólogo  Jorge Fernández C., fallecido hace unos años, titulado Historia de los indios ranqueles, Bs.As. Ed. Inst.Nac.Antropología y Pensamiento Americano, 1998, en donde con lujo de detalles desarma el mito de los indios pampas o ranqueles como originarios, sino que llegaron a La Pampa en 1770 corridos de Chile por los españoles y vivieron allí, gracias a la industria sin chimeneas –el malón y el cautivaje -  hasta 1879, cuando cae Baigorrita, su último cacique. c) el libro de P. Meinrado Hux: Memorias de un ex cautivo Santiago Avendaño, Bs.As. Ed. Elefante Blanco, 1999. En donde se muestra palmariamente cómo era la tan mentada cultura indígena, con sus sacrificios humanos y el desollar viva a la gente.

 

Invitamos a los que quieran profundizar, a leer estos trabajos que están al alcance de todos.

 

 

 

(*) alberto.buela@gmail.com

Arkegueta, apendiz constante, mejor que filósofo

 



[1] Neyra, JC: Introducción criolla al Martín Fierro, Huemul. BsAs., 1979

lundi, 17 mai 2010

Entretien avec le Prof. Claudio Risé: les Etats d'ancienne mouture ne contrôlent plus les flux de communication!

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

 

Entretien avec le Prof. Claudio Risé:

Les Etats d'ancienne mouture ne contrôlent plus les flux de communication!

 

«Les hommes politiques italiens qui regardent vers l'avenir et constatent qu'inéluctablement une entité padanienne verra tôt au tard le jour enragent ou se désespèrent. Cette rage et ce désespoir sont pourtant en contradiction avec le sacro-saint droit à l'auto-détermination des peuples et avec l'Histoire, avec un “H” majuscule. Parce que le processus historique actuelle­ment en cours depuis la chute du Mur de Berlin indique clairement que la survie des vieux Etats nationaux ne peut plus constituer un dogme. Nous nous trouvons aujourd'hui face à une affir­mation globale des différences et des identités ethniques et culturelles qui se développent dans le monde entier. La myopie des politiciens romains les place en dehors de l'histoire». L'homme qui prononce devant moi ces paroles fortes n'est pas un militant de la Ligue lombarde de Bossi mais un universitaire tranquille qui vit au Sud-Tyrol et à Milan et enseigne à l'Université de Trieste une matière complexe que l'on nomme la “polémologie”, soit l'étude des guerres et surtout des guerres menées à l'époque dite “postmoderne” (de 1945 à nos jours).

 

Le Professeur Claudio Risé est aussi psychanalyste et auteur de nombreux livres nous permet­tant de méditer sur le destin et le passé des cultures traditionnelles et identitaires. Parmi ces ouvrages: Psicanalisi della guerre  (Red Edizioni) et Misteri, guerra e trasformazione  (Società Editrice Barbarossa).

 

Q.: Professeur Risé, qu'entendez-vous par “guerre postmoderne”?

 

CR: Si nous entendons par “moderne” l'époque qui a commencé par les révolutions bour­geoises de la fin du XVIIIième, qui se basaient sur les thèses de l'idéologie des Lumières et ont constitué l'origine à leurs avatars: le libéralisme, le marxisme et le fascisme, nous pourrions dé­finir la “postmodernité” comme l'ère de la crise de ces sociétés, crise commencée immédiate­ment après la seconde guerre mondiale qui a atteint son maximum d'acuité après l'effondre­ment de l'empire communiste à l'Est. Nous noterons, dans cette optique, que la ma­jeure partie des conflits qui ont éclaté au cours des cinquante dernières années a été déclen­ché au nom de principes considérés à tort comme “dépassés” par les mentalités matérialistes et illuministes: ces principes sont les droit à l'auto-détermination, la défense d'un territoire spéci­fique, la dé­fense existentielle de sa propre nation, que l'on perçoit comme l'expression inalié­nable d'une culture, de facteurs raciaux, de traditions, d'un héritage historique et non plus sim­plement comme un ordre juridique sec et codifié. Les guerres du XIXième siècle et les deux conflits mondiaux de notre siècle n'étaient pas du tout liés à de tels sentiments, à l'exception notable du monde germanique où l'on conservait intacte la notion d'une “Kultur” (c'est-à-dire l'essence des mythes fondant une communauté populaire) que l'on opposait volontiers à la “Zivilisation” (la dimension exclusivement matérielle et technique de l'écoumène humain, di­mension que détestait Spengler).

 

Q.: Aujourd'hui, nous assistons effectivement à un réveil des ethnies, que les médias et le monde politique italiens minimisent, ridiculisent ou tentent de criminaliser, notamment quand il s'agit de l'idée de “Padanie”. Ce comporte­ment ne se repère pas avec la même intentisé ailleurs...

 

CR: Telle est bien la question. Un Etat historiquement fort comme la Grande-Bretagne vient à son tour de reconnaître le Pays de Galles comme un Etat national (potentiel) et révise ses posi­tions dans l'épineuse question irlandaise. Une vieille nation digne comme l'Espagne parle dé­sormais d'autonomie et l'applique comme en Catalogne. En revanche, chez nous, les journaux italiens sont les seuls dans tout le monde civil à refuser de reconnaître comme un fait politique pertinent, de grande portée historique, l'émergence d'une entité padanienne. D'autre part, il faut souligner que les politiciens italiens ignorent les tenants et les aboutissants de cette ques­tion, car ils ne connaissent pas (ou feignent de ne pas connaître) la nature du problème. L'Italie étouffe dans le magma énorme de la bureaucratie étatique, dont le personnel est littéralement terrorisé à l'idée de perdre son travail. L'aversion à l'égard de l'idée padanienne chez beaucoup de fonctionnaires de l'Etat et de politiciens est ridicule, au-delà même de toute rhétorique de circonstance: elle est principalement motivée par leur instinct de survie, par le désir de maintenir des privilèges acquis. Le régime italien doit retrouver le calme en jettant un oeil sur les chiffres réels et non seulement sur les chiffres de propagande: depuis la fin de la guerre jusqu'à au­jourd'hui, le nombre des Etats est passé d'une quarantaine à près de deux cents. Faire sem­blant de ne pas voir cette évidence, c'est de la sottise sinon de l'aveuglement.

 

Q.: Comment expliquez-vous que, dans une époque essentiellement marquée par le globalisme économique, ce sont justement ces tendances identitaires qui soient en pleine expansion et que l'on redécouvre ses racines ethniques?

 

CR: Le globalisme des marchés s'accompagne d'une informatisation globale: là réside, à mes yeux, la grande innovation positive. Grâce aux réseaux d'internet, par exemple, des modèles culturels différents et des mouvements ethniques se diffusent et peuvent s'affronter entre eux chaque jour vingt-quatre heures sur vingt-quatre: c'est là un phénomène sans précédent. L'ouverture sur Internet a ôté aux Etats le pouvoir de contrôler la communication de masse. Paradoxalement, nous nous apercevons que le globalisme aide formidablement les revendica­tions ethniques des peuples.

 

Q.: Alors, Francis Fukuyama et les partisans du mondialisme, qui proclamaient qu'ils allaient mettre un terme à l'histoire et transformer la planète en un ag­glomérat d'individus sans racines se sont trompés dans leurs calculs?

 

CR: La théorie de Fukuyama a déjà été démentie depuis un certain temps, même s'il ne veut pas l'admettre. Les effets néfastes de la mondialisation sont déjà là, bien concrets, il suffit de garder les yeux ouverts. A leur grande stupeur, les potentats américains ont dû constater que les communautés redécouvraient peu à peu leurs cultures, leurs musiques, leurs littératures. Les forces traditionnelles sont revenues dans le circuit après l'hibernation due au bipolarisme USA/URSS (qui, par ailleurs, était un faux bipolarisme, vu les accords plus ou moins secrets entre les deux superpuissances). Ainsi, les marchés internationaux sont “relus” par les peuples spécifiques: ceux-ci acceptent de rentrer sur ces marchés, mais en n'abandonnant pas leurs ca­ractéristiques particulières et sans s'aligner sur une idéologie exclusivement économiciste. En effet, nous devons être bien attentifs à ne pas confondre le mondialisme homologuant, ennemi des racines des peuples, et le globalisme des échanges. Ce dernier, je le répète, est l'“ami” de l'idéal d'auto-détermination.

 

Q.: Selon vous, Prof. Risé, l'entité padanienne en Italie du Nord finira pas s'imposer, puisque l'histoire va dans cette direction. Naîtra-t-elle pacifique­ment ou y a-t-il des risques de tensions entre centralistes et indépendan­tistes, comme semble le prévoir le Prof. Miglio?

 

CR: Je ne suis pas en mesure de prédire l'avenir dans une boule de cristal, mais j'entrevois tout de même un grand danger pour l'Italie: sa faiblesse... Un individu qui possède un “moi” fort se montre plus tolérant que celui que ne possède qu'un “moi” faible. Si l'on reporte le “moi” indivi­duel sur celui de l'Etat, le résultat est identique. On sait comment est née l'Italie (l'Etat italien): sous l'impulsion d'un complot anglo-français, car la France comme l'Angleterre sont les enne­mies jurées de l'institution impériale (le Saint-Empire) et des puissances centre-européennes. Mais le résultat de ces manigances franco-britanniques a été un Etat faible qui ne manifeste au­cun respect pour les cultures vivantes et réelles à l'intérieur de ses frontières. L'identité des peuples de Padanie et des régions alpines est historiquement liée à la culture du vénérable Saint-Empire romain d'une part, et aux racines celtiques et lombardes, d'autre part. Les cul­tures, les sociétés, les communautés charnelles et réelles de ces régions padaniennes et al­pines ont entre elles des rapports féconds et profonds tandis que l'Etat italien est né au départ de principes tout-à-fait opposés voire antagonistes à ceux que la romanité antique, solaire et respectueuse de toutes les composantes de son Empire. La Rome antique n'a rien à voir avec la Rome actuelle. Valentin Moroz avait raison d'écrire, après sa condamnation en ex-URSS pour ses activités en faveur du nationalisme ukrainien: «Une nation ne peut exister que s'il y a des hommes prêts à mourir pour elle. Je sais que tous les hommes sont égaux. Ma raison me le dit. Mais en même temps, je sais que ma nation est unique... Mon cœur me le dit». Il me semble que de tels sentiments sont très éloignés de l'état d'esprit qui règne en Italie aujourd'hui.

(propos recueillis par Gianluca Savoini, pour le quotidien La Padania, 6 juin 1997).

 

samedi, 15 mai 2010

En économie, l'imagination doit prendre le pouvoir!

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1993

En économie, l'imagination doit prendre le pouvoir!

Entretien avec Nicolas Franval,

universitaire, économiste, animateur du «Cercle de Réflexion pour une économie alternative» qui travaille au sein de la nébuleuse «Nouvelle Droite»

 

Propos recueillis par Arnaud Guyot-Jeannin

 

Avec l'effondrement du communisme, le capitalisme libéral semble être le remède miracle qui apporterait aux peuples op­primés le «bien être» et leur procurait une liberté dont ils ne disposaient pas jusqu'à présent. Ne s'agit-il pas de récu­ser ce point de vue?

 

Comment ne pas se réjouir de l'effondrement des régimes staliniens de l'Est? Mais cette joie n'em­porte nullement une adhésion au capita­lisme libéral. A cet égard, révélatrices furent les images que nous ont déversées les télévisions lors de la chute du mur de Berlin. Nous pouvions voir une masse d'individus se précipitant vers les supermarchés de Berlin-Ouest, s'émer­veil­lant devant la diversité des déter­gents, goûtant ces fruits terriblement exotiques que sont l'o­ran­ge et la banane. Ce fut le même émoi télévisuel quand, à Moscou, s'est installé le premier fast-food; enfin triomphaient les droits de l'homme. Car que reprochaient véritablement les «bonnes consciences» au communisme? D'être ineffica­ce, de ne pas satisfaire les besoins de la popu­la­tion, de ne pas offrir une consomma­tion de mas­se. Ainsi, le totalitarisme stalinien était con­dam­né non parce qu'il était un totalita­risme mais parce qu'il faisait régner la pénurie. Et de proposer le modèle libéral comme remède à tous les maux dont souffraient ces peuples.

 

Cela appelle quelques brèves remarques. En pre­mier lieu, je doute très sérieusement que le ca­pitalisme occidental soit une référence, ce sys­tè­me économique qui génère le chômage, ex­clut un part croissante de la population de la sphère so­ciale, etc. Comment penser un seul instant que la France de Monsieur Mitterand puisse susciter la moindre admiration? En se­cond lieu, nombre de pays de l'Est ne sont pas en mesure et ce, pour des raisons économiques, so­ciales, historiques, d'ins­taurer un régime capi­taliste libéral. On ne passe pas aussi facilement d'une régulation pénurique à une régulation concurrentielle, on n'instaure pas aussi aisé­ment des mécanismes de marché et de crédit. Et la BERD ne fera pas de miracles et nul ne peut douter que son rôle sera négatif. La troisième remarque est que les peu­ples de l'Est ont actue­lement d'autres batailles à mener, notamment un combat politique pour leur indépendance. Il est à noter que les bons esprits occidentaux qui condamnaient le communisme au nom des peuples opprimés, condamnent au­jour­d'hui ces mêmes peuples en lutte pour leur indépendance, pour leur droit à exister. Evidem­ment, on meurt plus facilement pour défendre son identité que pour un taux de profit. Enfin, pou­vons-nous sou­haiter qu'à un totalitarisme (com­muniste) suc­cède un autre totalitarisme (libéral) certes plus confortable? Pouvons-nous souhaiter que les peuples de l'Est se noient «dans les eaux glacées du calcul égoïste» (Marx)? Par contre, même si certaines craintes subsistent, nous devons être attentifs à l'évolution de ces pays et, qui sait, voir émerger des formes na­tionales de développement économique qui re­jettent le communisme et le li­béralisme.

 

Selon vous, libéralisme économique et défense des identités collectives sont-ils compatibles?

 

Il est étrange de voir certains affirmer mener un combat identitaire et, dans un même temps, dé­fendre avec un bel enthousiasme le libéralisme économique. Les causes d'une telle incohérence m'échappent. Le libéralisme économique consti­tue une négation absolue de toute identité collec­tive. Réduisant, au nom de l'individualisme, tou­te communauté à une somme d'individus é­goïstes et calculateurs (i.e. aptes rationnelle­ment au calcul économique) dont la seule fonc­tion serait de pro­dui­re/­con­som­mer, le libéra­lis­me évacue, détruit toute spé­ci­ficité culturelle, his­torique des peuples. Le libéralisme écono­mique dé­truit les liens sociaux et organiques des com­mu­nautés humaines, interdisant tout projet col­lec­tif, historique ou national. Nul n'a loué à ce jour les mérites du FMI  —haut lieu du libéra­lis­me— dans sa dé­fen­se des identités collectives. En outre, nombre de penseurs libéraux, s'ins­pi­rant du modèle rosto­wien, estiment que certains cultures ou religions sont des obstacles au déve­loppement économique et d'encourager les peu­ples à renoncer à leur spécificité culturelle pour accéder, en opérant le fameux «take off», aux joies de la «civilisation». Dès lors, défendre les identités collectives, le droit des peuples à dis­poser d'eux-mêmes et à préserver leur identité, est incompatible avec une défense du libéralisme économique qui a montré sa pleine capacité eth­nocidaire. A l'inverse, le cosmopolitisme est un pur produit du libéralisme, l'homo oeconomicus  étant un individu (et non une personne) indiffé­rencié, interchangeable, déculturé, déraciné, cir­cu­lant telle une vulgaire marchandise de ter­ritoire en territoire.

 

Plus trivialement dit et n'en déplaise à certains «nationaux-libéraux», il est difficile d'être si­mul­­ta­nément pour le bourreau et ses victimes.

 

Face à l'utilitarisme marchand des dé­mocraties bourgeoises qu'induit la théo­rie néo-classique, existe-t-il des alterna­tives?

 

Il est exact que la théorie néo-classique est actuel­lement dominante, surtout dans le monde anglo-saxon, les écoles libérales ou néo-libérales proli­férant. Il est tout aussi vrai que les politiques éco­nomiques mises en œuvre dans le monde oc­ci­den­tal, s'inspirent très largement de cette théo­rie. Force est de constater que cette théorie offre une remarquable rigueur formelle et que les théo­ries concurrentes se sont effacées. A moins de confondre Karl Marx et les Marx Brothers, le marxisme est globalement mort même si subsis­tent ici et là quelques chapelles marxisantes. Quant au keynésianisme, les politiques de re­lan­ce qu'il a inspirées, ont échoué. C'est ainsi que, faute de combattants, la théorie libérale triom­phe et la science économique semble être occupée par la seule théorie néo-classique. Néan­moins cette théorie est dans l'incapacité de ren­dre compte, d'expliquer la crise actuelle où les mécanismes de marché sont bloqués notam­ment par l'existence de monopoles et de groupes d'in­térêts, où les consommateurs et les salariés ont des comportements irrationnels dûs en partie à l'illusion monétaire, où persistent l'inflation, etc.

 

Ainsi avons-nous une théorie dominante et scien­tifiquement impuissante. Cela ne signifie nullement une fin de la science économique. En effet, à toute époque, se sont affirmés certains es­prits originaux, des «hérétiques» c'est-à-dire des économistes qui, s'écartant du corpus théorique dominant, ont exploré de nouveaux espaces de connaissance, ont trouvé des réponses aux ques­tions qui concrètement se posaient. Citons les noms de List, Sombart, Schumpeter, Veblen, Per­roux,… Globalement, ces économistes furent des critiques du libéralisme. Actuelle­ment cer­taines questions économiques demeu­rent sans réponse, faisant apparaître un inaltérable écart entre le monde réel et la théorie, mettant à jour une crise de la théorie écono­mi­que. Mais dans ce climat de crise, de nouveaux courants apparais­sent, de nou­velles pensées naissent. L'école de la régu­lation en est un parfait exemple.

 

Un socialisme élitaire impose de réfuter le dogme capitaliste comme le dogme col­lectiviste. Les concepts de participation et d'intéressement qui réintroduisent une vision communautaire et organique dans l'entreprise, suppriment-ils réel­lement la lutte des classes?

 

Je doute que la lutte de classes existe encore et je regrette parfois qu'il n'y ait pas un affrontement héroïque entre bourgeois et prolétaires. Nous as­sistons plutôt, dans le règne de la quantité qui est le nôtre, à des querelles entre catégories so­ciales en vue d'obtenir une plus grande part du revenu national. En outre, il faut se méfier des confu­sions langagières. Certes le terme de participa­tion est très en vogue et, faute d'audace, certains n'hésitent pas à invoquer le fondateur de la V° République à l'appui de leur thèse qu'ils vou­draient novatrices. Préalablement, je me ris­que­rai à un constat. Actuellement se développe, pa­ral­lèlement au culte du marché, un culte de l'en­treprise, sorte de nouvelle religion. Cela n'a rien de surprenant dans une société où régnent les va­leurs marchandes. Ainsi l'entreprise qui est, rappelons-le, un reflet, un condensé de l'orga­nisation sociale et économique de la so­ciété, se­rait devenue ce lieu où, par une étrange magie, tous les acteurs sociaux communieraient dans un même culte: celui de l'efficacité, de la ren­tabilité, de la compétitivité. L'entreprise se­rait devenue ce lieu où s'élaborerait une nouvelle convivialité générée par un discours unifiant (cette fameuse «culture d'entreprise»). Et suc­combant à ce culte de l'unité retrouvée, certains soutiennent l'idée de participation. Soyons pré­cis. La participation peut prendre trois formes: participation à la gestion (co-gestion), participa­tion au résultat (intéressement) et participation au capital (actionnariat). Quelle que soit la forme retenue, la participation m'apparaît com­me étant un excellent moyen technique pour que le système perdure. Prenez la participation au résultat de l'entreprise. Nul ne peut nier qu'ils s'agisse là d'un excellent instrument pour moti­ver le personnel. Mais cette participation si­gni­fie: soyez plus rentables, vous gagnerez plus et ainsi vous consommerez plus, vous serez plus heureux. Tout cela relève d'un système de va­leurs qui n'est pas le mien. C'est pourquoi l'idée de participation actuellement m'apparaît comme une douce illusion. Par contre, si l'on exclut le gadget idéologique, il est possible de penser au­trement l'organisation de la production, d'envi­sager l'entreprise comme une commu­nauté de travail où s'associeraient le capital et le travail. Encore faut-il préciser qu'une telle or­ganisation suppose une rupture avec le système économique actuel qui s'accommode fort bien de la partici­pa­tion. Pour être plus précis, je préfère nettement l'idée de coopération à celle de partici­pation.

 

Le corporatisme offre-t-il encore une cer­taine actualité?

 

Là aussi, il faut se méfier des mots. Le terme de corporatisme est devenu peu flatteur; pour cer­tains, c'est même une insulte. Plus sérieuse­ment, nous pouvons concevoir une organisation nouvelle de la production tant au niveau macro-économique qu'au niveau micro-économique voi­re méso-économique (les secteurs d'activité) et ce, sans pour autant supprimer certains méca­nismes du marché. Pourquoi ne pas envisager, nationalement ou sectoriellement, des instances de représentations des «métiers» qui seraient des lieux de négociations entre employeurs et em­ployés et où seraient élaborés des projets/plans de développement. Pourquoi la planification serait-elle la chasse gardée des technocrates dont se­raient exclus les producteurs? Si cette utopie (réaliste) doit se nommer corporatisme, pourquoi pas?

 

Ne faut-il pas supprimer les syndicats de classe?

 

La question syndicale doit s'apprécier pays par pays, le monde du travail ayant des traditions et spécificités nationales. En ce qui concerne la France, je doute qu'il existe des féodalités syndi­cales et des syndicats inféodés à des partis poli­tiques. Quant à savoir s'il faut les supprimer, la réponse est apportée par les travailleurs eux-mê­mes. Actuellement la France a le plus faible taux de syndicalisation parmi les pays membres de l'OCDE. Par exemple, le taux de syndicalisa­tion n'est que de 5,6% dans le secteur privé. Les syn­dicats n'ont pas besoin d'être supprimés, ils se suppriment d'eux-mêmes. Par contre, il est évi­dent qu'un syndicalisme est à réinventer, un syn­dicalisme qui ne soit pas uniquement préoc­cupé par la recherche d'intérêts quantitatifs, un syndicalisme qui prenne toute sa place dans une nouvelle organisation de la production telle que je l'esquissais précédemment.

 

Comment distingueriez-vous dirigisme et étatisme?

 

Actuellement il est un débat centré sur le rôle de l'Etat. Les libéraux montrent que les interven­tions économiques et administratives de l'Etat sont inefficaces et coûteuses, et prônent une vaste déréglementation. Les keynésiens montrent que l'Etat se doit d'intervenir et prônent une politique de relance par la demande publique. Ce (vieux) débat sur les mérites comparés de l'Etat-Gen­dar­me et de l'Etat-Providence m'apparaît être sans intérêt. Nul ne peut nier que l'Etat, fut-il très li­béral, intervient notamment par la monnaie et le crédit. La question n'est donc pas de savoir s'il faut plus ou moins d'Etat. La ques­tion n'est pas économique mais politique. Libéraux, keyné­siens, marxistes considèrent que l'Etat est un agent économique qui participe comme tel à l'ac­tivité économique; ils ne se sé­parent que sur le degré de l'intervention. En ce sens, tous sont éta­tistes. J'ai tendance à penser que l'Etat est de nature politique et qu'il existe un primat du po­litique sur l'économique; dès lors, l'Etat en tant qu'instance du politique, est en droit d'assigner des buts, de fixer des orienta­tions à l'économie. En ce sens, je suis dirigiste. Quant à déterminer quelles doivent être les formes d'intervention de l'Etat, interventions qui doivent générer le moins de bureaucratie possible, il n'existe pas de formules toutes faites. Pour une fois, mettons l'imagination au pouvoir.

 

jeudi, 13 mai 2010

L'Ecole de la régulation: une hétérodoxie féconde?

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1993

 

L'Ecole de la régulation: une hétérodoxie féconde?

 

par Guillaume d'EREBE

 

«La finalité de l'étude de l'économie n'est pas d'acquérir un ensemble de réponses toutes faites aux questions économiques, mais d'apprendre à ne pas se laisser duper par les économistes»

Joan Robinson.

 

Crise économique,

crise de la théorie économique

 

Années 60, le temps est à l'agitation, au grand cham­bardement, à la critique qui se veut radi­ca­le (cf. Althusser, Foucault,…); les discours aca­dé­miques sont menacés et les quiets terri­toires de la science économique commencent à être enva­his par les «Enfants de Mai». Années 70, la crise frappe les économies industrielles avachies dans le confort de la croissance. Mais cette crise éco­nomique est avant tout une crise de la théorie éco­nomique qui exhibe son impuis­sance à expliquer le phénomène et surtout à l'endiguer. Le marxis­me est en capilotade et toute logodiarrhée conclut à la mort du prophète Marx. Grande débâcle chez les économistes «de gauche»; à l'exception de quel­ques irréductibles croyants tel P. Boccara (1), les économistes or­phelins du «socialisme scien­tifique» se réfu­gient promptement dans un post-keynésianisme; certains audacieux com­men­cent à pactiser avec l'adversaire et s'en­ga­gent dans les bataillons li­béraux. Après le cau­chemar soviétique vient l'éphialte californien. Années 80, les politiques keynésiennes de re­lance ont lamentablement échoué; le bon peuple, électeur/consommateur, menacé par le chômage, commence à douter du sérieux des économistes, ces médicastres qui dé­sespérément s'échinent à trouver une nouvelle politique économique. L'i­ma­gination n'étant pas au pouvoir, il faut res­sor­tir quelques naufra­gés disparus de la théorie éco­nomique. Par une grande opération résurrec­tion­nelle, F. von Hayek, celui-là même que Key­nes avait magis­tralement défait, fait un foutral retour; M. Friedman et ses Chicago Boys  consti­tuent une puissante secte où vont communier en un même credo les Reagan, Pinochet, Thatcher… Mitterand. Le libéralisme, qu'il soit conserva­teur ou social, triomphe avec insolence, faute d'ad­versaire. La mode est aux cavillations d'un J.B. Say ou aux courbes d'un A. Laffer. Certes, dans les pays «développés», la pauvreté s'accroît mais qu'importe; les gouvernements «de droite», bien inspirés par un darwinisme-social de cir­constance, considérant que tout chômeur est un feignant, attendent que le marché fasse son œu­vre: éliminer les faibles; les gouvernements «de gauche», ceux dont la mauvaise conscience obli­ge à la charité, octroient dans un geste large, un RMI (Revenu Minimum d'Indignité). Certes, le Tiers Monde agonise, étouffé par la dette, tor­turé par les politiques du FMI, pillé par les firmes transnationales. Qu'importe ces «dys­fonc­tion­ne­ments» pourvu que triomphe l'Occident libéral et son nouvel ordre.

 

Après les échecs: quitter

les chemins de l'orthodoxie

 

Au-delà de ces simulacres, les analyses tradi­tionnelles, néo-classiques mais aussi keyné­sien­nes et marxistes, sont incapables d'expli­quer le pourquoi et le comment de la crise. Sans dia­gnostic, les iatres économistes font sem­blant de soigner et les taux d'intérêt deviennent l'ul­ti­me cacoergète. Rien ne vaut une bonne sai­gnée pour une économie apoplectique. Les ques­tions de­meurant sans réponses, certains écono­mistes curieux, dont les régulationnistes, quit­tent les che­mins de l'orthodoxie et tentent de ré­pondre à certaines questions essentielles. Pourquoi les éco­nomies capitalistes sont-elles passées d'une croissance forte et régulière à une quasi-sta­gna­tion? La théorie néo-classique ne développant qu'une analyse intemporelle (exit Clio) où le mar­ché assure une prétendue auto-ré­gulation, n'offre aucune place à la crise. Et si crise il y a, elle ne peut s'expliquer que par un malheureux hasard (un choc pétrolier) ou par une cause exo­gène (cf. l'Etat). A l'inverse, affirmer l'iné­luc­ta­bilité des crises et invoquer un épuise­ment du capitalisme, un stade ultime préfigurant le «grand soir», n'est guère plus satisfaisant. Car comment expliquer la croissance sans pré­cédent qu'ont connu les vieux pays industriali­sés après la deuxième guerre mondiale. D'autre part, com­ment expliquer qu'à une même époque histo­ri­que, la crise adopte des formes nationales signi­fiantes? Les économies industrielles réa­gissent diversement; certaines, stimulées par la «ma­la­die», connaissent la prospérité alors que d'autres voient leurs déséquilibres s'aggraver. Enfin pour­quoi, au-delà de certains invariants géné­raux (salariat, production marchande, …), les cri­­ses varient au cours du temps. La crise ac­tuelle n'est pas la petite sœur de celle de 1929, l'é­chec des politiques de relance par la demande le prouvant amplement. Certes, il existe cer­taines ca­ractéristiques communes (baisse de la ren­ta­bi­lité, chômage élevé, forts taux d'intérêts,…) mais aussi de grandes dissem­blances. Si la Grande Crise se singularise par une brutale déflation et une dépression (contraction) cumulative, la crise présente con­naît une inflation permanente et une croissance, certes ralentie, de la production et des échanges. Dans ces conditions, la crise qui poin­te dans les années 70, rend indispensable un re­nou­velle­ment de la théorie économique, la ques­tion cen­trale devenant «celle de la variabilité dans le temps et dans l'espace des dynamiques éco­no­miques» (2). L'analyse des crises oblige à se si­tuer dans la dynamique du capitalisme (3); l'économiste doit retrouver l'histoire que les li­béraux ont évacuée en postulant l'invariance des comportements économiques et que les marxistes ont travestie en édictant, au nom du matéria­lis­me historique, des lois dites «tendancielles». Autrement dit, la science économique redécou­vrant l'histoire et la sociologie, se constitue en science sociale. Les régulationnistes participent à ce renouveau de la théorie économique, propo­sant une alternative au libéralisme et ouvrant cer­tains chemins sur lesquels nous pouvons, non sans prudence, nous engager.

 

Le concept de régulation

 

A la fin des années 70, des économistes vont se réunir autour d'un concept original, celui de ré­gulation. Le terme de «régulation» étant polysé­mique, il convient de se garder contre toute con­fusion sémantique. Dans un premier sens, la ré­gulation est un concept transversal de la théorie des systèmes ou de la théorie du contrôle qui s'ap­pli­que à divers systèmes (biologiques, ther­mody­na­miques, économiques, sociaux) et qui rend pos­sible une théorie de l'auto-organisation. Dans un second sens, le terme de régulation dé­signe une intervention active de la part de l'Etat; ma­cro-économiquement, c'est une politique con­for­me aux dogmes keynésiens (par exemple, le New Deal) se caractérisant par une multiplica­tion des réglementations. Dans l'univers anglo-saxon, «re­gulation» signifie réglementation; ainsi la dé­régulation exigée par les néo-libéraux n'est qu'une déréglementation de la vie écono­mique, une version moderne du «laissez-faire, laissez-passer». Ces deux sens sont rejetés par les régu­lationnistes. Ceux-ci fournissent de nombreuses définitions marquant certaines di­vergences (par exemple, certains admettent des lois tendanciel­les telles la chute des taux de profit ou leur éga­li­sation, d'autres les refusent) mais un accord se dégage sur certains points. La régu­lation peut être définie comme «la conjonction des méca­nis­mes concourant à la reproduction d'ensemble, compte tenu des structures écono­miques et des for­mes sociales en vigueur» (4). Les économistes s'assemblant autour de ce con­cept (M. Aglietta, Ch. André, M.  Basle, H. Bertrand,  R. Boyer, A. Brender, B. Coriat, R. Delorme, A. Lipietz, J. Ma­zier, J. Mistral, J.F. Vidal,…) forment l'école de la régulation qui, à ses débuts, est purement française mais qui rapi­dement, va connaître une renommée internatio­nale malgré une cer­taine résistance du monde anglo-saxon (5).

 

A l'origine, les régulationnistes tentent d'effec­tuer une rénovation critique de l'analyse mar­xis­te, reliant Marx et Keynes; il est vrai que nom­bre de ces économistes travaillent sur mo­dèles macro-économiques (FIFI, DMS, …) (6) dont l'inspiration est nettement keynésienne (cf. J. Robinson, N. Kaldor, M. Kalecki). L'apport de Marx est fondamental même si la lecture qui en est faite est très hétérodoxe. Rejetant toute une vul­gate marxiste, les régulationnistes gardent du marxisme sa méthode holiste (analyse des rap­ports sociaux), sa vision historique des modes de production et l'idée de la périodicité des crises dans une économie capitaliste. Précisons que la référence à Marx est variable selon les auteurs. Ainsi la théorie de la valeur est clairement mar­xiste chez A. Lipietz, elle est implicite chez M. Aglietta mais elle n'est pas spécifiée chez R. Bo­yer et J. Mistral. En outre, certains régula­tion­nistes ont progressivement rejeté la réfé­rence mar­xiste, tel M. Aglietta. Dans sa thèse, Accu­mu­lation et régulation du capitalisme en longue période. Exemple des Etats-Unis (1870-1970) (7), Aglietta part du marxisme mais il en est très éloigné dans Les métamorphoses de la so­ciété salariale (8) où il renonce à la lutte des classes comme moteur de l'histoire, le salariat et le ca­pital étant associés dans un même mouve­ment.

 

Keynes est aussi présent dans la théorie de la ré­gulation, le maître de Cambridge ayant eu de for­tes intuitions. De la théorie macro-écono­mique keynésienne (et plus exactement kale­ckienne), les régulationnistes retiennent le principe de la demande effective, de la monnaie comme insti­tu­tion (9), la possibilité d'un sous-emploi comme équilibre, le rôle de la négociation collective et des syndicats,… Néanmoins le key­nésianisme pré­sente nombre d'insuffisances; ainsi, il situe ses analyses dans le court terme et ne rend pas compte du fondement des régularités qu'il dé­ga­ge.

 

L'institutionnalisme

 

Après Marx et Keynes, la troisième source d'ins­piration des régulationnistes est l'institution­na­lisme même s'ils ne mentionnent pas les pères fondateurs de cette école (Veblen, Commons, Mit­chell,…); nous retrouvons cette même distance avec l'école historique alle­mande (Schmoller, Wagner,…). Il est vrai que l'institutionnalisme fut incapable de constituer un paradigme alter­na­tif, impuissant à présenter un modèle théo­ri­que d'ensemble, se réduisant à décrire le monde.

 

Néo-marxisme, post-keynésianisme, néo-ricar­disme, néo-institutionnalisme… aucune de ces éti­quettes ne semblent convenir à la théorie de la ré­gulation qui est d'autant plus inclassable qu'il existe un éclatement des références théoriques (Marx, Keynes, Kalecki, les institutionnalistes, Girard,…); références multiples aussi en ce qui concerne les analyses et les propositions. Ainsi, en matière de relations internationales, A. Li­pietz est favorable à un certain protection­nisme alors que J. Mistral considère le libre-échange comme un moindre mal. Face à ce manque appa­rent d'unité, certains se sont inter­rogés sur l'exis­tence d'une école de la régula­tion. Nul ne peut nier qu'il existe une opposition sur certains concepts, généralement les plus abstraits (par exemple, la valeur) mais force est de constater qu'il existe un «noyau dur» de con­cepts com­muns à tous les régulationnistes. Dès lors, la théo­rie de la régulation, avant même de consti­tuer une école, est un véritable «programme de recherche» (au sens de Thomas S. Kuhn), un pa­radigme et un ensemble de propo­sitions parta­gées par un groupe de chercheurs et organisant la façon d'aborder le monde réel.

 

Les concepts fondamentaux

 

La théorie de la régulation recèle au moins trois concepts fondamentaux: régime d'accumu­la­tion, forme institutionnelle et mode de régu­la­tion.

 

L'idée de régime d'accumulation est empruntée à à l'analyse marxiste selon laquelle «les forces qui gèrent la croissance sont liées à la reproduc­tion élargie du capital à la fois comme un en­semble de biens de production à mettre en œuvre, comme un rapport entre les classes sociales et comme une quantité monétaire à valoriser» (10). Cette notion permet de résoudre un problème sim­ple: comment un processus contradictoire voire conflictuel peut-il durer sur une longue pé­riode c'est-à-dire pourquoi la crise est-elle l'exception et non la règle? L'analyse historique tend à mon­trer que les contradictions peuvent être surmon­tées, qu'il existe des régularités éco­nomiques et so­ciales rendant possibles l'accumulation, à long terme. Le régime d'accumulation peut se dé­finir comme «l'ensemble des régularités as­su­rant une pro­gression générale et relativement cohérente de l'accumulation du capital, c'est-à-di­re permet­tant de résorber ou d'étaler dans le temps les dis­torsions et déséquilibres qui nais­sent en perma­nence du processus lui-même» (11). Autrement dit, un régime d'accumulation est l'ensemble des régularités économiques et so­ciales permet­tant à l'accumula­tion/­in­vestis­se­ment de perdu­rer, rendant compatibles entre el­les l'évolution des capacités de production et de la demande so­ciale. Sur ce point précis, trois élé­ments sont dé­terminants: le type d'évolution de l'organisation de la production, notamment le rapport des sala­riés aux moyens de production; le partage de la valeur entre les groupes sociaux; une demande sociale validant l'évolution ten­dan­cielle des ca­pacités de production, et plus pré­cisément une norme de consommation (des pra­tiques de con­sommation tendant à s'imposer à l'ensemble de la population).

 

Accumulation extensive et accumulation inten­sive

 

Deux grands régimes d'accumulation peuvent être distingués: extensive et intensive. Le ré­gime d'accumulation extensive (XIXième siècle, début du XXième siècle) se caractérise par une croissance fondée sur une augmentation des fac­teurs de production; la production s'accroît mais les gains de productivité sont faibles. Le partage de la valeur et la valorisation du capital reposent, pour reprendre des termes marxistes, sur la plus-value absolue des profits (12) et ce, par une com­pression des salaires et une augmenta­tion de la durée et de l'intensité du travail. La norme de consommation est fort peu dynamique, la con­som­mation populaire se composant, pour l'es­sen­tiel, de produits en provenance de secteurs non capitalistes (agriculture, artisanat). Il existe une grande diversité entre l'industrie lourde, con­cen­trée et productive, et l'industrie de con­som­ma­tion, parcellisée et peu productive, très peu de relations se nouant entre les deux. Enfin, la con­cur­rence est très forte, le marché régulateur en­gendrant d'importantes fluctuations. Le ré­gime d'accumulation intensive (qui se développe dans les années 20 aux Etats-Unis et connaît son apo­gée dans les années 60) se caractérise par une croissance fondée sur d'importants gains de pro­ductivité dus à des techniques améliorant les mé­thodes de production. La valorisation du capi­tal et le partage de la valeur reposent sur l'extraction de la plus-value relative. Afin de ré­soudre une crise due à une faiblesse des débou­chés (cf. sa­lai­res trop faibles), on assiste à une hausse simulta­née des salaires et des profits. Cette augmen­ta­tion conjointe résulte d'une double indexation des salaires réels sur les gains de productivité et des prix sur les coûts de production. La norme de consommation est dy­namique (cf. la «société de con­sommation»), portant sur les produits issus de branches où pré­valent les nouvelles méthodes de production.

 

Pour fonctionner, ces régimes d'accumulation ont besoin d'un environnement socio-institu­tion­nel permettant le développement des trans­formations économiques et sociales sans qu'il y ait trop de tensions, de conflits. C'est là la fonc­tion du mode de régulation. Le mode de régula­tion peut se définir comme «l'ensemble des for­mes institutionnelles, des réseaux de normes ex­pli­cites ou implicites assurant la compatibilité des comportements dans le cadre d'un régime d'ac­cumulation conformément à l'état des rap­ports sociaux et par-delà leur rapport conflictuel» (13). Autrement dit, un mode de régulation est un ensemble de procédures et de comportements re­produisant les rapports sociaux fondamentaux, sou­tenant le régime d'accumulation, rendant com­patible un ensemble de décisions décentrali­sées (14).

 

Régulation concurrentielle et régulation mono­polistique

 

Pour conceptualiser les mécanismes de régula­tion, cinq formes institutionnelles sont retenues: les formes de la contrainte monétaire (organi­sa­tion de la création monétaire, contrôle de la mas­se…), les formes de la concurrence, les formes de l'Etat (les modes d'intervention de l'Etat,…), les for­mes du régime international (DIT, hiérar­chi­sation de l'économie internatio­nale,…) et, enfin, le rapport salarial qui est l'élément central (15). Ces éléments permettent de définir deux grands modes de régulation (concurrentielle et mono­po­listique), chacun pou­vant correspondre à un régi­me d'accumulation (extensive et intensive). Dans la régulation con­currentielle, les mécanis­mes du marché domi­nent, l'ajustement de la pro­duction et de la de­mande sociale se faisant par les prix. Le rapport salarial a une codification précise, par nature individuelle et limitée dans le temps du contrat de travail. La concurrence en­tre les capitalistes repose sur les prix, même si la structure de pro­duction n'est pas atomistique. L'Etat intervient peu (cf. l'«Etat-gendarme»). Au niveau interne, l'Etat veille au respect des droits acquis par la révolution bourgeoise de 1789 (liberté de circula­tion des biens et des personnes, liberté d'entreprendre,…). Dans le domaine éco­no­­mique et social, son intervention interfère peu avec le jeu du marché; il n'intervient pas sur le fonctionnement des marchés mais sur leurs struc­­tures (par exemple, en développant le sys­tè­me bancaire). Dans la régulation monopolis­ti­que, des formes institutionnelles donnent lieu à des procédures originales de formation des prix et des salaires. Parmi ces formes institution­nel­les, l'extension et la codification des négocia­tions collectives qui modifient le caractère indi­vi­duel du contrat de travail; la multiplication des interventions de l'Etat permet la conclusion d'accords de branches et de conventions natio­na­les. Ainsi, passe-t-on d'un Etat circonscrit à un Etat inséré, celui-ci quittant son rôle arbitral pour participer activement au jeu économique et social (16). Dans la régulation monopolistique, les prix sont «administrés» c'est-à-dire relati­ve­ment déconnectés vis-à-vis des déséquilibres du marché. Cela nécessite des procédures so­ciales de validation de la production et du re­venu.

 

Précisons que l'opposition théorique entre ces deux régulations-types recouvre un processus his­torique long et contradictoire. Les régula­tion­nistes n'ont pas une vision déterministe et li­néai­re de l'histoire; on ne passe pas de façon dé­finitive de la concurrence au monopole, bien au contraire. Certains auteurs (R. Boyer, M. Agliet­ta,…) constatent actuellement un retour en force de la concurrence. Des formes de concur­rence «sau­vage» réapparaissent notamment avec le dé­veloppement de certaines PME. Les cinq NPI de l'Asie du Sud-Est (17) développent des straté­gies «agressives» de conquête des mar­chés exté­rieurs; les Japonais pratiquent des kil­ler's stra­tegies  (18). Dès lors, l'oligopole stabi­lisé est de plus en plus menacé et les dominations devien­nent très temporaires.

 

Le régime d'accumulation et le mode de régula­tion constituent donc un mode de développement du capitalisme. Reste à examiner la cause de l'exis­tence des crises dans les économies capita­listes. Comme nous l'avons déjà évoqué, le mo­dèle néo-classique n'accorde aucun statut théo­rique à la notion de crise, celle-ci étant, au mieux, un choc, un événement dû à une im­per­fec­tion passagère des mécanismes d'ajustement. A l'opposé, les marxistes, déterministes et réduc­teurs, affirment que les économies capitalistes sont, par nature, porteuses d'une crise structu­rel­le qui, à terme, provoquera l'effondrement du mo­de de production. Entre ces deux «extrêmes», la théorie de la régulation présente une analyse réaliste.

 

Les crises

 

Elaborant une typologie, certains animateurs de l'école de la régulation distinguent quatre types de crise. Le premier type regroupe les crises qui sont dues à des facteurs extérieurs au mode de développement (cf. guerre, catastrophes natu­rel­les ou climatiques,…). Le mode de développe­ment intervient en ce que sa forme conditionne le dé­roulement de la crise. Le deuxième type en­globe les crises de régulation. Une crise de régu­lation est provoquée par des facteurs internes au mode de développement; ce type de crise totale­ment en­dogène, fait partie de la régulation. C'est une «pha­se d'apuration des tensions et déséqui­libres accumulés lors de l'expansion» (19). Ces crises sont cycliques comme le montre toute étude du XIXième siècle. Périodiquement, le mode de dé­ve­loppement en vigueur connait des problèmes de surproduction; les capacités excédentaires doi­vent s'ajuster à de nouveaux débouchés sous pei­ne d'une baisse des profits. La crise a alors le mé­rite d'éliminer certains producteurs, d'en in­tro­duire d'autres, de déplacer les investisse­ments, etc. Les efforts de productivité et la pres­sion sur les salaires permettent une reprise de l'ac­cumulation.

 

A côté de ces «petites» crises, on peut constater l'existence de crises plus profondes: les «gran­des» crises ou crises structurelles c'est-à-dire des périodes au cours desquelles «la dyna­mique économique et sociale entre en contradic­tion a­vec le mode de développement qui l'impulse, c'est-à-dire où ressort le caractère contradictoire de la reproduction à long terme du système» (20). Par exemple, la «Grande Dépression» de la fin du XIXième siècle. Ces crises structurelles qui touchent à la régulation et au régime d'accu­mu­lation, sont de deux types: les crises de la régu­la­tion et les crises du régime d'accumulation. Une crise de la régulation cor­respond à une période où les mécanismes de la régulation sont incapables de renverser des en­chaînements conjoncturels dé­favorables alors qu'initialement le régime d'accumulation était viable. Trois circonstances conduisent à ce di­vorce entre la structure éco­no­mique et la régula­tion: des luttes socio-politi­ques, des perturbations externes ou internes d'un type nouveau, l'approfondissement de la logique de régulation, celle-ci étant parvenue à sa pleine maturité. Par exemple, la crise de 1929. Une cri­se du régime d'accumulation est une crise du mo­­de de déve­loppement, celle qui met en cause les formes ins­titutionnelles les plus essentielles, celles qui conditionnent le régime d'accu­mu­la­tion. Ce dernier a atteint ses limites et cesse de fonc­tion­ner. Ce type de crise ressemble à la crise orga­nique dans l'orthodoxie marxiste (la crise finale du mode de production capitaliste) mais la crise de régime d'accumulation, aussi grave soit-elle, ne renverse pas le capitalisme. En ou­tre, cette crise est difficile à distinguer de la précédente car dans les deux cas, il y a une crise de la régu­lation. Actuellement, nous connais­sons une crise du régime d'accumulation.

 

La crise actuelle

 

Après la deuxième guerre mondiale, les écono­mies industrielles connaissent une croissance é­quilibrée et rapide, celle-ci étant permise par un régime d'accumulation intensif et une régula­tion monopoliste. Alors que les libéraux font de la concurrence pure et parfaite un idéal où l'op­ti­mum économique serait atteint, il est inté­ressant de constater que les économies occiden­tales ont connu une croissance sans précédent au moment même où l'on assistait à une dominance des oli­gopoles, à une intervention accrue de l'Etat et à une régulation monopolistique. Ce mode de déve­lop­pement qui peut être ainsi quali­fié de fordiste a atteint aujourd'hui ses limites. Ainsi la crise actuelle est due principalement à un épuisement du fordisme c'est-à-dire  qu'elle est d'abord une crise du rapport salarial.

 

La croissance des «Trente Glorieuses» repose glo­balement sur de forts gains de productivité liés à des transformations de l'organisation de la production, marquées par le recours massif aux formes d'organisation du travail tayloro-for­diste (OST). La modernisation des processus productifs (nouveau régime d'accumulation) fait l'objet d'une très large acceptation d'un com­pro­mis implicite entre les employeurs et les sala­riés. Les patrons ont toute liberté pour organiser la production et accroître la productivité. Par la négociation collective, par des compromis insti­tutionnels, les syndicats récoltent les fruits de la croissance en obtenant des augmentations de sa­laires. Ainsi ce régime d'accumulation s'ac­com­­pagne d'un nouveau rapport salarial; les tra­vailleurs acceptent de nouvelles conditions de tra­vail en échange de hausse du pouvoir d'achat et d'un développement de salaire indirect (cf. la Sé­curité Sociale); désormais, les luttes se con­cen­­trent sur le pouvoir d'achat (salaire nomi­nal). La hausse des salaires réels permet d'ac­croître les débouchés du secteur de la consom­ma­tion où le fordisme triomphe (cf. les biens du­rables asso­ciés au logement, automobile). Une vé­riable con­sommation de masse s'instaure, ce qui stimule les investissements; en permanence, les capaci­tés de production s'adaptent à la de­mande sociale et ce, en incorporant le progrès technique. Globalement, on a «un processus cu­mulatif dans lequel une croissance rapide repose sur des règles stables de partage salaires/profits et con­sommation/investissement» (21). La con­cur­­rence par les prix est faible de par l'im­por­tance des oligopoles stabilisés. Les firmes ayant ac­quis «une certaine maîtrise des micro-fluctua­tions», les prix ne sont plus des données de la concurrence mais le reflet d'une stratégie. Dé­sor­mais, la «guerre» ne se fait plus par les prix mais par la publicité, la différentiation (objective et subjective) des produits. La concur­rence mono­polistique suppose une action directe de la de­mande sociale (cf. la «filière inversée» de J.K. Galbraith) et ce, par diverses pratiques permet­tant la fabrication de différents statuts de sala­riés pour des différents revenus et positions so­ciales (l'OST repose sur une hiérarchisation du travail). Autrement dit, ce type de concur­rence im­plique une différenciation accrue des salaires et donc des inégalités.

 

La régulation monopoliste triomphe, un «cercle  ver­tueux» (R. Boyer) s'instaurant: augmenta­tion de la productivité – croissance (hausse des sa­laires et des profits) – nouveaux débouchés – in­vestissements – hausse de la productivité. La cri­se naît quand ces différentes formes institu­tionnelles de la régulation monopoliste ne fonc­tionnent plus. D'abord il existe une remise en cau­se du rapport salarial fordiste et ce, par la re­cherche d'une plus grande flexibilité de l'emploi, de nouvelles formes d'organisation du travail (cf. la participation), d'individualisation des sa­laires. Depuis la fin des années 60, l'orga­nisa­tion du travail tayloro-fordiste est l'objet d'atta­que de la part des syndicats qui dé­noncent la pei­nibilité du travail. Dans le même temps, on as­siste à un ralentissement des gains de pro­ducti­vité. Dès lors, les mécanismes de la négociation collective fonctionnent de plus en plus mal. Les hausses de salaires tendent à dé­passer les gains de productivité, l'accumulation étant très sérieu­sement remise en cause. Autrement dit, les em­ployeurs ne peuvent oc­troyer des augmentations de salaires. En outre, les entreprises supportent de plus en plus mal le coût du salaire indirect (cf. la protection sociale). Les multiples interven­tions de l'Etat (l'«Etat-Providence») sont aussi en crise (les limites des politiques keynésiennes ne signifient pas qu'il faille se jeter dans les bras du libéralisme). Les formes de la concur­ren­ce se modifient, une cer­taine concurrence «sau­vage» réapparaissant. Les banques natio­na­les contrôlent de plus en plus difficilement la masse monétaire (cf. inflation, développement et prolifération de nouveaux ins­truments finan­ciers,…). Enfin, la crise perma­nente du SMI, depuis la fin des années 60, marque une remise en cause (partielle) de la domination améri­cai­ne, l'économie américaine connaissant un per­pé­tuel déclin. La régulation nationale devient im­possible dans un monde qui tend à l'interna­tio­na­lisation; pis, le régime in­ternational est lui-même en crise.

 

La crise de la régulation renvoie à une crise du régime d'accumulation intensif. C'est ce que ré­vèle la crise du rapport salarial. Le régime in­tensif repose sur les gains de productivité liés à l'OST. Or cette OST connaît actuellement ses li­mites tant sociales (le travail à la chaîne n'est guè­re enthousiasmant) que technique et écono­mi­que (les gains de productivité nécessitent de plus en plus d'investissements et la parcellisa­tion génère de nombreux effets pervers). En ou­tre, seule une croissance continue de la produc­tion (cf. les économies d'échelle) permet des gains de productivité; mais cette croissance se heurte à une certaine saturation des besoins des ménages (cf. les taux d'équipement des ménages en biens durables); la norme de consommation for­diste, autre pilier du régime d'accumulation intensif, s'épuise aussi.

 

Le cercle vicieux stagnationniste

 

Crise du rapport salarial, crise de la norme de con­sommation… tout cela marque une crise glo­ba­le du régime d'accumulation. Au cercle ver­tueux de la croissance fordiste se substitue, fin des années 60, un cercle vicieux stagnationniste. L'OST s'épuisant, les entrepreneurs réagissent en substituant de plus en plus du capital au tra­vail afin de maintenir des gains de productivité. Désormais, plus de machines et moins d'hom­mes (cf. sous-emploi). Mais la producti­vité appa­rente du capital baisse et pèse sur la rentabilité (il y a plus de capital à valoriser mais les profits n'augmentent pas en conséquence); d'où un ra­lentissement des gains de productivité (variables selon les pays). Pourtant, les em­ployeurs vont con­tinuer à augmenter les sa­laires, ce qui grè­vent cruellement leurs profits. Ces hausses de salaires sont, dans un premier temps, compen­sées par des hausses de prix; d'où une poussée des tensions inflationnistes. L'inflation est aussi sou­tenue par le développe­ment de l'endettement des entreprises qui doi­vent financer leurs in­vestis­sements. La crise pétrolière accentue des tensions et fait baisser les investissements. Dès lors, le cercle stagnation­niste qui se met en place est le suivant: faibles gains de productivité – baisse des profits – baisse de l'investissement – fai­ble croissance du pou­voir d'achat – ralentis­sement de la croissance – faibles gains de pro­ductivité.

 

La théorie de la régulation est la cible de nom­breuses critiques, tant des économistes «de gauche» que «de droite» (22). C'est un signe en­cou­rageant. Certes, certaines de ses critiques sont fondées. Ainsi il est reproché aux régula­tionnistes leur incapacité à construire un mo­dèle, de formuler des lois, d'être trop descriptif, de formuler des lois, de ne pas offrir de solutions pour sortir de la crise… Néanmoins, cette école propose une analyse fructueuse de la crise. Mieux, en appréhendant le système économique comme une totalité intégrée dans une histoire et une réalité sociale, rejetant l'individualisme méthodologique, cette école assigne de nouveaux fondements à l'analyse macro-économique, cons­ti­tuant ainsi une alternative à la théorie néo-classique. Dès lors, il appartient à tous ceux qui recherchent de nouveaux outils/armes con­ceptuels de puiser dans l'arsenal régulation­niste. L'heure est désormais aux hérésies.

 

Guillaume d'EREBE.

Notes

 

(1) P. Boccara a développé des thèses sur la suraccumula­tion-dévaluation du capital. Il est un des théoriciens du Capitalisme Monopoliste d'Etat, théorie marxo-léniniste réactualisant la fameuse baisse tendancielle du taux de pro­fit. Cette théorie fut développée en URSS (cf. V. Tche­prakof) et devint, dans les années 70, le credo du Parti Com­muniste Français dont P. Boccara est membre.

(2) Boyer (Robert), La théorie de la régulation: une analyse critique, Paris, La Découverte, coll. Algama, 1987, p. 39.

(3) Cf. la perspective de Karl Polanyi, ce remarquable anti-Hayek, constitue une tentative intéressante.

(4) Boyer (R.), op. cit., p. 30. Il est à noter que G. Des­tan­ne de Bernis, responsable du Groupe de Recherche sur la Régulation de l'Economie Capitaliste (GRREC) est un des premiers à avoir introduit le terme de régulation dans les sciences sociales, utilisant certains éléments de la systémi­que pour réactualiser l'analyse marxiste.

(5) Il est relativement délicat de préciser les frontières de l'école de la régulation. Stricto sensu, cette école se consti­tue autour de Boyer, Aglietta et Coriat, autour du CEPREMAP. On peut y rattacher l'école néo-marxienne de Grenoble (GRREC) animée par Destanne de Bernis. L'é­cole de la régulation entretient certains rapports avec d'au­tres économistes ou courants: l'Allemand J. Hirsch, les ra­dicaux américains Gordon, Bowles, Weiss, Kopf, Piore, Sabel et la Social Structure of Accumulation, certains te­nants de l'école de la dépendance tels R. Haussman (cf. State Landed Property oil Rent and Accumulation in Vene­zuela; an Analysis in Terms of Social Relations;   thèse, Cornell University, août 1981) et C. Minami (cf. Crois­sance et stagnation au Chili: élément pour l'étude de la régu­lation dans une économie sous-développée, thèse, Pa­ris X-Nanterre, 1980; Le Tiers-Monde dans la crise, Paris, La Découverte, 1986).

(6) FIFI, STAR, DMS, METRIC… sont des modèles de prévision. Ainsi DMS est un modèle dynamique multisec­toriel utilisé pour les travaux de planification; FIFI (mo­dèle physico-financier) est un modèle de prévision pour le moyen terme (ZOGOL étant pour le court terme), etc…

(7) Thèse, Paris I, octobre 1974.

(8) Paris, Calman-Levy, 1984.

(9) Cf. Aglietta (M.) et Orlean (A.), La violence de la monnaie, Paris, PUF, 1982.

(10) Mazier (J.), Basle (M.), Vidal (J.F.), Quand les crises durent…; Paris, Economica, 1984, p. 9.

(11) Boyer (R.), op. cit., p. 46.

(12) Karl Marx distingue la plus-value absolue et la plus-value relative. Pour obtenir un surtravail accru de la part du salarié, deux façons sont possibles: d'une part en aug­mentant soit la durée, soit l'intensité du travail (ce qui re­vient au même), c'est la plus-value absolue; d'autre part en diminuant le «temps de travail nécessaire» qui correspond à la valeur des consommations nécessaires au salarié, c'est la plus-value relative. Cette dernière est la résultante d'une liai­son spécifique entre productivité et profit: produire à moindre coût les consommations ouvrières, c'est réduire le coût en travail de la reproduction de la force de travail, c'est donc dégager, sur chaque journée effectuée, davantage de surtravail donc davantage de plus-value.

(13) Lipietz (A.), «Accumulation et sortie de crise: quel­ques réflexions méthodologiques autour de la notion de ré­gu­lation», in Cahiers  du CEPREMAP, n° 8409, p. 2.

(14) Cette noion de mode de régulation est intéressante en ce qu'elle peut se substituer à la théorie des choix indivi­duels (cf. individualisme) et au concept d'équilibre général qui sont actuellement les fondements de l'étude des phé­no­mènes macro-économiques.

(15) Le rapport salarial est la manière dont s'organisent les relations entre l'organisation du travail et le mode de vie des salariés. On y trouve la division sociale et technique du travail, les méthodes utilisées pour attacher les salariés à leur entreprise et obtenir d'eux une mobilisation dans le travail, les règles qui régissent le niveau et l'évolution des salaires (directs et indirects), le mode de vie des salariés. Cf. Boyer (R.), La flexibilité du travail en Europe, Paris, La Découverte, 1986; Coriat (B.), L'atelier et le chrono­mètre, Paris, Bourgois, 1982.

(16) Cf. André (C.) et Delorme (R.), L'Etat et l'économie, Paris, Seuil, 1983.

(17) Corée du Sud, Taiwan, Hong-Kong, Malaisie, Singa­pour.

(18) Les killer's strategies consistent à vendre certains biens incorporant de l'innovation, directement sur de vastes mar­chés sans passer par une phase de hauts prix et ce, afin d'étouffer les concurrents.

(19) Boyer (R.), op. cit., p. 62.

(20) Boyer (R.), op. cit., p. 63.

(21) Boyer (R.), La flexibilité du travail en Europe, Paris, La Découverte, 1986, p. 15.

(22) Cf. Kolm (S.C.), Philosophie de l'économie, Paris, Seuil, 1986.

 

 

jeudi, 06 mai 2010

Scheiding der machten en effectieve rechtsbescherming

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Scheiding der machten en effectieve rechtsbescherming
1. Op 7 mei vindt in Leuven de jaarlijkse studiedag plaats van het instituut voor constitutioneel recht (zie http://www.law.kuleuven.be/icr/studiedagen.html)
 
De scheiding der machten moge dan al niet als dusdanig in onze Grondwet zijn bepaald, het blijft een fundament van onze rechtsstaat, en dat hoort het ook te zijn. Die scheiding is een van de belangrijkste technieken om enerzijds de staatsmacht te verdelen over overheidsorganen die elk slechts een bepaalde functie kunnen uitoefenen en daardoor beperkt worden in hun macht en anderzijds ook op andere manieren de burger te beschermen tegen de macht van die organen (1). Immers,
 
Power tends to corrupt ands absolute power tends to corrupt absolutely (Lord Acton, Letter to Bishop Mandell Creighton, 1887).
 
Daarvoor bestaan er natuurlijk ook andere instellingen in ons grondwettelijk bestel, zoals enerzijds de grondrechten en anderzijds de directe democratie, maar het eerste veronderstelt ook een goed werkende scheiding der machten en het tweede is in ons politiek bestel bijna geheel onbestaand en botst op de geconcerteerde actie van alle politieke belanghebbenden om dat ook zo te houden.
 
2. De bestaande vorm van 'scheiding der machten' blijkt evenwel in een aantal gevallen een sta-in-de-weg te zijn voor een ander fundament van onze rechtsstaat, het beginsel van effectieve rechtsbescherming, van de mogelijkheid voor de burger om de zijn subjectieve rechten ook daadwerkelijk te doen beschermen. In een aantal gevallen is dat het gevolg van een m.i. onterecht beroep op de scheiding der machten, in een aantal andere gevallen het gevolg van het niet respecteren van die scheiding.
 
3. Om met het tweede te beginnen: er zijn nog steeds vele gevallen waar de 'checks and balances' niet voldoende werken omdat de genoemde scheiding niet gerespecteerd wordt:
- Parlementen die Individualgesetze aannemen om aldus individuele beslissingen (bv. bouwvergunningen) aan rechterlijke controle te onttrekken (uitgezonderd de zeer beperkte controle door het Grondwettelijk Hof);
- rechters die op grond van verregaande interpretaties van soms obscure volkenrechtelijke codes democratisch gelegitimeerde wetten terzijde schuiven;
- diverse praktijken waardoor de uitvoerende macht invloed kan uitoefenen op de rechtsbedeling door de rechters.
Heel in het bijzonder is er in België nog altijd geen scheiding tussen het Openbaar Ministerie en de rechters van de rechterlijke macht. Het recht van de burger op een behandeling door een door de wet aangeduide onafhankelijke en onpartijdige rechter bestaat in België niet, althans niet in strafzaken. In strafzaken worden de zaken onder de kamers van de Hoven van beroep verdeeld op voorstel van de procureur-generaal, zelf partij in het geding (zie o.m. art. 7 KB 17 januari 2001 houdende reglement voor het Hof van beroep te Brussel (2); art. 9 KB 26 januari 2007 houdende reglement voor het Hof te Gent)(3). En zelfs waar dat niet zo is, is er geen Garantie des gesetzlichen Richters zoals in art. 101 van de Duitse Grondwet (en impliciet ook vereist door het EVRM).
 
4. Voorbeelden van het eerste zijn alle gevallen waarin geoordeeld wordt dat de rechterlijke macht niet beschikt over de nodige rechtsmacht om remedies uit te vaardigen waarmee subjectieve rechten effectief worden beschermd, met het argument dat dit strijdig zou zijn met de scheiding der machten.
 
Zo kan de rechter de overheid wel veroordelen tot schadevergoeding wegens fouten, waaronder ook de niet-nakoming van verbintenissen of andere verplichtingen, maar kan de rechter de overheid niet veroordelen tot nakoming (in natura) van de verplichtingen (andere dan geldelijke) noch de burger machtigen zelf tot uitvoering over te gaan op kosten van de overheid.
 
De rechter kan zich niet in de plaats van de wetgever stellen en enkel het Grondwettelijk Hof kan de wetgevende macht censureren inzake daden die de uitoefening vormen van de wetgevende macht.
 
Maar de organen van de wetgevende macht nemen vele beslissingen die geen wetten zijn, die niet de uitoefening vormen van de wetgevende macht, en dus ook niet onttrokken mogen zijn aan de controle van de rechter. Nochtans is de rechterlijke toetsing maar zwak uitgebouwd (en in hoofdzaak enkel bij personeelsaangelegenheden).
 
Actuele voorbeelden van een onterecht beroep op de scheiding der machten vinden we in betwistingen die te maken hebben met verkiezingen. Ik vermeld eerst een reëel geval en vervolgens een geval dat bij het schrijven van deze bijdrage (20 april 2010) nog hypothetisch is maar bij het verschijnen ervan misschien niet meer.
 
5. Het eerste betreft de ongrondwettige samenstelling van de huidige Senaat na de verkiezingen van 2007 doordat aan de partij LDD noch een gemeenschapssenator, noch een gecoöpteerde senator werd toegekend (4). De Brusselse voorzitter in kort geding verklaarde zich bevoegd, maar oordeelde dat er geen subjectief recht bestond op die Senaatszetel. Deze beschikking is al een stap vooruit in de rechtsbescherming: traditioneel verklaarden rechters zich zonder rechtsmacht. Formeel gezien werd het recht op daadwerkelijke rechtsbescherming hierdoor dus niet geschonden, al blijf ik van oordeel dat uit de regels inzake de samenstelling van Parlementen (zij het rechtstreeks door verkiezingen zij het onrechtstreeks zoals in casu) natuurlijk wel subjectieve rechten voortvloeien, die dan ook via rechterlijke weg moeten kunnen worden afgedwongen. Weliswaar gaat het om politieke rechten, maar ook daarvoor is de gewone (burgerlijke) rechter wel degelijk bevoegd zolang de wetgever geen ander rechterlijk orgaan bevoegd heeft gemaakt.
 
6. Het tweede betreft de ongrondwettigheid van de huidige kieswet, zoals vastgesteld in het beruchte arrest nr. 73/2003 van het grondwettelijk hof. Personen die op grond van die ongrondwettigheid weigerden te zetelen bij de verkiezingen van 2007 werden door het hof van beroep te Gent veroordeeld met de motivering dat "Alleen de Kamer van volksvertegenwoordigers en de Senaat doen uitspraak, zowel wat hun leden als wat hun opvolgers betreft, over de geldigheid van de kiesverrichtingen" en dat "de eventuele (on)grondwettigheid van de verkiezingen van 10/06/2007 enkel door andere bevoegde organen" (nvda dan de Hoven en rechtbanken) " – en in ieder geval niet door de beklaagde noch door andere autoriteiten of derden of het grondwettelijk Hof – moet/kan worden vastgesteld" (5). Met andere woorden: de verkozen verklaarden zijn rechter over hun eigen verkiezing. Dit betreft een extensieve interpretatie van art. 48 Grondwet, dat nochtans enkel over de goedkeuring van de "geloofsbrieven" gaat.
 
En deze interpretatie is manifest strijdig met het recht van de burgers en kandidaten op een daadwerkelijke rechtsbescherming van hun politieke subjectieve rechten op correcte verkiezingen (6). De scheiding der machten hiervoor inroepen is een drogreden: België is een van de laatste 3 landen in Europa die geen rechterlijke toetsing van geschillen over de parlementsverkiezingen kent, en in alle andere landen die dit wel kennen vormt de scheiding der machten eveneens een grondslag van het staatsbestel. Op 2 maart 2010 oordeelde het EHRM dan ook in de zaak Grosaru t. Roemenië (7) dat het recht op effectieve rechtsbescherming vereist dat dergelijke geschillen door een onpartijdig orgaan moeten worden getoetst, dat daarbij niet discretionair mag oordelen, en dat een orgaan dat bestaat uit leden die politieke partijen vertegenwoordigen niet voldoet aan de vereiste van onpartijdigheid (randnr. 53 en 54).
 
De reacties in België op het bekend worden van dat arrest waren bedroevend: het EHRM citeerde in zijn schets van de feitelijke situatie in de Europese landen uitvoerig uit een rechtsvergelijkend rapport van de commissie van de Venetië, waarin vermeld wordt dat de landen die geen onpartijdig toetsingsorgaan hebben wel een lange democratische traditie hebben; dit maakte geen deel uit van de motieven naar recht van het arrest-Grosaru maar wordt wel misbruikt om te stellen dat er geen vuiltje aan de lucht is en we perfect ongrondwettige verkiezingen kunnen organiseren. De politieke partijen zullen die nadien immers goedkeuren. Voor mij is dit enkel maar een symptoom van het feit dat politieke misdaad loont in dit land en de arrogantie van het politieke establishment nieuwe toppen scheert.
 
(1) Zie mijn eerdere studie "Bedenkingen over de “scheiding der machten. Nota ter voorbereiding van het interview met J.P. Rondas op radio Klara 21 december 2008", http://vlaamseconservatieven.blogspot.com/2009/01/bedenkingen-over-de-scheiding-der.html
(2) http://reflex.raadvst-consetat.be/reflex/pdf/Mbbs/2001/01/26/70140.pdf
(3) http://www.juridat.be/beroep/gent/images/mb2.pdf
(4) Zie onder meer http://www.senate.be/www/?MIval=/Registers/ViewReg&COLL=H&PUID=67108868&TID=67108877&POS=3&LANG=fr
(5) Hof van Beroep Gent 17 januari 2008, zie http://www.haviko.org/cgi-bin/actualiteit.cgi?artikel=1200568853.
(7) EHRM 2 maart 2010, Grosaru t. Roemenië, in het Frans en het Engels beschikbaar via
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?action=html&documentId=863719&portal=hbkm&source=externalbydocnumber&table=F69A27FD8FB86142BF01C1166DEA398649
(6) Zie voor verder argumentatie mijn artikel "Wie gelooft de Von Münchhausens nog over BHV ?", http://vlaamseconservatieven.blogspot.com/2010/03/wie-gelooft-de-von-munchhausens-nog.html
Geplaatst door matthias e storme op woensdag, april 28, 2010