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samedi, 16 janvier 2021

Les suprémacistes aiment la fiction

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Les suprémacistes aiment la fiction

par Philippe-Joseph Salazar

Ex: https://lesinfluences.fr

Comment trois romans signés Jean Raspail, William L. Pierce et Jack London sont plébiscités par la contre-culture suprémaciste.

COMMENT RAISONNENT-ILS ? Un jour, à la Rhumerie, Roland Barthes, en tirant sur son Petit Corona de chez Freeman & Son, jadis sis à 65 Kingsway, Londres, déclara : « Si un jour tout ça disparaissait et qu’il faudrait choisir entre la Théorie de la relativité et la Recherche du temps perdu, je garderais Proust. Avec la Recherche on pourra retrouver Einstein, mais l’inverse c’est douteux ... » Pour saisir cette saillie, il faut se souvenir que Barthes s’était approprié un mot ancien, remis en selle par Michel Foucault – ce mot ? « Mathésis ».

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Par « mathésis », Roland Barthes voulait dire que la littérature a des pouvoirs d’apprentissage et de connaissance qui souvent dépassent, et de loin, ce que la science ou les intellectuels peuvent dire du monde.

Une racine indo-européenne remontant à la nuit des temps. En grec ancien le mot dénote apprentissage, instruction, connaissance. Par « mathésis », Barthes voulait dire que la littérature a des pouvoirs d’apprentissage et de connaissance, et d’intellection, qui souvent dépassent, et de loin, ce que la science ou les intellectuels peuvent dire du monde. Un roman peut parler mieux qu’un bouquin d’historien sur une révolution volée au peuple – L’Éducation sentimentale de Flaubert. Mieux révéler de la (dé)colonisation que des mémoires d’universitaire sur l’Algérie – L’Étranger d’Albert Camus. Etc. Cherchez les exemples. On pourra continuer à produire des thèses sur l’URSS : Soljenitsyne a tout dit, et en mieux.

« Mathésis » a partie liée avec la connaissance divinatoire, la mantique (même souche) : la littérature est une forme de divination, elle fait entrevoir ce qui sera, ou pourrait être, ou ne sera pas. Les œuvres de fiction anticipent et font présager du futur car, dixit Platon : « Le dieu a donné la divination à l’homme pour suppléer à la raison. » La fiction supplée aux idées. D’ailleurs cette citation se trouve dans le Timée qui, avec le récit du Critias, donne une narration à mi-chemin entre la science fiction et la politique, la fameuse description d’une société idéale – l’Atlantide. Platon invente là d’un coup à la fois un genre littéraire (le récit dit utopique) et un genre politique (qu’est-ce une société idéale). « Idéale », bref structurée selon une idée testée, car l’Atlantide a existé, dit Platon. Ce n’est pas une fiction mais une réalité qu’il s’agit, politiquement, de rétablir.
Voilà qui nous mène au cœur du sujet : les récits de politique-fiction raciale. Pas tous, seulement ceux qui sont lus, récités et cités maintenant, et qui ont un effet politique de formation, de « mathésis ».

Deux constatations : un, ceux de l’extérieur ne saisissent pas l’importance formatrice de ces récits ou se contentent de les ridiculiser – comme les adversaires du djihad se moquaient des discours et écrits du Califat de l’État islamique. Deux, si l’internationale blanche peut aligner des récits de politique-fiction forts, la gauche radicale (ou flasque), elle, n’a plus rien, et c’est stupéfiant : aucun roman, aucun récit de fiction qui galvanise les troupes. Car dans les années cinquante et soixante la gauche eut sa grande littérature d’action, à la fois hautainement littéraire et les mains dans le cambouis de la pratique : deux ou trois générations de jeunes ont lu les romans de Sartre, Camus, Beauvoir – et ont cru à la Révolution – politique, sociale, sexuelle. En 1968 ils sont passés à deux doigts de la victoire politique immédiate mais force est d’admettre qu’ils ont alors remporté une victoire sur le long terme : l’idéologie régnante et le discours dominant actuels, même dans leur travesti gestionnaire et leur langage hébété, gardent en effet les traits les plus forts de ce qui fut mis en imagination par ces œuvres littéraires prémonitoires, leur « mathésis ».

Or, en catimini, c’est la droite raciale qui a pris le relais. Il existe une littérature qui forme, qui instruit, qui fait apprendre – une « mathésis » blanche, lue et relue à la fois comme mantique, c’est-à-dire par son pouvoir de prémonition, et comme une pratique, c’est-à-dire de quasi manuels de rébellion. Trois romans : Le Camp des saints de Jean Raspail (1973), Les Carnets de Turner d’Andrew Macdonald (nom de plume de William L. Pierce) (1978) et Le Talon de fer de Jack London (1908). On a là un « dispositif » rhétorique (autre notion de Foucault).

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Jean Raspail, une fascination incantatoire

  Le Camp des saints est devenu un classique de l’internationale blanche, traduit en de nombreuses langues. C’est un des romans français les plus vendus au monde. Au début des années 1970, Jean Raspail imagina cette invasion de l’Europe depuis l’Inde, et la défaite mondiale de l’Occident, désespérément et inutilement défendue par de rares Justes face à l’holocauste global, et narrée depuis le réduit suisse alors que les « Barbares » montent à l’assaut. En 1972, la loi Pleven contre l’incitation au racisme est votée, le film Avoir vingt ans dans les Aurès sort en salle, le militant maoïste Pierre Overney est assassiné, Le Pen fonde le Front national et la guerre du Viêt-Nam a encore trois ans devant elle avant la déferlante des boat-people (1975-1978). Le roman vient aussi quatre ans après le discours du Britannique Enoch Powell, des « rivières de sang », prémonitoire, selon lui, de la montée de l’immigration du Commonwealth vers le Royaume-Uni et de ses conséquences.

On a dit que c’était une dystopie, mais c’est inexact : contrairement à Orwell dans 1984, Raspail ne décrit pas une société néfaste qui s’installe, un fonctionnement inhumain d’institutions, bref une utopie de malheur, mais l’effondrement d’une société, l’Occident comme on disait alors.

Aucune solution n’est proposée, sauf une, inéluctable, et rapide, celle de la destruction. C’est un livre de politique-fiction, ce n’est pas une utopie politique qui offre la prémonition d’une société idéale à rebâtir. C’est une apocalypse géopolitique sans rachat des péchés – les erreurs politiques ayant conduit à ce génocide des Occidentaux – et sans espoir de renaissance.

Pour les lecteurs de l’internationale blanche actuelle, le roman est lu à travers le calque de la crise récente des réfugiés et de la crise plus ancienne de l’immigration en France. Raspail a pu, adroitement, faire de nouvelles éditions, raboter, expliquer, paraphraser mais une chose est certaine : il ne propose pas un projet politique. Son attrait, général par l’internationale blanche actuelle, est qu’il avertit de ce qui arrivera si aucun « plan » n’est en place pour contrecarrer l’action délétère des gouvernants occidentaux. La fascination qu’exerce le roman est de l’ordre incantatoire : sans « plan », sans préparation, nous sommes perdus – les réseaux suprémacistes parlent de « prepping » : il faut se préparer. Comme l’intrusion au Congrès américain, et toutes ses conséquences, le jour où se tint le vote de certification du scrutin présidentiel (6 et 7 janvier 2021) le réseau Boogaloo sommait ses partisans : « Commencez le maillage, planifiez, préparez-vous. Imprimez des cartes de vos quartiers. Sortez vos kits de survie et entraînez-vous. Ayez des amis sûrs. Au jour fixé vous n’aurez sous votre contrôle que ce que vous aurez préparé. »

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William Luther Pierce III, l’influence suprématiste

  Or c’est ici qu’intervient le deuxième roman clef (Roland Barthes parlait de « texte tuteur »), Les Carnets de Turner.

Ce qu’ils offrent est justement un scénario de politique-fiction où ceux qui se sont préparés finissent, après des aventures épiques, par faire triompher leur résistance à la destruction des Blancs par les Noirs téléguidés par les Juifs (le roman fonctionne avec ces trois actants comme on dit en théorie de la narration). Sa structure narrative est cruciale pour comprendre la fascination que ce roman exerce sur la jeune génération des « réalistes raciaux ». Il s’agit de mémoires retrouvés longtemps après le triomphe de l’Organisation (blanche) sur le Système (le gouvernement américain et ses alliés), présentés par un historien de la Grande Révolution – celle-ci fut le résultat de la résistance et de la campagne de terreur menée par l’Organisation et planifiée par son comité central, l’Ordre. Cette insurrection nationaliste blanche, après des revers et des défaites, finira par s’étendre au monde entier, en 2000, par l’éradication de tous les peuples non blancs (Juifs compris). Peu importe son auteur, William Luther Pierce III (1933-2002), un intellectuel et figure éminente du suprématisme blanc américain (l’Alliance nationale), car l’impact intellectuel du roman dépasse le cadre, en réalité assez restreint, de sa propre influence : c’est un cas où les idées passent par une fiction plus que par la propagande de parti, et s’étendent au delà du cercle étroit des fidèles.
Mais les Carnets ne sont pas une utopie : on n’y trouve pratiquement aucune description de l’Organisation et encore moins du fonctionnement de la société née de la Grande Révolution et de l’éradication des races non blanches. Le but du roman est de décrire un processus de « prepping » d’un individu, de sa conscientisation d’homme blanc, de sa préparation à l’action et de son passage à la résistance, y compris avec l’aveu de ses faiblesses : non seulement le roman est centré sur un actant principal, le héros, Turner, mais c’est lui-même qui raconte, à la première personne, ce qu’il a vu et fait. En d’autres termes c’est l’individu en action qui est placé au premier plan, avec forces et défauts, non pas un chef charismatique, mais un fantassin, de base. Le roman, outre qu’il est bien écrit et bien structuré, offre donc à lire l’histoire d’une résistance réussie à l’oppression vue de la base, d’où sa force d’identification et le succès qu’il rencontre depuis.

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Jack London, le levier anticapitaliste et anti-élites

  Mais le Système, l’ennemi des Carnets ? C’est ici qu’intervient le troisième texte tuteur, le roman plus ancien de Jack London, Le Talon de fer. Le livre est le récit, consigné dans un manuscrit miraculeusement retrouvé sept siècles après les évènements, d’une insurrection « fraternelle » suivie de trois autres « Révoltes » étalées sur trois siècles, « toutes noyées dans le sang, avant que le mouvement mondial du travail ne s’épanouisse ». Trotsky en donne ce résumé fulgurant en 1937 : « Dans son tableau de l’avenir il ne laisse absolument rien subsister de la démocratie et du progrès pacifique. Au-dessus de la masse des déshérités s’élèvent les castes de l’aristocratie ouvrière, de l’armée prétorienne, de l’appareil policier omniprésent et, couronnant l’édifice, de l’oligarchie financière. »

Le récit est une dystopie : on y découvre une société « idéale », c’est-à-dire, selon l’idée que décrit assez justement Trotsky, d’une oligarchie financière dans ce qu’il nomme, à tort ou à raison, écrivant en 1937, un régime fasciste. Le héros n’est pas le narrateur mais sa femme, issue de cette oligarchie. En quoi ce récit de politique fiction est-il le troisième élément du dispositif rhétorique ? De quoi est-il persuasif ? Premièrement du fait que, pour les lecteurs de l’internationale blanche, il ne décrit pas une société fasciste, justement, mais la société actuelle. La phrase de Trotsky est aisément traduisible : au dessus de la masse des Blancs dont on a annulé l’héritage s’élèvent les élites, à savoir les syndicats, les forces de l’ordre, un système omniprésent de contrôle et, au sommet, l’oligarchie de la finance. Il manque les médias mais ne font-ils pas partie de l’appareil idéologique de la superstructure, cet Überbau, cet édifice, terme marxiste employé par Trotsky à juste escient ? Or, deuxièmement, la nouvelle idéologie raciale blanche, suprémaciste ou non, est anticapitaliste ou anti-élites car, à ses yeux, elles sont les leviers du « cosmopolitisme » qui opère un gommage forcené des différences culturelles et biologiques entre les races afin d’optimiser les flux marchands et les flux de main d’œuvre de l’internationalisme marchand. Troisièmement, l’« oligarchie » dissimule la dureté de ses opérations sous les labels lénifiants de diversité, proximité, solidarité, vivre ensemble – une rhétorique de l’asservissement consenti de « déshérités ». Ce qu’offre donc Le Talon de fer c’est une description de ce qu’est le « Système » auquel Les Carnets de Turner font allusion, mais ne décrivent pas. Les deux romans s’emboîtent.

Pour résumer, ces trois romans forment une « mathésis », une construction prémonitoire du monde qui anime la jeune génération de « réalistes raciaux », « nationalistes blancs » ou « suprémacistes ». L’influence de ces récits de fiction tient donc à la fois à leur contenu et à la manière dont les trois romans se soutiennent les uns les autres pour former un cadre intellectuel – au sens où la passion qui anime ces récits porte une interprétation des faits et une intelligence des enjeux. Ce sont les trois fictions clefs qui nourrissent, par toutes sortes de réseaux parfois extrêmes, un plan de prise de conscience de l’identité blanche et de préparation à une prise éventuelle du pouvoir. Puissance potentielle de la fiction.

Que nous apprennent les vicissitudes américaines actuelles ?

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Ugo Boghetta

Que nous apprennent les vicissitudes américaines actuelles ?

Source : Il Paragone (https://www.ilparagone.it )

Les vicissitudes qu’éprouvent les Etats-Unis aujourd’hui nous démontrent qu'une démocratie de masse ne tient la route et n'a de sens que s'il y a égalité, s'il y a un État-providence qui protège ses citoyens au moins à un niveau décent. Ici aussi, l'inégalité et la fragmentation sociale peuvent, tôt ou tard, conduire à la violence. C'est pourquoi la deuxième république (italienne) et tout ce qu'elle a entraîné doit être jetée à la poubelle de l’histoire : individualisme de plus en plus exagéré, destruction progressive de l'État-providence, système électoral majoritaire, perte de la souveraineté monétaire et politique. Nous pouvons peut-être encore nous sauver. Mais nous avons besoin d'un changement radical !

Il suffit de regarder la tendance des bourses pour comprendre où bat le portefeuille de la turbo-finance par rapport à la crise américaine. Toutefois, cela ne doit pas conduire à des simplifications : les événements doivent être analysés à différents niveaux.

Certaines analyses et certains commentaires, même non conventionnels, ont le défaut de nous dire, péremptoirement et unilatéralement, ce qui se passe aux États-Unis et dans le domaine social. Nous ne croyons pas que le courant dominant ‘’fait semblant’’, mais en réaction, bon nombre de nos contemporains ont tendance à prendre toutes les critiques formulées contre l’idéologie et les praxis dominantes pour argent comptant, alimentant ainsi la vague des « contre-fausses nouvelles ». Le produit final est souvent une inutile cascade d’acclamations bipartisanes.

Les États-Unis sont nés et ont été envahis par des sectes religieuses en forte concurrence les unes avec les autres. Ils sont nés partisans d'un individualisme exaspéré et d'un anti-étatisme idéologique. Ils sont nés d'un génocide et ont vécu longtemps avec l'esclavage. Ils ont mené une guerre civile sanglante entre deux modèles économiques : le libéral-industrialiste au Nord, le conservateur-agricole au Sud, tandis que la question des esclaves n'était qu'un corollaire mineur. Un affrontement qui n'a jamais été complètement réconcilié. La violence a également été la réponse au mouvement ouvrier naissant du début des années 1900 jusqu'à l'utilisation de la mafia. Obervons ! La violence était la réponse aux mouvements de 68. La violence est un fait fondateur tant au niveau interne qu'externe. Comme nous le savons, la possession d'armes est très largement répandue et protégée par la Constitution. À son tour, l'articulation du système institutionnel et électoral est incroyablement compliquée.

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Les politiques libérales téléguidées par la sphère turbo-financière, mises en œuvre au cours de ces cinquante dernières années ont multiplié les divergences et la fragmentation. Des divergences et des fragmentations qui, aux États-Unis, naissent racialisées et deviennent immédiatement raciales. La question raciale, pour certains universitaires, est la cause de l'absence de l'État-providence : personne ne veut donner de l'argent aux communautés d'une autre couleur. Le tout amplifié par l'idéologie de l'individualisme et du "do it yourself". Mais en quelques décennies seulement, nous sommes passés de l'hédonisme reaganien au sinistre individualisme actuel, qui implose.

La crise du libéralisme globalisant en 2007-2008, et la montée de la Chine provoquée par la délocalisation des entreprises occidentales, ont ensuite empêché que les tensions internes ne soient évacuées. Et la mixture est devenue folle. Les élites se sont fortement divisées et le conflit social à la base s'est élargi et approfondi. Trump a donné une voix à une partie de la société fragmentée. Tout comme, du côté opposé, le mouvement Black Lives Matter est né, pour formuler les exigences d’une autre partie. Avec de l'extrémisme des deux côtés. Cela montre toutes les limites d'une démocratie qui est toujours partiale, à peine inclusive. Quel modèle !

Lors des derniers tours de scrutin, la seule alternative potentielle à tout cela est apparue : c’était Sanders. Mais l'unification des couches populaires n'est pas œuvre politique facile : elle est peut-être même impossible. Il est difficile de mettre en place un troisième pôle et de se désengager du parti démocrate, notamment en raison d'un système électoral majoritaire et diversifié, État par État.

Dans ces conditions, il est possible que la crise interne n'ait pas de solution et que cela ne fasse qu'accélérer le déclin des États-Unis dans le monde.

Trump a donc perdu. Et il a perdu non pas à cause de la fraude (après tout, il a gagné contre Clinton même s'il a pris 1,5 million de voix de moins) mais parce qu'il n'a pas dépassé ses propres « enclôturements » idéologiques, n’a pas opéré un changement de registre qui aurait été possible dès qu'il a été élu.

L'inégalité et la fragmentation sociale peuvent, tôt ou tard, conduire à la violence. La violence n'est pas toujours évitable. Elle est parfois souhaitable lorsque même la forme démocratique couvre des privilèges inacceptables. Mais toutes les violences ne sont pas les mêmes. Cela dépend de qui elle émane et de ce qui est pratiqué dans son exercice. Il faut distinguer les sujets sociaux des sectes comme les tenants de la suprématie blanche, par exemple. L'expérience américaine nous montre qu'une démocratie de masse ne tient et n'a de sens que s'il y a égalité, s'il y a un État social qui protège au moins à un niveau décent. Et que cela est possible si un peuple est substantiellement uni. C'est pourquoi toute immigration doit être préalablement évaluée avec soin. C'est une question de démocratie.

A y regarder de plus près, c'est la même erreur que celle commise par d'autres populistes, par exemple Salvini. Le même Salvini qui, au lieu d'essayer d'unifier le bloc social du gouvernement vert-jaune, visait à défendre son propre petit jardin : il a fini dans le fossé. C'est un problème récurrent d'un certain populisme qui est plus médiatique et "communicationniste" que social et politique.

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Ma conclusion est de dire qu’il est impérativement nécessaire d'annuler en Italie la « deuxième république » qui, du modèle américain, est une copie : pour l'idéologie libérale ; pour l'individualisme de plus en plus exaspéré ou pour le fait que chacun pense pouvoir être son propre entrepreneur. Beaucoup ont cru à cette fable : ils sont maintenant dans l'enfer des numéros de TVA ; la « deuxième république » est aussi une pâle copie du système américain parce qu’elle opte pour la destruction progressive de l'État-providence (école, santé, pensions, etc.) visant à la marchandisation de l'économie (avec pour objectif la marchandisation des droits et de l'assurance personnelle pour tout, y compris maintenant contre le COVID-19 ! ) ; copie aussi pour la fragmentation régionale, ou le fédéralisme en quelque sorte, que le COVID a coulé ; pour le système électoral diversement majoritaire qui a eu pour corollaire la transformation des partis idéologiques de masse en comités électoraux similaires les uns aux autres. Le tout aggravé par la perte de la souveraineté monétaire et politique.

Une deuxième république où la dichotomie droite/gauche a perdu son sens, non pas parce qu'il n'y a pas de différences idéologiques et pratiques, mais à cause de l'assujettissement des uns et des autres à la pensée unique. Au contraire, les polarisations sociales se sont étendues, radicalisées, mais ont aussi sombré dans la confusion. Et maintenant, la situation est très grave en raison du chevauchement de la crise de 2008 avec celle induite par le COVID. Comme, tôt ou tard, le COVID prendra fin, tous les problèmes remonteront à la surface en même temps, mais, pire, ils s'aggraveront à cause de la destruction des entreprises les plus faibles dont Draghi a déjà tracé les lignes. Nous avons donc besoin d'autres thèmes mobilisateurs, d'autres politiques qui identifient les chocs haut/bas, in/out, sinon nous demeurerons aveugles et muets. En fait, le risque est toujours celui de retomber dans la mélasse idéologique et politique du système libéral. Malheureusement, il n'existe pas de vaccin qui immunise contre ce danger. M5S docet.

La différence avec les États-Unis est que nous pouvons peut-être encore nous sauver nous-mêmes. Mais nous avons besoin d'un changement radical !

 

Le visage ambigu de la révolution conservatrice allemande

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Le visage ambigu de la révolution conservatrice allemande

Luca Leonello Rimbotti

Ex: https://www.centrostudilaruna.it

La Révolution conservatrice - un phénomène essentiellement allemand, mais pas seulement - était un réservoir d'idées, un laboratoire, dans lequel infusaient tous ces idéaux qui, d'une part, rejetaient le progressisme des Lumières occidentales, et, d’autre part, préconisait le dynamisme d'une révolution de grand style : mais dans le sens d'un renouveau, d'un retour à la tradition nationale, à l'ordre des valeurs naturelles, à l'héroïsme, à la communauté du peuple, à l'idée que la vie est une lutte tragique mais aussi magnifique.

Entre 1918 et 1932, ces idéaux ont eu des dizaines de partisans d'une grande profondeur intellectuelle, selon un éventail très large de variations idéologiques : de la petite minorité de ceux qui ont vu dans le bolchevisme l'aube d'une nouvelle conception communautaire, à la grande majorité de ceux qui ont plutôt lutté pour l'affirmation extrême du destin européen à l'ère des technologies de masse, en gardant intactes, voire en les relançant de manière révolutionnaire, les qualités traditionnelles liées aux origines du peuple : identité, histoire, lignée, patrie, culture. Parmi ces derniers, de loin les plus importants, se trouvaient des personnalités du calibre de Jünger, Schmitt, Moeller van den Bruck, Heidegger, Spengler, Thomas Mann, Sombart, Benn, Scheler, Klages et bien d'autres. Dans le Sodome chaotique qu'était la République de Weimar - où la crise du Reich était lue comme la crise de tout l'Occident libéral - tous ces esprits avaient un dénominateur commun : s'engager dans la lutte pour s'opposer à la désintégration de la civilisation européenne en rétablissant l'ordre traditionnel sur des bases modernes par la révolution. Malheureusement, aucun d'entre eux n'a jamais été homme politique. Et peu d'entre eux avaient même une culture politique. Cette absence de sensibilité politique est la raison pour laquelle, le moment venu, l'enjeu historique a trop souvent été méconnu. Et, parmi les plus célèbres, seuls quelques-uns ont compris que le destin ne peut pas toujours avoir le visage que nous imaginons dans le silence de nos études, mais qu'il apparaît parfois soudainement, parlant le langage simple et brutal des événements.

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Ils ont écrit sur une Allemagne à restaurer dans sa puissance, ils ont proposé à leurs lecteurs un type d'homme héroïque et courageux, métallique, qui dominerait le nihilisme de l'époque moderne ; ils ont décrit la civilisation occidentale comme le plus grand des maux, le progrès comme une sinistre diablerie, le capitalisme comme une lèpre d'usuriers, l'égalitarisme et le communisme comme des cauchemars primitifs... et ils sont retournés aux racines du germanisme, aux sources de l'identité. Armé de Nietzsche et d'anciens mythes dionysiaques, il y a même eu ceux qui ont rallumé les feux de ces nuits primordiales où l'homme européen est né ... Pourtant, quand tout cela a pris vie sous leurs fenêtres, quand les mythes et les invocations ont pris la forme d'hommes de chair et de sang, d'un parti, d'une volonté politique, d'une voix, quand l'"homme d'acier" décrit dans les livres a frappé à leur porte dans les formes stylisées de la politique, beaucoup de yeux se sont détournés, beaucoup d'oreilles ont commencé à ne plus nous entendre... Le vieux syndrome du rêveur, qui ne veut pas être dérangé même par son propre rêve qui prend vie... La révolution conservatrice allemande a souvent exprimé la tragique cécité de beaucoup de ses épigones face à l’émergence de bon nombre de leurs constructions théoriques.

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Ils n'ont pas voulu reconnaître le son d'un carillon, dont le tintement est largement sorti de leurs propres livres. Puis, soudain, tout est devenu trop "démagogique", trop "plébéien". L'intellectuel voulait laisser le militantisme, la vraie lutte, à ceux qui acceptaient de se salir les mains dans les faits. Ainsi, certaines dérives du national-socialisme peuvent être historiquement attribuées à la réticence d'intellectuels et d'idéologues, qui n'ont pas participé à la "lutte pour les valeurs" et qui, après avoir longuement prêché, se sont isolés au moment de l'action dans un petit monde de romans et de digressions. La mentalité de club est-elle vraiment un "exil intérieur" ou est-elle plutôt désertion face à ses propres idéaux ? Et pourtant, un certain espace critique a existé, à l’époque, même au sein du régime totalitaire, car beaucoup d’historiens font état de luttes idéologiques internes sous le Troisième Reich, de controverses, de divergences de vues : Rosenberg ne pensait certainement pas comme Klages ; Heidegger et Krieck étaient des opposants politiques campés sur des rivages différents... Prenons Jünger. Toujours en 1932, il avait parlé de la Herrschaft, de la Hiérarchie des Formes, de la Sagesse des Ancêtres, du Guerrier, du Réalisme Héroïque, de la Force Primordiale, du Soldat Politique, de la "Masse qui voit son existence réaffirmée par l'Individu doté de la Grandeur"... Rappelons au passage que Jünger a collaboré, dans les années 20, aux journaux les plus connus du nationalisme radical, également au Völkischer Beobachter, le journal national-socialiste, et qu'en 1923 il a envoyé à Hitler un exemplaire de son livre Orages d’acier, avec une dédicace... À la lumière des faits, est-il peut-être temps de considérer ces proclamations uniquement comme de bons exercices littéraires ? Dans le feu de la véritable lutte pour la domination politique globale, qui va bientôt se déclencher pendant les années décisives de la Seconde Guerre mondiale, nous retrouvons Jünger non pas dans les tranchées où il avait été dans sa jeunesse, mais aux tables des cafés parisiens. On le voit ici décidé à se moquer d'Hitler dans le secret de son journal, aux pages duquel il se réjouit de l'appeler par le surnom de Knièbolo. Tout cela était-il une "frange" ésotérique ou une paupérisation du talent idéologique ? Un exemple historique de haute dissidence aristocratique ou un pathétique épuisement d'un ancien courage de militant ?

Et Spengler ? Lui aussi, après avoir prédit le réarmement du germanisme et de la civilisation blanche, dès que ces postulats ont eu l'ébauche d'un parti politique qui semblait les prendre au sérieux, il s'y est opposé avec un détachement dédaigneux. Et Gottfried Benn ? Après avoir chanté les destinées de "l'homme supérieur qui combat tragiquement", après avoir célébré la "bonne race" de l'Allemand qui a "le sentiment de sa terre natale", en voyant que tout cela devenait un État, une loi, une politique, il a laissé tomber sa plume....

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Mais la révolution conservatrice, à vrai dire, n'a pas été que cela. C'était aussi le socialisme de Moeller, l'anti-économisme de Sombart, l'idée nationale et populaire de Heidegger, le philosophe-paysan proche des SA. En effet, la majorité des personnes affiliées aux différents groupes révolutionnaires-conservateurs ont rejoint la NSDAP, contribuant ainsi largement à la consolidation de sa pensée politique et, dans certains cas, devenant ses hommes de tête : on pense à Baeumler et à Krieck. Selon Ernst Nolte - le plus grand historien allemand contemporain - la Révolution conservatrice a eu l'occasion d'être davantage une révolution qu'une conservation, uniquement parce qu'elle s’est mêlée à la voie politique nationale-socialiste : à un parti de masse, à une propagande moderne, à un leader charismatique capable de viser le pouvoir. Tout ce qui manquait aux théoriciens. « Le national-socialisme n'était-il pas, se demandait Nolte, simplement une négation de la Révolution française et de la Révolution bolchevique-communiste, il était une contre-révolution aussi révolutionnaire que la Révolution conservatrice aurait pu l'être ».

Après tout, comme l'a déclaré l'expert le plus expérimenté en ces sujets, Armin Mohler, "le national-socialisme reste une tentative de réalisation politique des prémisses culturelles présentes dans la révolution conservatrice". La tentative posthume de découpler la RC du NSDAP est objectivement anti-historique : essayez d'additionner les thèmes idéologiques des différents mouvements nationaux-populaires de l'époque de Weimar, et vous obtenez l'idéologie nationale-socialiste.

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Extrait de Linea du 25 juillet 2004.

Kunstler : les prévisions pour 2021…

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Kunstler : les prévisions pour 2021…


…  des feuxde Bengale chinois avec des frites française – à la mode jacobine – et une vinaigrette russe


Par James Howard Kunstler

Le 1er janvier 2021

Source Clusterfuck Nation

Au moment où j’écris, l’élection présidentielle n’est toujours pas réglée, avec des événements dramatiques potentiels pendant les premiers jours de la nouvelle année. Je ne suis pas convaincu que M. Trump soit dans une position aussi faible que les médias l’ont fait croire en ces mois post-électoraux de brouillard et de brouhaha politiques. La réunion du 6 janvier du Sénat et de la Chambre pour confirmer les votes du collège électoral pourrait encore propulser les choses dans une terra incognita de monstruosité politique constitutionnelle. La tension monte. La démonstration publique de cette semaine, faite par Jovan Hutton Pulitzer, de la facilité de piratage en temps réel des machines à voter de Dominion a certainement plongé les législateurs de l’État de Géorgie dans un abîme de réflexion, et cette démonstration pourrait avoir des conséquences dans la confrontation de mercredi prochain [6 Janvier, NdT] à Washington DC.

Il peut y avoir d’autres surprises de la onzième heure dans la partie Trump de l’échiquier. Comme je l’ai affirmé lundi, nous n’avons toujours rien entendu de la part de Ratcliffe, le Directeur National du Renseignement, et vous pouvez être sûr qu’il est assis sur quelque chose, peut-être quelque chose d’explosif, disons, des preuves de l’ingérence de la CIA dans les élections. Il y a eu des indices inquiétants de quelque chose de tordu à Langley [siège de la CIA] depuis des semaines. Le Département de la Défense, sous le Secrétaire Miller, a repris toutes les fonctions opérationnelles de terrain de la CIA avant Noël – «Fin des coups tordus pour vous !» C’était une grosse affaire. Il y a eu des rumeurs selon lesquelles la directrice de la CIA, Gina Haspel, aurait été d’une certaine manière détenue, destituée et …peut-être pire. Elle était, après tout, chef de la CIA à Londres à l’époque où certaines des pires manigances du RussiaGate étaient concoctées, impliquant les personnages internationaux mystérieux, Stefan Halper, Josepf Mifsud et Christopher Steele. M. Ratcliffe a semblé se battre avec la CIA dans les semaines qui ont suivi les élections au sujet de la lenteur à  fournir des documents qu’il avait exigés.

Que sait d’autre M. Trump au sujet de cette rumeur de querelle inter-institutionnelle ? Ou un certain nombre d’autres questions délicates entourant l’élection, ainsi que des questions concernant le harcèlement qu’il a subi à la suite du coup d’État de quatre ans dirigé par ses antagonistes de l’État Profond – dont beaucoup sont à la CIA. Que sait-il de l’infiltration de la Chine dans nos affaires nationales, dont l’entreprise de la famille Biden traitant avec des entreprises liées au PC Chinois n’est qu’un élément ? Ou de la relation de la Chine avec les machines à voter de Dominion – la Chine aurait acquis une participation de 75% dans l’entreprise aussi récemment qu’en octobre.

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Dans tous les cas, le président a interrompu ses vacances en Floride avant le réveillon du Nouvel An pour rentrer à Washington. Sa ligne de conduite est qu’il veut épuiser toutes les procédures légales prescrites pour contester le décompte du vote du 3 novembre. Et si rien de tout cela ne permet de corriger le résultat, il pourrait passer à… autre chose. Si même les preuves, révélées publiquement jusqu’ici, des stratagèmes de trafic d’influence de la famille Biden à l’étranger sont vraies – et que les e-mails et les mémorandums commerciaux de l’ordinateur portable de Hunter semblent authentiques – alors il serait du devoir de M. Trump d’empêcher Joe Biden de devenir président. Et en dehors du processus constitutionnellement mandaté par la législature nationale, cela lui laisserait une sorte d’autre action exécutive d’urgence.

M. Trump a appelé à une gigantesque manifestation de ses partisans le 6 janvier à Washington. Il ne les a pas appelés là-bas pour le voir se faire humilier. Quelque chose va se passer. Vous pouvez le sentir dans l’air. Je parierai bien que Donald Trump sera celui qui posera la main sur la bible le 20 janvier. Un hic possible à tout cela : l’année 2021 va être une glissade très difficile, avec de nombreux inconforts, traumatismes et choses que l’Amérique devra abandonner derrière elle. Quiconque occupera le bureau ovale sera submergé par les ennuis. En théorie, j’aurais préféré voir un Démocrate démêler cet affreux sac de nœuds, ne serait-ce que pour le récompenser de toute sa mauvaise foi et de son sale combat des quatre dernières années. Mais M. Trump est apparemment prêt à assumer ce fardeau et, dans une telle urgence existentielle, il est susceptible d’être un meilleur leader que le vieux White Joe corrompu et incapable.

D’accord, je vais juste sortir de mon trou et vous éclabousser avec un tas de prévisions personnelles dans ce chapitre principal, et si vous êtes intéressé, vous pouvez continuer à affiner avec les arguments ci-dessous. Je suis reconnaissant à tous les lecteurs motivés de venir ici deux fois par semaine, et à ceux d’entre vous qui maintiennent mon navire à flot avec le soutien de Patreon. Je vous souhaite une année 2021 saine, physiquement et mentalement, déterminée et droite !

Un cahier de doléances pour 2021

  • L’élection est réexaminée, la fraude soustraite du décompte et le président Trump est déclaré vainqueur.
  • Le vote par correspondance pour le second tour du Sénat de Géorgie est disqualifié car une fraude systématique est révélée. Stacey Abrams est mise en examen pour avoir organisé la fraude.
  • Un certain nombre de célébrités politiques, des créatures du marais de Washington DC, des arnaqueurs de K-Street – repère des think-tanks comploteurs – des personnalités des médias et des dirigeants d’entreprises de la Big Tech sont arrêtés et accusés de crimes graves liés à la fraude électorale.
  • La CIA est purgée et réduite à un rôle strictement analytique pour conseiller l’exécutif.
  • Le FBI est également purgé ; Le directeur Wray est accusé d’entrave à la justice.
  • À la suite du renversement du récit électoral des médias d’information – et des résultats réels des élections – Black Lives Matter et Antifa sont lâchés sur un certain nombre de villes pour provoquer des destructions considérables, mais finissent par se faire botter le cul par les troupes fédérales. Les maires qui ont livré leurs villes aux ravages sans réagir sont arrêtés, accusés de complicité d’insurrection et démis de leurs fonctions en attendant leur procès.
  • Nancy Pelosi a été remplacée à la présidence de la Chambre. Mitch McConnell a été remplacé comme chef de la majorité au Sénat.
  • L’avocat américain John Durham porte des accusations contre les avocats impliqués dans l’enquête Mueller, notamment Andrew Weissmann, Aaron Zebly, Brandon Van Grack et Jeanie Rhee. M. Mueller est désigné comme co-conspirateur non inculpé en raison d’insuffisance mentale.
  • Un procureur spécial est nommé pour enquêter sur les opérations de l’entreprise familiale Biden ; les mises en accusation suivent fin 2021.
  • Le marché boursier entre dans une déflation longue et profonde de la valeur des actifs au cours des premier et deuxième trimestres et rebondit le reste de l’année. Le S & P tombe à 550 points ; le Dow Jones moins de 10 000 ; et le Nasdaq sous les 3000.
  • L’indice DXY dollar tombe sous les 80 au 2ème trimestre, et les 60 en fin d’année.
  • Le PIB américain a baissé de 40% à la fin de 2021.
  • La production de pétrole aux États-Unis – sans le gaz naturel liquéfié – a baissé de 40%, fin 2021.
  • Le système bancaire est en plein désarroi en raison du non-paiement des loyers et des hypothèques. Le gouvernement fédéral intervient avec des paiements directs pour secourir les locataires. Les propriétaires en défaut sont autorisés à rester dans leur maison à titre provisoire – ce qui n’est jamais révisé.
  • Une épidémie de peste bubonique s’installe chez les sans-abri de Los Angeles alors que les rats prolifèrent dans leurs campements.
  • Les fonds de pension s’effondrent alors que la chaîne brisée des paiements de loyer et d’hypothèque détruit les bénéfices des placement immobiliers.
  • Le gouvernement fédéral est contraint d’organiser des programmes massifs de distribution de nourriture.
  • Des millions de personnes se sont inscrites dans des projets de création d’emplois dans le cadre du New Deal – certains d’entre eux intéressants.
  • La ville de New York a été contrainte de réduire le service de métro au strict minimum alors que l’argent s’épuise.
  • Le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, a été évincé de ses fonctions.
  • George Soros et plusieurs directeurs d’ONG financées par celui-ci, sont accusés de crimes de racket et de financement de campagne électorale.
  • General Motors, Chrysler et Ford recommencent à quêter une protection contre les faillites. Cette fois, leurs actifs sont vendus et réorganisés en petites entreprises. Pas de renflouement.
  • Le virus Covid disparaît de la scène au 3ème trimestre, mais le carnage économique persiste. Une énorme quantité de matériel de restauration est vendue à 10% de sa valeur.
  • Le bitcoin «Hodler» [thésauriseur] devient bitcoin «Solders» en tant que réservoir de crypto monnaie.
  • L’hystérie « Woke » [Éveillée] s’évapore alors que les Américains luttent contre les problèmes désespérants de la réalité quotidienne.
  • L’effondrement de l’enseignement supérieur commence sérieusement alors que le racket des prêts universitaires implose. Des dizaines de collèges et même d’universités doivent fermer ; d’autres diminuent considérablement la voilure dans un effort désespéré pour continuer.
  • Les célébrités hollywoodiennes s’excusent en masse pour leur comportement passé de «Woke», implorent le pardon des victimes et des fans. Néanmoins, l’effondrement de l’industrie cinématographique se poursuit alors que, après la Covid, les Américains recherchent désespérément la compagnie d’autres personnes au lieu des divertissements en conserve, dont ils ont marre.
  • Le sport professionnel s’effondre à mesure que le modèle économique échoue. Les Américains appauvris lancent des ligues locales de base-ball et de football à bas prix.
  • Twitter et Facebook deviennent des services publics.

La crise de la Covid et l’effondrement économique

Je n’aurai pas grand chose à dire sur le virus de la Covid-19 que d’autres ont probablement mieux analysé ailleurs, alors je vais être bref. Dans le brouillard de la pandémie, il est difficile de savoir qui, ou quoi, croire. L’épidémie au début de 2020 a induit des réponses officielles similaires et des changements sociaux dans de nombreux autres pays, soulevant la question : le monde entier a-t-il été couillonné ? Si c’est le cas, c’était une sacrée acrobatie. Était-il conçu comme une couverture pour activer le très prolixe « Great Reset » ? Plus d’informations ci-dessous.

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Un grand mystère est de savoir comment, en Chine, la maladie semblait principalement contenue à Wuhan et dans sa province du Hubei, et à quelle vitesse ce pays l’a surmontée par rapport à tant d’autres endroits dans le monde où la maladie a persisté et a connu un second souffle à l’automne. Cela dit, il est évident qu’en Amérique, le virus a été exploité de manière opportuniste par la Résistance et ses serviteurs des médias d’information, d’abord pour rendre M.Trump aussi mauvais que possible, puis pour promouvoir le système de vote par correspondance qui a conduit à une élection criblée de fraude.

Une grande partie de la confusion sur la maladie elle-même – ventilateurs ou non … masques ou non … hydroxychloroquine ou pas … confinements ou pas – a fini par porter atteinte à l’autorité des experts médicaux et scientifiques comme le Dr Anthony Fauci, Deborah Birx, le chirurgien général Adams, le NIH et la FDA, et n’est toujours pas réglé à la satisfaction de nombreuses personnes. Et, comme si nous n’avions pas déjà eu un problème assez important de défaillance de l’autorité institutionnelle, cet échec scientifique s’ajoutait à notre corrosion culturelle déjà aiguë. Je me méfie des statistiques concernant le vrai nombre de cas et la manipulation officielle des décès dus à la Covid-19, mais en réalité venant d’autres causes, ainsi que des tests qui ont produit à tant de fausses conclusions. Il semble assez évident en ces semaines tendues après les élections que le New York Times, CNN et d’autres médias ont travaillé pour intensifier l’hystérie de la Covid et détourner l’attention du public des nouvelles émergentes sur les élections contestées.

Ce qui est assez clair à propos de l’épisode de la Covid-19 à ce jour, c’est à quel point la réponse du gouvernement des États a nui aux petites entreprises américaines qui représentent au moins 40% de l’économie. Selon Bloomberg News, plus de 110 000 restaurants ont fermé leurs portes, dont 17% d’entre eux sont définitivement fermés, avec sûrement d’autres à venir avec les restrictions hivernales. Plus de trois millions d’employés ont perdu leur emploi dans cette seule industrie. Les données de l’Université de Californie à Santa Cruz indiquent que près de 317 000 petites entreprises ont fermé entre février et septembre, dont 60% pour de bon.

Les affaires économiques du pays étaient dans un désordre considérable avant que le virus de la Covid-19 ne jette les choses dans un désarroi encore plus grand. Des décennies de délocalisation industrielle ont décimé la classe ouvrière. Dans une grande partie du Flyover Country [zone pauvre des USA, agricole et industrieuse située entre les deux rives océaniques opulentes, seulement survolée par les jets, NdT], la classe ouvrière a été réduite à une oisiveté démoralisante, et à la dépendance, avec un taux de suicide remarquablement élevé, en particulier pour les hommes. La situation ne s’est que légèrement améliorée sous le président Trump, qui, finalement, s’est heurté à pratiquement toutes les entreprises américaines, qui appréciaient très bien les avantages de la délocalisation.

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Je crois que la classe ouvrière retournera au travail, et non pas dans les usines américaines géantes du type que nous avions dans les années 60, mais parce que les filets de sécurité sociale du gouvernement seront à court de moyens financiers dans la décennie à venir. Ainsi, ils n’auront d’autre choix que de travailler – en même temps que de nombreuses activités automatisées, et dont nous avons profité, ne fonctionneront plus. Une grande partie de cette automatisation a été appliquée, par exemple, dans l’agriculture, où une personne pouvait labourer ou récolter des centaines d’acres par jour dans la cabine climatisée d’une machine de plusieurs millions de dollars guidée par GPS, permettant au conducteur de regarder des films pendant qu’il «travaillait». Eh bien, ce modèle agro-commercial est sur le point de faire faillite. L’échelle est totalement erronée et les besoins en capital sont trop exorbitants. Conclusion : de nombreux ouvriers désœuvrés ont un avenir dans le travail agricole. Ils ne le savent pas encore. Attendez-vous également à plus d’opportunités en tant que domestiques à mesure que la société américaine devient plus nettement hiérarchisée et dans des couches plus élaborées que simplement les riches et les pauvres. C’est loin d’être un mauvais résultat, si vous considérez combien il est important pour la psychologie humaine d’avoir une place dans ce monde, à la fois en termes de but et de lieu où vivre. Et, de toute façon, à quel point la situation actuelle de l’ancienne classe ouvrière est-elle envieuse en tant que toxicomane, souvent sans abri et suicidaire ? Souhaitez-vous que les choses restent ainsi ou pouvez-vous imaginer de nouveaux arrangements sociaux pour répondre aux nouvelles réalités économiques ?

La consolidation du commerce en quelques entreprises géantes telles que Walmart, Target, Amazon avait atteint un sommet mortel et tragique avant la Covid-19, détruisant tous les organismes intermédiaires de l’écosystème commercial et des milliers de rues principales, locales et commerçantes, dans le processus. Avec les confinements liés à la crise de la Covid-19, les grandes entreprises étaient en quelque sorte exemptées de fermeture. Bien qu’elles semblent triompher pour le moment, ces chaînes nationales d’usines de merchandising géantes sont dans leur phase finale crépusculaire. Comme je le répéterai sûrement dans cette prévision, la tendance macro-économique est à la réduction d’échelle et à la relocalisation partout et dans toutes les activités. Les chaînes de magasins et les grandes surfaces dépendent de systèmes et d’arrangements qui ne persisteront pas, par exemple les longues lignes d’approvisionnement en provenance des usines asiatiques. La fin de l’automobile de masse se révélera également problématique pour le commerce à grande échelle répandu dans les paysages suburbains. Et, bien sûr, le modèle commercial d’Amazon de livraison à domicile pour absolument tout et n’importe quoi, était parfaitement adapté à la crise de Covid-19 – bien qu’à plus long terme, son modèle se révélera fatalement défectueux, car il dépend du transport de chaque article à ses clients, et la raison deviendra évidente plus bas.

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L’échec catastrophique de tant de petites entreprises en Amérique jusqu’en 2020 fournira les semences pour une renaissance lorsque les géants tomberont. Un grand nombre d’équipement seront disponibles pour trois fois rien. Les loyers seront bon marché. Les gens entreprenants devront faire attention à l’endroit où ils décident de s’installer pour de nouvelles entreprises : plutôt Main Street [Les gens ordinaires, NdT] qu’un centre commercial vide. La consolidation fonctionnera d’une manière différente – non pas pour agrandir les entreprises, mais pour rapprocher de nombreuses petites entreprises dans des lieux où les gens peuvent se rendre sans voiture – ce que l’on appelait autrefois un quartier d’affaires, un centre-ville ou une rue principale. L’Amérique n’aura pas besoin d’autant d’infrastructures commerciales qu’avant 2020, et pas d’autant de restaurants. Mais nous aurons besoin de certaines de ces choses, bien que d’une autre manière. Je peux aussi imaginer de nouvelles entreprises qui auraient été impensables il y a un an. À un moment donné, lorsque la Covid-19 sortira de la scène, les gens voudront très fortement se réunir avec d’autres personnes. Pensez à ouvrir une salle de danse ou une discothèque avec de la musique live, voire un théâtre.

L’économie américaine était déjà entrée dans une zone structurelle dangereusement fragile avant que la Covid-19 n’entre sur scène. Comme Tim Morgan et Gail Tverberg le soutiennent si bien dans leurs blogs respectifs, l’économie est un système énergétique qui, sous sa forme techno-industrielle avancée, dépend absolument des combustibles fossiles, qui sont devenus un problème au cours des deux dernières décennies, conduisant au présent point d’inflexion entraînant la décroissance, le début d’une longue urgence et ce que d’autres appellent un quatrième tournant. Tout cela converge, vraiment. Nous sommes entrés dans un état de contraction, et il est dans la nature des grands organismes économiques de passer de la contraction à l’effondrement assez rapidement, car les interconnexions complexes de leurs systèmes se ramifient et amplifient les échecs dans un jeu de domino. Le virus a rendu tout pire et plus rapide.

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Le pétrole

Presque personne n’a prêté attention à l’histoire du pétrole cette année avec toutes les effrayantes distractions de la Covid-19, les ravages économiques des confinements et les élections capricieuses. L’histoire du pétrole est probablement plus importante que tout autre facteur dans la situation actuelle et est en grande partie responsable du désordre économique des États-Unis, où tout fonctionne avec du pétrole et notre business modèle d’affaires est foutu. La décroissance change tout.

De 2000 à 2008, nous étions sur la pente descendante de notre approvisionnement en pétrole conventionnel – le genre de pétrole où il suffit de percer un trou dans le sol pour voir jaillir la manne, ou, au pire, l’aspirer par une pompe – l’un dans l’autre, une procédure simple. En 2008, la production totale de pétrole aux États-Unis était inférieure à 5 millions de barils par jour, en baisse par rapport à l’ancien pic de production d’un peu moins de 10 millions de b/j en 1970. Et bien sûr, notre consommation a continué d’augmenter à environ 20 millions de b/j en 2008. Donc, nous importions l’essentiel de notre pétrole à l’époque.

Cela a créé de terribles problèmes pour notre balance des paiements dans le commerce international, mais nous avons truqué cela en prétendant pendant des décennies que les déficits n’ont pas d’importance, comme le disait le Vice-président Dick Cheney. Le résultat, via les opérations réconfortantes et pernicieuses de la financiarisation – c’est-à-dire le remplacement d’une économie de production par une économie basée sur la pure manipulation de la monnaie et de ses instruments spéculatifs, les produits dérivés – a provoqué la grande crise financière de 2008-2009. La crise a été annoncée à l’été 2008 avec un prix du baril de pétrole frôlant les 150 dollars – ce qui a mis à rude épreuve ce qui restait de véritable industrie productive. La dynamique en jeu a incité les autorités politiques à cesser de réglementer les inconduites sauvages dans la finance et la banque, alors qu’elles tentaient de remplacer l’économie productive par des jeux d’argent hasardeux. Ces malversations se sont surtout manifestées dans l’immobilier et dans les obligations hypothécaires titrisées «innovantes» qui ont été refourguées à bon prix par les banques. Les crimes abscons ont été largement relatés ailleurs – par exemple dans mon livre de 2012 Too Much Magic. Mais considérez également que toutes les fraudes hypothécaires du début des années 2000 reposaient sur les derniers avatars de l’expansion suburbaine, et comprenez que la banlieue était entièrement à la merci de l’automobile de masse, qui dépendait d’un pétrole abordable.

Ainsi, le pétrole a frôlé les 150 dollars, l’économie a vacillé, les banques et les constructeurs automobiles ont dû être renfloués et les interventions de la banque centrale sont devenues la norme, y compris la politique de  taux zéro de la Réserve fédérale, un levier désespéré pour maintenir l’apparence d’une bonne santé économico-financière. Et cela a conduit au «miracle du pétrole de schiste».

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C’était plus une cascade qu’un miracle, vraiment. Premièrement, vous aviez une suite de techniques qui pouvaient être employées pour extraire la dernière goutte de pétrole provenant d’une roche mère autrement improductive. Ces techniques comprenaient le forage horizontal guidé par informatique et l’injection de fluides et de produits chimiques pour fracturer la roche imperméable et libérer le pétrole. C’était la «fracturation». Ce n’était pas nouveau mais n’avait pas été développé comme une activité majeure lorsque des sources plus faciles étaient disponibles. C’était très différent de l’ancienne méthode simple consistant à forer un trou dans le sol et à le laisser s’écouler hors de la roche perméable. L’ancienne méthode simple coûtait environ un demi-million de dollars (en dollars courants) par puits pour forer et démarrer la production. Le pétrole de schiste, avec toutes ses complications, coûte entre 6 et 12 millions de dollars par puits. Les anciens puits de pétrole conventionnels des années 1960 ont produit des milliers de barils par jour pendant des décennies. Les nouveaux puits de schiste ont produit une centaine de barils par jour pendant la première année et s’épuisaient au bout de quatre ans. Le taux de déplétion était horrible.

Le pétrole de schiste a été rendu possible grâce aux politiques de prêts faciles et à taux d’intérêt extrêmement bas de la Réserve fédérale. Ils ont rendu disponible beaucoup de capitaux bon marché et des centaines de milliards ont migré vers les nouveaux gisements de pétrole de schiste dans l’espoir de générer d’excellents revenus réguliers. Les grands investisseurs institutionnels comme les fonds de pension et l’assurance recherchaient en particulier des revenus fiables avec des taux d’intérêt obligataires très bas en raison de la politique de la Fed. Ils pensaient nager dans les dividendes des sociétés pétrolières de schiste et les flux de revenus provenant des prêts aux foreurs de schiste qui rapportaient plus que les bons du Trésor américain. Une chose est sûre, pensaient-ils : l’Amérique ne cesserait pas d’avoir besoin de beaucoup de pétrole. Ainsi, le pétrole de schiste semblait être une chose sûre. Sauf qu’au bout de quelques années, il s’est avéré que personne ne gagnait d’argent en produisant ce genre de pétrole.

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Il en coûte tellement cher de sortir ces trucs du sol. Et le taux d’épuisement était si sauvage que vous deviez forer et re-forer sans cesse. Et ce qui était pire, l’économie avait évolué au point où il n’y avait plus de valeur stabilisée pour le prix du pétrole. Le pétrole à plus de $75 détruisait le modèle commercial des activités industrielles productives qui reposaient sur du pétrole bon marché ; tandis que le pétrole à moins de $75 affectait les sociétés pétrolières parce qu’elles ne pouvaient pas faire de profit à la sortie du puits. Le mélodrame s’est déroulé sur dix ans à travers plusieurs cycles d’assouplissement quantitatif de la Fed – création de monnaie ex-nihilo – et des augmentations incessantes de déficits publics. Les compagnies pétrolières elles-mêmes ont été prises dans le «syndrome de la reine rouge» (voir Alice au Pays des merveilles) dans lequel elles produisaient autant et aussi vite qu’elles le pouvaient juste pour maintenir leur trésorerie pour rembourser leurs prêts, sans générer de profit, et un bon nombre d’entreprises ne pouvaient même pas assurer leurs remboursements de prêts, de sorte que le schiste a été un effondrement total pour elles et elles ont fait faillite. Tout a atteint son paroxysme au début de 2020.

Juste avant que le virus de la Covid-19 ne frappe, la production de pétrole de schiste s’élevait à plus de 9 millions de barils par jour, avec environ 4 millions supplémentaires provenant du pétrole conventionnel, du pétrole offshore et du gaz naturel liquéfié (GPL), pour un total de près de 13 millions de barils par jour pour la production pétrolière américaine, un nouveau record ! C’était 3 millions de b/j de plus que le pic précédent de 1970, à un peu moins de 10 millions de b/j. Un exploit ! À cela s’ajoutent un peu moins de 5 millions de b/j de GPL. La consommation quotidienne aux États-Unis était d’environ 20 millions de b/j à l’approche de 2020. Elle est tombée brièvement lors de la panique initiale de la Covid à environ 15 millions de b/j et a un peu rebondi à environ 18 millions de b/j à l’automne 2020. Ainsi, la production semblait être égale à notre consommation.

Cependant, la qualité du pétrole a faussé l’équation de «l’indépendance pétrolière». Le pétrole de schiste avait tendance à être ultra léger, composé principalement de distillats de qualité essence. Bien, l’Amérique utilise beaucoup d’essence parce que nous roulons partout et sans cesse. Le problème est que l’huile de schiste contient peu des distillats lourds essentiels : le carburant diesel, dont dépendent l’industrie du camionnage et de la machinerie lourde, le carburant d’aviation, essentiellement du kérosène, un carburant lourd pour le chauffage domestique et les moteurs des navires. Pas plus que ces près de 5 millions de barils par jour de GPL, qui n’étaient en réalité utilisés que mélangé au pétrole lourd, qui était principalement ce que les États-Unis ne produisaient pas et n’étaient pas bien équipés pour raffiner. En fin de compte, les États-Unis ont dû échanger beaucoup d’essence avec d’autres pays pour obtenir des distillats plus lourds afin de maintenir l’économie en marche. Cela a fonctionné, mais c’était gênant et impliquait une quantité énorme de transport. Ainsi, la situation pétrolière américaine à la sortie de 2019 était superficiellement stable mais fragile.

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Mais à l’orée de 2020, la production de pétrole de schiste s’effondrait. Le manque de rentabilité a fini par rattraper l’industrie. Les investisseurs ont finalement remarqué que les producteurs de pétrole de schiste ne pouvaient pas gagner d’argent. À un moment donné au printemps 2020, avec la Covid-19, les marchés pétroliers ont été si bouleversés par l’effondrement de la demande que le pétrole sur le marché à terme s’est enfoncé jusqu’à une valeur négative surréaliste de -$40 le baril. Il s’est rapidement redressé à la valeur positive de $30 à $40, ce qui était loin d’être suffisant pour que le secteur du pétrole de schiste réalise un profit. Par conséquent, les entreprises ne pouvaient pas obtenir de nouveaux financements pour poursuivre leurs merveilleuses opérations «Red Queen», et sans nouveau financement, elles ne pouvaient pas maintenir leur trésorerie… alors elles ont craqué. Trente-six producteurs ont déposé le bilan en 2020, dont Chesapeake, Oasis, Lonestar, Ultra, Whiting et Chaparral. Les sociétés de services pétroliers qui sont sous-traitées pour effectuer le forage et la fracturation hydraulique ont également fait faillite.

La production de pétrole de schiste a chuté d’environ 2,7 millions de b/j de mars à mai 2020, s’est un peu rétablie en milieu d’année, et a de nouveau trébuché avec la vague hivernale du virus. L’analyste pétrolier Steve St Angelo prédit que la production totale de pétrole aux États-Unis – schiste et tout le reste – se situera à la baisse entre 9,5 et 10 millions de b/j en 2021, ce qui nous ramènerait aux niveaux de 1970 alors que la population du pays n’était que de 205 millions d’habitants – comparé à plus de 330 millions aujourd’hui. Donc, c’est beaucoup moins de pétrole par habitant, pour le voir sous un autre angle. L’analyste pétrolier indépendant Art Berman prévoit un krach de production plus grave d’ici le milieu de l’année 2021, soit environ la moitié de ce qu’il était à la fin de l’année 2019. Nafeez Ahmed, directeur de l‘Institute for Policy Research & Development, appelle simplement cela la fin de l’ère du pétrole. Ahmed dit qu’elle «commencera au cours des 30 prochaines années, et continuera jusqu’au siècle prochain.»

Je crois que cela diminuera beaucoup plus rapidement parce que la baisse de la production est si destructrice pour le business model de la société industrielle qu’elle entraînera un désordre économique, social et politique évident. Tout ce désordre générera des boucles de rétroaction auto-alimentées rendant un retour aux niveaux précédents de confort, de commodité, de prospérité et d’ordre beaucoup moins probable. L’effet net sera un niveau de vie beaucoup plus bas parmi les pays autrefois «avancés», ainsi qu’une diminution des populations. Nous vivons juste le début de ce processus avec la destruction de la classe moyenne américaine. C’est l’essence même de la longue urgence. Nous ne pouvons tout simplement pas dire, pour le moment, jusqu’où ces dynamiques nous conduiront, et à quelle vitesse. 2021 est susceptible d’afficher un désordre intense aux États-Unis, alors que les gens chancellent sous le poids de la faillite des petites entreprises, de la détérioration continue des conditions économiques , et que les griefs politiques sont amplifiés par l’incapacité institutionnelle à prendre en compte, voire à résoudre, nos nombreux problèmes et dilemmes.

Quant à la transition vers une «économie durable» alimentée par des «énergies renouvelables» telles que l’énergie solaire et éolienne, cela n’arrivera tout simplement pas – à moins que vous n’évoquiez les attelages de bœufs et le bois de chauffage, et une population humaine d’environ 10% de celle que la planète porte actuellement. Tous nos fantasmes sur une utopie high-tech tirée par le vent et le soleil dépendent d’une économie de combustibles fossiles pour produire et transporter le matériel nécessaire, puis les pièces de rechange, et cela à l’infini. Cela ne vaut pas la peine d’aller plus loin sur ce sujet ici, mais si vous voulez voir des arguments plus élaborés, ils figurent dans mon récent livre Living in the Long Emergency (BenBella Books, 2020).

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La soi-disant Grande réinitialisation [Great Reset]

La vie aux États-Unis et dans d’autres pays «avancés» se réinitialisera, mais pas de la façon dont la plupart des gens qui bavardent à propos de «la grande réinitialisation» le pensent ou le disent.

Il y a sûrement des groupes, des gangs, des cliques et des assemblées de sorciers dans le monde qui sont en accord sur la façon dont les choses pourraient fonctionner et comment elles les dirigeraient à leur avantage, dans leur hypothétique disposition idéale des choses. Par exemple, la soi-disant «clique de Davos». Qui sont-ils ? Un agrégat de banquiers, d’influenceurs du marché, de politiciens, de magnats des affaires, d’entrepreneurs de la High-Tech, d’éphèbes et d’érastes hollywoodiens, de fomenteurs de coups fourrés et de garçons de courses qui ont beaucoup d’influence financière et politique dans leur propre royaume, mais pas assez collectivement pour mener à bien le genre de coup d’État mondial qui se profile derrière le fantasme paranoïaque standard du Great Reset. Le fait qu’ils se rencontrent dans le décor ultra-luxueux d’un film de James Bond chaque année attise une fascination, une envie, une colère et une paranoïa terribles qu’ils sont capables de tout au-delà d’un festival de m’as-tu-vu, fayotage, léchage de cul, auto-congratulation qui sont les activités réelles du meeting de Davos.

D’autre part, aux États-Unis, au moins, il y a trop de gens méprisés, avec des armes légères, endurcis par des années de mauvaise foi et de malhonnêteté émanant du complexe politique / médiatique / élitiste, pour juste se courber et accepter de se faire mettre par une bande d’aristo-totalitaires séditieux, aux prétendus rêves de lèse-majesté grâce une rédemption marxiste nostalgique-de-la-boue. Si vous avez le moindre doute sur la façon dont les gens en colère avec des armes légères et beaucoup de munitions pourraient perturber les élites condescendantes, il suffit de passer en revue les événements au Moyen-Orient ces vingt dernières années et d’imaginer ces dynamiques transférées au Kansas.

Qu’est supposé être le fantasme de cette «réinitialisation» ? Un «nouvel ordre mondial», un fantasme d’un gouvernement mondial unifié, ce qui est absurde parce que la tendance majeure en ce moment de l’histoire mondiale est à l’opposé de la consolidation et de la centralisation du pouvoir, et se situe plutôt du côté de l’éclatement, de la réduction d’échelle et de la relocalisation. Pourquoi ? Comme vous l’avez vu dans le chapitre Économie, parce que l’échelle, la hauteur et la portée de toutes nos activités doivent être réduites pour survivre dans les conditions post-industrielles de rareté des ressources et des capitaux. Et cela se produira que cela nous plaise ou non et malgré les objections de quiconque.

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Qu’y a-t-il d’autre dans le sac à malice du Great Reset ? Soi-disant une monnaie mondiale unique, également absurde pour des raisons déjà exposées – à moins que vous ne parliez d’or et d’argent, qui peuvent éventuellement devenir le moyen d’échange universellement accepté, et la réserve de valeur, l’indice des prix, etc. si la contraction post-industrielle est assez sévère et destructive. Mais les «monnaies numériques» – laissez tomber ça –  en particulier aux États-Unis, car trop de gens ne sont pas «bancarisés» ou dépendent d’une autre manière de l’argent liquide dans l’économie informelle grise à la va-comme-j’te-pousse – et il y en aura beaucoup plus de ces types, alors que la classe moyenne se fait pilonner plus loin dans la boue de la tranchée – plus une longue cohorte de personnes, capables de numériser, mais tout simplement grincheuses d’être parquées dans un cul-de-sac de surveillance tous-azimuts, dont un grand nombre se battront jusqu’au bout pour empêcher les crypto-dollars parrainés par le gouvernement de remplacer ce qui était autrefois considéré comme de l’argent. Et si, dans le cas peu probable où la rébellion échoue, elle reviendra à l’or et à l’argent par défaut – et cela pourrait littéralement signifier par défaut.

Maintenant, je vous concède qu’il y a des problèmes indiscutables avec toutes les principales devises, en particulier le dollar américain, et elles sont toutes susceptibles de finir sans aucune valeur à terme pour toutes les raisons habituelles et traditionnelles. Le dollar américain est particulièrement vulnérable car son statut de monnaie de «réserve» mondiale – un moyen d’échange fiable dans le commerce mondial – n’est plus compatible avec la véritable situation financière de notre pays, qui souffre d’une obésité financière morbide avec une dette qui ne sera jamais remboursée – une phase terminale. Il y aura, au bout du compte, une sorte de défaut de paiement, soit de la manière la plus simple en déclarant carrément le non-paiement aux détenteurs d’obligations et aux créanciers, soit en créant sournoisement une hyperinflation pour détruire la valeur du dollar. Si l’un ou l’autre de ces événements se produit, la nation sera plongée dans un grave désordre social et politique, l’anathème sera jeté, les gens seront frappés, et il faudra un certain temps avant que les subtilités du contrat social ne se recollent, par exemple un accord visant à introduire un «nouveau dollar» quelconque pour remplacer l’ancien en ruine. À ce moment-là, les anciens États-Unis pourraient ne plus être debout intacts, et il appartiendrait aux États ou aux régions de régler la question de l’argent.

Je ne pense pas qu’elle sera réglée avec une nouvelle monnaie numérique pour les raisons exposées ci-dessus, mais aussi parce que la monnaie numérique est totalement dépendante d’Internet, qui, à son tour, dépend totalement d’un réseau électrique fiable, et les deux systèmes sont susceptibles de sombrer dans les convulsions sociopolitiques entraînées par un effondrement financier. Non seulement les transactions deviendraient impossibles, mais les moyens qui garantissent la propriété de l’argent – «portefeuilles» ou fichiers – pourraient être définitivement perdus, anéantissant avec eux les fortunes. Cela inclut évidemment Bitcoin et les choses similaires. La blockchain est aussi solide que la chaîne, et sans Internet, il n’y a pas de chaîne du tout. Donc, encore une fois, l’or et l’argent doivent entrer dans l’épure, peut-être en soutenant une monnaie papier, peut-être en circulation sous forme de pièces de monnaie.

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En attendant une telle crise, très peu de la vie quotidienne en découlerait comme avant 2020. Nous verrons une Grande Réinitialisation, d’accord, mais pas de bouillie totalitaire distribuée à la plèbe à partir des vapeurs des cuisines de Davos ou de tout autre service de restauration d’élite. Ce sera un phénomène émergent et auto-organisé, de A à Z, dans lequel les gens devront improviser, au quotidien, de nouveaux systèmes locaux pour obtenir de la nourriture, organiser un foyer et créer des activités commerciales autour de leurs besoins les plus fondamentaux : la production alimentaire, le transport, le commerce, la  fabrication, l’approvisionnement en énergie, les soins médicaux, les nettoyages, la construction, et cetera.

Je dis depuis un moment que cela reviendrait peut-être à «un retour au médiéval». Ça pourrait être mieux, ça pourrait être pire. Eh bien, ça y est. Voici votre Grande Réinitialisation à vous. Tenez-vous prêt et préparez-vous à foncer.

L’abîme regarde derrière lui

Le moratoire fédéral sur les expulsions adopté par le Congrès avec l’arrivée au printemps 2020 de la Covid-19 expirera à la fin du mois de janvier dans l’état actuel des choses, exposant 30 millions de locataires au risque de devoir quitter leur logement. En plus, 28 millions de propriétaires de maison ont été placés dans un moratoire hypothécaire. Que se passera-t-il dans un mois ? Eh bien, d’une part, ne négligez pas le fait tout simple que ces moratoires n’excusent personne de devoir payer tous les arriérés de loyer et les arriérés de versements hypothécaires qui ont été suspendus pendant l’année. Le gouvernement fédéral ne peut tout simplement pas continuer à agir comme cela éternellement parce que cela gronde dans le système bancaire. Si les propriétaires ne sont pas payés de leurs loyers, ils ne peuvent pas payer leur prêt hypothécaire – et la plupart des biens immobiliers locatifs sont hypothéqués pour autoriser un flux de trésorerie, le paiement des impôts et un modèle commercial cohérents. Les propriétaires ne peuvent pas non plus payer leurs impôts locaux aux municipalités, États et gouvernement américain. Les villes sont particulièrement touchées par l’effondrement des recettes fiscales, car elles ne peuvent pas continuer à réparer les infrastructures, ni couvrir les retraites ou financer les écoles, c’est le cercle vicieux de la dégradation urbaine.

Comment les gens qui ont perdu leurs entreprises et leurs moyens de subsistance vont-ils trouver l’argent pour compenser ces arriérés ? Ils ne le pourront probablement pas. Jusqu’à présent, il n’y a pas de discussion nationale sur ce problème, mais nous voyons les premiers signes d’une réponse émotionnelle dans les rébellions de la rente sous la bannière «annulez le loyer». Ce dilemme met en évidence la probabilité d’une campagne du gouvernement fédéral pour  renflouer les locataires et les propriétaires, et/ou une campagne pour le programme qui a fait ses premiers pas lors des primaires Démocrates de 2020, le «revenu de base universel» (UBI). L’un ou l’autre de ces événements a de bonnes chances de se produire alors que l’effondrement économique des États-Unis se poursuit et que les politiciens paniquent.

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Ces programmes ne fonctionneront pas. Dès qu’ils seront renfloués de leurs anciennes dettes, les locataires et les «propriétaires» de maisons commenceront à accumuler de nouveaux arriérés s’ils n’ont pas assez pour générer un revenu régulier, ou tout simplement ne peuvent pas parce que l’économie est totalement brisée. Et maintenant, quoi ? Un autre renflouement dans six mois ? Toute la création monétaire pour faire tourner ce moulin à eau de la futilité ne fera qu’accélérer l’inflation et la dépréciation du dollar car de plus en plus d’argent est créé à partir de rien pour ces renflouements et ces dons. Le type de revenu universel évoqué lors des primaires de 2020, en particulier par le candidat Andrew Yang, s’élevait à 1 000 dollars par mois. La plupart des locataires ne pourraient probablement pas couvrir leurs loyers mensuels avec cela, sans parler de tous les autres éléments du coût de la vie. Alors quoi ? $5000 par mois ? Si vous voulez donner de grosses sommes d’argent pour rien, pourquoi ne pas simplement faire de chaque Américain pauvre un millionnaire ? … Et puis regarder le prix d’un sandwich monter jusqu’à $150.

Une crise parallèle a également mûri dans l’immobilier commercial alors que les entreprises s’adaptent à leurs employés travaillant à domicile et tentent de sortir de leurs baux – ou simplement renoncer si leurs baux doivent être renouvelés. L’immeuble de bureaux n’est peut-être pas tout à fait une chose du passé, mais ce ne sera pas comme avant 2020, et le problème est plus aigu dans un endroit comme New York ou Chicago où le centre-ville est coincé avec des mégastructures qui sont passées du statut d’actif à celui de passif pratiquement du jour au lendemain. Nous n’avons aucune idée de ce qu’ils vont devenir, mais je doute qu’ils soient réaménagés en appartements pour deux raisons, d’abord le coût serait inabordable, et d’autre part la tour d’appartements n’est qu’un accessoire de celle de bureaux et si les tours de bureaux sont obsolètes, les tours d’appartements le seront aussi.

710POOWGTPL.jpgCela conduit à ce que je dis depuis que j’ai écrit Too Much Magic : nos villes vont se contracter considérablement; le processus va devenir douloureux ; et il y aura des batailles pour savoir qui habitera les quartiers qui, pour une raison ou une autre, conservent leur valeur – les fronts de mer, les vieux quartiers de petite taille et les maisons de faible hauteur. Covid-19 plus les émeutes et les pillages en ville ont incité les gens qui en avaient les moyens à se réinstaller à la hâte dans les banlieues. Mais cette tendance est un faux semblant. Face aux problèmes pétroliers que nous rencontrons, les banlieues suivront rapidement les villes dans l’inutilité et le dysfonctionnement. Les personnes qui y ont déménagé l’année dernière découvriront qu’elles ont commis une grave erreur, surtout si elles ont acheté une maison.

Le changement le plus permanent se fera vers les petites villes et cités américaines, des lieux adaptés aux réalités énergétiques, et aux faibles ressources en capital, qui nous attendent, y compris la nécessité de vivre plus près de l’endroit où la nourriture est cultivée.

Ce fiasco existentiel national en boule de neige suggère certainement la nécessité de réorganiser l’économie américaine et les choix sont assez difficiles. Le parti Démocrate et toute la secte du côté gauche sont enclins à tenter un contrôle centralisé de l’activité économique d’une manière qui ressemble fortement aux gigantesques expériences nationales du XXe siècle qui portaient le nom de socialisme. Désolé, mais je veux dire … comment pouvez-vous l’appeler autrement ? Il n’existe plus vraiment dans la pratique, même pas en Chine, qui n’est plus qu’un État totalitaire racketeur. Le XXe siècle a été un moment de l’histoire où tout a vraiment pris de l’ampleur, et avec lui est venu le souhait de contrôler tout cela avec des gouvernements nationaux. Il a été mis à l’épreuve dans de nombreux endroits et partout il s’est terminé par la tyrannie, des difficultés et le meurtre de masse.

La dynamique des choses a  changé. Elles s’est inversée. Elle  se contracte. Donc, l’autre choix que nous avons est de suivre ce courant, de réduire les choses que nous faisons, le terrain que nous occupons et la gamme de phénomènes que nous pensons pouvoir contrôler. Ce sera en fin de compte le seul choix, bien sûr, car le besoin d’un nouveau socialisme étatiste va à l’encontre de l’impulsion actuelle de l’histoire, et donc contre la nature. Cela échouera et nous devrons ensuite utiliser le programme que le Zeitgeist [l’esprit du temps] propose réellement.

Les Illuminés Éveillés

Parfois, les sociétés chient dans leurs frocs et deviennent folles et c’est un peu ce qui est arrivé à l’Amérique en 2020. La détresse s’était accumulée pendant des années, surtout depuis la grande crise de 2008-2009 lorsque la classe moyenne a commencé à se dissoudre pour de bon. Maintenant, leurs enfants adultes perçoivent que l’avenir sera très différent du passé récent et que leurs espoirs et leurs rêves programmés ne correspondent pas à ce que cet avenir exige réellement d’eux : rigueur, réalisme, sérieux et droiture. C’est trop pour eux. C’est trop douloureux. Et ils ne sont pas prêts pour cela. Ils se replient dans la fantaisie, le cynisme et l’ambiguïté. Donc, au lieu de la vertu, nous avons le simulacre de la vertu et, chez les adultes qui devraient être mieux informés, le genre de comportement de chipie que vous constatez chez les filles de 13 ans.

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Le terrain a été préparé par une société qui a choisi de transformer la plupart de ses activités institutionnalisées importantes en rackets, plus particulièrement l’enseignement supérieur, qui est entré dans une expansion métastatique tardive alimentée par le racket des prêts garantis par le gouvernement. Le racket de prêts a permis aux universités et aux collèges d’augmenter leurs frais de scolarité de manière extravagante, ce qui les a incités à considérer leurs étudiants surendettés et surpayés comme des clients, ce qui a évolué vers une flagornerie se pliant à tous leurs souhaits [le client est roi, non ? NdT].

Déjà en place comme héritage des années 1960, se trouvait l’appétence de croisés et d’activistes, en révolte contre les indignités bourgeoises de leur propre vie confortable, à faire cause commune avec toutes les autres «victimes de l’oppression» pour monter un théâtre à vocation carriériste. Ils ont concocté des programmes d’études de disciplines stupides pour diverses cohortes de victimes en mal d’identité afin de monétiser leurs obsessions de griefs, et tout a fonctionné à merveille jusqu’à ce que la Covid-19 déchire les campus et commence à faire exploser tout le modèle commercial. Et maintenant, les inscriptions dans les collèges diminuent d’environ 20% pour 2021, un grand nombre d’écoles moins bien dotées cesseront leurs activités, mais d’autres écoles mieux dotées suivront bientôt.

Une autre chose s’est produite parallèlement aux hystéries de griefs sur les campus. La campagne d’un demi-siècle pour les droits civiques – qui s’est soldée par une impasse, avec toutes les politiques destructrices de services sociaux à la famille de la fin du XXe  siècle – est devenue un échec si manifestement embarrassant, avec une classe inférieure hostile et dangereuse, que, dans une posture de honte et de dépit abjects, tout le libéralisme blanc a dû trouver une excuse, qui a finalement pris le nom de Critical Race Theory avec, en figure de proue, son credo du racisme systémique.

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Donc : Black Lives Matter, basé sur le fantasme que les policiers blancs étaient engagés dans un génocide contre les personnes de couleur. En vérité, ce que vous avez vu avec Trayvon Martin à Sanford, FLA, Michael Brown à Ferguson, MO, Tamir Rice, à Cleveland OH, et une longue série de martyrs instagrammés, était une série d’incidents, au mieux extrêmement ambigus, et, au pire, d’adolescents ayant un mauvais contrôle de leurs impulsions en agissant de manière susceptible de leur causer de gros problèmes. Et puis, enfin, avec la folie Covid-19 arrivant sur la terre, et la hausse des températures autour du Memorial Day, est venu George Floyd, ex-détenu d’âge moyen et récidiviste – invasion de domicile, vol à main armée, etc. – parfois star du porno, arnaqueur, toxicomane qui «retournait vivre» à Minneapolis, pris au piège sous le genou de l’officier Derek Chauvin….

Black Lives Matter peut être simplement compris comme une agitation bien financée, et par «agitation», j’entends un programme pour s’approprier malhonnêtement les biens d’autrui, une variante grossière du « vol à la tire » dans la rue. BLM affiche également une patine de falsification morale, à savoir son prétendu credo «marxiste» – une tentative de paraître intelligent et politique là où il est en fait purement et simplement criminel. En réalité, c’est juste une force destructrice, un moyen de punir ses ennemis présumés, en particulier la police qui est censée – mais pas en réalité – perpétrer un génocide raciste. Cela touche plus généralement le Wokesterism [l’idéologie des Éveillés] sous tous ses aspects, de la théorie critique de la race pour effacer la culture, au jeu #Me Too. Son objectif est la coercition, le désir de bousculer les autres, de trouver des excuses pour les punir et de le faire pour le plaisir sadique de les voir se tortiller, souffrir, perdre leur gagne-pain et périr. C’est ça. Le reste est de la pure connerie.

Au cours de la nouvelle année, le carnage économique en cours sera si grave que la nation n’aura peut-être pas le temps d’analyser les subtilités de la théorie et de la philosophie du Wokesterism, ou la patience d’entendre les explications fastidieuses des plaintes identitaires. Les femmes devront arrêter de prétendre être une version alternative des hommes et commencer à concevoir un rôle plausible pour elles-mêmes en tant que division complémentaire de la race humaine dans une lutte nouvelle et dure pour prospérer. Les cris des Éveillés «raciste, raciste, raciste» ne seront plus accueillis par des génuflexions, des excuses et des câlins. Les allégations de victimisation spéciale seront ridiculisées lors des réunions publiques. Pour la première fois depuis des décennies aux États-Unis, tout le monde devra prendre sa propre mesure et fermer sa gueule à ce sujet. [Vous serez mesuré avec les mesures dont vous vous serez servi, Mathieu 7.2, NdT] Les temps difficiles sortiront l’Amérique de ses fantasmes spongieux et concentreront des millions d’esprits sur la satisfaction de leurs besoins fondamentaux sans câlins de maman, trophées de participation, ou saut d’obstacle par affirmative action.

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Antifa, un autre auxiliaire Woke avec un très mauvaise comportement, a passé la majeure partie de l’année Covid-19 confiné, en tant qu’espace social pour les rencontres de jeunes comme tous les lieux sociaux habituels – campus, bars, cafés, fêtes, concerts, etc. À Seattle, WA, Portland, OR, Minneapolis, MN, Philly, PA, et NYC, NY, où des politiciens irréfléchis ont forcé la police à se retirer, ou l’ont paralysée en interdisant d’utilisation de la force, ou les ont tout simplement licenciés en masse, dans ces lieux donc, les émeutiers Antifa ont découvert qu’il était particulièrement amusant de jouer à des versions pour adultes de capture-le-drapeau ou au gendarme et au voleur lors des chaudes nuits d’été avec les flics. Ils ont pu porter des tenues de combat de rue sensass et brandir des parapluies contre les attaques de gaz, et les jeunes hormones mâles ont exécuté des actes de bravoure avec des feux d’artifice, des skateboards, des battes de base-ball et, plus d’une fois, hélas, des armes à feu. S’ils étaient arrêtés par la police, le procureur local les laissait repartir et beaucoup sont retournés aux émeutes amusantes à maintes reprises, tout l’été.

Beaucoup de biens ont été endommagés, des statues d’Américains célèbres ont été abattues, peintes à la bombe, cassées, décapitées. Les entreprises qui avaient assez de mal à rester à flot sous les confinements liés à la Covid-19 ont vu leurs vitrines brisées, du matériel et des marchandises pillés. Cinquante ans plus tard, les vieux Antifas ridés se rappelleront à quel point c’était romantique, mais en 2021, le public perdra patience face à d’autres singeries des Antifas dans les rues. Ils verront juste leurs petits parapluies déchiquetés et leurs culs bottés, et ils retourneront vite, pipi-pipi-pipi, à ce qu’est aujourd’hui un crash-pad, ou au sous-sol chez maman. Nous apprendrons également une chose ou deux sur qui finançait les Antifas en 2020, en payant les billets d’avion pour organiser leurs émeutes amusantes ville après ville, et nous nous assurerons qu’ils étaient bien approvisionnés en palettes de briques, parpaings et vaporisateur. Beaucoup d’Antifas d’aujourd’hui seront les ouvriers agricoles de demain. Après avoir passé leur jeunesse dans les pillages, la drogue, les jeux de genre il/elle/ça, et leurs téléphones portables, ils ne seront qualifiés pour rien d’autre.

Feuxde Bengale chinois avec vinaigrette russe

Donald Trump a tenté de mettre la pagaille dans l’ordre des choses établi entre les États-Unis et la Chine, qui s’était constamment retourné contre notre propre intérêt national. Pendant quelques décennies, ils nous ont envoyé des produits manufacturés bon marché et nous leur avons envoyé des bons du Trésor américain. La Chine a assez bien aimé cet arrangement, mais cela ne fonctionnait vraiment pas si bien pour nous. Leur ayant cédé notre secteur manufacturier, à eux et à tout le monde en Asie de l’Est, notre classe ouvrière n’avait plus d’emplois décents et était de plus en plus obligée d’acheter toutes ces choses bon marché fabriquées en Chine, même à des prix Walmart bas, très bas. Donc, M. Trump a craqué à ce sujet et a infligé des droits de douane sur les produits chinois, et ils ont récemment vendu des bons du Trésor américain au lieu de les empiler comme avant. Ils détiennent toujours plus de 1000 milliards de dollars, et ils ne peuvent pas se débarrasser de tout en même temps sans en détruire la valeur. Et nous achetons encore beaucoup de choses en Chine, même si la relation est maintenant très tendue.

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Certains disent que nous sommes en guerre avec la Chine, que c’est un nouveau type de guerre, une guerre d’information et d’infiltration. Qu’est ce que la Chine possède aux États-Unis, qui et quoi ? Le peuple américain commence à le découvrir. Dieu sait que notre communauté du renseignement est peu fiable. Peut-être que la Chine possède maintenant notre CIA. C’est peut-être pour cela que M. Trump a été si occupé à éliminer les divers avantages et moyens de la CIA. Nous avons appris avec certitude qu’ils ont acheté et payé le candidat Démocrate à la présidence, Joe Biden, grâce à une série d’accords commerciaux lucratifs conclus par son fils, Hunter, avec la filiale d’une agence de renseignement détenue par la Chine. Personne ne semble s’en soucier pour le moment – mais peut-être qu’on s’en souciera davantage à l’approche de son hypothétique investiture.

Il est assez clair que la Chine a fait une offre à un membre du Congrès Eric Swalwell (D-CA), membre Démocrate du Comité de renseignement de la Chambre des représentants. Ils ont envoyé un adorable petit biscuit de fortune nommé Fang Fang en Californie il y a quelques années, lorsque M. Swalwell était membre du conseil municipal de Dublin, en Californie, et elle est restée avec lui pendant des années, recueillant l’argent de la campagne et l’aidant à gagner un siège au Congrès. Selon la rumeur, il jouait à cache-cache le melon d’hiver pendant des années. Était-il vendu ? Personne ne semble s’en soucier pour le moment. Cela va peut-être changer.

Et, bien sûr, nous avons appris il y a quelque temps que la sénatrice Diane Feinstein (D-CA) avait un chauffeur et un gérant chinois (national) pendant vingt ans, y compris durant ses années en tant que présidente de la commission du Renseignement du Sénat. Il s’est rendu en Chine lorsque son identité d’espion a été révélée. Tout le monde s’en fout. C’est ainsi que nous sommes devenus un pays de mauviettes.

La Chine, apparemment, a des milliers et des milliers d’agents soigneusement placés dans toute l’Amérique, en particulier dans les grands centres de recherche universitaires et les entreprises technologiques américaines et même dans les médias d’information. Des rapports indiquent qu’une société chinoise a acheté une participation de 75% dans Dominion Voting Systems pour 400 millions de dollars à Staple Street Capital en octobre 2020 dans le cadre d’un accord ténébreux passé par la banque suisse UBS. Il a été démontré que les machines à voter de Dominion utilisées lors des récentes élections nationales américaines étaient connectées à Internet, même si, conformément à la loi, elles ne sont pas autorisées à le faire. Bizarre, non ? Connecté à qui ? Jusqu’à présent, personne ne semble s’en soucier.

Oh, et il y a presque un an, il y a eu un cadeau du Nouvel An lunaire de la Chine à l’Amérique : la Covid-19.

Merci, Chine. Que savons-nous réellement de la façon dont cela s’est passé ? Apparemment, ils sont occupés, alors que j’écris, à détruire des échantillons de virus dans le laboratoire de Wuhan.

Cette guerre informationnelle et économique entre la Chine et les États-Unis jusqu’à présent va-t-elle se réchauffer et devenir un autre type de guerre ? Je ne pense pas qu’il y ait grand-chose à faire pour que la Chine emprunte cette voie. Quoi qu’il en soit, ils ont tout en main en attendant de voir si leur garçon de courses acheté et payé, M. Biden, deviendra réellement président et peut-être aussi dans l’attente de voir exactement comment les États-Unis s’effondreront l’année prochaine. Ils perdront beaucoup de clients pour les meubles de jardin et autres produits divers, mais ils n’auront alors plus à se soucier que nous surveillions toute leur activité ailleurs dans le monde, où, avouons-le, il se passe beaucoup de choses.

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Le principal à savoir est que la Chine est presque aussi fragile que nous, mais de différentes manières. Ils n’ont pas beaucoup de réserves de pétrole, et ils brûlent près de 13 millions de barils par jour, dont ils produisent près de 5 millions et importent le reste. Ce n’est pas une bonne situation, et pas sensiblement meilleure que la nôtre. Leur système bancaire est au moins aussi déglingué que le nôtre, probablement pire, puisque leurs banques n’ont qu’à répondre au PC Chinois et qu’elles peuvent éponger toute blessure au cœur. Une dépression mondiale pourrait créer de graves problèmes de chômage pour eux, et donc une pression politique sur, et au sein du PC Chinois. Pour 2021. Si, par hasard, Donald Trump se retrouve à la Maison Blanche, les choses pourraient devenir un peu plus inattendues.

Il y a quelques jours à peine, des rapports ont révélé que le président Xi Jinping subirait une chirurgie cérébrale pour l’aggravation d’un anévrisme. Cela impliquera une lutte de pouvoir au sein du PC Chinois au cas où l’opération ne se passerait pas bien. Je ne peux pas confirmer ces rumeurs, mais c’est comme ça … je dis ça je dis rien …

La Russie semble la mieux placée pour éviter les désordres économiques de l’Occident et les mécontentements de la Chine. La Russie a déjà connu un effondrement économique et politique traumatisant et en est sortie plus allégée, rationalisée et viable. En raison des sanctions américaines punitives, elle a dû développer une économie de remplacement des importations, répondant davantage à ses propres besoins. Elle a environ deux fois plus de réserves de pétrole prouvées que les États-Unis et moins de la moitié de notre population. Elle a régulièrement acquis des réserves d’or et a fait du foin au sujet de la création d’une monnaie adossée à l’or – ce qui serait une véritable nouveauté dans un monde de monnaie fiduciaire. Elle a une population bien éduquée et relativement homogène de personnes capables qui se sont remises psychologiquement de la foutaise politique de 75 ans du communisme. Elle possède un arsenal d’armes nucléaires hypersoniques de renommée mondiale. Elle a un leadership politique rationnel et intelligent. Et la Russie vient de passer une loi stipulant que quiconque porte de fausses accusations #MeToo contre un autre citoyen encourt cinq ans de prison. On regarde avec admiration !

L’Europe

Putain … oubliez-ça. Pas de pétrole. Pas de quoi bander. Enterrée dans la dette. Échec des filets de sécurité sociale. Plus d’un million d’immigrants musulmans hostiles qui cherchent à agrandir la faille. En 2021, l’UE s’effondrera et les États s’efforceront désespérément de consolider leurs économies. Ils ne réussiront pas. Les troubles suivront et les gouvernements tomberont. Angela Merkel fait ses adieux au Volk. Boris Johnson fera face à un vote de censure au Parlement. Macron survivra et deviendra très dur, mais la France devient pauvre et aigrie. Tout le monde commence à dire de belles choses sur Victor Orban.

Voilà tout le champ de bataille. Pardonnez-moi de ne laisser de côté qu’environ dix mille autres sujets et problèmes, y compris le changement climatique, dont je dirai seulement : croyez-y ou pas, nous avons des choses plus urgentes à craindre.

Bonne année à tout le monde !

James Howard Kunstler

Traduit par jj, relu par Hervé pour le Saker Francophone

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vendredi, 15 janvier 2021

L'aigle contre le drone : Une métaphore "haute" provenant d'un pays "bas"

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L'aigle contre le drone :

Une métaphore "haute" provenant d'un pays "bas"

par Frédéric Andreu-Véricel

Surtout ne le répétez à personne, mais je crois bien qu'une métaphore sismique vient de briser les faux vitrages de la pensée unique : un aigle royal attaque un drone !

Les serres du roi des oiseaux entrent dans la structure de l'appareil téléguidé ; l'objet s'écrase aussitôt sur le sol comme un jouet déglingué, puis, le puissant volatile reprend son envol en direction des empyrées célestes...

Imaginez un instant que les métaphores ne soient pas réservées à un petit cercle de gens lettrés, ni même aux poètes, mais ouvert à tous ceux pour qui voir ne va pas de soi... alors, un aigle qui attaque un drone, cela pourrait résonner dans les tous les recoins de notre imaginaire individuel et collectif, cela pourrait entraîner les cris de la terre, le Cri de Munch, le cri du nouveau né, cela pourrait même réveiller cet instinct de survie qui est au fond du peuple.

Pour le moins, cette métaphore est d'une puissance à couper le souffle. Elle "rétablit les hiérarchies vraies" aurait dit Antoine de Saint-Exupéry... Au-dessus, c'est le soleil ! Je ne trouve rien de plus à ajouter, un peu abasourdi moi-même par cette découverte...

Le drone représente la technologie noire par où s'effectue le grand transfert des souverainetés humaines. Il représente aussi la surveillance de la néo-dictature orwellienne sous couvert de sécurité sanitaire. On se demande même si notre conscience collective n'aurait pas encore totalement sombré dans le Léthé anesthésiant de la technique ? Si la fin de l'Histoire n'aurait pas encore sonné ?

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Le "plan de secours" des peuples qui ne veulent pas mourir a connu son prophète, Guillaume Faye ; il a connu une traduction sociale, la révolte des Gilets Jaunes ; gageons qu'il connaîtra un avenir : le réveil des peuples de l'aigle par le retour à la communauté organique.

Au Moyen-Age, on entraînait des aigles à la chasse aux nuisibles, aujourd'hui, contre les drones de Big Brother.

Cet élevage a lieu dans un petit pays, ingénieux, discret, et diablement bien organisé - bref un peu le contraire de la France. Autre paradoxe, ce pays singulier porte un nom pluriel : les Pays-Bas.

La première fois que je visitai les Pays-Bas, c'était à bicyclette. Attendez un peu que je vous raconte...

Quelques lieues après la frontière, je m'arrêtai devant une boutique pour acheter un stylo. Je posai ma bicyclette, entrai dans la boutique, puis attendis mon tour pour payer. Le vendeur s'écria alors :

- Savez-vous qui était la personne qui est passé juste avant vous ?

- Je répondis : non.

- C'est le premier ministre des Pays-Bas !

Je sortis de la boutique à journaux, un stylo neuf à la main... scène augurale qui portait le sceau de l'avenir : "tu écriras un jour une histoire sur ce pays singulier..."

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Les Pays-Bas sont un pays où le ministre se déplace sans garde du corps ; il achète son journal dans une boutique et vous le croisez dans la rue, tout simplement. On m'a dit plus tard que Mark Rutte (c'est son nom) donne des cours d'histoire dans un lycée. Pour se faire, il s'y rend à bicyclette. Car aux Pays-Bas vous pouvez être premier ministre et donner des cours dans un lycée. Il n'y a pas de bourgeois qui vous marchent sur les pieds sans s'excuser car il n'y a pas de bourgeois, aux Pays-Bas. Il y a des gens qui travaillent et des gens qui travaillent, aux Pays Bas. Vous pouvez ramasser les poubelles ou être premier ministre, personne ne vous marchera sur les pieds.

Bref, je m'arrête ensuite dans un parking, gare mon vélo. Tout-à-coup, une fille belle comme un soleil passe devant moi et me sourit : le monde bascule aussitôt dans la mythologie nordique. La fille engloutie alors un sandwich et monte dans son camion.

Aux Pays-Bas, les muses peuvent être des camionneuses qui vont livrer des briques dans une usine !

Dépité, je reprends ma bicyclette en direction des îles de la lointaine Frise. L'aigle royal me jette un regard depuis les altitudes célestes. C'est normal, je suis poète et donc un peu chamane aussi...

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Post Scriptum : vous croyez que les aigles qui attaquent les drones, cela n'existe pas ? Alors prière de cliquer ci-après :

https://www.rtbf.be/info/monde/detail_des-aigles-pour-neu...

 

Interview with Stefano Vaj on Biopolitics and Transhumanism

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Interview with Stefano Vaj on Biopolitics and Transhumanism

by Adriano Scianca (ed.)

Translation from Italian by Catarina Lamm 

Rome, May 2007. Festival of Philosophy.  The cream of Italic official bigwigs convening. Here are the titles of some of the speeches featuring in the program: “Science at the Frontiers: Potentiality, Limits, Guarantees,” “Real, Virtual, Imaginary: Where are the Boundaries?” “The Confines of Life and Euthanasia. An Ethical and Scientific Perspective,” “Second Life: the New Frontiers of Experience,” “Is Man Obsolete? Human/Posthuman,” plus thematic lectures on Charles Darwin, Gunther Anders and Philip Dick.  Stefano Vaj, am I wrong or is there a spectre haunting Europe, and is it the spectre of biopolitics?

51KfZnKQ1qL.jpgEurope – even today – remains the epicentre, at least culturally, of paradigm shifts.  And there is no doubt that we are facing a growing awareness that what I call “biopolitics” represents the crucial issue of the day, our next horizon, and the really political level, in Carl Schmitt’s sense of the word, meaning the level that renders all other persuasions and affiliations secondary.  Since the time when I began to work on the essay Biopolitics. The new paradigm, which is now online full-text [in Italian TN] at the address http://www.biopolitica.it, this has little by little become ever clearer, to the point when it downright stares you in the face.  At the turn of the second millennium of our era, there isn’t a corner of the Earth’s biosphere that is immune to the hand of man. As a widely circulated article in the review Science remarked some years ago, “there are no more places on Earth that are not in the shade of humans”.  Today humankind exerts its influence on the entire surface of the planet, either by directly transforming it or by modifying its biochemical and physical equilibria.  Of course we are far from mastering its processes, but there is no more part that is immune to man’s influence.

And also vice versa…

Exactly.  Our nature and identity are obviously shaped by our environment, and not just culturally, but also biologically, if anything through the varying reproductive success of our genes.  Once the environment in which we grow and evolve and the selective pressures acting on our genetic heritage become altogether artificial, then it becomes clear that it is no longer just a matter of our responsibility in defining our environment in relation to a project, but that of having a project defining in the first place what we want to be, a project allowing us, in Nietzsche’s words, to “become what we are”.  Heidegger writes: “Nietzsche is the first thinker, who, in view of the world history emerging for the first time, ask the decisive question and thinks through its metaphysical implications. The question is: Is man, as man in his nature till now, prepared to assume dominion over the whole earth? If not, what must happen to man as he is so that he may be able to 'subject' the earth and thereby fulfill the world of an old testament? Must man, as he is, then, not be brought beyond himself if he is to fulfill this task? […] One thing, however, we ought soon to notice : this thinking that aims at the figure of a teacher who will teach the Superman concerns us, concerns Europe, concerns the whole Earth – not just today, but tomorrow even more. It does so whether we accept it or oppose it, ignore it or imitate it in a false accent.”

In conclusion, the question of the Übermensch cannot be eluded, even though the market rabble tries to do so when, in Zarathustra, it invokes the less frightening “Last Man”…

Let us imagine three men thrown on board a sailing boat at large.  The first imprecates the fate that brought him there, and insists that involuntary passengers like himself should abandon ship using the lifeboats or even swimming if necessary.  The second suggests they impose a rule that prohibits any interference with the random drifting of the boat, except minimally for its maintenance; and he is above all intent to grab hold of the available rations and the best berth; or at most to find some way to divide them up equitably so as to maintain peace on board.  What instead matters to the third man is the possibility to steer the boat where he wants, learn to manoeuvre it, and decide on the route to follow.

510KiTr4e7L._SX342_SY445_QL70_ML2_.jpgToday, the space available to the second stance – that of the Freudian repression, still prevailing, above all at the level of governments and businesses – is gradually shrinking.  This in favour of both the first, the neo-Luddite, stance, be it of a traditionalist or neoprimitivist persuasion, rooted in religion or in “deep ecology”; and of the third stance, which we may call – without going too deep  here into the different shades of meaning of these terms – transhumanist, posthumanist, postmodern or overhumanist. 

In fact, when I recently took part in a project that researched the bibliography relative to the subject of biopolitics,  transhumanism, and the momentous transformation currently underway, I had the opportunity to inventory several hundred works published in the last 10 or 15 years, at an ever increasing pace, that deal explicitly with this topic, and that recognise that we are facing a transformation in comparison to which, in the words of Guillaume Faye, future historians will view the Industrialisation as small-time and the French Revolution as a storm in a teapot. A change that has its only precedent in the Neolithic revolution, if not in hominisation itself.  And in Italy this debate is anything but absent, not only because of my own modest contribution, but also because of a local awareness of the importance of the subject that is spreading ever further across the ideological and intellectual spectrum. 

Besides, in the short term, the bio-luddite technophobes on the one hand, and the transhumanists on the other, are objectively allied – if for no other reason than the common goal to raise public awareness that an era is over, that “business as usual”, which implicitly leaves it to the market and to abstract juridical rules to choose in our place, is both impracticable and potentially catastrophic.

The comparison you propose between the biopolitical revolution and hominisation is very interesting.  Before discussing this subject, however, I should first like to dwell on another matter: you fleetingly mentioned transhumanism.  What is it?  How does “biopolitics” relate to “transhumanism”?  Would it be the case that the former keeps the more “neutral” and “descriptive” tinge of a phenomenon that is actually taking place, while the latter indicates a specific path on which to direct the on-going mutations?  Is this correct?

Transhumanism is at once a very simple position, and a loosely organised galaxy of associations, authors, foundations, and initiatives existing primarily online.  As such, it effectively represents one of two poles around which rotates the paradigm shift that goes under the name of “biopolitical revolution”; the other pole is of course the one that transhumanists somewhat pejoratively refer to as “neo-luddite” or “humanist”– even though the respective alignments are still in the making, and still remain partly overshadowed by the residual weight given to other kinds of affiliation (such as the hazy ideological shades that might still be left in the nineteenth century distinction between “rightwing” and “leftwing”).  Now, not only it should be abundantly clear to everyone even vaguely familiar with my ideas that I stand firmly in the transhumanist camp, but in the last few years I have also actively participated in “organised” transhumanism, especially by serving as board member of the Associazione Italiana Transumanisti (http://www.transumanisti.it), by taking part in international forums on the topic, etc.

On the other hand, “transhumanism” in its wider sense, and when boiled down to its core “meme” (to use the concept Richard Dawkins forged in The Selfish Gene to refer to basic cultural units), means simply this: it is legitimate and desirable to employ technoscientific means to take charge of one’s own destiny and go beyond the human condition.

41UWKEWlVbL._SX331_BO1,204,203,200_.jpgIn this sense, transhumanism today stands at once for something more and for something less than my own personal take on matters of biopolitics.  Something more, in the sense that it consists of a very diverse spectrum of positions and backgrounds that, although mostly finding themselves on an inevitably converging path, still include some, in my view, residuals of outdated ideas derived from monotheism, albeit in a radically secularised form.  Something less, in the sense that my vision of the challenges and radical changes that are looming is based on a quite specific philosophical perspective, that many transhumanist trends and thinkers have as yet adopted (at best!) only implicitly.

And what exactly is that perspective?

Clearly, I think that the “fundamentalist”, overhumanist and posthumanist version that I stand for represents in the last analysis the only viable outcome for any consistent transhumanism.  And, conversely, that a rejection of decadence, of Fukuyama’s end of history, of Brave-New-Worldish cultural and anthropological entropy, in one word of the Zivilisation that today wants to project itself to eternity, of Nietzsche’s “Last Man”, of Gehlen’s “late culture” or Heidegger’s “oblivion of Being”, can really take us forward only if based in a “new beginning” of transhumanist inspiration.  Modern technology, with its futuristic capability to insert mutations in our environment and in us, is a Moloch that has been awakened after two thousand years of monotheistic repression of the European subconscious and of desacralisation of the world, but it is also something that will lead either to an outcome most likely to be catastrophic, or to as radical a rupture with our recent past as was the Neolithic revolution with respect to what came before it.  As Hölderlin writes in Patmos, “Wo aber Gefahr ist, wächst das Rettende auch.” (“Where poison grows, there too sprouts the remedy.”)

You mentioned the very Heideggerian expression of “a new beginning”.  This takes us back to what we said earlier when we compared the “biopolitical revolution” to the “Neolithic revolution”.  It would seem, then, that these future changes awaiting man in the scarcely begun third millennium retain in your opinion an undeniably “archaic” aspect.  How come?

“Archaic” literally means “initial”, “primordial”.  Accordingly, it may refer to the origin of what we are, as living beings, species, races or cultures; or it may refer to an origin that is yet to come, to our ability to become this origin.  Current linguistic usage privileges the first sense, and gives it a negative twist: the origin obviously does not embody all its subsequent developments, and in a way its residual, contemporary fossils reflect only a fraction of the potential which has in the meantime unfolded, thus betraying and denying its own developments and deployments. Such fossils represent then only the dream of a “reversion to the past” that has nothing to do with the original position of those who instead created, precisely through a revolution, a rupture with the world that came before them.  This is the reason why I have always been reluctant to adopt Faye’s word “archeofuturism”, be it just as an easy slogan; this, and because of archaic features that are already intrinsic to Futurism as those of one who posits or claim to posit himself as the origin of a new age, including that kind of nostalgia that is essentially a nostalgia of the future.  Furthermore, it may pertain to man as an historical animal – at least in the interpretation of history given by authors like Friedrich Nietzsche or Giorgio Locchi – that he is unable to plan, to conceive a revolution unless he can base it on the claim to a heritage. Viewed in this light, such a claim is a variable feature of every time and tendency and movement: the only difference with overhumanism is that this mechanism is consciously adopted, and radically so, because the depth of the desired transformation and the greatness of the collective destiny are assumed to be proportional to the historic depth that one is able to assume as one’s own.

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This brings to mind Nietzsche’s famous idea that “the man of the future will also be the one with the longest memory”, doesn’t it?

Exactly.  From this perspective, it is not by chance that the coming of age of contemporary technology and the gradual emergence of biopolitics, as a demand for human self-determination that digs into every aspect of our bodily and physical and spiritual “environment”, coincides with the gradually expanding knowledge of our most remote history.  In such a perspective, as already mentioned, the only precedent that might – just – be compared to the paradigm change that is taking place today is indeed that of the Neolithic revolution – and especially, from my point of view, how it interweaves with the response given to it by the Indo-European culture, which was partly its result, and partly its cause at least with respect to how the Neolithic age actually came to take on the shape it did.

In fact, hundreds of thousands of years after hominisation, it is with the Neolithic revolution, some time after the end of the last Ice Age, and in yet another impressive stage of the project of self-domestication that denotes the adventure of our species, that a “second man” emerges for the first time.  This Second Man is of course the man of agriculture (and the correlated sedentary lifestyle and first demographic explosion), of “towns”, of politics, religion, traditions, division of labour, of what has come to be called “pyric technology”, of the great Spenglerian cultures.  At the time of the Second Man, the “natural environment” becomes for the first time a cultural environment.  Not only is the natural environment henceforth influenced and moulded by the presence of man, but the human factor properly speaking becomes inextricably interwoven with the purely biological factors in a combined action at once on the individual phenotype and on the selective pressures that shape his genetic lines.

Fascinating...

Spengler wrote: “[At this point,] the tempo of history is working up tragically.  Hitherto, thousands of years have scarcely mattered at all, but now every century becomes important.[...]  But what in fact has happened?  If one goes more deeply into this new form-world of man’s activities, one soon perceives most bizarre and complicated linkages. These techniques, one and all, presuppose one another’s existence. The keeping of tame animals demands the cultivation of forage stuffs, the sowing and reaping of food-plants require draught-animals and beasts of burden to be available, and these,again, the construction of pens. Every sort of building requires the preparation and transport of materials, and transport, again, roads and pack-animals and boats. What in all is this is the spiritual transformation? The answer I put forward is this — collective doing by plan. Hitherto each man had lived his own life, made his own weapons, followed his own tactics in the daily struggle. None needed another. This is what suddenly changes now. The new processes take up long periods of time, in some cases years — consider the time that elapses between the felling of the tree and the sailing of the ship that is built out of it. The story that divides itself into a well-arranged set of separate ‘acts’ and a set of ‘plots’ working out in parallel in one another. And for this collective procedure the indispensable prerequisite is a medium, language.”

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Gehlen however remarked many years ago, much before bioengineering, nanotechnology or artificial intelligence existed even hypothetically: “The industrial revolution which today is drawing to a close marks in fact the end of the so called ‘advanced cultures’, that prevailed between 3500 BCE until after 1800 CE, and fosters the emergence of a new kind of culture, as yet not well defined.  Along these lines of thinking, one could indeed come to believe that the ‘civilised age’ as historical period is about to pass away, if one understands the word civilisation in the sense that has been exemplified by the history of the advanced cultures of humanity until today.”

So in fact what lies ahead is the end of the post-Neolithic age and of everything that pertains to it…

There’s no doubt about it.  But at the same time, the Neolithic turning point is the only example we have of what a response to the biopolitical revolution might consist in, the revolution that will see man “inherit the Earth”, and gain total responsibility for his physiology, psychology, identity, composition, and everything that will sustain and interact with him.  On this matter I refer to the distinction I make in my already mentioned bookBiopolitics between societies that have refused or ignored this sort of transformation, consequently heading more or less deliberately towards irrelevance and extinction; “cold” cultures that have tried to congeal early achievements into an endless repetition, somehow mimicking the previous stagnation; “tepid” cultures, active but unwilling “preys of history”; and finally the (Indo-)European response and the myth it gave rise to. It is of course this last response I have in mind when I take the Neolithic revolution as a model.  And it is also interesting to notice that if the rupture that is currently about to take place is likely to be even more radical, and in this sense more similar (since it will necessarily lead to a posthuman outcome) to hominisation itself, the most recent studies tend to emphasise how the time of the Neolithic revolution is one of significant biological mutations, of which only a few years ago we had no idea.

81DYW0uwLtL.jpgNicholas Wade writes in Before Dawn (Penguin 2006): “The recent past, especially since the first settlements 15,000 years ago, is a time when human society has undergone extraordinary developments in complexity, creating many new environments and evolutionary pressures. Hitherto it has been assumed the human genome was fixed and could not respond to those pressures. It now appears the opposite is the case. The human genome has been in full flux all the time. Therefore it could and doubtless did adapt to changes in human society”. Inferring from the studies Wade uses for illustration, these changes include among other things the gradual spread, originating in Europe, of genetic traits that would indeed have influenced the cognitive performance of our ancestors!

It has also already been remarked elsewhere that in a certain sense history’s major cultures represent grand experiments in eugenics and/or inbreeding, inasmuch as they not only clearly result from originally different populations, but also consciously or unconsciously end up selecting for arbitrary, different and – as Peter Sloterdijk remarks in Regeln für den Menschenpark (Suhrkamp Verlag KG, 1999)– totally artificial traits, in a loop that ends up reinforcing and evolving the initial features in unpredictable ways. Here too the Third Man, who according to my prognostics is summoned to command the biopolitical revolution, can perceive the true level of magnitude of the transformation, which is not that of the first green revolution in agriculture going back to the fifties and sixties of last century, nor that of the nineteenth century Industrial revolution, but of the one that began eight or ten thousand years ago.

Before we continue it might be a good thing if you clarified the nature of this figure, the “Third Man”, that you just mentioned.  What’s it about?

The expression “third man” does not in itself refer to a new species or a new race (even though biological mutations are inherent in the origin, and even more so in the implications, of the term in its wider sense).  And even less does it connote some next step in the cultural progress of “humanity”.  It is merely an anthropological Idealtypus, a category of philosophical anthropology, discussed in greater detail by Arnold Gehlen or Giorgio Locchi, but intrinsic also in the converging intuitions of many authors of different leanings and objectives, from Ernst Jünger to Herbert Marcuse, from Peter Sloterdijk to Martin Heidegger to Filippo Tommaso Marinetti, and the definition of which bears deeply on man’s essence, the rein-menschliches, and its relation to technology at a time of profound upheaval.

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In this light, the “first man” would be represented by what the anthropologists call the “behaviourally modern man”; he is the hunting-and-gathering being who self-creates through the adoption of language and magic, which allow him or her to identify with models borrowed from the environment in which he is immersed in order to make up for his natural shortcomings and exploit his ethological plasticity, thereby becoming the “omnibeast”, the “open-ended” animal.  The Second Man, on the contrary, is represented by the emergence, precisely with the Neolithic revolution, of the new diverse, long-lasting and fast-changing ways of life and artifacts, the differentiation and affirmation of which are well illustrated by the biblical myth of the Tower of Babel.  If the “first man” epitomises the ability to mirror his environment and recast himself therein, and the second man the ability to modify and choose his own self – also biologically - by shaping his own specific environment (Umwelt), the Third Man is then the one who masters this process, which has necessarily become self-conscious and deliberate inside an environment which, at least within the Earth’s biosphere, can from now on be nothing other than through and through artificial – even when it is intentionally architected to maintain or recreate the idea of an arbitrarily, and culturally identified, image of “nature”...

Could you elaborate?

In other words, if the cultural texture of the selective pressures and environmental influences that shape individuals and their communities is what determines the humanity of the “second man”'s phylogenesis and ontogenesis, in the Third Man these processes are themselves cultural products.  With the third man, when the technologies of transportation, storage and long-distance transmission of texts, data, sounds and images, modern medicine, computation, engines running on physical and chemical energy, emerge, then our “extended phenotype” alters both gradually and dramatically until transforming into a cyborg or at least into a fyborg ( (a “functional cyborg”, as described by Gregory Stock in Redesigning Humans, Mariner Books 2003).  So, it is not by chance that the arrival of this “third man” immediately opens up a new perspective of eugenic self-determination, which the new responsibilities now weighing on us render both possible and necessary – as do the potentially catastrophic consequences of the process of his own affirmation.

It should be added, as I have done elsewhere, that the above mentioned anthropological types are of course to survive, and their histories to overlap to a certain extent, at a geographical or cultural level – at least until the deplorable and final establishment of a global Brave New World -, at a social level, and in individual psychologies and reflexes, as the reptile may in general terms survive in man; exactly like pre-Neolithic cultures, for instance the Australian aborigines, have somehow managed to survive until now, or at least until the beginning of last century.  Actually, if the past is a good precedent for the future, the sociology of the third man might have a few surprises in store  for us concerning the commonplace of an “evolution” that would be “reserved to a few”.

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Meaning?

In the post-Neolithic society, contrarily for instance to Guillaume Faye's hypothesis in Archeofuturism (Arktos Media 2010) that the future might bring us modi vivendi with two velocities, it is in fact the elites, if anyone, who perpetuated archaic ways of life, albeit in an idealised and largely symbolic form. The king's park, as I stress in Biopolitics, does not consist of cultivated fields around densely scattered farms, but of essentially uninhabited gardens, orchards, hunting grounds, areas set apart for the occasional and highly ritualised combats (duels and tournaments), where until relatively recently the aristocracy still mimicked lifestyles more than a little related to those of hunting-and-gathering cultures.  While for most people daily life, for better or for worse, had been much more disrupted by on-going historical mutations than for those who found themselves to organise and manage such mutations.

But what would be the corresponding changes applicable to the Third Man?

Of course, with respect to the Third Man, if the origin of this transformation might be that the geographical exploration of all land above sea level and the first industrial revolution had essentially been exhausted, it is the promise of the technologies subsumed by the umbrella term defined by the expression “bio-nano-info-cogno” that represented the final point of rupture with the “old” lifestyle.  So, to conclude, I will adopt a metaphor taken from computer science, with all due caution required when dealing with metaphors: if with respect to the somewhat static and repetitive behavioural modules of chimps and gorillas we could “poetically” compare the first man to a calculator, who would for the first time make it possible to add, multiply or divide arbitrary integers, then the second man would correspond to a universal and programmable computer, such as the PC that stands on everyone's desk, and the third man could be likened to an artificial intelligence capable of self-programming.

This idea of man consciously self-designing calls to mind what Craig Venter, the American scientist once more made famous by the announced creation of a lab-synthesised chromosome, recently declared in an interview with the BBC: “The synthesis of an entire human genome in a test tube will be possible already in this century, but I don't think that it will take place, because we scientists are all against this kind of experiments on humans. This of course doesn't rule out that someone will do it next century, or attempt to change some pieces of DNA to improve some physical features”.  What do you think of this?

I think that, with all due respect for Venter and for what he has achieved until now, to speak of “all we scientists” is stretching it, because scientists' stances are (luckily) spread across the whole spectrum of opinions found inside the communities where they are active, even though there are important statistical discrepancies  (for instance, on average, American scientists subscribe much less to Intelligent Design than does their society at large), and often they feel  a degree of solidarity with the aspirations alive in these communities. In fact, contrary to Venter’s view, I daresay that if something is doable, and likely to be advantageous to those concerned, then it is pretty likely that sooner or later someone will go ahead and do it.  Nevertheless, what a repressive legislation is able to affect is the when, who, where and why (here in the sense of “to what end?”, “in whose interest?”).

413sardSmGL._SX315_BO1,204,203,200_.jpgAs Gregory Stock say in Redesigning Humans (op. cit p113): government regulations “in this area are unlikely to alter the fundamental possibilities now emerging.  The legal status of various procedures in various places may hasten or retard their arrival but will have little enduring impact, because, as already noted, the genomic and reproductive technologies at the heart of GCT [germinal choice technology] will arise from mainstream biological research that will proceed regardless.  Bans will determine not whether but where the technologies will be available, who profits from them, who shapes their development, and which parents have easy access to them.  Laws will decide whether the technologies will be developed in closely scrutinized clinical trials in the United States, in government labs in China, or in clandestine facilities in the Caribbean.”

On the other hand, it is within the realm of possibilities that an indefinitely expanding and ever more pervasive system of social monitoring, aimed at exorcising such a prospect, will emerge.  For instance, regarding human reproduction and genetic engineering, when the relevant technologies will be available to everybody, not much beyond the level of a children’s chemistry set, in order to prevent their adoption we shall have to enforce the sequestration of all ovules and spermatozoa from their natural holders in order to prevent their manipulation, institute a database of “natural” species and race that it shall be prohibited to bypass, and create laws that make testing of all pregnancies compulsory to verify that they are the result of one’s own ovule, fertilised by a randomly selected partner of unknown genetic identity, and that all pregnancies must be carried to completion while the nature of its fruit remains in the dark. 

A terrifying scenario, which however is  hardly sustainable in the long run...

Effectively very hard indeed, and this despite efforts of  “bioethical committees” and of reactionary legislators.  In fact, in a conference in 1998, James D. Watson, the Nobel laureate and father of the Genome Project, and with Francis Crick, the discoverer of DNA, long before his crucifixion by the media that recently affected him, at the age of eighty, because of some not-really-politically-correct statements, when confronted with the usual litany of the difference between the “good” genetic engineering that aims to “cure”, and the “bad” one that aims to modify or meliorate, stood up to say: “No one really has the guts to say it, but if we could make better human beings by knowing how to add genes, why shouldn’t we?” Stock adds: “Watson’s simple question, ‘If we could make better humans…why shouldn’t we?’ cuts at the heart of the controversy about human genetic enhancement.  Worries about the procedure’s feasibility or safety miss the point…” No one is seriously worried about what is impossible.  “Some critics, like Leon Kass, a well-known bioethicist at the University of Chicago who has long opposed such potential interventions, aren’t worried that this technology will fail, but that it will succeed, and succeed gloriously.”

Another frontier which, to the dismay of scandalised bioethicists, is on the verge of being conquered by science, is human cloning.  It was recently announced that a team of biologists of the Oregon National Primate Research centre of Beaverton, USA, would for the first time successfully have cloned tens of embryos from adult monkeys, and this demonstrates that primates too (and therefore humans) can today be cloned. What do you think of this scientific practice, considered by many to be the very incarnation of the conformist and egalitarian spirit of the system of power in place?

Cloning is a term that generally refers to the possible asexual reproduction of sexually reproducing animals and plants.  In stricter terms, it is in principle a banal procedure, although technically difficult in the case of higher animals, that consists in substituting the genetic material of an ordinary, and therefore diploid, cell to that found in an ovule, which consequently develops, with no prior fecundation, an embryo which for most practical purposes is a twin of the donor.  This method of asexual reproduction is equivalent to parthenogenesis, which consists in stimulating a ovule to duplicate its genetic code in order again to have it develop into an embryo that is genetically identical to the mother and so, contrarily to the best-known religious narrative about human parthenogenesis, inevitably female.  And it is equivalent to any intervention that causes an embryo to split while still at the totipotent stage, which as known does not induce the growth of two “half-foetuses”, but of two genetically identical foetuses.

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The latter technique presents us with an “interesting” theological dilemma with respect to the soul of the original embryo: does the soul of the original embryo split as well? Is it miraculously supplemented, in favour of either randomly chosen foetus, by  and additional one? Or, if actually two brand-new souls are instead supplied, does the first soul “return to heaven”?  Luckily this problem has been solved by the Italian parliament, with Law n. 40/2004, so-called on “assisted procreation”, even though it plainly concerns several additional issues.  According to article 12, paragraph VII, of this statute, which puts all these procedures in the same basket, “whoever implements a procedure meant to obtain a human being descending from a single initial cell, and possibly with identical nuclear genetic heritage to that of another human being alive or dead, shall be subject to imprisonment for a duration to be determined between ten and twenty years and to a fine between 600000 and 1 million euros.  If he is a medical doctor he shall in addition be permanently barred from the practice of medicine».  Now, given that this sentencing guideline is more severe than that concerning punishment of involuntary homicide and assisted suicide in the Italian jurisdiction, we know that our legislator, in the spirit of the paranoia stemming from bioluddite circles and the so-called movements pro... life (!), regards as homicidal the quite trivial decision to provoke the birth of two monozygotic twins – a phenomenon that occurs spontaneously in about one in 300 pregnancies without causing bereavement in the family, social alarm or for that matter any attempts to prevent it... 

Besides,  it is significant that the “pro-life” concerns of these milieux are especially directed against reproductive cloning, which after all yields individuals destined to have a normal life, while they find it somewhat more difficult to attack the so-called “therapeutic cloning”, the purpose of which is the development of stem cells necessary to cure the sick, although this procedure results in the inevitable destruction of all the utilised embryos; so that those movements tend in this case to prioritise the promotion of competing alternative procedures (adult stem cells, etc.) rather than investing in unconditional criminalisation campaigns.

Is it not true, on the other hand, that therapeutic cloning and reproductive cloning are simply the two faces of the same coin?  Aren’t the distinctions between them just byzantine, specious and doomed to be outstripped by events?

It is very true.  And it is just as true that the one makes the other move forward.  While it is unclear whether there are already cloned children walking among us, it would only require the implantation into an available uterus, with methods now tried and tested, for the human embryos generated from casual cells since May 2005 in the United Kingdom and Korea for possible “stem cell therapies” to turn into children, thus guaranteeing the indefinite repeatability of interventions and experiments.

71RJu8sJZLL.jpgSuch prospects have also become increasingly realistic by the announcement of recent breakthroughs in the cloning of embryos from the cells of adult primates; and, before that, by English research programmes that hint at the feasibility of human DNA transplants into ovules of bovine origin, a practice which would avoid the complicated and rather unhealthy procedure necessary to remove several ovules from human donors.  Hence cloning, perhaps just because its realisation is already in sight, becomes “the” primary target of the whole bioluddite movement throughout the world.

As Brian Alexander writes in Rapture (Perseus 2003, p 129), “The reality of cloning and stem cells pulled bio-Luddites like Kass from the margins and galvanized a strange coalition between conservative politicians, Christian evangelists, the Catholic Church, leftwing intellectuals, and green environmentalists, all of whom realized, like the bioutopians, that gene technologies, welded to stem cells and cloning, might finally permit humans to decide their own biological future.  With cloning technology it was now possible to genetically engineer a cell with some desired trait, insert that cell into an egg, and get a custom-made creature.  That’s why it was invented.  Stem cells made that prospect even simpler, just like they had for making customized lab mice.  Those prospects drove the unlikely alliance. […] No amount of hyperbole was too much if it succeeded in scaring the bejesus of the public.  Kass even equated the fight against the evils of biotechnology to the battle against international terrorism: ‘the future rests on our ability to steer a prudent middle course, avoiding the inhuman Osama bin Ladens on the one side and the post human Brave New Worlders on the other’”

Of course the popularisation of these 'battles' continues to generate monsters...

Certainly.  In the debate on American law against human cloning, that the Bush administration has actively tried to extend to the rest of the world, in particular via the United Nations (see resolution no. 59/280, “The United Nations Declaration on Human Cloning”), the proposer of the parliamentary bill Cliff Sterns from Florida made matters splendidly clear: “When you do a clone, there are these tentacles, part of the ovum.  They remove that.  There’s an actual term for that.  When you clone, you don’t have an exact clone of the ova material.  The tentacles are all removed…The clone would not have these and yet you and I have these when we are born.  If we clone ourselves, we would not have them.  We would have a category of somebody, people who did not have these tentacles and these might be superior or inferior people”.  As Alexander comments (Rapture, op.cit. p140): “This was the sort of explanation that made scientists bury their faces in their hands, speechless.  But such misconceptions were popular.  On April 14, 2002, pundit George Will appeared on ABC’s This Week with George Stephanopoulos and argued that all forms of cloning, therapeutic or not, should be banned because ‘these are entities with a complete human genome’.  In fact, just about every cell, red blood cells being one exception, has a complete genome.  By Will’s logic, you could not tamper with any cell in the body, even cancer cells.”

Things quickly get paradoxical when thinking along these lines...

Now, it is evident that, while cloning may strike the areas of the public who are collectively more receptive to bioluddite and politically correct propaganda, owing - paradoxically - to the dreaded risk that humans might indeed become...all equal, it does not per se increase the odds of a reduction in genetic diversity for the species concerned. Actually, not only does cloning enable science to study the heredity of specifically human traits such as “intelligence” without the limitation of work on natural monozygotic twins (and only people who fear the results of these studies will dispute their value for anthropology, public health, education, etc.); but it also makes it possible to investigate how identical genetic endowments, perhaps pertaining to individuals that are phenotypically exceptional in some respect or other, are expressed in different, and indefinitely renewable, contexts. In fact, objecting that the price to pay for knowledge of this kind would be an ever greater “uniformisation” of the human genus – an oddly paradoxical criticism in a culture where equality and conformity are considered positive values and goals – is only valid with regard to the choice to create a very large number clones of a single, or very few, individual(s) while preventing everybody else to reproduce.

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Gregory Stock writes: “The very fact that human cloning has become the rallying point for opposition to emerging high-tech reproductive techniques emphasizes the challenges ahead for that opposition.  Human cloning is largely a symbol. It appeals to only a tiny fringe.  It does not yet exist.  There could be no easier target for a ban.  And whether or not restrictions are enacted makes little difference, because as Kass and Fukuyama must know, if procedures for human cloning do not arrive through the front door, the will come through the back, probably propelled by state-supported research on embryonic stem cells […] Attempts to prevent cloning in the United States or Europe would simply shift the effort elsewhere [...] At the end of 2002, Britain announced it would add an additional £40 million to the £20 million it had already committed to stem cell research.  Japan is building a big centre in Kobe that will have an annual budget of some $90 million.  And China and Singapore are also moving ahead aggressively”.

In reality, a cloned individual implies a genetic loss for his species only in the case in which his birth correlates to an extinction of the genome of the potential reproductive partner of his or her parent; that is, in the case in which the sexual partner is not destined to reproduce because of the parent’s choice to give birth to a clone.  Short of this, reproduction via cloning does not entail more depletion of genetic diversity than does the natural occurrence of monozygotic twins in higher animals and in humans, or the reproduction via parthenogenesis of plants and animals that can resort to this as an alternative to sexual reproduction.  On the contrary, in the case of animals, cloning is already used as much to perpetuate the lineages of animals with exceptional characteristics as to conserve species on the verge of extinction.  Similarly, human and animal cloning could well be deliberately used to defend biodiversity, just as much as to reduce it; that is, to preserve and spread desirable differentiations inside a given population, that perhaps would otherwise have been destined to disappear and to be reabsorbed, possibly in the framework of more general dysgenic trends arising from present-day lifestyles, ensuring their  transmission to the immediate offspring of the individuals concerned, and their protection from the genetic roulette of sexual reproduction.

Your reflections on technoscientific interventions on “man's humanity” seem to draw a fundamental line of demarcation between your position and the traditional outlook of the so-called “Nouvelle Droite”, with which you had connections in the past: in fact, when this French school began to think about technoscience and sociobiology, the positions they expressed were still too “rightwing” with respect to your current theses. At that time, that is, the challenge was that of “biological realism”: namely to show (thanks to Darwin, Eysenck, Lorenz, etc.) how inequality, conflicts, hierarchies and territoriality were “natural” facts, in opposition to the abstract ideology of judeo-christian and leftwing egalitarianism.  With Biopolitica, however, you sound closer to a form of “biological constructivism”than to a mere “biological realism” .  Is that so?

5752.jpgIn fact, the “Nouvelle Droite”, precisely from the moment when it accepted this appellation, has had a constant inclination to shun any sensitive subjects of a biological or biopolitical nature.  However, prior to that time, and even before I came in contact with its principal exponents, it had certainly played an important role in the divulgation and philosophical assessment on scientific (ethological, psychological, psychometric, genetical, anthropological, etc.) discoveries of the fifties, sixties and seventies of last century; thus reviving the debate and demystifying the idea, until the seventies almost taken for granted by human sciences, of man as a tabula rasa (see Steve Pinker, The Blank Slate, Penguin 2003), and of a humankind clearly set apart from the rest of the biosphere and internally undifferentiated, whose behaviour as well as individual and collective variations would be dictated by purely contingent factors.  But the alternatives innate/acquired, nature vs nurture, have always been a foolish and journalistic way of putting things, and in fact the nearly exclusive prerogative of those biased in favour of the second term of such dichotomies.  In evolutionary terms, it is clear for example that it is the environment which selects the variants found inside a species, or that allows genetic drift to act through the reproductive segregation of subpopulations.  Similarly, in the specific case of the human species, its specific environment itself, as Peter Sloterdijk stresses (op. cit.) is always a largely cultural product; therefore cultures are in fact large scale experiments in self-domestication and goal-oriented selection, especially when it comes to sexual selection.

But cultures, in their turn, even though they are subsequently transmitted by “memetic” diffusion, are necessarily the creation of a specific people, whose identity and composition are thereby reflected in a unique and unrepeatable way, reinforcing and modifying its characteristics via an altogether artificial feedback loop, thus defining lifestyles, collective values and correlatively differentiated reproductive successes for its members, and differentiated from one culture to another, from one society to another.  It suffices to think of something that is by definition cultural like languages: even today, as has been shown by, for example, Luigi Cavalli-Sforza (Genes, Peoples, and Languages, University of California Press 2001), the existence of a linguistic barrier drastically reduces, from a statistic standpoint and for equal geographical distances, the genetic exchange between communities; this in turn tends to create a more entrenched and complex diversity that is not only phenotypical.

It follows that, once one has accepted the idea that “God is dead” and that “man is summoned to inherit the earth”, it becomes immediately clear that also our own “nature” is destined to become, and this in a novel and deeper sense than has been true hitherto, the object of a culturally deliberate choice. 

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Therefore I cannot see, at least among the people writing at the time for the magazines and reviews of the Groupement de Recherche et Etudes pour la Civilisation Européenne or of Alain de Benoist, many believers in the doctrine of an eternal, uniform and immutable human nature, even though it is effectively a traditional reactionary Leitmotiv against “social” - but until the nineteen twenties also eugenic -  experimentalism by the European (but not only European) left. The contrary would have been paradoxical, given the French movement's insistence on anti-egalitarianism, and on ethnic and cultural identity.  It is not a coincidence then that Yves Christen, the author in the winter 1971 issue of Nouvelle Ecole of one of the best studies on pre-biotechnological eugenics of the time, wrote at the same time Marx ou Darwin, L'Heure de la Sociobiologie, but later, and more recently, Les années Faust. La Science face au vieillissement, which was one of the first French popular books on matters of longevity and on the possibility, now debated, of “forcing” current human nature to this effect.  There is as well no need to recall the firm and consistent bio-Faustian positions of Guillaume Faye – a character who has certainly moved away from what had in the meantime become the Nouvelle Droite, but who has made major contributions to its original thematics –; they are manifest throughout all his more strictly philosophical works.  Or even the convergent, though distinct, position of Charles Champetier, who at one stage was one of the animators of the French transhumanist movement, in particular with the site at http://www.lesmutants.com, and who published on Eléments the article “Avec les robots, par delà le bien et le mal”. Therefore, those who have been involved with such milieux and share the idea that the current biopolitical revolution is a central issue, are very unlikely to have “rightwing” positions on these matters. For those instead who have in the meantime “turned right”, mostly they are no longer interested in these issues, and when and if they are they appear more likely to be influenced by Arne Næss’s “deep ecology” than by the traditional belief that human nature would be universal and immutable.

What we're left with, out of the biopolitical efforts of the GRECE, is the positive element of “realism” your question refers to: namely that it is foolish to elaborate philosophical or sociological theories on, for instance, aggression or sexuality or social ranking without taking into account the extent to which these aspects are simply dictated by our evolutionary history and correlatively by our ethological, genetical, neurological and endocrinological make.  This element deserves to be retained, both in terms of amor fati to set against the various humanist frustrations on these matters, and in view of a later and deliberate development of precisely this biological “nature”.

51UVqg3ZDVL._SX325_BO1,204,203,200_.jpgIt is however undeniable that the age of genetic engineering, of cybernetics and of nanotechnology predisposes us, also conceptually, to a major quality leap. Many now explicitly speak of a “posthumanity”.  Would man, in fact, be destined to vanish like “a trace in the sand between an ebb and a tide” in the words of Michel Foucault? Who added that “man is a composition who only appears between two other, that of traditional past that knew nothing of him and that of a future than will no longer know him.  This is a cause neither of pleasure nor of lamentation”.  Is it not not a widespread opinion that manpower has already coupled with the power of another kind, that of information, and that together they compose something distinct from man, that is indivisible “man-machine” systems, where man has been inextricably linked up with third generation machines? A union based on silicon rather than on carbon?

Man is definitely a borderline figure, a “stretched rope” in the ultra-famous words from Nietzsche’s Zarathustra, and it is no accident that that humanism's final success (in the sense here not of the Renaissance’s Humanism, but as the fulfillment of judeo-christian theo-anthropocentrism, including in its nowadays dominant secularised version) has been raising, now for more than a century, the issue of going beyond man.  “Going beyond” becausethis appears, in the Wagnerian sense, what the “specifically human”, the rein-menschliches, really is; at least for those who see such “going beyond” precisely as our destiny, outside which one finds accordingly not only the renunciation to the “overhuman”, but also, as a consequence, to the “human” quality itself.  Now, if this issue has been with us for a long time, today is is our immediate horizon, both because of the new light in which we interpret man's relation to his artificial environment and because of the “quantic leap” represented by the (possible) coming of the “third man” already mentioned.  Even before Roberto Marchesini (Post-Human. Verso nuovi modelli di esistenza, Bollati Boringhieri 2002), Richard Dawkins emphasised how the traditional conception of the living individual as defined and limited by a “body” is no longer adequate, and replaced it with that of the “extended phenotype” (The Extended Phenotype: The Long Reach of the Gene, Oxford University Press 2002), in which the organism is a set of complex relations with the surrounding world, its parasites, its symbionts, its material and non-material tools, its nutrition and its predators.

If this is true, given that it isn't functionally possible to abstract an oyster from its shell or an ant from its anthill, before we even become cyborgs, we are already, all of us and increasingly so, what we have seen Gregory Stock call “fyborgs”.  Our cognitive, sensory, immunitary, digestive, locomotive, predatory capacities as well as those of mechanical work and of climatic adaptation, are radically mutated by a heap of tools, devices, procedures, interactions and techniques so powerful that their growth curve, after having increased at a steady rate for thousands of years, appears today to have taken on an exponential form.

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As Roberto Marchesini emphasizes in Posthuman.  Verso nuovi modelli di esistenza (op. cit.), it is naive to believe that all this points to changes in “the external world”.  It points, and always has pointed, to changes inwhat we are, not abstractly but practically.  This is just made more obvious when this metaphorical “body” is itself invaded by anything from dental fillings or hip replacements, contact lenses or pacemakers - but today much more radically and arbitrarily by cochlear and retinal implants, by plastic surgery, by subcutaneous RFIDs, up to the first experimental neuronal interfaces with digital devices and equipment.

And this process seems to be accelerating...

Clearly, owing to the stage, still rather rudimentary, of these technologies, they are mostly restricted for the time being to therapeutical  and prosthetic applications. Why replace two perfectly healthy legs with mechanical prostheses when any when any gain in performance thereby obtained would easily be outdone by a motorbike?  And above all, speaking for instance of man-computer interfaces, sight, touch and hearing have for thousands of years been selected for as preferential cerebral input channels, so it is reasonable to expect that before running into genuine bandwidth limitations we can look forward to a great many enhancements in our use of these channels.  Nevertheless, if fictions such as Robocop, Bionic Woman or The Six Million Dollar Man continue to view human enhancement as a response to very serious physical damage, today the athlete Oscar Pistorius has demonstrated how performances allowed by devices designed to palliate a handicap already enable humans to surpass what is considered as merely “normal”.  And if the shortcomings arising from the transition to “all-artificial” solutions will gradually be going away, our experience in matters of vaccination or mammary prostheses teaches us that the “remedial” goals will simply become less and less relevant in comparison with the desire to modify or to enhance characteristics deemed “just” normal. 

9782226216441_1_75.jpgNaturally, as Hervé Kempf writes in La révolution biolithique (Albin Michel 1998) , it is absurd to dread (or, for that matter, to look forward to) a world in which we would be transformed into the caricatural robots of sci-fi movies from the fifties.  In fact, while genetic engineering continues to work with the organic stuff that has always made us up, our fusion with “silicon” is in any case bound to take place on a different level (and perhaps never to take literally place at all, given that much of the most promising research in the field of information technology or materials science actually involves...carbon!).  In other words, save perhaps for the experimentalism or the “tribal” trademarks of minorities who are heavily into “body modification”, such a fusion is bound to happen gradually as part of a cross-pollination between technologies and cultural paradigms, in such a way as to make their encounter go both unnoticed and unannounced in a world of increasing flexibility, freedom and morphological reversibility.  Which of course can yield things either horrific or splendid, decadent or vigorous, depending upon their use, and also upon how their use will be perceived.

Here, nothing new under the sun...

In any event, today more and more thinkers with interests not only in technology, but also in philosophy or anthropology, ask themselves questions and imagine scenarios, above all interpretative, about the momentous metamorphosis under way, almost invariably on the basis of some consideration of the essence of technology in its relation to man, an essence which ends up representing a form of converging “unveiling”, in the Heideggerian sense, of the limitations of humanism and of the “modernity”, as we have understood it so far, which is anyway undergoing a crisis in its philosophical, anthropological, epistemological and axiological aspect.  And here I am pleased to notice a surprising vivaciousness and keenness on the part of the Italian intellectual landscape - something which stands in sad contrast to the generally devastated condition of technoscientific research in our country, for which sporadic centres of excellence unfortunately cannot make up.

In particular, if doomsayers of various levels of perception express, albeit with a negative prefix, an understanding of these matters remarkably similar to my own, from Severino to Galimberti to Barcellona to Esposito, Italy is still the land of syntheses between postmodern (or better, in the words of Riccardo Campa, post-postmodern) criticism and downright posthuman positions such as those by Roberto Marchesini, Aldo Schiavone (Storia e Destino, Einaudi 2007) and Mario Pireddu (see Postumano. Relazioni tra uomo e tecnologia nella società delle reti, Guerini 2006).  While these authors may reject the more folklorically eschatological or millenial aspects of a certain American transhumanism, they all clearly share a rejection of more or less chimeric neoluddite evasions and an endeavour to think a posthuman culture.

31uFPdXEK2L._SX289_BO1,204,203,200_.jpgReturning to the main tenets of the Nouvelle Droite, something very similar to the Eysenck and Jensen affair, who had obtained much support at the time by de Benoist and company, has happened to the well-known biologist James Watson, attacked because he recently declared himself “inherently gloomy about the prospect of Africa because all our social policies are based on the fact that their intelligence is the same as ours—whereas all the testing says not really”. What do you think of this statement and of the polemics it gave rise to?

Frankly, what is really striking about the Watson affair, even more than its merits, is the extreme and paradigmatic meaning it takes on by showing how far and deep the blanket of conformism and political correctness, which today essentially chokes freedom of thought, speech and research all over the planet, has actually reached.  Of course we all know that there are people, above all but not only in the US, who go around with Ku Klux Klan hoods, wear brown shirts or wave the flag of insurrectional anarchy, absolute monarchy, satanism or stalinism.  All this is intermittently repressed, viewed at worst with a kind of resigned annoyance, but in reality it is mainly perceived as functional to the maintaining of status quo.  First of all, as a visible manifestation of an Evil for good citizens to point the finger at, in an Orwellian “Three-Minutes-Hate” style; and secondarily as a spectacular safety valve -  and sterilisation device - for whatever “drives” of radical dissent there might exist, whose most dangerous exponents are “emulsified” from the rest of society, and now and then eventually “skimmed off” via legal action and other means.  But all this concerns only the lunatic fringe, openly defined as such, and who in their heart of hearts is often all to happy to remain a lunatic fringe.

And therefore nothing to do with Watson...

Not at all: James Watson is a Nobel laureate, a certified genius, especially as the discoverer, together with Francis Crick, of DNA - a scientist whose towering figure has impacted on the whole of the twentieth century, on par with Heisenberg, Gödel, Chomsky, Einstein, von Braun or Lorenz.  At the age of eighty and at the end of his career, free from tenure, assignments or funding concerns, financially independent, author of many bestsellers still in print, all but outside the political arena, he could be considered as one of the least vulnerable of all people, be it to blackmail or to reprimands by the intellectual establishment. And yet, because of a passing remark, quoted out of context, he has been forbidden to give talks and to present his latest book anywhere in United Kingdom, has been pilloried by the media all over the world, has lost his (now nearly honorary) chair, which he has held for over forty years in the Cold Spring Harbor Laboratory, in addition to which he has been unconditionally and irrevocably banned by representatives of academia, by public agencies and institutes, by scientific boards.

71FbXk06QtL.jpgThis reveals the abyss between contemporary political correctness and what Alain de Benoist and others used to call “intellectual terrorism” in the seventies, for example with respect to the polemics over the outcome of psychometric research, on which de Benoist’s publishing company, Copernic, published in France a book called Race et Intelligence, signed Jean-Pierre Hébert.  At this time, Hans Jürgen Eysenck or Arthur R. Jensen were definitely attacked, even physically attacked, by a minority of politically active students, and  were prevented to speak on a few occasions.  But the controversial nature of their research was certainly not an obstacle to their invitation to public debates or to having their work printed, and in fact few public figures, even among their most scandalised opponents, openly admitted to wishing more than anything that their ideas be challenged and confuted.  Even in 1994 Richard J. Herrnstein still managed to publish, passably untroubled, The Bell Curve (Free Press 1994), on the bell-shaped distribution of intelligence, the conclusions of which were taken seriously at the time, despite the ritual anathemas.

And today this is no longer the case? What has changed in the meantime?

In the meantime what has happened is that “leftwing” students have become civil servants, politicians, intellectuals, researchers and administrators, who are by now totally integrated in the system, and mostly converted to conservatism; but their openness to freedom of speech and heretical opinions has not changed, and has even grown ever narrower because of influential positions held, mutual reinforcement, and the awareness that they are no longer part themselves of a vulnerable minority. Worse, the radical blanket described earlier has spread globally, implicating, if not the whole planet, at least the whole “Western” sphere.

But let us get to the merits.  What Watson said is a banality that has time and again been confirmed by empirical data.  The so-called “intelligence quotient”, just like most quantitative and measurable characteristics within a population, is distributed so that its curve has a “bell shape”.  This distribution curve, in other words, starts off with a small percentage at very low levels of the variable in question; then it grows, slowly at first, then more steeply, until it flattens out around the mean value; after which it decreases, and finally once again asymptotically tends to nought as it little by little approaches the most extreme, highest values.

Now, as is the case for practically all genetically influenced characteristics, the “bells” representing different components of the same population, or different populations, are not superposable at all.  More specifically, they can have a different shape (be for instance steeper or flatter), or their barycentre might be further right or further left on the axis of the quantity under consideration.  Hence, the remark, whenever their performance in solving IQ tests is measured, the average results of Ashkenazi Jews are higher than that of other “whites”; that “yellow” people have sharper differences between their average and maximum values; and that the performances of Americans with a recent African origin are lower than the US average, and those of individuals of the negroid race still living in Africa lower still.

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It is also the case that other characteristics or abilities (from velocity in sprinting, to the efficiency of the immune system, to empathy, to longevity) can yield, and do yield, entirely different results.  Not only that.  Contrary to the implications of the cheap irony dumped on Watson by an ignorant journalist with reference to the presence in his DNA (made public by himself) of around 16% of negroid genes, consistent with the existence of an unknown great grandfather or great great grandfather of African ethnicity, the scenario here described does not in any way exclude, and even foresees, that there must exist individuals belonging to populations exhibiting lower results who present values even noticeably above the average of more “favoured” populations.

Finally, in the case of intelligence quotient, even the researchers who give most weight to its innateness still regard the hereditary factor to account for no more than 70% of the differences encountered in our species, which at the individual level leaves quite a lot of room for the action of educational and environmental factors.

If this is the case, how do you explain the number of scandalised protests such studies give rise to?

In fact, I think that such reactions betray the biases of protesters more than those of the researchers in the field of psychometry.  In reality IQ tests measure only...the ability to succeed in IQ tests. As such, their results should not be taken more at heart than tests tests measuring the average tallness of a population; and, even less, interpreted as a value judgement of general nature on the individual concerned.  Indeed, they could even in theory be used to justify supportive measures or policies of “affirmative action”, along the lines of - just to make a quip - remedial baseball lessons for white Americans, hypothetically at a statistical “disadvantage” in this sport. 

Be that as it may, there is a problem.  Results in “intelligence tests” are statistically correlated - after all, that's what they exist for - on the one hand to scholastic success (not in terms of popularity among peers but in scores achieved), and on the other (even though to a weaker extent) to “success” tout court of the individual concerned inside contemporary Western societies, especially in social and economical terms, everything else being equal.

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The latter qualification is however of the utmost importance, because even though our societies love to fancy themselves as denoted by a high degree of social mobility, wealth is in fact mostly transmitted by inheritance; and in any event it automatically buys one’s own offspring, real or presumed, a better education, more important family connections, status and reproductive partners of better quality, thus contributing - also thank to a discrete level of class endogamy - to minimise in real terms any contemporary “circulation of the élites”.  Besides, many of the most resounding cases of upward social mobility in the West are in fact not correlated in the least with traits that could hypothetically be measured by an IQ test, but for example to physical appearance, sheer luck, or to one’s athletic performance in some sport or there.

For this reason, what the results coming out of IQ tests really hint at is basically the degree to which an individual has adapted to contemporary Western societies and to its mechanisms and selective criteria.  Now, it is obvious that this risks amounting to an ultimate value judgement for intellectuals and journalists blindly convinced of the objective superiority of this social model (“the best of all worlds”) over any other that exists, has existed or even has just been speculated about; and of the manifest destiny of this model to establish universal and eternal hegemony through a global uniformisation. And, even more, for intellectuals and journalists convinced that one’s socio-economical success in such a society represents the only, or at least the only relevant, objective criterion of differentiation among human beings, the goal suggested right, left and center to each and everyone, and the objective measure of everyone's worth.

It becomes therefore totally irrelevant that what IQ tests measure does not necessarily say anything about the fitness or the probability of success of the subject in other contexts, be these the jungle of Borneo or the Tibetan religious hierarchy or a youth gang in the Bronx, or - more important still - about other personal characteristics that might matter just as much or even more than one’s chances to get wealthy. And, at the same time, many regard as morally intolerable, not to mention politically unpresentable, the fact that obviously populations that for longer have  been adapting and selected (for better or worse) with reference to this model perform better according to the parameters, in no way universal, defined by that very model.

This is also what critics of IQ tests stress, without realising however that the fact that the tests are “culturally biased” is a truth at once much deeper than they think, and a truth inevitable in any kind of test, given that it is impossible in general to make measurements independently of the choice... of what one intends to measured. 

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In the light of all this, Watson's statement, according to which it is naive to expect that African societies will easily and rapidly be transformed into “perfect” Western societies, appears less “scandalous” than many claimed...

I should rather say that Watson’s statement seems in fact rather plausible.  Likewise, it is just as plausible, precisely in addition to what has repeatedly been confirmed by test results, that on average individuals in the American society who belong to to unfavoured social classes and/or originate from different ethnic groups may well on average achieve inferior results in what are the specialities of their “landlords”.

This also implies the paradoxical consequence that an Afro-American who attains the highest status in the American society is probably better adapted than a white American at the same level - more “intelligent”. This because not only has he had to excel in normal social competition, but he has also had to confront the natural presumptions created by the generalisation in his contacts (including perhaps in the same interested minority) of their own empirical direct and indirect experiences.  Thus, he is on average likely to be more economically ambitious, more conformist, more diligent, less scrupled, to have a higher IQ, and ultimately to possess a combination of these and other factors which may be useful for success in the relevant society that is on average higher than that enjoyed the members of the class, race or ethnicity generally favoured.

All this in fact seems to correspond to basic sociological, psychological and anthropological considerations.

That's right.  In addition, if the conclusions, in terms of biopolitics, that one might draw from them are several, and potentially contradictory, since they depend on fundamental choices of values, I still believe that one cannot get away from drawing conclusions.  For example, in the sense of moving beyond the ideology of the tabula rasa that still prevails in social sciences and popular culture; or in the recognition of  an inevitable phenomenon of “regression towards the mean”, in this case in terms of populations, that the prospective of a perfect melting pot - which would eliminate almost all forms of genetic drift and oriented selection depending on ethnic, cultural and environmental contexts – inevitably involves, to start with in terms of decreased biodiversity, flexibility and richness of the species' gene pool.

Also in this respect do the prospects of self-determination opened up by the biological revolution remain equally open.  We may expect, and hope, that the human species grows beyond itself in manifold ways and following a plurality of ideal models; or else we might end up with a universally imposed idea of optimality, of the “Ken and Barbie” variety, according to which, if today Michael Jackson displays his skin-deep ethnic pride by having himself depigmented, tomorrow African societies or ethnic minorities might basically be offered a biological uniformisation, both ethologically and intellectually, as well as at the level of mental processes, to values that are in fact “white”, and that actually one may well consider relative and instrumental also from an Europoid point of view, all the more so since these do not define any ultimate or objective concept of intelligence even in this more limited context .

It is indeed arguable that relatively remote ages of European history, is spite of the likely poor results their contemporaries would obtain in today’s tests, actually demonstrated lower vibrancy or creativity in any plausible sense. On the contrary, many consider our own achievements at least in part to be  the feats of dwarves on the shoulders of giants. In any event, it is true that in other times highly estimated parameters for the evaluation of someone's intellectual capacity consisted in the ability to memorise a huge quantity of formulae or facts, or to effectuate mental arithmetical operations on many-digit integers, in the manner of “idiot savants”. Today, the idea of endeavouring to genetically engineer, or eugenically select for, such a capacity would appear comical.  For tomorrow, it seems reasonable to expect that some abilities, which allow an individual to score very highly on IQ tests, will see their importance maintained or increase; others will see theirs decrease; others still will become completely irrelevant in comparison with entirely different abilities that perhaps are currently underestimated.

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One question that nevertheless lies “at the heart” of the Watson affair and that permeates, though more or less silently, all current debates on biology and genetics, is the one about the existence of races. The holy scripture of political correctness unambiguously informs us that the concept of race has no scientific value and that any statement to the contrary is a sign the utterer is a dangerous enemy of humanity.  How are things in fact?

Actually, my impression is that no one has any trouble admitting the existence of different races of horses or tigers.  The same goes for races of plants, commonly called varieties (when the latter does not simply refer to the... sets of clones of a single individual).  The taboo really concerns only human races, and it subjected to the “specieist” - even though allegedly “anti-racist” - view that men would be both of a nature and value transcendentally different from that of all other living beings, and at any given time essentially equal to one another – a concept the genealogy of which, especially religious, is easy to reconstruct.  This idea of “separateness” and “homogeneity” is besides easier to sell inasmuch as, if Sapiens are today divided in races and scattered all over the planet, on the other hand they are also the only and last surviving species of the Homo family – a scenario, for that matter, subject to change if ever a  research programme actually succeeded with the reconstruction and cloning of the DNA of Neanderthal specimens or with reverse engineering their genome and restore it to a living organism.

It should be pointed out, however, that the taboo this matter has been subjected to is increasingly running out of steam.  It proved impossible, for instance, to censure the news that, according to recent American research, the human immune system varies from race to race, with considerable differences from one ethnic group to another, something which has of course resounded in matters of pharmaceutical research and practice.

Not only that.  The taboo in question manifests its schizophrenic nature also in policies of positive discrimination (that aim to promote or protect the components of a given social group by reserving them exclusive quotas), or that target the repression of possible racially based discrimination.  Policies that are inevitably obliged to first of all acknowledge the reality of the racial fact.

What is it all about anyway?  The matter is made more complicated by its historical and psychological load, but is routinely dealt with by population genetics, and I discussed it quite extensively in the already mentioned essay Biopolitica. Il nuovo paradigma, not only out of abstract anthropological interest, but because the issues involved are of crucial importance to understand how current biodiversity arise inside our (and other) species, and how it could be preserved and developed rather than being gradually depleted.  A race is, as Dobzhansky says, nothing other than an abstraction of the identifying features of secondary Mendelian populations within the same species.   To manipulate such a concept it is not necessary to adhere to the “realistic”, platonising vision of 19th century positivist anthropology, according to which there are, or at least there were, “pure types” - from which present day real organisms would have descended via hybridisation -, let alone resort to concepts such as “spiritual races”, which basically boil down to metaphors since it is indeed difficult to understand how such a concept could ever be applied to races of ….canary birds.

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Today, genetic analysis brings an original contribution to the identification and definition of racial identities; a contribution that adds to, rather than replaces, the traditional typological classification.  In fact, if the combined resultant of all the possible genetic gradients or variations in the distribution of phenotypic traits had been uniform, the genetic frequency would increase or decrease regularly by so many percentage units per mile covered in a given direction.  With uniform gradients the boundaries between races could only be arbitrary; and races would be no more than  “ideal” models.  On the contrary the gradients are often very steep in some directions or zones, and softer in other.  Theodosius Dobzhansky writes, in Genetic Diversity and Human Equality (Basic Books Inc, 1973): “Consider two gene alleles, A1 and A2, in a species with a distribution area 2,100 miles across. Suppose that for 1,000 miles the frequency of A1 declines from 100 to 90%; for the next 100 miles from 90 to 10%; and for the remaining 1,000 miles from 10 to 0%. It is then reasonable and convenient to divide the species into two races, characterized by the predominance of A 1 and A 2, respectively, and to draw the geographic boundary between the races where the cline is steep.”

Hence,  it is perfectly true that “races don't exist” (and neither in this sense do species, families, genuses, phylae, kingdoms), inasmuch as they don't correspond to any tangible reality, but only to taxonomic criteria which defines, as is the rule in these cases, a model founded not on intrinsic characteristics, but simply on tendential, statistical or deterministic differences that might exist, with respect to an inclusive set; something which does not prevent species or race to remain useful, albeit ideal, concepts, at least as useful as that of “ideal” rectangular triangles or pendulums.

Indeed.

But there is more.   The specific connotations pertaining to races are even more meaningful when applied to artificially selected races - and by definition, human races can in any event, following hominisation, at least to some extent be considered among these, and as the work of processes of segregation and oriented selection applied by man upon himself within the framework of a process of self-domestication that lasted for tens of thousands of years.

Hence, we are perfectly aware that a Dobermann is not the incarnation of the Platonic form of the Dobermann, to be found in some celestial realm, which at the beginning of time incarnated in an imperfect earthly copy; and that, on the contrary, it is the result, via standard breeding techniques, of the gradual approaching to to a goal, to an idea... held by Mr. Dobermann himself. 

What is less often considered is that, as Peter Sloterdijk remarks, the transformation of human societies, also from the point of view of their biological substrate, is through and through the result of analogous, albeit more implicit and less deliberate, developments.  Thus, the true novelty that regards today's world is that presently technoscience has at the same time brought these processes beyond the brink of consciousness and/or started a debate about them; so that they can be maintained or developed for the future - perhaps, who knows, up to and beyond the limits of speciation - only by a deliberate choice for biodiversity, biological becoming andposthuman change

This is by the way what most deeply worries the bioluddites, for instance Jürgen Habermas who warns us (The Future of Human Nature, Polity 2003 p.121 footnote 34) against what he calls the “uncanny scenario” of a “genetic communitarianism” according to which various subcultures will pursue the eugenic self-optimizing of the human species in different directions, thus jeopardizing the unity of human nature as the basis, up to now, for all human beings to understand and to mutually recognize one another.”

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Except that such a unity, unless as an ideological aspiration, has never existed, no more than have ever existed the “pure” racial types of 19th century anthropologists; and that it is at the best one of many alternative prospectives that are proposed to today's world, and certainly for many not a very alluring one.  Indeed the contrived convergence towards a unique model of humanity presupposes after all the reduction and the destruction of human diversity in favour of a single paradigm said to be, as in the typical theorisations of American racism, objectively and universally “superior”.  Argument which not only is unacceptable to whoever defends instead positions of cultural relativism, but would also require a really extreme degree of alienation in order to obtain the support of those whose specific ethnic identity would, in this case, be doomed to be wiped out in the context of objectively genocidal proceedings, no matter how “peacefully” and “inadvertently” they are supposed to take place.

Another spectre that is regularly raised at the same time as that of racism concerns eugenics.  This topic is viewed as particularly “sulphurous” but has antecedents even in “liberal” or socialist circles, and finds some of its first theoretical expressions in Plato.  But is it really necessary to equate measures of a eugenic kind to Orwellian, consumerist and massifying scenarios, like those found in dystopic and “humanistic” Hollywood films?

Eugenics is indubitably the object of Freudian, hypocritical repression nowadays.  Nevertheless, one can say that eugenic concerns are an implicit constant in most post-neolithic cultures. What comes to mind are the practices that most stir modern sensitivity, from the mount Taygetos and the Spartan agogé, to the Tarpeian rock in Rome, to medieval exposing of newborns, all the way to the “mabiki” (a euphemism which refers to the trimming of the leaves of the weakest rice plants to allow the better development of the other plants) practiced by Japanese midwives until the Meiji Restoration and beyond.  But it is enough to think also of the typical exo-endogamic regimes in matrimonial matters, or of the taboo relative to incest as a potential guard against monozygotic individuals with harmful recessive traits.

However, the real and true question of eugenic flares up with the advent of the Darwinian revolution, and of Mendelian genetics, which has been considered one and the same with eugenics for a long time.  And this in front also of a contemporary dysgenic risk, in itself very real, given that few believe that the change – and partial removal, via modern life styles and medicine as well as the decline of reproductive differentials – of “traditional” selective factors leads per se the genetic pool of one's own community of reference in a desirable direction. 

However, eugenics, before becoming “cursed”, also as a consequence of all modern ideologies becoming increasingly marked with the humanist seal, has been perceived for a long time – and essentially until the nineteen thirties – as a “progressist” theme, since it was linked to concerns about the evolution of society in general and correlated with the latter “taking charge of itself” also biologically, to the extent that even USSR intellectuals and scientists promoted its study. Of course, where the term is put in universalist, moralist, classist terms, it quickly risks leading to grotesque results, like the mania for sterilisation as a penalty and a form of social control (the “Indiana Idea”) that was all the rage in the United States from the beginning of the nineteenth century until the New Deal, with the ultimate blessing of the Supreme Court, going as far as ridiculous bills for the compulsory sterilisation of car thieves, or to Theodore Roosevelt's timocratic programs of selective breeding, and all the other more or less bizarre examples quoted by Jeremy Rifkin in The Biotech Century (J P Tarcher, 1998). 

On the other hand, as Jürgen Habermas stresses in The Future of Human Nature (op. cit.), our time brings also in this respect to completion a certain kind of change, which radically alters the scenario we face on eugenic matters.

Could you expand on that?

Certainly.  As a matter of fact, the rather ideological and biopolitical substance of one's chosen position with respect to eugenics is today accentuated by the increasing erosion, because of technoscientific progress,  of thesubjective costs of eugenic practices. Such costs have been in constant decrease, from the moment that the exposure of newborns and the strict parental or communal control of mating were succeeded by chemical or surgical sterilisation of heavily retarded individuals as well as by birth control; and that these are succeeded by prematrimonial anamnesis; and that this one in turn is replaced with prenatal diagnosis and genetic screening; and these are going to be supplanted by IVF with embryo and gamete selection, and finally by the direct and actually “therapeutic” manipulation of germlines, In fact, with respect to contemporary and upcoming procedures, the natural empathy for the individuals concerned militates in an entirely favourable sense, to the point of rendering their unconditional rejection  an increasingly embarassing and untenable position also in view of the humanistic, hedonistic and individualistic values of the prevailing worldview.

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According to Gregory Stock (op. cit.p130), statistics show that today 90% of US couples, catholics included, who discover by means of prenatal tests that they are expecting a child affected with cystic fibrosis already choose to abort it. Obviously, the percentage of them that would accept to have deliberately implanted an embryo affected by such a pathology, that is what the Italian law on IVF insanely wants to impose, would be much lower than the modest 10% of Americans who are ready to carry forth an already commenced pregnancy with an affected foetus.  It is legitimate to suppose that even smaller would be the percentage of people who would make such a choice precisely when it would be possible to remove from the embryo - and from all its descendants - the disease, to the benefit of everybody.  So the spectre of State eugenics is destined to remain no more than... a spectre, given that there is no plausible reason in the first place why a legal enforcement of eugenic measures would be required.  If anything, in our near future, very large enforcement efforts would be requiredto prevent their generalised adoption.

There remains however the issue of socio-cultural, rather than legal, norms that will direct the concrete utilisation of such techniques, from the selection of the reproductive partner as a function of his genetic traits to the selection and modification of the embryo.  And here, once more, emerges the potential for disaster, at least for whoever cares for the biological wealth and diversity of our species, not to mention its flexibility and its long-term evolutionary capacity, of the technologies in question. 

Indeed, it seems clear to me that the hegemony of a universal, intercultural, monoethnic, standardised “Ken and Barbie” model, particularly through the cultural alienation of all the peoples inhabiting the planet by means of the globalisation process currently in place, risks seeing eugenics turning from an instrument of communitarian self-assertion and self-determination to an additional factor - together with the vanishing of genetic drift and diversification of selective mechanisms via an Umwelt stabilised and uniformised on a planetary scale – of an entropic “end of history” in the terms described many years ago by Julian Huxley in Brave New World.

This last point is very interesting and certainly involves more than the issues directly related to eugenics.  We just said that biotechnologies could well yield “inhuman” rather than “overhuman” results, if left in the hands of powers that use them only with private and short-term interests in view.  Yet, for you, such a decidedly undesirable outcome has nothing to do with the technologies themselves but with the use one might make of them.  This may well be true. But in practice, if one has to take a concrete political stance, one is bound to take the present situation into account (that of a mercantilistic world essentially ruled by multinational conglomerates), not some hypothetical Futurist, posthumanist scenario.  Agreed, biotechnologies could serve as well a project aimed at the “regeneration of history”; but, as things are now, we are heading in the opposite way.  Should we not first of all confront this kind of situation?  Following your advice, aren’t we running the risk of accelerating towards a dead end in the name of a “new beginning” that may certainly be desirable but that we cannot realistically envisage in our immediate horizon?

Such concerns are altogether legitimate, but the explosion of the “old world” is definitely a requirement for the the possibility itself of a new beginning to exist.  On the other hand, unlike the Apostles or Marx - but in this sense also unlike Guillaume Faye, who professes to believe in the ineluctability of  pending “catastrophes” (scientific, economic, social, ecological, etc.) - I do not maintain that such an explosion is inevitable.  I am more inclined to see the end of history as a gloomy “eternal and never concluded ending”, a kind of possible “crystallisation” of modernity, but in a very different and much more extreme way than what we have experienced until now.

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Some processes cannot be reversed; man's increasing power over himself and over his environment cannot be easily renounced; the “abyss” of a possible alternative to the ongoing Freudian repression of such power opened its gape as early as the 19th century and can be kept shut, to make certain no one looks inside again, only by means of a constant pressure.  Such surveillance would necessarily lead to, on the one hand total social control, on the other to our relying on ever more impersonal and “rational” mechanisms to govern the System, so that any temptation to take charge of one's own destiny may be prevented and defeated as soon as it rears its ugly head.  We are already witnessing for example the voidance of formal “liberties” and privileges (out of many different grounds such as preventing the access to others' personal data, limiting the risk of bacteriological or digital attacks, obstructing the unrestrained circulation of news and opinions, etc.); also, in the last years we have seen the gradual obliteration, in the same way, of the principle of non-interference, of self-determination, of “electoral” legitimisation of governments etc., since maintaining all that becomes ever more incompatible with the stability and necessary globality of the System.  All this does of course fulfill the promises of the System itself, but in a very peculiar way, which, when perceived for what it is, is not especially enjoyed even by the peoples more fully subjugated to its official doctrines, and which besides results in perpetual contradictions.

Today the System uses technology, it cannot do otherwise, and needs it in ever larger doses, but at the same time in technology it finds problems and questions that it cannot address.  In this sense, it is, if anything, the prohibitionist movements and opinions, the restriction of the circulation of information, the proposal for instance of compulsorily “freezing” investments in GNR (genetics, nanotechnology, robotics), the attempts to “regulate” Internet, that try to control these same contradictions in view of the above-mentioned “crystallisation”.

Fukuyama however is no longer talking about the end of history, but of “our post-human future” (Our Posthuman Future: Consequences of the Biotechnology Revolution, Picador 2003). Of course he does this to denounce it and to ward it off, insofar as this can still be done; but I think that, for those who does not share his value system, his current pessimism on these issues is indeed reassuring.

Hence, your line of argument seems to contradict the equation that  underlies almost all “antagonistic” discourses, be they left-wing or right-wing: the one between the “modern world”, “Western society”, “capitalist system”, “globalisation” or “one-worldism” on the one hand, and the global deployment of technology on the other. But how is it possible to establish a contradiction between these two environments given that, historically speaking, the Western system has expanded at the same rhythm as the imposition on a planetary scale of a certain kind of technological development?

The techné, even though it can be considered in general terms as congenital to the “specifically human”, certainly represents something that has been developed and thought out in a very peculiar way in the (Indo-)European context. At the same time, it is probably reasonable and justified to suspect that modern technology - as it is the case for the great and unique blossoming of tonal, polyphonic music - is closely linked to the West, a culture to be understood as a “compromise” between Europe and Judeo-Christianity, but more accurately as the impact of the long-standing monotheistic repression of the European collective subconscious, and of the contradictory process of secularisation and emancipation that this repression gave rise to with the Renaissance.

Hence, in this sense, the planetary generalisation of technoscience does certainly have a “Western” matrix, and does represent a disruptive factor with respect to the identity, diversity and sovereignty of the peoples, that is objectively functional to processes of globalisation.  But such a role can indeed be reversed.  If thousands of years of post-neolithic cultures, and especially two centuries of industrial civilisation, are (also) bringing about diminished biodiversity, environmental degradation, dysgenic consequences, today the only remedy to this situation is an “excess” of technology and development - beyond the neoprimitivist dreams of the ideology ofDegrowth that has  been so successful among the most decadent circles of European extreme right and extreme left.

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This “excess” of technology is however hardly compatible with a final success of a globalised, entropic, neocapitalist system and with an “end of history” that this one would be destined to implement to according to the hopes of its own prophets like Fukuyama.  As Valérie Merindol illustrates well in La recherche et la technologie, enjeux de puissance (Economica 2003), there are well-known reasons for the constitutional incapacity of the Market to invest in breakthrough technologies or in paradigm shifts or in fundamental research, and more generally in high-risk mid- or long-term projects, let alone civilisational projects.  And there exist, moreover, cultural factors (in the strong, anthropological sense of the word) that appear decisive for the possibility to maintain a certain pace of technological development.  In this light, today's dazzling technoscientific achievements do not appear at all reassuring, and  sometimes they even make one wonder if they are not just the last hurrahs of a very large momentum doomed rather sooner than later to die out.

In what sense?

For example, rockets and digital computers, DNA and mutations, the atom and the evolution, automatic recording, reproduction and transfer of data, images and sounds, microscopes and pathogens, antibiotics and internal combustion engines and quantum mechanics, all this was invented or discovered during a span no longer than a human life, roughly speaking between 1870 and 1950, corresponding to an acceleration, a “incandescence” of history which manifested simultaneously in all fields of social, political and cultural life.

Many of the things achieved afterwards can be regarded as a refinement, an improvement, an application, a byproduct of things imagined, planned and designed in this period, and this only where such developments actually exist in the first place.  The Western citizen of the seventies had good reasons to believe 1982 to be a plausible date for the first human mission to Mars or for the construction of the first nuclear fusion plant, and crossed the Atlantic on supersonic airplanes that have not been in circulation for a very long time.  The United States, after the eventual retirement of their disastrous Shuttle, have to resort to Russian technology of the time of the lunar conquest (!) to transport Chinese low-tech gadgets to the orbiting trashcan pompously called International Space Station.  The average speed of transportation by land, sea, air and space has not changed for a very long time now, and their respective records have also remained stationary.

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All this makes one doubt the fact that the present-day “Western system” really represents an engine for technological development, instead of a socio-economical mechanism that has become a freeloader to an historical legacy that is much more complex, yet whose own technoscientific hegemony is today questioned by countries that are, if not absolute outsiders, at least “periferal” to this legacy, such as China, India or the Russian Federation.

You just mentioned technoscience as the “emergence” of a restless Indo-European spirit that is emancipating from the grip of the “single-track” Judeo-Christian thinking.  Nevertheless in Greek thought we undeniably find at the center many not-really-Faustian references to the “golden mean”, to “temperance”, to the Olympic condemnation of “Prometheism”.  Vice-versa, various analysts have stressed how Christianity, through “disenchanting” the world, would be the origin of the development of modern technology.  Your Futurist theses on biotechnologies might seem, in this light, much more “christian” than “pagan”...

In reality, Titanism, Prometheanism, subversion, excess, are concepts the meaning of which changes with the context where they are immersed.  Let us  analyse more specifically the myth of  Prometheus.  It is absolutely obvious that the myth of Prometheus was perceived by the Greek in a totally different way from how it was later taken up in the Romantic, and finally overhumanist, milieux, because the Greek identified with their gods; and their feelings of empathy, if any, were more likely to go to the  eagle condemned to a monotonous diet of liver for all eternity.  But what does the Titan really represent? It represents the eternal return, from obscure, immemorial and telluric roots, of a prior and defeated religiosity, which threatens to rise anew to exploit, steal and adulterate the “lightning”, the “fire” of the new Olympian order, or like Lucifer the “light”, and subjugate it to perfectly blasphemous ends.  And its figure essentially represents a warning that we must constantly to be on our guards against all this, because the human and cosmic order will never be integrally realised or perennially granted.   

Now, one has to be ideologically blind not to see how the myth has come to mean the exact opposite when it is “the religion of the Greek”, the Indo-European paganism, that finds itself playing the part of former and defeated religiosity, and yet destined to return eternally, faced with a new historic trend and worldview that has victoriously exploited and distorted its historical dynamism, and is even succeeding in establishing planetary hegemony. 

Hence, in a more confused fashion for the Romantics - including aspects of romanticism that would end up in what positively are palingenetic dreams, but of social and eschatological nature (“the proletarians who shake their fetters”) - then more explicitely with overhumanism, up to the archeofuturism of Faye or to transhumanism or with Marchesini’s praise of hybris, Prometheus becomes a hope, a promise, an example; hence, it becomes the very symbol of man's tragic destiny and of whoever demands to incarnate it.

Nevertheless, as Nietzsche said, “the Greek do not come back”.  Desacralisation, the “disenchantment” of the world, whatever aversion or regrets it might provoke, has taken place.  Therefore,  the death of the Judeo-Christian God also meant the death of the pagan gods, whom its presence indirectly and inevitably kept alive so far, as a kind  of “relative antithesis”.  After two thousand years of Western civilisation, after the establishment of a globalised System, a “new beginning” could not be imagined simply as another cycle (of the type of “the Doctrine of the Four Ages”), and not even as a new Spenglerian civilisation: Spengler himself rules this out, for example in Man and Technics (University Press of the Pacific 2002).

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For this reason it is necessary, in order to claim an exemplary origin, to refer to something as distant and as radical as the neolithic revolution, and to the “higher magic” with which the Indo-Europeans mastered it.  Judeo-christianity, and more generally the “Western civilisation” that was born with its arrival in Europe, irrevocably belongs to our past.  It is not the past the legacy of which those who share my worldview claim as theirs, it is  a past (and a present) that I fight and want to overcome. But we are also aware that attempts at Freudian repression would lead to nothing other than to a “return of what has been repressed”, it would take us to nothing else, as in Santayana's well known expression, than having to relive it again.

Therefore, a true overhumanism is post-Christian and post-modern, not pre-Christian; neopagan, not pagan. As Heidegger says, when the world strikes midnight, lest we fall back into nihilism, we can do nothing other than lend our ear to the sound of the new gods calling out beyond daybreak's horizon.  Today, however, as Nietzsche explicitly indicates in Thus Spake Zarathustra, these new gods can be no other than ourselves; they can only be the result of our conscious creation, of a “superhuman” choice against that of “the last man”.  As for what has been called “technoscience”, given that nothing similar has been produced in other areas where biblical religion eventually prevailed, we might at most consider it, as already said, as a sublimated fruit of the repression worked by the Judeo-Christian tendency on the European collective subconscious and one form of the latter's final rebellion, another being represented for instance by the grand adventure of tonal music. 

However, in the sense clarified above, it is perfectly true that without Christianity no Bach, Beethoven and Wagner; no Linné and Heisenberg, Marconi and von Braun. 

Today it is the “fire” of this complex legacy that the overhumanist titanically wants to make his own and to set to the humanist Walhalla, so that the twilight of today's idols already announced by Nietzsche may be consummated.  Besides, the historical experience of last century shows us how rethinking and deploying the potential of modern technology is an obligatory step of any possible dream of power and freedom; and how such rethinking could entail a prodigious acceleration of that same technological capacity.

As Heidegger also writes, although he is perceived by many as adverse to the world of modern technology: “What is really worrying is not that the world is transformed in something entirely controlled by technology.  Much more worrying is that man is not at all prepared for this radical mutation of the world.  Much more worrying is that our speculative thinking does not enable us to adequately cope with the events of our time.”

You have defined your vision as being “postmodern”.  This is interesting also in relation to what we were saying a little earlier on the connection - unnecessary and rather, little by little, ever more problematic - between technology and the “Western system”.  Similarly, I believe to detect in your wording a chipping away at the binomial ideological modernity - technological modernity, that has already been prophesied, be it with opposite value judgements, by Faye and Habermas.  Your biopolitical stance is therefore “postmodern” in the sense that it tends to stress only one aspect of modernity (the one Faye would call “sensorial”) and to provide it with an entirely new philosophical armature, in order to give rise to a new combination that already looks beyond modernity itself. Am I correct?

In fact, the first thing that partisans and opponents of modernity had better realise is that modernity is long since behind us.  The beginning of its end coincides with the death of God, that modernity too contributed to kill, and commences to take root in people's minds at the eve of the First World War, despite endless lags that continue to this day, especially at the level of popular culture and of the values implicit in the power system in place. 

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At least at a theoretical level, it is exactly modern science, the one, born with Galileo, Leonardo, Giordano Bruno, which coincides with the advent of the modern era, that has, together with critical thinking, undermined the presuppositions of modernism. After having progressively demystified the legacy that the moderns not wrongly defined as “obscurantist”, it ended up by demystifying also objectivism, positivism, naive rationalism, the progressism à la Excelsior Ball, the ethical universalism that represent modernism's most salient features. 

This is manifest, to go back to the topic of this interview, first of all in the understanding that science finally allows us of “the specifically human” and of life from an ethological, genetical, sociobiological, biochemical, populational, psychological, neurological, ecological, evolutionary, etc., point of view. But it is even more obvious, if possible, in the field of the hard sciences and of scientific epistemology itself.

Of course, like all great historical phenomena, modernity has a fundamentally ambiguous meaning, that does not derive only from its composite nature or from the historical phenomenon that Jules Monnerot defines as heterotelia (and that represents the inevitable drift of actual historical developments in comparison to the intended goals); but more radically from the perspective of the “present” inside which the phenomenon itself is looked at – a present that is first of all defined on the basis of the future that each of us wants to envision.

Interesting.  To what perspective are you referring?

For example, with respect to the monotheistic legacy and to the decadent connotation that many associate with it, modernity represents on the one hand a becoming-true, an actualisation, a secularisation which is also abanalisation, that is a final, hegemonic penetration into mindsets and languages; on the other, it represents nonetheless a movement that breaks the metaphysical referential framework of that same legacy, and represents in nuce the unavoidable premise of its own surpassing, which not by chance regularly refers back, throughout the 16th, 17th 18th and 19th centuries, to a critical and empirical tradition that represents, as Luciano Pellicani remarks in Le radici pagane dell'Europa [“The Pagan Roots of Europe”, not translated] (Rubbettino 2007), the very soul of European culture, from Thales to Pythagoras to Democrites, from Hippocrates to Lucretius.  For this reason, to say “modernity” is in a way like saying (Renaissance’s) Humanism yesterday, the Humanism of Pico of Mirandola, Lorenzo Valla and Machiavelli, with all the extraordinary cultural emancipation that this phenomenon finally allowed for also as regards our own possibility to be today what we are; and it is like saying humanism today, with everything outdated, exhausted, reactionary that this word now stands for with respect to the biopolitical, “transhuman” revolution which represents our immediate horizon.

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And here again Nietzsche represents the ideal watershed, the point of reference and the turning point of what is “more than modern”, and that therefore is already not modern any more.  Thus, postmodernity, as I understand it, represents the Aufhebung of modernity: the closure of what in modernity actually represents nothing else than the radicalisation and the immanentisation of preexistent ideas, and a moment (specifically the synthetic, post-ideological one) of the dialectics inherent to such ideas.   A “closure” which naturally is still in quest of itself, and that is constantly facing the risk of a return to premodern categories and to the temptation of shallowness, of pointless obscurity, of elaborating self-referential narratives that shun the fundamental confrontation with what Heidegger or Gehlen or Faye call “the question of technology”[2], and that coincides precisely with the historical fracture represented by the looming (possible) passage to a stage that is not only posthumanist, but posthuman. A confrontation which today is central in the views and concerns of various contemporary thinkers such as Sloterdijk, Marchesini or Schiavone.

In the beginning of the eighties, Guillaume Faye wrote: “Habermas said that one cannot conceive of a ‘nuclear poetry’. On the contrary, it is the opposite that is the case, even though the System is incapable of creating it. […] The speed, the rumbling of the machine that carries its rider over great distances, the potential grandness of modern urbanism remain present in the individual and collective psyche, because they correspond to popular archetypes. And yet this technical arsenal is not utilized by the System other than prosaically, because, unconsciously, it it frightening”.  Is all this still true today?  Can there be a “biopolitical poetry”?

In the end, what else is the biopolitical and transhuman revolution, in its properly epical dimension, than a primordial demand for poetry on behalf of a world vowed to Becoming?  As Heidegger says, the essence of technology is nothing “technical”, and instead claims an originary and originating poiesis: “What at the dawn of Ancient Greece was thought or poeticised is still present today, so much so that its essence, still closed to itself, is before us and approaches us from all sides, above all where we least expect it, that is within the reign deployed by modern technology, which is totally foreign to that ancestral tradition and yet finds therein it essential origin».

Hence the posthuman change that represents the central aspect of the present biopolitical challenge is first and foremost the framework of a possible metamorphosis that traces an ideal line between the European ancestral myth that is handed down to us by for instance the homonymous poem of Ovid and Nietzsche's Overman, Marinetti's Multiplied Man, Gehlen's Third Man, Ridley Scott's Replicant, the Cyborg of science fiction and of the transhumanist culture, Marchesini's Posthuman.

Here it can well be said that “nature imitates art”; or rather, that art is turning into nature, on a scale hitherto not even dreamt of.  Indeed, as I write in the conclusion to Biopolitica. Il nuovo paradigma: “Our restless exploring of the world, the techniques that derive from it, condemn us to choose, offer us means, but cannot tell us what to make of it.  This is not the task of engineers or scientists or lawyers, but of the ‘founding heroes’, of poets, and of the aristocracies who can translate into deeds the obscure collective will of the community of people whence it emanates, build monuments destined to challenge eternity, and leave behind ‘undying glory’”.

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Quel est l'avenir de l'Afghanistan après l'échec de Trump ?

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Quel est l'avenir de l'Afghanistan après l'échec de Trump ?

par Andrew Korybko

Ex: https://oneworld.press

Le représentant spécial du président russe pour l'Afghanistan, Zamir Kabulov, est quasi certain que le président élu Biden ne fera pas grand-chose pour inverser la tendance au retrait d’Afghanistan du président sortant Trump, malgré la nouvelle législation promulguée qui entrave la perspective de nouvelles réductions, mais il craint également que les troupes américaines soient remplacées par des entrepreneurs militaires privés dans un scénario dont il a averti qu'il serait une erreur.

Les prévisions de la Russie pour l'Afghanistan

De nombreuses questions demeurent en suspens sur la politique étrangère du président élu Biden, à l'occasion de son investiture imminente la semaine prochaine, mais l'une des questions les plus pertinentes pour toute l'Eurasie est la position qu'il adoptera face à la guerre apparemment sans fin des États-Unis contre l'Afghanistan. Le représentant spécial du président russe pour l'Afghanistan, Zamir Kabulov, est quasi certain que le président élu Biden ne fera pas grand-chose pour inverser le cours des choses concernant le retrait d’Afghanistan préconisé par le président sortant Trump, malgré la législation qui entrave la perspective de nouvelles réductions, mais il craint également que les troupes américaines soient remplacées par des entrepreneurs militaires privés dans un scénario qui, selon lui, serait une erreur. Il s'agit d'une prévision assez sérieuse qui mérite d'être approfondie afin de mieux comprendre la logique qui la sous-tend.

La nouvelle stratégie américaine en Asie centrale

J’ai expliqué l'année dernière que "la stratégie américaine en Asie centrale n'est pas aberrante, mais cela ne signifie pas qu'elle va réussir". Il a été souligné que la vision officielle de Trump pour la région, telle qu'elle est articulée par le document "Stratégie pour l'Asie centrale 2019-2025" de son administration, contraste fortement avec celle, non déclarée, de ses prédécesseurs. Au lieu de se concentrer sur la guerre hybride, qui consiste à « diviser pour régner », menée contre les terroristes, elle se concentre principalement sur un projet de connectivité régionale pacifique afin d'étendre calmement l'influence américaine dans le cœur géostratégique de l'Eurasie. Il convient de saluer la volonté de mettre en œuvre des moyens non violents, avec lesquels on peut compter dans le cadre du soft power, même s'il ne faut pas exclure la possibilité que certains éléments des anciennes stratégies informelles restent en place, en particulier après l'inauguration de Biden.

L'argument contre une autre « avancée violente »

L'ancien vice-président ramène à la Maison-Blanche un groupe de fonctionnaires influents de l'ère Obama, d'où la crainte, chez bon nombre d’observateurs, qu'il envisage sérieusement de répéter la fameuse "avancée" de l'ancienne administration, qui a finalement échoué. La donne géopolitique a cependant beaucoup changé depuis lors, et il ne semble pas y avoir de réel intérêt à la réitérer dans les conditions actuelles. Non seulement la planète est en train de se remettre de ce que l'auteur a décrit comme la "guerre mondiale C" - qui fait référence aux processus de changement de paradigme à grande échelle déclenchés par les efforts non coordonnés de la communauté internationale pour contenir le COVID-19 - mais l'Amérique est sur le point de lancer une version nationale de sa "guerre contre le terrorisme" en réponse à la prise d'assaut du Capitole la semaine dernière et les États-Unis doivent également s'adapter au rôle croissant de la Chine dans le monde. Ces deux tâches ont la priorité sur les Talibans.

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L'amélioration des liens entre les États-Unis et le Pakistan est de bon augure pour l'Afghanistan

J’ai évoqué ces derniers développements ainsi que le manque de confiance de l'administration Biden dans le gouvernement de Modi perceptible dans l'analyse qu'il a faite en début de semaine pour le Pakistan Tribune Express sur "Les trois facteurs qui vont façonner l'avenir des relations américano-pakistanaises". Cette analyse conclut que les relations bilatérales s'amélioreront à la suite de ces pressions, ce qui réduira encore la possibilité de voir les États-Unis augmenter leur participation à la guerre contre l'Afghanistan, qui, de toute façon, a d’ores et déjà échoué. Le processus de paix dansle dossier des Talibans, aussi imparfait soit-il, a véritablement donné des résultats notables au cours de l'année écoulée. Non seulement ce serait du gâchis pour Biden d'abandonner tout cela juste pour faire le contraire de ce que fit son prédécesseur, mais cela ne servirait pas à grand chose de toute façon, vu les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la stratégie de l'administration Trump pour l'Asie centrale.

Trump & Biden : des visions différentes, des intérêts partagés

En fait, c'est en Asie centrale que Trump et Biden ont une confluence d'intérêts unique. La politique d'engagement économique du premier s'accorde bien avec les projets du second de créer, dans cette région du monde, une "Alliance des démocraties". Les deux projets sont des moyens non militaires d'étendre l’influence américaine et se complètent parfaitement. S'il est probable que Biden maintiendra la présence des troupes américaines en Afghanistan ou même qu'il l'augmentera légèrement pour des raisons de politique intérieure s'il le juge opportun, il est peu probable qu'il consacre autant de temps et d'efforts militaires à ce conflit qu'Obama ne l'a fait pour les raisons mentionnées plus haut. Si les républiques d'Asie centrale ne pratiquent pas des formes occidentales de démocratie, les États-Unis les considèrent néanmoins comme étant différentes en substance des modèles de gouvernement de la Russie et de la Chine, et donc comparativement plus "légitimes",ce qui leur permettra de s'associer à elles.

L'influence pernicieuse du complexe militaro-industriel

Malgré cela, le puissant complexe militaro-industriel des États-Unis n'acceptera pas que ses intérêts les plus directs soient menacés dans la région par la décision du gouvernement civil de maintenir les troupes à un niveau historiquement bas. Compte tenu de cela, il est logique que Biden exécute la proposition de l'administration Trump de privatiser le conflit par l'intermédiaire d'entrepreneurs militaires privés (PMC), car ces derniers constituent une partie importante, avant-gardiste, du complexe militaro-industriel, surtout parce qu'ils permettent à Washington de conserver un degré de "déni plausible". De nombreux anciens militaires passent des forces armées aux PMC après leur démobilisation parce que cela paie beaucoup mieux, faisant ainsi de ces entités pratiquement une seule et même entité, sauf au sens juridique, les deux remplissant la tâche importante de garder le trillion de dollars de minéraux et de terres rares de l'Afghanistan.

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Réflexions finales

Pour l'avenir, Biden (ou plutôt, la structure du pouvoir qui se profile derrière lui) ne fera peut-être pas beaucoup de progrès politiques dans la résolution de la guerre américaine contre l'Afghanistan, mais il n'aggravera probablement pas les choses non plus. Au contraire, cette "guerre sans fin" pourrait continuer à persister, mais devenir simplement de plus en plus "oubliable" dans les médias. S'il estime qu'il serait politiquement commode de le faire au niveau national, il pourrait alors soit augmenter légèrement le niveau des troupes, soit annoncer publiquement que certaines des troupes existantes seront remplacées par des PMC. Ses services de renseignement continueront probablement à fomenter des scénarios de déstabilisation de faible intensité dans toute la région, mais ils ne concentreront probablement pas trop d'efforts sur ce point, car la grande orientation stratégique des États-Unis se déplace ailleurs, à la lumière des nouvelles conditions nationales et internationales dans lesquelles l'hégémonie unipolaire en déclin est forcée de s'adapter.

La Suède et la Hongrie Face au Covid-19

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Cafe Noir N.06

La Suède et la Hongrie Face au Covid-19

Café Noir – Un Autre Regard sur le Monde.
 
Émission du Vendredi 15 Janvier 2021 Avec Pierre Le Vigan, Gilbert Dawed & leur Invité Raoul Weiss.
 
Liens des sites, chaînes ou livres mentionnés dans l'émission:
– Chaîne de Jérémy Mercier, "réfugié" à Tallinn https://youtube.com/channel/UCeN_qQV8...
– Chaîne de notre compatriote "réfugié" à Stockholm https://youtube.com/c/Un%C3%AAtrehumain
– The Global Risks Report 2020 – World Economic Forum (Pdf) http://www3.weforum.org/docs/WEF_Glob...
 

jeudi, 14 janvier 2021

Trump a été englouti par le marais parce qu'il n'a pas eu la force de le drainer

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Trump a été englouti par le marais parce qu'il n'a pas eu la force de le drainer

par Andrew Korybko

Ex: https://oneworld.press

Trump pensait sincèrement qu'il pouvait apporter des changements irréversibles sur le long terme dans la manière dont l'Amérique est dirigée en "asséchant le marais" que tous ses partisans méprisent si profondément, mais il a finalement manqué de force à maintes reprises pour prendre les mesures décisives nécessaires à la réalisation de cette grande vision stratégique, et ce pour plusieurs raisons importantes qui méritent d'être longuement débattues.

Le Commandant en chef capitule

L'ère de Trump est terminée après que le président sortant ait annoncé, au lendemain de la prise d'assaut du Capitole américain mercredi, que "mon objectif est maintenant d'assurer une transition du pouvoir en douceur, ordonnée et sans heurts", ce qui a été largement interprété par ses amis et ses ennemis comme la concession tacite qu'il avait promis de ne jamais faire un peu plus de 24 heures auparavant lors de son discours au rallye "Save America". Lors de cet événement, il a littéralement déclaré que "nous n'abandonnerons jamais". Nous ne céderons jamais, cela n'arrivera pas. On ne fait pas de concession quand il y a un vol", mais il a complètement changé de ton après les événements tumultueux de la journée du 6 janvier et après avoir mystérieusement "sombré" pendant plus de 24 heures, période pendant laquelle certains spéculent qu'il a été forcé par ses ennemis de la bureaucratie militaire, du renseignement et de la diplomatie permanente ("l’état profond") d'abandonner le combat.

Trahir sa base

Cela a totalement dévasté ses partisans qui l'ont élu principalement dans le but d'exécuter sa principale promesse de "vider le marais" qu'ils méprisent tous si profondément. Ils croyaient sincèrement qu'il pouvait apporter des changements irréversibles sur le long terme dans la façon dont l'Amérique est gérée, ce que Trump lui-même pensait sincèrement qu'il pouvait faire également, mais il n'a finalement pas eu la force de prendre les mesures décisives nécessaires pour y parvenir. Ainsi, il a fini par se faire avaler par le même "marécage" qu'il a tenté de drainer, qui se lèche les babines après s'être régalé de la carcasse politique qu'il est devenu depuis lors à la suite de sa capitulation. Malgré tout l'espoir qu'il a inspiré à ses partisans et le respect que beaucoup d'entre eux lui portent encore, la plupart d'entre eux sont profondément déçus qu'il ait abandonné et qu'il n'ait pas emporté le combat.

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Cela ne veut pas dire que la grande majorité d'entre eux s'attendaient à ce qu'il résiste avec force à l'inauguration imminente de Biden, mais simplement qu’ils ne pensaient pas voir le jour où il capitulerait publiquement après avoir soigneusement cultivé une réputation de combattant aussi convaincante parmi eux. Surtout lui qui a littéralement dit un peu plus de 24 heures auparavant que "Nous n'abandonnerons jamais". Nous ne céderons jamais, cela n'arrivera tout simplement pas". Cela a déclenché un processus d'introspection permanente parmi les plus sobres d'entre eux qui ne sont pas endoctrinés par le cultissime Q-Anon qui prétend que Trump a toujours un soi-disant "plan directeur" qu'il se prépare à mettre en œuvre après ce dernier coup d'"échecs 5D". C'est fini, l'ère Trump est terminée et le mouvement "Make America Great Again" (MAGA), qu'il a inspiré, risque maintenant d'être déclaré organisation "terroriste nationale" dans un futur proche.

L'erreur de calcul politique la plus fatale de Trump

"L'Amérique de Biden serait un enfer dystopique", comme je l’avais prédit il y a quelques mois, et tous les partisans de Trump le savent. Certains s'étaient déjà résignés à son apparente inévitabilité après l'échec de ses efforts pour inverser légalement les résultats contestés des dernières élections pour diverses raisons que la plupart d'entre eux attribuent à la corruption du "marais", mais ils sont néanmoins restés aussi positifs que possible après avoir cru que leur héros allait sombrer avec eux jusqu'au bout. Personne n'a jamais réfléchi à deux fois à sa promesse de "ne jamais abandonner, ne jamais concéder", et ils s'attendaient même à ce qu'il doive être escorté hors de la Maison Blanche le 20 janvier, pourtant sa concession tacite oblige nombre d'entre eux à réévaluer avec le recul leur opinion sur lui. Non seulement il sort en gémissant selon les termes dictés par "l'État profond", mais il n'a jamais complètement "asséché le marais".

L'erreur de calcul politique la plus fatale de Trump est qu'il pensait pouvoir changer le système de l'intérieur après en avoir pris le contrôle symboliquement - mais surtout pas substantiellement - en tant que premier président américain "étranger" des temps modernes. Il est immédiatement passé d'un "outsider" à un "insider" peu après son investiture en capitulant aux demandes de l'"Etat profond" de renvoyer l'ancien conseiller à la sécurité nationale Flynn, ce qui était son "péché originel" qui a ouvert la voie à tout ce qui allait suivre par la suite. Le "faiseur de marché" autoproclamé pensait qu'il pouvait trouver un "compromis" avec ses ennemis par ces moyens, mais tout ce qu'il a fait, c'est les encourager à intensifier leurs faux efforts médiatiques pour l'évincer et continuer à le saboter de l'intérieur par le biais des mêmes créatures "du marais" dont il continuait naïvement à s'entourer.

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RINOs + MSM = La défaite de Trump

La plus vilipendée d'entre elles aux yeux de sa base est "Javanka", le populaire portemanteau du gendre de Trump, Jared Kushner, et de sa fille Ivanka. Il continue d'écouter ces "Républicains de nom seulement", ou RINO comme les décrivent de nombreux membres de MAGA, ainsi que beaucoup d'autres comme ceux qui siègent encore au Congrès mais qui ont prétendu être son ami juste pour gagner leur réélection. De plus, l'influence que son ancienne carrière de télé-réalité a exercée sur lui a fait que Trump est resté obsédé par la façon dont ses ennemis pourraient le diffamer dans les médias traditionnels (MSM) pour toute action décisive qu'il aurait prise pour détruire l'"État profond". Cette faiblesse de caractère s'est avérée être son plus grand défaut personnel puisqu'il aurait dû suivre son instinct au lieu de se soumettre au désir égoïste d'être "aimé" par ses ennemis.

Il a été tellement influencé par les MSM que ses ennemis ont pu utiliser les astuces les plus basiques de la "psychologie inversée" pour le manipuler afin qu'il "joue la sécurité" dans sa lutte contre l'"état profond". Ils craignaient, avant même qu'il n'entre en fonction, qu'il ne devienne un soi-disant "dictateur", mais il n'a jamais sérieusement envisagé de prendre de telles mesures autoritaires dans cette direction, bien qu'il ait toujours eu la possibilité d'utiliser les immenses pouvoirs qui lui sont conférés par la Constitution pour le faire s'il l’avait sincèrement voulu. Ses partisans de MAGA ont plaidé avec passion pour qu'il devienne le pire cauchemar de ses ennemis en déclarant au moins une loi martiale limitée en réponse à la guerre de terreur hybride contre l'Amérique qui a duré des décennies et qui a finalement pris son essor l'été dernier après qu'Antifa et "Black Lives Matter" (BLM) aient orchestré des émeutes nationales pour l'évincer.

Les trois plus grands échecs de Trump

A rebours de sa base, Trump n'a pas non plus réussi à révoquer l'article 230, malgré les craintes désormais avérées qu'il donne ainsi à Big Tech le pouvoir de le censurer, lui et ses partisans. Il n'a pas non plus contrecarré les projets de vote par correspondance des démocrates ni l’instauration du système de vote Dominion qui, selon eux, les ont finalement conduits à voler l'élection. Sa décision de ne pas empêcher les gouverneurs démocrates de confiner leurs populations pour des raisons politiques sous le prétexte commode du COVID-19 était tout aussi inquiétante. J’ai abordé toutes ces questions dans mon analyse publiée peu après l'élection sur les raisons pour lesquelles "la phase de changement de régime anti-Trump vaut la peine d'être étudiée". Trump aurait pu légalement exercer des pouvoirs quasi "dictatoriaux" pour éviter tout cela et ainsi sauver l'Amérique telle que ses partisans la voient, mais à maintes reprises, il n'a pas réussi à rassembler la force nécessaire pour le faire en raison de ses profonds défauts personnels.

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La guerre hybride contre l'Amérique est terminée

Bien que Trump ait été incontestablement victime de l'"Etat profond" pendant toute la durée de son mandat, il n'est plus aussi martyr qu'il l'était après avoir soudainement abandonné le combat suite à l'assaut du Capitole américain mercredi dernier. Il s'est rendu, en heurtant sa base, a ensuite été avalé par le "marécage", et est maintenant impitoyablement détruit, signe inquiétant de ce qui attend le reste du mouvement MAGA à l'ère Biden-Kamala. S'il était allé jusqu'au bout du combat et n'avait "jamais abandonné" comme il l'avait promis, ce serait une toute autre histoire, mais au lieu de cela, son instinct de "faiseur de marché", trop exacerbé, a pris le dessus à la toute dernière minute et il a cru bêtement qu'il pourrait se sauver en capitulant devant leurs exigences. L'"État profond" lui montre maintenant sa "reconnaissance" en le censurant sur les médias sociaux et en poussant à sa destitution.

Le mouvement MAGA a toujours pensé que le pays était déjà en "guerre" depuis des années, même si la plupart ne pouvaient pas en exprimer la nature hybride comme je l’ai fait dans mon article de l'été dernier sur la façon dont "la guerre de terreur hybride contre l'Amérique était en cours depuis des décennies". Ils ont vraiment eu le sentiment que Trump partageait leur évaluation de la menace après avoir été sauvagement attaqué par l'"Etat profond" dès la seconde où il s'est lancé dans la campagne électorale, mais il s'est avéré qu'il sous-estimait la menace même si ses ennemis ne l'ont jamais fait. Pour l'"État profond" et ses mandataires démocrates publics, il s'agissait toujours d'une "guerre" à leur manière, qu'ils n'ont jamais hésité à exprimer. L'ironie suprême est que si Trump a fustigé les "républicains faibles" dans son discours du rallye "Save America", il a lui-même fini par incarner cette même faiblesse en se rendant un peu plus tard.

L'État profond" a gagné

Ses adversaires ne connaissent pas de limites et croient à la mode machiavélienne classique selon laquelle "la fin justifie les moyens", alors qu’il pensait pouvoir jouer selon les règles - et même pas toutes les règles comme on l'a expliqué très tôt en soulignant son refus d'utiliser les pouvoirs quasi "dictatoriaux" que lui confère la Constitution - et quand même s'imposer. Sa naïveté restera dans l'histoire car c'est elle qui est le plus directement responsable du fait qu'il n'ait pas pleinement reconnu la gravité de la guerre sans merci que l'"État profond" lui a livrée, ainsi qu'au reste de l'Amérique. Né et élevé à New York, Trump a perfectionné l'art de la langue de bois, à tel point qu'il a même réussi à faire croire à sa base qu'il partageait leur évaluation de la menace que représente la guerre de terreur hybride contre l'Amérique, qui dure depuis des décennies. Ils se sont laissé prendre à cette mascarade car ils voulaient désespérément croire qu'il restait encore un peu d'espoir.

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Mais il n'y en a plus, puisque la guerre est terminée et que l'"État profond" a gagné une fois pour toutes. Le "Grand Reset"/"Quatrième Révolution Industrielle" provoquée par la guerre mondiale avance à toute vitesse, et pratiquement toutes les réalisations nationales que Trump a à son actif seront probablement annulées par Biden-Kamala au cours de leur première année de mandat, d'autant plus que les mandataires démocrates de l'"État profond" contrôlent désormais toutes les branches du gouvernement (en se rappelant que la supposée "supermajorité conservatrice" de la Cour suprême n'est en réalité constituée que de RINO, comme l'a prouvé leur refus d'entendre les cas convaincants de fraude électorale). Après "l'analyse de l'échec du mouvement MAGA en matière de sécurité démocratique", mercredi, il est clair que quel que soit le "plan directeur" que lui et/ou le mouvement MAGA auraient pu avoir, il s'est retourné contre eux et a été en fait exploité par leurs adversaires.

Le vrai "plan directeur"

En fait, le seul véritable "plan directeur" était celui de "l'Etat profond", qui a effectivement contrecarré chacun des mouvements de Trump et a finalement transformé le "dernier hourra" de ses partisans lors d'un rassemblement essentiellement pacifique en un clou qui sera maintenant enfoncé dans le cercueil du mouvement MAGA. Il est extrêmement suspect que le Capitole américain ait été si mal défendu malgré la tenue d'une session du Congrès en ce jour historique et après des semaines de préparation pour assurer la sécurité du site avant la Marche pour la sauvegarde de l'Amérique prévue depuis longtemps par Trump. Il est encore plus déconcertant de constater que certains policiers ont levé les barricades et même ouvert les portes à certains des manifestants, ce qui, avec le recul, laisse penser que l'"État profond" a voulu tenter les plus "passionnés" d'entre eux (sans parler des provocateurs présumés) pour prendre d'assaut le site comme prétexte à ce qui a suivi.

En facilitant passivement ce scénario par l'exploitation magistrale de la psychologie des foules, l'objectif était de jeter les bases d'une répression nationale globale contre le mouvement MAGA au motif qu'il est désormais "prouvé" qu'il s'agit d'un groupe "terroriste national". Cela explique la mise en accusation de Trump moins de deux semaines avant qu'il ne reconnaisse lui-même, l'autre jour, qu'il quittera ses fonctions après avoir assuré la "transition du pouvoir". S'il ne s'était pas rendu, il serait probablement encore un martyr pour la plupart des membres du mouvement MAGA, mais maintenant il n'est plus qu'un otage du palais qui attend son exécution politique très médiatisée comme première salve des représailles de l'"État profond", mené par les démocrates, contre ses partisans au nom de la "défense contre le terrorisme intérieur". Ce n'est pas ce que Q-Anon imagine, c'est le véritable "plan directeur", et il a réussi.

Réflexions finales

Trump a été englouti par le "marais" parce qu'il n'avait pas la force de le vider. Chaque membre de MAGA doit accepter cette dure vérité, aussi douloureuse soit-elle. À maintes reprises, il n'a pas réussi à rassembler la force nécessaire pour accomplir de manière significative ce que beaucoup croyaient sincèrement être son destin. Cela est dû à son erreur politique fatale qui a consisté à se transformer d'un "outsider" en un "insider" dans une tentative vouée à l'échec de changer le système de l'intérieur. Il a continué à s'appuyer sur les RINO malgré leur manque de fiabilité avéré. L'obsession de Trump pour la façon dont ses ennemis le dépeignaient dans le MSM l'a également conduit à ne jamais sérieusement contrecarrer l'utilisation des pouvoirs quasi "dictatoriaux" qui lui sont conférés par la Constitution pour sauver l'Amérique. Il a pathétiquement capitulé après la réussite du "plan directeur" de l'"État profond", et maintenant il ne peut même pas entrer dans l'histoire comme un martyr.

Le messianisme technologique - Illusions et désenchantement

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Le messianisme technologique - Illusions et désenchantement

Par Horacio Cagni

Ex; http://novaresistencia.org

Les contradictions du progrès, et en particulier la terrible expérience des guerres du XXe siècle, ont mis à mal la portée de la science et de la technologie, obligeant les penseurs de toutes origines et de tous horizons à s'interroger avec angoisse sur le sort de notre civilisation.

En analysant des aspects emblématiques tels que les goulags soviétiques, le génocide arménien par les Ottomans ou l'holocauste - l'extermination des Juifs par le nazisme pendant la Seconde Guerre mondiale - ainsi que les conséquences des bombardements stratégiques anglo-américains - appelé ainsi par euphémisme - qui, tant dans ce conflit que dans d'autres qui ont suivi, était du pur terrorisme aérien, on peut conclure que ces massacres en série sont la conséquence de la planification et de l'organisation, imités de celles des grandes industries. La mort industrielle, l'objectivation d'un groupe social ou d'un collectif à détruire, est évidente pour les spécialistes de l'holocauste et de l'annihilation raciale, comme elle l'est pour ceux qui se sont ingéniés à réviser l'annihilation sociale que les communistes ont menée contre les koulaks, les bourgeois, les réactionnaires ou les "déviationnistes".

Dans tous les cas, la distance que la technologie met entre le fauteur de mort et sa victime assure la dépersonnalisation de cette dernière, transformée en simple matériel à exterminer ; ceux qui sont entassés dans un camp de concentration en attendant la fin avant l'administrateur de leur mort, comme les civils qui sont sous la ligne de mire du bombardier, ne sont que de simples numéros sans visage. La responsabilité du génocide est diluée dans l'immense structure technobureaucratique, ce que Hannah Arendt a appelé "la banalité du mal".

Il est utile de rappeler que tout au long du siècle dernier, de nombreuses voix se sont élevées avec lucidité pour dénoncer les limites de la technique et les dangers du messianisme technologique. La technique, clé de la modernité, est devenue une religion du progrès, et la machine a été tout autant vénérée et exaltée par les libéraux, les communistes, les nazis, les réactionnaires et les progressistes.

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Guerre et technique - La critique d'Ernst Jünger

Ecrivain, naturaliste, soldat, né plus de cent ans avant l'an 2000, Ernst Jünger a été le témoin lucide et le critique aigu d'une des époques les plus intenses et les plus cataclysmiques de l'histoire, de ce siècle si bref, qu'Eric Hobsbawm situe entre la fin de la belle époque en 1914, et la chute du mur de Berlin et de l'utopie communiste en 1991.

On n'insistera jamais assez sur le fait que, pour comprendre Jünger et les courants spirituels de son époque, qui est aussi la nôtre, la clé, une fois de plus, est la Grande Guerre. Le premier conflit mondial a été la grande sage-femme des révolutions de ce siècle, non seulement au niveau idéologique et politique, mais aussi en termes d'idées, de science et de technologie. Pour la première fois, tous les cas de vie humaine ont été subsumés et subordonnés au spectre guerrier. C'était la conséquence logique de la révolution industrielle, la fierté de l'Europe, mais il fallait aussi la conjuguer avec un nouveau phénomène sociopolitique, que George Mosse a défini à juste titre comme "la nationalisation des masses". Dans tous les pays belligérants, mais surtout en Italie et en Allemagne, le processus de coagulation nationale et l'exaltation de la communauté ont atteint leur point culminant. Les pays qui étaient arrivés en retard, en raison de vicissitudes historiques, à la conquête d'une unité intérieure - comme l'ont justement fait remarquer ceux qui sont arrivés en retard - avaient finalement trouvé cette unité sur le front. Dans les tranchées, les dialectes ont été laissés de côté, pour commander et obéir dans la langue nationale ; dans le voisinage et sous l'avalanche de feu, on a vécu et on est mort de manière absolument égale.

916dAyucHqL.jpgEmbarrassés par un tel désastre, ces hommes "civilisés" ont dû faire face au fait que leur seule arme et leur seul espoir était la volonté, et leur seul monde les camarades du front. Derrière eux se cachaient les fiers idéaux des Lumières. Le jeu de la vie dans les bonnes formes et la rhétorique pamphlétaire parisienne étaient enfouis dans la boue de Verdun et de la Galice, dans les rochers du Carso et dans les eaux froides de la mer du Nord.

La catastrophe n'a pas seulement signifié le naufrage du positivisme, mais elle a également démontré à quel point la technique avait progressé dans son développement incontrôlé, et à quel point l'être humain y était soumis. Les soldats et les machines de guerre étaient une seule et même chose, avec leur quartier général et la chaîne de production de guerre. Il n'y avait plus de front et d'arrière, car la mobilisation totale s'était emparée de l'âme du peuple. Jünger, un officier de l'armée du Kaiser, a appelé ce nouveau type de combat "Materialschlacht". Dans les opérations guerrières, tout devient matériel, y compris l'individu, qui ne peut échapper à l'opération conjointe des hommes et des machines qu'il ne comprend jamais.

Quand on lit les ouvrages de Jünger sur la Grande Guerre - édités par Tusquets - tels que Orages d'acier ou Le Boqueteau 125, le récit des actions guerrières devient monotone et abrupt, comme doit l'être la vie quotidienne au front, suspendue au risque, ce qui insensibilise la force de mortification. Dans La guerre comme expérience intérieure, Jünger accepte la guerre comme un fait inévitable de l'existence, car elle existe dans toutes les facettes de l'agir humain : l'humanité n'a jamais rien fait d'autre que de se battre. La seule différence réside dans la présence en tous modes et dé-personnalisante de la technique, mais, dans ce contexte, nous sommes toujours ou plus forts ou plus faibles.

La littérature créée par la Grande Guerre est abondante, et parfois magnifique. De L'incendie d'Henri Barbusse, qui fut le premier, une série d'œuvres racontées sur la douleur et le sacrifice, telles que la satire La boue des Flandres, de Max Deauville, Guerre et après-guerre, de Ludwig Renn, Chemin du sacrifice, de Fritz von Unruh, et la célèbre A l’Ouest rien de nouveau, d'Erich Maria Remarque et Quatre de l'infanterie, d'Ernst Johannsen, qui a été traduite en film. Dans toutes ces œuvres, le sentiment d'impuissance de l'homme face à la technique déclenchait chez tous ces écrivains une volonté d’occulter le réel. Au-delà de son excellence littéraire, cette veine s'épuise dans la critique de la guerre et le désir que la tragédie ne se répète jamais.

29908002._SY475_.jpgJünger alla beaucoup plus loin ; il comprit que ce conflit avait détruit les barrières bourgeoises qui enseignaient l'existence comme une recherche de la réussite matérielle et l'observation de la morale sociale. C'est alors que les forces les plus profondes de la vie et de la réalité ont émergé lors du conflit, ce qu'il a appelé les "élémentaires", des forces qui, par une mobilisation totale, sont devenues une partie active de la nouvelle société, composée d'hommes jeunes et durs, une génération abyssalement différente de la précédente.

L'homme nouveau est fondé sur un "nouvel idéal" ; son style est la totalité et la liberté de s’immerger, selon la catégorie et la fonction, dans une communauté où il faut commander et obéir, travailler et se battre. L'individu se subsume et n’a de sens que dans un Etat total. L'individu et la totalité sont combinés, sans aucun traumatisme dû à la technique, et son archétype sera le Travailleur, symbole dans lequel l'élémentaire vit et, en même temps, s’impose comme une force mobilisatrice. Bien que l'exemple soit celui de l'ouvrier industriel, tous sont des travailleurs par-delà les différences de classe. Le type humain est l'ouvrier, qu'il soit ingénieur, contremaître, ouvrier, qu'il soit à l'usine, au bureau, au café ou au stade.

A l'"homme économique" - l'âme du capitalisme et du marxisme - s'oppose l'"homme héroïque", mobilisé en permanence, que ce soit dans la production ou dans la guerre. Cette distinction entre l'homme économique et l'homme héroïque avait bientôt été esquissée par le jeune Peter Drucker dans son livre The End of Economic Man, 1939, faisant allusion au fascisme et au national-socialisme, qui avaient émergé dans l'histoire par l’agir des "artistes de la politique", qui avaient entrevu la mission rédemptrice et salvatrice de l'unité nationale dans les tranchées où ils avaient combattu.

Le travailleur est une "personne absolue", avec une mission qui lui est propre. Conséquence de l'ère technomécanique, il est un membre et une unité du travail et de la communauté organique à laquelle il appartient et qu'il sert, souligne Jünger dans son livre Der Arbeiter, l'un de ses plus grands essais, écrit en 1931. L'aspect le plus important de ce travail est la vision du travailleur comme une forme dépassant la bourgeoisie et le marxisme : Marx comprenait partiellement le travailleur, puisque le travail, pour lui, n'est pas soumis à l'économie. Si Marx croyait que l'ouvrier devait devenir un artiste, Jünger soutient que l'artiste devient un ouvrier, puisque tout désir de pouvoir s'exprime dans le travail, dont la figure est dite « ouvrière ».

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Quant au noyau de la pensée bourgeoise, il nie tout ce qui est démesuré, essayant d'expliquer chaque phénomène de la réalité d'un point de vue logique et rationnel. Ce culte rationaliste méprise l'élémentaire comme étant irrationnel, finissant par prétendre vider le sens même de l'existence, érigeant une religion du progrès, où l'objectif est de consommer, garantissant une société pacifique et lisse. Pour Jünger, cela conduit à l'ennui existentiel le plus toxique et le plus angoissant, un état spirituel d'asphyxie et de mort progressive. Seul un "cœur aventureux", capable de maîtriser la technique en l'assumant pleinement et en lui donnant un sens héroïque, peut prendre la vie d'un assaillant et ainsi assurer à l'homme non seulement d'exister mais d'être vraiment.

Autres critiques sur le technomécanisme

coverFGJtech.jpgAu début des années 1930, une série d'écrivains sont apparus en Europe, surtout en Allemagne, dont les œuvres se référaient à la relation entre l'homme et la technique, où la volonté comme axe de la vie résulte en une constante. C'est le cas de L'homme et la technique d'Oswald Spengler - qui reprend les prémisses nietzschéennes de La volonté de puissance -, de la philosophie de la technique de Hans Freyer, de l’idée d’une perfection et de l'échec de la technique de Friedrich Georg Jünger - frère d'Ernst - et des séminaires du philosophe Martin Heidegger, tous contemporains du Travailleur, ouvrage précité. (Le livre de son frère Friedrich a été publié immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, mais il avait été écrit de nombreuses années auparavant et les vicissitudes du conflit l'ont empêché de voir le jour). Mais ces questions n'étaient pas uniquement du monde germanique, car il ne faut pas oublier les futuristes italiens dirigés par Filippo Marinetti, ni Luigi Pirandello de Manivelas, les écrits du Français Pierre Drieu La Rochelle - comme La Comédie de Charleroi - et le film Modern Times, de Charles Chaplin.

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L'auteur du Petit Prince, le remarquable écrivain et aviateur français Antoine de Saint Exupéry, fait également plusieurs réflexions sur la technique. Dans son livre Pilote de guerre, il y a une page significative, lorsqu'il souligne qu'au milieu de la bataille de France en 1940, dans une ferme, un vieil arbre "à l'ombre duquel se sont succédé des amours, des romans et des tertulias de générations successives" obstrue le champ de tir "d'un lieutenant artilleur allemand de 26 ans", qui finit par le faire tomber. Craignant d'utiliser son avion comme machine à tuer, St. Ex, comme on l'appelait, disparut lors d'un vol de reconnaissance en 1944, sans que sa dépouille ne soit retrouvée. Sa dernière lettre disait: "Si je reviens, que puis-je dire aux hommes ?".

L'éminent juriste et politologue Carl Schmitt a également interpellé la question de la technique. Au début de son essai classique Le concept de politique affirme que la technique n'est pas une force pour neutraliser les conflits mais un aspect indispensable de la guerre et de la domination. "La diffusion de la technique", souligne-t-il, "est imparable", et "l'esprit du technicisme est peut-être mauvais et diabolique, mais il ne peut être écarté comme mécaniste ; c'est la foi dans le pouvoir et la domination illimitée de l'homme sur la nature. La réalité, précisément, a démontré les effets du messianisme technologique, tant dans l'exploitation de la nature que dans le conflit entre les hommes. En corollaire de l'ouvrage précédent, Schmitt définit comme processus de neutralisation de la culture ce type de religion du technicisme, capable de croire que, grâce à la technique, la neutralité absolue sera atteinte, la paix universelle tant désirée. "Mais la technique est aveugle en termes culturels, elle sert la liberté et le despotisme de la même manière... elle peut accroître la paix ou la guerre, elle est prête à faire les deux à la fois dans une mesure égale".

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Ce qui se passe, selon Schmitt, c'est que la nouvelle situation créée par la Grande Guerre a ouvert la voie à un culte de l'action virile et sera absolument contraire au romantisme du XIXe siècle, qui avait créé, avec son apolitisme et sa passivité, un parlementarisme délibératif et rhétorique, archétype d'une société dépourvue de formes esthétiques. L'influence des écrits d'après-guerre de Jünger - la guerre forgée comme une "esthétique de l'horreur" - sur les idées de Schmitt est indéniable. Mais à cette recherche désespérée d'une communauté de volonté et de beauté, capable de conjurer le Golem technologique par le déploiement d’une barbarie héroïque, pratiquement personne n'y échappait à l'époque. Aujourd'hui, il est facile de regarder en arrière et de désigner tant de penseurs de qualité comme étant des "fossoyeurs de la démocratie de Weimar" et des "préparateurs du chemin du nazisme". Ce regard superficiel sur une période historique aussi intense et complexe s'est imposé à la chaleur des passions, seulement après la Seconde Guerre mondiale et, par conséquent, d'autant plus que le journalisme a progressivement pris le dessus sur l'histoire et les sciences politiques. La réalité est toujours plus profonde.

Pendant ces années ‘’Weimar’’, la plupart des Allemands ressentent la frustration de 1918 et les conséquences de Versailles ; les jeunes cherchent avec empressement à incarner une génération distincte, à construire une nouvelle société qui reconstruira la patrie qu'ils aiment avec désespoir. C'était une époque d'incroyable épanouissement de la littérature, des arts et des sciences, et cela s'est évidemment transféré dans le domaine politique. Moeller van den Bruck, Spengler et Jünger - malgré leurs différences - sont devenus les éducateurs de cette jeunesse par des écrits et des conférences. L'esthétique populaire völkisch, qui a précédé le national-socialisme, embrassait tous les aspects de la vie quotidienne. La plupart des penseurs ont abjuré le piètre parlementarisme de la République, né de la défaite, et, dans le cœur du peuple, la Constitution de Weimar était condamnée. N'était-ce pas un succès éditorial, Der Preussische Stil, de Moeller van den Bruck, qui proposait une éducation à la beauté ? Et Heidegger ? Dans son discours du solstice de 1933, il disait : "les jours déclinent / notre humeur grandit / les flammes, la brillance / les cœurs, la lumière".

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August Winnig.

Ce qui est intéressant, c'est que l’on découvre pas mal de correspondances, de chassés-croisés entre leurs oeuvres. Entre le Schmitt catholique, dans son analyse "Chute du Second Empire", qui soutenait que la raison principale du déclin était la victoire de la bourgeoisie sur le soldat et les néo-conservateurs comme August Winnig, qui faisait la distinction entre la communauté ouvrière et le prolétariat ; entre Spengler avec son "prussianisme socialiste" et Werner Sombart qui théorisait l’opposition entre "héros et marchands" ;sans oublier les soi-disant bolcheviques nationaux. Le plus éminent des intellectuels national-bolcheviques, Ernst Niekisch, avait rencontré Jünger en 1927 ; dès lors, il élaborera également une réflexion sur la technique. Son bref essai La technique, dévorer les hommes est l'une des analyses les plus lucides du messianisme technologique, et l'une des plus grandes critiques de l'incapacité du marxisme à comprendre que la technique était une question qui échappait au déterminisme économiste et aux différences de classe. C'est aussi l'un des meilleurs commentaires de Niekisch sur Le Travailleur de Jünger, une œuvre dont il a eu un grand concept. Ils ont tous essayé de donner à la technique un visage brutal mais toujours humain, trop humain, la seule trouvaille au monde, comme le soutenait Nietzsche.

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Certes, toutes ces énergies ont été mobilisées par les hommes politiques, qui ne pensaient ou n'écrivaient pas autant, mais elles pouvaient faire tomber des barrières que les intellectuels n'osaient pas franchir. Ces nouveaux politiciens avaient fait leur cette nouvelle philosophie : ils ne venaient plus de la peinture, des beaux-arts, ni n'étaient des professionnels de la politique mais des "artistes du pouvoir", comme le disait Drucker. Lénine a ouvert la voie, mais des hommes comme Mussolini et Hitler, et beaucoup de leurs partisans, étaient des archétypes de cette nouvelle classe. Ils venaient des tranchées du front, ils étaient les moteurs d'un mouvement auquel adhérait la jeunesse, ils avaient une grande ambition, ils méprisaient les bourgeois, qui confondaient leurs idées de salut national avec le siècle dernier et ses divers préjugés.

La fin d'une illusion

Schmitt coïncide avec Jünger dans son mépris du monde bourgeois. Dans la conception jüngérienne, l'ami est aussi important que l'ennemi : tous deux sont des référents de sa propre existence et lui donnent un sens. Le postulat significatif de la théorie de Schmitt sera la distinction spécifique du politique : la distinction entre ami et ennemi. Le concept d'ennemi n'est pas ici métaphorique mais existentiel et concret, car le seul ennemi est l'ennemi public, l'hostis. Préoccupé par l'absence d'unité intérieure dans son pays après les vexations de 1918, entrevoyant en politique intérieure le coût de la faiblesse de l'État libéral bourgeois et en politique étrangère les faillites du système international de l'après-guerre, Schmitt s'engagea d'abord profondément dans le national-socialisme. Il est devenu l'un des principaux juristes du régime. Il croyait y trouver la possibilité de réaliser le décisionnisme, l'incarnation d'une action politique indépendante des postulats normatifs.

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Jünger, attentif à ce qu'il appelle "la deuxième conscience la plus lucide et la plus froide" - la possibilité de se voir agir dans des situations spécifiques - est plus prudent, et prend progressivement ses distances avec les nationaux-socialistes. Sans aucun doute, son côté conservateur avait entrevu les excès du plébéisme nazi-fasciste et sa force de nivellement. Schmitt, lui aussi, a commencé à voir comment des éléments médiocres et indésirables sont entrés dans le régime et ont acquis un pouvoir croissant. Heidegger, d'abord si enthousiaste, s'était éloigné du régime en peu de temps. Spengler est mort en 1936, mais il les avait critiqués dès le début.

Néanmoins, il y avait des différences fondamentales. Spengler, Schmitt et Jünger pensaient qu'un État fort avait besoin d'une technique puissante car la primauté de la politique pouvait concilier technique et société, soudant les antagonismes créés par la révolution industrielle et technomécanique. Ils étaient antimarxistes, anti-libéraux et anti-bourgeois, mais pas anti-technologiques, comme l'était Heidegger ; il s'était retiré dans son chalet de Todtnauberg  pour ruminer sa réflexion sur la technique comme obstacle à la "dés-occultation/dévoilement de l'être", qu'il explicitera si magistralement longtemps après.

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La ville soviétique de Magnitogorsk, fruit des plans quiquennaux de Staline et oeuvre d'un architecte allemand du Werkbund.

Un autre aspect sur lequel Jünger, Schmitt et aussi Niekisch coïncident est dans leur réflexion sur la manière dont la Russie stalinienne s'aligne sur la tendance technologique qui prévaut dans le monde. À la fin des années trente, deux nations semblaient se distinguer comme exemples d'une volonté de pouvoir orientée et subsumée dans une communauté de travailleurs, à rebours de ses différents principes et systèmes politiques: le Troisième Reich et l'URSS stalinienne (dans une moindre mesure également l'Italie fasciste). Mais, évidemment, ses classes dirigeantes n'étaient pas perméables aux considérations jüngeriennes ou schmittiennes, car la carcasse idéologique ne pouvait pas admettre d'attitudes critiques. Jünger et Schmitt leur ont fait la même chose : ils n'étaient pas assez considérés comme nationaux-socialistes et ont commencé à être critiqués et attaqués. Schmitt s'est réfugié dans la théorisation - brillante, sans doute - de la politique internationale.

Quant à Jünger, sa conception de l'"ouvrier" a été rejetée par les marxistes, l'accusant d'être un écran de fumée pour masquer l'opposition irréductible entre la bourgeoisie et le prolétariat - c'est-à-dire "fasciste" - autant que par les nazis, qui n'ont trouvé en elle aucune trace de problèmes raciaux. Dans son exil intérieur, Jünger a écrit l'un de ses plus importants romans : Sur les falaises de marbre ; c'est une réflexion profonde, à portée symbolique, sur la concentration du pouvoir et le monde déchaîné par les forces "élémentaires". À travers une prose hyperbolique et métaphorique, il dénonce le sophisme de l'union des principes guerriers et des principes idéalistes quand il manque une métaphysique de base. Certes, cet ouvrage, édité à la veille de la Seconde Guerre mondiale, a été considéré, non sans raison, comme une critique du totalitarisme hitlérien, mais il ne s’épuise pas pour autant dans cette attitude. L'écriture va plus loin, car elle fait référence au monde moderne où aucune révolution, aussi réparatrice soit-elle, ne peut empêcher la chute de l'homme et de ses dons de tradition, de sagesse et de grandeur.

Jünger a toujours été sceptique. Dans La mobilisation totale, il y a un paragraphe éclairant : "Sans discontinuité, l'abstraction et la crudité sont accentuées dans toutes les relations humaines. Le fascisme, le communisme, l'américanisme, le sionisme, les mouvements d'émancipation des peuples de couleur, sont autant de sauts en faveur du progrès, jusqu'à hier impensables. Le progrès se dénature afin de poursuivre son propre mouvement élémentaire, dans une spirale faite de dialectique artificielle. A la même époque, Schmitt a fait remarquer : "Sous l'immense suggestion d'inventions et de réalisations, toujours nouvelles et surprenantes, naît une religion du progrès technique, qui résout tous les problèmes. La religion de la foi dans les miracles devient alors la religion des miracles techniques. Ainsi, le XXe siècle est présenté comme un siècle non seulement de technique mais aussi de croyance religieuse en elle.

Si les deux penseurs croyaient en une tentative de briser le cycle cosmique déclenché, ils auraient vite perdu tout espoir. Les challengeurs mêmes du phénomène mondial d'homogénéisation - dont le moteur technique est issu du monde anglo-saxon de la révolution industrielle - comme le national-socialisme et le soviétisme, ont à peine pu mener à bien ce processus de rupture alors qu'ils constituaient une part importante, et dans bien des cas l'avant-garde, du progrès technologique. L'homme d'aujourd'hui n'y échappe pas, et le principe totalitaire, froid, cynique et inévitable que Jünger a envisagé dès ses premiers travaux, et qu'il a continué à développer jusqu'à sa fin, sera la caractéristique essentielle de la société mondiale.

L'issue de la Seconde Guerre mondiale, avec son cortège d'horreurs, a éliminé la possibilité d'intronisation de l'"homme héroïque" tant désiré et a consacré l'"homme économique" ou "consumériste" comme archétype. Ce triomphe évident de la société fukuyamienne est dû non seulement à la prodigieuse expansion de l'économie mais essentiellement au boom technologique et à la démocratisation de la technologie. Cela ne signifie pas pour autant que l'homme soit plus libre ; il se croit libre alors qu'il participe à des démocraties de quatre mois, habitant du centre commercial et esclave de la télévision et de l'ordinateur, producteur et consommateur dans une société qui a accompli le miracle de créer l'empressement pour l'inutile ; le calme apparent dans lequel il vit cache des aspects inquiétants.

La technologie a totalement dépersonnalisé l'être humain, ce qui est évident dans la macro-économie virtuelle, qui cache une exploitation, une inégalité et une misère étonnantes, ainsi que dans les guerres humanitaires, euphémisme qui sous-tend la tragédie des guerres interethniques et pseudo-religieuses, vestige de l'exploitation des ressources naturelles par les puissances mondiales. Du FMI à l'invasion de l'Irak, le "philistin moderne du progrès" - Spengler dixit - est, sous ses multiples manifestations, génie et fugitif.

Dans les dernières années de sa vie, Jünger en a eu assez. Son conseil au Rebelle était de fuir la civilisation, l'urbanisation et la technique, en se réfugiant dans la nature. Le silence actuel des jeunes - qu'il a souligné dans Le recours aux forêts - est encore plus significatif que l'art. La chute de l'État-nation a été suivie par "la présence du néant, tout en sécheresse et sans ornements". Mais de ce silence, ‘’de nouvelles formes peuvent émerger’’. L'homme voudra toujours être différent, il voudra quelque chose de distinct. Et comme le calme avant la tempête, tout état d'immobilité et tout silence est trompeur.

L'homme qui a tué le président des États-Unis d'Amérique - Présentation du roman posthume de Guillaume Faye

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L'homme qui a tué le président des États-Unis d'Amérique

Présentation du roman posthume de Guillaume Faye

Duarte Branquinho

Guillaume Faye (1949-2019) s'est fait connaître comme un penseur et un essayiste de la droite radicale française et de ce que l’on appelle désormais le ‘’réseau identitaire européen’’, mais son imagination et sa fascination pour la technoscience se sont révélées assez tôt. Il n'est donc pas surprenant qu'il nous ait donné cette surprise posthume, un roman qui est une incursion dans l'histoire alternative, ou plutôt, dans un univers parallèle.

Déjà en 1985, Faye, qui s'était fait remarquer par ses essais politiques, notamment le brillant ouvrage intitulé Le Système à tuer les peuples (1981), écrit le scénario d'une bande dessinée, faisant ainsi ses débuts dans la fiction. Avant-guerre, illustré par Jean-Marc et Éric Simon et publié par Carrère, était un "thriller" qui mêlait la science-fiction et le fantastique, mais où, surtout, le décor nous montrait le monde qu'il entendait prophétiser, celui de la Grande Fédération Européenne, dans laquelle se mêlaient des éléments archaïques et futuristes. En 1998, dans son livre L'Archéofuturisme, en annexe de cet essai provocateur et révolutionnaire, Faye a aussi illustré son monde par la fiction, dans une nouvelle intitulée Un jour dans la vie de Dimitri Léonidovitch Oblomov, qui a été traduite en allemand et publiée de façon autonome par les éditions Jungeuropa l'année dernière. Ensuite, dans L'Archéofuturisme V2.0: nouvelles cataclysmiques (Editions du Lore, 2012), il a à nouveau utilisé la fiction pour illustrer ses idées et présenter l'avenir qu'il espérait.

Nederland

Bartholomé est un homme d'âge moyen, chef de ventes dans une entreprise de nouilles et soupes asiatiques, solitaire dont la vie est inintéressante. Un jour, depuis son nouvel appartement, il observe une belle voisine sur un balcon voisin et tombe immédiatement amoureux. Il devient obsédé par cette femme qui correspond exactement à son type et lui rappelle un amour passé, achète de puissantes jumelles et commence à l'observer quotidiennement, à contrôler ses mouvements et à imaginer sa vie, présente et future - avec lui, bien sûr. Jusqu'au jour où elle voit un homme la rencontrer dans son appartement. L'existence d'un rival est insupportable et Bartholomé, sur les conseils de Barthélémy, son "double" qui vivait comme un parasite dans son cerveau depuis l'enfance, décide de le tuer et, sans le savoir, assassine le président des Etats-Unis, Frank Nederland, à coups de carabine.

Dès lors, la "solution" qui allait ouvrir la voie à son grand amour se transforme en une course où les événements se précipitent et où les vents changent soudainement de direction.

L'intrigue a tous les ingrédients d'un roman policier, d'un thriller politique et d'un roman de science-fiction, sans oublier les touches d'humour.

Il y a des références que l'on a repéré dans des ouvrages antérieurs, comme la firme géante Typhoone, qui figurait déjà dans Avant-guerre, ainsi que des jeux de mots amusants sur des noms propres, comme le procureur Silvester Schwarzenegger et l'agent Arnold Stallone, mais aussi des noms fictifs dans lesquels on reconnaît des auteurs pour lesquels Guillaume Faye n'est pas toujours amical et en profite parfois pour régler des comptes, comme Bernard Loogan, Albin Delanoist, John-Yvan Legallooblow ou Peter Krebs. Il y a également une référence à un sport populaire, le "rollerball", en hommage au film culte du même nom réalisé en 1975 par Norman Jewison.

Le texte se réfère à l'annexe des notes à la fin du livre, et c'est là que nous trouvons un indice qui nous dit où l'action de ce roman se déroule à Washita D.C., où l'on paie en "thalers" et où il existe une religion officielle avec ses déesses, où les gens communiquent par le réseau Intertronic avec leurs PED, boivent des boissons comme la "vodschkaïa" ou le "café salé" et où il y a des animaux comme la "chepulavanka" ou le "sanglion". Dans la note sur le professeur Josef Stiin, on nous dit que cet astrophysicien, adepte de la théorie des "pluri-verses", a révélé dans son ouvrage Pluridimensional Journey qu'il a réussi à voir une planète semblable à la sienne, appelée par ses habitants Terre, et située dans une dimension cosmique parallèle dans la soi-disant Voie lactée.

Nederland, publié par Alba Leone en septembre de l'année dernière, se lit comme un film d'action, avec son rythme rapide, ses descriptions passionnantes, une scène bien construite et des personnages nombreux et variés. Mais au final, ce que l'histoire anticipe bientôt, il y a un sentiment de manque car l’étrangeté du lien entre cet univers et le nôtre demeure. Serait-ce vraiment "le nôtre", ou serait-ce un monde différent ? La réponse se trouve dans une suite que Faye, enlevé par les dieux trop tôt, n'a pas eu le temps d’écrire.

Texte publié dans l'hebdomadaire O Diabo, 8 janvier 2021.

Pour commander le roman: https://danielconversano.com/product/nederland-guillaume-faye/

Cinq livres de Faye pour 80 euros: http://www.ladiffusiondulore.fr/home/851-pack-faye-5-ouvrages-a-prix-reduit-.html?search_query=faye&results=8

Archéofuturisme 2.0 : http://www.ladiffusiondulore.fr/documents-essais/368-l-archeofuturisme-v20-nouvelles-cataclysmiques.html?search_query=faye&results=8

 

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L'âge du fer qui fond : réflexions sur la modernité et le Kali Yuga

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L'âge du fer qui fond : réflexions sur la modernité et le Kali Yuga

par Angel Millar

Il y a un certain débat sur le moment exact où les âges commencent et se terminent, mais selon les traditionalistes, qui s'inspirent de l'hindouisme, nous descendons de l'âge d'or (Satya Yuga), lorsque l'humanité était intimement liée au Divin et vivait en harmonie avec la nature, et nous sommes maintenant dans l'âge de fer matérialiste (Kali Yuga).

Dans le Kali Yuga, la quantité prime sur la qualité ; la richesse (et non l'intelligence ou la sagesse) est considérée comme la preuve de la valeur d'un homme ; les gens ne se soucient plus de leurs parents ou de leurs aînés, et les hommes et les femmes s'unissent exclusivement par attirance physique.

Peut-être parce que nous associons l'âge de fer à la "quantité" et, plus précisément, au "royaume de la quantité", nous devrions considérer le Kali Yuga comme pesant, comme une époque de fer et de ruine. Pourtant, ce n'est pas le cas aujourd'hui.

550x820.jpgDans Liquid Modernity, le sociologue polonais Zygmunt Bauman décrit comment la politique des Lumières a voulu éroder ce qui était devenu statique et oppressif. L'idée était qu'une fois l'ancien régime ruiné, de nouveaux systèmes, plus équitables et plus gratifiants, seraient mis en place. Mais ce n'est pas ce qui s'est passé. L'acide corrosif a continué à désintégrer tout ce qu'il touche, de sorte que nous avons maintenant une "modernité liquide", une modernité où tout est léger, fugace, fluide, mutant, autodestructeur, et peut-être surtout, dénué de sens.

La vision orwellienne de notre monde après la Seconde Guerre mondiale était grise, rigide, oppressante et industrielle. Certaines caractéristiques "orwelliennes" font partie de notre époque, il est vrai ; en particulier l'abus politique de mots creux, qui en fait leur contraire ("dommage collatéral", terme militaire désignant les morts violentes dues aux opérations, étant l'un des plus connus), et la "double pensée" que le "politiquement correct" impose à ses adeptes, qui doivent croire des choses différentes selon la personne qui parle, et à quelle catégorie politique leur "identité" correspond.

L'expressivité apparaît également dans la foule qui crie, dénonçant l'individu pour ses mauvaises pensées. Mais ces foules sont composées de volontaires, plutôt que d'acteurs étatiques, et bien qu'elles se considèrent comme les gardiens d'une haute moralité, et dénoncent la superficialité des Occidentaux qui ne s'intéressent qu'au cinéma, à la musique populaire et à la télévision, c'est leur comportement criard qui vise à créer un tel monde de désintérêt pour les questions sérieuses, un monde où il n’y a qu’absence de réflexion. En d'autres termes, contrairement à ce que fait Orwell dans 1984, l'oppression agit elle aussi ‘’pour se liquéfier et faire lumière’’. Mais regardons quelques exemples de la réalité liquide de notre âge de fer.

Nous avons tous entendu parler du besoin de "liquidité" sur les marchés financiers, longtemps libérés de l'étalon-or, solide et lourd, et de la nécessité pour les entreprises individuelles de disposer de liquidités. Depuis que Bauman a écrit Liquid Modernity, le "genre fluide" est devenu partie intégrante du langage et de l'idéologie du monde moderne. Le genre, par exemple, est devenu changeant, et donc "l'hétéro-normativité", ou le schéma traditionnel du genre, pourrait-on dire, est désormais considéré comme oppressif. La fluidité entre les sexes est aussi souhaitable que la fluidité financière, il n’est donc pas idéal pas qu'ils soient entièrement séparées.

La "quantité" n'est pas une question de poids et d'immobilité, mais est dorénavant ce qui est léger, plus menu, vide et fluide. Prenons l'exemple de la nourriture. Il y a de la nourriture bon marché partout. Et pourtant, cette nourriture habituellement produite en vrac ne nous donne guère plus que des "calories vides" qui nous rendent parfois malades. Des légumes vaporisés de pesticides aux innombrables rangées de boîtes colorées avec des personnages dessinés sur leur côté pile, qui plaisent aux jeunes enfants, le domaine de la quantité est soit caché, soit évident, mais toujours d'apparence amicale.

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Et puis il y a la guerre. Il ne s'agit plus de défendre sa nation, et certainement pas sa culture traditionnelle. La guerre, dit Bauman, "ressemble de plus en plus à une ‘’promotion du libre-échange mondial’’ par d'autres moyens". (p. 12). Mais elle se justifie aussi par les choses les plus glissantes : apporter la "liberté", la "démocratie", ou peut-être les droits des femmes. La guerre, c'est aussi le nomadisme. Les cultures traditionnelles sont arrachées de leur sol pour la première fois depuis plus de mille ans.

En plus d'être plus léger et plus fluide, il y a une autre caractéristique de la modernité : moins cher. Il y a un siècle, ou moins, nous avons compris qu'il valait la peine d'acheter quelque chose qui durerait toute une vie. Il pourrait être transmis à la génération suivante. Aujourd'hui, le consommateur moyen veut acheter le produit le moins cher, même s'il s'effondre après une utilisation de courte durée, car il est probable que, quoi qu'il arrive, il sera démodé avant même cette date.

Les "travailleurs illégaux" contribuent évidemment à maintenir les prix bas. Lorsque l'on parle du "rêve américain" en matière d'immigration, l'idée confortable et consciente que les immigrants s'en sortent bien aux États-Unis est sous-tendue par le "rêve" inconscient mais réel : que la classe moyenne, de plus en plus appauvrie, puisse maintenir un mode de vie de classe moyenne grâce à une main-d'œuvre de plus en plus bon marché.

En Europe aussi, les immigrants et les réfugiés ne seront pas intégrés au rêve britannique, français ou allemand, quel qu'il soit. Ils sont utiles pour le travail bon marché, et utiles pour les élites qui ont besoin de montrer à quel point elles sont morales et consciencieuses, mais qui ne veulent pas le faire à leurs dépens.

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Malgré tous les discours sur l'intégration, les gens ne peuvent pas s'intégrer dans l'existence vide, liquide et en mutation de la modernité. Au contraire, ironiquement, les immigrants de Syrie, de Libye, du Pakistan et d'ailleurs apportent ce qui est défini et enraciné dans la tradition et la religion, et ils ne le quitteront pas facilement, notamment parce qu'ils sont des immigrants. Les États-Unis, qui jusqu'à récemment n'étaient guère plus que l'Europe portés vers la religion, se sont accrochés à la religion et aux traditions européennes d'une manière que les États européens modernes n'ont pas, parce qu'ils sont eux aussi une "nation d'immigrants".

Dans le film Duna, "l'épice doit couler". L'épice est similaire à ce que nous connaissons sous le nom de Soma ou de Hoama zoroastrien, une sorte de narcotique ou de substance qui semble apporter une sorte de lumière. Peut-être parce que le film, et le livre sur lequel il est basé, se déroule dans le désert, l'"épice" a naturellement été comparée au pétrole : "le pétrole doit couler", de préférence vers l'ouest. Mais le pétrole était hier instable sur le plan économique. Aujourd'hui, pour entretenir l'illusion de richesse et de modernité, c'est l'immigration qui doit circuler.

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"Nous assistons à la revanche du nomadisme sur le principe de territorialité et de colonisation", déclare Bauman. "Dans la phase fluide de la modernité, la majorité stable est gouvernée par l'élite nomade et extraterritoriale. Garder les routes libres pour le trafic nomade et faire disparaître les derniers points de contrôle est devenu le méta-objectif de la politique, et aussi des guerres..." (p. 13).

Mais même la main-d'œuvre bon marché ne peut pas être rendue assez bon marché. Si nous avons des problèmes pour remplacer le pétrole par l'énergie solaire, nous avons moins de problèmes pour remplacer les gens par des machines, ce qui a commencé avec la révolution industrielle. Récemment, les fonds Oppenheimer ont lancé leur propagande "le non-humain est beau". Dans la publicité, on voit un robot qui aide une femme à mettre son manteau et un autre petit robot qui sert des boissons lors d'une fête au bord de la piscine. Nous avons peut-être peur des robots, tout comme les gens craignent une immigration incontrôlée, mais la société d'investissement mondiale nous assure qu'il y aura des robots dans chaque foyer d'ici 2025. Les robots sont "beaux", et nous devrions investir dans un "bel avenir", ou pour le dire autrement, un avenir plus liquide.

L'âge du fer, oui, mais d’un fer qui a été fondu. La tradition, nous dit Gustav Mahler, n'est pas de conserver les cendres, mais de transmettre la flamme. Nous devons également dire qu'il s'agit de transmettre l'essentiel. Mais ce doit être aussi pour transmettre les formes des choses, pour transmettre un royaume mort et devenu psychique, avec des guerriers, des prêtres, des mystiques, des amoureux, de grandes œuvres d'art, de grandes constructions, des compétences, des idées, etc. qui existent maintenant sous forme de légende, d'histoires, de philosophies, de dictons, de peintures, de sculptures, etc.

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Le fer est une chose particulière. Considéré par les alchimistes comme l'un des métaux de base, et par les hommes modernes comme archaïque et moins utile que l'acier, les anciens le voyaient différemment. Les Zoroastriens pensaient que les cieux étaient faits de "pierre dure", ils semblaient donc faire référence au fer météorique, quelque chose que beaucoup de peuples anciens utilisaient, surtout de manière rituelle. Le fer, sombre et dense, est, comme nous l'avons découvert, symbolique du ciel, des dieux, du Divin. Que ce soit intentionnel ou non, nous pouvons prendre cela comme un signe de la façon de vivre dans l'âge de fer actuel : renforcer notre corps et aiguiser notre esprit, notre pensée et nos capacités.

Intentionnel ou non, nous pouvons prendre cela comme un signe de la façon de vivre à notre époque. Comme les métallurgistes, nous pouvons appliquer de la chaleur à notre propre vie, en nous purifiant, mais en devenant plus solides, en façonnant notre vie en quelque chose qui reflète l'éternel. Nous pouvons penser à des exercices, où notre corps est trempé dans notre propre sueur "liquide", mais est moulé et durci à cause de cela. L'âge du fer fondu veut nous emporter avec lui, mais en appliquant la flamme et en ré-imaginant les formes des valeurs et des pratiques anciennes, des domaines de la force physique et de la santé à l'élévation mentale et spirituelle, et en nous remodelant en conséquence, nous pouvons résister aux coulées fondues de la modernité.

 

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mercredi, 13 janvier 2021

Sun Tzu et Clausewitz - Guerre et politique

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Sun Tzu et Clausewitz

 

Guerre et politique

 

Irnerio Seminatore

 

Sun Tzu est une figure à la fois historique et légendaire, qui appartient à la Chine des royaumes combattants, celle du IVe siècle avant Jésus-Christ. Son identité est incertaine, sa biographie vide et la véracité de son œuvre contestée. Qui est donc Sun Tzu et pourquoi son actualité ? Mérite-t-il de figurer sur les frontons de gloires militaires et par là de nos maîtres à penser ? L’identité de Sun Tzu, quoiqu’incertaine, tire sa raison d’être de l’enseignement d’un grand texte, L’Art de la Guerre, qui est l’expression d’une philosophie de l’existence et la référence obligée d’une pensée, résumant les concepts essentiels d’une Chine septante fois séculaire.

s-l500.jpgSon actualité tient à la géopolitique mondiale et à l’importance croissante du pays de Chung Kuò sur le plan économique et stratégique, mais aussi à l’exotisme de formulations littéraires du texte, inspirant une tradition de savoir dont l’ambiguïté, comme celle des écrits de Lao Tse, est susceptible d’interprétations multiples. Par ailleurs, l’actualité de L’Art de la Guerre découle de la somme des dilemmes et des interrogations que les hommes de pensée et d’action doivent résoudre dans les drames individuels de leur vie, ou dans les engagements collectifs de leurs peuples ou encore dans les questionnements imposés par des situations graves, de danger existentiel et de menace imminente.

Étudié dans les écoles militaires occidentales, en particulier anglo-saxonnes, depuis les guerres révolutionnaires de la Chine, de l’Indochine et du Vietnam, comme source de réflexion stratégique, les options de Sun Tzu, leur niveau d’abstraction et leur rapport au réel sont davantage tributaires de la situation historique qui les a inspirés que d’une tradition militaire codifiée et spécifique. En effet, leurs leçons fondamentales sont d’ordre métapolitique et philosophique. Elles tiennent à l’idée que la guerre est une affaire aventureuse et aléatoire dans laquelle se joue la survie ou la mort des nations et que la réflexion qui la concerne doit être traitée avec élévation d’esprit et profondeur de jugement.

L’Art de la Guerre s’inscrit parfaitement dans la phraséologie combattante de notre époque, où la guerre classique, tout en se retirant du vécu quotidien, envahit les formes de communication les plus diverses, perçant dans les domaines de la vie civile, d’où elle avait été exclue sous l’apparence trompeuse d’un devenir pacifié de la scène mondiale. L’actualité de Sun Tzu s’inscrit parfaitement dans la logique des sciences économiques contemporaines, pensées en termes de compétition « hors limite ». En effet, l’idéologie du discours économique contemporain est pénétrée d’une terminologie guerrière, due pour une part à la dépolitisation du politique et pour l’autre à une guerre totale impraticable, mais omniprésente, celle d’une rivalité poussée à des formes de compétition sans règles. Cette actualité tient également à la fausse opinion que la guerre réelle s’identifie à la guerre économique. La guerre proprement dite, dans la pensée occidentale, est l’expression d’une lutte d’anéantissement, d’une antinomie éthique et de ce fait d’un « commerce sanglant », qui ne peuvent être réduits à une compétition marchande. La guerre économique, en revanche, tient à une opposition d’intérêts entre acteurs, zones et secteurs d’activités, dont le niveau d’innovation et de maturité relève de périodisations de développement différentes. Dans le sillage de cette deuxième interprétation, L’Art de la guerre devient un manuel pour des chefs d’entreprise et une référence, de lecture et de méthode, pour une stratégie de conquête des marchés. Ainsi, la Chine est vue comme le miroir inversé de l’Occident et L’Art de la guerre comme le modèle abstrait d’une militarisation de la société internationale et d’une dévalorisation parallèle des conflits sanglants.

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Au plan historique et dans l’empire du Milieu, à partir du VIe et Ve siècle avant Jésus-Christ, la guerre change complètement de nature, de méthode et de forme. Change en particulier la structure de l’organisation militaire, le sens du combat et le rôle du guerrier. C’est à cette époque que se modifie le rapport entre guerre et politique et entre politique et société. L’art chinois de la guerre est un art de l’oblique, qui prétend vaincre « sans ensanglanter la lame » en investissant le champ tout entier du politique et en dominant totalement l’adversaire, avant même le déclenchement du combat.

En Chine, la réflexion sur l’art de la guerre, en se hissant du savoir-faire militaire et du rapport de forces pur entre belligérants, tend à dépasser la sphère de l’affrontement violent et du conflit sanglant pour parvenir à la formulation d’une théorie globale du conflit qui s’étend à l’univers céleste et à l’ensemble du corps social.

Ainsi, la transformation de l’art de la guerre autour du Ve siècle, découle de trois mutations majeures :

  • la monopolisation et hiérarchisation de la violence, autrefois sacrificielle ;

  • la militarisation de la société chinoise de l’époque et la dévalorisation parallèle du guerrier, jadis noble et désormais piétaille ;

  • la transformation de la structure de l’armée, dans les mains de guerriers, investis, à l’époque archaïque d’une fonction aristocratique, mystique et de prestige, et au Ve siècle avant Jésus-Christ d’un rôle subalterne, au sein d’une armée de fantassins, encadrée sévèrement et tenu par un seul maître, commandant en chef ou souverain.

Au VIe siècle avant Jésus-Christ, la dévaluation des qualités guerrières, soustraites au privilège d’un exercice par définition mâle, s’accompagne d’une mutation des formes de combat, qui de rituelles deviennent réelles et de « viriles » (créditées du symbole du yang et porteuses de châtiments et de morts) deviennent « féminines » (cernées par le sceau du yin, emblème de la féminité) et marquées par la faiblesse, la souplesse et l’esquive. C’est ainsi que la victoire change de sexe et l’univers des combats devient un monde de stratagèmes, inspirés par le souci d’éviter l’affrontement et l’effusion de sang.

L’art du général s’inspire désormais de l’attitude du yin dans le cadre d’un conflit où l’issue de l’épreuve est d’induire un doute sur le statut du « fort » ou sur celui de la « force », eu égard au résultat du conflit. L’habilité suprême, selon les théoriciens de l’époque des royaumes combattants consistait à dominer un conflit par l’art de l’obliquité, en remportant la victoire par le détour de la violence ou par des affrontements peu meurtriers. Ce détour est tout autant diplomatie et stratégie, art de la subtilité et cruauté sélective. Il ne pourrait réussir, s’il n’était pas dominé par un postulat, la suprématie du pouvoir civil sur le pouvoir militaire, de la ruse sur la vaillance, de la manipulation et de l’intrigue sur la manœuvre, ou encore de la gesticulation guerrière sur l’attrition des forces.

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À l’époque où Sun Tzu rédige son traité, les combats constituent des immenses boucheries et les morts se comptent par centaines de milliers auxquelles se rajoutent des centaines de milliers de vaincus, qui sont égorgés ou passés par les armées. La Chine de l’époque baigne dans le sang, mais aussi dans l’intrigue et dans un univers de suspicion. Le jeu diplomatique est stimulé par des tractations secrètes, des démarches biaisées, des pièges et des ruses retorses. Sur le front, les massacres demeurent la règle et la ruine des pays un facteur d’hésitation dans l’engagement belliqueux face aux calamités et aux tragédies collectives. Les sept royaumes combattants, qui restent de la centaine des principautés de l’époque Tchéou, nouent des manœuvres et des alliances éphémères pour isoler leurs rivaux, les vaincre et s’en partager les dépouilles. Malheurs et souffrances sont partout. Si l’expérience nous enseigne qu’un pays affaibli devient une proie pour des rivaux prédateurs, l’alliance devient alors un moyen de politique qui permet de préserver sa survie. Ainsi, la ruse diplomatique, visant à renverser une alliance, est un but indispensable du jeu de puissance. Chacun doit redouter la trahison et à tout moment. La faiblesse et la suspicion encouragent l’intoxication et l’espionnage. L’influence au sein d’une cour étrangère permettra l’achat des conseillers du roi et l’orientation d’une coterie, dont dépendra la décision du prince et la conduite militaire de ses armées. Le personnel diplomatique de la Chine ancienne est constitué de véritables professionnels de la politique qui se vendent à l’ennemi et passent de prince en prince, au service d’autres souverains et d’autres entreprises. On ne peut s’attendre à aucune fidélité, car celui qui a déjà trahi peut encore trahir, en servant un autre prince ou en restant attaché secrètement à l’ancien. Deux comportements insidieux règnent aux cours des souverains de l’époque : la manipulation et l’intrigue. L’intelligence politique est une intelligence rusée. Elle se définit par la capacité de prévoir à long terme, d’épouser les mutations, de renverser des positions, de permuter les rôles qui transforment le yin (féminin) en yang (masculin) et le yang en yin, dans une dialectique permanente et cyclique. L’intelligence politique se doit donc d’être divinatoire. Cette mutation est perceptible par l’instauration d’une « mentalité indicielle », car, dans la lecture du futur tout est signe, indice et symbole. Elle doit viser les implications d’un acte, d’une trace, d’un détail. Le chef de guerre ou le souverain sont tels, s’ils sont capables d’interpréter le temps, de saisir l’occasion, d’exploiter la circonstance, de mettre la ruse au profit de l’imprévu. L’anticipation, visible dans un détail éphémère, y joue une fonction essentielle, car le combat qu’on livre dans l’immédiat, doit être lu dans l’intention de l’ennemi, par une sorte de la prescience. La faculté d’anticiper, de décider et d’agir avant l’éclatement du conflit doit étouffer dans l’œuf toute velléité de l’adversaire d’attaquer en premier. La pensée conjecturale est à la racine de l’attaque préemptive et celle-ci fonde une stratégie d’équilibre entre adversaires déclarés, si elle est partagée et à condition qu’elle le soit. Il s’en dégage ainsi une doctrine de la parade ou de la non-guerre, autrement dit une dissuasion réciproque, fondée, comme aujourd’hui, sur la prééminence stabilisatrice d’une politique sans combat, d’une stratégie de frappe en premier, qui exorcise l’affrontement permanent. Le principe de subjuguer sans frapper fonde celui de vaincre sans recourir aux armes. Dans une situation caractérisée par la guerre permanente et par un univers de traîtrise omniprésente se forge peu à peu une doctrine qui prétend conjurer les convulsions de la guerre, la désolation ou le chaos.

LE « LIVRE DES MUTATIONS ». FRAPPER LA TRANQUILLITÉ PAR L’IMPRÉVU ET L’ÊTRE PAR LE CHAOS

9782081309890.jpgLa subtilité du coup d’œil et la rapidité d’exécution décident de la réussite immédiate et à long terme. Elles fondent dans l’instant, l’esprit et l’âme de l’action du stratège. Voir, agir et vaincre le futur se dévoilent totalement dans l’instant, dans l’occasion fugace, dans la saisie d’un acte, dans un détail divinatoire. Voir, interpréter et agir exigent de passer par des manifestations infimes, par un coup de regard et une étincelle des yeux ! Il faut saisir toutes les implications d’un acte par une décision foudroyante ! Agir sur le futur, c’est acter dans les amonts du temps, c’est penser la durée dans l’instant, c’est troubler l’ordre absolu par l’irruption du chaos, c’est former par l’informe, dans toute la profondeur des temps. La victoire, dans l’ordre absolu, est le fruit de l’ordre intérieur, brisant la législation du prévisible. C’est frapper par l’imparable, portant atteinte aux vertus du paisible. C’est là que la lame scinde la lumière de ses origines et coupe le regard de l’homme pour le faire rentrer dans les ténèbres de la nuit et dans celles du vide. Dans la domestication de la guerre et des conflits permanents, quatre écoles mènent le jeu et orientent les solutions dans la Chine ancienne :

  • l’école des diplomates, pour qui le combat doit être mené dans l’esprit même de l’adversaire et au cœur de son mental. L’arme-clé y est celle de la parole, de l’engagement, de la conviction, du sophisme ;

  • l’école des confucéens, qui prônent la rectitude et la vertu, seules capables de subjuguer la guerre ;

  • l’école des légistes, porteurs d’un ordre despotique, en mesure de remporter des victoires à la faveur d’une discipline sans pitié, inspirée par la soumission des sujets à une législation sans concessions ;

  • l’école des stratèges, à laquelle appartient Sun Tzu, qui élabore une synthèse des trois écoles, limitant l’affrontement aux issues consécutives à l’échec des trois méthodes.

SUN TZU ET CLAUSEWITZ. L'ART DE L'OBLIQUITÉ ET DE LA RUSE, OPPOSÉ AU PRINCIPE D'ANÉANTISSEMENT

Si les opérations militaires sont au cœur de la réflexion stratégique, la manière de les concevoir et de les conduire change radicalement en Occident et en Extrême-Orient. Change par ailleurs la distinction entre stratégie et tactique et la conception, directe ou indirecte de la manœuvre et de l’affrontement. En Occident, Clausewitz choisit d’allier la connaissance et l’épée et donne une définition kantienne de la guerre, comme action guerrière fondée sur une idée-maîtresse, le principe d’anéantissement. L’ambition de la pensée occidentale en général, et celle de Clausewitz en particulier, est de saisir la guerre par le raisonnement logique, par des démonstrations géométriques et par des certitudes rationnelles. Or, si une manœuvre peut se concevoir dans l’abstrait, la guerre comme action se développe dans le réel et ce réel montre à chaque fois et dans toute situation des résistances imprévisibles.

Soumettre la guerre à la catégorie de l’entendement et du libre jeu de l’esprit a pour finalité de mieux saisir le réel, afin de mieux le soumettre à la volonté et ce réel, pour Clausewitz, est politique. La guerre est donc conçue comme une activité dont la finalité est de porter préjudice à l’ennemi et pas seulement de le tromper, car tout dans une guerre repose sur le combat, sur le principe d’anéantissement de l’ennemi et sur la suprématie de l’intelligence politique sur les moyens militaires. Ainsi, il doit y avoir une connexion logique entre stratégie et tactique, une connexion qui s’atténue dans la conception de Sun Tzu. En effet, chez Clausewitz, la « tactique » est l’« enseignement qui a pour objet l’emploi des forces armées dans le combat » et la « stratégie », l’« enseignement de l’emploi des combats dans l’intérêt du but de guerre ». En ce sens, « le combat est à la stratégie ce que le paiement en espèces est au commerce par traites ». Dans l’empire du Milieu, les théories de la guerre font de l’occultation de l’affrontement, et donc de l’évitement du combat, le fondement même des discours de la guerre. La réflexion chinoise sur la guerre présente des caractéristiques incantatoires. Elle est axée sur le rejet du face à face avec l’ennemi et la valorisation des procédés indirects, les ruses stratégiques, les subterfuges, l’action oblique qui n’impliquent pas la manœuvre ou l’ampleur du mouvement stratégique et de ce fait la concentration des forces en vue de l’engagement.

51wRTp1v6CL._SX333_BO1,204,203,200_.jpgOr, si la stratégie à l’occidentale suppose l’organisation des combats en fonction du but de guerre (Zweck) et l’investissement des forces dans l’espace en fonction des combats, la stratégie chinoise conçoit le fondement de la stratégie dans l’action indirecte, comme pratique intelligente de la ruse. L’intelligence rusée du chef de guerre construit sa victoire sur le mouvement de l’adversaire, dans l’esprit même de l’ennemi. Or, si tel est un objectif important de la conduite des opérations militaires, de quelle manière peut-on assimiler une opération militaire, en particulier celle du stratège à un art, à une activité de l’âme. Comment par ailleurs, peut-on construire une philosophie ou une théorie de cet art ? Or, puisque toutes les guerres réunissent trois caractères essentiels, la violence originelle, la libre activité de l’âme et l’entendement politique, comment concilier violence et politique et dans quelles conditions justifier, au nom de l’entendement politique, l’abandon du principe d’anéantissement ou de victoire, sur l’ennemi ? Et encore, là où la décision est inséparablement politique et militaire, comment justifier un abandon du combat, qui est le seul conforme à l’essence de la guerre et à son concept pur ? Si la guerre n’est pas une réalité autonome du politique (d’après Carl Clausewitz, « la guerre a bien sa grammaire, mais non sa logique propre »), quel est le sens d’une action guerrière qui s’oriente délibérément vers la manœuvre et vers l’action indirecte, tournant le dos à la bataille et au combat ? Et pour terminer, la série des questionnements inhérents au débat stratégique, comment réconcilier le caractère historique, conditionné et déterminé d’une guerre, liée à des circonstances conjoncturelles et aux intentions politiques des belligérants, aux modèles abstraits, philosophiques et anhistoriques des guerres absolues, seuls conformes au concept pur de guerre ? En son temps, Sun Tzu suggère de « construire sa victoire sur les mouvements de l’ennemi » et cette recommandation opère par le renouvellement constant de deux modalités du combat : de « front » ou de « biais ». Or, la « puissance de l’action de biais » repose sur des ruses, des surprises et des procédées indirectes qui relèvent de l’action tactique, qui ne font appel ni à l’organisation des armés sur le terrain ni à leur réunion en vue de l’engagement. Elles appartiennent aux procédés des manœuvres hétérodoxes et à la tactique plus qu’à la stratégie.

DISCOURS OCCIDENTAL ET DISCOURS CHINOIS SUR LA POLITIQUE ET LA GUERRE

Les traités chinois sur la guerre et les livres militaires de Sun Tzu s’adressaient aux princes et aux gouvernants, et non pas aux officiers et aux généraux. La guerre était un prétexte pour la théorisation de la « bonne gouvernance ». Au cœur de la réflexion de ces théoriciens ne se situait pas la manœuvre militaire ou le combat, mais la toute-puissance du prince et sa maîtrise de l’univers. Politique et métaphysique étaient donc les objectifs des analystes, au lieu et à la place du stratégique et du politique. En Chine, la sphère la plus élevée de l’abstraction cesse d’être un discours sur la guerre, pour devenir une spéculation sur le devenir entre les deux entités, de l’être et du néant. Les traités sur la guerre de cet empire occultent le cœur des préoccupations occidentales, l’affrontement, le combat, la lutte (Kampf), l’anéantissement, la percée et la bataille de front. Puisque dans la conscience et dans la philosophie chinoises ce qui n’a pas de forme domine le monde des formes, la force suprême d’une armée est sa ductilité polymorphe qui, à la manière de l’eau, enveloppe et évolue, sans épuiser le modelage infini des formes. La force tient au fluide, à la souplesse, à la capacité de transformation, à l’habilité manœuvrière de la troupe et du chef de guerre, au perpétuel mouvement du devenir, la véritable anima mundi.

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L’art de la transformation et du camouflage d’une armée, tiennent à sa « forme informe » à l’insaisissable et au fuyant, à la dialectique inexorable et incessante du yin (féminin) et du yang (masculin), aux infinies combinaisons des deux forces, régulières et extraordinaires, en quoi se résume le dispositif stratégique d’une armée. L’indescriptible chaos de l’univers se rend sensible par les capacités de démiurge du grand chef de guerre, à même de déployer une armée dans une virtualité pure. L’engagement d’une armée est ainsi un accouchement du chaos, un enfantement cosmique. Dans cette projection métaphysique de la guerre se réalise une identité fusionnelle entre les figures du chef de guerre et du créateur de l’univers. Ainsi, les niveaux de l’action sont triples, politique, militaire et cosmique. La totale assimilation du général et du Tao, dilue le « sujet » de l’action en une force universelle, totalement désincarnée, où la bataille n’est plus un combat ou un moyen d’anéantissement, et l’État ou le souverain, ne sont plus des forces de violence primordiales et originelles, mais des forces cosmiques, au sein desquelles le général est doté des attributs du souverain, qui a pour le modèle le ciel. Selon cette pensée la réalité se produit à partir de l’imaginaire et de la supériorité du néant sur l’être, car si « Toutes les choses sous le ciel naissent de l’être, l’être est issu du néant.

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Sun Tzu serait philosophe et uniquement philosophe, s’il ne s’occupait pas de la morphologie des théâtres de guerre où des hommes s’affrontent en fonction des difficultés du terrain. De nombreux éléments définissent l’influence du milieu sur l’homme, dans des conditions normales et encore davantage s’il est dans l’obligation de combattre. Après la « vertu », qui influe sur la cohésion entre le peuple et ses élites et le « ciel », caractérisé par l’alternance des saisons et de cycles, lunaires et solaires, le « milieu » exerce une influence déterminante, par deux autres éléments, l’inconstance du « climat » avec la chaleur et le froid, et les difficultés du « terrain », ouvert ou resserré. Toutes ces variables, qui doivent être connues à l’avance par le chef de guerre, afin de dégager une bonne tactique, permettront aux combattants de bénéficier des meilleures dispositions du milieu physique et d’en tirer parti.

De ce constat découle toute une série d’enseignements et de préceptes, établissant un rapport entre les données instables de la nature et la psychologie craintive des combattants. Sun Tzu discerne lui-même six types de terrain dont le général doit s’occuper. Sa classification fait également place aux espaces de manœuvre et à ceux qui sont favorables aux grandes batailles, de même qu’aux territoires praticables ou impraticables. D’autres auteurs, bien successifs à Sun Tzu, ont repris, en le paraphrasant, les conceptions relatives à la stratégie et à l’espace, ainsi que les caractéristiques permanentes de la stratégie et de la tactique militaire, que Sun Tzu sut présenter et résumer subtilement dans son court traité sur « l’Art de la Guerre ».

LE « DÉSARMEMENT DE L’ENNEMI » DANS LA PENSÉE CHINOISE

614uDXVkE2L._SX260_.jpgDans la conception occidentale de la guerre est exclu tout principe de « limite » qui, dans la stratégie chinoise, trouve sa forme elliptique dans le désengagement et la « fuite ». L’expression plus fidèle de la philosophie chinoise est celle du « Livre des mutations » dont les figures divinatoires offrent une représentation symbolique de l’univers et une référence aux forces qui y sont à l’œuvre. Ces représentations de la « science des mutations », sont liées, depuis les origines, aux arts martiaux, à la dialectique du Yin et du Yang, au sein de laquelle il n’y a pas de négation, mais de simple dépassement. Grâce à l’art divinatoire, il est possible de déchiffrer et de prévoir ce qui est encore en germe, par l’identification des traces ou des signes avant-coureurs, des mutations ou des évènements qui se dessinent. L’énoncé philosophique selon lequel « l’occulte est au cœur du manifeste et non dans son contraire » est au cœur du système d’interprétation de la réalité contenu dans le « Livre des mutations ». Le réel se définit par son instabilité et ses configurations transitoires. Il faudra en déchiffrer les formes et en appréhender le sens afin d’en tirer parti.

« La dureté se cache sous la douceur ». On gagne la confiance en tranquillisant l’ennemi et on complote contre lui en préparant l’offensive.

« Créer de l’être à partir du non-être ». Tous les êtres de l’univers sont issus de l’Être, l’Être est issu du non-être.

Ainsi, dans une pensée où la ruse est essentielle, l’art du divin comme l’art du stratège constituent la science ce qu’il advient. Scruter les signes est capital, car dans la maîtrise du futur où tout est signe et indice, ceux-ci dévoilent les secrets du temps, lisibles dans les hautes combinaisons stratégiques, qui exigent à chaque fois déchiffrement et interprétation.

Or, dans la pensée chinoise qui est mélange de religion et de sagesse, l’importance des temps fonde l’inaction taôiste, comme observation de l’immuable, et celle-ci se révèle dans la supériorité de la transcendance sur l’immanence et de la « ruse du temps » sur la « ruse de l’homme ».

Dans cette science des mutations, qui fut la matière première des lettrés, la « ruse » de guerre apparaît comme le produit d’une malice et la forme suprême de cette « ruse » est la « fuite » face à l’ennemi, les meilleurs des stratagèmes en cas de revers militaire.

Face à cette malice, le gagnant doit « laisser filer l’adversaire pour mieux le capturer », ou donner du mou à la laisse. C’est miner son potentiel offensif, émousser sa volonté de combattre et affaiblir son ardeur de réagir. C’est vaincre sans combattre, gagner sans « ensanglanter la lame », conformément à l’un des enseignements capitaux de l’« Art de la guerre ».

LE DÉSARMEMENT DE L’ADVERSAIRE DANS LA PENSÉE OCCIDENTALE

La philosophie de l’Occident, élaborée à partir de la Renaissance, partait d’un postulat capital : la certitude que derrière les formes et les phénomènes les plus divers de la vie, existent des lois qui gouvernent ces évènements. Ces lois sont à découvrir pour réduire les incertitudes et gouverner le devenir. Machiavel, en homme de la Renaissance, partageait l’idée selon laquelle l’homme pouvait dominer la « Fortuna », le hasard de la vie et de la guerre, et que, par la raison, on pouvait constater et dominer l’empire du profond inconnu.

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La vie et encore davantage la guerre, lui apparaissait comme un combat entre la raison, empreinte d’une discipline sévère, et la Fortuna, soumises aux variables caprices d’une déesse féminine. Les hommes de la Renaissance ne doutaient guère que la raison finisse par l’emporter et cette croyance dans la suprématie de la raison était la clé de leur admiration pour Rome et les institutions militaires romaines.

L’invincibilité des armées de Rome était la preuve que cette ville s’était donné la meilleure organisation que la « raison » pouvait concevoir. Ses institutions militaires étaient l’expression du principe universel qui gouvernera pendant longtemps toutes les institutions militaires du monde. À sa base, nous retrouvons le postulat selon lequel le succès d’une guerre et d’une opération militaire, dépend de la résolution d’un problème intellectuel, d’ordre rationnel.

Le terme de la stratégie ne faisant pas partie du vocabulaire de la pensée militaire de l’époque, mais la pensée stratégique venait de naître. Si la bataille demeure le facteur décisif d’une guerre, l’ordre de bataille constitue le point culminant de celle-ci. Ainsi, l’étude rationnelle du plan de bataille et de l’ensemble de la campagne, fonde les moments de préparation théorique, sur lesquels se greffent l’organisation du commandement et la formation intellectuelle du chef de guerre. On s’aperçoit, depuis cet âge d’optimisme et de rationalité, que la guerre n’est pas une science, mais un art, qui réserve une place décisive aux impondérables et à l’esprit d’initiative et d’aventure.

Or, l’importance accordée à la particularité de la guerre et de la bataille, le caractère personnel et unique de l’intuition et du commandement, associent Machiavel et Clausewitz, dont le trait commun est la conviction que la validité et la pertinence de toute analyse des problèmes stratégiques ou militaires, dépend d’une perception générale, une idée « juste » sur la nature de la guerre.

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Clausewitz rejetait l’esprit scientifique de l’époque de l’Ancien Régime qui ennoblissait le combat et refusait l’idée de la guerre comme acte de violence extrême, en attachant de l’importance à des manœuvres, dans le but d’éviter tout affrontement. Il affirmait clairement que le côté scientifique du combat est d’importance secondaire. Clausewitz, insistant sur la prééminence des facteurs immatériels et moraux, confirmait que, ce qui fait le génie est, dans la figure de l’homme d’action, une étroite symbiose de philosophie et d’expérience. À l’instar de cette traduction « continentale de l’Occident », prônant le concept de guerre absolue comme « acte de violence, poussée à ses limites extrêmes et destinée à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté », les penseurs « insulaires » (anglais) mettent l’accent sur le rétrécissement d’une stratégie « à sens unique » et, avec l’autorité d’un Liddel Hart, déclarent que « la stratégie doit réduire le combat aux proportions les plus minces possible ». L’accent mis sur le talent et la subtilité, rapprochent-ils ces théoriciens occidentaux et chinois, sur la préférence accordée à l’action indirecte, plutôt que directe ?

SUN TZU ET « L’ART DE LA GUERRE ».

LA « LUTTE MODERNE » ENTRE CLAUSEWITZ ET LIDDELL HART

Deux principes régisseurs inspirent l’« Art de la Guerre », selon deux maîtres de la stratégie, Sun Tzu (au VIe siècle avant l’ère vulgaire) et Napoléon, « Dieu de la guerre » selon Clausewitz et maître de la « brutalité extrême » et des « haines primaires » (à cheval entre le XVIIIe et le XIXe siècle en Europe) : Contraindre l’adversaire à abandonner la lutte et épargner l’ennemi en fuite pour le premier, en s’insérant dans le « dao » et en allant dans le flux, en s’adaptant aux conditions naturelles et aux circonstances. Battre l’adversaire par une méthode primitive et brutale, puis le poursuivre de manière impitoyable, et anéantir ses forces pour le deuxième. Il en ainsi pour l’école de ses héritiers occidentaux, en particulier ceux qui forgeront les conceptions et doctrines d’actions prusso-germaniques. En amont de ces deux principes, deux philosophies et deux visions de l’histoire, président à la définition sur la « nature » de la guerre, comme domaine primordial de l’existence sociale, ainsi qu’a la quête des lois des conduites belliqueuses. Une philosophie de l’inclusion et de la non-contradiction dans un cas, qui conçoit le renversement des rôles et des positions, selon une logique évolutionniste et organique, celle taôiste du yin et du yang et une dialectique de l’antagonisme et de la négation radicales, dictée par la « nature absolue » de la guerre, poussée aux extrêmes. Il s’agit de la négation radicale de l’adversaire, et d’une affaire révolutionnaire, là où la nation se réveille dans un engagement total, renversant les bornes naturelles des armées de métier et poussant à l’écrasement total des armées adverses. Utiliser la ruse et pousser l’adversaire à abandonner la lutte, laisser qu’il prenne la fuite, cela s’apparente à la « stratégie indirecte ». C’est autre chose que le détruire ou anéantir ses forces, par une stratégie de « percées centrales ». Une stratégie, qui selon le Mémorandum de 1905 de Schlieffen et ses réflexions antérieures, est conçue comme une bataille d’enveloppement contre les deux ailes de l’ennemi, afin de détruire sa liberté d’action. Dans le mode de combat de Sun Tzu., les sujets de l’ennemi sont intégrés à notre volonté et à notre autorité. Ils deviendront sujets de la cité et du pouvoir une fois la victoire assurée. Dans la stratégie occidentale, ils demeurent hostiles, car soumis à la loi nationale d’appartenance. Dans le cas de Sun Tzu il faut également s’interroger si le rapport de la guerre et de la politique est celui théorisé par Clausewitz, selon lequel les deux ont la même logique, quoiqu’elles n’utilisent pas la même grammaire, ni, forcément, la même philosophie d’action. Un autre aspect de la comparaison est de savoir si le rapport entre l’action militaire ou d’exécution, et l’action politique de décision et de direction, garde un contact étroit avec les opinions et les forces sociales, pour garantir l’unité des forces morales et le maximum d’efficacité, dans un état d’urgence, de mobilisation et de crise spirituelle. Trois autres éléments, sociologiques, philosophiques et historiques, influencent le caractère arbitraire de la comparaison entre stratégie chinoise et stratégie occidentale :

  • le premier est représenté par la notion d’ennemi, elle-même liée à celle d’incertitude ;

  • le deuxième au rapport entre offensive et défensive, influant sur la stratégie des percées centrales ;

  • le troisième, qui détermine avec la stratégie le succès des opérations militaires, est de tout temps la manœuvre tactique et il en découle que la victoire de la bataille est le produit de la mobilité ; celle-ci, dans le cas de Sun Tzu, est assurée par la tactique de la ruse et par l’esquive.

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La guerre commence, s’affirme et se termine par la destruction de tout système dogmatique de pensée. Elle résulte à chaque fois d’une percée d’abord intellectuelle. Or, le système dogmatique de nous jours, en Europe, consiste à émousser par le droit, l’économie, le scientisme et l’humanitaire, l’effet brutal de l’épée, du sang, de la destruction et de la mort. En effet c’est l’élément culturel qui constitue le concept d’ennemi et avec lui tout concept de guerre.

Sun Tzu et Napoléon vivent et agissent en deux périodes historiques dissemblables, mais qui ont un caractère commun, celui de troubles et de désordres publics. Pour Sun Tzu il s’agit d’une période (475-221 avant l’ère vulgaire) de violence et de chaos, engendrés par la lutte impitoyable et sanglante entre sept états qui aboutira en 221 après la défaite de l’État de Chu par Chin en 223, à la première unification territoriale et politique de Chung Kuo.

Les campagnes militaires par les États batailleurs pendant la période (770-446 avant Jésus-Christ) étaient de natures féodale et conquérante. Ceci n’atténuait guère leur caractère politique. En ce sens s’applique à cette ambition, l’idée que ces luttes visaient l’hégémonie continentale et la prééminence d’un État sur l’autre, justifiant l’énoncé que la guerre est un conflit de grands intérêts réglé par le sang, un acte de violence poussé à ses limites extrêmes et destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté.

LES ENSEIGNEMENTS DE SUN TZU ET DE CLAUSEWITZ PEUVENT-ILS ÊTRE DES RÉFÉRENCES DANS LE MONDE D’AUJOURD’HUI ?

Comment traduire aujourd’hui l’enseignement si éloigné, des pensées stratégiques chinoises et occidentales, emblématisées par Sun Tzu et Clausewitz dans des lectures de la scène internationale actuelle et donc dans des conceptions et des doctrines ayant un sens politique et une application opérationnelles dignes de ces noms. Quel est par ailleurs l’aperçu de ce monde actuel ? D’après une communication sur les « Grandes Puissances au XXIe siècle, « présentée à la conférence du « Forum des Relations internationales « de Séoul du 27 février 2007 » Karl Kaiser, l’auteur de cette communication, faisant état de l’environnement mondial, souligne l’ascension de l’Asie, en particulier de la Chine et de l’Inde.

Il met au premier plan l’importance croissante : des ruptures démographiques, affectant différemment les grands ensembles politiques puis l’immigration, comme phénomène central du XXIe siècle.

Quant aux aspects politiques, il souligne : les caractéristiques de la « nouvelle nature » de la violence.

Ensuite l’érosion du système de non-prolifération des armes nucléaires et le risque d’une acquisition élargie de ces capacités, par des États menaçant la stabilité mondiale.

Puis l’expansion de l’Islam radical et la menace du djihadisme, pour la plupart des grandes puissances.

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En termes de répercussions, il attire l’attention sur la pénurie des ressources, induite ou aggravée par le réchauffement climatique, engendrant l’émergence de politiques réactives à l’échelle internationale. Quant à la logique des grandes puissances qui ont dominé jusqu’ici l’ordre international, cette étude précise que la tendance vers un monde multipolaire, est marquée par une forte influence des USA, mais que leur suprématie n’est plus si nette ou évidente. Ce monde multipolaire émergent est soumis à une sorte de « soft balancing » de la part des puissances régionales montantes, réagissant, en contre-tendance, à toute politique de primauté. Cette évolution est déjà visible, mais elle n’infirme pas la considération de fond que la solution des problèmes majeurs exigera toujours une intervention ou un soutien américains. L’avenir du multilatéralisme, dicté par la dépendance mutuelle des grandes puissances sera un multilatéralisme de groupe, qui pourra jouer un rôle croissant, à la condition qui y soient inclus les grands acteurs du système mondial.

Ainsi, les trois questions qui se posent à ce sujet peuvent être formulées de la manière suivante :

  • Comment le multilatéralisme et ses deux formes de gestion collective, la forme civile ou « gouvernance », et la forme militaire ou « défense collective » - forme régionale de l’OTAN - peuvent-elles s’adapter à un monde de conflits et de désastres humanitaires ?

  • Comment une idée, celle d’une institution mondiale réunissant toutes les démocraties, peut-elle nuire à la réforme des Nations unies, paralysées dans leurs responsabilités politiques et dans leur action pacificatrice ou d’équilibre.

  • Comment, enfin, l’Europe peut-elle trouver sa voie dans son but de s’affranchir ou de ne pas décliner en pesant sur les décisions stratégiques des USA et sur les grandes affaires mondiales ?

Hier comme aujourd’hui, la réflexion sur la guerre est à la base de toute philosophie de la paix, car elle est à la source de tout questionnement sur le destin de l’homme et sur sa capacité à maîtriser sa force et son pouvoir illimités et ultimes depuis que l’homme, comme le rappelèrent Jaspers et Sartre, a été mis avec l’atome en possession de sa propre mort.

Bruxelles, 2009

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L'UE et les États-Unis - Entretien avec Tiberio Graziani

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L'UE et les États-Unis

Entretien avec Tiberio Graziani, président de Vision & Global Trends. Institut international pour les analyses globales

Ex : https://en.interaffairs.ru/article/eu-and-usa/

Quelle est l'attitude de l'Union européenne face aux événements aux États-Unis, y compris la prise du Capitole américain par les partisans de Donald Trump ?

En ce qui concerne la récente attaque du Capitole américain par les partisans de Trump, les dirigeants européens ont publiquement exprimé leur stupéfaction et critiqué cette action.

Au niveau national, les dirigeants politiques des principaux partis, même ceux considérés comme eurosceptiques, nationalistes et/ou populistes, ont crié au scandale, affirmant que l'attaque du Capitole américain était une attaque contre la démocratie tout court.

Une telle déclaration - attaque du Capitole = attaque de la démocratie - de la part des dirigeants européens et des hommes politiques, issus des différentes nations membres de l'Union européenne, mérite au moins deux réflexions.

L'une de ces réflexions a un caractère général : les dirigeants européens sont incapables de concevoir un type de démocratie différent du modèle démocratique libéral, c'est-à-dire du modèle que les États-Unis ont répandu et exporté depuis 1945 dans une grande partie de la planète et qui constitue la superstructure - à la fois idéologique et opérationnelle - du système occidental dirigé par les États-Unis. Du point de vue de la culture politique, cette incapacité fait que les positions et les intérêts exclusifs de Washington sont automatiquement privilégiés dans les décisions prises par les classes dirigeantes européennes et par leurs hommes politiques en matière de politique économique et sociale intérieure et en politique étrangère. Tout cela se traduit par des choix politiques qui - outre la non prise en compte des diverses identités culturelles propres et des intérêts spécifiques du Vieux Continent - à moyen et long terme pourraient s'avérer très négatifs pour la mise en œuvre de l'intégration européenne elle-même et l'évolution de l'UE dans un sens unitaire.

Une autre réflexion - plus attentive aux circonstances actuelles - concerne plutôt l'intérêt pratique de l’eurocratie de Bruxelles et des classes dirigeantes européennes en général qui ne cherchent qu’à plaire à la nouvelle administration qui sera dirigée à partir du 20 janvier par le démocrate Joe Biden.

Quelles seront les conséquences de la situation politique aux États-Unis sur les relations entre l'UE et les États-Unis ?

À long terme, il n'y aura pas de conséquences notables, à moins qu'il n'y ait des changements - actuellement non prévisibles - dans la direction actuelle de l'Union européenne. La politique de Bruxelles, par ailleurs, pourrait être influencée par le positionnement de certains gouvernements nationaux. En particulier, en ce qui concerne l'Europe centrale et occidentale, il faudra accorder une grande attention à la France, et dans une certaine mesure à l'Allemagne, pour ce qui est de la mise en œuvre des politiques étrangères individuelles de ces deux pays à l'égard de la Chine, de la Russie et de l'Iran. L'harmonie manifestée en certaines occasions entre Paris et Berlin, concernant leurs intérêts nationaux vis-à-vis de la Chine et de la Russie, pourrait aussi se refléter dans certaines décisions futures de Bruxelles à l'égard des deux puissances eurasiennes, décisions qui s’avèreront dès lors stratégiques pour son évolution : les États-Unis, évidemment, n'entraveraient pas de telles éventualités. Quant à l'Europe de l'Est, la situation semble moins claire, en raison des effets que les initiatives ambiguës et conflictuelles de Budapest et de Varsovie et leurs relations spéciales avec les États-Unis pourraient avoir sur Bruxelles. La Hongrie d'Orban, rhétoriquement critique de la vision libérale et démocratique de Bruxelles et, dans une certaine mesure, plus proche de la "doctrine de Trump", pourrait subir de lourdes "représailles" de la part de la nouvelle administration américaine, compte tenu de certaines "sympathies" existant entre Budapest et Moscou. En cas de "représailles", des processus qui pourraient conduire à une sorte de "révolution de couleur" sur le modèle de ce qui a été vécu en Ukraine, visant à éliminer Orban, ne peuvent être exclus. La Pologne, tout aussi critique de Bruxelles que de la Hongrie, reste cependant le "meilleur ami" des États-Unis en Europe : c'est pourquoi je ne pense pas qu'elle subira de "représailles" de la part de Biden. Au contraire, la fonction anti-russe et pro-ukrainienne de la Pologne sera renforcée par le nouvel occupant de la Maison Blanche.

Les relations bilatérales entre l'Union européenne et les États-Unis changeront-elles sous la présidence de Joe Biden et si oui, dans quelle mesure ?

Les États-Unis, même sous la présidence démocratique de Biden, ne changeront pas leur stratégie désormais séculaire à l'égard de l'Europe. Dans le cadre de la stratégie américaine, l'Europe est considérée comme une tête de pont jetée sur la masse eurasienne et sur le continent africain, notamment par l'intermédiaire de l'Italie : l'administration Biden restera donc fidèle à cette perspective, vitale pour la survie des États-Unis en tant que puissance mondiale. Dans cette perspective, il faut s'attendre à ce que la nouvelle administration soit encore plus affirmatrice que la précédente, qui était républicaine, à l'égard de Bruxelles et des États membres de l’UE. Il est probable que Biden prendra des mesures encore plus résolues que Trump pour contrer le projet russo-allemand North Stream 2 ou d'autres initiatives de partenariat similaires entre Moscou et Berlin mais aussi entre Moscou et Paris. Il est également réaliste de prévoir que Biden fera obstacle à tout type d'initiatives de partenariat euro-chinois, centrées, de diverses manières, sur le projet de la nouvelle route de la soie. À la lumière de cela, la contradiction entre les véritables intérêts européens et américains ne peut cesser d’exister que si l'Allemagne et la France mènent une bataille commune au nom de la refondation de l'Union européenne en tant qu'acteur indépendant dans le nouveau scénario mondial, apparemment polycentrique.

America First: 1939–1941

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America First: 1939–1941

thoseangrydays-200x300.jpgLynne Olson
Those Angry Days: Roosevelt, Lindbergh, and America’s Fight over World War II, 19391941
New York: Random House, 2013

The idea of America First policy is back after a long hiatus. The first proponent for such a policy was none other than George Washington. He endorsed the idea in his farewell address [2], stating:

The nation which indulges towards another a habitual hatred or a habitual fondness is in some degree a slave . . . which is sufficient to lead it astray from its duty and its interest. Antipathy in one nation against another disposes each more readily to offer insult and injury, to lay hold of slight causes of umbrage…when accidental or trifling occasions of dispute occur. Hence, frequent collisions, obstinate, envenomed, and bloody contests.”

The president who took an opposing view [3] was John F. Kennedy:

“Let every nation know, whether it wishes us well or ill, that we shall pay any price, bear any burden, meet any hardship, support any friend, oppose any foe to assure the survival and the success of liberty.” (My emphasis.)

How the standard wisdom went from Washington’s concern for entangling foreign alliances to Kennedy’s declaration that he’ll bet the farm on the liberty of an ally occurred in the years between 1939 and 1941. The great issue was whether or not the United States should become involved in World War II.

How that debate occurred is documented by Lynne Olson’s [4] book Those Angry Days: Roosevelt, Lindbergh, and America’s Fight over World War II, 19391941. The book is highly illuminating. The controversy was hot and heavy from the start of World War II in 1939 until the attack on Pearl Harbor. The quarrel split families, caused fistfights in Congress, and led to deplatforming and other forms of nastiness. When reading about the conflict, there is a raw sense of current events to it also.

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For example, how far does America go to protect an ally? If an ally is spying on one’s citizens, are they really an ally? Are “dictators” an automatic evil or are they a rational response to a nation’s foreign and domestic threats? How big should the military be in a time of peace? Are Jews full citizens or a separate people pursuing their own interests?

To Fight or Not to Fight

The two men that personified the struggle are Charles A. Lindbergh and Franklin Delano Roosevelt. Lindbergh, the first man to cross the Atlantic solo in an airplane, believed the United States should keep out of the war in Europe. Roosevelt was the chief interventionist. Or, more accurately, Roosevelt’s passionate supporters caused him to be an interventionist.

Lindbergh’s and Roosevelt’s mutual dislike went back to a controversy in 1934. Roosevelt wanted to end any appearance of impropriety involving airmail contracts to private aviation firms by using Army Air Corps aircraft to deliver the mail. Lindbergh argued that the Army’s aircraft were not suited to the role for technical reasons. After several crashes, Roosevelt went back to contracted aircraft. Lindbergh won his first round against the President.

In September 1939, the antipathy between the two men intensified when the British declared war on Germany for invading Poland. Lindbergh and the isolationists felt that the United States should stay out of the war. They were motivated by the unsavory end to the First World War.

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In brief, the United States had lent money to various Allied powers. Thus Americans were drawn into the conflict to protect their investments, then weren’t paid back anyway. World War I killed 500 Americans per day during the Meuse-Argonne Offensive, so the price for involvement was steep. The British also loaded armaments on passenger ships and flew the US Flag on these ships to deceive German U-Boats. When those passenger ships were sunk, Americans understood they were being manipulated by the British. Additionally, British propaganda about “The Hun” had been proven false before the 1920s were finished. Furthermore, there was a sense that the British were not an innocent party in the war — they were an imperialist power.

Shortly after the start of hostilities, Lindbergh argued for [5] an American policy along the following lines:

  1. An embargo on offensive weapons and munitions.
  2. The unrestricted sale of purely defensive armaments.
  3. The prohibition of American shipping from the belligerent countries of Europe and their danger zones.
  4. The refusal of credit to belligerent nations or their agents.

He further argued that the United States had an important racial connection to all of Europe that should not be forgotten in a time of increasing Japanese belligerence and other problems with non-whites.

Since Lindbergh was already a national hero, people took notice.

Meanwhile, there was a highly active pro-intervention group consisting of different factions with different backgrounds and motivations. Olson mentions Jewish pressure in Hollywood, but she doesn’t say much about Jewish influence in the Roosevelt administration. Olson also mentions “anti-Semites,” but puts them in the category of kooks rather than the serious thinkers that they were. Of that, Wilmot Robertson says,

Instead of submitting anti-Semitism to the free play of ideas, instead of making it a topic for debate in which all can join, Jews and their liberal supporters have managed to organize an inquisition in which all acts, writings, and even thoughts critical of Jewry are treated as a threat to the moral order of mankind. The pro-Semite has consequently made himself the mirror image of the anti-Semite . . . the Jewish intellectual who believes passionately in the rights of free speech and peaceful assembly for all, but rejoices when permits are refused for anti-Semitic meetings and rocks crack against the skulls of anti-Semitic speakers. [1] [6]

In addition to the organized Jewish community, several other groups supported American involvement in the conflict. Some were American Anglophiles who were prominent in New England. There was also a sub-set of men who can be called the Plattsburg graduates.

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The Plattsburg graduates were upper-class Americans who had attended military training in Plattsburg, New York in 1915. These men went on to become officers during the First World War. They were not isolationists so much as men wishing the nation be prepared for conflict should it come. Although they had some training, many of their enlisted soldiers were rushed into battle with only two days’ training. Since they were prominent men as well as veterans, people took notice of their ideas. They pushed for enlarging the armed forces in 1940.

A First Look at the Isolationists’ Problems

The isolationists’ main problem was that the German point of view was never well-received by Americans. The fact that Hitler was greeted with flowers in Austria, the Sudetenland, and other parts of German-speaking Europe just didn’t register. Instead, the public felt that Nazi Germany was an enormous threat. The German American Bund, a pro-Nazi group based in New York City, were painted as “fifth columnists” in the media. German books and publications that stated their case didn’t sell.

Fascist optics have never worked in America.

Interventionist Dirty Tricks and Metapolitics

The pro-interventionist faction had two things going for them: dirty tricks and great metapolitics. The British government focused on intelligence gathering on isolationists, German diplomats in the US, and German sympathizers. This included wiretapping as well as infiltration of spies by the British, the FBI, and private groups like the Jewish Anti-Defamation League (ADL). The ADL didn’t use Jews as spies; they found whites to do the job.

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Other than a few exceptions, most isolationists had no connection to any foreign government and they weren’t able to draw upon organizational resources or any government to do the same to their enemies.

The dirty tricks weren’t as important as metapolitics:

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One of the best metapolitical leaders for intervention was Robert E. Sherwin [9], a playwright who came to believe that America should enter the war. Many of his plays were made into influential pro-intervention movies. Some of the outstanding movies based on Sherwin’s work were:

  • Waterloo Bridge [10] (1940): This is a fallen woman/romance story that made the British look cool.
  • Abe Lincoln in Illinois [11] (1940): “The implied comparison of America’s dilemma in the 1850s to that in the late 1930s was clearly understood by the play’s audiences. Heywood Broun of the New York World called Abe Lincoln in Illinois “the finest piece of propaganda ever to come into our theater. . . . To the satisfied and the smug, it will seem subversive to its very core. And they will be right. . . . It is the very battle cry of freedom.” [2] [12]

Pastor-Hall-images-94004dff-57c6-41b4-a00a-ed9815faef8.jpgOther pro-intervention movies were:

  • Pastor Hall [13](1940): This film tells the story of a Christian minister put in a Nazi prison camp. It is probably more fiction than fact.
  • That Hamilton Woman [14] (1941): Starring Vivian Leigh, it compares Hitler to Napoleon and endorses war against dictators.
  • Mrs. Miniver [15] (1942): This film follows the life of a happy upper-middle-class English family that participates in the Dunkirk evacuation and the following Battle of Britain. It is the best of the pro-war films of the early 1940s.

No Hollywood movies were portraying the Communists in Europe during the 1920s and 30s in a poor light. There was nothing about Germans stranded in dysfunctional new Eastern European nations following the collapse of the Austro-Hungarian Empire. There was nothing about Bela Kun, Soviet atrocities, or Gulags. The pro-intervention movies were “propaganda with a very thick coating of sugar.” [3] [16]

An Incident Was Inevitable . . .

By late 1941, the Battle of Britain was over, but the Roosevelt administration had drafted many young men into the armed forces where they trained with wooden rifles or trucks labeled “tank.” Morale was low, and the economy had not shifted to producing war equipment. Meanwhile, Roosevelt also adopted the Lend-Lease Policy. This allowed the British to get American aid, and it effectively made America a British ally, albeit a non-belligerent one.

By this point, Lindbergh felt that war was inevitable. It was only a matter of time before some incident would draw the United States into the fray. On September 11, 1941, Lindbergh decided to deliver a speech [17] explaining which factions had pushed America into a corner. He identified the three factions as the British, the Roosevelt administration, and the Jews. The Des Moines speech was entirely true, and it led to an explosion in the national conversation. Any criticism of Jewish interests carries the charge of anti-Semitism. [4] [18] Olson argues that the speech caused the American public to focus on Jewish issues rather than avoiding entry into the conflict.

The incidents were already on the way, though, so it hardly mattered. The US Navy was escorting merchant ships to Britain as far as Iceland, and the USS Greer had already fired shots at a German U-Boat.

Between September and December 1941, the isolationists retained a solid grip on the public mind and confined pro-war activists a great deal. Wrinkles from the USS Greer incident could be smoothed over. Then isolationist newspaper, the Chicago Tribune, owned by the isolationist Robert R. McCormick, published a leaked War Department plan to fight Germany. Ironically, the plan was created by a pro-German American army officer, Albert Coady Wedemeyer, and it was used when war came. The leak was probably made by US Army Air Forces General “Hap” Arnold.

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Then came Pearl Harbor.

In the wake of the devastation in Hawaii, the isolationists admitted that the United States had to go to war — with Japan. And the President agreed with them. The US only declared war on Japan. It was Hitler who declared war on the United States following the attack. Had that not occurred, it is highly likely that America would have cut aid to England and Russia and focused on the Pacific. The conflict in Europe would have played out far differently.

Charles Lindbergh spent the war as an industry consultant. He ceased criticism of Roosevelt and became a test pilot and aircraft developer. The pro-German Wedemeyer helped the invasion of Normandy and became a general officer. Other prominent America First activists joined the war effort and did heroic service. One of them, Gerald Ford, eventually became president. Another isolationist who became president was John Kennedy. Indeed nearly all the isolationists turned out to be heroes later, but most had to “disavow,” to a degree, their previous activism.

The far-Right of the isolationists, William Dudley Pelley and Laura Ingalls [19] (the aviator, not the girl from Little House on the Prairie) (photo) were sent to jail for a time under trumped-up charges.

Laura_Ingalls_aviator_2a.jpgAmerica First and isolationism still matter. Indeed, the isolationists were not proved wrong. They could claim that they had kept America neutral until it was attacked by a treacherous foe. They did, however, make mistakes that can be discussed in retrospect.

Isolationist Failings 

The Second World War was not caused by Hitler, it was caused by the reaction to his rise to power. Hitler was greeted with the same hysteria by the same sorts of people that got hysterical over Trump. Hitler’s movement could have been tempered by the ordinary workings of the representative government, but an Antifa mattoid burned down the Reichstag, allowing Hitler to assume emergency powers.

Additionally, the British drew the red line against Hitler in the wrong place. It should have been drawn between Germany and France and Germany and the Low Countries. Instead, it was drawn at Poland. Once the British and French drew the line in Poland, it was only a matter of time before the United States was involved due to the many ties between the two nations. In the end, isolationism came apart when the Japanese attacked Pearl Harbor.

There was also never creative output on the part of the isolationists that matched the pro-war effort. Anne Lindbergh’s book that supported America First ideas, The Wave of the Future, was difficult to understand. Futurist books are always iffy. In addition to good movies, the interventionists had Dr. Seuss as a cartoonist who portrayed isolationists as ostriches with their heads in the sand. There were also many pro-intervention newspaper editors and reporters.

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America’s Yankee elite was terribly divided. Yankees from the Mid-West tended to support isolationism. Those in New England wanted preparedness, if not outright interventionism. Meanwhile, the hostile organized Jewish community was united in pushing for war. Therefore, criticism of Jews as war agitators could be balanced by many examples of blue-blooded Northeastern WASPs who were members of Jew-free country clubs that supported interventionism.

Epilogue

The isolationists did shape policy to such a degree that the British paid a dear price for World War II. To get the Lend-Lease Act passed, Roosevelt pressured the British government to sell large British holdings in the United States. [5] [20] This action was repeated enough times that by the end of the conflict, Britain had debts and no assets to generate income to pay the debts. Additionally, the Labour Party made several poor economic decisions after they came to power at the end of the war. The British were the richest and most powerful people in the world in 1914. By the winter of 1946, the British were on food rations and they were suffering a coal shortage.

The isolationists were also not wrong about Jewish and Communist influence on American policy. In the aftermath of World War II, the political Right in Hollywood organized a blacklist and removed the worst of the lot. American cultural products flourished afterward. The music, movies, and television of the 1950s remain the gold standard. Consider that there are TV channels devoted to shows from the 50s and early 60s, but none replay the 1980s sitcom Head of the Class or the late 1970s’ Welcome Back Kotter. The America First Right also used the various tools — anti-subversion acts, anti-totalitarianism measures, et cetera that were designed for use against American “Nazis” — against Communists.

The interventionists were right about other things too. It became standard wisdom that “dictators” were always a threat, and Hitler could have been “stopped at Munich” before the war. Events in Iraq, Egypt, and Libya during the Arab Spring have proven that anarchy is far worse than “dictators.” Furthermore, stopping “aggression” at some figurative “Munich” is not always a viable option. Those who escalated the Vietnam War genuinely believed they were stopping a “Hitler” at the “Munich” of South Vietnam.

The questions raised by the America First and isolationist movements remain valid today.  How far should America go to support an ally? How can we take sides in far-off wars involving nations with vastly different cultures than our own? How big should America’s military be? When is the right time to get involved?

Notes

[1] [21] Wilmot Robertson, The Dispossessed Majority (Cape Canaveral, Florida: Howard Allen Press, 1981), p. 187.

[2] [22] Ibid., 109.

[3] [23] Ibid., 409.

[4] [24] One of Lindbergh’s supporters during this time was Kurt Vonnegut. He would go on to serve in the Battle of the Bulge and was a prisoner of war in Dresden when it was firebombed in 1945. Vonnegut would go on to write Slaughter House Five, perhaps one of the greatest anti-war works of literature.

[5] [25] For further reading on this matter, I suggest The Last Thousand Days of the British Empire (2009).

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[1] Image: https://counter-currents.com/wp-content/uploads/2021/01/thoseangrydays.jpeg

[2] farewell address: https://www.ourdocuments.gov/doc.php?flash=true&doc=15&page=transcript

[3] an opposing view: https://www.jfklibrary.org/archives/other-resources/john-f-kennedy-speeches/inaugural-address-19610120

[4] Lynne Olson’s: http://www.lynneolson.com/

[5] argued for: http://www.charleslindbergh.com/americanfirst/speech3.asp

[6] [1]: #_ftnref1

[7] Image: https://counter-currents.com/wp-content/uploads/2020/10/HERES-THE-THING-scaled.jpg

[8] here.: https://counter-currents.com/2020/10/heres-the-thing-selected-interviews-vol-2/

[9] Robert E. Sherwin: https://www.imdb.com/name/nm0792845/?ref_=ttfc_fc_wr4

[10] Waterloo Bridge: https://www.imdb.com/title/tt0033238/fullcredits?ref_=tt_ov_wr#writers/

[11] Abe Lincoln in Illinois: https://www.imdb.com/title/tt0032181/

[12] [2]: #_ftnref2

[13] Pastor Hall : https://www.imdb.com/title/tt0032894/

[14] That Hamilton Woman: https://www.imdb.com/title/tt0034272/

[15] Mrs. Miniver: https://www.imdb.com/title/tt0035093/?ref_=nv_sr_srsg_0

[16] [3]: #_ftnref3

[17] deliver a speech: https://modernhistoryproject.org/mhp?Article=Lindbergh1941

[18] [4]: #_ftnref4

[19] Laura Ingalls: http://wesclark.com/burbank/ingalls.html

[20] [5]: #_ftnref5

[21] [1]: #_ftn1

[22] [2]: #_ftn2

[23] [3]: #_ftn3

[24] [4]: #_ftn4

[25] [5]: #_ftn5

Aspects de la stratégie maritime américaine

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Aspects de la stratégie maritime américaine

Par Giuseppe Gagliano

Ex : https://moderndiplomacy.eu

Partons d'une prémisse qui devrait être tout à fait évidente d'un point de vue stratégique : toute stratégie maritime, qu'elle soit anglaise - du XVIIIe siècle à la Seconde Guerre mondiale - ou américaine, est nécessairement une stratégie à long terme et nécessite donc des investissements à long terme tout en cherchant où il est possible d'anticiper les défis futurs. Nous pensons à cet égard aux porte-avions nucléaires de la classe Gerald Ford dont la première série devrait être mise en place l'année prochaine. Si les États-Unis ont décidé d'investir des ressources importantes pour la projection de leur puissance maritime, cela résulte de la nécessité de consolider leur puissance navale, consolidation qui est possible à la fois grâce à la puissance économique et financière dont ils disposent au moins jusqu'à aujourd'hui et grâce à l'innovation technologique. (pensons par exemple au fait que les Etats-Unis sont le seul pays à construire des catapultes pour les porte-avions à pont plat et au fait qu'avec la nouvelle classe de porte-avions Ford, la marine va se doter de catapultes électromagnétiques qui pourront augmenter d'environ un tiers les capacités actuelles des catapultes).

Bien entendu, des investissements aussi importants pour les porte-avions ne sont certainement pas accidentels, car ceux-ci jouent un rôle fondamental dans la dissuasion traditionnelle - à la fois dans le sens où ils peuvent menacer d'une intervention armée en cas de crise - et de la dissuasion nucléaire, dans la mesure où les avions qui quittent les porte-avions sont équipés d'armes nucléaires, bien qu'à faible potentiel. Ils jouent donc un rôle dissuasif très important. En bref, le porte-avions permet de recourir à une dissuasion graduelle ou souple.

Mais pour que la puissance navale américaine soit effectivement consolidée - notamment dans le cadre de l'espace indo-pacifique donc en fonction de l'endiguement de la Chine - aujourd'hui comme hier (on fait allusion à la guerre froide), les infrastructures militaires américaines présentes dans les principaux carrefours stratégiques au niveau mondial lui permettent d'exercer efficacement sa puissance navale : le renforcement du partenariat militaire avec le Japon, la Corée du Sud, Taiwan et les Philippines doit être lu comme un intérêt renouvelé de la part des Américains pour le rôle fondamental de la puissance navale. Toutes ces raisons réunies ne peuvent que nous amener à définir les États-Unis comme une véritable thalassocratie moderne.

Ce n'est pas un hasard, en revanche, si l'administration Obama a tourné son attention vers l'Asie de l'Est et du Sud à partir du constat que l'avenir du monde se joue dans ces environnements géopolitiques.

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En effet, sur le front de la concurrence économique avec la Chine, le Partenariat Trans-Pacifique (TPP) a été signé en 2016, un traité auquel ont adhéré - entre autres - Brunei, le Japon, la Malaisie, Singapour, le Vietnam, à l'exclusion de la Chine. Barack Obama a défini son programme de politique étrangère, appelé "La doctrine Obama", en rejetant l'isolationnisme et en soutenant le multilatéralisme. En d'autres termes, Obama a explicitement poursuivi la tradition de réalisme incarnée par Bush "senior" et par Scowcroft : les interventions militaires, trop souvent soutenues par le Département d'Etat, le Pentagone et les think tanks, ne devraient être utilisées que lorsque l'Amérique est sous une menace imminente et directe. Dans un environnement où les plus grands dangers sont désormais climatiques, financiers ou nucléaires, il appartient aux alliés des États-Unis d'assumer leur part du fardeau commun. Tout en convenant que les relations avec la Chine seront les plus critiques de toutes, son programme politique souligne que tout dépendra de la capacité de Pékin à assumer ses responsabilités internationales dans un environnement pacifique. Si elle ne le fait pas et se laisse conquérir par le nationalisme, l'Amérique devra être résolue et prendre toutes les initiatives visant à renforcer son multilatéralisme dans la fonction d'endiguement anti-chinois. Il est donc très probable que l'actuel président américain Biden mène une stratégie de cette nature.

mardi, 12 janvier 2021

Le 6 janvier 2021 à Washington, un autre 6 février 1934 ?

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Le 6 janvier 2021 à Washington, un autre 6 février 1934 ?

par Georges FELTIN-TRACOL

La journée du 6 janvier 2021 marquera durablement la mémoire collective des Étatsuniens. Ce jour-là, une foule bon enfant composée de braves gens se mobilise contre le Système politicien en place. Dans une ambiance bientôt chamailleuse, des manifestants déterminés par leur foi dans leurs croyances, leur patrie et leur travail, protestent contre le gigantesque détournement électoral réalisé par la mafia démocrate et ses comparses républicains. Prenant au mot les médiats dominants d’invasion psychologique qui ne cessent de vanter toutes les transgressions possibles et imaginables, ils violent les conventions ploutocratiques et occupent pendant quelques heures le Capitole, siège du pouvoir législatif.

Au printemps 2020, une scène similaire s’était passée au Michigan. Des anti-masques usèrent de leurs droits civiques pour refuser le harcèlement sanitaire et le confinement autoritaire imposées par Gretchen Whitmer, gouverneur démocrate de l’État. Ils occupèrent quelques minutes le parlement local. L’irruption et l’occupation d’une assemblée furent en France monnaie courante entre 1789 et 1870. Se souvenant de ces moments fâcheux, la majorité conservatrice de l’Assemblée nationale s’installa à Versailles afin de négocier la paix avec Bismarck sans craindre la pression populaire parisienne. En revanche, contrairement à un cliché bien répandu à gauche et chez les modérés, le 6 février 1934 ne fut jamais une tentative de coup d’État nationaliste. Les anciens combattants communistes côtoyaient les ligues patriotiques. L’impréparation de la manifestation, l’absence d’intentions communes et la candeur des organisateurs, eux-mêmes divisés en chapelles rivales, empêchèrent tout coup décisif sérieux.

Les images de la prise du Capitole sont jubilatoires. Il ne faut pas comparer ce sympathique charivari aux troubles inhérentes à l’escroquerie intellectuelle estivale Black Lives Matter. Coiffé d’une belle tête de bison, ce qui scandalise déjà les végans, Jake Angeli occupe le perchoir du Sénat. Un autre brandit le drapeau confédéré dans ce haut-lieu de pourriture politico-financière. Un troisième se prend en photographie assis dans le bureau de la présidente de la Chambre des représentants, le troisième personnage de l’État, l’ineffable démocrate californienne Nancy Pelosi. Toute la caste consanguine de la fange politique et du monde médiatique condamne bien évidemment ce coup de vent frais qui aère un instant l’antre putride des compromissions sordides.

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Les médiats dominants d’occupation mentale enragent devant cette réaction populaire qu’ils diabolisent volontiers. La presse hexagonale se distingue par sa partialité. Le correspondant permanent aux États-Unis d’une radio périphérique ose qualifier le réseau QAnon de « secte complotiste ». Les présentateurs des journaux télévisés répètent en bons petits perroquets les éléments de langage distillés par le gang Biden – Harris. Il ne leur viendrait pas à l’esprit l’hypothèse que la foule ait été manipulé dès le départ par quelques provocateurs professionnels de l’« État profond » yankee. Sinon pourquoi les unités de police affectées à la protection de la colline du Congrès étaient-elles en sous-effectifs ? Joe Biden pourra ensuite prétexter la moindre agitation oppositionnelle pour suspendre certaines libertés publiques et réinterpréter par des ordonnances présidentielles (executive orders) la portée des premier et deuxième amendements de la Constitution de 1787.

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En France, toute la coterie politicarde a versé dans une compassion larmoyante. La palme revient néanmoins au garnement de l’Élysée qui, une nouvelle fois, se déconsidère aux yeux du monde entier. Déniant une colère fondée et légitime, le Tartarin présidentiel confirme avec la bannière étoilée derrière lui sa fonction de petit télégraphiste de l’atlantisme, de l’américanisme et de l’occidentalisme. Les trois anciens présidents US ont eux-aussi craché leur venin. Le tueur en série par drone Barry « Barack » Obama poursuit son long travail de sape en faveur du cosmopolitisme avancé. L’expert en stagiaires, Bill Clinton, par ailleurs grand ami de cette haute valeur morale de Jeffrey Epstein, s’indigne des évènements. Le génocideur en chef George W. Bush parle pour sa part de « république bananière ». Il oublie que c’est le cas depuis le temps des « barons – voleurs » de la fin du XIXe siècle. La corruption électorale est même consubstantielle à la vie politique étatsunienne. Dans Alamo, un film de John Wayne sorti en 1960, l’ancien représentant du Tennessee Davy Crockett discute avec un couple de fermiers de cet État réfugiés dans l’ancien monastère texan. La femme avoue que son mari n’a pas voté pour lui, car l’autre candidat lui avait versé un pot-de-vin.

Les médiats rapportent cinq décès parmi lesquels quatre honnêtes manifestants. La première victime est une femme de 35 ans, Ashli Elizabeth Babbitt. Une autre femme de 34 ans, Rosanne Boyland, fait aussi partie des quatre tués. Entendons-nous les habituelles indignations horrifiées alors que les violences policières sont ici incontestables et ces deux « féminicides » bien réels ? Le silence radio et télévisé est assourdissant ! Certaines vies, principalement blanches, ne valent donc moins que d’autres selon les critères du politiquement correct. Les meneurs de l’assaut sont maintenant recherchés par la police politique du Régime yankee. Gageons que les ONG droits-de-l’hommiste ne les défendront pas devant des tribunaux au fonctionnement kafkaïen.

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Les trublions du 6 janvier 2021 ont investi avec brio, courage et audace l’enceinte du Capitole. Malheureusement, leur coup d’éclat ressemble surtout à un coup de tonnerre solitaire. Faute de disposer des moyens médiatiques, financiers et humains satisfaisants, ils se retrouvent vite esseulés. En effet, Donald Trump vient de dévoiler toute son ambiguïté. Il condamne avec raison l’insincérité du scrutin présidentiel, voire des élections sénatoriales en Géorgie, demande à ses partisans de marcher sur le Capitole, puis se ravise et les invite à rentrer chez eux. L’homme d’affaires de New York s’est appuyé sur un Parti républicain qui ne l’a jamais accepté et qui l’a plutôt soutenu comme une corde soutient le pendu. Les responsables de ce parti sont plus que jamais de formidables planches pourries. Mais le 45e président des États-Unis n’a pas non plus fait preuve de persévérance, de cohérence et de prévoyance. Velléitaire et erratique, il n’a pas sorti son pays du carcan belliciste de l’OTAN. Il n’a jamais voulu purger l’appareil du Great Old Party (GOP) de tous les stipendiés de la Silicone Valley et de la nouvelle finance numérique. Il n’a pas anticipé un trucage massif des élections. Plus grave encore, il n’a jamais nommé aux postes-clé des partisans fidèles et dévoués. Il n’a même pas imaginé une structure parallèle secrète (ou clandestine) capable de se substituer immédiatement aux infrastructures légales militaires, politico-administratives et judiciaires. Il a ensuite désavoué ses propres partisans. Son reniement public n’arrête cependant pas les démissions en chaîne da sa propre équipe. Les Étatsuniens peuvent-ils vraiment encore se fier à un tel gars ? Donald Trump incarne ce que le philosophe catholique Thomas Molnar nommait un « faux héros contre-révolutionnaire (ou réactionnaire) ». Et si Trump avait été un alibi, consentant ou non, de l’« État profond » ? Sa candidature a su canaliser une aspiration qui, autrement, se serait cristallisée sur un autre candidat plus perturbateur encore.

Au moment où cette ignominie de Wikipédia le classe dès à présent parmi les anciens présidents, Donald Trump aurait pu « assécher le marais de Washington »; il aurait même dû passer à l’action ce 6 janvier. Ainsi aurait-il ordonné aux officiers subalternes d’arrêter Biden, Harris, leur équipe pré-gouvernementale, les élus récalcitrants, des généraux, des amiraux, des gouverneurs, des juges, des journalistes et des milliardaires du numérique. Usant de prérogatives exceptionnelles, le chef de l’État aurait dans la foulée proclamé la loi martiale, fédéralisé les gardes nationales et contraint les États où les votes sont les plus litigieux à recommencer le scrutin. Donald J. Trump n’a pas eu le courage de franchir le Rubicon.

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À l’instar de Grover Cleveland, 22e et 24e président des États-Unis (1885 – 1889 et 1893 – 1897), il se prépare déjà à la présidentielle de 2024. Or, outre l’opposition des caciques du Parti républicain qui commencent déjà à séduire Mike Pence, plus malléable et intégré aux jeux délétères du Système (il l’a prouvé en contournant la chaîne de commandement dans la journée du 6), les démocrates feront tout pour éviter une nouvelle candidature de l’ancienne vedette de télé-réalité. Leur victoire malhonnête à la présidentielle et aux sénatoriales géorgiennes les incite à poursuivre, à amplifier et à généraliser la fraude aux élections intermédiaires de 2022 et à l’échéance capitale de 2024. En outre, leurs procureurs piaffent d’impatience à l’idée d’inculper l’ancien président populiste. Le 6 janvier 2021 ne restera donc pas dans l’histoire des États-Unis comme un nouveau 2 décembre 1851 français.

Georges Feltin-Tracol.

Ami - Ennemi, le fondement du politique (Carl Schmitt)

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Ami - Ennemi, le fondement du politique (Carl Schmitt)

Dans cette vidéo, nous verrons un des concepts majeurs du philosophe et juriste Carl Schmitt, à savoir la célèbre antinomie de l'ami et de l'ennemi qui serait le fondement du politique. L'enjeu est ici de clarifier et de distinguer des notions importantes comme politique, Etat, morale, etc. pour mieux penser certains débats contemporains. Livre présenté : La notion de politique (1932).
 
 
Musique du générique : Toccata et fugue en ré mineur BWV 565 de J.S. Bach

La dernière évolution des guerres hybrides: les "nouveaux droits"

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La dernière évolution des guerres hybrides: les "nouveaux droits"

par Emanuel Pietrobon

Source : Inside Over & https://www.ariannaeditrice.it

Les premières décennies des années 2000 apparaissent comme annonçant un siècle de guerres hybrides, sans limites et multidimensionnelles. Des guerres qui se déroulent simultanément et de manière égale dans l'espace virtuel et dans la réalité physique. Tout le monde peut être enrôlé, même inconsciemment, dans l'armée de la dernière génération des guerres : les pirates informatiques, les spéculateurs financiers, les militants politiques, les ONG, les musiciens et les personnes d'influence.

L'objectif des guerres post-clausewitziennes n'est pas la destruction territoriale de l'ennemi, mais sa chute dans un vortex d'instabilité productive qui, en érodant les fondements de la paix sociale, est capable de conduire à des états de tension permanents entre classes, groupes sociaux, communautés ethniques et factions politiques qui, s'ils sont utilisés à bon escient, peuvent ouvrir la voie à des guerres civiles, des révolutions colorées, des coups d'État et des insurrections intermittentes. L'étude de cas de Jacobo Arbenz sur le Guatemala, la guerre hybride ante litteram, est extrêmement utile pour comprendre le phénomène analysé là-bas.

Les architectes de la nouvelle génération des guerres agissent en ayant pleinement conscience de l’adage latin concordia civium murus urbium, de sorte que les hommes d'État - en plus de s'inquiéter des interférences dans les processus électoraux, des attaques cybernétiques et des opérations psychologiques - devraient accorder une attention adéquate à un autre domaine exposé et vulnérable aux pénétrations exacerbées de l'extérieur : les "nouveaux droits".

Les ‘’nouveaux droits’’ comme arme

41EpSiTsDoL._AC_UL320_SR212,320_.jpgIl n'y a pas de force plus écrasante et imparable qu'une société qui exige le changement. Gustave Le Bon l'a compris à la fin du 19ème siècle, prévoyant l'avènement de la société des foules. Un siècle plus tard, le philosophe et politologue Gene Sharp élaborera une théorie pour transformer les changements sociaux et générationnels en une arme : les révolutions colorées.

Le souvenir de la division de l'Europe en blocs s'efface, mais celui des ‘’printemps’’ de liberté, qui ont émergé suite aux idées de Sharp, est plus vif que jamais. Le siècle des idéologies étant révolu, et le communisme s'étant effondré, les années 2000 ont vu l'émergence de ce qu'on appelle les ‘’nouveaux droits’’, au nom desquels sont nés des mouvements de protestation, des courants culturels et des révoltes, démontrant leur capacité à faire plier les gouvernements.

L'armement, que constitue la revendication de ‘’nouveaux droits’’, est particulièrement percutant en Occident, et aussi, en marge, en Amérique latine, où des situations d'insurrection intermittente et de troubles civils généralisés se répandent, prospèrent et prolifèrent, se nourrissant de la polarisation croissante des sociétés et réussissant fréquemment à provoquer la chute du gouvernement en place ou à modifier de manière significative son programme politique - de véritables coups d'État en douceur.

L'un des cas les plus récents d’une déstabilisation causée par des revendications de ‘’nouveaux droits’’, cas sur lequel plane l'ombre d'une possible manipulation occulte et extérieure, est celui qui s’attaque au parti au pouvoir en Pologne, « Droit & Justice » (PiS). Les forces qui ont été les moteurs des incidents les plus graves qui ont secoué le pays dans l'ère post-communiste, relèvent du mouvement ‘’arc-en-ciel’’ et du mouvement favorable à l'avortement, les chevaux de bataille d'un réseau d'organisations non gouvernementales et de collectifs - soutenus par des donateurs anonymes et privés - qui, entre août et novembre, ont mis à l'épreuve la résistance du gouvernement en organisant des marches et des affrontements, parfois assez violents.

D'où vient leur potentiel ?

9782296108721r.jpgLes ‘’nouveaux droits’’ sont attrayants aux yeux des gens, surtout des jeunes, car ils dégagent la sensation d’une liberté illimitée et d’un hyper-individualisme. Ils sont l'expression la plus manifeste de la corne d'abondance permissive, le phénomène qui, selon Zbigniew Brzezinski, mettrait à rude épreuve la stabilité des sociétés occidentales au cours du nouveau siècle. Poser l’hypothèse de leur instrumentalisation n'est pas du tout un argument de diétrologie (ndt : l’idéologie dominante donne la définition suivante de la diétrologie, terme forgé en Italie : « Tendance négative à rechercher systématiquement pour le moindre fait ou événement des causes différentes de celles déclarées ou apparentes, biais consistant à voir des complots partout »). L'Union européenne - pour citer un cas récent - a approuvé en août dernier un plan d'action visant à accroître la pression de la base biélorusse sur Alexandre Loukachenko. Ce plan d’action se base sur "un soutien accru au peuple biélorusse, y compris un engagement renforcé et financier au bénéfice de la société civile, et un soutien supplémentaire pour mettre sur pied une information indépendante".

Le soutien déclaré à la dite ‘’société civile’’, à l'opposition et à l' « « information indépendante » a un sens, que nous connaissons désormais trop bien depuis l'époque des révolutions de couleur anticommunistes : il s’agit de conditionner les valeurs, les attitudes et la perception du public du régime que l'on souhaite affaiblir, amener à la table des négociations ou renverser. Par conditionnement, on entend la diffusion et la promotion de systèmes de valeurs et de modes de vie contraires à ceux qui prévalent et qui, une fois enracinés, augmentent la probabilité d'un phénomène révolutionnaire venant d'en bas et apparemment authentique.

À l'ère des ‘’nouveaux droits’’ et de la politique identitaire (ndt : au sens BLM ou LGBT du terme), les fondations d'un gouvernement de gauche pourraient être attaquées en faisant appel aux sentiments conservateurs d'une partie de la population, tandis qu'un gouvernement conservateur pourrait être affaibli et/ou amené à une chute précoce en faisant appel aux forces de gauche. La même logique s'applique aux sociétés multiraciales - Black Lives Matter docet - et aux réalités politiques plus sécularisées et plus ‘’avancées’’ du point de vue des droits, où l’on assisterait alors à la radicalisation de mouvements anti-corruption, anti-système, écologistes, féministes et arc-en-ciel.

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Les démocraties libérales sont particulièrement perméables aux guerres hybrides, et à leur perpétuel mouvement évolutif, en raison de leur nature très pluraliste. Les autocraties et les dictatures ne sont cependant pas à l'abri d'un risque de renversement suite à une greffe voulue d'idées subversives : les cas du bloc communiste et des révolutions colorées dans l'espace post-soviétique au début des années 2000 en sont la preuve. Par conséquent, les guerres de la dernière génération ne sont pas seulement des opérations asymétriques et cybernétiques, mais aussi des armes moins visibles, articulées autour de revendications de ‘’droits’’, revendications qui peuvent frapper durement n'importe qui et n'importe où.

Quand viendra l’«anarcho-tyrannie»?

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Quand viendra l’«anarcho-tyrannie»?

par Philippe-Joseph Salazar

Ec: https://www.lesinfluences.fr

Décortiquer une théorie politique forgée par l’écrivain conservateur Samuel Francis dans les années 1990, et devenue coqueluche des suprémacistes.

Dans les flux d’influence intellectuelle, c’est- à-dire dans le trafic vibrionnant de slogans qui naviguent d’un pays à un autre, et puis prennent racine et deviennent des « idées » politiques, dans cette circulation suractivée par la Toile, les slogans français font pauvre figure. L’anglo-saxonnisme est le discours maître. L’expression de « biopolitique », conceptualisée par Michel Foucault, a dû être le dernier exemple d’une invention française qui a pris – quarante ans après, hélas, décanillée comme concept pour devenir une « idée » politique, et donc mis à toutes les sauces depuis la crise sanitaire qui nous afflige.

Mais à être toujours là, à attendre que le dernier mot d’ordre tendance venu des States passe l’Atlantique et refasse surface dans Causeur ou L’Obs, on rate ce qui est encore off shore. Car, depuis quelque temps, circule un terme choc dans les milieux de la droite anglo-saxonne et nordique nationaliste, ou raciale, ou blanche, ou européaniste, ou « suprémaciste » – sur cette casuistique très lacanienne autour du Nom du Père, bref de ce qu’on ne doit pas dire, voir mon Suprémacistes (Plon).

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Ce terme est « anarcho-tyranny », anarcho-tyrannie. Le mot, et la réflexion politique qui le soutient, signale qu’une autre étape a été franchie par l’idéologie en formation du « suprémacisme » international. Ce n’est qu’une question de temps pour que le mot, ou la pensée qui sert de référence au mot, et avec lui toute une rhétorique, c’est-à-dire un système persuasif d’influence, ne se solidifie, et impacte, qui sait, le manège à idées français. « Anarcho-tyrannie » est devenu un instrument de réflexion politique.

Le terme, et la réflexion dont il est le label, date des années 1990. Il est le fruit de l’imagination politique d’un essayiste américain de talent, Samuel (« Sam ») T. Francis (1947-2005), auteur d’un ouvrage plus d’essayiste que de philosophe (ce qu’il n’était pas) sur l’État moderne, Leviathan (2016, posthume). Sam Francis, avec « anarcho-tyranny », connaît depuis récemment un véritable revival dans les milieux « nationalistes blancs », porté par la jeune génération de l’ « alt right », que je décris aussi dans Suprémacistes. Trente ans de travail en tapinois pour une idée brillante. Car les « idées » politiques, qui ne sont pas des concepts mais des montages opportunistes, à la fois inspirés par l’Histoire et aspirés par l’actualité, tributaires d’une ascendance et créant leur propre tribu de partisans, là, maintenant, souvent mettent du temps à sortir du terrier. « Anarcho-tyrannie », inventé donc vers 1990 par Sam Francis, est désormais hors du trou – sauf en France, pour le moment.

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L’expression aura peut-être du mal à s’acclimater en France du fait que dans notre magasin d’idées en boîte « anarchie » est marquée extrême gauche, et « tyrannie » extrême droite. Un Américain a moins de scrupules à user de ces mots : les États-Unis n’ont jamais connu d’anarchie, et encore moins de tyrannie. L’Europe, oui, par contre. Car le problème rhétorique est que l’expression ne désigne aucun des extrêmes de notre éventail politique, mais tout à fait autre chose : l’État. Oui, l’État, notre État de droit – libéral, démocratique, républicain, parlementaire, sur toute la gamme des qualificatifs. C’est cet État de droit qui est une anarcho-tyrannie.

Qu’est-ce à dire ? Je traduis Francis :
« Dans un État d’anarcho-tyrannie le gouvernement n’applique pas la loi et ne remplit pas les fonctions que son devoir légitime lui impose d’accomplir ; et en même temps l’État invente des lois et des fonctions qui n’ont pas de raison valide et ne répondent pas à un devoir légitime. Une caractéristique de l’anarcho-tyrannie est cette propension de l’État à criminaliser et à punir des citoyens innocents qui obéissent à la loi, et en même temps de se refuser à punir les délinquants. Une autre est le refus par l’État d’appliquer des lois existantes et de prendre encore plus de lois qui sont sans effet sur la véritable criminalité, mais qui criminalisent encore plus les innocents, ou restreignent leurs libertés civiles ».

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Est-il utile de faire un dessin et d’enfoncer le clou ? La crise endémique des Gilets Jaunes où l’État sans valide raison a puni des citoyens innocents au delà d’un usage légitime de la coercition ; les tergiversations de l’État au regard de la population musulmane en France en rapport avec la lutte armée des djihadistes et la propagande des imams ; l’appareil de censure des opinions et de la liberté d’expression, appuyé souvent par le pouvoir judiciaire, et le laxisme vis-à-vis de rappeurs haineux ; les dissolutions rapides d’organisations et la tolérance prolongée envers d’autres ; la surveillance électronique des citoyens, et l’existence protégée des zones dites de non-droit ; des règles draconiennes pour le confinement, et le laissez-faire des dealers dans les cités … autant d’exemples, si on suit Francis, d’un État d’anarcho-tyrannie.

Nous vivrions donc dans un État qui d’une part opprime de manière mesquine, ou dure, les citoyens qui obéissent aux lois, observent les règlements, remplissent la paperasserie administrative sans broncher, et qui d’autre part et en même temps (c’est cette simultanéité qui est violente) laisse d’autres faire comme ils veulent ; un État qui applique tel règlement et pas tel autre selon que le délinquant est loup ou lapin. Telle est la rhétorique, l’argumentaire qui soutient le slogan de l’anarcho-tyrannie : car il serait aisé, à partir de ces exemples, vrais ou faux – peu importe puisque la politique est toujours affaire de l’efficacité d’une opinion rendue plus persuasive qu’une autre – de bâtir un argumentaire, de lancer un programme politique, de renverser même l’État. Car le slogan est puissant, attirant, convaincant.

Qui aura donc la chutzpah, en France, de crier à l’anarcho-tyrannie de la République ? Les « nationalistes blancs » français d’établissement sont probablement trop intellectuels, trop confits dans ce qu’ils nomment l’action « métapolitique » à longue portée, pour goûter, à l’américaine, à l’anglaise, à la nordique aussi, ce produit tout fait, emballé net, et prêt à la consommation. Prêt à entrer en action, car « eppur si muove », dixit Galilée.

lundi, 11 janvier 2021

L'œil  du cyclone - Julius Evola, Ernst Jünger

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Luc-Olivier d'Algange:

L'œil  du cyclone

Julius Evola, Ernst Jünger

                                   « Comme Jack London, et divers autres, y compris Ernst Jünger à

                                   ses débuts, des individualités isolées se vouèrent à l'aventure, à

                                   la recherche de nouveaux horizons, sur des terres et des mers

                                   lointaines, alors que, pour le reste des hommes, tout semblait

                                   être en ordre, sûr et solide et que sous le règne de la science

                                   on célébrait la marche triomphale du progrès, à peine troublée

                                   par le fracas des bombes anarchistes. »

                                                                                                                       Julius Evola

                                    « Ta répugnance envers les querelles de nos pères avec nos grands

                                   pères, et envers toutes les manières possibles de leur trouver une

                                   solution, trahit déjà que tu n'as pas besoin de réponses mais d'un

                                   questionnement plus aigu, non de drapeaux, mais de guerriers, non

                                   d'ordre mais de révolte, non de systèmes, mais d'hommes. »

                                                                                                                         Ernst Jünger

On peut gloser à l'infini sur ce qui distingue ou oppose Ernst Jünger et Julius Evola. Lorsque celui-là avance par intuitions, visions, formes brèves inspirées des moralistes français non moins que de Novalis et de Nietzsche, celui-ci s'efforce à un exposé de plus en plus systématique, voire doctrinal. Alors que Jünger abandonne très tôt l'activité politique, même indirecte, la jugeant « inconvenante » à la fois du point de vue du style et de celui de l'éthique, Evola ne cessera point tout au long de son œuvre de revenir sur une définition possible de ce que pourrait être une « droite intégrale » selon son intelligence et son cœur. Lorsque Jünger interroge avec persistance et audace le monde des songes et de la nuit, Evola témoigne d'une préférence invariable pour les hauteurs ouraniennes et le resplendissement solaire du Logos-Roi. Ernst Jünger demeure dans une large mesure un disciple de Novalis et de sa spiritualité romane, alors que Julius Evola se veut un continuateur de l'Empereur Julien, un fidèle aux dieux antérieurs, de lignée platonicienne et visionnaire.

l-operaio-nel-pensiero-di-ernst-j-nger.jpgCes différences favorisent des lectures non point opposées, ni exclusives l'une de l'autre, mais complémentaires. A l'exception du Travailleur, livre qui définit de façon presque didactique l'émergence d'un Type, Jünger demeure fidèle à ce cheminement que l'on peut définir, avec une grande prudence, comme « romantique » et dont la caractéristique dominante n'est certes point l'effusion sentimentale mais la nature déambulatoire, le goût des sentes forestières, ces « chemins qui ne mènent nulle part » qu'affectionnait Heidegger, à la suite d'Heinrich von Ofterdingen et du « voyageur » de Gènes, de Venise et d'Engadine, toujours accompagné d'une « ombre » qui n'est point celle du désespoir, ni du doute, mais sans doute l'ombre de la Mesure qui suit la marche de ces hommes qui vont vers le soleil sans craindre la démesure.

         L'interrogation fondamentale, ou pour mieux dire originelle, des oeuvres de Jünger et d'Evola concerne essentiellement le dépassement du nihilisme. Le nihilisme tel que le monde moderne en précise les pouvoirs au moment où Jünger et Evola se lancent héroïquement dans l'existence, avec l'espoir d'échapper à la médiocrité, est à la fois ce qui doit être éprouvé et ce qui doit être vaincu et dépassé. Pour le Jünger du Cœur aventureux comme pour le Julius Evola des premières tentatives dadaïstes, rien n'est pire que de feindre de croire encore en un monde immobile, impartial, sûr. Ce qui menace de disparaître, la tentation est grande pour nos auteurs, adeptes d'un « réalisme héroïque », d'en précipiter la chute. Le nihilisme est, pour Jünger, comme pour Evola, une expérience à laquelle ni l'un ni l'autre ne se dérobent. Cependant, dans les « orages d'acier »,  ils ne croient point que l'immanence est le seul horizon de l'expérience humaine. L'épreuve, pour ténébreuse et confuse qu'elle paraisse, ne se suffit point à elle-même. Ernst Jünger et Julius Evola pressentent que le tumulte n'est que l'arcane d'une sérénité conquise. De ce cyclone qui emporte leurs vies et la haute culture européenne, ils cherchent le cœur intangible.  Il s'agit là, écrit Julius Evola de la recherche « d'une vie portée à une intensité particulière qui débouche, se renverse et se libère en un "plus que vie", grâce à une rupture ontologique de niveau. » Dans l'œuvre de Jünger, comme dans celle d'Evola, l'influence de Nietzsche, on le voit, est décisive. Nietzsche, pour le dire au plus vite, peut être considéré comme l'inventeur du « nihilisme actif », c'est-à-dire d'un nihilisme qui périt dans son triomphe, en toute conscience, ou devrait-on dire selon la terminologie abellienne, dans un « paroxysme de conscience ». Nietzsche se définissait comme « le premier nihiliste complet Europe, qui a cependant déjà dépassé le nihilisme pour l'avoir vécu dans son âme, pour l'avoir derrière soi, sous soi, hors de soi. »

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Cette épreuve terrible, nul esprit loyal n'y échappe. Le bourgeois, celui qui croit ou feint de croire aux « valeurs » n'est qu'un nihiliste passif: il est l'esprit de pesanteur qui entraîne le monde vers le règne de la quantité. « Mieux vaut être un criminel qu'un bourgeois », écrivit Jünger, non sans une certaine provocation juvénile, en ignorant peut-être aussi la nature profondément criminelle que peut revêtir, le cas échéant, la pensée calculante propre à la bourgeoisie. Peu importe : la bourgeoisie d'alors paraissait inerte, elle ne s'était pas encore emparée de la puissance du contrôle génétique et cybernétique pour soumettre le monde à sa mesquinerie. Dans la perspective nietzschéenne qui s'ouvre alors devant eux, Jünger et Evola se confrontent à la doctrine du Kirillov de Dostoïevski: « L'homme n'a inventé Dieu qu'afin de pouvoir vivre sans se tuer ». Or, ce nihilisme est encore partiel, susceptible d'être dépassé, car, pour les âmes généreuses, il n'existe des raisons de se tuer que parce qu'il existe des raisons de vivre.  Ce qui importe, c'est de réinventer une métaphysique contre le monde utilitaire et de dépasser l'opposition de la vie et de la mort.

Jünger et Evola sont aussi, mais d’une manière différente, à la recherche de ce qu'André Breton nomme dans son Manifeste « Le point suprême ». Julius Evola écrit: « L'homme qui, sûr de soi parce que c'est l'être, et non la vie, qui est le centre essentiel de sa personne peut tout approcher, s'abandonner à tout et s'ouvrir à tout sans se perdre: accepter, de ce fait, n'importe quelle expérience, non plus, maintenant pour s'éprouver et se connaître mais pour développer toutes ses possibilités en vue des transformations qui peuvent se produire en lui, en vue des nouveaux contenus qui peuvent, par cette voie, s'offrir et se révéler. » Quant à Jünger, dans Le Cœur Aventureux, version 1928, il exhorte ainsi son lecteur: « Considère  la vie comme un rêve entre mille rêves, et chaque rêve comme une ouverture particulière de la réalité. » Cet ordre établi, cet univers de fausse sécurité, où règne l'individu massifié, Jünger et Evola n'en veulent pas. Le réalisme héroïque dont ils se réclament n'est point froideur mais embrasement de l'être, éveil des puissances recouvertes par les écorces de cendre des habitudes, des exotérismes dominateurs, des dogmes, des sciences, des idéologies. Un mouvement identique les porte de la périphérie vers le centre, vers le secret de la souveraineté.  Jünger: « La science n'est féconde que grâce à l'exigence qui en constitue le fondement. En cela réside la haute, l'exceptionnelle valeur des natures de la trempe de Saint-Augustin et de Pascal: l'union très rare d'une âme de feu et d'une intelligence pénétrante, l'accès à ce soleil invisible de Swedenborg qui est aussi lumineux qu'ardent. »

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Tel est exactement le dépassement du nihilisme: révéler dans le feu qui détruit la lumière qui éclaire, pour ensuite pouvoir se recueillir dans la « clairière de l'être ». Pour celui qui a véritablement dépassé le nihilisme, il n'y a plus de partis, de classes, de tribus, il n'y a plus que l'être et le néant. A cette étape, le cyclone offre son cœur  à « une sorte de contemplation qui superpose la région du rêve à celle de la réalité comme deux lentilles transparentes braquées sur le foyer spirituel. » Dans l'un de ses ultimes entretiens, Jünger interrogé sur la notion de résistance spirituelle précise: « la résistance spirituelle ne suffit pas. Il faut contre-attaquer. »

Il serait trop simple d'opposer comme le font certains l'activiste Evola avec le contemplatif Jünger, comme si Jünger avait trahi sa jeunesse fougueuse pour adopter la pose goethéenne du sage revenu de tout. A celui qui veut à tout prix discerner des périodes dans les œuvres  de Jünger et d'Evola, ce sont les circonstances historiques qui donnent raison bien davantage que le sens des œuvres. Les œuvres se déploient;  les premiers livres d'Evola et de Jünger contiennent déjà les teintes et les vertus de ceux, nombreux, qui suivront. Tout se tient à l'orée d'une forte résolution, d'une exigence de surpassement, quand bien-même il s'avère que le Haut, n'est une métaphore du Centre et que l'apogée de l'aristocratie rêvée n'est autre que l'égalité d'âme du Tao, « l'agir sans agir ». Evola cite cette phrase de Nietzsche qui dut également frapper Jünger: « L'esprit, c'est la vie qui incise elle-même la vie ». A ces grandes âmes, la vie ne suffit point. C'est en ce sens que Jünger et Evola refusent avec la même rigueur le naturalisme et le règne de la technique, qui ne sont que l'avers et l'envers d'un même renoncement de l'homme à se dépasser lui-même. Le caractère odieux des totalitarismes réside précisément dans ce renoncement.

La quête de Jünger et d'Evola fond dans un même métal l'éthique et l'esthétique au feu d'une métaphysique qui refuse de se soumettre au règne de la nature. Toute l'œuvre de Jünger affirme, par sa théorie du sceau et de l'empreinte, que la nature est à l'image de la Surnature, que le visible n'est qu'un miroir de l'Invisible. De même, pour Evola, en cela fort platonicien, c'est à la Forme d'ordonner la matière. Telle est l'essence de la virilité spirituelle. Si Jünger, comme Evola, et comme bien d'autres, fut dédaigné, voire incriminé, sous le terme d'esthète par les puritains et les moralisateurs, c'est aussi par sa tentative de dépasser ce que l'on nomme la « morale autonome », c'est-à-dire laïque et rationnelle, sans pour autant retomber dans un « vitalisme » primaire. C'est qu'il existe, pour Jünger, comme pour Evola qui se réfère explicitement à une vision du monde hiérarchique, un au-delà et un en deçà de la morale, comme il existe un au-delà et un en deçà de l'individu.

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Lorsque la morale échappe au jugement du plus grand nombre, à l'utilitarisme de la classe dominante, elle paraît s'abolir dans une esthétique. Or, le Beau, pour Jünger, ce que la terminologie évolienne, et platonicienne, nomme la Forme (idéa) contient et réalise les plus hautes possibilités du Bien moral. Le Beau contient dans son exactitude, la justesse du Bien. L'esthétique ne contredit point la morale, elle en précise le contour, mieux, elle fait de la résistance au Mal qui est le propre de toute morale, une contre-attaque. Le Beau est un Bien en action, un Bien qui arrache la vie aux griffes du Léviathan et au règne des Titans. Jünger sur ce point ne varie pas . Dans son entretien séculaire, il dit à Franco Volpi: « Je dirai qu'éthique et esthétique se rencontrent et se touchent au moins sur un point: ce qui est vraiment beau est obligatoirement éthique, et ce qui est réellement éthique est obligatoirement beau. »

A ceux qui veulent opposer Jünger et Evola, il demeure d'autres arguments. Ainsi, il paraît fondé de voir en l'œuvre de Jünger, après Le Travailleur, une méditation constante sur la rébellion et la possibilité offerte à l'homme de se rendre hors d'atteinte de ce « plus froid des monstres froids », ainsi que Nietzsche nomme l'Etat. Au contraire, l'œuvre d'Evola poursuit avec non moins de constance l'approfondissement d'une philosophie politique destinée à fonder les normes et les possibilités de réalisation de « l'Etat vrai ». Cependant, ce serait là encore faire preuve d'un schématisme fallacieux que de se contenter de classer simplement Jünger parmi les « libertaires » fussent-ils « de droite » et Evola auprès des « étatistes ».

Si quelque vertu agissante, et au sens vrai, poétique, subsiste dans les oeuvres de Jünger et d'Evola les plus étroitement liées à des circonstances disparues ou en voie de disparition, c'est précisément car elles suivent des voies qui ne cessent de contredire les classifications, de poser d'autres questions au terme de réponses en apparence souveraines et sans appel. Un véritable auteur se reconnaît à la force avec laquelle il noue ensemble ses contradictions. C'est alors seulement que son œuvre échappe à la subjectivité et devient, dans le monde, une œuvre à la ressemblance du monde. L'œuvre  poursuit son destin envers et contre les Abstracteurs qui, en nous posant de fausses alternatives visent en réalité à nous priver de la moitié de nous-mêmes. Les véritables choix ne sont pas entre la droite et la gauche, entre l'individu et l'Etat, entre la raison et l'irrationnel, c'est à dire d'ordre horizontal ou « latéral ». Les choix auxquels nous convient Jünger et Evola, qui sont bien des écrivains engagés, sont d'ordre vertical. Leurs œuvres nous font comprendre que, dans une large mesure, les choix horizontaux sont des leurres destinés à nous faire oublier les choix verticaux.

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La question si controversée de l'individualisme peut servir ici d'exemple. Pour Jünger comme pour Evola, le triomphe du nihilisme, contre lequel il importe d'armer l'intelligence de la nouvelle chevalerie intellectuelle, est sans conteste l'individualisme libéral. Sous cette appellation se retrouvent à la fois l'utilitarisme bourgeois, honni par tous les grandes figures de la littérature du dix-neuvième siècle (Stendhal, Flaubert, Balzac, Villiers de L'Isle-Adam, Léon Bloy, Barbey d'Aurevilly, Théophile Gautier, Baudelaire, d'Annunzio, Carlyle etc...) mais aussi le pressentiment d'un totalitarisme dont les despotismes de naguère ne furent que de pâles préfigurations. L'individualisme du monde moderne est un « individualisme de masse », pour reprendre la formule de Jünger, un individualisme qui réduit l'individu à l'état d'unité interchangeable avec une rigueur à laquelle les totalitarismes disciplinaires, spartiates ou soviétiques, ne parvinrent jamais.

Loin d'opposer l'individualisme et le collectivisme,  loin de croire que le collectivisme puisse redimer de quelque façon le néant de l'individualisme libéral, selon une analyse purement horizontale qui demeure hélas le seul horizon de nos sociologues, Jünger tente d'introduire dans la réflexion politique un en-decà et un au-delà de l'individu. Si l'individu « libéral » est voué, par la pesanteur même de son matérialisme à s'anéantir dans un en-deçà de l'individu, c'est-à-dire dans un collectivisme marchand et cybernétique aux dimensions de la planète, l'individu qui échappe au matérialisme, c'est-à-dire l'individu qui garde en lui la nostalgie d'une Forme possède, lui, la chance magnifique de se hausser à cet au-delà de l'individu, que Julius Evola nomme la Personne. Au delà de l'individu est la Forme ou, en terminologie jüngérienne, la Figure, qui permet à l'individu de devenir une Personne.       

9782844453501_1_75.jpgQu'est-ce que la Figure ? La Figure, nous dit Jünger, est le tout qui englobe plus que la somme des parties. C'est en ce sens que la Figure échappe au déterminisme, qu'il soit économique ou biologique. L'individu du matérialisme libéral demeure soumis au déterminisme, et de ce fait, il appartient encore au monde animal, au « biologique ». Tout ce qui s'explique en terme de logique linéaire, déterministe, appartient encore à la nature, à l'en-deçà des possibilités surhumaines qui sont le propre de l'humanitas. « L'ordre hiérarchique dans le domaine de la Figure ne résulte pas de la loi de cause et d'effet, écrit Jünger mais d'une loi tout autre, celle du sceau et de l'empreinte. » Par ce renversement herméneutique décisif, la pensée de Jünger s'avère beaucoup plus proche de celle d'Evola que l'on ne pourrait le croire de prime abord. Dans le monde hiérarchique, que décrit Jünger où le monde obéit à la loi du sceau et de l'empreinte, les logiques évolutionnistes ou progressistes, qui s'obstinent (comme le nazisme ou le libéralisme darwinien) dans une vision zoologique du genre humain, perdent toute signification. Telle est exactement la Tradition, à laquelle se réfère toute l'œuvre de Julius Evola: « Pour comprendre aussi bien l'esprit traditionnel que la civilisation moderne, en tant que négation de cet esprit, écrit Julius Evola, il faut partir de cette base fondamentale qu'est l'enseignement relatif aux deux natures. Il y a un ordre physique et il y a un ordre métaphysique. Il y a une nature mortelle et il y a la nature des immortels. Il y a la région supérieure de l'être et il y a la région inférieure du devenir. D'une manière plus générale, il y a un visible et un tangible, et avant et au delà de celui-ci, il y a un invisible et un intangible, qui constituent le supra-monde, le principe et la véritable vie. Partout, dans le monde de la Tradition, en Orient et en Occident, sous une forme ou sous une autre, cette connaissance a toujours été présente comme un axe inébranlable autour duquel tout le reste était hiérarchiquement organisé. »

Affirmer, comme le fait Jünger, la caducité de la logique de cause et d'effet, c'est, dans l'ordre d'une philosophie politique rénovée, suspendre la logique déterministe et tout ce qui en elle plaide en faveur de l'asservissement de l'individu. « On donnera le titre de Figure, écrit Jünger, au genre de grandeur qui s'offrent à un regard capable de concevoir que le monde peut être appréhendé dans son ensemble selon une loi plus décisive que celle de la cause et de l'effet. » Du rapport entre le sceau invisible et l'empreinte visible dépend tout ce qui dans la réalité relève de la qualité. Ce qui n'a point d'empreinte, c'est la quantité pure, la matière livrée à elle-même. Le sceau est ce qui confère à l'individu, à la fois la dignité et la qualité. En ce sens, Jünger, comme Evola, pense qu'une certaine forme d'égalitarisme revient à nier la dignité de l'individu, à lui ôter par avance toute chance d'atteindre à la dignité et à la qualité d'une Forme. « On ne contestera pas, écrit Julius Evola, que les êtres humains, sous certains aspects, soient à peu près égaux; mais ces aspects, dans toute conception normale et traditionnelle, ne représentent pas le "plus" mais le "moins", correspondent au niveau le plus pauvre de la réalité, à ce qu'il y a de moins intéressant en nous. Il s'agit d'un ordre qui n'est pas encore celui de la forme, de la personnalité au sens propre. Accorder de la valeur à ces aspects, les mettre en relief comme si on devait leur donner la priorité, équivaudrait à tenir pour essentiel que ces statues soient en bronze et non que chacune soit l'expression d'une idée distincte dont le bronze ( ici la qualité générique humaine) n'est que le support matériel. »

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Ce platonisme que l'on pourrait dire héroïque apparaît comme un défi à la doxa moderne. Lorsque le moderne ne vante la « liberté » que pour en anéantir toute possibilité effective dans la soumission de l'homme à l'évolution, au déterminisme, à l'histoire, au progrès, l'homme de la Tradition, selon Evola, demeure fidèle à une vision supra-historique. De même, contrairement à ce que feignent de croire des exégètes peu informés, le « réalisme héroïque » des premières œuvres de Jünger loin de se complaire dans un immanentisme de la force et de la volonté, est un hommage direct à l'ontologie de la Forme, à l'idée de la préexistence. « La Figure, écrit Jünger, dans Le Travailleur, est, et aucune  évolution ne l'accroît ni ne la diminue. De même que la Figure de l'homme précédait sa naissance et survivra à sa mort, une Figure historique est, au plus profond d'elle-même, indépendante du temps et des circonstances dont elle semble naître. Les moyens dont elle dispose sont supérieurs, sa fécondité est immédiate. L'histoire n'engendre pas de figures, elle se transforme au contraire avec la Figure. »

Sans doute le jugement d'Evola, qui tout en reconnaissant la pertinence métapolitique de la Figure du Travailleur n'en critique pas moins l'ouvrage de Jünger comme dépourvu d'une véritable perspective métaphysique, peut ainsi être nuancée. Jünger pose bien, selon une hiérarchie métaphysique, la distinction entre l'individu susceptible d'être massifié (qu'il nomme dans Le Travailleur « individuum ») et l'individu susceptible de recevoir l'empreinte d'une Forme supérieure (et qu'il nomme « Einzelne »). Cette différenciation terminologique verticale est incontestablement l'ébauche d'une métaphysique, quand bien même, mais tel n'est pas non plus le propos du Travailleur, il n'y est pas question de cet au-delà de la personne auquel invitent les métaphysiques traditionnelles, à travers les œuvres de Maître Eckhart ou du Védantâ. De même qu'il existe un au-delà et un en-deçà de l'individu, il existe dans un ordre plus proche de l'intangible un au-delà et un en-deçà de la personne. Le « dépassement » de l'individu, selon qu'il s'agit d'un dépassement par le bas ou par le haut peut aboutir aussi bien, selon son orientation, à la masse indistincte qu'à la formation de la Personne. Le dépassement de la personne, c'est-à-dire l'impersonnalité, peut, selon Evola, se concevoir de deux façons opposées: « l'une se situe au-dessous, l'autre au niveau de la personne; l'une aboutit à l'individu, sous l'aspect informe d'une unité numérique et indifférente qui, en se multipliant, produit la masse anonyme; l'autre est l'apogée typique d'un être souverain, c'est la personne absolue. »

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Loin d'abonder dans le sens d'une critique sommaire et purement matérialiste de l'individualisme auquel n'importe quelle forme d'étatisme ou de communautarisme devrait être préféré aveuglément, le gibelin Julius Evola, comme l'Anarque jüngérien se rejoignent dans la méditation d'un ordre qui favoriserait « l'apogée typique d'un être souverain ».  Il est exact de dire, précise Evola, « que l'état et le droit représentent quelque chose de secondaire par rapport à la qualité des hommes qui en sont les créateurs, et que cet Etat, ce droit ne sont bons que dans le mesure où ils restent des formes fidèles aux exigences originelles et des instruments capables  de consolider et de confirmer les forces mêmes qui leur ont donné naissance. » La critique évolienne de l'individualisme, loin d'abonder dans le sens d'une mystique de l'élan commun en détruit les fondements mêmes. Rien, et Julius Evola y revient à maintes reprises, ne lui est aussi odieux que l'esprit grégaire: « Assez du besoin qui lie ensemble les hommes mendiant au lien commun et à la dépendance réciproque la consistance qui fait défaut à chacun d'eux ! »

Pour qu'il y eût un Etat digne de ce nom, pour que l'individu puisse être dépassé, mais par le haut, c'est-à-dire par une fidélité métaphysique, il faut commencer par s'être délivré de ce besoin funeste de dépendance. Ajoutées les unes aux autres les dépendances engendrent l'odieux  Léviathan, que Simone Weil nommait « le gros animal », ce despotisme du Médiocre dont le vingtième siècle n'a offert que trop d'exemples. Point d'Etat légitime, et point d'individu se dépassant lui-même dans une généreuse impersonnalité active, sans une véritable Sapience, au sens médiéval, c'est-à-dire une métaphysique de l'éternelle souveraineté. « La part inaliénable de l'individu (Einzelne)  écrit Jünger, c'est qu'il relève de l'éternité, et dans ses moments suprêmes et sans ambiguïté, il en est pleinement conscient. Sa tâche est d'exprimer cela dans le temps. En ce sens, sa vie devient une parabole de la Figure. » Evola reconnaît ainsi « en certains cas la priorité de la personne même en face de l'Etat », lorsque la personne porte en elle, mieux que l'ensemble, le sens et les possibilités créatrices de la Sapience.

Quelles que soient nos orientations, nos présupposés philosophiques ou littéraires, aussitôt sommes-nous requis par quelque appel du Grand Large qui nous incline à laisser derrière nous, comme des écorces mortes, le « trop humain » et les réalités confinées de la subjectivité, c'est à la Sapience que se dédient nos pensées. Du précepte delphique « Connais-toi toi-même et tu connaîtras le monde et les dieux », les œuvres de Jünger et d'Evola éveillent les pouvoirs en redonnant au mot de « réalité » un sens que lui avaient ôté ces dernières générations de sinistres et soi-disant « réalistes »:  « ll est tellement évident que le caractère de "réalité" a été abusivement monopolisé par ce qui, même dans la vie actuelle, n'est qu'une partie de la réalité totale, que cela ne vaut pas la peine d'y insister davantage» écrit Julius Evola. La connaissance de soi-même ne vaut qu'en tant que connaissance réelle du monde. Se connaître soi-même, c'est connaître le monde et les dieux car dans cette forme supérieure de réalisme que préconisent Jünger et Evola: « le réel est perçu dans un état où il n'y a pas de sujet de l'expérience ni d'objet expérimenté, un état caractérisé par une sorte de présence absolue où l'immanent se fait transcendant et le transcendant immanent. » Et sans doute est-ce bien en préfiguration de cette expérience-limite que Jünger écrit: « Et si nous voulons percevoir le tremblement du cœur jusque dans ses plus subtiles fibrilles, nous exigeons en même temps qu'il soit trois fois cuirassé. »

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Foi et chevalerie sont les conditions préalables et nécessaires de la Sapience, et c'est précisément en quoi la Sapience se distingue de ce savoir banal et parfois funeste dont les outrecuidants accablent les simples. La Sapience advient, elle ne s'accumule, ni ne se décrète. Elle couronne naturellement des types humains dont les actes et les pensées sont orientés vers le Vrai, le Beau et le Bien, c'est-à-dire qu'elle vibre et claque au vent de l'Esprit. La Sapience n'est pas cette petite satisfaction du clerc qui croit se suffire à lui-même. La Sapience ne vaut qu'en tant que défi au monde, et il vaut mieux périr de ce défi que de tirer son existence à la ligne comme un mauvais feuilletoniste. Les stances du Dhammapada, attribué au Bouddha lui-même ne disent pas autre chose: "« Plutôt vivre un jour en considérant l'apparition et la disparition que cent ans sans les voir."

Le silence et la contemplation de la Sapience sont vertige et éblouissement et non point cette ignoble recherche de confort et de méthodes thérapeutiques dont les adeptes du « new-age » parachèvent  leur arrogance technocratique. « L'Occident ne connaît plus la Sapience, écrit Evola: il ne connaît plus le silence majestueux des dominateurs d'eux-mêmes, le calme illuminé des Voyants, la superbe réalité de ceux chez qui l'idée s'est faite sang, vie, puissance... A la Sapience ont succédé la contamination sentimentale, religieuse, humanitaire, et la race de ceux qui s'agitent en caquetant et courent, ivres, exaltant le devenir et la pratique, parce que le silence et la contemplation leur font peur. »

Le moderne, qui réclame sans cesse de nouveaux droits, mais se dérobe à tous les devoirs, hait la Sapience car, analogique et ascendante, elle élargit le champ de sa responsabilité. L'irresponsable moderne qui déteste la liberté avec plus de hargne que son pire ennemi ( si tant est qu'il eût encore assez de cœur pour avoir un ennemi) ne peut voir en la théorie des correspondances qu'une menace à peine voilée adressée à sa paresse et à son abandon au courant d'un « progrès » qui entraîne, selon la formule de Léon Bloy, « comme un chien mort au fil de l'eau ». Rien n'est plus facile que ce nihilisme qui permet de se plaindre de tout, de revendiquer contre tout sans jamais se rebeller contre rien. L'insignifiance est l'horizon que se donne le moderne, où il enferme son cœur et son âme jusqu'à l'a asphyxie et l'étiolement. « L'homme qui attribue de la valeur à ses expériences, écrit Jünger, quelles qu'elles soient, et qui, en tant que parties de lui-même ne veut pas les abandonner au royaume de l'obscurité, élargit le cercle de sa responsabilité. » C'est en ce sens précis que le moderne, tout en nous accablant d'un titanisme affreux, ne vénère dans l'ordre de l'esprit que la petitesse, et que toute recherche de grandeur spirituelle lui apparaît vaine ou coupable.

417cSOhYCdL._SX346_BO1,204,203,200_.jpgNous retrouvons dans les grands paysages intérieurs que décrit Jünger dans Héliopolis, ce goût du vaste, de l'ampleur musicale et chromatique où l'invisible et le visible correspondent. Pour ce type d'homme précise Evola: « il n'y aura pas de paysages plus beaux, mais des paysages plus lointains, plus immenses, plus calmes, plus froids, plus durs, plus primordiaux que d'autres: Le langage des choses du monde ne nous parvient pas parmi les arbres, les ruisseaux, les beaux jardins, devant les couchers de soleil chromos ou de romantiques clairs de lune mais plutôt dans les déserts, les rocs, les steppes, les glaces, les noirs fjords nordiques, sous les soleils implacables des tropiques- précisément dans tout ce qui est primordial et inaccessible. » La Sapience alors est l'éclat fulgurant qui transfigure le cœur qui s'est ouvert à la Foi et à la Chevalerie quand bien même, écrit Evola: «  le cercle se resserre de plus en plus chaque jour autour des rares êtres qui sont encore capables du grand dégoût et de la grande révolte. » Sapience de poètes et de guerriers et non de docteurs, Sapience qui lève devant elle les hautes images de feu et de gloire qui annoncent les nouveaux règnes !

« Nos images, écrit Jünger, résident dans ces lointains plus écartés et plus lumineux où les sceaux étrangers ont perdu leur validité, et le chemin qui mène à nos fraternités les plus secrètes passe par d'autres souffrances. Et notre croix a une solide poignée, et une âme forgée dans un acier à double tranchant. » La Sapience surgit sur les chemins non de la liberté octroyée, mais de la liberté conquise.  « C'est plutôt le héros lui-même, écrit Jünger, qui par l'acte de dominer et de se dominer, aide tous les autres en permettant à l'idée de liberté de triompher... »

gondenholm.jpgDans l'œil du cyclone, dans la sérénité retrouvée, telle qu'elle déploie son imagerie solaire à la fin de La Visite à Godenholm, une fois que sont vaincus, dans le corps et dans l'âme, les cris des oiseaux de mauvais augure du nihilisme, L'Anarque jüngérien, à l'instar de l'homme de la Tradition évolien, peut juger l'humanisme libéral et le monde moderne, non pour ce qu'ils se donnent, dans une propagande titanesque, mais pour ce qu'ils sont: des idéologies de la haine de toute forme de liberté accomplie. Que faut-il comprendre par liberté accomplie ? Disons une liberté qui non seulement se réalise dans les actes et dans les œuvres mais qui trouve sa raison d'être dans l'ordre du monde. « Libre ? Pour quoi faire ? » s'interrogeait Nietzsche. A l'évidence, une liberté qui ne culmine point en un acte poétique, une liberté sans « faire » n'est qu'une façon complaisante d'accepter l'esclavage. L'Anarque et l'homme de la Tradition récusent l'individualisme libéral car celui-ci leur paraît être, en réalité, la négation à la fois de l'Individu et de la liberté. Lorsque Julius Evola rejoint, non sans y apporter ses nuances gibelines et impériales, la doctrine traditionnelle formulée magistralement par René Guénon, il ne renonce pas à l'exigence qui préside à sa Théorie de l'Individu absolu, il en trouve au contraire, à travers les ascèses bouddhistes, alchimiques ou tantriques, les modes de réalisation et cette sorte de pragmatique métaphysique qui tant fait défaut au discours philosophique occidental depuis Kant. « C'est que la liberté n'admet pas de compromis: ou bien on l'affirme, ou bien on ne l'affirme pas. Mais si on l'affirme, il faut l'affirmer sans peur, jusqu'au bout, - il faut l'affirmer, par conséquent, comme liberté inconditionnée. » Seul importe au regard métaphysique ce qui est sans condition. Mais un malentendu doit être aussitôt dissipé. Ce qui est inconditionné n'est pas à proprement parler détaché ou distinct du monde. Le « sans condition » est au cœur. Mais lorsque selon les terminologies platoniciennes ou théologiques on le dit « au ciel » ou « du ciel », il faut bien comprendre que ce ciel est au coeur.

L'inconditionné n'est pas hors de la périphérie, mais au centre. C'est au plus près de soi et du monde qu'il se révèle. D'où l'importance de ce que Jünger nomme les « approches ». Plus nous sommes près du monde dans son frémissement sensible, moins nous sommes soumis aux généralités et aux abstractions idéologiques, et plus nous sommes près des Symboles. Car le symbole se tient entre deux mondes. Ce monde de la nature qui flambe d'une splendeur surnaturelle que Jünger aperçoit dans la fleur ou dans l'insecte, n'est pas le monde d'un panthéiste, mais le monde exactement révélé par l'auguste science des symboles. « La science des symboles, rappelle Luc Benoist, est fondée sur la correspondance qui existe entre les divers ordres de réalité, naturelle et surnaturelle, la naturelle n'étant alors considérée que comme l'extériorisation du surnaturel. » La nature telle que la perçoivent Jünger et Evola (celui-ci suivant une voie beaucoup plus « sèche ») est bien la baudelairienne et swedenborgienne « forêt de symboles ». Elle nous écarte de l'abstraction en même temps qu'elle nous rapproche de la métaphysique.  « La perspective métaphysique, qui vise à dépasser l'abstraction conceptuelle, trouve dans le caractère intuitif et synthétique du symbole en général et du Mythe en particulier un instrument d'expression particulièrement apte à véhiculer l'intuition intellectuelle. »écrit George Vallin. Les grandes imageries des Falaises de Marbre, d'Héliopolis, les récits de rêves, des journaux et du Cœur aventureux prennent tout leur sens si on les confronte à l'aiguisement de l'intuition intellectuelle. Jünger entre en contemplation pour atteindre cette liberté absolue qui est au cœur des mondes, ce moyeu immobile de la roue, qui ne cessera jamais de tourner vertigineusement.  Dans ce que George Vallin nomme l'intuition intellectuelle, l'extrême vitesse et l'extrême immobilité se confondent. Le secret de la Sapience, selon Evola: « cette virtu qui ne parle pas, qui naît dans le silence hermétique et pythagoricien, qui fleurit sur la maîtrise des sens et de l'âme » est au cœur des mondes comme le signe de la « toute-possibilité » . Tout ceci, bien sûr, ne s'adressant qu'au lecteur aimé de Jünger: « ce lecteur dont je suppose toujours qu'il est de la trempe de Don Quichotte et que, pour ainsi dire, il tranche les airs en lisant à grands coups d'épée. »

Luc-Olivier d'Algange.

Entrecroisements transfigurateurs entre le Roman du Début et celui de la Fin

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Entrecroisements transfigurateurs entre le Roman du Début et celui de la Fin

par Laurent James
Ex: https://parousia-parousia.blogspot.com
 
008115746.jpgPubliés à peu près au même moment, la distance temporelle entre L’Epopée des Arvernes de Jean-Paul Bourre et Le Procès des Dieux de Maxence Smaniotto est en réalité d’environ 2300 ans : les Poissons sont littéralement encerclés par ces deux volumes romanesques absolument bouleversants, dont la juxtaposition forme une terrible nasse immergée dans les plus profondes eaux souterraines de l’Europe intérieure.

Des Druides flamboyants aux journalistes névrosés, de l’Arvernie tournoyante à la Nouvelle Notre-Dame de l’Humanité, de Doria la guerrière banshee au visage enduit d’argile verte à Karima la froide universitaire déterminée à en finir avec l’Olympe, la lecture successive – ou même alternée, pourquoi en effet ne pas passer d’un livre à l’autre chapitre après chapitre, pour tomber dans une espèce de grand vertige totémique – de ces deux romans produit dans l’âme du lecteur une vision d’ensemble, à la fois de l’ontologie tout à fait lumineuse de l’espèce humaine spécifiquement européenne, ainsi que de l’ensemble absolument démoniaque de ce qui en constitue l’irréfragable ennemi radical, la vaste collusion de tous ceux qui sont déterminés à annihiler cette espèce en éradiquant ses Dieux, ses morts, ses armes, ses œuvres, ses ferveurs, son histoire, ses invocations, ses joies, sa mélancolie, sa tristesse, son ivresse, ses chants, sa sexualité, son fanatisme et sa haine.

Jean-Paul Bourre est le plus grand romancier français épique actuel, cela finira peut-être par se savoir. Un romancier fiévreux, homérique, médiumnique et « atteint d’une forme de synesthésie subite et sauvage », comme le rappelle Tony Baillargeat dans sa préface. Un romancier, c’est avant tout un meneur de loups ; et Bourre en est tout simplement le dernier.

61P8dewd40L.jpgSujet de rédaction : « Cent mille guerriers gaulois s’installent dans un grand désordre sur la rive droite du Rhône ; après être parvenus à traverser le fleuve, ils affrontent des dizaines de milliers de légionnaires romains qui finissent par lâcher une troupe d’éléphants. Décrivez le tumulte qui s’ensuit ». 

J’aimerais savoir combien d’écrivains contemporains relèveraient le défi… 

L’Epopée des Arvernes est avant tout un roman sur la paternité, tissé suivant une trame flamboyante de filiations paternelles : d’abord le jeune Moran, qui franchit les premières pages du roman en assistant à la destruction totale de son village et la profanation du cairn funéraire de son père Luconios, le « loup des neiges »… héros fougueux que l’écrivain a la cruauté tragique de faire périr à Lutèce, torturé sur le poteau des Nautes … passant ensuite le flambeau à son fils Luern, à l’épaule droite incisée, enfant, par son père Moran pour démultiplier la puissance de la bandaison de l’arc,… Luern le compagnon de combat de Brennos, géniteur – juste avant la prise de Rome – du petit Bituit,… puis Celtill le rebelle, et enfin Vercingétorix, lumineuse guirlande de pères combattant la puissance de Rome, au service de l’Arvernie et du peuple des forêts, de victoire en victoire jusqu’à la défaite.

Un lac volcanique bordé d’aulnes verts, la présence trouble et permanente de guerriers Pictes tatoués sur tout le corps, des cauchemars bariolés d’immondes bestioles, des bardes fiévreux gorgés d’hydromel, des ermites s’entretenant avec des fées au creux de leurs grottes, la déesse Damona étreignant un grand chêne sous la lune, l’enchanteresse Île Verte surgissant d’un rideau de brumes, … Tout, dans ce roman, n’est que fugitives visions du mystère profond de la vie, sans aucun enjolivement d’aucune sorte.

Ca décapite en effet à tour de bras chez Jean-Paul Bourre, aux cris de « Charogne puante ! », avant d’accrocher la tête de l’ennemi au seuil de sa hutte. On y baise également beaucoup sous l’orage, on crache par terre, on éventre des ours, on prépare des soupes de lard arrosée de cervoise, on pleure en évoquant des sentiers perdus qui mènent vers l’Autre Monde, on arrache des viscères à la lance à crochets en riant, on essuie sa moustache pleine de ragoût de porc.

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Jean-Paul Bourre.

Dominique de Roux a écrit dans Immédiatement cet aphorisme que tout le monde a oublié : « Les Druides prononçaient des mots si compacts qu’ils trouaient l’air et y restaient immobiles, plantés dans le vide comme des oiseaux surpris dans leur vol ». Ces mots compacts, Jean-Paul Bourre les a patiemment glanés au fil de ses promenades dans les nuées du plateau de Gergovie, pour les restituer ici avec précision.

Tiens ! voici la tête d’un corbeau, fichée sur une pique, devant la hutte de l’épouse de Moran. Je l’avais oubliée… Dans son bel ouvrage Le Grand Monarque et le Souverain Pontife, Rhonan de Bar nous rappelle que décapiter un corbeau, cet animal totem du Roi Brennos qui accompagne aussi bien Lug que Brân le Béni, cela « revient à séparer le Mercure du Caput Mortuum », c’est-à-dire augurer rien de moins que la décollation de Louis XVI.

Le Procès des Dieux est le roman anthropogonique de la Fin du Cycle des Rois. 

Car si certains gnostiques pop revendiquent la victoire des Sans-Rois comme la seule possibilité de retrouver les clefs de la connaissance, nous sommes encore quelques-uns à savoir pertinemment que c’est justement la défaite des Rois, et celle concomitante de l’Eglise, qui nous les a fait perdre définitivement, ces clefs. Alors, bien sûr, maintenant que nous sommes seuls, nous n’avons plus le choix, et nous nous plongeons dans l’œuvre d’Abellio pour activer la transfiguration prophétique du monde par le Christ intérieur.

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Maxence Smaniotto.

Et j’en profite pour affirmer, de manière péremptoire mais tout à fait assumée, que Le Procès des Dieux constitue le point central du triangle équilatéral formé par Les yeux d’Ezéchiel sont ouverts, La fosse de Babel et Visages immobiles : son point de fuite dynamique vers l’effacement gnostique de l’histoire européenne ; un effacement que l’on espère analogue au détachement – au laisser-être – de Maître Eckhart, « phase dialectique préalable à la déification de l’homme, c’est-à-dire à l’engendrement de Dieu par l’homme et la fusion de l’homme dans la déité de Dieu » (Manifeste de la Nouvelle Gnose, p. 134).

Gabriel est journaliste à News Challenges, média tenu par le dynamique milliardaire saoudien Khaled al-Waaleed qui rêve de « changer le monde ». Car, dans le roman de Smaniotto, et contrairement au Soumission de Houellebecq où la démocratie française devient progressivement musulmane, c’est l’islam qui finit par être majoritairement soumis au progressisme sociétal occidental ; les imams gays ou féminins promus aujourd’hui par Télérama, France Inter et les syndicats de salariés, ont fait tache d’huile. Après tout, il est tout à fait envisageable que ceux qui parviendront à en finir avec l’islam radical ne soient pas Génération Identitaire, ni Riposte laïque ni Gérald Darmanin, mais une alliance dynamique, inclusive et sociétale entre le CFCM, Bill Gates, Philippe Martinez et Marlène Schiappa. Les nationalistes contemporains sont si stupides qu’ils n’ont toujours pas compris que c’est l’islamo-gauchisme qui éteindra toute étincelle vivante au cœur de l’islam, en plaçant les musulmans sous le boisseau de la République. Ne se souviennent-ils pas de ce qui s’est passé avec le catholicisme ?

L’islamo-gauchisme est la plus grande arme de guerre contre l’islam, et une occasion historique de renforcer le gauchisme.

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Notons que dans le roman, la Chine confucéenne reste la seule et unique force mondiale à pouvoir résister au nihilisme impérialiste occidental. Confucius plus fort que Platon, Bouddha, Jésus et Mahomet réunis face à la Bête ?... C’est à envisager sérieusement.

Maxence Smaniotto montre que ce que nos ennemis nomment « la convergence des luttes » a toutes les chances d’être victorieuse, car – et c’est une autre des spécificités notables de notre époque – le Pouvoir et ses opposants sont fondamentalement d’accord sur l’essentiel. N’oublions pas que l’écriture inclusive, la lutte contre les biais de genre ou contre la transphobie ne sont plus depuis longtemps des revendications de groupes minoritaires mais de rigoureuses obligations administratives émanant du Parlement européen. 

Une société comme Kaufman & Broad est florissante car elle obéit en tous points aux mots d’ordre naguère gauchistes militants, et devenus aujourd’hui des diktats officiels : la parité à toutes les réunions et tous les comités, l’écriture inclusive, les règlements intérieurs pour le bon accueil des juifs, des arabes et des LGBT et la lutte contre le harcèlement sexuel. Et son Président s’appelle Nordine Hachemi, dont la foi musulmane diffère probablement de celle de Ayman al-Zawahiri. Absolument inattaquable du point de vue cégétiste. Et, en plus, Kaufman & Broad lutte efficacement contre l’oppression patriarcale de la religion catholique, en détruisant tranquillement les petites fermes à chapelle de nos quartiers.

En réalité, il s’agit d’une véritable convergence des putes qui se dresse devant nous : syndicalistes, vegans, militants intersectionnels et éco-solidaires, antispécistes, chrétiens téléramesques, musulmans des Lumières, … tous au service intégral de la déconstruction de l’autorité verticale et de la refondation des liens sociaux par la confusion active, l’indiscernabilité généralisée et le nihilisme post-festif. Et, surtout, au service intégral de l’universalisation du nihilisme occidental, et de la super-colonisation mondiale des peuples par l’idéologie du décloisonnement civilisationnel, ce que Smaniotto appelle « le darwinisme inclusif ». 

Le monde d’après les Rois, c’est surtout le monde d’après les Dieux.

Le roman débute avec la capture de Pan dans les marais de la Camargue par la police républicaine. Thierry Rotz, le ministre de l’Intérieur chargé d’arrêter les derniers Dieux encore libres, et de contrer les activités terroristes des salafistes aussi bien que du groupe de réinformation métaphysique Lernaia Hudra, est surnommé « Le Cathare ». Il s’agit là de l’une de ces remarquables illuminations de Maxence Smaniotto qui parsèment le roman, mais que je ne prendrai pas le temps de développer ici même. Le point commun entre tous nos ennemis est en effet une volonté tout à fait avérée de pureté mentale, faite à la fois du refus de la présence de la matière dans l’esprit et de refus de la présence d’esprit dans la matière, une volonté qui prit un temps le nom de catharisme, mais également, suivant les époques, d’arianisme, de dualisme gnostique ou de déisme universaliste (Thomas Paine).

maxence-smaniotto-l-armenie-au-dela-des-cliches.jpgEtonnez-vous après cela que les gnostiques pop que j’évoquais plus haut soient de fervents adeptes des cathares. Ils croient que ceux-ci ont tous été exterminés par les dominicains, alors qu’en réalité, ils ont anéanti l’Eglise, bâti la République américaine et pris le pouvoir en Occident. S’ils sont Sans-Rois, c’est parce qu’ils sont Avec-la-République.

Le journaliste fade et pâlot Gabriel est donc invité à assister au Procès des Dieux, qui se tient au Tribunal International pour les Crimes des Olympiens. Reconstruite après l’incendie d’avril 2019 dans l’optique architecturale d’un idéal universaliste et humaniste, la Nouvelle Notre-Dame de l’Humanité est idéale pour accueillir ce Tribunal. Au-delà du procès de l’Olympe, le lecteur aura compris que c’est un véritable procès de l’Europe qui se tient – au nom des valeurs de Kaufman & Broad, les valeurs de l’Occident.

Au temps des premiers Rois celtes, la femme primordiale revêtait les atours de femme-louve et femme-renard, ou de guerrière experte à la fois dans l’art de la volupté et la prière opérative, mais le monde d’après les Rois décrit par Smaniotto, ce monde de la fin du début de la Fin, n’est peuplé que de présentatrices transgenres à BFMTV, de féministes lesbiennes et voilées, de vigilantes universitaires anti-patriarcales et d’avocates aux cheveux violets.

Un autre genre, effectivement.

« La Femme, son essence, reste la vraie victime de fond de ces pratiques préislamiques », dit Samira à son patron al-Waaleed à propos des récits de Homère. « La guerre racialisée dans l’Iliade, la soumission genrée au patriarcat pour l’Odyssée. Hitler n’aurait pas pu faire mieux avec son Mein Kampf ». 

La professeure Karima Trong donne une assise universitaire à cette vision durant ses cours publics, en une harangue fleuve que je me permets ici de citer longuement, tant celle-ci synthétise prodigieusement la vision de nos ennemis ontologiques : « Derrière chaque acte fondateur autour duquel se structure une civilisation impérialiste, inégalitaire et patriarcale, se nichent les dieux grecs. Ils ont changé de nom pour mieux perpétuer leur existence, mais ils ont toujours été là. […] Cette nouvelle humanité, débarrassée de l’influence des dieux, est nécessaire. L’histoire nous montre une fois de plus pourquoi. Alexandre dit le Grand était élève d’Aristote, et mènera guerres sur guerres, jusqu’à l’Inde. Plus tard, Rome la latine s’hellénise et met à feu et à sang une grande partie de l’Europe, l’Afrique du Nord et la plupart du Moyen-Orient. Le christianisme succède à Rome, recueille l’héritage hellène et ça donne l’inquisition, les bûchers, l’oppression de la femme qui est assimilée au Diable, les génocides en Amérique du Sud et les croisades. Ensuite c’est au Romantisme de réactualiser les mythes grecs et sa philosophie. Dans leurs poèmes se nichent les germes du nationalisme, et ce n’est pas un hasard si le national-socialisme, avec sa quête de pureté raciale, hissera le Romantisme allemand au rang de culture aryenne. Mais les Olympiens ne se sont pas arrêtés au seul nazisme, ils ont poursuivi, répandant leurs ganglions un peu partout. Dans le fascisme italien, qui entendait ressusciter l’Empire romain, et même en URSS, où les formes classiques de l’architecture étaient remises au goût du jour. Nombre d’édifices des années 1930 et 1940 ne sont rien d’autre qu’une ruse que les dieux grecs avaient trouvée pour ériger de nouveaux temples à leur gloire. »

EHTlgbyWoAAv7QB.jpgHermès se défend particulièrement bien en prenant ses juges à partie, parce qu’il sait qu’en réalité, c’est pour de tout autres raisons que ceux-là s’attaquent à l’Olympe : l’une est iranienne et ne fait que défendre Zoroastre humilié, l’autre est juif talmudique et ne fait que combattre l’helléno-christianisme, un troisième est républicain donc franc-maçon, etc. Apprenant sa condamnation à la prison « jusqu’à l’oubli » dans les entrailles des îles Kerguelen, Hermès prévient alors le jury : « Vous ne vous rendez pas compte. Vous allez libérer les Titans » …

Ne leur pardonnez pas, mon Père, car ils savent très bien qu’ils ne savent pas ce qu’ils font.

Chez eux, chez nos ennemis ontologiques de l’Europe éternelle, la logique du tiers-inclus s’est muée en militantisme non-binaire, la transfiguration de l’humanité par l’émergence du Moi transcendantal s’est pervertie en atomisation confusionnelle, la conscience vive de l’Androgynat primordial a dégénéré en abâtardissement pédérastique… Mais pourquoi diable tous ces gens-là passent-ils leur temps à comprendre systématiquement tout de travers ? Marx avait noté que les événements historiques se produisaient toujours deux fois, d’abord sous forme de tragédie puis sous forme de farce. Je crois bien que l’une des définitions les plus efficaces pour désigner notre post-modernité est que, pour la première fois de notre cycle historique, celui-ci ayant débuté – je le rappelle pour ceux qui découvriraient ce blog ou qui n’auraient jamais lu Jean Phaure – il y a 64 800 ans, et bien pour la première fois c’est la comédie qui précède la tragédie. 

C’est ce que certains appellent « La Grande Parodie ». 

Notez bien qu’en toute logique, cela ne peut qu’être favorable à l’efficacité cosmologique du Grand Nettoyage par le Vide, lequel ne saurait en aucune manière être suivi d’une quelconque comédie, puisque personne n’aurait l’idée même de rigoler après le Grand Fracas, le Knout de la Fin des Temps.

Au-delà de la haine du père, de la filiation, du christianisme grec, et donc des Dieux de l’Olympe, se tient cependant encore autre chose. C’est ce que comprend Karima vers la fin du roman : « les Olympiens étaient dans nos cerveaux bien avant l’émergence de la conscience humaine ». Leur haine est bien plus vaste que ce que vous ne le pensiez, bien plus enracinée. S’il y a bien quelque chose d’enraciné en eux, c’est leur haine envers le Pôle Nord, envers l’Homme de Néandertal. Celui-ci est même la cible privilégiée du Coronavirus ! Serait-il définitivement maudit ?...

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Haïr l’Europe, c’est d’abord haïr l’Eglise du Paléolithique si chère à Pierre Gordon, c’est haïr les dolmens de nos campagnes. Le progressiste n’a qu’une passion : pisser et chier contre les menhirs (et mutiler les chevaux). Le progressiste républicain hait le Néolithique, qui ne serait que « l’émergence des inégalités, le début des religions et des dieux, celui des violences de masse ».  

Jean-Paul Demoule (sic !) est un exemple absolument lumineux de scientifique qui passe sa vie à faire le Procès des Dieux, de tous nos Dieux qui précédèrent le règne de Zeus – et à nier toute existence d’un peuple indo-européen. Un scientifique rigoureusement, radicalement, plénièrement et – j’ose l’écrire – fanatiquement anti-abellien.

La présence de Jean-Paul Demoule en France en ce début de vingt-et-unième siècle, c’est le contraire rigoureux du deuxième Concerto pour piano de Rachmaninov. Cette œuvre musicale bouleversante ne décrit rien de moins que l’écriture du concerto même, depuis les affres troubles du réveil du musicien jusqu’à l’émergence extatique de l’œuvre à la fin du troisième mouvement. Et c’est lorsque l’œuvre émerge que le Concerto se termine.

A contrario, la civilisation européenne a d’abord émergé des abords solaires du cercle polaire, s’est progressivement dégradée de par la lente pourriture de son peuple, puis de ses élites, jusqu’à son extinction à la fin du Quatrième Âge. Et c’est lorsque l’Europe coule que Jean-Paul Demoule surgit, brandissant l’affirmation éminemment paradoxale de l’inexistence de la Dame qui lui a donné la vie.

Un jour prochain, nous retrouverons dans les ordures la bague de Luconios sertie d’une pierre noire apte à éveiller les esprits du Lac des Anciens.

Et les âmes tièdes ne pourront alors rien opposer à notre ultra-violence retrouvée.

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Qui se préoccupe encore de l’Arménie?

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Qui se préoccupe encore de l’Arménie?

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Entre le 28 septembre et le 10 novembre 2020, l’Azerbaïdjan agressa l’Arménie et sa république-sœur, l’Artsakh. Le cessez-le-feu obtenu par la médiation russe entérine la défaite cinglante des valeureuses forces arméniennes. Le texte efface plus que trois décennies de présence chrétienne au Haut-Karabakh.

L’argent des hydrocarbures de la Caspienne a permis à l’Azerbaïdjan d’acquérir au cours de toutes ces années un matériel de guerre sophistiqué, en particulier de redoutables drones de combat d’origine israélienne et turque, ainsi qu’un savoir-faire militaire transmis par des conseillers là encore turcs et israéliens. Avant l’arrêt des combats, au mépris des traités internationaux, la coalition turco-azérie n’hésita pas à employer des armes à sous-munitions, des bombes au phosphore et des gaz de combat.

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Supérieures sur les plans numérique et technique, les troupes azéries ont repris le contrôle de plusieurs zones-tampons dont les districts d’Agdam et de Kelbadjar. La débâcle arménienne prouve par ailleurs l’absence flagrante de réactivité du gouvernement d’Erevan plus soucieux de contenir préventivement la légitime colère populaire que de passer à la contre-offensive générale.

Les hostilités dans le Caucase concerne tous les Albo-Européens en général et les Français en premier lieu. Le succès militaire azéri marque le troisième triomphe en quelques mois du président turc Recep Tayyip Erdogan. Fort de l’élection de son poulain, Ersin Tatar, à la présidence de la République turque de Chypre du Nord et de son soutien armé décisif au Gouvernement de transition d’Al-Sarraj en Libye, le chef d’État turc réalise une presque continuité territoriale du Bosphore, voire des bords de l’Adriatique via l’Albanie, aux frontières de la Mongolie en passant par l’ancien Turkestan centrasiatique grâce au corridor de Meghri garanti par Moscou. Le président Erdogan dévoile progressivement sa vision du monde, un dépassement synthétique des héritages ottoman, islamiste et pantouranien.

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Force est de constater que, toujours prompte à condamner les incendies forestiers en Amazonie ou à protester des vexations faites aux Rohingyas au Myanmar, la fausse Union européenne se tait. Elle craint l’éventuelle agitation de plusieurs centaines de milliers de résidents d’origine turque. Anticipant l’épuration ethnique qui s’annonce, les chrétiens de l’Artsakh fuient les régions reconquises, brûlent leurs maisons, emportent avec eux les restes de leurs défunts et se réfugient dans une Arménie économiquement exsangue. Le fiasco est complet pour l’Union soi-disant européenne et la « Ripoublique » hexagonale.

Certes, la France et la Grèce ont apporté un soutien moral et humanitaire au peuple arménien. Était-ce suffisant ? Les avions de combat français Rafale n’auraient-ils pas dû maîtriser l’espace aérien caucasien ? Pourquoi des soldats français meurent-ils au Sahel dans une relative indifférence hexagonale sans oublier l’incompréhension grandissante des autres États membres d’une Union européenne fantoche alors qu’ils devraient se battre aux côtés des résistants arméniens en Artsakh ? L’absence de tout gisement minier et pétrolier expliquerait-elle cette scandaleuse inaction ? À la fin du XIXe siècle, les massacres ottomans contre les Arméniens et d’autres minorités chrétiennes unirent dans la même indignation le socialiste Jean Jaurès et le nationaliste Maurice Barrès. Aujourd’hui, on attend toujours la réaction de l’« Intouchable » histrion cinématographique expatrié fiscal en Californie et du bouffon tricolore des terrains de football, plus sensible, il est vrai, à la cause des Ouïghours en Chine.

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Ce conflit anciennement gelé confirme enfin l’inanité de tout projet d’« Europe de la défense » peu ou prou lié à l’OTAN à laquelle appartient toujours la Turquie. L’un de ses plus importants membres, la Grande-Bretagne, a osé voter au Conseil de sécurité de l’ONU contre la résolution de cessez-le-feu. Les services secrets de Londres seraient à l’initiative du déclenchement des hostilités. L’abomination anglo-saxonne entrave toujours la volonté des peuples. Londres a partagé l’Empire des Indes et rejeté autant le « Miatsum » (l’union de tous les Arméniens) que l’« Énosis » gréco-chypriote. Outre l’Union non-européenne, l’Alliance Atlantique n’est donc pas la seule à être en « mort cérébrale ». L’Occident l’est aussi.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 196, mise en ligne sur TVLibertés, le 5 janvier 2020.

Les rapports de force entre les Five Eyes et des sociétés du numérique

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Les rapports de force entre les Five Eyes et des sociétés du numérique

par Marion Rey

Ex: https://www.ege.fr

Depuis les années 2000, le développement de la société de l’information et du monde immatériel facilite les échanges internationaux. Les géants du numérique ont su exploiter la vague de l’Internet et de l’informatique pour accroître leur influence et la dépendance des usagers. Toutefois, ce développement exponentiel comporte un volet transgressif, largement exploité par les services de renseignement dans les opérations cyber, à des fins d’espionnage en masse. Malgré de nouvelles législations depuis les révélations de l’affaire Snowden, les choses ont-elles réellement changé ? Dans le bras de fer entre géants du numérique et services de renseignement, lesquels sortiront finalement vainqueurs de l’affrontement ?

Le droit, bras armé des Five-Eyes

Signé en 1946 dans le contexte de la guerre froide, le UKUSA Agreement[1] est un accord passé entre les services de renseignement britanniques et américains en matière de coopération autour du renseignement électromagnétique, dit SIGINT (Signals intelligence). En 1955 cet accord a été étendu[2] au Canada, à l’Australie et à la Nouvelle-Zélande. Cette organisation anglo-saxonne du renseignement est plus connue sous le terme Five-Eyes (FVEY).

À la suite du traumatisme du 11 septembre 2001, l’administration de Georges W. Bush déclare la guerre au terrorisme en signant l’USA Patriot Act moins de deux mois après les attentats[3]. Premièrement, cette loi autorise l’usage des nouvelles technologies pour effectuer une surveillance itinérante et une interception des communications électroniques, orales et filaires relatives au terrorisme, à l’immigration, aux infractions de fraude et d'abus informatiques (Sections 201 et 202). Deuxièmement, la loi impose le partage d'informations et la coopération entre les agences gouvernementales en matière de renseignement, de renseignement extérieur et de contre-espionnage (Section 203).

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Sont concernés les 17 agences de la communauté du renseignement (dont la CIA, la NSA et le FBI), les départements de la défense (DOD), de la sécurité intérieure (DHS) et de la justice (DOJ). Initialement, la section 203 devait être valable pour une durée de 4 ans mais a été reconduite pendant près de 15 ans par l’application du USA Patriot Improvement and Reauthorization Act of 2006[4]. Le partage d’informations a été élargi aux agences fédérales, aux États, aux collectivités territoriales, aux entités locales et tribales, et au secteur privé (dont les sociétés du numérique) par deux autres textes (Homeland Security Act of 2002 et l’Intelligence Reform and Terrorism Prevention Act of 2004). Enfin, la loi prévoit l’accès aux « dossiers et autres éléments » (Section 215), sans autorisation d’un juge, en vertu de la loi sur la surveillance des services de renseignement étrangers, la FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act).

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De son côté, le Royaume-Uni n’est pas en reste. Également conçue pour lutter contre le terrorisme, la loi RIPA 2000 (Regulation of Investigatory Powers Act 2000) autorise les services de renseignement (GCHQ, MI5, SIS), la défense (MoD), les services de la sécurité intérieure et les douanes à intercepter toute information ou communication relative à la sauvegarde du « well-being » de l’économie du Royaume-Uni contre les intérêts des puissances étrangères[5].

En matière de coopération, Américains et Britanniques sont sur la même longueur d’ondes.

Dans le rapport du faible au fort, un lanceur d’alerte peut inverser la tendance

Entre 2010 et 2013, l’ancien agent de la CIA et contractuel de la NSA Edward Snowden, révèle au monde entier l’abus et la déviance de la section 215 du Patriot Act par la méthode SIGINT, sous l’administration de Barack Obama. À ce titre, les services de renseignement américains via la NSA ont mis en place un outil central redoutable du nom de XKEYSCORE[6] utilisant le programme PRISM[7] qui a pour objectif de surveiller massivement la population, les gouvernements ennemis mais aussi alliés, les dirigeants de grandes entreprises ; et d’exploiter les métadonnées collectées (géolocalisation, historique de navigation, historiques d’appels …). Les services de renseignement américains ont obtenu la coopération (contrainte ou consentie) des opérateurs téléphoniques, des géants du numérique et de la Silicon Valley, sous couvert de l’immunité de la FISA offerte par la section 225 du Patriot Act. Par géants du numérique, sont concernés les sociétés de télécommunication comme Verizon, les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) et autres entreprises de la Tech californienne, Snap Inc (Snapchat), Twitter ou encore Reddit.

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Dans ses révélations, Edward Snowden n’épargne pas le Royaume-Uni, agissant dans le cadre de l’organisation FVEY, de la loi RIPA 2000 et de XKEYSCORE. Au travers du programme TEMPORA, le GCHQ a installé un système d’interceptions électroniques sur les câbles sous-marins et réseaux de fibres optiques entrants et sortants de Grande-Bretagne. Sachant que 99% des communications mondiales affluent au travers des câbles sous-marins et que la Grande-Bretagne est le principal point d’entrée pour le continent eurasiatique, les Britanniques sont capables de capter près d’un quart des communications mondiales. Tout comme PRISM, TEMPORA collectait et stockait de grandes quantités d’informations (emails, réseaux sociaux, historiques et appels sur Internet …).[8]

La médiatisation des révélations du lanceur d’alerte a un retentissement mondial, l’opinion publique est scandalisée, les sociétés du numérique sont décrédibilisées et les services de renseignement des FVEY sont humiliés.

Une nouvelle législation impulsée par la société civile

Il aura fallu attendre 2015 après d’âpres débats entre la société civile et l’appareil législatif pour que soit signé l’USA Freedom Act[9] en remplacement du Patriot Act. Cette nouvelle loi met fin à la controversée et abusive section 215 concernant la collecte d’informations en masse. La collecte doit désormais être justifiée, interdisant le ciblage par zone géographique, par service de communication électronique ou par service informatique (Section 201). La loi impose à la FISA la désignation de personnes indépendantes, les « amicus curiae », pour examiner les demandes d’ordonnance présentant une interprétation nouvelle ou significative du droit (Section 401). De plus, le Freedom Act impose plus de transparence de la part de la FISA, qui doit fournir certaines informations au gouvernement au travers d’un reporting régulier, telles que le nombre total d’ordonnances de la FISA rendues pour la surveillance électronique, le ciblage de personnes à l'extérieur des États-Unis, les dispositifs de traçage ou les registres des détails des appels (Section 602). Enfin, la loi donne au secteur privé, les possibilités de communiquer publiquement le nombre d’ordonnances reçues de la part de la FISA (Section 603).

RttDN3h.jpgCependant, les organisations de la société civile, à l’image de l’ACLU (American Civil Liberties Union)[10] estiment que cette nouvelle législation n’est pas suffisamment aboutie, dénonçant des failles à propos des fouilles clandestines et des méthodes de déchiffrement des services de renseignement autorisés par la FISA (Section 702). Alors qu’une révision du Freedom Act[11] a été engagée en octobre 2020, l’EFF (Electronic Frontier Foundation)[12] craint que les dispositions expirées (comme la section 215) ou arrivant à expiration, ne soient ré-autorisées ou prolongées par le Congrès, comme cela a déjà pu être le cas par le passé.

L’impact du Freedom Act est davantage retentissant médiatiquement que révolutionnaire dans la réforme du renseignement. En outre, étant donné que cette réforme concerne uniquement la collecte d’informations sur le territoire américain, les FVEY peuvent ainsi poursuivre leur surveillance dans le reste du monde.

Les sociétés du numérique sur la défensive et les FVEY en stratégie de contournement

Alors que les géants du numérique ont activement participé à la fourniture massive de données, ces derniers tentent de redorer leur blason face à la défiance des utilisateurs. Les sociétés du numérique recourent désormais au chiffrement des communications via les applications (telle que WhatsApp de Facebook) et les systèmes d’exploitation des smartphones (comme l’Android de Google ou l’iOS d’Apple). Depuis le scandale, de nouvelles sociétés se sont insérées sur le marché des messageries et des applications chiffrées, à l’image de Telegram, Signal ou encore Wiebo.

Toutefois, malgré l’adoption du Freedom Act, les services de renseignement s’adaptent et contournent le système de chiffrement des géants du numérique. En 2017, un ancien employé du gouvernement américain transmet à Wikileaks[13] (dossier Vault 7) une série de documents confidentiels révélant l’étendue des capacités de piratage et d’écoutes clandestines opérées par la CIA, en collaboration avec le MI5/BTSS (British Security Service) et le GCHQ. En effet, les FVEY ont développé des logiciels malveillants (backdoors, vers, virus, chevaux de Troie) capables de s’introduire dans les smartphones du monde entier en interceptant le trafic de données avant que le chiffrement ne soit appliqué. Principales cibles : Apple, Android et Samsung. Les smartphones infectés transmettent directement à la CIA les données de géolocalisation, les données texte, vidéo et audio.

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En adaptant les logiciels malveillants aux appareils ciblés, la collecte de données en masse n’est finalement pas réellement abolie. En effet, en ciblant Apple et donc une certaine élite de la société mondiale mais aussi Android, plus accessible et plus populaire, les FVEY continuent d’espionner une part massive de la population mondiale. Enfin, les FVEY ont mené une opération clandestine d’attaques sur des téléviseurs intelligents Samsung. Cette intrusion permettait d’utiliser les appareils comme des mouchards transmettant les écoutes des conversations enregistrées à l’insu des propriétaires.

Ainsi, les services de renseignement contournent non seulement le Freedom Act et son système d’ordonnances FISA à destination des géants du numérique, mais aussi les solutions de chiffrement mises en œuvre par ces derniers. De plus, le développement des technologies connectées, souvent plus vulnérables en matière de cybersécurité, ouvre de nouvelles perspectives et de nouvelles opportunités aux FVEY dans leur stratégie de contournement. Dans ce bras de fer, le rapport de force semble perdu d’avance pour les géants du numérique, puisqu’en l’absence de législation contraignante pour les services de renseignement, ces derniers ne cesseront de développer de nouveaux systèmes de contournement, des « cyber armes », pour arriver à leurs fins. L’enjeu sous-jacent de ces opérations est de mettre à disposition des acteurs économiques américains, les données utiles leur procurant des avantages concurrentiels dans la guerre économique qui se joue au niveau mondial.

Marion Rey.

[1] UKUSA agreement of 1946.

[2] 4ème amendement UKUSA agreement of 1955.

[3] USA Patriot Act, 2001. Uniting and strengthening America by providing appropriate tools required to intercept and obstruct terrorism.

[4] Sénat, Février 2016.

[5] 2012 Annual Report of the Interception of Communications Commissioner.  

[6] Le Monde, 2013, 2019, publié le 27 août 2013 et mis à jour le 04 juillet 2019.

[7] Wikileaks, 2015. WikiLeaks release : June 29, 2015.

[8] The Guardian, 2013. E. MacAskill, J. Borger, N. Hopkins, N. Davies et J. Ball, GCHQ taps fibre-optic cables for secret access to world's communications, 21 juin 2013.

[9] Uniting and strengthening America by fulfilling rights and ensuring effective discipline over monitoring Act of 2015.

[10] Lettre au Washington Legislative Office, 29 avril 2015.

[11] USA Freedom Reauthorization Act of 2020

[12] EFF, 16 avril 2015.

[13] Wikileaks, Vault 7: CIA Hacking Tools Revealed, 7 mars 2017.

Marion REY

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dimanche, 10 janvier 2021

Les Européens veulent ignorer le visage profond de l'Amérique

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Les Européens veulent ignorer le visage profond de l'Amérique

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Il s'agit d'une Amérique boueuse, pour reprendre une expression qui n'a rien d'excessif. Donald Trump a incarné parfaitement ce phénomène. Joe Biden n'en changera probablement rien.

Cette Amérique ne croit qu'en Dieu, aux armes à feu et au dollar. Elle ignore tout des rapports entre Etats qui déterminent l'actualité internationale. Elle voit partout des complots visant à déstabiliser les Etats-Unis. Elle ne croit qu'à la force des armements américains pour s'imposer dans le monde. Plus grave, il s'agit d'une Amérique profondément raciste et d'une xénophobie revendiquée. Les manifestations violentes des « suprémacistes blancs » autour du Capitale en ont donné au monde une image qui a surpris les naïfs.

L'Europe et le monde ne regardent les États-Unis qu'à travers ses élites sophistiquées. Ils ne connaissent l'Amérique qu'en lisant les grands médias des côtes est et ouest, New York TimesWashington PostLos Angeles Times, ainsi que ses revues de prestige, New YorkerAtlantic monthlyForeign Policy.

Ils finissent par se persuader de l'« exceptionnalisme » américain et de sa mission universelle. Ils sont pour beaucoup convaincus que l'Amérique, unique superpuissance de la planète, a le devoir de façonner le monde en lui imposant ce qu'elle nomme le Bien et la Norme.

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En septembre 2003, George W. Bush déclarait sur Fox News, alors qu'il s'apprêtait à recevoir Jacques Chirac : « Je lui rappellerai – et il m'entendra – que l'Amérique est une nation bonne, authentiquement bonne. »  Il s'agit de ce que notait déjà le spécialiste Pierre Hassner quand il parlait de « cette conviction puritaine de la coïncidence entre l'intérêt propre des États-Unis et celui du Bien ».

Le tout récent éditorial du New York Times, appelant solennellement à voter Joe Biden le 3 novembre, reprend ce type d'argument : « M. Biden s'est engagé à “restaurer l'âme de l'Amérique”. Il est bien placé pour relever ce défi. » La veille, le candidat démocrate aux prochaines élections présidentielles, après avoir bruyamment fait savoir qu'il « priait » pour le rétablissement de Trump, s'était solennellement engagé à « restaurer le leadership moral de l'Amérique » sur le monde.

Cette Amérique là tient déjà la rue. Les évangélistes et les  « Christians born again »  voient Dieu partout. Les milices armées préparent la guerre civile. Les habitants des suburbs blancs sont noyés dans un racisme paranoïaque. Les suprémacistes blancs rêvent du Ku Klux Klan. Les classes moyennes se voient assiégées par un monde hostile qui veut détruire leur Amérique. Derrière eux, des centaines de sites internet ultras, des dizaines de radios et de télévisions, relayées par des milliers de pages Facebook achèvent de construire un monde parallèle.

Ceci se traduit par le fait qu'au plan international, depuis 2001, les États-Unis n'ont cessé d'être en guerre et engagés simultanément dans de multiples conflits : Afghanistan, Pakistan, Irak, Yémen, Syrie, Libye, Sahel. Ils n'entendent toujours pas négocier avec les autres grandes puissances, Russie et Chine notamment, sans mentionner les Européens.

Les optimistes disent que cette Amérique boueuse est construite par le Complexe militaro-industriel américain voulant à travers elle s'imposer au reste du monde. Mais il semble bien que la situation soit plus grave. C'est la très grande majorité de l'opinion publique américaine « blanche » qui se rallie derrière cette boue et qui semble prête à soutenir un projet de guerre mondiale nucléaire, espérant contre toute logique que leur Amérique pourrait en sortir, non seulement indemne mais renforcée.

16:45 Publié dans Actualité, Définitions | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : actualité, états-unis, américanisme | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook