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jeudi, 04 mars 2021

Le désastre du F-35 américain et la soumission européenne

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Le désastre du F-35 américain et la soumission européenne

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Lancé il y a une vingtaine d'années, l'avion de combat américain Lockheed Martin Joint Strike Fighter F 35 n'a pas cessé d'accumuler les retards et les malfaçons. Le programme pourrait à ce jour coûter plus de 1.500 milliards de dollars.

Depuis sa mise en service, le F-35 a accumulé les malfaçons le rendant à ce jour encore incapable d'une utilisation en opération. Il est trop sensible à la température, vulnérable à la foudre, doté d'un revêtement destiné à la furtivité qui se dégrade en vitesse supersonique. De plus il montre des variations brutales de pression à l'intérieur du cockpit qui sont très gênantes pour les pilotes, il court en permanence le risque d'éclatement d'un pneu à l'atterrissage qui détruirait l'appareil ne détruise l'appareil, son réacteur montre une usure prématurée , son canon ventral mal aligné est incapable d'atteindre une cible.

En 2018 un rapport du Directeur des tests opérationnels et de l'évaluation (DOT&E) récemment remis au Congrès énumérait 966 défaillances techniques évidentes.  110 d'entre elles, de première catégorie, étaient alors considérées comme pouvant «porter atteinte à la fiabilité, à la sécurité ou à d'autres exigences critiques» lors de la mise en service de l'appareil.

Malgré cette longue liste de malfaçons, les pays de l'Otan se sont précipités pour acquérir l'appareil avant même sa disponibilité. Au lancement des ventes à l'été 2017, près de 711 commandes à l'export avaient été passées par onze pays. On peut notamment mentionner les Danemark, Italie, Norvège, Pays-Bas et Royaume-Uni. La France avait fait scandale en préférant son programme d'avions de combat Dassault.

Plus tard, d'autres bons clients de l'industrie américaine, tels que la Belgique et la Pologne, franchiront le pas malgré la disponibilité des européens Grippen, Eurofighter et surtout  le Rafale de Dassault. Le plus surprenant est le Japon. En juillet 2020, Tokio a commandé pour 220 millions de dollars l'unité une centaine de F-35 qui pourtant ne correspondent nullement à ses besoins.

En effet, le Japon recherche avant tout des appareils dits de suprématie aérienne, pour faire face à des appareils russes ou chinois, ainsi que des avions capables de mener des attaques contre des navires. Or, le F-35 n'est capable ni de l'un ni de l'autre, ses soutes d'armement étant trop petites pour des missiles anti-navires et doivent être ouvertes de temps à autre afin de pallier à un problème d'échauffement

Le Japon, comme d'autres alliés des États-Unis, s'intéressait davantage au F-22 Raptor. Il s'agit d'un intercepteur, également furtif, mais doté de qualité de vol qui manquent au F-35. Mais le Congrès américain en a interdit la vente à l'export par crainte de voir ses technologies tomber dans des mains chinoises ou russes. Le programme a depuis lors été interrompu.

Comme nous l'avons indiqué précédemment, si le dixième des sommes dépensées pour le F-35 avaient été consacrées à l'exploration spatiale, les Américains disposeraient depuis longtemps de bases permanentes habitables sur la Lune et sur Mars. 

Du passé au présent, les voyages de l’histoire

Du passé au présent, les voyages de l’histoire
 
Le grand remplacement auquel nous faisons face conduit à la formation d’une société, le terme de civilisation n’a plus lieu d’être, communautariste (qui engendre le concept de « séparatisme » qui évoque le fractionnement de la communauté première en communautés diverses, plus ou moins assimilables). Cela fait au demeurant l’objet de débats au sein des milieux politiques et des merdiats…à la marge du monopole de la réalité exercé par Jéhova-covid.
 
Il est intéressant de faire un parallèle entre les rivalités ethniques et religieuses en Afrique voici quelques décennies et aujourd’hui encore, malgré le délitement d’un continent soumis à un nouveau colonialisme : celui de la Chine, et ce qui se profile en France.
 
D’autant que ce parallèle, appuyé sur une vision anthropologique du référent africain, révèle une différence fondamentale : Les peuples et les ethnies sont en voie de dissolution au profite de la MHI, la masse humaine indifférenciée, ainsi que Renaud Camus nomme l’humanité contemporaine.
 
Notre but est de susciter une réflexion tant historique, qu’anthropologique et psychologique.
Deux articles suivront, illustrant la difficulté du positionnement identitaire (qu’est-ce que l’identité : le Sud-Ouest n’existe pas, le Pays Basque n’existe pas, l’Espagne n’existe pas) et la nécessité de réinventer les fondamentaux idéologiques afin de parvenir à ébaucher un fond théorique et une forme « militante » porteuse d’un avenir…crédible et non fantasmée.
 
Nous n’avons pas la prétention de savoir et sommes plutôt animés par la tentation de douter : le temps des certitudes agonise. « On t’a dit, tu t’es laissé dire, qu’il s’agissait d’abord de croire, il s’agit d’abord de douter » André Gide.
 
D’aucuns ne manqueront pas de trouver cette analyse décalée de la réalité présente mais, si l’on changeait les noms, l’histoire des deux derniers siècles ne serait-elle pas superposable ?
 
Eléments d’analyse des rivalités ethniques et religieuses en Afrique
 
L’Afrique c’est immanquablement exotique. Sans aller jusqu’à parler à la suite de F. Fanon de cette attirance suspecte du blanc (de la blanche) pour le noir (la noire), il faut bien convenir que dans toutes les classes, tous les milieux…et par-delà les idéologies proclamées, l’Afrique c’est « La mystérieuse et vénéneuse Afrique ». En clair (sans jeu de mot), c’est l’étrangeté qui est au premier plan.
 

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Parler de la situation sociale dans cette contrée du monde, c’est provoquer, au mieux, un laïus sur le colonialisme suivi du néo-colonialisme, lequel ordonne et organise des réalités méconnues et supposées archaïques. L’analyse la plus courante fait appel à ces deux niveaux, la modernité imposée par l’Occident dans ses formes successives de pillage et d’exploitation, et l’archaïsme de la tradition africaine supposée être celles de tribus en guerres de voisinage perpétuelles pour d’ésotériques et insignifiants motifs.
En somme un continent et des peuples que l’on décrète sans histoire, et ce depuis Hegel. Pour cette analyse et comme nous l’avons préalablement souligné, cette a-historicité de l’Afrique s’achève avec la colonisation qui trouve là à affirmer sa positivité. Il s’ensuit logiquement la nécessité d’un rattrapage historique avec ou sans étapes.
 
Notre propos est d’infirmer cela. Pour ce faire, nous allons nous attacher à brosser à grands traits et en quelques pages, l’histoire africaine. Nous pensons que cela est nécessaire pour montrer combien et en quoi la situation actuelle de l’Afrique peut se lire avec les mêmes lunettes que celles utilisées pour la situation européenne.
 
Les antagonistes « tribaux » (il faudrait déjà se défaire de cette fâcheuse habitude qui consiste à qualifier tout conflit entre deux peuples, de conflit tribal dès lors que ces peuples sont africains. Parlerait-on en Occident de la tribu basque opposée à la confédération tribale espagnole ? Le nationalisme ne sévit pas qu’en Europe et sert en Afrique comme partout de camouflage ou moyen de dévoiement des conflits sociaux, ethniques et culturels) et autres rivalités ethniques dont on nous rebat les oreilles à tout propos et hors de propos s’expliquent en fonction de cette histoire et des distorsions surajoutées par le colonialisme. Ils s’expliquent aussi en fonction de l’histoire récente et des contradictions sociales.
 

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La colonisation ne fut pas l’occasion de propulser dans l’histoire un « continent vierge », mais plutôt une redistribution des cartes à l’échelle mondiale (..et locale). Certains, tout en ne niant plus qu’il y ait pu y avoir histoire au sens commun du terme parlent d’un retard de l’Afrique. Ceci nous semble faux pour une raison d’ordre méthodologique. Parler de retard, c’est inscrire l’histoire dans un diagramme orthonormé avec le temps en abscisse et le stade social en ordonnée, et sur l’axe pointer tel ou tel continent….A l’époque (qui est aussi celle de la colonisation) où le capitalisme européen était en pleine maturité, l’Afrique aurait été en proie à des conflits essentiellement tribaux, l’exotisme en plus.
 
Ce qui suit s’attache à démontrer la fausseté de telles assertions.
 
La tradition orale ne permet pas de remonter au-delà des XVème-XVIème siècles, ce sont essentiellement les données archéologiques et les récits des voyageurs qui permettent une connaissance de l’histoire plus ancienne. Pour ce qui nous intéresse, ce sont les récits de voyageurs, commerçants et conquérants « arabes » qui vont nous permettre les premières descriptions.
 
Dès la mort du prophète (sic), les Arabes (ceci fait référence à l’histoire officielle que nous discuterons dans un autre article en référence à l’ouvrage d’Ignacio Olagué, Les arabes n’ont jamais envahi l’Espagne, et à celui de Sérafin Fanjul, El Andalus, l’invention d’un mythe) se lancent à la conquête de l’Afrique du Nord soumise au début du VIIIème siècle. Malgré le triomphe rapide des troupes islamiques et du fait des révoltes berbères, la région se trouve fractionnée en royaumes indépendants. Cette division, si elle exacerbe la concurrence, n’empêche pas le commerce et, à travers le Sahara, les caravanes de chameaux se rendent au Soudan Occidental pour y chercher l’or (mines de Bambouk etc…), les peaux, l’ivoire, et surtout les esclaves. En échange elles transportent du sel, des chevaux, du blé, des vêtements…
 

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Il existait essentiellement trois pistes : une traversant la Mauritanie, une autre en direction de la bouche du fleuve Niger et une troisième vers le Tchad. Ce sont ces activités commerciales qui vont précipiter la formation des royaumes noirs du Soudan au VIIIème et IXème siècles. Ce furent le Tékrour, le Ghana, les royaumes Hausa, le Kanem. La différenciation sociale de ces royaumes est globalement la même que celles des royaumes européens de l’époque : aristocratie, couche commerçante (bourgeoise) très réduite, paysannerie et une classe service.
 
D’autres royaumes apparurent par la suite au Bénin au VIIème siècle sur la Volta au XIIIème siècle…Sur la côte Est également, le trafic des commerçants arabes, sur la mer rouge, impulsa la création d’états et de principautés ainsi que des cités portuaires organisées en Sultanats (il y a persistance d’un royaume chrétien, le royaume d’Axoum au Tigré). Ce sont les royaumes d’Ifar (sur le plateau de Hanar) et les cités de Mombassa, Zanzibar, Kiloa etc…
 

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L’or, l’ivoire, la cire, les peaux mais également les esclaves font l’objet de relations commerciales intenses impliquant également des marchands chinois, indonésiens et indiens. Ce sont des relations commerciales (et particulièrement du fait de la traite) qui vont déterminer, nécessité oblige, des structures sociales monarchiques essentiellement dans les régions côtières. Ce sont en effet, là comme ailleurs, les nécessités du commerce qui provoquent l’urbanisation et la hiérarchisation (et segmentation) sociale très marquée qui apparaît.
 
En 1440 la « découverte » de l’Afrique par les portugais va ouvrir une phase nouvelle. Le but de cette conquête est de s’approprier le commerce de l’or soudanais et d’affaiblir les royaumes arabes…et la République de Venise qui monopolisaient le commerce via la Mer Rouge et la Méditerranée. L’implantation portugaise reste essentiellement côtière mais provoque des bouleversements politiques et sociaux. Des royaumes apparaissent et d’autres s’affaissent.
 
A Madagascar la structure classique est chamboulée par des alliances donnant naissance à des monarchies minuscules, les sultanats arabes côtiers sont détruits ou soumis, le royaume du Congo étendu et son roi Alfonso Ier converti. En diverses régions, telles justement que le Congo, la traite est introduite ou systématisée (la main d’œuvre noire était par exemple utilisée pour la culture de la canne à sucre à Madère). Ce sont les débuts de la traite extérieure ; en effet si l’Afrique connaissait l’esclavage, il sanctionnait surtout la défaite à la guerre (et les esclaves étaient bien vite intégrés dans la communauté des vainqueurs), la traite « extérieure » étant limitée aux pays arabes.
 

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Madagascar: la Reine Ranavalona III.

Les bouleversements sociaux et politiques introduits par les flux commerciaux sont importants mais peu étendus dans l’espace. Ils provoquent l’apparition de structures étatiques, monarchies, principautés et empires (tel l’empire Songl du Niger) qui vont se renforcer ou disparaître au gré des conflits d’intérêts des classes dominantes et des alliances passées avec les colonisateurs. Ils sont le prétexte à l’apparition de hiérarchies sociales sur un modèle « plus tyrannique que féodal ». Ils induisent également une redistribution des cartes entre les royaumes européens et arabes et leurs prébendiers locaux. Ils provoquent également des mouvements de populations fuyant les razzias d’esclaves ou désireuses d’échapper aux tutelles étatiques. Il persiste toutefois, à l’intérieur des terres essentiellement, des populations peu touchées par ces bouleversements, si ce n’est à l’occasion d’incursions ponctuelles et d’expéditions isolées. Celles-ci conservent des structures sociales qui seront parfois peu modifiées (parfois aussi le seront du seul fait de contradictions internes). De là provient cette diversité (l’Europe de l’Ouest, malgré sa superficie réduite et donc la difficulté à faire coexister des organisations sociales différentes, connût également à l’échelle réduite, ce phénomène dans les siècles qui suivirent la chute de l’empire romain) d’organisations sociales qui peut dérouter : coexistence de royaumes, de chefferies, d’empires, d’organisations classiques donnant lieu à des conflits épisodiques confrontant de fait des ethnies différentes, dont les structures sociales sont opposées.
 

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Au XVIIème-XVIIIème siècles la décadence portugaise est de plus en plus prononcée. Le Portugal est d’ailleurs annexé par l’Espagne et la dislocation de la main mise lusitanienne livre l’Afrique à la curée. Les hollandais conquièrent la plupart des possessions portugaises, la France et l’Angleterre se lancent dans la bataille. Chaque état européen s’organise en compagnie de commerce qui porte essentiellement sur le bois d’ébène mais aussi sur l’ivoire, l’or, les épices…A partir du XVIIIème siècle les besoins des Antilles et des Amériques en main-d’œuvre vont croissants (surtout pour le tabac et la canne à sucre, mais également pour les mines) et le chiffre de 85 000 esclaves par an enlevés d’Afrique sera atteint vers 1780 (du XVème au XIXème siècles ce sont 15 à 40 millions de noirs, selon les estimations, qui aurait été arrachés à l’Afrique). Les royaumes africains vont alors s’organiser en fonction de ce commerce sur un mode totalitaire et militaire : Confédération des Achantis en Côte de l’Or, royaume de Dahomey, royaume du Bénin et Congo….Le but essentiel de l’organisation sociale est la traite…ou la résistance à la pénétration étrangère européenne (Cf : note en fin de chapitre). Il y a une réduction progressive de l’administration des territoires contrôlés qui sont surtout l’objet des razzias périodiques, et la naissance de petits potentats locaux dont la raison d’être est de gérer le cheptel humain à leur profit et pour celui des européens.
 
La traite sera abolie au début du XIXème siècle (Traité de Vienne en 1815) officiellement, mais subsistera encore près d’un demi-siècle.
 
A partir de 1850 la dualité intérieur-extérieur va tendre à être dépassée : L’Afrique est partagée puis colonisée, l’intérieur va être bouleversé, ses sociétés et leurs économies démantelées. Jusqu’en 1880 une certaine réticence se fait sentir quant à la nécessité de la colonisation. Le capitalisme européen doute de l’intérêt commercial de l’Afrique et se méfie de sa réputation (sanitaire entre autres choses). Il est vrai que les marchés européens ne sont pas encore parvenus à saturation et ce sont tout au plus les ressources en matières premières que l’Europe convoite.
 

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Nachtigal.

C’est la grande période de l’exploration intérieure, de Savorgnan de Brazza (Gabon), de Burton et Speke (Tanganika), de Nachtigal (Tibesti) et de Stanley retrouvant Livingstone. C’est la France (le dernier obstacle est levé par la découverte de la Quinine par Joseph Pelletier et Joseph Caventou (1820), et de son caractère préventif par le Docteur Baikie en 1854…ce qui nous renvoie au présent « épidémique ») qui la première va créer une véritable colonie nommant Faidherbe gouverneur du Sénégal, vérifiant et organisant les comptoirs, soumettant les roitelets africains. L’Angleterre suivra son « exemple » en s’assurant le contrôle de la Gambie, de la Sierra-Leone, de la Côte de l’Or….Le processus était amorcé.
 
La crise comme toujours, eut raison de toutes les hésitations. Défendant la politique colonialiste à la chambre des députés, Jules Ferry dira en 1885 : « Dans la crise que traversent toutes les industries européennes, la fondation d’une colonie, c’est la création d’un débouché ».
 
Désormais la route est libre pour la systématisation des conquêtes militaires et l’établissement direct du pouvoir colonial. Les justifications idéologiques que nous avons évoquées dans un chapitre précédent peuvent fonctionner. De surcroît, inversant impudiquement les rôles, l’Europe élabore toute une série de représentations contradictoires de l’Afrique : d’un côté les pouvoirs politiques indigènes qualifiés de tyranniques, arbitraires, esclavagistes…De l’autre des populations naïves et bonnes, hospitalières n’attendant que d’être délivrées de ces pesantes tutelles et conduites vers la lumière : la variante XIXème du bon sauvage ! (Ceci permettait à bon compte de masquer cette réalité : les ci-devant états tyranniques étaient les produits directs du commerce (et particulièrement de la traite) tel qu’il était pratiqué).
 

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1884-1885: le Congrès de Berlin.

Sous l’impulsion du roi des marchands et des Belges, Léopold II, se tient de novembre 1884 à février 1885, la conférence de Berlin. Cette conférence qui doit créer un consensus et définir les règles de partage de l’Afrique vise à réduire les frictions entre états européens. A cette occasion, on mesure le chemin idéologique parcouru par les capitalistes et leurs hommes d’état depuis les déclarations de Disraeli (leader conservateur anglais) en 1852 : « Ces sacrées colonies seront toutes indépendantes dans quelques années et sont une meule attachée à notre cou » ou de Bismarck en 1871 « Nous autres, allemands n’avons pas besoin de colonies »…Et la nécessité d’une mise en valeur des positions acquises prônée par la dite conférence. Il est vrai qu’en sus de la crise mais en relation étroite avec celle-ci, la colonisation apparaît comme le « meilleur dérivatif au danger social-démocrate » (Prince de Hohenlok 1882) car « Si on veut éviter une guerre civile, il faut devenir impérialiste » Cecil Rhodes).
 
C’est de cette époque que date pour l’essentiel le tracé aberrant des frontières (même si bien entendu, l’existence des frontières est en soi aberrante du fait de la nature de l’impérialisme évoqué) visant à éviter (sic !) les rivalités impérialistes. En 1919 le partage de l’empire colonial allemand aboutit au tracé définitif des frontières en Afrique.
 
Ce découpage « arbitraire » sera déterminant dans la production de ce que l’on appellera par la suite « les conflits tribaux ». En fait les sociétés soumises à la colonisation ont toujours été engagées les unes par rapport aux autres dans les stratégies que ne dissolvaient pas d’un coup la présence coloniale. Leurs dynamiques intrinsèques et leurs finalités ont de ce fait été modifiés par le passé, ces contradictions et ces conflits restent actifs et contribuent à peser sur ces contradictions du présent. Ces antagonismes vont en quelque sorte être consacrés et légitimés administrativement et politiquement, ils vont être intégrés aux stratégies de domination des colonisateurs, ils vont être confinés, et donc décuplés, dans des limites géographiques déterminées (Alors que l’Afrique comme l’Europe, après la désagrégation de l’empire romain, est le continent de la mobilité).
 

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En somme aux rivalités d’intérêts nées de l’histoire vont s’ajouter les rivalités d’intérêts nées de la colonisation européenne. Un seul exemple suffira à illustrer cela, celui du Tchad. Les arabes musulmans du nord avaient pour habitude d’utiliser le sud animiste comme vivier d’esclaves, les royaumes arabes entretenant en outre des rapports de domination avec ces régions. Le colonisateur français formera et s’appuiera donc sur des cadres sudistes christianisés (à l’exemple de Tombalbaye) et revanchards, redoublant ainsi le conflit interne aux populations tchadiennes tout en minorant les risques (du moins l’espérait-il) d’une révolte anticolonialiste susceptible de remettre en cause sa domination….C’est là un cas de figure simple mais d’une manière générale les antagonismes sont plus divers. Ainsi dans cet exemple il y a conflit (ou plutôt méfiance et parfois hostilité, due à des conflits anciens pérennisés par la tradition orale et survivant dans l’inconscient collectif ; ce qui constitue un terrain propice pour une réactivation « moderne » intégrant par ses références un passé mythologisé) entre les populations du sud (Sara, Sao, Kotoko, Peuls…), situation que l’on retrouve entre les populations du nord (du Kanem, du Bornou, du Ouaddaï) ; conflits qui s’expliquent par le rapport de domination nord-sud mentionné ci-dessus et le peu d’alliances qu’il impliquait mais aussi par les guerres, querelles dynastiques etc…entre les différents royaumes qui se sont succédés ou affrontés dans ces régions. Le passé et le présent s’intriquent pour expliquer la situation actuelle, les stratégies des uns et des autres et les renversements d’alliance entre les multiples fractions tchadiennes. Rappelons également l’exemple déjà cité (et simplifié) de l’antagonisme entre Tutsis et Hutus du Burundi que l’histoire nous permet d’apprécier en termes de rivalités sociales.
 
Resituer historiquement c’est retrouver une rationalité historique et donc sociale à ce que l’on veut nous faire avaler comme pur archaïsme ou pure irrationalité en rapport avec le « mystère africain » (l’âme africaine c’est le même coup, tordu, que l’âme russe : une mystification).
 
Si nous insistons sur les racines de ces antagonismes, nous pensons cependant qu’il est nécessaire de tempérer leur importance, à savoir les reconnaître comme un facteur parmi d’autres, une des contradictions et non la contradiction…D’ailleurs en Europe, nul ne songerait, toute proportion gardée, à réduire la vie à des conflits : fonctionnaires-autres salariés (en effet certaines ethnies sont « spécialisées » : Les Peuls sont éleveurs), bretons-parisiens (avec toutes les variantes que l’on peut imaginer) ou immigrés-français (sinon à des fins mystificatrices).
 

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Il serait donc erroné d’imaginer une haine absolue et généralisée entre ethnies. D’autant que depuis des siècles les migrations (et par voie de conséquence, les brassages) sont monnaies courantes en Afrique. Et si le colonialisme a joué des rivalités, il a aussi organisé le contact obligé entre ethnies. Le travail forcé, esclavage assoupli, n’est supprimé qu’en 1946 ; aussi voyons-nous avant cette date d’importants et réguliers mouvements migratoires. Si l’on se limite à l’ouest africain de la fin du XIXème siècle à 1920-1930, c’est le Gold Coast britannique (le Ghana actuel) qui est le principal bénéficiaire de ces flux. Ceci en raison du développement de l’agriculture dans les forêts ghanéennes, notamment la culture du cacao dont ce territoire sera en 1911-1912, le principal producteur avec 400 000 tonnes exportées. Samir Amin a calculé qu’en 1920 le littoral ghanéen compte 2,1 millions de personnes contre 800 000 au Sénégal et 1 million en Côte d’Ivoire. De 1920-1930 à nos jours, c’est au tour des colonies de l’A.O.F de connaître un développement agricole et forestier important : arachide (Séné-Gambie), cacao (Cote d’Ivoire), café (Cote d’ivoire), palmier à huile (Bénin)….
 
C’est la main d’œuvre voltaïque (principalement Messi) qui est déportée. Après 1946, le travail forcé supprimé, c’est pour éviter une pénurie de main d’œuvre que les employeurs créent le SIAMO (syndicat interprofessionnel pour l’acheminement gratuit de la main d’œuvre) qui recrutera en pays Messi et Senonfo…De telles migrations s’observent également en Afrique Australe où l’Afrique du Sud a recruté jusqu’à 80 % des prolétaires des mines dans les pays voisins (Botswana, Lesotha, Swaziland, Mozambique…) et ce depuis la fin du XIXème siècle. Il s’agissait d’une main d’œuvre moins qualifiée, moins revendicatrice (et pour partie temporaire), d’autre part cette diversité ethnique et les antagonismes anciens (cf : note en fin de chapitre) existant entre elles réduisaient les risques de conflits sociaux. Depuis 1972-73 la tendance à l’homogénéisation de ces prolétaires, mais aussi les guerres locales et la mécanisation ont amené un infléchissement de cette tendance.
 
La crise qui sévit aussi en Afrique conduit également les gouvernements africains à adopter des politiques, préconisées ou pratiquées en Europe, ségrégationnistes et d’expulsion des étrangers. Les rivalités ethniques (ou comme nous allons le voir, confessionnelles) prétextes commodes à de telles pratiques sont utilisées ou suscitées (ravivées). Ainsi le Nigéria récemment, le Gabon en 1978, mais aussi la Côte d’Ivoire et le Ghana ont expulsé des prolétaires qui, depuis des décennies le plus souvent, étaient installés à demeure ou séjournaient périodiquement. Ce sont les pays à forte rente agricole (Ghana et Côte d’Ivoire..), minière ou pétrolière (Gabon, Nigéria…) qui ont vécu ces phénomènes.
 

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Aux rivalités ethniques si souvent invoquées s’ajoutent les rivalités confessionnelles qui « marchent très fort » dans l’opinion depuis l’instauration d’une République Islamique à Téhéran et l’amplification du fondamentalisme lui aussi islamique. Les progrès de l’Islam en Afrique sont constants. Le phénomène islamique comme se plaisent à l’appeler les médias n’est pourtant pas récent. Nous avons vu que la pénétration de cette religion au Sud du sahel s’est amorcée voici plusieurs siècles, en revanche elle connaît ces dernières décennies une extension rapide. Ses adeptes sud-sahariens sont aujourd’hui au nombre de 120 millions et le succès de Mahomet doit beaucoup aux colonisateurs.
 
Durant la période précoloniale, les populations islamisées et surtout les élites des états existants ont opposé une résistance farouche. La soumission obtenue, ces élites perdirent de fait (et se virent retirer) tout pouvoir politique au profit, d’abord de l’appareil colonial européen, puis de nouvelles élites « aux ordres » recrutées dans les populations christianisées et formées le plus souvent par les « bons pères » (ou en Occident). Bon nombre des membres des couches dirigeantes des états néo-coloniaux étaient dans un premier temps chrétiens et issus du moule européen. Les appartenances religieuses ont souvent recoupé les appartenances ethniques et n’ont pas manqué de nourrir les antagonismes. Les velléités d’indépendance qui se sont faites jour dans différents états peuvent parfois s’analyser à la lumière des mouvements religieux.
 

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L’ordre colonial, s’il a écarté du pouvoir les musulmans, a utilisé les circuits commerciaux qu’ils avaient créés. Développant des réseaux commerciaux gérés par ceux-ci, il a favorisé l’extension de leur religion et son implantation en différentes régions. Handicapés par leurs refus de l’école occidentale et distancés dans l’accès aux leviers de commandes politiques par des adeptes d’autres confessions, les musulmans détenaient un certain pouvoir économique. L’inféodation des élites occidentalisées aux anciens colonisateurs, le caractère « compradore » de leur gestion a fait des élites musulmans des candidats aux pouvoirs perçues plus nationalistes (et nationales). D’autant que les pays arabes ayant vocation d’impérialismes locaux (continentaux), Arabie Saoudite, Libye, mais aussi Egypte, assortissent leurs aides économiques (vécues bien souvent comme des aides désintéressées, ce qui masque en partie la caractère impérialiste ce ces états) de mesures culturelles (également en faveur de la langue arabe et de la religion), mosquées, centres culturels, universités islamiques, financements de programmes de radio, attribution de milliers de bourses à des étudiants africains qui de plus en plus sont accueillis dans les universités arabes. De fait l’islam s’impose de plus en plus comme ciment de couches sociales et de camarillas candidates au pouvoir. Ce ciment idéologique est perçu comme une vision du monde moderne et dynamique à l’image des pays où l’encadrement islamique déjà au pouvoir (Niger, mali, Nigéria) se montre ouvert sur l’extérieur, entreprenant et soucieux de « développement économique ». C’est la fonction intégratrice de l’Islam au capitalisme.
 
Pour autant nous n’avons pas fait le tour du « problème islamique » car cette religion fonctionne aussi comme levain de révoltes sociales millénaristes.
 

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En effet, à contrario de ce qui est écrit ci-dessus (et ceci pour les mêmes raisons historiques mais en fonction des conditions locales spécifiques), dans certaines régions et auprès de couches populaires, les valeurs islamiques définissent un secteur de repli pour des populations exploitées et laissées pour compte. C’est le cas au Nigéria (exemple rêvé des deux fonctions de l’Islam) pour la « secte » (c’est ainsi que l’appelle péjorativement la presse) de Maitatsine, le « nouveau prophète », qui en décembre 1980 à Kano avait déclenché une première guerre sainte soulevant des milliers de paysans pauvres et d’étrangers immigrés clandestins. Cette « Jihad » avait pour but d’en découdre avec les nouveaux riches du pays, d’exterminer les corrompus…Elle s’est soldée par plus de 7 000 morts dus à l’intervention de l’armée. En 1984 à Yola, toujours au Nigéria, une nouvelle flambée de révoltes liées à la même secte a fait près de 1 000 morts, l’armée ayant bombardé les insurgés. Cette secte, mais on devrait plus justement dire ce mouvement millénariste (et pour les mêmes raisons historiques mais en fonction des conditions locales spécifiques), s’étend malgré une répression impitoyable dans tous les états du Nord et du Nord-est du Nigéria mais aussi au Cameroun, au Tchad et au Niger, et il ne s’agit pas là d’un phénomène isolé.
 
Nous avons essayé de comprendre historiquement et socialement les antagonismes ethniques et/ou religieux qui participent de la réalité africaine. Les éléments d’analyse avancés n’ont pas nécessairement de portée universelle ou continentale, ce qui est vrai dans tel pays ne l’est pas, ou en partie seulement dans tel autre.
 
Nonobstant on peut tirer quelques leçons de ce qui précède.
 
Les antagonismes entre ethnies préexistaient à la colonisation européenne et s’expliquent comme s’expliquent les conflits européens entre ennemis héréditaires anglais et français, français et allemands …c’est-à-dire économiquement, politiquement et donc socialement.
 
Les colonisateurs ont utilisés à des fins de gestion, d’administration et de pacification sociale (c’est-à-dire par une manipulation aliénante et mystificatrice) les situations qu’ils rencontraient et qui aussi parfois leur échappaient, rien n’étant complètement mécanique.
 
L’ère post-coloniale que nous vivons est l’héritière du passé colonial et pré-colonial, et la crise du mode de production capitaliste est comme partout réfractée en Afrique par les dispositions locales des rapports sociaux. Le « grand remplacement » est une suite et une forme de l’uniformisation de la planète.
 

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NOTE
 
Les Zoulous condensent l’essentiel de certains peuples africains….
Zoulou a d’abord été le nom d’un chef, le deuxième d’une généalogie dont les commencements sont obscurs. Au début du XIXème siècle ce nom devient celui d’un peuple dont la présence au Natal est attestée dès les premiers récits de voyageurs. Par conséquent, contrairement à ce qu’affirment les historiens sud-africains, ce peuple dont le véritable nom est Ngunis (appartenant au groupe linguistique Danton) s’est établi dans le sud de l’Afrique avant l’arrivée des Boers au Cap en 1652 (d’après la traduction orale, son établissement daterait du XIIIème siècle) comme le disent les marins du Sao Bento naufragés au large du Natal en avril 1554 : « Le pays était densément peuplé et pourvu en bétail ». Les mêmes naufragés entrant en contact avec les Ngunis s’étonnent du refus de ceux-ci à participer à la traite négrière ; « Il serait impossible d’acheter le moindre esclave chez eux, car ils n’accepteraient pour rien au monde de se séparer de leurs enfants ou de n’importe quel parent : les liens de l’amour qu’ils se portent sont d’une force tout à fait remarquable » rapporte le capitaine S. Van Der Stell en 1688. Ceci explique sans doute la migration des Ngunis vers le sud fuyant la traite et peut être la structuration étatique qu’elle impliquait.
 

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Taureau élevé chez les Ngunis.

Les Ngunis rejettent également toute forme de commerce et se bornent à échanger dans un rayon restreint des biens d’usage. D’autres européens décrivent ainsi les traditions d’accueil de ce peuple : « On n’a nul besoin, lorsqu’on se déplace, de s’inquiéter de ce qu’on va manger ou boire, car ils entretiennent dans chaque village une maison d’accueil pour les voyageurs, où ceux-ci ne sont pas seulement logés mais aussi nourris ». Les Ngunis sont un peuple d’éleveurs, l’élevage organisant la vie sociale.
C’est la possession d’un grand nombre de bovins qui consacre le lien social. La possession est lignagère et classique. La structure politique est très large, l’organisation sociale est constituée de petits villages groupant chacun un clan, l’unité villageoise compte de 500 à 4 000 personnes, quelques chefferies se sont constituées regroupant chacune quelques clans. En somme il s’agit d’une illustration de la thèse de Clastres : Une société contre l’Etat ! (Etant entendu que l’organisation sociale et l’idéologie qui la formule visent à pérenniser l’état des choses existant).
 
Toutefois, à la fin du XVIIIème siècle de graves conflits internes commencent à agiter la société Ngunis, produits par une crise dont la raison reste indéterminée. Il semble que se soient conjugué une croissance démographique entraînant une pression sur la terre et les migrations conquérantes des colons hollandais, limitant les ressources foncières des Ngunis.
 
Peur et nécessité vont favoriser l’émergence d’une nouvelle formation sociale : un état militaire. Une organisation très hiérarchisée et pyramidale est mise sur pied, les anciennes structures sont détruites (clans, coutumes, rites…interdictions des palabres).
 

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Cette structure de résistance à la pénétration coloniale vaudra quelques sujets passagers à Chaka, roi des Zoulous, qui sera finalement abattu par les siens et la nation Zoulou vaincue par les anglo-boers.
 
Il est important de mentionner que s’érigeant en état, la nation Zoulou devient à son tour conquérante et soumit les peuples alentours (Sotho, Swazi, Matabelé..) ou les expulsa de leurs territoires. Ceux-ci, mis en branle par cette formidable poussée, vont à leur tour ravager puis coloniser les territoires des états actuels du Lesotho, Botswana, Mozambique, Malawi, Swaziland….Les rivalités ethniques dans la région doivent beaucoup à cette période qualifiée de « Mfecane » (que l’on peut traduire par mouvements tumultueux de population) par les africains et que la mythologie coloniale consacra (récits d’atrocités etc…).
 
Confronté au colonialisme, un peuple sans état se dote de structures étatiques fondées sur l’émergence d’un sentiment national et devient à son tour conquérant. C’est la leçon essentielle que l’on peut tirer de cette histoire. Une leçon secondaire mais significative, c’est la comparaison établie par certains entre Chaka et Hitler : les adeptes de la démonologie historique ne pouvaient manquer de saisir l’occasion d’une nouvelle réduction et d’un nouveau travestissement de l’histoire.
 
Daniel Cosculluela.

Pourquoi la Turquie ne peut pas faire pression pour normaliser ses rapports avec les États-Unis

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Pourquoi la Turquie ne peut pas faire pression pour normaliser ses rapports avec les États-Unis

Par Salman Rafi Sheikh

Ex : https://geopol.pt

Alors que les liens entre la Turquie et les États-Unis se sont tendus ces dernières années et qu'un divorce stratégique n'est plus complètement irréaliste, la politique étrangère de la Turquie continue de tourner autour de la question de l'équilibre entre l'Ouest et l'Est. Alors que sa situation géographique aux frontières de l'Asie et de l'Europe semble déterminer en grande partie son orientation désormais plus large en matière de politique étrangère, la Turquie sous Erdogan a également acquis, ou du moins essaie d'acquérir, un statut de grande puissance qui lui permettrait d'agir comme un "équilibreur" entre les deux grands pôles de puissance du monde. Mais le positionnement stratégique particulier de la Turquie, inspiré par la volonté de se rétablir en tant qu'empire "néo-ottoman", capable de mener une politique étrangère véritablement indépendante et d'agir comme une grande puissance, a surtout provoqué une scission entre la Turquie et ses alliés de l'OTAN, en particulier les États-Unis. Les États-Unis ont expulsé la Turquie du programme de développement des F-35, et leurs relations bilatérales n'ont jamais été aussi tendues qu'aujourd'hui. Si la principale motivation de la Turquie pour améliorer ses relations avec la Russie était de diminuer sa dépendance vis-à-vis des États-Unis et d'acquérir ainsi une meilleure position de négociation, elle s'est clairement retournée contre elle ; d'où les tentatives de la Turquie pour rétablir l'équilibre.

Si la Turquie réussit à acquérir les avions F-35 en tant que membre de l'OTAN, cela renforcera considérablement sa capacité de défense aérienne. À cette fin, elle a récemment engagé un cabinet d'avocats basé à Washington pour faire pression en faveur de sa réadmission dans le programme américain d'avions de chasse F-35. Ankara avait commandé plus de 100 chasseurs furtifs et a fabriqué des pièces pour leur production, mais a été retirée du programme en 2019 après avoir acheté des systèmes de défense anti-missiles russes S-400, qui, selon les Etats-Unis, pourraient menacer les F-35.

L'embauche par la Turquie d'une société chargée de représenter ses intérêts démontre qu'une transition politique à la Maison Blanche n'a pas conduit à une transition automatique dans les relations bilatérales entre les deux pays. Cette démarche confirme que leurs désaccords sont fondés sur des différences politiques qui vont bien au-delà des présidents en exercice. Par conséquent, les tentatives de la Turquie de recalibrer ses liens avec les États-Unis ne porteront probablement pas leurs fruits pour une raison : leurs différences ne sont pas politiques ; elles sont stratégiques, et leur convergence théorique, en tant qu'alliés au sein de l'OTAN, est sans cesse mise en balance avec leurs divergences.

Le 23 février, le Pentagone l'a confirmé :

"Il n'y a pas eu de changement dans la politique de l'administration concernant les F-35 et les S-400″. Une fois de plus, nous demandons instamment à la Turquie de ne pas aller de l'avant avec la livraison des S-400".

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La position américaine reste inchangée malgré l'allusion récente du ministre turc de la défense, Hulusi Akar, à la possibilité de trouver une "solution gérable" pour le système S-400.

La position stratégique de la Turquie en tant qu'acteur indépendant, positionné à l'intersection de l'Ouest et de l'Est, est la raison principale de la position inchangée des États-Unis.

D'une part, la rivalité américano-russe est très ancrée dans la ‘’pensée à somme nulle’’, issue de la concurrence de la guerre froide. La Turquie, en revanche, avec sa position géographique très particulière, couplée à sa quête pour traduire les effets de cette localisation en politique étrangère, ne sert pas le jeu à somme nulle des États-Unis contre la Russie.

Le fait que la Turquie ait établi des liens politiques et militaires forts avec la Russie montre que les États-Unis et la Turquie ont des perceptions fondamentalement différentes de la menace. Par conséquent, alors que la Turquie semble croire que le système international actuel n'est plus aussi centré sur l'Occident et dominé par les États-Unis qu'il l'était antérieurement, et que la Turquie devrait poursuivre ses intérêts par un équilibrage géopolitique plus varié, Washington, obsédé qu'il est par la nécessité de trouver remède à la chute des États-Unis en tant que seule superpuissance, considère cette interprétation turque des affaires internationales comme anormale et irréelle. Pour Erdogan et les responsables politiques turcs à Ankara, il s'agit d'un ajustement à la nouvelle normalité de la politique mondiale.

Ces divergences ont également engendré certains points de tension politique, dont la manifestation la plus importante est la crise de longue date entre la Turquie et le Commandement central américain (CENTCOM) à propos de la crise syrienne et de la manière dont les États-Unis continuent à soutenir militairement les milices kurdes, en particulier le GPJ.

Dans ce contexte, l'administration Biden, qui a promis d'œuvrer au rétablissement de la domination américaine au niveau mondial, sera très probablement en mesure de résister aux tentatives de la Turquie d'opérer en tant qu'acteur indépendant au sein de l'OTAN, une organisation qui reste bloquée dans la pensée stratégique propre à la guerre froide et qui continue à s'imaginer inamovible et à se réinventer pour toujours et encore faire la guerre à la Russie en Europe.

Par conséquent, alors que les États-Unis voudraient rétablir les liens avec la Turquie si celle-ci abandonne le système S-400 et retourne à l'OTAN, la Turquie veut effectuer ce rétablissement d'une manière qui amène les États-Unis à l'idée d'accepter la nouvelle réalité géopolitique dans le voisinage de la Turquie, y compris le rôle de la Turquie en Syrie, et les changements plus généraux dans les affaires internationales.

Si un idéaliste préconise de trouver un "terrain d'entente" pour rapprocher les deux pays, il n'en reste pas moins que les États-Unis n'ont aucune raison impérieuse de redéfinir leur vision centrale du monde pour satisfaire la Turquie. Dans l'état actuel des choses, la Turquie n'est pas un allié indispensable de l'OTAN. C'est ce qui ressort du fait que les États-Unis préparent déjà des plans pour déplacer leur base aérienne d'Incirlik en Turquie vers l'île grecque de Crète.

Bien que cette relocalisation constitue un revers majeur pour la Turquie, elle servirait tout de même les intérêts américains dans la région. D'autre part, si la Turquie décide d'abandonner les S-400, cela restera un revers stratégique très important pour son positionnement en tant qu'acteur international majeur capable d'influencer des régions bien au-delà de ses frontières territoriales, et pour son image d'empire "néo-ottoman".

Si la Turquie a proposé de trouver une formule de compromis et de fixer les conditions dans lesquelles les S-400 peuvent être rendus opérationnels et utilisés, l'avenir de cette offre reste tributaire de la manière dont l'administration Biden l'interprète et y répond, ce qui dépend à son tour de la manière dont cette formule peut préserver et renforcer les intérêts américains au niveau régional et mondial.

Un Dix-Huit Brumaire et un Coup d'Etat légal en Italie

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Un Dix-Huit Brumaire et un Coup d'Etat légal en Italie

Wernerius von Lothringen

Lorsque le Président de la République italienne s'adressa aux partis politiques italiens le 3 février 2021, dans le but de former un gouvernement à majorité parlementaire assurée, faisant appel à Mario Draghi comme  Président désigné du Conseil des Ministres, il ne savait pas encore qu'il aurait enclenché un processus de recomposition institutionnelle,  conduisant  à un Coup d'Etat légal.

En effet pour le Chef de l'Etat , la République c'était le Parlement et non pas le pays réel, c'était la fiction de la représentation politique  et non pas l'opinion .Le cap de la boussole historique était la Constitution républicaine et non pas le peuple , la légalité et non pas sa présomption.                                                                                                      

La droite eut beau de faire appel désespérément aux élections,pour mettre en accord légalité et légitimité,représentation et volonté populaire.

La décision du Président de la République affirma légalement le contraire. Légalement mais pas légitimement.

Le Président avait-il prévu que  l'interférence continue de la légalité et de la légitimité, aurait favorisé la transformation de la fonction  du Président du Conseil désigné, en figure consulaire ? L'investiture de ce garant de la dernière chance de la politique italienne  était bien et sans nuance  celle du Sénat de Rome dans les temps sombres de la république romaine, lorsque tombait l'épée de Damoclès sur la sécurité et la perspective de conflit aux portes: "Caveant Consules ne Respublica détrimenti capiat!". Or le Rubicon avait été franchi et dans le ballet des vas et vient des consultations ils ne manquaient que les toges immaculées des sénateurs!

Dans l'arène affolée des nouveaux convertis à la catéchèse du Salut et à son César,  le rôle du procureur des moeurs anciennes , le rôle de Cicéron,  était assuré par un femme, Giorgia Meloni, dans la fonction catilinaire de dissidente et de tribun du peuple.

Elle y assurait la voix de l'opposition et de la démocratie, en solitaire , dans un Parlement devenu soudainement docile et servile, mais globalement  épaté et hostile .

Une voix patriote, anti-unanimiste et de droite qui sera insultée, invectivée et humiliée par un professeur universitaire de gauche, assurant la profondeur de la haine de classe, dans une institution d'enseignement supérieur, publique, laïque et pluraliste. Cette institution  comme les assemblée d'étudiants et la rue en révolte,étaient aux mains, depuis 68, d'une contestation endémique, devenue post-coloniale.

La situation politique grave, d'émergence, anti-politique et insurrectionnelle de l'Italie était semblable à celle d'Espagne, de  France ou du Danemark. Guerrilla urbaine, caillassages, incendies, pillages, vols de masse . Une situation avortée, grâce à Dieu  d'un révolution improbable.

Il manquait le parti révolutionnaire, les révolutionnaires de profession, la volonté d'en finir avec le système et faisait défaut, en particulier,  l'Homme providentiel. Manquait également  la haine instinctive du peuple et la résurgence des sentiments et des préjugés des "larges masses" contre l'Etat.

En fait la défense de l'Etat était assurée par des mesures de police et guère par l'armée, car les problèmes qui étaient posés étaient ceux de la classe politique et pas du pouvoir institutionnel, de la liberté et de la tyrannie .

Les Black- Blocs n'étaient pas l'expression du peuple de souche ,mais de fauteurs de désordre et de chaos, immigrés et déracinées, inintégrables et dangereux. Ils n'avaient rien d'autre à proposer que de la destruction, de la négation et du nihilisme.

La grande nouveauté, c'était, en revanche, la variété de la protestation et l'hétérogénéité de la représentation politique, verbeuse et fragmentée.

Le paradigme du changement n'était plus l'espoir mais le retour à la légalité trahie. C'est pourquoi César et le Chef de l'Etat incarnaient l'avenir du pays et celui du menu peuple.

Le Thermidor de Draghi n"était pas encore là et Lucien Bonaparte ou Sieyès, ne tissaient nullement les ficelles de l'intrigue, derrière le calme apparent de Draghi-Napoléon.

Les petits Bolchéviks de la Ligue et les infimes Menchéviques libéraux-démocrates de  feu le Mouvement 5 Etoiles ne pouvaient préfigurer une insurrection ni une alternative à César, car les réformes du Conte-Kerenski ne pouvaient aller plus loin que les plans de Soros-Bill Gates ou Klaus Schwab de Davos, dans la réinitialisation de l'économie, finalement verte et universelle.

Une économie qui devait  correspondre aux prêches de Greta Thunberg et des coalitions sexiste  LGBT, transgenres, islamo-gauchistes, des groupes progressifs Rock et des mouvements Stormy Six, Komintern, Univers Zéro et post-coloniaux divers.

Une solution inédite en somme , national-globaliste, qui avait  intégré le souverainisme anti-européiste antérieur, rélégant Mattéo Renzi à un rôle de comédien, mode Trotski, condamné à une répétition de sa  ''Révolution permanente" et promu à une fuite en avant sans fin, destinée à s'éteindre à Mexico, par la main violente d'un vrai démocrate.

Le parti fantôme de Zingaretti, qui pensait à exister, après la "guerre ( partisane) de tous contre tous" retarda le Dix-Huit Brumaire de Draghi dans l'attente de l'élection césariste du premier Consul à substitut du Président Mattarella.

D'ici là, quelles seraient les "Ides de Mars " et qui en  sera le Brutus ?

Les tendances, les trois forces et leurs issues

Au delà de l'actualité immédiate, en quoi le "Dix Huit Brumaire" et  le "Coup d'Etat parlementaire" de Mattarella -Draghi ont ils débouchés? Quelles tendances coexistent-elles au sein de la formule politique italienne , susceptible de constituer un modèle inédit ? Et, in fine,  qui et quelle force politique s'imposeront ils?

On peut, grosso modo, identifier dans le "Gouvernement d'urgence" de Draghi trois grandes forces et trois grandes issues possibles:

- Une formule euro-césariste à la de Gaulle, très longtemps renvoyée, à caractère national-globaliste (réformes+management + démocratie restreinte+ unanimisme décisionnel + ''protagonisme européiste'')

-Une modernisation anti-bureaucratique à l'italienne (modèle de Gènes, décentralisation régionale et recentralisation nationale essentielle)

- Un status-quo amélioré (assistentialisme + destruction créatrice + subordination bruxelloise et globaliste)

La première comporterait un appui de la droite européiste et de la Ligue,  en faveur du travail et d'une ré-industrialisation technologique d'avenir, surtout au Nord du pays .

La deuxième, un rééquilibrage entre Régions et Etat et une accalmie des classes moyennes sur-taxées.

La troisième une subordination accrue à l'Union Européenne, désagrégée et sans projet, faisant de l'Italie un pays intermédiaire entre les zones développées et le Tiiers et Quart-monde; en compagnie de l'Espagne socialiste et de la France déclassée, au sein d'une Union européenne au Leadership solitaire et aggravé de l'Allemagne et des pays du Nord de l'Union.

Le Dix-Huit Brumaire du Premier Consul tranchera entre ces tendances et fera là un toilettage de l'esprit, influençant les coups d'Etats post-modernes.

Bruxelles le 2 mars 2021.

Anna Gichkina interviewée par la revue La Emboscadura​ sur le mystère russe, l'âme occidentale et la pandémie actuelle

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Anna Gichkina interviewée par la revue La Emboscadura​ sur le mystère russe, l'âme occidentale et la pandémie actuelle

Anna Gichkina

Ex: https://www.linkedin.com
Propos recueillis par Jordi Garriga
 
Anna Gichkina, PhD, Directrice de la Communication chez Adscientis, Auteur/Conférencière sujets franco-russes, Présidente du think tank "Cercle du Bon Sens", Artiste Chants russes

Interviewée par Monsieur Jordi Garriga pour la revue espagnole La Emboscadura. Texte en français suivi par sa traduction en espagnol (langue de la revue) réalisée par également par Jordi Garriga. Février 2021. Je les remercie de cette belle attention.

1.     La première question qui nous parâit essentielle : vous êtes née à Arkhangelsk, sur les rives de la mer Blanche, sur les rives du cercle polaire arctique, vous êtes une fière citoyenne russe, alors comment avez-vous décidé de vous installer en France, un pays apparemment si différent ?

Avant tout, je tiens à vous remercier pour cette aimable attention à mon égard. Je tiens également à souhaiter une belle année 2021 à vous et à tous vos lecteurs.

Pour répondre à votre première question je commencerai par dire que je suis née et j’ai habité dans la ville qui s’appelle Arkhangelsk et non pas Archange bien que l’étymologie de « Arkhangelsk » réfère à « Archange », l’Archange Michaïl étant le patron de ma ville avec sa représentation sur son blason. Et il s’agit bien du cercle polaire, oui. Notre ethnie s’appelle Pomors (des deux mots : le mot « po » qui se traduit par la préposition « sur » et le mot « more » qui se traduit comme « la mer »). Une des rares ethnies slaves qui s’est très peu mélangée avec d’autres slaves ni avec des peuples étrangers. Juste un peu avec les Finois à un moment de l’histoire. 

En 2005, je suis arrivée en France. Ce fut une suite logique de mes études universitaires russe où ma spécialisation était la langue et la civilisation française. J’ai étudié cinq années durant la langue française enseignée par les professeurs russes qui, majoritairement, n’ont jamais été en France, donc les conditions d’apprentissage d’une langue étrangère furent isolées de l’imprégnation de la culture réellement française. Et un beau jour une possibilité d’aller étudier dans le pays de ma spécialisation vient vers moi (et encore fallait-il se battre pour pourvoir sortir de la Russie et être acceptée en France directement au niveau supérieur d’études). J’ai pris la décision de saisir cette possibilité d’un long voyage pour deux raisons : perfectionnement de mes connaissances de la culture française et curiosité très forte de voir comment les gens vivent ailleurs qu’en Russie. Néanmoins m’installer en France cela n’a jamais été mon objectif ni ma volonté. J’ai eu beaucoup de projets (professionnels et personnels) en Russie et ma volonté était le retour en Russie après l’acquisition d’un diplôme français. Mais à vingt-deux ans la tentation d’une vie confortable et rassasiée que la France m’offrait m’a corrompue… J’ai eu une vie très modeste en Russie, surtout durant mon enfance soviétique, et les joies capitalistes que la France me proposait m’ont tourné la tête… A cette époque, je ne me rendais pas encore compte qu’en choisissant le confort et satiété je perdais mon âme…

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La pression de mes parents en Russie pour qui mon éventuel retour aurait été considéré comme échec ne m’aidait pas à faire le meilleur choix, mes parents pensaient qu’en France j’aurais un avenir meilleur (cette ancienne génération des Russes qui ne sont jamais sortis du pays et qui pensent qu’en Europe la vie est belle et facile pour tout le monde). Mais aujourd’hui les choses ont changé pour moi, au bout de 15 ans de vie dans un pays étranger qui est la France. J’ai su apprécier l’accueil que la France m’a réservée, j’ai su voir sa générosité, sa sécurité, son respect et sa considération. C’est un pays qui, différemment de la Russie, sait s’occuper de la sécurité et du confort de ses citoyens. La seule chose qui ne me rend ici qu’à moitié vivante c’est le vide spirituel dans l’air, c’est le vide d’un noyau culturel qui fut pourtant fort auparavant, c’est l’absence de foi en « beauté qui sauvera le monde », c’est le potentiel humain qui est de plus en plus réduit ici aux besoins de base dans la pyramide de Maslow. Mais on ne peut pas tout avoir. Ma vie est désormais en France, mon mari est Français, mon enfant aussi, et la famille c’est ce qui compte avant tout. Chaque culture est différente et chaque culture a ses richesses et ces défaillances. Concernant le monde occidental et la Russie j’aimerais citer ici cette phrase de Dostoïevski : « L’Europe nous donne le « ratio » et nous, nous lui donnons le Christ ». L’idéal ce serait d’avoir et de vivre ces deux génies à la fois. Mais l’idéal est justement idéal parce qu’il est parfait et inatteignable.

2.     Pour nous, Européens de l’Ouest, il est courant de dire ou de supposer que « la Russie est un mystère » ou qu’elle est incompréhensible. C’est vraiment cela ? La Russie est-elle un pays européen particulier ou est-ce tout autre chose ?

Oui. La Russie est un pays « incompréhensible avec la raison » comme dirait Tutcheff. La Russie est incompréhensible même pour les Russes eux-mêmes comment voulez-vous qu’il soit accessible à la compréhension des étrangers. 

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La Russie pour moi n’est pas un pays européen. Je la mettrais à part. Je dirais que c’est une civilisation à part. Ce qui nous laisse la définir comme européenne c’est l’affirmation des origines gréco-romaines communes avec le monde européen. Mais quand on prend en considération cet argument on oublie de nous rappeler que l’empire romain à la fin de son existence s’est divisé en deux mondes :  Rome et Byzance. Et c’est de Byzance que naît la civilisation russe et non pas de Rome et quand on comprend la provenance de la culture russe on explique mieux les différences fondamentales entre la Russie et l’Occident.

3.     La religion joue un rôle fondamental dans la composition mentale des peuples. Dans le cas du christianisme, il est évident que la culture des racines catholiques et celle des racines orthodoxes ont développé, depuis la séparation de ces Églises, des mentalités différentes. Dans quelle mesure cela a-t-il pu séparer nos nations spirituellement ? 

Oui, la mentalité de la civilisation occidentale héritière de Rome est différente de celle de la civilisation russe héritière de Byzance. Je pense que la séparation spirituelle des nations dont vous parlez réside principalement dans la question de la souffrance. L’Occident a pris la voie slalom qui a pour objectif principal d’éviter la souffrance et la Russie s’est mise sur la voie opposée, la voie qui cultive la souffrance pour faire grandir l’âme. Si on regarde attentivement le développement de ces deux branches du christianisme à partir du schisme on peut très bien observer la modernisation progressive du catholicisme (sans parler du protestantisme qui se modernise encore plus vite) et son adaptation aux besoins et aux façons nouvelles de vivre à chaque nouvelle époque. L’orthodoxie, elle, reste rétrograde, relativement constante et fidèle au christianisme originel. Sa pratique nécessite donc le sacrifice constant du matériel, notamment du confort (rien que l’absence des bancs dans l’église et les messes debout pour tout le monde sans exception ou encore les restrictions quant au comportement à l’intérieur de l’église, l’interdiction aux femmes d’entrer dans la partie où ce trouve l’autel, interdiction d’entrer dans l’église aux femmes avec leurs têtes découvertes, interdiction d’entrer dans l’église aux femmes en période de leur menstruation, les messes en ancien slavon qui rend leur contenu incompréhensibles à ceux qui les écoutent etc.) Cet effort et ce sacrifice permettent de vivre dans la conscience du sacrifice du Christ, parce que là où il y a la souffrance il y l’humilité. La souffrance et l’humilité ce sont deux mots qui résument l’orthodoxie. Lisez Dostoïevski, c’est le meilleur exemple de la mentalité russe.

9782343141343-xs.jpg4.     La figure d’Eugène-Melchior de Vogüé est totalement inconnue en Espagne, et nous pensons qu’il est très probable qu’en France c’est aussi le cas … Pourquoi ce personnage vous a-t-il encouragé à écrire sur lui ? 

E.-M. de Vogüé fut un Homme noble non seulement par sa lignée mais aussi par son cœur. C’est un Français qui a merveilleusement bien senti l’essence de l’âme russe et qui a su la décrire à ses compatriotes d’une façon si éloquente et passionnante que les Français sont restés pendant longtemps figés dans cet émerveillement. Cet illustre personnage de l’histoire française qu’est Vogüé m’a fasciné par son parcours intellectuel et personnel mais surtout m’a encouragé à œuvrer, à son exemple, à la meilleure compréhension de la Russie en France et en Occident en général. L’art du « ratio » tellement propre à la culture occidentale et tellement accompli dans les textes de Vogüé c’était pour moi comme le maillon manquant à la meilleure explication de l’âme de mon pays.

5.     D’un point de vue traditionnel et conservateur, on peut voir comment « les droits de l’homme » sont établis comme une sorte de pseudo-religion planétaire, sans aucun lien avec le passé. Sans affirmer que c’est le résultat de conspirations , pourquoi certains groupes et certaines personnes verraient-ils bien de construire une religion sans transcendance ? Est-ce possible ?

Si l’on prend le mot religion dans son sens unificateur de rassembler le peuple ou des peuples autour d’un élément culturel commun alors dans ce cas oui la religion sans transcendance est possible, cela s’appelle l’idéologie. Je pense à l’URSS ou l’idéologie des Droits de l’Hommes. Mais si l’on prend le mot religion dans son sens étymologique et originel (du latin « relegare » - relier) la religion est donc ce qui permet de relier le Ciel avec la Terre et la transcendance dans ce cas est la condition fondamentale. Toute société qui a éliminé Dieu et le sacré de sa culture redevient barbare parce que ce n’est pas le contrat social qui unit véritablement la société et fait les lois c’est le cœur des hommes et leur foi en idéal parfait et absolu. Comme l’homme est fait pour croire et pour avoir la foi, si l’on lui enlève Dieu il trouvera autre chose à croire. Il croira alors en l’argent ou en un autre homme. Mais le problème d’une telle situation est que l’absolu est remplacé dans ce cas par le relatif et les vérités relatives, les idéaux changeants ne sont pas capables de créer des cœurs nobles et de satisfaire l’homme spirituellement. Il n’y a que la perfection absolue qui est crédible et qui est une source inépuisable d’espérance et du perfectionnement de l’âme humaine.

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6.     La littérature, la musique, la poésie … sont sans aucun doute des activités humaines aussi nécessaires que manger et dormir. Les tendances artistiques dites « contemporaines » qui semblent s’appuyer sur le plus laid et le plus vil de l’âme humain, sont-elles vraiment de l’art ou sont-elles juste une autre affaire basée sur les émotions et non sur les sentiments ?

Cette question est très compliquée. Tout peut être appelé art à partir du moment où il s’agit de la création consciente de quelque chose par quelqu’un avec un but conscient et voulu également. Comme le but de chaque création est différent les émotions qu’elle provoque sont également différentes. La question du beau et du laid dans l’art est une question de choix personnel, tout comme le choix de la théorie philosophique : il y en a ceux qui aiment Schopenhauer et ceux qui aiment Pascal ou Florensky etc. Ou c’est comme choisir le monde avec Dieu ou le monde sans Dieu. Faut-il encore bien définir ce que l’on entend sous « beau ». Quant à moi, le beau pour moi c’est ce qui est moral et haut. L’art pour l’art ce n’est pas pour moi. 

7.     La Russie est un pays qui a réussi à surmonter un terrible effondrement survenu il y a trente ans. Au-delà du politique, l’âme russe a-t-elle démontré sa force, malgré la période soviétique, ou peut-être grâce à elle ?

L’âme russe a toujours su préserver son essence. « La Russie change de Maîtres mais reste inchangée elle-même », - peut-on lire chez Custine. (Je crois que c’est la seule phrase positive que nous pouvons trouvez chez lui à l’égard de la Russie, mais quelle phrase !) Peu importe quelle secousse vit la Russie dans son histoire, son pilier qui est l’orthodoxie culturelle ne bouge pas parce que si le pilier bouge la maison s’écroulera. Le peuple russe a comme une sorte de conscience collective archétypale de ce pilier et de son importance.

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8.     La pandémie actuelle et la crise dans laquelle elle nous entraîne, malgré toute la propagande, seront-elles un catalyseur qui pourra réveiller le meilleur des Européens (spirituellement, culturellement) ou, peut-être, le point de non-retour qui fait définitivement de l’Union européenne la version orientale des USA (déracinement, consumérisme, hédonisme) ?

L’Occident n’a plus de pilier, lui. Ce qui donne l’espoir, le sens et la force aux pays comme la Russie fut éliminé en Occident. Les sociétés déracinées ne savent plus comment faire pour être heureux et sereins. Je ne suis pas sûre que la situation covid réveillera dans les sociétés la nostalgie de l’éternité, je pense que pour cela il faut une situation beaucoup plus grave. La tension et l’incertitude actuelle risquent d’amplifier et de faire ressortir plutôt le pire qui est en nous : toutes les peurs, les mal êtres, les frustrations relatifs à la succession des besoins qui restent sans satisfactions en engendrant de nouveaux besoins. 

9.     Vous dirigez l’association « Cercle du Bon Sens », visant principalement à une bonne entente entre les peuple russe et français (nous comprenons européen en général) . Nous aimerions que vous nous informiez de certaines activités ou réalisations remarquables.

Avec plaisir. Vous êtes les bienvenus. Avant les restrictions covid imposées nous avons organisé un événement par mois. Nous refusons de passer en mode wébinars car les rencontres et échanges intellectuels réels sont importantes pour nous.  

10.  Enfin, nous sommes curieux de connaître votre opinion sur l’Espagne, sur le peuple espagnol, qui a toujours eu une relation particulière avec la Russie à distance et malgré les guerres.

Espagne ! Merveilleux pays gardant encore ses attaches fortes à ses traditions. S’il reste aujourd’hui en Occident un pays où le sacré est encore dans l’air c’est bien le vôtre. Je regarde en ce moment la série Netflix « Casa del Papel ». Ce que je remarque dans cette ciné-production contemporaine espagnole c’est le courage d’accentuer par les moments les racines chrétiennes de votre culture et le courage de ne pas être politiquement correct dans le choix des acteurs. L’atmosphère espagnole de chaque épisode ne laisse aucun doute sur le pays par lequel la série fut créée. 

mercredi, 03 mars 2021

L'Amérique est de retour : Biden bombarde comme Trump

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L'Amérique est de retour : Biden bombarde comme Trump

par Alberto Negri & Tommaso Di Francesco

Source : Il Manifesto & https://www.ariannaeditrice.it

Biden, personnage emblématique de certains des échecs internationaux des démocrates pendant les années Obama, accueille le pape en Irak en bombardant les milices chiites en Syrie. Un voyage au cours duquel le Pape Bergoglio devrait rencontrer le grand ayatollah Sistani qui, en 2014, a donné sa bénédiction aux milices chiites pour mener la lutte contre les coupeurs de têtes de l’Etat islamique.

Bien sûr, le monde est étrange. L'"espoir démocratique", le catholique Joe Biden, exactement comme Donald Trump, court aux armes et bombarde la Syrie, à la veille de la visite du pape en Irak le 5 mars. Un voyage au cours duquel le pape François devrait également rencontrer la plus haute autorité religieuse irakienne, le grand ayatollah Ali Sistani, qui en 2014 avait donné sa bénédiction aux milices chiites pour mener la lutte contre les coupeurs de têtes de l’Etat islamique, milices qui ont joué un rôle essentiel dans la libération de Mossoul, ville martyre musulmane et chrétienne que le pape devrait visiter dans quelques jours dans le cadre de sa mission en Irak.

Aujourd'hui, les raids américains risquent de nous démontrer voire de nous avertir urbi et orbi que le climat ne doit pas être exactement celui de la paix dans la région. Le monde est en effet étrange : l'ordre du jour ne devrait pas inscrire la guerre dans sa convocation mais plutôt l'urgence sanitaire vu le Covid 19. Et puis Biden n'a pas encore pris conscience du désastre de la démocratie américaine assaillie par des "terroristes internes" - comme il les a appelés - qui ont fait des ravages au Congrès. Le voilà qui commence déjà à se décharger de la crise interne en "exportant" la démocratie par les armes.

Cette fois, Biden frappe un peu au hasard, même s'il a tué plus de vingt personnes appartenant aux milices pro-chiites, celles qui ont soutenu Assad et le gouvernement irakien dans les opérations militaires qui ont conduit à la défaite du califat, qui est toujours dangereusement en action aux frontières entre la Syrie et l'Irak. L'année dernière, c'est Trump qui a frappé au Moyen-Orient en tuant le général iranien Qassem Soleimani à Bagdad, maintenant c'est Biden : mais on pouvait s'y attendre de la part d'un président qui, en 2003, a voté pour l'attaque de Bush Jr. contre l'Irak .

Biden est un type contradictoire. D'un côté, il souhaite reprendre les négociations avec Téhéran sur l'accord nucléaire de 2015 voulu par Obama et annulé par Trump en 2018, mais dans le même temps, il bombarde les alliés de l'Iran coupables, selon les Américains, de frapper leur base militaire en Irak et l'aéroport d'Erbil au Kurdistan irakien. Bien sûr, tout se passe sans la moindre preuve. Mais cela aussi fait partie de la "double norme" imposée au Moyen-Orient : les Américains et les Israéliens n'ont rien à prouver, ce qu'ils font est toujours juste.

C'est une bonne chose que Biden se soit présenté aux Européens comme le champion du multilatéralisme et des droits de l'homme en s'attaquant à la Russie et à la Chine : avec ces prémisses, il devrait au moins tuer par le truchement d’un drone le prince saoudien Mohammed bin Salman puisque, selon la CIA, celui-ci est derrière le meurtre du journaliste Khashoggi. Et pendant que nous attendons - mais cela va-t-il vraiment arriver ? - le rapport de la CIA qui le prouve, il y a des nouvelles d'un appel téléphonique "d'adoucissement" de Biden au roi Salman, pendant la nuit, sur les crimes de son fils et héritier.

Le Pacte d'Abraham entre Israël et les monarchies du Golfe, auquel le nouveau président, tout comme Trump avant lui, tient tant, pèse sur les bonnes intentions de Biden. Et on ne peut pas cacher le fait que Biden est l'une des figures emblématiques de certains des échecs internationaux des démocrates pendant les années où Obama, Hillary Clinton et Kerry ("M. Climat") tenaient les rênes du pouvoir aux Etats-Unis, alors qu'il était un vice-président connu surtout pour ses gaffes.

La preuve vivante de ces échecs est son propre homme fort, le général Lloyd J. Austin, l'actuel chef du Pentagone qui s'est dit hier confiant "que nous avons bien fait de frapper les milices chiites" qui, elles, nient toute implication dans les frappes en Irak. Devant le Sénat en 2015, le général Austin, alors commandant du CENTCOM, le commandement militaire du Moyen-Orient, a admis avoir dépensé 500 millions de dollars pour former et armer seulement quelques dizaines de miliciens syriens sur les 15.000 prévus pour combattre l’Etat islamique, qui, lui, s'est approprié toutes ces précieuses armes américaines.

Austin a également témoigné que le plan dit Timber Sycamore, géré par la CIA et doté d'un milliard de dollars, visant à évincer Assad du pouvoir, avait été lancé en Jordanie, puis décimé par les bombardements russes et annulé à la mi-2017.

Le général Austin a soulevé l'irritation et l'hilarité des Américains en découvrant une série d'échecs épouvantables dignes d'une république bananière. Mais il n'y a pas de quoi rire quand on pense à toutes les catastrophes que les États-Unis ont provoquées dans la région. Par exemple, la décision de retirer le contingent américain d'Irak : après avoir détruit un pays par des bombardements et par l'invasion de 2003 pour renverser Saddam Hussein - provoquant la fuite de millions d'êtres humains. Rappelons que cette invasion s’est déclenchée sur base de mensonges propagandistes concernant les armes de destruction massive de l'Irak. Washington a abandonné ce pauvre pays à son sort, sachant pertinemment qu'il n'avait pas les moyens de se débrouiller seul. Austin a suivi la politique d'Obama et de Clinton.

En 2014, l'Irak est submergé par la montée du califat qui, après avoir occupé Mossoul, la deuxième ville du pays, s'apprête à prendre également Bagdad : l'armée irakienne est en plein désarroi et c'est le général iranien Qassem Soleimani, avec des milices chiites, qui sauve la capitale. Et Soleimani a été tué par un drone américain à Bagdad. Pire encore : ce qui s'est passé en Syrie après le soulèvement de 2011 contre Assad. La guerre civile s'est rapidement transformée en guerre par procuration et les États-Unis, dirigés alors de facto par Hillary Clinton, ont donné le feu vert à Erdogan et aux monarchies du Golfe, dont le Qatar, pour soutenir les rebelles et les djihadistes qui étaient censés faire tomber le régime.

On sait comment cela s'est passé : les djihadistes ont envahi la Syrie puis ont inspiré plusieurs attentats à travers l'Europe mais Assad est toujours en place avec le soutien de l'Iran et surtout de la Russie de Poutine, entrée en guerre le 30 septembre 2015 en bombardant les régions de Homs et Hama. Quelques heures auparavant, Obama avait marqué son accord pour que Poutine agisse en Syrie en le rencontrant en marge de l'Assemblée générale des Nations Unies à New York.

Dans cette histoire tissée de ratés, Biden a joué un rôle, même s'il ne fut pas le premier dans le spectacle: aujourd'hui, en Syrie, il joue à la fois le rôle du canardeur tout en accueillant le pape en claironnant un bruyant "bienvenue au Moyen-Orient".

La dangereuse stratégie USA-OTAN en Europe

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La dangereuse stratégie USA-OTAN en Europe

Par Manlio Dinucci

Source : Il Manifesto & https://www.ariannaeditrice.it

L'exercice OTAN Dynamic Manta de lutte anti-sous-marine se déroule en mer Ionienne du 22 février au 5 mars. Des navires, des sous-marins et des avions des États-Unis, d'Italie, de France, d'Allemagne, de Grèce, d'Espagne, de Belgique et de Turquie y participent. Les deux principales unités participant à cet exercice sont un sous-marin d'attaque nucléaire américain de la classe Los Angeles et le porte-avions français à propulsion nucléaire Charles de Gaulle et son groupement tactique, qui comprend également un sous-marin d'attaque nucléaire. Le Charles de Gaulle, immédiatement après, se rendra dans le golfe Persique.

L'Italie, qui participe à Dynamic Manta avec des navires et des sous-marins, est le "pays hôte" de l'ensemble de l'exercice : elle a mis à la disposition des forces participantes le port de Catane et la station d'hélicoptères de la marine à Catane, la base aéronavale de Sigonella (la plus grande base US/OTAN en Méditerranée) et la base logistique d'Augusta pour l'approvisionnement. Le but de l'exercice est de chasser les sous-marins russes en Méditerranée qui, selon l'OTAN, menacent l'Europe.

Ces mêmes jours, le porte-avions Eisenhower et son groupe de combat mènent des opérations dans l'Atlantique pour "démontrer le soutien militaire continu des États-Unis aux alliés et leur engagement à maintenir les mers libres et ouvertes". Ces opérations - menées par la sixième flotte, dont le commandement est à Naples et la base à Gaeta - s'inscrivent dans la stratégie énoncée notamment par l'amiral Foggo, ancien chef du commandement de l'OTAN à Naples : accusant la Russie de vouloir couler les navires reliant les deux côtés de l'Atlantique avec ses sous-marins, afin d'isoler l'Europe des États-Unis, il soutient que l'OTAN doit se préparer à la "quatrième bataille de l'Atlantique", après celles des deux guerres mondiales et de la guerre froide.

Pendant que des exercices navals sont en cours, des bombardiers stratégiques B-1, transférés du Texas à la Norvège, effectuent des "missions" à proximité du territoire russe, avec des avions de chasse F-35 norvégiens, pour "démontrer l'état de préparation des États-Unis et leur capacité à soutenir leurs alliés".

Les opérations militaires en Europe et dans les mers adjacentes sont menées sous le commandement du général Tod Wolters, de l'armée de l'air américaine, qui est à la tête du Commandement américain en Europe et en même temps de l'OTAN, le poste de commandant suprême des forces alliées en Europe revenant toujours à un général américain.

Toutes ces opérations militaires sont officiellement motivées par la "défense de l'Europe contre l'agression russe", inversant la réalité : c'est l'OTAN qui s'est étendue en Europe, avec ses forces et ses bases, y compris nucléaires, derrière la Russie. Lors du Conseil européen du 26 février, le secrétaire général de l'OTAN, M. Stoltenberg, a déclaré que "les menaces auxquelles nous étions confrontés avant la pandémie sont toujours là", mettant en avant "les actions agressives de la Russie" et, en arrière-plan, une menace de "montée de la Chine".

Il a ensuite souligné la nécessité de renforcer le lien transatlantique entre les États-Unis et l'Europe, comme le souhaite vivement la nouvelle administration Biden, en faisant passer la coopération UE-OTAN à un niveau supérieur. Plus de 90 % des habitants de l'Union européenne, a-t-il rappelé, vivent aujourd'hui dans des pays de l'OTAN (dont font partie 21 des 27 pays de l'UE). Le Conseil européen a réaffirmé "l'engagement de coopérer étroitement avec l'OTAN et la nouvelle administration Biden en matière de sécurité et de défense", rendant ainsi l'UE militairement plus forte.

Comme l'a souligné le Premier ministre italien Mario Draghi dans son discours, ce renforcement doit se faire dans un cadre de complémentarité avec l'OTAN et de coordination avec les États-Unis. Le renforcement militaire de l'UE doit donc être complémentaire de celui de l'OTAN, qui, à son tour, est complémentaire de la stratégie américaine. Elle consiste en fait à provoquer des tensions croissantes en Europe avec la Russie, de manière à accroître l'influence des États-Unis dans l'Union européenne elle-même.

Un jeu de plus en plus dangereux, car il pousse la Russie à se renforcer militairement, et de plus en plus coûteux. Ceci est confirmé par le fait qu'en 2020, au plus fort de la crise, les dépenses militaires italiennes sont passées de la 13e à la 12e place dans le monde, dépassant ainsi celles de l'Australie.

L’islamo-gauchisme, les limites d'une alliance

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L’islamo-gauchisme, les limites d'une alliance

Par Franck BULEUX

Ex: https://metainfos.com

L’expression « islamo-gauchisme » a fait son apparition dans les médias mainstream. Je l’évoque dans mon essai La guerre sociale qui vient (Éditions Dualpha, 2020) mais il était, jusqu’à l’intervention de la ministre, politiquement incorrect de suggérer l’existence de cette alliance, au moins sémantique, au-delà des cercles classés à droite de la droite. Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, a le mérite d’avoir soulevé la réalité des faits et fait révéler les soutiens de cette mouvance politico-religieuse au moins au cœur des universités françaises.

Car l’intérêt premier de cette affaire est le suivant : de l’absence de reconnaissance du concept, nous sommes passés à la liste des « pratiquants », tous ces pétitionnaires qui se sont dévoilés pour exiger (sic) la démission de la ministre. Donc, l’islamo-gauchisme existe puisqu’il a touché des « chercheurs » ou, plus exactement, des enseignants, c’est-à-dire des personnes qui délivrent une parole écoutée des futurs cadres de la France.

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Frédérique Vidal dénonce « le militantisme » de certains qui privilégient « l’opinion » sur « la recherche ». Il sera difficile de donner une stricte définition à cette « alliance » qui recouvre, dans la réalité, le fait pour des intellectuels d’extrême gauche, à la Plenel, d’utiliser l’Islam comme « la religion des prolétaires » du monde. En contrepartie, la défense systématique du port du voile dans les universités semble s’opposer dans les établissements scolaires avant le baccalauréat…

L’islamo-gauchisme revient, si nous devions utiliser les termes de cette mouvance, aux dérives du colonialisme tant décrié : ce sont des Blancs (pour la plupart) qui manipulent des populations d’origine immigrée dans le but de résister à toute intégration ou, pire, assimilation. Le nobliau du Vivarais Geoffroy Daniel de Lagasnerie, figure de la nouvelle gauche radicale, théorise ses concepts décoloniaux en faveur des populations « racisées « et la famille Traoré, emmenée par Assa, égérie du pavé parisien, rameute les troupes, y compris d’ailleurs pendant les périodes de restriction des libertés dues à la crise sanitaire. Il doit y avoir une impunité dans certaines situations. Ce partage des tâches est saisissant, il y a les penseurs et les marcheurs. Dès le milieu des années 1990, l’Organisation communiste international (OCI) avaient théorisé cette alliance et dès le début des années 2000, le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) de Besancenot et Krivine présentait des femmes voilées aux élections. Pas parce qu’elles étaient femmes mais parce qu’elles étaient voilées.

Couv-Revue-des-Deux-Mondes-octobre-2018-645x1024.jpgL’extrême gauche culturelle ne sait plus, ne peut plus mobiliser un Mai-68. En revanche, elle peut renvoyer une identité magnifiée à des populations dont l’existence varie entre la mosquée, les produits stupéfiants (qui viennent du « bled ») et le Mac-Do.

Sur le fond, que révèle cet alliage « islamo-gauchiste » ? Outre la stratégie d’une certaine gauche de mobiliser des populations, y compris lors des élections pour « faire barrage » aux candidats considérés comme « trop à droite », cet amalgame politique nous montre la faiblesse d’une idéologie que les Français ont tendance à surestimer, du fait de l’impunité que procure, à certains, le dispositif législatif.

Car s’il est plausible de comprendre les nouvelles « lumières » de cette gauche, dont le but n’a été de cesse de mettre à bas les valeurs traditionnelles (celles de l’Occident), il est plus complexe de s’interroger sur l’Islam. Ce mouvement conquérant (sic) ne serait plus que le porteur d’eau d’intellectuels en manque de résonnance. L’islam n’aurait de valeur que dans le nombre, la force (certes essentielle) de la démographie qui, peu à peu, livre nos quartiers à des bandes mettant en place des systèmes de valeurs en contradiction avec la parité femmes-hommes ou l’égalité des enfants au sein des foyers ou bien encore la liberté du choix du conjoint…

L’Islam comme symbole du prolétariat ? Qu’en pensent le protégé des États-Unis, Mohammed ben Salmane, prince héritier d’Arabie Saoudite ou le Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, émir du Qatar qui pratique l’islamo-sportif de manière ostentatoire ?

Le prolétariat est bien porté sur les maillots des joueurs du Paris-Saint-Germain. Cette simple démonstration pose les limites de cette engeance « islamo-gauchiste ». L’islamo-gauchisme ne se veut que le fer de lance de l’ethno-masochisme européen (blanc si vous préférez, les États-Unis n’étant qu’une excroissance européenne en matière de population). Notre faiblesse nourrit leur force.

VALEURS-ACTUELLES-ISLAMO-GAUCHISME.jpgAu-delà de cet état des lieux, que révèle cette controverse de l’Islam à part la faiblesse intrinsèque de cette idéologie politico-religieuse ? Sans l’appui des forces progressistes et surtout la protection des lois (l’islamophobie, c’est-à-dire la peur d’une religion est en train de devenir un délit…), l’Islam serait une identité limitée à des croyances archaïques.

Un dernier point sur une affaire sur laquelle nous ne manquerons pas de revenir : les universitaires d’extrême gauche ont retrouvé un prolétariat et on peut penser qu’ils militeront pour la « discrimination positive », pour développer leur présence au sein des universités (ce sont les Blancs qui préparent des CAP ou des brevets professionnels, vous savez l’électorat de Le Pen…) mais ce que nos universitaires oublient, c’est le principe du « renvoi de l’ascenseur ». Dans l’islamo-gauchisme, il y a ceux qui essaient de rester sur le devant de la scène et ceux qui veulent conquérir les corps (et les esprits). Entre islam et gauchisme, il est probable qu’à terme, l’un des deux termes sera de trop et le voile se porte mieux, dans les quartiers sensibles, que l’épinglette de Trotski. C’est ainsi et à terme, les gauchistes devront eux-aussi céder leur place, les homos rentrer dans leur placard mais le romancier Michel Houellebecq n’avait-il pas déjà tout prédit avec d’avance ?… 

En complément :

L’Europe comme troisième voie

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L’Europe comme troisième voie

par Georges FELTIN-TRACOL

En ce premier quart du XXIe siècle, le projet européen ne passionne guère les jeunes; il n’enthousiasme plus les anciens; il indispose les peuples. Son évocation ne suscite que sarcasmes, critiques, agacements et indifférences. La crise sanitaire covidienne révèle les dysfonctionnements initiaux majeurs de son union marchande, dépolitisée et moralisante. Déclassée en économie, en sciences et dans les techniques de pointe, cet ensemble bureaucratique déclinant fidèle aux dogmes éculés du libre-échange global et infesté par les lobbies prend chaque jour un peu plus l’aspect d’un asile psychiatrique peu rutilant, ce qui n’empêche pas l’afflux croissant de masses envieuses de l’ancien Tiers Monde.

Certains répliquent à cette décadence manifeste en prônant d’abord une sortie nationale, puis ensuite la formation d’une Europe des États, des patries, des nations, voire des régions économiques. Cette option est vaine, car perdurent encore les filaments d’une civilisation inestimable qui souffre d’une longue et pénible dormition. L’Europe reste en outre la patrie de nos nations, de nos peuples et de nos terroirs. Sa survie conditionne leur existence, leur pérennité et leur avenir.

Le réveil européen ne passera que par l’avènement de son propre grand espace. Il ne correspondra ni à l’actuel grand espace occidental euro-américain qui s’articule autour de l’Alliance Atlantique et de son bras armé, l’OTAN, ni au grand espace eurasiatique, voire eurasien, en cours de constitution par le biais de la coopération entre Moscou et Pékin. Le renouveau européen ne proviendra ni d’une intégration militaire, économique et technique en cours tournée vers une pensée liquide propice aux surfaces océaniques, ni d’un ralliement bancal au seul horizon terrestre « steppien ».

Devant l’échec patent de la sociale-démocratie, du libéralisme social et du progressisme pragmatique, les Européens soucieux du bien commun, de l’intérêt général et de l’esprit européen se doivent de bâtir un grand foyer continental considéré comme un projet civilisationnel de puissance. Cette grande ambition nécessite la redécouverte politique, sociale, économique et géopolitique d’un non-alignement fondamental, d’un dépassement des oppositions désuètes. Au slogan politique « ni droite ni gauche » doivent désormais s’ajouter le mot d’ordre socio-économique « ni collectivisme ni individualisme », et l’orientation géopolitique « ni Est ni Ouest » (ou mieux encore « et Terre et Mer » du fait de la configuration côtière complexe de ce « petit cap de l’immense Eurasie »), soit les fondements d’une vision du monde découlant de la troisième voie.

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On retrouve ce riche concept sous des formulations socio-historiques et politiques variées dans maintes sociétés européennes. Plus qu’une position attentiste ou qu’un parti-pris vaguement « neutraliste », l’Europe envisagée en tant que troisième voie intégrale se veut une réaction à la segmentation technicienne de la vie quotidienne, son artificialisation, aux affres toujours plus brutales du « spectaculaire intégré » et à l’occultation encouragée des différences essentielles au profit de différences superficielles égotiques. La troisième voie européenne se comprend principalement comme une prise en compte de la mesure à l’aune d’un être enchâssé dans ses communautés d’appartenance charnelles, historiques, professionnelles et territoriales qu’il doit d’ailleurs retrouver, réhabiliter et fructifier.

Se revendiquer de la mesure n’implique cependant pas de végéter dans la torpeur (ou dans la tiédeur), de gesticuler avec fébrilité à la première occasion ou de lancer des propos péremptoires à la face du monde. L’attachement à la mesure dans une perspective clairement tercériste suppose plutôt d’investir la notion dans tous les champs possibles de l’existence humaine. Par exemple, refuser le mondialisme et l’État-nation pour insister sur le principe de l’Empire, soutenir l’essor des entreprises coopératives, la participation des travailleurs au destin de leur communauté de production, l’affranchissement des producteurs de la tyrannie du salariat, la mise en place au-delà du parlementarisme, du présidentialisme et de la partitocratie d’institutions novatrices avant-gardistes, associant rigueur aristocratique et aspirations populaires.

Des plans Fouchet de 1961 – 1962 à l’Initiative des Trois-Mers sans oublier le Groupe de Visegrad et les tentatives eurafricaines, bien des essais de troisième voie parsèment l’histoire européenne. Faute d’une dynamique suffisante et d’une élite préparée, tous ces plans ont échoué. Près du Minuit de leur devenir commun, seuls des Européens convaincus peuvent provoquer une nouvelle aurore civilisationnelle, une aube hespériale, en confrontant leur époque et les défis qu’elle charrie aux exigences de la réflexion, de la persévérance et de l’action.

Georges Feltin-Tracol

• D’abord mis en ligne sur Vox NR, le 9 février 2021.

"Survivre à la guerre économique" avec Olivier de Maison Rouge

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"Survivre à la guerre économique" avec Olivier de Maison Rouge

"La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde". Ces mots du président Mitterrand n'avaient rien d'une fable, la guerre économique et bien là et elle est totale. C'est ce qu'a voulu démontrer maître Olivier de Maison Rouge dans son ouvrage "Survivre à la guerre économique - Manuel de résilience" publié chez VA Editions. Il revient sur les principales attaques de "l'allié américain" : Prism, Alstom... sur la politique de censure des GAFAM, le grand Big Brother et décrit les contours de la politique publique de sécurité économique dont la France s'est dotée en 2019 pour tenter de survivre face à Washington.
 
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Rémi Soulié évoque « Les Métamorphoses d’Hermès »

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Rémi Soulié évoque « Les Métamorphoses d’Hermès »

Entretien

Ex: https://www.breizh-info.com

Qui ne connaît pas Hermès, fils de Zeus et de la nymphe Maïa, protecteur des voyageurs et des voleurs, messager des dieux ? Son association au logos, au discours raisonné, est en revanche moins connue, bien qu’elle soit nécessaire à son rôle de messager. C’est cette facette méconnue que Rémi Soulié, dans un livre intitulé Les Métamorphoses d’Hermès paru aux éditions La Nouvelle Librairie (collection Longue mémoire de l’Institut Iliade) s’attache à révéler et à expliquer. Dieu d’une connaissance sacrée et voilée, Hermès donne son nom à l’hermétisme, doctrine ésotérique particulièrement utilisée par les alchimistes, et à l’herméneutique, science du déchiffrement et de l’interprétation de textes.

Pour partir à la rencontre d’Hermès avant que vous ne vous penchiez dessus plus en détail dans l’ouvrage (à commander ici), nous avons interviewé Rémi Soulié.

Breizh-info.com : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Rémi Soulié : C’est pour votre serviteur un exercice plus difficile qu’il n’y paraît ! Disons que je suis écrivain et philosophe, que j’ai publié une dizaine de livres dont le dernier s’intitule Racination et qu’il a paru en 2018 aux Éditions Pierre-Guillaume de Roux. Comme vous êtes également « enracinés », je précise que la question de l’enracinement traverse tous mes livres, qu’elle en est même la trame et…que j’étais cet été dans votre pays breton, que j’aime beaucoup, sur les traces de Saint-Pol-Roux, Georges Perros et Xavier Grall (après avoir vécu une curieuse expérience, il y a quelques années, à la Fontaine de Barenton, sur laquelle s’« ouvre » mon prochain livre, L’Éther – où il sera question de l’unité de l’enracinement terrestre et céleste.) Mon pays est occitan, c’est le Rouergue – lequel correspond, à quelques paroisses près, à l’actuel département de l’Aveyron. Il occupe une grande place dans mes livres, qu’elle soit centrale ou « disséminée ».

Au moment de vous répondre, je songe également que La Nouvelle Librairie réédite bientôt L’Ile aux trente cercueils, de Maurice Leblanc, que j’ai eu le plaisir et l’honneur de préfacer : il y est question de la Bretagne, des Celtes et de l’Europe. Arsène Lupin y est rendu à lui-même, contre les manipulations en cours.

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Breizh-info.com : Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser au personnage mythologique d’Hermès ? Qui est-il ?

Rémi Soulié : Je me suis intéressé à Hermès à partir de la pensée hermétique, sur laquelle je reviendrai.

A mes yeux, il est moins un « personnage mythologique », au sens où nous entendons aujourd’hui cette formule, qu’un dieu grec (mais pas « seulement ») et je fais partie de ceux pour qui les dieux ne sont pas morts. Je veux dire par là que le « Dieu est mort » de Nietzsche – constat de décès indubitable – s’applique au dieu moral et, pour une part, au dieu unique, mais que le divin, si crépusculaire soit-il, demeure. Au fond, c’est surtout nous qui sommes crépusculaires, nous, les derniers hommes, les tard venus, qui avons perdu la vue et l’ouïe au point de ne plus voir la merveille du monde, il est vrai recouverte par les monceaux d’ordures de l’industrialisme et du capitalisme planétaires.

Cet été, j’ai donc été me recueillir sur la tombe de Saint-Pol-Roux et de sa fille Divine – sans commentaire… – puis je me suis rendu sur les ruines de son manoir. Je peux vous dire que les dieux étaient là, comme ils étaient à Ouessant, où je me suis rendu quelques jours plus tard. Pour de très nombreuses raisons, la Bretagne est une terre sacrée.

Mais revenons à Hermès, quoique nous ne l’ayons quitté qu’en apparence. Traditionnellement associé aux échanges, il est un dieu de l’entre-deux, un dieu messager et intercesseur dont les ailes lui permettent d’aller et de venir des dieux aux mortels, de l’Empyrée aux Enfers, en particulier pour porter la parole de Zeus. En tant quel tel, il détient une connaissance, un savoir, un pouvoir d’ « in-formation », ce qui ouvre le champ des formes, donc, de la métaphysique. Espiègle, joueur, rieur, il ne nous élève pas moins vers les sommets. En serviteur inutile, j’ai voulu contribuer à l’« arracher » à ceux qui voudraient en faire le dieu de la « communication », au sens moderne, qui est donc l’autre nom de la surdité et de la cécité. Hermès ouvre à l’épaisseur mystérieuse des mondes. Comme Hamlet, avec qui il partage la même initiale, il sait qu’il y a plus de choses sur la terre et dans le ciel que n’en rêve notre philosophie. D’ailleurs, le H a la forme d’une échelle, qu’elle soit de Jacob, de S. Jean Climaque ou de Dame Alchimie, et une échelle, ça se monte et ça se descend. Les Modernes, eux, vivent dans la seule dimension d’une horizontalité qu’ils pensent, sans rire, égalitaire. Un peu plus de H, pour la route – de H et d’Héros : ceux de Hiérarchies, Hiérogamies…

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Breizh-info.com : Qu’est-ce que l’herméneutique ? L’hermétisme ?

Rémi Soulié : L’herméneutique est l’art de l’interprétation des signes que j’entends, ultimement, comme symboles. Autrement dit, il est l’art de voir l’esprit vivant sous la lettre morte, qui est l’autre nom de la pensée. L’hermétisme, quant à lui, permet de comprendre qu’en fait, la lettre et l’esprit ne s’opposent pas, qu’ils sont l’un et l’autre prodigieusement vivants, qu’ils s’interpénètrent comme l’âme et le corps en un ensemble subtil, sub-tela, sous la toile, sous le tissu, sous le textile, donc, sous le texte du monde, auquel il est le répons. Nous lui avons substitué, en parodistes, l’écriture juridique, l’écriture morte d’une langue morte. Aux herméneutes (aux poètes, si vous préférez) s’est substituée ce que Péguy appelait l’« avocasserie ». Les Modernes se gargarisent de l’inflation des lois écrites, comme dans toutes les époques de très grande corruption, or, les lois et les règlements modernes sont de la mort en barre : le juridisme embaume un ordre mort, celui de l’État de droit. Partout, le mécanique s’est substitué à l’organique. Cette horreur contractuelle est d’ailleurs logique puisque nous sommes des cadavres qui, en ayant perdu le symbole, avons perdu la vie. Nous sommes quelques-uns à être éveillés, à être sortis de la Matrice, mais un trop grand nombre de nos contemporains a encore le sommeil lourd et prend le cauchemar pour un rêve – c’est vous dire à quels points ils dorment debout. A leur décharge, l’hypnose spectaculaire est incessante… Notre ascèse consiste à nous situer au plus près du réel, du pays réel, du pays des merveilles, comme Alice. L’enfance, en effet, a toujours raison. L’Hermès de l’Hymne homérique est bien entendu un dieu enfant. Il ne faut jamais croire les « grandes personnes », comme disait Bernanos. Les « vieux » mentent (d’où leur grimage « jeuniste »). En ce qui me concerne, je tends à l’Imitation du Ravi de la crèche, de l’Idiot du village planétaire, du Simplet de Blanche-Neige (le nom de ce conte – il faut toujours en revenir aux contes – est d’ailleurs devenu intolérable ; quel racisme ! De ce point de vue, relisons Patrouille du conte, de Pierre Gripari qui, comme tous les grands écrivains, fut un visionnaire). Je pourrais aussi bien évoquer les Gens du blâme, les Fols en Christ ou le Fou du tarot. Chaque fois que je croise un technocrate ou un oligarque, je rigole. Dèmos Roi est à poil et il ne le voit pas. La démocratie libérale requiert une pataphysique. C’est un nouveau chantier, très exaltant.

Breizh-info.com : En quoi est-il nécessaire de se replonger dans notre mythologie, à l’heure actuelle, pour avancer ?

Rémi Soulié : Il faut en effet renouer avec le mythe qu’une raison étriquée a trop longtemps relégué, sinon, à l’enfance de l’humanité (le « raisonneur métis », comme disait Gobineau, est progressiste), du moins, à des balbutiements prélogiques, pré-rationnels ou magiques alors que le mythe, pour parler un langage hégélien, est la révélation de l’Esprit à lui-même, donc, à nous-mêmes. Le démocrate déconstructeur et déconstruit, qui passe donc son temps à « se reconstruire », bricole du sens provisoire pour ne pas se tuer alors que le sens est prodigalement et prodigieusement donné. C’est un cadeau, un don, un présent, le présent du présent en quelque sorte, qui est l’éternité même, et même l’Ethernité, comme dirait le Docteur Faustroll. Les petites subjectivités électorales-stercorales n’en connaissent que la parodie démoniaque. Seul compte le Graal, vous le savez bien. La chevalerie est le seul souci politique.

Le mythe excède donc l’usage instrumental de la petite rationalité technique moderne. Comme tel, il est le poème accompli de la vie et du sens dévoilé – plus que « révélé », d’ailleurs, car il excède également les religions dites du salut et leurs révélations historiques plus ou moins concurrentes, juive, chrétienne, arabo-islamique. Le mythe les englobe et les dépasse comme il englobe et dépasse l’Histoire dite sainte. Quel paradoxe de l’avoir associé à la fabulation supposée des fables alors qu’il est le juste chant harmonieux de l’Âme du Monde, le chant des Muses ! Combien notre monde spectaculaire de toc, de stuc et de kitsch est-il inconsistant comparativement à cette Grande parole !

Breizh-info.com : Vous avez donc publié Racination, en 2018, chez Pierre Guillaume de Roux, disparu il y a peu. Un commentaire sur sa disparition ?

Si vous le permettez, vous pouvez indiquer à vos lecteurs le site d’Éléments, où je me suis exprimé, avec d’autres, sur cette terrible et douloureuse nouvelle : https://www.revue-elements.com/pierre-guillaume-de-roux-c...

Je connaissais Pierre-Guillaume de Roux depuis plus de vingt ans, depuis la publication de mon deuxième livre, consacré à son père, Dominique de Roux. Nous avons échangé des mails trois jours avant son décès. Élégant jusqu’au bout, enthousiaste et jovial, il n’a rien laissé paraître. Je pleure, comme tous ses amis, un homme intègre, droit, rigoureux, acharné à défendre l’idée qu’il se faisait de la littérature jusqu’à l’héroïsme, tant la situation économique était difficile. Comme toujours, on ne mesurera pleinement que dans quelques années ce que fut son œuvre. Hors le courage et le goût, sa plus grande qualité fut peut-être la discrétion. Pierre-Guillaume de Roux travaillait ; il « ne la ramenait pas », comme tous les grands. Cela ne vous étonnera pas : il dort à Avallon, à Avalon, où ces deux ailes l’ont emporté.

Propos recueillis par YV

Photo d’illustration : DR
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mardi, 02 mars 2021

L’Europe, les GAFAM et l’impuissance régulatoire

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L’Europe, les GAFAM et l’impuissance régulatoire

par Charles Thibout
Ex: https://chronik.fr
  • Ce texte est issu de l’audition de Charles Thibout sur « la régulation européenne du numérique », dans le cadre de la réunion des commissions des affaires européennes de l’Assemblée nationale et du Bundestag (12 février 2021).

L’Europe continue de briller par son absence parmi les puissances publiques et privées nées de la troisième révolution technologique. A défaut, elle tente de renouer avec l’une fonctions modernes de la puissance publique : la régulation. Les deux règlements dévoilés par la Commission européenne – le DSA (Digital Services Act) et le DMA (Digital Market Act) sont précisément censés réguler le marché du numérique et limiter les abus des grandes entreprises de la tech. Ces textes annoncent-ils l’avènement d’une Union européenne érigée en puissance régulatrice du numérique ?

L’Europe, c’est-à-dire ici les institutions de l’UE et ses États membres, est prise dans un faisceau d’injonctions contradictoires, dès qu’il est question des grandes entreprises transnationales du numérique, en particulier d’origine américaine (GAFAM) et chinoise (BATHX). Pourtant, les déclarations des dirigeants européens sont à l’unisson (ou presque) : ces entreprises brideraient la croissance endogène de l’UE et entameraient sa « souveraineté », du moins son indépendance.

La souveraineté numérique via la régulation numérique

Pour remédier à cette situation, un mot clef, « magique », est martelé : la régulation, soit l’encadrement par des instruments normatifs plus ou moins contraignants d’un marché considéré comme défaillant. Ainsi, la Commission européenne, via le Digital Market Act (DMA) et le Digital Services Act (DSA), a affiché sa volonté de contrer la puissance de ces entreprises en s’attaquant à leur position dominante (on retrouve là le souci quasi-idiosyncrasique de la concurrence libre et non faussée chère à la « machine bruxelloise »). Au-delà du marché, la Commission s’intéresse aussi à l’espace public que représentent ces plateformes, qui, avouons-le, ont joué un rôle majeur dans la démocratisation de l’information et de l’accès à l’information, en dépit de tous les problèmes réels et préoccupants qu’elles ont soulevés par ailleurs.

Les mesures envisagées par la Commission sont-elles utiles, nécessaires, voire efficaces ? D’abord, reconnaissons qu’elles sont ambitieuses et tranchent avec certaines attitudes passées. Ambitieuses quand on songe aux obligations d’interopérabilité des plateformes et à la portabilité des données des utilisateurs, notamment des professionnels, qui sont inscrites en l’état dans le DMA. Tout cela éveille l’intérêt. Il n’est pas certain, en revanche, que cela règle le problème du déficit d’innovation des entreprises européennes et des faibles performances technologiques du continent. L’on peut également douter que les procédures de contrôle et de sanction, prévues dans les deux textes, soient un jour menées à terme, en raison des difficultés techniques et géopolitiques qui ne manqueront pas de se poser.

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Quant au DSA, il est globalement plus raisonnable et mieux équilibré que certaines aventures législatives que nous avons connues par le passé – et que certaines majorités nationales continuent de promouvoir avec exaltation. Songeons particulièrement au fait que l’article 14 sur les mécanismes de notification et d’action ne mentionne pas de délais de traitement précis des signalements : c’est un choix heureux de la part de la Commission. Autrement, vu le nombre de notifications adressées à la firme et le peu de temps pour les traiter, l’on s’acheminerait inéluctablement vers des procédures de censure a priori par la plateforme, ce qui poserait un grave problème pour la liberté d’expression et pour la démocratie.

Pour la liberté d’expression, puisque l’on contraindrait ces entreprises à exercer de facto un pouvoir censorial, qui plus est absolument arbitraire et sans doute démesuré, en ceci qu’elles n’auraient d’autre choix que de retirer un contenu signalé comme « illicite » – voire suspendre le compte d’un utilisateur –, et ce, tout simplement par manque de temps pour se conformer à la législation. Heureusement, ce délai n’est pas mentionné. Cela ne signifie pas, pour autant, que tout risque de ce type est écarté car, malgré tout, l’on octroie ainsi à ces plateformes un pouvoir traditionnellement dévolu à l’autorité judiciaire, qui est, rappelons-le, le gardien des libertés individuelles et, partant, l’un des piliers de la démocratie. Or, cette privatisation et cette dénationalisation de la justice et du pouvoir de censure sont tout ce sur quoi repose l’édifice juridique du DSA : par conséquent, il apparaît nécessaire de réfléchir attentivement aux transformations que cela impliquerait pour nos institutions.

De façon apparemment paradoxale, les États membres voient aussi s’accroître leur capacité d’empiéter sur les droits fondamentaux de leurs citoyens en consacrant leur pouvoir de surveillance. L’article 7 du DSA affirme, certes, que les « fournisseurs de services intermédiaires ne sont soumis à aucune obligation générale de surveiller les informations qu’ils transmettent ou stockent, ou de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ». Cependant, comme le note fort justement Marc Rees pour NextINpact, tout dépendra de l’interprétation qui est faite par les autorités nationales de l’expression « surveillance généralisée ». D’autant que le considérant 28 précise avec une clarté toute technocratique que l’interdiction de surveillance généralisée « ne concerne pas les obligations de surveillance applicables à un cas spécifique et, notamment, cela ne fait pas obstacle aux injonctions des autorités nationales émises conformément à la législation nationale ». L’UE demeure bien une organisation intergouvernementale ; les gouvernants savent imposer leurs conditions lorsque leurs intérêts sont en jeu.

Un enjeu géopolitique pour les Etats-Unis

Plus globalement et de façon quelque peu contre-intuitive, l’ambition de ces textes paraît excessive. Ils semblent s’affranchir tout à fait d’un élément de contexte pourtant central : la pression exercée par la puissance américaine sur le processus décisionnel européen – en témoigne l’épisode pathétique de la crise transatlantique autour du déploiement des équipements 5G de Huawei. En d’autres termes, il est peu probable que Washington accueille d’un œil bienveillant ces dispositions qui, au moins dans le principe, reviennent à entamer son développement économique, sa supériorité technoscientifique et sa capacité de projection sur le reste du monde ; bref, les principes cardinaux de sa puissance.

Les grandes entreprises technologiques américaines représentent un levier de pouvoir incontournable pour l’État fédéral, qui pourrait répliquer brutalement à toute tentative de leur barrer la route. Dans le même temps, l’essor général, et en particulier technologique de la Chine, ainsi que les stratégies parfois contradictoires des entreprises américaines avec les intérêts de leur État de tutelle, ouvrent une fenêtre d’opportunité historique pour les Européens pour parvenir au rééquilibrage de leurs relations avec les États-Unis et, peut-être, au recouvrement de leur autonomie.

Goethe et la destruction des peuples par leurs historiens et leurs savants

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Goethe et la destruction des peuples par leurs historiens et leurs savants

par Nicolas Bonnal

L’effondrement du caractère des peuples modernes et démocratiques accompagnent en ce moment la rapidité de leur extermination – ou de leur mise au pas terminale, si on veut rester euphémique ou  optimiste. Mais cette mise au pas, dont Bernanos ne cesse de parler dans sa France contre les robots (il compare les rébellions médiévales et la Fronde à l’adoration ordinaire des dictatures au vingtième siècle), est ancienne. Et à l’heure ou de jeunes crétins nationalistes et soi-disant rebelles tentent de servir de supplétifs à la police pour veiller sur nos frontières à coups de drone, il est temps de revenir sur l’ancienneté de cette mise au pas des peuples d’occident qui sont passé des siècles du christianisme et de la chevalerie à ceux du nazisme, du fascisme, de l’américanisme, du mondialisme et du communisme à outrance. J’en reviens à de grands classiques donc pour la énième fois, histoire de tenter d’expliquer pourquoi nous sommes des veaux (des animaux de boucherie dit Jünger dans son Traité du rebelle), des esclaves et des cafards soumis à Schwab et à son plan d’extermination globale, lui-même précédé par un plan de soumission incroyable, préparé par des décennies (des décennies ou de siècles ?) d’abrutissement médiatique et technoscientifique.

unnamedGE.jpgJe commencerai par Goethe. Conversation avec Eckermann (11828) :

« Ce soir j’ai trouvé Goethe dans de très-hautes pensées, et j’ai recueilli mainte grande parole. Nous avons causé sur l’état de la littérature contemporaine, et Goethe a dit : « Le manque de caractère dans tous les individus qui font des recherches et qui écrivent, voilà la source du mal pour notre littérature contemporaine. C’est surtout dans la critique que ce manque de caractère a des résultats fâcheux pour le monde, car on répand ainsi l’erreur pour la vérité, ou par une vérité misérable on en anéantit une grande qui nous rendrait service. Jusqu’à présent le monde croyait à l’âme héroïque d’une Lucrèce, d’un Mucius Scevola et par eux il se laissait enflammer, enthousiasmer. Aujourd’hui la critique historique arrive pour nous dire que ces personnages n’ont jamais vécu, et qu’il faut les regarder comme des fictions et des fables, poésies sorties de la grande âme des Romains. Que voulez-vous faire d’une vérité aussi misérable ! Si les Romains étaient assez grands pour inventer de pareilles poésies ; nous devrions au moins être assez grands pour les croire vraies. »

Tout cela est très juste : l’exaltation historique et la poésie ont été remplacées par une approche froide et soi-disant objective de la réalité qui a créé des peuples veules et soumis. Attention toutefois à la mythologie artificielle, façon ersatz napoléonien qui a préparé l’esprit à nos guerres d’extermination moderne, et dont René Girard a bien parlé. Goethe ajoute :

 « Jusqu’à présent je faisais ma joie d’un grand événement du treizième siècle. Lorsque l’empereur Frédéric II était en lutte avec le pape et que tout le nord de l’Allemagne était exposé sans défense à une attaque, on vit pénétrer dans l’empire des hordes asiatiques ; déjà elles étaient en Silésie, mais arrive le duc de Liegnitz, et par une grande défaite, il les terrifie. Ils se tournent alors vers la Moravie ; là, c’est le comte Sternberg qui les écrase. Ces braves m’apparaissaient donc jusqu’alors comme deux grands sauveurs de la nation allemande. Arrive la critique historique pour dire que ces héros se sont sacrifiés fort inutilement, car la horde asiatique était déjà rappelée et elle se serait retirée d’elle-même. Voilà maintenant un grand événement de l’histoire nationale dépouillé d’intérêt, anéanti. Cela désespère ! »

002328720.jpgLe savant de glace aura énervé d’autres génies en occident ; on va y revenir.  Et à l’heure où nous sommes persécutés, ruinés et animalisés par l’affairisme pharmaceutique, il est bon de rappeler cette phrase de Goethe sur cette invasion pas comme les autres, que le Knock de Jules Romains a magnifiquement révélée en son temps :

« Puis Goethe a parlé des autres savants et littérateurs. « Je n’aurais jamais su quelle est la misère humaine, et combien peu les hommes s’intéressent vraiment à de grandes causes, si je ne les avais pas éprouvés à propos de l’un de mes travaux scientifiques. J’ai vu alors que pour la plupart la science ne les intéresse que parce qu’ils en vivent, et qu’ils sont même tout prêts à déifier l’erreur, s’ils lui doivent leur existence. Ce n’est pas mieux en littérature. Là aussi un grand but, un goût véritable pour le vrai, le solide, et pour leur propagation sont des phénomènes très-rares. Celui-ci vante et exalte celui-là, parce qu’il en sera à son tour vanté et exalté ; la vraie grandeur leur est odieuse, et ils la chasseraient volontiers du monde pour rester seuls importants. Ainsi est la masse, et ceux qui la dominent ne valent pas beaucoup mieux. »

Goethe résume ainsi cruellement notre situation de modernes : ainsi est la masse, et ceux qui la dominent ne valent pas beaucoup mieux.

Tocqueville écrit dix ans après Goethe (onze exactement) presque sur le même sujet : la déshumanisation par la nouvelle histoire dite scientifique (et qui n’arrivera jamais à la cheville de Thucydide de toute manière) :

« Ceux qui écrivent dans les siècles démocratiques ont une autre tendance plus dangereuse. Lorsque la trace de l’action des individus sur les nations se perd, il arrive souvent qu’on voit le monde se remuer sans que le moteur se découvre. Comme il devient très difficile d’apercevoir et d’analyser les raisons qui, agissant séparément sur la volonté de chaque citoyen, finissent par produire le mouvement du peuple, on est tenté de croire que ce mouvement n’est pas volontaire, et que les sociétés obéissent sans le savoir à une force supérieure qui les domine. »

indexadt.jpgOn prépare donc le troupeau à l’abattoir des guerres ou du réchauffement climatique :

« Les historiens qui vivent dans les temps démocratiques ne refusent donc pas seulement à quelques citoyens la puissance d’agir sur la destinée du peuple, ils ôtent encore aux peuples eux-mêmes, la faculté de modifier leur propre sort, et ils les soumettent soit à une providence inflexible, soit à une sorte de fatalité aveugle. »

Nous allons alors devenir des turcs, observe Tocqueville (aujourd’hui on parle des chinois et de leur notation sociale…) :

« Si cette doctrine de la fatalité, qui a tant d’attraits pour ceux qui écrivent l’histoire dans les siècles démocratiques, passant des écrivains à leurs lecteurs, pénétrait ainsi la masse entière des citoyens et s’emparait de l’esprit public, on peut prévoir qu’elle paralyserait bientôt le mouvement des sociétés nouvelles, et réduirait les chrétiens en Turcs.

Je dirai de plus qu’une pareille doctrine est particulièrement dangereuse à l’époque où nous sommes ; nos contemporains ne sont que trop enclins à douter du libre arbitre, parce que chacun d’eux se sent borné de tous côtés par sa faiblesse, mais ils accordent encore volontiers de la force et de l’indépendance aux hommes réunis en corps social. Il faut se garder d’obscurcir cette idée, car il s’agit de relever les âmes et non d’achever de les abattre. »

Il s’agit de relever les âmes et non d’achever de les abattre… Avouez qu’on est mal partis !

Je terminerai par Chateaubriand, par la prodigieuse conclusion des Mémoires d’outre-tombe (1841). Chateaubriand reconnait un accroissement quantitatif y compris sur le plan des connaissances. Mais à quel prix ! Il écrit sur ce mixte de fatalité et de scientificité :

chateaubriand.jpg« Au milieu de cela, remarquez une contradiction phénoménale : l'état matériel s'améliore, le progrès intellectuel s'accroît, et les nations au lieu de profiter s'amoindrissent : d'où vient cette contradiction ?

C'est que nous avons perdu dans l'ordre moral. En tout temps il y a eu des crimes ; mais ils n'étaient point commis de sang−froid, comme ils le sont de nos jours, en raison de la perte du sentiment religieux. A cette heure ils ne révoltent plus, ils paraissent une conséquence de la marche du temps ; si on les jugeait autrefois d'une manière différente, c'est qu'on n'était pas encore, ainsi qu'on l'ose affirmer, assez avancé dans la connaissance de l'homme ; on les analyse actuellement ; on les éprouve au creuset, afin de voir ce qu'on peut en tirer d'utile, comme la chimie trouve des ingrédients dans les voiries. Les corruptions de l'esprit, bien autrement destructives que celles des sens, sont acceptées comme des résultats nécessaires ; elles n'appartiennent plus à quelques individus pervers, elles sont tombées dans le domaine public. »

On répète : les corruptions de l’esprit sont tombées dans le domaine public. Cela ne vous rappelle rien ?

Sources disponibles sur wikisource :

De la démocratie en Amérique, Tome troisième, chapitre XX

Mémoires d’outre-tombe, conclusion

Conversations avec Eckermann

Occident/Russie : déconnexion totale

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Occident/Russie : déconnexion totale

par Alain RODIER

Ex: https://cf2r.org

Les néoconservateurs américains, suivis par leurs homologues européens, ont gagné. Il semble que les liens entre l’Union européenne et la Russie sont désormais bien coupés. Il reste bien le projet North Stream II, qui doit approvisionner l’Allemagne en gaz russe, mais nul doute que les lobbies vont tenter de le torpiller en imposant des sanctions aux entreprises qui y participent. Résultat, l’Allemagne risque de finir par être dépendante des énergies ayant reçu le blanc-seing des écologistes radicaux. En résumé, fourniture d’électricité par les centrales au charbon, appel au gaz de schiste américain et à divers apports extérieurs dont le nucléaire français.

L’inflexion de la politique étrangère américaine

Il convient de constater que la nouvelle administration en place à la Maison-Blanche applique la maxime : « America is back ! ». En attendant de s’attaquer au « dur » de sa politique étrangère – les relations avec la Chine et l’Iran -, Joe Biden a en tout cas trouvé là un slogan censé rompre avec son prédécesseur et indiquer la marche à suivre pour les prochaines années. Il convient que les États-Unis soient à nouveau « prêts à diriger le monde, pas à s’en éloigner, prêts à affronter nos adversaires, pas à rejeter nos alliés, et prêts à défendre nos valeurs. ».

Le programme est le suivant : le retour à l’ordre international tel que les États-Unis l’ont défini au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. À la doctrine du désengagement de guerres au faible rapport coût/efficacité voulue par Donald Trump, Biden propose une ancienne doxa modifiée à l’aune des « valeurs » progressistes dont il s’est fait le champion lors de sa campagne : le monde se porte mieux quand l’Amérique en assume la direction. Plus néoconservateur, on ne fait pas ! En premier lieu, il a pris le contre-pied de l’alliance passée par son prédécesseur avec l’Arabie saoudite emmenée par le prince Mohammed Ben Salman. La décision la plus spectaculaire a été le gel des livraisons d’armes à Riyad, engagé dans une longue guerre contre les insurgés houthis au Yémen. Il s’agit de « faire en sorte que les ventes d’armes par les États-Unis répondent à nos objectifs stratégiques » a souligné un porte-parole du département d’Etat, tout en qualifiant cette mesure de « routine administrative typique de la plupart des transitions. » le nouveau président a toutefois réaffirmé, le 26 janvier dernier, l’engagement de Washington « à aider notre partenaire, l’Arabie saoudite, à se défendre contre les attaques sur son territoire. » C’est que derrière l’effet d’annonce, le montage diplomatique bâti par Trump autour de la reconnaissance d’Israël et incluant désormais les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Maroc et le Soudan, mérite probablement d’être prolongé. D’autant plus que les Russes sont embuscade en mer Rouge, région éminemment stratégique où ils font les yeux doux au Soudan afin de trouver un point d’appui pour leur flotte.

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Joe Biden a également décidé de prendre le contre-pied de son prédécesseur concernant l’OTAN et, en particulier concernant la présence militaire américaine en Allemagne. Trump, qui avait de mauvaises relations avec la chancelière Angela Merkel, avait annoncé en 2020 vouloir diminuer d’environ 9 000 hommes ce contingent qui compte près de 35 000 militaires. Cette décision avait été présentée comme une sanction envers Berlin – mais aussi indirectement à l’encontre des autres pays membres de l’OTAN – accusé de ne pas mettre assez la main à la poche.

Le retour de l’« ennemi » russe

Surtout, Joe Biden semble décidé à remettre les pendules à l’heure avec la Russie suspectée d’ingérences multiples, lors des élections américaines et dans bien d’autres pays. Ce n’est pas le retour à la Guerre froide mais cela y ressemble furieusement avec une nuance que ne soulignent généralement pas les experts : le Kremlin ne veut plus envahir l’Europe pour la convertir au marxisme-léninisme. Pour Washington, le temps des « indulgences » est fini. Lors de son premier appel à Vladimir Poutine, Biden n’a pas hésité à aborder les sujets qui fâchent : le sort de l’opposant Alexeï Navalny et de ses partisans, le piratage d’institutions fédérales américaines, les récompenses offertes aux talibans afghans tueurs de soldats américains – selon des informations dont une partie est, au moins sujette à caution. Il y est même allé d’un avertissement à peine voilé : « J’ai clairement dit au président Poutine, d’une façon très différente de mon prédécesseur, que le temps où les Etats-Unis se soumettaient face aux actes agressifs de la Russie, l’ingérence dans nos élections, les piratages informatiques, l’empoisonnement de ses citoyens, est révolu. Nous n’hésiterons pas à en augmenter le coût pour la Russie et à défendre nos intérêts vitaux et notre peuple ». Ce discours est à l’évidence à usage interne car il n’a aucune chance d’être entendu puisque, pour les responsables russes, l’agresseur, c’est Washington.

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Les médias pro-Biden – en particulier européens – ont applaudi, insistant beaucoup sur le soutien apporté aux « démocrates » russes. Vladimir Poutine a, comme d’habitude, gardé son calme, préférant se féliciter d’un accord ouvrant possiblement l’extension pour cinq ans du dernier traité de réduction des arsenaux nucléaires (New START), mais rien n’est encore signé : « Prenons d’abord connaissance de ce que les Américains proposent et nous ferons ensuite un commentaire » a tempéré, le porte-parole du président russe. Il sait qu’en dépit de l’enthousiasme quasi unanime affiché lors de la victoire de Biden, nombre d’Européens ne sont pas encore totalement soumis à Washington.

Plus grave encore, il semble, selon Moscou, que les néoconservateurs ont décidé d’exploiter l’affaire Navalny dans l’ambiance explosive crée par la pandémie de la Covid-19. Ces derniers espèrent, en jetant des milliers de manifestants dans la rue – chiffres pour le moment invérifiables -, provoquer une situation de chaos en Russie, dans le but de renverser le pouvoir en place qui ne leur convient pas car il n’est pas « aux ordres ». Cette manière de procéder est loin d’être nouvelle pour les États-Unis qui prennent toujours garde d’intervenir par proxiesinterposés.

La Russie est ainsi redevenue, que l’on le veuille ou non, l’« ennemi conventionnel » suite aux mesures prises par Washington.

Selon Arnaud Dubien, fin connaisseur de la Russie, « 2014 avait marqué la fin des illusions sur la convergence entre la Russie et l’Occident, processus généralement compris comme l’adoption par Moscou du modèle et des règles du jeu édictées à Bruxelles et Washington ». Autant dire un asservissement aux règles édictées par ces entités. Il est compréhensible que les Russes, de culture orthodoxe et encore imprégnés d’un héritage marxiste, aient été réticents à adhérer aux systèmes de pensée occidentaux jugés décadents et pervers.

Alors que doit répondre Moscou ? Toujours selon A. Dubien « ce qui s’est passé à l’occasion de la visite de Josep Borrell au début février à Moscou indique que la Russie n’est pas demandeuse de dialogue politique, en tout cas pas selon l’agenda et les modalités voulues par Bruxelles. Le Kremlin se sent fort, laissera venir et avisera ».

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En résumé sur le plan politique, économique, culturel, etc. la Russie n’attend plus rien de l’Union européenne, considérée comme étant en train de se saborder, à tous points de vue. Peu à peu, ce qui était acheté en Europe est fourni localement ou, à défaut, importé d’autres pays, comme la Chine. Il ne pas se faire d’illusions, les agriculteurs européens en général et français en particulier ne vendront plus rien en Russie dans les années à venir.

Sur le plan militaire, les jeux de « gros bras » se poursuivent, l’OTAN et la Russie continuant à se tester mais sans intention de conquête de part et d’autre. La Pologne et les Etats baltes ont beau agiter la menace représentée par l’Ours russe – qui certes a récupéré la Crimée jugée comme vitale par le Kremlin -, la Russie ne va pas envahir ces pays. Par contre, il n’est pas exclu que Moscou agisse comme le fait Washington, en procédé à des « révolutions de couleur », en y organisant des troubles via des tiers (ONG, sympathisants) afin de maintenir les pouvoirs politiques locaux dans l’incertitude voire l’inquiétude.

Le Grand Nord, nouvel enjeu ?

Sans évoquer sur les opportunités économiques – en partie liées au réchauffement climatique – que beaucoup citent, jusqu’à présent, le Grand Nord était le terrain de jeu quasiment exclusif des bombardiers stratégiques russes.

Mais les forces américaines ont récemment montré leur intérêt pour cette région qui ne peut plus être considérée comme une « zone tampon » pour les États-Unis. En 2020, pour la première fois depuis la fin de la Guerre froide, l’US Navy a envoyé quatre navires (USS Donald Cook, Porter, Roosevelt et USNS Supply) en mer de Barents, point de départ des sous-marins russes opérant dans l’espace océanique appelée GIUK (Groenland/Iceland/United Kingdom), d’une importance capitale pour les liaisons maritimes entre l’Europe et l’Amérique du Nord.

De son côté, l’US Air Force a mené plusieurs exercices dans la région, notamment en y dépêchant des bombardiers B-1 Lancer (qui n’ont plus de capacité nucléaire) qui ont survolé la Norvège et la Suède. En 2021, l’armée de l’air américaine a l’intention de déployer quatre de ces appareils en Norvège. Ils seront stationnés sur la base aérienne d’Ørland. Cette mission devrait officiellement améliorer l’interopérabilité avec les alliés et les partenaires de Washington en Europe et habituer les forces aux opérations dans le Grand Nord. « La disponibilité opérationnelle et notre capacité à soutenir nos alliés et nos partenaires et à réagir rapidement sont essentielles au succès », a déclaré le général Jeff Harrigian, commandant des forces aériennes américaines en Europe et en Afrique. « Nous apprécions le partenariat durable que nous avons avec la Norvège et attendons avec impatience les opportunités futures pour renforcer notre défense collective », a-t-il ajouté.

*

Force est de constater que la rupture Occident/Russie est consommée. Elle était prévisible. Il y a déjà longtemps que Moscou a retiré ses observateurs de l’OTAN. Le divorce est également acté avec l’Union européenne, suite au récent voyage de Josep Borell à Moscou et au les prochaines sanctions prévisibles suite à l’affaire Navalny.

Lecture de « La Billebaude »

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Lecture de « La Billebaude »

par Eugène KRAMPON

Ex: http://www.europemaxima.com

C’est une lutte à mort qui aujourd’hui s’est engagée entre deux visions du monde totalement incompatibles : l’identité contre le cosmopolitisme, l’enracinement contre le nomadisme, la tradition contre le Progrès. Dans ce combat dantesque, pour nous autres militants identitaires, lire Vincenot est toujours un bain de jouvence, et pour beaucoup, un retour à nos racines paysannes toujours présentes dans notre longue mémoire et dans nos veines. Lors de la parution de l’ouvrage en 1978, les Français ne s’y sont d’ailleurs pas trompés : « De toutes les tribus, ils m’écrivent » disait l’auteur car ce qu’il racontait, c’était tout bonnement ce que nos parents avaient vécu eux aussi, qu’ils soient gaulois d’Auvergne, de Touraine, du Poitou, du Quercy, du Saintonge…

81toqG+L0QL.jpgUn biotope gaulois

Orphelin à l’âge de 8 ans, Henri Vincenot va passer une large partie de son enfance chez ses grands-parents, à Commarin, dans la montagne bourguignonne. Si dans la plaine, l’aristocratie est largement d’origine burgonde (peuple germain issu de l’île de Bornholm dans la Baltique et qui a donné son nom à la Bourgogne), dans la vallée de l’Ouche et dans la montagne, le peuplement est clairement d’origine celtique. En ce premier tiers du XXe siècle, époque à laquelle se déroule La Billebaude, les traditions venues du fond des âges sont encore bien présentes et vécues au quotidien. Il faut dire que nous sommes encore dans le cadre d’une civilisation lente, non encore emportée par le cancer du Progrès, qui vit encore au rythme des saisons et dont la seule richesse n’est que le fruit du travail de la terre et de ce que la forêt donne en cadeau : gibier, fruits, plantes médicinales. Pour s’en convaincre, il n’est que de relire de Vincenot également La vie des paysans bourguignons au temps de Lamartine. À croire que le temps, pour le plus grand bonheur des hommes, s’était arrêté avant la grande fuite an avant, vers le néant des temps modernes.

Il n’est de richesse que d’hommes

La Billebaude, c’est aussi la rencontre de personnages souvent hauts en couleur, comme il en pullulait encore dans tous nos terroirs de France il n’y a pas encore si longtemps : d’abord les deux grands-pères de l’auteur, chasseurs hors pair, l’un et l’autre Compagnons du devoir (l’un est forgeron, l’autre sellier-bourrelier), véritables aristocrates du travail manuel, un garde-chasse doublé d’un braconnier qui connaît la forêt comme sa poche, un chemineau (pas un cheminot, rien à voir avec le chemin de fer) qui erre sur tous les chemins de Bourgogne, conteur de légendes anciennes, connaissant toutes les familles et leurs secrets, dormant là dans un fossé, là dans une grange, des femmes connaissant toutes les vertus des plantes et capables de soigner aussi bien une angine, un rhumatisme, une plaie profonde, une morsure… Le voilà ce peuple celtique au sein duquel grandit notre auteur, au sein d’un village encore très marqué par une puissante vie communautaire.

CVT_La-Billebaude_3065.jpegLa dimension du sacré

Dans ces années 20 en Bourgogne, les traditions païennes sont encore bien présentes. L’Église le sait mieux que toute autre puisque pour une fois main dans la main avec les instituteurs laïcs, elle s’attache à éradiquer ce qu’elle appelle les « superstitions » qui ne sont pas autre chose que des traditions, croyances et légendes qui ont peu à voir avec le désert du Sinaï mais beaucoup avec la Tradition primordiale celtique. Même le missel local a une dimension ethnique puisqu’il est intitulé « Missel éduen », nom du peuple celte installé depuis l’Âge de Bronze sur les contreforts de la montagne du Morvan.

Ces Gaulois de la montagne sont certes attachés à leurs églises et à ses rites pagano-catholiques, pour autant, leur véritable temple, leur sanctuaire, c’est la forêt primaire et son bestiaire sacré, sangliers, cerfs et chevreuils qu’ils traquent dans des parties de chasse épiques, à la billebaude c’est-à-dire à la rencontre, sans traque organisée. La chasse que Vincenot découvre avec son grand-père deviendra une des grandes passions de sa vie. C’est au cours de l’une d’elle, poursuivant un chevreuil, qu’il atterrit dans le hameau abandonné de la Pourrie, « cinq feux dans la vallée de l’Ouche », ancien lieu de vie d’une petite communauté cistercienne qu’il réhabilitera et dans lequel il repose depuis 1985, avec son épouse et un de ses fils, sous une pierre granitique gravée d’une croix celtique. Il est des symboles qui ne meurent jamais…

Eugène Krampon

• D’abord mis en ligne sur Terre et Peuple, le 17 février 2021.

lundi, 01 mars 2021

Grande coalition bancaire

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Grande coalition bancaire

par Georges FELTIN-TRACOL

Dans une actualité monopolisée par le covid-19, l’événement est presque passé inaperçu en France. La Belgique exporte en Italie sa coalition « Vivaldi ». En effet, le 13 février dernier est entré en fonction le 67e gouvernement de la République italienne sous la direction de l’ancien président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi. Il s’agit aussi du troisième gouvernement investi sous la XVIIIe législature élue en 2018.

Cette législature commença avec l’entente populiste jaune – verte entre le Mouvement Cinq Étoiles (M5S) et la Lega. Puis, en 2019, les impatiences de Matteo Salvini et les nombreuses réticences de l’aile gauche des Cinq Étoiles provoquèrent la rupture de cette alliance paradoxale. L’intervention du fondateur du M5S, Beppe Grillo, sauva le mandat de ses parlementaires en négociant avec les « rouges » du Parti démocrate (PD). Giuseppe Conte resta à la tête d’un nouveau gouvernement M5S – PD. Or le PD connut une scission en septembre 2019 orchestrée par l’ancien Premier ministre Matteo Renzi, créateur d’Italia Viva (IV). Le 11 janvier 2021, IV se retira de la coalition rouge – jaune et mit en minorité au Sénat le second gouvernement Conte.

Après quelques tractations de façade, le président de la République, Sergio Mattarella, chargea Mario Draghi de bâtir une nouvelle majorité parlementaire. L’élection biaisée de Joe Biden a dès à présent des répercussions internationales, tout particulièrement en Italie dont la souveraineté demeure plus que jamais limitée. Fort de son profil d’indépendant et de son aura de technicien hors-paire des arcanes économiques et financières, Mario Draghi se révèle incontournable. Son atlantisme, son mondialisme, son européisme et son financiarisme en font dès lors l’homme fort d’une nation bien affaiblie.

Le « magicien » Draghi parvient à constituer une majorité de 545 députés sur 630 et de 266 sénateurs sur 321. Comment ? Il contraint les principales forces politiques à s’entendre autour de sa nomination. Son gouvernement repose sur un large accord transpartisan : il rassemble le M5S, le PD, IV, les éco-socialistes de LeU (Libres et Égaux), mais aussi Forza Italia de Silvio Berlusconi et la Lega de Salvini. Il faut toutefois signaler que Giorgia Meloni de Fratelli d’Italia en progression constante dans les sondages se réserve pour l’heure entre l’abstention et l’opposition active.

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L’équipe ministérielle de Mario Draghi compte 23 ministres (15 hommes et 8 femmes). Les indépendants sont les plus représentés (dix). Outre la présidence du Conseil, ils occupent les ministères de l’Intérieur, de la Justice, de l’Éducation, de l’Environnement et de l’Économie et des Finances. Le M5S conserve quatre ministères (les Affaires étrangères, les Relations avec le Parlement, la Jeunesse, l’Agriculture et l’Alimentation). Forza Italia prend les portefeuilles de l’Administration publique, des Relations avec les régions, du Sud et de la Cohésion territoriale. La Défense, la Culture et le Travail reviennent au PD. La Lega obtient le Développement économique, le Tourisme et le Handicap.

En entrant dans un gouvernement conduit par Mario Draghi, le M5S et la Lega renoncent à leurs origines populistes et confirment ainsi leur intégration dans le Système partitocratique. Il est maintenant possible que les députés européens liguistes délaissent prochainement le groupe Identité et Démocratie cofondé avec le RN, le FPÖ, l’AfD et le Vlaams Belang.

L’exemple politique italien est à suivre avec attention pour la situation française découlant de l’élection présidentielle de 2022 si le scrutin n’est pas reporté sine die. Réélu, Emmanuel Macron ne pourrait plus disposer d’une majorité, même relative, au Palais-Bourbon. Ne souhaitant pas gouverner avec les reliquats d’une gauche élargie aux Verts divisée contre elle-même, il pourrait nommer à la place de Jean Castex, Valérie Pécresse, Christian Estrosi, Xavier Bertrand, voire – audace suprême – Marine Le Pen elle-même. La présidente du Rétrécissement national poursuit par ailleurs sa reptation devant le Système. Elle a renoncé à toute sortie de l’euro et rejette le Frexit. Elle vient d’entériner les accords de Schengen et prône toujours une assimilation républicaine suicidaire pour les Albo-Européens.

Il ne fait guère de doute que les « grandes coalitions bancaires » à la mode italienne ont un bel avenir en Europe.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 203, mise en ligne sur TVLibertés, le 23 février 2021.

Du "Monde harmonieux" au "rêve chinois" - La Chine et sa stratégie de sécurité

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http://www.ieri.be/fr/publications/wp/2021/f-vrier/du-mon...

Du "Monde harmonieux"

au "rêve chinois"

 

La Chine et sa stratégie de sécurité

 

par Irnerio Seminatore

 

Texte reparti en deux sous-titres:

I. La Chine et sa stratégie de sécurité.Un nouvel équilibre entre défense modernisée, guerre asymétrique et stratégie militaire

(première partie)

II. La quête de pouvoir de la Chine et le débat sur la puissance nationale. Vers la prééminence mondiale?

(deuxième partie, à paraître le 7 mars prochain)

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TABLE DES MATIÈRES

I. LA CHINE ET SA STRATÉGIE DE SÉCURITÉ. UN NOUVEL ÉQUILIBRE ENTRE DÉFENSE MODERNISÉE, GUERRE ASYMÉTRIQUE ET STRATÉGIE MILITAIRE (première partie)

Chine et États-Unis. Préservation du "statu quo" ou inversion de prééminence

De la "défense passive en profondeur"(Mao) à la "défense active" dans les "guerres locales et limitées" (Deng Tsiao Ping et Xi Jinping)

La puissance nationale comme stratégie

"Vaincre le supérieur par l'inférieur"

Sur la "guerre d'information asymétrique d'acupuncture" et la guerre préventive

Conditions pour l'emporter dans un conflit limité

L'asymétrie, son concept et sa définition

L'asymétrie, le nouveau visage de la guerre et la "double spirale des défis"

II. LA QUÊTE DE POUVOIR DE LA CHINE ET LE DÉBAT SUR LA PUISSANCE NATIONALE. VERS LA PRÉÉMINENCE MONDIALE ? (deuxième partie)

Normalisation et "diplomatie asymétrique"

De la stratégie triangulaire (Chine, Union Soviétique, États-Unis) au condominium planétaire (duopole de puissance)

Paix et Guerre dans une conjoncture de mutations

Une entente pacifique renforcée avec les États-Unis de la part de la Chine? Ou un "rééquilibrage stratégique à distance" de la part des États-Unis?

De Deng Xiaoping à Xi Jinping, vers l'inversion de prééminence?

Le "Rapport Crowe" et l'analogie historique

Deux questionnements et deux interprétations des tensions actuelles et de leurs issues
L'activisme chinois et les "intérêts vitaux" de la Chine

Le "Rapport 2010" et la mission historique des forces armées chinoises

L'ordre apparent et la ruse. Sur les répercussions stratégiques et militaires de la nouvelle "Route de la Soie"

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I. LA CHINE ET SA STRATÉGIE DE SÉCURITÉ. UN NOUVEL ÉQUILIBRE ENTRE DÉFENSE MODERNISÉE, GUERRE ASYMÉTRIQUE ET STRATÉGIE MILITAIRE (première partie)

Chine et États-Unis. Préservation du "statu quo" ou inversion de prééminence

La rivalité entre Beijing et Washington, en raison du Covid 19, a pris un tour plus idéologique et oppose désormais deux modèles politiques, autocratique et autoritaire et pluraliste/libéral. Cette opposition impressionne le monde entier et révèle un regain d'attraction pour les régimes d'ordre, d'efficacité et de décision. Elle offre l'exemple d'une volonté qui obéit à un principe premier, celui de la sécurité et à un grand dessein, celui de la renaissance nationale et de l'avenir.

La montée en puissance de la Chine, depuis la fin de la guerre froide, en termes économiques, politiques, diplomatiques et militaires, fera de celle-ci, selon nombre d' observateurs, le plus grand protagoniste de l'histoire mondiale.

Cette émergence est susceptible de produire une inversion du rapport de prééminence entre les États-Unis, puissance dominante établie et premier empire global de l'histoire et la Chine," Empire du milieu" ou État-civilisationnel, vieux de trois mille cinq cents ans et fort d'un milliard-quatre cents millions d'hommes.

De la "défense passive en profondeur" (Mao) à la "défense active" dans les "guerres locales et limitées" (Deng Tsiao Ping et Xi Jinping)

La Chine, dans le cadre d'un système international multipolaire concentre ses ressources sur le développement de capacités asymétriques, dans le but de les moderniser et de devenir un joueur de premier plan dans la sécurité régionale de l'Asie Pacifique, de l'Asie Méridionale et de l'Indo-Pacifique. En particulier et conformément à sa tradition philosophique et combattante, à penser et agir différemment des adversaires pour acquérir une plus grande liberté d'action. Ceci s'est traduit par l'adoption d'une doctrine de modernisation de l'APL, à l'époque de la menace d'affrontement avec les deux superpuissances de la bipolarité, les États-Unis et l'Union Soviétique, qui a eu pour but de se préparer à mener une guerre totale, émergente et nucléaire afin d'assurer la survie de la nation. Plus tard, l'approche stratégique a évolué et s'est définie comme capacité de mener et de vaincre des "guerres locales", conçues comme des guerres limitées, en conditions d'informatisation et de haute technologie. Au lieu de la "défense passive" en profondeur, qui fut celle énoncée par Mao, dans la période de la " guerre du peuple" et dictée par une infériorité en capacités et ressources, la Chine de Deng Tsiao Ping, passa à la formulation d'une "défense active" dans des "zones de guerre" vers les frontières. Pour se préparer à ce type de conflit contribuèrent singulièrement les observations de la guerre du Golfe en 1991, de l'attaque de l'Otan contre Belgrade, en 1999 et de l'invasion américaine de l’Afghanistan en 2001. La direction politique et militaire de la République Populaire de Chine conclut de ces observations que l'attribution des ressources du pays pour tous les scénarios de guerre possibles était insoutenable et devait être déterminée par la spécificité du contexte international. Conformément à l'idée que le meilleur système pour vaincre est de gagner par des stratagèmes, la conception du pouvoir chinois comme "faisceaux stratégique", imposa à la Chine d'analyser sérieusement les forces et les faiblesses de son adversaire principal, afin d'établir sa propre stratégie en termes de guerre asymétrique.

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La puissance nationale comme stratégie

Le point-clé de cette conception du pouvoir repose dans la conception de la "puissance nationale", en terme de capacités d'élaboration stratégique en fonction des diverses éventualités historiques. La puissance ne peut résulter de ce fait que de la spécificité entre stratégie et environnement de sécurité. Historiquement ceci s'est traduit par une défense fixe, la Grande Muraille, face à la cavalerie nomade et mobile qui attaquait la Chine du Nord et de l'Ouest. Ce choix a renforcé la puissance relative de la Chine de l'époque, en termes de fortification et d'organisation logistique. Aujourd'hui la stratégie de "défense active" repose sur la création d'une "force de dissuasion" allégée et efficace (facteur stabilisant à l'image de la Grande Muraille) et sur l'utilisation flexible d'autres moyens dissuasifs, de prévention, d'arrêt ou de projection, ce qui exige une coordination très étroite entre lutte militaire et lutte politique, diplomatique,économique et culturelle. Il s'agit d'assurer la constitution d'une combinaison de moyens et de ressources, en vue du façonnement d'un environnement de sécurité fiable. Ainsi les stratégies mises en œuvre, détermineraient -selon Sun Tzu, les résultats escomptés, selon une série de stratagèmes de situation, avantageux ou désavantageux (d'attaque, de proximité, de défaite ou de chaos..) C'est pourquoi l'étude de l'environnement est primordial.

"Vaincre le supérieur par l'inférieur"

La conclusion fut que, vis à vis de l'Amérique, le concept chinois le plus approprié était de "vaincre le supérieur avec l'inférieur". L'étude de l'adversaire parvint au résultat d'identifier sa faiblesse, là même où se trouvait sa force et à saisir ses points vitaux, en sa dépendance des systèmes d'information. Ainsi, pour gagner ce type de guerre, la Chine se devait d'exceller dans des opérations conjointes intégrées, impliquant le système de commandement, le système de formation, le soutien inter-armées et la composition des forces. Ces opérations exigeaient une coordination entre lutte militaire et efforts politiques, diplomatiques, économiques et culturels et prévoyaient d'assumer, pour la modernisation de l'armée, la mécanisation comme fondement et l'informatisation comme objectif. Par ailleurs la Chine, poursuivant une compétition acharnée vis à vis des États-Unis, ne s'est jamais détournée des enseignements de Sun Tzu, pour lequel un concept capital impose de se connaître soi même, afin de connaître son adversaire. Concrètement il s'agissait d'identifier les facteurs qui aident à déterminer l'issue de la guerre et ces facteurs reposaient sur la vulnérabilité des avantages de l'ennemi. Pour le neutraliser il fallait une combinaison et un lien interactif entre trois types d'asymétrie, celle de la guerre totale prolongée, de la stratégie asymétrique de la guerrilla et de l'organisation logistique des combats. Dans la phase actuelle, et, pour éviter l'épuisement et la faillite d'un pays aux ressources limitées, s'engageant dans une course aux armements tous azimuts, comme le fit l'Union Soviétique, la clé du succès se trouve dans le principe de "vaincre le supérieur par l'inférieur", autrement dit, dans l'acquisition de la supériorité par l’information, avant d'acquérir la supériorité des airs et de la mer. En contrôlant certains secteurs-clés des opérations militaires l'Armée de Libération Populaire, inférieure en capacités, pourrait neutraliser la supériorité de son antagoniste principal, par la dissuasion ou encore par la destruction de ses forces de combat.

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Sur la "guerre d'information asymétrique d'acupuncture" et la guerre préventive

En conditions de crise aggravée, une attaque préventive par l'acteur inférieur contre les centres nerveux et logistiques de l'acteur étatique supérieur,neutralise les avantages de ce dernier, en renversant la situation et la donne.La saisie des points vitaux du système d'information de l'adversaire demeure en somme l'idée de base de la "guerre d’acupuncture", qui vise à neutraliser l'avantage de l'ensemble des systèmes. La guerre d'information asymétrique d'acupuncture ne connaît pas de frontières, militaires, économiques et sociales. Elle est "of limits". Chaque aspect de cette guerre dépend strictement de l'information et celle-ci des satellites spatiaux, des systèmes d'alerte aériens rapides, d'avions de guerre électroniques et de sites de commandement au sol. Selon le recours à l'image de la guerre d’acupuncture, ces points d'information cruciaux constituent des "points d'énergie vitaux". Ils dépendent tous de réseaux informatiques. Ainsi, au delà de l'espace traditionnel de combat, aérien, terrestre et naval, les nouveaux espaces de la victoire, se situent dans le cyberespace et dans l'espace électromagnétique, où il faut disposer des armes à laser, des armes à faisceaux de particules, des armes à très haute fréquence, des armes d'ondes ultrasoniques, subsoniques, furtives, à radiation, de virus informatiques puissants, de robots intégrants des nanotechnologies, de telle sorte que, pour gagner dans l'espace eso-atmosphérique, il faut disposer d'un concept de guerre intégrée en réseau électronique. Ces nouvelles dimensions de la guerre et ces nouveaux moyens d'attaque ont des implications décisives dans le combat terrestre, aérien et maritime, car l'issue du combat vient par le haut. Seul le combat éso-atmosphérique permet d’acquérir et de maintenir la supériorité au niveau inférieur. La Chine en a tiré un enseignement ferme, consistant à développer, de manière accélérée ces secteurs-clés, comme centres névralgiques des guerres locales ou totales et a investi massivement dans trois secteurs: les armes antisatellites, les opérations de réseau informatiques et les missiles anti-navires. Dans un contexte stratégique en pleine évolution, la Chine a testé une arme d'ascension directe antisatellite, lui permettant de dissuader l'ennemi de recourir au combat, de frapper d'importantes sources d'information et d'ébranler la structure de son système d'information.

Conditions pour l'emporter dans un conflit limité

Après la fin de guerre froide la Chine a déployé un système de défense antimissiles stratégiques, qui représente un défi pour la dissuasion nucléaire américaine, sur laquelle se fonde la crédibilité du parapluie nucléaire étasunien, recouvrant une trentaine de pays alliés. En dehors de la recherche de supériorité, visant à refuser l'accès aux informations essentielles, pour mener des actions de combat dans une guerre locale et, éventuellement dans le détroit de Taïwan, une autre capacité cruciale des États-Unis est concernée. Il s'agit de leur principale plate-forme de projection de puissance, les porte-avions. D'où l'effort de la Chine de développer des missiles balistiques anti-navires, dont l'opérationnalité bouleverserait le calcul des conflits potentiels entre la République Populaire de Chine et les États-Unis. Un changement significatif dans l'équilibre des pouvoirs en résulterait dans toute l'aire du Pacifique. Au niveau local, le test de ce nouveau missile anti-navires rajoute une pièce essentielle à la stratégie de déni, ou anti-accès. Ainsi l'espoir de neutraliser les avantages acquis par la Chine dans un domaine-clé, s'accompagne de la possibilité de l'emporter dans un conflit limité, par la dissuasion, la négation d'accès ou la destruction des capacités de l'adversaire. Or, les efforts de modernisation poursuivis, se focalisant sur la capacité de saisir la supériorité dans l'information, concrétisent la conception de l'asymétrie du programme de défense de la Chine, dans le domaine opérationnel, plus que doctrinal. Cette conception de l'asymétrie commande à une appréciation psycho-politique de la force relative entre la Chine et ses adversaires ou rivaux, seuls ou coalisés, et est susceptible de pencher vers un excès de confiance. Un excès qui constitue un frein, pour parvenir à des solutions négociées. De façon générale l'acquisition de la supériorité dans la stratégie de contrôle des secteurs-clés repose sur le principe d'initiative, comme facteur de vie ou de mort dans les guerres de hautes technologies, dans lesquelles la frappe inattendue et en premier, exige de dissimuler les véritables intentions des deux parties.

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L'asymétrie, son concept et sa définition

Puisque l'asymétrie touche au domaine des différences sur le terrain de l'organisation, de l'équipement et de la doctrine, le concept opératoire d'asymétrie va de la différence à une "opposition diagonale", par rapport aux capacités de l’adversaire. Or lorsque l'écart de capacités militaires est considérable, l'acteur le plus faible adopte des stratégies et des méthodes militaires non conventionnelles, qui diffèrent significativement du mode d'opposition et de combat attendus. L'asymétrie de conception et de forces doit se traduire en une plus grande liberté d'action et être politico-stratégique, opérationnel ou mixte, comportant des perspectives temporelles et opératoires différenciées, appliquées délibérément ou par défaut. Suivant cette définition, très générale, l'asymétrie opérationnelle rendue possible par l'interaction de technologies et d'organisations, conditionne l'asymétrie stratégique et sa traduction doctrinale. En venant à la politique de sécurité d'un acteur étatique, celle-ci dépend de sa lecture et de sa perception de l'environnement et donc du type de guerre destiné à assurer la survie de la nation (guerre totale) ou, en revanche une victoire périphérique ou locale dans un conflit limité, où la survie nationale n'est pas en cause.

L'asymétrie, le nouveau visage de la guerre et la "double spirale des défis"

En son pur concept l'asymétrie a affaire à la théorie, aux pratiques stratégiques et à ses formes historiques. Dans le "Livre des mutations" de la deuxième moitié du du VIIIème siècle av.J.C. et dans les écrits sur les guerres irrégulières du IVème siècle de Sun Tzu, l'asymétrie apparaît comme l'action violente d'une force irrégulière contre une force majeure établie, qui a pour but l'effondrement d'un système de pouvoir et de pensée. Elle frappe par la surprise, la brutalité et l'imprévisibilité. Elle affecte, par son impact psychologique, la volonté, la capacité d'initiative et la liberté d'action. En ses conséquences, elle produit l'effondrement de l'ennemi, par la déstabilisation de son dispositif et le renversement de ses paradigmes, dans la quête d'une issue. Elle se situe sur la ligne de jonction névralgique entre points faibles et points forts, qui lie la tradition à l'innovation. L'asymétrie n'a de sens que comme inversion du risque et n'a de symbole que dans le déséquilibrage, la paralysie et la chute. En termes de rupture, elle comporte un arbitrage historique sur la pérennité de l'autorité ou du pouvoir systémique et un arbitrage politique, dans l'orientation des opinions et des masses. L'asymétrie oppose, en tant que concept, l'ordre institutionnel au désordre insurrectionnel. et consacre l'effondrement du crédit de la force militaire au nom de la transformation du cadre stratégique et de la mutation du visage de la guerre. Paradoxalement, la fin de la guerre froide a fait apparaître un décalage de puissance entre les États-Unis et les autres acteurs, réguliers et irréguliers, de la scène internationale et cet écart capacitaire, culturel et politique, a été à l'origine de la résurgence de l'asymétrie. Le déplacement de la logique de l'affrontement vers le champ où la force militaire classique n'est plus le facteur décisif, fait découvrir que l'ennemi ne combat plus avec nos règles. Il est "hors limites" et il adopte d'autres modalités d'affrontement. Il apparaît dès lors à tous les analystes que la supériorité absolue est devenue une vulnérabilité et un objectif de combat. En réponse les États-Unis découvrent qu'une modification du visage de la guerre entrave le rendement optimal de l'appareil militaire classique et que, à côté de nos sociétés, démilitarisées,apparaissent trois phénomènes parallèles, "les conflits hybrides", "les insurgés innovants" et un autre "rapport à la mort". Quelles sont alors les guerres probables? Quelles sont les structures capacitaires et stratégiques défendables et praticables? Quel est le nouveau visage de la guerre?

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Puisque le modèle de la stratégie dominante des deux derniers siècles a été celui de Clausewitz, la puissance de la terre qu'est Chung Kuo' se prépare à une politique d'affrontement par une logistique, qui peut adopter Clausewitz sur terre, en cas de guerre conventionnelle, Mahan, sur les deux Océans, Pacifique et Indo-Pacifique, et Sun Tzu dans l'hypothèse d'un double front de combat, terrestre et maritime. Dans ce contexte la logistique du système "One Belt, One Road" devient l'élément décisif de l'épreuve de force probable entre les puissances de la terre et les puissances de la mer, au Nord, au Sud et à l'Ouest du continent européen. Mais dans cette lutte à mort pour la survie historique, les Américains ont compris que les chinois ont lancé un "défi stratégique de l'intérieur" de l'Eurasie et qu'ils devaient porter le "défi des régimes" à l'intérieur du système géopolitique et du monde des idées chinois (Hong-Kong ,Taïwan, Ouïgours). "Double spirale des défis" sur lesquels reposera le "duel du siècle" et l'histoire de l'avenir.


Bruxelles, le 1er février 2021

(deuxième partie, à paraître le 7 mars prochain)

Les maîtres de la philosophie allemande et russe se sont influencés mutuellement pendant un siècle

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Les maîtres de la philosophie allemande et russe se sont influencés mutuellement pendant un siècle

Dr. Paul Kindlon

Ex : https://russia-insider.com/en/

Les historiens littéraires mentionnent fréquemment l'influence allemande sur la littérature russe du XIXe siècle. En effet, on peut affirmer que les premiers écrivains romantiques russes ont beaucoup emprunté à des écrivains allemands tels que Heine, ETA Hoffman, Novalis et Goethe. Cependant, peu de choses ont été écrites sur la manière dont les écrivains russes ont influencé la pensée et la conscience allemandes.

Le lien russo-allemand - d'un point de vue politique - remonte aux grandes rébellions paysannes et citadines de 1848-49. Richard Wagner - compositeur classique de grand talent et nationaliste allemand - a en fait combattu sur les barricades aux côtés de l'anarchiste russe Mikhaïl Bakounine lors du soulèvement de Dresde en 1849. Le jeune Wagner rêvait d'une nouvelle forme de société et d'une nouvelle forme d'art. Les radicaux russes étaient du même avis.

Mais les écrivains russes, en particulier Tolstoï et Turgueniev, ont eu des suites bien plus importantes. Les écrits de ces deux Russes ont eu une forte influence sur les intellectuels allemands. Le premier dans le domaine de la spiritualité et le second dans la sphère de la politique. Les romans de Turgueniev, les Mémoires d'un chasseur et Pères et fils, ont inspiré des milliers d'intellectuels allemands qui rêvaient de changement social et de progrès politique. Turgueniev s'est même installé à Baden-Baden. Mais pour l'écrivain russe Gontcharov, c'est l'Allemand qui doit servir de modèle à "l'homme du futur". Dans son roman Oblomov, un aristocrate russe paresseux et passif (un homme superflu qui n'aime rien de plus que le sommeil) est juxtaposé à un autre personnage vivant, actif et pratique ; qui est à moitié allemand, Stoltz. L'idée étant que les Russes doivent devenir des "hommes d'action" et ne pas gâcher leur vie dans un monde de rêve.

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Turgueniev.

Plus que quiconque, cependant, c'est l'écrivain russe Dostoïevski qui influencera le philosophe Nietzsche qui, par la suite, influencera la pensée allemande (et occidentale) pendant plus de cent ans.

Dostoïevski et Nietzsche

Qualifiant Dostoïevski de "maître psychologue", Nietzsche a lu avec grand intérêt les romans de l'écrivain russe. Il n'était pas seul. À la fin du XIXe siècle, l'Allemagne a connu une flambée de ce que l'on a appelé "l'effet Raskolnikov" : de jeunes hommes désillusionnés qui s'identifiaient au héros commettaient un meurtre (généralement un amant) puis tentaient de se suicider.

Raskolnikov est le protagoniste du roman très philosophique Crime et châtiment de Dostoïevski. Le héros est certain de sa supériorité et de sa grandeur et le prouvera en assassinant sans pitié. À sa grande surprise - alors que Nietzsche avait du mal à publier ses œuvres - il découvrit que le public russe le connaissait déjà et aimait ses écrits ! (Soit dit en passant, l'amour de sa vie, était une intellectuelle et féministe germano-russe du nom de Lou Andreas Salome).

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Nietzsche a été tellement marqué par les écrits de Dostoïevski que son dernier acte de santé mentale - ou peut-être son premier acte de folie - est venu directement d'une scène de Crime et Châtiment. Pendant son séjour à Turin, en Italie (1889), Nietzsche quitte son hôtel et voit une vieille jument - à peine capable de bouger - se faire fouetter par un chauffeur. Tout comme Raskolnikov rêvait de protéger une vieille jument battue en lui jetant les bras autour du cou, Nietzsche a couru vers le pauvre animal souffrant et a jeté les bras autour de la jument en pleurant hystériquement.

Le philosophe allemand qui s'insurgeait contre la "pitié" en tant que forme de morale esclavagiste, qu'il fallait surmonter, ne pouvait pas suivre son propre enseignement à ce stade. C'est un cruel tour de l'histoire que les pensées de Nietzsche aient été adoptées - et modifiées - par les nazis qui, avec une bravade wagnérienne, allaient envahir la patrie de Dostoïevski. Nietzsche - l'homme - aurait été consterné par cet acte sauvage des Raskolnikovs allemands.

Entretien avec Thomas Ferrier

1- Pour nos lecteurs qui ne vous connaissent pas encore, présentez-vous.

« Thomas FERRIER, 44 ans, dirigeant du Parti des Européens, seul parti explicitement européen et non coalition de partis nationaux. »

2-: Quel est votre parcours ? Votre jeunesse, vos études, vos projets déjà réalisés et vos succès passés ?

« A l’issue d’une formation universitaire en histoire ancienne, je suis devenu cadre de la fonction publique, tout en défendant mes idées à visage découvert en faveur d’une Europe forte, unie de l’Islande à la Russie, et surtout européenne.

Le Parti des Européens est une refondation en 2016 de tentatives antérieures, avec choix d’un nom explicite et rassembleur. L’idée générale est que l’avenir de l’Europe ne peut passer que par la synthèse d’un discours européiste (en faveur donc d’une Europe politique) et identitaire (en faveur d’une Europe toujours européenne). »

3-: Qu’est-ce qui vous a amené à lancer votre projet ? Quelles sont les étapes qui vous y ont menées ?

« J’ai toujours été passionné par la chose politique. J’ai fait mes premières armes à droite, où j’ai compris au bout de quelques années qu’elle était dans l’impasse, qu’elle était même une impasse. Ceux qui croient à l’union des droites, entre pour résumer LR et le RN, perdent leur temps. Il faut rassembler les Européens lucides, pas des « clans » ou des « familles politiques » « 

4-: Pouvez-vous nous expliquer plus en détail en quoi consiste vos projets, votre démarche et pourquoi vous faites ce que vous faites ?

« L’Europe comme civilisation est en très grand péril. Je ne vous apprends rien. Elle connaît un hiver démographique tenace, avec un taux de natalité bien inférieur au taux de renouvellement requis (2,1 enfants/femme), et subit par ailleurs des flux migratoires post-coloniaux intenses qui modifient son profil et sont la cause d’un péril identitaire inédit, sans évoquer les conséquences financières ou sécuritaires engendrées. Elle est politiquement divisée donc la proie des USA et de la Chine, notamment, qui profitent du jeu nocif entre Etats et gouvernements, jeu que l’UE actuelle n’a en rien aboli, même si le rapport de force se fait désormais en son sein davantage qu’en dehors.

C’est face à ces immenses menaces sur la civilisation européenne tout entière qu’une réponse politique démocratique à l’échelle du continent doit émerger. Le parlement européen de Strasbourg, par son mode de scrutin qui le rend plus démocratique que le mode de scrutin pour les élections nationales, en tout cas en France, peut être demain le pivot de bascule permettant de passer d’une UE désunie et anti-identitaire à une Europe unie et identitaire, élargie à terme à l’ensemble du continent, Russie comprise. »

5-: Quelles sont vos principales sources d’inspiration, vos influences et vos références ?

« Elles sont multiples parce que je suis un lecteur forcené, mais disons que je considère que toutes les figures ayant prêché sainement l’unité de l’Europe sont mes « ancêtres » idéologiques, en commençant par Georges de Podiebrad au XVème siècle qui prônait une Europe unie pour résister aux Ottomans. Il ne faut pas opposer les européistes entre eux, et on doit pouvoir concilier Giscard et De Gaulle, Mosley et Monnet, Venner et Schuman. »

6-: Qu’est-ce que le conservatisme selon vous ? Et pensez-vous qu’il est important aujourd’hui ?

« Le conservatisme englobe à la fois le passé, le présent et le futur. C’est à la fois les châteaux de France, les églises de Bavière, le savoir-être courtois du gentleman anglais, les statues grecques et les tableaux des peintres italiens. Comment avancer sans s’inspirer de l’ancien ? Nous avons besoin de valeurs et de convictions pour être des hommes et des femmes complets et le conservatisme en fait partie. Si nous laissons le progressisme guider nos actions, nous finirons dans le néant à coup sûr. »

7-: Que pensez-vous du contexte actuel de la société en Europe ? Et à l’échelle du monde ?

« Je pense sincèrement que l’Europe n’a jamais été aussi menacée dans son existence même qu’au cours de ce XXIème siècle, même si elle a connu des situations tragiques au XXème siècle, qui l’ont affaiblie et menée à la situation actuelle. Si le communisme est tombé, son jumeau hétérozygote globaliste n’a jamais été aussi fort, du moins en apparence. Et il est davantage destructeur de l’âme des peuples. On constate que les pays de l’ex-bloc soviétique ont sur le plan identitaire en tout cas mieux résisté que les pays d’Europe occidentale. Pendant que la France a connu Mai 68, avec ses « valeurs » délétères porteuses d’un individualisme forcené dont on paie aujourd’hui le prix, les Tchèques et les Slovaques connaissaient les chars soviétiques dans leurs rues. »

8-: Si vous deviez donner 5 éléments sur lesquels tout français devrait sérieusement travailler au niveau individuel, lesquels seraient-ils ?

  • « L’auto-critique qui est saine lorsqu’elle est menée sans esprit de repentance mais dans le but de s’améliorer.
  • La fierté d’être un européen et d’assumer le devoir qu’implique cette identité, à savoir le dépassement permanent, la culture du doute face aux dogmes aveuglants, le respect des ancêtres à qui nous devons un immense héritage.
  • Le sentiment du devoir de défendre sa civilisation.
  • Le refus du chauvinisme étroit et l’acceptation du destin européen.
  • Le choix d’une religiosité de résistance et non d’ouverture à l’Autre. »

9-: Pouvez-vous nous partager votre ressenti sur la jeunesse d’aujourd’hui ?

« Elle est à la fois source d’une extrême tristesse et d’un immense espoir. Le jeune européen qui réussit, dans ce monde qui lui est si hostile, face à une propagande quotidienne voulant saper son moral, avec une inéducation nationale des plus nocives, à se penser en tant qu’européen, à se lever face à l’apathie générale, à faire le choix de lire et de progresser, est plus fort qu’il ne l’imagine. Et ils sont plus nombreux qu’on ne le croit ceux qui ont été capables de résister. Ils seront l’avenir de l’Europe. »

10-: Beaucoup de jeunes français cherchent à renouer avec leur héritage, quel est le meilleur moyen selon vous d’y parvenir ?

« Je crois qu’il faut beaucoup lire mais toujours avec un esprit ouvert et attentif aux petites choses. Il n’y a pas de recette miracle. Il ne faut en tout cas pas faire confiance aux media ou à l’école. Cultiver ce doute qui pousse à la curiosité. Arpenter son chemin avec lucidité, prudence et volonté. »

11-: Quels sont les principaux dangers qui menacent la civilisation européenne selon vous ?

« Je les ai évoqués plus haut mais pour résumer: le péril démographique, le péril migratoire et l’individualisme de reniement (en termes clairs, ne pas assumer qui on est et croire qu’on peut devenir autre chose), ce dernier amenant à toutes les dérives sur le « genre » ou au pseudo-nationalisme civique qui est un universalisme illusoire à peine déguisé. »

12-: Quels sont les principaux espoirs et leviers qui permettraient de surpasser ces menaces ?

« L’unité de l’Europe sur les bases de notre identité commune est la seule réponse. Le levier est l’éveil des Européens à cette nécessité et sa transposition politique via les élections européennes. »

13-: Quels sont les personnalités, auteurs, initiatives ou organisations qui paraissent dignes d’intérêts aujourd’hui selon vous ?

« Tous ceux qui ont compris l’importance de l’unité politique de l’Europe pour faire face aux périls susmentionnés. Ceux qui par exemple s’opposent à l’immigration de substitution mais sans tomber dans les travers de l’euroscepticisme, impasse suprême. »

14-: Y a t-il un sujet qui vous paraît délaissé aujourd’hui ou que vous considérez ne pas voir suffisamment dans les médias ou le débat public ?

« L’identité européenne est le grand tabou. Ceux qui parlent positivement d’Europe n’y voient qu’un projet politique, et non ethno-civilisationnel, porteur de valeurs universelles. C’est l’europhobie par globalisme qui n’envisage l’Europe que comme un magma artificiel.

Or l’Europe unie n’est un projet politique que comme la transposition d’une réalité anthropologique. C’est parce que les Européens sont de même souche qu’ils ont un même destin et qu’ils peuvent l’avoir unis. »

15-: Pouvez-vous nous donner un livre, un film et une musique, qui selon vous vous représente, ou auquel vous tenez ?

Parmi tant d’autres,

« Homère, « L’Iliade ».
« Excalibur », de John Boorman
IXème symphonie, Beethoven »

16-: Que pensez-vous pouvoir apporter à quelqu’un qui vous découvre ?

« Un point de vue audacieux sur l’Europe, une certaine lucidité face aux propagandes euro-mondialistes comme euro-sceptiques, un jugement plus nuancé sur l’actuelle Union Européenne, l’espoir aussi d’un avenir à nouveau solaire pour les Européens. »

17-: Quels sont vos projets à l’avenir ? Dans les prochaines semaines et mois, à court terme, mais également votre vision à long terme.

« L’objectif principal et même fondamental est l’émergence médiatique et pas seulement sur les canaux du pauvre (réseaux sociaux, youtube) mais au premier plan. Seule cette émergence peut permettre de présenter une liste crédible aux élections européennes, financée, avec de vrais bulletins et de vraies affiches, et donc dans des conditions idéales pour éviter de faire 3 000 voix sur toute la France, comme l’ont fait certaines listes identitaires en 2019.« 

18-: Où peut-on vous suivre ? Sur quel média ou réseau êtes-vous le plus actif?

« Je suis actuellement présent surtout sur Twitter (@ThFerrier) et aussi sur Telegram (t.me/LePartiDesEuropeens) où il y a plusieurs centaines d’audios accessibles désormais sur différents sujets que chacun peut écouter (religion, histoire, politique, institutions, droit, propositions du parti, éléments du programme, actualités…).« 

19-: Un mot pour la fin ?

« Elle ne saurait mourir que si elle était incapable de s’unir mais elle va y parvenir même si cela devait être « au bord du tombeau » pour paraphraser Nietzsche. »

dimanche, 28 février 2021

Britanniques et Saoudiens au Yémen

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Britanniques et Saoudiens au Yémen

Par Marco Ghisetti

Ex : https://www.eurasia-rivista.com

La guerre civile yéménite a éclaté en 2014, lorsque les insurgés houthi, rassemblant autour d'eux le mécontentement populaire généralisé causé par la "double" et continue ingérence américaine et saoudienne (1) dans leurs affaires intérieures, ont conquis la capitale yéménite Sanaa, incitant le président Hadi à se rendre en Arabie Saoudite et à demander au gouvernement de Riyad d'intervenir militairement contre les rebelles. Le 26 mars 2015, encouragée par le consentement tacite des États-Unis, l'Arabie saoudite a lancé la campagne de bombardement massif appelée "Storm of Resolve", qui est toujours en cours. Actuellement, les forces sur le terrain sont divisées en trois groupes : les Houthi, dirigés par Ansar Allah et soutenus par l'Iran (qui gagne de plus en plus de terrain), le gouvernement en exil de Hadi, soutenu par l'Arabie Saoudite, et le Conseil de transition du Sud, de moindre poids et soutenu par les Émirats. La guerre au Yémen a jusqu'à présent entraîné la mort violente de 100 000 à 250 000 personnes, selon les estimations, en plus des 4 millions de personnes déplacées et des 24 millions de personnes ayant besoin d'une aide humanitaire. La guerre au Yémen est considérée comme la plus grave catastrophe humanitaire en cours, "dont il est presque interdit de parler et d'écrire pour le moment"(2). Le silence du cirque médiatique et du clergé journalistique s'explique peut-être par l'insistance sur l'importance stratégique du Yémen et le rôle que jouent deux alliés des Etats-Unis - l'Arabie Saoudite et le Royaume-Uni - dans le conflit et, par conséquent, leur responsabilité plus ou moins directe dans la tragédie qui gangrène la population yéménite.

***

Quelle que soit l'ampleur des bombardements contre les forces houthi, il ne fait désormais aucun doute que le Royaume-Uni a joué un rôle d'accompagnement aux côtés des Saoudiens depuis le début de la campagne aérienne. Depuis 2015, "le Royaume-Uni a accordé au régime saoudien des licences d'armes d'une valeur d'au moins 5,4 milliards de livres sterling. 2,7 milliards de livres ont été dépensés pour les licences ML10, y compris les avions, les hélicoptères et les drones, et 2,5 milliards pour les licences ML4, y compris les grenades, les bombes, les missiles et les contre-mesures. En juin 2020, l'ONU a rapporté que plus de 60 % des morts de civils au Yémen sont causés par des frappes aériennes dirigées par les Saoudiens. BAE Systems - la plus grande société d'armement du Royaume-Uni - a réalisé un chiffre d'affaires de plus de 15 milliards de livres sterling en ventes et services à l'Arabie saoudite depuis 2015" (3).

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John Develler, un ancien employé du ministère britannique de la défense en Arabie Saoudite, a déclaré que "les Saoudiens sont complètement dépendants de BAE Systems. Ils ne pouvaient rien faire sans nous". Le soutien britannique aux Saoudiens va au-delà de la simple vente d'armes et d'équipements de guerre : on estime qu'il y a actuellement 6300 forces britanniques en Arabie Saoudite qui fournissent un soutien logistique continu, auquel il faut ajouter environ 80 soldats de la RAF. Un employé de BAE a déclaré : "Sans nous [les Britanniques], il n'y aurait pas un seul jet [saoudien] dans le ciel d'ici sept ou quatorze jours"(4).

L'aide britannique à l'Arabie Saoudite n'a pas été sans susciter des critiques internes. En raison de l'illégalité, au regard du droit international, de l'intervention saoudienne au Yémen, en 2019, un tribunal britannique a ordonné l'arrêt immédiat des ventes d'armes car elles étaient également utilisées contre la population civile. Toutefois, cette décision a été de facto annulée l'année suivante par la secrétaire d'État au Commerce national, Liz Truss : elle a déclaré qu'elle pouvait être rétablie après avoir "constaté" que de telles armes n'avaient pas été utilisées contre des civils, confirmant ainsi la volonté du Royaume-Uni de continuer à soutenir l'Arabie saoudite.

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L'importance du Yémen

Le choix des Britanniques et des Saoudiens d'intervenir au Yémen est dû au fait suivant : ces deux acteurs doivent maintenir leur relation privilégiée avec le géant nord-américain, ils doivent partager les "responsabilités" qui leur ont été confiées par les Etats-Unis alors que ces derniers s’occupent de l'Asie. Par exemple, la "nécessité de créer un espace d'action pour Londres" a incité le Royaume-Uni à "renforcer les liens qui existent déjà entre les deux côtés de l'Atlantique" (5), afin de cultiver et de raviver la "relation spéciale" qu'il entretient avec le géant d'outre-mer après s'être séparé de l'Union européenne. Et de ce point de vue, si la guerre par procuration contre le Yémen est en fait une des "responsabilités" que Riyad doit assumer tandis que les Etats-Unis se concentrent sur l'Asie, la guerre et le soutien logistique britanniques à Riyad est une des "responsabilités" qui incombent à Londres.

La République du Yémen est stratégiquement positionnée pour dominer les voies maritimes qui, comme l'indique la stratégie navale américaine pour la décennie 2020-30, détermineront l'équilibre des pouvoirs au XXIe siècle (6). Selon cette stratégie, les États-Unis doivent maintenir leur domination sur les mers qu'ils ont acquise grâce à leur victoire lors de la Seconde Guerre mondiale, mais doivent également la partager et la placer partiellement sur les épaules de leurs "alliés" afin de tenir tête aux acteurs qui érodent leur suprématie navale (principalement: la Chine, la Russie et l'Iran). Le détroit de Bab al-Mandeb, qui sépare la péninsule arabique de la Corne de l'Afrique, peut être facilement fermé par une puissance qui exploite le Yémen comme un pivot terrestre ; c'est, avec le détroit de Gibraltar, le point terminal qui relie la route maritime qui, en passant par la Méditerranée, le canal de Suez et la mer Rouge, relie l'océan Atlantique à l'aire maritime indo-pacifique. Celui qui est maître de ces centres névralgiques de la mer est donc aussi maître d'une des principales routes maritimes mondiales.

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Plus précisément, le rival des États-Unis que l'Arabie saoudite et le Royaume-Uni combattent au Yémen est l'Iran. En fait, si la République islamique devait obtenir, par l'intermédiaire des rebelles houthi qu'elle soutient, un accès direct au détroit de Bab al-Mandeb, "l'équilibre des forces dans la région changerait considérablement" (8) au détriment des États-Unis, car la suprématie américaine dans ces eaux serait grandement renforcée en faveur de son rival iranien. En outre, "un Yémen contrôlé par des Houthi serait un client potentiel pour les compagnies pétrolières russes ou chinoises" (9).

En tout cas, "si l'Arabie Saoudite est jusqu'à présent le grand perdant de la guerre" et que le Royaume-Uni a beaucoup perdu en termes d'image, "la population yéménite est sans aucun doute la grande victime de ce conflit" (10). Le rôle joué par l'Arabie Saoudite et le Royaume-Uni, deux des principaux alliés des Etats-Unis, au Yémen - et donc leur responsabilité plus ou moins directe dans la tragédie qui se déroule dans ce pays - explique pourquoi les médias occidentaux restent silencieux sur ce que les Nations Unies ont qualifié de crise humanitaire des plus graves en cours.

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Notes :

  • (1) Haniyeh Tarkian, La guerra contro lo Yemen, in “Eurasia. Rivista di studi geopolitici”, 3/2019, p. 142
  • (2) Marco Pondrelli, Continente eurasiatico. Tra nuova guerra fredda e prospettive di integrazione. Prefazione di Alberto Bradanini, Anteo, 2021, p. 89.
  • (3) Gabrielle Pickard-Whitehead, UK urged to follow Biden’s lead and end Yemen war support,  leftfootforward.org, 8 febbraio 2021
  • (4) Arron Merat, ‘The Saudis couldn’t do it without us’: the UK’s true role in Yemen’s deadly war, theguardian.com, 18 giugno 2019
  • (5) Andrea Muratore, Il tramonto della “global Britain”?, eurasia-rivista.com, 3 luglio 2020
  • (6) Pour une analyse de la nouvellestratégie navale américaine, voir : Marco Ghisetti, “Advantage at Sea”: la nuova strategia navale statunitense, 26 dicembre 2020, eurasia-rivista.com
  • (7) Haniyeh Tarkian op. cit., p. 142
  • (8) Angelo Young, War In Yemen: Tankers Moving Unimpeded Through Bab Al-Mandeb Oil Shipment Choke Point, Says Kuwait Petroleum Corporation, 29 marzo 2015, ibtimes.com
  • (9) William F. Engdahl, Yemen Genocide About Oil Control, 20 novembre 2018, williamengdahl.com
  • (10) Massimiliano Palladini, Cinque anni di guerra in Yemen, in “Eurasia. Rivista di studi geopolitici” 4/2020, p. 196

Urga. Le pays de Ungern

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Urga. Le pays de Ungern

Par Stanislav Khatuntsev

Ex : https://centroevolianogranada.blogspot.com

Traduction vers l’espagnol de Juan Gabriel Caro Rivera

Le baron blanc qui a accordé l'indépendance à la Mongolie

Dans la steppe montagneuse de Mongolie, le vent souffle de façon incontrôlable d'un côté à l'autre, ne laissant que de l'herbe à la surface du sol. Le sifflement et le hurlement des éléments provoquent une horreur à la fois archaïque et mystique. Et au milieu des hurlements du vent, on entend le hennissement d'un cheval qui brise la monotonie de ce paysage abrupt et sauvage. Au-delà de l'horizon, au sommet d'une haute colline rocheuse, sur laquelle les nuages passent fantastiquement et rapidement, apparaît la figure d'un cavalier portant une robe mongole dorée. Le cheval, comme s'il s'agissait d'une énorme tour sombre, se cabre et se cabre, coupant l'atmosphère avec ses yeux fous. Son cavalier l'apprivoise avec une main de fer. Il s'agit du baron Ungern.

Il y a exactement 100 ans, une série d'événements importants se sont produits qui sont associés à son nom.

Le lieutenant général Roman Fedorovitch von Ungern-Sternberg est sans aucun doute une figure légendaire. Il était l'un des dirigeants du mouvement Transbaïkalien Blanc, étant le second à commander ce système qui avait été créé par l'ataman Semyonov, à qui l'amiral Koltchak, en tant que souverain suprême de la Russie, avait transféré tous les pouvoirs militaires et civils des territoires qui se trouvaient dans "l'Extrême-Orient russe".

Roman Fedorovitch était un ami de Semyonov pendant la Première Guerre mondiale et les deux hommes se connaissaient depuis longtemps. Tous deux se sont battus ensemble. Au cours de l'été 1917, Semyonov, qui avait les pouvoirs du gouvernement provisoire, retourna dans sa patrie en Transbaïkalie. Il a appelé Ungern à venir dans sa patrie et à y rester avec lui. C'est là qu'ils ont commencé à lutter ensemble contre les bolcheviks. Lorsque Semyonov prit Chita en août 1918, le baron de la division de cavalerie asiatique établit plus tard sa base d'opérations à Dauria, où il contrôlera le trafic de l'East China Railway.

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C'est là que ce général blanc a commencé à concocter des plans de proportions véritablement planétaires: il souhaitait ressusciter dans tout l'Ancien Monde les monarchies qui étaient tombées, en restaurant les dynasties renversées de Chine (les Qing) et de Russie (les Romanov). Le territoire de Khalkha, également connu sous le nom de ‘’Mongolie extérieure’’, sera la première étape de la réalisation de ses plans. En août 1920, Ungern, avec son armée de "smachus" (cosaques), arrive en Mongolie fin octobre et prend d'assaut sa capitale Urga.

À partir de l'automne 1919, la Khalkha est occupée par les "gamins", soldats de l'Armée républicaine de la Chine révolutionnaire, qui volent et oppriment les Mongols, perpétrant toutes sortes d'injustices et de violences contre la population, afin de venger le fait que, quelques années auparavant, les Mongols avaient osé se libérer de la domination chinoise. Urga était la base et le quartier général de ces envahisseurs, qui disposaient d'une force militaire assez importante et bien équipée selon les normes locales. Les troupes d’Ungern étaient 10 à 12 fois moins nombreuses que les troupes chinoises, tandis que les fils de l'Empire Céleste étaient largement inférieurs en nombre de canons. Il n'est donc pas surprenant que les deux assauts désespérés que le baron a lancés contre Urga aient échoué.

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Finalement, Ungern a retiré ses troupes de l'autre côté du fleuve Kerulen, qui était le centre de la résistance contre les envahisseurs chinois et où l'empire de Gengis Khan a émergé. De nombreux Mongols, mécontents de la domination chinoise sur leur pays, y affluent de partout.

La Division de Cavalerie Asiatique a rapidement récupéré les troupes qu'elle avait perdues, tandis que son chef, qui comprenait parfaitement l'ennemi, menait une guerre psychologique efficace contre la garnison des "gamins". Après quelques mois, les Chinois superstitieux, qui se sont retrouvés dans un pays très différent de leur patrie, laquelle est pleine de riz et de soie, attendaient que le terrible châtiment des dieux puissants qui protégeaient le "Bouddha vivant", le grand prêtre d'Urga et souverain de Mongolie, Bogdo-Gegen, leur tombe dessus à tout moment. Chaque nuit, ils regardaient avec crainte les gigantesques feux de joie allumés par les habitants et les soldats d’Ungern au sommet de la montagne sacrée Bogdo-Khan-ul, au sud de la ville. Les terribles rumeurs propagées par les agents du baron privent les "gamins" de tout espoir de victoire.

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Peu avant la nouvelle attaque contre Urga, quelque chose d'absolument incroyable se produisit: dans la cour de la maison du gouverneur, Chen Yi, et en plein jour, un jour d'hiver, Ungern lui-même est apparu. Comment il a réussi à traverser la capitale ennemie sans se faire repérer est incompréhensible, surtout si l'on considère qu'elle était pleine de troupes, grouillante de patrouilles et entourée de toutes sortes de postes armés. Sur le chemin du retour, le baron a remarqué une sentinelle chinoise qui dormait devant la porte de la prison. Une telle violation de la discipline militaire l'exaspère au plus profond de son âme, et le général blanc réveille le soldat négligent à coups de poings, lui expliquant qu'il est impossible de dormir pendant la garde, car lui, Ungern, va le punir de ses propres mains. Après cela, le chef de la Division de Cavalerie Asiatique a calmement quitté la ville et s'est rendu à Bogdo-Khan-ul. Après la panique provoquée par sa fuite, les soldats n'ont pas pu organiser un escadron pour le poursuivre. L'incident a fini par être considéré comme un miracle : seules des forces surnaturelles auraient pu aider le baron dans son infiltration sur le territoire d'Urga et le faire sortir sain et sauf.

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Ce sont ces mêmes forces surnaturelles qui, selon les soldats chinois, ont aidé Ungern à kidnapper - en plein jour, devant toute la ville (au sens littéral du terme) et sous le nez de tout un bataillon de gardes - Bogdo-Gegen, qui était assigné à résidence. Cet événement démoralise même les commandants du corps expéditionnaire chinois : le général Guo Songling s'enfuit de la capitale à la tête d'une unité de gardes qui sont les mieux préparés au combat : c’était un corps de 3000 soldats d'élite de la cavalerie.

La supériorité numérique des Chinois sur la Division de Cavalerie Asiatique diminue, mais elle reste assez importante, étant de cinq à huit fois supérieure au nombre de soldats alignés par Ungern. En revanche, les soldats d’Ungern possédaient 5 à 6 fois plus d'artillerie et de mitrailleuses que les Chinois.

Cela n'a pas empêché le baron de poursuivre une opération bien planifiée qui allait mener au succès de son corps expéditionnaire. Au petit matin du 2 février 1921, un assaut frontal est lancé, auquel les Chinois résistent farouchement. Le lendemain, les combats ont cessé, puis l'assaut a repris et les "gamins" ont fui dans la terreur. La capitale de la Mongolie extérieure a été libérée le 4 février, et Ungern a remporté d'énormes trophées, dont de grandes quantités d'or et d'argent raflées dans les entrepôts de la banque d'Urga.

La guerre contre les Chinois n'était cependant pas terminée et toute une série de batailles acharnées s'ensuivit contre le corps expéditionnaire des Gamins, dont les effectifs étaient encore plusieurs fois supérieurs à ceux de la division de cavalerie asiatique. Mais à la fin, ils furent pratiquement détruits. Peu d'entre eux retournèrent en Chine, et les troupes d’Ungern gagnèrent à nouveau un important butin de guerre, dont plusieurs milliers de prisonniers.

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Le 22 février 1921, une cérémonie solennelle a lieu à Urga : Bogdo-Gegen VIII monte à nouveau sur le trône du Grand Khan de Mongolie. La monarchie est à nouveau rétablie et les Mongols accordent à Ungern toutes sortes d'honneurs et de privilèges. Il a reçu le surnom de Tsagan (c'est-à-dire Blanc) Burkhan, ou "Dieu de la guerre", étant considéré comme l'incarnation de Mahakala-Idam, une divinité lamaïste à six bras qui punissait cruellement les ennemis de la "foi jaune". Désormais, le nom du baron inspirait à ses ennemis une peur superstitieuse. Sous ses bannières étaient réunis tous les représentants de plus d'une douzaine de peuples d'Asie et d'Europe : Russes, Autrichiens, Français, Bachkirs, Chinois, Japonais, Tibétains, Coréens et Mandchous. Il y eut même... un Noir qui servit dans la division de cavalerie asiatique. Il s'agissait d'une petite Internationale blanche qui, sous la bannière de diverses religions traditionnelles - christianisme, bouddhisme et islam - s'opposait à l'athée Internationale rouge.

Fin mai, Ungern a lancé sa dernière campagne contre la Russie soviétique. Il espérait provoquer des soulèvements anti-bolcheviques dans l'Altaï et le Yenisei supérieur, dans la province d'Irkoutsk, en Transbaïkalie. Mais le peuple n'avait aucune envie de se confronter au nouveau gouvernement qui avait remplacé un système prédateur d'appropriation des excédents par une série d'impôts en nature relativement supportables. La lutte dans la région du Baïkal s'est avérée vaine et le baron a fini par se replier en Mongolie. C'est sur le fleuve Egiin-Gol, poursuivi par les "Rouges" et divisé en deux brigades, que la mutinerie a éclaté dans la Division de Cavalerie Asiatique. Von Ungern-Sternberg perdit le contrôle de ses troupes et fut arrêté par les officiers d'une division mongole qu'il s'attendait à ce qu’elle lui restât fidèle. La cavalerie asiatique s'est mise en route vers l'est, en direction de la Mandchourie, et le 15 septembre, le baron a été abattu dans la ville de Novonikolaïvsk, qui était la capitale de la "Sibérie rouge".

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L'épopée d’Ungern à Urga et en Mongolie a eu un impact significatif sur l'histoire de l'Asie intérieure. Sans lui, la Khalkha serait resté sous le contrôle du gouvernement de Pékin. Les autorités de la Russie soviétique ne voulaient pas entrer en conflit avec son voisin du sud et si le baron n'avait pas éliminé les "gamins", les bolcheviks n'auraient pas envahi la région et la Mongolie extérieure n'aurait pas quitté la sphère d'influence chinoise, ce qui est arrivé à la Mongolie intérieure, à l'Ordos, etc. C'est donc grâce à la guerre menée par Ungern que la Mongolie s'est détachée de l'orbite de Pékin et est entrée dans celle de Moscou.

Il est intéressant de noter que, pour la même raison ("l'aventure de Ungern"), la Chine a fini par perdre la région d'Uryankhai, la future Tuva, qui, en 1914, est passée du statut de partie de l'Empire céleste à celui de protectorat de l'Empire russe, et a fait partie de l'URSS jusqu’en 1944. Comme chacun sait, c'est à Tuva (dans la ville de Chadan) que l'actuel ministre de la défense de la Fédération de Russie, Sergei Shoigu, est né.

D'ailleurs, l'actuelle République de Chine (l'île de Taïwan) considère toujours cette région autonome turque, qui fait partie de la Fédération de Russie, comme faisant partie du territoire d'État de la Chine.

Ajoutons à cela que dans l'actuelle république de Mongolie, beaucoup considèrent le général blanc comme un héros national qui a libéré le pays d'une puissance étrangère. En novembre 2015, le musée dédié à Ungern a été solennellement ouvert près d'Oulan-Bator avec l'aide directe de l'Institut d'histoire et d'archéologie de l'Académie des sciences de ce pays.

C'est, à bien des égards, un résultat paradoxal de la vie du monarchiste le plus fidèle et le plus convaincu du XXe siècle.

Texte d'hommage à Jean Haudry, héraut de la tradition indo-européenne

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Texte d'hommage à Jean Haudry, héraut de la tradition indo-européenne
 
par Frédéric Andreu-Véricel
 
Un hommage est une révérence d'âme ou il n'est rien. Celui que je rends ici publique est d'autant plus spirituel que je n'ai rencontré le professeur Haudry qu'à deux ou trois reprises. Je me souviens notamment d'une randonnée pédestre dans le sud de la France organisée par l'association Terre et Peuple. Tout en arpentant les sentes de l'arrière-pays provençal, de jeunes gens phosphoraient avec le professeur sur les Indo-Européens. J'en étais. Un paysage sec et aride nous entourait, contrastant avec la forêt des livres dans lequel je me perdais souvent !

418AMFV15EL._SX314_BO1,204,203,200_.jpgDepuis, mon chemin, devenu plus littéraire que scientifique, se ponctue de poèmes et de romans, mais à cette époque, le Samkhya de l'Inde - une des productions les plus lumineuses des Indo-Européens - occupait l'essentiel de mon temps libre. J'avais donc adressé quelques questions par courrier au professeur. Ce dernier eut la courtoisie de me répondre. Ma gratitude à son égard - qui motive aujourd'hui cet hommage - est d'autant plus grande que son courrier eut un impact décisif sur la suite de mes recherches. Il faut dire qu'il apportait un débouché inattendu à un questionnement ancien et tenace, l'origine des trois couleurs traditionnelles - le blanc, le rouge et le noir - que l'on retrouve dans le Samkhya.

Les faits remontent aux années 2000, et si ma mémoire en trahit la lettre, elle n'en trahit pas l'esprit. C'est là un trait du professeur Haudry, où la rigueur de la démonstration linguistique n'a d'égal que la courtoisie des échanges.

Bref, le courrier-réponse du professeur impulsa en moi une nouvelle phase de recherche. Esseulé dans le labyrinthe inextricable de textes anciens et de rapports archéologiques, je tenais maintenant un fil d'Ariane. En Inde, il y a pléthore de correspondances ; leur exploration fut longue et laborieuse. Certaines Upanishads intègrent les trois couleurs à des conceptions plus ou moins ésotériques des feux sacrés, de l'eau et de la nourriture ; certaines écoles de yoga distinguent un karma blanc, celui des bonnes actions, un rouge et un noir. Mais l'application aux "gunas" du Samkhya m'a paru la plus solide.
En Europe, le symbolisme des couleurs se limite aux structures sociales. Le blanc codifie la fonction sacerdotale ; le rouge, la fonction guerrière et le noir, toutes les autres activités qui ne sont ni religieuse ni guerrière.

Selon Jean Haudry, ces couleurs proviennent d'une réalité céleste bien antérieure à leur application. La cosmogonie des Indo-Européens se compose non pas d'un ciel mais de trois ! curieuse conception que celle-là ! Elle implique une révolution des repères habituels rendue possible en se plaçant sous les latitudes nordiques marquées par de longues nuits hivernales. Les cieux y sont perçus comme "tournants" et non fixes. L'un est blanc, c'est le grand jour de l'année qui succède à la longue nuit cosmique (le ciel noir) ; le troisième ciel correspond à la suite d'aurores identifiée à un "ciel rouge".
Le rapprochement entre les ciels et des gunas se justifie en vertu des couleurs et du nombre. Mais il fallait surtout retenir que sous ces latitudes nordiques, les réalités cosmiques prédisposent à un découpage binaire, voire ternaire du monde. Un long jour succède à une longue nuit.

81YK1fj8XFL.jpgNous savons que Georges Dumézil a observé l'existence de "trois fonctions" dans la structure sociale, mais avait-il en tête cette réalité cosmique ? Je l'ignore. Ses écrits desservis par une plume allègre, lesquels ne font pas allusion clairement à ma cosmogonie hypernordique et très peu aux couleurs, allaient me renvoyer une nouvelle fois, à l'instar d'un élastique, au Samkhya de l'Inde !

Il faut dire que ce système indien qui envisage l'énumération systématique des éléments constitutifs de l'univers (c'est le sens même du mot "Samkhya") ne pouvait pas échapper à la perspicacité du maître. Au fil du temps, ma méditation sur le Samkhya ne cessa de résonner (et raisonner) avec certains mythes de la tradition. J'ai même osé un comparatif entre le Samkhya et l'Odyssée d'Homère ! Cette comparaison inhabituelle, et peut être inédite, m'a permis d'observer des parallèles troublants. Dans l'Odyssée, la reine Pénélope tisse un linceul dans l'attente éplorée d'Ulysse, parti à la guerre. J'ai proposé d'y voir une allégorie de la prakriti du Samkhya car Pénélope tisse un linceul en attendant Ulysse tout comme la Mula-Prakriti produit la substance du monde ; la déesse-mère non manifestée rend possible toutes les manifestations, physiques et psychiques, qui nous entourent. Le Samkhya est un système de résolution et la Manifestation implique un "spectateur" nommé Purusha pour ainsi prendre conscience d'elle-même.

Le comparatiste trouve dans Ulysse richesse à comparaison. Ulysse ressemble symboliquement à Purusha : plus il parcourt le monde au gré d'aventures multiples, et plus il ressent la nostalgie du retour.

Il quitte Calypso et d'autres créatures aimantes, autant d'étapes du processus libérateur, autant de fausses identifications de l'Esprit avec la Matière. Quant au massacre des prétendants, j'y ai vu une épreuve qualifiante de deuxième fonction. Cependant, en l'absence des deux autres fonctions de la triade, impossible de vérifier le schéma dumézilien !

Plus que les mythes du corpus IE, toujours sujets à interprétations contradictoires, le Samkhya m'est apparu proche de la conception ancienne d'un univers "image de la vérité" chère à Jean Haudry.

s-l400.jpgEn effet, le Samkhya est perçu comme un système dont la clé de résolution n'est autre que dans l'observation elle-même. J'ai été amené à penser que cette conception prévalait pour la première période, pré-sacerdotale, et qu'elle fut recouverte ensuite par une conception imposée par les castes dominantes contemporaines aux périodes plus tardives.

Une communauté "primitive", telle qu'on peut en observer encore dans quelques contrées reculées du monde, n'a pas de clergé et les chefferies, lorsqu'elles existent, sont tournantes. Ce ne sont pas des castes. Le clergé constitué modifie toujours la religion primitive à son avantage et cela pour une raison simple : il faut que cette caste s'impose comme intermédiaire indispensable entre la divinité et le peuple.

À un moment ou à un autre, tous les peuples ont connus ce désencastrement de la première fonction magico-religieuse et les pathologies sociales consécutives. Le conflit entre le pharaon Akhenaton et les prêtes d'Ammon en est un exemple emblématique. Dans l'Histoire, on ne connait qu'un seul peuple auto-proclamé "clergé international", celui qui inventa le Dieu unique.

Bref, les anciens mythes et légendes me sont apparus comme une sorte d'allégorie cryptée du processus auto-libérateur du monde, pré-cléricale. Ils sont la source vivante de la tradition. Insistons sur le point suivant : la rationalité du Samkhya n'est pas un argument contraire à son archaïque. C'est le contraire qui est vrai : les ethnologues ont montré que les tribus primitives ont une représentation extrêmement rationnelle du monde où les proportions mathématiques, les philosophies ne sont pas rares. Contrairement au mythe du bon sauvage, les "primitifs" produisent des modèles scientifiques mais sans y croire, au rebours de nos sociétés développées.

pensee_parole_action_haudry.jpgPar la suite, j'ai essayé d'élargir mon comparatisme à d'autres mythes et thèmes mythiques du corpus IE. Le thème du labyrinthe m'est apparu comme chargé d'une autre allégorie d'un monde "image de la vérité". L'inspiration y est elle aussi d'ordre cosmique : Thésée, vainqueur du Minotaure, peut symboliser le soleil dans sa quête ; Ariane, peut personnifier la déesse aurore.

J'ai donc proposé de voir dans le labyrinthe une occurrence symbolique de la "traversée de la ténèbre hivernale", thème du formulaire reconstruit par Jean Haudry. En ouvrant à nouveau Homère, il m'est apparu que la ville de Troie pouvait être perçue comme un labyrinthe symbolique, et la Belle Hélène comme l'aurore qui attend d'être libérée...

Dans la vision Samkhya où sa version cryptée, je retenais que chez les IE, l'univers est perçu comme une "image de la vérité". Les cycles cosmiques révèlent le mécanisme dynamique du monde que l'on retrouve dans les gunas. J'ai fait litière de cette idée que le Ur-Volk concevait le monde comme une sorte de "samkhya cosmique" dont la clé de résolution n'est autre que dans l'observation.

Dans le Samkhya, la trame substantielle du monde, sans cesse en mouvement, tisse toute réalités à partir de trois fils, un blanc, un rouge et un noir. Ces couleurs sont celles des ciels de la tradition nordico-primordiale.

Le Samkhya contient un processus auto-libérateur. Il n'implique pas donc aucun clergé. Une conception du monde proche du Samkhya prévalait peut-être dans la première période indo-européenne, pré-sacerdotale. Fut-elle recouverte ensuite par une autre religion sacerdotale teintée de superstitions ? Je l'ignore.

indo-europeens_jean_haudry_F_S.jpgJe sais en revanche qu'une communauté primitive - telle que celle que l'on peut observer dans certaines contrées reculées du monde - n'a pas de clergé et les chefferies, lorsqu'elles existent, sont tournantes. Ce ne sont pas des castes. Le clergé modifie toujours la religion primitive en privatisant l'accès au sacré à son avantage et cela pour une raison simple : il faut que le clergé justifie sa place, ses privilèges.

Les anciens mythes et légendes me sont apparus comme une sorte d'allégorie cryptée de cette "image de la vérité" de la première période pré-cléricale. Ils sont la source vivante de la tradition que l'on appelle "héroïque". Même si cette tradition héroïque est aujourd'hui en dormition dans nos sociétés modernes, il est remarquable d'en observer les traces dans les sagas projetées sur écran, comme les Seigneurs des Anneaux !

Les comparaisons que j'observais entre mythes et système, couronnées de succès ou non, ne visaient qu'un but : reconstruire la vision que les Indo-Européens posaient sur le monde. Sans la prise en compte du milieu circumpolaire, mes travaux de l'époque seraient restés de simples conjectures.

Caractérisé par la longue nuit cosmique, l'habitat nordique explique bien des choses, les calendiers anciens, les rites et les fêtes. Sous des latitudes plus australes, à Rome ou à Athènes, où les rites ne se justifient plus, ces derniers continuent à être observés par tradition.

À la conception d'Indo-Européens nordiques de Jean Haudry, j'apportais par la suite un bémol. L"origine" n'implique pas forcémment un équivalent dans la réalité historique. Le grand Nord arctique est-il le berceau du Ur-Volk ou celui du mythe ? Je pense plutôt pour la seconde proposition.

Pour moi, la question centrale n'est pas dans la localisation réelle de l'habitat (lequel n'est d'ailleurs pas confirmée par l'archéologie) mais dans le lieu où la tradition identifie cette origine.

De tous les peuples que j'ai pu visiter, aucun d'eux ne place son "origine" dans l'endroit où il réside. Le "paradis" est toujours "nostalgique", il provient d'un lieu fantasmé et qui métaphorise un ailleurs spirituel. À mon avis, les Indo-Européens ne font pas exception. Cependant, il se trouve que la tradition affectionne le "nord" et que les princesses de nos contes sont souvent blondes. Devrait-on nier ces faits, récurrents et nombreux, ou au contraire en faire une religion de la preuve ? Pour ma part, je pense que la question est résolue sans preuve archéologique.

mzjeanhaudry.jpgLa Weltanschauung des IE. affectionne le nord et c'est là l'essentiel. La cosmogonie d'une grande nuit cosmique suivie d'un jour est une des pièces qui manquaient au puzzle. Quant à la religion des IE, je n'ai cessé d'interroger les mythes dont la vision dynamique du Samkhya m'a paru donner une sorte de "décryptage".

Le Samkhya de maître Kapila reste en effet le seul système indo-européen, connu de moi, où l'observation directe est la clé de résolution. Aucun clergé n'y est nécessaire. À mon avis, le Bouddhisme en est le prolongement historique. L'Occident ne connait point de système comparable sauf à voir dans l'Odyssée une sorte de "Samkhya crypté"...

Après tout, pourquoi pas ? On a prétendu que la bibliothèque d'Alexandrie était remplie d'études et commentaires de l'Iliade et de l'Odyssée !

En dépit de mes comparaisons, Je n'ai jamais pu déterminer la nature du type d'analogie qui unit l'Odyssée et le système Samkhya. Sont-ils reliés par une origine commune ou par des invariants anthropologiques observables partout ?

L'idée d'une tradition commune penche pour la première solution ; la théorie du "monomythe",  chère à Joseph Campbell, pour la seconde.

Si les trois couleurs pouvaient être observées chez Homère comme dans le Samkhya, cela changerait tout ! Mais avec des "sis", on mettrait Pâris en bouteille !

Que dire de plus de ces vastes chantiers de recherche sinon qu'ils ressemblaient parfois à de longues traversées maritimes. Le comparatiste aperçoit des îles à l'horizon de sa pensée qui ne sont bien souvent que des mirages ! Heureusement, les hérauts de la tradition, Benveniste et sa théorie des "quatre cercles" ; Dumézil et ses "trois fonctions", et J. Haudry et l'origine circumpolaire, nous permettent aujourd'hui de reconstituer l'essentiel de la tradition. Sans doute peut-on rêver de la découverte d'autres aspects de la tradition ? Un linguiste montrera-t-il un jour que le système flexionnel de la langue indo-européenne a partie liée avec la cosmogonie circumpolaire ?

17960271431_2.jpgLes discussions buissonnières échangées avec le troisième et ma lecture de sa "Religion Cosmique" ont projeté une lumière nouvelle dans le filigrane de ma recherche. Cette "vision du monde" qui s'est fait jour, je la résumerais en ces termes: "Le regard que pose les IE sur le monde est celui d'un système à résoudre dont la résolution n'est rien d'autre que dans l'observation elle-même. Le monde est perçu comme "image de la vérité". Le mundus indoeuropeanus est en effet construit pour correspondre aux formes questionneuses de l'individu. La trame sans couture que les cinq sens tissent avec le monde présuppose un rapport d'harmonie préétablie dont le Samkhya nous donne la clé. Mais le Samkhya est aussi et surtout une voie de libération. Entrer dans cette vision sans visée libératrice n'a pas de sens. Pour se faire, le "cogito" (le "je pense") des Modernes doit laisser place au "video" (le "je vois", j'observe) de l'homme traditionnel.
 
Georges Dumézil.

"Video versus Cogito" ou "Video, ergo cogito", voici des formules que je mettais souvent en exergue de mes textes !

Dans son article sur le paganisme, Alain de Benoist écrit : "pour moi, le sens premier, c'est la vue". C'est dans ce sens-là qu'il faut entendre ma devise. La religion IE est une religion du "voir" et c'est pourquoi le terme "vedas", par lequel on désigne en Inde les quatre livres du savoir, est construit sur la racine "vid-" qui signifie "voir".

Le primas du voir n'est pas universel. Par exemple, le Judaïsme s'inscrit autour d'un tropisme tout autre où l'ouïe est au-dessus du voir.

Quant à l'homme moderne, je dirais qu'il entend mais n'écoute pas, il regarde le monde mais ne le voit pas. Son monde est encombré physiquement par la technoscience et mentalement par des idéologies de seconde main. Son cosmos ne s'apparente plus à cette "image de la vérité" des Anciens IE mais à un désert spirituel. Il nous reste à scruter les traces laissées par les dieux disparus. Pour se faire, la tradition est essentielle !

Mon étude "hors les murs" sur le Samkhya n'a finalement pas suscité de publication, mais plutôt amusements polis ou sourires moqueurs. Je pense que le parallèle que j'ai tenté d'établir entre Samkhya et Odyssée a été jugé trop baroque. Et sans doute est-ce le cas ! Quant aux références à la "Religion Cosmique des IE" qui émaillent mon étude, elles n'ont pas joué en ma faveur. J'ai par la suite aggravé mon cas en dédiant à Jean Haudry mon récit de voyage à bicyclette. Cette Vélodyssée en terres nordiques a été présenté dans une émission de TV liberté.

md22311502738.jpgIl faut dire que mes recherches sur les Indo-Européens étaient arrivées "après la bataille", celle qui avait eu raison de l'Institut des Études Indo-Européennes. Et sans institut, sans bibliothèque spécialisée, il est difficile de dépasser le stade du tâtonnement.

Je ne connais pas les tenants de la bataille idéologique à l'origine de cette regrettable disparition, mais seulement les aboutissants.

On a invoqué un manque de rigueur scientifique à l'encontre de cet institut cofondé à Lyon par Jean Haudry, mais je n'en crois rien. Ses opinions politiques ont dû jouer un rôle. Pour ma part, les opinions politiques n'ont jamais constitué un pôle de répulsion comme c'est le cas chez les détracteurs du professeur ; elles n'ont pas représenté non plus un pôle d'attraction. Il m'arrive de converser en bonne intelligence avec des gens de droite ou de gauche, communistes ou fascistes, musulmans, juifs ou chrétiens. Je rappelle au passage que Emile Benvéniste, un des hérauts de la tradition indo-européenne, était juif.

Je suis frappé par le "groupisme" de mon époque. Le microcosme universitaire français n'y échappe pas, bien au contraire. Et beaucoup d'enseignants confondent transmission d'un savoir et propagande politique. Ce n'est pas le cas de Jean Haudry qui sépare science et politique.

Par ailleurs, le comparatiste que je suis a pu observer que les universalistes ne sont pas les premiers à répondre au courrier.

Lorsque Jean Haudry prend des positions publiques contre le mondialisme et l'immigration cela ne me semble pas particulièrement condamnable car un professeur est aussi quelqu'un qui - au sens premier du terme - "dit les choses devant".

Lorsqu'il nous assure que l'"Euro-mondialisme n'a pas d'avenir", il nous faut le croire. Il nous faut croire que le progressisme sans limite laisse un jour place à la tradition, possible que l'idéologie des Droits de l'Homme Étranger s'effacent devant le droit de tous les peuples à coexister.

Si la tradition est derrière nous, elle est aussi devant. On peut même rêver d'une alliance entre la tradition la plus archaïque et la technoscience la plus futuriste. Cette fusion produirait une esthétique nouvelle, un rapport à la fois nouveau et ancien au monde déjà préfigurée par dans certaines oeuvres de Science Fiction.

Et cela tombe bien car l'"archéofuturisme" a connu son prophète, Guillaume Faye. Quant aux travaux de Jean Haudry, tout laisse à penser qu'ils en seront un jour la source !

Frédéric Andreu-Véricel
Contact : fredericandreu@yahoo.fr
 

Jean Haudry:

La tradition Indo-Européenne

Conférence de Jean Haudry, Président d'honneur de Terre et Peuple, ancien Professeur de linguistique français et de sanskrit, spécialiste des langues et de la civilisation indo-européenne, sur son livre « Le message de nos ancêtres » qui traite de la tradition indo-européenne, à la XXIème table ronde de Terre et Peuple, à Rungis le dimanche 11 décembre 2016.
 

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Du néo-latin parlé jadis en Afrique du Nord

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Du néo-latin parlé jadis en Afrique du Nord

Roberto Brocchieri

Ex : https://www.giornalepop.it

Le latin, en tant que langue parlée, s’était déjà transformé à l'époque romaine, devenant au fil des siècles ce que sont aujourd'hui l'italien, l'espagnol, le portugais, le français et le roumain.

Mais l'empire romain comprenait de très vastes territoires, allant de l'Europe à l'Asie et à l'Afrique. À l'exception de l'Asie, où le grec était parlé sous l'Empire, des langues néo-latines ayant leurs propres caractéristiques se sont développées partout, qui ont été étouffées après quelques siècles par l'expansion linguistique du germanique, de l'arabe et du slave.

Passons à la redécouverte de l'un d'entre eux : le néo-latin parlé en Afrique du Nord.

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Langues néo-latines parlées après la chute de l'Empire romain

Parlons d'un sujet qui est mélancolique à sa manière, un morceau du monde romain qui s'est pratiquement évaporé après une lente agonie silencieuse qui a duré des siècles. Un monde ignoré par la plupart de nos contemporains.

Il y a quelque temps, en errant d’un hyperlien à l’autre, j'ai trouvé l'histoire d'un voyageur du XIIe siècle, Muhammad al-Idrisi, un de ces personnages spectaculaires que le monde arabe nous a donnés au cours des siècles de sa plus grande splendeur: cartographe, géographe, archéologue ante litteram. Il a traversé le monde, des îles britanniques à l'Égypte.

Traversant le Maghreb, la zone allant du Maroc actuel à la Libye, Al Idrisi s'attarde sur les langues parlées dans ces terres: l'arabe apporté par les derniers conquérants, bien sûr, les plus anciennes langues berbères et ce qu'il appelle al-lisān al-lātīnī al-ʾifrīqī, la langue latine de l'Afrique.

Cela semble évident quand on y pense, dans l'ancienne province romaine d'Afrique, on parlait le latin, flanqué du berbère et du punique (carthaginois, une langue phénicienne), et plus tard du Vandale des Germains qui ont envahi ces territoires quelques siècles avant les Arabes.

Augustin d'Hippone, qui a vécu à la fin de l'Empire romain, mentionne à plusieurs reprises dans ses écrits le curieux accent du latin local. Isidore de Séville au VIIe siècle (juste avant la conquête arabe) parle aussi de l'étrange façon de parler le latin chez les Africains : "birtus, boluntas, bita uel his simili quae Afri scribendo uitiantnon per B sed per V scribenda".

Avec la fin de l'unité impériale, et l'isolement des différentes régions autrefois unies, les langues parlées dans les différentes régions se sont transformées en langues romanes ou néo-latines.

En Afrique, ce processus a en fait été interrompu par l'invasion arabe. La césure, évidemment, n'était pas nette. Au Maghreb, l'arabe n'était pas parlé au lendemain de la conquête.

Lorsqu'au début du VIIIe siècle Ṭāriq ibn Ziyād débarqua dans le sud de l'Espagne avec l'intention de le conquérir, la plupart de ses troupes ne parlaient ni arabe ni berbère. Ils parlaient un dialecte afro-romain. Exotique, mais compréhensible aux oreilles de la population espagnole conquise.

Nous ne savons pas grand-chose sur ce qu'était cet Afroromanzo. D'après les différentes traces que nous en avons, il devait être très proche du sarde (en effet, selon certaines hypothèses, le sarde est une survivance de l'afro-roman), et il a également laissé son empreinte sur le castillan, mais nous n'en savons presque rien de plus.

La mort des Afro-Romains a dû être lente, probablement liée à la disparition parallèle des communautés chrétiennes sur ces terres, en raison de la lente conversion à l'Islam. Il faut en fait supposer que les deux choses étaient associées.

Au XIIe siècle, le normand Roger de Sicile a tenté d'étendre son royaume à l'Afrique du Nord. Cela semble marquer la fin définitive des minorités chrétiennes survivantes qui l'avaient soutenu et qui, après le retrait des Normands, ont rencontré une réaction hostile de la part des musulmans.

Après ces faits, nous avons le témoignage d'Al idrisi d'où nous sommes partis et quelques inscriptions de tombes en Tripolitaine du siècle suivant, puis le silence tombe.

De la Romanitas en Afrique du Nord, après 15 siècles d'histoire, il ne restait plus que les pierres, imposantes, mais désormais sans voix.

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samedi, 27 février 2021

Biden veut détacher les États-Unis des terres rares de Chine

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Biden veut détacher les États-Unis des terres rares de Chine

Paolo Mauri

Ex : https://it.insideover.com

Hier, le président américain Joseph Biden a signé un décret concernant la "chaîne d'approvisionnement" des biens essentiels et critiques pour la sécurité du pays.

La déclaration officielle de la Maison Blanche indique que "ces dernières années, les familles, les travailleurs et les entreprises américaines ont de plus en plus souffert de pénuries de produits essentiels, des médicaments aux aliments en passant par les puces électroniques. L'année dernière, la pénurie d'équipements de protection individuelle (EPI) pour les travailleurs de la santé de première ligne au début de la pandémie de Covid-19 était inacceptable. La récente pénurie de puces à semi-conducteurs pour l'industrie automobile a entraîné des ralentissements dans les usines de fabrication, ce qui montre à quel point cette pénurie peut nuire aux travailleurs américains".

Il est souligné que les États-Unis doivent veiller à ce que les pénuries de produits manufacturés, les perturbations commerciales, les catastrophes naturelles et les actions potentielles des concurrents et des adversaires étrangers ne rendent plus jamais les États-Unis vulnérables.

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Le décret de la Maison Blanche lance un examen complet de la chaîne d'approvisionnement des biens américains essentiels et charge les ministères et agences fédérales d'identifier les moyens de la protéger contre un large éventail de risques et de vulnérabilités. La mise en place d'un ensemble de chaînes d'approvisionnement résistantes ne protégera pas seulement le pays contre les pénuries de produits essentiels, elle facilitera également les investissements nécessaires pour maintenir l'avantage concurrentiel des États-Unis et renforcer la sécurité nationale.

L'ordonnance fixe un délai de 100 jours pour effectuer un examen immédiat dans les agences fédérales afin d'identifier les vulnérabilités de quatre produits clés.

Outre la production de principes actifs pharmaceutiques, dont 70 % ont été transférés à l'étranger, et les semi-conducteurs, qui ont été négligés par les investissements ayant entraîné la perte du leadership manufacturier américain, les deux secteurs les plus intéressants sur le plan géopolitique que l'administration entend mettre en œuvre sont les batteries de grande capacité (utilisées dans les véhicules électriques) et les terres rares, désignées comme "minéraux critiques" car elles constituent "une partie essentielle des produits de défense, de haute technologie et autres". Ces ressources minérales particulières - ainsi que le lithium, le cobalt et les métaux du groupe du platine (Pgm) - sont en fait nécessaires pour construire des éoliennes, des panneaux solaires et des batteries pour le stockage de l'électricité nécessaire aux véhicules électriques et le stockage de l'énergie alimentant le réseau. Les terres rares en particulier sont des éléments essentiels pour la défense, car elles sont utilisées, par exemple, dans les composants des radars de nouvelle génération, dans les systèmes de guidage et dans l'avionique des avions de chasse de dernière génération.

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Actuellement, malgré le fait que les États-Unis disposent d'importantes réserves minérales, la Chine est le premier pays dans la production et le traitement de ces éléments. Il est en effet bien connu que Pékin, outre qu'elle possède l'un des plus grands gisements de ces minéraux, fournit 97% du total mondial de cette ressource, dans la mesure où la Chine est capable aujourd’hui de retraiter le minéral brut, le transformant en matière exploitable, ce qui lui confère pratiquement un monopole ; elle est suivie, en ce domaine, à très grande distance, par les États-Unis.

On comprend donc aisément quelles pourraient être les conséquences de cette domination sur le plan stratégique : la Chine pourrait décider, comme elle l'a déjà laissé entendre en mai 2019, de réduire la production ou l'exportation de ces minéraux vers les États-Unis, ce qui deviendrait une arme fondamentale, dans l’arsenal chinois, pour une guerre hybride menée contre Washington ou serait simplement une carte avec laquelle, les Chinois pourraient faire chanter les États-Unis et leur politique d’opposition systématique à l'expansion chinoise.

Un autre facteur est le changement de cap "vert" de la nouvelle administration. Le président Biden a inscrit à son ordre du jour la relance de l'économie verte, et cette domination chinoise sur les terres rares pourrait très facilement l'entraver. A la Maison Blanche, ils ont donc réalisé que les plans du nouveau président pour un secteur énergétique zéro carbone d'ici quinze ans, se heurtent à la faiblesse des entreprises américaines dans le domaine de l'approvisionnement en minerais et dans la chaîne de transformation. En fait, les États-Unis importent actuellement 100 % de la vingtaine de minéraux clés, nécessaires à l'énergie verte, et sont presque aussi dépendants des importations de ces minéraux particuliers.

L'ordonnance prévoit également un examen plus approfondi, sur une année, d'un ensemble plus large de chaînes d'approvisionnement qui couvrira des secteurs clés tels que la base industrielle de la défense, la santé publique, les technologies de l'information et de la communication, les secteurs des transports et de l'énergie ainsi que la chaîne d'approvisionnement agroalimentaire.

Toutefois, cette activité ne sera pas limitée à une courte période de temps. La révision des chaînes d'approvisionnement, action qui identifie simultanément, outre les risques et les lacunes, les nouvelles orientations et les politiques spécifiques de mise en œuvre, durera tout au long du mandat présidentiel de quatre ans dans un travail constant d'interaction entre les ministères, les agences fédérales et l'exécutif qui impliquera également le monde de l'industrie, les universités et les organisations non gouvernementales.

Le président Biden a donc lancé une nouvelle politique pour mettre fin à la dépendance américaine vis-à-vis de la Chine, non seulement en vue de relancer l'économie nationale et de soutenir sa vision "verte", mais surtout pour une raison stratégique : en effet, il n'est pas possible de contrer l'expansionnisme économique, commercial et militaire de la Chine tout en dépendant d’elle, dans des secteurs clés tels ceux de l'industrie de haute technologie, intimement liés à la Défense. Il s'agit donc d'un plan de sécurité nationale qui libérera Washington des liens commerciaux qu'elle entretient avec Pékin, mais qui pourrait avoir des conséquences néfastes en ce qui concerne "l'exportation de la démocratie". Les ressources minérales, les gisements, ne sont pas mobiles, et il n'y a que deux façons de s'en emparer : resserrer les liens avec les nations qui possèdent de grands gisements, ou intervenir manu militari pour pouvoir contrôler la production. Quelque chose qui se passe aujourd'hui en République démocratique du Congo, où, ce n'est pas un hasard, des hommes du groupe russe Wagner sont présents, et quelque chose qui s'est déjà produit en Afghanistan, un pays qui, avec la Bolivie, le Chili, l'Australie, les États-Unis et la Chine, possède les plus grandes réserves de lithium au monde.

Premier raid de l'ère Biden : frapper les milices en Syrie

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Premier raid de l'ère Biden : frapper les milices en Syrie

Lorenzo Vita

Ex : https://it.insideover.com

L'ère de Joe Biden à la Maison Blanche commence au niveau international avec un premier raid en Syrie. Comme l'a confirmé le Pentagone, le président américain a ordonné un raid de bombardement contre des sites qui, selon les renseignements américains, sont utilisés par des miliciens pro-iraniens dans la partie orientale du pays. "Ces raids ont été autorisés en réponse aux récentes attaques contre le personnel américain et de la coalition en Irak et aux menaces continues contre ce personnel", a déclaré le porte-parole de la Défense John Kirby, qui a précisé que l'attaque avait été spécifiquement menée "sur ordre du président", visant des sites "utilisés par divers groupes militants soutenus par l'Iran, dont le Kaitaib Hezbollah et le Kaitaib Sayyid al-Shuhada". Pour Kirby, le raid "envoie un message sans équivoque qui annonce que le président Biden agira dorénavant pour protéger le personnel de la coalition liée aux Etats-Unis. Dans le même temps, nous avons agi de manière délibérée en visant à calmer la situation tant en Syrie orientale qu'en Irak".

La décision de Biden intervient à un moment très délicat dans l'équilibre des forces au Moyen-Orient. Une escalade contre les forces américaines en Irak a commencé le 15 février et a conduit à plusieurs attaques contre les troupes américaines. L’avertissement est destiné aux forces pro-iraniennes présentes en Irak, qui a toujours constitué un véritable talon d'Achille pour la stratégie américaine au Moyen-Orient. Le pays qui a été envahi par les Américains en 2003 est devenu ces dernières années l'un des principaux partenaires de l'adversaire stratégique de Washington dans la région, Téhéran. Et il ne faut pas oublier que c'est précisément en Irak que le prédécesseur de Biden s'est manifesté. Donald Trump, en effet, avait ordonné le raid qui a tué le général iranien Qasem Soleimani. Une démarche que Bagdad avait évidemment condamnée, étant donné que le territoire sous autorité irakienne est devenu un champ de bataille entre deux puissances extérieures.

Cette fois, c'est la Syrie qui a été touchée. Et cela indique déjà une stratégie précise de la Maison Blanche. Pour le Pentagone, frapper la Syrie en ce moment signifie frapper un territoire avec une autorité qu'ils ne reconnaissent pas et qu'ils ont tenté de renverser. Une situation très différente de celle de l'Irak, où les États-Unis veulent éviter que le pays ne se retourne contre les forces étrangères présentes sur place et où il existe un gouvernement que l'Amérique reconnaît comme interlocuteur. Le fait que le raid ait eu lieu en Syrie mais en réponse aux attaques en Irak, indique qu'ils ne veulent pas créer de problèmes pour le gouvernement irakien.

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L'attaque confirme également un autre problème pour l'administration américaine. La présence de milices pro-iraniennes en Syrie et en Irak est un nœud gordien qui est loin d’avoir été tranché. Les généraux américains ont longtemps demandé à la Maison Blanche, sous Trump, d'éviter un retrait des troupes de Syrie, précisément pour exclure la possibilité que les forces liées à Téhéran reprennent pied dans la région. Trump, même s’il était récalcitrant, a néanmoins accepté, en fin de compte, les exigences du Pentagone (et d'Israël) et a évité un retrait rapide des forces américaines. Pour la Défense américaine, il y avait également le risque d'un renforcement de la présence russe (Moscou a condamné l'attaque en parlant d'"une action illégitime qui doit être catégoriquement condamnée"). Ce retrait ne s'est jamais concrétisé, se transformant en un fantôme qui erre depuis de nombreux mois dans les couloirs du Pentagone et de la Maison Blanche et niant la racine de l'une des promesses de l’ex-président républicain : la fin des "guerres sans fin".

Le très récent raid américain n'indique en aucun cas un retour en force de l'Amérique en Syrie. Le bombardement a été très limité et dans une zone qui a longtemps été dans le collimateur des forces américaines au Moyen-Orient. Mais le facteur "négociation" ne doit pas non plus être oublié. Les Etats-Unis négocient avec l'Iran pour revenir à l'accord sur le programme nucléaire : mais pour cela, ils doivent montrer leurs muscles. Comme le rapporte le Corriere della Sera, Barack Obama avait l'habitude de dire : "vous négociez avec votre fusil derrière la porte". Trump l'a fait en se retirant de l'accord, en tuant Soleimani et en envoyant des bombardiers et des navires stratégiques dans le Golfe Persique. Biden a changé la donne : il a choisi de limiter les accords avec les monarchies arabes pour montrer clairement qu'il ne s'alignait pas sur la politique de Trump, en gelant les F-35 aux Émirats et les armes aux Saoudiens qui se sont attaqué au Yémen. Mais en même temps, il voulait envoyer un signal directement à l'Iran en frappant des milices à la frontière entre l'Irak et la Syrie. Tactiques différentes, stratégie différente, mais avec une cible commune : l'Iran.