Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 23 février 2021

Le Hohenstaufen de génie: incompris, calomnié, combattu (1194-1250)

Frederick_II_and_eagle.jpg

Le Hohenstaufen de génie: incompris, calomnié, combattu (1194-1250)

Par Bernard Plouvier

Ex: https://metainfos.com

Fils de l’empereur Henri VI et de l’héritière de Sicile, Frédéric de l’illustre dynastie souabe des Hohenstaufen semble béni, sinon des dieux, du moins de la fortune… pour les amateurs de symbole, il est même baptisé, au début de 1195, dans la même cathédrale Saint Rufin d’Assise où Jean Bernardone l’avait été en 1182. Les deux hommes se rencontreront plus tard, en une époque où le second sera devenu François d’Assise.

Papa Imperator meurt en 1197 et l’orphelin est dépouillé, vivant en pauvre humilié, à Naples. Il y gagne une formation d’autodidacte polyglotte, étant curieux de tout. Pour des raisons politiques, son tuteur, le pape Innocent III, se souvient brusquement de lui en une époque où les candidats au trône de Germanie se bousculent et en 1211, Frédéric passe du statut d’orphelin quasi-miséreux à celui de roi désigné de Germanie.

Quatre ans de conciliabules se passent avant qu’il soit enfin sacré en 1215 en la ville de Charlemagne : Aix-la-Chapelle. À 19 ans, c’est un athlète de taille moyenne (disent les chroniqueurs, ce qui signifie qu’il ne doit sûrement pas dépasser 1,75 mètre).

istockphoto-155139983-612x612.jpg

Ces quatre dernières années, il est devenu lettré, féru de poésie, mais aussi d’arithmétique, d’astronomie (indissociable jusqu’au XVIIe siècle de l’astrologie : l’illustre Kepler et le triste sire Galilée seront engagés comme astrologues). Il devient un expert en fauconnerie. Il est surtout rompu à la pratique des armes et a très vite compris que, si un mauvais arrangement vaut toujours mieux qu’un long procès même gagné, il en est de même en politique : on guerroie quand il est impossible de faire autrement, le mieux étant de négocier. C’est une découverte de génie… qui restera inexploitée, en Europe, pendant près d’un millénaire.

En 1215, il a promis de partir en croisade. Mais le cinquième épisode, débuté en 1218, lui paraît tellement mal engagé qu’il décide de n’y pas prendre part.  Certes en 1220, il renouvelle son vœu, alors que les croisés vont d’échec en échec.

En 1219, est arrivé en Terre Sainte, François d’Assise qui rêve, sinon de se faire martyriser, du moins de convertir du mahométan. En cet été de 1219, François discute avec le sultan kurde d’Égypte, neveu de saladin, le très intelligent Malik al-Kâmil, beaucoup moins fanatique que son oncle qui était un fervent adepte du Djihâd, dans sa variété sanglante.     

La rencontre de Bari entre François et l’empereur Frédéric date de l’année 1222, durant laquelle François est venu prêcher dans le royaume de Naples. Ces conversations de 1222, singulièrement celles qui ont trait à l’émir d’Égypte, ont alimenté les réflexions de Frédéric, au point de lui faire organiser sa très particulière sixième Croisade, la seule qui ait réussi depuis le triomphe de 1099.

Frederick-II-13th-century-Holy-Roman-Emperor-Museo-Provinciale-Campano-Capua-Italy.jpg

Frédéric II est peut-être cet humaniste tant vanté par les historiens, mais c’est un humaniste étonnamment moderne, très éloigné de ceux de la Grande Renaissance des XVe et XVIe siècles : il consomme énormément d’alcool et de femmes. Outre ses trois épouses, qui lui offriront sept enfants légitimes (dont trois meurent en bas âge, ce qui est la moyenne normale de l’époque), on lui connaît une douzaine de bâtards parvenus à l’âge adulte (et l’on doit supposer l’existence d’une douzaine d’enfants illégitimes morts prématurément).

C’est avant tout un homme très intelligent, pragmatique en matière de politique, de religion et d’administration. Il a compris qu’il valait mieux éblouir qu’effrayer. Il ramène la paix dans ses états par le faste des cérémonies et de ses constructions plutôt que par l’étalage de cruauté comme le font ses confrères rois, papes et empereurs… presque jusqu’à nos jours.

Lorsque les 20 000 mahométans de Sicile s’insurgent, au lieu de les faire exécuter, il les déporte dans les Pouilles où ils font souche. Ce germano-scandinave, qui ne croit pas plus au Christ qu’à Mahomet, est strictement dépourvu d’orgueil racial. On n’a jamais pu déterminer s’il était athée ou vaguement déiste. En tous cas, il réfute les interdits religieux et introduit l’enseignement de l’anatomie à l’Université de Salerne, y autorisant la pratique des dissections de cadavres, interdite aussi bien par le fanatisme mahométan que par le chrétien. Il s’entoure d’une garde berbère (« sarrasine ») et ne sera jamais trahi.   

Federico II di Svevia.jpg

Entre gens intelligents, il arrive que l’on s’entende. C’est ce qui va se passer entre Frédéric et Malik al Kâmil, dont François a longuement parlé à l’empereur. Roi de Germanie, de Sicile, Calabre, Naples et Pouilles, titulaire de la dignité impériale, Frédéric aimerait faire la paix avec les papes qui, après l’avoir excommunié en 1220, menacent de placer ses royaumes en interdit, ce qui reviendrait à déclencher une multitude d’insurrections chez ses sujets les plus fanatiquement superstitieux. Rien de tel, pour calmer l’ire des pontifes que de leur rendre l’accès à Jérusalem.

Quelques mois après la rencontre de François et de l’empereur, le roi dépossédé de Jérusalem Jean de Brienne propose à Frédéric, jeune veuf, la main d’isabelle, sa fille et unique héritière. Le mariage est célébré, à Brindisi, en novembre 1225, Frédéric exigeant d’être nommé «  administrateur du royaume » fantôme. En 1228, isabelle meurt à peine âgée de 17 ans ; Frédéric exerce ses prérogatives au nom de leur fils Conrad.

Au début de 1227, par ambassadeurs interposés, l’empereur et Malik al-Kâmil ont conclu une alliance, d’autant plus utile à l’émir du Caire qu’il lorgne le territoire de son frère l’émir de Damas. Ni l’un ni l’autre ne sont naïfs au point de croire aux billevesées sur l’œcuménisme religieux (le nom et l’adjectif sont d’ailleurs parfaitement incompatibles, tandis que foi et fanatisme sont des notions admirablement corrélées, quoiqu’en disent nos modernes hypocrites) ni en la notion d’un dieu unique, étant donnée la multiplicité des candidats au titre. Ils concluent un arrangement pour avoir la paix l’un et l’autre, de façon à mener à bien leurs projets.   

9u64m9gy3l5z.jpg

Les premiers détachements de Normands de Sicile et de chevaliers de Germanie débarquent en Acre en avril 1227, reprenant en ce printemps quelques places fortes de la côte libanaise (« syrienne », à l’époque). Le pape Honorius III avait menacé Frédéric d’une deuxième excommunication s’il ne partait pas diriger lui-même cette sixième Croisade avant la fin de l’année 1227. Or, en cette année, le pape meurt, remplacé par le neveu d’innocent III, ennemi de l’empereur. Les camps de croisés, en Italie, sont ravagés par une épidémie de choléra. Frédéric déclare vouloir remettre sa participation à la croisade pour l’année suivante. Grégoire IX attise l’agitation guelfe (germanophobe et bigote) en Lombardie et il excommunie l’empereur le 17 novembre.

Le 21 juillet 1228, Frédéric débarque chez son vassal infidèle, le roi de Chypre Hugues de Lusignan, et mâte les barons locaux, en août, par une démonstration de force, sans effusion de sang : c’est la méthode favorite de l’empereur.

Le 7 septembre, son armée débarque à Saint-Jean-d’Acre. Le bon Grégoire IX lance une offensive des troupes pontificales en Campanie et dans les Pouilles… de façon parfaitement ignoble, puisque depuis Urbain II, le pontife de la 1ère Croisade, la doctrine constante de l’Église est de considérer comme sacré le domaine d’un croisé. En outre, le pape interdit aux Templiers, aux Hospitaliers et aux Génois d’aider l’empereur dans sa Croisade. Frédéric s’en moque : il compte sur ses fidèles Chevaliers Teutoniques. Il dirige en novembre 1228 la prise de Jaffa, qui n’est pas suivie du massacre rituel de mahométans : il n’y a pas de légat pontifical pour l’exiger. C’est en cette ville qu’est signé, le 18 février 1229, le traité entre l’empereur et le sultan qui règne désormais sur la Syrie et sur l’Égypte.

51iQrOGCJaL._SX332_BO1,204,203,200_.jpgL’empereur reçoit pour dix ans la souveraineté sur Jérusalem, Bethléem et la Haute-Galilée, où se niche, à flanc de colline, la ville de Nazareth, tandis que les mahométans gardent, dans la ville sainte, le contrôle de la mosquée al-Aqsa et le Mont Moriah (soit le quartier du Temple). Cet accord jette le pape dans une fureur prodigieuse : les dévots de Mahomet n’ont pas été étrillés en bataille rangée et une partie de Jérusalem leur est laissée, notamment celle qui intéresse au plus haut point les Chevaliers du Temple, respectueusement soumis au pontife. Le 14 mars 1229, Frédéric fait son entrée solennelle à Jérusalem, où il est sacré roi le 16, en l’église du Saint-Sépulcre, boudé, sur ordre du pape, par le patriarche latin et les chevaliers des Ordres militaires.

En juin, il rembarque pour reconquérir son domaine du sud de l’Italie, ce qui est fait dès le mois d’octobre, les troupes pontificales, mal commandées par le cardinal Pélage et le beau-père Jean de Brienne, furieux d’avoir été dépossédé de son titre de roi de Jérusalem, se débandant au moindre combat. En cette fin d’année 1229, les Templiers sont chassés du royaume de Naples-Sicile et leurs biens confisqués en faveur de l’empereur-roi. En août 1230, vaincu militairement, Grégoire IX lève l’excommunication de Frédéric… car même un homme inspiré par un dieu unique ressent parfois quelques frayeurs pour sa personne.

Jérusalem est reprise par les mahométans au début de 1241, puis restituée à l’empereur à la fin de l’année et définitivement perdue en août 1244, où les Turcs massacrent allègrement la quasi-totalité des chrétiens de la ville sainte… c’est une façon comme une autre de se défouler après leur très humiliante défaite enregistrée, en 1243, face aux Mongols. Le 17 octobre 1244, les Turcs écrasent (à sept contre un) les minces forces chrétiennes à La Forbie. Gaza est perdu en 1245. La Terre Sainte échappe aux Roumis jusqu’en 1918.

Frédéric, chef d’État surdoué, ménager du sang de ses sujets et même de celui de ses ennemis, eut le tort d’être trop peu présent dans les Allemagnes et détesté des papes-politiciens. Il fut considéré de son vivant comme un danger public par les grands feudataires de ses États et bien sûr par le clergé catholique. Vingt ans après sa mort, ses héritiers légitimes avaient tous été dépossédés en Sicile, en Germanie et dans les États de la botte italienne. 

Pour durer, une dynastie doit être composée surtout de tâcherons dociles aux vraies puissances : les maîtres de la finance ou les pontifes du dogme à la mode. La dynastie souabe disparut immédiatement après avoir atteint son apogée… comme c’est presque toujours le cas dans la triste histoire de l’humanité.

Sic transit gloria mundi.

Philip K. Dick, le grand reset et la désolation du monde

philip-k-dick.jpg

Philip K. Dick, le grand reset et la désolation du monde

par Tetyana Popova-Bonnal

Revenons à Philip Dick via la crise et le Reset actuels, à ses romans qui traitent du thème du logement et de la survie des familles ordinaires. Dans la plupart de ses œuvres Dick nous parle des temps post-apocalyptiques qui durent interminablement et où nous nous retrouvons aujourd’hui. Le futur dystopique décrit par ce très grand auteur, la dégénérescence d’une civilisation dominée par des milliardaires et des bureaucrates tarés, nous le vivons maintenant.

Pour l’écrivain le facteur moteur qui pousse le récit vers la science-fiction est la bombe atomique ou la conquête de l’espace. Sans l’un et sans l’autre les gens modernes se retrouvent dans les conditions « post-atomiques » - masqués jusqu’aux cheveux, effrayés jusqu’à ne pas sortir de chez soi et de haïr son prochain. Sans aucune bombe le monde se réduit en poussière… On se retrouve directement dans le décor du roman « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? (Do Androids Dream of Electric Sheep?), écrit en 1968 et si bien mis en scène par sir Ridley Scott dans son « Blade Runner ». Les vieilleries, le « junk », la poussière, les ordures sont des personnages de plein droit dans ce texte ; ils envahissent le monde, l’espace, ils prennent les dimensions surréelles. « Les vieilleries – les choses inutiles comme des enveloppes déchirées, des boites vides des allumettes, des emballages du chewing-gum ou des serviettes hygiéniques. Quand il n’y a personne à côté – ce junk se reproduit. Par exemple, si vous ne jetez pas tout cela à la poubelle le soir avant de vous coucher, le matin le junk doublera son volume. Partout il prend de plus en plus de place ». La planète entière est couverte des immeubles abandonnés et semi-ruinés. Cela nous rappelle les visions des villes industrielles américaines abandonnées et dévastées, décrites par Jim Jarmusch – Detroit, Cleveland etc.

dickband.jpg

Si dans « Les androïdes rêvent-ils… », les personnages peuvent choisir une ruine du mégapole pour se loger, dans les romans comme « The Simulacra » (Simulacres) de 1964, « The man who Japed » (Le Détourneur) de 1956 la situation immobilière est encore plus comique (ou tragique si vous voulez). La planète est surpeuplée et l’humanité doit se nicher dans les appartements microscopiques. Et si dans le beau film « Un Américain à Paris » la vision d’un appartement bohème parisien est plutôt sympathique, chez Dick l’image du logement moderne atteint des dimensions monstrueuses.  Dans « The man who Japed » (L’homme qui a fait une plaisanterie -  cette traduction nous semble plus juste) le personnage principal Allen Purcell (Dick adorait la musique baroque !) avec sa jeune épouse habite dans une chambrette d’un immeuble multi-étagé, et même ce logement est considéré comme privilégié - bien que sa cuisine se cache dans un mur, et sa femme doit se laver à l’étage (pensons à tous nos parisiens qui sont contents de se trouver une chambre de sept mètres carrés à 800 euros par mois, et où ont-ils leur lavabo ? ).

51J8540fNtL._SY350_.jpgLa situation immobilière est pareille pour le personnage du roman « Simulacres » - il habite dans une micro-chambre d’un complexe des condominiums à plusieurs étages où on peut trouver tout – du service d’un psychiatre ou un chapelain jusqu’à la boulangerie.

Dick souligne constamment l’impossibilité de vie dans des logements pareils. Ici les résidents sont dirigés par des comités des espèces des mesdames Merkel qui réunissent dans leurs caractères les traits des puritains, des kgbistes et des imbéciles complètes. Ces réunions à la fois communistes et féministes despotiques (le critique du féminisme est très répandue dans les œuvre de Dick) dans leurs rassemblements hebdomadaires éliminent tous les locataires suspects ou peu sûrs.

Nous trouvons une autre vision monstrueusement prophétique dans le roman « Glissement de temps sur Mars » (Martian Time-Slip, 1962) où «l’abomination de la désolation », comme disait Jésus (Marc 13-14) est encore plus folle. Cette image se manifeste dans le dessin d’un petit garçon considéré autiste qui a aperçu les futures profanations bétonnées de l’homme sur la terre martienne : « Dans le dessin du garçon il a remarqué plus que ça. Et son père, a-t-il remarqué tout cela ? Les énormes immeubles coopératifs évoluaient lugubrement devant ses yeux… Les immeubles avaient l’air vieux, comme si le temps les détruisait. Les fissures étonnantes couvraient leurs murs jusqu’au toit ; les vitres étaient brisées. Des espèces d’herbes rigides poussaient autour. Il dessinait l’image de la désolation et de l’abattement lourd, mort et éternel ». Ainsi le nouveau riche martien voit la prophétie de son fils où il a détruit les montagnes et les paysages vierges pour une richesse éphémère du béton. Et chez nous ce béton a recouvert maintenant toute la côte Méditerranéenne, tout Monaco, tout Israël, toutes les îles exotiques, Hawaii…  

91AoVqwpJVL.jpgUn autre variant du surpeuplement mais avec la vision de la catastrophe climatique se trouve dans le roman Le Dieu venu du Centaure ( The Three Stigmata of Palmer Eldritch1965) (nous pensons que « Le Diable » dans la traduction du titre sera plus juste). Philip Dick reprend la vision des logements monstrueux à plusieurs étages, mais cette fois les étages s’enfoncent dans la terre à cause des températures trop chaudes sur la surface ; alors les pauvres se cuisent avec l’air conditionné limité et les plus riches habitent aux étages plus bas et vont en vacances en Antarctique.

Un autre type de l’avenir ne s’échappe pas de l’attention de Dick – l’avenir de dépopulation de la planète, où il ne reste presque plus de gens sur terre et ils ne sont presque plus capables de se reproduire – comme dans les romans « Les Joueurs de Titan » (The Game Players of Titan, 1963), « La Vérité avant-dernière » (The Penultimate Truth, 1964) et aussi en peu dans « Les androïdes rêvent-ils… ». L’écrivain voit notre planète divisée en pays, territoires et villes entre les richissimes milliardaires qui vivotent et se déplacent entre leurs immenses propriétaires sans savoir que faire à part de jouer (pensons que nous ne sommes pas très éloignés de la situation pareille avec notre cher Bill Gates – le plus grand propriétaire foncier des Etats Unis qui ne rêve que nous refiler son vaccin ou son ersatz de bœuf ou ses excréments). 

Mais y a-t-il une alternative pour nous ? Car nous ne sommes pas trop loin de ces futurs décrits par Dick il y a soixante ans ! Chez Dick l’issue c’est le retour vers son amour et vers la terre. Et surtout vers la terre que nous pouvons et devons cultiver, cette terre qui nous nourrit, donne des forces et l’espoir. Alors Dick envoie ses héros sur les terres éloignées, où il n’y a pas de béton, sur des planètes inconnues et souvent sur Mars ; par force ou par le choix propre des héros. Hélas, un simple Américain n’est pas toujours prêt à travailler. La paresse, l’ennui, le manque de talent l’empêchent souvent de réussir. Mais le grand reset oblige les personnages à se battre pour leur vie. Ainsi l’espoir de réussir et de vivre est décrit par Dick dans « Le Dieu venu du Centaure » ( The Three Stigmata of Palmer Eldritch1965), « Les Chaînes de l'avenir » ( The World Jones made, 1956) et surtout dans « Dr Bloodmoney » ( Doctor Bloodmoney, or How we got Along after the Bomb, 1965). Ce dernier est plus survivaliste que les autres car les personnages doivent survivre sans pétrole, sans électricité, sans routes, sans téléphone, sans vitres, etc… Dick n’est pas idyllique dans ses descriptions futuriste, mais il nous donne l’espoir : les petites communautés rurales arrive à survivre. La ville reste cruelle et dur à vivre. Mais les gens partent dans la campagne, cultivent la terre, sauvent les troupeaux, apprécient le travail et la compagnie des bons animaux (comme le cheval ou le chien), enseignent tout à leurs enfants mieux qu’à l’école, partagent leur connaissances dans les manières différentes. En peu comme dans le « Fahrenheit 451 » les gens se réunissent pour écouter la lecture des livres sauvés ou de la musique.  

philip-k-dick-timba-smits.jpg

L’image de cette campagne est parfois très émouvante chez Dick ; ici on sent l’arôme du bon pain et du vin authentique californien, ici les amis jouent en trio baroque du Bach. Et après le cataclysme la petite musique ne cesse pas et les deux flutes et un clavecin se réunissent et rejouent les miracles de vie grâce à Purcell et Pachelbel, musiciens baroques si aimés par notre écrivain - dans Invasion divine, Dick célèbre John Dowland…

Tetyana Popova-Bonnal

Derniers livres et traductions :

Les chants traditionnels ukrainiens (Amazon.fr)

Eugène Onéguine (traduction juxtalinéaire)

La comédie musicale américaine (Amazon.fr)

 

lundi, 22 février 2021

Entretien avec Carlos Javier Blanco: L'Espagne se désagrège, tout en laissant l'invasion et la colonisation culturelle s'installer. Mais si l'Espagne tombe, c'est toute l'Europe qui tombe.

foto-carlos-4-1068x1067.jpg

Entretien avec Carlos Javier Blanco:

L'Espagne se désagrège, tout en laissant l'invasion et la colonisation culturelle s'installer. Mais si l'Espagne tombe, c'est toute l'Europe qui tombe.

Propos recueillis par Andrej Sekulović

Ex: https://demokracija.eu/

Carlos Javier Blanco est un professeur de philosophie espagnol, et auteur de plusieurs livres, qui se concentre principalement sur la pensée du philosophe allemand Oswald Spengler. Nous avons discuté avec lui du déclin des civilisations auquel l'Europe est actuellement confrontée, et de la manière d'arrêter ce déclin. Nous avons également parlé des migrations de masse, de la situation politique en Espagne, et d'autres sujets intéressants.

Pourriez-vous présenter votre travail et votre domaine d'expertise à nos lecteurs, et nous parler un peu de vos activités ?

J'ai obtenu mon doctorat en philosophie à l'Université d'Oviedo (Principauté des Asturies, Espagne) en 1994, et dans les premières années de mon enseignement et de mes recherches, j'ai contribué à forger la théorie dite de la ‘’fermeture catégorielle’’ dans l'école dite "d'Oviedo" dirigée par le philosophe espagnol (aujourd'hui décédé) Gustavo Bueno. De la philosophie des sciences et de la théorie de la connaissance, mes intérêts ont dérivé vers la philosophie de l'histoire, d'où mes abondantes publications sur Marx, Nietzsche et Spengler. L'atmosphère sectaire du "matérialisme" asturien m'a fait me désengager progressivement de cette façon abstruse et "scientifique" de faire de la philosophie et, au contraire, j'ai abordé l'étude de certains classiques de la pensée allemande. Outre ceux déjà mentionnés, j'ai écrit des ouvrages sur Kant, Schopenhauer... En tout cas, étant donné l'effroyable décadence de la civilisation européenne, la figure d'Oswald Spengler a pris de plus en plus d'importance dans mes études. Au cours de la dernière décennie, j'ai compris que Spengler est le philosophe le plus important du XXe siècle, et pourtant c'est un auteur maudit. En cherchant à savoir qui avait repris son héritage et l'avait étudié sérieusement ces derniers temps, j'ai pris conscience de deux sources principales récentes. D'une part, ceux qui avaient d'abord appartenu à la soi-disant Nouvelle Droite, avec un noyau français (de Benoist, Faye) ou belge (Steuckers), et d'autre part, les travaux du professeur David Engels, également Belge (plutôt germano-belge), qui fait actuellement des recherches en Pologne.

51jO-M6UChL._SX351_BO1,204,203,200_.jpgD'autre part, la soi-disant "nouvelle droite", si une telle tendance existe encore véritablement, je pense, n'est bien consciente, d’une part, des liens entre Spengler et la révolution conservatrice allemande et, d’autre part, la nouvelle identité et la pensée anti-décadente, que si l'on se concentre sur la figure de Robert Steuckers.

Engels, à son tour, est le président de la Société Oswald Spengler pour l'étude de l'humanité et de l'histoire du monde [ https://www.oswaldspenglersociety.com/ ] et travaille dur pour la reconnaissance et l'étude de l'approche spenglerienne en ce XXIe siècle décadent. Je suis en contact étroit et amical, en ligne, avec les deux auteurs, Steuckers et Engels, et j'ai beaucoup appris d'eux.

L'idée spenglerienne de l'histoire m'a été très utile pour réinterpréter l'Hispanité dans une clé géopolitique : la Reconquête et le rôle du royaume des Asturies, la lutte des Asturiens et des Espagnols pour se libérer des Maures et ne pas être absorbés par eux, le maintien de l'identité catholique et celto-germanique face aux barbares du sud.

Vous êtes également l'administrateur du blog espagnol Spengleriana - Decadencia de Europa, parlez-nous un peu de ce blog...

"Spengleriana" (Décadence de l'Europe, https://decadenciadeeuropa.blogspot.com/ ) rassemble maintenant près de 200 articles, certains d'une longueur considérable, d'autres très courts. Si je ne me trompe pas, il a commencé en janvier 2012 et a déjà dépassé les 136 000 visites. La plupart des articles sont les miens, bien qu'il y ait quelques exceptions, notamment des traductions d'articles ou d'interviews que je considère importantes. Je sais qu'il s'agit d'un blog consulté depuis les régions les plus diverses du monde, et pas seulement depuis les pays qui composent le monde hispanique (étant donné que l'espagnol est la principale langue utilisée dans le blog). C'est également l'un des rares blogs consacrés à une approche spenglerienne de l'histoire et du présent, bien qu'il faille le dire de manière très générale, car cette approche spécifique que j’ai adoptée peut être qualifiée de bien d'autres façons : pour certains, le blog est trop conservateur, pour d'autres, il est trop marxiste, ou trop nationaliste... Sur le blog, j'inclus beaucoup de mes publications académiques, bien qu'il y ait aussi des essais écrits expressément pour le blog ou pour des publications amies, où je suis un contributeur régulier (La Tribuna del País Vasco, Tradición Viva, Geopolitica.ru en Español, etc. ).

978849489524.JPGIl est évident que le contenu du blog est influencé par le philosophe allemand Oswald Spengler, et son idée du déclin de l'Occident. Pourquoi diriez-vous que sa philosophie est toujours importante à notre époque, et dans quelle mesure ses prédictions sur le déclin et ses vues sur la montée et le déclin des cultures se sont réalisées, selon vous ?

Spengler était un "prophète" non pas grâce à des dons divins, mais par la vertu même de sa méthode. Spengler a adopté une méthode morphologique selon laquelle le cycle d'une culture, qui vieillit et devient ainsi ‘’civilisation’’, passe par des étapes nécessaires, et celles-ci peuvent être prévues de manière générique. Tout comme dans la biographie d'un homme, on peut prévoir que sa vieillesse viendra après un certain temps et que sa vieillesse sera ainsi ou ainsi si l’on connait ses habitudes de vie, ses vices, sa personnalité, etc. et sur la base d'analogies avec d'autres êtres humains qui sont passés par des étapes similaires, etc. L'Europe, comme toutes les civilisations, va mourir, mais elle va mourir dans un temps encore long, et dans cette vieillesse il y a encore place pour un intervalle de "césarisme" (sur lequel Engels insiste beaucoup), en analogie avec la dernière étape chaotique de la République romaine, étape ponctuée de guerres civiles (selon le schéma d’une "convergence de catastrophes" comme l’a prédit G. Faye, dans laquelle il y aura des phases de "guerre civile") et aussi des phases de "Reconquête européenne", pour sauver son identité au milieu de l'invasion créée par le néo-libéralisme, en analogie avec la Reconquête initiée par les rois asturiens pour sauver la péninsule ibérique de la domination mahométane.

La civilisation européenne est en déclin, désarmée, impuissante dans un contexte multipolaire très dangereux pour ses nations et ses peuples. Les élites qui prétendent gouverner au nom des ethnies européennes sont vendues, des élites corrompues qui sont prêtes à tout pour maintenir leurs privilèges et rester les chiens de garde bien payés d'une masse asservie. Spengler a très bien dépeint le processus de conversion d'une communauté autrefois saine, forte et bien organisée en une masse docile d'esclaves impuissants, vivant dans des ruches, sans âme, colonisés mentalement, stériles, sans famille et sans enfants, prêts à se vendre encore plus pour continuer à consommer leur drogue et à ne pas travailler dans les champs ou manier un fusil. Nous avons déjà cette Europe ochlocratique dans notre ligne de mire. Et ils nous mangeront tout crus, ils nous dévoreront vivants. Cette prédiction se réalisera à moins qu'un interrègne césariste s’institue ou qu'une réaction s’opère sous la forme d’une "Reconquista".

978849495964.gifQuelles sont les principales caractéristiques d'une culture en déclin, et comment pouvons-nous, en tant qu'Européens, lutter contre ce déclin ? Est-il possible de le surmonter, ou un tel déclin est-il inévitable ?

Le déclin peut être retardé. Une contre-hégémonie peut se créer. Des mouvements populaires nationaux peuvent se constituer. Il ne sera jamais arrêté par le conservatisme, qui est en soi lâche et accommodant. Pas plus que le mode de pensée "progressiste", qui est le principal agent du déclin. Il est ridicule de lire la presse "conservatrice" et difficile de prendre au sérieux ses mises en garde contre le "communisme" chinois ou vénézuélien ou l'"autoritarisme" russe. Les mouvements nationaux-populaires européens ne peuvent être ni de gauche ni de droite. Ils doivent être des mouvements en faveur de la souveraineté nationale-populaire, qui luttent depuis chaque nation contre la domination néolibérale anglo-saxonne et montrent aux empires émergents (Russie, Chine) qu'il y a encore des peuples rebelles ici, en Europe. Ensuite, ils peuvent montrer que l'Europe n'est pas synonyme d'élites bureaucratiques néolibérales installées à Bruxelles, mais que l'Europe, ce sont des peuples indigènes qui ont le droit de décider de leurs propres territoires et de leur propre destin. Nous en sommes loin, mais une "bataille pour la culture", une lutte des idées, doit précéder la vraie bataille. Il y a des signes d'une telle lutte dans tous les pays, mais l'effort contre-médiatique, éditorial, intellectuel, etc. est encore titanesque.

Outre Spengler, vous vous concentrez également sur d'autres philosophes et idées dans votre travail. Dites-nous quels autres philosophes sont importants à notre époque, et lesquels ont eu le plus grand impact sur vous ?

foto-carlos-1-224x300.jpgPour les "conservateurs", c'est l'allergie et l'indigestion, mais avant d'avoir lu des auteurs décisifs comme Costanzo Preve ou Diego Fusaro, mon étude de l'œuvre de Marx m'avait déjà amené à la conclusion que le plus authentique des Marx, l'aristotélicien et le communautariste, le penseur idéaliste de la Totalité organique, n'a rien à voir avec le Marx des marxistes ni avec toute cette gauche dégénérée postmoderne, qui oublie tout du travail, de l'aspect productif de la vie sociale et est au contraire obsédée par ce que l'écrivain Juan Manuel de Prada appelle les "droits de codécision" (le droit à l'aberration sexuelle, à l'autodétermination des sexes et à la jouissance hédonique illimitée).

Si je devais mentionner Thomas d'Aquin, le maître de l'Ordre, cela provoquerait l'effondrement des "progressistes". Et pourtant, rien ne pourrait être plus révolutionnaire que la pensée classique et scolastique. Pour un nouvel Ordre, tel que celui que l'Église a répandu, avec l'aide des chevaliers, pendant mille ans, il n'y a rien de mieux que de s'inspirer de la Somme de la théologie thomiste. Une nouvelle Somme doit être écrite pour le prochain millénaire.

Y a-t-il des auteurs contemporains d'Espagne, ou plus largement d'Europe ou d'Occident, que vous recommanderiez à nos lecteurs intéressés par les idées et les points de vue dont nous discutons ?

Un homme m'a inculqué l'amour de la philosophie : Don Gustavo Bueno, un philosophe espagnol décédé en 2016, avec une œuvre étendue, très "baroque" et souvent inutilement technique. Il faut l'étudier directement, sans le filtre d'aucun de ses disciples, dont la grande majorité sont des idiots, qu'ils penchent vers le marxisme ou le conservatisme.

J'ai récemment découvert les théories politiques de Marcelo Gullo (un penseur argentin) sur "l'Insubordination Fondatrice", une nouvelle façon de comprendre l'Hispanité (bien qu'elles puissent être étendues à d'autres entités géopolitiques), des idées très fertiles contre le néolibéralisme et le néocolonialisme (anglo-saxon) basées sur la résistance culturelle et le protectionnisme économique des nations, et sur l'union de ces nations ethniquement ou culturellement liées contre l'empire qui tente sans cesse de les subordonner. Le problème de Gullo est qu'il veut présenter aux Espagnols européens et aux Espagnols américains une fausse disjonction exclusionniste : soit l'Hispanidad (qui inclut le métissage - métissage des races - dans les Amériques), soit le Germanismo (le Nordicisme), confondant les racines ethniques (celto-germaniques) du Nord de l'Espagne avec la soumission de l'actuel Royaume d'Espagne à une Union européenne corrompue et maladroite, dirigée par une Allemagne dénaturée. Mais Gullo pourrait être largement lu en Europe avec un grand profit.

Les deux auteurs européens actifs que je recommande le plus sont belges : Steuckers et Engels. Tous deux nous mettent au défi d'une renaissance spirituelle en tant qu'Européens.

portada-web.jpg

J'aime beaucoup le philosophe marxiste Diego Fusaro et j'ai également collaboré avec lui. Sa devise, quelque chose comme "valeurs de droite" (Tradition, Famille) et "idées de gauche" (Justice sociale, Travail décent et abolition du capitalisme) résume, pour moi, le vrai Marx, pas celui des progressistes ou des communistes résiduels ou des staliniens. Il résume aussi la Renaissance qui devrait nous arriver avant que nous ne succombions.

Il serait juste de dire qu'à l'Ouest, les universités et les établissements d'enseignement, en général, ont été repris par la gauche libérale, ce qui se traduit dans de nombreux cas par la suppression des cours européens ou occidentaux classiques du programme d'études dans certains pays, et ainsi de suite. Les milieux universitaires officiels stigmatisent tout ce qui n'est pas conforme au "politiquement correct". Dites-nous quelle est la situation en Espagne à cet égard, et quelles sont vos réflexions à ce sujet ?

L'Espagne est peut-être aujourd'hui le pays le plus touché par le virus du "politiquement correct". L'université et le reste du système éducatif sont aujourd'hui une gigantesque machine inquisitoriale. Les gens subissent un lavage de cerveau. Dans ma propre ville, Gijón, la plus grande ville de la Principauté des Asturies, à l'origine de la Reconquête, les gens se moquent de Don Pelayo (initiateur de la Reconquête et premier roi d'Espagne). Un jour, lorsque j'ai remis mon livre sur la Reconquête (La Luz del Norte) dans une bibliothèque, l'employé m'a dit que ce personnage n'existait pas. La parole correcte (de gauche) est maintenant de dire que les Maures n'ont pas envahi l'Europe, que la Deuxième République était une merveilleuse démocratie, que la Conquête espagnole des Amériques était un génocide, que la transition du franquisme au bourbonisme était "exemplaire"... Tout cela fait l'objet d'un lavage de cerveau.

L'Espagne est l'un des pays méditerranéens qui ont été submergés par des migrations massives depuis le début de la crise migratoire en 2015. Une grande partie des migrants qui se rendent en Europe en traversant la Méditerranée aboutissent en Espagne. Comment cela a-t-il affecté votre société et quels sont, à votre avis, les principaux problèmes que les migrations de masse représentent pour l'Espagne et l'Europe ?

Ils nous cachent que le sultan du Maroc envahit silencieusement l'Espagne, qu'il fait chanter le gouvernement espagnol, et aussi qu'il y a un plan pour s'emparer des îles Canaries, de Ceuta, de Melilla, et d'une bonne partie de l'Andalousie. Ils nous cachent qu'il existe un projet de création d'un "Grand Maroc" qui comprend l'ancienne province espagnole du Sahara, plus la Mauritanie, une partie de l'Algérie, le Mali et l'Espagne (et donc un fragment constitutif important de l'Europe). Les mafias font venir des gens de toute l'Afrique, ainsi que des excédents démographiques du Maroc lui-même, qui devront être soutenus par des fonds publics espagnols, qui ont déjà été gravement épuisés par la pandémie de Covid-19. Les études et l'entretien de milliers d'Africains, dont des Marocains, seront payés par l'État espagnol, un État en ruine - endetté, mortellement blessé par la pandémie, car trop dépendant du tourisme en tant que monoculture - et qui n'a plus de ressources pour sa propre population. Dans ce sens, plutôt que de dire qu'il y a une "émigration massive" ou une "invasion silencieuse", je préfère dire que l'Espagne devient une colonie du Maroc, un territoire victime du chantage à la "bombe humaine" et obligé de se sacrifier pour un autre État menaçant. D'autre part, il y a de nombreux agents - natifs ou non - au service du roitelet maghrébin, qui promeuvent l'idée de la "splendeur d'al-Andalus", de "l'Espagne des trois cultures (maures, juifs et chrétiens)" et du "patrimoine arabe de l'Espagne", ainsi que de nombreux chevaux de Troie dirigés contre l'idée d'une Espagne européenne et chrétienne, introduits, surtout parmi les partis de gauche. Personne ne réagit à cette situation. L'Espagne subit un processus centrifuge, se désagrège, tout en permettant l'invasion et la colonisation culturelle. Mais si l'Espagne tombe, c'est toute l'Europe qui tombe.

Pouvez-vous nous donner un bref aperçu de la situation politique actuelle en Espagne ?

C'est la folie absolue, le triomphe de la stupidité. Après avoir fait vaincre les terroristes séparatistes par la police, le gouvernement national les loue et les reconnaît comme des sujets politiques. Ayant pu asphyxier économiquement la Generalitat de Catalogne, en raison de sa déloyauté envers la Nation, il continue à reconnaître son autonomie d'action, une action qui a toujours eu pour but d’imposer à l'Espagne un processus centrifuge délétère. Un gouvernement minoritaire, légiférant sans consensus dans une direction sans équivoque : créer la division, la fracture sociale. Un siècle et demi de guerres civiles ne leur ont pas suffi, ils veulent de plus en plus de guerres civiles. Et ils provoquent la terreur dans les classes moyennes et ouvrières avec leur programme post-moderne : euthanasie, droits des organes génitaux, et soutien aux minorités aberrantes et dégénérées... pure ingénierie sociale. Un État dirigé par une pseudo-gauche qui cherche à écraser les classes réellement productives de la société, au détriment des parasites. Et une droite lâche ou maniaque, qui manque d'intérêt et de préparation pour la "lutte culturelle", une guerre si essentielle à l'heure actuelle.

9788494763700.jpg

Selon vous, qu'est-ce qui attend l'Europe dans le futur, et qu'est-ce qui attend l'Occident et le monde, après l'année turbulente de 2020 ?

De nombreux mouvements identitaires vont émerger, très divers, car l'Europe possède déjà toute la diversité ethnique ancestrale dont elle a besoin, et ces mouvements nationaux-populaires feront de nombreuses erreurs et seront soumis à une criminalisation générique. Mais en fin de compte, ils s'aligneront dans tous les pays et toutes les villes contre les partisans du suicide de l'Europe. Les personnes "qui n'auront plus rien à perdre" descendront dans la rue, comme cela a toujours été le cas. Le rétablissement de l'ordre sera nécessaire et la grande solution génératrice d’ordre devra être centralisée, car l'Europe ne survivra pas si elle n'agit pas comme un seul corps, même si la situation est vécue différemment d’un pays ou l’autre. L'Union européenne se montrera, en même temps, de plus en plus perfide, fausse et inefficace, l'ennemie des peuples qu'elle prétend avoir unis. Et pourtant, il faudra parvenir à une unité des Européens, tout comme les Chinois, les Russes et, je l'espère, les hispano-américains sont déjà unis (une tâche dans laquelle il y a beaucoup à faire). Si les États-Unis fondent, cela ne doit pas nécessairement se produire dans l'Union européenne : nous sommes des peuples très anciens, avec des fonds communs ancestraux, et une sorte d'instinct peut venir à notre défense. C'est cet instinct, ou un Dieu, qui peut nous sauver.

 

Sur le pamphlet de Dominique de Roux

838_dominique_de_roux.jpg

Sur le pamphlet de Dominique de Roux

par Georges FELTIN-TRACOL

En hommage au fils de Dominique de Roux, l’éditeur non-conformiste et homme libre Pierre-Guillaume de Roux qui vient de disparaître.

***

« Les dimensions de l’entreprise néo-radicaliste, avec ses ambitions, ses rouages, ses tentacules européennes [sic !], son arsenal financier, cette volonté de vampiriser les masses, s’apparente beaucoup plus à une tentative de pouvoir totalitaire, utilisant les voies démocratiques de la légalité, plutôt que de la confrontation authentiquement démocratique des intérêts, des positions diverses à l’intérieur de la vie française d’aujourd’hui (pp. 74 – 75). » C’est ainsi que l’écrivain et éditeur français Dominique de Roux s’attaque aux pontes de la plus vieille formation politique de l’Hexagone, le Parti radical, et en particulier à son sémillant secrétaire général d’alors, Jean-Jacques Servan-Schreiber, dans un pamphlet justement intitulé Contre Servan.

unnamed.jpgJean-Jacques Servan-Schreiber (1924 – 2006) (ou JJSS) ne dit plus rien aux nouvelles générations. Fondateur en 1953 de l’hebdomadaire L’Express et auteur en 1967 du Défi américain, celui qu’on prenait (et qui se prenait) pour le « Kennedy français » représente la Meurthe-et-Moselle à l’Assemblée nationale de 1970 à 1978. Président du conseil régional de Lorraine (avant les lois de décentralisation) de 1976 à 1978, il est ministre des Réformes pendant treize jours sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing et dans le gouvernement de Jacques Chirac, cette « étrange éclosion de traîtres, d’UDR défraîchis et de polissons, Schreiber, Lecanuet, le mépris, le dégoût nous monte à la tête (1) ». Adversaire farouche du « Programme commun » conclu entre le PS de François Mitterrand, le PCF de Georges Marchais et une moitié du Parti radical qui se scinde pour l’occasion en Radicaux de gauche et en Parti radical valoisien (son siège social se trouvant dans le 1er arrondissement de Paris, place de Valois), il préside à deux reprises ce parti d’audience négligeable de 1971 à 1975 d’abord, puis de 1977 de 1979. Soutien critique à Giscard d’Estaing, il accepte néanmoins que son mouvement intègre l’entente de centre-droit nommée UDF (Union pour la démocratie française).

Contre le néo-centrisme

En 1970, avec l’aide de Michel Albert, Jean-Jacques Servan-Schreiber publie Le Manifeste radical. D’abord ronéotypé, ce texte de 197 pages, qui sera bientôt édité (2), est largement diffusé la veille d’un énième congrès tenu les 14 et 15 février 1970. Les auteurs souhaitent arrêter le déclin d’un parti politique qui n’est plus que l’ombre de lui-même. Naguère pivot des majorités dans les dernières décennies de la IIIe République, le Parti radical (3) poursuit une inexorable déchéance électorale. Pour Dominique de Roux, « le Manifeste radical exige que la France abdique la première le privilège de sa souveraineté nationale, en acceptant qu’il lui soit interdit de l’exercer au-delà de ses frontières (p. 89) ».

« Néo-Jeune Turc » du Parti radical, Jean-Jacques Servan-Schreiber défend, à l’encontre du jacobinisme centralisateur historique de son propre parti, la décentralisation politique, la fin de la dissuasion nucléaire française au profit de l’OTAN, la réintégration dans le giron atlantiste ainsi que l’avènement des États-Unis d’Europe occidentale. « C’est ainsi que le Manifeste prouvera fidélité à la ligne traditionnelle du radical-socialisme français, dont le vœu suprême a toujours été de ramener les destinées de la France à la politique de décervelage, vision de vieillards forclos, séniles et lâches, écume misérable et obscène d’une classe dirigeante ayant assis ses prérogatives d’origine sur la spoliation et le lucre, et que l’excès même de ses crimes a épuisée, réduite à ne plus aspirer qu’aux délices tranquilles de la déchéance et de l’assujettissement (pp. 98 – 99). »

Dédié à Mao Tsé-Toung, Contre Servan ne ménage pas « le vautour – capon de L’Express (p. 104) ». Dominique de Roux y lit l’« hystérie d’un compradore en cavale qui se rue sur le pouvoir et agit en conséquence (p. 17) ». « Compradore » désigne, en Amérique hispanique, les indigènes par l’intermédiaire desquels se faisaient obligatoirement le commerce entre les compagnies coloniales et les populations que leurs dirigeants, souvent corrompus, interdisaient tout rapport avec les étrangers. Ce texte de Servan-Schreiber confirme « la démagogie d’un Parti radical tombé entre les mains d’un état-major assujetti à des principes d’internationalisme boiteux, [qui] vise non seulement à l’aliénation de la politique gaulliste de souveraineté nationale française, mais au déboulonnage final de sa destinée (p. 87) ».

HZugx.jpgLucide, l’auteur de L’Harmonika-Zug reconnaît cependant que « depuis Saint-Simon, en France, les idées générales ne servent qu’à soutenir la carrière de quelques-uns, de même que les grandes réussites finissent toujours par se perdre dans les divers ruisseaux, voire dans les égouts du courant de l’histoire qui les porte (p. 21) ». Il dénonce donc la profonde insincérité de ce manifeste. « Le compradore Servan-Schreiber ment comme tout grand cabotin nihiliste qui veut se couronner, tenir ne serait-ce qu’une seule seconde le téléphone présidentiel d’une Europe allemande, d’un nouveau Reich germano-américain (p. 17). » « À la pointe de la démagogie ignoble qui permet au Parti radical d’encadrer psychologiquement et politiquement les masses françaises, un but inavouable, continue-t-il : l’abdication de la France et, sur les entrailles du sacrifice rituel de la France, l’Europe des grands arrangements monétaires (p. 85). » Pour l’auteur de La mort de Louis-Ferdinand Céline, « les États-Unis d’Europe, but stratégique ultime des commanditaires cachés de Servan-Schreiber ne sauraient être réalisés que par l’Allemagne, la France n’étant que défaillance morale, économique, politique (p. 80) ».

Non aux nouveaux compradores !

Contre Servan suscite un intérêt familier en 2020. Jean-Jacques Servan-Schreiber anticipe un comportement servile qui se généralisera dans les quatre décennies suivantes et que contestera, parmi d’autres, Emmanuel Todd à partir de 1997. « Si le compradore Servan-Schreiber propose à la France le modèle allemand c’est parce que l’Allemagne, pense-t-il, s’est admirablement libérée de son histoire (pp. 58 – 59). » Dominique de Roux développe un argumentaire virulent. Il explique que « le pouvoir politique aujourd’hui n’est rien, semble-t-il, sans les arrières d’une économie de croissance. S’emparer du pouvoir revient en fin de compte à s’emparer des postes clés de l’économie (p. 36) ». À travers Jean-Jacques Servan-Schreiber et son Manifeste radical, une conjuration qui « dévoile son projet en le cachant (p. 53) », en gaullien transfiguré depuis L’Écriture de Charles de Gaulle (1967), il s’indigne des menées cosmopolites en ce début de décennie 1970. S’il n’évoque jamais le Club Bilderberg ou les dîners mensuels du Siècle, il mentionne en revanche son fondateur, Georges « Bérard-Quélin, le vice-président et trésorier du groupe (p. 71) » radical qui s’oppose d’ailleurs au très opportuniste Servan-Schreiber…

dominique-de-roux-b15fc801-43d3-421d-9849-3a4158598e0-resize-750.jpeg

Pour Dominique de Roux, « l’heure des grands compradores est là et comme d’habitude ils vont droit au but, liés à leur itinéraire de rapines de bijoux, de gonzesses et de tam-tam (p. 23) ». Il révèle que « les structures capitalistes d’oppressions sociales et de colonialisme économique sur le territoire se trouvent complètement séparées de la nation, des couches populaires, fonctionnant soit par l’intermédiaire du régime en place, soit à travers la contre-option d’une éventuelle prise de pouvoir centriste (p. 25) ». Dans quatre ans, la France se donnera de peu à Valéry Giscard d’Estaing, chantre d’un « libéralisme avancé » qui va accélérer la décadence française en autorisant à la fois l’avortement incontrôlé (et non eugénique), le regroupement familial allogène et l’immigration de travail. Si Contre Servan assimile les propositions de JJSS à la « Nouvelle Société » du Premier ministre Jacques Chaban-Delmas (1969 – 1972) sous la présidence de Georges Pompidou (1969 – 1974), son auteur qui incline vers un PCF revigoré par le « tribun » Georges Marchais et qui prend au cours de cette période une relative apparence nationale-populiste, ne se doute pas que, d’une part, Giscard éliminera dès le premier tour de la présidentielle anticipée de 1974 le candidat « vieux-gaulliste » Chaban-Delmas grâce à la trahison des « 43 » gaullistes-pompidoliens parmi lesquels Jacques Chirac et que, d’autre part, Marchais renoncera à se présenter à ce scrutin afin de soutenir la candidature d’union de la gauche de François Mitterrand. Il annonce en outre qu’« en réalité, depuis le départ du général de Gaulle, les mêmes puissances capitalistes anti-nationales dirigent et manœuvrent et le gaullisme en place et le centrisme des congrès (p. 24) ». En se référant à Mao, Dominique de Roux inaugure sans le savoir un tournant politique que les maoïstes de L’Humanité rouge, anciens de PCMLF (Parti communiste marxiste-léniniste de France), adopteront quelques mois plus tard en approuvant la force de frappe nucléaire française et en soutenant la réunification allemande.

En citant de longs passages du Manifeste radical, Dominique de Roux y voit encore une ferme volonté d’« effacement de la “ souveraineté nationale ” (p. 58) ». Dans un empressement tout polémique, il ne remarque pas l’influence du fameux essai de James Burnham L’ère des organisateurs (4). Il estime pourtant que pour Jean-Jacques Servan-Schreiber, « la géopolitique relève du managering, tout comme la philosophie politique de la pédicure (p. 19) ».

Refuser l’américanisation de l’Europe

imagesWGDDR.jpgLa défiance de Dominique de Roux à l’égard du projet européen se renforce avec l’américanisation croissante des esprits et des modes de vie en Europe occidentale. « Donner la Californie aux Français, comme s’en vantent les faquins de la place de Valois, c’est encore prendre la France en viager pour le compte des négriers en gants jaunes du supercapitalisme mondial, oser donner au peuple le moins valet du monde des bijoux en verre de siphon comme jadis les Frères de la Côte, dans les pays d’extorsion, les mers du Sud, et la Bretagne (p. 96). » Constatant qu’« on invente les sociétés “ multinationales ” pour donner au pouvoir des Empires, ceux des ice-cream en boîte ou des poulets en berlingo, un air azuréen d’œcuménique innocence (p. 63) », il juge que « l’anti-civilisation de l’objet total domine. L’Europe, aujourd’hui ne constitue plus qu’une marche contestée (p. 61) ». Pis, « le problème n’est pas de savoir si l’Europe d’aujourd’hui deviendra l’Amérique d’hier (p. 63) ». Il se fait même prophétique : « Les écumeurs maoïstes ou les névropathes trotskystes […] céderont […] à la main qui les flattera (p. 69). » Le parfait exemple n’est-il pas l’ancien maoïste Serge July, ex de Libération, signataire d’un récent Dictionnaire amoureux de New York (5) ?

Dominique de Roux accuse Jean-Jacques Servan-Schreiber et son Parti radical d’œuvrer en faveur de la Subversion en Espagne, en Grèce et au Portugal. Depuis que JJSS a obtenu la libération et l’exil du compositeur et musicien Mikis Théodarakis, les étudiants qui affrontent la junte des colonels d’Athènes considèrent l’élu lorrain « comme le leader d’une certaine Europe de la subversion bourgeoise qui n’aspire qu’à la puissance de nouvelles classes privilégiées (p. 68) ». Dominique de Roux en profite pour s’attarder un instant sur les rapports de forces internes qui parcourent la junte. Celle-ci dépendrait d’un Conseil national de la Révolution lui-même divisé entre « modérés » libéraux – conservateurs pro-Washington et « ultras » nationaux-révolutionnaires plus « neutralistes ». « Nationalistes, violemment anti-capitalistes au moins autant qu’anti-monarchistes et anti-marxistes, la fraction dure du Conseil de la Révolution est en marche vers des prises de position analogues à celles de la Yougoslavie titiste, de la Révolution nassérienne ou du régime du colonel Boumédienne. Au-delà de l’Union Soviétique et des relations politico-économiques étroites avec l’Albanie, la Bulgarie et la Roumanie, les extrémistes de la Junte regardent, depuis juin 1969, vers Pékin. Par l’intermédiaire de l’Ambassade de Chine à Bucarest, plaque tournante de l’ensemble stratégique de la politique chinoise en Europe de l’Est, la Grèce se trouve déjà en relation avec le commandement de l’armée populaire chinoise. Aussi la fraction extrèmiste de l’État-Major révolutionnaire secret d’Athènes envisagerait-elle un changement de ligne qui risque d’être fatal à l’ensemble du dispositif stratégique occidental en Méditerranée et dans le Sud-Est européen. Comme la question d’un retour aux délices équivoques de la démocratie royale n’est possible que dans les salons de l’intelligentsia parisienne, “ tendance Nouvel Obs ou Préfecture de Police ”, et que le passage, avec armes et bagages, dans le camp socialiste est à exclure, vu l’attitude monolithique du peuple grec lui-même, la seule carte à jouer en Grèce, pour le “ capitalisme à la papa ”, capitalisme d’Onassis et des commanditaires d’un Servan-Schreiber, reste, malgré tout, celle de la fraction modérée de la Junte (pp. 106 – 107). » Dominique de Roux est le seul à mentionner ce Conseil national de la Révolution. On peut se demander s’il ne serait pas ici victime d’une fausse interprétation des événements. En revanche, « en 1973, souligne Georges Prévélakis, Papadopoulos aurait été renversé par Ioannidis manipulé par la CIA à cause de son refus d’accorder aux Américains l’utilisation de l’espace aérien grec pour soutenir Israël (pendant la guerre du Kippour). Beaucoup d’officiers qui soutenaient Georges Papadopoulos étaient très influencés par le colonel Kadhafi (6) ». Était-il nécessaire d’évoquer la Grèce des colonels ? Pendant les sept années de la junte hellène, « les organisations para-étatiques ont pris la forme d’un État anti-communiste au service des intérêts américains (7) ».

dominique_de_roux02_450.jpgCette forme (idéalisée ?) d’organisation clandestine influence-t-elle le fondateur des Cahiers de l’Herne ? « L’emportera le groupe qui sera capable de former à ses ordres une armée de protection dialectique de sa propre vision du monde, une élite détachée de l’économique, voire même, détachée, aussi, de la politique, ce que Lénine avait appelé “ les révolutionnaires professionnels ”. Sur le plan de l’histoire, sur le plan des activismes qui font et défont la marche de l’histoire, l’emporteront donc, à l’heure actuelle, ceux qui sauront donner aux masses engagées dans leurs manœuvres l’encadrement de révolutionnaires professionnels, de cadres activistes (pp. 114 – 115). » On peut voir dans cette description d’une avant-garde militante en acier forgé une allusion aux « convives de pierre » évoliens ou à l’Ordre de la Couronne de fer ? Dominique de Roux se révèle ici en vrai penseur de la stratégie (méta)politique. Il avoue que « la noblesse de la politique, en vérité sa noblesse d’être, est de contraindre les fatalités (p. 20) ». Il s’agit par ailleurs de se méfier des opérations sous faux drapeau. « Devant la marée montante de la révolution sociale en Europe et dans le monde, la subversion du capitalisme–apatride mobilise aujourd’hui ses doctrinaires et ses meneurs de l’ombre avec la consigne d’inventer des stratégies d’urgence, combines et propagandes à double étage qui leur permettent de ralentir et de paralyser le cours actuel des choses (p. 22). » Il prend ainsi acte très tôt de la formidable capacité du « Système » à récupérer ses oppositions et à s’en servir. « Il est pourtant notoire que chaque fois qu’on fait appel au peuple en flattant démagogiquement sa soi-disant légitimité charismatique, ses droits et son mystère, prévient-il encore, c’est que l’on complote en réalité pour lui inventer un nouvel asservissement, la sémantique nouvelle de sa mis en condition (p. 40). » Attention donc aux « populismes » conduits par de « faux héros contre-révolutionnaires » prévenus par Thomas Molnar (8) à l’instar de l’illibéral hongrois Viktor Orban, ancien pensionné de George Soros… Cette mise en garde est plus que jamais d’actualité.

Vouloir l’Europe libre franco-allemande

Dominique de Roux considère dans le phénomène Servan-Schreiber une manière d’« empêcher […] que la révolution en profondeur voulue par le général de Gaulle ne parvienne à se faire; que le travail national et le pouvoir politique total de la France n’aient à se rencontrer sur les décombres des puissances capitalistes des régimes bourgeois (p. 33) ». Il ironise que l’homme de presse reprenne à son compte les suggestions géopolitiques révolutionnaires et grandes-européennes du président du NPD (Parti national-démocrate d’Allemagne), Adolf von Thaden, mais « dans un sens final absolument contraire à celui qui à un moment donné avait failli rassembler l’Europe autour de l’axe gaullisme franco-allemand (p. 76) ». Quelques mois auparavant, en 1969, von Thaden regrettait déjà dans un entretien paru dans… L’Express (!) la vive hostilité du gouvernement de Bonn à « la politique européenne du général de Gaulle, politique dont le postulat fondamental était celui d’une véritable force de dissuasion nucléaire française destinée à transformer, ensuite, en force nucléaire européenne (p. 75) ». « Sur le plan militaire, Adolf von Thaden voyait une armée nucléaire française secrètement soutenue par une infra-structure économique allemande (p. 80). » À l’époque, outre-Rhin, le journaliste et politologue Armin Mohler défendait des positions géopolitiques fort semblables.

FIC139873HAB40.jpg« L’Europe allemande de facture française, l’Europe des compradores Servan-Schreiber et Willy Brandt, est appelée à se cogner subversivement à l’Europe française de facture allemande dont le général de Gaulle avait su rêver, à Ingolstadt en 1917, en 1939 sur les marches de l’Est, à Montcornet en 1940, en 1945 quand il fut reçu en Rhénanie par les survivants d’une Allemagne que, malgré tout et plus que n’importe qui d’autre, il avait contribué à relever; en 1958 enfin, et de par son silence même, aujourd’hui, à l’heure où se lèvent à nouveau les sombres boucliers du néant auxquels lui, l’homme des tempêtes, n’a plus rien à opposer si ce n’est le concept apocalyptique et l’espérance qui ne l’est pas moins du terme. Or, ce terme nous sommes déjà quelques-uns à le savoir, ne saurait être dialectiquement que le terme du terme (p. 114). » Se matérialise ici l’esquisse de la future « Internationale gaulliste » et son orientation en faveur d’une troisième voie géopolitique pour qui « la suppression des blocs militaires, préalable à la mise en marche d’une Conférence pan-européenne, passe par la thèse gaulliste de l’indépendance nationale, de la coopération politique inter-européenne et annule à la base le point de vue social-démocrate (p. 95) ». Il en appelle à la réunion d’une Conférence continentale sur la sécurité européenne, ce qui débouchera sur les accords d’Helsinki de 1975 et, à la fin de la Guerre froide, à la création d’une Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Dominique de Roux rappelle qu’« en 1944 le général de Gaulle s’était élevé avec fermeté – et en en prenant tous les risques – contre le plan Morgenthau, ayant compris selon la dialectique visionnaire du corps doctrinaire gaulliste, que, sans l’Allemagne, la France se trouverait dans l’impossibilité de faire l’Europe, et que sans l’Europe une certaine idée de la France périclitait (p. 83) ».

Grand dessein alter-gaulliste

Quel est donc le « grand dessein » de Charles de Gaulle ? « Pour que le grand dessein européen et mondial gaulliste s’accomplisse et qu’il trouve son terme, il aurait fallu que le gaullisme puisse continuer son action pour un idéal à travers les réalités, continuer la France révolutionnairement et dans les profondeurs, outil d’une véritable rupture, d’un grand accomplissement politico-historique français et européen à l’avant-garde du Troisième État de la révolution mondiale. L’idée gaulliste prévoyait, avant tout, le changement ontologique de la France sur le double plan des institutions de gouvernement et de sa politique extérieure. À l’intérieur, il s’agissait, il s’agit toujours de forger l’outil politico-militaire de l’indépendance nationale française en terme de dissuasion nucléaire et de renouvellement de l’économie nationale. La transformation profonde de l’agriculture, la réorganisation régionale, définie par Jeanneney, la participation des ouvriers aux bénéfices de l’entreprise, le dégonflage du mythe université et le plan de mise à jour technologique de l’industrie et de la recherche, tout ce qui exigeait que le pays se ressaisisse et change, s’est trouvé saboté, démantelé, par la concentration d’intérêts représentés à l’heure actuelle par le Parti radical du compradore Servan-Schreiber. Ce monde clos avait compris que la révolution gaulliste était sur le point de constituer une barrière infranchissable contre les manipulations d’un milieu qui pense politique en termes d’arrangements monétaires, de sur-exploitation colonialiste du travail, d’agences clandestines sans visage ni identité avouable à la solde du capitalisme apatride et qui, finalement, rejoint le néant (pp. 90 à 92). » Face à l’apathie française, Dominique de Roux reportera ensuite cette quête spirituelle et géopolitique vers un cinquième empire lusophone et pluri-continental (9). Il signale toutefois d’une manière sibylline à une lecture originale des Mémoires d’Espoir de Charles de Gaulle par l’économiste non-conformiste François Perroux. L’interprétation de ce dernier paraît préparer le terrain, cinquante ans plus tard, à la publication d’une série de lettres du fondateur de la Ve République, à la tonalité explosive, adressées à un historien français d’origine alsacienne, recruté « malgré lui » pour le front de l’Est, déserteur de la Wehrmacht et ancien officier de l’Armée rouge soviétique. À côté de ces enjeux géopolitiques, Dominique de Roux s’attache à la révision complète des relations sociales. Il affirme que « depuis les jacobins vénérés, la seule idée authentiquement révolutionnaire en France a été celle de la participation gaulliste du capital et du travail (p. 25) ». Cette idée révolutionnaire d’avenir est bien sûr sabotée par un Pompidou bien trop proche du grand patronat français immigrationniste.

9782268034195-200x303-1.jpgCe pamphlet constitue un tournant décisif dans la vie de l’auteur de L’Ouverture de la chasse. Il clôt sa période d’éditeur et prépare ses voyages en Afrique portugaise. Une légende veut que Jean-Jacques Servan-Schreiber aurait acquis tous les exemplaires du pamphlet disponibles en France. En s’appuyant sur une lettre adressée à Jacques Fauvet du 15 juillet 1970, Jean-Luc Barré raconte que le notable lorrain dépêcha « un intermédiaire auprès de Dominique de Roux pour racheter l’intégralité du tirage initial. Faute d’y parvenir, il réussit cependant à empêcher sa diffusion à Nancy, tandis qu’à l’initiative d’un de ses jeunes supporters un exemplaire de l’ouvrage est brûlé sur la place de la ville (10) ».

Contre Servan combat le dévoiement de l’idée européenne. Les corrupteurs de cette auguste idée sont maintenant très nombreux puisqu’on les trouve autant chez les mondialistes que chez les souverainistes ou chez les altermondialistes. Est-ce une coïncidence si Dominique de Roux décède d’une crise cardiaque neuf mois avant la naissance de la réincarnation politique de Servan-Schreiber, Emmanuel Macron ?

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : Lettre de Dominique de Roux à Philippe de Saint-Robert du 1er juillet 1974, cité dans Jean-Luc Barré, Dominique de Roux. Le provocateur (1935 – 1977), Fayard, 2005, p. 451. L’UDR est le parti gaulliste précédant le RPR.

2 : cf. Jean-Jacques Servan-Schreiber et Michel Albert, Ciel et Terre. Le Manifeste radical, Denoël, coll du « Défi », 1971, avec en annexes les contributions de Hugh Scott, « Force et faiblesse de l’industrie française », et de Pierre Uri, « Rapport sur l’inégalité en France ».

3 : Fondé en 1901, le Parti radical valoisien s’appelle en réalité Parti républicain, radical et radical-socialiste. Un temps à l’UDI (Union des démocrates et indépendants), il fusionne ensuite avec son frère ennemi radical de gauche pour un Mouvement radical et social tout aussi groupusculaire avant de se séparer…

4 : cf. James Burnham, L’ère des organisateurs, préface de Léon Blum, Calmann-Lévy, coll. « La Liberté de l’Esprit », 1947.

5 : Serge July, Dictionnaire amoureux de New York, Plon, 2019.

6 : Georges Prévélakis, Géopolitique de la Grèce, Éditions Complexe, coll. « Géopolitique des États du monde », 1997, p. 127.

7 : Idem, p. 125.

8 : Thomas Molnar, La Contre-Révolution au XXe siècle, La Table Ronde, 1980.

9 : Dominique de Roux, Le Cinquième Empire, préface de Raymond Abellio, Belfond, 1977.

10 : Jean-Luc Barré, op. cit., pp. 386 – 387.

• Dominique de Roux, Contre Servan-Schreiber, André Balland, 1970, 118 p.

L'éditeur Pierre-Guillaume de Roux est décédé

capture_d_e_cran_2021_02_15_a__11.25.28.png

L'éditeur Pierre-Guillaume de Roux est décédé

 

par Duarte Branquinho


Pierre-Guillaume de Roux (1963-2021), éditeur français au talent et au courage reconnus, qui a travaillé pour plusieurs maisons d'édition de renom avant de fonder la sienne il y a une dizaine d'années, est décédé le 12 février dernier à l'âge de 57 ans.

Il est impossible de parler de Pierre-Guillaume de Roux sans se souvenir de son père, Dominique de Roux (1935-1977). Écrivain, journaliste et éditeur français, il a été responsable des célèbres "Cahiers de l'Herne" et auteur de plusieurs essais, dont "La Mort de L.-F. Céline", publié en 1966, a également été correspondant en Angola, au Mozambique et en Guinée pendant la guerre d'outre-mer, créant ainsi un lien fort avec le Portugal et le monde lusophone. Le 25 avril 1974, il est le seul journaliste français à Lisbonne, un événement qu'il couvre pour plusieurs médias. Parmi les nombreux romans qu'il a écrits, il faut citer "Le Cinquième Empire", publié en 1977, 15 jours avant sa mort soudaine d'une crise cardiaque, à l'âge de 41 ans.

Pierre-Guillaume de Roux a gardé le lien avec notre pays, qu'il visitait parfois pour être avec des amis. Mais il a surtout conservé la veine éditoriale anticonformiste de son père.

001204012.jpgIl a commencé sa carrière comme éditeur chez Christian Bourgois en 1982, tout en collaborant à plusieurs publications. Il est, avec Yves Loiseau, l'auteur du livre "Portrait d'un révolutionnaire en général : Jonas Savimbi", sur le leader de l'UNITA, publié en 1987.

Au cours de sa longue carrière, il a également été directeur littéraire des Éditions de la Table Ronde, des Éditions Julliard et des Éditions du Rocher, qu'il a quitté en 2008, en désaccord avec la politique éditoriale.

En 2010, il a fondé sa propre maison d'édition, qui porte son nom, en se concentrant sur la littérature et les essais, poussé par le besoin d'indépendance vis-à-vis des détenteurs du pouvoir médiatique, qu'il définit, sans complexe, comme la "gauche idéologique".

L'un des premiers livres publiés par les Éditions Pierre-Guillaume de Roux est "Un samouraï d'Occident : Le Bréviaire des insoumis", de Dominique Venner, en 2013, une édition posthume qui est sortie peu après le suicide rituel de l'historien français cette année-là, qui a suscité une certaine controverse. Parmi beaucoup d'autres, des auteurs tels qu'Alain de Benoist, Richard Millet, François Bousquet, Christopher Gérard, Hervé Juvin, Robert Redeker, Michel Marmin, Rémi Soulié ou Renaud Camus suivront. Mais aussi des classiques comme Ezra Pound, Drieu la Rochelle, Wyndham Lewis, Thorstein Veblen, Paul Sérant, ou la correspondance monumentale entre Ernst Jünger et Carl Schmitt, sans compter plusieurs livres en collaboration avec l'Institut Iliade.

Ferme dans ses convictions, il n'a jamais eu peur de faire face aux critiques et aux détracteurs. La presse de gauche l'appelait "l'éditeur du diable" ou "des proscrits ", mais l'impressionnant catalogue d'ouvrages soigneusement publiés par sa maison d'édition montre que son critère était avant tout la qualité. Dans une interview qu'il a accordée il y a deux ans au magazine L'incorrect, il a déclaré : "Ma droite, elle s’incarne surtout dans des écrivains qui ont défendu le noyau spirituel de la personne humaine contre toutes les abstractions idéologiques, contre toutes les idoles modernes.”

 

17:28 Publié dans Hommages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hommage, piuerre-guillaume de roux, édition, france | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Jeunesse électrisante

western-electrique.jpg

Jeunesse électrisante

par Duarte Branquinho


Entre le temps qu'il consacre au magazine "Réfléchir & Agir" et aux éditions Auda Isarn, Pierre Gillieth a réussi à écrire un nouveaux roman, qui est cette fois un voyage autobiographique à travers le militantisme actif et radical et la fuite du milieu familial bourgeois, parsemé d'aventures violentes et amusantes mais aussi de déceptions, de camaraderie, de sexe et de rock. C'est un témoignage précieux parce qu'il est fidèle à la passion et au dévouement à une cause, mais plus encore parce qu'il est magnifiquement écrit.

51DKP6LQs4L._SX330_BO1,204,203,200_.jpgJ'ai rencontré Pierre Gillieth il y a 15 ans à la Table Ronde, la réunion annuelle de l'association Terre et Peuple, présidée par Pierre Vial. Je lisais et aimais le magazine "Réfléchir & Agir" et j'ai voulu rencontrer les personnes qui en sont responsables. Au stand, j'ai parlé pour la première fois avec Eugène Krampon et Pierre et je me souviens avoir ri ensemble tout en satisfaisant notre curiosité, comme des camarades européens qui se reconnaissaient. C'est une amitié qui naît immédiatement et un contact qui se maintient, dans les voyages en France, dans l'échange de correspondance, dans les lectures.


C'est pourquoi, lorsque j'ai appris que "Western électrique" était sorti, je lui ai envoyé un message disant que je voulais recevoir le livre afin de pouvoir le lire le plus rapidement possible. Je l'ai dévoré dès que j'ai pu et j'ai frissonné devant tant de passages où il semblait que je lisais "mon" histoire. Mais ces "années de jeunesse déguisées en romantisme", comme il le décrit dans sa dédicace, nous donnent bien plus qu'un simple exercice d'identification. Elles sont l'affirmation d'un talent littéraire qui a eu le courage de se battre pour ce en quoi il croyait, en s'échappant de la cage dorée du confort matériel et d'un avenir garanti, en militant politiquement dans sa jeunesse et en poursuivant jusqu'à ce jour un combat culturel remarquable et ininterrompu.

Chef-d'œuvre

Kas-Product-so-young-but-so-cold.jpgFaire l’éloge du travail d'un ami peut être suspect, mais dans ce cas, c'est très facile. Bertrand, le personnage principal de ce roman autobiographique, ne s'identifie pas au milieu bourgeois de sa famille riche et influente, aussi opulent que futile, et au grand étonnement de ses proches milita au Front National de Jean-Marie Le Pen, contre l'invasion des immigrés et dégoûté par l'apathie de tant de Français face à la mort imminente de leur pays, une France qui aujourd’hui n’existe plus.
C'est la ligne directrice d'une histoire personnelle de rencontres et de décalages, de découvertes et de désillusions, avec de la musique, des bagarres et du sexe. Une histoire raconté dans un style fluide mais soigné et complexe, complet aussi, avec des descriptions détaillées et des dialogues vifs, de l'authenticité intime et du mordant brut, des références érudites et des ironies précises, et avec des changements de rythme si bien faits qu'ils rendent le récit irrésistible. Mieux encore, la fin est aussi inespérée que révélatrice. Il y a aussi dans ce livre une passion déclarée pour la ville de Toulouse, dont la complicité se manifeste, par exemple, dans le passage extraordinaire suivant, après une rencontre amoureuse : “Je repartis songeur, amer et fatigué, le long du quai, avec la Garonne argentée à mes pieds. Elle ne me trahirait jamais’’.


Je regrette seulement que "Western électrique" n'est pas aussi long que "Gilles" de Drieu la Rochelle, car lorsque j'ai terminé ses cent cinquante pages, j'en ai voulu de plus en plus. .. Ce qui compte, c'est que Bertrand, pardon, Pierre, a beaucoup d'autres histoires à raconter et beaucoup de talent pour les écrire. Attendons...

dimanche, 21 février 2021

Quatre dames au Capitole

617032-etats-unis-violences-au-capitole-que-s-est-il-passe.jpg

Quatre dames au Capitole

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

À côté de la victoire trafiquée et usurpée de « Papy Gâteux » Biden, les élections du 3 novembre 2020 ont été marquées par la perte de treize sièges à la Chambre des représentants détenus par les démocrates à l’avantage des républicains. Le Parti républicain a connu à cette occasion une hausse des suffrages en sa faveur de 2,9 %. Parmi les 435 représentants élus pour la 117e législature, focalisons-nous sur quatre femmes, trois républicaines et une démocrate.

Traitee-de-mauvaise-eleve-Alexandria-Ocasio-Cortez-defie-Trump-de-publier-ses-bulletins-universitaires.jpg

Alexandra Ocasio-Cortez.

Élue pour la première fois en 2018 dans le 14e district congressionnel (circonscription législative) de l’État fédéré de New York, Alexandra Ocasio-Cortez (ou AOC) fut à 29 ans la plus jeune membre de l’histoire du Congrès. Réélue pour un nouveau mandat malgré la progression notable de son adversaire républicain (de 19 202 à 46 877 suffrages), AOC milite chez les Socialistes démocrates d’Amérique et appartient au Congressional Progressive Caucus, la tendance la plus à gauche des démocrates. Soutien public du sénateur socialiste indépendant du Vermont Bernie Sanders pendant les deux dernières primaires, elle fut en pointe contre l’administration Trump. Favorable aux minorités raciales et sexuelles, cette Latina de 31 ans soutient un Green New Deal écolo-féministe, inclusif et multiculturaliste. Elle a publiquement regretté d’être dans le même parti que Joe Biden. Sera-t-elle pour autant une vigie attentive du pacifisme inhérent à la gauche étatsunienne ? Pas sûr qu’elle qui a révélé en 2018 avoir parmi ses aïeux un juif sépharade originaire d’Espagne, rejette le bellicisme « démocratique » déjà pratiqué par Bush père, Clinton, Bush fils et Obama.

lizcheney-lede.jpg

Liz Cheney.

Bien que représentante républicaine du Wyoming, Elizabeth « Liz » Cheney peut se retrouver en phase avec la diplomatie va-t’en-guerre du nouveau président. La fille aînée de Richard « Dick » Cheney, le vice-président le plus puissant de l’histoire des États-Unis sous George W. Bush (2001 – 2009), appartient au camp des « faucons néo-conservateurs » du GOP. Sa détestation pathologique de la Russie n’a d’équivalent que son soutien inconditionnel pour le seul État nucléaire du Proche-Orient. Opposée au mariage gay, elle s’est brouillée avec sa sœur cadette Mary, lesbienne notoire. Réélue avec 68,7 %, elle inaugure son troisième mandat consécutif en votant avec neuf autres renégats républicains la seconde mise en accusation pour destituer Donald Trump. Si 145 de ses pairs républicains (contre 60) ont finalement maintenu son rang de n° 3 du groupe, l’appareil républicain du Wyoming désavoue son vote et envisage de lui lancer aux primaires de 2022 un candidat pro-Trump…

5f8251633ad0d.image.png

Lauren Boebert.

Inscrite chez les démocrates jusqu’en 2007, Lauren Boebert devient à 34 ans la représentante du 3e district du Colorado. Cette chrétienne évangélique écarte aux primaires le républicain sortant Scott Tipton avec 54,6 % avant de l’emporter face à la démocrate Diane Mitsch Bush (51,27 %). S’affichant en alternative conservatrice à Alexandra Ocasio-Cortez, Lauren Boebert a rallié le Freedom Caucus, la faction la plus à droite de la Chambre, ainsi que le Second Amendment Caucus, le groupe parlementaire qui défend le port d’arme. Vivant à Rifle la bien nommée (rifle signifiant « fusil » en anglais), elle tient depuis 2013 un restaurant, le Shooter Grill, dont les serveuses peu vêtues portent à la hanche une arme chargée. Hostile aux restrictions sanitaires, la future représentante brave les autorités locales en gardant son restaurant ouvert. Son refus de se soumettre aux injonctions du politiquement correct électrise aussi bien ses sympathisants que ses adversaires.

www.uMTG.jpg

Marjorie Taylor Greene.

Cependant, Lauren Boebert n’est pas la cible prioritaire de l’Establishment politico-médiatique. Ce dernier préfère attaquer Marjorie Taylor Greene. Élue à 46 ans du 14e district de Géorgie, l’une des circonscriptions les plus conservatrices du pays, cette républicaine du Freedom Caucus ne cesse d’être insultée par une presse aux ordres qui la traite de « complotiste » proche de QAnon. Son traitement systématique défavorable relève de la misogynie, de la blondophobie et de la haine anti-blanche. Bête noire des démocrates et des républicains les plus falots, elle vient de perdre sa place aux commissions du budget, de l’éducation et du travail. Ses détracteurs lui reprochent ses positions pro-vie et ses doutes sur certains évènements ou faits-divers récents. Elle qualifie les antifas de « terroristes intérieurs »; elle s’en prend aux officines financées par George Soros et ose critiquer les séditieux de Black Lives Matter. Forte des 74,7 % obtenus contre le candidat démocrate et de ses 40,3 % dès le premier tour de la primaire, Marjorie Taylor Greene a enfin cosigné l’acte d’accusation pour la destitution de… Joe Biden. Les gauchistes manœuvrent dans les couloirs du Congrès afin que les deux tiers de la Chambre des représentants votent son exclusion. Elle a déjà contre elle une dizaine de républicains dont – surprise ! – l’ineffable Liz Cheney. Le chef des républicains au Sénat, le cacochyme sénateur du Kentucky, Mitch Mc Connell, l’a aussi dans le collimateur.

Avec un personnel politicien centriste et belliciste aussi nul à l’instar de Liz Cheney, les États-Unis sont bien mal en point. Fort heureusement, dans une perspective clausewitzienne de montée aux extrêmes, gageons qu’Alexandra Ocasio-Cortez, Lauren Boebert et Marjorie Taylor Greene resteront fidèles à leurs électorats respectifs et porteront jusqu’à l’incandescence la guerre culturelle en cours.

Georges Feltin-Tracol.

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 202, mise en ligne sur TVLibertés, le 16 février 2021.

18:45 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, états-unis, politique internationale | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Colin Wilson, le "jeune homme en colère": un réactionnaire contre le politiquement correct

WILSON-obit-web-superJumbo.jpg

Colin Wilson, le "jeune homme en colère": un réactionnaire contre le politiquement correct

Carbonio Editore poursuit la publication des œuvres de l'écrivain britannique avec L'homme sans ombre, le deuxième volume de la Trilogie de Gérard Sorme.

par Manlio Triggiani

Ex : https://www.barbadillo.it

Colin Wilson (1931-2013) est de retour dans les librairies italiennes avec un roman qui constitue le deuxième volet d'une trilogie publiée par Carbonio editore, une maison d'édition qui se distingue depuis quelques années par une production de livres intéressants.

Le premier volume de la trilogie, connu sous le nom de Gerard Sorme Trilogy, est intitulé Night Rites (448 p., 18,00 €) et illustre la vie de Gérard Sorme, un écrivain en herbe qui vit avec un petit revenu dans une chambre meublée à Soho. En raison d'une série de circonstances, il se lance sur la piste d'un tueur en série qui se souvient, pour ses actes et pour le développement de l'intrigue, d'un autre criminel, Jack l'Éventreur, un personnage souvent représenté dans la littérature et le cinéma, dont l'identité n'a jamais été révélée. Il a terrorisé le Londres victorien en tuant et en dépeçant cinq jeunes prostituées dans le quartier populaire et ouvrier de Whitechapel.

Wilson, un excellent polygraphe aux intérêts très variés, fait analyser par Sorme le profil psychologique du criminel qui rôde dans le quartier de Swinging à Londres et décrit les parcours mentaux du jeune écrivain. Il en ressort une imbrication de la criminalité planifiée et du raisonnement déductif visant à définir les voies mentales du criminel.

Wilson a écrit plusieurs livres sur les tueurs en série et la philosophie du tueur. Il utilise donc cette expérience pour enrichir l'intrigue d'un roman plus que convaincant.

L'homme sans ombre

51y2-XwaEZL._SX322_BO1,204,203,200_.jpgLe deuxième volume de la trilogie, récemment publié, L'homme sans ombre (Carbonio editore, 299 p., 16,50 euros) peut être lu et apprécié indépendamment du premier livre, étant un autre chapitre de la vie de l'écrivain Gérard Sorme, cette fois-ci centré sur le sexe : une sorte de "journal intime" comme le dit le sous-titre. Pour Sorme, le sexe est un élément d'inspiration pour ses histoires, afin d'élargir sa conscience, un peu comme à Londres dans les années 60 où l'on affirmait la consommation de drogues, et donc il s'engage à avoir une vie intense dans ce domaine et, dans un journal intime, il transcrit ses expériences, ses rencontres, les filles avec lesquelles il sort et ses pensées à leur sujet. Gertrude, Caroline, Madeleine, Charlotte, Mary, les femmes et les visages, les mots et les corps se succèdent jusqu'à ce qu'il rencontre et conquière Diana, une femme mariée à un musicien fou qui est un peu plus âgée qu'elle. Gérard tombe profondément amoureux.

Dans le développement de cette histoire, un personnage inquiétant entre en scène, Caradoc Cunningham, un homme perdu et ami d'Aleister Crowley (1875-1947), un magicien et occultiste de la première moitié du XXe siècle, auteur d'écrits sur la magie, dont la devise était : "Fais ce que tu veux". Cunningham mène un combat continu avec lui-même et contre les autres, pour l'emporter dans sa recherche magique et ésotérique, avec l'aspiration de forcer la volonté de son entourage à ses propres fins, souvent avec une douceur et un désintéressement qui le font paraître - à Gérard surtout - amical. Entre les deux, les relations oscillent entre des sentiments alternés. Cunningham est un expert en magie noire et a un grand charisme. Il finit donc par impliquer Gérard, Diana et Carlotta dans ses opérations sexuelles et de magie noire organisées pour neutraliser les pouvoirs d'entités qui auraient dû le frapper.

Entre sexe et magie

9780586043912-uk.jpgWilson dans Night Rites fait référence au crime et à la recherche de la définition mentale d'un jeu psychologique qui pourrait obséder le tueur en série. Au contraire, au centre du récit de L'Homme sans ombre, il n'y a pas vraiment que le sexe, comme les critiques et l'auteur lui-même voudraient nous le faire croire. Il y en a, bien sûr, mais avec une plus grande prépondérance de la magie. En fait, dans la première partie, Wilson déclare : "Je suis certain d'une chose : l'énergie sexuelle est aussi proche de la magie - du surnaturel - que les êtres humains en ont jamais fait l'expérience. Elle mérite une étude continue et attentive. Aucune étude n'est aussi profitable pour le philosophe. Dans l'énergie sexuelle, il peut observer le but de l'univers en action". Cette phrase, qui dans la réalité moderne et dans le Londres du Swinging des années 1960, était considérée comme l'exaltation des sens et de la luxure sexuelle comme la gratification du désir, renvoie en fait à un thème central de la magie : l'utilisation de la plus grande force existante - le sexe - pour accéder aux forces de l'Univers et plier les forces de la nature (mentionnée à plusieurs reprises par l'écrivain anglais) à sa volonté. Un enseignement qui est présent dans toutes les doctrines ésotériques de n'importe quelle partie du monde (Cf. Evola, Metafisica del sesso, Ed. Mediterranee ; Weininger, Sesso e carattere, Ed. Mediterranee, etc.). Mais le monde moderne n'interprète le sexe que dans une dimension consumériste et comme une source de plaisir physique, et c'est tout.

Ce n'est pas un hasard si, dans ses livres, Wilson ne manque pas de mentionner les maîtres de l'ésotérisme, les magiciens, et mentionne toujours la nature comme un lieu "naturel" pour la vie humaine. Il le fait avec l'esprit de quelqu'un qui cherche une voie d'affirmation spirituelle, presque religieuse, selon une orientation païenne, tout en appréciant les religions, n'importe quelle religion. Le roman L'homme sans ombre est vraiment agréable, écrit sur plusieurs niveaux de compréhension. Wilson a souligné, plus tard, qu'il s'agissait d'expériences sexuelles mais aussi de recherches qui visent à faciliter un voyage dans sa propre conscience, une recherche dans sa propre existence qui aboutit à une meilleure maîtrise de l'écriture, toujours pratiquée dans son "journal intime sexuel", dont il s'inspire ensuite abondamment pour reconstituer des intrigues et des récits. Wilson semble jeter au visage du lecteur un sentiment d'horreur, de magie, d'abjection et une quête qui aboutit à un expérimentalisme magique et spirituel.

imagesCWsk.jpgUn jeune homme en colère

Un livre brillant, The Man Without a Shadow, offre encore aujourd'hui, des années après sa rédaction, un sentiment de négation de la société bourgeoise et de ses valeurs, de négation du "politiquement correct" de la classe moyenne supérieure britannique, mais surtout s’avère le reflet d'une grande partie des protestations des intellectuels anglais de la fin des années cinquante et du début des années soixante du siècle dernier, les Angry Young Men. Dans les polémiques journalistiques et dans la présentation de ce "courant littéraire", aucune distinction sérieuse n'a jamais été faite. Une liste de noms a été présentée et il a été dit qu'ils étaient tous unis dans leur rejet du statu quo, mais sans préciser les différences entre les écrivains, qui étaient des différences importantes.

Deux livres présentaient, il y a plus de soixante ans, le courant des "Jeunes hommes en colère" sans toutefois clarifier ces différences, n'y faisant allusion que de manière générale. Le premier, Manifesto degli arrabbiati (Cino del Duca ed., Milan 1959), était une anthologie de jeunes écrivains anglais en colère (Osborne, Lessing, Anderson Wain, Hopkins, Tynan, Holroyd, Wilson). Dans la préface, le bon traducteur et rédacteur Francesco Saba Sardi mentionne les différences entre les différentes composantes, qui vont "des socialistes déclarés, comme Lessing et Anderson, aux irrationnalistes comme Wilson et Holroyd", et conclut qu'elles invitent toutes "à un engagement culturel et humain". En disant cela, on comprend qu'ils sont, malgré les différences qui existent entre eux, des ennemis de l'establishment. Et la "différence" entre les socialistes et les irrationnels n'explique pas grand-chose. Quelque chose de plus est expliqué dans l'introduction, non signée mais presque certainement écrite par les éditeurs Gene Feldman et Max Gartemberg, du livre Narratori della generazione alienata (Guanda ed., Parma, 1961). Un livre qui traite des auteurs de la Beat Generation américaine et des Angry Young Men britanniques. On peut comprendre quelque chose de plus ici, mais pas tout. Tout est clair, limpide, à la lecture des textes d'anthologie des deux livres.

slegte_cms_visual_77484.jpgWilson a attaqué le monde moderne, la société démocratique et de consommation en faveur d'une vision spirituelle, en faveur d'une société liée aux valeurs de l'héroïsme contre une société faite de "chiffres et d'étiquettes". Il réévalue l'homme héroïque et donc "l'exclu", celui qui vit dans la société moderne mais n'en fait pas partie, voire s'en éloigne. L'Exclu aspire à "un idéal divin". "Voici la leçon des Exclus", dit Wilson, "une leçon de solitude délibérée et de réaction négative face aux valeurs des masses, une révolte contre le désir de sécurité exigé par la plèbe. Une vision spirituelle et antidémocratique, qui s'exprime ainsi : "Je crois que notre civilisation est en déclin et que la présence des "Exclus" est un symptôme de ce déclin. Ce sont des hommes qui réagissent au matérialisme scientifique : des hommes qui auraient jadis eu l'Église comme point cardinal. Je crois", dit Wilson, "que si une civilisation commence à s'exprimer en tant qu’expression des "Exclus", elle a relevé un défi, celui de produire un type d'homme plus digne, de se donner une nouvelle unité et un nouveau but, à moins qu'elle ne se résigne à tomber dans l'abîme comme tant d'autres civilisations qui ont choisi d'ignorer ce défi. L'"Exclu" est l'individu qui ose relever le défi par lui-même".

L'Occident, Spengler et l'anti-Sartre

Wilson conseille : "Le lecteur qui souhaite plus de précisions peut se référer au Déclin de l’Occident de Spengler ou aux écrits d'Arnold Toynbee, s'il ne l'a pas déjà fait". Et encore une fois, de se concentrer sur une réaction à la société de consommation : "les exclus" doivent avoir une religion pour survivre. Nous en avons assez de l'"humanisme" et du "progrès" scientifique pour ne pas savoir ce qu'ils valent". L'appel à la religion est, dans un sens plus large, un appel à l'esprit, à la discipline intérieure. Colin Wilson, un homme contre le monde moderne, donc, qui a abordé l'existentialisme après avoir lu Kierkegaard, mais son existentialisme était très loin du "socialisme" à la Sartre. En effet, Wilson a publié un pamphlet sur le penseur français intitulé Anti-Sartre.

51YgBk69tsL._SX320_BO1,204,203,200_.jpgCe sentiment d’être absolument contre le système, que Wilson a transposé également dans ses romans, qui, bien qu'ils se déroulent dans le quartier des Swinging à Londres, ne sont donc pas l'expression de ce climat, mais l'expression de la négation de ce climat. Plutôt que d'exalter la drogue et la liberté sexuelle, comme c'était le cas dans ces années-là, il exalte la vision spirituelle, exalte l'utilisation du sexe à des fins métaphysiques (par la magie), cite des auteurs et des opérations qui ne correspondent pas exactement à la modernité. Il faut rendre hommage à l'éditeur Carbonio pour son engagement à relancer des romans aussi bons et des auteurs comme Colin Wilson. Des textes qui, avec le temps, ne montrent pas le signe de l'usure et restent éblouissants dans les rebondissements avec une clarté et une violence qui brisent et annulent le politiquement correct des romans à la mode.

Manlio Triggiani

Gustavo Bueno : le fétiche d'une "nouvelle droite espagnole" qui n'est pas tout à fait au point !

Gustavo-Bueno-el-fetiche-de-una-Nueva-Derecha-Española-que-no-termina-de-cuajar-675x381.jpg

Gustavo Bueno : le fétiche d'une "nouvelle droite espagnole" qui n'est pas tout à fait au point !

Par Javier de la Calle

http://ramblalibre.com/2021/02/21/

Au milieu du paysage intellectuel appauvri de l'Espagne, qui est lui-même le résultat d'un déclin national, nous devons saluer l'apparition de ce nouveau livre : Ensayos Antimaterialistas, de Carlos X. Blanco (éditeur :Letras Inquietas, 2021).

Le titre est comme un miroir quelque peu moqueur de ce livre mythique de Gustavo Bueno, Ensayos Materialistas, paru en 1972, année désormais lointaine, dans la non moins mythique maison d'édition Taurus.

Ensayos Materialistas de Gustavo Bueno était l'un des livres les plus complexes et les plus mal compris de la production philosophique du philosophe asturien défunt. Si la philosophie est un arbre à plusieurs branches (philosophie politique, philosophie des sciences, philosophie du droit, philosophie de la religion...), cet arbre a des racines et un tronc à partir desquels elles doivent pousser et former une épaisse couronne : la métaphysique. Comme Gustavo Bueno a été étroitement touché par les influences du néo-positivisme et du marxisme, qui étaient nettement anti-métaphysiques, cette partie radicale et centrale de la philosophie, qui nous a été présentée dans les Essais Matérialistes, n'a pas voulu être appelée "métaphysique", mais a été divisée en "Ontologie" (l'étude de l'être, du réel) et en "Gnoseologie" (la théorie de la connaissance).

61cgqDqvEvL.jpg

Les Essais de 1972 contenaient l'essentiel de l'Ontologie de Bueno, une Ontologie matérialiste dont le développement et l'édification ne pouvaient se faire sans développer une gnoséologie. Bueno a entrepris de développer cette dernière de manière très étendue et fébrile, et elle a pris la forme d'une Théorie des sciences : la Théorie de la fermeture catégorielle (TCC) est le monument que nous a légué le défunt philosophe d'Oviedo, qui allait bien au-delà d'être un simple outil au service de l'Ontologie, présentée schématiquement dans les Essais matérialistes de 1972.

263688192a9e19d72efee8f39d6df272.jpg

Peu de gens à Oviedo se souviennent encore d'un jeune doctorant et, plus tard, du professeur Carlos X. Blanco (Gijón, 1966) : à l'université où oeuvrait Bueno, il avait développé des aspects pertinents de la TCC en les appliquant à la psychologie, aux sciences cognitives et à l'intelligence artificielle. Ses contributions ont été ignorées, semble-t-il, par les esprits obtus qui entouraient le professeur Bueno, et elles ont été ignorées dans un environnement quelque peu fermé et sectaire. Il s'agissait de contributions qui, à l'époque, impliquaient certaines modifications importantes dans la TCC et dans les relations entre l'ontologie et la gnoséologie. Aujourd'hui, plusieurs décennies plus tard, en 2021, le professeur Blanco, surtout connu pour s’être spécialisé dans l’œuvre de Spengler et dans la révision du marxisme, règle ses comptes dans ces essais compilés pour Letras Inquietas. Dans ce nouveau livre, Blanco souligne l'inadéquation de l'idée même au début du projet de Bueno : le "matérialisme".

unnamed.jpgDans le système de Bueno, qui est aujourd'hui admiré et justifié par des personnes de tendances les plus diverses, dont certaines très atrabilaires, il existe d'énormes contradictions que ce livre examine - patiemment -. À partir des origines staliniennes de certaines des conceptions initiales de Bueno, et de sa détermination absurde à rechercher un "fondement" original pour les systèmes sans solution du matérialisme dialectique et du matérialisme historique, la pensée de Bueno a évolué vers un certain jacobinisme hégélien, hypercritique - parfois à juste titre - de la gauche. De compagnon de route des marxistes dans les années 60 et 70, Bueno au XXIe siècle est devenue un peu le fétiche d'une "nouvelle droite espagnole" qui n'a jamais vraiment pris racine intellectuellement, en grande partie à cause de son allergie à l'activité intellectuelle. Mais entre un ECP déjà inexistant ou testimonial, phagocyté par les podémites, et un parti VOX qui doit encore s’immerger sérieusement dans la philosophie (et dans bien d'autres domaines), l'idée de "Matière" apparaît pour tous comme un volet incongru avec la "mise en œuvre politique" de cette philosophie, aussi inconnue que maladroitement et sectairement divulguée.

Un livre du professeur Blanco qui ne sera pas sans controverse, et qui facilitera l'étude de la pensée de Bueno, dont le problème principal, comme le défend l'auteur depuis trente ans, sont les "buenistas" eux-mêmes.

Carlos X. Blanco : Ensayos antimaterialistas. Letras Inquietas (février 2021)

Pour commander : https://www.amazon.es/dp/B08WS2WNGP?&linkCode=sl1&...

158360_portada_el-mito-de-la-derecha_gustavo-bueno_201505211312.jpgLa critique du système capitaliste prédateur et la restauration d'une communauté organique n'ont pas besoin de "matérialisme". Cette étiquette usée en philosophie ne signifie rien d'autre qu'une adhésion aux résidus de la métaphysique déjà dépassée. Il s'agit d'un lien frauduleux avec les systèmes déjà dépassés du "matérialisme" : l'historique et le dialectique. On dit frauduleux, car Gustavo Bueno a joué à retenir le terme "matière" pour prétendre surmonter, de façon très confortable et avec un jargon ésotérique abondant, les dogmatismes attribués à Marx et Engels, et apparaître comme quelque chose de tout nouveau.

Kondylis sur le conservatisme avec des notes sur la révolution conservatrice

30731ab17a806ce97792b1f67f5f481a.jpg

Kondylis sur le conservatisme avec des notes sur la révolution conservatrice

Par Fergus Cullen

Ex : https://ferguscullen.blogspot.com

Notes sur Panagiotis Kondylis, "Le conservatisme comme phénomène historique".

C'est à ma connaissance le seul extrait substantiel du Konservativismus de Kondylis (paru à Stuttgart en 1986) disponible en anglais. La traduction est réalisée par "C.F." à partir de "Ὁ συντηρητισμὸς ὡς ἱστορικὸ φαινόμενο," Λεβιάθαν, 15 (1994), pp. 51-67, et reste inédite, mais consultable en ligne au format PDF. Les références des pages ci-dessous se rapportent à ce PDF. J'ai modifié très légèrement la traduction à certains endroits.

Kondylis vise à comprendre le conservatisme non pas comme une "constante historique" ou "anthropologique", mais comme un "phénomène historique concret" lié à un temps et à un lieu et donc coïncidant avec eux (pp. 1-2). Mais même ces études historicistes adoptent souvent une vision trop étroite, selon laquelle le conservatisme est une réaction contre, et donc un "dérivé" de la Révolution, ou, au mieux, contre le rationalisme des Lumières (pp. 2-3).

Kondylis conteste la conception, souvent conservatrice, du conservatisme comme expression de la "prédisposition naturelle [...] psycho-anthropologique" de l'"homme conservateur" à être "pacifique et conciliant" (pp. 5-6). Au contraire, le conservatisme et l'"activisme" sont parfaitement compatibles, comme le montre le droit féodal de résistance et de "tyrannicide", le soulèvement et la rébellion des aristocrates contre le trône" (pp. 7-8). Ce point contredit l'affirmation de Klemperer et d'autres selon laquelle l'activisme des révolutionnaires conservateurs est fondamentalement non conservateur.

"[L]a préservation et la culture de la tradition" en tant que "légitimation" des privilèges des nobles est l'expression de la volonté de ces nobles de se préserver et du "sentiment de supériorité" qu’ils éprouvaient. Kondylis postule une telle volonté universelle, au lieu d'une disposition conservatrice en guerre avec un "désir de renversement" révolutionnaire (du moins en ce qui concerne l'histoire des idées : pp. 8-9).

Kondylis conteste également la conception de soi ("image idéalisée") du conservateur comme traditionnaliste sans critique et sceptique à l’égard des "constructions intellectuelles", en se basant sur "l'impression erronée que la société prérévolutionnaire ne connaissait pas les idées et les idéologies, à la fois comme constructions intellectuelles systématiques et comme armes" (pp. 9-10). Les systèmes "théologiques" médiévaux sont les égaux des idéologies modernes en matière de "raffinement argumentatif", de "multilatéralisme systématique" et de "prétention à la "validité" universelle (ou "catholique")" (p. 10). Le conservatisme consiste à "reformuler" l'"idéologie légitimante de la societas civilis" en une "réponse" aux Lumières et à la Révolution (p. 10-1).

La modernité, pour Kondylis, se réalise en partie par une "activité idéologique vivante", non pas comme résultat de la "constitution anthropologique" de certaines personnes (disposition intellectuelle), mais comme expression de leur volonté fondamentale d'auto-préservation, qui, étant donné leur "manque de pouvoir social important devait être contrebalancé par leur prééminence sur le front intellectuel" ; et ainsi les conservateurs ont répondu en nature (polémique, théorie, etc.). Les partisans de la modernité ("ennemis de la domination sociale de l'aristocratie héréditaire") ont fait le premier pas crucial dans le discours politique au sens moderne, et ont ainsi été "beaucoup plus intensément réflexifs", tout comme le conservatisme est généralement censé l'être (pp. 11-2).

IMAG0091.jpg.opt758x1347o0,0s758x1347.jpg

Cette "importance de la théorie parmi les armes de l'ennemi" est également à l'origine de la "répugnance purement polémique" du conservatisme pour l'intellectualité (p. 12). Non seulement l'anti-intellectualisme déclaré du conservatisme doit être considéré comme suspect, mais dans certains cas intrigants, il doit être compris comme une sorte de démonstration d'une compréhension théorique du rôle de la théorie (de l'intellectualité) dans le "Progrès" ("Déclin"). Comme le dit Kondylis, "seule la théorie permet de décrire idéalement une société "saine" et "organique", qui n'est pas créée par des théories abstraites et n'en a pas besoin" (p. 13).

Cette "hésitation et indécision" du conservatisme concernant l'intellectualité, la "raison", etc. (c'est-à-dire cette apparente tension performative - si ce n'est pas une contradiction -, ambiguë), reflète la tension dans l'intense ratiocination de la théologie médiévale pour montrer les limites de la raison humaine, ou du sentimentalisme des Lumières ou de la Lebensphilosophie moderne pour placer l'instinct au-dessus de l'intellect (p. 13). Cette "indécision" (un mot révélateur, si l'on se souvient des contributions de Kondylis au décisionnisme) et le manque de systématisation et la variété prolifique de la pensée conservatrice qui l'accompagnent sont "naturels" pour "toutes les grandes idéologies politiques - et pas seulement politiques" (p. 13-4 ; voir la deuxième partie ici).

"[C]ommonplace of conservative self-understanding and self-presentation have crept [...] into the scientific discussion," such as "the coquettish enmity of conservatives towards theory." (« Le sens commun propre à l’auto-définition et à l’auto-représentation conservatrices s’est insinué (…) dans la débat scientifique, ainsi que l’hostilité, toute de coquetterie, des conservateurs à l’endroit de la théorie » (p. 13-4 ; voir la deuxième partie ici). La priorité du "concret" sur l'"abstrait" est elle-même, ou repose sur, une abstraction (p. 15).

Kondylis dichotomise les politiques "conservatrices" et "révolutionnaires" (p. 17).

L'adaptation prudente et sagace aux circonstances et aux conditions, dont les conservateurs sont si fiers, se fait en règle générale sous la pression de l'ennemi" ; l'ennemi "pousse les conservateurs à adopter une attitude défensive ou bon enfant et facile à vivre" ; "les conservateurs découvrent leur sympathie pour le "vrai" progrès et [...] parlent du développement organique dynamique [...] de la société et de l'histoire" (p. 18). Les conservateurs sont obligés de faire certaines concessions à la modernité. Pour anticiper un peu mes propres arguments : le conservatisme révolutionnaire est une concession, mais, en gros, à la forme et non au contenu de la modernité. C'est-à-dire que le révolutionnaire conservateur accepte, doit accepter, l'industrialisation, la dissolution de la "société organique", l'instrumentalisation de l'homme, le discours laïque comme espace du discours politique (même religieux), la "médiatisation", la communication de masse, etc. et souhaite les mettre au service des principes "conservateurs", "de droite" : c'est-à-dire des abstractions des expressions concrètes qui ont donné naissance au conservatisme.

Parfois, les principes conservateurs sont, ou semblent être, exprimés concrètement sans effort conservateur, ou à la suite de l'effort de "l'ennemi" qui, "en luttant pour la consolidation de sa propre domination, se soucie ou est concerné par le respect du droit, de la hiérarchie et de la propriété (légalement ou en réalité sauvegardée et protégée) - bien sûr, avec des signes différents et avec des contenus différents" (p. 20). Un "conservatisme" libéral ou démocratique, bourgeois ou prolétarien, peut se former sur cette base, opposé, semble-t-il en règle générale, à la révolution conservatrice (la bifurcation de la R.C. et du "simple conservatisme").

Tant les conservateurs que les révolutionnaires postulent des lois "naturelles" ou une condition "naturelle" de l'homme ; mais tous deux s'efforcent de répondre, dans le cas conservateur, au développement apparemment naturel de conditions contre-nature (Révolution, "Progrès", "Déclin"), ou, dans le cas révolutionnaire, à la primauté apparente de conditions contre-nature (inégalité, exploitation, etc. : p. 21). Nous pourrions ajouter que le révolutionnaire s'efforce également de répondre à la question de savoir comment, comme le suggère le paragraphe précédent, ses propres efforts semblent non seulement conduire à de telles conditions, mais aussi instancier, exprimer concrètement, les principes de son ennemi, le conservateur. Nous abordons ici la théodicée.

Sur le modèle de Kondylis, le conservatisme est l'expression idéologique des privilèges de la noblesse et de "la résistance de la societas civilis contre sa propre décomposition" : contre la montée de la bourgeoisie, du rationalisme des Lumières, de la démocratisation, etc., se terminant apparemment par "la mise à l'écart de la primauté de l'agriculture par la primauté de l'industrie" ; ensuite "on ne peut parler de conservatisme que métaphoriquement ou avec une intention polémique-apolitique" (pp. 22-3). Schéma : conservatisme - libéralisme - socialisme, dans lequel chacun surmonte le terme précédent pour aboutir à une postmodernité douteuse dans laquelle "chaque [concept] passe ou se confond avec un autre, et aucun d'eux n'est précis", indiquant "que la fin de cette époque historique, dont ils ont partiellement ou totalement tiré le contenu de la vie sociopolitique et intellectuelle, est en partie de plus en plus proche, et en partie déjà arrivée" (p. 23).

La raison pour laquelle on peut affirmer qu'il existe un courant conservateur-révolutionnaire au sein de cette postmodernité confuse dans ses catégories, et donc pas encore tout à fait ‘’navigable’’, est que quelque chose, une nouvelle (proto-) catégorie, émerge effectivement de et en tandem avec les premières secousses prémonitoires de la postmodernité (industrialisation et démocratie de masse : la fin du XIXe et le début du XXe siècle, avec la Grande Guerre comme premier d'une série de ‘’bassins versants’’). A savoir, une radicalisation et une abstraction consciente ou subconsciente des principes conservateurs, au service desquels sont mis certains aspects de la modernité tardive (voir ci-dessus).

samedi, 20 février 2021

Les Métamorphoses d'Hermès

414e361a32b6ac4d571862e84124a579.png

Les Métamorphoses d'Hermès

par Christopher Gérard

Ex: http://archaion.hautetfort.com

Dans Racination, un essai d’une vertigineuse densité, publié par le regretté Pierre-Guillaume de Roux, Rémi Soulié convoquait Homère et Hölderlin, Heidegger et Mistral, tant d’autres poètes et voyants, tous singuliers, pour conjurer le grand naufrage et pour exalter « l’amitié originelle et émerveillée avec le monde, le dévoilement de l’universelle sympathie analogique ».

11228913_1460766270907820_9023914378794250507_n.jpg

Rémi Soulié.

Rémi Soulié, dont le patronyme évoque le soleil du Rouergue (pensons à Soulès, le vrai nom d’Abellio, l’un de ses maîtres), y exprimait une saine méfiance à l’égard de l’abstraction qui détache sans pour autant résoudre l’énigme du monde. Cette quête de sens, il la poursuit avec vaillance et ténacité, comme l’un de ces solitaires de jadis, à qui ce Cathare fait parfois songer. Il s’attaque aujourd’hui aux métamorphoses d’Hermès, le fils de Zeus et de Maïa (il rappelle que, en sanskrit, maïa signifie l’illusion), frère d’Apollon et père de Pan, à la fois dieu de l’Olympe et ami des mortels, héraut et messager, interprète de la volonté divine, guide et intercesseur.

1641666829.jpg

Hermès maîtrise les arts du secret ; il est voleur dès le berceau, un tantintent coquin, parjure même, magicien et, comme le soulignait l’helléniste Walter Friedrich Otto, « maître de la bonne occasion ». Soulié rappelle que ce dieu des passages, capable d’ingéniosité et d’une troublante désinvolture, est présent dans tout l’héritage européen depuis Homère, et jusque dans la pensée mahométane sous le nom d’Idris. Connu aussi sous le nom romain de Mercure, Hermès trois fois très grand continue de fasciner, de l’Egypte (Thot !) à la France du Grand Siècle. Néoplatoniciens, adeptes discrets de l’Art royal, poètes romantiques (Blake !) et scientifiques des confins le saluent à leur manière comme leur guide secret.

1879557582.jpg

La sienne de manière, à Rémi Soulié, se révèle contre-moderne, révulsé qu’il est par ce qu’est devenu cet homme sans qualités, dur et aveugle, émotif et calculateur.

Un curieux essai à ajouter au Corpus hermeticum et qui paraît chez le même éditeur, dans la même collection que le précieux A propos des Dieux de Jean-François Gautier, un autre ami récemment disparu.

Christopher Gérard

Rémi Soulié, Les Métamorphoses d’Hermès, La Nouvelle Librairie – Institut Iliade, 69 pages, 7€. Chez le même éditeur, Rémi Soulié postface une belle Anthologie Friedrich Nietzsche.

Nietzsche-og-image.jpg

 

21:46 Publié dans Livre, Livre, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rémi soulié, philosophie, livre | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

L'objectif de Mario Draghi : déclencher la "destruction créatrice" du marché

fba3fab4-ee9a-11e9-ad1e-4367d8281195.jpg

L'objectif de Mario Draghi : déclencher la "destruction créatrice" du marché

par Thomas Fazi

Source : La Fionda &

https://www.ariannaeditrice.it

Nombreux sont ceux qui se demandent quelle philosophie de politique économique inspirera le gouvernement Draghi en passe de gérer les affaires de l’Italie. Plusieurs commentateurs - se basant sur une interprétation absolument fallacieuse du travail de Draghi à la BCE (l'idée que les politiques monétaires expansives représentent une politique "keynésienne"), se basant également sur un de ses articles désormais célèbres d'il y a quelques mois paru dans le Financial Times, où Draghi a apuré la dette publique (la "bonne") ; et dans certains cas, en se référant même à ses études sous la houlette de l'un des plus grands économistes keynésiens du siècle dernier, Federico Caffè - semblent convaincus que Draghi va évoluer dans le sillage d'une politique substantiellement expansive, voire, précisément, "keynésienne". En bref, une politique opposée à l'austérité de Monti.

Mais c'est Draghi lui-même qui contredit ces prévisions iréniques dans son dernier communiqué public, à savoir le tout récent rapport sur les politiques post-COVID élaboré par le G30 - officiellement un groupe de réflexion, fondé à l'initiative de la Fondation Rockefeller en 1978, qui fournit des conseils sur les questions d'économie monétaire et internationale, selon de nombreux centres de lobbying de la haute finance - présidé par Draghi lui-même avec Raghuram Rajan, ancien gouverneur de la banque centrale indienne.

Il indique clairement que les gouvernements ne devraient pas gaspiller de l'argent pour soutenir des entreprises malheureusement vouées à l'échec, définies dans le rapport comme des "entreprises zombies" - pensez par exemple, en ce qui concerne l'Italie, aux centaines de milliers de magasins et d'établissements publics mis à genoux par la pandémie et ses mesures de confinement. Entreprises qui ne sont que partiellement soutenues par une "aide" gouvernementale insuffisante. Pour ce rapport, les mesures à prendre devraient plutôt accompagner la "pandémie" et plutôt s'adonner à la "destruction créatrice", propre du marché libre, en laissant ces entreprises à leur sort et en encourageant le déplacement des travailleurs vers les entreprises vertueuses qui continueront à être rentables et à prospérer après la crise.

20210218_italie_draghi_coalition_extremes_web_0.jpg

La thèse de base est, d’abord, que le marché devrait être laissé libre d'agir (parce qu'il est plus efficace que le secteur public) et, ensuite, que les gouvernements devraient se limiter à intervenir uniquement en présence de "défaillances du marché" manifestes - un concept intrinsèquement libéral qui indique un écart par rapport à l'"efficacité" normale du marché - tandis que lorsqu'il s'agit d'une entreprise qui échoue en raison du fonctionnement "naturel" du marché, l'État ne devrait pas s'interposer.

Le document du G30 se concentre également sur le marché du travail, en écrivant que "les gouvernements devraient encourager les ajustements du marché du travail [...] qui obligeront certains travailleurs à changer d'entreprise ou de secteur, avec un recyclage approprié et une aide économique". Le message est clair : les gouvernements ne doivent pas essayer d'empêcher l'expulsion de la main-d'œuvre des entreprises vouées à la faillite, comme l'Italie et plusieurs autres pays ont essayé de le faire jusqu'à présent, en partie grâce à un gel des licenciements (qui doit expirer en mars) et à l'utilisation généralisée des fonds de licenciement. Ils devraient plutôt aider et faciliter ce processus pour permettre au marché de prévoir une allocation "efficace" des ressources (y compris des êtres humains).

Comme le note l'économiste Emiliano Brancaccio, nous sommes confrontés à "une vision schumpétérienne à la sauce libérale qui risque de laisser un flot de chômeurs dans la rue", et de plonger des centaines de milliers de petits et moyens entrepreneurs dans le désespoir. Autre que celle de Keynes (ou de Caffè!), la vision de l'économie et de la société incarnée dans le document du G30 - et implicitement épousée par Draghi - semble rappeler l'idéologie libéraliste des premiers temps, étouffée à juste titre après la Seconde Guerre mondiale, dans laquelle les relations sociales, la vie des gens, l'essence même de la société étaient subordonnées à un seul principe régulateur, celui du marché.

Ce point de vue est non seulement exécrable d'un point de vue éthique et moral, mais il est également faux : il n'existe pas de marché qui fonctionne "en dehors" de l'État, sur la base de sa propre logique d'autorégulation, par rapport auquel l'État peut décider d'intervenir ou non ; les marchés, au contraire, sont toujours un produit du cadre juridique, économique et social créé par l'État. En d'autres termes, il n'y a rien de "naturel" dans le fait qu'une certaine entreprise échoue plutôt qu'une autre. Si aujourd'hui les petites entreprises risquent de fermer, alors que les grandes multinationales réalisent des profits faramineux, ce n'est que la conséquence du fait qu'en tant que société, nous nous sommes donné un principe d'organisation - que Draghi vise aujourd'hui à renforcer - qui favorise les grandes entreprises privées par rapport aux petites entreprises familiales. Mais c'est un choix politique.

Il va sans dire que la vision de la société du G30 et de Draghi est littéralement aux antipodes de la vision de Keynes et de Caffè - ainsi que de celle incarnée dans notre Constitution, qui est sur le point d'être violée à nouveau - selon laquelle la tâche de l'État est de dominer et de gouverner les marchés, et leur travail destructeur, en les subordonnant à des objectifs de progrès économique, social, culturel et humain.

Ayez au moins la décence de ne pas mettre leur nom à côté de celui de Draghi.

Regarder vers l'avenir alors que l'Ouest décline

the-decline-of-the-west-the-decline-of-the-Kgh4IL7qis-.1400x1400.jpg

Regarder vers l'avenir alors que l'Ouest décline

Par Srdja Trifkovic

Ex : https://www.chroniclesmagazine.org/

La défaite de l'Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale a été accélérée par la réticence d'Hitler à accepter des rapports en contradiction avec sa vision de plus en plus fantasque de la réalité. Ses auto-illusions furent affirmées avec une telle fermeté si bien qu'à la mi-1944, le maréchal Erwin Rommel conclut que le Führer vivait dans un Wolkenkuckucksheim ("pays du coucou des nuages").

Le même diagnostic s'applique à la droite de l'établissement, tant en Europe qu'aux États-Unis, qui affirment toujours que nous vivons dans un monde imparfait mais perfectible dans lequel l'Occident est dominant et a l'énergie de se réinventer. Les sommités de la Heritage Foundation, leurs euro-doubles et les divers partisans du nationalisme civique rejettent toute preuve que le monde occidental est en déclin par rapport à ses concurrents mondiaux, en continuant à préconiser des solutions purement législatives aux défis civilisationnels concrets. Pour Conservative Inc, tout avertissement selon lequel la puissance occidentale n'est plus qu'une façade qui cache de la pourriture et de la faiblesse serait de la propagande paléo-réactionnaire et du défaitisme antipatriotique.

D'autre part, depuis plus d'un siècle - au moins depuis la publication du Déclin de l'Occident d'Oswald Spengler en 1918 - des philosophes, des politologues, des théologiens et d'autres, principalement des incrédules face au discours sur le "progrès" et sur l'amélioration potentielle de l'homme, avertissent que notre civilisation est en péril. Ils se servent d'une masse de preuves pour souligner que nous vivons une époque anormale, caractérisée par l'effondrement des normes morales et des standards civilisationnels des deux côtés de l'océan Atlantique. Le malaise est étonnamment accru à notre époque par la croissance métastatique de la haine de soi des Weiningeriens, (soit des penseurs qui réagissent comme le philosophe suicidaire Otto Weininger, ndt), dans le monde occidental.

george-floyd-protests2.jpg

Au cours de l'année dernière, la crise du système sociopolitique américain a acquis une forme mature, avec des explosions de plus en plus fréquentes de dysfonctionnements aigus. Ce processus se manifeste principalement par la légitimation de la violence, l'avilissement du "processus démocratique", l'imposition de formes grossières de censure et la criminalisation de paroles et d'actes inacceptables pour le régime de Beltway et ses cohortes dans les médias, la Big Tech, le monde universitaire et Hollywood.

Un nouvel ordre horrible est en train de se mettre en place. Pendant un bref moment, il peut encore ressembler à l'Ancienne République, mais seulement dans la mesure où le comte Dracula ressemble à une personne vivante.

L'Europe et l'anti-Europe

Sur la rive orientale de l'Atlantique, une grande partie de l'Europe se transforme culturellement et démographiquement en une caricature grossière de ce qu'elle était auparavant. Sa frontière maritime méridionale est aussi poreuse que la frontière américaine avec le Mexique. La "théocratie laïque" de l'Europe (pour emprunter le terme pertinent de Paul Gottfried) s'attache à réformer et à remodeler la conscience de ses sujets afin d'accepter l'auto-anéantissement multiculturel comme une attitude, un ensemble de croyances et une politique obligatoire.

En conséquence, le Vieux Continent est de plus en plus peuplé d'étrangers résidant physiquement à Berlin, Toulon ou Leeds, mais spirituellement en Anatolie, au Pendjab ou au Maghreb. Ils sont souvent désespérés de se rendre en Europe, mais une fois établis, ils veulent reproduire dans leur nouvelle demeure l'environnement culturel de leurs désagréables terres natales. Méprisant les professions de foi culturelles et para-marxistes de "tolérance" et de "diversité" de leurs hôtes, leur dédain n'est pas assouvi par des concessions accordées à la légère.

L'"Europe unie" d'aujourd'hui est à des années-lumière de la communauté de nations civilisées qu’elle était jadis et, dans l'ensemble, qui présentaient des sociétés décentes comme avant 1914. L'UE ne crée pas de points communs sociaux et civilisationnels, sauf sur la base d'une négation totale des normes et valeurs authentiquement européennes. Il en résulte une morne similitude culturelle entre tous tissée d'antidiscrimination et d’une vénération anti-chrétienne de l'altérité.

Les contrôleurs de la machine européenne n'ont pas non plus renoncé à leur projet de super-État après le Brexit. Dans la perte de diversité de l'évolution sociale qui va de pair avec la diminution de la diversité de la nature, ils cherchent à faire disparaître l'identité des nations européennes, leur tonalité spéciale et leur caractère unique. Ils considèrent les élections nationales (par exemple en Hongrie ou en Pologne) comme une nuisance qui jette subitement dans leurs machinations des principes archétypaux, réactionnaires et souverainistes, et contrarie l'imposition de quotas obligatoires d'immigrants musulmans dans chaque pays membre. Leurs obsessions, qui il y a deux générations encore auraient été considérées comme excentriques ou folles, dominent aujourd'hui le monde occidental.

61oVWUBtvRL.jpg

La trahison de l'élite

Il y a près d'un siècle, Julien Benda publiait sa diatribe contre la corruption intellectuelle de son temps, La trahison des clercs. La "Trahison" s'est produite lorsque l'élite intellectuelle a renoncé à promouvoir des valeurs civilisationnelles durables et a laissé des préférences politiques à court terme déformer sa compréhension de la vocation intellectuelle en tant que telle. Dans l'Europe des années 1920, les intellectuels ont commencé à se défaire de leur considération pour les idéaux philosophiques et scientifiques traditionnels, vénérant plutôt les particularismes et le relativisme moral.

Un demi-siècle plus tard, Christopher Lasch diagnostiquait la forme mature de la "trahison" de Benda. Faisant allusion à la Révolte des masses de José Ortega y Gasset, Lasch a appelé son recueil d'essais La révolte des élites. La caractéristique principale du phénomène réside dans le détachement graduel (mais toujours accéléré) des nouvelles élites professionnelles et managériales - avocats, commentateurs des médias, experts universitaires, analystes de groupes de réflexion, planificateurs financiers, etc. Cette nouvelle élite existe dans le monde abstrait de la manipulation des informations et des chiffres. Elle génère une nouvelle forme de discours politique, fortement idéologique, qui repose sur la laïcité, le relativisme moral et culturel, et le rejet par ses membres de tout sentiment d'attachement à la communauté au sens large.

61AMHCfkhHL.jpg

Ainsi, lors de la conférence de la Maison Blanche sur l'avenir du monde industriel en février 1972, Carl Gerstacker, président de Dow Chemical, a exposé sa vision de la société "anationale" du futur proche. "J'ai longtemps rêvé d'acheter une île n'appartenant à aucune nation", a-t-il déclaré, et d'y établir le siège mondial de Dow, "n'étant redevable à aucune nation ou société".

Deux ans plus tard, Richard Gardner a affirmé avec enthousiasme aux Affaires étrangères que la "maison de l'ordre mondial" devra être construite de bas en haut plutôt que de haut en bas : "une course contre la souveraineté nationale, l'érodant pièce par pièce, accomplira bien plus que l'assaut frontal à l'ancienne". Il s'agissait clairement d'une variation du thème théorisé par Gramsci de la ‘’longue marche à travers les institutions’’. Pour sa vision et ses efforts, Gardner a ensuite été récompensé par Jimmy Carter qui l'a nommé ambassadeur en Espagne et en Italie.

51jxcyQIBzL._SX344_BO1,204,203,200_.jpgDans le même esprit, le secrétaire d'État adjoint de Bill Clinton, Strobe Talbott, a déclaré peu après avoir quitté ses fonctions que les États-Unis n'existeront pas "sous leur forme actuelle" au XXIe siècle parce que le concept de nation lui-même deviendra obsolète. Talbott a déclaré en 1992, et réitéré dans son livre de 2008, The Great Experiment, qu'au XXIe siècle "la nation telle que nous la connaissons sera obsolète ; tous les États reconnaîtront une autorité unique et mondiale et tous les pays seront fondamentalement des arrangements sociaux, des adaptations à des circonstances changeantes. Aussi permanentes et même sacrées qu'elles puissent paraître à un moment donné, ils sont en fait tous artificiels et temporaires".

En bref, les membres de l'élite occidentale ne connaissent aucune loyauté envers un pays ou une nation. Ils recherchent une fin particulière de l'histoire dans la transformation du hoi polloi déraciné et lavé de son cerveau en un système socio-technologique postmoderne régulé par eux-mêmes. Leur édifice repose sur le principe selon lequel les pays n'appartiennent pas aux peuples qui les habitent depuis des générations, mais à tous ceux qui se trouvent à l'intérieur de leurs frontières à un moment donné. Les personnes éclairées ne doivent se sentir liées à aucun groupe, sauf aux minorités prétendument défavorisées. En conséquence, ils encouragent activement l'autodestruction et la haine de soi des Caucasiens et diabolisent tous les hétérosexuels masculins blancs. Ils cherchent à fusionner les races, les sexes et les préférences sexuelles en un mélange souple régi par la Single Global Authority du Dr Talbott.

Espoir et résistance

Les Pères fondateurs ont renversé le gouvernement colonial pour des délits bien plus légers que ceux-ci. Il est possible qu'un renversement se produise même à ce stade tardif. Le modèle de redressement nécessite probablement un événement catastrophique : une crise mondiale qui s'étend rapidement, combinant un effondrement financier et une pandémie véritablement mortelle. L'incapacité prévisible du régime à gérer une telle calamité obligerait des millions de personnes à reconsidérer leur vie et leurs croyances.

La première victime serait la notion de "progrès". Le passage de la notion insidieuse de "bon côté de l'histoire" au maintien de la tradition, le passage du devenir obsessionnel à l'être, voilà le changement clé de notre redressement. La famille normale, "nucléaire", serait reconstruite comme l'unité de survie essentielle. Au milieu de l'effondrement des structures politiques et de la perte de confiance dans la politique, les obsessions idéologiques actuelles de nos dirigeants seront rejetées comme absurdes. Les personnes liées par le sang, la mémoire, la culture et la foi se regrouperont pour rester en vie et prier le Dieu unique. À cet égard, un défi supplémentaire est présenté par la trahison continue au sein du christianisme organisé, l'infiltration des cinq colonnes de la classe d'élite à des positions ecclésiastiques très élevées.

Lorsque l'on examine la théorie politique de la résistance chrétienne, il est important de souligner l'abîme entre la promesse de liberté des classes dominantes (haine, violence policière, discours offensant, privilège blanc, patriarcat, racisme, discrimination, etc.). Ce cadre peut offrir une plate-forme consensuelle pour diverses traditions chrétiennes. Elles doivent être accrochées ensemble, maintenant, sinon elles seront certainement accrochées séparément.

Igor_Shafarevich.jpegFace à la brutalité gratuite de leur régime, les Américains normaux ne devraient pas désespérer. La partie n'est pas gagnée parce que rien dans l'histoire n'est "inévitable". En 1996, une période terrible pour le peuple russe, j'ai rencontré le célèbre mathématicien et penseur conservateur Igor Shafarevich (Chafarévitch)à Moscou et je lui ai demandé s'il y avait un espoir de redressement de la Russie. Il m'a répondu : "En tant que mathématicien, je ne peux pas proposer un modèle de rétablissement empiriquement viable ; mais en tant que chrétien orthodoxe, je crois que l'effet bienveillant du Saint-Esprit est possible, donc probablement, par conséquent, imminent".

Les idéologies et les régimes contre-nature et maléfiques n'ont pas la capacité d'être permanents. Les personnes réelles sont toujours dotées de sentiments et de raison, de la conscience de qui elles sont. Leur lutte contre les élites mal nommées qui sont maintenant au pouvoir est juste. L'issue est incertaine. En attendant, les vrais Occidentaux peuvent et doivent néanmoins s'accrocher à la beauté, à la vérité et à la foi, et essayer de profiter de la vie.

Srdja Trifkovic

Le Dr Srdja Trifkovic, rédacteur en chef de la revue Chronicles pour les Affaires étrangères, est l'auteur de L'épée du prophète et la défaite du djihad.

41RKVJTPXEL._AC_UL600_SR399,600_.jpg

trifkovic.JPG

Srdja (Serge) Trifkovic.

Nouveaux textes sur le site "Strategika.fr" de Pierre-Antoine Plaquevent

Pierre-Antoine-Plaquevent-SOROS-et-la-socit-ouverte.jpg

Nouveaux textes sur le site "Strategika.fr" de Pierre-Antoine Plaquevent
 
Chers amis, 
 
En ce moment sur notre site.
 
Bien amicalement, 
 
Pierre-Antoine Plaquevent 
 
Gouvernement Draghi et Lega : trahison ou réalisme politique ?
Le feu vert de Matteo Salvini au gouvernement de Mario Draghi interroge le milieu souverainiste. Pour comprendre ce nouveau positionnement, il faut d’un côté prendre acte du contexte international défavorable au populisme (défaite de Trump, Covid-19) et de l’autre, se pencher sur la structure interne de la Lega, dont l’un des courants sera d'ailleurs représenté dans l’équipe de Mario Draghi.
https://strategika.fr/2021/02/20/gouvernement-draghi-et-l...

Passeport vaccinal : des “bulles de voyage” entre la Grèce et Israël
Avec ces “bulles”, les multinationales et leurs succursales étatiques ont trouvé là un bon moyen pour recomposer les frontières des nations selon des intérêts privés ou supranationaux.
https://strategika.fr/2021/02/19/covid-19-des-bulles-de-v...

La quatrième phase de Schwab :
"La crise covid-19 est, en comparaison, une petite perturbation par rapport à une cyberattaque grave"
https://strategika.fr/2021/02/17/la-quatrieme-phase-de-sc...

Vaccination, ralentissement de la pandémie de Covid-19 : le point hebdo du Général Delawarde
https://strategika.fr/2021/02/16/vaccination-ralentisseme...

Comment Soleimani a convaincu Poutine d’aider Damas
https://strategika.fr/2021/02/10/comment-soleimani-a-conv...

Otan: Le Centre d’excellence pour l’espace sera implanté à Toulouse
https://strategika.fr/2021/02/06/otan-le-centre-dexcellen...
 

vendredi, 19 février 2021

Game Stop et Grand Reset: Le Décryptage de Raoul Weiss

MW-ED699_Davos__20160120215433_ZQ.jpg

Café Noir N.11

Game Stop et Grand Reset:

Le Décryptage de Raoul Weiss

Café Noir – Un Autre Regard sur le Monde.
Émission du Vendredi 19 Février 2021
Avec Pierre Le Vigan, Gilbert Dawed & leur invité Raoul Weiss.
 
Cafe Noir N.09 – Réseaux Sociaux, Bourse et 5e Pouvoir https://youtu.be/xgwkTJHYcqo
 

21:13 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gaémestop, grand reset, raoul weiss, actualité | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

La pensée de Julius Evola au Brésil

Evola-Drawing-1.jpg

La pensée de Julius Evola au Brésil

par César Ranquetat Jr

Ex : http://legio-victrix.blogspot.com/

Nous allons essayer de démontrer, dans cet article, la présence de la pensée de Julius Evola en terre brésilienne. À cette fin, nous mentionnerons des articles, des livres, des magazines et des sites où l'on fait référence au penseur italien. Dans un deuxième temps, nous exposerons brièvement la vision que certains groupes "alternatifs" ont de la figure et de l'œuvre de Julius Evola.

Un rapide panorama de la vie intellectuelle au Brésil aujourd'hui

Pas très différent de ce qui se passe dans d'autres pays d'Amérique latine ! On peut observer une hégémonie intellectuelle de la gauche progressiste au Brésil. Une grande partie des universités (dans les domaines des sciences sociales, de l'histoire, de la philosophie, de la littérature), des centres de recherche, des magazines, des journaux, des chaînes de télévision et de radio et des maisons d'édition sont sous le contrôle direct d'"intellectuels" liés à divers courants de pensée classés à gauche. Il y a peu de voix qui s'élèvent, dans ce pays, contre le monopole culturel progressiste. Pour aggraver les choses, le pays a été gouverné par un parti de gauche, le PT (Parti des travailleurs). Il n'y a pas de parti politique "de droite" d'expression nationale dans le pays et pas un seul magazine culturel qui défende des principes intellectuels qui s'opposent au discours de gauche inspiré par Gramsci. Dans ce contexte, les courants de pensée et les intellectuels anti-progressistes n'ont pas leur place et sont pratiquement inconnus. Les étudiants universitaires (qui semblent plutôt être un univers de ‘’pigeons’’) dans le domaine des ‘’sciences humaines’’, connaissent Bourdieu, Foucault, Derrida, Gramsci, Marx, Habermas etc, mais interrogez-les, ainsi que leurs maîtres, pour savoir qui étaient Eric Voegelin, Carl Schmitt, Joseph de Maistre, Marcel de Corte, Oswald Spengler, Ernst Jünger, René Guénon, Frithjof Schuon et d'autres…, et vous n’aurez aucune réponse. Si ces penseurs "conservateurs" sont pratiquement inconnus dans les universités brésiliennes, que dire de Julius Evola, qui fut le critique le plus radical de la modernité, du progressisme et du rationalisme des Lumières.

La présence de Julius Evola dans les livres, les magazines, les journaux et sur Internet

Jusqu'à présent, un seul livre d'Evola a été publié au Brésil : Le Mystère du Graal, publié par la maison d'édition Pensamento en 1986. Cette même maison d'édition a publié deux livres de René Guénon, La Grande Triade et Les symboles de la science sacrée, et de Frithjof Schuon L'ésotérisme comme principe et comme voie. Il convient de mentionner que Le Mystère du Graal avait déjà été publié en langue portugaise par la maison d'édition Vega au Portugal en 1978. Ce même éditeur portugais a publié A Metafísica do Sexo en 1993. Deux autres livres d'Evola ont été publiés au Portugal Revolta contra o mundo moderno en 1989, par la maison d'édition Dom Quixote, dans une collection intitulée Tradition-Bibliothèque d'ésotérisme et d'études traditionnelles et A Tradição hermética chez l’éditeur 70, en 1979. L'édition portugaise de Revolta contra o mundo moderno est suivie d'une brève note sur la vie de Julius Evola et sur l'œuvre de cet auteur au Portugal, par Rafael Gomes Filipe qui déclare : "Un ouvrage d'Antônio Marques Bessa, Ensaio sobre o fim da nossa idade (Edições do Templo, 1978) met en exergue une certaine assimilation de la pensée d'Evola, même si cet auteur est cité en épigraphe. Antônio Quadros, pour sapart, a fréquemment fait référence à des œuvres de Julius Evola, notamment au Portugal dans Razão e Mistério et dans Poesia e Filosofia do Mito Sebastianista  volume 2º [...]".

rcmm.jpg

En 2000, l'éditeur portugais Hugin a publié une courte biographie d'Evola, écrite par le Français Jean - Paul Lippi qui est l'auteur d'une étude intitulée Julius Evola, métaphysicien et penseur politique. Je fais cette rapide exposition sur les livres d'Evola au Portugal, car de nombreux Brésiliens ont été en contact avec cet auteur par le biais de traductions portugaises.

Il est très probable que la première référence à Julius Evola dans un livre au Brésil ait été faite par Fernando Guedes Galvão, qui était le traducteur et l'introducteur de René Guénon dans notre pays et qui a entretenu une longue correspondance avec Guénon. Guedes Galvão a traduit en 1948 pour la maison d'édition Martins Fontes A crise do mundo moderno. L'édition traduite par Guedes Galvão comporte un intéressant appendice avec une exposition synthétique des principales œuvres de René Guénon. À un certain moment, le traducteur du métaphysicien français traite de la campagne de silence autour de l'œuvre de Guénon et déclare, en citant Evola : "Julius Evola s'exprime ainsi : "Guénon est combattu en France par tous les moyens et de toutes les manières ; on essaie même de faire disparaître ses livres de la circulation".

Il ne fait aucun doute que René Guénon est plus connu que Julius Evola en terre brésilienne. La raison est liée au fait que le métaphysicien français fait montre d’une considération apparemment plus positive envers le catholicisme.

unnamedRGCMM.jpgL'IRGET (Institut René Guénon d'études traditionnelles), fondé en 1984 dans la ville de São Paulo par le journaliste Luiz Pontual, se consacre à l'étude et à l'enseignement de l'œuvre de René Guénon, comme l'indique la page d'accueil de cet institut. Il est intéressant de noter que Luiz Pontual est également un admirateur de l'œuvre d’Evola, reconnaissant son opposition tout aussi radicale au monde moderne. Cependant, sur le site de l'IRGET, Pontual déclare : "D'autre part, les partisans d'Evola nous reprochent de ne pas le mettre à niveau ou de le placer au-dessus de Guénon. À ces derniers, nous faisons référence à Evola lui-même, qui a écrit dans ses livres, plus d'une fois, la fierté d'être un Kshatrya (porteur du pouvoir temporel) et reconnaissait en Guénon le figure d’un Brahmane (détenteur de l’autorité spirituelle). Cela nous dispense de toute autre explication". Le journaliste Luiz Pontual montre qu'il ne connaît pas l'œuvre d'Evola en profondeur, car le penseur italien affirme que, dans les temps primordiaux, à l'âge d'or, il n'y avait pas de séparation entre l'autorité spirituelle et le pouvoir temporel. La figure de la royauté sacrée, du roi-prêtre, du pontifex, du divin empereur dans les civilisations traditionnelles, atteste la présence d'une autorité supérieure à la caste des prêtres et à celle des guerriers.

Le journaliste et philosophe Olavo de Carvalho, dans sa page d'accueil, mentionne le livre d'Evola La tradition hermétique comme l'un des grands livres qui formeront sa vision du monde. Olavo de Carvalho est un intellectuel qui a écrit plusieurs articles dans des journaux et des magazines, où il exprime sa révolte contre l'hégémonie intellectuelle de la gauche. Sa pensée a une certaine influence dans certains groupes conservateurs brésiliens. Le livre Jardim das Aflições écrit par Olavo de Carvalho en 2000, fait une référence intéressante à Evola, que nous présentons ici : "Il est intéressant que le conflit de priorité spirituelle entre les castes sacerdotale et royale soit reproduit, à l'échelle discrète qui convient en ce cas précis, entre les deux plus grands écrivains ésotériques du XXe siècle : René Guénon et Julius Evola". Olavo de Carvalho est un érudit spécialiste de Guénon et d'autres auteurs traditionalistes". Dans ce livre, il traite, entre autres, de la relation entre l'autorité spirituelle et le pouvoir temporel.

L'Editora Revisão, qui se consacre à la publication de livres révisionnistes sympathiques à l’endroit nazisme, a publié en 1996 un curieux ouvrage intitulé Le lien secret d'Hélio Oliveira. Le livre en question cherche à démontrer quelles sont les forces cachées qui conduisent l'Histoire. La thèse centrale de l'auteur est que, derrière tout, il y a l'action du judaïsme et de la franc-maçonnerie. Vision réductionniste bien sûr, incapable de réaliser que le judaïsme lui-même et la maçonnerie moderne sont les instruments de forces qui leur sont supérieures. Mais ce qui nous intéresse, c'est la citation qu'Hélio Oliveira fait d'Evola, lorsqu'il traite des Protocoles des Sages de Sion ; il déclare : "Certains écrivains juifs se sont exprimés sur la fiabilité du livre. Pour Julius Evola, "Aucun livre au monde n'a fait l'objet d'un boycott aussi important que les Protocoles des Sages de Sion. On peut dire sans effort, que même si elles sont fausses et que leurs auteurs sont des agents provocateurs, elles reflètent en elles des idées typiques de la loi et de l'esprit d'Israël". La citation d'Evola est authentique, mais Helio Oliveira prétend que l'auteur italien est juif... ce qui n'est évidemment pas vrai.

Olavo_de_Carvalho_em_2019_(cropped).jpg

Olavo de Carvalho.

Il faut souligner ici le livre de l'historien américain Nicolas Clarke, auteur de The Black Sun publié par l’éditeur Madras en 2004 ; ce livre traite des relations entre le nazisme et l'occultisme, ainsi que de l'influence de certains penseurs "damnés" dans la formation de certains groupes néo-nazis et néofascistes. L'auteur consacre un chapitre entier à Julius Evola. Dans ce chapitre, Clarke cherche à synthétiser les principaux aspects de la pensée évolienne. Outre Evola, d'autres chapitres sont consacrés à Savitri Devi, Miguel Serrano et Francis Parker Yockey. La synthèse faite par Clarke est raisonnable, cependant l'auteur insiste sur le caractère païen et anti-chrétien de Julius Evola. Le livre a eu un certain succès auprès de certains groupes néo-païens brésiliens.

L'anthropologue Denise Maldi, aujourd'hui décédée, a écrit un article pour la Revista de Antropologia en 1997. L'article est intitulé – ‘’Des confédérés aux barbares : la représentation de la territorialité et de la frontière indigène aux XVIIIe et XIXe siècles’’. En abordant le concept de nationalité, elle se réfère à Evola, citant un passage de La révolte contre le monde moderne que nous transcrivons ici directement de son article : "Le Moyen-Âge connaissait les nationalités, pas les nationalismes. La nationalité est une donnée naturelle, qui circonscrit un certain nombre de qualités élémentaires communes, de qualités qu'elle maintient à la fois dans la différenciation et dans la participation hiérarchique, auxquelles elles ne sont nullement opposées". À la fin de l'article, l'anthropologue se réfère à nouveau à Evola : "En ce sens, le projet de construction de l'État (l'auteur traite de l'État-nation moderne) impliquait également une antinomie par rapport à la diversité, dans des moules complètement différents du projet colonisateur, dans lequel le naturel a cédé la place à la nationalité et l'ethnie a cédé la place au demos, comme l'a souligné Julius Evola (1989). Cela signifie le dépassement de la diversité au sein de l'idéologie de l'État et l'homogénéisation des différences ethniques en faveur de l'unité juridique et de la citoyenneté". L'anthropologue veut montrer que l'État national moderne est une construction artificielle, anti-naturelle, et que le nationalisme est un produit de la modernité en s'appuyant sur la distinction qu'Evola établit dans Révolte contre le monde moderne entre le principe des nationalités, d'origine médiévale, et le nationalisme moderne.

412o++q43CL._SX195_.jpgLe 14 mai 1995, le journal Folha de São Paulo, l'un des plus grands journaux du pays, a publié un article de l'écrivain italien Umberto Eco. L'article était intitulé "La nébuleuse fasciste". Le célèbre écrivain italien a tenté d'élaborer un ensemble de traits, de caractéristiques, de ce qu'il a appelé "protofascisme ou fascisme éternel". Parmi les traits énumérés par Eco figure le culte de la tradition, le traditionalisme. À ce propos, il déclare : "Il suffit de jeter un coup d'œil aux parrains de n'importe quel mouvement fasciste pour trouver les grands penseurs traditionalistes. La gnose nazie se nourrissait d'éléments traditionalistes, syncrétiques et occultes. La source théorique la plus importante de la nouvelle droite italienne, Julius Evola, a fusionné le Saint Graal et les Protocoles des Sages de Sion, l'alchimie et le Saint Empire romain-germanique". L'opposition d'Eco à la pensée d'Evola est évidente. L'écrivain italien n'a pas connaissance des critiques de Julius Evola sur le fascisme [2] dans des ouvrages tels que Le fascisme vu de droite et Notes sur le Troisième Reich. Dans ces deux livres, Julius Evola démontre les aspects anti-traditionnels du fascisme italien et du national-socialisme allemand, tels que le culte du chef, le populisme, le nationalisme, le racisme biologique, etc. Quant à la Nouvelle Droite italienne, elle ne se nourrit que de quelques aspects de l'œuvre d'Evola. En tout cas, l'article d'Eco, largement lu par l'intelligentsia brésilienne, ne sert qu'à dénigrer l'image d'Evola et à déformer sa pensée.

Plus récemment, le 26 décembre 2003, l'historien de l'UFRJ (Université fédérale de Rio de Janeiro), Francisco Carlos Teixeira da Silva, bien connu dans le milieu universitaire, a publié un petit article dans le Jornal do Brasil, l'un des journaux les plus importants du pays, sous le nom de -Statesman ou ‘’berger des âmes’’. L'article en question a pour but de ternir la figure du pape Pie XII. L'historien soutient que Pie XII était silencieux face à l'Holocauste et était essentiellement un philo-nazi. À la fin de l'article, il déclare : "D'un point de vue purement théologique et philosophique, les fascismes (allemand ou italien, peu importe) sont absolument incompatibles avec le christianisme. La base raciale et le culte de la violence se heurtent inévitablement à la solidarité chrétienne, un fait constamment rappelé par les idéologues du fascisme, tels que Julius Evola ou Alfred Rosenberg, qui considéraient le christianisme comme une religion mise en place par des mendiants, des prostituées et des esclaves". Julius Evola, n'a jamais été un idéologue du fascisme, à aucun moment il n'a fait partie du parti fasciste et de plus, il a écrit plusieurs textes où il s'est clairement opposé à certains aspects du fascisme. En 1930, Evola crée le magazine La Torre, d'orientation clairement traditionaliste. Le magazine n'a eu que cinq mois d'existence et a été interdit sur ordre de certains éléments du gouvernement fasciste qui n'étaient pas d'accord avec les critiques du fascisme formulées dans les pages de La Torre. Deuxièmement, Evola n'a jamais fait référence au christianisme de la manière dont l'historien Francisco Teixeira veut le voir. S'il est vrai qu'Alfred Rosenberg, dans son Mythe du XXe siècle, a radicalement opposé la tradition catholique-chrétienne, l'associant à l'universalisme et au judaïsme, et défendant une nouvelle religion du sang et de la race, Evola ne pensait pas de cette façon. Le baron Evola établit une distinction entre le simple christianisme des origines, qui confortait une spiritualité lunaire et sacerdotale, et le catholicisme. En cela, il a reconnu certains aspects positifs et supérieurs au catholicisme européen. Selon Evola, la tradition catholique romaine aurait subi l'influence des traditions celtique, nordique, germanique, romaine et grecque.

Le point de vue des traditionalistes catholiques brésiliens, des "pérennistes" et l'influence d'Evola dans les milieux occultistes et néo-païens

Evola est peu connu dans les milieux traditionalistes catholiques brésiliens, qui se regroupent dans des organisations telles que l'association culturelle Monfort, dirigée par le professeur Orlando Fidelli, la TFP (Tradition, Famille et Propriété), créée par Plinio Correa de Oliveira, la fraternité Saint Pie X et le groupe ‘’Permanence’’ à Rio de Janeiro qui est dirigé par Dom Lourenço Fleichman. Dans une conversation personnelle que j'ai eue avec le prince Dom Bertrand de Orléans e Bragança, héritier de la famille impériale brésilienne, lié à la TFP, et chef du groupe pro-monarchique qui défend le retour du système monarchique au Brésil, il a déclaré : "Le problème d'Evola est qu'il est occultiste, ésotériste". C'est également l'avis d'Orlando Fedelli, de l'association Monfort, qui va même plus loin en affirmant que le penseur italien est un gnostique. La réalité est que les membres de ces organisations ne connaissent pas la pensée d'Evola, ils n'ont jamais lu un livre ou un article d'Evola. À son tour, tout penseur qui souligne la pertinence d'autres traditions métaphysiques est immédiatement étiqueté par ces groupes comme gnostique, ce qui révèle le sectarisme et l'exclusivisme de ces organisations, incapables de comprendre "l'unité transcendantale des religions".

En ce qui concerne les "pérennistes" brésiliens, ce sont des érudits et des adeptes de la "philosophia perennis", qu'Evola a appelé le Traditionalisme intégral. Formé par des penseurs tels que Guénon, Schuon, Ananda Coomaraswamy, Martin Lings, Titus Burckhardt, ce courant exprime une plus grande sympathie pour Evola. Pour le professeur de philosophie Murilo Cardoso de Castro, qui est chercheur et diffuse les idées de l'école "pérennialiste" au Brésil par le biais d'un excellent site web [3], Julius Evola peut être défini comme un auteur "pérennialiste". Murilo Castro considère le penseur italien, comme un érudit de la "Tradition primordiale", comme un "chercheur de vérité". Sur son site, il met à disposition plusieurs textes sur Evola en italien, espagnol, français et anglais, en indiquant également d'autres sites qui traitent de Julius Evola. Cependant, le principal chercheur sur les auteurs pérennialistes au Brésil et diffuseur de leurs idées, est le journaliste et maître en histoire des religions, Mateus Soares de Azevedo. Il travaille sur base de sa thèse sur Frithjof Schuon et est l’auteur de quelques livres sur le sujet et traducteur de quelques ouvrages de Schuon, ainsi que d'un livre de Martins Lings et d'un autre de Rama Coomaraswamy. Il ne fait aucune référence à Evola. Le journaliste en question n'a jamais mentionné Evola dans ses écrits, ce qui est assez étrange. Il considère Guénon comme le "père" de l'école "pérénnaliste", mais révèle sa plus grande sympathie pour Schuon, considérant ce dernier supérieur au métaphysicien français.

Murilo_Castro2.jpg

Prof. Murilo Cardoso de Castro. Ses nombreux articles sont accessibles en pdf via Google.

C'est dans certains groupes occultes, néo-païens et adeptes de l'hitlérisme magique du Chilien Miguel Serrano, que la figure et l'œuvre d'Evola ont suscité un plus grand intérêt. La traduction de l'œuvre de Nicolas Clarke The Black Sun a eu un grand impact auprès de ces groupes, qui sont ainsi entrés en contact avec la pensée d'Evola. D'autre part, certains disciples de Miguel Serrano dans le sud du Brésil ont montré un certain intérêt pour Evola, en raison des nombreuses références que l’écrivain chilien fait au penseur italien. Grâce à l'œuvre de Serrano évoquée par Clarke, ces groupes identifient Julius Evola comme un occultiste, un défenseur du paganisme et un ennemi du christianisme. Cette vision déformée de la pensée évolienne n'a pas contribué à une plus large diffusion d'Evola au Brésil. Les articles d'Evola tels L'equivoco del "nuovo paganesimo" (1936), Hitler e le società secrete (1971) - ainsi que le livre - Masque et visage du spiritualisme contemporain, publié en 2003 par les éditions Heracles, démontrent l'aspect contre-traditionnel des groupes occultistes, néo-païens et spiritualistes qui foisonnent dans la société moderne. Si ces textes étaient lus et étudiés par de tels groupes, l'image d'un Evola occultiste et néo-païen serait brisée. La vérité est que peu de "néo-païens" connaissent les principales œuvres d'Evola.

En conclusion, on peut dire que la pensée d'Evola est très peu connue au Brésil. Le seul ouvrage publié au Brésil par ce penseur Le Mystère du Graal est désormais hors de circulation. L'intelligentsia brésilienne ignore le travail d'Evola. Le contact avec la pensée d'Evola se fait par l'effort individuel de quelques-uns qui perçoivent dans le maître italien et dans son œuvre monumentale un ensemble d'orientations fondamentales pour qu'un type humain différencié – celui de l'homme traditionnel - puisse continuer à se tenir debout devant les ruines de cette civilisation décadente.

Notes :

(1) http://www.reneguenon.net/oinstitutoindex.html

(2) Voir -Más allá del fascismo, ediciones heracles-, 2e édition, 2006, avec introduction du professeur Marcos Ghio du Centro de Estudios Evolianos de Argentina

(3) www.sophia.bem-vindo.net

La norme et l’exception

07-image-min.jpg

La norme et l’exception

par Yohann Sparfell

Ex: http://www.in-limine.eu

Aujourd’hui, l’engouement impulsif qui nous enjoint à ressembler à ce qui nous est présenté comme une attitude et un aspect extérieur « normal », un modèle publicitaire ou un patron comportemental, n’est rien de plus, en réalité, que le produit d’une certaine conception du normatif. Il y a un effet une différence notoire entre s’appliquer, au sein d’une communauté humaine, à instaurer un ensemble de codes moraux destinés à ce que soit rendu possible la vie commune, à ce que chacun puisse y trouver du sens, et imposer, d’au-dessus d’une société moderne, des règles comportementales visant à contrôler les réactions individuelles aux stimuli émanant des impératifs systémiques.

Dans le premier cas, en effet, la norme n’est pas quelque chose qui se verrait soumise à un ensemble de lois mathématiques et statistiques, découlant par conséquent de catégories sous-jacentes et inférieures comme dans le second cas, mais d’une convention entre les membres d’une communauté ; convention dont l’origine est éminemment supérieure et hautaine car procédant d’une intuition que chaque homme est une partie inséparable de l’Être et du Tout. Si, dans une société moderne, l’homme se doit de se soumettre à des forces irrationnelles telluriques qui prennent la forme d’impératifs à visées quantitatives et adaptatives, au sein d’une communauté traditionnelle, au contraire, il ne se laisse « dominer » que par ce au travers quoi il donne du sens à sa vie et il peut s’affirmer dans son être-là (dans sa « liberté ») : le Bien commun.

Au sein de la Modernité, il paraît donc malvenue, de façon bien plus profonde et intensive, qu’un individu puisse faire preuve d’originalité. Ce que nous appelons de la sorte, de nos jours, ne saurait donc être que le fruit d’une normativité déclinée en de multiples occurrences tous plus expressifs les uns que les autres dans leur façon de marquer une soumission inconsciente aux règles du « calcul ». Celles-ci, que l’on pourrait fort justement rapprocher du concept heideggérien d’ « ar-raisonnement », assujettissent les êtres à une fonctionnalité « technique » dont l’origine se situerait bien dans la montée historique d’un besoin de prévisibilité et d’anticipation (mais qui accompagne spécifiquement sinon exclusivement l’apparition de l’hégémonie du Marché et du profit bourgeois). Les soit-disant originalités tout comme la soit-disant diversité ne répondent en fait qu’à une nécessité de maintenir une apparence de richesse culturelle et de pluralité d’initiatives, alors qu’elles ne sont que des expressions téléguidées d’une standardisation du mode même de pensée.

martin_heidegger_1939585.jpgPourrions-nous dire, effectivement, que nous pensons aujourd’hui par nous-mêmes ? La feinte consistant à répondre positivement à cette question est fort amène, mais elle ne saurait camoufler aux esprits perspicaces, sous ses beaux atours, que nous avons acquis depuis quelques temps une capacité hors du commun à nous laisser gouverner par des injonctions, très souvent - et à dessein - contradictoires, émanant des puissances médiatiques officielles, modes y compris. Nous sommes en effet de nos jours, et ce de plus en plus, dirigés par ce que l’on nomme des « impératifs », qui ne le sont que parce que nous nous sommes laissés entraîner dans une chaîne sans fin de « raisons » et de « résultats ». La « raison » qui nous guide n’est plus réellement la nôtre au regard des injonctions qu’elle nous impose à ne plus penser à la nature de nos êtres, mais plutôt à l’obligation de satisfaire à nos intérêts ! Au fond, c’est toujours la même logique, déclinée sous diverses modalités, qui commande les hommes et leurs pensées.

Autrefois, il est vrai que ce fut la culture qui servait de fondement au devenir des hommes. Ils en ressentaient le poids de l’héritage et tâchaient de subjuguer leurs actes et leurs pensées au devoir qui leur était intimement suggéré d’en honorer la perpétuation (il était bien question alors de perpétuer un mode de vie par lequel ils pouvaient garder force et espoir d’accéder à l’autonomie). Dans la Modernité, il n’est question que de survie, de mettre en sécurité sous le sceau de nos convictions nos « conditions » de vie, parce que nous avons perdu toute notion d’autonomie. Nous nous raccrochons en cela aux multiples éclosions de la foi et de l’espérance, ravalées au rang de vulgaires croyances à l’égard de certains cheminements humains collectivement admis qui nous engagent à sombrer corps et âme dans un rationalisme conformiste : la science exacte par exemple, si ce n’est surtout elle, au travers de son outils mathématique, et désormais statistique. Or, une orientation vers l’autonomie ne pourrait être engagée qu’au mieux si nous restons capables de questionner nos propres fondements culturels et d’inciter ceux-ci à évoluer dans un sens ou un autre selon le Réel auquel nous nous trouvons confrontés.

Et que nous commande donc le Réel, au-delà des faits qui ne sont en vérité toujours que des interprétations fondées sur des espérances (des « conséquences supervisables de causes données » - Heidegger) tellement qu’ils sont sélectionnés pour les besoins d’une « certification » du réel ? De savoir, en quelque sorte, le « lire », d’en considérer humblement la présence au travers de notre interprétation culturelle et des limites humaines à notre captation de ce qu’Il est en son être. Certains y parviennent plus que d’autres, et c’est là que doit apparaître l’exception qui parfois brise la norme et renforce une humanité dans la quête de son autonomie. Aujourd’hui, le conformisme scientifique (au sens large de prescription ontologique – puisqu’il s’agit d’une manifestation occulte de l’être – d’un mode d’ek-sistence) entrave une telle possibilité dans la présence au présent et limite l’exception à son simulacre, c’est-à-dire à celle qui confirme la règle.

Il devient de plus en plus clair qu’il nous faudra bien, au-delà de la nécessité de dépasser les blocages intellectuels inhérents à ce normativisme d’essence scientifique, dépasser aussi l’acceptation commune du phénomène culturel qui aujourd’hui est mis à mal par cette occultation de l’Être. Il nous faudra bien, en d’autres termes, acquérir une compréhension supérieure des modalités de l’Être dans l’histoire en partant, pour ce faire, d’une analyse critique de ce qui nous mène aujourd’hui à l’impossibilité radicale d’une auto-détermination du sens. Pour le dire encore autrement, nous pensons qu’il nous sera indispensable d’accéder à une conscience durable et partagée de la raison pour, ainsi que de la façon par, laquelle nous avons éternellement le besoin de nous acheminer vers une quête de sens et d’identité. Ainsi en est-il de la nature de l’homme, et il ne s’agit ni plus ni moins que d’une attitude révolutionnaire-conservatrice que de conquérir la connaissance nous permettant d’appréhender les subtilités et les ressorts de cette quête ontologique, ainsi que des risques qui s’y dissimulent.

1980the-nazi-jurist-601x400.jpg

La norme sise en la Modernité nous interdit pourtant une telle quête car il est dans sa nature de prescrire les motifs de « l’homme en société ». Ces motifs sont intériorisés, appliqués vers un objectif non point commun mais collectif, grégaire et superstitieux. Les comportements peuvent être tout autres si nous leur laissons la latitude nécessaire à dire simultanément l’étrangeté et l’intimité de l’être de l’homme singulier (« Pour reconnaître si c'est Dieu qui nous fait agir, il vaut bien mieux s'examiner par nos comportements au dehors que par nos motifs au dedans » Pascal, fragment d’une lettre à M Perrier, 1661). Alors ici prend naturellement tout son sens le mot exception qui, s’opposant à la norme, l’incite à emprunter un tout autre chemin que celui par lequel elle s’enferre dans une rigueur toute théorique. La norme échappe ainsi au normativisme et préfigure un monde où, tout en confirmant la règle, elle élève l’exception, suite à son assomption et son in-corporation, comme l’élément de sa propre perpétuation et de sa propre force. Une force qui fait que la norme prend alors elle-même de la verticalité (à l’opposé de l’horizontalité uniformisante du normativisme) tout en s’élevant de cet assomption et de cet in-corporation des diverses occurrences aléatoires de l’exception (l’apparition salvatrice de la diversité des personnalités).

Yohann Sparfell.

Guillaume Travers, « Il y a un double besoin de réenracinement »

unnamedenracin.jpg

Un besoin de réenracinement...

Entretien avec Guillaume Travers

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un  entretien donné par l'économiste Guillaume Travers au laboratoire d'idées Droite de demain à l'occasion de la publication de ses essais Capitalisme moderne et société de marché : l’Europe sous le règne de la quantité et Économie médiévale et société féodale : un temps de renouveau pour l’Europe aux éditions de La Nouvelle Librairie.

Guillaume Travers, « Il y a un double besoin de réenracinement »

Votre ouvrage traite notamment de l’apparition du capitalisme que vous opposez au féodalisme de l’époque médiévale, quels sont les rouages du système économique féodal?

Dans une large mesure, le système féodal est un contre-modèle par rapport au capitalisme libéral que nous connaissons aujourd’hui. Ses caractéristiques principales, que je mets en évidence dans un précédent livre (Économie médiévale et société féodale), sont les suivantes. C’est d’abord un monde de communautés, et non un monde d’individus. Les échanges économiques et les relations sociales sont donc toujours mises au service d’une vision du bien commun ; à l’inverse, notre époque veut laisser libre cours à tous les désirs individuels. Le monde féodal est en outre profondément terrestre, enraciné, et très largement rural. Le grand commerce demeure totalement périphérique ; les multiples communautés locales vivent dans une autarcie relative. Enfin, c’est un monde où la richesse est toujours mise au service de fins jugées plus hautes : le courage militaire, la sagesse religieuse. Les deux figures tutélaires du monde médiéval sont le saint et le chevalier, pas le financier qui accumule de grandes richesses.

Est-ce que ce n’est pas aussi la montée de l’individualisme qui rend totalement impossible un retour vers une économie du bien commun ?

Historiquement, le délitement de ce monde féodal est indubitablement lié à la montée de l’individualisme. Entendons-nous sur les mots : par individualisme, je n’entends pas seulement un trait psychologique qui pousse à l’égoïsme, mais une révolution dans la manière de penser l’homme. L’époque moderne est la seule qui en soit venue à considérer que l’individu précède toute communauté, que les appartenances et les enracinements ne sont que secondaires. Est-ce à dire que le retour vers une économie du bien commun soit impossible ? Je ne le crois pas. Il y a certes beaucoup de chemin à parcourir. Mais je crois qu’une série de crises pousseront les individus à recréer des communautés : crise sécuritaire, crise identitaire, crise écologique, etc. 

7c238bb78951df71569cb5bf8fc8ca8c.jpg

Le délitement de la nationalité, du patriotisme, la déconstruction des communautés humaines, ne sont-elles pas aussi responsables des comportements individualistes ?

C’est le problème de l’œuf et de la poule. Historiquement, les attaches communautaires ont été fortes partout, et d’une grande diversité : communautés de métiers, communautés villageoises et urbaines, confréries religieuses, etc. L’individualisme s’est affirmé contre ces communautés, proclamant qu’elles étaient illégitimes, qu’elles entravaient la « liberté » de l’individu. Mais l’inverse est aussi vrai : au fur et à mesure que ces communautés s’affaiblissent, qu’elles jouent de moins en moins leur rôle organique dans la vie des hommes, alors les individus sont portés à s’en détacher. Mais il me semble que ce processus touche aujourd’hui ses limites : la crise identitaire qui traverse toute l’Europe témoigne d’un besoin d’appartenance, de réaffiliation. Quand nombre de nos contemporains sombrent dans la consommation de masse, et croient s’affirmer en portant un vêtement de telle ou telle marque, ils ne font que témoigner d’un besoin latent d’appartenances plus structurantes. 

Peut-on réellement retrouver un esprit de vivre selon ses besoins à l’opposée de l’accumulation de richesse ? Au-fond n’est-ce pas tout simplement dans l’ADN de l’Homme de vouloir accumuler, posséder ?

L’idée selon laquelle l’homme aurait de tout temps été un pur égoïste entravé par les contraintes de la société est le postulat central de la philosophie libérale. La liberté individuelle serait un état originaire, et tout le reste (institutions, traditions, coutumes, etc.) serait purement artificiel : c’est ainsi que l’époque moderne prétend « libérer » l’individu en déconstruisant tous ces héritages. Tout cela est ridicule, dès lors que l’on se tourne vers l’histoire. Pendant la plus grande partie de leur histoire, les hommes ne se sont jamais représentés comme des individus tournés vers leurs seuls intérêts matériels. Cette idée de l’homme préoccupé uniquement par ses intérêts est une création finalement très récente dans l’histoire longue des idées et des mentalités. 

9-JW-tree-of-peace-millennium-tree-Fantasy.jpg

Le retour vers le localisme est-il le symptôme d’une prise de conscience des dérives d’un néolibéralisme incontrôlable ?

Je crois que cela témoigne d’un double besoin de réenracinement. On connaît la phrase célèbre de Christopher Lasch, que je crois très juste : « le déracinement déracine tout, sauf le besoin de racines ». Dans un monde où tous les repères ont été déconstruits, délégitimés, il y a un besoin de retrouver du sens. S’enraciner dans une ville, dans un village, prendre part à une communauté, est un moyen de redonner du sens à son quotidien. Acheter en grande surface des légumes importés, ou se les procurer auprès d’un voisin paysan, ce n’est pas la même chose. Derrière le localisme, il y a aussi la prise de conscience des déséquilibres écologiques, qui menacent jusqu’à notre vie. Je ne parle pas tant du réchauffement climatique que de la pollution des sols et des eaux, de la contamination de l’alimentation, des perturbateurs endocriniens, etc. 

Vous êtes critiques envers le libéralisme dans vos ouvrages, mais n’est-ce pas le système économique le plus égalitaire dans l’accession aux ressources ? Surtout, ne doit-on pas différencier le libéralisme classique du néolibéralisme mondialisé ?

Sur les différents types de libéralisme, je suis très sceptique. L’un mène nécessairement à l’autre. Une fois que l’on proclame que l’individu est supérieur au collectif, il lui est supérieur en tout. Si on dit que le monde n’est composé que d’individus, alors il est naturel que tout ce qui reste de distinctions soit progressivement balayé : il n’y a plus lieu de faire de différence entre Africains et Européens, car tous ne sont que des individus ; il n’y a plus lieu de faire de différence entre hommes et femmes, car tous ne sont que des individus abstraits, etc. En d’autres termes, la pente du libéral-conservatisme est glissante, et souvent pétrie de contradictions. Ceci dit, être anti-libéral ne veut pas dire que l’on nie tout concept de liberté, bien au contraire. Je pense par exemple que, à l’heure actuelle, tout ce qui relève du petit commerce et de l’artisanat est étouffé par des contraintes qu’il serait bon d’alléger. Mais cela ne fait pas de moi un libéral, en tout cas pas au sens philosophique. 

71Ui-ekdHaL._AC_SX522_.jpg

Quelles sont les valeurs du féodalisme qui peuvent, selon-vous, inspirer la droite de demain ?

Un écueil serait de vouloir simplement revenir en arrière, au Moyen-Âge ou à quelque autre époque. La volonté de restaurer le passé, quand bien même elle peut être touchante, est fondamentalement impolitique : cela n’arrivera pas, et s’accrocher à ce rêve est vain. En revanche, les valeurs héritées du passé, les structures mentales, les manières de penser l’homme et la société qui ont été propres au monde féodal peuvent nous inspirer. Je crois qu’il nous faut réapprendre à placer nos intérêts en tant que communautés avant nos intérêts individuels. Cela touche à tous les aspects du quotidien : soutenir les producteurs enracinés contre la grande distribution ou Amazon, etc. Cela signifie aussi renouer avec les valeurs traditionnelles – le courage, etc. – plutôt que de valoriser le seul confort que donne le bien-être matériel. S’il y a une droite de demain, elle ne doit pas être comme une bonne part de la droite actuelle : bien trop souvent une droite bourgeoise, qui préfère le confort au courage, ses intérêts matériels à ce qui n’a pas de prix.

Guillaume Travers, propos recueillis par Paul Gallard (La Droite de demain, 15 février 2021)

jeudi, 18 février 2021

Quand le coronavirus ressuscite Foucault

michel-foucault-thierryehrmann.jpg

Quand le coronavirus ressuscite Foucault

Par Javier Barraycoa

(ex : postmodernia.com )

Être confiné chez soi, soumis à la pression du télétravail qui oblige à des autorégulations disciplinaires, ou à la séparation volontaire d'un mètre de ses semblables quand on sort faire ses courses dans des rues à moitié vides, ne peut que nous rappeler la pensée de Michel Foucault. Il fut l’auteur d'innombrables ouvrages consacrés à expliquer le passage des sociétés traditionnelles aux sociétés qui contrôlent, soit aux sociétés disciplinaires. Son oeuvre nous semble d'une actualité effrayante. Autant on voudrait éviter les théories conspirationnistes sur l'apparition de ce nouveau coronavirus, autant un frisson nous parcourt la colonne vertébrale, lorsque nous voyons comment, en quelques jours, au prix d'une pandémie, les "plaques tectoniques" de la géopolitique se déplacent à la vitesse de l'éclair. Mais il vaut peut-être mieux laisser cela pour une autre fois.

foucalt.jpg

Pour l'instant, nous ne reprendrons que quelques brèves réflexions de Foucault et nous verrons que son cadre théorique s'inscrit parfaitement dans la situation que nous vivons. Comme nous l'avons dit, la pensée de notre auteur a marqué une étape importante dans le changement de la vision que nous avons du pouvoir. La modernité du XVIIIe siècle avait développé un système de contrôle typique d'un état absolu, dont le référent était le panopticon : une structure spatiale qui permettait aux surveillants de surveiller sans être vu par les contrôlés. Le mécanisme, conçu par Bentham, pouvait être utilisé pour contrôler une prison ainsi bien qu'une usine. L'œil qui voit tout était une représentation de la déification de l'État.

Cependant, au XIXe siècle, ce pouvoir souverain est devenu obsolète en soi et a dû se développer, et concurrencer les nouvelles formes de contrôle social. Ce fut l'émergence de sociétés disciplinaires, où les dispositions spatiales et le contrôle jouent à nouveau un rôle fondamental. Mais cette fois, ce n'est pas une idéologie de l'État souverain qui légitime le pouvoir, mais des ‘’micro-idéologies’’ (des "savoirs" selon Foucault) qui se superposent les unes aux autres, créant des "espaces" où le corps est discipliné. D'où ses analyses approfondies des hôpitaux, des écoles, des prisons, des asiles, en tant qu'"espaces" où s'applique la connaissance/pouvoir (une connaissance technologique du corps et de l'esprit), qui permet le développement de ce qu'il appelle les "technologies du soi", c'est-à-dire la construction de l'identité du soi par la connaissance scientifique ou les "savoirs" (essentiellement les idéologies) et l'acquisition de processus comportementaux prédéterminés.

cef59428aba40232b38c36a9589e1f7c.jpg

Foucault, dans la dernière phase de son travail intellectuel, a tenté de démontrer que la société disciplinaire qui avait été créée (les comportements actuels de consommation en seraient une expression de plus) ne remplaçait pas ou ne s'opposait pas au pouvoir souverain, mais plutôt le complétait. De ces frictions, une nouvelle modalité de pouvoir/discipline émergerait qui ne s'occuperait plus du contrôle disciplinaire des sujets, mais de celui des populations. Il a appelé ce fait l'apparition de la biopolitique, du biopouvoir. Avec ces termes, il a tenté d'expliquer le souci du pouvoir de contrôler la "population" (un concept qui correspond au sujet du biopouvoir). Pour l'État, il devient aussi important d'exercer imperceptiblement son pouvoir sur les sujets individuels par le développement de disciplines de maîtrise de soi, que de contrôler un sujet - pris dans son ensemble - qui est la population. D'où la préoccupation des États pour la maîtrise des naissances, de l'espérance de vie, de l'accroissement de la population, de son vieillissement, en bref de ses paramètres en tant qu'être vivant.

Le génie de Foucault réside peut-être dans la description de la disjonction entre le pouvoir souverain, les techniques disciplinaires et le biopouvoir. Cette inévitable discordance entre les différentes formes d'exercice du pouvoir, serait résolue de la manière la plus surprenante et la plus actuelle. Le déclencheur de tout cela serait la sécularisation de la modernité. Dans une société où le transcendant est présent, le pouvoir - d'une certaine manière - n'a pas de limites ni de discontinuités. Mourir signifie passer de la soumission à l'État souverain à la juridiction d'un Dieu souverain. Par conséquent, en présence du pouvoir, elle était maintenue (même si elle était dans l'imaginaire particulier) au-delà de la mort. Mais la sécularisation et l'immanentisation de la vie mettent une limite au pouvoir. Il ne peut être exercé qu'en temps historique. Ceci, selon un Foucault, philosophe clairvoyant, obligerait à une resacralisation du pouvoir temporel. Mais il est difficile, voire impossible, de le rendre explicite dans une société moderne ou contemporaine.

photomichelfoucault.pngLe besoin de resacralisation et d'une charnière pour s'adapter aux trois formes de pouvoir que nous avons exposées, se résout avec la "sacralisation" d'une des disciplines développées dans la modernité : la clinique. Foucault voit dans la médicalisation de la société (omniprésence des thérapies, des protocoles médicaux, présomption que nous sommes tous malades et avons besoin d'être soignés), dans la légitimité auto-accordée de l'État à contrôler cette thérapeutique et dans les mécanismes de contrôle de la population, la survie du pouvoir. Dans la modernité, l'État ne se préoccupe pas des personnes, il se préoccupe des statistiques. C'est pourquoi, une fois l'exercice des modalités du pouvoir dans l'au-delà rendu impossible, l'État - affirme Foucault - ne se préoccupe pas de la mort, mais de la mortalité.

Nous ne pouvons pas oublier comment les premières études de notre philosophe sur le biopouvoir ont cherché leurs fondements dans le contrôle des espaces dans les villes face aux épidémies. Les grandes épidémies ont conduit à recréer l'espace des villes (en créant des rues plus larges, en éliminant les quartiers fermés, ...) qui à leur tour ont permis un meilleur contrôle policier et politique. Aujourd'hui, en ces temps d'épidémie globale/locale, même si nous sommes dirigés par un gouvernement plus que maladroit, on ne peut s'empêcher de remarquer comment les observations du penseur français se concrétisent. Nous avons des gouvernements qui ne se soucient pas des morts (parce qu'ils sont condamnés à mourir en isolement), mais des statistiques quotidiennes de mortalité et d'infections. Presque automatiquement, bien que paresseusement, les mécanismes de contrôle spatial ont déjà été mis en route, retournant à la réclusion déguisée en auto-confinement volontaire. Le pouvoir, à travers ses médias, nous aide dans le contrôle de l'autodiscipline dans nos maisons ou dans les protocoles de déplacement. Et tout cela avec la conviction que le pouvoir est le garant de notre salut.

Si Foucault devait être ressuscité, il sourirait probablement et se tairait.

https://grupominerva.com.ar

imaMF.jpg

Causalité et vérité face à l’insufflation culturelle relativiste

relativismo-tico-.jpg

Causalité et vérité face à l’insufflation culturelle relativiste

par Sébastien Renault
Ex: https://plumenclume.org

« Toutes choses ont un pourquoi, mais Dieu n’a pas de pourquoi. »

                                                                                                          (Maître Eckhart, 1260 – 1328)

La substitution relativiste

Dans le monde actuel de la « post-vérité » normalisée, la seule posture à strictement parler acceptable et acceptée consiste à considérer que chaque individu est sa propre source de vérité et d’autorité morale. Un tel état de fait, entériné par l’évidence culturelle qui nous pénètre et nous habite presque universellement, finit par induire en nous la croyance illusoire que nous ne répondons finalement à aucune autorité épistémique et morale objective, immuable et transculturelle—à l’exception bien sûr de celle de l’État, surtout lorsque celui-ci enjoint au peuple ses directives sanitaires au nom des principes sacrosaints du Covidisme institutionnel.

La détermination de ce qu’il est juste de penser, de croire et de proférer ne saurait, en dernière instance, que résider en l’individu—c’est du moins ce que l’on fait avaler à dessein à l’individu massifié par le relativisme universel, moyennant l’influence soustraite mais efficace de la suggestibilité lobbyiste, de la programmation neurolinguistique, du détournement numérique de la compréhension intellective, et de toutes les formes contemporaines du contrôle social s’exerçant sur l’inconscient du public. En matière de « post-vérité », l’individu n’est donc sa propre référence imaginaire que dans la mesure de sa soumission bien réelle à une programmation culturelle neuro-mentale fondée sur la prestidigitation logique de l’absolutisation du relativisme.  

De même dans l’ordre de la causalité, principe universel lui aussi de nature à la fois épistémique et morale, la substitution relativiste et pluraliste a aujourd’hui fait son chemin culturel pour supplanter graduellement l’objectivité que lui reconnaissaient jusque récemment aussi bien les sciences naturelles que la métaphysique, et par-là induire une nouvelle norme « post-causale » des effets observés dans le monde et dans la société [1].

Nous examinons dans ce qui suit ce phénomène de supplantation relativiste par rapport aux principes de causalité et de vérité objectives, plus érodés que jamais en ces temps de contagion par la fausse nouvelle mondialisée.

Fictions sociales et reprogrammation mentale des peuples

Pour beaucoup de gens aujourd’hui, respecter ou admettre certaines « vérités » revient simplement à souscrire à certaines opinions parmi d’autres, leurs opinions propres ou celles d’autrui, qui ne sont souvent que leurs opinions du moment—un peu comme le sont les relations amoureuses contemporaines qui, centrées sur la sentimentalité et ses satisfactions toujours éphémères, se font et se défont au gré de quelque forme de commodité transitoire, financière, sexuelle, etc. [2].

Dans nos sociétés axées sur la communication instantanée de l’information via le réseau mondial du neuro-pouvoir numérique, la pensée relativiste (consciente ou inconsciente) constitue la norme philosophique sous-jacente la plus répandue. L’hyper-connexion numérique et le relativisme cognitif sont désormais synonymiques. Tout est a priori sur un pied d’égalité (égalitarisme dogmatique oblige), tout se vaut (selon une estimation évidemment illusoire mais implicitement adoptée, par conformité démocratique et par crainte d’enfreindre l’impératif antidiscriminatoire). Le pluralisme informationnel en continu supplée le pouvoir d’une forme d’éthique supérieure (par supplantation du « bien » et du « mal », notions tenues pour obsolètes puisque associées à la vision chrétienne du monde et d’un ordre moral universel) et de réévaluation de ce qui est communément tenu pour « vrai » ou « réel » en termes de pluralités cognitives et de nihilisme métaphysique (lequel engendre tôt ou tard l’anéantissement collectiviste des individus réels sur l’autel du matérialisme athée), comme le dicte le perspectivisme radical et inconditionnel de la pensée moderne, en sa racine distinctement protestante. 

Par contraste avec cet ordre « ancien », nos sociétés postchrétiennes se targuent de promouvoir le libéralisme, l’inclusivité multiculturelle et la tolérance à tous crins. Le régime qu’elles préconisent nous fait passer de la vérité objective au pluralisme opinioniste, de la moralité fondée sur une loi naturelle et la cultivation des vertus à une éthique des « préférences » et des « valeurs » personnelles. Le paradigme est foncièrement différent. Il s’appuie entièrement sur le support d’une logique relativiste intrinsèquement viciée, ce que nous montrerons plus loin.

Dans l’ordre de la réalité alternative façonnée et véhiculée au moyen de la fausse nouvelle, le discours paralogique va jouer un rôle parallèle à celui que joue l’authentique discours logique dans l’ordre de la pensée et de son rapport au monde réel....

Lire la suite ici:

https://drive.google.com/file/d/1K7lu3ytFCD8C7qSfjm2slR0FOfQ5bVgy/view

Eurocrate et atlantiste : Draghi dicte la nouvelle politique étrangère de l'Italie

mario-draghi-eurogroupe-e8fe779b35.jpg

Eurocrate et atlantiste : Draghi dicte la nouvelle politique étrangère de l'Italie

Par Lorenzo Vita

Ex : https://it.insideover.com

Un gouvernement eurocratique et atlantiste. Avec ces mots, Mario Draghi définit la politique étrangère de son gouvernement et envoie un message adressé non seulement aux alliés du gouvernement, mais aussi à ceux qui se trouvent hors d'Italie. Il y a un pays, l’Italie, qui, pour Draghi, doit confirmer les lignes directrices qui ont caractérisé la diplomatie de Rome depuis des décennies. Et Draghi répond aux attentes d'un exécutif qui est clairement né avec la bénédiction de Washington et de Berlin (et de Bruxelles). Les deux capitales de l'Occident politique, celle de l'Amérique et celle de l'Europe, regardent très attentivement ce qui se passe au Palazzo Chigi, conscientes que l'Italie est un pays que personne ne peut ou ne veut perdre. Les États-Unis pour des questions stratégiques, l'Allemagne pour des raisons économiques et donc politiques.

Ces dernières années, l'Italie est apparue très erratique sur les questions clés de sa politique étrangère. Ce n'est pas nécessairement un défaut, mais ce n'est pas non plus une vertu. Très souvent, le fait d'être ambigu est pris pour une forme de politique non alignée ou pour un signe d'indépendance. Cependant, ce qui semble presque être un appel à une diplomatie de type "primo-public" cache très souvent (et dissimule) l'incapacité à suivre une certaine voie qui conduirait à des avantages évidents. Giuseppe Conte, en changeant de majorité, a certes modifié profondément sa façon de faire de la politique étrangère : mais cela n'a pas suffi à donner des garanties aux pouvoirs qui se portent garants de l'Italie sur la scène internationale. Une question qui a pesé comme un roc dans la politique d'un gouvernement déjà miné par des problèmes internes.

Draghi est arrivé au Palazzo Chigi avec un arrière-plan précis. Et les lignes qu'il dicte révèlent encore plus la faveur avec laquelle il est revenu à Rome. L'axe entre le Palazzo Chigi et le Quirinal, qui a façonné ce gouvernement né des cendres de la coalition jaune-rouge, repose sur une ligne programmatique qui s'articule autour de trois éléments clés : l'OTAN, l'Union européenne et l'idée d'un pays qui représente ces blocs en tant que pilier méditerranéen. Les propos du Premier ministre confirment cette ligne par une phrase qui ne laisse aucun doute : "Dans nos relations internationales, ce gouvernement sera résolument pro-européen (eurocratique) et atlantiste, en accord avec les ancrages historiques de l'Italie : l'Union européenne, l'Alliance atlantique, les Nations unies".

Sur le front européen, il est clair que le gouvernement Draghi est né dans un système profondément lié à la vision unitaire de l'Europe. Le curriculum de Draghi, dans ce sens, ne peut certainement pas être sous-estimé étant donné qu'en tant que président de la Banque centrale européenne, il a sauvé l'euro d'une crise potentiellement explosive et a répété, dans son discours au Sénat, qu’il fallait considérer l'euro comme irréversible. Ces orientations économiques et financières vont également de pair avec une politique étrangère au sein de l'UE qui apparaît immédiatement très précise, et qui ne doit pas être sous-estimée. L'idée d'affirmer que la France et l'Allemagne sont les premiers référents au sein du continent, en distinguant clairement Paris et Berlin des autres gouvernements méditerranéens (expressément l'Espagne, Malte, la Grèce et Chypre) construit une frontière bien définie du réseau stratégique italien. Avec la France et l'Allemagne, on a l'impression qu'ils veulent créer des canaux sûrs et directs qui impliquent une entrée progressive de l'Italie dans les choix communautaires, ce que le politologue Alain Minc, conseiller de Macron, a également rappelé dans son interview au journal La Repubblica. En effet, Minc a également lancé une blague sans surprise sur la déception espagnole face à l'arrivée de Draghi, étant donné que l'objectif de Madrid est de saper la position de Rome en tant que troisième capitale de l'UE.

Ces piliers européens, ainsi que les piliers atlantiques, représentent la position diplomatique du gouvernement lancée ces dernières semaines. Des lignes rouges qui ouvrent la porte à un scénario de repositionnement également vis-à-vis de la Chine, jamais mentionnée dans le texte alors même qu’elle est un partenaire fondamental du pays. La Russie et la Turquie ont certes été mentionnées – mais une seule fois pour parler des tensions dans leurs environnements et en Asie centrale. Un choix qui ne peut pas être seulement dialectique : pour Draghi, l'Italie n'a qu'une seule appartenance, qui est celle de l'aire atlantique et de l'Europe eurocratique. La Chine est un partenaire commercial inévitable, mais en évitant d'en parler dans son discours programmatique, il montre aussi clairement qu'elle n'a aucune valeur stratégique au contraire de l'Amérique, de l’Union européenne et de pays avec lesquels l'Italie a une profonde connaissance économique, politique, d'intelligence et de contrôle de la Méditerranée.

Par conséquent, s'il est clair que, pour Rome, les relations avec Berlin et Paris restent essentielles pour renforcer un projet européen qui implique également notre gouvernement, en évitant qu'Aix-la-Chapelle ne dicte totalement la ligne sur les changements en Europe, l'Italie se tourne également vers la Méditerranée, étant donné que le Premier ministre a affirmé au Sénat qu'il voulait "consolider la collaboration avec les États avec lesquels nous partageons une sensibilité méditerranéenne spécifique".

Cette question est particulièrement importante car elle permet également de comprendre comment la géopolitique italienne évolue dans une période de transition aussi complexe dans la zone euro-méditerranéenne. Pour les États-Unis et l'Union européenne, la Méditerranée représente une ligne de faille qui divise un monde occidental affaibli par la crise et une zone de chaos (la revue géopolitique Limes la définit notamment comme Chaoslandia) qui comprend une grande partie de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient et où plusieurs puissances moyennes et grandes sont impliquées. L'Italie est au centre, la dernière bande d'un bloc en quête de sa nouvelle vocation après l'effondrement de l'URSS et avec une Amérique qui tente de se recentrer sur la Chine tout en évitant d'abandonner le théâtre européen et moyen-oriental. Cette condition implique que Rome doit choisir ses meilleurs alliés avec le plus grand soin, car il est clair que dans ce jeu il n'y a pas de tirage au sort : il y a des gagnants et des perdants, qu'ils soient entrants ou sortants. L'axe pro-européen et atlantiste défini par Draghi dirige l'Italie dans le sillage de ceux qui la considèrent comme la tranchée creusée face à cette frontière brûlante de l'ordre libéral international. Et cela implique clairement aussi un rôle précis cadrant dans ce schéma : à partir de la Méditerranée élargie elle-même. La Libye, le Levant et les Balkans sont des régions vers lesquelles l'Italie ne peut pas refuser de tourner les yeux. Et en attendant des gestes précis de l'administration Biden, qui a déjà fait savoir qu'elle appréciait les nouvelles orientations de l’Italie, on a l'impression que le Palazzo Chigi, le Quirinal et la Farnesina (qui est en fait "commandée" par la ligne Draghi-Mattarella) ont désormais un horizon parfaitement en ligne avec les mouvements de l'OTAN et de l'UE.

La suprématie des peuples de bien...

arthemis-diane-de-gabies.jpg

La suprématie des peuples de bien...

par Peter Columns

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Peter Columns consacré à la question de la recherche de la suprématie. Entrepreneur, Peter Columns est un ingénieur spécialisé dans les technologies de l’Intelligence Artificielle. Il anime le site Science et Remigration et tient un blog personnel.

La suprématie des peuples de bien

Ces dernières années, l’expression de suprémacisme blanc a commencé à fleurir un peu partout pour désigner ceux désirant lutter contre la submersion migratoire et la tiers-mondisation des pays européens. Parce que l’accusation de racisme est tombée en désuétude, on accuse désormais les gens d’être des suprématistes. Cette accusation recouvre plusieurs degrés:

• D’abord, l’accusation de volonté d’hégémonie mondiale. Même si l’Occident ne conquiert plus de territoires depuis des siècles, il reste néanmoins cette accusation que ce serait le monde qu’il faudrait “décoloniser”, car forgé par la suprématie occidentale durant des siècles. Par exemple, les industries culturelles européennes, ayant une portée mondiale, devraient représenter la diversité de l’humanité plutôt que de mettre en avant des Européens. En d’autres termes, l’excellence occidentale, dépassant les frontières de l’Occident, nous obligerait à représenter ce qui n’est pas occidental.

• Ensuite, l’accusation de volonté d’hégémonie nationale. Il s’agit de la pensée que l’homogénéité ethnique des sociétés occidentales serait révolue, que les Européens ne seraient plus réellement chez eux, et que toute volonté de bloquer les flux migratoires, de les inverser, révèlerait la volonté de maintenir une société blanche. Cela va avec l’idée que les sociétés européennes seraient fondamentalement construites pendant des siècles par des blancs et qu’une “décolonisation” serait là aussi nécessaire, sur le propre sol des peuples européens.

• Et enfin, l’échelle locale. C’est à dire le fait que les Européens devraient être dépossédés du droit de pouvoir vivre entre Européens, toute volonté de se préserver voudrait dire exclure les autres et faire donc preuve d’une suprématie ethnique sur un territoire quelconque. C’est à dire que la diversité devrait être présente en tout temps, en tout lieu, en quantité très importantes, dès qu’une société européenne se constituerait.

• Pourtant, de toutes ces définitions du suprémacisme blanc, aucune ne semble juste. Il ne s’agit ni plus ni moins toujours que de supprimer des libertés aux peuples européens. Celle de pouvoir exprimer leur génie sans qu’il ne soit universel. Celle de pouvoir continuer à exister en tant que nations, de posséder des sociétés qui nous représentent. Celle de la liberté d’association en pouvant décider avec qui nous voulons vivre et construire un avenir commun.

Derrière toute cette confusion sémantique, la question du suprémacisme reste pourtant fondamentale pour déterminer:

  • Quelles valeurs vont dominer sur un territoire?
  • Qu’est-ce qui garantit la liberté d’un peuple contre la force coercitive d’autrui?
  • Peut-on se maintenir sans volonté de suprématie, militaire hier, culturelle, technologique ou économique aujourd’hui?

La suprématie est un revolver unique dont l’existence est inéluctable, qu’il vaut mieux confier aux peuples les plus bienveillants

Qu’est ce que faire le bien? Si on devait m’accuser d’être un suprémaciste blanc, je répondrais que je suis pour la suprématie des peuples de bien.

louvre-tete-feminine-type-quotl039aphrodite.jpg

Je préfèrerais toujours une domination occidentale, portée sur le progrès, la dignité humaine et la liberté, qu’une domination chariatique arabe, tribaliste noire, communiste chinoise, etc. Les valeurs de la civilisation occidentale sont les meilleures. 97% des découvertes et inventions sont du fait des peuples européens. Ils sont ceux qui ont sorti l’humanité de la triste condition dont elle était issue. Ils auraient pu garder tous ces bienfaits pour eux, mais ce n’est pas ce qu’ils ont fait. Ils ont tenu à en faire profiter tout le monde entier, et ils en ont été bien mal remerciés.

Dans la logique actuelle, tous les suprémacismes se valent. De fait, nous sommes passés d’une criminalisation du “racisme”, comme opposition à la submersion migratoire, à la criminalisation du “suprémacisme”, comme opposition au projet de “décolonisation” des pays occidentaux. Ce glissement sémantique ne témoigne en vérité que d’un insupportable relativisme. Qu’il soit d’extrême-gauche, considérant les valeurs du tiers-monde comme supérieures à celles du monde développé, ou bien du centre, parlant de tenaille identitaire, mettant la cause des remplacés à égalité avec celle des remplaçants.

S’il existe toujours une suprématie, qui doit forcément appartenir à quelqu’un, il existe des suprémacismes. Quel serait le rapport par exemple entre un suprémacisme blanc qui souhaite préserver sur leur propre sol des peuples millénaires inventifs et bienveillants, et le suprémacisme islamique qui vient dans d’autres pays commettre des exactions, imposer sa culture à l’étranger et remplacer démographiquement d’autres populations? Les peuples ne se valent pas. Les cultures ne se valent pas. Les immigrations ne se valent pas. Les idéologies ne se valent pas. De la même façon, les suprémacismes ne se valent pas.

Venus_of_Arles_Louvre_Ma439_n08.jpg

Faire le bien, consiste à donner de la force à ceux qui sont des personnes de bien. Et d’abord et avant tout la force pour qu’elles se préservent elles-mêmes. De fait, elles sont souvent les plus sujettes à se remettre en question, à éprouver de la culpabilité, à douter d’elles-mêmes. Ne pas leur donner cette force, c’est donner la suprématie au pire.

Par l’aide au développement et l’immigration de masse, c’est exactement ce que nous avons fait. Nous avons donné à des sociétés profondément viciées la possibilité de se développer géographiquement de façon exponentielle, avec même l’avènement de crimes de masse comme les viols collectifs de Telford ou de Rotherham sur le sol de pays qui étaient pourtant civilisés.

Souvent, lorsqu’il est question de l’expulsion d’un violeur, l’argument opposé est que le violeur qu’il soit en France ou en Algérie continuerait de commettre des exactions. Mais c’est avec ce genre de raisonnement épouvantable que tous les pays civilisés se transforment en terres de culture du viol. La criminalité ne se transvase, en effet, pas uniquement d’un pays vers un autre. Dans les faits, nous permettons à des cultures criminogènes de se répandre, de se nourrir, et de dominer.

De la même façon, les institutions internationales, dans toute leur efficacité très relatives, ne sont garantes des Droits de l’Homme que parce que les peuples européens ont encore un certain poids. Les Droits de l’Homme sont le devoir de l’Européen. Avec des Hommes de plus en plus nombreux, et des Européens de moins en moins. Nous avons aboli l’esclavage, nous avons reconnu l’auto-détermination des peuples, nous avons posé des barrières au pouvoir des États sur les individus, nous avons reconnu aux personnes de toutes origines, races, confessions le droit à une dignité. Qui nous reconnaitra tous ces droits? Personne sinon nous-mêmes. Qui se soucie aujourd’hui même de l’environnement, des inégalités, du sort des animaux?

Le procès des peuples européens

Systématiquement, toujours pour diminuer un risque de suprématie, il sera fait le procès des peuples européens, en mentionnant toutes leurs exactions réelles ou imaginaires. Pourtant, les exactions des peuples ne peuvent être jugées indépendamment des moyens à leur disposition, et de la suprématie qu’ils pouvaient avoir sur autrui. Un peuple peut ne pas avoir commis de crimes pour la simple raison qu’il n’en avait pas les moyens. Un peuple peut avoir commis beaucoup de crimes, mais que cela reste infinitésimal par rapport à ce qu’il était réellement en capacité de commettre. Les vrais peuples bienveillants sont ceux qui avaient les moyens de commettre le mal, et qui ne l’ont pas fait.

louvre-artemisdite-diane-gabiesvers-cmarbre_2.jpg

De la même façon, il est trop facile de considérer comme bienveillants des peuples qui n’ont rien accompli. Toujours, réaliser des choses, avoir une histoire riche, implique son lot de conflits, de choix difficiles, d’erreurs qu’il ne fallait pas commettre. On reprochera ainsi toujours à ceux qui font, et jamais à ceux qui se drapent dans la pureté de l’inaction, voire de l’extinction. De ce point de vue, encore une fois, la contribution européenne a sorti l’humanité de sa condition originelle qui était épouvantable. Était-ce faire le bien que de s’éteindre?

La liberté ne dépend que de celui qui possède la suprématie

De fait, nous ne pouvons pas échanger notre liberté contre une autre. Nous ne pouvons pas céder notre pouvoir pour le bien de tous, car c’est avec ce pouvoir que nous garantissons les droits de chacun. C’est parce que nous avons la suprématie, que nous pouvons imposer de bonnes valeurs. Cette liberté a été acquise dans le sang, oui, et elle n’aurait jamais pu être acquise autrement. C’est parce que nous voulions être forts et que nous étions épris de liberté, que nous sommes devenus libres, et que les autres sont devenus libres aussi.

La liberté ne peut pas aller sans le suprémacisme. C’est la volonté constante en tant que peuple de devenir plus fort qui fait que nous nous maintenons au-dessus de ce qui voudrait bien nous asservir. Et pour un monde en paix, le mieux reste de militer pour la suprématie des peuples de bien. C’est l’adage bien connu si vis pacem, para bellum. Si pour avoir la paix, il faut préparer la guerre, encore faut-il avoir la volonté de dominer en cas de conflit.

L’histoire de la suprématie a été violente, oui. Mais ce n’est que parce que nous avons gagné à ce jeu, que nous avons pu instaurer un monde qui soit plus paisible, où la suprématie se joue sur le territoire économique et technologique. Absolument rien ne garantit que les règles resteront les mêmes une fois que nous ne serons plus les plus influents. Les Européens ont tellement été au dessus de tout durant des siècles qu’ils ont fini par penser que leurs propres dogmes étaient universels. Et lentement, ils réapprennent les véritables règles du jeu.

Si nous devenons minoritaires, si nous devenons faibles, cette liberté ne dépendra que d’autrui. Cet autrui qui génocide sans sourciller les minorités quand il est majoritaire, qui envahit le pays d’à coté juste parce qu’il le peut, qui considère la femme comme un butin, qui pratique l’esclavage encore, qui rêve de mettre le monde à la merci de la charia ou bien du Parti.

La volonté de suprématie est le feu intérieur d’un peuple

Parler de suprémacisme blanc sur le sol occidental, n’a qu’un seul effet concret: démoraliser encore un peu plus les Européens, leur interdire les rêves de grandeur, leur refuser le droit de faire grandir tout ce qu’ils aiment sur leur propre sol, après leur avoir refusé le droit de se préserver. C’est tirer une balle dans la tête de toutes les valeurs positives occidentales.

1200px-Artemis_statue_Istanbul_Archaeological_Museum_-_inv._121_T.jpg

C’est parce que nous avons un rêve de grandeur, parce que nous voulons accomplir des choses, parce que nous voulons être une puissance économique et technologique, parce que nous voulons avoir la population la plus érudite, que nous allons de l’avant, que nous restons compétitifs, que notre travail de tous les jours trouve un sens. C’est parce que nous pouvons avoir une identité, et que cette identité débouche sur des accomplissements, que nous pouvons trouver une cohésion. Sans suprémacisme, sans identité, nous avons la liberté sans rien pouvoir en faire. En attendant qu’on nous prenne la liberté tout court.

Par conséquent, il revient de poser une question simple: si vous n’êtes pas pour la suprématie des peuples européens, si garantir leur force dans l’équilibre mondial ne vous apparait pas comme une nécessité, si vous ne voulez pas voir les valeurs et les réalisations occidentales grandir avec le temps, qu’est-ce qui doit selon vous dominer à la place ?

Peter Columns (Blog de Peter Columns, 3 février 2021)

19:49 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : suprématie, peuples de bien | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 17 février 2021

Avec Michel Drac: Bilan 2020 et perspectives pour 2021

arton32635.jpg

Avec Michel Drac: Bilan 2020 et perspectives pour 2021

➤ Mon contenu exclusif: https://join.autonomie-resilience.com...
➤ Inscrivez-vous gratuitement à ma lettre d’informations: https://www.piero.com
➤ Rejoignez-moi sur Telegram: https://t.me/pierosangiorgiovideos
➤ Je suis aussi sur Patreon: https://www.patreon.com/pierosangiorgio
➤ Mes livres: https://www.cultureetracines.com Préparez-vous !
 
 

17:53 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michel drac, actualité | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Parution du numéro 437 du Bulletin célinien

Céline-763x1024.jpg

 

Parution du numéro 437 du Bulletin célinien

Sommaire :

La Société d’études céliniennes à la croisée des chemins

Mirabeau devancier de Céline

Céline dans Candide (2e partie, 1937-1944)

Littérature et pamphlets

2021-02-BC-Cover.jpgCe livre foisonnant séduira-t-il les céliniens érudits ? Ou auront-ils l’impression d’avoir déjà lu les différentes interprétations qu’il propose ? Il offre en tout cas l’avantage de considérer les pamphlets sous un angle essentiellement littéraire. On peut parfois le regretter, le contexte historique étant absent de l’ouvrage. Or la dégradation du personnel politique de la IIIe République explique aussi la virulence célinienne. Cela étant, l’auteur a raison d’affirmer d’entrée de jeu que les pamphlets sont des textes littéraires, au sens où ils attestent “d’un rapport à soi et au monde à travers une pratique de la langue écrite mise dans tous ses états”. Professeur de littérature médiévale et ancien haut fonctionnaire à l’Éducation Nationale, Jean-Charles Huchet s’intéresse depuis toujours à Céline. Au point de lui avoir consacré jadis trois études qu’il réutilise un peu dans cet ouvrage. Dense et bien documenté, ce livre rappelle une évidence : le génie célinien se manifeste autant dans les pamphlets que dans le reste de l’œuvre. L’auteur analyse de manière globale ce corpus qu’il nomme d’une expression récurrente le « Texte antisémite » sans faire de distinction entre les parties qui le composent. Fâcheux car comment ne pas faire de hiérarchie ? Bagatelles pour un massacre constitue une réussite littéraire éclatante saluée à l’époque par plusieurs détracteurs alors que les deux pamphlets suivants ne l’égalent pas sur ce plan, sinon le prologue pour l’un et l’épilogue pour l’autre. Dès lors qu’on analyse ces textes sur le plan littéraire, il apparaît indispensable de relever qu’ils ne peuvent être mis sur le même pied. En revanche, l’auteur rappelle utilement que même si ce corpus est  irrémédiablement  insupportable  pour la sensibilité morale et politique  d’aujourd’hui, l’œuvre est une et indivisible. Selon lui, l’antisémitisme n’est pas un accident biographique provoqué par une convulsion de l’Histoire. Il fait intimement partie de la vie et de l’œuvre de Céline. Le nier ou le minorer conduirait à passer à côté de la singularité de l’une et de l’autre. Et d’ajouter, ce qui est indéniable, que la moraline contemporaine n’en facilite pas la compréhension, préférant le jugement a priori et l’invective, voire le dolorisme victimaire. Ce livre irritera toutefois par ses interprétations basées sur des concepts freudiens (et lacaniens) exprimés de manière pesante. Et pas que dans ce cas-là comme en témoigne ce passage : « La rage antisémite et l’impossible satisfaction qui la meut n’auront pas suffi ni à la [= littérature, ndlr] refonder par des textes nouveaux ayant eu beau la convoquer de multiples façons ni à l’empêcher de s’évaporer dans les fulminations d’un genre emprunté, dont les pamphlets sont les “restes” subjectifs et littéraires dévoyés ». Est-ce ainsi que l’on s’exprime dans les hautes sphères de l’Éducation nationale ?…La doxa relative à ces textes litigieux est connue : ils sont à la fois illisibles et intolérables. Et ne relèvent précisément pas de la littérature hormis quelques passages (on cite toujours les mêmes) qui, eux, mériteraient à la limite d’être sauvés. Mais est-on encore à même de priser un livre dont on réprouve les idées ? Le temps où l’on mettait tout uniment en relief le génie pamphlétaire de Céline s’éloigne de nous. On songe au livre de Pierre Dominique, Les Polémistes français depuis 1789, dans lequel Céline occupait une place de choix. En raison du chapitre qui lui est consacré, cet ouvrage, paru un an après la mort de l’écrivain, serait assurément mal perçu aujourd’hui.

• Jean-Charles HUCHET. La joie haineuse (Le moment pamphlétaire de Louis-Ferdinand Céline), L’Harmattan, coll. “Espaces littéraires”, 2020, 302 p.

La-joie-haineuse.jpg

L’obsession des États-Unis pour leurs narratives vont les faire entrer en collision avec la réalité

NESNURPXRWUVARNHR32CJMEJP4.jpg

L’obsession des États-Unis pour leurs narratives vont les faire entrer en collision avec la réalité

Ex: Moon of Alabama

Le cirque qu’a été cette mise en scène de « l’impeachment de Trump » se termine et la réalité peut maintenant reprendre sa place :

Maintenant que le procès pour la destitution de son prédécesseur est terminé, le 
président Biden va rapidement faire pression pour faire adopter son plan d'aide
aux victimes du coronavirus, d'un montant de 1 900 milliards de dollars, avant
de passer à un programme encore plus important au Congrès qui comprend les
infrastructures, l'immigration, la réforme de la justice pénale, le changement
climatique et les soins de santé. Après le spectacle qu’a été ce conflit constitutionnel, le nouveau président
"occupe maintenant le devant de la scène d'une manière que les premières
semaines n'ont pas permis"
, a déclaré Jennifer Palmieri, qui a été directrice
de la communication de l'ancien président Barack Obama. Selon elle, la fin
du procès signifie que "2021 peut enfin commencer".

« Attendez ! » crie l’industrie médiatique. Cela ne correspond pas à notre scénario. Le côté « gauche » des médias est là pour accuser Trump chaque minute qui passe et le côté « droit » est là pour condamner constamment la « gauche » pour s’en prendre à Trump. Au cours des cinq dernières années, ce système a produit des taux d’audience record pour tout le monde.

Wolf Blitzer @wolfblitzer - 16:11 UTC - Feb 15, 2021

Le procès Trump est terminé, mais les enquêtes locales, étatiques et fédérales 
se poursuivent. Il pourrait y avoir une commission de type 11 septembre. Les
organisations de presse continuent d'enquêter. Et @realBobWoodward travaille
à un livre sur les derniers jours de Trump. En résumé : nous allons en apprendre
beaucoup plus.

« Je vous ai entendu », répond Nancy Pelosi. Et quel meilleur moyen de cacher que Biden poursuivra les mêmes politiques que Trump (mais saupoudrées de quelques charlataneries LBGTQWERTY) plutôt que de prolonger le cirque narratif :

Le Congrès va créer une commission indépendante pour enquêter sur l'attaque du 
Capitole le 6 janvier, y compris sur les faits "relatifs à l'interférence avec
le transfert pacifique du pouvoir"
, a annoncé lundi la présidente du Parlement

californien, Nancy Pelosi. ... Les appels se sont multipliés en faveur d'une enquête bipartite et indépendante
sur les manquements de l'administration et des forces de l'ordre qui ont conduit
à la première violation du Capitole depuis deux siècles, en particulier après
que le Sénat ait acquitté l'ancien président Donald J. Trump dans son procès
de destitution pour incitation aux émeutes. Pour certains législateurs, une
telle commission offre la dernière grande occasion de tenir M. Trump pour
responsable.

Oui Nancy, enquêtons sur cette question et sur d’autres du même genre : Pourquoi la demande du chef de la police du Capitole  du renfort d’une garde nationale a-t-elle été refusée avant l’émeute ? demandent les républicains à Nancy Pelosi.

Garder un œil sur Trump est bien sûr le meilleur moyen de garantir que les Républicains continueront à s’en tenir à son récit et qu’il reviendra :

Bien que les primaires de 2024 soient encore loin, qui sait ce qui se passera 
avec Trump dans trois mois, et encore plus dans trois ans ? - il est actuellement
en train d'écraser tout rival potentiel. 53 % des Républicains ont déclaré qu'ils
voteraient pour Trump si la primaire avait lieu aujourd'hui. Tous les autres espoirs Républicains sont dans le bas de l'échelle, à part Mike

Pence, qui a obtenu 12 % des voix. Marco Rubio, Tom Cotton, Mitt Romney, Kristi
Noem, Larry Hogan, Josh Hawley, Ted Cruz, Tim Scott et Rick Scott ont tous des
intentions de vote en dessous de 5 %. Seuls Donald Trump Jr. et Nikki Haley ont
obtenu 6 %.

Une enquête plus approfondie sur l’invasion du Capitole lors du Mardi Gras contribuera également à faire adopter de nouvelles lois sur le « terrorisme intérieur ». On sait déjà vers qui elles seront dirigées :

Thomas B. Harvey @tbh4justice 17:56 UTC - 15 février 2021  

rj-trump-1920x1080-1-1200x675.jpg

Le FBI arrête un manifestant BLM, affirmant que ses messages sur les médias 
sociaux montrent qu'il est "sur la voie de la radicalisation". Un juge a
déterminé qu'il est dangereux à cause de ces posts et a ordonné sa détention
sans caution. C'est vers cela que nous nous dirigeons si nous acceptons cette
histoire de terrorisme intérieur : Le FBI a mis en garde contre les attaques d'extrême droite. Ses agents arrêtent
un ex-soldat de gauche.

Bienvenue à l’ère du capitalisme de surveillance, où chaque diatribe que vous aurez publiée et qui ne correspond pas au récit officiel peut (et sera) utilisée contre vous :

Cela représente clairement une toute autre ampleur de "contrôle" - et lorsqu'il 
est allié aux techniques anti-insurrectionnelles occidentales de détournement
du récit "terroriste", mises au point pendant la "Grande Guerre contre le
terrorisme"
- il constitue un outil formidable pour freiner la dissidence,

tant au niveau national qu'international. Mais il présente cependant une faiblesse fondamentale. Tout simplement, parce qu’à cause du fait d'être si investi, si immergé, dans
une "réalité" particulière, les "vérités" des autres ne sont plus - ne peuvent
plus - être entendues. Elles ne peuvent plus fièrement se distinguer au-dessus

de la morne plaine du discours consensuel. Elles ne peuvent plus pénétrer dans
la coquille durcie de la bulle narrative dominante, ni prétendre à l'attention
d'élites si investies dans la gestion de leur propre version de la réalité. La "faiblesse fondamentale" ? Les élites en viennent à croire leurs propres récits
- oubliant que ce récit a été conçu comme une illusion, parmi d'autres, créée pour
capter l'imagination au sein de leur société (et non celle des autres). .... Les exemples sont légion, mais la perception de l'administration Biden selon

laquelle le temps a été gelé - à partir du moment où Obama a quitté ses fonctions
- et en quelque sorte dégelé le 20 janvier, juste à temps pour que Biden reprenne
tout à cette époque antérieure (comme si ce temps intermédiaire n’existait pas),
constitue un exemple de croyance en son propre mème. La stupéfaction - et la colère -
de l'UE, qui a été décrite comme "un partenaire peu fiable" par Lavrov à Moscou,
est un exemple de plus de l'éloignement des élites du monde réel et de leur captivité
dans leur propre perception. L'expression "l'Amérique est de retour" pour diriger et "fixer les règles du jeu"
pour le reste du monde peut être destinée à faire rayonner la force des États-Unis,
mais elle suggère plutôt une faible compréhension des réalités auxquelles les
États-Unis sont confrontés : Les relations de l'Amérique avec l'Europe et l'Asie

étaient de plus en plus distantes bien avant l'entrée de Biden à la Maison Blanche
- mais aussi avant le mandat (volontairement perturbateur) de Trump. Pourquoi alors les États-Unis sont-ils si systématiquement dans le déni à ce sujet ?

Les États-Unis – ou du moins leurs « élites » – ont besoin de se réveiller, de sortir de leur monde narratif et de revenir à la réalité.

L’alternative est une collision violente avec les réalités que d’autres, nationaux ou étrangers, perçoivent.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone

10:26 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, états-unis, politique internationale | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook