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mardi, 24 septembre 2013

Sur l’entourage et l’impact d’Arthur Moeller van den Bruck

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Robert STEUCKERS:

Sur l’entourage et l’impact d’Arthur Moeller van den Bruck

Conférence prononcée à la tribune du “Cercle Proudhon”, à Genève, 12 février 2013

Pourquoi parler ou reparler de Moeller van den Bruck aujourd’hui, 90 ans après la parution de son livre au titre apparemment fatidique, “Le Troisième Reich” (= “Das Dritte Reich”)? D’abord parce que l’historiographie récente s’est penchée sur lui (cf. bibliographie) en Allemagne, d’une manière beaucoup plus systématique qu’auparavant. Il est l’apôtre raté d’un “Troisième Règne”, qui n’adviendra pas de son vivant mais dont le nom sera repris par le mouvement hitlérien, dans une acception bien différente et à son corps défendant. Il s’agit de savoir, aujourd’hui, ce que Moeller van den Bruck entendait vraiment par “Drittes Reich”. Il s’agit aussi de cerner ce qu’il entendait par sa notion de “peuples jeunes”. Comment il entrevoyait la coopération entre l’Allemagne et la Russie (devenue l’URSS) dans le cadre de la République de Weimar, dont il méprisait les principes et le personnel. Arthur Moeller van den Bruck a participé à la formulation d’un “nationalisme de rupture”, d’un “néo-nationalisme” qu’Armin Mohler, dans sa célèbre thèse, a classé dans le phénomène de la “révolution conservatrice”. Une chose est certaine: Arthur Moeller van den Bruck n’est ni un “libéral” (au sens où l’entendait la démocratie de la République de Weimar) ni un pro-occidental, dans la mesure où il entendait détacher l’Allemagne de l’Occident français, anglais et américain.

L’oeuvre politique d’Arthur Moeller van den Bruck est toutefois ténue. Il n’a pas été aussi prolixe qu’Oswald Spengler, dont le célèbre “Déclin de l’Occident” est fort dense, d’une épaisseur bien plus conséquente que “Das Dritte Reich”. De plus, la définition, finalement assez ambigüe, que donne Spengler de l’Occident ne correspond pas à celle que donnera plus tard Moeller van den Bruck. Sans doute la brièveté de l’oeuvre politique de Moeller van den Bruck tient-elle au simple fait qu’il est mort jeune et suicidé, à 49 ans. Son oeuvre littéraire et artistique en revanche est beaucoup plus vaste. Moeller van den Bruck, en effet, a écrit sur le théâtre de variétés, sur le théâtre français, sur l’esthétique italienne, sur la mystique allemande, sur les personnages-clefs de la culture germanique (ceux qui en font son essence), sur la littérature moderniste, allemande et européenne, de son temps. Son oeuvre politique, qui ne prend son envol qu’avec la Grande Guerre, se résume à un ouvrage sur le “style prussien” (avec un volet sur l’art néo-classique), à l’ouvrage intitulé “Troisième Reich”, au livre sur la “révolte des peuples jeunes”, à ses articles parus dans des revues comme “Gewissen”. Moeller van den Bruck a donc été un séismographe de son époque, celle d’un extraordinaire foisonnement d’idées, de styles, d’audaces.

Zeev Sternhell et la “droite révolutionnaire”, Armin Mohler et la “Konservative Revolution”

La question qu’il convient de poser est donc la suivante: d’où viennent ses idées? Quel a été son cheminement? Quelles rencontres, apparemment “apolitiques”, ont-elles contribué à forger, parfois à leur corps défendant, son “Jungkonservativismus”? Le fait d’être homme, dit-on, c’est mener une quête, sans jamais s’arrêter. Quelle a donc été la quête personnelle, unique et inaliénable de Moeller van den Bruck? Il convient aussi de resituer cette quête dans un cadre historique et social. Cette démarche interpelle l’historiographie contemporaine: Zeev Sternhell avait tracé la généalogie du fascisme français depuis 1870 environ, avant de se pencher sur les antécédents de l’Italie fasciste et du sionisme. Après la parution en France, au “Seuil” à Paris, du premier ouvrage “généalogique” de Sternhell, intitulé “La droite révolutionnaire”, Armin Mohler, auteur d’un célèbre ouvrage synoptique sur la “révolution conservatrice”, lui rendait hommage dans les colonnes de la revue “Criticon”, en disant que le cadre de sa propre enquête avait été fixé, par son promoteur Karl Jaspers, à la période 1918-1932, mais que l’effervescence intellectuelle de la République de Weimar avait des racines antérieures à 1914, plongeant finalement dans un bouillonnement culturel plus varié et plus intense, inégalé depuis en Europe, dont de multiples manifestations sont désormais oubliées, se sont estompées des mémoires collectives. Et qu’il fallait donc les ré-exhumer et les explorer. Exactement comme Sternhell avait exploré l’ascendance idéologique de l’Action Française et des autres mouvements nationaux des années 20 et 30.

Ascendance et jeunesse

Resituer un auteur dans son époque implique bien entendu de retracer sa biographie, de suivre pas à pas la maturation de son oeuvre. Arthur Moeller van den Bruck est né en 1876 à Solingen, dans une famille prussienne originaire de Thuringe. Dans cette famille, il y a eu des pasteurs, des officiers, des fonctionnaires, dont son père, inspecteur général pour la construction des bâtiments publics. Cette fonction paternelle induira, plus que probablement, l’intérêt récurrent de son fils Arthur pour l’architecture (l’architecture de la Ravenne ostrogothique, le style prussien et l’architecture de Peter Behrens et du “Deutscher Werkbund”, comme nous allons le voir). L’ascendance maternelle, la famille van den Bruck, est, comme le nom l’indique, hollandaise ou flamande, mais compte aussi des ancêtres espagnols. Le jeune Arthur est un adolescent difficile, en rupture avec le milieu scolaire. Il ne décroche pas son “Abitur”, équivalent allemand du “bac”, ce qui lui interdit l’accès à l’université. Il restera, en quelque sorte, un marginal. Il quitte sa famille et se marie, à 20 ans, avec Hedda Maase. Nous sommes en 1896, année où survienent deux événements importants pour l’idéologie allemande de l’époque, qui donnera ultérieurement un certain lustre à la future “révolution conservatrice”: la naissance du mouvement de jeunesse “Wandervogel” sous l’impulsion de Karl Fischer et la création des éditions Eugen Diederichs à Iéna. Le jeune couple s’installe à Berlin cette année-là et Moeller van den Bruck vit de l’héritage de son grand-père maternel.

Baudelaire, Barbey d’Aurevilly, Poe...

Les jeunes époux vont entamer leur quête spirituelle en traduisant de grands classiques des littératures française et anglaise. D’abord Baudelaire qui communiquera à coup sûr l’idée du primat de l’artiste et du poète sur le “philistin” et le “bourgeois”. Ensuite Hedda et Arthur traduisent les oeuvres de Barbey d’Aurevilly. Cet auteur aura un impact important dans le rejet par Moeller van den Bruck du libéralisme et du bourgeoisisme. Barbey d’Aurevilly communique une certaine foi à Arthur, qui ne la christianisera pas —mais ne l’édulcorera pas pour autant— vu l’engouement de l’époque toute entière pour Nietzsche. Cette foi anti-bourgeoise, anti-philistine, se cristallisera surtout plus tard, au contact de l’oeuvre de Dostoïevski et de la personnalité de Merejkovski. Barbey d’Aurevilly était issu d’une famille monarchiste. Jeune, par défi, il se proclame “républicain”. Il lit ensuite Jospeh de Maistre et redevient monarchiste. Il le restera. En 1846, il se mue en catholique intransigeant, partisan de l’ultramontanisme. Barbey d’Aurevilly est aussi une sorte de dandy, haïssant la modernité bourgeoise, cultivant un style qui se veut esthétisme et rupture: deux attitudes qui déteindront sur son traducteur allemand. Le couple Moeller/Maase traduit ensuite le “Germinal” de Zola et quelques oeuvres de Maupassant. C’est donc, très jeune, à Berlin, que Moeller van den Bruck connaît sa période française, où le filon de Maistre/Barbey d’Aurevilly est déterminant, beaucoup plus déterminant que l’idéologie républicaine, qui donne le ton sous la III° République.

Mais ses six années berlinoises sont aussi sa période anglaise. Avec son épouse, il traduit l’ensemble de l’oeuvre de Poe, puis Thomas de Quincey, Daniel Defoe et Dickens. La période “occidentale”, franco-anglaise, de Moeller van den Bruck, futur pourfendeur de l’esprit occidental, occupe donc une place importante dans son itinéraire, entre 20 et 26 ans.

Zum Schwarzen Ferkel

Moeller van den Bruck fréquente le local branché de la bohème littéraire berlinoise, “Zum Schwarzen Ferkel” (“Au Noir Porcelet”) puis le “Schmalzbacke”. Le “Schwarzer Ferkel” est le pointde rencontre d’intellectuels et de poètes allemands, scandinaves et polonais, faisceau de diversités européennes qui constitue un “unicum” dans l’histoire des idées. A côté des poètes, il y a aussi des médecins, des artistes, des juristes: les débats y sont pluridisciplinaires. Le nom du local est une invention du Suédois August Strindberg et du poète allemand Richard Dehmel.

Detlev von Liliencron

 

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Parmi les personnages qu’y rencontre Moeller, on trouve un poète, aujourd’hui largement oublié, Detlev von Liliencron. Il est un poète-soldat du 19ème siècle: il a fait les guerres de l’unification allemande, en 1864, en 1866 et en 1870, contre les Danois, les Autrichiens et les Français. Son oeuvre majeure est “Adjutantenritte und andere Geschichten” (“Les chevauchées d’un aide de camp et autres histoires”) qui parait en 1883, où il narre ses mésaventures militaires. En 1888, dans la même veine, il publie “Unter flatternden Fahnen” (“Sous les drapeaux qui claquent au vent”). C’est un aristocrate pauvre du Slesvig-Holstein qui a opté pour la vie de caserne mais qui s’adonne au jeu avec beaucoup trop de frénésie, espérant redorer son blason. Le jeu devient chez lui un vice persistant qui brisera sa carrière militaire. Sur le plan littéraire, Detlev von Liliencron est une figure de transition: les aspects néo-romantiques, naturalistes et expressionnistes se succèdent dans ses oeuvres de prose et de poésie. Il refuse les étiquettes, refuse aussi de s’encroûter dans un style figé. Simultanément, ce reître rejette la vie moderne, proposée par la nouvelle société industrielle de l’Allemagne post-bismarckienne et wilhelminienne. Il entend demeurer un “cavalier picaresque”, refuse d’abandonner ce statut, plus exaltant qu’une carrière de rond-de-cuir inculte et étriqué. Il influencera Rilke et von Hoffmannsthal. Le destin de poète et de prosateur picaresque de Detlev von Liliencron a un impact sur Moeller van den Bruck (comme il en aura un aussi, sans doute, sur Ernst Jünger): Moeller, comme von Liliencron, voudra toujours aller “au-delà du donné conventionnel bourgeois”, d’où l’idée de “jouvance”, l’utilisation systématique et récurrente du terme “jeune”: est “jeune” qui veut conserver le fond sans les formes mortes, dans la mesure où les fonds ne meurent jamais et les formes meurent toujours. Il y a là sans nul doute un impact du nietzschéisme qui prend son envol: l’homme supérieur (dont le poète selon Baudelaire) se hisse très haut au-dessus des ronrons inlassablement répétés des philistins. Depuis les soirées du “Schwarzer Ferkel” et les rencontres avec von Liliencron, Moeller s’intéresse aux transitions, entendra favoriser les transitions, au détriment des fixités mentales ou idéologiques. Etre actif en ère de transition, aimer cet état de passage, vouloir être perpétuellement en état de mouvance et de quête, est la tâche sociale et nationale du littérateur et du séismographe, figure supérieure aux “encroûtés” de tous acabits, installés dans leurs créneaux étroits, où ils répétent inlassablement les mêmes gestes ou assument les mêmes fonctions formelles.

Richard Dehmel

mvb4.jpgDeuxième figure importante pour l’itinéraire de Moeller van den Bruck, rencontrée dans les boîtes de la nouvelle bohème berlinoise: Richard Dehmel (1863-1920). Cet homme a de solides racines rurales. Son père était garde forestier et fonctionnaire des eaux et forêts. Contrairement à Moeller, il a bénéficié d’une bonne scolarité, il détient son “Abitur” mais n’a pas été l’élève modèle que souhaitent tous les faux pédagogues abscons: il s’est bagarré physiquement avec le directeur de son collège. Après son adolescence “contestatrice” au “Gymnasium”, il étudie le droit des assurances, adhère à une “Burschenschaft” étudiante puis entame une carrière de juriste auprès d’une compagnie d’assurances. Simultanément, il commence à publier ses poèmes. Il participe au journal avant-gardiste “Pan”, organe du “Jugendstil” (“Art Nouveau”), avec le sculpteur et peintre Franz von Stuck et le concepteur, architecte et styliste belge Henri van de Velde. Cet organe entend promouvoir une esthétique nouvelle, fusion du naturalisme et du symbolisme. Moeller van den Bruck s’y intéresse longuement (entre 1895 et 1900), avant de lui préférer l’architecture ostrogothique de l’Italie de Théodoric (à partir de 1906) et, pour finir, le classicisme prussien (entre 1910 et 1915).

mvb5.jpgRichard Dehmel est d’abord un féroce naturaliste, qui ose publier en 1896, deux poèmes, jugés pornographiques à l’époque, “Weib und Welt” (“Féminité et monde”) et “Venus Consolatrix”. La réaction ne tarde pas: on lui colle un procès pour “pornographie”. Dans les attendus de sa convocation, on peut lire la phrase suivante: “Atteinte aux bons sentiments religieux et moraux”. Il n’est pas condamné mais censuré: le texte peut paraître mais les termes litigieux doivent être noircis! Dehmel est aussi, avec Stefan Zweig, le traducteur d’Emile Verhaeren, avec qui il était lié d’amitié, avant que la première guerre mondiale ne détruisent, quasi définitivement, les rapports culturels entre la Belgique et l’Allemagne. Pour Zweig, qui connaissait et Dehmel et Verhaeren, les deux poètes étaient les “Dioscures d’une poésie vitaliste d’avenir”. Dehmel voyagera beaucoup, comme Moeller. Lors de ses voyages à travers l’Allemagne, Dehmel rencontre Detlev von Liliencron à Hambourg. Cette rencontre avec le vieux reître des guerres d’unification le poussera sans doute à s’engager comme volontaire de guerre en 1914, à l’âge de 51 ans. Il restera deux ans sous les drapeaux, dans l’infanterie de première ligne et non pas dans une planque à l’arrière du front. En 1918, il lance un appel aux forces allemandes pour qu’elles “tiennent”. Le “pornographe” a donc été un vibrant patriote. En 1920, il meurt suite à une infection attrapée pendant la guerre. L’influence de Dehmel sur ses contemporains est conséquente: Richard Strauss, Hans Pfitzner et Arnold Schönberg mettent ses poèmes en musique. Par ailleurs, il a contribué à l’élimination de la pudibonderie littéraire, omniprésente en Europe avant lui et avant Zola: la sexualité est, pour lui, une force qui va briser le ronron des conventions, sortir l’humanité européenne de la cangue des conventions étriquées, d’un moralisme étroit et étouffant, où la joie n’a plus droit de cité. C’est l’époque d’un pansexualisme/panthéisme littéraire, avec Camille Lemonnier, le “Maréchal des lettres belges”, son contemporain (traduit en allemand chez Diederichs), puis avec David Herbert Lawrence, son élève, quand celui-ci pourfend le puritanisme de l’ère victorienne en Angleterre. Il me paraît utile de préciser ici que Dehmel s’est plus que probablement engagé dans les armées du Kaiser parce que l’effervescence culturelle, libératrice, de l’Allemagne de la Belle Epoque devait être défendue contre les forces de l’Entente qui ne représentaient pas, à ses yeux, une telle beauté esthétique; celle-ci ne pourra jamais se déployer sous les platitudes de régimes libéraux, de factures française ou anglaise.

Max Dauthendey

mvb6.jpgTroisième figure rencontrée dans les cafés littéraires de Berlin, plutôt oubliée aujourd’hui, elle aussi: Max Dauthendey (1867-1918). Il est le fils d’un photographe et daguerrotypiste. Il a vécu à Saint-Pétersbourg où il représentait les affaires de son père. C’était le premier atelier du genre en Russie tsariste. Le jeune Max est le fils d’un second mariage et le seul héritier d’un père qu’il déteste, parce qu’il lui administrait un peu trop souvent la cravache. Ce conflit père/fils va générer dans l’âme du jeune Max une haine des machines et des laboratoires, lui rappelant trop l’univers paternel. Il fugue deux fois, à treize ans puis à dix-sept ans où il se porte volontaire dans un régiment étranger des armées néerlandaises en partance pour Java. Après cet intermède militaire en Insulinde, il se réconcilie avec son père et travaille à l’atelier. En 1891, il s’effondre sur le plan psychique, séjourne dans un centre spécialisé en neurologie et, avec la bénédiction paternelle, cette fois, s’adonne définitivement à la poésie, sous la double influence de Dehmel et du poète polonais Stanislas Przybyszewski (1868-1927). Il fréquente les cafés littéraires et voyage beaucoup, en Suède, à Paris, en Sicile (comme Jünger plus tard), au Mexique (comme D. H. Lawrence), en Grèce et en Italie. Cette existence vagabonde le plonge finalement dans la misère: il est obligé de vivre aux crochets de toutes sortes de gens. Il décide toutefois, à peine renfloué, de faire un tour du monde. Il embarque à Hambourg le 15 avril 1914 et arrive pour la deuxième fois de sa vie à Java, où il restera quatre ans. Impossible d’aller plus loin: la guerre le force à l’immobilité. Il meurt de la malaria en Indonésie en août 1918. Peu apprécié des autorités nationales-socialistes qui le camperont comme un “exotiste”, son oeuvre disparaîtra petit à petit des mémoires. Sa femme découvre dans son appartement de Dresde 300 aquarelles, qui disparaîtront en fumée lors du bombardement de la ville d’art en février 1945.

Stanislas Przybyszewski

mvb7.jpgQuatrième figure: Stanislas Przybyszewski, un Polonais qui a étudié en allemand à Thorn en Posnanie. Lui aussi, comme Moeller et Dehmel, a eu une scolarité difficile: il a multiplié les querelles vigoureuses avec ses condisciples et son directeur. Cela ne l’empêche pas d’aller ensuite étudier à l’université la médecine et l’architecture. Il adhère d’abord au socialisme et fonde la revue “Gazeta Robotnicza” (= “La gazette ouvrière”). En deuxièmes noces, il épouse une figure haute en couleurs, Dagny Juel, une aventurière norvégienne, rencontrée lors d’un voyage au pays des fjords. Elle mourra quelques années plus tard en Géorgie où elle avait suivi l’un de ses nombreux amants. Lecteur de Nietzsche, comme beaucoup de ses contemporains, Przybyszewski est amené à réfléchir sur les notions de “Bien” et de “Mal” et, dans la foulée de ces réflexions, à s’intéresser au satanisme. Il fonde en 1898 la revue “Zycie” (= “La Vie”), couplant, Zeitgeist oblige, l’intérêt pour le mal (inséparable du bien et défini selon des critères étrangers à toute morale conventionnelle et répétitive), l’intérêt pour l’oeuvre de Nietzsche et de Strindberg et pour le vitalisme. Avant que ne se déclenche la première grande conflagration inter-européenne de 1914, il devient le chef de file du mouvement artistique, littéraire et culturel des “Jeunes Polonais” (“Mloda Polska”), fondé par Artur Gorski (1870-1959), quand la Pologne était encore incluse dans l’Empire du Tsar. La préoccupation majeure de ce mouvement culturel, partiellement influencé par Maurice Maeterlinck (1862-1949), est de s’interroger sur le rapport entre puissance créatrice et vie réelle. En ce sens, la tâche de l’art est de saisir l’“être originel” des choses et de le présenter sous forme de symboles, que seul une élite ténue est capable de comprendre (même optique chez l’architecte Henri van de Velde). Mloda Polska connaît un certain succès et s’affichera pro-allemand pendant la première guerre mondiale, tout comme le futur chef incontesté de la nouvelle Pologne, le Maréchal Pilsudski.

Après 1918, comme Moeller van den Bruck, Przybyszewski s’engage en politique et travaille à construire le nouvel Etat polonais indépendant, tout en poursuivant sa quête philosophique et son oeuvre littéraire. Pour Przybyszewski, comme par ailleurs pour le Moeller van den Bruck du voyage en Italie (1906), l’art dévoile le fond de l’être: la part ténue d’humanité émancipée des pesanteurs conventionnelles (bourgeoises) atteint peut-être le sublime en découvrant ce “fond” mais cette élévation et cette libération sont simultanément un plongeon dans les recoins les plus sombres de l’âme et dans le tragique (on songe, mutatis mutandi, au thème d’“Orange mécanique” d’Anthony Burgess et du film du même nom de Stanley Kubrik). Les noctambules, les dégénérés et les déraillés, ainsi que la lutte des sexes (Strindberg, Weininger), intéressent notre auteur polonais, qui voulait devenir psychiatre au terme de ses études inachevées de médecine, comme ils avaient intéressé Dostoïevski, observateur avisé du public des bistrots de Saint-Pétersbourg. En 1897, leur sort, leurs errements sont l’objet d’un livre qui connaîtra deux titres “Die Gnosis des Bösen” et “Die Synagoge Satans”.

Figure plus exubérante que Moeller, Przybyszewski fait la jonction entre l’univers artistique d’avant 1914 et la nécessité de reconstruire le politique après 1918. La trajectoire du Polonais a sûrement influencé les attitudes de l’Allemand. Des parallèles peuvent aisément être tracés entre leurs deux itinéraires, en dépit de la dissemblance entre leurs personnalités.

Les cabarets

Parmi tous les clubs et lieux de rencontre de cette incroyable bohème littéraire, il y a bien sûr les cabarets, où les animateurs critiquent à fond les travers de la société wilhelminienne, qui, par son fort tropisme technicien, oublie le “fonds” au profit de “formes” sans épaisseur temporelle ni charnelle. A Berlin, c’est le cabaret “Überbretteln” qui donne le ton. Il s’est délibérément calqué sur son homologue parisien “Le Chat noir” de Montmartre, créé par Rodolphe Salis. Sous la dynamique impulsion d’Ernst von Wolzogen, il s’ouvre le 18 janvier 1901. A Munich, le principal cabaret contestataire est “Die Elf Scharfrichter”, où sévit Frank Wedekind. Celui-ci est maintes fois condamné pour obscénité ou pour lèse-majesté: il a certes critiqué, de la façon la plus caustique qui soit, l’Empereur et le militarisme mais, Wedekind, puis Wolzogen, qui l’épaulera, ne sont pas des figures de l’anti-patriotisme: ils veulent simplement une “autre nation” et surtout une autre armée. Leur but est de multiplier les scandales pour forcer les Allemands à réfléchir, à abandonner toutes postures figées. Dans ce sens, et pour revenir à Moeller van den Bruck, qui vit au beau milieu de cette effervescence, inégalée en Europe jusqu’ici, ces cabarets sont des instances de la “transition”, vers un Reich (ou une Cité) plus “jeune”, neuf, ouvert en permanence et volontairement à toutes les innovations ravigorantes.

L’époque berlinoise de Moeller van den Bruck a duré six ans, de 1896 à 1902. Dans ces cercles, il circule en affichant le style du dandy, sans doute inspiré par Barbey d’Aurevilly. Moeller est quasi toujours vêtu d’un long manteau de cuir, coiffé d’un haut-de-forme gris, l’oeil cerclé par un monocle. Il parle un langage simple mais châtié, sans doute pour compenser son absence de formation post-secondaire. Il est un digne et quiet héritier de Brummell. En 1902, sa femme Hedda est enceinte. La fortune héritée du grand-père van den Bruck est épuisée. Il abandonne sa femme, qui se remariera avec un certain Herbert Eulenberg, appartenant à une famille qui sera radicalement anti-nazie. Elle continuera à traduire des oeuvres littéraires françaises et anglaises jusqu’en 1936, quand le pouvoir en place lui interdira toute publication.

Arrivée à Paris

Moeller van den Bruck quitte donc l’Allemagne pour Paris où il arrive fin 1902. On dit parfois qu’il a cherché à échapper au service militaire: les patriotes, en effet, ne sont pas tous militaristes dans l’Allemagne wilhelminienne et Moeller n’a pas encore vraiment pris conscience de sa germanité, comme nous allons le voir. Les patriotes non militaristes reprochent à l’Empereur Guillaume II de fabriquer un “militarisme de façade”, encadré par des officiers caricaturaux et souvent incompétents, parce qu’il a fallu recruter des cadres dans des strates de la population qui n’ont pas la vraie fibre militaire et compensent cette lacune par un autoritarisme ridicule. C’est ainsi que Wedekind dénonçait le militarisme wilhelminien sur les planches du cabaret “Die Elf Scharfrichter”. Son anti-militarisme n’est donc pas un anti-militarisme de fond mais une volonté de mettre sur pied une armée plus jeune, plus percutante.

Dès son arrivée dans la capitale française, une idée le travaille: il l’a puisée dans sa lecture des oeuvres de Jakob Burckhardt. On ne peut pas être simultanément une grande culture comme l’Allemagne et peser d’un grand poids politique sur l’échiquier planétaire comme la Grande-Bretagne ou la France. Pour Moeller, lecteur de Burckhardt, il y a contradiction entre élévation culturelle et puissance politique: nous avons là l’éclosion d’une thématique récurrente dans les débats germano-allemands sur la germanité et l’essence de l’Allemagne; elle sera analysée, dans une perspective particulièrement originale par Christoph Steding en 1934: celui-ci fustigera l’envahissement de la culture allemande par tout un fatras “impolitique” et esthétisant, importé de Scandinavie, de Hollande et de Suisse. En ce sens, Steding dépasse complètement Moeller van den Bruck, encore lié à cette culture qu’il juge “impolitique”; toutefois, c’est au sein de cette culture impolitique qu’ont baigné ceux qui, après 1918, ont voulu oeuvrer à la restauration “impériale”. Le primat du culturel sur le politique sera également moqué dans un dessin de Paul A. Weber montrant un intellectuel binoclard, malingre et macrocéphale, jetant avec rage des livres de philo contre un tank britannique (de type Mk. I) qui défonce un mur et fait irruption dans sa bibliothèque; le chétif intello “mitteleuropéen” hurle: “Je vous pulvérise tous par la puissance de mes pensées!”.

Récemment, en 2010, Peter Watson, journaliste, historien, attaché à l’Université d’Oxford, campe l’envol vertigineux de la pensée et des sciences allemandes au 19ème siècle comme une “troisième renaissance” et comme une “seconde révolution scientifique”, dans un ouvrage qui connaîtra un formidable succès en Angleterre et aux Etats-Unis, malgré ses 964 pages en petits caractères (cf. “The German Genius – Europe’s Third Renaissance, the Second Scientific Revolution and the Twentieth Century”, Simon & Schuster, London/New York, 2010). Ce gros livre est destiné à bannir la germanophobie stérile qui a frappé, pendant de longues décennies, la pensée occidentale; il réhabilite la “Kultur” que l’on avait méchamment moquée depuis août 1914 mais cherche tout de même, subrepticement, à maintenir la germanité contemporaine dans un espace mental impolitique. La culture germanique depuis le début du 19ème, c’est fantastique, démontre Watson, mais il ne faut pas lui donner une épaisseur et une vigueur politiques: celles-ci ne peuvent être que de dangereux ou navrants dérapages. Watson évoque Moeller van den Bruck (pp. 616-618). L’interrogation de Moeller van den Bruck demeure dont d’actualité: on tente encore et toujours d’appréhender et de définir les contradictions existantes entre la grandeur culturelle de l’Allemagne et son nanisme politique sur l’échiquier européen ou mondial, entre l’absence de profondeur intellectuelle et de musicalité de la France républicaine et du monde anglo-saxon et leur puissance politique sur la planète.

Moeller van den Bruck découvre la pensée russe à Paris

Les quatre années parisiennes de Moeller van den Bruck ne vont pas renforcer la part française de sa pensée, acquise à Berlin lors de ses travaux de traduction réalisés avec le précieux concours d’Hedda Maase. A Paris —où il retrouve Dauthendey et le peintre norvégien Munch à la “Closerie des Lilas”— c’est la part russe de son futur univers mental qu’il va acquérir. Il y rencontre deux soeurs, Lucie et Less Kaerrick, des Allemandes de la Baltique, sujettes du Tsar. Lucie deviendra rapidement sa deuxième épouse. Le couple va s’atteler à la traduction de l’oeuvre entière de Dostoïevski (vingt tomes publiés à Munich chez Piper entre le séjour parisien et le déclenchement de la première guerre mondiale). Pour chaque volume, Moeller rédige une introduction, qui disparaîtra des éditions postérieures à 1950. Ces textes, longtemps peu accessibles, figurent toutefois tous sur la grande toile et sont désormais consultables par tout un chacun, permettant de connaître à fond l’apport russe au futur “Jungkonservativismus”, à la “révolution conservatrice” et à l’“Ostideologie” des cercles russophiles nationaux-bolcheviques et prussiens-conservateurs. Moeller est donc celui qui crée l’engouement pour Dostoïevski en Allemagne. L’immersion profonde dans l’oeuvre du grand écrivain russe, qu’il s’inflige, fait de lui un russophile profond qui transmettra sa fascination personnelle à tout le mouvement conservateur-révolutionnaire, “jungkonservativ”, après 1918.

L’anti-occidentalisme politique et géopolitique, qui transparaît en toute limpidité dans le “Journal d’un écrivain” de Dostoïevski, a eu un impact déterminant dans la formation et la maturation de la pensée de Moeller van den Bruck. En effet, ce “Journal” récapitule, entre bien d’autres choses, l’anthropologie de Dostoïevski et énumère les tares des politiques occidentales. L’anthropologie dostoïevskienne dénonce l’avènement d’un homme se voulant “nouveau”, un homme sans ancêtres qui se promet beaucoup d’enfants: un homme qui a coupé le cordon invisible qui le liait charnellement à sa lignée mais veut se multiplier, se cloner à l’infini dans le futur. Cet homme, auto-épuré de toutes les insuffisances qu’il aurait véhiculées depuis toujours par le biais de son corps créé par Dame Nature, s’enfermera bien vite dans un petit monde clos, dans des “clôtures” et finira par répéter une sorte de catéchisme positiviste, pseudo-scientifique, intellectuel, sec, mécanique, qui n’explique rien. Il ne vivra donc plus de “transitions”, de périodes où l’on innove sans trahir le fonds, puisqu’il n’y aura plus de fonds et qu’il n’y aura plus besoin d’innovations, tout ayant été inventé. Nous avons là l’équivalent russe du dernier homme de Nietzsche, qui affirme ses platitudes “en clignant de l’oeil”. L’avènement de cet “homunculus” est déjà, à l’époque de Dostoïevski, bien perceptible dans le vieil Occident, chez les peuples vieillissants. Et la politique de ces Etats vieillis empêche la vigoureuse vitalité slave (surtout serbe et bulgare) de vider “l’homme malade du Bosphore” (c’est-à-dire l’Empire ottoman) de son lit balkanique, et surtout de la Thrace des Détroits. L’Occident est resté “neutre” dans le conflit suscité par la révolte serbe et bulgare (1877-78), trahissant ainsi la “civilisation chrétienne”, face à son vieil ennemi ottoman, et ne s’est manifesté, intéressé et avide, que pour s’emparer des meilleures dépouilles turques, disponibles parce que les peuples jeunes des Balkans avaient versé leur sang généreux. Phrases qu’on peut considérer comme prémonitoires quand on les lit après les événements de l’ex-Yougoslavie, surtout ceux de 1999...

Rencontre avec Dmitri Merejkovski et Zinaïda Hippius

mvb8.jpgMoeller refuse donc l’avènement des “homunculi” et apprend, chez Dostoïevski, à respecter l’effervescence des révoltes de peuples encore jeunes, encore capables de sortir des “clôtures” où on cherche à les enfermer. Mais un autre écrivain russe, oublié dans une large mesure mais toujours accessible aujourd’hui, en langue française, grâce aux efforts de l’éditeur suisse “L’Age d’Homme”, aura une influence déterminante sur Moeller van den Bruck: Dmitri Merejkovski. Cet écrivain habitait Paris, lors du séjour de Moeller van den Bruck dans la capitale française, avec son épouse Zinaïda Hippius (ou “Gippius”). L’objectif de Merejkovski était de rénover la pensée orthodoxe tout en maintenant le rôle central de la religion en Russie: rénover la religion ne signifiait pas pour lui l’abolir. Merejkovski était lié au mouvement des “chercheurs de Dieu”, les “Bogoïskateli”. Il éditait une revue, “Novi Pout” (= “La Nouvelle Voie”), où notre auteur envisageait, conjointement au poète Rozanov, de réhabiliter totalement la chair, de réconcilier la chair et l’esprit: idée qui se retrouvait dans l’air du temps avec des auteurs comme Lemonnier ou Dehmel et, plus tard, D. H. Lawrence. Par sa volonté de rénovation religieuse, Merejkovski s’opposait au théologien sourcilleux du Saint-Synode, le “vieillard jaunâtre” Pobedonostsev, intégriste orthodoxe ne tolérant aucune déviance, aussi minime soit-elle, par rapport aux canons qu’il avait énoncés dans le but de voir régner une “paix religieuse” en Russie, une paix hélas figeante, mortifère, sclérosant totalement les élans de la foi. Comme le faisait en Allemagne, dans le sillage de tout un éventail d’auteurs en vue, l’éditeur Eugen Diederichs à Iéna depuis 1896, Merejkovski recherche, dans le monde russe cette fois, de nouvelles formes religieuses. Il rend visite à des sectes, ce qui alarme les services de Pobedonostsev, liés à la police politique tsariste. Son but? Réaliser les prophéties de l’abbé cistercien calabrais Joachim de Flore (1130-1202). Pour cet Italien du 12ème siècle, le “Troisième Testament” allait advenir, inaugurant le règne de l’Esprit Saint dans le monde, après le “Règne du Père” et le “Règne du Fils”. Cette volonté de participer à l’avènement du “Troisième Testament” conduit Merejkovski à énoncer une vision politique, jugée révolutionnaire dans la première décennie du 20ème siècle: Pierre le Grand, fondateur de la dynastie des Romanov, est une figure antéchristique car il a ouvert la Russie aux vices de l’Occident, l’empêchant du même coup d’incarner à terme dans le réel ce “Troisième Testament”, que sa spiritualité innée était à même de réaliser. En émettant cette critique hostile à la dynastie, Merejkovski se pose tout à la fois comme révolutionnaire dans le contexte de 1905 et comme “archi-conservateur” puisqu’il veut un retour à la Russie d’avant les Romanov, une contestation qui, aujourd’hui encore, brandit le drapeau noir-blanc-or des ultra-monarchistes qui considèrent la Russie, même celle de Poutine avec son drapeau bleu-rouge-blanc, comme une aberration occidentalisée. En 1905 donc, la Russie qui s’est alignée sur l’Occident depuis Pierre le Grand subit la punition de Dieu: elle perd la guerre qui l’oppose au Japon. L’armée, qui tire dans le tas contre les protestataires emmenés par le Pope Gapone, est donc l’instrument des forces antéchristiques. Le Tsar étant, dans un tel contexte, lui aussi, une figure avancée par l’Antéchrist. La monarchie des Romanov est posée par Merejkovski comme d’essence non chrétienne et non russe. Mais en cette même année 1905, Merejkovski sort un ouvrage très important, intitulé “L’advenance de Cham” ou, en français, “L’avènement du Roi-Mufle”.

L’advenance de Cham

Cham est le fils de Noé (Noah) qui s’est moqué de son père (de son ancêtre direct); à ce titre, il est une figure négative de la Bible, le symbole d’une humanité déchue en canaille, qui rompt délibérément le pacte intergénérationnel, brise la continuité qu’instaure la filiation. C’est cette figure négative, comparable à l’“homme sans ancêtres” de l’anthropologie dostoïevskienne, qui adviendra dans le futur, qui triomphera. Le Cham de Merejkovski est un cousin, un frère, une figure parallèle à cet “homunculus” de Dostoïevski. Dans “L’advenance de Cham”, Merejkovski développe une vision apocalyptique de l’histoire, articulée en trois volets. Il y a eu un passé déterminé par une église orthodoxe figée, celle de Pobedonostsev qui a abruti les hommes, en les enfermant dans des corsets confessionnels trop étriqués, jugulant les élans créateurs et bousculants de la foi et, eux seuls, peuvent réaliser le “Troisième Testament”. Il y a un présent où se déploie une bureaucratie d’Etat, dévoyant la fonction monarchique, la rendant imparfaite et lui inoculant des miasmes délétères, tout en conservant comme des reliques dévitalisées et le Saint-Synode et la monarchie. Il y aura un futur, où ce bureaucratisme se figera et donnera lieu à la révolte de la lie de la société, qui imposera par la violence la “tyrannie de Cham”, véritable cacocratie, difficile à combattre tant elle aura installé des “clôtures” dans le cerveau même des hommes. Merejkovski se veut alors prophète: quand Cham aura triomphé, l’Eglise sera détruite, la monarchie aussi et l’Etat, système abstrait et contraignant, se sera consolidé, devenant un appareil inamovible, lourd, inébranlable. Et l’âme russe dans ce processus? Merejkovski laisse la question ouverte: constituera-t-elle un môle de résistance? Sera-t-elle noyée dans le processus? Interrogations que Soljénitsyne reprendra à son compte pendant son long exil américain.

Itinéraire de Merejkovski

En 1914, Merejkovski se déclare pacifiste, sans doute ne veut-il ni faire alliance avec les vieilles nations occidentales, ennemies de la Russie au 19ème siècle et qui se servent désormais de la chair à canon russe pour broyer leur concurrent allemand, ni avec une Allemagne wilhelminienne qui, elle aussi, ne correspond plus à aucun critère traditionnel d’excellence politique. En 1917, quand éclate la révolution à Saint-Pétersbourg, Merejkovski se proclame immédiatement anti-communiste: les soulèvements menchevik et bolchevique sont pour lui les signes de l’avènement de Cham. Ils créeront le “narod-zver”, le peuple-Bête, serviteur de la Bête de l’Apocalypse. Ces révolutions, ajoute-t-il, “feront disparaître les visages”, uniformiseront les expressions faciales; le peuple ne sera plus que de la “viande chinoise”, le terme “chinois” désignant dans la littérature russe de 1890 à 1920 l’état de dépersonnalisation totale, auquel on aboutit sous la férule d’une bureaucratie omni-contrôlante, d’un mandarinat à la chinoise et d’un despotisme fonctionnarisé, étranger aux tréfonds de l’âme européenne et du personnalisme inhérent au message chrétien (dans l’aire culturelle germanophone, le processus de “dé-facialisation” de l’humanité sera dénoncé et décrit par Rudolf Kassner, sur base d’éléments préalablement trouvés dans l’oeuvre du “sioniste nietzschéen” Max Nordau). En 1920, Merejkovski appelle les Russes anti-communistes à se joindre à l’armée polonaise pour lutter contre les armées de Trotski et de Boudiénny. Fin juin 1941, il prononce un discours à la radio allemande pour appeler les Russes blancs à libérer leur patrie en compagnie des armées du Reich. Il meurt à Paris avant l’arrivée des armées anglo-saxonnes, échappant ainsi à l’épuration. Son épouse, éplorée, entame, nuit et jour, la rédaction d’une biographie intellectuelle de son mari: elle meurt épuisée en 1946 avant de l’avoir achevée. Ce travail demeure néanmoins la principale source pour connaître l’itinéraire exceptionnel de Merejkovski.

Traduction de l’oeuvre entière de Dostoïevski, fréquentation de Dmitri Merejkovski: voilà l’essentiel des années parisiennes de Moeller van den Bruck. Les années berlinoises (1896-1902) avaient été essentiellement littéraires et artistiques. Moeller recherchait des formes nouvelles, un “art nouveau” (qui n’était pas nécessairement le “Jugendstil”), adapté à l’ère de la production industrielle, exprimant l’effervescence vitale des “villes tentaculaires” (Verhaeren). De même, il s’était profondément intéressé aux formes nouvelles qu’adoptait la littérature de la Belle Epoque. A Paris, il prend conscience de sa germanité, tout en devenant russophile et anti-occidentaliste. Il constate que les Français sont un peuple tendu vers la politique, tandis que les Allemands n’ont pas de projet commun et pensent les matières politiques dans la dispersion la plus complète. Les Français sont tous mobilisés par l’idée de revanche, de récupérer deux provinces constitutives du défunt “Saint-Empire”, qui, depuis Louis XIV, servent de glacis à leurs armées pour contrôler tout le cours du Rhin et tenir ainsi tout l’ensemble territorial germanique à leur merci. Barrès, pourtant frotté de culture germanique et wagnérienne, incarne dans son oeuvre, ses discours et ses injonctions, cette tension vers la ligne bleue des Vosges et vers le Rhin. Rien de pareil en Allemagne, où, sur le plan politique, ne règne que le désordre dans les têtes. Les premiers soubresauts de la crise marocaine (de 1905 à 1911) confirment, eux aussi, la politisation virulente des Français et l’insouciance géopolitique des Allemands.

“Die Deutschen”: huit volumes

Moeller tente de pallier cette lacune dangereuse qu’il repère dans l’esprit allemand de son époque. En plusieurs volumes, il campe des portraits d’Allemands (“Die Deutschen”) qui, à ses yeux, ont donné de la cohérence et de l’épaisseur à la germanité. De chacun de ces portraits se dégage une idée directrice, qu’il convient de ramener à la surface, à une époque de dispersion et de confusion politiques. L’ouvrage “Die Deutschen”, en huit volumes, parait de 1904 à 1910. Il constitue l’entrée progressive de Moeller van den Bruck dans l’univers de la “germanité germanisante” et du nationalisme, qu’il n’avait quasi pas connu auparavant —von Liliencron et Dehmel ayant eu, malgré leur nationalisme diffus, des préoccupations bien différentes de celles de la politique. Ce nationalisme nouveau, esquissé par Moeller en filigrane dans “Die Deutschen”, ne dérive nullement des formes diverses de ce pré-nationalisme officiel et dominant de l’ère wilhelminienne dont les ingrédients majeurs sont, sur fond du pouvoir personnalisé de l’Empereur Guillaume II, la politique navale, le mouvement agrarien radical (souvent particulariste et régional), l’antisémitisme naissant, etc. Le mouvement populaire agrarien oscillait —l’ “oscillation” chère à Jean-Pierre Faye, auteur du gros ouvrage “Les langages totalitaires”— entre le Zentrum catholique, la sociale-démocratie, la gauche plus radicale ou le parti national-libéral d’inspiration bismarckienne. Les expressions diverses du nationalisme (agrarien ou autre) de l’ère wilhelminienne n’avaient pas de lieu fixe et spécifique dans le spectre politique: ils “voyageaient” transversalement, pérégrinaient dans toutes les familles politiques, si bien que chacune d’elles avait son propre “nationalisme”, opposé à celui des autres, sa propre vision d’un futur optimal de la nation.

Les transformations rapides de la société allemande sous les effets de l’industrialisation généralisée entraînent la mobilisation politique de strates autrefois quiètes, dépolitisées, notamment les petits paysans indépendants ou inféodés à de gros propriétaires terriens (en Prusse): ils se rassemblent au sein du “Bund der Landwirte”, qui oscille surtout entre les nationaux-libéraux prussiens et le Zentrum (dans les régions catholiques). Cette mobilisation de l’élément paysan de base, populaire et révolutionnaire, fait éclater le vieux conservatisme et ses structures politiques, traditionnellement centrées autour des vieux pouvoirs réels ou diffus de l’aristocratie terrienne. Le vieux conservatisme, pour survivre politiquement, se mue en d’autres choses que la simple “conservation” d’acquis anciens, que la simple défense des intérêts des grands propriétaires aristocratiques, et fusionne lentement, dans un bouillonnement confus et contradictoire s’étalant sur deux bonnes décennies avant 1914, avec des éléments divers qui donneront, après 1918, les nouvelles et diverses formes de nationalisme plus militant, s’exprimant cette fois sans le moindre détour. Le but est, comme dans d’autres pays, d’obtenir, en bout de course, une harmonie sociale nouvelle et régénérante, au nom de théories organiques et “intégrationnistes”. Cette tendance générale —cette pratique moderne et populaire d’agitation— doit faire appel à la mobilisation des masses, critère démocratique par excellence puisqu’il présuppose la généralisation du suffrage universel. C’est donc ce dernier qui fait éclore le nationalisme de masse, qui, de ce fait, est bien —du moins au départ— de nature démocratique, démocratie ne signifiant a priori ni libéralisme ni permissivité libérale et festiviste.

Bouillonnement socio-politique

Moeller van den Bruck demeure éloigné de cette agitation politique —il critique tous les engagements politiques, dans quelque parti que ce soit et ne ménage pas ses sarcasmes sur les pompes ridicules de l’Empereur, “homme sans goût”— mais n’en est pas moins un homme de cette transition générale et désordonnée, encore peu étudiée dans les innombrables avatars qu’elle a produits pendant les deux décennies qui ont précédé 1914. Ce n’est pas dans les comités revendicateurs de la population rurale —ou de la population anciennement rurale entassée dans les nouveaux quartiers insalubres des villes surpeuplées— que Moeller opère sa transition personnelle mais dans le monde culturel, littéraire: il est bien un “Literatentyp”, un “littérateur”, apparemment éloigné de tout pragmatisme politique. Mais le bouillonnement socio-politique, où tentaient de fusionner éléments de gauche et de droite, cherchait un ensemble de thématiques “intégrantes”: il les trouvera dans les multiples définitions qui ont été données de l’“Allemand”, du “Germain”, entre 1880 et 1914. De l’idée mobilisatrice de communisme primitif, germanique ou celtique, évoquée par Engels à l’exaltation de la fraternité inter-allemande dans le combat contre les deux Napoléon (en 1813 et en 1870), il y a un dénominateur commun: un “germanisme” qui se diffuse dans tout le spectre politique; c’est le germanisme des théoriciens politiques (marxistes compris), des philologues et des poètes qui réclament un retour à des structures sociales jugées plus justes et plus équitables, plus conformes à l’essence d’une germanité, que l’on définit avec exaltation en disant sans cesse qu’elle a été oblitérée, occultée, refoulée. Moeller van den Bruck, avec “Die Deutschen”, va tenter une sorte de retour à ce refoulé, de retrouver des modèles, des pistes, des attitudes intérieures qu’il faudra raviver pour façonner un futur européen radieux et dominé par une culture allemande libertaire et non autoritaire, telle qu’elle se manifestait dans un local comme “Zum schwarzen Ferkel”. Toutefois, Moeller soulignera aussi les échecs à éviter dans l’avenir, ceux des “verirrten Deutschen”, des “Allemands égarés”, pour lesquels il garde tout de même un faible, parce qu’ils sont des littérateurs comme lui, tout en démontrant qu’ils ont failli malgré la beauté poignante de leurs oeuvres, qu’ils n’ont pu surmonter le désordre intrinsèque d’une certaine âme allemande et qu’ils ne pourront donc transmettre à l’homme nouveau des “villes tentaculaires” —détaché de tous liens fécondants— cette unité intérieure, cette force liante qui s’estompent sous les coups de l’économisme, de la bureaucratie et de la modernité industrielle, camouflés gauchement par les pompes impériales (le parallèle avec la sociologie de Georg Simmel et avec certains aspects de la pensée de Max Weber est évident ici).

Le voyage en Italie

Après ses quatre années parisiennes, Moeller quitte la France pour l’Italie, où il rencontre le poète Theodor Däubler et lui trouve un éditeur pour son poème de 30.000 vers, “Nordlicht” qui fascinera Carl Schmitt. Il se lie aussi au sculpteur expressionniste Ernst Barlach, qui s’était inspiré du paysannat russe pour parfaire ses oeuvres. Ce sculpteur sera boycotté plus tard par les nationaux-socialistes, en dépit de thématiques “folcistes” qui n’auraient pas dû les effaroucher. Ces deux rencontres lors du voyage en Italie méritent à elles seules une étude. Bornons-nous, ici, à commenter l’impact de ce voyage sur la pensée politique et métapolitique de Moeller van den Bruck. Dans un ouvrage, qui paraîtra à Munich, rehaussé d’illustrations superbes, et qui aura pour titre “Die italienische Schönheit”, Moeller brosse une histoire de l’art italien depuis les Etrusques jusqu’à la Renaissance. Ce n’est ni l’art de Rome ni les critères de Vitruve qui emballent Moeller lors de son séjour en Italie mais l’architecture spécifique de la Ravenne de Théodoric, le roi ostrogoth. Cette architecture, assez “dorienne” dans ses aspects extérieurs, est, pour Moeller, l’“expression vitale d’un peuple”, le “reflet d’un espace particulier”, soit les deux piliers —la populité et la spatialité— sur lesquels doit reposer un art réussi. Plus tard, en réhabilitant le classicisme prussien, Moeller renouera avec un certain art romain, vitruvien dans l’interprétation très classique des Gilly, Schinckel, etc. En 1908, il retourne en Allemagne et se présente au “conseil de révision” pour se faire incorporer dans l’armée. Il effectuera un bref service à Küstrin mais sera rapidement exempté, vu sa santé fragile. Il se fixe ensuite à Berlin mais multiplie les voyages jusqu’en 1914: Londres, Paris, l’Italie (dont plusieurs mois en Sicile), Vienne, les Pays Baltes, la Russie et la Finlande. En 1914, avant que n’éclate la guerre, il est au Danemark et en Suède.

Style prussien et “Deutscher Werkbund”

 

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mvb16.jpgQuand la Grande Guerre se déclenche, Moeller est en train de rédiger “Der preussische Stil”, retour à l’architecture des Gilly, Schinckel et von Klenze mais aussi réflexions générales sur la germanité qui, pour trouver cette unité intérieure recherchée tout au long des huit volumes de “Die Deutschen”, doit opérer un retour à l’austérité dorienne du classicisme prussien et abandonner certaines fantaisies ou ornements prisés lors des décennies précédentes: même constat chez l’ensemble des architectes, qui abandonnent la luxuriance du Jugendstil pour une “Sachlichkeit” plus sobre. La réhabilitation du “style prussien” implique aussi l’abandon de ses anciennes postures de dandy, une exaltation des vertus familiales prussiennes, de la sobriété, de la “Kargheit”, etc. Le livre “Der preussische Stil” sera achevé pendant la guerre, sous l’uniforme. Il s’inscrit dans la volonté de promouvoir des formes nouvelles, tout en gardant un certain style et un certain classicisme, bref de lancer l’idée d’un modernisme anti-moderne (Volker Weiss). Moeller s’intéresse dès lors aux travaux d’architecture et d’urbanisme de Peter Behrens (1868-1940; photo), un homme de sa génération. Behrens est le précurseur de la “sachliche Architektur”, de l’architecture objective, réaliste. Il est aussi, pour une large part, le père du “design” moderne. Pas un objet contemporain n’échappe à son influence. Behrens donne un style épuré et sobre aux objets nouveaux, exigeant des formes nouvelles, qui meublent désormais les habitations dans les sociétés hautement industrialisées, y compris celles des foyers les plus modestes, auparavant sourds à toute esthétique (cf. H. van de Velde).

Mvb11.jpgLe style préconisé par Behrens, pour les objets nouveaux, n’est pas chargé, floral ou végétal, comme le voulait l’Art Nouveau (Jugendstil) mais très dénué d’ornements, un peu à la manière futuriste, le groupe futuriste italien autour de Marinetti ayant appelé, avec virulence, à rejeter toutes les ornementations inutiles prisées par l’académisme dominant. On trouve encore dans nos magasins, aujourd’hui, bon nombre de théières, de couverts, de téléphones, d’horloges ou de pièces de vaisselle qui proviennent en droite ligne des ateliers de Behrens, avec très peu de changements. Le mouvement d’art et de design, lancé par Behrens, s’organise au sein du “Deutscher Werkbund”, où oeuvrent également des célébrités comme Walter Gropius, Ludwig Mies van der Rohe ou Le Corbusier. Le “Werkbund” travaille pour l’AEG (“Allgemeine Elektrische Gesellschaft”), qui produit des lampes, des appareils électro-ménagers à diffuser dans un public de plus en plus vaste. Le “Werkbund” préconise par ailleurs une architecture monumentale, dont les fleurons seront des usines, des écoles, des ministères et l’ambassade allemande à Saint-Pétersbourg. Pour Moeller, Behrens trouve le style qui convient à l’époque: le lien est encore évident avec le classicisme prussien, il n’y a pas rupture traumatisante, mais le résultat final est “autre chose”, ce n’est pas une répétition pure et simple.

Henry van de Velde

Après 1918, la recherche d’un style bien particulier, d’une architecture majestueuse, monumentale et prestigieuse n’est, hélas, plus de mise: il faut bâtir moins cher et plus vite, l’art spécifique du “Deutscher Werkbund” glisse rapidement vers la “Neue Sachlichkeit”, où excelleront des architectes comme Gropius et Mies van der Rohe. L’évolution de l’architecture allemande est typique de cette époque qui part de l’Art Nouveau (Jugendstil), avec ses ornements et ses courbes, pour évoluer vers un abandon progressif de ces ornements et se rapprocher de l’austérité vitruvienne du classicisme prussien du début du 19ème, sans toutefois aller aussi loin que la “neue Sachlichkeit” des années 20 dans le rejet de toute ornementation. L’architecte Paul Schulze-Naumburg , qui adhèrera au national-socialisme, polémique contre la “Neue Sachlichkeit” en l’accusant de verser dans la “Formlosigkeit”, dans l’absence de toute forme. Dans cette effervescence, on retrouve l’oeuvre de Henry van de Velde (1863-1957), partie, elle aussi, du pré-raphaëlisme anglais, des idées de John Ruskin (dont Hedda Maase avait traduit les livres), de William Morris, etc. Fortement influencé par sa lecture de Nietzsche, van de Velde tente de traduire la volonté esthétisante et rénovatrice du penseur de Sils-Maria en participant aux travaux du Werkbund, notamment dans les ateliers de “design” et dans la “colonie des artistes” de Darmstadt, avant 1914. Revenu en Belgique peu avant la seconde guerre mondiale, il accepte de travailler au sein d’une commission pour la restauration du patrimoine architectural bruxellois pendant les années de la deuxième occupation allemande: il tombe en disgrâce suite aux cabales de collègues jaloux et médiocres qui saccageront la ville dans les années 50 et 60, tant et si bien qu’on parlera de “bruxellisation” dans le jargon des architectes pour désigner la destruction inconsidérée d’un patrimoine urbanistique. Le procès concocté contre lui n’aboutit à rien, mais van de Velde, meurtri et furieux, quitte le pays définitivement, se retire en Suisse où il meurt en 1957.

Les figures de Peter Behrens, Henry van de Velde et Paul Schulze-Naumburg méritent d’être évoquées, et situées dans le contexte de leur époque, pour montrer que les thèmes de l’architecture, de l’urbanisme et des formes du “design” participent, chez Moeller van den Bruck, à l’élaboration du “style” jungkonservativ qu’il contribuera à forger. Ce style n’est pas marginal, n’est pas l’invention de quelques individus isolés ou de petites phalanges virulentes et réduites mais constitue bel et bien une synthèse concise des innovations les plus insignes des trois premières décennies du 20ème siècle. La quête de Moeller van den Bruck est une quête de formes et de style, de forme pour un peuple enfin devenu conscient de sa force politique potentielle, équivalente en grandeur à ses capacités culturelles, pour un peuple devenu enfin capable de bâtir un “Troisième Règne” de l’esprit, au sens où l’entendait le filon philosophique, théologique et téléologique partant de Joachim de Flore pour aboutir à Dmitri Merejkovski.

La guerre au “Département de propagande”

Pendant que Moeller rédigeait la première partie de “Der preussische Stil”, l’Allemagne et l’Europe s’enfoncent dans la guerre immobile des tranchées. Le réserviste Moeller est mobilisé dans le “Landsturm”, à 38 ans, vu sa santé fragile, la réserve n’accueillant les hommes pleinement valides qu’à partir de 39 ans. Il est affecté au Ministère de la guerre, dans le département de la propagande et de l’information, l’“Auslandsabteilung”, ou le “MAA” (“Militärische Stelle des Auswärtigen Amtes”), tous deux chargés de contrer la propagande alliée. En ce domaine, les Allemands se débrouillent d’ailleurs très mal: ils publient à l’intention des neutres, Néerlandais, Suisses et Scandinaves, de gros pavés bien charpentés sur le plan intellectuel mais illisibles pour le commun des mortels: à l’ère des masses, cela s’appelle tout bonnement rater le coche. Cette propagande n’a donc aucun impact. Dans ce département, Moeller rencontre Max Hildebert Boehm, Waldemar Bonsels, Herbert Eulenberg (le nouveau mari de sa première femme), Hans Grimm, Friedrich Gundolf et Börries von Münchhausen. Tous ces hommes constitueront la base active qui militera après guerre, dans une Allemagne vaincue, celle de la République de Weimar, pour restaurer l’autonomie du politique et la souveraineté du pays.

Dans le double cadre de l’“Auslandsabteilung” et du MAA, Moeller rédige “Belgier und Balten” (= “Des Belges et des Baltes”), un appel aux habitants de Belgique et des Pays Baltes à se joindre à une vaste communauté économique et culturelle, dont le centre géographique serait l’Allemagne. Il amorce aussi la rédaction de “Das Recht der jungen Völker” (= “Le droit des peuples jeunes”), qui ne paraîtra qu’après l’armistice de novembre 1918. Le terme “jeune” désigne ici la force vitale, dont bénéficient encore ces peuples, et la “proximité du chaos”, un chaos originel encore récent dans leur histoire, un chaos bouillonnant qui sous-tend leur identité et duquel ils puisent une énergie dont ne disposent plus les peuples vieillis et éloignés de ce chaos. Pour Moeller, ces peuples jeunes sont les Japonais, les Allemands (à condition qu’ils soient “prussianisés”), les Russes, les Italiens, les Bulgares, les Finlandais et les Américains. “Das Recht der jungen Völker” se voulait le pendant allemand des Quatorze Points du président américain Woodrow Wilson. Le programme de ce dernier est arrivé avant la réponse de Moeller qui, du coup, n’apparait que comme une réponse tardive, et même tard-venue, aux Quatorze Points. Moeller prend Wilson au mot: ce dernier prétend n’avoir rien contre l’Allemagne, rien contre aucun peuple en tant que peuple, n’énoncer qu’un programme de paix durable mais tolère —contradiction!— la mutilation du territoire allemand (et de la partie germanique de l’empire austro-hongrois). Les Allemands d’Alsace, de Lorraine thioise, des Sudètes et de l’Egerland, de la Haute-Silésie et des cantons d’Eupen-Malmédy n’ont plus le droit, pourtant préconisé par Wilson, de vivre dans un Etat ne comprenant que des citoyens de même nationalité qu’eux, et doivent accepter une existence aléatoire de minoritaires au sein d’Etats quantitativement tchèque, français, polonais ou belge. Ensuite, Wilson, champion des “droits de l’homme” ante litteram, ne souffle mot sur le blocus que la marine britannique impose à l’Allemagne, provoquant la mort de près d’un million d’enfants dans les deux ou trois années qui ont suivi la guerre.

La transition “jungkonservative”

L’engagement politique “jeune-conservateur” est donc la continuation du travail patriotique et nationaliste amorcé pendant la guerre, en service commandé. Pour Moeller, cette donne nouvelle constitue une rupture avec le monde purement littéraire qu’il avait fréquenté jusqu’alors. Cependant l’attitude “jungkonservative”, dans ce qu’elle a de spécifique, dans ce qu’elle a de “jeune”, donc de dynamique et de vectrice de “transition”, est incompréhensible si l’on ne prend pas acte des étapes antérieures de son itinéraire de “littérateur” et de l’ambiance prospective de ces bohèmes littéraires berlinoises, munichoises ou parisiennes d’avant 1914. Le “Jungkonservativismus” politisé est un avatar épuré de la grande volonté de transformation qui a animé la Belle Epoque. Et cette grande volonté de transformation n’était nullement “autoritaire” (au sens où l’Ecole de Francfort entend ce terme depuis 1945), passéiste ou anti-démocratique. Ces accusations récurrentes, véritables ritournelles de la pensée dominante, ne proviennent pas d’une analyse factuelle de la situation mais découlent en droite ligne des “vérités de propagande” façonnées dans les officines françaises, anglaises ou américaines pendant la première guerre mondiale. L’Allemagne wilhelminienne, au contraire, était plus socialiste et plus avant-gardiste que les puissances occidentales, qui prétendent encore et toujours incarner seules la “démocratie” (depuis le paléolithique supérieur!). Les mésaventures judiciaires du cabaretier Wedekind, et la mansuétude relative des tribunaux chargés de le juger, pour crime de lèse-majesté ou pour offense aux bonnes moeurs, indique un degré de tolérance bien plus élevé que celui qui règnait aileurs en Europe à l’époque et que celui que nous connaissons aujourd’hui, où la liberté d’opinion est de plus en plus bafouée. Mieux, le sort des homosexuels, qui préoccupe tant certains de nos contemporains, était enviable dans l’Allemagne wilhelminienne, qui, contrairement à la plupart des “démocraties” occidentales, ne pratiquait, à leur égard, aucune forme d’intolérance. Cet état de choses explique notamment le tropisme germanophile d’un écrivain flamand (et homosexuel) de langue française, Georges Eeckoud, par ailleurs pourfendeur de la mentalité marchande d’Anvers, baptisée la “nouvelle Carthage”, pour les besoins de la polémique.

“Montagstische”, “Der Ring”

Les anciens du MAA et des autres bureaux de (mauvaise) contre-propagande allemande se réunissent, après novembre 1918, lors des “Montagstische”, des “tables du lundi”, rencontres informelles qui se systématiseront au sein d’un groupe nommé “Der Ring” (= “L’Anneau”), où l’on remarquait surtout la présence de Hans Grimm, futur auteur d’un livre à grand succès “Volk ohne Raum” (“Peuple sans espace”). Les initiatives post bellum vont se multiplier. Elles ont connu un précédent politique, la “Vereinigung für nationale und soziale Solidarität” (= “Association pour la solidarité nationale et sociale”), émanation des syndicats solidaristes chrétiens (surtout catholiques) plus ou moins inféodés au Zentrum. Le chef de file de ces “Solidarier” (“solidaristes”) est le Baron Heinrich von Gleichen-Russwurm (1882-1959), personnalité assez modérée à cette époque-là, qui souhaitait d’abord un modus vivendi avec les puissances occidentales, désir qui n’a pu se concrétiser, vu le blocus des ports de la Mer du Nord qu’ont imposé les Britanniques, pendant de longs mois après la cessation des hostilités. Heinrich von Gleichen-Russwurm réunit, au sein du “Ring”, une vingtaine de membres, tous éminents et désireux de sauver l’Allemagne du naufrage consécutif de la défaite militaire. Parmi eux, l’Alsacien Eduard Stadtler et le géopolitologue Adolf Grabowski (qui restera actif longtemps, même après la seconde guerre mondiale).

Eduard Stadtler

mvb9.jpgL’objectif est de penser un “nouvel Etat”, une “nouvelle économie” et une “nouvelle communauté des peuples”, où le terme “nouveau” est équivalent à celui de “jeune”, proposé par Moeller. Ce cercle attire les révolutionnaires anti-bolchéviques, anti-libéraux et anti-parlementaires. D’autres associations proposent les mêmes buts mais c’est incontestablement le “Ring” qui exerce la plus grande influence sur l’opinion publique à ce moment précis. Sous l’impulsion d’Eduard Stadtler (1886-1945, disparu en captivité en Russie), se crée, en marge du “Ring”, la “Ligue anti-bolchevique”. Natif de Hagenau en Alsace, Eduard Stadtler est, au départ, un militant catholique du Zentrum. Il est, comme beaucoup d’Alsaciens, de double culture, française et allemande. Il est détenteur du “bac” français mais combat, pendant la Grande Guerre, dans les rangs de l’armée allemande, en tant que citoyen allemand. En 1917 et en 1918, il est prisonnier en Russie. Après la paix séparée de Brest-Litovsk, signée entre les Bolcheviques et le gouvernement impérial allemand, Stadtler dirige le bureau de presse du consulat allemand de Moscou. Il assiste à la bolchévisation de la Russie, expérience qui le conduit à honnir l’idéologie léniniste et ses pratiques. Revenu en Allemagne, il fonde la “Ligue anti-bolchevique” en décembre 1918 puis rompt début 1919 avec le Zentrum de Matthias Erzberger, qui sera assassiné plus tard par les Corps Francs. Il est un de ceux qui ordonnent l’exécution des deux leaders communistes allemands, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht. La “Ligue” est financée par des industriels et la Banque Mankiewitz et reçoit l’appui du très influent diplomate Karl Helfferich (1872-1924), l’ennemi intime de Walther Rathenau. Stadtler est un orateur flamboyant, usant d’une langue suggestive et colorée, idéale pour véhiculer un discours démagogique. Entre 1919 et 1925, il participe activement au journal hebdomadaire des “Jungkonservativen”, “Das Gewissen” (= “Conscience”), auquel Moeller s’identifiera. Après 1925, la République de Weimar se consolide: le danger des extrémismes virulents s’estompe et la “Ligue anti-bolchevique” n’a plus vraiment raison d’être. Stadtler en tirera le bilan: “Les chefs [de cette ligue] n’étaient pas vraiment animés par un “daimon” et n’ont pu hisser de force l’esprit populaire, le tirer des torpeurs consécutives à l’effondrement allemand, pour l’amener au niveau incandescant de leurs propres volontés”. Stadtler rejoindra plus tard le Stahlhelm, fondera l’association “Langemarck” (structure paramilitaire destinée aux étudiants), sera membre de la DNVP conservatrice puis de la NSDAP; il participera aux activités de la maison d’édition Ullstein, après le départ de Koestler, quand celle-ci s’alignera sur le “renouveau national” mais Stadtler se heurtera, dans ce cadre, à la personnalité de Joseph Goebbels. Stadtler reste chrétien, fidèle à son engagement premier dans le Zentrum, fidèle aussi à son ancrage semi-rural alsacien, mais son christianisme est social-darwiniste, mâtiné par une lecture conjointe de Houston Stewart Chamberlain et des ouvrages du géopolitologue suédois Rudolf Kjellén, figure de proue des cercles germanophiles à Stockholm, et créateur de la géopolitique proprement dite, dont s’inspirera Karl Haushofer.

Du “Jungkonservativismus” au national-bolchevisme

Après le ressac de la “Ligue anti-bolchevique”, les “Jungkonservativen” se réunissent au sein du “Juni-Klub”. Dans le paysage politique allemand, le Zentrum est devenu un parti modéré (c’est pour cela que Stadtler le quitte en dénonçant le “modérantisme” délétère d’Erzberger). La gauche libérale et nationale de Naumann, théoricien de l’union économique “mitteleuropéenne” pendant la première guerre mondiale, ne se profile pas comme anti-parlementaire. Naumann veut des partis disciplinés sinon on aboutit, écrit-il à ses amis, à l’anarchie totale. Les “Jungkonservativen”, une fois le danger intérieur bolchevique éliminé en Allemagne, optent pour un “national-bolchevisme”, surtout après l’occupation de la Ruhr par les Français et l’exécution d’Albert-Leo Schlageter, coupable d’avoir commis des attentats en zone occupée. Le martyr de Schlageter provoque l’union nationale en Allemagne: nationalistes et communistes (avec Karl Radek) exaltent le sacrifice de l’officier et fustigent la “France criminelle”. Les “Jungkonservativen” glissent donc vers le “national-bolchevisme” et se rassemblent dans le cadre du “Juni-Klub”. Ce club est composé d’anciens “Solidarier” et de militants de diverses associations patriotiques et étudiantes, de fédérations d’anciens combattants. Max Hildebert Boehm y amène des Allemands des Pays Baltes, qui seront fort nombreux et y joueront un rôle de premier plan. Arthur Moeller van den Bruck y amène, lui, ses amis Conrad Ansorge, Franz Evers, Paul Fechter, Rudolf Pechel et Carl Ludwig Schleich. L’organisateur principal du club est von Gleichen. Le nom de l’association, “Juin”, vient du mois de juin 1919, quand le Traité de Versailles est signé. A partir de ce mois de juin 1919, les membres du club jurent de lutter contre tous les effets du Traité, du “Diktat”. Ils s’opposent au “November-Klub” des socialistes, qui se réfèrent au mois de la capitulation et de la proclamation de la république en 1918. Ce “Juni-Klub” n’a jamais publié de statuts ou énoncé des principes. Il a toujours gardé un caractère informel. Ses activités se bornaient, dans un premier temps, à des conversations à bâtons rompus.

Dictionnaire politique et revue “Gewissen”

La première initiative du “Juni-Klub” a été de publier un dictionnaire politique, tiré à 125.000 exemplaires. Les membres du club participent à la rédaction de l’hebdomadaire “Gewissen”, fondé le 9 avril 1919 par Werner Wirth, ancien officier combattant. Après la prise en charge de l’hebdomadaire par Eduard Stadtler, le tirage est de 30.000 exemplaires déclarés en 1922 (on pense qu’en réalité, il n’atteignait que les 4000 exemplaires vendus). La promotion de cette publication était assurée par la “Société des Amis de Gewissen”. Moeller van den Bruck, homme silencieux, piètre orateur et timide, prend sur ses épaules tout le travail de rédaction; la tâche est écrasante. Une équipe d’orateurs circule dans les cercles d’amis; parmi eux: Max Hildebert Boehm, le scientifique Albert Dietrich, le syndicaliste Emil Kloth, Hans Roeseler, Joachim Tiburtius et l’ancien communiste devenu membre du “Juni-Klub”, Fritz Weth. Le public qui assiste à ces conférences est vaste et élitaire mais provient de tous les horizons politiques de l’Allemagne de la défaite, socialistes compris. Un tel aréopage serait impossible à reconstituer aujourd’hui, vu l’intolérance instaurée partout par le “politiquement correct”. Reste une stratégie possible dans le contexte actuel: juxtaposer des textes venus d’horizons divers pour mettre en exergue les points communs entre personnalités appartenant à des groupes politiques différents et antagonistes mais dont les réflexions constituent toutes des critiques de fond du nouveau système globalitaire et du nouvel agencement du monde et de l’Europe, voulu par les Bush (père et fils), par Clinton et Obama, comme le nouvel ordre de la victoire avait été voulu en 1919 par Wilson et Clémenceau.

Diverses initiatives

Les années 1919 et 1920 ont été les plus fécondes pour le “Juni-Klub” et pour “Gewissen”. Dans la foulée de leurs activités, se crée ensuite le “Politisches Kolleg” (= “Collège politique”), dont le modèle était français, celui de l’“Ecole libre des sciences politiques”, fondé à Paris en 1872, après la défaite de 1871. Le but de cette “Ecole libre” était de faire émerger une élite revencharde pour la France. En 1919, les Allemands, vaincus à leur tour, recourent au même procédé. L’idée vient de Stadtler, qui connait bien la France, et de son professeur, le catholique, issu du Zentrum comme lui, Martin Spahn (1875-1945), fils d’une des figures fondatrices du Zentrum, Peter Spahn (1846-1925). Le national-libéral Friedrich Naumann fonde de son côté la “Staatsbürgerschule” (= “L’école citoyenne”), tandis qu’Ernst Jäkh, qui fut également propagandiste pendant la première guerre mondiale et spécialisé dans les relations germano-turques, crée la “Hochschule für Politik” (= “Haute Ecole de Politique”). Les passerelles sont nombreuses entre toutes ces initiatives. Le 1 novembre 1920 nait, sous la présidence de Martin Spahn, le “Politisches Kolleg für nationalpolitische Schulungs- und Bildungsarbeit” (= “Collège politique pour l’écolage et la formation nationales-politiques”). Les secrétaires sont von Gleichen et von Broecker. Mais c’est Moeller van den Bruck, une fois de plus, qui est la cheville ouvrière de l’ensemble: il garde la cohérence du “Juni-Klub”, du “Politisches Kolleg” et du “Ring”, qui tous prennent de l’extension et nécessitent un financement accru. Ecrasé sous le travail, Moeller s’effondre, tombe gravement malade. Du coup, les liens entre membres et entre structures similaires se disloquent. En décembre 1924, le “Juni-Klub” se transforme en “Herren-Klub”, glissement que Moeller juge “réactionnaire”, contraire aux principes fondamentaux du “Jungkonservativismus” et à la stratégie “nationale-bolchevique”. La maladie, la déception, l’épuisement physique et moral, la mort de son fils Wolfgang souffrant de tuberculose (il était né de son premier mariage avec Hedda Maase) sont autant de coups durs qui l’amènent à se suicider le 30 mai 1925.

Immédiatement après la mort de Moeller van den Bruck, Max Hildebert Boehm quitte le “Politisches Kolleg” et fonde une organisation nouvelle, l’“Institut für Grenz- und Auslandsstudien” (= “Institut pour les études des frontières et de l’étranger”). L’ensemble des structures supervisées par Moeller van den Bruck se disloque. Une partie des membres se tourne vers la “Hochschule für Politik” d’Ernst Jäkh. Le corporatiste moderne issu du Zentrum Heinz Brauweiler et l’Alsacien Eduard Stadtler rejoignent tous deux le Stahlhelm, puis la DNVP.

“Altkonservativismus” et “Jungkonservativismus”

Quelles ont été les idées de cette nébuleuse patronnée par Moeller van den Bruck? Comment se sont articulées ces idées? Quelle est la teneur du “Jungkonservativismus”, parfois appelé “nouvelle droite” ou “jeune droite”? Sa qualité de “jung”, de “jeune”, le distingue forcément du “Konservativismus” tout court, ou de l’“Altkonservativismus” (le “vieux-conservatisme”). On peut définir le “Konservativismus” comme l’ensemble des réactions politiques à la révolution française et/ou aux effets de cette révolution au cours du 19ème siècle. Comme l’a un jour souligné dans les colonnes de “Criticon” et de “Vouloir” le polémologue suisse Jean-Jacques Langendorf, la contre-révolution est un véritable kaléidoscope d’idées diverses, hétérogènes. On y trouve évidemment la critique de l’Anglais Edmund Burke qui déplore la rupture de continuité provoquée par la révolution mais, comme le signalait naguère, à son propos, le Prof. Claude Polin à Izegem lors d’un colloque de la “nouvelle droite” flamande, si les forces qui ont provoqué la rupture parviennent à assurer une continuité nouvelle, cette continuité, parce qu’elle est continuité, mérite à son tour d’être conservée, puisqu’elle devient “légitime”, tout simplement parce qu’elle a duré quelques décennies. Pour Polin, cette sacralisation d’idées révolutionnaires, tout simplement parce qu’elles ont duré, prouve qu’il n’y a pas véritablement de “conservatisme” britannique et burkéen: nous avons alors affaire à une justification du “révolutionarisme institutionalisé”, ce que confirme le folklore de la république française actuelle et l’usage immodéré des termes “République”, “républicain”, “idéal républicain”, “valeurs républicaines”, etc. que l’on juxtapose à ceux de “laïcisme” et de “laïcité”. Cet usage est inexportable et ne permet pas de forger une “Leitkultur” acceptée de tous, surtout de la majorité autochtone, tandis que les communautés immigrées musulmanes rejettent également ce fatras laïciste, dégoûtées par l’écoeurante platitude de ce discours, partagé par toutes les gauches, mêmes les plus intéressantes, comme celles de Régis Debray ou Elizabeth Lévy (cf. le mensuel “Le Causeur”).

Dans le kaléidoscope de la contre-révolution, il y a ensuite l’organicisme, propre du romantisme post-révolutionnaire, incarné notamment par Madame de Staël, et étudié à fond par le philosophe strasbourgeois Georges Gusdorf. Cet organicisme génère parfois un néo-médiévisme, comme celui chanté par le poète Novalis. Qui dit médiévisme, dit retour du religieux et de l’irrationnel de la foi, force liante, au contraire du “laïcisme”, vociféré par le “révolutionarisme institutionalisé”. Cette revalorisation de l’irrationnel n’est pas nécessairement absolue ou hystérique: cela veut parfois tout simplement dire qu’on ne considère pas le rationalisme comme une panacée capable de résoudre tous les problèmes. Ensuite, le vieux-conservatisme rejette l’idée d’un droit naturel mais non pas celle d’un ordre naturel, dit “chrétien” mais qui dérive en fait de l’aristotélisme antique, via l’interprétation médiévale de Thomas d’Aquin. Ce mélange de thomisme, de médiévisme et de romantisme connaîtra un certain succès dans les provinces catholiques d’Allemagne et dans la zone dite “baroque” de la Flandre à l’Italie du Nord et à la Croatie.

“Fluidifier les concepts”

Tels sont donc les ingrédients divers de la “vieille droite” allemande, de l’Altkonservativismus. Pour Moeller, ces ingrédients ne doivent pas être rejetés a priori: il faut plutôt les présenter sous d’autres habits, en les dynamisant par la volonté (soit par l’idée post-nietzschéenne d’“assaut” chez Heidegger, formulée bien après après le suicide de Moeller, qui la devinait, chez qui elle était en germe). L’objectif philosophique fondamental, diffus, des courants de pensée, dans lesquels Moeller a été plongé depuis son arrivée à Berlin, à l’âge de vingt ans, est, comme le dira Heidegger plus tard, de “fluidifier les concepts”, de leur ôter toute rigidité inopérante. Le propre d’un “jeune-conservatisme” est donc, en fait, de briser les fixismes et de rendre un tonus offensif à des concepts que le 19ème siècle avait contribué à rendre désespérément statiques. Cette volonté de “fluidifier” les concepts ne se retrouvait pas qu’à droite de l’échiquier politique, à gauche aussi, on tentait de redynamiser un marxisme ou un socialisme que les notables et les oligarques partisans avaient rigidifié (cf. les critiques pertinentes de Roberto Michels). La politique est un espace de perpétuelles transitions: les vrais hommes politiques sont donc ceux qui parviennent à demeurer eux-mêmes, fidèles à des traditions —à une “Leitkultur” dirait-on aujourd’hui— mais sans figer ces traditions, en les maintenant en état de dynamisme constant, bref, répétons-le une fois de plus, l’état de dynamisme d’une anti-modernité moderniste.

De même, le regard que doivent poser les hommes politiques “jeunes-conservateurs” sur les peuples voisins de l’Allemagne est un regard captateur de dynamiques et non un regard atone, habitué à ne voir qu’un éventail figé de données et à le croire immuable. Pour Moeller, l’homme politique “jeune-conservateur” cherche en permanence à comprendre l’existence, les dimensions existentielles (et pas seulement les “essences” réelles ou imaginaires) des peuples et des nations ainsi que des personnalités marquantes de leur histoire politique, tout cela au départ d’un donné historique précis (localisé dans un espace donné qui n’est pas l’espace voisin ou l’espace éloigné ou l’espace du globe tout entier, comme le souhaiteraient les cosmopolites).

L’ordre naturel n’est pas immuable

Le “Jungkonservativismus” se démarque de l’“Altkonservativismus” en ne considérant pas l’ordre naturel comme immuable. Une telle vision de l’ordre naturel est jugée fausse par les “jeunes-conservateurs”, qui n’entendent pas retenir son caractère “immuable”, l’observation des faits de monde dans la longue période de transition que furent les années 1880-1920 n’autorisant pas, bien entendu, un tel postulat. De plus, la physique de la deuxième révolution thermodynamique ne retient plus la notion d’un donné physique, géographique, naturel, biologique stable. Au contraire, toutes les réalités, fussent-elles en apparence stables dans la durée, sont désormais considérées comme mouvantes. L’attitude qui consiste à se lamenter face à la fluidification des concepts, à déplorer la disparition de stabilités qu’on avait cru immuables, est inepte. Vouloir arrêter ou ralentir le flux du réel est donc une position inféconde pour les “jeunes-conservateurs”. Arthur Moeller van den Bruck exprime le sentiment de son “Jungkonservativismus” en écrivant que “les conservateurs ont voulu arrêter la révolution, alors qu’ils auraient dû en prendre la tête”. Il ne s’agit plus de construire des barrages, d’évoquer un passé révolu, de faire du médiévisme religieux ou, pour s’exprimer comme les futuristes dans la ligne de Marinetti, de se complaire dans le “passatisme”, dans l’académisme répétitif. Moeller ajoute que le piétisme des protestants prussiens est également une posture devenue intenable.

Troisième Voie

Vers 1870, les premiers éléments de nationalisme s’infiltrent dans la pensée conservatrice, alors que les vieux-conservateurs considéraient que toute forme de nationalisme était “révolutionnaire”, située à gauche de l’échiquier politique. Le nationalisme était effectivement une force de gauche en 1848, organisé qu’il était non en partis mais en associations culturelles ou, surtout, en ligues de gymnastique, en souvenir de “Turnvater Jahn”, l’hébertiste allemand anti-napoléonien. Les “vieux-conservateurs” considéraient ce nationalisme virulent et quarante-huitard comme trop dynamique et trop “bousculant” face aux institutions établies, qui n’avaient évidemment pas prévu les bouleversements de la société européenne dans la seconde moitié du 19ème siècle. Arthur Moeller van den Bruck propose une “troisième voie”: la répétition des ordres metternichien, bismarckien et wilhelminien est devenue impossible. Les “Jungkonservativen” doivent dès lors adopter une position qui rejette tout à la fois la réaction, car elle conduit à l’immobilisme, et la révolution, parce qu’elle mène au chaos (au “Règne de Cham” selon Merejkovski). Cette “troisième voie” (“Dritter Weg”) rejette le libéralisme en tant que réduction des activités politiques à la seule économie et en tant que force généralisant l’abstraction dans la société (en multipliant des facteurs nouveaux et inutiles, dissolvants et rigidifiants, comme les banques, les compagnies d’assurance, la bureaucratie, les artifices soi-disant “rationnels”, etc., dénoncés par la sociologie de Georges Simmel); le libéralisme est aussi le terreau sur lequel s’est développé ce que l’on appelait à l’époque le “philistinisme”. Carlyle, Matthew Arnold et les Pré-Raphaëlites anglais autour de Ruskin et de Morris avaient dénoncé l’effondrement de toute culture vraie, de toute communauté humaine saine, sous les coups de la “cash flow society”, de l’utilitarisme, du mercantilisme, etc. dans l’Angleterre du 19ème, première puissance libérale et industrielle du monde moderne. Comme l’avait envisagé Burke, ce libéral-utilitarisme était devenu une “continuité” et, à ce titre, une “légitimité”, justifiant plus tard l’alliance des libéraux (ou des “vieux-libéraux”) avec le vieux conservatisme. Les “Jungkonservativen” allemands d’après 1918 ne veulent pas d’une telle alliance, qui ne défend finalement rien de fondamental, uniquement des intérêts matériels et passagers, au détriment de tout principe (éternel). Pour défendre ces principes éternels, battus en brèche par le libéralisme, il faut recourir à des réflexes nationalistes et/ou socialistes, lesquels bousculent les concepts impassables du conservatisme sans les nier et en les dynamisant.

Critique du libéralisme

Le libéralisme, dans l’optique “jungkonservative”, repose sur l’idée d’un progrès qui serait un cheminement inéluctable vers du “meilleur”, du moins un “meilleur” quantitatif et matériel, en aucun cas vers une amélioration générale du sort de l’humanité sur un plan qualitatif et spirituel. L’idée de progrès, purement quantitative, dévalorise automatiquement le passé, les acquis, les valeurs héritées, tout comme l’idéal marchand, l’idéal spéculateur, du libéralisme dévalorise les valeurs éthiques et esthétiques, qui seules donnent sel au monde. Pour Moeller van den Bruck, c’est là la position la plus inacceptable des libéraux. Ignorer délibérément le passé, dans ce qu’il a de positif comme dans ce qu’il a de négatif, est une posture à rejetter à tout prix. Le libéral veut donc que l’on ignore obligatoirement tous les acquis du passé: son triomphe dans les premières années de la République de Weimar fait craindre une éradication totale et définitive des mémoires collectives, de l’identité allemande. Face à cette attitude, le “Jungkonservativismus” doit devenir le gardien des formes vivantes, des matrices qui donnent vie aux valeurs, pour ensuite les conduire jusqu’à leur accomplissement, leur paroxysme; il doit appeler à la révolte contre les forces politiques qui veulent que ces formes et matrices soient définitivement oubliées et ignorées; il doit également dépasser ceux qui entendent garder uniquement des formes mortes, relayant de la sorte le message des avant-gardes naturalistes, symbolistes, expressionnistes et futuristes. Ce recours implicite aux audaces des avant-gardes fait que le “Jungkonservativismus” n’est pas un “cabinet des raretés” (“eine Raritätenkammer”), un musée exposant des reliques mortes, mais un atelier (“ein Werkstatt”), où l’on bâtit l’avenir, n’est pas un réceptacle de quiétisme mais une forge bouillonnante où l’on travaille à construire une Cité plus conforme au “Règne de l’Esprit”. Pour les “jeunes-conservateurs”, les formes politiques sont des moyens, non des fins car si elles sont de simples fins, elles butent vite, à très court terme, contre leur finitude, et deviennent stériles et répétitives (comme à l’ère du wilhelminisme). Il faut alors trouver de nouvelles formes politiques pour lutter contre celles qui ont figé les polities, après avoir été, le temps de trouver leur “fin”, facteurs éphémères de fluidification des concepts.

Monarchiste ou républicain?

Alors, dans le contexte des années 1919-1925, le “Jungkonservativismus” est-il monarchiste ou républicain? Peu importe! L’idéal dynamique du “Jungkonservativismus” peut s’incarner dans n’importe quelle forme d’Etat. Comment cette perspective s’articule-t-elle chez Moeller van den Bruck? Son “Troisième Reich” pourra être monarchiste mais non pas wilhelminien, non pas nécessairement lié aux Hohenzollern. Il pourra viser l’avènement d’un “Volkskaiser”, issu d’une autre lignée aristocratique ou issu directement du peuple: cette idée est un héritage des écrits révolutionnaires de Wagner à l’époque des soulèvements de 1848. L’Etat est alors, dans une telle perspective, de forme républicaine mais il a, à sa tête, un monarque plébiscité. En dépit de son anti-wilhelminisme, Moeller envisage un Volkskaiser ou un “Jugendkaiser”, un empereur de la jeunesse, idée séduisante pour les jeunes du Wandervogel et de ses nombreux avatars et pour bon nombre de sociaux-démocrates, frottés de nietzschéisme. Contrairement à ce que voulaient les révolutionnaires français les plus radicaux à la fin du 18ème siècle, en introduisant leur calendrier révolutionnaire, l’histoire, pour Moeller, ne présente pas de nouveaux commencements: elle est toujours la continuité d’elle-même; les communautés politiques, les nations, sont immergées dans ce flot, et ne peuvent s’y soustraire. Il paraît par ailleurs préférable de parler de “continuité” plutôt que d’ “identité”, dans un tel contexte: les “jungkonservativen” sont bel et bien des “continuitaires”, en lutte contre ceux qui figent et qui détruisent en rigidifiant. Moeller van den Bruck préconise donc une sorte d’archéofuturisme (le néo-droitiste Guillaume Faye, à ce titre, s’inscrit dans sa postérité): les forces du passé allemand et européen sont mobilisées en des formes nouvelles pour établir un avenir non figé, en perpétuelle effervescence constructive. Moeller mobilise les “Urkräfte”, les forces originelles, qu’il appelle parfois, avec un lyrisme typique de l’époque, les “Urkräfte” barbares ou les “Urkräfte” de sang, destinées à briser les résistances “passatistes” (Marinetti).

De Novalis au wagnérisme

Les positions “bousculantes” du “Jungkonservativismus” interpellent aussi le rapport au christianisme. La révolution française avait appelé à lutter contre les “superstitions” de la religion traditionnelle de l’ancien régime: les réactions des révolutionnaires déçus par la violence jacobine et des contre-révolutionnaires, à l’époque romantique du début du 19ème siècle, vont provoquer un retour à la religion. Le romantisme était au départ en faveur de la révolution mais les débordements et les sauvageries des révolutionnaires français vont décevoir, ce qui amènera plus d’un ex-révolutionnaire romantique à retourner au catholicisme, à se convertir à l’idée d’une Europe d’essence chrétienne (Novalis). Dans une troisième étape, les ex-révolutionnaires et certains de leurs nouveaux alliés contre-révolutionnaires vont parfois remplacer Dieu et l’Eglise par le peuple et la nation: ce sera le romantisme nationalitaire, révolutionnaire non pas au sens de 1789 mais de 1848, celui de Wagner, qui, plus tard, abandonnera toutes références au révolutionarisme pour parier sur l’univers mythologique et “folciste” de ses opéras, censés révéler au peuple les fondemets mêmes de son identité, la matrice de la continuité dans laquelle il vit et devra inéluctablement continuer à vivre, sinon il court le risque d’une disparition définitive en tant que peuple. La fusion d’une volonté de jeter bas le régime metternichien du début du 19ème siècle et du recours aux racines germaniques les plus anciennes est le legs du wagnérisme.

Déchristianisation et nietzschéanisation

Après 1918, après les horreurs de la guerre des tranchées à l’Ouest, on assiste à un abandon généralisé du christianisme: peuples protestants et catholiques abandonnent les références religieuses piétistes ou sulpiciennes, impropres désormais à apaiser les âmes ensauvagées par une guerre atroce. Ou ne retiennent plus du christianisme que la virulence de certains polémistes comme Léon Bloy ou Jules Barbey d’Aurevilly, comme ce sera le cas dans les filons pré-rexistes en Belgique francophone ou chez les adeptes conservateurs-révolutionnaires du prêtre Wouter Lutkie aux Pays-Bas. Sans nul doute parce que la fougue de Bloy et de Barbey d’Aurevilly marche au vitriol, qui dissout les certitudes des “figés”. La déchristianisation d’après 1918 est tributaire, bien évidemment, de l’influence, de plus en plus grande, de Nietzsche. Le processus de sécularisation et de nietzschéanisation s’infiltre profondément dans les rangs “conservateurs”, les muant en “conservateurs-révolutionnaires”. On en vient à rejeter la promesse chrétienne d’un monde meilleur, “quiet” (dépourvu d’inquiétude incitant à l’action) et “bonheurisant”. Cette promesse est, aux yeux des nietzschéens, la consolation des faibles (cf. les thèses de Nietzsche dans “L’Antéchrist” et “La généalogie de la morale”). Moeller n’a pas une position aussi tranchée que les nietzschéens les plus virulents. Il demeure le lecteur le plus attentif de Dostoïevski, qui ne partageait pas l’anti-christianisme farouche de Nietzsche. Il garde sans doute aussi en mémoire les positions de Barbey d’Aurevilly, qu’il a traduit avec Hedda Maase à Berlin entre 1896 et 1902. Pour Moeller la culture allemande (et européenne) est le produit d’une fusion: celle de l’antiquité hellénique et romaine et du christianisme. Pour lui, il n’est ni pensable ni souhaitable que nous ne soyons plus l’incarnation de cette synthèse. L’objectif de la germanité innovante qu’il a toujours appelé de ses voeux est de forger une “Wirklichkeitsreligion”, une “religion du réel”, comme le suggéraient par ailleurs bon nombre d’ouvrages parus chez l’éditeur Eugen Diederichs à Iéna.

Cependant le christianisme n’est pas “national”, c’est-à-dire ne cherche pas à s’ancrer dans un humus précis, inscrit dans des limites spatio-temporelles repérables. Il est même anti-national sauf quand certaines forces de l’Eglise cherchent à protéger des catholiques vivant sous un statut de minorité opprimée ou marginalisée comme les Irlandais au Royaume-Uni, les Croates dans le nouveau royaume de Yougoslavie à dominante serbe ou les Flamands dans la Flandre des “petits vicaires” en rébellion contre leur hiérarchie francophile (Mercier), face aussi à un Etat à dominante non catholique ou trop prompt à négocier des compromis avec la part laïque, voire maçonnique, de l’établissement belge. Même scénario dans la sphère orthodoxe: les églises auto-céphales s’épaulent contre les offensives catholiques ou musulmanes. Mais une chose était désormais certaine, entre 1918 et 1925: depuis la révolution française, le christianisme a échoué à donner forme au cosmopolitisme dominant, qui est de facture libérale et laïque ou révolutionnaire et communiste (trotskiste). Le christianisme ne peut se sauver du naufrage que s’il adopte des contenus nationaux: c’est à quoi s’était employé le programme des éditions Eugen Diederichs, en rappelant que la conversion des Germains d’Europe centrale ne s’était pas faite par l’Evangile tel qu’on nous le lit encore lors des offices religieux mais par une version aujourd’hui oubliée, l’Heliand, le Sauveur, figure issue de la religiosité iranienne-sarmate importée en Europe par les cavaliers recrutés par Rome dans les steppes est-européennes et dont l’archéologie contemporaine révèle le rôle crucial dans l’émergence de l’Europe médiévale, non seulement autour du mythe arthurien mais aussi dans la geste des Francs et des Sicambres. Le Christ y est effectivement un homme à cheval qui pérégrine, armé et flanqué d’une douzaine de compagnons bien bâtis.

Ensuite, la conversion d’une vaste zone aujourd’hui catholique, de Luxueil-les-Bains au Tyrol autrichien, a été l’oeuvre de moines irlandais, dont le christianisme était quelque peu différent de celui de Rome. Le christianisme doit donc se “nationaliser”, comme il s’était germanisé (sarmatisé?) aux temps de la conversion, pour être en adéquation avec la spécificité “racique” des nouvelles ouailles nord-européennes ou issues de la cavalerie des Légions de l’Urbs. De même, le socialisme, lui aussi, doit puiser ses forces bousculantes dans un corpus national, religieux ou politique voire esthétique (avec impulsion nietzschéenne). L’apport “belge” (flamand comme wallon) est important à ce niveau: Eugen Diederichs avait fait traduire De Coster, Maeterlinck, De Man, Verhaeren et bien d’autres parce qu’ils apportaient un supplément de tonus à la littérature, à la religiosité “réalitaire” et à un socialisme débarrassé de ses oeillères matérialistes donc de ses cangues aussi pesantes que les bigoteries sulpiciennes de la religion conventionnelle, celle des puritains anglais ou suédois, fustigés par Lawrence et Strindberg, celle de Pobedonostsev, fustigée par Merejkovski et Rozanov.

Théologie et politique en Europe occidentale de 1919 aux années 60

Parce que les “Jungkonservativen” abandonnent les formes mortes du protestantisme et du catholicisme du 19ème siècle, les “Altkonservativen” subsistants ne les considèrent plus comme des “Konservativen” et s’insurgent contre l’audace jugée iconoclaste de leurs affirmations. Moeller van den Bruck rétorque: “Si le conservatisme ne signifie plus le maintien du statu quo à tout prix mais la fusion évolutionnaire du neuf avec la tradition vivante et, de même, induit le don de sens à cette fusion, alors il faut poser la question: un conservatisme occidental est-il possible sans qu’il ne soit orienté vers le christianisme?”. Moeller répond évidemment: “Oui”. Il avait d’abord voulu créer un mythe national, avec les huit volumes de “Die Deutschen”, incluant des éléments chrétiens, surtout luthériens. C’était le mythe de l’Allemand en perpétuelle rébellion contre les pesanteurs d’une époque, de son époque, dominée politiquement ou intellectuellement par l’étranger roman, celui-ci étant, alors, par déduction arbitraire, le vecteur de toutes les pesanteurs, de toutes les lourdeurs qui emprisonnent l’âme ou l’esprit, comme l’Asiatique, pour les Russes, était vecteur d’“enchinoisement”. Après la mort de Moeller, et dans le sillage des livres prônant un renouveau religieux réalitaire et enraciné, une théologie germanisée ou “aryanisée” fera florès sous le national-socialisme, une théologie que l’on analyse à nouveau aujourd’hui en la dépouillant, bien entendu, de toutes les tirades simplificatrices rappelant lourdement la vulgate du régime hitlérien. L’objectif des théologiens contemporains qui se penchent sur les oeuvres de leurs homologues allemands alignés sur le nouveau régime des années 30 vont au fond de cette théologie, ne se contentent pas de critiquer ou de répéter le vocabulaire de surface de ces théologies “aryanisées” ou germanisées, qui peut choquer aujourd’hui, mais veulent examiner comment on a voulu donner une substance incarnée à cette théologie (au nom du mythe chrétien de l’incarnation); il s’agit donc là d’une théologie qui réclame l’ancrage du religieux dans le réel politique, ethnique, linguistique et l’abandon de toute posture déréalisante, “séraphique” serait-on tenté de dire.

Après 1945, les discours officiels des églises protestantes et catholique s’alignent sur l’“humanisme” ou du moins sur ce qu’il est convenu de définir comme tel depuis les réflexions et les “aggiornamenti” de Jacques Maritain. Cet humanisme a été l’idéologie officielle des partis démocrates-chrétiens en Europe après 1945: on avait espéré, de cet humanisme, aligné sur Gabriel Marcel ou Jacques Merleau-Ponty, qu’il soit un barrage contre l’envahissement de nos polities par tous les matérialismes privilégiant l’avoir sur l’être. L’offensive néo-libérale, depuis la fin des années 70 du 20ème siècle, a balayé définitivement ces espoirs. L’“humanisme” des démocrates-chrétiens a été pure phraséologie, pure logorrhée de jongleurs politiciens, ne les a certainement pas empêchés de se vautrer dans les pires des corruptions, à l’instar de leurs adversaires (?) socialistes. Ils n’ont pas été capables de donner une réponse au néo-libéralisme ou, pire, les quelques voix qui se sont insurgées, même depuis les hautes sphères du Vatican, se sont perdues dans le tumulte cacophonique des médias: l’analyse de Moeller van den Bruck est donc la bonne, le libéralisme dissout tout, liens communautaires entre les hommes comme réflexes religieux.

Le jugement d’Armin Mohler

Armin Mohler, ancien secrétaire d’Ernst Jünger et auteur du manuel de référence incontournable, “Die konservative Revolution in Deutschland 1918-1932”, dresse le bilan de la déchristianisation graduelle et irréversible de la sphère politique, y compris en milieux “conservateurs”, toutes tendances confondues. Pour Mohler, le christianisme s’est effiloché et ne se maintient que par la “Trägheit der Wirklichkeit”, par la lenteur et la pesanteur du réel. Mohler: “Le christianisme, dans l’espace où tombent les décisions, a perdu sa position jadis englobante et, depuis lors, il n’est plus qu’une force parmi d’autres, y compris sous les oripeaux de ses traditions les plus fortes ou de ses ‘revivals’, tels le néo-thomisme ou la théologie dialectique”. Pire: “Ce processus [d’effilochement] s’est encore accéléré par l’effondrement de l’héritage antique, qui avait aidé le christianisme au fil des siècles à se donner forme. Les éléments de jadis sont donc encore là mais isolés, sans centre fédérateur, et virevoltent littéralement de manière fort désordonnée dans l’espace (politique/idéologique). Le vieux cadre de l’Occident comme unité nourrie par la migration des peuples [germaniques] en tant qu’éléments neufs dans l’histoire, est détruite et il n’y a pas encore de nouvelle unité en vue”. Mohler annonçait, par ces constats, la rupture entre la “nouvelle droite” et l’espace théologico-politique chrétien. Eugen Diederichs et Moeller van den Bruck ont également eu raison de dire que le christianisme devait être étoffé d’éléments réalitaires, comme a tenté de le faire à sa manière et sans générer d’“hérésie”, le Prof. Julien Ries, à l’Université de Louvain, notamment dans “Les chemins du sacré dans l’histoire” (Aubier, 1985): dans cet ouvrage, comme dans d’autres, il cherchait à cerner la notion de sacré dans le monde indo-européen suite aux travaux de Mircea Eliade. La mise en exergue de ces multiples manières indo-européennes d’appréhender le sacré, permetterait d’incarner celui-ci dans les polities et les “Leitkulturen” réelles et de les innerver sans les meurtrir ou les déraciner, barrant ainsi la route à l’envahissement de ces “laïcismes” sans substance ni profondeur temporelle qui se veulent philosophèmes de base du “révolutionarisme institutionalisé”.

Premier, Deuxième et Troisième Reich

Vu l’“effilochement” du christianisme, dès la fin du 19ème siècle, vu son ressac encore plus net après les boucheries de 1914-1918, les forces nouvelles dans la nouvelle Allemagne républicaine devaient créer un “cadre nouveau”, qui ne devait plus nécessairement être innervé d’apports chrétiens, du moins visibles, car, il ne faut pas l’oublier, toute idée politique possède un modèle théologique qu’elle laïcise, consciemment ou inconsciemment, comme le constatait Carl Schmitt. Pour Moeller van den Bruck, ce sera, à son corps défendant comme nous le verrons, un “Troisième Reich”; pour Mohler —désobéissant sur ce plan à Ernst Jünger, résigné et conscient qu’aucune politique féconde n’était encore suggérable à l’ère atomique, à partir de 1960, année où paraît son livre “L’Etat universel”— il fallait, dès la fin des années 50 du 20ème siècle, instaurer une Europe nouvelle, capable de décision, centrée autour du binôme franco-allemand du tandem De Gaulle-Adenauer, qui devait chercher systématiquement à s’allier aux Etats que les Etats-Unis décrétaient “infréquentables” (Chine, monde arabe,...). Au temps de Moeller van den Bruck, les cercles qu’il animaient font dès lors recours au mythe du “Reich” dans l’histoire germanique et lotharingienne. Dans cet espace germano-lotharingien, défini par les cartographes français contemporains, Jean et André Sellier comme étant l’addition des héritages de Lothaire et de Louis le Germanique lors du Traité de Verdun de 843, il y a eu un Premier Reich, celui d’Othon I qui va survivre vaille que vaille jusqu’à sa dissolution en 1806. Le Deuxième Reich est le Reich petit-allemand de Bismarck et de Guillaume II, qui ne comprend pas l’espace autrichien ni les anciens Pays-Bas ni la forteresse alpine qu’est la Suisse. Ce Reich, très incomplet par rapport à celui, par exemple, de Conrad II au 11ème siècle, n’englobe pas tous les Allemands d’Europe, ceux-ci sont disséminés partout et une émigration de grande ampleur conduit des masses d’Allemands à s’installer aux Etats-Unis (où leurs descendants constituent à peu près un quart de la population actuelle et occupent plus de la moitié des terres en zones non urbaines). Ce “Deuxième Reich” s’effondre en 1918, perdant encore des terres à l’Est comme à l’Ouest, créant de nouvelles minorités allemandes au sein d’Etats slaves ou romans. Un “Troisième Reich” doit prendre dès lors la relève mais il serait hasardeux et fallacieux de dire que les projets, formulés entre 1918 et 1925, aient tous anticipé le “Troisième Reich” de Hitler.

Origine théologienne des concepts politiques

Le “Premier Reich” est la promesse d’un Empire terrestre de mille ans, qui prend le relais d’un Empire romain, de l’Ordo Romanus, désormais assumé par les Francs (Charles Martel, Pépin de Herstal, Pépin le Bref, Charlemagne) puis par l’ensemble des peuples germaniques (Othon I et ses successeurs). Il est dès lors un “Saint-Empire” christianisé et porté par la nation germanique, un “Sacrum Imperium Romanum Nationis Germaniae”, un “Saint-Empire romain de la nation germanique”. Le concept d’Empire, de “Reich”, revêt une double signification: il est la structure politique impériale factuelle que l’on a connue à partir d’Othon I puis à partir de Bismarck. Il est aussi le “Regnum”, le “Règne” religieux, défini par la théologie depuis Augustin. Comme Moeller van den Bruck a fréquenté de très près Dmitri Merejkovski, il est évident que la notion de “Reich” qu’il utilise dans ses écrits est plus proche de la notion théologique de “Règne” que de la notion politique, mise en oeuvre par Bismarck d’abord, par Hitler ensuite (qui sont des imitateurs de Napoléon plutôt que des disciples d’Augustin). Moeller n’a donc pas de discours religieux en apparence mais est subrepticement tributaire de la théologie sollicitée par Merejkovski. Dans son étude patronnée par Karl Jaspers, Armin Mohler —schmittien conscient de l’origine théologienne de tous les concepts politiques modernes— rappelle justement l’origine théologienne des notions d’“Empire de l’Esprit Saint” et de “Troisième Règne”. Il rappelle la vision de Montanus, chef d’une secte chrétienne de Hierapolis en Phrygie au 2ème siècle après J. C., dont le prophétisme s’était rapidement répandu dans le bassin méditerranéen, y compris à Rome où deux écoles “montanistes” cohabitaient, dont celle de Proclos, qui influencera Tertullien. Ce dernier prendra fait et cause pour le prophétisme montaniste, qu’il défendra contre les accusations d’un certain Praxeas. Le montanisme et les autres formes de prophétisme, décrétées hérétiques, puisent leurs inspirations dans l’Evangile de Jean. Toute une littérature johannite marque le christianisme jusqu’au moyen âge européen. Elle a pour dénominateur commun d’évoquer trois visions du monde qui se succéderont dans le temps. La troisième de ces visions sera entièrement spiritualisée. Ce sera le “Règne de l’Esprit”.

Joachim de Flore

Joachim_de_flore.jpgJoachim de Flore développe une sorte de “mythe trinitaire”, où le “Règne du Père” constitue la “vieille alliance”, le “Règne du Fils”, la “nouvelle alliance” et le “Règne” à venir, celui de l’esprit saint. La “vieille alliance”, procédant de la transmission de la “Loi” à Moïse, débouche involontairement, par “hétérotélie”, sur un esclavage des hommes sous la férule d’une Loi, devenue trop rigide au fil du temps; le “Règne du Fils” vient délivrer les hommes de cet esclavage. Mais entre les divers “Règnes”, il y a des périodes de transition, d’incubation. Chaque “Règne” a deux commencements: celui, initial, où ses principes se mettent progressivement en place, tandis que le “Règne” précédent atteint sa maturité et amorce son déclin, et celui où il commence vraiment, par la “fructification”, dit Joachim de Flore, le précédent ayant alors terminé son cycle. Il existe donc des périodes de transition, où les “Règnes” se chevauchent. Celui du Fils commence avec l’arrivée du Christ et se terminera par le retour d’Elie, qui amorcera le “Règne de l’Esprit Saint”, celui-ci hissera alors, après la défaite des Mahométans, l’humanité au niveau supérieur, celui de l’amour pur de l’esprit saint, message de l’Evangile éternel, bref, le “Troisième Règne” ou le “Troisième Reich”, les termes français “Règne” et “Empire” se traduisant tous deux par “Reich” en allemand. De Joachim de Flore à Merejkovski, le filon prophétique et johannite est évident: Moeller van den Bruck le laïcise, le camoufle derrière un langage “moderne” et a-religieux, avec un certain succès dû au fait que le terme était prisé par une littérature subalterne, ou une para-littérature, qui, entre 1885 et 1914, présente des utopies ou des Etats idéaux de science-fiction qui évoquent souvent un “Troisième Reich”, société parfaite, débarrassée de toutes les tares du présent (wilhelminien); parmi ces ouvrages, le plus pertinent étant sans doute celui de Gerhard von Mutius, “Die drei Reiche” (1916).

Quand paraît “Das Dritte Reich”...

En 1923, quand son manuscrit est prêt à l’impression, Moeller ne choisit pas pour titre “Das Dritte Reich” mais “Die dritte Partei” (= “Le tiers-parti”), formation politique appelée à se débarrasser des insuffisances révolutionnaires, libérales et vieilles-conservatrices. On suggère à Moeller de changer de titre, d’opter par exemple pour “Der dritte Standpunkt” (= “La troisième position”). Finalement, pour des raisons publicitaires, on opte pour “Das Dritte Reich”, car cela a des connotations émotives et eschatologiques. Cela rappelle quantité d’oeuvres utopiques appréciées des contemporains. Du vivant de Moeller, le livre est un vrai “flop” éditorial. Ce n’est qu’après sa mort que ce petit volume programmatique connaîtra le succès, par ouï-dire et par le lancement d’une édition bon marché auprès de la “Hanseatische Verlagsanstalt”. L’idée de “Reich” n’apparaît d’ailleurs que dans le dernier chapitre, ajouté ultérieurement! Les cercles et salons fréquentés et animés par Moeller ne doivent donc pas être considérés comme les anti-chambres du national-socialisme, même si des personnalités importantes comme Stadtler ont fini par y adhérer, après le suicide du traducteur de Baudelaire et de Dostoïevski. Grâce à un travail minutieux et exhaustif du Prof. Wolfgang Martynkiewicz (“Salon Deutschland – Geist und Macht 1900-1945”, Aufbau Verlag, 2011), on sait désormais que c’est plutôt le salon des époux Hugo et Elsa Bruckmann, éditeurs à Munich et animateurs d’un espace de débats très fréquenté, qui donnera une caution pleine et entière au national-socialisme en marche dès la fin des années 20, alors que ce salon avait attiré les plus brillants esprits allemands (dont Thomas Mann et Ludwig Klages), conservateurs, certes, mais aussi avant-gardistes, libéraux, socialistes et autres, inclassables selon l’étiquettage usuel des politistes “normalisés” d’aujourd’hui, notamment les “anti-fascistes” auto-proclamés.

Un état de tension militante permanente

Pour Moeller van den Bruck, préfacé en France par Thierry Maulnier, post-maurrassien et non-conformiste des années 30 (cf. Etienne de Montety, “Thierry Maulnier”, Perrin-Tempus, 2013), l’idée de “Reich”, c’est-à-dire, selon son mentor Merejkovski, l’idée d’un “Règne de l’Esprit Saint”, est aussi et surtout —avant d’être un état stable idéal, empreint de quiétude— un état de tension militante permanente. Ce “Troisième Empire”, qui n’est évoqué que dans le dernier chapitre du livre du même nom, et constitue d’ailleurs un addendum absent de la première édition, n’adviendra pas nécessairement dans le réel puisqu’il est essentiellement une tension permanente qu’il s’agit de ne jamais relâcher: les élites, ou les “élus”, ceux qui ont compris l’essence de la bonne politique, qui n’est ni le fixisme déduit de l’idée d’un ordre naturel immuable ni le chaos du révolutionnarisme constant, doivent sans cesse infléchir les institutions politiques dans le sens de ce “Troisième Règne” de l’Esprit, même s’ils savent que ces institutions s’usent, s’enlisent dans l’immobilité; il y a donc quelque chose du travail de Sisyphe dans l’oeuvre des élites politiques constantes.

Dans les écrits antérieurs de Moeller van den Bruck, on peut repérer des phrases ou des paragraphes qui abondent déjà dans ce sens; ainsi en 1906, il avait écrit: “L’Empire de la troisième réconciliation va combler le fossé qu’il y a entre la civilisation moderne et l’art moderne”. Dans les années 1906-1907, Moeller évoque la “Sendungsgedanke”, l’idée de mission, religieuse et forcément a-rationnelle, dont les racines sont évidemment chrétiennes mais aussi révolutionnaires: le christianisme a apporté l’idée d’une mission “perfectibilisante” (mais c’est aussi un héritage du mithraïsme et de ses traductions christianisées, archangéliques et michaëliennes); quant aux révolutionnaires français, par exemple, ils font, eux aussi, montre d’une tension militante dans leur volonté de promouvoir partout l’idéal des droits de l’homme. Pour parvenir à réaliser cette “Sendungsgedanke”, il faut créer des communautés pour les porteurs de l’idée, afin que la dynamique puisse partir d’en haut et non de la base, laquelle est plongée dans la confusion; ces communautés doivent se développer au-delà des Etats existants, que ceux-ci soient les Etats allemands (Prusse, Bavière, Baden-Würtemberg) ou soient les pays autrichiens ou les nouveaux Etats construits sur les débris de l’Empire austro-hongrois, où vivent des minorités allemandes, ou soient des Etats quelconques dans le reste de l’Europe où vivent désormais des populations allemandes résiduaires ou très minoritaires. Les porteurs de l’idée peuvent aussi appartenir à des peuples proches de la culture germanique (Baltes, Flamands, Hollandais, Scandinaves, etc.). Ces communautés de personnalités chosies, conscientes des enjeux, formeront le “parti de la continuité” (Kontinuität), celui qui poursuivra donc dans la continuité l’itinéraire, la trajectoire, de l’histoire allemande ou germanique. Ce parti rassemblera des Allemands mais aussi tous ceux qui, indépendamment de leur ethnicité non germanique, partageront les mêmes valeurs (ce qui permet de laver Moeller de tout soupçon d’antisémitisme et, forcément, d’antislavisme).

De Moeller à la postmodernité

Nous constatons donc que, dans le sillage de Dostoïevski et Merejkovski, Moeller van den Bruck parie résolument sur le primat de l’esprit, des valeurs. Ces communautés et ce futur parti constituent dès lors, à eux tous, une “Wertungsgemeinschaft” (une communauté de valeurs), Moeller étant le seul à avoir utilisé cette expression dans ses écrits à l’époque. Autre aspect qui mérite d’être souligné: Moeller anticipe en quelque sorte les bons filons aujourd’hui galvaudés de la postmodernité; c’est en ce sens qu’Armin Mohler —qui avait la volonté de perpétuer la “révolution conservatrice”— avait voulu embrayer sur le discours postmoderne à la fin des années 80 du 20ème siècle; en effet, Moeller avait écrit: “Wir müssen die Kraft haben, in Gegensätzen zu leben”, “Nous devons avoir la force de vivre au beau milieu des contradictions (du monde)”. Moeller avait vécu très intensément l’effervescence culturelle de la Belle Epoque, avant l’emprise sur les âmes des totalitarismes d’après 1917, magnifiquement mise en scène dans les romans noirs de Zamiatine et Mikhaïl Boulgakov. L’oeuvre de Moeller van den Bruck est le résultat de cette immersion. La Belle Epoque acceptait ses contradictions, les confrontait dans la convivialité et la courtoisie. Les totalitarismes ne les accepteront plus. Après l’effondrement du “grand récit” communiste (hégélo-marxiste), suite à la perestroïka et la glasnost de Gorbatchev, le monde semble à nouveau prêt à accepter de vivre avec ses contradictions, d’où la pensée “polythéiste” d’un Jean-François Lyotard ou d’un Richard Rorty. Mais l’espoir d’un renouveau tout à la fois postmoderne et révolutionnaire-conservateur, que nous avions cultivé avec Mohler, s’effondrera dès le moment où le néo-libéralisme niveleur et le bellicisme néo-conservateur américain, flanqués des “idiots utiles” de la “nouvelle philosophie parisienne” (avec Bernard-Henri Lévy), auront imposé une “political correctness”, bien plus homogénéisante, bien plus arasante que ne l’avait été le communisme car elle a laissé la bride sur le cou, non seulement à l’engeance des spéculateurs, mais aussi à tout un fatras médiatique festiviste et à un “junk thought” ubiquitaire, qui empêche les masses d’avoir un minimum de sens critique et qui noie les rationalités du “zoon politikon” dans un néant de variétés sans fondements et de distractions frivoles.

Le peuple portera l’idée de “Reich”

En termes politiques, l’acceptation moellerienne des contradictions du monde le conduit à esquisser la nature du “Reich” à venir: celui-ci ne pourra pas être centralisé car toute centralisation excessive et inutile conduit à un égalitarisme araseur, qui brise les continuités positives. Le “Troisième Reich” de Moeller entend conserver les diverses dynamiques, convergentes ou contradictoires, qui ont été à l’oeuvre dans l’histoire allemande (et européenne) et la nouvelle élite “jungkonservativ” doit veiller à maintenir une “coïncidentia oppositorum”, capable de rassembler dans l’harmonie des forces au départ hétérogènes, à l’oeuvre depuis toujours dans la “continuité” allemande. C’est le peuple, le Volk, qui doit porter cette idée de “Reich”, dans le même esprit, finalement, que le “populus romanus” portait les “res publicae” romaines puis, en théorie, l’Empire à partir d’Auguste. Ou du moins l’élite consciente de la continuité qui représente le peuple, une continuité qui ne peut se perpétuer que si ce peuple demeure, en évitant, si possible, toute “translatio imperii” au bénéfice d’une tierce communauté populaire, dont le moment historique viendra ultérieurement. Le Sénat romain —l’assemblée des “senes”, homme plus âgés et dotés, par la force de l’âge, d’une mémoire plus profonde que les “adulescentes” (hommes de 15 à 35 ans) ou même que les “viri” (de 35 à 50 ans)— était le gardien de cet esprit de continuité, qu’il ne fallait pas rompre —en oubliant les rituels— afin de préserver pour l’éternité le “mos majorum”, d’où l’expression “Senatus PopulusQue Romanus” (SPQR), la longue mémoire étant ainsi accolée à la source vive, vitale, de la populité romaine. La Belle Epoque subit, elle, de plein fouet une remise en question générale de l’ordre, qui ne peut plus être perçu comme figé: avec des personnalités comme Moeller, elle parie pour les “adulescentes” et les “viri”, à condition qu’ils fassent éclore des formes nouvelles, pour remplacer les formes figées, qui exprimeront mieux le “mos majorum”, germanique cette fois, car le germanisme d’avant 1914 était, selon l’étude magistrale et copieuse de Peter Watson (cf. supra), une “troisième renaissance” dans l’histoire culturelle européenne, après la renaissance carolingienne et la renaissance italienne. Toute renaissance étant expression de jouvence, d’où l’usage licite des termes “jung” et “Jungkonservativismus”, si l’on veut agir et oeuvrer dans le sens de cette “troisième renaissance” qui n’a pas encore déployé toutes ses potentialités.

Moeller parle donc d’un Empire porté par le peuple et par la jeunesse du peuple, instances vitales, et non par l’Etat puisque la machine étatique wilhelminienne a figé, donc tué, l’énergie vitale que nécessité la mission impériale de la jeunesse, en multipliant les formes abstraites, en oblitérant le vivant populaire par toute sorte d’instances figeantes, appelées à devenir tentaculaires: dénoncer cette emprise croissante des rationalités figées sera la leçon du sociologue Georg Simmel et de sa longue postérité (jusqu’à nos jours), ce sera aussi le message angoissé et pessimiste du “Château” de Franz Kafka. Parmi les instances figeantes, il faut compter les partis qui, comme le soulignait un socialiste engagé puis déçu tel Roberto Michels, finissaient par ne plus représenter le peuple des électeurs mais seulement des oligarchies détachées de celui-ci. La démocratie nécessaire au bon fonctionnement du nouveau “Reich” ne doit pas représenter la base par des partis mais, explique Moeller van den Bruck, par des corporations (expressions de métiers réels), des ordres professionnels, des conseils ou des soviets ouvriers, des syndicats. Indirectement, peut-être via Thierry Maulnier, préfacier du “Troisième Reich” de Moeller et chroniqueur du “Figaro” après 1945, ces idées de Moeller (mais aussi de Heinz Brauweiler) auront un impact sur les idées gaulliennes des années 60, celles de la participation et de l’intéressement, celle aussi du Sénat des Régions et des Professions. Le rôle des “non-conformistes” français des années 30 et des néo-socialistes autour de Marcel Déat, lui-même inspiré par Henri De Man, a sans nul doute été primordial dans cette transmission, malgré tout incomplète. Le Sénat, envisagé par les gaullistes après la rupture avec l’OTAN, était appelé, s’il avait été instituté, à représenter un tissu social réel et performant au détriment de politiciens professionnels qui ne produisent que de la mauvaise jactance et finissent par se détacher de toute concrétude.

“Ostideologie”

Ces spéculations sur le “Troisième Règne” à venir, sur le “Règne de l’Esprit” débarrassé des pesanteurs anciennes, s’accompagnaient, dans l’Allemagne des premières années de la République de Weimar, par une volonté de lier le destin du pays à la Russie, fût-elle devenue soviétique. Lénine était d’ailleurs revenu de Suisse dans un wagon plombé avec la bénédiction du Kaiser et de l’état-major général des armées allemandes. Sans cette bénédiction, on n’aurait sans doute jamais entendu parler d’une Russie bolchevisée, tout au plus d’une pauvre Russie qui aurait sombré dans le chaos de la pusillanimité menchevik (cf. Soljénitsyne) ou serait revenue à un tsarisme affaibli, après la victoire des armées blanches, soutenues par l’Occident. Cette volonté de lier l’Allemagne vaincue à la nouvelle puissance de l’Est s’appelle, dans le langage des historiens et des politologues, l’“Ostideologie” ou le national-bolchevisme. L’Ostideologie n’est ni une idée neuve en Allemagne, et en particulier en Prusse, ni une idée dépassée aujourd’hui, les liens économiques de l’Allemagne de Schröder et de Merkel avec la Russie de Poutine attestant la pérennité de cette option, apparemment indéracinable. La permanence de cette volonté d’alliance prusso-russe depuis Frédéric II et depuis les accords de Tauroggen contre Napoléon I explique le succès que le “national-bolchevisme” a connu au début des années 20, y compris dans des cercles peu propices à applaudir à l’idéologie communiste. Depuis la Guerre de Sept Ans au 18ème siècle, depuis le retournement de la Prusse après le désastre napoléonien de la Bérézina, nous avons eu plus de 150 ans d’Ostpolitik: Willy Brandt, ancien des Brigades Internationales lors de la Guerre d’Espagne, la relance sur l’échiquier politique européen dès la fin des années 60, dès la fin de l’ère Adenauer et de la Doctrine Hallstein. Elle se poursuivra par les tandems Kohl/Gorbatchev et Schröder/Poutine, visant surtout des accords énergétiques, gaziers. La chute de Bismarck a mis un terme provisoire à l’alliance implicite entre l’Allemagne et la Russie tsariste, colonisée par les capitaux français. En 1917, la révolution russe reçoit le soutien de l’état-major allemand, puisqu’elle épargne à l’Allemagne une guerre sur deux fronts, tout en lui procurant un apport de matières premières russes. Seule l’intervention américaine a sauvé les Français et les Britanniques d’une défaite calamiteuse.

L’option pro-soviétique

En novembre 1918, les Soviets proposent d’envoyer deux trains de céréales pour rompre le blocus anglais qui affame les grandes villes allemandes. Les sociaux-démocrates, vieux ennemis de la Russie tsariste d’avant 1914, contre laquelle ils avaient voté les crédits de guerre, refusent cette proposition car, même après novembre 1918, ils demeurent toujours, envers et contre tout, des ennemis de la Russie, malgré qu’elle soit devenue bolchevique . Ils avancent pour argument que les Etats-Unis ont promis du blé pour tenir une année entière. Ce refus est un des faits les plus marquants qui ont suscité les clivages des premières années de Weimar: la gauche sociale-démocrate au pouvoir reste anti-russe et devient donc, dans un esprit de continuité et par le poids des habitudes, anti-bolchevique, tandis que la droite, divisée en plusieurs formations partisanes, adopte des positions favorables à la nouvelle Russie soviétique, sans pour autant soutenir les communistes allemands sur le plan intérieur. Lloyd George perçoit immédiatement le danger: la sociale-démocratie risque de perdre sa base électorale et la droite musclée risque bel et bien de concrétiser ses projets d’alliance avec les Soviets. Il demande à Clémenceau de modérer ses exigences et écrit: “The greatest danger that I see in the present situation, is that Germany may throw her lot with Bolshevism and place her resources, her brains, her vast organizing power at the disposal of the revolutionary fanatics whose dreams it is to conquer the world for Bolshevism by force of arms”. En dépit de cet appel britannique à la modération, Versailles, en juin 1919, consacre le triomphe de Clémenceau. D’où l’option pro-soviétique demeure le seul moyen de s’en sortir pour l’Allemagne vaincue.

Hugo Stinnes, pour le cartel industriel, les généraux von Seeckt et von Schleicher pour l’état-major, joueront cette carte. D’une part, les Britanniques avaient imposé un blocus de longue durée à l’Allemagne, provoquant une famine désastreuse et des centaines de milliers de morts. Après avoir infligé ce sort à l’Allemagne, les deux puissances occidentales de l’Entente l’appliquent ensuite à la Russie soviétique. Sous l’impulsion des élites industrielles et militaires, désormais russophiles, l’Allemage refuse de participer au blocus anti-soviétique. En juillet 1920, l’armée rouge entre en Pologne: les Allemands restent neutres et refusent qu’armes et appuis logistiques transitent par leur territoire. Les ouvriers du port de Dantzig se mettent en grève, privant la Pologne de tous approvisionnements. C’est à ce moment-là que l’on commence aussi à parler de “Dritte Kraft”, de “Troisième Force”: il ne s’agit alors nullement du KPD communiste ou d’éléments précurseurs de la NSDAP mais de la KAPD, une dissidence communiste et nationale, née à Hambourg en avril 1920 et dirigée par Lauffenberg et Wolfheim. Ce parti, somme toute groupusculaire, fera long feu mais sa courte existence donne naissance au vocable “national-bolchevisme”, vu qu’il avait essayé d’harmoniser en son sein éléments nationalistes et éléments communistes radicaux. Le “Solidarier” et membre du “Ring” Ernst Troeltsch, dans un article du 12 novembre 1920, résume la situation: “La pression de l’Entente détruit toutes les conditions de vie et radicalise les masses affamées; le succès du bolchevisme en Allemagne encourage l’Entente à cultiver d’autres projets de destruction, tant et si bien que les croisements idéologiques les plus étonnants verront le jour: une partie du monde ouvrier va devenir radicalement nationaliste et une partie de la bourgeoisie se fera bolchevique; quant aux adversaires les plus rabiques de l’Entente, ils se placeront aux côtés du capitalisme de l’Entente pour se sauver du bolchevisme et les adversaires les plus radicaux de la classe ouvrière se convertiront à une sorte de bolchevisme du désarroi”. Les repères habituels sont dès lors brouillés et les extrêmes se rejoignent, en dépit de ce qui les a différenciées (cf. Jean-Pierre Faye, qui a démontré qu’en de tels moments, “les extrémités du fer à cheval idéologico-politique se touchent”).

Rapallo

 

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Le résultat le plus tangible de ce national-bolchevisme diffus, partagé par les ouvriers de Hambourg comme par les généraux de l’état-major ou les dirigeants des gros cartels industriels de l’Allemagne, est le Traité de Rapallo (1922) signé entre Rathenau et Tchitchérine, inaugurant ainsi la phase évolutionnaire et non plus révolutionnaire du national-bolchevisme.

mvb10.jpgLes milieux déplomatiques le reprennent à leur compte sous la houlette du Comte Ulrich von Brockdorff-Rantzau, ancien ministre des affaires étrangères de la République de Weimar (cabinet Scheidemann), démissionnaire pour ne pas avoir à signer le Traité de Versailles, puis ambassadeur allemand à Moscou (en 1922). Avec deux autres diplomates, Rudolf Nadolny et Richard von Kühlmann, il avait mis au point la stratégie de “révolutionner” la Russie en 1917, pour que le Reich n’ait plus à lutter sur deux fronts. Les trois diplomates s’étaient assuré le concours du banquier Alexander Parvus, artisan financier de la révolution bolchevique (cf. Gerd Koenen, v. bibliographie). Malgré son passé d’artisan majeur de la prise du pouvoir par Lénine en Russie, von Brockdorff-Rantzau, aristocrate favorable à un régime populaire et démocratique, favorable aussi à des liens limités avec l’URSS, n’acceptera pas les clauses du Traité de Rapallo, jugé trop bénéfique aux Soviétiques. Il sera en revanche l’artisan du Traité de Berlin (cf. infra). De même, le principal soutien de Stadtler et de sa “Ligue anti-bolchevique”, Karl Helfferich, intriguera contre le Traité de Rapallo et contre Walther Rathenau, qui finira assassiné par des éléments issus des Corps Francs, dont l’écrivain Ernst von Salomon.

Débat: Radek, Moeller, Reventlow

En cessation de paiement, la République de Weimar doit accepter en 1923 l’occupation de la Ruhr par les troupes françaises et belges qui se paieront en nature pour honorer les réparations imposées à l’Allemagne par le Traité de Versailles. Les communistes s’insurgent contre cette occupation. Karl Radek prononce un discours contre les occupants, suite à l’exécution, par les Français, de l’officier nationaliste Albrecht Leo Schlageter, qui avait organisé des opérations de sabotage pour entraver la logistique des troupes d’occupation ou pour éliminer les séparatistes rhénans, stipendiés par Paris. Radek pose Schlageter comme une “victime des capitalistes de l’Entente”. Le Comte Ernst zu Reventlow, nationaliste, rédige même un article en faveur de Schlageter dans le journal communiste “Die Rote Fahne”. Pour répondre directement aux questions que lui avait posées Radek dans les colonnes de “Die Rote Fahne”, Moeller entre, à son tour, dans le débat, où nationalistes et communistes conjugueront leurs efforts pour mettre fin à l’occupation de la Ruhr. Il rédige trois articles dans “Gewissen”, en réponse à Radek. Il précise que sur le plan de la “politique spatiale”, de la “Raumpolitik”, les destins de l’Allemagne et de la Russie sont unis, inexorablement unis, mais il réfute le centralisme bolchevique et s’oppose à toute politique communiste visant à tout centraliser autour du PCUS.

Pour Arthur Moeller van den Bruck, l’URSS doit renoncer à son agitation en Allemagne, ne plus faire du communisme un instrument de subversion et laisser éclore et se développer un “socialisme allemand”, qui serait son allié et non son “clone”, se défaire d’un radicalisme inopérant sur le long terme (Gorbatchev!) et développer un socialisme véritablement démocratique. Moeller précise aussi que le prolétariat allemand peut certes être l’instrument d’une révolution aussi bien communiste que nationaliste, d’une révolution libératrice; toutefois, ce prolétariat, rappelle le Prof. Louis Dupeux en citant Moeller, forme bien sûr la “majorité arithmétique” de la nation mais il “n’est pas capable d’administrer la très complexe économie allemande”, bien différente et bien plus ancienne et diversifiée que l’économie russe. Pour Moeller, uniquement les “travailleurs intellectuels” peuvent remédier aux lacunes et aux insuffisances politiques du prolétariat parce qu’ils sont conscients des enjeux: les entrepreneurs allemands ne sont pas des capitalistes mais d’autres “travailleurs intellectuels” —différents des littérateurs et des philosophes aux regards plus perçants et dépositaires de la “longue mémoire”— car, contrairement à leurs homologues occidentaux, ils créent des valeurs (matérielles et exportables), ne sont pas des spéculateurs mais les administrateurs du génie productif des ingénieurs innovateurs, eux aussi expression du génie populaire. Géopolitiquement, l’Allemagne et la Russie, devenue bolchévique, sont liées par un “destin tellurique” —elles se procurent mutuellement une liberté de mouvement en politique étrangère— mais l’alliance potentielle et indéfectible entre les deux puissances ne peut se faire sous le signe du seul bolchevisme léniniste car celui-ci conduira au blocage de l’économie russe. Seulement aux conditions énoncées par Moeller dans “Gewissen” en réponse à Radek, une coopération entière et permanente est possible. Moeller garde donc une vision particulière, non bolchévique et véritablement “jungkonservativ” de la Russie, héritage direct de son mariage avec Lucie Kaerrick, de son travail de traducteur avec Less Kaerrick et de son amitié pour Merejkovski. Reste à constater que Moeller est prophète: la perestroïka de Gorbatchev et les accords Poutine/Schröder et Poutine/Merkel, bien analysés par le diplomate contemporain Alexander Rahr, sont autant de faits politiques et géopolitiques contemporains qui démontrent que le dialogue germano-russe est possible et fécond mais sans bolchevisme pétrifiant, avec toutefois un système russe plus dirigiste, non occidental, non influencé par le manchestérisme et la spéculation financière, et un système allemand, fidèle à ce que l’économiste français Michel Albert appelait le “capitalisme patrimonial rhénan”.

Jouvence russe et allemande

L’immersion profonde de Moeller dans l’univers romanesque de Dostoïevski le conduit à croire que la spiritualité russe est un ingrédient nécessaire à la renaissance allemande, idée partagée aussi par Eugen Diederichs qui avait fait traduire de nombreux auteurs russes et slaves. Cette spiritualité russe et dostoïevskienne, ainsi que l’apport de Merejkovski, est appelée à faire contre-poids à l’influence occidentale, qui distille dans l’Allemagne les idées délétères de la révolution française et du manchestérisme anglais. Cette spiritualité est aussi perçue comme un élément d’éternelle jouvence, comme un barrage sûr contre la sénescence à laquelle l’occidentalisme conduit les peuples (idée réactualisée par Edouard Limonov qui décrit l’Occident contemporain comme un “Grand Hospice”). Les Slaves —avec les idéologues panslavistes, qui se font les véhicules des idées lancées par Nikolaï Danilevski au 19ème siècle— se considèrent comme des peuples jeunes, parce qu’ils sont plus spiritualisés que les Occidentaux laïcisés et trop rationalisés, parce qu’ils ont une démographie plus prolifique. Immédiatement après la première guerre mondiale, Moeller van den Bruck mobilise l’idée de “peuple jeune” dans une polémique anti-française: la France est alors campée comme une “vieille nation”, à la démographie défaillante depuis plusieurs décennies, qui n’a pu vaincre l’Allemagne que parce qu’elle s’était alliée à deux peuples jeunes, les Américains et les Russes. Si l’Allemagne avait été alliée à la Russie, elle aurait incarné un principe de “plus grande jouvence” et les soldats allemands et russes, portés par l’élan putatif de leur jeunesse intrinsèque, se seraient promenés sur les Champs Elysées et sur la Canebière; un facteur de sénescence particulièrement dangereux pour l’Europe aurait été éliminé, pensaient Moeller van den Bruck et son entourage. Pour faire charnière entre l’idée russe d’une jouvence slave et l’injection (ou la ré-injection) d’idéologèmes de jouvence dans l’espace politique allemand, il faut raviver le “mythe prussien”, pense Moeller. La Prusse est effectivement un mélange d’ingrédients germaniques, vénètes (“wendisch”), slaves et baltes. Ce cocktail interethnique, réussi selon Moeller van den Bruck, doit devenir l’élément de base, l’élément essentiel, du futur Reich, et le territoire sur lequel il s’est constitué devenir son centre de gravitation historique, situé plus à l’Est, dans une région non soumise aux influences françaises et anglaises. L’esthétique visibilisée, l’urbanisme nouveau et l’architecture de prestige de l’Etat seront alors les signes de cette prussianisation de l’Allemagne: ils seront autant de réactualisations de l’esprit de l’architecture du classicisme prussien, des réactualisations à peine modifiées des oeuvres de Gilly, Schinckel,etc.

Dans le “Dictionnaire politique”, édité par le “Juni-Klub”, Max Hildebert Boehm écrivait: “La jeunesse de gauche et de droite trouve un terrain d’entente quand il s’agit de rejeter l’occidentalisme bourgeois et perçoit dans la contamination morale qu’irradie l’Occident vieillissant, surtout par le biais de l’américanisation, le pire des dangers pour la germanité. Contre les miasmes empoisonnés qui nous viennent de l’Occident, il nous faut constituer un front intellectuel contre l’Ouest...”. On notera ici que Boehm considère l’Amérique comme facteur de sénescence ou de contamination morale, alors que Moeller la considérait comme un élément de jouvence.

Nous avons surtout insisté, dans ce bref essai, sur trois aspects du livre le plus célèbre de Moeller van den Bruck, à défaut d’être le plus original et le plus profond: la définition du “Jungkonservativismus” (incompréhensible sans dresser le bilan des années littéraires de Moeller), le mythe du “Reich” (avec ses racines religieuses prophétiques) et l’“Ostideologie” (tributaire de Merejkovski et Dostoïevski).

En 1925, le Traité de Locarno instaure un modus vivendi avec l’Ouest: un certain rapprochement franco-allemand devient possible, sous la double impulsion de Briand et Stresemann. En 1926, le Traité de Berlin, signé entre la République de Weimar et l’URSS, reconduit bon nombre de clauses du Traité de Rapallo, cette fois flanqué d’un apaisement à l’Ouest par le truchement du Traité de Locarno. Le Traité de Berlin signale au monde que l’Allemagne entend encore et toujours coopérer avec l’Union Soviétique, sur les plans économique et militaire, en dépit d’un rapprochement avec l’Ouest et la SdN, que l’URSS avait voulu éviter à tout prix au début des années 20. Les Allemands, dans les clauses de ce Traité de Berlin, déclarent qu’ils resteront neutres —et non belligérants actifs aux côtés des Soviétiques— en cas de conflit entre l’URSS et une tierce puissance, en l’occurrence la Pologne, rendant de la sorte impossible toute intervention française dans le conflit en faveur de Varsovie. Simultanément, l’Allemagne des nationalistes espérait affaiblir la Pologne, allié de revers de la France. Quant à Stresemann, l’homme de Locarno avec Briand, il entendait plutôt “modérer” l’URSS, l’Allemagne, aux yeux de ce social-démocrate, devant servir d’interface entre l’Ouest et l’URSS, dans le but d’assurer paix et stabilité sur le continent européen. Le Traité de Berlin devait rester en vigueur pendant cinq ans: le gouvernement Brüning le prolongera pour cinq nouvelles années en 1931 mais l’URSS ne le ratifiera qu’en mai 1933, cinq mois après la prise de pouvoir par la NSDAP d’Hitler!

Modus vivendi en Europe

Les traités de Locarno et de Berlin instaurent de ce fait un modus vivendi en Europe, où plus aucune révolution régénérante —poussant les peuples, et le peuple allemand en particulier, vers un “Règne de l’Esprit”— n’est envisageable: le vieux monde est sauvé. Pour les activistes les plus audacieux, c’est la déception. Pour Moeller, en effet, la défaite de novembre 1918 avait été une aubaine: une victoire de l’Allemagne wilhelminienne ou une paix de compromis, comme le projet de “partie nulle” soutenu par le Pape Benoit XV, aurait maintenu le Reich dans une misère intellectuelle similaire à celle du wilhelminisme que brocardaient les “cabaretistes” autour de Wedekind et Wolzogen. La révolution esthétique et politique, rêvée par Moeller, n’était plus possible. La défaite et le marasme, dans lequel l’Allemagne avait été plongée depuis la défaite et Versailles, rendaient plausible la perspective d’un grand bouleversement salutaire, capable de faire advenir le “Troisième Règne de l’Esprit”. Rien d’aussi glorieux n’était plus envisageable sous les clauses des nouveaux traités et, pire, sous les conditions du Plan Dawes de refinancer l’Allemagne par des capitaux américains. L’ère des masses sans conscience s’annonçait, obligeant les “nationaux-révolutionnaires”, qui avaient tous espéré le déchaînement proche d’une révolution purificatrice, à quitter la scène politique, à abandonner tout espoir en l’utilité révolutionnaire des petites phalanges ultra-politisées de “cerveaux hardis”: le retrait d’Ernst Jünger étant, après la mort de Moeller, le plus emblématique; surtout, Ernst Jünger et son frère Friedrich-Georg Jünger sont ceux qui nous laissent les témoignagnes littéraires les plus complets de cette époque où l’on attendait une révolution régénérante. Pour Jünger, dorénavant, l’écriture est la seule forme possible de résistance contre l’avancée arasante de la modernité. Le Règne de Cham pouvait alors commencer, sous des formes multiples, utilisant les élans de l’âme à mauvais escient, étouffant cette “Glut”, signe de jouvence évoqué maintes fois par Moeller, soit cette incandescence des âmes fortes, des âmes qui brûlent. Cham nous a menés tout droit à l’étouffoir dans lequel nous survivons péniblement aujourd’hui. Voilà pourquoi, pour vivre au milieu des ruines, il faut se rappeler l’itinéraire si riche d’Arthur Moeller van den Bruck et raviver sans cesse les flammèches allumées jadis par les auteurs et les activistes qu’il a côtoyés, afin de ne pas se laisser submerger par les fadaises de notre époque, la plus triviale que l’histoire européenne ait jamais connue, celle d’une “Smuta”, dont on ne perçoit pas encore la fin, afin aussi d’être les premiers lorsque prendra fin cette ère de déclin.

Robert STEUCKERS.

Fait à Forest-Flotzenberg, Fessevillers et Genève, de février à septembre 2013.

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Kosovo

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Über Othmar Spann

spann1123.jpgÜber Othmar Spann

von Michael Rieger

Ex: http://www.sezession.de

Als »Nazi« verdammt, darf der Wiener Nationalökonom und Sozialphilosoph Othmar Spann (1878–1950) als aus der Geistesgeschichte getilgt gelten. Otto Neurath – Positivist, Austromarxist – ließ 1944 keine Zweifel: Sicher sei Spann ein Nazi.

Seine Mißhandlung durch die Gestapo wie das Lehrverbot könnten nur das Ergebnis einer »Abweichung« sein, schließlich hätte Spann einen »nationalen Totalitarismus« gepredigt, »schlicht und einfach«. Schlicht und einfach liegen die Dinge selten und bei Spann, der »in der Spur Schellings … inmitten der Moderne … den Universalismus und Theozentrismus des christlichen Denkens zu rekonstituieren« suchte (Ernst Nolte), schon gar nicht. Man darf sogar von einer unverminderten Bedeutung dieses »zu Unrecht Vergessenen« (Kurt Hübner) sprechen.

Doch Schnittmengen bleiben: Die Bücherverbrennung war Spann »ein Ruhmesblatt der nationalsozialistischen Umwälzung«; die deutschen Juden wollte er in Ghettos sehen. Aber er verurteilte den biologistisch-rassistischen Charakter der »NS-Judenpolitik«, um deren fatalen Kurs durch eine naive wie mutige Intervention zu verändern – im September 1935, lange nach dem »Röhm-Putsch« und kurz nach den »Nürnberger Gesetzen«, einer der letzten Versuche konservativ-revolutionärer Selbstbehauptung. »Schlicht und einfach«?

Am 23. Februar 1929 kritisierte Spann die »unwürdigen« NS-Aufmärsche, was dem im Münchner Audimax anwesenden Adolf Hitler nicht eben gefiel. Am 9. Juni 1933 erteilte der Wiener Professor der Confederazione Nazionale Fascista del Commercio Nachhilfe: Seit 1929 praktizierte man in Rom staatlichen Dirigismus, Spann warb für das Gegenteil, eine ständisch-dezentralisierte Wirtschaft. Ähnliche Kritik hielt er, vom Hitler-Förderer Fritz Thyssen unterstützt, auch für das Deutsche Reich parat, dabei der Fehleinschätzung erlegen, die Entwicklung mitprägen zu können. Als man den Spann-Kreis 1938 eine »Gefahr für die gesamtdeutsche Entwicklung« nannte, wußten Hitler und Rosenberg längst um die Unverträglichkeit ihrer totalitären Ansprüche mit Spanns Ganzheitslehre. Es gilt Gerd-Klaus Kaltenbrunners Klage über die wohlfeile Sicht auf Spann, den »liberale Flachköpfe und sozialistische Schreihälse für einen ›Faschisten‹ ausgeben dürfen«.

Sachlichere Töne kamen von Katholiken. Gustav Gundlachs Einwand, Spann vernachlässige die Person, klingt bis heute im Lexikon für Theologie und Kirche nach: Obschon in katholischer Mystik gründend, sich gegen Mechanismus und Marxismus wendend, werde Spanns Philosophie »der Wirklichkeit des Menschen« nicht gerecht, da sie sich »auf ein abstraktes Ganzes« konzentriere. Vor allem aber hielt ein Kreis von Wissenschaftlern die Erinnerung wach: Initiiert von Spanns bedeutendstem Schüler, Walter Heinrich, arbeitete man im Umfeld der Zeitschrift für Ganzheitsforschung (1957–2008) das umfangreiche Werk auf, vernetzte es mit anderen Denktraditionen. Über Schüler und Enkelschüler (Baxa, Riehl, Pichler, Romig) läßt sich eine Linie ziehen bis zur jüngsten Monographie von Sebastian Maaß, die Spann als »Ideengeber der Konservativen Revolution« würdigt.

Armin Mohler betonte, daß der Spann-Kreis der Konservativen Revolution »das durchgearbeitetste Denksystem geliefert« habe. Doch nicht an diesem imposanten Bau aus Gesellschaftslehre (1914), volkswirtschaftlichen Standardwerken, Kategorienlehre (1924), Geschichtsphilosophie (1932), Naturphilosophie (1937) und abschließender Religionsphilosophie (1947) entzündete sich der Antifa-Furor, sondern an den politischen Implikationen, an Spanns Generalkritik des Individualismus und der Demokratie, nachzulesen in seinem bekanntesten Werk Der wahre Staat (1921).

Die historische Entwicklung seit dem Humanismus wertet Spann als Austreibung alles Höheren, als Weg in Atomisierung und Materialismus: Wo der Mensch »nur aus sich selbst heraus lebt«, übt er Sittlichkeit und Pflicht sich selbst, »aber nicht dem anderen gegenüber«. Es ist eine asoziale Welt triebgesteuerter Atome ohne Verantwortlichkeit und Rückbindung. Diesem Auflösungsprozeß begegnet Spann zunächst anthropologisch: Das autarke Ich sei eine »knabenhafte Anmaßung«, der einzelne werde nur durch »Zugehören«, »Mitdabeisein eines anderen Geistes« gleichsam »wachgeküßt«.

Gegen die hybride individualistische Erkenntnistheorie denkt Spann vom Ganzen her, da »alles mit allem verwandt, alles an alles geknüpft ist«. Das Ganze gehe den Gliedern voraus, »offenbart« sich in ihnen. Von diesem Perspektivwechsel erhofft er eine »vollständige Umkehr« im Verhältnis des Menschen zu Welt und Gesellschaft, die nicht mehr als Summe gleicher Einzelkämpfer erscheint, sondern als verwobene, abgestufte Wirklichkeit. Hier nun bricht Spann, politisch höchst unkorrekt, mit dem Gleichheitsbegriff: Zwar besäßen »der Verbrecher wie der Heilige … einen unverletzlichen Kern ›Mensch‹! Niemals aber heißt dies: Sie seien gleiche Menschen«. Während die Menschenwürde »gewiß nicht angetastet werden darf«, rekurriert Spann auf eine »organische Ungleichheit«, die aus dem »inneren Verrichtungsplane« des Ganzen hervorgehe. Die Ungleichheit der Menschen, die jeweils nach geistigen Grundinhalten Gemeinschaften bilden (Demokraten, Katholiken, Facharbeiter, Vegetarier, Sportler …), schaffe eine »maßlose Zerklüftung«: »Der Bestand der Gesellschaft … wäre gefährdet, wenn die kleinen, einander fremden Gemeinschaften« in dieser »Zusammenhanglosigkeit« verblieben. Also bedarf es einer Integration, einer Rangordnung und »organischen Schichtung nach Werten«, die nur qua Herrschaft Form gewinnt.

Mittelalterliche und romantische Ordnungsmuster aktualisierend, faßt Spann die gesellschaftlichen Glieder als Hierarchie von Ständen: von den Handarbeitern über die höheren Arbeiter zu den »Wirtschaftsführern«; darüber bestimmt Spann einen Stand von Staats-, Heer-, Kirchen- und Erziehungsführern und zuletzt einen zielgebenden »schöpferischen Lehrstand«. Da alle aufeinander angewiesen sind, der Soziologe auf den Schreiner, der auf den Förster, der wiederum auf den Priester, besteht eine »gleiche Wichtigkeit für die Erreichung des Zieles«: Stabilität, soziale Harmonie, Gerechtigkeit. Welche darin liegt, daß jeder in der ihm gemäßen Stellung im Ganzen sein »Lebenshöchstmaß« realisiere, als sinnvolles Glied einer Gemeinschaft und, berufsständisch organisiert, einer Korporation. Dieses natürliche, dynamische Gefüge, mitnichten die Erstarrung in »Geburtsadel oder Geburtsuntertänigkeit«, ist Spanns Gegenbild zur linken Einheitsschablone wie auch zur machiavellistischen »Kampfeswirtschaft« des Kapitalismus.

Da mit der Auflösung der Stände in der Neuzeit »weder das Phänomen des differierenden sozialen Status, noch der Bedarf an ›erzogenen Führern‹ verschwindet«, so Mohammed Rassem, stellt Spann in einer »Gegenrenaissance« – gegen die Verabsolutierung liberaler Werte – ein traditionelles Ordnungsgesetz neu her. Politisch gewendet: Aus dem (potentiell veränderlichen) Standort in der Gliederung, aus der »Lebensaufgabe« und Leistung für die Gesellschaft ergeben sich der jeweilige Ort und Grad der »Mitregierung«. So will Spann, gestützt auf die Selbstverwaltung der Stände und das fundamentale Prinzip der Subsidiarität, die defizitären demokratischen Mechanismen überwinden, wobei die Staatsführer einen übergreifenden »Höchststand« bilden, eine sachverständige, »staatsgestaltende« Elite. Überzeugt, daß man »Stimmen nicht zählen, sondern wägen« solle, forderte er, die Besten mögen herrschen: Mehrheiten assoziierte Spann mit Wankelmut, Inkompetenz, Einheitsbrei, kurz: mit »demokratischem Kulturtod«, ja »Kulturpest«, wie der »alle Überlieferung, alle Bildung« zerschlagende Bolschewismus zeige.

Von einiger Sprengkraft ist Spanns Begriff der Wirtschaft. Dem »Bereich des Handelns« angehörend, liege ihr Wesen darin, »Mittel für Ziele zu sein«. Sie sei »dienend, nicht eigentlich primär«, worunter Spann allein »ein Geistiges« verstand. »Handeln kann ich nur, um einem Ziele zu dienen, … z.B. um eine Kirche zu bauen.« An höhere Ziele gebunden, bilde die Wirtschaft »keinen selbsttätigen Mechanismus mehr«, ein Primat komme ihr nicht zu. In der ständischen Ordnung sei auch Privateigentum »der Sache nach« Gemeineigentum. Mit dieser »Zurückdrängung« der Ökonomie reagierte Spann auf die »Verwirtschaftlichung des Lebens«, die der alles verwertende Kapitalismus so rücksichtslos betrieben hat wie der alles auf ökonomische Kategorien reduzierende Marxismus.

Doch die Geschichte hat Spanns Begriff einer dienenden Wirtschaft auf den Kopf gestellt. Im Rahmen einer globalen Amerikanisierung erweisen sich die politischen Akteure als Erfüllungsgehilfen der Wirtschaft. Bei Staatsbesuchen werden wie selbstverständlich Verträge für die mitreisende Großindustrie angebahnt; Entscheidungen zugunsten partikularer Interessen gelten als »alternativlos«; subsidiäre Strukturen werden leichthin preisgegeben; »Flexibilität« und »Mobilität« bemänteln die Entwurzelung der Arbeitnehmer … Nicht die Wirtschaft dient der Gesellschaft, vielmehr assistiert die Politik der Wirtschaft bei der Indienstnahme der Gesellschaft. Aktuell illustrieren Finanzkrise und Euro-Misere, wie von Spanns Enkelschüler Friedrich Romig analysiert, die strukturelle Verantwortungslosigkeit dieses Verhältnisses: Wirtschaftliches Handeln ist nicht höheren Zielen, etwa der Stabilität, sondern nur kurzfristigen Profiten verpflichtet. Verluste aus Spekulationen werden, jeden Begriff von Gerechtigkeit negierend, auf die Gemeinschaft abgewälzt. In Europa zeichnet sich eine gleichmacherische Schuldenunion ab, vermittels derer die Schuldenberge in jenen Ländern anwachsen, die nicht für diese Entwicklung verantwortlich sind. In der »hastigen Unruhe« ist der einzelne nicht »aufgehoben«, sondern seinen Zukunftsängsten überlassen. Die Inkompetenz der Politik spiegelt die Hilflosigkeit des Staates, dessen Souveränität dahin ist. Vor genau achtzig Jahren hat Walter Heinrich dieses Szenario antizipiert: »Die zum Selbstzweck gewordene Wirtschaft bedeutet Verfall des Staates und der Kultur. … Der Staat, der die Führung verloren hat, hört auf Staat zu sein«. Und das geistige Leben verkommt – um mit Spann zu sprechen – vollends zur »Krämerbude«.

In Spanns Alternative liegen hingegen grundsätzliche Umwertungen beschlosen: Als »Organ einer genossenschaftlichen Ganzheit« werde der einzelne in seinem wirtschaftlichen Handeln eingeschränkt, woraus ein relatives »Stillstehen des technischen Fortschrittes« folge. Die »ungehemmt vorwärts strebende Entfaltung der produktiven Kräfte« werde beschränkt. »Der Mensch ist nicht mehr derselbe. Wer das Äußere bändigt und bindet, kann es nicht zugleich ins Unbegrenzte« entwickeln. Denn »auf Innerlichkeit und auf Bindung der Wirtschaft« hinzusteuern, heißt zugleich, »daß wir ärmer werden!« Die übliche Kritik an der Trägheit der Stände übersieht stets, wie sehr sich in den Momenten der Bescheidung, Verlangsamung und Langfristigkeit eine neue Sittlichkeit, ein antisäkulares Ethos ausdrückt.

Das Ziel dieser Ordnung läßt sich über die irdische Gerechtigkeit hinaus in einer übersinnlichen Dimension fassen: Spanns Konzeption macht die Rückverbundenheit aller Glieder sichtbar, zuletzt ihre Vermittlung zwischen Welt und kosmischer, göttlicher Ordnung. Es geht darum, den verlorenen Blick fürs Ganze wiederzugewinnen.

 


 

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Zvonko Busic, un suicide pour le salut de la Croatie et de l’Europe

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In memoriam

Zvonko Busic, un suicide pour le salut de la Croatie et de l’Europe

par Jure Georges VUJIC

Trois mois seulement après la mort tragique de Dominique Venner, un autre suicide sacrificiel a retenti au matin du 1er septembre, non sous le Soleil de Paris au cœur de Notre-Dame, mais cette fois-ci en Croatie à Rovanjska sur le littoral croate de l’Adriatique. C’est le suicide de Zvonko Busic, l’un des derniers dissidents et révolutionnaires croates de l’époque yougoslave communiste.

 

Busic venait de purger une peine de trente-deux ans de prison pour avoir détourné pour des raisons politiques (la cause de l’indépendance croate) en 1976 un avion étatsunien. Il fut libéré en 2008. Son retour en Croatie suscita un accueil triomphal de la part d’une grande partie de la population croate. En 1976, il avait dirigé un groupe de révolutionnaires et nationalistes croates qui détourna un Boeing 727 de la compagnie T.W.A. sur un vol New York – Chicago avec soixante-seize passagers à bord afin d’attirer l’attention du monde sur la lutte indépendantiste croate désireuse de se séparer de la Yougoslavie communiste et titiste… L’avion s’était finalement posé à Paris et la presse étatsunienne avait publié leur revendication. Mais un policier à New York avait été tué en tentant de désamorcer une bombe que les pirates de l’air avaient dissimulé dans une station de métro. Condamné par les autorités américaines sous la pression de Belgrade à la prison á vie, il fut amnistié pour conduite exemplaire. Alors qu’il avait retrouvé de retour en Croatie son épouse Julienne Eden Busic, de citoyenneté étatsunienne qui l’avait secondé dans sa prise d’otage (elle avait été libérée en 1990), il décida de poursuivre la lutte politique dans sa patrie qui, après avoir gagné la guerre d’indépendance en 1991, est plongé dans le marasme politique, économique et moral par la responsabilité des gouvernements successifs néo-communistes et mondialistes. Ils ont livré la Croatie aux magouilles politico-affairistes, au Diktat des eurocrates de Bruxelles et de leurs laquais locaux ainsi qu’à la convoitise des oligarchies  anti-nationales. Toutes s’efforcent de faire table rase de l’identité nationale croate en imposant comme d’ailleurs partout en Europe, le sacro-saint modèle néo-libéral, des lois liberticides, la propagande du gender à l’école, la légalisation du mariage homosexuel. Bref, le scénario classique de l’idéologie dominante et mondialiste. Busic qui aimait citer Oswald Spengler n’était pas homme à accepter cet état de fait qu’il qualifiait lui-même de « déliquescence morale et sociale catastrophique ».

 

Busic soutint toutes les luttes révolutionnaires et nationales, de l’O.L.P. palestinien à l’I.R.A. irlandaise en passant par les Indiens d’Amérique du Nord. Ironie de l’histoire, il avait découvert les écrits historique de Dominique Venner en prison et fut peiné par sa disparition tragique.

 

Homme « classique » épris des vertus de l’Antiquité, Busic était avant tout un résistant croate et européen, un  baroudeur qui n’avait que du mépris pour le conformisme, la tricherie, la petite politique partisane et parlementaire, les calculs électoraux. Son idéal type était évolien : le moine-soldat, un style sobre et austère, guerrier, un genre de vie qu’il a appliqué durant toute sa vie. Ce n’est pas par hasard qu’il  fut très vite marginalisé par le système politique croate qu’il soit de droite ou de gauche. Après avoir rallié fort brièvement le Parti du droit croate (H.S.P.) du Dr. Ante Starcevic et de l’actuelle députée croate au Parlement européen, Ruza Tomasic, il tenta, en fondant l’association Le Flambeau, de constituer un « front national » regroupant l’ensemble des forces nationales croates (droite et gauche confondues). Mais très vite, cette vision et ce projet frontiste, d’orientation nationale-révolutionnaire, se soldèrent par un échec en raison des luttes de pouvoir inhérentes à la mouvance nationale croate. Busic n’avait pas caché sa déception en déclarant qu’« il n’avait pas réussi dans l’unification et la création d’un front uni patriotique ». Il annonça alors dans la presse croate sa décision de se retirer de la politique, car « il ne voulait pas contribuer à la destruction continue des forces politiques nationales et patriotiques en Croatie ».

 

Les obsèques de Zvonko Busic auxquels ont assisté des milliers de personnes et l’ensemble de la mouvance nationale croate, constituèrent (à Zagreb le 4 septembre dernier) furent un sérieux avertissement à la classe politique mondialiste croate. Son suicide fut un événement sans précédent pour l’opinion croate, habituée à ses coups de de colère, son franc parler et son idéalisme infatigable face à l’apathie sociale et la corruption de classe politique. Il faut dire qu’il a été longtemps traîné dans la boue par la presse croate gauchisante qu’il l’a continuellement traité de terroriste dès sa sortie de prison. Personne, et encore moins moi-même qui l’avait régulièrement côtoyé, ne s’était attendu à la fin tragique, de cet homme d’action à l’allure légionnaire et don quichottesque. Et après tout, est-ce que quelqu’un avait pu s’attendre au suicide de Dominique Venner ? Probablement non. Peu avant sa mort, Zvonko Busic a laissé une lettre à son ami Drazen Budisa, dans laquelle il avait demandé pardon á ses proches et qu’il se retirait car « il ne pouvait plus continuer de vivre dans l’obscurité de la Caverne platonicienne », faisant allusion à l’allégorie platonicienne de la Caverne. C’est vrai. Busic était trop pur, trop droit et trop sensible pour vivre dans le mensonge de cette Croatie post-communiste néo-libérale hyper-réelle, une Croatie qui avait fait allégeance à l’U.E. et à l’O.T.A.N., domestiquée et néo-titiste, alors que le gouvernement actuel refuse de livrer aux autorités allemandes, Josip Perkovic, qui fait l’objet d’un mandat d’extradition européen. Cet ancien agent de l’U.D.B.A. (la police politique et services secrets titiste yougoslaves) est impliqué dans l’assassinat de plusieurs dissidents croates à l’étranger.

 

La Croatie est le seul pays post-communiste à ne pas avoir voté une loi sur la lustration et où les rênes du pouvoir politique et économique sont encore entre les mains des anciens cadres titistes et de la police secrète qui n’a jamais été officiellement démantelée. Busic – c’est vrai – ne pouvait supporter ces ombres factices et éphémères de la société marchande et consumériste  mondiale, à l’égard de laquelle il s’est tant offusqué. Et pourtant, Busic, tout comme Venner, est tombé, volontairement, froidement, consciemment, je dirai même sereinement. Comme pour Venner, il s’agit du même modus operandi, du même  esprit sacrificiel, d’une mort annoncée, une mors triumfalis qui dérange et interroge. Dans le cas de la Croatie, sa mort a retenti non comme une fin, mais comme un avertissement, un appel à la mobilisation, un dernier appel à la lutte, un dernier sursaut pour le salut de la nation croate et européenne. Puisse ses vœux être exhaussés !

 

Jure Georges Vujic

 


 

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Shanghai Cooperation Organisation warns against US-led war on Syria

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Shanghai Cooperation Organisation warns against US-led war on Syria

By John Chan
Ex: http://www.wsws.org/

The latest summit of the Russian- and Chinese-led Central Asian grouping, the Shanghai Cooperation Organisation (SCO), held in Bishkek, the capital of Kyrgyzstan, on September 13, was dominated by the rising global tensions produced by the US preparations for war against Syria.

Russian President Vladimir Putin insisted that “military interference from outside the country without a UN Security Council sanction is inadmissible.” The summit’s joint declaration opposed “Western intervention in Syria, as well as the loosening of the internal and regional stability in the Middle East.” The SCO called for an international “reconciliation” conference to permit negotiations between the Syrian government and opposition forces.

As he had done at the recent G20 summit in St Petersburg, Chinese President Xi Jinping lined up with Russia against any military assault on Damascus, fearing that it would be a prelude to attack Iran, one of China’s major oil suppliers.

Significantly, Iran’s new President Hassan Rouhani attended the meeting, despite suggestions that his government would mark a shift from former President Mahmoud Ahmadinejad and his anti-American rhetoric at previous SCO summits. Rouhani welcomed Russia’s proposal to put Syria’s chemical weapons under international control, claiming that it has “given us hope that we will be able to avoid a new war in the region.”

The SCO explicitly supported Iran’s right to develop its nuclear program. Putin insisted in an address that “Iran, the same as any other state, has the right to peaceful use of atomic energy, including [uranium] enrichment operations.” The SCO declaration warned, without naming the US and its allies, that “the threat of military force and unilateral sanctions against the independent state of [Iran] are unacceptable.” A confrontation against Iran would bring “untold damage” to the region and the world at large.

The SCO statement also criticised Washington’s building of anti-ballistic missile defence systems in Eastern Europe and Asia, aimed at undermining the nuclear strike capacity of China and Russia. “You cannot provide for your own security at the expense of others,” the statement declared.

Despite such critical language, neither Putin nor Xi want to openly confront Washington and its European allies. Prior to the SCO summit, there was speculation that Putin would deliver advanced S-300 surface-to-air missile systems to Iran and build a second nuclear reactor for the country. Russian officials eventually denied the reports.

Russia and China are facing growing pressure from US imperialism, including the threat that it will use its military might to dominate the key energy reserves in the Middle East and Central Asia. The SCO was established in 2001, shortly before the US utilised the “war on terror” to invade Afghanistan. Although the SCO’s official aim is to counter “three evils”—separatism, extremism and terrorism in the region—it is above all a bid to ensure that Eurasia does not fall completely into Washington’s orbit.

Apart from the four former Soviet Central Asian republics—Kazakhstan, Uzbekistan, Kyrgyzstan and Tajikistan—the group also includes, as observer states, Mongolia, Iran, India, Pakistan and Afghanistan. The “dialogue partners” are Belarus, Sri Lanka and, significantly, Turkey, a NATO member, which was added last year.

However, US influence is clearly being brought to bear on the grouping. Before the summit, there were reports in the Pakistani press that the country could be accepted as a full SCO member. Russia invited new Prime Minister Nawaz Sharif to attend. However, Sharif only sent his national security advisor Sartaj Aziz, and no Pakistan membership was granted.

While the SCO is looking to enhance its role in Pakistan’s neighbour, Afghanistan, after the scheduled withdrawal of NATO forces, Aziz said Pakistan’s policy was “no interference and no favorites.” He insisted that the US-backed regime in Kabul could achieve an “Afghan-led reconciliation” if all countries in the region resisted the temptation to “fill the power vacuum.”

China and Russia are also deeply concerned by the US “pivot to Asia” to militarily threaten China and to lesser extent, Russia’s Far East, by strengthening Washington’s military capacities and alliances with countries such as Japan and South Korea. In June, China and Russia held a major joint naval exercise in the Sea of Japan, and in August, they carried out joint land/air drills in Russia involving tanks, heavy artillery and warplanes.

Facing US threats to its interests in the Middle East and the Asia-Pacific, China is escalating its efforts to acquire energy supplies in Central Asia. For President Xi, the SCO summit was the last stop in a 10-day trip to Turkmenistan, Kazakhstan, Uzbekistan and Kyrgyzstan—where he signed or inaugurated multi-billion-dollar deals for oil and gas projects.

At his first stop, Turkmenistan, Xi inaugurated a gas-processing facility at a massive new field on the border with Afghanistan. Beijing has lent Turkmenistan $US8 billion for the project, which will triple gas supplies to China by the end of this decade. The country is already China’s largest supplier of gas, thanks to a 1,800-kilometer pipeline across Uzbekistan and Kazakhstan to China.

In Kazakhstan, where Xi signed a deal to buy to a minority stake in an offshore oilfield for $5 billion, he called for the development of a new “silk road economic belt.” Trade between China and the five Central Asian republics has increased nearly 100-fold since 1992, and Kazakhstan is now the third largest destination of Chinese overseas investment.

Xi delivered a speech declaring that Beijing would never interfere in the domestic affairs of the Central Asian states, never seek a dominant role in the region and never try to “nurture a sphere of influence.” This message clearly sought to also placate concerns in Russia over China’s growing clout in the former Soviet republics.

During the G20 summit, the China National Petroleum Corporation signed a “basic conditions” agreement with Russia’s Gazprom to prepare a deal, expected to be inked next year, for Gazprom to supply at least 38 billion cubic metres of gas per year to China via a pipeline by 2018.

With so much at stake, Wang Haiyun of Shanghai University declared in the Global Times that “maintaining regime security has become the utmost concern for SCO Central Asian members, including even Russia.” He accused the US and other Western powers of inciting “democratic turmoil” and “colour revolutions” and warned that if any SCO member “became a pro-Western state, it will have an impact on the very existence of the SCO.” If necessary, China had to show “decisiveness and responsibility” to join Russia and other members to contain the turmoil, i.e. to militarily crush any “colour revolution” in the region.

The discussions at the SCO meeting are a clear indication that Russia and China regard the US war plans against Syria and Iran as part of a wider design to undermine their security, underscoring the danger that the reckless US drive to intervene against Syria will provoke a far wider conflagration.

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Dette abyssale : pourquoi ?

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Dette abyssale : pourquoi ? Que risque-t-il de se passer ?

par Guillaume Faye

Ex: http://www.gfaye.com

La dette souveraine française va bientôt atteindre les 2000 milliards d’euros, c’est-à-dire 95,1% du PIB fin 2014, soit 30.000 € par Français. Bombe à retardement. Il y a dix ans, elle atteignait 1.000 milliards et l’on criait déjà à la catastrophe. Mais personne n’a rien fait. Depuis 1974 ( !) aucun budget n’a été en équilibre : tous déficitaires. Les multiples rapports, comme ceux de la Cour des Comptes, ont tous été jetés au panier. Chaque année, il faut rembourser 50 milliards d’euros d’intérêts, deuxième budget de l’État.

Mais pourquoi s’endette-t-on ? Certainement pas pour investir (et donc pouvoir rembourser par les gains escomptés) (1), mais pour les raisons suivantes : A) Payer une fonction publique pléthorique et surnuméraire, qui ne cesse d’enfler. B) Régler les prestations sociales d’un État Providence qui suit (droite et gauche confondues) les préceptes absurdes du collectivisme (2). Parmi ces prestations, on note les allocations chômage les plus généreuses au monde qui, paradoxalement, provoquent l’accroissement du chômage et dissuadent les embauches ; le coût croissant des allocations aux immigrés d’origine et aux étrangers les plus divers, y compris clandestins et fraudeurs (type AME), pris en charge comme nulle part ailleurs au monde ; l’absurdité totale des emplois aidés – pour les mêmes populations – qui ne créent aucune valeur ajoutée. C) L’endettement sert aussi à payer les intérêts de la dette ! Absurdité économique totale, qui ne choque pas la cervelle de nos énarques. On creuse un trou pour en boucher (sans succès d’ailleurs) un autre.(3) 

L’Allemagne, elle, a rééquilibré son budget et voit décroître sa dette. Elle mène une politique d’austérité d’expansion, incompréhensible pour les dirigeants français, incapables d’envisager le moindre effort et abonnés au déni de réalité. Et, contrairement à une certaine propagande, pas du tout au prix d’une paupérisation de la société par rapport à la France. Je parlerai du cas de l’Allemagne dans un prochain article. Maintenant, quels risques majeurs font courir à la France cet endettement colossal et croissant (4) ?

A) L’agence France Trésor qui emprunte actuellement à taux bas va automatiquement se voir imposer très bientôt des taux à plus de 5%. Donc on ne pourra plus emprunter autant. B) Il semble évident que, si l’on peut encore rembourser les intérêts, on ne pourra jamais rembourser le ”principal”, même en 100 ans. Point très grave. Un peu comme les  emprunts russes d’avant 1914. C) Cette situation aboutira à la ”faillite souveraine”, avec pour conséquence l’effondrement mécanique, brutal et massif, de toutes les prestations sociales de l’État Providence, des salaires des fonctionnaires, des pensions de retraite, etc. D) La France sera donc soumise au bon vouloir de ses créanciers et contrainte de solliciter l’aide d’urgence du FMI, de la BCE et, partant de l’Allemagne, voire de la Fed américaine… Indépendance nationale au niveau zéro, mise sous tutelle. (5) E) Une position débitrice insolvable de la France, seconde économie européenne, provoquera un choc économique international d’ampleur lourde – rien à voir avec la Grèce. F) Paupérisation et déclassement dans tous les domaines : plus question d’entretenir les lignes SNCF ou d’investir dans la recherche et les budgets militaires, etc. G) Enfin, surtout avec des masses d’allogènes entretenues et qu’on ne pourra plus entretenir, cette situation pourra déboucher sur une explosion intérieure qu’on n’a encore jamais imaginée – sauf votre serviteur et quelques autres.

Et encore, on n’a pas mentionné ici la dette de la Sécurité sociale et celles des collectivités locales, en proie à une gestion dispendieuse, irresponsable, incompétente. L’impôt ne pourra plus rien compenser car il a largement atteint son seuil marginal d’inversion de rendement. Mais enfin, le mariage des homos, la punition contre le régime syrien, la suppression des peines de prison pour les criminels, ne sont-ils pas des sujets nettement plus urgents et intéressants ? Un ami russe, membre de l’Académie des Sciences de son pays, me disait récemment, à Moscou : « je ne comprends plus votre chère nation. Vous n’êtes pas dirigés par des despotes, mais par des fous ».

(1) Depuis Colbert jusqu’aux enseignements basiques de toutes les écoles de commerce, on sait qu’un endettement ne peut être que d’investissement et surtout pas de fonctionnement ou de consommation. Qu’il s’agisse d’entreprises, de ménages, de communes, de régions ou d’États. Autrement, on ne pourra jamais le rembourser et ce sera la faillite. Une célèbre Fable de La Fontaine l’avait expliqué aux enfants : La cigale et la fourmi. La fourmi refuse de lui prêter pour consommer pendant l’hiver car elle sait qu’elle ne sera jamais remboursée puisque la cigale chante gratuitement et ne travaille pas. En revanche, si la cigale lui avait demandé un prêt pour organiser une tournée de chant payante, la fourmi aurait accepté. Logique économique basique, hors idéologie.

(2) Le collectivisme peut fonctionner plusieurs décennies dans une économie entièrement socialisée, sans secteur privé, comme on l’a vu en URSS et dans le défunt ”bloc socialiste”. Au prix, évidemment, d’un système de troc autarcique. Pourquoi pas ? Mais l’expérience (plus forte que les idées pures des idéologues) a démontré que ce système est hyperfragile sur la durée car il nécessite un système politique pyramidal et de forte contrainte, et provoque une austérité générale que les populations ne supportent pas objectivement, en dépit de tous les discours et utopies des intellectuels. Mais l’aberration française, c’est d’entretenir un système intérieur collectiviste dans un environnement européen et international mercantile et ouvert. Du socialisme à l’échelle d’un petit pays dans un énorme écosystème libéral. Cette contradiction est fatale : c’est un oxymore économique. Ça ne pourra pas durer. L’énorme Chine elle, peut surmonter ce paradoxe : un régime pseudo-communiste, anti-collectiviste, mais animé par un capitalisme d’État. Mais c’est la Chine…Inclassable.

(3) Aberration supplémentaire: la France s’endette pour prêter aux pays du sud de l’UE endettés afin qu’ils puissent payer les intérêts de leur dette ! On creuse des trous les uns derrière les autres pour pouvoir reboucher le précédent. Le « Plan de soutien financier à la zone euro » à augmenté la dette française de 48 milliards d’euros et culminera en cumulé à 68,7 milliards en 2014. Emprunter pour rembourser ses dettes ou celles de ses amis, ou, pire les intérêts desdites dettes, cela à un nom : la cavalerie.

(4) Contrairement à qu’on entend un peu partout, la dette ne peut que croître en volume principal, même si le déficit passe en dessous du chiffre pseudo-vertueux des 3% négocié avec Bruxelles. La créance brute ne décroît que si le budget du débiteur est définitivement à l’équilibre, voire excédentaire, pendant plusieurs années – et encore cet excédent doit-il est majoré en fonction des taux d’intérêt. Arithmétique de base, qu’on n’enseigne probablement pas à l’ENA. 

(5) La solution du Front national – sortir de l’Euro, reprendre le Franc, retrouver une politique monétaire indépendante, pouvoir dévaluer (bon pour l’exportation), pouvoir faire fonctionner la planche à billets librement comme la Fed, s’endetter par des émissions auprès de la Banque de France et non plus des marchés – est irréaliste. Pour deux raisons techniques : d’abord parce que l’économie française n’a pas la taille mondiale de l’économie américaine qui est en situation de ”monétarisation autonome” (self money decision) ; ensuite, et pour cette raison, parce qu’une telle politique, même si elle ferait baisser la charge de la dette, aurait pour conséquence mécanique un effondrement de l’épargne et des avoirs fiduciaires des Français, en termes non pas nominaux mais marchands. ”Vous aviez 100.000 € en banque, le mois dernier, avant le retour au Franc ? En compte courant, assurance vie, épargne populaire, etc ? Désolé, en Francs, il ne vous reste plus que l’équivalent de 50.000.” Politiquement dévastateur. La seule solution (voir mon essai Mon Programme, Éd. du Lore) est de bouleverser le fonctionnement de la BCE, dont l’indépendance est une hérésie, et d’envisager une dévaluation de l’Euro.

A 70 años de la muerte de Simone Weil

Mailer Mattié*

Instituto Simone Weil/CEPRID

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El 18 de julio de 1943, un mes antes de morir, Simone Weil escribió desde Londres a sus padres que se encontraban en Nueva York:

Tengo una especie de certeza interior creciente de que hay en mí un depósito de oro puro que es para transmitirlo. Pero la experiencia y la observación de mis contemporáneos me persuade cada vez más de que no hay nadie para recibirlo. Es un bloque macizo. Lo que se añade se hace bloque con el resto. A medida que crece el bloque, deviene más compacto. No puedo distribuirlo en trocitos pequeños. Para recibirlo haría falta un esfuerzo. Y un esfuerzo ¡es tan cansado!

Aquí Weil señala tres requisitos a su parecer imprescindibles para acercarse a la comprensión de su pensamiento: ese bloque compacto de oro puro. Ciertamente, es necesario un importante esfuerzo intelectual el cual, sin embargo, resultaría del todo insuficiente si no podemos acceder a la verdad sobre el mundo social en el que vivimos y si no contamos con determinadas experiencias; es decir, con determinadas referencias de aprendizaje.

¿A qué se refería en realidad Simone Weil? ¿Qué era aquello que impedía a sus contemporáneos comprender sus propuestas?

Con gran probabilidad, es posible que aludiera a dos de los rasgos que caracterizan la existencia humana en la sociedad moderna: ignorar la experiencia histórica que constituye el pasado y aceptar la distorsión del conocimiento que creemos tener sobre la realidad. El pasado, en efecto, ha sido borrado por el progreso, arrasado por el desarrollo del Estado y de la economía, destruido por la industrialización. Las ideologías y el pensamiento académico, por otra parte, han secuestrado la verdad al adscribirla a los dogmas heredados del siglo XIX.

Sería legítimo, entonces, preguntarnos sobre nuestras propias posibilidades de llegar a contar al menos en parte con esas referencias, puesto que ahora nos encontramos en disposición de dar testimonio real de los errores y el fracaso de las formas de organización social sustentadas en las ideologías del progreso económico. Somos testigos desde finales del siglo pasado, además, de la determinación y autonomía de la emergencia de la invalorable riqueza de saberes –que apenas la ciencia está comenzando a validar- contenida en las antiguas culturas y cosmovisiones de muchos pueblos originarios, sobrevivientes del exterminio en los territorios andinos o amazónicos, por ejemplo.

Asimismo, nos devuelven la verdad del pasado los recientes –aunque aún escasos- estudios que intentan revelar la realidad social que constituyó la Alta Edad Media en Europa, oculta en la falsa e interesada definición del Feudalismo y en la interpretación lineal que simplifica la historia, entre los cuales podemos destacar la obra del filósofo e historiador Félix Rodrigo Mora en referencia a la península Ibérica: Tiempo, Historia y Sublimidad en el Románico Rural, publicada en 2012. La crisis de las ideologías, por otra parte, anima el verdadero conocimiento, incluyendo la recuperación del pensamiento de autores importantes que fueron condenados al olvido porque sus criterios comprometían seriamente la solidez de las ideas dominantes. Es el caso, por ejemplo, de la obra de Silvio Gesell escrita a principios del siglo XX sobre la función del dinero en los sistemas económicos y el lugar que la moneda podría desempeñar en un proceso de transformación social. Planteamiento que ha servido de inspiración al matemático estadounidense Charles Eisenstein para proponer una transición hacia la economía del don en su libro Sacred Economics. Gift and Society in the Age of Transition, publicado en 2010.

Simone Weil fue, ciertamente, una tenaz observadora del mundo social, cualidad que la condujo siempre a desconfiar de las teorías y de las interpretaciones a priori. Una actitud, además, que contribuyó indudablemente a impregnar su corta vida de la intensidad que nos asombra. Exploró también el pasado, al encontrar absurdo enfrentarlo al porvenir. Halló así en la experiencia histórica que había constituido la sociedad occitana del sur de Francia en el siglo XIII –destruida sin piedad por la fuerza incipiente del Estado- los fundamentos para elaborar el núcleo de lo que sería su gran obra, Echar Raíces: la noción de las necesidades terrenales del cuerpo y del alma. A la luz de la mirada occitana, en efecto, advirtió el júbilo de la vida convivencial, basada en la obediencia voluntaria a jerarquías legítimas (no al Estado, cuya autoridad aunque sea legal no es necesariamente legítima) y en la satisfacción de las necesidades vitales. Un espacio colectivo que encuentra su justo equilibrio en la estrategia que consiste en juntar los contrarios -libertad y subordinación consentida, castigo y honor, soledad y vida social, trabajo individual y colectivo, propiedad común y personal-, para sustentar así el arraigo de las personas en un territorio, en la cultura, en la comunidad. Es lo mismo que el pueblo kichwa y el pueblo aymara llaman Sumak Kawsay o Suma Qamaña –el Buen Vivir que es convivir-; eso que el pueblo mapuche nombra Kyme Mogen y el pueblo guaraní Teko Kaui, siguiendo el mandato original de construir la tierra sin mal; en fin, aquello que para los pueblos amazónicos significa Volver a la Maloca, valorando el saber ancestral: es decir, regresar a la complementariedad comunitaria donde lo individual emerge en equilibrio con la colectividad; a la vida en armonía con los ciclos de la naturaleza y del cosmos; a la autosuficiencia; a la paz y a la reciprocidad entre lo sagrado y lo terrenal.

Simone Weil, por tanto, consideró la destrucción del pasado el mayor de los crímenes.

En ausencia de convivencialidad, al contrario, Weil observó que la sociedad se convierte en el reino de la fuerza y de la necesidad. Cuando la sociedad es el mal, cuando la puerta está cerrada al bien –afirmó-, el mundo se torna inhabitable. Los medios que deberían servir a la satisfacción de las necesidades se han transformado en fines, tal como sucede con la economía, con el sistema político, con la educación, con la medicina y con la alimentación industrial. Si esta metamorfosis ha tenido lugar, entonces en la sociedad impera la necesidad.

Una realidad que nos impone, en consecuencia, la obligación absoluta y universal como seres sociales de intentar limitar el mal. Es decir, la obligación absoluta de amar, desear y crear medios orientados a la satisfacción de las necesidades humanas. Medios –según Weil- que solo pueden ser creados a través de lo espiritual, de aquello que ella misma llamó sobrenatural: solo a través del orden divino del universo puede el ser humano impedir que la sociedad lo destruya. En la sociedad moderna –expresó- el orgullo por la técnica –por el progreso- ha permitido olvidar que existe un orden divino del universo.

En ausencia de espiritualidad –afirmó-, no es posible construir una sociedad que impida la destrucción del alma humana.

Lo espiritual en Weil –algo que siempre parece tan difícil de precisar-, la fuente de luz, lo que debería guiar nuestra conducta social, representa la diferencia entre el comportamiento humano y el comportamiento animal: una diferencia infinitamente pequeña que es, no obstante, una condición de nuestra inteligencia -en espera aún de rigurosa definición científica que la concrete-. El papel de lo infinitamente pequeño es infinitamente grande, señaló en una oportunidad Louis Pasteur.

Es a partir de la influencia de esta ínfima diferencia, entones, que es posible limitar el mal en la sociedad, porque esa condición de nuestra inteligencia es justamente la fuente del bien: es decir, es la fuente de la belleza, de la verdad, de la justicia, de la legitimidad y lo que nos permite subordinar la vida a las obligaciones. La misma influencia, pues, que debemos explorar en la experiencia del pasado: en el medioevo cristiano –señaló Weil-, pero también en todas aquellas civilizaciones donde lo espiritual ha ocupado un lugar central y hacia donde toda la vida social se orientaba. Precisar sus manifestaciones concretas, sus metaxu: los bienes que satisfacen nuestras necesidades e imprimen júbilo a la vida social.

*Mailer Mattié es economista y escritora. Este artículo es una colaboración para el Instituto Simone Weil de Valle de Bravo en México y el CEPRID de Madrid.

Fuente: CEPRID

lundi, 23 septembre 2013

L'impresa fiumana

L’etno-nazionalismo e l’ideologia völkisch

L’etno-nazionalismo e l’ideologia völkisch

Federico Prati
 
Ex: http://walseruradel.blogspot.com

 

doc23.jpgCome già scritto, l’etnonazionalismo si rifà al federalismo etnico, forma modernizzata del nazionalismo etnico e dell’ideologia völkisch. Tale ideologia assegna la priorità alla tutela del Volk, inteso come comunità di Sangue e Suolo. L’etnicità costituisce per noi etnonazionalisti il criterio fondante della nazione, che prende corpo attraverso la forza del Sangue. Il singolo individuo è subordinato al volere della Volksgemeinschaft, della comunità etnica. Nella visione etnonazionalista la mappa geopolitica dell’Europa deve essere ridisegnata, attraverso la nascita di una Federazione europea etnica, costituita da Regioni-Stato, etnicamente omogenee. Ecco perché nel nostro edificio etnocentrico non vi è posto per lo Stato nazionale etnicamente eterogeneo.
Il pensiero etnonazionalista si rifà ad una concezione oggettiva della nazione, che corrisponde al Volk della tradizione di Herder, Fichte e M.H. Boehm.

 

Bisogna sostituire gli Stati nazionali etnicamente pluralisti, e quindi ingiusti, con un insieme d’unità etnicamente omogenee. Lo Stato nazionale di matrice massonica e giacobina è il nemico in quanto si è storicamente sviluppato come realtà istituzionale etnicamente eterogenea, che non fonda i diritti di cittadinanza sull’appartenenza etnica! Dunque un indispensabile criterio per comprendere l’etnonazionalismo deve essere la conoscenza del pensiero völkisch, che si sviluppò in Germania e nelle università tedesche tra gli anni ’20 e ’30. Il pensiero völkisch nasceva da un profondo Kulturpessimismus presente in alcuni strati della società tedesca e si concretizzava in un’avversione per gli aspetti materialistici della moderna società industriale.

Antiindustrialismo e antiurbanesimo, anticapitalismo e antiliberismo, coniugate ad una volontà di ritornare all’Ahnenerbe, all’eredità degli Avi: sono queste alcune delle facce con cui tale pensiero si mostrava, e proprio nel pensiero völkisch questi aspetti s’intrecciavano indissolubilmente. L’aggettivo völkisch sarebbe stato introdotto, secondo il germanista von Pfister, nel 1875 in sostituzione alla parola “national”. Il pensiero völkisch, che aveva le sue radici profonde nel periodo delle guerre napoleoniche ed in istanze romantiche, nasceva da un senso di frustrazione rispetto ad un’unificazione compiuta sotto l’egida prussiana e ad una scissione confessionale del paese, per recuperare un’identità etnonazionale più profonda e genuina, che si basasse sullo spirito popolare. Germanesimo ed antropologia razziale, antimodernismo e biologismo sono alcune delle facce che caratterizzano il pensiero völkisch. Un legame di popolo a livello biologico attraverso il Sangue e la Razza ed un mitico radicamento nel Suolo dell’Heimat, nell’idioma e negli usi e costumi trasmessi dalla Tradizione rappresentano il pensiero völkisch.

Doc-120d.jpgLa forza di tale pensiero risiede proprio nella profonda carica emotiva e passionale che era (è) capace di trasmettere. Dunque la teoria völkisch, termine che in italiano si traduce in “etnonazionale”, sostiene la prevalenza di una concezione della cittadinanza che contrappone “das Volk” a “the people”, e fa sì che in Germania si sia applicato lo jus sanguinis, il diritto del Sangue: cittadino tedesco era solo chi discendeva da genitori tedeschi, parlava tedesco e propagava la cultura tedesca. Per noi etnonazionalisti lo jus sanguinis è un punto fermo, irrinunciabile.
Un extraeuropeo che lavora da 30 anni in una delle comunità etnonazionali che costituiscono la Padania (ad esempio il Veneto) non sarà mai un cittadino Veneto, dal momento che conserva le sue racines, la sua cultura allogena, la sua lingua. Il diritto di cittadinanza, a nostro avviso, dovrà spettare, infatti, solo a chi appartiene alla comunità etnica, cioè, ad esempio in Veneto, è cittadino chi è Veneto di sangue.

The people significa invece jus soli, diritto del suolo: la cittadinanza si acquisisce semplicemente risiedendo in un posto, e questa è la concezione tipica dello stato nazionale multietnico e giacobino-massone nato dalla Rivoluzione Francese. È proprio in nome del diritto alla differenza culturale e del diritto all’identità etnica che attualmente noi propugniamo un’etnoconfederazione. La nostra teoria völkisch etnonazionalista pone un’importanza speciale sulla supremazia della nazione rispetto all’individuo: per noi etnonazionalisti Razze, Etnie, Stirpi, Nazioni sono le categorie umane fondamentali, rifiutiamo categoricamente il concetto che le popolazioni siano flessibili e mutevoli, senza correlazione fra caratteristiche fisiche e culturali. Vi sono sicuramente analogie di pensiero tra alcuni esponenti della Nuova Destra (es.: Guillame Faye, Robert Steuckers,…) e noi etnonazionalisti völkisch, tali analogie si possono individuare nelle seguenti idee-guida:
  • Il federalismo basato sul criterio etnico quale elemento costitutivo di un nuovo ordine europeo (“L’Europa delle comunità etnonazionali e delle Stirpi”), in cui alla disintegrazione degli Stati nazionali etnicamente eterogenei corrisponda la nascita di una federazione di Stati regionali etnicamente omogenei; il federalismo quale forma istituzionale che consenta l’esercizio del diritto all’autodeterminazione;
  • La richiesta di una nuova mappa politica dell’Europa, con la modifica degli odierni confini, da noi considerati artificiali;
  • La priorità assegnata ai diritti collettivi, di gruppo, rispetto ai diritti fondamentali dell’individuo; l’avversione verso l’universalismo;
  • Il rigetto della società multiculturale, considerata fonte di conflitti interetnici, la teorizzazione di forme del pensiero differenzialista;
  • L’esaltazione di comunità naturali e omogenee contrapposte all’idea di nazione nata dalla rivoluzione francese;
  • La relativizzazione della democrazia liberale, che necessita di correttivi etnici.
doc789.jpgNostro punto di riferimento culturale sono:
  • Intereg (Internationales Institut fur Nationalitatenrecht und Regionalismus, ossia Istituto Internazionale per il diritto dei gruppi etnici e il regionalismo). Finanziato attraverso la Bayerische Landeszentrale fur Politische Bildungsarbeit (ente centrale bavarese di istruzione politica), fino alla sua scomparsa è sostenuto caldamente da Franz Joseph Strauss. Nella dichiarazione istitutiva dell’Intereg si precisa l’obbiettivo di una “relativizzazione degli stati nazionali”, al fine di conseguire “l’affermazione di un diritto dei gruppi etnici e dei princìpi dell’autodeterminazione e dell’autonoma stabilità delle regioni”.
  • BdV (Bund der Vertriebenen), è l’associazione regionale dei tedeschi espulsi dopo il 1945 dai territori orientali del Terzo Reich. BdV nasce grazie al land della Baviera e su iniziativa dei profughi dei Sudeti, la regione popolata da tedeschi grazie a cui Hitler invase la Cecoslovacchia. Il BdV non riconosce gli attuali confini della Germania.
  • SL: (Sudetendeutsche Landsmannschaft), è la lega dei profughi dei Sudeti
  • Fuev (Federalistiche Union Europaischer Volksgruppen), Unione federalista delle comunità etniche in Europa. Per gruppo etnico, secondo la Fuev, si intende una comunità che si definisce “attraverso caratteri che vuole mantenere come la propria etnia, lingua, cultura e storia”. Dopo la caduta del muro di Berlino e dell’Urss, tre milioni di cittadini di origine tedesca sono presenti negli stati post sovietici, per cui Bonn, dopo il 1989, ha iniziato a finanziare la Fuev.
  • VdA: (Verein fur das Deutschtum in Ausland), associazione per la germanicità all’estero.
  • Guy Héraud: coeditore di “Europa Etnica”, organo ufficiale della Fuev e di Intereg, figura nel comitè de patronage della “Nouvelle Ecole”, la rivista della nuova Destra francese. È il padre del federalismo etnico, la dottrina istituzionale che presenta le “Piccole Patrie”, nate dalla secessione dallo Stato nazionale multietnico, come l’estremo bastione contro la globalizzazione e l’invasione allogena. “Padre spirituale” del nazionalismo etnico è R.W. Darré e il suo testo, fondamentale per ogni etnonazionalista, è Neuadel aus Blut un Boden (Ed. italiana: Edizioni di Ar, Padova 1978): l’indissolubile binomio di “sangue e suolo” esprimeva la carica fortemente etnonazionalista e biologista del pensiero ruralistico di Darré. L’uomo, considerato innanzi tutto nella dimensione biologica di portatore e custode nel suo sangue di un prezioso patrimonio genetico, doveva realizzare la sua esistenza attraverso un’intima fusione con la terra.
doc92732.jpgEgli doveva “come la pianta mettere radici nel suolo per prendere parte alla forza primigenia, eternamente rinnovantesi della terra”. “Vogliamo far diventare di nuovo il sangue e il suolo il fondamento di una politica agraria tedesca chiamata a far risorgere il “contadinato” e con ciò superare le idee del 1789, cioè le idee del liberalismo. Perché le idee del 1789 rappresentano una Weltanschauung che nega la razza, l’adesione al contadinato invece è il nucleo centrale di una Weltanschauung che riconosce il concetto di razza. Intorno al contadinato si scindono gli spiriti del liberalismo da quelli del pensiero völkisch”. Tra i molti importanti esponenti del pensiero völkisch vi furono: Julius Langbehn (Rembrandt als Erzieher), Paul de Lagarde (Deutsche Schriften), il movimento dei Wandervoegel, W. Schwaner (Aus heiligen Schriften germanischer Völker), Hermann Ahlwardt (Der Verzweiflungskampf der arischen Völker mit dem Judentum), Artur Dinter (Die Sünde wider das Blut), H.F.K. Guenther (Rassenkunde des deutschen Volkes, Rassenkunde Europas, Rassengeschichte des hellenischen und des römischen Volkes), Friederich Naumann, Alfons Stoecker e infine Georg Ritter von Schönerer.
Nostro dovere di etnonazionalisti è, quindi, prima di tutto quello di far riscoprire a tutti i Popoli Padano-Alpini ed agli Europei l’appartenenza alle proprie millenarie comunità di sangue, di suolo, di destino e di storia: comunità che da sempre hanno costituito quella più grande comunità di popoli che è oggi la Padania.

Dire Padania, significa per noi evocare subito una molteplicità d’immagini e di concetti diversi. Primo fra tutti un concetto geografico: la Padania è una terra. Ma subito dopo un concetto d’ordine etnico: la Padania è, infatti, un insieme di popoli affini per comuni radici di sangue e di tradizioni. Ancora, un concetto d’ordine storico: la Padania è il risultato di millenni di vicende storiche specifiche, è il prodotto della vita fisica e spirituale, delle attività delle genti che l’hanno abitata. E infine un concetto d’ordine ideale: la Padania è un insieme di civiltà. Non è dunque possibile pensare la Padania senza avere ben presenti questi quattro momenti fondamentali della sua identità: la Padania come Terra, la Padania come Sangue, ovvero come l’insieme di numerose comunità etniche, la Padania come Memoria storica, la Padania come Civiltà. Noi rappresentiamo quelle Heimaten, quelle Stirpi che esistono da millenni e non un’artificiosa costruzione massonica e giacobina come lo stato italiano, noi siamo quella Terra di Mezzo che da sempre è il cuore pulsante della Mitteleuropa.

Il concetto di sangue e suolo non è certo astratto e trova un riscontro materiale nelle mappature genetiche italiane, che dimostrano in maniera scientifica come non esista in termini etnici un popolo italiano e come gli antichi popoli preromani siano ancora oggi presenti con i loro geni. Anche linguisticamente le differenze sono nette e parlare di dialetti è un eufemismo non supportato da riscontri scientifici. Non si può inoltre confondere la razza con l’etnia, ragion per cui gli Europei autoctoni sono razzialmente omogenei ed etnicamente divisi. Il Sacro Romano Impero della Nazione Germanica, unendo nella diversità rimane l’esempio più alto di un’Europa forte, libera e rispettosa delle tante patrie che la compongono.

Detto questo riteniamo comunque che di fronte al pericolo immediato e mortale per l’intera Civiltà europea di un’immigrazione che è un’autentica invasione, sia oggi più importante ricercare i valori della comune Tradizione europea ed unire le forze per salvare il salvabile. Lo stato italiano è condannabile in quanto giacobino e perciò centralista e mondialista e nemico delle etnie che lo compongono. Un’etnofederazione basata sui valori della nostra Tradizione potrebbe essere un passo fondamentale verso la costruzione della Padania e dell’Europa che sognamo.

La battaglia è appena iniziata: siamo noi, tutti noi Popoli Padano-Alpini ed Europei che dobbiamo alzare il grido di battaglia, serrare i ranghi, e inondare le piazze di questa Terra antica dal nuovo destino. Inondarla delle nostre millenarie bandiere di libertà! E soprattutto noi etnonazionalisti dobbiamo restare uniti e legati come lo sono gli alberi di una stessa foresta, le onde di uno stesso fiume, le gocce di uno stesso sangue. Allora sarà veramente impossibile fermarci! Forza dunque: Padania, Europa in piedi!

Federico Prati

L’etno-nazionalismo e l’ideologia völkisch

Réflexion sur l’État dans l’économie

Qu’est-ce que le vrai colbertisme?

Réflexion sur l’État dans l’économie

Par Guillaume Faye

Ex: http://www.gfaye.com

Colbert_mg_8446.jpgPar manque de formation historique et économique, on présente le « colbertisme » comme de l’interventionnisme étatique à la façon de l’État Providence ou des velléités de notre bruyant ministre du ”Redressement productif ”, M. Montebourg. Première erreur. On s’imagine aussi que le colbertisme est un dirigisme anti-libéral, le choix d’une économie bureaucratique et administrée, sous prétexte de ”volontarisme” anti-marché.  Seconde erreur. Le colbertisme n’a rien à voir avec ces clichés, bien au contraire. Dans l’histoire de France récente, les véritables politiques colbertistes ont été menées par De Gaulle et Pompidou, mais certainement pas par les socialistes. Explications.

Colbert, homme pragmatique, principal ministre de Louis XIV, était révulsé par l’économie corporatiste, héritée de la période médiévale, avec ses corsets réglementaires, coutumiers, paralysants, fiscalistes. Un type d’économie archaïque que défendent, en fait, aujourd’hui les socialistes au pouvoir et les féodalités syndicales. Colbert était un adepte du mercantilisme anglais : il ne faut pas entraver le commerce, même avec les meilleures mais stupides intentions,  mais le favoriser, afin d’augmenter la richesse et la prospérité. Mais Colbert ajouta une french touch, comme on dit : l’État ne doit pas seulement veiller à laisser en paix les acteurs économiques, à ne pas les assommer de règlements, les imposer, les contraindre, mais aussi à les aider et à leur construire un environnement favorable et à mener de grands projets d’investissement ciblés, et énormes pour l’époque : la manufacture de Saint-Gobain,  celle des Gobelins, celle de Sèvres, le canal du Midi, les grandes routes royales (1), le pavage de Paris, les grands chantiers et commandes artistiques somptueuses, vitrines de la France, etc.

Colbert développa ainsi l’idée d’investissements d’État productifs : les manufactures, les infrastructures et les comptoirs coloniaux. Ces ”grands projets” constituaient à la fois un appel d’offre pour les entrepreneurs privés mais s’inscrivaient dans la doctrine mercantiliste anglo-hollandaise : créer un environnement propice à l’expansion commerciale et à l’exportation – plus d’ailleurs qu’à l’industrie. Loin de lui l’idée de faire de l’État royal  un acteur interventionniste, mais plutôt un ”facilitateur”. Pour Colbert, l’État devait être économe, avec des comptes équilibrés, d’où son conflit avec le dispendieux Louvois. L’État colbertiste est libéral et initiateur à la fois. Il limite les impôts. Il favorise le commerce maritime avec les comptoirs.   

Le bricolage économique et industriel des socialistes n’a donc rien à voir avec le colbertisme dont l’approximatif M. Montebourg se réclame. Le gouvernement socialiste veut au contraire (mythe marxiste de la ”nationalisation”) que l’État bureaucratique se substitue aux entreprises,  les dirige avec prétention et incompétence, tout en les assommant de charges par ailleurs. D’où par exemple le prétentieux et inutile programme étatique en 34 plans techno-industriels (septembre 2013) qualifié avec cuistrerie de « troisième révolution industrielle », par lequel l’État  va « faire naître les inventions de demain, les usines de demain, les produits de demain ».  Les dirigeants de Google ou de X Space doivent bien rigoler. Ce projet coûtera 3,7 milliards d’euros. Ce sera un coup d’épée dans l’eau. Car les élus et les fonctionnaires sont les plus mal placés pour définir les axes de recherche-développement du secteur industriel marchand. Ce dernier sait faire son job tout seul. À ce propos, Yves de Kerdrel écrit (2) : « à quoi bon mettre l’accent sur la production de textiles intelligents lorsque dans le même temps des industriels de ce secteur se voient refuser l’autorisation d’ouvrir un site de production dans telle friche industrielle sous prétexte qu’on y aurait aperçu une espèce protégée d’escargots. » (3)

De même, la création de la récente banque publique d’investissements est une usine à gaz bureaucratique et coûteuse. L’État ferait mieux non pas de se mêler de créer des emplois, mais de faciliter leur création, non pas de subventionner ça et là des entreprises de pointe mais de cesser de pressurer de taxes, de paralyser par des règlementations l’ensemble des entreprises, d’assouplir le marché du travail, etc. L’État français socialisé est un fossoyeur qui se fait passer pour un infirmier, un destructeur d’industries qui se pose en sauveur de l’industrie. (4) 

Tout autre est le véritable colbertisme, ou plutôt le néo-colbertisme de l’ère gaullo-pompidolienne. En ce temps-là (1958-1974), le budget était en équilibre. Ce qui n’empêchait l’État d’aider au financement (lui seul pouvait le faire) de grands projets structurants pour l’avenir, avec une vraie vision, pour la France et pour l’Europe. Nous sommes toujours les héritiers de ces projets, qui n’ont plus de successeurs à la hauteur.

Mentionnons pour mémoire : le programme nucléaire des 58 réacteurs (indépendance énergétique et électricité propre), le Concorde (échec commercial franco-britannique mais énormes retombées technologiques), le programme spatial (Arianespace, leader mondial), le TGV, le réseau autoroutier, Airbus, l’avionique militaire française et tant d’autres initiatives. Bien sûr il y eut des échecs cruels. (5) Le néo-colbertisme se caractérise donc par une action de l’État dans deux domaines essentiels : fournir aux entrepreneurs, forces vives d’une nation, les infrastructures nécessaires à grande échelle ; passer des commandes d’État ou proposer des partenariats dans des domaines stratégiques. Pas ”bricoler” avec des boîtes à outils socialistes, avec de la ”com” (propagande mensongère) à la rescousse.    

Maintenant, pour conclure, n’oublions pas que l’État américain fédéral   pratique le néo-colbertisme dans certains domaines, avec la NASA ou le pilotage du complexe militaro-industriel. L’Union européenne, elle, adepte d’un fédéralisme mou, bureaucratique, ”libéral” au mauvais sens du terme, n’a aucun projet techno-industriel de grande ampleur, et mobilisateur. Le colbertisme suppose une volonté nationale et l’Union européenne ne se pense toujours pas véritablement comme nation. Très probablement – c’est l’enseignement de l’Histoire – elle ne le fera que si  l’alchimie explosive se fait entre une menace et un leader. La menace existe, et le leader européen pas encore.

Notes:

(1) Au début du XVIIe siècle, il fallait trois fois plus de temps pour aller de Paris à Marseille ou à Bordeaux que du temps de l’Empereur Trajan, à la fin du Ier siècle, lorsque les voies romaines étaient entretenues. Après les investissements routiers de Colbert, cette différence n’existe plus. Dans le Paris de Henri IV, le confort urbain était inférieur à celui de Rome ou de Pompéi : pas de rues pavées, pas d’égouts, très peu d’apports hydrauliques non phréatiques.

(2) Le Figaro, 18/09/2013, in « Colbert, reviens ! Ils sont devenus fous », p. 15, article stimulant qui m’a donné l’idée d’écrire celui-ci. 

(3) Toujours le principe de précaution, frilosité écolo, que Claude Allègre a dénoncé. Voir l’interdiction, en France, même des recherches sur l’exploitation propre des gaz et huiles de schiste. Les escargots valent mieux que les emplois. Le lobby écologiste (même fanatisme que les islamistes) est dans l’utopie contre le réel. Hélas, il est écouté.

(4) La cause principale de la désindustrialisation de la France est la perte de compétitivité des entreprises industrielles, du fait du fiscalisme pseudo-social étatique, et non pas la recherche de la maximisation des profits par les ”patrons”, contrairement au discours paléo-marxiste. 

(5). Par exemple, le “Plan Calcul“ gaulliste des années soixante, maladroit et trop étatiste, qui n’a pas empêché l’informatique mondiale d’être dominée par les Américains. Ou encore notre bon vieux Minitel, lui aussi trop piloté par l’État (sub regnum Mitterrandis), trop cher, balayé par l’Internet US, en dépit de ses innovations et de ses avantages.

LA CHARTE DE LA LAÏCITE

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LA CHARTE DE LA LAÏCITE

De l’éducation du vulgaire ou comment on y remédie


Michel LHOMME
Ex: http://metamag.fr
 
 
Il y a quelque chose de surprenant dans les dictatures ou les fins de régime, c’est qu’ils sont toujours transparents. Ainsi en va-t-il de la Charte de la Laïcité de Vincent Peillon. Alors qu’on attend pour la France les résultats catastrophiques de Pisa 2013 et le classement de ses universités, l’Education nationale s’entête. 

Dans la déroute, il faut bien colmater les brèches et se préparer aux futurs procès. Vincent Peillon travaille pour la jurisprudence et le tribunal administratif. Afficher avec tant d’ostentation dans toutes les écoles publiques, la Charte de la laïcité, c’est s’adresser une fois de plus aux Musulmans de France. La « refondation » de l’école est un fiasco. Les bandes avec sabre frappent à la porte des grands établissements parisiens (le lycée Edgar Quinet, lundi matin). Peillon n’est pas sot. Les « étrangers » à l’école sont homophobes, sexistes et souvent antisémites ! Alors, Vincent Peillon s’égosille à rappeler à une génération illettrée les règles du laïcisme.
 
Cependant, « la question de la laïcité ne doit pas tourner à l’obsession de l’Islam » ose-t-il reconnaître le 26 août dernier. Le Monde écrivait à ce propos que « les difficultés se nouent surtout autour de certaines disciplines, certains points du programme: L’étude de textes religieux en 6ème ou en 5ème, l’enseignement de l’histoire de la Shoah en 3ème et en 1ère, le conflit israélo-palestinien au lycée, en biologie, les cours sur l’évolution, sur la sexualité. En sport, à la piscine, en arts plastiques, à la cantine, dans la cour de récréation, lors de voyages scolaires ».



Depuis PISA 2009, on sait que les résultats des jeunes Français ne sont pas fameux. En lecture, 20% des élèves sont en échec scolaire c'est-à-dire au niveau 1 (le niveau plus faible) dont 8% au niveau 1b et en dessous. C'est plus que la moyenne de l'OCDE qui se tient à 6% aux niveaux 1b et en dessous. La France fait partie avec Israël, la Belgique et l'Autriche, des pays où l'écart est le plus fort entre les élèves les plus doués et les plus faibles. La part des élèves faibles en lecture dépasse la moyenne OCDE. Un chiffre circule (non vérifié) qui indiquerait qu’un professeur sur 5 démissionnerait durant sa première année d'enseignement, un sur trois durant les 5 premières années. Malgré les vacances et le statut de fonctionnaire, on préfère parfois être serveur dans un café plutôt que de se faire cracher dessus ou insulter. Les disciples de l’ intellectuel Meirieu, Prix Lyssenko 2011 avancent maintenant l’idée d’une  « pédagogie inversée », de la « classe inversée » c’est-à-dire cours, théorie à la maison et les exercices et les devoirs en classe, sans même se poser la question de l’espace du travail domestique de l’enfant et de l’adolescent  ! Déjà, le nouveau lycée propose ces fameux accompagnements personnalisés ou des enseignements d’exploration non notés. Il ne s’agit plus de surnoter – cela ne cache plus la déroute ! – mais de supprimer carrément les notes !

De toutes ces réformes, plus personne dans le métier n’y croit. Marcel Gauchet a d’ailleurs récemment fait l’aveu de toute une génération : « Relu à l’aune de ce degré zéro de la connaissance, le virage des années 70 ressemble à un gros saut dans le vide. Nous pensions avoir un parachute et… nous nous rendons compte au milieu de la descente que nous n’en avons pas » (Le Monde, 22 mars 2013). 

Dans une plaquette destinée aux futurs candidats aux concours enseignants 2014, on note l’obsession caricaturale de la professionnalisation et de l’enseignement par compétences, la nouvelle panacée du Ministère. On ressasse les mêmes idées pour en finir avec le cours magistral et centrer sur les activités, l’élève se trouvant au centre du dispositif scolaire. Certes, on acquiesce : si l’on veut des élèves compétents, il faut bien des professeurs compétents mais c’est pour la plaquette, des « techniciens de l’éducation » ! On évoque même des « référentiels de compétences professionnelles ». Ce dépliant est un petit bijou de communication mais surtout de retour du refoulé. Elle s’enivre de mots qu’elle répète à l’envie pour mieux y croire : « traçabilité », « interdisciplinarité », « métiers à visée pédagogique », « capacités et attitudes », « gestes », « les apprenants », « des professionnels ». On ne parle jamais de savoirs disciplinaires alors que pourtant, on s’adresse à de futurs professeurs ! Mais autant supprimer de suite l’agrégation. 

D’ailleurs, n’ayez crainte, on y songe sérieusement avec les classes prépa ! Le maître n’a pas à en savoir plus que l’élève. Certes, on pourrait se demander pourquoi tant d’acharnement à détruire le savoir de la part de professeurs après tout bien formés ? La plaquette le révèle, il faut « lutter contre les savoirs morts, les connaissances inertes » sans remarquer que la pédagogie par compétences, par grilles, entraîne de facto la mécanisation de la transmission c’est-à-dire la fin de toute pensée vivante, l’abrutissement et l’ennui. En fait le comble, c’est qu’en lisant cette plaquette, on sent bien que leurs auteurs n’y croient même pas. Ils  n’arrivent même pas à cacher dans leurs phrases une certaine inquiétude. On vous l’a dit : ce sont sans doute d’honnêtes professeurs ! Ils avouent par exemple au détour d’une phrase qu’un « niveau suffisant de maîtrise des savoirs », « une clarté de l’expression écrite et orale » sont tout de même nécessaires au métier d’enseignant ! En sorte, c’est comme si ces universitaires en venaient à se méfier eux-mêmes du niveau des diplômes supposés de leurs futurs collègues c’est-à-dire des diplômes qu’eux-mêmes délivrent ! Inquiétant ! 

On n’est plus ici au milieu de la descente mais carrément dans le grand plongeon.  

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La teoria etnonazionalista

La teoria etnonazionalista

Ex: http://walseruradel.blogspot.com

Da pochi giorni è stato pubblicato un nuovo libro sull’etnonazionalismo, che uno dei quattro autori mi ha pregato di segnalare. Lo faccio ben volentieri, anche perché tutti e quattro hanno pubblicato loro contributi anche sul sito del Centro Studi La Runa.

* * * Orizzonti del Nazionalismo Etnico Pensiero Etnonazionalista e Idea Völkisch

  Orizzonti del nazionalismo etnico
Effepi Edizioni, pagg. 144 Euro 16,00 Maggio 2007 IL LIBRO – Nel testo, vera guida dogmatica al Pensiero Etnonazionalista ed all’Idea Völkisch, si affermano quali debbano essere le “linee guida” che ogni “Soldato politico” etnonazionalista, per essere definito e considerato tale, debba seguire. Il Pensiero Etnonazionalista Völkisch assurge al ruolo di nuovo paradigma etno-identitario di cui la Volksgemeinschaft, la Comunità di Sangue, ne diviene il cardine. Il Popolo rappresenta la Comunità di Sangue: il concetto di Razza e d’ereditarietà, le nozioni derivate dalle ancestrali tradizioni degli Avi. Una comunità di popolo che vuole proteggere e favorire i valori radicati nell’individuo che accetterà ed accoglierà l’atavica eredità atropo-razziale, etno-culturale e storico-politica per riacquistarne ed attualizzarne i Valori fondanti l’identità etnonazionale. Questo paradigma consiste dunque in una riscoperta e riproposizione del concetto di Sangue e Suolo, Razza e Patria, Etnia e Stato. DAL TESTO – “ Il non facile compito che gli autori del libro si sono proposti è quello di “illustrare” e “spiegare”, nella maniera più completa ed organica possibile, la Weltanschauung che sta alla base del pensiero Etnonazionalista Völkisch. Illustrare, pertanto, quale sia, la particolarità metapolitica dell’Etnonazionalismo Völkisch, che gli conferisce una costante attualità, in quanto Idea-Forza in grado di fornire sempre serie e concrete soluzioni politico-culturali capaci di ovviare ai mali che da troppo tempo affliggono l’Europa tutta. Difendere ad ogni costo le Identità etnico-razziali e le ancestrali Tradizioni delle Piccole Patrie europee dalla Sovversione politico-culturale e spirituale che le minaccia. Riaffermare con forza la volontà di ritornare pienamente padroni sulle nostre terre. Rendere edotti e consapevoli i Giovani d’Europa di appartenere a comunità etnico-nazionali antichissime aventi nei Popoli Indoeuropei i nobili padri fondatori. Vigilare, custodire, ricordare le ataviche Tradizioni di quell’Europa Aria che diede vita alle nostre Nazioni di Sangue e Suolo. Salvaguardare l’immenso ed unico patrimonio razziale, etnico, culturale, storico, linguistico ed ambientale delle nostre millenarie Heimat.”
 
GLI AUTORI – Federico Prati, Silvano Lorenzoni, Flavio Grisolia e Harm Wulf .
 
INDICE DELL’OPERA – Premessa – Pensiero Etnonazionalista e Idea Völkisch – Immigrazione allogena, massoneria e mondialismo capitalista – Bibliografia essenziale.
 
Ordinabile presso: Effepi Edizioni effepiedizioni@hotmail.com tel 338 919 5220

René Guénon and Eric Voegelin on the Degeneration of Right Order

René Guénon and Eric Voegelin on the Degeneration of Right Order

I. Introduction. No area of Western history is quite as recondite as that of the Diadochic empires, the successor-kingdoms that sprang up in the wake of Alexander the Great’s meteoric campaigns (334 – 323 BC) to subdue the world under militaristic Hellenism. One knows that the unity of Alexander’s Imperium, ever tenuous and improvisatory, broke down immediately on his death, when his “companions” fell to bellicose squabbling over bleeding chunks of the whole. Of Ptolemy’s Macedonian Egypt, one knows something – largely because the realm’s newly built Greek metropolis, Alexandria, became culturally the most important polis in the Mediterranean world, even after Octavian conquered Cleopatra and organized her Macedonian rump-state into Rome’s emergent world-federation. To transit from historical fair-certainty to historical incertitude, however, requires only that one switch focus from the Ptolemaic kingdom in the Nile Delta to the Seleucid... Indeed, to the Seleucid what? For Seleucus’ prize in the wars of the successors stretched in geographic space from Syria and Cilicia, and associated insular territories, eastward through portions of Mesopotamia and Asia Minor into the hinterlands of Parthia and Bactria. The Seleucid kingdom’s borders, as distinct from those of the more stable Ptolemaic kingdom in Egypt, remained, like the Heraclitean river, in constant flux; moreover, the Seleucid kingdom steadily withdrew in the direction of the sunrise, sacrificing its westerly regions for the defensibility of its easterly keeps, until in its last act, as the remnant Greco-Bactrian principality, it attempted to perpetuate itself against political mortality by an exodus-through-conquest from Central Asia across the Hindu Kush into Northern India.

One progresses, it seems, from obscurity to super-obscurity, as one might progress from Antioch, a polity known more or less in the annals of Western history (it served Seleucus for a capital city), to Pushkalavati, a polity all but unknown in those annals. These murky events in half-legendary places nevertheless issued in archeologically and literarily documentable consequences. When the Maurya emperor Ashoka (304 – 232 BC) converted to Buddhism around 250 BC and established it as his state religion, for example, he had to promulgate his policy in the northwest provinces of his expansive kingdom in Greek as well as in the indigenous languages. As late the First Century BC, Greek communities – if not actual poleis – still existed in what would today be Pakistan and Afghanistan, the original name of whose second largest city, Alexandria, corrupted itself over the centuries into the barbarism Kandahar. A post-Bactrian dux bellorum, Strato II, controlled a territory in the Indus Valley as late as 10 BC. Under the Seleucids and their heirs, the canons of Greek art influenced local sculpture and painting. The Bamiyan Buddhas, completed around 500 and dynamited by the Taliban in 2001, still reflected stylistic elements of Hellenistic statuary. Finally, it was through the Seleucid kingdom and its sequelae that India and the Mediterranean came into significant communication with one another so that Brahmanism and Buddhism might be known and studied by the Greek-speaking scholars of the Serapeum and something of the dialectical method might be adopted by Hindu philosophy.

Bamiyan Buddhas

This précis of Hellenistic penetration into the Near East and Central Asia in the great age of competing empires that consummated itself in the ascendancy of Rome in the West is by way of introduction to a modest comparative study of René Guénon’s Spiritual Authority & Temporal Power (1929) and Eric Voegelin’s Ecumenic Age (1974), the fourth volume of his five-volume Order and History (incipit 1956, with Israel and Revelation). The “Bactrian” chapter of the Alexandrian Drang nach Osten provides an important object of study in both books. Voegelin (1901 – 1985) could not, of course, have been known to Guénon (1886 – 1951) and it seems relatively unlikely that this particular book by Guénon would have been known to Voegelin, who, however, might have been familiar with The Crisis of the Modern Age (1927) and The Reign of Quantity & the Signs of the Times (1945); Spiritual Authority is something of a sequel to The Crisis, whose topics The Reign of Quantity revisits. Of interest is that Guénon and Voegelin, while quite different in the style of their thinking, nevertheless identify in the phenomenon of the Bactrian episode (including its Indian prequel) the same historical and spiritual significances and see in closely similar ways the relevance of that episode to an understanding of the modern phase of Western history. It goes almost without saying that for both Guénon and Voegelin, modernity is a disorderly and corrupt period in which the dominant elites have betrayed the hard-earned wisdom of philosophy and revelation and believe themselves anointed to remake a wicked world into a rational paradise liberated from superstition and bigotry, a project necessarily entailing the destruction of tradition. Modernity is “Gnostic,” in Voegelin’s term. Gnosticism designates a markedly low order of mental activity, in spiteful rebellion against the difficulties entailed by a contrasting openness to and participation in reality. Following chronology, it is natural to begin with Guénon.

livre-guenon.pngII. Guénon. A student of comparative religion, Guénon took lively interest in Hinduism, Brahmanism, and Buddhism. The Hindu scriptures especially provided him with a rich symbolism, which he found that he could instructively put in parallel with, among other vocabularies, that of the Platonic lexicon. Spiritual Authority & Temporal power draws on Guénon’s knowledge of the Vedas and related documents – a propensity that can at first stymie a reader uninitiated in the specialist vocabulary. (I put myself in the category.) However, Spiritual Authority repays readerly perseverance; the references to Plato give context to the exploration of caste not as an item of sociological but rather as one of metaphysical importance. A central political-philosophical question, who should govern, as Guénon points out, is shared by Hindu religious speculation and Platonic discourse. Guénon declares the topic of his essay to be “principles that, because they stand outside of time, can be said to possess as it were a permanent actuality.” Respecting the debate about the fundamental legitimacy of temporal offices, Guénon asserts, “the most striking thing is that nobody, on either side, seems concerned to place these questions on their ground or to distinguish in a precise way between the essential and the accidental, between necessary principles and contingent circumstances.” The petulant habit of deliberately ignoring first things by itself merely provides “a fresh example [so writes Guénon] of the confusion reigning today in all domains that we consider to be eminently characteristic of the modern world for reasons already explained in our previous works.” Guénon’s phrase for the Twentieth-Century contemporaneity of his book is “the modern deviation.”

Where Voegelin stands out as above all an exegete of symbols, Guénon strikes one as rather more a modern mythopoeic thinker who takes symbols as his main stuff of purveyance, but this is not to say that he lacks analytical ability. Rather, Guénon grasps that symbols and myths – while they might be, as Voegelin would later call them, compact – articulate reality more fully and more truly than the clichés of modern reductive thinking and that therefore one best wrests intoxicated minds from the drug of those clichés by jerking them around (rhetorically, of course) so as to get them to face and contemplate the symbols in their numinous fullness. It belongs to Guénon’s suasory strategy that the strangeness of Hindu or even European Medieval symbols can fascinate the modern subject even when, as usual, that subject diametrically misunderstands them. Get their attention, Guénon seems to say – interrupt the trance; explanations can come later. Guénon’s unblushing references to a primordial tradition, “as old as the world,” can cause him, in the case of a superficial reader, to resemble a Theosophist or a spiritualist. It is worth remembering that the hard-headed Guénon wrote studies exposing Theosophy as a “pseudo-religion” and spiritualism as mountebank hocus-pocus. But if modernity were a “deviation,” then from what would it have deviated? Although Guénon’s first chapter in Spiritual Authority bears the title “Authority and Hierarchy,” the actual topics are caste and hierarchy, two of the range of first principles that modernity has insouciantly rejected.

Caste and authority relate to one another in complex ways. Modernity bristles at one or the other of the two terms with equal righteousness, but whereas traditionalists and reactionaries acknowledge the necessity of authority, they too might nevertheless feel aversion to caste, as it has manifested itself in India since the Muslim conquest. Guénon reminds his sympathetic but possibly skeptical readers that the existing caste-system of the British Raj of his time is itself a latter-day deviation and quite as acute a one as any aspect of the Western deviation into modernity. Guénon finds the true definition of caste in the Sanskrit etymologies. Accordingly, “The principle of the institution of castes, so completely misunderstood by Westerners, is nothing else but the differing natures of human individuals; it establishes among them a hierarchy the incomprehension of which only brings disorder and confusion, and it is precisely this incomprehension that is implied in the ‘egalitarian’ theory so dear to the modern world.” Additionally, “The words used to designate caste in India signify nothing but ‘individual nature,’ implying all the characteristics attaching to the ‘specific’ human nature that [differentiates] individuals from each other.” Finally, “One could say that the distinction between castes… constitutes a veritable natural classification to which the distribution of social functions necessarily corresponds.” Guénon also asserts that caste, even in the moment when it appears, suggests a fallen condition, “a rupture of the primordial unity” by which “the spiritual power and the temporal power appear separate from one another.” The assertion will disturb no one familiar with the Platonic relation between the realm of the ideas and the realm of social action; or with the Augustinian distinction between the City of God and the City of Man.

In classical Indian society, the roles of authority on the one hand and of power on the other fell respectively to the Brahmins, or the priestly caste, and the Kshatriyas, or the warrior caste. What is at first a harmonious functional distinction becomes, however, in the course of time, “opposition and rivalry,” or so Guénon states. The functionaries of the two castes yield to their baser instincts; they commence a struggle for absolute domination in the society. The struggle finds its outcome “in total confusion, negation, and the overthrow of all hierarchy.” Long before the climax, the real functions of the two castes have lapsed in desuetude. “As for the priesthood, its essential function is the conservation and transmission of the traditional doctrine, in which every regular social organization finds its fundamental principles.” In rivalry with the warrior caste, the priesthood abandons “its proper attribute,” which is “wisdom.” As for the warrior caste, its essential function is active policing of right order within the society, including the maintenance of the priesthood, and defense of the society against external predation. In rivalry with the priesthood, the warrior caste repudiates its guidance under wisdom, whereupon its virtues (heroism, nobility, rectitude) become unintelligible. The rebellious warrior caste claims that no power exists superior to its own, a boast brutally plausible once the community has lost sight of transcendence and “where knowledge is denied any value.”

In addressing the phenomenon of “insubordination,” which as he says modernity instantiates in extremis, Guénon in fact has a particular historical episode in mind, which he treats in the chapters of Spiritual Authority called “The Revolt of the Kshatriyas” and “Usurpations of Royalty and their Consequences.” Guénon cites no dates and names no names, but the episode in question belongs to the career of the Bactrian Greeks in India. A few facts will help to vivify Guénon’s purely abstract account. I take the facts from The Greeks in Bactria and India (1951) by William Woodthorpe Tarn. The chronology runs from the late Third Century to the middle Second Century BC. The main players on the Greco-Bactrian side of the drama are Demetrius I (reigned 200 – 190 or 180 BC); two of his sons, Demetrius II (reigned 175 – 170 BC) and Apollodotus (reigned 174 – 165 BC); and a general, Menander, who soon acquired kingship (reigned 155 – 130 BC). The two sons of the first Demetrius just mentioned, and their sons and grandsons, and Menander, ruled over Indian territories exclusively, the Bactrian Kingdom itself having succumbed by degrees to nomadic invaders (the Yueh-chi) during this period, ceasing to exist after 130 BC. The main players on the Indian side of the drama are the Maurya emperors, who were Buddhists, and their usurper-successors the Sunga emperors, beginning with Pushyamitra (reigned 185 – 149), who were Brahmins. Demetrius II, Apollodotus, and Menander were likely by profession also Buddhists.

When Demetrius I with his sons and Menander as generals invaded India, he was both responding opportunistically to events in Indian politics and acting on the ambition-provoking model of concupiscential militarism, as established by Alexander and the successors. As for Pushyamitra – when he deposed the last Maurya emperor by assassination, he merely continued a long-simmering civil conflict between Brahmins and Buddhists that had been begun by Chandragupta, the first Maurya emperor, who climbed to power by promoting the Buddhist Kshatriyas against the Brahmin overlord class. Tarn notes that in this period “the Brahman was the natural enemy of the Greek,” whom the priestly class categorized under the caste system as Kshatriyas. The corollary of priestly ire against the Greeks was Buddhist (that is, Kshatriya) interest in Greek military support against the Sunga dynasts. Tarn writes, “Both Apollodotus and Menander on their coins… called themselves Soter, ‘the Saviour.’” The discussion will return to the numerous implications of these details in the section on Voegelin, to follow. At this point, we will switch focus back to Guénon and Spiritual Authority.

In the chapter on “The Revolt of the Kshatriyas,” Guénon writes, “Among almost all peoples and throughout diverse epochs – and with mounting frequency as we approach our times – the wielders of temporal power have tried… to free themselves of all superior authority, claiming to hold their power alone, and so to separate completely the spiritual from the temporal.” When the office of the purely temporal order “becomes predominant over that representing the spiritual authority,” Guénon argues, the result will be social chaos masquerading as order under blatantly “anti-metaphysical doctrines.” A doctrine qualifies as “anti-metaphysical” for Guénon when it “denies the immutable by placing… being entirely in the world of ‘becoming.’” To deny first or transcendent principles is equivalent to submitting unconditionally to what Guénon dubs “succession.” The sequence of names in the Bactro-Indian “Who’s Who” – Chandragupta, Pushyamitra, Demetrius, Apollodotus, Menander, and Eucratides – suggests the resounding vanity of mere “succession.” Guénon reminds his readers that: “Modern ‘evolutionist’ theories… are not the only examples of this error that consists in placing all reality in ‘becoming’”; rather, “theories of this kind have existed since antiquity, notably among the Greeks, and also in certain schools of Buddhism.” Let it be noted that Guénon criticizes only the political Buddhism of the Indian Time of Troubles, not the original Buddhism of the Gautama, which “never denied… the permanent and immutable principle of… being.” Guénon implicitly also criticizes the politicized Brahmanism of the same Time of Troubles, which, entangling itself in grossly temporal affairs, forfeited its legitimacy under the law of spiritual immutability.

“Immutable being” is the same as reality; it is a verbal symbol of reality taken as the inalterable nature of the totality of things. To rebel against immutable being is therefore to rebel against reality, with inevitable consequences, the same in every case. As Guénon writes, the Revolt of the Kshatriyas “overshot its mark.” The immediate victors “were not able to stop it at the precise point where they could have reaped advantage from what they had set in motion.” The denial of “Atman,” the Brahmanic First Principle, led to the denial of caste, which led to the usurpation of offices by individuals unsuited to exercise them. It fell out that the Kshatriyas, in dispossessing the Brahmins, made themselves vulnerable to rebellious dispossession by the classes formerly arranged beneath them in the social hierarchy. “The denial of caste opened the door to [one and] every usurpation, and men of the lowest caste, the Shudras, were not long in taking advantage of it.” In fact, “the denial of caste” created a power-crisis in the Indus Valley and adjacent areas that eventually drew in, first, the Persians, then Alexander himself, and then in their turn the Bactrians, who were Alexander’s epigones of the nth degree, and finally a wave of nomadic destroyer-invaders. A familiar theme in Indian politics, foreign occupation, has a history that begins long before the British Empire. Northern India had Greco-Bactrian rulers from the time of Demetrius II, Apollodotus, and Menander until the time of Julius Caesar in the West.

Guénon insists that the Revolt of the Kshatriyas with its aftermath provides only an instance of a general pattern, pedagogically useful in its starkness whose essential features appear, however, in other instances. In the chapter in Spiritual Authority on “Usurpations of Royalty and their Consequences,” Guénon writes of “an incontestable analogy… between the social organization of India and that of the Western Middle Ages,” adding that “the castes of the one and the classes of the other” reveal how “all institutions presenting a truly traditional character rest on the same natural foundations.” Similarly, the Western Middle Ages know parallel experiences to the Revolt of the Kshatriyas. “Long before the ‘humanists’ of the Renaissance, the ‘jurists’ of Philip the Fair were already the real precursors of modern secularism; and it is to this period, that is, the beginning of the Fourteenth Century, that we must in reality trace the rupture of the Western world from its own tradition.” Even before Louis IV, Philip pursued the policy of consolidating all power in France in the kingship. Guénon writes that, “Temporal ‘centralization’ is generally the sign of an opposition to spiritual authority, the influence of which governments try to neutralize in order to substitute their own.”

The analyst may follow the line from Philip in France through the Protestants in Northern Europe, with their national churches, to the secular revolutionary movements that ensue from the Jacobin usurpation of national power in France in the events of 1789 and beyond that to the political-ideological chaos of the Twentieth Century.

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III. Voegelin. The fourth volume of Order and History bears the title The Ecumenic Age. The term ecumene functions centrally in Voegelin’s theory that the order of history emerges through the history of order, that is, as successive differentiations of consciousness and the concomitant increases in noetic clarity. But what is the ecumene and what is meant by The Ecumenic Age? Etymologically, the word ecumene refers to any organized district (the English word economy shares the same Greek root); by the time of the historian Polybius (200 – 118 BC), however, ecumene, which Polybius uses, had come to mean any – or rather the – geographical area over which rival empires or empire-builders might compete. Since by Polybius’ day this geographical area included everything that Alexander had conquered or tried to conquer in the East and everything that Rome had conquered in the West through the Third Punic War, the word effectively meant the known world, from Spain and Gaul to Bactria and India. In one of Voegelin’s several definitions in The Ecumenic Age, the ecumene arises when “empire as an enterprise of institutionalized power” becomes (in the phrase) “separated from the organization of a concrete society,” as happened for the first time in the case of Achamaenid expansion beyond the boundaries of the traditional Persian state in the Sixth Century BC. Persian conquests in the Greek field soon enough produced a reaction in the form of Alexander, who subdued Persia on his way to India; on Alexander’s death, as we have noted, his generals tried to wrest his conquests for themselves – the result being the Diadochic kingdoms. Voegelin writes that, “The new empires [beginning with Persia] apparently are not organized societies at all, but organizational shells that will expand indefinitely to engulf former concrete societies.” The ecumene may additionally be defined as, “the fatality of a power vacuum that attracted, and even sucked into itself, unused organizational force from outside”; and which therefore “originated in circumstances beyond control rather than in deliberate planning.”

Again in The Ecumenic Age, Voegelin writes how, in distinction to the polis, which organizes itself on the lines of a subject, the ecumene “is an object of organization rather than a subject.” This geographical-political phenomenon of the ecumene appears moreover not as “an entity given once and for all as an object for exploration,” the way the earth was given to Eratosthenes or Strabo; “it rather was something,” Voegelin writes, “that increased or diminished correlative with the expansion or contraction of imperial power” radiating from an “imperial center.” Working up to a striking phrase, “The ecumene… was not a subject of order but an object of conquest and organization; it was a graveyard of societies, including those of the conquerors, rather than a society in its own right” (emphasis added). As for the Ecumenic Age – it is the datable period, beginning with Persian expansion and ending with the disintegration of the Roman Empire in the West during which, amidst the destruction of the traditional, concrete societies, the actors of the drama forgot how to heed received wisdom while the victims of their agency had to rethink basic questions about the meaning of existence. In this way, ironically, “the Ecumenic was the age in which the great religions had their origin, and above all Christianity,” but including Buddhism, which had a Greek phase.

It will perhaps have begun to be apparent why Voegelin should take an interest in the Bactrian episode. The Bactrian episode runs its course at the farthest end of the Western ecumene, as defined by the imperial expansions of Darius and Alexander; and in the campaign of Demetrius and his sons it replicates in miniature the concupiscential exodus that Darius and Alexander enacted in setting forth to subdue the world. In the Bactrian episode, the Western ecumene comes into contact with the Indian and the Chinese ecumenes. This contact affected India more than the West, and China hardly at all, but the episode remains instructive. “In the wake of Alexander’s campaign in the Punjab,” Voegelin writes, “the scene of imperial foundations expands to India.” In exploring the significance of the Bactrian episode, Voegelin promises to “refrain from drawing the all-too-obvious parallels with the phenomenon of imperial retreat and expansion we can observe in our own time,” a statement that naturally directs readerly attention to those very parallels. Concerning Chandragupta, whom we have already encountered in our discussion of Guénon’s Spiritual Authority, Voegelin records that, “Among other Indian princes he had come to the camp of Alexander at Patala, 325 B.C.” When the last Macedonian governor departed the Punjab in 317, the ambitious prince “established himself in the new power vacuum with the help of the northwestern tribes and then descended on the kingdom of Maghada,” whose ruling dynasts he ruthlessly exterminated – man, woman, and child. Chandragupta with deft diplomacy avoided conflict when Alexander’s successor Seleucus revisited “Asia.” Concluding a treaty to fix the frontier, Chandragupta received from Seleucus one of the Macedonian’s daughters for a princess-bride; Seleucus received from Chandragupta a squadron of war-elephants.

What seemed a brilliant stroke of self-interested negotiation on the Indian’s part illustrates, in fact, Voegelin’s contention: The ecumene, despite its weird ontology, has the real power to draw in those who inhabit its periphery. The attraction exerted itself reciprocally: Indians were drawn into the Seleucid and Bactrian spheres and Seleucids and Bactrians were drawn into the Indian sphere; every conqueror-usurper generated his own conqueror-usurper, and the degeneration reached its nadir in barbarian incursions and desertification of whole provinces. In Voegelin’s description, “When a general of the last Maurya ruler, Pushyamitra Sunga, assassinated his master… an imperial power vacuum was created, comparable to the earlier one, after the death of Alexander”; and “as the earlier vacuum had attracted the Maurya Chandragupta, so the present one invited Demetrius, the king of Bactria, to conquering action.” Demetrius found success in his venture partly because of the Brahmin-Buddhist split; he could appeal to the Kshatriya caste as their Soter – their “liberator” or “savior” – against the Brahmin caste. Saving and liberating belong, in Voegelin’s analysis, to a “new symbolism of the Ecumenic Age,” with the codicil that its newness equates to its degeneracy. “An age of ecumenic imperialism throws up of necessity… the curious phenomenon which is today called ‘liberation,’ i.e., the replacement of an obnoxious imperial ruler by another one who is a shade less obnoxious.”

Voegelin’s account points up the existential ironies of the Bactrian episode – naturally, because he is dealing in historical specifics – more than Guénon’s account. Demetrius having conquered India, the Seleucids saw in his absence from Bactria the ripe opportunity to reincorporate that former province. Antiochus IV sent Eucratides to complete the task; when Demetrius returned from his Indian triumph to confront the invader, he succumbed in the engagement. Voegelin speculates that Eucratides, who came with only a small army, found crucial support among the Macedonian faction in Bactria that resented Demetrius’ policy of fusion with the native Bactrians. Voegelin characterizes Eucratides as “another Savior, this time of Macedonians and Greeks from a ruler who favored the native barbarians.” While Bactria reverted temporarily to the by-now-much-truncated Seleucid kingdom, northern India found itself under Greek domination in the kingdom of Menander, who, consolidating the work of Demetrius and his sons, declared independence. In a final blow of absurdity, the Parthians invaded the re-Seleucized Bactria and Eucratides fell battling them in 159 BC.

The sequence of events that constitutes the Bactrian episode resembles the plot of one of those operas of the Late Baroque or Early Classical periods, like the Zoroastre (1749) of Jean-Philippe Rameau or the Mitridate (1770) of Wolfgang Mozart: It has five acts, plays for three hours, and boasts so many characters that the audience can hardly keep track of them while struggling to extract the meaning. The spectators leave the performance feeling dazed and disoriented. We recall that the Bactrian episode is merely a recapitulation, and to some extent an anticipation, in miniature, of the entirety of the Ecumenic Age. Voegelin writes: “During the Ecumenic Age itself… the violent diminution, destruction, and disappearance of older societies, as well as the embarrassing search, by the conquering powers, for the identity of their foundations, was the bewildering experience that engendered the ‘ecumene’ as the hitherto unsuspected subject of the historical process.” Overlooking Voegelin’s use of the term “subject” in this sentence (one of his few lapses in ambiguity) while remembering that the ecumene is an object rather than a subject it is worth examining the paradoxes that stem from the question, already posed, how to define the Polybian lexeme. “For,” as Voegelin writes, “the ecumene was not a society in concretely organized existence, but the telos of a conquest to be perpetrated.” In addition, “one could not conquer the non-existent ecumene without destroying the existent societies, and one could not destroy them without becoming aware that the new imperial society, established by destructive conquest, was just as destructible as the societies now conquered.”

The instigators of concupiscential conquest think no such thoughts; in abandoning wisdom for the purely pragmatic adventure of the conquistador they bring about the divorce in their home societies between wisdom and action – the very same divorce whose exemplar Guénon discovers in the Revolt of Kshatriyas. Voegelin’s way of describing this spiteful repudiation of wisdom and even of knowledge is the formula, “humanity contracted to its libidinous self.” Such humanity condemns itself to endure the reduction of being to becoming – to the endless and meaningless temporal succession that it instigates. And what is most wicked is that it drags the rest of humanity along with it. Voegelin sketches a phenomenology of the conqueror: “These imperial entrepreneurs of the Ecumenic Age understood the meaning of life as success… in the expansion of their power” and in no other way; worse – and tellingly – they experienced any checks against their ambitions as instances of outrageous “victimization.” They and their rhetorical sycophants also invented “the games by which the power-self makes itself the fictitious master of history,” for example, as a “Savior.” Who does think the thoughts that lead to the identification of the ecumene as existentially meaningless and intolerable?

The answer to the question of who thinks those thoughts is, obviously, the ecumene’s non-sympathetic survivors, who, however, avoid thinking of themselves in selfishly victimary terms. They are those who remember wisdom or at least remember that such a thing as wisdom exists and may be sought for even in the spiritual desert of wrecked civilizations. The meaning of history, and therefore the meaning of human existence, emerges only by exodus from the ecumene; this will be a spiritual exodus aimed at reclaiming wisdom and restoring transcendence, either to the society, should it be extant, or for the sake of a new society not yet founded, which might arise from the wreckage and accord itself with reality. Indeed, in Voegelin’s words, “the relation between the concupiscential and the spiritual exodus is the great issue of the Ecumenic Age.”

IV. Guénon, Voegelin, and the Modern Crisis. Responding to the Siren Song of the ecumene to conquer and possess it qualifies as Voegelin’s privative exodus in at least two senses. Pragmatically, the conqueror in going forth leaves home; he generally leaves it, moreover, with the cream of the young men and a significant portion of the collective wealth in the forms of his provisions and armaments. Very likely he leaves behind him a vacuum of confusion, and a fat opportunity for mischief. Philosophically or metaphysically, the conqueror in going forth demonstratively exempts himself from the wisdom that, like his homeland, he leaves behind; under the pomp and color of his banners he declares himself indeed the prime mover of reality, a gesture of hubris in the highest degree. For in declaring himself such, he declares nothing less than the abolition of reality, as though it were his prerogative to guarantee what is possible and what is not and so to make patent his success before it occurs. Homer knew this at the beginning of the polis civilization. Agamemnon goes forth to conquer but brings about only the reduction to rubble of the heroic world, including his own murdered corpse; Odysseus, involuntarily alienated from home, struggles back to purge his household of uninvited mischief-makers. One sign of the rebellion against reality by the conquistadors of the Ecumenic Age, which entails the abolition of actually existing “concrete societies,” is their insistence on auto-apotheosis, as when Seleucus or Demetrius or Menander identifies himself on his coinage with Helios Aniketos, “The Unvanquished Sun,” or the equivalent. To paraphrase Voegelin: The ecumene is not only a graveyard of societies, but it is also a graveyard of the Helioi Aniketoi; and thus, amid the debris left by their late passage, of their innumerable victims.

In its dumb absurdity, the myriad of tombs affirms reality against concupiscential insouciance by pointing back to the violated wisdom as its cause. Guénon in Spiritual Authority puts it this way: “All that is, in whatever mode it may be, necessarily participates in universal principles, and nothing exists except by participating in these principles, which are eternal and immutable essences contained in the permanent actuality of the divine Intellect; consequently, one can say that all things, however contingent they may be in themselves, express or represent these principles in their own manner and according to their own order of existence, for other wise they would only be a pure nothingness.” Voegelin would recognize in Guénon’s balanced phrases one of the essential differentiations of consciousness with which his Order and History is concerned. The concupiscential campaigner can begin in only one way, by blanking out the knowledge of his own contingency; and if anyone should remind him of his contingency, he must blank out that person. He would not be stymied, or as he sees it, victimized.

Voegelin argues generally that differentiations of consciousness are irreversible, that they remain available after they occur; but he admits into his theory the concession that “diremptions” and “derailments” can also prevail during which the old symbols of wisdom no longer effectively signify and new symbols have not yet achieved full articulation. When Christianity emerges against the background of meaningless imperial succession, for example, it includes in its peculiar differentiations all the previous differentiations achieved in revelation and philosophy, from Moses to Plato. Nevertheless between the decline of philosophy and the consolidation of Christianity, there falls a long, anxiety-ridden stretch of ad hoc syncretism, thaumaturgy, Gnosticism, orgiastic enthusiasm, and general disorientation. The mental disorder of such things is the spiritual counterpart of the destruction of concrete societies under the ecumenic empires. People can for a time repudiate or lose touch with the luminous articulations that, formerly, reconciled them to reality; they either die off or recover something of clairvoyance. It happens that in The Ecumenic Age, Voegelin repeatedly references one of the earliest of the Western, reality-reconciling articulations, the one in respect of which the “Saviors” of the Ecumenic wars behaved with conspicuous heedlessness. Anaximander (610 – 546 BC, a contemporary of the Buddha) wrote: “The origin (arche) of things is the Apeiron… It is necessary for things to perish into that from which they were born; for they pay one another penalty for their injustice (adikia) according to the ordinance of Time.” Whether it is the Kshatriyas repudiating the Brahmins or Alexander repudiating Aristotle – payment of the Anximandrian “penalty” falls due and the interest on the debt begins to build up.

Both Guénon in Spiritual Authority and Voegelin in The Ecumenic Age take care to avoid topicality. Guénon writes of his intention “to remain exclusively in the domain of principles, which allows us to remain aloof from all those discussions, polemics, and quarrels of school or party in which we have no wish to be involved, directly or indirectly, in any way or to any degree.” In Voegelin’s terminology, Guénon’s authorship, at least where it concerns Spiritual Authority, corresponds to the positive exodus by which the man in search of wisdom withdraws in contemplation from the endless pragmatic exodus of the ecumene. Guénon adds, however, that “we leave everyone free to draw from these conclusions whatever application may be deemed suitable for particular cases.” Voegelin is less strict than Guénon in this respect, but in The Ecumenic Age he does mainly isolate his topical asides in his introductory and concluding chapters. These asides are nevertheless provocative, wherever they occur in the text. One will be sufficient to indicate the meaning of the Bactrian episode, which occupies the structural center of The Ecumenic Age, with respect to the modern crisis. We have previously cited Voegelin’s remark on “the games by which the power-self makes itself the fictitious master of history.” In a brief continuation of the same remark, Voegelin adds that those games “are still played today.”

It will undoubtedly have impressed those who have followed the argument so far that, simply at the level of descriptive phraseology, many of Guénon’s constructions and Voegelin’s suggest their own application to the contemporary state of affairs in the incipient Twenty-First Century. Guénon in Spiritual Authority mentions the origins of étatisme, with its relentless centralization of political power, in Fourteenth Century France. Voegelin in The Ecumenic Age refers to the ecumenic empires as “organizational shells that will expand indefinitely to engulf former concrete societies.” The centripetal and centrifugal movements might seem opposite to one another and therefore non-compossible, but they are in fact simultaneous and complementary. They describe in structural terms the libidinous process by which the bearers of “moral apocalypse” – that is, the Gnostic reformers of society – progressively obliterate the concrete societies that come under their imperial-entrepreneurial sway. Whether it is the arrogantly self-aggrandizing Federal Government in the United States of America or the inhumanly bureaucratic Brussels Parliament of the European Union in Western Europe, the attitude of the reigning elites towards the world is none other than the attitude of the auto-apotheotic conquistador toward the ecumene.

The goal of the new concupiscential exodus does not end with conquest, however; it has the jurisdictional goal beyond conquest of what it calls transformation or “change” but what can only be experienced by those who do not elect it as annihilation in the mode of total undifferentiation.

The point of view of the resistors is the true one: The mantra of “change,” so dear to the Left, is Newspeak (“disorder,” writes Guénon, “is nothing but change reduced to itself”); and the celebratory invocation by the Left of “difference” or “diversity” is likewise Newspeak. It requires only a smidgen of acuity to notice that the endless parade of “diverse people” who witness on behalf of “change” all say the same thing and tell the same stereotyped story; the “diversity” of the propagandists never exceeds the categories of skin-color, number of skin-piercings, peculiarity of dress, or deflected erotic interest because mentally they are all already completely assimilated to the narrow gnosis on the basis of which the regime claims its legitimacy. The succession of speakers in the lecture-calendar replicates in small the meaningless temporal succession of titled eminences in the ecumene. One might also notice that the ceaseless doctrinal self-justification of the modern rebellious elites resembles the soteriological propaganda of the ancient ecumenic campaigners; for in annihilating tradition the regime through its spokesmen claims to be engaging in a vast program of salvation or redemption. For ten years they have been redeeming the place formerly called Bactria.

The difference between the “Saviors” of the Ecumenic Age and those of today consists in this: Whereas the men of the Alexandrian succession did not intend to wreck the societies that they left behind and whereas that wreckage came about as an unintended side effect of campaigning elsewhere (“backwash,” in modern jargon); the modern “Saviors” by distinction explicitly intend to wreck the societies from which they have treacherously defected. That is their main motivation. They say so unashamedly, over and over. They have captured education from the kindergartens to the doctoral programs and they train new cohorts every year to carry out the project of calling forth a new ecumene and perpetrating Ausratiertung on everything in it. To convince themselves and others that their toxic whimsies stand free of any ethical or practical limitation, they have developed a baroque anti-epistemology that they call, appropriately, Deconstruction which would obliterate logic itself and even knowledge. This makes their obsession with “change” all the more pernicious. In Spiritual Authority, Guénon reminds his readers that, “Change would be impossible without a principle from which it proceeds and which, by the very fact that it is the principle of change, cannot itself be subject to change.” In a parallel comment, Guénon adds that, “Action, which belongs to the world of change, cannot have its principle in itself.” Yet the modern “Saviors,” through their “Action Committees,” invariably claim to be champions of principle. We all live in Bactria now and may not fire back.

The Gnostic rebellion against reality denies limitations, but it is, of course, subject to them because it is subject to reality; the rebellion is moreover radically maladapted to reality (denying logic and repudiating knowledge are bad bets in the Darwinian game) and it will eventually have to pay its penalty to Anaximander’s “Unlimited.” Or, we might say, to God. When the rebellion will reach its limit, however, only God knows. The instruments of torture with which O’Brien threatens Smith in 1984 are old and rusty; the regime has been in place for a long time, dragging the whole of Anglo-Saxon humanity with it into the Big-Brother nightmare. In The Ecumenic Age, Voegelin has these wise words: “A ‘modern age’ in which the thinkers who ought to be philosophers prefer the role of imperial entrepreneurs will have to go through many convulsions before it has got rid of itself, together with the arrogance of its revolt, and found the way back to the dialogue of mankind with its humility.”

Look on my works, ye mighty, and despair!”

dimanche, 22 septembre 2013

Raoul Girardet est mort

L’historien Raoul Girardet est mort

L’historien Raoul Girardet, spécialiste des sociétés militaires et du nationalisme français, qui a enseigné à Sciences-Po, à l’ENA ou encore à Polytechnique, est mort mercredi 18 septembre 2013 dans sa 96e année.

C’était un ancien membre de l’Action française, de la résistance, rédacteur à La Nation Française de Pierre Boutang puis à L’Esprit public comme défenseur de l’Algérie française.

Une figure de l’enseignement de l’histoire est partie. Né le 6 octobre 1917, agrégé d’histoire et docteur ès-lettres, Raoul Girardet est une personnalité qui a marqué Sciences-Po, où il a enseigné pendant plus de 30 ans et a notamment créé le cycle d’études d’histoire du XXe siècle. Son cours sur le "Mouvement des idées politiques dans la France contemporaine" et son séminaire sur la France des années 30, assurés conjointement avec Jean Touchard et René Rémond, ont marqué des générations d’étudiants. Raoul Girardet a publié des ouvrages de référence sur "La Société militaire en France", "Le nationalisme français", "L’idée coloniale en France" et un essai sur "Mythes et mythologies politiques".

En 1990, dans un livre d’entretiens avec le journaliste Pierre Assouline, "Singulièrement libre", il était revenu sur son parcours personnel : la Résistance puis l’engagement en faveur de l’Algérie française, qui l’ont conduit deux fois en prison. Raoul Girardet a également enseigné à l’Ecole nationale d’administration, à l’Ecole Polytechnique et à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr. Il était Croix de guerre 1939-1945 et officier de la Légion d’honneur. Ses obsèques seront célébrées le 23 septembre dans l’Eure, dans l’intimité familiale. Une célébration aura lieu ultérieurement à Paris.

AFP via TF1  http://www.actionfrancaise.net

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Neil Postman (2)

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Neil Postman (1)

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AUSTRALIE : PUISSANCE GAZIERE

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AUSTRALIE : PUISSANCE GAZIERE

Un nouveau premier ministre et la présidence du Conseil de Sécurité…

Michel LHOMME
Ex: http://metamag.fr
L’opposition conservatrice a remporté, il y a une semaine, les élections en Australie. Tony Abbott, qui dirige le Parti libéral australien, va succéder au travailliste Kevin Rudd à la tête du pays. Ce dernier avait remplacé la première ministre démissionnaire Julia Gillard qui avait quitté son poste fin juin après avoir perdu un vote crucial au sein de sa formation politique.

Le nouveau premier ministre australien est réputé pour son franc-parler. C’est d’ailleurs au grand étonnement de tous qu’il avait accédé à la tête de son parti. Il est en outre fermement opposé au mariage entre personnes du même sexe alors que le candidat battu, Kevin Rudd, avait fait de la légalisation du mariage gay une promesse de campagne.

 
Tony Abbott confirmera-t-il la participation de l’Australie dans la coalition anti-syrienne en tant que pays associé de l’Otan ? Sans doute : l’Australie depuis les années 90 est de toutes les coalitions de la « communauté internationale » mais surtout son rôle sera décisif puisque jusqu’à la fin de l’année, l’Australie préside le Conseil de Sécurité de l’ONU.

Cette présidence et ce changement de gouvernement sont l’occasion de revenir sur l’enjeu géopolitique gazier. On pense toujours au Proche-Orient et on oublie souvent de recenser le gaz australien. Or, l'Australie dispose de 200 ans de réserves de gaz et sera en 2017 le premier producteur de gaz naturel liquéfié (GNL) au monde. Le pays recèle 11 milliards de mètres cubes de ressources gazières, chiffre qui pourrait doubler en cas d'exploration systématique des gaz de schistes. L'Australie confirme ainsi son statut de gros fournisseur de matières premières à venir. 

Un rapport, titré "Evaluation 2012 des ressources de gaz en Australie" et réalisé par Geoscience Australia, le Bureau australien des ressources et des énergies, souligne la révolution technologique qu'est en train de connaître le secteur national du gaz. Au cours des deux dernières années, les réserves de gaz de charbon ont doublé et trois projets de GNL sont actuellement en construction. L'étude évoque le gigantesque projet Ichthys dont la production annuelle sera de 8,4 millions de tonnes de GNL. Sur l'année budgétaire 2010/11, l'Australie a exporté 20 millions de tonnes de GNL, pour un total de 10,4 milliards de dollars australiens (8 milliards d'euros), principalement vers l'Asie.
 
A Sydney, ce n’est plus donc la ruée vers l’or mais la ruée vers le gaz. Sept des dix plus gros projets mondiaux de GNL actuellement en construction se trouvent en Australie. Certes, le Qatar, numéro un mondial de la production de GNL (avec 77 millions de tonnes par an en 2011), détient les troisièmes plus grosses réserves de gaz au monde mais l’Australie le talonne à la quatrième place derrière l'Indonésie et la Malaisie. Autrement dit, en dehors du Qatar et sans oublier les découvertes maritimes disputées par le Liban et Israël et les possibilités en Syrie, c’est bien dans la région Pacifique que devrait se disputer demain l’avenir énergétique du monde. 

Si le gouvernement australien pense sérieusement que son pays passera devant le Qatar avant 2020, c’est en raison de l'envolée de la demande de la Chine et surtout de l'Inde, dont les importations devraient tripler d'ici 2015. Or, à l’abri de soubresauts guerriers, l’Australie développe à fond ces infrastructures pour être prête à relever justement ce défi mondial et ce malgré la concurrence de l’Angola et de la Papouasie-Nouvelle Guinée où les coûts sont moins élevés. En effet, les coûts australiens (salaires plus élevés et taux du dollar australien) demeurent un handicap mais l'Australie a une carte en or : la stabilité de son système politique, un haut niveau de sécurité pour le personnel, des droits de propriété bien établis, un cadre réglementaire et budgétaire strict. 
 
Le Moyen-Orient, avec 41% des réserves mondiales prouvées de gaz naturel, ne représentera que 20% de l’augmentation mondiale de la production de gaz naturel entre 2013 et 2030. L’Arabie Saoudite a lancé un effort particulier pour soutenir sa production de gaz naturel mais les résultats des puits creusés sont relativement décevants et la fixation de tarifs peu attractifs. L’Iran possède quant à elle les deuxièmes plus grandes ressources prouvées de gaz naturel et est déjà le plus gros producteur de gaz du Moyen-Orient. Cependant, des obstacles d’ordre politique bien orchestrés empêchent l’Iran de trouver autant de débouchés et d’investissements que ses réserves pourraient l’autoriser. Le plus grand champ d’extraction de gaz naturel iranien est situé en offshore, à South Pars. La Russie quant à elle devrait être autosuffisante grâce à son gisement géant de la péninsule de Yamal, dans le nord-ouest de la Sibérie. En fait, le développement de nouveaux gisements de gaz naturel est une priorité absolue pour Gazprom, qui voit décliner la production de ses principaux sites actuels. En-dehors de Yamal, les deux principaux gisements où la Russie investit sont Shtokman (mer de Barents, Arctique) et Sakhaline (île dans le Pacifique à l’est de la Russie, au nord de l’île japonaise d’Hokkaido).

Reste donc l’Afrique 

Quelles sont les perspectives de production de gaz naturel en Afrique ? Le Nigéria a les possibilités d’augmentation de la production de gaz naturel les plus prometteuses. Pourtant, avec des réserves prouvées légèrement supérieures, la production de gaz naturel du Nigéria n’atteint que le tiers de celle de l’Algérie ! Les problèmes d’insécurité que connaît le Nigéria (islamisme radical de Boko Haram) ralentissent la progression dans le pays. En-dehors du Nigéria, l’augmentation de la production africaine d’ici à 2030 viendra essentiellement de l’Algérie, de l’Egypte, de la Lybie et de l’Angola. Or, les trois premiers pays sont considérés comme fortement « instables dans les mois à venir ». 

D’où l’Australie et ses plages de rêve ? 

L’Australie n’a d’ailleurs pas que des réserves terrestres mais aussi des potentialités maritimes. On sait que des développements gaziers en eau profonde dans la mer de Timor et dans le Bassin de Browse devraient voir augmenter sa production de gaz. De plus, cinq projets d’exploitation du coalbed methane (méthane se dégageant de veines de charbon) sont en cours de développement. Le premier devrait voir sa production de gaz naturel liquéfié démarrer en 2012. D’où notre question: qu’attend donc la France pour prospecter en Polynésie française et forer au plus vite ? 

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Rechtsphilosophie nach ’45

droit.jpgRechtsphilosophie nach ’45

 

von Günter Maschke

Ex: http://www.sezession.de

Zwar können Skizzen stärker anregen als penibel ausgeführte Gemälde, doch auch sie benötigen ihr Maß. Der Versuchung, sie allzu kärglich ausfallen zu lassen, widerstehen nur wenige.

Auch ein so umsichtiger und kenntnisreicher Rechtshistoriker wie Hasso Hofmann, dessen oft ungerechtes Buch Legitimität und Legalität – Der Weg der politischen Philosophie Carl Schmitts (1964) für immer aus dem Ozean der Carl-Schmitt-Literatur herausragt, ist dieser Gefahr erlegen. Wer die nunmehr 67 Jahre umfassende Geschichte der deutschen Rechtsphilosophie und -theorie seit dem Kriegsende auf 61 Seiten abhandelt (die Seiten 62–75 enthalten eine relativ stattliche Bibliographie), übertreibt den löblichen Willen, sparsam mit Papier umzugehen. Doch eine Taschenlampe ist nur eine Taschenlampe und ersetzt nicht einmal eine Notbeleuchtung.

Hofmanns asthenische Schrift (Rechtsphilosophie nach 1945 – Zur Geistesgeschichte der Bundesrepublik Deutschland, Berlin: Duncker&Humblot 2012. 75 S., 18 €), auf einem Vortrag vom Oktober 2011 bei der Siemens-Stiftung beruhend, beginnt mit der berühmten »Naturrechtsrenaissance« nach 1945. Ein eher behauptetes denn durchgeformtes aristotelisch-thomistisches Naturrecht, sich legierend mit der Soziallehre des politischen Katholizismus, bestimmte damals bis in die fünfziger Jahre die juristischen und rechtstheoretischen Debatten der frühen Bundesrepublik. Wie schon 1918 ließen sich die Geschlagenen vom sonst gerne ignorierten katholischen Gedanken anleiten. Zum großen Schuldigen am Desaster der Justiz unterm Nationalsozialismus wurde der »Rechtspositivismus« ernannt. Daß die deutschen Juristen sich zwischen 1933 und 1945 so willfährig zeigten, lag angeblich am hergebrachten »Gesetz-ist-Gesetz«-Denken, mit dem man das die Menschenwürde und die Menschlichkeit achtende Naturrecht ignorierte. Jetzt aber sollte der Vorrang der Lex naturalis (des durch die Vernunft allgemein erkennbaren Teils eines angeblich »ewigen Gesetzes«) gegenüber dem Jus positivum durchgesetzt werden; letzteres hatte sich ersterem unterzuordnen.

Aber der Skandal der Jurisprudenz während des Nationalsozialismus findet sich (zumal wenn man die damals eher geringe Produktion neuer Gesetze bedenkt!) nicht in einem knechtischen Rechtspositivismus, sondern in der Tendenz zur »unbegrenzten Auslegung« (Bernd Rüthers) schon lange bestehender Gesetze. Dabei darf man auch daran erinnern, daß diese sinistre Kunst der Auslegung sich nicht selten auf ein angebliches nationalsozialistisches Naturrecht stützte. Man begann also 1945 mit einer Legende – mit der Legende von der Schuld des Rechtspositivismus; Hofmann spricht hier triftigerweise von »Bewältigungsliteratur«. Diese Legende barg auch ein beachtliches destruktives Potential: Jetzt konnte man den Staat diffamieren und ihn bzw. das, was von ihm noch übriggeblieben war, demontieren. Der den Rechtspositivismus durchsetzende Leviathan wurde zerschnitten. Mittels der Legende vom Rechtspositivismus fälschte man den radikalen Nicht-Staat des Nationalsozialismus, einen wahren Behemoth, zu einem Staat, nein: zu einem extremen Hyper-Staat um. So wurde der Staat, die wehrhafte Relation von Schutz und Gehorsam, ein weiteres Mal, diesmal von einer anderen Seite her, attackiert. Im endlich vollendeten Großtrizonesien weihten sich schließlich auch die Juristen der vermeintlich so menschenfreundlichen Staatsfeindschaft.

Tatsächlich setzte diese Entwicklung, heute offen zutageliegend, 1945 mit den Leerformeln des Naturrechts ein. In einer sich beschleunigt säkularisierenden, partikularisierenden, an der Oberfläche pluralisierenden Gesellschaft wurde ein ewiges Sittengesetz verkündet, von dem man bekanntlich rasch gehörige Abstriche machen mußte. Der Einfluß des – wie seine Geschichte beweist! – so wandelbaren Naturrechts führte zu Absurditäten wie der, daß der Bundesgerichtshof 1954 den Verlobtenbeischlaf zur »Unzucht« erklärte. Die Meinung machte die Runde, daß das Recht dazu da sei, die Bevölkerung zu einer bestimmten Moral anzuhalten, – zu einer Moral, in der sich das wahre Wesen und die wahre Bestimmung des Menschen ausdrücken sollten. Im Rückblick verwundert es nicht, daß die mit Aplomb vorgetragenen Naturrechtsfragmente bald in einer Wertphilosophie des Rechts ihre Erbin fanden, einer Wertphilosophie, die mittlerweile das Staats- und Verfassungsrecht mit moralisierenden Suggestionen und Gesinnungseinforderungen zersetzt und die eine schreckliche Tochter gebar: die political correctness. Hier fehlt auch ein kritischer Blick auf das Surrogat einer Verfassung, auf das politisch wie intellektuell defizitäre Grundgesetz, das eher ein Oktroi der Besatzer war als eine eigene Schöpfung, – Hofmann rafft sich bei dieser Gelegenheit immerhin dazu auf, etwas spöttisch dessen »Sakralisierung« zu vermerken.

Gewiß hat sich der ideologische Überbau der Jurisprudenz seit den Jahren 1945 bis ca. 1955 beträchtlich verwandelt. Geblieben aber ist die Tendenz zur Abschaffung der Freiheit mittels der »Werte«. Zuweilen spürt man, daß Hofmann gegenüber einigen Aspekten dieser Entwicklung Einwände hegt, doch er spitzt nur mit großer Dezenz die Lippen und verbietet sich das Pfeifen. Die sich gemäß den hastigen Zeitläuften rasch ändernde Melange aus suggestiv sein sollenden Naturrechtselementen, aus dem Staate vorgelagerten »Werten« und aus einer eklektisch-vagen Humanitätsphilosophie, die zu unerbittlichen Exklusionen fähig ist, angereichert mit etwas Orwell und etwas Huxley – all diese so wandelbar scheinenden Ideologeme, die doch nur modernisierte Versionen der Melodie von 1945 sind, kommen zum immergleichen Refrain: Wen diese Worte nicht erfreuen, der verdienet nicht, ein Mensch zu sein.

Hofmann geht auch auf die Debatte zur analytischen Rechtsphilosophie, zur Rechtslogik und zur Topik ein, sowie auf die in den sechziger und siebziger Jahren Terrain gewinnende Rechtssoziologie. Man darf aber annehmen, daß sowohl das Rechtsbewußtsein der Bevölkerung als auch die juristische Praxis von dieser Art theoretischer Erörterungen wenig beeinflußt wurden. Bedeutsamer scheint da wohl der bald die Verfassungsebene erreichende Weg vom Rechtsstaat zum sozialen Rechtsstaat zu sein. Wir möchten hier aber Hofmanns so knappe Skizze nicht mittels einer noch kürzeren abschildern und reflektieren.

Zum Schluß wirft Hofmann noch einen Blick auf die allüberall kundgetane »Ankunft in der Weltgesellschaft«. In dieser wird angeblich die »Frage nach Zukunft« (Hofmann) unabweisbar. Doch die Forderung Kants, daß die »Rechtsverletzung an einem Platz der Erde an allen gefühlt« werde, ist nur eine trügerische, dazu noch intellektuell peinliche Hoffnung. Ein Weltbürgerrecht als Recht von Individuen, das an die Stelle des internationalen zwischenstaatlichen Rechts tritt, führt nur zu einem zügellosen Pan-Interventionismus und Menschenrechtsimperialismus, dessen »Vorgriffe« auf das Weltbürgerrecht uns in den letzten Jahren einige entsetzliche Blutbäder bescherten. Der Träger des Friedenspreises des Deutschen Buchhandels, Jürgen Habermas, hielt den Kosovo-Krieg, in dem die NATO alle bisherigen Rekorde in der Disziplin »Propagandalüge« brach, für einen derartigen »Vorgriff« auf die von ihm geliebte schwarze Utopie des Weltbürgerrechts, – wenn auch, wie es einem kritischen Intellektuellen bei uns ziemt, aus Naivität und nicht aus Bosheit.

Soll man zum Ewigen Frieden durch den Ewigen (dazu noch Gerechten) Krieg gelangen? Es gibt einige alte, sich immer wieder bestätigende Wahrheiten: Wer Menschheit sagt, will betrügen, und Ordnung kann nur auf Ortung beruhen. An diesen Wahrheiten festzuhalten, wäre die ehrenvolle Aufgabe eines Rechtsdenkens, das, um seine fast ausweglose Schwäche wissend, die furchtbaren Tatsächlichkeiten beim Namen nennt und diese weder ganz oder partiell beschweigt, verharmlost, noch, nachdem man sich zum Hans Wurst des Gerechten Krieges machte, mit etwas Bedauern rechtfertigt. Dazu sollte man auch verstehen, daß das Recht nicht den Frieden schaffen kann, sondern – im Glücksfall! – der Frieden das Recht.

 


 

Article printed from Sezession im Netz: http://www.sezession.de

 

URL to article: http://www.sezession.de/39659/rechtsphilosophie-nach-45.html

 

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Montesquieu et les considérations sur la Pax Americana au Moyen-Orient

Montesquieu et les considérations sur la Pax Americana au Moyen-Orient

Essai philosophique de Jure Georges Vujic

Ex: http://www.polemia.com

Le modèle belliciste américain expansionniste montre plus d’une fois son visage avec l’annonce de l’intervention militaire de l’administration Obama en Syrie. Il semblerait à première vue que les Etats-Unis n’aient tiré aucune leçon de l’expérience irakienne ou libyenne. En fait, il n’en est rien : il s’agit bien, hier comme aujourd’hui, d’un géo-constructivisme agressif qui est à l’œuvre et dont l’objet est d’appliquer par la force aux peuples du Moyen-Orient et du Maghreb la recette du « chaos constructif » qui consiste à exporter le modèle occidental de la démocratie de marché, en déconstruisant et reconstruisant les régimes et les Etats de la région comme de simples  jouets Lego.

 


Montesquieu_1.pngUne stratégie à l’américaine

Il s’agit bien d’une entreprise belliqueuse (certes, aventureuse) néo-impériale et atlantiste qui compte bien sur la dissémination des micro-bellicismes à l’échelon local, en instrumentalisant des dispositifs identitaires construits artificiellement. A cet effet, l’induction de conflits locaux inter-ethniques, religieux en Afghanistan et dans le monde arabe (chiites contre sunnites), n’est que le fruit de cette stratégie de faible intensité qui tend à entretenir et générer des foyers de tension pour mieux diviser et régner. A propos de cette stratégie, les Considérations inspirées de celles de Montesquieu sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, écrites en 1734, sont instructives. Elles sont toujours d’actualité et notamment lorsqu’elles se transposent à la Pax Americana, notamment dans le chapitre sur « L’art de la conduite que les Romains tinrent pour soumettre tous les peuples ». On y lit : « Ils tenaient à terre ceux qu’ils trouvaient abattus », « ôtaient une partie du domaine du peuple vaincu pour le donner à leurs alliés », se servaient de ceux-ci pour faire la guerre à leurs ennemis, « ce en quoi ils faisaient deux choses ; ils attachaient à Rome des rois dont elle avait peu à craindre et beaucoup à espérer et en affaiblissaient d’autres dont elle n’avait rien à espérer et tout à craindre ». Après avoir détruit des armées, ils ruinaient les finances en faisant payer les frais de guerre, ce qui forçait les dirigeants de ces pays « d’opprimer leurs peuples et de perdre leur amour ». Les vaincus pouvaient se voir décerner des récompenses éclatantes, notamment le titre convoité « d’allié du peuple romain » : amis, ils n’en étaient que le plus souvent humiliés.

Comment ne pas songer à la paix versaillaise accablante et honteuse que les Etas-Unis et leurs alliés ont imposée en 1919 à l’Allemagne, avec des réparations de guerre que le peuple allemand devait payer jusqu’en 1988 ? Puis encore comment ne pas transposer cette stratégie d’assujettissement des peuples à la situation des pays du Tiers-Monde, du Maghreb au Pakistan,  sans parler des sanctions infligées aux « Etats-parias » ou « voyous » ?

Comme au temps de la colonisation espagnole du continent américain contre laquelle s’était levé Bartolome de Las Casas qui prendra la défense des indigènes colonisés (voir la « Controverse de Valladolid », fameux débat au cours duquel il s’illustra), le monde actuel, et plus particulièrement l’Europe, est dominé par le système de « encomienda ». Ce système colonial consistait à donner « en commande » à un conquérant une parcelle de territoire, ainsi que les indigènes qui y habitaient, avec pour but de faire fructifier le pays, lever l’impôt et christianiser les indigènes. Comme hier dans le « Nouveau Monde », nous vivons presque dans une « encomienda » globale, une terre d’Europe en friche exploitée par l’oligarchie financialiste globale.

Aujourd’hui, le colon a rangé sa soutane de jésuite pour propager aux quatre coins du monde parmi les indigènes la nouvelle foi dans le monothéisme du marché, des bienfaits matériels de la société de consommation, de la culture coca-cola, de la musique techno et rap et en l’adhésion inconditionnelle aux sacro-saints dogmes de la démocratie de marché et en l’idéologie des droits de l’Homme. Comme hier lorsque les tuniques bleues pacifiaient les Indiens en les abreuvant de whisky, aujourd’hui nos indigènes européens sont amadoués par les drogues douces de la société de consommation, les sédatifs hédonistiques de la cité de la joie permanente. Bernanos avait raison, la grande tragédie de notre siècle de néocolonisation globale réside dans la duperie généralisée.

 En effet, la fin de l’ordre bipolaire, avec l’effondrement de l’URSS, permettait aux Etats-Unis, comme puissance dominante du moment, d’en revenir à la politique de la canonnière. La mise en œuvre d’une telle politique est le produit d’un approfondissement des réflexions stratégiques entreprises depuis 1984 sur les opérations de dissuasion sélective. Ces opérations, après avoir planché sur les conflits de faible intensité, étudièrent les moyens à mettre en œuvre pour faire face à des conflits de moyenne intensité, qui mettaient en scène des puissances régionales disposant d’un important armement conventionnel comme la Syrie et l’Irak.

Dans les pays les plus faibles on utilise la stratégie du « coupe-feu » qui consiste à monnayer, au prix d’une libéralisation du marché, le bouclier protecteur d’Oncle Sam et le titre d’allié. Là où le pays est plus récalcitrant et « entêté », on met en œuvre le concept de conflit de moyenne intensité qui implique la mise au point de nouvelles techniques d’intervention prévoyant le transport sur de longues distances, et dans les délais les plus brefs possibles, des troupes nombreuses et un matériel conventionnel important capables de faire la différence face à des ennemis disposant d’une puissance de feu non négligeable.

Bref, pour soumettre l’ennemi, on utilise tout d’abord la dissuasion, le « pressing diplomatique », euphémisme pour un chantage économico-financier, où sous prétexte de pacification on intervient militairement et médiatiquement comme ultime recours. Ainsi, Grenade, l’Afghanistan, la Guerre du Golfe, la Bosnie Herzégovine, le Kosovo, l’Irak, la Libye ne sont que des théâtres où les Etats-Unis ont été en mesure de tester la pertinence de leurs schémas théoriques stratégiques et la fiabilité de leur logistique et de leur armement. Là où il n’y avait pas de conflit dans une zone géostratégique convoitée par Oncle Sam, on induisait artificiellement et volontairement des conflits de faible ou de moyenne intensité pour prétexter une intervention hypothétique.

Les Etats-Unis sont passés maîtres en l’art de générer le « chaos  constructif » et minuté.

La lecture de Montesquieu

Mais poursuivons la lecture de Montesquieu. L’utilisation des peuples voisins étaient en général la tactique adoptée. « Quand deux peuples étaient en guerre, quoiqu’ils n’eussent aucune alliance ni rien à démêler entre l’un et l’autre, ils ne laissaient pas de paraître sur la scène et de prendre le parti du plus faible. C’est l’illustration de la politique d’alliance des Etats-Unis vis-à-vis des conflits régionaux de type Ossétie, Bosnie, Arménie, etc. Ils s’appuyaient toujours sur des alliés à proximité du peuple qu’ils désiraient vaincre, alliés qu’ils avaient créés de toutes pièces. « Ils n’accordaient point de paix à un ennemi qui ne contînt une alliance, c’est-à-dire qu’ils ne soumettaient point de peuple qu’il ne leur servît à en abaisser d’autres ». Les peuples soumis ou à soumettre mettaient tous leurs espoirs dans un tel traité. Pour Rome, la paix n’était qu’une manière de préparer la guerre et les traités n’étaient que des suspensions dans la guerre. Les peuples vaincus, soumis ou à se soumettre, n’étaient jamais épargnés même dans l’humiliation : après chaque victoire Rome suscitait deux factions, s’immisçait dans les affaires intérieures, utilisait les opposants qualifiés « d’alliés du peuple romain » et divisait afin d’affaiblir. De l’Honduras, du Salvador au Nicaragua, en passant par le Chili, toute la politique étrangère et militaire des Etats-Unis est ici expliquée en quelques mots.

Néanmoins, Montesquieu constate que Rome « avait une manière lente de conquérir », « car il fallait attendre que toutes les nations fussent accoutumées à obéir comme libres ou comme alliés avant de leur commander comme sujettes ». C’est ce qui distingue la mission civilisatrice universelle qu’entreprenaient les légions romaines dans les quatre coins du monde dans le respect des religions et de la diversité des peuples sujets, et l’unipolarité hégémoniste des Etats-Unis d’aujourd’hui qui ne propose aucune vision du monde (ou du moins américano-centrée) ni de véritable projet de société : elle ne fait que broyer impitoyablement, tel un rouleau compresseur, les peuples qui refusent de se soumettre aux diktats de l’argent roi, du libéralisme mercantile, de la loi du marché et de la société multiculturelle. La stratégie utilisée est celle que préconise Brzezinski : une stratégie totale qui vise, par le biais de la fragmentation et de la déstabilisation (théorie du « chaos constructeur »), à coloniser des Etats « voyous » et à contrôler les zones riches en ressources, sans rien donner en contrepartie.

Il n’existe plus de dialogue loyal autour du thème de la globalisation entre les pays riches et les pays pauvres. Il n’existe qu’un monologue américain à travers ses diverses courroies de transmission, qui devra consolider sa suprématie par l’intermédiaire de la « dépersonnalisation » des peuples et des nations et « l’interpersonnalisation » desdites ploutocraties et des trusts dominants qui sont les rouages de la globalisation.

La « zoologisation » 

La globalisation, par le jeu d’une uniformisation du génotype, aboutit à un racisme contemporain à nouveau visage en générant une « zoologisation » du monde dans laquelle on assiste à un nouveau partage social darwiniste des espèces. Le globalisme à ce titre, comme l’a si bien remarqué Peter Sloterdjik, constitue le champ expérimental « de nouvelles règles pour un parc humain ». En ce sens cette nouvelle forme de déterminisme globaliste n’a rien à envier aux théories racistes ou socio-racistes de Gobineau, Spencer, Glumpowitz, Galton, Malthus, Hobbes et Mendel. Le globalisme est une « tumeur » pathogène de la civilisation de la Renaissance, qui dans le sillage de l’anthropomorphisme et de la technoscience a fini par broyer les peuples et les identités pour le seul intérêt de l’oligarchie mondiale de Paris, Londres et Wall-Street. En l’espèce il est difficile alors d’être un esprit libre, alors que, comme Sénèque l’a dénoncé, « l’opinion conformiste de seconde classe d’essence scientifique a le monopole de la vérité ».

L’ambivalence de cette mentalité scientiste dominante est la conséquence de la dissociation de la philosophie de la sciensa (sens) et sa domestication à des fins économiques et mercantiles. Le globalisme n’est qu’un symptôme d’une accélération générale de la dynamique capitaliste, qui (comme le démontre Paul Virilio) par excès de vitesse démultiplie les conflits inter-ethniques et géo-économiques. Gilles Deleuze avait noté cette évolution : « Le capitalisme statique », la vieille taupe a muté vers un capitalisme financier et fluide, incarné par le serpent des sociétés de contrôle. Victor Hugo constatait déjà en son temps qu’au nom de la pseudo-démocratie globalisante, « peu de progrès a été effectué alors que l’exercice de cette utopie coûte de plus en plus cher ». Dostoïevski proclamait que la chance trouve ses sources dans la souffrance : le globalisme trouvera-t-il un second salut dans le génocide des peuples et des cultures ? Peut-être trouvera-t-on la réponse à cette question en relisant les thèses de Schumpeter sur les capacités transformatrices du capitalisme (la fameuse « destruction créatrice » qui, transposée à la géopolitique américaine, s’identifie au « chaos constructif ») et les leçons d’Etienne de La Boétie données dans son Discours de la servitude volontaire.

Jure Georges Vujic,
Avocat au Barreau de Paris, diplômé de la Haute école de guerre des forces armées croates,

collaborateur de l’Académie de Géopolitique de Paris et contributeur à la revue  Géostratégiques et au site Polémia.com

Notes :

-Montesquieu, Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, Michael Prudhomme, 2007.

-Zbigniew Brzezinski, « Puissance américaine et stabilité mondiale », Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS), Puissances et Influences, géopolitique et géostratégie à l’aube de l’an 2000, sous la direction de François Géré et Gérard Chaliand, Mille et Une Nuits, 1999.

-Paul Virilio, Vitesse et Politique, essai de dromologie, Galilée, 1997.-Paul Virilio, Stratégie de la déception, Galilée, 2000.

Correspondance Polémia – 17/09/2013

Technopol und Maschinen-Ideologien

 

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Robert Steuckers:

Technopol und Maschinen-Ideologien

Analyse: Neil POSTMAN, Das Technopol. Die Macht der Technologien und die Entmündigung der Gesellschaft, S. Fischer Verlag, 1991, 221 S., ISBN 3-10-062413-0.

Neil Postman, zeitgenößischer amerikanischer Denker und Soziolog, ist hauptsächlich für seine Bücher über die Fernsehen-Gefahren bei Kindern bekannt. In seinem Buch Das Technopol klagt er den Technizismus an, wobei er nicht die Technik als solche ablehnt, sondern die Mißbräuche davon. In seiner Einleitung, spricht Postman eine deutliche Sprache: Die Technik ist zwar dem Menschen freundlich, sie erleichtert ihm das Leben, aber hat auch dunkle Seiten. Postman: «Ihre Geschenke sind mit hohen Kosten verbunden. Um es dramatisch zu formulieren: man kann gegen die Technik den Vorwurf erheben, daß ihr unkontrolliertes Wachstum die Lebensquellen der Menschheit zerstört. Sie schafft eine Kultur ohne moralische Grundlage. Sie untergräbt bestimmte geistige Prozesse und gesellschaftliche Beziehungen, die das menschliche Leben lebenswert machen» (S. 10). Weiter legt Postman aus, was die Maschinen-Ideologien eigentlich sind und welche Gefahren sie auch in sich tragen. Postman macht uns darauf aufmerksam, das gewisse Technologien unsichtbar sein können: so Postman: «Management, ähnlich der Statistik, des IQ-Messung, der Notengebung oder der Meinungsforschung, funktionniert genau wie eine Technologie. Gewiß, es besteht nicht aus mechanischen Teilen. Es besteht aus Prozeduren und Regeln, die Verhalten standardisieren sollen. Aber wir können ein solches Prozeduren- und Regelsystem als eine Verfahrensweise oder eine Technik bezeichnen; und von einer solchen Technik haben wir nichts zu befürchten, es sei denn, sie macht sich, wie so viele unserer Maschinen, selbstständig. Und das ist der springende Punkt. Unter dem Technopol neigen wir zu der Annahme, daß wir unsere Ziele nur erreichen können, wenn wir den Verfahrensweisen (und den Apparaten) Autonomie geben.

neilpost.gifDiese Vorstellung ist um so gefährlicher, als sie niemand mit vernünftigen Gründen gegen den rationalen Einsatz von Verfahren und Techniken stellen kann, mit denen sich bestimmte Vorhaben verwirklichen lassen. (...) Die Kontroverse betrifft den Triumph des Verfahrens, seine Erhöhung zu etwas Heiligem, wodurch verhindert wird, daß auch andere Verfahrensweisen eine Chance bekommen» (S. 153-154). Weiter warnt uns Postman von einer unheimlichen Gefahr, d. h. die Gefahr der Entleerung der Symbole. Wenn traditionnelle oder religiöse Symbole beliebig manipuliert oder verhöhnt werden, als ob sie mechanische Teilchen wären, entleeren sie sich. Hauptschuldige daran ist die Werbung, die einen ständig größeren Einfluß über unseres tägliche Denken ausübt und die die Jugend schlimm verblödet, so daß sie alles im Schnelltempo eines Werbungsspot verstehen will. Um Waren zu verkaufen, manipulieren die Werbeleute gut bekannte politische, staatliche oder religiöse Symbole. Diese werden dann gefährlich banalisiert oder lächerlich gemacht, dienen nur noch das interressierte Verkaufen, verlieren jedes Mysterium, werden nicht mehr mit Andacht respektiert. So verlieren ein Volk oder eine Kultur ihren Rückengrat, erleben einen problematischen Sinnverlust, der die ganze Gemeinschaft im verheerenden Untergang stoßen. Postmans Bücher sind wichtig, weil sie uns ganz sachlich auf zeitgenößischen Problemen aufmerksam machen, ohne eine peinlich apokalyptische Sprache zu verwenden. Zum Beispiel ist Postman klar bewußt, daß die Technik lebenswichtig für den Menschen ist, denunziert aber ohne unnötige Pathos die gefährliche Autonomisierung von technischen Verfahren. Postman plädiert nicht für eine irrationale Technophobie. Schmittianer werden in seiner Analyse der unsichtbaren Technologien, wie das Management, eine tagtägliche Quelle der Delegitimierung und Legalisierung der politischen Gemeinschaften. Politisch gesehen, könnten die soziologischen Argumente und Analysen von Postman eine nützliche Illustration der Legalität/Legitimität-Problematik sein (Robert STEUCKERS).

samedi, 21 septembre 2013

Kerry Bolton: Revolution from Above

Kerry Bolton: Revolution from Above

By Manfred Kleine-Hartlage

Ex: http://www.sezession.de

revolution-from-above-cover.jpgJeder, der einmal versucht oder auch nur theoretisch erwogen hat, einen größeren geistig-politischen Umschwung herbeizuführen – von einer Revolution ganz zu schweigen –, weiß, daß dazu vor allem eines erforderlich ist: Geld.

Geld bringt Journalisten dazu, bestimmte Themen hoch- oder niederzuschreiben, Geld veranlaßt Professoren, ihre Erkenntnisinteressen denen ihrer Drittmittelgeber anzupassen, Geld ermöglicht es, Zeitungen und Fernsehsender zu kaufen, mit Geld kann man Kurse für Agitatoren und solche, die es werden wollen, bezahlen, mit Geld eine Infrastruktur von „Nichtregierungsorganisationen“ unterhalten, und wenn all dies nicht reicht, kann man mit Geld Waffen kaufen.

Obwohl dies so offenkundig ist, daß man es schon banal nennen muß, ist es zugleich ein Tabuthema. Jeder weiß zwar, daß etwa die Bolschewiki eine Organisation von „Berufsrevolutionären“ waren; und jeder, der darüber nachdenkt, könnte sich sagen, daß Berufsrevolutionäre – wie alle anderen Berufstätigen auch – auf Arbeitgeber oder Kunden angewiesen sind, die sie bezahlen. Und doch gilt die Oktoberrevolution bis heute als das Werk eines gewissen Lenin, nicht etwa als das seiner Geldgeber. Allenfalls gesteht man zu, daß die Millionensummen, die die deutsche Regierung während des Ersten Weltkriegs zur Verfügung stellte, eine gewisse Rolle gespielt haben mögen. Daß entsprechende Summen aber schon lange vor dem Ersten Weltkrieg an die Bolschewisten und andere revolutionäre Organisationen flossen, und daß sie keineswegs aus Deutschland stammten, sondern aus amerikanischen Finanzkreisen: Das ist zwar kein Geheimnis, sondern wohldokumentiert; im offiziösen Geschichtsbild kommt es aber nicht vor.

Dabei ist die Russische Revolution noch dasjenige Thema, bei dem der kausale Zusammenhang zwischen den Interessen schwerreicher Finanziers und der Entfesselung der Revolution am ehesten thematisiert werden kann. Wer dagegen fragt, warum 1789 wie auf Kommando in ganz Frankreich Agitatoren auftauchten, die ein gar nicht so unzufriedenes Volk aufzuhetzen verstanden, sieht sich schnell als „Verschwörungstheoretiker“ abgestempelt, und erst recht gilt dies für den, der den ominösen „Zeitgeist“ hinterfragt, der – man weiß nicht wie – seit rund hundert Jahren, spätestens aber seit dem Zweiten Weltkrieg, grundsätzlich nur von links zu wehen scheint.

Wiederum ist es nicht wirklich ein Geheimnis, daß dieser Zeitgeist keineswegs von selbst entstanden ist, und es ist auch kein Geheimnis, wer seine Entstehung organisiert und finanziert hat: Die verantwortlichen Akteure rühmen sich dessen sogar und geben in ihren Veröffentlichungen detailliert Auskunft darüber. Und doch haben diese allgemein zugänglichen Informationen kaum Eingang ins herrschende politische Bewußtsein gefunden.

In seinem Buch „Revolution from Above“ [2], das zur Zeit leider nur auf Englisch verfügbar ist, hat der neuseeländische Autor Kerry Bolton diese Informationen zusammengetragen und zu einem theoretisch überzeugenden und empirisch unanfechtbar untermauerten Ganzen zusammengefügt. Er weist überzeugend – und dies ausschließlich auf der Basis von Selbstzeugnissen der einschlägigen Akteure! – nach, daß praktisch alle intellektuellen und politischen Strömungen der Linken im 20. Jahrhundert, soweit sie nicht von der UdSSR finanziert wurden, nur aufgrund der milliardenschweren Unterstützung durch eine winzige Schicht von amerikanischen Superreichen und deren Stiftungen zum Zuge kommen konnten. Zumindest hätten sie ohne diese Unterstützung bei weitem nicht die Durchschlagskraft haben können, die sie haben.

Ein solcher Befund mag denjenigen überraschen, der den Gegensatz von Kapitalisten und Sozialisten immer noch für unüberbrückbar hält. Tatsächlich war er das nie. Die Linke leistet dem Kapital vielmehr gute Dienste bei der Zerstörung hergebrachter Strukturen, Bindungen und Werte. Sie planiert damit das Gelände, auf dem der globale Kapitalismus errichtet wird. Sie zerstört reale, gewachsene Solidarität im Namen einer fiktiven und bloß ideologisch postulierten, und sie erzeugt damit die Gesellschaft von atomisierten Einzelnen, die auf ihre Rolle als Produzenten und Konsumenten zurückgeworfen werden und als Masse so lenkbar und nutzbar sind wie eine Viehherde. Das gilt für die russischen und chinesischen Kommunisten, die eine traditionelle agrarische Gesellschaft ins Industriezeitalter katapultierten und schließlich in den Weltmarkt einbanden; es gilt genauso für die westliche Linke mit ihrem Kampf gegen Nation, Tradition, Religion und Familie.

Boltons Buch ist die passende Ergänzung zu meinen eigenen Ausführungen zu diesem Thema (in „Die liberale Gesellschaft und ihr Ende“ [3]). Wo ich die Zusammenhänge abstrakt analysiere, nennt er konkrete Namen, Summen, Profiteure und Strategien. Steinchen für Steinchen entsteht dabei das Mosaik einer langfristigen Strategie der amerikanischen Plutokratie, die auf nicht mehr und nicht weniger hinausläuft als auf eine Weltrevolution – eben auf die Revolution von oben, der das Buch seinen Titel verdankt.

Solche Bücher können auch entmutigen: Wie will man denn, so mag mancher Leser fragen, einem Feind entgegentreten, der an allen Fronten unter Einsatz schier unbegrenzter Mittel auf dem Vormarsch ist? Ist da nicht jeder Widerstand von vornherein zumm Scheitern verurteilt?

Ich selbst ziehe den umgekehrten Schluß: Wenn der Feind Milliardensummen einsetzt, dann deshalb, weil er es nötig hat. Wer ganze Völker mit einem geschlossenen System von Lügen indoktrinieren muss, muß wesentlich mehr investieren als der, der es sich leisten kann, mit Wahrheiten zu operieren. Freilich rechtfertigt auch diese Feststellung nicht eine in manchen Kreisen immer noch verbreitete naive rechte Sozialromantik, die ohne professionelle Strukturen auszukommen glaubt, weil die Wahrheit sich allein durch den Idealismus ihrer Verfechter durchsetzen werde.

Kerry Boltons Buch ist insofern kein Anlaß zu Resignation, wohl aber zu produktiver Ernüchterung: Wir kommen mit weniger Geld aus als der Gegner, aber auch wir werden viele Millionen Euro benötigen, um einen spürbaren politischen Effekt zu erzielen. Es wird Zeit, daß diese Einsicht sich unter den besser betuchten Sympathisanten der politischen Rechten herumspricht.


Article printed from Sezession im Netz: http://www.sezession.de

URL to article: http://www.sezession.de/40908/kerry-bolton-revolution-from-above.html

URLs in this post:

[1] Image: http://www.sezession.de/wp-content/uploads/2013/09/kerry-bolton-revolution-from-above.jpg

[2] „Revolution from Above“: http://www.arktos.com/revolution-from-above.html

[3] „Die liberale Gesellschaft und ihr Ende“: http://antaios.de/detail/index/sArticle/314/sCategory/13

Siria, cosa sta succedendo?

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HORRIBLE ÉPREUVE POUR BHL

HORRIBLE ÉPREUVE POUR BHL :

IL SE DIT “FOUDROYÉ”

par Robert Spieler

Ex: http://synthesenationale.hautetfort.com

BHL se dit “foudroyé”, C’est l’horreur. Sa jeune sœur, prénommée Véronique, s’est récemment convertie au christianisme. Interrogé par son ami Elkabach, le 3 juin sur Europe 1, on avait vu, filmé par une caméra, deux êtres totalement accablés par l’horreur de la situation. La vidéo a été visionnée par 40 000 internautes et suscite évidemment des commentaires peu amènes, dénonçant l’intolérance du tandem vis-à-vis de cette conversion. Le 21 juin, rebelote. Jean-Pierre Elkabach recevait à nouveau Bernard-Henri Lévy pour un nouvel entretien. Le thème était les rapports entre peinture et philosophie, ainsi que sur la spécificité du judaïsme dans la représentation des images. Elkabach, que cela travaillait visiblement, on se demande pourquoi, est revenu sur la conversion de Véronique Lévy, en posant cette incroyable question à BHL : « Vous ne pouvez rien faire contre son choix ? » BHL devait conclure cet entretien en avouant avoir appris la nouvelle « comme si la foudre » lui était tombé dessus…

 

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Idéologie du genre: la porte étroite d’un combat

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Idéologie du genre: la porte étroite d’un combat

Par

Guillaume Bernard



Ex: http://www.valeursactuelles.com

 

Contre le terrorisme intellectuel cherchant à imposer l’idéologie du genre, le risque est grand de se tromper de cible et d’argumentaire.

Alors que le sexe est biologique, le gender est culturel : il est, d’une certaine manière, le sexe social de l’individu. Ceci explique la célèbre formule de Simone de Beauvoir, selon qui « on ne naît pas femme » mais « on le devient ». Identifiée à ses fonctions sexuelles et reproductives, la femme aurait été dépossédée d’elle-même. La conception stéréotypée des sexes l’aurait enfermée dans les rôles traditionnels de mère et de ménagère. Une réelle égalité entre hommes et femmes nécessiterait donc la non-différence sexuelle.

L’idéologie du genre entend supprimer les rôles sociaux fondés sur le sexe (époux/épouse, père/mère) pour permettre à l’individu d’échapper à tout déterminisme. Le projet social qu’elle porte consiste dans la transformation des rapports sociaux en permettant à quiconque de s’approprier les attributs et les fonctions du sexe opposé. Le sexe anatomique ne doit induire aucune sexualité : toutes les pratiques sont supposées être l’expression d’un choix (susceptible d’évoluer) et sont également légitimes. De même, alors que le couple générationnel est nécessairement constitué d’un homme et d’une femme, l’idéologie du genre a construit un concept alternatif à celui de parenté (sexuée) : la parentalité (sociale). La plurisexualité a naturellement pour corollaire les parentalités multiples.

Les études d’histoire et de sociologie du genre ont eu le mérite de rappeler que l’identité d’une personne se construit dans l’altérité. Ainsi, les authentiques parents sont-ils ceux qui éduquent l’enfant et non les simples géniteurs. Mais l’idéologie du genre entend nier, dans la personne humaine, la combinaison de l’essence et de l’existence (qui actualise la première), ne prenant en considération que la seconde. En affirmant que la sexualité de la personne n’est pas donnée par son anatomie mais est culturellement construite, le gender semble désexualiser l’individu, alors qu’elle l’enferme dans ses pratiques sexuelles (puisqu’il n’existe pas vraiment tant qu’il n’a pas posé de choix). Dans l’idéologie du genre, ce n’est donc pas la valorisation des fonctions remplies par la personne, mais l’approche matérialiste de celle-ci qui mérite d’être discutée.

La critique du gender doit prendre la précaution de ne pas assimiler le biologique au naturel (qui pourrait réduire l’être humain à son corps) et le social à l’artificiel (ce qui conduirait à nier, implicitement, la sociabilité naturelle). La personne ne se limite pas au corps ; celui-ci ne se résume pas au sexe. Le corps fait partie de l’être, mais ce dernier n’est pas tout corporel. Comme l’illustrent la chasteté avant le mariage ou le célibat ecclésiastique, l’être humain n’est pas entièrement soumis à son sexe biologique ; l’identité dépend aussi des différents rôles sociaux de la personne. Celle-ci n’est pas qu’un donné biologique ; elle est aussi un construit social. Si les idéologues du genre réduisent l’identité de la personne à sa volonté (prométhéenne ?), leurs adversaires auraient tort de se faire les défenseurs d’un naturalisme biologiste. La théorie du genre est un constructivisme quand elle nie la nature humaine sexuée ; mais sa critique serait tout aussi réductrice si elle enfermait l’identité de la personne dans son corps.

Les droits fondamentaux étant des attributs de l’homme, ne pas reconnaître les mêmes droits à tous les êtres humains (quelles que soient leurs pratiques sexuelles) reviendrait à nier leur humanité. Une argumentation fondée sur les droits de l’homme pour combattre l’idéologie du genre est vouée à un échec certain, puisque, selon cette dernière, la nature humaine, d’où ils sont tirés, n’a pas de consistance (ontologique) mais est purement volontariste. Se tromper d’angle d’attaque contre le gender pourrait rendre le combat totalement stérile. Or, sans l’avoir voulu, les théoriciens du genre ont indirectement remis à l’honneur l’idée de persona, notion centrale de la philosophie du droit alternative à celle qui fonde leur position. Répondre au gender ne suppose-t-il donc pas de défendre à nouveau le principe d’un droit attribué aux personnes (individuelles et collectives) en fonction de leurs mérites ?

Guillaume Bernard

maître de conférences HDR à l’Institut catholique d’études supérieures

En el centenario de la Declaración Balfour

por Nur Masalha*

Ex: http://paginatransversal.wordpress.com

La Declaración Balfour del 2 de noviembre de 1917 fue fundamental para alianza británico-sionista durante la Primera Guerra Mundial y una poderosa herramienta de propaganda judio-sionista. Al acercarse el centenario de la Declaración es oportuno volver a examinar el impacto tanto de la declaración como de las políticas británicas respecto a Palestina y su población originaria. Este artículo apela al Reino Unido a que reconozca su responsabilidad histórica en las desastrosas consecuencias del colonialismo sionista de asentamiento en Palestina y la subsiguiente catástrofe palestina (Nakba).

Sin el apoyo total de Imperio Británico, el sionismo político no habría podido conseguir sus objetivos a costa de la libertad y la autodeterminación del pueblo palestino. El Estado de Israel era y todavía es fundamental para los proyectos occidentales en Oriente Próximo. De hecho, Israel debe su propia existencia al poder colonial británico en Palestina, a pesar de la tensión militar durante la última década de periodo del Mandato Británico entre la potencia colonial y los dirigentes del militarizado Yishuv, es decir, la comunidad de colonos de asentamiento blancos asquenazíes (1) en Palestina.

Los colonos sionistas europeos eran poco numerosos bajo el Imperio Otomano y nunca se les dio verdaderamente carta blanca en Palestina; si se hubiera dejado al Imperio Otomano el control de Palestina después de la Primera Guerra Mundial, es muy poco probable que el Estado judío se hubiera hecho realidad a expensas de la población indígena. La situación cambió radicalmente con la ocupación de Palestina por parte de los británicos en 1917. Pero antes, el 2 de noviembre de 1917, la Declaración Balfour (cuyas catastróficas consecuencias para el pueblo palestino tienen repercusiones todavía hoy) ya había concedido al sionismo derecho a Palestina. El secretario de Exteriores [británico] Arthur James Balfour envió a la Federación Sionista la carta que contenía la Declaración a través de un prominente judío británico, el barón Walter Rothschild. En ella el gobierno británico declaraba su compromiso con el sionismo: “El gobierno de Su Majestad considera favorablemente el establecimiento en Palestina de un hogar nacional para el pueblo judío y utilizará sus mejores esfuerzos para facilitar la consecución de este objetivo”.

Lo verdaderamente crucial fue que los términos de la Declaración Balfour se incorporaron al Mandato Británico en Palestina en 1922 y fueron aprobados por la Liga de las Naciones. Esto constituyó un espectacular logro político y de propaganda para el movimiento sionista internacional que en aquel momento era un grupo minoritario dentro de los judíos del mundo. Curiosamente, el documento fue criticado duramente por el único miembro judío del gobierno del primer ministro británico Lloyd George: Sir Edwin Montagu, secretario de Estado para India, hizo una clara distinción entre judaísmo y sionismo (una ideología política moderna). Le preocupaba el estatus y la potencial doble lealtad de los judíos británicos y puso en tela de juicio el derecho de la organización sionista a hablar en nombre de todos los judíos.

En 1917 la población judía de Palestina era inferior al 10% del total de su población. El contenido de la Declaración Balfour se arraigaba en la política colonial racista de la denegación. No mencionaba siquiera al pueblo palestino, ya fueran cristianos o musulmanes, que conformaba más del 90% de la población del país. De hecho, el pueblo palestino era propietario de más del 97% de la tierra que Gran Bretaña pretendía regalar. La Declaración se refería a los palestinos cristianos o musulmanes como “las comunidades no judías que existen en Palestina” al tiempo que omitía por completo sus derechos nacionales y políticos. La Declaración es típica del estilo supremacista blanco de la época y encaja con la noción de “una tierra sin pueblo [para un pueblo sin tierra]”, creada para justificar la colonización europea y la negación de los derechos fundamentales de los palestinos.

Envalentonado por la Declaración Balfour, en enero de 1919 el destacado sionista británico Chaim Weizmann acudió a la Conferencia de París y y pidió una Palestina pura “tan judía como Inglaterra es inglesa”. Esto sucedía en un momento en que el principio de “autodeterminación para los pueblos del Imperio Otomano” estaba consagrado en los “Catorce Puntos” del presidente estadounidense Woodrow Wilson. Lloyd George saludó estos principios al tiempo que negaba este reconocimiento internacional del pueblo palestino.

A menudo se explican la alianza británico-sionista y la Declaración Balfour en términos de cálculos de guerra y objetivos estratégicos militares (incluido la proximidad de Palestina al Canal de Suez controlado por Gran Bretaña y la ruta a India). Los historiadores pasan por alto los factores y mitos británicos históricos, ideológicos, de la cultura bíblica protestante y simbólicos. Gran Bretaña y gran parte de Europa habían sido la cuna de las Cruzadas Latinas y de los recuerdos colectivos de la lucha por Jerusalén y Palestina, una amarga “guerra santa” contra el islam que duró varios siglos hasta bien entrado el inicio del periodo moderno y cuya memoria colectiva se revivió en Europa en el momento culminante del imperio en el siglo XIX. Antes de la Declaración Balfour dos imanes, la “Biblia y la espada”, en brillante expresión de Barbara Tuchman (Bible and Sword: England and Palestine from the Bronze Age to Balfour) atrajeron a gran cantidad de cruzados, peregrinos, misioneros, arqueólogos bíblicos, viajeros, cartógrafos, cónsules y miembros del Cuerpo de Ingenieros Reales a Tierra Santa de Palestina. En última instancia esto llevó a la conquista de Jerusalén por parte de Gran Bretaña en diciembre de 1917.

La propia Declaración Balfour estaba calculada para coincidir con el avance del general Edmund Allenby hacia Jerusalén durante la Primera Guerra Mundial. Fue el fruto de unas intensas negociaciones a lo largo de doce meses entre destacados sionistas británicos (el “lobby judío-sionista) y altos cargos del Foreign Office y, en última instancia, del gobierno de guerra de Lloyd George.

El 11 de diciembre de 1917 Allenby entró a pie en Jerusalén y anduvo triunfalmente por la Ciudad Vieja. Era el primer cristiano que conquistaba Jerusalén desde las Cruzadas medievales. Este simbolismo no pasó desapercibido para Allenby o Lloyd George, que describieron la toma de Jerusalén como “un regalo cristiano al pueblo británico”. Allenby fue incluso más explícito: “Ahora han terminado las guerras de los cruzados”, afirmó, dando a entender que su conquista de Palestina por parte de las fuerzas británicas era la “última cruzada”.

El general Allenby nos ha dejado otros símbolos de los antiguos y nuevos cruzados: el “Puente Allenby” (todavía denominado así por los israelíes) que cruza del río Jordán fue construido en 1918 por el propio Allenby sobre los restos de un viejo puente otomano. Actualmente es el único punto de entrada y de salida para los palestinos bajo ocupación israelí que viajen fuera de Cisjordania y a Cisjordania. Tanto Allenby como Balfour son muy apreciados en Israel. Allenby da su nombre a una importante calle de Tel Aviv, “Allenby Street”. Balfouria es una colonia judía al sur de Nazareth fundada en 1922 y fue el tercer moshav (2) que se estableció en la Palestina del Mandato. Toma su nombre del secretario de Exteriores británico que redactó la tristemente célebre Declaración.

En 1917 Weizmann, amigo íntimo del general Jan Smuts, un defensor de la separación racial, primer ministro de Sudáfrica y que se asocia a la redacción del borrador de la Declaración, argumentó: “Una Palestina judía sería una salvaguarda para Inglaterra, en particular con respecto al Canal de Suez”. Sin embargo, tanto Lloyd George como Balfour eran miembros de Iglesias protestantes que compartían la creencia sionista cristiana de que había que “restituir” en Palestina a los judíos del Viejo Testamento antes de la Segunda Venida de Jesús.

La Biblia ha sido el texto clave para redimir el colonialismo de asentamiento europeo. El “primer” texto de Occidente ha sido (y sigue siendo) fundamental para el apoyo occidental al Estado de Israel. La “Biblia y la espada”, las dos herramientas heredadas de las Cruzadas latinas y del colonialismo británico, también han sido fundamentales para la estrategia sionista israelí desde 1948.

Desde finales del siglo XIX el sionismo político (y actualmente el lobby pro-israelí) ha seguido disfrutando de una extraordinaria influencia en las altas esferas de Occidente. Por diferentes razones (entre las que se incluye la epistemología y la política del texto bíblico), el Estado de Israel ha sido fundamental para las políticas de Occidente en el rico en petróleo Oriente Próximo. Además de su valor geopolítico y estratégico, y de sus inmensas capacidades militares y nucleares, el Estado de Israel ha tenido una enorme trascendencia para las políticas occidentales posteriores a la Segunda Guerra Mundial. En el periodo posterior al Holocausto el fuerte apoyo financiero, militar y político concedido al “Estado judío” en Palestina también ha sido considerado una oportunidad de “redimir” a Europa (y a Occidente) por el genocidio nazi.

El sionismo político surgió en Europa a finales del siglo XIX en el momento culminante del imperialismo europeo, directamente influido por el pangermanismo y panjudaísmo. Combinó con éxito los nacionalismos de Europa central y del este con el colonialismo de asentamiento y la Biblia. Los padres fundadores laicos del sionismo judío trataron de sustentar con el texto bíblico la legitimidad de su movimiento colonial de asentamientos.

Desde un principio estuvo claro que el proyecto “restauracionista” solo se podía lograr con el respaldo y el apoyo activo de las potencias europeas. Desde Theodor Herzl a Chaim Weizmann y David Ben-Gurion los dirigentes sionistas eran plenamente conscientes de que no se podía garantizar su programa sin el apoyo de las potencias imperialistas. Herzl escribió claramente acerca de la tierra asiática (no europea) “reclamada” por el sionismo y el establecimiento de un Estado casi europeo de colonos blancos en Palestina: “Si Su Majestad el Sultán [otomano] nos concediera Palestina, a cambio nosotros podríamos emprender la regulación de todas las finanzas de Turquía. Conformaríamos ahí parte de una muralla defensiva para Europa en Asia, un puesto de avanzada de la civilización contra la barbarie”.

Sin embargo, el entonces presidente de la Agencia Judía, Ben-Gurion, declaró al presentar testimonio ante la “Comisión Real de Palestina” encabezada por Lord Peel en 1936: “La Biblia es nuestro mandato”. Para Ben-Gurion la Biblia era el texto matriz del sionismo y el texto fundacional del Estado de Israel. Como Ben-Gurion, Lloyd George y Balfour consideraban la Biblia no solo una fuente histórica de confianza sino también una guía de las políticas cristianas y sionistas en relación con los habitantes indígenas de Palestina. Las militaristas tradiciones y relatos bíblicos de la tierra, reconfiguradas y reinventadas en el siglo pasado como una metanarrativa “fundacional” del sionismo y del Estado de Israel, han sido decisivas en la limpieza étnica de Palestina. Hoy las mismas militaristas tradiciones bíblicas de la tierra siguen estando en el centro del desplazamiento y la desposesión de los palestinos (tanto musulmanes como cristianos) de Jerusalén. Irónicamente, es más probable que, a diferencia de Ben-Gurion, los palestinos modernos sean descendientes de los antiguos israelíes cananeos y filisteos que lo sean los asquenazíes y padres fundadores blancos del Estado de Israel.

El historiador británico Arnold Toynbee calificó una vez a Balfour de “hombre malvado”. Toynbee creía que Balfour y Lloyd George conocían las catastróficas implicaciones que tenían para los palestinos originarios la Declaración Balfour y el hecho de que los británicos fomentaran una comunidad colonial de asentamiento blanca en Palestina.

Por supuesto, ni los cruzados latinos ni la moderna Gran Bretaña tenían derechos de soberanía sobre Palestina. Es indudable que Gran Bretaña no tenía autoridad moral o legal para entregar la tierra que no le pertenecía a un tercero y a un pueblo que no residía en el país. Sin embargo, la Declaración Balfour creó el marco para la lucha sionista por apoderarse de la tierra de Palestina y controlarla, una lucha que ha seguido hasta nuestros días. Por ello la Declaración se convirtió en un elemento fundamental de las exigencias judiciales sionistas e israelíes. Entre 1914 y 1948 la potencia colonial británica en Palestina permitió al movimiento judío establecer en Palestina a cientos de miles de colonos judíos europeos, incluidas varias ciudades, y estableció las bases políticas, militares y de seguridad, económicas, industriales, demográficas, culturales y académicas del Estado de Israel.

Medio siglo después de la Declaración Balfour la primera colonia blanca en Palestina, Kerem Avraham, hoy un barrio de Jerusalén, empezó como una pequeña colonia británica fundada en 1855 por el muy influyente cónsul británico en Jerusalén, James Finn, y su mujer, Elizabeth Anne. Finn combinó un antiguo celo cruzado con un moderno pensamiento “restauracionista” protestante y actividades misioneras con el trabajo oficial de funcionario británico. Él y su mujer eran originariamente miembros de la “Sociedad Londinense para Promover el Cristianismo entre los Judíos”. James Finn también fue un estrecho socio de Anthony Ashley Cooper, séptimo conde de Shaftesbury, un destacado diputado tory, milenarista protestante y colaborador clave del sionismo victoriano cristiano y del evangelismo que preconizaba la vuelta a la Biblia. A Shaftesbury le guiaba el pensamiento victoriano de la “Biblia y la espada”, una combinación de imperialismo victoriano y de profecía mesiánica cristiana. Argumentaba que el “restauracionismo judío en Palestina tendría ventajas políticas y económicas para el Imperio Británico y según la profecía de la Biblia, aceleraría la segunda venida de Jesús. En un artículo publicado en Quarterly Review (enero de 1839), Shaftesbury (inventor del mito “una tierra sin pueblo para un pueblo sin tierra”) escribió: “La tierra y el clima de Palestina están singularmente adaptados para que crezcan productos requeridos por las exigencias del Imperio británico: se puede obtener el algodón más fino en una casi ilimitada abundancia, la seda y la rubia roja (3) son los productos principales del país y el aceite de oliva es ahora, como siempre lo ha sido, la propia grasa del país. Solo se requieren capital y habilidades: la presencia de un oficial británico y la mayor seguridad de la propiedad que su le conferirá presencia, pueden invitar a los de estas islas al cultivo en Palestina; y los judíos, que no se trasladarán a ninguna otra tierra para cultivarla ya que han encontrado en la persona del cónsul británico [James Finn] un mediador entre su pueblo y el Pachá [otomano], probablemente volverán en cantidades aún mayores y se convertirán una vez más en el esposo de Judea y Galilea”.

Con el apoyo del entonces secretario de Exteriores británico Lord Palmerston, Shaftesbury empezó a promover la “restauración” de los judíos en Palestina entre la Inglaterra victoriana de la década de 1830. Shaftesbury también desempeñó un papel decisivo en el establecimiento del consulado británico en Jerusalén en 1839. Las actividades públicas de Shaftesbury, James Finn y sus compañeros “restauracionistas”, que precedieron en casi medio siglo a la fundación del movimiento sionista político europeo por Theodor Herzl, demuestran claramente que el “sionismo” empezó como un claro movimiento de cruzada protestante cristiano y no uno laico judío.

Con todo, lo que llevó al crecimiento del sionismo protojudío laico fueron los estudios del Fondo de Exploración de Palestina (PEF, por sus siglas en inglés) y los mapas de Cuerpo Británico de Ingenieros Reales realizados en la década de 1870. La pacífica cruzada del PEF británico, fundado en 1865 por un grupo de eruditos de la Biblia, geógrafos bíblicos, altos cargos militares y de la inteligencia, y clérigos protestantes, entre los que destacaba el deán de la Abadía de Westminster, Arthur P. Stanley, estaba estrechamente coordinada por la clase dirigente político-militar británica y los servicios de inteligencia ansiosos de penetrar en la Palestina otomana, un país gobernado por el “hombre enfermo de Europa” musulmán (4).

El PEF, que cuenta con oficinas en el centro de Londres, es hoy una organización activa que tiene una publicación académica, Palestine Exploration Quarterly. Por otra parte, el PEF da charlas públicas y financia proyectos de investigación en Cercano Oriente. Según su página web, “entre 1867 y 1870 el capitán Warren llevó a cabo exploraciones en Palestina que conforman la base de nuestro conocimiento de la topografía del Jerusalén antiguo y de la arqueología del Templo del Monte/Haram al-Sherif [sic]”. “Además de estas exploraciones en, bajo y alrededor del Templo del Monte/al-Haram al-Sherif, Warren analizó la Llanura de Philistia y llevó a cabo un muy importante reconocimiento de la parte central del [río] Jordán”. El capitán (después general Sir) Charles Warren, de los Ingenieros Reales y uno de los altos cargos clave del PEF ordenó trazar el mapa de la “topografía bíblica” de Jerusalén e investigar “el emplazamiento del templo”, y observó: “El cónsul [británico] del rey [James Finn] es la autoridad máxima, no de los nativos de la ciudad, sino de los extranjeros. No obstante, en su mayor parte estos extranjeros son los dueños legítimos y los nativos en su mayor parte son los usurpadores”. Al parecer Warren y Finn “cavaron literalmente” bajo los santuarios musulmanes de Jerusalén para trazar el mapa de las “dimensiones originales” del “Templo del Monte”. La arqueología bíblica, los mapas y los estudios de topografía y toponimia llevados a cabo por Warren y los Ingenieros Reales han seguido constituyendo los datos básicos de muchos arqueólogos, geógrafos y planificadores estratégicos oficiales israelíes actuales en su campaña por judaizar la Ciudad Vieja de Jerusalén.

Cuando los colonos judíos blancos se trasladaron a Palestina su actitud respecto a la población originaria fue la típica actitud colonial respecto a pueblos “inferiores” y “no civilizados”, aunque las colonias sionistas siguieron siendo muy pequeñas hasta que los británicos ocuparon Palestina en 1917. Después de la ocupación el proceso se aceleró rápidamente bajo la protección de la potencia colonial. Durante este periodo los sionistas insistieron en que se denominara oficialmente a Palestina la “Tierra bíblica de Israel”. Las autoridades del Mandato Británico concedieron el uso del acrónimo hebreo para “Eretz Yisrael” (la “Tierra de Israel”) tras el nombre de Palestina en todos los documentos oficiales, moneda, sellos, etc.

Durante este periodo (1918-1948) los colonos blancos asquenazíes no hicieron esfuerzo alguno por integrar sus luchas en las de los palestinos que luchaban contra el colonialismo británico. Por el contrario, los colonos actuaron desde la convicción de que la población originaria tendría que ser sometida o expulsada, con la ayuda de los británicos.

Para la década de 1930 la Declaración Balfour se asociaba estrechamente en el pensamiento sionista oficial a la colonización práctica de Palestina y a la limpieza étnica de los palestinos originarios. Desde principios de la década de 1930 en adelante los “comités de traslado” (un eufemismo de “comités de limpieza étnica”) y altos cargos del Yishuv elaboraron una serie de planes específicos que implicaban en general a Trasnjordania, Siria e Iraq. En 1930, sobre el fondo de los disturbios de 1929 en Palestina, Weizmann, entonces presidente tanto de la Organización Sionista Mundial como de la Ejecutiva de la Agencia Judía, empezó a promover activamente en discusiones privadas con altos cargos y ministros británicos la idea del “traslado” de árabes. Planteó al secretario colonial, Lord Passfield, una propuesta oficial aunque secreta de traslado de campesinos palestinos a Transjordania, para lo cual se obtendría un préstamo de un millón de libras palestinas de fuentes financieras judías para la operación de reasentamiento. Lord Passfield rechazó la propuesta. Sin embargo, la justificación que Weizmann había utilizado para defender su propuesta fue la base de los posteriores argumentos sionistas de traslado de población. Weizmann afirmaba que no había nada de inmoral en la limpieza étnica de la tierra, que la expulsión de poblaciones ortodoxas griegas y musulmanas (“turcas”), “intercambios de población”, a principios de la década de 1920 eran un precedente de una medida similar en relación con los palestinos.

Si la Declaración Balfour se convirtió en un elemento fundamental de la memoria colectiva, los mitos y la propaganda sionistas, la Declaración, conocida como “Wa’ad Balfour” o la “Promesa Balfour” en árabe, se convirtió en un elemento fundamental de la memoria colectiva palestina de resistencia. Durante toda la época del Mandato el aniversario de la Declaración (2 de noviembre) se conmemoró de manera generalizada por medio de protestas y huelgas nacionalistas. Los palestinos movilizaron el recuerdo del engaño y la traición británicos como una herramienta de resistencia pacífica a las políticas británica y sionista en Palestina.

La colonización blanca de asentamiento de Palestina culminó con el establecimiento del Estado de Israel en 1948 y la Nakba palestina, la catástrofe de la limpieza étnica y la destrucción de gran parte de la Palestina histórica. La guerra psicológica y la presión militar sionistas expulsaron, en muchos casos a punta de pistola, a aproximadamente el 90% de los palestinos del territorio ocupado por los israelíes en 1948, a menudo bajo la atenta mirada de los británicos que continuaron a cargo del país hasta mediados de 1948. La guerra simplemente proporcionó la oportunidad y el contexto necesarios para purgar la tierra y crear un Estado judío en gran parte libre de árabes. Concentró las mentes judío-sionistas y proporcionó tanto la seguridad como las explicaciones y justificaciones militares y estratégicas para purgar el Estado y desposeer al pueblo palestino. Actualmente, aproximadamente dos terceras partes de los palestinos son refugiados, millones de ellos viven en campos de refugiados miserables en Oriente Próximo y otros millones están repartidos por todo el mundo.

El sionismo militarista e Israel han utilizado la Biblia no solo como una herramienta para la limpieza étnica de Palestina y el “exilio” de millones de palestinos de su patria ancestral, sino también como una manera de borrar la historia palestina y de suprimir la memoria palestina. Actualmente la Nakba palestina está más o menos ausente de la memoria colectiva tanto británica como occidental.

Por otra parte, los palestinos no solo continúan sometidos a la actual limpieza étnica y a las políticas de cruzada en Jerusalén en pleno siglo XXI, sino que durante las seis últimas décadas los israelíes y el lobby proisraelí han desafiado y silenciado los intentos por parte de los palestinos de constituir un relato coherente de su propio pasado. Todavía hoy la Catástrofe de 1948 se excluye del discurso oficial en Gran Bretaña mientras que Israel goza de un apoyo extraordinario en el gobierno británico y la mayoría de los diputados conservadores son miembros de “Amigos Conservadores de Israel”.

La clase dirigente británica elige públicamente una “posición neutral” sobre Palestina que a menudo adopta la forma de silencio o de amnesia colectiva. Dada la responsabilidad histórica de Gran Bretaña en la catástrofe palestina, no puede existir esta neutralidad o indiferencia hacia la injusticia cometida en Palestina.

Se ha creado el proyecto Balfour Project para conmemorar el centenario de la Declaración Balfour y el simbolismo de la alianza británico-sionista y el catastrófico impacto sobre los palestinos. Este proyecto busca: a) honestidad en el debate público y un reconocimiento de las desastrosas consecuencias de las acciones británicas en la época de la Declaración Balfour y a lo largo de todo el Mandato Británico en Palestina, y particularmente el engaño respecto a las verdaderas intenciones británicas; b) disculpas por la mala actuación británica; c) disculpas oficiales británicas a los palestinos por haber ignorado intencionadamente sus legítimas aspiraciones políticas; y d) integridad en el futuro cuando Gran Bretaña aborde la cuestión palestina.

* El Prof. Nur Masalha es Director de Programa del Máster en Religión, Política y Resolución de Conflictos. Formó parte de un equipo de postgrado del Arts and Humanities Research Council (AHRC) y fue miembro del AHRC Peer Review College. Ha sido director el Proyecto de Investigación de Tierra Santa desde 2001 y del Centro para la Religión y la Historia desde 2007. El profesor Masalha también edita Holy Land Studies: A Multidisciplinary Journal (publicado por Edinburgh University Press).

Sus libros más recientes son: The Bible and Zionism: Invented Tradition, Archaeology and Post-Colonialism in Israel-Palestine (2007), La Biblia leída con los ojos de los Cananeos (Editorial Canaán, 2011) y The Palestine Makba: Decolonising History, Narrating the Subaltern, Reclaiming Memory (2012). Próximamente publicará The Politics of Reading the Bible in Israel (2013).

(Traducido del inglés para Rebelión por Beatriz Morales Bastos)

Notas de la traductora:

(1) Los judíos asquenazíes son los judíos oriundos de Europa central y del este.

(2) Moshav es una comunidad rural judío de carácter cooperativo

(3) La llamada rubia roja es una planta cuya raíz se utilizaba para fabricar tintes de color rojo destinados a la industria textil y a la farmacología.

(4) La expresión “hombre enfermo de Europa” se ha aplicado a lo largo de la historia a diferentes países europeos en referencia a la debilidad o decadencia de una economía aparentemente normal.

Fuente: Global Research