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mardi, 10 août 2021

Netflix, Tavistock et "Inception" : quelle est la "matrice" du rêve collectif ?

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Netflix, Tavistock et "Inception": quelle est la "matrice" du rêve collectif?

José Negrón Valera

Ex: http://www.elespiadigital.com/index.php/tribuna-libre/34736-2021-07-21-10-03-04

"Vous êtes invité à une série de sessions en ligne de "Social Dreaming" qui se dérouleront chez Zoom de 12 à 13h15 (GMT / BST) tous les jeudis du 18 mars au 24 juin 2021, y compris un bilan post-matrice."

"Les participants partagent leurs rêves de la nuit et s'associent librement aux rêves proposés dans la matrice pour trouver des liens, établir des connexions et révéler un nouveau sens et une nouvelle compréhension du contexte social et de l'environnement sociopolitique actuels, en particulier, la pandémie de COVID-19, un an après."

Il y a quelques mois, un de mes amis chercheurs, très au fait du fonctionnement des mécanismes de contrôle du pouvoir sur le monde, m'avait parlé des derniers développements et des bizarreries de la recherche dans laquelle était plongé le célèbre Institut Tavistock pour les relations humaines. "Il faut que tu voies ça", m'a-t-il prévenu. Mais je ne me suis pas immédiatement lancé. Je l'ai laissé reposer jusqu'à un moment qui me paraissait plus opportun.

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La visite du directeur de la CIA en Colombie a déclenché une série d'événements qui, avec l'opération médiatique coûteuse et bien planifiée contre Cuba, ont déclenché une série de messages sur les médias sociaux qui m'ont ramené à Tavistock.

"J'ai fait un rêve, et ce rêve, hier 11 juillet 2021, a commencé à se réaliser. J'ai rêvé d'un Cuba libéré de la dictature, libéré de la répression, libre de s'exprimer et sans conditions. Ensemble nous pouvons, frères, luttons pour notre rêve de voir Cuba libre #SOSCuba #CubaLibre".

Le message du bot a déclenché quelque chose dans mon esprit. L'éternelle question du fonctionnement de ces mécanismes qui permettent à des millions d'êtres humains de laisser de grandes inégalités et des injustices sociales passer inaperçues. Ce n'est pas du cynisme ou de la naïveté, c'est un grand rêve collectif auquel nous avons été conduits.

Un mécanisme artificiel où la science et la technologie convergent pour mettre un filtre sur les faits du monde, un code qui introduit (input) la réalité et produit des émotions et des actions (outputs) à l'image et à la ressemblance de ceux qui ont suffisamment de pouvoir pour tisser l'enchevêtrement de messages, de contenus et d'idées qui voyagent à travers l'immensité des réseaux sociaux numériques et qui atteignent nos esprits à travers des dispositifs de consommation dont l'interface reconnaissable est un écran.

L'état de semi-conscience collective

Au Tavistock, ils ont une préoccupation en ce moment. Quels types de rêves partagés ont été générés dans le contexte de la pandémie. Comme l'explique Mannie Sher, l'un de leurs consultants et principaux chercheurs :

"Le but du rêve social est d'explorer les couches profondes de la signification des phénomènes sociaux et culturels par le biais des rêves et des associations de rêves. Le rêve social est une méthode de recherche visant à identifier les connaissances sociales et culturelles par l'application d'une analyse scientifique des rêves", affirme-t-il.

Les événements qui ont un impact sur la population constituent un contexte idéal à cet effet. Du 11 septembre 2001 à la conjoncture imposée par le coronavirus, en passant par les incidents de protestation sociale à Tel Aviv en 2011 et le mouvement Occupy London, le Tavistock Institute s'apprête à s'attaquer à l'inconscient collectif (ou, dans le jargon scientifique, à surveiller les groupes de contrôle et les groupes expérimentaux) afin d'obtenir une image claire de la manière dont se construit le sens collectif de ces temps.

Ce n'est pas une mince affaire. Tavistock fournit des études et des recherches qui sont utilisées par un nombre important d'entreprises et de groupes de réflexion dans le monde entier. Les clients dont les analyses décident des armes et/ou des politiques financières. En bref, ils servent à redessiner ou à ajuster les engrenages de la planète.

A ce stade, il convient de se demander où se situe ce projet de matrice de rêves sociaux et les événements qui explosent dans la région. Eh bien, voici l'hypothèse de travail.

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La pandémie de COVID-19 et les mesures de restriction de la mobilité humaine ont transformé le monde en une grande scène. Assis sur leur canapé, des millions d'êtres humains ont soudain constaté que l'accès à la réalité était conditionné par des plates-formes technologiques de diffusion de contenus audiovisuels offrant bien plus qu'un simple divertissement.

Ce n'est pas sans précédent. Melinda Davies a prévenu, il y a quelque temps, que l'espèce humaine était confrontée à un "exode massif de l'univers physique", et que la réalité commençait à devenir entièrement mentale.

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L'exposition à l'écran offrait aux humains non plus un univers alternatif, mais l'univers lui-même. Le fait est, comme le propose Davies, que "les valeurs, les images, les processus et les modèles de l'écran primaire façonnent même ce qui se passe en dehors de celui-ci. L'écran primaire est la nouvelle vie réelle, le macro-cadre dans lequel nous vivons".

Quelle coïncidence que moins d'un mois après le début des manifestations à Cuba, Netflix nous offre un baptême du feu avec la série Comment ils sont devenus des tyrans, avec une sélection de tyrannies taillées tout droit dans la planche à dessin de l'OTAN. Vous voyez généralement Saddam Hussein, Staline, les Kims et Mouammar Kadhafi. Bien sûr, il n'y a toujours rien dans votre programme sur Pinochet, Stroessner ou Franco. Peut-être pour la deuxième saison ?

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Dans un monde où, comme le démontre Manuel Castells, les intérêts financiers, politiques et militaires finissent par converger vers les mêmes nœuds de contrôle qui gèrent ce que nous voyons, comment nous le voyons et quand nous le faisons, l'augmentation de l'exposition aux écrans et aux contenus pilotés par les algorithmes des sociétés de production technologique et audiovisuelle a plongé la planète entière dans un état de semi-conscience collective qui produit les mêmes effets que le cinéma ou la télévision.

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Christian Metz (photo), critique et spécialiste français du cinéma, a expliqué que l'effet de l'expérience cinématographique s'apparentait à une "hallucination". Le cinéma implique en quelque sorte la réduction des "défenses du moi".

" Pour que cela se produise, il faut une " instance voyante " (qui constitue le film lui-même comme un discours, comme une instance qui expose l'histoire et la fait voir). En outre, l'état de submotricité renvoie à l'état de passivité des spectateurs qui absorbent tout par les yeux, rien par le corps", a expliqué M. Metz.

Lorsque nous constatons, non plus depuis la toile des bots, mais à travers des êtres humains en chair et en os, que la balance de l'indignation ne bouge que dans les cadres imposés par les images, les idées, les concepts que leur dictent les algorithmes des plateformes de streaming et des applications numériques, nous reconnaissons que nous sommes absolument dépassés par une guerre imaginative franchement asymétrique. Ce n'est pas qu'ils omettent délibérément les outrages commis contre les Palestiniens ou contre la ligne de front des citoyens colombiens, ou contre les centaines d'êtres humains plongés dans l'obscurité par les carabiniers chiliens. Ils ne peuvent tout simplement pas les voir.

Comme l'explique l'anthropologue Marc Augé (photo), la bataille clé de notre époque est celle de "l'abstraction du regard", ou plus directement du détournement de notre attention.

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Un regard qui est en soi le seul qui nous appartient et où entre en jeu ce que nous sommes. Il ne s'agit pas du kidnapping de nos yeux dix heures par jour à travers un écran. Il s'agit de la monopolisation de nos référents, symboles, attentes, souvenirs et utopies.

Pour tous ceux qui ont pu apprécier le film Inception, dont l'intrigue tourne autour de la possibilité d'installer une idée dans le subconscient, il est beaucoup plus facile de relier les processus et les acteurs qui servent à faire bouger et à maintenir les rouages du contrôle social.

"Le processus d'initiation fonctionne, nous dit-on, en plaçant la forme la plus simple d'une idée au plus profond du subconscient d'un personnage pendant qu'il rêve, par le biais d'une série de suggestions qui amènent effectivement le personnage à se donner l'idée (selon les mots du maître faussaire de Tom Hardy, Eames). Et le subconscient, nous dit-on, est motivé par l'émotion, pas par la raison, et qu'une émotion positive l'emporte sur une émotion négative. Le niveau le plus profond du subconscient est représenté par un coffre-fort ou une chambre forte, à l'intérieur duquel l'esprit stocke ses pensées et/ou ses souvenirs les plus privés".

Alors, quel est le fond de l'idée qu'ils essaient de planter ? C'est simple. Que tout projet politique et social différent de l'ordre hégémonique est un échec et n'est pas viable. Un éternel retour à la fin de l'histoire, déguisé par des algorithmes et des interfaces graphiques prétentieux.

Il ne s'agit pas seulement de défendre des intérêts économiques, il ne s'agit pas seulement des produits pharmaceutiques, ou des banques et de leur avancée contre les crypto-monnaies, il s'agit de maintenir intouchables les piliers idéologiques et spirituels qui soutiennent l'ordre lui-même.

Le vaccin Spoutnik V, sans parler de l'Abdala, a déclenché des signaux d'alarme dans la matrice. Le système est terrifié par les capsules rouges.

Il ne peut y avoir de contre-exemples réussis, surtout s'ils parviennent à sauver la vie de millions d'êtres humains. C'est pourquoi toute expérience alternative est boycottée par des sanctions, des coups d'état, des blocus, des séditions internes, l'assassinat des leaders émergents. Si ceux qui tissent les fils du pouvoir mondial permettent l'insertion dans le système de messages qui contredisent leur récit symbolique par des faits, il y a un risque d'effondrement. Un réveil collectif, comme ils l'appellent.

 

Le discours de Xi Jinping : normalité et exceptionnalisme

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Le discours de Xi Jinping: normalité et exceptionnalisme

Ex: https://piccolenote.ilgiornale.it/52154/il-discorso-di-xi-jinping-la-normalita-e-leccezionalismo

Le discours de Xi Jinping à l'occasion du 100e anniversaire du Parti communiste chinois a été analysé dans le monde entier, et il ne pouvait en être autrement compte tenu du rôle désormais mondial de Pékin.

Le choix de Xi de jouer Mao Zedong a été noté. Un choix, en effet, et non une obligation, qui doit être considéré comme tel dans sa référence à la révolution chinoise, qui a ensuite été détournée avec la révolution culturelle de la "bande des quatre", causant du tort à l'Empire du Milieu.

Une telle référence n'est pas le fruit du hasard, étant donné que Xi Jinping a combattu les continuateurs de ce moment sombre de la Chine et a été élu président précisément après avoir battu ceux qui, au sein du parti communiste, dirigé par Bo Xilai, rêvaient d'un retour à ces gloires.

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La "bande des quatre" lors de son procès.

Bo Xilai écoutant le verdict qui le condamne à la perpétuité.

Le discours de Xi était évidemment un péan aux "fortunes et progressions magnifiques" de son pays, et il ne pouvait en être autrement. On a voulu voir dans ses propos un défi au monde, notamment au moment où il a souligné que ceux qui tentent de s'opposer à la Chine "finiront la tête cassée et en sang".

En fait, le clin d'œil du président chinois était autre chose : non pas une menace pour le monde, mais une mise en garde contre une éventuelle agression. "Nous n'avons jamais maltraité, opprimé ou assujetti le peuple d'aucun autre pays", a-t-il déclaré, "et nous ne le ferons jamais", comme l'histoire le confirme.

Mais il a prévenu: "Le peuple chinois ne permettra jamais à des forces étrangères de nous dominer, de nous opprimer ou de nous asservir. Quiconque se fait des illusions à cet égard se cassera la tête et versera du sang sur la Grande Muraille d'acier faite de la chair et du sang de 1,4 milliard de Chinois.

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Et à propos de la campagne anti-chinoise, il a ajouté: "Nous n'accepterons pas les prédications hypocrites de ceux qui se sentent autorisés à nous faire la morale", une référence pas du tout voilée aux États-Unis et à la Grande-Bretagne.

Il ne pouvait pas non plus manquer de mentionner Taïwan: "Résoudre la question de Taïwan et réaliser la réunification complète de la Chine est une mission historique et un engagement inébranlable du Parti communiste chinois".

"Nous tous, compatriotes des deux côtés du détroit de Taïwan, devons nous unir et avancer à l'unisson. Nous devons prendre des mesures résolues pour faire échec à toute tentative d'indépendance de Taïwan."

D'autre part, l'idée de l'indépendance de Taïwan est très récente et va de pair avec la recherche d'un ébranlement du géant asiatique, brisant la doctrine de la Chine unique, pivot de la géopolitique asiatique globale.

En fin de compte, ce fut un discours tissé d'évidences factuelles, rehaussé simplement par l'habit de type maoïste que portait Xi et accentué par l'agitation géopolitique du jour. Bien sûr, l'attitude décisive du président chinois peut être frappante, mais elle découle de la politique intérieure, qui est moins monolithique qu'il n'y paraît.

Et cela découle d'une initiative rapportée par l'influent magazine américain Politico au début du mois de juin: "Dans un discours prononcé lors d'une session d'étude du Politburo cette semaine, Xi a stupéfié les observateurs les plus chevronnés par certains commentaires qui semblaient signaler un adoucissement spectaculaire de la rhétorique dure que Pékin tenait ces dernières années en référence aux États-Unis, à l'Europe et à d'autres nations".

En fait, il a demandé aux dirigeants du pays de se concentrer sur la diffusion d'une image "fiable, aimable et respectable" de la Chine. Et Xinhua, le média officiel de Pékin, a même suggéré que le pays pourrait adopter une approche "humble" dans ses relations avec le monde extérieur".

Il est probable que, comme dans d'autres circonstances, Xi Jinping a été accusé d'être trop mou par la faction nationaliste, d'où la nécessité pour lui de s'affirmer dans son discours du centenaire.

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Policiers et manifestants à Hong Kong.

Ce n'est pas une nouvelle controverse au sein de la Chine: également sur la question de Hong Kong, lors du soulèvement indépendantiste, Xi avait fait preuve de patience, s'opposant aux siens qui auraient voulu une intervention à somme nulle, avec un compromis ultérieur (fin des libertés dont jouit la ville, mais pas de bain de sang).

Il n'est pas non plus concevable que la Chine renonce à Taïwan, dont la déclaration d'indépendance sonnerait comme une déclaration de guerre, un peu comme le Texas se séparant des États-Unis (un thème qui a d'ailleurs retrouvé une actualité floue).

Bien sûr, Xi n'a pas épargné le monde des avertissements, mais le sujet n'est pas la troisième guerre mondiale, ni une poussée de Pékin pour conquérir le monde, mais pour accroître son influence mondiale.

Cela ne conduirait pas à la domination chinoise du globe, puisque, comme Pékin le reconnaît lui-même, la primauté américaine est destinée à durer, mais cela donnerait naissance à ce multilatéralisme que les partisans de l'unilatéralisme américain considèrent comme une menace existentielle.

Il est dommage que ces tétragones de la reductio ad unum soient associés à divers cercles qui, tout en rejetant cette vision obscure, sont incapables de renoncer à l'idée de l'exceptionnalisme américain, qui, au-delà des nobles intentions de ceux qui l'idéalisent, est une "pensée magique" - comme le définit Ishaan Tharoor dans le Washington Post - qui apporte de l'eau à cet obscurantisme.

Le discours de Xi devrait donc être réduit à la chronique géopolitique du moment, n'ajoutant rien et ne retirant rien à la situation critique actuelle. Des critiques qui sont malheureusement vouées à durer, alors qu'il serait urgent de parvenir à une convergence, que la propagande adverse rend impossible.

L'OTAN, l'alliance militaire qui est devenue religion

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L'OTAN, l'alliance militaire qui est devenue religion

Ex: https://piccolenote.ilgiornale.it/51872/la-nato-lalleanza-militare-che-si-e-fatta-religione

Un article intéressant de Jon Schwarz dans The Intercept retrace l'histoire de l'OTAN et réfléchit à sa pertinence aujourd'hui. Il rappelle que l'OTAN est née dans l'urgence après la Seconde Guerre mondiale, en 1949, à une époque où l'Europe était détruite et où "la puissance des États-Unis était si prépondérante qu'elle pouvait simplement dicter leur conduite à ses alliés".

Les interlocuteurs de Washington étaient si impuissants que l'Alliance a été discutée "en secret pendant quinze jours au Pentagone". D'où le rôle prépondérant des États-Unis, auxquels les alliés sont de facto attelés.

Bien sûr, il y avait un risque que l'Union soviétique et le communisme s'étendent au Vieux Continent, notamment en raison de la force des partis communistes occidentaux. Mais Schwarz rappelle que les victimes russes de la guerre étaient au nombre de 27 millions, soit un Russe sur six. Un tribut de sang pour lequel "même Staline aurait eu du mal à motiver son propre pays à se lancer immédiatement dans une autre aventure similaire".

L'OTAN, le Pacte de Varsovie et la guerre froide

De plus, les partisans de l'OTAN considèrent l'Alliance comme une réponse indispensable à la guerre froide imposée par les Russes. Mais l'histoire nous dit le contraire, puisque le Pacte de Varsovie est né six ans plus tard. Ainsi, "une lecture plus fidèle de l'histoire suggère que la formation de l'OTAN a contribué à intensifier et à institutionnaliser la guerre froide" plutôt qu'à l'endiguer.

Le Pacte de Varsovie reflète le modèle antagoniste de l'OTAN, ne différant que par le numéro de l'article engageant les pays membres à la défense mutuelle : non pas l'article 5, mais l'article 4.

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L'objectif déclaré de l'OTAN était de se défendre contre la menace de l'Union soviétique et du communisme en général, y compris les partis communistes de l'Ouest, que l'organisme militaire devait empêcher d'accéder au pouvoir, en prodiguant "confiance et énergie" aux forces démocratiques, avec des déclinaisons encore à découvrir dans les méandres obscurs de l'histoire de l'Italie (stratégie de la tension, etc.) et de celles des autres pays.

Mais l'objectif implicite de l'OTAN, et du Pacte, était de faire des pays adhérents des satellites de leurs dominateurs respectifs, les États-Unis et l'Union soviétique. D'autre part, depuis l'époque de la Ligue Delio-Atlantique, "accorder une protection est le moyen essentiel par lequel les pays puissants lient à eux les pays moins puissants". En d'autres termes, il s'agissait de structurer et de garantir l'irrévocabilité de la "sphère d'influence" des deux puissances.

L'OTAN ne s'arrête pas, elle se transforme

Une fois l'Union soviétique dissoute, l'ennemi qui rendait l'OTAN nécessaire a disparu et elle aurait dès lors dû se dissoudre. Au contraire, ses objectifs ont changé, la rendant indispensable pour faire face aux nouvelles menaces, qui auraient certainement pu être traitées par des moyens différents qui, tout en préservant la convergence du plus grand nombre, auraient été moins contraignants pour les États subordonnés.

"Le temps a donné raison aux critiques les plus virulents de l'OTAN, qui affirmaient qu'elle était surtout un instrument agressif de la puissance américaine". La nouvelle doctrine a en effet permis à l'OTAN de s'engager dans des guerres d'une nature différente de celle envisagée par ses premiers impulseurs : il ne s'agit plus de la défense d'un État membre, mais de guerres agressives, légitimées de diverses manières sous l'égide de l'ONU, comme la guerre en ex-Yougoslavie et en Libye.

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La subordination de l'OTAN à la doctrine des guerres sans fin a donc généré de nouvelles critiques dans le monde, tandis que d'autres ont été produites par des événements moins conflictuels, mais non moins déstabilisants, comme l'élargissement de l'alliance militaire en Europe de l'Est.

L'élargissement en Europe de l'Est

Une expansion qui a d'ailleurs rompu le pacte passé avec l'ancien ennemi, comme le note The Intercept, rappelant la promesse solennelle faite par James Baker, le secrétaire d'État de George H. W. Bush, à Gorbatchev, qui lui avait fait une promesse de paix. Bush, en effet, avait émis cette promesse à Gorbatchev, qui avait demandé d'éviter l'élargissement de l'OTAN dans l'ancien espace soviétique, que Moscou aurait perçu comme une menace existentielle.

James Baker a rassuré son interlocuteur "non pas une mais trois fois que cela ne se produirait pas". Pas un pouce de la juridiction militaire actuelle de l'OTAN ne s'étendra en direction de l'Est", avait-t-il promis. Depuis lors, la quasi-totalité de l'Europe de l'Est a été absorbée par l'Alliance.

"La Russie, note The Intercept, a accueilli de tels événements avec le même enthousiasme que celui qu'auraient les États-Unis si le Mexique, le Canada et un Texas nouvellement indépendant se joignaient à une alliance militaire dirigée par la Russie.....

Aujourd'hui, "l'OTAN regarde plus loin, son horizon est la planète entière", à tel point qu'elle a mis la Chine, qui se trouve sur les rives du Pacifique, dans sa ligne de mire. Et comme par le passé, elle poussera d'autres pays à la rejoindre en les convainquant de diverses manières. Et "tout comme l'OTAN a contribué à créer la guerre froide à l'époque, elle est en train d'en créer une autre aujourd'hui".

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La religion otaniste

La remarque finale de Schwarz est très pertinente: "Tragiquement, il n'y a pas de débat à ce sujet, ni aux États-Unis ni en Europe. Comme l'a dit Biden, le petit nombre d'élites impliquées dans ces débats considère l'OTAN comme une instance 'sacrée'."

"De même, lorsqu'il a préconisé la création de l'OTAN, le ministre britannique des Affaires étrangères de l'époque, Ernest Bevin, a déclaré qu'elle était nécessaire pour 'le salut de l'Occident'."

"Aussi étrange que cela puisse paraître aux gens normaux, pour les élites occidentales, l'Otan est devenue une institution de nature religieuse et ne peut donc être remise en question, pas plus que le pape n'est ouvert au débat sur la Sainte Trinité. Et nous savons tous comment les religions peuvent mener à la guerre".

lundi, 09 août 2021

Les nouveaux chiens de garde et le passe sanitaire

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Les nouveaux chiens de garde et le passe sanitaire

par Nicolas Bonnal

La presse française, qui appartient à quelques oligarques (dont Bernard LVMH, qui pèse aujourd’hui MILLE milliards…de francs) et est subventionnée à hauteur de 500 millions d’euros, dégoûte les Français, tant elle aura été crasse et ignoble depuis le début de cette histoire : affolement, confinements, masques, vaccins, meurtres de masse, passes sanitaires, chantage et menaces, elle nous aura tout imposé. Malheureusement il n’y a rien de nouveau sous le soleil: depuis les années Mitterrand et le passage du col Mao au Rotary (Hocquenghem) nous sommes dans un présent permanent d’omerta (Coignard), d’abjection et de désinformation. Nous sommes là pour enrichir les riches et pour empoisonner les Français, disent les gardiens de camp médiatique et électronique.

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C’est que les gens dont nous parlons sont des chiens de garde. Et quels dobermans ! Et quels roquets !  Revenons-en alors au maître-livre de Serge Halimi, trublion du Monde diplomatique, qui rappelait dans son très documenté pamphlet que le journaliste est avant tout un enthousiaste :

« La censure est cependant plus efficace quand elle n’a pas besoin de se dire, quand les intérêts du patron miraculeusement coïncident avec ceux de « l’information ». Le journaliste est alors prodigieusement libre. Et il est heureux. On lui octroie en prime le droit de se croire puissant. Fêtard sur la brèche d’un mur de Berlin qui s’ouvre à la liberté et au marché, petit soldat ébloui par l’armada de l’OTAN héliportant au Kosovo la guerre « chirurgicale » et les croisés de l’Occident, avocat quotidien de l’Europe libérale au moment du référendum constitutionnel : reporters et commentateurs eurent alors carte blanche pour exprimer leur enthousiasme. Le monde avait basculé dans la « société de l’information », avec ses hiérarchies « en réseau », ses blogs et ses nouveaux seigneurs. »

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La presse fut chargée d’encenser Davos :

« Le capitalisme a ses charités, ses philanthropes dont la mission est d’enjoliver un système peu amène envers ceux qu’il ne comble pas de ses bienfaits. La presse trône au premier plan de ces campagnes de blanchiment. Ainsi, Davos, autrefois conclave des « global leaders » soucieux de « créer de la valeur » pour leurs actionnaires, serait presque devenu un lieu de virée pour patrons copains et citoyens. »

Halimi tacle au passage l’effarant Joffrin :

« N’accablons pas Laurent Joffrin. Lui qui, pendant les années Reagan, célébra les États- Unis et le libéralisme (l’émission « Vive la crise ! » fut en partie son œuvre) n’a fait que traduire à sa modeste échelle ce que, sous la double pression de la concentration capitaliste et d’une concurrence commerciale favorisant le conformisme et la bêtise, le journalisme est devenu presque partout : creux et révérencieux. »

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La géographie ça sert d’abord à faire la guerre, disait Yves Lacoste. La presse encore plus, surtout dans une puissance belligène et coloniale :

« Pendant les guerres, la presse se soucie moins de consensus, de pédagogie, de complexité, et davantage de réchauffer l’ardeur des combattants. Presque tout a été dit sur l’effondrement de l’esprit critique lors de la guerre du Golfe où, mis à part L’Humanité et La Croix (par intermittence), chacun des directeurs de quotidien se plaça au service de nos soldats. Quasiment unanimes, les hebdos, radios et télévisions firent chorus, se transformant en classe de recyclage pour officier au rancart vaincu en Algérie trente ans plus tôt et soucieux de prendre, dans les médias, sa revanche sur les Arabes. »

Halimi souligne cette haine pathologique du peuple. On la sentit venir en 1992 au moment de Maastricht. Juste là confinée au nationaliste pauvre (raciste, fasciste, nazi, antisémite, etc.), cette haine se communiqua à tout le peuple de gauche, du centre ou d’ailleurs :

« En 1992, la campagne du référendum sur le traité de Maastricht répéta les « dérives » observées pendant la guerre du Golfe. Là encore, beaucoup de choses se conjuguèrent : la volonté d’encourager l’élite éclairée qui construit l’avenir (« l’Europe») alors que le peuple ne sait qu’exhaler ses nostalgies, sa « xénophobie » et ses « peurs » ; la préférence instinctive pour les options du centre, surtout lorsqu’elles s’opposent aux extrêmes « populiste » et « nationaliste » ; enfin la place accordée aux avis des experts et des intellectuels, eux aussi particulièrement sensibles aux ressorts précédents. Intelligence contre irrationalité, ouverture contre repli, avenir contre passé, ordre contre meute : tous ces fragments d’un discours méprisant de caste et de classe resurgirent au moment du référendum de mai 2005 sur le traité constitutionnel européen. »

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Et comme on continue de chercher la petite bête immonde ici et ailleurs, Halimi rappelle :

« Il a fallu attendre la fin du second septennat de François Mitterrand pour découvrir que l’ancien président de la République avait, sciemment et longtemps après la guerre, continué à fréquenter un haut dignitaire de Vichy impliqué dans les basses œuvres de ce régime, qu’il avait envoyé à la guillotine des militants de l’indépendance algérienne…Tant d’enquêteurs et tant de journaux se prétendant concurrents pour arriver à ce résultat-là!»

Ce qui est juif, disait Goebbels à Fritz Lang, nous en décidons. Ce qui est antisémite aussi.

Concluons philosophiquement comme l’andouille Ferry. La presse française est crevée depuis longtemps. Comme l’Eglise ou les partis, elle survit en hystérésis, grâce à nos subventions.

https://www.amazon.fr/Nouveaux-chiens-garde-NE/dp/2912107...

 

A propos d'un interview de Sergio Romano sur la compétition entre les États-Unis et la Chine

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A propos d'un interview de Sergio Romano sur la compétition entre les États-Unis et la Chine

Source: https://piccolenote.ilgiornale.it/51835/lintervista-di-sergio-romano-e-la-competizione-usa-cina

88304399249788830439924-195x300.jpgL'interview de Sergio Romano à Libero, qui décrit le changement qui s'est produit aux États-Unis, passant d'un président isolationniste, et donc non hostile à l'intégration européenne, à un empereur qui entend restaurer l'hégémonie américaine dans le monde, mérite d'être lue.

L'interview de Romano

Mais la réaffirmation de l'unicité (incontestable) de la puissance américaine dans le monde se fait évidemment au détriment des pays européens, puisque "le leadership mondial signifie toujours enlever du pouvoir à d'autres sujets", à qui l'on demande de revenir au rôle d'États clients du maître d'outre-mer.

Relancer l'alliance atlantique", explique M. Romano, "n'a qu'une seule signification: nous, les États-Unis, nous nous occupons de la politique de sécurité mondiale, nous avons le monopole de la force et nous prenons seuls les décisions. Aussi : nous protégeons nos alliés. Mais tout cela constitue une entrave à l'intégration européenne".

En ce qui concerne les relations avec la Russie, M. Romano a réitéré ce qu'il a toujours expliqué, à savoir que Moscou considère l'élargissement et le renforcement de l'OTAN dans les pays baltes et en Europe orientale, notamment à ses frontières, avec une "hostilité objective". Si Biden est capable de comprendre ces préoccupations, dit Romano, ce sera bon pour le monde.

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Il est inutile de brandir l'affaire de la Crimée dans une perspective anti-russe, puisqu'elle est désormais russe et le restera. Sur ce point, un exemple intéressant : "Rappelons que Khrouchtchev a concédé la péninsule à Kiev en 1954 comme lorsqu'un riche industriel donne les clés de sa Ferrari à un employé pour aller faire un tour"...

Enfin, M. Romano fait part de sa perplexité face à l'idée de M. Biden de lancer une "ligue des démocraties", en déclarant : "Nous n'en avons pas besoin. Quel est l'intérêt ? Dire que Xi Jinping n'est pas démocratique ? Objectivement, cela me semble être un geste anti-chinois".

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"Nous, Européens, avons-nous intérêt à donner des leçons de démocratie aux Chinois ? - Non. Biden n'est pas Trump, et j'ajouterais heureusement. Mais il n'admettra jamais que les États-Unis ont besoin de la Chine comme adversaire. Nous, Européens, en revanche, n'en avons pas du tout besoin [...]. Et attaquer Pékin sur la question de la contagion me semble être la pire des choses.

Le scoop australien et le défi de la Chine

Sur ce dernier point, nous avons un autre scoop qui voudrait renforcer la thèse selon laquelle le coronavirus a été créé dans le laboratoire de Wuhan et a échappé à tout contrôle. Sky News Australia, qui dispose de preuves de la présence de chauves-souris dans le biolab de Wuhan sur lequel les chercheurs ont mené des expériences risquées, a avancé cette affirmation.

Un scoop bizarre, puisque le fait qu'il y ait eu des chauves-souris ou non ne change rien, puisque les chercheurs du laboratoire ont déclaré qu'ils menaient des études sur les virus provenant des chauves-souris, notamment sur le Sras, qui avait sévi en Chine en 2002 (il est évident qu'un bio-lab l'étudie, comme il est évident que le biolab de Fort Detrick étudie les "pathogènes les plus dangereux du monde").

Nous n'entrerons pas dans les détails, qui ne nous intéressent pas pour le moment, mais nous nous limiterons à observer l'origine du nouveau scoop, l'Australie, et à prendre note d'une coïncidence chronologique.

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Cette nouvelle intervient alors que le plus grand État australien (qui est une fédération), l'Australie occidentale, a appelé à une politique moins hostile à la Chine, expliquant qu'il ne s'agit pas de "s'incliner" devant Pékin, mais d'initier une politique plus "rationnelle" à l'égard du géant asiatique. Après le scoop de Sky News Australia, nous pensons que la demande aura été soumises à des critiques.

La compétition avec Pékin sera longue et il faudra malheureusement s'habituer à cette alternance de haute et de basse tension, à ce courant de nervosité qui traverse le monde, fonctionnel et nécessaire à la relance du leadership global des Etats-Unis.

Il y a de l'ironie dans tout cela. La présidence Biden voudrait tourner la page de la folie néocon qui a produit tant de désastres aux États-Unis et surtout dans le monde, et revenir aux gloires des présidences démocratiques à la Kennedy (c'est du moins l'image qui est passée dans les narratifs officiels, la réalité étant bien différente).

Revenir, c'est-à-dire, à l'époque où l'Empire n'avait besoin que de déployer sa puissance douce et sa persuasion morale pour subordonner l'Occident à lui et tenir à distance les menaces extérieures, la guerre étant reléguée à un recours extrême.

Mais malheureusement, la concurrence avec la Chine est très éloignée de ce modèle idéal. La nervosité dont il est imprégné et la propagande enflammée qui l'accompagne vibrent encore de toute la folie néocon que cette présidence voudrait reléguer au registre des mauvais souvenirs.

 

Les effets du Covid sur le populisme : la pandémie l'a-t-elle affaibli ou renforcé ?

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Les effets du Covid sur le populisme: la pandémie l'a-t-elle affaibli ou renforcé?

Federico Giuliani

Ex: https://it.insideover.com/politica/gli-effetti-del-covid-sul-populismo-la-pandemia-lo-ha-indebolito-o-rafforzato.html

La pandémie de Covid-19 a affecté la vie quotidienne des gens, l'économie et, bien sûr, la politique. Les gouvernements, afin de contenir les contagions, ont mis en place une série de mesures pour empêcher la propagation incontrôlée du Sars-CoV-2. Le problème principal - qui est aussi la critique que de nombreux leaders d'opinion et intellectuels n'ont cessé de formuler - est que la lutte contre le coronavirus risque de produire des effets irréversibles au sein de la société et, plus particulièrement, dans ces mécanismes délicats qui régulent les relations interpersonnelles.

Si, pour enrayer les infections, il est nécessaire de limiter les possibilités de contact avec les autres, de réduire les sorties inutiles, de mettre fin aux activités "non essentielles", de fréquenter les écoles à distance, etc., si tout cela se produit, alors non seulement la vie quotidienne des personnes, mais aussi leur façon de vivre dans la communauté humaine seront complètement bouleversées. Aux premiers stades de l'urgence sanitaire, alors que personne ne savait ce qu'était ce virus et comment il agissait, les citoyens du monde entier - à l'exception de cas sporadiques - ont accueilli favorablement les confinements et les mesures restrictives. À long terme, un an et demi après le déclenchement de la pandémie, le récit paternaliste de la protection de la santé a commencé à s'estomper.

Avec une économie dans le marasme - si personne ne peut sortir et si les activités "non essentielles" sont arrêtées, une bonne partie de l'économie cesse de fonctionner - nous avons commencé à voir des protestations contre les mesures restrictives colportées par les différents gouvernements. Dans un tel scénario, quel rôle ont joué les partis populistes ? Ou plutôt, l'avènement de la variable Covid-19 a-t-il affaibli leur champ d'action ou a-t-il donné une nouvelle vigueur à des formations politiques qui avaient stagné après des années de polémiques contre les élites ?

La pandémie et le phénomène populiste en Europe

En observant la scène européenne, nous avons constaté que dans pratiquement tous les pays, il existe un phénomène populiste qui se respecte. De l'Espagne à la France, de l'Italie à l'Allemagne, en passant par le Royaume-Uni et la Suède, les situations à prendre en compte sont multiples. Pour donner un aperçu général, nous avons fait appel à Marco Tarchi, politologue, l'un des principaux experts du populisme, professeur de sciences politiques à l'université de Florence et auteur de Italia Populista. Dal qualunquismo a Beppe Grillo (Il Mulino).

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"D'une certaine manière, la pandémie a affaibli le populisme. Lorsqu'un pays est confronté à une menace qu'il ressent comme sérieuse, et de surcroît inattendue, il a tendance à se rassembler en majorité autour de ceux qui le gouvernent. En d'autres termes, elle ressent le besoin paternel, et donc celui qui gouverne devient en quelque sorte un phare et un point de référence pour la communauté", a expliqué M. Tarchi.

Si l'on exclut le cas controversé d'Orban, des Polonais et d'autres gouvernements d'Europe de l'Est, dans les pays où le phénomène populiste était en progression, la crise sanitaire a fortement réduit sa capacité à s'implanter et à s'étendre. À quel avenir faut-il s'attendre ? Il est difficile de donner une réponse définitive, car l'avenir du populisme, a ajouté M. Tarchi, dépend avant tout d'une variable, à savoir "les proportions des conséquences négatives de la crise de Covid sur le système économique et social".

L'importance de l'économie

En Europe, des mesures ont été prises pour éviter le risque d'une débâcle économique. "Nous savons que, par l'injection de capitaux virtuels, les politiques de la BCE, l'UE, etc., nous avons essayé et essayons de contenir, ou plutôt de pousser le plus loin possible dans le temps, un éventuel effondrement du système économique productif", a souligné M. Tarchi. Cette manœuvre va-t-elle réussir ? " Le succès ou l'échec des populistes en dépend. Comme certains l'ont admis, tôt ou tard, la "facture" devra être payée", a ajouté le professeur.

En bref, beaucoup dépendra de la manière dont les gouvernements pourront se prémunir contre d'hypothétiques crises économiques qui pourraient frapper leurs pays respectifs. Il n'est pas certain que cela se produise, mais il est plausible de s'attendre à ce que certaines catégories de citoyens, parmi les classes les moins aisées, se retrouvent dans la situation désagréable de devoir "payer la facture" des fermetures.

Il est clair que, à mon avis, il y aura un renouveau du populisme", a déclaré Tarchi, "également en raison d'une autre conviction, que je ne suis pas le seul à avoir, mais que j'ai exprimée de manière particulièrement forte depuis plus de vingt ans. Le populisme est un phénomène cyclique". Dans quel sens cyclique ? " Comme l'a écrit Loris Zanatta, le populisme est une rivière karstique : il disparaît puis réapparaît. Nous n'avons jamais vu de populisme avec une tendance linéaire. Par conséquent, nous devions nous attendre à ce que, après des années et des années de croissance, nous ayons un reflux de ce phénomène".

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La (grande) limite du populisme

Le populisme a, entre autres, une énorme, énorme limite. Qu'est-ce que c'est ? "Il ne peut pas se donner de solidité car cela est en dehors de sa nature. Les mouvements qui se donnent une solidité - ajoute Tarchi - sont ceux qui sont structurés, organisés et institutionnalisés. De par leur nature, les mouvements populistes ne vivent pas bien l'institutionnalisation. Ils le subissent ou deviennent autre chose. Nous verrons ce qui se passera mais, comme je l'ai écrit il y a des années, le populisme est "l'invité inconfortable des démocraties"".

Et qu'est-ce que cela signifie ? "Le phénomène populiste reste toujours présent au sein des démocraties et ne peut jamais en être chassé. Par moments, il sera manifestement présent, puis il disparaîtra et reviendra. Pour l'instant, nous n'avons guère vu de populisme réellement ancré dans un réseau gouvernemental, du moins en Europe. Si cela se produit, ce sera quelque chose de nouveau. Mais comment se porte le populisme, à la lumière de la pandémie de Covid ?

"Pas bien, bien qu'il ne soit nullement dans le coma. Il a un problème de santé passager, et comme toujours ses chances ou ses malheurs dépendent de l'état de santé de ses adversaires. Le populisme se lève, en fait, lorsque les institutions de la démocratie libérale commencent à grincer, lorsque les partis traditionnels ne peuvent plus bénéficier de la confiance de la population, etc." En tout état de cause, le populisme ne peut être considéré, comme certains le prétendent, comme la cause des crises, mais plutôt comme la "conséquence des crises dont il se nourrit"". De ce point de vue, "les crises étant une constante périodique de la politique, le populisme ne disparaîtra jamais. Il aura cependant des moments de splendeur et des moments négatifs".

Populistes, souverainistes et conservateurs : ce qui se passe réellement en Europe de l'Est

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Populistes, souverainistes et conservateurs: ce qui se passe réellement en Europe de l'Est

Federico Giuliani

Ex: https://it.insideover.com/politica/populisti-sovranisti-e-conservatori-cosa-succede-davvero-in-europa-orientale.html

Le populisme et la souveraineté sont deux concepts politiques complètement différents. Bien que les médias fassent souvent l'erreur de superposer les deux termes comme s'ils étaient synonymes, il existe en fait des différences significatives qui séparent les phénomènes populistes et souverainistes.

Les premiers ne suivent pas de dogmes, ils incarnent une lutte générique du peuple contre les élites, accusées d'être des usurpatrices de richesses, ils proposent des solutions simples à des problèmes complexes et poussent à une réforme de la démocratie, afin qu'elle soit la plus directe possible. Ils proposent des solutions simples à des problèmes complexes et poussent à une réforme de la démocratie de la manière la plus directe possible. Les populismes se nourrissent également des crises économiques et démocratiques, au point qu'ils peuvent être considérés comme d'excellents thermomètres pour mesurer la santé d'un système politique donné.

Ce n'est pas le cas des souverainismes, dont les expériences, tout en partageant des points de contact avec les phénomènes populistes, voire en faisant usage du même populisme dans la communication politique, ou dans d'autres domaines, visent à protéger l'identité d'un État-nation par rapport à la communauté internationale, aux frontières et, plus généralement, aux prérogatives de la nation.

Ces dernières années, des leaders politiques hybrides sont apparus dans le monde entier, difficiles à étiqueter dans un sens ou dans l'autre. La situation est encore compliquée par le contexte des pays qu'ils représentent, qui ne sont parfois même plus considérés comme démocratiques mais comme "autocratiques", pour ne pas dire autoritaires. Prenons le cas de Viktor Orban, premier ministre de Hongrie, chef du parti Fidesz, un politicien chevronné qui a été légitimement élu par le peuple à l'issue de compétitions électorales régulières. Orban est accusé - en termes péjoratifs - d'être un populiste, un souverainiste et un démagogue. Au-delà des considérations évaluatives des journalistes et des experts, quelle est la place de personnes comme Viktor Orban sur la scène politique actuelle ? Et quel est leur objectif politique ?

Orban : populiste ou souverainiste ?

La figure politique d'Orban est assez énigmatique. Le leader hongrois peut-il être qualifié de populiste ? Selon Marco Tarchi, politologue, expert du populisme et professeur de sciences politiques à l'université de Florence, nous sommes confrontés à un malentendu non résolu. "Conceptuellement, le problème est que nous n'avons pas encore fait une distinction claire entre le populisme et la souveraineté. Il y a cependant une distinction claire et, de ce point de vue, Orban joue la carte d'un souverainisme fortement conservateur et traditionaliste, qui n'a pas nécessairement trop de points communs avec le populisme", a immédiatement précisé M. Tarchi.

Après tout, le populisme est également capable, par définition, d'adopter des positions conservatrices dans certaines circonstances. En Hollande, nous pouvons prendre l'exemple de Geert Wilders et de son Parti pour la liberté ; Wilders représente une formation populiste qui peut compter sur un fond idéologique très peu conservateur. Orban, quant à lui, "joue la carte du conservatisme", mais son patriotisme national-religieux est compliqué par le fait que, malgré une nette majorité catholique, la Hongrie possède également un protestantisme vivant. En bref, nous avons affaire à un leader politique qui utiliserait le populisme comme un outil pour obtenir du soutien, tout en s'appuyant sur un conservatisme sous-jacent bien évident dans la société hongroise.

Mais quel est l'avenir de Viktor Orban ? "Orban peut devenir, s'il réussit et s'il le veut, le leader d'un nouveau conservatisme réactif, qui ne se résignerait plus seulement à diminuer la vitesse du changement imposé par les progressistes, mais qui est prêt à combattre le progressisme sur son propre terrain", a expliqué M. Tarchi. Toutefois, Orban doit faire face à une importante épée de Damoclès, la même épée qui plane au-dessus de la tête des gouvernements polonais, tchèque et slovaque.

"Le boulet pour Orban, et dans une certaine mesure aussi pour les autres membres du groupe de Visegrad, est le fait qu'il n'est pas en mesure de quitter l'Union européenne, car d'un point de vue économique, un tel mouvement provoquerait un énorme bouleversement pour la Hongrie", a ajouté M. Tarchi. Le Premier ministre hongrois devra donc constamment faire face aux sanctions, au dénigrement et aux attaques plus ou moins directes de Bruxelles, du moins tant que l'UE conservera le leadership qu'elle a actuellement. "Le rôle d'Orban, en dehors des frontières magyares, est très difficile à interpréter", conclut Tarchi.

Les dirigeants du groupe de Visegrad

Orban n'est que la partie émergée de l'iceberg d'un phénomène complexe. Il est le prototype des récents leaders apparus en Europe de l'Est, quelque part défini contradictoirement et simultanément comme populiste, souverainiste et conservateur. Souvent, ces hommes politiques combinent ces trois concepts, retravaillant de nouvelles formes de communication. Il y a cependant des différences à prendre en compte, dictées par l'importance que les pays respectifs gouvernés par ces personnalités jouent sur l'échiquier géopolitique international. En effet, le rôle de la Hongrie d'Orban est une chose, celui de la Pologne, de la République tchèque ou, mieux encore, de la Russie, en est une autre.

"La logique de conduite du pouvoir de Vladimir Poutine prend en compte la dimension mondiale de son pays. Celle d'Orban, celle des Tchèques, ou même celle des Slovaques et des Polonais, ne peut que tenir compte d'une interdépendance beaucoup plus grande", a répété M. Tarchi. Il est vrai, a-t-il ajouté, que "le groupe de Visegrad existe" et qu'il y a "une coordination entre ces pays pour intervenir sur certains points, notamment celui du blocage de l'immigration". Cependant, la menace de l'UE d'Ursula von der Leyen reste vivante, celle d'agir par le biais de sanctions et de plans nationaux individuels liés à l'UE nouvelle génération. Cela peut mettre plusieurs "bâtons dans la roue".

Quoi qu'il en soit, conclut M. Tarchi, malgré les rencontres entre les dirigeants du groupe de Visegrad et les diverses proclamations, "je ne vois pas encore se former de manière organique ou très coordonnée un front souverainiste conservateur capable d'agir de manière similaire dans tous les pays et de constituer un contre-pouvoir - bien que limité pour l'instant - à celui de l'UE".

 

dimanche, 08 août 2021

Pegasus et les guerres du cyberespace

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Pegasus et les guerres du cyberespace

Ex: https://piccolenote.ilgiornale.it/52443/pegasus-e-le-guerre-cyberspaziali

Cet été chaud et tragiquement pluvieux a été un peu égayé par une histoire d'espionnage made in Israël, dont le protagoniste est la NSO, une société de cybersécurité qui a vendu à la moitié du monde son système d'espionnage avancé, Pegasus, capable d'infiltrer les systèmes de communication avec une facilité toute nouvelle, sans aucune interaction de la part de l'utilisateur.

Il suffit de connaître le numéro de téléphone de la personne concernée, selon la démonstration publique de l'entreprise aux autorités saoudiennes, qui ont été invitées, pendant la représentation, à acheter un smartphone dans le supermarché voisin, puis à ne leur communiquer que le numéro de l'appareil. La démonstration a été un succès total, les Saoudiens étant en extase et prêts à signer les contrats obligatoires.

Une anecdote racontée par Haaretz explique comment Netanyahu était le principal sponsor de l'entreprise. L'article illustre en effet la corrélation ponctuelle entre les voyages de l'ancien premier ministre israélien dans le monde et l'achat de Pegasus par les pays intéressés.

Une ponctualité surprenante, pour laquelle nous nous référons au journal israélien. Bien sûr, c'est le jeu de tout le monde, car NSO n'est pas la seule société à vendre de tels produits (elle est en bonne compagnie avec les Américains, les Russes et bien d'autres), mais le fait que le Pegasus ait été vendu à des régimes autoritaires et utilisé pour espionner des journalistes et des personnalités de l'opposition a jeté une ombre sur ces opérations.

Opération commerciale et géopolitique

Ces opérations, explique encore Haaretz, n'avaient pas seulement un but commercial, mais avaient aussi une valeur "géopolitique". A tel point que l'article mentionne également la Défense israélienne, qui est appelée à donner les autorisations nécessaires pour la vente de logiciels sophistiqués à des pays tiers.

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Le journal israélien cite un certain nombre d'exemples où des interventions supérieures ont dicté la ligne à l'entreprise en question, ainsi qu'à d'autres rivaux (également israéliens). Des exemples comme celui-ci : "Le fondateur et PDG de NSO, Shalev Hulio (photo)" a déclaré à Haaretz que "après que la société ait décidé d'appuyer sur le fameux kill switch de son logiciel, coupant les vivres à ceux qui abusaient de son système Pegasus, elle a reçu une demande pour le réactiver pour des raisons diplomatiques et de défense".

En particulier, le logiciel semble avoir servi à accompagner l'accord d'Abraham avec les pays du Golfe, mais aussi à encourager une "surchauffe" des relations entre Riyad et Téhéran, une évolution qui va dans le sens des intérêts d'Israël.

En bref, bien qu'ils aient été créés et gérés par des personnes privées, la NSO et ses organisations sœurs ont agi en coordination avec l'appareil étatique israélien. Cette hypothèse a également été avancée par le Washington Post, qui a titré : "Les responsables de la sécurité des États-Unis et de l'UE se méfient des liens entre la NSO et les services de renseignement israéliens". Et donc dans le sous-titre : "Des fonctionnaires et des analystes affirment que la société israélienne de technologie de surveillance a créé un produit de classe mondiale, mais certains soupçonnent une relation avec le gouvernement israélien".

Les guerres du cyberespace

NSO nie les allégations et affirme être victime d'une campagne orchestrée, ce qui est évident dans un premier temps et plus que plausible dans un second, puisqu'il s'agit d'un secret de polichinelle, partagé par de nombreuses entreprises du secteur, qui a émergé pour créer un scandale à retardement.

Cela dit, il est probablement bon que, au moins pour une fois, le monde puisse s'interroger sur certaines opérations et sur certains mélanges ; et plus généralement, sur les multiples sens du terme cybersécurité.

13:29 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cyberspace, pegasus, israël, nso, espionnage, cyber-espionnage | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Quand la majorité silencieuse des vaccinés commence à persécuter les hérétiques…

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Quand la majorité silencieuse des vaccinés commence à persécuter les hérétiques…

par Nicolas Bonnal

Le pouvoir y certes est allé fort. Alors on rassemble facilement un million de personnes dans les rues alors on se dit qu’on a gagné. Mais ce n’est pas si simple. On aura bientôt cinquante millions de vaccinés et ces vaccinés ne seront pas commodes. Samedi je n’ai pas eu l’impression d’une manif de vainqueurs, mais de perdants, de minoritaires et d’isolés. L’écrasante majorité des beaufs de ce pays sont pour le passe comme ils ont été pour la guerre contre l’Irak, la Syrie, la Libye, les confinements, les masques, la mondialisation, Macron, la russophobie viscérale, le Reset, l’écologie, le reste. On retrouve les chiffres de Stanley Milgram, alors pourquoi s’étonner ? 60% gobent tout, 30% doutent, 10% résistent. Je sais que les sondages sont truqués, mais voyez la réalité du terrain. Ceux de mes lecteurs qui travaillent me le disent, qu’on les persécute au boulot.  Et on n’est qu’un début. Macron a la majorité et les médias derrière lui, plus les milliers de milliards de ses oligarques. Il peut voir venir.

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Un rappel : on fascise les non-vaccinés parce qu’ils parlent d’étoile jaune. Mais on en parle en Israël. Et Stefan Zweig (suicidé en 1941) ne disait pas que les juifs étaient gazés par Hitler en 1938 à Vienne ; il disait que les Juifs n’avaient plus le droit de s’asseoir sur un banc, d’aller au restaurant ou au cinéma. Zweig aussi explique que la masse anesthésiée finit par s’en foutre du sort du juif – comme aujourd’hui le vacciné du non-vacciné. Au-dessus plane donc une élite surhumaine ou transhumaine qui LUI VEUT VRAIMENT DU MAL. Regardez une brève et belle émission du Journal L’Humanité: une petite mignonne explique à partir de 1’23 qu’elle n’a plus de droits et qu’elle est harcelée au boulot par ses gentils collègues (« ils sont tous pour le vaccin, ils disent que je suis un danger pour la nation »). Je répète, c’est ce que me confirment MES LECTEURS QUI TRAVAILLENT. Une bonne dame confirme que les vaccinés accusent et persécutent. Plus il y aura de vaccinés, plus il aura de persécutions.

Le vacciné a tout pour se sentir bien dans sa peau. Dans ses mémoires Maurice Bardèche en effet explique que les Français cherchaient à survivre (ô marché noir…) et que le sort des Juifs leur était indifférent.  Bardèche : « le public ne me sembla montrer aucune sensibilité particulière à l'égard de l'avenir qu'on pouvait craindre pour les Juifs résidant en France. La partie de la population dont je pouvais connaître les sentiments avait cru, à tort ou raison, je n'en sais rien, que la plupart des Juifs avaient souhaité cette guerre, combattu ceux qui voulaient l'éviter. »

Les minorités non vaccinées seront accusées de ne pas tenir compte des braves gens qui risquent d’être contaminés à cause d’elles. On verra la suite. Il est facile de parler de révolte de rue alors qu’ils ont encore la loi martiale et l’OTAN dans leur pochette-surprise. Vive notre âge obscur.

https://strategika.fr/2021/06/12/a-la-lumiere-du-covid-st...

https://www.youtube.com/watch?v=zrux9n1itIs

https://ia802904.us.archive.org/27/items/Souvenirs_48/Bar...

 

 

La revue de presse de CD - 08 août 2021

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La revue de presse de CD

08 août 2021

AFRIQUE

Burkina Faso : En 10 ans, le gouvernement américain a anéanti le pays

Si le gouvernement américain cherchait à anéantir le Burkina Faso, il ne pourrait guère faire mieux. Mais ce pays d’Afrique de l’Ouest, déjà très appauvri et enclavé, est tout bonnement emblématique de l’exercice qui n’est qu’absurdité auquel se livre la Françafrique à l’échelle du Sahel.

Les-crises.fr

https://www.les-crises.fr/burkina-faso-en-10-ans-le-gouve...

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Peuls et groupes armés terroristes en Afrique de l’Ouest

Peuple majeur de l’Afrique de l’Ouest, comptant près de 35 millions de personnes réparties sur 15 pays, les Peuls sont soumis aux pressions de l’islam politique et aux tentations d’adhésion aux groupements terroristes armés. L’instrumentalisation et le recrutement de certains groupes renforcent la vulnérabilité de cet espace.

Conflits

https://www.revueconflits.com/peuls-gat-afrique-ouest-mat...

ASIE

Bruits de bottes dans l’Himalaya : « risque de dérapage » entre la Chine et l’Inde

La Chine et l’Inde auraient renforcé de façon significative leurs contingents dans l’Himalaya, tout au long de leur frontière commune. Pour le général Alain Lamballe, ancien attaché militaire à New Delhi, ce déploiement militaire correspond à la stratégie défensive indienne qui se confronte à l’expansionnisme chinois.

Sputnik news

https://fr.sputniknews.com/international/2021070610458385...

ECONOMIE

Comparer l’ampleur des réactions des gouvernements au choc économique de la crise sanitaire en 2020

Les conséquences de l’épidémie de la COVID-19 ont constitué un choc majeur pour l’ensemble des économies développées et des économies en développement. Ce choc, qui est survenu dans un laps de temps relativement court, aboutit même à relativiser l’effondrement de 2008-2010, dans ce qui fut qualifié de « crises des subprimes ». Par jacques Sapir.

Les-crises.fr

https://www.les-crises.fr/russeurope-en-exil-les-reaction...

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ETATS-UNIS

Grafton : quand une ville investie par les libertariens finit envahie par des ours

Aux États-Unis, depuis 2004, la ville de Grafton, dans le New Hampshire est investie par des libertariens. Ces adeptes d’une doctrine hostile à toute forme de gouvernement et de services publics ont imposé leur modèle de société hyper-individualiste. Le résultat ? Une certaine idée du chaos et des ours aux portes de la ville.

Causeur

https://www.causeur.fr/ours-grafton-new-hampshire-liberta...

Afghanistan : l’échec cuisant de la tentation impériale américaine

Après presque 20 ans de conflits qui ont laissé l’Afghanistan plus instable que jamais, les Alliés plient bagage, laissant un pays assiégé par des Talibans en pleine dynamique de reconquête. L’armée américaine devrait avoir totalement quitté le sol Afghan le 11 septembre prochain. L’échec de la coalition menée par Washington n’est pas seulement une catastrophe humanitaire, économique et stratégique.

Contrepoints

https://www.contrepoints.org/2021/07/31/402547-afghanista...

Pourquoi l’Occident ignore toujours les terroristes au sein de ses alliés?

Le terme « terroriste » est souvent utilisé comme une épithète à usage général destinée à condamner un État ou un groupe honni à être à tout jamais isolé et puni. Utilisée de cette manière, l’étiquette de « terroriste » devient un substitut à une analyse rigoureuse de la politique à l’égard de l’État ou du groupe en question. En général, l’objet de cette qualification a effectivement eu recours au terrorisme, mais il en est de même pour beaucoup d’autres qui ne sont pas catalogués de la même manière et qui peuvent même être considérés comme des amis et des alliés. Si la doctrine est « terroriste un jour, terroriste toujours », alors il existe de nombreuses histoires louches qui méritent d’être scrutées.

Les-crises.fr

https://www.les-crises.fr/pourquoi-l-occident-ignore-touj...

Le FBI utilise la même tactique que lors de la première guerre contre le terrorisme : orchestrer ses propres complots terroristes.

Pour les médias grand public, seuls les détraqués remettent en question le rôle du FBI dans l’assaut du Capitole. Est-ce par ignorance des méthodes du FBI ou par désir de tromper le public ?

Le Saker francophone

https://lesakerfrancophone.fr/le-fbi-utilise-la-meme-tact...

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FRANCE

Dix ans pour rien !

Dix ans que ça dure. A Nantes, la cour d’appel administrative vient d’annuler les autorisations d’un parc éolien dans les Côtes d’Armor, en raison de son impact négatif sur le paysage. Les travaux avaient déjà démarré et la société responsable a annoncé se tourner vers le Conseil d’État. Près de Saint-Brieuc, malgré la colère croissante des pêcheurs, L’érection de soixante-deux mâts de 207 mètres de haut a été validée le long de côtes labellisées Grand Site de France. Dans le Nord, la Belgique saisit la justice pour tenter de faire annuler un vaste projet offshore du côté de Dunkerque... Quel gâchis ! De temps, d’argent, d’énergie.

Synthèse nationale

http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2021/07/2...

Macron, le passe sanitaire ou l’illusion du contrôle

Un soir de juillet, deux jours avant la fête nationale, Emmanuel Macron prit l’une des décisions les plus lourdes de son quinquennat, dans une saillie jupitérienne dont il a le secret : la mise en place d’un système ouvertement discriminatoire, qui, pour fonctionner, suppose la surveillance généralisée de la population française. La discrimination était assumée, notamment avec cette phrase aussi hallucinante que révélatrice : « Partout, nous aurons la même démarche : reconnaître le civisme et faire porter les restrictions sur les non-vaccinés plutôt que sur tous. » Le premier mot est ici le plus important, tant la volonté est de repérer et exclure les non-vaccinés effectivement partout : non seulement dans les restaurants et les cafés, mais aussi les trains, les centres commerciaux et même les hôpitaux. Par Vincent Laborderie (politologue)

nouvelobs.com

https://www.nouvelobs.com/pass-sanitaire/20210726.OBS4691...

Conseil constitutionnel : la recette du pâté d’alouette. Oui, le droit peut être manipulé

Éric Dupond Moretti, qui décidément n’en rate pas une, a répondu à ceux qui critiquaient la décision du conseil constitutionnel « validant » pour l’essentiel la loi concernant l’instauration du pass sanitaire : « Contrairement à leurs convictions le droit, lui, ne peut être manipulé. » C’est simplement risible. Un étudiant de première année le sait, le droit a plusieurs sources dont une des principales est précisément la jurisprudence. C’est-à-dire l’interprétation et l’application de la Loi par le juge Et dans ce domaine, depuis une trentaine d’années celui-ci s’en est donné à cœur joie. En particulier le Conseil constitutionnel qui n’a plus rien à voir avec celui prévu

initialement par la constitution du 4 octobre 1958. Initiant une évolution qui a complètement déséquilibré le système législatif institutionnel dans notre pays

Vu du Droit

https://www.vududroit.com/2021/08/conseil-constitutionnel...

 

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Quel Etat de droit ?

Le Conseil constitutionnel a validé partiellement le projet de loi sanitaire prévu pour entrer en vigueur le 9 août. Outre quelques censures à la marge, le tour de force réside dans l’approbation de l’extension du passe sanitaire. Une décision aussi prévisible que scandaleuse pour l’essayiste Anne Sophie Chazaud.

Front populaire

https://frontpopulaire.fr/o/Content/co599011/quel-etat-de...

GEOPOLITIQUE

Les conditions géopolitiques du terrorisme dans la zone des trois frontières

La zone des trois frontières, aux confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso, concentre aujourd’hui toutes les inquiétudes. Ce vaste plateau latéritique de savane ouest-africaine est traversé par la vallée du Niger, qui s’écoule du nord-ouest vers le sud-est. Il forme un quadrilatère de plus de 500 000 kmcompris entre Tombouctou et Kidal, au nord, Ouagadougou et Niamey, au sud. Enclavé et soumis à l’épreuve de l’aridité, qui s’accentue avec la désertification du Sahel, cette région transfrontalière, d’agriculture et d’élevage, abrite environ 10 millions de personnes. Le Liptako-Gourma – puisque c’est ainsi qu’on désigne traditionnellement cet espace – forme désormais, de l’avis de nombreux observateurs, l’épicentre du « dijhadisme sahélien », greffé à la prolifération des groupes armés et aux affrontements ethniques.

Conflits

https://www.revueconflits.com/terrorisme-trois-frontieres...

La crise mondiale du transport maritime est bien plus grave qu’on ne l’imagine

Selon le département de recherche de Statista, basé en Allemagne, environ 80 % de toutes les marchandises sont transportées par voie maritime, notamment le pétrole, le charbon et les céréales. Sur ce total, en termes de valeur, le commerce maritime mondial de conteneurs représente quelque 60 % de l’ensemble du commerce maritime, évalué à environ 14 000 milliards de dollars US en 2019. Ce transport maritime est devenu le pivot de l’économie mondiale, pour le meilleur et pour le pire.

Le Saker francophone

https://lesakerfrancophone.fr/la-crise-mondiale-du-transp...

PROCHE-ORIENT

Liban : situation un an après l’explosion dans le port de Beyrouth

4 août 2020 : deux explosions frappent le port et une partie de la ville de Beyrouth, fragilisant un pays déjà durement touché par de nombreuses crises. Un an après, un colloque réunissant de nombreux experts a dressé un état des lieux du Liban.

Conflits

https://www.revueconflits.com/liban-explosion-beyrouth/?u...

SANTE

PfizerLeak : les contrats Pfizer et leurs clauses surprenantes

Bien que les documents qui ont fuité soient en réalité des "drafts" du laboratoire, soit un brouillon, une version non finale, il y a fort à parier que les contrats y ressemblent comme deux gouttes d'eau. Pfizer s'est montré plutôt agressif en essayant de protéger les détails de leurs accords internationaux sur le vaccin COVID-19. Mais en voici une copie. Le document qui est ici épluché a été rendu public par l'Albanie en janvier 2021.

Francesoir.fr

https://www.francesoir.fr/societe-sante/pfizerleak-les-co...

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UNION EUROPEENNE

Fit for 55. Le Green Deal européen et l’effondrement industriel de l’Europe

L’une des rares déclarations honnêtes de Bill Gates a été sa remarque, faite début 2021, disant que si vous pensez que les mesures dues à la Covid sont mauvaises, attendez de voir les mesures prises contre le réchauffement climatique. L’Union européenne est en train d’imposer, du haut vers le bas, les mesures les plus draconiennes à ce jour, qui détruiront effectivement l’industrie moderne dans les 27 États de l’Union européenne. Sous de jolis noms tels que « Fit for 55 » et European Green Deal, des technocrates non élus finalisent à Bruxelles des mesures qui provoqueront le pire chômage industriel et le pire effondrement économique depuis la crise des années 30. Des industries telles que l’automobile ou le transport, la production d’électricité et l’acier sont sur la sellette, tout cela pour une hypothèse non prouvée appelée réchauffement climatique d’origine humaine.

Euro synergies

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2021/07/29/f...

samedi, 07 août 2021

Parution du n°61 de la revue bretonne War Raok

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Parution du n°61 de la revue bretonne War Raok

EDITORIAL

Peut-on parler de souverainisme breton afin d’assurer l’épanouissement de l’identité bretonne?

par Padrig Montauzier

En Bretagne nous sommes, depuis longtemps, familiarisés avec les termes autonomistes, indépendantistes, voire séparatistes. Une nouvelle dénomination semble voir le jour depuis quelque temps, celle de souverainisme breton ! Comment peut-on définir succinctement ce nouveau concept ?

Toute nation qui ne s’administre pas elle-même connaît une rapide décadence. La Bretagne depuis la perte de son indépendance, de l’union de 1532 et plus depuis son annexion totale de 1790, en donne un exemple frappant. La Bretagne, enserrée dans l’un des États les plus centralisé d’Europe, n’a pas la possibilité de  « s’auto-déterminer ». Elle n’a pas non plus la possibilité de « s’auto-organiser » ni de « s’auto-gérer ».

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L'idée de la souveraineté de la Bretagne est fondée sur une vision et une interprétation nationalistes des faits historiques et des réalités sociologiques de la Bretagne. L’argument clé consiste à soutenir que la population bretonne forme un peuple distinct qui, dans le cadre du système politique français, ne peut exister qu’à titre de minorité ethnique, ce qui implique que le peuple breton ne peut se diriger lui-même et que son destin dépend totalement de l’État français et de ses gouvernements. Accepter un tel statut de minorité signifierait que les Bretons donnent leur accord à une totale subordination impliquant qu’ils renoncent à leur identité propre.

Cette souveraineté ne se fera pas contre la France, mais pour la Bretagne  !

On peut imaginer que, dans un premier temps, dans une première étape, la Bretagne dispose d’un statut de large autonomie administrative et politique comme cela est mis en pratique aujourd’hui tout près de nous en Europe: en Catalogne, en Écosse, au Pays Basque, en Flandre… etc.

Ce positionnement est une rupture totale avec le centralisme et le jacobinisme français qui tuent les peuples et avec le dogme de « l’une et indivisible » contre nos libertés. On peut alors parler de souveraineté-association, combinaison de deux concepts : l'obtention de la souveraineté de l'État breton et la création d'une association politique et économique entre le nouvel État souverain et la France. On peut définir ce statut de souveraineté partagée ou co-souveraineté comme étant les pouvoirs d'une Bretagne de faire ses lois, de prélever ses impôts et d'établir ses relations extérieures. Une démarche loin d’être utopique, elle est même au contraire parfaitement rationnelle et le peuple breton a toutes les aptitudes nécessaires pour l’assumer. Cette souveraineté souhaitée rendra donc aux représentants du peuple breton le droit de gérer les affaires bretonnes et permettra ainsi à la Bretagne de protéger ses intérêts matériels, d’assurer son développement économique, de défendre ses libertés culturelles spécifiques et ses intérêts spirituels.

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Ainsi, les Bretons pourront bâtir une Bretagne authentiquement bretonne tout en s’intégrant au monde moderne par l’enrichissement de ses propres valeurs et le refus d’un repli ou d’une autarcie mortelle. La Bretagne sera une terre de libertés, non pas formelles mais réelles sur tous les plans.

La situation actuelle de peuple colonisé n’a rien de stimulant, rien qui invite au dépassement de soi ou qui pousse à l’audace créatrice. À ce destin, courbé sous les vents de l’histoire, le souverainiste préfère les risques de vie qu’offre l’indépendance. C’est le sens de l’appartenance, la définition de l’identité, qui est l’enjeu majeur de la souveraineté. Les Bretons ont à choisir entre le statut de minorité et le statut de peuple à part entière.

Cette émancipation politique, économique, sociale et culturelle du peuple breton, ainsi que l’édification d’une Bretagne enfin maîtresse de ses destinées personnelles dans le respect d’une interdépendance qui l’unira à ses voisins européens… peut parfaitement convenir à une définition du souverainisme breton.

Les Bretons doivent être en première ligne pour revendiquer cette souveraineté de la Bretagne avec la tranquille assurance de disposer des atouts économiques suffisants pour afficher cette ambition.

Mais les Bretons sauront-ils se doter d’un tel projet de société ?

Padrig MONTAUZIER

Sommaire War Raok n° 61

Buhezegezh vreizh page 2

Editorial page 3. Padrig Montauzier

Buan ha Buan page 4

Société

Le tatouage traditionnel celtique page 9. Ronan Danic

Politique

Kofi Yamgnane, ses mémoires d’outre-haine page 10. Erwan Houardon

Culture bretonne

La destruction de la langue bretonne page 14. Louis Melennec

Tradition

Le symbolisme de la sirène page 16. Riec Cado

Hent an Dazont

Votre cahier de 4 pages en breton page 19. Donwal Gwenvenez

Histoire de Celtie

Highland titles page 23. Jérôme Le Bouter

Tribune libre

Les origines de la culpabilité blanche page 24. Tomislav Sunic

Histoire de Bretagne

Enfants de la Chouannerie, sublimes cœurs de héros page 28. Youenn Caouissin

Environnement

L’éolienne, nouveau symbole de la Bretagne ? Page 30. Erwan Houardon

Civilisations celtiques

Littératures écrites et orales des civilisations celtiques page 32. Fulup Perc’hirin

Nature

Les petits réverbères de la nature page 36. Youenn Caouissin

Lip-e-bav

Un repas breton page 37. Youenn ar C’heginer

Keleier ar Vro

L’État français contre les langues “régionales”  page 38. Meriadeg de Keranflec’h

Bretagne sacrée

Bretagne, terre de châteaux page 39. Per Manac’h

 

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Istanbul, le canal de la discorde

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Istanbul, le canal de la discorde

par Marco Valle

Ex: https://blog.ilgiornale.it/valle/2021/08/07/

Samedi 5 juillet 2021, Recep Tayyip Erdogan a officiellement inauguré les travaux du Kanal Istanbul, une voie navigable de 45 kilomètres de long, 150 mètres de large et 25 mètres de profondeur qui reliera la mer Noire à la mer de Marmara. Aussi grand, sinon plus, que Suez et Panama, l'ouvrage contournera le détroit du Bosphore, décongestionnant le passage maritime encombré (48.000 transits par an en moyenne) et transformant la partie européenne de la métropole turque en une véritable cité insulaire.

L'ouverture des chantiers, aussi symbolique soit-elle, couronne l'ancien rêve de Soliman le Magnifique : une idée visionnaire et ambitieuse que, cinq siècles après le départ du sultan, le président à la main de fer a reprise et relancée avec obstination. La première annonce de l'ouverture du "quatrième détroit" turc remonte à 2011 - "voici mon projet fou", a-t-il proclamé devant les ministres ébahis - ; maintes fois reporté, modifié et discuté, le plan a finalement été approuvé par le Parlement en mars dernier. L'excavation sera achevée, du moins selon des sources gouvernementales optimistes, en seulement six ans et coûtera au total environ 15 milliards de dollars.

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Apparemment, rien de nouveau, du moins pour les dirigeants de l'AKP, le parti au pouvoir depuis 2002. Depuis lors, son leader indéboulonnable, Erdogan - d'abord en tant que premier ministre et, depuis 2014, en tant que président de la république - a promu de grands projets d'infrastructure visant à moderniser le visage du pays, à promouvoir la croissance économique et, surtout, à renforcer le consensus interne, base de sa longévité au pouvoir. Un mécanisme qui s'est toutefois grippé puisque l'économie turque est en grande difficulté et que la dévaluation catastrophique de la livre turque (une perte de plus de 400% par rapport au dollar en une décennie) continue de pénaliser un cadre économique aggravé par les coûts de la pandémie, le ralentissement des activités de production et le recul très net du tourisme. En bref, des caisses à moitié vides, de nombreuses dettes et une question cruciale : qui va payer les coûts de "Kanal Istanbul"? Certainement pas les six principales banques d'affaires turques qui, comme le confirme Reuters, se sont montrées très réticentes à financer un projet coûteux et, en même temps, extrêmement conflictuel.

En attendant d'hypothétiques bailleurs de fonds étrangers - le ministre des transports Adil Karaismailoglu a évoqué des investisseurs chinois, qataris ou peut-être néerlandais - la contestation s'amplifie. En première ligne, le maire de la ville, Ekrem Imamoglu, membre du Parti républicain populaire, principale force d'opposition, ennemi juré d'Erdogan et probable adversaire aux élections présidentielles de 2023. Fort du soutien des scientifiques et des écologistes et des craintes de centaines de milliers d'habitants, M. Karaismailoglu n'a pas hésité à dénoncer les risques sismiques (le tracé longe la redoutable ligne de faille sismique anatolienne), les désastres écologiques imminents (pour Greenpeace, il s'agit d'une "catastrophe aux conséquences imprévisibles" et les océanographes craignent la mort de la mer de Marmara déjà languissante) et, surtout, la certitude que le projet représente une gigantesque spéculation immobilière. Ce soupçon est amplement confirmé par la hausse prodigieuse des prix des logements (de 25 dollars le mètre carré à 800), face aux maigres compensations des expropriations depuis 2013.

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La question déjà complexe est encore compliquée par l'aspect géopolitique, un facteur central. Depuis 1936, les passages du Bosphore sont régis par la Convention de Montreux, chef-d'œuvre diplomatique de Kemal Ataturk, qui garantit le trafic des navires marchands de tous pavillons et limite l'accès à la mer Noire des navires militaires de pays tiers. Jusqu'à présent, la Turquie a joué son rôle de garant avec équilibre, mais l'ouverture de la voie navigable (avec la taxe de transit attenante) pourrait être l'occasion tant attendue par Erdogan de classer les anciens accords et d'ouvrir une nouvelle phase, tout cela devant être compris et analysé.

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Comme le note Lorenzo Vita dans son excellent livre L'onda turca (Historica-Giubilei Regnani, 2021), consacré à l'expansion navale d'Ankara: "La Russie n'aime pas du tout l'idée que la Turquie abandonne les clauses de Montreux. Poutine a appelé Erdogan pour exprimer le point de vue russe sur le détroit. Le président turc a répondu que pour l'instant l'abandon du Traité de Montreux n'est pas mis en question, mais l'attention du Kremlin est un signe de ce qui pourrait arriver. Car si Moscou a tout intérêt à empêcher que l'équilibre de la mer Noire ne soit rompu, la curiosité est grande à Washington: surtout dans une phase d'escalade impliquant l'Ukraine et la "Crimée". Les États-Unis seraient en fait "très intéressés par une voie maritime exclue de cette convention". Si la Turquie décidait de renégocier le traité ou d'exclure la nouvelle voie navigable de l'accord, Washington aurait l'occasion de se débarrasser d'un goulot d'étranglement fondamental, donnant libre cours à la liberté de navigation et à l'idée d'armer la "mer Noire".

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Des préoccupations également partagées par de nombreux amiraux à la retraite, dont Cem Gurdeniz, le théoricien du "Mavi Vatan" (la patrie bleue), le pilier doctrinal de la nouvelle marine turque. En avril, 104 officiers ont signé une déclaration critiquant l'idée du "Kanal" et considérant la sortie de Montreux comme un suicide politique. En réponse, Erdogan a accusé les marins de préparer un coup d'État et les a jetés en prison ou assignés à résidence. Pour Lorenzo Vita, il s'agit d'un signal fort: "Au bloc nationaliste et laïc qui conteste 'Kanal Istanbul', à la Russie et aux États-Unis. Elle montre que la possibilité d'exclure le canal de la Convention est une hypothèse réelle. Tellement réelle que ceux qui condamnent l'hypothèse sont considérés comme dangereux, même si cela conduit à arrêter un homme qui a façonné la stratégie navale turque actuelle".

Marco Valle.

vendredi, 06 août 2021

La politique de pression maximale contre l’Iran a échoué - Que va donc faire Biden ?

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La politique de pression maximale contre l’Iran a échoué

Que va donc faire Biden ?

Par Moon of Alabama

Il y a une semaine, j’ai écrit sur l’échec de la politique étrangère de Biden. En ce qui concerne l’accord nucléaire (JCPOA) avec l’Iran, j’ai fait cette remarque :

Pendant sa campagne, Biden avait promis de rejoindre l'accord nucléaire avec l'Iran. 
Mais aucune action n'a suivi. Les pourparlers avec Téhéran ont commencé trop tard et
ont été remplis de nouvelles exigences que l'Iran ne peut accepter sans diminuer
ses défenses militaires. L'arrogance de l'administration Biden est à son comble lorsqu'elle croit pouvoir
dicter ses conditions à Téhéran : ... Ce n'est pas l'Iran qui a quitté l'accord JCPOA approuvé par l'ONU. Ce sont les
États-Unis qui ont quitté cet accord et ont réintroduit une campagne de sanctions
"pression maximale" contre l'Iran. L'Iran a déclaré qu'il était prêt à réduire
à nouveau son programme nucléaire dans les limites de l'accord JCPOA si les
États-Unis supprimaient toutes les sanctions. C'est l'administration Biden
qui refuse de le faire tout en formulant de nouvelles exigences. Il est évident
que cela ne fonctionnera pas.
... Si les États-Unis ne reviennent pas dans l'accord JCPOA, sans autres conditions,
l'Iran finira par quitter l'accord et poursuivra son programme nucléaire comme
il l'entend. Ce serait l’échec total de la tactique dure choisie par Biden.
On peut se demander ce que l'administration Biden a prévu de faire lorsque
cela se produira.

L’administration Biden pense pouvoir renforcer les sanctions contre le commerce pétrolier entre l’Iran et la Chine :

La secrétaire d'État adjointe Wendy Sherman devait évoquer la perspective d'un 
durcissement des sanctions américaines contre les entités chinoises qui importent
du pétrole iranien lors de sa rencontre avec le ministre chinois des Affaires
étrangères Wang Yi et d'autres responsables à Tianjin, en Chine, lundi 26 juillet,
si un accord sur le retour au pacte nucléaire ne pouvait être trouvé.

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"Nous avons espéré pouvoir lever les sanctions" sur les secteurs énergétique et 
bancaire iraniens, y compris sur les entités chinoises achetant du pétrole iranien,
si les États-Unis et l'Iran pouvaient se mettre d'accord sur un retour mutuel au
pacte nucléaire, a déclaré le diplomate américain. Mais "s'il n'y a pas de retour
au JCPOA... et si nous nous installons dans une longue période de non-retour au JCPOA"
,

nous examinerons d'abord notre politique d'application des sanctions, a-t-il ajouté.

Mais nous ne sommes plus en 2012. À l’époque, la Chine et la Russie avaient convenu avec les États-Unis de faire pression sur l’Iran. Cette pression a conduit à l’accord nucléaire. Mais aujourd’hui, la situation est bien différente. Ce sont les États-Unis qui ont quitté l’accord. L’Iran, la Chine et la Russie sont tous dans une position plus forte qu’il y a dix ans. Pourquoi ces deux derniers accepteraient-ils de soutenir la politique étrangère malveillante de Biden et les sanctions unilatérales des États-Unis contre l’Iran ?

L’ancien ambassadeur indien M. K. Bhadrakumar dresse un tableau similaire :

Les négociateurs américains ont négocié avec intransigeance à Vienne. Ils ont 
sous-estimé la volonté de l'Iran de protéger ses intérêts fondamentaux. Ils ont
supposé qu'étant donné les difficultés économiques de l'Iran, ce dernier se
plierait en quatre pour obtenir la levée des sanctions. Et ils ont commencé
à dicter leurs termes et leurs conditions. ... Khamenei, qui a le dernier mot sur les questions d'État en Iran, a déclaré
mercredi dernier que Téhéran n'accepterait pas les demandes "obstinées" de
Washington dans les négociations nucléaires et a de nouveau rejeté catégoriquement
l'insertion de toute autre question dans l'accord. ...  

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Après avoir résisté à la "pression maximale" de Trump, Téhéran est aujourd'hui 
dans une meilleure situation. La situation internationale joue également en sa
faveur. L'Iran a gagné en profondeur stratégique grâce à l'approfondissement de
son partenariat avec la Russie et la Chine. Il n'est désormais ni possible
d'"isoler" l'Iran ni prudent d'exercer l'option militaire à son encontre.

L’ancien diplomate britannique Alastair Crooke partage cet avis :

La récente liste d'obstacles sur la voie des négociations dressée par l'envoyé 
de l'Iran auprès de l'AIEA ressemble en effet à un catalogue décourageant
d'objectifs versatiles des États-Unis et de l'UE : De la doctrine initiale
de "non-enrichissement de l'uranium" à une "sortie" moins d'un an plus tard,
et maintenant à cette même demande de seuil, plus la demande d’assurances que
l'Iran entrera immédiatement dans des discussions régionales et avec les
États-Unis sur ses missiles, avant tout retour au JCPOA. Une analyse post-mortem complète des erreurs qui ont conduit jusque-là se
fera plus tard. Pour l'instant, les responsables américains insistent sur
le fait que c'est l'Iran qui interprète mal la situation ; mais on peut
également affirmer que les États-Unis ont mal interprété l'évolution de
la situation stratégique dans la région - et même dans le monde - et la

mesure dans laquelle l'humeur du peuple iranien a évolué vers le point de
vue des principalistes, au cours des quatre dernières années. ... Dès lors, la menace américaine d'un consensus international contre l'Iran
- semblable à celui de 2012 - est-elle plausible ? Consensus ... ? ... Washington n'a-t-il pas remarqué qu'il n'y en a pas : pas même pour
l'aspiration de Washington à empêcher la Russie d'amener son gaz en
Europe, via Nordstream 2 ? N'ont-ils pas remarqué la fracture dans la
politique mondiale ? Oui, l'Europe est veule et suivra les États-Unis,
quoi qu'il arrive, mais cela ne constitue pas un consensus mondial.

La tentative des États-Unis de faire pression sur l’Iran pour qu’il signe un accord plus strict que l’accord nucléaire que l’Iran avait accepté et que les États-Unis ont abandonné a échoué.

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Si l’administration Biden ne revient pas sur ses exigences, l’accord nucléaire avec l’Iran sera mort. La pression intérieure pour « faire quelque chose » au sujet de la technologie nucléaire croissante de l’Iran augmentera alors.

Mais il n’existe pas de consensus mondial pour sanctionner l’Iran. La Russie et la Chine résisteront à toute pression visant à soutenir ces sanctions et l’Iran n’aura aucune raison de changer ses habitudes. Il n’existe pas non plus d’option militaire. L’Iran dispose d’armes sérieuses qui peuvent atteindre n’importe quel coin du Moyen-Orient.

L’administration Biden a conduit sa politique iranienne dans une impasse. Le mur devant lequel elle se trouve est solide. Comment fera-t-elle pour reculer ?

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone

jeudi, 05 août 2021

Chine : l'ordre dirigé par les États-Unis est régi par la loi de la jungle

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Chine: l'ordre dirigé par les États-Unis est régi par la loi de la jungle

par Markku Siira

Ex: https://markkusiira.blogspot.com/

La secrétaire d'État adjointe américaine Wendy Sherman s'est rendue à Tianjin, en Chine, où elle a été reçue par le ministre des affaires étrangères Wang Yi et le vice-ministre des affaires étrangères Xei Feng. 

Un porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères a qualifié les entretiens de "profonds, francs et bénéfiques pour les relations entre les deux pays".

Toutefois, lors du briefing, le vice-ministre des affaires étrangères Xie Feng a vivement critiqué la "rhétorique américaine de la concurrence, de la coopération et de la confrontation", qui "met réellement l'accent sur la confrontation, car la coopération est un objectif et la concurrence un piège narratif". Xie a également qualifié les États-Unis d'"inventeur et détenteur du brevet de la diplomatie coercitive".

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Wendy Sherman et Xie Feng.

La Chine considère à juste titre que l'ensemble de l'"ordre international fondé sur des règles" n'est qu'un déguisement qui enveloppe les règles établies par quelques pays occidentaux pour les autres. Il s'agit d'une "version américaine de la loi de la jungle", où Washington "rejette le droit international largement accepté et piétine le système pour en tirer profit et intimider les autres", a déclaré Xie.

Commentant les questions relatives aux droits de l'homme, M. Xie a déclaré que les États-Unis "devraient d'abord s'occuper de leurs propres problèmes avant de pointer du doigt les autres". Les États-Unis prétendent être les champions de la démocratie et des droits de l'homme, alors qu'ils ont commis des génocides contre des peuples indigènes et mené des guerres dans le monde entier sous le couvert de mensonges inventés.

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Par le passé, la Chine a souligné l'importance de créer une bonne atmosphère pour les négociations avec les États-Unis. Même si les deux parties étaient engagées dans des discussions animées, la Chine ne les rendrait pas nécessairement publiques. Cette fois, la Chine s'est empressée de rendre publique la déclaration sévère de Xie concernant la réunion de Tianjin. Il s'agit d'une répétition du changement d'attitude de la Chine à l'égard des États-Unis qui a commencé avec les récents pourparlers d'Anchorage.

Ces changements reposent sur le fait que Pékin en a assez d'un Washington autoritaire et que les politiciens chinois ne s'imaginent plus que les relations entre les deux pays vont s'améliorer sensiblement dans un avenir proche.

Le message de la Chine est clair : la politique vicieuse et conflictuelle des dernières administrations américaines a conduit le peuple chinois à être prêt à former un front uni contre l'intimidation occidentale. Comme l'indique le journal chinois Global Times, l'arrogance américaine doit faire l'objet d'une réponse plus franche.

Les faucons de guerre américains croient toujours qu'il est possible de contenir le développement de la Chine et d'amener la République populaire au même type de chaos interne et d'effondrement que celui qu'a connu le précédent partenaire de combat des États-Unis, l'Union soviétique. 

De cette manière, les États-Unis ne feront que bouleverser l'ordre mondial et exacerber les relations entre les grandes puissances. Le régime chinois veillera à avoir une plus grande tolérance à l'instabilité que les États-Unis eux-mêmes.

La Chine doit accélérer le renforcement de sa puissance globale et se préparer au pire scénario d'une confrontation avec les États-Unis et leurs principaux alliés qui dégénérerait en affrontement militaire.

Entre-temps, les États-Unis tentent d'utiliser l'endiguement stratégique pour vaincre la Chine, tandis que cette dernière, par son développement continu, tente de montrer que les fantasmes américains de suprématie ne comptent plus dans le monde réel. 

L'objectif de Pékin est de faire comprendre aux Américains que leur administration ne doit pas faire de la Chine un "ennemi fabriqué". Les États-Unis devraient abandonner leur politique de sanctions et de conflits et apprendre à vivre pacifiquement avec une Chine forte et souveraine.

mercredi, 04 août 2021

Afghanistan et Iran, la stratégie du chaos des États-Unis

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Afghanistan et Iran, la stratégie du chaos des États-Unis

par Alberto Negri

Ex : Il Manifesto & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/afghanistan-e-iran-la-strategia-del-caos-degli-stati-uniti

Après-guerre au Proche- et au Moyen-Orient? Pas vraiment. En substance, il s'agit d'économiser la présence militaire directe, comme ce fut le cas en Afghanistan ou en Irak, et de laisser se consumer les foyers de guerre ou de résistance: ce sont alors des guerres dites "par procuration", menées avec la vie d'autres acteurs sur le terrain. Voilà à quoi ressemblait déjà l'Irak, ainsi que la Syrie, sans oublier la Libye et maintenant le nouveau chapitre de l'histoire des "guerres par procuration" s'ouvre en Afghanistan.

À qui profite le chaos en Afghanistan, causé par le retrait des États-Unis, retrait qui était aussi tout à fait prévisible, étant donné que les talibans sont à l'offensive depuis au moins trois mois ? Certainement pas aux Afghans et pas même à l'Iran, où l'ultraconservateur Ebrahim Raisi vient de prendre ses fonctions de président, négociant avec les États-Unis sur les sanctions, à la tête d'un pays écrasé par l'embargo et la pandémie, qui a toujours été un adversaire des talibans.

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Avant le retrait américain, les Iraniens pouvaient accepter, voire encourager, les talibans à déstabiliser Kaboul, mais ils ne peuvent tolérer leur retour au pouvoir comme cela s'annonce aujourd'hui. Même si une délégation de Talibans a été reçue à Téhéran - ainsi qu'à Moscou et à Pékin - tout le monde se souvient qu'en 1998, ils ont massacré onze diplomates iraniens à Mazar el Sharif et qu'ils font maintenant subir le même sort à la population chiite afghane et aux Hazaras.

En Afghanistan, il y a le risque d'une guerre civile sanglante qui pourrait se transformer en un autre conflit entre chiites et sunnites, comme ce fut le cas en Irak, d'abord avec Al-Qaïda, puis avec la montée du califat. C'est dans un moment pareil que les bureaux stratégiques de la République islamique ont dû pleurer la mort au combat du général Qassem Soleimani, éliminé par les États-Unis en 2020 à Bagdad.

La guerre américano-israélo-iranienne se poursuit par tous les moyens disponibles, des provocations aux attentats contre les scientifiques iraniens, en passant par les raids aériens américains et israéliens en Syrie et en Irak contre les milices pro-chiites et les Pasdarans: on en parle peu, sauf lorsque les tensions explosent dans le Golfe d'où vient le pétrole, comme ce fut le cas avec le navire israélien touché par un drone à Oman (deux morts). L'Iran va bientôt se retrouver sous pression sur trois fronts, dans le Golfe, à l'Est et à l'Ouest, et cette fois, il n'y aura plus de Soleimani pour diriger le tourbillon sanglant qui ravagera le Moyen-Orient.

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Tout cela se produit en raison d'un choix américain bien précis: créer le chaos et l'exploiter à son avantage et à celui des alliés de Washington, d'Israël aux monarchies du Golfe qui font partie ou gravitent autour du pacte d'Abraham, voulu naguère par Trump.
C'est la "stratégie du chaos" qui est mise en œuvre, de l'Afghanistan à la Libye, par diverses administrations républicaines et démocrates, y compris, jadis, par le vice-président d'Obama, Joe Biden. En substance, il s'agit d'économiser la présence militaire américaine directe, comme ce fut le cas en Afghanistan ou en Irak, et d'entretenir sciemment les foyers de guerre ou de résistance: ce sont les guerres dites "par procuration", menées avec la vie d'autres acteurs que les Marines ou l'infanterie US. L'Irak a été le théâtre d'une telle guerre, tout comme la Syrie, la Libye et maintenant le nouveau chapitre de ce type précis de conflit va s'amorcer en Afghanistan.

Biden est un type contradictoire. D'une part, il reprend les négociations avec Téhéran sur l'accord nucléaire de 2015 voulu par Obama et annulé par Trump en 2018, mais en même temps il bombarde les alliés de l'Iran en Irak et en Syrie. Même en Irak, l'administration américaine se retire en apparence du jeu en laissant la présence militaire principale à une mission de l'OTAN qui sera placée sous le commandement de l'Italie. En bref, les États-Unis créent des problèmes, comme ils l'ont fait avec la guerre de 2003 contre Saddam, et nous paierons les pots cassés pendant des décennies, tout comme cela s'est produit en Libye en 2011, lorsque, avec les Français et les Britanniques, les Etats-Unis ont attaqué Kadhafi.

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Certains se souviendront de la réaction de la secrétaire d'État Hillary Clinton au lynchage et à l'assassinat de Kadhafi, une phrase rappelée par l'analyste américaine Diana Johnstone dans sa biographie judicieusement intitulée "Hillary Clinton, reine du chaos" : "Nous sommes venus, nous avons vu, il est mort", une devise qu'elle a prononcée suivie d'un grand rire. Tony Blinken, l'actuel secrétaire d'État, était alors le partisan le plus acharné de l'attaque contre la Libye. Oui, la Libye même dont le ministre des Affaires étrangères Di Maio vient de revenir, dans les rangs de ceux qui n'abandonnent pas même face à l'évidence et continuent de remercier les États-Unis pour je ne sais quelle faveur.

Il faut noter qu'en 2019, alors que Khalifa Haftar assiégeait Tripoli et le gouvernement Sarraj - légitimement reconnu par l'ONU - les États-Unis se sont abstenus de bombarder le général en Cyrénaïque, laissant Erdogan occuper la Tripolitaine, avec tous les déboires que cela a entraîné pour l'Italie. Pourquoi les États-Unis, toujours prêts à bombarder n'importe qui, n'ont-ils rien fait ? C'est simple: parce que le général Haftar est soutenu par l'Egypte et les Emirats, deux pays clients des armes américaines, et les Emirats ont également conclu le fameux pacte d'Abraham avec Israël.

La guerre en Afghanistan était condamnée dès le départ, affirme à juste titre l'essayiste indien Pankaj Mishra. Pourtant, les fausses nouvelles ont alimenté une initiative qui a coûté un nombre considérable de vies et des centaines de milliards de dollars, laissant l'Afghanistan dans un état pire qu'avant. Il n'est pas non plus nécessaire d'invoquer le cliché de l'Afghanistan comme "cimetière d'empires" pour se rendre compte que les Talibans étaient une force résiliente et potentiellement changeante. Mais ce qui nous apparaît comme un échec - comme l'Irak, la Libye ou la Syrie - ne l'est pas si l'on applique la stratégie américaine du chaos. Il y a toujours une Dame Clinton ou un de ses héritiers prêt à rire.

Tout ce qui nous restera de l'"ancienne normalité" sera le souvenir...

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Tout ce qui nous restera de l'"ancienne normalité" sera le souvenir...

par Daniele Scalea

Source : Daniele Scalea & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/tutto-cio-che-rimarra-a-noi-della-vecchia-normalita-sara-il-ricordo


Lorsque l'État s'arroge un nouveau pouvoir, il le fait presque toujours pour faire face à une "urgence". Puis l'urgence disparaît mais le nouveau pouvoir demeure.

C'est ainsi que s'est construit l'État moderne en Europe (l'urgence à l'époque était principalement celle d'entretenir de grandes armées permanentes : une fois les guerres terminées, les armées restaient avec tout l'appareil fiscal, administratif et logistique pour les entretenir). Pour prendre un exemple plus proche de chez vous : vous souvenez-vous comment les gens voyageaient en avion avant le 11 septembre 2001 ? Vingt ans ont passé mais les mesures de sécurité supplémentaires pour les voyages en avion sont restées et sont maintenant acceptées par tous comme la norme.

Voilà. Ce covid créera une "nouvelle normalité", nous ont-ils dit immédiatement et en toute franchise. Si j'ai prêché en mars 2020 qu'il fallait s'opposer au confinement, c'est parce que je savais que les "deux semaines pour abaisser la courbe" auraient un impact bien plus important que cette simple parenthèse de 14 jours.

En l'absence d'une forte réaction de la société (qui a d'ailleurs dans une large mesure salué les initiatives du gouvernement), l'État a consolidé entre ses mains de nouvelles compétences et de nouveaux pouvoirs qui lui resteront acquis, quel que soit les avatars du virus.

Ne vous attendez donc pas à ce que le Draghi de demain dise: "C'est le retour à la normale de 2019". Dorénavant, l'État pourra imposer des confinements ou d'autres mesures restrictives/coercitives en fonction des pics de maladies infectieuses (ne serait-ce que la grippe). Le principe restera que si vous avez des symptômes de la grippe (toux, éternuements), vous ne pouvez pas quitter la maison. Un passeport interne sera appliqué à chaque citoyen. Il est probable que le modèle sera également appliqué à d'autres domaines, en premier lieu l'écologie (pourquoi pas des confinements pour sauver l'environnement ?). Et comme je l'ai déjà écrit, le laissez-passer vert dissimule l'introduction en Europe d'un système de crédit social à la mode chinoise.

Tout ce qui nous restera de l'"ancienne normalité" sera le souvenir, et avec lui le regret de l'avoir perdue et de ne pas l'avoir léguée à nos enfants.

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Pass sanitaire, biopolitique et apartheid social: quelles perspectives? Réponses de Nicolas Bonnal

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Pass sanitaire, biopolitique et apartheid social: quelles perspectives?

Réponses de Nicolas Bonnal

Nicolas Bonnal répond aux questions de strategika.fr au sujet du pass sanitaire et des évolutions possibles de la situation actuelle.

Strategika  – Le professeur Neil Ferguson a récemment expliqué que l’épidémie de Coronavirus pourrait être jugulée d’ici octobre. D’autres sources semblent indiquer la possible arrivée de nouveaux protocoles de traitements anti-covid en Octobre. Rappelons que Neil Ferguson – que les anglais appelle « Professor Lockdown » – est à l’origine du célèbre modèle de l’Imperial College de Londres. C’est lui qui avait averti Boris Johnson que, sans un confinement immédiat, le coronavirus causerait 500 000 décès et submergerait le National Health Service. Ses projections amèneront la plupart des gouvernements occidentaux à suivre la même politique. Il préconisait aussi dès le départ un confinement de 18 mois en six étapes. Confinement qu’il avait d’ailleurs lui-même enfreint dès mars 2020. Les récentes déclarations de Neil Ferguson ont amené Boris Johnson à mettre en garde la population contre des conclusions « prématurées ».

Dans la foulée de ces déclarations en Grande-Bretagne, on commence aussi à parler de la chute des contaminations pour d’autres pays comme les Pays-Bas ou la Tunisie, deux pays qui connaissent de grands soulèvements populaires. Selon vous, pourquoi Ferguson fait-il ces déclarations en ce moment ? Est-ce pour tenter de juguler la colère populaire qui monte dans le monde entier ? Allons-nous vers un changement dans la narration covidienne ?

Les propos de ce dangereux imbécile à la solde de Bill Gates sont une bonne nouvelle, mais vous avez raison d’y déceler un piège. Je rappelle mon texte de Zweig sur le manège nazi ; une dose, une pause ; une dose, une pause. Zweig rappelle aussi que le troupeau laisse tomber les victimes expiatoires, les boucs émissaires (penser au sort des futurs non-vaccinés). On ferme les yeux et on pense à autre chose pendant que les fervents et les bourreaux volontaires s’agitent. Ceci dit les mondialistes sont allés trop vite : ils nous ont vomi dessus et ont en fait alerté l’opinion éclairée (la « complotiste ») en délivrant bêtement leur programme monstrueux. Les gouvernements sont tous ou presque allés trop loin dans cette histoire. Sont-ils achetés par Gates et les labos, sont-ils idiots ou sont-ils simplement soucieux d’exercer leur droit de contrôle sur les populations, c’est toute la question. Proudhon et Tocqueville en ont déjà parlé il y a plus d’un siècle et demi, de ce pouvoir moderne inquiétant et omniprésent. Les guerres et les épidémies renforcent les pouvoirs, et Foucault (la référence la plus usitée dans le monde des travaux universitaires, et ce n’est pas fortuit) a bien décrit les effarantes mesures contre la peste de Marseille en 1720. Mais il y a aussi un plus : le virus ne tue plus, le vaccin oui, et seule l’effarante pression médiatique, la plus folle étant en France, maintient la fiction. Donc la pause est possible (mais pas en France)  ou même l’oubli du Covid, en attendant un nouveau storytelling de terreur déjà dans les dossiers atlantistes : terrorisme, climat, guerre contre la Russie. Il faut bien s’occuper.

Strategika – Pourquoi le gouvernement accélère-t-il la marche en France et tente-t-il de faire passer en force le pass-sanitaire au risque de déclencher un soulèvement populaire plus massif encore que celui des gilets jaunes ? Est-ce justement parce qu’il sait que la fenêtre de tir covidienne va bientôt se refermer ?

Revenons sur cette exception française. Le pouvoir pour l’instant en France ne veut pas changer de narration. Ailleurs il est plus prudent, sauf en Italie, création napoléonienne, et qui en a repris toutes les tares. Ce refus peut causer sa perte ici. On a un mélange de jacobinisme psychopathe, de bonapartisme aigu, et aussi de morgue caractéristique de de notre gauche caviar néo-mitterrandienne. C’est Saint-Germain de Prés qui veut tout vacciner avec la presse subventionnée. On en revient au dix-neuvième siècle de Napoléon III et de la République, qui à l’époque chassait les catholiques au lieu des non-vaccinés. J’ai parlé de tout cela dans mon Coq hérétique il y a vingt-cinq ans : la France est un pays autoritaire, hiérarchisé (Victor Hugo parle même de la « prodigieuse pyramide » au début des Misérables). Si nous nous en sortons, il faudra épurer ce pays, sa presse, son administration, liquider enfin Paris et son élite vulcanisée, comme disait Balzac. Car la dictature de la gauche libérale que prévoyais dans mon Macron publié en 2017 est arrivée. Et on ne s’en sortira pas avec trois manifs. Il faudra refaire des institutions dans un esprit libertarien. L’administration et l’Etat français qui tue et remplace sa population, qui la vaccine et la terrifie en reproduisant les méthodes du nazisme (simple mutation de la démocratie libérale) et de l’apartheid, doivent être radicalement transformés. Ne pas comprendre cela c’est se donner au prochain dictateur, qui sera de centre-droit ou de centre-gauche. Et pour lui comme pour sa presse la fenêtre covidienne n’est que médiatique, donc cela peut durer tant que les gens y croient, comme la peur de l’enfer. J’ajoute que cela ne marcherait pas sans la crétinisation et la préparation d’une grande partie de l’opinion. Certains me trouvent pessimiste mais Victor Hugo a dû attendre la défaite de Sedan pour rentrer à Paris. Et ce n’est pas Jean Moulin qui a libéré la France, mais le débarquement et l’Armée rouge.

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Strategika – Sur quoi la colère populaire et les manifestations peuvent-elles déboucher selon vous ?

On bouge, mais attention, le pouvoir est féroce. Il l’était déjà sous Hollande. Il peut fermer nos sites, coffrer Boutry ou Philippot, utiliser comme il l’a fait attentats et risques de guerre pour se renforcer. Ce n’est pas Ursula qui le contredira.  Ce pouvoir est du centre catho-bobo, donc il peut s’appuyer sur toutes les âmes damnées et Dieu sait que ce pays en compte. Il a aussi l’appui absolu de la presse et des télés (voyez la presse aux cent bras dans Maurice Joly). Mais soyons optimistes. C’est un énorme mouvement de masse. On peut espérer une suspension du passe avec des arrangements sinon ; ou, si la gendarmerie, la police et les militaires se réveillent enfin, à une transformation radicale à un putsch à l’envers, et à un départ des monstres. Ne rêvons pas trop, mais sincèrement on peut y  arriver. Il y aura un déclic, me disait Lucien il y a peu. Il a lieu et il peut aller loin car c’est la première qu’un gouvernement est suffisamment stupide et criminel pour marginaliser et priver de droit un tiers de sa population dans un pays moderne. Avant on avait l’alibi du racisme, là on n’a même pas d’alibi, sauf celui d’un vaccin qui ne marche pas, qui tue, et qui commence à être connu en ce sens. Ce pouvoir tyrannique irréel fournirait une bon sujet de nouvelle pour Philip K. Dick (voyez le livre de ma femme) ou même pour Buzzati ou pour Marcel Aymé, pour rester plus près de chez nous. Mais comme je le disais, il faudra un conseil national de la résistance en France pour empêcher notre administration pléthorique et notre Etat de nuire aux humains (je ne dis même pas citoyens, j’en ai marre du mot) de vivre tranquillement. J’étais à Biarritz à la plage il y a deux ans : la militarisation de cet espace beatnik par le surf industrialisé, les CRS, les sifflets, le troupeau résigné, m’a donné la nausée. On me reproche mon défaitisme et ma francophobie, il faut voir où sont tombés les Français avec leur politiciens mondialisés. Et discutez avec les gens, ils vous ricanent tout de suite au nez en lançant le mot d’ordre complotiste. Vaincus par les rhinocéros, les antisystèmes se réfugient dans le clic, ce qui n’est d’ailleurs bon ni pour eux ni pour le pays.

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Strategika – Est-il imaginable qu’on en finisse réellement avec le Covid ? Si oui le scénario covidien va-t-il être remplacé par autre chose ?

Ce Covid est un jeu pour nous exterminer à terme. Mais c’est un jeu ; rappelons Roger Caillois alors, qui dans son livre sur les Jeux parle de la Mimicry : on adore se faire peur ; on adore jouer au bourreau ou à l’expert ; on adore jouer au trouillards, et on adore jouer au dénonciateur. Cette dimension ludique de notre apocalypse pour débiles légers est ignorée, et c’est dommage. Tout le monde fait son théâtre comme pendant la Révolution (voyez Furet, Cochin, ou même Tocqueville et la révolution imbécile de 1848). On est dans une réalité bien française. Le Grand Reset c’est la pénurie et internet, a dit mon ami Alexandre. L’occupation c’était la pénurie et la radio. Et quelques résistants…

 Le jeu éculé du Covid, ils  peuvent le remplacer par autre chose ; le climat, une autre épidémie, le musulman gauchiste, le russe aux missiles entre les dents. On n’a pas cité  chez les antisystèmes le très bon livre de Zylberman intitulé Tempêtes microbiennes. Ce chercheur officiel a franchi un Rubicon en expliquant comment on avait lancé médiatiquement tout un tas d’épidémies, et comment on les gérait militairement en accord avec l’OTAN. Il fallait donc que cela nous tombe dessus. C’est fait. Comme disait Guy Debord, le destin du spectacle (de la démocratie occidentale) n’est pas de finir en despotisme éclairé. On connaît les épouvantables décisions en matière de désindustrialisation et de famine, décisions bénies par les médias et les bobos. Le fait d’ailleurs que l’occident veuille se désindustrialiser tout en menaçant le reste de la planète du feu nucléaire montre qu’il est entre les mains de sociopathes dûment sélectionnées par les Bilderbergs, Trilatérale et autre OTAN depuis soixante ans. Ces types-là doivent dégager : si on contente de trois manifs contre le passe, ils reviendront à la charge comme un moustique affamé. Enfin, n’oublions  pas que les chefs de la Résistance ont vite été écartés du pouvoir après la Guerre.

Strategika – Tout comme Bill Gates, l’épidémiologiste Bruce Aylward, conseiller du directeur de OMS et responsable du programme international Covax expliquait « qu’il faut vacciner autour de 60 % de la population mondiale pour stopper l’épidémie de Covid-19 ». Peut-on penser qu’une fois atteint ce taux de vaccinations dans la plupart des pays, les autorités lâcheront prise ? Que feront-elles alors des non-vaccinés ? Vont-elles tenter de réduire ce bloc d’irréductibles sur le temps long afin d’atteindre une couverture vaccinale totale ou accepteront-elles qu’une partie de la population (30, 20 % ?) continue de vivre normalement sans être vaccinée ? Comment devront alors vivre les humains non-vaccinés ? Seront-ils réellement des citoyens de seconde zone voire pire ? Un contrôle biopolitique global de type chinois est-il envisageable pour l’ensemble de l’humanité ou le réel est-il encore trop conservateur ? 

Le contrôle biopolitique peut aussi être festif, ludique, humanitaire (pensons à Philippe Muray), décalé, cool (pensons à Lipovetsky). Une émission sur You tube et Mr Président remonte dans les sondages. Beaucoup de gens sont vaccinés, beaucoup de gens sont bêtes, beaucoup de gens sont prêts à jouer le rôle (cf. supra) du bourreau volontaire. On a cent ans de radio, télé, propagande, abrutissement, écologie, humanitarisme, autoritarisme de marché et de gauchisme sociétal. Pensons à la jeune fille, alors, livre admirable par son contenu et même par sa forme. Sur l’affaire de Perpignan (rue piétonne pour vaccinés seulement) une jeune fille a répondu à Philippot (rendons-lui hommage, c’est une révélation, et remarquons que les politiciens courageux auront encore été les gaullistes : lui, avec Asselineau et Dupont-Aignan) qu’il se foutait du monde pour tout un tas de raisons. Cette folle ne veut plus d’un non-vacciné dans sa cour de récré. En effet le rêve du bobo techno écolo et bio c’est d’être le seul dans la rue avec une trottinette électrique, son masque, sa puce sous-cutanée et son smartphone. Pour lui le reste est de la viande sale et doit disparaître, être incinéré si possible. Ces types et ces filles sont mûrs pour l’asile.

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Mais encore une fois, ce programme psychotique est-il réalisable ? Il semble que non : il ne faut pas trop toucher à la vie ordinaire des gens, surtout dans un occident où n’a pas connu de famine ou de misère crasse depuis des siècles. On le peut, mais en guerre… Mais on sent que l’intention est forte, que le soutien est fort et que si la victime ne se défend pas, elle finira à l’abattoir filmé par Franju dans le Sang des bêtes. Pour le contrôle biopolitique, il faut en revenir à ce que nous disions plus haut : il faut une remise à plat des institutions en France, il faut remettre l’informatique à sa place. Comme je le disais dans ma conclusion (Internet nouvelle voie initiatique), l’informatique et le web sont la meilleure et la pire des choses, comme la langue d’Esope. Il va falloir enfin apprendre à les maitriser. Sinon d’animal politique peu glorieux qu’il était depuis Aristote, l’homme deviendra un animal cyber-politique. La déshumanisation du monde moderne, sa fervente déchristianisation, y compris dans le troupeau catho et dans la hiérarchie ecclésiastique, nous y ont goulûment préparé, à cette techno-servitude dans le camp de concentration électronique. 

mardi, 03 août 2021

Réalisme vs libéralisme: surmonter la démence politique

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Réalisme vs libéralisme: surmonter la démence politique

Alexandre Douguine

J'ai remarqué que l'analyse politique en Russie a récemment commencé à se dégrader rapidement. L'émotion et l'hystérie ont complètement remplacé la rationalité. Avec la prolifération contagieuse des blogs vidéo et des stratégies de morpion, quels que soient les sujets abordés - élections ou vaccination, gay pride ou école supérieure d'économie, forum de Saint-Pétersbourg ou exercices de l'OTAN - tout se résume au dilemme des jeux Simple Dimple ou Pop It... Pauvre conscience, qu'es-tu devenue...

Malgré le fait que la démence soit en augmentation et touche de plus en plus les milieux politiques et ceux des experts, il convient de garder une certaine sobriété et rationalité. Et pour y parvenir, il est nécessaire de considérer la Russie et sa politique dans son ensemble - avec une certaine distance. Nous l'oublions constamment, nous le prenons pour acquis... Mais peu à peu, cette évidence est perdue de vue, oubliée et plus personne ne s'en souvient, ne le sait ou ne veut le savoir.

La clé pour comprendre tous les processus politiques qui se déroulent dans la Russie contemporaine est la confrontation globale entre deux modèles de l'ordre mondial futur. C'est le différend fondamental qui oppose le globalisme à la multipolarité. La théorie des relations internationales le décrit comme le grand débat entre les réalistes et les libéraux.
Poutine est un réaliste classique en matière de relations internationales. Il perçoit la souveraineté nationale de la Russie comme quelque chose d'absolu. Non pas comme une simple convention, mais précisément comme une réalité parfaite, ou du moins un mouvement décisif pour la faire advenir à la réalité. Tout le reste en découle.

La Russie devrait être un centre autonome de prise de décision au niveau mondial, et la politique intérieure devrait être totalement libre de toute influence extérieure. Soit la Russie est souveraine, soit il n'y aura plus de Russie, ou peut-être même plus d'humanité du tout. C'est exactement ce que Poutine exprime en toute clarté.  Et rien que pour ça, certains l'admirent, d'autres le détestent.

Mais il existe un point de vue opposé. Elle est représentée par le libéralisme dans les relations internationales. C'est la position de Joe Biden et de son administration. Il s'agit du mondialisme habituel qui voit l'histoire du monde comme une progression linéaire, qui nous conduit inexorablement de l'ère des États-nations, qui se termine maintenant, à un gouvernement mondial supranational. Tout expert en relations internationales qui a lu au moins quelques manuels dans cette discipline sait que le gouvernement mondial n'est pas le produit de théories de conspiration délirantes, mais l'objectif clairement énoncé et ouvertement proclamé du libéralisme quand il aborde les relations internationales. Dans ce cas, la souveraineté - et encore moins la souveraineté authentique, sur laquelle insiste Poutine, est en contradiction directe avec le mondialisme et l'ordre mondial libéral.

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Nous pourrions être surpris de voir à quel point les Américains réagissent douloureusement à toute ingérence - le plus souvent imaginaire - dans leur politique intérieure, et à quel point, en revanche, ils s'immiscent de manière flagrante et cavalière dans la politique de la Russie, de la Biélorussie, de la Hongrie, de la Turquie ou de l'Iran, soutenant tout élément extrémiste marginal - pour autant qu'il contribue à affaiblir la souveraineté et à faire basculer le pays dans le marasme.

Il ne s'agit pas seulement d'un double standard et d'un mensonge éhonté de l'Occident. Les libéraux croient sincèrement que leur intervention est un progrès, puisqu'elle mène à l'abolition des États-nations et à un gouvernement mondial, et que toute réponse symétrique de la part des réalistes est quelque chose d'outrageant et de scandaleux, voire de criminel. Il ne s'agit pas seulement d'une démarche logique de la part de ceux qui sont attaqués sur leur propre territoire, car pour les libéraux, tout territoire est sciemment le leur. D'où une pression aussi forte sur la Russie et un soutien ouvert aux cinquième et sixième colonnes -  agents directs du mondialisme libéral.

C'est l'algorithme de base de ce qui se passe dans la réalité politique russe. Ce n'est pas Simple Dimple contre Pop It, mais le réalisme et la souveraineté contre le libéralisme et le mondialisme - voilà le problème.

Et les élections, et les processus économiques, et les problèmes de pandémie et de vaccination, et les remaniements de personnel, et la succession même du pouvoir qui deviendra tôt ou tard inévitable, malgré des reports temporaires - tout cela se résume finalement à la confrontation de deux modèles d'ordre mondial.

D'une part, il y a la multipolarité et une Russie souveraine et tout ce qui mène à cet objectif et contribue à sa réalisation.

De l'autre, l'effondrement de ce cours, l'effondrement des vecteurs patriotiques et l'effondrement dans le libéralisme. Nous savons ce qu'il en est depuis les années 1990 et en partie depuis le bref règne, Dieu merci, du libéral modéré Medvedev.

C'est le sens de ce qui se passe dans la politique intérieure russe, sans parler de la politique étrangère. Et c'est un processus ouvert - comme toujours dans l'histoire, cela dépend de chacun. Et si nous n'avons pas complètement perdu la capacité de raisonner, c'est de cette question fondamentale, de ce dilemme, que doit partir toute analyse, tout raisonnement, toute argumentation et tout pronostic.

Sur l'état d'exception permanent

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Sur l'état d'exception permanent

par Massimo Cacciari

Source : Massimo Cacciari

Giorgio Agamben et moi avons décidé de publier, sur un site non lié à une quelconque faction politique, et sans aucune intention d'en faire un "document" ou un "manifeste", un court texte sur l'affaire du prétendu "green-pass", non seulement et non pas tant en raison de la gravité de la loi elle-même, mais pour attirer l'attention de l'opinion publique démocratique sur le "signal de danger" qu'elle exprime.

Nous vivons depuis plus de vingt ans dans un état d'exception qui, de temps en temps, pour différentes raisons, qui peuvent paraître fondées et raisonnables, conditionne, affaiblit, limite les libertés et les droits fondamentaux. Et ce, dans un contexte global où l'idée même de représentation est de plus en plus en crise et où, dans notre pays, depuis une décennie, la dialectique politique et parlementaire n'est pas en mesure d'exprimer par elle-même la direction du gouvernement.

Seuls les aveugles et les sourds, ou les personnes qui ne peuvent pas voir plus loin que le bout de leur nez, au-delà de leurs propres "spécialités", peuvent considérer de telles propos comme oiseux. Ainsi, nous ne faisons que poursuivre les "opportunités" les plus diverses dans l'urgence après l'urgence, sans aucune conscience de la crise et sans la volonté précise d'en sortir politiquement et culturellement. Au lieu d'une information adéquate, nous procédons par alarmes et diktats successifs ; au lieu de demander la sensibilisation et la participation, nous produisons une inflation de réglementations confuses, contradictoires et souvent complètement impuissantes.

Il est clair que le laissez-passer vert en fait partie. Non seulement il est surréaliste que la loi qui l'instaure soit adoptée le lendemain du jour où les mêmes autorités ont autorisé des méga-écrans sur toutes les places d'Italie pour le championnat d'Europe et ont même organisé une manifestation de masse pour le triomphe des Azzurri (combien ces heureux événements ont-ils coûté en contagions et pire ?), mais comment ne pas se demander la raison de son extrême urgence, alors que la campagne de vaccination se déroule au rythme que Draghi lui-même décrit ? Selon ces derniers, tous les Italiens, à l'exception des enfants, devraient être vaccinés d'ici septembre. Et, par conséquent, les vaccins ne sont pas suffisants ? Craint-on qu'ils ne fonctionnent pas ?

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Le passeport vert ne serait alors plus qu'un moyen subreptice de prolonger indéfiniment - peut-être par des vaccinations répétées - une sorte de micro-fermeture... Cela paraît désagréable à dire, mais c'est la réalité du monde contemporain qui nous l'impose: sous des formes feutrées et presque indolores, la dérive est celle d'une société du "surveiller et punir".

Il s'agit d'une société dans laquelle les formes de contrôle et de surveillance qui sont immanentes aux technologies que nous utilisons tous sont de plus en plus adaptées aux régimes politiques. La démocratie est fragile, délicate - et celle que nous connaissions au temps de notre jeunesse, était inexistante avant 1945. Toute mesure discriminatoire entre les citoyens porte atteinte à ses principes, surtout lorsqu'elle semble infondée ou insuffisamment justifiée. L'idée de démocratie implique une opinion publique bien informée qui participe consciemment, c'est-à-dire de manière critique, aux décisions de ses représentants. Ces idées et ces besoins ne nous apparaissent-ils même plus, alors que nous courons tous après une "assurance quelconque" ?

Et si cette mauvaise foi politique devenait vraiment la prémisse d'un dispositif où il ne s'agit pas de contrer des "no-vax", des idéologies néo-naturistes ou d'autres bêtises, alors il est très grave de la voir se déployer sous cette étiquette dans la grande majorité de la presse et des médias qui fustigent toute opinion critique (car, ici, oui, tout à coup, il faudrait "discriminer"). Nous demandons avec une grande humilité à la Science : un citoyen ne devrait-il pas lire et signer avant la vaccination l'information du Ministère de la Santé lui-même ?

Que pense la Science du document complet de Pfizer dans lequel il est ouvertement affirmé qu'il n'est pas possible de prévoir les effets du vaccin sur une longue période, car il n'a pas été possible de respecter les procédures prévues (seulement 12 mois d'expérimentation contre les années qui ont été nécessaires pour la mise au point du vaccin de la grippe normale) ?

Est-il vrai ou faux qu'il y a eu une augmentation extrêmement importante des cas de myocardite précoce chez les jeunes ayant reçu le vaccin ? Ou est-ce que le Centre de contrôle des maladies ment ? Le fait qu'en Israël et en Grande-Bretagne, un grand nombre des décès survenus au cours de la dernière période concernent des personnes qui avaient déjà reçu la double dose est une fausse nouvelle ? Que signifie tout cela ? Que le vaccin est inutile, qu'il ne faut pas vacciner ? Absolument pas ; cela signifie que, pour nous, il doit toujours s'agir d'un choix libre, or un choix n'est libre que lorsqu'il est conscient. Nous ne sommes libres que lorsque nous décidons sur la base de données précises et en calculant rationnellement les coûts et les avantages pour nous-mêmes et pour les autres.

C'est donc ce que j'ai fait et je me suis fait vacciner, même si je ne savais pas qu'il y avait des dommages à long terme et même si je savais que je pouvais toujours tomber malade ou infecter d'autres personnes qui n'avaient pas été vaccinées (puisque je comprends que cela peut arriver, ou bien la science le nie-t-elle ?). Un scientifique, qui passe pour être parmi les premiers dans son domaine, celui de la génétique (mais peut-être que ce n'est pas vrai - je ne me prononce pas en attendant la confirmation par le ministre Speranza), R.W. Malone écrit : "Le gouvernement (il fait référence au gouvernement américain) n'est pas transparent sur les risques encourus. Et donc les gens ont le droit de décider s'ils acceptent ou non les vaccins".

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Dr. R. W. Malone

La même chose est écrite dans le Journal officiel du Parlement européen du 15 juin : "Il est nécessaire d'éviter toute discrimination directe ou indirecte à l'égard des personnes qui ne sont pas vaccinées et de celles qui ont choisi de ne pas l'être. Et là, la question concerne les juristes et les constitutionnalistes. Avec la même modestie que celle avec laquelle je fais appel à l'avis de la science (même s'il n'a pas vraiment fait l'unanimité jusqu'à présent), je fais maintenant appel à celui des juristes.

Est-il légitime d'imposer, comme il s'agit sans aucun doute d'une imposition, un traitement médical, et dans ce cas un traitement médical qui présente des zones d'ombre, des doutes, des problèmes potentiels que j'ai brièvement mentionnés ? Il existe de nombreuses autres maladies infectieuses - le laissez-passer vert est-il également envisagé pour la rougeole, la scarlatine, la mauvaise toux ?

Et, par conséquent, la règle interdisant de monter dans un train avec de la fièvre s'appliquera-t-elle d'ici pour l'éternité ? Allons-nous interdire la fièvre, qu'elle soit due à la peste ou à une indigestion ? Ferons-nous figurer notre état de santé sur notre carte d'identité ? Qu'en est-il de la science du droit ? Lorsque nous nous soumettrons à une mesure ou à une réglementation sans nous demander pourquoi et sans envisager les conséquences possibles, la démocratie sera réduite à la plus vide des formes, à un fantôme idéal.

Francis Cousin - Tyrannie sanitaire du Capital

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"Pour Demain"

Francis Cousin - Tyrannie sanitaire du Capital

 
 
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La tournée de Wang Yi, le ministre chinois des Affaires étrangères, dans le Grand Moyen-Orient

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La tournée de Wang Yi, le ministre chinois des Affaires étrangères, dans le Grand Moyen-Orient

Par Vladimir Terehovb

Source New Eastern Outlook

New Eastern Outlook a déjà noté à plusieurs reprises que le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, est probablement celui qui connaît, dans son domaine, l’activité la plus intense parmi ses homologues étrangers. Cela s’inscrit dans le processus général d’un accroissement spectaculaire du rôle international du pays qu’il représente. Avec les États-Unis, il constitue le principal duo géopolitique (en opposition) qui détermine en grande partie le déroulement de l’étape actuelle du Grand Jeu.

Il convient de souligner encore que, contrairement aux États-Unis, la composante économique de la puissance mondiale qu’est la Chine est le principal outil permettant d’assurer sa pertinence. Par conséquent, l’« expansion » extérieure de la Chine est accueillie assez favorablement par les cibles qu’elle vise. La composante militaire est également en progression rapide, mais elle ne joue qu’un rôle de soutien de sa politique étrangère. Et cela continuera, apparemment, d’être le cas pour le proche avenir.

Il est également important de souligner l’absence de tentatives de la part de Pékin de, comme ils le disent, « provoquer le sentiment des partenaires » dans ses relations bilatérales. Ce qui, avec ses démonstrations de force à coup de porte-avions, est plutôt la méthode de Washington en politique étrangère . Et l’absence totale de facteurs montrant la validité des prétentions à l’autorité morale de ce dernier confirme la thèse selon laquelle l’impudence le mène.

Rien de semblable n’accompagne le concept clé de la politique étrangère chinoise, dite « Communauté à un seul destin », à laquelle tous les pays du monde, y compris les adversaires géopolitiques, sont invités à participer volontairement. Ce concept est incarné par l’initiative mondiale des Nouvelles Route de la soie, qui évoque souvent des associations avec l’ancienne Grande route de la soie.

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Comme il y a deux mille ans, l’un des principaux itinéraires de cette initiative chinoise doit passer par la région très troublée du Grand Moyen-Orient. Mais sans (au moins) réduire le niveau de turbulence dans cette région, la construction et le fonctionnement durable de ce projet sont impossibles. C’est la raison pour laquelle Pékin y accorde une attention accrue, qui est en train de se concrétiser.

L’achèvement en mars 2021 d’années de négociations sino-iraniennes sur la signature (pour 25 ans) de l’Accord de partenariat politique, stratégique et économique, qui a été signé au nom de la République Populaire de Chine par le même Wang Yi, est d’une importance capitale.

Depuis, les facteurs d’aggravation de la situation en Afghanistan (en conséquence de la décision de Washington de retirer le reste du contingent militaire américain à un rythme accéléré) et les conflits qui se produisent plus ou moins régulièrement dans différentes régions du monde arabe ont commencé à acquérir une importance particulière. Le ministre chinois des affaires étrangères a abordé ces problèmes lors de sa récente visite en deux étapes dans cette région.

La première étape (12-16 juillet) comprenait des visites dans trois pays d’Asie centrale (Turkménistan, Tadjikistan et Ouzbékistan), où des entretiens ont eu lieu avec ses collègues sur tous les aspects des relations bilatérales. Mais surtout sur la situation en Afghanistan qui, avec l’expansion des Talibans sur son territoire, constitue une préoccupation croissante pour ses voisins.

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En outre, à Douchanbé, Wang Yi a participé à la réunion ministérielle ordinaire des États membres de l’OCS, puis à Tachkent à la conférence internationale « Asie centrale et Asie du Sud : Connectivité régionale. Challenges et opportunités ». Le principal point à l’ordre du jour de ces deux événements était le problème afghan, discuté par les représentants de presque tous les pays concernés d’une manière ou d’une autre.

Il est encore trop tôt pour pouvoir parler du résultat de ces activités, compte tenu des différents intérêts des participants, de la nature complexe des relations entre eux et de l’évolution rapide de la situation en Afghanistan même. Néanmoins, il est utile de noter le point principal : Le problème afghan ne sera pas laissé de côté par les « intérêts extérieurs ». Cela aurait trop de conséquences désagréables pour eux-mêmes, mais surtout pour l’Afghanistan.

Tachkent a été suivi de la deuxième étape, « arabe » (17-20 juillet), de la tournée de Wang Yi, qui comprenait des visites en Syrie, en Égypte et en Algérie. Dans chacun de ces pays, l’invité chinois a également été reçu par ses collègues et des hauts dirigeants. En outre, Wang Yi a rencontré Ahmed Aboul Geith, secrétaire général de la Ligue arabe, à El-Alamein, en Égypte. À l’issue des entretiens, une déclaration commune a été adoptée.

La principale chose qui attire l’attention dans les commentaires sur la visite de Wang Yi dans ces trois pays arabes est peut-être le soutien mutuel évident exprimé par les parties pour trouver des moyens de résoudre leurs problèmes internes. Il n’y a pas eu le moindre mot moralisateur lorsqu’il s’est agi de certains aspects « sensibles » de la situation politique interne des pays au nom desquels les négociateurs se sont exprimés à Damas, au Caire et en Algérie.

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Le président syrien Bachar al-Assad a notamment exprimé son « soutien inconditionnel » à la position de Pékin sur les questions liées à Taïwan, au Xinjiang et à Hong Kong, c’est-à-dire sur les trois causes principales des attaques de propagande de plus en plus féroces que les États-Unis et leurs alliés les plus proches mènent contre la République populaire de Chine. Pour sa part, Wang Yi a exprimé l’opposition de la Chine à toute tentative de changement de régime en Syrie, et a souhaité que la Syrie rejoigne l’initiative des Routes de la soie.

L’Égypte l’a déjà rejoint depuis janvier 2016, et le niveau de coopération atteint dans le cadre de ce projet a été salué lors de la rencontre de Wang Yi avec le président Abdel-Fattah al-Sisi.  Au cours de la conversation, ce dernier a exprimé son espoir d’une nouvelle expansion de la coopération bilatérale dans ce cadre et a souligné la capacité de l’Égypte à servir de médiateur du projet avec d’autres pays du continent africain. Comme en Syrie, Wang Yi a été assuré du soutien indéfectible de l’Égypte à la politique d’une seule Chine et de sa volonté de coordonner les actions dans le secteur de la sécurité.

Des mots plus ou moins similaires à ceux prononcés à Damas et au Caire ont également été prononcés lors de la rencontre de Wang Yi avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune. Là aussi, une extrême satisfaction a été exprimée quant à la participation au projet des Routes de la soie et à la nature des relations avec la Chine en général. Comme dans les deux autres capitales, des remerciements ont été exprimés pour l’assistance rapide dans l’obtention du vaccin chinois Covid-19 (sa production a commencé en Égypte).

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Deux caractéristiques notables doivent être relevées dans la rhétorique des interlocuteurs de ces six pays musulmans visités (trois d’Asie centrale et trois arabes). Premièrement, ils ont tous souligné le rôle décisif du Parti communiste chinois dans le développement de la Chine et dans son émergence en tant que puissance mondiale. Deuxièmement, il n’a pas été question de la soi-disant « oppression des Ouïghours », c’est-à-dire du peuple très religieux vivant dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang. Il convient de noter que ce problème n’est que dans le collimateur des adversaires musulmans de la Chine. Toutefois, il est probable que ces derniers n’aient pas grand-chose à voir avec leurs propres racines religieuses et culturelles.

D’une manière générale, la récente tournée du ministre chinois des affaires étrangères dans la région du Grand Moyen-Orient est une preuve supplémentaire du prestige croissant de la Chine dans le monde, en particulier dans le tiers-monde. Ce qui se passe (le plus souvent) sans montrer les muscles et encore moins en sortant une arme.

Cela démontre une fois de plus l’efficacité de la stratégie bien connue :

…maintenant il faut être plus doux avec les gens, et regarder les problèmes de manière plus large.

Vladimir Terehovb

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone

lundi, 02 août 2021

Éthiopie - Un drame sanglant se déroule dans la Corne de l'Afrique

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Éthiopie : le conflit continue

Éthiopie:
Un drame sanglant se déroule dans la Corne de l'Afrique

Ex: https://katehon.com/ru/article/efiopiya-konflikt-prodolzhaetsya

Les affrontements armés entre les forces gouvernementales et le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) ont commencé en novembre de l'année dernière. Le même mois, la province a été occupée par la Force de défense nationale éthiopienne, les troupes de l'État éthiopien d'Amhara et la Force de défense érythréenne, qui s'était alliée au gouvernement fédéral. La victoire semblait acquise, mais le TPLF s'est allié à des groupes d'opposition tigréens, à des vétérans militaires et à des volontaires. En conséquence, les forces de défense du Tigré (TDF), motivées à cause des violences commises par les forces de la coalition gouvernementale, ont vaincu l'armée éthiopienne à la fin du mois de juin de cette année. L'opération Allula a permis à la SOT de reprendre la majeure partie du Tigré en quelques jours. Des milliers de soldats gouvernementaux ont été faits prisonniers et le gouvernement fédéral a été contraint de déclarer un cessez-le-feu unilatéral - admettant ainsi sa défaite. L'armée éthiopienne a effectivement cessé d'exister.

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Fin juin également, le Parti de la prospérité éthiopien, dirigé par le Premier ministre sortant Abiy Ahmed, a remporté la victoire, obtenant 410 des 436 sièges du Parlement. Environ un cinquième du pays n'a pas participé, ce qui a réduit la légitimité sur laquelle on pouvait compter pour mettre en œuvre des réformes économiques et centraliser la gouvernance.

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Le gouvernement fédéral, ne disposant plus de moyens militaires, a commencé un blocus du Tigré. Les troupes en retraite ont pillé les infrastructures, notamment les banques et les télécommunications, tandis qu'Addis-Abeba a cessé de fournir les services de base. Selon l'ONU, quelque 4 millions de personnes ont besoin d'une aide humanitaire, et environ 400.000 personnes sont en situation de détresse. Depuis, le gouvernement fédéral a été accusé de manière crédible d'utiliser le blocus alimentaire comme arme de guerre, et le Conseil de sécurité des Nations unies a évoqué le risque de famine. Les États-Unis et l'Union européenne ont fait pression sur le gouvernement éthiopien en privé et en public. En décembre 2020, l'UE a suspendu une parte de subvention se montant à quelque 109 millions de dollars. Les États-Unis ont imposé des sanctions en matière de voyages à certains responsables gouvernementaux éthiopiens et érythréens, aux forces Amhara et aux membres du TPLF, et ont suspendu les mesures de sécurité et l'aide financière. La suspension du financement du développement multilatéral, dont l'Éthiopie a cruellement besoin, a également été évoquée. La Russie et la Chine ont fait preuve de plus de retenue mais n'ont pas opposé leur veto aux initiatives occidentales aux Nations unies.

Selon les statistiques, environ 90% des habitants du Tigré sont des chrétiens orthodoxes. Par conséquent, des narratifs circulent, évoquant un génocide pour des motifs religieux.

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Dans le même temps, le Premier ministre Abiy Ahmed a fait de la surenchère dans sa rhétorique contre le TPLF, le décrivant comme une organisation terroriste qui recrute des enfants soldats. En outre, des accusations ont été portées contre les Tigréens qui ne soutenaient pas les actions des troupes fédérales, ce qui a été immédiatement suivi de rafles massives dans les zones urbaines.

Le SOT a répondu en envahissant les zones du Tigré tenues par les Amhara et l'État voisin d'Afar, menaçant ainsi la principale liaison ferroviaire de l'Éthiopie avec Djibouti. Abiy, pour sa part, a appelé les États éthiopiens à fournir des troupes. Oromia, Sidama, Southern Nations, Nationalities and Peoples, Somali Region, Benishangul-Gumuz, Gambella et Harari les ont tous proposés, selon les chiffres officiels. La mobilisation des troupes des États régionaux d'Éthiopie met en évidence la faiblesse du gouvernement fédéral, mais elle pourrait aussi être le point de départ d'une guerre civile plus large, car le pays compte de nombreuses lignes de fracture au sein de ses unités administratives et de sa société.

Avant le conflit de novembre 2020, des violences ont éclaté dans plusieurs États - Oromia, Tigré, Amhara, Somalie et Nations du Sud - où il existe des divisions politiques internes ou des insurrections actives. Parallèlement, les bénéfices inégaux de l'agriculture à grande échelle, du développement des infrastructures et de l'accaparement des terres sont à l'origine de mécontentements et de déplacements depuis des décennies. Les tensions au sein de la population sont en hausse, avec des taux d'inflation allant de 20 à 30 %.

Le pays est donc dans une situation très précaire. Abiy a abandonné le système politique que lui ont légué ses prédécesseurs, que l'on peut définir comme étant un "ethno-fédéralisme".

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Abiy Ahmed a peu de marge de manœuvre. De leur côté, les SOT ont refusé de négocier tant que les forces non tigréennes n'auront pas complètement abandonné la zone administrative du Tigré (Tigray). Ils utilisent maintenant leur avantage militaire pour tenter de lever le siège du Tigré et menacent de riposter en coupant les liaisons de transport avec Djibouti. Les Djiboutiens seraient en train de déplacer des troupes pour sécuriser le trafic ferroviaire, mais jusqu'à présent seulement jusqu'à leur frontière. Cela met en évidence la possibilité d'une participation régionale plus large. Il existe également un potentiel de participation soudanaise. Les forces soudanaises ont occupé des terres agricoles le long de la frontière éthiopienne à El Fashag à la mi-décembre de l'année dernière, dans la même zone par laquelle la SOT tente de briser le blocus actuel du Tigré. L'Érythrée se maintient dans le nord du Tigré. Il est également rapporté que le président somalien Farmajo a fourni des troupes, un fait que ses adversaires politiques utilisent maintenant habilement contre lui pendant la campagne électorale ratée.

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Paradoxalement, ni l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) dans la Corne de l'Afrique ou l'Union africaine n'offrent aucune solution immédiate. L'Union africaine a nommé trois envoyés de haut niveau pour servir de médiateurs, mais les efforts diplomatiques de l'Éthiopie ont détourné l'énergie de l'Union africaine vers les enquêtes sur les violations des droits de l'homme au lieu d'une action politique plus décisive et immédiate. L'IGAD a fait preuve de faiblesse ou d'indécision face aux précédents conflits régionaux et a jusqu'à présent été soumise à l'"Union africaine". Il est clair que ces deux organisations seront considérées par le TPLF comme des agents de l'Éthiopie, ce qui les rendra impropres à toute médiation.

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Ethnofuturisme ? Une recension de Rebirth of Europe

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Ethnofuturisme ? Une recension de Rebirth of Europe

Andrew Joyce

Ruuben Kaalep & August Meister
Rebirth of Europe - The Ethnofuturist Manifesto
Arktos, 2020

Il existe de nombreuses façons de décrire l'époque dans laquelle nous vivons, et aucune n'est optimiste. C'est pourquoi je considère que ce n'est pas une mince affaire que Ruuben Kaalep et August Meister, deux jeunes ethnonationalistes des pays baltes, soient parvenus à élaborer un manifeste extrêmement positif, et même réjouissant, à partir des déchets puants et des engouements imbéciles de l'époque actuelle. H.L. Mencken a suggéré un jour que "tout gouvernement, dans son essence, est une conspiration contre l'homme supérieur". Le gouvernement moderne de l'Occident est une conspiration contre le seul homme blanc, et la question de savoir comment renverser cette conspiration est le plus grand défi de notre époque. Elle a donné lieu à une prolifération de manifestes et de façons de décrire notre politique, tous dans le but de renverser la vapeur sur le plan politique et de ramener à la raison la majorité des Européens, où qu'ils vivent dans le monde.

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Ruuben Kaalep

Mais cette prolifération d'idées et de méthodes a probablement aggravé nos maux plutôt que de les soulager. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à de la confusion: de nombreuses auto-suggestions ont été élaborées qui ne semblent qu'exacerber les factions. Et nous avons cuisiné un véritable ragoût de manifestes qui se contredisent les uns les autres ou suggèrent des points d'intérêt différents. Une grande partie de ce qui passe aujourd'hui pour la philosophie ethnonationaliste contemporaine, en particulier dans l'Anglosphère, est sous-tendue par une sorte de paralysie apathique, et exprime une attente de quelque chose d'indéfini mais néanmoins d'ardemment désiré. Je crois que la chose à laquelle nous aspirons le plus est la clarté et la confiance. La clarté de notre position. La clarté de ce qui nous arrive. La clarté de nos options. Et la confiance de voir ces options avancer dans nos sociétés. Kaalep et Meister réussissent là où d'autres échouent, car Rebirth of Europe est un chef-d'œuvre qui nous donne confiance et offre enfin de la clarté.

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Ruuben Kaalep est un nationaliste estonien qui se décrit comme un ethnofuturiste. Il est l'un des fondateurs du mouvement de jeunesse Blue Awakening (Sinine Äratus) et du Parti populaire conservateur d'Estonie (EKRE). Il est également membre du Parlement estonien depuis 2019, où il appartient à la commission des affaires étrangères et préside le groupe chargé de plancher sur la liberté d'expression. À part cela, je ne sais pas grand-chose de lui, ce qui en dit plus sur mon ignorance des affaires relatives au nationalisme est-européen que sur l'étendue de ses activités.

Les images que nous trouvons de ce théoricien et parlementaire révèlent un jeune homme joyeux qui lui donne l'air d'un artiste excentrique, doté d'une sensibilité qui se retrouve dans ce livre sous la forme d'une confiance rhétorique excentrique et irrépressible. Kaalep a écrit Rebirth of Europe avec August Meister, qui semble être le pseudonyme d'un écrivain balte, expert en histoire et en politique, entre 2015 et 2017. Tous deux sont clairement talentueux, cultivés et bien formés. Bien que nous soyons maintenant près de quatre ans après la rédaction finale du texte, celui-ci n'a pas du tout vieilli puisqu'il s'abstient de discuter des menus détails de la politique contemporaine (il n'y a qu'une ou deux références fugaces à Trump, par exemple) au profit d'une vision beaucoup plus grande et plus large de la scène politique mondiale.

Rebirth of Europe est un texte court mais incroyablement subtil d'une centaine de pages, divisé en trois chapitres. Le premier chapitre, "La lutte de notre temps", est une description succincte des causes fondamentales et des manifestations patentes du déclin européen. Le deuxième chapitre, "Ethnofuturisme", est un appel à une politique ethnonationaliste prête à accepter pleinement la technologie et à avancer dans l'histoire. Le troisième chapitre, "Les aspects géopolitiques de l'ethnofuturisme", offre une vue d'ensemble des perspectives d'avenir de l'ethnonationalisme européen sur la scène internationale.

Le livre s'ouvre sur un grand style philosophique qui, dans son appel au "principe organique", m'a quelque peu rappelé l'ouverture d'Imperium de Yockey. Ce que le premier chapitre décrit pour l'essentiel, c'est l'état spirituel et politico-culturel d'une civilisation en crise. La crise européenne, comme nous ne le savons que trop bien, se déroule à de multiples niveaux, les Européens étant confrontés à l'emballement de la technologie, à des concepts d'individualisme renégats, à une migration de masse, à une subversion calculée, à la trahison et à la corruption internes, et à la perte de tout lien avec le passé. Ce dernier point est l'une des principales préoccupations de Kaalep et Meister, la solution proposée étant une tentative d'arraisonner l'avenir tout en intégrant des éléments du passé, en évitant les dérapages nostalgiques simplistes.

Dans un sens large, il s'agit d'une idée peu originale, et je veux dire par là que je félicite les auteurs plutôt que de les dénigrer. Ce que je veux souligner, c'est qu'une telle proposition ne doit pas être considérée comme du charlatanisme, ni même comme une pensée propre à une chapelle émanant de la marginalité politique. L'un des représentants les plus impressionnants et les plus profonds de cette approche est Keiji Nishitani (1900-1990), un disciple japonais de Martin Heidegger et l'un des principaux philosophes des religions du XXe siècle [1], qui s'est immergé profondément dans la philosophie européenne, et lui a témoigné un grand respect, tout en s'interrogeant sur ce que le modernisme et la technologie de l'Occident signifieraient en fin de compte pour sa propre civilisation.

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Ce questionnement a finalement conduit Nishitani à s'opposer farouchement aux tendances nihilistes de la modernité européenne/occidentale (voir, par exemple, son ouvrage The Self-Overcoming of Nihilism), et à proposer quelque chose qui ressemble remarquablement à l'archéofuturisme défendu plus tard par feu Guillaume Faye et, en fait, par Kaalep et Meister dans le volume que je recense ici. Dans une série de conférences données à l'Association bouddhiste Shin à Kyoto entre 1971 et 1974, Nishitani a élaboré du sens face à la confrontation entre la culture japonaise et ces éléments du modernisme occidental que nous décririons aujourd'hui simplement comme le globalisme [2].

Nishitani a rejeté l'individualisme extrême, qui considère le Soi comme à la fois singulier et autonome - par opposition à singulier mais intégré dans une communauté et un héritage. Associée à la science et à la technologie, ainsi qu'à un matérialisme effréné, la vision individualiste extrême du Soi conduirait, selon Nishitani, à l'effondrement de toutes les relations humaines interpersonnelles significatives. L'athéisme matérialiste, incapable de placer l'individu dans le contexte plus large de l'univers comme lieu divin et source créatrice, conduirait à l'atrophie totale de la culture et à la régression de l'humanité. Le professeur Robert Carter, un spécialiste de Nishitani, souligne que:

    La stratégie [de Nishitani] n'est pas de préconiser un retour au passé, car il est catégorique sur le fait que le passé est à jamais figé et hors de portée. Néanmoins, en tant qu'êtres humains, nous portons le passé en nous de bien des façons, et il nous incombe d'insuffler une nouvelle vie et une nouvelle signification à la tradition, alors qu'elle est façonnée et remodelée par la science, la technologie et les cultures occidentales. Il est partisan du changement, mais d'un changement qui n'oublie pas de porter son passé vers l'avenir comme un ingrédient du "mélange de sens" qu'une vie de qualité exige toujours. La personne authentique est celle qui vit dans le présent avec un œil sur le passé et un autre sur l'avenir, sur l'espoir et les possibilités. Nishitani pense que ce que l'on attend de nous dans le monde moderne et postmoderne, c'est que nous détruisions et reconstruisions simultanément notre mode de vie traditionnel à la lumière des changements induits par le siècle dans lequel nous nous trouvons. Cependant, nous ne devons pas simplement rejoindre les laïcs qui ont abandonné la religion et une grande partie de la tradition. Ils vivent aveuglément, au gré des tendances et des modes du moment. De plus, ils ont accepté et préféré un nihilisme omniprésent qui leur fait comprendre de manière rationnelle la vérité de la condition humaine et, ce faisant, ils ont perdu toute conscience d'un arrière-plan métaphysique et spirituel durable par rapport au premier plan matérialiste et nihiliste, appauvri, de nos existences.

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Nishitani, qui suscite aujourd'hui une extrême prudence de la part des chercheurs contemporains en raison de son utilisation fréquente de l'allemand pour désigner "le sang et la terre" (Blut und Boden) et de son affirmation selon laquelle seules les civilisations européenne et est-asiatique peuvent être considérées comme prééminentes au niveau mondial [3], élabore une sorte d'ethnofuturisme sous forme poétique, en utilisant l'analogie du cerf-volant :

    Elle concrétise ce qui vient d'être dit sur l'importance de la tradition pour avancer vers un nouvel avenir, et rencontrer de nouvelles circonstances, tout en restant fidèle au passé. ... Comme un cerf-volant, le Japon a pu maintenir un cap stable, grâce à la "queue" de la tradition qui a servi à stabiliser son vol dans les vents du changement, tout en étant enraciné ou ancré par la "corde" de sa culture profonde. Un cerf-volant qui n'a pas le poids de la tradition et de l'enracinement ne fait que danser sauvagement, s'empêtrant dans les branches des arbres, ou s'écrasant au sol, ou encore se détachant complètement et perdant son passé distinctif. Ce qui a fait du Japon un pays capable de s'adapter à sa propre modernisation de haut niveau, ce sont ses traditions profondément enracinées. Il en résulte une forme de progrès plus équilibrée et plus stable [par rapport à celle observée en Occident]. Lorsqu'un vent violent souffle, la force de la tradition doit être mise à contribution. Mais... on ne peut pas faire voler un cerf-volant si sa queue est trop lourde. Il est de la plus haute importance de trouver un équilibre entre ces deux inclinations : vers la modernisation et le changement, et vers la tradition.

La lutte de notre temps

Dans Rebirth of Europe, Kaalep et Meister font presque exactement écho aux sentiments de Nishitani et commencent leur texte en avançant l'argument selon lequel le "cerf-volant" européen s'est vu couper la ficelle et la queue, ce qui l'entraîne dans une spirale de chaos. Ce chaos est cultivé par des éléments mondialistes qui veulent couper les liens de toutes les nations avec leur histoire et leurs traditions et tentent d'écraser les patrimoines génétiques uniques des différents peuples en les recouvrant d'une culture totalitaire commune tissée de conformité. Kaalep et Meister insistent sur le fait que "au XXIe siècle, le conflit fondamental oppose le mondialisme et le nationalisme. ... La lutte de notre époque ne se manifeste pas tant comme une guerre avec des rangées de tombes entourées de coquelicots et avec des charges de cavalerie, mais comme une lutte culturelle. Le monde doit soit devenir un, dirigé par une culture de masse totalitaire, soit redevenir multiple - une diversité d'ethno-états uniques". Le couple affirme que "le véritable ethnonationaliste se soucie de toutes les nations, et le principe de l'ethnonationalisme vise à fournir à chaque nation une patrie. Le nôtre est donc une rébellion contre les principes du libéralisme, qui considère que chaque pays appartient à tout le monde - et donc à personne. Le nationalisme cherche à sauver le monde".

41M3Z1gBvXL.jpgAu cœur de leur manifeste se trouve ce que Kaalep et Meister appellent "le principe organique", qui implique - une fois de plus en écho aux philosophies est-asiatiques de Nishitani et de l'école de philosophie de Kyoto à laquelle il était associé (mais avec des inflexions nietzschéennes et européennes pré-modernes) - "un principe de base non-duel de l'existence - la plus haute unité possible, au-delà du bien et du mal, qui intègre à la fois la réalité spirituelle et physique". Bien que cette rhétorique soit un peu trop tête en l'air à mon goût, elle est entrecoupée d'un langage suffisamment clair pour permettre à un lecteur peu familier avec la philosophie en question de retenir le message principal. En bref, Kaalep et Meister soutiennent que:

   Notre monde est un combat permanent entre les forces spirituelles et physiques, entre les identités, les religions, les cultures, entre "nous" et "eux". Au fur et à mesure que la vie s'étend, elle surmonte les résistances, elle devient plus complexe et inégale, et le conflit et la lutte sont donc des contreparties de la vie elle-même. ... Cette dialectique pourrait très bien être appelée le "cercle de la vie". La vie existe dans le mouvement, la différenciation et l'inégalité. ... L'inégalité universelle est un facteur qui permet au monde d'être dynamique et d'évoluer, en donnant à chacun une chance de trouver sa place dans le tout organique. C'est le principe de non-discrimination de l'État organique, qui s'oppose à l'humanisme mécaniste, selon lequel l'individu est considéré comme "un rouage de la machine", remplaçable selon les besoins d'un projet de super-État ou les besoins du marché.

Kaalep et Meister consacrent une section intéressante à la hiérarchie dans les sociétés européennes historiques, en réfléchissant au fait que, si les anciens systèmes de castes sont aujourd'hui très décriés, ils étaient en fait transparents et socialement satisfaisants. Par contraste, nos élites d'aujourd'hui prospèrent sur le fait que,

    Les hiérarchies mécanistes modernes sont secrètes et fondées sur un "mérite" purement matériel. ... Elles n'ont de comptes à rendre à personne, mais l'influence des niveaux supérieurs sur les niveaux inférieurs est totalitaire et sans aucun sens de la responsabilité éthique. Une hiérarchie verticale du pouvoir est établie ; les liens horizontaux sont affaiblis par des conflits internes et une idéologie de haine mutuelle, de compétition et d'individualisme, qui renforce le pouvoir des niveaux supérieurs. Le paradoxe aujourd'hui est le suivant : dans les conditions de l'idéologie de l'"égalité" totale, une quantité historiquement sans précédent de pouvoir appartient à ceux d'"en haut" par rapport à ceux d'"en bas". L'unicité historique de ce fait est liée au fait qu'aujourd'hui les technologies modernes et les moyens de communication de masse permettent un degré maximal de manipulation des masses d'hommes cosmopolites.

Kaalep et Meister, cependant, rejettent le pessimisme ou le désespoir, voyant dans l'accélération du libéralisme mondialiste simplement l'accélération nécessaire qui mènera à l'effondrement civilisationnel - une condition préalable à la renaissance. Pour les auteurs, "la renaissance de la civilisation est une possibilité toujours présente qui doit être comprise et réalisée". Ils insistent sur le fait que "le noyau métaphysique de notre civilisation et sa tradition intégrale, qui est profondément ethnique, se trouve actuellement en dessous, attendant le bon moment pour briser les structures artificielles de la civilisation postmoderne". Cette renaissance ne se caractérisera pas par un rejet total de la modernité, mais par la soumission de ses éléments mécanistes au principe organique: "la tâche de l'avenir est de dompter ces forces éveillées et de les mettre au service d'un objectif plus élevé - la création d'une nouvelle culture et d'un nouvel homme dont les racines restent profondément ancrées dans le sol européen et dont les yeux sont à nouveau tournés vers le ciel." Le livre procède à un examen détaillé du libéralisme en tant qu'idéologie mécaniste. On nous dit que "le libéralisme en tant que théorie est inséparable du mondialisme en tant que pouvoir" et qu'il se caractérise par une "révolution permanente" contre les traditions, les normes culturelles et la vie elle-même.

Le texte passe ensuite à une dénonciation approfondie, et plutôt excellente, du conservatisme, tout en incorporant et en critiquant les idées d'Edmund Burke, de Joseph de Maistre et de Nietzsche. L'accent est mis sur le fait que le simple conservatisme est une stratégie perdante puisque son exigence finale de garder les choses "telles qu'elles sont" conduira toujours à la décadence et au nihilisme. La seule voie véritable et naturelle à suivre est de s'engager dans une contre-révolution qui synthétise "les meilleurs éléments de la modernité et de la tradition".

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Il va sans dire que Kaalep et Meister sont très favorables à la technologie, ce qui va à l'encontre de ceux qui, dans nos cercles, tendent davantage vers le type de pensée exposé par Ted Kaczynski et Pentti Linkola, ou vers les critiques de la pensée technologique que l'on peut trouver dans les écrits de Martin Heidegger ou Jacques Ellul. Je me compte parmi ceux que l'on pourrait décrire, au minimum, comme étant méfiants à l'égard du progrès technologique, ou du moins comme doutant de ses perspectives de progrès incessant étant donné la limitation éventuelle des ressources naturelles et le coût environnemental et social croissant de l'expansion technologique, en particulier entre les mains d'une élite mondialiste déterminée à imposer un État de surveillance et à imposer une conformité de masse. Même en dehors de certaines questions éthiques soulevées, par exemple, par la production génétique des êtres humains, la contamination massive de nos réserves d'eau par des produits chimiques industriels toxiques, qui a entraîné une baisse de la fertilité et des mutations dans le monde entier, devrait fournir à toute personne raisonnable une raison suffisante pour réfléchir sérieusement à ces problèmes actuels.

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Cela dit, les considérations géopolitiques exigent que l'Europe/l'Occident reste au moins compétitif dans la sphère technologique, ce qui signifie que nous sommes probablement, dans un avenir prévisible, enfermés dans la course aux armements technologiques. Puisque nous ne pouvons pas nous en extraire, nous pouvons tout aussi bien tenter d'en prendre la tête. Dans ce cas, le problème qui se pose est celui de l'impact potentiel sur la nature de notre civilisation. Kaalep et Meister suggèrent que nous explorions les moyens de "relier la technologie moderne à l'ancienne façon d'être la plus inhérente à l'homme". Cela ressemble certainement à un idéal, mais à quoi cela ressemble-t-il en termes pratiques? Les auteurs n'offrent aucune réponse, mais je suppose que l'important est qu'ils mettent la question sous les projecteurs.

Le premier chapitre du livre se termine par un regard sur "le totalitarisme de la nouvelle gauche et le déclin de l'Occident". Les lecteurs de The Occidental Observer ne trouveront rien de particulièrement nouveau dans ce chapitre, mais certaines tournures de phrases mémorables résument très bien la situation dans laquelle nous nous trouvons :

    Pour ce nouveau totalitarisme, les nations et les peuples sont considérés comme des obstacles qui doivent être éliminés et remplacés par un nouvel ordre mondial. ... Le monde le plus avantageux pour l'élite mondiale est celui où la valeur la plus élevée est l'individu, mais l'individu lui-même est libéré, avec l'aide du postmodernisme, de tout sens, de toute signification et de tout contexte plus large, et se retrouve isolé et vulnérable.

Après la Seconde Guerre mondiale, les populations occidentales ont été "bernées par les promesses de prospérité économique et d'innombrables libertés, remarquant rarement que la liberté de rester qui vous êtes n'était pas sur la table." De façon magistrale, nos auteurs écrivent

    Les gouvernements et les entreprises sont devenus gigantesques et inhumains, mais la démocratie dans les questions essentielles ne fonctionne tout simplement pas. En effet, là où elle est tentée, cette sorte de démocratie ne sert qu'à aliéner davantage l'homme. La conséquence générale est un sentiment universel de vide et de stress pour les humains qui ont déjà perdu tout lien avec la nature et tout contrôle sur le processus technologique. Les humains qui ne remplissent plus que le rôle de travailleurs-employeurs cherchent leur identité dans les tendances de la mode d'un jour offertes par la culture de consommation. Cette culture crée des humains incapables de réagir les uns avec les autres en tant que personnalités matures. L'illusion d'une "révolution de la jeunesse" constante est créée, alors que les jeunes ne font que recréer passivement les modèles de comportement proposés par les élites mondialistes ; ils font à leur tour partie des tendances générales du système.

Plus loin,

    Nous avons même perdu la trace de qui nous sommes, car aucune véritable identité ne peut exister dans une société de consommation. En apparence, tout le monde peut être spécial, libéré de tous les carcans de la tradition ; chacun peut s'identifier comme qui il veut. Ainsi, on ne naît pas avec une identité particulière. Si tout le monde peut être français, personne ne l'est vraiment. Lorsque le libéralisme parle de diversité, il vise en réalité à effacer toutes les distinctions. Lorsqu'il parle de multiculturalisme, il vise à créer un melting-pot mondial où aucune culture ne survit.

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Dans sa dernière attaque contre la culture européenne, le libéralisme organise le remplacement physique des Européens par des personnes issues d'autres cultures. "C'est l'immigration de masse en nombre catastrophique". Mais avec ce pari, le libéralisme "est proche de sa grande finale". Nos auteurs insistent sur le fait que le libéralisme se consumera lui-même dans le processus, et qu'il est "sur le point de devenir une notion absurde, où même les valeurs qu'il a lui-même défendues commencent à être reconstruites par son idéologie métamorphosée". À ce moment-là, nous trouverons "notre chance de commencer un nouveau cycle culturel européen qui façonne son histoire pour de nombreux siècles à venir. Les libéraux seront impuissants à l'arrêter. Ils deviendront alors des conservateurs, refusant obstinément d'accepter la nouvelle réalité dans laquelle les nationalistes vont s'engager." Ce nationalisme devra être d'un type totalement nouveau : l'ethnofuturisme.

Ethnofuturisme

L'ethnofuturisme est un type de nationalisme qui transcende l'égoïsme national. Il ne cherche pas simplement à "conserver", car cela implique une défense statique alors que "la vie n'existe que dans le mouvement". Il trouve toutefois ses racines dans la révolution conservatrice proposée en Allemagne au début du XXe siècle et cherche à promouvoir une renaissance des "archétypes de la civilisation occidentale et des formes de vie oubliées qui ont formé notre civilisation en premier lieu". Les politiques d'immigration désastreuses, qui sont devenues un élément unificateur pour tous les nationalistes européens, signifient que l'Europe dans son ensemble "sera obligée de revenir aux valeurs traditionnelles et au nationalisme pour survivre." L'Amérique sera de plus en plus accablée par les conflits ethniques, mettant fin au "rêve américain" de construire une société dans laquelle l'héritage ancestral ne joue aucun rôle - "mais c'est inévitable, car une civilisation qui nie ces vérités fondamentales sera toujours vouée à l'effondrement." Kaalep et Meister poursuivent ,

    La base fondamentale d'une nouvelle Europe doit être le nationalisme ethnique. Cela signifie que l'importance d'une nation en tant que tout organique doit être maintenue. ... En outre, la nature et les paysages de l'Europe doivent être préservés, car ils sont essentiels au patrimoine culturel et aux différences entre les peuples. La survie démographique de chaque nation doit être assurée par des politiques gouvernementales.

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Alors que l'Europe occidentale risque de subir des dommages catastrophiques dus à l'immigration massive et à la guerre civile qui s'ensuivra inévitablement, "cette nouvelle Europe - et le nouvel Occident - pourrait avoir pour centres de sa culture Budapest, Varsovie et Tallinn. En maîtrisant ses processus démographiques et en ne les laissant pas entre les mains du libéralisme, la nouvelle Europe sera réellement capable de rivaliser économiquement et culturellement avec le reste du monde... Après avoir sécurisé son ethnē, le destin de l'Europe au XXIe siècle sera décidé par l'eugénisme national, et actuellement, seule la Chine semble avoir un état d'esprit approprié." La Hongrie est louée pour son récent programme de construction d'un réseau de chemins de fer à voie étroite qui met l'accent sur la vie à la campagne, et dont aucune multinationale n'a à tirer profit. Nos auteurs soulignent qu'il s'agit là "d'un signe de l'une des tâches les plus ethnofuturistes jamais développées par un pays au 21e siècle. La technologie moderne et la rapidité permettent de combiner les avantages de la ville et de la campagne."

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Kaalep et Meister sont d'accord avec mon affirmation selon laquelle nous sommes plus ou moins enfermés dans une course aux armements technologiques. Ils soulignent que les progrès de la biotechnologie et des nanomatériaux ont "le potentiel de changer l'économie et la guerre d'ici la fin du siècle au-delà de toute reconnaissance. ... Se battre contre une telle technologie serait voué à l'échec et même dangereux. Le premier gouvernement, société ou groupe qui maîtrisera la biotechnologie aura inévitablement un énorme avantage sur tous ses rivaux." Les nationalistes européens doivent travailler ensemble car, à la fin du siècle, "le contrôle de la technologie doit être entre les mains des ethnonationalistes, et non des mondialistes, à supposer qu'ils aient survécu si longtemps."

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De là, le texte passe à l'élaboration des raisons de rejeter toute alliance avec le conservatisme économique de type Buckley, dominant aux États-Unis parmi les républicains, et de rejeter la Nouvelle Droite associée à Alain de Benoist qui s'est formée dans la France des années 1960. Les auteurs reprochent à cette dernière de promouvoir "des idées abstraites sur les communes organiques et les droits des personnes à conserver leur identité", car cela "peut conduire à l'approbation du multiculturalisme." La Nouvelle Droite est également attaquée pour avoir dépensé "une grande partie de son énergie à lutter contre le christianisme", s'aliénant ainsi une partie importante de sa base de soutien. La Nouvelle Droite est également fortement critiquée pour son soutien à l'URSS et son antiaméricanisme strident, ainsi que pour avoir négligé de développer une théorie politique claire et une pratique correspondante. Kaalep et Meister rejettent l'idée que nous pouvons concentrer nos efforts sur la conquête d'une hégémonie culturelle sans apporter de résultats pratiques, en ne produisant que des publications et des conférences sans fin qui apportent un riche matériel intellectuel sans apporter de réels changements dans la vie des Européens.

Les aspects géopolitiques de l'ethnofuturisme

Ma section préférée de Rebirth of Europe est le dernier chapitre, qui offre un aperçu fascinant de la spéculation informée sur notre avenir en devenir. Le chapitre s'ouvre sur l'affirmation selon laquelle

    nous revenons à la situation qui a précédé la révolution industrielle, dans laquelle la force économique sera déterminée par les ressources naturelles et démographiques, parce que le développement technologique sera fondamentalement le même pour toutes les nations du monde. Cela implique l'inévitabilité de la multipolarité et le retour au statut de superpuissance pour des civilisations comme la Chine et l'Inde.

Kaalep et Meister voient, dans la fin de l'hégémonie américaine, la fin du matérialisme mécaniste occidental qu'elle symbolise. De même, ils dénoncent l'idée eurasiste d'Alexandre Douguine car elle "ne peut pas fonctionner". La Russie n'est capable de combattre le marxisme culturel que dans les slogans, mais pas dans la pratique. La Russie "surpasse la décadence occidentale, avec des taux impressionnants d'avortements, d'alcoolisme et de toxicomanie, que son régime politique n'a pas pu, ou n'a pas voulu, arrêter. ... Les enfants des politiciens russes vivent à l'Ouest, et la culture de la Russie elle-même est surchargée d'émissions de télé-réalité et de culture de masse vulgaire."

Kaalep et Meister ajoutent,

    Ce ne seront ni la Russie ni les États-Unis qui dirigeront l'avenir ; nous pouvons plutôt nous attendre à une nouvelle ère du Pacifique avec la Chine et l'Inde qui regagnent leur influence. Ces pays, au moins, ne seront pas libéraux, pacifistes ou humanistes - ils utiliseront les percées scientifiques au service de leur grandeur politique. Par conséquent, les peuples européens devront changer leur vision du monde afin de survivre dans cette nouvelle compétition, où nous perdons à chaque instant que nous faisons partie d'un système libéral, haineux et autodestructeur.

Il y a une section très intéressante concernant l'expérience nationaliste dans les États baltes, qui est soulignée par un très fort sentiment de fraternité européenne. Lorsque Kaalep et Meister affirment que les nationalistes baltes feront tout leur possible s'ils sont appelés à défendre les frontières méridionales de l'Europe ou l'intégrité démographique des nations d'Europe occidentale, on perçoit la plus grande sincérité.

Les remarques finales du livre, plutôt émouvantes, portent sur le devoir et la mort, conclusion de tout cheminement spirituel. "En fin de compte, mener un combat qui semble déjà perdu dès le départ est la seule chose à faire, précisément parce que rien d'autre ne compte. Rien ne compte plus que cela." Nos auteurs terminent en soutenant que,

    Dans la situation actuelle de la civilisation occidentale, qui semble connaître une chute irréversible, s'arrêter n'est pas une option. Il ne s'agit pas seulement d'une question d'idéologies politiques, mais de la logique interne d'une culture. La seule chose qui reste à nos nations est de survivre à cette chute. Plus important encore, nos gènes et les traditions qui portent notre plein potentiel doivent survivre. Car la mort et la destruction de l'Occident, provoquées par le libéralisme, s'approchent toujours plus de leur objectif singulier. Lorsqu'elle atteindra un certain point, ce sera notre chance. Ce sera le moment d'un véritable retour aux sources, un retour sans jamais se retourner. Lorsque le monde occidental célébrait la diversité et le multiculturalisme, nous prévoyions sa destruction catastrophique par ses propres moyens. De plus, lorsqu'il commencera à paniquer devant la catastrophe qu'il n'a pu éviter, il sera alors temps pour nous de construire une nouvelle civilisation européenne. La boucle sera bouclée.

Remarques finales

Rebirth of Europe est un document rafraîchissant et optimiste qui, pour un livre d'une longueur aussi modeste, est bien au-dessus de son poids. Il présente une profondeur, une ampleur et une clarté de compréhension philosophique qui sont souvent rares dans des textes de cette nature, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il donne à réfléchir. Les questions qu'il soulève exigent l'attention et l'action de toute personne concernée par la cause ethnonationaliste.

AVT_Keiji-Nishitani_1716.jpgReste à savoir si l'ethnofuturisme est une voie fiable à long terme. À part la Chine peut-être, voyons-nous vraiment dans le monde actuel un exemple de pays qui a réussi à maintenir des éléments significatifs de la culture traditionnelle tout en plongeant tête baissée dans le développement technologique ? Pour ma part, je suis sûr que si Keiji Nishitani avait prononcé ses conférences aujourd'hui, quelque 50 ans après s'être adressé à l'Association bouddhiste shin, il aurait peut-être été plus prudent dans son plaidoyer pour laisser le "cerf-volant" national s'envoler dans le vent du changement. Le Japon d'aujourd'hui est peut-être superficiellement stable et technologiquement avancé, mais il est en proie depuis des décennies à une faible fécondité et à des taux de suicide élevés, ainsi qu'à une marginalisation croissante de ses traditions et de ses religions.

Le train fou de la modernité industrielle pourra-t-il un jour être suffisamment apprivoisé pour être conduit par la tradition ? Cela reste à voir. À ce problème s'ajoute, bien sûr, la question des éléments étrangers ancrés dans l'Occident qui s'emploient à faire en sorte que "la corde et la queue" du "cerf-volant" européen restent à jamais coupées. Comment un mouvement national peut-il reconnecter un peuple avec son histoire et ses traditions tout en abritant des factions qui veulent que ces mêmes traditions et histoires disparaissent à jamais ou soient définitivement ternies par la honte ? Peut-être le seul réconfort que nous pouvons tirer est, comme Kaalep et Meister le soulignent, le fait que même dans la catastrophe il peut y avoir une opportunité.

Notes:

[1] Voir, par exemple, son monumental Religion et néant.

[2] Pour les conférences complètes, voir K. Nishitani, On Buddhism (New York : State University of New York Press, 2006), 18.

[3] G. Parkes, " The Putative Fascism of the Kyoto School and the Political Correctness of the Modern Academy ", Philosophy East and West 47, no. 3 (1997) : 305-36. Pour une exploration plus biographique de l'anti-marxisme et du traditionalisme au sein de l'école de Kyoto, voir K. Nishitani, Nishida Kitaro : The Man and His Thought (Nagoya : Chisokudo Publications, 2016).

 

dimanche, 01 août 2021

De Covadonga à la nation espagnole : l'hispanité selon une interprétation spenglerienne

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Recension :

De Covadonga a la nación española. La hispanidad en clave spengleriana (De Covadonga à la nation espagnole. L'hispanité selon une interprétation spenglerienne), de Carlos X Blanco

De Covadonga à la nation espagnole: l'hispanité selon une interprétation spenglerienne

Ex: https://www.hiperbolajanus.com/2021/07/de-covadonga-la-nacion-espanola-la.html?m=1

9788494959646-fr.jpgL'ouvrage que nous allons recenser, De covadonga a la nación española, de Carlos X Blanco, possède déjà un titre suffisamment suggestif qui invite à la lecture et suscite un grand intérêt, surtout quand on lit le sous-titre qui l'accompagne, "La hispanidad en clave spengleriana"; dans l'introduction Robert Steuckers commence déjà à exposer certaines des idées qui seront développées tout au long du livre. Dès le départ, une dualité décisive s'instaure dans la configuration toujours actuelle que l'Espagne acquerra au fil des siècles, une empreinte indélébile qui a conditionné le développement de la plus ancienne nation d'Europe occidentale, cette dualité apparaît clairement, avec l'existence de deux pôles ou deux âmes, de deux visions du monde opposées et conflictuelles : d'une part, celle représentée par les peuples du nord-ouest de la péninsule, pionniers et artisans des premières étapes de la Reconquête depuis le Royaume des Asturies, marquée par la présence d'un important élément celto-germanique, également romanisé mais sans le poids décadent et crépusculaire des civilisations précédentes, et d'autre part, les peuples hispano-romains du Levant et du sud de la péninsule, qui sont tombés sous la domination arabe et ont pris forme sous un modèle de civilisation différent, marqué par l'influence de civilisations disparues ou tombées en déclin, comme les civilisations romaine, byzantine ou arabe. C'est précisément cette antithèse qui forme la colonne vertébrale du livre, dans lequel l'auteur, Carlos X Blanco, utilise les théories et les interprétations du célèbre philosophe allemand de l'histoire Oswald Spengler et de son œuvre monumentale Le déclin de l'Occident. 

Cependant, cet essai ne reste pas une simple analyse des contraires qui ont marqué l'histoire espagnole, mais nous fournit, au fil des pages, un schéma d'idées assez précis pour délimiter l'histoire de l'Espagne depuis ses débuts jusqu'à nos jours en fonction des catégories de la pensée spenglerienne. Il nous avertit également que nous devons comprendre les approches du philosophe et historien allemand dans leur contexte, avec toute sa terminologie et ses méthodes d'interprétation, tout en tenant compte des limites et des erreurs qu'il a pu commettre dans son travail tout au long de sa carrière intellectuelle. Il convient également de noter comment, dans la dernière partie du livre, il est fait référence à José Ortega y Gasset, que notre auteur décrit comme "le Spengler hispanique" pour sa vision plus élaborée des problèmes et des solutions possibles au problème espagnol et pour "sa compréhension du fait national". 

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Revenons à l'antithèse entre ces deux modèles de civilisation qui s'enracinent dans l'Espagne de l'Antiquité tardive et du haut Moyen Âge, dans une sorte de dualité qui, à la lumière de la pensée spenglerienne, permet de distinguer parfaitement les concepts antagonistes de "culture" (Kultur) et de "civilisation" (Zivilisation) si caractéristique de son approche. La culture représente l'état d'apogée vital, des grandes conquêtes et des réalisations historiques qui déterminent un type humain audacieux et particulièrement doué, qui deviendra l'archétype de la culture faustienne, qui dans le cas hispanique se reflète dans le nord-ouest de la péninsule, dans les territoires inclus dans le royaume asturien, et qui représente la tendance qui sera hégémonique dans le reste de l'orbe européen sous le christianisme faustien et où la présence de l'élément germanique sera fondamentale.

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La base fondatrice du royaume asturien était constituée d'Asturiens, de Cantabres et de Goths appartenant à la petite noblesse qui avaient fui l'avancée musulmane, se réfugiant dans les montagnes du nord. De cette union des peuples, de cette ethnogenèse, pour reprendre la terminologie de l'auteur, est né un nouveau peuple, une nouvelle culture au sens spenglerien. C'est un peuple avide de conquête, avec une conscience claire et sûre de la nécessité de chasser l'envahisseur maure et infidèle de la péninsule et d'être le porteur de l'Imperium. C'est par le début du processus de la Reconquête que se crée la nation espagnole, dont le point de départ est les Asturies, qui trouvera plus tard une continuité dans les actions de la Castille.

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En ce qui concerne l'hégémonie castillane, l'auteur cultive un certain préjugé à son égard, car elle représenterait un "concept métis et douteusement chrétien" qui a vécu son multiculturalisme de manière traumatique, avec pour conséquence les expulsions de Juifs et de Maures, l'Inquisition et l'intolérance. Tout cela était dû, selon notre auteur, au manque d'homogénéité sur le plan ethnique et religieux en raison d'un problème d'identité. En revanche, le Nord-Ouest représentait une société plus homogène sur le plan ethnique et religieux, avec son empreinte celto-germanique, beaucoup plus comparable au reste de l'Europe. En ce sens, peut-être devrions-nous nous tourner vers certains essais qui, depuis des années, ont contribué, avec une sorte de révisionnisme, à dissiper certains clichés et préjugés qui obscurcissaient l'histoire de l'Espagne dans ses siècles d'or, comme Elvira Roca Barea ou Iván Vélez, pour citer les plus importants. 

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Un autre des aspects déterminants signalés par rapport au Nord-Ouest est l'absence de villes, un environnement à prédominance rurale, dominé par la vie paysanne et villageoise libre, dans ce qui constitue l'axe principal du développement de la culture spenglerienne, et qui s'enracine et prospère sur le territoire, s'intégrant au paysage, se constituant ainsi comme une unité vivante assimilable à l'élément végétal, un conglomérat de peuples producteurs-conquérants. C'est le contraste évident avec l'homme antique et méditerranéen, l'homme du sud qui vit dans la ville, un produit de la civilisation, lorsque la culture perd son souffle vital et finit par se scléroser. Les habitants de ces villes sont les héritiers d'une civilisation qui fut en plein déclin, vieillie, produit de la pseudo-morphose romaine. Ils sont le sous-produit dégradé d'un modèle capitaliste urbain, esclavagiste, qui asservit et détruit les campagnes. Une nouvelle antithèse naît précisément de l'opposition entre la campagne et la ville, et elle est représentée par deux types d'âme différents : l'âme magique, typique de l'homme méditerranéen romain tardif, et l'âme faustienne des peuples du Nord-Ouest, ce qui explique en grande partie les attitudes différentes des uns et des autres face à l'invasion musulmane de 711.

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Le nouveau peuple né dans les montagnes cantabriques, avec son élément celto-germanique, montre les éléments vivants d'une culture faustienne, totalement indo-européenne dans sa formulation, avec le besoin de hiérarchies militaires dans une phase de vie très différente de l'hispano-romaine méridionale, et qui n'a rien à voir avec un quelconque élément de nature quichottesque, avec tout romantisme qui est explicitement rejeté par Spengler lui-même, comme cela se produira peut-être plus tard sous l'Empire, avec l'illusion de gouverner selon les postulats de la politique en ignorant les autres variables économico-matérielles, car ce qui compte dans l'histoire, ce sont les faits, matérialisés par les entreprises politiques dans leur ensemble. Dans ce cas, les rois asturiens ont effectivement assumé le passé mythique du royaume gothique déchu afin de prendre conscience de leur mission de propriétaires légitimes des terres usurpées par l'envahisseur sarrasin. Et la noblesse qui a émergé de ces terres était la quintessence de la classe villageoise que Spengler désigne comme la base fondamentale de toute culture faustienne. En même temps, comme toute culture faustienne, elle était fondée sur le principe dynastique et du sang, protégé dans le temps, l'aire de domination de tout principe aristocratique propre à la classe primordiale de la noblesse. 

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Mais le discours de Carlos X Blanco ne se limite pas aux débuts de la Reconquête, il comprend également un examen de l'histoire de l'Espagne dans son ensemble, comme nous l'avons noté dans les premières lignes de notre compte rendu. Le XVIIIe siècle, avec les Lumières et les grands changements et transformations politiques qui ont annoncé l'avènement de la modernité, surtout depuis la Révolution française, nous a présenté une Europe vieillissante, malade et en décomposition. Dans le cas de l'Espagne, à laquelle Spengler n'attache pas trop d'importance dans ses idées, bien qu'il reconnaisse qu'elle a fait partie d'une culture faustienne sous la figure du soldat et du conquérant, mais il croit qu'elle est passée. 

Avec la révolution industrielle, les archétypes du prolétaire et du bourgeois sont venus remplacer les précédents marqués par l'héritage et la lignée dans le monde agricole. Dès lors, le processus de dégénérescence est marqué par le triomphe de l'individualisme, du libéralisme, du démocratisme et par le triomphe de la ville sur la campagne. Avec tous ces éléments est venu l'avènement du matérialisme extrême, le triomphe de l'abstrait sur le concret, le pouvoir des grandes masses, de l'ochlocratie et le discours du marxisme, à l'égard duquel Spengler s'est livré à des préjugés idéologiques contre le prolétaire, en opposition ouverte, selon Spengler, au paysan, une populace envieuse et un détritus de la ville.

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Le début de la modernité, après 1789, est aussi la fin des nations, le début du jacobinisme centralisateur et la dénaturalisation des peuples dont les membres deviennent des citoyens, totalement inorganisés et atomisés. Et il est important de noter ici la différence entre peuple et nation, si souvent confondue à notre époque moderne, et qui dans le second cas correspond au légalisme et au vernis du constitutionnalisme, alors que le premier est une unité naturelle au-dessus des classes et des formalismes bourgeois. Cette dérive vers le bas s'accentue avec le temps jusqu'à atteindre le capitalisme d'entreprise d'aujourd'hui, avec une Europe géopolitiquement inopérante et devenue politiquement inexistante après la Seconde Guerre mondiale.

Après la guerre froide, l'Europe et ses démocraties libérales, qui ne sont rien d'autre que des ploutocraties, tournent le dos à leur histoire et tentent de se couvrir de ce vernis légaliste à travers des constitutions, des lois et la doctrine des soi-disant "droits de l'homme", et voilà la distinction spenglerienne entre les "vérités" (doctrines, idées, etc.) et les faits déterminés par la factualité même de l'histoire. C'est le monde des bourgeois, dont le socialiste fait également partie comme l'un de ses sous-produits les plus marquants, ennemis des peuples et des nations, ennemis des "classes primordiales" pointées par Spengler (la noblesse et le sacerdoce). Mais ce qui est fondamental dans ce monde décadent et artificiel, c'est le pouvoir de la technologie conçue comme un instrument de domination de la nature et de soumission de l'homme, l'outil fondamental du rationalisme qui imprègne toute la science. Aujourd'hui, nous le voyons plus que jamais à travers le pouvoir de la technologie sur nos vies et dans la formation d'un marché mondial ou dans l'avancée même du transhumanisme et, par conséquent, de la déshumanisation. 

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Dans le cas particulier de l'Espagne, qui obéit au contexte fondamental de l'essai, la modernité met en évidence l'existence d'un État failli, qui n'est pas à la hauteur des autres puissances européennes comme le Royaume-Uni ou la France. Nous sommes géopolitiquement inconséquents, d'un emplacement présenté comme un pont ou une charnière entre l'Europe et l'Afrique, historiquement soumis à des influences afro-sémitiques, étant les parents pauvres de l'Union européenne dans une adhésion qui, comme le souligne à juste titre l'auteur, a été une fatalité pour l'Espagne et sa souveraineté économique en démantelant les principaux secteurs stratégiques, le secteur agricole, et en nous laissant au secteur des services et au tourisme, ce qui offre peu d'opportunités d'emploi pour nos jeunes et le développement de notre potentiel en tant que nation. C'est une Espagne qui a renoncé à l'autosuffisance productive, un pays soumis à la corruption politique, à la mafia syndicale, à un patronat tyrannique et au parasitisme social, dont aucun secteur n'est capable d'exercer un rôle de leadership moral face à une telle catastrophe. 

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L'Espagne a également un autre problème, à savoir sa propre configuration territoriale et l'idée même de nation ou de patrie, ainsi que la manière dont elle est conçue. Tous ces problèmes sont devenus plus évidents que jamais avec l'actuel régime de 1978, sous un système libéral qui ignore complètement les particularités des différents peuples dont l'Espagne est née, car, comme le souligne à juste titre notre auteur, les territoires ont une mémoire et sont imprégnés d'histoire. Mais pour réunir à nouveau tous les peuples hispaniques, il est nécessaire de dépasser aussi bien le centralisme libéral d'origine jacobine et bourbonienne, celui du "centralisme madrilène", que celui du sécessionnisme périphérique et provincial, afin de promouvoir un changement qui doit venir du nord-ouest de la péninsule, des territoires qui ont été le point de départ de la Reconquête et qui représentent le principal foyer de l'européanité. L'Espagne autonome s'est déjà révélée non viable économiquement, historiquement et culturellement, et a également entravé le processus d'intégration entre la population et le territoire. Carlos Blanco est allé jusqu'à proposer son propre modèle d'organisation/division territoriale basé sur les territoires du Nord-Ouest (Galice, Asturies, León et Cantabrie), les deux Castillas fusionnées en une seule, et d'autres unités fédérées comme Aragon et Valence, ainsi que des unités intermédiaires au niveau local et foral. Ce serait un modèle très proche dans son idée de celui du traditionalisme hispanique, loin des caprices d'oligarchies libérales corrompues étrangères à notre histoire. Un modèle décentralisé, animé par la richesse et la pluralité des territoires qui composent ce que l'on appelait autrefois Las Españas. 

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Conformément au postulat de la pensée spenglerienne, dans la nécessité d'approfondir les aspects culturels et vitaux dans le développement de chaque âme collective et particulière, chaque peuple doit être jugé par les faits historiques et les réalisations auxquelles il a participé, dans ses aptitudes spécifiques. Particulièrement intéressant est l'appel que notre auteur fait à Ortega y Gasset, qui, comme Spengler, se positionne dans des positions anti-libérales et anti-socialistes, en ce qui concerne l'Espagne et ses problèmes de "vertébration".

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Pour Ortega, l'important était la nation au-dessus de tout pragmatisme juridique, et l'essentiel, comme le souligne à juste titre Spengler dans son œuvre, est la configuration ethnique des peuples qui habitent ses différents territoires face à toute imposition provenant du centralisme bourgeois et du modèle radial bourbonien. Il est intéressant de voir comment il est fait appel aux éléments de l'Espagne traditionnelle, aux corps intermédiaires, à toutes ces formes d'organisation sociale avec leurs propres conditionnements socio-juridiques, comme la Commune et la Famille, de caractère pré-étatique. La raison historique devient l'outil fondamental pour assembler les institutions, la société et les pouvoirs publics en un tout parfaitement organique. Par conséquent, il faut avant tout considérer la constitution historique, l'existence de formes coutumières dérivées de cette expérience historique. L'histoire ne doit donc pas être considérée comme un élément mort, un objet à collecter comme l'a fait la science historique positiviste, mais comme un élément vivant dont l'homme est porteur dans le présent, d'où la nécessité de tenir compte des expériences passées de chaque peuple dans l'organisation et le fonctionnement de chaque communauté nationale et organique. 

En guise de conclusion, nous pouvons dire que ce livre nous invite à une profonde réflexion sur l'Espagne d'aujourd'hui à la lumière de la pensée spenglerienne, et qu'il cherche à trouver les moyens d'inverser le cours de la décadence et de la dégénérescence qui nous conduisent vers une mort certaine en tant que civilisation en état de putréfaction à tous les niveaux, ou du moins qu'il s'agit d'un diagnostic très précis de notre situation actuelle et du monde moderne dans lequel nous nous trouvons. En résumé, ce travail nous permet de comprendre les dimensions du problème auquel nous sommes confrontés à partir de paramètres interprétatifs politiquement incorrects, avec un penseur fortement stigmatisé, mais non moins précis dans sa méthodologie et son analyse interprétative.

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L’État stratège, moteur de la réussite chinoise

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L’État stratège, moteur de la réussite chinoise

A la suite du texte de Moon of Alabama intitulé « La Chine réprime ses grosses entreprises technologiques au profit de son peuple« , Bruno Guigue apporte le recul pour mieux comprendre.

Par Bruno Guigue

Ex: https://lesakerfrancophone.fr/letat-stratege-moteur-de-la-reussite-chinoise

Le Parti communiste chinois a été fondé en juillet 1921. Cent ans plus tard, la réussite spectaculaire de la Chine bouleverse les idées reçues. Après avoir libéré et unifié le pays, aboli le patriarcat, réalisé la réforme agraire, amorcé l’industrialisation, doté la Chine du parapluie nucléaire, vaincu l’analphabétisme, donné aux Chinois 28 ans d’espérance de vie supplémentaire, mais aussi commis des erreurs dont le peuple chinois a tiré les leçons, le maoïsme a passé la main. Ses successeurs ont tenu compte des inflexions de la vie internationale, mais sans jamais lâcher le gouvernail. Depuis trente ans, les Chinois ont multiplié leur PIB, vaincu la pauvreté, élevé le niveau technologique du pays de façon impressionnante.

Certes des problèmes demeurent, considérables : l’inégalité des revenus, le vieillissement de la population, les surcapacités industrielles, l’endettement des entreprises. Il n’empêche que la Chine avance à grands pas. Elle construit sous nos yeux une «société de moyenne aisance», développe son marché intérieur, accélère la transition écologique. Le maoïsme voulait développer les forces productives tout en transformant les rapports de sociaux. Avec «la réforme et l’ouverture», le changement est radical, mais l’objectif demeure : construire une société socialiste.

En attirant capitaux et technologies, les réformes de la période post-maoïste ont dopé la croissance. Pilotées au plus haut niveau du Parti-État, elles ont été conduites en trois étapes. La première vise l’agriculture : elle commence en 1979 avec le relèvement des prix agricoles et l’autonomie des équipes de production. Les communes populaires, vastes unités de production créées lors de la collectivisation, sont progressivement démantelées. Le processus s’accélère lorsque le double interdit pesant sur l’exploitation forfaitaire familiale et la distribution de la terre entre les foyers est levé.

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Un cap décisif est franchi en mars 1981 lorsqu’une directive centrale invite les collectivités agricoles à adopter des modes de production appropriés au contexte local. A la fin de 1983, la plupart des familles paysannes ont adopté la formule de l’exploitation forfaitaire familiale : les terres restent soumises à un régime de propriété collective, mais elles sont réparties contractuellement entre les foyers en vue de leur exploitation. Les contrats sont signés pour une période de trois à quatre ans, puis ils sont prolongés à trente ans afin d’encourager les investissements à long terme.

La généralisation de ce «système de responsabilité» contribue à l’amélioration des performances de l’agriculture chinoise, qui bénéficie au même moment des avancées techniques réalisées à l’époque maoïste : sélection des semences, mécanisation, usage des engrais. La croissance de la production permet au gouvernement de lever le monopole étatique sur le commerce des céréales, puis sur l’ensemble des productions agricoles. Les échanges commerciaux orientent désormais la production, encourageant la spécialisation des régions productrices et la diversification des cultures, certaines familles se spécialisant dans l’élevage, la pisciculture, le thé ou la sériciculture. En définitive, la réforme de l’agriculture a rétabli le système d’exploitation instauré par la révolution agraire de 1950, la modernité des équipements en plus.

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La deuxième étape des réformes, au cours des années 1980-2000, vise le secteur industriel. L’ouverture de l’économie chinoise, de la création des «zones économiques spéciales» à l’entrée dans l’OMC, voit affluer les investissements extérieurs. La Chine se spécialise d’abord dans les industries à forte intensité de travail et à faible valeur ajoutée: jouets, textiles, composants électroniques. Le pari de Deng Xiaoping, c’est de provoquer la modernisation de l’économie par une intégration au marché mondial. Maîtrisée par un État-stratège, cette ouverture est une réussite : les investissements directs étrangers s’envolent. Industrialisation rapide, qui stimule l’activité, elle risque toutefois d’accroître la dépendance de la Chine envers le marché mondial.

La troisième étape des réformes, dans les années 2001-2021, voit le retour en force d’un État-investisseur, qui se mobilise notamment pour faire face à la crise financière de 2008 et à ses conséquences. Politique volontariste, qui accorde la priorité au marché intérieur et à la modernisation des infrastructures. Politique, surtout, qui mise sur l’innovation technologique. Adopté en 2015, le plan «Made in China 2025» accélère la montée en puissance d’une économie à forte valeur ajoutée. La croissance chinoise repose désormais sur le numérique, l’informatique, les énergies renouvelables, l’intelligence artificielle, les véhicules électriques, etc..

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Pour conduire cette politique, la Chine s’est affranchie du «consensus de Washington» et de ses dogmes libéraux : la privatisation du secteur public, la déréglementation des activités financières, le dessaisissement de l’État au profit des entreprises transnationales et des institutions comme le FMI et la Banque mondiale. Au contraire, les dirigeants chinois ont consolidé un puissant secteur public dont les entreprises sont omniprésentes sur les grands chantiers, en Chine comme à l’étranger. Relevant du secteur public, les banques sont au service du développement, et non de leurs actionnaires.

Dirigé par le Parti communiste, l’État chinois n’est ni l’instrument docile de l’oligarchie financière mondialisée, ni l’exécutant d’une nouvelle bourgeoisie indifférente aux besoins de la population. C’est un État souverain, investi d’une mission stratégique : faire de la Chine un pays prospère. Au début des années 2000, Washington misait sur l’intégration économique de la Chine pour précipiter sa décomposition politique. Soumise à des multinationales brandissant la bannière étoilée, la Chine devait accomplir la prophétie du néolibéralisme en levant le dernier obstacle à la domination du capital mondialisé. L’inverse a eu lieu : Pékin a utilisé les multinationales pour accélérer sa mue technologique et ravir à Washington la place de leader de l’économie mondiale.

Lors de la crise de 2008, face au chaos provoqué par la dérégulation néolibérale, Washington s’est montré incapable de réguler la finance. Prisonnier de l’oligarchie bancaire, il s’est contenté de creuser le déficit public pour renflouer les banques privées, y compris celles qui étaient responsables, par leur cupidité sans bornes, du marasme général. Pékin, au contraire, a pris ses responsabilités en procédant à des investissements massifs dans les infrastructures publiques. Ce faisant, il a amélioré les conditions de vie du peuple chinois tout en soutenant la croissance mondiale, sauvée du plongeon auquel la promettait la rapacité de Wall Street.

Dire que la Chine est devenue «capitaliste» après avoir été «communiste» relève d’une vision naïve du processus historique. Qu’il y ait des capitalistes en Chine ne fait pas de ce pays un «pays capitaliste», si l’on entend par cette expression un pays où les détenteurs privés de capitaux contrôlent l’économie et la politique nationales. On a sans doute mal interprété la célèbre formule du réformateur Deng Xiaoping : «Peu importe que le chat soit blanc ou gris, un bon chat attrape les souris». Elle ne signifie pas que le capitalisme et le socialisme sont interchangeables, mais que chacun des deux systèmes sera jugé sur ses résultats.

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Une forte dose de capitalisme a donc été injectée pour développer les forces productives, mais le secteur public demeure la colonne vertébrale de l’économie chinoise : représentant 40% des actifs et 50% des profits générés par l’industrie, il prédomine à 80-90 % dans les secteurs stratégiques : la sidérurgie, le pétrole, le gaz, l’électricité, le nucléaire, les infrastructures, les transports et l’armement. Toute activité importante pour le pays et pour son rayonnement international est étroitement contrôlée par l’État. L’ouverture était la condition du développement des forces productives, et non le prélude à un changement systémique.

Cette nouvelle voie chinoise vers le développement n’est pas exempte de contradictions. Contrairement à l’image véhiculée par le discours officiel, la société chinoise est une société traversée par la lutte des classes. Avec l’introduction des mécanismes de marché, la flambée des inégalités et la précarité de l’emploi, dans les années 2000, ont frappé des millions de jeunes ruraux, qui sont venus grossir les rangs des travailleurs migrants. La constitution de cette nouvelle classe ouvrière, qui a bâti la Chine d’aujourd’hui, a généré de vigoureuses luttes sociales.

La grève victorieuse des 2000 ouvriers de l’usine Honda de Foshan, en 2010, a acquis une valeur emblématique : elle a eu pour résultat une augmentation des salaires et une réforme des syndicats. Longtemps laissés-pour-compte des réformes, les travailleurs migrants ont obtenu leur régularisation à coups de grèves massives. Aujourd’hui, 80% des salariés chinois appartiennent au secteur déclaré, avec contrat et protection à la clé, tandis qu’en Inde la proportion est inverse : 80% des salariés relèvent du secteur informel.

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Cette multiplication des conflits sociaux n’a pas été pas sans effet sur l’évolution des salaires. En janvier 2021, la presse chinoise indiquait que le salaire mensuel moyen dans 38 grandes villes avait atteint 8 829 元 (yuans), soit 1123 €. Or ces données doivent être complétées avec des éléments sur le coût de la vie. Avec un salaire moyen de 1123 €, les salariés chinois des grandes villes disposent d’un pouvoir d’achat largement supérieur à celui d’un salarié français rémunéré au SMIC. A titre d’exemple, le ticket de métro à Guangzhou coûte entre 2 et 4 元 , soit entre 0,25 et 0,50 €, contre 1,90 € à Paris. A Nanning (Guangxi), le ticket de bus coûte 1 元 , soit 0,15 €, contre 1,60 € à Toulouse.

Autre donnée intéressante : en Chine comme en France, il existe un salaire minimum. Les autorités provinciales fixent le montant du salaire minimum dans chaque région, en fonction du niveau de développement et du coût de la vie. Shanghai a le salaire minimum le plus élevé. Or ce salaire minimum a été constamment augmenté, parfois de plus de 20 % par an, poussant vers le haut l’ensemble de la grille salariale. Au cours des vingt dernières années, le salaire moyen urbain a été multiplié par huit.

La Chine est-elle socialiste ? Assurément, si on définit le socialisme comme un régime dans lequel la collectivité détient les principaux moyens de production et d’échange ; et non seulement les détient, mais les utilise de telle sorte qu’il en résulte une amélioration constante des conditions d’existence de la population. Pour atteindre cet objectif, la Chine s’est dotée d’une économie complexe, associant une multitude d’opérateurs publics et privés. Véritable économie mixte, elle est placée sous la tutelle d’un État qui possède le tiers de la richesse nationale ; qui oriente l’activité économique conformément aux orientations fixées par le plan quinquennal ; qui fait corps avec le Parti communiste, garant historique d’un développement à long terme.

Aujourd’hui, l’excédent commercial chinois représente à peine 2% du PIB, et le marché intérieur est en plein essor. Les Occidentaux qui s’imaginent que la Chine vit de ses exportations feraient mieux de regarder les chiffres : la Chine est deux fois moins dépendante du commerce extérieur que l’Allemagne ou la France. Contrairement à l’Union européenne, où les salaires stagnent, les Chinois ont vu leur salaire moyen multiplié par huit en vingt ans. Chez nous, l’État est une fiction : il a tout vendu, et il est endetté jusqu’au cou. En Chine, il détient 30% de la richesse nationale, et ses entreprises publiques sont des leaders mondiaux. C’est un État souverain, quand le nôtre obéit à Bruxelles. Quand il faut faire face à une pandémie, il construit 17 hôpitaux et règle le problème en trois mois.

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Marteler que «la Chine est capitaliste» n’a pas beaucoup de sens. Heureusement pour les Chinois, ils n’ont pas attendu l’heureux effet de l’autorégulation des marchés pour atteindre leur niveau de vie actuel. Il suffit de comparer la Chine avec le seul pays avec lequel la Chine est comparable, compte tenu de son poids démographique et de sa situation initiale. Affichant dix ans d’espérance de vie supplémentaire et un PIB quatre fois supérieur, la Chine socialiste court largement en tête devant l’Inde capitaliste, régulièrement consacrée comme «la plus grande démocratie du monde» en dépit de la misère qui y règne.

Certes, la Chine n’est pas communiste au sens où Marx entendait le communisme, stade de la société qui doit un jour succéder au socialisme : une société transparente à elle-même, harmonieuse et prospère. Mais si la Chine n’est pas «communiste», elle est bien au «stade primaire du socialisme», comme dit la Constitution chinoise, et le processus en cours n’a jamais dévié de cet objectif à long terme. Le système actuel est inachevé, imparfait, traversé de contradictions. Mais quelle société n’en a pas ? Il reste beaucoup à faire, bien sûr, pour redistribuer les fruits de la croissance et réduire les inégalités. Seul le rapport de forces entre les groupes composant la société chinoise, autrement dit la lutte des classes, déterminera la trajectoire future de la Chine.

Mais quand l’État améliore les conditions d’existence de la population, qu’il privilégie la santé publique et allonge l’espérance de vie, qu’il modernise les infrastructures publiques, qu’il supprime le chômage et éradique la pauvreté dans les villages les plus reculés, qu’il offre à tous les Chinois une scolarisation saluée par les enquêtes internationales, qu’il investit massivement dans la transition écologique, qu’il préserve l’indépendance nationale et ne fait la guerre à personne, qu’il s’oppose à l’ingérence impérialiste et livre gratuitement des vaccins à des pays pauvres, il est légitime de se demander si cet État a quelque chose à voir avec le socialisme.

Bruno Guigue