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dimanche, 07 février 2021

Ce qui se passe au Myanmar

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Ce qui se passe au Myanmar

Par Daniele Perra

Ex : https://www.eurasia-rivista.com

Le 1er février, le Tatmadaw (les forces armées du Myanmar) est intervenu pour destituer la direction politique du pays suite à la crise générée par les accusations d'irrégularités électorales que l'armée elle-même a formulées après les élections de novembre. Le président Win Myint et la conseillère d'État Aung San Suu Kyi (une icône démocratique pour laquelle l'"Occident", depuis le début des années 2000 et plus précisément depuis l'ère Obama, avait investi des ressources considérables pour désengager le pays de l'orbite chinoise) ont été placés en état d'arrestation avec d'autres membres de la Ligue nationale de la démocratie (parti majoritaire) et de la "société civile". Il convient de rappeler que ce qui a été décrit dans les médias occidentaux comme un "coup d'État militaire" est en fait une opération menée conformément à l'article 417 de la Constitution de 2008, qui prévoit la possibilité de déclarer un "état d'urgence" pour une période d'un an (après coordination entre le Bureau et le Conseil de défense et de sécurité nationale) si des conditions se présentent qui menacent l'intégrité de l'Union, la solidarité nationale ou la pleine souveraineté de celle-ci[1]. Dans cette analyse, on tentera de mettre en évidence les raisons qui ont conduit à l'intervention militaire, le rôle potentiel des agents extérieurs et l'importance stratégique et géopolitique du pays asiatique.

Le 12 janvier 2021, le ministre des affaires étrangères de la République populaire de Chine, Wang Yi, a rencontré le chef des forces armées du Myanmar, Min Aung Hlaing, l'homme qui a assumé le rôle de chef du gouvernement après la déclaration de l'état d'urgence. Au cours de la réunion, les deux hommes ont défini la relation entre les deux pays en utilisant le terme "pankphaw" qui indique une relation d'amitié fraternelle[2]. En plus de remercier Pékin pour le soutien apporté au Myanmar dans la crise sanitaire générée par la pandémie et de garantir le soutien birman à la cause de la "Chine unique", Min Aung Hlaing a également soutenu la nécessité d'accélérer la construction du CMEC - China Myanmar Economic Corridor : le projet d'interconnexion des infrastructures entre les deux pays qui représente l'un des carrefours cruciaux de la nouvelle route de la soie.

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Le CMEC, comme la branche sino-pakistanaise tout aussi fondamentale du projet d'infrastructure eurasien (CPEC), évite le transit commercial par les zones contestées de la mer de Chine méridionale et du détroit de Malacca, ouvrant à Pékin un accès direct à l'océan Indien et la possibilité d'établir des relations géopolitiques et géoéconomiques directes entre l'Asie et l'Afrique : c'est-à-dire le long de cet axe Sud-Sud (en opposition à l'hégémonie du Nord) déjà théorisé par le maoïsme et repris aussi, à une époque plus récente, par certains stratégistes sud-américains (comme dans le cas du "méridionalisme" du Brésilien André Martin). La valeur stratégique du CMEC est d'ailleurs donnée par la possibilité de connexion (et de contournement du rival indien) entre le port de Sittwe au Myanmar, celui de Hambantota au Sri Lanka et le port pakistanais de Gwadar[3]. C'est un projet qui inclut également la volonté de Pékin d'étendre le corridor sino-pakistanais vers l'Afghanistan. C'est pourquoi des forces multipolaires (de l'Iran au Pakistan, en passant par la Russie et la Chine) poussent à une pacification rapide du pays d'Asie centrale (par opposition à l'Inde qui continue à travailler sous le radar, non seulement pour maintenir un contingent nord-américain à Kaboul, mais aussi pour la déstabilisation de la région).

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Le rôle de l'Inde, également au Myanmar, ne peut en aucun cas être sous-estimé. S'il est vrai qu'Aung San Suu Kyi (à la déception de ses partisans "occidentaux") n'a pas particulièrement affecté les excellentes relations traditionnelles entre le pays et la Chine et le programme de coopération avec cette dernière, il est tout aussi vrai que durant ses années de gouvernement, le pays, outre l'ouverture au circuit des ONG "sorosiennes", a connu un rapprochement substantiel avec New Delhi: une relation qui s'est intensifiée ces derniers mois avec le blocage de l'achat du vaccin anti-Covid chinois, auquel a été préféré celui de l'Inde.

Par ailleurs, New Delhi, qui n'est pas étrangère à la production de fausses informations pour discréditer ses rivaux [4], affirme depuis longtemps que la Chine soutient le trafic d'armes le long de la frontière indo-birmane en apportant un soutien logistique à certains groupes armés opérant à l'intérieur du Myanmar (l'armée d'Arakam et l'armée de l'État Wa) [5] : une stratégie d'information visant non seulement à aigrir les relations entre Pékin et Naypyitaw, mais aussi, compte tenu du rôle attribué à l'Inde par les États-Unis, à accélérer la déstabilisation d'un pays déjà profondément divisé selon des lignes ethniques-sectaires.

L'une des raisons qui auraient pu pousser les militaires à intervenir directement, outre le prétexte des irrégularités électorales, est l'observation du fait que l'institutionnalisation potentielle de la division de fait de l'Union aurait pu entraîner la création de nouveaux potentats locaux, susceptibles d'être cooptés par des puissances extérieures pour des raisons ouvertement contraires à l'intérêt national. En ce sens, le Tatmadaw, une institution farouchement nationaliste, aurait agi dans le respect de la Constitution de 2008 et de la défense de l'unité nationale[6]. L'un des souhaits exprimés par Wang Yi à Min Aung Hlaing lors de la réunion susmentionnée était en fait d'œuvrer à une "revitalisation nationale" du Myanmar.

Il n'est donc pas surprenant qu'avant même l'intervention des militaires (dont les dirigeants, parmi lesquels Min Aung Hlaing, il faut le dire, ont déjà fait l'objet de sanctions de la part de Washington et de Londres suite aux actions entreprises pour réprimer les troubles dans l'Etat de Rakhine entre les bouddhistes et une minorité musulmane que le gouvernement central estime être des descendants d'immigrants bengalis), les Etats-Unis ont menacé de punition sévère le Tatmadaw [7].

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Pour être juste, certains ont avancé l'idée que la longue main des services nord-américains était à l'origine de l'action de l'armée. Cet aspect mérite une enquête plus approfondie. Tout d'abord, il faut noter que la prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, surtout après avoir échoué à prendre position en faveur de ce qui est présenté en "Occident" comme le peuple Rohingya, a perdu une partie de sa "crédibilité démocratique", construite sur des apparitions en compagnie de Barack Obama et de la famille Soros. A cela s'ajoute le fait qu'elle n'a pas pu développer une politique étrangère en totale discontinuité avec le passé, en partie à cause d'un partage du pouvoir avec des appareils militaires historiquement liés (bien qu'avec des hauts et des bas) à la Chine et à la Russie [8]. Cependant, en prétendant qu'Aung San Suu Kyi aurait été déposée en relation avec l'extension birmane de la nouvelle route de la soie, on oublie que sur les 38 projets prévus au sein du CMEC, seuls 9 ont été approuvés à l'heure actuelle et que le Tatmadaw lui-même, en tant que corps militaire, est historiquement difficile à infiltrer par des appareils extérieurs. Il est beaucoup plus probable que les militaires eux-mêmes ont considéré que la figure du "champion du pacifisme" n'était plus consommable à l'extérieur et qu'elle était considérablement nuisible à l'intérieur.

Cela ne signifie pas que l'événement (attribuable, je pense, à une dynamique interne claire) ne peut pas, cependant, être utilisé par ceux qui, au fil des décennies, ont fondé leur stratégie géopolitique sur la création du chaos. Les réactions internationales à l'intervention militaire en ce sens sont emblématiques. Si la Chine et la Russie, parfaitement conscientes du rôle crucial de l'armée au Myanmar, ont maintenu une attitude diplomatique de non-ingérence dans les processus politiques internes, l'"Occident" a immédiatement avancé des critiques, des intimidations et des menaces, étant donné le constat de l'échec du programme d'exportation de la démocratie libérale.

Le nouveau secrétaire d'État américain, le "faucon démocratique" Antony Blinken, a ordonné aux militaires de revenir immédiatement sur leurs décisions. Le nouveau président américain Joe Biden a demandé l'intervention de la "communauté internationale" pour condamner l'action militaire. "Les États-Unis, a déclaré M. Biden, ont levé les sanctions contre la Birmanie au cours de la dernière décennie sur la base des progrès réalisés en matière de démocratie [...] l'annulation de ces progrès nécessiterait, selon le nouveau président américain, un examen immédiat des lois et autorités en matière de sanctions, suivi d'une action appropriée"[9].

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Plus ou moins sur la même longueur d'onde, les déclarations du sénateur démocrate Bob Menendez, qui a appelé à l'imposition de nouvelles "sanctions économiques strictes"[10] et du diplomate Daniel Russel (l'homme qui a construit la relation entre l'administration Obama et Aung San Suu Kyi), qui a souligné que le "coup d'État" était une atteinte sérieuse portée aux intérêts régionaux des États-Unis, car cette intervention des militaires birmans a retiré le principal outil de l'Occident des leviers du pouvoir[11]. De plus, l'organe de la CIA en Asie, Radio Free Asia, a immédiatement servi de porte-voix pour la protestation d'Aung San Suu Kyi.

Il reste donc à voir comment les États-Unis peuvent exploiter la situation à leur avantage. Outre la possibilité susmentionnée d'utiliser l'Inde comme instrument de guerre hybride contre le Myanmar, une autre solution pourrait être la création d'un "scénario vénézuélien" (ou biélorusse) en ne reconnaissant pas le fait de la situation politique interne et en continuant à accorder une légitimité à un gouvernement sans pouvoir réel, dans l'espoir de déclencher un processus rapide de déstabilisation et de "balkanisation".

Dans ce contexte, le rôle de la Chine et de la Russie ne peut être que celui-ci : accompagner le Myanmar vers un processus politique qui garantisse la stabilité interne (également par le maintien des canaux commerciaux qui seront compromis par le nouveau régime de sanctions occidental éventuel) et l'absence d'intrusions extérieures non seulement à Naypyitaw mais aussi dans l'espace eurasien le plus large.

NOTES :

[1]    On peut consulter le texte de la Constitution du Myanmar sur le site :  www.constituteproject.org.

[2]    Wang Yi meets with Myanmar’s Commander in Chief of Defense Services Min Aung Hlaing, www.fmrc.gov.cn.

[3]    Le port sri-lankais d’Hambantota, fut en son temps mis en exergue comme exemple du caractère agressif du projet infrastructurel chinois dans un célèbre article de Georges Soros, publié dans la Financial Review. Le spéculateur international bien connu, dans sa contribution au titre révélateur, “Xi Jinping is the most dangerous enemy”, soutient la thèse que la Chine, par le « piège de la dette » chercherait à stranguler les pays inclus dans la « nouvelle route de la soie ». Toutefois quelques études émanant de la John Hopkins University et de l’Université de Boston ont démontré que la corrélation entre le problème de la dette des pays, dont question,  et les travaux infrastructurels proposés est ténu.

[4]    Emblématique en ce sens est la vaste campagne de désinformation produite par les médias indiens et amplement répercutée en Occident, contre le Pakistan. Voir, par exemple, The dead professor and the vast pro-India disinformation campaign, www.bbc.com; EU NGO report uncovers Indian disinformation campaign, www.aljazeera.com

[5]    India accuses China of helping rebel groups on its Myanmar border, www.scmp.com.

[6]    Il est bon de rappeler que la Constitution de 2008 prévoit que 25% des sièges au Parlement birman doivent appartenir de droit au Parti de l’Union, Solidarité et Développement, (organe politique du Tatmadaw) et qu’il faut garantir aux militaires le contrôle des affaires intérieures et, bien sûr, de la défense. Il va de soi que l’Armée (selon une modalité semblable à celle en vigueur en Egypte) jouit d’une substantielle autonomie en matière de gestion des investissements.

[7]    US warns Myanmar’s military it’all be punished for coup, www.politico.com.

[8]    Le 29 juin 1954, la Chine et la Birmanie ont scellé un Traité d’amitié basésur cinq principes de coexistence pacifique : a) le respect réciproque de l’intégrité et de la souverainté nationales ; b) non-agression mutuelle ; c) non ingérence réciproque dans les affaires intérieures des signataires ; d) avantages mutuels et égalité ; e) coexistence pacifique.De la fin des années 60 aux années70 du 20ème siècle, les rapports entre lesdeux paysse sont détériorés, suite aux révoltes antichinoises en Birmanie. Toutefois, pendant l’ère Deng, lesrapportsse sont améliorés, surtout suite à la signature de divers accords de coopération commerciale, à partir de la fin des années 80.

[9]    Si veda Myanmar’s Army Chief challenges Biden, bets big on China, www.bloomberg.com.

[10]  Ibidem.

[11]  Si veda, Myanmar Army pledges new elections after one year state of emrgency; Suu Kyi urges public to protest, www.straitstimes.com.

[12]  Aung San Suu Kyi urges protests to reject Myanmar miltary coup, 1-year state of emergency, www.rfa.org.

 

samedi, 06 février 2021

Poutine et la guerre entre différents projets mondiaux

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Poutine et la guerre entre différents projets mondiaux

Mikhail Khazin

Traduction de Juan Gabriel Caro Rivera

Ex: https://www.geopolitica.ru

A propos du capitalisme « inclusif »

Je dois dire à tous ceux qui défendent les théories du complot qu'ils ne devraient pas lire ce texte : je n'écrirai rien qui ait un rapport avec la création du capitalisme inclusif qui est promu par le pape, les Rothschild et les Rockefeller (1). Pour cela, il vaut mieux lire la presse officielle.

Mais, et il est très important de le souligner, l'existence même d'un tel projet ne nous dit rien sur son propre contenu : les déclarations officielles sont souvent faites pour ne pas révéler la vérité et visent plutôt à cacher le contenu réel du projet.

Mais les gens sont très intéressés par ce sujet et écrivent beaucoup. Nous allons donc essayer de comprendre le problème en nous basant sur la façon dont nous comprenons nous-mêmes ce problème. Mais ce que nous écrivons ici est précisément une tentative et non une réponse à la question de savoir ce qui se passe. Notre perspective est donc la suivante : il existe un système de projets mondiaux, qui sont décrits de manière très détaillée dans notre livre Bridge to the Future. Nous avons fait valoir que face à ces projets mondiaux, il existe un certain nombre de projets civilisationnels qui n'ont pas encore atteint un niveau mondial, bien qu'ils tentent parfois de devenir une alternative.

Nous avons décrit ces six projets dans notre livre. Trois de ces projets sont mondiaux :

  • Le projet juif global (le "Plan Salomon", le "Nouveau Londres") ;
  • Le projet mondial "occidental" (également connu sous le nom de Finintern, dont le centre est à New York et dont le point focal est le FMI et Wall Street) ;
  • Le projet islamique mondial (aujourd'hui défendu par la Turquie).

Et les trois autres projets sont de nature civilisationnelle et visent à prendre le pouvoir ou à devenir des projets au niveau mondial. C'est le cas :

  • L'une d'elles est la relance du projet capitaliste classique qui est coordonné par le Vatican ("L'Internationale noire", l'aristocratie européenne, les francs-maçons, etc ;)
  • Le projet chinois qui a abandonné (peut-être temporairement) le projet global "Rouge" et qui est mené par une série de clans militaires ;
  • La Russie en tant que projet de civilisation qui hésite entre plusieurs options telles que l'"Internationale noire" (suivant l'idée que "Moscou est la troisième Rome"), le retour au projet global "Rouge" ou la création d'un centre de civilisation régional avec la Chine et est connu sous le nom de "Nouvelle Horde".

Par exemple, qu'est-ce que Brexit ? C'est une alternative à 1936 (lorsque le projet global "occidental" a réussi à remplacer le roi Edward VIII par le père de l'actuelle Reine et a ainsi vaincu les groupes qui appartenaient à l'élite dirigeante de l'Angleterre), c'est-à-dire au coup d'État que les banquiers ont fini par perdre.

Très probablement, jusqu'en 1936, Londres était dirigée par des représentants du projet juif (des représentants de "l'aristocratie noire" de Venise, qui, par l'intermédiaire de la Hollande, ont réussi à prendre le pouvoir en Grande-Bretagne pendant la "Glorieuse Révolution" de 1688). Cela explique le fait que tous les empires d'Europe continentale se sont effondrés à la suite de la Première Guerre mondiale et que les Britanniques sont les seuls à être restés intacts. Eh bien, Londres a toujours eu une relation difficile avec le Vatican.

Gardons à l'esprit que la "vieille" aristocratie (c'est-à-dire l’aristocratie continentale) d'Europe occidentale a tenté de se venger après la défaite de 1918 et pour cela, elle a soutenu Hitler, car elle considérait l'Angleterre comme son principal ennemi. Mais ils ont échoué et ont été contraints de se tourner vers l'Est et nous en connaissons les résultats. Soit dit en passant, toute la campagne antisémite que le NSDAP a encouragée à ses débuts visait à chasser les Juifs de Palestine, c'est-à-dire qu'elle était dirigée contre l'Angleterre elle-même.

Signalons quelque chose d'important. Depuis les années 1920, le projet juif se sent menacé par les banquiers, c'est-à-dire par l'élite du projet "occidental" qui, après la création du système de la Réserve fédérale aux États-Unis, a fini par s'installer dans ce pays. Et c'est pourquoi, depuis la fin des années 1920, ce projet a cherché à se connecter avec la NSDAP. Eh bien, à la suite de l'Holocauste, les principales victimes ont été les Juifs d'Europe de l'Est, dont une partie importante s’était installée sur ce territoire en provenance de l'ancienne Babylone et de la Khazarie. En d'autres termes, ils n'avaient rien à voir avec l'histoire de l'Empire romain et de l'Europe médiévale et, en général, étaient porteurs d'une notion du sacré complètement différente.

Au fait, le gendre de Trump représente les Hassidim, il a des ancêtres qui viennent de Khazarie. Cela nous permettrait d'approfondir l'histoire très complexe des relations que les Juifs du monde ont avec toutes les distinctions de la judaïté, et c'est un sujet que nous n'aborderons pas ici. Je ne tirerai qu'une seule conclusion de tout cela: en général, Trump, malgré son alliance avec le Vatican contre le projet global "occidental", ne constitue pas un tout en soi, lié au seul projet juif. Il est possible que si le projet de "Nouvelle Horde" (également connu sous le nom de "Grande Eurasie") réussit, Trump se joigne à ce projet, puisque la Khazaria fait partie de la zone des Grandes Steppes.

En ce moment, l'"Internationale noire" tente de mener sa deuxième revanche (elle a sa base d'opérations en Allemagne et a également un accord avec le Vatican), mais cette deuxième offensive a une faiblesse : il lui manque un modèle économique complet et cohérent qui lui donnerait les moyens nécessaires pour un projet de grande envergure. L'Allemagne et l'UE "vivent" aujourd'hui exclusivement sur le potentiel d'émission du dollar, qui est contrôlé par l'élite qui est à la tête du projet "occidental". Et comment agir dans une telle situation ? Les modèles économiques du projet capitaliste mondial sont désespérément dépassés et personne n'est capable de les adapter à la modernité : tous les experts sur lesquels ils comptent ont été formés selon les modèles du libéralisme. Le projet capitaliste est donc entré dans la phase de création d'un réseau et est principalement soutenu par les nationalistes. Et en Europe continentale, les nationalistes ne sont au pouvoir que dans quelques très petits pays.

Gardons à l'esprit que nous, les Russes, comprenons que ces ressources existent, mais que, de leur point de vue, nous devrions, au mieux, devenir un partenaire junior (et tout cela nous a été démontré de manière très dure par la Grande guerre patriotique). En Russie, la "cinquième" colonne se développe, mais pas la libérale, mais la "troisième colonne" comme le Tsarevich Hosha, toutes sortes de princes et autres marginaux que même pas 3% de la population soutient. Mais à mesure que la situation en Russie s'aggrave et, si aucune alternative n'est créée, ils finiront par accroître leur influence.

La situation à Londres s'est améliorée ! En fait, ils ont pu placer leur candidat aux Etats-Unis en 2016 (dans le cadre de la même logique nostalgique du "vieux" capitalisme), mais, l'important, c'est que maintenant il a perdu ! Le projet "occidental" a pris sa revanche sur les États-Unis et toutes les autres forces en présence doivent d'une manière ou d'une autre décider de ce qu'elles vont faire maintenant ! Gardons à l'esprit que le projet "occidental" a ses propres problèmes, tout d'abord : son principal outil, celui avec lequel ils ont pris le contrôle du monde entier à la fin des années 80, l'émission de dollars, a complètement épuisé son utilité. Mais, pour l'instant, les dollars peuvent être imprimés en n'importe quelle quantité et Trump n'est plus en mesure de l'empêcher.

Londres a donc recommencé à jouer. Ils ont un problème : le projet "occidental" domine dans l'UE, aux États-Unis et, de plus, on ne sait pas exactement quel rôle la Russie joue dans tout cela (car la Russie est sous le contrôle du projet "occidental" sur le plan financier et économique). La Russie a besoin de ressources propres (sa propre zone monétaire) dont elle ne dispose pas encore. Et Londres (sous le contrôle du projet juif) a commencé à promouvoir l'une des nombreuses factions qui existent dans le réseau du projet islamique mondial. Non pas Daesh, qui était auparavant promu par le projet "occidental", mais un autre, que l'on peut conditionnellement appeler le "califat rouge" dont le centre se trouve en Turquie (à Istanbul). L'objectif est de créer sur la base du monde arabe une zone monétaire avec Londres comme centre.

D'où, soit dit en passant, le conflit avec Israël. Londres n'a pas besoin d'Israël dans la nouvelle version du Moyen-Orient qu'elle crée (car Israël interfère avec son projet de califat rouge). Le projet "occidental" n'a pas non plus besoin d'Israël, car dans le cadre de cette confrontation interne entre Juifs, les sionistes ne sont pas en bons termes avec le secteur financier. Mais l'aristocratie européenne et le Vatican ont réellement besoin des Juifs (tant qu'Israël existera, les intérêts séculiers de l'État juif prévaudront sur les intérêts sacrés du projet  juif). À l'époque, Clinton était prêt à capituler devant Israël et Trump y était prêt aussi.

Eh bien, maintenant, comme promis, je vais parler un peu du capitalisme "inclusif". Le pape, comme on peut le constater, fait partie de l'"Internationale noire" et est l'un des éléments moteurs de ce projet de réseau capitaliste. Les Rothschild font partie du projet juif qui a pris le pouvoir à Londres, mais ils se trouvent dans une situation extrêmement précaire : la menace d'un nouveau Trump se profile à l'horizon.

Les Rockefeller sont la partie américaine du projet qui anime ce réseau capitaliste. Et qui est l'ennemi commun de tous ? L'élite à la tête du projet "occidental". Et pourquoi ont-ils besoin d'une alliance ? Selon la logique que nous avons exposée, la réponse est évidente : ils ont besoin d'un nouveau modèle de croissance économique qui soit différent de la question du dollar ! Ils doivent d'abord détruire le projet "occidental", puis s'occuper des autres projets. Et le projet "occidental" n'a pas encore été battu.

Notons que le Pape a longtemps essayé d'aller dans cette direction, il y a quelques années un fonds spécial d'environ 100 millions a été créé qui était censé financer un certain nombre de recherches pertinentes (j'ai même publié un document sur la création de ce fonds qui existe quelque part et était ouvert aux investissements) ... Mais l'astuce n'a pas fonctionné, ils n'ont pas trouvé de spécialistes capables de mettre en œuvre un tel programme. Et maintenant, ils font la deuxième tentative. La tâche principale de cette coopération est de trouver un mécanisme de développement qui permettra de vaincre enfin le projet global "occidental".

Et tous les autres projets, où en sont-ils ? La Chine s'attend à une crise inévitable, l'arrivée de Biden lui permet de retarder cet effondrement pour un certain temps, c'est-à-dire d'accumuler toutes sortes de réserves. Xi a déjà annoncé une transition pour lancer une série d'activités étatiques (sinon la Chine ne survivra pas du tout car elle ne pourra pas s'orienter vers le marché intérieur), mais il manque à la Chine un projet global ! La Chine est mal comprise au-delà de ses propres frontières, elle ne dispose pas de ce que l'on a récemment appelé le "soft power". Elle peut essayer de revenir au projet "Rouge", mais elle doit encore former un personnel important pour pouvoir le développer et la crise n'a pas encore commencé. Dans l'ensemble, ils ont encore des options, mais ils se trouvent dans un moment assez difficile.

Le projet juif a également été réactivé après le "Brexit", mais ils ont peu de ressources et sont confrontés à une inévitable guerre éclair. Soit ils remporteront une victoire rapide, soit ils subiront une défaite inévitable. Cela explique l'activité que Londres développe en Transcaucasie : elle a choisi la Turquie comme bélier et comme instrument, j'ai déjà écrit à ce sujet. Et ils doivent remporter une victoire rapide (c'est-à-dire qu'ils pourront former leur propre zone monétaire) ou la Grande-Bretagne, dans le cadre de l'histoire mondiale, cessera d'être considérée comme une grande puissance. Certes, le projet juif peut être relancé, mais la Grande-Bretagne va disparaître.

Le projet capitaliste a déjà perdu une de ses Blitzkriege et il lui est maintenant très difficile de manœuvrer politiquement, aussi espère-t-il, par ses récentes démarches politiques, s'allier à la Russie. Le seul obstacle sur son chemin est Poutine. C'est pourquoi une attaque très agressive contre Poutine se développe, qui est non seulement soutenue par le projet "occidental" (on comprend bien pourquoi l'élite de ce projet craint tant que Poutine n'entame une purge illibérale dans leur pays), mais qui trouve également un écho auprès de toute l'élite européenne. La seule différence est que les premiers détestent totalement la Russie (avec Poutine), tandis que les seconds sont tout à fait disposés à accepter la Russie, même en tant que partenaire junior, mais sans Poutine.

En fait, j'ai presque entièrement décrit le rapport de force. Seule la Russie a été exclue de ce scénario. Mais ici, je ne dirai rien pour l'instant, puisque Poutine n'a pas encore fait son choix. Plus précisément, je veux dire que la Russie manœuvre dans un scénario très difficile sans montrer à personne son véritable plan. Ici, comme lorsque l'on fait du vélo, il est beaucoup plus facile de rouler que d'être surpris par la façon dont on le fait. On ne peut donc qu'admirer le talent de Poutine, ce sera une autre affaire quand il prendra sa décision et il ne fait aucun doute qu'à ce moment-là, les partisans des autres projets finiront par détester cette décision.

Note :

  1. https://katehon.com/ru/article/zakulisa-snimaet-maski

vendredi, 05 février 2021

Europe et Russie, Schröder parle

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Europe et Russie, Schröder parle

Par Emanuel Pietrobon

Ex : https://it.insiderover.come

Gerhard Schröder, titulaire de la chancellerie allemande de 1998 à 2005, restera dans les mémoires comme le dernier porte-drapeau de l’Ostpolitik. Architecte de Nord Stream, adepte de la thèse sur la soi-disant "Gerussia", intolérant à l’endroit de l'hégémonie américaine et l'un des plus grands critiques de la politique étrangère d'Angela Merkel, Schröder peut vraiment être considéré comme le dernier penseur politique eurasiatique résidant à Berlin.

Bien qu'il soit sorti de la politique depuis plus de quinze ans, l'ancien chancelier continue à être actif en coulisses de la scène internationale et à défendre ardemment ce qui était, et est toujours, sa Weltanschauung. Interviewé récemment par un journal allemand, le Rheinischer Post, M. Schröder a parlé de l'état actuel des relations russo-allemandes, de Nord Stream 2 et d'Aleksei Navalny, et a expliqué pourquoi il est dans l'intérêt de l'Allemagne (et de l'Europe) de traiter la Russie à l'amiable et de s'efforcer de comprendre ses aspirations et ses revendications.

Des partenaires, pas des adversaires

L'interview de l'ancien chancelier allemand a été publiée par le Rheinischer Post le 30 janvier et mérite d'être révélée au public italophone du moins dans ses parties essentielles. Schröder est catégorique et sa position intransigeante: la Russie "ne doit pas être traitée comme un adversaire, mais comme un collaborateur potentiel", et l'Allemagne doit la laisser se développer et mûrir véritablement, sans contraintes et/ou pression extérieure, "sa propre identité et sa propre force économique".

Une Russie forte suscite la crainte à première vue, en raison également de son passé historique vis-à-vis des puissances européennes et de ses immenses dimensions géographiques, mais Schröder croit fermement à la nécessité historique de transformer en réalité l’axe symbiotique entre Berlin et Moscou, un lien basé sur la parfaite complémentarité entre le complexe technologico-industriel allemand et les richesses infinies du sous-sol russe et qui aurait le potentiel de recentrer les relations internationales en faveur de l'Europe.

Les Allemands, selon l'ancien chancelier, seraient conscients de l'erreur politique et historique de Merkel d'amalgamer l'agenda étranger européen à l’égard Moscou avec celui des Etats-Unis : "Les attaques contre la Russie ne reflètent pas l'opinion de la majorité".

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Achever le Nord Stream 2

L'achèvement du Nord Stream 2 fait partie de la construction de la Gerussie, une union entre l'Allemagne et la Russie. La modernisation du gazoduc, affirme M. Schröder, doit être réalisée à tout prix, au-delà de la pression des États-Unis et d'une partie de l'Union européenne elle-même, car "elle garantira l'approvisionnement énergétique des prochaines générations" et facilitera la transition verte.

L'Allemagne "couperait la branche sur laquelle elle est assise" en se soumettant à la campagne de lobbying lancée par l'administration Trump, qui est toujours en cours ; de plus, poursuit l'ancien chancelier, l’Allemagne ferait une très mauvaise affaire si elle acceptait de remplacer le gaz russe par du gaz liquéfié américain. Ce dernier, selon M. Schröder, serait "nuisible à l'environnement, plus cher et de mauvaise qualité’’.

N'intervenez pas

L'interview s'est concentrée sur des questions d'actualité. L'ancien chancelier a donc également été interrogé sur Aleksei Navalny. Schröder se montre totalement indifférent au sujet et au personnage, se disant plus intéressé par "les questions fondamentales que par les discussions éphémères". Contournant l'obstacle, ou plutôt le traitant à sa manière, l'ancien chancelier a rappelé au public l'une des règles de base des relations internationales: le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres.

La leçon de Schröder, résumée dans cette réponse brève mais éloquente, est d'une importance fondamentale: c'est précisément à cause de ce que le politologue Samuel Huntington a appelé "l'arrogance occidentale", c'est-à-dire la propension innée du bloc euro-américain à s'immiscer dans les sphères d'influence des autres, que les relations entre l'Occident et la Russie sont au plus bas, et l'affaire Navalny en est une des nombreuses manifestations.

Si l'Allemagne et l'Europe acceptaient le caractère naturel et inévitable des différences, un redémarrage concret et durable avec la Russie serait possible. L'alternative à la reconnaissance (et à la valorisation) des différences mutuelles - c'est une évidence - est une relation articulée sur un antagonisme anti-économique, sur un endiguement éternel intrinsèquement dangereux pour la paix mondiale et, enfin, sur la perpétuation de la condition de dépendance du système européen vis-à-vis des États-Unis.

 

jeudi, 04 février 2021

Comment la Turquie, l'Iran et le Pakistan se connecteront dans le "Bri" chinois

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Comment la Turquie, l'Iran et le Pakistan se connecteront dans le "Bri" chinois

par Giuseppe Gagliano

Ex : https://www.startmag.it

La Turquie, l'Iran et le Pakistan ont annoncé qu'ils allaient relancer la ligne ferroviaire Istanbul-Téhéran-Islamabad (Iti). Une étude approfondie dusujet par Giuseppe Gagliano.

Hier comme aujourd'hui, le développement des infrastructures ferroviaires constitue un aspect fondamental pour le développement économique. Ce n'est pas un hasard si la Turquie, l'Iran et le Pakistan ont annoncé qu'ils allaient relancer la ligne ferroviaire Istanbul-Téhéran-Islamabad (Iti), un projet qui avait déjà été mis en place en 2009. Malgré de nombreux essais, la liaison ferroviaire n'était pas encore pleinement opérationnelle. En fait, certains problèmes d'infrastructure doivent encore être résolus avant que cet important axe ferroviaire puisse être mis en place dans le cadre de l'initiative chinoise "Ceinture et route" (Bri – Belt & Road Initiative).

Une fois pleinement opérationnel, le chemin de fer pourra promouvoir le commerce dans d'autres pays, notamment l'Afghanistan, l'Azerbaïdjan et cinq États d'Asie centrale, dans le cadre de l'Organisation de coopération économique, une plateforme de développement, de commerce et d'investissement fondée en 1985 par l'Iran, la Turquie et le Pakistan. Le train pourra parcourir les 6500 km qui séparent le Pakistan de la Turquie en seulement 11,5 jours, contre 45 jours habituellement par voie maritime.

Selon de récents rapports des médias, le service pourrait également être relié au Xinjiang en Chine par la ligne ferroviaire Mainline-1 du Pakistan. En fait, l'un des projets les plus importants du corridor économique Chine-Pakistan (Cpec) est le projet ML-1, dans le cadre duquel les lignes ferroviaires existantes du Pakistan seront modernisées pour permettre aux trains de circuler deux fois plus vite qu'aujourd'hui.

Ce projet, approuvé par le principal organe économique du Pakistan en août 2020, coûtera 6,8 milliards de dollars, la Chine apportant 90 % du financement. Le projet devrait être achevé à la fin de l'année 2026.

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Tout à l'heure, nous avons parlé des problèmes qui ont empêché l'achèvement de ce projet dans les délais voulus. Eh bien, premièrement, le retard de cette importante infrastructure ferroviaire a été causé par les sanctions économiques contre l'Iran ; deuxièmement, seuls les trajets de trains de marchandises ont été testés, même si l'itinéraire a été reconnu par les Nations unies comme un corridor international.

Troisièmement, les liaisons ferroviaires du Pakistan doivent être modernisées pour être reliées aux lignes internationales. Le chemin de fer pakistanais sera relié à la ligne de chemin de fer Iti via Quetta, dans la province du Baloutchistan, au sud-ouest du pays. La ligne ferroviaire Quetta-Taftan, qui sera utilisée pour le train Iti, a été construite il y a un siècle et doit être modernisée.

En août dernier, le ministre pakistanais des chemins de fer a annoncé qu'une étude de faisabilité pour la modernisation proposée avait été réalisée et que 694 millions de dollars seraient dépensés pour les réparations nécessaires. Ce processus devra être achevé rapidement afin que le train Iti puisse être mis en service dans les délais prévus.

En ce qui concerne l'Iran, cette infrastructure est très pertinente car elle peut contribuer à relancer l'économie du pays frappé par les sanctions américaines. Pour Téhéran, il s'agit d'une route commerciale alternative attrayante car les pays de l'OCDE commercent en monnaie locale et donc, en temps de crise et de guerre, ces routes commerciales alternatives sont très précieuses et rentables.

En outre, le projet ferroviaire Iti peut également promouvoir d'importants axes ferroviaires dans le cadre de l'initiative chinoise "Belt and Road". En effet, la Chine considère que les liaisons de transport iraniennes font partie de l'initiative et donc de sa projection de puissance.

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Pour se rendre compte de l'importance réelle de cette infrastructure, pensons au fait que le 4 décembre, un train d'exportation en provenance de Turquie est parti pour la Chine et est arrivé à Xian, dans la province de Shaanxi, le 19 décembre, devenant ainsi le premier train à relier la Turquie à la Chine.

Le train a suivi l'itinéraire de transit international de la mer Caspienne via la ligne ferroviaire Bakou-Tbilissi-Kars. La route Iti est désormais beaucoup moins compliquée et, en reliant Pékin à l'Iran et à la Turquie via le Pakistan, elle peut devenir un élément important de l'initiative chinoise "Belt and Road".

Bien sûr, le tracé du train ITI va également accroître l'importance stratégique et économique du Pakistan, mais cela ne sera possible que si Islamabad est en mesure de renforcer son infrastructure ferroviaire.

Avec cette nouvelle ligne ferroviaire, la Turquie, l'Iran et le Pakistan se positionneront sans aucun doute comme une plaque tournante importante entre l'Europe et l'Asie. Mais cette nouvelle ligne de fret augmentera également la connectivité et les échanges entre les trois pays. Le commerce régional est limité. Par exemple, seulement 1,26% des exportations du Pakistan sont destinées à la Turquie et moins de 0,1% à l'Iran.

Pour que cela soit rentable, le Pakistan, l'Iran et la Turquie devront nécessairement mieux coordonner leurs politiques économiques afin que les entreprises locales utilisent cette nouvelle ligne.

Cette ligne permettra aux entreprises étrangères d'accroître leurs échanges commerciaux avec la Turquie, l'Iran et le Pakistan. Les entreprises européennes pourront alors trouver de nouveaux marchés dans les trois pays afin de créer de nouvelles relations économiques.

L'Occident existe-t-il ?

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L'Occident existe-t-il ?

par Emanuel Pietrobon

Ex : https://www.sinistrainrete.info

Avec cette réflexion approfondie d'Emanuel Pietrobon, notre Observatoire « Sinistra in Rete » poursuit aujourd'hui son débat sur le concept d'Occident : Emanuel Pietrobon, spécialiste en géopolitique, dans cet article, confronte la problématique de la double nature de l'Occident, un concept géopolitique qui a été enveloppé dans une superstructure de valeurs créée a posteriori. Mais dans la sphère géopolitique américaine, de nombreuses tendances innées, d’essence non occidentale, persistent et continuent à se manifester, sous différents points de vue, dans divers pays: Pietrobon cite les cas de la Turquie, de la Hongrie, de la Pologne et de l'Allemagne

Lorsque l'on parle de l'Occident, on se réfère à un bloc précis du monde caractérisé par une série d'éléments communs, tels que les traditions culturelles, la philosophie politique et religieuse, les valeurs sociales, le système économique et la culture politique articulée sur le binôme État de droit - démocratie.

L'Occident, plus en détail, correspondrait à une entité géopolitique précise, articulée sur le rôle central des États-Unis et sur la présence périphérique d'autres puissances, comme le Canada, le Japon, l'Union européenne, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et la Turquie.

Qu'on le veuille ou non, l'Occident est un bloc uni et cohérent, difficile à déstabiliser car il repose sur des valeurs communes et partagées. Il n'est donc pas surprenant que la plus grande et la meilleure expression de l'Occident soit l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), la plus grande et la plus durable des alliances militaires sur la planète.

Au nom de la défense du "monde libre" que l'Occident garde, protège et représente, la guerre froide et les guerres en Corée, au Vietnam et en Irak ont été menées, des coups d'État ont été promus dans le monde entier et même ce qui a été rebaptisé "guerre sans fin", c'est-à-dire la guerre contre les djihadistes internationaux, a été lancé.

Les pays occidentaux sont tellement unis qu'ils sacrifient leurs intérêts nationaux au nom d'un bien suprême, à savoir la protection de la communauté, la survie du monde libre, et ils se préparent aujourd'hui à ce qui semble être la guerre froide du nouveau millénaire : celle contre la République populaire de Chine.

À ce stade, cependant, nous devons prendre du recul et revenir à l'unité et à la cohésion de ce bloc, parce que cette unité et cette cohésion sont fausses. L'Occident, tel qu'on le comprend actuellement, n'a jamais existé et est, en fait, maintenu artificiellement en vie par les États-Unis parce qu'il s’avère fonctionnel pour la perpétuation de l'ordre international qui a émergé après la Seconde Guerre mondiale, des cendres de l'eurocentrisme, et s'est consolidé avec la chute de l'Union soviétique.

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L'Occident n'a jamais existé avant 1945 et lutte pour exister de manière autonome encore aujourd'hui, malgré les milliards de dollars investis par les États-Unis pour hégémoniser culturellement le Vieux Continent. L'américanisation de l'Europe est une réalité irréfutable: coutumes, valeurs, idées, mode de vie, politique, vêtements, culture, musique, langue ; tout est importé par l'ancien cousin rebelle devenu père-maître d'une famille dysfonctionnelle.

On disait autrefois que "quand Paris a froid, l'Europe éternue", aujourd'hui on peut dire que "quand l'Amérique a froid, l'Europe fait de l'hypothermie". Les événements qui ont suivi la mort de George Floyd en sont la preuve la plus éloquente: la bataille culturelle de la gauche radicale et des antiracistes de Black Lives Matter a rapidement traversé l'océan Atlantique, atteignant des sommets d'extrémisme encore plus élevés que ceux atteints aux États-Unis.

Pourtant, outre l'américanisation des coutumes, la spectacularisation hollywoodienne de la politique, l'appauvrissement linguistique causé par la domination de l'anglais et les luttes menées dans le monde entier pour défendre l'idée du monde qu'est l'Occident, il est légitime de soutenir qu'il s'agit d'un artifice.

Un Occident existe, c'est clair, mais c'est un monde dans un monde. Les Occidentaux sont les États-Unis, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Scandinavie, berceaux du libéralisme politique et avant-gardes des révolutions (ou involutions ?) sociales et culturelles qui, de là, se sont étendues au reste de la civilisation du bloc euro-américain. Mais ne sont pas et ne seront peut-être jamais occidentaux des pays comme la Turquie, la Hongrie, la Pologne et l'Allemagne.

Vous pouvez occidentaliser leurs coutumes et leurs esprits, et même convaincre leurs politiciens de participer à certaines guerres, mais seulement pour un temps. L'épopée occidentalisante de la Turquie a duré le temps de Mustafa Kemal mais, de 1960 à aujourd'hui, les forces armées, gardiennes d'une constitution anti-historique et contre nature, puisqu'elle est républicaine, laïque et occidentale, ont dû intervenir, ou ont menacé d'intervenir, à dix reprises pour protéger ces valeurs importées et transplantées par la force. Finalement, la force brute ne suffit pas: Recep Tayyip Erdogan, le père de la nouvelle Turquie, l'emporte sur l'ordre kémaliste, dont le dernier et faible coup de queue s’est manifesté en juillet 2016.

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Si l'Occident était vraiment le bloc cohérent et unifié tel qu'il se présente, les chartes fondamentales de ses membres ne seraient pas protégées par la force et, surtout, nous ne verrions pas de telles oscillations. L'ascension imparable d'Erdogan est la preuve que la Turquie n'est pas l'Occident et que son maintien en son sein, forcé et contraint pour des raisons géopolitiques, n'a pas été possible.

Il y a plus de rivalités entre la Turquie et ses supposés alliés qu'il n'y en a dans le monde. Erdogan est, tout simplement, l'expression d'une révolution que le peuple, c'est-à-dire la Turquie profonde, cherchait depuis soixante ans et qu'il a finalement réalisée. La Turquie n'était pas et n'est pas l'Occident, mais elle était et est encore la Sublime Porte entre l'Europe et l'Asie, le cœur battant du panturquisme et du nationalisme islamique et, surtout, le rival par excellence du Vieux Continent.

En Hongrie et en Pologne, au contraire, le dégagement se fait de manière plus douce, également en raison de l’adhésion de ces deux pays à l'Union européenne, mais, néanmoins, il se produit. Aucun parti, dans le court interlude démocratique des deux pays, n'a jamais bénéficié du consensus dont le Fidesz et ‘’Droit et la Justice’’, deux forces politiques aux aspirations révolutionnaires et non occidentales, disposent aujourd'hui.

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Viktor Orban, le leader du Fidesz, qui en plus d'être un homme politique est aussi un penseur d'une certaine complexité, est celui qui a lancé la révolution illibérale qui a traversé l'Occident pendant des années et qui a finalement atterri aux États-Unis en 2016. Orban est le théoricien d'un nouveau modèle de civilisation, antithétique à l'Occident parce que non libéral, chrétien et tourné vers l'Orient. Orban est aussi celui qui a permis à la petite Hongrie de se projeter hors des frontières européennes, en récupérant l'ancienne idéologie touranienne, sur les terres d'Asie centrale et les pentes du Mont Fuji.

Le touranisme est une école de pensée que l'on croyait morte jusqu'il y a quelques années, mais qui est maintenant un sujet d'étude en Hongrie, en Turquie et dans les pays d'Asie centrale. En tant qu’idéologie, elle a échoué au moment de sa conception, qui s'est produite au tournant des XIXe et XXe siècles, car elle n'a pas réussi à convaincre les peuples installés en Europe d'origine turque, mongole et/ou ouralo-altaïque (comme les Magyars, les Turcs, les Finlandais, les Tatars, etc.) de s'allier dans une perspective hostile au panslavisme et au pangermanisme.

Aujourd'hui, cependant, au nom de la fraternité turque, la Hongrie, la Turquie et les « -stan » coopèrent de manière fructueuse et active dans le cadre du Conseil turc, échangent des étudiants, organisent des événements culturels, se font des cadeaux, se prêtent de l'argent. Les frères turcs ont été les premiers à répondre aux appels à l'aide de Budapest lors du déclenchement de la pandémie de Covid-19 ; un signe des temps.

Le touranisme mis à part, si la cohésion et l'unité étaient les éléments constitutifs de l'Occident, puisqu'il est représenté comme un ensemble impérissable, la Hongrie aurait également dû enterrer d'anciennes revendications territoriales dans la zone des Balkans et de l'Europe de l'Est, mais ce n'est pas le cas.

La Pologne, tout comme la Hongrie et la Turquie, a dépoussiéré, au cours de ces dernières décennies, de vieux rêves hégémoniques et identitaires qui peuvent être, oui, complémentaires à l'Occident mais qui, en fin de compte, lui seront défavorables en raison de contradictions sous-jacentes. La référence est ici l'Intermarium (Międzymorze), un concept géopolitique élaboré par l'un des pères de la Pologne moderne, Józef Piłsudski, dans l'entre-deux-guerres.

Piłsudski, effrayé par l'idée d'un encerclement russo-allemand perpétuel, a estimé que la Pologne devait investir toutes ses ressources humaines, économiques et diplomatiques dans la reconstitution de l'ancien royaume polonais, même de manière informelle, en créant une union inoxydable avec le voisinage composé des actuels Bélarus, Ukraine et Lituanie (ainsi que de l'Estonie et de la Lettonie). L'histoire se répétera, la Pologne sera à nouveau engloutie par les Russes et les Allemands, les catholiques persécutés pour leur foi, le Christ de l'Europe mourra à nouveau. Le temps lui a donné raison et la Pologne n'a retrouvé la liberté et l'indépendance qu'en 1989.

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Après une brève parenthèse de pur pro-européanisme et d'enchantement libéral, le paysage politique polonais a vu l'entrée en scène du parti ‘’Droit et Justice’’, une création des frères jumeaux Lech et Jaroslaw Kaczyński. Ce dernier, qui a succédé au premier après sa mort dans le controversé accident d'avion de Smolensk en 2010, a exprimé une vision très similaire à celle d'Orban, mais sans l'ingrédient eurasiatique, rêvant de la construction d'une Pologne en position antagoniste, au sens culturel, face à l'Occident.

Même l'Allemagne, bien qu'elle ait abandonné son identité nationale au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à la suite des horreurs consécutives au nazisme, continue de montrer que les vieilles habitudes ont la vie dure, comme en témoigne le partenariat discrètement créé avec la Chine ces dernières années. Il a fallu deux guerres mondiales pour que l'Allemagne se dé-germanise (presque) complètement, mais les tendances eurasiennes et hégémoniques de ses tropismes diplomatiques n'ont pas été effacées. Tendances qui ont sous-tendu l'hostilité de l'administration Trump envers Berlin : un allié loyal plus enclin à la soumission aveugle que la plupart des autres, mais toujours redoutable car naturellement prédisposé à échapper subrepticement à l'hégémonie américaine.

L'Occident existe, oui, et l'Italie, l'un des pays les plus américanisés d'Europe, en est la preuve, mais c'est la coercition, et non le partage présumé d'éléments communs, qui le maintient à flot et perpétue son existence. Il est peut-être impossible d'éviter sa désintégration, mais les pays qui y resteront seront toujours l'Occident.

mercredi, 03 février 2021

Karl Haushofer en het nationaal-socialisme: tijd, werk en invloed door Perry Pierik

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Bespreking van: Karl Haushofer en het nationaal-socialisme: tijd, werk en invloed door Perry Pierik

Björn Roose

Wie zich ook maar voor een uurtje in geopolitiek verdiept – en dat zijn er sinds die tak van de wetenschap de laatste decennia weer enigszins gededouaneerd is geraakt toch niet weinig –, komt hoe dan ook bij de naam Karl Haushofer terecht. Het is dan ook enigszins spijtig dat Perry Pierik het woord “geopolitiek” niet eens vernoemt op de cover van dit boek, zodanig dat wie nog nooit gehoord heeft van geopolitiek niet door dat woordje kan aangetrokken worden om het boek ter hand te nemen. Nah ja, “nationaal-socialisme” zal een belangrijker verkoopsargument geweest zijn en Pierik is per slot van rekening niet alleen schrijver, maar ook uitgever (dit boek is uitgegeven bij Aspekt, waarvan hij de eigenaar is) en boeken over het nationaal-socialisme en aanverwanten zijn zo’n beetje de specialiteit van zijn uitgeverij. “Als de nationaal-socialisten niet hadden bestaan, dan hadden ze ze moeten uitvinden”, zei een Franstalige kennis van me wel eens en hij had voor de wereld van uitgevers, documentairemakers en cineasten zeker gelijk.

frontImagesLink.jpgNu, los daarvan, dit Karl Haushofer en het nationaal-socialisme is een redelijk sterk boek. Ook voor wie meer wil weten over geopolitiek, want Pierik gaat uitgebreid op het vakgebied in in het derde hoofdstuk Geopolitik: de mores van het vak. De ideeën van Friedrich Ratzel, Rudolf Kjellén, Halford Mackinder en uiteraard Karl Haushofer en de andere geopoliticus in de familie, zijn zoon Albrecht passeren, samen met die van een aantal mindere goden, uitgeverijen, begunstigers, enzovoort, de revue. Bovendien zijn in het boek 35 bladzijden aan voetnoten opgenomen en 20 bladzijden aan literatuurregister. Daarin zit héél veel over de geopolitiek, zodat wie zich verder wil verdiepen in die wetenschap zich nog lang niet zal gaan vervelen.

Maarreuh, geopolitiek, was dat niet iets van de nationaal-socialisten? Was dat niet de semi-wetenschappelijke uitleg die ze gaven aan hun drang naar Lebensraum (en nach Osten)? Zou zoiets niet beter in de hoek blijven liggen waarin het na WOII geschopt is? Wel, dat soort vragen zal allicht ook de reden geweest zijn waarom Pierik dit boek geschreven heeft.

Mijn mening: politici (en dat zijn nationaal-socialisten net zo goed al communisten en “democraten”) maken altijd, net zoals “gewone” burgers (én een groot deel van de wetenschappelijke wereld), misbruik van die conclusies die de wetenschap (tijdelijk) trekt en stofferen er hun eigen aannames mee. Dat dat zal gebeuren, mag geen reden zijn om niet verder te streven naar kennis. En als iemand streeft naar kennis, zal hij doorgaans niet zoveel zelfbeheersing aan de dag leggen dat hij die voor zich houdt tot ze “volledig” is. Wetenschappers hebben een ego, willen niet dat een ander hen vóór is, en verdienen óók graag hun boterham.

Dat er zelfs in de definitie van geopolitiek nogal verschillen zitten van persoon tot persoon, van instelling tot instelling, maakt het er uiteraard niet makkelijker op. Dat er héél veel factoren meespelen óók niet. En dat iedereen er mee doet wat hem zint al evenmin. David Criekemans definieerde geopolitiek in 2005 als “het wetenschappelijk studieveld behorende tot zowel de Politieke Geografie als de Internationale Betrekkingen, die de wisselwerking wil onderzoeken tussen de politiek handelende mens en zijn omgevende territorialiteit (in haar drie dimensies; fysisch-geografisch, menselijk-geografisch en ruimtelijk)”, wat het wel zo’n beetje samenvat, maar ook meteen duidelijk maakt dat geopolitiek over álles kan gaan en overal heen kan.

md1367120941.jpgIs het dan eigenlijk wel een wetenschap, kan je je afvragen? En, weerom mijn mening, dat is het en dat is het niet. Is filosofie een wetenschap? Is psychologie een wetenschap? Is economie een wetenschap? Die eerste twee vragen zullen veel mensen meteen met een “nee” beantwoorden, al zullen de beoefenaars van de wetenschap in kwestie daar wellicht een andere mening over hebben, maar economie wordt algemeen gezien als wetenschap. Ik, als economist, zeg dat het dat niet is. Op basis van de economische “wetenschap” zijn systemen gevestigd die zo ver uiteenlopen als communisme en kapitalisme, verdedigt de ene een “miljardairstaks” en de andere een “flat tax”, is de ene in crisistijden voor zware overheidsinvesteringen terwijl de andere pleit voor het buiten de economie blijven van de staat. En elke politicus én elke economist heeft “wetenschappelijke” bewijzen die zijn gelijk staven. En stuk voor stuk zijn ze van oordeel dat hun tegenstanders onwetenschappelijke klungelaars zijn. Of ze negeren die tegenstanders volkomen. Ergo: als we economie als een wetenschap beschouwen, kunnen we geopolitiek óók als een wetenschap beschouwen.

Sterker nog: er is eigenlijk véél meer overeenstemming in de geopolitieke wereld dan er in de economische wereld is. Zonder dat die overeenstemming met de macht van de straat afgedwongen wordt (cfr. de zogenaamde consensus in de wetenschappelijke wereld over klimaatopwarming, afgedwongen door activistische politieke instellingen en dito van mediatieke roeptoeters voorziene burgers). Er zijn een aantal verschillende verklaringsmodellen, geen daarvan is volledig, en er is sprake van voortschrijdend inzicht, maar de voorlopige conclusies gaan geen radicaal verschillende richtingen uit. Én het is ook gewoon een razend interessant kennisdomein, zeker in tijden waarin grotendeels gedaan wordt alsof grenzen voor eeuwig vastliggen, handels- en andere oorlogen zich bedienen van flauwe excuses, en gedateerde internationale instellingen hun leven proberen te rekken.

51MI6LAnouL._SX339_BO1,204,203,200_.jpgNu, ook los van de rol van Karl Haushofer in de geopolitiek – een rol die eigenlijk nauwelijks kan overschat worden – is dit een interessant boek. De naam van Haushofer zal namelijk zelden genoemd worden zonder ook die van Rudolf Hess te noemen. Rudolf Hess, de gevangene en gehangene van Spandau, de plaatsvervanger van Adolf Hitler, de man met een vredesmissie, is ondanks alle literatuur die over hem gepleegd is nog steeds een van de enigma’s van de twintigste eeuw (daar kom ik bij een latere boekbespreking nog op terug). En hij was jaren een leerling en vriend van Karl Haushofer en diens zoon Albrecht. Hij had hun naamkaartje op zak toen hij naar Schotland vloog. De Haushofers wisten (de zoon in verschillende hoedanigheden) naar alle waarschijnlijkheid van zijn plannen. Al die zaken komen aan bod in Karl Haushofer en het nationaal-socialisme – Tijd, werk en invloed, wat toch veel meer is dan wat Wikipedia ter zake vermeldt. Dat spreekt namelijk alleen van Hess die Haushofers ideeën zou geïntroduceerd hebben bij Hitler en van Hess die Haushofers “joodse familie” (Haushofers vrouw was joods) beschermde tegen diezelfde Hitler, maar vertikt het het ook maar met een woord te hebben over de invloed die de Haushofers (zowel Karl als Albrecht) gehad hebben op zijn “vlucht”.

En dan is er natuurlijk ook nog Karl als vader van Albrecht. De twee kwamen na de “vlucht” van Hess in een neerwaartse spiraal terecht (het nationaal-socialistische regime was zich wél bewust van het feit dat er een samenhang was tussen Hess en de Haushofers die véél verder ging dan het promoten van geopolitieke ideeën), maar zelfs binnen die spiraal bleven ze een merkwaardig evenwicht bewaren. Een evenwicht tussen afkeuring en goedkeuring van de Führer, tussen conservatisme en nationaal-socialisme, tussen oost en west, tussen esoterisme en wetenschap. Een evenwicht dat kennelijk heel moeilijk te begrijpen is in hysterische tijden als de onze en dat daarom steeds weer afgedaan wordt als onzin. Een evenwicht dat Karl Haushofer niet kon redden van een gevangenschap in Dachau en Albrecht Haushofer van executie in de nasleep van het conservatieve von Stauffenberg-complot. Een evenwicht dat Karl Haushofer en zijn echtgenote Martha definitief verloren toen ze zich op 10 maart 1946 achtereenvolgens vergiftigden en ophingen (al lijkt me dat, in combinatie met het lot van Hess, sowieso ook weer een eigenaardigheid).

Voeg aan dit alles een een hoofdstuk toe over de Duitse Sonderweg, een gedegen uitleg over de revolutionaire toestand die uiteindelijk Hitler aan de macht bracht, een stavaza van de geopolitiek op het moment van publicatie (2006) en zelfs – al hoefde dat voor mij niet – een hoofdstuk over wat er van Karl Haushofer gemaakt is in de esoterische literatuur, en je weet dat dit boek van Perry Pierik een aanrader is. Lezen dus !

mardi, 02 février 2021

Vers 2030, la nouvelle OTAN sera née, l'OTAN sera l'avenir

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Vers 2030, la nouvelle OTAN sera née, l'OTAN sera l'avenir

par Manlio Dinucci

Source : Il Manifesto et https://www.ariannaeditrice.it

L'OTAN se tourne vers l'avenir. C'est pourquoi le secrétaire général Jens Stoltenberg a invité des étudiants et de jeunes dirigeants des pays de l'Alliance à proposer "de nouvelles idées pour l'OTAN 2030". Cette initiative s'inscrit dans le cadre de l'implication croissante des universités et des écoles, avec également un concours sur le thème : "Quelles seront les plus grandes menaces pour la paix et la sécurité en 2030 et comment l'OTAN devra-t-elle s'adapter pour les contrer ?

Pour réaliser ce thème, les jeunes ont déjà le manuel : "OTAN 2030 / Unis pour une nouvelle ère". Ce rapport est présenté par un groupe de dix experts nommés par le Secrétaire général. Parmi eux, Marta Dassù qui, après avoir été conseillère en politique étrangère du Premier ministre D'Alema pendant la guerre de l'OTAN contre la Yougoslavie, a occupé des postes importants dans les gouvernements successifs et a été nommée par le Premier ministre Renzi au conseil d'administration de Finmeccanica (aujourd'hui Leonardo), la plus grande industrie de défense italienne.

Quelle est la "nouvelle ère" que le groupe d'experts envisage ? Après avoir défini l'OTAN comme "l'alliance la plus réussie de l'histoire", qui a "mis fin à deux guerres" (celles contre la Yougoslavie et la Libye, mais que l'OTAN a déclenchées), le rapport brosse le tableau d'un monde caractérisé par "des États autoritaires cherchant à étendre leur pouvoir et leur influence", posant aux alliés de l'OTAN "un défi systémique dans tous les domaines de la sécurité et de l'économie".

Retournant les faits, le rapport affirme que si l'OTAN a tendu une main amicale à la Russie, celle-ci a répondu par une "agression dans la zone euro-atlantique" et, en violant les accords, a "provoqué la fin du traité sur les forces nucléaires intermédiaires". La Russie, soulignent les dix experts, est "la principale menace à laquelle l'OTAN doit faire face au cours de cette décennie".

En même temps, affirment-ils, l'OTAN est confrontée à des "défis sécuritaires croissants de la part de la Chine", dont les activités économiques et les technologies peuvent avoir "un impact sur la défense collective et la préparation militaire dans la zone de responsabilité du commandant suprême des alliés en Europe" (qui est toujours un général américain nommé par le président des États-Unis).

Après avoir tiré la sonnette d'alarme sur ces "menaces" et d'autres, qui viendraient également du Sud, le rapport des dix experts recommande de "cimenter la centralité du lien transatlantique", c'est-à-dire le lien de l'Europe avec les États-Unis dans l'alliance sous commandement américain.

Dans le même temps, il recommande de "renforcer le rôle politique de l'OTAN", en soulignant que "les Alliés doivent renforcer le Conseil de l'Atlantique Nord", le principal organe politique de l'Alliance qui se réunit au niveau des ministres de la défense et des affaires étrangères et au niveau des chefs d'État et de gouvernement. Puisque, selon les règles de l'OTAN, il prend ses décisions non pas à la majorité mais toujours "à l'unanimité et d'un commun accord", c'est-à-dire fondamentalement en accord avec ce qui est décidé à Washington ; renforcer encore le Conseil de l'Atlantique Nord signifie affaiblir encore plus les parlements européens, en particulier le parlement italien, qui sont déjà privés de réels pouvoirs de décision en matière de politique étrangère et militaire.

Dans ce cadre, le rapport propose de renforcer les forces de l'OTAN, en particulier sur le flanc Est, en les dotant de "capacités nucléaires militaires adéquates", adaptées à la situation créée par la fin du traité sur les forces nucléaires intermédiaires (traité déchiré par les États-Unis). En d'autres termes, les dix experts demandent aux États-Unis d'accélérer le déploiement en Europe non seulement des nouvelles bombes nucléaires B61-12, mais aussi des nouveaux missiles nucléaires à moyenne portée similaires aux euro-missiles des années 80.

Ils demandent en particulier de "poursuivre et de revitaliser les accords de partage nucléaire", qui permettent à des pays officiellement non nucléaires, comme l'Italie, de se préparer à l'utilisation d'armes nucléaires sous le commandement des États-Unis. Les dix experts rappellent enfin qu'il est essentiel que tous les alliés maintiennent l'engagement, pris en 2014, d'augmenter leurs dépenses militaires d'ici 2024 d'au moins 2% du PIB, ce qui signifie pour l'Italie de les faire passer de 26 à 36 milliards d'euros par an. C'est le prix à payer pour profiter de ce que le rapport définit comme "les avantages d'être sous l'égide de l'OTAN".

De l'Allemagne à la Turquie : tout le monde est fou de l'Albanie

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De l'Allemagne à la Turquie : tout le monde est fou de l'Albanie

Emanuel Pietrobon

https://it.insideover.com

L'Albanie est la clé de voûte de l'hégémonisation de la péninsule balkanique. Exercer une influence décisive sur cette ancienne nation euro-balkanique revient à hypothéquer le contrôle de ce qu’il est convenu d’appeler la "ceinture des Aigles" – soit le triangle Tirana-Pristina-Skopje -, qui équivaut à un tremplin géographique multidirectionnel, capable de projeter le joueur en service simultanément vers la Grèce, la Bulgarie, la Serbie, la Bosnie et l'Adriatique.

L'Albanie est d'ailleurs une économie florissante et en fort développement, une terre ouverte aux investissements étrangers, mais elle est aussi et surtout en attente d'adhésion à l'Union européenne et à l'Alliance atlantique. L'Allemagne, en raison de son rôle de première puissance européenne et à cause des éléments factuels et géographiques mentionnés ci-dessus, fait un pari important sur l'avenir du cœur territorial de la « ceinture des Aigles ».

Rome se retire, Berlin avance

L'Italie reste le premier marché de référence de l'Albanie en termes d'import-export, mais la position de domination commerciale, résultat de la proximité géographique et du passé historique, s'effrite au fil du temps au profit d'une situation plus variée reflétant l'émergence de nouvelles polarités et de nouveaux équilibres entre les Balkans et l'Adriatique.

Les chiffres sont éloquents : le tandem italo-albanais est en déclin constant depuis 2017, tandis que la présence de la Turquie et de la Chine augmente de façon ininterrompue, sans intervalles, pauses ou ralentissements, depuis 2005. Entre 2018 et 2019, alors que les importations en provenance de Rome ont diminué de 6,3 %, celles en provenance d'Ankara et de Pékin ont augmenté respectivement de 14 % et 11 %. Si la tendance se poursuit et se cristallise, d'ici le milieu des années 20, l'Italie pourrait perdre son titre de premier collaborateur commercial de l'Albanie.

L'Allemagne joue un rôle clé dans ce processus d'érosion : elle est entrée dans le classement des cinq premiers collaborateurs commerciaux de l'Albanie en 2015, occupant la quatrième position, et, depuis lors, elle a montré sa volonté de défendre avec ténacité ce statut de domination ascendante. L'année dernière, ce fut le tournant : l'augmentation exceptionnelle des exportations de produits albanais vers le marché allemand - +12,8% par rapport à 2019 ; la plus forte augmentation jamais enregistrée parmi tous les partenaires commerciaux de Tirana - accélère l'inéluctable ascension de Berlin, qui passe de la quatrième à la troisième place.

Investissements

Outre les échanges commerciaux, l'Allemagne utilise les investissements et la diplomatie culturelle pour accroître son poids sur la scène albanaise. En termes d'importance, Berlin est le onzième investisseur direct dans le système du pays des Aigles, où il est particulièrement présent dans l'énergie, les infrastructures et le tourisme, trois secteurs qui, le 27 janvier, ont fait l'objet d'une série d'accords.

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A la fin du mois, en effet, une réunion bilatérale a eu lieu à Tirana entre l'ambassadeur allemand in loco, Peter Zingraf, et la ministre albanaise de l'énergie et des infrastructures, Belinda Balluku, au cours de laquelle trois documents importants ont été signés dans les domaines de l'énergie - la restauration de la centrale hydroélectrique de Fierza, la plus grande du pays, par des spécialistes allemands -, l'investissement allemand de cinquante millions d'euros sur quatre ans pour promouvoir le développement régional intégré et le tourisme par le renforcement du réseau d'infrastructures - et pour conserver l'environnement - c'est-à-dire le soutien à la "gestion durable des déchets".

A Tirana, on parle allemand (de plus en plus)

Enfin, il y a la culture, un domaine sur lequel l'Allemagne parie beaucoup. Complice du mouvement migratoire de Tirana vers Berlin, à partir de 2018, les universités allemandes reconnaissent officiellement les diplômes du système d'enseignement supérieur albanais et la mobilité des étudiants a été renforcée par des programmes d'échange.

La promotion de la langue allemande : celle-ci est devenue une matière d'enseignement officielle dans six écoles participant à l'initiative "Partenaires pour l'avenir" ; elle est désormais une branche qui suscite un intérêt croissant chez les jeunes Albanais. Cette promotion est liée à la nouvelle donne économique/géopolitique. Pour donner une idée de l'ampleur du phénomène, considérons que le Goethe-Institut de Tirana en 2016 a dû transférer ses activités dans un bâtiment plus grand pour faire face de manière adéquate à une demande en pleine explosion : quatre mille étudiants se sont inscrits à l'époque, soit une augmentation de 22 % par rapport à l'année précédente.

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Il est fondamental de traiter le facteur linguistique avec toute l’attention voulue : en matières géopolitiques, les sphères d'influence sont également préservées par des travaux de conditionnement et de contagion culturelle, et l'intérêt et la fascination d'un peuple pour une langue sont révélateurs de la santé d'un lien entre les nations. La situation actuelle, une fois de plus, devrait inquiéter Rome : alors que des langues telles que l'anglais, l'allemand et le turc gagnent en popularité et en crédit, ces dernières années ont vu les étudiants protester contre l'imposition de l'enseignement obligatoire de l'italien.

L'importance de l'Albanie

L'Albanie est la clé de voûte pour asseoir toute stratégie d'hégémonisation de la péninsule balkanique. Exercer une influence décisive sur cette ancienne nation signifie hypothétiquement prendre le contrôle de la "ceinture des Aigles" – soit le triangle Tirana-Pristina-Skopje -, le tremplin géographique multidirectionnel, capable de projeter le joueur en service simultanément vers la Grèce, la Bulgarie, la Serbie, la Bosnie et l'Adriatique.

Celui qui contrôle la « ceinture des Aigles » décuple la probabilité de pouvoir construire une position hégémonique dans les Balkans qui, à leur tour, étant le talon d'Achille historique de l'Europe, sont fondamentaux pour conditionner la dynamique politique du Vieux Continent. C'est pour cette raison, souvent et volontairement incomprise et/ou négligée dans le monde de l'analyse géopolitique, que les grandes puissances régionales et extra-régionales s'intéressent au sort de Tirana, et de sa sœur Pristina, depuis la fin de la guerre froide, profitant des événements en Yougoslavie et de la perte de pouvoir et d'influence du garant historique qu’était l'Italie.

La Turquie et les États-Unis sont les acteurs qui ont su tirer parti de la dynamique des guerres post-yougoslaves, la première dans le cadre de l'expansion néo-ottomane dans les Balkans et la seconde dans le cadre de l'élargissement de l'Alliance atlantique et de l'endiguement de la Serbie (c'est-à-dire de la Russie), mais la compétition pour le contrôle du cœur géographique de la ceinture des Aigles est l’intention d'une multitude de nouveaux acteurs : la Chine, Israël, l’Iran, les pétromonarchies du Golfe, la France, l’Allemagne, le Vatican.

L'avenir du peuple albanais ne semble pas parler italien, aussi et surtout, à cause de mauvais choix, de négligence et de manque de clairvoyance de la part de la classe dirigeante du Bel Paese ; le fait est, cependant, que négliger de courtiser Tirana, c'est perdre un précieux avant-poste dans l'Adriatique et dans les Balkans occidentaux : Rome est avertie.

lundi, 01 février 2021

Joe Biden et l’avenir du Moyen-Orient

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Joe Biden et l’avenir du Moyen-Orient

Par Daniele Perra

Ex : https://www.lintellettualedissidente.it

Plusieurs médias ont décrit le début de l'ère Biden comme le retour de l'Amérique sur la scène internationale. En réalité, la prétendue discontinuité géopolitique entre les deux administrations (sauf exceptions stratégiques spécifiques) ne semble être qu'une construction journalistique.

Le début de l'ère Biden a été marqué par un certain nombre de mesures de politique étrangère en hypothétique contradiction avec les derniers coups de gueule de l'administration Trump. Ces mesures concernaient en particulier la région du Proche et du Moyen-Orient. Une région sur laquelle s'est construite, au moins au cours des vingt dernières années, la perception globale des États-Unis comme une puissance "impérialiste" ou comme un "exportateur de démocratie et de liberté" qui défend l'"Occident" et ses "valeurs" contre la barbarie orientale.

Le prétendu isolationnisme de l'administration Trump entrecoupait des démonstrations extrêmes de force (l'assassinat du général iranien Qassem Soleimani, le lancement de la "Mère de toutes les bombes" en Afghanistan) avec des actions diplomatiques unilatérales (la sortie de l'accord nucléaire iranien et l'imposition de nouvelles sanctions contre Téhéran et Damas, la reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l'État d'Israël et de la souveraineté israélienne sur le Golan occupé),y ajoutant des déclarations à la dérive plus propagandiste que realpolitisch sur le retrait progressif des États-Unis de la région. Ce prétendu isolationnisme a sans doute jeté la confusion dans les médias "occidentaux" qui continuent à construire leur système de communication sur les apparences et sur une étude des sources plutôt pauvre. Depuis 2016, je soutiens que l'administration Trump ne ferait rien d'autre que de montrer le vrai visage de l'Amérique jusqu'alors caché par le voile humanitaire du double mandat démocrate de Barack Obama. Cependant, si précisément les peuples du Proche et du Moyen-Orient ont pu regarder cette réalité en face (l'imposition de sanctions à la Syrie par le Caesar Act, par exemple, a fait plus de morts que le terrorisme), en "Occident", également grâce à une information complice, on a préféré, d'une part, soutenir la thèse isolationniste et, d'autre part, critiquer les aspects aussi grotesques qu'essentiellement inoffensifs de l'administration Trump, qui appartient désormais au passé.

Biden à Bagdad

Maintenant, dans ce contexte, nous n'entrerons pas dans le détail du mouvement des troupes nord-américaines entre la Syrie et l'Irak ou de l'entrée des navires de guerre dans la mer de Chine méridionale. Ces opérations se déroulent dans le silence des médias occidentaux depuis plusieurs années. C'est pourquoi, sur cette base, quelques jours après l'entrée en fonction de la nouvelle administration, il n'est en aucun cas possible de tracer des lignes de discontinuité avec le passé. Il suffit de dire que dans l'instant qui a suivi l'annonce du retrait de Syrie par Donald J. Trump, plusieurs colonnes de véhicules blindés américains sont entrées dans ce pays du Levant via l'Irak pour "sécuriser" les puits de pétrole. En fait, le retrait susmentionné n'a jamais eu lieu et, selon toute probabilité, la nouvelle administration ne fera que renforcer les positions nord-américaines sur la rive orientale de l'Euphrate pour empêcher également toute reconstruction éventuelle du pays par l'exploitation de ses ressources.

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On pensait qu'il y avait une ligne de discontinuité avec l'ère Trump dans la relance du programme d'aide à la Palestine coupé par le précédent locataire de la Maison Blanche. À cet égard, le discours devient, du moins en théorie, plus complexe. Yara Hawari, chercheuse au centre de recherche palestinien Al-Shabaka, a expliqué qu'il est pour le moins optimiste d'espérer un changement de la politique nord-américaine à l'égard de la question israélo-palestinienne. La position extrémiste de l'administration Trump, une fois de plus, ne serait rien d'autre que la position américaine traditionnelle sans les fioritures de l'hypocrisie humanitaire. En fait, les deux principaux camps politiques nord-américains n'ont jamais manqué d'apporter un soutien inconditionnel à Israël. Joe Biden lui-même, en son temps, a eu l'occasion de souligner que l'aide américaine à Israël était le meilleur investissement pour la politique étrangère de Washington et que s'il n'y avait pas d'État juif, les États-Unis auraient dû en créer un pour garantir leurs propres intérêts dans la région. Le vice-président Kamala Harris et le nouveau secrétaire d'État, le "faucon" Antony Blinken, sont plus ou moins du même avis. Ce dernier, déjà partisan convaincu de l'agression contre la Syrie sous l'ère Obama, a également garanti que l'administration Biden suivrait les traces de ses prédécesseurs, tant en ce qui concerne la volonté de maintenir l'ambassade américaine à Jérusalem (un autre choix imaginé même sous l'ère Clinton et concrétisé par Trump) que les accords dits "Abrahamiques". Ceux-ci sont en effet fondamentaux pour la stratégie géopolitique américaine de construction de blocs d'interposition entre l'Est (Russie, Iran et Chine notamment) et l'Europe, qui comprend également l'Initiative des trois mers dans la partie orientale du Vieux continent.

Par conséquent, le "retour aux affaires" entre Washington et les institutions palestiniennes (entre autres choses largement corrompues et corruptibles lorsqu'elles ne sont pas directement otages des monarchies du Golfe) ne peut être considéré comme essentiellement positif. Si, d'une part, elle peut apporter un soulagement à au moins une minorité de la population palestinienne, d'autre part, elle continuera à fonctionner sur le mode de l'échange entre l'argent et de nouvelles concessions politiques unilatérales visant toujours à favoriser les revendications sionistes au détriment des revendications palestiniennes. Un discours similaire peut facilement être appliqué à l'accord nucléaire avec l'Iran. Les théoriciens des relations internationales comme le "réaliste" John Mearsheimer ont réitéré la nécessité pour les États-Unis de tenter un hypothétique retour à l'accord ou, du moins, une nouvelle approche de Téhéran. Il va sans dire que, dans ce cas également, les concessions économiques garanties à l'Iran par l'accord ont été étudiées à la fois pour empêcher le développement de la capacité de dissuasion nucléaire et antimissile de Téhéran, et pour garantir une pénétration occidentale dans le pays qui aurait pu permettre (au moins, à long terme) une déconstruction depuis l'intérieur de la République islamique. Il n'est pas surprenant que, déjà avant la signature de cet accord, un centre de recherche stratégique israélien ait produit un plan de déstabilisation interne de l'Iran, exploitant les minorités ethniques et religieuses : en d'autres termes, une sorte de plan Yinon appliqué à la République islamique, avec le titre emblématique "Comment faire mal à l'Iran sans frappes aériennes".

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Les renseignements selon Joe Biden

Maintenant, outre le fait que les termes de l'accord n'ont déjà pas été respectés dans les dernières périodes de l'administration Obama, il sera important de comprendre comment Joseph Biden peut tenter un rapprochement avec l'Iran. Pour la stratégie américaine, cela serait fondamental en premier lieu pour pouvoir se concentrer sur les principaux ennemis : la Russie (l'accélération soudaine du cirque d'information atlantiste sur l'affaire Navalny est en ce sens emblématique) et la Chine avec ses projets de coopération eurasienne qui doivent être constamment sabotés. Et, deuxièmement, garantir une plus grande concentration des forces de renseignement également sur la dynamique interne aux Etats-Unis mêmes, dynamique devenue plutôt turbulente. Cette tentative de rapprochement ne peut donc être que progressive. Toutefois, un signe important dans ce sens a déjà été lancé avec la réduction partielle du régime de sanctions imposé dans les derniers jours de la présidence Trump aux forces yéménites d'Ansarullah (proches de Téhéran) et avec la promesse d'interrompre le soutien logistique à l'agression saoudienne contre le Yémen lui-même et de réduire la vente d'armes aux monarchies du Golfe (un autre héritage des précédentes administrations Obama et Trump). Il faut dire qu'il est difficile (et à juste titre) pour l'Iran, quelle que soit la pression exercée, d'accepter sans garanties réelles de suppression complète du régime de sanctions à son encontre un accord avec un homologue qui s'est avéré largement peu fiable. Par conséquent, il ne serait pas du tout surprenant que des opérations de guerre hybride contre la République islamique soient également menées de manière constante par la nouvelle administration, bien que de manière moins ouverte et moins ouvertement propagandiste que dans le cas de Trump.

Face à une situation intérieure plutôt instable, de nombreux théoriciens et stratèges nord-américains ont souligné la nécessité d'une reconstruction interne à travers le seul ciment idéologique de la société américaine : l'idée exceptionnaliste de "destin manifeste", de supériorité morale par rapport aux autres nations du globe. Cependant, pour raviver ce sentiment, il faut un ennemi (ou la création d'un ennemi). Cet ennemi est et reste (comme pour l'administration Trump) la Chine : la seule puissance réellement capable de représenter une menace et une alternative au système mondial décadent de l'Amérique du Nord. En fait, même parmi les démocrates, le parti de ceux qui ont commencé à considérer la Russie comme un "allié" stratégique potentiel dans une perspective anti-chinoise se développe, si Poutine et son entourage devaient quitter la scène à court terme, laissant la place à une "cinquième colonne" occidentale assez importante composée d'oligarques et de politiciens de diverses orientations libérales (une solution qui reste peu probable à court terme).

Ne pouvant cependant pas se permettre un affrontement militaire direct avec la Chine, il reste à comprendre quelle solution sera adoptée pour contenir et éviter la projection géopolitique de cette dernière. L'une des caractéristiques fondamentales du projet d'infrastructure de la nouvelle route de la soie est le corridor sino-pakistanais. Les relations entre les États-Unis et le Pakistan se sont rapidement détériorées ces dernières années, également en raison d'un engagement américain notable dans le renforcement technologique et militaire de l'Inde, déjà considérée à l'époque d'Obama comme un "partenaire majeur en matière de défense". Joseph Biden, alors qu'en 2007 il était encore candidat aux primaires du parti démocrate, a déclaré que le Pakistan est l'État le plus dangereux du monde. Toujours à la lumière de la tentative de détente avec l'Iran, il ne serait pas du tout surprenant qu'une guerre sur commande soit préparée précisément dans une région qui reste la jonction cruciale entre les axes Nord-Sud et Ouest-Est du continent eurasiatique.

Le Grand Jeu en Méditerranée orientale

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Giusepppe Gagliano:

Le Grand Jeu en Méditerranée orientale

Ex : https://moderndiplomacy.eu

Comme nous l'avons souligné à plusieurs reprises, la découverte de grands gisements de gaz au large des côtes d'Israël, de Chypre, d'Égypte et du Liban, a fait que la Méditerranée orientale joue désormais un rôle beaucoup plus important dans la géopolitique de l'énergie. Dans les eaux de l’offshore profond, elle n'est rentable qu'à long terme et présente des défis techniques et économiques importants. De plus, le pouvoir politique qui régit cette zone de la Méditerranée orientale repose sur trois autorités avec lesquelles il est nécessaire de traiter, dont les intérêts économiques peuvent diverger dans le temps. Cette réalité pèse sur les perspectives d'avenir de cette zone, du moins jusqu'à ce que la dimension politique soit résolue de manière sûre.

D'importants gisements de gaz naturel ont été découverts dans les ZEE de l'Égypte, d'Israël et de Chypre. Les ZEE plus petites de la Syrie et du Liban doivent encore être explorées ou confirmées. Ces découvertes en Méditerranée orientale seraient constituées de réserves potentielles de l'ordre de 3,5 milliards de mètres cubes de gaz, dont la moitié environ sont des réserves prouvées équivalentes à celles encore disponibles pour la Norvège après trente ans d'approvisionnement par l'Union européenne. En particulier, presque à la même distance des côtes de leur pays, se trouvent les trois gisements de Zohr (Egypte), Leviathan (Israël) et Aphrodite (Chypre) avec respectivement des réserves prouvées de 850, 450 et 140, pour un total de 1.440 milliards. de mètres cubes. Les dirigeants de ces trois pays se sont réunis pour envisager une solution commune afin de commercialiser ce gaz pour l'exportation. Il a été question de la construction d'un gazoduc sous-marin vers la Grèce et l'Italie, qui serait un concurrent direct du gaz azerbaïdjanais qui traverse la Turquie.

Dans le même temps, les gouvernements de Turquie et de Libye ont délimité les frontières de leurs ZEE, envahissant les ZEE des pays cités ci-dessus, créant ainsi des sources supplémentaires d'incertitude et de complications juridiques. Enfin, la démonstration de force de la Turquie en envoyant des navires sismiques en préparation des opérations d'exploration dans la ZEE grecque n'a fait qu'ajouter à un climat géopolitique déjà tendu. Tous ces facteurs d'incertitude et de conflits potentiels ne sont pas propices au développement de la production de gaz dans cette zone de la Méditerranée orientale. Cette situation n'empêche pas l'Égypte et Israël de produire, de consommer et d'exporter du gaz provenant de gisements proches de leurs côtes, dont la propriété n'est pas remise en question.

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Nous en venons maintenant à la Turquie. Il faut souligner qu'il existe un malentendu géographique : la grande découverte annoncée le 21 août 2020 par le président Erdogan ne se situe pas en Méditerranée, mais en mer Noire. Il s'agit du champ de Sakarya, situé à environ 170 kilomètres au nord de la côte turque. Il a une profondeur d'eau de 2 110 mètres et une profondeur totale de 4 775 mètres. Selon les informations publiques, il a été découvert en forant un seul puits, le Tuna-1, réalisé par le navire d'exploration Fatih ("le conquérant", en turc). Les réserves, initialement annoncées à 800 milliards de mètres cubes, ont été réévaluées par l'opérateur TPAO (Turkish Petroleum Corporation) à 320 puis à 405 milliards de mètres cubes le 17 octobre 2020. Un second forage de Turkali 1 est prévu en novembre. Un deuxième navire d'exploration, le Kanuni ("le législateur" en turc) est sur le point d'atteindre la mer Noire.

Le Sakarya a l'avantage d'être proche du marché turc. S'il est produit, son gaz approvisionnera le marché turc, renforcera la sécurité d'approvisionnement du pays et améliorera sa balance commerciale.

Cependant, la mise en production de Sakarya en 2023 est un objectif qui ne tient pas compte du calendrier de l'industrie gazière. Cette constatation devra être confirmée avant de passer à la conception et à la construction des installations de la phase de production du projet.

N'oublions pas que les ambitions de la Turquie sont multidimensionnelles et à multiples facettes. Elles ont un impact direct sur l'Europe, de l'Atlantique au Caucase en passant par la Méditerranée et le Moyen-Orient. Il est évident que les dimensions géopolitiques et religieuses priment sur les autres et il n'est pas clair si elles ont leur propre dimension stratégique ou si elles sont simplement tactiques. Cela dit, les ambitions énergétiques sont très légitimes pour tout pays, surtout lorsqu'il s'agit de la sécurité de l'approvisionnement en gaz.

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L'approvisionnement en gaz de la Turquie se situe entre 45 et 50 milliards de mètres cubes par an ; il est bien diversifié. Le gaz arrive à l'ouest par le Turk Stream, qui remplacera progressivement l'itinéraire historique à travers l'Ukraine, la Roumanie et la Bulgarie, au nord par le Blue Stream à travers la mer Noire à une profondeur de 2 000 mètres, à l'est par la frontière avec l'Iran et au nord-est par la frontière avec la Géorgie pour le gaz azerbaïdjanais. En outre, deux terminaux GNL terrestres (Izmir Aliaga, Marmara Ereglesi) et deux terminaux GNL flottants (Etki et Dörtyol) ont une capacité de réception totale d'environ 25 milliards de mètres cubes, dont la moitié seulement est utilisée, ce qui laisse une grande flexibilité ; ils reçoivent du gaz naturel liquéfié (GNL) d'Algérie, du Nigeria, du Qatar et d'autres sources, en dernier lieu du gaz de schiste des États-Unis.

Quant au TANAP (Trans Anatolian Pipeline) récemment mis en service, 6 milliards de mètres cubes par an de gaz azerbaïdjanais transiteront dans une première phase vers la Grèce, ce qui représente un peu plus de 1% des besoins de l'Union européenne. C'est ce qui reste du projet "Corridor Sud", autrefois étudié sous le nom de "Nabucco", promu par l'Union européenne pour réduire l'influence russe dans l'approvisionnement en gaz.

En bref, ces découvertes de grands gisements de gaz naturel ont déterminé un conflit évident, exacerbant les problèmes géopolitiques déjà existants dans une région qui n'est certainement pas simple d'un point de vue géopolitique.

Nous pensons au fait qu'Israël est en guerre avec le Liban et que les deux pays ne s'accordent pas sur le tracé de leurs zones économiques exclusives (ZEE) respectives ; la Syrie est en ruine, le conflit israélo-palestinien se poursuit et la question d'une éventuelle ZEE pour Gaza demeure ; la Turquie occupe toujours la partie nord de Chypre, refuse à l'île le droit d'avoir une ZEE et remet en cause le traité de Lausanne qui a établi, en 1923, les frontières gréco-turques et enfin, la Libye est déstabilisée et en guerre civile, avec des interventions étrangères qui compliquent encore la stabilité de la région.

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Ces découvertes modifient considérablement le destin énergétique des Etats riverains du bassin du Levant. Israël devient une puissance exportatrice de gaz naturel, l'Égypte répond dans un premier temps à ses besoins et envisage de devenir un pôle énergétique régional, Chypre s'appuie sur ses ressources naturelles pour réaliser la réunification de l'île. De même, le Liban et la Syrie pourraient envisager d'exploiter leurs ressources respectives ; le Liban a accordé les premières licences de recherche/exploitation et la Syrie a fait de même au profit, sans surprise, des entreprises russes. Et une fois de plus, la Turquie joue un rôle décisif dans ce jeu.

Mais pour revenir à la Turquie, l'occupation de la partie nord de Chypre (depuis 1974) est l'une des composantes de la question. La nouveauté vient de la réaction de la Turquie face à la possibilité pour Chypre d'exploiter les ressources naturelles situées dans sa ZEE. Rappelons que Chypre a délimité sa ZEE avec l'Égypte et Israël, a signé un traité avec le Liban et était en pourparlers avec la Syrie (avant le conflit) sur la base de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (1982). L'île a ensuite accordé des accords de recherche/exploitation à diverses entreprises. La société américaine Noble Energy, le consortium italo-coréen ENI-Kogas, le français Total, seul ou en joint-venture avec ENI, et l'américain ExxonMobil allié de Qatar Petroleum ont obtenu les licences.

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La Turquie, pour sa part, affirme que Chypre, comme toutes les îles de la Méditerranée, n'a pas de ZEE. Ankara, qui ne reconnaît pas la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, a une position arbitraire sur le sujet, une position qui lui est propre : elle estime que les îles n'ont pas de ZEE dans les mers fermées ou semi-fermées. .

Malgré les menaces turques à l'encontre des compagnies pétrolières travaillant avec Chypre, de nombreux forages exploratoires ont été réalisés dans la ZEE du pays et d'importantes découvertes de gaz naturel en quantités exploitables ont été faites : Noble Energy (découverte d'un champ contenant 100 à 170 milliards de mètres cubes de gaz naturel dans le bloc 12), ExxonMobil avec Qatar Petroleum (de 170 à 230 milliards de mètres cubes dans le bloc 10) et ENI avec Total (grand champ non encore quantifié dans le bloc 6).

Face à ces constats, la Turquie est devenue encore plus agressive, envoyant des navires d'exploration et de forage dans les eaux chypriotes, accompagnés de navires de guerre. La Turquie a effectué huit sondages illégaux dans la ZEE de Chypre. Appliquer la tactique d'encerclement à Chypre en maintenant constamment la pression sur cet Etat insulaire, avec, en fin de compte, le contrôle total de l'île. Sa dernière provocation, outre l'invasion quasi constante de sa ZEE, a été l'ouverture à l'exploitation et enfin la colonisation, le 8 octobre, du quartier fermé de Famagouste, ville portuaire vidée de sa population en 1974 et laissée auparavant pour une ville fantôme.

Parallèlement à la menace qui pèse sur Chypre, une menace croissante pèse sur la Grèce. Depuis le 10 août 2020, la Turquie a déployé son navire sismique Oruç Reis, accompagné de forces militaires navales, dans l'espace maritime grec, jusqu'aux côtes de Crète, obligeant la Grèce à faire de même. La Grèce, la France, l'Italie et Chypre ont mené un exercice militaire conjoint en Méditerranée orientale du 26 au 28 août, envoyant ainsi un message clair sur la volonté de ces pays de faire respecter le droit international.

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Selon une déclaration du ministère français des forces armées, "Chypre, la Grèce, la France et l'Italie ont décidé de déployer une présence commune en Méditerranée orientale dans le cadre de l'initiative de coopération quadripartite". La ministre française des forces armées, Florence Parly, a en outre précisé que la Méditerranée "ne doit pas être un terrain de jeu pour les ambitions de certains, c'est un bien commun".

Le président turc a précisé de sa part : "Nous ne ferons absolument aucune concession sur ce qui nous appartient. Nous invitons nos homologues à [...] se méfier de toute erreur qui pourrait ouvrir la voie à leur perte. Il a ensuite ajouté : "La Turquie prendra ce qui lui revient de droit dans la mer Noire, la mer Égée et la Méditerranée [...]. Pour cela, nous sommes déterminés à faire tout ce qui est nécessaire politiquement, économiquement et militairement". Le discours a été prononcé lors d'une cérémonie commémorant la bataille de Manzikert en 1071, qui marque l'entrée des Turcs en Anatolie, suite à la victoire du sultan seldjoukide Alp Arslan sur les Byzantins. Les marines des deux pays sont sur le point de s'affronter. Août : un navire grec entre en collision avec un navire turc.

A la situation déjà compliquée, la Turquie a ajouté un nouvel élément lié au conflit libyen. Depuis la chute du colonel Kadhafi, la Libye est entrée dans une zone d'instabilité dans laquelle de nombreux acteurs aux intérêts divergents se sont immergés. L'Egypte, soutenue par les Emirats et l'Arabie Saoudite, soutient le maréchal Haftar, qui contrôle la Cyrénaïque. La Russie est également présente dans cette région. Au contraire, la Turquie, soutenue par le Qatar, soutient le gouvernement de Sarraj, qui contrôle la région de Tripoli. Profitant de ce soutien, la Turquie a signé deux accords (le 27 novembre 2019) avec le maître de Tripoli. L'un militaire, l'autre maritime. L'accord de délimitation du plateau continental maritime entre les deux pays ignore complètement l'existence de Chypre, de la Crète et d'autres îles grecques de la mer Égée. De plus, la volonté d'Erdogan de prendre pied sur le continent africain et de changer la situation géopolitique dans cette région bouleverse de nombreux autres acteurs internationaux. La Libye est pour la Turquie, une des "entrées" de cet espace, d'où son désir d'établir des bases permanentes dans ce pays.

Cette situation géopolitique explosive montre la nécessité de développer la coopération dans cette région troublée. La coopération entre Chypre, la Grèce et Israël a rapidement pris forme. D'autres ont suivi, impliquant l'Égypte et la Jordanie, toujours avec la participation de Chypre et de la Grèce. L'Italie et la France sont également très présentes pour l'implication de l'ENI et de Total, mais aussi pour protéger cet espace vital commun qu'est la Méditerranée.

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La signature, début janvier 2020, d'un accord interétatique entre Israël, Chypre et la Grèce, pour la construction du pipeline sous-marin EastMed, est l'un des projets ambitieux de cette coopération. D'un coût d'environ 7 milliards d'euros, ce gazoduc permettrait d'acheminer le gaz chypriote et israélien vers la Grèce continentale, via la Crète, et au-delà vers l'Italie et l'Europe occidentale (entre 9 et 11 milliards de mètres cubes/an, ce qui correspond à environ 15 % de la consommation européenne de gaz naturel). Bien que ce projet soit coûteux sur le plan économique, il est de la plus haute importance sur le plan géopolitique pour la construction de l'indépendance énergétique de l'Europe. Il convient également de noter qu'en janvier 2019, les pays de la région ont créé le Forum du gaz de la Méditerranée orientale, qui vise à gérer le futur marché du gaz - une coalition qui comprend Chypre, la Grèce, Israël, l'Égypte, l'Italie, la Jordanie et la Palestine. La Turquie dénonce le fait que cela pourrait menacer ses intérêts. Toutefois, trois autres développements positifs sont intervenus au cours de l'été 2020 : La Grèce a procédé à la délimitation de sa ZEE avec l'Italie et l'Égypte et cette délimitation, basée sur la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, reconnaît évidemment une ZEE pour les îles.

Enfin, le Conseil européen réaffirme dans ses conclusions du 2 octobre 2020 sa solidarité avec Chypre et la Grèce, en précisant que des sanctions seraient adoptées contre la Turquie si cette dernière continuait à violer les ZEE des deux pays membres de l'UE ; Ankara a immédiatement rejeté cette décision, déclarant que son programme de recherche en Méditerranée orientale se poursuivrait. D'autant plus que l'Oruç Reis est toujours dans les eaux chypriotes et que la Turquie a décidé d'ouvrir le district fermé de Famagouste à l'exploitation, certainement dans le but d'une colonisation imminente, et ce en violation de toutes les résolutions des organisations internationales. Non seulement la pression continue de la Turquie sur Chypre s'intensifie dangereusement, mais la Turquie s'engage dans une projection politique lucide de la puissance maritime.

vendredi, 29 janvier 2021

Les grands défis et enjeux géostratégiques du monde multipolaire plein d’incertitudes qui vient...

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Les grands défis et enjeux géostratégiques du monde multipolaire plein d’incertitudes qui vient...

Entretien avec Caroline Galactéros

Propos recueillis par Alexandre del Valle

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un entretien accordé par Caroline Galactéros à Valeurs Actuelles, consacré aux enjeux et aux défis géostratégiques de l'année 2021 dans le monde complexe et incertain qui nous entoure, que nous avons cueilli sur Geopragma.

Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et de Vers un nouveau Yalta (Sigest, 2019). Elle a créé en 2017, avec Hervé Juvin, entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

Les grands défis et enjeux géostratégiques de 2021… et du monde multipolaire plein d’incertitudes qui vient

Alexandre del Valle : La rivalité croissante-économique, technologique et stratégique- entre les deux superpuissances du nouveau monde multipolaire, la Chine et les Etats-Unis, est-elle une tendance lourde, que la crise sanitaire n’a fait que révéler un peu plus ?

Caroline Galactéros : En effet, l’affrontement de tête entre Washington et Pékin, qui structure la nouvelle donne stratégique planétaire, va bon train sur le front commercial, mais aussi sur tous les autres terrains (militaire, sécuritaire, diplomatique, normatif, politique, numérique, spatial, etc…). La planète entière est devenue le terrain de jeu de ce pugilat géant, en gants de boxe ou à fleurets mouchetés : l’Europe bien sûr, l’Eurasie, mais aussi l’Afrique (où Pékin nous taille des croupières), l’Amérique latine, la zone indo-pacifique (bien au-delà de la seule mer de Chine), et naturellement le Moyen-Orient. Le président chinois Xi Jing Ping a d’ailleurs saisi l’occasion de la curée américaine sur Téhéran pour lancer une contre-offensive redoutable et plus puissante qu’un droit de véto, à la manœuvre américaine de « pression maximale » qui ne fait que renforcer les factions dures à Téhéran. La Chine a en effet volé au secours de Téhéran en nouant cet été un accord de partenariat stratégique de 400 milliards de dollars d’aide et d’investissements (infrastructures, télécommunications et transports) assortis de la présence de militaires chinois sur le territoire iranien pour encadrer les projets financés par Pékin, contre une fourniture de pétrole à prix réduit pour les 25 prochaines années et un droit de préemption sur les opportunités liées aux projets pétroliers iraniens. Cet accord, véritable « Game changer », est passé quasi inaperçu en Europe. Ses implications sont pourtant cardinales : s’il est mis en œuvre, toute provocation militaire occidentale orchestrée pour plonger le régime iranien dans une riposte qui lui serait fatale, reviendra à défier directement la Chine… En attaquant Téhéran, Washington attaquera désormais Pékin et son fournisseur de pétrole pour 25 ans à prix doux. Un parapluie atomique d’un nouveau genre… Pékin se paie d’ailleurs aussi le luxe de mener parallèlement des recherches avec Ryad pour l’exploitation d’uranium dans le sous-sol saoudien…. Manifeste intrusion sur les plates-bandes américaines et prolégomène d’un équilibre stratégique renouvelé.

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ADV : Quel est votre regard sur l’outsider chinois depuis la crise sanitaire ? Doit-on combattre l’exemple anti-démocratique chinois qui séduit de plus en plus de pays du monde en voie de polarisation, donc de désoccidentalisation ?

CG : 2020 aura été l’année d’une accélération de la « guerre des capitalismes » qui fait rage désormais entre le capitalisme libéral occidental et son adversaire déclaré, le capitalisme politique chinois. Au grand dam de l’Occident, Pékin est en passe de résoudre la contradiction propre au système capitaliste occidental, qui détruit de l’intérieur la liberté des individus à force de l’exacerber, pour proposer une synthèse efficace et séduisante pour bien des pays, entre nation, développement collectif et prospérité individuelle. C’est du dirigisme, c’est une pratique autoritaire du pouvoir, c’est une restriction manifeste des « droits de l’homme », c’est le contrôle social direct grandissant des populations, oui. Mais c’est aussi la parade du pouvoir de Pékin à la déstabilisation extérieure ou au débordement intérieur par la multitude, c’est une réponse à la nécessité de sortir encore de la pauvreté des centaines de millions de personnes, et c’est le moyen de projeter puissance et influence à l’échelle du monde au bénéfice ultime des dirigeants mais aussi du peuple chinois. Au lieu de crier à la dictature, nous ferions mieux d’observer cette synthèse très attentivement et d’analyser sa force d’attraction. Les modèles de puissance et de résilience collective au mondialisme (tout en l’exploitant à son avantage) ont bougé depuis 30 ans. L’ethnocentrisme occidental et le moralisme dogmatique ne passent plus la rampe et brouillent le regard.

ADV : Sur le terrain des accords de libre-échanges en Asie, peut-on dire que la Chine a rempli le vide provoqué par le relatif désengagement américain sous l’ère Trump ? 

CG : Dans cette guerre « hors limites », et sans même parler ici de l’enjeu cardinal du contrôle – étatique ou via des GAFAM ou BATX (dans la version chinoise) complaisants – des données personnelles de centaines de millions de consommateurs-clients, Pékin vient de prendre magistralement l’avantage sur Washington avec la conclusion, le 15 novembre, du RECP (Regional Comprehensive Economic Partnership) avec quinze pays d’Asie. Cet accord constitue une bascule stratégique colossale et inquiétante dont ni les médias ni les politiques français ne pipent mot. Voilà le plus grand accord de libre-échange du monde (30 % de la population mondiale et 30 % du PIB mondial) conclu entre la Chine et les dix membres de l’ASEAN (Brunei, la Birmanie, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam), auxquels s’ajoutent quatre autres puissantes économies de la région : le Japon, la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Cette nouvelle zone commerciale gigantesque se superpose en partie au TPP (Trans-Pacific Partnership) conclu en 2018 entre le Mexique, le Chili, le Pérou et sept pays déjà membres du RCEP : l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Brunei, le Japon, la Malaisie, Singapour et le Vietnam. Un TPP dont les Etats-Unis s’étaient en effet follement retirés en 2017. Ainsi se révèle et s’impose soudainement une contre manœuvre offensive magistrale de Pékin face à Washington.  Où est l’UE là-dedans ? Nulle part ! Même l’accord commercial conclu en juin 2019 entre l’Union européenne et le Mercosur doit encore être ratifié par ses 27 parlements… Seule la Grande-Bretagne, libérée de l’UE grâce au Brexit, en profitera car elle vient habilement de sa rapprocher du Japon signataire du RCEP et du TPP…

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ADV : Passons à notre voisin continental : les relations Occident – Russie sont-elles irréparablement endommagées ? L’Europe est-elle condamnée à rester une “impuissance volontaire”, prise en tenailles entre Chine, empire américain et Turquie néo-ottomane ?

CG : Rien n’est irréparable mais le temps a passé, la Russie a évolué et compris qu’elle n’était ni désirée ni attendue. Aujourd’hui, Moscou ne croit plus en l’Europe. Quant à la France, elle parle beaucoup mais n’agit pas. Trop de d’espérances, trop d’illusions sans doute, et bien trop de déceptions.  La Russie n’a plus le choix et pivote décisivement vers l’Est et la Chine par dépit et nécessité.

Nous avions pourtant en commun tant de choses, et a minima, la commune crainte d’un engloutissement / dépècement chinois. Comme la Russie, l’Europe est en effet prise entre USA et Chine. Le point de rencontre -et de concurrence- Russo-chinois est l’Asie centrale. Certes, il existe depuis 2015 un accord d’intégration de l’UEE (Union économique eurasiatique) dans les projets des Nouvelles Routes de la Soie conclu entre les présidents Poutine et Xi Jing Ping. Mais c’est un accord très inégal, du fait des masses économiques et financières trop disparates entre Moscou et Pékin qui avance à grands pas avec l’OBOR et au sein de l’OCS (Organisation de Coopération de Shangaï) pour contrôler l’Asie centrale, pré-carré russe, puis se projeter vers l’UE. Moscou sait combien l’étreinte chinoise peut se transformer en un « baiser de la mort » si l’UE et la Russie ne se rapprochent pas autour d’enjeux économiques industriels et sécuritaires notamment. La Russie est en conséquence, n’en déplaise à tous ceux qui la voient encore comme une pure menace, l’alliée naturelle de l’UE dans cette résistance qui ne se fera ni par le conflit, ni par l’intégration stricte, mais par la coopération multilatérale et multisectorielle. C’est une évidence géopolitique, et il suffit de lire les stratèges anglo-saxons pour comprendre le piège dans lequel nous nous sommes laissés enfermés à notre corps consentant depuis bien trop longtemps. L’Europe est une courtisane sans grande ambition. Servile, soumise, paresseuse, ignorante de ses intérêts profonds qui auraient dû la porter à considérer la Russie comme un morceau d’Europe et d’Occident, un atout d’équilibre face à la domination américaine et un bouclier contre la vampirisation chinoise.

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ADV : Nous voilà revenus aux fondamentaux de la géopolitique de Mackinder et Spykman, du Russe Danilevski à l’Américain Brezinski : L’Eurasie et le Heartland, “pivot géographique de l’Histoire”…

CG : L’Eurasie est en tout cas sans équivoque l’espace naturel du maintien de la puissance économique européenne et de son renforcement stratégique à court, moyen et long terme. C’est le socle du futur dynamique de l’Europe. Nous devrions donc nous projeter vers cet espace plutôt que de nous blottir frileusement en attendant que Washington, qui poursuit à nos dépens ses objectifs stratégiques et économiques propres, consente à nous libérer de nos menottes. Les parties orientale et occidentale du continent eurasiatique sont en effet les deux plus grandes économies mondiales : l’UE et la Chine. Pour ne parler que de l’UEE -pendant de l’UE-, c’est un marché de plus de 180 millions d’habitants (sans parler de tous les accords de partenariat en cours de négociation). L’Organisation de Coopération de Shangaï (OCS) rassemble quant à elle 43% de la population mondiale mais est dominée par la Chine. La force de l’Eurasie tient à son capital en matières premières et ressources minérales. 38% de la production mondiale d’uranium sont notamment concentrés au Kazakhstan. 8% du gaz et 4% du pétrole aussi, pour les seuls pays d’Asie centrale, sans compter naturellement la Russie. La construction d’infrastructures gigantesques à l’échelle continentale de l’Eurasie est la grande affaire du XXIème siècle. Avec le passage des corridors et routes de transit, on est face à un gigantesque hub de transit eurasiatique. 

ADV : Un rapprochement avec la Russie a-t-il vocation à être durablement bloqué par les sanctions contre une Russie (à cause de l’Ukraine) et la question de l’opposition “persécutée” par le pouvoir de Vladimir Poutine que beaucoup qualifient de « Démocrature » ?

CG : Si l’UE (et ses acteurs économiques petits ou grands) se rendait compte du potentiel économique, géopolitique et sécuritaire qu’un dialogue institutionnel et une coopération étroite avec l’Eurasie au sens large (Asie centrale plus Russie) recèle, elle sortirait ipso facto de sa posture si inconfortable entre USA et Chine, et constituerait une masse stratégico-économique considérable qui compterait sur la nouvelle scène du monde. Il faut en conséquence ne pas craindre d’initier des coopérations économiques, politiques, culturelles, scientifiques et évidemment sécuritaires entre ces deux espaces. Or, ce sujet n’est quasiment jamais abordé dans son potentiel véritable et est quasi absent des radars de l’UE et de celle de la plupart de nos entreprises. Par anti-russisme primaire, inhibition intellectuelle, autocensure, aveuglement.  L’UE veut certes bien collaborer avec l‘Asie centrale, mais en en excluant la puissance centrale et stratégiquement pivot ! Elle voit l’Eurasie à moitié. Ce n’est évidemment pas un hasard, mais c’est une erreur stratégique lourde qui procède d’un aveuglement atlantique. Encore une fois, nous faisons le jeu américain sans voir que nous en sommes la cible. 

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On me retorquera que rien n’est possible sans le règlement des questions de l’Ukraine et de la Crimée et surtout sans le règlement de « la grande affaire » fondamentale qui agite les chancelleries occidentales : le sort de l’opposant Alexei Navalny ? C’est ridicule ! Ce sont des « freins » largement artificiels et gonflés pour les besoins d’une cause qui n’est pas la nôtre et nous paralyse, pour justifier les sanctions interminables, pour limiter les capacités économiques et financières russes face à Pékin et neutraliser le potentiel économique européen. Ce sont aussi des prétextes que l’on se trouve pour se défausser de notre seule responsabilité véritable : reprendre enfin notre sort en main ! Tout cela saute aux yeux. Pourquoi, pour qui se laisser faire ? Il nous faut prendre conscience de l’urgence vitale qu’il y a à changer drastiquement d’approche en y associant des partenaires européens parfois contre-intuitifs, tels la Pologne, pont logistique idéal entre les deux espaces.

L’intégration continentale eurasiatique en tant que coopération des sociétés et des économies à l’échelle du continent eurasiatique tout entier doit donc devenir LA priorité pour l’UE et la nouvelle Commission européenne. La modernisation et la puissance économique sont en train de changer de camp. L’Europe s’aveugle volontairement par rapport à cette révolution. Ses œillères géopolitiques et l’incompréhension dans laquelle elle demeure face à la Russie qui est pourtant son partenaire naturel face à la Chine comme face aux oukases américains extraterritoriaux, l’empêchent de tirer parti des formidables opportunités économiques, énergétiques, industrielles, technologiques, intellectuelles culturelles et scientifiques qu’une participation proactive aux projets d’intégration eurasiatique lui permettrait. Il faut en être, projeter nos intérêts vers cet espace d’expansion et de sens géopolitique si proche et si riche, et cesser de regarder passer les trains en attendant Godot.

ADV : Passons au changement de pouvoir aux Etats-Unis. Le bilan de la présidence Trump est-il aussi horrible qu’on le dit ?  L’arrivée de Joe Biden est-elle une bonne nouvelle pour la France et l’UE ?

CG : Trump a été un président honni comme probablement aucun de ses prédécesseurs par « l’Establishment » au sens large qu’il avait défié par sa victoire et dont il a révélé sans tabou les turpitudes. En dépit de la curée politico-médiatique haineuse et sans trêve qui aura pourri toute sa présidence, avec un « Etat profond » à la manœuvre et des médias hystériques, il a réussi à remettre l’économie américaine en très bonne posture, à mener à bien (quoi qu’on en pense sur le fond), la grande manœuvre anti-iranienne de consolidation du front sunnite pétrolier contre Téhéran, sans pour autant céder à la guerre (en dépit de tous les efforts des bellicistes “néocons” emmenés par le très dangereux John Bolton). Sans la pandémie et son approche désinvolte et toute concentrée sur la nécessité de ne pas enrayer le moteur économique du pays, il aurait remporté un second mandat, ayant même réussi à séduire des franges de l’électorat noir et latino et à gagner près de 75 millions de voix (4 millions de voix de plus qu’en 2016) dans ce contexte de cabale permanente et jusqu’au-boutiste contre lui. 

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Avec Biden, on est repartis comme en l’an 40…. De mon point de vue, Joe Biden, quelles que soient ses qualités, est évidemment une très mauvaise nouvelle pour l’Europe et la France, qui voient se refermer la fenêtre d’opportunité inespérée que le discours trumpien – ouvertement humiliant et sans équivoque – nous avait offert pour enfin sortir de l’enfance stratégique, nous réveiller, faire nous aussi notre « Shift towards Asia » et nous projeter vers notre espace naturel de croissance économique et de densité géopolitique et sécuritaire que constitue l’Eurasie. Une projection qui passe évidemment par une complète révision de notre relation avec la Russie mais qui pourra seule nous permettre d’échapper à la double dévoration sino-américaine qui nous attend.

Ce sursaut salutaire, qui, aujourd’hui, en France ou en Europe, est capable d’en donner l’impulsion ? Je ne sais pas. Mais il est certain qu’avec Biden, ce n’est pas « un ami » que l’on a retrouvé (Les Etats n’ont pas d’amis) mais notre « doudou » ! Joe Biden est notre bon papa américain qui est enfin revenu pour nous protéger et nous rassurer. Atteints d’un syndrome de Stockholm géant, nous nous sentions depuis quatre ans stupidement orphelins de la férule américaine en gants de velours. Le problème est que ce président ne nous apportera rien d’autre qu’une excuse pour rester à jamais piégés dans une servitude consentie. Bref, je crains fort que nous ne sortions plus, sinon au forceps et sous l’impulsion d’un visionnaire courageux, de notre vassalité stratégique suicidaire vis-à-vis de Washington. L’Allemagne a d’ailleurs pris les devants des retrouvailles avec le puissant « oncle d’Amérique », et ce faisant, elle prend aussi le lead de l’Europe, là encore avec l’aval américain. C’est « le chouchou » de Washington et elle fera tout, y compris contre nous, pour le rester en donnant des gages… jusqu’à vendre des sous-marins à la Turquie ou affirmer que l’OTAN est à jamais l’alpha et l’oméga de la défense européenne. On est très loin de la « mort cérébrale » de l’Alliance ! Avec Biden c’est donc la méthode, non le fond qui va changer, et Berlin a clairement saisi la balle au bond, en réaffirmant sans états d ’âme sa soumission consentie aux oukases américains, enfonçant un dernier clou dans le cercueil de « l’Europe puissance », trop heureuse de rabattre leur caquet à ces Français qui rêvent mollement de ruer dans les brancards, de recouvrer leur souveraineté et osent même prétendre à l’ascendant politique sur elle, première puissance économique de l’Union. Le « couple franco-allemand » est un rêve de midinette française. L’alliance de la carpe et du lapin.

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ADV : L’accusation de tentative de “coup d’Etat” imputée au camp Trump est-elle sérieuse ? Trump a-t-il fracturé l’Amérique ?

CG : Ce qui s’est passé au Capitole n’est en tout cas pas une tentative de coup d’Etat. Le contresens politique et médiatique délibéré entonné sur tous les canaux d’information là-bas comme ici, est tellement énorme et rabâché comme une évidence qu’on finit par le croire pour ne pas devoir accuser nos journalistes de complaisance avérée ou d’aveuglement gravissime. Pour ma part, j’y vois la révolte d’un électorat qui a subitement compris qu’il devait rentrer dans sa boîte et ne s’y est pas résolu. Les insurgés du Capitole sont en fait nos gilets jaunes. Ils auront souffert le même déni et le même mépris. Cette intrusion aura incarné la très profonde crise de la démocratie américaine, c’est-à-dire de la représentativité du système politique existant qui est en lambeaux. Le divorce entre les élites et le peuple est profond et Trump s’en est fait le héraut. Ce n’est pas lui qui a fracturé la société américaine. Les fractures sont anciennes, grandissantes mais désormais béantes. Le « coup d’Etat », c’est en revanche le refus même du DOJ (Department of Justice) d’examiner les recours pour fraude, c’est le double « impeachment », ce fut l’interminable « Russia Gate », c’est l’exploitation sans vergogne du système institutionnel et médiatique et du juridicisme américains par les Démocrates pour étouffer à tout prix, via Trump, une menace populaire montante, perçue comme illégitime et dangereuse par les élites qui confisquent le pouvoir depuis des décennies dans ce pays.

ADV : Voit-on se confirmer la “vraie” nouvelle fracture idéologique qui oppose non plus gauche et droite mais “Patriotes” (terme cher à Trump) et mondialistes”, clivage visible aussi en Europe occidentale ?

CG : Les Européens, et singulièrement les gouvernants et médias français qui avalent cette pâtée ridicule sans une once d’esprit critique, hurlent avec les loups et assènent délibérément des contresens, montrent leur servitude mais aussi leur peur panique de voir cela leur arriver et bousculer leurs Landernau établis. Ils sont plus inquiets que jamais devant les éruptions démocratiques populaires au sein de l’UE, car elles menacent leurs positions acquises. C’est pourquoi ils vouent aux mêmes Gémonies que Trump ses avatars européens (hongrois, polonais ou tchèque), qui, comme lui, écoutent leurs peuples et essaient de faire entendre leurs voix. L’anathème contre le « populisme » est infiniment plus confortable que d’admettre que ce sont là des réflexes de survie des peuples européens qui ne veulent pas succomber à l’arasement identitaire et culturel et à la décadence politique et stratégique. Des peuples qui ne veulent pas d’avantage être noyés dans la « Cancel culture » ravageuse qui est en train d’instaurer, à coups d’excommunications rageuses et au nom de la morale et du progrès, une bien-pensance débilitante qui détruit les individus en prétendant protéger leur liberté narcissique débridée et en faisant sauter les ultimes verrous du bon sens et de la nature, au profit d’une terrifiante dictature des minorités et de tous leurs fantasmes déconstructeurs.

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ADV : Enfin, quelles perspectives pour le Moyen-Orient en 2021 ? Le possible retour des Etats-Unis de Biden dans l’accord sur le nucléaire iranien de 2015, dont Trump s’était retiré, et le rapprochement entre Israël et plusieurs Etats arabes dans le cadre des accords d’Abraham sont-elles des bonnes nouvelles ? 

CG : L’année a débuté de façon à mon sens dangereuse avec l’assassinat en Irak, le 2 janvier 2020, du général iranien Qassem Soleimani, chef de la force al Qods des Gardiens de la Révolution. Figure héroïque et fer de lance de la politique d’influence régionale de l’Iran, il est assassiné alors même qu’il était chargé de transmettre via Bagdad un message d’apaisement à Ryad, notamment à propos de la sinistre et folle guerre du Yémen initiée par le prince Héritier Mohamed Ben Salman (MBS). Il fallait donc qu’il meurt, puisque la paix ou même le simple apaisement ne semble résolument pas une option séduisante à ceux que le conflit nourrit, et à leur puissant parrain d’outre Atlantique qui vit de et par la guerre, inépuisable source d’influence et de prospérité. Sans parler du fait qu’il fallait sans plus attendre, mettre un frein à l’influence iranienne en Irak que le général Soleimani consolidait activement via les milices chiites locales.

A l’autre bout de l’année, les « Accords d’Abraham », patronnés par Washington et signés en septembre 2020 entre Israël et son « protégé/obligé » saoudien d’une part, les EAU et Bahreïn désormais rejoints par le Soudan et le Maroc d’autre part, au nom de la normalisation des pays de la région avec l’Etat Hébreu, donnent une idée de la vaste manœuvre d’enveloppement et de récupération stratégique imaginée à Tel Aviv et à Washington. Judicieuse réunion de toutes les monarchies pétrolières sunnites contre l’Iran accusé de tous les maux, mais, bien au-delà de la question nucléaire, avant tout redouté en Israël pour sa ressemblance et non sa différence avec l’Etat hébreu en termes de profondeur culturelle et civilisationnelle, mais aussi de niveau intellectuel industriel, technologique. Bref, pour Tel Aviv, le jour où le marché iranien sera ouvert au monde, ce sera un concurrent redoutable dans le coeur de Washington. Tout n’est évidemment pas à jeter dans cette « manip » des Accords d’Abraham, notamment l’influence croissante des EAU qui sont sans doute les partenaires les plus avisés du coin. Mais la ficelle est grosse, la marginalisation définitive de la question palestinienne en est clairement l’un des effets indirects attendus, et la poursuite de la déstabilisation active des Etats récalcitrants (Liban Syrie, Libye) l’une des compensations manifestes. Même le Qatar semble désormais tenté de rejoindre cet attelage hétéroclite présenté comme « progressiste et moderne », ne serait-ce que pour porter financièrement secours au Hamas à Gaza …avec la bénédiction d’Israël. Il reste néanmoins probable que cette « coordination » sous tutelle n’apaisera pas la lutte pour le leadership du monde sunnite qui oppose Ryad à Ankara, mais aussi à Téhéran, Aman, Doha ou Casablanca, tout en faisant les affaires de Washington que la fragmentation régionale sert par construction. On voit par ailleurs que l’échec des interventions américaines directes ou par « proxys » occidentaux en Irak, Libye, Syrie, qui a permis à la Russie de revenir dans la région depuis 2015, doit être contrecarré en jetant la Turquie dans les pattes de Moscou en Libye, en Syrie et dans le sud Caucase notamment, et qu’il s’agit donc aussi, en polarisant au maximum l’affrontement avec l’Iran, de reprendre la main dans la région contre la Russie, mais aussi contre la Chine dont les diplomaties subtiles et très actives deviennent préoccupantes pour Washington.

ADV : Vous connaissez bien la Russie et le Caucase : que répondre à ceux qui estiment qu’en Libye et dans le Caucase, la Russie s’est humiliée devant Erdogan qui aurait freiné Haftar à Tripoli et aidé l’Azerbaïdjan à vaincre les Arméniens du Haut Karabakh en plein « étranger proche russe » … 

CG : Je ne crois pas qu’il faille psychologiser ainsi l’interprétation des événements. La Russie a fait son grand retour sur la scène internationale depuis 2015 et a démontré qu’en dépit de toute la diabolisation, les permanentes manœuvres et les pressions de tous ordres dont elle fait l’objet, elle est toujours une puissance globale dotée d’un pouvoir incarné et populaire, qui se bat pour sa stabilité, son développement et son influence sur l’ensemble de la planète.  

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Quant à l’émergence tonitruante de la Turquie comme puissance déstabilisatrice aux ambitions débridées, ce n’est pas un phénomène sui generis. Le président Erdogan ne pourrait se permettre un dixième de ses foucades et provocations sans le blanc-seing direct ou complaisant de Washington. L’irruption turque dans les affaires mondiales manifeste l’indifférence américaine pour la stabilité de l’Europe et son hostilité paléolithique pour Moscou. Les Etats-Unis utilisent et continueront d’utiliser Ankara comme « proxy » en Syrie, en Libye, dans le sud Caucase et en Asie centrale contre Moscou, en Méditerranée orientale contre les Européens, qu’il s’agit depuis toujours de diviser et d’empêcher de pouvoir jamais atteindre une quelconque forme de puissance collective.

ADV : Quel est le jeu de l’Allemagne dans cet échiquier mondial de plus en plus polycentrique ?

CG : Dans ce marché de dupes, Berlin est en convergence tactique (et évidemment stratégique) avec Washington contre Paris, et nous savonne aimablement la planche en se désolidarisant ouvertement de nos postures et gesticulations sur la souhaitable « souveraineté européenne » afin d’assurer la finalisation de Northstream2 en dépit de l’hostilité américaine. La Chancelière allemande fait sans vergogne payer à l’Europe la note du chantage migratoire turc tout en vendant des sous-marins au néo sultan qui exulte d’une telle inconscience. Pourquoi d’ailleurs s’en priver puisque nous ne disons rien ? Le Président Erdogan joue donc sur tous les tableaux car il se sait indispensable à chacun. Il achète des anti-missiles S400 à Moscou et fait fi du courroux américain. La Russie en joue, elle aussi, et manie habilement la carotte et le bâton envers Ankara, selon les zones et les sujets, y compris dans le Haut Karabakh en dépit des apparences. Chacun a besoin de l’autre notamment en Syrie, même si la poche d’Idlib devient bien étroite pour le jeu d’influence des uns et des autres. Sans doute Joe Biden goûtera-il moins que Trump la grossièreté du président turc et ses crises mégalomaniaques. Mais ne nous y trompons pas. Au-delà de probables « condamnations » médiatiques – que nous boirons comme du petit lait, naïfs chatons que nous sommes-, cela ne devrait malheureusement pas modifier en profondeur l’attitude américaine envers la Turquie, puissance majeure du flanc sud de l’Alliance atlantique et très utile caillou dans la chaussure russe, ni envers l’Europe, éternelle vassale appelée à prendre « ses responsabilités », c’est-à-dire, à tout sauf à l’autonomie ne serait-ce que mentale. Être « des Européens responsables » signifiera toujours, pour Washington, être des Européens dociles, obéissants et inconditionnellement alignés sur les prescriptions et intérêts ultimes de l’Amérique.

ADV : Et celui de la France ? 

CG : Quant à la France, que son suivisme abscons a plongée dans un discrédit global lourd depuis le milieu des années 2000 (quelles que soient nos épisodiques gesticulations martiales pour nous rassurer), elle est désormais clairement hors-jeu au Moyen Orient. Plus personne ne la prend au sérieux ni ne supporte ses leçons de morale hors sol. Notre incapacité à définir enfin les lignes simples d’une politique étrangère indépendante et cohérente nous coupe les ailes, sape notre crédibilité résiduelle et nous rend parfaitement incapables de constituer un contrepoids utile pour les « cibles » américaines qui ne sont pourtant pas les nôtres et dont la diabolisation ne sert en rien nos intérêts nationaux, qu’ils soient économiques ou stratégiques. Il faut sortir, et très vite, de cet aveuglement.

Pendant ce temps, la France plonge dans une diplomatie décidément calamiteuse qui l’isole et la déconsidère partout. Elle vient d’abandonner le Franc CFA pour complaire au discours débilitant sur la repentance et les affres de la Françafrique. On continue sur l’Algérie. On expie bruyamment. On ne sait pas vraiment quoi à vrai dire… Mais on se vautre dans les délices masochistes du renoncement. On laisse la place à Pékin, Washington, Moscou et même à Ankara. Il ne sert à rien de geindre sur « l’entrisme » de ceux-là en Afrique, quand on leur pave ainsi la voie. Il faudrait vraiment arrêter avec « le sanglot de l’homme blanc ». Il faut refondre notre diplomatie et aussi d’ailleurs remettre la tête à l’endroit de nombre de nos diplomates au parcours brillant mais incapables de sortir d’un prêt-à-penser pavlovien (anti russe, anti iranien, anti syrien, anti turc même !) qui nous paralyse et nous expulse du jeu mondial. Il faut enfin apprendre à répondre à l’offense ou à la provocation, et à ne pas juste se coucher dès que l’on aboie ou que l’on n’apprécie pas nos initiatives souvent maladroites ou sans consistance, mais aussi parfois courageuses. « Tendre l’autre joue » n’est tout simplement pas possible sur la scène du monde. On s’y fait vite piétiner. Pour être pris au sérieux, il ne faut pas toujours « calmer le jeu ». Il faut montrer les dents avec des « munitions », donc une vision, une volonté et des moyens affectés aux priorités régaliennes.

ADV : Quel enseignement tirez-vous de la crise sanitaire qui va être également une grave crise économique en 2021 et même socio-politique ? Quel bilan pour la France ?

CG : Je ne peux éluder ce qui fait cauchemarder les peuples et les dirigeants du monde entier et singulièrement ceux d’Occident depuis un an : la pandémie du COVID 19. Le premier enseignement est que fut initialement démontrée l’inanité de la solidarité et de la lucidité européennes, avec un lamentable retard à l’allumage dans la coordination des politiques. On laissa piteusement tomber les Italiens, on se vola des cargaisons de masques, bref le chacun pour soi a la vie dure, surtout quand certains Etats ferment intelligemment leurs frontières et que d’autres les laissent béantes « par principe ». J’en conclue tout d’abord que ce sont les Etats les plus décisifs, les plus « agiles », les plus pragmatiques et les plus capables de contraindre des franges de leurs populations – tout en maintenant leur économie active – qui s’en sortent le mieux économiquement et même sanitairement. En France, le bilan est lourd. Nous aurons démontré urbi et orbi non seulement la faillite de notre système de soins, autrefois excellent et toujours très généreux mais exsangue, mais plus encore celle de l’armature étatique et administrative de notre pays, embolisée par une bureaucratie en roue libre qui n’obéit plus. Il faut dire que l’autorité est un gros mot, l’esprit d’Etat un fossile et l’obéissance une vertu démonétisée du fait de la certitude de l’impunité en ce domaine comme en bien d’autres.

L’amateurisme politique, l’incurie logistique, et l’arrogance satisfaite de nos gestionnaires au petit pied, rien ne nous aura été épargné. Notre pays est moralement et économiquement à terre. Dès que nous serons sortis de la phase critique de la pandémie qui fait écran et permet au pouvoir de remplir à seaux le tonneau des Danaïdes au nom de l’urgence sanitaire, la déroute économique et sociale et le déclassement seront massifs. Les Français, à force d’infantilisation et de matraquage médiatique angoissant, en ont perdu leur latin et moutonnent en grommelant. Nos « responsables », dans un déni sidérant, se gargarisent indécemment de leur prétendue bonne gestion. Le réel est définitivement déconnecté de la perception, grâce à une communication quasi totalitaire et à un entêté « tout va très bien Madame la Marquise ! » qui veut rassurer le Français désabusé. Il sait pourtant bien, lui, que tout va très mal, mais il cherche protection jusque dans l’illusion et le renoncement. La politique ce n’est pas de la « com », de l’image, encore moins de la gestion à la petite semaine et au doigt mouillé. C’est une vision, du courage, l’acceptation du risque et de l’impopularité, de la planification, de la logistique implacable… et de l’autorité ancrée dans l’exemplarité. Pas du caporalisme ni de l’infantilisation de masse. De l’autorité, qui produit de la confiance et oblige chacun à l’effort.

Caroline Glactéros, propos recueillis par Alexandre del Valle (Geopragma, 22 janvier 2021)

Comment la Russie et la Chine remodèlent le Caucase du Sud

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Salman Rafi Sheikh

Comment la Russie et la Chine remodèlent le Caucase du Sud

Ex : https://journal-neo.org

La fin du conflit du Haut-Karabakh, négociée avec l'aide de la Russie, a jeté les bases d'une transformation géopolitique majeure du Caucase du Sud. Si le rôle joué par la Russie pour mettre fin au conflit militaire et maintenir le cessez-le-feu lui a permis de prendre en charge le Caucase du Sud, les développements ultérieurs montrent comment la Russie a élargi son rôle et consolidé sa position dans son arrière-cour. Son importance première réside dans le fait qu'aucune puissance extra-régionale et occidentale n'était ou n'est encore impliquée dans cette partie du monde, ce qui est l'une des raisons pour lesquelles le cessez-le-feu n'a pas été violé. Bien que la Turquie et l'Iran aient été impliqués dans la négociation du cessez-le-feu, la question a toujours été globalement une affaire russe. En outre, la Russie a négocié la paix et le cessez-le-feu aux dépens du Groupe de Minsk. Il a permis à la Russie d'éroder massivement la capacité des États-Unis à utiliser cette région pour allumer des feux à sa périphérie afin de créer les conditions nécessaires à l'expansion de l'OTAN vers l'Est.

Le contrôle de la région est important pour les États-Unis également parce qu'elle est apparue comme l'une des voies les plus appropriées pour l'extension de l'initiative chinoise "Belt & Road" (IRB) en Europe. Les États-Unis, en tentant de s’arcbouter au Sud du Caucase, voudraient contrôler une artère importante de l'IRB. Mais le Caucase du Sud, sous l'influence politique russe et les investissements économiques chinois, se transforme rapidement en un territoire très éloigné de la portée des tentacules américains.

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Comme le montrent les dernières données de la Banque mondiale, l'empreinte économique de la Chine a massivement augmenté ces dernières années. L'Azerbaïdjan est largement considéré comme un maillon important des nouvelles routes de la soie reliant la Chine à l'Europe. Depuis 2005, le chiffre d'affaires du commerce chinois avec l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie a augmenté d'environ 2070 %, 380 % et 1885 %, respectivement.

L'Azerbaïdjan revêt une importance particulière pour le corridor économique Chine - Asie centrale - Asie occidentale, principalement le corridor de transit transcaucasien (TCTC), qui relie la Chine à l'Europe par un réseau de chemins de fer, de ports maritimes, de routes et éventuellement de pipelines.

Si le volume actuel des échanges commerciaux entre la Chine et l'Azerbaïdjan n'est pas élevé, les tendances récentes montrent un important bond en avant. Selon les données de la Banque mondiale, "le volume des échanges commerciaux entre les deux pays était de 1,3 milliard de dollars US en 2018, soit environ 6 % du total des échanges commerciaux de l'Azerbaïdjan, et la moitié de ce montant en 2013". La Banque mondiale estime que le parachèvement de l'IRB dans la région est susceptible de transformer la capacité géoéconomique de l'Azerbaïdjan et que le PIB du pays pourrait augmenter de 21 % à long terme. La participation de l'Azerbaïdjan à la BRI pourrait lui permettre d'exploiter les chaînes de valeur mondiales et de diversifier son économie.

Le Haut-Karabakh étant désormais effectivement sous contrôle azéri et géré sous supervision russe, et la Chine ayant récemment signé un accord d'investissement avec l'UE, on doit s’attendre à ce que la Chine accorde une attention toute particulière à la construction d'une route de transit à travers cette région. La Chine développe une route commerciale via le Kazakhstan qui traverse la Caspienne depuis le port kazakh d'Aktau pour aboutir à Bakou. Les universitaires chinois ont décrit cette route comme étant la plaque tournante de l'IRB donc elle est absolument essentielle au succès de l'accord que Pékin vient de signer avec l'UE.

Les possibilités de connectivité et de création d'entreprises qu'offre la Chine sont également liées aux projets de la Russie visant à établir une nouvelle géographie du commerce entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. C'est ce qui est apparu clairement lors de la dernière réunion entre les dirigeants russe, azéri et arménien à Moscou. La réunion a été suivie par l'annonce de la mise en œuvre de "mesures impliquant la restauration et la construction de nouvelles infrastructures de transport nécessaires à l'organisation, la mise en œuvre et la sécurité du trafic international effectué à travers la République d'Azerbaïdjan et la République d'Arménie, ainsi que des transports effectués par la République d'Azerbaïdjan et la République d'Arménie, qui nécessitent de traverser les territoires de la République d'Azerbaïdjan et de la République d'Arménie".

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Le plan, tel qu'il se présente, est de réactiver les anciennes "Routes de la soie du Caucase" qui permettraient aux principaux pays de la région de se connecter avec la Russie et d'ouvrir ainsi des voies pour stimuler le commerce, ne laissant ainsi aucune marge de manœuvre, même minimale, aux puissances extrarégionales comme les États-Unis et la France pour jouer leur vieille politique du "diviser pour régner".

Tous ces développements indiquent également un recul de la présence et du rôle des États-Unis dans la région. Mais les États-Unis, sous l'administration Biden, dominée par les interventionnistes libéraux, vont probablement mettre de l'ordre dans leurs affaires intérieures d’abord et, ensuite, tenter un retour sous une forme ou une autre. En fait, les États-Unis sont déjà en train de faire leurs calculs de retour.

Le Congrès américain a récemment autorisé le directeur du renseignement national à présenter un rapport identifiant les principaux intérêts stratégiques des États-Unis dans la région, y compris l'assistance militaire américaine à l'Azerbaïdjan et à l'Arménie et la manière dont celle-ci pourrait être utilisée efficacement pour servir les intérêts américains.

En l'état actuel des choses, Washington se prépare déjà à une lutte géopolitique dans la région du Haut-Karabakh. En octobre 2020, le chef de la commission du renseignement de la Chambre des représentants à Washington, Adam Schiff, a "exhorté" les États-Unis à reconnaître le Haut-Karabakh ou la "République de l'Artsakh" comme un État indépendant. L'appel à la reconnaissance d'un "État indépendant" reflète la manière dont les États-Unis entendent s'insérer dans la région pour jouer leur politique habituelle de division.

Cependant, comme le montrent les détails donnés ci-dessus, de nombreuses politiques de connectivité sont planifiées et mises en œuvre pour contrer la politique de division que les États-Unis se préparent à mener.

Par conséquent, en l'état actuel des choses, les accords politiques et économiques qui sont conclus et mis en œuvre réduiront massivement la possibilité qu'un conflit réapparaisse et déstabilise la région. Ce n'est qu'à ce moment-là que les États-Unis pourront intervenir et faire pression pour réactiver le groupe de Minsk.

Salman Rafi Sheikh

Salman Rafi Sheikh, est analyste des relations internationales et des affaires étrangères et intérieures du Pakistan ; en exclusivité pour le magazine en ligne "New Eastern Outlook".

mardi, 26 janvier 2021

L'ère Biden : les Etats-Unis et leurs fractures internes

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L'ère Biden : les Etats-Unis et leurs fractures internes

Par Enric Ravello Barber

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Il y a des situations qui sont hautement symboliques. La cérémonie d'investiture de Joe Biden en tant que 46ème président des États-Unis a été entourée de mesures de sécurité sans précédent. Pour la première fois dans l'histoire, près de 30.000 agents ont été déployés pour assurer la sécurité. Le symptôme est clair et évident : le pays est divisé en deux moitiés de plus en plus éloignées l’une de l’autre et avec des secteurs internes de plus en plus radicalisés.

Ne disons pas que ce déploiement de sécurité n'était dû qu'à l'attaque du Congrès par les partisans de Trump, la raison est quelque chose de beaucoup plus profond. Les États-Unis sont plongés dans une violence permanente, physique et dialectique, depuis des mois. Rappelez-vous les épisodes de violence des BLM et d'Antifa, qui ont causé plusieurs morts, et rappelez-vous aussi des phrases comme celle d'Hilary Clinton qui a qualifié les électeurs de Trump de "white trash", ou qui a déclaré que "les États-Unis ont condamné Trump", méprisant de façon non représentative les 75 millions d'Américains qui ont voté pour lui, soit plus de 47% de la population, ou ce qui est la même chose, la moitié du pays, ou des phrases comme celle du journaliste John Carlin qui dans La Vanguardia a dit : "La défaite de Trump est un soulagement pour l'ensemble du monde de la pensée", insultant et qualifiant la moitié de la population des États-Unis de "non-penseurs" ou d’"analphabètes". Tout cela, ainsi que les indices (non pas des certitudes mais des indications) de fraude électorale, plus le meurtre incroyable et injustifiable de la patriote Ashli Babbit par la police, ont créé un climat de tension politique maximale, qui, je le crains, va s'accroître pendant le mandat de M. Biden.

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Pour continuer avec le symbolisme, il faut rappeler que la personne choisie pour chanter l'hymne américain lors de la cérémonie d'inauguration était la chanteuse connue sous le nom de Lady Gaga, un exemple de vulgarité, de mauvais goût et de décadence, un autre signe de ce qui nous attend pendant le mandat de Biden.

Les premiers mots de Biden le jour de son investiture ont été "nous devons mettre fin à cette guerre incivile", ce qui signifie la reconnaissance de cette fracture interne des États-Unis de sa part, chose que nous ne pensons pas qu'il puisse résoudre et encore moins dans un nouveau contexte politique pour ces quatre années où il n'y aura pas de contrepoids politique ou institutionnel ; Pour la première fois depuis 70 ans, le parti démocrate obtient ce qu'on appelle le "trio gagnant" c'est-à-dire la présidence du gouvernement, la majorité au Congrès (Chambre des représentants) et la majorité au Sénat, ce qui va faire que le tandem Biden-Kamala va imposer son programme politique sous forme de montagnes russes, et on a déjà vu ce qu'il pense de la moitié du pays qu'ils vont gouverner, c'est un danger qui va faire augmenter les fractures internes. Une situation institutionnelle qui aura des conséquences négatives.

Un pays divisé

La fracture politique

Les résultats des élections présidentielles aux États-Unis ont donné 51 % des voix au vainqueur, Joe Biden, et 47,2 % à Donald Trump, le candidat "battu" a obtenu plus de 72 millions de voix, soit plus de soutien que presque tous les précédents présidents élus. La différence de voix signale une scission en plein milieu d'un pays, précisément entre un parti démocrate qui n'a jamais été aussi loin à gauche et un parti républicain qui n'a jamais été aussi loin à droite. Loin de la prétention d'Hillary Clinton, les Américains sont loin d'avoir "enterré" le trumpisme,

Fracture interne du Parti démocrate

Le président Biden et la vice-présidente Harris représentent chacun les deux sensibilités internes qui cohabitent au sein du Parti démocrate. Le premier, un homme de l'équipe d'Obama, plus modéré et centriste, une sorte de social-démocrate en termes européens ; Harris représente l'aile gauche du parti qui avait soutenu le sénateur Sanders comme candidat à l'investiture et qui a maintenant été rejointe par le soi-disant SQUAD, les femmes parlementaires de l'aile gauche du parti, dirigé par la députée portoricaine Alexandra Ocasio-Cortez et dont Ilhan Omar, la première députée musulmane aux États-Unis, est membre. Rappelons que Harris, qui serait présidente si Biden meurt pendant ces quatre années, a un père jamaïcain et une mère originaire d'Inde. Kamala se formera dans l'environnement politique auquel sa mère appartenait, celui des groupes noirs radicaux des années 60-70 : les Black Panthers et le Black Power, les organisations politiques violentes des suprémacistes noirs.

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Le jour même de l'assaut contre le Capitole, le parti démocrate a engrangé une victoire clé en remportant les deux sénateurs pour l'État de Géorgie, alors que tous les sondages précédents prédisaient que l'un irait à eux et l'autre aux républicains, ces deux candidats démocrates élus représentent également chacune de ces deux factions internes. La tête de liste, l'Afro-Américain Raphael Warnock, représente l'aile gauche, l' agenda millénien et est ouvertement pro-palestinien, le numéro 2, le médecin judéo-américain Jon Ossoff, est le représentant du secteur centriste. Ajoutons que le puissant lobby juif, y compris pour l'instant George Soros, du parti démocrate soutient ce e centre-gauche dirigé par Biden, et est représenté de façon frappante dans la composition de la nouvelle administration américaine.

Biden va essayer par tous les moyens de combiner ces deux sensibilités internes en forgeant des équilibres, peut-être y réussira-t-il, le centre-gauche a toujours été plus "discipliné" dans ces questions internes, bien que, pour cela, il doive prendre des rendez-vous comme celui récent avec Anita Dunn, qui a été démise de ses fonctions de conseillère en communication de la Maison Blanche par Obama lui-même, lorsque ses déclarations sur le dictateur communiste criminel, Mao Tse toung, que Dunn avait décrit comme "l'un de ses philosophes préférés", ont été rendues publiques : elle revient maintenant faire partie de la nouvelle administration dirigée par Joe Biden. Et un troisième facteur semi-intérieur auquel Biden devra faire face est celui du BLM et d'Antifa, créés pour servir la cause démocrate mais qui commencent maintenant à qualifier Biden de "modéré" et à réclamer une "vengeance" contre les républicains. Le lendemain de son investiture, des militants de ces groupes ont attaqué le siège du parti démocrate à Seattle, ce qui pourrait être un avertissement.

Fracture au sein du parti républicain

Au sein du Parti républicain, la fracture n'est pas des moindres. Trump a été dès le début un outsider mal reçu par la structure traditionnelle du parti, qui n'a pas soutenu sa nomination interne, et une fois qu'il a été nommé, il n'a pas été soutenu pendant la campagne électorale, l'absence des précédents présidents républicains dans leurs manifestations (Bush père et fils) a été notoire, a également été flagrante à la fin de son mandat, où non seulement de nombreux dirigeants républicains se sont dissociés et se sont opposés à la stratégie de Trump, mais même plusieurs membres républicains du Congrès ont voté pour sa "destitution". Trump, d'une certaine manière, est un autre reflet d'un courant sociologique qui s’était déjà manifesté avec Sarah Pallin, le Tea Party, et qui fait dériver son idéologie des principes du Mayflower et des "pères fondateurs des Etats-Unis", auquel on pourrait ajouter Pat Buchanan - notons qu'il est catholique et donc pas WASP mais spécifiquement White Conservative - et David Duke lui-même, qui - rappelons-le - était membre du Congrès pour la Louisiane et candidat au poste de gouverneur de cet État pour le parti républicain, obtenant 40% des voix, soit près de 60% des voix de la population blanche.

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Pat Buchanan.

Depuis les années 1970, le parti démocrate a abandonné l'électeur du Midwest : blanc, travailleur qualifié, fermier ou petit propriétaire terrien, religieux et amoureux de son pays, de plus en plus radicalisé et prêt à soutenir des options patriotiques puisque beaucoup d'entre eux sont devenus une classe sociale dangereusement précarisée en raison de la crise économique et de la négligence de l'administration centrale, qui subventionne les minorités et oublie les pauvres et les déclassés de la majorité blanche.

Dans ce contexte politique interne, il existe plusieurs options :

  • Que l'appareil de parti traditionnel prenne à nouveau le contrôle du parti, alors la question est la suivante : Trump et ses semblables accepteront-ils d'être relégués au second plan, et une autre question encore plus importante, les électeurs qui ont soutenu Trump, le feront-ils à un parti républicain centriste et modéré ?
  • Si les deux réponses aux questions ci-dessus sont négatives - ce qui est le plus logique - alors Trump fonderait un troisième parti et la question immédiate serait de savoir si les électeurs blancs de plus en plus "radicalisés" du Midwest et du Sud reconnaîtraient Trump comme leur chef ? Parce qu'il y a déjà de nombreuses milices patriotiques qui l'accusent d'être "faible et traître". Et le Trumpisme lui-même a des contradictions internes, rappelons par exemple que sa fille Ivanka, mariée, veut être l'héritière politique de son père et, si c'est le cas, nous doutons fort qu'elle soit acceptée comme référence par ceux qui ont jusqu'à présent soutenu son père.
  • Nous pourrions alors nous pencher sur le cas d'un tiers, qui pourrait même ne pas être dominé par Trump ou le trumpisme, et qui serait une réalité politiquement intéressante, et à laquelle nous prêterions une attention particulière sur ce blog, si elle devait se produire. Certains analystes soulignent que ce parti chercherait un leader plus dur que Trump, et qu'en raison de la démographie des États-Unis et de la distance croissante entre l'administration centrale et les États du centre et du sud, il n'aspirerait plus à être le moteur d'un renouveau national de "Make America Great Again", pour défendre progressivement l'idée d'une possible scission dans les États où ils sont majoritaires sur le plan démographique et politique.

La fracture ethno-géographique

Il suffit de regarder la carte des résultats des élections présidentielles pour voir à quel point le pays est divisé en deux. Trump gagne dans tous les États centraux, tandis que Biden gagne dans les États littoraux du Pacifique et de l'Atlantique. Et si nous analysons les résultats de certains États dans ces deux régions, nous constatons que là où Trump gagne, il le fait avec une énorme différence (par exemple, l'Oklahoma et le Wyoming), tandis que là où Biden gagne, il le fait aussi avec un énorme avantage (par exemple, la Californie et New York). Les États dont les résultats ont été remis en question (Nevada, Michigan, Pennsylvanie, Géorgie) se trouvent précisément dans la zone de transition entre les deux zones.

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La géopolitique souligne qu'il existe deux réalités en contradiction permanente : une réalité maritime, de mentalité commerciale, de pouvoir thalassocratique et d'idéologie politique libérale-mercantiliste, et une autre réalité intérieure de mentalité traditionnelle, de travail avant le commerce, de mentalité protectionniste, continentaliste et conservatrice. Bien que la géopolitique ne soit pas une science exacte et encore moins lorsqu'elle prétend être déterministe, c'est une science auxiliaire qui aide à analyser la réalité et, dans ce cas, elle le fait effectivement.

Mais la fracture n'est pas seulement géopolitique mais aussi ethno-politique : les côtes sont avant tout des sociétés multiraciales et multiculturelles, où l'élite WASP est principalement d'origine anglaise et néerlandaise, avec une présence importante de blancs irlandais et italiens, et - comme nous le disons - dans un contexte fortement multiracial, alors que les États de l'intérieur sont majoritairement blancs (sauf pour certains dans le sud), et que cette population blanche est principalement d'origine allemande, ensuite nord-irlandaise (les soi-disant ‘’Écossais-Irlandais’’) et enfin (dans le nord), elle est descendante de colons scandinaves.

À la tendance à la séparation de la Californie, qui, si Trump avait gagné, se serait accentuée, et à la séparation naissante du Texas, s'ajoutera cette situation de rupture progressive de l'intérieur blanc. Beaucoup ont déjà fait remarquer que les États-Unis allaient se pencher sur cette situation interne, il y a plusieurs décennies, ce qui ne serait rien d'autre que la vérification que le creuset ne fonctionne pas même dans le pays qui l'a adopté comme moyen de se construire.

Quant aux autres questions qui caractériseront l'ère Biden, elles seront nombreuses et toucheront tous les aspects politiques, médiatiques, sociaux et économiques du pays, mais dans cet article nous voudrions en souligner trois.

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Rachel Levine.

Imposition de l'idéologie mondialiste sous tous ses aspects : la récente nomination de Rachel Levine, une transsexuelle, au poste de ministre de la santé montre l'implication de l'administration Biden dans ce que l'on a appelé "l'idéologie du genre" et qui n'est rien d'autre que la destruction de toute normalité dans les domaines de la sexualité et de la famille. La récente proposition du parti démocrate à la Chambre des représentants d'interdire l'utilisation de noms spécifiques au genre tels que : père/mère, fils/fille frère/sœur, oncle/tante est un autre signe malheureux de ce qui est à venir.

Portes ouvertes à l'immigration : M. Biden a promis un changement de la politique d'immigration, ce qui, nous le savons, signifie faciliter l'entrée de millions de nouveaux immigrants. Ces jours-ci, nous avons vu d'interminables colonnes de Centraméricains se diriger vers les États-Unis. Nous savons tous ce que signifie cette nouvelle immigration et l'impact social et économique qu'elle aura sur les États-Unis, où une fois de plus les grands perdants seront la classe ouvrière blanche, ce qu'Hilary appelle les "white trash", qui ne reçoivent jamais les avantages et les subventions que les "minorités raciales" reçoivent parce qu'elles sont blanches.

Pour sa part, Kamala Harris a déjà annoncé un plan visant à légaliser 11 millions d'immigrants illégaux d'ici 2028. D'ici 2028, en effet, le facteur déterminant sera constitué par ces immigrés clandestins régularisés par les démocrates qui, évidemment, voteront tous démocrate, également dans une situation où, dans 8 ans, les chiffres de la démographie euro-américaine auront régressé quantitativement. La conséquence de tout cela est la volonté claire des démocrates de gagner en 2024 - par la diabolisation de l'opposition - et de créer d'ici 2028 une situation démographique et politiquement irréversible pour les blancs, et en général pour toute option patriotique, grâce à l'augmentation numérique des immigrés légalisés et disposant ipso facto du droit de vote. C'est la démographie appliquée à la politique.

Economie : Trump a réactivé l'économie américaine et a fait baisser le chômage, ce que même ses plus grands ennemis ne contestent pas. La gestion de Trump était basée sur une politique tarifaire qui empêchait l'entrée des produits chinois à bas prix et les délocalisations d'entreprises, notamment vers le Mexique. Biden mettra fin à ces politiques, étant un ennemi des tarifs qu'il considère comme du "nationalisme", de sorte que le chômage et la désindustrialisation reviendront aux États-Unis. En outre, nous avons le fait que Biden a annoncé un stimulus fiscal de 1,9 trillion de dollars américains. La bourse a réagi avec un certain scepticisme au plan de Biden, car il pourrait entraîner une inflation rapide du pays. Comme l'a dit le prix Nobel Krugman, l'endettement est toujours possible, mais tant que l'argent est investi dans des projets économiquement rentables, tels que les infrastructures ou les énergies renouvelables, le problème, le soupçon est que Biden dépensera une partie importante de cet argent pour couvrir la dette des Etats sous contrôle démocrate en dettes et subventions aux minorités raciales et aux institutions de propagande du politiquement correct, ce qui plongerait les Etats-Unis dans un grave chaos.

Comme l'affirme le célèbre économiste Richard Wolff, Biden veut revenir à la "normalité" d'avant la crise, c'est-à-dire revenir à la normalité du capitalisme mondial.

Ce sont les questions clés auxquelles la nouvelle administration américaine est confrontée, et nous prévoyons quelques années difficiles, intenses et, pour reprendre le terme de Spengler, décisives. Dans un prochain article, nous analyserons la réalité internationale et son impact sur la politique mondiale qu'aura l'arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche.

Enric Ravello Barber.

Le Général Soleimani et les milices chrétiennes en Syrie

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Le Général Soleimani et les milices chrétiennes en Syrie

Par Daniele Perra

Ex : https://www.eurasia-rivista.com

Dans une récente interview parue dans les colonnes du site d'information russe Spoutnik, Monseigneur George Abu Khazen, évêque latin d'Alep, a lancé un appel sincère dans lequel, en plus de souligner l'essence criminelle du régime de sanctions imposé à la Syrie par le Caesar Act américain, il demande expressément aux Européens de cesser de suivre Washington sur la voie de l'agression économico-militaire contre le pays du Levant.

En effet, selon Abu Khazen, le régime de sanctions, en affectant en premier lieu les couches les plus pauvres de la population et les minorités, a créé un désastre pire que l'occupation de la ville par des groupes terroristes à leur tour alimentés par "l'Occident"[1]. Le prélat, d'ailleurs, dans la même interview, déclare avec une grande franchise que la Syrie n'a pas besoin d'aide spéciale. En Syrie, il y a assez de céréales et d'huile pour tout le monde. Cependant, l'occupation américaine du nord-est du pays (la région la plus riche en ressources) empêche toute véritable reconstruction[2].

À l'appel sincère contre le régime des sanctions, l'évêque d'Alep a ajouté une dénonciation des conditions dans lesquelles doivent vivre les populations chrétiennes qui restent encore otages des groupes terroristes (sous protection turque) dans la région d'Idlib : une communauté qui vit depuis près de deux millénaires près du fleuve Oronte, maintenant réduite à quelques centaines de personnes qui sont systématiquement empêchées non seulement de pratiquer leur foi mais aussi de travailler dans les champs.

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L'appel de Monseigneur Abu Khazen doit nous amener à deux types de réflexion. La première est liée au fait que, malgré la rhétorique de propagande clownesque de l'"administration pacifiste" et du "non-interventionnisme", la présidence Trump, en termes géopolitiques (sans entrer dans le mérite de la lutte entre les appareils de pouvoir qui sévit encore à Washington), a évolué sur différents théâtres dans une continuité substantielle avec celle de son prédécesseur Barack Obama. Et cela parce que les processus géopolitiques se déroulent souvent de manière autonome par rapport au locataire de la Maison-Blanche lui-même qui, dans le cas de Trump, n'a pas fait grand-chose pour entraver le cercle vicieux généré par le complexe militaro-industriel et par ce "syndrome de privation de l'ennemi" qui afflige l'OTAN depuis l'effondrement de l'URSS.

Il est même superflu de devoir rappeler, une fois de plus, comment l'agression économique, de Thucydide à Carl Schmitt, est considérée à toutes fins utiles comme un "acte de guerre". Une pratique à laquelle nous avons dû assister à d'innombrables reprises au cours des quatre dernières années (outre la Syrie, on peut citer les cas de l'Iran, de la Chine, ainsi que la prolongation et le renforcement du régime de sanctions à l'égard de la Russie et du Venezuela) et qui était largement prévue depuis le célèbre discours de Barack Obama devant les cadets à West Point en 2014. A cette occasion, l'ancien président nord-américain a affirmé la nécessité de la réduction des interventions militaires directes de la part des Etats-Unis (trop coûteuses) et du recours en cas de menace non directe à des actions multilatérales, à l'isolement et à des sanctions contre "l'ennemi"[3].

Il est également superflu de rappeler que le retrait tant vanté de la Syrie n'a jamais eu lieu. On sait maintenant que le Pentagone, sous l'administration Trump, a sciemment dissimulé la quantité réelle de la présence militaire américaine en Syrie ainsi qu'en Irak et en Afghanistan, à la fois pour poursuivre la rhétorique de la "fin des guerres sans fin" et pour empêcher que cela ne se produise réellement. S'il est vrai (peut-être) que le nombre réel d'unités militaires a probablement été caché au président lui-même (ce qui en soi n'est pas particulièrement choquant pour ceux qui connaissent les mécanismes qui font bouger l'appareil de la puissance américaine)[4] : il est tout aussi vrai que c'est Donald J. Trump qui a autorisé les incursions dans les pays en question (dont celle qui a assassiné Qassem Soleimani) et les actes de guerre économique susmentionnés[5]. Sans compter que, données en main, dans les cas de l'Afghanistan et du Yémen, l'administration Trump a largué encore plus de bombes que celles qui l'ont précédée, avec le pic de 7 423 engins nord-américains largués sur le seul pays d'Asie centrale en 2019[6].

Il va sans dire que, pour l'instant, il ne semble pas y avoir d’espoir que la nouvelle administration puisse évoluer dans une direction différente de celle de ses prédécesseurs. Si l'administration Trump a pris des positions extrêmes qui ont été configurées sous Barack Obama (par exemple, l'endiguement de la Chine), il semble clair que l'administration Biden-Harris s'inspirera aussi des précédentes.

La deuxième réflexion qu’inspire l'appel de l'évêque d'Alep, outre la référence à une Europe soumise à la volonté de l'Amérique du Nord[7], est liée à des aspects plus purement historico-idéologiques et religieux. Et c'est là que la figure du général martyr Qasem Soleimani entre en jeu.

Le président Bachar al-Asad a souvent fait référence à l'importance de la communauté chrétienne pour l'essence et le caractère souverain de la Syrie. En effet, le territoire qui correspond aujourd'hui au pays levantin, en plus d'avoir été depuis l'Antiquité un centre d'irradiation culturelle et religieuse de premier ordre, comme dans le cas de la diffusion du culte du soleil ("intervention providentielle de l'Orient" pour René Guénon) dans l'Empire romain, a influencé, avec ses théologiens, de manière décisive l'évolution de la doctrine chrétienne elle-même ; il suffit de penser à l'œuvre de Saint Jean Damascène, expression parfaite d'un christianisme véritablement oriental et riche en influences eurasiennes.

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Monastère de Saidnaya.

Au cours des siècles, le pays a notamment connu un développement important du culte marial. Un culte démontré par la présence d'innombrables sanctuaires dédiés à la Mère de Jésus et qui ont survécu aux années de conflit, de pillage et de destruction. L'un des plus importants est sans aucun doute le monastère de Saidnaya (Dame de la Chasse en syriaque), appartenant au patriarcat orthodoxe d'Antioche et lieu de pèlerinage également pour les musulmans. L'histoire de ce monastère est emblématique du caractère sacré et traditionnel de la présence chrétienne en Syrie. La légende raconte que l'empereur byzantin Justinien Ier, alors qu'il était en voyage de chasse dans la région, s'est perdu près de Damas et a risqué de mourir de déshydratation. Sa soif fut étanchée grâce à l'aide d'une gazelle, que Justinien identifia plus tard comme un messager angélique marial, qui le conduisit à une source d'eau sur le même rocher sur lequel l'empereur fit plus tard construire le sanctuaire. Et à l'entrée du sanctuaire étaient inscrits les mots tirés du Livre de l'Exode : "ôte les chaussures de tes pieds, car le lieu où tu es est une terre sainte" [8].

Maintenant, pour revenir au concept selon lequel la géographie sacrée et la géopolitique se chevauchent souvent, il convient de souligner que la région dans laquelle se trouvent les principaux centres de culte chrétien en Syrie (de Saïdnaya à Maaloula) a également une valeur géostratégique d'une importance considérable. En observant une carte du Levant, on remarquera facilement que cette région correspond aux montagnes du Qalamoun, le long de la frontière entre la Syrie et le Liban, au-delà desquelles se trouve la vallée de Bek'a, qui constitue (historiquement) l'un des principaux centres d'activité du Hezbollah. Cette région, point de connexion entre le Liban et la Syrie (et donc aussi point de ravitaillement entre Beyrouth et Damas), est depuis longtemps l'objet d’affrontements entre les groupes terroristes qui ont mis la Syrie à feu et à sang et les forces loyalistes (l'armée arabe syrienne et ses milices associées) et leurs alliés (le Hezbollah et les forces de Quds commandées par Qassem Soleimani). Damas et ses alliés ont lancé au moins trois opérations militaires différentes pour libérer cette région fondamentale, infligeant de graves défaites tant à l'autoproclamé "État islamique" qu'aux forces liées à Al-Qaïda. En particulier, l'offensive d'août 2017 a conduit à la première grande défaite de l'"État islamique" sur le sol syrien, à la reddition d'un nombre important de miliciens de l'entité terroriste et à la libération d'une large tranche de territoire le long de la frontière syro-libanaise.

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Nombre des milices chrétiennes qui ont participé aux opérations militaires dans la région pour soutenir le gouvernement légitime de Damas (par exemple, les "Gardiens de l'Aurore", qui ont uni divers groupes chrétiens tels que les "Lions des Chérubins" - en référence au nom d'un important monastère de Saidnaya - ou les "Soldats du Christ") ont été constituées sur le modèle du Hezbollah et des milices chiites irakiennes, avec l'aide des forces du Quds de Soleimani et du Hezbollah lui-même. Soleimani a également joué un rôle majeur dans la formation d'une autre milice chrétienne, les "Forces de la Rage", dans la ville à majorité grecque orthodoxe de Suqaylabiyah, entre Hama et Latakia [9].

Il est important de souligner que les militants de ces groupes se considèrent comme des "moudjahidin de la croix"[10]. L'une des devises des "Lions des chérubins" déclare : "Nous n'avons pas été créés pour mourir mais pour la vie éternelle. Nous sommes les descendants de Saint-Georges" [11]. Leur action visait principalement à défendre les lieux de culte chrétiens contre les ravages des miliciens Takfiri. Cependant, beaucoup de ces groupes ont également participé à des opérations militaires en dehors des zones où vit la majorité de la communauté chrétienne syrienne. En fait, ils se sont battus et se battent en tant que chrétiens contre l'"Occident" et une vision du monde qui leur est totalement étrangère.

Dans une certaine mesure, on pourrait dire que l'agression contre la Syrie a contribué (selon les termes de Michel Aflaq, le père fondateur chrétien-orthodoxe du Ba'ath syrien) à "réveiller le nationalisme des Arabes chrétiens" [12] : c'est-à-dire le sentiment qui "les conduit à sacrifier leur fierté et leurs privilèges personnels, dont aucun ne peut égaler la fierté arabe et l'honneur d'en faire partie" [13].

Face à ce scénario, il semble évident que le secrétaire d'État américain Mike Pompeo a déclaré en 2018, avec le style de gangster caractéristique de la politique étrangère nord-américaine, que le général Soleimani créait des problèmes à la fois en Syrie et en Irak et que les États-Unis devaient faire tout leur possible pour augmenter le prix à payer pour lui personnellement et pour les forces quds des gardiens de la révolution[14].

Outre l'aspect purement géopolitique (lié au fait que les travaux de Soleimani ont contribué au développement de forces militaires non conventionnelles capables de saper la stratégie américaine et sioniste en Syrie et en Irak et ont créé des ceintures de sécurité aux frontières de l'Iran tout en étendant leur influence dans la région)[15], les "problèmes" dont parle Pompeo sont également liés à un aspect plus purement "idéologique". En fait, il est bien connu que la superstructure idéologique de l'"Occident", au cours des vingt dernières années, a été construite autour du soi-disant "choc des civilisations", théorisé par Samuel P. Huntington et Bernard Lewis, entre le judéo-christianisme et l'islam (ou entre l'"Occident libéral" et l'axe islamo-confucianiste) dans le seul but de fournir un "ennemi" contre lequel s'opposer. En même temps, outre la fragmentation selon des critères ethniques et sectoriels des principaux adversaires régionaux (stratégie que l'on tente d'appliquer également à l'Iran)[16], le sionisme a toujours eu à cœur d'éliminer les communautés chrétiennes du Levant[17] afin de réaffirmer l'un des mythes fondateurs de l'"État juif" : son rôle de "mur contre la barbarie orientale".

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Dans ce sens, le général Soleimani et les milices qui lui sont liées, opèrent également dans le respect des préceptes théologiques plus encore que militaires et défendent les communautés religieuses opprimées contre les groupes terroristes soutenus par l'"Occident" (tant en Syrie qu'en Irak) également par le biais d'une coopération interconfessionnelle qui se situe aux antipodes du principe impérialiste traditionnel du "diviser pour régner", ont démasqué le mensonge de base inhérent au modèle idéologique du "choc des civilisations" et ont montré que l'entité sioniste, loin d'être un mur contre la barbarie, est elle-même barbare.

Dépassant le modèle idéologique du choc des civilisations par une action qui (en termes purement traditionnels) est une rencontre entre la Voie de l'Action et la Voie de la Contemplation (il n'y a pas de djihad mineur sans djihad majeur et l'Action est inséparable de la méditation), la figure du Général Soleimani assume le rôle de "héros civilisateur". Dans un monde en ruines, où l'individualisme domine et où la contrefaçon idéologique à de nombreux niveaux a détruit toute sorte de principes et d'attitudes sacrés, la vie de Soleimani est un exemple révolutionnaire. L'action, chez ce membre de la caste des guerriers, devient un sacrifice de soi vers un but plus élevé. Et, avec lui, le conflit revient à supposer que la dimension théologique (étudiée par Heidegger et Schmitt dans la première moitié du XXe siècle sur la base de fragments héraclitéens) qui dans le monde "occidental" a été noyée dans le moralisme de la matrice protestante anglo-américaine.

Soleimani a été tué pour le simple fait qu'il représentait un modèle humain qui se trouve aux antipodes de l'homme occidental moderne qui ignore le Sacré et dont la connaissance est réduite à la simple accumulation et assimilation de données empiriques. Paraphrasant l'Iman Khomeini, Soleimani était un véritable être humain au sens traditionnel et spirituel de cette idée. Et pour cela, il a été tué [18]. "Des êtres humains", écrivait le père de la Révolution islamique, "ils ont peur ; s'ils trouvent un homme, ils le craignent [...] C'est pourquoi, chaque fois qu'ils ont trouvé un vrai homme devant eux, ils l'ont tué, l'ont emprisonné, l'ont exilé ou ont entaché sa réputation"[19].

NOTES :

[1]    Il est curieux de noter que beaucoup de chrétiens présumés en sont arrivés à définir Donald J. Trump comme un défenseur de la chrétienté. D’aucuns en sont même arrivés à lui attribuer le rôle du « katechon ».En paraphrasant le Colonel Khadaffi, lorsqu’il évoquait la différence substantielle entre les communistes soviétiques et les communistes italiens, on pourrait affirmer qu’il existe une grande différence entre les »vrais chrétiens » et ceux quise laissent corrompre par une forme contrefaite du christianisme, d’essence absolument antichrétienne.

[2]    “Le sanzioni degli USA ci uccidono. Passeremo un Natale di inferno”, intervista di G. Micalessin a G. A. Khazen, www.sputniknews.com.

[3]    Si veda Remarks by the President at the United States Military Academy Commencement Ceremony, www.obamawhitehouse.archives.org

[4]    On pense aux manœuvres faites par le Vice-Président (charge surtout représentative) Dick Cheney, une des figures les plus importante de l’ère Bush Jr.

[5]    Trump lui-même a souligné avec orgueil que le pétrole syrien était entièrement à la disposition des Etats-Unis. Voir : Trump: Abbiamo il petrolio siriano e ci facciamo quello che ci pare, www.sputniknews.com. C’est un fait avéré que le pétrole syrien, en dépit de toutes lesnormes fixées par le droit international, est vendu en contrebande (via la Turquie) à Israël. Cfr. Arab paper reveals Syrian Kurds oil privilege to Israeli businessmanwww.farsnews.com.

[6]    Cfr. Trump may have bombed Yemen more than all previous US presidents combined, new report finds, www.businessinsider.com, e Record 7.423 US bombs dropped in Afghanistan in 2019. Report, www.aljazeera.com.

[7]    Le fait d’avoir soutenu le régime des sanctions unilatérales imposé par les Etats-Unis a entraîné de graves pertes économiques pour l’Europe.

[8]    Voir le chapitre consacré à la Syrie dans l’ouvrage “Dalla geografia sacra alla geopolitica” (Cinabro Edizioni 2020).

[9]    Voir Atlante delle milizie cristiane in Siria, www.eurasia-rivista.com.

[10]  Aymen Jawad al-Tamimi, Usud al-Cherubin: a pro-Assad Christian Militia, www.joshualandis.com.

[11]  Ibidem.

[12]  M. ‘Aflaq, La resurrezione degli Arabi, Edizioni all’insegna del Veltro, p. 14.

[13]  Ibidem. A ce propos, il faut bien se rappeler que le laïcisme attribué à la République Arabe de Syrie est en réalité quelque chose de bien différent de la laïcité telle qu’on l’entend en Europe, soit un refus de tout sentiment religieux. Le laïcisme syrien repose sur l’acceptation du sentiment religieux sous toutes ses formes dans le but de maintenir inchangé le lien indissoluble entre la spiritualité arabe et l’Islam. « Le lien entre islam et arabité, écrivait Aflaq en 1943, n’est en rien comparable au lien entre toute autre religion et sentiment national ».

[14]  Mike Pompeo: Qassem Soleimani is causing trouble in Iraq and Syria…we need to raise the cost for his organization and him personally, www.thenationalnews.com.

[15]  A cela s’ajoute également le fait que, selon les déclarations récentes de Seyyed Hassan Nasrallah, le Général Soleimani aurait eu un rôle de premier plan dans les négociations qui ont conduit à l’intervention russe en Syrie. Une intervention qui, outre qu’elle a modifié les vicissitudes du conflit, a rendu à Moscou son statut de puissance globale.

[16]  Voir O. Yinon, Una strategia per Israele negli anni Ottanta, l’articule est au départ paru en hébreux dans Kivunim (Directions), une « Revue pour le judaïsme et le sionisme », n° 14 Hiver, 5742, febbraio 1982 Editeur: Yoram Beck. Une réplique du Plan Yinon en référence à l’Iran est parue en 2014 sur le site sioniste www.mida.org.il avec, pour titre, How to hurt Iran without airstrikes. L’auteur fait expressément référence à l’exploitation du régime occidental des sanctions comme instrument pour exaspérer les minorités ethniques appauvries, installées sur le territoire iranien, afin de les inciter à agir, notamment en pratiquant des actes de sabotage contre le gouvernement central donc pour revendiquer ouvertement le séparatisme. En partioculier, l’article fait référence aux minorités kurde et azérie, ainsi qu’au groupe terroriste des Mujahedin-e Khalq qui, probablement, a agi de concerte avecle Mossad pour l’assassinat du physicien nucléaire Mohsen Fakhrizadeh.

[17]  Une opération qui a réussi en ce qui concerne la communauté chrétienne palestinienne, laquelle, avec la complicité de sa hiérarchie ecclésiastique, laquelle est plus prompte à adorer l’argent qu’à défendre ses propres fidèles. L’opération a cherché à éradiquer le mémoire historique. C’est là une stratégie à laquelle le sionisme a toujours recouru. Au cours de l’opération « Paix en Galilée », par exemple, les militaires sionistes ont saccagé le « Centre de Recherches palestiniennes » de Beyrouth, emportant et détruisant plusde 25.000 volumes et manuscrits dansle but bien précis d’éliminer tous signes de l’identité et de l’histoire palestiniennes

[18]  Il faut aussi bien se rappeler que l’assassinat du Général Soleimani et d’Abu Mahdi al-Muhandis (Guide du Kataib Hezbollah) semble, comme le démontrent les résultats de l’enquête iranienne, le résultat d’une opération que les Etats-Unis ont menée avec la complicité d’autres pays de l’OTAN comme le Royaume-Uni et l’Allemagne.

[19]  R. Khomeini, Il governo islamico. O l’autorità spirituale del giureconsulto, Il Cerchio, Rimini 2007, p. 122.

 

dimanche, 24 janvier 2021

Comment Nord Stream 2 pourrait "libérer" l'Europe

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Salman Rafi Sheikh

Comment Nord Stream 2 pourrait "libérer" l'Europe

Ex : https://journal-neo.org

Plus que toute autre chose, les émeutes à Washington D.C. ont montré que la politique américaine, tout en passant apparemment le pouvoir des Républicains "fous" aux Démocrates "sages", risque de rester sous l'emprise d'une intense lutte de pouvoir interne entre des groupes "pro" et "anti" Trump. L'administration Biden restera très probablement, au moins pendant un certain temps, concentrée sur la diffusion des tensions internes et la consolidation du pouvoir. Alors que les États-Unis semblent avoir incroyablement perdu leurs lettres de noblesse démocratiques, ailleurs en Europe, ils perdent également leur primauté en tant que gestionnaires hégémoniques de la politique étrangère, une position qu'ils avaient acquise à la suite des dévastations militaires et économiques subies par l'Europe pendant la Seconde Guerre mondiale. La décision récente de l'Allemagne d'aller de l'avant en achevant le gazoduc Nord Stream 2 indique la direction nouvelle dans laquelle souffle le vent, éloignant ipso facto l'Europe des États-Unis

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Si l'éventuel achèvement de Nord Stream 2 n'indique pas et ne voudrait pas indiquer l'émergence d’une alliance stratégique de l'Europe avec la Russie, il montre cependant l'affirmation croissante de l’autonomie européenne vis-à-vis des États-Unis. En l'état actuel des choses, l'Allemagne et l'Europe poursuivent le parachèvement de Nord Stream 2, la construction de la dernière portion du gazoduc devant commencer à partir du 15 janvier au Danemark.

Les États-Unis y voient naturellement un revers stratégique et ils "avertissent" déjà les entreprises européennes qu’ils leur infligeront des sanctions. L'annonce du parachèvement de Nord Stream 2 a été faite quelques jours après la signature de l'accord UE-Chine sur les investissements : cela illustre bien la manière dont l'Europe snobe de plus en plus les États-Unis dans ses relations avec les pays que les États-Unis considèrent comme "voyous" et/ou "révisionnistes".

Le département d'État américain a récemment "informé" les entreprises européennes impliquées dans le projet du gazoduc qu'elles risquaient de faire l'objet de sanctions. "Nous essayons d'informer les entreprises du risque et de les inciter à se retirer avant qu'il ne soit trop tard", a déclaré un responsable américain.

Alors que l'administration Trump poursuivait depuis un certain temps les entreprises européennes impliquées dans le projet, l'administration Biden devrait maintenir ce cap. Joe Biden, lorsqu'il était vice-président, s'était déjà opposé au projet.

Dans le même temps, l'Europe n'a pas envie que la nouvelle administration américaine vienne sanctionner les entreprises commerciales européennes. Le message aux États-Unis était clair lorsque le ministre allemand des affaires étrangères, Heiko Maas, a récemment déclaré à l'agence de presse Deutsche Presse-Agentur DPA que Berlin ne céderait pas aux pressions de Washington. Pour le citer : « l'Allemagne n'a pas besoin de parler de souveraineté européenne si l'on entend par là que nous (l'Allemagne) ferons tout à l'avenir comme le veut Washington ». Il a ajouté que si l'Allemagne voit une opportunité de resserrer ses liens avec les Etats-Unis sous l'administration Biden, sa position sur Nord Stream 2 restera inchangée.

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Il est évident que l'Allemagne, comme le reste de l'Europe, en a absolument assez de l'ingérence et des diktats répétés des États-Unis. Par conséquent, alors que Nord Stream 2 satisfera économiquement les besoins commerciaux allemands, géopolitiquement, il aidera l'Allemagne et les autres pays européens à exercer à nouveau leur autonomie stratégique vis-à-vis des États-Unis, autonomie qu'ils avaient avant que le système dominé par les États-Unis ne soit imposé après la Seconde Guerre mondiale. Le Nord Stream 2 est donc déjà devenu un symbole de la rédemption européenne, indiquant fortement qu'il n'y a pas de retour à la pleine normalisation.

C'est d'ailleurs exactement ce que le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a déclaré en novembre dernier dans une interview à la radio Europe1. Pour lui, il n'y aura pas de retour à la situation précédente, au bon vieux temps des relations transatlantiques, ajoutant également que "nous devrons construire une nouvelle relation transatlantique" à la lumière des changements que le monde a connus au cours de ces quatre dernières années. L'un des changements les plus significatifs, selon le ministre, est la manière dont "l'Europe a affirmé sa souveraineté au cours des quatre dernières années, dans les domaines de la sécurité, de la défense et de l'autonomie stratégique", ajoutant également que "l'Europe a renoncé à sa naïveté au cours des quatre dernières années et a commencé à s'affirmer en tant que puissance".

La décision de l'Allemagne et d'autres pays bénéficiaires européens d'achever le programme Nord Stream 2 montre que la marche inébranlable de l'Europe vers la reconquête de son autonomie stratégique se poursuit et permet de vaincre les États-Unis et leur menace de sanctions.

C'est ce qui ressort de la manière dont l'Allemagne prend déjà des mesures pour créer un fonds destiné à parer aux sanctions américaines et à permettre aux entreprises d'acquérir un bouclier contre les mesures coeercitives que les États-Unis ont l'intention de prendre pour punir l'Europe de son autonomie et de sa décision de ne pas acheter tout le gaz dont elle a besoin aux seuls États-Unis. De toute évidence, la décision de l'Allemagne de soutenir envers et contre tout Nord Stream 2 s'est faite au détriment de programmes américains tels que le ‘’troisième paquet énergétique’’ et l'initiative dite des ‘’trois mers’’ financée et soutenue par les États-Unis.

Nord Stream 2 est donc déjà devenu un test décisif pour les ministres européens qui affirment que le continent a subi des "changements" au cours de ces quatre dernières années. Son achèvement marquera les lettres de créance de l'Europe en tant qu'acteur indépendant dans un monde de plus en plus multipolaire. La distance croissante de l'Europe par rapport aux États-Unis affaiblira également la capacité des États-Unis à manipuler et à dicter unilatéralement les questions politiques et économiques mondiales, notamment le changement climatique, l'Iran, la Russie ("Etat-voyou") et la Chine "révisionniste". Dans l'état actuel des choses, l'Europe a déjà tracé la voie à suivre.

Salman Rafi Sheikh.

Salman Rafi Sheikh, chercheur et analyste des relations internationales et des affaires étrangères et intérieures du Pakistan, en exclusivité pour le magazine en ligne "New Eastern Outlook".

samedi, 23 janvier 2021

L'importance stratégique de l'accord entre Israël et le Maroc

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L'importance stratégique de l'accord entre Israël et le Maroc

Par Marco D'Attoma

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2020 sera l'année qui restera historiquement dans les mémoires pour la pandémie du Covid-19, mais pour les études de la diplomatie internationale, ce sera sans doute une année fondamentale pour les développements au Moyen-Orient, en particulier dans les relations établies entre l'État d'Israël et le monde arabe. Les accords d'Abraham, signés le 15 septembre dernier pour normaliser les relations entre les Émirats arabes unis (EAU), Bahreïn et Israël, marquent un tournant historique dans le contexte du Moyen-Orient, au même titre que les accords de Camp David ou les accords d'Oslo. Cette stratégie diplomatique de l'État d'Israël a trouvé un parrain pertinent dans l'administration Trump, qui s'est révélée être le principal interlocuteur pour la paix entre le monde arabe et Israël. La dernière étape de cette politique d'apaisement a été l'accord entre Israël et le Maroc, la plus ancienne monarchie arabe.

L'approche de la présidence américaine est définie comme transnationale, car pour les Etats qui promeuvent les relations diplomatiques avec Israël, il y a une sorte d'avantage, par exemple pour les Emirats Arabes il y avait l'avantage de pouvoir acheter des avions militaires aux Etats-Unis. Pour le Maroc, cependant, l'avantage consiste en la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, un territoire peu connu au niveau international, qui selon les parties, pourrait être défini comme un État ou comme une province marocaine.

Cette concession américaine pourrait cependant raviver un conflit historique entre le Maroc et le Sahara occidental, qui a commencé en 1975 lorsque, suite aux accords de Madrid, le gouvernement franquiste a décidé de se retirer du Sahara espagnol (aujourd'hui Sahara occidental) et d'accorder la souveraineté territoriale sur ce territoire à la Mauritanie et au Maroc. Cependant, le contrôle du territoire en question appartenait au Front Polisario (Frente Popular de Liberación de Saguía el Hamra y Río de Oro), une organisation politique qui s'est opposée à la partition du Sahara espagnol entre la Mauritanie et le Maroc, déclarant la guerre sur les deux fronts pour prendre le contrôle du territoire. La Mauritanie s'est presque immédiatement retirée du conflit, tandis qu'avec le Maroc un conflit a été amorcé qui sera gelé en 1991 grâce à une résolution des Nations unies qui établira un cessez-le-feu, mais sans résoudre définitivement la question. Le Front Polisario ne contrôle actuellement que 20 % du territoire du Sahara occidental, alors que le Maroc considère ce territoire comme une province du Royaume. Au niveau international, le Sahara occidental a un statut d'observateur aux Nations unies et est classé comme territoire non autonome, tandis qu'au sein de l'Union africaine, il est compté parmi les États membres.

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La résolution du Conseil de sécurité de 1991, en plus d'établir un cessez-le-feu, a promis au Front Polisario de soutenir la tenue d’un référendum sur l'autodétermination, processus prévu par la Charte des Nations unies, et ce vote serait contrôlé par les Nations unies et l'Union africaine.

Depuis 1991, cependant, les choses n'ont pas changé, la situation s'est même à nouveau détériorée. Ces dernières années, le gouvernement marocain a essayé d'entraver de toutes les manières possibles un référendum, et a également essayé de repeupler sa partie du Sahara occidental en accordant des avantages économiques et des incitations fiscales à ceux qui s’y installaient, afin d'influencer un éventuel vote. Ces derniers mois, les affrontements ont officiellement repris en raison de l'entrée de l'armée marocaine dans la zone démilitarisée. L'armée marocaine était intervenue parce que des manifestants sahraouis bloquaient une route très importante pour le commerce vers l'Afrique subsaharienne, une région vers laquelle de nombreuses marchandises marocaines sont exportées. Le territoire sous contrôle du Maroc est le plus prospère au niveau économique car il est riche en ressources et en gisements, tandis que le territoire sous contrôle du Front Polisario est un territoire aride mais, en même temps, important car il représente pour le Maroc la porte d'entrée du commerce vers l'Afrique occidentale et subsaharienne, riche en phosphates et important pour l'abondance de poissons dans ses eaux.

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Pour diviser les deux territoires, il existe une muraille fortifiée, mais pas n'importe laquelle car c'est la plus longue du monde (si l'on exclut la muraille de Chine), longue d'environ 2700 kilomètres, avec des fortifications, des bunkers et des mines au sol. Ce n'est pas pour rien qu'on l'appelle "Le Mur de la Honte".

La décision de Trump de reconnaître la souveraineté marocaine sur l'ensemble du Sahara occidental a certainement beaucoup contribué à raviver la volonté du gouvernement marocain de prendre le contrôle de l'ensemble du territoire.

Si les actions de Trump ont temporairement apporté un climat de paix au Moyen-Orient, il n'en va pas de même pour le Sahara occidental. Le mur, les droits de l'homme bafoués et les relations avec les États-Unis et Israël ne peuvent que faire penser à un lien entre le peuple sahraoui et le peuple palestinien.

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La géopolitique qui sous-tend l’accord d’investissement UE-Chine

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La géopolitique qui sous-tend l’accord d’investissement UE-Chine

Par Salman Rafi Sheikh

Source: New Eastern Outlook

L’accord d’investissement UE-Chine récemment annoncé est un moment décisif, marquant le premier accord d’investissement UE-Chine de ce type, qui ouvrirait les portes de la Chine à l’UE, pour y réaliser des investissements directs. La Chine aura de son côté la possibilité d’étendre son influence sur le marché européen. Si l’accord présente de nombreux avantages pour les parties concernées, il est également assorti de facteurs géopolitiques très visibles, qui concernent non seulement l’UE et la Chine, mais aussi les États-Unis. L’accord UE-Chine est considéré aux États-Unis par l’administration Trump (qui est déjà en « guerre commerciale » avec la Chine) et l’administration Biden comme contraire à leur politique déclarée de suivre une approche « dure » à l’égard de la Chine. L’expansion de la Chine en Europe permettra à la première d’échapper en grande partie à l’impact de la « guerre commerciale » en cours et donnera à son économie une marge de manœuvre importante. Pour les États-Unis, cet accord doit donc être revu à la lumière de leur propre politique de confrontation calculée avec la Chine. Les États-Unis entendent exercer leur influence pour que l’UE s’aligne sur la politique américaine.

Jake Sullivan, le choix du président élu Joe Biden comme conseiller pour la sécurité nationale, a demandé « des consultations rapides avec nos partenaires européens sur nos préoccupations communes concernant les pratiques économiques de la Chine ». Le tweet reflète une inquiétude croissante parmi les responsables de l’administration Biden, qui craignent que la formalisation de l’accord UE-Chine, sans les États-Unis, ne compromette sérieusement la capacité de ces derniers à non seulement modeler la dynamique générale des liens bilatéraux entre l’UE et la Chine, mais aussi à obtenir le soutien de l’UE pour former un front commun contre la Chine. L’administration Biden cherche donc à maintenir une position politique vis-à-vis de la Chine similaire à celle que l’administration Trump a largement suivie au cours des quatre dernières années. Il est donc peu probable que les relations entre les États-Unis et la Chine sous l’administration Biden reviennent à la normale. Elles devraient, dans l’état actuel des choses, s’exacerber en raison de la concurrence militaire croissante.

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Pour les États-Unis, la principale préoccupation n’est pas l’accord en soi, mais la manière dont cet accord ferait de l’UE un acteur indépendant dans ses relations avec la Chine. Après l’accord, l’UE sera en mesure de façonner et de déterminer ses politiques vis-à-vis de la Chine en tant qu’acteur égal et indépendant, ce qui donnera au bloc européen le poids politique qu’il a essayé d’établir pour équilibrer ses relations avec les États-Unis. Il y a des tensions au sein de l’OTAN, et les États-Unis, sous l’administration Trump, ont libéré des forces qui ont poussé l’UE de plus en plus vers une politique étrangère indépendante, et envisagent même un système de sécurité interne européen, indépendant de l’OTAN.

Le fait que la Chine ait récemment offert des concessions massives à l’UE indique également comment la Chine essaie de tirer pleinement parti des clivages existants entre les États-Unis et l’UE, en offrant des incitations que l’UE pourrait trouver trop attrayantes pour les rejeter. Les concessions chinoises ont déjà abouti à un accord de principe, obligeant la France et l’Allemagne à passer imperceptiblement de leur politique dite « indo-pacifique » de « gestion » de la montée en puissance de la Chine à une coexistence avec cette dernière qui donnerait à l’UE un accès très recherché au marché chinois.

En facilitant l’accès à son industrie manufacturière, la Chine a répondu à l’une des principales préoccupations de l’UE. Alors que presque tous les pays de l’UE ont leurs accords bilatéraux avec la Chine, cet accord est le premier « accord autonome sur les investissements couvrant à la fois l’accès au marché et la protection des investissements. Il remplacerait les 25 accords bilatéraux existants par un cadre juridique uniforme doté de normes de protection modernes et de mécanismes de règlement des différends ».

En conséquence, alors que l’UE et la Chine s’efforcent de plus en plus de surmonter leurs divergences mutuelles [l’UE modifiant ses mesures de sécurité et les Chinois assouplissant leurs règles], le fossé entre l’UE et les États-Unis s’élargit.

La loi européenne sur les services numériques (DSA) et la loi sur les marchés numériques (DMA) récemment introduites sont susceptibles d’approfondir encore la fracture transatlantique en matière de commerce numérique. Les divergences sur le marché des services numériques viendront s’ajouter aux tensions déjà existantes en ce qui concerne l’OTAN, le changement climatique et les relations économiques entre l’UE et les États-Unis.

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Les lois européennes auront un impact négatif sur les États-Unis. En 2019, les États-Unis ont exporté vers l’UE pour 196 milliards de dollars de services liés aux technologies de l’information et des communications (TIC). Google a déjà déclaré que cet ensemble de lois vise à entraver les entreprises américaines. La Chambre de commerce américaine a déclaré que « l’Europe a l’intention de punir les entreprises prospères qui ont fait des investissements importants dans la croissance et la reprise économique de l’Europe ».

L’accord d’investissement UE-Chine est donc autant ancré dans la volonté d’expansion de la Chine que dans la recherche croissante par l’UE de sa propre place, indépendante des États-Unis, dans un monde de plus en plus multipolaire.

L’UE réagit à la manière dont les États-Unis sont passés au nationalisme économique sous l’administration Trump. Bien que Joe Biden ait qualifié la politique « America First » de Trump de mauvaise, le fait que cette politique soit restée en place pendant 4 ans signifie qu’elle a été capable d’infliger des changements substantiels à la façon dont l’alliance transatlantique s’engagerait et se réunirait face à des ennemis communs. L’UE, dans sa forme actuelle, ne se contente pas de s’associer aux États-Unis pour « gérer » la Chine ; elle définit plutôt une ligne de conduite qui correspond à ses intérêts et à ses besoins. Comme l’ont déclaré les diplomates européens, si les entreprises européennes peuvent obtenir un meilleur accès à la Chine et y trouver des conditions de concurrence raisonnablement équitables, il n’y a aucune raison qu’elles n’en profitent pas.

Salman Rafi Sheikh

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

vendredi, 22 janvier 2021

Le défi géostratégique de l'Arctique

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Le défi géostratégique de l'Arctique

par Daniele Perra

Ex : https://osservatorioglobalizzazione.it

Le grand juriste allemand Carl Schmitt a dit que l'histoire des peuples est toujours une histoire d'appropriation de la terre. La conquête/acquisition de nouveaux espaces a toujours une influence décisive sur la position géopolitique des États. En effet, une acquisition de terres implique toujours le risque de déstabiliser un statut hégémonique précis ou un ordre établi. Sur une surface terrestre presque entièrement occupée par l'homme, il existe encore deux zones de compétition entre les grandes puissances : la région arctique et l'espace extérieur entourant le globe. Dans cet article, nous aborderons la première.

La proposition du président américain Donald J. Trump d'acheter le Groenland, et l'annulation subséquente de la réunion de Copenhague avec les dirigeants politiques danois une fois l'offre refusée, ont fait sensation en 2019.

Cependant, ce qui semblait être une déclaration impromptue d'un "président peu orthodoxe" avait en fait des raisons géopolitiques très spécifiques. Et afin de mieux comprendre ces motivations, il sera utile d'examiner en détail les déclarations de Mark T. Esper (secrétaire d'État à la défense) au Royal United Services Institute de Londres et le rapport du ministère américain de la défense sur la stratégie arctique au Congrès de juin 2019.

Les déclarations d'Esper sont particulièrement éloquentes. En effet, le secrétaire à la défense a mentionné à plusieurs reprises la menace que l'agressivité russe et la puissance économique chinoise feraient peser sur la sécurité et l'ordre mondial actuels.

"La concurrence entre les grandes puissances" - a déclaré M. Esper au public londonien - "est la principale préoccupation pour la sécurité nationale des États-Unis". Les États-Unis, selon l'ancien étudiant de West Point, s'occupent déjà de cette question, mais il devient nécessaire que les "nations aimant la liberté" reconnaissent cette menace et jouent leur rôle pour assurer la sécurité du monde.

En outre, la Chine et la Russie feraient peser des menaces spécifiques sur la "prospérité américaine" : des menaces qui pourraient s'aggraver à l'avenir si elles ne sont pas traitées rapidement.

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En conclusion, M. Esper, en pleine conformité avec la ligne de conduite de Trump, a suggéré que les alliés des États-Unis, et en particulier les États membres de l'OTAN, augmentent leurs dépenses militaires.

Les déclarations du secrétaire à la Défense font parfaitement écho à la substance du rapport susmentionné, remis au Congrès et consacré à la stratégie arctique, rapport qui mentionne explicitement le comportement "malveillant et coercitif" de la Russie et de la Chine, une "approche holistique" de la protection des intérêts nationaux américains dans la région arctique et la croissance de l'influence de Washington dans la région. Ce rapport, à son tour, fait écho à la stratégie de sécurité nationale de 2017 dans laquelle un accent particulier est mis sur "la protection du mode de vie américain" et, une fois de plus, sur "la promotion de la prospérité américaine, à préserver même par la force".

En outre, le rapport présenté au Congrès en juin fait écho presque intégralement au document de stratégie pour l'Arctique de 2013, publié sous l'administration Obama, prouvant, s'il en était besoin, qu'indépendamment des aspects extérieurs, des spectacles politiques de M. Trump, il existe une ligne de continuité substantielle entre les deux présidences.

À cet égard, il est également indéniable que les États-Unis avaient déjà commencé à ignorer l'accord nucléaire iranien bien avant l'élection de Trump.

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J'ai souvent soutenu que le trumpisme n'est rien d'autre qu'une tentative (plus ou moins) désespérée de sauver la "mondialisation américaine", et que la devise électorale "Make America Great Again" a simplement entraîné une nouvelle course aux armements et la militarisation plus ou moins forcée des régions soumises à la concurrence stratégique entre les grandes puissances.

Le regain d'intérêt pour l'Arctique s'inscrit dans ce contexte. Limiter ou empêcher l'expansion sino-russe dans la région signifie avant tout éviter l'une de ces "acquisitions de nouveaux espaces" qui pourraient mettre en crise l'hégémonie mondiale nord-américaine.

La valeur de l'Arctique

Situé à l'intersection de 3 plateaux continentaux, avec 14 millions de kilomètres carrés, 13% des réserves mondiales de pétrole et 30% des réserves de gaz encore à exploiter, l'Arctique est une zone d'une énorme valeur géostratégique. L'exploitation d'une telle richesse, également en termes de routes commerciales et militaires, aurait pour conséquence soit la conservation inchangée de l'hégémonie nord-américaine, soit son dépassement définitif si Washington devait perdre le défi lancé à ses concurrents.

Il n'est donc pas surprenant que le rapport susmentionné au Congrès sur la stratégie arctique mentionne clairement l'objectif de "limiter la capacité de la Chine et de la Russie à exploiter la région comme un corridor de concurrence stratégique, visant à limiter la projection mondiale de la puissance américaine".

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En fait, l'ouverture de la route arctique, en évitant le canal de Suez, réduirait de dix jours la durée du voyage de l'Asie vers l'Europe et compromettrait sérieusement le contrôle américain sur les flux énergétiques. En outre, en ce qui concerne les objectifs géostratégiques sino-russes, la route arctique serait plus sûre et plus stable que les couloirs terrestres de l'initiative "Belt and Road", qui sont susceptibles de passer par des zones de turbulences, à forte présence de groupes terroristes largement alimentés et exploités par les services de renseignement des forces hostiles à l'évolution de l'ordre mondial dans un sens multipolaire.

En effet, la route arctique joue un rôle majeur dans le projet Belt and Road. La Chine, qui est un observateur permanent au Conseil de l'Arctique, a déjà investi pas mal de ressources dans la région. Et l'intérêt de l'Amérique du Nord à acheter le Groenland fait partie du plan visant à contrer l'expansion économique chinoise dans la région. Cette expansion suit les lignes tracées par la vision chinoise de la coopération maritime dans le cadre de l'initiative "Belt and Road", où l'esprit du projet d'infrastructure chinois est interprété en termes de "coopération, ouverture, inclusion, apprentissage et bénéfice mutuel". Dans cette déclaration de 2017, la relation entre l'homme et les océans est interprétée comme une exploitation des routes maritimes visant à réaliser un développement commun.

La valeur stratégique du Groenland

Le Groenland est au cœur du défi pour l'Arctique car on estime que son sous-sol abrite la sixième plus grande réserve de terres rares au monde : un élément clé dans la construction d'équipements technologiques et militaires. En outre, il existe d'autres ressources clés (or, uranium, diamants, pétrole). À cet égard, un projet visant à extraire ces ressources est déjà cogéré par une société chinoise : la Shenghe Resources Holding LTD.

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Les terres rares sont le principal facteur d'attractivité pour les États-Unis. Grâce à elles, la Chine (qui contrôle entre 85% et 95% de leur production mondiale) est en train de gagner la guerre commerciale contre les Etats-Unis. Ce n'est pas un hasard si elles sont l'un des rares produits chinois que les États-Unis ont exclus des droits de douane et des restrictions.

Prendre possession du Groenland et commencer l'exploitation définitive de cette immense ressource dans son sous-sol permettrait sans aucun doute aux États-Unis de réduire leur dépendance vis-à-vis des terres rares de la Chine et d'obtenir un contrôle total sur les deux extrémités arctiques du continent nord-américain : l'Alaska à l'ouest et l'île dite "verte" à l'est.

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Il va sans dire que dès 1860, avant même l'achat de l'Alaska à la Russie, William H. Seward (futur secrétaire d'État d'Abraham Lincoln) avait prédit que l'Arctique deviendrait l'avant-poste septentrional des États-Unis.

Comme mentionné au début de cet article, la proposition des trumpistes, comme celle avancée par l'administration Truman à la fin de la Seconde Guerre mondiale, a rencontré une réponse négative. Cependant, la sujétion presque totale de la classe politique de l'île envers Washington est bien connue. Et on ne peut exclure la possibilité que Washington profite de cette influence pour empêcher une expansion chinoise excessive dans le protectorat danois.

Le défi dans le Grand Nord entre la Chine et les États-Unis

Mais le Groenland n'est pas le seul souci des États-Unis. Outre la mise en service de sept brise-glaces, la Chine a également montré un intérêt considérable pour la construction du tunnel sous-marin Helsinki-Tallin, qui permettrait à la Chine de compléter un réseau d'infrastructures couvrant l'ensemble du continent eurasiatique.

Paradoxalement, dans cette course à l'Arctique, les États-Unis se sont retrouvés avec un lourd retard technologique par rapport à leurs principaux concurrents. La Russie, en effet, outre la création d'un Strategic Interforce Command pour l'Arctique dès 2014, dispose de la plus grande flotte pour la navigation en eaux froides (39 brise-glaces dont 6 à propulsion nucléaire) et vient d'achever la construction de la première centrale atomique flottante. Cette centrale, après un voyage de 5000 km le long de l'Arctique russe, a été rapidement placée à Pevek, à l'extrême nord-est, où elle fournira de l'énergie aux usines industrielles et minières de la région.

En outre, si les "prévisions géologiques" devaient être confirmées par les faits, l'exploitation du plateau arctique occidental de la Russie donnerait à Moscou une projection de puissance énergétique encore plus élevée que celle des États-Unis. Il n'est donc pas surprenant que la Russie ait également installé des batteries de missiles S-400 sur les péninsules de Kola et du Kamtchatka pour assurer la défense de la région.

Il est clair que les États-Unis vont une fois de plus répondre à ce double défi géostratégique et technologique en militarisant la région arctique et en faisant porter les coûts sur les épaules de leurs alliés. Et il est tout aussi clair que la course à l'Arctique peut être interprétée comme un nouveau chapitre de la lutte entre les puissances terrestres et maritimes qui a caractérisé l'histoire des peuples depuis l'antiquité. Cependant, au moins à cette occasion, la puissance thalassocratique nord-américaine semble être réellement obligée de se défendre.

 

L'administration Biden : ses projets pour le Groenland et le gazoduc Nord Stream 2

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L'administration Biden : ses projets pour le Groenland et le gazoduc Nord Stream 2

par Giuseppe Gagliano

Ex : https://www.startmag.it

Comment Biden va-t-il agir à la fois sur la question de l'Arctique (l'intérêt américain pour le Groenland) et sur celle, non moins complexe, du Nord Stream 2. Des différences vraiment pertinentes par rapport à Trump ? L'analyse de Giuseppe Gagliano.

Au-delà de la rhétorique évidente - et prévisible - liée à l'investiture du nouveau président américain Biden, considéré comme le nouveau messie par l'intelligentsia des gauches européennes, il est légitime de se demander comment le nouvel occupant de la Maison Blanche va évoluer par rapport à la fois à la question de l'Arctique (que nous avons abordée à plusieurs reprises dans ces pages) et à celle non moins complexe du Nord Stream 2.

Commençons par la première question et les positions prises jusqu'à présent par l'administration Trump.

À la mi-2019, le président américain Donald Trump et Mike Pompeo devaient se rendre au Danemark pour discuter de questions principalement liées aux investissements militaires et commerciaux américains au Groenland et à la présence croissante des États-Unis, de la Russie et de la Chine dans la région.

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La base américaine de Thulé au Groenland.

Les États-Unis ont l'intention d'acheter le Groenland et de concrétiser ainsi leur revendication sur cette région et ses ressources. Le Danemark a rejeté toute proposition de vente du Groenland et le gouvernement américain a annulé toutes les réunions prévues. La visite de Pompeo au Groenland a été annulée après que la Chine ait fait des efforts pour investir dans une série d'aéroports et une base militaire abandonnée sur l'île. L'objectif des États-Unis est de contrer l'influence de Pékin, qui a proposé en 2018 d'établir une "route de la soie polaire". L'objectif est d’empêcher les Chinois de prendre pied sur l'île en leur réservant toutefois la possibilité de faire de lourds investissements pour militariser le Groenland.

Outre la coopération économique entre la Chine et la Russie dans l'Arctique, Mike Pompeo a déclaré que le Pentagone avait averti que la Chine pourrait utiliser sa présence civile en matière de recherche dans l'Arctique pour renforcer sa présence militaire, notamment en déployant des sous-marins dans la région comme moyen de dissuasion contre les attaques nucléaires. "Nous devons examiner attentivement ces activités et garder à l'esprit l'expérience des autres nations. Le comportement agressif de la Chine dans d'autres régions influencera la manière dont elle traitera l'Arctique". Ces commentaires sur les éventuelles capacités militaires stratégiques de la Chine dans l'Arctique soulèvent légitimement la question des plans américains pour le Groenland.

Malgré le différend diplomatique de l'année dernière, l'administration Trump semble avoir fait marche arrière par rapport à son projet d'achat du Groenland. Le 22 juillet 2020, Mike Pompeo et Jeppe Kofod ont organisé une conférence commune à Copenhague. L'actuel ministre des affaires étrangères a déclaré que les États-Unis sont "l'allié le plus proche" du Danemark et qu'ils travaillent ensemble pour assurer une "société internationale fondée sur des règles". Par conséquent, tous les pays que les États-Unis considéreraient comme des adversaires se présentent comme des menaces pour l'économie mondiale (comme la Chine) ou comme nuisibles à l'environnement, comme le montre la tentative de régulation du trafic maritime dans l'Arctique par des navires battant pavillon russe. Pompeo a souligné : "Je suis venu ici parce que le Danemark est un partenaire solide. Il ne s'agit pas seulement de nous unir contre la Chine qui sape et menace notre sécurité nationale". Pompeo et Kofod se sont mis d'accord sur un front commun contre la Chine au Groenland et les États-Unis ont promis que le Groenland serait financièrement récompensé pour la présence, là-bas, de la base aérienne américaine de Thulé. Le secrétaire d'État américain a déclaré que le Danemark se verrait offrir de nouveaux liens commerciaux plus solides en échange de l'opposition aux investissements chinois et russes sur leur territoire.

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L'intention des États-Unis d'accroître leur influence dans les régions de l'Atlantique Nord et de l'Arctique par des moyens financiers a été clairement exprimée par Pompeo. Une approche économique de soft power est utilisée par les États-Unis pour assurer le contrôle du Groenland et des îles Féroé. Entre-temps, l'influence américaine sur le Groenland s'accroît déjà depuis qu'elle a ouvert un consulat sur l'île en juin avec l'approbation du gouvernement danois, fournissant une aide de 12,1 millions de dollars en avril.

Outre les facteurs économiques, il y a aussi un aspect stratégico-militaire puisque l'ambassadrice américaine au Danemark, Carla Sands, s'est rendue dans les îles Féroé pour demander la possibilité d'ouvrir un consulat diplomatique et de permettre à la marine américaine d'utiliser ses ports pour des opérations dans l'Arctique.

Un tel accord permettrait aux États-Unis de créer un corridor d'importance militaire s'étendant du Groenland, de l'Islande et des îles Féroé à la Norvège, qui pourrait servir d'outil géopolitique puissant contre les activités chinoises et russes dans la région.

Lors de sa visite au Danemark, Pompeo avait également réussi à organiser une rencontre avec Anders Fogh Rasmussen à l'ambassade des États-Unis à Copenhague. Rasmussen est membre du parti politique libéral "Venstre". Il dirige actuellement sa propre société de conseil politique appelée "Rasmussen Global" et est conseiller principal à la banque américaine Citigroup. Il est important de noter que Rasmussen est un fervent défenseur de l'hégémonie américaine dans le monde et qu'il a été personnellement responsable de la participation du Danemark à la guerre en Irak en 2003.

Après leur rencontre, M. Rasmussen a révélé que le sujet de son entretien avec Pompeo portait sur la manière d'empêcher "des régimes autocratiques comme la Russie et la Chine" d'investir au Groenland et dans les îles Féroé. Rasmussen a conseillé à Pompeo que "si nous voulons empêcher les nombreux investissements chinois au Groenland et dans les îles Féroé, nous avons besoin d'une plus grande participation américaine en termes d'argent. [...] C'est pourquoi j'ai proposé d'aider à soutenir les investissements américains au Groenland et dans les îles Féroé".

L'implication est claire : les États-Unis utilisent également des groupes de pression locaux pour faire avancer leur programme dans les régions de l'Atlantique Nord et de l'Arctique. La prochaine étape est la poursuite de la militarisation de la région, qui pourrait devenir, avec le temps, un futur champ de bataille entre les États-Unis, la Chine et la Russie.

Il semble que les États-Unis, en établissant des consulats au Groenland et dans les îles Féroé, tentent d'influencer directement les acteurs locaux de la région, notamment par des incitations financières telles qu'une subvention de 11 millions d'euros.

Le fait que des acteurs politiques appellent à la sécession du Groenland et des îles Féroé, qui abandonneraient ainsi leurs liens anciens avec le Danemark, est certainement quelque chose que Washington utilisera à son avantage.

Si le Danemark exprime son refus, les États-Unis pourraient commencer à soutenir activement ces mouvements sécessionnistes afin de "diviser pour régner". Les États-Unis n'hésiteront pas à recourir à de telles actions s'ils estiment que leur propre hégémonie est ainsi préservée au détriment de la Chine et de la Russie. Nous doutons que la nouvelle administration américaine modifie ce choix, d'autant plus que la Chine et la Russie sont et restent les principaux antagonistes des États-Unis.

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Passons maintenant à la question complexe du Nord Stream.

Bien que le ministre allemand des affaires étrangères, Heiko Maas, ait espéré pouvoir résoudre la question des sanctions mises en place par Trump, la coopération sino-allemande a été consolidée avec la signature d'un nouvel accord sur les investissements réciproques, accord signé avec la Chine pendant la présidence allemande du Conseil européen. Cet accord a été lu comme une posture offensive anti-américaine par Washington.

Ce n'est pas une coïncidence si Antony Blinken, le nouveau secrétaire d'État, a clairement indiqué que non seulement l'Amérique n'a pas l'intention de permettre l'achèvement du Nord Stream 2, mais que la Chine reste le principal adversaire. Ces menaces discrètes ne rappellent-elles pas les positions de Mike Pompeo ?

En dernière analyse - au-delà des discours tonitruants et creux de la gauche italienne en faveur de la nomination de Biden - nous sommes persuadés - comme l'ont fait valoir Arduino Paniccia et Alberto Negri - que les lignes de force mises en place par l'administration Trump ne différeront pas en substance de celles qui seront appliquées par la nouvelle administration américaine. Si une différence devait apparaître, nous pensons qu'elle se situerait uniquement au niveau des accents et non au niveau de la substance des choix de politique étrangère.

mercredi, 20 janvier 2021

Géopolitique du Brésil : entre Terre et Mer

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Géopolitique du Brésil : entre Terre et Mer

Par Raphael Machado, dirigeant de « Nôva Resistencia » (Brésil)

Ex: https://therevolutionaryconservative.com

Selon Carl Schmitt, l'essence de la politique est la distinction ami-ennemi. Nous trouvons également, chez Schmitt, une opposition fondamentale dans la géopolitique. En l'occurrence, l'opposition Terre-Mer, à laquelle Schmitt lui-même a consacré d'innombrables pages, mais dont la première formulation se perd dans le brouillard de l'histoire. Cicéron déjà, dans son De Re Publica, fustigeait les thalassocraties de Carthage et de Corinthe pour leur propension à la décadence, associée à une nature "aquatique" selon lui qui s'exprimait concrètement dans leurs stratégies respectives d'expansion coloniale, alors qu'il tenait en haute estime la vertu de la majorité des peuples enracinés dans la terre.

Il pourrait sembler qu'il s'agisse ici d'un sujet extrêmement métaphysique, voire d'un délire symbolique, mais la question de l'opposition terre-mer est si classique qu'elle devient universelle chez les penseurs géopolitiques, indépendamment de leurs orientations idéologiques. En fait, il a été possible de trouver une réciprocité entre les différentes formes d'expressions classiques du pouvoir (terrestre - aquatique) et une sorte de caractère ou de psyché des peuples.

En résumé, les civilisations de la Terre, généralement caractérisées par la présence d'une capitale et de provinces dans les terres voisines, seraient délimitées, en même temps, par un plus grand sens de la continuité, des frontières et des distinctions claires, par une plus grande propension à l'ascétisme et à la guerre ouverte. Les civilisations de la mer, pour la plupart, généralement organisées dans le cadre des relations entre métropole et colonies étrangères, seraient propices à l'indifférenciation, avec une relativisation des concepts et des frontières, avec une tendance psychologique à l'individualisme, à l'utilitarisme et au commerce.

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Ce dualisme évident pourrait avoir des résonances intéressantes et pourrait aussi exprimer avec clarté notre perception des inimitiés historiques telles celles de Rome et de Carthage, de Sparte et d’Athènes, de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne ou des États-Unis et de la Russie. Cependant,  nous sommes également confrontés à des exemples historiques plus complexes, plus prompts à générer de la confusion, exemples que sont le Portugal et l'Espagne, qui devraient nous intéresser grandement en tant qu'Ibéro-Américains.

Après tout, les États ibériques ont effectivement construit de grands empires coloniaux à l'étranger, organisés selon la logique des relations entre les métropoles qui commandent et les colonies dont on extrait des biens matériels. Alors, ces puissances ibériques étaient-elles des empires thalassocratiques ? Le Portugal et l'Espagne sont-ils liés par la symbolique de la mer ? Le problème est que, d'un point de vue spirituel, psychologique ou sociologique, ce qui signifie que, dans le contexte de l'examen de l'âme d'un peuple, il semble évident que le Portugal et l'Espagne sont liés par la symbolique de la Terre, ils étaient des empires tellurocratiques. Comment résoudre cette contradiction qui implique les patries ibéro-américaines ?

Le professeur André Martin, dont les analyses sont très pertinentes, affirme que le Brésil a une nature "amphibie", c'est-à-dire qu'il est délimité par un mélange entre terre et mer, et que cela devrait déterminer sa géopolitique. Avec tout le respect que je lui dois, nous osons ne pas être d'accord avec cette vision du Brésil. Cela nous semble être une tentative d'échapper à la contradiction fondamentale au lieu d'essayer de la résoudre. En fait, le Brésil a des éléments liés à ces deux symbolismes, mais cela est vrai pour tous les autres peuples, surtout aujourd'hui.

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L'élite brésilienne, concentrée sur la côte, incarne les valeurs commerciales et cosmopolites de la mer. Alors que les masses brésiliennes, qui vivent à l'intérieur des terres, incarnent les valeurs conservatrices et enracinées de la Terre. Ce choc, dans lequel les intérêts conservateurs et collectifs d'une masse populaire font face aux intérêts libéraux et individualistes d'une élite cosmopolite, explique en grande partie les phénomènes et les événements politiques au Brésil.

Quelle est l'importance de tout cela ? Si, en dépit de leurs élites, la nature du Brésil est tellurocratique, alors sa géopolitique doit être orientée vers l'autarcie continentale, vers la rencontre civilisationnelle avec ses voisins, et non par la recherche de partenaires commerciaux à l'étranger.

Le Brésil, qui s'est éloigné de nos frères ibéro-américains et s'est rapproché de l'Atlantique, doit retrouver son chemin.

Source :

MACHADO, Raphaël. "Columna de Opinión Internacional (Brasil) del 15.07.2020". Diario La Verdad. Lima, Pérou.

Disponible à l'adresse suivante :

https://comitecentralameri.wixsite.com/ccla/post/la-geopolítica-brasileña-entre-tierra-y-mar

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lundi, 18 janvier 2021

La politique russe en Libye

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La politique russe en Libye

Une étude de Can Acun (revue de presse: TRT en français – 16/1/21)*

Ex: http://www.france-irak-actualite.com

Si la Libye est un pays important par sa position géopolitique dans le contexte de l'Afrique du Nord, de la Méditerranée orientale et de l'Europe du Sud, c'est aussi un pays très riche en ressources énergétiques. Dans ce contexte, les puissances régionales et mondiales cherchent à être efficaces dans la lutte pour le pouvoir en cours dans le pays et à avoir leur mot à dire dans la construction de l'avenir de la Libye. La Russie vient en tête de ces pays.

Avant le renversement de Kadhafi en 2011, la Libye a suivi une politique indépendante de Moscou bien qu’elle soit un pays socialiste. Malgré cela, les relations entre la Libye et la Russie incluaient une coopération militaire et économique très profonde. Cependant, après la dissolution de l'Union soviétique, cette coopération a pris fin avec notamment le soutien politique de Moscou aux sanctions internationales imposées à la Libye. Cependant, la Russie, qui a commencé à se renforcer sous Poutine, a rétabli ses relations avec la Libye en revenant sur la scène politique mondiale.

Elle a commencé à être efficace en Libye en concluant des accords importants sur les armes et l'énergie jusqu'à la révolution et l'intervention étrangère qui ont commencé dans le pays avec l’impact du printemps arabe. Lorsque l'intervention dirigée par l'OTAN a renversé Kadhafi, la Russie a été mise à l'écart en Libye. Alors que la Russie a longtemps été indifférente aux conflits internes en Libye, elle a finalement recommencé à devenir active en 2017 en profitant du vide de pouvoir dans le pays.

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En se rapprochant du général insurgé Haftar, elle a gagné en influence notamment dans l'est du pays en déployant ses forces militaires mercenaires comme Wagner et a préféré parvenir à un compromis avec des pays comme les Emirats Arabes Unis (EAU). Aujourd'hui, la politique russe en Libye vise à amener officiellement le Gouvernement d’entente nationale (GNA) et l'Armée nationale libyenne (ANL) à la table des négociations. Essayant d'assumer le rôle d ‘ « arbitre neutre », Moscou se présente comme le défenseur d'une solution politique à la crise. Cependant, la situation sur le terrain montre le contraire.

Moscou est connue pour fournir un soutien non seulement politique mais aussi militaire à l'armée de Haftar. Les armes russes sont souvent retrouvées entre les mains des combattants de l’ANL et des mercenaires sont présents dans les zones de conflit. Cependant, le Kremlin continue de nier la présence de mercenaires et la vente d'armes.

Ces dernières années, Moscou a tendance à appliquer des « méthodes non traditionnelles » comme les mercenaires et le Groupe de contact dans sa politique en Libye. Dans ce contexte, le cours de la politique étrangère de la Russie en Libye est marqué par le président de la République tchétchène, Ramazan Kadirov, qui joue le rôle de représentant de la Russie au Moyen-Orient. En outre, Ramazan Kadirov et ses conseillers Adam Delimkhanov et Lev Dengov, forment le Groupe de contact russe pour la Libye, créé en 2015.

Par conséquent, la Russie a été efficace sur le terrain en profitant du vide de pouvoir en Libye, elle a commencé à soutenir militairement Haftar et amélioré ses relations avec la famille Kadhafi, en particulier avec Saïf al-Islam. En s'engageant avec des pays comme les Émirats arabes unis et l'Égypte, elle a placé Wagner en Libye et acquis une influence significative, en particulier à l'est. À l’heure actuelle, elle souhaite principalement garder son influence pertinente.

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L'un des objectifs de la Russie en Libye est d'essayer de devenir un acteur efficace sur le marché énergétique méditerranéen en créant une atmosphère politique appropriée pour ouvrir des espaces aux entreprises énergétiques russes telles que « Rosneft », « Tatneft » et « Gazprom ». En outre, la participation de Moscou à la lutte pour le pouvoir en Libye est déterminée par son désir d’obtenir certains gains politiques qui stabiliseront sa présence dans le pays.

En outre, Moscou vise à étendre sa présence sur le continent africain, en particulier dans la région de la Méditerranée orientale. Ainsi, la Libye, qui est riche en énergie et qui possède le plus long littoral méditerranéen de la « région », a gagné une place dans l'agenda de politique étrangère russe. Malgré son importance économique, la résolution du conflit libyen n'est pas l'un des problèmes les plus vitaux pour Moscou. Malgré cela, la Russie entend montrer son influence auprès d'autres acteurs régionaux en s’impliquant dans la crise libyenne.

Can Acun est chercheur sur la politique de la Russie en Libye à la Fondation des études politiques, économiques et sociales (SETA), un think tank proche de l'AKP.

*Source : TRT en français

dimanche, 17 janvier 2021

Arctique : Douche froide pour les ambitions - nucléaires - des Etats-Unis

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Arctique : Douche froide pour les ambitions - nucléaires - des Etats-Unis

Ex: https://zebrastationpolaire.over-blog.com

L'un des derniers foyers de tension allumés par l'administration Etasunienne sortante a été de développer des " stratégies pour l'Actique " avec en autres avatars la publication de doctrines pour l' Us Navy   [ pdf ] ,  l'USCG et même une doctrine pour le Département de la Sécurité Intérieure [ pdf ] . Ces doctrines ont pour ambition , on s'en doute un peu , de lutter contre l'influence de la Russie mais aussi désormais de la Chine dans cette région . L'un des objectifs affichés de cette stratégie est de contrer la montée en puissance de la " Route de la soie Polaire " " Polar Silk Road "  que j'ai évoqué ce blogue dans le cadre d'un article sur le concept d' Arcto-Pacifique .

Si l'ex-Sénatrice  Sarah PALIN pouvait " garder un oeil sur la Russie " de la fenêtre de sa maison dans l'Alsaka , le Secrétaire d'Etat sortant Mike POMPEO pouvait lui "voir les traces des bottes Russes" dans l'Arctique ! 

L'un des axes majeurs de cette stratégie de " containment " et même de " roll-back " de la Russie mais aussi de la Chine dans l'Arctique était de doter l' USCG de brise-glaces à propulsion nucléaire . C'était du moins la situation au courant de l'été 2020 . Ces brise-glaces devaient même être armés selon certain projets . Cette flotte de brise-glaces se devait aussi d'être un " couteau suisse " des intérêts Etasuniens dans l'Arctique puisqu'ils devaient être capables à la fois d'assurer la surveillance des pêches dans le détroit de Béring , d'aider à la pose de câbles sous-marins , d'assurer leur intégrité et de servir de plateformes à drones aériens et sous-marins .  Le déploiement de cette flotte de brise-glaces était prévue pour 2029 avec en plus la construction d'un port en eau profonde pour l'abriter .  Certains analystes Etasuniens comme Dan GOURE voient dans la construction de cette infrastructure la possibilité d'un " effet de levier " stratégique qui obligerait la Russie à divertir des ressources militaires d'autres théâtres d'opération pour contrer cette nouvelle menace . 

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Un coup de froid vient d'être donné à cette stratégie ambitieuse avec l'annonce faite par le commandant de l'USCG ,  l'amiral Karl Leo SCHULTZ le 13 janvier 2021 : L'USCG renonce à équiper sa flotte de brise-glaces à propulsion nucléaire . L'amiral Karl SCHULTZ a affirmé qu'il se concentrait sur la stratégie " Six - Trois - Un " . " Nous avons besoin de six brise-glaces . Parmi eux trois doivent être des brise-glaces lourds ou Polar Security Cutters comme nous les appellons . Et nous en avons besoin d'un tout de suite "  La construction du premier Polar Security Cutter aux chantiers VT Halter Marine est censée commencer cette année pour des essais à la mer en .... 

Pour effectuer le " tuilage " des capacités opérationnelles de l' USCG dans l'Arctique l'amiral SCHULZ a évoqué l'idée de louer des brise-glaces ( au Canada , à la Finlande , à la Norvège , ... Voir tableau ci-dessous ) mais à rejeté l'idée de renforcer - " briseglaciser " des navires garde-côtes existants !

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Ceux-ci ont d'ailleurs d'autres lièvres de mer à courir : Traquer les " narcos " au large du bouchon de Darien , traquer les pêcheurs Pékinois au large de l'île de Guam et même dans l'Atlantique-Sud . La premiére option quand à elle peut engendrer des limitations quand à la nature des missions , en particulier si elles ont un caractère sécuritaire , d'exercice de souveraineté de l'état en mer ou militaire et non plus seulement logistique ou scientifique . Le cas peut se compliquer encore lorsqu'il s'agit de données scientifiques destinées à un usage militaire comme ce fut le cas avec la mission de l' USCGC Healy au cours de l'été 2020 . L'USCG ne dispose que de deux brise-glaces de type " slush-breaker "™© , l'un d'entre eux , l' USCGC Healy est resté indiponible pendant des semaines suite à un incendie survenu en aout 2020 et l'autre , l' USCGC Polar Star , est agé de 44 ans ... 

Il est fort probable que pour la décennie qui s'ouvre la Russie restera la seule nation à disposer de brise-glaces à propulsion nucléaire ; capacité qu'elle partagera peut-être au cours ou à la fin de cette période  avec la Chine ?  

Pour comprendre l'utilité d'un brise-glace à propulsion nucléaire comme l'Arktika qui vient d'être lancé par la Russie au mois de septembre 2020 dans la maîtrise de l'Arctique il faut regarder la mésaventure survenue au navire de ravitaillement Russe Sparta III en décembre 2020-janvier 2021  

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Ce navire dont la mission est de ravitailler les bases militaires Russes de l'Arctique s'est retrouvé prisonnier des glaces le 13 décembre dernier dans l'embouchure du fleuve Iénissei au cours d'un trajet Dudinka -Arkhangelsk . Son capitaine avait très probablement refusé de se conformer à l'ordre d'interdiction de naviguer émis par l'administration de la Route Maritime Nord en raison des conditions de glace . Au bout de trois semaines ce porte-conteneurs chargé du ravitaillement des bases militaires Russes dans l'Arctique a été délivré par le brise-glace à propulsion nucléaire Vaygach envoyé par la compagnie Rosatomflot  Le Sparta III navigue désormais vers la mer de Barents escorté par le brise-glace Amiral Makarov .

On peut analyser - et même polémiquer sans raisons comme le fait la feuille de chou électronique Otanienne The Barents Observer - de diverses manières cette odyssée . Voici mon analyse : Une mission  logistique de ravitaillement de bases mlilitaires dans l'Arctique a été remplie grâce à au déploiement d'un brise glace à propulsion nucléaire même si elle a été annulée au départ en raison de conditions de banquise extrêmes !

Rédigé par DanielB

vendredi, 15 janvier 2021

Quel est l'avenir de l'Afghanistan après l'échec de Trump ?

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Quel est l'avenir de l'Afghanistan après l'échec de Trump ?

par Andrew Korybko

Ex: https://oneworld.press

Le représentant spécial du président russe pour l'Afghanistan, Zamir Kabulov, est quasi certain que le président élu Biden ne fera pas grand-chose pour inverser la tendance au retrait d’Afghanistan du président sortant Trump, malgré la nouvelle législation promulguée qui entrave la perspective de nouvelles réductions, mais il craint également que les troupes américaines soient remplacées par des entrepreneurs militaires privés dans un scénario dont il a averti qu'il serait une erreur.

Les prévisions de la Russie pour l'Afghanistan

De nombreuses questions demeurent en suspens sur la politique étrangère du président élu Biden, à l'occasion de son investiture imminente la semaine prochaine, mais l'une des questions les plus pertinentes pour toute l'Eurasie est la position qu'il adoptera face à la guerre apparemment sans fin des États-Unis contre l'Afghanistan. Le représentant spécial du président russe pour l'Afghanistan, Zamir Kabulov, est quasi certain que le président élu Biden ne fera pas grand-chose pour inverser le cours des choses concernant le retrait d’Afghanistan préconisé par le président sortant Trump, malgré la législation qui entrave la perspective de nouvelles réductions, mais il craint également que les troupes américaines soient remplacées par des entrepreneurs militaires privés dans un scénario qui, selon lui, serait une erreur. Il s'agit d'une prévision assez sérieuse qui mérite d'être approfondie afin de mieux comprendre la logique qui la sous-tend.

La nouvelle stratégie américaine en Asie centrale

J’ai expliqué l'année dernière que "la stratégie américaine en Asie centrale n'est pas aberrante, mais cela ne signifie pas qu'elle va réussir". Il a été souligné que la vision officielle de Trump pour la région, telle qu'elle est articulée par le document "Stratégie pour l'Asie centrale 2019-2025" de son administration, contraste fortement avec celle, non déclarée, de ses prédécesseurs. Au lieu de se concentrer sur la guerre hybride, qui consiste à « diviser pour régner », menée contre les terroristes, elle se concentre principalement sur un projet de connectivité régionale pacifique afin d'étendre calmement l'influence américaine dans le cœur géostratégique de l'Eurasie. Il convient de saluer la volonté de mettre en œuvre des moyens non violents, avec lesquels on peut compter dans le cadre du soft power, même s'il ne faut pas exclure la possibilité que certains éléments des anciennes stratégies informelles restent en place, en particulier après l'inauguration de Biden.

L'argument contre une autre « avancée violente »

L'ancien vice-président ramène à la Maison-Blanche un groupe de fonctionnaires influents de l'ère Obama, d'où la crainte, chez bon nombre d’observateurs, qu'il envisage sérieusement de répéter la fameuse "avancée" de l'ancienne administration, qui a finalement échoué. La donne géopolitique a cependant beaucoup changé depuis lors, et il ne semble pas y avoir de réel intérêt à la réitérer dans les conditions actuelles. Non seulement la planète est en train de se remettre de ce que l'auteur a décrit comme la "guerre mondiale C" - qui fait référence aux processus de changement de paradigme à grande échelle déclenchés par les efforts non coordonnés de la communauté internationale pour contenir le COVID-19 - mais l'Amérique est sur le point de lancer une version nationale de sa "guerre contre le terrorisme" en réponse à la prise d'assaut du Capitole la semaine dernière et les États-Unis doivent également s'adapter au rôle croissant de la Chine dans le monde. Ces deux tâches ont la priorité sur les Talibans.

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L'amélioration des liens entre les États-Unis et le Pakistan est de bon augure pour l'Afghanistan

J’ai évoqué ces derniers développements ainsi que le manque de confiance de l'administration Biden dans le gouvernement de Modi perceptible dans l'analyse qu'il a faite en début de semaine pour le Pakistan Tribune Express sur "Les trois facteurs qui vont façonner l'avenir des relations américano-pakistanaises". Cette analyse conclut que les relations bilatérales s'amélioreront à la suite de ces pressions, ce qui réduira encore la possibilité de voir les États-Unis augmenter leur participation à la guerre contre l'Afghanistan, qui, de toute façon, a d’ores et déjà échoué. Le processus de paix dansle dossier des Talibans, aussi imparfait soit-il, a véritablement donné des résultats notables au cours de l'année écoulée. Non seulement ce serait du gâchis pour Biden d'abandonner tout cela juste pour faire le contraire de ce que fit son prédécesseur, mais cela ne servirait pas à grand chose de toute façon, vu les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la stratégie de l'administration Trump pour l'Asie centrale.

Trump & Biden : des visions différentes, des intérêts partagés

En fait, c'est en Asie centrale que Trump et Biden ont une confluence d'intérêts unique. La politique d'engagement économique du premier s'accorde bien avec les projets du second de créer, dans cette région du monde, une "Alliance des démocraties". Les deux projets sont des moyens non militaires d'étendre l’influence américaine et se complètent parfaitement. S'il est probable que Biden maintiendra la présence des troupes américaines en Afghanistan ou même qu'il l'augmentera légèrement pour des raisons de politique intérieure s'il le juge opportun, il est peu probable qu'il consacre autant de temps et d'efforts militaires à ce conflit qu'Obama ne l'a fait pour les raisons mentionnées plus haut. Si les républiques d'Asie centrale ne pratiquent pas des formes occidentales de démocratie, les États-Unis les considèrent néanmoins comme étant différentes en substance des modèles de gouvernement de la Russie et de la Chine, et donc comparativement plus "légitimes",ce qui leur permettra de s'associer à elles.

L'influence pernicieuse du complexe militaro-industriel

Malgré cela, le puissant complexe militaro-industriel des États-Unis n'acceptera pas que ses intérêts les plus directs soient menacés dans la région par la décision du gouvernement civil de maintenir les troupes à un niveau historiquement bas. Compte tenu de cela, il est logique que Biden exécute la proposition de l'administration Trump de privatiser le conflit par l'intermédiaire d'entrepreneurs militaires privés (PMC), car ces derniers constituent une partie importante, avant-gardiste, du complexe militaro-industriel, surtout parce qu'ils permettent à Washington de conserver un degré de "déni plausible". De nombreux anciens militaires passent des forces armées aux PMC après leur démobilisation parce que cela paie beaucoup mieux, faisant ainsi de ces entités pratiquement une seule et même entité, sauf au sens juridique, les deux remplissant la tâche importante de garder le trillion de dollars de minéraux et de terres rares de l'Afghanistan.

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Réflexions finales

Pour l'avenir, Biden (ou plutôt, la structure du pouvoir qui se profile derrière lui) ne fera peut-être pas beaucoup de progrès politiques dans la résolution de la guerre américaine contre l'Afghanistan, mais il n'aggravera probablement pas les choses non plus. Au contraire, cette "guerre sans fin" pourrait continuer à persister, mais devenir simplement de plus en plus "oubliable" dans les médias. S'il estime qu'il serait politiquement commode de le faire au niveau national, il pourrait alors soit augmenter légèrement le niveau des troupes, soit annoncer publiquement que certaines des troupes existantes seront remplacées par des PMC. Ses services de renseignement continueront probablement à fomenter des scénarios de déstabilisation de faible intensité dans toute la région, mais ils ne concentreront probablement pas trop d'efforts sur ce point, car la grande orientation stratégique des États-Unis se déplace ailleurs, à la lumière des nouvelles conditions nationales et internationales dans lesquelles l'hégémonie unipolaire en déclin est forcée de s'adapter.

mercredi, 13 janvier 2021

L'UE et les États-Unis - Entretien avec Tiberio Graziani

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L'UE et les États-Unis

Entretien avec Tiberio Graziani, président de Vision & Global Trends. Institut international pour les analyses globales

Ex : https://en.interaffairs.ru/article/eu-and-usa/

Quelle est l'attitude de l'Union européenne face aux événements aux États-Unis, y compris la prise du Capitole américain par les partisans de Donald Trump ?

En ce qui concerne la récente attaque du Capitole américain par les partisans de Trump, les dirigeants européens ont publiquement exprimé leur stupéfaction et critiqué cette action.

Au niveau national, les dirigeants politiques des principaux partis, même ceux considérés comme eurosceptiques, nationalistes et/ou populistes, ont crié au scandale, affirmant que l'attaque du Capitole américain était une attaque contre la démocratie tout court.

Une telle déclaration - attaque du Capitole = attaque de la démocratie - de la part des dirigeants européens et des hommes politiques, issus des différentes nations membres de l'Union européenne, mérite au moins deux réflexions.

L'une de ces réflexions a un caractère général : les dirigeants européens sont incapables de concevoir un type de démocratie différent du modèle démocratique libéral, c'est-à-dire du modèle que les États-Unis ont répandu et exporté depuis 1945 dans une grande partie de la planète et qui constitue la superstructure - à la fois idéologique et opérationnelle - du système occidental dirigé par les États-Unis. Du point de vue de la culture politique, cette incapacité fait que les positions et les intérêts exclusifs de Washington sont automatiquement privilégiés dans les décisions prises par les classes dirigeantes européennes et par leurs hommes politiques en matière de politique économique et sociale intérieure et en politique étrangère. Tout cela se traduit par des choix politiques qui - outre la non prise en compte des diverses identités culturelles propres et des intérêts spécifiques du Vieux Continent - à moyen et long terme pourraient s'avérer très négatifs pour la mise en œuvre de l'intégration européenne elle-même et l'évolution de l'UE dans un sens unitaire.

Une autre réflexion - plus attentive aux circonstances actuelles - concerne plutôt l'intérêt pratique de l’eurocratie de Bruxelles et des classes dirigeantes européennes en général qui ne cherchent qu’à plaire à la nouvelle administration qui sera dirigée à partir du 20 janvier par le démocrate Joe Biden.

Quelles seront les conséquences de la situation politique aux États-Unis sur les relations entre l'UE et les États-Unis ?

À long terme, il n'y aura pas de conséquences notables, à moins qu'il n'y ait des changements - actuellement non prévisibles - dans la direction actuelle de l'Union européenne. La politique de Bruxelles, par ailleurs, pourrait être influencée par le positionnement de certains gouvernements nationaux. En particulier, en ce qui concerne l'Europe centrale et occidentale, il faudra accorder une grande attention à la France, et dans une certaine mesure à l'Allemagne, pour ce qui est de la mise en œuvre des politiques étrangères individuelles de ces deux pays à l'égard de la Chine, de la Russie et de l'Iran. L'harmonie manifestée en certaines occasions entre Paris et Berlin, concernant leurs intérêts nationaux vis-à-vis de la Chine et de la Russie, pourrait aussi se refléter dans certaines décisions futures de Bruxelles à l'égard des deux puissances eurasiennes, décisions qui s’avèreront dès lors stratégiques pour son évolution : les États-Unis, évidemment, n'entraveraient pas de telles éventualités. Quant à l'Europe de l'Est, la situation semble moins claire, en raison des effets que les initiatives ambiguës et conflictuelles de Budapest et de Varsovie et leurs relations spéciales avec les États-Unis pourraient avoir sur Bruxelles. La Hongrie d'Orban, rhétoriquement critique de la vision libérale et démocratique de Bruxelles et, dans une certaine mesure, plus proche de la "doctrine de Trump", pourrait subir de lourdes "représailles" de la part de la nouvelle administration américaine, compte tenu de certaines "sympathies" existant entre Budapest et Moscou. En cas de "représailles", des processus qui pourraient conduire à une sorte de "révolution de couleur" sur le modèle de ce qui a été vécu en Ukraine, visant à éliminer Orban, ne peuvent être exclus. La Pologne, tout aussi critique de Bruxelles que de la Hongrie, reste cependant le "meilleur ami" des États-Unis en Europe : c'est pourquoi je ne pense pas qu'elle subira de "représailles" de la part de Biden. Au contraire, la fonction anti-russe et pro-ukrainienne de la Pologne sera renforcée par le nouvel occupant de la Maison Blanche.

Les relations bilatérales entre l'Union européenne et les États-Unis changeront-elles sous la présidence de Joe Biden et si oui, dans quelle mesure ?

Les États-Unis, même sous la présidence démocratique de Biden, ne changeront pas leur stratégie désormais séculaire à l'égard de l'Europe. Dans le cadre de la stratégie américaine, l'Europe est considérée comme une tête de pont jetée sur la masse eurasienne et sur le continent africain, notamment par l'intermédiaire de l'Italie : l'administration Biden restera donc fidèle à cette perspective, vitale pour la survie des États-Unis en tant que puissance mondiale. Dans cette perspective, il faut s'attendre à ce que la nouvelle administration soit encore plus affirmatrice que la précédente, qui était républicaine, à l'égard de Bruxelles et des États membres de l’UE. Il est probable que Biden prendra des mesures encore plus résolues que Trump pour contrer le projet russo-allemand North Stream 2 ou d'autres initiatives de partenariat similaires entre Moscou et Berlin mais aussi entre Moscou et Paris. Il est également réaliste de prévoir que Biden fera obstacle à tout type d'initiatives de partenariat euro-chinois, centrées, de diverses manières, sur le projet de la nouvelle route de la soie. À la lumière de cela, la contradiction entre les véritables intérêts européens et américains ne peut cesser d’exister que si l'Allemagne et la France mènent une bataille commune au nom de la refondation de l'Union européenne en tant qu'acteur indépendant dans le nouveau scénario mondial, apparemment polycentrique.

Aspects de la stratégie maritime américaine

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Aspects de la stratégie maritime américaine

Par Giuseppe Gagliano

Ex : https://moderndiplomacy.eu

Partons d'une prémisse qui devrait être tout à fait évidente d'un point de vue stratégique : toute stratégie maritime, qu'elle soit anglaise - du XVIIIe siècle à la Seconde Guerre mondiale - ou américaine, est nécessairement une stratégie à long terme et nécessite donc des investissements à long terme tout en cherchant où il est possible d'anticiper les défis futurs. Nous pensons à cet égard aux porte-avions nucléaires de la classe Gerald Ford dont la première série devrait être mise en place l'année prochaine. Si les États-Unis ont décidé d'investir des ressources importantes pour la projection de leur puissance maritime, cela résulte de la nécessité de consolider leur puissance navale, consolidation qui est possible à la fois grâce à la puissance économique et financière dont ils disposent au moins jusqu'à aujourd'hui et grâce à l'innovation technologique. (pensons par exemple au fait que les Etats-Unis sont le seul pays à construire des catapultes pour les porte-avions à pont plat et au fait qu'avec la nouvelle classe de porte-avions Ford, la marine va se doter de catapultes électromagnétiques qui pourront augmenter d'environ un tiers les capacités actuelles des catapultes).

Bien entendu, des investissements aussi importants pour les porte-avions ne sont certainement pas accidentels, car ceux-ci jouent un rôle fondamental dans la dissuasion traditionnelle - à la fois dans le sens où ils peuvent menacer d'une intervention armée en cas de crise - et de la dissuasion nucléaire, dans la mesure où les avions qui quittent les porte-avions sont équipés d'armes nucléaires, bien qu'à faible potentiel. Ils jouent donc un rôle dissuasif très important. En bref, le porte-avions permet de recourir à une dissuasion graduelle ou souple.

Mais pour que la puissance navale américaine soit effectivement consolidée - notamment dans le cadre de l'espace indo-pacifique donc en fonction de l'endiguement de la Chine - aujourd'hui comme hier (on fait allusion à la guerre froide), les infrastructures militaires américaines présentes dans les principaux carrefours stratégiques au niveau mondial lui permettent d'exercer efficacement sa puissance navale : le renforcement du partenariat militaire avec le Japon, la Corée du Sud, Taiwan et les Philippines doit être lu comme un intérêt renouvelé de la part des Américains pour le rôle fondamental de la puissance navale. Toutes ces raisons réunies ne peuvent que nous amener à définir les États-Unis comme une véritable thalassocratie moderne.

Ce n'est pas un hasard, en revanche, si l'administration Obama a tourné son attention vers l'Asie de l'Est et du Sud à partir du constat que l'avenir du monde se joue dans ces environnements géopolitiques.

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En effet, sur le front de la concurrence économique avec la Chine, le Partenariat Trans-Pacifique (TPP) a été signé en 2016, un traité auquel ont adhéré - entre autres - Brunei, le Japon, la Malaisie, Singapour, le Vietnam, à l'exclusion de la Chine. Barack Obama a défini son programme de politique étrangère, appelé "La doctrine Obama", en rejetant l'isolationnisme et en soutenant le multilatéralisme. En d'autres termes, Obama a explicitement poursuivi la tradition de réalisme incarnée par Bush "senior" et par Scowcroft : les interventions militaires, trop souvent soutenues par le Département d'Etat, le Pentagone et les think tanks, ne devraient être utilisées que lorsque l'Amérique est sous une menace imminente et directe. Dans un environnement où les plus grands dangers sont désormais climatiques, financiers ou nucléaires, il appartient aux alliés des États-Unis d'assumer leur part du fardeau commun. Tout en convenant que les relations avec la Chine seront les plus critiques de toutes, son programme politique souligne que tout dépendra de la capacité de Pékin à assumer ses responsabilités internationales dans un environnement pacifique. Si elle ne le fait pas et se laisse conquérir par le nationalisme, l'Amérique devra être résolue et prendre toutes les initiatives visant à renforcer son multilatéralisme dans la fonction d'endiguement anti-chinois. Il est donc très probable que l'actuel président américain Biden mène une stratégie de cette nature.