Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 05 juin 2021

L'islamisation forcée de la Bosnie-Herzégovine pendant la guerre des Balkans

26281372-27081666.jpg

L'islamisation forcée de la Bosnie-Herzégovine pendant la guerre des Balkans

Par Enric Ravello Barber

Ex: https://www.enricravellobarber.eu/2021/06/la-islamizacion-forzada-de-bosnia.html#.YLtOD0w6-Uk

Les Bosniaques, les Serbes et les Croates sont un seul et même peuple de la famille slave qui est arrivé dans les Balkans vers le 7ème siècle de notre ère. Ils parlent la même langue, le serbo-croate, bien que chaque pays l'appelle différemment: serbe, bosniaque ou croate – langue que les Croates et les Bosniaques écrivent avec l'alphabet latin, tandis que les Serbes utilisent le cyrillique. Mais il existe un élément qui les différencie au point de les opposer et de les rendre hostiles les uns aux autres tout au long de l'histoire: la religion. Slaves christianisés, les Serbes ont été convertis entre 867 et 869 par l'empereur byzantin Basile Ier, après qu'ils aient reconnu son autorité, et sont donc devenus des chrétiens orthodoxes, tandis qu'en 879 le pape Jean VIII a reconnu le souverain croate, le duc Branimir, ce qui indique que leur christianisation s’est déroulée dans un contexte catholique-romain.

La situation est restée telle jusqu'à l'impact de la conquête des Balkans par l'Empire turc en 1463, lorsque la Bosnie, qui faisait jusqu'alors partie de la Croatie - la ‘’Croatie rouge’’ - est passée aux mains des Ottomans et que le gros de sa population s'est convertie à l'Islam, ce qui n'est pas arrivé aux Serbes qui ont conservé leur religion même sous la domination ottomane. La Croatie a toujours été défendue contre les assauts turcs, d'abord par la Sérénissime République de Venise, puis par l'Empire austro-hongrois. C'est l'origine de l'inimitié atavique entre Croates, Serbes et Bosniaques (nom donné aux Slaves du Sud de religion musulmane).

Géographiquement, le pays est divisé en deux zones: la Bosnie, au nord du pays, et l'Herzégovine, qui doit son nom à Stefan Vukcic, qui, dans une lettre adressée à l'empereur Frédéric II peu avant l'invasion turque, signait en tant que Grand-Duc de Bosnie. Le terme ‘’duc’’ en allemand se dit ‘’Herzog’’, ce qui explique que la région soit connue sous le nom d'Herzégovine (le duché) dans les documents de l'époque, avant d'être officialisée au milieu du 19ème siècle, lorsque, étant toujours une province turque, elle a été officiellement appelée Bosnie-Herzégovine.

705px-Le_Petit_Journal_Balkan_Crisis_(1908).jpg

La Bosnie est restée sous domination turque jusqu'en 1878 (bien qu'elle ait été libérée par les Autrichiens entre 1718 et 1739), date à laquelle les Bosniaques se sont révoltés contre le sultan Abdulhamid II, influencés qu’ils étaient à l’époque par la révolution nationaliste de leurs voisins et frères serbes sur le plan ethnique (mais pas sur le plan religieux). Ces révoltes provoquent l'intervention des Austro-Hongrois et des Russes, qui finissent par expulser les Ottomans de la Bosnie, qui se retrouve administrée par l'Empire austro-hongrois, comme la Croatie et, partiellement, la Serbie. Après son démembrement à la suite de la Première Guerre mondiale, la Bosnie a fait partie d'un nouvel État, la Yougoslavie, qui a été divisée pendant la Seconde Guerre mondiale - lorsque la Bosnie a fait partie de l'État indépendant de Croatie – puis, suite à l’effondrement de l’Axe, a été reconstituée après 1945.

Pendant plusieurs siècles, les catholiques (Croates) et les orthodoxes (Serbes) qui vivaient en Bosnie-Herzégovine se définissaient comme des chrétiens, tandis que les musulmans étaient appelés ‘’Turcs’’, un terme qui n'est pas équivalent à ‘’Osmanli’’ ou ‘’Turkuse’’, désignant les Turcs eux-mêmes (1). Si les catholiques bosniaques s’indentifiaient pleinement à la Croatie, et les Serbes bosniaques à la Serbie, ils mettaient les musulmans bosniaques dans la position de prendre l'Islam comme principal élément d'identification. C'est ainsi que la question fondamentale se pose. Pour fonder l'existence d'un État bosniaque-herzégovin, il y avait deux possibilités: inclure les catholiques, les orthodoxes et les musulmans dans une seule République unitaire (nationalisme bosniaque), ou prendre l'Islam comme un élément sur lequel construire leur identité nationale (2) laissant (selon un nationalisme islamique) en suspens le cas des "minorités" catholiques et orthodoxes (3) et leur rôle dans un État compris comme musulman.

Sous le titisme, la Bosnie-Herzégovine était la république yougoslave où la plupart des citoyens inscrivaient dans l'espace réservé à la "nationalité" le terme yougoslave (sans autre référence), dans le registre civil. C'est au cours des années 1960, et plus encore au sein de l'émigration bosniaque vers l'Allemagne, que le sentiment identitaire musulman a commencé à se répandre parmi les Bosniaques, sentiment auquel Tito lui-même a fait des clins d'œil, reconnaissant les musulmans comme une "nationalité yougoslave" en 1961, lorsqu'ils sont devenus - en raison de leur taux de natalité élevé - le groupe le plus nombreux en Bosnie-Herzégovine au détriment des Serbes orthodoxes. Ces clins d'œil de Tito peuvent être compris dans le contexte d'une Yougoslavie qui s'était engagée à rejoindre les pays dits "non alignés", qui comprenaient plusieurs États musulmans.

crop.php.jpg

Le début du processus de désintégration de la Yougoslavie avec l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie a ouvert les portes au conflit interne en Bosnie et à la possibilité de créer un État bosniaque indépendant. Pour certains illuminés, c'était le moment de construire leur État musulman dans les Balkans, parmi les plus dangereux de ces illuminés se trouvait un certain Alija Izetbegovic qui allait devenir président de la République de Bosnie-Herzégovine. De toute évidence, cette définition confessionnelle-nationale était la déclaration d'exclusion pour les Serbes et les Croates de Bosnie d'un projet national commun, d'où leur volonté et leur besoin de se "réunifier" avec les Etats nationaux où ils étaient reconnus comme tels. Croatie et l'ancienne Yougoslavie, respectivement.

L'Islam et les USA du côté bosniaque

Alija Izetbegovic aurait fait partie de l'organisation des ‘’Jeunes musulmans’’, créée sous l'influence des Frères musulmans égyptiens. En 1970, il publie un texte intitulé Déclaration islamique, réédité à Sarajevo en 1990, dans lequel il explique ses intentions politico-religieuses: « Notre objectif: l'islamisation... tout ce qui, dans l'histoire des peuples musulmans, constitue une mémoire de grandeur et de valeur a été créé sous les auspices de l'Islam. La Turquie, en tant que pays islamique qui a régné sur le monde, en tant que copie européenne, représente un pays du ‘’troisième ordre’’ comme tant d'autres dans le monde. Le mouvement islamique doit et peut prendre le pouvoir dès qu'il aura la force numérique et morale de le faire (...) La conclusion est importante: il ne peut y avoir de coexistence entre les croyances islamiques et les institutions politiques et sociales non-islamiques... ».  Au cours de la décennie 70-80, à l'influence importante de l'islamisme égyptien en Bosnie, il faut en ajouter une nouvelle, plus importante encore: l'islamisme iranien. L'islamisme iranien étant plus attractif pour les Bosniaques, l'Iran a profité de cette circonstance pour gagner le soutien des futurs dirigeants du SDA (‘’Parti de l'action démocratique’’, présidé par Izetbegovic), dont certains ont été arrêtés en 1983 alors qu'ils revenaient d'un congrès à Téhéran pour l'unité des chiites et des sunnites, que le régime iranien, alors en guerre contre l'Irak de Saddam Hussein, avait organisé.

Lorsque le conflit bosniaque a éclaté, l'essentiel de l'aide musulmane aux Bosniaques provenait de l'Iran dont les réseaux de soutien - sanitaires et logistiques - se sont avérés très efficaces, si bien que 86% des musulmans bosniaques ont déclaré avoir une opinion "favorable ou très favorable" de l'Iran. En 1992, les Frères musulmans ont appelé au djihad contre les Serbes ; bien que leur aide ait été moindre que celle de l'Iran, elle a jeté les bases d'une relation dangereuse entre la Bosnie et les aspects les plus radicaux du fondamentalisme islamique.

Les États-Unis font leur apparition dans le conflit de l'ex-Yougoslavie en soutenant le camp musulman et en pariant sur l'unité d'une Bosnie-Herzégovine regroupant Serbes et Croates sous le commandement des musulmans et la présidence d'Alija Izetbegovic, annulant toute possibilité que la minorité croate rejoigne la Croatie (alliée traditionnelle de l'Allemagne) et que les Serbes le fassent avec la Serbie (amie de la Russie). Pour couper l'avantage acquis par l'Allemagne-UE avec l'indépendance de la Croatie et de la Slovénie, et pour empêcher une puissante Grande Serbie alliée à la Russie, Washington prend le drapeau musulman (comme il le fera plus tard au Kosovo pour des raisons identiques), formalisant une fois de plus une entente islamo-américaine contre tout rapprochement possible entre les deux grandes puissances continentales: l'Allemagne et la Russie.

sarajevo.jpg

De son côté, le gouvernement musulman de Sarajevo (la capitale de la Bosnie), conseillé et armé par le Pentagone, a provoqué une situation irréversible pour les Croates et les Serbes de Bosnie, espérant que ses provocations constantes déclencheraient une vague de violence qui permettrait à la Bosnie musulmane de compter sur la sympathie de l'Europe occidentale, et sur une intervention armée conséquente en sa faveur. Comme l'a reconnu le chef du secrétariat d'État américain aux affaires étrangères en Bosnie: « Ce qui était à l'origine un gouvernement bosniaque multiethnique et légalement élu est devenu une entité musulmane extrémiste et antidémocratique ». Le gouvernement de Sarajevo et son Armija (le nom de son armée) n'ont pas eu trop de scrupules à faire en sorte que les Serbes soient présentés comme des barbares en Occident, permettant ainsi aux Américains de prolonger le conflit dans le but de déstabiliser et d'affaiblir au maximum cette zone vitale pour l'équilibre européen. Ainsi, le 27 mai 1992, une explosion devant une boulangerie a causé la mort de seize Bosniaques. Les images choquantes et horribles sont apparues à la télévision dans le monde entier et ont été reprises ad nauseam par CNN, blâmant sans le moindre doute les paramilitaires serbes pour un crime aussi horrible. Par la suite, les services secrets britanniques et français ont admis qu'il s'agissait d'un auto-assassinat commis par les musulmans dans le seul but de l'attribuer aux Serbes devant l'opinion publique mondiale: ce dernier "détail" n'a pas été rapporté dans les nouvelles mondiales. Le 27 août de la même année, un autre massacre a dévasté un marché de Sarajevo. L'OTAN a répondu au massacre par une action d'envergure: 60 bombardiers ont attaqué les positions serbes. Un mois plus tard, des experts britanniques ont également conclu que le missile lancé contre le marché rempli de civils provenait des rangs musulmans: là encore, le voile du silence médiatique a été étendu.

Le radicalisme islamique, une menace pour la Bosnie-Herzégovine

« La Bosnie était un modèle de tolérance interreligieuse. L'islamisme présent dans cette région était plus laïc qu'on ne pouvait l'imaginer. Les musulmans de Sarajevo étaient à une distance sidérale de ceux du Moyen-Orient. Aujourd'hui, au contraire, après dix ans de turbulences, les musulmans bosniaques sont également entrés dans le jeu international du fondamentalisme » (4).

Entre 1992 et 1995, la Bosnie-Herzégovine est devenue un enjeu majeur pour l'islamisme international. Après 2001, les enquêtes sur les réseaux terroristes islamistes sont toujours passées par le sol bosniaque. Des islamistes d'Afrique et d'Asie ont obtenu la citoyenneté bosniaque avec une étonnante facilité, avec une attitude clairement complice de la part des autorités locales, il semblerait que l'arrivée de ces Africains et Asiatiques réponde à une certaine volonté du gouvernement musulman de Sarajevo. Cette campagne de "nationalisations expresses" répondait à deux motivations: d'une part, reconnaître les mérites guerriers des moudjahidines qui ont pris les armes pour l'Armija; et d'autre part, permettre l'arrivée sur le sol bosniaque d'intégristes reconnus avec lesquels on pouvait "réislamiser" la population locale. Ce deuxième objectif a provoqué et provoque encore aujourd'hui une certaine confrontation entre l'"Islam bosniaque traditionnel d'empreinte modérée" et l'"Islam fondamentaliste importé" par ces néo-missionnaires wahhabites, qui considèrent la Bosnie comme un territoire à "ré-islamiser".

Cette Bosnie présidée par Alija Izetbegovic ne pouvait contenir le désir d'autodétermination des communautés croate et serbe. Le conflit de guerre qui a provoqué cette tension a occupé la première page de tous les journaux internationaux au début des années 90. La paix est venue avec les accords de Dayton de 1995, selon lesquels la Bosnie-Herzégovine a été divisée en deux entités mais toujours au sein du même État. Ces entités sont la Fédération de Bosnie-Herzégovine - qui comprend les musulmans et les Croates - et la Republika Srpska pour les Serbes, cette dernière jouissant d'une grande autonomie et seule la pression internationale l'empêche de rejoindre la Serbie. Avec cette division, l'organe directeur de la République de Bosnie-Herzégovine est collégial : deux représentants de la Fédération (un catholique et un musulman) et un troisième, Serbe de la Republika Srpska, celui qui obtient le plus de voix sur ces trois étant le président nominal de la République. Depuis cette division, la zone serbe n'a plus qu'une relation superficielle et administrative avec le reste du pays. Le problème est que dans la Fédération, nous assistons à un double phénomène: la réislamisation dans un esprit wahhabite des musulmans bosniaques et la marginalisation et le harcèlement des catholiques croates.

bgxrt2kngbk41.jpg

Depuis le départ du pouvoir d'Alija en 2000 - il est mort en 2003 - les présidents de la Fédération (parmi lesquels Barik Izetbegovic, fils d'Alija) ont intensifié le processus d'islamisation, particulièrement visible dans la capitale Sarajevo, autrefois connue pour la bonne coexistence entre Serbes, catholiques et musulmans et aujourd'hui avec un paysage plus proche d'Ankara que de la ville européenne qu'elle a toujours été. Selon les mots du Cardinal Franc Rodé : « Sarajevo est devenue pratiquement une ville musulmane ». Après son voyage dans la région en juin 2009, ce Cardinal a déclaré sur Radio Vatican : « Les catholiques ont été les principales victimes de la guerre et beaucoup ont fui le pays, vers la Croatie et aussi vers des pays plus lointains comme l'Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande (...) A Sarajevo, une ville de 600.000 habitants, il ne reste aujourd'hui que 17.000 catholiques », soulignant également que dans de nombreux villages où il n'y avait jamais eu de mosquées, de nouvelles ont été construites, ce qui indique qu'"il existe une volonté claire d'islamiser la région de Sarajevo". Cette même année, le cardinal de Sarajevo, Vinko Puljic, a dénoncé la croissance du fondamentalisme en Bosnie, sans que les autorités ne fassent rien pour l'arrêter. Comme dans de nombreux autres pays européens, la construction de mosquées et de madrasas (écoles coraniques) est financée par les pétrodollars saoudiens.

Les Serbes et les Croates ont été victimes de cette "purification religieuse" faite à coups de kalashnikovs et de demi-lunes, mais nous voulons terminer cet article en soulignant que les principaux perdants sont les Bosniaques eux-mêmes de religion musulmane, un peuple slave européen, islamisé par l'envahisseur turc à l'âge moderne, et maintenant ré-islamisé à coups de pétrodollars et par le fanatisme saoudien. Pour eux, il serait nécessaire de repenser l'idée de la base sur laquelle construire l'Etat bosniaque. Ce sont eux qui devraient combattre cet islamisme fondamentaliste qui menace l'identité de leur peuple et qui fait de la Bosnie une base logistique des islamistes dans leur attaque contre notre Europe.

Enric Ravello

NOTES :

(1) Thierry Mudry "Bosnie-Erzégovine. La nascita di una nazione" dans Orion, nº5, mai 1996. Milan

(2) Ce que E.J. Hobsbawn a déjà souligné dans son livre Naciones y nacionalismos desde 1870. Ed. Crítica, Barcelone 1991, p. 79: "sans doute les musulmans bosniaques et les musulmans chinois finiront-ils par se considérer comme une nationalité, puisque leurs gouvernements les traiteront comme s'ils l'étaient".

(3) Relativement "minoritaires". Les Serbes représentent 38 % de la population de la Bosnie, et les Croates 22 %. La somme des deux "minorités" donne 60% de la population contre 40% pour les Bosniaques musulmans.

(4) Aldo dei Lello, L´utopia con la toga. L´ideologia del triunale internazionale e il proceso Milosevic. Ed. Sovera Multimedia. Roma 2002.

Biden déploie sa machine de guerre

B88690418Z.1_20190501071428_000_G1RIVG1H.6-0_Gallery.jpg

Biden déploie sa machine de guerre

Par Alexander Markovics

« Nous devons nous attendre à une guerre nucléaire ». Ce qui ressemble à un gros titre datant de l'apogée de la guerre froide est aujourd’hui une déclaration tirée du rapport annuel du commandement stratégique américain. En charge des forces nucléaires américaines, les généraux des Etats-Unis considèrent la guerre nucléaire avec la Russie et la Chine comme une possibilité "dans le spectre actuel des conflits". Dans le même temps, 28.000 soldats de 26 nations se déploient sous la direction des États-Unis en Europe de l'Est, à la frontière sud avec la Russie, dans le cadre des manœuvres "Defender Europe 2021", qui se dérouleront du 1er mai au 14 juin. L'Allemagne ne se contente pas de participer à cet exercice de grande envergure, qui peut littéralement être considéré comme un pistolet braqué sur la poitrine de la Russie, mais sert avant tout de zone de déploiement pour les autres pays de l'OTAN et notamment pour les États-Unis. Mais quel est le contexte politique du déploiement ordonné par Biden en Europe ?

Volodymyr Zelensky - un belliciste dos au mur

A Kiev, le président Zelenskyj bat à nouveau le tambour pour une reconquête du Donbass. En 2014, lorsque l'Occident a organisé un coup d'État contre le président sortant Ianoukovitch et a commencé à organiser des pogroms contre la population russe dans l'est et le sud-est du pays pour forcer une guerre avec la Russie, non seulement la Crimée mais aussi certaines parties du Donbass se sont séparées suite à un soulèvement populaire. L'accord de Minsk qui a suivi a établi un cessez-le-feu entre l'Ukraine et les républiques populaires de Donetsk et de Lougansk à l'est. Outre le retrait des armes lourdes de la région frontalière et un échange de prisonniers, Kiev s'est engagé à réviser sa propre constitution et à accorder aux deux États de l'Est une autonomie qui conduirait à terme à leur réadmission dans l'Ukraine. Mais la réalité est loin de ce qui est écrit dans l'accord de Minsk: chaque jour, de pauvres gens meurent dans le Donbass sous les tirs d'artillerie et, plus récemment, de drones des soldats de Kiev. Plus récemment, un enfant de cinq ans y a été tué par des drones. Même un amendement constitutionnel contenant l'autonomie promise ne s'est pas concrétisé jusqu'à présent. La marionnette de Washington à Kiev, Volodymyr Zelenskyj, a quelque chose de tout à fait différent en tête: ce comédien télégénique qu’est Zelenskyj était devenu célèbre en tant qu'artiste de cabaret, il veut maintenant "résoudre" le conflit dans le Donbass avec l'aide de l'OTAN, comme il l'a déclaré début avril. L'Ukraine ne peut plus attendre d'être acceptée dans l'alliance militaire occidentale, a-t-il déclaré, elle veut aussi rejoindre l'UE. Car sur le plan politique, il a désespérément besoin de succès: depuis son écrasante victoire électorale, il a déçu ses électeurs. Ainsi, pour 42% des Ukrainiens, il a été la grosse déception de 2020, ne pouvant ni lutter contre la corruption dans le pays, ni mettre en œuvre la paix promise.

La crise du coronavirus a encore aggravé la situation économique de l'Ukraine. Les scandales tels que les allégations de corruption à l'encontre du fils du président américain Hunter Biden, qui font passer l'Ukraine pour un bordel et une colonie américaine, font le reste. L'Ukraine est plus dépendante que jamais de l'aide financière de l'Occident, et pas seulement dans le secteur de l'armement. Il perd également de plus en plus de partisans dans le pays même, dont récemment l'oligarque Ihor Kolomojskyj. Par suite, une nouvelle flambée de la guerre lui conviendrait parfaitement. Les officiers de l'armée ukrainienne s'efforcent également depuis des mois d'obtenir un soutien pour une guerre contre l'Est. L'armée ukrainienne, disent-ils, est prête, surtout après sa mise à niveau avec des drones et d'autres matériels de guerre provenant de l'Ouest. En clair, au lieu de la paix et du retrait des armes, cela signifierait l'expulsion et le génocide. Mais lorsque, en réponse, Moscou a massé des troupes à la frontière avec l'Ukraine et en Crimée, Zelenskyi s'est attiré les foudres du public. Soudain, l'Ukraine a été menacée par la Russie. Le président ukrainien a alors imploré l'Occident de lui venir en aide. Ce faisant, il a fait le jeu du nouveau chef de guerre à Washington.

724965679.jpg

Car depuis l'investiture du nouveau président américain, le ton des Etats-Unis contre la Russie s'est durci. Si Hillary Clinton ne pouvait expliquer sa défaite face à Donald Trump que par le fantasme de "l'ingérence russe dans l'élection présidentielle", Biden a également eu recours à cet argument non prouvé pour alimenter la peur de la Russie aux États-Unis. De plus, le 15 avril de cette année, Joe Biden a même fait déclarer l'état d'urgence aux États-Unis parce que le service de renseignement extérieur russe, le SWR, aurait été coupable d'une attaque informatique contre les États-Unis. Cette décision a été suivie de l'expulsion de dix diplomates russes et de l'interdiction de négocier des obligations d'État russes. Lorsque, dans le même souffle, Biden souligne qu'il ne cherche pas une escalade avec la Russie, mais veut seulement "réagir de manière appropriée", cela ne peut être compris que comme une farce.

Une crise diplomatique mise en scène

Cette action a entraîné le début d'une crise diplomatique entre l'Occident et la Russie. En Europe également, les États-Unis instrumentalisent leurs alliés pour exercer une pression accrue sur la Russie. L'explosion d'un dépôt de munitions en 2014 a soudainement été utilisée par Prague comme une occasion d'expulser le personnel de l'ambassade russe de la République tchèque. Dans une réaction en chaîne de "solidarité", des diplomates russes ont également été expulsés dans les trois États baltes et en Roumanie. Moscou ne s'est pas laissé faire et a répondu à son tour en expulsant sept diplomates de l'UE. Le point culminant de l'escalade occidentale contre la Russie et ses alliés a finalement été la planification d'une tentative d'assassinat contre le président biélorusse Loukachenko, qui a pu être empêchée par les services russes et biélorusses - plus d'informations à ce sujet dans la rubrique "Objection" de ce numéro de Deutsche Stimme. Le point commun de toutes ces provocations est le fait qu'elles proviennent de l'Occident et sont dirigées contre la Russie. Tout cela ne présage rien de bon pour les futures relations entre la Russie et l'Europe, qui, elle, est devenue un champ de bataille potentiel entre les États-Unis et la Russie et qui demeure dominée par les États-Unis en matière de politique étrangère.

Un déploiement sous le signe de la grande réinitialisation

Globalement, on peut affirmer que les actions et la rhétorique de l'alliance occidentale sous la direction de Joe Biden sont devenues de plus en plus vociférantes et menacent actuellement de dépasser toutes limites. D'un côté, nous voyons un secrétaire américain à la défense transsexuel, un président américain dégringolant des escaliers et lançant des accusations non prouvées d'ingérence dans les élections et dans les affaires américaines. Ce qui semble complètement ridicule à première vue est cependant étayé par des mesures percutantes du côté occidental: les récentes déclarations sur la possibilité d'une guerre nucléaire avec la Russie et la Chine, les expulsions de diplomates russes, le déploiement de l'OTAN dans le sud-est de l'Europe et en mer Noire, ainsi que la tentative d'assassinat d'Alexandre Loukachenko sont autant de quasi-déclarations de guerre contre la Russie qui n'ont pas encore été suivies d'une escalade totale, ce que nous devons avant tout aux nerfs d'acier de Vladimir Poutine et à la retenue de la Russie. Tout cela se déroule sur fond de Great Reset. Deutsche Stimme a consacré un numéro séparé à ce sujet - qui, dans les affaires intérieures des États occidentaux, impose des mesures toujours plus totalitaires de restructuration de la société sous le couvert de la politique ‘’covidiste’’; dans le domaine de la politique étrangère, cela signifie une confrontation toujours plus vive avec des puissances altermondialistes comme la Chine, l'Iran, mais surtout la Russie.

2177379.jpg

L'Allemagne a beaucoup d'enjeux dans ce conflit. L'enjeu n'est pas seulement le gazoduc Nord Stream 2, qui revêt une importance considérable pour la sécurité énergétique du pays, mais l'existence même du peuple allemand. En octobre 2020, l'armée de l'air allemande s'est entraînée à larguer des bombes nucléaires américaines sur le territoire allemand dans le cadre de l'exercice "Steadfast Noon". Sachant que les bellicistes du Pentagone et leurs marionnettes à Kiev travaillent à une escalade ouverte avec la Russie et que l'Occident est apparemment prêt pour la guerre nucléaire, une seule mauvaise décision peut conduire à l'anéantissement nucléaire de l'Allemagne et de l'Europe, comme aux beaux jours de la guerre froide. Dans le contexte des développements actuels, il est d'autant plus important que nous ne nous laissions pas atteler à la charrette de Washington, mais que nous nous prononcions inébranlablement pour un retrait de l'OTAN et pour la paix en Europe. Maintenant que les Verts, la gauche et même une grande partie de l'AfD sont attachés au traité de l'Atlantique Nord et au transatlantisme, c'est la seule tâche de l'opposition nationale de mener une authentique politique de paix pour un futur monde multipolaire.

 

vendredi, 04 juin 2021

Le "soft power" russe comme élément tactique de la guerre hybride

unnamedspr.png

Le "soft power" russe comme élément tactique de la guerre hybride

Jonas Estrada

Ex : https://www.geopolitica.ru/es/article/el-poder-blando-rus...

Il est pertinent de mentionner le rôle de l'État russe dans sa stratégie de "guerre hybride" par la mise en œuvre du soft power comme tactique pour influencer ses actions géopolitiques et géoculturelles. Dans de nombreux documents officiels, ainsi que dans les textes d'experts universitaires dans le domaine de la géostratégie et de la géopolitique, le soft power est défini comme l'effort visant à renforcer les affinités linguistiques, culturelles, économiques et religieuses avec les États voisins et à attirer différents groupes d'intérêt. La Russie exerce son soft power par le biais de cinq instruments principaux:

(1) les relations publiques et la diplomatie publique ;

(2) les médias ;

(3) l'Église orthodoxe russe ;

(4) les commissions consacrées à la "correction de l'histoire déformée" ;

et (5) les fondations, associations, clubs et congrès destinés à coordonner une politique commune pour les "compatriotes" et à promouvoir la coopération culturelle et scientifique, la langue et la culture russes au-delà des frontières russes. Le fait qu'ils partagent une affinité culturelle et politique en tant que partie de l'empire russe facilite l'influence actuelle de Moscou.

Bien qu'aucun document de la Doctrine militaire d'État russe ne mentionne explicitement le concept de "guerre hybride", le ministère russe de la défense l'a introduit dans le Livre blanc de la défense en 2003, dans lequel Moscou a défini les conflits futurs comme "asymétriques". Les Russes utilisent trois expressions pour désigner la guerre hybride : nelineynoi voine ("guerre non linéaire") ; setovaya voina ("guerre de réseau" ou guerre en réseau) et neopredelonaya voina ("guerre ambiguë").

Illustration Alice Durand RT Sputnik visages de Moscou.jpg

Le concept de guerre hybride s'inscrit parfaitement dans la tradition originellement léniniste qui considère que la paix n'est qu'un état d'avant guerre. Sous cet angle, le soft power n'est qu'un élément tactique du hard power. Le soft power devient hard power grâce à la diplomatie. Dans le cas de l'Ukraine comme dans celui de la Géorgie, ils montrent qu'il existe sept phases de conversion du soft power en hard power qui développent la stratégie principale de la guerre hybride comme instrument clé du processus d'insubordination géopolitique révisionniste dont le but ultime est de prendre le contrôle, formel ou informel, d'un territoire.

Les trois premières phases visant à accroître la loyauté des compatriotes envers le gouvernement du Kremlin et à la diminuer envers le gouvernement local sont les suivantes:

(1) renforcer les liens linguistiques, culturels et religieux ;

(2) fournir une aide humanitaire (nourriture, médicaments et investissements économiques) ;

(3) articuler différentes politiques spécifiquement destinées aux compatriotes (organisation de congrès, coopération culturelle et scientifique, fondations pour promouvoir la culture russe).

(4) La quatrième phase représente le tournant car elle consiste en la distribution systématique de la citoyenneté russe ("passeports") et la conversion officielle des compatriotes en citoyens russes.

(5) Cette phase est souvent étroitement liée à la cinquième phase, la dezinformatsia ("désinformation"), qui, à l'époque soviétique, était définie comme "le discrédit et l'affaiblissement des opposants et la déformation de la perception de la réalité des cibles choisies". La désinformation est au cœur du processus d'insubordination géopolitique révisionniste. La désinformation consiste avant tout à souligner la souffrance de la population russe en tant que minorité ethnique. Si le gouvernement du pays hôte a l'intention de se rapprocher de l'UE et/ou de l'OTAN, les Russes se sentent menacés par l'Occident et sont en danger pour leur sécurité physique.

(6) La sixième phase implique l'application de la diplomatie humanitaire, la protection. Les documents officiels (la Constitution de la Fédération de Russie) prévoient la possibilité de protéger les compatriotes si deux circonstances se présentent: (1) leur sécurité est menacée; ou (2) des compatriotes (pas nécessairement leurs représentants) demandent l'aide de la Russie.

(7) La septième et dernière phase est l'exercice d'un contrôle formel (réunification de la Crimée) ou informel sur le territoire où vivent les compatriotes (conflits gelés comme le cas de la Transnistrie).

Ces sept phases démontrent que les compatriotes, les russophones, sont le principal instrument du processus d'insubordination géopolitique révisionniste. En ce sens, comme on peut le voir sur la carte, l'Ukraine a été une cible relativement facile pour la Russie dont le plus grand succès en Crimée et dans le Donbass coïncide avec le plus grand pourcentage de population russophone (plus de 60%), ce qui ne signifie pas toujours des Russes ethniques, il y a aussi des Ukrainiens russophones et il faut noter que les Ukrainiens et les Russes sont des Slaves ethniques.

3QQLFDF2C4KV4CAGFGAUQ5ZLLU.jpg

Ukraine : pourcentage de la population ayant le russe comme langue maternelle, par macro-régions

Pour ces raisons, le principal objectif de l'UE dans les pays du partenariat oriental dans le cadre de la politique européenne de voisinage est de soutenir le développement de la démocratie et l'intégration progressive au marché européen. Les instruments pour atteindre cet objectif sont l'aide économique, les conseils politiques et le soutien à la société civile. En termes géopolitiques, cependant, l'OTAN est derrière tout cela, cherchant à encercler la Russie et à empêcher son influence dans l'"étranger proche". Tandis que la Russie, dans le but de concurrencer l'UE, a créé l'Union économique eurasienne (UEEA). Toutefois, son cadre stratégique repose sur trois concepts (utilisés tant dans les documents officiels que par la population russe):

(1) za rubiezhëm ("l'étranger proche");

(2) Ruskii Mir ("le monde russe");

et (3) sootechestvenik ("compatriote", littéralement "celui qui est avec la patrie").

Les principaux objectifs de la Russie dans la région sont à l'opposé de ceux de l'UE: empêcher les pays qui aspirent à se rapprocher de l'UE et de l'OTAN, les empêcher de le faire et maintenir leur "zone d'influence". Les instruments choisis pour y parvenir sont très variés. Ils oscillent entre pouvoir économique (la connexion des infrastructures soviétiques favorise les liens économiques entre la Russie et les pays indépendants), soft power, "coercition douce" (chantage économique sous forme d'embargo sur les produits agricoles en Ukraine, Moldavie et Géorgie), hard coercition (ruptures d'approvisionnement en gaz en Ukraine) et hard power (utilisation de la puissance militaire pour relancer les "conflits gelés" comme en Abkhazie et en Ossétie du Sud en Géorgie, en Transnistrie en Moldavie et au Donbass en Ukraine) et, enfin, la réunification de territoires (Crimée).

mercredi, 02 juin 2021

La Russie s'engage dans le Pakistan Stream

pak.jpg

La Russie s'engage dans le Pakistan Stream

La participation des entreprises russes à la construction du gazoduc pakistanais revêt une grande importance économique et géopolitique.

Le 28 mai, un accord bilatéral sur la construction du gazoduc Pakistan Stream a été conclu à Moscou. Le document a été signé par Nikolay Shulginov, ministre russe de l'énergie, et Shafqat Ali Khan, ambassadeur, au nom du Pakistan. Il a également été annoncé que sa mise en œuvre pratique va maintenant commencer.

Cet accord est en préparation depuis 2015 sous le nom original de "gazoduc Nord-Sud" et il a une signification géopolitique importante pour les deux pays.

Aspects techniques

 Le nouveau pipeline aura une longueur de 1100 kilomètres. Il aura une capacité de transport annuelle de 12,3 milliards de mètres cubes. Le coût est estimé à 2,5 milliards de dollars. Le gazoduc reliera les terminaux de gaz liquéfié des ports de Karachi et de Gwadar, dans le sud du Pakistan, aux centrales électriques et aux installations industrielles du nord. À l'origine, la Russie devait détenir une participation de 51 % et gérer le projet pendant 25 ans. Mais les sanctions occidentales ont bouleversé ces plans. Maintenant, la participation russe sera de 26%. Mais la partie russe aura un droit de regard décisif sur le choix des contractants, sur la conception, l'ingénierie, les fournitures et la construction.

Il existe deux projets potentiels au Pakistan : le gazoduc en provenance d'Iran, qui n'a pas encore été construit, et le gazoduc Turkménistan-Afghanistan-Pakistan-Inde (TAPI), dont on a beaucoup parlé mais qui n'a jamais été lancé. Ce dernier projet a été gelé en raison de la situation instable en Afghanistan. Par conséquent, le Pakistan Stream est le plus prometteur en termes d'attente d'un retour immédiat une fois sa construction achevée.

Le rôle et les intérêts de la Russie

Si les intérêts du Pakistan sont clairs, la participation de la Russie au projet apporterait un certain nombre d'avantages directs et indirects.

Premièrement, la participation de la Russie au projet lui-même vise à obtenir certains dividendes.

Deuxièmement, la participation russe doit être considérée sous l'angle de la "politique d'image".

Troisièmement, la Russie équilibrera la présence excessive de la Chine au Pakistan, car depuis de nombreuses années, Pékin est le principal donateur et participant dans ces projets d'infrastructure.

Quatrièmement, la Russie étudiera plus attentivement les possibilités du corridor économique Chine-Pakistan afin d'y participer et de l'utiliser comme une porte maritime méridionale pour l'UEE (port en eau profonde de Gwadar). Le gazoduc Pakistan Stream suivra en fait le même itinéraire.

Cinquièmement, étant donné les réserves de gaz naturel au Pakistan même (province du Baloutchistan), la Russie, qui s'est révélée être un partenaire fiable disposant de l'expertise technique nécessaire, pourra, dans quelque temps, participer également au développement des champs gaziers nationaux.

Sixièmement, la présence de la Russie favorisera automatiquement sa participation à d'autres projets bilatéraux ; avec l'économie dynamique et la croissance démographique du Pakistan, elle élargit les possibilités de commerce, d'industrie et d'affaires.

Septièmement, la présence russe renforce la tendance à la multipolarité, surtout dans une situation où l'Inde suit les États-Unis et s'engage dans divers projets suspects et déstabilisants de type "quadrilatéral" (comme l'a mentionné le ministre russe des affaires étrangères Sergey Lavrov).

Pakistan_2002_CIA_map.jpg

Redécouvrir le Pakistan

Début avril, Sergey Lavrov s'est rendu à Islamabad, où il a discuté d'un large éventail de coopérations entre les deux pays, allant de la coopération militaire et technique au règlement de la situation dans l'Afghanistan voisin. Évidemment, ce voyage a également accéléré la signature de l'accord sur la construction du gazoduc (l'autre sujet dans la sphère énergétique était l'atome pacifique). Le président russe Vladimir Poutine a également transmis aux dirigeants pakistanais le message de sa volonté de "faire table rase" dans les relations bilatérales.

L'amélioration et le développement des contacts avec ce pays sont importants pour la Russie en raison de sa position géostratégique. Tant dans le cadre de l'intégration eurasienne actuelle, y compris la conjonction avec l'initiative chinoise "Une ceinture, une route", que dans le cadre de la Grande Eurasie à venir. On peut prévoir les voix des détracteurs de ce rapprochement : "qu'en est-il du soutien aux moudjahidines en Afghanistan dans les années 1980 et de la coopération avec les États-Unis ? Toutefois, le Pakistan ne fait plus partie des alliances avec Washington, et le Premier ministre Imran Khan a déclaré à plusieurs reprises que son pays ne participerait à aucune aventure étrangère. La formule de Carl Schmitt selon laquelle il n'y a pas d'amis et d'ennemis éternels en politique confirme ces changements. En outre, l'engagement du Pakistan avec d'autres pays et sa participation à diverses organisations internationales peuvent également profiter à la Russie.

lundi, 24 mai 2021

Bref bilan de la situation en Afghanistan

us-soldier-afghanistan-ht-jef-200527_hpMain_1x1_992.jpg

Bref bilan de la situation en Afghanistan

Par Amedeo Maddaluno

Ex : https://www.eurasia-rivista.com/

"Il y a maintenant 2500 membres des services militaires américains en Irak et 2500 en Afghanistan. Il s'agit du plus faible nombre de troupes américaines en Afghanistan depuis le début des opérations dans ce pays en 2001. (...) À son point culminant en 2011, il y avait 98.000 soldats américains dans le pays " [1].

Ma thèse est que l'intervention occidentale en Afghanistan a été la plus grande "drôle de guerre", la plus grande guerre-farce, de toute l'histoire contemporaine. Le résultat militaire final de l'intervention montre que les États-Unis et leurs satellites n'ont jamais vraiment essayé de gagner la guerre.

Drôle de guerre

Faisons comme si le gouvernement de Kaboul - allié ou plutôt marionnette de l'Occident - n'était pas corrompu jusqu'à la moelle et sous l'emprise des éternels seigneurs de la guerre du féodalisme afghan, les catamounts (les pumas) qui contrôlent le pays depuis les guérillas antisoviétiques des années 1980.

Faisons comme si les talibans - eux-mêmes beaucoup plus intéressés par le trafic de drogue que par la restauration d'un islam pur des origines - ne jouissaient pas d'un réel consensus au sein de la population du pays, surtout dans les zones peuplées par l'ethnie pachtoune, mais aussi partout où l'on s'impatiente de la voracité et de l'inefficacité des fonctionnaires du gouvernement afghan internationalement reconnu. Evitons alors de parler du soutien tribal, logistique et de renseignement dont les talibans afghans ont pu bénéficier au Pakistan, allié des USA depuis la guerre froide [2]! Appeler cela une "mission de paix" et non une "guerre" lorsqu'on est sous le feu de l'ennemi, et donc viser non pas l'anéantissement de l'ennemi mais sa propre retraite, profite à l'ennemi non seulement sur le plan moral, mais sur le plan militaire réel: il sait qu'il lui suffira d'attendre un quinquennat de plus, un an de plus, un mois de plus, mais que la victoire est déjà certaine.

005e9a61b8a30dc829b3e0236376e4df.jpg

Le bilan stratégico-militaire

Dans une "mission de paix", la police et l'armée du pays satellite sont armées et formées, en espérant que ces hommes auront envie de se battre (éventuellement contre les talibans et non pas en retournant leurs armes contre leurs propres "alliés") et de se battre par loyauté envers un État qui n'en est plus un, et non pas par loyauté envers leur propre groupe ethnique, clan, patron local. Ils effectuent des missions "réactives", sortant de la forteresse pour repousser une attaque, regagner le terrain perdu, tout au plus pour une action de décapitation des chefs ennemis - mieux si, toutefois, elle est menée par des drones. Attention, nous ne soutenons pas la thèse infondée selon laquelle, en vingt ans, les États-Unis et leurs alliés n'ont pas mené de missions offensives, ni que leurs troupes satellites locales n'ont pas combattu ou enregistré de pertes. Nous constatons les effets irréalistes de ces opérations, qui ont pu apporter quelques succès tactiques dans le contexte d'un désastre stratégique annoncé - et voulu -[3]. Les États-Unis semblent avoir vraiment voulu se battre en Afghanistan au tournant des années 2010-2011 [4], alors que, de toute façon, d'après ce que nous savons, le nombre de troupes américaines ne dépassait pas celui des troupes soviétiques (la contribution des alliés, si l'on exclut le Royaume-Uni et quelques autres, n'a pas été décisive pour la guerre). Nous savons tous comment l'URSS en est arrivée là [5]. Pas de leçons apprises? Avec pas plus de 100.000 hommes, on ne peut pas contrôler un pays comme l'Afghanistan, au-delà des seules phases offensives et des saisons. Avec 100.000 hommes, vous contrôlez la plupart des routes principales et des grands centres urbains, en gérant de temps en temps des offensives spécifiques. En déployant si peu d'hommes sur un vaste territoire à l'orographie très compliquée, non seulement il n'est pas possible de porter des coups décisifs à l'ennemi, mais cela signale également que l'ennemi ne veut pas en recevoir: ce sont précisément les erreurs déjà commises par les Soviétiques, au-delà de tactiques plus ou moins efficaces[6]. Cela n'est pas seulement indiqué à l'ennemi, mais aussi à la population civile - qui sait déjà qui sera le véritable gagnant: si les soldats américains peuvent rentrer chez eux, les civils afghans ne le peuvent pas, et ils s'activent donc pour collaborer avec le futur maître du pays.

C'est là que réside le problème, dans ce que la littérature militaire appelle le "point d'équilibre" de l'ennemi: dans le cas d'une insurrection, il s'agit de la population civile. C'est la population civile qui doit voir sa sécurité garantie par un monopole sûr de la force, qu'il faut empêcher d'entrer en relation avec l'ennemi (et vice versa) [7]. Les civils doivent être isolés de l'ennemi, persuadés par la présence constante de leurs propres troupes sur chaque territoire (oui: par la force, et non par des paquets cadeaux!) qu'il ne gagnera pas, persuadés qu'il ne sera pas celui qui garantira leur sécurité demain. Il faut isoler l'ennemi des civils, l'empêcher de les atteindre, ne pas lui accorder de sanctuaires, mais le traquer constamment et transformer la guérilla de prédateur en proie [8]. Un travail qui, en Afghanistan, n'a pas été fait avec continuité, mais - pire ! - en signalant à l'ennemi que l’on ne voulait pas en supporter le coût.

Un bilan géopolitique

Pourquoi ce manque de volonté de se battre? En raison du refus des Européens et des Américains de supporter les coûts de conflits sans fin dans des pays aux noms imprononçables, des usines de papier et d'encre ont été gaspillées. Et pourtant, les Américains et les Européens ont mené ces guerres.

afghmap.gif

32912.jpg

Plus raffinées sont les réflexions d'Edward Luttwak sur "l'ère post-héroïque", le moment à partir duquel des sociétés vieillissantes à la démographie stagnante deviennent réticentes à s'engager dans la violence.

Pourtant, les Américains et les Européens étaient prêts à accepter cette violence lorsqu'ils sont allés en Afghanistan, tout comme les Russes étaient prêts à se sacrifier en Tchétchénie pour sauver leur pays de la désintégration: un taux de tolérance à la violence plus élevé que celui démontré en Afghanistan au cours de la décennie précédente.

C'est indéniable et irréfutable : les sociétés jeunes ont tendance à être beaucoup plus enclines à utiliser des armes à feu; mais toutes les sociétés jeunes ne sont pas automatiquement dans ce cas, et toutes les sociétés plus anciennes ne le sont pas. Beaucoup dépend des opportunités offertes aux jeunes; beaucoup dépend des enjeux.

Quel était, en Afghanistan, le véritable enjeu ? Parlons de géopolitique sans nous plonger dans les méandres tortueux des coulisses de la traque de Ben Laden, mort dans son cottage d'une petite ville pakistanaise endormie comme un "petit bourgeois". Chausser les bottes en Afghanistan, c'était montrer à l'opinion publique américaine et européenne que "l'on faisait vraiment quelque chose" contre le terrorisme; c'était planter son drapeau au cœur du continent eurasien, dans la zone la plus chaotique du "Grand Moyen-Orient". Dès le départ, la cible principale n'était pas vraiment l'Afghanistan, mais l'Irak, et c'est le Proche-Orient! Maintenant que le Grand Moyen-Orient et le Proche-Orient ne présentent plus de forces ennemies capables de défier frontalement les Etats-Unis, il suffit d'adopter la stratégie du leading from behind, en déléguant la protection de la zone tantôt à des alliés, tantôt à des satellites, et en favorisant le chaos autant que possible. La Chine fait face à l'Indo-Pacifique, pas à l'Asie centrale: il est donc parfaitement normal que le casse-tête d'un Afghanistan instable à la frontière du Sinkiang repose entièrement sur les épaules de la Chine, ainsi que sur celles de Moscou et de Téhéran: il n'y a jamais eu de moment plus propice au désengagement du pays. Le prétexte selon lequel "on fait quelque chose contre le terrorisme et pour l'avenir des Afghans", de moins en moins utile, sera bientôt oublié.

Trop de dépenses pour un simple prétexte ? Il ne s'agissait pas d'un simple "récit": c'était l'effet d'un moment stratégique où l'intervention directe dans le Grand Moyen-Orient était la stratégie des États-Unis. Les dépenses n'étaient pas non plus excessives; ou plutôt, elles étaient immenses financièrement, mais militairement, elles n'ont jamais dépassé 100.000 hommes.

"En 1969, plus de 500.000 militaires américains étaient stationnés au Vietnam" [9].

NOTES

[1] Jim Garamone, U.S. Completes Troop-Level Drawdown in Afghanistan, Iraq, www.defense.gov, 15 Gennaio 2021

[2] Pour quel motif Islamabad devrait renoncé à avoir un gouvernement à Kaboul qui soit sous son propre contrôle et qui ne serait pas, par exemple, philo-indien comme celui d’aujourd’hui car il s’agira toujours, pour le Pakistan, d’éviter d’être encerclé par deux fronts et de se doter d’un hinterland géopolitique ?

[3] Gastone Breccia, Missione fallita. La sconfitta dell’Occidente in Afghanistan, Il Mulino, 2020

[4] The Associated Press, A timeline of U.S. troop levels in Afghanistan since 2001, www.militarytimes.com, 6 Luglio 2016

[5]The Afghan War quickly settled down into a stalemate, with more than 100,000 Soviet troops controlling the cities, larger towns, and major garrisons and the mujahideen moving with relative freedom throughout the countryside.” In Encyclopedia Britannica, Soviet invasion of Afghanistan 1979, www.britannica.com

[6] Gianluca Bonci, La guerra russo-afgana (1979-1989), LEG Edizioni, 2017

[7] David Kilcullen, Counterinsurgency, C Hurst & Co Publishers Ltd, 2010

[8] Daniele Raineri, Come si fa la guerra al Califfo: l’Iraq come la Rhodesia?, www.analisidifesa.it, 10 Maggio 2015

[9] Encyclopedia Britannica, Vietnam War 1954–1975, www.britannica.com, voce a cura del Prof. Ronald H. Spector.

Amedeo Maddaluno

Amedeo Maddaluno est un contributeur régulier d'Eurasia depuis 2013 - tant la version électronique que la version papier - concentrant ses contributions et son activité de recherche sur les zones géopolitiques du Proche-Orient, de l'espace post-soviétique et de l'espace anglo-saxon (britannique et américain), zones du monde où il a eu l'occasion de travailler et de vivre ou de voyager. Il s'intéresse aux questions militaires, stratégiques et macroéconomiques (il a obtenu un diplôme en économie en 2011 avec une thèse sur l'histoire de la finance à l'université Bocconi de Milan). Il a publié trois livres sur des sujets géopolitiques, dont le dernier, Geopolitica. Storia di un'ideologia, a été publié en 2019 par GoWare - et il est membre de la rédaction du site Osservatorio Globalizzazione, un centre d'études stratégiques dirigé par le professeur Aldo Giannuli de l'université d'État de Milan.

La géopolitique des sectes

Rassemblement-Black-hebrew-israelites-devant-Capitole-Washington._0.jpg

La géopolitique des sectes

Par Claudio Mutti

Ex : https://www.eurasia-rivista.com/

51kqD6w2NfL.jpgIl y a une trentaine d'années, en publiant dans la collection de l'Institut des relations internationales et stratégiques de Paris une étude sur les aspects géopolitiques du christianisme orthodoxe [1], François Thual utilisait le cas exemplaire de l'orthodoxie pour montrer l'importance du facteur religieux comme paramètre fondamental de la géopolitique. C'est ainsi qu'est née la "géopolitique des religions", que Thual a ensuite traitée dans d'autres essais, tant sur des sujets spécifiques que généraux [2]. Acceptant la leçon de Thual, Eurasia a donné naissance en 2014 à un numéro intitulé Géopolitique des religions [3], dans lequel les implications géopolitiques de diverses religions dans différentes régions du monde ont été examinées. Eurasia a également accordé une attention particulière à ce thème, comme en témoignent par exemple des dossiers tels que L'islamismo contro l'Islam ? [4], Luoghi santi e "Stato Islamico" [5], La guerra civile islamica [6], Geopolitica dell'Ortodossia [7], Cattolici, ortodossi, evangelici, Islam [8].

Si le facteur religieux fait partie de ceux que la géopolitique s'efforce d'identifier et de comprendre pour ses investigations, pourquoi ne pas considérer également le facteur constitué par les sectes? Eurasia a tenté de le faire en consacrant un récent ‘’doxaire’’ aux Sectes de l'Occident [9], dans lequel sont examinés certains phénomènes sectaires qui, ces derniers temps, ont joui d'une certaine célébrité. Aussi limitée soit-elle, la vue d'ensemble offerte au lecteur révèle un fait d'une importance considérable, à savoir l'extraordinaire familiarité des Etats-Unis avec la réalité multiforme de l'univers sectaire. En fait, il a été souligné « que la plupart des groupes qui portent le nom de "sectes" ou de "nouveaux mouvements religieux" sont nés aux États-Unis, [comme dans le cas des] Témoins de Jéhovah, des Mormons, de la Science chrétienne, de la Scientologie[10] » ; que l'expansion de nombreuses sectes qui ont vu le jour en dehors des États-Unis commence souvent par le transfert de leur leader ou "maître" aux États-Unis; que les États-Unis d'Amérique eux-mêmes ont à leur origine l'action d'une secte, la puritaine ; que l'actuel président Joe R. Biden est lié par un lien ancien avec les puritains. Biden est lié par une vieille relation à la secte juive Chabad Lubavitch.

unnamedloub.jpgMais les Loubavitchs, qui en 2008 soutenaient déjà Biden pour ses positions pro-sionistes [11], ne sont que l'aspect le plus pittoresque de cette "coalition informelle d'organisations et d'individus travaillant à orienter la politique étrangère américaine dans une direction pro-Israël" [12], c'est-à-dire de ce groupe de pression qui, défini par le terme anglais de lobby [13], se configure comme "le Lobby" par excellence, c'est-à-dire comme une véritable "supersecte".

En effet, si près de soixante-dix pour cent de la judaité mondiale est concentrée aux Etats-Unis [14] et en Palestine [15], c'est aux Etats-Unis qu'elle "dispose d'un certain nombre de grandes associations qui défendent ses thèses et ses intérêts, tant auprès des gouvernements nationaux que des organisations intergouvernementales" [16]. Il s'agit d'un "déploiement impressionnant d'organisations, dont la plus puissante et la plus connue est l'AIPAC" [17] (American Israel Public Affairs Committee), dont le positionnement super partes par rapport aux partis politiques est démontré par ses conférences annuelles, auxquelles participent aussi bien des démocrates que des républicains, comme par exemple, en 2016, Hillary Clinton et Donald Trump (qui a prononcé un discours écrit par son gendre Jared Kushner, qui est lui-même un juif orthodoxe).

"La conférence annuelle de l'AIPAC", explique un journaliste américain, "a lieu à Washington chaque printemps et constitue un événement important de la saison politique (...). Le discours d'ouverture est généralement prononcé par le président des États-Unis, le vice-président ou le secrétaire d'État. (...) Comme un hommage au pouvoir du lobbying, environ la moitié des membres du Congrès participent à la conférence, y compris les whips démocrates et républicains des deux chambres. Il est évident que leurs discours reflètent leur allégeance personnelle et le soutien inconditionnel de l'Amérique à Israël. Les noms des membres du Congrès qui empruntent la passerelle sont publiés sur le site web de l'AIPAC, ce qui augmente leurs chances d'obtenir des contributions de grands donateurs juifs. Tout aussi importants, mais rarement médiatisés, sont les dîners et déjeuners régionaux de l'AIPAC dans tout le pays, événements auxquels sont invités les dirigeants politiques locaux (...). A l'issue de ces événements, les personnes invitées reçoivent comme prix des voyages tous frais payés en Israël, offerts par les Conseils communautaires juifs locaux, les Fédérations ou d'autres organisations juives. En Israël, ils sont reçus par le Premier ministre, le ministre de la Défense et le chef d'état-major de l'armée, on leur fait visiter Israël et les colonies de Cisjordanie, et enfin on les emmène au musée de l'Holocauste de Yad Vashem"[18]. Les membres du Lobby sont tous juifs.

AIPAC.jpg

Le Lobby comprend non seulement des Juifs, mais aussi des personnalités éminentes de l'Église évangélique et d'autres "dénominations"; en particulier, il comprend les "sionistes chrétiens", "une secte au sein du groupe plus large et politiquement orienté de la droite chrétienne (...) une sorte de "partenaire junior" des divers groupes pro-Israël de la communauté juive américaine". La secte des sionistes chrétiens est issue du ‘’dispensationalisme’’ [20], un courant théologique d'origine anglo-saxonne particulièrement répandu dans les églises évangéliques.

Avant de venir aux Etats-Unis, ce courant avait eu une certaine diffusion en Angleterre, où il a probablement contribué "à rendre le ministre anglais des Affaires étrangères Arthur Balfour particulièrement sensible à l'idée de créer un foyer pour les Juifs en Palestine"[21]. Selon la théologie "prémillénariste" de la secte, les juifs régneront sur la "terre d'Israël" pendant mille ans après que Jésus-Christ aura "enlevé" les chrétiens pour les emmener au paradis; après le millénaire, le nouveau ciel et la nouvelle terre annoncés par l'Apocalypse de Jean apparaîtront. Les ‘’dispensationalistes’’, et avec eux la secte des sionistes chrétiens, sont donc certains que le prétendu "retour"[22] des Juifs en Palestine est un événement fondamental de ce processus eschatologique qui culminera avec le second avènement de Jésus; ils croient donc que les États-Unis doivent soutenir de toutes leurs forces le régime sioniste de Tel Aviv et se préparer à combattre à ses côtés dans la bataille finale d'Armageddon. La diffusion des thèses ‘’dispensationalistes’’ est également due à une très heureuse activité littéraire à thème "apocalyptique", dont il suffit de mentionner quelques cas. Le premier est représenté par le théologien et animateur de télévision Harold (Hal) Lindsey (né en 1929), connu pour sa campagne en faveur d'une attaque nucléaire contre la République islamique d'Iran, "le seul choix logique possible pour Israël". Lindsey est l'auteur de The Late, Great Planet Earth (28 millions d'exemplaires depuis 1990), dont a été tiré un film avec Orson Welles. Le second cas est celui de Timothy (Tim) LaHaye (1926-2016), conférencier spécialisé dans les prophéties bibliques et auteur d'une série de seize romans (Left Behind, Tribulation Force, Soul Harvest, Nicolae, etc.) qui se sont vendus à ce jour à plus de 60 millions d'exemplaires et ont inspiré plusieurs films.

* * *

Quel est le poids du Lobby dans les deux dernières administrations américaines?

Donald Trump, en plus de confier le poste de "conseiller principal" à son gendre Jared Kushner et à sa fille Ivanka (tous deux juifs orthodoxes), a puisé dans les rangs du Lobby au moins une vingtaine de collaborateurs, dont: Stephen Miller (conseiller politique), Steven Mnuchin (secrétaire au Trésor), David Friedman (ambassadeur en Israël), Jason Greenblatt (assistant du président et représentant spécial pour les négociations internationales), Elliot Abrams (représentant spécial pour le Venezuela, puis l'Iran), Anne Neuberger (conseillère adjointe à la sécurité nationale et responsable de la cybersécurité), Gary Cohn (conseiller économique, puis président d'IBM), Lawrence (Larry) Kudlow (directeur du Conseil économique national), etc.

14KUSHNER1-superJumbo.jpg

Quant à l'administration actuelle, le 8 décembre 2020, Nathan Posner a annoncé triomphalement dans Atlanta Jewish Times que le gouvernement de Joe Biden serait "historiquement juif" [23]. Un mois plus tard, en fait, le Lobby a placé ses hommes (et ses femmes) dans la nouvelle administration.

Antony (Tony) John Blinken, ancien conseiller adjoint à la sécurité intérieure sous l'ère Barack Obama, a succédé à Mike Pompeo au poste de secrétaire d'État le 26 janvier. "L'histoire de sa vie se lit comme une fiction sur la haute société juive", a écrit le Washington Post, rappelant que Blinken "a eu voix au chapitre dans tous les débats sur la sécurité nationale et la politique étrangère de l'administration du président Obama" [24]. Un article du Wall Street Journal a notamment rappelé que "la grande attention portée par l'administration Obama à la Syrie était due à Blinken, dont les recommandations avaient tendance à suivre la ligne dure" [25].

Le jour même du début du mandat de Blinken, le poste de secrétaire au Trésor a été confié à Janet Louise Yellen, issue d'une famille juive de Brooklyn. Ancienne vice-présidente puis présidente de la Réserve fédérale, Yellen s'est classée en 2014 à la deuxième place de la liste des 100 femmes les plus puissantes du monde, selon "Forbes"[26].

La direction de la Central Intelligence Agency (CIA) a également été reprise par une israélite [27], Avril Danica Haines, anciennement directrice adjointe de la CIA de 2013 à 2015 et conseillère adjointe à la sécurité nationale (en remplacement de Blinken) de 2015 à 2017.

Le poste de secrétaire à la sécurité intérieure est revenu à Alejandro Nicholas Mayorkas, anciennement secrétaire adjoint du même département de 2013 à 2016; Mayorkas est né à La Havane de parents juifs qui ont quitté Cuba après la révolution et se sont installés à Miami.

L'économiste Jared Bernstein, collaborateur du New York Times et du Washington Post, devient le conseiller économique de M. Biden. Le fait que Bernstein, pour célébrer sa nomination au Council of Economic Advisers, ait eu recours au lexique yiddish lui a donné une importance particulière [28].

Le chef de cabinet de la Maison Blanche depuis le 20 janvier est Ronald (Ron) Alan Klain, ancien chef de cabinet de deux vice-présidents: Al Gore (1995-1999) et Joe Biden (2009-2011). M. Klain, cinquième membre du Lobby à devenir le chef de cabinet du président, a célébré sa bar-mitsva dans une synagogue d'Indianapolis affiliée au ‘’judaïsme reconstructionniste’’. En avril 2020, lors d'une conversation télévisée avec le rabbin Dennis Sasso, M. Klain a démontré son expertise en matière d'exégèse biblique en comparant l'épidémie de Covid-19 à la dixième plaie d'Égypte, lorsque "il y eut de grandes lamentations en Égypte, car il n'y avait pas une maison où il n'y avait pas un mort" [29]. Et "les Israélites (...) firent donner par les Égyptiens des objets d'argent et d'or et des vêtements. (...) Ils dépouillèrent donc les Égyptiens" [30].

* * *

Celui qui veut retracer les origines historiques de la "supersecte" américaine, doit remonter à la naissance de la loge maçonnique initialement appelée Bundesbrüder, qui a été fondée le 13 octobre 1843 au café d'Aaron Sinsheimer à Wall Street, New York, par douze Juifs d'Allemagne. Le groupe, qui prend bientôt le nom d'Independent Order of B'nai B'rith, se propose, selon l'article 2 de sa charte, d'"unir les Juifs pour la promotion de leurs intérêts les plus élevés et le bien de l'humanité", le "peuple d'Israël" étant le médiateur nécessaire entre Dieu et l'humanité. En 1851, le B'nai B'rith comptait douze loges et un peu plus d'un millier d'affiliés ; mais, étant donné l'augmentation continue de la population juive américaine (un million en 1900, 5.200.000 en 1945), en septembre 1945, les membres de l'Ordre s'élevaient déjà à 160.000 hommes et plus de 70.000 femmes. Ayant entre-temps acquis le caractère d'une véritable organisation internationale, le B'nai B'rith peut compter sur un réseau mondial de 250.000 affiliés et se servir des activités de l'Anti-Defamation League of B'nai B'rith, qu'il a fondée en octobre 1913.

661UHkpR_400x400.jpgL'ADL, dont le siège est à New York et qui compte actuellement une trentaine de branches aux États-Unis, ainsi que quelques bureaux à l'étranger, ne fait pas mystère de ses activités d'espionnage. Abraham (Abe) H. Foxman [31], directeur national de l'ADL, a explicitement déclaré: "Notre mission est de surveiller et de détecter ceux qui sont antijuifs, racistes, antidémocratiques (...). Comme les organisations extrémistes sont enclines au secret, l'ADL ne peut parfois apprendre leurs activités qu'en utilisant des moyens secrets" [32]. Bien entendu, le procès intenté en 1993 contre l'ADL par douze groupes de défense des droits civils, dirigés par l'American-Arab Anti-Discrimination Committee et la National Lawyers Guild, n'a pas servi à grand-chose. (En ce qui concerne l'influence de l'ADL en Italie en particulier, il convient de rappeler qu'en août 1994, le chef du gouvernement, Silvio Berlusconi, a été contraint de présenter ses excuses à Abe Foxman pour une déclaration du ministre du travail, Clemente Mastella, qui avait insinué que la chute de la lire sur le marché international avait été provoquée par le lobby juif américain. Devenu ministre de la justice dans le gouvernement Prodi (2006-2008), Mastella a expié sa culpabilité en présentant un projet de loi visant à punir les "idées antisémites" et en finançant un programme international d'éducation sur l'Holocauste).

De retour au B'nai B'rith, il s'installe en septembre 1957 dans son nouveau siège à Washington, DC, qui est inauguré par le président Richard Nixon. "Depuis lors, les différents présidents américains, les plus hautes personnalités de l'Etat et de nombreux chefs d'Etat étrangers n'ont cessé de suivre et de soutenir l'Ordre du B'nai B'rith (...) Les campagnes présidentielles passent désormais inévitablement par les assemblées du B'nai B'rith, où les candidats, tant démocrates que républicains, viennent apporter leurs messages de soutien à Israël (accusant toujours leurs adversaires de tiédeur envers la cause sioniste) (...). En 1963 (...) l'invité d'honneur était le président John Kennedy. (...) Quelques mois plus tard, c'était le tour du nouveau président Lyndon Johnson" [33]. L'Ordre entretenait de très bonnes relations avec les sionistes.

L'Ordre a entretenu d'excellentes relations avec tous les présidents américains, exhortant chacun d'entre eux à engager les énergies du pays dans la défense du régime sioniste et de ses intérêts au Proche et au Moyen-Orient. Immédiatement après l'élection de Donald Trump, le président Gary P. Saltzman et le vice-président exécutif Daniel S. Mariaschin ont envoyé le message suivant au président nouvellement élu: "Le B'nai B'rith applaudit votre engagement déclaré en faveur de la sécurité d'Israël et votre engagement à faire tout ce qui est en votre pouvoir pour empêcher l'Iran d'obtenir une arme nucléaire. Nous reconnaissons que le leadership américain - et le partenariat crucial de l'Amérique avec son allié démocratique Israël - sont essentiels à notre objectif commun d'un Moyen-Orient pacifique et stable. Nous sommes donc grandement rassurés de savoir qu'Israël, la seule démocratie du Moyen-Orient, un pays qui a combattu le terrorisme et l'agression depuis son indépendance, aura un allié fidèle en la personne du président des États-Unis" [34]. Nous sommes également rassurés de savoir qu'Israël est la seule démocratie du Moyen-Orient, un pays qui a combattu le terrorisme et l'agression depuis son indépendance.

Le message envoyé par le président et le vice-président de l'Ordre au président nouvellement élu, Joe Biden, n'est pas très différent sur le fond: "Le moment est venu pour la nation de resserrer ses rangs, unie dans la guérison et unie face aux défis les plus graves. En tant qu'organisation humanitaire juive mondiale, nous nous concentrons sur les droits de l'homme, sur la sécurité et la défense d'Israël et du peuple juif, sur les questions touchant les anciens, la tolérance et la diversité. Nous nous réjouissons de travailler avec la nouvelle administration et le Congrès sur des questions cruciales pour les États-Unis et Israël. "[35].

NOTES

[1] François Thual, Géopolitique de l’Orthodoxie, Dunod, Paris 1993. Trad. it. La geopolitica dell’Ortodossia, SEB, Milano 1995. Di Thual si veda inoltre: Il mondo fatto a pezzi, Edizioni all’insegna del Veltro, Parma 2008.

[2] Géopolitique du Chiisme, Arléa, Paris 1995; Géopolitique du Bouddhisme, Éditions des Syrtes, Genève 2002; Géopolitique des religions. Le Dieu fragmenté, Ellipses, Paris 2004.

[3] “Eurasia”, a. XI, n. 3.

[4] “Eurasia”, a. IX, n. 4.

[5] “Eurasia”, a. XI, n. 4.

[6] “Eurasia”, a. XII, n. 3.

[7] “Eurasia”, a. XIII, n. 3.

[8] “Eurasia”, a. XVI, n. 1.

[9] “Eurasia”, a. XVIII, n. 2.

[10] Massimo Introvigne, Le sètte cristiane. Dai Testimoni di Geova al Reverendo Moon, Oscar Mondadori, Milano 1990, p. 19.

[11] David Margules, président du Chabad Lubavitch au Delaware, a déclaré à proposdeBiden : “He has developed the reputation for being a strong supporter of Israel”.

[12] John J. Mearsheimer – Stephen M. Walt, La Israel lobby e la politica estera americana, Mondadori, Milano 2007, p. 14.

[13] Dulatin tardif laubia, qui est à l’origine du terme italien loggia.

[14] D’après une étude publiée par la démographe Ira Sheskin et parle sociologue Arnold Dashefsky en 2015 la population juive aux Etats-Unis serait de 6.829.930 individus.

[15] D’après les données fournies par la ‘’Berman Jewish Data Bank’’, en 2018 la population juive de l’Etat totalisait 6.960.000 individus.

[16] Jean Meynaud, Les groupes de pression internationaux, Études de Science politique, Lausanne 1961, pp. 95.

[17] John Mearsheimer – Stephen Walt, La lobby israeliana e la politica estera degli Stati Uniti, in: AA. VV., Lobby israeliana e politica statunitense, Effepi, Genova 2007, p. 18.

[18] Jeffrey Blankfort, L’influenza di Israele e della sua lobby in America sulla politica americana in Medio Oriente, in AA. VV., Lobby israeliana e politica statunitense, cit., pp. 68-69.

[19] John J. Mearsheimer – Stephen M. Walt, La Israel lobby e la politica estera americana, cit., pp. 164-165. Cfr. Marco Zenesini, Ritorni: il sionismo cristiano, “Eurasia”, 2/2021, pp. 123-127.

[20] Ce nom dérive du terme anglais dispensation, qui, dans la version autorisée de la Bible du Roi Jacques traduit le terme οἰϰονομία, “administration’’. L’apôtre, en fait, ‘’administre’’ l’annonce faite dans l’Evangile et ‘’dispense’’ la Grâce.

[21] John J. Mearsheimer – Stephen M. Walt, La Israel lobby e la politica estera americana, cit., p. 165.

[22] Il est difficile, sinon impossible, de soutenir que lers Juifsactuels, auxquels les thèses sionistes attribuebt un ‘’droit au retour’’en Palestine, descendent desHébreuxdes douze tribus, parce qu’à l’ethnogénèse juive d’autres éléments ethniques de provenances très diverses ont contribués, car acquises via le prosélytisme. Sur ce thème, je renvoie à mon essai Chi sono gli antenati degli Ebrei?, “Eurasia” 2/2009, republié sous le titre de  Gli Ebrei sono semiti? en appendice à: Goffredo Coppola, Trenta danari, Edizioni all’insegna del Veltro, Parma 2020.

[23] Nathan Posner, Biden’s Jewish Leadership, atlantajewishtimes.timesofisrael.com

[24] Alison Weir, L’ex vice consigliere per la sicurezza nazionale Tony Blinken rivela come Obama e Biden hanno contribuito al massacro israeliano di Gaza nel 2014, bocchescucite.org, 4 luglio 2020.

[25] Ibidem.

[26] Ecco le donne più potenti del mondo secondo Forbes, www.liberoquotidiano.it, 29 maggio 2014.

samedi, 22 mai 2021

Les États-Unis ont abandonné leur projet d'acheter le Groenland au Danemark

groenland-carte-monplanvoyage.jpg

Les États-Unis ont abandonné leur projet d'acheter le Groenland au Danemark

Ex : https://katehon.com/ru/news/

Les États-Unis ne veulent plus acheter le Groenland, a déclaré le secrétaire d'État américain Blinken, écartant tout projet d'achat par Washington de ce vaste territoire autonome danois.

Le secrétaire d'État américain Anthony Blinken a confirmé que l'Amérique ne voulait plus acheter le Groenland, écrit The Guardian.

Le chef du département d'État américain a visité le territoire autonome insulaire danois, concluant un voyage de quatre jours qui comprenait une réunion des ministres des affaires étrangères de la région arctique.

"Je suis au Groenland parce que les États-Unis apprécient profondément notre partenariat et veulent le rendre encore plus fort", a déclaré Anthony Blinken aux journalistes lors de sa dernière étape de la tournée arctique.

Il a souligné qu'il n'était pas venu ici pour acheter la plus grande île du monde, signalant un changement de politique annoncé à l'époque par l'administration Trump. À la question de savoir si les États-Unis ont complètement exclu tout projet d'achat du Groenland, M. Blinken a répondu en souriant: "Je peux confirmer que c'est le cas."

L'ancien président américain Donald Trump avait annoncé en août 2019 qu'il envisageait d'acheter le Groenland, dont la taille équivaut à un quart de celle des États-Unis.

"Il appartient essentiellement au Danemark", avait déclaré Trump à l'époque. - Nous sommes de très bons alliés du Danemark, nous protégeons le Danemark de la même manière que nous protégeons la plupart du monde. C'est comme ça que le concept est né, et j'ai dit: "Bien sûr". Stratégiquement, c'est intéressant, et nous serions intéressés, mais nous leur en parlerons un peu. Je peux vous dire que ce n'est pas le numéro 1 de ce qui est en jeu."

Selon M. Trump, l'achat du Groenland par les États-Unis serait "essentiellement une grande opération immobilière".

La proposition de Trump, que le gouvernement danois a qualifiée d'"absurde", a provoqué un tiraillement diplomatique.

L'année dernière, les États-Unis ont rouvert un consulat dans la capitale du Groenland, Nuuk, et se sont engagés à verser 12 millions de dollars pour des projets civils.

croisiere-incroyable-groenland-sisimiut-2.jpg

En parlant d'un éventuel financement supplémentaire, M. Blinken est resté vague quant aux nouveaux projets américains, le nouveau gouvernement local du Groenland ayant lancé l'idée d'un accord de libre-échange en début de semaine.

"Le nouveau premier ministre du Groenland, Mute Egede, qui a pris ses fonctions en avril, s'est dit "convaincu que cette décennie sera le début d'une nouvelle ère dans les relations entre nos pays’’.

Le gouvernement de gauche, qui a remporté les élections législatives anticipées du Groenland le mois dernier, est allié à un petit parti indépendantiste qui s'est dit favorable à l'établissement de relations avec les États-Unis.

Rappelons que début septembre 2019, le président américain Donald Trump, qui devait se rendre à Copenhague à l'invitation de la reine danoise Margrethe II, a annulé sa visite après que le Premier ministre danois a déclaré que la vente du Groenland ne serait pas discutée dans le cadre de la visite du président américain.

Bien que la première ministre danoise, Mette Frederiksen, ait souligné à plusieurs reprises l'importance particulière de la prochaine visite de M. Trump, qualifiant les États-Unis d'"allié le plus important et le plus fort du Danemark au sein de l'OTAN", elle a jugé absurde l'idée de vendre une partie du territoire danois aux États-Unis: "Le Groenland n'est pas à vendre [...]. Le Groenland appartient aux habitants du Groenland. J'espère vraiment que l'offre n'était pas sérieuse."

Une telle réaction des Danois à la proposition commerciale n'a pas fait plaisir à M. Trump, qui s'est offusqué des propos sur l'idée "absurde" d'acheter et de vendre le Groenland.

"Le Danemark est un pays très spécial avec des gens incroyables, mais sur la base des commentaires du Premier ministre qui a déclaré qu'elle ne serait pas intéressée à discuter de l'achat du Groenland, je vais reporter notre rencontre à une autre fois..." - Trump avait écrit sur Twitter.

Selon la version officielle, Donald Trump a manifesté son intérêt pour l'achat de terres groenlandaises en raison des ressources naturelles de l'île, comme le charbon et l'uranium. En outre, situé entre l'Atlantique et l'océan Arctique, le Groenland revêt une grande importance stratégique pour l'Amérique. En 1951, un traité avait été signé entre le Danemark et les États-Unis, en vertu duquel l'armée américaine utiliserait dorénavant la base aérienne de Thulé dans la partie nord de l'île.

D'ailleurs, Trump n'est pas le premier homme politique américain à vouloir annexer le Groenland aux États-Unis. En 1867, le secrétaire d'État William Seward a tenté sans succès d'acheter l'île aux Danois, et en 1946, Harry Truman a essayé d'acheter le Groenland pour 100 millions de dollars-or, mais également sans succès.

Source : mk.ru

jeudi, 20 mai 2021

Le défi du gaz et de la bande de Gaza

Leviathan-Tamar-to-Egypt.jpg

Le défi du gaz et de la bande de Gaza

Lorenzo Vita

Ex : https://it.insideover.com/politica/sfida-gas-striscia-di-...

Le gaz a changé la géopolitique de la Méditerranée orientale. Et dans la guerre entre Israël et la bande de Gaza, cet élément s'est récemment ajouté, ce qui peut changer, et pas qu'un peu, la perception du conflit à l'échelle régionale. Les attaques que le Hamas menace de mener contre les plates-formes israéliennes du champ de Tamar ont envoyé un message clair: le gaz figure également sur la liste des objectifs stratégiques des miliciens palestiniens. Ce n'est pas un hasard si la marine israélienne équipe depuis quelque temps ses corvettes de Dôme de Fer afin de blinder l'espace aérien à proximité des plateformes offshore, évitant ainsi le risque d'attaques dévastatrices depuis la plage de Gaza. Mais la menace des missiles sur les structures des champs israéliens représente aussi le symptôme d'un problème qui a été très souvent sous-estimé dans la crise entre Israël et Gaza et qui risque au contraire de devenir une clé de plus en plus importante dans la géopolitique de la région.

La confirmation vient de l'invité de marque dans cette escalade militaire: la Turquie. Accusée d'être la véritable main derrière ce nouveau conflit en Terre Sainte, la Turquie, avec Recep Tayyip Erdogan, est devenue le seul défenseur moyen-oriental de la cause palestinienne avec les Iraniens. Un cas curieux également du point de vue ethnique: les deux seuls États qui soutiennent pleinement les actions palestiniennes ne sont pas des Arabes, mais précisément des Turcs et des Iraniens. Quoi qu'il en soit, ce qui est intéressant à ce stade, c'est un article publié par les médias turcs qui insinue l'idée qu'Ankara envisage de proposer à l'Autorité palestinienne un accord sur la division de la ZEE sur le modèle de l'accord Turquie/Libye. Un accord désavoué par tous, notamment la Grèce, mais qui a servi à Erdoğan pour blinder sa position en Méditerranée centrale.

mavi-vatan-neden-onemli.jpeg

Le problème semble maintenant se répéter avec Gaza. Cihat Yaycı, ancien contre-amiral de la marine turque et l'un des initiateurs de la stratégie dite de ‘’Mavi Vatan’’ impulsée par l’amiral-géopolitologue Cem Gurdeniz, soutient cette initiative. L'amiral, qui est désormais professeur et directeur du Centre des stratégies maritimes et mondiales de l'université de Bahçeşehir, a déclaré au Daily Sabah que cet accord serait particulièrement bénéfique pour les deux parties et "qu'en signant un tel accord, le peuple palestinien obtiendrait le contrôle d'une zone maritime de 10.200 kilomètres carrés qui ouvrirait la voie à l'utilisation de toutes les ressources de la mer. Yaycı a ensuite ajouté que la motivation de la Turquie est de "prendre soin des opprimés", donc des Palestiniens. Mais il est clair que cette phrase révèle un sens beaucoup plus pragmatique que l'hypothétique défense des faibles. Le partage des ZEE est un élément essentiel de la doctrine de la ‘’patrie bleue’’ et, surtout en ce qui concerne le Levant, un tel accord serait une épine dans le pied d'Israël et de Chypre dans leur rêve de construire EastMed, le gazoduc qui reliera les gisements de l'État juif à l'Europe via la Grèce.

La vision de Yaycı, confirmée aujourd’hui, vision qui est beaucoup plus pragmatique que la vision "néo-ottomane" si redoutée, se lie avec la Palestine et provient précisément d'un texte du même contre-amiral pour le Centre Moshe Dayan d'études moyen-orientales et africaines dans lequel il parle d'un accord pour la délimitation de la ZEE entre Israël et la Turquie. Dans le document 2020, l'amiral et Zeynep Ceyhan mentionnent précisément la possibilité que les deux pays deviennent voisins en Méditerranée grâce à un accord sur la délimitation des zones économiques exclusives. Un signe, donc, que la Turquie était déjà largement intéressée par un pacte avec Israël, ce qui confirmait la vision laïque de ‘’Mavi Vatan’’ par opposition au soutien aux causes arabes ou islamiques dont Erdogan est plus proche. Les choses ont changé en Turquie: les arrestations d'anciens amiraux laïques, qui avaient critiqué certains choix d'Erdogan, ont marqué un tournant dans de nombreuses lignes stratégiques et il ne faut pas oublier qu'il existe désormais un désir mal dissimulé d'Ankara de revenir à des relations positives avec l'Égypte. Il est clair que pour avoir des relations positives avec les autres forces de la Méditerranée orientale, en plus d'une nouvelle politique moins affirmée, le nœud reste le gaz: ce n'est pas un hasard si la France s'est présentée pour une proposition de paix avec l'Egypte et la Jordanie. Le gaz du Levant est tentant, mais surtout les relations qui s'établissent grâce à ces nouvelles sources d'énergie sont tentantes. L'exclusion de la Turquie de ce "grand jeu" du gaz levantin a été le véritable déclencheur de la tension qui existe depuis longtemps entre Ankara, Athènes et Nicosie. D’où l’actuelle tension avec Israël qui soutient le bloc pro-hellénique avec les Émirats. Tout peut être décidé par le gaz.

L'Asie centrale éteint les conflits grâce au régionalisme

carte-asie-centrale-couleurs_1024x1024.gif

L'Asie centrale éteint les conflits grâce au régionalisme

Par Vincenzo D'Esposito

Ex : http://osservatorioglobalizzazione.it/osservatorio/asia-c...

Le récent conflit entre le Tadjikistan et le Kirghizstan a marqué, malgré sa brièveté, une césure importante dans l'histoire de l'Asie centrale. Depuis 1991, il n'y a jamais eu de véritable conflit armé entre deux États dans la région. Pas même pendant la guerre civile tadjike. La question de la rivière Isfara est donc un signal d'alarme pour les deux États les plus intéressés par le développement du régionalisme en Asie centrale, l'Ouzbékistan et le Kazakhstan. Il y a aussi un grand absent, qui est resté sur la touche alors qu'il dispose de tous les outils pour mettre fin immédiatement au conflit: la Russie.

Une région contestée

Depuis l'indépendance des cinq républiques, le Tadjikistan, le Kazakhstan, le Kirghizstan, l'Ouzbékistan et le Turkménistan, elles ont rencontré de sérieuses difficultés pour développer des relations interétatiques amicales. Les années d'Union soviétique ont laissé derrière elles une multiplicité de situations non résolues qui ont conditionné la géopolitique de l'Asie centrale pendant des décennies. D'une part, il y a eu une propension générale à la fermeture envers d'autres États, comme au Turkménistan et en Ouzbékistan, tandis que d'autre part, il y a eu une tentative de rechercher une plus grande stabilité grâce au soutien d'acteurs extérieurs à la région. Le Kazakhstan, le Tadjikistan et le Kirghizstan ont vu d'un bon œil la volonté de la Russie et de la Chine de se positionner en tant que piliers de la sécurité régionale.

Cela a conduit à la création de nombreuses structures chargées de poursuivre une plus grande intégration en Eurasie, tant sur le plan économique que sur celui de la sécurité. L'Union économique eurasienne, l'Organisation de coopération de Shanghai et l'Organisation du traité de sécurité collective ne sont que quelques-unes des organisations mises en place pour parvenir à une plus grande intégration. Dans ce contexte, la Chine a privilégié une coopération principalement dans les domaines économique et commercial, tandis que la Russie s'est surtout préoccupée de sécurité et de stabilité régionale. Au fil des ans, cependant, certains éléments critiques de ce système sont apparus.

L'ordre régional qui se mettait en place reflétait une approche purement hétéro-dirigée, c'est-à-dire décidée à Moscou et à Pékin sans tenir compte de manière adéquate des particularités et des besoins des États de la région d'Asie centrale. L'intérêt pour l'Asie centrale elle-même était nécessaire afin de contrebalancer les initiatives russes et chinoises en Eurasie. La démonstration pratique vient, par exemple, de l'échec de l'Organisation de coopération de Shanghai à devenir un projet géo-économique à part entière, comme la Chine l'aurait souhaité. Le refus catégorique de la Russie, lié à de simples calculs de puissance et à la perte d'influence sur les économies régionales, a conduit au développement des Routes de la Soie comme une approche alternative et non médiatisée vers une plus grande interconnexion économique entre le Dragon et les ‘’Stans’’.

Fergana_Valley_political_map-de.svg_-1300x973.png

Évolution de la situation en Asie centrale au cours des dernières années

Dans ce modèle de coopération, qui prévalait il y a encore quelques années, il y avait deux acteurs placés en marge de la scène régionale: l'Ouzbékistan d'Islam Karimov et le Turkménistan avec sa politique de neutralité permanente. Confinés à l'intérieur de leurs propres frontières, jaloux de leur indépendance et opposés à toute influence extérieure, il a été difficile pendant des années d'établir un dialogue avec ces deux États.

L'Ouzbékistan de Karimov, en particulier, a fait tout ce qui était en son pouvoir pour être une entité géopolitique autonome. Conscient de l'influence que la géopolitique a conféré à son propre pays, situé au milieu de l'Asie centrale, fertile et peuplé, Karimov a empêché par sa politique l'émergence d'un véritable bloc régional. Ce choix a été fait principalement parce que Tachkent craignait qu'une ouverture vers ses voisins aurait signifié, par réflexe, une ouverture vers Moscou également. Cela aurait signifié pour l'État une perte conséquente d'autonomie de manœuvre.

Avec l'élection de Shavkat Mirziyoyev en 2016 à la tête du pays, une nouvelle saison a toutefois débuté à Tachkent. La transition démocratique menée par le nouveau président a fortement réformé le pays et l'a ouvert au monde extérieur. Elle l'a notamment ouvert aux autres pays d'Asie centrale, avec lesquels elle a entrepris une série de contacts visant à résoudre toutes les questions en suspens de l'ère Karimov. Dans ce climat de détente, bien qu'en partie, le Turkménistan s'est également joint à ce mouvement en avançant timidement vers une plus grande implication dans la dynamique régionale.

L'objectif de l'Ouzbékistan est de créer un bloc régional capable de se présenter sur la scène internationale comme un acteur indépendant, en cohérence interne avec les politiques des différents États d'Asie centrale. En cela, Tachkent a trouvé un soutien dans le Kazakhstan de l'énergique président Nazarbayev, d'abord, et du nouveau président Tokaev, ensuite. La synergie entre le Kazakhstan et l'Ouzbékistan, qui rapproche de plus en plus les deux plus grandes économies régionales et voit s'établir entre elles une relation de complémentarité, oriente l'Asie centrale vers la voie d'une plus grande intégration.

La réduction des effectifs de Moscou

Ce processus présuppose une poussée interne vers le renforcement des États d'Asie centrale et une réduction des influences extérieures. Au niveau de la consolidation interne, à ce jour, seul le Kirghizstan connaît une situation d'instabilité endémique, due avant tout à la corruption de sa classe exécutive. Les quatre autres États, au contraire, vivent dans une situation de stabilité qui leur permet d'attirer des investissements étrangers pour renforcer leurs économies.

b66d7c050d7f4b08b74477d9285038c7.jpg

La Chine, l'Union européenne, la Turquie et les États-Unis sont entrés dans la région pour investir et empêcher la Russie de garder le contrôle des riches gisements de la mer Caspienne. Dans le cas de la Chine et de la Turquie, il y a également un élément supplémentaire, à savoir la tentative d'étendre leurs sphères d'influence respectives sur un territoire qu'elles ont considéré au fil des siècles comme leur propre arrière-cour et qui n'est entré dans l'orbite russe que depuis le XIXe siècle.

A ce jour, la politique multi-vectorielle du Kazakhstan et la politique d'autonomie stratégique de l'Ouzbékistan conduisent ces deux Etats, leaders incontestés de la région, à tenter de dialoguer avec tous les acteurs les plus intéressés par l'Asie centrale sans trop s'exposer à eux. Au sein de la région, cependant, ils s'affirment comme les arbitres des principaux conflits, comme cela s'est produit dans le cas de l'affrontement entre le Tadjikistan et le Kirghizistan le mois dernier. Tachkent a joué un rôle de premier plan dans la médiation entre les parties, bien que des contacts aient également été établis par Nursultan et Asgabat.

La Russie apparaît donc comme un acteur qui doit nécessairement être redimensionné pour ne pas être écrasé. Bien que Moscou dispose de forces importantes en Asie centrale et reste le principal garant de la sécurité de ces États, on observe une tendance à réduire la dépendance à l'égard d'un seul acteur extérieur par des contacts avec d'autres puissances régionales. La passivité relative des Russes lors du récent conflit sur la rivière Isfara en est une autre preuve, même si la 201e division était stationnée au Tadjikistan et que Moscou avait le pouvoir de bloquer le flux des envois de fonds des migrants kirghizes et tadjiks pour faire pression sur les deux gouvernements. Des propositions de médiation sont venues de Moscou, mais le Kremlin a soigneusement évité de s'impliquer activement dans cette affaire.

Les États qui veulent voler de leurs propres ailes

La rapidité avec laquelle des mesures ont été prises pour mettre fin au conflit montre à quel point les cinq pays d'Asie centrale apprécient le climat de détente qui s'est créé entre eux. Cette situation favorise davantage d'investissements et de nouvelles possibilités de relance d'une région qui se veut le lien entre la Chine et l'Europe et qui s'intéresse en même temps à l'océan Indien.

La diversification des relations avec toutes les grandes puissances permet à l'Asie centrale, d'une part, de mener une politique multisectorielle et de dialoguer avec plusieurs parties, et, d'autre part, de préserver, et dans un certain sens de retrouver, son autonomie stratégique. La dépendance excessive à l'égard de la Russie en termes de sécurité et d'énergie se réduit lentement, tandis que la Turquie apporte un soutien qui évite une dérive trop orientaliste et pro-chinoise dans les cinq républiques.

Toutes ces politiques sont fonctionnelles et bénéficient à la réalisation d'un véritable régionalisme, qui ne peut exister que si les États d'Asie centrale décident de leurs objectifs et de leurs lignes programmatiques. Ni Moscou, ni Pékin, ni personne d'autre.

A propos de Vincenzo D'Esposito

Diplômé en études internationales à l'université "L'Orientale" de Naples avec une thèse sur l'‘’hydrogémonie’’ dans le bassin du Syr Darya. Actuellement inscrit au Master de premier niveau en développement durable, en géopolitique des ressources et en études arctiques au SIOI. Il a étudié et travaillé en Allemagne après avoir obtenu deux bourses Erasmus, qui l'ont conduit d'abord à étudier à Fribourg-en-Brisgau, puis à effectuer un stage à la Chambre de commerce italienne pour l'Allemagne. Passionné par l'Asie centrale et l'énergie, il collabore avec certains think tanks en tant qu'analyste géopolitique.

mercredi, 19 mai 2021

Le conflit en Ukraine se calme-t-il à nouveau?

529c5cdfc55f156cfa7d13c58d0d4978-1595262359.jpg

Le conflit en Ukraine se calme-t-il à nouveau?

Petru Romosan

Ex : https://flux.md/

Alors qu'aux États-Unis, le policier Derek Chauvin a été condamné pour la mort accidentelle de George Floyd (c'est ainsi que les violentes manifestations de BLM et d'Antifa ont débuté), en Russie, Vladimir Poutine a prononcé un long discours (une heure et demie) sur l'état de la nation lors de sa première apparition publique après le déclenchement de la pandémie. Poutine s'est montré longuement préoccupé, avec des chiffres et des plans, par le sort des familles, des enfants, des élèves et des étudiants (ce que Klaus Iohannis et Florin Câțu ne font pas), par la promotion de l'enseignement scientifique et technique, et a attiré l'attention sur les lignes rouges que la Russie n'acceptera pas de voir franchies. Les lignes rouges sont fixées par la Russie elle-même et elle ne se sent pas obligée de les annoncer à l'avance. Le président russe a menacé de riposter plus durement que jamais et s'est plaint que les attaques et les sanctions contre la Russie soient devenues un sport pour l'Occident, une banale habitude. Un commentateur de Moscou a souligné que les citoyens russes sont fatigués de la géopolitique et veulent avant tout augmenter leurs revenus.

Mais le conflit toujours gelé dans le Donbas (le bassin de Donetsk), dans l'est de l'Ukraine, prend de l'ampleur chaque jour. Joe Biden a proposé au président russe une rencontre dans un pays tiers, ce que Vladimir Poutine semble avoir accepté. Par ailleurs, une conférence sur le climat et l'écologie aura lieu à l'initiative des États-Unis, où le président américain veut faire oublier l'initiative de son prédécesseur Donald Trump de dénoncer le traité de Paris. Le président chinois Xi Jinping et, apparemment, le président russe Vladimir Poutine seront également présents (virtuellement, via Internet). Le président Joe Biden pourrait annoncer dans les prochains jours la reconnaissance du massacre des Arméniens en 1915-1916 en Turquie, un geste qui risque de faire exploser les relations des Etats-Unis avec son principal partenaire de l'OTAN, la Turquie.

imagManMN.jpg

Bien que le président ukrainien Volodimir Zelenski, son premier ministre Denis Shmihal et les groupes néonazis ukrainiens fassent tout leur possible pour déclencher un conflit ouvert avec la Russie, les Russes ne semblent pas vouloir se laisser entraîner aussi facilement dans une guerre avec l'Ukraine (soutenue par les États-Unis, le Royaume-Uni et l'OTAN). Pour les Russes, il y a d'autres solutions que la guerre. Par exemple, la Russie, en plus d'accorder des passeports russes aux russophones orthodoxes de l'est de l'Ukraine (plus de 600.000 passeports pour une population de 4,6 millions d'habitants), peut organiser un important transfert de population à l'intérieur de ses frontières actuelles. Bien que la Russie ait signalé à plusieurs reprises qu'elle ne considérait pas l'Ukraine comme viable entre les frontières tracées par Lénine, Staline et Khrouchtchev (notamment à Bucarest lors du sommet de l'OTAN de 2008), elle peut attendre pour ajouter l'est de l'Ukraine (Donbass) et la côte de la mer Noire au sud de l'Ukraine, comme elle l'a fait avec la Crimée en 2014.

En tout cas, si l'Ukraine et son président "militariste" parviennent finalement à déclencher la guerre, il est certain que l'Ukraine actuelle ne restera pas entière. La Roumanie n'a aucune raison de signer de nouveaux traités avec l'Ukraine ou d'expulser (à une éventuelle demande britannique, américaine ou de l'OTAN) des diplomates russes, comme l'ont déjà fait les Polonais, les Tchèques et les Bulgares. Tant que les territoires roumains (Transcarpathie, Bucovine du Nord, région de Tchernivtsi, Bugev, région d'Odessa) seront habités par quelque 600.000 Roumains, dont l'identité et la langue ne sont plus respectées, la Roumanie ne devrait rien avoir à négocier avec l'Ukraine. Les politiciens qui signent de tels actes signent également leur propension à des compromis éternels, qui peuvent également être associés à des sanctions politiques assez concrètes dans un avenir pas trop lointain. Nous verrons à cette occasion si nos représentants servent les intérêts roumains ou appartiennent à des puissances étrangères, bien qu'elles soient "partenaires". Nous verrons si le "facteur interne" est submergé par le "facteur externe" ou, pire encore, si le "facteur interne" ne s'est pas entièrement métamorphosé en "facteur externe", comme il l'a fait dans les années 50, du côté des Soviétiques et des Russes. En tout état de cause, en tant que voisin direct, la Roumanie ne peut s'impliquer dans une guerre entre l'Ukraine et la Russie. Et n'oublions pas que l'Ukraine n'est pas membre de l'OTAN et, comme les Russes l'ont clairement indiqué, ne le sera jamais.

photo-1543357665.jpg

Des commentateurs avertis, comme l'analyste militaire italien Manlio Dinucci (directeur exécutif pour l'Italie de l'Organisation pour la prévention de la guerre nucléaire - prix Nobel de la paix en 1985 - et auteur de premier plan en matière de géopolitique), suivent également de près les mouvements militaires des États-Unis et de l'OTAN, et pas seulement ceux de la Russie, comme le fait la presse roumaine: "Ces manœuvres militaires et d'autres qui transforment l'Europe en une grande garnison provoquent une tension croissante avec la Russie, centrée sur l'Ukraine. L'OTAN, après avoir désintégré la Fédération yougoslave en enfonçant le couteau de la guerre dans ses fractures internes, se pose maintenant en chevalier de l'intégrité territoriale de l'Ukraine. Le président du Comité militaire de l'OTAN, le Britannique Stuart Perch, chef de la Royal Air Force, a déclaré, lors de sa rencontre à Kiev avec le président Zelenski et le chef d'état-major Homciak, que "les alliés de l'OTAN sont unis pour condamner l'annexion illégale de la Crimée par la Russie et ses actions agressives dans l'est de l'Ukraine". Il a ainsi répété la version selon laquelle la Russie avait annexé la Crimée par la force, ignorant le fait que les Russes de Crimée avaient décidé par référendum de se séparer de l'Ukraine et d'appartenir à la Russie afin d'éviter d'être attaqués, comme les Russes du Donbass, par les bataillons néonazis de Kiev. Les mêmes bataillons utilisés en 2014 comme troupes d'assaut lors de l'émeute de la place Maidan, amorcée par des snipers géorgiens tirant sur les manifestants et les policiers, puis dans les actions qui ont suivi : villages brûlés et ensanglantés, militants brûlés vifs dans la Maison des syndicats à Odessa, civils désarmés massacrés à Marioupol ou bombardés au phosphore blanc à Donetsk et Lougansk. Un coup d'État sanglant géré par les États-Unis et l'OTAN dans le but stratégique de provoquer une nouvelle guerre froide en Europe afin d'isoler la Russie et de renforcer en même temps l’influence et la présence militaire des États-Unis en Europe [...].

Ce n'est pas une coïncidence si le conflit au Donbass a été ravivé lorsque Antony Blinken est devenu secrétaire d'État au sein de l'administration Biden. D'origine ukrainienne, M. Blinken a été le principal organisateur de l'émeute de la place Maidan en vertu de son rôle de conseiller adjoint à la sécurité nationale dans l'administration Obama-Biden. Biden a nommé Victoria Nuland, coorganisatrice de l'opération américaine de 2014 qui a coûté plus de 5 milliards de dollars pour installer le "bon gouvernement" (de son propre aveu) en Ukraine, au poste de secrétaire d'État adjointe. Il n'est pas exclu qu'il y ait maintenant un plan: promouvoir une offensive des forces de Kiev dans le Donbass, soutenue de facto par l'OTAN. Cela placerait Moscou dans un choix qui donnerait de toute façon un avantage à Washington: laisser les populations russes du Donbas se faire massacrer ou intervenir militairement pour les soutenir. Quelqu'un joue avec le feu, et pas au sens figuré, en allumant la mèche d'une bombe au cœur même de l'Europe [...]" (cf. "Ukraine, bombe USA en Europe", mondialisation.ca, 13.04.2021).

armee_russe_pays_reuters.jpg

"L'escalade n'est pas seulement verbale. La veille du Conseil de l'Atlantique Nord, l'armée américaine en Europe a déclaré que, étant donné qu'elle devait recevoir deux nouvelles unités opérationnelles dans les mois à venir, elle conserverait trois bases en Allemagne qu'elle était censée rendre au gouvernement allemand. Le lendemain, au Conseil de l'Atlantique Nord, les États-Unis ont annoncé un accord avec la Norvège lui permettant de disposer de quatre bases aériennes et navales à sa frontière avec la Russie. Entre-temps, le destroyer américain Arleigh Burke est arrivé en Europe, après avoir été modernisé pour "augmenter sa portée et sa capacité d'armement". "L'Arleigh Burke est l'un des quatre lanceurs de missiles déployés à l'avant et appartenant à la 6e flotte, qui opère principalement en mer Baltique et en mer Noire sous le commandement des forces navales américaines en Europe (dont le quartier général se trouve à Naples-Capodichino). Ces navires sont équipés de lanceurs verticaux Mk 41 produits par Lockheed Martin. Ils peuvent envoyer (selon les spécifications techniques officielles) "des missiles avec toutes les missions possibles: anti-aériennes, anti-navires ou attaques sur des cibles terrestres". Ces derniers, qui comprennent les missiles Tomahawk, peuvent transporter des ogives conventionnelles ou nucléaires. Incapable de savoir lesquels, la Russie estime que des missiles d'attaque nucléaire se trouvent à bord de ces navires à proximité de son territoire. Alors que Londres indique également qu'elle enverra une unité de lancement de missiles en mer Noire, Moscou annonce qu'aucun navire de guerre étranger ne sera autorisé à traverser les eaux territoriales russes dans trois zones de la mer Noire entre le 24 avril et le 31 octobre. La situation sera encore plus tendue lorsque les manœuvres américano-ukrainiennes Sea Breeze auront lieu dans la mer Noire en été, avec la participation d'autres pays membres de l'OTAN avec plus de 30 navires et un soutien aérien (avions, hélicoptères et drones)" ("Les ordres des États-Unis contre la Russie: L'Italie au garde à vous", mondialisation.ca, 20.04 2021).

La guerre en Ukraine, bien que les Ukrainiens aient abandonné les accords de Minsk et attaquent par intermittence les régions séparatistes de Donetsk et de Lugansk, n'a pas encore commencé. L'Allemagne, par la voix d'Angela Merkel, a fermement annoncé qu'elle n'avait pas l'intention d'arrêter le projet Nord Stream 2 (l'une des principales raisons de la discorde). Et malgré tous les grands mouvements de troupes et d'armes, malgré les innombrables déclarations belliqueuses, la paix peut encore être sauvée. La diplomatie (ouverte ou secrète) n'a pas encore été totalement abandonnée. Vladimir Poutine et la Russie ont montré leur volonté de parler à tout le monde, en particulier à leurs adversaires. Mais peut-être moins avec le pouvoir de Kiev, qui est considéré comme manquant d'autonomie. Le ministre russe de la défense, le général Sergei Shigu, a révélé le 22 avril 2021 que la Russie avait ordonné au commandement de ses forces armées de ramener les troupes dans leurs bases permanentes à partir du vendredi 23 avril 2021, après des exercices militaires en Crimée et en mer Noire.

Petru Romosan.

lundi, 17 mai 2021

Les activités de Soros au Myanmar

202103170825-main.cropped_1615944346.jpg

Les activités de Soros au Myanmar

Alexander Markovics

Alors qu'un professeur de sport montre des exercices de gymnastique à la télévision d'État, des véhicules militaires circulent en arrière-plan. Ce qui est considéré comme une exception et un scandale en Occident n'est rien d'autre qu'un retour à la normale au Myanmar, où ces scènes se sont déroulées le 1 février 2021. Dans cet État multiethnique de plus de 54 millions d'habitants, en proie à des émeutes ethniques répétées de la part des Karen chrétiens et des Rohingya musulmans, la milice règne depuis 1962 ; entre 2011 et 2021, des éléments libéraux-démocratiques ont été introduits dans le pays. Ce jour-là, l'armée a déclaré l'état d'urgence et déposé la conseillère d'État Aung San Suu Kyi pour fraude électorale. S'ensuivent des manifestations de masse, soutenues par l'Occident, dont la répression fait des centaines de morts. Il s'en est suivi des protestations massives de l'Occident, de l'Amérique à l'Europe en passant par le Japon, qui avait commencé à développer un satellite pour et avec le Myanmar et qui suspend maintenant toute coopération en ce domaine.

Peu après, le 12 mars, le gouvernement militaire a informé toutes les organisations non gouvernementales du pays qu'elles devaient dorénavant signaler toutes les transactions financières impliquant des étrangers. Cependant, l'Open Society Foundation, l'organisation mondiale de George Soros qui se consacre à perturber les sociétés hostiles au libéralisme, n'a pas obtempéré et a retiré d'importantes sommes d'argent de ses comptes, ce qui a entraîné la confiscation de ceux-ci par l'État et l'arrestation de ses dirigeants. Alors que les partisans de Soros parlent d'une suppression non provoquée de leur organisation, un regard sur l'évolution politique du Myanmar brosse un tableau très différent. À l'instar de ce qui s'est passé en Europe de l'Est dans les années 1980, le "porte-drapeau de la démocratie libérale" (Financial Times) tente de diffuser la démocratie occidentale, l'"économie de marché" et le libéralisme au Myanmar depuis 1994.

540642b35fd7cf04cf852bfd8f5d7e46.jpg

Cela signifie invariablement s'attaquer aux valeurs traditionnelles et, bien sûr, saper l'unité nationale - tout cela au nom de la "société ouverte". Dans ce cas, Soros avait l'intention de renforcer les "droits des minorités" au Myanmar - une approche populaire pour balkaniser un État. Mais, comme nous l'avons vu à partir de l'exemple de l'Europe de l'Est, la fondation de Soros rend principalement les autres États "ouverts" à leur pillage par les capitalistes occidentaux, à la destruction de leur ordre moral et religieux, et même à leur division territoriale. L'ancienne conseillère d'État Aung San Suu Kyi était considérée comme une proche alliée de Soros et allait même jusqu'à nommer des ministres à la demande de l'éminence grise du mondialisme. Mais l'armée a réussi à empêcher cela - notamment parce qu'elle craignait une détérioration des relations avec la Chine voisine, qui est en guerre contre Soros, surtout après le saccage qu"il a provoqué à Hong Kong.

La position géostratégique importante de l'État sur la route maritime de la Nouvelle route de la soie en a fait une cible de l'impérialisme occidental. Mais l'intervention de l'armée a sauvé le pays de ce destin pour le moment. Pour les mondialistes, cela représente une défaite dans le cadre du "Great Reset" souhaité.

dimanche, 16 mai 2021

Alternative iranienne au canal de Suez

650px-Iranrood.png

Alternative iranienne au canal de Suez

Par Valery Kulikov

Source: New Eastern Outlook

Avec le récent blocage du canal de Suez par le porte-conteneurs Ever Given, de nombreux pays sont déjà activement impliqués dans la recherche et la discussion d’une éventuelle alternative future à cette voie de transport maritime reliant l’Europe et l’Asie. Ainsi, la Russie a proposé la route maritime du Nord, et Israël a rappelé l’idée du canal Ben-Gourion, qui pourrait relier la Méditerranée à la mer Rouge en contournant le canal de Suez. 

L’Iran n’est pas en reste, proposant comme l’une des « routes de contournement » le couloir de transport nord-sud du golfe Persique à la mer Noire, dont il a suggéré l’idée en 2016. Selon Amin Tarafo, du ministère des Routes et du Développement urbain de la République islamique, cette route sera lancée dans un avenir proche et permettra non seulement d’activer les connexions des pays de la région avec l’Europe, mais aussi d’accroître le rôle de la mer Noire, de l’Iran et du Caucase dans le transport mondial. Le 19 avril, un autre cycle de négociations sur le fonctionnement de cette voie de transport a eu lieu entre les représentants de la Grèce, de l’Iran, de l’Arménie, de la Géorgie et de la Bulgarie. Dans le même temps, la possibilité pour d’autres pays intéressés par la coopération de se joindre au projet a été soulignée.

Mahmoud Ommati, vice-président du conseil d’administration de l’Association iranienne des sociétés de transport international, a déclaré que l’Iran peut jouer le rôle d’un corridor entre le Nord et le Sud dans le commerce international. Dans le même temps, il a rappelé que le pays est sur le point de rejoindre l’Union économique eurasienne (UEEA), qui comprend l’Arménie, la Russie, le Kazakhstan, la Biélorussie et le Kirghizistan, ce qui, il en est convaincu, entraînera une prospérité supplémentaire du corridor Nord-Sud. Selon M. Ommati, la création de ce corridor de transport a été décidée par la Russie, l’Inde et l’Iran en 2000, et la République islamique pourrait jouer un rôle clé en tant qu’alternative appropriée au canal de Suez.

180329_irans_vision.jpg

Un autre projet très prometteur comme alternative au canal de Suez est, bien sûr, l’idée de construire une route maritime russo-iranienne de 750 km de long entre la Caspienne et le golfe Persique à travers le territoire de l’Iran. L’idée de ce projet est née après la guerre russo-turque de 1877-78, comme une opportunité de relier l’océan Indien à la mer Caspienne par cette voie maritime, puis de traverser la Caspienne vers l’Europe du Nord via la Volga. Sous le règne de Nicolas II de Russie, une commission russo-iranienne a même été créée, en 1904, et a commencé à concevoir ce canal. Deux options étaient alors envisagées : l’occidentale (vers la côte du golfe Persique) et l’orientale (directement vers l’océan Indien). Cependant, une série de guerres et d’autres événements ont empêché la réalisation concrète de ce projet : guerre avec le Japon, première guerre mondiale, révolution d’octobre en Russie, puis deuxième guerre mondiale. Cependant, il existe des informations selon lesquelles, lors de la conférence de Téhéran en 1943, Joseph Staline a rencontré le Shah d’Iran et lui a parlé de cette route. Le projet avait une importance non seulement commerciale et économique, mais aussi militaro-stratégique.

Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis se sont fortement opposés à la construction du canal, car ce projet, outre son objectif de transport, revêtait une importance militaro-stratégique considérable pour la Russie. Washington et ses alliés occidentaux s’y sont activement opposés, alors même que l’Iran était sous forte influence américaine pendant la guerre froide. Comme l’ont noté à l’époque certains médias américains et du Moyen-Orient, Washington, afin d’empêcher la création d’une alliance militaro-politique entre l’Iran et l’Irak, ainsi que la construction du canal Caspienne-Golfe Persique, est même allé jusqu’à déclencher une guerre entre ces deux pays du Moyen-Orient en 1980 et à entretenir une crise armée dans la région. Et en 1997, Washington a même lancé une sérieuse mise en garde à Téhéran contre toute tentative de commencer la construction d’un tel canal, promettant des « sanctions sévères », car ce projet pourrait objectivement affaiblir l’influence géopolitique des États-Unis et leur contrôle sur les voies de transport mondiales.

1395012512.jpg

unnDonVolga.jpg

Ces dernières années, cependant, ce projet, appelé en Iran le « fleuve iranien », a fait son retour. Le Kazakhstan, le Turkménistan, un certain nombre de pays de l’océan Indien et la Chine ont déjà manifesté leur intérêt pour ce projet. La délégation iranienne a même visité le canal Don-Volga, la voie navigable Volga-Baltique, établi des contacts de travail avec la société russe Rosmorrechflot au sujet de l’éventuelle mise en œuvre conjointe de ce projet, dont le coût est estimé à environ 10 milliards de dollars et, selon les estimations des experts iraniens et russes, ces investissements seront rentabilisés dans les cinq ans suivant le début de la construction du canal. La partie iranienne de l’itinéraire du projet s’étend dans l’ouest et le sud-ouest de l’Iran – du port iranien d’Anzali (sud de la Caspienne), puis le long des rivières Sefīd Roud – Karkheh – Nahr el-Kahla, cette dernière se jetant dans le Shatt el-Arab. Il est à noter qu’il s’agit d’un large chenal fluvial pour les navires de navigation mixte fluvio-maritime, se jetant dans le golfe Persique. En 2018, le nouveau statut du bassin de la Caspienne par les pays riverains a levé les obstacles juridiques à la construction du canal, de sorte que la route Caspienne d’une telle voie navigable passera par les eaux interieures, où il n’y a pas de zones maritimes nationales.

Par conséquent, cette voie navigable constituera la route de transit maritime eurasiatique la plus courte depuis la région de la Baltique, en passant par le canal Volga-Baltique et le long de la Volga jusqu’à la mer Caspienne, puis à travers l’Iran jusqu’au golfe Persique/l’océan Indien. Il sera possible d’atteindre l’océan Indien deux fois plus rapidement par cette voie navigable que par le Bosphore – les Dardanelles – Suez – la mer Rouge, ce qui explique pourquoi de nombreux pays ont commencé à manifester un intérêt croissant pour ce projet. Et le développement favorable des relations entre l’Iran et la Russie aujourd’hui, ainsi que l’intérêt de la Chine et d’un certain nombre d’autres grands États asiatiques pour ce projet, permettent d’espérer une évolution assez rapide de l’alternative russo-iranienne au canal de Suez, du stade de projet à celui de construction réelle.

Valery Kulikov, expert politique, en exclusivité pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook ».

Traduit par Zineb, relu par Wayan pour le Saker Francophone

samedi, 15 mai 2021

La paix improbable, la guerre impossible

LzJm2.png

La paix improbable, la guerre impossible

Par Gaston Pardo

Les centres de renseignement occidentaux et eurasiens sont à la fois le bras armé et le bras discret de l'État. Instruments d'analyse de situations simples et complexes qui, si elles n'étaient pas menées à bien, conduiraient à une issue catastrophique, ils sont le symbole de la toute-puissance de l'empire conçu par le brillant géostratège Zbigniew Brzezinski dans ses livres et dans sa prestation aux côtés du président James Carter en tant que conseiller à la sécurité nationale (1977-1981).

41XVGc65yoL._SX338_BO1,204,203,200_.jpgD'autre part, mais en lien conjoncturel avec le stratège Brzezinski, le Canadien Thomas Gifford, dans son volumineux thriller Assassini, illustre de manière inédite l'activité, pendant la Seconde Guerre mondiale, d'un appareil de renseignement dirigé par l'avocat et espion catholique d'origine irlandaise William Donovan. Ce service de renseignement, particulièrement efficace dans le scénario de la Seconde Guerre mondiale en Europe, proposait déjà la Russie comme l'adversaire représentatif du Mal dans le monde.

C'est ainsi qu'a été tracé une fois pour toutes le désir ardent de la puissance unipolaire qui tient aujourd'hui à le rester, de mener, à son profit, toutes les avancées de la guerre psychologique pour combler, dans sa confrontation politique interne avec les successeurs des puritains associés au Parti républicain, tous les trous noirs dans son contrôle des minorités nationales immigrées aux États-Unis, parmi lesquelles se distinguent les Irlandais, les Italiens, les Juifs, les Polonais, les Latinos avec leurs leaders respectifs et leurs machineries de gangsters. 

La force d'Hillary Clinton

Huma Abedin est américaine et a fait ses études en Arabie saoudite. Son père dirige une revue universitaire - dont Huma elle-même a été le rédacteur en chef pendant des années - une publication qui publie régulièrement les opinions des Frères musulmans. Sa mère préside l'association saoudienne des femmes membres des Frères musulmans et a travaillé avec l'épouse du président égyptien Mohamed Morsi, un autre représentant des Frères musulmans.

Son frère Hassan travaille pour le cheikh Yusuf al-Qaradawi, le prédicateur et conseiller spirituel d'Al-Jazeera. Lors d'un voyage officiel en Arabie saoudite, l'ancienne secrétaire d'État a visité l'école Dar al-Hekma avec Saleha Abedin - la mère de Huma - qui préside l'association des sœurs membres des Frères musulmans.

Huma Abedin était une figure centrale de la campagne électorale d'Hillary Clinton, avec son directeur de campagne, John Podesta, qui était chef de cabinet de la Maison Blanche sous le président Bill Clinton. Podesta est également l'agent d'influence chargé de promouvoir les intérêts de l'Arabie saoudite au Congrès américain, une tâche pour laquelle il a reçu la modique somme de 200.000 dollars par mois. C'est ce qu'affirme le Réseau Voltaire.

Le 12 juin 2016, l'agence de presse officielle jordanienne a publié une interview du prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed Ben Salman, qui a défendu la modernité de sa famille en faisant valoir que la famille royale saoudienne a financé - illégalement - 20 % de la dernière campagne électorale d'Hillary Clinton. Le lendemain, l'agence a annulé la dépêche contenant ces informations et a affirmé que son site web avait été piraté.

HUMA-A~1.JPG

Huma Abedin (photo avec Hillary Clinton) n'est pas la seule personne de l'administration de Barack Obama à avoir des liens avec les Frères musulmans:

- Le demi-frère du président actuel, Abon'go Malik Obama, qui préside la Fondation Barack H. Obama, est également trésorier de l'Œuvre missionnaire des Frères musulmans au Soudan. Abon'go Malik Obama rend compte au président soudanais Omar el-Bechir.

- Membre des Frères musulmans, il est membre du Conseil national de sécurité des États-Unis. De 2009 à 2012, il était Mehdi K Alhassani. On ne sait pas qui l'a remplacé, mais la Maison Blanche a nié qu'il y ait un membre des Frères musulmans au Conseil national de sécurité, jusqu'à ce qu'on apprenne qu'Alhassani était membre de la confrérie.

- Rashad Hussain, l'ambassadeur américain auprès de la Conférence islamique, est également membre des Frères musulmans.

- D'autres membres dûment identifiés de la Confrérie occupaient des postes moins importants dans l'administration Obama. Mais il convient de mentionner en particulier Louay M. Safi, actuellement membre de la Coalition nationale syrienne et ancien conseiller du Pentagone.

En avril 2009, deux mois avant son célèbre discours du Caire, le président Obama a reçu secrètement une délégation des Frères musulmans dans le bureau ovale. Il avait déjà invité Ingrid Mattson, la présidente de l'Association des frères et sœurs musulmans aux États-Unis, à son inauguration.

000_nic6248241.jpg

De son côté, la Fondation Clinton a employé Gehad el-Haddad (photo), l'un des dirigeants mondiaux des Frères musulmans, qui avait auparavant été responsable d'un programme de télévision coranique, comme chef de son projet Climat. Son père était l'un des cofondateurs des Frères musulmans en 1951, lorsque la Central Intelligence Agency (CIA) et le MI6 ont décidé de les faire revivre. Gehad a quitté la Fondation Clinton en 2012 pour devenir, au Caire, porte-parole de Mohamed Morsi, alors candidat à la présidence égyptienne, puis porte-parole des Frères musulmans à l'échelle mondiale.

Il s'avère par ailleurs que dans l'équipe de l'ancien adversaire d'Hillary Clinton, Donald Trump, se trouvait le général Michael T. Flynn, qui a tenté de s'opposer à la création de Daesh par la Maison Blanche et a démissionné de son poste de directeur de la Defense Intelligence Agency en signe de protestation. Et à côté de lui, également membre de l'équipe Trump, se trouvait Frank Gaffney, un guerrier froid historique, aujourd'hui qualifié de "complotiste" pour avoir dénoncé la présence de membres des Frères musulmans dans le gouvernement fédéral.

Bien entendu, du point de vue du FBI, tout soutien aux organisations djihadistes constitue un crime, quelle que soit la ligne politique de la CIA. En 1991, le FBI - et le sénateur John Kerry - ont provoqué l'effondrement de la BCCI, la banque pakistanaise enregistrée aux îles Caïmans et largement utilisée par la CIA dans toutes sortes d'opérations secrètes avec les Frères musulmans, le même stratagème que l'agence de renseignement américaine emploie souvent avec les cartels de la drogue d'Amérique latine.

Zbigniev Brzezinski

Comme l'a écrit Neil Clark le 29 mai 2017, on peut dire que l’héritage de Zbigniew Brzezinski, décédé à 89 ans, est concentré dans le texte intitulé "Notre monde en flammes" (World in flames - the legacy of Cold War warrior Brzezinski). Ce géo-stratège a recommandé et orchestré l'opération qui allait conduire à l'intervention russe en Afghanistan, au déploiement de la résistance afghane, d'où sont parties les ramifications de la résistance guerrière islamiste, à commencer par Ben Laden. Dès son origine, la CIA a été l'instrument opérationnel de cette énorme entreprise, à laquelle l'Arabie saoudite a contribué financièrement dès le début.

La version officielle a longtemps soutenu que les États-Unis avaient répondu en entraînant les moudjahidines ("combattants de la liberté"), comme on les appelait alors, pour réagir à l'intervention soviétique de décembre 1979.

afghanistan playground.jpg

En 1998, Brzezinski a admis avoir donné au président Carter le premier ordre exécutif d'aider les "rebelles afghans" en juillet 1979, cinq mois avant l'entrée des forces russes en Afghanistan. "J'ai écrit une note au président dans laquelle j'expliquais qu'à mon avis, une telle aide induirait une intervention militaire soviétique" avait déclaré Brzezinski. Peu de temps avant, plusieurs responsables américains avaient rencontré des chefs "rebelles". Dès 1977, ‘’Zbig’’ avait créé le groupe de travail sur les nationalités, dont l'objectif était d'affaiblir l'Union soviétique en stimulant les tensions raciales et religieuses.

L'équipement militaire initial de la nébuleuse des minorités remonte à cette époque et il est opportun d'y réfléchir aujourd'hui, non pas avec les ressources de la pensée conformiste mondialisée, et d’y percevoir une menace superlative contre la civilisation. La guerre raciale, successeur de la guerre ethnique. Guerre des religions, guerre linguistique, comme en Afrique. Les tendances rebelles à la pensée unique sont écrasées par l'imposition de chiffres et d'opérations psychologiques telles que celles qui incitent les gens à voter en faveur de certaines candidatures.

La véritable responsabilité est celle du Système, avec l'organisation colossale de divers services d'agitation et de subversion des moyens opérationnels du Système, et sans doute la plus ambitieuse opération globale de déstabilisation jamais lancée par les USA (En 1980, Brzezinski évoquait "l'arc de crise" du monde qui va de l'Inde à la Somalie et dont la ligne de démarcation s'étendait sur les pays du Caucase. Le président Carter a créé le Central Command qui est aujourd'hui le plus puissant commandement politique et militaire des forces expansionnistes américaines. C'est ainsi qu'a été créée la structure du pouvoir réel qui oriente aujourd'hui les ambitions et les préférences psychologiques d'un public toujours plus consommateur.

Il est bon de rappeler à quel point, et à quelle profondeur, quelle absence de scrupules, quelle myopie et quel cynisme, quel idéalisme si fortement lié au destin du capitalisme, les États-Unis ont semé les graines dont on récolte aujourd'hui les fruits amers. Aux USA, à Washington D.C., se développe une corruption effrénée, en installant une communication générant des événements dérivés de simulacres purs et simples, transformant diverses organisations, parmi lesquelles la CIA depuis 1947, en archétypes de pouvoirs énormes et incontrôlables.

Pour un Islam libre et indépendant

Dans un point précédent, nous avons prononcé nos vœux pour que la présence dans un futur proche de migrants musulmans venant des zones turcophones et d'Afrique du Nord soit un moyen de renouvellement spirituel en Amérique et un renforcement de la transcendance de l'État.  L'Islam ne doit pas se limiter à être une force auxiliaire dans les manœuvres des puissances occidentales.

Les Frères musulmans ne justifient leur rôle d'organisation que par le fait que leur action répond à un centre de décision unique. Mais la boussole ottomane ne doit pas manquer pour éclairer le chemin de l'islam américain.

Nous avons dit qu'aujourd'hui encore, dans l’aire turcophone, il y a une convergence de deux projets géopolitiques en cours: celui de Biden qui consiste à retirer ses forces militaires d'Afghanistan et le projet de l’aire turcophone d'être unie sans limites d'aucune nature du nord de l'Iran à la zone ouïghoure de la Chine. L'activité de l'Islam ottoman manque déjà pour empêcher les deux algorithmes de se heurter.

vendredi, 14 mai 2021

L'Inde sera en première ligne dans la guerre civile au Myanmar

Myanmar-protests.jpg

L'Inde sera en première ligne dans la guerre civile au Myanmar

M.K. Bhadrakumar

Ex : https://katehon.com/en/article/india-will-be-front-line-s...

La façon dont certains animaux parviennent à sentir l'imminence d'un tremblement de terre reste un mystère. Juste avant le grand tsunami asiatique du 26 décembre 2004, les éléphants du Sri Lanka se sont déplacés en hauteur avant que les vagues géantes ne frappent; à Galle, les chiens ont refusé de se promener le matin avec leurs maîtres sur la plage.

Il est donc concevable que la décision des firmes Adani Ports and Special Economic Zone Ltd d'abandonner son projet très lucratif de terminal à conteneurs au Myanmar et de déprécier son investissement soit du même ordre. En effet, les entreprises sont également connues pour posséder un instinct animal - elles perçoivent des sons ou des vibrations subtiles dans la terre et anticipent les catastrophes imminentes.

Leur comportement animal inhabituel permet d'anticiper toute poussée soudaine du temps et de la causalité en politique. Le "comportement animal" du groupe Adani intervient dans le contexte d'un changement progressif de l'attitude du gouvernement indien à l'égard du Myanmar - une gravitation vers le camp occidental dans son projet quintessentiellement antichinois ("Quad").

Les néoconservateurs purs et durs et les gauchistes délirants mis à part, il était évident pour les étrangers, dès le début, que les troubles au Myanmar avaient toutes les caractéristiques d'une "révolution de couleur". La cacophonie a atteint son paroxysme à la fin du mois de mars, culminant avec le massacre de centaines de manifestants lors d'une répression militaire.

Ce fut un tournant. Le chœur - BBC, Radio Free Asia, ONG occidentales promouvant la démocratie et les droits de l'homme - a rapidement commencé à s'affaiblir et le centre d'intérêt s'est déplacé de la rue vers les capitales mondiales avec une campagne diplomatique massive pour une intervention internationale. L'idéal aurait été que le Conseil de sécurité des Nations unies approuve l'intervention.

L'Inde a essayé d'obtenir l'accord de la Russie et de la Chine pour une approche intrusive, mais le consensus a été difficile à trouver. Les souvenirs de l'intervention occidentale en Afghanistan, en Irak et en Libye hantent Moscou et Pékin. En outre, cela constitue un précédent pour le Belarus ou Hong Kong, par exemple. La dimension géopolitique a commencé à prendre de l'ampleur.

Mais le volet opérationnel caché se concentre sur la création d'un "gouvernement en exil" (un gouvernement d'unité nationale). Parallèlement, le MI6 britannique cherche à réunir les principaux groupes de guérilla ethnique séparatiste du Myanmar, les encourageant à profiter du chaos pour ouvrir un second front.

En effet, une certaine proximité s'est développée depuis lors entre les manifestants birmans de Yangon et de Mandalay d'une part et les groupes ethniques minoritaires non birmans d'autre part. Malgré un passé d'antipathie mutuelle, ils convergent aujourd'hui pour saigner les militaires. C'est une coalition improbable de bouddhistes et de chrétiens, mais comme l'évalue prudemment un analyste américain, c'est faisable: "Aujourd'hui, la célébration collective de l'expression religieuse chrétienne, musulmane et d'autres religions non bouddhistes et la participation au mouvement lui-même préfigurent, espérons-le, un sens plus inclusif du nationalisme. Si elle est entretenue et institutionnalisée par le gouvernement d'unité nationale désigné, cette identité nationale inclusive pourrait contribuer à faire émerger un État démocratique où la diversité sera honorée et célébrée, et où les personnes de confession non bouddhiste ne seront pas confrontées au même degré de discrimination institutionnelle et sociale que par le passé ».

"Cela nécessitera une transformation significative, probablement générationnelle, des institutions et processus étatiques, religieux et culturels qui ont historiquement privilégié les bouddhistes bamar." (Au-delà du coup d'État au Myanmar: Don't Ignore the Religious Dimensions, par Susan Hayward, Harvard Law School).

51346692ce86ab2e49c180cd77ccbb3e.jpg

Quoi qu'il en soit, à la mi-avril, la première attaque armée d'envergure contre les militaires a été menée par l'Union nationale karen, le plus ancien groupe rebelle du Myanmar (créé à l'origine par la puissance coloniale britannique pour lui servir de mandataire).

Aujourd'hui, le gouvernement dit d'unité nationale a annoncé son intention de créer une armée d'union fédérale - une force militaire composée de transfuges des forces de sécurité, de groupes ethniques rebelles et de volontaires. Ce serait un tournant qui transformerait l'agitation antimilitaire en une confrontation armée avec l’armée. Le Myanmar entre dans la phase cruciale, semblable à celle où se trouvait la Syrie en 2011.

Les parallèles avec la Syrie sont frappants: les manifestations du "printemps arabe" (mars-juillet 2011) ont été écrasées par le gouvernement syrien, qui a ensuite servi d’alibi pour une intervention occidentale à grande échelle, orchestrée par les États-Unis et leurs alliés, qui a finalement été détournée par des groupes extrémistes, notamment l'État islamique et Al-Qaïda, et a déclenché à son tour l'intervention russe pour défendre le gouvernement Assad.

Bien sûr, l'une des principales différences est que les pays voisins ne veulent pas être impliqués dans une guerre civile au Myanmar. Il est certain que, dans un tel scénario, tout changement de la politique indienne en faveur d'un ralliement au projet occidental est lourd de conséquences.

1f9f38daf989fabc010349a730a26b31.jpgLes nouvelles surprenantes qui nous parviennent aujourd'hui de Hakha, la capitale de l'État Chin, près de la frontière avec l'Inde, constituent une sonnette d'alarme pour les États indiens du nord-est, qui ont des affinités ethniques et religieuses avec les groupes rebelles de l'autre côté de la frontière. L'État Chin est réputé pour sa stabilité et sa paix, mais les incidents d'aujourd'hui, qui prennent la forme d'attaques éclair, ont entraîné la mort de neuf soldats. Cela semble être une répétition générale.

Plus de 85 % de la population de l'État Chin est composée de chrétiens (plus d'un demi-million). L'État Chin partage sa frontière avec six districts du Mizoram. Plus de 87 % de la population du Mizoram est chrétienne et des rapports font état de personnes originaires du Myanmar qui traversent la frontière. La plupart des réfugiés qui arrivent de l'État Chin sont issus des tribus Lai, Tedim-Zomi, Luse, Hualngo et Natu, qui ont des liens étroits avec les Mizos du Mizoram, ainsi qu'avec les Kuki-Zomis de Manipur.

Au fil des décennies, de nombreux habitants de l'État Chin ont également migré vers le Mizoram. (‘’Why Mizoram sees Myanmar refugees as 'family'’’, The Print, 24 mars 2021). L'Inde et le Myanmar partagent une frontière non clôturée de 1643 kilomètres qui traverse l'Arunachal Pradesh (520 km), le Nagaland (215 km), le Manipur (398 km) et le Mizoram (510 km). Les États correspondants au Myanmar sont Kachin, Sagaing et Chin.

La situation est presque identique à celle de la région frontalière ouverte entre le Pakistan et l'Afghanistan. À l'instar des tribus pachtounes qui chevauchent la frontière afghano-pakistanaise, les tribus indiennes telles que les Mizos, les Kukis, les Nagas et les Zomis sont également divisées en petites tribus qui partagent des liens étroits de part et d'autre de la frontière. Si le Myanmar devient un État défaillant, l'Inde en subira les conséquences.

Les montagnes enchevêtrées et les jungles tropicales en font également un pays de guérilla classique. En cas de guerre civile dans les mois à venir et de rupture de l'unité du Myanmar, l'Inde sera aspirée dans le chaos. La Thaïlande et l'Inde sont les deux seuls sanctuaires plausibles pour le MI6 et la CIA pour naviguer dans les vicissitudes d’un guerre civile probable au Myanmar - et, la Thaïlande bénéficie de relations amicales avec la Chine.

Le secrétaire d'État américain Antony Blinken s'est entretenu avec son homologue indien S. Jaishankar pas moins de trois fois en trois mois depuis la prise du pouvoir par les militaires au Myanmar. Il est certain que la coopération de l'Inde est cruciale pour le succès de l'entreprise anglo-américaine au Myanmar.

Northeast_India_States.svg.png

Le Myanmar a figuré en bonne place lors de la réunion des ministres des affaires étrangères du G7 à Londres du 3 au 5 mai. Jaishankar s'est rendu à Londres et a rencontré Blinken. Aucune des parties n'a divulgué de détails, mais un rapport de la Deutsche-Welle a signalé que "la Chine était en tête de l'ordre du jour lorsque les ministres des affaires étrangères du G7 ont discuté d'une série de questions relatives aux droits de l'homme. La question du coup d'État au Myanmar et de l'agression russe était également à l'ordre du jour".

Le communiqué ajoute que les ministres du G7 ont regardé une vidéo du gouvernement d'unité nationale du Myanmar afin "d'informer les ministres de la situation actuelle sur le terrain". Le communiqué conjoint publié à l'issue de la réunion de Londres consacre une grande attention au Myanmar (paragraphes 21 à 24). Il exprime sa "solidarité" avec le gouvernement d'unité nationale et appelle à des sanctions globales contre l'armée du Myanmar, y compris un embargo sur les armes.

Les douleurs naissantes des insurrections, en phase de planification, ne sont jamais exposées au public, car les agences de renseignement placent les acteurs dans le jeu. La situation au Myanmar a atteint ce stade. C'est la première grande manifestation du Royaume-Uni post-Brexit ("Global Britain") sur la scène mondiale. Comme souvent dans l'histoire moderne, Londres mènera la danse depuis l'arrière.

La décision du groupe Adani de mettre fin à ses activités au Myanmar arrive à point nommé. L'influent groupe avait probablement un instinct animal quant à l'issue de la réunion du G7 à Londres.

Double jeu au Myanmar

000_9879w4.jpg

Double jeu au Myanmar

Par Daniele Perra

Ex : https://www.eurasia-rivista.com/doppio-gioco-in-myanmar/

Dans un précédent article du site "Eurasia" intitulé "Que se passe-t-il au Myanmar ?", nous avons tenté d'interpréter les événements en Birmanie à la lumière de la situation interne, qui est convulsive, et des dynamiques géopolitiques potentielles qui pourraient être déclenchées. À cette occasion, quelques jours seulement après l'action militaire qui a subverti les résultats des élections sur la base d'accusations d'irrégularités, l'article se concluait par l'espoir que la présence d'agents extérieurs (peu intéressés par la protection de la démocratie dans le pays) ne provoquerait pas une nouvelle déstabilisation. Quelques mois après les faits, ces espoirs ont été largement déçus. Dans cette analyse, nous tenterons de décrire la stratégie occidentale visant à créer un "scénario syrien" dans cet État d'Asie du Sud.

Lors du Forum international sur la sécurité de Halifax en 2011, John McCain, alors sénateur républicain et ancien candidat à la Maison Blanche, a déclaré: "Il y a un an, Ben Ali et Kadhafi n'étaient encore au pouvoir. Assad ne sera plus au pouvoir l'année prochaine. Ce printemps arabe est un virus qui va s'attaquer à Moscou et à Pékin" [1].

En période de pandémie, la comparaison faite par McCain entre les stratagèmes utilisés par l'"Occident" pour déstabiliser les pays non alignés (du printemps arabe aux révolutions colorées) et un virus semble tout à fait d'actualité et particulièrement efficace. Surtout, compte tenu du fait que la Russie et la Chine, à l'instar de ce qui s'est passé avec le Covid-19, ont été les premiers à trouver une issue. Néanmoins, le "virus", tant biologique que géopolitique, reste un ennemi perfide et difficile à éradiquer complètement. Le cas de la Birmanie le démontre de manière emblématique.

imagedjm.jpg

Dans ce contexte, nous n'insisterons pas sur les aspects qui ont conduit à l'intervention militaire dans les premiers jours de février. Ces aspects ont déjà été largement étudiés, en termes constitutionnels, dans l'article précité publié sur le site "Eurasia" [2]. Ici, conformément à ce qui avait été avancé à l'époque (à savoir l'attribution de l'événement à des dynamiques liées au partage du pouvoir interne), la priorité sera donnée à l'évolution de la situation birmane par rapport à la tension et à la rivalité croissantes entre l'"Occident" et le "bloc eurasien".

En fait, nous assistons à l'application d'une stratégie précise visant à manipuler les informations en provenance du Myanmar afin de diffuser et de consolider les théories antichinoises (également teintées de conspiration) à l'intérieur et à l'extérieur de ce pays d'Asie du Sud. Et cela se fait pour plusieurs ordres de raisons.

Tout d'abord, il faut considérer la perspective géopolitique. Il existe une volonté manifeste d'utiliser le Myanmar comme un "pion" pour saboter et affaiblir le potentiel d'intégration de l'espace eurasien inhérent au projet de la Nouvelle route de la soie. Après l'intervention du Tatmadaw et l'éviction du pouvoir de la Ligue nationale pour la démocratie, les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada ont rapidement pris des mesures pour imposer de nouvelles sanctions à la junte militaire. L'Inde, pour sa part, a suivi ses alliés occidentaux dans le schéma antichinois du "Quad" en pointant du doigt le Tatmadaw, compte tenu également du fait que, sous le règne de la Ligue nationale pour la démocratie, elle avait réussi à imposer sa projection géopolitique à Naypyitaw par l'exportation systématique de vaccins anti-covirus.

Toutefois, l'imposition de nouvelles sanctions a fait craindre que la junte militaire ne s'ouvre encore davantage à Moscou et à Pékin. C'est effectivement ce qui s'est passé, notamment en ce qui concerne la Russie. Lors du défilé annuel de la Journée des forces armées qui s'est tenu dans la capitale de ce pays d'Asie du Sud, le chef de la junte militaire, Min Aung Hlaing, a accueilli des représentants de la Russie, de la Chine, du Bangladesh, du Pakistan, de l'Inde, du Laos, du Vietnam et de la Thaïlande, et a réaffirmé au vice-ministre russe de la défense, Alexander Fomin, la profonde amitié qui lie le Myanmar et la Russie.

En réponse, l'"Occident" a largement diffusé de fausses informations, tant pour discréditer la junte militaire aux yeux de Moscou et de Pékin que pour discréditer les deux capitales aux yeux des manifestants birmans. L'une de ces fausses informations concerne l'embauche par le Tatmadaw (jamais confirmée par les personnes directement impliquées en Birmanie) du lobbyiste israélo-canadien Ari Ben Menashe, propriétaire du Dickens and Madson Group basé à Montréal [4]. Ancien agent secret israélien, menteur notoire et agent double à but lucratif, Ben Menashe a affirmé avoir été engagé pour la somme de 2 millions de dollars, plus d'éventuels bonus, si l'objectif est atteint. Cet objectif serait d'améliorer l'image de la junte militaire en "Occident" (ce qui entraînerait la levée des sanctions) en révélant les véritables raisons de l'action de février: à savoir, renverser le gouvernement pro-chinois d'Aung San Suu Kyi pour éviter que le Myanmar ne devienne une marionnette de Pékin.

Il ne fait aucun doute que Pékin n'était pas particulièrement enthousiaste à l'idée d'une action susceptible d'être exploitée par ses rivaux géopolitiques pour générer le chaos à ses frontières. Toutefois, il ne semble pas tout à fait crédible que les militaires birmans aient sciemment décidé de rompre les liens avec le principal partenaire commercial du pays (et son principal fournisseur d'armes) dans l'espoir d'une improbable rédemption aux yeux de Washington.

unnamdjmsol.jpg

À cet égard, toujours dans le but de saper les liens entre la Chine et le Tatmadaw, le soutien chinois au précédent gouvernement birman a également été exagéré. Cette dernière, en effet (même si cette pratique a été appliquée pendant toute la période de la soi-disant "transition démocratique"), a favorisé la diffusion dans tout le pays d'organisations non gouvernementales chargées de propager des modèles occidentaux liés à ce que l'on pourrait définir comme la "culture sorosienne". Ces organisations, comme l'a répété Xu Luping (directeur du Centre d'études sud-asiatiques de l'Académie chinoise des sciences sociales), ont œuvré à une véritable "colonisation spirituelle" du Myanmar [5]. Sans surprise, Aung San Suu Kyi elle-même, de 2014 à 2017, a rencontré quatre fois le spéculateur/philanthrope George Soros et pas moins de six fois, de 2017 à 2020, son fils Alexander. À cet égard, il ne faut d'ailleurs pas s'étonner que l'une des premières mesures prises par la junte militaire, également afin de pouvoir enquêter sur les transactions financières des ONG pendant les années de règne de la Ligue nationale pour la démocratie, ait été de fermer les comptes bancaires se référant à l'Open Society Foundation au Myanmar [6].

L'objectif " occidental " est donc de générer une forme d'antagonisme à plusieurs niveaux entre le Myanmar et la Chine afin de ruiner ce qui a été décrit à plusieurs reprises comme une relation d'amitié fraternelle (dont la rencontre entre le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi et l'actuel chef de la junte militaire Min Aung Hlaing en janvier dernier n'est pas la moindre) [7]. Par exemple, plusieurs des organisations non gouvernementales susmentionnées (ainsi que d'autres agents "occidentaux") opérant à l'intérieur et à l'extérieur du Myanmar ont également diffusé l'idée que Pékin soutenait l'action militaire afin d'inciter les manifestants à diriger leur colère directement vers la Chine. Dans le même temps, des attaques et des sabotages d'infrastructures liées à la Nouvelle route de la soie ont été perpétrés (ainsi que la diffusion de fausses nouvelles à ce sujet) afin que la Chine intervienne directement au Myanmar et l'implique dans la spirale des tensions.

Il semble clair que l'"Occident", en ce qui concerne la situation en Birmanie, semble très peu intéressé par la défense des droits de l'homme et beaucoup plus par la création de problèmes pour la Chine. Parmi les ONG qui œuvrent dans ce sens, on peut notamment citer Burma Human Rights Watch, basée à Londres (au même titre que l'infâme organisation de fake news Syrian Observatory for Human Rights), le journal informatique Myanmar Now, le "think tank" Institute for Strategy and Policy, et l'association Justice for Myanmar. Tous ces groupes font partie, d'une manière ou d'une autre, de la sphère d'influence "occidentale". Burma Human Rights Watch et Myanmar Now, par exemple, sont ouvertement soutenus par la fondation nord-américaine National Endowment for Democracy [8]. Et tous ces groupes sont particulièrement actifs sur les plateformes sociales privées, surtout depuis que le processus de "colonisation spirituelle" du pays a permis à plus de 20 millions de nouveaux utilisateurs d'y accéder (principalement concentrés dans les zones urbaines).

Parmi les plus actifs, une fois encore, figurent Burma Human Rights Watch et Myanmar Now. Alors que le premier, comme nous l'avons déjà mentionné, a ouvertement incité au sabotage des infrastructures et des industries chinoises dans le pays en réponse à la répression de la junte militaire (on ne voit pas bien, entre autres, comment la destruction d'une usine qui fournit du travail peut améliorer les conditions du peuple birman), le second a encouragé le recours à la violence par les manifestants, voire la formation d'une armée fédérale comprenant toutes les forces opposées au gouvernement central (y compris les groupes armés liés aux minorités ethniques)[9]. Sans parler des invocations répétées à la pratique malheureuse de la R2P - Responsabilité de protéger: un schéma idéologique du moment unipolaire (appliqué avec des résultats tragiques en Libye) par lequel les États-Unis (et plus généralement l'"Occident") se sont attribués le rôle de gendarme mondial afin de maintenir inchangé leur dessein hégémonique.

L'influence qu'une autre organisation de type "sorosien" exerce sur les manifestations n'est pas moins digne d'attention: la Milk Tea Alliance, qui d’est également constituée et est extrêmement active sur les plateformes sociales privées, qui lui ont donné une visibilité comparable à celle des mouvements Me Too et Black Lives Matter. L'objectif de la Milk Tea Alliance, liée à des figures de proue du sécessionnisme pro-occidental de Hong Kong (comme Nathan Law, qui s'est d'abord réfugié à Londres avant de faire partie du programme Pritzker Fellows de l'université de Chicago), est de créer un front commun d'opposition à Pékin entre Hong Kong, Taïwan, la Thaïlande (un autre pays central sur les routes de la nouvelle route de la soie) et le Myanmar.

1468481745979_map3_475331.jpg

The-cross-border-China-Myanmar-oil-and-gas-pipeline-from-Kyaukpyu-to-Kunming-through_Q640.jpg

Un conflit civil ouvert semble être, à ce jour, l'évolution espérée par l'"Occident" au Myanmar. En 2011, l'agression prévue contre la Syrie a interrompu le développement de l'interconnexion (également en termes de gazoducs et d'oléoducs) entre les pays du "Croissant fertile" (Iran, Irak, Syrie et Liban). La déstabilisation et le sabotage des infrastructures sino-birmanes (parmi lesquelles figure un oléoduc de plus de 800 km qui relie la baie du Bengale à la Chine) compliqueraient les projets chinois visant à diversifier les flux d'approvisionnement en énergie afin de réduire la dépendance à l'égard du détroit de Malacca. En effet, 80% du pétrole brut destiné à la Chine passe actuellement par le détroit, de sorte qu'en cas d'affrontement militaire, sa fermeture mettrait Pékin en grande difficulté.

C'est pourquoi la Chine a déclaré à plusieurs reprises qu'elle souhaitait promouvoir la réconciliation entre les forces politiques civiles et militaires au Myanmar. La stabilité de ce pays d'Asie du Sud est dans l'intérêt de Pékin. Sa destruction est dans l'intérêt total de l'"Occident".

NOTES

[1]The Arab Spring: ‘a virus that will attack Moscow and Beijing’, www.theatlantic.com.

[2] L’article 417 de la constitution de 2008 prévoit la possibilité de déclarer l’état d’urgence pour une période d’un an (sur base d’une coordination entre le Bureau de la Présidence et le Conseil de défense et de sécurité nationale), s’il s’avère qu’émergent des conditions susceptibles de menacer l’intégrité de l’Union, la solidarité nationale ou la pleinesouveraineté de la nation. On pourra consulter le texte de la Constitution du Myanmar sur le site suivant : www.constituteproject.org.

[3] Nul besoin d’oublier que les principaux fournisseurs de technologies militaires au Myanmar sont justement la Chine, la Russie et l’Inde. Voir : Myanmar junta holds military parade with Russian attendance, www.asia.nikkei.com.

[4] Israël (qui fait partie désormais des principaux fournisseurs d’équipements militaires au Myanmar) a déclaré n’avoir plus aucun lien avec la personne d’Ari Ben Menashe.

[5] Voir : West utterly manipulates Myanmar situation as a tool in anti-China campaign, www.globaltimes.cn.

[6] Voir Myanmar regime seizes bank accounts of Soros Open Society Foundation, www.irrawaddy.com.

[7]Wang Yi meets with Myanmar’s Commander in Chief of defense services Min Aung Hlaing, www.fmrc.gov.cn.

[8] Le National Endowment for Democracy est une ONG bien connue pour le soutien qu’elle a apporté au séparatisme ouïghour dans la Région Autonome chinoise du Xinjiang. è ben noto anche per il suo sostegno al separatismo uiguro nella Regione Autonoma cinese dello Xinjiang. Cette actuion subversive a débuté au début de la décennie 2000 et a soutenu l’émergence du Uyghur Human Rights Project bénéficiant de l’appui de divders « dissidents » expatriés aux Etats-Unis. Ce projet a accordé un soutien financier de 8.758.300$ à divers grouopes ouïghours qui s’opposaient aux gouvernement central de Pékin. Voir : Uyghur human rights policy act builds on work of NED grantees, www.ned.org.

[9] Voir : GT investigates: western forces, HK secessionists behind China rumors in Myanmar, www.globaltimes.cn.

 

jeudi, 13 mai 2021

Biden veut une Turquie malléable: sa stratégie fonctionnera-t-elle?

7IpyNqw14cuAucC7zMbohu.jpg

Biden veut une Turquie malléable: sa stratégie fonctionnera-t-elle?

Par Salman Rafi Sheikh

Ex : https://geopol.pt/2021/05/07/biden-quer-uma-turquia-malea...

En lâchant la "bombe du génocide", le président américain en exercice semble avoir enclenché un processus qui, selon lui, obligerait la Turquie à s'aligner sur les politiques américaines, alors que les chances politiques d'Erdogan sont apparemment en baisse. N'oublions pas que Joe Biden s'était engagé pendant sa campagne électorale à reconnaître le génocide arménien. Ainsi, alors que l'administration Trump continuait à esquiver cette question, il a fallu moins de trois mois à Joe Biden, nouveau résident de la Maison Blanche, pour reconnaître officiellement le génocide arménien; d'où la question: quels objectifs particuliers l'administration Biden cherche-t-elle à atteindre par cette initiative extraordinaire?

Ces dernières années, la Turquie se positionne de plus en plus comme un "acteur indépendant" entre l'Ouest et l'Est, et utilise cette interaction pour réaliser ses propres ambitions "néo-ottomanes", c'est-à-dire des objectifs qui visent à redonner à la Turquie la position perdue d'acteur mondial majeur qu'était l'empire ottoman au XIXe et au début du XXe siècle.

Au cours des dernières années, la Turquie et les États-Unis ont développé des visions du monde divergentes qui ne sont plus façonnées par un quelconque scénario dominant de l’ancienne guerre froide mondiale. Ainsi, à l'heure où les États-Unis renforcent leur position vis-à-vis de la Russie et de la Chine, de nombreux membres de la coalition gouvernementale turque, y compris le parti d'extrême droite, le Mouvement nationaliste, estiment que la Turquie devrait développer des liens plus forts avec la Russie et la Chine, et mettre fin aux liens avec les États-Unis, l'UE et l'OTAN. Cela a conduit le gouvernement de coalition en Turquie à croire de plus en plus que le monde n'est plus centré sur l'Occident et qu'il existe une marge considérable pour les manœuvres stratégiques.

Cependant, c'est l'auto-positionnement de la Turquie en tant qu'"acteur indépendant" qui l'a mise sur une trajectoire de collision avec les États-Unis. Nombreux sont ceux qui, aux États-Unis, considèrent Erdogan non pas comme un allié de l'OTAN, mais avant tout comme un autocrate qui peut créer des turbulences au détriment des États-Unis dans le Moyen-Orient élargi. Plus important encore, les diverses actions de la Turquie, notamment sa coopération croissante avec la Russie en matière de défense, semblent avoir créé une crise au sein de l'OTAN, l'entravant à l'occasion.

En tant que tel, avec Biden qui tente de faire revivre l'Otan et de réintégrer les États-Unis dans le concert européen pour inverser la dynamique lente des écarts transatlantiques croissants qui ont émergé pendant l'ère Trump, il est impératif que toute division dans l’ensemble transatlantique soit subvertie, ce qui nécessite que tous les membres de l'Otan s'alignent sous le commandement des États-Unis, un objectif que l'administration Biden considère de la plus haute importance pour restaurer la domination perdue de l'Amérique, et raviver sa capacité à influencer et façonner unilatéralement les affaires politiques mondiales.

Mais la question cruciale est la suivante: la Turquie renoncera-t-elle à ses propres ambitions géopolitiques pour plaire à l'administration Biden et l'aider à atteindre la suprématie américaine ?

wolves-800x600.png

Si Erdogan s'est empressé d'adopter une attitude conciliante à la suite de la reconnaissance du génocide arménien par Biden, la Turquie y voit généralement une tentative américaine d'affaiblir le régime d'Erdogan en attisant les divisions politiques au sein de la Turquie en vue d'un "changement de régime". La livre turque est déjà tombée à des niveaux quasi record par rapport au dollar américain après la reconnaissance du génocide par M. Biden, ce qui complique la position politique déjà faible d'Erdogan.

En effet, la référence de Biden au génocide en tant que "génocide arménien de l'ère ottomane" semble viser la rhétorique politique intérieure d'Erdogan qui s'appuie largement sur les héritages de l'ère ottomane, y compris son statut de puissance mondiale. En reconnaissant le génocide, l'administration Biden a obligé les gens du monde entier à prendre conscience de ce que le "néo-ottomanisme" a à offrir au XXIe siècle.

Par conséquent, les objections de la Turquie à cette reconnaissance découlent de la crainte de demandes de réparations, ainsi que de la crainte d'être considérée comme un pays paria, détesté autant par ses territoires cibles "néo-ottomans" en Asie et en Afrique que par l'Occident (les États-Unis et l'Europe).

Toutefois, si l'administration de Joe Biden a peut-être calculé qu'adopter un ton dur à l'égard de la Turquie pourrait rendre Erdogan malléable, il n'en reste pas moins que la reconnaissance du génocide arménien par Biden pourrait également finir par s'ajouter à la longue liste des désaccords entre les alliés de l'OTAN. Ainsi, au lieu de forcer un Erdogan politiquement faible à s'aligner sur les États-Unis au sujet de la Russie, la reconnaissance pourrait également pousser la Turquie à se rapprocher encore plus de la Russie et de la Chine, laissant la crise des liens entre la Turquie et les États-Unis perdurer pendant longtemps.

S'il est possible qu'il n'y ait pas de réaction immédiate, car Erdogan a des options limitées à un moment où il lutte contre l'une des crises de COVID les plus élevées au monde, couplée à une chute continue de la livre turque, Ibrahim Kalin, conseiller d'Erdogan, a déclaré que la Turquie va peser sa réaction avec soin, et ses contre-mesures pourraient même impliquer de mettre fin à la coopération militaire avec l'Otan, ajoutant ‘’qu’il y aura une réaction de différentes formes et types et degrés dans les jours et mois à venir."

Toutefois, une telle réaction, si elle implique d'attaquer l'OTAN de l'intérieur, nécessitera le soutien de la Russie et même de la Chine, un soutien qu'Ankara ne peut obtenir sans procéder à des changements politiques cruciaux dans certains domaines sensibles de sa politique. Un approfondissement des liens avec la Russie ne sera peut-être pas possible si la Turquie n'accepte pas de modifier sa politique consistant à compliquer inutilement les zones de conflit, de la Syrie à l'Ukraine. En ce qui concerne la Chine, la Turquie devra recalibrer sa compréhension des allégations américaines de "génocide" des musulmans ouïgours dans la région du Xinjiang. Pour la Turquie, la reconnaissance américaine du génocide arménien devrait servir de leçon sur la façon dont une telle rhétorique est souvent politiquement motivée, cherchant à déstabiliser une politique particulière.

Par conséquent, la capacité de la Turquie à compenser les problèmes déclenchés par Biden dépendra de la manière dont elle fera contrepoids en établissant soigneusement des liens avec la Russie et la Chine, deux des plus puissants concurrents stratégiques des États-Unis.

Pressions occidentales sur la Turquie

2016-01-23T120000Z_1590057791_GF20000104491_RTRMADP_3_USA-TURKEY-BIDEN-scaled.jpg

Pressions occidentales sur la Turquie

Par Aldo Braccio

Ex: https://www.eurasia-rivista.com/richiamo-occidentale-alla...

Avril 2021 : on assiste à une accentuation de la pression occidentale sur la Turquie, placée entre un réalignement atlantique (pour lequel, toutefois, un " changement de régime " significatif et une rééducation appropriée de l'opinion publique seraient nécessaires) et le dialogue eurasien. Des États-Unis et de l'Union européenne viennent des leçons de morale - consciencieusement marquées par l'idéologie décadente du politiquement correct - et d'histoire (concernant le conflit entre Turcs et Arméniens) visant à réaffirmer la pensée unique autorisée en matière de droits civils et de recherche historique. Des positions polémiques, des menaces et, de temps en temps, des flatteries qui ajoutent aux tensions en Méditerranée - où une alliance fonctionne déjà pour exclure la Turquie de tout jeu - et en Mer Noire, où l'ingérence militaire de Washington prévoit la collaboration obligatoire d'Ankara dans une perspective anti-russe.

I.

Le mur de l'OTAN présente quelques fissures qu'il n'est pas toujours facile de cacher ou de minimiser: c'est par exemple le cas de la Turquie, à propos de laquelle les attaques médiatiques continues et intenses (et pas seulement) contribuent à creuser la distance entre le monde occidental et le monde turc.

Derrière la regrettée - et grotesque - " discourtoisie du canapé "[1] mise en scène en avril 2021 à l'occasion du sommet entre la Turquie et l'Union européenne se cache d'abord l'idéologie du politiquement correct, qui se conjugue avec une hostilité préjudiciable à l'égard de ce qui est turc : mais il y a aussi un jeu géopolitique plus profond qui concerne en particulier les scénarios à l’œuvre dans la Méditerranée et la mer Noire (c'est-à-dire de la "Méditerranée au sens large") dans le contexte de la confrontation russo-américaine.

Il s'agit de scénarios qui impliquent directement la République turque, la plaçant probablement devant un choix géopolitique décisif pour son avenir.

Mais prenons en considération l'autre controverse anti-turque, plus lourde, qui a explosé en avril 2021, celle du ‘’génocide des Arméniens’’, relancée avec force par le nouvel occupant de la Maison Blanche.

1136_biden_genocide_armenien_turquie.jpg

Joe Biden a toujours eu, à titre personnel, peu de sympathie pour la Turquie d'Erdoĝan, mais aussi pour les Turcs en général, considérés comme génocidaires des Arméniens. Avec des membres du Congrès et des sénateurs des partis républicain et démocrate - tels que Joe Knollenberg, George Radanovich et Nancy Pelosi - le sénateur Biden s'est distingué depuis la première décennie de notre siècle dans la campagne pour la reconnaissance de cette prétendue extermination, allant au-delà de la volonté d’Erevan elle-même - plus prudente que la diaspora arménienne disloquée en Occident - et surtout de l'Eglise arménienne basée en Turquie[2].

Lors de la campagne électorale pour la présidence des États-Unis, le candidat Biden a réitéré sa position, annonçant en août 2020 son intention de faire reconnaître par les États-Unis le génocide des Arméniens attribué aux Turcs.

Comme on le sait, la Turquie ne reconnaît pas et conteste radicalement cette thèse, allant jusqu'à poursuivre ceux qui la soutiennent - et ce, selon une leçon qui vient de l'Occident, où l'on fait souvent semblant de faire taire et d'emprisonner ceux qui proposent courageusement des recherches historiques non conformes à la "vérité" officielle.

Quelle que soit la réalité historique de l'affaire - certes douloureuse mais controversée - la Turquie a toujours perçu cette grave accusation portée contre elle comme une ingérence inacceptable et injustifiée, portant atteinte à sa dignité nationale. Un nouveau pas a été franchi dans cette direction, marqué par une couverture médiatique mondiale: le New York Times du 21 avril a été le premier à rapporter que le président Biden avait décidé de "reconnaître le meurtre d'un million et demi d'Arméniens comme un génocide", et que l'annonce officielle serait faite trois jours plus tard.

C'est ainsi que, le 24 avril, M. Biden a écrit solennellement que "le peuple américain honore tous les Arméniens qui sont morts dans le génocide qui a commencé il y a 106 ans’’.

Le président américain a montré qu'il voulait adoucir le ton de la déclaration - qui reprend par ailleurs les motions similaires approuvées entre octobre et novembre 2020 par le Congrès et le Sénat américains, bien que non contraignantes - en espérant une "réconciliation entre l'Arménie et la Turquie" et une "normalisation de leurs relations". Mais la réaction d'Ankara, de son président et de son ministre des affaires étrangères, a été, à juste titre, dure et furieuse.

Mais en fait, la déclaration solennelle de Biden va dans une direction tout à fait différente de la réconciliation et de la normalisation: elle interrompt la laborieuse tentative de confrontation - même dans le domaine de la recherche historique - en cours entre Turcs et Arméniens pour la fouler aux pieds et condamner son objectif, exacerbant les pulsions nationalistes des extrémistes des deux côtés.

Une déclaration publique récente et raisonnable d'Erdoğan ("Je me souviens respectueusement des Arméniens ottomans qui ont perdu la vie dans les conditions difficiles de la Première Guerre mondiale, et je présente mes condoléances à leurs petits-enfants") est annulée par la "vérité officielle" sanctionnée par Washington, qui intervient pour exciter les esprits: comme cela arrive toujours, surtout au Proche-Orient.

armUS.jpg

Une autre attaque contre Erdoğan, que le président américain s'était réservée à l'occasion de la sortie de la Turquie de la Convention dite d'Istanbul, c'est-à-dire la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, en vigueur depuis août 2014 : une convention que la Turquie considère viciée par une orientation idéologique hostile à la famille traditionnelle sous couvert de lutte contre la violence.

"Un choix soudain et injustifié, alors que dans le monde nous assistons à une augmentation des cas de violence domestique, y compris les nouvelles sur l'augmentation des féminicides en Turquie", a commenté Biden, qui avait déjà accusé Erdoğan d'"autocratie", un concept qui s'avère être complètement similaire à celui de dictature, bien que peut-être moins explicite.

L'Union européenne, comme à son habitude, s'est adaptée à l'accélération du ton américain: la commission des affaires étrangères du Parlement européen - par exemple - a condamné Ankara pour "les déclarations provocatrices à l'encontre de l'UE et de ses États membres, la politique hostile, l'éloignement de plus en plus marqué des valeurs et des normes européennes, l'incarcération massive et continue de journalistes, de défenseurs des droits de l'homme et d'opposants politiques"; le ridicule scandale des canapés, mentionné ci-dessus, a ensuite relancé toutes les raisons et tous les prétextes d'accusation contre le pays du Croissant de Lune.

L'Italie, elle aussi, joue un rôle dans le barrage antiturc - ainsi que dans les barrages antirusse et antichinois - comme en témoigne l'attaque soudaine du Premier ministre Draghi contre le président Erdoğan, qualifié rien de moins que de "dictateur", sur fond de campagne médiatique antiturque continue et martelée de la presse italienne.

Le rôle de l'Italie semble être celui indiqué par le secrétaire d'État Blinken lors de la réunion/convocation du ministre des affaires étrangères Di Maio à Washington: une "forte collaboration sur la Libye, l'Ukraine et l'Afghanistan". "L'Italie et les États-Unis partagent la même préoccupation concernant la présence de forces étrangères en Libye", a confirmé Di Maio avec diligence, faisant évidemment allusion à la Turquie et à la Russie, considérées comme des intrus gênants dans un pays que l'Italie a également contribué à plonger dans le chaos le plus total.

II.

Tout cela est certainement le prélude à une nouvelle tentative occidentale de changement de régime en Turquie - cette fois peut-être par des moyens électoraux, plutôt que par un coup d'État militaire - mais cela provoque déjà une forte pression sur Ankara [3], pour l'inciter à coopérer avec la politique extrémiste des États-Unis contre la Russie, la Chine et l'Iran [4].

200620-black-sea_rdax_775x440.jpg

Nous avons déjà mentionné l'importance des scénarios de la Méditerranée et de la mer Noire: si dans le premier cas, le fer de lance de la campagne visant à évincer la Turquie est l'alliance sans précédent entre la France, Israël et la Grèce (avec l'approbation explicite de l'Union européenne), dans le second, l'option d'une "réhabilitation" de la Turquie est réclamée par Washington, qui est toujours à l'aise avec la politique des menaces et des flatteries. En particulier, dans cette phase, les Américains exigent le passage de leurs navires de guerre - et évidemment ceux de l'OTAN - à travers les détroits (Bosphore, Dardanelles, mer de Marmara) - vers la mer Noire, une zone cruciale dans le déploiement antirusse ; c'est là que le grand exercice US-Ukraine-OTAN, nommé Sea Breeze, a été annoncé pour l'été. Le rôle attribué à la Turquie par la Convention de Montreux, qui réglemente le passage par le "Détroit", est, dans cette perspective, important et décisif.

Il faut reconnaître que les relations entre Ankara et Kiev sont bonnes, mais cela ne suffit pas à Washington: dans le cadre d'un récent sommet du Conseil de coopération turco-ukrainien, Erdoğan a en effet déclaré qu'"Ankara est favorable à une résolution rapide et pacifique des différends entre la Russie et l'Ukraine par le biais de négociations", afin de "préserver la paix en mer Noire".

On est loin de la position de Washington, qui ne veut tout simplement pas entendre parler d'équidistance entre la Russie et l'Ukraine et cherche plutôt, comme le souligne le politologue et professeur d'université turc Volkan Özmedir, à "favoriser intentionnellement une augmentation de ces tensions en poursuivant une stratégie visant à ramener de son côté des membres de l'OTAN comme l'Allemagne et la Turquie"[5].

NOTES

1] Une description objective de l'événement, loin des représentations hypocrites des grands médias, dans : Giuseppe Mancini, Il sofà della Von der Leyen: dietro lo scandalo inesistente c’è solo il protocollo, www.laluce.news 7 avril 2021.

2] En ce qui concerne plus particulièrement les Arméniens de Turquie, il convient de tenir compte de: Beraaa Gőktürk, Patriarche arménien de Turquie - "L'exploitation de la douleur d'autrui nous attriste’’ www.aa.com.tr 23 avril 2021. Le patriarche Sahak Mashalian note que le fait de mettre la question historique du ‘’génocide’’ à l'ordre du jour des parlements d'autres pays "ne sert pas le rapprochement des Arméniens et des Turcs, et retarde même leur réconciliation."

3] Le 29 avril, le secrétaire d'État américain, M. Blinken, est allé encore plus loin en annonçant des sanctions en cas de deuxième achat de systèmes de défense S-400 de fabrication russe.

4] Mais cette attitude arrogante et simpliste conduit de plus en plus à une impatience généralisée de la Turquie face aux prétentions occidentales, ainsi qu'à une plus grande prise de conscience historique et géopolitique. Nous citons par exemple Ibrahim Karagül dans Yeni Şafak (le journal le plus représentatif de la zone gouvernementale) du 26 avril 2021, qui souligne qu'il existe des forces en Turquie "en faveur de la protection des États-Unis et de l'Occident sur la Turquie". "Une protection - explique-t-il - demandée depuis l'époque ottomane par les libéraux, les conservateurs et les islamistes pro-américains; les États-Unis sont au centre de l'attaque contre la Turquie (...) ils constituent un État qui s'est établi sur le sang de millions de personnes, qui a massacré des centaines de milliers de personnes même au XXIe siècle (...) mais ils ne sont plus au centre du monde": ils perdent du terrain face aux puissances émergentes du XXIe siècle, et ils sont à couteaux tirés avec la moitié du monde, ils n'ont plus aucune crédibilité (...). Les États-Unis, l'Europe, Israël, toutes les puissances troublées et préoccupées par la montée en puissance de la Turquie, soutiennent la bataille (contre elle) encore plus qu'avec la tentative de coup d'État de 2016". Toujours dans Yeni Şafak et les mêmes jours, Abdullah Muradoğlu déclare que "les fausses accusations de Biden contre la Turquie sont le dernier exemple de la vacuité de la compréhension américaine du terme "allié" (...) Inutile de dire qu'il n'y avait pas de place pour une mentalité génocidaire dans l'ordre établi par l'Empire ottoman". Muradoğlu détaille ensuite les précédents de la politique étrangère américaine, notamment les cas des massacres de la Seconde Guerre mondiale, de Dresde et des bombes atomiques sur le Japon, pour conclure que "les États-Unis doivent se regarder dans le miroir longtemps avant de prêcher le génocide."

5] Sur ce sujet et les retombées de la Convention de Montreux (non signée par les États-Unis), l'intéressant article: Esperto turco: la Convenzione di Montreux ostacola gli USA nel Mar Nero, dans www.it.sputniknews.com du 17 avril 2021.

Aldo Braccio

Aldo Braccio a collaboré assidûment à Eurasia. Rivista di studi geopolitici depuis le premier numéro et a publié de nombreux articles sur son site web. Ses analyses concernent principalement la Turquie et le monde turcophone. Sur des sujets liés à la zone turque, il a donné des conférences au Master Mattei de l'Université de Teramo et ailleurs. Il est l'auteur du livre La norma magica. Il sacro e il diritto in Roma (sur les relations entre la conception du sacré, le droit et la politique dans la Rome antique) et Turkey ponte d'Eurasia (sur le retour du Pays du Croissant sur la scène internationale). Il a écrit plusieurs préfaces et a publié de nombreux articles dans des journaux italiens et étrangers. Il a participé au VIIIe Forum italo-turc qui s'est tenu à Istanbul et a été invité à plusieurs reprises, pour des interviews et des commentaires, par la radio et la télévision d'État iraniennes.

mercredi, 12 mai 2021

Les relations saoudo-iraniennes peuvent-elles s'améliorer?

cb2b9eb443d1abbbe80b3564c9d48ea1.jpg

Les relations saoudo-iraniennes peuvent-elles s'améliorer?

Anastasia Solonskaya

Ex : https://www.geopolitica.ru/article/mogut-li-saudovsko-ira...

Pendant des années, les relations entre l'Iran et l'Arabie saoudite ont été marquées par une solide rivalité. Récemment, cependant, les relations entre les deux États se sont encore tendues. La raison de ce long conflit entre les deux pays est leur rivalité pour le leadership et l'influence dans leur région commune. Leurs différences dans la perception religieuse du monde aggrave leur confrontation.

L'islam est la religion officielle des deux pays, mais ils adhèrent à deux courants différents: l'Arabie saoudite est dominée par l'islam sunnite, tandis que l'Iran est majoritairement chiite. L'islam a vu le jour sur le territoire de l'Arabie saoudite, et l'État estime donc avoir le droit de revendiquer la suprématie dans la région.

"Le printemps arabe a déclenché plusieurs conflits et tensions régionales au Moyen-Orient. Une des causes en est le conflit entre les sunnites d'Arabie Saoudite et les chiites d'Iran. Les États-Unis ont tenté d'étendre leur influence dans la région en envahissant l'Irak. L'Iran ne pouvait pas rester les bras croisés, surtout avec la menace sécuritaire que représente l'Irak à sa frontière occidentale, il a donc tenté par tous les moyens de réduire l'influence américaine dans une région déjà fortement fracturée. Téhéran s'en est plutôt bien sorti, compte tenu des graves sanctions imposées par les États-Unis et les Nations unies. En conséquence, les Iraniens ont réussi à établir en Irak leur influence sur le secteur de la sécurité et sur diverses forces politiques, y compris l'aspect religieux. Toutefois, comme on pouvait s'y attendre, une telle activité chiite ne pouvait manquer de mettre à mal le camp sunnite (celui que l’Arabie Saoudite cherche à contrôler et à dominer). Les Saoudiens ont trouvé un moyen de contrer l'influence iranienne en Irak en demandant l'aide des États-Unis. Ainsi, les États de Téhéran et de Riyad se sont une nouvelle fois retrouvés de part et d'autre des barricades. Dans le conflit irakien, les Saoudiens sont du côté des États-Unis et soutiennent l'opposition, tandis que l'Iran agit en faveur du gouvernement irakien.

2BHLMWKKRCN2EZRALOTMOJRPOM.png

Il ne faut pas oublier un autre aspect dans cette question, à savoir la Russie, qui a également signé un traité sur base de relations et de principes de coopération avec l'Iran en mars 2001. À en juger par les déclarations du ministre russe des affaires étrangères, Serguei Lavrov, les relations avec l'Iran atteignent un nouveau niveau et se renforcent. Le 13 avril, une réunion a eu lieu entre les représentants des ministères des affaires étrangères des deux pays, au cours de laquelle il a été décidé de signer un nouvel accord de coopération dès qu'il sera prêt.

Compte tenu des conflits récurrents, des attentats et du chevauchement des intérêts des deux États, les relations entre ces pays islamiques se sont détériorées année après année. Avec les sanctions imposées à l'Iran et les graves dommages causés au pays par la pandémie du virus COVID-19, les Iraniens bénéficieraient d'une amélioration des relations avec les États-Unis et les Saoudiens. La possibilité de coopérer pourrait non seulement mettre un terme au conflit régional, mais aussi devenir une alliance puissante au Moyen-Orient, capable de contrer l'influence de pays d'autres régions.

En avril de cette année, l'Iran et l'Arabie saoudite ont convenu de tenir une série de pourparlers. La première réunion n'a pas mis fin au conflit de longue date, ce qui était prévisible, car de telles questions ne sont pas résolues du premier coup. L'Irak a joué le rôle de médiateur entre les pays, alors que les États-Unis sont la partie intéressée par une résolution pacifique de la question. Il n'est pas certain que l'on puisse attendre des résultats sérieux des prochaines réunions.

Bien que les discussions entre les rivaux régionaux se déroulent sur le territoire irakien, les actions de Téhéran et de Riyad ne sont pas discutées dans le pays. Les principaux objectifs sont plutôt de mettre fin aux attaques des Houthis contre les installations pétrolières saoudiennes et de trouver une issue à l'impasse politique. L'Irak ne participe donc pas aux pourparlers, mais est seulement un médiateur entre les deux protagonistes.

5c9341a6230000cd00e90365.jpeg

Pour l'Arabie saoudite, une solution pacifique au conflit est tout aussi importante que pour les Iraniens. Étant donné que Biden n'a pas l'intention de poursuivre les mêmes relations avec les Saoudiens que Donald Trump, la perte d'un ami américain pourrait avoir un impact sérieux et plutôt négatif sur le pays. Par conséquent, Riyad a tout avantage à s'en tenir à ses seuls intérêts pour sécuriser ses relations avec l'Iran, au bénéfice de ses propres intérêts et de sa sécurité.

En ce qui concerne les relations américano-iraniennes à ce jour, la partie américaine est désireuse d'améliorer les relations avec l'Iran. En 2018, Donald Trump s'est retiré de l'accord nucléaire signé en 2015 par l'administration de Barack Obama. Maintenant, Biden espère relancer l'accord nucléaire autrefois perdu. La détermination de M. Biden est alarmante. Comme toujours, les Américains sont prêts à tout pour accroître leur influence dans la région. Pour l'Iran, le maintien de liens normaux avec les États-Unis l'aidera à résoudre ses problèmes économiques. Le gouvernement iranien a déjà présenté un certain nombre d'exigences, dont le respect permettra de rétablir l'accord nucléaire. Tout d'abord, Téhéran demandera la levée des sanctions précédemment imposées par les États-Unis sur les exportations de pétrole, le transport maritime et d'autres restrictions.

L'amélioration des relations entre l'Iran et l'Arabie saoudite n'est pas une tâche diplomatique facile, mais elle est possible. L'influence des États-Unis dans la région pourrait être un aspect important du réchauffement des relations saoudo-iraniennes, si le nouveau président Joe Biden y voit un avantage pour lui-même et son pays. Il envisage déjà une coopération diplomatique avec l'Iran et est un allié de l'Arabie saoudite. Bien que les Saoudiens se méfient de cette décision, ils espèrent une issue heureuse. Toutefois, des progrès clairs sur cette question pourraient ne pas se manifester avant longtemps, voire des années. Après tant d'années de confrontation et de désaccord en vue d'une réconciliation, il ne faut pas s'attendre à des solutions définitives. Par ailleurs, si la paix s'installe, elle peut être temporaire, jusqu'au premier signe d'un nouveau conflit. Compte tenu de la nature des deux pays et de leur insistance à avoir raison, des changements radicaux ne sont peut-être pas en vue avant longtemps. Les relations entre les Saoudiens et les Iraniens ne prendront une direction décisive vers un accord diplomatique entre les États que lorsque les dirigeants des deux pays seront prêts à faire des compromis et à poursuivre leur coopération.

L'importance géopolitique de la Mongolie au stade actuel

14523321819_497fb92016_b_mongolia-eagle.jpg

L'importance géopolitique de la Mongolie au stade actuel

Pourquoi la Mongolie est-elle toujours dans le jeu géopolitique ?

Ex : https://katehon.com/ru/article/geopoliticheskoe-znachenie...

La Mongolie d'aujourd'hui est l'un des meilleurs exemples de la transformation relativement rapide et réussie d'un ancien pays socialiste en un pays moderne, dynamique et démocratique doté d'un système politique multipartite, d'une économie de marché et d'une politique étrangère ouverte.

Alors qu'elle était en marge de la politique internationale il y a seulement quelques décennies, la Mongolie attire de plus en plus l'attention de la communauté internationale, des hommes politiques, des politologues, des économistes, des chefs d'entreprise et des médias. Un certain nombre de facteurs géopolitiques, stratégiques, économiques et autres ont suscité un intérêt croissant pour la Mongolie. Le pays, qui occupe une position stratégique importante en Asie intérieure profonde, est en train de devenir le théâtre de rivalités politiques et économiques ouvertes et cachées entre la Russie, la Chine, les États-Unis, le Japon, l'UE, le Royaume-Uni, le Canada et la Corée du Sud, entre autres.

La situation de la Mongolie est importante sur le plan stratégique, car elle se situe sur la "colonne vertébrale" de la Chine, mais aussi dans le "ventre" de la Russie.

where-is-mongolia-located-800x445-1-770x440.jpg

Outre les liens bilatéraux avec les pays étrangers, la Mongolie utilise activement le format multilatéral de la coopération internationale, en participant à de nombreuses organisations intergouvernementales. Il suffit de citer des organisations faisant autorité telles que l'ONU, l'OCS, l'OSCE, l'OTAN et l'ASEM, auxquelles la Mongolie participe à des degrés divers, pour comprendre le degré d'implication de la Mongolie dans les relations internationales.

Entre-temps, le pays est confronté à de graves problèmes économiques. Lorsque les prix des produits de base sont montés en flèche au début des années 2000 - en particulier l'or et le cuivre, dont la Mongolie dispose en abondance -, le pays est brièvement devenu l'économie à la croissance la plus rapide du monde, avec la bourse la plus rentable. Des chercheurs d'or poussiéreux d'Amérique du Nord et d'Europe ont bu du brandy coûteux dans des boîtes de nuit somptueuses à Oulan-Bator. Mais le boom minier a été de courte durée, et en 2017, la Mongolie a dû se tourner vers le Fonds monétaire international pour obtenir une aide financière.

Il serait commode d'attribuer les difficultés de la Mongolie à la fameuse "malédiction des ressources" qui frappe les pays qui investissent massivement dans un petit nombre de produits de base sans pouvoir se diversifier. Aujourd'hui, la Mongolie est l'otage des prix des matières premières. Chaque jour, la Mongolie est confrontée à de très sérieux défis pour préserver sa démocratie et se bat pour survivre.

En effet, la place de la Mongolie dans le système actuel des relations internationales est unique. Premièrement, seules deux nations dans le monde - la Russie et la Chine - partagent une frontière avec la Mongolie. Ses deux voisins sont des grandes puissances. Effectivement, ce sont toutes deux de grandes puissances, ce qui influence grandement la signification géopolitique de la position de la Mongolie et l'intérêt du monde extérieur pour le pays.

Deuxièmement, la Mongolie n'est pas seulement un objet dans le nouvel alignement des puissances dans le Grand Jeu. Avec une population d'un peu plus de trois millions d'habitants et un potentiel économique et de politique étrangère incomparable à celui de ses voisins, ce pays participe activement aux affaires internationales et contribue à l'agenda politique. Cependant, la Mongolie n'est pas encore désignée comme un partenaire égal de la Russie et de la Chine, les géants de la civilisation. Ce fait donne lieu à toute une série de problèmes qui doivent être résolus.

1Mongolie.jpg

Bien que la Mongolie proclame l'équivalence de tous les partenaires étrangers avec lesquels elle coopère, il est possible d'identifier certains d'entre eux avec lesquels la partie mongole accorde la plus grande priorité. À ce jour, la Mongolie a établi des partenariats stratégiques avec cinq États: la Russie (en 2006), le Japon (en 2010), la Chine (en 2014), l'Inde (en 2015) et les États-Unis (en 2019). Avec tous les autres partenaires étrangers, la Mongolie établit des relations de moindre importance. Dans le même temps, même parmi les cinq pays susmentionnés, il est possible d'identifier sa hiérarchie conventionnelle. Ce n'est pas un hasard si les partenariats stratégiques ont été établis principalement avec Moscou, Tokyo et Pékin. Ces préférences sont dues à un certain nombre de circonstances objectives de nature géographique, politique, économique et autre.

Le fait est que la Mongolie est distinctement différente de ses voisins, d'une part, et étroitement liée à eux par des liens historiques et culturels, d'autre part. Dans l'histoire mondiale, le treizième siècle est appelé à juste titre l'ère de l'empire mongol, fondé par Gengis Khan. Après avoir été connus de l'ensemble du monde habité d'Eurasie, les Mongols ont rejoint d'autres grandes nations conquérantes et se sont déclarés comme un peuple représentant une civilisation distincte. Toutefois, à partir du XVIIe siècle, la grandeur de la Mongolie en tant que noyau politique de la civilisation eurasienne a été remplacée par plusieurs siècles de dépendance à l'égard de l'Empire Qing.

La volte-face d'Elbegdorj à l'égard de son voisin du sud met en évidence la position agressive de la Chine dans la région, ainsi que les difficultés que rencontrent les petits pays face à des superpuissances dont ils dépendent de plus en plus pour leur développement économique (la Chine consomme actuellement environ 90 % de toutes les exportations de la Mongolie). Comment choisiront-ils entre les valeurs démocratiques et la prospérité lorsque le monde se rassemblera dans des camps concurrents dirigés par Washington et Pékin ?

La Mongolie espère se couvrir en étant à la fois un "partenaire de l'OTAN" (avec des pays comme le Japon et la Nouvelle-Zélande) et un observateur de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Toutefois, le risque pour un pays comme la Mongolie, comme pour de nombreux voisins de la Chine, est que l'hostilité entre les pays augmente - et cela obligera à choisir clairement son camp.

festivalaigle-1000x1000.jpg

Ce qui est intéressant, c'est de savoir comment l'avenir immédiat de la Mongolie, située entre les deux géants que sont la Russie et la Chine, va évoluer sous l'influence de leurs géopolitiques qui définissent la situation mondiale actuelle.

La Russie, qui a été contrôlée par les Mongols jusqu’au XVIIe siècle, s'est renforcée et est devenue l'un des rares pays à définir la politique mondiale. Bien qu'aujourd'hui la Chine domine dans le chiffre d'affaires du commerce extérieur de la Mongolie, celle-ci reste stratégiquement dépendante de la Russie.

Tout ce qui précède nous permet de classer avec confiance la Mongolie comme un sujet actif de la politique mondiale moderne. Mais elle est encore très jeune et fragile. Sa viabilité peut être ébranlée par un certain nombre de circonstances extérieures. Dans le monde turbulent d'aujourd'hui, avec ses guerres de l'information, ses sanctions économiques et ses conflits militaires, la sécurité nationale de la Mongolie ne peut être assurée que par des liens organiques étroits, dans un dialogue constant avec ses voisins. Par conséquent, le principal défi de la Mongolie sur la scène internationale consiste à démontrer à ses voisins proches et lointains la valeur intrinsèque du dialogue pacifique pour préserver sa sécurité nationale.

Conclusion: la Mongolie se trouve dans une position extrêmement précaire sur le plan géographique, démographique et économique. Enclavée et isolée en Asie de l'Est, elle possède la plus faible densité de population de toutes les nations souveraines du monde. Trois millions de personnes, dans un pays de la taille de l'Alaska, vivent à côté de 133 millions de Russes au nord et de 1,4 milliard de Chinois au sud. Le pays possède également l'un des climats les plus froids du monde. Si ces facteurs limitent largement l'économie de la Mongolie, celle-ci possède le meilleur cachemire du monde, un énorme potentiel de tourisme écoculturel et, surtout, d'immenses réserves minérales.

En définitive, le garant ultime de la souveraineté de la Mongolie reste la Russie. Elle a un intérêt clair et durable dans une Mongolie indépendante, et son contrôle stratégique sur les secteurs de l'énergie et des transports de la Mongolie en fera un adversaire redoutable en cas de futures menaces chinoises, qu'elles soient économiques, politiques ou militaires.

dimanche, 09 mai 2021

Les États-Unis et le Royaume-Uni lancent une guérilla ethnique au Myanmar pour cibler la Chine

4d96a448-39e2-4b88-b597-d408ecc8c6a8.jpg

Les États-Unis et le Royaume-Uni lancent une guérilla ethnique au Myanmar pour cibler la Chine

Par Moon of Alabama

Si vous vous demandez ce qui se passe au Myanmar, regardez simplement ces cartes.

La Chine a besoin de pétrole mais sa principale voie d’approvisionnement maritime, qui passe par le détroit de Malacca, est vulnérable.

myanmar.jpg

Agrandir

Des oléoducs passant par le Pakistan et le Myanmar offrent des voies alternatives.

myanmar1.jpg

Agrandir

Les pipelines, les routes et les lignes ferroviaires qui traversent le Myanmar ne sont pas seulement dans l’intérêt de la Chine, mais aussi une grande chance pour le Myanmar de se développer. Tout cela est bon pour son intérêt national.

Les États-Unis et leurs alliés sont hostiles à la Chine. Menacer de couper ses approvisionnements en pétrole est probablement l’outil le plus puissant dont ils disposent. Du coup, toute voie d’approvisionnement alternative pour la Chine rend cet outil moins puissant. L’idée est donc d’empêcher l’utilisation éventuelle de ces routes.

Depuis sa fondation après la Seconde Guerre mondiale, le Myanmar a été dirigé, plus ou moins brutalement, par ses militaires anticolonialistes.

Le premier plan des États-Unis pour prendre le contrôle du Myanmar consista à installer un « gouvernement démocratique » qui se plierait à leurs exigences. En 2010, sous la pression des révolutions de couleur fomentées par les États-Unis, les militaires ont autorisé un gouvernement civil mais ont conservé une grande partie de leur pouvoir constitutionnel et économique. En 2016, la candidate préférée des États-Unis, Suu Kyi, la fille de l’ancien chef militaire et père de la nation, Aung San, a été installée à la tête d’un nouveau gouvernement.

Mais Aung San Suu Kyi s’est révélée être une nationaliste et a rapidement perdu de son utilité aux yeux des « changeurs de régime » américains. Elle était aussi amie avec la Chine que les militaires et se montrait tout aussi agressive envers les nombreuses minorités ethniques du Myanmar. Ce n’est donc pas sur ces sujets qu’elle s’est finalement brouillée avec les militaires. L’armée possède des industries clés au Myanmar et Aung San Suu Kyi, ainsi que les personnes de la « société civile » qui la soutiennent, voulaient avoir leur part.

Les élections de 2020, qui ont exclu du vote de nombreuses régions ethniques, ont apporté un soutien écrasant à Aung San Suu Kyi. Cela a alarmé les militaires, qui se sont mis à craindre que leur principale source de revenus ne soit bientôt menacée. Le 1er février, ils ont lancé un coup d’État et placé Aung San Suu Kyi en résidence surveillée.

Les États-Unis ont alors eu une nouvelle occasion d’intervenir. Ils ont immédiatement réactivé les 77 organisations de la « société civile » du Myanmar qu’ils financent par l’intermédiaire de la National Endowment for Democracy, une émanation de la CIA. Des manifestations ont été lancées en même temps que des attaques contre des entreprises et des biens chinois.

Comme je l’ai décrit à l’époque :

Il s'agit donc manifestement d'une tentative de révolution de couleur dirigée 
contre l'armée. Ce qui est intriguant, c'est la vitesse à laquelle elle a démarré. Les révolutions
de couleur nécessitent généralement des années pour constituer des groupes
et préparer des dirigeants. Elles ont besoin d'un soutien financier et de
communication, ainsi que d'orientations politiques de la part de "conseillers"
venant d’ambassades "occidentales". Celle-là, il n'a fallu que dix jours pour
la lancer. En 2005, l'administration Bush entretenait la "société civile" du Myanmar et
Suu Kyi, qui était alors en résidence surveillée. Elle est apparue lors de la
"révolution de couleur safran" en 2007 et lors du cyclone Nargis en 2008,
lorsque l'administration Bush a tenté d'utiliser l’absurde responsabilité de
protéger (R2P) pour mettre une botte militaire sur le terrain. Mais tout cela remonte à loin et, après l'arrivée au pouvoir de Suu Kyi,
il n'était plus nécessaire de poursuivre ces efforts. D'ailleurs, en vertu de la constitution du Myanmar de 2008, les militaires
étaient toujours effectivement aux commandes. Avec la large victoire de
Suu Kyi aux dernières élections, il se pourrait qu'une tentative "occidentale",
planifiée de longue date, soit en cours pour enfin déloger les militaires de
leur position privilégiée et sortir le pays de l'orbite de la Chine. Mais les chances que cela se produise un jour sont pratiquement nulles.
Environ 70 % de la population du Myanmar vit dans des zones rurales.
Les manifestations ne se produisent que dans les trois grandes villes,
Yangon, Mandalay et Naypyitaw, et sont relativement peu nombreuses.
Les militaires sont impitoyables et n'auront aucun mal à faire tomber les
manifestants.
Celui qui a lancé cette absurdité devrait être tenu responsable de la mise
en danger de ces personnes.

Comme je l’avais prédit, les manifestations et les grèves que le système

de révolution de couleur a lancées, sous la forme d’un mouvement de

désobéissance civile (MDC), se sont éteintes depuis :

Bien que Thiha ne veuille pas abandonner le MDC, il ne veut pas non plus 
perdre son emploi à cause d’un contexte économique difficile. Après
avoir réfléchi pendant quelques jours, il a décidé de reprendre le travail. "J'ai un prêt fait auprès d'une société de microfinancement que je dois
rembourser et une famille à soutenir - une femme et une fille de cinq ans"
,
a-t-il déclaré. "Il ne serait pas facile pour moi de trouver un autre emploi,
d'autant plus que je devrais changer de carrière"
. Il n'y avait qu'une poignée d'employés présents lorsqu'il a repris le travail,
le 20 avril, mais leur nombre a augmenté chaque jour ; à la date limite du
29 avril, environ 80 % d'entre eux étaient revenus, même s'ils ne portaient
pas encore leur uniforme KBZ. C'est une scène qui se répète dans tout le pays, alors que des dizaines
de milliers d’employés de banque en grève reprennent lentement le travail.

Cette tentative de révolution de couleur induite par les États-Unis

contre le coup d’État militaire a échoué.

Il est maintenant temps de passer au plan B, sur le modèle syrien :

« Si nous ne pouvons pas le soumettre, nous le détruirons ! »

Un important groupe rebelle ethnique birman a affirmé avoir abattu un 
hélicoptère appartenant à l'armée du pays. Cet incident survient dans un
contexte de continuelles manifestations contre le récent coup d'État qui a
évincé le gouvernement civil du Myanmar. L'Armée de l'indépendance de Kachin (KIA) a déclaré que l'hélicoptère avait
été abattu lundi dans la province de Kachin, située à l'extrême nord du
Myanmar. L'appareil aurait été détruit alors que l'armée du Myanmar effectuait
des frappes aériennes contre les rebelles. ... Des images circulant en ligne montrent l'hélicoptère - probablement un Mi-17
de transport-assaut - apparemment touché par un lanceur de missiles
anti-aériens portable.

Les Kachins (en rouge), au nord-est, et les Karens (en orange), au sud-est, luttent depuis longtemps contre la majorité birmane (en violet foncé) et pour leur autonomie au sein du Myanmar. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’armée nationale birmane dirigée par Aung San a combattu aux côtés du Japon pour chasser la puissance coloniale britannique de Birmanie. La Grande-Bretagne, qui contrôlait également l’Inde à cette époque, a utilisé les Kachins et les Karens pour mener une guérilla contre les forces birmanes proxy du Japon.

myanmar2.jpg

Agrandir

Dans le cadre du projet Quad de lutte contre la Chine, ces anciens liens ont été réactivés. L’ancien ambassadeur indien, M.K. Bhadrakumar, explique ce plan :

Parallèlement, le MI6 britannique a cherché à réunir les principaux groupes de 
guérilla séparatistes ethniques du Myanmar, les encourageant à profiter du
chaos pour ouvrir un second front. En effet, une certaine proximité s'est développée depuis lors entre les
manifestants birmans de Yangon et de Mandalay d'une part et les groupes
ethniques minoritaires non birmans d'autre part. Malgré une histoire
d'antipathie mutuelle, leurs intérêts convergent aujourd'hui pour saigner
les militaires. C'est une coalition improbable de bouddhistes et de chrétiens,
mais comme l'évalue prudemment un analyste américain, c'est faisable : ... Quoi qu'il en soit, à la mi-avril, la première attaque armée majeure contre
l'armée a été menée par l'Union nationale karen, le plus ancien groupe rebelle
du Myanmar (créé à l'origine par la puissance coloniale britannique pour
lui servir de force proxy). Aujourd'hui, le gouvernement dit d'unité nationale a annoncé son intention
de créer une armée d'union fédérale - une force militaire composée de
transfuges des forces de sécurité, de groupes ethniques rebelles et de
volontaires. Ce serait un tournant qui transformerait l'agitation anti-militaire
en une confrontation armée contre les militaires. Le Myanmar entre dans
la phase cruciale où se trouvait la Syrie en 2011.

Le missile Man Portable Air Defense (Manpad) utilisé par les Kachin contre

un hélicoptère de l’armée du Myanmar n’est pas sorti de nulle part.

Il doit provenir du MI6 ou de la CIA, via les frontières largement ouvertes entre le Myanmar et l’Inde, pays membre du Quad. (Il est probablement plus compliqué d’obtenir des provisions pour les Karens près de la frontière thaïlandaise, car l’armée thaïlandaise est elle-même soumise à la pression d’une révolution de couleur américaine et n’aimerait pas contribuer à de tels efforts).

HOM Myanmar Bagan novices reading duo.jpg

Il existe d’autres groupes ethniques des deux côtés de la frontière indienne qui peuvent être et seront utilisés pour mener une guérilla contre l’armée du Myanmar. Disposant gratuitement d’armes modernes, ils peuvent créer des dégâts considérables.

Pendant ce temps, un « gouvernement d’unité nationale » en exil, du genre de celui de Juan Guaido, sera utilisé pour faire croire qu’il existe une réelle opposition au gouvernement militaire. L’« armée d’union fédérale » sera une copie de l’« armée nationale syrienne » – un assemblage perdu de mercenaires et de divers groupes de seigneurs de guerre. Une organisation de propagande du type des « Casques blancs » devrait également faire son apparition prochainement.

L’objectif est de déclencher une vaste guerre civile qui rendra impossible la mise en œuvre de tout projet chinois au Myanmar.

Bhadrakumar constate que le projet est bien coordonné :

Le secrétaire d'État américain Antony Blinken s'est entretenu avec son 
homologue indien S.Jaishankar pas moins de trois fois en autant de mois
depuis la prise du pouvoir par les militaires au Myanmar. Il est certain que
la coopération de l'Inde est cruciale pour le succès de l'entreprise
anglo-américaine au Myanmar. Le Myanmar a occupé une place importante lors de la réunion des
ministres des affaires étrangères du G7 à Londres du 3 au 5 mai.
Jaishankar s'est rendu à Londres et a rencontré Blinken. Aucune
des deux parties n'a divulgué de détails, mais un rapport de
Deutsche-Welle a signalé que "la Chine était en tête de l'ordre du
jour alors que les ministres des affaires étrangères du G7 discutaient
d'une série de questions relatives aux droits de l'homme. La question
du coup d'État au Myanmar et de l'agression russe était également
à l'ordre du jour"
. Le communiqué ajoute que les ministres du G7 ont regardé une vidéo
du gouvernement d'unité nationale du Myanmar afin "d'informer les
ministres de la situation actuelle sur le terrain"
. Le communiqué conjoint
publié à l'issue de la réunion de Londres consacre une grande attention
au Myanmar (paragraphes 21 à 24). Il exprime sa "solidarité" avec le
gouvernement d'unité nationale et appelle à des sanctions globales
contre l'armée du Myanmar, y compris un embargo sur les armes. Les douleurs de naissance des insurrections ne sont jamais exposées au
public, car les agences de renseignement mettraient les acteurs en jeu.
La situation au Myanmar a atteint ce stade. C'est la première grande action
du Royaume-Uni post-Brexit ("Global Britain") sur la scène mondiale.
Comme souvent dans l'histoire moderne, Londres mènera la danse
depuis l'arrière.

Les contre-mouvements aux plans américains et britanniques viendront de Russie et de Chine. Une semaine avant le coup d’État, le ministre russe de la Défense, Sergei Shoigu, s’est rendu au Myanmar. Le 27 mars, le vice-ministre russe de la défense, Alexander Fomin, était présent lors du défilé annuel de la Journée des forces armées à Naypyidaw.

La Russie a des intérêts pétroliers au Myanmar et vend des armes à son armée. Elle empêche toute mesure contre le Myanmar au Conseil de sécurité des Nations unies. Signe qu’elle connaît les enjeux, elle a prévenu que des sanctions contre l’armée pourraient conduire à une véritable guerre civile.

myanmarbirmanie.jpg

Jusqu’à présent, la Chine est restée silencieuse sur cette question. Elle s’efforcera de garder un profil bas. Une intervention ouverte de la Chine est hors de question, mais l’aide chinoise pourrait devenir importante si ou quand le gouvernement du Myanmar subit des pressions financières.

Il est dit qu’un autre petit pays, qui ne demande qu’à être laissé tranquille, sera bientôt détruit par la tentative « occidentale » de maintenir la Chine à terre. Une guerre par procuration entre grandes puissances dont personne, à part des personnes déjà riches, ne profitera.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

vendredi, 07 mai 2021

Fond Européen de la Défense: une dotation ne suffit pas pour armer l’Europe

unFED.jpg

Fond Européen de la Défense: une dotation ne suffit pas pour armer l’Europe

FED : l'Union européenne alloue 7,9 milliards d'euros à la création d'une défense commune, mais cela ne suffit pas à nous libérer des États-Unis.

par Salvatore Recupero

Ex : https://www.centrostudipolaris.eu/

Le 29 avril 2021, les députés ont approuvé l'adoption du Fonds européen de défense (FED), qui sera doté d'un budget de 7,9 milliards d'euros pour la période 2021-2027. Il s'agit peut-être d'un premier pas vers le soutien et la coopération en matière de défense en Europe. Pour l'instant, cependant, nous ne serons pas pour autant autonomes par rapport à Washington. En fait, la création d'un système de défense européen n'exclut pas un partenariat avec les États-Unis.

La genèse de l'EoF

C'était l'année 2016 et Jean-Claude Junker (alors président de la Commission européenne) avait parlé de la nécessité de créer une défense européenne commune (1). L'homme politique luxembourgeois invitait notamment à réfléchir à la nécessité de prendre la responsabilité de protéger les intérêts et le mode de vie des citoyens européens, sur leur territoire et à l'étranger, sans déléguer leur protection aux pouvoirs militaires des autres. L'idée était (et est) excellente, et indépendamment de ce que l'on peut par ailleurs penser de Junker.

Pour passer des paroles aux actes, il a fallu créer un fonds (le Fonds européen de défense) uniquement pour financer les premiers projets. Tout cela devait faire partie du "plan d'action européen en matière de défense". Entériné par le Conseil, l'EoF est devenu une réalité le 7 juin 2017, lorsque la Commission a adopté une communication intitulée "Établissement du Fonds européen de défense", soulignant ses caractéristiques distinctives. Il ne manquait que le sceau du Parlement. Il n'y a donc plus d'alibis.

5319942-7938883.jpg

L'avenir du FED

Que va-t-il se passer maintenant? Simple, l'UE pourra cofinancer des programmes de recherche et de développement dans le domaine militaire. Mais sans la coopération des États nationaux, l'effort risque d'être inutile. Il faudra donc profiter de l'expérience acquise ces deux dernières années avec les projets pilotes (2): l'Edidp (le programme de développement de l'industrie européenne de la défense) pour 500 millions 2019-2020 ; et le PADR, l'action préparatoire dans le domaine de la recherche, pour 90 millions.

Bien que nous n'en soyons qu'aux premiers pas, l'enthousiasme est grand. Thierry Breton, commissaire européen chargé du marché intérieur et des services, a parlé d'un "jour historique pour l'Europe", car "l'idée de travailler ensemble pour promouvoir notre Union de défense et pour la sécurité des citoyens de l'UE est désormais une réalité tangible". L'opération aura également des effets positifs d'un point de vue économique, comme l'a expliqué la vice-présidente de la Commission européenne chargée des questions numériques, Margrethe Vestager. Selon Mme Vestager, "le Fonds jouera un rôle essentiel en permettant aux PME de participer aux chaînes d'approvisionnement de la défense et en développant la coopération industrielle transfrontalière. L'Italie aussi, par la voix de son ministre de la Défense Lorenzo Guerini, a exprimé sa grande satisfaction pour l'accord conclu. Tout va bien alors? Pas tout à fait.

Les Italiens veulent les Américains

Guerini, en effet, fait pression pour la participation de pays non membres de l'UE. En pratique, l'Italie (mais pas seulement elle) se félicite de la présence des Américains. À ce stade, une question se pose: mais pourquoi impliquer "nos alliés" alors que nous investissons pour nous rendre plus autonomes ? La réponse n'est que trop évidente: nous sommes forcés de le faire. L'Europe a perdu la Seconde Guerre mondiale et paie toujours pour cette défaite. Pas une feuille ne bouge sans que Washington ne le veuille. La rhétorique de la libération ne tient pas la route. Nous disons plutôt qu'après avoir porté le collier pendant plus de soixante-dix ans, nous nous sommes convaincus qu'il s'agit d'un collier (sans laisse). Cependant, il faut dire que la Maison Blanche avait déménagé à temps sans que le ministre de la PD n'en ait eu besoin.

P26_DR.png

Les États-Unis ne reculent pas d'un pouce

Le journal en ligne Formiche.net (3) avait anticipé il y a plus d'un mois l'intention de la Maison Blanche d'entrer dans le projet de coopération structurée permanente (Pesco) dédié à la mobilité militaire. Une intervention qui est possible grâce au règlement approuvé en novembre qui "ouvre la défense européenne aux États-Unis". Un paradoxe en plein essor.

Pour mieux le comprendre, nous devons expliquer davantage ce qu'est le ‘’projet de coopération structurée permanente’’. La ‘’coopération structurée permanente’’ (Pesco precisely) est la coopération structurée permanente en matière de défense signée par 25 pays européens lors du Conseil Affaires étrangères/Défense de Bruxelles en 2017. Il s'agit de la première étape exécutive vers l'intégration des forces armées européennes, car elle vise à "simplifier et normaliser les procédures de transport militaire à l'intérieur des frontières européennes". C'est pourquoi l'OTAN, ou plutôt le Pentagone, ne pouvait pas être spectateur. Et c'est ainsi que dans les premiers jours de mars arrivent les nouvelles: l'entrée des Etats-Unis dans le Pesco se passe bien et "peut fonctionner". C'est ce qu'a déclaré l'ambassadeur Stefano Sannino, secrétaire général du Service européen d'action extérieure, lors d'un événement de l'ECFR, rapporté par DefenseNews.

Il est évident que les questions sont beaucoup plus complexes. Quelques lignes ne suffisent pas pour analyser la question de manière exhaustive. Cet épisode clarifie cependant nos idées sur l'équilibre des forces entre les deux côtés de l'Atlantique.

L'importance d'une armée européenne

Pour en revenir au thème de l'article, un "fonds" ne suffit pas à faire de l'Europe une puissance militaire, mais c'est un premier pas. Une condition nécessaire mais pas suffisante pour avoir une armée européenne qui ne dépend pas du Pentagone.

À la lumière de ce qui a été dit, il est clair que l'Union européenne doit agir différemment. Le professeur Vittorio De Pedys explique comment dans le numéro 21 de la revue Polaris (4). Selon M. De Pedys, "un accord fort est nécessaire immédiatement sur trois aspects. Le premier est la défense des frontières. La coopération dans ce domaine est essentielle car il y a, et il y aura de plus en plus, le danger du terrorisme, la marée montante de l'immigration, l'illégalité, le commerce des armes, les patrouilles et la sécurité des frontières extérieures.

h_54862352-800x450.jpg

L'autre aspect est celui des missions internationales de "maintien de la paix". Au lieu de dépenser autant d'argent et de vies de jeunes gens à faire les guerres des autres, il serait bon d'envoyer les forces d'une armée et d'une marine européennes sur les théâtres où nos intérêts l'exigent (Méditerranée, Afrique du Nord, Tchad, Libye, Syrie, etc.). Enfin, la création d'une industrie européenne de la défense qui permettrait d'acheter des systèmes d'armes étrangers de manière concertée et moins coûteuse. L'Europe est l'un des quatre grands acteurs mondiaux par la taille de ses armées et de ses armements : elle dispose de porte-avions (italiens et français) et de marines de guerre, qui lui permettraient de projeter son pouvoir d'influence sur différents théâtres ; elle entretient également un surprenant rapport de force et d'influence avec un très grand nombre d'anciennes colonies situées à l'autre bout du monde, qui sont sensibles à toute proposition européenne unifiée. Cet énorme potentiel n'est pas du tout exploité aujourd'hui parce qu'il est fragmenté dans un fatras (et non une somme) inepte, stérile et substantiellement inutile de micro-politiques nationales". Ces mots nous montrent quelle est la bonne approche pour construire une Europe qui redevienne un phare de la civilisation.

Notes :

  1. (1) Fonds européen de défense : un financement pour l'avenir de la défense européenne par Lucrezia Luci, Geopolitica.info, 13 septembre 2020 https://www.geopolitica.info/european-defence-fund-finanz...
  2. (2) La défense européenne commence. Feu vert pour le fonds de (presque) 8 milliards d'euros par Stefano Pioppi, Formiche.net, 26 avril 2021 https://formiche.net/2021/04/fondo-europeo-difesa-approva...
  3. (3) La défense européenne s'ouvre aux États-Unis. Voici les plans pour la mobilité militaire par Stefano Pioppi, Formiche.net, 16 mars 2021 https://formiche.net/2021/03/usa-difesa-europea-pesco/
  4. (4) L'Europe que nous voulons - Populaire, pas populiste, souveraine, pas souverainiste, européenne, pas européiste par Vittorio De Pedys, Polaris Magazine, Numéro 21 Hiver 2018 https://www.centrostudipolaris.eu/2018/11/01/leuropa-che-...

 

Le lithium prendra-t-il la place du pétrole?

lithium2.jpg

Le lithium prendra-t-il la place du pétrole?

Electromobilité: un changement radical de la relation homme/voiture est en cours. Le lithium sera-t-il le "carburant" du futur et supplantera-t-il le pétrole?

Entre-temps, la course géopolitique à l'accaparement des précieux éléments naturels a déjà commencé.

par Salvatore Recupero

Ex : https://www.centrostudipolaris.eu/

Nombreux sont ceux qui pensent que les voitures électriques garantiront une mobilité durable dans un avenir proche. Même si les choses ne se passent pas exactement comme ça, il est désormais clair que la politique et les grands constructeurs automobiles ont choisi de miser sur les voitures électriques. Voyons pourquoi.

La voiture électrique et le carburant durable

Le numéro 23 de la revue Polaris (1) a analysé cette question, en soulignant le "projet d'un changement radical de vie dans la relation entre l'homme et la voiture". Un projet radical imposé par l'augmentation des utilisateurs, par la limitation des sources de pétrole".

Le changement ne sera pas si simple. Actuellement, les problèmes sont nombreux, mais nous nous limiterons à en citer au moins deux. Le premier concerne les méthodes de recharge des batteries électriques: "Il est nécessaire de construire une infrastructure de colonnes de recharge qui réduise les temps de charge en les rendant similaires à ceux du plein d'essence". Le deuxième point est lié au lithium. Cet élément est essentiel à la production des batteries électriques qui alimenteront la mobilité du futur. Tous les véhicules écologiquement durables (scooters, vélos et voitures électriques) dépendront du précieux métal alcalin.

db2019au01601.jpg

Comment les constructeurs automobiles évoluent

Les constructeurs automobiles s'activent pour se mettre au diapason. Par exemple, dès 2018, Matthias Müller (PDG de Volkswagen) a expliqué aux actionnaires que: "Un nouveau jeu a commencé, avec de nouvelles tendances, de nouvelles technologies, de nouvelles alliances". M. Müller faisait référence à un "processus de transition énergétique" qui modifiera la géographie des matières premières. Toujours en Allemagne, BMW (2) est passé de la parole aux actes. La société munichoise a signé (le 31 mars dernier) un accord de plus de 300 millions de dollars avec la société américaine Livent, engagée dans l'extraction de lithium dans le système lacustre andin de la province argentine de Catamarca. "Le lithium - explique Andreas Wendt, membre du conseil d'administration de BMW - est l'une des matières premières essentielles de l'électromobilité. En obtenant cet élément auprès d'un second fournisseur, nous répondons aux exigences de la production de notre cinquième génération actuelle de cellules de batterie".

Malgré les mesures prises par Volkswagen et BMW, l'Europe (pour l'instant) est faible dans ce secteur par rapport à d'autres concurrents. Par exemple Tesla: l'entreprise américaine, dirigée par l'excentrique Elon Musk, est spécialisée dans la production de voitures électriques, de panneaux photovoltaïques et de systèmes de stockage d'énergie.

Bmw_i8_Roadster_004.jpg

L'Extrême-Orient se déplace donc à l’allure d’un train à grande vitesse. Le japonais Toyota, par exemple, entend "se transformer d'une entreprise de fabrication de voitures en une entreprise de mobilité, car il devra fournir toutes sortes de services de transport, de la production de voitures à la connectivité, au partage de voitures et à la production de batteries". Et puis il y a la Chine, qui ne craint pas la concurrence dans ce secteur (comme dans d'autres).

La Chine et la "bataille des batteries

En parlant de Pékin, il est utile de rappeler que la State Grid Corporation of China est le deuxième groupe mondial par son chiffre d'affaires (350 milliards de dollars). Aujourd'hui, elle est en mesure de construire la quasi-totalité des composants pour les réseaux UHV - pour la transmission d'énergie à très haute tension - en courant alternatif et continu, ainsi que tous les composants (transformateurs, interrupteurs, etc.) du marché mondial. Son réseau s'est déjà implanté en Europe et prévoit de construire 21 centrales électriques dans le corridor sino-pakistanais. En Afrique, elle prévoit d'agir sans concurrence.

La Chine, d'ailleurs, (comme on peut le lire sur Start Mag) est "entrée dans la bataille des batteries de voitures avec l'ambition de dominer le monde" (3). La véritable pomme de discorde est le contrôle et la fourniture du lithium (ainsi que d'autres éléments rares).

La géopolitique du lithium et des terres rares

Dans l'article de Start Mag ci-dessus, il est également mentionné que: "Selon l'U.S. Geological Survey, la Chine domine ce marché des matériaux et métaux rares, les principaux composants pour la production de batteries rechargeables, un marché lucratif. Elle contrôle la quasi-totalité de ce marché. Sur les 170.000 tonnes produites l'année dernière, 71% (120.000 tonnes) l'ont été par ces derniers. Les autres producteurs, l'Australie (20.000 tonnes) et les Etats-Unis (15.000 tonnes), sont loin derrière".

bc1c79f73c_101500_reserves-mondiales-terres-rares.jpg

Les États-Unis pour contrer ce " monopole ", sous la présidence Trump, avaient délégué la question au Pentagone, via le Defense Production Act. Le plan de la Maison Blanche était simple: aider les pays alliés (Australie et Brésil) à maximiser leur capacité d'extraction afin de dépendre le moins possible de Pékin. Nous allons maintenant voir ce qui se passe avec Biden.

Une inconnue demeure: que fait (et fera) l'UE? Pour l'instant, hormis les initiatives de quelques grandes entreprises allemandes, il n'y a que des projets pour un avenir pas trop lointain. Le 12 mars dernier, en effet, des membres de la Commission européenne faisant autorité (4) l'ont promis: "D'ici 2025, les entreprises européennes auront la capacité de fournir toutes les batteries lithium-ion nécessaires aux constructeurs automobiles du continent, assurant ainsi l'autosuffisance dans un secteur clé pour l'avenir de la mobilité et au-delà". Elle devrait créer dans les prochaines années "l'Airbus des batteries impliquant des dizaines d'entreprises dont des constructeurs automobiles et des groupes énergétiques".

Maros Sefcovic (vice-président de la Commission européenne) a également annoncé qu'il "travaillera avec la Banque européenne d'investissement pour mobiliser des fonds privés supplémentaires et obtenir 50 milliards d'euros de plus pour atteindre les objectifs ambitieux de 2025". "En avril", a déclaré M. Sefcovic, "la Commission et les entreprises privées signeront un accord pour financer la recherche de pointe à hauteur d'environ 900 millions d'euros.

La route empruntée pourrait être la bonne. Au-delà de ce que l'on peut penser des voitures électriques, c'est un match que l'on ne peut pas se contenter de regarder depuis les tribunes.

Notes :

  1. (1) Mettez le Greta dans le moteur - Les écotaxes ne réduiront pas la pollution mais elles financeront les restructurations Magazine Polaris, Numéro 23 automne hiver 2019 https://www.centrostudipolaris.eu/2020/01/01/metti-greta-...
  2. (2) Voitures : Argentine, Bmw passe un accord avec Livent pour des batteries au lithium, Ansa Motori, 31 mars 2021 https://www.ansa.it/canale_motori/notizie/industria/2021/...
  3. (3) La guerre entre la Chine, les États-Unis et l'UE pour les batteries des voitures électriques Startmag, par Giuseppe Gagliano 04 avril 2021 https://www.startmag.it/energia/la-guerra-tra-cina-usa-e-...
  4. (4) En 2025, l'Europe sera autosuffisante dans la production de batteries pour les voitures électriques, Agi, 12 mars 2021 https://www.agi.it/economia/news/2021-03-12/entro-2025-eu...

 

dimanche, 02 mai 2021

L'Europe en tant que puissance ne peut être « atlantique »

e5f0901110f7bd686aea94fdb05475af.jpg

L'Europe en tant que puissance ne peut être « atlantique »

Par Eduardo Zarelli

Ex : https://www.grece-it.com/articoli/

Le changement de présidence aux États-Unis a coïncidé avec l'anniversaire de la mort du général Charles de Gaulle et un échange de vues indicatif entre l'actuel chef de l'Élysée et le gouvernement allemand, en la personne de la ministre de la Défense Annegret Kramp-Karrenbauer, qui représente bien le tableau incertain des relations entre les États-Unis et l'Union européenne mises à mal pendant la présidence de Donald Trump et, plus généralement, souligne l'émergence évidente de la multipolarité dans les équilibres mondiaux.

"L'Europe, souveraine en sa défense, combat unie pour ses valeurs contre la barbarie", tel est l'appel du président français Emmanuel Macron qui exhorte l'Union européenne à devenir plus puissante sur la scène internationale et capable d'agir indépendamment des États-Unis dans de nombreux domaines, des opérations militaires à la politique industrielle. Cet appel se dirige contre la posture soumise de l'Allemagne, sans pourtant qu’il y ait équivoque sur sa primauté économique continentale et sur son impact commercial mondial. Cette posture se révèle aussi dans la servilité la plus inconsolable à un "passé qui - évidemment - ne passe pas". Elle a été bien résumé par Kramp-Karrenbauer, selon qui "les Européens ne pourront pas remplacer le rôle crucial de l'Amérique pour assurer la sécurité". En ce sens, on a vraiment la nostalgie du Général de Gaulle qui, en 1964, avait parfaitement défini le problème en déclarant: "Pour nous, Français, il faut faire l'Europe européenne. Une Europe européenne signifie qu'elle existe par elle-même et pour elle-même, c'est-à-dire qu'elle a sa propre politique au centre du monde. Eh bien, c'est précisément ce que certaines personnes rejettent, consciemment ou inconsciemment, même si elles prétendent vouloir que cela se produise. Après tout, le fait que l'Europe, sans politique, reste soumise à celle que lui dicte l'autre côté de l'Atlantique, leur paraît encore normal et satisfaisant".

marsdg.jpgEn fait, il sera très difficile pour les protagonistes actuels de représenter un destin politique adéquat pour le continent. L'Union européenne est évidemment un comité d'entreprise qui, dans ses fondements, évite la question de la souveraineté, ce qui démultiplie les effets de l'irrésoluble désaccord qui existe toujours entre démocratie et libéralisme, participation et individualisme de masse, volonté populaire et institutions technocratiques.

L'édifice européen présente deux défauts structurels: 1) la primauté de l'économique, au détriment du politique et du culturel, qui entraîne un principe de citoyenneté incohérent, couvert par l'idéologie des droits civils et le catéchisme moralisateur du "politiquement correct"; 2) il est construit d'en haut, avec beaucoup d'autoréférence à la nature oligarchique de l’ensemble et à la posture techno-morphique des classes dirigeantes, insensibles au bon sens des peuples qu'elles doivent gouverner, des peuples compris, en dernière analyse, comme des obstacles substantiels au renversement d'un marché autorégulé.

Le premier nom de l'Union européenne était "Marché commun" et aujourd'hui nous en sommes à une dérive libérale complète des institutions - et libéraliste de l'économie - qui marchandise la société et ne fait qu'un avec la mondialisation vue comme but ultime de la dystopie impolitique du cosmopolitisme apatride. En ce qui concerne la verticalité, l'Europe ne peut qu'être une complémentarité d'identités fédérées intégralement dans une subsidiarité communautaire, une démocratie organique, tandis qu'à son opposé, à Bruxelles, il y a une bureaucratie centralisatrice et entropique qui veut s'imposer avec le diktat juridique sur chaque espace vécu, cimentant la forme du capital, supplantant la vitalité sociale et la nature des choses.

Les souverainetés nationales sont pliées aux dynamiques mondiales, mais à leur place, aucune souveraineté politique légitime, faisant autorité, n'émerge sur le continent, subsumée par le scénario post-idéologique de l'involution de tout idéal volontariste en faveur de la brutalisation de la société de consommation et du matérialisme hédoniste.

ares-sculpture-3.jpgA cette orientation impolitique se superpose une indolence morale. Obsédée par l'universalisme dont elle a été historiquement le point de référence, l'Europe a injecté un sentiment de culpabilité et d'abnégation qui a fini par façonner la "vision du monde" de ses classes dirigeantes et le mode de vie de la classe aisée, devenant par ailleurs le seul continent à vouloir "s'ouvrir" sans plus se préoccuper - sauf pour les avantages économiques - de ce qu'il veut signifier pour le monde. Le résultat est une paresse impardonnable et géopolitiquement suicidaire, étant donné que la dynamique internationale est projetée dans le désordre de multiples intérêts divergents, absolus seulement s'ils sont autosuffisants, et donc politiquement et militairement défendables.

Un exemple - parmi d'autres - est la politique migratoire suicidaire de ces dernières décennies, soutenue par une irresponsabilité assimilationniste totalement fanatique sans qu'un réalisme identitaire ne puisse y faire contrepoids car inexistant. C’est là le signe avant-coureur d'une désintégration civique qui prend désormais la forme d'une "guerre civile froide" interne, rampante et interstitielle, directement proportionnelle à l'absence de respectabilité externe, c'est-à-dire de politique étrangère commune. Comme le dit Alain Finkielkraut: "cela signifie que, pour ne plus exclure personne, l'Europe doit se débarrasser d'elle-même, se "dés-originer", ne conserver de sa propre tradition que l'universalité des droits de l'homme [...] Nous ne sommes rien, c'est la condition préalable pour que nous ne soyons fermés à rien ni à personne".

Malgré cela, l'Europe, en tant qu'espace métapolitique et idéal, reste le point de référence pour quiconque en fait partie en raison de la conscience anthropologique et culturelle, le processus de la civilisation européenne étant notre histoire vécue. La valeur d'un juste milieu holistique, où la totalité est supérieure aux parties individuelles, reconnues et donc complémentaires dans leurs différences, doit s'identifier à la justice sociale et au bien commun, à la réciprocité des appartenances communautaires et des corps intermédiaires, à la durabilité et à une civilisation de la mesure capable de mettre en symbiose nature et culture. Une communauté de destin.

La nécessité d'une troisième voie entre le libéralisme et le collectivisme ont marqué les arguments des alternatifs sensés, lors de cette tension idéale qui, dans la seconde moitié du 20ème siècle, revendiquait l'indépendance européenne et le non-alignement face aux impérialismes opposés du système de Yalta. Aujourd'hui, le changement du scénario historique international ne modifie pas la nécessité d'échapper à la subalternité, plus précisément à celle qu’induit la mondialisation, mais, cette fois, en faveur d'un multilatéralisme adhérant au réalisme des rapports de force dans un monde multipolaire, ce qui constitue un projet original de culture et de civilisation.

414eea2HHzL._AC_.jpgIl n'y a aucune comparaison possible entre une Europe qui cherche à se constituer en tant que puissance politique souveraine autonome et une Union européenne qui n’est que procéduralisme fonctionnel adapté à un échange mercantile mondial dit «  libre ». En ce sens, la question militaire n'est pas secondaire et consiste à résoudre définitivement la relation avec l'OTAN.

Conçue dans une perspective antisoviétique, au plus fort de la guerre froide, comme une réponse opérationnelle à d'éventuelles crises entre les blocs occidental et oriental, cette alliance militaire, conformément à la logique et à sa nature fondatrice, aurait dû cesser d'exister après la période triennale qui s’étendit de 1989 à 1991, c'est-à-dire après la chute du mur de Berlin et suite à la dissolution de l'Union des républiques socialistes soviétiques. En raison du dualisme à l'égard du Pacte de Varsovie (l'organisation militaire supranationale dirigée par l'URSS à laquelle adhéraient les pays d'Europe de l'Est soumis à la férule du Moscou soviétique), après avoir remporté ce qui était défini comme la principale "bataille", l'OTAN aurait dû commencer à se démanteler et à se retirer progressivement des territoires européens dans lesquels elle occupait des terrains et des bases militaires (Allemagne, France et Italie in primis). Rien de tout cela, trente ans après ces événements de césure, ne s'est produit. Avec la fin du socialisme réel, l'OTAN est devenue l'instrument explicite des intérêts stratégiques, économiques, commerciaux, géopolitiques et militaires des États-Unis, au détriment de la souveraineté européenne et du multilatéralisme international.

Ce n'est pas une coïncidence si l'un des premiers ordres exécutifs de l'administration du nouveau président Joe Biden en matière de politique étrangère est de confirmer la présence et même le renforcement en Allemagne de l'ensemble du dispositif militaire américain déployé en plein centre du continent européen, et que la Russie doit être considérée comme un ennemi stratégique et géopolitique de premier plan.

La série d'interventions militaires s’est ancrée dans l’histoire européenne récente: déjà dans la période 1992-1999, l'OTAN a facilité la crise en ex-Yougoslavie, accélérant le processus de dissolution, tant sur le plan diplomatique que par l'intervention militaire de ses troupes sur le terrain. En 1999, année de la crise du Kosovo, l'OTAN a mené une intervention militaire sur le sol européen sans aucune légitimité internationale (ONU), alimentant les conflits ethniques entre Serbes, Albanais et Kosovars, bombardant toute la région à l'uranium appauvri, avec la complicité italienne (gouvernement dirigé par Massimo D'Alema, avec pour ministre de la défense Sergio Mattarella).

Le cas paradigmatique des Balkans n'est que le début d'une expansion territoriale del’OTAN et de l'ingérence occidentale dans toute l'Europe de l'Est pour encercler stratégiquement la Russie, jusqu'au coup d'État de 2014 en Ukraine. Ensuite, cet interventionnisme s’est porté sur d'autres échiquiers hors statut, comme le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord ou le Proche-Orient: Afghanistan, Irak, Libye, Syrie. Qui plus est, la Turquie - membre de l'organisation depuis sa première expansion en 1952 – s’avère capable de mener une politique néo-ottomane sans scrupules en Méditerranée. Elle soutient aussi le terrorisme islamiste fondamentaliste d'ISIS. Comment peut-on, en tant qu’Européens, continuer à soutenir les raisons invoquées par cet instrument pour étayer l'hégémonie mondiale déclinante des États-Unis ?  Ce soutien insensé témoigne du niveau d'abrutissement atteint par le diktat de la pensée unique dominante, et s'il y a un thème "souverainiste" vraiment univoque, sur lequel mesurer les intentions réelles, au-delà des déclinaisons de gauche et de droite du populisme, c'est précisément celui-ci.

mars.jpgL'OTAN porte atteinte à la souveraineté et à l'indépendance de l'ensemble du continent. Soixante-dix ans et plus après sa fondation, l'Europe, si elle veut être crédible envers elle-même, doit créer des forces armées indépendantes, pour une défense commune intégrée de ses frontières et de ses intérêts, en évitant l'unilatéralisme et l'agression atlantiste, facteur d'inimitié et de conflit dans le grand espace eurasien. La civilisation européenne, en tant que puissance neutre, point d'équilibre entre l'Est et l'Ouest, retrouvant sa véritable fonction historique et son propre limes, pourra être souveraine, parce que la "volonté de puissance" n'a rien à voir avec l'imposition de la force et l'expansionnisme, mais se manifeste surtout dans la domination de soi, de ceux qui luttent donc de manière désintéressée, sans s'attacher au résultat de leurs intentions, parce que, pour citer Walter Whitman, "les batailles sont perdues dans le même esprit avec lequel elles sont gagnées". Ceux qui reconnaissent la décadence et l'effondrement de la civilisation occidentale seront en mesure de créer les conditions d'un réveil de la conscience de l'Europe.

Eric Hoesli et l'histoire du Caucase

54612b16778a59cda0812722e9e2c81e.jpg

Volontaires de Khabardie, guerres du Caucase, début du 19ème siècle.

Eric Hoesli et l'histoire du Caucase

Source: Compte vk de Jean-Claude Cariou

Recension/Rappel: Eric Hoesli, A la conquête du Caucase - Epopée géopolitique et guerres d'influence, Editions des Syrtes, 2006, 687 pages (réédité en collection Syrtes/Poche, 2018).

Carrefour dangereux, le Caucase est aujourd’hui l’une des régions du monde les plus convoitées. Lutte pour le pétrole, montée de l’islamisme, rébellions armées et combats pour l’indépendance : le massif montagneux qui marque la frontière de l’Europe avec l’Asie et le Moyen-Orient est aussi le champ de bataille des années à venir.

Depuis deux siècles, les grandes puissances politiques et militaires se livrent dans la région à une guerre d’influence qui a souvent débouché sur des conflits armés, parfois accompagnés de génocides ou de déportations. Imams et chefs de guerre montagnards, otages célèbres, espions anglais et alpinistes de la Wehrmacht, agents de Staline ou pionniers du pétrole sont les acteurs de cette histoire souvent tragique.

***

I3oUzC-sfAs.jpg

« À la conquête du Caucase » est un ouvrage inédit qui révèle sources et témoignages jamais exploités jusque-là.

" C'est un livre exceptionnel, totalement original et dont la seule genèse dit beaucoup de choses sur notre époque. Eric Hoesli, son auteur, premier directeur du Temps, est l'un des meilleurs spécialistes occidentaux de la Russie. Depuis qu'il en est tombé amoureux, fasciné par ce mois d'octobre 1917 qui façonna le dernier siècle, il en connaît tous les acteurs, tous les ressorts et tous les moments contemporains. Il y a vingt ans qu'il vit et fait vivre la Russie comme personne mais, quand l'écroulement soviétique a fini par jeter ce pays et le monde dans leur chaos actuel, le journaliste a fini, lui, par ressentir la vanité de son métier, de cette actualité que nous rapportons.

Poutine a dit... Les Tchétchènes ont fait... La Géorgie ceci... Les Azéris cela... Oui, très bien, il faut le savoir mais quel sens ont ces faits? Dans quelle dynamique s'inscrivent-ils? Dans quelle Histoire longue? Difficile à dire. En fait, on ne le sait pas. Le journalisme devient, là, impuissant car l'époque est trop folle, les batailles en cours bien trop confuses pour que nous puissions même imaginer ce que sera le paysage quand elles auront pris fin.

La seule certitude est que nous vivons une rupture, le passage du messianisme communiste au messianisme islamiste, l'émergence de nouvelles puissances, la crise des anciennes et, entre toutes, une lutte de tous les instants. A la jonction de l'Europe et de l'Asie, de cette faillite communiste et de ce réveil musulman, de l'islam et de la chrétienté, le monde est en précipitation mais il y a un endroit de la carte où les bouillonnements de cette chimie s'observent mieux que partout ailleurs.
C'est le Caucase.

c5e673c2ba8a6c903c830cbf3d3c4b7e.jpg

Pétrole compris, tous les ingrédients de cette furie mondiale se mêlent dans ce pied asiatique et montagnard du défunt empire russe. Il y a deux cents ans déjà que cette région anticipe le monde d'aujourd'hui et c'est dans ce chaudron qu'Eric Hoesli a donc plongé, cherchant le futur dans le passé pour tenter de comprendre le présent.

Quand son pavé vous arrive, on le tourne, le retourne, le hume et le sonde. C'est de l'Histoire, cela se lit aussi fiévreusement que Les Trois Mousquetaires, mais ce n'est pas un roman historique. Tous les personnages de cette œuvre ont bel et bien existé mais ce n'est pas, non plus, de l'Histoire romancée, une réinvention du réel par l'imagination d'un écrivain.

Alors, c'est quoi? Où ranger ces sept cents pages? De quelle catégorie relèvent-elles, se demande-t-on d'abord, mais très vite l'évidence s'impose. Après avoir inventé un journal, Eric Hoesli vient maintenant d'inventer un genre nouveau, à la croisée de l'Histoire, du journalisme et de la littérature. En un seul livre, il a su conjuguer trois métiers, précision de l'historien, enquête de notre envoyé spécial et savante construction romanesque de ces six récits articulés dans une épopée de deux siècles qui s'achève sur les dernières nouvelles de la région, le recommencement de son Histoire - la suite de la nôtre.

Le journaliste est, bien sûr, allé sur le terrain, d'innombrables fois, suivant les pipelines d'aujourd'hui et redécouvrant les combats d'hier en reporter de guerre. L'historien a traqué les témoignages du XIXe siècle jusque dans les rayons oubliés des plus petites bibliothèques. L'écrivain, le librettiste faudrait-il dire tant cette œuvre a de souffle, a mis en scène, fait revivre et parler les contemporains de ces premières guerres du Caucase, de ces moments perdus et, désormais, ressurgis où des musulmans cherchaient, déjà, dans leur foi le ciment d'une unité anti-occidentale tandis que, déjà, les puissances s'entrechoquaient dans ces gorges et vallées, carrefours des civilisations et artères de la planète, routes de la soie hier, du pétrole maintenant.

La force de ce livre est si grande que cette épopée s'anime sous nos yeux. Les pages deviennent images, reportage dans le passé. La plume se fait voix, voix off, sobre et retenue comme un complément d'enquête sur ces scènes que décrivent à chaud le général russe, la gouvernante française, l'otage géorgien et tant d'autres encore, interviewés outre-tombe.

CaucMap.gif

Chapitre après chapitre, l'enquête du journaliste renoue les fils d'une Histoire interrompue par la glaciation soviétique et comment ne pas être sidéré de retrouver, entre hier et aujourd'hui, au centimètre près, les mêmes débats et rivalités créés par le pétrole de la Caspienne et ses difficultés d'acheminement?

Comment ne pas voir un précurseur de ben Laden dans ce «Lion du Caucase», ce Chamil qui arrêtait la progression des tsars là même où Vladimir Poutine est, maintenant, défié? Comment ne pas retrouver dans l'engouement que la France, la Grande-Bretagne et l'Ouma eurent, alors, pour lui l'exaltation que la résistance afghane à l'Armée rouge suscita aux Etats-Unis, à Saint-Germain-des-Près et dans tout le monde musulman?

Comment ne pas éclater de rire en entendant le rédacteur en chef de La Gazette de Tiflis s'indigner de la «chamilophilie» des André Glucksmann de l'époque et s'écrier, comme la presse russe de 2006: «Voilà de quoi s'éclairent les peuples éclairés! Voilà les informations par lesquelles ces instituteurs du peuple font l'éducation de la nation!» Et comment ne pas sortir plus serein de ce superbe livre, inquiet bien sûr, mais avec tellement plus d'intelligence du présent ?"

10:55 Publié dans Géopolitique, Histoire, Livre, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : caucase, histoire, russie, livre, eric hoesli | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 01 mai 2021

Rethinking Chinese School of IR from the Perspective of Strategic Essentialism

miry.jpg

Rethinking Chinese School of IR from the Perspective of Strategic Essentialism

 
Ex: https://katehon.com/en/article/

As early as 1977 Stanley Hoffmann claimed that International Relations (IR) is an American social science (Hoffmann 1977), and according to Ann Tickner (2013), little has changed since then. Mainstream IR scholars perceive different regions of the world as test cases for their theories rather than as sources of theory in themselves. Thereby, the “non-West” became a domain that IR theorists perceived as backward; a domain which requires instruction in order to reach the “end of history” that Western modernity encapsulates (Fukuyama 1992). The phenomenon of American-centrism is closely related to the experience of the United States as a world hegemonic power after World War II. Although US hegemony has often been challenged by other countries in the world, its hegemonic status has never been replaced. Even if other countries looked like they would surpass the US at certain times (the Soviet Union in the 1970s, and Japan in the 1980s), they actually did not have the global, sustainable and all-round appeal of the American model. Therefore, American hegemony in the contemporary world not only enjoys technological, economic, and political superiority, but is also cultural, ideational and ideological.

However, any great power in history has its rise and fall, and the United States is no exception. The financial crisis in 2008, Brexit, the emergence of populism in Western countries, as well as the rise of non-Western countries, have challenged the current liberal order led by the United States. First of all, the stability of American society itself has been declining in recent years, especially under Trump’s administration. Racial divisions, coupled with other accumulated social and economic problems, have plunged the United States into serious trouble.

The COVID-19 pandemic that began in 2020 has weakened the West as a role model for governance and accelerated the transfer of power and influence from the West to the “rest.” In addition, the voice of developing countries and non-Western regions has become stronger in the past few decades as their wealth and power has increased. The combined nominal GDP of the BRICS countries, for instance, accounts for approximately one-quarter of the world’s total GDP. Some scholars have pointed out that the norms, institutions, and value systems promoted internationally by the West are disintegrating. The world is entering a “post-Western era” (Munich Security Report 2017).

71LUvxKS8jL.jpg

9780415474740.jpg

The views and experiences of non-Western subjects have increasingly been recognized as an indispensable part of the discipline, which is a consequence of the decline of the West and the wider dissemination of non-Western cultural and philosophical concepts. Various research agendas and appeals have been put forward around this theme. Among the most representative and influential are two initiatives: “Non-Western/Global IR” and “Post-Western IR.” Advocates of Non-Western/Global relations theory, such as Amitav Acharya and Barry Buzan, not only criticize the Western-centrism of the discipline, but also advocate the establishment of IR research based on the histories and cultures of other regions, and encourage the development of non-Western IR theories (See Acharya and Buzan 2010; 2019). The “World Beyond the West” research series (World Beyond the West), initiated by Ann Tickner, Ole Wæver, David Blaney and others, hope to present the local knowledge production practiced by multiple sites, so as to criticize Western-centrism in the discipline, and to respond to the political and ethical challenges faced by the discipline in the post-Western era. Both initiatives expect to develop diverse IR theories and concepts based on “non-Western” historical experience, thoughts and viewpoints.

The rise of interest in non-Western thought in the field of IR has had a positive significance for the development of Chinese IR theory. Many Chinese scholars believe that a Chinese School of IR should be established. For these advocates, Chinese IR not only needs to develop its own epistemological system to understand international relations from China’s perspective; it can also contribute to discussion of what kind of world order China wants. Qin Yaqing, one of the most representative advocates of the Chinese School, believes that the formation of the Chinese School is not only possible but also inevitable. As he states, the Chinese School has three sources of thought from which it can draw nourishment, namely: (1) the Tianxia concept and the practice of the tributary system, (2) modern communist revolutionary thought and practice, and (3) the experience of reform and opening up. Judging from the efforts of Chinese scholars in recent years, most of their efforts have focused on the use of Chinese history, culture and traditional philosophical ideas (Qin 2006). Among them, Yan Xuetong’s moral realism, Zhao Tingyang’s Tianxia system, and Qin Yaqing’s theory of relationality are most influential.

theory talk 45 - qin yaqing.JPG

71z80yvs05L.jpg

Yan’s moral realism tries to learn from the concept of “humane authority” in Chinese pre-Qin thought as a source of knowledge and ideas in order to reconceptualize the realist view of power. According to Yan, humane authority is not something that one can strive for; rather, it is acquired by winning the hearts of the people through setting an example of virtue and morality. In this vein, virtues and morality are qualities that can be inherent in the conduct of the state and its leaders, and which can influence others to act in one’s favor. It is the source of “political power”(See Yan, Bell and Sun 2011; Yan 2018). Zhao’s Tianxia system draws from an idealized version of the Tianxiasystem of the Zhou dynasty (c. 1046–256 BC) as the paradigmatic model. He argues that the system was an all-inclusive geographical, psychological, and institutional term. It therefore belongs to all humans equally and is more peace-driven than the Westphalian system which has dominated the world order for centuries (See Zhao 2006; Zhao and Tao 2019). Qin’s theory is centered around the concept of relationality, or guanxi, an idea that is embedded in Confucianism. From a Chinese relational perspective, the international society is not as simple as just comprising of independent entities acting in an egoistically rational way in response to the given structures. Instead, it is a complex web of relations made up of states related to one another in different ways (See Qin 2009; 2016; 2018).

51739456._SY475_.jpg

416RCBqdoJL._SX324_BO1,204,203,200_.jpg

The nascent popularity of the Chinese School has received many criticisms in the IR subject area, the most important of which are the following two criticisms. The first argues that the Chinese School’s references to historical documents and classics are either inaccurate or overly romanticized. It is a kind of anachronism, which also infers an imperious form of Chinese exceptionalism – a form of wishful thinking that “China will be different from any other great power in its behavior or disposition” (Kim 2016). The second criticism is that the knowledge developed by Chinese School is only used to legitimize the rise of China. As Nele Noesselt (2015) notes, the search for a Chinese paradigm of IR mainly aims “to safeguard China’s national interests and to legitimize the one-party system. The above two criticisms are valid, but not unique to China, and by this standard much other work in IR would also have to be discounted. American IR scholarship also uses source material anachronistically, as critics of realism have observed, and its agenda often reflects US interests and concerns. As E.H. Carr noted in his letter to Hoffman in 1977, “What is this thing called international relations in the “English speaking countries” other than the “study” about how to “run the world from positions of strength”?…[it] was little more than a rationalization for the exercise of power by the dominant nations over the weak” (Carr 2016: xxix).

71BQT+HWMiL.jpg

YanXueton.jpg

Yan Xuetong

Of course, making comparisons between American hegemony and its connection to mainstream IR on the one hand, and the rise of China with the Chinese School on the other, does not by itself justify the enterprise of the Chinese School from the critical IR perspective.

It is worth mentioning that on various occasions critics like Callahan (2008) have been cautious about the Chinese School as merely another familiar hegemonic design. To some extent, Chinese School scholars are indeed replicating the mainstream western IR theory and its problems (Chen 2010). Attempts by Yan, Zhao and Qin to reinvigorate traditional Chinese concepts – i.e. humane authority, the Tianxia system, and relationality – actually channel the Chinese Schools of IR into American mainstream IR discourse – i.e. a realist notion of power, a liberal logic of cosmopolitanism, and a constructivist idea of relationality. The Chinese School uses, against the West, concepts and themes that mainstream IR currently uses against the non-Western world. As Shani (2008) points out, true post-Western theories should not only mimic modern Western discourse; they must develop a critical discourse from within non-Western traditions, liberating non-Western regions from Western dominance. However, one might ask: is it possible that imitating Western discourse can constitute a kind of critical resistance? In order to think about this issue, it is worth looking at Bhabha’s concept of “mimicry.”

9780415519250.jpg

9781912127276.jpg

For Bhabha, “mimicry” is a complex, ambiguous, and contradictory form of representation, and it is constantly producing difference/différance and transcendence. As Bhabha notes (1994: 86), “the discourse of mimicry is constructed around an ambivalence: in order to be effective, mimicry must continually produce its slippage, it excess, its difference.”   As a result, imitation by the Chinese School is not simply to duplicate the Western discourse, but to change Western concepts and practices to bring them more into line with Chinese local conditions. “Almost the same, but not quite.” Thus, non-Western scholars including the Chinese School can still make novel and innovative contributions to the literature of IR through hybridization, mimicry and the modification of the initial notions, as Turton and Freire (2016) note. More importantly, this mimicry is a concealed and destructive form of resistance in the anti-colonial strategy. Firstly, imitating the West will create similarities between non-Western theories and Western theories, which in turn confuses the identity of the West. Moreover, the relationship between the “enunciator” and the one who is articulated can potentially be reversed. Whether in support or in opposition, mainstream IR scholarship has been forced to respond to various ideas, concepts and approaches proposed by Chinese School scholars. Thirdly, the Chinese School also verifies that the European experience is a local experience. This is readily exposed when the starting points of mainstream IR – often taken for granted – are used in different contexts.

Nevertheless, there seems to be an issue at the heart of the enterprises of the Chinese School from Bhabha’s colonial resistance perspective. To Bhabha (1994: 37), “hierarchical claims to the inherent originality or ‘purity’ of cultures are untenable, even before we resort to empirical historical instances that demonstrate their hybridity.” Undeniably, the Chinese School has manifested several degrees of essentialism in its account of Chinese history and political thoughts, believing that Chinese culture have a homogenous, nonmalleable, and deep-rooted essence. It has indeed juxtaposed China and the West, essentializing and fixating on the existence of “Chinese culture,” which in nature is hybrid. When Orientalist IR meets Occidentalist IR, hatred and conflict will become possible and perpetuate questionable practices in world politics. In that context, the enterprise of the Chinese School might close down the creative space needed to imagine a different way of engagement. Essentialism is something of a taboo in the critical line of IR scholarship. However, when critical theory’s criticism of essentialism is too extreme, it may threaten the base on which resistance depends. In order to meaningfully challenge the hegemony, we need a site of agency, or a subject. A theoretical difficulty derived from this point of view is the extent to which a degree of essentialism is desirable.

To Spivak, essentialism is the object to be deconstructed, however, deconstruction depends on essentialism. As she stated (1990: 11), “I think it’s absolutely on target to take a stand against the discourse of essentialism…But strategically, we cannot.” On the issue of feminism, Spivak opposes the so-called feminine nature. She believes that it is practically impossible to define “women.” An implication of defining women is the creation of a strict binary opposition, a dualistic view of gender, and as a deconstructionist, she is against positing such dualistic notions. Although she opposes defining an absolute and fixed nature of women, from the standpoint of political struggle, she believes that the historical and concrete nature of women still exists and can be used as a weapon of struggle. In light of Spivak’s thought, it is inevitable to adhere to essentialism to a certain extent when engaging in post-Western theories, although we must be vigilant. In other words, the Chinese School as a “strategy” is not permanent but is specific to the situation of non-Western voices needing to be heard on the global stage, noting that the main challenge in the IR discipline today is to address the legacy of “Western hegemony.”

41NzJC89NxL._SX329_BO1,204,203,200_.jpg

To conclude, the rise of the Chinese School has stimulated discussions, ignited debates, and sparked inspiration among IR scholars. It has challenged Western hegemony within international relations as well as the study of it. As pointed out at the inception of this article, the field of IR theory has been highly Eurocentric to date and international relations are dominated by the Western hegemony. Hence, there is no need to discard Chinese School perspectives altogether. Rather, we need to use the Chinese School strategically and critically, rather than treating them as purely objective standpoints that produce truths. IR knowledge of all sorts needs to be produced with a reflective spirit.

References:

Acharya, A., & Buzan, B. (2010). Non-Western international relations theory : Perspectives on and beyond Asia. London ; New York: Routledge.

Acharya, Amitav & Buzan, Barry. (2019). The Making of Global International Relations. Cambridge: Cambridge University Press.

Bhabha, Homi (1994). The location of culture. London [etc.]: Routledge.

Callahan, William A. (2008). Chinese Visions of World Order: Post-Hegemonic or a New Hegemony? International Studies Review, 10(4), 749-761.

Carr, Edward H. (1939/2016). The twenty years’ crisis, 1919-1939 : An introduction to the study of international relations. London: Macmillan. 

Chen, Ching-Chang. (2011). The absence of non-western IR theory in Asia reconsidered. International Relations of the Asia-Pacific, 11(1), 1-23.

Fukuyama, F. (1992). The end of history and the last man. New York, NY [etc.]: Free Press [etc.].

Hoffmann, S., An American social science: International relations. Daedalus, 106 (1977), pp. 41-60.

Kim, Hun Joon. (2016). Will IR Theory with Chinese Characteristics be a Powerful Alternative? The Chinese Journal of International Politics, 9(1), 59-79.

Munich Security Report (2017). Post truth, post West, post order? Munich Security Report 2017.  https://issat.dcaf.ch/Learn/Resource-Library/Policy-and-R...

Noesselt, Nele. (2015). Revisiting the Debate on Constructing a Theory of International Relations with Chinese Characteristics. The China Quarterly (London), 222(222), 430-448.

Qin, Yaqing. (2006). The possibility and necessity of a Chinese School of international relations theory (in Chinese), World Economics and Politics, 2006:3, pp.7-13.

Qin, Yaqing. (2016) A relational theory of world politics’, International Studies Review, 18:1, pp.33–47.

Qin, Yaqing. (2018). A Relational Theory of World Politics. Cambridge University Press.

Shani, Giorgio. (2008). Toward a Post-Western IR: The “Umma,” “Khalsa Panth,” and Critical International Relations Theory. International Studies Review, 10(4), 722-734.

Tickner, Arlene B. (2013) ‘Core, Periphery and (Neo)imperialist International Relations’, European Journal of International Relations, 19:3, pp. 627-646.

Turton, Helen Louise, & Freire, Lucas G. (2016). Peripheral possibilities: Revealing originality and encouraging dialogue through a reconsideration of ‘marginal’ IR scholarship. Journal of International Relations and Development, 19(4), 534-557.

Spivak, G., & Harasym, S. (1990). The post-colonial critic : Interviews, strategies, dialogues. New York, NY [etc.]: Routledge.

Worlding Beyond the West: https://www.routledge.com/Worlding-Beyond-the-West/book-s....

Yan, Xuetong, Bell, Daniel A, Zhe, Sun, & Ryden, Edmund. (2013). Ancient Chinese thought, modern Chinese power (The Princeton-China Series). Princeton: Princeton University Press.

Yan Xuetong. (2019). Leadership and the Rise of Great Powers (Vol. 1, The Princeton-China Series). Princeton: Princeton University Press.

Zhao, Tingyang. (2006). Rethinking Empire from a Chinese Concept ‘All-under-Heaven’ (Tian-xia, ). Social Identities, 12(1), 29-41.

Zhao, T., & Tao, L. (2019). Redefining a philosophy for world governance (Palgrave pivot).