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mercredi, 21 janvier 2009

Habermas sur la défensive: politique, philosophie et polémique

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Archives de SYNERGIES EUROPÉENNES / CRITICON (Munich) - ORIENTATIONS (Bruxelles) - Février 1988

Habermas sur la défensive:

Politique, philosophie et polémique

par Hans-Christof Kraus

N.B.: Ce texte est en même temps une recension critique de deux ouvrages récents de Jürgen Habermas:  Die Neue Unübersichtlichkeit (Francfort, Suhrkamp Verlag, 1985, 269 p., 14 DM) et  Der philosophische Diskurs der Moderne (Francfort, Suhrkamp Verlag, 1985, 450 p., 36 DM), recueil de douze cours. Dans le texte ci-dessous, ces deux livres sont indiqués par les abréviations NU et PhD.

Incroyable mais vrai: Jürgen Habermas, la tête pensante la plus en vue et la plus féconde de la gauche ouest-al-le-mande, est sur la défensive. Lui qui proclamait encore en 1979: "Je tiens à passer pour un mar-xiste" (1), se plaint aujourd'hui avec cette faconde dont il a le secret, de ce que "les efforts de la praxis philosophique pour re-for-muler le projet de la modernité dans une optique marxiste ont perdu de leur crédibilité" (PhD, 380). Le socia-lisme, il ne peut, au mieux, que le définir a contrario: "Le socialisme consiste avant tout à savoir ce dont on ne veut pas" (NU, 73). Quant au capitalisme, il n'est peut-être pas si condamnable que cela! "Faisons donc vio-lence à nos sentiments: le capitalisme a été un franc succès, au moins sur le plan de la reproduction maté-rielle, et il l'est toujours" (NU, 194). Faussement perspicace, Habermas pérore sur la "singulière évanescence d'un certain type de progrès" (NU, 67) qui serait (quelle découverte!) "le propre des peuples qui n'ont pas eu leur révolution" (NU, 68).

Habermas manie la litote avec bonheur. Et donne dans la modestie: "Je ne suis pas un producteur de Weltan-schauung;  je voudrais en fait laisser quelques petites vérités. Pas une seule et grande Vérité". Il faut dire qu'il a dé-jà mis au rancart la "conception élitaire de la Vérité chez les Anciens", qu'il considère comme un "mythe creux". Pour finir, il se drape avec une feinte irritation dans le rôle de "l'auteur inactuel" auquel le temps pré-sent n'est pas particulièrement propice et ne manifeste qu'un goût mitigé pour sa théorie de la "rationalité com-municative" (NU, 179).

Contre les rénégats de la gauche et les conservateurs impénitents!

A partir de cette position défensive, et se rappelant que "l'attaque est la meilleure défense", Habermas prend pour cible deux catégories d'adversaires dont il tente de minimiser les différences: d'une part, les renégats de la gauche, espèce particulièrement prolifique en France (Foucault, Glücksmann, Lévy, Lyotard), chez lesquels il croit déceler "les thèmes bien connus de la contre-Aufklärung": les "théories sur la puissance" propres au "pessimisme bourgeois" de Hobbes à Nietzsche; celles-ci ne seraient plus que des "positions de repli pour trans-fuges désabusés" (PhD, 302, note 26). Bien entendu, Habermas ne se pose à aucun moment la seule ques-tion intéressante qui puisse être posée: pourquoi ce sont précisément d'anciens gauchistes que l'on trouve au-jour-d'hui prêts à "sacrifier leur intelligence à seule fin de mettre un terme à leur déboussolement" et à "s'a-ban-donner au jeu grotesque de l'extase esthético-religieuse" (PhD, 361)! Sa polémique contre les "renégats de la gau-che" trahit plutôt sa propre perplexité et ne peut faire oublier qu'à l'évidence, une certaine forme d'Auf-klä-rung rationaliste, à laquelle adhère encore Habermas, est devenu inacceptable, y compris pour ces intellectuels de gauche qui, naguère, ne juraient que par la raison.

L'autre cible de Habermas, ce sont les conservateurs de tout poil. Cependant, une espèce particulière retient son attention. Habermas sait reconnaître l'adversaire; il aura au moins retenu cela de Carl Schmitt: ce sont les "vieux nietzschéens" qui "sortent de leurs trous pour clamer publiquement les fantasmes élitistes qui ont tou-jours meublé leurs cervelles" (NU, 61). A la bonne heure. D'autant que le compliment peut être retourné à l'en-vo-yeur: souhaitons à monsieur le professeur Habermas (et à nous-mêmes!) l'avènement d'une époque où lui et ses épigones marxiens auront l'occasion de réintégrer leurs trous de souris sans oublier d'emporter leurs fan-tas-mes égalitaires!

I. La critique de la pensée conservatrice

Habermas est connu pour affectionner l'abstraction, la classification, la schématisation. Les conservateurs, il les range d'emblée dans quatre tiroirs: les "vieux conservateurs", les "néo-conservateurs", les "nouveaux con-servateurs allemands" et le courant "jungkonservativ".  Les premiers sont expédiés en un tour de main; le dé-bat est en effet stérile: "le recours des paléoconservateurs à des vérités religieuses ou métaphysiques ne pèse plus d'aucun poids dans le discours philosophique de la modernité" (PhD, 74).

Le libéralisme fondamental des "néo-conservateurs" américains

Les "néo-conservateurs" sont déjà un adversaire plus sérieux. L'expression désigne chez Habermas un groupe de publicistes américains, ci-devant de gauche voire gauchistes, reconvertis dans le libéral-conservatisme (Pod-ho-retz, Kristol) ou dans la sociologie (Bell, Berger et Lipset). L'une de leurs préoccupations est par exemple de savoir comment transposer sur le marché les problèmes du budget de l'Etat et pallier la crise culturelle ac-tuelle "en modérant des principes démocratiques qui ont placé trop haut leur niveau de légitimation" (NU, 34). Mais la critique finale de Habermas parle d'elle-même: il n'a pas affaire à des conservateurs. Irving Kristol s'est lui-même défini, à juste titre, comme un "libéral malmené par les réalités"… Quant à Daniel Bell, qui juge né-ces-saire "une égalité ouverte au compromis", il n'est pour Habermas, qu'un "libéral logique avec lui-même" (NU, 39). La première joute avec les conservateurs est donc un coup d'épée dans l'eau: sous l'étiquette de "néo-con-servateurs", Habermas critique non des conservateurs mais… des libéraux (2).

Les "nouveaux conservateurs" de la tradition allemande

Le troisième tiroir s'ouvre sur les "nouveaux conservateurs" en République fédérale (3). Héritiers de l'hégélia-nisme de droite, ils se laissent docilement porter par "la dynamique de la modernité sociale en banalisant la cons-cience moderne du temps et en ramenant la raison à l'intellect (Verstand).  Leur conception de la rationa-lité est de type utilitariste" (PhD, 57). Habermas tente ensuite d'illustrer leur "réconciliation timide" (selon lui) avec la modernité (NU, 40) en évoquant Joachim Ritter, Ernst Forsthoff et Arnold Gehlen (NU, 41 ss.). Mais ses arguments ne sont, pour la plupart, que des combats d'arrière-garde à peine déguisés: lorsqu'il repro-che à Gehlen et à Schelsky d'avoir profité du chaos culturel orchestré (mais non voulu paraît-il…) par les idéo-logues de gauche pour en tirer prétexte à une "chasse aux intellectuels" et "mobiliser les ressentiments de la classe moyenne" (NU, 46), sa critique fait sourire. Aux thèses conservatrices, comme celle de l'épuisement de la modernité culturelle ou de la nécessité d'une nouvelle conscience de la tradition, Habermas ne trouve rien d'au-tre à opposer que la sempiternelle phraséologie creuse de la gauche: il faut-moraliser-la-politique, "démo-cra-tiser les procesus de décision pour placer l'action politique sous le signe de la justice sociale, trouver des formes de vie souhaitables" (NU, 51), etc… Il garde pour la fin sa grosse artillerie: les nouveaux conser-va-teurs veulent "tourner le dos à l'Occident et aux Lumières", ils se réclament (horribile dictu!)  de traditions spé-cifiquement allemandes, comme celle du "luthérianisme d'Etat" qui repose sur une "anthropologie pessi-mis-te" (NU, 54), l'objectif final étant "l'abandon de la modernité" et "l'hommage à la modernisation capitaliste" (id.). Sur le plan philosophique, l'argumentaire n'est guère plus rigoureux: le "traditionalisme" néo-conser-va-teur d'un Freyer et surtout d'un Ritter délégitime les "positions critiques de l'universalisme moral et des forces créatrices et subversives de l'art d'avant-garde" (PhD, 93) au nom de "conceptions esthétiques rétrogrades" (bien entendu). Ici encore, les concepts s'affolent: subitement, il n'est plus question de "nouveaux conser-va-teurs" mais de "l'émergence de libéraux tardifs militants (!) qui, chez nous, sont allés à l'école de Gehlen et de Carl Schmitt" (NU, 181), récusent "l'héritage du rationalisme occidental" et mobilisent la Gegenaufklärung  (NU, 182). Ce seraient donc, à nouveau, des libéraux? Si les catégories sémantiques qu'Habermas élabore lui-mê-me sont aussi exigües, et leurs cloisons aussi perméables, rien d'étonnant à ce que Habermas soit aujour-d'hui acculé à la défensive…

Les "jeunes conservateurs" qui veulent faire éclater le cadre du rationalisme occidental

Mais les choses se compliquent encore: dans le dernier tiroir qu'ouvre Habermas s'entassent les "jeunes con-ser-va-teurs" dont la généalogie lui pose les mêmes problèmes que leurs (soi-disant) représentants actuels: en effet, nous avons, d'un côté, les "nouveaux conservateurs" (c'est-à-dire, nous venons de le voir, les "libéraux tar-difs" formés chez Carl Schmitt!) qui seraient les héritiers des Jungkonservativen  de la République de Weimar sous l'influence desquels ils auraient opéré une "réconciliation timide avec la modernité" (NU, 40). Mais, d'au-tre part, ces mêmes "nouveaux conservateurs" seraient essentiellement les héritiers des hégéliens de droite (NU, 41; PhD, 57, 71, 86 ss.) dont l'erreur, au rebours des hégéliens de gauche, serait une interprétation fausse des rapports entre l'Etat et la société. D'un côté, donc, Carl Schmitt et ses élèves, Huber et Forsthoff ("jeunes con-servateurs" s'il en fut!) sont considérés comme des "hégéliens de droite" (PhD, 89); de l'autre, les "jeunes con-servateurs" ne seraient que des disciples de Nietzsche (PhD, 57) dont "l'antihumanisme" consistait à vou-loir "faire éclater le cadre du rationalisme occidental, à l'intérieur duquel évoluaient encore les tenants de l'hé-gé-lianisme, de gauche comme de droite" (PhD, 93).

Mais là où la démonstration devient vraiment curieuse, c'est lorsque Habermas avance les noms de quelques "re-présentants" de la tendance jungkonservativ:  à l'exception d'Ernst Jünger, sur lequel il passe rapidement (NU, 40 et PhD, 161), on ne trouve dans son énumération aucun "conservateur révolutionnaire" ni personne per-pétuant cette tradition; après Heidegger et Bataille, on trouve surtout, pour la période actuelle, Derrida, La-can, Foucault et Lyotard (PhD, 120, 7). Baptiser "jeunes conservateurs" ces auteurs, uniquement parce que cer-tains d'entre eux ont repris des thèmes déjà présents chez Nietzsche, est proprement absurde (Heidegger mis à part).

Bataille, Lacan, Lyotard, Derrida et Foucault: pour Habermas, ils seraient les "Jungkonservativen" d'aujourd'hui!

Bataille, par exemple, doit être écarté d'entrée de jeu: il fut un communiste convaincu qui vit dans le stalinisme ins-titué la condition première de la réalisation de ses idées. Quant à savoir ce que fait Lacan, psychanalyste struc-turaliste, dans les rangs des "Jeunes conservateurs", la  question demeure sans réponse sérieuse possible. Son nom, heureusement, n'est que rarement cité par Habermas. Lyotard, que Habermas se faisait fort de "démasquer", voici cinq ans, comme "néo-conservateur", a, depuis, opposé un démenti formel à cette appelation (4). Mê-me chose pour Derrida.

Quant à Foucault, mort en 1984, s'il s'est justement moqué de l'étroitesse d'esprit de la vieille gauche (à la-quel-le il a lui-même appartenu, puisqu'il militait au PC), cela ne signifie nullement qu'il se soit transformé en "conservateur": l'anarchisme bizarre, à prétentions esthético-hédonistes, qu'il a incarné vers la fin de sa vie (5) ne relève pas plus de l'idéologie jungkonservativ  que son étrange enthousiasme pour la révolution ira-nien-ne (6). Et s'il fallait une preuve de la distance qui sépare Foucault d'un Arnold Gehlen, par exemple, (avec le-quel Habermas tient sans cesse à le mettre en parallèle), il n'est que de relire sa critique des "institutions to-ta-les" des temps modernes, dont les conclusions sont diamétralement opposées aux thèses centrales de la théo-rie des institutions chez Gehlen. Là encore, la critique des "conservateurs" est boîteuse: les "jeunes conser-va-teurs" ne sont finalement, pour la plupart, qu'un mélange insolite de paléo-marxistes et de néo-anarchistes qui, d'ailleurs (dans la mesure où ils sont encore en vie et peuvent donc se défendre), ont vivement protesté contre les classifications pour le moins arbitraires de Habermas.

Signalons pour terminer une autre contradiction flagrante dans sa critique du "néo-" ou du "nouveau" conser-va-tis-me: d'un côté, Habermas critique le refoulement de l'Etat hors de la sphère économique au nom d'une éco-no-mie politique orientée sur l'offre, qu'il juge, évidemment, "anti-sociale" (NU, 34, 153 ss.); de l'autre, il vitu-pè-re rageusement le "hobbisme", l'"étatisme", le "légalisme autoritaire" et autres horribles méfaits des conser-vateurs (NU, 65, 91, 97, 102, 104, 107 ss.), coupables à ses yeux de réclamer "trop d'Etat". Ici encore, Ha-bermas devrait accorder ses violons… Les attaques véhémentes de Habermas contre tout ce qu'il estime "con-servateur" (que ce soit "paléo", "néo", "nouveau" ou jungkonservativ)  ne sont, tout compte fait, que du vent, soit parce qu'Habermas se trompe de cible, soit parce qu'il oppose la polémique aux arguments.

II. Habermas et l'actualité politique

"Je suis moi-même un produit de la reeducation;  un produit pas trop raté, j'espère", disait de lui-même Ha-ber-mas en 1979. Sur ce point, qu'il se rassure: ses craintes en la matière sont totalement injustifiées, il n'est que de lire, pour s'en convaincre, ses déclarations et confidences politiques. Habermas se félicite de ce que "la Ré-pu-blique fédérale se soit, pour la première fois, ouverte sans retenue à l'Occident", de ce que "nous ayons fait nô-tre la théorie politique de l'Aufklärung", "… compris que le pluralisme était un grand formateur de men-ta-li-tés" et "appris à connaître l'esprit radical-démocratique du pragmatisme américain" (NU, 54). Mais cela ne lui suffit pas: apparemment, nous ne sommes pas encore suffisamment rééduqués: comment expliquer autrement que "nous ayions en Allemagne une culture politique aussi dévoyée" dont le responsable n'est autre, bien en-ten-du, que le "fil de la tradition" (Traditionsstränge):  "le Reich impérial, le wilhelminisme, les nazis, la ré-vo-lution bourgeoise, restée partiellement inopérante, etc…" (NU, 192). Mais, quelques pages plus loin, on lit: "La République fédérale est à ce point devenue le 52ème Etat des USA qu'il ne nous manque plus que le droit de vote" (NU, 217 ss.) - on l'a bien vu dans la question du réarmement. Il faudrait savoir! D'abord, nous som-mes américanisés, et c'est très bien. Ensuite, nous ne le sommes pas, et c'est très mal. Et voilà que pour fi--nir, nous le sommes tout de même un peu, et c'est… encore très mal! Décidément, la défensive ne doit pas être une position très confortable lorsqu'elle en arrive à déboussoler un penseur d'une telle sagacité.

Ses autres propos politiques sont moins équivoques. La nation, par exemple, est selon lui devenue inapte à fon-der des valeurs (PhD, 424). Interrogé sur la question allemande et sur certains signes avant-coureurs d'un na-tionalisme de gauche, Habermas se réfugie sous l'aile de Willy Brandt et proclame sur un ton apodictique: "La question allemande n'est plus ouverte. Parler d'un nouveau nationalisme allemand est pour moi une absurdité… La nostalgie d'une identité allemande perdue, chez plusieurs intellectuels, sent le kitsch et rappelle les discours sur la 'réunification' de nos orateurs du dimanche de la CSU" (NU, 251).

En revanche, Habermas ne trouve rien à redire à la "rééducation", ce qui s'explique puisque, en bon "produit" de la rééducation, selon ses propres dires, il y participe activement: certes, "personne (?), aujourd'hui, ne soutient plus la thèse de la faute collective", mais quiconque "persiste à nier la responsabilité collective des Alle-mands", ne vise en fait qu'à occulter le problème du regard sur l'histoire, problème "inextricablement lié à no-tre propre identité, et à celle de nos enfants et petits-enfants" (NU, 264). Le propos est clair, comme d'ailleurs son hommage au discours "digne d'un Heinemann" (!) du président de la République du 8 mai 1985 (NU, 268)…

La "désobéissance civile" et la "théorie de la justice"

Habermas se révèle également comme un pur produit de la rééducation dans son plaidoyer en faveur de la "dé-so-béissance civile". Pour lui, cette forme de "résistance non violente" fait partie des "formes non con-ven-tion-nelles de la formation de la volonté politique" (NU, 79). Il faut "faire comprendre à l'Allemagne que la dé-so-béissance civile est le signe d'une culture politique parvenue à maturité" (NU, 81). Pour cela, Habermas mo-bi-lise la "théorie de la justice" du moraliste américain John Rawls, dont il retient la définition de la déso-béis-sance civile comme "action publique, non violente, dictée par la conscience mais politiquement illégale, et or-dinairement destinée à provoquer une modification de la loi ou de la politique gouvernementale" (8). Fort de l'au-torité (?) de ce professeur de Harvard largement imperméable à la politique et qui annonce tout de go que les ac-tes politiques dans un Etat de droit peuvent être illégaux (9), Habermas tente de démontrer que le degré de "dé-sobéissance civile" est un baromètre de la "maturité" de la République fédérale (NU, 84). Point de vue aussi aventureux qu'exhorbitant: par quels arguments un citoyen agissant dans l'illégalité peut-il exiger de l'Etat et de ses institutions le respect du droit existant? Et même si l'on admet, avec Rawls, que la désobéissance civile ne doit pas "troubler l'ordre constitutionnel", la question surgit aussitôt: où, exactement, tracer les limites? Et surtout: qui veillera au respect de ces limites? Les manifestants? Dans ce domaine, les limites sont très vite fran-chies lorsque le droit en vigueur a été enfreint et que les institutions sont bafouées.

Or, ce problème de la dynamique propre à l'action politique ne semble manifestement pas exister pour Rawls et Ha-bermas (10): fidèle aux principes universalistes du droit naturel, Habermas se fait l'avocat d'un fossé béant entre légalité et légitimité qui a déjà conduit, au cours de ce siècle, à la suppression de l'Etat (et à la dictature de Béhémoth) (NU, 85 ss., 97). Pour lui, les véritables "gardiens de la légitimité" d'un Etat sont "les labo-rieux et les besogneux qui ressentent plus que d'autres l'injustice dans leur chair" (NU, 88). Mieux: appelant à la rescousse un autre théoricien anglo-saxon du droit, R. Dworkin, il va jusqu'à affirmer que les "violations ci-vi-les de la loi" sont des "expériences moralement justifiées dans lesquelles une République vivante ne peut con-server ni sa capacité d'innovation ni sa légitimité aux yeux de ses citoyens" (ibidem). Ces vues surréalis-tes, et même dangereuses si elles étaient mises en pratique, ne sont possibles que parce que Habermas, pur pro-duit de la "rééducation", ignore totalement la tradition réaliste de la pensée politique, celle qui va de Machia-vel à Hobbes jusqu'à Carl Schmitt en passant par Hegel et Nietzsche. A cette tradition, Habermas préfère ma-ni-fes-tement quelques théories moralisantes anglo-saxonnes sur le droit naturel.

"Pour un usage réflexif de la règle majoritaire"

Son argumentaire est également très révélateur lorsqu'il émet des réserves à l'encontre du principe démocratique de la majorité (bien que lui et ses semblables aiment s'appeler des "démocrates radicaux"), notamment lorsque l'ap-plication de ce principe aboutit à des décisions déplaisantes pour lui et ses compagnons de route (voir l'af-fai-re de l'implantation des fusées Pershing). Mais il ajoute ensuite: "Le principe majoritaire n'est vraiment con-vaincant que dans certaines situations" (NU, 96); il est inopérant "lorsque le Non de la minorité exprime le refus d'une forme d'existence… taillée en fonction des besoins de la modernisation capitaliste" (NU, 95), bref lorsqu'il y a "face à face entre deux formes opposées de l'existence". Que faire alors? Habermas a bien sûr trou-vé la solution. L'un de ses disciples, le sociologue de Bielefeld Claus Offe, la définit ainsi: "C'est un usage ré-flexif de la règle majoritaire… de telle façon que les objets, modalités et limites de l'application du principe ma-joritaire lui-même soient mis à la disposition de la majorité" (NU, 96). La solution, n'en doutons pas, fera mer-veille, à condition que la population ne soit composée que de sociologues venus de Bielefeld ou de Franc-fort!

III. Le problème philosophique de la modernité

En 1954 parut à Berlin-Est un volumineux ouvrage qu'il faut considérer comme la contribution communiste la plus importante à la rééducation intellectuelle des Allemands de RDA (et pas seulement de RDA…). Son titre: Die Zerstörung der Vernunft  de Georg Lukàcs. Ce livre, rédigé à Moscou pendant la guerre, développe, sous la for-me d'une pérégrination à travers l'histoire récente des idées en Allemagne, la thèse de la "destuction de la rai-son" par les philosophes et écrivains "irrationalistes". Auxquels Lukàcs oppose la "bonne" tradition, la tra-dition rationaliste qui va, comme il se doit, de Hegel à Marx et à ses épigones.

Sauver la raison de ses "falsifications"

Si Habermas, dans ses lectures sur le discours philosophique de la modernité, ne procède pas de façon aussi su-per-ficielle ni aussi tapageuse, il semble bien par moments se prendre pour un nouveau Lukàcs (comme le sug-gè-re une allusion dans NU, 179) qui suivrait les traces de son prédécesseur, mais avec des ambitions intellec-tuel-les plus élevées. Déjà, dans ses écrits politiques, Habermas tentait d'expliquer tous les aspects négatifs de la modernité, critiqués par les "post-modernes" (et par lui-même) par des "effets secondaires" (NU, 63), des "fal-sifications" du véritable esprit de la modernité (NU, 15), des "exagérations", dans l'architecture moderne par exemple, (NU, 23), afin de "sauver le projet inachevé de la modernité qui s'emballe" (NU, 15). Son point de départ philosophique est donc à nouveau la défensive: la reconstruction du discours philosophique de la mo-der-nité est une réaction au "défi de la critique néostructuraliste de la raison" (PhD, 7).

Voici, brossée à grands traits, la démarche intellectuelle de cet ouvrage (Der philosophische Diskurs der Mo-der-ne)  sans doute ambitieux dont l'argumentaire se meut  -et se perd-  dans les hautes sphères de la réflexion: l'"é-mancipation de la modernité" (PhD, 26) commence avec Hegel dont la philosophie érige la subjectivité en prin-cipe des temps nouveaux. En même temps, la subjectivité reconnaît la supériorité du monde moderne (com-me monde de progrès) mais aussi sa crise (comme monde de l'esprit aliéné), et c'est pourquoi "la première ten-ta-tive de conceptualiser la modernité est originellement inséparable d'une critique de la modernité" (PhD, 27). A la rupture du principe de subjectivité en trois formes de raison depuis Kant (raison pure, raison pratique et ju-gement esthétique), qui sera suivie d'autres dissociations (entre science et foi, par exemple), Hegel oppose la "notion d'absolu" (PhD, 32) grâce à laquelle la philosophie peut révéler "la raison comme force de synthèse afin de répondre à la crise née de la dissociation (Ent-zweiung)  de l'existence" (ibidem) (11). Grâce à cet "ab-solu", posé en principe central et conçu par Hegel comme "le processus conciliatoire de la relation incon-di-tion-nelle à soi-même" (PhD, 46), Habermas peut certes "convaincre la modernité de ses errements sans re-cou-rir à un principe autre que celui, inhérent à la modernité, de subjectivité", mais il n'aboutit qu'à une "ré-con-ci-liation partielle" (PhD, 49) puisque sa solution revient à privilégier la généralité concrète (das konkrete Allgemeine)  par rapport au sujet concret, c'est-à-dire à "donner la préférence à une subjectivité supérieure, cel-le de l'Etat, plutôt qu'à la liberté subjective de l'individu" (PhD, 53). L'alternative possible (mais que rejette He--gel) eût été une "intersubjectivité supérieure de la volonté libre … dans une communauté de commu-ni-ca-tion" (PhD, 54). Ce point sera ultérieurement repris par Habermas lorsqu'il développera le concept dialectique de rai-son chez Hegel.

Les trois perspectives posthégéliennes

Après avoir développé ces prolégomènes dans ses 1ère et 2ème lectures, Habermas ébauche dans la troisième les trois perspectives posthégéliennes:

1) les hégéliens de gauche, qui veulent faire la révolution au nom de la raison totale (umfassend)  contre une rai-son étiolée et mutilée par l'esprit bourgeois;

2) les hégéliens de droite, qui font confiance à l'Etat et à la religion pour faire contrepoids à l'inquiétude de la so-ciété bourgeoise;

3) Nietzsche qui veut démasquer la raison, toute raison, comme une volonté de puissance déguisée et pervertie (PhD, 71).

La quatrième lecture traite d'ailleurs du seul Nietzsche qu'Habermas considère comme la plaque tournante de l'ir-rup-tion de la post-modernité. Dans une interprétation largement abrégée de la pensée nietzschéenne (et dans la-quelle il ne fait de surcroît aucune différence entre le jeune Nietzsche et le Nietzsche de l'âge mûr), Habermas ex-pose le projet nietzschéen de rénovation du mythe (PhD, 107 ss.) destiné à surmonter les déficits du ratio-na-lisme des Lumières. Il s'agit pour Nietzsche de "rompre radicalement (totaler Abkehr!) avec une modernité ex-ca-vée par le nihilisme" (PhD, 117). La délivrance dyonisiaque de l'homme moderne par l'expérience esthétique, que propose Nietzsche, supprime tous les intermédiaires de la raison hégélienne (PhD, 116 ss.) et la volonté de puissance se révèle comme fondamentalement esthétique (PhD, 118).

Le problème de Nietzsche

Mais le problème de Nietzsche est qu'il ne peut légitimer rationnellement sa critique de la raison, critique "qui se place d'emblée hors de l'horizon rationnel" (PhD, 119), pas plus d'ailleurs que ses critères du jugement esthé-tique (c'est un reproche fondamental que Habermas fera plus tard également à Heidegger, à Bataille, à Derrida et à Foucault). Pour résoudre ce problème, Nietzsche oscille entre deux stratégies:

1) la possibilité d'un regard artistique, en même temps sceptique et antimétaphysique, sur le monde, mobilisant des méthodes scientifiques  et sur ce point, Bataille, Lacan et Foucault n'ont pas dit autre chose;

2) la possibilité d'une critique de la métaphysique, critique qui ne serait pas une philosophie au sens tra-di-tion-nel du terme mais le fait d'un initié participant d'un mystère dyonisiaque: ici, Nietzsche rejoint Heidegger et Derrida (PhD, 120).

Cependant, avant d'écorcher ces deux derniers auteurs, Habermas essaie, dans sa cinquième lecture, de "sauver la dialectique de l'Aufklärung", jadis théorisée par Horkheimer et Adorno, afin d'empêcher les auteurs post-mo-dernes d'en abuser. Ce qui ne l'empêche pas lui-même, dans un premier temps, de critiquer la part trop belle fai-te par Horkheimer et Adorno à la raison instrumentale: certes, l'éclatement des sphères qui englobaient les va-leurs culturelles est à l'origine de la "régression sociale de la raison" mais il a provoqué également une "diffé-ren-ciation progressive d'une raison qui en acquiert une forme procédurale" (PhD, 137), en sorte que la "dia-lec-ti-que de l'Aufklärung" appréhende mal "le contenu rationnel de la modernité culturelle" (PhD, 137 ss.). Pour-tant, Habermas décèle en filigrane, chez ces deux auteurs, une "fidélité fondamentale à la démarche de l'Aufklä-rung" (PhD, 143) puisqu'ils s'offrent le paradoxe d'une critique radicale de la raison… avec les intruments de la rai-son (PhD, 145).

Habermas contre Heidegger

Habermas n'a pas la même indulgence à l'égard de Heidegger et de Derrida, qu'il aborde dans ses 6ème et 7ème lec-tures. Heidegger, qui se range comme Bataille, "sous la bannière de Nietzsche pour la lutte finale" (PhD, 158), en arrive lui aussi, à force de critiquer en bloc la philosophie moderniste du sujet, à évacuer la raison, de sor-te que, comme l'indique Habermas (on croirait lire du Lukàcs), "il ne fait plus la différence entre, d'une part, le contenu universaliste de l'humanisme, des Lumières … et, d'autre part, les idées d'auto-affirmation du parti-cu-lier, propres au racisme, au nationalisme et aux typologies rétrogrades du style Spengler ou Jünger" (PhD, 160 ss.). Le "décisionisme volontariste" qui s'exprime dans Sein und Zeit  débouche, pour Habermas, sur …  le na-tio--nal-socialisme. Aux prises avec celui-ci, Heidegger développe alors sa philosophie tardive, à savoir le Den-ken der Kehre,  l'idée de retournement (12). Cette pensée nouvelle se dévoile alors comme une "tempora-li-sa-tion de la philosohie originelle" (PhD, 158, 182): l'Etre comme "principe primordial selon la philosophie ini-tiale" est temporalisé et se révèle comme événement vrai, actuel en permanence, mais caché et qui, en tant que tel, ne peut se donner à voir que par le biais d'une critique radicale et destructrice de l'histoire de la méta-phy-sique. Or, dans une telle démarche, le "déracinement de la vérité propositionnelle" va de pair avec une "dé-va-lorisation de la pensée discursive" (PhD, 182), en sorte que Heidegger ne parvient qu'à "renverser les sché-mas de la philosophie du sujet" tout en restant "prisonnier de la Problématique de cette philosophie" (PhD, 190).

Le cheminement intellectuel de Derrida est très proche de celui de son maître Heidegger. Chez ce penseur fran-çais, l'absolu primordial est non l'Etre mais l'Ecrit "comme signe originel, … soustrait à tous les contextes prag-matiques de la communication" (PhD, 210). L'"Ecrit primordial" (Ur-schrift),  "force originelle diffuse dans le temps" (PhD, 211), rend possibles, en excluant tout sujet transcendental, "les distinctions, sources d'in-formation sur le monde, entre l'intelligible des significations et l'empirique qui se donne à voir dans l'ho-ri-zon de ce dernier" (PhD, 210). Pour réfuter ces conceptions, Habermas mobilise les arguments déjà utilisés con-tre Heidegger: Derrida lui aussi ne fait qu'ériger en mythe des "pathologies sociales manifestes" (PhD, 214).

Derrida: un irrationaliste proche de la mystique juive; Heidegger: un néo-païen "hölderlinien"

Détail intéressant: Habermas relève une différence notoire entre ces deux auteurs, même s'il les confond dans sa cri-tique: à l'actif de Derrida, il note que cet auteur "reste proche de la mystique juive" et ne souhaite pas "reve-nir, comme les néo-païens, à une période antérieure aux prémisses du monothéisme" (PhD, 214), ce qui le met à l'abri "tant de l'imperméabilité politico-morale que du mauvais goût esthétique d'un nouveau paganisme enri-chi d'Hölderlin" (PhD, 197). Heureusement, Derrida "reste en-deçà de Heidegger" car "l'expérience mystique… des traditions juive et chrétienne ne peut déployer toute sa puissance explosive, capable de liquider insti-tu-tions et dogmes" (!) (NU, 216) que par référence à un dieu caché, alors que "la mystique néo-païenne de Hei-deg-ger… a, au mieux, les charmes de la charlatanerie" (PhD, 217). Remarquable confession monothéiste, qui con-firme, s'il en était besoin, ce que la Nouvelle Droite, en France, a dévoilé au grand jour: une parenté idéo-lo-gique directe entre la pensée marxiste et les religions monothéistes du salut (13).

Dans la huitième lecture, Habermas présente la continuité qui court de Nietzsche à Bataille: pour ce penseur fran-çais, il s'agit de réhabiliter un sacré séculier qui s'exprime dans les expériences fondamentales (refoulées par la modernité) que sont l'ivresse, le rêve, la vie des instincts et que Bataille appelle la souveraineté (PhD, 248 ss.). Sa vision utopique d'un tel "retour de l'homme à lui-même" (PhD, 268), auquel tend son Economie gé-nérale,  se réalise dans le sillage du soviétisme marxiste de type stalinien (PhD, 266 ss.). Comme Nietzsche avant lui, Bataille se trouve confronté au problème (irrésolu) de la maîtrise théorique de la souveraineté comme "au-tre que la raison" puisque toute théorie est tributaire de ses présupposés rationnels (PhD, 277).

                                                       

Au centre de la pensée de Foucault: la puissance

La pensée de Foucault, auquel Habermas consacre de longs développements dans ses 9ème et 10ème lectures, se rat-tache à celle de Bataille et de Nietzsche. Historien des sciences, ce philosophe parisien décédé en 1984 met la notion de puissance au centre de son analyse. Pour lui, la modernité se caractérise avant tout par "un pro-ces-sus inquiétant de montée en puissance d'interactions concrètes" (PhD, 285), qu'il aperçoit aussi bien dans l'histoire des sciences humaines (PhD, 279 ss.) que dans l'apparition et le développement des "institutions to-ta-les": prison, asile, établissement psychiatrique, école, etc… (PhD, 286 ss.). Chez Foucault, la puissance devient donc "la notion de base historico-transcendentale d'une historiographie critique à l'égard de la raison" (PhD, 298 ss.). En même temps, sa démarche est "nominaliste, matérialiste et empirique puisqu'elle envisage les pratiques transcendentales de la puissance comme relevant du particulier, mais aussi de l'inférieur, du corpo-rel, du sensuel, de ce qui escamote l'intelligible, enfin du contingent qui pourrait être autre car il n'obéit à au-cun ordre directeur" (PhD, 301) -passages soulignés par l'auteur. Or, dans la mesure où Foucault utilise, dans sa gé-néalogie des sciences humaines, un concept de puissance posé en absolu et qui se manifeste de surcroît dans un rôle empirique et transcendental (PhD, 322), il ne parvient qu'à inverser le signe des apories de la philo-so-phie du sujet traditionnelle, et ne résoud le paradoxe qu'en substituant la vérité à la puissance (PhD, 323): son "historiographie généalogique" se révèle exactement comme "… la pseudo-science présentiste, relativiste et cryp-to-normative que précisément elle se défend d'être". Bref, elle se résorbe dans un "subjectivisme sans is-sue" (PhD, 324).

L'alternative habermasienne: la notion de "rationalité communicative"

Comme alternative aux apories des critiques de la raison depuis Nietzsche, Habermas propose, dans les 11ème et 12ème lectures, la notion de "rationalité communicative" qu'il avait déjà présentée en 1981 dans un pavé de 1200 pages intitulé Theorie des kommunikativen Handelns.  Cette conception reprend, du moins à en croire Ha-bermas, des éléments déjà présents chez Hegel, Marx ou même Heidegger (PhD, 94, 177 ss. et 345). Elle per-met de surmonter à la fois le paradigme désuet de la connaissance (= Erkenntnis  dans la philosophie du su-jet) (PhD, 345) et le paradigme de la production dans la philosophie de la praxis (PhD, 95 ss.). Cette nouvelle no-tion de "raison communicative" peut contribuer à "réhabiliter le concept de raison" (PhD, 395) en réac-ti-vant le vieil objectif de "révision de l'Aufklärung, mais avec les instruments de l'Aufklärung" (PhD, 353) et en renouant avec le "contre-discours inhérent à la modernité qui est critique du logocentrisme occidental, mais une critique qui diagnostique non un excès mais un déficit de la raison" (PhD, 361). La raison communicative "est intégrée directement au processus de la vie sociale" (PhD, 367) et la "praxis rationnelle doit être en-ten-due comme raison concrétisée dans l'histoire, la société, le corps et le langage" (PhD, 368 ss.): ce n'est que lors-qu'on a admis ces deux postulats que le "contenu normatif de la modernité" peut se manifester (PhD, 390). Ce contenu s'exprime notamment à travers le progrès social, méconnu par Nietzsche et ses successeurs (PhD, 392 et 342) et dont Habermas ne doute à aucun moment même s'il admet quelques "phénomènes de pathologie so-ciale" (PhD, 403)… qu'il s'empresse d'ailleurs de banaliser en les baptisant "pathologies de la commu-ni-ca-tion".

Habermas s'envisage donc, même s'il ne le dit pas ouvertement, comme le véritable héritier tant de la phi-lo-so-phie du sujet de l'idéalisme allemand que des velléités praxisphilosophisch  des hégéliens de gauche dans la me-sure où il dépasse par le haut les apories de ces deux lignages, à savoir par une redéfinition sociologique de la rationalité, et écarte en même temps d'un revers de main toutes les objections et points de vue de l'adver-sai-re postmoderne. Pour lui, le seul protagoniste vraiment sérieux est Niklas Luhmann, héritier bon teint de l'hé-gé-lianisme de droite (PhD, 408 ss.), qui porte aux extrêmes, dans sa théorie des systèmes sociaux, "l'affir-ma-tion néo-conservatrice de la modernité sociale" (PhD, 441). Sa thèse, "actuellement inégalée par sa puissance de conceptualisation, son imagination théorique et sa capacité à brasser les concepts" (ibidem, 444), atteint "une hauteur de réflexion où tout ce que les avocats de la postmodernité ont pu avancer… a déjà été pensé par lui mais de façon plus subtile" (PhD, 411). Son "sens des réalités" trahirait un "héritage très allemand, qu'il par-tage avec les hégéliens de droite sceptiques, jusqu'à Gehlen" (PhD, 432)! Néanmoins, face à Luhmann, Ha-ber-mas maintient qu'il n'y a pas seulement des systèmes sociaux parcellaires (Teilsysteme)   —il traite les con-ceptions de Luhmann d'"antihumanisme méthodique"!— et que l'ensemble social peut, grâce à ses opinions pu--bliques plurielles (Öffentlichkeiten)  exprimant, même de façon diffuse, une "conscience commune", "pren-dre normativement ses distances vis-à-vis de lui-même et réagir aux phénomènes de crise" (PhD, 435).

IV. Penser Habermas contre Habermas

Habermas a déclaré un jour qu'il fallait "penser avec Heidegger contre Heidegger" (14). Le précepte peut, à bien des égards, lui être retourné. Les éléments de critique sont nombreux; nous en retiendrons cinq:

1. Habermas applique le principe "deux poids, deux mesures": "Ce qui m'horripile, ce qui me heurte", a-t-il avoué un jour, "ce sont les agressions de ceux qui refusent de faire chez moi la différence entre le publiciste politique et le philosophe… et qui mélangent tout" (NU, 205). Or, n'est-ce pas ce que fait Habermas lui-même? Quand, dans sa 6ème lecture, il évoque un cours de Heidegger sur Nietzsche, il observe immédiatement (si ce n'est pas là de la basse polémique!) que pour Heidegger, "le surhomme a le visage du SA type" (PhD, 159). On se demande qui mélange ici la politique et la philosophie, et de manière diffamatoire de surcroît (15). A un au-tre endroit, Habermas proclame: "la chaire du professeur et l'amphithéatre de la faculté ne sont pas le lieu où l'on vide les querelles politiques; ce sont des lieux de débat scientifique" (NU, 212). On peut se demander, en li-sant un passage de sa 12ème lecture, s'il prend au sérieux son propre avertissement: "la communauté de va-leurs atlantique, focalisée autour de l'OTAN, n'est guère qu'un slogan de propagande pour ministres de la dé-fen-se" (PhD, 424), ou encore: "Cette science-fiction de la guerre des étoiles est tout juste bonne pour les planifi-ca-teurs idéologiques qui pourront ainsi agiter le spectre macabre d'un espace militarisé de façon à déclencher l'impulsion innovatrice qui mobilisera le colosse du capitalisme mondial pour le prochain round techno-lo-gi-que" (PhD, 425). Sans doute Habermas ne voit-il là aucune polémique. Seulement un "débat scientifique"…

2. L'un des reproches fondamentaux de Habermas à l'encontre des critiques de la raison dans le sillage de Nietz-sche est que leur discours ne fait "aucune place à la praxis quotidienne" (PhD, 393). Le responsable, encore et toujours, est Nietzsche: il aurait "tellement fixé ses disciples sur les phénomènes de l'extra- et du supra-quo-ti-dien" que la praxis quotidienne en est venue à être méprisée comme "du dérivé, de l'inauthentique" (un-eigentlich).  Outre qu'un tel reproche, rapporté à Nietzsche et formulé de cette façon, est inexact, l'objection n'est fon-dée que si l'on est convaincu, avec Habermas, que les modalités et les formes de la communication quoti-dien-ne dans le monde vivant recèlent effectivement ce que l'on peut appeler les structures fondamentales de la ra-tionalité. Mais il y a autre chose: Habermas ne fait pas la distinction, pourtant évidente chez Nietzsche et les nietzschéens, entre la petite élite de ceux qui sont vraiment capables d'une pensée philosophique et la mas-se qui demeure nécessairement impénétrable à ces dimensions supérieures de l'esprit humain. Bien évidemment, c'est à cette élite que s'adresse Nietzsche (comme ses prédécesseurs et successeurs), à une élite pour qui l'exis-ten-ce quotidienne devient inessentielle (un-wesentlich)  comparée au monde supérieur de la pensée dont elle par-ticipe. Cela ne signifie nullement que pour ces penseurs le quotidien ne soit absolument pas digne de ré-fle-xion! Dans ses brillantes analyses de critique culturelle, notamment dans Sein und Zeit,  Heidegger montre clai-rement qu'un étude rigoureuse du quotidien et la reconnaissance de son importance pour l'existence humaine, peut très bien s'accompagner d'une critique de ce monde de la quotidienneté qui, entrevu sur un plan plus élevé, s'a-vère précisément comme uneigentlich  (16).

Habermas demuere crispé sur l'utopisme

3. Habermas se crispe sur les positions classiques de la gauche: celle de l'utopisme. Il s'agit certes, dès l'a-bord, d'un utopisme très atténué, abstrait dans sa formulation. Rappelons-nous le jeune Marx qui pensait que, dans la société communiste, il serait possible de "faire aujourd'hui une chose, demain une autre, de chasser le ma-tin, pêcher l'après-midi, pratiquer l'élevage le soir, critiquer le repas sans jamais être chasseur, pêcheur, éleveur ou critique", exactement selon son humeur (17), ou les prophéties absurdes de Labriola ou de Trotsky qui pen--saient que les Platons, les Brunos et les Galilées courraient un jour les rues et que la "moyenne humaine" s'élèverait au niveau d'un Aristote, d'un Goethe et d'un Marx (18). Bien sûr, il ne reste plus grand chose, chez Ha-bermas, de ces élucubrations: l'expérience du "socialisme bureaucratique" (NU, 266; c'est ainsi qu'Habermas dé-signe le régime politique d'au-delà de l'Elbe!) est un bagage assez encombrant… Les "accents utopistes", af-fir-me-t-il, se déplacent aujourd'hui "de la notion de travail à celle de communication" (NU, 160); "le contenu uto-pique de la société de communication se réduit aux aspects formels d'une intersubjectivité laissée intacte" (NU, 161). Mais Habermas va au delà de cette formule passablement creuse: son "intuition fondamentale", qu'il avoue puisée aux archétypes de la mystique protestante et juive, serait "la réconciliation de la modernité a-vec elle-même" grâce à des "formes d'interaction réussie" (NU, 202 et 223) et à "la perspective d'une praxis par-venue à la conscience d'elle-même et où l'auto-détermination solidaire de tous devrait être compatible avec l'au-to-épanouissement authentique de chaque individu" (PhD, 391). Habermas en aperçoit d'ailleurs les prémices (c'est, dit-il, une "parcelle de raison existante") "dans le féminisme, les révoltes culturelles, les résistances éco-logiques et pacifistes" (NU, 252). Autrement dit, les symptômes de décadence sont à ses yeux des signes évi-dents de progrès. On croirait voir gesticuler sous nos yeux les "derniers hommes" de Nietzsche qui clignent de l'œil en disant qu'ils ont "inventé le bonheur". Les professions de foi utopistes à la Habermas n'inter-pel-lent pas le contradicteur; leur propre ridicule les tue plus sûrement.

Une lacune chez Habermas: un jugement sur l'éthologie d'un Konrad Lorenz

4. Cet utopisme s'explique largement, chez Habermas, par le rejet de toute anhropologie réaliste. Habermas de-vrait tout de même savoir que Kant, dès 1793, ajoutait aux trois interrogations fondamentales de la philoso-phie (la métaphysique, la morale et la religion) un quatrième questionnement: "Qu'est-ce que l'homme?" (Was ist der Mensch)  (19). Or, ce questionnement-là, Habermas, somme toute logique avec lui-même, s'y dérobe. On le voit bien dans sa critique du conservatisme: il dénombre quatre types d'argumentaires conservateurs, mais, de façon significative, esquive le quatrième, le "discours éthologique de Konral Lorenz… parce qu'il dé-bou-che plutôt sur la Nouvelle Droite française que sur le néoconservatisme allemand" (NU, 41). L'argument n'est guère solide: Habermas ne comprend-il rien à l'éthologie? Rien n'est moins sûr: quiconque, outre ses dis-ci-plines de travail, se sent à son aise aussi bien dans la psychanalyse que dans la mystique juive, aussi bien en économie classique que dans les prolégomènes du post-structuralisme le plus récent, doit bien avoir éga-le-ment quelques notions d'éthologie. Pourquoi, dans ces conditions, escamote-t-il le problème et refuse-t-il (y com-pris dans d'autres écrits) d'accepter les acquis de la science moderne du comportement? Parce qu'à l'évi-den-ce, ses utopies se dégonfleraient, même et surtout ses utopies politiques, puisque nous savons désormais, au moins depuis Carl Schmitt, que "la conception de l'homme comme être problématique/non problématique est la condition première de toute réflexion politique" (20). Et ce n'est pas avec des coups de bec agressifs contre ce qu'il appelle "l'anthropologie pessimiste" (NU, 54) des conservateurs qu'Habermas pourra combler un déficit idéo-logique flagrant: sa propre anthropologie, implicitement optimiste.

Il n'y a plus de raison universelle...

5. Le concept de raison chez Habermas reste prisonnier des illusions de l'Aufklärung. En fait, ce concept de rai-son est au centre de son argumentaire philosophique et politique. Au premier abord, Habermas semble en fai-re un usage modéré: il ne peut plus exister de raison qui serait au service d'une "motivation philosophique en dernier ressort". L'erreur de Nietzsche, de Heidegger et même d'Adorno et de Derrida aura été d'avoir "con-fon-du les questionnements universalistes, toujours présents en philosophie, avec leur prétention   —aban-don-née, elle, depuis longtemps—   à avoir rang de statut, prétention que la philosophie exprimait naguère pour les réponses qu'elle apportait". Certes, "la conscience de la faillibilité des sciences… a depuis longtemps rat-tra-pé la philosophie", mais celle-ci "se conçoit, aujourd'hui comme hier, comme la gardienne de la rationalité au sens d'une prétention rationnelle inhérente à notre forme d'existence" (PhD, 247, rem. 74). Mais cette as-ser-tion fait elle-même problème: comment conserver les "questionnements traditionnels et universalistes" si l'on jette par dessus bord le statut traditionnel de la philosophie où s'enracinent  —et se justifient—  ces ques-tion-nements, et si les réponses de portée universelle deviennent impossibles? (La réserve de Habermas selon la-quelle les "propositions universelles" doivent nécessairement se couler dans un "moule grammatical" de-vient très vite relative). Comment la philosphie peut-elle encore de nos jours se comprendre comme "la gar-dienne de la rationalité" (comme dans l'Aufklärung) lorsqu'on sait que l'universalité de la raison (prétention qu'elle soutenait encore naguère) n'est plus crédible aujourd'hui? Sur ce point, Nietzsche et Dilthey voyaient plus loin qu'un Jürgen Habermas, auquel le XVIIIème siècle colle encore à la peau…

Un panrationalisme qui ne tient pas à l'analyse...

Habermas précise que sa conception de la raison est en rupture avec la raison archaïque de l'idéalisme allemand: "Il n'existe aucune raison pure qui se serait ensuite glissée dans l'habit du langage. La raison est raison incar-née d'entrée de jeu dans l'acte de communication comme dans les structures du  monde vivant" (PhD, 374). Il se-rait plus juste de parler ici de panrationalisme (comme il y a un "panthéisme"): la raison communicative de Habermas est omniprésente puisqu'elle "décrit… l'universel d'une forme de vie commune" (PhD, 377). L'uni-versum (das Ganze)  est traversé par le fil de la raison: même l'erreur, le crime et l'illusion ne sont pas a-ra-tion-nels: ce ne sont que les manifestations d'une raison "à contre-sens" (verkehrt).  A l'évidence, c'est cela qui jus-tifie aux yeux d'Habermas la possibilité de croire encore à l'utopisme au nom du "progrès", puisque tous les phé-nomènes indésirables du monde moderne ne sont pour lui que des manifestations d'une "raison à contre-sens", qu'il appelle "pathologies de la communication" et qui peuvent être corrigées par le retour à des formes ra-tionnelles de communication. Ici, c'est l'élève de Hegel qui parle: on critique certes la modernité mais sur le ter-rain et avec les instruments de la modernité, afin de perpétuer le projet culturel de la modernité.

La conception de Habermas repose entièrement sur une absolutisation du concept de la raison dialectique hégé-lienne, concept qu'il avance comme fondement intellectuel incontournable d'une modernité conçue sur le mode mo-nolithique. Or, une telle démarche n'est possible que si l'on occulte purement et simplement un héritage phi-losophique d'une importance et d'une richesse capitales.

Habermas ignore tout un continent de la philosophie, vieux de deux siècles

Habermas occulte le fait que depuis le XVIIIème siècle, parallèlement au surgissement kantien, s'articule une ré-sis-tance à l'idée d'une modernité hypostasiant la rationalié et que cette résistance n'a pas commencé avec Hamann, Möser et Herder: elle a atteint, chez ces auteurs, une première apogée mais s'est prolongée ensuite avec des penseurs comme Jacobi et les Romantiques (parmi lesquels Habermas ne cite que Schelling et F. Schlegel, et brièvement de surcroît; PhD, 111 ss.). Schopenhauer et Kierkegaard perpétuent, sous des approches diffé-ren-tes, cette lignée philosophique qui produira Nietzsche et le vitalisme et se développera jusqu'à Spengler, Kla-ges et les intellectuels de la "Révolution conservatrice". Dès les origines de la modernité (qui n'a jamais été cet-te entité fermée et monolithique que suggèrent les textes de Habermas), il a donc existé une tradition de l'es-prit qui a identifié et conceptualisé les dangers inhérents à la césure, introduite par la modernité, entre horizon de l'expérience et horizon de l'espérance, selon l'expression de Koselleck, et dont la Révolution française fut un exemple. Comme l'a montré sans ambiguité Bernard Willms, "la pensée allemande, de Herder à Gehlen, se con-çoit effectivement comme un face-à-face permanent avec l'Aufklärung de l'Occident et l'on peut démontrer que, dans ce débat, la pensée allemande se percevait et se perçoit toujours comme une riposte aux Lumières" (21). Cela ne signifie nullement que cette pensée ait dégénéré en "irrationalisme" et en borborygmes mys-ti-ques: "La contre-Aufklärung, c'est le dépassement critique de l'Aufklärung par une relation plus réaliste à l'his-toi-re et au réel… La contre-Aufklärung, ce n'est donc pas l'érection d'une ligne de défense face à l'Aufklärung, c'est une réflexion plus profonde sur les notions générales et abstraites auxquelles la Révolution française avait réduit l'histoire et l'humanité" (22).

La contre-Aufklärung fait contrefeu à l'optimisme panrationaliste du "progrès", caractéristique d'une praxis phi-lo-sophique indigente dont les héritiers se parent aujourd'hui des oripeaux des "théories de la communication" et essaient de revendre sous un emballage nouveau les vieilles lunes de l'utopisme des XVIIIème et XIXème siècles.

Habermas a la conviction apparemment inébranlable que seule la raison émet un accès privilégié au réel. Plus le monde vivant est appréhendé de façon abstraite, mieux cela vaut. Plus la réflexion est brumeuse, plus l'em-pri--se sur le réel est précise. Ce qui permet accessoirement (au grand plaisir de Habermas) de disqualifier le dis-cours adverse comme unterkomplex:  trop simple!! (PhD, 394). Il juge évidemment dangereuse l'idée que le réel puis-se se manifester plutôt dans le concret que dans l'abstrait. On le voit bien lorsqu'il déclare que les mou-ve-ments sociaux doivent intégrer en eux le "contenu normatif de la modernité", c'est-à-dire ce "droit à l'erreur" (Fallibilismus),  "cet universalisme et ce subjectivisme qui sapent la force et la forme concrète de tout ce qui est particulier" (PhD, 424, souligné par l'auteur). On ne peut être plus clair: l'ennemi, c'est tout ce qui est par-ticulier, spécifique, concret! En effet: l'"analyse structurelle des mondes vivants", fondée sur la théorie de la com-munication, n'est viable que si on fait l'impasse du concret; faute de quoi, on nage, selon Habermas, "dans la mer des contingences historiques" (NU, 191). Que le réel consiste justement en cette "mer des contingences his-toriques", que ce "tout autre" (das Andere)  d'une raison conçue sur le mode abstrait puisse se poser en anti-thèse du Général, de l'Universel, de l'Abstrait et du Médiat (23), non seulement comme rêve, fantasme, folie ou ex-tase mais également comme Individuel, Concret ou Immédiat, cette idée-là, le panrationalisme d'un Jürgen Ha-bermas ne peut que s'en détourner avec horreur…

Redécouvrir "l'autre que la raison" et échapper à l'hybris du panrationalisme

Pourtant, ce n'est peut-être pas un hasard si la pensée contemporaine connait actuellement un nouveau change-ment de cap pour lequel c'est surtout "l'expérience de la finitude… qui fait l'homme", c'est avant toute chose "comprendre que l'homme ne pourra jamais faire coïncider totalement sa pensée avec le réel" (24). Ce qui im-plique nullement un rejet de la raison comme entité; cela suppose seulement que l'on reconnaisse "l'Autre que la raison" (das Andere der Vernunft)  et que l'on incorpore dans son schéma mental cet élément qui n'est pas "in-férieur" à la raison puisqu'il est au cœur du réel. Réapprendre que l'esprit humain se heurte toujours en fin de comp-te aux limites de l'aporie et du paradoxe, c'est échapper à l'hybris  d'un rationalisme omnipotent.

C'est Hermann Lübbe qui a le mieux cerné la portée actuelle d'une pensée comme celle de Habermas: "Dans une ci-vi-lisation qui nous est une contrainte culturelle et politique, moins par sa sclérose que par sa dynamique, les attitudes progressistes deviennent obsolètes" (25). Mais on soupçonne fort, par moments, que la forme de ces at-titudes, cet emballement intellectuel qui se résorbe dans ces abstractions toujours plus insaisissables, signale l'irruption de cette "barbarie de la réflexion" dont parlait déjà Vico puis, après lui, Nietzsche, Sorel et Speng-ler et qui annonce invariablement la barbarie tout court.

Hans-Christof KRAUS.

(traduction française: Jean-Louis Pesteil).

Notes:

(1) Interview de D. Horster et W. van Reijen du 23 mars 1979, in: D. Horster, Habermas zur Einführung,  Hanovre, 1980, p. 76.

(2) On le voit très bien quand Habermas découvre… Richard Löwenthal et Kurt Sontheimer comme "pen-dants ouest-allemands" des néoconservateurs américains (NU, 39)! Ces deux libéraux de gauche, te-nants d'un "patriotisme de la Constitution" (Verfassungspatriotismus),  n'ont strictement rien à faire dans le camp "conservateur". Ils seraient d'ailleurs eux-mêmes fort contrariés d'une telle classification!

(3) Sur le plan de la définition, Habermas les distingue nettement des néoconservateurs américains (NU, 40). Ce qui ne l'empêche pas ensuite d'accoler ce qualificatif aux Allemands (NU, 39, 46, 49 et 182). On aurait aimé un peu plus de rigueur dans le maniement de certains concepts!

(4) Sur la controverse entre Habermas et les Français, on consultera A. Huyssen, "Die Postmoderne. Eine amerikanische Internationale?" in dito et K.R. Scherpe (éd.), Postmoderne - Zeichen eines kulturellen Wandels,  Reinbek bei Hamburg, 1986, pp. 26 ss.

Sur Lyotard, on peut lire dans le texte de présentation de ses livres parus chez Merve-Verlag (Berlin): "… Militait pendant la guerre d'Algérie dans le groupe d'extrême-gauche de la revue "Socialisme ou Bar-barie"".

(5) Voir par exemple le recueil de textes M. Foucault: Mikrophysik der Macht - Über Strafjustiz, Psychiatrie und Medizin,  Berlin 1976 ou encore le "Dialogue entre Michel Foucault et les étudiants" in M. Foucault: Von der Subversion des Wissens,  Francfort, Berlin, Vienne, 1978, pp. 110 ss.

(6) Cf. J. Altwegg, Die Republik des Geistes,  Munich, 1986, p. 210.

(7) Horster (cf. Note 1), p. 73.

(8) J. Rawls, Eine Theorie der Gerechtigkeit,  Francfort, 1979, p. 401.

(9) La citation de Rawls par Habermas est tronquée; Habermas a omis un "détail" important: l'adjectif "po-litique", sans en aviser le lecteur (NU, 83).

(10) D'autant que pour Habermas, la question de savoir si la théorie de Rawls, pur produit de la tradition anglo-saxonne, est transposable à l'Allemagne, ne semble même pas se poser…

(11) Habermas essaie d'éluder la critique de l'Aufklärung par Hegel (par exemple la critique du primat du "devoir-être" sur l'Etre) en affirmant que Hegel est "obligé" de développer sa notion de modernité "à par-tir d'une dialectique elle-même inhérente au principe de l'Aufklärung" (PhD, 33), ce qui laisse com-plè-tement de côté, évidemment, les différences qui peuvent exister entre la notion de raison chez Hegel d'une part, dans l'Aufklärung d'autre part. A ce jour, Bernard Willms est, il me semble, le seul à avoir mon-tré comment les "théoriciens critiques" de l'Ecole de Francfort s'évertuent à gommer ces différences: "La prétention de la Théorie critique à incarner un courant "progressiste" qui apercevrait comme axe de ce "progrès" l'offensive de l'Aufklärung, ses intentions révolutionnaires (comme le tournant de la dialec-tique) et surtout son prolongement révolutionnaire par le marxisme, repose en fait sur une double er-reur: premièrement, la Théorie critique n'a pas vu que Marx, en remontant au 18ème siècle, ne pouvait que retomber dans un système de pensée qui avait déjà été dépassé et surmonté par l'idéalisme. Deuxiè-me-ment, elle n'a pas vu que le matérialisme "scientifique", que le marxisme prétendait incarner, se con-ten-tait en réalité de reformuler la rationalité de l'Aufklärung dans le sens du 19ème siècle scientiste et positiviste. En sorte que la "Théorie critique" a conservé, malgré toutes les subtilités et toutes les acro-ba-ties de sa réflexion, le caractère réactionnaire des schémas de pensée hérités du 18ème siècle: une rai-son prétentieuse, reproduisant une démarche intellectuelle de type religieux, ne pouvait qu'être une idéo-lo-gie au sens strict de théocratie intellectuelle et se dégrader en activisme jacobin, voire en véritable sco-lastique. Tout cela n'a plus rien à voir avec une quelconque appréhension du réel, en dépit du rem-plis-sage sociologique et des jongleries avec les "totalités". A cause du marxisme, les acquis phi-loso-phiques de l'idéalisme allemand se sont vus ramenés aux vieilles lunes de l'Aufklärung" (B. Willms, "Deutscher Idealismus und die Idee der Nation - Aufklärung und Idealismus in ihrem Verhältnis zur historischen und politischen Wirklichkeit" in: A. Mölzer (éd.), Österreich und die deutsche Nation,  Graz, 1985, p. 395).

(12) Cette interprétation est en contradiction flagrante avec les résultats des recherches les plus récen-tes sur Heidegger: elles montrent que le "retournement de Heidegger", la Kehre,  a commencé dès 1930, et non pas après 1933-34 (W. Franzen, Martin Heidegger, Stuttgart, 1976, p. 81; cf. également p. 76 ss.).

(13) Cf. Alain de Benoist, Aus rechter Sicht (=Vu de droite),  VoL. II, Tübingen, 1984, pp. 33 ss., 156 ss.; du même: Kulturrevolution von Rechts,  Krefeld 1985, p. 122.

(14) J. Habermas, Philosophisch-politische Profile,  Francfort, 1984, p. 469.

(15) Au demeurant, tout le chapitre sur Heidegger est entrecoupé d'allusions plus ou moins polémiques et malveillantes au faux-pas politique du grand philosophe. Détail révélateur: sur ce point comme sur d'au-tres, Habermas utilise deux poids et deux mesures: on ne sache pas qu'il ait jamais critiqué son pa-tron de thèse, Eric Rothacker, philosophe à Bonn, très méritant du reste, qui collabora allègrement après 1933 (cf. sa "Philosophie de l'histoire", Munich et Berlin, 1934, p. 135 ss.) et qui, après la dé-fai-te, préféra "tout oublier" (cf. ses Heitere Erinnerungen,  Francfort et Bonn 1963, p. 73)!

(16) M. Heidegger, Sein und Zeit,  Halle, 1941, p. 166 ss. (§§ 35-38).

(17) Karl Marx, Die Frühschriften,  éd. S. Landshut, Stuttgart 1953, p. 361.

(18) Labriola et Trotsky cités par W. Sombart: Der proletarische Sozialismus,  vol. I, Iéna 1924, p. 323.

(19) Kant à C.F. Stäudlin, du 4 mai 1973, in: Kant, Briefe,  éd. par J. Zehbe, Göttingen, 1970, p. 216.

(20) Carl Schmitt, Der Begriff des Politischen,  Berlin, 1963, p. 59.

(21) Bernard Willms, Die Deutsche Nation,  Köln 1982, p. 88.

(22) B. Willms, Idealismus und Nation - Zur Rekonstruktion des politischen Selbstbewusstseins der Deutschen,  Paderborn, 1986, p. 41.

(23) Cf. à ce sujet Armin Mohler: "Die nominalistische Wende", in A. Mohler, Tendenzwende für Fortgeschrittenen,  München 1978, p. 187 ss.

(24) A. Mohler, Was die Deutschen fürchten,  Stuttgart, 1965, p. 18.

(25) H. Lübbe: Zeit-Verhältnisse,  Graz,1983, p. 142.

dimanche, 18 janvier 2009

Céline, la peinture et les peintres

Louis-Ferdinand Céline, la peinture et les peintres

Trouvé sur: http://ettuttiquanti.blogspot.com

[Céline par Gen Paul - 1936]
"Céline dit plus d'une fois qu'il n'est pas peintre, en ce sens qu'il ne se sent pas personnellement concerné par la peinture comme il l'est par tout ce qui touche à la littérature. En peinture, il n'est au mieux qu'un amateur, et encore, moins sensible aux qualités proprement picturales qu'aux effets affectifs, voire sentimentaux. «Mon Dieu, un Meissonnier moi ça ne me gêne pas, déclare-t-il dans un entretien de 1959, moi je trouve ça joli, moi, La Retraite de Russie, nom de Dieu je ne suis pas capable d'en faire autant. On me montrera un beau chromo, moi, même l'almanach des Postes, je vois ça très bien [...] c'est gentil même. L'Angelus de Millet, moi je trouve pas ça mal du tout (1). »

Tout autodidacte qu'il est, il n'est pourtant pas sans connaissances en matière de peinture. Dans Voyage au bout de la nuit, il cite les noms de Claude Lorrain et de Fragonard, mais chaque fois pour des raisons extra-picturales. De même sa référence cent fois réitérée à l'impressionnisme ne concerne-t-elle pas la peinture en elle-même. Il ne s'agit que de faire comprendre, par comparaison, la révolution qu'il a réalisée dans la prose française en y réintroduisant, sinon la langue parlée populaire, du moins quelque chose de son ton et de sa démarche,de même que l'impressionnisme, en choisissant le plein air, avait rejeté dans le passé la peinture en atelier.

Ce n'est pas qu'il soit dépourvu de goûts personnels, mais les prédilections qu'il marque vont toujours à un sujet ou à une thématique plutôt qu'à une facture ou à un style. Il n'y a guère lieu de s'attarder sur celle qu'il affirme pour Vlaminck (« parmi les peintres, celui qui se rapproche le plus de mon idéal (2) »: elle peut tenir à la fréquentation du peintre chez Lucien Descaves.

La peinture flamande
La prédilection la plus notable et la plus convaincante, parce qu'elle touche à l'imaginaire qui se révèle dans ses romans, est son attachement durable et souvent réaffirmé à la peinture flamande. En décembre 1932, alors qu'il vient de publier Voyage au bout de la nuit, les Bruegel du musée de Vienne sont pour lui une révélation. Il en fait part aussitôt dans une lettre à Léon Daudet, l'un des trois aimés qui l'ont soutenu dans l'affaire du prix Goncourt contre les autres membres du jury. Tout est significatif dans ce passage: le tableau de Bruegel qu'il choisit parmi tous ceux que présente le musée, le titre qu'il substitue à son titre habituel et le commentaire qu'il en fait: «Vous connaissez certainement, Maître, l'énorme fête des Fous de P. Brughel [sic]. Elle est à Vienne. Tout le problème n'est pas ailleurs pour moi.../ je voudrais bien comprendre autre chose -je ne comprends pas autre chose. je ne peux pas. / Tout mon délire est dans ce sens et je n'ai guère d'autres délires (3). »

La gaucherie et l'insistance de la rédaction témoignent de l'impact qu'a eu sur lui le tableau, en relation étroite avec sa propre inspiration. Il ne peut s'agir que du tableau traditionnellement intitulé Le Combat de Carnaval et de Carême, scène de place publique où d'innombrables petits personnages sont dispersés autour de deux d'entre eux figurés à plus grande échelle, l'un ventru et rubicond, l'autre squelettique et sinistre, tous deux assis, l'un sur un tonneau posé sur des roulettes et poussé par deux acolytes, l'autre sur une plate-forme roulante tirée par un moine et une nonne. Hormis un certain nombre de personnages qui, comme participants d'une fête populaire, relèvent d'une scène de genre, tous les autres, mendiants et estropiés, composent une humanité pitoyable. Cette fête de mi-carême, malgré les déguisements de quelques-uns et les jeux de quelques autres, est tout sauf joyeuse. La vue de ces malheureux qui s'efforcent et font semblant de s'amuser, beaucoup déjà atteints dans leur corps, laisse le spectateur partagé entre la pitié envers leur état et la répulsion qu'inspire la cruauté spontanée de la plupart de leurs amusements. Consciemment ou inconsciemment, Céline retrouve pour les acteurs de cette scène, malgré le décor de place de village, le mot de « fous » qui figure dans le titre donné par Jérôme Bosch - que Céline découvrira apparemment après Bruegel - à un tableau allégorique, La Nef des fous. Il sait qu'une telle vision est le produit d'un «délire »- le mot même qu'il emploie régulièrement pour désigner l'inspiration qui anime ses romans. Trois mois plus tard, il le répétera dans un autre contexte en se disant « bien Brughelien par instinct (4) ». Souligné par les répétitions, le mouvement qui anime les lignes de la lettre à Léon Daudet est déjà celui d'une défense contre le reproche qu'on a commencé à lui faire à propos de Voyage au bout de la nuit, celui de se complaire à évoquer misères et turpitudes des hommes. « Je voudrais bien comprendre autre chose. [ ... ] Je ne peux pas. » Il y reviendra quelques années plus tard dans le prologue de Mort à crédit. Son domaine à lui, comme celui de Bruegel, est celui du grotesque dont l'humanité présente le tableau lorsque, sujette à la mort, elle tente sans le savoir de s'en divertir en faisant souffrir son semblable. Quittant Vienne, Céline voudra garder cette toile sous les yeux dans son appartement parisien sous la forme d'une reproduction qu'il demande à son amie viennoise de lui envoyer. À ce moment, il s'est si bien persuadé de cette proximité artistique avec Bruegel qu'il a oublié qu'il ne l'a découvert qu'après la publication de Voyage au bout de la nuit et que, dans un entretien, il le présente - avec Balzac et Freud ! -comme son maître dans l'écriture du roman (6).

Il fera de même avec un autre tableau de Bruegel qu'il découvrira quelque temps plus tard, à Anvers où il est venu voir une autre amie (7). Le sujet de Dulle Griet le touche sans doute de plus près encore, puisqu'il s'agit de scènes de guerre dans lesquelles la légendaire géante « Margot l'Enragée» (désignation habituelle du tableau en français) entraîne ses compatriotes flamandes. Ce que révélait déjà sur les hommes la pacifique « fête des Fous » est ici pleinement et irrécusablement mis en valeur.

L'intérêt pour la peinture flamande ne se démentira pas. En janvier 1936, il visitera l'exposition de l'Orangerie en compagnie de son amie Lucienne Delforge, qui, dans un témoignage, parlera plus tard de l'admiration de Céline pour « la justesse des attitudes, la subtilité du geste ou de l'expression qui permettaient de pénétrer la psychologie des personnages peints par l'artiste, en dehors de la splendeur des couleurs (8)». Ce que Lucienne Delforge nomme ici la« psychologie » est la« folie » humaine que Céline ne se lasse pas de voir illustrée par cette école de peinture. Même lorsqu'il est le plus touché par un peintre, c'est encore davantage par la représentation que par le style.

Dans les années suivantes, peut-être à la suite de cette exposition ou bien après avoir vu ou revu au Louvre La Nef des fous, il remontera jusqu'au maître de Bruegel, Jérôme Bosch. Il s'interrogera sur ce qu'a pu être la vie du peintre pour qu'il en arrive à peindre de tels tableaux. À la même amie anversoise, il demande « quelques renseignements sur la vie de Jérôme Bosch, juste quelques idées (9) », (Et lui, quelle avait été sa vie pour qu'il écrive ces romans?) À la réflexion, il jugera le maître supérieur à l'élève. En 1947, quand il voudra donner une idée de la peinture européenne à son admirateur et défenseur américain Milton Hindus, il écrira: « Bosch Jérôme, le peintre, surpasse de beaucoup Breughel à mon avis - il ose davantage"). »

Deux amis peintres auraient pu offrir à Céline un autre contact avec la peinture, mais, à en croire les lettres de lui qui ont été conservées, il ne s'entretenait guère de peinture avec eux. Avec le peintre décorateur Henri Mahé, son cadet, la complicité repose sur leurs origines bretonnes et sur un échange de propos sur les femmes et le sexe. C'est pour accompagner les fresques dont Mahé avait décoré une maison de plaisir que Céline écrit un petit texte licencieux, « 31 cité d'Antin » (l'adresse parisienne de la maison).

Gen Paul
L'intimité va beaucoup plus loin avec l'autre peintre, son voisin montmartrois, Gen Paul. Elle est à la fois profonde et ambivalente, comme le montrera leur brouille d'après-guerre qui se traduira, de la part de Céline, par une évocation très négative de l'artiste, sous le nom de «Jules», dans la seconde partie de son roman Féerie pour une autre fois. Avec lui, pourtant, Céline avait touché de plus près la peinture, et la création plastique en général. Non que, jusqu'à la guerre, il entre si peu que ce soit dans l'expressionnisme violent de la manière de Gen Paul à cette époque, qui le rapproche de Soutine. Mais, déjà, Céline est sensible dans ses dessins à une affinité avec ce que lui-même réalise avec les mots. Deux textes témoignent de son admiration et font de l'artiste l'illustrateur privilégié de ses romans: «J'avoue que Gen Paul avec ses cartons me fait grand plaisir. J'attends chaque nouveau. Je frétille du bout... C'est la seule glace qui me convienne. je m'y retrouve tout immonde et sans dégoût (11).» Deux ans plus tard, il écrira, pour présenter une exposition de Gen Paul prévue à New York, un texte dans lequel il donnera sa peinture comme « authentiquement représentative d'une manière qui est purement et essentiellement française - irrévérencieuse, moqueuse, franche - et pourtant gracieuse, vive et joyeuse (12)».

On ne sait de quelle série de peintures de Gen Paul parle ici Céline. Sur sa manière expressionniste antérieure, il portera dans Féerie pour une autre fois un jugement beaucoup plus défavorable. Mais il se passe alors un phénomène paradoxal qui le rapproche bon gré mal gré de cette peinture.

[Gen Paul, Le Sacré-Coeur, 1927]
Le bouleversement cosmique que produit sous ses yeux le bombardement en cours, qui est le sujet de ce roman, lui apparaît comme la réalisation concrète, et même encore exagérée, de cette manière de « jules ». Il ne rappelle d'abord ses premières impressions que pour reconnaître que les événements de cette nuit d'avril 1944 leur apporte rétrospectivement un démenti, dans la mesure où ils réalisent bel et bien, et même davantage encore, ce qu'il prenait alors pour de la pure provocation. « je l'avais vu vernisser ses toiles... moi parfait plouc, aucune autorité d'art, je m'étais dit à moi-même: il le fait exprès! il bluffe le bourgeois! il leur peint des autobus sur la mer de Glace... et les Alpes elles-mêmes en neiges mauve, orange, carmin, et les vaches paissant des couteaux!... des lames d'acier! des poignards en fait d'herbe tendre!...» Mais la réalité est en train de dépasser la fiction - en l'occurrence la vision -, jugée alors artificielle, des tableaux de jules, ce que Céline traduit en termes romanesques en imaginant celui-ci non plus en train de peindre, mais de présider au bombardement par ses gestes du haut de la plate-forme du Moulin de la Galette: «... maintenant il nous sorcelait autre chose! des aravions tonnants, grondants, des escadres entières, et des déluges de mines réelles qui foutaient un bordel au sol, que les immeubles déchaussaient, et les monuments! les mairies! que tout ça s'envolait aux cieux, à la queue leu leu à l'envers! et les couvents! c'était plus terrible que ses gouaches! c'était un petit peu plus osé ! (13) »

À quelqu'un qui, comme lui, ne s'intéressait pas à la peinture pour elle-même et n'avait pas suivi son évolution au XXe siècle, la déformation du réel dans les peintures expressionnistes de Gen Paul avait pu à l'époque paraître gratuite, mais le moment était venu où elle se révélait prophétique, face au tohu-bohu auquel était réduit le monde par l'action conjuguée des bombardiers, avec leurs piqués, leurs loopings, leurs lâchers de bombes, et de la DCA, avec ses pinceaux lumineux et ses tirs. Contre les préjugés de l'ignorance, la peinture trouvait sa justification. Mais le dernier mot restait à la transposition de cette peinture dans le monde du langage, dont Céline prouverait, dans ces quatre romans de l'apocalypse, que la littérature était capable."

Source : Henri Godard, Un autre Céline, de la fureur à la féerie, Ed.Textuel, 2008.

Sur le sujet:
>>> Louis-Ferdinand Céline - Bruegel


Notes
1-Voir aussi l'entretien avec Francine Bloch et Julien Alvard, Cahiers Céline 7, p.435 et 459.
2- Bagatelles pour un massacre, p.216.
3-Lettre à Léon Daudet du 30 décembre 1932, in Appendices, Romans, T.1, p.1108.
4- Lettre à Evelyne Pollet du 5 juin 1933, Cahiers Céline 5, p.166.
5- Lettre à Cillie Ambor du 10 janvier 1933, CAhiers Céline 5, p.91.
6- Cahiers Céline 1, p.41.
7- Lettre à Evelyne Pollet du 5 juin 1933, Cahiers Céline 5, p.171.
8- Cahiers Céline 5, p.258.
9- Lettre à Evelyne Pollet du 20 novembre 1937 Cahiers Céline 5, p.194.
10- Milton Hindus, LF Céline tel que je l'ai vu, lettre du 12 juin 1947.
11- Texte écrit en 1935 pour le bulletin de souscription d'une édition illustrée du Voyage qui ne sera pas réalisée à cette date.
12- Le texte n'étant connu que par sa traduction en anglais, ces mots ne sont pas ceux de Céline mais d'une retraduction en français, Année Céline 1996, p.19.

13- Féerie pour une autre fois, p.223.

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vendredi, 09 janvier 2009

Le Bulletin Célinien n°304

Le Bulletin célinien

Au sommaire du n°304 - janvier 2009 :

Marc Laudelout : Bloc-notes
Henri Godard : Un monument célinien ("Dictionnaire des personnages dans l'œuvre romanesque de Céline")
Marc Laudelout : Le monde de la dédicace
André Rousseaux : Justice pour Céline écrivain (1961)
Deux lettres de Céline à André Rousseaux
Marc Laudelout : À propos de Céline et Karl Epting
Vera Maurice : Les paradoxes de la Rose des Vents
Marc Laudelout : Un blog consacré à Céline

Bulletin célinien
B. P. 70
B 1000 Bruxelles 22

celinebc@skynet.be

dimanche, 04 janvier 2009

Emile Cioran and the Culture of Death

 

CIORAN.jpg

Emile Cioran and the Culture of Death

by Tomislav Sunic

Speech held by the author at the European Synergies' Summer Conference in 2002 (Low Saxony, Germany)

Historical pessimism and the sense of the tragic are recurrent motives in European literature. From Heraclitus to Heidegger, from Sophocles to Schopenhauer, the exponents of the tragic view of life point out that the shortness of human existence can only be overcome by the heroic intensity of living. The philosophy of the tragic is incompatible with the Christian dogma of salvation or the optimism of some modern ideologies. Many modern political theologies and ideologies set out from the assumption that "the radiant future" is always somewhere around the corner, and that existential fear can best be subdued by the acceptance of a linear and progressive concept of history. It is interesting to observe that individuals and masses in our post-modernity increasingly avoid allusions to death and dying. Processions and wakes, which not long ago honored the postmortem communion between the dead and the living, are rapidly falling into oblivion. In a cold and super-rational society of today, someone's death causes embarrassment, as if death should have never occurred, and as if death could be postponed by a deliberate "pursuit of happiness." The belief that death can be outwitted through the search for the elixir of eternal youth and the "ideology of good looks", is widespread in modern TV-oriented society. This belief has become a formula for social and political conduct.

The French-Rumanian essayist, Emile Cioran, suggests that the awareness of existential futility represents the sole weapon against theological and ideological deliriums that have been rocking Europe for centuries. Born in Rumania in 1911, Cioran very early came to terms with the old European proverb that geography means destiny. From his native region which was once roamed by Scythian and Sarmatian hordes, and in which more recently, secular vampires and political Draculas are taking turns, he inherited a typically "balkanesque" talent for survival. Scores of ancient Greeks shunned this area of Europe, and when political circumstances forced them to flee, they preferred to search for a new homeland in Sicily or Italy--or today, like Cioran, in France. "Our epoch, writes Cioran, "will be marked by the romanticism of stateless persons. Already the picture of the universe is in the making in which nobody will have civic rights."[1] Similar to his exiled compatriots Eugène Ionesco, Stephen Lupasco, Mircea Eliade, and many others, Cioran came to realize very early that the sense of existential futility can best by cured by the belief in a cyclical concept of history, which excludes any notion of the arrival of a new messiah or the continuation of techno-economic progress.

Cioran's political, esthetic and existential attitude towards being and time is an effort to restore the pre-Socratic thought, which Christianity, and then the heritage of rationalism and positivism, pushed into the periphery of philosophical speculation. In his essays and aphorisms, Cioran attempts to cast the foundation of a philosophy of life that, paradoxically, consists of total refutation of all living. In an age of accelerated history it appears to him senseless to speculate about human betterment or the "end of history." "Future," writes Cioran, "go and see it for yourselves if you really wish to. I prefer to cling to the unbelievable present and the unbelievable past. I leave to you the opportunity to face the very Unbelievable."[2] Before man ventures into daydreams about his futuristic society, he should first immerse himself in the nothingness of his being, and finally restore life to what it is all about: a working hypothesis. On one of his lithographs, the 16th century French painter, J. Valverde, sketched a man who had skinned himself off his own anatomic skin. This awesome man, holding a knife in one hand and his freshly peeled off skin in the other, resembles Cioran, who now teaches his readers how best to shed their hide of political illusions. Man feels fear only on his skin, not on his skeleton. How would it be for a change, asks Cioran, if man could have thought of something unrelated to being? Has not everything that transpires caused stubborn headaches? "And I think about all those whom I have known," writes Cioran, "all those who are no longer alive, long since wallowing in their coffins, for ever exempt of their flesh--and fear."[3]

The interesting feature about Cioran is his attempt to fight existential nihilism by means of nihilism. Unlike many of his contemporaries, Cioran is averse to the voguish pessimism of modern intellectuals who bemoan lost paradises, and who continue pontificating about endless economic progress. Unquestionably, the literary discourse of modernity has contributed to this mood of false pessimism, although such pessimism seems to be more induced by frustrated economic appetites, and less by what Cioran calls, "metaphysical alienation." Contrary to J.P. Sartre's existentialism that focuses on the rupture between being and non-being, Cioran regrets the split between the language and reality, and therefore the difficulty to fully convey the vision of existential nothingness. In a kind of alienation popularized by modern writers, Cioran detects the fashionable offshoot of "Parisianism" that elegantly masks a warmed-up version of a thwarted belief in progress. Such a critical attitude towards his contemporaries is maybe the reason why Cioran has never had eulogies heaped upon him, and why his enemies like to dub him "reactionary." To label Cioran a philopsher of nihilism may be more appropriate in view of the fact that Cioran is a stubborn blasphemer who never tires from calling Christ, St. Paul, and all Christian clergymen, as well as their secular Freudo-Marxian successors outright liars and masters of illusion. To reduce Cioran to some preconceived intellectual and ideological category cannot do justice to his complex temperament, nor can it objectively reflect his complicated political philosophy. Each society, be it democratic or despotic, as a rule, tries to silence those who incarnate the denial of its sacrosanct political theology. For Cioran all systems must be rejected for the simple reason that they all glorify man as an ultimate creature. Only in the praise of non-being, and in the thorough denial of life, argues Ciroan, man's existence becomes bearable. The great advantage of Cioran is, as he says, is that "I live only because it is in my power to die whenever I want; without the idea of suicide I would have killed myself long time ago."[4] These words testify to Cioran's alienation from the philosophy of Sisyphus, as well as his disapproval of the moral pathos of the dung-infested Job. Hardly any biblical or modern democratic character would be willing to contemplate in a similar manner the possibility of breaking away from the cycle of time. As Cioran says, the paramount sense of beatitude is achievable only when man realizes that he can at any time terminate his life; only at that moment will this mean a new "temptation to exist." In other words, it could be said that Cioran draws his life force from the constant flow of the images of salutary death, thereby rendering irrelevant all attempts of any ethical or political commitment. Man should, for a change, argues Cioran, attempt to function as some form of saprophytic bacteria; or better yet as some amoebae from Paleozoic era. Such primeval forms of existence can endure the terror of being and time more easily. In a protoplasm, or lower species, there is more beauty then in all philosophies of life. And to reiterate this point, Cioran adds: "Oh, how I would like to be a plant, even if I would have to attend to someone's excrement!"[5]

Perhaps Cioran could be depicted as a trouble maker, or as the French call it a "trouble fête", whose suicidal aphorisms offend bourgeois society, but whose words also shock modern socialist day-dreamers. In view of his acceptance of the idea of death, as well as his rejection of all political doctrines, it is no wonder that Cioran no longer feels bound to egoistical love of life. Hence, there is no reason for him to ponder over the strategy of living; one should rather start thinking about the methodology of dying, or better yet how never to be born. "Mankind has regressed so much," writes Cioran, and "nothing proves it better than the impossibility to encounter a single nation or a tribe in which a birth of a child causes mourning and lamentation."[6]  Where are those sacred times, inquires Cioran, when Balkan Bogumils and France's Cathares saw in child's birth a divine punishment? Today's generations, instead of rejoicing when their loved ones are about to die, are stunned with horror and disbelief at the vision of death. Instead of wailing and grieving when their offsprings are about to be born, they organize mass festivities:

If attachment is an evil, the cause of this evil must be sought in the scandal of birth--because to be born means to be attached. The purpose of someone's detachment should be the effacement of all traces of this scandal--the ominous and the least tolerable of all scandals.[7]

Cioran's philosophy bears a strong imprint of Friedrich Nietzsche and Indian Upanishads. Although his inveterate pessimism often recalls Nietzsche's "Weltschmerz," his classical language and rigid syntax rarely tolerates romantic or lyrical narrative, nor the sentimental outbursts that one often finds in Nietzsche's prose. Instead of resorting to thundering gloom, Cioran's paradoxical humor expresses something which in the first place should have never been verbally construed. The weakness of Cioran prose lies probably in his lack of thematic organization. At time his aphorisms read as broken-off scores of a well-designed musical master piece, and sometimes his language is so hermetic that the reader is left to grope for meaning.

When one reads Cioran's prose the reader is confronted by an author who imposes a climate of cold apocalypse that thoroughly contradicts the heritage of progress. Real joy lies in non-being, says Cioran, that is, in the conviction that each willful act of creation perpetuates cosmic chaos. There is no purpose in endless deliberations about higher meaning of life. The entire history, be it the recorded history or mythical history, is replete with the cacophony of theological and ideological tautologies. Everything is "éternel retour," a historical carousel, with those who are today on top, ending tomorrow at the bottom.

I cannot excuse myself for being born. It is as if, when insinuating myself in this world, I profaned some mystery, betrayed some very important engagement, made a mistake of indescribable gravity.[8]

This does not mean that Cioran is completely insulated from physical and mental torments. Aware of the possible cosmic disaster, and neurotically persuaded that some other predator may at any time deprive him of his well-planned privilege to die, he relentlessly evokes the set of death bed pictures. Is this not a truly aristocratic method to alleviate the impossibility of being?:

In order to vanquish dread or tenacious anxiety, there is nothing better than to imagine one's own funeral: efficient method, accessible to all. In order to avoid resorting to it during the day, the best is to indulge in its virtues right after getting up. Or perhaps make use of it on special occasions, similar to Pope Innocent IX who ordered the picture of himself painted on his death-bed. He would cast a glance at his picture every time he had to reach an important decision... [9]

At first, one may be tempted to say that Cioran is fond of wallowing in his neuroses and morbid ideas, as if they could be used to inspire his literary creativity. So exhilarating does he find his distaste for life that he suggests that, "he who succeeds in acquiring them has a future which makes everything prosper; success as well as defeat."[10] Such frank description of his emotional spasms makes him confess that success for him is as difficult to bear as much as a failure. One and the other cause him headache.

The feeling of sublime futility with regard to everything that life entails goes hand in hand with Cioran's pessimistic attitude towards the rise and fall of states and empires. His vision of the circulation of historical time recalls Vico's corsi e ricorsi, and his cynicism about human nature draws on Spengler's "biology" of history. Everything is a merry-go-round, and each system is doomed to perish the moment it makes its entrance onto the historical scene. One can detect in Cioran's gloomy prophecies the forebodings of the Roman stoic and emperor Marcus Aurelius, who heard in the distance of the Noricum the gallop of the barbarian horses, and who discerned through the haze of Panonia the pending ruin of the Roman empire. Although today the actors are different, the setting remains similar; millions of new barbarians have begun to pound at the gates of Europe, and will soon take possession of what lies inside:

Regardless of what the world will look like in the future, Westerners will assume the role of the Graeculi of the Roman empire. Needed and despised by new conquerors, they will not have anything to offer except the jugglery of their intelligence, or the glitter of their past. [11]

Now is the time for the opulent Europe to pack up and leave, and cede the historical scene to other more virile peoples. Civilization becomes decadent when it takes freedom for granted; its disaster is imminent when it becomes too tolerant of every uncouth outsider. Yet, despite the fact that political tornados are lurking on the horizon, Cioran, like Marcus Aurelius, is determined to die with style. His sense of the tragic has taught him the strategy of ars moriendi, making him well prepared for all surprises, irrespective of their magnitude. Victors and victims, heroes and henchmen, do they not all take turns in this carnival of history, bemoaning and bewailing their fate while at the bottom, while taking revenge when on top? Two thousand years of Greco-Christian history is a mere trifle in comparison to eternity. One caricatural civilization is now taking shape, writes Cioran, in which those who are creating it are helping those wishing to destroy it. History has no meaning, and therefore, attempting to render it meaningful, or expecting from it a final burst of theophany, is a self-defeating chimera. For Cioran, there is more truth in occult sciences than in all philosophies that attempt to give meaning to life. Man will finally become free when he takes off the straitjacket of finalism and determinism, and when he realizes that life is an accidental mistake that sprang up from one bewildering astral circumstance. Proof? A little twist of the head clearly shows that "history, in fact, boils down to the classification of the police: "After all, does not the historian deal with the image which people have about the policeman throughout epochs ?"[12] To succeed in mobilizing masses in the name of some obscure ideas, to enable them to sniff blood, is a certain avenue to political success. Had not the same masses which carried on their shouldered the French revolution in the name of equality and fraternity, several years later also brought on their shoulders an emperor with new clothes--an emperor on whose behalf they ran barefoot from Paris to Moscow, from Jena to Dubrovnik? For Cioran, when a society runs out of political utopia there is no more hope, and consequently there cannot be any more life. Without utopia, writes Cioran, people would be forced to commit suicide; thanks to utopia they commit homicides.

Today there are no more utopias in stock. Mass democracy has taken their place. Without democracy life makes little sense; yet democracy has no life of its own. After all, argues Cioran, had it not been for a young lunatic from the Galilee, the world would be today a very boring place. Alas, how many such lunatics are hatching today their self-styled theological and ideological derivatives! "Society is badly organized, writes Cioran, "it does nothing against lunatics who die so young."[13] Probably all prophets and political soothsayers should immediately be put to death, "because when the mob accepts a myth--get ready for massacres or better yet for a new religion."[14]

Unmistakable as Cioran's resentments against utopia may appear, he is far from deriding its creative importance. Nothing could be more loathsome to him than the vague cliche of modernity that associates the quest for happiness with a peaceful pleasure-seeking society. Demystified, disenchanted, castrated, and unable to weather the upcoming storm, modern society is doomed to spiritual exhaustion and slow death. It is incapable of believing in anything except in the purported humanity of its future blood-suckers. If a society truly wishes to preserve its biological well-being, argues Cioran, its paramount task is to harness and nurture its "substantial calamity;" it must keep a tally of its own capacity for destruction. After all, have not his native Balkans, in which secular vampires are today again dancing to the tune of butchery, also generated a pool of sturdy specimen ready for tomorrow's cataclysms? In this area of Europe, which is endlessly marred by political tremors and real earthquakes, a new history is today in the making--a history which will probably reward its populace for the past suffering.

Whatever their past was, and irrespective of their civilization, these countries possess a biological stock which one cannot find in the West. Maltreated, disinherited, precipitated in the anonymous martyrdom, torn apart between wretchedness and sedition, they will perhaps know in the future a reward for so many ordeals, so much humiliation and for so much cowardice.[15]

Is this not the best portrayal of that anonymous "eastern" Europe which according to Cioran is ready today to speed up the world history? The death of communism in Eastern Europe might probably inaugurate the return of history for all of Europe. Conversely, the "better half" of Europe, the one that wallows in air-conditioned and aseptic salons, that Europe is depleted of robust ideas. It is incapable of hating and suffering, and therefore of leading. For Cioran, society becomes consolidated in danger and it atrophies in peace: "In those places where peace, hygiene and leisure ravage, psychoses also multiply... I come from a country which, while never learning to know the meaning of happiness, has also never produced a single psychoanalyst."[16] The raw manners of new east European cannibals, not "peace and love" will determine the course of tomorrow's history. Those who have passed through hell are more likely to outlive those who have only known the cozy climate of a secular paradise.

These words of Cioran are aimed at the decadent France la Doulce in which afternoon chats about someone's obesity or sexual impotence have become major preoccupations on the hit-parade of daily concerns. Unable to put up resistance against tomorrow's conquerors, this western Europe, according to Cioran, deserves to be punished in the same manner as the noblesse of theancien régime which, on the eve of the French Revolution, laughed at its own image, while praising the image of the bon sauvage. How many among those good-natured French aristocrats were aware that the same bon sauvage was about to roll their heads down the streets of Paris? "In the future, writes Cioran, "if mankind is to start all over again, it will be with the outcasts, with the mongols from all parts, with the dregs of the continents.."[17]  Europe is hiding in its own imbecility in front of an approaching catastrophe. Europe? "The rots that smell nice, a perfumed corpse." [18]

Despite gathering storms Cioran is comforted by the notion that he at least is the last heir to the vanishing "end of history." Tomorrow, when the real apocalypse begins, and as the dangers of titanic proportions take final shape on the horizon, then, even the word "regret" will disappear from our vocabulary. "My vision of the future," continues Cioran is so clear, "that if I had children I would strangle them immediately."[19]

*~*~*~*~*~*~*

After a good reading of Cioran's opus one must conclude that Cioran is essentially a satirist who ridicules the stupid existential shiver of modern masses. One may be tempted to argue that Cioran offers aan elegant vade-mecum for suicide designed for those, who like him, have thoroughly delegitimized the value of life. But as Cioran says, suicide is committed by those who are no longer capable of acting out optimism, e.g. those whose thread of joy and happiness breaks into pieces. Those like him, the cautious pessimists, "given that they have no reason to live, why would they have a reason to die?" [20] The striking ambivalence of Cioran's literary work consists of the apocalyptic forebodings on the one hand, and enthusiastic evocations of horrors on the other. He believes that violence and destruction are the main ingredients of history, because the world without violence is bound to collapse. Yet, one wonders why is Cioran so opposed to the world of peace if, according to his logic, this peaceful world could help accelerate his own much craved demise, and thus facilitate his immersion into nothingness? Of course, Cioran never moralizes about the necessity of violence; rather, in accordance with the canons of his beloved reactionary predecessors Josephe de Maistre and Nicolo Machiavelli, he asserts that "authority, not verity, makes the law," and that consequently, the credibility of a political lie will also determine the magnitude of political justice. Granted that this is correct, how does he explain the fact that authority, at least the way he sees it, only perpetuates this odious being from which he so dearly wishes to absolve himself? This mystery will never be known other than to him. Cioran admits however, that despite his abhorrence of violence, every man, including himself is an integral part of it, and that every man has at least once in his life contemplated how to roast somebody alive, or how to chop off someone's head:

Convinced that troubles in our society come from old people, I conceived the plan of liquidating all citizens past their forties--the beginning of sclerosis and mummification. I came to believe that this was the turning point when each human becomes an insult to his nation and a burden to his community... Those who listened to this did not appreciate this discourse and they considered me a cannibal... Must this intent of mine be condemned? It only expresses something which each man, who is attached to his country desires in the bottom of his heart: liquidation of one half of his compatriots.[21]

Cioran's literary elitism is unparalleled in modern literature, and for that reason he often appears as a nuisance for modern and sentimental ears poised for the lullaby words of eternal earthly or spiritual bliss. Cioran's hatred of the present and the future, his disrespect for life, will certainly continue to antagonize the apostles of modernity who never tire of chanting vague promises about the "better here-and-now." His paradoxical humor is so devastating that one cannot take it at face value, especially when Cioran describes his own self. His formalism in language, his impeccable choice of words, despite some similarities with modern authors of the same elitist caliber, make him sometimes difficult to follow. One wonders whether Cioran's arsenal of words such as "abulia," "schizophrenia," "apathy," etc., truly depict a nevrosé which he claims to be.

If one could reduce the portrayal of Cioran to one short paragraph, then one must depict him as an author who sees in the modern veneration of the intellect a blueprint for spiritual gulags and the uglification of the world. Indeed, for Cioran, man's task is to wash himself in the school of existential futility, for futility is not hopelessness; futility is a reward for those wishing to rid themselves of the epidemic of life and the virus of hope. Probably, this picture best befits the man who describes himself as a fanatic without any convictions--a stranded accident in the cosmos who casts nostalgic looks towards his quick disappearance.

To be free is to rid oneself forever from the notion of reward; to expect nothing from people or gods; to renounce not only this world and all worlds, but salvation itself; to break up even the idea of this chain among chains. (Le mauvais demiurge, p. 88.)

Notes:

[1Emile Cioran, "Syllogismes de l'amertume" (Paris: Gallimard, 1952), p. 72 (my translation)     return to text

[2"De l'inconvénient d'être né" (Paris: Gallimard, 1973), p. 161-162. (my translation) (The Trouble with Being Born, translated by Richard Howard: Seaver Bks., 1981)     return to text

[3Cioran, "Le mauvais démiurge" ( Paris: Gallimard, 1969), p. 63. (my translation)     return to text

[4"Syllogismes de l'amertume", p. 87. (my trans.)     return to text

[5Ibid., p. 176.     return to text

[6"De l'inconvénient d'être né", p. 11. (my trans.)     return to text

[7Ibid., p. 29.     return to text

[8Ibid., p. 23.     return to text

[9Ibid., p. 141.     return to text

[10"Syllogismes de l'amertume", p. 61. (my trans.)     return to text

[11"La tentation d'exister", (Paris: Gallimard, 1956), p. 37-38. (my trans.) (The temptation to exist, translated by Richard Howard; Seaver Bks., 1986)     return to text

[12"Syllogismes de l'amertume", p. 151. (my trans.)     return to text

[13Ibid., p. 156.     return to text

[14Ibid., p. 158.     return to text

[15"Histoire et utopie" (Paris: Gallimard, 1960), p. 59. (my trans.) ( History and Utopia, trans. by Richard Howard, Seaver Bks., 1987).     return to text

[16Syllogismes de l'amertume, p. 154. (my trans.)     return to text

[17Ibid., p. 86.     return to text

[18"De l'inconvénient d'être né", p. 154. (my trans.)     return to text

[19Ibid. p. 155.     return to text

[20"Syllogismes de l'amertume", p. 109.     return to text

[21"Histoire et utopie" (Paris: Gallimard, 1960), p. 14. (my trans.)        return to text

 

mercredi, 31 décembre 2008

Sarközy dans le collimateur en Allemagne

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Sarközy dans le collimateur en Allemagne

On savait déjà que l’entente n’était pas parfaite entre Angela Merkel et Nicolas Sarközy, coupable aux yeux des Allemands de négliger le binôme Paris/Berlin au profit de relations privilégiées avec la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis, voire en annonçant l’avènement d’une « Union Méditerranéenne », englobant les 27 pays de l’UE et noyant, de ce fait même, le cœur germanique et danubien du continent dans un gigantesque magma informel et sans colonne vertébrale, sans trognon mental commun, fort peu susceptible de fonctionner et de générer de l’harmonie et du consensus. Dans un tel magma, rien de constructif ne peut être entrepris avec toute la célérité décisionnaire voulue, vu l’hétérogénéité de ce bricolage racoleur, qui ne produira que des palabres sans suite. La Méditerranée est certes importante et sa maîtrise est vitale pour l’Europe mais l’empreinte qu’elle doit recevoir doit être européenne, doit venir du cœur du continent et non pas du désert arabique. Pierre Vial disait que la Méditerranée, depuis l’effondrement de l’Empire romain, l’échec des Vandales et des tentatives byzantines de reconquête, était un front et non pas un trait d’union. C’est là une évidence historique. La verbosité de Sarközy et ses gesticulations théâtrales n’y changeront rien.   

Dans le n°50/2008 de l’hebdomadaire « Der Spiegel », l’essai, que le magazine publie chaque semaine, était consacré à l’ « Omniprésident » Sarközy et était signé Ullrich Fichtner (dont on n’évoque pas les qualités ou fonctions). Cet « essay » était féroce : il énumérait, sur le ton du sarcasme et du mépris, voire du dégoût, les frasques du président français, accusé de surcroît de trahir les idéaux de Montesquieu quant à la séparation des pouvoirs. Sarközy aurait ainsi fait de l’Etat le « butin » du pouvoir. Et Fichtner de citer quelques exemples d’entorses graves à l’idéal de Montesquieu, dont les mésaventures d’un manifestant, Hervé Eon, qui s’était promené lors d’une visite présidentielle dans sa ville, avec une pancarte au cou, sur laquelle il reproduisait la parole historique du Président, empreinte de tant de délicatesse, « Casse-toi, pauv’ con ! ». Après que pression eût été exercée sur les tribunaux et sur la magistrature couchée et vénale, Hervé Eon a été condamné pour « injure au Président de la République » (sans que les professionnels de l’idéologie et de la pratique des « droits de l’homme » ne s’en soient outrancièrement émus, ni en France ni ailleurs en Europe…) ; ensuite, la brutalité avec laquelle a été traité un journaliste de « Libération », arrêté dès potron-minet et copieusement rossé dans un commissariat de police, parce qu’il avait écrit, il y a deux ans, quelques rosseries sur le candidat président.  

Face à ces dérapages, dignes du Zaïre de feu Mobutu, Ullrich Fichtner constate : en l’an II du mandat de Sarközy, « le pays (la France) est aujourd’hui devenu l’objet de rapports négatifs qui auraient pu provenir de l’Amérique du Sud des années 70 ».  Et d’ajouter que le commissaire européen des droits de l’homme, Thomas Hammarberg, avait décrit, après sa visite des prisons françaises, que la situation y était « inacceptable » et que la politique française de la justice contredisait les « droits fondamentaux de la personne humaine ». Et hop, quelques belles fleurs dans le jardin de Rachida Dati… Et tout cela se passe aujourd’hui dans le pays de la « rrrrrévolution » et des « droits de l’homme »… dont les ténors du journalisme et de la pensée ( ?) aiment tant donner des leçons aux autres… Fichtner : « Avec Sarközy, un style politique est né, en un laps de temps très court, qui nuit à la culture démocratique du pays » ; « nous assistons à une brutalité croissante du discours politique, comme si Sarközy et ses compagnons avaient suivi les leçons de Georges Bush le Jeune » ; « ivre de son pouvoir, Sarközy se sent compétent en tout et le contraire de tout : il tient des discours sur la maladie d’Alzheimer et sur la psychiatrie, sur la construction automobile, le logement et l’urbanisme, il propose des plans pour les économies à la traîne et contre la tragédie des sans-abri ; il exprime ses visions sur l’avenir de l’Afrique, sur les chances du Québec ; il a des idées sur l’énergie éolienne, le Tibet et le rugby ».

Jusqu’ici, rien que de la polémique, des reproches, comme chaque président français en a essuyés. Mais, l’ « essay » se termine par des paragraphes plus consistants : « Ses discours et ses projets ne peuvent contribuer à étayer l’Etat : généralement, Sarközy cherche la sensation car il se pose comme une homme politique éternellement en campagne électorale et, à cause de cela, dans les circonstances inquiétantes d’aujourd’hui, le système politique français manque d’un pôle de repos et de stabilité, d’un étalon fiable, d’une instance neutre ».

« La télévision d’Etat a été réformée de façon telle que l’émetteur public ne pourra plus diffuser de la publicité après 20 heures, à partir de janvier prochain. Sarközy vend cette réforme comme un « saut qualitatif », le téléspectateur est donc content et toute cette politique semble parfaitement raisonnable et rationnelle. Mais cette politique, de manière drastique, ne permet plus le financement des programmes de la télévision publique, qui se montraient aisément critique à l’encontre du pouvoir. On craint partout en France que l’on tentera de récupérer l’argent perdu de la publicité en ne recrutant plus de journalistes sérieux. Cette crainte est fondée car Sarközy a fait bidouiller sa loi de façon telle que ce sera en fin de compte le Président qui nommera personnellement le futur gestionnaire principal de la télévision publique. Quant aux émetteurs privés, à la tête desquels se trouvent les nouveaux amis super-riches de Sarközy, ils bénéficieront à partir de janvier d’entrées financières proportionnellement plus substantielles, ce qui est un effet collatéral parfaitement voulu, bien entendu ».

Et in cauda venenum : « Les forces de la désintégration politique corrodent l’Etat plus férocement en France qu’ailleurs dans le monde, car la société française est un mélange bigarré d’ethnies, de religions et, heureusement, de citoyens à l’esprit libre ; il n’empêche que l’édifice, qui les abrite tous, se lézarde. Ce processus n’a pas commencé avec Sarközy mais ce président-là n’a rien entrepris pour l’endiguer, l’apaiser, ni trouvé des nouveaux ciments pour le souder à nouveau ; au contraire : animé par son leitmotiv ‘diviser plutôt que concilier’, il mine encore davantage la cohésion de la nation. L’évolution actuelle de la France est une leçon qui nous enseigne que la démocratie et l’Etat de droit ne sont pas de simples évidences, mais des principes que l’on doit gagner chaque jour, pour lesquels il faut lutter quotidiennement, qu’il faut façonner et surtout remplir de sens, de volonté et de ‘virtù’. L’Allemagne, comme aucun autre pays, a dû apprendre cette leçon dans les peines, les douleurs et la souffrance. La France, qui s’est presque toujours retrouvée du côté ensoleillé de l’histoire doit bigrement faire attention, elle, de ne pas l’oublier ».

L’article de fond de Fichtner est le premier, depuis des décennies, à évoquer, au sein d’un établissement politique allemand pourtant bien soucieux de « rectitude politique », la nature « composite » et artificielle de la France en tant que construction politique. Et laisse sous-entendre que cette nature composite, ce manque d’homogénéité, et notamment d’homogénéité ethnique, est une faiblesse effroyable qui risque, à terme, de provoquer un vaste chaos entre le Rhin et les Alpes, d’une part, et l’Atlantique, d’autre part.

L’article de Fichtner montre en filigrane que son auteur préfère une référence directe à Montesquieu qu’un discours, tout en trémolos, sur les droits de l’homme, qui n’est pas suivi d’une pratique ad hoc. Montesquieu permet effectivement une application sereine, sobre et posée des droits du citoyen d’une république ou du sujet d’une monarchie, sans les excès criminels ou verbeux du discours républicain et révolutionnaire. La pratique européenne du droit doit s’inspirer davantage de Montesquieu que des mauvais modèles révolutionnaires. Voilà donc un axiome que l’on peut facilement tirer de l’article de Fichtner.

L’article de Fichtner révèle aussi toute la teneur de l’ère glaciaire qui règne actuellement dans les relations germano-françaises, une glaciation dont Sarközy est responsable. En plus, Fichtner dénonce la césure existante entre le discours (souvent tonitruant) sur les droits de l’homme en France et la pratique quotidienne, très déficitaire, de cette idéologie, soi-disant fondatrice de la République, inviolable et intangible. Cela, les régionalistes bretons, alsaciens ou autres le savaient depuis toujours. Et les cadavres des Vendéens ou des noyés de la Loire savent qu’immédiatement après la proclamation des droits de l’homme et du citoyen, on a inventé le principe de « dépopulation », soit une pratique en bonne et due forme de l’extermination totale d’une population au nom d’un délire abstrait, et qu’on l’a appliqué sans état d’âme par le truchement de « colonnes infernales ». Cette césure entre ce discours et cette pratique indique précisément que le discours en question est, sur le fonds, et depuis son émergence, pure hypocrisie.

L’article de Fichtner devrait inspirer nos législateurs pour condamner, comme le fit un jour Soljenitsyne, la matrice des totalitarismes exterminateurs, après avoir condamné ces derniers ; ensuite pour assimiler les symboles de cette matrice, dont le sinistre tricolore qu’a sacralisé Sarközy, à ceux des totalitarismes du passé, si bien que leur exhibition ou leur vénération ou toute tentative de les importer chez nous, en toutes circonstances ou sous quelque prétexte que ce soit, soit considérées comme un délit, assimilable à l’ostentation pathologique d’oripeaux ou de « paraphernalia » national-socialistes . Ce qui permettrait, en autres choses, d’écarter le délire du rattachisme en Wallonie. 

Enfin l’article de Fichtner devrait inciter à une vigilance européenne généralisée contre les déviances sarközistes, permettant à terme de libérer les peuples de France d’une idéologique intrinsèquement terroriste dans ces principes, même si elle ne peut actuellement les traduire dans le réel et dans toute leur effroyable pureté, et de pratiques contraires aux principes nord-européens de l’habeas corpus, incarnés chez nous, notamment, par la Charte de Kortenberg. La révolution française, comme les pratiques centralisatrices et absolutistes des derniers rois de la monarchie capétienne, a forcé les peuples des anciennes Gaules à sortir d’une matrice européenne commune où la liberté et l’autonomie sont des valeurs cardinales. Il faut les y accueillir à nouveau.

En résumé, c’est un fort beau costume, un pur alpaga haut de gamme, que le principal hebdomadaire d’information en Europe, le « Spiegel », qui tire au moins à deux millions d’exemplaires, a taillé pour cet hiver au nouveau président français, au sortir de ses six mois d’animateur numéro un de l’UE.

(source : Ullrich FICHTNER, « Der Omnipräsident », in « Der Spiegel », n°50/2008). 

 

 

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samedi, 13 décembre 2008

Europe: le temps joue pour le populisme

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Europe : le temps joue pour le populisme

Condensé de la communication de Jean-Yves Le Gallou à la XXIVe université
annuelle du Club de l'Horloge sur :
Le populisme : une solution pour l'Europe en crise

1. Le populisme : une dissidence politique populaire

Le populisme est une attitude politique qui conduit les électeurs à se recentrer sur les notions sous-jacentes à l’identité et aux libertés nationales et à se détacher des « partis de gouvernement » qui se partagent le pouvoir en Europe, pouvoir que ces partis exercent dans le sens des intérêts de l’hyperclasse mondiale et de son idéologie dominante, l’idéologie mondialiste et antiraciste qui la conforte.

Prenant racine dans des pays européens différents, les populismes expriment des particularismes nationaux et locaux mais tous se retrouvent dans une expression populaire et électorale qui tourne autour des cinq « I » :

         - moins d’Immigration,
         - moins d’Islamisation,
         - moins d’Impôts,
         - plus d’Identité,
         - plus d’Indépendance.

2. Le populisme : une cause difficile et souvent décevante pour ses partisans

Le populisme a trouvé une expression électorale significative depuis plus de vingt ans dans de très nombreux pays d’Europe de l’Ouest. Néanmoins ses résultats n’ont nulle part permis d’avancées décisives, ce qui peut conduire les pessimistes à croire que la cause du populisme est désespérée :
- le succès électoral ne garantit pas l’accès au pouvoir ;
- lorsqu’il est au rendez-vous, l’accès au pouvoir est précaire ;
- la participation des populistes à des gouvernements nationaux ou locaux ne garantit pas la mise en œuvre des mesures souhaitées par leurs électeurs.

3. Les difficultés des populistes proviennent de leur opposition frontale aux intérêts et à l’idéologie dominante

La difficulté majeure des populistes ne vient pas des faiblesses de leurs dirigeants mais de ce qu’ils sont et de ce qu’ils défendent. En s’opposant à l’ordre établi par les puissances dominantes (grandes institutions internationales, grandes entreprises mondiales, grandes administrations, grands lobbies, grands médias), les populistes livrent une bataille asymétrique du faible au fort.

En fait, deux armes de destruction massive sont utilisées contre les mouvements populistes : la diabolisation et la répression politique et judiciaire.

4. L’arme de la diabolisation

La diabolisation est l’instrument utilisé pour imposer la tyrannie du politiquement correct, grâce notamment à une « novlangue » de type orwellien. La tyrannie du politiquement correct s’impose par l’usage de mots sidérants et d’images incapacitantes à l’encontre des dissidents de la pensée unique.

Il convient ici d’observer que le succès électoral et populaire n’est pas un bouclier contre la diabolisation mais que, bien au contraire, il contribue à l’amplifier, comme l’ont montré l’exemple suisse en 2007 ou l’exemple français de 2002.

La diabolisation vise à produire – et produit – plusieurs effets :

- elle freine l’ascension électorale ;
- elle nourrit les divisions internes des mouvements visés ;
- elle rend les relations internationales difficiles ;
- elle rend les alliances impossibles ou politiquement peu intéressantes.

5. La répression judiciaire et politique et les atteintes aux libertés fondamentales

Au-delà de ses inconvénients médiatiques et politiques, la diabolisation sert à légitimer une répression judiciaire et politique qui frappe à des degrés divers les formations populistes des différents pays européens, y compris la Suisse :

- poursuites judiciaires pour des motifs politiques ;
- fermeture de sites Internet et refus d’hébergement ;
- limitation, voire interdiction pure et simple d’accès aux grands médias ;
- dissolution ou tentative de dissolution de formations politiques ;
- interdiction de manifestations et de réunions ;
- organisation de contre-manifestations violentes ;
- levée des immunités parlementaires pour de simples délits d’opinion ;
- arrestations arbitraires et gardes à vue illégales de députés européens ;
- violations de la vie privée ;
- piratage et vol de fichiers d’adhérents ;
- interdits professionnels ;
- pressions sur des personnes (et sur leur famille) visant à leur faire retirer leur candidature à des élections locales ;
- modification des règles du jeu électoral et des modes de scrutin ;
- mise en cause des financements politiques et/ou électoraux ;
- usage des cours constitutionnelles pour combattre les populismes ;
- manipulations policières.

Cette liste d’atteintes aux libertés politiques des partis populistes européens est très partielle et très incomplète. Elle montre toutefois l’ampleur et la variété des moyens répressifs utilisés contre des formations concourant à l’expression du suffrage. Les dirigeants européens donnent souvent des leçons de droits de l’homme à la Russie et à la Chine mais ils utilisent contre leurs propres dissidents les méthodes qu’ils condamnent chez les autres.

6. En vingt-cinq ans, le populisme s’est néanmoins enraciné dans l’espace et la durée

Le populisme s’affirme depuis plus de vingt ans dans de très nombreux pays d’Europe de l’Ouest : ainsi en France, en Belgique (Flandre), en Italie, aux Pays-Bas, en Suisse, au Danemark, en Suède, en Norvège, en Autriche, les mouvements de dissidence populiste ont couramment rassemblé entre 10 et 30% des suffrages. Des mouvements populistes se développent aussi en Grande-Bretagne et en Allemagne et même en Grèce. La tendance générale est à une progression notable des résultats.

Et lorsque les peuples ont été consultés par référendum, ils ont souvent désavoué les élites politiques, médiatiques, économiques et syndicales :

- les Suisses et les Norvégiens ont refusé d’intégrer l’Union européenne ;
- les Suédois et les Danois ont refusé d’entrer dans l’euro ;
- les Irlandais ont obtenu des dérogations aux traités auxquels ils ont fini par adhérer ;
- les Français et les Hollandais ont rejeté le traité constitutionnel européen ;
- les Irlandais se sont prononcés contre la ratification du Traité de Lisbonne.

7. Temps politique, temps historique

A travers la diversité de leurs orientations et de leurs méthodes, les mouvements populistes s’inscrivent tous en rupture avec les forces et les idées dominantes. Ils s’opposent aux puissants et aux sachants qui servent les puissants.

Et c’est bien la profondeur des changements proposés par les populistes qui explique le tempo de leur progression : vingt-cinq ans, pour la politique, c’est du temps long mais, pour l’histoire, c’est du temps court.

Dans le passé les grands courants idéologiques et politiques ont mis beaucoup de temps pour s’imposer :
– la philosophie manchestérienne du libre-échange a mis un demi-siècle à triompher en Grande-Bretagne avec la suppression des Corn Laws en 1846 et de l’Acte de navigation en 1849 ;
– les courants nationaux et libéraux, étouffés par le retour du principe de légitimité au Congrès de Vienne en 1815, ne ressurgissent au grand jour que trente ans plus tard lors des révolutions de 1848 ;
– les mouvements nationaux mettent encore de longues années avant de déboucher sur l’unité italienne (en 1860) et l’unité allemande (en 1871) ; l’Irlande ne devient un Etat souverain qu’en 1921 ;
– le socialisme est construit intellectuellement dans la première moitié du XIXe siècle ; il n’accède au pouvoir sous sa forme révolutionnaire qu’en 1917 en Russie ; en France, sous une forme réformiste, ce n’est qu’en 1936 qu’il prend la tête du gouvernement ;
– le « Wilsonisme », ancêtre du mondialisme contemporain, a mis près d’un siècle à s’imposer à la planète ;
– le mouvement des droits civiques, matrice de l’antiracisme contemporain et de la discrimination positive, attendra quarante-quatre ans entre la proclamation, devant la Maison Blanche, du « rêve » de Martin Luther King et l’élection de Barak Obama comme président des Etats-Unis.

8. La crise économique : un accélérateur pour le populisme ?

La crise financière et économique que le monde traverse depuis le 15 septembre 2008 peut bouleverser la donne en soulignant les failles des actes des puissants et des discours des « sachants ».

Citée dans la revue « Krisis » de février 2008, la politologue britannique Margaret Canovan distingue plusieurs formes d’expression du peuple à travers le populisme : united people (« le peuple souverain »), common people (« le peuple classe »), ordinary people (« le peuple de base »), ethnic people (« le peuple nation »). Chacune de ces expressions du populisme peut trouver les moyens de se renforcer à travers la crise.

L’ordinary people, « le peuple de base », a toutes les raisons d’accroître sa défiance vis-à-vis des élites politiques, médiatiques et financières : élites qui n’ont pas vu venir la crise et qui la gèrent dans l’agitation et l’affolement.

Le common people, « le peuple classe », a, lui, des raisons de se révolter contre l’hyperclasse mondiale dont il découvre la malfaisance et les fantastiques avantages auto-octroyés.

L’united people, « le peuple souverain », n’a, lui, pas de raison d’accepter que les Etats-Unis d’Amérique, à l’origine de la crise, continuent de dicter leur loi au reste du monde et il peut légitimement réclamer un retour à un protectionnisme raisonnable.

L’ethnic people, « le peuple nation », peut trouver dans la crise économique un argument supplémentaire – et décisif – contre une immigration qui peut se révéler nuisible en termes d’équilibre des comptes sociaux comme d’emplois.

Les élites ne le savent pas encore ou, si elles le savent, elles feignent de l’ignorer : la crise économique et financière met à mal le modèle mondialiste du libre-échange généralisé. La sortie de crise ne pourra se faire que par un changement du référentiel idéologique.

Et ce sont bien les populistes qui, malgré leurs faiblesses et leurs imperfections mais à travers leur diversité, portent en germe le modèle de rechange !

Jean-Yves Le Gallou
Ancien député européen
XXIVe université annuelle du Club de l’Horloge
6 et 7 décembre 2008

 

Jean-Yves Le Gallou

vendredi, 12 décembre 2008

L'Age de Caïn

L’Age de Caïn
JEAN-PIERRE ABEL
342 pages  ; 14,5 x 20.

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L’AGE DE CAÏN

Premier témoignage sur les dessous
De la libération à Paris.

UN AUTRE SON DE CLOCHE. Oui, c’est un autre son de cloche que nous vous proposons avec cet ouvrage, un autre son de cloche sur « la libération » qui a suivi la seconde guerre mondiale, et toutes les festivités et les joyeusetés qui l’accompagnèrent. Car il paraît que le peuple de France ne peut s’émouvoir et ne célébrer dans son histoire  – d’après ceux qui la rédigent et qui l’imposent aujourd’hui – que les grands massacres, les grands massacres fondés sur la haine de quelque chose qu’il faut faire disparaître pour pouvoir exister. Mais si les tueries de la « révolution » sont encore chantées, celles qui ont accompagné et suivi «  la libération » sont savamment occultées – n’ont pas que l’on en ait honte, mais plutôt que l’on ait honte qu’il y eut de tels Français qu’il fallut éliminer, la bonne excuse. Précieux témoignage que cet ouvrage, donc. Il faut signaler qu’il n’a jamais été contesté, et que les noms et les événements qui y sont décrits le sont d’une manière très précise qui ne prête pas à confusion. Signalons toutefois que l’encyclopédie trotskyste en ligne « wikipedia » se permet d’informer  ceux  qui  la  consultent  de  la façon suivante : En 1948, Abel rédige le récit de sa détention (L'Âge de Caïn) où il critique sévèrement les méthodes employées par la les forces de la libération envers les détenus. Il s'attaque à ce qu'il juge être de l'épuration "sauvage". Cet ouvrage est toutefois suspect de révisionnisme et compte parmi le répertoire des textes dont se revendiquent aujourd'hui les négationnistes  La belle affaire !

Car ce sont bien des dizaines de milliers de Français qui, à travers la France, furent sommairement exécutés, la plupart parfaitement innocents de ce qu’on leur reprochait, ou, plus directement, victimes de règlements de compte ; sans parler de tous ceux qui furent plus simplement incarcérés et torturés (…, car le ministère de l'intérieur, officieusement, donne des chiffres qui varient entre 80.000 et 100.000 exécutions sommaires. Citation d’une note de l’ouvrage).

Quant à l’auteur de l’ouvrage, qui est-il ? Le livre est signé Jean-Pierre Abel, mais ce n’est là qu’un pseudonyme qui fait référence au titre L’âge de Caïn.  Lisons à son sujet ce qu’en dit le site internet de bibliothèque en ligne « Aaargh » : Quelques précisions : Jean-Pierre Abel est en fait René Château. Elève d'Alain, Proche de Gaston Bergery, radical-socialiste et fondateur de la Ligue de la Pensée Française en 1940, directeur jusqu'en 1943 de La France Socialiste, quotidien de Déat. Il a été arrêté le 30 août 1944 comme collaborateur notoire et détenu à l'Institut d'hygiène dentaire et de stomatologie 158, avenue de la Choisy, pendant soixante seize jours. Cet immeuble fut réquisitionné dès la libération et transformé en centre de détention de collaborateurs par des FFI qui s'étaient arrogé le droit de rendre leur propre justice. Robert Aron, dans son Histoire de l'épuration, raconte que cent cinquante personnes, environ, y ont été emprisonnées (dont l'ancien député socialiste L'Hévéder dont il est question dans le texte) en dehors de toute légalité. Certaines furent fusillées dans l'enceinte de l'institut, d'autres furent repêchées dans la Seine. La Préfecture de police, avertie de ces faits, tenta d'y pénétrer mais accueillis à coups de mitraillette, les policiers reculèrent pour éviter un massacre. Le préfet de police Charles Luizet chargea le colonel FFI Aron-Brunetière, chef du 2ème bureau, de faire procéder à la fermeture de l'institut et des autres centres de détention (le lycée Janson de Sailly, la caserne de Reuilly, la mairie du 18ème arrondissement, l'hôtel du Dôme rue Léopold Robert ...). Les détenus, au nombre de 1500 environ, furent transférés à la prison de Fresnes où après un premier interrogatoire, 800 d'entre eux furent immédiatement libérés.

 

26 euros + 5 euros de port.

mardi, 09 décembre 2008

Linkse vernippering

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Linkse versnippering

Gevonden op: http://yvespernet.wordpress.com

In Vlaanderen en Frankrijk is er een kleine crisis bij links, al is er wel een groot verschil in omvang. Waar hier een minipartijtje als Vl.Pro. uiteenvalt in de postjespakkers en de naiëve idealisten, is het in Frankrijk wel wat erger.

Frankrijk

Daar heeft nu Pierre Joxe de Parti de Gauche gesticht, naar het voorbeeld van Die Linke (waar nu ook Oskar Lafontaine bijzit) die zich links van de PS zal positioneren. Wel te begrijpen aangezien geen van beide kandidaten voor het PS-voorzitterschap echte kandidaten van “links” waren. Progressief genoeg, maar links…, daar heb ik mijn twijfels bij.

Aubry, de kandidaat van de partijtop vs Royal, de kandidaat die de PS nog meer het centrum wilt induwen. Geen van beide kandidaten was dus eigenlijk “links”, al was Aubry wel degene die destijds nog de 35uren-week invoerde, en wensten dat ook niet te zijn. En dat is ook het hele probleem van links in Europa. Oftewel zijn ze extreem-links met alle kenmerken ervan; sektarisme/dogmatisme/etc… Oftewel zijn ze centrum, eveneens met alle gevolgen daarvan; onduidelijkheid/wolligheid/geen duidelijk beleid/etc… Het zal dus nog interessant worden in Frankrijk, ik geef de Parti de Gauche een redelijk grote overlevingskans, wat op korte termijn alleen maar voordelen kan vormen voor Sarkozy.

Vlaanderen

In Vlaanderen is het allemaal wat minder idealistisch. Daar is het eerder van het soort de-ratten-verlaten-het-zinkende-schip. Adihar en T’sijen keren nu hun partij de rug toe, wat goed te begrijpen is. Als men iets wil verwezenlijken, zal dat nooit via Vl.Pro. gebeuren en als men een mandaat wilt behouden, zal ook dat niet via Vl.Pro. gebeuren.

Anciaux zelf zal uiteraard Vl.Pro niet snel verlaten, hij zal zo veel mogelijk mensen meenemen naar SP.a om bij die laatsten zijn waarde te tonen. Hoe meer Vl.Pro.-mensen hij kan meenemen, hoe harder hij op tafel kan slaan wanneer de mandaten en verkiezingsplaatsen verdeeld worden. En als ze hem uit de partij smijten, dan kan hij altijd nog de martelaar uithangen. Een win-winsituatie voor Anciaux zelf, uit idealisme zal hij het alvast niet doen…

lundi, 08 décembre 2008

Le retour de J. d'Arribehaude

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Le retour de Jacques d’Arribehaude

Dans la nouvelle livraison de son journal, qui englobe la première moitié des années 80, Jacques d’Arribehaude écrit ceci qui mérite d’être relevé : « En fin de compte, je n’aimerais pas être considéré, uniquement, pour les propos, si remarquables soient-ils, que j’enregistrais à Meudon auprès de Céline peu avant sa mort. Je sais ma dette envers Céline, j’admire son génie visionnaire et pamphlétaire, mais mon vrai modèle est Saint-Simon. Je ne prétends évidemment pas me situer à son niveau,  et loin de moi l’idée d’établir une quelconque échelle de valeurs artistiques et littéraires, mais Saint-Simon, en décalage complet avec son siècle comme je le suis avec mon époque, avait résolu de s’adresser à d’autres générations que la sienne, et de s’en remettre à la providence pour être lu et  reconnu bien après sa mort. »  Et de préciser : « Je m’attache à cet exemple parce qu’il m’offre un espoir, qu’il me reste une œuvre à écrire, susceptible de quelque intérêt par la suite, et que je garde obstinément au fond du cœur, moi aussi, la foi de mon enfance. » S’il est vrai que Jacques d’Arribehaude n’est connu de la plupart des céliniens que pour les entretiens que le grand homme voulut bien lui accorder, à lui et à son complice Jean Guenot, il est aussi apprécié de quelques amateurs d’écrits intimes pour cette somme foisonnante composée de plusieurs opus aux titres évocateurs : Une saison à Cadix, L’encre du salut, Complainte mandingue, Le royaume des Algarves, Un Français libre et, à présent, S’en fout la vie. L’auteur nous apprend que ces mots figuraient sur de grands écriteaux pavoisant certains véhicules surchargés pour défier l’adversité le long des pistes d’Afrique noire. Cette expression correspond aussi, on l’aura compris, à la manière aventureuse et désinvolte avec laquelle l’auteur a mené sa propre existence.

À défaut de rencontrer au moment de sa sortie un succès de librairie,  cette œuvre a été saluée par la critique. Ainsi, Pol Vandromme : « Ce journal est d’un homme libre. Libre devant les intimidations du siècle comme devant celle des mantes religieuses et des benêts pâmés. Libre comme on a désappris à l’être aujourd’hui : en esprit fort et en vivant magnifique. »  On peut parier que,  dans quelques années, il se trouvera de  fervents lecteurs de  Jacques d’Arribehaude  comme aujourd’hui  on en compte de Paul Léautaud, même si leur univers n’est en rien comparable. Le premier, grand voyageur, fut un amoureux impénitent ; le second, sédentaire résolu, se révéla un sentimental refoulé, prônant avec conviction le seul amour sensuel. Rien de commun avec Arribehaude, chantre de l’amour absolu : « Je ne suis sensible, qu’au naturel du désir – et du plaisir – librement partagés dans la simplicité et la pureté d’une émotion réciproque, entre deux êtres qui s’aiment vraiment ». Impossible, quand on le lit, de ne pas trouver attachant ce diariste sensitif. Surtout lorsqu’il nous confie avec une franche ingénuité ses désarrois sentimentaux ou son refus du carriérisme dans ce monde de la télévision qui en est l’exemplaire illustration. Comme Léautaud, c’est un rêveur épris d’indépendance et de liberté.  Autre point commun : le style, superbe et délié, d’un naturel parfait. Au risque de contrarier l’auteur – mais la nature de ce bulletin a ses contraintes –, comment ne pas constater que Céline occupe, une fois encore, une place de choix dans ce volume alors qu’il est bien éloigné le temps où l’auteur gravissait la route des Gardes pour recueillir les propos désabusés du génial anachorète. Nulle complaisance envers lui dans ce journal ; il relève ses propos très durs envers Robert Brasillach et l’équipe de Je suis partout. « Même attitude rageuse de Céline à l’égard de Drieu, mis par lui dans le même sac que Brasillach, coupable de n’avoir songé qu’à se livrer ou au suicide », ajoute-t-il. Lisant le journal de Jünger, il note que « le Paris où il lui était si plaisant de flâner à sa guise avec le plus grand détachement, de rencontrer un petit nombre de merveilleux amis, de garder, malgré la guerre, sa fidélité à cet idéal chrétien et chevaleresque que je m’obstine moi-même à respecter depuis l’enfance, tout cela me touche. Mais il n’a manifestement pas compris Céline et l’a rejeté, ce qui surprend quand on le voit par ailleurs sensible à l’œuvre de Léon Bloy qui fut un écorché et un imprécateur de même espèce. »

Ne dédaignant pas les propos politiquement (très) incorrects, il relate un déjeuner chez Jean et Monette Guenot, en compagnie de Pierre Monnier et de Maurice Ciantar. À propos de celui-ci, il souligne que « rien, dans son apparence, sa tenue stricte et soignée, qui puisse déceler la bohème anarchique et désordonnée de ses premiers textes, et voilà que, l’âge venu, nous aboutissons aux mêmes conclusions. La décomposition de l’Occident est conforme aux visions prophétiques de Céline et justifie ses pamphlets sur l’impuissance des démocraties, leur niaiserie bénisseuse dans l’incapacité d’admettre la pérennité du mal et la nécessité de s’en préserver pour que le progrès technique cesse d’être un leurre et un instrument de crétinisation définitive de l’espèce humaine ». La maîtresse de maison n’est pas en reste qui « confie, en souriant que, de tout Céline, elle  admirait  par-dessus tout  la puissance et la verve des pamphlets. »  Revenant sur le sujet peu de temps après, celui qui rallia à dix-huit ans les « Forces Françaises Libres » écrit : « Je ne dissimule pas l’horreur du nazisme, mais je comprends que, dans le chaos économique, la corruption et la misère des années 20 en Allemagne, il ait pu naître, faire illusion, et séduire par ses réformes sociales non seulement le peuple, mais aussi la fine fleur de grands esprits, philosophes, artistes, savants, intellectuels de tous bords célèbres dans le monde entier, et dont l’énumération serait longue. Et je comprends mieux les hurlements de Céline contre une guerre que nous ne pouvions que perdre et que nous aurions pu et dû éviter, l’objectif d’Hitler étant essentiellement l’espace russe, son fameux Lebensraum, où il était voué à l’usure et à l’échec. » Comparant Céline à Drieu, il relève, après avoir relu Gilles, qu’il y avait « une belle naïveté dans les attitudes de Drieu devant la guerre. Il est très loin ici de Céline, qui a osé rire et faire rire à propos de sa frousse éperdue face aux boucheries inconcevables de 14-18, et sa volonté forcenée de s’y soustraire. C’est cela, qui a manqué à Drieu. La vraie distance qui permet l’humour et peut faire de toute tragédie une farce. Du moins admirait-il Céline et lui rendait-il hommage, là où, on y revient, un autre combattant de 14-18, Jünger, n’a ressenti devant Céline que roide incompréhension, aversion spontanée, haine viscérale. »  Certains diraient que ce fut sans doute réciproque. S’il n’a jamais rencontré Jünger, l’auteur a bien connu Dominique de Roux qui « se plaisait à croire que ce monde n’est fait que d’apparence et que, très loin de l’apparence, la réalité du pouvoir appartient à un petit nombre d’initiés très secrets, qu’il se piquait de découvrir. À la source de la puissance créatrice et visionnaire de Céline, il voyait une importance démesurée dans l’appartenance aussi fugitive que superficielle de l’auteur du Voyage aux services secrets durant son séjour à Londres en 1916. Il en rêvait tout haut. Il aurait pu en parler des heures. » À mettre en parallèle avec cette interview télévisée que Dominique de Roux fit de Marcel Brochard ; la période londonienne l’intriguait de toute évidence. Mais Brochard, n’ayant connu Louis Destouches  qu’à partir de l’époque rennaise,  soit quatre ans plus tard,  laissa le  fondateur des cahiers de L’Herne sur sa faim…

On a parfois commenté sur un ton désapprobateur le refus de Céline, à la fin de sa vie, de voir ses petits-enfants. Nul blâme ici : « Je comprends Céline d’avoir concentré ses faibles forces et ses émotions jusqu’au refus de tout contact avec sa fille et ses petits-enfants. Il n’avait d’autre choix que de les sacrifier à son œuvre, s’il voulait l’achever. Même chose pour Proust, qui fut le vide autour de lui pour terminer fébrilement avant de mourir les ultimes pages de la Recherche et du Temps retrouvé. » Comme on le voit, les résonances de l’œuvre célinienne sont nombreuses dans ce journal. Mais celui-ci vaut surtout par sa peinture acerbe du milieu télévisuel ébranlé par l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981.  Sa valeur  tient aussi au fait que Jacques d’Arribehaude n’enjolive jamais, ne dissimule rien du mal-être qui l’étreint, des joies intenses mais éphémères, des déboires sans cesse renouvelés  et de cette quête si difficile de la sérénité.

Marc LAUDELOUT

 

Jacques d’ARRIBEHAUDE, S’en fout la vie, The Book Edition, 2008, 418 pages (25 €, franco). On peut commander ce livre sur Internet : www.thebookedition.com  ou auprès de Pierre-Vincent Guitard, 76 bd Saint-Marcel, 75005 Paris.

Les volumes précédents du journal ont été édités à L’Age d’homme, où l’on trouve aussi la réédition de ses deux plus beaux romans, Semelles de vent (1959) et Adieu Néri (Prix Cazes, 1978).

 

samedi, 06 décembre 2008

Bulletin célinien n°303/Déc. 2008

 Le Bulletin célinien

Sommaire du Bulletin célinien n°303 de décembre 2008 :

* Marc Laudelout : Bloc-notes
* Marc Laudelout : Hans et Arletty
* Robert Le Blanc : Face à Céline : BHL, Houellebecq, Stéphane Denis...
* Jessie Aitken : Un aspect inattendu de Guy de Girard de Charbonnières
* Marc Laudelout : Enivrante Corona (Jeanne Loviton)
* Dossier : Elisabeth Porquerol et Céline
* Pol Vandromme : "Une allégresse amère et sauvage" (1969)
* Marc Laudelout : Hommage à Pascal Pia
* Marc Laudelout : Céline et Carco
* Marc Laudelout : Le Paris de la Collaboration


Un numéro de 24 pages, 5 illustrations, 6 € franco de port.



Le Bulletin célinien
BP 70
B1000 Bruxelles
http://louisferdinandceline.free.fr
celinebc@skynet.be

dimanche, 30 novembre 2008

La dictature libérale

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La dictature libérale

 

Analyse de l'ouvrage de Jean-Christophe Rufin (La dictature libérale. Le secret de la toute puissance des démocraties au 20° siècle, J.C. Lattès, Paris, 1994, 313 pages, 119 FF)

 

Frédéric KISTERS

 

Imaginez-vous la démocratie comme une jeune vierge craintive, égarée dans une antre peuplées de dépravés? Croyez-vous sa vertu menacée de toutes parts par des êtres lubriques qui ne désirent que son avilissement et sa mort? Craignez-vous qu'elle ne succombe sous les coups d'une horde de barbares ignares et belliqueux? Détrompez-vous!

 

Le dernier livre de Jean-Christophe Rufin vous démontrera, au travers d'une relecture de l'histoire de ce siècle finissant, que la démocratie libérale, quoiqu'elle se déclare toujours faible et menacée, est en fait aussi puissante que retorse.

 

En effet, la démocratie libérale présente l'apparence d'un système labile, peu apte aux décisions, déchiré par des tensions et divisions internes. Si ce visage décomposé correspondait à une réalité, nous serions en droit de nous demander par quel mi­racle une organisation aussi débile aurait non seulement survécu à deux guerres mondiales, ainsi qu'à de multiples séismes socio-économiques, et se serait, de plus, imposée dans la plupart des pays développés?

 

Les systèmes totalitaires paraissent plus robustes que les démocraties, parce que les pouvoirs de décisions sont concentrés et que la société semble plus homogène et ordonnée. Au contraire, la démocratie libérale possède une multiplicité de centres de décision et elle est agitée par des courants d'opinion contradictoires. En fait, la violence dont font montre les dictatures est le symptôme de la maladie qui les rongent irrémédiablement: ces sociétés, fondées sur l'adhésion inconditionnelle à une idéologie (aussi floue soit-elle), s'épuisent à discipliner leurs citoyens. A l'éradication d'un groupe d'opposants, que les média du pouvoir totalitaire qualifieront de “victoire”, correspond en fait une perte de substance vive, celle d'un groupe d'élite qui avait le courage de se révolter. Les sociétés totalitaires sont, en quelque sorte, masochistes et autophages... tandis que la contradic­tion anime la démocratie, elle disloque la dictature.

 

La polymorphie des démocraties constitue un second avantage par rapport aux dictatures: comme Protée, elles peuvent se présenter tour à tour sous des jours divers, en fonction des forces qu'elles rencontrent. Font-elles face à des communistes ré­volutionnaires, qu'elles enverront des émissaires puisés dans leurs partis communistes nationaux; font-elles face à une dicta­ture d'extrême-droite, qu'elles délégueront l'un ou l'autre chantre de l'ordre; font-elles face à une théocratie musulmane, qu'elles choisiront des immigrés provenant de ces pays ou quelque intellectuel converti à l'Islam. Dans n'importe quelle situa­tion, elles se trouveront toujours des collaborateurs, à l'intérieur d'elles-mêmes ou chez l'ennemi. Par contre, un gouverne­ment totalitaire est condamné à une certaine franchise, aussi machiavéliques soient ses dirigeants. Un Etat communiste peut se vouloir révolutionnaire et agressif, ou accomodant et pacifique, il demeurera un Etat communiste. Il peut arranger sa mise mais non pas remodeler son visage. Protée, lui, se transforme au gré des circonstances, ou plutôt, du fait de sa structure ex­trêmement complexe et mobile, il présentera son aspect le plus convenable à son interlocuteur.

 

Le problème immémorial que les démocraties ont toujours eu à résoudre est celui de la contradiction de la liberté individuelle des citoyens avec la cohésion de la société. La réponse habituelle fut l'instauration d'un contrat social qui mettait fin à l'état de nature en soumettant les hommes à une loi qui bornait leur liberté; le contrat étant garanti par la crainte de la loi. Mais ce sys­tème, dérivé de la pensée de Hobbes, oscille sans cesse de l'anarchie au despotisme. En ce sens, la Russie communiste en est un parfait exemple: issue d'une guerre civile, elle se reconstitue sous la férule de Staline, puis régresse et retourne au chaos primordial. En effet, dès que le contrat social est instauré, les hommes s'en vont jouir de la paix et oublient peu à peu les affres de l'état de nature. Ils deviennent nostalgiques et, un jour, désirent retrouver leur paradis perdus comme les écologistes.

 

L'avatar du Léviathan, la démocratie libérale, a trouvé la parade à ce paradoxe: l'indifférence.

 

La démocratie libérale ne propose aucune valeur positive, aucun projet; elle se contente de dénoncer les travers de ses adver­saires et de proposer à ses sujets la “liberté”, le bien-être matériel, la paix, une réelle immobilité sous une apparente agitation. Dans ce système sans valeurs, et donc sans contrainte, l'homme peut jouir de sa liberté, comme dans l'état de nature. On comprend pourquoi les “droits de l'Homme” ont pris une telle importance dans nos sociétés: ils servent de substitut aux va­leurs positives et assurent une cohésion minimale. «La Déclaration des droits de l'Homme, elle, est un socle acceptable. Elle assure à chacun la reconnaissance de son droit au processus de personnalisation, sa capacité d'être un individu et de former quelque regroupement que ce soit avec les autres. Elle est reconnaissance du droit de posséder, de jouir, d'être toujours semblable aux autres et égal, cependant qu'on s'active à être toujours différent et si possible supérieur. La Déclaration des droits de l'Homme permet à la dispersion sociale de s'opérer sans barrière. Le principe de souveraineté du peuple la com­plète car il permet de réintégrer, le moment venu, cette dispersion par la grâce de majorités numériques»  (pp. 274-275).

 

Si les dictatures nient l'opinion publique, les démocraties, elles, feignent de l'ignorer. La démocratie étant indifférente par rap­port aux citoyens, ceux-ci, sentant qu'ils n'ont plus aucune prise sur le système, s'en détachent et recherchent des solidarités de remplacement plus proches d'eux: l'ethnie, la secte, la minorité d'opinion, l'association caritative, etc. La société se subdi­vise en une nébuleuse de sous-groupes, plus ou moins autonomes, disposant chacun de leur propre “culture”, qui va de la stricte idéologie de certaines sectes, à celle, beaucoup plus diffuse, du “pop/tagg”. Bien sûr, chacun demeure libre de participer à plusieurs de ces mini-sociétés... Toutefois, malgré cette apparente liberté débridée, chaque monade reste liée à l'ensemble. Aussi, «le marginal devient central». Les média ne portent leur attention que sur l'anormal, l'extraordinaire, le déréglé. La crise de la solitude, l'alcoolisme, la drogue, l'aliénation, la délinquence, les émeutes de banlieue, etc. ne sont pas les symptômes d'une maladie mortelle pour la démocratie, mais des signes de son fonctionnement normal! Chaque fois que les média évo­quent ces phénomènes marginaux, ils les réintègrent au centre même de la démocratie. La machine fonctionne comme une immense pompe aspirante-refoulante.

 

Dans l'Empire romain, l'essentiel de l'armée stationnait aux frontières pour contenir les barbares. Lorsqu'une crise politique interne survenait, tels généraux d'armée se muaient en prétendants au trône impérial et l'on voyait bientôt deux, trois ou quatre colonnes armées converger vers Rome, le cœur de l'Empire, que personne ne défendait. Le vainqueur accédait au trône en gravissant quelques tas de cadavres et, ayant ainsi renouveler l'élite dirigeante par un apport de sang neuf, perpétuait le princi­pat.

 

Dans nos démocraties libérales, les groupes révolutionnaires habitent aussi dans les confins de la société, mais il n'existe pas de centre géographique vers lequel les armées pourraient marcher triomphalement, point de citadelle à prendre d'assaut, juste un vaste et morne marécage où s'enlise tout véritable idéal, où l'homme révolté ne peut qu'errer sans jamais trouver le moindre exutoire à sa rage. Par contre, sa simple existence entretient le mythe de la menace.

 

A cette indifférence interne aux nations s'ajoutent l'internationalisation du monde libéral. Tant du point de vue économique que du point de vue politique, les centres de décision tendent à se déplacer vers des organismes internationaux voire «universels», alors que les peuples ne peuvent agir qu'au niveau national. Le pouvoir leur échappe encore un peu plus. Sur ce point, il nous semble que Rufin simplifie le processus: jusqu'à présent, ces institutions (UNESCO, GATT, CEE, ALENA, etc.) n'existent que par délégation; les décisions sont prises par les représentants des Etats qui y siègent; les finances sont des subsides oc­troyés et non des ressources propres; les soldats de l'ONU sont des militaires des armées nationales affublés d'un casque bleu. Par contre, il est vrai, et fréquent, qu'un gouvernement national peut faire passe une loi en prétextant qu'elle est la consé­quence d'une décision émanant d'une institution “supérieure”, dans laquelle il possède un poid et des voix. Les organismes in­ternationaux ne décident de rien, il servent de caution.

 

La démocratie vit de la menace qui masque sa force. Elle en a besoin pour maintenir sa cohésion. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis, qui possédaient à eux seuls la moitié de la richesse mondiale et contrôlaient la moitié du globe, firent pourtant mine de craindre l'URSS, qui sortait exténuée du conflit. Cette URSS constituait un partenaire idéal, juste assez fort pour effrayer, juste assez effrayant pour que peu d'Occidentaux y adhérassent. Le monstre joua bien son rôle durant les années 50, mais à la fin de la décennie suivante, il devint évident qu'il s'essoufflait, surtout du point de vue économique. Les démocraties libérales maintinrent encore durant quelques années ce précieux ennemi en vie, sous perfusion (du blé et de l'argent). Pour palier à son anémie, on sortit divers opposants des goulags afin qu'ils témoignassent en Occident des horreurs du régime. Lorsque l'ours défuncta définitivement, les démocraties libérales se mirent en quête d'une menace de remplace­ment.

 

Elles se tournèrent d'abord vers un élément pré-existent, qu'elles avaient jusque là tenter d'assimiler au marxisme: l'écologie politique. En effet, celle-ci, à ses débuts, vitupérait contre le société de consommation et réclamait une «croissance zéro». Elle s'attaquait, comme le marxisme, à un rouage essentiel de la machine libérale: le marché. La convergence des discours éco­logistes et communistes sur la paix, favorisait aussi cet amalgame. Les écologistes se disaient prêts à accepter une capitula­tion au nom de la paix («Plutôt rouge que mort»). Plus tard, l'écologie renvoya capitalistes et marxistes dos à dos, en dénon­çant leur culte commun de la production.

 

Mais, peu à peu, le libéralisme réussit à substituer l'idée de «croissance propre» à celle de «croissance zéro». Nos savants proposèrent des solutions pour limiter la consommation de matières premières, recycler les déchets, diminuer les rejets dans l'atmosphère... La technologie venait au secours de l'écologie. La «science» redevenait une valeur positive et l'écologie deve­nait une science. Il n'était plus nécessaire de renoncer au «progrès» ni de retourner aux mœurs de nos ancêtres cavernicoles. Dès lors, les écologistes se scindèrent en deux tendances: les réalistes et les radicaux; les premiers consentaient à s'allier avec les classes dirigeantes, les seconds demeuraient des activistes. Les radicaux conservaient un rôle utile en tant qu'ils maintiennent l'image de l'Apocalypse écologique, aidés en ce sens par les médias, toujours férus de sensationnel. Mais le mouvement, affaibli par cette saignée, n'était plus dangereux. On avait déjà assisté au même phénomène de scission avec les communistes entre les deux guerres, les moins virulents formant les partis «sociaux-démocrates» désireux autant d'amender le système que d'y participer; la minorité se regroupant dans des partis communistes, interdits de pouvoir et trop faibles pour renverser le régime (surtout qu'ils avaient les mains liées par l'URSS elle-même, pour des raisons tactiques).

 

Néanmoins, cette nouvelle menace ne comblait pas à elle seule le vide laissé par l'URSS. On y joignit donc le «Sud» et l'«exclusion».

 

L'image du Sud comme ennemi s'est formé bien avant l'effondrement de l'URSS. Durant la guerre froide, certains de ces pays étaient devenus communistes, d'autres menaçaient l'Occident d'embargo sur le pétrole, tandis que quelques-uns produi­saient de la drogue, poison nécessaire aux marginaux engendrés par la société libérale. A cela s'ajouta, plus tard, la menace islamique. L'Islam domine d'importantes populations à la démographie galopante, son avant-garde s'est déjà infiltrée dans nos pays aux frontières poreuses, certains des gouvernements islamiques soutiennent des mouvements terroristes, dont ils né­gocient l'activité avec les démocraties. Mais ce nouvel ennemi manque de crédibilité, aux yeux de Rufin; son unité politique n'est pas encore réalisée et il ne possède pas d'armement de haute technologie.

 

Enfin, il reste la menace de l'exclusion, de la marginalité que nous avons évoqué plus haut. Les trois remplacent tant bien que mal celle de l'URSS.

 

Ainsi, ce système qui tire son nom du mot “liberté” «s'impose à ceux-là mêmes qui la refusent le plus sans pourtant les em­pêcher d'agir contre elles. La plus extrême révolte y est possible: elle n'en nourrit pas moins le système qu'elle est censée détruire. Toutes les oppositions en démocratie sont tournées à son profit et ceux qui visent à sa plus radicale destruction sont les plus utiles ouvriers de son développement» (p. 20). C'est «une dictature dans la mesure où elle s'impose à tous, y compris ceux qui la refusent» (p. 301). Aussi le danger qui menace réellement la démocratie n'est pas de ceux que nous venons d'égréner... La démocratie risque de mourir par manque d'idéal et non pas de périr assassinée par des révolutionnaires. Rufin en conclut que la seule fonction éthique est la dissidence, l'utopie, car la révolte anime le système.

 

Les révolutionnaires doivent donc savoir que s'ils gagnent la bataille ou s'ils meurent sous les coups de la répression, ils au­ront contribué à une création.

 

Néanmoins, l'assertion de Rufin appelle trois remarques. Premièrement, même si le système libéral est un des plus résistant que l'Histoire ait connu, il n'est pas immortel. Deuxièmement, comme le remarque l'auteur lui-même, il existe des systèmes idéologiques inassimilables par la démocratie. Rufin cite l'Allemagne nazie qui ne faisait pas un bon partenaire menaçant parce qu'elle était à la fois trop proche et trop éloignée du système démocratique: contrairement à l'URSS, elle conservait le dynamisme économique du capitalisme, mais son aspect nationaliste, belliqueux et instable l'éloignait irrémédiablement du li­béralisme. Enfin, si un jour, pour les ennemis radicaux de ce système, qu'ils soient écologistes, fascistes, communistes, etc. rassemblaient leurs forces éparses, ils lui asséneraient un coup mortel, car, jusqu'à présent, le libéralisme contrôle ses me­naces en les divisant. C'est pourquoi, sans doute, les journalistes parisiens s'effraient tant à l'idée d'une alliance «brune-rouge» (mais ils ont oublié le «vert»...).

 

Frédéric KISTERS.

 

 

samedi, 29 novembre 2008

Céline dans la presse: approximations et légendes

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Céline dans la presse : approximations et légendes

 

 

C’est naturellement la foisonnante actualité éditoriale sur Céline qui suscite à chaque fois un important dossier de presse. Ainsi, le livre Céline à Bezons a encore récolté quelques articles, dont un signé de l’historien de cinéma, Philippe d’Hugues. Il relève que « l’activité du docteur Destouches a occupé dans la vie de l’écrivain un temps plus important que celui qu’il consacra à son œuvre littéraire » ¹. Pas tellement plus important en fait, car, pratiquant une médecine de dispensaire, il bénéficiait de pas mal de temps libre. Ainsi, à Clichy, il officiait tous les jours une heure et demie en fin d’après-midi et à Bezons, il ne consultait que trois après-midi par semaine. Les contraintes de l’exil firent qu’il dût abandonner la profession dès l’âge de 50 ans. Il ne la reprit très épisodiquement que pour quelques années, de 1953 à 1959 afin de pouvoir bénéficier d’une pension de retraite. Tout cela est bien connu des céliniens...

 

Frédéric Saenen note que « David Alliot semble avoir trouvé un juste milieu entre approche littéraire de pointe et de proximité. Son travail, cela devient coutume, ravira les amateurs comme les spécialistes. Qui se grattent déjà le crâne en  se demandant  quelle surprise  leur est  réservée pour la prochaine fois... » ². Entre-temps, on la connaît : cet album iconographique  sur Céline  au Danemark, réalisé en collaboration avec François Marchetti, dont nous reproduisons ci-contre la préface de Claude Duneton qui situe bien le climat politique de l’immédiat après-guerre.

 

Le recueil d’articles de Philippe Alméras, Sur Céline, a suscité un dossier de presse nettement moins consistant. On y relève une erreur d’ordre biographique commise par Joël Prieur : « Contrairement à ce que montre l’image d’Épinal, l’essentiel de la carrière médicale de Céline s’effectue à Genève, en Amérique et en Afrique, dans le cadre de missions officielles pour ce qui deviendra l’OMS » ³. Or, chaque lecteur de ce bulletin sait que le docteur Destouches ne travailla que quatre ans pour la Société des Nations.   En fait, on n’en finirait pas de relever toutes les erreurs ou approximations relatives à Céline dans la presse.  Ainsi, la revue Europe, au  glorieux passé stalinien, rendant compte de la énième réédition de Nausée de Céline, conclut en l’estimant « indispensable pour contribuer à démystifier le discours trompeur des hagiographes inconditionnels de l’auteur du Voyage (qui fut aussi, faut-il le rappeler, le délateur de Robert Desnos…) » 4. Jean-Paul Louis a naguère fait litière de cette accusation. Rappelons seulement que la polémique Desnos-Céline, dans le journal collaborationniste Aujourd’hui (qui employait RD), date de février 1941 et que Desnos fut arrêté trois ans plus tard.

 

Commentant l’éviction de Céline de la médiathèque André-Malraux de Strasbourg (voir en page 3), Claude Lorne note avec ironie que ces actes de censure « ne sauraient concerner Louis Aragon qui, dans ses poèmes, célébrait “le Guépéou nécessaire de France” (…) ni Jean-Paul Sartre qui professait que “tout anticommuniste est un chien” 5.

Marc LAUDELOUT

 

1. Philippe d’Hugues, « Céline-Destouches, 1940-1944 », La Nouvelle Revue d’Histoire, septembre-octobre 2008.

2. Frédéric Saenen, « “Chanter Bezons, voici l’épreuve !” », La Presse littéraire, septembre-octobre-novembre 2008.

3. Joël Prieur, « Céline ou la politique des chromosomes », Minute, 30 juillet 2008.

4. Ménaché, « Notes de lecture. Jean-Pierre Richard : “Nausée de Céline” », Europe, mai 2008. Voir Jean-Paul Louis, « Desnos et Céline, le pur et l’impur », Histoires littéraires, janvier-février-mars 2001 & Marc Laudelout, « D comme diffamation », Le Bulletin célinien, novembre 2002.

5. Claude Lorne, « Chronique de la censure citoyenne », Rivarol, 3 octobre 2008.

 

jeudi, 27 novembre 2008

En souvenir de Julien Freund

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Archives de "Synergies Européennes" - 1993

En souvenir de Julien Freund

 

par Alessandra COLLA

 

Le 10 septembre 1993, Julien Freund nous a quitté silencieusement. En Europe, il était l'un des plus éminents philosophe de la politique, une référence obligée pour tous ceux qui voulaient penser celle-ci en dehors des sentiers battus. La presse n'en a pas fait écho.

 

Né à Henridorff, en Alsace-Lorraine, en 1921, il s'engage dans les rangs de la résistance au cours de la seconde guerre mondiale. Dans l'immédiat après-guerre, il enseigne d'abord la philosophie à Metz, puis devient président de la faculté des sciences sociales de l'université de Strasbourg, dont il assurera le développement.

 

Inspiré initialement pas la pensée de Max Weber, un auteur peu connu dans la France de l'époque, Freund élabore petit à petit une théorie de l'agir politique qu'il formule, en ses grandes lignes, dans son maître-ouvrage, L'essence du politique (1965).

 

«Le politique est une essence, dans un double sens: d'une part, c'est l'une des catégories fondamentales, constantes et non éradicables, de la nature et de l'existence humaines et, d'autre part, une réalité qui reste identique à elle-même malgré les variations du pouvoir et des régimes et malgré le changement des frontières sur la surface de la terre. Pour le dire en d'autres termes: l'homme n'a pas inventé le politique et encore moins la société et, d'un autre côté, en tous temps, le politique restera ce qu'il a toujours été, selon la même logique pour laquelle il ne pourrait exister une autre science, spécifiquement différente de celle que nous connaissons depuis toujours. Il est en effet absurde de penser qu'il pourrait exister deux essences différentes de la science, c'est-à-dire deux sciences qui auraient des présupposés diamétralement opposés; autrement, la science serait en contradiction avec elle-même».

 

Ou encore: «La politique est une activité circonstancielle, causale et variable dans ses formes et dans son orientation, au service d'une organisation pratique et de la cohésion de la société [...]. Le politique, au contraire, n'obéit pas aux désirs et aux fantaisies de l'homme, qui ne peut pas ne rien faire car, dans ce cas, il n'existerait pas ou serait autre chose que ce qu'il est. On ne peut supprimer le politique  - à moins que l'homme lui-même, sans se supprimer, deviendrait une autre personne».

 

Freund, sur base de cette définition de l'essence du politique, soumet à une critique serrée l'interprétation marxiste du politique, qui voit ce dernier comme la simple expression des dynamiques économiques à l'œuvre dans la société. Freund, pour sa part, tient au contraire à en souligner la spécificité, une spécificité irréductible à tout autre critère. Le politique, dans son optique, est «un art de la décision», fondé sur trois types de relations: la relation entre commandement et obéissance, le rapport public/privé et, enfin, l'opposition ami/ennemi.

 

Ce dernier dispositif bipolaire constitue l'essence même du politique: elle légitimise l'usage de la force de la part de l'Etat et détermine l'exercice de la souveraineté. Sans force, l'Etat n'est plus souverain; sans souveraineté, l'Etat n'est plus l'Etat. Mais un Etat peut-il cessé d'être «politique»? Certainement, nous répond Freund:

 

«Il est impossible d'exprimer une volonté réellement politique si l'on renonce d'avance à utiliser les moyens normaux de la politique, ce qui signifie la puissance, la coercition et, dans certains cas exceptionnels, la violence. Agir politiquement signifie exercer l'autorité, manifester la puissance. Autrement, l'on risque d'être anéanti par une puissance rivale qui, elle, voudra agir pleinement du point de vue politique. Pour le dire en d'autres termes, toute politique implique la puissance. Celle-ci constitue l'un de ses impératifs. En conséquence, c'est proprement agir contre la loi même de la politique que d'exclure dès le départ l'exercice de la puissance, en faisant, par exemple, d'un gouvernement un lieu de discussions ou une instance d'arbitrage à la façon d'un tribunal civil. La logique même de la puissance veut que celle-ci soit réellement puissance et non impuissance. Ensuite, par son mode propre d'existence, la politique exige la puissance, toute politique qui y renonce par faiblesse ou par une observation trop scrupuleuse du droit, cesse derechef d'être réellement politique; elle cesse d'assumer sa fonction normale par le fait qu'elle devient incapable de protéger les membres de la collectivité dont elle a la charge. Pour un pays, en conséquence, le problème n'est pas d'avoir une constitution juridiquement parfaite ou de partir à la recherche d'une démocratie idéale, mais de se donner un régime capable d'affronter les difficultés concrètes, de maintenir l'ordre, en suscitant un consensus favorable aux innovations susceptibles de résoudre les conflits qui surviennent inévitablement dans toute société».

 

On perçoit dans ces textes issus de L'essence du politique  la parenté évidente entre la philosophie de Julien Freund et la pensée de Carl Schmitt.

 

Particulièrement attentif aux dynamiques des conflits, ami de Gaston Bouthoul, un des principaux observateurs au monde de ces phénomènes, Freund fonde, toujours à Strasbourg, le prestigieux Institut de Polémologie  et, en 1983, il publie, dans le cadre de cette science de la guerre, un essai important: Sociologie du conflit, ouvrage où il considère les conflits comme des processus positifs: «Je suis sûr de pouvoir dire que la politique est par sa nature conflictuelle, par le fait même qu'il n'y a pas de politique s'il n'y a pas d'ennemi».

 

Ainsi, sur base de telles élaborations conceptuelles, révolutionnaires par leur limpidité, Freund débouche sur une définition générale de la politique, vue «comme l'activité sociale qui se propose d'assurer par la force, généralement fondée sur le droit, la sécurité extérieure et la concorde intérieure d'une unité politique particulière, en garantissant l'ordre en dépit des luttes qui naissent de la diversité et des divergences d'opinion et d'intérêts».

 

Dans un livre largement auto-biographique, publié sous la forme d'un entretien (L'aventure du politique, 1991), Freund exprime son pessimisme sur le destin de l'Occident désormais en proie à une décadence irrémédiable, due à des causes internes qu'il avait étudiées dans les page d'un autre de ses ouvrages magistraux, La décadence (1984). Défenseur d'une organisation fédéraliste de l'Europe, il avait exprimé son point de vue sur cette question cruciale dans La fin de la renaissance (1980). Julien Freund est mort avant d'avoir mis la toute dernière main à un essai sur l'essence de l'économique. C'est le Prof. Dr. Piet Tommissen qui aura l'insigne honneur de publier la version finale de ce travail, à coup sûr aussi fondamental que tous les précédents. Le Prof. Dr. Piet Tommissen sera également l'exécuteur testamentaire et le gérant des archives que nous a laissé le grand politologue alsacien.

 

Dott. Alessandra COLLA.

(la version italienne originale de cet hommage est paru dans la revue milanaise Orion, n°108, sept. 1993; adresse: Via Plinio 32, I-20.129 Milano; abonnement pour 12 numéros: 100.000 Lire).

 

vendredi, 21 novembre 2008

Flash Magazine n°2

Le No. 2 en kiosque le samedi 22-11-2008
Le no. 3 rendez-vous le jeudi 04-12-2008
Flash : Journal gentil et intelligen

dimanche, 16 novembre 2008

La Résistance revisitée...

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La Résistance révisée

 

«Et dans cette nuit de Provence, dans la maison au milieu des oliviers, parmi le joyeux bruit des enfants, je songeais que les lieux de bonheur et de paix ne peuvent éclore et durer si ne se dresse en eux la détermination virile de les défendre. Les lieux de paix ne survivent que par les vertus exigées dans la guerre».

Dominique Venner, Le cœur rebelle, 1994.

 

Dominique Venner était plus que qualifié pour retracer tout au long d'une brillante synthèse ce que fut réellement la Résistance française à l'occupation allemande. Tant de témoignages hagiographiques, tant de livres aux intentions suspectes ont été publiés qu'un nettoyage s'imposait. Et Venner, qui a connu le feu et la prison avant de devenir un historien chevronné (voir Baltikum, ses livres sur les armes et sa belle revue, Enquête sur l'Histoire), est bien the right man in the right place. François de Grossouvre, ce conseiller très spécial de Mitterrand qui se suicida dans son bureau de l'Elysée pour encore mieux marquer le mépris infini que lui inspirait le premier menteur de France et sa clique, avait d'ailleurs encouragé l'ancien activiste dans cette tâche salubre.

 

Venner rend l'hommage qui convient à un homme parti debout et qui retrouva le geste des héros de l'ancienne Irlande ou de l'lnde védidue: la mort volontaire comme ultime gifle à l'ennemi indigne. Grossouvre avait confié à Venner, au cours de multiples rencontres à l'Elysée, que “ce qui fut affreux pour la France après la Libération, c'est le refus de réconciliation du Général de Gaulle avec ceux qui avaient cru placer leur confiance dans le Maréchal Pétain”. Il avait ajouté: «Pendant que les purs patriotes se battaient, les communistes et les ambitieux prenaient les places, réglaient leurs comptes, éliminaient leurs adversaires, devenaient les nouveaux maitres». Avec pareil mentor, authentique résistant, Dominique Venner ne pouvait, avec son talent et sa combativité, que bouleverser la vision manichéenne des années sombres. Car le plus horrible, dans cette période tragique, c'est précisément cette impitoyable guerre civile que se livrent des Français, souvent au service de l'étranger (anglais, allemand, américain ou soviétique).

 

Le jeu d'Albion et les erreurs de Hitler

 

Venner revèle toutes les ambiguïtés, les mensonges sur lesquels repose encore le régime actuel. Pour ce faire, il a rencontré de grands acteurs du drame: Rémy, Frenay, Fourcade,... Et surtout il a reéuni une masse étonnante de témoignages passés sous silence. Les deux premiers chapitres analysent très lucidement les causes de cette Deuxième Guerre civile européenne: le jeu nuisible à notre continent de la puissance anglo-saxonne (et de son futur maître américain) est parfaitement expliqué. Pour les USA, les vues hégémoniques sur l'Europe remontent à 1911 au moins... Les nombreuses erreurs fatales tant de l'Etat-Major allemand sont révélées ainsi que celles de Hitler, qui apparalt ici piètre politique. Si 200.000 Anglais et 100.000 Français ont pu rembarquer à Dunkerque, c'est parce que Hitler désirait encore signer une paix rapide avec l'Angleterre pour pouvoir faire face à Staline. Erreur ahurissante de naïveté politique que de s'attendre au moindre cadeau venant de Londres, qui en acceptant pareille paix, aurait signé son arrêt de mort! Autre erreur monumentale: avoir laissé à la France de Vichy son empire, sa flotte (les Anglais s'en chargeront) et ses troupes coloniales. En fait, l'armistice de 1940 est une défaite allemande sur le plan politique... et le fin renard est ici Pétain. Mais, le livre de Venner, s'il reconsidère le rôle du Maréchal, ne verse pas pour autant dans l'hagiographie larmoyante.

 

Les causes morales de la défaite française de 1940

 

Venner s'étend sur les causes de la défaite de 1940; 100.000 tués en 42 jours de retraite quasi ininterrompue, un pays plongé dans le chaos, un régime effondré. La thèse, rassurante, de l'infériorité matérielle est balayée. Non, la défaite est d'ordre philosophique et idéologique: la IIIième République, qui apparait comme le pire des régimes subi par le peuple français (né et mort d'une défaite, quel symbole!), n'a préparé ni ses cadres ni ses hommes à faire preuve des qualités guerrières indispensables à toute victoire. Officiers encroûtés et conformistes (les bandes molletières!), troupe veule et hyper-individualiste (“J'ai ma combine”): on peut parler d'un effondrement biologique, d'une défaite totale car causée par un manque et d'intelligence et d'instinct. Le philosophe Alain, penseur quasi officiel de ce régime vermoulu, ne s'exclame-t-il pas en 1940: «J'espère que l'Allemand vaincra; car il ne faut pas que le genre de Gaulle l'emporte chez nous. Il est remarquable que la guerre revient à une guerre juive; c'est-à-dire une guerre qui aura ses milliards et aussi des Judas Macchabée» (paroles terribles pour un chantre de l'idéologie républicaine, très éloigné du fascisme en vogue à l'époque). Paul Claudel, qui n'est pas davantage fasciste, le 24 septembre 1940, va encore plus loin: «Ma consolation est de voir la fin de cet immonde régime parlementaire qui, depuis des années, dévorait la France comme un cancer généralisé. C'est fini ... de l'immonde tyrannie des bistrots, des francs-maçons, des métèques, des pions et des instituteurs...» (!!).

 

Quand Vichy préparait la revanche

 

C'est pourtant dans les milieux les plus hostiles au régime parlementaire que se recrutent, dès l'été 40, les premiers chefs de réseaux actifs: cagoulards, royalistes et autres lecteurs fanatiques des Réprouvés  de von Salomon. Les communistes, à ce moment, bougent peu, ordres du PC obligent; seuls quelques-uns désobéissent et planquent des armes en attendant de les utiliser. Les premiers groupes de renseignement et d'action sont tous issus du personnel administratif et militaire de Vichy, et couverts par le Maréchal. Vichy prépare en fait la revanche, tout comme l'Allemagne d'après Versailles. Ainsi Pucheu, Ministre de l'Intérieur de Vichy (fusillé après une parodie de procès à Alger) rencontre Henri Frenay, l'un des grands résistants, et cela à deux reprises en 1942. De même, la fantastique évasion du Général Giraud, qui rendra Hitler furieux, a été préparée à Vichy, au plus haut niveau. Pétain reçoit même l'illustre évadé à déjeuner.

 

Venner montre bien qu'en 42-43, résister ne signifie pas obligatoirement s'inféoder au clan gaulliste ou communiste. Comme information étonnante, Venner cite aussi le cas Canaris, chef de l'Abwehr, qui trahit son pays, manipulé par les Anglais: «Au-dessus de l'Allemagne, il y a la Chrétienté. Cela vaut bien un million d'Allemands», dira-t-il pour se justifier. Effarante naïveté, surtout de la part d'un officier de renseignement! Autre élément bien analysé: la difficulté éprouvée par les polices allemandes et françaises pour infiltrer l'underground communiste, composé d'apatrides réfugiés: Espagnols et juifs d'Europe orientale, milieu qui servira de vivier aux groupes terroristes du PC (la MOI, etc). En quelque sorte, les banlieues de l'époque, déjà quasi imperméables. Le jeu des communistes est bien analysé. Les camarades d'Aragon («Nous sommes les défaitistes de l'Europe (...) Nous sommes ceux qui donnent toujours la main à l'ennemi») attendent sagement les ordres de Moscou pour résister, c'est-à-dire juin 41. Dès cette date, ils se lanceront dans une politique d'attentats sanglants, dans le but de déclencher une répression impitoyable. Ils suivent en cela les directives de Churchill: Mettez l'Europe (continentale) à feu et à sang! Mais n'oublions pas que Molotov, le 18 juin 1940, adresse à Hitler “les plus chaudes félicitations du gouvernement soviétique pour le succès splendide des forces armées allemandes”. Splendide en effet: la Wehrmacht entre dans Paris... Le médecin Thierry de Martel, ami de Drieu la Rochelle, se tue. Peu après l'Humanité reparait et Elsa Triolet publie. Il y aurait encore bien des pages à citer de ce livre exemplaire de courage intellectuel. Venner, tout en exaltant à juste titre l'esprit de résistance, remet les pendules à l'heure en démontrant que toute une caste politico-médiatique, celle de la IIIième République, a annexé sans vergone une Résistance largement mythifiée. Les vrals, les purs, sont morts ou se sont tus, dégoûtés par ce vacarme que nous subissons depuis un demi-siècle. Leur avoir rendu la parole, et leur honneur, est une belle œuvre.

 

Patrick CANAVAN.

 

Dominique VENNER, Histoire de la Résistance, Pygmalion/Watelet, 159 FF.

jeudi, 13 novembre 2008

A "tirania mediatica" impoe um carcere de ideologia dominante

A «tirania mediática» impõe um cárcere de ideologia dominante

ex: http://inconformista.info

«Os meios de influência são utilizados pelas elites dominantes para impor uma ideologia de ruptura com as tradições do Passado.
No início do século XX, foram vários os autores que se inquietaram com a Revolta das Massas (Ortega y Gasset). No entanto, é à Revolta das Elites que assistimos nos últimos quarenta anos. Para Christopher Lasch, são as elites económicas, mediáticas e políticas, que impõem aos povos uma ideologia de ruptura com o Passado.
Para nós, a “tirania mediática” impõe um cárcere de ideologia dominante assente em quatro dogmas:
– As vantagens da mundialização;
– A ruptura com a tradição;
– A Esquerda apresentada como ontologicamente superior à Direita;
– O anti-racismo e a culpabilização dos povos.»

Jean-Yves Le Gallou

in "Douze thèses pour un gramscisme technologique"

lundi, 10 novembre 2008

André Malraux ou la quête de sens

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Laurent SCHANG:

André Malraux ou la quête de sens

 

Pour ceux qui aujourd'hui encore ne verraient en André Malraux que l'agent littéraire le plus talentueux de la IIIième Internationale, les éditions Gallimard ont eu l'heureuse idée de publier dans la collection “Folio” le texte longtemps inexploité de l'enfant chéri des lettres françaises, Les Noyers de l'Altenburg. Généreuse intention s'il en est, qui présente l'extrême intérêt pour les passionnés de l'auteur de L'espoir d'éclairer d'un jour nouveau le passage radical et trop longuement resté confiné dans les ténèbres de sa biographie, de son militantisme communiste à son action de protecteur des Arts gaulliste, évolution frappée du sceau impitoyable de la seconde guerre mondiale, dont le tourbillon déprédateur aura au moins eu l'effet salutaire de révéler Malraux à lui-même. De fait, Les Noyers de l'Altenburg  constituent, plus qu'une étape, un tournant dans l'œuvre de l'écrivain. Ecrit en 1941, cet «anti-rornan», tant Malraux semble y avoir abandonné tout projet romanesque, peut à bon droit se présenter comme le bilan d'une vie avant la mue définitive vers une autre dimension, spirituelle et métaphysique. D'une structure relati­vement lâche, touffue, sans unité marquée, la fascination opérée par Les Noyers...  ne provient pas tant du récit intrinsèque que de la métamorphose et de la mise à nu de son auteur, transfiguration nourrie, comme à l'habitude, par l'immensité des ré­flexions, que celles-ci soient religieuses, intellectuelles, politiques, historiques ou personnelles. De La Condition Humaine aux Anti-Mémoires, il n'y avait qu'un pas. Le voici franchi par Les Noyers de l'Altenburg.

 

Un appel à l'homme, à la civilisation, à l'esprit

 

Dans sa courte introduction, Marius-François Guyard note avec raison: «La vraie leçon des Noyers,  c'est la mort de toute idéo­logie qui refuse le mystère de l'homme et ignore les realités «charnelles», pour parler comme Péguy. Une référence au maître des Cahiers de la Quinzaine  fort à propos, pour ce roman inauguré dans la cathédrale de Chartres, en ce 21 juin 1940 de de­bâcle française. Prisonnier détenu dans ce vaisseau de pierre, abattu, écrasé par la fulgurance de la défaite, le narrateur (un Alsacien derrière lequel se dissimule à peine Malraux) se détache de sa sordide condition d'humilié pour se remémorer vingt-cinq ans plus tôt l'expérience parallèle de son père et trouver de nouvelles raisons d'espérer devant le chaos existentiel provo­qué par la soudaine réalité du vrombissement des colonnes blindées allemandes.

 

Les préoccupations essentielles de le pensée de Malraux ressurgissent au milieu de ses congénères que ne préoccupent que l'instinct de survie, plus prégnants que jamais: l'Homme, la pensée, l'action. «Je sais maintenant qu'un intellectuel n'est pas seulement celui à qui les livres sont nécessaires, mais tout homme dont une idée, si élémentaire soit-elle, engage et ordonne toute la vie. Ceux qui m'entourent, eux, vivent au jour le jour depuis des millénaires». Ce père, Vincent Berger, l'éminence grise du jeune colonel Enver Pacha délégué par le Ministère des Affaires Etrangères allemand à Constantinople en pleine déca­dence ottomane, c'est aussi Malraux. Diplômé en langues orientales, pétri de références nietzschéennes, «dans sa philosophie de l'action  —l'action passait avant la philosophie»— mais converti au socialisme, sorte d'anti-Lawrence d'Arabie germano-turc parti en croisade pour le mirage touranien, joué par la duplicité du IIième Reich, tout chez lui rappelle le passé communiste et militant du «premier» Malraux, engagé dans la guerre d'Espagne, propagan­diste infatigable mais peu considéré de l'Internationale, pour qui son appel à l'Homme, à la civilisation, à l'esprit n'était que “verbiage petit-bourgeois”. «Il avait pris son parti d'une erreur qui avait tant engagé de lui-même; mais avec le retour de la santé la haine venait: comme s'il eût été trompé, non par lui-même, mais par cette Asie centrale menteuse, idiote et qui se refusait à son propre destin —et par tous ceux dont il avait partagé sa foi». Eloquent.

 

Le sens de la vie se trouve au-delà de la dialectique

 

Et puis toujours, obsessionnelle, fatale, la quête de sens, la marche vers une civilisation spirituelle autre, sacrée mais sans dogme ni rituel, transcendante. La fin de sa révolte, Malraux l'imagine puissamment par la traversée du désert du père de son héros, perdu sous la voûte des nuages caucasiens, se ruinant la santé sur les pistes qui mènent à Samarcande, mais élevant son âme vers l'infini, le divin. Antoine de Saint Exupéry, autre Perceval saharien, ne formulera pas autrement ce face-à-face dépouillé avec l'éternité dans le gigantisme des mers de sable. Cette révélation universelle, «un secret qui était bien moins ce­lui de la mort que celui de la vie —un secret qui n'eût pas été moins poignant si l'homme eût été immortel», le mythe primordial qui confèrerait à l'homme un sens à sa vie bien supérieur au péché originel, Nietzsche s'y est brûlé les yeux, qui devint fou d'avoir percé le mystère... Descente aux Enfers magnifiquement retranscrite à laquelle a assisté Walter Berger, l'oncle de Vincent, ami du prophète de Sils-Maria et maître de céremonie des colloques de l'Altenburg, prieuré cerné de noyers où l'on disserte à l'envi sous l'égide des grands penseurs de ce monde: Nietzsche (bien sûr), Weber, Freud, George, Durckheim, mais aussi Pascal, Tacite, Mommsen, Platon. Dans les discours fumeux, gavés de la vaniteuse connaissance universitaire de pen­seurs par procuration n'écoutant qu'eux-mêmes, Vincent, revenu étranger dans un monde moderne qui le rebute en cette veille d'août 14, comprend, lui l'intellectuel, que le sens de la vie se trouve au-delà de la dialectique.

 

«Une civilisation n'est pas un ornement, mais une structure»

 

Si «l'homme est (toujours) ce qu'il fait» (cf Tchen dans La Condition Humaine), André Malraux sait désormais qu'une dimension infiniment supérieure l'habite, qu'il discerne sous les traits de la civilisation, évoquée comme annonciation du Nous universel par la transcendance du Moi. «Autrement dit, sous les croyances, les mythes, et surtout sous la mutiplicité des structures mentales, peut-on isoler une donnée permanente, valable à travers les lieux, valable à travers l'bistoire, sur quoi puisse se fonder la notion d'homme?» Approche qui défère au livre de Malraux une connotation éminemment contemplative, traditionnelle et guénonienne. L'immortalité, thème qui revient avec insistance («les millénaires n'ont pas suffi à l'homme pour apprendre à mourir», «On ne s'habitue pas à mourir»), Vincent la découvrira en juin 1915, les genoux et les mains plongés dans la terre gluante des plaines des bords de la Vistule irrémédiablement putréfiée par les gaz asphyxiants. Le progrès scientifique n'est qu'un leurre, «l'homme fondamental est un mythe, un rêve d'intellectuels», l'homme n'existe, vérité insoutenable pour le pen­seur, que parce qu'il est peuple de chair, non d'idée, un être pauvre, nu, sans force mais riche de sa communion magique avec la nature. Si pour l'intellectuel «la culture est une religion», le sens de la vie pour le commun des mortels réside dans sa ca­pacité à ordonner la civilisation en harmonie avec les forces de la terre, seule part d'éternité où l'homme-shaman (un terme qui revient lancinant au fil du récit) trouve sa place dans la joie et la grandeur originelle recouvrées. «Une civilisation n'est pas un ornement, mais une structure». Vincent sera emporté par les gaz, seuls résisteront sur le champ de mort aux vapeurs des combats, hiératiques, les noyers...

 

Le colonel Berger pouvait dès lors apparaître

 

Le roman s'achèvera sur le retour au narrateur, et ses souvenirs de chef de blindés devant la ruée de mai-juin 1940, son attente, pleine de pitié, de dénuement et d'acceptation sereine d'une mort qu'il croit certaine: «Ainsi, peut-être, Dieu regarda le premier homme».

 

Roman charnière dans l'ouvre et la vie d'André Malraux, Les Noyers de l'Altenburg  devait inaugurer une quadrilogie intitulée La Lutte avec l'Ange, projet inachevé, les manuscrits ayant été saisis par la Gestapo en 1943. Aux questions existentielles po­sées par le tout jeune Malraux de La Tentation de l'Occident, ce livre répond tout en annonçant chez l'auteur la transition d'avec les trois dates-clés de son «adolescence»: 1923, 1936 et 1940. Le colonel Berger (pseudonyme guerrier du Malraux de la bri­gade Alsace-Lorraine) pouvait dès lors apparaître.

 

Laurent SCHANG.

 

Les Noyers de l'Altenburg, Folio Gallimard, cat. 3, n°2997.

 

vendredi, 07 novembre 2008

Laulan: crise, immigration, démographie

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Yves-Marie Laulan : "Crise, immigration, démographie, on nous ment sur tout"

Rivarol n°2877 du 24/10/2008 : "Yves-Marie Laulan est un économiste devenu spécialiste mondial de la démographie géopolitique. Il préside l'Institut de géopolitique des populations qui veut éveiller le public aux conséquences dramatiques des grandes évolutions démographiques actuelles et prévisibles. Économiste, démographe, géopoliticien et banquier, directeur du Crédit Municipal de Paris, il a enseigné dans plusieurs universités, à l'Institut d'études politiques, à l'Université Paris-Dauphine ou encore à l'École Polytechnique. Il a aussi travaillé pour les cabinets ministériels — aux Finances puis aux Affaires étrangères avec Michel Debré —, au FMI, à la Banque mondiale puis comme chef du service des affaires économiques de l'OTAN, avant de fonder son Institut. Il a notamment étudié l'immigration en France et ses conséquences sociales et économiques — qu'il estimait pour 2003 à un coût annuel de 36 milliards d'euros. Auteur de nombreux ouvrages, Y-M. Laulan a écrit entre autres « La planète balkanisée », « Les nations suicidaires », « Visa pour un désastre », « La faillite des machins » et, en 2006, « Pour la survie du monde occidental » (voir son site <www.laulan.org>.

Rivarol : Vous êtes économiste de formation. L'horreur financière de ces dernières semaines vous a-t-elle surpris ?

Yves-Marie Laulan : Pas du tout. Cela fait de nombreuses années que je lance des cris d'alarme. Mon dernier colloque portait, cela remonte à mai, sur les risques d'effondrement du système. On peut prévoir un événement, mais on ne peut pas prévoir la date à laquelle il va exactement se produire. On peut faire des prévisions, pas des prophéties.

Il était évident cependant que le système allait se casser la figure. Depuis des années et dés aimées-aux USAI, mais aussi én'Europe, nous vivions très au-dessus de nos moyens réels. Les Américains ont engrangé dans les 10 % de croissance superficielle et déconnectée de l'économie réelle. L'économie américaine est nourrie par des capitaux venus de l'extérieur, de la Chine et du Japon par exemple. En fait, depuis près de quinze ans, et c'est un élément capital, l'épargne des ménages américains est négative. Il y avait un surendettement commercial, de la balance des paiements et des ménages. Ça ne pouvait pas durer.

Pour voir le bon côté des choses, c'est peut-être la fin de la toute-puissance d'une finance globale qui n'aime pas les nations ?

En tout cas, on ne sortira pas de cette crise dans l'état où l'on y est entré. C'est certainement la fin de l'hégémonie américaine. Personnellement je ne suis pas sûr que ce soit forcément une bonne chose. L'avantage objectif de cette situation était une relative sécurité. Le monde multipolaire que nous voulons sera sans doute plus dangereux. Les chocs d'intérêts ont largement provoqué les guerres du XXe siècle. La fin de la domination américaine est un soulagement pour ceux qui refusent une normalisation imposée et pesante, mais cela peut déboucher sur une multiplication de conflits armés.

Faut-il aussi envisager une réduction de l'aide aux pays les plus pauvres et en conséquence une accélération de l'immigration ?

C'est un vrai problème. Les deux questions sont paradoxalement séparées. Il est évident que l'aide au développement ne peut qu'en « prendre un coup » car ce ne sera plus une priorité présentable. Cela ne changera pas grand-chose à la situation de ces pays. On a gaspillé en vain des sommes colossales sans obtenir de résultats.

L'immigration par rapport à cette aide n'est pas forcément liée. Car tous les chiffres montrent que, paradoxalement, plus on aide les gens du Tiers-Monde et plus ils émigrent. Quand il n'y a rien, ils semblent plutôt rester chez eux. Les flux migratoires, en fait, c'est une question de volonté politique. Nous sommes des victimes de nos belles valeurs morales. Nous sommes impuissants face à un risque de colonisation démographique de l'Europe par l'Afrique. La population mondiale d'ici à 2050 va augmenter de 50 % mais uniquement dans les pays pauvres. Seule l'Afrique noire va échapper au vieillissement des populations qui touchera toute la planète y compris la Chine. L'augmentation de population massive va concerner également les peuples musulmans. Ces masses, à partir d'un certain seuil, amènent leurs valeurs et les imposent. C'est déjà vrai dans certains de nos quartiers.

Tout se tient, ce n'est pas par hasard s'il y a de fortes chances que le prochain président américain soit d'origine noire. Cela est rendu possible politiquement par Lui travail démographique qui date de plus de 50 ans, avec une entrée massive d'immigrants qui débouche aux USA sur une bascule ethnique. Voilà longtemps que je dénonce cette évolution devant des démographes américains réticents ou ironiques. Ils n'y croyaient pas. Tout indique cependant qu'un ménage noir va tenir la Maison Blanche, à la tête du pays encore le plus puissant de la planète et cela aura des conséquences inattendues. Conséquences incalculables et sans doute terrifiantes. Qu'on le veuille ou non, tout immigré est le produit de son histoire et de son environnement. Obama a choisi la communauté noire et celle-ci se reconnaît en lui malgré des réticences.Ce métis a d'ailleurs épousé une Noire, descendante d'esclaves, alors qu'il aurait pu épouser une Blanche. Il ne pourra pas s'empêcher d'aider, de soutenir, de défendre les intérêts de la communauté à laquelle il s'est assimilé.Les conséquences intérieures et internationales de cet état de fait sont encore inimaginables à l'heure actuelle.

Finalement, la crise serait-elle bonne pour la Chine ?


La Chine n'est pas un pays soumis à l'idéologie de l'immigration, c'est sa grande force. Sur le plan économique cependant, elle peut connaître un contre-coup violent de la crise financière. Son économie était dopée par la croissance mondiale. Tous les problèmes occultés vont exploser. Il va y avoir de graves tensions. La Chine va accuser le coup et tout le monde avec elle.

1929 a amené Hitler. Les USA ont dû attendre la guerre de 39-45 pour s'en tirer mais personne cette fois n'en sortira indemne, même pas les pays du Golfe dont la fortune insolente est fondée sur des économies artificielles assises sur l'or noir. La chute de la consommation et donc des prix du pétrole, si elle se poursuit, peut les faire sombrer rapidement. On sent bien que c'est fini, que tout va changer et qu'il faudra tout repenser après le déluge.

Que pensez-vous de la situation de l'Islande ?

Le cas de l'Islande est incroyable, c'est de la folie pure... Le secteur bancaire était la seule richesse de ce pays, et sans aucune contrepartie économique de fondement. Mais la situation n'est pas très éloignée au Royaume-Uni où il y aura, je le crois et le crains, un tremblement de terre.

Qui dit crise dit peur de l'avenir et, pour nos pays en pleine dénatalité, encore moins enfants. Cela vous fait-il également peur ?

On ne pourra pas aller plus bas. On nous ment sur la natalité française dont le chiffre un peu moins mauvais qu'ailleurs est dû aux immigrés le plus souvent extra-européens. On nous ment sur tout... Le regroupement familial, ce n'est pas 30 000 personnes par an mais 250 000, soit un million supplémentaire en quatre ans. On est dans l'abîme pour la natalité européenne. On peut même se demander finalement si cette crise ne va pas se traduire par un sursaut. En 1942, la France au plus mal a vu repartir de façon extraordinaire sa natalité.
La nature des nations a des ressources vitales considérables et inattendues. Pour nous, le pire n'est peut-être pas inévitable. Le pire sur le plan démographique car économiquement on va souffrir. Mais justement, il peut y avoir un sursaut de lucidité et de vitalité. C'est notre espérance."

Heeft Joris van Severen invloed van G. Sorel ondergaan?

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Heeft Joris van Severen invloed van Georges Sorel ondergaan?

 

Gevonden op: http://www.jorisvanseveren.org

Piet Tommissen, Ukkel

Dat ik de titel van deze bescheiden bijdrage als een vraag ingekleed heb heeft zo zijn reden. Inderdaad kan ik geen sluitende argumenten aanvoeren om te bevestigen of te ontkennen dat die invloed bestaan heeft. Onlangs omzeilde ik - om het met de woorden te zeggen van de Russische romancier Ivan Turgeniev (1818-1883), één van de aanspraakmakers op het vaderschap van het uit onze woordenschat niet weg te denken begrip ‘nihilisme’ – de kaap van de 80 lentes en op die leeftijd smeedt men liefst geen plannen meer hoe groot de bekoring ook weze. De bijdrage werd daarom geschreven in de hoop dat een jongere vorser zou nagaan of Van Severen al dan niet door Sorel beïnvloed is geworden. Ik ben van mening dat een grondig onderzoek de moeite waard is, temeer daar meteen naar mogelijke invloed zowel van Georges Valois (pseudoniem van Georges Gressent, 1878-1945) als van de ‘Clarté’-beweging kan gespeurd worden.

Wat mij betreft mag iedereen over Ward Hermans (1897-1992), ooit lid van het Verdinaso en vooral bekend geworden als de man van de destijds furore makende documenten van Utrecht (1929), denken wat hij wil. Maar niemand kan ontkennen dat hij zeer belezen en met het geestesleven van zijn tijd vrij goed vertrouwd was. Men denke slechts aan zijn opstellenbundel De Avondland-Idee & Vlaanderen, die zowel qua titel als qua inhoud invloed verraadt van Oswald Spengler (1880-1936).1 Dat opus en een paar andere geschriften van Hermans gelezen hebbende werd mijn nieuwsgierigheid gewekt toen ik in een vergeeld nummer van het maandblad De nieuwe Dag op een artikel van zijn hand stiet.2 Het handelt over de geëngageerde literatuur. Ofschoon het als zodanig een kritische analyse verdient, beperk ik me hier evenwel tot de vaststelling dat tot twee keer toe gewezen wordt op de invloed die Georges Sorel (1847-1922) op Van Severen zou uitgeoefend hebben.

Ik citeer: (a): “Wanneer men het proces maakt van de geëngageerde literatuur, moet men in Vlaanderen onvermijdelijk denken aan een biezonder typisch voorbeeld: dit van Joris van Severen, van de linksgerichte groep ‘Clarté’ via Ter Waarheid, langzaam evoluerend naar rechts onder invloed der filosofie van Sorel en de bellettrie van Maurras. Hier heeft men, in een notendop, heel de tragiek van een strijdend Vlaming, omzeggens van huis uit veroordeeld om op het verkeerde front te sterven. En, totale deernis van deze tragiek, te vallen onder de kogels van een volk, dat hem naar geest en gevoel meer verwant was dan dit van Goethe en Humboldt.”; (b): “Eens inspireerde Sorel het prefascisme. Mussolini komt van daar. En we zegden het reeds: ook van Severen.”3 Er dient bijgezegd dat Hermans een retour van de theorieën van Sorel ontwaarde: “Wie Sorels invloed heeft gekend op de generatie van tussen twee wereldoorlogen, weet maar al te goed wat dit betekent. Het is het geweld in dienst van de gedachte. De gedachte die niet tot werkelijkheid kan worden zonder de daad van het geweld.”4

Wat Hermans over de ontwikkelingsgang van Van Severen schrijft is overigens ook op zijn eigen evolutie en , zoals hij terecht schrijft, op die van heel wat van zijn tijdgenoten van toepassing. Na Wereldoorlog 1 voltrok zich namelijk in West-Europa een proces dat men ideologische inversie zou kunnen noemen: iemand die door de linkse parolen werd aangelokt kon in een latere levensfase naar rechts opschuiven, en omgekeerd.5 Zo is geweten dat Sorel en enkele prominente aanhangers van de Clarté-beweging6 in een volgende fase de zwenking naar rechts hebben voltrokken. 6

Vik Eggermont (°1929) schrijft dat Van Severen zich interesseerde voor leidinggevende figuren van linkse signatuur - hij vernoemt Karl Liebknecht (1871-1919), Rosa Luxemburg (1870-1919)  en Henriette Roland Holst (1869-1952), maar had tevens Gustav Landauer (1870-1919) kunnen vermelden7 - en dat in zijnen hoofde “een zekere wwelwillende en begrijpende belangstelling” t.a.v. het communisme niet kan ontkend worden.8 Mocht dit laatste kloppen, dan is die belangstelling m.i. een rechtstreeks gevolg van de impact van de Clarté-groep. 

Doch niet die ideologische inversie staat hier centraal, wèl de vraag of Sorel Joris van Severen beïnvloed heeft, zoals Hermans suggereert. Het is geen retorische vraag, want Sorels geschriften en ideeën hebben een grote resonantie gehad. Percy Wyndham Lewis (1882-1957), de Engelse avant-gardistische schilder, dichter, essayist en vader van het vorticisme9, getuigde anno 1926 in een toen veel gelezen werk: Sorel is the key to all contem-porary political thought.10 Bijna vijf decennia geleden bevestigde Armin Mohler (1920-2000) deze zienswijze: “Er (sc. Sorel) ist zweifellos derjenige Franzose, der in den verflossenen achzig Jahren den tiefsten geistigen Ein-fluss auf die Welt ausübte - auch wenn dieser Einfluss oft seltsame Umwege ging.”11

Wat Van Severen betreft vindt men de enige indicaties waarover we beschikken in de gedrukt voorliggende ingekorte versie van de licentiaatverhandeling die Luc Pauwels (°1940) anno 1998 aan de KUL verdedigde en die door de jury ad hoc hoog gequoteerd werd: citaten uit Combat en de aanwezigheid in Van Severens bibliotheek van enkele werken van en over Sorel.12 Volstaat zulks om van invloed te mogen gewagen? Ik betwijfel het. Volgens mij is een indicatie nog lang geen bewijs. Er zou moeten worden nagegaan of Sorels interpretatie van het begrip mythe, van de rol van het geweld e.a.m., in voordrachten en/of teksten van Van Severen aantoonbaar is.

Het spreekt vanzelf dat die redenering ook opgaat voor Valois en Clarté. Dankzij L. Pauwels weten we dat Valois tot zijn lievelingsauteurs behoord heeft13, maar is een echo van die belangstelling in Van Severens geschriften terug te vinden? Clarté vertoonde internationale allures en had niet enkel in Belgische Franstalige14 doch evenzeer in Antwerpse middens aanhangers.15 Dixit Hermans vond Van Severen het gelijknamig tijdschrift “sympathiek”.16 Maar andermaal rijst het probleem of het al dan niet bij vrijblijvende curiositeit gebleven is. Afgaande op de bevindingen van Kurt Ravyts (°1968) blijkt zulks niet het geval te zijn geweest.17

Summa summarum: moge een jonge vorser zich over deze boeiende problematiek ontfermen!17 Meer zelfs, moge hij het te bestuderen veld verruimen, door rekening te houden met strekkingen en namen die Rudy Pauwels (°1932) citeert!18

Noten

1 W. Hermans, De Avondland-Idee & Vlaanderen, Turnhout, Drukkerij Lityca, 1927, 117 p., n° 1 in de reeks ‘Vragen van dezen tijd’.

2 (a) W. Hermans, Bestiarium van de literatuur. Een halve eeuw literair-politiek engagement, in: De nieuwe Dag, 3ejg., nr. 11, april 1967, pp. 38-41. De titel is voorzeker ontleend aan deze van een boek uit 1920 vol parodieën (bijna uitsluitend) van de hand van Franz Blei (1871-1942): Das grosse Bestiarium der Literatur (heruit-gave bezorgd door Rolf-Peter Baacke), Hamburg: Europaische Verlagsanstalt, 1995, 418 p.

(b) Over het maandblad, vgl. Nieuwe Encyclopedie van de Vlaamse Beweging, deel 2 = G-Q, p. 2204.

3 W. Hermans, art. cit. (vt 2 punt a), p. 38 resp. p. 40.

4 W. Hermans, art. cit. (vt 2 punt a), p. 39.

5 Voor nadere bijzonderheden, vgl. Jean Pierre Faye (°1925), Langages totalitaires. Critique de la raison! Critique de I’économie narrative, Paris, Hermann, 1972, VIII-771 p. Voor een grondige kritiek van dit opus, vgl. mijn studie J.P. Faye’s critiek van de narratieve economie, pp. 13-6 1 in: P. Tommissen, Anti-totalitair denken in Frankrijk, Brussel: EHSAL, 1984, 155 p., n° 55-56-57 in de reeks ‘Eclectica’.

6 Tijdens Wereldoorlog I werd door Henri Barbusse (1873-1935) en enkele vrienden een internationaal tijdschrift geconcipiëerd en op 22 juli 1916 in de (communistische) krant L’Humanité in het door talrijke literatoren ondertekend manifest ‘Contre la paix injuste’ aangekondigd. Inderdaad verscheen op 11 oktober 1919 het eerste nummer van Clarté. - Bulletin français de l’ Internationale de la pensée. Dit bulletin (of zo men wil: deze krant) moest de plaats ruimen voor een heus tijdschrift met dezelfde naam doch zonder de ondertitel; het werd uitgegeven door Barbusse en Paul Vaillant-Couturier (1892-1937) en verscheen voor het eerst op 19 november 1921 als een ‘revue de critique communiste’. Drie jaar lang ijverden de medewerkers voor een Westerse revolutie volgens het Russisch model en kantten zich tegen de cultuur en de waarden van de Westerse bourgeois. Van 1924 af maakten literaire en artistieke avant-gardegroepen de dienst uit. Clarté hield in december 1927 op te bestaan.

7 L. Pauwels, De ideologische evolutie van Joris van Severen (1894-1940). Een hermeneutische benadering, leper, Studie- en Coördinatiecentrum Joris van Severen, 1999, 272 p., Jaarboek’ 3 van dat centrum; cf. p. 164 en p.2l6.

8 V. Eggermont, Ter Waarheid, aanzet tot een inhoudsanalyse, pp. 23-40 in: Gedenkboek Joris van Severen 1894-1994, Aartselaar: Nationaal Studie- en Documentatie-centrum Joris van Severen, 1994, 352 p.; cf. p. 38.

9 VgI. o.m.: Wyndham Lewis et le vorticisme. Paris, Centre Georges Pompidou. 1982. 188 p., in de reeks ‘Cahiers pour un temps’

10 W. Lewis, The Art of Being Ruled. Santa Rosa, Black Sparrow Press, (1926) 1989 (een door Reed Way Dasenbrock bezorgde voorbeeldige heruitgave), 463 p., cf. p. 119.

11 A. Mohler, Die französische Rechte. Vom Kampf um Frankreichs Ideologienpanzer. München, Isar Verlag, 1958, 86 p., nr 3 in de reeks ‘Konservative Schriften-reihe’; cf. p. 44.

12 L. Pauwels, op. cit. (vt 7), p. 164 en 216.

13 L. Pauwels, op. cit. (vt 7), p. 199 en p 239. Op p. 217 vernemen we voorts dat zich in de bibliotheek 15 werken van Valois bevonden.

14 De spilfiguur was niemand minder dan Paul Colin (1890-1943)! Vgl. o.m. Ernst Leonardy, Die internationale Debatte um den Pazifismus im Rahmen der ‘Clarté’-Bewegung 1919-1921. Beiträge aus Frankreich, Deutschland und Belgien, pp. 155-189 in: E. Leonardy en Hubert Roland (eds.), Deutsch-belgische Beziehungen im kulturellen und literarischen Bereich 1890-1940, Frankfurt a.M., Lang, 1999, 289 p., nr. 36 in de reeks ‘Studien and Dokumente zur Geschichte der Romanischen Literaturen’; cf. pp. 175-179: Paul Colin als Vermittler deutscher Kultur an die Romania und als Propagandist der ‘Clarté’-Bewegung in Deutschland.

15 1k denk o.m. aan het door RogerAvermaete (l893-1988) e.a. in Antwerpen uitgegeven tijdschrift Lumière. Cf. R. Avermaete, L’aventure de ‘Lumière’, Brussel, Arcade, 1969, 187 p.

16 W. Hermans, art. cit. (vt 2 punt a), p. 39.

17 K. Ravyts, Joris van Severen en de avant-garde in de spiegel van ‘Ter Waarheid’ (1921-1924), pp. 45-63-74: 3. De invloed van Paul Colins l’Art Libre.

18 R. Pauwels, Organisch solidarisme. Corporatisme: toen, in deze Nieuwsbrief Joris van Severen, 6e jg., 3e trimester 2002, pp. 15-21 (cf. vooral pp. 18-19).

lundi, 03 novembre 2008

Flash Magazine

Flash
Le premier numéro de "FLASH INFOS MAGAZINE" EST PARU !
www.flashmagazine.fr
La Tribune libre
FLASH, c’est tous les quinze jours !
Tout ce que certains voudraient bien vous cacher… Tout ce que vous ne lirez nulle part ailleurs…
C’est dans FLASH que vous le trouverez !


En vente en kiosque (2 euros) et – entre autres – à la librairie Primatice à Paris.

Message de Philippe Randa, Rédacteur en chef adjoint :
« J’ai un vieux complice dans la presse politiquement incorrecte depuis plus d’un quart de siècle. Il s’appelle Nicolas Gau­thier. Il était à mes côtés à
Pas d’Panique à bord, puis à la revue Dualpha… Peu de temps avant qu’il ne nous quitte, le défunt Jean Mabire, l’une des principales plumes de National Hebdo, lui confiait : « Notre journal n’est pas en meilleure forme que moi. Il serait urgent de réfléchir à autre chose, une autre formule, pas forcément “rajeunie”, mais plus en phase avec ce nouveau siècle… »
Aujourd’hui, Nicolas a fait un constat qui rejoint le mien et celui de quel ques autres : la presse d’opinion se porte au plus mal… Aussi, ensemble, nous vou lons inverser la tendance. C’est Flash infos magazine !
Tous les quinze jours, Flash, c’est 16 pages en couleurs, en kiosque et par abonnement : le premier numéro est paru aujourd'hui. C’est dans ce but que Nicolas a réuni – c’est lui qui l’assure – la meilleure équi pe jamais vue depuis l’épo que où, tout jeune homme, il co-fondait le Choc du mois :
Topoline et Béatrice Péreire, les deux lan gues vipérines de National Hebdo, expertes en décryptage de tendances, culturelles, sociétales et politiques ;
Jean Bourdier, ancien directeur de Minute et de National Hebdo ;
Alain Soral, essayiste et dynamiteur bien connu des plateaux télé, partisan de l’alliance de la gauche du travail et de la droite des valeurs et président du mouvement Égalité et Réconciliation ;
Christian Bouchet, expert en géopolitique – ses analyses font autorité à l’Étranger –, et animateur des sites Internet vox.nr et no-media.
Gérard Lucotte, scientifique de renom : il est l’un des rares spécialistes autorisés par le Vatican à avoir pu expertiser le Saint-Suaire de Turin et la Tuni que d’Argenteuil ;
Gabriel Fouquet, fils spirituel d’Antoine Blondin, qui dira désormais dans Flash ses quatre vérités au "bizness" du sport.
• … et moi-même, ce qui prouve s’il en était besoin que rien ne l’arrête ;
Mieux, vous aurez encore le plaisir de lire d’autres journalistes de renom qui, écœurés par le politiquement correct, ont décidé que leurs articles censurés par la « grande presse » seraient désormais publiés dans Flash... Parmi eux, une des papesses de la presse féminine, un spécialiste incontesté du sport et de ses arcanes, un sociologue habitué des plateaux de télévision, quelques technocrates de haut rang...
Fort de cette magnifique équipe,à laquelle il faut ajouter le dessinateur Ignace, l’avocat Xavier Conabady et ses judicieux conseils de défense juridique et deux jeunes plumes prometteuses (Antoine le Nort et Phileas) et, en tribune libre, le philosophe Alain de Benoist.
Flash s’attèlera, pour vous, au décryptage de la désinformation ambiante, au déboulonnage des fausses idoles, médiatiques, culturelles, religieuses et politiques, et à la défense des véritables intérêts de la France. Tout en mettant sur pied cette équipe de choc, nous avons investi les fonds nécessaires au démarrage de ce projet. Chacun de nous est impatient de vous présenter Flash, ce journal nouveau, impertinent, anticonformiste et, surtout… très bien renseigné sur tout ce que certains aimeraient bien vous cacher.
Notre équipe n’attend plus qu’un coup de pouce décisif : le vôtre. Car, vous le savez aussi bien que moi, nous n’aurons pas un centime de publicité pour Flash. Notre seule ressource, cher lecteur, c’est vous ! Ce qui est aussi notre meil leur gage d’indépendance et de qualité.
Je vous demande donc de remplir et de nous renvoyer au plus tôt le bulletin d’abonnement à Flash ! L’abonnement annuel n’est que de 50 euros pour 26 numéros. Pour stabiliser définitivement les finances de Flash et lui permettre d’avoir une diffusion nationale, nous devons réunir très vite un budget de 160 000 euros, soit seulement 3 200 abonnés. En vous abonnant dès aujourd’hui, vous nous apportez une aide décisive.
De notre côté, nous avons consenti d’énormes efforts : pas de locaux, des salaires réduits au strict minimum et toutes nos économies investies dans ce projet commun. C’est pour cela que l’abonnement ne coûte que 50 euros, soit à peine un euro par semaine...
Je compte sur vous.
Chaleureusement »

PS. La ligne éditoriale de Flash est simple : traiter et approfondir les sujets que la “grande presse” laisse de côté, parce que trop “dérangeants”. Bref, tout ce que vous ne trouverez pas ailleurs, ce sera dans Flash… Alors, abonnez-vous vite en nous renvoyant dès aujourd’hui le bulletin ci-joint.
FLASH - journal gentil et intelligent - tous les 15 jours
pour 2 euros seulement !

Conséquence logique d'un consensus antlanto-libéral de plus en plus voyant et mou : la presse d'opinion se dissout dans l'insipide et la collaboration.
Mais plutôt que de nous poser plus longtemps la question de savoir si nous devons le déplorer ou nous en réjouir, nous avons décidé, quelques camarades et moi-même, d'y répondre par FLASH !

FLASH, soit un petit canard trans-courants conçu et écrit par des patriotes issus aussi bien de l'ultra-gauche marxiste que de la droite nationale intelligente, mais tous déterminés à ne plus plier sous la chape de plomb imposée par l'Empire.

En bref, FLASH ce sont 16 pages en couleurs tous les 15 jours pour la modique somme de 2 euros et le numéro 1 en kiosque le 30 octobre…

Si vous voulez en savoir plus, vous avez juste à cliquer ici :

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À très bientôt !

Alain SORAL
Pour la rédaction de FLASH

dimanche, 02 novembre 2008

Une biographie de Bertrand de Jouvenel

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Bertrand de Jouvenel 

de Olivier Dard (Auteur)
Présentation de l'éditeur
 
Homme du monde, journaliste brillant, essayiste à succès, théoricien politique, pionnier de l'écologie, républicain militant tenté par le fascisme, Bertrand de Jouvenel (1903-1987) a eu tant de facettes qu'il semble défier l'analyse. C'est dire tout l'intérêt de cette première biographie, pour laquelle Olivier Dard a pu bénéficier - outre ses livres, ses articles et sa correspondance - des 250 Cahiers tenus par Jouvenel tout au long de sa vie. Cette source inédite, qui tient à la fois du document de travail, d'une chronique du siècle et d'un journal intime, permet de démêler l'écheveau d'une vie où se croisent Colette, Emmanuel Berl, Drieu la Rochelle, Otto Abetz, Pierre Mendès France, Jacques Doriot, Adolf Hitler, Raymond Aron et Friedrich von Hayek.

Biographie de l'auteur

Olivier Dard, professeur à l'université Paul-Verlaine de Metz, est un spécialiste reconnu des années 1920-1960 ; il a notamment publié chez Perrin La Synarchie, le mythe du complot permanent et Voyage au cœur de l'OAS.


 

  • Broché: 526 pages
  • Editeur : Librairie Académique Perrin (28 août 2008)
  • Langue : Français
  • ISBN-10: 2262029164
  • ISBN-13: 978-2262029166

vendredi, 31 octobre 2008

Par sa foi en la machine...

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Par sa foi en la machine...

"En faisant de l’homme, par un lavage de cerveau édulcoré, le soldat de quelque religion progressiste, on obtient de surcroît, par simple croyance au progrès, par sa foi en la machine, en la production, en l’abondance, qu’il se soumette spontanément et de bonne grâce aux rites, navettes et circuits, qui lui sont ménagés par la société de production et qui correspondent à ce qu’on a défini comme ses besoins. Ainsi, dans la dénaturation progressiste moderne, l’homme est dépouillé d’une façon bien plus subtile, mais non moins complète que dans l’aliénation purement économique que dénonçait Karl Marx, par laquelle le travailleur était privé du produit de son travail, et par conséquent de son aisance et d’une partie de sa vie : il est subrepticement privé de sa vie qu’on transforme en loisirs et distractions préfabriquées, par là étrangères à lui, et, en outre, il est privé de sa personnalité même qu’on lui soutire et qu’on remplace à son insu par un produit incolore et inoffensif qu’il prend pour lui-même.

Le prétexte de cette dénaturation est le bien-être du plus grand nombre. Cette préoccupation existe en effet, elle est sincère. Mais elle est inséparable d’une disposition qui abhorre secrètement, comme contraire au bien-être du plus grand nombre justement, toute image de l’homme nerveuse, originale, volontaire, qui pourrait propager la maladie contagieuse du refus de la médiocrité. Ainsi notre « civilisation » fait-elle le contraire de toutes les grandes civilisations qui se sont proposés comme idéal un type humain supérieur et chez lesquelles cette culture d’une plante humaine réussie était même la justification essentielle."

 

Maurice BARDECHE, Sparte et les sudistes, Phytéas, Montrouge, 1994, p. 31-32.

 

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jeudi, 30 octobre 2008

Citation de Hubert Lagardelle

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L'utopie de la démocratie

"L'utopie de la démocratie a été de dépouiller l'individu de ses qualités sensibles, de le réduire à l'état abstrait de citoyen.  De l'homme concret de chair et d'os, qui a un métier, un milieu, une personnalité, elle a fait un être irréel, un personnage allégorique en dehors du temps et de l'espace, et le même à tous les étages de la société.
Ni ouvrier ni paysan, ni industriel ni commerçant, ni du Nord ni du Midi, ni savant ni ignorant : un homme théorique."

Hubert Lagardelle, janvier 1931.

mercredi, 22 octobre 2008

L. F. Céline et Karl Epting

A paraître : Louis-Ferdinand Céline et Karl Epting

Présentation de l'éditeur
Karl Epting (1905-1979) fut l’un des représentants les plus influents de la culture allemande dans le Paris des années 30 et 40. En 1932, après la parution de Voyage au bout de la nuit, il se proposa de faire connaître Céline en Allemagne. Leur première rencontre eut lieu en 1937, et leurs rapports durèrent jusqu’à la mort de l’écrivain. Frank-Rutger Hausmann fait le point sur les relations entre les deux hommes et propose, pour la première fois, l’intégralité de la correspondance adressée par Céline à Karl Epting. Englobant la période située entre 1941 et 1960, ces lettres offrent des renseignements précieux à la fois sur la biographie de Céline et sur les relations franco-allemandes sous l’Occupation. On trouvera également dans cet ouvrage plusieurs textes de Karl Epting, dont tous ceux qu’il a écrits sur Céline, et une bibliographie exhaustive.

L'auteur
Professeur de langues et littératures françaises et italiennes à l’Université de Fribourg-en-Brisgau, Frank-Rutger Hausmann a notamment publié des éditions commentées de Dante, Villon et Rabelais. Il a également écrit des introductions aux études médiévales et humanistes, ainsi que plusieurs monographies sur les universités allemandes durant la période nationale-socialiste.


Frank-Rutger Hausmann, L-F Céline et Karl Epting, Ed. Le Bulletin célinien, 2008.

Commande possible auprès du Bulletin célinien:
Le Bulletin célinien
B P 70
1000 Bruxelles 22
Belgique

celinebc@skynet.be

Etat des lieux

ETAT DES LIEUX

« Les petits traîtres de l’ex-Gauche Prolétarienne, les briscards trotskistes métamorphosés en sénateurs fabiusiens, en conseillers du patronnat, en patrons de quotidiens du soir ivres de pouvoir et de Bourse, les anciens membres du Parti Communiste qui squattent les soirées histoire d’Arte et la table de Jacques Chirac ne portent que la marque d’une dévaluation morale. Quant aux parcours inverses, ils sont infiniment plus rares, ayant moins à offrir à ceux qui les empruntent. [...] A partir de l’opération marketing idéologique des "nouveaux philosophes", et plus encore de 1986, l’intelligentsia médiatisée a fait son choix : le dernier cri de la subversion est de chanter le militarisme de marché. Ce sera ensuite jeu d’enfants (destiné à des cerveaux mal irrigués de préférence) d’assimiler anti-totalitarisme et défense de l’Occident, défense de l’Occident et redécouverte des vertus de la "main invisible". [...]

 

Monolithique et libéral, le nouveau propos politique des repentis va ainsi glorifier une modernité philo-américaine en rupture simultanée avec le radicalisme de la gauche et le conservatisme de la droite. "Libéral-libertaire" (l’expression fut employée par Serge July dès 1978), yuppie, bourgeois-bohème, la griffe s’est appliquée à nombre de sous-produits idéologiques. Intellectuellement, il n’en reste qu’un vague souvenir de mauvaise soupe et de gueule de bois, de paillettes et de gros contrats, un théâtre de la pensée zéro qu’auraient animé Yves Montand, Anne Sinclair et Bernard Tapie. Politiquement, l’effet fut plus considérable. "Droits de l’homme" et "libre entreprise", modèle américain et "retard français", charité-spectacle, humanitarisme de guerre, glose gélatineuse sur la "société civile", aversion pour les passions collectives : page après page, émission après émission, à la vieille dialectique sociale et politique se substitua l’opposition des archaïques et des modernes, des sectaires et des ouverts, des nationalistes et des nomades. Livres, articles et reportages ressassèrent l’éloge d’un système économique se targuant de flexibilité, de "révolution" et de métissage. La mise en cause de la légitimité d’un pouvoir fondé sur la propriété fut taxée de parti pris idéologique. Progressivement, il deviendrait presque impossible de penser cet impensable-là. [...] Il fallut aussi lustrer son registre de colères. L’audace fut alors constituée d’indignations, de boycotts, de ruptures qui ne coûtent rien, au contraire : soit parce que ceux contre qui on s’adresse ne disposent d’aucun pouvoir de rétorsion là où on se trouve (les communistes, le "populisme", le Mal, l’extrême droite, les "anti-américains") ; soit parce que les imprécations mondaines ainsi que les effets de scène qu’elles induisent demeurent restrospectives – il s’agit de soutenir de hauts faits d’armes à condition qu’ils restent enfouis dans le passé. »

 


Serge Halimi, mars 2003, préface à la "Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao auRotary" de Guy Hocquenghem, Agone, 2003, p. 10-11, 12, 16-17, 19