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lundi, 08 septembre 2008

Une critique visionnaire du dérèglement économique mondial

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Une critique visionnaire du

dérèglement économique mondial

George FELTRIN-TRACOL

sur: http://www.europemaxima.com/

Au début de la décennie 1930, quand la crise de 1929 commençait à toucher la France, deux jeunes penseurs courageux et originaux, Robert Aron et Arnaud Dandieu, rédigèrent Le cancer américain.

Ces deux noms ne sont pas inconnus pour qui s’intéressent à cet extraordinaire foisonnement intellectuel de la France de l’Entre-Deux-Guerres que Jean-Louis Loubet del Bayle désigna dans un livre magistral et fondateur sous le terme générique de « non-conformistes des années 1930 ». Avec Denis de Rougemont et Alexandre Marc, Robert Aron et Arnaud Dandieu animèrent la revue L’Ordre Nouveau et le groupe éponyme. Situé entre la revue personnaliste Esprit d’Emmanuel Mounier, de sensibilité « progressiste » (ou au moins « humaniste intégral »), et la Jeune Droite d’extraction maurrassienne, L’Ordre Nouveau ne cessa de dialoguer avec elles, occupant ainsi un espace central de la pensée française d’alors sans pour autant renoncer à sa radicalité intrinsèque.

Cette radicalité se manifeste pleinement dans Le cancer américain que L’Âge d’Homme vient enfin de rééditer. À la différence des écrits des autres non-conformistes qui traitent de philosophie, de politique, de moral, Robert Aron et Arnaud Dandieu nous livrent une réflexion économique sur la transformation profonde, capitale, du monde à laquelle ils assistent horrifiés. « Nous voici au changement des temps où il nous faudra choisir entre les routines oppressives d’une tradition faussée et le travail révolutionnaire qui mène à un ordre nouveau. Ce livre sans portée constructive et sans valeur doctrinale, n’a été écrit que pour inviter à ce choix. »

Le cancer américain critique en des termes fort rudes les politiques déflationnistes de l’Étatsunien Hoover et du Français Tardieu. Mais, par delà cette critique conjoncturelle implacable, l’ouvrage dénonce impitoyablement la diffusion de nouveaux modes de production standardisés, la rationalisation des méthodes de travail qui ne se limite pas au seul secteur industriel, le taylorisme et le fordisme qui envahissent les esprits. Il s’en prend aussi au principe de l’assurance et à l’idéal philanthropique des sociétés occidentales qui minent et sapent les communautés humaines. Il en résulte que « pour tous ceux, Français ou étrangers, Américains ou Asiatiques, qui sentent, au sens le plus médiocre comme au plus élevé du mot, leur “ avenir ” menacé et leur existence compromise par des crises qu’ils subissent sans parvenir à les comprendre, pour les peuples qui voient disparaître leurs traditions essentielles, — pour les individus opprimés dans leur bien-être et dans leurs joies — ce livre est un cri d’alarme ». Les auteurs se révoltent donc contre le monde moderne puisqu’ils estiment « le mal dans lequel se débat le monde moderne est bien, comme un cancer, lié à la nature même de ce monde ». En observateurs lucides et soucieux, ils constatent que « le cancer du monde moderne a pris naissance bien loin des charniers de la guerre, en un terrain bien abrité, mieux même qu’on ne le croit souvent. C’est le cancer américain ».

Ce livre, on s’en saurait douté, vitupère contre le système yankee d’autant que « les États-Unis doivent apparaître comme un organisme artificiel et morbide » ! Cependant, les auteurs se nuancent et précisent que « les U.S.A. que nous mettons en cause, c’est une méthode, ce n’est pas un peuple, encore moins une terre. Méthode qui a bien pu se greffer sur tout un groupe humain, comme une maladie ; mais qui n’en garde pas moins sa liberté de propagation et son existence indépendante… ».

Considérant néanmoins que « l’impérialisme américain à base économique et mystique, est l’héritier direct de la tradition coloniale européenne », que « l’esprit américain [est] cancer et détournement de l’esprit véritable » et qu’il « se ramène à une double crise : crise de conscience d’abord, et crise de virilité », Robert Aron et Arnaud Dandieu, doués de prescience, s’indignent de la mise en tutelle des banques européenne par la Federal Reserve Banks via la Banque des Règlements Internationaux, et s’élèvent contre la mise en place d’un système monétaire international qui préfigure et annonce les accords calamiteux de Bretton Woods en 1944.

Comme leurs « homologues » révolutionnaires-conservateurs allemands, Robert Aron et Arnaud Dandieu déplorent le plan Dawes et rejettent le scandaleux plan de remboursement Young qui fragilise les économies européennes. On a tendance à l’oublier aujourd’hui : si les États-Unis ne ratifièrent pas en 1920 le traité de Versailles et choisirent l’isolationnisme, Washington n’en continua pas moins d’exiger de ses débiteurs le paiement complet des prêts de guerre et de leurs intérêts… L’isolationnisme politique yankee s’accorda sans problème avec une solide attention financière intéressée au Vieux Monde. C’est par ce biais que les États-Unis parviennent à s’imposer. « Cette colonisation américaine de l’Europe est évidemment que plus elle devient dangereuse, moins elle est apparente. Et ici se confirme une fois de plus le caractère profondément abstrait de cette colonisation. C’est sur le terrain financier et particulièrement celui du crédit que cette constatation se montre la plus éclatante. À ce titre, et bien qu’il soit bousculé par les événements, le plan Young demeure un objet d’études particulièrement révélateur : son importance subsiste entière et 1929 apparaît comme une étape particulièrement grave dans la colonisation de l’Europe par l’Amérique. Pour la première fois, au moyen d’un organisme bancaire, un protectorat secret sur l’ancien monde était établi de façon assez discrète, pour que nul ne s’en aperçût. Machine admirablement montée, mais encore mieux camouflée, et sur laquelle il faut nous arrêter quelque peu. Véritable charte du colonialisme américain ! » Cette invasion subtile et insidieuse prend des formes surprenantes, que « de la colonisation concrète ayant un but matériel, voire territorial, elle est passée progressivement à ce que l’on pourrait appeler la colonisation abstraite, c’est-à-dire à la colonisation par le commerce, puis par le crédit, puis enfin par le prestige ».

Les auteurs du Cancer américain considèrent par conséquent que la prospérité étatsunienne des « Années folles » s’est bâtie sur les ruines et la reconstruction de l’Europe meurtrie. Or la crise de Wall Street et ses conséquences ne font qu’accentuer ce parasitisme d’une manière dangereuse, car, « que l’Amérique le veuille ou non, c’est à la guerre que mènent inévitablement sa prospérité et ses crises, à la guerre… en Europe », avertissent-ils prophétiquement.

Ils récusent toutefois la solution belliciste. « Ce livre n’est pas un appel à l’on ne sait quelle guerre sainte. La guerre ne peut rien contre les maux de l’esprit, et le cancer américain est avant tout un cancer du spirituel. Ce n’est pas à la guerre contre l’Amérique qu’au-dessus des nationalités il faut appeler l’Europe ; non seulement les canons ne peuvent rien contre le cancer, mais la guerre est un contact plus dangereux que n’importe quel autre, et l’on s’américanise contre l’Amérique plus vite encore que pour elle. Nous n’appelons donc à la guerre, mais à la conjuration. » Ce complot, cette insurrection des cultures populaires enracinées doit aller à l’encontre de l’air du temps et de ses engouements superficiels. Déjà « le rôle que nous nous assignons, dépassant les questions de frontière ou le problème même de race, est d’écrire le Discours contre les excès de la Méthode (1), c’est-à-dire contre les abus d’une méthode jadis bienfaisante, le Discours contre la technique qu’attend notre génération ». Comment ? « Contre l’esprit américain, ce cancer du monde moderne, il n’est aujourd’hui qu’un remède. Pour échapper à l’engloutissement dont nous menacent les déterminismes matérialiste et bancaire, c’est avant tout le mythe de la production qu’il faut attaquer et détruire : c’est avant tout une révolution spirituelle qu’il est de notre devoir de susciter. » MM. Aron et Dandieu suggèrent donc de décoloniser les imaginaires…

Cette « révolution spirituelle » nécessaire, indispensable, vitale même, ne peut que se fonder sur l’idée européenne. Et on comprend mieux tout ce qui sépare la Jeune Droite, restée nationaliste, de L’Ordre Nouveau, véritablement européiste, qui perçoit l’Europe en rempart salutaire au déferlement destructeur de la modernité. « Dans sa Révolution nécessaire, elle rejettera avec indignation tous les colonialismes étrangers ou internes, qui partout, dans les métropoles comme dans les terres d’outre-mer, ne cherchent qu’à brimer les modes d’existence et de pensée indigènes au profit d’autres cancers conçus à l’instar de l’Amérique. » Mieux, l’Europe, pour les auteurs, ne dément pas la juste affirmation des peuples à préserver leurs identités, bien au contraire ! « Diversité et unité peuvent en elles s’appuyer l’une sur l’autre, parce que c’est la diversité des patries et des cultures qui y a lentement, contre la volonté des États et des diplomates, promu au rang de valeur suprême la puissance d’un esprit créateur, spécifiquement humain. Puisque aujourd’hui on s’en prend à ta diversité comme à ton unité, à ta peau comme à ton âme, Europe, réveille-toi ! » Le propos résonne d’une tonalité singulièrement actuelle.

Sorti après Décadence de la nation française (qu’il serait bien que l’éditeur le republie) et avant La Révolution nécessaire (2), Le cancer américain étudie en temps réel la mainmise du système bankstère sur les vieilles nations européennes. Trois quarts de siècle avant la « mondialisation », cet essai signale que loin d’apporter le bonheur et la plénitude individuels entiers, le dérèglement volontaire du capitalisme libéral et sa généralisation virale plongeraient le monde dans un chaos dont l’homme du début du XXIe siècle pâtit encore des affres. Saluons donc L’Âge d’Homme pour cette réédition et méditons les avertissements visionnaires de Robert Aron et d’Arnaud Dandieu afin d’édifier au final cet ordre nouveau souverain, libérateur et européen.

Notes

1 : En 1974, Robert Aron publia chez Plon Discours contre la Méthode, préfacé par Arnaud Dandieu.

2 : La Révolution nécessaire, Grasset, 1933, réédition, Jean-Michel Place, 1993, préface de Nicolas Tenzer.

• Robert Aron et Arnaud Dandieu, Le cancer américain, L’Âge d’Homme, préface de Pierre Arnaud, coll. « Classiques de la pensée politique », 2008, 141 p., 24 €.

samedi, 09 août 2008

M. Déat: Ein Plansozialist in der Kollaboration

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Marcel Déat: ein Plansozialist in der Kollaboration

Analyse: Reinhold BRENDER, Kollaboration in Frankreich im Zweiten Weltkrieg. Marcel Déat und das Rassemblement National Populaire, Oldenbourg, München, 1992, 228 S., DM 78, ISBN 3-486-55895-1.

Marcel Déat endete seine politische Karriere als “Faschist”. Aber als “Faschist” war er nicht typisch. Philosoph und Soziolog, Lehrer in einem Pariser Eliten-Gymnasium, Theoretiker der neuen Strömungen in der Soziologie, war auch Déat ein sozialistischer Aktivist. Sehr früh stellte er fest, daß der konventionnelle Sozialismus Frankreichs in einer Sackgasse geirrt war. Parteien, Verbände und Gewerkschaften hatten sich, wie schon Michels feststellte, verbonzt, verbürgerlicht und verkalkt. Mit seinem philosophischen Klarblick versuchte Déat in den Jahren 30, den Sozialismus zu erneuern. Der “néo-socialisme” wurde eine neue Partei (1933-1936), die leider politisch scheiterte.

Quelle der Inspiration war für Déat der “Planismus” des belgischen Sozialisten­leiter Hendrik De Man. Nach einer ganzen Reihe hochintellektueller Seminare in Kloster von Pontigny, lehnte doch die Gewerkschaft SFIO den neosozialistischen Planismus ab. Déat wurde tief enttäuscht, sowie seiner Genosse De Man in Brüssel. Da liegt der Hauptgrund ihres späteren kollaborationistischen Engagements. Beide Altkämpfer der europäischen Sozialdemokratie versuchten dann ihre erneuerenden Ideen mit den deutschen Nationalsozialisten zu verwirklichen. Auch das scheiterte. Déat engagierte sich auch für den Frieden. Genauso wie Hendrik De Man, wollte Déat keinen neuen Krieg in Europa. Deshalb entwickelte er eine “außenpolitische Konzessionsbe­reitschaft”, die mit einer “Innenpolitischen Neuorientierung” gepaart wurde.

 

Diese “innen­politische Neuorientierung” mußte in den Augen des sozialisti­schen Patrioten Déat die französische Nation stärken. Die déatistische Zeit­schrift Redressement schlug folgende Politik vor: sich von antika­pita­listischen Tendenzen in Italien und Deutschland inspirieren, damit die französische Wirtschaft ohne zerstörende und unnötige Klassen­strei­tereien genesen und sich weiter entwickeln konnte. Mit einer starken Wirtschaft, einer sozialen Sicherheit und dem innenpolitischen Frieden konnte auch einen europäischen Krieg vermeiden werden. Nach 1940, schlug Déat die Gründung einer Einheitspartei vor, um das Programm des Vorkriegsneosozialismus zu realisieren. Er stoß bei anderen kolla­borationnistichen Verbänden auf Widerstand. Nichtdestoweniger grün­de­te er seinen “Rassemblement National-Populaire”, wo die meisten Ka­der­leute aus den Gewerkschaften kamen. Der Engagement für die deutschfreundliche Kollaboration bedeutete keinesfalls ein Schwung nach rechts.

 

Im Gegenteil schlugen Déats Kameraden Albertini und Zoretti eine “Orientierung nach links” und den Aufbau eines “sozialistischen Frankreichs” vor. Brenders Studie enthält auch eine Übersicht der Ideologie des RNPs: Integration in das “neue Europa”, neue innereuropäischen solidären Perspektiven in der Außenpolitik, eine Re-Organisation der Wirtschaft, die Kreation eines “neuen Menschen” (ausgesprochen ein Ideal von links!), die Einführung in Frankreich der Idee einer Volksgemeinschaft (“communauté populaire”). Brender analysiert auch die Schwächen des französischen “Faschismus”, vergleicht die Kollaboration in Frankreich und im übrigen Europa, erklärt wie das NS-Deutschland die Kollaboration konzipierte. Im Anhang findet der Leser eine Tabelle der Kollaborationsparteien und eine Karte zur geographischen Verbreitung der Kollaborationsparteien in Frankreich 1940-1944.

 

Fazit: die Lektüre dieses streng wissenschaftlichen Buches erlaubt uns, die Kollaboration von links zu verstehen. Die Zusammenarbeit mit den NS-deutschen Besatzer ist nicht nur Sache der konservativen, katholischen oder rechten Kräfte (Pétain und sein Vichy-Regime oder die altkatholischen Elemente im wallonischen Rexismus, usw.), wie es die konformistische antifa-Geschichtsschreibung ständig wiederholt, sondern auch der progressistischen Linken. Die Enttäuschungen der Vorkriegszeit, wo die jungen Kräfte des französischen Sozialismus von den korrupten Bonzen nicht au sérieux genommen wurden, haben in diesem bitteren Engagement zur deutschen Seite eine erhebliche Rolle gespielt. Brender erklärt uns meisterlich dieses Prozeß. Nebenbei sei auch erwähnt, daß De Gaulle teilweise von der Soziologie Déats beeinflußt wurde und daß Déats Genosse Albertini eine schöne Karriere im Nachkriegsfrankreich gemacht hat. Er leitete den “Institut Occidental” und ist heutzutage noch die Hauptreferenz für die französischen Universitäts-Studenten, die die Geschichte des Wirtschaftsdenken studieren. Albertini klassifizierte nämlich die Strömungen des Wirtschaftsdenkens in orthodoxen Strömungen (Liberalen, Manchester-Liberalen, Marxisten, sozial-demokratische Keynes-Anhänger) und heterodoxen Strömungen (Vitalisten, Ökonomen, die von der Lebensphilosophie beeinflußt wurden, die deutsche “historische Schulen”, Institutionalisten, Schumpeter-Schüler). Nonkonformisten und Vorfechter jeder Form eines Dritten Weges sind in diesem Sinn “Heterodoxen”. “Heterodoxen” lehnen den abstrakten Ökonomismus ab und behaupten, die Wirtschaft sei nicht nur von wirtschaftlichen Kategorien geprägt sondern hängt auch von historischen Kontexten und Traditionen ab. Albertini ist Déats Erbe auf höchstem Niveau in der französichen Politologie (Robert STEUCKERS).

mercredi, 06 août 2008

Banlieue rouge

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La "banlieue rouge" ou l'entrée en politique de "la zone"

“Porte d’Orléans, tous les cafés étaient fermés. Les grands espaces déserts des nuits de banlieue commencent là”, raconte Roger Vailland dans Bon pied, bon oeil (1950). A l’époque l’image d’un Paris vivant et populaire s’opposait à celle d’une banlieue souvent triste et grise, parfois, pourtant, traversée d’éclairs de fête: les goguettes et les guinguettes de La Belle équipe. C'est un regard parmi d’autres que celui de Vailland. Banlieue des marges, banlieue de la sécession par rapport au “régime bourgeois”, banlieue de la rélégation, mais aussi banlieue du repos et de la famille “qui pousse” au vert, banlieue des dimanches sur l’herbe, des baisers volés et des amants qui se donnent, banlieue bastion du prolétariat et fief des vendeurs de l’Humanité, ces images se sont superposées au fil du temps.

 

Particulièrement en région parisienne, un curieux composé se forme. D’un coté,  l’esprit “anar”, sentimental et grande gueule: celui des années Gabin. De l’autre, un esprit de solidarité, de camaraderie et de lutte sur fond d’identification à un parti politique de masse qui represente une forme de contre-société et d’espoir, le P.C.F. Et l’étonnant est que les deux “marchent “ ensemble: le mythe de l’anarchiste “de droite” Gabin est associé à celui du dirigeant communiste Thorez (“Maurice”).

 

La banlieue est, pour ses habitants à l’origine rurale, façon de s’acclimater à la ville. L’ouvrier et l’employé cultivent leurs jardins-ouvriers, revendiquent pour les transports, participent à la vie politique locale par des réseaux associatifs et amicaux, où, à partir de 1920 et surtout de 1930, le parti communiste tient une place grandissante. En un mot, le banlieusard est fier de “sa” banlieue. “Bobigny, notre Bobigny”, chante-t-on dans la future préfecture de la Seine Saint Denis. Mais le banlieusard veut aussi continuer à intervenir dans Paris. La banlieue est pour lui un lieu d’enracinement, elle ne doit pas être un ghetto. “Demain, moi je serai place de la république. Mon pater s’y est battu en février 1934 contre les factueux (...). Place de la République , j’y tiens, même si maintenant je crèche ici en banlieue”. De là l’image de la banlieue comme “écume battant les murs de la ville”, comme dit Le Corbusier. Image que les communistes s’emploient à renforcer: “Paris encerclé par le prolétariat révolutionnaire !”, écrit Paul Vaillant-Couturier dans l’Humanité du 13 mai 1924, à la suite de législatives favorables à l’extrème-gauche. Espoir de certains qui est bien sûr la crainte des autres. Renversement de la situation de la Commune : les Versaillais sont dans Paris et les Communards autour !

 

La banlieue est aussi le banc d’essai des modernités. Par exemple en architecture, avec une construction comme le groupe scolaire baptisé in extrémis Karl Marx (à la place de Jean Jaurès) à Villejuif. Construite par André Lurçat en 1933, c’est “la plus belle école de France” selon l’Humanité, tandis que le grand quotidien conservateur de l’époque, Le Matin, fulmine: “Ce groupe scolaire campagnard (sic) est plus luxueux que le plus moderne des lycées parisiens”.

 

Avant 1914, l’installation en banlieue est parfois une étape dans l’ascension sociale. On quitte les appartements petits de Paris, - mais dont les loyers sont souvent bloqués - pour se mettre “à l’aise” en banlieue. Cela se voit dans les écrits  de Jules Romains. Mais pour beaucoup, l’installation en banlieue, c’est la recherche d’un air meilleur, de plus de place, et le souci de se rapprocher des usines, c’est-à-dire de son lieu de travail. Ce qui est parfois totalement contradictoire...  comme à Aubervilliers réputé pour ses mauvaises odeurs.

 

Dans l’entre-deux-guerres, période de crise aigüe du logement, la banlieue, c’est surtout la construction de “pavillons”. Ces constructions pavillonnaires se font dans les difficultés financières, au sein de lotissements souvent dénués de tout assainissement, par carence et esprit de lucre des propriétaires privés. L’état des lotissements est souvent d’autant plus dramatique que si les maisons rurales étaient construites la plupart du temps par des gens de métier, l’auto-construction représente en banlieue une part importante des bâtisses. De nombreuses luttes sont alors menées, faisant pression sur les pouvoirs publics et les propriétaires pour la viabilisation et l’arrivée d’équipements. La banlieue est aussi le terrain de l’expérience des cités-jardins, habitat conçu pour l’ensemble des couches populaires et moyennes, à mi chemin entre la maison de village et l’immeuble collectif, mais où les espaces verts sont au cours de années trente grignotés dans la mesure où l’Etat ne tient pas ses propres engagements financiers. Ceci aboutira à limiter l’expérience des cités-jardins à environ une quinzaine (Suresnes, Vitry, Chatenay-Malabry, le Plessis-Robinson, Charenton, ...). En même temps sont construits, comme à Drancy de sinistre mémoire, les premiers grands ensembles et gratte-ciels. 

 

Banlieue verte des jardins (400 m2 en moyenne) et banlieue grise des usines, la banlieue est aussi rouge, dans la mesure où elle est  dominée par le Parti communiste, au vrai surtout dans la première couronne, beaucoup moins au delà, et non sans exceptions: Boulogne-Billancourt est socialiste jusque dans les années 60, jamais communiste, Aubervilliers est jusqu'à la guerre la ville de l'ancien socialiste pacifiste devenu homme de la droite modérée Pierre Laval. Mais le P.C est une force ascendante pendant une trentaine d'années. Dans le département de la Seine , le nombre de municipalités communistes passe de 11 à 26 entre 1929 et 1935. A la veille de la guerre, le maire communiste d’Ivry Marrane dispute au socialiste Sellier, le maire de Suresnes, l’hégémonie au sein de l’association des maires de la région parisienne. L’enjeu (déjà !) est de proposer des solutions globales à la question de l’engorgement de la région parisienne. Et si les personnalités locales comptent, soit qu'elles existent à partir du vote communiste - comme Clamanus à Bobigny, avant son ralliement à Doriot sous l'Occupation, soit en réaction contre le P.C, - comme Laval à Aubervilliers, elles sont fragiles. Doriot est ainsi battu à la législative de 1937 à Saint-Denis par le candidat communiste.

 

Cette banlieue des années Thorez et des années Gabin est tuée par le déménagement des usines en province, par la montée de l’individualisme, la fin des cinémas et l’arrivée de la télé “couleur”, la destruction des vieux coeurs de ville (voir ainsi l’assassinat de Choisy-le-roi) et le désenchantement de la politique. Dans un film superbe de Denys de La Patellière , Rue des Prairies (1959), on voit un chef de chantier, habitant cette rue alors villageoise du 20ème arrondissement, travailler à la construction de Sarcelles, c’est-à-dire à sa propre fin par la construction d’un cadre de vie dans lequel il n’aura plus sa place. Allons, allons ! pas de nostalgie. Comme l’écrit l’historienne Annie Fourcaut dans son beau prologue: “La forme de la ville a, depuis la révolution industrielle, toujours changé plus vite que le coeur des mortels, et la nostalgie, accompagnée de peur sociale, est le mode habituel d’appréhension des changements urbains”. On ne saurait mieux dire.

 

Pierre Le Vigan.

 

Revue Autrement: Banlieue rouge, 1920-1960. Années Thorez, années Gabin: archétype du populaire, banc d’essai des modernités, Sous la direction d’Annie Fourcaut, Le Seuil, 1992.

 

Voir aussi:

* Hérodote, Après les banlieues rouges, n°43, 1986.

* Les premiers banlieusards. Aux origines des banlieues de Paris, 1860 - 1940, sous la direction d'Alain Faure, 1991, éditions CREAPHIS (79 Rue du Faubourg Saint-Martin, 75 010 PARIS). 284 pages, 195 F.

vendredi, 25 juillet 2008

J. Parvulesco: Dans la Forêt de Fontainebleau

Dans la forêt de Fontainebleau
Sur "Dans la Forêt de Fontainebleau" de Jean Parvulesco
D’origine roumaine, Jean Parvulesco, né en 1929, est un écrivain français, catholique de Tradition. Il fut l’ami de Raymond Abellio, Mircea Eliade, Jacques Bergier, Dominique de Roux, Guy Dupré et de nombreux autres. Il eut des contacts avec Martin Heidegger, Ezra Pound et Julius Evola. Réfléchir et Agir ainsi que Le Libre Journal ont publié de remarquables papiers sur lui dont, dans le premier, Vladimir Poutine et l’Eurasie et, dans le second, le papier de Nicolas Bonnal[1] : Jean Parvulesco : Le Sentier perdu.
           
Dans le n° 26 de la revue Rebellion (septembre-octobre 2007), sous le titre « La troisème guerre mondiale est commencée » que vous trouverez en archives 2007 (octobre) sur le site : http://rebellion.hautetfort.com , vous trouverez la citation suivante de Jean Parvulesco : « En même temps, il ne faut au aucun cas oublier que, mystérieusement, c’est en France et à partir de la France que la partie finale va devoir se jouer, parce que c’est ainsi qu’il en a été décidé ‘depuis les ultimes hauteurs des cieux’. Ce sera donc dans les soubassements inconscients d’une certaine France profonde, dissimulée, que réside la décisions salvatrice, et peu importe alors l’état d’abominable dégénérescence spirituelle et politico-historique de la France, parce que des puissances d’un autre ordre vont avoir à y mener la ‘bataille finale’. Il est donc urgent que les nôtres – quelque soit leur nombre – se rassemblent déjà, et ce tiennent prêts à se saisir de la grande vague montante ».
           
C’est cette phrase que Jean Parvulesco développe en 430 pages dans cet onzième grand roman métaphysique La forêt de Fontainebleau, l’escatologie se rencontre de chapitre en chapitre. Le style est à mi chemin entre celui de Raymond Abellio et de Maurice G.Dantec : curieux, désorientant, occulte, empli de ce que Jean Pauwels nommait des coincidences troublantes.
           
J’avoue que les cent premières pages m’ont été difficiles à lire et je comprends que certains lecteurs en restent là. Ils ont tort. La suite devient, peu à peu, d’abord captivante, ensuite passionnante.
           
Ce que n’avait pas vu Francis Parker Yockey[2], et que souligne Parvulesco, c’est que l’Imperium grand continental (auquel j’aspire tout comme Jean Parvulesco) dépendra toujours de la situation suprahistorique de la France. Il faut que la France retrouve le fil de « sa propre histoire profonde » crimellement interrompue par la décapitation de Louis XVI et de Marie-Antoinette.
           
Le roman imagine Marie-Antoinette et Louis XVII rescuscités en notre temps et cachés dans la forêt de Fontainebeau jusqu’à ce que « le jour vienne ». Or le jour est venu. Il n’était pas dans les vues de l’auteur de nous conter de quelle manière la Renaissance de l’Impérium se passera mais de nous conter les fort nombreuses traces qui permettent, souterrainement, d’y accéder. Et, pour cela, bravo l’artiste !
           
« … je ne parle pas de certeins rêves prophétiques, dont on doit comprendre qu’ils ne sont pas des rêves mais de visions commandées depuis l’au-delà, qui n’ont que l’apparence du rêve, dont ils ne font qu’emprunter les voies, à des fins autres, entièrement différentes ».
           
« Là, je ferai un rapprochement. Avec un fragment d’un roman qui n’a pas été publié, et qui risque de ne jamais l’être, Les Chats Bottés de Nicolas Bonnal, fragment qui fait état de l’apprentissage spirituel de Bérénice par Frantz l’initiant au langage des oiseaux, au mystérieux carmina galli, ‘langue angélique ou des états supérieurs de l’être’. »
« Le secret de tout n’est-il pas là ? À travers les noires broussailles, il y a un sentier oublié y menant. »
           
« … mais encore faudrait-il avoir au moins pressenti, si ce n’est déjà su comprendre en profondeur, quel est l’ultime mystère arthurien[3] du roman, de la ‘romance occidentale’ ; tâche gigantesque, suprahumaine, dévastatrice ; qu’l s’agit de poursuivre sur les confins glaciaires de la ligne de partage d’être et du non-être. »
«  (Je tiens de ‘Laurence de Saint-Germain’ que, pareille à un tumulus de la steppe cachant les restes d’un prince scythe anonyme, la ‘colline’ en pleine terre s’élevant au milieu de la belle cour intérieure de la ‘mason d’édition’ hantant mes rêves, garde secrètement de la jeune maîtresse française d’un général allemand violéee et assassinée, cher elle, par la ‘résistance’, l’été de 1943 ; celle-ci, fille des anciens propriétaires de l’immeuble, se serait appelée Marie-Christine, et l’on dit une messe en sa mémoire, à l’église Saint Thomas d’Aquin, toute proche, chaque 26 juillet[4], jour anniversaire de son supplice et de sa mort ; quand, parfois, se laissant surprendre à dessein, elle ‘apparaît’) »
           
« La littérature en action, arme occulte de la Parousie[5] »
           
« Cependant, aujourd’hui, ce 26 juillet, la canicule semblait avoir quelque peu cédé. J’y pressens un signe menteur, le pire est sans doute encore à venir. Dans toute ma vie, ce qui m’est arrivé d’extraordinaire, c’est à chaque fois en juillet que cela s’était passé. Sans aucune exception, toujours en juillet. »
           
C’est  ainsi qu’en 2007, ma maman est morte le 19 juillet, a été enterrée le 22 juillet (et je tiens ici à remercier mes amis Jacqueline De Beukelaer, Michel Cuykens et que le 26 juillet, jour de mon
           
« … je l’avais chérie comme une Yvonne de Galais[6] ‘glissant près des étangs’, comme l’ombre d’une jeune princesse du haut moyen-âge réincarnée clandestinement en ce temps de dépravation sans bornes, de misère et de honte abjectissimes ».
           
« Par rapport au non-être, lêtre sera toujours en situation de ‘camp retranché’. Ce n’est qu’en se reournant sur lui-même, séparé de tout ce qu’il n’est pas, que lêtre peut faire face à l’encerclement du non-être. Car l’être se trouve en permanece encerclé par le non-être[7] ».
           
Après, comme je l’ai dit, avoir dépassé les cent premières pages, « … je commençais à pouvoir mieux déchiffrer les arrangements occultes qui s’étaient mis en marche aurour de moi à partir de l’instant où je m’étais trouvé brusquement happé dans la ‘voie sans retour’ de l’allégeance à la centrale conspirative inconnue qui, depuis ‘l’autre monde’, menait si étroitement le jeu dans lequel je me voyais à présent engagé : tout à fait malgré moi, au départ ; mais, depuis,m’étant de plus en plus laissé prendre. » Exactement comme moi.
            « Des ‘portes induites’[8] il y en a, certainement, d’autres au monde ; mais pas autant qu’on pourrait le croire, et même bien moins, la plupart s’étant refermées avec l’obscurcissement accéléré des temps actuels ; et quand il n’y en aura plus aucune, c’est que la fin sera imminente, et sans doute déjà là. »
           
« L’amiral avait raison, avec l’apparition de ‘Régine’ et de Louis au ‘Manoir des Roses’, apparition imprévue, et soudaine s’il en fut, notre combat entrait vraiment dans sa « phase finale’. Ce qui impliquait que, désormais, il nous faudra de plus en plus agir, ou faire agir à visage découvert, accepter toutes les conditions de l’action politique directe, action d’encadrement idéologico-organisationnel et de sur-activation permanente des groupes disposés – que nous allions prédisposer nous-mêmes – à s’engager à nos côtés, totalement. Car à nouveau la dialectique tragique destinée à ramener les masses sous l’influence irrésistible des minorités agissantes viendra à battre son plein, sans trêve ni aucune échappatoire. Aucune. »
           
« Mais une reine de France est faite pour être adorée, et celle-ci plus que n’importe quelle autre. Il faut aussi, pour que l’on puisse mieux comprendre les choses, que l’âge qui paraissait être celui de ‘Régine’ n’était pas du tout celui qu’elle avait la veille de la date fatale du 16 octobre 1793, mais celui de ses 25 ou 28 ans. »
Dans ce roman, qui est, en réalité, plus un Journal qu’un Roman, Jean Parvulesco nous promène de lieu en lieu, de Suisse, en Vaucluse, en Berry, à Paris, en Vendée, en Italie. Il nous parle de plusieurs personnages, il est, en réalité un fabuleux metteur en scène, connaissant à merveille l’art du play back. Jugez-en :
           
Coire[9], « ville chère, très chère à mon cœur, avit été la première ville impériale qui avait reçu et salué Frédéric II Hohenstaufen, ses étendards et ses oriflammes, avec une ardeur annonçant les sommets lumineux, enflammés du bref Regnum Sacrum qui allait venir, et qui restera dans l’immémoire abyssale des nôtres comme la dernière grande saison d’ensoleillement cosmique de l’histoire occidentale du monde (…) Oui, je souviens de la ville de Coire, de la secrète ville de Coire, comme si j’y étais encore, où pour la première fois j’avais respiré l’air vivifiant et bûlant, le très limpide air d’une ‘zone libérée’. L’air de la ‘Citadelle de l’Ardente Foi’. »
           
« … je l’ai traversée, moi aussi, ma ‘Saison aux Enfers’, je les ai connus, les Enfers, et j’ai vu que ce n’était quand même pas grand-chose ; la Foi sera toujours plus forte que tous les Enfers ; il suffit d’avoir la vraie Foi, ou que la Foi vous ait vraiment… ».
La Foi chrétienne et le rêve d’un Impérium sont les points forts de ce livre.
           
« Pour nous autres, l’Impérium Ultimum devra être constitué, dans sa première phase historique, par l’intégration impériale finale de l’Europe de l’Ouest, de l’Europe de l’Est, de la Russie, du Tibet, de l’Inde e du Japon. Impérium Ultimum axé également – il n’y a pas ‘dEmpire Final’ sans une nouvelle ‘Religion Finale’ – sur la réintégration des deux grandes religions européennes, le catholicisme et l’orthodoxie, le protestantisme ne comptant pas, en une seule ‘Religion Impériale Finale’, à laquelle viendront s’adjoindre – dans le cadre de ‘l’Empire Eurasiatique de la Fin’ – d’une manière ou d’une autre, le ‘grand shintoïsme japonais et le ‘grand hindouisme’ indien de la fin. »
Jean Parvulesco n’hésite pas à faire figurer le pape Jean-Paul II dans son Journal :
           
« D’une voix toute basse, et lente, mais sans aucune interruption, le Saint-Père en vint ensuite à dresser, devant nous, la vision du ministère occulte, du ministère eschatologique final de la France, d’une certine ‘France Secrète’, ministère concernat les destinées de l’ensemble de la civilisation chrétienne européenne, Russie y comprise, à part entière. (…) afin que l’Europe puisse revenir à son identité totale retrouvée – à la fois antérieure et ultime, ‘finale’ – à sa double identité ontologique, sacrée et impériale.»
           
« Et j’ai retenu aussi, entre bien d’autres, une fort saisissante confidence du cardinal A.T. sur Jean-Paul II, lequel, miraculeusement échappé à la mort lors de l’attentat contre sa personne de la Place Saint-Pierre, le 13 mai 1981, et croyant intraitablement à une intervention, ce jour-là, en sa faveur, de Notre-Dame de Fatima, aurait proposé aussitôt à la Vierge un ‘pacte de survivance commandé’, pour qu’Il soit ‘maintenu en vie’ jusqu’à ce qu’Il finisse par vraiment pouvoir ‘accomplir sa mission’ ; ‘jusqu’au bout’. Mais de quelle mission s’agissait-il ? Peut-être celle de la réintégration finale du catholocisme et de l’orthodoxie dans une seule ‘religion impériale’, faisant suite à une future œuvre de ‘nouvelle évangélisation’ du contient européen dans son ensemble, œuvre poursuivie, en profondeur, et qu’il faudra totalement achever, tant en Europe de l’Ouest qu’en Europe de l’Est. »
           
« Et tout cela pour qu’il finisse par me confier en continuité que Jean-Paul II ne déserpérait pas de nourrir, au fond de Lu-Même l’ardent désir – toujours, pour le moment, profondément caché – d’arriver, un jour, à pouvoir procéder, personnellement, à la canonisation finale de Louis XVI et de la famille martyre de celui-ci. La mystérieuse ‘réapparition’ de ‘Marie’ et de son fils ‘Louis’ ayant, cependant, suspendu le processus de cette canonisation secrètement en cours d’émergence à la lumière du jour ».
           
« Et il y avait même bien plus encore : à ce qu’il semblerait, le Saint-Père commençait à se laisser convaincre par deux de ses ‘conseillers secrets’ -- un espagnol et un ukrainien – de l’éventualité à envisager, un jour, de la canonisation de Corneliu Codreanu, le chef de la Légion de l’Archange Michel. »
De Rome, nous passons, sans transition, dans le Cher :
           
« Jusqu’à ce que nous rencontrâmes, devant nous, soudain le cours de la Louque, et que je ne sais pas comment nous escaladâmes, ensuite – mais comment avions-nous pu passer la Louque – la haute pente abrupte remontant vers le village de Lignière. »
« Ne jamais croire aux apparences, au grand jamais. Toutes les apparences, même les plus apparentes, sont fausses ; toujours. »
« … dans les ténèbres cosmologiques immenses d’un monde réduit actuellement à la totale mainmise subversive, sur lui, du non-être, une ‘toute petite flamme’ persiste donc néanmoins à luire, qui est celle du feu sacré de l’être qu’entretiennent encore les derniers groupements engagés à perpétuer clandestinement le souffle vivant de ce qui n’est déjà plus… or, c’est bien de cette perpétuation disqualifiée, à peine symbolique, de ces restes sacrés, de ce qui n’est déjà plus, ou déjà presque plus, que devront surgir les avancées abyssales du futur renouvellement cosmologique, s’affirmer le mystèreagissant d’un prochain retour de l’être, et de ce futur surgissement de l’être c’est à nous autres qu’il appartient d’assurer, de mener et de conduire en avant la marche révolutionnaire de son avènement souterrain… et cela en reconstruisant, dans l’invisible,une ‘nouvelle centrale de l’être’, une ‘forteresse ontologique occulte’ devant fournir le ‘lieu-même’ du futur achèvement de celui-ci, le ‘lieu même’ de sa propre émergence, d’où tout recommancera (…) il nous faudra donc faire œuvre de surhommes… or je pense que, secrètement, nous sommes déjà des surhommes à l’œuvre…(…) in nous revient à nous autres d’instituer, révolutionnairement, le Règne à venir, le Regnum Sanctum.»
           
« Et si, quelque part, le double domaine du visible et de l’invisible n’en faisait qu’un? »
Comme l’écrit si justement Frederick van Eeden : Le soleil accepte bien de passer par de petites fenêtres.  Et Jean Parvulesco d’affirmer : « À la fin, ce qui commande tout, c’est l’héraldique. »
           
« Pour des raisons que j’ignore, Manuel de Richter semblerait s’intéresser beaucoup aux Bourbons-Parme. Il est par contre animé, et à juste titre, je crois, d’une véritable haine à l’égard des Orléans. »
           
« Si le supérieur commande à l’inférieur, par le retour sur nous-mêmes et le ‘changement de régime’ que ce retour implique, nous fournirons, Marie et moi, au combat actuel des nôtres pour la promotion impériale finale du ‘Grand Continent’ eurasiatque, ses dimensions trnzdcendantales suprêmes,’polaires. (…) Car c’est l’actuelle ‘conspiration cosmique’ (…) qui décidera du prochain renversement de ce monde et de l’avènement du Regnum Sanctum, de son établissement imépérial révolutionnaire (…) Désormais, tout est renversement, même si celui-ci n’apparît pas encore en pleine lumière du jour. »
           
« …je me demandais (…) ce qu’il fallait penser (…) de la récente escapade à l’hôtel Le Coq de Bruyère, chez Julie Landrève, au village de Lignières, sur la frontière secrète du Vieux Pays[10] (…) à l’intérieur même du Vieux Pays, de l’autre monde. »
           
« Une certaine littérature agit par en dessous sur les développements de la ‘grande histoire’ dans sa marche en avant, détient un pouvoir propre d’irradiation transcendantale qui intervient à part entière dans les plus secrets combats de l’être contre les conspirations du non-être. »
Me vient ici en mémoire cette citation de Cicéron : L’histoire est le témoin des temps, la lumière de la vérité, la vie de la mémoire, l’institutrice de la vie, la messagère de l’antiquité.
           
« À l’heure présente, le Vaucluse se trouve travaillé par en dessous par des forces tout à fait considérables, encore inconnues – non identifiables encore, mais, qui, bientôt, le seront pleinement – dont le tumulte à couvert annonce des redoutables orages, des rensversements à la fois inattendus et suprêmement décisifs. »
           
Je me permets, ici, une citation de Guy Rommand, 10 octobre 2007 dans : www.lesmanantsduroi.com
 « … la Bléone qui rejoint à Digue le cours moins trouble de la Durance »
Revenons à Jean Parvulesco et à ses mots sur le Vaucluse où je troovais il y a deux mois à peine.
           
« Mais je n’y ai pas coupé, je me suis quand même mis à étudier le dossier en cours de constitution du ‘nouveau pouvoir du Vaucluse’ (…) {qui} s’appuierait fondamentalement sur une action révolutionnaire métapolitique occulte, action déjà en cours dans la région (…) ‘conspiration des Bories’, du nom du village ‘archaïque’, ‘paléolitique’ des Bories, situé à quatre kilomètres de Gordes[11]. (…) Ce ‘nouveau pouvoir du Vaucluse’ contrôle donc la totalité du Midi de la France, l’ensemble de sa côte méditerranéenne ; un contrôle pour le moment encore souterrain, et qui entend le rester ; mais jusqu’à une certaine date seulement, que l’on ignore, nous autres. »
           
« L’apparition, pour le moment encore spectrale, de ce que nous appelons à présent le ‘nouvel ordre du Vaucluse’ serait ainsi un signe avant-coureur de la prochaine émergence historique -- et de toutes les façons suprahistorique aussi – de notre propre Imperium Ultimum, du Regnum Sacrum de la nouvelle Grande Europe impériale continentale, ‘eurasiatique’. »
           
«  (…) au ‘nouveau pouvoir du Vaucluse’ devant répondre, en temps dû, l’établissement analogued’un ‘nouveau pouvoir en Alsace’, ou en Vendée, ou dans le ‘Grand Paris et la région parisienne. »
           
« C’est dans le Vaucluse que, aujourd’hui, se forgent secrètement les prochaines destinées millénaires de la plus Grande Europe continentale, eurasiatique (…) alors qu’ (…) à Avignon, une association fort active, ‘Les étudiants du Vaucluse pour le Tibet Libre’[12]  (…) ce qui se passe dans le Vaucluse est une forme tout à fait nouvelle de la dialectique essentiellement révolutionnaire des ‘minorités agissantes’. (…) Et tout cela comme si de rien n’ééétait ; dans le Vaucluse, l’invisible intervient directement. Cela par une relation particulière entre les cieux et les humains. »
           
« La voûte étoilée au-dessus du Vaucluse a certainement quelque chose de particulier, des arrangements chiffrés, des figures théurgiquement actives ayant un ministère secret, aux répondants cosmiques inouïs. Toute rencontre faite dans le Vaucluse, n’est-elle pas réputée définitive ? Et cela depuis des temps immémoriaux ? »
           
« Et j’ai aussi l’impression que tôt ou tard, il faudra que l’on se résigne à envisager l’intégration des deux zones de problèmes qui nous mobilisent tous actuellement : celle de nos survivants royaux, ‘Marie-Antoinette’ et son fils ‘Mgr[13] Louis’, et celle du ‘nouveau pouvoir du Vaucluse’ ».
« Dionysos serait-il en train de renaître dans le Vaucluse ? »
           
« … dans le Vaucluse le Groupement d’Action et de Recherche Géopolitiques Avancées, organisation contre-stratégique supranationale engagée à promouvoir l’intégration impériale révolutionnaire de la plus Grande Europe continentale, ‘eurasiatique’, suivant la doctrine g éopolitique d’avant-garde de l’axe ParisBerlin-Moscou- New Delhi – Tokio ». Mon ami Robert Steuckers appréciera.
           
Puis, Jean Parvulesco étend son réseau à la France entière :
           
« Or, dans l’état actuel de la situation politique de la France, Jean d’Altavilla savait pouvoir compter sur environ treize instances opérationnelles actives, ou plut^to activées, qu’il s’avouait en état de tout de suite intégrer au Projet l’Archipel : compter, donc, sur le ‘Manoir des Roses’, tout comme sur le ‘nouveau pouvoir du Vaucluse[14]’, et la ‘Vendée souterraine’ ; sur les organisations national-révolutionnaires en place en Bretagne et en Alsace ; sur la ‘forteresse’ du Coq de Bruyère, le village de Lgnières ainsi que, à travers celui-ci, sur le ‘Vieux Pays’[15], sur le point, peut-être, d’émerger à l’histoire visible ; sur la centrale de Rennes-le-Château, qui n’est pas celle que l’on pense : sur la nébuleuse du ‘groupe’ de l’Étoile Vénisienne dirigée par Armando Weill ; sur des ‘groupes’ secrètement organisés de paras, de nageurs de combat, des ‘forces spéciales’ ; et, enfin, dur des fractions activistes secrètes avancées de la police, RG et DST ; sur d’importants élémentys de la gendarmerie, dont un nombre considérable[16] de cadres supérieurs. La France, à l’heure actuelle, se trouve en fait, dans un état de révolution immédiat et avancé, tout en l’ignorant complètement : c’est ainsi que ces choses-là se passent, toujours.De chacune de ces instances déjà en action, mais en action, pour le moment, séparément, chacune plus ou moins pour son propre compte, Jean d’Altavilla allait donc s’efforcer, dans un premier temps, de dégager des dirigeants spécifiques de la trempe d’un Richard Kitaeff, d’un Hubert de Salm, d’un Armando Weill et, une fois ceux-ci identifiés sur place, les intégrer dans un ‘conseil unitaire de commandement’ devant constituer l’ infrastructure opérationnelle spéciale du projet l’Archipel. Avant de passer réellement à l’action, le ‘Manoir des Roses’ entedait établir un réseau souterrain d’influences et de contacts lui garantissant le contrôle à couvert de l’ensemble de l’espace sur lequel il allait avoir à exercer son pouvoir révolutionnaire nouveau, avant que le projet l’Archipel ne soit à même de pouvoir prendre les choses en main pour son propre compte. Avant la tombée définitive des marsques et sachant que l’espace sur lequel le ‘Manoir des Roses’ comptait exercer complètement son pouvoir était celui de la France. Pour commencer, parce que le but final concernait l’espace géopolitique[17] propre de la plus Grande Europe à l’ordre de la ligne impériale Paris-Berlin-Moscou[18]-New Delhy[19]-Tokyo. Pour la plus grand Europe, il fallait enclencher le travail à faire par la mise en œuvre du processus d’intégration politique otale de la France et de l’Allemagne, qui ne devront plus constituer qu’un seul État, en attendant aussi, que celui-ci vienne se trouver intégré dans la plus Grande Europe continentale impériale, ‘eurasiatique. »
Le samedi 1er décembre 2007, au Château Coloma, Alain Soral, Eddy Hermie, Pierre Vial, Hervé Van Lathem, Alian Escada, Robert Steuckers et Kris Romans ont, les uns et les autres, différemment, parlé dans ce sens à l’invitation de Georges Hupin. Au solstice d’hiver, le vendredi 21 décembre 2007 au Cercle des Renards, Pierre-Émile Blairon ajoutait sa pierre à cet édifice. Le samedi 22 décembre 2007 au pied du Mont des Cats, Robert Steuckers en évoquant l’histoire et l’actualité de l’Iran évoquait Alexandre le Grand et son Emprie.
           
« Les Richter croyaient que seul le rétablissement ontologique, révolutionnaire et nuptial, d’un ‘centre polaire absolu’ – d’un nouveau ‘centre polaire absolu’ – du monde et de l’histoire permettrait que l’on retrouvât le souffle, la lumière vive et le règne reconnu pour ce qu’il est à travers ce qu’il n’est pas. »e originel de lêtre, ce qui ferait alors que le sens de l’histoire en sera renversé, et le monde changé dans son entier, définitivement. Alors que Jean d’Altavilla, lui, pense, au contraire, qu’il fallait commencer par renverser révolutionnairement le sens de l’histoire, changer la face du monde et jusqu’aux états mêmes de la condition humaine ; et qu’ensuite seulment pourrait se poser effectivement le problème du retour à l’être. Autrement dit, les Richter entendaient agir nuptialement sur l’Esprit pour changer l’histoire, et Jean d’Altavilla changer l’histoire pour aboutir au retour de l’Esprit, pour qu’un accès nous soit à nouveau donné vers le Règle de l’esprit, vers le Regnum Sanctum. Quant à moi {Jean Parvulesco}, je suis persuadé que pour arriver au Sanctum, il faut que le ‘Manoir des Roses’ ait simultanément recours aux deux positions antagonistes : utiliser l’Esprit pour changer l’histoire, et changer l’histoire pour retrouver l’Esqprit. »
           
« Quel est le ‘signe de feu’ selon lequel on doit pouvoir reconnaître la véritable identité du ‘prince providentiel’, de son émergence de l’au-delà ? C’est que, lors de son apparition – lors de sa présentation – tout le monde doit se rendre, comme par miracle à l’évidence incontournable de son ‘identité providentielle’. Il sera donc ‘celui que l’on attendait’, parce qu’il apparaîtra d’emblée et tout à fait indéniablement, comme ‘celui que l’on attendait’, et que personne ne pourra en aucun cas douter de cela. Et ce sera, alors, précisément le cas de celui qui apparaîtra comme le ‘prince de la Forêt de Fontainebeau’, et qui sera, en réalité, Mgr Louis, gardant en lui, occultement, l’identité providentielle du ‘sauveur attendu’ et qui, comme tel, sera reconnu pour ce qu’il est à travers ce qu’il n’est pas. »
Ici, une citation de Bernard Werber : Nous ne sommes que des grains de sable mais nous sommes ensemble. Nous sommes comme les grains de sable sur la plage mais sans les grains de sable la plage n’existerait pas.
           
« Une chose m’apparaît, et d’affirme comme absolument certaine : il n’y a pas, il ne se peut en aucun casqu’il y ait un ‘Nouvel Empire’ total –l’Imperium Novissimum – sans une ‘Nouvelle Religion’ impériale, émanation et fondation active de celui-ci. »
           
« … épousailles (…) se trouvant ainsi orientées non pas vers un certain passé révolu, mais, au contraire, vers un certain avenir non encorte advenu ; mais qu’il faut quand même tenir, désormais, pour imminent. C’est ce j’appelle, moi, le ‘décalage en avant du Vaucluse ». »
           
« Louis voit en lady Laura l’incarnation providentielle du Regnum, le soleil rayonnant de la conclusion eschatologique de ‘histoire, de ‘l’histoire à sa fin’ … il faut que vous sachiez reconnaître en Louis le ‘concept absolu’ de la révolution impériale grand-européenne, l’homme du Regnum Christi… il est un héros mystique, la réincarnation – en quelque sorte – d’un chevalier du haut Moyen-Âge, un homme secrètement transmuté, e qui le mystère transcendantal, ‘divin’, de sa race est parvenu à définitivement s’accomplir… il a été fait par la Divine Providence pour être ce qu’il est… pour vos ‘grands desseins conspirationnels suprahistoriques’, vous ne pouvez pas trouver mieux, et là tout est dit… »
Alphonse II, n’a-t-il pas déclaré  le 18 avril 1986 : Je n'ai pas choisi d'être l'aîné, mais je dois conserver allumée une flamme qui vient du fond des âges, c'est-à-dire du baptême de Clovis, du couronnement de Charlemagne et de l'élection d'Hugues Capet, il y a pour ainsi dire mille ans. C'est une flamme qui a éclairé le monde et qui pourrait rendre bien des services à nos contemporains.
Et Parvulesco de préciser sa pensée :
            « Et comment aurais-je pu ne pas me laisser convaincre par un être qui, en réalité, est une ‘Étoile’ ? Je le sais, une étoile limpide et scintillante, logée au cœur même du firmament qui se tient au dessus de nous (je dévoile là un grand secret).[20] »
           
« Ils ne savent pas ce qui les attend les détenteurs en place de l’actuel pouvoir politico-historique de ce monde, les ‘puissants du jour’. Mais nous autres, déjà, nous le savons. Parce que c’est bien à nous autres qu’il revient d’agir à présent, d’assumer opérativement l’immense tournant politico-historique, culturel et spirituel, religieux qu’il faut déjà tenir pour imminent, et qui représente le renversement révolutionnaire total de l’actuelle conjoncture planétaire finale. Le monde rt son histoire en cours devront changer jusqu’à ce que leur contraire suraffirmé vienne à s’installer inconditionnellement à la place de ce qu’ils avaient été jusqu’à présent, l’héritahe de la soi-disant Révolution Française définitivement anéanti. Attention donc : pour nous autres, l’heure de l’action est venue, l’heure de l’action révolutionnaire ‘ultime et totale’. Désormais, pour nous autres, c’est une question de jours, voire même une question d’heures. »
           
« … je peux même me charger personnellement à organiser votre visite dans le Vaucluse, et je peux également vous dévoiler que l’on m’a effectivemment demandé de le faire… et par la même occasion, je vous livre aussi l’information -- à mon avis extraordinairement significative – selon laquelle l’actuel Père Abbé de Sénanque est le demi-frère cadet du ‘Tono’, du ‘Seigneur’ de la grande confrérie initiatique ultra-secrète japonaise de la ‘Cime Polaire Resplandissante’, la Hokkayoko no mabushii ch_oj_o … et que bien c’est l’actuel ‘Tono’ de la Hokkayoko no mabushii ch_oj_o (…) qui l’a instruit dans les doctrines opératives de la confrérie, et lui a fait confier les pouvoirs occultes considérables qui s’y attachent… vous voyez donc comme tout se tient… »
           
« … celui-ci est sur le point d’établir l’emprise révolutionnaire souterraine sur l’ensemble du Vaucluse. »
           
« Dans ce qu’il est désormais convenu d’appeler le ‘Vieux Pays’, Hubert de Salm vient de réussir non seulement à établir d’une manière inconditionnelle son propre dispositif d’emprise souterraine politico-historique sur place, tant dans le ‘Vieux Pays’ lui-même qu’outre Louque, dans le village libre et les bois de Lignières, mais aussi à obtenir la reconnaissance implicite de cette situation de fait de la part de certaines puissances politiques européennes. »
           
« En même temps, en Vendée – en ‘Vendée Libre’[21] – les choses prennent de plus en plus une allure ouvertement ‘insurrectionnelle’. Le 21 janvier 2005, (…) huit cents personnes ont manifesté, à midi, sous un vaste déploiement de drapeaux blancs à l’effigie du Sacré Cœur Rouge (…) manifestation placée sous le signe du retour en force de la vendée – de la Vendée Secrète – à la monarchie catholique et traditionnelle, intégrée dans la plus Grande Europe engagée autour de l’axe géopolitique Paris-Berlin-Moscou. « 
           
« Tout est en place, tout est prêt, tout se tient : il ne manquera donc plus que seule l’apparition du ‘prince providentiel’ pour que la super-déferante révolutionnaire finale des nôttres l’emporte. Définitivement.(…)  Finalement, l’heure est là, le piège se referme, le piège cosmique tendu par les nôtres. Le ‘prince providentiel’ se trouve déjà dans la Forêt de Fontinebleau. Tout comme l’Étoile du Nord dans la Grande Ourse. »
           
« Quand l’heure viendra, le ‘prince providentiel’ se déclarera comme tel, ouvertement, et de par cela même il sera immédiatement reconnu, par tout le monde, pour ce qu’il est, et la déferlante révolutionnaire des places-fortes constituant l’Archipel contre-stratégique européen grand-continental souterrainement mis en place par nous autres l’emportera sur tout, balayant tout devant elle, et l’Empire Européen de la Fin se trouvera ainsi installé, dans la grande histoire ainsi que dans dans l’histoire d’au-delà de l’histoire. Ensuite ‘d’autres temps viendront’. »
           
« Mais il se fit aussi que, à force de le regarder, moi aussi, de mon côté, attiré avec force par son visage, il commença à m’apparaître de plus en plus comme si je le connaissais déjà, comme s’il eût pu m’être en quelque sorte familier, je ne sais pas d’où ; ni comment ; pour qu’à un certain moment d’un seul coup, j’ai su voir qu’il ‘avait la tête de César‘ ; que lui-même, c’était César ; que c’était bien une apparition de Khaesar qui se tenait là devant moi ; c’était donc ça le secret de sa personnalité, du trouble provoqué par sa présence, par son extraordinaire prédestination pressentie ; par ses pouvoirs magnétiques voilés, par son aura si insoutenablement intense. Difficilement croyable que tout cela. Nous attendions secrètement un César, et maintenant il était là, à table, devant nous. C’est ainsi que j’avais compris que les temps étaient venus. »
J’avoue que je suis impressionné : César, Arthur, les grands parmi les grands, et maintenant Louis (celui de Sire de Jean Raspail ou celui de Jean Parvulesco, peu importe). Quel bonheur !
Ivan de Duve, 30 décembre 2007
Jean Parvulesco
Dans la forêt de Fontainebeau
Alexipharmaque
ISBN : 978-2-9525875-6-3
EAN : 9782952587563

De Nicolas Bonnal, lire, entre autres, Le voyageur éveillé, Les Belles Lettres, 2002 (ISBN 978-2251442235)
Francis Parker Yockey Le prophète de l’Imperium Éditions Avatar, ISBN 0-9544652-3-7
Sur le grand roi Arthur, voir notamment :
Jean Mabire
Thulé
Robert Laffont
Réédition : Pardès
Jean Mabire
Godefroy de Harcourt
Les éditions du Lore
Jeanne Bourin
Le grand feu
La Table Ronde
Anne Dudant
Le Cycle d’Harold, Chevalier de la Table Ronde et Guerrier Impie
Édition Nox, Vielsam, Belgique
Gillian Bradshaw
La légende arthurienne
Nestiveqnen

00:05 Publié dans Jean Parvulesco | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, lettres, livre, france, europe | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 22 juillet 2008

Les lignes de fracture du système

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Romain LABARCHEDE:

 

Les lignes de fracture du système

 

C'est un lieu commun rebattu : les idées mènent le monde. Cette explication simpliste mérite quelques précisions : quelques idées sont plus agissantes que d'autres, quant au plus grand nombre, elles ne mènent rien du tout, et souvent, elles mènent nulle part, tout au plus elles marginalisent quelques illuminés. Pourquoi telles idées ont mené le monde à une certaine période pour tomber dans l'oubli peu après ? Vérité d'hier se révèlera erreur aujourd'hui…

 

Réduites à elles-mêmes, les idées ne sont rien, ne produisent aucune action, si elles se répandent, se propagent, ce n'est pas de leur seul fait : elles doivent s'incarner. Plus simplement, tant qu'une idée, bonne ou mauvaise, ne trouve pas un corps pour la servir, elle demeure sans effet. D'où l'importance des hommes avec leurs qualités propres.

 

Que peuvent-ils, à leur tour, sans stratégie, sans tactique, sans mode opératoire, sans méthode et sans plan d'action ? Que peuvent-ils, même les plus courageux, s'ils ne tiennent qu'accessoirement compte des circonstances, des évènements, des forces en présence ?

 

La pertinence des idées, la qualité des hommes : des dirigeants et des exécutants, la lucidité des analyses, l'opportunité des méthodes et du plan d'action, tous ces éléments concourent à la réussite ou à l'échec des opérations. Aujourd'hui la météo idéologique est moins perturbée qu'à l'époque de la guerre froide, où le monde dit libre s'opposait au monde du prolétariat, les affrontements forts d'hier sont terminés puisque hors sujet.

 

Après l'implosion du modèle communiste, le libéralisme économico-politique n'a plus de concurrent idéologique, il est en situation de monopole. Serait-ce la fin des idéologies ? Bien évidemment non, il est facile de constater la convergence des deux courants hégémoniques dans un discours commun qui satisfait le plus  grand nombre. Droite et gauche se sont recentrés, adoptant pour l'essentiel les mêmes objectifs avec des nuances quant aux moyens.

 

L'idéologie dominante repose sur deux principes :

 

-l'individualisme, l'individu est plus important que la communauté à laquelle il appartient.

 

-l'égalitarisme, tous les hommes sont égaux.

 

Ces  principes de base peuvent se décliner en version plus ou moins forte ou plus ou moins douce, chacun accommodant à son goût. Cette idéologie dominante est instrumentalisée par la classe dirigeante pour asseoir son pouvoir et légitimer ses actions.

 

Au début des années 1750, Jean-Claude Vincent de Gournay, homme d'affaires et inspecteur des manufactures, était convaincu que le meilleur moyen de maximiser les ressources matérielles et humaines de la Nation était de : laisser-faire les hommes, laisser-passer les marchandises. Il ne visait alors que le domaine économique.

 

Aujourd'hui, c'est la règle générale qui prévaut dans tous les domaines : politique, social, religieux, culturel, familial, il est interdit d'interdire ! La déesse Permissivité fait perdre la tête et la raison aux élites. Dans notre antique mythologie , Jupiter ne fait-il pas perdre la raison à ceux dont il a juré la perte ?

 

 I      le système occidental

 

Ces précisions liminaires fournies, il convient d'appréhender le monde tel qu'il est, et non tel que l'on voudrait qu'il fût. Qu'est-ce que le système occidental?

 

Comme nous l'avons écrit dans Orientations pour un mouvement politique effectivement opérant, paragraphe les complotistes, nous ne croyons pas au complot mondial, obéissant à un mystérieux chef d'orchestre, ordonnant par relais hiérarchiques, l'application d'un plan établi et connu des seuls initiés. L'homme est un être social, (zoon politikon -Aristote) mais il est aussi un prédateur insatiable, (homo uomini lupus, l’homme est un loup à l’homme) ce qui le rend capable du meilleur comme du pire. La force essentielle du capitalisme, c'est qu'il satisfait toutes les pulsions et les besoins de l'homme ( de tous les hommes, bons ou mauvais ) sans qu'il y ait un quelconque accord sur une fin. Chacun trouvant son bonheur dans ce qui lui est agréable sur le moment.

 

Selon Tchakhotine, les quatre instincts primordiaux de l'homme sont :  l'agressivité, l'intérêt matériel immédiat, la sexualité et le besoin de conformité-sécurité. Le système capitaliste satisfait simultanément ces quatre instincts, chacun prenant ce qui lui convient au moment désiré. Les jouisseurs s'épanouiront dans l'hédonisme, les prédateurs dans la concurrence, les profiteurs dans la spéculation, les grégaires dans la consommation, chacun pouvant à sa guise satisfaire un instinct, pour ensuite en satisfaire un autre ; le profiteur devient jouisseur puis prédateur etc…Retenons que dans la plupart des systèmes vivants, ce sont les prédateurs qui dominent et marquent les mutations de chaque système.

 

Oswald Spengler, dans son ouvrage le plus connu : le déclin de l'occident évoquait le vieillissement des cultures et des civilisations, mais le titre est regrettablement ambigu, car qu'observons-nous aujourd'hui, sinon l'hégémonie du monde occidental, du style de vie occidental ? Ce qui apparaît clairement, c'est le déclin du vieux continent Européen en tant qu'espace politico-culturel homogène, alors que le système occidental connaît une hégémonie quasi planétaire, jamais observée auparavant. Les nations Européennes sont aux ordres des Etats-Unis d'Amérique qui imposent et nourrissent leur domination :

 

-         au moyen de la morale des droits de l'homme, excellent instrument d'intervention médiatique à géométrie variable,

 

-         au moyen du droit d'ingérence en usant et abusant de la force militaire ( guerre du golfe, kosovo, Afghanistan…),

 

-         au moyen de la logique du marché comme régulateur majeur : globalisation économique,

 

-         au moyen de la diffusion planétaire d'une sous-culture de masse qui abrutit les cerveaux et amollit les consciences.

L'american way of life c'est la voie de la mort douce pour ceux qui n'ont pas la volonté de conserver leur identité.

 

L’Occident, bien que réalité planétaire, demeure un ensemble flou, recouvrant des réseaux, des espaces, des cultures, et des civilisations disparates. Il regroupe des sociétés diverses, organisées en cercles d’appartenance concentriques, ayant au centre un noyau dur qui alimente la périphérie : le modèle américain.

 

Dans « l’Occident comme déclin » paru en 1984, ed. du Labyrinthe, donc avant la chute du mur de Berlin et l’implosion du bloc soviétique, Guillaume Faye distinguait :

 

- des nations très occidentales : USA, Grande Bretagne, Europe du Nord,

- des nations moyennement occidentales : France, Italie, Espagne, Grèce,

- des nations en voie d’occidentalisation : Russie, pays de l’Est Européen,

- enfin des nations peu occidentales : Iran, Afghanistan.

 

A l’intérieur des pays dits en voie de développement, l’élite dirigeante, fortement occidentalisée, souvent coupée de sa culture originelle, est en rupture d’identité. Le peuple ne se reconnaît plus dans sa classe politique, les éléments les plus radicaux s’orientent vers des mouvements fondamentalistes. Dans un entretien accordé au quotidien Sud-Ouest, le 26.09.01, Mariam Abou Zahab, politologue  qui enseigne l’histoire de l’Afghanistan et du Pakistan aux Langues Orientales à Paris, répond à la question : Pourquoi un tel décalage entre le gouvernement et l’opinion ?

 

« le fossé entre l’élite et la rue à propos de l’Amérique n’est pas neuf. Le Pakistan est totalement schizophrène : la bourgeoisie envoie ses enfants dans des universités américaines, la jeunesse singe le mode de vie yankee, et tous tiennent en même temps des propos violemment antiaméricains. Les gens ne sont pas conscients de cette contradiction. » Cette remarque pertinente convient à nombre de pays traditionnellement musulmans, avec tous les risques de dérives que nous savons.

 

L'Occident représente l'ouest, point cardinal du coucher de l'astre solaire. Pour Raymond Abellio, le modèle californien constitue l'essence et l'épicentre de l'Occident, ouest extrême, symbole d'une civilisation crépusculaire et vieillissante, où la lumière déclinante du jour fait place progressivement à l’obscurité de la nuit. L'astre renaissant, vainqueur des ténèbres, apparaîtra à nouveau par l'Orient, la lumière reviendra par l'Est.

 

La renaissance du Grand Continent Européen se réalisera en union avec les terres et nos frères de la Nouvelle Aurore.

 

II       Géopolitique Anglo-saxonne

 

Jean-Gilles Malliarakis dans « Yalta et la naissance des blocs » éd. Albatros,1982, remarquable synthèse sur cet épisode historique, écrit : «  Pour comprendre l’attitude de Churchill, on doit se reporter aux considérations fondamentales de la Grande Bretagne. Celle-ci disposait d’un empire aux dimensions de l’univers, un empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais. Contrairement aux territoires rassemblés par la France , plus coûteux à féconder que profitables à exploiter, les colonies britanniques étaient essentiellement rentables. Le grand problème était évidemment de maintenir les liaisons entre Londres et Honk-Kong, la fameuse route des Indes passant par Gibraltar, Malte, Chypre, Suez et Aden. En Europe centrale et orientale, les intérêts anglais n’étaient pas considérables mais il fallait à tout prix empêcher les Russes d’accéder à la Méditerranée. Il suffisait dans la zone des Balkans de garder la Grèce et de neutraliser la Yougoslavie. Tout le reste pouvait bien passer sous contrôle soviétique, Winston Churchill n’en avait cure. » p.149.

 

Ces lignes sont lumineuses, outre les événements politiques postérieurs qui ont confirmé l’exactitude de l’analyse, l’essentiel est mis en évidence : en politique internationale, seuls les intérêts géopolitiques prévalent, l’idéologie est un ornement qui semble opérant aux naïfs, ou à ceux qui se suffisent d’explications sommaires.

 

Zbigniew Brzejinski, stratège américain dévoile au grand jour les intentions géopolitiques et géoéconomiques des USA, tant ils sont sûrs de leur puissance. Il établit un double constat :

-         les USA sont la première puissance globale de l'histoire.

-         comme la maîtrise du pouvoir planétaire se situe en Eurasie, il faut par tous les moyens empêcher l'émergence ou l'unification politico-économique de celle-ci.

 

Les USA, possèdent le statut de puissance impériale, hégémonique et mondiale. Ils doivent progresser pour durer. Le problème à résoudre consiste à conserver le plus longtemps, le statut d'unique puissance mondiale. (monde unipolaire) Se référant aux travaux des géopolitologues Anglais du début du siècle,(Halford John Mackinder, Homer Lea) Brzejinski redoute avant tout l'émergence d'une puissance continentale pleine et entière (Eurasie), de même qu'il redoute une puissance asiatique, chinoise ou japonaise.

 

Pour empêcher l'émergence de ce continent unifié, il faut simplement :

-         théoriser l'élargissement de l'OTAN, en tant que bouclier face à l'hypothétique renaissance de l'hydre totalitaire.

-         réaliser le new silk road land bridge ( pont terrestre sur la nouvelle route de la soie ) qui maîtrise toutes les grandes voies de communication au cœur du continent et les accès du Caucase ou du Moyen-Orient. Ainsi le cœur de l'Asie est neutralisé, sous tutelle des USA.

 

Ce projet de pont terrestre sur la nouvelle route de la soie permet de contenir la Russie comme le préconisait Mackinder en 1904, lors de l'inauguration du Transsibérien et en 1919, lors de la victoire des bolcheviques. Contenir la Russie et briser l'unité de l'Europe telles sont les préoccupations des stratèges Yankees.

 

Donc, il convient de  créer une barrière d'Etats pour contenir la Russie loin des mers et de l'Océan Indien. Cette barrière débute à l'Ouest sur l'Adriatique, avec l'Albanie pour aboutir en Chine. Comme la route de la soie du temps de Marco Polo, elle relie les deux parties les plus peuplées de la masse continentale eurasienne. Pour ce faire les USA jouent à fond la carte turque et favorisent les aspirations hégémoniques d'Ankara, qui accorde la nationalité turque à tous les ressortissants de peuples turcophones de l'ex-URSS. En cas d'adhésion de la Turquie à l'UE, ces turcophones, munis d'un passeport turc,  circuleront dans tous les pays d'Europe sans aucune difficulté. Il est malaisé d'évaluer ce flux migratoire, mais soyons certains qu'après un tel raz de marée ethnique, notre vieux continent, aura subi une lourde colonisation de peuplement..

 

L'émergence de l'idéologie pantouranienne dans la pensée politique turque, et chez les autres peuples turcophones : Azerbaïdjan, Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Turkménistan, constitue une nouvelle donne qu'il faut analyser avec attention. Le pantouranisme, ou panturquisme, est une idéologie de type racialiste qui vise à l'unité de tous les peuples de souche turque ou turcophones, qui implique un projet géopolitique regroupant tous ces peuples de la mer Egée au Sinkiang chinois.

 

Cet espace politique islamo-turcophone constituerait une barrière homogène et étanche, dans l'intérêt de Washington, pour neutraliser la Russie et le continent Eurasien. Mais cette expansion, à l'est, n'est pas la seule possible pour Ankara, qui en jouant la carte néo-ottomane, espère un retour à l'ouest, dans les Balkans, ce qui, d'un point de vue Européen est inacceptable. A l’exception de quelques souverainistes Français attardés qui souhaitent ressusciter l'alliance de François I° avec le Sultan, afin de constituer un axe jacobin Paris-Ankara. Pour ces diverses raisons, les USA appuient de tout leur poids la Turquie et imposent son entrée au sein de l'UE.

 

Il y a convergence d'intérêt entre les USA et les Etats musulmans, turcophones ou islamistes, comme l'a établi avec sérieux et  minutie, Alexandre del Valle, auteur de deux ouvrages richement documentés et solidement argumentés dont nous recommandons vivement la lecture : Islamisme et Etats-Unis : une alliance contre l'Europe. éd. l'Age d'homme, Guerres contre l'Europe : Bosnie, Kosovo, Tchétchénie. éd. des Syrtes.

 

III             les lignes de fracture

 

Néanmoins le système n'est pas un mécanisme inusable, comme tout organisme vivant il présente des faiblesses, résultant de contradictions fortes entre le discours et la pratique que le peuple, les citoyens, peuvent à tout moment contester. Ces lignes de fracture sont les points faibles du système, cibles sur lesquelles doivent impérativement s'orienter nos actions.

 

Ce sont les seuls points par où le système  peut être fragilisé. Encore faut-il établir une bonne stratégie, trouver les bonnes propositions, le bon mode opératoire et les bonnes actions qui susciteront un désir profond de changement au sein du corps social. Ne rien privilégier dans l’absolu, envisager tous les possibles en fonction des événements et des circonstances. Etudions les principales lignes de fracture que nous avons volontairement classé par ordre alphabétique, sans qu'il soit possible d'établir une hiérarchie ou une échelle d'importance, car à tout moment, l’imprévu, l’impensé, peut se produire, l’essentiel est d’être prêt à agir.

 

Fracture démocratique : crise de la représentation

 

Contradiction entre le discours de la classe dirigeante et les réalités vécues par le peuple. Les citoyens sont rarement consulté sur les questions qui les préoccupent directement. La représentation démocratique dérive en confiscation de la souveraineté. Les décisions prise par des bureaucrates ou des technocrates nommés ne respectent pas le principe de légitimité démocratique. Ce principe est également bafoué lorsqu'une conscience morale à prétention universelle impose sa volonté à une ou plusieurs Nations. Face à ces contradictions le citoyen finit par se désintéresser de la "chose publique" pour n'en retenir qu'une farce sordide.

 

La réforme du scrutin électoral de 1958 a accentué la dégradation de la conscience citoyenne, en renforçant la stabilité du pouvoir en place aux dépens de la démocratie réelle, c’est à dire la juste représentation de la volonté générale. Cette réforme dont le but était d’assurer une majorité stable, comme instrument de gouvernement, sans souci de représentation des réalités sociologiques ou politiques du pays, a profondément altéré la conscience citoyenne collective. Le fossé entre pays légal et pays réel s’est approfondi, la représentation parlementaire est discréditée, la politique est devenue logique de pouvoir et non service public de bien commun. L’Assemblée Nationale n’est plus l’expression la plus juste du corps électoral, son rôle se limite à dégager une majorité confortable au gouvernement en place. Le scrutin majoritaire à deux tours constitue une caricature de représentation nationale. La logique majoritaire a isolé, laminé, marginalisé les courants minoritaires ou les forces de proposition qui n’étaient pas inféodées à un mouvement majoritaire. Aucune évolution n’est envisageable, seule perspective : la sclérose…Nous sommes passés du système des partis (de tous sans exclusion) à celui « du » parti au pouvoir. Facétie imprévue venant des urnes, la cohabitation perturbe le doux ronronnement imaginé par le législateur. Décidément, les électeurs-citoyens sont incorrigibles, ils s’obstinent à mal voter…

 

Sous la Troisième et Quatrième Républiques existait un équilibre subtil entre différents modes de scrutin. D’une part les assemblées issues directement des urnes, au scrutin proportionnel, reflet exact des attentes, des critiques, des impatiences, des craintes, des velléités, des refus, des espoirs, voire des révoltes de tous les électeurs : l’Assemblée Nationale  et les Conseils Municipaux. D’autre part, deux institutions élues, l’une au scrutin indirect, : le Sénat, l’autre au scrutin majoritaire : les Conseils Généraux.

 

Le système électoral actuel, reposant sur le scrutin majoritaire à deux tours génère une crise de la représentation dont nous mesurons les conséquences négatives : démobilisation, dépolitisation et abstentionnisme.

 

Fracture écologique : crise de la biosphère

 

Contradiction entre le développement productiviste et les nombreuses pollutions qu'il provoque. L'économie, lorsqu'elle n'est pas bridée par un pouvoir politique plein et entier, donne libre cour aux pires excès : c'est la démesure à tous les niveaux, dans tous les domaines. Les Grecs de l'Antiquité redoutaient cette hybris, démesure responsable des pires malheurs. Ceux qui prétendent faire de la défense de l'environnement leur activité politique première, abordent et débattent des enjeux écologiques avec une inefficacité notoire. Leur sectarisme, leur dogmatisme, leur purisme, leur rigorisme les rend particulièrement dangereux, dans la mesure où ils bloquent certains grands projets. La satanisation de l’énergie électronucléaire illustre le comportement obsessionnel de cette mouvance. Pour une fois qu’un Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial (EDF) remplit sa mission, les intégristes Verts, inquisiteurs de la nature foncièrement bonne, vestales de la pureté originelle difficile à conserver (sécularisation du dogme virginal ?) n‘ont qu’un objectif majeur : la suppression progressive de cette source d’énergie : la plus économique, la moins polluante, qui assure de plus notre indépendance énergétique face aux transnationales pétrolières. Ces dernières souhaitent conserver leur hégémonie par la consommation croissante des seules énergies fossiles. Elles combattent par tous les moyens l’émergence d’une énergie alternative respectant les enjeux écologiques tout en permettant la puissance. Souvenons-nous des ouvrages du regretté Pierre Fontaine qui avait établi les pratiques maffieuses des  grandes compagnies pétrolières.

 

Fracture économico-sociale : rupture du lien social, crise de confiance

 

Contradiction entre le bien-être de certains et l'horreur économique supportée par d'autres. Le but premier de l'économie est de satisfaire les besoins, alors que pour le capitalisme, c'est la poursuite illimitée du profit qui active le cercle vicieux du productivisme, produire plus pour consommer plus, consommer davantage pour produire davantage. Spirale infernale de l'économie de croissance et du tout-marché, à qui nous opposons une économie de puissance avec marché, ce dernier jouant son rôle régulateur dans le seul espace économique clairement défini, sans possibilité de phagocyter les sphères de l'espace social.

 

Fracture  étatique : crise des Services Publics

 

Contradiction entre la mission de l'Etat, servir le bien commun et l'intérêt général, et les dérives administratives catégorielles supportées par la communauté. L'appareil d'Etat  tentaculaire, en dépit de gros moyens sans cesse revus à la hausse, n'assure pas un service public satisfaisant. La logique de chaque administration est simple :  assurer l'augmentation de l'enveloppe budgétaire destinée à chacune, tout l'appareil d'Etat raisonne ainsi, dans  l'intérêt de ceux qui bénéficient d'une sécurité viagère, pendant que les autres sont confrontés aux douces aménités du marché concurrentiel. La rénovation en profondeur de nos administrations est une priorité, devant laquelle nos gouvernements successifs furent regrettablement résignés. La véritable classe dirigeante se trouve dans les bureaux ministériels, les politiques n'ayant trop souvent qu'un simple rôle de figuration. Ils acceptent ou refusent ce que les bureaux leur soumettent, en supposant qu'ils les aient analysés. Notre vie quotidienne est rythmée par d'inévitables procédures, démarches et autres tracasseries, que le professeur Jacques Ellul a définies comme une oppression bureaucratique, ce despotisme envahissant n'est pas près de s'atténuer….

 

Fracture ethnico-culturelle : crise civilisationnelle

 

Contradiction entre la colonisation massive de peuplement et les incompatibilités culturelles, les possibilités d'intégration (n'oublions pas nos millions d'autochtones : chômeurs,  travailleurs pauvres ou exclus) qui génèrent d'inévitables chocs ethnico-culturels.

 

Lorsqu'il est porté devant les tribunaux des affaires d'excision, comment ignorer ces actes de barbarie perpétrés sur notre sol, en sachant que les rares cas dont il est fait état, donnent un aperçu bien en dessous des réalités, car il est extrêmement difficile pour les victimes de se retourner contre leur propre milieu d'origine.

 

Le 11 juillet, le gouvernement Français et le gouvernement Algérien ont signé un avenant à l'accord de 1968, qui fixait le régime particulier des immigrés Algériens, lesquels étaient soumis à un régime dérogatoire par rapport au droit commun des étrangers. Ce nouveau texte entrera en vigueur dès que les parlements des deux pays l'auront ratifié. Mais cet accord est à double tranchant, car le précédent régime offrait quelques privilèges, dont celui de faire venir plusieurs femmes, " comment vont réagir les préfectures quand les maris polygames voudront faire renouveler leur titre de séjour ?" s'inquiète Jean-François Martini du Gisti. ( groupe d'information et de soutien des immigrés )  La polygamie est officiellement pratiquée en France, pire elle est reconnue par les services publics….(Le Monde 28.07.01) Face à ces regrettables réalités, le principe constitutionnel de laïcité s’avère totalement inopérant, quant aux élucubrations communautaristes, élaborées par quelques intellos en mal de notoriété, nous en percevons les limites, ainsi que les inévitables dommages. Cessons les discussions byzantines, abordons les vrais problèmes sans faux-fuyants. Il convient sans plus tarder, pour les Etats qui, bon gré mal gré, sont confrontés à des flux migratoires, d’appliquer une nouvelle politique d’accueil. Nous évoluons dans un Etat de droit, lequel  doit s’appliquer, sauf erreur de notre part, sur l’ensemble de l’espace  territorial de l’Etat de droit. Ce droit (droit du sol ou jus soli) est celui de la Constitution et de la République , une et indivisible. Face au choc des civilisations que subissent les pays hôtes, il convient d’imposer à tous les immigrés, sans distinction d’appartenance, un serment de loyauté au droit local du pays d’accueil, qui selon le principe d’égalité sera le droit de tous et de toutes. (nul n’est censé ignorer la loi ).

 

Ceux qui refuseront de prêter serment seront immédiatement reconduits. Ceux qui accepteront de prêter serment seront de jure tenus de respecter le droit du pays d’accueil.

 

Fracture territoriale : crise identitaire

 

Contradiction entre un espace politique dont le pouvoir jacobin, bureaucratique et abusivement centralisé, confisque l'aménagement du territoire, aux élus locaux, alors que la base aspire à une légitime autonomie. Le découpage administratif de notre hexagone mérite attention. Le département est une création de la Révolution Française , qui parvenue au pouvoir, devint centralisatrice. Talleyrand y voyait son « œuvre déterminante ». Le Constituant Thouret, surnommé « le père des départements » fit adopter le découpage actuel. Pour Sieyès, l’équation : égalité des citoyens égale uniformité de l’administration, était posée comme un dogme irréfragable. Mirabeau quant à lui, réclamait pas moins de 120 départements, plus la surface serait réduite, moins les circonscriptions locales résisteraient à la centralisation républicaine, gage d’unité nationale. Depuis sa création, le département n’a cessé de polariser les plus vives critiques. Ce découpage «au cordeau» a inspiré quelques réformateurs de la cartographie administrative. Les projets de rectification furent nombreux et variés, plus de 50 propositions différentes.

 

Quelques unes pour mémoire, le géographe Paul Vidal de la Blache avait retenu une liste de 17 capitales, dont Paris. Autour de chacune existait une zone d’influence. Cette ébauche fut critiquée par manque de précision (toujours l’obsession du tracé au cordeau).

 

Auguste Comte dans son système de politique positive publié en 1854, préconisait 17 intendances avec pour capitales : Paris, Marseille, Lyon, Bordeaux, Rouen, Nantes, Toulouse, Lille, Strasbourg, Reims, Orléans, Angers, Montpellier, Limoges, Clermont-Ferrand, Dijon et Rochefort.

 

En 1864, Frédéric Le Play, dans La réforme sociale en France, proposait la création de 13 provinces, au sein desquelles, il groupait sous leurs anciens noms les provinces historiques. En 1871, le député Raudot soumettait à l’Assemblée Nationale la division du territoire en 25 provinces.

 

En 1890, le député Hovelacque souhaitait réduire le nombre des départements à 18 : Lille, Rouen, Rennes, Nantes, Bordeaux, Toulouse,, Montpellier, Marseille, Lyon, Dijon, Nancy, Reims, Paris, Le Mans, Tours, Limoges, Clermont-ferrand et Alger.

 

En 1895, un groupe important de députés autour de M de Lanjuinais proposait la création de 25 régions avec 126 arrondissements.

 

Mais le réquisitoire le plus virulent fut formulé par Michel Debré, favorable au regroupement en 45 « gros départements » (La mort de l’Etat républicain. Ed. Gallimard,1947)

 

« On ne pourra en France parler de vie locale tant que subsistera l’actuelle division administrative, son cadre et ses autorités. […] Si notre Etat n’est pas encore un cadavre à tête dodelinante, il est dèjà un grand corps amaigri, sans muscle, sans chair, la peau collée sur les os, avec un cerveau trop lourd et un système nerveux engourdi. Cette allure de grand malade, c’est au département qu’il le doit »

 

Depuis, le mammouth boulimique de budgets, a bien profité, dodu à point, à peine peut-il se mouvoir. Mais faire endosser au seul département les multiples dysfonctions et autres gabegies récurrentes de notre appareil administratif est excessif. Il y contribue, c’est certain, mais la racine du mal réside dans l’absolutisme jacobin hypercentralisateur.

 

La caste administrativo-bureaucratique surveille et décide à la place du peuple, des citoyens, des populations locales, considérés immatures, donc susceptibles de mal choisir.

 

Comment expliquer, depuis que la question est débattue, en dépit d'un très large consensus, que la Bordeaux-Pau ,(deux fois deux voies ou liaison autoroutière) en soit toujours au stade des études ? Axe fortement structurant, devant relier les deux principales agglomérations de la région Aquitaine, qui par delà son rôle régional, s'inscrit dans une logique internationale, reliant l'Aquitaine et l'Aragon. Les Aquitains attendent….le bon vouloir jacobin.

 

L'aménagement du territoire s'effectue dans l'opacité et la non-concertation. Jean-Pierre Raffarin, président (DL) du Conseil Régional de Poitou-Charentes nous apprend : "tout ceci est obscur, opaque pour les citoyens. Les contrats de plan représentent 400 milliards de francs avec les fonds européens, 1500 personnes sont au courant en France. Je suis très inquiet. On consulte les CRADT. Qu'en savent les citoyens ?"

 

Précisons que  les Conférences Régionales d'Aménagement et de Développement du Territoire se tiennent à huis clos.(Sud-Ouest 8.02.01)

 

Ces pratiques sont en totale contradiction avec les principes démocratiques, les citoyens sont exclus des concertations, quant aux politiques locaux, ils ne peuvent qu'accepter ce qui leur est proposé par la hiérarchie administrative, au moment où celle-ci juge opportun de le faire. Ces excès de centralisation occasionnent mal-vivre et mal-être, pour bien vivre, c'est une lapalissade, il faut du bien-être, ce qui est possible lorsque chacun vit pleinement ses racines, son identité, sans carence ni confiscation. La revendication identitaire résulte de cette privation, face à une administration omnipotente, qui décide de tout.

 

IV      l'homme providentiel ?

 

Ces contradictions fortes du système génèrent des crises pouvant provoquer une mutation dépassant les opinions du moment. Le clivage politique habituel se trouve pour une période neutralisé par un courant transversal fortement mobilisateur; constituant une opportunité rare qu'il convient de saisir sans hésitation. Reste à savoir les capacités et les qualités des forces alternatives potentiellement disponibles sur l'échiquier politique. Les apparences sont trompeuses, rien n'est certain, ni le bien, ni le pire, les prévisions adorent se faire attendre, entre paradis à venir et catastrophe imminente, chacun peut choisir et espérer le Grand Soir en se croisant les bras, ce qui limite les efforts, ainsi que les risques..

 

Reste que l'homme providentiel ne surgira pas  ex nihilo  comme le croient beaucoup, tout se prépare dans l'effort et la constance, dans l’observation attentive, dans la mobilisation, et la promptitude à agir, avec ce petit rien qui fait toute la différence : l'intuition géniale qui visite quelques rares têtes, l'esprit souffle où il veut et quand il veut.

 

Romain Labarchède

 

dimanche, 20 juillet 2008

Les idées politiques de Gustave Le Bon

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Les idées politiques de Gustave Le Bon

Source : Recension Les idées politiques de Gustave Le Bon, Catherine Rouvier (PUF, 1986) par Ange Sampieru, revue Vouloir n°35/36 (janv. 1987).

Né en 1841, mort en 1931, le docteur Gustave Le Bon est resté célèbre dans l'histoire des idées contemporaines pour son ouvrage historique, La psychologie des foules, paru en 1895. Pourtant, en dépit de plusieurs décennies de gloire, que Catherine Rouvier situe entre 1910 (date de la plus grande diffusion de son ouvrage) et 1931, année de sa mort, il erre depuis maintenant 50 ans dans un pénible purgatoire. Cette éclipse apparaît, au regard de la notoriété de Le Bon, comme un sujet d'étonnement. L’influence de Le Bon ne fut pas seulement nationale et française. Son livre fut lu, loué et utilisé dans de nombreux pays étrangers. Aux États-Unis, par ex., où le Président Théodore Roosevelt déclarait que l’ouvrage majeur de Gustave Le Bon était un de ses livres de chevet. Dans d'autres pays, le succès fut également assuré : en Russie, où la traduction fut assurée par le Grand-Duc Constantin, directeur des écoles militaires ; au Japon et en Égypte aussi, des intellectuels et des militaires s'y intéressent avec assiduité. Cette présence significative de Gustave Le Bon dans le monde entier ne lui évita pourtant pas la fermeture des portes des principales institutions académiques françaises, notamment celles du monde universitaire, de l'Institut et du Collège de France.

Un ostracisme injustifié

Le mystère de cet ostracisme, exercé à l'encontre de ce grand sociologue aussi célèbre qu'universel est l'un des thèmes du livre de Catherine Rouvier. La curiosité de l’auteur avait été éveillée par une étude sur le phénomène, très répandu, de la "personnalisation du pouvoir". Autrement dit, pourquoi les régimes modernes, parlementaires et constitutionnalistes, génèrent-ils aussi une "humanisation" de leurs dirigeants ? Ce phénomène apparaît d'ailleurs concomitant avec un phénomène qui lui est, historiquement parlant, consubstantiel : l'union des parlementaires contre ce que le professeur Malibeau nommait une "constante sociologique". De Léon Gambetta à Charles de Gaulle, l’histoire récente de France démontre à l'envi cette permanence. D'ailleurs les régimes démocratiques, à l'époque de Le Bon, n'étaient évidemment pas seuls à sécréter cette tendance. Les régimes totalitaires étaient eux-mêmes enclins à amplifier cette constante (Hitler en Allemagne, Staline en Russie). Après maintes recherches dans les textes devenus traditionnels (Burdeau, René Capitant) Catherine Rouvier découvrit l'œuvre maîtresse de Le Bon. Malgré les nombreuses difficultés rencontrées dans sa recherche laborieuse d'ouvrages traitant des grandes lignes de la réflexion de Le Bon, c'est finalement dans un article paru en novembre 1981 dans le journal Le Monde, double compte-rendu de 2 ouvrages traitant du concept central de Le Bon, la foule, que l'auteur trouva les 1ers indices de sa longue quête. En effet les 2 ouvrages soulignaient l’extrême modernité de la réflexion de Le Bon. Pour Serge Moscovici, directeur d'études à l'École des Hautes Études en Sciences sociales, et auteur de L'Âge des foules (Paris, Fayard, 1981), Le Bon apporte une pensée aussi nouvelle que celle d'un Sigmund Freud à la réflexion capitale sur le rôle des masses dans l'histoire. Il dénonce dans la même foulée l'ostracisme dont est encore frappé cet auteur dans les milieux académiques français.

Pour Moscovici, les raisons sont doubles : d'une part, "la qualité médiocre de ses livres", et d'autre part, le quasi-monopole exercé depuis des années par les émules de Durkheim dans l'université française. Et, plus largement, l'orientation à gauche de ces milieux enseignants [mode du freudo-marxisme]. Contrairement au courant dominant, celui que Durkheim croyait être source de vérité, Le Bon professait un scepticisme général à l'égard de toutes les notions communes aux idéologies du progrès. Les notions majeures comme celles de Révolution, de socialisme, de promesse de paradis sur terre, etc. étaient fermement rejetées par Le Bon. On l'accusa même d'avoir indirectement inspiré la doctrine de Hitler. Sur quoi Catherine Rouvier répond : pourquoi ne pas citer alors Staline et Mao qui ont, eux aussi, largement utilisé les techniques de propagande pour convaincre les foules ?

Une dernière raison de cet ostracisme fut le caractère dérangeant de la pensée de Le Bon. Son approche froidement "objective" du comportement collectif, le regard chirurgical et détaché qu'il porte sur ses manifestations historiques, tout cela allait bien à l'encontre d'un certain "moralisme politique". En associant psychologie et politique, Le Bon commettait un péché contre l'esprit dominant.

De la médecine à la sociologie en passant par l'exploration du monde...

Avant de revenir sur les idées politiques de G. Le Bon, rappelons quelques éléments biographiques du personnage. Fils aîné de Charles Le Bon, Gustave Le Bon est né le 7 mai 1841 dans une famille bourguignonne. Après des études secondaires au lycée de Tours, G. Le Bon poursuit des études de médecine. Docteur en médecine à 25 ans, il montre déjà les traits de caractère qui marqueront son œuvre future : une volonté de demeurer dans !'actualité, une propension à la recherche scientifique, un intérêt avoué pour l'évolution des idées politiques. En 1870, il participe à la guerre, d’où il retire une décoration (il est nommé chevalier de la légion d'honneur en décembre 1871). Paradoxalement, cet intérêt pour des sujets d'actualité n'interdit pas chez cet esprit curieux et travailleur de poursuivre des recherches de longue haleine. Ainsi en physiologie, où il nous lègue une analyse précise de la psychologie de la mort. Gustave Le Bon est aussi un grand voyageur. Il effectue de nombreux déplacements en Europe et, en 1886, il entame un périple en Inde et au Népal mandaté par le Ministère de l'Instruction publique. Il est d'ailleurs lui-même membre de la Société de Géographie. Et c'est entre 1888 et 1890 que ses préoccupations vont évoluer de la médecine vers les sciences sociales. Le passage du médical au "sociologique" passera vraisemblablement par le chemin des études d'une science nouvelle au XIXe siècle : l'anthropologie. Il rejoindra d'ailleurs en 1881 le domaine de l'anthropologie biologique par l'étude de l'œuvre d'AIbert Retzius sur la phrénologie (étude des crânes).

De cet intérêt est né la "profession de foi" anthropologique de Le Bon, consignée dans L'homme et les sociétés. La thèse principale de ce pavé est que les découvertes scientifiques, en modifiant le milieu naturel de l'homme, ont ouvert à la recherche une lecture nouvelle de l'histoire humaine. Le Bon utilise d'ailleurs l'analogie organique pour traiter de l'évolution sociale. Avant Durkheim, il pose les bases de la sociologie moderne axée sur les statistiques. Il propose aussi une approche pluridisciplinaire de l'histoire des sociétés. Mais, en fait, c'est l'étude de la psychologie qui va fonder la théorie politique de Le Bon.

Naissance de la "psychologie sociale"

En observateur minutieux du réel, le mélange des sciences et des acquis de ses lointains voyages va conduire Le Bon à la création d'un outil nouveau : la "psychologie sociale". La notion de civilisation est au centre de ses réflexions. Il observe avec précision, en Inde et en Afrique du Nord, le choc des civilisations que le colonialisme provoque et exacerbe. C'est ce choc, dont la dimension psychologique l'impressionne, qui mènera Le Bon à élaborer sa théorie de la "psychologie des foules" qui se décompose en théorie de la "race historique" et de la "constitution mentale des peuples". Rejetant le principe de race pure, Le Bon préfère celle de "race historique", dont l'aspect culturel est prédominant. Là s'amorce le thème essentiel de toute son œuvre : "le mécanisme le propagation des idées et des conséquences". À la base, Le Bon repère le mécanisme dynamique de la "contagion". La contagion est assurée par les 1ers "apôtres" qui eux mêmes sont le résultat d'un processus de "suggestion". Pour Le Bon, ce sont les affirmations qui entraînent l'adhésion des foules, non les démonstrations. L'affirmation s'appuie sur un médium autoritaire, dont le 'prestige" est l'arme par excellence.

Le Bon est aussi historien. Il trouve dans l'étude des actions historiques le terrain privilégié de sa réflexion. Deux auteurs ont marqué son initiation à la science historique : Fustel de Coulanges et Hippolyte Taine. La lecture de La Cité Antique, ouvrage dû à Fustel de Coulanges, lui fait comprendre l'importance de l'étude de l'âme humaine et de ses croyances afin de mieux comprendre les institutions. Mais Taine est le véritable maître à penser de Le Bon. Les éléments suivants sous-tendent, selon Taine, toute compréhension attentive des civilisations : la race, le milieu, le moment et, enfin, l'art. La théorie de la psychologie des foules résulte d'une synthèse additive de ces diverses composantes. Mais Le Bon va plus loin : il construit une définition précise, "scientifique", de la foule. L'âme collective, mélange de sentiments et d'idées caractérisées, est le creuset de la "foule psychologique". Le Bon parle d'unité mentale...

Un autre auteur influence beaucoup Le Bon. Il s'agit de Gabriel de Tarde. Ce magistrat, professeur de philosophie au Collège de France, est à l'origine de la "loi de l’imitation", résultat d'études approfondies sur la criminalité. La psychologie des foules, théorie de l'irrationnel dans les mentalités et les comportements collectifs (titre de la 1ère partie), offre à Gustave Le Bon une théorie explicative de l'histoire et des communautés humaines dans l'histoire. À travers elle, l'auteur aborde de nombreux domaines : les concepts de race, nation, milieu sont soumis à une grille explicative universelle.

Une nouvelle philosophie de l'histoire

Le Bon se permet aussi une analyse précise des institutions politiques européennes : ainsi sont décortiquées les notions de suffrage universel, d'éducation, de régime parlementaire. L'actualité fait aussi l'objet d'une approche scientifique : Le Bon analyse les phénomènes contemporains de la colonisation, du socialisme, ainsi que les révolutions et la montée des dictatures. Enfin, Le Bon traite de la violence collective au travers de la guerre, abordant avec une prescience remarquable les concepts de propagande de guerre, des causes psychologiques de la guerre, etc. Tous ces éléments partiels amènent Le Bon à dégager une nouvelle philosophie de l'histoire, philosophie qui induit non seulement une méthode analytique, mais aussi et surtout les facteurs d'agrégation et de désintégration des peuples historiques (plus tard, à sa façon, Ortega y Gasset parlera, dans le même sens, de peuples "vertébrés" et "invertébrés"). La civilisation est enfin définie, donnant à Le Bon l'occasion d’aborder une des questions les plus ardues de la philosophie européenne, celle que Taine avait déjà abordé et celle que Spengler et Toynbee aborderont.

G. Le Bon est un auteur inclassable. Profondément pessimiste parce que terriblement lucide à propos de l'humanité, Le Bon utilise les outils les plus "progressistes" de son époque. Il sait utiliser les armes de la science tout en prévenant ses lecteurs des limites de son objectivité. Observateur des lois permanentes du comportement collectif, Le Bon est un historien convaincu. Il comprend très vite l'importance, en politique, de la mesure en temps. L'histoire est le résultat d'une action, celle qu'une minorité imprime sur l'inconscient des masses. Il constate que cette influence des minorités agit rarement sur la mentalité, donc sur les institutions de ses contemporains. Il y a donc un écart historique entre l'action et la transformation effective du réel. L'élaboration d'une idée est une étape. La pénétration concrète de cette idée est l'étape suivante. Son application enfin, constitue une autre étape. Cette mesure au temps vaut au fond pour tous les domaines où l'homme s'implique. Dans l'histoire bien sûr mais aussi dans la science, dans le politique. Le grand homme politique est simplement celui qui pressent le futur de son présent. Il est la synthèse vivante et dynamique des actions posées par les générations précédentes. L'histoire du passage de l'inconscient au conscient est aussi à la mesure de ce temps. Les institutions et le droit sont les fruits de l'évolution des mentalités.

Au-delà des misères de la droite et de la gauche

Le livre de Catherine Rouvier a un immense mérite : comprendre, au travers de l'œuvre de Le Bon, comment l'histoire des idées politiques est passée du XIXe au XXe siècle. La multiplicité des questions abordées par l'auteur est le miroir de l'immense variété des outils de réflexion utilisés par Le Bon. Les idées politiques de Gustave Le Bon supportent mal une classification simplette. Si la droite libérale lance aujourd'hui une tentative de récupération de Le Bon et si la gauche continue à dénoncer ses théories, on peut déceler dans ces 2 positions, au fond identiques même si elles sont formellement divergentes, une même incompréhension fondamentale de la théorie de Le Bon. Les idées politiques de ce sociologue de l'âge héroïque de la sociologie, dont le soubassement psychologique est présenté ici, ne sont en fait ni de droite ni de gauche. La dialectique d'enfermement du duopole idéologique moderne refuse catégoriquement toute pensée qui n'est pas immédiatement encastrée dans une catégorie majeure. C'est le cas de Le Bon. Catherine Rouvier compare d'ailleurs, avec beaucoup de pertinence, cette originalité à celle des travaux de Lorenz (cf. Postface, p. 251 et s.). Le Bon exprime bien l’adage très connu de Lénine : les faits sont têtus...

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* Petites phrases :

  • "Nous sommes à l'époque des masses, les masses se prosternent devant tout ce qui est massif." Nietzsche, Par delà Bien-Mal, § 241
  • "La foule est plus susceptible d'héroïsme que de moralité." G. Le Bon, Aphorismes du temps présent
  • "La preuve du pire, c'est la foule." Sénèque, De beatam vitam
  • "Non, le mal est enraciné en chacun, et la foule placée devant l'alternative vie-mort crie "La mort ! La mort !" comme les Juifs répondaient à Ponce-Pilate "Barabas ! Barabas !" ". M. Tournier, Le Roi des Aulnes
  • "Une société de masse n'est rien de plus que cette espèce de vie organisée qui s'établit automatiquement parmi les êtres humains quand ceux-ci conservent des rapports entre eux mais ont perdu le monde autrefois commun à tous." H. Arendt, La Crise de la culture
  • "Il faut se séparer, pour penser, de la foule / Et s'y confondre pour agir." Lamartine
  • "La maturité des masses consiste en leur capacité de reconnaître leurs propres intérêts." A. Koestler, Le Zéro et l'Infini
  • "En fait, la plupart du temps, la masse les précède, leur indique le chemin en silence, mais d'un silence qui n'est pas moins efficace puisque c'est de leur capacité à savoir l'écouter que ces "grands hommes" tirent leur pouvoir." M. Maffesoli, La Transfiguration du politique
  • "Toute la publicité, toute l'information, toute la classe politique sont là pour dire aux masses ce qu'elles veulent." / "L'énergie informatique, médiatique, communicationnelle dépensée aujourd'hui ne l'est plus que pour arracher une parcelle de sens, une parcelle de vie à cette masse silencieuse." J. Baudrillard, Les Stratégies fatales

Citation de Th. Maulnier: "Ni droite, ni gauche!"

Droite - Gauche

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Nous ne croyons ni au capitalisme qui crée la lutte des classes, ni au socialisme qui l’exploite ; ni aux présidents de conseil d’administration qui s’enrichissent du travail du peuple, ni aux politiciens qui se font une carrière de son ressentiment ; ni ceux qui paient les commissions, ni à ceux qui les touchent ; ni à l’égoïsme, ni à l’humanitarisme ; ni à la lâcheté, ni à l’arrivisme ; ni à la droite, ni à la gauche.

Nous ne disons pas que les mots de droite et de gauche n’ont plus de sens. Nous disons qu’ils en ont un encore, et qu’il faut le leur ôter. Car ils signifient la routine et l’utopie, la mort par la paralysie et la mort dans la décomposition, l’Argent et le Nombre. Tyrannies antagonistes peut-être, mais également haïssables et, par ailleurs, susceptibles de s’unir aux dépens des mystifiés. Car nous savons par expérience – et il est bon de le rappeler au moment où la droite et la gauche paraissent assez près de se rassembler autour du drapeau jacobin pour une nouvelle union sacrée à mille morts par jour – que nous savons que la guerre des Principes peut être aussi celle des Affaires, l’intérêt des munitionnaires s’accommoder assez bien de la libération des peuples opprimés.

Thierry MAULNIER, « Le seul combat possible », Combat, Juillet 1936.

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samedi, 19 juillet 2008

Nietzsche vu par Deleuze

Francesco INGRAVALLE:

Nietzsche vu par Deleuze

Edité en Italie par Bertani en 1973, puis, dans une seconde édition, en 1978, le travail de Gilles Deleuze sur Nietzsche avait été publié pour la première fois en France en 1965. Il s’agit principalement d’une anthologie, précédée d’une introduction magistrale, où l’auteur propose une nouvelle fois ses interprétations de la pensée du philosophe allemand qu’il avait préalablement consignées dans son ouvrage de 1962, intitulé “Nietzsche et la philosophie”.

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Selon le rédacteur de l’introduction à cette édition italienne, Nietzsche marque de son sceau une étape de la crise la plus aiguë du rationalisme occidental, c’est-à-dire l’étape où la réalité “plane”, systémique, se transforme en un complexe de contradictions et de conflits. La philosophie a donc pour tâche non plus de soutenir l’ordre existant et de résoudre les contradictions qui y surgissent mais de refléter les contradictions elles-mêmes.

La réalité n’est pas “une”; il n’existe pas “une” vérité; il existe en revanche un usage  politique de la “vérité”, ce qui nous amène à constater qu’il y de nombreuses vérités. Il est dès lors nécessaire de mobiliser nos attentions pour capter les fonctions politiques des vérités existantes, ce qui revient à détruire et les vérités et les certitudes. 

Comme Freud avait découvert la matrice sensuelle de tout agir humain (la libido) et comme Marx avait mis en lumière la matrice économique des vicissitudes historiques et politiques ainsi que des idées, Nietzsche, pour sa part, a découvert (ou contribué à faire découvrir) la matrice politique du problème de la vérité par le biais de son travail d’arrachage de tous ses masques que se donnent les vérités et les certitudes.

Dans la perpsective que nous suggère cette nouvelle introduction italienne au travail de Deleuze, nous pourrions utiliser le Nietzsche démystificateur de la “Vérité” pour remettre en question le “noyau métaphysique de Marx”, c’est-à-dire cette notion d’objectivité fondée sur un mode inconditionné et ingénu, typique des problématisations auxquelles Marx fit face pendant toute l’époque de l’idéalisme allemand (grosso modo entre les dernières années du 18ième siècle et les deux premières décennies du 19ième).

Quant à l’essai d’introduction de Gilles Deleuze lui-même, il met en avant l’anti-métaphysique de Nietzsche; par le truchement de positions où les valeurs sont décrétées supérieures à la Vie , la philosophie se pose comme juge de la Vie et ne tarde pas, alors, à s’opposer à elle. Une philosophie de cet acabit dérive de Socrate: “si l’on définit la métaphysique par la distinction entre deux mondes, en opposant l’essence à l’apparence, le vrai au faux, l’intelligible au sensible, alors, oui, on peut dire que Socrate a inventé la  métaphysique (...)”.

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Et c’est là que Deleuze affronte l’un des points nodaux les plus complexes dans les interprétations de la pensée de Nietzsche, celui que pose la notion de “volonté de puissance”. Selon Deleuze, cete “volonté de puissance” nietzschéenne ne doit pas se comprendre comme un brame véhément, réclamant pouvoir et domination. Il s’agit bien plutôt d’un principe qui compénètre tous nos jugements de valeur. Ce principe consiste à “créer” et à “donner”, non  à prendre, à confisquer. Si l’on considère, au contraire, que cette “volonté de puissance” est le “brame du dominateur”, alors l’on pense, implicitement, que la volonté “veut” la puissance. Au contraire, Nietzsche retient l’idée que la puissance est, à l’intérieur même de la volonté, l’origine même du vouloir. De ce fait, la “volonté de puissance” nait de la “plénitude”, de la “santé”. Dans une optique différente, elle peut en arriver à cette “volonté de puissance” dont parle le psychanalyste Alfred Adler, c’est-à-dire un besoin d’affirmation de soi qui, s’il est frustré, génère les névroses. On peut donc dire, avec Nietzsche et avec Deleuze, que la “volonté de puissance” est le désir compris non comme un besoin mais plutôt comme une “nécessité de créer”. La créativité, ainsi comprise, se distingue de la simple “réactivité”. La volonté de puissance comme “brame” réclamant le pouvoir est à l’origine des morales d’esclaves, du ressentiment de ceux qui sont malades contre ceux qui sont en bonne santé.

Deleuze poursuit en présentant les quatre modes de la “transvaluation de toutes les valeurs”. Par dessus tout, Deleuze précise que, par le terme “transvaluation”, il entend un devenir actif des forces, le “triomphe de l’affirmation dans la volonté de puissance”, le “oui” à la Vie. C ’est à ce moment-là que la pensée nietzschéenne s’attaque à tout ce qui jusqu’alors avait été retenu comme sacré (Dieu, la morale bourgeoise), en retenant ces choses décrétées sacrées comme autant de sacrilèges contre la Vie , de menaces de la réaction contre la créativité.

Le premier mode de la “transvaluation” est le refus de la négation nihiliste du multiple au profit d’un “Un” fallacieux, que les philosophes nomment l’Etre. Le multiple et le devenir sont affirmés, chez Nietzsche, non en tant qu’instances que l’on pourrait ramener à l’Un et à l’Etre, mais en tant que tels et rien que tels. Le second mode de la “transvaluation” est l’affirmation de l’affirmation précédente du devenir, symboliquement représentée par le dieu affirmateur de la Vie (Dionysos) et par son épouse (Arianne). Le troisième mode, Deleuze l’appelle le “jeu de l’Eternel Retour”. Nietzsche entend l’Eternel Retour selon diverses acceptions: soit comme retour du même (“tout se répète”) et c’est là une certitude qui rend malade et faible; soit comme l’Eternel Retour “sélectif”, notion pour laquelle ne revient que ce qui est affirmation de la Vie : “toute chose que je veux (...), je dois le vouloir de façon telle à en vouloir aussi l’Eternel Retour (...). Même une bassesse ou une paresse veulent leur éternel retour pour devenir autre chose qu’une paresse ou une bassesse: elles veulent devenir active et, de ce fait, potentialité d’affirmation”.  L’Eternel Retour est certes répétition mais répétition qui sélectionne.

La transvaluation présente un quatrième et dernier aspect qui implique l’émergence du “surhomme” et le produit. Le “surhomme”, dans la terminologie nietzschéenne désigne exactement la concentration de tout ce qui peut être affirmé, la forme supérieure de ce qui est, le type qui représente l’Etre sélectif, le produit et la subjectivité de cet être”.

Les textes qu’a choisis Deleuze pour la partie anthologique de son travail sont répartis en sections: selon l’image du philosophe aux diverses périodes de sa vie et dans les différents horizons culturels qu’il a fréquentés; une section est consacrée à la philosophie dionysiaque, d’autres à la volonté de puissance, au nihilisme et à la transvaluation, à l’Eternel Retour et à la folie.

En appendice de cette éditions italienne, nous trouvons également le fameux essai de Georges Bataille, intitulé “Nietzsche et les fascistes” (repris en version italienne de la revue “Il Verri”, n°39-40, 1972). Les pages de Bataille fourmillent d’évocations à des fascistes falsificateurs, à des nazis malveillants et perfides; il y pose la soeur de Nietzsche en une sorte de Judas Iscariote au féminin; le cousin de Nietzsche, Richard Oehler, est associé à ces terribles figures dans une intrigue à mi-chemin entre le mélodrame et le roman gothique. Pour Bataille, ce qui est “mauvais”, c’est l’usage politique qu’ils ont fait de Nietzsche, que ce soit l’usage révolutionnaire ou l’usage réactionnaire. Pour démontrer sa thèse, Bataille passe en revue les textes du jeune Mussolini, d’Alfred Rosenberg, d’Alfred Bäumler, explore le petit univers du néo-paganisme allemand de manière assez honnête, et finit par conclure “que la pensée aporétique de Nietzsche ne se dirige pas vers des mesquineries contingentes à la merci d’une liberté ombrageuse”.

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Cette diabolisation de l’interprétation politique de Nietzsche nous laisse perplexe, pour le simple motif que Bataille, qu’il le veuille ou non, donne, lui aussi, une interprétation politique de Nietzsche: il voit en ce philosophe allemand le théoricien de la foi qui arrachera le destin de l’humanité à l’asservissement rationnel de la production et à l’asservissement irrationnel du passé; c’est là, sans aucun doute, une interprétation politique. L’interprétation de Bataille est en plus liée aux contingences politiques, celles de la période nationale-socialiste, vu que les interprétations nationales-socialistes et celle de Bataille sont nées de la crise si complexe qu’a traversée l’esprit occidental. Alors, interprétation politique pour interprétation politique, il nous paraît opportun, ici, de citer ce qu’écrivait Adriano Romualdi en 1970 dans l’introduction à son anthologie de la pensée politique de Nietzsche: “Que serait Rousseau sans la révolution française? Ou Marx sans la révolution russe? Il me paraît secondaire de se poser la  question de savoir si la révolution française incarne le “vrai” Rousseau ou si la révolution russe incarne le “vrai” Marx. De la même manière, nous sommes contraints aujourd’hui de lire Nietzsche en tenant compte d’Hitler” (A. Romualdi, “Nietzsche”, Ed. Ar, Padova, 1970).

Elevons le débat: tant l’interprétation de Deleuze (et son choix de textes) que l’essai de Bataille ne contribuent que bien peu à faire passer le philosophe allemand du “panthéon national-socialiste” au “panthéon démocratique”. De fait, il est impossible de nier l’existence, dans la pensée de Nietzsche, la présence de distinctions entre la “santé”  et la “maladie” (entre  l’actif et le réactif), distinctions qui constituent les bases d’une pensée qui, quoi qu’on puisse en dire, reste antidémocratique et hiérarchique. Il est clair aussi que l’on ne peut pas définir Nietzsche, de manière simpliste et simplificatrice, comme un “national-socialiste”, vu la forte composante démocratique et populaire du national-socialisme allemand. Si Nietzsche brocardait le pangermanisme et l’antisémitisme en les désignant comme des manifestations de l’esprit plébéien et démocratique, il aurait très probablement pris une posture analogue face au national-socialisme. Mais cette probabilité n’autorise personne à le faire passer avec armes et bagages sur la voie radieuse du socialisme.

Ironie du sort, Deleuze confirme, dans son essai d’introduction, une intuition très présente dans un essai sur Nietzsche du philosophe national-socialiste Bäumler, intuition qui porte sur la centralité du concept de volonté de puissance dans la philosophie de Nietzsche. Si l’intention du travail de Deleuze a été indubitablement de “dénazifier” Nietzsche, de l’homologuer dans l’espace libéral-démocratique en réduisant sa pensée à un discours politique non hiérarchisant ou, du moins, anti-autoritaire et, partant, néo-démocratique, le résultat de ses efforts n’aboutit pas à faire passer cette intention de départ. Il suffit de lire le livre pour s’en convaincre.

Francesco INGRAVALLE.

(recension parue dans “Diorama Letterario”, Florence, n°17, février 1979; reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur; trad. franç.: Robert Steuckers; titre du livre recensé: Gilles Deleuze, “Nietzsche”, con antologia di testi - introduzione di franco Rella e appendice di Georges Bataille, Bertani ed., Verona, 1978).

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vendredi, 18 juillet 2008

Lettre ouverte aux député"s UMP en faveur de l'adhésion turque

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Lettre ouverte à Richard Maillé, Frédéric Lefèbvre, Jean-Luc Warsmann et aux quelques députés UMP qui veulent maintenir le référendum obligatoire pour l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne.

par Jacques Cordonnier, président du mouvement régionaliste Alsace d’abord

Strasbourg, le 8 juillet 2008

Messieurs les députés,

Les discussions chaotiques sur le projet de réforme constitutionnelle, au sein même de la formation politique à laquelle vous appartenez, montrent l’importance du point 33 du texte gouvernemental. Les tractations à rebondissements entre députés et sénateurs de l’UMP, les marchandages entre l’Élysée et une partie des députés de l’UMP sur la question du référendum pour ratifier les futures adhésions à l’Union européenne, et en particulier celle de la Turquie, créent, comme vous le savez, un profond malaise chez les Français.

Ce référendum voulu par Jacques Chirac en 2005 a été voté par les parlementaires de l’UMP sous la houlette de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur et président de l’UMP. Ces mêmes parlementaires s’apprêteraient, trois ans plus tard, à retirer le référendum obligatoire de la constitution, à la demande du président de la République ? Le référendum pour la Turquie et le Monténégro, jugé bon par les parlementaires UMP il y a trois ans, deviendrait inutile aujourd’hui ?

La question de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne est une question essentielle pour l’avenir de l’Europe ; elle fait de l’article 33 le point crucial du projet de loi constitutionnelle.

Les Français, en grande majorité, sont hostiles à l’entrée de la Turquie dans l’Union. Si la ratification par référendum était supprimée, les électeurs n’auraient plus de doute sur le double langage qui leur est tenu depuis tant d’années. Ils pourraient s’en souvenir aux prochaines élections européennes. Ce serait une nouvelle fois le projet européen qui en ferait les frais, comme cela a été le cas en 2005, lors du référendum sur la constitution européenne.

De la même manière, une nouvelle rédaction de l’article 88-5 de la constitution serait ressentie comme une manoeuvre insincère. Tout compromis sur cette question serait une mauvaise solution : référendum d’initiative populaire ou choix laissé aux parlementaires de renoncer au référendum sont des solutions hypocrites. Pour faire sauter ce prétendu “verrou”, il suffirait qu’un futur chef de l’État choisisse à son tour de changer la constitution.

Permettez aux Alsaciens de donner leur avis sur le projet européen et sur l’intégration de la Turquie. En 1992, lors du référendum sur le Traité de Maastricht, c’est l’Alsace qui a donné au OUI son meilleur score : plus de 65 %. En mai 2005, Les Alsaciens ont dit OUI à 53,44 % au projet de constitution européenne. En même temps, 92 % des Alsaciens se sont déclarés opposés à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne - sondage Dernières Nouvelles d’Alsace-Iserco du 16 octobre 2001. Cette corrélation ne doit étonner personne. Ces chiffres prouvent, s’il en était besoin, que le sentiment européen ne peut prospérer que si les frontières et le projet européen sont clairement définis.

Messieurs les députés, vous êtes de ceux qui ont affirmé que le référendum de ratification introduit dans la Constitution en 2005 devait être maintenu. Puissiez-vous résister aux pressions que l’on sent chaque jour plus fortes et ne pas céder aux propositions de compromis. Il est court le chemin qui va du compromis à la compromission. Votre responsabilité vis-à-vis du peuple français est immense et il faudra donc que vous preniez vos responsabilités lors du prochain congrès à Versailles.

Veuillez agréer, Messieurs les députés, l’expression de ma parfaite considération.

Jacques Cordonnier
Président du mouvement régionaliste
Alsace d’Abord

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Mittelmeerunion: Ohne Nutzen für Europa

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Ohne Nutzen für Europa

  

Gaddafi bezeichnet

  

Mittelmeerunion als

  

"imperialistischen Plan"

von Andreas MÖLZER

Am vergangenen Sonntag wurde in Paris einen Tag vor dem französischen Nationalfeiertag die „Mittelmeerunion“ aus der Taufe gehoben. Der Mittelmeerunion, einem Lieblingsprojekt des amtierenden EU-Vorsitzenden, Frankreichs Präsident Nicolas Sarkozy, gehören neben den 27 Mitgliedstaaten der Europäischen Union fast alle Anrainerstaaten des südlichen und östlichen Mittelmeers an. Einzig Libyen, dessen „Revolutionsführer“ Gaddafi die Mittelmeerunion als „imperialistischen Plan“ bezeichnet hat, nimmt nicht teil.

Ob das in der französischen Hauptstadt gegründete Gebilde für Europa einen Nutzen bringt, ist jedoch zu verneinen. Schließlich gibt es zwischen der EU und den Anrainerstaaten des Mittelmeers bereits jetzt im Rahmen des sogenannten Barcelona-Prozesses ein weitreichendes Beziehungsgeflecht, wobei die Zusammenarbeit unter anderem die Bereiche Wirtschaft, Soziales oder Zuwanderung umfaßt. Worin nun der „Mehrwert“ der Mittelmeerunion bestehen soll, ist vollkommen unklar, außer, daß deren Gründung der Eitelkeit Sarkozys schmeichelt und einen bürokratischen Mehraufwand bringt.

Anstatt dieses Konstrukt ins Leben zu rufen, wäre es weitaus besser gewesen, in Paris insbesondere mit den Staats- und Regierungschefs der nordafrikanischen Anrainerstaaten des Mittelmeers Klartext zu sprechen. Schließlich handelt es sich bei ihnen durchwegs um die Herkunft- bzw. Durchreiseländer der Wirtschaftsflüchtlinge, die zu Abertausenden nach Europa strömen. Und ihre Bereitschaft, mit der EU bei der Bekämpfung der illegalen Zuwanderung zusammenzuarbeiten, läßt mehr als zu wünschen übrig.

Somit wäre es für Europa von Interesse gewesen, mit den nordafrikanischen Mittelmeer-Anrainerstaaten Verträge über die Rückführung illegaler Zuwanderer abzuschließen. Dabei wären die Vertragspartner der EU auch entsprechend in die Pflicht zu nehmen gewesen. Schließlich stellt die EU-Kommission bis 2010 drei Milliarden Euro für den Raum südlich des Mittelmeers zur Verfügung, ohne daß von den Empfängern eine Gegenleistung erwartet wird. Angesichts dieses gewaltigen Betrags wäre es wohl das Mindeste, jenen Empfängerländern, die nicht bereit sind, mit der EU bei der Bekämpfung der illegalen Zuwanderung zusammenzuarbeiten oder ihre eigenen Staatsbürger zurückzunehmen, die von den europäischen Steuerzahlen finanzierten Wohltaten zu streichen.

jeudi, 26 juin 2008

Entretien avec Jean Dutourd

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Entretien avec Jean Dutourd,

Membre de l'Académie française

 

Membre de l'Académie française, Officier de la Légion d'hon­neur, Commandeur de l'ordre national du mérite, Officier des Arts et Lettres, Jean Dutourd est redouté pour ses propos anticonformistes, et, généralement, ad­miré pour sa liberté de ton. Il a bien voulu nous accor­der un entretien dans lequel il se livre en partie, cela à l'occasion de la parution de ses mémoires.

 

Q.: Aujourd'hui, quelle est la situation de la culture française ?

 

JD: Comme toujours en péril. Un peu moins qu'il y a cent ans, quand même.

 

Q.: Quels sont les principaux périls que rencontre notre culture ?

 

JD: Les mêmes que rencontre toute culture: la paresse in­tel­lectuelle, laquelle marche du même pas que l'indiffé­ren­ce pour la patrie.

 

Q.: Et l'américanisation, dans tout cela ?

 

JD: L'Europe se renie depuis trente ou quarante ans. On a le sentiment que toute son ambition est de devenir une co­lonie américaine, avec ce que cela signifie de docilité po­li­tique, d'adoration idiote, de mimétisme. Le comble du chic en Europe est de copier servilement la métropole, c'est-à-dire New York. Lorsque la France cessera de se conduire com­me une colonie, jusqu'à parler petit-nègre, elle rede­vien­dra ce qu'elle était naguère.

 

Q.: C'est-à-dire ?

 

JD: Le contraire de ce qu'elle est aujourd'hui. Qu'elle rêve d'ima­giner qu'elle sera de nouveau gaie et insouciante, com­me en 1860 ou 1913!

 

Q.: Avec l'Europe que l'on nous prépare, pensez-vous que la France puisse disparaître ?

 

JD: Je crois que la France a été, au cours de son histoire ex­posée à des périls ou des tentations pires. Ce n'est pas "croi­re au miracle" que de croire à la persévérance du génie fran­çais, lequel, en mille ans, a démontré plusieurs fois qu'il était insubmersible.

 

Q.: Avez-vous l'impression que les Français veulent le rester ?

 

JD: Pour le moment, non, mais, il faut se garder de con­fon­dre la France et les Français. Ceux-ci sont une peuplade chan­geante, tantôt sublime, tantôt abjecte... La France est une œuvre d'art dont l'accomplissement a pris mille ans. Les Français changent de génération en génération, mais No­tre-Dame ne bouge pas, ni le Louvre, ni même la Tour Eiffel.

 

Q.: On a pourtant l'impression que certains politiques veulent que la France disparaisse au sein de l'Europe...

 

JD: On a surtout l'impression que les hommes politiques sont épouvantés par l'idée de prendre des responsabilités, de s'engager dans des voies irréversibles, de regarder le destin en face, et, lorsqu'il le faut, s'opposer a lui. L'Europe est un excellent alibi pour ces gens-là. Elle leur donne le pouvoir sans les obligations du pouvoir. Comme disait Péguy des politiciens de son temps :"lls ne veulent pas se salir les mains, mais ils n'ont pas de mains".

 

Q.: A quand remonte le fait que nos dirigeants poli­ti­ques refusent les responsabilités, qui pourtant leur in­combent ?

 

JD: Je crois que cela remonte à l'entre-deux guerres? La Fran­ce était fatiguée de la guerre de 14  —et il y avait lieu de l'être. Elle en était sortie exsangue. A ce moment-là nos po­litiques ont étés atteints d'une espèce de crise de vo­lon­té. Toutefois, à cette époque, les vieilles armatures exis­taient encore et on ne voyait pas les âmes nues (ou le man­que d'âmes). Tout s'est effondré en 1940.

 

Q.: Pensez-vous que les imbéciles soient nuisibles ?

 

JD: La terre est peuplée d'une infinité d'imbéciles, lesquels choisissent dans leur sein quelques-uns d'entre eux pour les con­duire, ce qui explique la plupart des tragédies ou "dra­mes nationaux" dont l'histoire des démocraties est jalon­née. Au principe de ces drames, on trouve à peu près in­failliblement la bêtise, c'est-à-dire les vues courtes des di­rigeants, leur absence d'imagination et de prévoyance, leur défaut d'audace allant jusqu'à la pusillanimité, leurs chi­mères puériles, toute chose qui ne déplaise pas au peuple souverain...

 

Q.: C'est plutôt tragique, ce que vous nous dites là...

 

JD: Lorsque la tragédie s'abat sur la nation, elle n'apporte pas avec elle que de la désolation et des souffrances, mais aussi une espèce de contentement mystérieux. La tragédie est la justification de la bêtise, sa sublimation; elle la sanc­tifie, elle la transforme en légende...

 

Q.: Etes-vous d'accord avec Maurras, lorsqu'il affirme que "vivre, c'est réagir" ?

 

JD: Bien sûr, mais cette pensée n'est pas une des plus ori­gi­nales de Maurras...

 

Q.: Vous gardez donc espoir ?

 

JD: Forcément, je ne peux pas faire autrement, je suis homme de lettres. Alors, j'ai besoin qu'il existe toujours des Français afin qu'on lise mes livres après que je sois mort.

 

Q.: N'avez-vous pas l'impression que votre discours soit "ringard" ?

 

JD: Léautaud avait une phrase magnifique, que je me suis empressé d'adopter dès que je l'ai découverte: "On dit que je suis un homme d'un autre âge, tant mieux, c'est plus chic". Dans la France actuelle, qui mange du pain industriel et du poulet à la dioxine, qui baragouine un sabir vague­ment américain, qui ne connaît plus rien de son passé et de ses grands écrivains, qui est pleine de voleurs et d'assas­sins, je crois qu'il est essentiel d'être ringard, attardé, vieille lune, bref, disciple de Mallarmé et de Flaubert.

 

Q.: Quel est le message que vous souhaitez donner aux jeunes ?

 

JD: J'attendrai qu'ils aient un peu vieilli et lu quelques bou­quins avant de le leur transmettre.

 

Q.: Vous étes toujours monarchiste ?

 

JD: Plus que jamais. C'est le seul régime commode que les hom­mes aient jamais trouvé.

 

(propos recueillis par © Xavier Cheneseau).

 

L'invité en quelques dates:

1944-1947 - Il est administrateur adjoint de Libération.

1947-1950 - Jean Dutourd est directeur de deux program­mes de la BBC à Londres.

1957-1959 - Il est Président du syndicat des écrivains fran­çais.

1950-1966 - Il est conseiller littéraire aux Editions Galli­mard.

1963-1970 - Jean Dutourd est critique dramatique de Fran­ce-soir.

1978 - Jean Dutourd est élu à l'Académie française.

 

L'invité en quelques livres:

1946 - Le complexe de César (Prix Stendhal)

1948 - Le déjeuner du Lundi

1949 - L'Arbre, Une tête de chien (Prix Courteline)

1950 - Le petit Don Juan

1952 - Au bon beurre (Prix Interallié)

1955 - Doucin

1956 - Les taxis de la Marne

1958 - Le fond et la forme

1959 - Les dupes, L'Ame sensible

1961 - Le fond et la forme (tome II), Rivarol

1963 - Les horreurs de l'amour

1964 - Le demi-Solde, La fin des peaux-rouges

1965 - Le fond et la forme (tome lll)

1967 - Pluche ou l'Amour de l'art, Petit journal

1971 - Le paradoxe du critique, Le crépuscule des loups

1972 - Le printemps de la vie

1973 - Carnet d'un émigré

1975 - 2024

1977 - Cinq ans chez les sauvages

1977 - Mascareigne

1978 - Les matinées de Chaillot

1978 - Les choses comme elles sont

1980 - Le bonheur et autres idées, Mémoire de Mary Watson

1982 - De la France considérée comme une maladie

1983 - Henri ou l'éducation nationale

1983 - Le socialisme à tête de linotte

1984 - Le septennat des vaches maigres

1985 - La gauche la plus bête du monde

1986 - Contre les dégoûts de la vie, Le spectre de la rose

1987 - Le séminaire de Bordeaux

1989 - Ça bouge dans le prêt à porter

1990 - Conversation avec le Général, Les Pensées, Loin d'Edimbourg

1991 - Portraits de femmes

1992 - Vers de circonstance

1993 - L'assassin

1996 - Le feld-maréchal von Bonaparte

1999 - Que vive le Peuple Serbe (ouvrage collectif)

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dimanche, 22 juin 2008

Afghanistan: une guerre de 210 ans!

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Afghanistan : une guerre programmée depuis 210 ans

 

Conférence prononcée par Robert Steuckers le 24 novembre 2001 à la tribune du "Cercle Hermès" de Metz, à la tribune du MNJ le 26 janvier 2002 et à la tribune commune de "Terre & Peuple"-Wallonie et de "Synergies Européennes"-Bruxelles le 21 février 2002

 

Depuis que les troupes américaines et occidentales ont dé­barqué en Afghanistan, dans le cadre de la guerre anti-ter­ro­ristes décrétée par Bush à la suite des attentats du 11 sep­tembre 2001, un regard sur l'histoire de l'Afghanistan au cours de ces deux derniers siècles s'avère impératif; de mê­me, joindre ce regard à une perspective plus vaste, englo­bant les théâtres et les dynamiques périphériques, permet­trait de juger plus précisément, à l'aune de l'histoire, les ma­nœuvres américaines en cours. Il nous induit à constater que cette guerre dure en fait depuis au moins 210 ans. Pour­quoi ce chiffre de 210 ans? Parce que les principes, qui la guident, ont été consignés dans un mémorandum anglais en 1791, mémorandum qui n'a pas perdu de sa validité dans les stratégies appliquées de nos jours par les puissances ma­­ritimes. Seule l'amnésie historique, qui est le lot de l'Eu­rope actuelle, qui nous est imposée par des politiques aber­rantes de l'enseignement, qui est le produit du refus d'en­sei­­gner l'histoire correctement, explique que la teneur de ce mémorandum n'est pas inscrite dans la tête des diplo­ma­tes et des fonctionnaires européens. Ils en ignorent généra­le­ment le contenu et sont, de ce fait, condamnés à ignorer le moteur de la dynamique à l'œuvre aujourd'hui.

 

Louis XVI : l'homme à abattre

 

Quel est le contexte qui a conduit à la rédaction de ce fameux mémorandum? La date clef qui explique le pourquoi de sa rédaction est 1783. En cette année-là, à l'Est, les ar­mées de Catherine de Russie prennent la Crimée et le port de Sébastopol, grâce à la stratégie élaborée par le Ministre Potemkine et le Maréchal Souvorov (cf. : Gérard Chaliand, Anthologie mondiale de la stratégie - Des origi­nes au nu­cléaire, Laffont, coll. "Bouquins", 1990). A partir de cette année 1783, la Crimée devient entièrement russe et, plus tard, à la suite du Traité de Jassy en 1792, il n'y aura plus aucune troupe ottomane sur la rive septentrionale de la Mer Noire. A l'Ouest, en 1783, la Marine Royale française écrase la Royal Navy anglaise à Yorktown, face aux côtes américaines. La flotte de Louis XVI, bien équipée et bien commandée, réorganisée selon des critères de réelle ef­fi­cacité, domine l'Atlantique. Son action en faveur des insur­gés américains a pour résultat politique de détacher les treize colonies rebelles de la Couronne anglaise. A partir de ce moment-là, le sort de l'artisan intelligent de cette vic­toire, le Roi Louis XVI, est scellé. Il devient l'homme à a­battre. Exactement comme Saddam Hussein ou Milosevic au­jourd'hui. Paul et Pierrette Girault de Coursac, dans Guer­res d'Amérique et libertés des mers (cf. infra), ont dé­crit avec une minutie toute scientifique les mécanismes du complot vengeur de l'Angleterre contre le Roi de France qui a développé une politique intelligente, dont les deux piliers sont 1) la paix sur le continent, concrétisée par l'alliance avec l'Empire autrichien, dépositaire de la légitimité impé­riale romano-germanique, et 2) la construction d'une flotte appelée à dominer les océans (à ce propos, se rappeler des expéditions de La Pérouse; cf. Yves Cazaux, Dans le sillage de Bougainville et de Lapérouse, Albin Michel, 1995).

 

L'Angleterre de la fin du 18ième siècle, battue à Yorktown, me­nacée par les Russes en Méditerranée orientale, va vou­loir inverser la vapeur et conserver le monopole des mers. Elle commence par lancer un débat de nature juridique: la mer est-elle res nullius ou res omnius, une chose n'appar­te­nant à personne, ou une chose appartenant à tous? Si elle est res nullius, on peut la prendre et la faire sienne; si elle est res omnius, on ne peut prétendre au monopole et il faut la partager avec les autres puissances. L'Angleterre va évidemment arguer que la mer est res nullius. Sur terre, l'An­gleterre continue à appliquer sa politique habituelle, mise au point au 17ième siècle, celle de la "Balance of Po­wers", de l'équilibre des puissances. En quoi cela consiste-t-il? A s'allier à la seconde puissance pour abattre la pre­miè­re. En 1783, cette pratique pose problème car il y a désor­mais alliance de facto entre la France et l'Autriche: on ne peut plus les opposer l'une à l'autre comme au temps de la Guer­re de Succession d'Espagne. C'est d'ailleurs la première fois depuis l'alliance calamiteuse entre François I et le Sul­tan turc que les deux pays marchent de concert. Depuis le mariage de Louis XVI et de Marie-Antoinette de Habsbourg-Lorraine, il est donc impossible d'opposer les deux puissan­ces traditionnellement ennemies du continent. Cette union continentale ne laisse rien augurer de bon pour les Anglais, car, profitant de la paix avec la France, Joseph II, Empe­reur germanique, frère de Marie-Antoinette, veut exploiter sa façade maritime en Mer du Nord, dégager l'Escaut de l'é­tau hollandais et rouvrir le port d'Anvers. Joseph II s'inspire des projets formulés quasiment un siècle plus tôt par le Comte de Bouchoven de Bergeyck, soucieux de développer la Compagnie d'Ostende, avec l'aide du gouverneur espa­gnol des Pays-Bas, Maximilien-Emmanuel de Bavière. La ten­tative de Joseph II de forcer le barrage hollandais sur l'Escaut se termine en tragi-comédie: un canon hollandais tire un bou­let qui atterrit au fond de la marmite des cui­si­nes du ba­teau impérial. On parlera de "Guerre de la Mar­mi­te". L'Es­caut reste fermé. L'Angleterre respire.

 

Organiser la révolution et le chaos en France

 

Comme cette politique de "Balance of Powers" s'avère im­possible vu l'alliance de Joseph II et de Louis XVI, une nou­velle stratégie est mise au point: organiser une révolution en France, qui débouchera sur une guerre civile et affai­blira le pays, l'empêchant du même coup de financer sa po­litique maritime et de poursuivre son développement in­dustriel. En 1789, cette révolution, fomentée depuis Lon­dres, éclate et précipite la France dans le désastre. Olivier Blanc, Paul et Pierrette Girault de Coursac sont les his­to­riens qui ont explicité en détail les mécanismes de ce pro­cessus (cf. : Olivier Blanc, Les hommes de Londres - His­toire secrète de la Terreur, Albin Michel, 1989; Paul et Pier­rette Girault de Coursac, Guerre d'Amérique et liberté des mers 1718-1783, F.X. de Guibert/O.E.I.L., Paris, 1991). En 1791, les Anglais obtiennent indirectement ce qu'ils veu­lent : la République néglige la marine, ne lui vote plus de crédits suffisants, pour faire la guerre sur le con­ti­nent et rom­pre, par voie de conséquence, l'harmonie fran­co-impé­riale, prélude à une unité diplomatique européenne sur tous les théâtres de conflit, qui avait régné dans les vingt an­nées précédant la révolution française.

 

Trois stratégies à suivre

 

A Londres, on pense que la France, agitée par des avocats convulsionnaires, est plongée pour longtemps dans le ma­ras­me et la discorde civile. Reste la Russie à éliminer. Un mémorandum anonyme est remis, la même année, à Pitt; il s'intitule "Russian Armament" et contient toutes les recet­tes simples et efficaces pour abattre la seconde menace, née, elle aussi, en 1783, qui pèse sur la domination poten­tielle des mers par l'Angleterre. Ce mémorandum contient en fait trois stratégies à suivre à tout moment : 1) Contenir la Russie sur la rive nord de la Mer Noire et l'empêcher de faire de la Crimée une base maritime capable de porter la puissance navale russe en direction du Bosphore et au-delà; cette stratégie est appliquée aujourd'hui, par l'alliance turco-américaine et par les tentatives de satelliser la Géor­gie de Chevarnadze. 2) S'allier à la Turquie, fort affaiblie de­puis les coups très durs que lui avait portés le Prince Eu­gène de Savoie entre 1683 et 1719. La Turquie, incapable dé­sormais de développer une dynamique propre, devait de­venir, pour le bénéfice de l'Angleterre, un verrou infran­chissable pour la flotte russe de la Mer Noire. La Turquie n'est donc plus un "rouleau compresseur" à utiliser pour dé­truire le Saint Empire, comme le voulait François I; ni ne peut constituer un "tremplin" vers la Méditerranée orienta­le et vers l'Océan Indien, pour une puissance continentale qui serait soit la Russie, si elle parvenait à porter ses forces en avant vers les Détroits (vieux rêve depuis que l'infortu­née épouse du Basileus, tombé l'épée à la main à Constan­tinople en 1453 face aux Ottomans, avait demandé aux Rus­ses de devenir la "Troisième Rome" et de prendre le re­lais de la défunte Byzance); soit l'Autriche si elle avait pu consolider sa puissance au cours du 19ième siècle; soit l'Alle­magne de Guillaume II, qui, par l'alliance effective qu'elle scelle avec la Sublime Porte, voulait faire du territoire tur­co-anatolien et de son prolongement mésopotamien un "trem­plin" du cœur de l'Europe vers le Golfe Persique et, par­tant, vers l'Océan Indien (ce qui suscita la fameuse "Ques­tion d'Orient" et constitua le motif principal de la Pre­mière Guerre Mondiale; rappelons que la "Question d'O­rient" englobait autant les Balkans que la Mésopotamie, les deux principaux théâtres de conflit à nos portes; les deux zo­nes sont étroitement liées sur le plan géopolitique et géo­stratégique). 3) Eloigner toutes les puissances euro­péennes de la Méditerranée orientale, afin qu'elles ne puis­sent s'emparer ni de Chypre ni de la Palestine ni de l'isthme égyptien, où l'on envisage déjà de creuser un canal en di­rection de la Mer Rouge.

 

La réouverture de l'Escaut

 

En 1793, la situation a cependant complètement changé en France. La République ne s'enlise pas dans les discussions stériles et la dissension civile, mais tombe dans la Terreur, où les sans-culottes jouent un rôle équivalent à celui des talibans aujourd'hui. En 1794, après la bataille de Fleurus remportée par Jourdan le 25 juin, les armées révolution­nai­res françaises s'emparent définitivement des Pays-Bas au­tri­chiens, prennent, avec Pichegru, le Brabant et le port d'An­vers, de même que le Rhin, de Coblence —ville prise par Jourdan en même temps que Cologne— à son embou­chure dans la Mer du Nord. Ils réouvrent l'Escaut à la na­vi­gation et entrent en Hollande. Le delta des trois fleuves (Es­caut / Meuse / Rhin), qui fait face aux côtes anglaises et à l'estuaire de la Tamise, se trouve désormais aux mains d'une puissance de grande profondeur stratégique (l'Hexa­go­ne). La situation nouvelle, après les soubresauts chaoti­ques de la révolution, est extrêmement dangereuse pour l'An­gleterre, qui se souvient que les corsaires hollandais, sous la conduite de l'Amiral de Ruyter, avaient battu trois fois la flotte anglaise et remonté l'estuaire de la Tamise pour incendier Londres (1672-73) (1). En partant d'Anvers, il faut une nuit pour atteindre l'estuaire de la Tamise, ce qui ne laisse pas le temps aux Anglais de réagir, de se por­ter en avant pour détruire la flotte ennemie au milieu de la Mer du Nord: d'où leur politique systématique de détacher les pays du Bénélux et le Danemark de l'influence française ou allemande, et d'empêcher une fusion des Pays-Bas sep­ten­trionaux et méridionaux, car ceux-ci, unis, s'avèreraient ra­pidement trop puissants, vu l'union de la sidérurgie et du charbon wallons à la flotte hollandaise (a fortiori quand un empire colonial est en train de se constituer en Indonésie, à la charnière des océans Pacifique et Indien).

 

Lord Castlereagh proposa à Vienne en 1815 la consolidation et la satellisation du Danemark pour verrouiller la Baltique et fermer la Mer du Nord aux Russes, la création du Ro­yau­me-Uni des Pays-Bas (car on ne perçoit pas encore sa puis­sance potentielle et on ne prévoit pas sa future pré­sence en Indonésie), la création du Piémont-Sardaigne, Etat-tam­pon entre la France et l'Autriche, et marionnette de l'An­gleterre en Méditerranée occidentale; Homer Lea théo­ri­sera cette politique danoise et néerlandaise de l'Angleterre en 1912 (cf. infra) en l'explicitant par une cartographie très claire, qui reste à l'ordre du jour.

 

Nelson : Aboukir et Trafalgar

 

Les victoires de la nouvelle république, fortifiées à la suite d'une terreur bestiale, sanguinaire et abjecte, notamment en Vendée, provoquent un retournement d'alliance: d'insti­gatrice des menées "dissensionnistes" de la révolution, l'An­gle­terre devient son ennemie implacable et s'allie aux ad­ver­saires prussiens et autrichiens de la révolution (stratégie mise au point par Castlereagh, sur ordre de Pitt). Résultat : un espace de chaos émerge entre Seine et Rhin. Dans les an­nées 1798-99, Nelson va successivement chasser la ma­ri­ne française de la Méditerranée, car elle est affaiblie par les mesures de restriction votées par les assemblées révo­lu­tionnaires irresponsables, alors que l'Angleterre avait lar­ge­ment profité du chaos révolutionnaire français pour con­so­li­der sa flotte. Par la bataille d'Aboukir, Nelson isole l'armée de Bonaparte en Egypte, puis, les Anglais, avec l'aide des Turcs et en mettant au point des techniques de débar­que­ment, finissent par chasser les Français du bassin oriental de la Méditerranée; à Trafalgar, Nelson confisque aux Fran­çais la maîtrise de la Méditerranée occidentale.

 

Géostratégiquement, notre continent, à la suite de ces deux batailles navales, est encerclé par le Sud, grâce à la tri­ple alliance tacite de la flotte anglaise, de l'Empire otto­man et de la Perse. La thalassocratie joue à fond la carte turco-islamique pour empêcher la structuration de l'Europe continentale: une carte que Londres joue encore aujour­d'hui. Dans l'immédiat, Bonaparte abandonne à regret toute visée sur l'Egypte, tout en concoctant des plans de retour jus­qu'en 1808. Par la force des choses, sa politique devient strictement continentale; car, s'il avait parfaitement com­pris l'importance de l'Egypte, position clef sur la route des Indes, et s'il avait pleine conscience de l'atout qu'étaient les Indes pour les Anglais, il ne s'est pas rendu compte que la maîtrise de la mer implique ipso facto une domination du continent, lequel, sans la possibilité de se porter vers le lar­ge, est condamné à un lent étouffement. La présence d'es­cadres suffisamment armées en Méditerranée ne ren­dait pas la conquête militaire —coûteuse—  du territoire é­gyptien obligatoire.

 

Dialectique Terre/Mer

 

Depuis cette époque napoléonienne, notre pensée politi­que, sur le continent, devient effectivement, pour l'essen­tiel, une pensée de la Terre, comme l'attestent bon nombre de textes de la première décennie du 19ième siècle, les é­crits de Carl Schmitt et ceux de Rudolf Pannwitz (cf. : Ro­bert Steuckers, «Rudolf Pannwitz : "Mort de la Terre", Im­perium Europæum et conservation créatrice», in : Nou­vel­les de Synergies Européennes, n°19, avril 1996; Robert Steuc­kers, «L'Europe entre déracinement et réhabilitation des lieux : de Schmitt à Deleuze», in : Nouvelles de Sy­nergies Européennes, n°27, avril-mai 1997; Robert Steuc­kers, «Les visions d'Europe à l'époque napoléonienne - Aux sour­ces de l'européisme contemporain», in : Nouvelles de Synergies Européennes, n°45, mars-mai 2000). C'est contre cette limitation volontaire, contre cette "thalassophobie", que s'insurgeront des hommes comme Friedrich Ratzel (cf. : Robert Steuckers, «Friedrich Ratzel (1844-1904): anthropo­géo­graphie et géographie politique», in: Vouloir, n°9, prin­temps 1997) et l'Amiral von Tirpitz. Le Blocus continental, si bien décrit par Bertrand de Jouvenel (cf. : Bertrand de Jou­venel, Napoléon et l'économie dirigée - Le blocus con­ti­nental, Ed. de la Toison d'Or, Bruxelles, 1942), a des as­pects positifs et des aspects négatifs. Il permet un déve­loppement interne de l'industrie et de l'agriculture euro­péenne. Mais, par ailleurs, il condamne le continent à une forme dangereuse de "sur place", où aucune stratégie de mobilité globale n'est envisagée. A l'ère de la globalisation  —et elle a commencée dès la découverte des Amériques, comme l'a expliqué Braudel—  cette timidité face à la mo­bi­lité sur mer est une tare dangereuse, selon Ratzel.

 

Le plan du Tsar Paul I

 

En 1801, il y a tout juste 200 ans, l'Angleterre doit faire face à une alliance entre le Tsar Paul I et Napoléon. L'ob­jectif des deux hommes est triple: 1) Ils veulent s'emparer des Indes et les Français, qui se souviennent de leurs dé­boires dans ce sous-continent, tentent de récupérer les a­touts qu'ils y avaient eus. 2) Ils veulent bousculer la Perse, alors alliée des Anglais, grâce aux talents d'un très jeune of­ficier, le fameux Malcolm, qui, enfant, avait appris à par­ler persan à la perfection, et qui fut nommé capitaine à 13 ans et général à 18. 3) Ils cherchent les moyens capables de réaliser le Plan d'invasion de Paul I: acheminer les troupes françaises via le Danube et la Mer Noire (et nous trouvons exactement les mêmes enjeux qu'aujourd'hui!), tandis que les troupes russes, composées essentiellement de cavaliers et de cosaques, marcheraient à travers le Turkestan vers la Perse et l'Inde. Dans les conditions techniques de l'époque, ce plan s'est avéré irréalisable, parce qu'il n'y avait pas en­core de voies de communication valables. Le Tsar conclut qu'il faut en réaliser (en germe, nous avons le projet du Transsibérien, qui sera réalisé un siècle plus tard, au grand dam des Britanniques).

 

En 1804, malgré qu'elle ne soit plus l'alliée de la France na­poléonienne, la Russie marque des points dans le Caucase, amorce de ses avancées ultérieures vers le cœur de l'Asie centrale. Ces campagnes russes doivent être remises au­jour­d'hui dans une perspective historique bien plus vaste, d'une profondeur temporelle immémoriale: elles visent, en réalité, à parfaire la mission historique des peuples indo-européens, et à rééditer les exploits des cavaliers indo-ira­niens ou proto-iraniens qui s'étaient répandu dans toute l'A­sie centrale vers 1600 av. J. C. Les momies blanches du Sin­kiang chinois prouvent cette présence importante et domi­nante des peuples indo-européens (dont les Proto-Tokha­riens) au cœur du continent asiatique. Ils ont fort proba­ble­ment poussé jusqu'au Pacifique. Les Russes, du temps de Ca­therine II et de Paul I, ont parfaitement conscience d'ê­tre les héritiers de ces peuples et savent intimement que leur présence attestée en Asie centrale avant les peuples mongols ou turcs donne à toute l'Europe une sorte de droit d'aînesse dans ces territoires. L'antériorité de la conquête et du peuplement proto-iraniens en Asie centrale ôte toute légitimité à un contrôle mongol ou turc de la région, du moins si on raisonne sainement, c'est-à-dire si on raisonne avec longue mémoire, si on forge ses projets sur base de la plus profonde profondeur temporelle. Des Proto-Ira­niens à Alexandre le Grand et à Brejnev, qui donne l'ordre à ses troupes de pénétrer en Afghanistan, la continuité est établie.

 

La ligne Balkhach/Aral/Caspienne/Volga

 

L'analyse cartographique de Colin MacEvedy, auteur de nom­breux atlas historiques, montre que lorsqu'un peuple non européen se rend maître de la ligne Lac Balkhach, Mer d'Aral, Mer Caspienne, cours de la Volga, il tient l'Europe à sa merci. Effectivement, qui tient cette ligne, que Brze­zin­ski appelle la "Silk Road", est maître de l'Eurasie tout en­tière, de la fameuse "Route de la Soie" et de la Terre du Mi­lieu (Heartland). Quand ce n'est pas un peuple européen qui tient fermement cette ligne, comme le firent les Huns et les Turcs, l'Europe entre irrémédiablement en déclin. Les Huns s'en sont rendu maîtres puis ont débouché, après avoir franchi la Volga, dans la plaine de Pannonie (la future Hongrie) et n'ont pu être bloqués qu'en Champagne. Les A­vars, puis les Magyars (arrêtés à Lechfeld en 955), ont suivi exactement la même route, passant au-dessus de la rive sep­tentrionale de la Mer Noire. De même, les Turcs sel­djou­kides, passant, eux, par la rive méridionale, prendront toute l'Anatolie, détruiront l'Empire byzantin, remonteront le Danube vers la plaine hongroise pour tenter de conquérir l'Europe et se retrouveront deux fois devant Vienne.

 

En 1838, les Britanniques prévoient que les Russes, s'ils con­tinuent sur leur lancée, vont arriver en Inde et établir une frontière commune avec les possessions britanniques dans le sous-continent indien. D'où, bons connaisseurs des dynamiques et des communications dans la région, ils for­gent la stratégie qui consiste à occuper la Route de la Soie sur son embranchement méridional et sur sa portion qui va de Herat à Peshawar, point de passage obligatoire de tou­tes les caravanes, comme, aujourd'hui, de tous les futurs oléo­­ducs, enjeux réels de l'invasion récente de l'Afgha­nis­tan par l'armée américaine. On constate donc que le but de guerre de 1838 ne s'est réalisé qu'aujourd'hui seulement !

 

Un Afghanistan jusqu'ici imprenable

 

Sur le plan stratégique, il s'agissait, pour les Anglais de l'é­poque, de 1) protéger l'Inde par une plus vaste profondeur territoriale, sous la forme d'un glacis afghano-himalayen, sinon l'Inde risquait, à terme, de n'être qu'un simple réseau de comptoirs littoraux, plus difficilement défendable con­tre une puissance bénéficiant d'un vaste hinterland centre-asiatique (les Anglais tirent les leçons de la conquête de l'Inde par les Moghols islamisés); et 2) de contenir la Russie selon les principes énoncés en 1791 pour la Mer Noire, cet­te fois le long de la ligne Herat-Peshawar (cf. à ce propos, Karl Marx & Friedrich Engels, Du colonialisme en Asie - In­de, Perse, Afghanistan, Mille et une nuits, n°372, 2002).  Les opérations anglaises en Afghanistan se solderont en 1842 par un désastre total, seule une poignée de survivants reviendront à Peshawar, sur une armée de 17.000 hommes. La victoire des tribus afghanes contre les Anglais en 1842 sau­vera l'indépendance du pays. Jusque aujourd'hui, en effet, mise à part la tentative soviétique de 1979 à Gorbat­chev, l'Afghanistan restera imprenable, donc indépendant. Un destin dont peu de pays musulmans ont pu bénéficier.

 

De 1852 à 1854 a lieu la Guerre de Crimée. L'alliance de l'An­gleterre, de la France et de la Turquie conteste les po­si­tions russes en Crimée, exactement selon les critères a­van­cés par l'Angleterre depuis 1783. En 1856, au terme de cette guerre, perdue par la Russie sur son propre terrain, le Traité de Paris limite la présence russe en Mer Noire, ou la rend inopérante, et lui interdit l'accès aux Détroits. En 1878, les armées russes, appuyées par des centaines de mil­liers de volontaires balkaniques, serbes, roumains et bul­gares, libèrent les Balkans de la présence turque et a­van­cent jusqu'aux portes de Constantinople, qu'elles s'ap­prê­tent à libérer du joug ottoman. Le Basileus byzantin a fail­li être vengé. Mais l'Angleterre intervient à temps pour é­viter l'effondrement définitif de la menace ottomane qui a­vait pesé sur l'Europe depuis la défaite serbe sur le Champ des Merles en 1389. Tous ces événements historiques vont con­tribuer à faire énoncer clairement les concepts de la géo­politique moderne.

 

Mackinder et Lea : deux géopolitologues toujours actuels

 

En effet, en 1904, Halford John MacKinder prononce son fa­meux discours sur le "pivot" de l'histoire mondiale, soit la "Terre du Milieu" ou "Heartland", correspondant à l'Asie cen­trale et à la Sibérie occidentale. Les états-majors britan­ni­ques sont alarmés: le Transsibérien vient d'être inauguré, don­nant à l'armée russe la capacité de se mouvoir beau­coup plus vite sur la terre. Le handicap des armées de Paul I et de Napoléon, incapables de marcher de concert vers la Perse et les Indes en 1801, est désormais surmonté. En 1912, Homer Lea, géopolitologue et stratège américain, favorable à une alliance indéfectible avec l'Empire bri­tannique, énonce, dans The Day of the Saxons, les prin­cipes généraux de l'organisation militaire de l'espace situé entre Le Caire et Calcutta. Dans le chapitre consacré à l'I­ran et à l'Afghanistan, Homer Lea explique qu'aucune puis­sance  —en l'occurrence, il s'agit de la Russie—  ne peut fran­chir la ligne Téhéran-Kaboul et se porter trop loin en di­rection de l'Océan Indien. De 1917 à 1921, le grand souci des stratèges britanniques sera de tirer profit des désordres de la révolution bolchevique pour éloigner le pouvoir effec­tif, en place à Moscou, des rives de la Mer Noire, du Cau­ca­se et de l'Océan Indien.

 

Les préliminaires de cette révolution bolchevique, qui ont lieu immédiatement après le discours prémonitoire de Mac­Kinder en 1904 sur le pivot géographique de l'histoire et sur les "dangers" du Transsibérien pour l'impérialisme britanni­que, commencent dès 1905 par des désordres de rue, suivis d'un massacre qui ébranle l'Empire et permet de décrire le Tsar comme un monstre (qui redeviendra bon en 1914, com­me par l'effet d'un coup de baguette magique!). Selon toute vraisemblance, les services britanniques tentent de procéder de la même façon en Russie, dans la première dé­cennie du 20ième siècle, qu'en France à la fin du 18ième: sus­ci­ter une révolution qui plongera le pays dans un désordre de longue durée, qui ne lui permettra plus de faire des in­vestissements structurels majeurs, notamment des travaux d'aménagement territorial, comme des lignes de chemin de fer ou des canaux, ou dans une flotte capable de dominer le large. Les deux types de projets politiques que combat­tent toujours les Anglo-Saxons sont justement 1) les amé­na­­gements territoriaux, qui structurent les puissances con­tinentales et diminuent ipso facto les atouts d'une flotte et de la mobilité maritime, et qui permettent l'autarcie com­mer­ciale; 2) la construction de flottes concurrentes. La Fran­ce de 1783, la Russie de 1904 et l'Allemagne de Guil­lau­me II développaient toutes trois des projets de cette na­ture: elles se plaçaient par conséquent dans le collimateur de Londres.

 

De 1905 à 1917

 

Pour détruire la puissance russe, bien équipée, dotée de ré­ser­ves immenses en matières premières, l'Angleterre va utiliser le Japon, qui était alors une puissance émergeante, depuis la proclamation de l'ère Meiji en 1868. Londres et une banque new-yorkaise  —la même qui financera Lénine à ses débuts—  vont prêter les sommes nécessaires aux Ja­po­nais pour qu'ils arment une flotte capable d'attirer dans le Pacifique la flotte russe de la Baltique et de la détruire. C'est ce qui arrivera à Tshouchima (pour les tenants et a­bou­tissants de cet épisode, cf. notre article sur le Japon : Robert Steuckers, «La lutte du Japon contre les impéria­lismes occidentaux», in : Nouvelles de Synergies Euro­péen­nes, n°32, janvier-février 1998).

 

En 1917, on croit que la Russie va être plongée dans un dé­sordre permanent pendant de longues décennies. On pense 1) détacher l'Ukraine de la Russie ou, du moins, détruire l'atout céréalier de cette région d'Europe, grenier à blé con­current de la Corn Belt  américaine; 2) on spécule sur l'effondrement définitif du système industriel russe; 3) on prend prétexte du caractère inacceptable de la révolution et de l'idéologie bolcheviques pour ne pas tenir les promes­ses de guerre faites à la Russie pour l'entraîner dans le car­nage de 1914; devenue bolchevique, la Russie n'a plus droit à aucune conquête territoriale au-delà du Caucase au détri­ment de la Turquie; ne reçoit pas d'accès aux Détroits; on ne lui fait aucune concession dans les Balkans et dans le Del­ta du Danube (les principes du mémorandum de 1791 et du Traité de Paris de 1856 sont appliqués dans le nouveau contexte de la soviétisation de la Russie).

 

En 1918-19, les troupes britanniques et américaines occu­pent Mourmansk et asphyxient la Russie au Nord; Britanni­ques et Turcs, réconciliés, occupent le flanc méridional du Caucase, en s'appuyant notamment sur des indépendan­tis­tes islamiques azéris turcophiles (exactement comme au­jour­d'hui) et en combattant les Arméniens, déjà si dure­ment étrillés, parce qu'ils sont traditionnellement russo­phi­les (ce scénario est réitéré de nos jours); plus tard, Enver Pa­cha, ancien chef de l'état-major turc pendant la premiè­re guerre mondiale, organise, au profit de la stratégie glo­bale des Britanniques, des incidents dans la zone-clef de l'A­sie centrale, la Vallée de la Ferghana.

 

De la "Question d'Orient" à la révolte arabe

 

L'aventure d'Enver Pacha dans la Vallée de la Ferghana, qui s'est terminée tragiquement, constitue une application de ce que l'on appelle désormais la "stratégie lawrencienne" (cf.: Jean Le Cudennec, «Le point sur la guerre américaine en Afghanistan : le modèle "lawrencien"», in : Raids, n°189, février 2002). Comme son nom l'indique, elle désigne la stra­tégie qui consiste à lever des "tribus" hostiles à l'ennemi sur le propre territoire de celui-ci, comme Lawrence d'Ara­bie avait mobilisé les tribus arabes contre les Turcs, entre 1916 et 1918. Déboulant du fin fonds du désert, fondant sur les troupes turques en Mésopotamie et le long de la vallée du Jourdain, la révolte arabe, orchestrée par les services bri­tanniques, annihile, par le fait même de son existence, la fonction de "tremplin" vers le Golfe Persique et l'Océan Indien que le binôme germano-turc accordait au territoire anatolien et mésopotamien de l'Empire ottoman. L'objectif majeur de la Grande Guerre est atteint : la grande puis­sance européenne, qui avait le rôle du challengeur le plus dangereux, et son espace complémentaire balkano-anatolo-mésopotamien (Ergänzungsraum), n'auront aucune "fenê­tre" sur la Mer du Milieu (l'Océan Indien), qui, quadrillé par une flotte puissante, permet de tenir en échec la "Terre du Milieu" (le "Heartland" de MacKinder).

 

Après les traités de la banlieue parisienne, les Alliés pro­cè­dent au démantèlement du bloc ottoman, désormais divisé en une Anatolie turcophone et sunnite, et une mosaïque arabe balkanisée à dessein, où se juxtaposent des chiites dans le Sud de l'Irak, des Alaouites en Syrie, des chrétiens araméens, orthodoxes, de rite arménien ou autre, nesto­riens, etc. et de larges masses sunnites, dont des wahha­bi­tes dans la péninsule arabique; le personnage central de la nouvelle république turque devient Moustafa Kemal Ata­türk, aujourd'hui en passe de devenir un héros du cinéma américain (cf. : Michael Wiesberg, «Pourquoi le lobby is­raélo-américain s'engage-t-il à fond pour la Turquie? Parce que la Turquie donne accès aux pétroles du Caucase», in : Au fil de l'épée, Recueil n°3, octobre 1999).

 

Les atouts de l'idéologie d'Atatürk

 

Atatürk est un atout considérable pour les puissances tha­lassocratiques: il crée une nouvelle fierté turque, un nou­veau nationalisme laïc, bien assorti d'un solide machisme militaire, sans que cette idéologie vigoureuse et virile, qui sied aux héritiers des Janissaires, ne mette les plans bri­tanniques en danger; Atatürk limite en effet les ambitions turques à la seule Anatolie: Ankara n'envisage plus de re­pren­dre pied dans les Balkans, de porter ses énergies vers la Palestine et l'Egypte, de dominer la Mésopotamie, avec sa fenêtre sur l'Océan Indien, de participer à l'exploitation des gisements pétroliers nouvellement découverts dans les ré­gions kurdes de Kirkouk et de Mossoul, de contester la pré­sence britannique à Chypre; le "turcocentrisme" de l'i­déo­­logie kémaliste veut un développement séparé des Turcs et des Arabes et refuse toute forme d'Etat, de khanat ou de califat regroupant à la fois des Turcs et des Arabes; dans une telle optique, la reconstitution de l'ancien Empire ottoman se voit d'emblée rejetée et les Arabes, livrés à la do­­mination anglaise. On laisse se développer toutefois, en marge du strict laïcisme kémaliste, une autre idéologie, cel­le du panturquisme ou pantouranisme, qu'on instrumen­ta­lisera, si besoin s'en faut, contre la Russie, dans le Cau­ca­se et en Asie centrale. De même, le turcocentrisme peut s'a­vérer utile si les Arabes se montrent récalcitrants, ruent dans les brancards et manifestent leurs sympathies pour l'A­xe, comme en Irak en 1941, ou optent pour une alliance pro-soviétique, comme dans les années 50 et 60 (Egypte, Irak, Syrie). Dans tous ces cas, la Turquie aurait pu ou pour­ra jouer le rôle du père fouettard.

 

Le rôle de l'Etat d'Israël

 

Israël, dans le jeu triangulaire qui allie ce nouveau pays, né en 1948, aux Etats-Unis (qui prennent le relais de l'Angle­ter­re), et à la Turquie —dont la fonction de "verrou" se voit consolidée— a pour rôle de contrôler le Canal de Suez si l'E­gypte ne se montre pas suffisamment docile. Au sud du dé­sert du Néguev, Israël possède en outre une fenêtre sur la Mer Rouge, à Akaba, permettant, le cas échéant, de pallier tou­te fermeture éventuelle du Canal de Suez en créant la pos­sibilité matérielle d'acheminer des troupes et des ma­té­riels via un système de chemin de fer ou de routes entre la côte méditerranéenne et le Golfe d'Akaba (distance somme toute assez courte; la même stratégie logistique a été uti­li­sée du Golfe à la Caspienne, à travers l'Iran occupé, dès 1941; le matériel américain destiné à l'armée soviétique est passé sur cette voie, bien plus longue que la distance Médi­terranée-Akaba et traversant de surcroît d'importants mas­sifs montagneux).

 

Dans ce contexte, très effervescent, où ont eu lieu toutes les confrontations importantes d'après 1945, voyons main­te­nant quelle est, plus spécifiquement, la situation de l'Af­gha­nistan.

 

Entre l'année 1918, ou du moins après l'échec définitif des opérations envisagées par Enver Pacha et ses comman­di­tai­res, et l'année 1979, moment où arrivent les troupes sovié­tiques, l'Afghanistan est au frigo, vit en marge de l'histoire. En 1978 et 1979, années où l'Iran est agité par la révolution islamiste de Khomeiny, l'URSS tente de réaliser le vieux rê­ve de Paul I: foncer vers les rives de l'Océan Indien, procé­der au "grand bond vers le Sud" (comme le qualifiera Vladi­mir Jirinovski dans un célèbre mémorandum géopolitique, qui suscita un scandale médiatique planétaire).

 

Guerre indirecte et "counter-insurgency"

 

Les Etats-Unis, héritiers de la stratégie anglaise dans la ré­gion, ne vont pas tarder à réagir. Le Président démocrate, Jimmy Carter, perd les élections de fin 1980, et Reagan, un faucon, arrive au pouvoir en 1981. Le nouveau président ré­publicain dénonce la coexistence pacifique et rejette toute politique d'apaisement, fait usage d'un langage apoca­lyp­ti­que, avec abus du terme "Armageddon". Ce vocabulaire apo­calyptique, auquel nous sommes désormais habitués, re­vient à l'avant-plan dans les médias, au début du premier mandat de Reagan: on parle à nouveau de "Grand Satan" pour désigner la puissance adverse et son idéologie com­mu­nis­te. Sur le plan stratégique, la parade reaganienne est sim­ple: c'est d'organiser en Afghanistan une guerre indirec­te, par personnes interposées, plus exactement, par l'inter­mé­diaire d'insurgés locaux, hostiles au pouvoir central ou prin­cipal qui se trouve, lui, aux mains de l'ennemi diabo­li­sé. Cette stratégie s'appelle la "counter-insurgency" et est l'héritière actuelle des sans-culottes manipulés contre Louis XVI, des Vendéens excités contre la Convention —parce qu'el­le a fini par tenir Anvers— et puis ignoblement trahis (af­faire de Quiberon), des insurgés espagnols contre Napo­léon, des guérilleros philippins armés contre les Japonais, etc.

 

En Afghanistan, la "counter-insurgency" se déroule en trois étapes: on arme d'abord les "moudjahiddins", qui opèrent en alliant anti-communisme, islamisme et nationalisme af­ghan, pendant toute la période de l'occupation soviétique. Le harcèlement des troupes soviétiques par ces combat­tants bien enracinés dans le territoire et les traditions de l'Afghanistan a été systématique, mais sans les armements de pointe, notamment les missiles "Stinger" fournis par les Etats-Unis et financés par la drogue, ces guerriers n'au­raient jamais tenu le coup.

Seconde étape : entre 1989 et 1995/96, nous assistons en Afghanistan à une sorte de mo­dus vivendi. Les troupes soviétiques se sont retirées, la Rus­sie a cessé d'adhérer à l'idéologie communiste et de la pro­fesser. De ce fait, la diabolisation, le discours sur le "Grand Satan" n'est plus guère instrumentalisable, du moins dans la version établie au temps de Reagan. La troisième éta­pe commence avec l'arrivée sur la scène afghane des ta­li­bans, moudjahiddins plus radicaux dans leur islam de fac­ture wahhabite. Il s'agit d'organiser une "counter-insurgen­cy" contre un gouvernement central afghan russophile, qui en­tend conserver la neutralité traditionnelle de l'Afgha­nis­tan, acquise depuis la terrible défaite subie par les troupes bri­tanniques en 1842, neutralité qui avait permis au pays de rester à l'écart des deux guerres mondiales.

Ben Laden, l'ISI et Leila Helms

Les talibans déploient leur action avec le concours de l'Ara­bie Saoudite, dont est issu leur maître à penser, Oussama Ben Laden, du Pakistan et de son solide service secret, l'ISI, et des services américains agissant sous l'impulsion de Leila Helms. Les Saoudiens fournissent les fonds et l'idéologie, l'ISI pakistanais assure la logistique et les bases de repli sur les territoires peuplés par l'ethnie pachtoune. Les deux ex­perts français Brisard et Dasquié (cf. Jean-Charles Brisard & Guil­laume Dasquié, Ben Laden - La vérité interdite, De­noël, coll. "Impacts", 2001) explicitent clairement le rôle joué par Leila Helms dans leur ouvrage magistral, bien dif­fu­sé et immédiatement traduit en allemand (cette simulta­néité laisse espérer une cohésion franco-allemande, criti­que à l'égard de l'unilatéralisme américain). Toutefois, dans ce jeu, chacun des acteurs poursuit ses propres objectifs. Dans le livre de Brisard et Dasquié, le double jeu de Ben La­den est admirablement décortiqué; par ailleurs Bauer et Rau­fer (cf. : Alain Bauer & Xavier Raufer, La guerre ne fait que commencer - Réseaux, financements, armements, at­ten­tats… les scénarios de demain, J. C. Lattès, 2002) sou­li­gnent le risque d'une exportation dans les banlieues fran­çai­ses (et ailleurs en Europe) d'une effervescence anti-eu­ro­péenne, conduisant à terme à la dislocation totale de nos so­ciétés.

Le pétrole et le coton

Les objectifs immédiats des Etats-Unis, tant dans l'opéra­tion consistant à appuyer les talibans de manière incondi­tionnelle, que dans l'opération ultérieure actuelle, visant à les chasser du pouvoir à Kaboul sont de deux ordres; le pre­mier est avoué, tant il est patent: il s'agit de gérer correc­te­ment l'acheminement du pétrole de la Caspienne et de l'A­sie centrale via les futurs oléoducs transafghans. Le se­cond est généralement inavoué : il s'agit de gérer la pro­duc­tion du coton en Asie centrale, de faire main basse, au profit des grands trusts américains du coton, de cette ma­tiè­re première essentielle pour l'habillement de milliards d'ê­tres humains sur la planète. L'exploitation conjointe des nap­pes pétrolifères et des champs de culture du coton pour­rait transformer cette grande région en un nouvel El­do­rado. 

Les deux anacondas

La gestion optimale de l'opération militaire, prélude à une gigantesque opération économique, est désormais possible, à moindres frais, grâce à la couverture de satellites que possèdent désormais les Américains. Haushofer, le géopo­lito­logue allemand, disait que les flottes des thalassocraties parvenaient à étouffer tout développement optimal des grandes puissances continentales, à occuper des bandes lit­torales de comptoirs soustraites à toute autorité politique venue de l'intérieur des terres, à priver ces dernières de dé­bouchés sur les océans. Haushofer utilisait une image ex­pressive pour désigner cet état de choses : l'anaconda qui en­serre sa proie, c'est-à-dire les continents eurasien et sud-américain. Si les flottes anglo-saxonnes des premières dé­cen­nies du 20ième siècle, consolidées par le traité fonciè­rement inégal que fut ce Traité de Washington de 1922, sont le premier anaconda, il en existe désormais un nou­veau, maître de l'espace, autre res nullius à l'instar des mers au 18ième siècle. Le réseau des satellites observateurs américains constitue le second anaconda, enserrant la terre tout entière.

Le réseau des satellites consolide un autre atout que se sont donné les puissances anglo-saxonnes depuis la seconde guerre mondiale : les flottes de bombardiers lourds. Il faut se rappeler la métaphore de Swift, dans les fameux Voya­ges de Gulliver, où un peuple, vivant sur une île flottant dans les airs, écrase ses ennemis selon trois stratégies: le lancement de gros blocs de roche sur les installations et les habitations du peuple ennemi, le maintien en état station­naire de leur île volante au-dessus du territoire ennemi afin de priver celui-ci de la lumière du soleil, ou la destruction totale du pays ennemi en faisant atterrir lourdement l'île volante sur une ville ou sur la capitale afin de la détruire totalement. Indubitablement, ce récit imaginaire de Swift, répété à tous les Anglais pendant des générations, a donné l'idée qu'une supériorité militaire aérienne totale, capable d'écraser complètement le pays ennemi, était indispensa­ble pour dominer définitivement le monde. Toutefois la théo­risation du bombardement de terreur par l'aviation vient du général italien Douhet (cf. : Gérard  Chaliand, An­tho­logie mondiale de la stratégie - Des origines au nu­cléaire, Laffont, 1990). Elle sera mise en application par les "Bomber Commands" britannique et américain pendant la seconde guerre mondiale, mais au prix de plus de 200.000 morts, rien que dans les forces aériennes. Aujour­d'hui, la couverture spatiale, les progrès de l'avionique en gé­néral et la précision des missiles permettent une utili­sa­tion moins coûteuse en hommes de l'arme aérienne (de l' air power). C'est ainsi qu'on envisage des opérations de gran­de envergure avec "zéro mort", côté américain, côté "Empire du Bien", et un maximum de cadavres et de désola­tion, côté adverse, côté "Axe du Mal".

Face à la situation afghane actuelle, qui est le résultat d'une politique délibérée, forgée depuis près de deux sièc­les, avec une constance étonnante, quels sont les déboires, les possibilités, les risques qui existent pour l'Europe, quel­le est notre situation objective?

Les déboires de l'Europe :

◊1. Nous avons perdu sur le Danube, car un complot de même origine a visé l'élimination physique ou politique de quatre hommes, très différents les uns des autres quant à leur car­te d'identité idéologique : Ceaucescu, Milosevic, Haider et Kohl (voire Stoiber). A la suite d'une guerre médiatique et de manipulations d'images (avec les faux charniers de Timi­soara), le dictateur communiste roumain est éliminé. On a pu penser, comme nous-mêmes, à la liquidation d'une mau­vaise farce, mais ce serait oublier que ce personnage bal­kanique haut en couleur avait réussi vaille que vaille à or­ganiser les "cataractes" du Danube, à faire bâtir deux ponts reliant les rives roumaine et bulgare du grand fleuve et à creuser le canal "Danube - Mer Noire" (62,5 km de long, afin d'éviter la navigation dans les méandres du delta). Notons que le creusement de ce canal avait mécontenté les So­vié­tiques qui ont un droit d'accès au delta, mais non pas à un ca­nal construit par le peuple roumain. Même si l'arbi­traire du régime de Ceaucescu peut être jugé a posteriori pénible et archaïque, force est de constater que sa disparition n'a pas apporté un ordre clair au pays, capable de poursuivre un projet danubien cohérent ou de générer des fonds suf­fi­sants pour financer de tels travaux.

Milosevic, le Danube et l'Axe Dorien 

Les campagnes médiatiques visant à diaboliser Milosevic ont deux raisons géopolitiques majeures : créer sur le cours du Danube, à hauteur de Belgrade, point stratégique im­portant comme l'attestent les rudes combats austro-otto­mans pour s'emparer de cette place, une zone soustraite à toute activité normale, via les embargos. L'embargo ne sert pas à punir des "méchants", comme veulent nous le faire croi­re les médias aux ordres, mais à créer artificiellement des vides dans l'espace, à soustraire à la dynamique spa­tiale et économique des zones visées, potentiellement puis­santes, afin de gêner des puissances concurrentes plus for­tes. La Serbie, de dimensions fort modestes, n'est pas un con­­current des Etats-Unis; par conséquent son élimination n'a pas été le véritable but en soi; l'objectif visé était ma­ni­festement autre;  dès lors, il s'est agi d'affaiblir des puis­san­ces plus importantes.

Dans la région, ce ne peut être que l'Europe en général et son cœur germanique en par­ti­cu­lier. Enfin, le vide créé en Serbie par la politique d'em­bargo, empêche tout consortium euro-serbe, toute fédé­ra­tion balkanique ou tout resserrement de liens entre petites puissances balkaniques (comme la Grèce et la Serbie), em­pêche d'organiser définitivement le corridor Belgrade - Sa­lo­nique, excellente "fenêtre" de l'Europe centrale sur la Mé­diterranée orientale, que nous avions appelé naguère l'"Axe Dorien". 

Haider et Kohl : dénominateur commun : le Danube

Les campagnes de diffamation contre Jörg Haider relèvent d'une même volonté de troubler l'organisation du trafic da­nubien. Les tentatives, heureusement avortées, d'organiser un boycott contre l'Autriche, auraient installé une deu­xième zone "neutralisée", un deuxième vide, sur le cours du grand fleuve qui est vraiment l'artère vitale de l'Europe. En­fin, le Chancelier allemand Helmut Kohl, qui a réalisé le plus ancien rêve européen d'aménagement territorial, soit le creusement du Canal Rhin - Main - Danube, a été promp­tement évacué de la scène allemande à la suite d'une cam­pagne de presse l'accusant de corruptions diverses (mais bien bénignes à côté de celles auxquelles les féaux de l'O­TAN se sont livrées au cours des décennies écoulées). Son successeur, à la tête des partis de l'Union chrétienne-démo­crate (CDU/CSU), le Bavarois Stoiber, a subi, à son tour, des campagnes de diffamations infondées, qui l'ont empê­ché d'accéder aux commandes de la RFA —du moins jusqu'à nouvel ordre. 

◊2. Nous avons perdu dans le Caucase. L'Azerbaïdjan est com­plètement inféodé à la Turquie, fait la guerre aux Armé­niens au Nagorni-Karabakh, s'aligne sur les positions anti-russes de l'Otan, coince l'Arménie résiduaire (ex-république soviétique) entre la Turquie et lui-même, ne permettant pas des communications optimales entre la Russie, l'Ar­ménie et l'Iran (ou le Kurdistan potentiel). En Tchétchénie et au Daghestan, les troubles suscités par des fondamen­talistes financés par l'Arabie Saoudite —également soutenus par les services turcs travaillant pour les Etats-Unis—  em­pêchent l'exploitation des oléoducs et réduisent l'influence russe au nord de la chaîne du Caucase. Plus récemment, la Géorgie de Chevarnadze, en dépit de la solidarité ortho­doxe qu'elle devrait avoir avec la Russie et l'Arménie, vient de s'aligner sur la Turquie et les Etats-Unis. Ces trois fais­ceaux d'événements contribuent à empêcher l'organisation des communications en Mer Noire, dans le Caucase et dans la Caspienne. 

Du "containment" de l'Iran

◊3. Nous avons perdu sur la ligne Herat - Ladakh, dans le Ca­chemire. Le verrouillage pakistanais des hauteurs hima­layennes au Cachemire sert à empêcher l'établissement de toute frontière commune entre la Russie (ou une républi­que post-soviétique qui resterait fidèle à une alliance rus­se) et l'Inde. La présence américaine à Herat, par fractions de l'Alliance du Nord interposées, permet aussi de placer un premier pion dans le containment de l'Iran. Celui-ci est dé­sormais coincé entre une Turquie totalement dépen­dan­te des Etats-Unis et un glacis afghan dominé par ces der­niers. Il reste à éliminer l'Irak pour parfaire l'encerclement de l'Iran, prélude à son lent étouffement ou à son invasion (comme pendant l'été de 1941). 

◊4. Nous avons perdu dans les mers intérieures. Les deux mers intérieures qui sont le théâtre de conflits de grande am­pleur depuis plus d'une décennie sont l'Adriatique et le Gol­fe Per­sique. Ces deux mers intérieures, comme j'ai déjà eu main­­tes fois l'occasion de le démontrer, sont les deux espa­ces ma­ritimes (avec la Mer Noire) qui s'enfoncent le plus pro­­fondément dans l'intérieur des terres immergées de la mas­­se continentale eurasienne. La Guerre du Golfe (et cel­les qui s'annoncent dans de brefs délais), de même que les com­plots américains qui ont amené à la chute du Shah (cf.: Houchang Nahavandi, La révolution iranienne - Vérité et men­­songes, L'Age d'Homme, Lausanne, 1999), visent non seu­­lement à contrôler l'embouchure des deux grands fleu­ves mésopotamiens, artères du Croissant Fertile, soit le Chatt El Arab, et à contenir l'Iran sur la rive orientale du Gol­fe.

La révolution islamiste d'Iran a eu la même fonction que la révolution sans-culotte en France ou la révolution bol­chevique en Russie : créer le chaos, abattre un régime rai­sonnable en passe de réaliser de grands travaux d'in­fra­struc­ture et d'aménagement territorial, et, dès que le nou­veau régime révolutionnaire se stabilise, l'attaquer de front et appeler à la croisade contre lui, sous prétexte qu'il in­car­nerait une nouveauté perverse et diabolique.

Quant à l'i­dée de verrouiller l'Adriatique, elle apparaît évidente dès que l'Allemagne et l'Autriche, par l'intermédiaire d'une pe­ti­te puissance qui leur est traditionnellement fidèle, comme la Croatie, accèdent à nouveau à la Méditerranée via les ports du Nord de l'Adriatique. Ce verrouillage aura lieu exac­­tement comme au temps de la domination ottomane (é­­phémère) sur ces mêmes eaux, à hauteur du Détroit d'O­trante, dominé par l'Albanie.

Formuler une stratégie claire

Face à cette quadruple défaite européenne, il convient de formuler une stratégie claire, un programme d'action géné­ral pour l'Europe (qu'il sera très difficile de coordonner au dé­part, les Européens ayant la sale habitude de tirer tou­jours à hue et à dia et de travailler dans le désordre). Ce pro­gramme d'action contient les points suivants:

◊ Les Européens doivent montrer une unité inflexible dans les Balkans, s'opposer de concert à toute présence amé­ri­caine et turque dans la péninsule sud-orientale de notre con­tinent. Cette politique doit également viser à neutra­li­ser, dans les Balkans eux-mêmes et dans les diasporas alba­nai­ses disséminées dans toute l'Europe, les réseaux crimi­nels (prostitution, trafic de drogues, vol d'automobiles), liés aux structures albanaises anti-serbes et anti-macédo­nien­nes, ainsi qu'au binôme mafias-armée de Turquie et à cer­tains services américains. La cohésion diplomatique eu­ro­péenne dans les Balkans passe dès lors par un double tra­vail: en politique extérieure —faire front à toute réimplan­tation de la Turquie dans les Balkans— et en politique in­térieure —faire front à toute installation de mafias issues de ces pays et jouant un double rôle, celui de déstabiliser nos sociétés civiles et celui de servir de cinquièmes co­lonnes éventuelles. 

◊ Les Européens doivent travailler de concert à ôter toute marge de manœuvre à la Turquie dans ses manigances anti-européennes. Cette politique implique

1) d'évacuer de Chypre toutes les unités militaires et les administrations ci­viles turques et de permettre à toutes les familles grecques expulsées lors de l'agression de l'été 1974 de rentrer dans leurs villages ancestraux; d'évacuer vers la Turquie tous les "nouveaux" Cypriotes turcs, non présents sur le territoire annexé avant l'invasion de 1974;

2) d'obliger la Turquie à re­noncer à toute revendication dans l'Egée, car la conquête de l'Ionie s'est faite à la suite d'un génocide inacceptable à l'encontre de la population grecque, consécutif d'un autre génocide, tout aussi impitoyable, dirigé contre les Armé­niens; la Turquie n'a pas le droit de revendiquer la moindre parcelle de terrain ou les moindres eaux territoriales dans l'Egée; la Grèce, et derrière elle une Europe consciente de ses racines, a, en revanche, le droit inaliénable de reven­di­quer le retour de l'Ionie à la mère patrie européenne; la Tur­quie dans ce contexte, doit faire amende honorable et s'excuser auprès des communautés chrétiennes orthodoxes du monde entier pour avoir massacré jadis le Patriarche de Smyrne, d'une manière particulièrement effroyable (le cas échéant payer des réparations sur son budget militaire);

3) d'obliger la Turquie à cesser toute agitation auprès des mu­sulmans de Bulgarie;

4) d'obliger la Turquie à cesser toute ma­nœuvre contre l'Arménie, avec la complicité de l'Azer­baï­djan; de même, à cesser tout soutien aux terroristes tché­tchènes;

5) l'Europe, dans ce contexte, doit se poser comme protectrice des minorités orthodoxes en Turquie; au début du siècle, celles-ci constituaient au moins 25% de la population sous la souveraineté ottomane; elles ne sont plus que 1% aujourd'hui; cette élimination graduelle d'un quart de la population interdit à la Turquie de faire partie de l'UE;

6) d'obliger la Turquie à évacuer toutes ses troupes disséminées en Bosnie et au Kosovo;

7) de faire usage des droits de veto des Etats européens au sein de l'OTAN, au moins tant que les problèmes de Chypre et d'Arménie ne sont pas résolus; dans la même logique, refuser toute for­me d'adhésion de la Turquie à l'UE.

(à suivre)

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mercredi, 18 juin 2008

J. Parvulsco parle à "Synthesis"

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Entretien avec Jean Parvulesco pour Synthesis, journal du “Cercle de la Rose Noire” (Angleterre)

Propos recueillis par Troy Southgate

 

Voudriez-vous bien parler à nos lecteurs de vo­tre vie en Roumanie et leur expliquer pour­quoi vous avez été contraint de quitter votre patrie?

 

A 70 ans passés, j'ai vécu au moins trois ou quatre vies entières, à la fois différentes et séparées, et que ne relient ensemble qu'une sorte d'auto-transmigration obscure, très obscure. Je n'ai plus aucun souvenir vivant de la Roumanie, c'est pour moi des temps infiniment lointains, comme s'il s'agissait de je ne sais quel XVIIIe siècle à la cour des Habsbourg, dans Vienne sous la neige. L'effort de la marche arrière m'est trop pénible, trop difficile, je n'y pense plus jamais. Mes plus proches souvenirs actuels, mais qui, eux aussi, se font déjà brumeux, sont ceux des temps de l'OAS dans Madrid ensoleillé par les certitudes agissantes du ré­gime politico-militaire franquiste au sommet de son pou­voir. Avant, c'est brusquement la nuit noire, la vie de quel­qu'un d'autre que moi, une sorte de théâtre d'ombres aux re­présentations illégales, effacées, oniriques. Vous m'en vo­yez donc bien désolé: ma réponse à la première de vos questions s'avère être en fait une non-réponse; poussée dans ses derniers retranchements, ma propre existence ap­pa­raît comme une non-réponse, ou plutôt comme une ré­pon­se dissimulée, comme une réponse codée. De par la si­tua­tion qui est à présent la mienne, je suis tenu de me re­garder moi-même comme à travers la grille secrète d'un co­dage en profondeur, agent confidentiel jusque par rapport à moi-même. Ce sont les temps qui l'exigent, ces temps de la subversion totale qui sont nôtres.

 

Vous avez connu Julius Evola personnelle­ment. Que pensez-vous de son œuvre? Et que pensez-vous de l'homme Julius Evola?

 

Je m'étais en effet senti fort proche de Julius Evola. Et cela pour une raison fort précise: tout comme Miguel Serrano, Julius Evola ne s'était pas vu arrêter dans son devenir in­té­rieur par la sombre défaite européenne de 1945. Tous les grands créateurs de culture européens —Ezra Pound, Knut Hamsun, Pierre Drieu la Rochelle, Louis-Ferdinand Céline, Raymond Abellio, Mircea Eliade, et tant d'autres—  s'étaient retrouvés, à la fin de la dernière guerre mondiale, comme dépossédés d'eux-mêmes, mortellement blessés par l'effon­drement apocalyptique de l'histoire européenne qu'il leur avait ainsi fallu connaître, et dont ils avaient intérieu­re­ment eu à éprouver le désastre irréversible. Ainsi que je viens de le dire, je n'ai connu, depuis, que seuls deux grands penseurs européens qui n'aient pas accepté cet effondrement et qui, au contraire, n'avaient fait que con­ti­nuer, avec le même acharnement héroïque, le même com­bat en continuation, le même combat ininterrompu: Julius Evola et Miguel Serrano.

 

Julius Evola: un être à contre-courant

 

Il y aurait bien sûr une infinité de choses importantes à dire sur Julius Evola. Je me contenterai de vous faire part, ici, de son extraordinaire charisme aristocratique, patricien, de la dépersonnalisation initiatique parfaitement atteinte et maîtrisée de son propre être, qui n'était déjà plus rien d'au­tre qu'un concept d'action engagé dans le devenir provi­den­tiel de la "grande histoire" en marche, dont tous les ef­forts combattants tentaient, pourtant, d'en renverser le cou­rant. Car Julius Evola était, en effet, un être à contre-courant, une négation ontologiquement active de l' actuel cours crépusculaire d'une histoire du monde devenue, fina­le­ment, en elle-même, une instance de la grande conspi­ration subversive du non-être au pouvoir. Je prétendrai donc qu'une certaine lumière émanait, supérieure, mais en même temps dissimulée de sa personne, et que le simple fait de fréquenter Julius Evola, de se trouver même indi­rec­tement sous son influence active, impliquait déjà un avan­cement spirituel significatif, majeur, voire secrè­te­ment transfigurant. Il était là, mais caché derrière sa pro­pre présence refermée sur elle-même, hors d'atteinte.

 

Et je pense qu'il me sera également permis d'affirmer que la vision doctrinale personnelle et ultime, secrète, de Ju­lius Evola, sa vision de ce monde et de l'action en ce mon­de, se trouvait polarisée sur les destinées suprahistoriques occultes de Rome, qu'il considérait, et cela jusque dans sa continuité historique actuelle  —j'entends jusque dans son actuelle identité catholique— comme le véritable centre spi­rituel impérial, polaire  —dans le visible et dans l'in­visible—  de l'actuel grand cycle historique finissant. Julius Evola ne s'était en effet jamais considéré lui-même que sous l'identité d'"agent secret", dans le siècle, de la Roma Ae­terna.

 

Je pourrais aussi livrer bien de révélations décisives —voire étourdissantes, en fin de compte— à partir de mes propres souvenirs des longs entretiens confidentiels que j'avais eu avec Julius Evola, à Rome, chez lui, Corso Vittorio Em­ma­nuele, l'été et l'automne de 1968. Mais je m'interdis de le faire dans la mesure où je n'ignore pas qu'un profond secret opératoire en recouvre encore le contenu, qu'il serait infi­ni­ment dangereux  —et à présent bien plus que pour le pas­sé— de porter abruptement à la lumière du jour. Car l'heu­re n'en est pas encore tout à fait venue pour cela.

 

La "centrale polaire" du Corso Vittorio Emmanuele

 

Je peux néanmoins vous signaler que dans mon roman Le gué des Louves, Paris 1995, pages 20-31, je m'étais quand même permis de faire certains aveux d'une extrême impor­tance, d'une haute gravité spirituelle et philosophique —je devrais sans doute dire "philosophale", comme la "pierre philosophale"— sur certains événements de mon séjour ro­main auprès de Julius Evola, en 1968, et sur mes fréquen­tations confidentielles d'une "centrale polaire" occulte, ou­verte toute la nuit, Corso Vittorio Emmanuele, presque en bas de chez Julius Evola, le Daponte Blu.

 

Les réverbérations encore souterrainement agissantes de la doc­trine traditionnelle de Julius Evola, ainsi que son en­sei­gnement politico-révolutionnaire à contre-courant, tracent derrière lui un profond sillon ardent, un sillon d'incan­des­cence vive auquel devraient s'abreuver ceux des nôtres qui portent cachée en eux une prédestination spéciale, qui ont accédé à la différence. Car Julius Evola avait lui-mê­me en quelque sorte dépassé la condition humaine, il avait fait émerger en lui le surhomme qui reste à venir. Loin d'être un homme du passé, Julius Evola était un hom­me de l'avenir d'au-delà du plus lointain avenir. L'homme de la surhumanité solaire du Regnus Novissimum qu'avait entrevu Virgile.

 

L'un de vos premiers romans était La Mi­sé­ri­cor­dieuse Couronne du Tantra. Pouvez-vous nous expliquer comment vous voyez le con­cept de Tantra?

 

La Miséricordieuse Couronne du Tantra n'était pas un ro­man, mais un recueil de poèmes initiatiquement opéra­toi­res. Le tantrisme  —ce que l'on devrait appeler l'Aedificium Tantricum— est un ensemble doctrinal comptant une série d'étagements intérieurs de plus en plus occultes, de plus en plus prohibés, visant à porter l'être humain à sa libération  —ou à sa délivrance— ultime par les moyens d'une certaine expérience personnelle intime du "mystère de l'amour", du mystère de l'Incendium Amoris.

 

Si la substance vivante du cosmos dans sa totalité ultime n'est constituée que du feu, que de l'embrasement amou­reux se retournant indéfiniment sur lui-même et surcentré, polarisé sur la relation nuptiale abyssale régnant à l'in­té­rieur de l'espace propre, de l'espace unitaire du Couple Di­vin, l'accélération intensificatrice, superactivante d'une cer­taine expérience amoureuse de limite, portée à ses états paroxystiques tout derniers, fait  —peut faire— qu'une identification à la fois symbolique en même temps qu'on­tologique avec le Couple Divin apparaisse —à la limite— possible, qui dépersonnalise, éveille et livre les pouvoirs su­pra­humains de celui-ci aux amants tantriquement en­ga­gés corps et âmes dans les voies dévastatrices de l'In­cen­dium Amoris.

 

Or ce sont précisément les traces encore brûlantes d'une ex­périence de pénétration clandestine du mystère de l'In­cen­dium Amoris que La Miséricordieuse Couronne du Tan­tra est appelé à livrer, à travers son témoignage chif­fré. Car c'est bien de cela qu'il s'agit: La Miséricordieuse Cou­ronne du Tantra, mon premier livre, portait déjà en lui, comme une annonciation chiffrée, les germes surac­ti­vés de ce qui, par la suite, allait devenir l'ensemble de mon œuvre et, dans ce sens-là, était un livre essentiellement prophétique  —ou auto-prophétique— tout comme l'avait été, pour l'ensemble de l'œuvre de Raymond Abellio, son premier essai, Pour un nouveau prophétisme. Il y avait eu comme cela des mystérieuses structures d'accointance entre l'œuvre de Raymond Abellio et la mienne, dont les si­gnifications ultimes resteraient encore éventuellement à élucider.

 

Parlez-nous donc de votre ami Raymond Abel­lio, sur qui vous avez écrit une biographie, intitulée Le soleil rouge de Raymond Abel­lio…

 

Dans Le soleil rouge de Raymond Abellio, j'avais essayé de rassembler les conclusions essentielles d'une approche en raccourci de l'ensemble de son œuvre et de sa propre vie, car l'œuvre de Raymond Abellio et sa vie ne font qu'un: il avait voulu vivre sa vie comme une œuvre, et son œuvre comme sa vraie vie.

 

En prise directe sur la "grande histoire" en marche

 

Cependant, au contraire d'un Julius Evola, d'un Miguel Ser­rano, Raymond Abellio avait eu à subir, lui, de plein fouet la catastrophe de la destitution politico-historique de l'Europe vouée, en 1945, ainsi que le Général de Gaulle l'avait alors compris sur le moment même, à la double do­mination antagoniste des Etats-Unis et de l'URSS. Desti­tu­tion dont, consciemment ou inconsciemment, Raymond Abellio avait porté en lui, jusqu'à la fin de sa vie, l'in­gué­rissable brûlure dévorante, la stupéfaction secrète, irrémé­diable. Et cela d'autant plus qu'il avait eu à connaître, pen­dant les années mêmes de la guerre l'expérience exaltante de l'action politico-révolutionnaire en prise directe sur la "grande histoire" en marche.

 

En effet, en tant que secrétaire général du "Mouvement Social Révolutionnaire" (MSR), Raymond Abellio se trouvait personnellement à l'origine de la première tentative de mi­se en chantier —en pleine guerre— du grand projet con­ti­nental européen de l'axe politico-stratégique Paris-Berlin-Moscou, qui, à l'heure actuelle, plus de cinquante ans a­près, redevient de la plus extrême actualité en tant que pre­mière étape du prochain avènement de l'"Empire Eura­siatique de la Fin" dont on sait que, suivant le "grand dessein" européen en cours, il va devoir procéder à l'inté­gra­tion finale de l'Europe de l'Ouest et de l'Est, de la Russie et de la Grande Sibérie, du Tibet, de l'Inde et du Japon. Une même histoire profonde, un même destin supratem­porel, une même civilisation et un même ethos nordique, un même sang et un même souffle de vie originelle, an­té­rieure, archaïque en train de revenir à son centre polaire de départ.

 

Lui-même détaché, après 1945, de la marche de l'histoire mondiale, l'œuvre philosophique et littéraire de Raymond Abellio tend précisément au dépassement de l'histoire en cours, qu'elle transcende par une prise de conscience supé­rieure de soi-même, extatique, la "conscience de la cons­cience" dira-t-il. Prise de conscience libératrice et qui, de par cela même, livrera en retour les clefs opératives d'une puissance absolue exercée sur la marche de l'histoire, la puissance opérative de la "conscience occidentale de la fin parvenue à l'occident de la conscience" devenant ainsi l'ar­me métastratégique suprême, l'arme de la "domination fi­na­le du monde". Ainsi l'"homme nouveau" de la révolution européenne grand-continentale, de la nouvelle Totale Welt­­revolution actuellement en cours d'affirmation clan­destine, sera-t-il l'homme du "soi libéré", instruit par Ray­mond Abellio, car c'est l'homme libéré de l'histoire qui fera l'"histoire d'après la fin de l'histoire". La conscience ainsi exhaussée au-dessus d'elle-même, dédoublée, parviendra donc à intervenir directement dans l'histoire.

 

Ainsi, de toutes les façons, Raymond Abellio sera-t-il donc présent au rendez-vous, sur la "ligne de passage" du grand cycle finissant et du grand cycle du renouveau.

 

Je voudrais que vous nous parliez de votre ro­man, L'étoile de l'Empire invisible, et du com­bat apocalyptique qui a lieu entre les forces du "Verseau" et celles de l'"Atlantis Mag­na"…

 

Je peux dire qu'à la parution de mon roman L'étoile de l'Empire Invisible, j'avais eu beaucoup de chance. Norma­lement, j'aurais dû avoir les pires ennuis, je pense même que j'avais bien risqué d'y laisser ma peau, et déjà à ce mo­ment-là je le sentais. Etais-je confidentiellement protégé, je n'en sais toujours rien. Mais il faudrait le croire. En ef­fet, ce qui dans L'étoile de l'Empire Invisible se dissi­mu­lait sous la double dénomination chiffrée de la conspiration du "Verseau" et de la contre-conspiration de l'"Atlantis Mag­na" n'était en réalité que la confrontatio, faisant s'opposer alors, au plus haut niveau suprahistorique, pour la domi­na­tion finale de la plus Grande Europe et des espaces d'in­fluen­ce de celle-ci, la conspiration mondialiste de la "Su­per­puissance Planétaire des Etats-Unis" et la contre-conspi­ration du Pôle Carolingien franco-allemand s'appuyant se­crètement sur l'URSS. Les fort dangereuses révélations, à pei­ne codées, qui s'y trouvaient faites à ce sujet dans L'é­toile de l'Empire Invisible eussent largement pu justifier le coup en retour de représailles extrêmes contre l'auteur de ce roman, révélations dont celui-ci portait l'entière res­ponsabilité.

 

Seul un petit nombre connaissait le dernier mot

 

J'avais estimé, quant à moi, qu'à travers un roman de l'im­portance de L'étoile de l'Empire Invisible, une prise de cons­cience en profondeur devait marquer, pour les plus avan­cés des nôtres, le tournant historique  ­—et suprahisto­rique— suprêmement décisif de la conjoncture du moment, où la confrontation de deux mondes irréductiblement anta­go­nistes s'apprêtait à trouver sa conclusion, qui s'avérera com­me totalement imprévue. Car c'est bien ce qui en vint alors à se faire, avec l'auto-dissolution politique de l'URSS, événement infiniment mystérieux, où des puissances abys­sales étaient occultement intervenues dans le jeu, d'une ma­nière tout à fait providentielle, et dont seul un petit nom­bre connaissait le dernier mot.

 

Aussi l'ossature fondationnelle de L'étoile de l'Empire In­visible  —la dialectique de sa démarche intérieure— cor­res­pond-elle entièrement à la réalité effective des situations qui s'y trouvent décrites, à la réalité des personnages en ac­tion, des tensions, des conflits et des passions, des se­crets à l'œuvre et des dessous conspirationnels et amou­reux, de la réalité précise des lieux et jusqu'à l'identité mê­me  —jusqu'aux noms propres, parfois—  de certains person­na­ges que j'ai tenu à utiliser sans ne rien y changer. Une mince part de fiction y fera fonction de liant, ou servira à des dissimulations nécessaires. Cette exhibition de la réa­lité des choses dans le corps littéraire d'un roman re­pré­sentera, au moment de la parution de ce livre, un pari des plus risqués, une assez dangereuse option de provo­cation à froid, dont on ne comprenait pas la raison. Mais tren­te ans sont passés depuis que ces événements étaient censés avoir eu lieu: bien de choses se sont effacées de­puis, les tensions à ce moment-là paroxystiques ne signi­fient à présent plus rien, ou presque plus rien. Le temps a totalement dévore la chair vivante des choses, desséché les souffles.

 

Imposer à la réalité un statut de rêve

 

Aujourd'hui, la réalité de toutes ces choses là a fini par devenir une fiction, tout comme, au moment de la parution de ce livre, c'est la fiction qui était en train de devenir réalité. Or c'est précisément ce double échange entre réa­lité et fiction, entre fiction et réalité que j'avais voulu or­ga­niser: m'introduire moi-même dans la réalité à travers le ro­man. Ayant imposé à la réalité un statut de rêve, j'avais fait que le rêve lui-même devienne réalité.

 

Et je viens ainsi de répondre à votre sixième question:

«Serait-il correct de dire que ce roman con­tient un élément de réalité?»   Votre septième question est la suivante:

Pensez-vous que ce livre puisse être comparé à d'autres romans conspirationnels comme celui de Robert Shea et de Robert Anton Wil­son, Illuminatus Trilogy, ou celui d'Umberto Eco, Le pendule de Foucault?

 

Non, je suis infiniment désolé, mais je ne connais pas le li­vre de Robert Shea et Robert Anton Wilson, Illuminatus Trilogy.

 

Quant à Umberto Eco, je le tiens, tout comme son compère Paulo Coelho, pour des faiseurs subalternes, dont les litté­ratures ne concernent que les minables petites convulsions pseudo-initiatiques du New Age: leurs tirages pharamineux ne font que dénoncer le degré de dégénérescence mentale qui est aujourd'hui celui des masses occidentales hébétées, menées, à demi-consentantes aux abattoirs clandestins de l'histoire dont on nous impose les dominations, et qui n'est pas notre histoire.

 

Quelles sont les visions que vous développez sur a) le marxisme et b) le fascisme?

 

L'humanité est divisée, d'après ce que je crois savoir sui­vant des sources certaines archaïques, légitimes, secrètes, en deux grandes parties: celle d'origine "animale" qui "des­cend des grands singes", correspondant plus ou moins aux doctrines soutenues par l'évolutionnisme darwinien, et la par­tie d'origine "divine", en provenance du "foyer ardent de l'Incendium Amoris", de la "planète Venus", constituée d'hom­mes éveillés, destinés à rejoindre, "à la fin de ces temps", la patrie de leurs origines sidérales, "métagalacti­ques".

 

Happée vers le bas, vers les régions ontologiques du non-être, par le matérialisme révolutionnaire marxiste, la part "animale", "bestiale", de l'humanité avait sombré dans le dé­lire sanglant de la "révolution mondiale du communisme" animée par l'URSS et exacerbée par le marxisme-léninisme et par le stalinisme. Alors que la partie "divine", "métaga­lactique" de l'humanité s'est trouvée spirituellement ex­haus­sée par ce qui, dans la première moitié du XX° siècle, avait donné naissance à la grande aventure révolutionnaire suprahistorique européenne connue sous la dénomination gé­nérique de "fascisme", qui, vers sa fin, avait subi des dé­viations aliénantes et que l'antihistoire des autres s'est char­gée d'anéantir.

 

Raymond Abellio fait dire à un de ses personnages de son ro­man Les yeux d'Ezéchiel sont ouverts: "Aujourd'hui je le sais. Aucun homme ayant un peu le goût de l'absolu ne peut plus s'accrocher à rien. La démocratie est un dévergondage sentimental, le fascisme un dévergondage passionnel, le com­munisme un dévergondage intellectuel. Aucun camp ne peut plus gagner. Il n'y a plus de victoire possible".

 

Il nous faudra donc qu'à partir de la ligne actuelle du néant, nous recommencions, à nouveau, tout, que nous re­mettions tout en branle par le miracle suprahistorique d'une nouvelle immaculée conception révolutionnaire. C'est la tâche secrète de nous autres.

 

Que pensez-vous de l'«eurasisme»? Est-ce une alternative viable et acceptable au "Nou­vel Ordre Mondial”?

 

La vision de l'unité géopolitique et de destin grand-con­ti­nental eurasiatique représente le stade décisif, fonda­men­tal, de la conscience historique impériale et révolution­nai­re des nôtres, l'accomplissement final de l'histoire et de la ci­vilisation européennes dans leur marche ininterrompue vers l'intégration de ses nations constitutives au sein de no­tre prochain "Empire Eurasiatique de la Fin".

 

Les actuelles doctrines impériales de l'intégration euro­péen­ne grand-continentale de la fin trouvent leurs origines à la fois dans la géopolitique combattante de Karl Hausho­fer, dont le concept de Kontinentalblock reste tout à fait pertinent, et dans les continuations présentes de celle-ci à travers les doctrines confidentielles du "grand gaullisme", ainsi qu'à travers les positions révolutionnaires de certains jeunes penseurs russes de la nouvelle génération poutinien­ne, dont le plus représentatif me paraît être très certai­ne­ment Alexandre Douguine.

 

Un grand dessein final qui nous mobilise totalement

 

 

C'est sur le concept géopolitique, sur la vision suprahisto­rique fondamentale de l'"Empire Eurasiatique de la Fin" que va donc devoir se constituer le grand mouvement révolu­tion­naire européen continental appelé à livrer les dernières batailles décisives du camp retranché de l'être contre l'en­cer­clement subversif de la conspiration mondialiste actuel­le du non-être. Et ce sera aussi la tâche révolutionnaire pro­pre de notre génération prédestinée que de pouvoir me­ner à son terme prévu ce "grand dessein final" qui nous ha­bite secrètement, qui nous mobilise, à nouveau, tota­le­ment. Comme avant.

 

Finalement, comme quelqu'un qui a vécu une longue vie féconde, quel conseil pourriez-vous offrir aux générations qui montent, aux jeu­nes gens qui viennent, pour qu'ils rejet­tent les pièges du libéralisme et de la société de masse?

 

Le conseil que vous voudriez que je puisse donner aux jeunes générations qui montent, ce serait alors le suivant: si au tréfonds de votre sang, vous sentez l'appel irrésistible des hauteurs enneigées de l'être, l'appel des "chemins galactiques de la Frontière Nord", n'hésitez pas un seul in­stant à y répondre, et que toute votre vie ne soit qu'un long engagement éveillé envers vos propres origines occultes, en­vers la part qui en vous n'est pas de ce monde.

 

Quant aux engagements politiques présents ou immé­diate­ment à venir qui se doivent d'être nôtres, tout, à mon avis, doit se trouver désormais polarisé, mobilisé incondition­nel­lement sur le concept géopolitique et suprahistorique révo­lu­tionnaire de l'unité impériale européenne grand-con­tinen­tale, concept révolutionnaire auquel l'émergence à terme d'une nouvelle superpuissance planétaire russe, la "Russie Nou­velle" de Vladimir Poutine  —car les profondes ou­ver­tures spirituelles, ainsi que les positions européennes grand-continentales de Vladimir Poutine sont à présent con­nues— vient d'assurer une base politique absolument dé­cisive, notre "dernière chance".

 

Pour la civilisation européenne, pour l'être et la conscience européennes du monde, la formidable montée en puissance actuelle de la conspiration mondialiste menée par la "su­perpuissance Planétaire des Etats-Unis" constitue, et dé­sor­mais à très brève échéance, un vrai danger de mort, une me­nace terrifiante, inqualifiable. Les groupements géopoli­tiques national-révolutionnaires agissant partout dans le mon­de, à demi clandestinement, doivent donc intensifier au maximum leur travail idéologique et d'unité, leur travail de terrain: c'est exclusivement sur l'action souterraine des nôtres que reposent les dernières chances de survie qui nous restent face au gigantesque bloc mondialiste que tient par en dessous l'ennemi ontologique de tout ce que nous sommes nous autres, les "derniers combattants de l'être" fa­ce à l'assaut final des puissances négatives du non-être et du chaos, face à l'Empire du Néant, face au mystérieux Im­perium Iniquitatis qui s'annonce à l'horizon assombri de no­tre plus proche avenir. L'heure de l'Imperium Iniquitatis sem­ble en effet être venue.

 

Le régisseur dans l'ombre du grand dessein en action de la subversion mondialiste actuellement en marche, se trouve à présent sur le point d'achever la mise en place de son dispositif planétaire d'ensemble: les mâchoires d'acier de l'inéluctable se referment sur nous, si nous n'agissons pas tout de suite, bientôt il n'y aura plus rien à faire. Les der­nières élections aux Etats-Unis en fournissent la preuve, tout est prêt pour que la trappe se referme. Nous autres, qui depuis toujours jouons la parti de l'invisible, nous n'at­ten­dons plus notre salut que de l'invisible. Attention.

 

Jean PARVULESCO, Paris, le 19 novembre 2000, in nomine Domini.

dimanche, 15 juin 2008

Le gaullisme de Dominique de Roux

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Le gaullisme de Dominique de Roux

 

«La réalité historique est que le temps travaille pour un autre homme, l'homme dune seule idée, celui qui se fout que la zone libre soit occupée ou non. Il n'aime pas les Français, il les trouve moyens, il n'aime que la France dont il a une certaine idée, une idée terminale qui ne s'embarrasse pas des péripéties.»

Pascal Jardin, La guerre à neuf ans.

 

Dominique de Roux s'était fait une certaine idée de de Gaulle comme de Gaulle (première phrase de ses Mé­moi­res) s'était toujours fait une certaine idée de la France. On était en 1967, la subversion ne s'affichait pas encore au grand jour, mais déjà l'on sentait sourdre la révolte sou­terraine, la faille entre les générations aller s'élar­gis­sant. L'Occident à deux têtes (libéral-capitaliste  à l'Ouest,  marxiste-léniniste à l'Est) paissait paisiblement, inconscient d'être bientôt débordé sur sa gauche par ses éléments bour­geois les plus nihilistes et, on ne s'en apercevra que plus tard, les plus réactionnaires. Dominique de Roux lui aussi cherchait l'alternative. La littérature jusqu'ici n'avait été qu'un appui-feu dans la lutte idéologique. Qu'à cela ne tienne, de Roux inventerait la littérature d'assaut, porteuse de sa propre justification révolutionnaire, la dé-poétisation du style en une mécanique dialectique offensive. Le sens plus que le plaisir des sens, la parole vivante plutôt que la lettre morte. De Roux, qui résumait crise du politique et cri­­se de la fiction en une seule et même crise de la poli­ti­que-fiction, avait lu en de Gaulle l'homme prédestiné par qui enfin le tragique allait resurgir sur le devant de la scè­ne historique après vingt ans d'éviction. Le cheminement de de Gaulle homme d'Etat tel qu'il était retracé dans ses Mémoires, n'indiquait-il pas «l'identification tragique de l'ac­tion rêvée et du rêve en action»? (1) .

 

Un message révolutionnaire qui fusionne et transcende Mao et Nehru, Tito et Nasser

 

En 67, de Roux publie L'écriture de Charles de Gaulle. L'es­sai, cent cinquante pages d'un texte difficile, lorgne osten­siblement vers le scénario. A rebours du mouvement géné­ral de lassitude qui s'esquisse, de l'extrême-droite à l'ex­trê­me-gauche de l'opinion, et qui aboutira dans quelques mois à la situation d'insurrection du pays qu'on connaît, Domi­ni­que de Roux veut croire en l'avenir planétaire du gaullisme. Ni Franco ni Salazar, ni l'équivalent d'un quelconque dicta­teur sud-américain, dont les régimes se caractérisent par leur repli quasi-autistique de la scène internationale et leur allégeance au géant américain, de Gaulle apporte au mon­de un message révolutionnaire qui, loin devant ceux de Mao, Nehru, Tito et Nasser, les fusionne et les transcende.

 

Révolutionnaire, de Gaulle l'est une première fois lorsqu'il ré­invente dans ses Mémoires le rapport entre les mots et la réa­lité historique. Sa tension dialectique intérieure, entre des­tinée gaullienne et vocation gaulliste, son être et sa cons­cience d'être, dédouble cette réalité par l'écriture, la mé­moire, la prophétie.

 

La volonté de puissance du génie prédestiné en butte aux vicissitudes historiques que sa prédestination exige et dont dépend la résolution tragique de l'Histoire, modifie sa rela­tion aux mots, libérant l'écriture du style, subordination ex­térieure au sens des mots, mécanique des choses dites qui l'en­ferme et contient sa charge explosive. Le discours n'est plus reproduction esthétisante, rétrécissement du champ de vision pour finir sclérose, mais expression et incarnation de la dialectique parole vivante et langage qui le porte.

 

«A une histoire vivante ne sied pas la lettre morte du style, mais les pouvoirs vivants de la réalité d'une écriture de la réalité agissante dans un but quelconque». Quand de Gaul­le parle, déjà il agit et fait agir l'Histoire. L'écriture devient ac­te politique. Ses mots charrient et ordonnent l'histoire en marche.

 

Point de théologie gaulliste mais la foi individuelle d'un homme seul

 

Qu'est-ce que le gaullisme dans ces conditions ? Réponse de Do­minique de Roux: «Le dialogue profond que de Gaulle pour­suit sans trêve avec l'histoire se nomme gaullisme, dès lors que d'autres veulent en faire leur propre destin.» Point de théologie gaulliste mais la foi individuelle d'un homme seul qui considère la France, non les Français, comme la finalité de son action. La rencontre de la France en tant qu'idée d'une nation métaphysique et transcendante, et de la parole vive de de Gaulle, intelligence de la grandeur d'âme chez Chateaubriand, de la vocation pour Malraux, doit déboucher sur l'idéal de la Pax Franca.

 

La dialectique gaulliste de l'histoire rejaillit sur la stratégie gaulliste de lutte contre tous les impérialismes, au nom de la prédestination intérieure qui fait de l'assomption de la France l'avènement de celle de l'Europe et au-delà de l'or­dre universel: la Pax Franca. «De Gaulle ne sert ni l'Eglise avec Bossuet, ni la Contre-Révolution avec Maurras, mais la monarchie universelle, cette monarchie temporelle, visible et invisible, qu'on appelle Empire. Dante exaltait dans son De Monarchia cette principauté unique s'étendant, avec le temps, avec les temps, sur toutes les personnes. Seul l'Em­pire universel une fois établi il y a la Paix universelle.»

 

Ainsi posée, la géopolitique gaulliste s'affirme pour ce qu'elle est, une géopolitique de la fin (l'Empire de la Fin énoncé par Moeller van den Bruck), dépassement de la géopolitique occidentale classique, de Haushofer, Mackin­der, contournement de la structure ternaire Europe-USA-URSS.

 

Pour être efficace, le projet gaulliste aura à cœur de trans­former la géopolitique terrienne en géopolitique transcen­dan­tale, «tâche politico-stratégique suprême de la France, plaque tournante, axe immobile et l'Empire du Milieu d'une unité géopolitique au-delà des frontières actuelles de notre déclin, unité dont les dimensions seraient à l'échelle de l'Occident total, dépassant et surpassant la division du mon­de blanc entre les Etats-Unis, l'Europe et l'Union sovié­tique.» Car la France est, selon le statut ontologique que de Gaulle lui fixe, accomplissement et mystère, l'incarna­tion vivante de la vérité, la vérité de l'histoire dans sa mar­che permanente.

 

La nouvelle révolution française menée par de Gaulle doit conduire à la révolution mondiale

 

Une révolution d'ordre spirituel autant que temporel ne se conçoit pas sans l'adhésion unilatérale du corps national. Toute révolution qui n'est que de classe ne peut concerner la totalité nationale. Toute révolution nationale doit penser à l'œcuménité sociale. La révolution, l'action révolutionnai­re totale enracinée dans une nation donnée, à l'intérieur d'une conjecture donnée, n'existe que si l'ensemble des struc­tures sociales de la nation s'implique. Là où le so­cia­lisme oublie le national, le nationalisme occulte le social sans lequel il n'y a pas de révolution nationale. De Gaulle annule cette dialectique par l'«idée capétienne», reprise à Michelet et Péguy, de nation vivante dans la société vivan­te. Le principe participatif doit accompagner le mouve­ment de libération des masses par la promotion historico-sociale du prolétariat. Ce faisant la révolution gaulliste, dans l'idée que s'en fait Dominique de Roux, supprime la théo­rie formulée par Spengler de guerre raciale destruc­trice de l'Occident. Car la nouvelle révolution française me­née par de Gaulle ne peut que conduire à la révolution mon­diale.

 

De Gaulle super-Mao

 

L'époque, estime Dominique de Roux, réclame un nouvel ap­pel du 18 juin, à résonance mondiale, anti-impérialiste, démocratique et internationaliste à destination de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique latine, dont la précédente déclaration de Brazzaville deviendrait, au regard de la postérité, l'annonce. Un tel acte placerait de Gaulle dans la position d'un super-Mao —ambition partagée pour lui par Malraux— seul en mesure d'ébranler la coalition nihiliste des impérialismes américano-soviétiques, matérialistes ab­solus sous leur apparence d'idéalisme. La grande mission pacificatrice historique de dimension universelle assignée à la France passe, en prévision d'une conflagration thermo­nuc­léaire mondiale alors imminente —la troisième guerre mon­diale—, par le lancement préventif d'une guerre révo­lutionnaire mondiale pour la Paix, vaste contre-stratégie visible et invisible, subversion pacifique qui neutraliserait ce risque par l'agitation révolutionnaire, la diplomatie sou­ter­raine, le chantage idéologique. L'objectif, d'envergure planétaire, réclame pour sa réalisation effective la mise en œuvre d'une vaste politique subversive de coalitions et de renversements d'alliances consistant à bloquer, dans une dou­ble logique de containment, la progression idéologico-territoriale des empires américain et soviétique sur les cinq continents.

 

Le plan d'ensemble du gaullisme géopolitique s'articule en cinq zones stratégiques plus une d'appui et de manœuvre, en place ou à créer:

-renforcement du bloc franco-allemand, selon la fidélité historique au devenir éternel de l'Europe;

-dégager le Sud-Est européen de l'empire soviétique, afin de stopper l'action de l'URSS sur son propre axe de clivage et l'obliger à composer pour se mouvoir stratégiquement;

-dégager le Sud-Est asiatique de l'empire américain, afin de stopper l'action des USA sur leur propre axe de clivage et les obliger à composer pour se mouvoir stratégiquement;

-faire jouer à l'Amérique latine le rôle de lien entre la conscience occidentale et le Tiers-Monde par l'action des for­ces révolutionnaires sur le terrain;

-empêcher que le Canada ne devienne une base impériale extérieure de rechange des USA;

-soutenir secrètement l'Inde contre la Chine pour des rai­sons d'ordre spirituel théurgique, la Chine représentant la matérialisation de l'esprit quand l'Inde incarne depuis tou­jours le primat du spirituel sur la matière.

 

La consolidation du front idéologique mondial lancé par le gaullisme requérant que soient attisés par ses agents le ma­ximum de foyers, il apparaît nécessaire dans un premier temps que partout où se trouvent les zones de con­fron­ta­tion idéologique et d'oppression des minorités, l'on sou­tien­ne la révolution au nom du troisième pôle gaulliste. Six zo­nes de friction retiennent l'attention de Dominique de Roux, en raison de leur idéal nationaliste-révolutionnaire con­forme aux aspirations gaullistes et pour leur situation géostratégique de déstabilisation des blocs (de Roux ne le sait pas encore, mais viendront bientôt s'ajouter à sa liste le Portugal et les possessions lusitaniennes d'Afrique: Ango­la, Guinée-Bissau, Mozambique):

«1) le combat pour la libération nationale et sociale de la Pa­lestine, clef de voûte de la paix au Moyen-Orient et de la présence pacifique de la France en Méditerranée.

2) la mise en marche immédiate de la Conférence Pan-eu­ro­péenne pour la Sécurité et la Coopération Continentale.

3) le combat pour la libération nationale et sociale de l'Ir­lande catholique.

4) la relance du soutien international aux combattants du Québec libre pour la sauvegarde de son être national pro­pre.

5) appui inconditionnel au Bangladesh.»

6) insistance sur la tâche prioritaire des enclaves de langue française comme relais de la subversion pacifique mondia­le.

 

Il conviendra donc d'intensifier les contacts avec toutes les forces révolutionnaires en présence sur le terrain. Ainsi seu­lement la vocation gaullienne accomplie rejoindra sa des­tinée, celle du libérateur contre les internationales exis­tantes —capitaliste et communiste, ouvertement impé­rialistes—, qui soutient et permet toutes les luttes de li­bération nationale et sociale, toutes les révolutions iden­titaires et économiques. «Aujourd'hui, la tâche révolution­naire d'avant-garde exige effectivement, la création de deux, trois quatre Vietnam gaullistes dans le monde.» (Ma­gazine Littéraire n°54, juillet 1971) Sa force contre les a priori idéologique, apporter une solution qui s'inspire de l'histoire, des traditions nationales de chaque pays, de sa spécificité sociale: socialisme arabe, troisième voie péru­vienne, participation gaulliste.

 

L'après-gaullisme représente l'échéance d'une ère

 

De Gaulle a mené un combat entre la vérité historique ulti­me et les circonstances historiques de cette vérité.

 

A l'époque, Jean-Jacques Servan-Schreiber a cherché à per­suader les Français que le républicanisme gaullien était un régime à peine plus propre que la Grèce des colonels. Puis vint mai 68. «Aujourd'hui, ce même grand capital, qui pour mater les syndicats permit (...) Mussolini (...), qui inventa le nazisme pour la mobilisation maoïste des ouvriers alle­mands en vue de l'expansion économique, qui donna sa pe­tite chance à Franco l'homme des banques anglaises, nous invente morceaux par morceaux la carrière française de Jean-Jacques Servan-Schreiber et les destinées euro­péen­nes du schreibérisme.» La vérité fut que de Gaulle, na­tionaliste et révolutionnaire, annula dialectiquement et re­jeta dos à dos Hitler et Staline. L'après-gaullisme repré­sente l'échéance d'une ère. L'avenir de l'Occident ne pourra plus se définir que par rapport à l'action personnelle de de Gaulle. Si le gaullisme est le fondement de l'histoire nou­velle, l'après-gaullisme est la période à partir de laquelle se confronteront ceux qui poursuivent son rêve et ses oppo­sants, ceux qui refusent sa vision. Pas d'après-gaullisme donc, seulement le face à face gaullistes contre anti-gaul­listes. «Il n'y a de gaullisme qu'en de Gaulle, de Gaulle lui-mê­me devient l'idée dans l'histoire vivante ou même au-de­là de l'histoire.» Pour préserver l'authenticité de la geste gaul­liste, il faut conserver le vocabulaire de l'efficacité gaul­lienne. «Qu'importe alors la défaite formelle du gaul­lisme en France et dans le monde, écrit Dominique de Roux dans Ouverture de la chasse en juillet 1968, si, à sa fin, le gaullisme a fini par l'emporter au nom de sa propre vérité in­térieure, à la fois sur l'histoire dans sa marche dialectique et sur la réalité même de l'histoire ?»

 

Dominique de Roux victime de sa vision ?

 

Trente ans après, quel crédit accorder aux spéculations géo-poétiques du barde impérial de Roux ? Lui-même re­con­naissait interpréter la pensée gaullienne, en révéler le sens occulte. Des réserves d'usage, vite balayées par les mi­rages d'un esprit d'abord littéraire (littérature d'abord), sujet aux divagations les plus intempestives. Exemple, la France, «pôle transhistorique du milieu» «dont Charles de Gaulle ne parle jamais, mais que son action et son écriture sous-entendent toujours.»

 

Quand il parle de la centrale d'action internationale gaul­liste, qu'il évoque en préambule du premier numéro d'une collection avortée qui devait s'intituler Internationale gaul­liste sa contribution à la propagation du message gaulliste, c'est un souhait ardent que de Roux émet avant d'être une réalité. De Roux victime de sa vision ?

 

Hier figure du gauchisme militaire, aujourd'hui intellectuel souverainiste, Régis Debray dans A demain de Gaulle fait le mea culpa de sa génération, la génération 68, coupable selon lui de n'avoir pas su estimer la puissance visionnaire du grand homme, dernier mythe politique qu'ait connu la France.

 

Au regard de l'Histoire dont il tenta sa vie durant de percer les arcanes, Dominique de Roux s'est peut-être moins four­voyé sur l'essentiel, qui est l'anti-destin, que la plupart des intellectuels de son temps. «Par l'acte plus encore que par la doctrine, Charles de Gaulle a amorcé une Révolution Mon­diale. Celle-ci, connue par lui à l'échelle du monde, ap­pelle ontologiquement une réponse mondiale.»

 

Dans Les chênes qu'on abat, Malraux fait dire à de Gaulle: «J'ai tenté de dresser la France contre la fin d'un monde. Ai-je échoué ? D'autres verront plus tard.»

 

De Gaulle, troisième homme, troisième César.

 

Laurent SCHANG.

 

Bibliographie:

 

De Dominique de Roux:

-Ouverture de la chasse, L'Age d'Homme, 1968.

-Contre Servan-Schreiber, Balland, 1970.

-Politique de Dominique de Roux, Portugal, Angola, In­ternationale gaulliste, Au signe de la Licorne, 1998.

-L'écriture de Charles de Gaulle, Editions du Rocher, 1999.

 

André Malraux, Les chênes qu'on abat, NRF Gallimard, 1971.

 

samedi, 14 juin 2008

Les châteaux en Espagne de Rémi Soulié

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Les châteaux en Espagne de Rémi Soulié

 

Entretien

 

A quelques jours de la parution de son nouvel essai, Le vrai-mentir d'Aragon, Aragon et la France, aux éditions du Bon Albert, Rémi Soulié a accepté de nous entretenir de son précédent ouvrage, publié chez L'Age d'Homme, Les Châteaux de glace de Dominique de Roux

 

«De Roux a renouvelé notre façon de lire. Là encore, c'est révolutionnaire»

 

Pourquoi, aujourd'hui, écrire sur Dominique de Roux? Son nom, qui reste sulfureux (on se souvient du mot: «A force d'être traité de fasciste, j'ai envie de me présenter ainsi: moi, Dominique de Roux, déjà pendu à Nurem­berg»), n'a laissé aucun chef-d'œuvre impérissable. Ses livres sont pour la plupart des collages d'idées anarchi­ques, anarchiquement assemblées pour former une pâte de textes indigestes jetée sans autre souci à la figure d'un lecteur qui n'est pas habitué à être reçu ainsi. Mis à part une poignée d'irréguliers, personne ne le réclame. Seuls quelques éditeurs hors du sérail ont relevé le pari de publier les fulgurances et les formules bancales de ce styliste épileptique, qui se voulut tour à tour et en mê­me temps géométaphysicien, poète dissident du monde, impérialiste pacifique infiltré à la solde d'une Interna­tio­nale révolutionnaire gaulliste qui n'exista jamais ailleurs que dans son esprit enfiévré. Sa vie brusquement écour­tée ressemble à l'image finale de ce film de Werner Her­zog, Aguirre, où l'on voit Klaus Kinski dériver seul sur un radeau au milieu dune multitude de petits singes jaunes à têtes noires, debout dans son armure rouillée de con­qui­stador renégat, défiant Dieu, le regard halluciné, dé­voré par son rêve d'empire d'au-delà de la jungle amazo­nienne, avec la caméra qui s'éloigne. Pourquoi en effet, quand on s'appelle Rémi Soulié, écrire une biographie de Dominique de Roux, sinon pour tout ce qui vient d'être dit ?

 

Dès la première page des Châteaux de glace le ton est donné: «Rêvons un peu à une France vomissant ses tièdes et ses mous! Plus de sociaux-démocrates ni de démocrates-chrétiens, plus de libéraux sociaux ni de sociaux libéraux! La politique enfin restaurée en mystique par quelques ro­yalistes, des gaullistes métaphysiques aussi et des révo­lu­tion­naires intacts à la Fajardie! "Heureux comme Dieu en France", cette neuvième béatitude sortirait de la morgue où la science épigraphique congèle les anciennes senten­ces!» Soulié, maurrassien c'est sûr, n'aime pas son époque, aux songes creux et à la bouche pleine de gargouillis («droits de l'homme», «citoyenneté», «démocratie»...), et encore moins sa littérature. La gauche, hier insurgée, s'a­bîme dans la social-démocratie. La droite a trahi de Gaulle —c'était quand? Les écrivains se regardent le nombril et les éditeurs jouent les barbouzes. Lui voudrait un écrivain qui soit à la fois un idéologue et un aventurier, de droite et un peu à gauche, un militant et un esthète, Lawrence et Rim­baud, Monfreid et Malraux. Sa rencontre avec de Roux était fatale.

 

Ecrire une biographie c'est aussi, c'est surtout, écrire sur soi-même, retracer les étapes d'une vie étrangère pour mieux comprendre son propre cheminement intérieur. Rémi Soulié a donc mis ses pas dans ceux du Don Quichotte avey­ronnais, ce qui nous vaut de jolis passages, rencontré des témoins, nourri une abondante correspondance avec ses pro­ches. Son livre est riche de citations, et dans sa relation intime avec de Roux, il lui parle autant qu'il nous parle de lui. Raison pour laquelle Soulié ne craint pas de se montrer par endroit hermétique, voire ésotérique.

 

De Roux, la littérature et la droite. C'eût été un parfait sous-titre si Rémi Soulié avait jugé bon d'en ajouter un. En­core faut-il, avec un aussi subtil dialecticien, s'entendre sur les mots. De quelle droite parlons-nous ? En politique, de Roux honnissait le nationalisme et la propriété privée. En France, ce voyageur infatigable se considérait en territoire ennemi. Côté littérature, de Roux méprisait les hussards, qu'il qualifiait dédaigneusement de «chevaux-légers de la bourgeoisie». La Droite selon Dominique de Roux, Droite avec un grand "D" (comme Evola l'écrivait du reste, et Sou­lié ne manque pas de faire le lien), est partout où domine le tragique, donc le sens du sacré, dans la marche de l'His­toire. Héroïsme et folie sont valeurs de droite, qui définis­sent en littérature le Grand Art. Sont de droite Claudel, Hei­degger, Gombrowicz, Lawrence, Jünger, Benn, Céline, Artaud, Biely, Blanchot, Cummings, Pound, Genet, Nizan, Yeats, Joyce, Ungaretti, Gadda, Michaux. Une droite re­con­nue par lui seul, qu'il réinvente et redessine au gré de ses illuminations.

 

«Je soupçonne Dominique de Roux d'avoir lâché la corde avant terme pour ne pas assister à l'ultime désastre. Pro­phète comme il l'était, il aura préféré la vision béatifique à la société du spectacle.» Certains doutent de sa mort et préfèrent croire qu'il dort, roi du monde pétrifié dans la ro­che, sous un glacier, attendant son heure. D'autres pen­cheraient plutôt pour un repli stratégique dans une faille tel­lurique, quelque part entre Thulé et l'île de Pâques. Plus disert, Rémi Soulié conclut par l'impérieuse nécessité de sa relecture. «Dominique de Roux (...) desperado sudiste di­gne de notre piété.»

 

Entretien.

 

Q: Rémi Soulié, on sort de votre essai, Les Châteaux de glace de Dominique de Roux, converti. Il émane de cha­cune de ses pages une attraction mystérieuse que j'attri­buerai autant aux révélations que vous nous apportez sur ce personnage extraordinaire que fut Dominique de Roux qu'à l'inexplicable envoûtement de votre style, touché par une sorte de grâce qui le transfigure. Parfois, je me suis surpris à lire des paragraphes pour leur seule poésie, incapable «au réveil» de me souvenir de ce qu'ils disaient. Ce livre est celui d'un mystique. Au reste, son titre est déjà porteur d'un sens initiatique, comme s'il fal­lait entrer dans son œuvre comme on part en pè­le­rinage.

 

Rémi Soulié: Dans Immédiatement, Dominique de Roux évoque sa grand-mère et son «château de glaces». J'ai donc choisi ce titre parce que c'était une formule de Dominique de Roux lui-même, quelle renvoyait métaphoriquement à une demeure familiale  —et je me suis attaché à montrer ce que de Roux devait aux vacances passées en Aveyron, pen­dant son enfance— mais aussi parce que le château et la glace sont lourds de sens: ils évoquent à la fois l'en­ra­cinement profond, aristocratique, dans l'histoire de France, dans l'ancienne France, un «palais des glaces» où se réflé­chissent une image de soi fragmentée, une identité plu­riel­le, et, enfin, la mort. Dominique de Roux était hanté par la mort. Etait-ce pressentiment d'une fin prématurée, tro­pis­me romantique ? Sans doute les deux à la fois, et sans dou­te plus encore.

 

Q.: Dominique de Roux écrivain révolutionnaire -écrivain ET révolutionnaire, il ne viendrait plus aujourd'hui à l'i­dée de personne d'en douter. Mais dans quel camp était-il ? Droite-gauche-gaulliste-anar de droite ?

 

R.S.: Certainement pas révolutionnaire de gauche. Cela n'au­rait aucun sens. Son intérêt pour la Chine de Mao était esthétique, poétique —en ceci, il n'est pas très éloigné de Sol­lers, mutatis mutandis. Révolutionnaire de droite suppo­serait de sa part une adhésion doctrinale à un système par­ticulier également, or, même si l'on trouve dans son œuvre, surtout dans le Contre Servan-Schreiber, un jeu intellectuel sur le lexique maurrassien, Dominique de Roux ne saurait être réductible à une seule pensée politique. Il fut un hom­me d'action, certes, au service de la France gaullienne, en Angola, mais son gaullisme était mystique, non politique, selon la distinction de Péguy. Je vois en de Roux un poète de l'action, comme le colonel Lawrence ou Mishima. Il était attaché, sans doute, à une «certaine idée de la France», mais à une idée poétique, littéraire. Son anticommunisme, néanmoins, est évident. La catégorie d'anar de droite, si in­téressante soit-elle, François Richard la bien montré, est un peu un fourre-tout. On y «case» les irréductibles, ceux qui sont allergiques aux conneries puritaines de la bigoterie contemporaine et éternelle, à la figure increvable du «bour­geois», celle que Baudelaire, Flaubert, Bloy, Barbey ont décrit. Un Dictionnaire des idées reçues serait d'ailleurs impubliable de nos jours. Les hérauts socialistes et émi­nem­ment bourgeois de la liberté nous en empêcheraient. De Roux, en définitive, était bien révolutionnaire, parce que c'était un écrivain, et que tous les écrivains dignes de ce nom le sont. Pound, Borgès, Jouve, Céline, Gombrowicz, c'est aussi lui, c'est souvent d'abord lui.

 

Q.: Dominique de Roux nous a quitté il y a un quart de siècle. Selon vous, qui le connaissiez bien, qui peut pré­tendre aujourd'hui avoir pris sa place ? Ce qui m'amène à vous poser une deuxième question: quel apport à la lit­térature française fut le sien ?

 

R.S.: Personne n'a pris sa place, car personne ne prend ja­mais la place d'un écrivain —surtout un autre écrivain. Do­minique de Roux a néanmoins des admirateurs, par exem­ple certains jeunes collaborateurs de la revue Immédia­te­ment, placée sous son patronage. Marc-Edouard Nabe est un excellent connaisseur de de Roux. De Roux a marqué l'his­toire littéraire française, comme écrivain et comme édi­teur. Les Dossiers H de L'Age d'Homme, dirigés par Jac­que­line de Roux, sa femme, n'existeraient pas sans les Ca­hiers de l'Herne. Les auteurs dont je parlais précédemment sont entrés dans notre bibliothèque grâce à lui. Il a renou­velé notre façon de lire. Là encore, c'est révolutionnaire.

 

Q.: Au fond, que représente-t-il pour vous ?

 

R.S.: C'est un intercesseur, pour reprendre le mot de Bar­rès. Il donne des leçons de style, de courage, de vitesse, de passion, d'absolu, de colère; de Roux est un esprit libre, un homme seul qui a suivi sa vocation. C'est un «littéraire in­tégral», un homme pour qui la littérature était une vision du monde.

 

Q.: Le romancier Dominique de Roux m'a toujours in­trigué...

 

R.S.: Quoi qu'il écrive, Dominique de Roux était un styliste doué, d'emblée maître de son écriture et de son univers. Il est donc difficile, et sans doute réducteur, de comparti­men­ter son œuvre. Plus que pour d'autres écrivains, la ques­tion du genre, à mon avis, ne se pose pas vraiment chez lui. Je suis sensible à tous ses «romans» de Mademoi­selle Anicet au Cinquième Empire en passant par Harmo­nika-Zug et Maison jaune. Avec Mademoiselle Anicet, il a montré qu'il pouvait écrire, très jeune, un roman de fac­tu­re classique, «à la française», comme Une curieuse solitude de Sollers, avec lequel un parallèle s'impose à nouveau; à l'autre bout de l'œuvre, Le Cinquième Empire se lit comme un poème, lui aussi parfaitement maîtrisé. La beauté du Por­tugal éternel, mythique, celui du Roi caché, transparaît dans l'évocation dune situation exceptionnelle de crise. L'écriture de Dominique de Roux est limpide, et il a assi­milé Rimbaud.

 

Q.: Avant de lire Les Châteaux de glace votre nom m'é­tait inconnu. Force est de constater que votre livre se montre d'une grande discrétion à ce sujet. Rien ne filtre, ni sur vous ni sur vos antécédents. Quelques mots de votre part seraient les bienvenus à présent.

 

R.S.: J'ai trente-deux ans. Avant ce Dominique de Roux, j'ai publié un traité sur la promenade (*); j'avais alors une acti­vité d'enseignant-chercheur en littérature française, à l'U­ni­versité de Toulouse. J'ai collaboré à différentes revues, pu­blié plusieurs articles, universitaires ou non.

 

Q.: Et quels sont vos projets désormais ?

 

R.S.: Je corrige en ce moment les épreuves d'un essai sur Aragon, à paraître en janvier 2001 aux Editions du Bon Al­bert: Le vrai-mentir d'Aragon, Aragon et la France. J'es­père également publier dans les mois à venir une étude sur Jean Boudou, immense écrivain occitan, traduit en fran­çais, qui est l'égal de Jean Genet ou Mishima, pas moins! Je me suis attaché à le lire avec les lunettes de Freud et de Lacan —une écriture de la perversion, en bordure de la psy­chose. Je n'ai pas la religion de la psychanalyse, loin s'en faut, mais pour qui sait lire, surtout l'œuvre de Lacan, l'éclairage analytique, philosophiquement, est passionnant. Je publie en janvier 2001 une nouvelle, dans un recueil col­lectif, aux côtés de Georges-Olivier Châteaureynaud, Ho­meric, Victor Martin, Marie-Hélène Lafon et Denitza Ban­tcheva.

(propos recueillis par Laurent SCHANG).

(*) De la promenade, Editions du Bon Albert, 1997.

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jeudi, 12 juin 2008

Entretien avec Jacques d'Arribehaude

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Entretien avec Jacques d'Arribehaude, un «Français libre»

Q.: Dans Un Français libre (L'Age d'Homme, 2000), vous me­nez, sous le couvert d'un journal intime, une quête qui n'est autre que l'antique gnôthi seauton hellénique: la recherche et l'étude de soi. Qui êtes-vous donc? Fran­çais ou Gascon? Moderne ou d'Ancien Régime? Du XVIIe ou du XIIe siècle?

Né au pied des Pyrénées à l'extrême sud-ouest de la Fran­ce, d'une mère basque et d'un père gascon, je suis Français d'éducation, de tradition et de culture, mais ouvert depuis toujours au grand large, à l'esprit d'aventure et de recher­che de nos grands ancêtres navigateurs et conquérants. J'ap­partiens une famille dont les archives remontent au XIIe siècle par mon père, avec des attaches en Béarn, Gascogne et Navarre. On trouve mes ascendants sur les Sceaux gas­cons de la Tour de Londres sous Edouard III, puis sur les rô­les d'armes de Gaston Phébus du Béarn au XIVe siècle, mais dans un déclin constant durant les guerres de Religion et les désordres de la Fronde au XVIIe siècle. Sous la Révo­lu­tion, Jean d'Arribehaude, beau-frère de Raymond de Seze, dé­fenseur de Louis XVI à la Convention, renonce à ses sei­gneuries de Lasserre, d'Orgas et autres lieux pour échap­per à la guillotine, et la ruine du patrimoine familial a­chève de se consommer au fil des générations. Mon enfance n'en est pas moins marquée par la forte empreinte des in­sti­tuteurs au lendemain (très illusoirement victorieux) de la grande guerre 14-18, ces «hussards de la République» qui met­taient tout leur cœur à exalter la nation comme un mo­dèle insurpassable de civilisation pour la terre entière. Le dé­sastre sans précédent de 1940 (j'avais tout juste 15 ans), m'éloigne à tout jamais du régime qui l'a provoqué, qui m'in­spire dès lors le plus définitif dégoût.

Q.: Très jeune, vous avez vécu quelques expériences peu banales: voir défiler les Prussiens de la Totenkopf, tra­verser les Pyrénées, croupir dans une geôle hispa­ni­que, découvrir les clans d' Alger, goûter à toutes sortes de propagandes et même, naviguer ("Il est nécessaire de naviguer"). N'est-ce pas beaucoup pour un jeune homme encore tout frotté de littérature? Quel était donc son état d'esprit le 8 mai 1945?

Que faire, quand on a dix-sept ans, que l'on n'accepte pas l'humiliation d'une telle défaite, que l'on baille au lycée de Bayonne aux trois-quarts occupé par l'administration de la Kommandantur et de la Gestapo, et qu'il y a quelque part une France qui se déclare encore libre, sinon vouloir à tout prix la rejoindre? Cela me vaudra de connaître la prison de Badajoz au fond de l'Espagne, d'où la Croix-Rouge me tire à grand peine, puis le spectacle des querelles politiques d'Al­ger, jusqu'à mon embarquement sur un pétrolier battant pa­villon US, et dont un équipage français remplace un é­quipage américain défaillant et rapatrié sur New York, mais toujours armé de canonniers américains. Je figure, en qua­li­té d'écrivain de bord  —interprète faisant fonction de com­missaire— au carré des officiers, ne regrettant guère d'a­voir été déclaré «inapte au service armé» par la 1ère Di­vision Française Libre que j'avais fini par rejoindre en Li­bye, ni la Direction du service Géographique de l'Armée, qui voulait me retenir comme dessinateur à Alger. Le spec­tacle de l'Italie dévastée, de la corruption qui sévit partout sur fond d'épuration, de misère et de prétendu retour à la morale m'est odieux. J'oublie mes déceptions en décou­vrant, dans les ruines d'une librairie italienne, Le voyage au bout de la nuit où le génie imprécateur de Céline contre la guerre confirme ce que je ressens devant le bourrage de crâne universel. La «France libre» dont je rêvais et dont j'ai suivi au fur et à mesure les querelles de clans et mesquines péripéties n'est que le retour des hommes et du régime dont l'incompétence et la nullité nous ont conduit au dé­sastre. Je ne puis que le vomir et remettre tout en que­stion. J'ai vécu au bout du compte dans l'Italie éventrée de 44-45, la Grèce et la Yougoslavie exsangues et déchirées, la fin malheureuse de l'engrenage suicidaire de 1914 au seul profit d'un communisme aussi criminel que le nazisme, et du mercantilisme américain dont la façade démocratique recouvre une exploitation éhontée de la planète. On ne m'y re­prendra plus.

Q.: Quels furent vos maîtres?

Je dévore Céline dont la force comique fortifie ma lucidité et apaise ma colère dans le sentiment de ne pas être seul au monde à refuser l'imposture de ce temps. Je revois mon ancien professeur Louis Laffite qui, sous le nom de Jean-Louis Curtis, commence à se faire un nom en littérature, et qui m'encourage à écrire. Jusqu'à sa mort, il y a quelques an­nées, il soutiendra mes efforts dans ce sens et j'aurais maintes fois l'occasion d'apprécier son talent, son humour, et la solidité de son amitié. Dès l'enfance, j'ai la passion de la lecture et vais selon une humeur très vagabonde des Mémoires d'un âne à La Condition humaine en passant par Les trois mousquetaires, L'île au Trésor, Robinson Crusoë, Croc-Blanc, Guerre et Paix, Les Mille et une Nuits de Mar­drus (lus par surprise à la bibliothèque municipale) et Gil Blas. L'été de mes 16 ans, en 41, grand emballement pour Au­tant en emporte le vent et le personnage de Rhett But­ler, dont le refus d'être dupe, le joyeux cynisme et la sé­duc­tion s'offrent en modèle idéal à ma naïve adolescence. Il me faut l'épreuve de la guerre et de la maladie pour élar­gir ce modeste horizon. C'est au sanatorium de Leysin, où je suis admis sur le Fonds Européen de Secours aux étu­diants, en Suisse, que je me plonge durablement dans Bal­zac, Stendhal, Flaubert, mais aussi Saint Simon, aussi bien que dans les grands romanciers américains et russes et en particulier Dostoïevski. De là date aussi mon goût pour les correspondances et journaux intimes, au plus près de la vie, telle que la restitue dans son intensité, l'extraordinaire vision de Saint Simon.

Q.: Vous avez fréquenté le monde des Lettres, approché Céline à Meudon, Roland Laudenbach rue du Bac, et mê­me un certain André Malraux. Qui étaient ces trois hom­mes si différents? Et "La Table ronde", cette maison my­thique, quel était donc son esprit?

Accoutumé dès le départ à la solitude, c'est à Roland et De­nise Tual, rencontrés au Festival du film maudit à Biarritz en 1949, que je dois la rencontre de Malraux, de Cocteau, de René Clair, de Roger Nimier, de Roland Laudenbach et autres figures de l'époque, sans que je puisse dire avoir vraiment et durablement fréquenté le monde des lettres. De Malraux, j'ai surtout retenu la volonté qui me semblait exemplaire de «transformer en conscience l'expérience la plus large possible», qui m'incita à prendre du champ en m'exilant près de trois ans dans ce qui était alors le terri­toire du Tchad dans l'Afrique Equatoriale Française, comme agent de l'unique société chargée de l'exploitation du co­ton. Malraux se souvint de moi et m'accorda sa sympathie lorsque je lui adressai Semelles de vent, et intervint plus tard quand je tentai d'entrer à l'ORTF, où le désordre de 1968 me permit finalement de pénétrer de façon durable. "La Table Ronde" se distinguait alors par l'anticonformisme de ses publications, un éloignement ironique à l'égard de l'idéologie dominante et l'engagement à sens unique prôné par Sartre qui nous semblait le comble du grotesque, de la nuisance imbécile, et de l'aveuglement artistique. J'y ren­con­trai, auprès de Laudenbach, Alexandre Astruc, Jacques Lau­rent, et publiai, avant Semelles de vent, La grande va­drouille, bien accueilli par la critique, mais sans succès com­mercial, et dont Laudenbach eut le tort de vendre le ti­tre —sans que je puisse m'y opposer— à une production ci­nématographique sans le moindre rapport avec l'ouvrage.

Q.: La lecture de Proust ne vous a pas illuminé. Dieux mer­ci, je ne suis pas le seul à avoir bâillé d'ennui! Ras­surez-moi, donnez-moi des arguments contre le sno­bis­me proustien!

Je dois à la lecture d'avoir échappé à plusieurs reprises au découragement et à la dépression. C'est le cas avec La re­cher­che du temps perdu, quelles que soient mes réserves sur les vaines contorsions de Proust pour transposer et dé­gui­ser la réalité de son personnage. Il a beau prendre un soin infini à masquer l'origine presque exclusivement juive du «monde» auquel il a accès par l'intermédiaire d'une ma­da­me Strauss ou de Caillavet, d'un Gramont de mère Roth­schild, ou de princes moldo-valaques à généalogie dou­teu­se, pourquoi ne pas dire carrément que les grands noms dont il se pâme ne sont plus que le reflet de la souverai­ne­té triomphante de Mammon, accommodée au snobisme é­per­du et niais des élites républicaines dont il fait partie. Mal­gré cela, et en dépit de tout ce qu'il peut y avoir d'ar­tificiel et de faux dans la société qu'il dépeint, sa difficulté d'être lui inspire des pages déchirantes sur la souffrance, l'amour malheureux, «l'enchantement des mauvais souve­nirs», et son œuvre s'impose par la création de personnages atteignant la force de types universels, qu'il s'agisse de Char­lus, de madame Verdurin, Norpois, Cotard, Nissim Ber­nard, Bloch, etc. La sacralisation contemporaine de mœurs considérées naguère comme honteuses et la révérence ob­ligée devant tout ce qui semble relever particulièrement de la «sensibilité juive» ajoute sans doute à l'universelle re­nom­mée de Proust, et l'encombre d'une vague de snobisme et d'exaltation parfaitement insupportable, mais on oublie de souligner la verve comique qui nourrit souvent les meil­leures pages de son œuvre, et que le personnage de Bloch dans son évolution révèle admirablement l'identité profon­de et mal acceptée du narrateur dans tout le grotesque de son pathos verbal, de son arrivisme mondain, et de ses pa­thétiques affectations. Au total, un grand écrivain, qui ne saurait être négligé, mais dont la vision analytique et cri­ti­que de la société est plus partiale et limitée qu'il semble le croire, et très en deçà du fantastique, prophétique et sou­verain constat de l'œuvre de Céline quelques années plus tard. Marcel Proust, nanti de la République (éminente no­tabilité du père dans les hautes sphères de la maçonnerie et des riches alliances juives), confond ainsi pieusement, dans Le Temps retrouvé, l'effondrement des Empires cen­traux avec «la victoire de la civilisation sur la Barbarie» (sic). Le conformisme niais de cet aveuglement sur la tra­gé­die de l'Europe et l'incapacité démocratique à concevoir une paix durable relativise la pertinence de son ironie sur le patriotisme de ses salonnards familiers et les propos hé­roïques de la Verdurin trempant son croissant matinal dans un café au lait qui échappe aux restrictions de l'heure. Nous sommes loin de la dénonciation autrement puissante et impressionnante du Voyage et du grand souffle célinien balayant les clichés de «cette immense entreprise à se fou­tre du peuple» !

Q.: Dans votre journal, vous avouez une sympathie cou­pable pour la mythologie germanique. Quand on est né vers 1925, qu'on appartient manifestement à une caste d'exploiteurs du peuple (et même si on a porté le bon uni­forme, celui des vainqueurs), ce genre de déclaration vous rend hautement suspect. Expliquez-vous!

J'ai noté dans mon Français libre l'impression profonde, tous drapeaux confondus, de la rengaine nostalgique de la Wehrmacht Lili Marlene durant la guerre. L'affirmation pro­vocante du Sanders de Nimier  —«Plus l'Apocalypse s'est rapprochés de l'Allemagne et plus elle est devenue ma pa­trie!»—  était la mienne alors même que je vivais la victoire de notre croisade de la liberté sous pavillon US à bord du pétrolier «Eagle». La sottise et l'énormité mensongère de la propagande m'exaspéraient. A l'étalage massif et sempiter­nel des exclusives horreurs nazies je ne pouvais m'em­pê­cher de mettre en parallèle toutes les images qu'on nous cachait, et dont il n'existe aucune trace, de l'anéan­tis­se­ment systématique de Dresde et de villes entières, de po­pulations errantes, exténuées, massacrées, ou mourant de faim et de misère sur les routes dévastées. Quelles qu'aient été les aberrations de Hitler, ce désastre était aussi celui de l'Europe et donc le nôtre. A cette impression se mêlait ma compassion pour les vaincus au terme d'une lutte hé­roïque contre le monde entier, et pour les causes perdues.

Mon goût des légendes, inhérent aux contes du pays basque transmis dès l'enfance par ma grand-mère, m'inclinait natu­rellement aussi à une sorte de familiarité fraternelle avec la mythologie germanique et l'exaltation wagnérienne de Lohengrin sur fond d'honneur, de loyauté et d'amour trans­cendant. Ce genre d'impression n'était pas destiné à m'ou­vrir le meilleur accueil et l'on eût trouvé plus naturel de me voir tirer parti de mon engagement sous ce que vous ap­pelez très justement «le bon uniforme», dont je me sou­ciais comme d'une guigne. Mais la solitude était le prix de ma liberté et j'acceptais dès le départ qu'il en soit ainsi.

Q.: Vous aggravez votre cas en déclarant à Mauriac en 1951: «il y a une étude à faire sur l'aide américaine, dans le sens où l'on peut considérer la démocratie amé­ricaine comme le ferment le plus empoisonné, le plus stu­pidement pervers et le plus efficace du désordre mon­dial». Seriez-vous —je n'ose y croire— hostile au prin­cipe même de l'ingérence humanitaire?????

J'ai participé à l'ouvrage collectif Nos amis les Serbes, pu­blié à l'Age d'Homme, pour protester contre l'infamie de la guerre de l'Otan dans les Balkans et la criminelle stupidité de notre alignement sur les Etats-Unis dans ce qui relève de leur seul intérêt avec la création et l'entretien ruineux d'un abcès incurable, étranger à notre culture et à notre civili­sa­tion au cœur de l'Europe. De la même manière, notre strict intérêt était de refuser toute intervention dans la guerre du Golfe et d'en laisser la charge et les dépenses aux Etats-Unis, uniques bénéficiaires. C'est assez dire que je suis résolument contre toute «ingérence humanitaire» qui n'est que le masque grossier de combinaisons sordides et parfaitement étrangères aux intérêts de l'Europe.

Q.: Vous n'êtes tout de même pas de droite? Je vous de­mande cela car j'ai lu quelques phrases ambiguës sur les empires centraux et la monarchie. A nouveau, rassurez-nous!

On classe volontiers parmi les «anarchistes de droite» tous ceux qui n'adhérent pas au conformisme de la pensée uni­que et de l'idéologie dominante qui s'affiche aussi bien à gauche que dans la droite honteuse depuis le triomphe des «Lumières». C'est ainsi que je figure dans l'essai de François Richard, paru il y a quelques années dans la collection "Que sais-je?" (n° 2580). Je ne récuse nullement cette appella­tion, mais qui se soucie aujourd'hui de savoir si Dante, Sha­kespeare ou Cervantès, ont pu être de droite ou de gauche? Sans la moindre prétention, je me contente de croire que celui qui tente de témoigner pour son temps dans l'iso­le­ment d'une création artistique échappe à toute classifi­ca­tion sommaire. Je constate en tout cas que nombre d'écri­vains des années trente parmi les meilleurs, Chardonne, Mon­therlant, Drieu, Morand, Jouhandeau et quelques au­tres, sans parler bien entendu de Céline, arbitrairement clas­sés à droite, et qui ont payé pour cela, n'en faisaient pas moins les délices de Mitterrand, qui avait le bon goût de ne pas cacher sa paradoxale prédilection. Mitterrand, icône de la gauche officielle, était au fond tranquillement fidèle à sa jeunesse monarchiste, et mérite considération et sympathie pour tout ce que nos médias lui ont haineu­se­ment reproché à la fin de sa vie (ferme refus de «repen­tance», émouvante et brillante improvisation, au Parle­ment de Berlin, sur le «courage des vaincus», etc.). Les pre­miers mots dont je me souviens ont été ceux d'une ber­ceuse basque toujours populaire en faveur de don Carlos, "el Rey neto", soutenu par la tradition navarraise contre la farce constitutionnelle de l'oligarchie prétendument pro­gres­siste attachée au règne factice d'Isabel. Curieusement, Marx a exprimé son estime et sa préférence pour l'insur­rection carliste, dont les "fueros" populaires, nobles et pay­sans étroitement mêlés et solidaires, offraient l'image d'une démocratie autrement juste et authentique que le si­mulacre bourgeois hérité de nos mystifications révolution­naires. C'est à cette image, bien évidemment de droite pour nos éminents penseurs professionnels, que je me suis toujours voulu fidèle.

 

(propos recueillis par Patrick Canavan).

 

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vendredi, 30 mai 2008

E. Jünger, lecteur de Léon Bloy

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Alexander PSCHERA:

Ernst Jünger, lecteur de Léon Bloy

Les sept marins du “renversement copernicien” sont un symbole, qu’Ernst Jünger met en exergue dans la préface des six volumes de ses “Journaux”, intitulés “Strahlungen”. Les notes de ces “Journaux”, rédigées pendant l’hiver 1933/1934 “sur la petite île de Saint-Maurice dans l’Océan Glacial Arctique” signalent, d’après Jünger, que “l’auteur se retire du monde”, retrait caractéristique de l’ère moderne. Le moi moderne est parti à la découverte de lui-même, explique Jünger, conduisant à des observations de plus en plus précises, à une conscience plus forte, à la solitude et à la douleur. Aucun des marins ne survivra à l’hiver arctique. Nous avons énuméré là quelques caractéristiques majeures des “Journaux” de Jünger. Celui-ci rappelle simultanément les pierres angulaires de l’œuvre et de l’univers d’un très grand écrivain français, qu’il a intensément pratiqué entre 1939 et 1945: Léon Bloy.

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Léon Henri Marie Bloy est né le 11 juillet 1846 à Périgueux. Il est mort le 3 novembre 1917 à Bourg-la-Reine. Il se qualifiait lui-même de “Pèlerin de l’Absolu”. Converti au catholicisme sous l’impulsion de Barbey d’Aurevilly en 1869, il devient journaliste, critique littéraire et écrivain et va mener un combat constant et vital contre la modernité sécularisée, contre la bêtise, l’hypocrisie et le relativisme, contre l’indifférence que génère un ordre matérialiste. Bloy remet radicalement en question tout ce qui fait les assises de l’individu, de la société et de l’Etat, ce qui le conduit, bien évidemment, à la marginalisation dans une société à laquelle il s’oppose entièrement.

Pour Bloy, Dieu n’était pas mort, il s’était “retiré”

Conséquences de la radicalité de ses propos, de son œuvre et de sa langue furent la pauvreté extrême, l’isolement, le mépris et la haine. Sa langue surtout car Bloy est un polémiste virulent, à côté de beaucoup d’autres. Son Journal, qui compte plusieurs volumes, couvre les années de 1892 à 1917; sa correspondance est prolixe et bigarrée; ses nombreux essais, dont “Sueur de sang” (1893), “Exégèses des lieux communs” (1902), “Le sang du pauvre” (1909), “Jeanne d’Arc et l’Allemagne” (1915) et surtout ses deux romans, “Le désespéré” (1887) et “La femme pauvre” (1897) forment, tous ensemble, une œuvre vouée à la transgression, que l’on ne peut évaluer selon les critères conventionnels. La pensée et la langue, la connaissance et l’intuition, l’amour et la haine, l’élévation et la déchéance constituent, dans les œuvres de Bloy,  une unité indissoluble. Il enfonce ainsi un pieu fait d’absolu dans le corps en voie de putréfaction de la civilisation occidentale. Ainsi, Bloy se pose, à côté de Nietzsche, auquel il ressemble physiquement, comme l’un de ces hommes qui secouent et ébranlent fondamentalement la modernité.

L’impact de Bloy ne peut toutefois se comparer à celui de Nietzsche. Il y a une raison à cela. Tandis que Nietzsche dit: “Dieu est mort”, Bloy affirme “Dieu se  retire”. Nietzsche en appelle à un homme nouveau qui se dressera contre Dieu; Bloy réclame la rénovation de l’homme ancien dans une communauté radicale avec Dieu. Nous nous situons ici véritablement  —disons le simplement pour amorcer le débat—  à la croisée des chemins de la modernité. Aux limites d’une époque, dans le maëlström, une rénovation s’annonce en effet, qu’et Nietzsche et Bloy perçoivent, mais ils en tirent des prophéties fondamentalement différentes. Chez Nietzsche, ce qui atteint son sommet, c’est la libération de l’homme par lui-même, qui se dégage ainsi des ordonnancements du monde occidental, démarche qui correspond à pousser les Lumières jusqu’au bout; chez Bloy, au contraire, nous trouvons l’opposition la plus radicale aux Lumières, assortie d’une définition eschatologique de l’existence humaine. Nietzsche a fait école, parce que sa pensée restait toujours liée aux Lumières, même par le biais d’une dialectique négative. Pour paraphraser une formule de Jünger: Nietzsche présente le côté face de la médaille, celle que façonne la conscience.

Bloy a été banni, côté pile. Il est demeuré jusqu’à aujourd’hui un auteur ésotérique. Ses textes, nous rappelle Jünger, sont “hiéroglyphiques”. Ils sont “des œuvres, pour lesquelles, nous lecteurs, ne sommes mûrs qu’aujourd’hui seulement”. “Elles ressemblent à des banderoles, dont les inscriptions dévoilent l’apparence d’un monde de feu”. Mais malgré leurs différences Nietzsche et Bloy constituent, comme Charybde et Scylla, la porte qui donne accès au 20ième siècle. Impossible de se décider pour l’un ou pour l’autre: nous devons voguer entre les deux, comme l’histoire nous l’a montré. Bloy et Nietzsche sont les véritables Dioscures du maëlström. Peu d’observateurs et d’analystes les ont perçus tels. Et,dans ce petit nombre, on compte le catholique Carl Schmitt et le protestant Ernst Jünger.

Si nous posons cette polarité Nietzsche/Bloy, nous considérons derechef que l’importance de Bloy dépasse largement celle d’un “rénovateur du catholicisme”, posture à laquelle on le réduit trop souvent. Dans sa préface à ses propres “Strahlungen” ainsi que dans bon nombre de notices de ses “Journaux”, Ernst Jünger cite Bloy très souvent en même temps que la Bible. Car il a lu Bloy et la Bible en parallèle, comme le montrent, par exemple, les notices des 2 et 4 octobre 1942 et du 20 avril 1943. C’est à partir de Bloy que Jünger part explorer “le Livre d’entre les Livres”, ce “manuel de tous les savoirs, qui a accompagné d’innombrables hommes dans ce monde de terreurs”, comme il nous l’écrit dans la préface des “Strahlungen”. Bloy  a donné à Jünger des “suggestions méthodologiques” pour cette nouvelle théologie, qui doit advenir, pour une “exégèse au sens du 20ième siècle”.

Mais Jünger place également Bloy dans la catégorie des “augures des profondeurs du maëlström”, parmi lesquels il compte aussi Poe, Melville, Hölderlin, Tocqueville, Dostoïevski, Burckhardt, Nietzsche, Rimbaud, Conrad et Kierkegaard. Tous ces auteurs, Jünger les appelle aussi des “séismographes”,  dans la mesure où ils sont des écrivains qui connaissent “l’autre face”, qui sentent arriver l’ère des titans et les catastrophes à venir ou qui les saisissent par la force de l’esprit. Dans “Le Mur du Temps”, Jünger nous rappelle que ces hommes énoncent clairement leur vision du temps, de l’histoire et du destin. Trop souvent, dit Jünger, ces “augures” s’effondrent, à la suite de l’audace qu’ils ont montrée; ce fut surtout le cas de Nietzsche, “qu’il est de bon ton de lapider aujourd’hui”; ensuite ce fut aussi celui de Hamann qui, souvent, “ne se comprenait plus lui-même”. On peut deviner que Jünger, à son tour, se comptait parmi les représentants de cette tradition: “Après le séisme, on s’en prend aux séismographes” —modèle explicatif qui peut parfaitement valoir pour la réception de l’œuvre de Jünger lui-même.

Le chemin qui a mené Jünger à Bloy ne fut guère facile. Jünger le reconnait: “Je devais surmonter une réticence (...)  —mais aujourd’hui il faut accepter la vérité, d’où qu’elle se présente. Elle nous tombe dessus, à l’instar de la lumière, et non pas toujours à l’endroit le plus agréable”. Qu’est-ce donc que cet “endroit désagréable”, qui suscite la réticence de Jünger? Dans sa notice du 30 octobre 1944, rédigée à Kirchhorst, Jünger écrit: “Continué Léon Bloy. Sa véritable valeur, c’est de représenter l’être humain, dans son infamie, mais aussi dans sa gloire”. Pour comprendre plus en détail cette notice d’octobre 1944, il faut se référer à celle du 7 juillet 1939, qui apparaît dans toute sa dimension drastique: “Bloy est un cristal jumelé de diamant et de boue. Son mot le plus fréquent: ordure. Son héros Marchenoir dit de lui-même qu’il entrera au paradis avec une couronne tressée d’excréments humains. Madame Chapuis n’est plus bonne qu’à épousseter les niches funéraires d’un hôpital de lépreux. Dans un jardin parisien, qu’il décrit, règne une telle puanteur qu’un derviche cagneux, qui est devenu l’équarisseur des chameaux morts de la peste, serait atteint de la folie de persécution. Madame Poulot porte sous sa chemise noire un buste qui ressemble à un morceau de veau roulé dans la crasse et qu’une meute de chiens a abandonné après l’avoir rapidement compissé. Et ainsi de suite. Dans les intervalles, nous rencontrons des sentences aussi parfaites et vraies que celle-ci: ‘La fête de l’homme, c’est de voir mourir ce qui ne paraît pas mortel’ “.

Bloy descend en profondeur dans le maëlström, les yeux grand ouverts. Cela nous rappelle la marche de Jünger, en plein éveil et clairvoyance, à travers le “Foyer de la mort”, dans “Jardins et routes”. Ce qui m’apparaît décisif, c’est que Bloy, lui aussi, indique une voie pour sortir du tourbillon, qu’il ressort, lui aussi, toujours du maëlström: “Bloy est pareil à un arbre qui, plongeant sa racine dans les cloaques, porterait à sa cime des fleurs sublimes” (notice du 28 octobre 1944). Cette image d’une ascension hors des bassesses de la matière, qui s’élance vers le sublime de l’esprit, nous la retrouvons dans la notice du 23 mai 1945, rédigée à la suite d’une lecture du texte de Bloy, “Le salut par les juifs”: “Cette lecture ressemble à la montée que l’on entreprend dans un ravin de montagne, où vêtements et peau sont déchiquetés par les épines. Elle trouve sa récompense sur l’arête; ce sont quelques phrases, quelques fleurons qui appartiennent à une flore autrement éteinte, mais inestimable pour la vie supérieure”.

“On doit prendre la vérité où on la trouve”

Dans la pensée de Bloy, Jünger ne trouve pas seulement une véhémence de propos qui détruit toutes les pesanteurs de l’ici-bas, mais aussi les prémisses d’un renouveau, d’une “Kehre”, soit d’un retournement, des premières  manifestations d’une époque spirituelle au-delà du “Mur du temps”, quand les forces titanesques seront immobilisées et matées, quand l’homme et la Terre seront à nouveau réconciliés. Nous ne pouvons entamer, ici, une réflexion quant à savoir si Jünger comprend la pensée sotériologique de Bloy de manière “métaphorique”, comme tend à le faire penser Martin Meyer dans son énorme ouvrage sur Jünger, ou s’il voit en Bloy la dissolution du nihilisme annoncé par Nietzsche —cette thèse pourrait être confirmée par la dernière citation que nous venons de faire où l’image de l’épine et de la peau indique un ancrage dans la tradition chrétienne. Mais une chose est certaine: Bloy a été, à côté de Nietzsche, celui qui a contribué à forger la philosophie de l’histoire de Jünger. “Les créneaux de sa tour touchent l’atmosphère du sublime. Cette position est à mettre en rapport avec son désir de la mort, qu’il exprime souvent de manière fort puissante: c’est un désir de voir représenter la pierre des sages, issue des écumes les plus basses, des lies les plus sombres: un  désir de grande distillation”.

Alexander PSCHERA.

(article tiré de “Junge Freiheit” n°09/2005; trad. franç. : Robert Steuckers).

Alexandre Pschera est docteur en philologie germanique. Il travaille actuellement sur plusieurs projets “jüngeriens”.

 

jeudi, 08 mai 2008

El cine francés y su complejo de culpabilidad

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El cine francés y su complejo de culpabilidad

Infokrisis.

-Durante una semana hemos visto una película de cine francés al día, lo suficiente como para hacernos una idea del estado de esta industria en el vecino país. Resumimos: el cine francés está también en crisis, no tanto de creatividad como de contenidos. Siete películas bastan para advertir esta crisis. El cine francés, dominado por el progresismo, no ha conseguido escapaz de un complejo de cumpabilidad que arrastra desde los tiempos de la guerra de Argelia y que despues de la intifada de noviembre de 2005 aspira solo a hacerse perdonar.

1. El cine francés en crisis

El cine español está en crisis por falta de creatividad y porque el grueso de la industria está acaparado por una camarilla progresista habituada a vivir de subvenciones. No es que el sistema de subsidios sea malo… es que se entrega para hacer las peores películas absolutamente infumables que jamás hubieran encontrado inversores privados.

No es este el problema que tiene el cine francés. Todavía quedan rastros de creatividad y, lo que es mejor, medios técnicos, se percibe un mayor dominio del lenguaje cinematográfico e incluso hay actores con tablas. Ahora bien…

Ambas industrias, tanto en España como en Francia, mueren de “progresismo”. El progresismo se traduce en una vaga orientación “de izquierdas” que comparte unos cuantos mitos, muy simples y una pretendida intelectualidad que, a la postre no es más que superficialismo.

Las siete películas que hemos visionado pertenecen a distintos géneros y, en cierto sentido, la mayoría son incompletas: a todas les falta algo. A algunas como Asterix y los Juegos Olímpicos, las carencias son dramáticas porque lo peor que puede ocurrir con una película de humor es que, precisamente, no tenga absolutamente ningún gag que suscite una sonrisa. Otras son un despropósito de principio a fin, como Escondido, y otras que responden al tradicional género negro en el que el cine francés siempre se ha movido bien, son correctas pero olvidables: Borrachera de poder y Asuntos pendientes. En una palabra: se trata de películas incompletas que, en sí mismas, ya indican un estado de crisis. Cuando se rasca un poco esta primera impresión se ve reforzada.

2. Asterix como Mortadela

La última entrega de Asterix es una película completamente frustrada que recuerda extraordinariamente los dos Mortadelo y Filemón perpetradas por los hermanos Feser. No hay nada peor en el cine que no adecuar una película a un público concreto. Aparentemente, todas estas películas van dirigidas a niños y adolescentes. El cómic de Ibáñez fue ideado para ser leído en la infancia y adolescencia. Uno amigo psiquiatra me comentaba que siempre recomienda la lectura de este cómic a quienes sufren de depresión. Es decir, cuando un adulto lee el Mortadelo y Filemón es, o bien porque no ha madurado suficientemente, o porque tiene un conflicto depresivo y precisa huir de los problemas, o bien para recordar su infancia. Y otro tanto por lo que se refiere a Asterix.

Ahora bien, cuando en Asterix se multiplican los guiños que solamente pueden ser entendidos por mayores de 45-50 años (la aparición del crepuscular Alain Delon en el papel de César, recitando la relación de las películas que ha protagonizado), es que se ha producido un error de enfoque, como cuando llevé a mi hija de 12 años a ver Mortadelo y Filemón lo más sorprendente era el lenguaje absolutamente barriobajero, repleto de tacos y de obscenidades aptos para cualquiera, menos para niños.

Ambas películas tienen también un elemento común, presente sobre todo en el cine americano: el fiarlo todo a los efectos especiales que dominan por encima de cualquier rastro de guión. Hace falta ser un público muy fiel y abnegado de Santiago Segura para poder esbozar un rastro de sonrisa ante su participación en la última entrega de Astérix. Ambas películas, así mismo, tienen como denominador común su falta de sentido del humor y la inexistencia de gags que no sean facilotes y de muy escasa brillantez.

Si este es el último cine de humor que nos llega de Francia, cabe decir que es un cine frustrado.

2. Cine político, cine policíaco

En los años 60 y 70 el cine político francés, el llamado “cine comprometido” tenía cierto empuje, incluso en su vertiente humorística. En el fondo, las mejores muestras de “cine político” de principios de los años 70, La Aventura es la aventura, es un desmadrado film en el que queda denunciada la manipulación del terrorismo, la estupidez de las guerrillas castristas iberoamericanas y la frivolidad del Estado a la hora de tratar los grandes problemas, que visto casi cuarenta años después de ser rodado, conserva todavía un humor frecuentemente propenso, no a la sonrisa sino a la carcajada.

Frente a esta película que, en realidad, constituyó una excepción en el cine político (ya se sabe que para la izquierda progresista, “lo político” es casi sinónimo de lo plúmbeo y trascendental) que acaparó casi en exclusiva Costa Gavras y sus actores de culto: Gian María Volonté e Yves Montand. Hoy todo este cine ha desaparecido. Los primeros en negarse a filmar algo así son los progresistas, en primer lugar porque sus conocimientos políticos son exiguos y en segundo lugar porque denunciar al poder puede cerrar puertas.

Hay que ver películas de otros géneros –especialmente del policíaco- para poder advertir alguna pincelada política. Borrachera de poder es una de esas películas que tienden a denunciar los mecanismos de corrupción como trasfondo de una historia personal. En este caso es la vida privada de una jueza estrella la que constituye lo esencial de la historia. La jueza investiga una trama en la que, a medida que va avanzando, cobra forma una formidable trama de corrupción en la que están ligados representantes del poder políticos (diputados del partido del gobierno), jueces estrella, etc. No es lo esencial, porque la sociedad francesa, como todas las sociedades europeas, está dando progresivamente la espalda a la política y sería absurdo situar en el centro de la trama la corrupción política, algo que se da por hecho y por lo que nadie paga un euro para verlo.

La otra película es, formalmente bastante mejor; se estrenó en España con el nombre de Asuntos Pendientes y cuenta la historia de dos jefes de grupos policiales enfrentados. La película es extremadamente realista en cuanto a los tics que afectan a las policías de toda Europa: corporativismo, no de cuerpo, sino de grupo operativo, permanente contacto con la delincuencia, para detenerlos o para recibir de ellos confidencias, conflictos familiares, una delincuencia cada vez más brutal y vengativa, etc. Hace falta estar pendientes para poder ver en esta cinta un pálido cine político: el fantasma de la corrupción se traslada aquí del medio inmobiliario en el que lo había situado Borrachera de poder, para concentrarlo en la corrupción policial: no asciende el mejor, sino el que hace más perrerías para copar el mando. Como en la sociedad politica.

De todos, éste es, sin duda, el mejor cine francés que se hace hoy.

3. Las grandes películas históricas quedan atrás

Ninguna de estas siete películas que hemos elegido por haber sido filmadas recientemente recogen la temática histórica. Parece que el cine francés ha renunciado a realizar más incursiones en este campo en el que en los últimos quince años había hecho verdaderas maravillas de creatividad. Ahí queda Cyrano de Bergerac, Vidoq o La Reina Margot. Estas tres películas serán recordadas por cierto barroquismo en su ejecución pero con una fluida narración y un montaje sin fisuras. Nada parece que haya aportado en este terreno el cine francés en los últimos cinco años.

Si esto es así es porque cada vez la historia interesa menos a la población que vive en Francia. Somos conscientes de lo que decimos: ¿cómo va a interesar la masacre de San Bartolomé, la obra de Rostand o el París de mediados del XIX a una población que cada vez es menos francesa? El cine francés está cambiando porque está cambiando el sustrato sociológico de Francia. Es así de sencillo. Cuando el 60% de los menos de 18 años en el Gran París son de origen extranjero, está claro que ninguna película situada en otros tiempo y que tenga alguna relación con la historia de Francia, puede interesar a esas nuevas generaciones.

Dentro de poco, en España será imposible filmar un Alatriste en España, porque la historia del Siglo de Oro interesará muy poco a escolares desinteresados completamente por la historia del país que les ha acogido a ellos y a sus padres. Y, realmente, no se lo podemos reprochar. Seguramente nosotros experimentaríamos la misma sensación –incluso de repugnancia- si nos encontráramos en Bolivia o Perú y nos explicaran los sacrificios humanos realizados por los sacerdotes incas. Cada cual tiene una identidad propia, habitualmente la que corresponde al país, sino donde ha nacido, sí al menos con la cultura de sus padres.

4. Hacerse perdonar la colonización

Lo más sorprendente es que sobre siete películas, cuatro tienen que ver con la inmigración argelina en Francia. Es más de un 50% y seguramente no lo es por casualidad. En noviembre de 2005, la mentalidad de los progresistas sufrió un duro golpe que todavía están intentando metabolizar: la intifada de los africanos de origen llegados con la inmigración.

Para un progresista resulta absolutamente imposible que en el paraíso de las libertades que es Francia, se produjera un acontecimiento como la intifada de noviembre. Y si se ha producido solamente puede haber sido porque los franceses hayan hecho algo mal.

Desde la guerra de independencia argelina, la izquierda francesa vive un complejo de inferioridad que jamás ha logrado superar. Esa izquierda defendió entusiásticamente al FLN que asesinaba a franceses de las maneras más horribles, y sostuvo la conveniencia de que Argelia fuera independiente negándose a reconocer que el FLN terminaría asesinando al último francés que quedara sobre su territorio y a los propios argelinos que colaboraron con la administración francesa (los harkis). Cuando ocurrieron las masacres y cuando los pieds noires debieron abandonar su tierra natal, sus viñas, sus industrias y el país que ellos habían construido. Y, aun así, la izquierda francesa siguió manteniendo la justeza de sus posiciones. Ya entonces, la izquierda había sido ganado por la ideología del enemigo: “el colonialismo era la peste”.

En los siguientes cuarenta años, la izquierda francesa, el progresismo ha seguido considerando que el colonialismo supone la peor afrenta y ha seguido asumiendo un complejo de culpabilidad (por el carácter colonizador de Francia) inducido por el antiguo enemigo: “Francia tiene que pagar la colonización” y el pago es recibir sin límite más y más inmigración procedente de Argelia. Este proceso se ha repetido en España con la inmigración andina, alguno de cuyos gallitos peleones a insistido en que ellos tienen todo el derecho a venir aquí y a ser mantenidos por el Estado “a causa de la colonización”.

Cuarenta y cinco años después del abandono de Argelia y de las masacres ocasionadas por el FLN, el progresismo ha comprobado en la intifada de 2005 que Fancia “todavía no había pagado la deuda con los colonizados”. Y la izquierda francesa ha tenido miedo de lo que ha visto. En el fondo 10.000 coches ardiendo en apenas 20 días, no son como para tomárselos a broma. Los propios periodistas políticamente ubicados a la izquierda vieron sorprendidos como los revoltosos de noviembre los golpeaban, les robaban y destrozaban las cámaras y, sobre todo, vieron la violencia irracional de la revuelta. Sólo que la interpretaron al margen de cualquier objetividad: Francia seguía sin dar todo lo que los pobres excolonizados merecían. Por eso reaccionaban violentamente.

Al complejo de culpabilidad que la izquierda francesa siempre había tenido, se sumó el miedo. A partir de ese momento, ya se trataba solamente de pedir perdón de rodillas y si era necesario dejarse sodomizar por el colonizado. Así surgió el “nuevo cine francés”.

En Días de Gloria, se cuenta la historia de una unidad argelina que combate en el ejército francés y que es tratada sin miramientos por sus superiores. Casi todos mueren en combate. Son discriminados, se les exige más y se les alimenta menos… El mensaje de la película es claro: no solamente Francia no ha pagado la colonización sino que se tendrá que rascar el bolsillo porque tampoco ha pagado la contribución de lo argelinos y senegaleses al esfuerzo bélico…

Pero si había una barrera que podía romperse en esta tendencia a victimizar al argelino y culpabilizar al francés, esta se rompe en Escondido. El argumento es extremadamente ilustrativo: una familia feliz y que vive en el lujo empieza a recibir vídeos que indican que son observados. Siguiendo las pistas llegan a uno de los barrios argelinos de París, allí el protagonista encuentra a una persona madura, enferma, acabada, argelino, que había conocido en su infancia en la finca de sus padres. Los padres del argelino, trabajadores en esa factoría, mueren durante una manifestación de apoyo a la independencia de Argelia. El niño argelino es adoptado por los padres del protagonista, pero siente unos celos irracionales, así que se las ingenia para que el argelino sea recluido en un orfanato. Más de cuarenta años después, el argelino aparece como fracasado, con una vida incompleta, rota por la acción innoble del protagonista cuando era niño. El argelino y su hijo resultan detenidos como sospechosos de coaccionar a la familia con los extraños vídeos de vigilancia, son humillados y maltratados en la comisaría. Y finalmente, el desgraciado argelino se suicida delante del protagonista.

Lo sorprendente de la película es que los argelinos que aparecen en la película son calmados, mesurados, pacientes, extremadamente refinados en sus ademanes, en absoluto violentos o agresivos, incluso se evitar mostrar en el atrezzo y en los escenarios sus vínculos con la religión islámica. En contrapartida, todos los franceses que aparecen en la trama son mezquinos, violentos, agresivos, farsantes y mentirosos. Si hay maniqueismo en el cine, está concentrado en esta película.

La película parece incompleta: termina sin que se sepa, a fin de cuentas, quién envía los vídeos que presionan a la familia francesa. En realidad, no es nadie. Los vídeos son una perífrasis simbólica de la conciencia de los franceses que SABE que DEBE algo a los argelinos y que se niega a pagar.

Análogo mensaje se encuentra en una de las historias que componen uno de los retablos incluidos en la película París, je t’aime. Aquí si que está presente la vinculación de los argelinos al Islam. Una chica argelina es insultada por un grupo de jóvenes franceses (¿y por qué no por un grupo de subsaharianos o de vietnamitas?), pero uno que va con ellos le pide disculpas y la sigue hasta la mezquita central de París. Allí le presentan al abuelo de la chica, un piadoso musulmán. Cambian unas palabras. La historia termina ahí. Apenas ha durado 10 minutos, las suficientes como para mostrar a la comunidad argelina como sensata, serena y relajada, fieles moderados de una religión de paz y de fraternidad.

En la película Obras en Casa una especie de remake de Esta casa es una ruina, se suceden distintas brigadas de obreros extranjeros, todos simpáticos y encantadores, muy mejorados en relación a los modelos originales.

Todas estas películas confirman la visión maniquea de los directores progresistas franceses: inmigrantes-buenos, franceses-malos. Da la sensación de que están pidiendo de rodillas perdón: perdón por la colonización, perdón porque los subsidios y las ayudas sociales son inferiores a las que desearían los receptores, perdón por la guerra de Argelia, perdón por no haber entregado la Legión de Honor a todos los magrebíes o subsaharianos que combatieron con los aliados, perdón por haber reprimido la intifada en 2005… Perdón, perdón, perdón. Es como si dijeran: “Dejadnos vivir, estamos con vosotros, os comprendemos, os admiramos, sois los mejores ciudadanos que viven en Francia”. Perdón porque nosotros somos ricos y vosotros pobres.

La izquierda francesa sigue con la misma moral que en el tiempo de la guerra de Argelia cuando el Partido Comunista de Francia, se regocijaba con las emboscadas que los terroristas argelinos realizaban a los soldados de leva franceses.

 

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Todas estas películas que hemos comentado aquí están a disposición de nuestros amigos a través de la red edonkey y puede “bajarse” con emule o con cualquier otro programa de P2P. Ya que pagamos canon, cualquier cosa que bajemos es lícito. No creo que la SGAE les pase la parte alícuota del canon digital a las productoras francesas. Probablemente eso será la único bueno que haya hecho la SGAE.

© Ernesto Milà – Infokrisis – Infokrisis@yahoo.es – http://infokrisis.blogia.com

Jueves, 17 de Abril de 2008

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