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dimanche, 08 novembre 2009

Pasteur Blanchard: Aux sources du national-populisme

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES 1998

blanchard62f2b516f5ad8c297a665a9e10ae7918.jpgAUX SOURCES DU NATIONAL POPULISME

Entretien avec le Pasteur Blanchard

 

Q.: Votre ouvrage sur le National Populisme doit paraitre prochainement aux Editions de l'Æncre, pourquoi avoir traité ce sujet?

 

R.: Simplement parce que j'appartiens au peuple, je suis sorti du rang du milieu ouvrier; et même si je n'en ai pas eu toujours conscience, il est une constante dans mon engagement —pour paraphraser de manière humorisitque Maurice Thorez: «être un fils du peuple», et dans mon cheminement intellectuel tout me ramenait à cela. Il me revient que ma fille ainée voulant, il y a quelques années, m'apporter la contradiction en me montrant combien mon cursus était peu conforme aux normes intellectuelles de l'idéologie dominante, et croyant me vexer, m'a dit: «Dans le fond, à l'origine, tu n'étais qu'un ouvrier»; je lui ai répondu que s'il est une chose dont je suis fier, c'est bien “d'être un ouvrier!”. Donc, le populisme est ma famille naturelle, j'y suis comme un poisson dans l'eau. Et bien qu'il m'ait fallu cheminer, lire des auteurs d'horizons différents, je suis arrivé à cette famille naturellement, trouvant là de manière autant intuitive qu'intellectuelle, ce qui est la cohérence profonde de ma personnalité.

 

C'est pour cette raison que j'ai éprouvé le besoin d'écrire cet ouvrage. Il n'est pas né d'hier. En réalité, à l'origine, ce n'étaient que des notes prises au cours de mon cheminement intellectuel, certaines remontant à plus de dix ans. Etant venu au nationalisme sans connaître les réseaux nationalistes, il a bien fallu, à coup de lectures, que je trouve ma voie; j'ai donc lu les auteurs principaux de tous les courants de pensée de notre famille, pour enfin rencontrer ceux avec qui j'étais totalement en phase. Cet ouvrage est donc une mise en forme déjà existants que je gardais par devers moi au fil des années.

 

Q.: Comment situez-vous ce que vous nommez le “national-populisme” par rapport aux autres courants de pensée de la famille nationale?

 

R.: Tout d'abord, ce qui définit le national-populisme est la séparation entre le spirituel et le temporel. On peut très bien être populiste et avoir des métaphysiques différentes. Il n'y a pas d'incompatibilité entre ce courant de pensée et des prises de positions païennes, chrétiennes, ou tout simplement agnostiques. Le populisme n'a pas la prétention d'apporter des réponses dans le champ du religieux; ça ne veut pas dire que, à titre personnel, on ne puisse pas avoir de conviction. Mais cette distinction, éminemment moderne, entre les deux champs, temporel et spirituel, est l'apanage du populiste, ce qui fait de lui un homme tolérant par nature, car il a l'intime conviction, comme aimait à dire Martin Luther, que, en ce qui concerne les convictions personnelles, “il n'est pas bon de forcer les consciences”.

 

Mais le populisme se différencie aussi par sa modernité. On peut, de manière un peu schématique, sans tenir compte des nuances, diviser notre famille en deux grands courants: l'un populiste, l'autre contre-révolutionnaire, ce dernier s'opposant à la modernité issue des immortels principes; il revêt un caractère théocratique et il a la prétention de changer les choses en y mettant, sur le plan social, une dimension spirituelle. Dans ses grandes lignes, ce courant se trouve dans la tradition catholique issue du Concile de Trente. N'oublions pas que celui-ci est une réaction contre le protestantisme et qu'il a durci, sur bien des points, la position des catholiques; ce qui le cractérise, c'est le refus du monde moderne. Le national-populisme, lui, accepte la modernité. Il pense que 1789 a été pernicieux et que les élites naturelles ont été broyées par une mécanique administrative; mais il a la conviction que, pour autant, comme le disait Maurice Barrès, on ne peut pas distraire cette période de l'histoire de notre pays, celle-ci est indivise. On peut dire que l'ancêtre du national -populisme est Bonaparte avec sa dimension plébeienne de l'appel au peuple et du césarisme. Dimension que, d'ailleurs, nous retrouverons au moment de l'affaire Boulanger avec cet ouvrage magistral de Maurice Barrès L'appel au soldat  qui est une constante du national-populisme. Nous pouvons dire, à cet égard, que le Front National est l'héritier de ce courant et que, dans le fond, Jean-Marie Le Pen est un général Boulanger qui a réussi.

 

Q.: Mais ne pensez-vous pas que tout cela puisse conduire au totalitarisme, comme on a pu le voir entre les deux guerres, et que cette idéologie puisse être dangereuse?

 

R.: On peut considérer que tout système idéologique peut être dangereux, quel qu'il soit, et qu'il y a des travers repérables et condamnables dans tous les systèmes de pensée. On a l'habitude de mettre en avant le fascisme, le nazisme et le communisme, pour montrer les travers de ces idéologies. Il est vrai que, lorsque des idées s'incarnent, elle finissent par dévoyer la cause qu'elles croyaient servir. Et concernant ces trois idéologies, il y aurait des choses, comme partout, condamnables et même abominables. Je crois que toute honnêteté intellectuelle doit avoir le courage de dénoncer, quelles que soient ses convictions, ce qui n'est pas défendable. En tant que protestant, si je réprouve la Saint Barthélemy, je reconnais aussi que dans mon camp le massacre des Irlandais par Cromwell est inqualifiable. Pour autant, je crois qu'il faut se garder de toute caricature. Il n'y a pas, dans l'histoire, un bien absolu et un mal absolu, cette lecture manichéenne relève du conte de fée. Et je voudrais aussi souligner que le libéralisme, à ses origines, a des aspects pernicieux. Quand l'Armée du Salut a été créée à la fin du l9ème en Angleterre, c'était suite au capitalisme sauvage qui faisait vivre dans des quartiers insalubres, pires que ceux de Bombay ou de Calcutta, des personnes qui n'étaient pas des esclaves mais de bons anglais qui ne se trouvaient pas au fin fond du pays mais bien dans la ville de Londres.

 

Dans l'histoire, rien n'est tout blanc, rien n'est tout noir. Dénonçons ce qui doit être dénoncé et gardons-nous de tout manichéisme.

 

Q.: Comment s'intitulera votre livre, et quand paraitra-t-il?

 

R.: Aux sources du national-populisme, Maurice Barrès, Georges Sorel. Il sortira aux Editions de l'Æncre en septembre1998.

samedi, 07 novembre 2009

L.-F. Céline et Jacques Doriot

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L.-F. Céline et Jacques Doriot

Textes parus dans "Le Bulletin célinien", n°297, mai 2008

 

Durant l’Occupation, deux grands partis étaient en concurrence : le PPF de Jacques Doriot et le RNP de Marcel Déat.  Les collaborationnistes, eux, se partageaient tout naturellement en deux camps : ainsi, au sein de la rédaction de l’hebdomadaire Je suis partout, Lucien Rebatet était un partisan de Déat alors que Pierre-Antoine Cousteau, lui, soutenait Doriot. La parution d’une monographie consacrée au chef du PPF nous donne l’occasion de revenir sur les relations entre lui et Céline.

 

   Une chose est certaine : même s’il lui reconnaissait du talent, Céline estimait Marcel Déat suspect en raison de ses anciennes fréquentations maçonniques et de ses liens étroits avec le parlementarisme de la IIIe République.

Ainsi, dans sa correspondance à Lucien Combelle, Céline n’a que sarcasmes  pour le chef du Rassemblement National Populaire ¹. Avant-guerre, Céline ne réservait d’ailleurs pas un sort plus enviable à Doriot, le raillant comme tous ceux (La Rocque, Maurras,…) qu’il qualifiait ironiquement de « redresseurs nationaux » ou de « simples divertisseurs » : « Alors avec quoi il va l’abattre Hitler, Doriot ? (…) Il veut écraser Staline en même temps ? Brave petit gars ! Pourquoi pas ? D’une pierre deux coups !... (…) Nous sommes en pleine loufoquerie » ². Céline, chantre d’une alliance continentale censée prévenir une guerre fratricide, voyait naturellement d’un mauvais œil les menées qu’il estimait bellicistes.

 

   Mais, sous l’Occupation, son appréciation de Doriot évolue,  celui-ci ayant adopté le tournant radical que l’on sait après la rupture du pacte germano-soviétique. Le chef du PPF lui-même s’engage en septembre 1941 dans la Légion des Volontaires Français contre le bolchevisme qui vient de se créer. Dans un entretien que Céline accorde peu de temps après à l’hebdomadaire doriotiste L’Émancipation nationale, il déclare : « Doriot s’est comporté comme il a toujours fait. C’est un homme. Eh oui, il n’y a rien à dire. Il faut travailler, militer avec Doriot. (…) Chacun de notre côté, il faut accomplir ce que nous pourrons. Cette légion si calomniée, si critiquée, c’est la preuve de la vie. J’aurais aimé partir avec Doriot là-bas, mais je suis plutôt un  homme de mer, un Breton. Ça m’aurait plu d’aller sur un bateau, m’expliquer avec les Russes. » ³. Pour les besoins de sa défense, Céline démentira après-guerre avoir tenu ces propos. Mais, dans une lettre adressée au même moment à Karen Marie Jensen, il écrivait : « J’irai peut-être tout de même en Russie pour finir. Si les choses deviennent trop graves, il faudra bien que tout le monde participe – ce sera question de vie ou de mort – si cela est vivre ce que nous vivons ! 4 »

 

   Quelques mois plus tard, le dimanche 1er février 1942, a lieu au Vélodrome d’Hiver un meeting organisé par la LFV sous la présidence de Déat avec Doriot comme invité vedette.  Céline y assiste en compagnie de Lucette Destouches. Une photographie en atteste, légendée de la sorte dans L’Émancipation nationale : « Le grand écrivain Louis-Ferdinand Céline a assisté à la réunion du Vél’d’Hiv’. Le voici suivant avec attention l’exposé de Jacques Doriot,  “Ce  que j’ai vu  en  U.R.S.S.“ » 5 .

   Alors que Doriot a regagné le front de l’Est, Céline lui adresse une lettre qui sera publiée dans le mensuel de doctrine et de documentation du PPF, les Cahiers de l’émancipation nationale. Céline y préconise notamment l’instauration d’un parti unique, « L’Aryen Socialiste Français, avec Commissaires du Peuple, très délicats sur la doctrine, idoines et armés » 6. Un passage vilipendant l’Église ayant été caviardé, il critiquera vivement « Doriot, formel et devant témoins, [qui avait juré]  de  tout  imprimer » 7. On observera que, durant toute l’Occupation, aucune lettre de Céline n’est publié dans L’Œuvre, le quotidien de Marcel Déat.

 

   Après une permission, Doriot rejoint à nouveau le Front de l’Est en mars 1943. Occasion pour son journal Le Cri du peuple de solliciter, durant une quinzaine de jours, les réactions de personnalités, dont Céline qui, laconique,  aurait déclaré : « Je n’ai pas changé d’opinion depuis août  [en fait, septembre] 1941, lorsque Doriot est parti pour la première fois » 8.

 

   Comme on le sait, toutes les lettres que Céline adressa aux journaux de l’occupation n’ont pas été publiées. Un exemple fameux : la lettre sur la France du nord et du sud adressée de Bretagne à Je suis partout (juin 1942). Jugée impubliable par la rédaction, elle fut conservée par le secrétaire de rédaction, Henri Poulain, pour n’être exhumée qu’un demi-siècle plus tard 9.

Apparemment, une autre lettre – adressée en août 1943 à Jacques Doriot – aurait subi le même sort car elle mettait en cause des cadres du PPF. Elle n’était d’ailleurs peut-être pas destinée à la publication, celle-là, encore que Céline l’aurait remise personnellement à Doriot. Voici ce qu’en écrit Victor Barthélemy, secrétaire général du parti et familier des réunions dominicales à Montmartre  : « Un dimanche de septembre [1943], je profitai de l’occasion pour dire deux mots à Céline à propos d’une lettre qu’il avait adressée, ou plutôt portée lui-même à Doriot, après l’affaire Fossati [NDLR : cadre du PPF exclu pour avoir entamé, sans l’aval de Doriot, des négociations avec le RNP en vue de la création d’un parti unique]. Céline affirmait qu’il n’était pas étonnant que Fossati « fût un traître », car avec ce nom en i et son origine « maltaise » c’était couru d’avance… D’ailleurs  il était  urgent que Doriot se débarrasse de ces Méditerranéens douteux (toujours les noms en i ou en o) tels que Sabiani, Canobbio, etc., et aussi de ce Barthélemy, dont le patronyme commençant par « Bar » pouvait à bon droit laisser supposer des origines juives. (À l’époque, on prétendait volontiers que les préfixes Ben, Bar, Ber pouvaient constituer présomption d’origines juives.) Cette lettre, Doriot me l’avait fait lire, en riant à gorge déployée : “Ce Ferdinand, il est impayable !”, avait lancé Doriot. J’en étais, pour ma part, un peu irrité, et bien décidé à dire à Ferdinand ce que j’en pensais. Il prit lui aussi la chose en riant et l’affaire fut « noyée » comme il convenait » 10. Maurice-Ivan Sicard, autre cadre du PPF, écrira, de son côté, que « les lettres que [leur] envoyait Céline étaient délirantes, difficilement publiables » 11.

 

   Plus tard, lorsque les jeux seront faits, Céline daubera sur le jusqu’au-boutisme des ultras et fera, dans D’un  château l’autre, un portrait sans complaisance des rescapés de la collaboration échoués dans le Bade-Wurtemberg. Quand on lui reprochera d’avoir fréquenté Doriot  à  plusieurs reprises, il écrira : « Il n’était point bête et mon métier de médecin et de romancier est de connaître tout  le monde » 12.  Manière de dire que seule sa curiosité était coupable…

Marc LAUDELOUT

Notes

1. « 43 lettres à Lucien Combelle (1938-1959) » in L’Année Céline 1995, Du Lérot-Imec Éditions, 1996, pp. 68-156. Relevons que ce sentiment n’était pas réciproque :

 « Céline, cette source vivante du verbe, qui,  après des livres prophétiques et macabres, rabelaisiens et pessimistes, avait publié Les Beaux draps, ceux-là mêmes que les bien-pensants vichyssois n’auraient pas voulu qu’on lave à la fontaine, et que, justement, il fallait blanchir avant de refaire le lit de la France » (Marcel Déat, Mémoires politiques, Denoël, 1989, p. 774).  Voir aussi cette relation d’un dîner chez le docteur Auguste Bécart, ami doriotiste de Céline : «  On arrive ainsi à 8 h moins le quart. Lecourt et le Dr Bécart viennent nous prendre. Nous dînons chez celui-ci avec Céline, etc. Très intéressant. Pluie de vérités truculentes sur tout le monde. Attaques raciales contre Laval “nègre et juif”, etc. Au demeurant très sympathique. » (« Journal de guerre de Marcel Déat », note du 23 décembre 1942, Archives nationales. Extrait cité par Philippe Alméras in Les idées de Céline, Berg International, coll. « Pensée Politique et Sciences Sociales », 1992, p. 172.)

2. L’École des cadavres, Denoël, 1938, p. 257. Doriot est également évoqué pages 84 et 174. Voir aussi Bagatelles pour un massacre, Denoël, 1937, p. 310.

3. Lettre inédite à Karen Marie Jensen, 8 décembre [1941], citée par François Gibault in Céline. Délires et persécutions (1932-1944), Mercure de France, 1985, p. 288.

4. Ivan-M. Sicard, « Entretien avec Céline. Ce que l’auteur du Voyage au bout de la nuit “pense de tout ça...” », L’Émancipation nationale, 21 novembre 1943. Repris dans Cahiers Céline 7 (« Céline et l’actualité, 1933-1961 »), Gallimard, 1986, pp. 128-136.

5. Albert Laurence, « Le Meeting », L’Émancipation nationale, 7 février 1942.

6. « Lettre à Jacques Doriot », Cahiers de l’Émancipation nationale, mars 1942, repris dans Cahiers Céline 7, op. cit., pp. 155-161.

7. Lettre à Lucien Combelle, 17 mars [1942] in L’Année Céline 1995, op. cit., p. 117.

8. « Le Départ de Doriot, Céline a dit... », Le Cri du peuple de Paris, 31 mars 1943,  repris dans Cahiers Céline 7, op. cit., p. 185.

9. Louis-Ferdinand Céline, Lettres des années noires, Berg International, coll. « Faits et Représentations », 1994, pp. 29-35.

10. Victor Barthélemy, Du communisme au fascisme. L’histoire d’un engagement politique, Albin Michel, 1978, pp. 365-366.

11. Saint-Paulien, Histoire de la collaboration, L’Esprit nouveau, 1964, p. 257.

12. Lettre à Thorvald Mikkelsen, 2 juillet 1946 in Louis-Ferdinand Céline, Lettres de prison à Lucette Destouches et à Maître Mikkelsen, Gallimard, 1998, p. 257.

 

 

 

Jacques Doriot

DoriotLaFrance.jpgFormé dans les écoles du Komintern à Moscou, député communiste à 25 ans, maire de Saint-Denis à 32, Jacques Doriot fut au sein du PCF le grand rival de Maurice Thorez. Pour avoir refusé de se plier aux exigences de Staline et prôné trop tôt un rapprochement avec les socialistes, il est exclu du Parti en 1934.

Deux ans plus tard, il fonde le Parti populaire français (PPF), qui n’est pas encore un parti fasciste au sens strict du terme, mais qui le deviendra pendant l’Occupation. Rallié prudemment à la Collaboration tant qu’a subsisté l’hypothèque du pacte germano-soviétique, Doriot ne brûlera vraiment ses vaisseaux qu’en juin 1941, lorsque les divisions allemandes se lanceront à l’assaut de l’URSS. Il réclame alors la création d’une Légion des volontaires français contre le bolchevisme (LVF) et, de tous les dirigeants des grands partis collaborationnistes, il sera le seul à combattre sur le front de l’Est, à plusieurs reprises.

Alors que les Allemands se méfient de lui, il affiche désormais sa volonté de faire du PPF « un parti fasciste et totalitaire » (novembre 1942) et finit par trouver auprès des SS le soutien que lui a refusé Otto Abetz sur instruction d’Hitler. Il trouvera la mort en Allemagne, le 22 février 1945, mitraillé sans doute au hasard par des avions alliés.

Ainsi disparaissait l’une des figures les plus énigmatiques de l’histoire politique française du XXe siècle. Le livre de Jean-Claude Valla retrace le destin singulier d’un personnage dont Pierre Pucheu, qui ne l’aimait guère, a pu écrire : « À vrai dire, je n’ai pas connu dans notre génération d’homme ayant reçu à tel point du ciel des qualités d’homme d’État. »

 

Jean-Claude Valla, Doriot,  Éd. Pardès, coll. « Qui suis-je ? », 2008, 128 pages, ill. (12 €).

mardi, 03 novembre 2009

La resistencia corporativa en Francia: socialismo, tradicionalismo y "comunidades naturales"

La resistencia corporativa en Francia: socialismo, tradicionalismo y “comunidades naturales”

 

por Sergio Fernández Riquelme / http://www.arbil.org/

Una introducción histórica explicativa

Socialismo y tradicionalismo, supuestos enemigos doctrinales (histórica e ideológicamente) presentan rasgos comunes, e incluso caminos paralelos, en la Historia de las ideas políticas y sociales, en especial sobre el tema del corporativismo. Como bien demostró en el caso español Gonzalo Fernández de la Mora, mostrando las raíces organicistas comunes en tradicionalistas y socialistas, e incluso de liberales (al calor de la introducción del krausismo en España), “lo corporativo” sigue siendo es una realidad presente en el funcionamiento extraparlamentario (sindicatos y lobbys, colegios profesionales y grupos de presión, intereses económicos y poderes locales) de las democracias parlamentarias en Europa y en América a inicios del siglo XX. Y esta realidad, en su trayecto histórico, puede ser ejemplificada en el caso francés, paradigma del centralismo estatista y laicista, pero sede también de importantes debates y teorías de naturaleza corporativa.

 

Así, y como otras modalidades de la Política social difundidas desde 1848 [1] , el corporativismo fue respuesta directa a la Cuestión social, presentada por historiadores sociales, sociólogos y juristas como consecuencia del impacto de la Revolución industrial, y como un mal que afectaba a la relación armónica entre clases. Pero lo corporativo no solo asumió la forma de una política social jurídica (política del trabajo) o asistencial; su especificidad radicaba en su propuesta grupal de regulación del conflicto surgido en las relaciones entre la propiedad y el trabajo. Los cuerpos sociales intermedios desempeñaban para Patrick de Laubier, un papel mediador clave para alcanzar la finalidad de la Política social, la  “justice sociale” [2] . El poder político se convertía por ello en “l´intemédiaire de grupes organisés”, y el corporativismo aparecía como mediación entre el Estado y el Sindicalismo, los dos actores principales de la Política social.

 

En este contexto, el notable desarrollo conceptual y doctrinal del corporativismo francés, desde su génesis en el siglo XIX, de tanta influencia en España [3] , no fue siempre paralelo al de su institucionalización jurídico-política. Bajo la herencia de la Ley Le Chapelier (1791), que marcó el camino en Europa a la destrucción legal de las “comunidades naturales” (en esencia las funciones sociales de municipios, gremios y familias), durante el siglo XIX tanto el liberalismo jacobino como el doctrinario hicieron caso omiso a las propuestas “socialistas” de Luis Blanc y Hénri de Saint Simon, y  al legado “tradicionalista” de Luis de Bonald [1754-1840] y de Joseph de Maestre [1753-1821].

 

Incluso, las propuestas de reforma corporativa del modelo constitucional de la III República francesa, preconizadas por Émile Durkheim, Leon Duguit, M. Hariou, además de las tesis organicistas del liberal Bertrand de Jouvenel, no alcanzaron el sueño de una Cámara corporativa o gremial/profesional. Ni corporativismo ni solidarismo; sólo las presiones sindicales (con la CGT a la cabeza) y la influencia del Reichwirtschaftsrat de la Constitución de Weimar (1919), permitieron crear en Francia el Consejo Nacional de economía por el Decreto de 19 de enero de 1925, acuerdo corporativo reeditado en L´Accord de Matignon de junio de 1936 bajo la presidencia del frentepopulista León Blum [1872-1950] entre “les puissances économiques”: la CGPF empresarial y la CGT sindical [4] .

 

Pero en este proceso de infructuosa institucionalización destacaron las elaboraciones de la sociología católica. A. de Mun, L. Harmel, F. Le Play o R. la Tour asumían ciertas tesis de los legitimistas de Bainville y los tradicionalistas de Bonald, especialmente la idealización de la pretérita sociedad de estamentos y gremios, de jerarquía patriarcal y núcleos familiares, de autonomías y solidaridades comunales. Frédéric Le Play [1886-1882] planteó una concepción “subsidiaria” del reformismo obrero y social, que situaba a  la familia como “prototype de l´Etat” [5] . Esta propuesta fue sintetizada en la doctrina que denominaba como “patronalismo”, desarrollada en La réforme sociale en France (1864) y L´Organisation du travail (1870). Partiendo de la subordinación de lo político a lo ético, y de la interacción entre ciencia positiva y religión, Aunós leía en  Le Play como “las intervenciones del Estado deben ser muy espaciadas, concretas y llenas de circunscripción, mostrándose igualmente pesimista en lo que se refiere al papel que han de desempeñar las asociaciones de clase”, y complementadas por el trabajo doméstico, la función social de la familia y la conciliación sociolaboral [6] .

 

Igualmente, en el seno de la “L´Association Catholique” [1876-1890], junto al Manuel d´une corporation chrétienne (1890) de L.P. Harmel, destacó la obra del diputado católico Albert de Mun [1841-1914], dedicado no sólo a desarrollar los círculos católicos obreros en Francia, llegando hasta casi 30.000 miembros, o defender en el Parlamento de la III República los derechos de los fieles al magisterio vaticano; además generó una relevante teoría en sus discursos recogidos en La question ouvriére (1885) y L´Organisation professionelle (1901) [7] .

 

Pero de todos los autores antes citados, destacó sobremanera el marqués René La Tour du Pin [1834-1942], de quién Aunós resaltaba su aportación de “los verdaderos cauces de las reformas sociales y de la organización corporativa” [8] . La Tour du Pin encabezó el modelo de Monarquía social católica desde la Francia finisecular. Frente al capitalismo burgués y el socialismo bolchevique, La Tour defendía la necesidad de un “Orden social católico” basado en la corporación profesional (de raigambre medieval): un orden que regulase corporativamente el mundo del trabajo (“organización corporativa de los talleres”), la economía y la política. “La constitución nacional” (o “leyes fundamentales del Reino”) era enemiga de las formas republicanas y monárquicas que sostenían el principio de la soberanía nacional. Las luchas sociales entre propietarios y obreros, la anarquía pública y el individualismo moral (visibles en 1848 y 1873) requerían con urgencia un nuevo modelo político social corporativo, de naturaleza cristiana y de modelo medieval-gremial.

 

La doctrina sobre un “orden social cristiano” de La Tour se fundaba en el magisterio pontificio (religión católica), la mitología medieval (monarquía tradicional) y la fenomenología social (corporativismo de Durkheim). Bajo esta tras tradiciones, su orden resultaba así católico (“propiedad de Dios” bajo administración humana), monárquico (“un rey en la cúspide” que “cumple el más alto de los trabajos de la nación” y por ese “trabajo se hace verdaderamente rey”) traducido al lenguaje político-social),  y orgánico (“por el cual los elementos que la componen se si ente unidos y solidarios, formando parte de un conjunto orgánico”). Un orden que se encontraba en condiciones, para La Tour, de adaptarse a las mutaciones contemporáneas mediante un “régimen corporativo” que “no debe implicar el retorno a las corporaciones medievales, sino la formación de otras más adecuadas al tiempo presente, a base de patrimonio corporativo, de la intervención en su constitución y gobierno de todos los elementos productores y el ascenso dentro de los oficios por obra de la capacidad profesional” [9] .

 

Ahora bien, pese a décadas de notable fecundidad doctrinal, la escuela corporativa católica francesa se sometió, en gran parte, a las exigencias de realliment de la democracia cristiana con la III República francesa. Pese a ello, el fracaso del sistema político representativo de la III República, pese a la unidad nacional alcanzada por la movilización durante la I Guerra mundial, dio alas a nuevas fórmulas corporativas asentadas en regímenes fuertes y autoritarios, no directamente vinculadas al magisterio católico.

 

En este proceso jugaron un papel determinante los doctrinarios participantes en el diario L`Action française (1905-1945), continuador de la Revue d'Action française fundada por Jacques Bainville [1879-1936]; intelectuales que definieron un moderno nacionalismo contrarrevolucionario, el cual fue modelo de renovación de los discursos, medios de difusión y aparatos organizativos de la creciente derecha antiliberal española [10] . En este movimiento jugó un papel decisivo su principal fundador e ideólogo, Charles Maurras [1868 1952], que convenció a cierto sector del nacionalismo galo de la necesidad de las tesis monárquicas y católicas. Influido por el nacionalismo de Maurice Barrès, Maurras retomó en esta revista el movimiento fundado en 1898< por el profesor de Filosofía Henri Vaugeois y el escritor Maurice Pujo. Trois idées politiques (1898) [11] fue el testimonio de su primera evolución ideológica [12] .

 

De la mano de Maurras se generaba un nuevo tradicionalismo francés que integraba el bagaje intelectual del nacionalismo laico y positivista. Tras situarse radicalmente en contra del régimen parlamentario de la III República, Maurras encabezó la modernización de la doctrina tradicionalista combinando el positivismo sociológico y el legitimismo orleanista de Bainville [13] . En su obra Enquête sur la monarchie (1900-1909) fue delimitando doctrinalmente este nacionalismo integral y monárquico, que atrajo a numerosos republicanos y sindicalistas vinculados al ideal corporativo o a posiciones antiparlamentarias; su síntesis entre Nación y Tradición rompía la histórica posición antinacional del legitimismo, atrayendo a numerosos sectores de las clases medias deudoras espirituales de un catolicismo convertido en factor de legitimación cultural y de cohesión social, aunque nunca en dogma a seguir (visible en el público agnosticismo de Maurras) [14] . Maurras sintetizaba así las dispersas corrientes doctrinales de la derecha francesa, desde De Maistre hasta Bonald, pasando por Taine, Renan, Fustel de Coulanges, e incluso Proudhon- que había brotado a lo largo del siglo XIX como reacción al significado social y político de la Revolución de 1789 (tesis contenida en Romantisme et Révolution, 1922) [15] .

 

Con todo ello, desde una visión positivista propia, que designó con el nombre de “empirismo organizador”, Maurras proclamó un nuevo orden en la sociedad, regido por una serie las leyes descubiertas por la historia y la sociología [16] . Siguiendo a Comte, Maurras asimilaba la sociedad a la naturaleza como “realidad objetiva”, independiente de la voluntad humana [17] . La sociedad suponía un “agregado natural” determinado por las leyes de jerarquía, selección, continuidad y herencia; así criticaba el romanticismo estético y literario de J.J. Rousseau, y vinculaba este método con la tradición católica y clasicista francesa (L'Action française et la religion catholique, 1914). Por ello cuestionaba tanto la Revolución de 1789, auténtica insurrección contra la genuina tradición francesa, representada por el orden monárquico, católico y clásico, inicio de la decadencia nacional que Francia padecía a lo largo del siglo XIX, y que llegaría a su cenit con la derrota ante Prusia en 1870; como la III República, culminación de estas “ideas destructivas” destructivas, especialmente una “democracia inorgánica” que sacralizaba el régimen electivo, la centralización administrativa, el monopolio burocrático, y con ello, la desintegración de la sociedad y el debilitamiento de la nación.

 

Este nuevo orden propugnado por Maurras se materializaba, a través de una “encuesta histórica”, en la doctrina del nacionalismo integral y el ideal de la Monarquía como régimen de gobierno ideal y funcional [18] . La defensa de la nación francesa exigía la instauración de la monarquía tradicional y representativa, portadora de los valores característicos del catolicismo y del clasicismo [19] . Éste era el contenido de su “politique d'abord”, donde la monarquía hacía coincidir el interés personal del gobernante y el interés público, la herencia del poder político y la duración de la nación. Frente a la democracia republicana “desorganizada, discontinua y dividida, “el interés nacional” exigía la inmediata supresión del parlamentarismo y de los partidos políticos. Frente a ellos, la nueva Monarquía “representativa” reuniría el principio político monocrático en el monarca (que reunía en su persona la totalidad del poder) y el principio democrático en un conjunto de cámaras de carácter corporativo [20] . El Estado recuperaría, así, sus funciones tradicionales, respetando la libertad económica y social en mano de los individuos y las corporaciones. Este régimen garantizaría tanto la descentralización territorial (reconstruyendo las regiones), como la profesional restaurando los gremios, moral y religiosa (recuperando la influencia de la iglesia católica en la sociedad civil) [21] .

 

Así llegó el momento de L'Action française [22] , empresa intelectual a la que se sumaron el economista Georges Valois [1878-1945], el polemista Leon Daudet, el historiador Jacques Bainville, el crítico Jules Lemaître, y unas juventudes proselitistas llamadas “ Camelots du Roi” [23] . Pero pronto se mostraron las veleidades políticas del grupo. En las elecciones de 1919 apoyaron a la Unión Nacional y lograron situar a Daudet en el Parlamento. Acusados de antisemitas y radicales, Pio XI condenó la obra de Maurras, situando sus libros en el Index Librorum Prohibitorum el 29 de diciembre de 1926 . Ahora bien, estas condenas no frenaron adhesiones como las de Georges Bernanos o Robert Brasillach, pero tampoco defecciones como la del mismo Valois, fundador del Faisceau, o de Louis Dimierm, nuevo dirigente de La Cagoule.

 

Estas polémicas surgieron, en gran medida, de la posición ambivalente con respecto al fascismo italiano. Maurras alabó en numerosas ocasiones al nacionalismo fascista llegándolo a definir como “un socialismo libre de la democracia y de la lucha de clase”; pero también condenó tanto el totalitarismo de Mussolini como el estatismo exacerbado del nacionalsocialismo. En esta polémica medió el antiguo sindicalista Valois [24] , que propugnaba un entendimiento con estos regímenes, y con la “escuela” Georges Sorel. Así nació el Círculo Proudhon (1911), movimiento cultural contrario a la democracia liberal y a favor de la descentralización regional. Pero las posiciones esencialmente revolucionarias de los sorealianos, irreductibles en el ideal de la lucha de clases, se mostraron finalmente inadmisibles para la tradición organicista y gremialista del nacionalismo integral de Maurras.

 

Georges Valois, pseudónimo de A.G. Greseent, vinculó tradicionalismo y fascismo en su obra L'économie nouvelle (1919). En ella planteaba un régimen sindical corporativizado, presidido por un gran Consejo económico y social nacional, articulado sobre la representación orgánica de oficios y regiones, y desarrollado a través de Consejos locales capaces de suministrar los representantes generales y de reflejar la voluntad de las pequeñas células de la vida social y económica [25] . Valois no hablaba del Parlamento del Trabajo socialista, sino de un esquema jerárquico divido en escalones de producción y en necesidades económica; por ello señalaba que “este esquema reposa no sobre una ideología, sino sobre principios deducidos de la observación de los hechos contemporáneos, y tiene en cuenta las necesidades de la producción y de las creaciones espontáneas de la vida económica” [26] . Esta preocupación por temas socioeconómicos le situó en la llamada “ala izquierda” de Accción francesa, ala que leia y debatía a G. Sorel y a P. Proudhon (Le Monarchie et la classe ouvriere, 1914, o La Revolution nacionale, 1922), y fue atraído finalmente por la experiencia del fascismo italiano (Le Fascisme, 1927) [27].

 

Años después, y a la sombra de Maurras, más de medio centenar de intelectuales buscaron en el “nacionalismo integral” el sistema político-social capaz de derrocar a la III República francesa. Esta generación tuvo su oportunidad en 1941, tras la división del país con la ocupación alemana. En febrero de 1941 Ch. Maurras  denominó como “divina sorpresa” la decisión del mariscal Philippe Pétain [1856-1951] de expulsar a Pierre Laval del Gobierno; por ello apoyó de manera plena la política del Gobierno de Vichy, en el que vio el símbolo de la unidad nacional, como continuación de la "Unión sagrada ” de 1914. El mismo mariscal llamó a Maurras y sus discípulos para dotar al nuevo Estado francés de un armazón doctrinal corporativo y antiparlamentrio, amén de contar con “La legión de Combatientes y Voluntarios” del coronel La Roque como movimiento político, y de la integración de los miembros del PSF (Partido Social francés) y del PPF de Jaques Doriot (Partido popular francés).

 

Así, en el París ocupado por las fuerza germanas, un sector declaradamente fascista se unió a las tesis de Drieu La Rochelle [1893-1945] sobre un Estado totalitario de extensión continental; mientras, en Vichy la “revolución nacional” desarrollada por Maurras tomó los valores conservadores de “trabajo, familia y patria”, alcanzando gran influencia los neotradicionalistas de Raphaël Alibert , convertido en ministro de Justicia, buscando establecer un régimen corporativo y agrarista. Los maurrasistas defendieron la retórica monárquica, los principios católicos, y la imagen idílica de la antigua sociedad gremialista y rural, gracias en gran medida a la labor de Philippe Henriot y Xaviert Vallat desde la Secretaria de propaganda. Pese a su rotundo “antigermanismo”, al final de la II Guerra mundial Ch. Maurras fue condenado a cadena perpetua y su revista fulminantemente prohibida. El nuevo régimen presidencialista y estatista marcado por el general Ch. De Gaulle [1890-1970], dejó al corporativismo limitado a la burocratización del poderoso sindicalismo obrero y funcionarial, y a las propuestas “populistas” de Pierre Poujade [1920-2003]. Poujade fue el responsable de la fundación en 1954 de la Union de défense des commerçants et artisans (UDCA), movimiento en defensa de los intereses de las clases profesionales y grupos artesanales de las provincias francesas, frente al sistema fiscal estatal y el monopolio burocrático propio de la IV República [28] . El poujadismo se convirtió durante varias décadas en el portavoz de los “trabajadores independientes", de los "artesanos y comerciantes" de la Francia “de abajo” contra las “200 familias privilegiadas” [29] .

 

·- ·-· -······-·
Sergio Fernández Riquelme

 

Notas

 

[1] Véase Jerónimo Molina, La política social en la historia. Murcia, Ediciones Isabor, 2004, págs. 160-189.

[2] La aparición de la Política social respondía a una combinación de factores económicos políticos y psicológicos propios del siglo XIX, resultantes de la industrialización, el progreso de la democracia en el seno de los Estados centralizados y la creciente conciencia sobre los derechos políticos y sociales. Así definía a la Política social como “el conjunto de medidas para elevar el nivel de vida de una nación, o cambiar  las condiciones de vida material y cultural de la mayoría conforme a una conciencia progresiva de derechos sociales, teniendo en cuenta las posibilidades económicas y políticas de un país en un momento dado”. Esta definición cubría, para De Laubier, “un dominio que se sitúa entre lo económico y lo político como medio de conservación o reforzamiento del poder el Estado”. Patrick de Laubier, La Polítique sociale dans les societés industrielles. 1800 à nos tours . París, Economica, 1984, págs. 8-9.

[3] Las concepciones reformistas o autoritarias del corporativismo alumbradas al otro lado de los Pirineos, ejercieron una enorme influencia en nuestro país, bien por la cercanía geográfica, bien por el ascendiente de superioridad intelectual que gran parte de los académicos hispanos les otorgó. Del corporativismo católico, la modernización funcional del pasado romántico de La Tour du Pin fue el referente básico del Estado corporativo de Aunós y del Estado nuevo de Pradera, mientras Albert de Mun marcó en buena medida a Severino Aznar. De Durkheim tomaron nota algunos intelectuales, más cercanos al naciente debate sobre la ciencia sociológica que a las siempre lejanas tesis sobre el positivismo y el funcionalismo: el krausoinstitucionista Azcárate criticaba el “sociologismo” de Durkheim por abordar la materia religiosa desde el positivismo sociológico. Véase Gumersindo de Azcárate, La religión y las religiones, Conferencia en la Sociedad El Sitio. Bilbao, 16 de mayo de 1909, págs. 259-260), Adolfo G. Posada fue lector suyo de la  mano de Duguit y Le Bon,  mientras Severino Aznar hacía referencia al prefacio de la segunda edición de la División apuntado que “toda escuela sociológica y positivista científica que tiene admiradores en todo el mundo culto ha llegado a las mismas conclusiones que desde hace medio siglo están difundiendo los reformadores sociales católicos. Durkheim, que no tiene ninguna religión positivista, y que es hoy el mayor prestigio sociológico de Francia, llegó a las mismas conclusiones que Hitze, sacerdote, uno de los más ilustres campeones del régimen corporativo de Alemania” Cfr. Severino Aznar Estudios económicos y sociales. Madrid, Instituto de Estudios Políticos, 1946, pág. 214. Las primeras ediciones de las obras de Durkheim en España reflejan, por sus fechas, cierta tardanza en su publicación, y por sus traductores, cierta pluralidad de corrientes: el abogado Antonio Ferrer y Robert, el jurista Mariano Ruiz Funes, el sociólogo Carlos G. Posada, el politólogo Francisco Cañada y el líder sindical Ángel Pestaña. Posteriormente fue objeto de atención por la filosofía social de la Escuela de Madrid, y en especial por José Ortega y Gasset y su modelo burgués y meritocrático, profesional y laico de “orden moral” para la sociedad de su época. Mientras, del corporativismo sindical implantado por la CGT, tomaron nota socialistas como Fabra, De los Ríos y Besteiro; del “nacionalismo integral” de Charles Maurras y el “legitimismo” de Bainville quienes ayudarían decisivamente al punto de inflexión de la tradición corporativa española desde las páginas de Acción española o en el organicismo de la Lliga catalanista de F. Cambó y Ventosa.

 

[4] Al respecto véase Daniel Ligou, Histoire du socialisme en France, 1871-1971. París, Presses Universitaires de France, 1962, págs. 416-417.

[5] F. Ponteil, Les classes bourgeoises et l´avenement de la democratie, 1815-1914. París, Albin Michel, 1968, págs. 438 sq.

[6] Ídem , pág. 482.

[7] G. Fernández de la Mora , Los teóricos izquierdistas de la democracia orgánica. Barcelona, Plaza y Janés, 1986. pág. 175.

[8] Aunós  lo llegaba a considerar como el verdadero “anti-Marx” en el prologará en la edición española René la Tour du Pin, Hacia un orden social cristiano. Madrid, Cultura español, 1936, pág. 34-35.

[9] Ídem, pág. 484.

[10] Su idea de “Monarquía neotradicional” afectó sobremanera a los alfonsinos de Renovación española, a los tradicionalistas de Pradera y a distintos intelectuales nacionalistas españoles (de Eugenio d´Ors a Ernesto Giménez Caballero). Con la lectura de Maurras, el neotradicionalismo hispano rescataba a Donoso y Balmes (entrelazados con Bonald  y De Maistre), modernizaba la difusión de su doctrina y sus medios de movilización. Pese al agnosticismo declarado del doctrinario provenzal y la condena vaticana a través de la Encíclica Nous avons lu, varios elementos le hacían imprescindible: la restauración monárquica, el antidemocratismo corporativista, el nacionalismo tradicionalista, y la posibilidad de una “solución de fuerza”contrarrevolucionaria.

[11] Recogido en Charles Maurras , “Trois idees politiques”, en Romantisme et Revoiution. París, Nouvelle Librairie Nationale, 1922, págs. 262 sq.

 

[12] Herni Massi , La vida intelectual en Francia en tiempo de Maurras . Madrid, Rialp, 1956, págs. 21 sq.

[13] A quién prologó su obra Jacques Bainville , Lectures. París, Arthème Fayard, 1937.

[14] Sobre los orígenes de este movimiento destacan las obras de Raoul Girardet , Le Nationalisme français, 1871-1914, Seuil, Paris, 1983 ; y François Huguenin, À l'école de l'Action française, Lattès, Paris, 1998 

 

[15] Sobre su influencia en España véase P.C. González Cuevas , “Charles Maurras  y España”, en Hispania, vol. 54, nº 188. Madrid, CSIC, 1994, págs. 993-1040; y “Charles Maurras en Cataluña”, Boletín de la real Academia de la Historia, tomo 195, Cuaderno 2. Madrid, 1998, págs. 309-362

[16] Charles Maurras , Romantisme et Revolution, Nouvelle Librairie Nationale, París, 1922, pág. 11.

 

[17] Ch. Maurras , La politique religieuse”,  en La democratie religieuse. París, Nouvelles Editons Latines, 1978, pág. 289.

 

[18] Pierre Hericourt, Charles Maurras , escritor político. Madrid, Ateneo, 1953, págs. 13 sq.

[19] Dimensión de su pensamiento analizada por Alberto Caturelli, La política de Maurras y la filosofía cristiana. Madrid, Ed.Nuevo Orden, 1975.

[20] Ch. Maurras, Encuesta sobre la Monarquía. Madrid , Sociedad General Española de Librería, 1935, págs. 65 y 705-706.

[21] Ch. Maurras, Mes idees poiitiques. París, Fayard, 1937, págs. 257 sq

 

[22] Movimiento estudiado por Eugene Weber , L'Action Frangaise. París, Fayard, 1985.

[23] Junto al diario L'Action Française, otros órganos de difusión de las ideas maurrasianas fueron el Círculo Fustel de Coulanges o la Cátedra Syllabus.

[24] Sobre su obra doctrinal podemos citar el estudio de Yves Guchet, Georges Valois .L’action Française - Le Faisceau - La république Syndicale. París, Albatros, 1975.

[25] Georges Valois , L'économie nouvelle. París, Nouvelle Librairie Nationale, 1919, págs. 24 sq.

[26] Publicado en España como G. Valois , “La representación de intereses”, en Acción española, nº 51, Madrid, 1934, págs. 80 y 81.

[27] Eugene Weber , “Francia”, en H. Rogger y E. Weber,  op.cit., págs. 63-108 .

[28] Poujade protagonizó desde 1953 una revuelta contra el Estado francés, encabezando un notable grupo de pequeños comerciantes que protestaba contra la que consideraban como una elevada presión tributaria, tanto normativa como administrativa. Nacía el llamado “poujadismo”, que tras fundar el grupo político ”Unión de Defensa de los Comerciantes y Artesanos (UDCA)”, entró en la misma Asamblea Nacional de 1956 con 52 escaños, entre ellos el de un joven J. M. Le Pen. Aunque la llegada del general De Gaulle, a la presidencia de la  República en 1958, comenzó a frenar la expansión de este experimento político, que años más tarde el Frente Nacional quiso capitalizar como antecedente.

[29] Un testimonio directo lo encontramos en Pierre Poujade,  J'ai choisi le combat Saint-Céré, Société générale des éditions et des publications, 1955.

lundi, 02 novembre 2009

La fin du modèle français d'assimilation

19477.jpgLa fin du modèle français d’assimilation

ex: http://qc.novopress.info/

Depuis une trentaine d’années, les pays européens sont en proie à une immigration continue et massive, essentiellement extra-européenne, voulue et entretenue par un patronat en quête de main-d’œuvre bon marché.
Face à cet afflux inédit de populations étrangères, les pays européens ont dû à la fois organiser leur installation sur leurs territoires nationaux et tenter de leur trouver une place dans la société. Chaque pays ayant usé de solutions différentes héritées essentiellement  de leur histoire et de leur culture.
Ainsi les nations nordiques, reposant essentiellement sur un socle ethniquement germanique, optèrent pour une société organisée en communautés ethno-raciales au sein desquelles les individus conservèrent leurs mœurs et leurs traditions. L’exemple le plus parfait de ce schéma se rencontre en Angleterre et tient au fait, comme l’explique E. Todt, que « la société britannique donne une définition raciale de la différence immigrée ; [alors que] la société française [en donne] une définition culturelle« . Autrement dit, plus un individu est racialement proche du « standard britannique », et plus les anglais auront tendance à le reconnaître comme l’un des leurs.

En totale opposition au schéma communautariste, la France a développé un système basé sur l’assimilation des « nouveaux venus », qui consistait en un dépouillement (acculturation) de la culture d’origine pour endosser ensuite la culture nationale à travers l’apprentissage de la langue française et de l’histoire nationale (« le roman national »). Pour parvenir à ce résultat, l’Etat s’appuyait sur différentes instances : l’école, l’armée (à travers le service militaire), les partis politiques, les syndicats qui constituaient autant d’espaces de socialisation et d’assimilation permettant de « fabriquer  des français » dans des temps très courts, leur ouvrant ensuite la voie à une possible ascension sociale. Qui mieux que Napoléon symbolise ce « génie français » ?  Quand ce fils de petit notable Corse vient au monde, l’île de Beauté n’est française que depuis un an, ce qui ne l’empêcha pas d’intégrer l’armée avant d’embrasser la carrière politique dont son couronnement sous le titre d’ « Empereur des Français » marqua l’apogée.

Cependant, depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le modèle français a été remis en cause sous la pression conjuguée de deux phénomènes, l’un exogène, l’autre endogène :
La construction européenne tout d’abord, qui, contraignant les Etats a se conformer aux directives de la Commission Européenne, dont l’unique objectif est la performance économique et l’intégration de l’espace européen dans la mondialisation libérale, a fait entrer en crise les Nations et par la même leurs systèmes sociaux et leurs institutions sur lesquels les Etats s’appuyaient.

Au niveau national ensuite, où les différentes associations anti-racistes des années 80 ont comparé l’assimilation au dernier avatar du « fascisme » Français en y substituant à la place « le mythe des  racines et des origines ». C’est oublier un peu vite que toutes les générations durent s’y plier, à un moment ou à un autre, à commencer par les Bretons, les Basques, les Alsaciens et autres Auvergnats, qui, dans le droit prolongement du rapport de l’abbé Grégoire (Rapport sur la nécessité d’anéantir le patois, & d’universaliser l’usage de la langue française), furent contraints, sous la IIIème République, d’abandonner l’usage du patois dans la sphère publique au profit du Français.

Or, ce fut précisément au moment où notre pays dut faire face à une nouvelle vague migratoire composée d’individus culturellement et ethniquement plus éloignés de la population autochtone, que notre modèle d’assimilation a été mis à mal alors qu’au contraire son renforcement aurait été plus que jamais nécessaire : on conviendra sans peine que l’assimilation d’un Belge ou d’un Italien blanc catholique est plus aisée que celle d’un Maghrébin Musulman ou d’un sub-Saharien (fut-il Chrétien).

9782707149510R1.jpgL’Etat ne jouant plus son rôle de créateur de lien social et l’école ne remplissant plus son rôle d’assimilation, ces populations récemment arrivées sur notre sol sont en proie à un vide identitaire découlant d’un rejet violent de la civilisation française (attitude que l’on retrouve également aujourd’hui chez beaucoup de « petites têtes blondes »).Elles compensent ce vide en endossant des identités alternatives, souvent inspirées ; pour les jeunes Noirs, des « gangs » américains et pour les jeunes Maghrébins, de la « mythification du bled » fièrement affichée et revendiquée, à en juger par le port de nombreux vêtements aux couleurs du Maroc ou de l’Algérie, dont le commerce tire par ailleurs profit. De plus, ce que l’on présente un peu hâtivement comme une « réislamisation » de ces populations ne trahit pas tant « un retour du religieux » que l’apparition d’un « Islam identitaire » destiné à palier cette crise identitaire. Si beaucoup pratiquent le Ramadhan, combien en revanche prient cinq fois par jour tout au long de l’année ? Combien ont lu le Coran en entier ? Combien ont fait ou feront leur voyage à la Mecque ? De plus, comment trouver sa place dans la société quand on ne possède qu’un bagage lexical d’une pauvreté inouïe, mêlant « verlan », français et mots nord-africains ou sub-sahariens ?

Pour tenter de remédier à l’échec des « quartiers » les gouvernements, depuis vingt-cinq ans, ont dépensé, sans grand résultat, trente cinq milliards d’euros dans des « plans-banlieue » afin de réorganiser l’urbanisme, de venir en aide à différentes associations. Tout ceci sans compter la mise en place de « la discrimination positive à la française », dernier « accessoire idéologique » importé des pays anglo-saxons qui sape la promotion sociale au mérite, rendue difficilement possible, tant l’enseignement en « Z.E.P. », aux dires de certains professeurs, s’est transformé en un chemin de croix quotidien. Les parents qui en ont les moyens financiers quittent alors ces zones afin d’inscrire leurs enfants soit dans des établissements publics plus « cotés » et plus calmes, soit dans des établissements privés, gage à leurs yeux d’une meilleure qualité de l’enseignement.

La bataille consistant à savoir lequel des deux modèles, communautariste ou assimilationniste, s’avère être le plus adéquat est vain dans la mesure où les flux migratoires, toujours plus massifs et continus, les ont voués à l’échec laissant le problème irrésolu. Cependant, le modèle Britannique a obtenu de toute évidence des résultats bien plus médiocres que le modèle français. Ce dernier semble pourtant bien malgré lui s’engager sur cette voie, à en juger par l’apparition de multiples « conseils représentatifs » communautaires (C.R.A.N. , évocation d’un C.R.I.F. Musulman, etc…) dont le Conseil représentatifs des institutions juives de France (C.R.I.F.) sert de matrice.

Source : Dies Irae [1]


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[1] Dies Irae: http://www.dies-irae.fr/actualites-n116-la-fin-du-modele-francais-assimilation.html

dimanche, 01 novembre 2009

Der Deutsch-Französische Krieg 1870/71

haselhorst%20der%20deutsch%20franz%20kri.jpgDer Deutsch-Französische Krieg 1870/71

  • Autor: Jan Ganschow, Olaf Haselhorst, Maik Ohnezeit (Hrsg.)
  • ISBN: 978-3-902475-69-5
  • Verlag: ARES

Der Deutsch-Französische Krieg 1870/71 als wichtiges historisches Datum wird in diesem Buch aus vielen Perspektiven betrachtet.


Er zählt ohne Zweifel zu den Ereignissen, die den Lauf der Geschichte wesentlich beeinflusst haben: der Deutsch-Französische Krieg 1870/71. Nach dem Krieg Preußens und seiner Verbündeten gegen Frankreich wurde das Deutsche Reich in Versailles gegründet und die dominierende Stellung Deutschlands in Europa eingeleitet, mit der die Person Otto von Bismarck untrennbar verbunden ist. Deutschland wurde in der folgenden Periode, die Mitteleuropa fast ein halbes Jahrhundert Frieden und einen beispiellosen wirtschaftlichen Aufschwung brachte, zu einem der wichtigsten Mitspieler in der Weltpolitik.


Im Buch „Der Deutsch-Französische Krieg 1870/71“ versammelt der Historiker Olaf Haselhorst als Herausgeber eine Gruppe von Fachleuten, die dieses historische Ereignis aus den unterschiedlichsten Perspektiven beleuchten. Die politischen und militärischen Ereignisse im und rund um den Deutsch-Französischen Krieg werden genauso analysiert wie die damalige Waffentechnik, die wirtschaftlichen und gesellschaftlichen Voraussetzungen der Kriegsparteien und der völkerrechtliche Aspekt.


Durch die Beiträge der ausgewiesenen Experten wird das Buch zur unentbehrlichen Lektüre historisch Interessierter, die Wert auf das Verständnis europäischer Zusammenhänge bis in die Gegenwart legen.


Der Herausgeber:
Olaf Haselhorst ist Historiker, studierte Geschichte und Slawistik in Hamburg und St. Petersburg und diente zwölf Jahre bei der deutschen Bundesmarine. Er ist als Übersetzer in Hamburg tätig. Haselhorst veröffentlichte zahlreiche Beiträge zur Politik- und Militärgeschichte.

Die Autoren:
Zu den Autoren der einzelnen Fachbeiträge zählen Univ.-Prof. Lothar Höbelt (Professor für Neuere Geschichte an der Universität Wien), General Dr. Franz Uhle-Wettler (militärhistorischer Publizist und ARES-Autor), Dipl.-Ing. Alexis Giersch (Marineoffizier und Historiker), Dipl.-Ing. Lothar Kuhr, Dr. Harald Lönnecker (Historiker und Archivar der Deutschen Burschenschaft), Dipl.-Volkswirt Dirk Schmidt (Hptm. d. Res. der Bundeswehr), Jan Ganschow (Hptm. d. Res. der Bundeswehr, Jurist), Dr. Maik Ohnezeit (promovierter Historiker, zurzeit wissenschaftlicher Mitarbeiter im Wissenschaftsreferat Neuzeit/Referat Museumspädagogik des Braunschweigischen Landesmuseums).

www.ares-verlag.com

 

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samedi, 31 octobre 2009

Dominique de Roux et L.-F. Céline

derouxceline2.jpgDominique de Roux et L.-F. Céline

Textes parus dans "Le Bulletin célinien", n°286, mai 2007

 

 

Passionnante correspondance que  celle de  Dominique de Roux.  Les lettres du début des  années  soixante  intéresseront  particulièrement les lecteurs de ce Bulletin.  On y voit  un  jeune homme  de vingt-sept ans préparer activement un monument qui éblouira plusieurs générations de céliniens.  Comme l’écrit Jean-Luc Barré, l’éditeur de cette correspondance, « Dominique de Roux prend conscience de l’ostracisme qui pèse, depuis la fin de la guerre,  sur  une  génération de poètes et d’écrivains frappés d’interdit en raison de leurs prises de position politiques, nonobstant le génie de quelques-uns dont Céline. Cette prise de conscience sera à l’origine, en 1961, de la création des Cahiers de l’Herne, précisément conçus pour réhabiliter ou faire mieux connaître l’œuvre des “grands réprouvés” de la création contemporaine, française et étrangère. » 

 

   Quelques mois avant la mort de Céline, en mars 1961, Dominique de Roux songe à lui écrire afin de solliciter son témoignage sur Bernanos auquel sera consacré le deuxième « Cahier de l’Herne » (le premier fut centré sur René-Guy Cadou). Le 10 juillet, il écrit à Robert Vallery-Radot : « Je devais aller le voir pour notre Cahier Bernanos, saisir une interview sur votre ami. C’est à Bernanos mort qu’on a demandé un témoignage sur le Céline enterré. Le Figaro a ressorti un article qui traite du Voyage au bout de la nuit»

Comment ne pas rêver à cette rencontre Céline – de Roux ¹ et regretter que le premier n’ait pas pu prendre connaissance de cette somme à lui consacrée ?

   Pour ce cahier, il rencontre, au début de l’année suivante, Lucien Rebatet qui lui donnera un intéressant témoignage : « L’homme m’a reçu très gentiment, avec une gentillesse dont je ne doutais pas ; mais vous le connaissez, petit, nerveux, robuste, avec des muscles longs, des muscles sur les mains, une tête carrée, des yeux vifs, une voix grave, de la gorge, un peu capitaine de la marine en bois, s’exclamant, riant, s’enquérant tour à tour, violent parfois et avide de se renseigner. (…) Ce que je regrette le plus en cet homme courageux dont le premier abord m’a pris, c’est son esprit antisémite, toujours, et  une certaine méchanceté encore, qui fait des Décombres un livre insupportable malgré des pages magnifiques et un chapitre sur Maurras, Pujot, l’A. F. de la rue du Boccador qui est un portrait d’anthologie. » Et de conclure le portrait par cette formule tranchante comme un couperet : « Rebatet, c’est Robespierre ».

   En août, on le voit travaillant à ce numéro qui sortira de presse au début de l’année suivante : « J’émerge de plusieurs semaines de travail consacrés entièrement à Céline. Je n’ai pas levé les yeux de kilos de documents : revues, coupures de presse, etc.,  les classant, les relevant en une bibliographie précise. J’ai remonté de la nuit à l’aurore. Quel poète énorme, quel lyrisme ! Quelle pitié ! »

   derouxceline3.jpgEn octobre, il rencontre deux autres témoins importants : Marcel Brochard, qui lui fera des confidences (dont certaines absentes de son témoignage), et Évelyne Pollet qui vint le voir à Paris : « Céline disait : une ville pour moi est une femme. Étreintes rapides dans les hôtels du bord de l’Escaut, détails croustillants (il faisait vite et une fois lavé interdisait qu’on lui parle amour). Évelyne, cinquante-cinq ans, belle encore, haute stature flamande, blonde, yeux bleus, de beaux restes, pleure sur son amant. »

   Bien entendu, Dominique de Roux se rendit à plusieurs reprises à Meudon : « Cet après-midi, le jour tombant, je l’ai passé assis sur des nattes dans le bureau de Céline à Meudon, sa femme Lucette si fine, si aérienne, si gracieuse, parlant de Louis, de Saint-Malo… »

Portrait sensible qui ne sera pas payé de retour : Lucette le qualifia de « brillant avorton, visqueux à force d’être brillant », lui reconnaissant tout de même une « belle énergie littéraire » ² — et pour cause.

   Alors que ce premier cahier de l’Herne consacré à Céline est sorti de presse, il songe déjà à « un livre (…) qui ne serait pas une vie de Céline, mais comme Bernanos a écrit sa vie de Drumont. ». En juin 1965, il est aux prises avec cet ouvrage : « Cela m’épuise. L’écriture est comme l’amour fou, une obsession, un penchant morbide et l’effort m’éreinte. »

On regrette évidemment que, dans cette correspondance choisie, il n’y ait aucun écho de la réception critique tumultueuse de son livre La mort de L.-F. Céline et notamment de la polémique avec l’équipe de Tel Quel. Il faut surtout regretter que l’éditeur de cette correspondance n’ait pas pris contact avec Marc Hanrez, autre pionnier célinien, auquel Dominique de Roux adressa une centaine de lettres dont, on s’en doute, beaucoup concernent précisément Céline.

 

Marc LAUDELOUT

 

1. Elle eut lieu néanmoins (voir ci-contre).

2. Marc-Édouard Nabe, Lucette, Gallimard, 1995, pp. 66-67.

 

 

 

Chronologie de Roux / Céline

Janvier 1963.  Parution  du premier numéro des  Cahiers de l’Herne consacré à Céline. Grand succès. Dominique de Roux y annonce la création d’une « Société des Amis de Céline ». Le siège de la société est fixé à Meudon, route des Gardes. Cette association, dont l’un des buts était de réunir de la documentation sur Céline, eut une existence éphémère, d’autant qu’elle fut rapidement désavouée par Lucette Destouches. « J’ai trop fréquenté un moment les “amis” de Céline pour vous dire qu’une telle association était impossible, tant les querelles, mesquineries, jalousies éclatent et fusent sans cesse. Madame Destouches n’avait fait que jeter de l’huile sur ce feu tremblant. Alors à quoi bon ? Mieux vaut continuer de défendre sa mémoire et son œuvre en en parlant, en écrivant sur Céline et nous retrouver comme aujourd’hui amis, grâce à l’auteur du Voyage » (lettre de Dominique de Roux à Edmond Gaudin, 1968).

 

deroux.jpgMars 1962 : Dominique de Roux souhaite la réédition de Bagatelles pour un massacre. Refus en mai de Gallimard. « Je le trouve révulsé. Il me montre une lettre qui vient de lui arriver de la maison Gallimard, en réponse au vœu qu’il exprimait de savoir, avant Cahier, si seraient rééditées Bagatelles pour un massacre. Non, lui dit-on, en aucune façon il ne sera procédé à cette réédition, ni dans l’immédiat ni dans un futur volume de Céline en Pléiade. C’est définitif. Paulhan bien d’accord là-dessus lui aussi. Dominique de Roux râle, frappe la lettre de son coupe-papier, conchie  les lâchetés éditoriales ! »  (Christian Dedet,  Sacrée  jeunesse,  op.  cit., p. 385). Deux ans plus tard, le projet d’une « anthologie » des pamphlets de Céline, par les éditions de L’Herne, ne sera pas davantage couronné de succès.

 

Mars 1965. Second numéro spécial des Cahiers de l’Herne consacrés à Céline.

 

Hiver 1966 : Parution de La mort de L.-F. Céline aux éditions Christian Bourgois. Violente polémique  entre  Dominique de Roux et  la revue Tel quel,  dirigée par Philippe Sollers, suivie d’un non moins violent réquisitoire de Jean-Pierre Faye dans Le Nouvel Observateur. Le livre obtient le « Prix Combat » au début de l’année suivante.

 

Mars 1968 : Première réédition (partielle) des « Cahiers de l’Herne » sur Céline en format de poche (Éd. Pierre Belfond). La seconde paraîtra en 1987 (Le Livre de poche).

 

Avril 1969 : Participation de Dominique de Roux à l’émission « Bibliothèque de poche » de Michel Polac consacrée à Céline. Déprogrammée, cette émission sera finalement diffusée en deux parties, les 2 et 18 mai, sur la 2ème chaîne de la télévision française.

 

1972 : Réédition en un volume, sans l’iconographie mais avec la bibliographie mise à jour, des deux Cahiers de l’Herne.

 

Mars 1997 : La revue Exil (H) publie un numéro spécial « Dominique de Roux / Louis-Ferdinand Céline » sous la direction de Pascal Sigoda.

vendredi, 30 octobre 2009

Les "Ailleurs" d'Henri Michaux

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Les Ailleurs d'Henri Michaux

 

Sous le titre Les Ailleurs d'Henri Michaux, la revue belge Sources  a publié les actes d'un colloque consacré au grand poète à Namur en 1995. Des nombreuses interventions, nous citerons un passage de Sylviane Gora; intitulée «Henri Michaux: sur la Voie orientale»: «Ce par quoi Michaux va être fasciné, d'une manière indiscutable, est cette possibilité pour un Oriental d'accepter et d'assumer tout sentiment d'incomplétude de soi. Michaux se détourne de la civilisation judéo-chrétienne dans laquelle il se sent si mal, s'expatrie au moins le temps d'un voyage, s'exile vers des pays autres, pays différents qui ne considèrent pas forcément la Raison comme une faculté universelle, qui font voler en éclats le principe d'identité et d'unité du sujet. L'Occidental décentré va trouver une autre orientation en Orient. Plusieurs principes spirituels ou principes philosophiques vont, dans une certaine mesure, le fasciner ou le séduire. Mais ces éléments vont ou non se couler subtilement dans son œuvre littéraire et picturale pour former ce fameux “alliage” dont parlait René Bertelé. Mais au fait, de quel Orient s' agit-il, de quelle religion en l'occurrence: le bouddhisme chinois ou tibétain, le taoïsme, le shintoïsme, etc.? De quelle peinture orientale s'agit-il? Ne risque-t-on pas de ressasser de belles généralités en tentant de la sorte de pointer du doigt tel ou tel aspect typiquement oriental chez Michaux? Ceci est beaucoup plus qu'une précaution oratoire. A mes yeux, le piège est réel. La seule manière de s'en sortir est de signaler, çà et là, et dans les limites de cette étude, d'étranges et de troublants accords entre cet Occidental par force et cet Orient à la fois réel et mythique. Ce que l'on peut dire, sans trop se tromper je crois, c'est que Michaux a été fasciné par l'art oriental (la peinture et la musique) ainsi que par la religion orientale, en particulier par la pensée hindoue en raison de son caractère foncièrement prométhéen. Dans sa longue quête de la connaissance, Michaux a été attiré par cette manière dont les Hindous considèrent la perte. Il constate en lui cette béance ontologique qui, dans le cadre européen, est perçue comme une faiblesse difficilement réparable. Il va être étonné par le renversement de perspective qu'opèrent les Orientaux dans ce domaine. Lui, le dépouillé, le pauvre hère, le désorienté va considérer la souffrance et le dépouillement de l'être comme des éléments nécessaires, vitaux, révélateurs de la condition humaine, en premier lieu parce que ces éléments donnent à l'être une conscience corporelle. François Trotet, dans «Henri Michaux ou la sagesse du vide», démontre combien la souffrance, notion centrale dans le bouddhisme, à la fois physique et intérieure chez le poète, est utile car elle permet à l'être d'acquérir une conscience corporelle dégagée de tout dualisme». A signaler aussi les bons textes de Jean-Luc Steinmetz («Le démon de Henri Michaux») et de Madeleine Fondo-Valette («Michaux lecteur des mystiques») (J. de BUSSAC).

 

Les ailleurs de Henri Michaux, Sources, Maison de la Poésie, (rue Fumal 28, B-5000 Namur),1996, 250 pages, 100 FF.

mercredi, 28 octobre 2009

Le Japon d'André Malraux

4154TYPFYKL__SL500_AA240_.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Le Japon d'André Malraux

 

Michel Temman consacre un remarquable livre au Japon d'André Malraux. André Brincourt écrit dans sa préface: «N'oublions pas que, devant ce que ses contemporains appelèrent “Le déclin de l'Occident” ou “La crise de l'Esprit”, alors que le surréalisme naissant faisait table rase des valeurs, le jeune Malraux voulait, lui, chercher d'autres valeurs, un “autre” monde. Cet autre monde, ce fut l'Asie. N'oublions pas que l'une des dernières approches avant la mort fut d'aller contempler la cascade de Nachi pour y rejoindre la “lumière” dans tous ses symboles, pour y nourrir une dernière fois ses rêves de spiritualité. Il nous l'avait dit: l'appel de l'Asie était celui de l'âme  —cette surréalité en marge de l'apparence, ce dépassement promis à notre “solitude sinistre”, l'une des formes possibles de l'Anti-destin... Notre chance est que Michel Temman, par cette lumière même, éclaire pour nous l'essentiel d'une œuvre, et, se distinguant de maintes biographies trop complaisamment tournées vers l'Aventurier, y trouve le fondement même d'une pensée qui révèle plus que jamais son orientation métaphysique. “L'Occident veut comprendre par l'analyse, l'Orient veut vivre le divin”, disait Malraux». André Malraux s'était intéressé au seppuku de Mishima. M. Temman écrit à ce propos: «Yukio Mishima ne s'est pas suicidé. André Malraux est catégorique: son acte n'était pas un suicide car le seppuku  est d'abord un rite qui ignore l'idée de la mort. Il y avait donc surtout dans l'acte de l'écrivain japonais, outre une portée politique et idéologique très nette, une charge rituelle forte chargée du poids du passé. Aussi Malraux pense-t-il qu'il faut distinguer “la mort romaine” et rituelle de Mishima et ce que l'on croit être une “mort romantique”. “Pour Mishima, expliqua-t-il à Tadao Takemoto, la mort en tant qu'acte, a une réalité très forte”. “Il me semble que l'acte de Mishima a été le moyen de posséder sa mort”. En tout cas, ajoute-t-il, “je me sens plus à l'aise avec le “suicide” de Mishima (qui n'est pas un suicide) qu'avec le tuyau à gaz”. Pourquoi “l'acte Mishima” ne choque-t-il pas outre mesure André Malraux? D'abord parce que, comme il le précise encore à Tadao Takemoto, il n'a jamais vraiment compris ce “besoin” de faire du suicide “une faute ou une valeur”. Ensuite parce qu'il “serait normal de rencontrer une civilisation tout entière où il n'y aurait pas de “mort”!» (P. MONTHÉLIE).

 

Michel TEMMAN, Le Japon d'André Malraux, 1997, 266 pages,135 FF (Editions Philippe Picqier, Mas de Vert, F-13.200 Arles).

lundi, 26 octobre 2009

Terre & Peuple Magazine n°41

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Editorial de Pierre Vial : Ils ont peur de la vérité

En Bref

- Chroniques de la décadence
- Nouvelles d’ici et d’ailleurs

Courrier des lecteurs
- Nationalisme et guerre

Guerre idéologique
- Eloge de la discrimination

Nos traditions
- Les fourneaux d’Epona

Culture

- Notes de lectures

DOSSIER – Notre écologie

Etat des lieux

- Georgie 2009

Source : Terre et peuple Provence

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samedi, 24 octobre 2009

Sarkozy est-il fou?

nicolas_sarkozy.jpgSarkozy est-il fou ?

Par Robert Spieler

Ancien député

Délégué général de la NDP

 

Je sais, je sais, je prends quelques risques en formulant ainsi la question. En d’autres temps, j’eusse été derechef été expédié aux galères, aux mines de sel ou écartelé sur la place publique.

 

Dieu merci, la démocratie autorise toute discussion historique, politique ou morale (je plaisante, bien sûr). Il est loin le temps de la liberté d’expression dont disposaient Chateaubriand, Proudhon, Rochefort, Georges Sorel, Edouard Drumont, Barrès, Léon Bloy, Bernanos, Léon Daudet, Henri Béraud, Céline, encore que certains dépassèrent les limites de la raison et furent durement persécutés. Je vous recommande à ce sujet « Les polémistes français depuis 1789 », de Pierre Dominique, ancien directeur de Rivarol, éditions La Colombe, 1962).

 

Sarkozy est-il vraiment fou ?

 

La question mérite d’être posée. « Libération » évoque aujourd’hui 16 octobre 2009 la révolte d’une partie de ses amis de l’UMP et du Nouveau Centre. Florilège : « La suppression de la taxe professionnelle, c’est se foutre du monde », dit Juppé ; la taxe carbone, « une histoire de shadoks », pour Gérard Longuet ; le déficit public, « on ne peut pas continuer ainsi », dit Charles de Courson ; lycéens payés, « à un moment, il faut dire stop », affirme Christiane Boutin, etc…, etc… Sans oublier Frédéric Mitterrand, dont Lionel Lucas, député UMP des Alpes-Maritimes, regrette « qu’il soit toujours ministre » et « qu’une partie de l’opinion est traumatisée ».

 

Sur ce dernier point, je pense, pardonnez moi, que Sarkozy a raison, même s’il a tort. Un chef n’abandonne jamais un compagnon, fût-il misérablement coupable, aux acharnements de la meute adversaire et aux lâchetés de son propre camp.

 

Mais l’affaire Jean Sarkozy, fils du ci-devant président de la République est assez extraordinaire, et pour tout dire fascinante et « signifiante »  de l’incroyable dégénérescence du Système.  Le président Sarkozy cherche à placer son fils de 23 ans, bachelier et conseiller général par la grâce de papa, à la tête de l’OPAD qui gère des sommes colossales dans le département des Hauts-de-Seine. Scandale, népotisme ! Même Rama Yade, ministre de Sarkozy évoque « une coupure entre l’élite et les petits ».

 

Comment Sarkozy, qui est tout, sauf un imbécile, a-t-il pu commettre une erreur pareille ? La réponse au prochain chapitre de mon texte…

 

Il aurait pu, habilement évoquer le libre vote (forcément favorable) des élus des Hauts-de-Seine décisionnaires. Cela n’aurait certes trompé personne. Non, il sollicite « au pied levé » (c'est-à-dire qu’il exige) une interview dans les colonnes du Figaro où il défend l’immense talent de son fils et dénonce une « méchanceté qui ne trompera pas les Français ».

 

J’observe, tel un entomologiste, les énervements des blattes du Système et je me demande : jusqu’où ira la chute ?

 

Les hommes politiques sont ils des psychopathes ?

 

Lisez le remarquable article paru sur François Desouche en date du 13 octobre, et dont je m’inspire totalement dans ce paragraphe.

 

Selon Jim Komi, vice-président de l’Association des commandants de police américains, les politiciens partagent certains traits de caractère avec les psychopathes, selon les résultats publiés par le Bureau d’analyse du Comportement du FBI, information relayée par le Los Angeles Times.

 

La psychopathie (attention à la définition : ne pas confondre avec l’acception courante concernant les grands criminels) est un trouble de la personnalité qui consiste à utiliser le charme, la manipulation, l’intimidation, et parfois la violence, pour contrôler et exploiter autrui à des fins personnelles. D’après l’étude, les traits de caractère sont : La faconde, le charme superficiel, un sens démesuré de sa propre valeur, le mensonge pathologique et la manipulation d’autrui. Les traits affectifs incluent notamment l’absence de remords, l’absence du sentiment de culpabilité, une certaine superficialité, un manque d’empathie et l’impossibilité d’accepter sa propre responsabilité en cas d’échec.

 

Les habitudes de vie incluent la recherche de la stimulation permanente, l’impulsivité, l’irresponsabilité et une ambition démesurée.

 

L’étude note que les délinquants violents sont des psychopathes, mais que tous les psychopathes ne sont pas des délinquants violents, et que ces mêmes traits existent chez les femmes et hommes attirés par les positions les plus médiatisées et les postes de pouvoir.

 

De Raymond Barre à ….

 

La définition du psychopathe politique susmentionnée concerne quelques « oiseaux » de gauche, de droite et d’extrême droite que d’aucuns reconnaitront…

 

Un souvenir m’a marqué. J’avais, comme je l’ai déjà raconté, invité Raymond Barre, ancien premier ministre, à prendre la parole, en 1983, dans le cadre du club d’opposition « Forum d’Alsace » que j’avais fondé, devant une centaine de chefs d’entreprise alsaciens. Raymond Barre, un gros nounours, d’allure plus que sympathique. Un brave chef d’entreprise alsacien, maitrisant médiocrement la langue française, lui posa une question nullement agressive mais que Raymond Barre prit pour telle. « Vous feriez mieux d’apprendre à parler correctement le français », fut sa réponse. Consternation… Daniel Hoeffel, son ex ministre alsacien, qui était présent, me confia que ses comportements en Conseil des ministres et auprès de ses collaborateurs étaient identiques…

 

Conclusion : le pouvoir rend fou, le pouvoir absolu rend absolument fou, et même le lointain souvenir du pouvoir…

 

Sarkozy est-il fou ? Mais non, il est normal…

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lundi, 19 octobre 2009

L'Etat belge: un pantin aux mains de GDF-Suez

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L’Etat belge: un pantin aux mains de GDF-Suez

 

On le sait: l’Etat belge a été ébranlé en ses fondements par la crise qui a fragilisé deux grandes banques au départ belges: DEXIA (ex-Crédit Communal) et Fortis (ex-Société Générale). Tout comme le secteur énergétique, avec Electrabel absorbé par GDF-Suez, les deux banques sont désormais les annexes de groupes français dont la BNP. L’indépendance belge n’est plus qu’une fiction: l’ennemi héréditaire français, de Philippe-Auguste à l’Universelle Aragne et de François I à Sarközy, a enfin colonisé économiquement et financièrement le dernier lambeau de l’ancienne Lotharingie, dont il ne reste plus que les Pays-Bas, rénégats à l’égard de tout passé impérial, la Suisse romande, le Luxembourg et la Padanie transalpine.

 

Pour éviter l’effondrement des deux grandes banques, l’Etat fédéral belge avait injecté des milliards dans leur escarcelle poreuse puis accepté leur absoprtion dans les groupes français. En compensation, l’Etat fédéral a demandé à ces banques et au secteur énergétique de soutenir son futur budget. Gérard Mestrallet, patron de GDF-Suez, vient de refuser tout net. Déjà, le géant français de l’énergie devait payer l’an dernier la somme de 250 millions d’euro. Il n’a pas versé un centime! La cotisation de cette année serait de 500 millions, que conteste GDF-Suez devant la Cour Constitutionnelle. L’erreur du Premier ministre démocrate-chrétien flamand Van Rompuy est d’avoir inscrit ces sommes au budget sans attendre l’arrêt de cette Cour Constitutionnelle. Minable expédient d’un gouvernement de nullités, de fantoches, de bas-de-plafond, condamné au “sur place”, faute de volonté et de moyens. Faute aussi de perspectives et de consciences historiques.

 

Toute l’affaire, explique l’éditorialiste du “Morgen”, Yves Desmet, rappelle les dures paroles de feu Karel Van Miert, leader socialiste flamand puis Commissaire européen à la concurrence (où il s’est aligné sur les critères imposés par le néo-libéralisme...). Van Miert: “Les hommes politiques belges ne font pas le poids devant Electrabel. Les consommateurs et les entreprises belges paieront encore leur électricité très cher et pendant très longtemps”. Et: “Aucun gouvernement n’a encore eu le courage de s’en prendreà Electrabel”.

 

Yves Desmet est encore plus caustique: “Mestrallet, avec une arrogance inimaginable, coiffe au poteau le gouvernement belge en annonçant sans sourciller qu’il peut se mettre où je pense, c’est-à-dire là où jamais ne luit l’astre solaire, la cotisation de 500 millions prévue pour Electrabel. Et voilà notre gouvernement belge envoyé au coin comme un morveux de maternelle”. Le contribuable, déjà saigné aux quatre veines, va devoir payer la facture! Alors que la prolongation de la mise en service des centrales nucléaires, accordée au bénéfice du secteur énergétique, va rapporter à celui-ci, sans plus aucun investissement nécessaire, plus de deux milliards d’euro, somme qui, normalement, si nous avions un gouvernement digne de ce nom, rapporter 610 millions d’impôts. Or Electrabel n’a jamais payé le moindre impôt en Belgique, s’empresse d’ajouter Yves Desmet (1). Qui va encore plus loin: “Le gouvernement Van Rompuy poursuit ici une tradition bien belge: en échange d’une aumône, on reste le paillasson de Paris, on accepte la totale dépendance énergétique et on empêche que la libre concurrence s’installe sur le marché de l’énergie”.

 

Pire: le second joueur sur le marché belge de l’énergie, Luminus, tombera bientôt entre les mains de l’EDF, autre géant français, dont l’Etat sarköziste est le principal actionnaire. Desmet: “Alors l’Elysée pourra, de son propre chef et sans jamais être soumis à aucun contrôle, fixer le prix que chaque Belge devra payer pour son énergie”. Alors qu’il paie déjà de 20 à 30% de plus que les autres Européens, grâce aux ponctions que lui administre l’Etat français, via le secteur de l’énergie. Vous avez dit “colonisation”? Les Sénégalais et les Tonkinois ont certainement été moins grugés à l’époque coloniale... Desmet poursuit: “Les politiciens belges pourraient en réaction menacer de fermer les centrales nucléaires. Mais ils sont là, immobiles et pantois, et laissent faire. Avec les doigts sur la couture du pantalon, en se rendant compte qu’ils ne sont que des nains”. Des nains, des gnômes, soumis à de perpétuels chantages: Suez menace tantôt d’abandonner le terminal gazier de Zeebrugge tantôt de retirer ses parts dans “Brussels’ Airlines”.

 

Le langage de Desmet et de ses collaborateurs à la rédaction du “Morgen” a des accents nationalistes, bien plus nationalistes que les discours de ceux qui revendiquent cette étiquette. Pour des hommes qui oeuvrent dans  un journal qui affirme plonger ses racines dans l’esprit de mai 68, c’est effectivement un beau progrès.

 

Sources:

Johan CORTHOUTS, “België niet opgewassen tegen Electrabel”, in: “De Morgen”, 16 oct. 2009.

Yves  DESMET, “Suez”, in: “De Morgen”, 16 oct. 2009.

Bart EECKHOUT / Johan CORTHOUTS, “Sue betaalt ‘zéro euro’”, in: “De Morgen”, 16 oct. 2009.

 

Note:

(1) Electrabel, explique le journaliste du “Morgen”, Johan Corthouts, ne paie aucun impôt de société grâce à des techniques fiscales très élaborées et à des ventes de parts en carroussel permanent; Electrabel ne paie pas davantage d’impôt sur ses dividendes grâce à l’artifice des “intercommunales”.

 

samedi, 17 octobre 2009

Le Bulletin célinien n°312

Le Bulletin célinien n°312

Sortie du Bulletin célinien n° 312, octobre 2009.

Au sommaire :
* Marc Laudelout :
Bloc-notes
* Emmanuel Caloyanni : Ralph Soupault et Céline
* Serge Joncour & Camille Laurens : "Voyage" sur l'île déserte
* Omar Merzoug : Hommage à Philippe Bonnefis
* Alexandre Junod : Du "Voyage au bout de la nuit" à "End of the night"
* Roger Nimier : "Nord" de L.-F. Céline (1960)
* Michel Bergouignan : L.-F. Céline, contradictoire et passionné (I)


Un numéro de 24 pages, illustrations. Disponible contre un chèque de 6 € franco à l'ordre de M. Laudelout.

Le Bulletin célinien

B. P. 70

B 1000 Bruxelles 22

Balzac, révolutionnaire conservateur?

HBalzac.jpgDr. Hans-Christof KRAUS:

 

Balzac, révolutionnaire-conservateur?

 

Honoré de Balzac, écrivain français, est né le 20 mai 1799 à Tours et mort le 18 août 1850 à Paris. Après avoir fréquenté l’école à Vendôme, Tours et Paris, Balzac étudie de 1816 à 1820 le droit dans la capitale française. Après avoir obtenu son “Baccalauréat de droit”, il n’exercera finalement que le métier d’écrivain et de publiciste, la plupart du temps sans succès. Bref intermède: il fut éditeur et imprimeur de 1825 à 1827, ce qui se termina par une faillite catastrophique qui l’endetta jusqu’à la fin de ses jours. A partir de 1830, son oeuvre principale, “La Comédie humaine”, cycle de romans, parait à intervalles réguliers. Elle le rendra célèbre et lui procurera le succès. Désormais écrivain en vue, il s’engage politiquement dans le camp des légitimistes à partir de 1832. Mais sa candidature pour le Parlement, qu’on avait prévue, ne fut toutefois pas retenue. En tant qu’éditeur et rédacteur de revues telles “Chronique de Paris” (1836) et “Revue de Paris” (1840), il ne connut aucun succès. A partir de 1841, il dut affronter de sérieux problèmes de santé, parce qu’il travaillait trop mais cela ne l’empêcha pas d’oeuvrer inlassablement à la “Comédie”. Entre deux longs séjours en Russie (en 1847 et en 1849), chez celle qui deviendra  plus tard sa femme, la Comtesse polonaise Hanska, il prit une dernière fois position en politique française en 1848. Peu après son retour à Paris, il mourut d’épuisement, écrasé par le travail.

 

Dans la “Comédie humaine”, Balzac a mis sous une forme romanesque un panorama quasi complet de la vie politique et de l’histoire françaises entre 1789 et 1840. Il subdivisa son oeuvre en “Scènes”: “Scènes de la vie privée”, “Scènes de la vie provinciale”, “Scènes de la vie parisienne”, “Scènes de la vie politique”, “Scènes de la vie militaire”, “Scènes de la vie rurale”. Les figures principales de ces “scènes” sont, notamment, l’écrivain Lucien de Rubempré, qui se surestime et atteint l’hybris, Vautrin, criminel notoire, Rastignac, le carriériste et le courageux écrivain légitimiste d’Arthez. Sous l’influence d’écrits alchimiques, mystiques et magiques, Balzac développa une curieuse “doctrine de l’énergie”, qu’il nous faut comprendre si nous voulons saisir le sens de son oeuvre. Cette doctrine conçoit l’individu mais aussi les Etats, les peuples et les cultures comme des instances porteuses d’énergies. Elle postule dès lors que les plus hautes valeurs sont celles qui maintiennent ou augmentent cette énergie, en faisant preuve de mesure et en assurant les continuités. Dans ce sens, nous pouvons dire que la pensée politique de Balzac  est “un conservatisme énergisant” (comme le remarquera Curtius).

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Les convictions politiques fondamentales de Balzac, d’essence conservatrice et légitimiste, se révèlent tout entières dans l’avant-propos de sa “Comédie” (rédigé en juillet 1842). Le christianisme, en l’occurrence le catholicisme, est pour lui “un système achevé pour refouler les tendances les plus perverses de l’homme et constitue de la sorte l’élément le plus puissant dans l’ordre social”, à condition qu’il soit associé au monarchisme. En toute logique, Balzac rejette ainsi le droit de vote illimité et la domination des masses qui en résulte (il dit qu’elles sont “tyranniques sans limite aucune”). Il écrit: “La famille et non l’individu est le véritable élément social”; expressis verbis, il se range “du côté de Bossuet et de Bonald au lieu de courir derrière les innovateurs modernes”.

 

Déjà dans ses premières brochures politiques de 1824, le jeune Balzac avait brisé une lance pour conserver et consolider le “droit d’aînesse” (in: “Du droit d’aînesse”) et avait défendu l’ordre des Jésuites  (“Histoire impartiale des Jésuites”). En 1830, il se prononce pour une monarchie de constitutionalisme modéré, qu’il dépeint comme un “heureux mélange” de despotisme extrême et de démocratie, bien qu’il voulût plutôt rénover la royauté patriarcale du moyen âge; en 1832, il se range du côté du légitimisme d’opposition, le plus rigoureux, et finit par défendre aussi l’absolutisme pré-révolutionnaire. En 1843, il avait prévu d’écrire un ouvrage politique, glorifiant la monarchie, mais ce projet ne se réalisa pas. Dans les dernières années de sa vie, Balzac se fit l’avocat d’une dictature légitimiste, appelée à rétablir l’ordre traditionnel. Ses orientations politiques demeurèrent constantes: il voulait le retour d’un ancien régime transfiguré.

 

Balzac constatait que les pathologies qui affligeaient son pays, la France, résidaient principalement dans le centralisme et dans le rôle calamiteux du “Moloch” parisien. Bon nombre d’interprètes marxistes de l’oeuvre balzacienne n’ont pas tenu compte des principes éminemment conservateurs de ses idées politiques ni ne les ont compris; en revanche, ils ont bien capté les descriptions et la dénonciation du capitalisme bourgeois des débuts (Lukacs, Wurmser). La critique sévère et pertinente de la modernité, que l’on découvre dans les analyses précises de Balzac sur l’effondrement du vieil ordre européen, reste à étudier et à découvrir.

 

Dr. Hans-Christof KRAUS.

(entrée parue dans: Caspar von Schrenck-Notzing, “Lexikon des Konservatismus”, Leopold Srocker Verlag, Graz, 1996; trad. franç.: Robert Steuckers, 2009).

 

 

vendredi, 16 octobre 2009

"Potlatch": succès posthume d'une revue

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

«POTLATCH»: SUCCES POSTHUME D'UNE REVUE

 

Ceux qui n'entendent pas se noyer dans la littérature “pataphysique” et veulent garder un regard serein et lucide sur le jeu social de notre belle société fin de siècle liront avec profit la reproduction d' une revue dont Guy Debord était l'un des principaux rédacteurs Potlatch. Cet auteur était encore bien jeune mais cela ne l'empêchait pas d'afficher un style déjà très particulier.9782070401345.jpg

 

Ce livre qui en résulte est d'abord un témoignage sur une époque: celle de la reconstruction de l'après-guerre qui marque aussi le départ de ce que l'économiste Jean Fourastié a nommé d'une expression depuis passé à la postérité  —“Les trente glorieuses”—  époque pendant laquelle l'économie occidentale a connu une croissance jusqu'alors inédite dans l'histoire de l'humanité.

 

Mais cet ouvrage est également l'aventure d'un groupe contestataire qui allait beaucoup faire parler de lui: c'est “la bande à Guy Debord”, nommée d'abord “Internationale lettriste”, scission de la gauche lettriste intervenue en 1952 et qui ensuite allait devenir la fameuse “Internationale Situationniste”.

 

Potlatch était envoyé gratuitement à des adresses choisies par sa rédaction, et à quelques-unes des personnes qui sollicitaient de le recevoir. Il n'a jamais été vendu. Potlatch fut à son premier numéro tiré à cinquante exemplaires. Son tirage, en augmentation constante, atteignait vers la fin environ 500 exemplaires. Ce bulletin paru 27 fois, entre le 27 juin 1954 et le 5 novembre 1957. Debord et ses amis allaient ensuite s'exprimer dans d'autres revues de l'Intemationale Situationniste (1).

 

Au premier abord, cela parait proprement incroyable qu'un bulletin gratuit et au tirage aussi modeste connaisse une pareille notoriété posthume, grâce à de gros tirages d'abord en 1985 par Gérard Lebovici puis maintenant par des éditions de poche (10 à 15.000 exemplaires au minimum). Oserions-nous imaginer pareil sort pour la collection de “Nouvelles de Synergies Européennes”!

 

A sa première lecture, on est d'abord surpris par l'originalité de ses prises de position et on s'interroge pour savoir comment dans les années cinquante, dans le petit monde parisien, on pouvait ne pas s'extasier devant la politique américaine, la construction des grands ensembles et des grands magasins, l'avènement de la consommation, des médias et des sports de masse et les élucubrations d'Elvis Presley. Une croissance économique exponentielle, des loisirs en pleine explosion et des syndicats assez consensuels pour obtenir un bout de gras de la bête qui grandit... bref le bonheur pour tous dans cette machine à faire l'Occident qui tourne à plein régime... Il leur en fallait donc du courage ou bien alors de l'inconscience pour défier dès 1954 ce qu'ils appellaient déjà notre “sinistre civilisation occidentale”. Et surtout une incroyable dose de lucidité et une méfiance instinctive face à l'idéologie du progrès véhiculée par le capitalisme libre-échangiste mettant en place l'univers, le nôtre maintenant, qui se profilait alors à l'horizon à grands pas.

 

Raymond Aron, Henri Michaux, Camus, Sartre, Simone de Beauvoir, Mauriac, Malraux, Le Corbusier, Quéneau mais aussi le Parti Communiste, la bourgeoisie ou l'art abstrait, aucune des vedettes de la société du spectacle qui se met en place ne sont épargnées par le démasquage judicieux des situationnistes si prompts à dénoncer la chape de plomb faite de bêtise et de conformisme qui commence à s'abattre sur la société et dont bien peu arrivent à percevoir les mécanismes par lesquels les impostures finissent par occuper le devant de la scène. Leurs adversaires les accusent d'être purement nihilistes. Je pense qu'il ne faut pas être aussi catégorique et que derrière cette apparence, on peut deviner un solide bon sens qui lutte avec les moyens du bord sans avoir aucune possibilité concrète de résister autrement.

 

C'est ainsi qu'en dehors de toutes leurs exécrations, nous retrouvons tous ces florilèges judicieux qui ne peuvent que nous réjouir: «Même les plus imbéciles meneurs des bourgeoisies européennes comprendront plus tard à quel point les succès de leur “indéfectibles alliés” les menacent, les enferment dans leur contrat irrévocable de gladiateurs mal payés de l'“American Way of Life”, les condamnent à marcher et à crever patriotiquement dans les prochains assommoirs de l'Histoire, pour leurs quarante-huit étoiles légèrement tricolores». Nous voyons en 1997, où nous en sommes dans le cadre de la politique mondiale imposée par les Etats-Unis.

 

Ensuite leur lucidité n'est pas moindre dans le domaine de l'urbanisme qui bouleverse la société: «Nos ministres et architectes urbanistes ont mis au point quelques taudis-types, dont les plans servent aux quatre coins de la France [...] .Dans leurs œuvres un style se développe, qui fixe les normes de la pensée et de la civilisation occidentale du vingtième siècle et demi. C' est le style “caserne” et la maison 1950 est une boîte.[...] Les casernes civiles qui s'élèvent à leur place ont une laideur gratuite qui appelle les dynamiteurs».  C'est exactement ce que le système lui-même est arrivé à faire avec certaines grandes tours (tours des Minguettes à Vénissieux et aussi en banlieue parisienne par exemple). Avec leur regard d'une acuité étonnante, ils devinaient déjà le futur problème des banlieues lorsqu'ils notaient: «L'aspect morne et stérile de la plupart des quartiers nouveaux»  pouvant produire des effets psychologiques sur les populations amenées à y habiter. Ils ne pouvaient donc mieux dire. En dehors de la rationalité marchande à l'œuvre, ils nommaient responsables les architectes, larbins des ministres qui acceptaient de faire ces basses œuvres à cause de: «leur pauvreté spirituelle et créatrice, leur manque total de simple humanité».

 

Enfin pour “enrober” ce beau monde, l'alliance de l'humanitarisme et du show-business parachève l'édifice pour endormir le bon peuple. Le commentaire sur Chaplin dans le rôle du Bernard Koutchner de l'époque et de l'abbé Pierre (déjà) intitulé “Flic et curé sans rideau de fer” mérite d'être cité dans son intégralité: «Chaplin en qui nous dénoncions dès la sortie tapageuse de Limelight [comme] “l'escroc aux sentiments, le maître chanteur de la souffrance” continue ses bonnes œuvres. On ne s'étonne pas de le voir tomber dans les bras du répugnant abbé Pierre pour lui transmettre l'argent “progressiste” du Prix de la Paix. Pour tout ce monde, le travail est le même: détourner et endormir les plus pressantes revendications des masses. La misère entretenue assure ainsi la publicité de toutes les marques: la Chaplin's Metro Paramounty gagne, et les Bons du Vatican». Par la suite cette pensée alors assez réactive allait donner naissance aux chefs d'œuvre de la pensée situationniste.

 

L' univers décrit par Potlatch  est exactement le même que celui qu'en 1981 le cinéaste libertaire Rainer Werner Fassbinder racontait dans son sublime film Lola, histoire d'une femme allemande  où justement en 1957, à Cobourg, petite ville du nord de la Bavière, se déroulait sous le regard acerbe du réalisateur le spectacle cruel d'une société qui déjà subissait les dégâts causés par le libéralisme américain en train de s'imposer dans cette Allemagne de la reconstruction: arasement des valeurs traditionnelles, prostitution généralisée et corruption des élites politiques, administratives et économiques. Les situationnistes n'employaient pas le mot de “corruption” sans doute pas encore passé dans le vocabulaire courant comme c'est la cas actuellement et sans doute parce qu'ils estimaient aussi que, dans son essence, même le système porte les germes de ce phénomène.

 

Bien entendu dans sa préface de 1985, Guy Debord ne cachait pas sa délectation d'assister au triomphe de ses thèses: «On sait aussi que personne, en dehors de l'Internationale situationniste, n'a plus jamais voulu formuler une critique centrale de cette société, qui pourtant tombe autour de nous; déversant en avalanche ses désastreux échecs, et toujours plus pressées d'en accumuler d'autres».  Nous voyons où nous en sommes aujourd' hui... Pour les raisons contenues dans cette phrase, il n'est pas inutile de lire ce livre et par là même d'un peu mieux comprendre le monde d'aujourd'hui.

 

Pascal GARNIER.

 

(l) Dans une prochaine livraison nous rendrons compte du volume paru chez Fayard, qui reproduit en fac-similé la revue de l'Internationale Situationniste.

 

Guy DEBORD présente Potlatch 1954-1957. Edition augmentée. Paris, Gallimard/Folio, n°2906, Octobre 1996, 291 p., 32 FF.

 

lundi, 12 octobre 2009

Vicomte Louis de Bonald

 

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VICOMTE DE BONALD

Biography


The French statesman, writer, and philosopher, Louis Vicomte de Bonald belongs to the theologist school of the Traditionalists. Bonald was born on October 2nd, 1754 at Monna, near Millau a town in the Rouergue region (Aveyron) of southern France, into an aristocratic family. He studied at the Oratorian Collège de Juilly. As an aristocrat, military service was expected, so in 1773 he joined the king's musketeers. The musketeers were dissolved in 1776 by Louis XVI, thus freeing Bonald of his military duties. So he returned to his own province, where he became involved in public affairs. He was elected mayor of Millau in 1785, and in 1790 chosen member of the departmental Assembly for Aveyron.


During the early phases of the French Revolution he directed his efforts at the local and regional level to maintain order. Even after the National Assembly abolished the aristocracy, Bonald was reelected as mayor and then elected to the departmental assembly. The turning point in Bonald's relation to the Revolution came with the Civil Constitution of the Clergy, which subordinated the Catholic Church to the new national government. Bonald believed it wrongly stripped the Church of its position in society. By refusing to force the clergy to take the oath of allegiance, Bonald disqualified himself from holding public office, though he was still largely supportive of the Revolution. By October 1791, however, Bonald had joined the counterrevolution and had emigrated from France. Hoping to overthrow the Revolution from without, he became a soldier in the army of Condé, and, when the army was disbanded, retired to Heidelberg, where he took charge of the education of his two elder sons.


Bonald published at Constance, in 1797, his first work: "Théorie du pouvoir politique et religieux", which was suppressed in France by order of the Directory. In 1797 Bonald returned to France under the name of Saint-Séverin, and published "Essai analytique sur les lois naturelles de l'ordre social" (1800); "Du divorce" (1801); and "La législation primitive" (1802). He also collaborated with Chateaubriand and others in the "Mercure de France", contributing several articles which were published in book form with other studies in 1819 under the title "Mélanges littéraires, politiques, et philosophiques".


His hiding continued until 1802, when he received a pardon from Napoleon. Later, Bonald entered the Napoleonic government, serving on the Great Council of the Imperial University. In 1808 he declined to be a member of the Council of the University, but finally accepted in 1810. He refused to take charge of the education of the son of Louis Bonaparte, King of Holland, and of the King of Rome, the son of Napoleon I.


After Napoleon's abdication in 1814, Bonald quickly joined the restoration monarchy of Louis XVIII. A monarchist and royalist by nature and by principles, Bonald welcomed the restoration of the Bourbons. He was appointed a member of the Academy by royal decree in 1816. He was elected to the Chamber of Deputies, the lower house of the national legislative body. From 1815 to 1822 he served as deputy from Aveyron, and in 1823 became a peer of France. He then directed his efforts against all attempts at liberalism in religion and politics. The law against divorce was proposed by him in 1815 and passed in 1816. He took a prominent part in the law of 1822 which did away with the liberty of the press and established a committee of censure of which he was the president. In 1815 he published his "Réflexions sur l'intérêt général de l'Europe"; in 1817, "Pensées sur divers sujets" in 2 vols. 8 vo. (2d., Paris, 1887); in 1818 "Recherches philosophiques sur les premiers objets des connaisances morales"; in 1827, "Démonstration philosophique du principe constitutif des sociétés". Meanwhile he collaborated with Chateaubriand, Lamennais, and Berryer, in the "Conservateur", and later in the "Défenseur" founded by Lamennais. Bonald continued to serve under the next monarch, Charles X.


Bonald refused to serve under Louis Philippe, who had come to power in the Revolution of 1830. In 1830 he gave up his peerage and withdrew to his country home to lead a life of retirement in his native city. — "There is not to be found in the long career", says Jules Simon, "one action which is not consistent with his principles, one expression which belies them." He died in Paris, 23 November, 1840.

Introduction

A number of thinkers have endeavored to comprehend the nature of modernity. Their analyses differ, but many thinkers agree about key points on the road to modernity: the Renaissance, the Reformation, the Scientific Revolution, to name a few. To understand the modern world one has to exmine one of those periods: the French Revolution. To some, the Revolution heralded political liberalism with cries of "liberté, egalité, and fraternité." To others, the Revolution signified the rejection of the West's heritage of the past two millennia. As the Revolution was occurring, a number of thinkers sensed its challenge to the old order (not only politically, but more importantly, philosophically). Louis De Bonald described the political problems of the Revolution. In doing so, however, he also developed a theory of language, interrelating with his theory of government. According to de Bonald, man is essentially a social being or, as Aristotle said, a zoon politicon. His development comes through society; and the continuity and progress of society have their principle in tradition. Since language is the instrument of sociability, speech is as natural to man as is his social nature itself. Language to Bonald meant the entire system of communication, not only words but syntax and relation of words. Man cannot think without language. Hence, language could not have been discovered by man, for "man needs signs or words in order to think as well as in order to speak"; that is "man thinks his verbal expression before he verbally expresses his thought"; but originally language, in its fundamental elements together with the thoughts which it expresses, was given him by God His Creator (cf. Législation primitive, I, ii). This thought is the basis for Bonald's claim that language ultimately had a divine source. This claim rests upon his argument that if thought and language are co-dependent, one cannot begin without the other. Then to start the language process, some outside idea is necessary. If this is the case, language serves as a type of apologetic for the existence of God as the originator of language. Such an apologetic would not be airtight, and it might only demand a deistic first cause. Still, it is a large and important claim. The evolutionist claim is that through chance developments over time, the appearance of design can develop. To evolutionists, the evolution of language fits nicely into their account of the evolution of life and perception.


The above mentioned fundamental truths, absolutely necessary to the intellectual, moral, and religious life of man, must be first accepted by faith. They are communicated through society and education, and warranted by tradition or universal reason of mankind. Society, state and law are of divine origin and therefore subject to religion and the church. There is no other basis for certitude and there remains nothing, besides tradition, but human opinions, contradiction, and uncertainty (cf. Recherches philosophiques, i, ix).

dimanche, 11 octobre 2009

L'enjeu esthétique des pamphlets céliniens

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

 

 

L'enjeu esthétique des pamphlets céliniens

 

L'œuvre de Céline suscite un nombre croissant d'études et nous nous en réjouissons. Ainsi, Nicole Debrie, auteur d'un L. F. Céline préfacé par Marcel Aymé en 1961, fait paraître un essai intitulé Quand la mort est en colère. L'enjeu esthétique des pamphlets céliniens. Elle écrit: «Certaines approches se voulant historiques ont cherché à commenter les pamphlets en les mettant en rapport avec l'extrême-droite des années 30. Approche absurde, non sens, qui n'éclaire rien. Céline écrit toujours en réaction à ce qu'il rencontre. Voyage  le montre rencontrant la guerre, les colonies, l'Institut Pasteur... l'Amérique. Les pamphlets le montrent rencontrant la gauche et en réaction contre elle. Le contexte historique est celui du Cartel des gauches et du Front Populaire. Une approche historique se doit donc d'étudier les pamphlets dans leurs rapports avec cette gauche, si l'on ne veut pas se condamner à ne rien comprendre de ces écrits. Cette approche devrait être facilitée par nombre d'ouvrages écrits à la suite de l'ouverture des archives soviétiques —éclairant les années au cours desquelles la propagande soviétique pénètre tous les milieux intellectuels en France mais aussi en Amérique par le biais des hommes d'Angleterre. Etudes propres à montrer que Céline était loin de fabuler ou de se faire le propagandiste de l'extrême-droite quand il signale le rôle des agitateurs à la solde de Moscou. Situons 1e thème de cette étude: l'enjeu esthétique des polemiques céliniennes... Comme le terme d'enjeu l'indique, il s'agit d'une dispute en vue de faire triompher une valeur; ce à quoi Céline attache du prix. Céline se bat. Il se bat au nom de la création, autrement dit au nom de la poésie, au sens étymologique de “faire”, “créer”. Il se bat contre une littérature absorbée par différents types d'imposture. Littérature au service de visées commerciales; standardisation, art robot; littérature au service d'une idéologie, en l'occurence la propagande soviétique en pleine expansion; littérature postiche où l'œuvre est remplacée par des théories, ce qui revient au même que par des idéologies. Bagatelles  proteste globalement contre les imposteurs et les tricheurs. Cette protestation s'accompagne d'une revendication fondamentale, incessante, répétée comme une basse chiffrée: la poésie authentique» (P. MONTHÉLIE).

 

Nicole DEBRIE, Quand la mort est en colère. L'enjeu esthétique des pamphlets céliniens, Editions Nicole Debrie (23, rue du Cherche Midi, F-75.006 Paris), 1997,126 pages, 90 FF. Le livre est en vente aux librairies Duquesnes (27, avenue Duquesnes, F-75.007 Paris) et Touzot (38, rue St. Sulpice, F-75.006 Paris).

samedi, 10 octobre 2009

Francia y Espana al rescate del imperialismo yanqui

soldados_espanoles_afganistan.jpgFrancia y España al rescate del imperialismo yanqui

Volverán a la base aérea en Kirguistán

Kirguistán dio pasos el lunes para permitir que soldados franceses y españoles vuelvan a su base área de Manas, un puesto de paso para las operaciones militares encabezadas por Estados Unidos en Afganistán.

Kirguistán canceló los acuerdos con Francia y España en marzo, cuando rechazó un pacto similar con Estados Unidos para el uso de la base. El personal de Francia y España tenía que salir del país para el 13 de octubre.

“Se ha decidido aprobar los acuerdos (con Francia y España) y enviarlos al Ministerio de Exteriores”, dijo Erik Arsaliyev, responsable del comité parlamentario para asuntos internacionales, a los periodistas.


La base, que sirve como punto de repostaje para aviones usados en Afganistán, es importante para Washington y sus aliados de la OTAN porque sustituye a rutas que atraviesan Pakistán y que han sido atacadas por los integristas.

El viceministro de Exteriores, Ruslan Kazakbayev, dijo que el Parlamento revisaría los acuerdos tras la aprobación gubernamental.

El Parlamento está dominado por los leales al presidente Kurmanbek Bakiyev, lo que deja poca duda de que los acuerdos se aprobarán.

Bakiyev anunció la cancelación del acuerdo con el Ejército de EEUU en una visita a Moscú, donde Rusia dijo que ofrecería 2.000 millones de dólares en ayuda para el empobrecido país, en lo que los analistas consideraron una batalla entre Moscú y Washington para ganar influencia en el Asia Central.

Washington renegoció después una renta mayor y continuará usando la base para sus operaciones en Afganistán.

Según los borradores a los que tuvo acceso Reuters, Francia podrá tener 40 efectivos y un avión de repostaje en Manas. El acuerdo no da detalles sobre el número de personas o equipamiento que se permitirán a España.

Extraído de SwissInfo.

lundi, 05 octobre 2009

Plaidoyer pour un polythéisme des valeurs de droite

athena.jpgPlaidoyer pour un polythéisme des valeurs de droite

par Rodolphe BADINAND

Il y a quelques semaines, Philippe de Villiers proposait, s’il accédait à la présidence de la République, « l’interdiction du voile islamique dans la rue et les espaces publics (1) », et cela au nom des valeurs républicaines. Il souhaitait surtout introduire en France une polémique qui secoue la Grande-Bretagne et les Pays-Bas. Cependant, la suggestion du candidat souverainiste à l’Élysée n’est pas anodine; elle s’inscrit dans une ambiance islamophobe et négatrice du droit à la différence, qui s’empare d’une droite frénétique. Dans La République et le Coran (2), Laurent Lagartempe examine les incompatibilités entre les préceptes de Marianne et la foi mahométane. Il estime que l’islam va à l’encontre de la République. Dans la même veine de la « République en danger », quelques         « droitiers », souverainistes et « nationaux-catholiques » encensent l’ouvrage de Caroline Fourest consacré à La tentation obscurantiste (3) qui cible, entre autre, la religion musulmane. On se croît victime d’hallucinations, mais ce n’est pas le cas. Le syndrome de l’Union sacrée vient encore de frapper ceux qui se rangent ou qu’on classe à « droite ».

L’erreur magistrale de la « droite » française

En août 1914, Charles Maurras et l’Action française se plaçaient sous les plis du drapeau tricolore de la République au nom du « nationalisme intégral » et par germanophobie exacerbée. Le désir intense de « Revanche » aveuglait toute la frange « nationale » de la société française alors que son éthique correspondait largement aux idéaux du Reich du Kaiser. À la veille de la Grande Guerre, le Deuxième Empire allemand cumulait – avec un rare bonheur – une stabilité institutionnelle remarquable, un essor économique foudroyant, une aristocratie méritante et de véritables avancées sociales. Au lieu de soutenir cet État qui adaptait la tradition au nouveau contexte industriel, la « droite » française, par esprit de clocher et par passion nationaliste irréfléchie, s’allia avec son ennemi ontologique au pouvoir à Paris. Elle commit là sa plus grande erreur. Fin analyste, Dominique de Roux évoque cette étrange schizophrénie à travers l’exemple de son aïeule qui « alors que son mari subissait Verdun, payait des messes grégoriennes pour que Dieu accorde la victoire au Kaiser qui incarnait quand même la légitimité (4) ».

Sans verser dans l’uchronie, on peut imaginer que la victoire de Guillaume II aurait entraîné la chute de la IIIe République et favorisé l’avènement d’une nouvelle élite issue de cette aristocratie populaire forgée dans les tranchées et trahie un 6 février 1934. Maurras se comporta dans ce ralliement – plus nocif encore que le précédent – en politicien et non en visionnaire. Il ne répéta pas la tactique des républicains qui, privilégiant leurs intérêts idéologiques avant la défense de la patrie, renversèrent le Second Empire, le 4 septembre 1870. Les Camelots du Roi et le poète de Martigues n’osèrent pas cette audace et permirent ainsi à la Gauche d’investir durablement le domaine culturel et le monde des idées. La « droite » venait de se faire duper ! Elle allait réitérer son aveuglement plusieurs fois au cours du siècle …

L’éternelle « droite » trompée s’affole aujourd’hui de l’islamisme sans percevoir que la vigueur de ce péril n’est que le contre-coup de l’imposition de l’idéologie des droits de l’homme, du mondialisme et de l’immigration dans notre civilisation européenne multimillénaire. Maints droitiers désorientés par la fin de leur monde en viennent à s’agripper à la République comme le naufragé à son canot de sauvetage. Ils ne font qu’abdiquer devant l’Ennemi principal et risquent de perdre plus que leur âme : leur être. Dénonciateur intéressé de l’islamisation de la France, se qualifiant comme « le dernier défenseur de la République contre le communautarisme (5) », le président du M.P.F. tonne contre le « voile islamique ». Le fidèle chrétien qu’est le Vicomte aimerait-il donc que les bonnes sœurs circulent la tête découverte dans nos contrées ? A-t-il vraiment réfléchi à toutes les répercussions totalitaires de sa demande ? Déjà, au moment des émeutes de l’automne 2005, les affiches villéristes réclamaient la restauration de l’« ordre républicain ». Qu’il est donc bien loin l’époque où le jeune député de Vendée dénonçait, dans sa Lettre ouverte aux coupeurs de têtes et aux menteurs du Bicentenaire (6), les horreurs de la Révolution de 1789 et l’effroyable génocide vendéen ! Oubliée, la célèbre passe d’arme télévisée qui l’opposa sur le plateau d’Apostrophe à Max Gallo alors fan zélé du socialisme mitterrandien et de Robespierre ! De Villiers succombe à son tour au chant des sirènes républicaines. Il confond la République et la France, la maladie et son malade.

« La République contre la patrie »

On retrouve cette méprise chez d’autres défenseurs acharnés de l’« exception hexagonale ». Le jacobinisme, le goût de l’homogène, le refus des diversités ethno-culturelles contaminent la « droite » (ou les droites), y compris celles qui se revendiquent de la droite essentielle, contre-révolutionnaire (ou réactionnaire) et traditionnelle. Le phénomène, certes, n’est pas récent. Dans un pays rongé par l’égalité tel que le nôtre, une droite authentique, radicale et traditionnelle ne serait réellement existée si ce n’est d’une façon diffuse (ou occulte). La vacuité de la « droite » date de ses origines puisque ses diverses composantes (orléaniste, bonapartiste, nationale, démocrate-chrétienne, radical-socialiste, etc.) proviennent de la Gauche avant d’être déportées vers la droite par l’émergence de nouvelles gauches. D’un point de vue généalogique, les termes de « droite nationale », de « droite libérale » et de « droite républicaine » apparaissent comme d’incroyables oxymores. Droitiers et « nationaux » auraient pu au moins prendre en considération le remarquable article de Jean Raspail paru dans Le Figaro en 2004 qui traitait de « La patrie trahie par la République (7) ». Le réquisitoire y est cinglant et les responsabilités de la République sont clairement définies. La République dite française participe au génocide des peuples européens de France.

Hélas !, sur la question primordiale de l’immigration et de la présence sur notre sol continental de millions d’allogènes extra-européens, nos « ardents patriotes-républicains » n’envisagent pas leur retour massif dans leurs pays d’origine qu’ils jugent irréaliste. Ils encouragent plutôt leur intégration (ou de leur assimilation) dans une société décadente et ignominieuse. Mus par un sentiment de supériorité culturelle, assimilationnistes et intégrationnistes exigent que les immigrés abandonnent leurs coutumes ancestrales et adoptent les sempiternelles « valeurs “ ripoublicaines ” hexagonales », ce qui se manifesterait par l’interdiction du port du foulard islamique en public, la condamnation de la polygamie, la prohibition de l’excision (mais, fait curieux, pas de la circoncision), l’opposition au « mariage forcé » des mineurs, l’application de la discrimination positive… Grotesques, ces suggestions prouvent leur imbécillité intrinsèque et leur racisme insidieux. En effet, en quoi les valeurs républicaines modernes seraient-elles supérieures aux valeurs traditionnelles musulmanes, asiatiques, africaines ou, bien entendu, vieilles-européennes ? Ne seraient-elles pas en réalité une formidable hypocrisie afin d’imposer la tyrannie de l’Occident moderne aux peuples de la Terre entière ? Par-delà sa logorrhée en faveur des     « droits de l’homme », le versant droitier de la République révèle une intolérance inadmissible envers l’altérité issue de la déferlante migratoire. « Droitiers » et    « nationaux » se trompent donc de combat. Au lieu de s’épuiser à défendre ce qui est définitivement révolu, ils devraient suivre ce conseil du Grand Éveilleur : « Ce qui doit tomber, je ne le retiens pas, je le pousse. »

Catholiques contre le sacré ?

La mouvance droitière s’enferre dans une impasse stratégique tant qu’elle ne saisira pas que la Modernité incarne l’ennemie totale. Ce n’est pas en s’activant sur des questions morales ou de société et en désapprouvant la bio-éthique, le mariage gay ou l’avortement qu’elle se donnera les moyens de renaître. Les       « chrétiens de droite » contestent avec force l’emprise croissante de l’islam dans nos sociétés exténuées, mais leurs arguments reprennent souvent les formulations les plus ringardes de la Gauche jacobine. La peur de l’islam entraîne bizarrement la droite à collaborer avec le Système honni. « En effet, remarque avec à-propos Pierre de Meuse, dans le dénombrement des incompatibilités entre l’Islam et la civilisation européenne, ces catholiques de droite énumèrent le rôle second laissé à la femme, le caractère théocratique de la civilisation musulmane, la discrimination à l’égard des autres religions, la guerre sainte, la peine de mort (quelquefois), les mutilations pénales infligées par la charia, la confusion entre la loi civile et la loi religieuse, et même le refus des autorités musulmanes de signer la convention internationale des droits de l’Homme. Or ces traits sont bien incompatibles avec la société civile moderne, c’est-à-dire une forme d’organisation qui s’est précisément installée en opposition sur tous ces points avec le catholicisme intégral qu’ils défendent. Il est paradoxal de voir les descendants des officiers qui cassèrent leur épée plutôt que d’appliquer les lois laïques du “ petit père Combes ” reprendre précisément le flambeau de la laïcité pour combattre l’Islam. En fait, les différences entre la conception islamique de l’État et celle du catholicisme oscillent selon les époques et ne sont pas si radicales, bien que très réelles. L’Église ferme toujours la porte de la prêtrise aux femmes, et la nostalgie de la Chrétienté est bien celle d’une société où l’ordre civil n’est qu’un instrument pour conduire les âmes au salut. À ce titre, la législation en Espagne ou en Provence au XIVe siècle envers les musulmans et les Juifs est très comparable avec le millet turc. Quant aux Droits de l’Homme, l’Église des temps passés les a condamnés avec autant de vigueur que les imams, et plus de rigueur encore. […] Il faut donc renvoyer ces braves gens à la relecture de leur propre système : eux non plus ne savent plus qui ils sont. Eux aussi se battent sur une ligne de défense qui n’est pas la leur, sous la bannière de leurs ennemis. On ne peut reprocher à l’Islam d’avoir conservé dans sa doctrine normative ce dont on déplore la perte dans le christianisme (8). » Lecteurs et continuateurs de René Guénon, de Julius Evola et de Frithjof Schuon, les traditionalistes chrétiens ne commettent pas cette bévue suprême et indiquent au contraire une bonne direction. Les Européens chrétiens, catholiques en particulier, devraient avoir la nostalgie du Moyen Âge comme les musulmans replongent par-delà les siècles dans le temps de la prédication de Mahomet. Face au matérialisme effrayant de la société occidentale (dont la société française « républicaine » n’est qu’un reflet), tous ceux qui défendent le sacré agressé par le monde moderne, doivent lui opposer un front spirituel traditionnel. Païens et monothéistes, tous ensemble, contre ce monde désenchanté !

On rêve qu’une droite affirmée redécouvre ses fondements véridiques et récuse les valeurs modernes. Pour l’heure, d’une servilité proverbiale, ce qu’on appelle la « droite » préfère reprendre les mots d’ordre (ou plutôt de désordre) de la Gauche. L’homme de pseudo-droite marque ainsi son hostilité à la polygamie et se trouve à défendre les thèses débiles d’un féminisme ménopausé et aigri. Or ce sujet contient bien d’autres savoureuses contradictions. Les familles polygames venues principalement d’Afrique seraient indésirables dans des sociétés qui autorisent le mariage homosexuel et l’homoparentalité. Pourquoi une famille constituée d’un homme et de plusieurs femmes (ou le contraire) serait-elle moins légitime qu’une famille formée par d’individus du même sexe ? Pourquoi la loi interdit-elle aux membres d’une même famille de conclure un pacs entre eux afin de bénéficier des avantages qui en découlent ? En réalité, nos progressistes se contrefichent du bonheur conjugal et de la pérennité familiale. Ils relaient les intentions criminelles de l’ultra-féminisme qui veut déviriliser l’esprit européen et castrer l’homo europæus. On retrouve cette influence délétère dans la modification récente de la législation matrimoniale française qui détermine l’âge légal de mariage des filles à dix-huit ans au lieu de quinze ans dans le but d’éviter les « mariages forcés » qui toucheraient « Beurettes » et Africaines quand elles reviennent au bled pendant les vacances estivales. En réalité, ces « affaires » sortent le plus souvent d’une imagination journalistique en mal de sensations qui se focalise sur quelques cas complaisamment exposés. Dans le même temps, les mêmes qui détruisent des traditions culturelles ancestrales honorables permettent à des gamines de 12 – 13 ans de prendre la pilule du lendemain sans aucun consentement parental. Les « progressistes humanistes » cherchent à détruire le  concept même de famille parce qu’elle demeure la communauté incontournable, quelque soit sa structure. S’attaquer à la famille revient à anéantir l’un des derniers cadres communautaires naturels favorables à la personne humaine.

Des événements récents confirment ce constat. On n’a pas encore réalisé les dégâts provoqués par l’effondrement de la paternité dans la famille. Si les banlieues engendrent des pathologies sociales explosives ou brûlantes, la responsabilité en revient, certes, à l’immigration, mais aussi à l’effacement des caractères masculins. On oublie la responsabilité majeure des assistantes sociales, fort souvent de gauche, voire d’extrême gauche, qui ont sapé l’autorité du pater familias allochtone, les menaçant des foudres de la justice s’il osait user de la violence envers sa progéniture bruyante. Intimidés et désemparés, les pères de famille immigrés n’incarnent plus le modèle de la virilité auprès de leurs enfants qui en viennent à les mépriser et à constituer une voyoucratie banlieusarde. Si certaines banlieues majoritairement musulmanes appliquaient strictement la charia, y aurait-il toujours ce désordre scandaleux ? Les délinquants risqueraient de perdre quelques membres…

Une liberté d’expression à géométrie variable…

Les responsables de cette dévirilisation sont nombreux. Évoquons toutefois le rôle nuisible de l’hebdomadaire Charlie-Hebdo. Cela n’empêche pas certains droitiers de soutenir ce torchon traîné en justice par des associations musulmanes pour avoir publié les caricatures danoises de Mahomet. Les mêmes défendent aussi l’ancien enseignant gauchiste Robert Redeker qui aurait été menacé par des islamistes après avoir écrit dans Le Figaro un article violemment anti-musulman. Or, le jour où l’on apprenait que le sieur Redeker entrait en clandestinité pour protéger sa vie, un autre Robert se retrouvait condamné par la fatwa « ripoublicaine » pour avoir proféré des balivernes historiques… La piteuse République n’accorde pas le même traitement aux deux Robert. Le droit imprescriptible de dire des âneries (théologiques et historiques) ne s’applique pas de la même manière à tout le monde. Pire, l’hypermnésie de la Seconde Guerre mondiale éclipse largement l’amnésie des crimes révolutionnaires en France et des horreurs du communisme. Quand on dérange les certitudes confortables de l’intelligentsia ou quand on agit en véritable rebelle, le Régime se fait fort d’écarter les mal-pensants.

L’essayiste Alain Soral n’a pas pu participer aux dédicaces organisées par l’Institut d’études politiques de Paris du 2 décembre dernier. Risquait-il de se faire trucider par un quelconque fanatique ? Non, Alain Soral ne communie pas dans la lepenophobie obligatoire. Plus grave, il vient de rejoindre le Front national, d’où son exclusion qui n’a pas soulevé l’ire des médias d’habitude si prompts à protester, accréditant par la même l’actualité de l’axiome orwellien : « Tous les hommes sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres ». Rions donc du soutien des naïfs droitiers apporté à Charlie-Hebdo et à Redeker alors qu’ils n’ont pas cessé de conchier sur le mouvement patriotique. Là encore, le syndrome de l’Union sacrée a frappé ! Nos Candides croient que les ennemis de nos ennemis peuvent être nos alliés. Funeste faute ! Laissons-les à leurs illusions impolitiques et préférons faciliter l’affrontement impitoyable entre tous les ennemis de la civilisation européenne.

L’intolérance que fait preuve le « camp national » à l’égard de l’Autre reproduit l’intolérance officielle de la République envers les minorités religieuses ou spiritualistes. Dernièrement, des députés d’une énième commission anti-sectes ont visité une communauté chrétienne évangélique près de Pau. Là, ces « élus du peuple » – sûrement de fins spécialistes en sociologie religieuse et qui ont du temps à perdre à contrarier des groupuscules religieux – s’indignèrent que les enfants de cette communauté présumée sectaire ne regardaient pas la télévision et ignoraient, oh ! quelle horreur, l’existence de Zidane, ce hooligan des pelouses ! En dénonçant ce genre de maltraitances (sic !), les députés attestent par leur comportement totalitaire qu’ils recherchent l’abêtissement des populations. Souvenons-nous des violentes campagnes contre les Témoins de Jéhova accusés de tous les maux. Il est vrai qu’ils présentent le désavantage de refuser le vote, sinon nos courageux députés ne s’amuseraient pas à les ennuyer ! Les « ripoublicains » haïssent l’« anormalité religieuse » et mènent une « lutte contre les sectes » abusive qui tourne toujours en attaque contre la spiritualité. L’action nocive des francs-maçons ne fait guère de doute sur ce point. Janine Tavernier qui fut la présidente de l’U.N.A.D.E.F.I. de 1993 à 2001, déplore que « beaucoup de francs-maçons sont entrés à l’U.N.A.D.E.F.I., lui donnant une coloration qu’elle n’avait pas à l’origine. […] Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’elle s’est politisée (9). »

L’acceptation des différences ne se restreint pas aux dimensions culturelle, ethnique et religieuse. Elle s’étend aux domaines social, moral et scientifique. Il faut admettre les multiples types d’union conjugale et les répercussions des manipulations sur le vivant. Le clonage, l’eugénisme, le « bébé-médicament », les mères-porteuses, le diagnostic pré-implantatoire, l’avortement préventif, la maternité tardive (après soixante ans) amélioreraient l’existence des familles. Malheureusement, les lois bio-ethiques suivent les impératifs abscons des soi-disant droits de l’homme devenus l’horizon indépassable de la moralité publique. S’il y a un obscurantisme, il est républicano-hexagonal. Le cercle faustien des Mutants accuse avec raison l’hégémonie d’un humanisme défunt dont le cadavre putrifié empêche encore le « saut quantique » vers le transhumanisme, le transgénisme humain, l’humain génétiquement modifié et l’hyperanthropie. Rares sont ceux qui pressentent le bouleversement considérable de la Mutation à venir : l’explosion chatoyante de la diversité sous tous ses aspects. Le polythéisme des valeurs deviendra la norme sociale de notre civilisation post-occidentale.

La République hexagonale se montre incapable d’affronter cet événement prochain, générateur de chaos et donc d’ordre. Outre la coexistence momentanée des divers groupes ethniques sur le même sol, la société hexagonale, comme d’ailleurs l’Occident en phase terminale d’achèvement, se doit d’accepter l’inestimable polythéisme des valeurs. C’est aux membres de chaque communauté ethno-culturelle, et à eux seuls, de modifier, d’adapter ou de réviser leurs mœurs. Nos sociétés si donneuses de leçons, devraient célébrer les droits aux différences et leur manifestation tangible en communautés ethno-culturelles souveraines. Contre la République d’essence universaliste, il convient par conséquent de soutenir les communautarismes, quoi qu’il en coûte sur le moment. Dans cette perspective explosive hautement révolutionnaire, le communautarisme ethno-européen prend une envergure considérable puisqu’il signifie la seule voie de salut de nos peuples. Leur reconstitution par les Ethno-Européens passent par l’abolition des collectivités stato-nationales fictives. Seules des communautés qui sauront allier le Sol, le Sang et l’Esprit seront nos arches salvateurs au déluge uniformisateur.

Rodolphe Badinand

Notes

1 : in Le Figaro, 2 novembre 2006.

2 : Laurent Lagartempe, La République et le Coran. Les versets incompatibles, Éditions de Paris, 2006.

3 : Caroline Fourest, La tentation obscurantiste, Grasset, 2005.

4 : Dominique de Roux, Immédiatement, La Table ronde, coll. La Petite Vermillon, 1995.

5 : in Le Figaro, art. cit.

6 : Philippe de Villiers, Lettre ouverte aux coupeurs de têtes et aux menteurs du Bicentenaire, Albin Michel, 1989.

7 : Jean Raspail, « La patrie trahie par la République », in Le Figaro, 17 juin 2004.

8 : Pierre de Meuse, Essai sur les contradictions de la droite. Dialogues avec les hommes de ma tribu, L’Æncre, 2002, pp. 69 – 70.

9 : in Le Monde, 17 novembre 2006.

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samedi, 03 octobre 2009

Rebatet juge Céline

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Lucien Rebatet et Céline

 

Texte paru dans le "Bulletin célinien", n°285, avril 2007

En cette année du cinquantième anniversaire de D’un château l’autre, on ne se souvient guère des polémiques qui ont accompagné sa parution, en particulier au sein de la droite radicale. En témoigne cette réplique de Lucien Rebatet à Jean-André Faucher qui avait attaqué durement Céline dans l’hebdomadaire Dimanche-Matin.

 

   Mon cher J.-A. F.,

 

   Absent de Paris, je viens de lire ton dernier article sur « l’affaire Céline » ¹.

 

   Je ne voudrais pas que ta vivacité et ta générosité puissent faire croire à nos innombrables adversaires qu’il existe entre nous des dissentiments que cette controverse autour d’un livre aurait révélés.

 

   Le lecteur ayant en général la mémoire brève, je pense donc utile de préciser, que dans mon article du mois de juin dernier ², j’ai cherché à expliquer Céline, et que je n’ai jamais eu l’intention de le juger « honorable ». J’ai même souligné que la dignité était un des sentiments qu’il ignore le plus.

 

   Je persiste à croire que Céline ne nous doit pas les comptes qu’il est juste de réclamer à d’anciens militants, toi ou moi, par exemple. Non pas que le métier d’écrivain, que le talent, voire le génie, constituent à mes yeux un alibi, une circonstance atténuante. Au contraire, la responsabilité politique de l’écrivain m’apparaît considérable, et j’ai été, que je sache, de ceux qui l’ont clairement revendiquée pour leur part.

 

   Mais la question serait de savoir jusqu’à quel degré Céline a eu conscience de ses propres responsabilités. (Je ne dis pas : des risques qu’il courait, car sur ce point il était fort lucide.) En tout cas, il n’appartenait à aucun bord. C’était un visionnaire anarchiste, qui se mit à bouillonner de prophéties, presque malgré lui. J’estime qu’il y a quelque excès à parler de reniement pour un homme qui n’a jamais connu ni principes ni drapeau.

 

   Au moment le plus difficile de notre choix, à l’automne 1940, Céline savait déjà que Hitler avait lâché les commandes, qu’il perdrait la guerre, et que notre politique s’engloutirait dans sa catastrophe. Il me l’a dit plus d’une fois, comme à Marcel Aymé, à Ralph Soupault et à d’autres familiers. Rien de ce qu’il écrivit pendant la guerre n’infirma réellement cette conviction. Il est donc fondé à dire qu’il ne fut jamais « collaborateur ».

 

   Tu me répondras qu’il serait plus élégant de se rallier aux camarades vaincus, d’épouser leur cause ; et je suis bien de ton avis. Mais je voudrais savoir à quelle époque on a connu à Céline des élégances et des camarades ? Ce qui me surprend, c’est la surprise aujourd’hui de maints de nos amis qui me semblent avoir attendu longtemps pour découvrir le Céline de toujours, et ses capacités effarantes et contradictoires, tantôt dans l’héroïsme, tantôt dans la fuite.

 

   Pour l’énorme mensonge, à propos de l’antisémitisme, il est d’une telle taille que je me demande qui pourrait s’y tromper. Céline ne nous a-t-il pas avertis lui-même en annonçant qu’il fait un numéro de vieux clown ? Oh ! ce n’est pas reluisant. Mais la dernière idée qui puisse venir à Louis-Ferdinand, c’est bien celle de reluire. J’attribue à cette turlupinade à peu près autant d’importance que les factums que Céline nous adressait à Je suis partout et que nous n’insérions jamais, parce qu’il y préconisait, pour regénérer la France, l’extermination de tous les « Narbonnoïdes », c’est-à-dire toutes les populations au-dessous de la Loire, y compris, mon cher Faucher, ton Limousin et mon Dauphiné ³.

 

   Pour juger équitablement le monstre, il faut l’avoir pratiqué…

 

   Reste la peinture de Sigmaringen. Je viens d’en relire plusieurs pages. Elles m’apparaissent décidément anodines. Je répète que les gens du Système m’ont enlevé tout complexe d’infériorité sigmaringienne. Vainqueurs, repus, toutes les puissances entre les mains, ils sont pires que nous ne l’étions là-bas, vaincus à plate couture, traqués, affamés, divisés. Cette émigration ne fut ni plus ni moins affligeante que toutes les émigrations. Ce qui ne signifie pas que nous fussions beaux à voir… Tu comprendras que je me refuse, maintenant encore, à préciser davantage, pour des raisons et des sentiments qui ont toujours été étrangers à Céline. Mais je puis affirmer que ledit Céline n’a guère touché qu’à l’anecdote, à un pittoresque brenneux, et c’est d’ailleurs, littérairement, le défaut du livre.

 

 

   Tandis que se déroulaient ces farces tristes, des camarades, je ne l’oublie pas, se battaient contre les Russes, un contre cent, à Kolberg. Notre ami Lousteau a dit excellemment, la semaine dernière, tout ce qui convenait à ce sujet 4. Céline, lui, n’a rien dit. Ce silence, dans un livre sérieux, serait atroce. Mais ce livre, c’est à l’un d’entre nous de l’écrire. Les croquis de D’un château l’autre ne me paraissent pas à la taille de l’indignation qu’ils déchaînent.

 

  Je maintiens que je préfère encore le trivial cynisme de Céline, ne voulant parler que de gros sous, aux périphrases et mains sur la conscience d’un tas d’infects commerçants de plume. J’ajouterai que j’entends dans ce cynisme une sorte de « nitchevo » encore plus amer et plus sombre que tout ce que Céline autrefois écrivit de plus amer et de plus sombre. Un vieux prophète perclus et « décheux » en est réduit à faire le saltimbanque — et à le dire — dans une société qui réserve toutes ses admirations et tous ses chèques à ses gendelettres communistes. J’aurais aimé, comme toi, que Céline eût la fierté de rappeler qu’il lui aurait été bien facile de prospérer dans cette bande, qu’l lui aurait suffi d’étouffer, entre 1935 et 1939, ses mouvements d’honnêteté intellectuelle et de civisme. Sans doute Céline n’en est-il plus capable. Il me plaît, en songeant à l’ermite loqueteux de Meudon et à tout ce que je lui dois, d’être de ceux qui le rappellent à sa place.

 

   Quant à la polémique, n’avons-nous pas infiniment d’autres cibles, et plus grosses ?

 

   Je te remercie du brevet de fidélité que tu me décernes. Mais je ne crois pas que mon indulgence à l’endroit de Céline puisse signifier mon désir de « tourner la page », c’est, au contraire, à cette page que mes pensées reviennent sans cesse depuis des années, aussi bien pour y déceler nos erreurs politiques — je ne m’occupe pas de morale dans ce domaine — que pour y relire notre justification.

 

   Que cette lettre me soit l’occasion de dire ici à de nombreux amis que mon plus vif désir serait de republier Les Décombres 5, avec la préface « d’actualité » que tu devines, et que seule la… timidité des éditeurs ne m’a pas encore permis de réaliser cela.

 

   Bien amicalement à toi,

Lucien REBATET

(Dimanche-Matin, 1er septembre 1957)

 

Notes

 

1. Lucien Rebatet évoque l’article de Jean-André Faucher paru le 18 août 1957 dans Dimanche-Matin et intitulé « ...Et que chacun enterre ses morts ». Faucher s’y oppose violemment, et point par point, à la défense de Céline entreprise par Albert Paraz, Lucien Rebatet et Robert Poulet. La semaine précédente, il avait daubé sur l’interview accordée par Céline à L’Express.

J.-A. Faucher, né en 1921, était un journaliste nationaliste, antigaulliste et franc-maçon qui collaborait à plusieurs journaux de droite (Dimanche-Matin, Artaban et C’est-à-dire).

2. Lucien Rebatet, « Un prophète sans emploi », Dimanche-Matin, 30 juin 1957. Article repris dans Le Bulletin célinien, n° 263, avril 2005, pp. 17-21.

3. Céline préconisait plutôt une séparation entre la France du nord et celle du sud. Cette lettre du 15 juin 1942, refusée par Je suis partout, a été publiée dans Lettres des années noires, Éd. Berg International, 1994, pp. 29-35.

4. Jean Lousteau, « Il s’agissait de s’entendre », Dimanche-Matin, 18 août 1957. L’auteur y déplore ce qu’il considère comme un « inutile déballage » dans D’un château l’autre.

5. Ce livre ne fut jamais réédité du vivant de Lucien Rebatet. Une réédition caviardée fut procurée en 1976 par Jean-Jacques Pauvert. À noter que ce livre vient d’être réédité intégralement par les éditions de L’Homme libre.

 

lundi, 28 septembre 2009

De quoi se mêle Hervé Morin?

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De quoi se mêle Hervé Morin?

 

Atlantiste délirant, Hervé Morin, ministre sarköziste de la défense en France, a lancé un appel à l’Italie, pour qu’elle ne retire pas ses troupes d’Afghanistan, sous la pression du peuple, las de voir couler en pure perte le sang de soldats italiens. En effet, six malheureux soldats du contingent italien viennent d’être tués dans un attentat suicide et le peuple italien manifeste sa rage de voir ses fils sacrifiés sur le sinistre autel d’une guerre totalement inutile à leur patrie et à l’Europe. Berlusconi, qui prend le pouls de l’opinion publique de la péninsule et sait d’instinct ce que veut son peuple, avait déclaré le 17 septembre dernier “que l’Italie désirait rapatrier ses troupes le plus vite possible”. Morin, sous la dictée de ses maîtres américains alarmés, exhorte dès lors les Italiens à demeurer présents en Afghanistan et à parachever le travail qu’ils avaient promis de faire: former la police afghane, supposée prendre le relais des soldats de l’OTAN dans un Afghanistan enfin pacifié (mais ce n’est pas demain la veille...). Pire: Morin passe du ton larmoyant, qui fait appel à la solidarité atlantiste, à la menace à peine déguisée, qui affirme que tout retrait italien doit procéder d’une “décision internationale”. Bref: l’Italie n’a pas le droit à la moindre parcelle de souveraineté nationale, n’a pas le droit d’envoyer ou de ne pas envoyer ses soldats où bon lui semble.

 

Nous constatons avec amertume que Paris redouble de zèle atlantiste, se veut le pompon de l’OTAN, l’élève-modèle, depuis son retour au bercail otanesque, en traitant sa “soeur latine” avec  une rudesse à peine déguisée et totalement injuste et injustifiable, sans le moindre respect pour ses sentiments et son chagrin. Notons que ce discours de Morin à Nijrab, lors d’une visite de quarante-huit heures aux troupes françaises stationnées en Afghanistan, arrive au même moment où le Général américain McChrystal, dans un rapport secret dont la presse d’Outre Atlantique a eu vent, réclame à Obama et à tous les alliés des Etats-Unis, l’envoi de renforts substantiels sur le terrain afghan. Hasard ou collusion?

 

Le sarközisme est l’idéologie larbine de l’américanisme, avec pour paradoxe qu’il émane d’une matrice gaullienne! A Colombey-les-Deux-Eglises, un vénérable ancêtre doit se retourner dans son caveau!

 

(source: Giampaolo Cufino, “Il Ministro della Difesa francese chiede all’Italia di rimanere in Afghanistan”, in: “Rinascita”, Rome, 22 septembre 2009).

samedi, 26 septembre 2009

L'axe paneuropéen Paris Berlin Moscou

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L’axe paneuropéen Paris – Berlin – Moscou

En 2002 sortait Paris – Berlin – Moscou par Henri de Grossouvre (1). Un an après, l’actualité semblait avaliser cette perspective avec le refus de la France, secondée par l’Allemagne et la Russie, de cautionner l’aventure étatsunienne en Irak. Cependant, l’invasion de ce pays, puis l’arrivée à la Chancellerie et à l’Élysée d’atlantistes patentés avortèrent cet axe embryonnaire et surtout de circonstance. Sept ans plus tard, Marc Rousset relance le concept qui présente l’avantage de dépasser à la fois le strict souverainisme national et l’utopie mondialiste.

Imposant, l’ouvrage est aussi stimulant. Nourri par les lectures d’Yves-Marie Laulan, Samuel Huntington, Julien Freund, Carl Schmitt, Alain de Benoist, Régis Debray, Emmanuel Todd, etc., Marc Rousset prend note de l’échec essentiel de la présente construction européenne et offre une alternative : l’axe paneuropéen Paris – Berlin – Moscou.

La Françallemagne ou le chaos multiculturel


Hostile à l’adhésion turque, l’auteur s’inquiète de la sous-natalité des Européens et de son terrible corollaire, l’immigration extra-européenne de peuplement. Pour lui, les petits égoïsmes nationaux devraient s’estomper au profit d’une réconciliation des « deux poumons » de l’Europe : l’ensemble occidental romano-protestant et son pendant oriental orthodoxe. L’auteur de La nouvelle Europe de Charlemagne (1995) conçoit l’Europe de l’Ouest comme un espace « néo-carolingien » organisé autour d’une unité politique étroite entre Paris et Berlin. Marc Rousset veut la Françallemagne. « Y aura-t-il un jour un État franco-allemand comme il en fut naguère de l’Autriche-Hongrie ? La France et l’Allemagne constituent une continuité spatiale de plus de cent quarante millions d’habitants. La restauration de l’espace communautaire franc est la tâche dévolue tant aux Français qu’aux Allemands. Elle est la condition préalable à toute unité européenne […]. La France et l’Allemagne sont liées par une Schicksalgemeinschaft, une “ communauté de destin ”, affirme-t-il » (p. 133) (2). Plus loin, il ajoute sans hésiter qu’« il n’y a que la Françallemagne augmentée éventuellement de l’Italie, de l’Espagne, des États de Bénélux et de l’Autriche pour présenter un bloc suffisamment homogène, puissant et crédible, capable de s’appuyer ou de s’allier avec la puissance russe » (p. 532).

Or l’homogénéité ethnique, gage et/ou facteur de la puissance selon l’auteur, est-elle encore possible quand on connaît la déliquescence multiraciale de nos sociétés ? « Une société multi-ethnique conduit tout droit inexorablement, au mieux à des troubles et des affrontements, au pire au chaos et à la guerre civile, car il lui manque la philia, la fraternité sincère, réelle et profonde entre les citoyens » (p. 523), observe-t-il avec lucidité. Une France européenne ne présuppose-t-elle pas au préalable le retour au pays massif et inconditionnel des allogènes ?

Marc Rousset dénonce avec raison l’islamisation du continent, mais il ne voit pas que ce phénomène n’est que la conséquence inévitable de l’immigration. Plus grave, l’auteur reproduit sur l’islam les lieux communs les plus banaux. Il apporte son soutien à Robert Redeker, grand contempteur naguère du mouvement national. Il assimile l’islamisme à un « nouveau totalitarisme » (p. 300) ou à un « fascisme vert » (p. 301), ce qui est erroné et préjudiciable. Le concept de totalitarisme fait l’objet de discussions animées au sein de la communauté historienne. Quant à assimiler l’islamisme au fascisme, n’est-ce pas s’incliner devant l’« antifascisme » obsessionnel et perdre  la bataille du vocabulaire ? Enfin, vouloir, à la suite de quelques musulmans « éclairés », un « islam des Lumières » (p. 290), n’est-ce pas une ingérence dans une matière qui n’intéresse pas au premier chef les Européens ? Est-il vraiment indispensable de promouvoir la modernisation et/ou l’occidentalisation de l’islam, c’est-à-dire la contamination de cette religion par le Mal moderne, matérialiste et individualiste ?

L’économie comme instrument de la puissance

La dépression démographique n’est pas le seul défi à une possible entente paneuropéenne. Suivant le prix Nobel d’économie Maurice Allais, l’auteur conteste le libre-échange et la mondialisation, la « fuite des cerveaux » et la désindustrialisation. Il rappelle qu’« avec la délocalisation de son tissu industriel et depuis peu de ses services informatiques et de gestion, l’Europe perd chaque année des centaines de milliers d’emplois. Ce furent d’abord les emplois les moins qualifiés. Ce sont aujourd’hui des métiers à haute technicité qui sont externalisés vers l’Asie » (p. 49). Il s’effraie par ailleurs de la généralisation des emplois précaires du fait de la concurrence exacerbée planétaire aussi bien là-bas où le pauvre hère travaille dix heures par jour pour un salaire misérable qu’ici avec la pression exercée sur les rémunérations par les étrangers clandestins délinquants réduits en esclavage par un patronat immonde. Il craint en outre que l’essor des services à la personne ne soit « favorisé [que] par le contexte d’inégalité sociale croissante » (p. 55). Bref, « il est vital pour l’Europe de ne pas rester à l’écart du monde industriel moderne, de concevoir un développement industriel fort, créateur d’emplois pour la prochaine génération, d’assurer un renouvellement de son tissu manufacturier » (p. 56), clame  cet ancien directeur général chez Aventis, Carrefour et Veolia.

Cependant, l’industrie et le tertiaire à haute valeur ajoutée ne doivent pas mésestimer la caractère stratégique de l’agriculture. À rebours des thèses sociologiques du cliquet ou d’un secteur agricole surproductiviste et sans presque de paysans, on a la faiblesse de croire qu’une économie humainement satisfaisante suppose un équilibre entre les secteurs primaire, secondaire et tertiaire. Les questions agricole et nutritionnelle sont en passe de devenir des enjeux majeurs du XXIe siècle. Avec la maîtrise de l’eau douce et le contrôle des ressources naturelles énergétiques, la quête de terres arables devient une priorité, car elles sont à l’origine, par l’auto-suffisance qu’elle induit, de la souveraineté alimentaire. Signalons que dans cette recherche bientôt éperdue, l’Europe détient un atout considérable avec les immenses Terres noires fertiles de Russie et, surtout, d’Ukraine (3). Ce simple fait inciterait l’Europe, la France et l’Allemagne, à régler en arbitres le contentieux entre Moscou et Kiyv afin de rendre effective une entente géopolitique respectueuse de tous les peuples.

Surmonter les querelles nationales !


Concernant les relations entre l’Ukraine et la Russie, notre désaccord est total avec Marc Rousset. S’appuyant sur l’historiographie conventionnelle française, il mentionne la « Russie de Kiev » alors que le terme « Russie » n’apparaît qu’en 1727. Il aurait été plus juste de parler de « Rous’ » ou de « Ruthénie ». Certes, « pour les Russes, l’Ukraine est une partie intégrante de la Russie, une simple annexe de Moscou » (p. 363). Cela implique-t-il de nier l’existence du peuple ukrainien ? Marc Rousset le pense puisqu’il affirme que « l’identité ukrainienne n’existe pas. Cette identité, exception faite de la Galicie, est une variante de l’identité russe et non une nationalité constituée qui s’interposerait durablement entre Russie, Pologne et Slaves du    Sud » (p. 367). Ignore-t-il que la langue ukrainienne s’est formalisée deux décennies avant la langue russe ? L’auteur se fourvoie quand il explique que « le russe et l’ukrainien sont si proches que deux locuteurs parlant chacun sa langue se comprennent sans interprète » (p. 367). Autant écrire qu’un Castillan et un Catalan se comprennent sans mal… relevons une autre erreur : « à Kiev, il est difficile de trouver un panneau autre qu’en russe » (p. 366). En réalité, l’ukrainien domine largement l’espace public de la capitale de l’Ukraine. Sait-il enfin que les dirigeants de la « Révolution orange », Viktor Iouchtchenko et Yulia Timochenko, viennent des confins orientaux, russophones, du pays et non de Galicie ?

L’axe paneuropéen ne pourra pas faire l’économie d’une résolution équitable et sereine des lancinantes questions nationalitaires inter-européennes. La nouvelle Europe Paris – Berlin – Moscou compenserait la complexe problématique impériale russe. Les Russes n’ont toujours pas fait le deuil de leur empire, tsariste puis soviétique, d’où cette politique agressive envers l’étranger proche (4) qui, par méfiance, se place sous la protection illusoire de l’O.T.A.N. Le projet paneuropéen de puissance transcenderait la frustration légitime de nos amis russes en un salutaire désir de renaissance géopolitique tant pour la Russie que pour les Allemands et les Français.

Comment alors acquérir cette puissance ? Force est de constater qu’à part les Russes, Français et Allemands ne se préoccupent guère de ce sujet. Le confort émollient de la Modernité les châtre psychologiquement. L’héroïsme est dévalorisé, remplacé par l’héroïne. En Afghanistan, les soldats allemands protestent contre leurs conditions de vie qu’ils jugent trop sommaires. Plus de soixante ans de rééducation mentale commencent à se payer et l’addition sera lourde. On aboutit au même constant en France. Le salut viendrait-il de la guerre économique mondiale ? En effet, le « nouveau continent » appliquerait la préférence communautaire, l’autarcie des grands espaces, le patriotisme économique et une coopération franco-germano-russe fort intense. « Il est temps que la France, l’Allemagne et la Russie coopèrent davantage pour de grands projets dans de nombreux d’une façon volontariste, que l’Eurosibérie se décide à enrayer son déclin, que les jeunes Européens désabusés, à l’égoïsme matérialiste hypertrophié, sortent de la torpeur passive et annihilante de la société de consommation futile et frustrante avec ses gadgets inutiles et loufoques, de l’idéologie américaine de la marchandise passion avec l’argent pour seul horizon, se guérissent d’une certaine forme de sida mental conduisant au renoncement à leur identité propre, à un idéal, au dépassement de soi » (p. 12). De ce fait, face à la montée des périls vitaux, « les Européens doivent […] se tourner vers les occidentalistes de la Russie, pousser les feux d’une réconciliation russo-ukrainienne et russo-géorgienne en lieu et place de la gifle inacceptable, du casus belli, que représenterait pour la Russie l’entrée de l’Ukraine et de la Géorgie dans l’O.T.A.N. » (p. 527).

Quel avenir pour le continent paneuropéen ?


L’enjeu est considérable. « L’Europe doit-elle être simplement un sous-ensemble d’un empire transatlantique à direction américaine, ou est-elle, au contraire, un moyen pour les nations européennes de contrebalancer, avec l’aide de la Russie, les menaces […] ainsi que le poids de “ l’Amérique-monde ” ? L’Europe occidentale doit-elle, tel un paquet bien ficelé, continuer à être intégrée au One World dirigé depuis Manhattan ? » (p. 12). Anxieux, Marc Rousset se demande si l’idée européenne « serait un moyen de créer enfin cette “ Troisième Rome ” dont ont toujours rêvé séparément la France, l’Allemagne et la Russie » (p. 198). « Cette Eurosibérie, prévient-il, serait véritablement indépendante, ne menacerait personne, mais personne également, que ce soit la Chine, les États-Unis ou l’Islam ne pourrait non plus véritablement indépendante la menacer. C’est pourquoi la France et l’Allemagne devraient remodeler l’architecture européenne en concertation avec la Russie » (pp. 198 – 199).

Dans ce plaidoyer se retrouve l’impératif démographique. Marc Rousset rappelle que l’Extrême-Orient russe est un quasi-désert humain tandis que sur l’autre rive de l’Amour vivent des millions de Chinois. Une alliance avec la Françallemagne renforcerait la Russie face à Pékin. « Un droit à l’occupation doit donc être reconnu aux peuples européens sur l’espace allant du nord du Portugal au détroit de Behring, en incluant le Nord-Caucase et la totalité de l’espace sibérien. Sur cet espace, cinq cents millions d’Européens et cent cinquante millions de Russes devraient pouvoir prolonger jusqu’à Vladivostok les frontières humaines et culturelles de l’Europe » (p. 46).

Il importe néanmoins de ne pas confondre les thèses de Marc Rousset avec les visions de Guillaume Faye ou les ratiocinations d’Alexandre Del Valle. « Nous croyons en l’Eurosibérie comme un simple concept géographique, mais en aucun cas à un empire eurosibérien qui aurait pu être réalisé par l’U.R.S.S. si elle avait gagné la Guerre froide et occupé l’Europe de l’Ouest. L’Eurosibérie de facto et de jure avec une seule capitale ne peut être réalisée que par une nation dominante disposant des ressources militaires, humaines et naturelles nécessaires, ce qui n’est le cas aujourd’hui d’aucune nation européenne, Russie incluse » (p. 532).

Dans ce cadre grand-européen, quelle en serait la langue institutionnelle et véhiculaire ? Sur ce point, M. Rousset surprend ! Il dénie tout droit à l’anglais d’être la lingua franca de l’Europe-puissance. Il soutient le multilinguisme, mais se détourne des langues vernaculaires, ce qui est dommage. Est-il partisan du retour au latin ? A priori oui, mais, après un examen minutieux, il l’estime inadapté à notre époque. Le français aurait-il toute sa chance comme le suggéra naguère l’archiduc Otto de Habsbourg-Lorraine ? Ce serait l’idéal parce que la langue de Stendhal est réputée pour sa richesse, sa clarté et son exactitude. Marc Rousset craint néanmoins qu’on accuse la France d’impérialisme linguistique. Il se déclare finalement favorable à l’espéranto. Envisagé comme une langue universelle, l’espéranto est surtout une marque du génie européen. Il serait une langue utilitaire européenne appropriée qui ne froisserait aucune susceptibilité linguistique tant nationale que régionale. On ne peut que partager ici son raisonnement.

La nouvelle Europe sur terre et… sur mer !


Le destin de la nouvelle Europe Paris – Berlin – Moscou serait-il uniquement continental, terrien ? Marc Rousset n’en doute pas et reprend à son compte la célèbre dichotomie géopolitique entre la Terre et la Mer. Or l’Union européenne dispose d’un domaine d’Outre-mer (dont de nombreux archipels non peuplés), ce qui en fait potentiellement la première puissance maritime au monde. Il est fâcheux que l’auteur accepte cette opposition désormais classique, mais fallacieuse. Non, la France n’est pas qu’une « nation terrienne » (p. 36) ! Au-delà des succès navals de Louis XVI et des échecs en mer de Napoléon Ier, rappelons  que l’amiral Darlan joua un rôle capital  dans la création d’une remarquable flotte de guerre à la fin de la IIIe République. Des remarques similaires s’appliquent à la Russie qui dispose d’une immense façade littorale arctique prise jusqu’à maintenant plusieurs mois par an par les glaces. Mais si le fameux « réchauffement climatique » se manifestait, la Russie ne deviendrait-elle pas de fait une puissance navale ? Songeons déjà qu’au temps de l’Union soviétique, les navires de l’Armée rouge patrouillaient sur toutes les mers du globe, preuve manifeste d’une indéniable volonté thalassocratique…

Il ne faut pas que ces quelques critiques gâchent le thème central de l’essai de Marc Rousset. Il a écrit, il y a neuf ans, Les Euroricains qui était un cri d’alarme contre la « yanquisation » du « Vieux Monde ». À cette colonisation globale, il apporte maintenant une solution envisageable à la condition que les hommes politiques saisissent le Kairos et que s’établisse sur tout notre continent une communion d’esprit bien aléatoire actuellement. Le dilemme est posé : nos contemporains accepteront-ils d’être des sujets transatlantiques ou bien des citoyens paneuropéens ? Accepteront-ils l’abêtissement ou le redressement ? Comprendront-ils enfin que la France et l’Europe, que nos nations et l’Europe ne s’opposent pas, mais se complètent ? Louis Pauwels concluait son « Adresse aux Européens sans Europe » par cette évidence : « Qui s’étonnerait, à y bien regarder, du peu de patriotisme de la jeunesse française ? Trop peu d’Europe éloigne de la patrie. Beaucoup d’Europe y ramène. Ils seront patriotes quand nous serons européens. » (5)

Georges Feltin-Tracol

Notes


1 : Henri de Grossouvre, Paris – Berlin – Moscou. La voie de l’indépendance et de la paix, L’Âge d’Homme, 2002.

2 : On peut dès lors très bien imaginer que Strasbourg devienne la capitale françallemande, ce qui faciliterait le transfert à Bruxelles de toutes les institutions européennes.

3 : L’Arabie saoudite vient ainsi d’acquérir en Ukraine des milliers d’hectares de terres fertiles.

4 : On appelle « l’étranger proche » les États issus de l’éclatement de l’U.R.S.S. et que le Kremlin considère comme son aire d’influence traditionnelle.

5 : Louis Pauwels, Le droit de parler, Albin Michel, 1981.

• Marc Rousset, La nouvelle Europe Paris – Berlin – Moscou. Le continent paneuropéen face au choc des civilisations, Godefroy de Bouillon, 2009, 538 p., préface de Youri Roubinski, 37 €.

Céline et la Suisse

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Céline et la Suisse

Article paru dans le "Bulletin célinien", n°277, juillet-août 2006

Pour la première période, ce thème concerne plutôt Louis Destouches que Céline. C’est de 1924 à 1927 que Destouches, médecin employé par la S.D.N., séjourne à Genève, avec de longues absences aux États-Unis, en Afrique et ailleurs. Son contrat avec la Société des Nations expire en décembre 1927.

L’iconographie ayant également sa place dans ce Bulletin, cela nous permet de présenter les deux endroits où Louis Destouches vécut en Suisse. Lorsqu’il arrive à Genève, il s’installe à « La Résidence », confortable hôtel situé sur la rive gauche, route de Florissant (voir ci-contre). Il y reste jusqu’en décembre 1925, date à laquelle il emménage dans un rez-de-chaussée de trois pièces, chemin de Miremont à Champel, dans la banlieue de Genève. C’est à la fin de l’année suivante qu’il rencontre une jeune Américaine de vingt-quatre ans, venue de Los Angeles, qui séjourne à Genève avec ses parents et suit des cours de danse classique. Il s’agit bien entendu d’Elizabeth Craig qu’il nommera « l’Impératrice », la future dédicataire du Voyage au bout de la nuit. Sans la S.D.N., Céline n’aurait donc jamais rencontré celle qui eut une si grande importance dans sa vie. La liaison dura six ans.

Ces faits sont connus de tous les céliniens. Ce qui l’est moins, ce sont les tentatives de Céline, à l’automne 1944, pour passer d’Allemagne, où il s’est réfugié, en Suisse avec l’espoir de gagner ensuite le Danemark. C’est par l’entremise de son ami suisse Paul Bonny et de son cousin Paul Gentizon – tous deux compromis dans la collaboration parisienne – qu’il tentera vainement d’obtenir un visa. C’est à cette fin qu’il utilisera les services d’un avocat suisse, Frédéric Savary, et qu’il adressera, en janvier 1945, un mémoire au consul général de Suisse à Stuttgart. « Inutile de vous certifier que je n’ai jamais émargé pour un centime ni directement ni indirectement à aucun service allemand », lui écrit-il, ce qui est exact — à la différence précisément de ses amis helvètes. Exilé au Danemark, les liens avec la Suisse ne sont pas rompus. En 1947, il écrit à Marie Canavaggia : « J’ai des amis en Suisse. Gentizon journaliste très distingué, au Lutry, canton de Vaud qui peut m’être très utile et un autre ami beaucoup plus malheureux – Bonny à Genève ». Tous deux tenteront, vainement une fois encore, de le faire éditer par « Le Cheval ailé », dirigé par Constant Bourquin. Céline renoue aussi avec Henri Poulain, ancien secrétaire de rédaction de Je suis partout, également réfugié à Genève. Tous ces personnages, dont la figure la plus connue est certainement Georges Oltramare (voir notice plus loin), sont évoqués dans un livre paru à Lausanne, il y a trois ans, et dont nous donnons les références ci-dessous.

 

 

Marc LAUDELOUT

 

 

 

Alain Clavien, Hervé Gullotti et Pierre Marti, « La province n’est plus la province ». Les relations culturelles franco-suisses à l’épreuve de la seconde guerre mondiale (1935-1950), Éditions Antipodes, coll. « Histoire », 2003, 368 p.

 

 

 

Voir aussi « Témoignage de Paul Bonny sur ses relations avec Céline » in  Louis-Ferdinand Céline, Lettres des années noires, édition présentée et établie par Philippe Alméras, Berg International, coll. « Faits et Représentations », 1994, pp. [54]-86, suivie de la correspondance de Céline aux Bonny. Sur la période antérieure, voir Louis-Ferdinand Céline (Docteur Destouches) à la Société des Nations (1924-1927). Documents, recueil publié sous la direction de Théodore Deltchev Dimitrov, Foyer Européen de la Culture, Genève-Gex, 2001, 502 p.

mercredi, 23 septembre 2009

Lettre ouverte à Hervé Morin, ministre de la Défense euro-atlantiste

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Lettre ouverte à Hervé Morin,

ministre de la Défense euro-atlantiste

 

 

 

Monsieur le ministre de la Défense de l’Occident,

 

 

 

 

Je m’autorise de vous interpeller avec un titre erroné puisque, renouant avec une mauvaise habitude pratiquée sous le septennat giscardien, le terme « nationale » a été supprimé de l’intitulé officiel de votre ministère. Permettez-moi par conséquent de vous désigner tour à tour comme le ministre de la Défense euro-atlantiste ou celui de la Défense de l’Occident, tant ces deux appellations me paraissent vous convenir à merveille.

 

 

 

Si je vous adresse aujourd’hui la présente algarade, sachez au préalable que je ne vise nullement l’élu local normand que vous êtes par ailleurs. L’adhérent au Mouvement Normand que je suis soutient, tout comme vous, l’indispensable (ré)unification normande des deux demi-régions. Notre désaccord concerne l’avenir de la France, de son armée et de l’Europe de la défense.

 

Je vous dois d’être franc. Quand en mai 2007, vous avez été nommé au ministère de la rue Saint-Dominique, j’ai immédiatement pensé à une erreur de recrutement : vous n’êtes pas fait pour occuper ce poste, faute d’une carrure suffisante. Comment cela aurait pu être autrement avec un Premier ministre qui, lui, est un fin connaisseur de la chose militaire depuis de longues années ? Il s’agissait surtout de vous récompenser pour avoir abandonné (trahi, diraient de mauvaise langues) entre les deux tours de la présidentielle votre vieil ami François Bayrou et rallié le futur président.

 

 

 

D’autres, tout aussi non préparés aux fonctions de ce ministère éminemment régalien, auraient acquis au contact des militaires une stature politique afin de viser, plus tard, bien plus haut. Hélas ! Comme l’immense majorité de vos prédécesseurs depuis 1945, voire depuis l’ineffable Maginot, et à l’exception notable d’un Pierre Messmer, d’un Michel Debré ou d’un Jean-Pierre Chevènement, vous êtes resté d’une pâleur impressionnante. Pis, depuis votre nomination, vous avez démontré une incompétence rare qui serait risible si votre action ne nuisait pas aux intérêts vitaux de la France et de l’Europe.

À votre décharge, je concède volontiers qu’il ne doit pas être facile de diriger un tel ministère à l’ère de l’« omniprésidence omnipotente » et de sa kyrielle de conseillers, véritables ministres bis. Faut-il en déduire qu’une situation pareille vous sied et que vous jouissez en fait des ors de la République ?

 

 

 

Je le croyais assez jusqu’à la survenue d’un événement récent. Depuis, j’ai compris que loin d’être indolent, vous effectuez un véritable travail de sape, pis une œuvre magistrale de démolition systématique qui anéantit quarante années d’indépendance nationale (relative) au profit d’une folle intégration dans l’O.T.A.N. américanocentrée, bras armé d’un Occident mondialiste globalitaire.

 

 

Vous vous dîtes partisan de la construction européenne alors que vous en êtes l’un de ses fossoyeurs les plus déterminés. L’Europe, sa puissance sous-jacente, ses peuples historiques vous indiffèrent, seule compte pour vous cette entité despotique de dimension planétaire appelée « Occident ».

 

 

 

Qu’est-ce qui m’a dessillé totalement les yeux en ce 6 février 2009 ? Tout simplement votre décision inique et scandaleuse de congédier sur le champ Aymeric Chauprade de son poste de professeur au Collège interarmées de Défense (C.I.D.). Brillant spécialiste de géopolitique, Aymeric Chauprade présente, dans un nouvel ouvrage Chronique du choc des civilisations, des interprétations alternatives à la thèse officielle des attentats du 11 septembre 2001. Exposer ces théories « complotistes » signifie-t-il obligatoirement adhérer à leurs conclusions alors qu’Aymeric Chauprade, en sceptique méthodique, prend garde de ne pas les faire siennes ?

 

 

 

Peu vous chaut l’impartialité de sa démarche puisque, sur l’injonction du journaliste du Point, Jean Guisnel, auteur d’un insidieux article contre lui, vous ordonnez son exclusion immédiate de toutes les enceintes militaires de formation universitaire. Mercredi dernier – 11 février -, l’infâme Canard enchaîné sortait une véritable liste d’épuration en vous enjoignant d’expulser d’autres intervenants rétifs au politiquement correct. Auriez-vous donc peur à ce point (si je puis dire) de certains scribouillards pour que vous soyez si prompt à leur obéir, le petit doigt sur la couture du pantalon ? Faut-il comprendre que Jean Guisnel et autres plumitifs du palmipède décati sont les vrais patrons de l’armée française ?

 

 

 

Avez-vous pris la peine de lire l’ouvrage incriminé ? Votre rapidité de réaction m’incite à répondre négativement. Il importe par conséquent de dénoncer votre « attitude irresponsable, irrespectueuse et indigne », car « nier la réalité est une attitude particulièrement inquiétante pour un ministre et qui n’atteste pas du courage que chacun est en droit d’attendre d’un haut responsable politique ». Qui s’exprime ainsi ? M. Jean-Paul Fournier, sénateur-maire U.M.P. de Nîmes, irrité par la fermeture de la base aéronavale de NÎmes – Garons, cité par Le Figaro (et non Libé, Politis ou Minute) du 9 février 2009. Le sénateur Fournier a très bien cerné votre comportement intolérable et honteux.

 

 

 

Aymeric Chauprade interdit de tout contact avec le corps des officiers d’active, vous agissez sciemment contre l’armée française, contre la France. En le renvoyant, vous risquez même de devenir la risée de l’Hexagone. En effet, le 12 juillet 2001, Aymeric Chauprade publiait dans Le Figaro un remarquable plaidoyer en faveur d’un « bouclier antimissile français ». Et que lit-on dans Le Figaro du 13 février 2009 ? « La France se lance dans la défense antimissile »… Certes, nul n’est prophète en son pays, mais quand même, ne peut-il pas y avoir parfois une exception ?

 

 

 

Votre action injuste me rappelle d’autres précédents quand l’Institution militaire sanctionnait des officiers coupables de penser par eux-mêmes et de contester ainsi le conformisme de leur temps : le général Étienne Copel, le colonel Philippe Pétain, le lieutenant-colonel Émile Mayer, le commandant Charles de Gaulle.

 

 

Anticonformiste, Aymeric Chauprade l’est avec talent et intelligence; il s’inscrit dans la suite prestigieuse des Jomini, Castex et Poirier. Voilà pourquoi le réintégrer au C.I.D. serait un geste fort pour l’indispensable réarmement moral d’une armée qui en a grand besoin.

 

 

 

Je doute fort, Monsieur le ministre de la Défense euro-atlantiste, que ma missive vous fera changer d’avis. Qu’importe ! Libre à vous de rester insignifiant et de figurer dans les chroniques comme le Galliffet de la réflexion stratégique.

 

Recevez, Monsieur le Ministre, mes salutations normandes.

 

 

 

Georges Feltin-Tracol

dimanche, 20 septembre 2009

Deux études allemandes sur Lyotard

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Robert Steuckers:

Deux études allemandes sur Lyotard

Lyotard (1): Moralités postmodernes

Décédé au début de cette année, le philosophe français Jean-François Lyotard ne cesse de préoccuper les Allemands. Sous l’impulsion de Peter Engelmann, directeur des éditions Pas­sa­gen à Vienne, vient de paraître  —hélas post mortem—  une tra­duction de Moralités postmodernes. Toute histoire, toute construction politique et historique a généré une morale, mais cette morale n’est pas universelle ni universalisable: elle demeure locale, fugitive, soumise aux aléas du temps et de l’histoire; elle doit rester sans ambition missionnaire. Cette morale d’ici et de maintenant, et qui est toujours d’ici et de maintenant sous peine de ne pas avoir d’ancrage dans le réel, pourra certes se heurter à d’autres morales, de là-bas et de jadis, mais ne leur sera pas foncièrement et nécessairement contradictoire. Elles peuvent s’affronter, se juxtaposer, se cô­to­yer, se fructifier ou s’ignorer mutuellement, au choix: murmure confus de maximes diverses, cris de joie qui fusent deci-delà. Comme un gourmet, le philosophe doit jouir et déguster la pluralité irréductible que lui offre la vie (J. F. Lyo­tard, Postmoderne Moralitäten,  ISBN 3-85165-320-3, DM 48 ou öS 336, Passagen Verlag, Walfischgasse 15/14, A-1010 Wien; e-mail: passagen@t0.or.at; internet: http://www.t0.or.at/~passagen).

 

Lyotard (2): hommage à Karel Appel

Ami du peintre Karel Appel, Lyotard a commenté le “geste” de l’ar­tiste, à la fois destructeur et créateur. L’ouvrage paraît en version allemande, avec les textes du philosophe et des reproductions en couleurs des peintures d’Appel (J. F. Lyo­tard, Karel Appel: Ein Farbgestus, Cachgang & Springer, Berne, ISBN 3-906127-53-2, DM 78, à commander auprès de: Buchhandlung Walther König, Ehrenstrasse 4, D-50.672 Köln).

 

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samedi, 19 septembre 2009

Céline - Bloy

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Céline – Bloy

Ex: "Bulletin célinien", n°270, n°12, 2005

Le texte que François Gibault avait donné en 1988 au « Cahier de l’Herne » consacré à Léon Bloy vient d’être réédité. Il s’agissait de considérer combien Bloy et Céline ont des traits communs. Extraits de l’avant-propos inédit.

 

Tous les géants se ressemblent, ils ont des points de correspondance. D’abord, ils sont grands, on leur compte quelques têtes de plus que les autres, certains sont même immenses. Ils ont aussi l’habitude de ne pas faire comme tout le monde, de se démarquer des hommes du commun et de mettre volontiers leurs pieds dans les plats. La parenté entre le géant Bloy et le géant Céline était à ce point évidente que je n’ai pas résisté au plaisir de les confronter, comme je confronte actuellement, pour le Dictionnaire de Gaulle, Louis-Ferdinand Céline et le Général (sans être certain de voir mon article publié), comme je travaille à une confrontation entre Louis Destouches et Jean Dubuffet, autre génie français, singulier, solitaire, anarchiste, créateur, lui aussi, d’un style inimitable et d’une œuvre qui ne doit rien à personne.

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C’est en rangeant des papiers, et Dieu sait que ce ne sont pas les papiers à ranger qui manquent chez moi, que je suis tombé sur le Cahier de l’Herne consacré à Léon Bloy. Il faut dire que je croule sous des montagnes de livres en désordre, de dossiers déclassés et de papiers entassés n’importe comment. (…) C’est à l’effondrement d’une pile, haute comme un homme debout, que je dois d’avoir retrouvé ce Cahier Bloy, et c’est à Jean-Paul Louis que cet article doit d’être réédité. (…) Malgré l’envie que j’en avais, je n’ai pas « lifté » ce texte, pas changé un mot ni ajouté ni supprimé quoi que ce soit. Il y manque pourtant quelques citations pour montrer que la violence de Bloy valait bien celle de Céline. Ainsi, dans son journal, le 23 février 1901, au lendemain du décès de la reine d’Angleterre : « Crevaison de l’antique salope Victoria » et, après l’incendie du Bazar de la Charité, à un ami : « ...à la lecture de cet événement épouvantable, j’ai eu la sensation nette et délicieuse d’un poids immense dont on aurait délivré mon cœur. Le petit nombre de victimes, il est vrai, limitait ma joie ». Je m’en veux aussi de n’avoir pas cité Léon Bloy écrivant dans Le Sang du pauvre : « Je vis, ou, pour mieux dire, je subsiste douloureusement et miraculeusement ici, en Danemark, sans moyen de fuir, parmi des protestants incurables qu’aucune lumière n’a visité depuis bientôt quatre cents ans que leur nation s’est levée en masse et sans hésiter une seconde à la voix d’un sale moine pour renier Jésus-Christ... ». Quant aux Danois, il les croyait « ...capables de faire mieux que les bourreaux de Jérusalem ». Un demi-siècle plus tard, écrivant de la prison à sa femme, Céline n’était pas plus indulgent pour ses hôtes : « Nous avons affaire à d’épouvantables danois hypocrites – Toute la férocité des vikings, le mensonge des juifs et l’hypocrisie des protestants – des monstres sans pareil ». Qui peut nier, après avoir lu ces lignes, l’existence de fils invisibles entre ces deux hommes ?

Puisque j’ai pris le parti de republier mon texte sans y rien changer, les voici donc, ces deux monstres, dans l’état où je les ai laissés il y a quelque vingt ans, toujours aussi furieux, teigneux, vociférants, géniaux.

 

François GIBAULT

 

© François Gibault, Céline – Bloy, Du Lérot, 2005, 40 pages. Édition tirée à 400 exemplaires sur bouffant et quelques exemplaires hors commerce sur vélin de Rives réservés à l’auteur (10 €).