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mercredi, 08 septembre 2010

Armin Mohler: Réflexions sur les thèses de Zeev Sternhell

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1986

 

Armin MOHLER:

Réflexions sur les thèses de Zeev Sternhell

 

ZSnidroite.jpgUn livre, paru à Paris en 1983, a complètement bouleversé l'historiographie du fascisme. Ce livre porte le titre de: Ni droite ni gauche. L'idéologie du fascisme en France. Gros de 412 pages, il est publié par les éditions du Seuil, maison pourtant connue pour ses tendances de gauche.

 

L'auteur, Zeev Sternhell, professeur de politologie à l'Université Hébraïque de Jérusalem, est né en Pologne en 1935. Il est actuellement le Directeur du "Centre d'Etudes Européennes" et, peu avant la parution de Ni droite ni gauche, il avait fondé le Centre Interdisciplinaire de Recherche sur la Civilisation Française.

 

Son livre est très dense. Il abonde en outre de répétitions car, ce qui importe pour Sternhell, homme au tempérament fougueux, c'est d'inculquer au lecteur certains jugements  inhabituels. Mais il serait erroné de lui reprocher l'emploi de "concepts vagues". A l'opposé du spécialiste jusqu'ici accrédité de l'étude du fascisme, Ernst Nolte, Sternhell n'a pas reçu de formation philosophique. Il est un authentique historien qui se préoccupe de recenser le passé. Pour lui, chaque réalité historique est "irisable", on ne peut la ramener à un seul concept, il faut en considérer les diverses facettes. Dès lors, contrairement à Nolte, Sternhell ne construit pas un schéma abstrait du fascisme, dans lequel il conviendra d'enserrer ensuite les phénomènes concrets. Il renvoie de préférence ces phénomènes à toute une variété de concepts qu'il puise toutefois dans le vocabulaire politique traditionnel, afin de les cerner et de les localiser.

 

S'il entre dans notre propos de résumer ici un ouvrage aussi complexe, notre exposé ne pourra cependant pas remplacer la lecture de ce livre. Il en est plutôt l'introduction.

 

1. Qui est Zeev Sternhell?

 

1.1. Indubitablement, il est un authentique homme de gauche. Le journal Le Monde  (14.1.1983) déclare à son sujet: Sternhell entra en mai 1977, après la victoire électorale de Begin et la chute du Parti Travailliste, dans la vie politique israëlienne. Il créa le Club 77, un rassemblement d'intellectuels de l'aile d'extrême-gauche du Parti Travailliste. Ce Club s'engagea dans une politique de modération envers le monde arabe et milita pour l'évacuation de la Cisjordanie; en matière de politique interne, il chercha à favoriser une politique aussi "socialiste" que possible, c'est-à-dire accordant le maximum d'égalité. Au sein du Parti Travailliste, Sternhell fait partie d'une minorité, tout en étant membre du Comité Exécutif".

 

1.2. Sternhell est un "gramsciste". A l'instar de toute la gauche revendicatrice et contestatrice de sa génération, il s'est libéré de l'orthodoxie marxiste. Il rejette expressément la conception matérialiste de l'histoire (pp.18-19).

 

A la suite de Gramsci (et a fortiori de l'inspirateur de ce communiste italien, Georges Sorel), Sternhell se rallie à la conception historiographico-philosophique qui veut que les idées ne soient pas le reflet des réalités, mais l'inverse.

 

1.3. Le point de départ de la démarche de Sternhell: le révisionnisme. Le fait que Sternhell se soit consacré à l'étude du fascisme s'explique sans aucun doute par son intérêt pour la biographie des révisionnistes, ceux qui ont tenté de changer et de réformer le marxisme orthodoxe. De Ni droite ni gauche,  il ressort que le révisionnisme de "droite" (p.35) ou révisionnisme "libéral" (p.81), qui mène à des alliances et des compromissions avec le libéralisme bourgeois et qu'incarne un Eduard Bernstein (en France, Jaurès) fascine moins Sternhell que le révisionnisme de "gauche" (p.290), mouvement amorcé par Sorel et les syndicalistes révolutionnaires qui refusaient les "ramollissements" du socialisme et passèrent ultérieurement au fascisme. Sternhell s'intéresse en particulier à un nouveau courant socialiste d'alors qui, dépassant l'opposition Sorel/Bernstein, vit le jour au lendemain de la Grande Guerre: le révisionnisme "planiste" ou "technocratique" (p.36) du socialiste belge Henri De Man et du néo-socialiste français Marcel Déat. Ce révisionnisme-là aboutit directement au fascisme.

 

1.4. Sternhell contre le fascisme de salon. L'orientation "socialiste", qui sous-tend l'étude de Sternhell sur la problématique du fascisme, se traduit par le peu d'intérêt marqué pour les formes de fascismes philosophiques ou littéraires. Trait caractéristique: Sternhell ne mentionne nulle part les deux écrivains les plus importants appartenant au fascisme, Céline et Rebatet. Et Sternhell néglige encore d'autres aspects du fascisme de salon, du fascisme des penseurs "qui finissent leur vie en habit vert" (p.22). Vu les multiples facettes du fascisme français (et européen)(p.21), Sternhell s'adjuge le droit de poser une analyse pars pro toto: il prétend se consacrer en ordre principal à l'étude de secteurs négligés jusqu'ici (p.9).

 

2. La France, modèle du fascisme?

 

2.1. Pourquoi la France?  Le livre de Sternhell veut développer une définition du "fascisme" en se basant sur l'exemple français. Cette intention peut étonner. La France, en effet, si l'on excepte l'intermède de l'occupation allemande, n'a jamais connu un régime qualifiable de "fasciste". L'Italie, l'Allemagne voire l'Espagne seraient à cet égard de meilleurs exemples. Mais Sternhell, nous allons le voir, déploie de très sérieux arguments pour justifier son choix.

 

2.2. Les études antérieures de Sternhell. Ces arguments, pour nous, ne sauraient se déduire des travaux antérieurs de Sternhell, qui portaient tous sur la France. Dès le départ, il orienta son attention vers le fascisme, même s'il l'on peut supposer qu'un changement de perspective aurait pu se produire et lui faire choisir un autre territoire de recherches. Ce que Sternhell découvrit très tôt dans ces secteurs délaissés par la recherche qu'il se trouvait sur la bonne voie. Deux livres aussi copieux avait précédé Ni gauche ni droite. Le premier s'intitulait Maurice Barrès et le nationalisme français  (1972). Le second, La droite révolutionnaire 1885-1914. Les origines françaises du fascisme  (1978), traitait de la même époque historique, mais le grand thème de Sternhell, le fascisme, apparaissait pour la première fois dans le sous-titre. La recherche a imméditament considéré ces deux ouvrages comme des classiques. Les sujets de ces livres sont à la fois plus sectoriels et plus généraux que la thématique du troisième, que nous commentons ici. Dans Ni gauche ni droite, Sternhell cherche à forger un classification globale et détaillée du phénomène fasciste qu'il entend maîtriser conceptuellement.

 

2.3. La France a inventé le fascisme. Le premier argument de Sternhell, pour situer le champ de ses recherches en France, c'est que ce pays a vu naître le fascisme vingt ans avant les autres, notamment vers 1885 (p.41). Sternhell n'emploie qu'occasionnelle- ment le terme de "pré-fascisme" pour qualifier les événements entre 1885 et 1914 (p.21). Une figure comme celle de Maurice Barrès portait déjà en elle les germes de tout le fascisme ultérieur. Et quand j'ai énoncer la même hypothèse en 1958, je me suis heurté à une surprenante incompréhension de la part des experts français...

 

2.4. La France comme contre-modèle. Le second argument qu'avance Sternhell est plus complexe. Il contourne deux écueils. Parmi les grands pays de l'Europe continentale, la France est celui où la position dominante de l'idéologie et de la praxis politique du libéralisme a été la moins menacée, du moins jusqu'à la défaite militaire de 1940 (p.41). Sternhell souligne (p.42) le fait que la révolution libérale la plus importante et la plus exemplaire de l'histoire s'est déroulée dans ce pays et attire notre attention sur les phénomènes du "consensus républicain" (p.43) et du "consensus centriste" (p.52) qui sont les clés de voûte de l'histoire française contemporaine. C'est précisément à cause de ces inébranlables consensus que Sternhell opte pour la France comme champ d'investigation. Car le fascisme, en France, n'est jamais parvenu au pouvoir (p.293) et, écrit Sternhell, "le fascisme n'y a jamais dépassé le stade de la théorie et n'a jamais souffert des compromissions inévitables qui faussent toujours d'une façon ou d'une autre l'idéologie officielle d'un régime. Ainsi on pénètre sa signification profonde et, en saisissant l'idéologie fasciste à ses origines, dans son processus d'incubation, on aboutit à une perception plus fidèle des mentalités et des comportements. Et on comprend mieux, semble-t-il, la complexité des situations et l'ambiguïté des attitudes qui font le tissu des années trente". C'est là, de toute évidence, un principe heuristique, dérivé d'une option radicalement gramsciste qui pose le primat des idées et réfute celui des contraintes factuelles.

 

3. Les problèmes de "périodisation"

 

3.1. Impossibilité de poser des datations exactes. Comme doit le faire tout véritable historien, Sternhell fait varier légèrement les dates. Mis à part pour les événements ponctuels, il n'est pas aisé de fournir des dates précises, bien délimitées dans le temps, pour désigner l'émergeance ou l'assomption d'un courant d'idées politiques. C'est pourquoi Sternhell examine le phénomène "fasciste" dans l'espace d'un demi-siècle.

 

3.2. Continuité entre 1885 et 1940.  Fait essentiel pour Sternhell: cette période est "dans l'histoire de l'Europe, une période véritablement révolutionnai- re". Et il poursuit: "En moins d'un demi-siècle, les réalités sociales, le mode de vie, le niveau technologique et, à beaucoup d'égards, la vision que se font les hommes d'eux-mêmes changent plus profondément qu'à aucun autre moment de l'histoire moderne" (p.45). Dès lors, cette période forme une unité, si toutefois l'on met entre parenthèses les quatre années de la Grande Guerre (pp.19 et 290). Et Sternhell l'écrit expressément: "Au cours de ce demi-siècle, les problèmes de fond n'ont guère varié" (p.60).

 

3.3. Trois générations. Bien qu'il soit conscient de cette continuité, Sternhell procède cenpendant à des subdivisions dans le temps; ainsi, par exemple, quand il parle des "fascistes de 1913" comme des fascistes d'un type particulier. Il distingue trois générations de fascistes (cf. pp. 30, 52 et 60): d'abord les boulangistes et les anti-dreyfusards de la fin des années 80; ensuite, avant 1914, ceux de la "deuxième génération", celle du mouvement des "Jaunes" dans le monde ouvrier et de l'Action Française  de Maurras, qui atteint alors son apogée; en finale, il évoque, comme troisième génération, le "fascisme d'après-guerre".

 

3.4. Le poids d'une époque. Il est à remarquer que Sternhell accorde nettement plus de poids aux premières décennies de l'époque qu'il étudie. Pour lui, sur le plan qualitatif, les années qui précèdent la Grande Guerre revêtent davantage d'importance que les décennies qui les suivirent car, dans cette avant-guerre, tout ce qui est essentiel dans l'élaboration du fascisme doctrinal a été dit et mis en œuvre.

 

4. Prolégomènes du fascisme

 

4.1. Refus de prendre en considération les groupuscules excentriques. Sternhell s'intéresse aux "propagateurs d'idées". Il ne ressent aucune envie de perdre son temps à étudier ce fascisme folklorique de quelques illuminés qui jouent aux brigands, fascisme caricatural dont les médias font leurs choux gras. Il n'a que mépris pour ceux qui axent leurs recherches sur ce type de phénomènes marginaux (p.9): "A l'époque déjà, quand un groupe de la Solidarité française se fait photographier à l'entraînement au pistolet, toute la presse de gauche en parle pendant des semaines: un quelconque défilé de quelques dizaines de "chemises bleues" soulève alors beaucoup plus d'intérêt que le patient travail de sape d'un Thierry Maulnier ou d'un Bertrand de Jouvenel...".

 

4.2. Le fascisme, une idéologie comme les autres. Sternhell parle de la "banalité du fascisme" (p.296): "Dans les années trente, le fascisme constitue une idéologie politique comme les autres, une option politique légitime, un état d'esprit assez courant, bien au-delà des cercles restreints qui assument leur identité fasciste...". Selon Sternhell, le fascisme était "un phénomène possédant un degré propre d'autonomie, d'indépendance intellectuelle" (p.16). Il s'élève contre "le refus fondamental de voir dans le fascisme autre chose qu'un accident de l'histoire européenne" (p.18). Pour Sternhell donc, c'est une erreur de ne considérer le fascisme que comme "une simple aberration, un accident, sinon un accès de folie collective..." (p.18). A la fin de son ouvrage (p.296), Sternhell nous met en garde contre ceux qui propagent l'opinion que les fascistes n'étaient que des "marginaux". Nombreux sont les "fascistes" qui ont été jugés, par leurs contemporains, comme les "plus brillants représentants de leur génération" (Luchaire, Bergery, Marion, de Jouvenel).

 

4.3. Les courroies de transmission. "L'idéologie fasciste constitue, en France, un phénomène de loin plus diffus que le cadre restreint et finalement peu important des adhérents aux groupuscules qui s'affublent de ce titre" (p.310). Deux pages plus loin, Sternhell explique comment il s'est fait que "l'idée fasciste" ait pu se propager dans un milieu si prêt à recevoir son message: "Les fascistes purs furent toujours peu nombreux et leurs forces dispersées. Leur influence véritable s'exercera par une contribution continue à la cristallisation d'un certain climat intellectuel; par le jeu des courroies de transmissions secondaires: des hommes, des mouvements, des revues, des cercles d'études,..." (p.312).

 

4.4. Difficulté de situer sociologiquement le fascisme. Sternhell insiste sur le fait que le fascisme "prolifère aussi bien dans les grands centres industriels de l'Europe occidentale que dans les pays sous-développés d'Europe de l'Est" (p.17). Et il aime se moquer de ceux qui croient pouvoir ranger le fascisme dans des catégories sociales bien déterminées. Il est significatif que Sternhell attire notre attention sur une constante de l'histoire des fascismes: "le glissement à droite d'éléments socialement avancés mais fondamentalement opposés à la démocratie libérale" (p.29). Si cette remarque se vérifie, elle s'opposera à toutes les tentatives de rattacher l'idéologie fasciste à des groupes sociaux trop bien définis.

 

4.5. Pour expliquer le fascisme: ni crises économiques ni guerres. Ce qui m'a frappé aussi chez Sternhell, c'est l'insistance qu'il met à montrer la relative indépendance du fascisme vis-à-vis de la conjoncture (pp.18 et 290). Il ne croit pas que la naissance du fascisme soit due à la pression de crises économiques et, assez étonnamment, estime que la première Guerre mondiale (ou tout autre conflit) a eu peu d'influence sur l'émergence du phénomène. En ce sens, Sternhell s'oppose à la majorité des experts ès-fascisme (pp.96 et 101). C'est dans cette thèse, précisément, que se manifeste clairement l'option "gramsciste" de Sternhell, nonobstant le fait que jamais le nom de Gramsci n'apparaît dans l'œuvre du professeur israëlien. Sternhell ne prend les "crises" au sérieux que lorsqu'il s'agit de crises morales, de crises des valeurs ou de crise globale, affectant une civilisation dans son ensemble.

 

4.6. "Auschwitz" en tant qu'argument-massue n'apparaît nulle part. Sternhell fait preuve d'une étonnante objectivité, ce qui est particulièrement rare dans les études sur le fascisme. Mais une telle attitude semble apparemment plus facile à adopter en Israël qu'à New York ou à Zurich. Ainsi, Sternhell n'hésite pas à reconnaître au fascisme "une certaine fraîcheur contestataire, une certaine saveur de jeunesse" (p.80). Il renonce à toute pédagogie moralisatrice. Mais il est très conscient du "problème de la mémoire", mémoire réprimée et refoulée; il l'évoquera notamment à propos de certaines figures au passé fasciste ou fascisant qui, après 1945, ont opté pour la réinsertion en se faisant les porte-paroles du libéralisme: Bertrand de Jouvenel (p.11), Thierry Maulnier (p.12) et surtout le philosophe du personnalisme, fondateur de la revue Esprit , Emmanuel Mounier (pp 299 à 310).

 

5. La formule du fascisme chez Sternhell

 

5.1. Les carences du libéralisme et du marxisme. Après cette introduction, nous sommes désormais en mesure d'expliciter l'alchimie du fascisme selon Sternhell. Pour cet historien israëlien, le fascisme s'explique en fonction d'un préliminaire historique, sans lequel il serait incompréhensible: l'incapacité du libéralisme bourgeois et du marxisme à assumer les tâches imposées par le XXème siècle.Cette incapacité constitue une carence globale, affectant toute notre civilisation, notamment toutes les institutions, les idéologies, les convictions qu'elle doit au XVIIIème, siècle du rationalisme et du mécanicisme bourgeois. Libéralisme et marxisme sont pour Sternhell les deux faces d'une même médaille. Inlassablement, il souligne que la crise de l'ordre libéral a précédé le fascisme, que cette crise a créé un vide où le fascisme a pu se constituer. Fallait-il  nécessairement que ce fascisme advienne? Sternhell ne se prononce pas, mais toute sa démonstration suggère que cette nécessité était inéluctable.

 

5.2. Révisionnistes de gauche et nationalistes déçus. Généralement, pour expliquer la naissance du fascisme, on évoque la présence préalable d'un nationalisme particulièrement radical et exacerbé. Sternhell, lui, trouve cette explication absurde. D'après le modèle explicatif qu'il nous suggère, l'origine du fascisme s'explique bien davantage par le fait qu'aux extrémités, tant à gauche qu'à droite, du spectre politique, des éléments se sont détachés pour se retrouver en dehors de ce spectre et former un troisième et nouvel élément qui n'est plus ni de gauche ni de droite. Dans la genèse du fascisme, Sternhell n'aperçoit aucun apport appréciable en provenance du centre libéral. D'après lui, le fascisme résulte de la collusion de radicaux de gauche, qui n'admettent pas les compromis des modérés de leur univers politique avec le centre mou libéral, et de radicaux de droite. Le fascisme est, par suite, un amalgame de désillusionnés de gauche et de désillusionnés de droite, de "révisionnistes" de gauche et de droite. Ce qui paraît important aux yeux de Sternhell, c'est que le fascisme se situe hors du réseau traditionnel gauche/centre/droite. Dans l'optique des fascistes, le capitalisme libéral et le socialisme marxiste ne s'affrontent qu'en apparence. En réalité, ils sont les deux faces d'une même médaille. L'opposition entre la "gauche" et la "droite" doit disparaître, afin qu'hommes de gauche et hommes de droite ne soient plus exploités comme chiens de garde des intérêts de la bourgeoisie libérale (p.33). C'est pourquoi la fin du XIXème siècle voit apparaître de plus en plus de notions apparemment paradoxales qui indiquent une fusion des oppositions en vigueur jusqu'alors. L'exemple le plus connu de cette fusion est la formule interchangeable: nationalisme social / socialisme national. Sternhell (p.291) insiste sur la volonté d'aller "au-delà", comme caractéristique du climat fasciste. Le terme "au-delà" se retrouve dans les titres de nombreux manifestes fascistes ou préfascistes: "Au-delà du nationalisme" (Thierry Maulnier), "Au-delà du marxisme" (Henri De Man), "Au-delà du capitalisme et du socialisme" (Arturo Labriola), "Au-delà de la démocratie" (Hubert Lagardelle). Ce dernier titre nous rappelle que le concept de "démocratie" recouvrait le concept de "libéralisme" jusque tard dans le XXème siècle. Chez Sternhell également, le concept de "capitalisme libéral" alterne avec "démocratie capitaliste" (p.27).

 

5.3. L'anti-ploutocratisme. L'homme de gauche qu'est Sternhell prend les manifestations sociales-révolutionnaires du fascisme plus au sérieux que la plupart des autres analystes, historiens et sociologues de son camp. Si Sternhell avait entrepris une étude plus poussée des courants philosophiques et littéraires de la fin du XIXème, il aurait découvert que la haine envers la "domination de l'argent", envers la ploutocratie, participait d'un vaste courant à l'époque, courant qui débordait largement le camp socialiste. Cette répulsion à l'encontre de la ploutocratie a été, bien sûr, un ferment très actif dans la gestation du fascisme. De nombreux groupes fascistes s'aperçurent que l'antisémitisme constituait une vulgarisation de cette répugnance, apte à ébranler les masses. L'antisémitisme, ainsi, offrait la possibilité de fusionner le double front fasciste, dirigé simultanément contre le libéralisme bourgeois et le socialisme marxiste, en une unique représentation de l'ennemi. Parallèlement, cette hostilité envers la ploutocratie pré-programmait très naturellement le conflit qui allait opposer fascistes et conservateurs.

 

5.4. La longue lutte entre conservateurs et fascistes. Vu la définition du fascisme qu'esquisse Sternhell, il n'est guère étonnant qu'il parle d'une "longue lutte entre la droite et le fascisme" (p.20) comme d'une caractéristique bien distincte, quoiqu'aujourd'hui méconnue, de l'époque et des situations qu'il décrit. Et il remarque: "Il en est d'ailleurs ainsi partout en Europe: les fascistes ne parviennent jamais à ébranler véritablement les assises de l'ordre bourgeois. A Paris comme à Vichy, à Rome comme à Vienne, à Bucarest, à Londres, à Oslo ou à Madrid, les conservateurs savent parfaitement bien ce qui les sépare des fascistes et ils ne sont pas dupes d'une propagande visant à les assimiler" (p.20). Aussi Sternhell s'oppose-t-il (p.40) clairement à la classification conventionnelle de la droite française, opérée par René Rémond, qui l'avait répartie en trois camps: les ultras, les libéraux-conservateurs et les bonapartistes. Il n'y a, en fait, jamais eu que deux camps de droite, les libéraux et les conservateurs, auxquels se sont opposés les révolutionnaires, les dissidents et les contestataires.

 

5.5. A la fois révolutionnaires et modernes. Avec ces deux termes, utilisés par Sternhell pour désigner le fascisme, l'historien israëlien a choqué ses collègues politologues. Pour lui, en effet, le fascisme est un phénomène réellement révolutionnaire et résolument moderne. "Une idéologie conçue comme l'antithèse du libéralisme et de l'individualisme est une idéologie révolutionnaire". Plus loin (p.35), Sternhell expose l'idée, d'après lui typiquement fasciste, selon laquelle le facteur révolutionnaire qui, en finale, annihile la démocratie libérale est non pas le prolétariat, mais la nation. Et il ajoute: "C'est ainsi que la nation devient l'agent privilégié de la révolution" (p.35). Les passages évoquant le modernisme du fascisme sont tout aussi surprenants. A propos d'un de ces passages (p.294), on pourrait remarquer que cette attribution de modernisme ne concerne que les fascismes italien et français:"Car le fascisme possède un côté moderniste très développé qui contribue à creuser le fossé avec le vieux monde conservateur. Un poème de Marinetti, une œuvre de Le Corbusier sont immédiatement adoptés par les fascistes, car, mieux qu'une dissertation littéraire, ils symbolisent tout ce qui sépare l'avenir révolutionnaire du passé bourgeois". Un autre passage s'adresse clairement au fascisme dans son ensemble: "L'histoire du fascisme est donc à beaucoup d'égard l'histoire d'une volonté de modernisation, de rajeunissement et d'adaptation de systèmes et de théories politiques hérités du siècle précédent aux nécessités et impératifs du monde moderne. Conséquence d'une crise générale dont les symptômes apparaissent clairement dès la fin du siècle dernier, le fascisme se structure à travers toute l'Europe. Les fascistes sont tous parfaitement convaincus du caractère universel du courant qui les guide, et leur confiance dans l'avenir est dès lors inébranlable".

 

6. Eléments particuliers de l'idéologie fasciste

 

6.1. L'anti-matérialisme. Puisque, pour Zeev Sternhell, le fascisme n'est pas simplement le produit d'une mode politique, mais une doctrine, il va lui attribuer certains contenus intellectuels. Mais comme ces contenus intellectuels se retrouvent également en dehors du fascisme, ce qui constitue concrètement le fascisme, c'est une concentration d'éléments souvent très hétérogènes en une unité efficace. Citons les principaux éléments de cette synthèse. Sternhelle met principalement l'accent sur l'anti-matérialisme (pp. 291 & 293): "Cette idéologie constitue avant tout un refus du matérialisme, c'est-à-dire de l'essentiel de l'héritage intellectuel sur lequel vit l'Europe depuis le XVIIème siècle. C'est bien cette révolte contre le matérialisme qui permet la convergence du nationalisme antilibéral et antibourgeois et de cette variante du socialisme qui, tout en rejetant le marxisme, reste révolutionnaire...Tout anti-matérialisme n'est pas fascisme, mais le fascisme constitue une variété d'anti-matérialisme et canalise tous les courants essentiels de l'anti-matérialisme du XXème siècle...". Sternhell cite également les autres éléments de l'héritage auquel s'oppose le fascisme: le rationalisme, l'individualisme, l'utilitarisme, le positivisme (p.40). Cette opposition indique que cet anti-matérialisme est dirigé contre toute hypothèse qui voudrait que l'homme soit conditionné par des données économiques. C'est quand Sternhell parle de la psychologie que l'on aperçoit le plus clairement cette opposition. Ainsi, il relève (p. 294) que les "moralistes" Sorel, Berth et Michels "rejettent le matérialisme historique qu'ils remplacent par une explication d'ordre psychologique". "Finalement", poursuit Sternhell, "ils aboutissent à un socialisme dont les rapports avec le prolétariat cessent d'être essentiels".Et il insiste: "Le socialisme commence ainsi, dès le début du siècle, à s'élargir pour devenir un socialisme pour tous, un socialisme pour la collectivité dans son ensemble,..." (p. 295). Plus explicite encore est un passage relatif au révisionnisme de Henri De Man, qui, lui, cherche la cause première de la lutte des classes "moins dans des oppositions d'ordre économique que dans des oppositions d'ordre psychologique".

 

6.2. Les déterminations. Il serait pourtant faux d'affirmer que, pour le fascisme, l'homme ne subit aucune espèce de détermination. Pour les intellectuels fascistes, ces déterminations ne sont tout simplement pas de nature "mécanique"; entendons par là, de nature "économique". Comme l'indique Sternhell, le fasciste ne considère pas l'homme comme un individu isolé, mais comme un être soumis à des contraintes d'ordres historique, psychologique et biologique. De là, la vision fasciste de la nation et du socialisme. La nation ne peut dès lors qu'être comprise comme "la grande force montante, dans toutes ses classes rassemblées" (p. 32). Quant au socialisme, le fasciste ne peut se le représenter que comme un "socialisme pour tous", un "socialisme éternel", un "socialisme pédagogique", un "socialisme de toujours", bref un socialisme qui ne se trouve plus lié à une structure sociale déterminée (Cf. pp. 32 & 295).

 

6.3. Le pessimisme. Sternhell considère comme  traits les plus caractéristiques du fascisme "sa vision de l'homme comme mu par des forces inconscientes, sa conception pessimiste de l'immuabilité de la nature humaine, facteurs qui mènent à une saisie statique de l'histoire: étant donné que les motivations psychologiques restent les mêmes, la conduite de l'homme ne se modifie jamais". Pour appuyer cette considération, Sternhell cite la définition du pessimisme selon Sorel: "cette doctrine sans laquelle rien de très haut ne s'est fait dans le monde" (p. 93). Cette définition rappelle en quoi consiste le véritable paradoxe de l'existentialité selon les conservateurs: la perception qu'a l'homme de ses limites ne le paralyse pas, mais l'incite à l'action. L'optimisme, au contraire, en surestimant les potentialités de l'homme, semble laisser celui-ci s'enfoncer sans cesse dans l'apathie.

 

6.4. Volontarisme et décadence. Sternhell, qui n'est pas philosophe mais historien, n'est nullement conscient de ce "paradoxe du conservateur". Il constate simplement la présence, dans les fascismes, d'une "énergie tendue" (p. 50) et signale sans cesse cette volonté fasciste de dominer le destin (pp. 65 & 294). Sternhell constate que le problème de la décadence inquiète le fasciste au plus haut point. C'est la raison pour laquelle celui-ci veut créer un "homme nouveau", un homme porteur des vertus classiques anti-bourgeoises, des vertus héroïques, un homme à l'énergie toujours en éveil, qui a le sens du devoir et du sacrifice. Le souci de la décadence aboutit à l'acceptation de la primauté de la communauté sur l'individu. La qualité suprême, pour un fasciste, c'est d'avoir la foi dans la force de la volonté, d'une volonté capable de donner forme au monde de la matière et de briser sa résistance. Sternhell se livre à de pareilles constatations jusqu'à la dernière ligne de son ouvrage; ainsi, à la page 312: "Dans un monde en détresse, le fascisme apparaît aisément comme une volonté héroïque de dominer, une fois encore, la matière, de dompter, par un déploiement d'énergie, non seulement les forces de la nature, mais aussi celles de l'économie et de la société".

 

6.5. La question de la vérité. D'une part, le pessimisme; d'autre part, le volontarisme. Pour une pensée logique, ce ne pourrait être là qu'un paradoxe. Mais le fascisme se pose-t-il la question de la vérité? Voyons ce que Sternhell déclare à propos de l'un des "pères fondateurs" du fascisme: "Pour un Barrès par exemple, il ne s'agit plus de savoir quelle doctrine est juste, mais quelle force permet d'agir et de vaincre" (p. 50). Comme preuve du fait que le fascisme ne juge pas une doctrine selon sa "vérité", mais selon son utilité, Sternhell cite Sorel au sujet des "mythes" qui, pour l'auteur des Réflexions sur la violence, constituent le moteur de toute action: "...les mythes sont des "systèmes d'images" que l'on ne peut décomposer en leurs éléments, qu'il faut prendre en bloc comme des forces historiques... Quand on se place sur le terrain des mythes, on est à l'abri de toute réfutation..." (pp. 93 & 94).

 

En résumé...

 

Nous n'avons pu recenser le livre de Sternhell que dans ses lignes fondamentales. Nous avons dû négliger bien des points importants, tels son allusion à la "nouvelle liturgie" comme partie intégrante du fascisme (p. 51), à son anti-américanisme latent (même avant 1914) (p. 290); nous n'avons pas approfondi sa remarque signalant que, pour le fascisme, la lutte contre le libéralisme intérieur a toujours été plus importante que la lutte menée contre celui-ci pas certains dictateurs... (p. 34). En tant que recenseur, je me permets deux remarques, pouvant s'avérer utiles pour le lecteur allemand. D'abord, l'Allemagne n'est que peu évoquée chez Sternhell. En fait de bibliographie allemande, il ne cite que les livres de Nolte traduits en français; on peut dès lors supposer qu'il ne maîtrise pas la langue de Goethe. Ma seconde remarquer sera de rappeler au lecteur allemand ma tentative de redonner une consistance au concept de "fascisme", en le limitant à un certain nombre de phénomènes historiques (Cf. Der faschistische Stil, 1973; trad.franç.: Le "style" fasciste, in Nouvelle Ecole, n°42, été 1985). Sternhell, pour sa part, a donné au terme "fascisme" une ampleur énorme. Son effort est justifiable, dans la mesure où sa vaste définition du "fascisme", au fond, correspond à ce que je désignais sous l'étiquette de "révolution conservatrice". Bref, on peut dire du livre de Sternhell qu'il a envoyé au rebut la plupart des travaux consacrés jusqu'ici à l'étude du fascisme...

 

Armin MOHLER.

(recension tirée de la revue Criticón, Munich, n°76, mars-avril 1983; traduction française d'Elfrieda Popelier).     

 

jeudi, 02 septembre 2010

Expulsions de Roms: agitation et poudre aux yeux électoraliste?

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Expulsions de Roms : agitation et poudre aux yeux électoraliste ?

Ex: htp://blogchocdumois.hautetfort.com/

Si une majorité de français voit avec soulagement le démantèlement des campements sauvages de Roms et l’expulsion du territoire d’un certain nombre d’entre eux, il ne faut pas perdre de vue que ces grandes manœuvres sarkozystes ont essentiellement, pour ne pas dire uniquement, une visée électoraliste, leur utilité réelle étant plus que contestable (doux euphémisme).

En effet à quoi riment ces expulsions fort coûteuses vers un Etat européen dont les frontières ont été totalement démantelées par l’idéologie libérale de Bruxelles (comme d’ailleurs c’est le cas pour tous ses homologues de l’UE )?
Ces « charters » si médiatisés ne font finalement que déplacer le problème dans le temps, le gouvernement français n’ayant absolument aucun moyen d’empêcher le retour de ces expulsés de courte durée.

Encore une fois, le traitement du problème choisi par Nicolas Sarkozy est totalement inadapté à la situation.  En effet, il est absurde de vouloir traiter la question des Roms, peuple nomade par nature ayant toujours fait partie de l’histoire européenne,  de la même façon qu’on le ferait pour l’immigration maghrébine ou africaine. Renvoyer « chez eux » des gens dont la patrie est le voyage, il faut  bien avoir le cerveau d’un énarque pour envisager une si brillante solution.
La délinquance de certains Roms ne doit pas être confondue avec d’autres phénomènes liés en effet, eux, à l’absence de contrôle des flux migratoires et aux tensions ethnico-culturelles qui en découlent, le tout saupoudré de confrontations religieuses sur fond de problématiques internationales. La délinquance des Roms est un problème de simple police qu’une application ferme et volontaire de la loi suffirait à juguler.

Par ailleurs, alors que certains, éternels naïfs et futurs cocus, s’enthousiasment à nouveau, comme en 2007, face au discours droitier et à l’attitude en apparence « sécuritaire » de Nicolas Sarkozy, il convient de rappeler encore une fois le bilan totalement catastrophique du président sur les questions de la sûreté publique et de l’immigration.

On sait bien que cela ne sert à rien, tant l’électeur « de droite » semble avoir une inclination intime pour la persévérance dans l’erreur suicidaire, mais cela fait quand même du bien de le rappeler.

Xavier Eman

dimanche, 22 août 2010

We Anti-Moderns

We Anti-Moderns

Ex: http://www.counter-currents.com/

Antoine Compagnon
Les antimodernes:
De Joseph de Maistre à Roland Barthes
Paris: Gallimard, 2005

“Ce qu’on appelle contre-révolution ne sera
point une révolution contraire, mais le
contraire de la révolution.”
—Joseph de Maistre

joseph-de-maistre-source-catholicism-org.jpgThough Antoine Compagnon’s eloquently written and extensively researched essay won a number of prizes and set off a stir among France’s literati, there is little to recommend it here—except for its central theme, which speaks, however implicitly, to the great question of our age in defining and classifying a form of thought whose mission is to arrest modernity’s seemingly heedless advance toward self-destruction.

The antimoderne, Compagnon argues, was born with the birth of liberal modernity. Neither a reactionary nor an antiquarian, the anti-modernist is himself a product of modernity, but a “reluctant” one, who, in the last two centuries, has been modernity’s most severe critic, serving as its foremost counter-point, but at the same time representing what is most enduring and authentic in the modern. This makes the antimoderne the modern’s negation, its refutation, as well as its double and its most authentic representative. As such, it is inconceivable without the moderne, oscillating between pure refusal and engagement. The anti-modernist is not, then, anyone who opposes the modern, but rather those “modernists” at odds with the modern age who engage it and theorize it in ways that offer an alternative to it.

Certain themes or “figures” distinguish anti-modernism from academism, conservatism, and traditionalism. Compagnon designates six, though only four need mentioning. Politically, the antimoderne is counter-revolutionary; unlike contemporary conservatives, his opposition to modernity’s liberal order is radical, repudiating its underlying premises. Philosophically, the antimoderne is anti-Enlightenment; he opposes the disembodied rationalism born of the New Science and its Cartesian offshoot, and he sides with Pascal’s contention that “the heart has its reasons that reason knows not.” Existentially, the antimoderne is a pessimist, rejecting the modern cult of progress, with its feel-good, happy-ending view of reality. Morally or religiously, the antimoderne accepts the doctrine of “original sin,” spurning Rousseau’s Noble Savage and Locke’s Blank Slate, along with all the egalitarian, social-engineering dictates accompanying modernity’s optimistic onslaught.

The greatest and most paradigmatic of the antimoderns was Joseph de Maistre (1753–1821). Prior to the Great Revolution of 1789, which ushered in the modern liberal age, Maistre had been a Freemason and an enthusiast of the Enlightenment. The Revolution’s wanton violence, combined with Burke’s Reflections, helped turn him against it. Paradoxically indebted to the style of Enlightenment reasoning, his unorthodox Catholic critique of the Revolution became the subsequent foundation not only for the most meaningful distillations of Continental conservatism, but of the antimodern project.

The tenor of Maistre’s anti-modernism is probably best captured in his contention that the counter-revolution would not be a negation of the Revolution, but its dépassement (i.e., its overtaking or transcendence). Unlike certain reactionary anti-revolutionaries who sought a literal restoration of the old regime, the grand Savoyard realized the Revolution had wreaked havoc upon Europe’s traditional order, and nothing could ever be done to undo this, for history is irreversible. The counter-revolution would thus have to be revolutionary, going back not to the old regime, but beyond it, to a new order representing both the Revolution’s completion and transcendence. In this sense, the anti-modern project—by rejecting what is decadent and perverted in the modern, while defending what is great and necessary in it—holds out the prospect of rebirth.

Between the Great Revolution and the Second World War, as anti-modernists were excluded from the leading spheres of French political and social life, they took refuge, Compagnon argues, in literature and letters—their “ideological resistance [being] inseparable from [their] literary audacity.” Balzac, Baudelaire, Flaubert, Proust, Péguy, Céline—to name those most familiar to English-speaking readers—are a few of the great figures of French literature who, in implicit dialogue with Maistre, resisted the modern world in modernist ways. (Not coincidentally, for it was also a European phenomenon, the great Welsh Marxist scholar, Raymond Williams, makes a similar argument for English literature in his Culture and Society, 17801950 [1958], though in anti-capitalist rather than anti-modernist terms.)

But if Compagnon develops a suggestive term to designate the nineteenth- and twentieth-century resistance to modern liberal dogmas, he himself is no anti-modernist—which is what one would expect from this professor of French literature occupying prestigious chairs at both the Sorbonne and Columbia University. For anti-modernism is not simply modernity’s aesthetic auxiliary, as Compagnon would have it, but an ideological-cultural tradition frontally challenging the modern order. Given, moreover, the anti-liberal and frequently anti-Semitic implications of the anti-modern temper, as well as its uncompromising resistance to the reigning powers, no feted representative of the system’s academic establishment could possibly champion its tenets. Thus, despite Compagnon’s invaluable designation of one of the great figures opposing modernity’s destructive onslaught, he not only characterizes the antimoderne in exclusively literary terms, missing thereby its larger historical manifestations and contemporary relevance, he never actually comes to term with its defining antonym: the “moderne.”

The concept of modernity, though, is crucial not only to an understanding of the anti-modern, but to an understanding of—and hence resistance to—the forces presently threatening the European life world. There are, of course, a number of different ways to understand these anti-white threats. In an earlier piece in TOQ, I argued that they stem ultimately from the ontological disorder (“consummate meaninglessness”) that marks the foundation of the modern age. Others in these pages have pointed to the Jewish “culture of critique” and the managerial revolution of the Thirties, both of which throw light on the subversive forces threatening us. At other venues, there are those emphasizing the predatory nature of international capitalism, the suicidal disposition of our secular, humanist civilization, or the complex and perplexing forces of modern structural differentiation, to mention just a few of the contending interpretations. Because the historical process is a complicated affair and rarely lends itself to a single monolithic interpretation, the wisest course is probably an eclectic one accommodating a variety of interpretations.

However, if it were necessary to put a single label on the historical process responsible for the “decomposition and involution” preparing the way for our collective demise as a race and a culture, the best candidate in my view is the admittedly imprecise and difficult to define term “modernity”—and its variants (modernism, modernization, modern times, etc.). Over the last century and a half, some of our greatest thinkers have wrestled with this term, offering a variety of not always compatible interpretations of that “certain something” which distinguishes modern life from all former or traditional modes of existence. Compagnon adopts the view of Baudelaire, who invented the term, defining “modernité” as an experience “which is always changing, which does not remain static, and which is most clearly felt in the [bustling] metropolitan center of the city [where everything is] constantly subject to renewal.” The Baudelairian conception, like other interpretations of the modern stressing its fleeting, fragmented, and discordant nature, relates back to the Latin modernus or the early French modo, meaning “just now”—that is, something that is of present and not of past or “old-fashioned” times. In this sense, it is associated, positively, with the new, the improved, the unquestionably superior; negatively, with the ephemeral, the fashionable, and the superficial.

Here is not the place to review the history of this key term. Suffice it to note that the modernist sees life in the present as fundamentally and qualitatively different from life in the past. In contrast to traditionalists, who view the present as a continuation, a transmission, and a recuperation of the past, modernists (and today we are all, to one degree or another, modernists) emphasize discontinuity, favoring reason’s endless capacity to create ever more desirable forms of existence, opposing, thus, the historic, organic, and traditional orders of earlier social forms and identities. Racially, culturally, and in other ways, modern civilization cannot, then, but pursue its abstract, disordering cult of progress in a manner that contests who we are.

There is also a geography to modernity. It began as a European idea, but its fullest historical realization came in lands where the European tradition was weakest, specifically in America (“the home of unrelenting progress . . . where tomorrow is always better than today”) and, to a lesser extent, Soviet Russia. Thus it was that up to 1945 anti-modernists dominated European literature and letters and anti-modernist principles not infrequently found their way into the European public sphere. Since das Jahre Null, however, all has changed, and anti-modernists have been largely exiled to Samizdat and marginal publications—a sign of modernity’s increasingly totalitarian disposition to regulate, level, and homogenize for the sake of America’s modern “way of life.”

Flawed as it may be, Compagnon’s book not only helps us rediscover the anti-modern tradition that stands as an antidote to a runaway modernity, it comes at a time when modern civilization, in the form of globalization, faces its gravest crisis. Phillipe Grasset (at dedefensa.org), arguably the greatest living student of modern, especially American, civilization, claims that a triumphant modernity is today completely unchained, drunk on its own power, as it remakes the planet and transforms our lives in ways that destructure all known identities and beliefs. Like earlier French Jacobins, who exported their revolution to the rest of Europe, American Jacobins in the White House and on Wall Street are today imposing their revolutionary disorder on the rest of the world, as they turn it into a monochrome, amorphous herd of consumers shorn of everything that has traditionally been the basis of our civilization.

A single force compels the spiritless modernism of these latter-day Jacobins: the chaos-creating imperatives of their techno-economic cult of progress, which runs roughshod over every organic, historic, and traditional reference. Evident in Iraq, along our southern border, and in the antechambers of the European Commission, they thrive not just on the illusion that the past is discontinuous with the present, but on a “virtualism” whose artificial and self-serving constructions bear little relationship to the realities they endeavor to affect. As one White House official said to a New York Times reporter (October 17, 2004) on the subject of Bush’s “faith-based community”: “When we act, we create our own reality.” The modernist is prone, thus, to taking refuge in the illusory idea he makes of reality. This “virtualist” affirmation of illusion as reality inevitably leads to chaos, madness, and a world which is no longer our own.

Because our age’s defining conflict increasingly revolves around the battle between a destructuring modernity, in the form of globalism, and the anti-modernist forces of order rooted in the cultural and genetic heritage defining the European, the anti-modernist project has never been more pertinent. In Grasset’s view, what is at stake in this conflict is “the consciousness of existing as a specific phenomenon”—that is, identity. For as the modernist impetus of an American-driven globalism imposes its virtualist identities (based on creedal abstractions, not history, nature, or tradition), it clashes with the anti-modern project of forging an identity based on a synthesis of primordial identities and modern imperatives, as the temporal and the untimely meet and merge in a higher dialectic.

Throughout the nineteenth century and into the first half of the twentieth century, anti-modernists commanding the cultural heights of modern civilization were able, at times, to mitigate modernity’s destructive import. Since the American triumph of 1945, especially since 1989, as liberals and globalists subjected the spirit to new, more iron forms of conformity, this has changed, and anti-modernist writers and critics have been systematically purged from the public sphere.

The anti-modern, though, is not so easily suppressed, for it is the voice of history, heritage, and a reality that refuses to adapt to the modernist’s Procrustean demands.

Banned now from literature and letters, it is shifting to other fields. With the terrorist assault of 9/11, fourth-generation war in Iraq, the European referendum of 2005, etc.—the anti-modern forces of history and heritage continue to make themselves felt, for as our clueless modernists fail to understand, the past is never dead and gone.

TOQ, vol. 7, no. 4, Winter 2007–2008

König Schwein

König Schwein

Karlheinz WEISSMANN

ex: http://www.sezession.de/

Jürg Altwegg ist ein Konformist. Nicht ganz, das gehört sich für einen Intellektuellen, aber in der Hauptsache. Der Schweizer Journalist ist in allen deutschen Feuilletons wohlgelitten. Ein Linksliberaler der üblichen Sorte und Veteran im Kampf gegen „rechts“. Andere Gefahren gab es für Altwegg bis dato nicht. Er hat einen Namen als Naziriecher und in Deutschland wesentlich zur Diffamierung der Nouvelle Droite beigetragen („Nach den Büchern die Bomben von rechts“); Alain de Benoist erscheint bei ihm immer noch als „Faschist“.

Wenn ein Konformist erkennbar seine Auffassung ändert, dann hat das im allgemeinen damit zu tun, daß er eine Korrektur der Generaltendenz wittert. So muß man sich wohl den neuesten Beitrag Altweggs für die FAZ erklären. In der heutigen Ausgabe geht es um den „Kulturkampf“, der in Frankreich wegen des Beginns des Ramadans ausgebrochen ist, um die Konjunktur von Halal-Produkten und den allfälligen Protest von Brigitte Bardot gegen das Schächten, das in französischen Schlachthöfen allgemein üblich wird, über die Sperrung einer Straße in Paris wegen des Freitagsgebets und die Wutausbrüche wegen einer Vorspeise mit „Wurst und Wein“ im Pariser Araberviertel Goutte d’ Or, aber auch um die Weigerung der traditionellen Medien, die Konflikte zwischen Moslems und Nichtmoslems zur Kenntnis zu nehmen.

Der Vorstoß des Nachrichtenmagazins L’ Express, das einige ungeschminkte Berichte brachte, scheiterte an der Heftigkeit der Leserreaktionen. Die Kommentarseiten der Internetpräsenz mußten geschlossen werden. Im Netz tobt der „Kulturkampf“ allerdings weiter, und Altwegg äußert Zweifel, daß es bei verbalen Exzessen bleiben wird. Er zitiert einen Rap-Clip mit dem Text „Hier wo das Schwein König ist / Haß über die Kinder von Jeanne d’ Arc / hoch und kurz werden wir sie aufhängen.“

Altweggs Hinweis, daß ähnliche Aussagen von Rechtsradikalen mit Verboten geahndet würden, zeigt nur, daß er bestenfalls am Anfang eines Erkenntnisprozesses steht. Der „Faschismus“, den er bisher bekämpfte, war ein marginales Phänomen und insofern ungefährlich, der religiöse Fanatismus, um den es jetzt geht, tritt massenhaft auf, ist tatsächlich „extremistisch“ und ihm ist auf die übliche Weise ganz sicher nicht beizukommen, mehr noch, sein Erstarken hat mit dem zu tun, was Altwegg und die vielen anderen seines Schlages vorzubereiten geholfen haben.

samedi, 14 août 2010

A.M. Le Pourhiet: la discrimination positive marque le "retour au droit des orangs-outans"

Anne-Marie Le Pourhiet : la discrimination positive marque le « retour au droit des orangs-outans »

Ex: http://www.communautarisme.net/

Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public à l’Université Rennes-I, se livre dans cet entretien à l'Observatoire du communautarisme à une dénonciation en règle des principes de la discrimination positive et du règne du politiquement correct qui pèse chaque jour davantage sur le débat public. Rappel des principes républicains élémentaires, défense de l'assimilation comme modèle historique, du droit à la distinction et au jugement et critique de l'indifférenciation postmoderne : un entretien tonitruant et décapant !



Anne-Marie Le Pourhiet (droits réservés)
Anne-Marie Le Pourhiet (droits réservés)
Entretien réalisé par courrier électronique

B[Observatoire du communautarisme : Quels sont les principes de la discrimination positive ?]b

B[Anne-Marie Le Pourhiet :]b Le terme de discrimination lui-même est aujourd’hui tellement galvaudé qu’on ne sait plus du tout de quoi l’on parle. Il paraît donc nécessaire de « déconstruire » un peu notre sujet.

Le mot « discriminer » n’a a priori aucun sens péjoratif ou répréhensible puisqu’il désigne simplement le fait de distinguer, séparer, sélectionner ou discerner et vous m’accorderez qu’il est en principe tout à fait louable de savoir distinguer les êtres, les choses, les caractères ou les oeuvres. Il est rassurant de jouir de ses « facultés de discernement » et c’est le contraire qui est jugé inquiétant par le corps médical. Savoir distinguer un homme courageux d’un lâche, un homme vertueux d’un fainéant, un savant d’un ignorant, le permis de l’interdit ou encore un chef d’œuvre d’un barbouillage est traditionnellement une qualité.
Il se trouve cependant que par un glissement sémantique dont on ignore l’origine mais qui est peut-être lié au goût postmoderne pour l’indifférenciation, le terme de discrimination a acquis une signification essentiellement péjorative désignant des distinctions arbitraires et mal fondées. Dès lors, une discrimination devient une sélection négative préjudiciable à celui qui la subit au point d’être moralement et/ou juridiquement condamnée. C’est ce qui résulte clairement de la politique dite de « lutte contre les discriminations ». On n’affirme pas haut et fort vouloir lutter contre de bonnes actions. En conséquence, parler de discrimination positive n’a a priori pas de sens puisque cela revient à reconnaître un caractère positif à ce contre quoi on prétend lutter y compris pénalement ! Il faut donc être cohérent : si la discrimination c’est le mal, alors toutes les discriminations sont mauvaises, sans exception.

La vérité est cependant plus complexe car elle est essentiellement idéologique.

Tout d’abord, il n’est plus certain que la capacité de discernement soit encore perçue comme une qualité dans nos sociétés. Distinguer une tenue de sport d’une tenue de classe et s’étonner qu’une élève vienne au collège en jogging constitue désormais une « humiliation », de même que rendre les copies par ordre de notes décroissantes (Le Monde, 14 septembre 2005) ; qualifier un certain art contemporain d’« excrémentiel » est un scandale ; distinguer les sexes et les âges est pénalement répréhensible tandis que différencier l’enfant légitime de l’enfant adultérin est civilement inacceptable ; donner une dictée ou une dissertation à faire à des élèves ou candidats est un « mode de reproduction des inégalités sociales » ; vouloir sélectionner à l’entrée des Universités est une faute politique impardonnable. De façon plus générale, sélectionner, préférer, hiérarchiser ou tout simplement juger est devenu révélateur d’une « phobie » c'est-à-dire d’une maladie mentale à soigner d’urgence par les moyens idoines. Dans ces conditions, le terme de discrimination est évidemment voué à un usage illimité et la « Haute Autorité » en charge de la lutte contre cette infamie à un fabuleux destin de Big Brother. L’« apparence physique » étant récemment devenue un motif de discrimination sanctionné par le droit français on se demande comment les agences de mannequins et le concours de Miss France sont encore tolérés.
Il est donc désormais interdit de discriminer sauf ... quand il s’agit d’attribuer des privilèges à ceux qui ont la chance d’appartenir au club très prisé des « dominés ». Femmes, handicapés, « issus de l’immigration africaine et maghrébine », homo-bi-trans-sexuels, originaires de régions « à identité forte », etc. ont le droit de bénéficier d’avantages refusés aux hommes mâles, blancs, valides, hétérosexuels et originaires de régions hexagonales à … identité faible. Voilà très exactement ce qu’est une discrimination « positive » : un passe-droit reconnu aux membres de catégories ethnico-culturelles ou sexuelles ayant réussi à se forger un statut de victimes d’une domination perpétrée par une catégorie de bourreaux qui ne sera donc pas fondée à s’en plaindre. Préférer une femme à un homme n’est pas répréhensible, c’est, au contraire une discrimination « positive » fortement encouragée. Préférer recruter un chômeur français qu’un étranger est révélateur d’une « xénophobie populiste » mais réserver les emplois et professions des collectivités d’Outre-mer aux autochtones est une judicieuse prise en compte de la « situation de l’emploi local ». La « Haute Autorité » précitée devrait plutôt s’intituler de « lutte contre certaines discriminations seulement ».
Mais le terme de discrimination positive est un oxymore si flagrant et révélateur de l’imposture intellectuelle qu’il désigne que les promoteurs de cette politique de passe-droit le laissent aujourd’hui au placard pour lui préférer une terminologie plus neutre et moins voyante du type « promotion de l’égalité des chances » ou « diversité ».
Il existe aussi une autre forme de camouflage terminologique qui consiste à utiliser, au contraire, la notion de discrimination positive tous azimuts pour tenter de la banaliser en la neutralisant. C’est ce qu’a tenté de faire Eric Keslassy
dans son livre consacré aux discriminations positives. On prétendra alors voir des discriminations positives dans la moindre subvention aux agriculteurs, prime à la délocalisation d’entreprise ou à l’emploi dans les zones rurales. Une dispense de concours d’entrée dans une grande école pour les candidats à la peau basanée sera ainsi mise sur le même plan que l’adoption d’une mesure fiscale d’aménagement du territoire … anodine et inoffensive donc. La stratégie consiste à feindre de confondre discrimination positive et politique publique prioritaire. Dans ces conditions la loi de finances de l’année n’est plus qu’une collection de discriminations positives et on réussit ainsi à « noyer le poison ».
Personnellement, je ne considère pas la politique des zones d’éducation prioritaires comme une discrimination, c’est une priorité scolaire comme tant d’autres. Quand il faut rénover cinquante lycées il faut bien hiérarchiser les urgences et commencer par les plus abîmés. Un instituteur qui s’attarde à l’école pour aider à faire ses devoirs un élève qui a de mauvaises conditions de travail chez lui ne pratique pas une discrimination, en revanche s’il s’amuse à le dispenser d’épreuve ou à lui remonter ses notes il trahit l’esprit républicain et renie son métier. C’est toute
la différence entre le système de l’ESSEC et celui de Sciences-Po : le premier aide à affronter l’obstacle alors que le second l’enlève, le premier respecte la règle du jeu méritocratique le second la bafoue, il triche. La raison pour laquelle la vraie discrimination positive, celle qui déroge à la règle, est si sulfureuse c’est qu’elle transgresse précisément nos grands interdits républicains, philosophiques et juridiques.


B[OC : En quoi sont-ils opposés aux principes de la République française ?]b

B[AMLP :]b Dans notre pays où la Révolution a substitué le droit écrit à la coutume et donc l’autodétermination à la tradition, les principes de la République ne sortent pas de l’air du temps mais de textes explicites auxquels il suffit de se référer pour comprendre en quoi la discrimination positive est en totale contradiction avec ces valeurs. Je constate souvent que pas un seul de nos dirigeants n’est capable de citer un article de la Déclaration de 1789 ou de la Constitution de 1958 et qu’en particulier, le Président de la République, pourtant garant de notre texte fondamental, semble ignorer copieusement son contenu. Lisons-le.
I[« Les hommes naissent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune »]i (article 1er de la Déclaration de 1789), « La loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège soit qu’elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » (article 6). I[« Tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance possède des droits inaliénables et sacrés »]i (préambule de la Constitution de 1946, alinéa 1), « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme » (alinéa 3). La France « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion » (préambule de la Constitution de 1958).
Tous ces textes ont pleine valeur constitutionnelle et sont d’une parfaite clarté : ils proclament l’égalité de droit, elle-même consubstantielle à la liberté, mais aucunement une égalité de fait. C’est Marx qui a précisément critiqué le caractère formel des libertés révolutionnaires en les qualifiant de libertés bourgeoises que seules les nantis auraient les moyens d’exercer. Mais il s’inscrivait ouvertement dans une remise en cause radicale de ces conceptions. Or on constate aujourd’hui que de nombreux hommes politiques, militants ou « sociologues » en arrivent à revendiquer une rupture de l’égalité juridique et une remise en cause de ces principes explicites en invoquant pourtant les valeurs de la République, c’est un comble ! On convie la République à sa répudiation, quelle imposture !
Lorsque le Conseil constitutionnel explique, en 1982 et en 1999, que « ces principes constitutionnels s’opposent à toute division par catégories des électeurs ou des éligibles » et qu’il invalide en conséquence les quotas par sexe ou la parité dans les élections, il applique à la lettre et dans son esprit la philosophie juridique de la République française. En contournant cette jurisprudence pour pouvoir imposer la parité, le pouvoir politique a donc délibérément écarté les valeurs de la République et introduit une contradiction fondamentale au sein du texte constitutionnel. De même, en consacrant une « préférence autochtone » en matière d’accès aux emplois et professions et même à la propriété foncière en Nouvelle-Calédonie puis dans toutes les collectivités d’Outre-mer régies par le nouvel article 74 de la Constitution, la droite et la gauche françaises confondues ont renié l’article 1er qui interdit les distinctions entre citoyens français fondées sur la race ou l’origine. Lorsque Monsieur Baroin ose citer l’Outre-mer comme modèle de non-discrimination (Le Figaro du 12 juillet 2005) il oublie les « horreurs constitutionnelles » qui ont été commises sous l’égide de son ministère et feint d’ignorer que les collectivités qui relèvent de sa responsabilité baignent entièrement, comme la Corse, dans la discrimination « positive » c'est-à-dire les privilèges systématiques, de fait ou de droit, avec les résultats finaux (désastreux) que l’on sait. Le même ministre ne propose t-il pas d’introduire une nouvelle discrimination ultra-marine dans le droit de la nationalité ?


B[OC : Que penser du débat autour des « statistiques ethniques », c'est-à-dire la mise en place d’indicateurs statistiques triant la population en ethnies ? Que vous inspirent les récentes déclarations d’Azouz Begag : « Il faut inoculer dans le corps social le virus de l’origine pour se débarrasser de l’origine dans le corps social. J’utilise en quelque sorte la méthode Pasteur » ?]b

B[AMLP :]b Il faut bien comprendre ce qu’on est en train de faire et pourquoi on le fait. Si je me mets, comme Renaud Camus, à compter le nombre de journalistes juifs à France-Culture c’est parce que je m’apprête évidemment à juger qu’il y en a « trop » à partir d’un critère standard qu’il me faudra bien expliciter. Que veut dire « trop » ou « pas assez de » ? Si le gouvernement et le patronat demandent à la CNIL l’autorisation de recenser les origines ethniques ou nationales des salariés c’est bien pour que ce comptage débouche sur une appréciation de type « trop » ou « pas assez de » d’inspiration proportionnelle. Et où cela nous mène t-il directement ? A des quotas, bien entendu, même si le mot est pudiquement caché et si l’on se garde bien d’afficher publiquement les standards numériques retenus. L’IEP de Paris n’a sans doute pas fixé à l’avance un pourcentage officiel de Beurs ou de Noirs à recruter chaque année, il n’en demeure pas moins que l’objectif est bien, pour parler comme Fernand Raynaud, d’en faire entrer « un certain nombre ». On introduit bien le poison de l’ethnicité dans les critères de recrutement et de promotion. Or ce critère est foncièrement injuste et pervers. Alors que le concours et le mérite provoquent une concurrence et une compétition stimulante entre les individus, l’introduction d’un critère ethnique ne peut que provoquer des rivalités inter-ethniques et un permanent sentiment de frustration et d’injustice. C’est une erreur politique et psychologique colossale.

Ayant plusieurs fois lu et entendu Monsieur Azouz Begag avant sa nomination je ne peux m’empêcher de penser que celle-ci constitue elle-même une discrimination positive car la vacuité et la médiocrité de ses idées ou propos ne le destinaient certainement pas objectivement à une carrière ministérielle. Quand il ne compare pas la France à une voiture il se prend lui-même pour Pasteur en confondant cependant les microbes et les virus, c’est lourd et c’est irresponsable. Les déclarations de Dominique de Villepin sur sa prétendue hostilité aux discriminations positives alors qu’il nomme monsieur Begag ministre délégué auprès de lui-même c'est-à-dire chargé d’agir et parler pour le compte et sous la responsabilité de Matignon sont d’une incroyable hypocrisie, on baigne dans le mensonge public le plus effronté et on prend les Français pour des imbéciles. C’est bien M. Begag qui affirmait que « la police nationale a besoin de recruter des jeunes issus de l’immigration magrébine et africaine » (mesure effectivement adoptée sous le nom trompeur de « cadets de la République ») et proposait d’imposer une présence systématique de policiers issus de l’immigration dans les jurys ainsi que d’abandonner des épreuves « trop culturellement marquées » ! Tout cela commence à sentir sérieusement le népotisme. C’est aussi ce que proposent certains syndicats étudiants d’obédience musulmane : il faudrait « adapter » les modalités d’examens et de notation universitaires aux différences culturelles ! On va finir en république bananière !

On constate cependant, depuis très peu de temps, une tendance à rendre publiques un certain nombre d’informations jusque là occultées. Le journal Le Monde se met à révéler l’existence de réseaux puissants et structurés de personnalités « issues de l’immigration » dont le lobbying (Club du XXIème siècle, Club Averroès, notamment) est à l’origine desdites revendications et qui démontrent de façon éclatante la fausseté des affirmations selon lesquelles les « minorités visibles » seraient absentes des lieux de pouvoir (« L’« élite beurre » mène le débat sur les minorités … hors des partis », Le Monde, 20-21 février 2005). Ces clichés victimaires sont, en effet, totalement faux et la liste est longue des personnes très influentes qui effectuent un lobbying efficace en faveur des discriminations positives rebaptisées « diversité ». De même, plusieurs
rapports récents remettent en cause les préjugés généralement colportés sur l’échec scolaire des enfants d’immigrés. A force de concentrer l’attention médiatique et politique sur les « sauvageons » des mauvais quartiers on a fini par occulter la réussite tout à fait répandue de très nombreux Beurs et Noirs. J’ai moi-même distribué d’excellentes notes d’oral à un très fort pourcentage d’étudiants issus de l’immigration qui ont fait ensuite de belles carrières. Bien entendu, ces étudiants sont parfaitement assimilés, s’expriment dans un français impeccable et ont une culture et une tenue correctes, on n’imagine pas que des individus incultes au vocabulaire limité à moins de cent mots et déboulant au collège en jogging à capuche en injuriant des professeurs vont pouvoir rentrer à l’ENA ! Un chasseur de têtes africain expliquait récemment dans la presse qu’il recrute en France des diplômés d’origine africaine pour essayer de les faire revenir au pays, c’est donc bien que cette élite existe (Le Monde, 16 septembre 2005). Quant aux Antillais - dont je ne parviens pas à comprendre pourquoi ils veulent s’assimiler aux immigrés alors qu’ils sont Français depuis plus longtemps que les Corses et les Savoyards - cela fait longtemps que les « hussards » de la République en ont fait des avocats, des procureurs, des professeurs, des énarques, des médecins etc.… Un ancien député martiniquais se plaît à affirmer que son île est la région de France où il y a le plus d’intellectuels au mètre carré … ce qui n’est d’ailleurs pas forcément un gage de bonne santé économique.


B[OC : Quel bilan peut être fait des politiques de discrimination positive aux Etats-Unis ?]b

B[AMLP :]b Votre question présuppose déjà que le but de l’Affirmative Action est en soi légitime et qu’il suffit de vérifier s’il a été atteint ou non. Or précisément, on peut être tout à fait colour ou sex blind et se moquer du point de savoir s’il y a ou non des Noirs ou des femmes dans telle profession ou assemblée politique. Je ne serais pas du tout gênée s’il n’y avait aucune femme à l’Assemblée Nationale car je me moque du sexe des députés comme de celui des anges d’autant que les interventions et travaux des parlementaires féminins ne sont guère brillants et que la parité n’apporte évidemment et absolument rien au regard de l’intérêt public. Je suis un jour tombée des nues en entendant un de mes étudiants martiniquais me faire remarquer qu’il y avait deux professeurs juifs dans un jury de thèse que j’avais composé … je ne m’en étais pas aperçue et j’ai trouvé cette remarque obscène. Je dois sans doute être « ethnophobe » et le simple constat qu’il y a ou qu’il n’y a pas de Noirs, d’Arabes, de Juifs ou de Bretons dans un endroit me choque profondément, je trouve cela vulgaire et déplacé. Ernest Renan appelait cette comptabilité de la « zoologie » et y voyait un « retour au droit des orangs-outans », je partage tout à fait son analyse. Je suis trop individualiste et libre pour pouvoir raisonner en termes de groupe et ne comprends pas qu’on puisse accepter d’être rangé dans un troupeau.
Le bilan de l’AA aux USA est évidemment impossible à faire sérieusement puisque son évaluation véritable supposerait qu’on puisse savoir où en serait aujourd’hui l’Amérique sans cette politique. Autant dire qu’on ne pourra jamais vraiment juger. Il y a de toute évidence en Amérique beaucoup de Noirs qui ont parfaitement réussi naturellement, sans le secours de l’AA (Condoleezza Rice et le maire de la Nouvelle-Orléans, Ray Nagin, par exemple). Il est coutumier de dire que l’AA a permis l’émergence d’une moyenne bourgeoisie noire mais il est difficile d’affirmer que celle-ci n’aurait pas existé sans cette politique. Je suis personnellement tellement habituée à côtoyer une grande et moyenne bourgeoisie antillaise, pur produit de l’élitisme républicain, que j’ai peine à imaginer que des progrès similaires ne se sont pas aussi faits spontanément aux USA. Pour ce qui est du domaine que je connais, c'est-à-dire l’Université, il faut bien admettre que les quotas ayant évidemment conduit à recruter au moindre mérite ont surtout débouché sur la spécialisation des Noirs dans les voies de garage des black studies. Les sciences sociales sont le réceptacle privilégié des étudiants moyens ou faibles qui n’ont pas le niveau pré-requis pour les disciplines littéraires ou scientifiques. Lorsqu’on n’est pas recruté sur les mêmes critères d’exigence que les autres on n’arrive pas non plus à suivre le même cursus. On n’entre pas par effraction dans l’élite scientifique. Ceci s’observe évidemment aussi en France où les écoles Centrale et Polytechnique ne pourraient pas s’offrir un gadget de type Sciences-Po, on ne triche pas avec la science et ce qui est possible dans une école de pouvoir ne l’est pas forcément dans un lieu de savoir. On peut dispenser de dissertation dans une école de « tchatche », on ne peut pas dispenser de résoudre une équation dans une école d’ingénieurs. Si l’on pratiquait des discriminations positives à l’Ecole nationale d’aviation civile je ne monterais plus dans un avion !


B[OC : Vous avez vécu aux Antilles : quelle est votre expérience des politiques de discrimination positive là-bas ?]b

B[AMLP :]b Il n’y a pas officiellement de politique de discrimination positive dans les DOM puisque, contrairement aux collectivités de l’article 74 (ex-TOM), ils sont soumis au principe de l’assimilation juridique simplement « adaptée ». Il y a néanmoins des méthodes de recrutement qui aboutissent de facto à une préférence autochtone : par exemple si on déconcentre le recrutement de certains fonctionnaires territoriaux en organisant les concours sur place, il est évident que des candidats métropolitains ne vont pas faire le voyage et que ce système privilégie partout, mais surtout dans les collectivités insulaires, le recrutement local.
Mais on trouve cependant aux Antilles et en Guyane, à la différence de la Réunion où ne sévit pas cette mentalité, le même comportement « nationaliste » qu’en Corse qui aboutit à une discrimination positive de fait dans tous les domaines. Du point de vue économique, on connaît d’abord les privilèges fiscaux, sociaux et salariaux délirants aux effets pervers inouïs mais qu’on ne parvient pas à supprimer puisqu’ils sont considérés comme des « droits acquis » intouchables par des syndicats qui se disent indépendantistes mais dont le comportement infantile plombe l’économie de leur région et l’enfonce définitivement dans la dépendance. On retrouve la même spirale qu’en Corse, dans le Mezzogiorno italien et, maintenant aussi, dans les länder d’Allemagne de l’Est qui vivent sous perfusion et dont la population s’aigrit d’un système de transfert censé lui profiter mais qui l’installe durablement dans l’assistanat et le ressentiment. Du point de vue ethnique la « préférence nationale » est également revendiquée aux Antilles et en Guyane et le « modèle » calédonien a fait des envieux. En tout état de cause la racialisation des rapports sociaux et professionnels est omniprésente et délibérément entretenue car elle permet des chantages efficaces. En métropole des militants antillais se plaignent des « écrans pâles » mais en Martinique, le personnel de RFO n’hésite pas à se mettre en grève pour protester contre la nomination d’un directeur blanc. La vulgate habituelle consiste à dénoncer le fait que les magistrats et les hauts fonctionnaires de l’Etat sont majoritairement métropolitains en faisant semblant d’imputer cela à la « persistance d’une situation coloniale » alors qu’il s’agit évidemment des conséquences quantitatives d’une simple logique minoritaire. Dès lors que le personnel de direction de l’administration d’Etat est recruté par concours nationaux et que la mobilité est une condition essentielle de l’impartialité et de la qualité du service, il est inévitable que les préfets, recteurs et directeurs de services soient essentiellement métropolitains. Cela résulte du caractère unitaire de l’Etat français et n’a rien à voir avec le colonialisme. J’ajoute que bon nombre de hauts fonctionnaires et magistrats antillo-guyanais ne souhaitent nullement être affectés dans leur région d’origine par crainte des pressions du milieu local mais aussi par préférence pour l’horizon et l’esprit continentaux plus larges. Dans l’enseignement supérieur la préférence raciale joue depuis longtemps dans le recrutement et la promotion des enseignants-chercheurs et le résultat est regrettable. Alors que l’université de la Réunion s’en sort plutôt bien grâce à un esprit d’ouverture, l’université des Antilles et de la Guyane a raté ses ambitions. Par exemple, le président de l’université de la Réunion peut parfaitement être métropolitain alors que c’est impensable aux Antilles où on préférera avoir comme doyen de faculté un assistant « local » non docteur à la légitimité scientifique absolument nulle plutôt que d’avoir un doyen blanc aux titres reconnus. Pour le contingent local de promotion des maîtres de conférences et des professeurs, on assiste parfois à des situations ubuesques : sera promu un professeur « local » non agrégé dont les publications se résument à quelques articles sans intérêt dans une revue locale ou même dans France-Antilles tandis qu’un professeur agrégé métropolitain au CV exemplaire devra renoncer … Cela n’a heureusement pas de conséquence personnelle grave dans la mesure ou la majorité des promotions est bien assurée au niveau national mais cela discrédite totalement l’établissement ainsi voué à végéter scientifiquement. J’ai vu le conseil d’administration de l’Université refuser d’entériner le recrutement d’un très bon maître de conférences métropolitain pour réserver le poste à la promotion ultérieure d’un candidat local dont aucune université métropolitaine n’aurait voulu. L’« antillanisation » du corps enseignant est désormais ouvertement prêchée par certains de mes anciens collègues. Le problème est que lorsqu’une institution commence à faire passer le mérite au second plan elle recrute des médiocres qui ne supportent pas, ensuite, de voir arriver des meilleurs de telle sorte que le pli s’installe durablement et qu’on ne peut plus remonter la pente. Même entre deux candidats locaux on préférera, au bout du compte, choisir le moins bon pour qu’il ne fasse pas d’ombre et la rivalité devient plus aiguë encore à l’intérieur même du milieu local. Quand le mérite s’efface, il ne reste plus que l’arbitraire et la « tête du client » c’est à dire la loi de la jungle et le ridicule. Les spécialistes de sciences des organisations analysent très bien ces phénomènes psychologiques à l’œuvre dans les ressources humaines et devraient s’emparer davantage de l’audit des discriminations positives. Le problème est que le sujet est tabou et que personne n’ose vraiment l’affronter.
On parle aussi souvent du racisme des Corses à l’égard des continentaux et des maghrébins mais on retrouve le même aux Antilles à l’égard des Métropolitains, des Haïtiens ou des Saint-Luciens et je ne parle pas de la campagne antisémite effroyable qui s’est développée il y a quelques années dans un journal martiniquais auquel collaborent les principaux apôtres de la « créolité ». La « concurrence des victimes » sévit partout.


OC : Quelles sont les forces politiques qui poussent à l’adoption de politiques de discrimination positive ? Pourquoi ?

B[AMLP :]b Bonne question à laquelle je n’ai malheureusement pas de réponse. Là aussi il faut approfondir l’analyse pour essayer de comprendre. On voit bien quels sont les lobbies à l’œuvre dans cette affaire, les associations et réseaux divers et variés de minorités défendant leur part de gâteau. Ce qui est plus difficilement explicable c’est le positionnement politique sur cette question. Globalement, je pense que l’état de faiblesse de nos dirigeants de tous bords et surtout leur clientélisme éhonté les empêche de dire « non » à quelque revendication que ce soit y compris la plus immorale et la plus nocive pour la société. Depuis une décennie, hormis la loi sur le voile, nous n’avons pas vu une seule décision politique de refus : c’est toujours « oui ». Qu’un gouvernement censé appartenir à la droite libérale ait pu faire adopter une loi liberticide, digne des soviets, sur la répression des propos sexistes et homophobes malgré l’
avis négatif de la Commission nationale consultative des droits de l’homme est proprement ahurissant. La vénalité et la couardise de notre classe politique défient l’entendement.
La gauche nous a habitués à préférer l’égalité réelle à la liberté, c’est l’essence du marxisme et on ne s’étonne donc pas trop de sa conversion aux discriminations positives.
Mais à droite je ne comprends pas. On veut m’expliquer que le libéralisme et le communautarisme vont de pair mais je ne parviens pas à saisir le lien logique qui les unirait. Quoi de plus anti-libéral que la sanction des discriminations dites « indirectes », les CV anonymes et l’obligation de recruter des membres des minorités ? Tout est autoritaire voire totalitaire là dedans. J’avoue que ce que Pierre Méhaignerie peut trouver aux discriminations positives m’échappe complètement.
Quant à la prétendue opposition entre messieurs de Villepin et Sarkozy sur cette question elle et évidemment totalement factice et Azouz Begag est là pour le démontrer quotidiennement. Jacques Chirac s’était offusqué à Nouméa de ce que les fiches de recensement comporte la mention de l’origine ethnique alors que c’est lui qui a promulgué les lois constitutionnelle et organique qui consacrent l’ethnicisation juridique du « caillou », et que c’est encore lui qui a étendu cette préférence autochtone aux autres collectivités d’Outre-mer à la demande de son ami Gaston Flosse. Il a aussi commencé par juger que ce n’était pas « convenable » de chercher un préfet musulman puis s’est quand même empressé d’en nommer un et il se fait maintenant le chantre de la fameuse « diversité » qui n’est évidemment que le faux nez de la discrimination positive. A vrai dire je ne suis pas certaine que le président de la République pense beaucoup. Il semble n’avoir aucune conviction réelle et lire des discours préparés par des collaborateurs dont la culture philosophique et juridique est inégale. Tout cela est consternant et je ne crois pas qu’il faille réellement chercher d’autres explications à ces choix que le clientélisme, la lâcheté et peut-être la bêtise.
La seule chose réjouissante à observer est le parfait accord des républicains de gauche comme de droite sur la condamnation des discriminations positives. L’avenir leur donnera raison mais peut-être trop tard.


B[OC : Face à la question des « discriminations » quel diagnostic et quelles politiques mener ? Quelles réflexions vous inspirent la question de la lutte contre les discriminations ?]b

B[AMLP :]b Pour « diagnostiquer » des discriminations il faut d’abord s’entendre sur la définition de ce terme et s’accorder sur ce qui est juste et ce qui ne l’est pas. Constater qu’il y a peu de descendants d’immigrés maghrébins ou africains à Polytechnique ou peu de handicapés au barreau de Paris ou aucune femme sur les échafaudages des ravalements d’immeubles ou derrière les camions-poubelles ne permet pas forcément de crier à l’injustice et à la discrimination. Encore faut-il accepter d’examiner les choses avec bonne foi et réalisme au lieu de le faire avec du sectarisme idéologue et de l’opportunisme militant.
Il est évidemment, naturellement et normalement plus difficile à des enfants d’immigrés de réussir rapidement dans la société d’accueil qu’à des nationaux de souche. Et plus la différence culturelle et économique avec cette société est grande, plus longue et difficile sera l’intégration. I[A fortiori]i si une idéologie multiculturaliste conseille aux migrants de ne pas s’assimiler et de cultiver leur différence, les chances d’intégration se réduisent et le risque de rejet et de ghettoïsation se développe. Prétendre contester ces évidences ou les combattre relève de l’angélisme ou de l’intégrisme. Avant de dénoncer la « panne » de l’ascenseur social regardons donc ce qu’on inflige à cet ascenseur : n’est-il pas trop ou mal chargé, auquel cas il est inévitable qu’il s’arrête ?
Il n’est pas anormal pour un client de préférer être défendu par un avocat valide que par un handicapé, il n’est donc pas forcément discriminatoire pour un cabinet de tenir compte des exigences de la clientèle. Il n’est pas interdit aux femmes de bouder les métiers du bâtiment et leur absence des chantiers n’est donc pas forcément révélatrice d’une discrimination sournoise.
J’ai entendu le président de la HALDE, Louis Schweitzer tenir dans l’émission « Les matins de France Culture » des propos parfaitement circulaires et vides de sens qui semblaient en lévitation au-dessus du réel et révélaient son incapacité à savoir exactement contre quoi l’institution qu’il préside est chargée de « lutter ». Cela n’a rien d’étonnant car le sujet des discriminations baigne dans le politiquement correct tel que le décrivent fort bien André Grjebine et Georges Zimra (1), c'est-à-dire « un discours hypnotique qui anesthésie l’esprit critique et qui s’impose comme une croyance ». On ne sait tout simplement plus de quoi on parle tant le slogan creux s’est substitué à l’argument.
Nul ne répond d’abord à des questions de pure légitimité. Pourquoi, si l’on a un studio à louer ou un emploi à offrir, serait-ce « mal » de préférer le donner à un citoyen français qu’à un étranger et pourquoi serait-ce au contraire « bien » de faire le choix inverse ? Pourquoi inscrit-on dans la Constitution de la République la préférence locale de type ethnique dans les collectivités d’outre-mer et pourquoi la simple préférence nationale, juridique et non ethnique, au niveau de la France entière est-elle condamnée pour xénophobie ? L’existence même de l’Etat n’implique t-elle pas, par définition, une solidarité et une priorité nationales ? Pourquoi le Premier ministre peut-il faire preuve de « patriotisme d’entreprise » pour s’opposer aux OPA d’actionnaires étrangers et pourquoi ne pourrait-on pas donner la priorité d’emploi aux demandeurs français ?
Si un employeur préfère un candidat français blanc moins diplômé et expérimenté qu’un candidat français noir, il est certainement raciste et commet sans doute une grosse erreur managériale préjudiciable à son entreprise, mais à CV équivalent en quoi est-ce « mal » de préférer le Blanc et, au contraire, « bien » de préférer le Noir ?
En quoi est-ce critiquable, pour un jeune créateur d’entreprise aux débuts difficiles, de préférer recruter un homme plutôt qu’une femme enceinte qui va devoir partir rapidement en congé ? En quoi est-ce condamnable de préférer mettre en contact avec le public un employé élégant au physique agréable plutôt qu’un handicapé ou un obèse ? En quoi est-ce répréhensible de ne guère apprécier la collaboration avec un homme maniéré et efféminé ?
Faute de vouloir aborder ces questions toutes simples le législateur s’expose à l’incompréhension des citoyens qui ne parviennent plus à distinguer en quoi tel ou tel comportement qui leur paraît parfaitement légitime est cependant illégal. Le divorce entre les deux appréciations mènera au mieux au mépris de la loi, au pire au goulag.
Il devient indispensable de crever la bulle politiquement correcte et de passer chaque questionnement au crible si on ne veut pas continuer à dire et faire n’importe quoi.
La « concurrence des victimes » a débouché sur un nivellement et une indifférenciation entre les différentes revendications qui se traduit par une législation fourre-tout ou l’on mélange absolument tout : les Noirs et les homosexuels, les femmes et les handicapés, les Juifs et les obèses, la religion et l’âge, l’apparence physique et l’opinion, l’origine nationale et l’appartenance syndicale, les violences physiques et les plaisanteries verbales, etc…
Les conséquences de cette disparition du jugement au profit d’une confusion mentale et morale généralisée peuvent être dramatiques. Un jeune Noir me disait récemment dans une réunion publique que la mauvaise indemnisation des Sénégalais engagés dans l’armée française était un « génocide » ! On utilise les mêmes notions pour désigner un massacre et une injustice matérielle !
Max Gallo s’est récemment fait traiter de « révisionniste » pour avoir osé dire qu’il ne savait pas si l’esclavage était un crime contre l’humanité. Examinons la question de plus près. Il n’a pas nié l’existence matérielle de l’esclavage en prétendant qu’il n’avait pas eu lieu mais a seulement exprimé un doute sur le bien-fondé de sa qualification politico-juridique, c'est-à-dire sur le point de savoir si on peut ou non le qualifier de crime contre l’humanité (au même titre que la Shoah, cela s’entend). Cette question est tout à fait légitime car la notion de crime contre l’humanité est évidemment politique et a été forgée en 1945 pour décrire une extermination physique moderne de telle sorte qu’utiliser le même terme pour désigner aussi une exploitation économique ancienne est évidemment très discutable au regard de la rigueur nécessaire aux catégories juridiques. Et ce que révèle ce refus de la hiérarchisation et cette tendance à la confusion conceptuelle c’est bien, au final, la non-discrimination généralisée.

En somme, il est devenu juridiquement obligatoire d’être idiot et de ne plus rien savoir distinguer. Monsieur Schweitzer et sa HALDE pourraient ainsi se transformer bientôt en instrument totalitaire de lutte contre l’intelligence.

B[OC : Le dernier concept à la mode est celui de « diversité ». S’oppose t-il celui d’ « assimilation » qui semble être devenu un véritable tabou ?]b

B[AMLP :]b J’ai déjà indiqué auparavant que la diversité est simplement devenue le faux nez de la discrimination positive. Ce terme n’a pas d’autre fonction que de camoufler la politique de passe-droit généralisé qui se met en place. Mais en lui-même, il ne signifie absolument rien, c’est un slogan débile.
J’avais pu vérifier en 1996 aux Antilles, lors de l’anniversaire de la loi de départementalisation, combien le mot « assimilation » était curieusement devenu imprononçable. C’est un repoussoir absolu pour la doctrine multiculturaliste mais je constate cependant que ce terme est encore largement revendiqué à la Réunion … autre mentalité. J’approuve personnellement le mouvement de Nicolas Dupont-Aignan, Debout la République, qui aborde cette question de façon très décomplexée en utilisant délibérément le terme d’assimilation au lieu et place de celui d’intégration.
Le journal Libération avait accusé Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain de propagande frontiste au motif que le seul Arabe du film se prénommait Lucien ! Ce prénom « assimilé » semblait déplaire au journaliste pour lequel un « bon » Arabe est sans doute exclusivement celui qui s’appelle Mohammed ou Mustapha. Pour ma part, si ma fille faisait un jour sa vie en Italie je lui conseillerai vivement d’appeler ses enfants Massimo ou Umberto pour signifier leur appartenance à la nouvelle patrie, j’y vois une question d’hommage à la terre d’accueil et de respect pour celle-ci.
Je crains que la nouvelle idéologie qui nous submerge nous apporte davantage « d’indigènes de la République » schizophrènes, pétris de bêtise et professionnels du ressentiment que de citoyens dignes de ce nom et bien dans leur peau. Je ne suis guère optimiste.

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1) « De la langue de bois au politiquement correct : un dialogue », Géopolitique n°89, 2005, « Le politiquement correct », p.53

D'Anne-Marie Le Pourhiet, lire :

mercredi, 04 août 2010

Sarközy ou la trahison du gaullisme

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Bernard TOMASCHITZ :

 

Sarközy ou la trahison du gaullisme

 

En France, la résistance au sarközisme s’organise car le Président a mené le pays à l’impasse

 

La France vit déjà à l’ombre des présidentielles de 2012. En juin de cette année, l’ancien chef du gouvernement, Dominique de Villepin, un adversaire de longue date du Président Nicolas Sarközy, a formé son propre parti, « République solidaire ». De Villepin, dit-on, cultive depuis longtemps l’ambition d’accéder à la magistrature suprême. Par conséquent, il critique la politique de Sarközy, notamment l’important déficit budgétaire, qui livre la France « aux bonnes grâces de ses créanciers », de même que le retour dans le giron de l’OTAN et de ses structures de commandement, ce qui met en péril l’indépendance de la nation.

 

Même si Villepin attend encore pour annoncer sa candidature, la lutte pour le pouvoir bat déjà son plein dans le camp gaulliste. Finalement, les deux hommes se perçoivent comme les  héritiers du fondateur de la 5ème République, même si, depuis l’entrée en fonction de Sarközy il y a trois ans, le gaullisme n’est plus rien d’autre que du folklore politique. Il y a belle lurette que la politique étrangère de la « Grande Nation » est déterminée par le sarközisme : elle se manifeste de la manière la plus patente dans le rapprochement entre la France, d’une part, et les Etats-Unis et l’OTAN, d’autre part. Dès l’été 2007, à peine quelques semaines après son entrée à l’Elysée, Sarközy annonçait : « L’alliance atlantique est notre alliance : nous l’avons fondée, nous sommes aujourd’hui l’un de ses principaux bailleurs de fonds ». L’enthousiasme que manifeste Sarközy pour le « partenariat transatlantique » va si loin que les conflits d’intérêt entre la France et les Etats-Unis, comme par exemple la résistance de Paris à l’attaque contre l’Irak en 2003, sont complètement mis entre parenthèses au nom de l’harmonie nouvelle. En mars 2009, Sarközy défendait les opérations des Etats-Unis et de l’OTAN contre la Yougoslavie et l’Afghanistan : « Non, l’Alliance atlantique ne pratique pas le ‘choc des civilisations ‘ ; elle a défendu les Musulmans de Bosnie et du Kosovo contre les agressions de Milosevic et elle défend le peuple afghan contre tout retour des talibans et d’Al Qaeda ». L’ancien Président américain, George W. Bush, n’aurait pas mieux défendu la politique hégémoniste des Etats-Unis.

 

Par la politique pro-américaine de son Président, la France court le risque de perdre toutes ses marges de manœuvre en politique étrangère et sur le plan de la défense. Après l’ère de la décolonisation dans les années 60, Paris s’est toujours efforcé de défendre ses intérêts en Afrique, par la force des armes s’il le fallait, afin d’apporter son soutien à ses favoris. Le meilleur exemple reste le Tchad, où la France a réussi à atteler ses « partenaires européens » sous un prétexte humanitaire pour appuyer le potentat du lieu, Idriss Deby. Aujourd’hui, des appels viennent de Washington, demandant aux Français de s’engager davantage en Afghanistan, pays où, selon Sarközy, « le peuple afghan doit être défendu contre le retour des talibans et d’Al Qaeda ». Paris doit dès lors s’exécuter et envoyer plus de troupes dans l’Hindou Kouch, troupes qui y seront clouées et ne pourront donc plus servir à défendre la « Françafrique », la zone d’influence française sur le Continent Noir. Les Etats-Unis seuls profiteront de cette situation car, dans la concurrence qui oppose aujourd’hui les puissances pour le contrôle des richesses minières africaines, ils se débarrassent ainsi subrepticement de leurs derniers concurrents européens dignes d’être pris au sérieux.

 

Renoncer aux projets politiques gaulliens  –qui entendaient former un contre-pôle européen solide face aux superpuissances américaine et soviétique, tout en réclamant l’instauration de rapports particuliers avec Moscou–  signifie aussi un fameux recul dans le développement d’une Communauté de sécurité et de défense au sein de l’UE. Car sans la France comme puissance motrice, il n’y aura pas, face aux Etats-Unis, d’émancipation européenne sur les plans de la sécurité et de la défense. Cette capitulation va dans le sens des forces les plus influentes qui, au sein des innombrables « think tanks » américains, se cassent la tête pour savoir comment agir pour que l’Europe demeure sur le long terme dans un statut semi-colonial. Le journaliste français Thierry Meyssan émet l’hypothèse que la CIA « a fait de l’un de ses agents le Président de la République française ». D’après Meyssan, les services secrets américains ont programmé en trois étapes « l’annihilation du courant gaulliste » et la montée de Sarközy. « D’abord, la mise hors jeu de la direction du parti gaulliste et la prise de contrôle de son appareil ; ensuite l’élimination du principal rival à droite, puis la nomination d’un candidat gaulliste à la présidence et, finalement, l’élimination de tout challengeur sérieux à gauche » : tel aurait été le scénario, selon Meyssan.

 

Entretemps, surtout dans les rangs de la droite, on s’est rendu compte en France que le sarközisme était en contradiction avec les intérêts stratégiques du pays. L’ancien premier ministre Alain Juppé, homme de confiance de Jacques Chirac, le prédécesseur de Sarközy, a critiqué ce dernier en février 2009, juste deux semaines avant que l’Assemblée nationale ne donne son feu vert au retour de la France dans les structures de commandement de l’OTAN ; Juppé écrivait, à ce propos, dans une tribune libre du quotidien Le Monde : «Fondée dans le contexte de l’opposition entre les blocs soviétique et occidental, l’OTAN doit aujourd’hui repenser le but de son existence et de ses missions et réfléchir au lieu où celles-ci s’exercent. La conception que s’en font les Etats-Unis ne correspond pas nécessairement à celle des Européens, surtout les Français ». Il est donc fort possible que Juppé et d’autres hommes politiques influents de la droite française iront soutenir de Villepin lors des prochaines présidentielles.

 

Bernhard TOMASCHITZ.

(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°27/2010 ; http://www.zurzeit.at/ ). 

 

 

lundi, 05 juillet 2010

Se Cioran il nichilista scopre l'amore assoluto

Se Cioran il nichilista scopre l'amore assoluto

di Mario Bernardi Guardi

Fonte: secolo d'italia


 



Se c'è uno scrittore che, per la sua vocazione apocalittica e il suo moralismo bruciante, cupo e derisorio, si presta a definizioni "tranchant", questo è Emil Michel Cioran. Di volta in volta battezzato "barbaro dei Carpazi", "eremita antimoderno", "esteta della catastrofe", "apolide metafisico", "cavaliere del malumore cosmico". Ma anche lui, da buon Narciso, ci ricamava sopra e sulla sua "carta di identità" scriveva cose come "idolatra del dubbio", "dubitatore in ebollizione", "dubitatore in trance", "fanatico senza culto", "eroe dell'ondeggiamento". Ora, raccontare Cioran significa fare i conti con tutti questi appellativi e prendere atto che la loro indubbia suggestione trova punti di forza in una vita per tanti versi scandalosa...
 Visto che prima del Cioran "parigino"- è nel 1937 che il Nostro approda in Francia -, capace di confezionare le sue aureee sentenze nihilistico-gnostiche in un brillantissimo francese, c'è un Cioran duro e puro, di fiera stirpe rumena, che fa propri i miti del radicamento e dell'identità, simpatizzando per il fascismo di Codreanu e delle sue Guardie di Ferro, e scrivendo un bel po' di cose "compromettenti". Di questo, Antonio Castronuovo in un agile profilo pubblicato da Liguori, Emil Michel Cioran (pp.100, euro 11,90), dà solo rapidi cenni, ricordando che, comunque, Emil Michel dedica un intero capitolo del suo "Sommario di decomposizione", alla "Genealogia del fanatismo", collocandosi così "all'opposto delle fascinazioni giovanili". E cioè delle, chiamiamole così, "fascio-fascinazioni".
Ora, Castronuovo fa bene a ricordarci, con la consueta eleganza, il grande "stilista" e il grande "moralista", lo scrittore impertinente e beffardo che si interroga sul senso della vita e della morte, il chierico extravagante che cerca di stanare Dio dai suoi misteri e dai suoi abissali silenzi. E tuttavia siamo convinti che Cioran e altri "dannati" dello scorso secolo - Pound e Céline, Drieu e Heidegger, Eliade e Jünger, tanto per fare i primi nomi che ci vengono in mente - non debbano essere alleggeriti dalle loro "responsabilità" con la vecchia storia dei "peccati di gioventù", una specie di rituale giustificativo-assolutorio che li "disinfetta" e li rende "presentabili", ma toglie loro qualcosa, e cioè la "ragioni" di una scelta. Per scandalose che possano apparire alle "animule vagule blandule" del "politicamente corretto". Ed è per questo che, a suo tempo, non ci è dispiaciuto il saggio di Alexandra Laignel-Lavastine Il fascismo rimosso: Cioran, Eliade, Ionesco nella bufera del secolo che, sia pure con una "vis" polemica non aliena da faziosità, si sforza di illuminare/documentare le stazioni di una milizia intellettuale che sarebbe sbagliato ignorare o sottovalutare. Non si può esaurire la forza testimoniale di Cioran nell'ambito delle acuminate provocazioni, immaginandone la vita come una fiammeggiante costellazione di (coltissime) invettive. Sia dunque reso merito a Friedgard Thoma che ci racconta un Cioran innamorato (Per nulla al mondo. Un amore di Cioran, a cura e con un saggio di Massimo Carloni, (L'orecchio di Van Gogh, pp.160, € 14,00), addirittura un Cioran "maniaco sentimentale": un genio dell'aforisma, ma anche un umanissimo, fragile, tenero settantenne, tutto preso da lei, giovane insegnante tedesca di filosofia e letteratura, che, folgorata dalla lettura del libro L'inconveniente di essere nati, nel febbraio del 1981 gli ha scritto una calda lettera di ammirazione. C'è da stupirsi del fatto che Cioran non fosse "corazzato" di fronte ai complimenti di una donna intelligente e affascinante? Come, lui, l'apocalittico, così inerme, così indifeso! Eppure, in Sillogismi dell'amarezza è proprio il "barbaro dei Carpazi" a invitarci a tenere la guardia alta di fronte al vorticoso nichilismo degli "apocalittici" e magari a scavarvi dentro. «Diffidate - scrive - di quelli che voltano le spalle all'amore, all'ambizione, alla società. Si vendicheranno di avervi "rinunciato". La storia delle idee è la storia del rancore dei solitari». Dunque, Cioran, uomo di idee ma anche di emozioni, compiaciuto per quella lettera affettuosa, risponde immediatamente alla sua "fan", con un mezzo invito ad andarlo a trovare a Parigi.
Lei, che ci tiene ad essere una interlocutrice culturale e cita Walser, Hölderlin e Gombrowicz, non manca di allegare alla risposta una sua foto. E siccome si tratta di una donna giovane - capelli sciolti, bocca carnosa, sguardo intenso -, le coeur en hiver di Cioran comincia a battere furiosamente. Lui stesso le confesserà un paio di mesi dopo: «Tutto in fondo è cominciato dalla foto, con i suoi occhi direi». E' una tempesta dei sensi, un'"eruzione emotiva". Ancor più incontrollabile, allorché lei decide di trascorrere qualche giorno a Parigi. Lui va a prenderla all'hotel e arriva dieci minuti prima: è «un uomo di costituzione fragile, con un ciuffo di capelli grigi, arruffati, e gli occhi dello stesso colore». Lei «cerca di apparire attraente, indossando un abito nero non troppo corto, sotto un lungo cappotto chiaro». Seguono conversazioni, passeggiate, cene, visite a musei, telefonate… Cioran vive una sorta di voluttuoso invasamento, al punto che, quando lei torna a Colonia, le scrive con spudorata audacia: «Ho compreso in maniera chiara di sentirmi legato sensualmente a lei solo dopo averle confessato al telefono che avrei voluto sprofondare per sempre la mia testa sotto la sua gonna». Poi, è lui ad andarla a trovare in Germania. «Vestita di rosso e nero», Friedgard lo accoglie alla stazione. Lui è innamorato pèrso, lei, sedotta intellettualmente, continua a sedurlo fisicamente, senza nulla concedere. Lui soffre, la chiama «mia cara zingara», le scrive: «Non capisco cosa sto cercando ancora in questo mondo, dove la felicità mi rende ancora più infelice dell'infelicità». Friedgard vuol tenere intatte "venerazione e amicizia", parlando di autori e di libri, entrando nella sua intimità, portando alla luce le sue contraddizioni. Ma confessando anche, con franchezza: «Dunque, caro: lei mi ha trascinato nell'immediatezza inequivocabile d'una relazione fisica, mentre io cercavo l'erotica ambiguità della relazione "intellettuale"». Proprio quella che a Cioran non basta. È innamorato, desidera la giovane prof. con una sensualità "vorace", le fa scenate di gelosia perché lei, ovviamente, ha un "compagno" cui è legata.
«Sono vulnerabile - le scrive - e nessuno quanto Lei può ferirmi tanto facilmente». E consolarlo, anche. Così, la immagina nelle vesti di una suora, "dalla voce sensuale però". E come uno studentello inebriato d'amore, che non rinuncia alle battute, confessa che vorrebbe morire insieme a lei: «A una condizione, però, che ci mettessero nella stessa bara». Così potrebbe raccontarle tante cose, «tante, ancora non dette».
Non manca nemmeno la proposta di matrimonio. Friedgard annota: «Al telefono, Cioran si dilettava volentieri con la proposta di sposarmi, contro tutti i suoi principi, addirittura secondo il rito ortodosso ("su questo devo insistere"), il che per lui significava essere cinti entrambi da corone. Quante risate, su un sogno triste». Un sogno che, così, non poteva continuare. La non appagata, sofferta, estrema accensione dei sensi di Emil «s'incanalerà negli anni lungo i binari d'una tenera, affettuosa amicizia». Nella cui calma piatta si spengerà fatalmente la "tentazione di esistere", carne e spirito almeno una volta insieme.

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samedi, 03 juillet 2010

"Deux individus contre l'histoire. Pierre Drieu La Rochelle, Ernst Jünger" par Julien Hervier

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« Deux individus contre l'histoire. Pierre Drieu la Rochelle, Ernst Jünger » par Julien Hervier

 

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L’auteur et le livre

Ce livre est la réédition revue, corrigée et augmentée d’une postface, d’un texte publié pour la première fois en 1978 et qui était lui-même la version allégée d’une thèse d’État soutenue en Sorbonne. Professeur honoraire de l’université de Poitiers, Julien Hervier est le principal traducteur de Jünger et a dirigé l’édition des Journaux de guerre dans la Pléiade, il a également traduit des ouvrages de Nietzsche, Heidegger et Hermann Hesse, et a édité de nombreux textes de Drieu, notamment son Journal 1939-1945.

Comme le souligne lui-même l’auteur dans sa postface, le contenu de son livre serait bien différent s’il devait l’écrire aujourd’hui, notamment en ce qui concerne Jünger dont l’œuvre a pris une autre ampleur, en particulier avec les cinq volumes du journal de vieillesse Soixante-dix s’efface, jusqu’à sa mort en 1998. Quant à Drieu, il faudrait « insister sur la dimension religieuse de [son] univers » plutôt que de « le réduire à son image de grand séducteur et d’essayiste politique ». Durant les quelque trente ans qui se sont écoulés entre l’édition princeps de cet ouvrage et la présente réédition, le contexte idéologico-politique a profondément changé et ce texte doit donc être lu sans jamais perdre de vue le moment où il fut écrit.

Deux écrivains individualistes et aristocratique : quatre grands thèmes

En 1978 donc, J. Hervier (JH) se propose d’étudier deux écrivains « d’esprit individualiste et aristocratique » qui ont accordé dans leur œuvre « une large place aux problèmes de la philosophie de l’histoire » qu’ils ont « transcrits en termes romanesques ». Son livre se décline selon quatre grands thèmes (la Guerre, la Politique, l’Individu et l’Histoire, la Religion), abordés sous différents aspects pour chacun des deux auteurs. 

  • La Guerre - Pour Jünger comme pour Drieu, la guerre est perçue comme une « loi naturelle », et la Première Guerre mondiale est « l’expérience fondamentale de leur jeunesse ». Rappelons seulement quelques titres. Pour le premier : Orages d’acier (1920), La guerre notre mère (1922), Le boqueteau 125 (1925), les journaux de guerre de 1939 à 1948… et cette sentence : « Le combat est toujours quelque chose de saint, un jugement divin entre deux idées ». Pour le second, les poèmes Interrogation (1917) et Fond de cantine (1920), et surtout le roman La comédie de Charleroi (1934). Pour Drieu, les hommes « ne sont nés que pour la guerre »
Jünger considère également la guerre comme « technique » et écrit à cet égard : « La machine représente l’intelligence d’un peuple coulée en acier », tandis que Drieu juge que « la guerre moderne est une révolte maléfique de la matière asservie par l’homme ».
Le livre de Jünger La guerre notre mère illustre parfaitement l’idéologie nationaliste qui régnait alors dans l’Allemagne meurtrie par la défaite, avec son exaltation du sacrifice suprême : mourir pour la patrie. Si, à cette époque, Drieu est sensible à cette idée de sacrifice patriotique, avec la Seconde Guerre mondiale il évoluera du nationalisme au pacifisme.

  • La politique - En matière de politique, les nationalistes que sont initialement Jünger et Drieu estimeront rapidement que le nationalisme est dépassé et qu’il doit évoluer, pour l’un vers l’État universel et pour l’autre vers une Europe unie. Tous deux cependant appellent à une révolution, « conservatrice » pour Jünger et « fasciste » pour Drieu. On connaît les engagements de ces deux intellectuels, mot que Drieu définit ainsi : « Un véritable intellectuel est toujours un partisan, mais toujours un partisan exilé : toujours un homme de foi, mais toujours un hérétique ». Pour l’auteur de Gilles, l’engagement est nécessaire, mais « difficile » et « ambigu ». Pour Jünger, l’engagement est paradoxal : « Ma façon de participer à l’histoire contemporaine, telle que je l’observe en moi, observe-t-il, est celle d’un homme qui se sait engagé malgré lui, moins dans une guerre mondiale que dans une guerre civile à l’échelle mondiale. Je suis par conséquent lié à des conflits tout autres que ceux des États nationaux en lutte ». Une chose est sûre, ces deux intellectuels sont des « spectateurs engagés », mais Jünger « préfère finalement refuser l’engagement – même si un remords latent lui suggère que, malgré tout, en s’établissant dans le supratemporel, il peut réagir sur son environnement politique » (JH), tandis que l’engagement de Drieu « est placé sous le signe du déchirement et de la mauvaise conscience ».

  • L’individu et l’histoire - L’individualisme est une caractéristique essentielle de la personnalité de Drieu (« Je ne peux concevoir la vie que sous une forme individuelle » avoue-t-il en 1921), comme de celle de Jünger pour qui c’est dans l’individu « que siège le véritable tribunal de ce monde ». Mais leur individualisme est à la fois semblable et différent. Le premier, « individualiste forcené » par tempérament et formation, « condamne historiquement l’individualisme comme une survivance du passé, tout en étant incapable d’y échapper dans ses réactions psychologiques personnelles » (JH), le second, individualiste exacerbé également, prononce la même condamnation historique, mais dépasse la contradiction en affirmant, par-delà le constat de la décadence de l’individualisme bourgeois, « la nécessité d’une affirmation individuelle qui fait de chacun le dernier témoin de la liberté » (id.). Devant l’Histoire, Jünger et Drieu ont des attitudes parfois proches et parfois opposées. Jünger la conçoit, à l’instar de Spengler, comme essentiellement cyclique : les civilisations naissent, se développent, déclinent et disparaissent. De fait, il s’oppose aux conceptions de l’Histoire héritées des Lumières comme à celles issues du marxisme. Il envisage cependant « une disparition probable de l’homme historique ». (JH).

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Drieu est fortement marqué par l’idée de décadence, son « pessimisme hyperbolique et métaphysique » dépasse le « déclinisme » de Spengler, mais, pour lui, il existe un « courant rapide » qui entraîne tout le monde « dans le même sens » et que « rien ne peut arrêter ». Il se rapproche donc, d’une certaine manière de la conception marxiste du « sens de l’histoire », mais va jusqu’à dire que l’Histoire, c’est ce « qu’on appelle aujourd’hui la Providence ou Dieu ».
Dans leurs « utopies romanesques », Jünger (Sur les falaises de marbre, Heliopolis) et Drieu (Beloukia, L’homme à cheval) procèdent de manière radicalement différente : le premier « part de l’histoire présente pour aboutir à l’univers intemporel de l’utopie », tandis que le second « part de l’histoire passée pour aboutir à l’histoire présente » (JH). Tous deux sont déçus par le présent, mais alors que Jünger « lui substitue un monde mythique », Drieu « l’invente dans le passé ».
Face au « problème de la technique », Jünger et Drieu estiment tous deux que celle-ci a détruit l’ancienne civilisation sans lui avoir jamais trouvé de substitut. La solution, selon eux, ne réside pas dans un simple retour en arrière, mais dans la création de quelque chose qu’on n’appellera plus « civilisation » et qui relèvera de « la philosophie, de l’exercice de la connaissance, du culte de la sagesse » (Drieu)

 

  • La religion - Après la Guerre, la Politique, l’Individu et l’Histoire, la dernière partie du livre est consacrée au rapport à la religion de Jünger et de Drieu, et c’est sans doute, pour le lecteur qui ne connaît pas l’ensemble de l’œuvre de ces deux auteurs, la plus surprenante. Un long chapitre traite de « la pensée religieuse de Drieu ». Celui-ci, vieillissant, délaissant les femmes, rejetant l’action politique, se tourne de plus en plus vers la religion. Il passe de « l’ordre guerrier » de sa jeunesse à « l’ordre sacerdotal », et écrit, aux abords de la cinquantaine, des « romans théologiques ». Il admire dans le catholicisme « un système de pensée complexe » et une religion qui « représente pour la civilisation d’Europe son arche d’alliance, le coffre de voyage à travers le temps où se serre tout le trésor de son expérience etde sa sagesse ». Toutefois, s’il vénère le christianisme sub specie æternitatis, il déteste ce qu’il est devenu, c'est-à-dire une religion « vidée de sa substance », muséifiée, et qui ne représente plus qu’« une secte alanguie », à l’image du déclin général de l’Occident. L’Église n’est plus qu’une institution bourgeoise liée au grand capitalisme. À ce « catholicisme dégénéré » (JH), Drieu oppose le christianisme « viril » du Moyen Âge, celui du « Christ des cathédrales, le grand dieu blanc et viril ». Ce dieu « n’a rien à céder en virilité et en santé aux dieux de l’Olympe et du Walhalla, tout en étant plus riche qu’eux en secrets subtils, qui lui viennent des dieux de l’Asie ». Pour Drieu, il n’y a pas de véritable antagonisme entre le christianisme et le paganisme, mais seulement une façon différente d’interpréter la Nature. À ses yeux, c’est le catholicisme orthodoxe qui a le mieux conservé l’héritage païen.. Mais, au-delà des différentes religions, païennes ou chrétiennes, Drieu croit profondément en une sorte de syncrétisme universel, celui d’« une religion secrète et profonde qui lie toutes les religions entre elles et qui n’en fait qu’une seule expression de l’Homme unique et partout le même ».
Pour Jünger comme pour Drieu, la dimension religieuse est fondamentale et « transcende toutes les autres » (JH). Mais, contrairement à Drieu, le mot même de « Dieu » est peu fréquent dans son œuvre, caractérisée pourtant par une vision spiritualiste du monde. De fait, il semble qu’il ait envisagé une « nouvelle théologie », sans lien véritable avec l’idée d’un Dieu personnel, relevant plus sûrement d’une « religion universelle », au sens où il parle d’« État universel ». L’ennemi commun des nouveaux théologiens comme des Églises traditionnelles demeure, en tout état de cause, le « nihilisme athée ». La sympathie générale qu’il éprouve pour toutes les religions relève davantage de sa philosophie de l’histoire que d’un véritable sentiment religieux, mais ne l’empêchera pas, tout au long de la Seconde Guerre mondiale, d’exprimer des préoccupations chrétiennes. Son journal de guerre comprend d’innombrables références à la Bible, dont il loue le « prodigieux pouvoir symbolique », tandis que Sur les falaises de marbre et Heliopolis mettent en scène deux importantes figures de prêtres. « Au temps de la plus forte douleur, écrit-il, le christianisme « peut seul donner vie au temple de l’invisible que tentent de reconstruire les sages et les poètes ». Pour lui, le christianisme est avant tout ce qui, dans notre civilisation, « incarne les valeurs religieuses permanentes de l’humanité » (JH). À ses yeux, le christianisme constitue un humanisme qui prône une haute conception de l’homme. Il n’en accepte pas moins le « Dieu est mort » nietzschéen qui, souligne-t-il, est « la donnée fondamentale de la catastrophe universelle, mais aussi la condition préalable au prodigieux déploiement de puissance de l’homme qui commence ». La mort de Dieu n’est pour lui que la mort des dieux personnels, elle n’est donc pas un obstacle à la dimension religieuse de l’homme. Au mot de Nietzsche, il préfère celui de Léon Bloy, « Dieu se retire », ce qui annonce l’avènement du Troisième Règne, celui de l’Esprit qui succèdera à ceux du Père et du Fils.
En matière de religion, Drieu et Jünger sont « étrangement proches et profondément différents » (JH). Tous deux défendent les religions contre le rationalisme tout-puissant, sont convaincus de l’évidence de la mort du Dieu personnel et donc de la nécessité de « reconstruire à partir d’elle une nouvelle forme d’appréhension du divin » (JH).

Un mélange détonnant

Ce qui ressort de cette étude comparative de Jünger et Drieu, « c’est le mélange détonnant qui se produit en eux entre un esprit réactionnaire incontestable et une volonté révolutionnaire ». Toutefois si Jünger est plutôt un national-bolchevique et Drieu un révolutionnaire fasciste, face au « bourgeoisisme » tous deux sont des révolutionnaires.

Julie Hervier a intitulé son travail : « Deux individus contre l’histoire ». Le mot « individu » prend ici tout son sens lorsqu’on comprend, après avoir refermé le livre, que Jünger et Drieu sont fascinés par la singularité de l’individu. Jünger incarne un individualisme métaphysique qui est le contraire de l’individualisme bourgeois que Drieu, dans sa mauvaise conscience, croit représenter. Tous deux aspirent à l’avènement d’une nouvelle aristocratie, mais pour Drieu il s’agit d’une aspiration essentiellement politique, alors que pour Jünger le but c’est la constitution d’une « petite élite spirituelle ». Dans sa postface, l’auteur de cette magistrale et admirable étude justifie a posteriori son titre de 1978 en rappelant et en se réclamant de la formule de Kafka : « Il n’y a de décisif que l’individu qui se bat à contre-courant ».

Didier Marc
11/06/2010

Julien Hervier, Deux individus contre l’Histoire. Pierre Drieu la Rochelle, Ernst Jünger. Eurédit, 2010, 550 p.

Correspondance Polémia – 22/6/2010

jeudi, 24 juin 2010

"Voyage au bout de la nuit" brûlé par le IIIe Reich?

Voyage au bout de la nuit brûlé par le IIIe Reich ?

Ex: http://lepetitcelinien.blogspot.com/
Les lecteurs de ce blog connaissent assurément le remarquable travail que Henri Thyssens consacre au premier éditeur de Céline. Son site internet constitue une somme impressionnante sur la vie (privée et surtout professionnelle) de Robert Denoël mais aussi sur les circonstances de son assassinat survenu le 2 décembre 1945, à proximité de l’esplanade des Invalides. Ce que l’on sait moins, c’est que Thyssens revoit, corrige et complète en permanence les informations figurant sur son site. Il s’agit donc d’une œuvre éditoriale sans cesse en mouvement – « work in progress », comme on dit outre-Manche – grâce aux recherches effectuées par son auteur. Lequel apporte des trouvailles du plus grand intérêt, notamment par un travail de dépouillement de la presse française du XXe siècle. Céline a naturellement toute sa place sur ce site puisqu’il fut incontestablement l’auteur majeur de cette maison d’édition créée à la fin des années vingt. Le site (1) comprend une passionnante chronologie allant de l’année de la naissance de Denoël à nos jours.
Prenons, par exemple, l’année 1933 pour nous intéresser à l’édition en langue allemande de Voyage au bout de la nuit. En décembre de l’année précédente, Robert Denoël a signé un contrat avec le Berliner Tageblatt pour la publication en feuilleton du roman. Il a également conclu un accord avec l’éditeur Reinhard Piper, à Munich, pour la parution du livre en volume. En février 1933, cet éditeur contacte Denoël pour lui signifier qu’il considère non satisfaisante la traduction due à Isak Grünberg, et que, par conséquent, il souhaite la confier à un autre traducteur, Ferdinand Hardekopf. Denoël s’insurge, défend le travail de Grünberg, appuyé en cela par Céline qui prend, lui aussi, fait et cause pour le traducteur juif autrichien (2). D’autant que celui-ci s’était lui-même proposé pour traduire Voyage en allemand après lui avoir consacré un article élogieux dans le Berliner Tageblatt. En réalité, précise Thyssens, l’éditeur allemand a vu le vent tourner : le parti national-socialiste est au pouvoir depuis février 1933 et cette traduction n’est plus du tout à l’ordre du jour. Aussi cède-t-il le contrat à Julius Kittls, un confrère éditeur installé à Mährisch-Ostrau, près de Prague, qui l’éditera en décembre 1933. Le 17 mai, L'Intransigeant publie un écho étonnant à propos du Voyage, mais ne cite pas ses sources. Il prélude, en tout cas, au refus du Berliner Tageblatt de publier le roman en feuilleton, conformément au contrat signé en décembre 1932 (3). Titré « Céline au bûcher », tel est cet écho : « Le Voyage au bout de la nuit, de M. Louis-Ferdinand Céline, a été, par ordre gouvernemental, retiré de toutes les librairies allemandes et brûlé la semaine dernière avec les autres ouvrages que condamne le régime hitlérien » (4). Cet autodafé de Céline par l’Allemagne hitlérienne est-il confirmé par une autre source ? Si son livre fut effectivement détruit par les nationaux-socialistes, voilà assurément un fait que Céline aurait pu mentionner dans son mémoire en défense de 1946 !

Marc LAUDELOUT

1. « Robert Denoël, éditeur » :
www.thyssens.com.
2. Marc Laudelout, « Quand Céline et Denoël défendaient Isak Grünberg », Le Bulletin célinien, n° 293, janvier 2008, pp. 8-9.
3. Le 15 juin, L'Intransigeant annonce que les Éditions Denoël et Steele viennent d'assigner le Berliner Tageblatt, pour rupture de contrat. Le journal allemand, « se retranchant derrière le cas de force majeure (le changement de régime) », a renoncé à publier en feuilleton Voyage au bout de la nuit.
4. C’est effectivement le 10 mai 1933 que le ministre de la Propagande, Joseph Goebbels, préside à Berlin une nuit d’autodafé pendant laquelle des milliers de « mauvais livres » d'auteurs juifs, marxistes, démocrates ou psychanalystes sont brûlés pêle-mêle en public par des étudiants nazis ; la même scène se tiendra ensuite dans d’autres grandes villes, comme Brême, Dresde, Francfort, Munich et Nuremberg.

 

 

 

vendredi, 18 juin 2010

Douteuse provocation ou scandaleuse récupération, qu'importe!

saupinard.jpgDOUTEUSE PROVOCATION OU SCANDALEUSE RÉCUPÉRATION, QU'IMPORTE !

Chronique hebdomadaire de Philippe Randa

Si le but des organisateurs de l’Apéro “Saucisson et Pinard à la Goutte-d’or”, ce quartier parisien au taux de population immigrée largement – euphémisme ! – au-dessus de la moyenne nationale, était de faire du “buzz” comme on dit désormais, c’est gagné. Depuis quelques jours et à l’approche du fatidique rendez-vous, les medias, effrayés par l’ampleur annoncée du nombre des participants, s’en sont fait l’écho quotidiennement. Quant à son interdiction par la Préfecture de police, c’est à l’évidence le point d’orgue de ce “coup” incontestablement réussit.

Certains jugeaient qu’une telle initiative est du plus parfait mauvais gout, au niveau des provocations de militants homosexuels venant sur les parvis des églises s’embrasser goûlument tout en se tripotant ce qui ne leur sert généralement guère pour se reproduire…

D’autres s’indignaient de son insupportable récupération partisane.

Ainsi du ban et de l’arrière-ban de la gauche extrême et militante – Parti de Gauche au PCF, en passant par les Verts-Europe Écologie, le NPA, RESF, la LDH, Alternative libertaire, La Maison Verte, la Gauche unitaire, Action antifasciste – bref de tous les habituels brailleurs contre la supposée resurgence d’une “lueur immense et rouge” qui fascina voilà plus de quatre-vingt ans l’écrivain Robert Brasillach et continue depuis lors de hanter leurs existences tout autant que celle de leurs grands-parents.

Ainsi de la Nouvelle droite Populaire qui s’est fendue d’un long communiqué rageur pour dénoncer au contraire “cette initiative (plutôt sympathique, mais) récupérée par toutes sortes d’organisations post socialistes qui découvrent aujourd’hui, après avoir craché pendant plus de vingt ans sur le mouvement nationaliste, que l’immigration est un problème pour notre pays. Certes, il n’est jamais trop tard pour ouvrir les yeux et se rendre compte que l’eau est mouillée et chacun a bien sûr droit à l’erreur. Mais ce qui est insupportable, c’est lorsque ces gens se permettent de nous donner des leçons (…) il est logique que les forces du Système tentent de récupérer cette légitime et salvatrice réaction de notre peuple.”

Quoi qu’il en soit, personne n’aura plus besoin de se déplacer – au risque d’incidents probables avec des “autochtones” locaux – pour que la France entière soit interpellée quant aux réalités ethnico-religieuses de certains lieux de son territoire national, si tant est qu’il puisse encore y avoir une citoyenne ou un citoyen distrait qui ne l’aurait pas remarqué… Entre autre la réquisition illégale par des musulmans de la voie publique pour organiser la prière du vendredi, comme dénoncée à juste titre par Marine Le Pen, vice-présidente exécutive du Front National, qui n’a pas manqué de condamner l’interdiction de cet Apéro “saucisson-pinard” à Paris auquel son mouvement ne s’était toutefois pas associé.

Certes, cet Apéro “saucisson-pinard”, officiellement à la seule initiative d’une habitante exaspérée du XVIIIe arrondissement parisien, fut néanmoins quasi-simutanément soutenu par plusieurs mouvements d’une droite identitaire habituellement qualifiée d’extrême.

Mais elle le fut également, et quasi-immédiatement, par d’autres associations qui ne le sont pas, voire pas du tout, tel Riposte laïque… qui se présente comme un groupe de gauche antireligieux dont le combat laïque est une telle priorité qu’il ne cherche “donc pas à la cloisonner dans le seul camp de la gauche”…

Et un des collaborateurs de son journal en ligne (www.ripostelaique.com) Maxime Lépante, se présentant comme “spécialiste de l’islamisation de La Goutte d’or”, a accordé un long entretien à l’hebdomadaire Minute (n°2464, 9 juin 2010) parce que celui-ci, précise-t-il, est “le troisième media à (s’)intéresser au scandale des prières musulmanes illégales dans les rues de Paris et ailleurs et qu’aucun des principaux medias français ne se préoccupe de cette affaire.”

Nul doute que ce ne soit plus le cas à l’avenir, puisque “sur Facebook, le projet d’Apéro “pinard-saucisson” fait des petits à Toulouse, Lyon, Bruxelles ou Londres. Plusieurs centaines de membres s’y sont déjà agrégés”, indiquait hier le quotidien Libération.

Alors, au-delà de l’opinion que l’on peut avoir de l’opportunité d’une telle initiative, force est de constater qu’elle a permis de fissurer l’insupportable ligne de fraction droite/gauche de la politique française.

Les sévères garde-chiourmes d’une démocratie de plus en plus totalitaire parviendront-ils à colmater cette fissure, riche d’espoirs politiques ? N’est-il déjà pas trop tard ?

En attendant, buvons-un coup ! Et même deux ! Ce qui est pris ne sera plus à prendre.

Le saucisson est-il anticonstitutionnel?

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Le saucisson est-il anticonstitutionnel ?

La provocation à la Goutte d’Or, c’est tous les vendredis

Elisabeth LEVY

Ex: http://www.causeur.fr/

Je ne connais pas les groupes qui ont appelé vendredi à un “apéro saucisson et pinard” dans le quartier de la Goutte d’or, et je ne doute pas que parmi eux se trouvent des gens avec qui je n’ai aucune envie de festoyer parce qu’ils ont de la France une vision étroitement ethnique, voire raciale. Mais je suis sûr que pas mal d’autres gens, en particulier des habitants du quartier, seraient tentés par ces festivités si on ne nous rabâchait pas depuis quelques jours qu’il s’agit d’une provocation islamophobe d’extrême droite. Cette manifestation qui susciterait l’enthousiasme si elle s’appelait “fête des voisins” et se déroulait à Boboland peut en effet séduire pour des raisons honorables qui n’ont rien à voir avec le racisme et tout avec le souci de neutralité de l’espace public, ce qui est l’exacte définition de la laïcité.

L’alcool, c’est le racisme, sa prohibition la tolérance

Dans les médias, on nous explique avec gourmandise qu’un groupe s’est créé sur Facebook pour appeler à un “apéro géant halal et thé à la menthe”. Voilà en apparence une magnifique réponse du berger à la bergère. Sauf qu’à l’exception de quelques cinglés, personne ne s’offusque parce que quelqu’un ne boit pas d’alcool ou ne mange pas de porc, alors que pratiquer ces deux activités, traditionnelles sinon anodines pour un grand nombre de nos concitoyens, est considéré comme insultant par une autre partie de nos concitoyens. À ma connaissance, aucun élève ne s’est fait casser la figure parce qu’il jeunait pendant le Ramadan. Il faut en conclure que manger du porc est un signe d’intolérance quand ne pas en manger et s’offusquer parce que d’autres en mangent prouve à quel point on aime toutes les cultures. Ou encore que boire est un acte raciste et qu’interdire aux autres de le faire est une manifestation de tolérance.

Oublions, par charité républicaine, l’ânerie proférée par Jean-Luc Mélenchon qui a repéré dans l’affiche appelant au saucissonnage un rappel de l’insigne de la SS : soit l’estimable Jean-Luc avait bu des breuvages que l’islam réprouve, soit il a peur de s’aliéner le vote de musulmans s’estimant stigmatisés par le rejet de cet islam ostentatoire qu’ils affirment pourtant rejeter. Comme j’aime bien Jean-Luc Mélenchon et que je le tiens pour un authentique républicain, je préfère penser qu’il avait, exceptionnellement, forcé un peu sur la bouteille – ou que sa vue baisse. Quant à Bertrand Delanoë, il a vertement condamné les saucissonneurs, rappelant que “l’expression du racisme et de l’intolérance n’avait pas sa place à Paris”. Ceux qui prient dans la rue, empêchant ceux qui ne prient pas de circuler et de picoler, sont évidemment les apôtres de la tolérance et de l’antiracisme. Pour le maire de Paris, le fait que cet apéro-saucisson coïncide avec la date du match Algérie-Angleterre est une circonstance aggravante : peut-être conviendrait-il de mettre en berne tous les drapeaux tricolores qui pourraient apparaître comme autant de provocations si l’Algérie perdait. De ce point de vue, nous devrions être rassurés : si j’en crois mes amis initiés, il y a de fortes chances pour que l’Algérie et la France soient éliminées en même temps. Reste à savoir quels drapeaux nous brûlerons tous ensemble pour manifester notre amour du sport et de la fraternité.

Qui sont les provocateurs ?

À en croire Le Point.fr, “cette manifestation centrée sur la consommation de viande de porc et l’alcool, exclut de fait les participants de confession juive ou musulmane”. J’ignorais que la charia et la halakha étaient devenues des lois de la Républiques et que les Français musulmans et juifs étaient désormais obligés de se conformer aux préceptes de leur religion. On attend avec impatience que la HALDE exige que les bars cessent de servir de l’alcool afin de n’exclure personne – à part les alcooliques, bien sûr.

Ce qui donne envie de hurler dans la présentation de cette affaire d’apéro, c’est que personne ne dit que si provocation il y a – et il y a -, elle répond à une provocation plus grande encore, persistante depuis des mois mais, il est vrai, dûment autorisée par la Préfecture de police : l’organisation de la prière musulmane du vendredi à ciel ouvert, des milliers de fidèles occupant plusieurs rues du quartier. Qu’ils bloquent la circulation est certes fâcheux mais en vérité véniel à côté de l’insulte faite aux mœurs de notre République – et ce serait aussi scandaleux s’il s’agissait d’une autre religion. Il faut d’ailleurs saluer le recteur Dalil Boubakeur qui a appelé les fidèles à venir prier à la Mosquée de Paris – monument éminemment parisien au demeurant et qui témoigne de la présence d’un islam respectueux de la laïcité qui a toute sa place en France.

Apéro interdit, prière autorisée ?

Il ne s’agit pas d’être candide. Les saucissonneurs associés ont certainement des arrière-pensées politiques, et pas des plus ragoûtantes. Mais ce n’est pas en recouvrant le réel d’un voile de bons sentiments qu’on le fera disparaître. Que ces prières publiques soient dénoncées par des gens peu sympathiques voire infréquentables, ne change rien au fait qu’elles sont inacceptables. La France qui a connu une quasi-guerre civile pour sortir le christianisme de l’espace public devrait maintenant accepter que l’islam s’y déploie ? La Préfecture de Police, qui a reçu les organisateurs de cet apéro du 18 juin et ceux du contre-apéro hallal annoncé, a décidé, certainement avec d’excellentes raisons d’ordre public, de tout interdire. Tout sauf, semble-t-il, la prière (à moins que pour calmer le jeu, on ne demande aux prieurs de se faire oublier pour une semaine).

En vrai, peu me chaut que l’on interdise cet apéro auquel je n’irai pas parce qu’on ne boit pas des coups avec n’importe qui. En revanche, j’aimerais savoir ce qu’on attend pour interdire ces prières sur la voie publique. Il faudra surtout expliquer aux Français de tous bords et de toutes origines qu’inquiète l’affirmation d’un islam militant et identitaire, que dans leur pays, on a le droit de prier en public, mais pas de manger du porc. La bonne nouvelle, c’est qu’on pourra jouer à l’antifascisme quand l’extrême droite raflera la mise parce qu’une fois de plus, on lui aura laissé, selon l’expression d’Alain Finkielkraut, le monopole du réel.

mercredi, 16 juin 2010

Terre & Peuple Magazine n°43

Communiqué de "Terre & Peuple" - Wallonie

 

 

 

tp-43.jpg TERRE & PEUPLE Magazine n°43

 

 

Le numéro 43 de TERRE & PEUPLE Magazine (équinoxe de printemps 2010) est consacré au thème révolutionnaire de l’identité.

 

Pierre Vial, dans son éditorial, souligne que les faits nous donnent raison. Il en veut pour exemple les heurts sanglants entre chrétiens et musulmans qui, depuis des décennies, déchirent le Nigéria. Le conflit n’est pas religieux, mais ethnique, entre les Fulanis et les Beroms. Refusant tout compromis à l’égard de l’utopie criminelle de la société multiethnique, nous choisissons joyeusement le camp des maudits.

 

Jean Le Blancmeunier brûle un cierge au film ‘Avatar’ de l’Américain James Cameron, que le Vatican a jugé bon de stigmatiser à cause de son culte païen de la nature, l’Eglise s’interdisant de considérer celle-ci comme divine. Aux humains qui sont devenus dégénérés et pervers, Cameron oppose les Na’vi, pour qui la nature est le seul bien vraiment précieux. On remarquera qu’ils sont pourvus d’un Uplink, cordon cérébral qui leur permet de se connecter aux animaux et aux arbres de la forêt. Il faut avoir d’abord vu Avatar pour retourner le voir.

 

Jean-Patrick Arteault se laisse questionner sur les racines du mondialisme occidental. Il les discerne dans l’évolution du vocabulaire. Ainsi, le terme gouvernance a été préféré à gouvernement dans le rapport 1975 de la Commission Trilatérale. L’objectif étant à l’évidence de désarmer les gouvernements des Etats, on a substitué à un mot masculin volontariste, qui désigne des acteurs concrets, un mot féminin impersonnel, qui échappe encore mieux au citoyen de base. La notion de gouvernance mondiale remonte à l’essai manqué de la SDN en 1919, qui sera repris et complété en 1945 avec l’ONU. Dans un monde unifié sous un système oligarchique participatif, la gouvernance ramène la politique à l’économie. Le cœur de cette oligarchie est un triptyque : l’ONU, à qui les Etats reconnaissent une priorité, les institutions de régulation (FMI, Banque mondiale, OMC, OMS) et les groupes d’influence et OMG, qui assurent un contrôle culturel et moral. Le système cherche à se justifier par une pastorale de la peur (insécurité, terrorisme, pollution, réchauffement, pénurie d’eau et d’énergie).

 

Le Forum de Davos n’est pas le Club des maîtres, mais un simple rouage du système oligarchique participatif, qui se présente comme un réseau de réseaux. Il a été fondé en 1971 par Klaus Schwab, un obscur économiste de l’université de Genève, comme ‘European Management Forum’, visant à répandre parmi les cadres politiques, militaires et économiques européens la vision messianique américaine (faire des affaires, mais en servant l’humanité). Il devient le Forum Economique Mondial en 2003 et est alors invité par le Groupe de Bilderberg, fer de lance du mondialisme. C’est un vivier où sont sélectionnés les futurs mandarins.

 

Christine Lagarde en est un modèle typique.  En 2005, elle s’est trouvée parachutée ministre du Commerce extérieur, et ensuite des Finances, dans le gouvernement Raffarin et, en 2007, ministre de l’Economie et de l’Emploi de Sarkozy.  Elle ne tombait pas du ciel, mais du cabinet du député républicain US William Cohen qui avait été choisi par le démocrate Clinton pour être secrétaire d’Etat à la Défense.  Elle avait fait carrière depuis 1981 dans le premier cabinet d’avocats d’affaires américain Baker & McKenzie, dont elle était devenue présidente en 1999.  En 1995, elle avait été recrutée par le CICS (Center of Strategic and International Studies) un think tank animé par Kissinger et Brzezinski.  Christine Lagarde, agent d’influence US, a joué un rôle déterminant dans la Commission USA/UE/Pologne, notamment pour l’achat par cette dernière d’avions américains de préférence au Rafale français.

 

Quelque réserve qu’on nourrisse à l’endroit des ‘conspirationnistes’, on ne peut qu’être frappé par l’agressivité à leur égard des adversaires de thèses auxquelles il devrait suffire d’objecter leurs fragilités et leur œillères idéologiques.  Définissant le complot comme ‘la mise en œuvre de moyens d’influence détournés pour que des groupe modifient inconsciemment leurs comportements afin de les affecter à des buts fixés par les maîtres d’œuvre du complot, on distinguera utilement deux familles de conspirations, qui visent toutes deux le bonheur de l’humanité.  L’une est la conjuration planétarienne pour le réalisation de la promesse biblique d’un règne sur les nations et d’une terre sainte. Le sionisme lui a donné une forme agissante.  La seconde est la conspiration mondialiste occidentale anglo-saxonne, qui est à peine moins jalouse que la première à l’égard des critiques, voire de simples révélations indiscrètes.  Héritiers des sectes bibliques puritaines et du poète Milton, les protestants anglais du XIXe siècle considèrent volontiers que Dieu est anglais et que la nation anglaise est devenue la bénéficiaire, depuis la défaite de l’Invincible Armada, de la même élection divine que le peuple hébreux sur le monde.  Saint Empire sur lequel le soleil ne se couche jamais, le Commonwealth semble gratifié de l’approbation divine par son système parlementaire et par la révolution industrielle.  Mais l’indépendance américaine et la concurrence du Continent auront vite fait d’effilocher son avance.  C’est alors que naît un projet de revitalisation, à l’échelle de l’Occident et de la Planète, de l’évident destin privilégié des anglo-saxons, qui va se développer au point de convergence des influences de personnalités parmi lesquelles émergent le poète John Ruskin (1819-1900), Arnold Toynbee (1852-1883), Alfred Milner (1854-1925) et Cecil Rhodes (1853-1902).

 

John Ruskin est leur maître spirituel.  Platonicien, il enseigne à l’université d’Oxford.  Les chrétiens socialistes lui inspirent de ne pas s’en tenir à interpréter le monde, mais de le remodeler à partir d’un code moral.  Dénonçant ‘la rage de devenir riche’, il vise un progrès qui doit être d’avantage spirituel que matériel. Il sélectionne dans cette perspective les meilleurs de ses étudiants pour qu’ils élèvent les masses aux valeurs d’une aristocratie à qui il recommande dès lors la discrétion.  L’aristocratie se doit d’intégrer l’élite plébéienne.

 

Toynbee, Milner et Rhodes sont les plus marquants des étudiants qu’ait influencés Ruskin.  Arnold Toynbee enseigne à Oxford, avec un tel charisme qu’il réunit autour de lui un cercle d’étudiants choisis, parmi lesquels Milner va puiser.  Toynbee leur insuffle trois idées : 1.- que le principe de liberté est à la base de l’Empire britannique et doit en préserver l’unité ; 2.- que le devoir primordial est le service de l’Etat et 3. – que c’est spirituellement qu’il faut élever les classes laborieuses.  Ces trois idées font du monde anglo-saxon le sommet de l’évolution de l’humanité.  Avec Alfred Milner et Cecil Rhodes, cet objectif d’élévation des masses va être étendu à tout l’Empire et bientôt au monde.  Ces impérialistes ne sont toutefois pas des libéraux : l’économie doit être dirigée ‘d’en haut’.  Ils mettent sur pied une organisation d’amis qui, à une notoriété publique personnelle vont préférer un pouvoir discret.

 

Alfred Milner rencontre à Oxford Toynbee, qui l’introduit dans la pépinière de Lord Balfour.  Devenu journaliste au Pall Mall Gazette, il se lie avec le rédacteur en chef, le célèbre William Stead, lui-même un des plus fidèles amis de Cecil Rhodes (qui donnera bientôt son nom à la Rhodésie-Zimbabwé).  L’asthme contraint alors Rhodes de quitter Oxford pour rejoindre son frère sous le climat plus clément de l’Afrique du Sud, où on découvre précisément des gisements de diamant.  Plutôt que de suivre son frère qui a acheté une concession, Rhodes préfère fournir les chercheurs en matériel, équipement et subsistance.  Il fait rapidement fortune et, rachetant les concessions des irréalistes déçus, il fonde avec l’appoint de Lord Rotschild la compagnie De Beers, qui va bientôt contrôler le marché mondial.  Reçu en maçonnerie, le goût des organisations secrètes que lui a inspiré Ruskin l’amène à constituer, sur le modèle de l’ordre des Jésuites, une ‘Société des Elus’. Ceux-ci s’engagent à coopérer dans le secret à l’extension au monde entier de l’idée anglo-saxonne. La Société recherche les hommes de capacité et d’enthousiasme, pour qui la richesse n’est pas un objectif, mais un moyen.  Rhodes affectera son immense fortune à subventionner les ‘boursiers Rhodes’ : Bill et Hilary Clinton en sont deux produits. (à suivre !)

 

Pierre Vial souligne, à propos du livre ‘Au temps des idéologies à la mode’ qu’Alain de Benoist a opportunément dédié à Jean-Claude Valla, le courage de Louis Pauwels qui a permis la belle aventure de ce qu’il a lui-même baptisé la Nouvelle Droite.  Elle a braqué les projecteurs sur nombre de nos fondamentaux : les Indo-Européens, le pouvoir culturel, la pensée de Carl Schmitt, le débat race-intelligence, l’éthologie et la fonction de l’imaginaire.

 

Pierre Vial, encore, ouvre le dossier de la Révolution identitaire.  A la différence des messianismes économistes des frères jumeaux marxisme et libéralisme, elle se fonde sur la réalité.  Il rappelle que c’est en 1988 qu’il fondé, avec notamment Jean-Jacques Mourreau, la revue ‘Identité’, que dans son éditorial du n°1 de la revue Terre & Peuple, en 1995, il appelait au combat identitaire et que, dans l’éditorial du n°2 qui s’intitulait ‘Le mouvement identitaire’, il soulignait que l’identité, « avec son mouvement multipolaire » échappe aux clivages partisans.

 

Jean Haudry fait observer que, chez les Indo-Européens anciens, le vocable ‘identité’ n’apparaît que tardivement, comme si être soi-même allait sans le dire et, comme la religion, ne demandait que d’être vécu. Hors de toute abstraction, l’identité ne s’exprime alors que par les pronoms ‘soi’ et ‘sien’, qui marquent l’appartenance aux communautés de la société des lignages et aux compagnonnages guerriers, les ‘quatre cercles d’appartenance sociale’ d’Emile Benveniste.  Chaque groupe est ‘sien’ pour ses membres et ‘autre’ pour les étrangers. Mais il est à la fois ‘sien’ et ‘autre’ au sein du cercle supérieur, comme des compatriotes sont ‘siens’, même s’ils sont ‘autres’ quand ils ne sont pas de la même famille ou du même clan.  L’autre est un ennemi potentiel, susceptible toutefois d’être reçu comme hôte (hostile, hostellerie).  A l’égard des autres, la guerre est naturelle et la paix n’est qu’un accord formalisé sous la tutelle du dieu de l’hospitalité.  Les royautés historiques vont installer la paix entre les clans, mais pas encore entre les peuples du même sang.  Ils s’affrontent continuellement, mais ils vont s’unir sous l’égide de leur dieux communs contre les barbares, ceux avec qui n’existent que des rapports de force.  Tandis que les guerres entre la Grèce et la Perse sont dites sont dite ‘entre sœurs de même sang’.  D’où l’importance accordée à la ressemblance physique et au type physique idéal et à la ressemblance morale, liée pour partie au physique et pour partie à l’éducation.

 

Jeanne et François Desnoyers retracent le long chemin du théâtre, de la haute antiquité à nos jours comme, étant une expression typiquement européenne.  L’altération de la tragédie en comédie et finalement en pantomime et en démonstrations à effets spectaculaires.  Et le regain dans les drames liturgiques, les miracles et les mystères paraphrasant les textes saints. Et le glissement vers la trivialité des parvis, des baladins des foires, des mascarades des carnavals, jusqu’au coup de barre de la Réforme.  Et puis les grandes traditions théâtrales européennes, espagnole, italienne, anglaise, allemande, française.

F.F. se félicite des affirmations vestimentaires des ‘autres’, qui entendent se discriminer clairement, voire agressivement, par leur vêtement, depuis la bourqa jusqu’à la kippa. Il nous recommande de donner notre réplique.  Mais tout plutôt que les jeans et aussi fréquemment que possible les Tracht et les Dirndl si seyants.

Pierre Gillieth décline une savoureuse carte du film français des bonnes années, avec ses titis éternels, ses rebelles fils du peuple, ses râleurs poétiques, son populisme si cher à nos cœurs, ses légendes et ses rêves filmés, son esprit aristocratique ou plébéien. Mais y a-t-il encore des hommes chez qui trouvent un écho des films tels que ‘La 317e section’, ‘Le Crabe-Tambour’ ou ‘L’Honneur du capitaine’ ?

 

Pierre Vial, toujours, brûle un cierge à l’identité indienne, à l’occasion du film ‘Le dernier Cheyenne’ de Tab Murphy.  Il raconte le repli dans des montagnes d’un clan cheyenne ‘oublié’ que découvre un archéologue, qui décide finalement de rester vivre avec eux.

 

Pélage, citant en exergue Guillaume Faye (« Je n’appelle pas à la guerre, je la vois venir, hélas. »), dresse l’état de l’islamisation de la France, le plus atteint des pays européens.  Les musulmans n’étaient que 500.000 en France, quand De Gaulle a lâché l’Algérie pour s’éviter un ‘Colombey-les-deux Mosquées’. Ils sont aujourd’hui au bas mot sept millions et atteignent 60% de la population de plusieurs villes.  Il y avait en France 23 mosquées en 1974.  Il y en a cent fois plus à présent, dont une cinquantaine de ‘cathédrales’ (jusque 7.000 fidèles).  Les islamistes modérés sont évidemment les plus nombreux, comme avant toute révolution lancée pas les radicaux.  Les Frères musulmans (équivalent des Loups gris et du Milli Görüs des Turcs) sont présents partout et plaisent aux jeunes.  Leurs structures, bien organisées, sont financées par l’Arabie saoudite (30 à 50%) et par le filon halal.  L’Union des Jeunes Musulmans (UJM) et Tariq Ramadan bénéficient du soutien de l’Eglise catholique et de la gauche alter-mondialiste.  Le Tabligh forme des missionnaires zélotes.  Les extrémistes chassés d’Algérie (FIS) alimentent le salafisme, qui prône le retour à la pureté des origines (barbe, djellabaa, repas pris accroupi, polygamie) et est très actif et bien équipé.  Il tient plusieurs centaines de mosquées et n’hésite pas à intimider les imams hésitants.  Les convertis sont le plus souvent des paumés des cités qui, demeurant des ‘gouals’ (suspects), sont incités à la surenchère.  La police connaît parfaitement les ‘terroristes dormants’ sur leurs arsenaux des banlieues, dans l’attente du mot d’ordre. La propagande islamique n’est guère le fait des quelques imams collabos diplômés de l’Institut catholique de Paris, car les jeunes leur préfèrent les purs et durs.  Les sites internet prosélytes sont légion.  La télévision Al-Jazeera (Le Caire), Al-Arabiqya (La Mecque) et Al-Mustaqila (Londres) règne sur tous les foyers, de même que Radio-Orient et Radio-Méditerranée (Mecca-Cola).  Les éditions Le Figuier (Tabligh) et Tawhid diffusent, outre le Coran, des textes sulfureux qui ont déjà valu des condamnations pour antisémitisme.  En dépit de quelques pieuses proclamations républicaines, la charia est solidement installée dans les cités : 60% des jeunes musulmans y sont favorables et 90% respectent le ramadan (contre 60% en 1989) et se chargent d’en faire la police.  La nourriture halal (un marché de 5,5 milliards €) est imposée de fait à l’ensemble des consommateurs, car les musulmans, comme les Juifs d’ailleurs, ne consomment que certains morceaux de l’animal et c’est nous qui écoulons le reste !  Plus de 80% des jeunes déclarent réciter leurs prières quotidiennes et souhaiter des écoles coraniques.  De plus en plus de directeurs des écoles publiques admettent des pauses pour ces prières, des horaires pour le ramadan et des absences pour les fêtes musulmanes.  Une police des mœurs se charge de surveiller la bienséance vestimentaire, rectifiant à l’occasion les putes gauloises.  Comme se font rectifier dans les écoles les professeurs d’histoire, de littérature, de sciences de la vie, notamment par les créationnistes.  Craignant d’être taxées d’islamophobie, nombre d’entreprises veillent à ne pas faire manger les impurs dans les réfectoires des croyants et à servir tout le monde en aliments halal.  La ségrégation est pratiquée de même dans les sports (où la mixité est offensante) et à l’hôpital (où les incidents sont quotidiens). Dans la rue, elle est ostensible dans entraves à la circulation qui sont organisées communément pour la prière.  A l’armée (qui serait encore attachée aux valeurs de la France !), il y aurait (secret Défense) entre 10 et 15% de musulmans (proportion des repas halal) et les aumôneries organisent les pèlerinages à La Mecque.  Dans les prisons, on reconnaît le chiffre de 50% de musulmans et de 80% en région parisienne et dans le Nord.  Les recruteurs salafistes y pratiquent un prosélytisme forcené.  La finance islamique, qui pèse déjà 700 milliards $, est pure dans le respect de la charia, mais n’en est pas moins responsable de la faillite de Dubaï.  L’islamo-business justifie ses trafics contraires au Coran par la bonne cause du pourrissement de l’Occident impie, dans la perspective du grand soir.  Le vêtement islamique sert de drapeau, car du voile, admis à présent par 79% des moins de 30 ans, on passe au niqab et à la bourqa, portés par deux mille femmes (dont 25% de converties) qui forment la pointe de l’iceberg.  La polygammie est déjà le fait de 20 à 50 mille foyers, soit au moins 200.000 personnes qui vivent sous ce régime.  La France est le refuge des musulmans polygames qui n’en ont pas les moyens dans leur pays.  La garantie de virginité a été consacrée par le Tribunal GI de Lille comme cause d’annulation d’un mariage.  En France, les matrones continuent de mutiler les petites filles en pratiquant l’excision de leur bout de chair satanique.

 

Prodrome d’une guerre annoncée, le refus des musulmans d’être nos hôtes marque leur détermination à mettre en place un Etat islamique et à nous islamiser. Que Sarkozy s’aventure à déclarer que le bourqa n’est pas bienvenue en France et on lui promet vengeance. Khaddhafi appelle au jihad contre la Suisse qui refuse les minarets. Occultée ou minimisée par les politiciens et les journalistes, la violence islamique est banalisée. On siffle la Marseillaise et on brûle le drapeau français au nez de gendarmes réduits à la passivité.  Les liesses sportives tournent à la guerilla.  La mosquée de Drancy, modérée, est mise à sac comme la maison de son imam.  On asperge d’essence en plein Paris une comédienne musulmane libérale.  La France semble avoir perdu jusqu’au goût de se défendre et le ministre en charge proclame qu’il n’y a plus de Français de souche, mais une France de métissage.  Sarkozy avoue : « Notre modèle d’intégration ne fonctionne plus, » pour remettre enfin en question la discrimination positive.  La dénonciation du référendum suisse sur les minarets, comme étant une honte fasciste, voire un crime contre l’humanité (Kouchner, Cohn-Bendit, Erdogan) en regard des majorités écrasantes de révoltés que révèlent les sondages mesure le gouffre qui sépare l’oligarchie du peuple réel.  Ce ne sont pas les minarets que celui-ci refuse, mais l’expansion de l’islam.  Face aux affirmations de conquête de celui-ci, il est désormais devenu impossible de faire taire ce peuple.

 

Jean Haudry propose un recension détaillée du numéro 388 de la revue Dossiers d’archéologie, lequel est tout entier consacré aux Indo-Européens.  Il a été constitué sous la direction de l’ineffable Jean-Paul Demoule, ce qui laissait présager une excommunication de plus. Mais il n’en est rien : « La question mérite d’être étudiée  Le numéro réserve même de bonnes surprises, privilégiant l’hypothèse des steppes, de Marija Gimbutas, à l’hypothèse anatolienne de Colin Renfrew et Demoule approuvant enfin l’apport de Dumézil.  Toutefois, le dossier reste muet sur les données significatives que sont le formulaire et l’hydronymie.  Depuis la découverte fortuite, en 1854, de la formule ‘la gloire impérissable’, courante tant en védique qu’en grec, on a pu relever dans les différents parlers indo-européens des centaines de concordances de formules imagées, ce qui a permis à Martin West de publier son livre ‘Indo-european Poetry and Myth’ (Oxford 2007).  Par ailleurs, l’incomparable stabilité, dans les dénominations des lieux de la géographie (toponymie), des appellations qui désignent les voies d’eau (hydronymie) révèle une dispersion de vocables indo-européens à travers l’Europe et l’Asie, avec une concentration dans les régions baltiques. Ce que Demoule écarte, bien sûr, comme étant national-socialiste !

 

Note sur une lignée d'écrivains: de Stendhal à Dostoïevski et Ernst von Salomon

stendhal_1214892515.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Note sur une lignée d'écrivains: de Stendhal à Dostoïevski et Ernst von Salomon

par Jérémie BENOIT

 

“Timidement, je caresse la reliure avec le dos de ma main. Je tourne la feuille de garde et je lis: «Stendhal, le Rouge et le Noir»”. Ainsi s'achève l'un des chapitres du roman d'Ernst von Salomon (1902 - 1972), Les Réprouvés (Die Geächteten) (1), œuvre phare de l'époque des corps-francs en Allemagne après la défaite de 1918. L'admiration envers Stendhal (1783-1842) dont témoigne la phrase de von Salomon suscite évidemment une réflexion sur les rapports que l'on peut établir entre ces deux écrivains, éloignés d'un siècle dans le temps, et a priori fort différents par leur culture. Mais le débat devra encore être élargi grâce à un aphorisme de Nietzsche (1844-1900), qui marque un relais dans la filiation Stendhal/von Salomon, en introduisant la personnalité de Dostoïevski (1821-1881). Dans Le Crépuscule des Idoles  en effet (2), Nietzsche relève: «Dostoïevski est, soit dit en passant, le seul psychologue qui ait eu quelque chose à m'apprendre. - Je le compte au nombre des plus belles aubaines de ma vie, plus encore que ma découverte de Stendhal»).

 

C'est donc cette lignée d'écrivains que nous allons tenter d'appréhender ici, sachant que, plutôt qu'à leur style, c'est à leur démarche intellectuelle, à leur idéologie, que nous nous attacherons prioritairement. Car Julien Sorel, le héros stendhalien apparaît comme le prototype de tout un courant d'idées dont le XXe siècle a vu —et voit encore—  se développer la descendance, au travers de personnages que l'on a qualifié de nihilistes, mais qui sont en fait des révolutionnaires détachés des contingences de la société bourgeoise.

 

La haine sociale

 

A propos du Rouge et le Noir, Paul Bourget notait en effet: «Plus nous avançons dans la démocratie, plus le chef-d'œuvre de Stendhal devient actuel» (3). C'est une manière de projeter le roman dans le XXe siècle, et donc de poser le principe d'un rapport direct, si l'on veut, avec Les Réprouvés de von Salomon. La grande figure de Julien Sorel incarne en effet «la rébellion moderne», selon les termes de Maurice Bardèche (4). Cette rébellion, personne mieux qu'Ernst von Salomon ne l'a décrite: «Nous étions enragés, écrit-il. Des drapeaux de fumée noire jalonnaient notre route. Nous avions allumé un bûcher où il n'y avait pas que des objets inanimés qui brûlaient: nos espoirs, nos aspirations y brûlaient aussi, les lois de la bourgeoisie, les valeurs du monde civilisé, tout y brûlait, les derniers vestiges du vocabulaire et de la croyance aux choses et aux idées de ce temps, ce bric-à-brac poussiéreux qui traînait encore dans nos cœurs» (5). Libération, purification, régénération, telles sont les thèses que pose ainsi Ernst von Salomon dans son roman. La question est finalement de retrouver l'homme au sein du dédale social. L'identité humaine, la recherche passionnée du moi, sont ainsi les seules valeurs qui subsistent aux yeux de l'écrivain.

 

Mieux que dans Les Réprouvés cependant, l'analyse de la révolte contre l'ordre établi se rencontre dans Le Rouge et le Noir. «La haine extrême qui animait Julien contre les riches allait éclater», écrit Stendhal au chapitre 9, puis: «Il ne vit en Mme de Rénal qu'une femme riche, il laissa tomber sa main avec dédain, et s'éloigna» (6). Ce sentiment d'abjection envers tout ce qui médiatise l'homme pour en faire un être social, empêtré dans des idées préétablies, forme le fond de l'attitude de Julien Sorel, quand bien même il cherche à entrer dans cet univers maniéré qu'il perçoit cependant comme ridicule. Car il n'y croit pas. Dès le premier contact avec la société policée, il se sent étranger, différent. Il aspire avant tout à se libérer du carcan social, pour se retrouver lui-même, homme. Supérieurement intelligent, ce cérébral ne pouvait laisser Nietzsche indifférent. Il possède son effet en lui les qualités du surhomme, capable de se surpasser, de transgresser les valeurs. La réflexion, l'analyse et finalement le crime de Julien Sorel trouvent un écho dans la démarche de Rodion Romanovitch Raskolnikov, le héros de Crime et Châtiment, œuvre de Dostoïevski (7).

 

La recherche de l'homme intégral

 

Raskolnikov, conscient lui aussi de sa supériorité, cherche également à se libérer du bourbier social, et sa pensée se fixe sur une vieille usurière, Aliona Ivanovna. «Quelle importance a-t-elle dans la balance de la vie, cette méchante sorcière?», se dit-il. Mais au-delà de la seule réflexion sociale, qui fait finalement le fond du roman de Stendhal, Dostoïevski introduit de plus une dimension psychologique propre à son œuvre. Si la vieille est l'obstacle social à abattre pour se libérer  —« Ce n'est pas une créature humaine que j'ai assassinée, c'est un principe»—  l'idée du crime germe aussi comme un défi à la propre libération du héros. «Suis-je capable d'exécuter cela?», se demande Raskolnikov. Car le héros étouffe entre les murs de la morale officielle. Il se sent, comme Julien Sorel, différent du troupeau de l'humanité. Le destin l'a désigné pour, ainsi que le dit Henri Troyat (8), «la terrible aventure de l'indépendance spirituelle». Des êtres comme lui possèdent le droit de dépasser les limites du social. Leur but unique est la recherche de l'homme intégral. Cette démarche en fait des sur-hommes nietzschéens. Car ni Julien Sorel, ni Raskolnikov ne regrettent leur crime. «Après tout, je n'ai tué qu'un pou, un sale pou, inutile et malfaisant», s'écrie Raskolnikov, tandis que Julien Sorel attend son exécution avec sérénité, entièrement libéré et purifié. «J'ai aimé la vérité... dit-il, Où est-elle?... Partout hypocrisie, ou du moins charlatanisme (...). Non, l'homme ne peut pas se fier à l'homme».

 

Leur recherche est donc essentiellement celle de l'humanité sincère. Par-delà les considérations sociales, Julien Sorel analyse ainsi la situation: «Avant la loi, il n'y a de naturel que la force du lion, ou le besoin de l'être qui a faim, qui a froid, le besoin en un mot». Car ajoute-t-il, en rupture totale avec la pensée rousseauiste sur laquelle s'appuie la société bourgeoise du XIXe (et du XXe) siècle, «il n'y a point de droit naturel». Au droit, il substitue le besoin, à la société, il oppose l'homme. Cette position est celle, nous l'avons vu plus haut, d'Ernst von Salomon, dégagé de toute contrainte avec ses camarades des corps-francs.

 

Chez Stendhal et Dostoïevski se trouvent les prémisses de la pensée libératrice de Nietzsche. L'homme est une créature naturelle, et comme telle, il est un prédateur. Tout homme supérieur a le droit et le devoir de prélever sa proie dans le troupeau. C'est pourquoi Raskolnikov se demande pour quelle raison son acte apparaît aussi odieux à son entourage: «Parce que c'est un crime? Que signifie le mot crime? Ma conscience est tranquille». Et, tout comme Julien Sorel, il s'offre en pâture à la société: «Certes, j'ai commis un assassinat... Eh bien! pour respecter la lettre de la loi, prenez ma tête et n'en parlons plus...». C'est à peu de choses près ce qu'exprime Julien Sorel au juge venu le visiter dans sa prison: «Mais ne voyez-vous pas, lui dit Julien en souriant, que je me fais aussi coupable que vous pouvez le désirer? Allez, monsieur, vous ne manquerez pas la proie que vous poursuivez».

 

Napoléon, modèle de liberté

 

La parallélisme entre Raskolnikov et Julien Sorel rencontre encore un autre écho dans l'admiration semblable qu'ils portent à Napoléon. «Un vrai maître, à qui tout est permis, songe le héros de Dostoïevski, canonne Toulon, organise un massacre à Paris, oublie son armée en Egypte, dépense un demi million d'hommes dans la campagne de Russie, et se tire d'affaires, à Vilna, par un jeu de mots. Et c'est à cet homme qu'après sa mort on élève des statues. Ainsi donc, tout est permis...». C'est là la terrible conclusion de Dostoïevski, qui hante toute son œuvre (9). Cette conclusion, nous la retrouvons chez Stendhal, bien que moins nettement dégagée: «Depuis bien des années, Julien ne passait peut-être pas une heure de sa vie sans se dire que Bonaparte, lieutenant obscur et sans fortune, s'était fait le maître du monde avec son épée» (10). Ernst von Salomon écrit quant à lui: «Dans une armoire, j'avais encore un portrait du Corse que j'avais décroché au début de la guerre» [de 1914]. Cette phrase montre là encore la totale admiration de tous les révolutionnaires pour Napoléon, quand bien même ils condamnent l'expansionnisme français.

 

Un prédateur régénéré dans la violence

 

Car ni Dostoïevski, ni von Salomon ne sont des adulateurs de l'Empereur. Leur nationalité limite l'enthousiasme que l'on ressent chez Julien Sorel. Abstraction faite de cette réserve, Napoléon est cependant un modèle absolu, celui de l'homme libéré du carcan social, du poids des considérations sociales. Lui seul porte à agir Julien Sorel et Raskolnikov, qui brûlent, l'un comme l'autre, de passer à l'action, et que les conditions sociales de leur époque empêchent de donner leur mesure. Le meurtre apparaît ainsi comme le substitut à l'héroïsme qu'on ne leur offre pas. Stendhal relève d'ailleurs dans son roman: «Depuis la chute de Napoléon (...) l'ennui redouble» (11). Ce sont ces contraintes qui poussent parfois Julien Sorel à se dévoiler violemment: «L'homme qui veut chasser l'ignorance et le crime de la terre doit-il passer comme la tempête et faire le mal comme au hasard?». Nous tenons là le véritable lien qui relie Stendhal à Ernst von Salomon. Prédateur, l'homme ne peut se régénérer que dans la violence, que déchaînent la guerre ou la révolution. Or, à l'inverse de Julien Sorel et de Raskolnikov, le destin d'Ernst von Salomon  —héros de son propre roman—  se dessina dans une époque de périls pour l'Allemagne, après la Première Guerre mondiale. Comme le personnage de Stendhal, il fut, en tant qu'élève à l'école des Cadets, frustré de «sa» guerre. Mais il put cependant se libérer grâce à l'épopée des corps-francs. Il ne s'agissait d'ailleurs pas seulement d'une lutte pour sauvegarder l'intégrité du territoire allemand, il s'agissait aussi  —et peut-être surtout—  de mettre en pratique cette nouvelle mentalité révolutionnaire, en conquérant de nouveaux espaces. Ce fut l'aventure du Baltikum qui permit de dépasser le nihilisme et de briser l'individualisme...

 

Le lieutenant Erwin Kern, compagnon de von Salomon, et l'un des assassins de Walter Rathenau en 1922, également héros du roman, recoupe entièrement ce que pensent Julien Sorel et Raskolnikov, lorsqu'il dit: «Pourquoi sommes-nous différents? Pourquoi existe-t-il des hommes comme nous, des Allemands comme nous, étrangers au troupeau, à la masse des autres Allemands? Nous employons les mêmes mots et pourtant nous ne parlons pas le même langage. Quand ils nous demandent “Que voulez-vous?”, nous ne pouvons pas répondre. Cette question n'a pas de sens pour nous. Si nous tentions de leur répondre, ils ne nous comprendraient pas. Quand ceux d'en face disent “intérêt”, nous répondons “purification”» (12). Purification, c'est-à-dire libération, sur-humanisation nietzschéenne.

 

De la liberté à la politique

 

Si la filiation s'établit assez facilement de Stendhal et Dostoïevski à Nietzsche et Ernst von Salomon, il existe cependant une grande différence entre les XIXe et XXe siècles. Les personnalités des différentes figures que nous avons considérées s'expliquent parfaitement d'un point de vue social et psychologique. Cependant, la révolte de Julien Sorel ou de Raskolnikov n'est pas la révolution programmée d'Ernst von Salomon, annoncée par Nietzsche (et d'autres penseurs). Il ne s'agit plus de se reconnaître différent en tant qu'individu, il s'agit de combattre les causes de la destruction de l'humanité. Dès lors, deux tendances vont se conjuguer, la réflexion et l'action, qui toutes deux se trouvaient en germe dans le romantisme. Le but suprême est la lutte contre la société bourgeoise, et par là-même, la régénération de l'humanité.

 

De là naîtra le mouvement que l'on nomme “révolution conservatrice”, dont Arthur Moeller van den Bruck (1876-1925) a certainement donné la meilleure définition (13): «Un révolutionnaire, écrit-il, n'est pas celui qui introduit des nouveautés, mais au contraire celui qui veut maintenir les traditions anciennes». Il ne nous appartient pas ici d'étudier ce courant d'idées (14). Notre dessein n'est que d'en repérer les origines et la continuité au travers d'un type de héros de roman. Cependant si Ernst von Salomon nous autorise à poser Le Rouge et le Noir de Stendhal comme étant une des sources des idées de la révolution conservatrice, il est permis de se demander pour quelles raisons les penseurs français classés à gauche, Zola ou Aragon (15), ont également tenté de récupérer la figure de Julien Sorel. Certes, la lutte anti-sociale du héros explique leur position. Mais c'est oublier une dimension essentielle de la personnalité de Julien Sorel, paramètre qui n'a pas en revanche échappé à von Salomon. Inférieur socialement aux personnages qu'il côtoie, Sorel se sent cependant supérieur à eux. Il considère l'injustice sociale non sur le plan strict du droit, mais sur le plan humain. Il ne cherche même pas à égaler ses maîtres, il revendique sa différence intellectuelle. Selon lui, tout comme pour Raskolnikov d'ailleurs, les mérites tiennent aux talents, nullement à la position sociale.

 

Or, cette supériorité n'a pas été remarquée —volontairement?—  par les critiques de gauche. En cela, on peut dire que leur annexion de Julien Sorel est abusive. Ce qui n'est pas le cas chez certains penseurs de droite. On se souviendra comment Ernst von Salomon s'éloigna du national-socialisme, parce qu'il considérait ce parti politique comme trop plébéien. Seule sa notoriété lui valut de ne pas être inquiété durant la période hitlérienne. Cette position d'extrême conscience de sa valeur avait également été celle de Stendhal durant son existence.

 

Psychologie du révolutionnaire

 

Nous avons vu se dessiner, dans ce qui précède, la psychologie du révolutionnaire. Mettons de côté cependant la problématique propre de Dostoïevski, qui est celle du rachat de l'homme marqué par la perspective chrétienne du Salut  —encore que les considérations religieuses et sociales ne soient pas absentes du Rouge et le Noir—,  et étudions en revanche la pathologie de ces personnages, si proches les uns des autres. On a souvent dit que les héros de Dostoïevski étaient tous des psychopathes. C'est possible. Mais une telle constatation, formulée dans le vocabulaire réducteur de l'aliénisme matérialiste, n'explique pas tout, bien au contraire. Car Stendhal, qui n'a guère fouillé la psychologie de Julien Sorel  —en dehors de ses réactions sociales—  note rapidement au chapitre 40: «Deux ou trois fois par an, il était saisi par des accès de mélancolie qui allaient jusqu'à l'égarement». C'est déjà l'annonce des crises des personnages de Dostoïevski, qui par-delà les démonstrations, fouille leur psychologie. Ainsi, après son crime, Raskolnikov se trouve-t-il en proie à un délire et à une inactivité qui révèlent une personnalité irrégulière, déréglée. C'est aussi l'explication que l'on peut donner au cri poussé par Ernst von Salomon au fond de sa prison. Captif de la société qui cherche à l'annihiler, le héros n'a plus d'autre solution que de hurler sa détresse. Réfractaire à toute mise au pas, désespéré, il laisse échapper sa soif de liberté dans un cri.

 

la société bourgeoise: un leurre

 

Conscients de leur supériorité intellectuelle, tous ces personnages se perçoivent si différents des gens établis, qu'ils en sont écrasés. Ecrasés parce qu'ils sont seuls face à la société. Leur sursaut est une déviation de l'action, qui passant par une sorte de dépression, les fait tomber dans le crime en les élevant. Mais ce n'est pas la dépression qui explique leur position face à la société. Cela doit être bien compris. La dépression n'est qu'un résultat. Elle n'est nullement originelle. Parce que la société les brime, les contraint, elle apparaît devant eux. Non l'inverse. Ainsi, ces personnalités s'analysent en fonction du cadre social dans lequel elles évoluent. Sans l'injustice, sans l'imbécillité, sans la lâcheté, sans l'ennui, toutes les figures que nous avons vues, auraient pu s'exprimer librement. Jamais elles ne seraient tombées dans la mélancolie  —voire dans la folie comme ce fut le cas pour Nietzsche—  si elles avaient été garanties par des sociétés libres. Toute leur réflexion démontre que la société bourgeoise n'est pas naturelle. Elle n'est pas la liberté. Elle n'est qu'un leurre, un piège. L'homme ne peut être libre que dans la nature, qui offre au plus fort la possibilité de la lutte.

 

Pourquoi tant de mouvements gymnastiques naquirent-ils en Allemagne dès la fin du XIXe siècle? Précisément pour faire contrepoids à une société bourgeoise étriquée, n'offrant à l'homme que des possibilités de jouer des rôles, sans que jamais il puisse s'épanouir pleinement. Or, ces rôles, Julien Sorel, Raskolnikov ou Ernst von Salomon en avaient dès l'abord décrypté l'hypocrisie. Originellement, ils ne sont pas des personnages déséquilibrés. Seule la société bourgeoise, artificielle, les a forgés comme ils sont, les a poussés dans leurs retranchements. Et c'est toute leur noblesse que de la refuser et de combattre pour l'élaboration d'une autre société, naturelle et humaine. L'égalitarisme démocratique est donc condamné en bloc par ces personnalités, qui ne rêvent que de sociétés fortes et viriles. Là en fait se situe la carence des psychologues, qui ne font que constater des faits, et qui ignorent délibérément un paramètre essentiel, le contexte social. Psychopathes, à tout le moins dépressifs, Julien Sorel ou Raskolnikov le sont sans doute selon les normes bourgeoises. Mais ils le sont parce qu'ils sont incapables de rentrer dans une société qui ne leur convient pas, une société de médiocres calculateurs, une société mercantile, essentiellement faite pour les faibles.

 

Or, ce sont ceux-ci qui jugent et condamnent ces personnages, sans être à même de les comprendre. Parce qu'ils ont été piégés par la société. Parce qu'ils manquent de grandeur morale. Parce qu'ils manquent simplement d'intelligence et de courage. Il faut en effet être particulièrement fort pour se mesurer à la société et à soi-même. C'est ce qu'affirment dramatiquement ces trois héros de la révolte européenne.

 

Jérémie BENOIT.

 

NOTES:

 

(1) Die Geächteten, Berlin, Rowohlt Verlag, 1930, trad. franç. (Les Réprouvés), Paris, Plon, 1931, p. 396.

(2) Le Crépuscule des Idoles, (1888) «Divagation d'un Inactuel», 45, trad. fr., Paris, Folio, p. 133.

(3) P. Bourget, Essai de Psychologie contemporaine, Paris, Lemerre, 1889.

(4) M. Bardèche, Stendhal romancier, Paris, La Table ronde, 1947.

(5) Les Réprouvés, op. cit. p. 120-121.

(6) Le Rouge et le Noir, Paris, Levavasseur 1830, chap. 10.

(7) Crime et Châtiment, publié dans Le Messager russe en 1866.

(8) H. Troyat, Dostoïevski, Paris, Fayard, 1960, p. 239.

(9) Cette idée que tout est permis à l'homme, parce qu'il n'y a pas de dieu, se retrouve en particulier dans les réflexions d'Ivan Karamazov. C'est en s'inspirant de lui que Smerdiakov, le bâtard, sorte de double infernal de son maître, tue le père Karamazov. Car, comme le fait observer H. Troyat, op. cit., p.356, «Smerdiakov confond la liberté avec l'arbitraire». On remarquera à ce propos que Dostoïevski, tout comme Stendhal d'ailleurs, n'a écrit qu'un seul roman, n'a créé qu'un seul type de héros, déclinés sous tous leurs aspects.

(10) Est-ce un hasard si Stendhal écrivit une Vie de Napoléon, éditée seulement en 1876?

(11) On se souviendra à ce propos de ce qu'écrivait Alfred de Vigny (1797-1863) dans Servitude et grandeur militaires (1835): «Cette génération née avec le siècle qui, nourrie de bulletins par l'Empereur, avait toujours devant les yeux une épée nue, et vint la prendre au moment même où la France la remettait dans le fourreau des Bourbons». A quoi répondait Alfred de Musset (1810-1857) dans La confession d'un enfant du siècle (1836): «Alors s'assit sur un monde en ruines une jeunesse soucieuse. Tout ces enfants étaient des gouttes d'un sang brûlant qui avait inondé la terre».

(12) Cité par D. Venner, Histoire d'un fascisme allemand. Les corps-francs du Baltikum et la Révolution conservatrice, Paris, Pygmalion/Gérard Watelet, 1996, p.251.

(13) A. Moeller van den Bruck, La Révolution des peuples jeunes, Puiseaux, Pardès, 1993, p.137. On relèvera par ailleurs que Moeller van den Bruck fut un excellent connaisseur de Dostoïevski qu'il traduisit en allemand. Selon lui, «Dostoïevski était révolutionnaire et conservateur à la fois» (op. cit., p. 136)

(14) Sur ce point, on lira en particulier les publications des éditions Pardès, dont Armin Mohler, La révolution conservatrice en Allemagne, 1918 - 1932, 1993. On relèvera aussi le fait que parmi les maîtres penseurs de ce courant idéologique, Ernst Jünger avait d'abord pensé à intituler son roman Orages d'acier (1920), «Le gris et le rouge», par référence à Stendhal.

(15) L. Aragon, La lumière de Stendhal, Paris, Denoël, 1954.

 

 

mardi, 15 juin 2010

Faszination des Faschismus: Der Erlkönig

9782070366569.jpgFaszination des Faschismus: Der Erlkönig

Ellen KOSITZA

Ex: http://www.sezession.de/

Auf der Rangliste meiner Lieblingsbücher steht Michel Tourniers Der Erlkönig (dt. 1972) ziemlich weit oben. Gestern holte ich es wieder aus dem Schrank, begann mit der Lektüre und war abermals hingerissen.

Hinterher blätterte ich das Programmheft des Deutschlandfunks für Juni durch und sah: Am 6. und am 13. Juni um 18.30 Uhr sendet Deutschlandradio je anderthalb Stunden den Erlkönig (den Volker Schlöndorff als „Der Unhold“ verfilmte) als Hörspiel! Toller Zufall – oder nein: natürlich ein schicksalhaftes „Zeichen“, das so recht zu Tourniers Meisterwerk paßt, in dem dergleichen „Zeichen“ eine wesentliche Rolle spielen. Alles ist Symbol in diesem Buch, jede Beobachtung, jede Begebenheit weist auf eine übergeordnete Mission hin.

Vor Jahren habe ich mehrere Leseanläufe abgebrochen; der Stoff faszinierte mich zwar, erschien mir aber als letztlich pervers und im ganzen zu schwierig. Mittlerweile ist das Buch (es erinnert ein wenig an Patrick Süskinds „Das Parfum“) für mich ein grandioses Kunstwerk, das bei wiederholter Lektüre Schicht um Schicht entblättert.

Tournier, Jahrgang 1924, verbrachte mit seinen Eltern, einem Germanisten-Ehepaar als Kind viel Zeit in Deutschland, unmittelbar nach dem Krieg studierte er hier. 1970 erhielt er für den Erlkönig (Le Roi des Aulnes) den bedeutendsten französischen Literaturpreis Prix Goncourt. Bezogen auf die literarischen Qualitäten fand die Preisverleihung zwar einhellige Zustimmung. Einige Kritiker, allen voran Jean Amery, klagten jedoch Tourniers „bis zur Unerträglichkeit mythisierende Beschreibung der Nazi-Barbarei“ an und unkten, der Autor sei der Faszination des Faschismus verfallen. Tournier konterte, daß die wesentliche Dimension des Faschsimus eben ästhetisch gewesen sei und daß man „die Schönheit der Gewalt und des Krieges nicht verneinen“ könne. Die gesamte NS-Propoaganda sei auf Verführung angelegt gewesen, und darum gehe es auch im Erlkönig, der unter anderem auf Görings Jagdschloß und in der Napola Kaltenborn (der Name zumindest ist Fiktion) in Ostpreußen spielt. Heute, da eine Faszination durch faschistische Körper und Kulte gänzlich fernliegt – vor vier Jahrzehnten war das wohl anders – käme kaum jemand auf den Gedanken, Tournier verherrlichende Gedanken zu unterstellen. Man wird es heute eher als Brandmarkung der Brutalität dieses Systems lesen. In Wahrheit wäre auch das eine falsche Interpretation.  Im Erlkönig geht es – angelehnt an die Heiligenlegende des St. Christophorus - um die „phorische Sehnsucht“, die Sehnsucht nach Selbstverleugnung und Dienst an einer höheren Sache.

Für Tiffauges, den Erlkönig-Protagonisten ist Deutschland das Land „der reinen Idee“. Unter anderem – im Buch ist dieser Punkt freilich ein Nebenschauplatz – drücke sich das in der Sprache aus. Im Deutschen lägen „die Worte, ja sogar die Silben nebeneinander wie Kieselsteine, ihre Grenzen verwischen sich nicht. Der gewissermaßen flüssige französische Satz verschwimmt demgegenüber zu einer angenehm zusammenhängenden Einheit, die freilich in Formlosigkeit auszuarten droht. Daher kommt es, daß ein deutscher Satz, wenn er hastig oder im Befehlston ausgesprochen wird, sogleich wie Gebell klingt. Statuen oder Roboter können das in Kauf nehmen. Wir anderen aber, wir schleimigen, lauen Geschöpfe, wir ziehen das sanfte Idiom der Ile-de-France vor.“ Als „Gipfel des Widersinns“ – und gleichwohl faszinierend – bezeichnet der Franzose es weiter, daß in der deutschen Sprache mit „großer Hartnäckigkeit die Frau selbst zum Neutrum gemacht wird (Weib, Mädel, Mädchen, Fräulein, Frauenzimmer).“

So kündigt D-Radio das Hörspiel (mit u.a. Ulrich Noethen als Sprecher) an:

Der Erlkönig (1)
Die sinistren Aufzeichnungen des Abel Tiffauges (Ursendung)
Nach dem Roman von Michel Tournier

Abel Tiffauges ist Automechaniker im Paris der 30er Jahre. Unglücklich ist er und auch wieder nicht. Fremd, versponnen treibt er durchs Pariser Leben. Die Erwachsenenwelt ist ihm suspekt. Zu Kindern fühlt er sich hingezogen, und auch das nicht wirklich. Seine heimliche Liebe gilt Deutschland, einem Deutschland als Traumwelt: Hyperborea.

Wir sind Hyperboreer, wir wissen gut genug, wie abseits wir leben, heißt es bei Nietzsche. Die Umstände sind ihm günstig. Angeklagt und verurteilt für ein Verbrechen, das er nicht beging, aber begangen haben könnte, schickt man ihn zur Frontbewährung. Und so gelangt er wirklich ins Land seiner Träume.

lundi, 14 juin 2010

France et Bretagne en 1532

France et Bretagne en 1532

Ex: http://propos.sturiens.over-blog.com/

05 - deux peuples deux civilisationsDepuis sa conclusion, on a souvent voulu contester la validité du Traité de 1532. Lorsque la royauté fut devenue toute puissante et jusqu'à nos jours, historiens et pamphlétaires se sont efforcés, à l'envi, de présenter le contrat d'union à la France, consenti par la Bretagne, comme un acte gratuit, émanant du bon plaisir royal et ne comportant aucune condition. Celles qui y ont été attachées pour satisfaire à la demande des Etats de Bretagne réunis à Vannes, n'auraient d'autre valeur que celle d'un engagement moral, spontanément pris par les rois : les représentants de notre pays n'auraient été ni en droit, ni en mesure de traiter avec eux, et l'Acte de 1532 ne serait qu'une habile concession de François Ier, destinée seulement à éviter les troubles éventuels qui auraient pu se produire dans le pays si la requête des Etats avait été rejetée. D'autres historiens ont, en leur temps, fait justice de ces assertions, et il ne nous appartient pas d'y revenir. L'examen du droit public breton peut, à lui seul, nous convaincre de l'entière validité du contrat. Ce qui apparaît comme contestable à la lumière du seul droit public français, devient une vérité d'évidence si l'on fait appel à la notion bretonne de ce même droit.

Alors que le droit public du royaume de France confondait à cette époque, quant au roi, souveraineté et propriété, en Bretagne les deux notions étaient déjà distinctes. Pour les Bretons, le « dominium » et l'« imperium » du prince n'étaient pas confondus. Le pouvoir du duc n'était pas considéré comme absolu, et le duché n'était pas considéré comme sa chose propre. A chaque acte du pouvoir central devait correspondre la sanction populaire. Les Etats de Bretagne étaient un véritable Parlement, dont le caractère politique était très accentué, et dont on retrouve l'intervention depuis l'origine la plus reculée, dans tous les actes politiques intéressant le duché. Un acte aussi grave que celui de la réunion du duché à la couronne, s'il avait été consommé sans leur intervention, ne pouvait être que frappé de nullité absolue.

La forme du gouvernement breton était un produit spontané de la nature et de l'histoire, particulièrement bien adapté aux besoins de la Bretagne et à la mentalité de son peuple. Une conception particulière du droit, conception proprement celtique et spiritualiste, animait tous les rouages de l'administration de la justice et de l'organisation politique. On y trouve la raison de la longue et héroïque lutte de la Bretagne contre les rois de France, dont l'erreur fut, après la réunion, de considérer le peuple breton comme le reste de leur peuple, et de vouloir lui appliquer les mêmes méthodes et les mêmes lois.

L'examen de l'état politique, administratif et social de la Bretagne, au jour de la réunion, fait ressortir très vivement les différences profondes qui existaient alors entre la France et la Bretagne ; ainsi s'expliquent également les précautions multiples prises dans le traité de 1532 contre les empiétements du pouvoir royal et l'obstination avec laquelle les Bretons s'efforcèrent de sauvegarder l'intégrité de leur constitution nationale, gage de leur autonomie.

 

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En Bretagne, les rapports du peuple et du souverain, aussi bien que ceux des diverses classes sociales entre elles, étaient régis par des principes étonnamment modernes et libéraux. Aucune charte particulière, aucune constitution écrite ne les réglaient ; mais ils prenaient appui sur les principes fondamentaux du droit public breton de formation traditionnelle. La Très Ancienne Coutume de Bretagne proclamait que la législation bretonne devait être toute entière de raison.

En réalité, la confiance mutuelle qui unissait le souverain et ses sujets était le produit d'une lente évolution qui, au cours des siècles, maintint en le transformant et en l'adaptant chaque fois à des besoins plus actuels, le principe de gouvernement très libéral en vigueur dans les confédérations celtiques de l'époque préchrétienne. A l'origine, comme dans toute l'antiquité nordique, le chef suprême était élu, et les comtes ou seigneurs bretons devaient se rallier autour de lui pour combattre l'ennemi commun. Mais le roi ne pouvait lever aucun impôt, prendre aucune mesure générale sans l'assentiment des chefs réunis, le pays étant toujours plus puissant que le monarque. Lorsque les rois de Bretagne devinrent héréditaires, ce principe libéral continuera à s'appliquer, et il dominera toute la constitution bretonne jusqu'en 1532 et même jusqu'en 1789. Le roi ou le duc ne pouvait toucher à aucun intérêt public sans l'avis et le consentement des seigneurs du pays dont l'assemblée, en se transformant, devint peu à peu les Etats de Bretagne. Le roi Salomon III, aux environs de l'an 1000, fut empêché de quitter le pays par une défense formelle des seigneurs assemblés. Plus tard, le duc Jean IV fut exilé, puis rappelé par les Etats.

L'histoire bretonne est pleine de faits semblables : « Le droit fondamental du pays, dit M. de Carné, de l'aveu du prince et de ses sujets, frappait de nullité tout acte politique non ratifié par l'assentiment formellement exprimé des Etats ». Depuis le XIIe siècle, on peut suivre sans la perdre jamais de vue, la trace de l'action exercée par l'Assemblée bretonne sur tous les événements de quelque importance et sur l'orientation même de la politique du duc. Les rares conquérants de la Bretagne, ou plutôt les princes victorieux qui avaient battu ses armées, se soumettaient eux-mêmes à cette inévitable coutume des assemblées. Aussi La Borderie a-t-il pu écrire que le gouvernement breton « prend la forme de la monarchie représentative dont jouissait dès lors aussi l'Angleterre, et qui était le gouvernement le plus modéré, le plus régulier, le plus libéral sous lequel put vivre, au XVe siècle, une nation chrétienne ».

C'est dans l'attachement que portaient à leur gouvernement les différentes classes de la société bretonne que se rencontre l'explication de la longue lutte soutenue par la Bretagne contre le pouvoir central. L'élément féodal qui dans notre pays s'était développé dans sa plénitude, n'y avait pas été vicié dans son essence. La conquête n'avait pas été à l'origine des pouvoirs des seigneurs, et les « antipathies héréditaires » qu'elle avait ailleurs suscitées n'y existaient guère. Le servage, sous sa forme la plus dure et la plus cruelle, ne s'y retrouve jamais : on n'en aperçoit de traces que dans une petite partie de la Haute-Bretagne, région la plus soumise aux influences du dehors, et dans le Léon, où « l'usement de motte », dernier vestige du servage, fut aboli par François II en 1486. Dès le XIe et le XIIe siècle, les paysans pouvaient quitter la terre, la vendre à leur gré, la transmettre à leurs héritiers, se marier à leur guise, plaider librement, parfois même contre leur seigneur.

Augustin Thierry avait été frappé de ce fait lorsqu'il écrivit : « Les gens du peuple en Basse-Bretagne n'ont jamais cessé de reconnaître dans les nobles de leur pays les enfants de la terre natale ; ils ne les ont jamais haï de cette haine violente que l'on portait ailleurs aux seigneurs de race étrangère et, sous les titres féodaux de barons et de chevaliers, le paysan breton retrouvait encore les tierns et les mac-tierns des premiers temps de son indépendance ». La plupart des nobles de Bretagne, en effet, très nombreux et très pauvres, se confondaient dans leurs derniers rangs avec la population rurale. Ils en partageaient les deuils et les plaisirs, et recevaient, en nature, de leurs colons, la plupart des choses fongibles. Les colons eux-mêmes participaient à la possession du sol, puisqu'ils l'occupaient en grande partie alors à titre de « domaine congéable ». Un parfait accord attesté par les traditions, l'histoire et les chants populaires, semblait régner entre les paysans et les nobles, rapprochés par la communauté des habitudes et la simplicité de la vie. Aussi, du commencement du XIe siècle au début du XVIe siècle, ne voit-on pas en Bretagne se produire les jacqueries qui se retrouvent périodiquement en France à cette époque.

 

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Les mêmes règles familiales, le même libéralisme se retrouvait dans l'administration du pays. Une décentralisation intelligemment comprise avait donné aux cités et aux paroisses des pouvoirs très étendus d'administration. Dès la plus haute antiquité, s'affirment les libertés des communes bretonnes, et leurs franchises étaient, au XVIe siècle, inviolables. Loin de reposer sur des chartes octroyées par le bon plaisir, ou arrachées par la violence, elles dérivaient d'une évolution traditionnelle qui avait peu à peu adapté le mécanisme des antiques institutions à des nécessités plus modernes.

La coutume de Bretagne qui condense le droit public et privé du pays, est inspirée par une moralité très haute et par un idéalisme élevé. Les idées religieuses, la famille, la charité, la tolérance y tiennent une grande place. « Son caractère le plus remarquable, dit Planiol, est l'esprit de solidarité qui l'anime. On chercherait vainement ailleurs, non pas le droit, mais le même accent d'honnêteté, de bonté, le même souci non seulement de justice, mais de charité. Cette tournure d'esprit est propre à la Bretagne ». Or, ce sont également de ces principes que s'inspirait le gouvernement ducal.

La centralisation du pouvoir politique aux mains des ducs s'était opérée peu à peu ; mais l'évolution qui accroissait les droits du souverain tempérait également la puissance que les événements tendaient à lui donner, en développant les institutions politiques et administratives du peuple breton. Si dans la plupart des pays féodaux, la reconstitution de la souveraineté est passée par les mêmes phases, il est rare de voir s'accomplir ce qui s'est passé en Bretagne : un développement parallèle et harmonieux des pouvoirs du duc comme des droits de ses sujets. L'évolution a tendu dans les pays centralisateurs, en France en particulier, à faire disparaître entièrement les franchises féodales et les libertés qu'elles garantissaient aux seigneurs comme à leurs vassaux, aux bourgeois comme aux artisans : en Bretagne, au contraire, l'évolution n'a dépouillé ces franchises et ces libertés que de ce qu'il y avait en elles d'anarchique et d'inconciliable avec un gouvernement qui devait obéir à des nécessités plus modernes. Elle en a conservé le meilleur : l'esprit de ces antiques institutions nordiques qui fut toujours le frein le plus efficace à l'établissement du despotisme et de la servilité. Le résultat fut un remarquable développement de l'esprit public dans toutes les classes de la nation. Les admirables résultats pratiques que donnaient les méthodes administratives si humaines du gouvernement breton venaient encore consolider l'inébranlable attachement du peuple à sa constitution politique et à sa liberté.

La prospérité du pays, favorisée par la modération des charges publiques s'était affirmée particulièrement sous le règne du duc Jean V, administrateur éclairé, qui a laissé une œuvre législative considérable. Essentiellement décentralisateur, le gouvernement breton favorisait l'accomplissement de grands travaux publics, mais il laissait à la ville ou à la région intéressée toute liberté d'action. Loin d'entraver l'initiative privée, il la favorisait de tout son pouvoir, subventionnant même les entreprises qui présentaient le caractère d'entreprises nationales. Mais si l'Etat Breton se renfermait dans son rôle de défenseur des intérêts publics, et répudiait tout monopole, il ne laissait pas agir sans contrôle les fermiers des impôts et les grandes entreprises. Il estimait que son premier devoir était de surveiller toutes les branches de l'activité nationale et de réprimer les abus : ce fut le principe administratif de tous les souverains bretons. Jean V, en particulier, intervint fréquemment pour réprimer les exactions et faire rendre à ses sujets une bienveillante justice. Déjà le duc Pierre II avait organisé l'assistance judiciaire gratuite. Pour statuer sur les réclamations auxquelles donnait lieu l'impôt des fouages, Jean V envoyait sur place un de ses agents avec cette mission : « Faites ainsi que vous verrez qu'il sera à faire de raison, en forme que pour le temps à venir elle se puisse perpétuer au mieux pour le profit de nos sujets ». Les litiges étaient ainsi réglés sur place, selon une situation de fait précis, et non selon des textes, démontrant une fois de plus la supériorité de la coutume sur la règle latine du droit écrit.

Les ordonnances de Jean V dénotent souvent aussi des conceptions économiques et sociales très audacieuses pour l'époque. Parmi celles-ci, l'ordonnance de 1425, sur l'administration générale du pays, discutée et approuvée par les Etats à Vannes, fut le point de départ d'une véritable révolution économique, qui donna à la Bretagne une longue avance sur toutes les autres nations. Elle réservait pour l'industrie et la consommation locale certains produits de première nécessité, établissait un service de répression des fraudes, instituait l'unité de poids et mesures, fixait le minimum de salaire pour les ouvriers de l'industrie.

Toutes ces mesures adaptées aux besoins du pays déterminèrent une ère de prospérité incomparable. Aussi le bon chroniqueur Alain Bouchard, sans exagérer beaucoup, pouvait-il écrire au moment de la réunion à la France, que la Bretagne « florissait en toutes prospérités, qu'il n'était de petit village où l'on ne put trouver de la vaisselle d'argent » ; que la Bretagne « est un véritable paradis terrestre, alors que le royaume de France est en telle misère que l'on n'y peut trouver refuge de sûreté ».

 

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Fière de sa liberté, calme et forte, la Bretagne portait donc à ses antiques institutions un attachement profond et légitime. Aussi, nous dit l'aumônier de la reine Anne : « Quand les Bretons connurent que le roy de France les voulait de fait appliquer à lui et les régir selon ses lois, lesquelles ne s'accordaient pas aux leurs, parce qu'ils avaient toujours été en liberté sous leurs princes, et ils veoient les Français comme serfs chargés de maints subsides, ne voulant obtempérer à l'intention du roy, commencèrent à faire monopolle et eurent conseil ensemble de se défendre ».

Ce passage résume admirablement les raisons de la répugnance de toute la Bretagne pour l'union définitive avec le royaume de France. Le fait de la réunion n'était rien : la cause française avait de nombreuses sympathies dans le peuple comme à la cour. Mais les Bretons, comme jadis, craignaient les lois du roi de France et tenaient à conserver les leurs.

L'opposition dernière qui se manifesta aux Etats de 1532 ne se basait pas sur d'autres arguments. Aussi l'Acte d Union fut-il, en plus d'une nécessité constitutionnelle, acte de grande sagesse politique de la part du roi de France. Le souverain français paraissait aussi rester un duc de Bretagne en même temps qu'un roi de France. Si la souveraineté extérieure de la nation bretonne disparaissait, la Bretagne n'en paraissait pas moins garder sa liberté intérieure, son régime politique et administratif, ses coutumes particulières. Et pour les Bretons, particulièrement respectueux de la parole donnée et très sensibles au sentiment de l'honneur, la violation du serment solennel prêté par une personne royale à chaque début de règne, de respecter les institutions et les lois de la province n'était pas concevable.

Mais l'acte d'Union de 1532, ainsi conçu, malgré les nombreuses précautions qu'il prenait, devait-il conserver intégralement à la Bretagne les favorables institutions qui la régissaient ? La France, d'ailleurs, pouvait-elle lui sauvegarder, avec l'esprit libéral qui animait leur gouvernement, les résultats particulièrement heureux de la politique des ducs ?

En fait, le traité de 1532 conserva à la Bretagne, jusqu'en 1789, l'essentiel des libertés qui lui étaient si chères. Mais ce ne fut que grâce à l'exceptionnelle opiniâtreté de son peuple, dont l'esprit de résistance au pouvoir central se manifesta constamment, et parfois de façon violente, au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Les luttes que la Bretagne eut à soutenir étaient la conséquence des frictions inévitables qui devaient se produire entre deux peuples de régime et de tempérament différents, entre deux nations dont l'évolution politique s'était faite selon des principes opposés.

Les institutions de la Bretagne, la forme constitutionnelle et parlementaire de son gouvernement, l'accord harmonieux qui continuait d'y régner généralement entre les classes sociales, montrent que dans ce pays les transformations du droit public s'étaient faites pour le peuple, sinon pour et par lui. Le duc ne peut d'abord rien sans l'approbation des seigneurs, puis ensuite sans l'approbation des Etats, dont l'organisation progressive tend à donner une image de plus en plus fidèle de la nation.

Ce fut de très bonne heure au contraire que ces principes disparurent en France. La politique de la puissante maison capétienne a toujours été de faire de la France une monarchie absolue, qui deviendrait le centre de l'Europe, la plus forte nation d'occident. Pour réaliser ce projet, que  nous appellerions aujourd'hui impérialiste, poursuivi par les rois de France, de règne en règne avec une remarquable et surprenante opiniâtreté, il fallait de toute nécessité abattre ce vieil esprit d'indépendance et de liberté, héritage celtique, qui se traduisit à l'époque médiévale par le régime féodal. Philippe Auguste, en attaquant les bases de ce régime, Philippe le Bel en livrant les coutumes nationales à la merci de ses légistes, furent les véritables fondateurs de l'absolutisme royal en France. Dès ce jour les juristes, épris de droit romain, vont s'efforcer non seulement de justifier les actes de la royauté, mais aussi de leur donner toute apparence de légitimité et de justice.

Et le picard Beaumanoir proclame : « Le roi est souverain par-dessus tout et a, de son droit, le général garde du royaume, pourquoi il peut faire tel établissement comme il lui plaît, pour le commun profit et chi il établit, i doit être tenu ». Alors qu'en Bretagne l'évolution politique continua d'obéir à cette maxime : « Lex fit consensu populi et constitutione regis », en France elle se fît sur ces paroles qui « faisaient bouillir le sang breton de notre illustre d'Argentré » : « Le roi ne tient fors de Dieu et de son épée, ce qui li plest à fère doit estre tenu par loi ». Cette phrase fut, depuis Philippe le Bel, l'évangile de tous les « politiques » du royaume de France.

 

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Ce système, érigé en raison d'Etat, réclamait l'asservissement du peuple et la disparition de toutes les existences particulières. Bientôt la domination temporelle ne suffit plus. L'unification politique, presque complètement achevée lors de la réunion de la Bretagne à la France, ne faisait que précéder l'unification administrative. La difficulté de gouverner un royaume aussi étendu et aussi varié, dans ses institutions et dans ses lois, les nécessités nouvelles nées des guerres continuelles entreprises pour obéir à l'ambitieuse pensée des rois, obligeait le pouvoir central à une sévérité et à un despotisme accru vis-à-vis des collectivités comme des individus. Ainsi disparurent une à une les libertés coutumières, nées spontanément au cours des siècles, témoignages de l'effort collectif des générations, et fruits de leurs longues aspirations vers le bien du peuple et le libre gouvernement de la cité. Corporations, provinces, ordres, classes et toutes institutions particulières, furent transformés en organismes administratifs froids et rigides, d'où toute évolution était désormais exclue.

Les princes et leurs conseillers, préfaçant les initiatives révolutionnaires, en diffamant le passé, s'efforcèrent d'éteindre parmi leurs peuples tous les souvenirs d'indépendance légués par leurs ancêtres. Tout ce qui ne tenait pas à l'Etat fut calomnié, insulté, déshonoré par les historiographes et les légistes de cour. Tout ce qui était antérieur au grand roi passa pour entaché de barbarie et les dernières paroles de Louis XIV consacrèrent l'ultime et ambitieuse pensée qui, malgré tout, devait créer la France. « Les peuples sont nés pour obéir sans discernement, et les rois pour posséder tout et commander à tout ».

En face de cette conception, la lutte acharnée que soutint la Bretagne contre les exigences des rois les plus absolus, personnifia la résistance du vieil esprit celtique, avide d'indépendance et de liberté qui s'était conservé chez les Bretons. C'était l'esprit d'une civilisation particulière, une conception morale et philosophique du droit qu'il fallait défendre, d'un droit qui plaçait le bien du peuple au-dessus de tout, et pour qui la justice n'était pas suffisante car il fallait encore faire une place à la bienveillance et à la charité. Aussi, en face de conceptions inverses et du dogme de l'Etat-Dieu qui commençait à naître et dont nous souffrons aujourd'hui plus que jamais, des luttes parlementaires violentes et parfois des révoltes sanglantes opposèrent jusqu'à la Révolution la nation bretonne à la royauté française.

C'est ce divorce de conceptions, d'idées et de tempéraments entre les deux races, qui entretint pendant près de trois siècles entre la Bretagne et la France cette mésintelligence marquée par de terribles conflits. De nos jours encore, sous des manifestations et des modalités diverses, et à une époque où l'on parle depuis longtemps déjà du droit des peuples, la même lutte se perpétue. Mais c'est aussi dans ces mêmes dissemblances entre l'esprit français et l'esprit breton que l'on peut trouver la raison de cette incompréhension et parfois de cette hostilité sourde que l'on rencontre souvent encore dans tous les milieux, vis-à-vis de la Bretagne.

Yann Kerberio.

 

STUR n° 9 Avril 1937

lundi, 07 juin 2010

Le Bulletin célinien / juin 2010

Le Bulletin célinien n°320 - Juin 2010

Au sommaire:

Marc Laudelout : Bloc-notes
Les ballets lus par Robert Poulet (1959)
Henri Godard : Céline et la danse
M. L. : Céline, auteur de ballets
M. L. : Le petit monde des céliniens
M. L. : « Voyage au bout de la nuit » brûlé par le IIIe Reich ?
Courrier des lecteurs
Céline vu par Giovanni Raboni (2000)
M. L. : Céline chez les fascistes canadiens


Le Bulletin célinien
B. P. 70
B 1000 Bruxelles 22
Belgique

juin 2010

Il y a trois mois, j’ai assisté à un intéressant dialogue entre François Gibault, biographe de Céline, et le psychanalyste Patrick Declerck (1). La divergence de vues portait sur l’humanisme de Céline — attesté pour le premier, réfuté par le second. Coïncidence : durant ce même mois de mars, Pierre Lainé – qui voit, lui aussi, en Céline un humaniste (2) – se voyait contesté par le critique Robert Le Blanc « car un humaniste, ce n’est pas quelqu’un qui fait preuve ici et là de sentiments d’humanité, de fraternité, c’est quelqu’un qui prétend “croire en l’homme” (3) ».
Céline croyait-il en l’homme ? Lui qui écrivait, dans Voyage au bout de la nuit, que « faire confiance aux hommes c’est déjà se faire tuer un peu » ? Henri Godard a raison de voir en Mea culpa « une virulente dénonciation de l’humanisme (4) » à partir de la réalité soviétique. Les propos les plus pessimistes visant l’espèce humaine, c’est bien dans ce libelle qu’on peut les lire. « L’Homme il est humain à peu près autant que la poule vole. » Le paradoxe étant qu’avec tout ce qu’il pense de l’homme, en général, et de ses compatriotes, en particulier, Céline ait tenu à leur sauver la mise par de terribles brûlots ayant essentiellement pour but de prévenir un (nouveau) conflit européen. Or, n’est-ce pas lui qui écrivait : « Il ne faut pas, voyez-vous, s’occuper de l’Homme, jamais. Il n’est rien (5). » ? Dans Les Beaux draps, qui constitue, en dépit des circonstances, son livre le plus roboratif, il propose une complète et profonde rééducation de l’homme passant par une conception nouvelle de la famille et de l’école. Alors même qu’étant donné ce qu’il avait écrit auparavant, il eût pu faire sienne cette conviction nietzschéenne selon laquelle la vie est mauvaise et qu’il ne nous appartient pas de la rendre meilleure.
Au moins, à ce moment précis, Céline appelle-t-il de ses vœux une forme d’épanouissement de l’homme basé sur des réformes radicales. Ce souhait fera long feu. Après les épreuves et l’exil, il n’aura de cesse de se présenter en esthète, fuyant les idées comme la peste et récusant, plus que jamais, le souci de s’intéresser à l’homme plutôt qu’à la chose en soi. Mais, s’il apparaît alors nihiliste, il ne le fut pas toujours.
Alors, était-il un humaniste déçu ? Un anti-humaniste ? Sa passion pour le biologique en fait-il même, comme l’affirment certains, un post-humaniste ? (6) Humaniste ou pas, Céline n’a pas fini de susciter la controverse. Dès lors qu’on aborde son cas, il me semble que sa vocation médicale, sa détestation de la guerre, sa passion pour la création (« Je suis du parti de la vie ») mais aussi, il est vrai, sa défiance farouche envers l’Homme sont autant d’éléments à prendre en compte.

Marc LAUDELOUT


Notes

1. Soirée littéraire consacrée, le 23 mars au Voyage au bout de la nuit à « Passa Porta » (Maison internationale des littératures, Bruxelles). Cette soirée était animée par Laurent Moosen.
2. « L’œuvre célinienne est une œuvre humaniste. Parce qu’elle dénonce les misères et les crimes de tous bords, les cruautés et les exploitations, parce qu’elle s’insurge, dénonce et tonitrue pour les malentendants, condamne les résignations, invite à une prise de conscience, ou plutôt impose cette prise de conscience jusqu’à l’angoisse et la nausée. Céline humaniste, oui, profondément humaniste.» (Pierre Lainé,
Céline, Pardès, 2005). À noter qu’à Dinard, une conseillère municipale de l’opposition s’opposant à la tenue du prochain colloque de la SEC dans cette ville indique qu’« on cherche vainement des bouffées humanistes [sic] » chez Céline. Nous reviendrons sur cette polémique.
3. Robert Le Blanc, « Autour de la correspondance », Le Bulletin célinien, n° 317, mars 2010, p. 9.
4. Henri Godard, « Notice de Guignol’s band » in Romans III, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1988.
5. Lettre à Pierre Boujut, 7 janvier 1936 in Lettres, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2009, p. 476.
6. Philippe Destruel, « Céline entre Ariel et Caliban. Les pamphlets : de l’humanisme déçu à l’anti-humanisme amer » in
Médecine (Actes du quinzième Colloque international Louis-Ferdinand Céline), Société d’études céliniennes, 2005.

jeudi, 27 mai 2010

Ophef rond Debray's 'Brief aan een Israelische vriend'

Ophef rond Debray’s ‘Brief aan een Israëlische vriend’

Régis Debray  publiceerde zopas zijn ‘Lettre à un ami israélien’. Zijn vroegere Joodse vrienden reageren verontwaardigd.

Claude Lanzmann is woedend op Régis Debray's briefboek.

deb1-1009.jpgRégis Debray, ooit de compagnon van Che Guevara en adviseur van de presidenten Allende (Chili) en Mitterrand (Frankrijk) heeft bij Flammarion een nieuw boek gepubliceerd: ‘Lettre à un ami israélien’.

Daarmee heeft hij zich de woede op het lijf gehaald van Claude Lanzmann, de maker van de film ‘Shoah’, ooit een vriend van Debray. Lanzmann zorgde ervoor dat de eerste geschriften van Debray in ‘Les temps modernes’ werden gepubliceerd. In een pas verschenen gesprek met ‘Le Point’ noemt Lanzmann het nieuwe boek van Debray conventioneel, conformistisch en opportunistisch. ‘Debray est totalement dans l’air du temps,’ aldus Lanzmann, die zijn ex-strijdmakker verwijt dat hij alle anti-Israëlische gemeenplaatsen die de media beheersen op elkaar stapelt. Het schelden op Israël is volgens Lanzmann een Pavlov-reflex van de mainstream geworden.

De uitval van Lanzmann wekt geen verbazing, want in het boek van Debray staat hij zelf in de beklaagdenbank. Volgens Debray regisseert Lanzmann de Franse shoa-cultus zo radicaal dat elke kritiek op Israël onmogelijk geworden is. Lanzmann gaat akkoord met Debray’s constatering dat de Franse Jood de ‘chouchou’ van de republiek is en dat Joden een belangrijke rol spelen in het economische en intellectuele leven van de Franse republiek, maar het gaat te ver om daaruit af te leiden dat er een Joodse macht bestaat die haar wil oplegt aan Frankrijk.

Lanzmanns conclusie is dat Debray er verkeerd aan doet om zijn boek een titel te geven die herinnert aan de ‘Lettres à un ami allemand’ van Albert Camus (geschreven tijdens en gepubliceerd na de Duitse bezetting). Volgens Lanzmann ging Camus destijds helemaal tegen de tijdgeest in, terwijl Debray juist met de stroom mee zwemt. Lanzmanns slotsom over Debray’s kennis van Israël: ‘Il n’y comprend rien.’

Ook van de Franse historicus Jean-Christophe Rufin, lid van de Académie Française en ambassadeur in Senegal, krijgt Debray een veeg uit de pan. Debray had Rufin in zijn geschrift verweten dat hij het antizionisme strafbaar wilde maken. Maar Rufin bestrijdt dit en zegt dat hij ooit wilde onderzoeken hoe het komt dat sommige jongeren de Israëlische staat met de Duitse nazi-staat vergelijken, de Israëlische leiders met Hitler en de Palestijnse kampen met Auschwitz. Hier wordt de grens tussen opinie en misdaad overschreden, aldus Rufin, die eraan toevoegt dat men in de landen waar hij verblijft boeken met titels als ‘Israël, het Derde Rijk’ haast openlijk in de handel te verkrijgen zijn. Rufin: ‘Zou Debray ermee akkoord gaan als deze boeken in de supermarkten naast zijn laatste boek opgestapeld zouden liggen?’

In dezelfde zin liet de Israëlische diplomaat en historicus Elie Barnavie zich uit in een antwoord dat overigens in Debray’s boek is opgenomen: ‘Tot 1967 heeft de shoa-religie – overigens als anti-imperialistische ideologie – Israël gebaat’. Maar nu is dat juist omgekeerd, aldus Barnavie: ‘Men herinnert aan de dode Joden om de levende Joden nog meer te vernederen. Doen wij de Palestijnen niet aan, wat Hitler met ons deed?’

Piet de Moor

http://knack.rnews.be/nl/actualiteit/nieuws/boeken/nieuws/ophef-rond-debray-s-brief-aan-een-israelische-vriend/article-1194737845339.htm

mardi, 25 mai 2010

L'apport de G. Faye à la "Nouvelle Droite" et petite histoire de son éviction

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 Archives de SYNERGIES EUROPEENNES  - 1995

 

L’apport de Guillaume Faye à la « Nouvelle Droite » et petite histoire de son éviction

 

Par Robert STEUCKERS

 

I.

Guillaume Faye a été véritablement le moteur du GRECE, la principale organisation de la “Nouvelle Droite” en France au début des années 80. Porté par un dynamisme inouï, une fougue inégalée dans ce milieu, une vitalité débordante et un discours fait de fulgurances étonnantes et séduisantes, Guillaume Faye  —comme il aimait à le dire lui-même—  avait été fort marqué par la lecture des textes situationnistes de l'école de Guy Debord. En simplifiant outrancièrement, ou en voulant résumer le noyau essentiel/existentiel de sa démarche, nous pourrions dire qu'il dénonçait l'enlisement idéologique d'après 68, celui des Seventies et de l'ère giscardienne en France, qu'il le percevait comme un “spectacle” stupide, morne, sans relief. Faye est un homme qui entre en scène, quasi seul, entre la sortie des soixante-huitards et l'entrée des yuppies  reaganiens. 

 

Dans le numéro 2 de la revue éléments, qui fut et reste le moniteur du plus ancien cénacle de la “Nouvelle Droite” en France, regroupé autour de l'inamovible Alain de Benoist, on voit une photo du jeune Faye, âgé de 23 ans, au temps où il travaillait à l'Université dans le “Cercle Vilfredo Pareto”. Dans son ouvrage scientifique Sur la Nouvelle Droite,  Pierre-André Taguieff esquisse un bref historique de ce “Cercle Vilfredo Pareto” (p.183), dirigé par Jean-Yves Le Gallou, aujourd'hui député européen du Front National de Jean-Marie Le Pen. En 1970, le GRECE met sur pied son “Unité Régionale Paris-Ile-de-France” (URPIF), dont le “Cercle Vilfredo Pareto” est l'antenne au sein de l'“Institut d'Etudes Politique” (IEP) de Paris. Faye, ajoute Taguieff (op. cit., p.205), a animé ce Cercle Pareto de 1971 à 1973. C'est son premier engagement: Faye est donc d'emblée un homme neuf, qui n'est rattaché à aucun rameau de la droite française conventionnelle. Il n'a pas d'attaches dans les milieux vichystes et collaborationnistes, ni dans ceux de l'OAS, ni dans la mouvance “catholique-traditionaliste”. Il n'est pas un nationaliste proprement dit; il est un disciple de Julien Freund, de Carl Schmitt (dont il parlait déjà avec simplicité, concision et justesse dans les colonnes des Cahiers du Cercle Vilfredo Pareto),  de François Perroux, etc. On pourrait dire, si ce langage avait un sens en ultime instance, que Faye est, à l'intérieur même du GRECE, le représentant d'une “droite” au-delà des factions, d'une “droite régalienne”, qui pose sur tous les événements un regard souverain et détaché mais non dépourvu de fougue et de volonté “plastique”, qui trie en quelque sorte le bon grain de l'ivraie, le politique de l'impolitique. Ceux qui l'ont fréquenté, ou qui ont été ses collègues comme moi, savent qu'il se moquait sans cesse des travers de ces droites parisiennes, des attitudes guindées, des querelles de prestige de ceux qui affirmaient sans rire et avec beaucoup d'arrogance quelques idées simplistes  —parfois des nazisteries d'une incommensurable débilité, calquée sur celles des comic strips  américains—,  simplismes évidemment détachés de tout contexte historique et incapables de se mouler sur le réel. Qui se moquait aussi, non sans malice, de ceux qui, dans notre monde où se bousculent beaucoup de psychopathes, se composaient un personnage “sublime” (et souvent costaud, “supermaniste”) qui ne correspondait pas du tout à leur médiocrité réelle, parfois criante. Face aux nostalgies de tous ordres, Faye aimait à dire qu'il était “réalitaire et acceptant” et que seule cette attitude était fructueuse à long terme.  En effet, dès que le développement de la Nouvelle Droite, en tant que réseau de travail métapolitique, ou un engagement politique concret au RPR, au FN ou dans des groupes nationaux-révolutionnaires exigeait de la rigueur et de l'endurance, les mythomanes “supermanistes” disparaissaient comme neige au soleil, ou se recyclaient dans des groupuscules ténus où la mascarade et les psychodrames étaient  sans discontinuer à l'ordre du jour.

 

De méchantes intrigues en coulisses

 

Faye a produit son œuvre dans un milieu qui n'était pas le sien, qui ne se reconnaissait pas entièrement  —ou même pas du tout—  dans ce qu'il écrivait. Il donnait l'impression de flanquer à répétition de grands coups de pied dans la fourmilière, de chercher à choquer, espérant, par cette maïeutique polissonne, faire éclore une “droite” véritablement nouvelle, qui ne se contenterait pas de camoufler hâtivement son vichysme, son nationalisme colonialiste, son nazisme pariso-salonnard, ses pures ambitions matérielles ou son militarisme caricatural par quelques références savantes. Faye incarnait finalement seul la “Nouvelle Droite” parce qu'il n'avait jamais été autre chose. Presque tous ceux qui l'ont entouré dans son passage au GRECE et profité de son charisme, de son énergie, de son travail rapide et toujours pertinent, de la fulgurance de son intelligence, l'ont considéré finalement comme un étranger, un “petit nouveau” qu'on ne mettait pas dans les confidences, que l'on écartait des centres de commandement réels du mouvement, où quelques “anciens” prenaient des décisions sans appel. Faye était d'emblée dégagé de la cangue des “droites”, ses associés  —et surtout ceux qui le payaient (très mal)—  ne l'étaient pas. Naïf et soucieux d'abattre le maximum de travail, Faye ne s'est jamais fort préoccupé de ces méchantes intrigues de coulisses; pour lui, ce qui importait, c'était que des textes paraissent, que livres et brochures se répandent dans le public. Au bout du compte, il s'apercevra trop tard de la nuisance de cette opacité, permettant toutes les manipulations et tous les louvoiements  —opacité qui affaiblissait et handicapait le mouvement auquel il a donné les meilleures années de sa vie—  et finira victime des comploteurs en coulisse, sans avoir pu patiemment construire un appareil alternatif. Faye a bel et bien été victime de sa confiance, de sa naïveté et de sa non-appartenance à un réseau bien précis de la “vieille droite”, qui, dans le fond, ne voulait pas se renouveler et prendre le monde et la vie à bras le corps. Illusions, fantasmes, copinages et intrigues parisiennes prenaient sans cesse le pas sur la pertinence idéologique du discours, sur le travail d'élargissement et d'approfondissement du mouvement.

 

Au moment où la “Nouvelle Droite” surgit sous les feux de la rampe après la campagne de presse de l'été 1979, Faye se porte volontaire pour effectuer non-stop un “tour de France” des unités régionales du GRECE qui jaillissent partout spontanément. Grâce à son engagement personnel, à sa présence, à son verbe qui cravachait les volontés, il fait du GRECE une véritable communauté où se côtoient des “anciens” (venus de tous les horizons de la “droite”, catholiques intégristes et modérés exceptés) et des “nouveaux”, souvent des étudiants, qui saisissent et acceptent instinctivement la nouveauté de son discours, les choses essentielles qu'il véhicule. Faye, très attentif aux analyses sociologiques qui investiguent les modes, scrutent les mœurs, captent les ferments de contestation dès leur éclosion, devient tout naturellement l'idole des jeunes non-conformistes de la “droite” française  —auxquels se joignent quelques soixante-huitards différentialistes (inspirés par Robert Jaulin, Henri Lefebvre, Michel Maffesoli, les défenseurs du Tiers-Monde contre l'“homologation” capitaliste-occidentale) et d'anciens situationnistes—  qui rejettent les conventions sociales classiques (comme la religion), sans pour autant accepter les mièvreries de l'idéologie implicite des baba-cools de 68, matrice du conformisme que nous subissons aujourd'hui.

 

Epiméthéisme soft et prométhéisme hard

 

Si les lecteurs de Marcuse avaient parié pour une sorte d'épiméthéisme soft, d'érotisme orphique comme socle d'une anti-civilisation quasi paradisiaque, pour une contestation douce et démissionnaire, pour une négation permanente de toutes les institutions impliquant un quelconque “tu dois”, Faye, fusionnant contestation et affirmation, rejettant comme vaines, impolitiques et démissionnaires toutes les négations à la Marcuse, lançait un pari pour un prométhéisme hard, pour un érotisme goliard qui ponctuellement libère, en déployant une saine joie, ses adeptes des âpres tensions de l'action permanente, pour une affirmation permanente et impavide de devoirs et d'institutions nouvelles mais non considérées comme définitives. Marcuse et Faye contestent tous deux la société figée et les hiérarchies vieillottes des années 50 et 60, mais Marcuse tente une sortie définitive hors de l'histoire (qui a produit ces hiérarchies figées) tandis que Faye veut un retour à l'effervescence de l'histoire, croit à la trame conflictuelle et tragique de la vie (comme ses maîtres Freund, Monnerot et Maffesoli). Marcuse est démobilisateur (en croyant ainsi être anti-totalitaire), Faye est hyper-mobilisateur (pour échapper au totalitarisme soft qui étouffe les âmes et les peuples par extension illimitée de son moralisme morigéna­teur, tout comme le hiérarchisme abrutissant des conventions d'avant 68 étouffait, lui aussi, les spon­tanéités créatrices).

 

Cette vision à la fois contestatrice et affirmatrice sera donc véhiculée de ville en ville pendant plusieurs années, de 1979 à 1984, espace-temps où le GRECE a atteint son apogée, sous la direction d'Alain de Benoist, certes, mais surtout grâce au charisme de Guillaume Faye. Celui-ci marque de son sceau la revue éléments,  déterminant les thèmes et les abordant avec une fougue et un à-propos qui ne sont jamais plus revenus après son départ. Faye parti, puis, à sa suite Vial et Mabire (qui sont pourtant des hommes très différents de lui), éléments  se met littéralement à vasouiller; la revue perd son “trognon” et devient l'arène où s'esbaudissent très jeunes polygraphes,  médiocres paraphraseurs et  incorrigibles compilateurs, faux germanistes et faux philosophes, faux gauchistes et faux néo-fascistes, gribouilleurs d'éphémérides et esthètes falots. Et surtout quelques beaux échantillons de “têtes-à-claques” du seizième arrondissement. Faye lançait en effet quantités de thématiques nouvelles, généralement ignorées dans les rangs de la “droite la plus bête du monde”. Sur l'héritage initial de Science-Po et du Cercle Pareto, Faye  —qui a un contact très facile avec les universitaires au contraire d'Alain de Benoist—  greffe de la nouveauté, introduit sa propre interprétation de l'“agir communicationnel” de Habermas, des thèses des néo-conservateurs américains et de la sociologie anti-narcissique de Christopher Lash. Ensuite, rompant résolument avec l'“occidentalisme” des droites, Faye amorce, dans éléments  n°32, une critique de la civilisation occidentale, nouant ou renouant avec l'anti-occidentalisme des Allemands nationalistes ou conservateurs de l'époque de Weimar (Spengler, Niekisch, Sombart, etc.), avec les thèses en ethnologie qui stigmati­saient les “ethnocides” en marge de la civilisation techno-messianique de l'Occident (Robert Jaulin), et avec le Manifeste différentialiste  de Henri Lefèbvre (ex-théoricien du PCF et ancien disciple du surréaliste André Breton). L'occidentalisme, héritier d'une conception figée, fixiste, immobiliste, humanitariste, répétitive, psittaciste des Lumières, est une cangue, dont il faut se libérer;

est un frein à l'“agir communicationnel” (dont rêvait le jeune Habermas mais que Faye et ses vrais amis voudront restituer dans leur logique communautaire, identitaire et enracinée);

est une pathologie générant de fausses et inopérantes hiérarchies, qu'une rotation des élites devra jeter bas; est, enfin, selon la formule géniale de Faye, un “système à tuer les peuples”.

 

Mais si les critiques formulées par les tenants de l'Ecole de Francfort et par Faye refusent le système mis en place par l'idéologie des Lumières  —parce que ce système oblitère la Vie, c'est-à-dire notre Lebenswelt  (terme que reprend Habermas, à la suite de Simmel)—  ces deux écoles  —la nouvelle gauche, dont la revue new-yorkaise Telos  constitue la meilleure tribune; et la vraie  nouvelle droite, que Faye a incarné seul, sans être empêtré dans des nostalgismes incapacitants—  diffèrent dans leur appréciation de la “raison instrumentale”. Pour l'Ecole de Francfort, la rai­son instrumentale est la source de tous les maux: du capitalisme manchestérien à l'autoritarisme de l'Obrigkeitsstaat,  du fascisme à la mise hors circuit de la fameuse Lebenswelt, de l'éléctro-fascisme (Jungk) à la destruction de l'environnement. Mais la raison instrumentale donne la puissance, pensait Faye, et il faut de la puissance dans le politique pour faire bouger les choses, y compris restaurer notre Lebenswelt,  nos enracinements et la spontanéité de nos peuples. La différence entre la nouvelle droite (c'est-à-dire Faye) et la nouvelle gauche (en gros l'équipe de Telos)  réside toute entière dans cette question de la puissance, dont la raison instrumentale peut être un outil. Cette querelle a aussi été celle des sciences sociales allemandes (cf. De Vienne à Franfort, la querelle allemande des sciences sociales,  Ed. Complexe, Bruxelles, 1979): est-ce la raison instrumentale, qui met les valeurs entre parenthèses, ne pose pas de jugements de valeurs et pratique la Wertfreiheit  de Max Weber voire l'éthique de la responsabilité ou est-ce la raison normative, qui insiste sur les valeurs  —mais uniquement les valeurs “illuministes” de l'Occident moderne—  et développe ainsi une éthique de la conviction, qui doit avoir le dessus? Faye n'a pas exactement répondu à la question, dans le cadre du débat qui agitait le monde intellectuel à la fin des années 70 et au début des années 80, mais on sentait parfaitement, dans ses articles et dans Le système à tuer les peuples,  qu'il percevait intuitivement le hiatus voire l'impasse: que tant la raison instrumentale, quand elle est maniée par des autorités politiques qui ne partagent pas nos valeurs  (celle du zoon politikon  grec ou de l'hyperpolitisme romain) ni, surtout, nos traditions métaphysiques et juridiques, que la raison normative, quand elle nous impose des normes abstraites ou étrangères à notre histoire, sont oblitérantes et aliénantes. Ni la raison instrumentale ni la raison normative (il serait plus exact de dire la “raison axiologique”, dans le sens où la “norme” telle que la définit Carl Schmitt, est toujours une abstraction qui se plaque sur la vie, tandis que la valeur, pour Weber et Freund, est une positivité immuable qui peut changer de forme mais jamais de fond, qui peut faire irruption dans le réel ou se retirer, se mettre en phase de latence, et qui est l'apanage de cultures ou de peuples précis) ne sont oblitérantes ou aliénantes si le peuple vit ses valeurs et s'il n'est pas soumis à des normes abstraites qui, délibérément, éradiquent tout ce qui est spontané, corrigent ce qui leur paraît irrationnel et biffent les legs de l'histoire. Faye n'a pas eu le temps de se brancher sur les débats autour des travaux de Rawls (sur la justice sociale), n'a pas eu le temps de suivre le débat des “communautariens” américains, qui ont retrouvé les valeurs cimentantes en sociologie et entendent les réactiver. Et surtout, n'a pas suivi à la trace la grande aventure secrète des années 80, la redécouverte de l'œuvre de Carl Schmitt, en Allemagne, en Italie et aux Etats-Unis, la France restant grosso modo  en dehors de cette lame de fond qui traverse la planète entière. On ne sort du dilemme entre raison instrumentale et raison normative que si l'on retourne à l'histoire, qui offre des valeurs précises à des peuples précis, valeurs qui sont peut-être foncièrement subjectives mais sont aussi  objectives parce qu'elles sont les seules capables de structurer des comportements cohérents et durables dans la souplesse, de générer, au sein d'un peuple, ce qu'Arnold Gehlen appelait les “institutions”. Un peuple qui adhère et met en pratique ses propres valeurs obéit à des lois qui sont objectives pour lui seul, mais qui sont la seule objectivité pratique dans la sphère du politique; s'il obéit à des normes extérieures à lui, imposées par des puissances extérieures et/ou dominantes, la raison normative lui apparaîtra, consciemment ou inconsciemment, aliénante et la raison instrumentale, insupportable. Dans un tel cadre, s'il a oublié ses valeurs propres, le peuple meurt parce qu'il ne peut plus agir selon ses propres lois intérieures. Le système l'a tué.

 

L'influence déterminante de Henri Lefèbvre

 

Indubitable et déterminante est l'influence de Henri Lefebvre sur l'évolution des idées de Guillaume Faye; Henri Lefebvre fut un des principaux théoriciens du PCF et l'auteur de nombreux textes fondamentaux à l'usage des militants de ce parti fortement structuré et combatif. J'ai eu personnellement le plaisir de rencontrer ce philosophe ex-communiste français à deux reprises en compagnie de Guillaume Faye dans la salle du célèbre restaurant parisien “La Closerie des Lilas” que Lefebvre aimait fréquenter parce qu'il avait été un haut lieu du surréalisme parisien du temps d'André Breton. Lefebvre aimait se rémémorer les homériques bagarres entre les surréalistes et leurs adversaires qui avaient égayé ce restaurant. Avant de passer au marxisme, Lefebvre avait été surréaliste. Les conversations que nous avons eues avec ce philosophe d'une distinction exceptionnelle, raffiné et très aristocratique dans ses paroles et ses manières, ont été fructueuses et ont contribué à enrichir notamment le numéro de Nouvelle école sur Heidegger que nous préparions à l'époque. Trois ouvrages plus récents de Lefebvre, postmarxistes, ont attiré notre attention: Position: contre les technocrates. En finir avec l'humanité-fiction (Gonthier, Paris, 1967); Le manifeste différentialiste (Gallimard, Paris, 1970); De L'Etat. 1. L'Etat dans le monde moderne, (UGE, Paris, 1976).

 

Dans Position (op. cit.), Lefebvre s'insurgeait contre les projets d'exploration spatiale et lunaire car ils divertissaient l'homme de “l'humble surface du globe”, leur faisaient perdre le sens de la Terre, cher à Nietzsche. C'était aussi le résultat, pour Lefebvre, d'une idéologie qui avait perdu toute potentialité pra­tique, toute faculté de forger un projet concret pour remédier aux problèmes qui affectent la vie réelle des hommes et des cités. Cette idéologie, qui est celle de l'“humanisme libéral bourgeois”, n'est plus qu'un “mélange de philanthropie, de culture et de citations”; la philosophie s'y ritualise, devient simple cérémonial, sanctionne un immense jeu de dupes. Pour Lefebvre, cet enlisement dans la pure phraséologie ne doit pas nous conduire à refuser l'homme, comme le font les structuralistes autour de Foucault, qui jettent un soupçon destructeur, “déconstructiviste” sur tous les projets et les volontés politiques (plus tard, Lefebvre sera moins sévère à l'égard de Foucault). Dans un tel contexte, plus aucun élan révolutionnaire ou autre n'est possible: mouvement, dialectique, dynamiques et devenir sont tout simplements niés. Le structuralisme anti-historiciste et foucaldien constitue l'apogée du rejet de ce formidable filon que nous a légué Héraclite et inaugure, dit Lefebvre, un nouvel “éléatisme”: l'ancien éléatisme contestait le mouvement sensible, le nouveau conteste le mouvement historique. Pour Lefebvre, la philosophie parménidienne est celle de l'immobilité. Pour Faye, le néo-parménidisme du système, libéral, bourgeois et ploutocratique, est la philosophie du discours libéralo-humaniste répété à l'infini comme un catéchisme sec, sans merveilleux. Pour Lefebvre, la philosophie héraclitéenne est la philosophie du mouvement. Pour Faye, —qui retrouve là quelques échos spenglériens propres à la récupération néo-droitiste (via Locchi et de Benoist) de la “Révolution Conservatrice” weimarienne—  l'héraclitéisme contemporain doit être un culte joyeux de la mobilité innovante. Pour l'ex-marxiste et ex-surréaliste comme pour le néo-droitiste absolu que fut Faye, les êtres, les stabilités, les structures ne sont que les traces du trajet du Devenir. Il n'y a pas pour eux de structures fixes et définitives: le mouvement réel du monde et du politique est un mouvement sans bonne fin de structuration et de déstructuration. Le monde ne saurait être enfermé dans un système qui n'a d'autres préoccupations que de se préserver. A ce structuralisme qui peut justifier les systèmes car il exclut les “anthropes” de chair et de volonté, il faut opposer l'anti-système voire la Vie. Pour Lefebvre (comme pour Faye), ce recours à la Vie n'est pas passéisme ou archaïsme: le système ne se combat pas en agitant des images embellies d'un passé tout hypothétique mais en investissant massivement de la technique dans la quotidienneté et en finir avec toute philosophie purement spéculative, avec l'humanité-fiction. L'important chez l'homme, c'est l'œuvre, c'est d'œuvrer. L'homme n'est authentique que s'il est “œuvrant” et participe ainsi au devenir. Les “non-œuvrants”, sont ceux qui fuient la technique (seul levier disponible), qui refusent de marquer le quotidien du sceau de la technique, qui cherchent à s'échapper dans l'archaïque et le primitif, dans la marginalité (Marcuse!) ou dans les névroses (psychanalyse!). Apologie de la technique et refus des nostalgies archaïsantes sont bel et bien les deux marques du néo-droitisme authentique, c'est-à-dire du néo-droitisme fayen. Elles sortent tout droit d'une lecture attentive des travaux de Henri Lefebvre.

 

Mystification totale et homogénéisation planétaire

 

Dans Le manifeste différentialiste, nous trouvons d'autres parallèles entre le post-marxisme de Lefebvre et le néo-droitisme de Faye, le premier ayant indubitablement fécondé le second: la critique des processus d'homogénéisation et un plaidoyer en faveur des “puissances différentielles” (qui doivent quitter leurs positions défensives pour passer à l'offensive). L'homogénéisation “répressive-oppressive” est dominante, victorieuse, mais ne vient pas définitivement à bout des résistances particularistes: celles-ci imposent alors malgré tout une sorte de polycentrisme, induit par la “lutte planétaire pour différer” et qu'il s'agit de consolider. Si l'on met un terme à cette lutte, si le pouvoir répressif et oppresseur vainc définitivement, ce sera l'arrêt de l'analyse, l'échec de l'action, le fin de la découverte et de la création.

 

De sa lecture de L'Etat dans le monde moderne,  Faye semble avoir retiré quelques autres idées-clefs, notamment celle de la “mystification totale” concomitante à l'homogénéisation planétaire, où tantôt l'on exalte l'Etat (de Hobbes au stalinisme), tantôt on le méconnaît (de Descartes aux illusions du “savoir pur”), où le sexe, l'individu, l'élite, la structure (des structuralistes figés), l'information surabondante servent tout à tour à mystifier le public; ensuite l'idée que l'Etat ne doit pas être conçu comme un “achèvement mortel”, comme une “fin”, mais bien plutôt comme un “théâtre et un champ de luttes”. L'Etat finira mais cela ne signifiera pas pour autant la fin (du politique). Enfin, dans cet ouvrage, Faye a retenu le plaidoyer de Lefebvre pour le “différentiel”, c'est-à-dire pour “ce qui échappe à l'identité répétitive”, pour “ce qui produit au lieu de reproduire”, pour “ce qui lutte contre l'entropie et l'espace de mort, pour la conquête d'une identité collective différentielle”.

 

Cette lecture et ces rencontres de Faye avec Henri Lefebvre sont intéressantes à plus d'un titre: nous pouvons dire rétrospectivement qu'un courant est indubitablement passé entre les deux hommes, certainement parce que Lefebvre était un ancien du surréalisme, capable de comprendre ce mélange instable, bouillonnant et turbulent qu'était Faye, où se mêlaient justement anarchisme critique dirigé contre l'Etat routinier et recours à l'autorité politique (charismatique) qui va briser par la vigueur de ses décisions la routine incapable de faire face à l'imprévu, à la guerre ou à la catastrophe. Si l'on qualifie la démarche de Faye d'“esthétisante” (ce qui est assurément un raccourci), son esthétique ne peut être que cette “esthétique de la terreur” définie par Karl Heinz Bohrer et où la fusion d'intuitionnisme (bergsonien chez Faye) et de décisionnisme (schmittien) fait apparaître la soudaineté, l'événement imprévu et impromptu, —ce que Faye appelait, à la suite d'une certaine école schmittienne, l'Ernstfall—  comme une manifestation à la fois vitale et catastrophique, la vie et l'histoire étant un flux ininterrompu de catastrophes, excluant toute quiétude. La lutte permanente réclamée par Lefebvre, la revendication perpétuelle du “différentiel” pour qu'hommes et choses ne demeurent pas figés et “éléatiques”, le temps authentique mais bref de la soudaineté, le chaïros, l'imprévu ou l'insolite revendiqués par les surréalistes et leurs épigones, le choc de l'état d'urgence considéré par Schmitt et Freund comme essentiels, sont autant de concepts ou de visions qui confluent dans cette synthèse fayenne. Ils la rendent inséparable des corpus doctrinaux agités à Paris dans les années 60 et 70 et ne permettent pas de conclure à une sorte de consubstantialité avec le “fascisme” ou l'“extrême-droitisme” fantasmagoriques que l'on a prêtés à sa nouvelle droite, dès le moment où, effrayé par tant d'audaces philosophiques à “gauche”, à “droite” et “ailleurs et partout”, le système a commencé à exiger un retour en arrière, une réduction à un moralisme minimal, tâche infâmante à laquelle se sont attelés des Bernard-Henry Lévy, des Guy Konopnicki, des Luc Ferry et des Alain Renaut, préparant ainsi les platitudes de notre political correctness.

 

Quel nietzschéisme?

 

Reste à tenter d'expliquer le nietzschéisme de Faye et à le resituer vaille que vaille  —pour autant que cela soit possible—  dans le contexte du nietzschéisme français des années 60 à 80. Qu'est-ce qui distingue son nietzschéisme implicite (et parfois explicite) du nietzschéisme professé ailleurs, dans l'université française, chez les philosophes indépendants (voire marginaux) ou chez les autres protagonistes de la ND?

- Si le nietzschéisme de l'université est complexe, trop complexe pour être manié dans des associations de type métapolitique comme le GRECE;

- si les arabesques, méandres, rhizomes, agencements, transversales, multilinéarités et ritournelles d'un philosophe nietzschéen original et fécond comme Gilles Deleuze par exemple dévoilaient un vocabulaire aussi original que surprenant, mais qui demeurait largement incompris en dehors des facultés de philosophie à l'époque de gloire de la ND (elles n'auraient rencontré qu'incompréhension chez les non-philosophes, même à l'université; en Italie, Francesco Ingravalle a eu le mérite de dresser un excellent synopsis des approches nietzschéennes, en dégageant clairement l'apport de Deleuze; cf. F. Ingravalle, Nietzsche illuminista o illuminato? Guida alla lettura di Nietzsche attraverso Nietzsche,  Ed. di Ar, Padova, 1981);

- si les philosophes plus marginalisés, moins académiques et solitaires ont travaillé à fond des thématiques nietzschéiennes plus circonstancielles et nettement moins politisables ou métapolitisables;

- si les fragments, tantôt épars, tantôt concentrés, d'héritage extrême-droitiste, transposés spontanément dans la métapolitique maladroite des plus modestes militants de base des débuts du GRECE, concevaient un nietzschéisme fort hiératique, glacial et figé, prenant naïvement au pied de la lettre le discours sur le “Surhomme”, et surtout ses travestissements par la propagande cinématographique anglo-saxonne des deux guerres mondiales, où se mêlent des clichés comme le “Hun”, la “bête blonde”, la folie caricaturale de professeurs de génétique au rictus nerveux et à grosses lunettes et, enfin, la morgue attribuée aux officiers des corps francs ou des troupes d'assaut;

- si le “surhumanisme” de Giorgio Locchi, en tant que nietzschéisme solidement étayé dans les discours du GRECE, insistait sur le dépassement des avatars philosophiques et scientifiques de l'égalitarisme passif et niveleur issu du christianisme et transformé en “science” dans le sillage du positivisme puis du marxisme;

- si les thèses de Pierre Chassard sur l'anti-providentialisme de Nietzsche, annexées par le GRECE, en mal d'une interprétation originale du philosophe de Sils-Maria au début des années 70, insistaient, elles, sur l'impossibilité finale de créer un monde achevé, fermé, sans plus ni vicissitudes ni tragique ni effervescence ni conflictualité, le nietzschéisme personnel de Faye s'inscrirait plutôt dans cet espace aux contours flous, entre le rire et le tragique, mis en évidence par Alexis Philonenko, dans son approche de l'œuvre de Nietzsche (cf. A. Philonenko, Nietzsche. Le Rire et le Tragique,  LGF, 1995).

 

Pour Faye effectivement, la trame du monde est fondamentalement tragique, et restera telle, en dépit des vœux pieux, formulés par chrétiens, post-chrétiens, jus-naturalistes, etc.; à la suite de Jules Monnerot, qui a pensé systématiquement l'“hétérotélie”, c'est-à-dire le fait que l'on atteint toujours un objectif différent de celui qu'on s'était assigné dans ses rêves et ses projets, Faye écrit et affirme sans cesse que les efforts politiques, les constructions institutionnelles, les barrages que dressent maladroitement les censeurs qui veulent éviter toute redistribution des cartes, finiront toujours par être balayés, mais, avant cette disparition méritée et ce nettoyage nécessaire, les agitations, les colères, les objurgations, les admonestations de ceux qui veulent que les mêmes règles demeurent toujours en vigueur, pour les siècles des siècles, doivent susciter le rire de tous les réalitaires impertinents qui acceptent et affirment le tragique, la finitude de toutes choses. En ce sens, pour Faye, «le rire est la puissance nue, véritablement protéiforme», comme le définit Philonenko, qui ajoute, que, dans Ainsi parla Zarathoustra,  le rire est aussi “la clef qui ouvre toutes les serrures”, justement parce qu'il permet de sauter les obstacles qui, au fond, ne sont pas des obstacles, de regarder à travers les fissures ou au-delà des masses en apparence monolithiques. Nietzsche conçoit le rire, non comme une substance, mais comme une fonction métacritique  qui rend la vie possible (et la libère des pesanteurs et des anachronismes) et, avec elle, ajoute Philonenko, toute “existence authentique”, dans le sens où l'“authenticité”, ici, est synonyme de plénitude et de fulgurance innovante, tandis que toute routine, voire, chez Faye, toute tradition, quand elle se fige, est “inauthentique”, dépourvue d'intérêt. De là, la fascination qu'exerçaient sur Faye les réflexions post-nietzschéennes de Heidegger sur le triste “règne du on”, alors même que les écrivains français qui ont, chacun à leur manière, chanté les “voies royales”, n'ont guère influencé les réflexions du seul véritable penseur original de la ND.

 

Sauver la "Lebenswelt"

 

Nietzsche, et Faye inconsciemment à sa suite, imaginaient un rire qui, “effondrant les colonnes de la civilisation” (celle, rigide, désenchantée, que nous a léguée et nous impose l'Aufklärung, de plus en plus souvent par des méthodes policières), réaliserait le surhomme, c'est-à-dire le dépassement de la condition “humaine, trop humaine”, emprisonnée dans les cages de la légalité sans plus aucune légitimité, dans les cellules dorées d'une civilisation d'abondance matérielle et de lacunes spirituelles. C'est dans cette critique de la civilisation, non plus véhiculée par l'éros idyllique et néo-pastoraliste du “marcuso-rousseauisme”, mais par le rire et la polisonnerie, qu'il faut voir un parallèle avec une certaine révolution conservatrice allemande, qui, elle, récuse cette “civilisation” au nom de l'expérience à la fois traumatisante et exaltante des soldats de la première guerre mondiale ou au nom d'une foi orientale, asiatique ou russe-orthodoxe, modernisée en apparence sous les oripeaux du bolchevisme. La surhumanité nietzschéo-fayenne n'est donc pas une humanité impavide de gendarmes aux roides zygomatiques, musculeux et hiératiques (sauf, notable exception, dans certaines planches de sa bande dessinée aux thématiques contestées, intitulée Avant-Guerre), non pas, contexte spatio-temporel oblige, un duplicata anachronique du “nationalisme soldatique” des frères Jünger ou de Schauwecker, non pas un fidéisme traditionaliste teinté d'orientalisme, mais une surhumanité portée par une bande de joyeux polissons créatifs, impertinents, hors-normes. Les porteurs de “civilisation”, qui ont oublié le rire ou l'ont étouffé en eux, érigent des idoles de papier, des codes moraux, des conventions toutes cérébrales, qui sont justement celles qui oblitèrent et refoulent cette Lebenswelt,  cette évidence immédiate que seul le rire est capable de saisir, de capter, d'“en ouvrir toutes les serrures”. Cet engagement pour sauver la Lebenswelt est le leitmotiv qui permet de comprendre les engouements simultanés de Faye pour Heidegger, Habermas, Monnerot, Freund, Schmitt, Jünger (celui du Travailleur),  Simmel et sa synthèse personnelle entre tous ces philosophes, politologues et sociologues, en apparence très différents les uns des autres. Plus tard, Michel Maffesoli deviendra indubitablement l'universitaire qui hissera un corpus fort proche de cette vision fayenne  —fulgurante, dionysiaque et effervescente—  au niveau d'une philosophie et d'une sociologie pleinement reconnues par l'université, au niveau français comme au niveau international. Voilà ce qu'il fallait dire, me semble-t-il, sur le nietzschéisme dionysiaque de Faye, qui a marqué si profondément la ND de son sceau. Faye est en effet le penseur qui aurait pu, s'il avait travaillé et retravaillé ses intuitions selon les critères de la démarche académique, devenir un philosophe entre Freund et Maffesoli, c'est-à-dire un philosophe tenant compte des impératifs incontournables du politique mais sans absoluiser ces impératifs, en laissant toujours les portes grandes ouvertes aux manifestations de la Vie (de la Lebenswelt).  Si Freund, fidèle en cela à Carl Schmitt, ne perd pas trop de temps à s'apesantir sur les grouillements, éruptions, engouements qui pourraient donner mille et une fois prétexte à de l'“occasionalisme”, Maffesoli va parfois trop loin, nous semble-t-il, quand il survalorise des phénomènes de banlieue, comme les tribus, tout en annonçant une sorte de fin du politique dans le dionysiaque. Faye, qui a quitté la sphère sérieuse du politique, aurait pu faire cette jonction entre Freund et Maffesoli (qui fut l'élève de ce politologue alsacien), dans la mesure où, pour lui, le politique ne doit jouer qu'en cas d'Ernstfall (de situation dangereuse, exceptionnelle), en s'effaçant dès que le péril disparait. En cela, “le politique va et vient entre imperium et anarchie”, comme le soulignait Christiane Pigacé, elle aussi disciple de Julien Freund, lors de la Première Université d'été de la FACE en juillet 1993.

 

Exercices d'auto-dérision

 

Ce nietzschéisme-entre-rire-et-tragique, pari pour la “puissance nue” et “fonction métacritique”, avait aussi bien du mal à se faire comprendre, non pas auprès des militants jeunes du GRECE, fascinés par cette fougue, mais bien dans le “saint des saints” de ce mouvement, en son plus haut sommet, où ne brillait aucun soleil, où ne règnait aucune chaleur, mais où une humeur grincheuse crachait en permanence ses miasmes aussi malsains qu'indéfinissables dans une atmosphère déjà toute chargée de volutes nauséabondes de nicotine, où une mine toujours déconfite, une moue éructant sans discontinuer l'insulte gratuite, révélait en fait, aux lucides qui pouvaient le voir, une parodie fon­damentale que Nietzsche aurait copieusement brocardée. Les petites vanités d'un certain gourou ne toléraient nullement le développement d'une “métacritique” axée sur le “fou rire libérateur”, qui commence toujours par une saine capacité d'auto-dérision. Quant à Faye, il n'hésitait jamais à se mettre en scène, à s'amuser de ses propres images, fantasmes, goûts, de ses propres phrases qu'il poussait à l'absurde pour être sûr qu'elles ne s'enliseraient jamais dans une impasse intellectuelle, etc. En effet, pour se remettre en question, il faut être capable de penser jusqu'à l'absurde chaque idée qu'on développe, s'apercevoir à chaque instant du caractère dérisoire de ses vanités ou de ses fantasmes, du caractère ridicule des petits camouflages qu'on pratique dans le fol espoir de plaire un jour à la galerie, d'avoir une “image irréprochable” dans les médias du “système à tuer les peuples”, ce qui indique finalement que l'on n'a nul souci de ces peuples, en dépit des discours que l'on tient pour épater le public. Cet exercice d'auto-dérision, on a toujours été incapable de le faire, en ce  plus haut lieu du GRECE, qui prétendait évidemment n'être pas le GRECE, mais simple site de base fortuit et déconnecté d'une vague “stratégie personnelle” d'entrisme dans les médias et de participation aux débats (?) du Tout-Paris. Raison pour laquelle la machine, mise en place par quelque compilateur qui alignait citations et références dans le seul espoir de se faire valoir, a fini, “quelque part”, par tourner à vide.

 

Enfin, ce “nietzschéisme du rire” demeure à la base des démarches du Faye post-greciste: depuis le lancement du journal J'ai tout compris (1987-88), mêlant ironie grinçante, satire caustique, message politique et style branché, jusqu'aux émissions de Skyrock, avec leurs énoooormes canulars, ou encore les enquêtes désopilantes de l'Echo des Savannes  ou même de Paris-Match, où l'on a vu Faye dans le rôle du “Professeur Kervous”, ami de Bill Clinton fraîchement élu à la Maison Blanche, un Kervous au look soixante-huitard flanqué d'une sémillante secrétaire britannique “Mary Patch” (!!), qui se présente chez certains hommes et femmes politiques français pour leur demander, au nom de “Mr. President Bill Clinton”, s'ils sont prêts à poser leur candidature de “Secrétaire d'Etat aux affaires européennes”, dans la nouvelle “administration” américaine... Mais cette pratique de la “théorie métacritico-métapolitique” de la ND fayenne est une autre histoire, qui n'a pas exactement sa place dans la présente introduction.

 

II.

Mais comment ce Guillaume Faye, dont le charisme était indéniable, a-t-il été évincé du groupe auquel il a donné une véritable épine dorsale? Emblématique, son éviction prouve que la logique interne du mouvement GRECE a été et demeure une logique de l'éviction. Au fil de son histoire, ce mouvement a davantage exclu ses cadres qu'il n'en a recruté! Quelques esprits paranoïaques en déduisent que cette stratégie d'évictions successives a été appliquée “en service commandé”, pour empêcher la France de développer une idéologie radicalement critique à l'égard des anachronismes républicains, illuministes, juridiques et administratifs qui conduisent ce pays à l'assèchement intellectuel et à la pétrification institutionnelle, de façon à ce qu'aucun courant d'opinion suffisamment étayé ne réclame des réformes en profondeur ou n'articule les conditions d'une deuxième révolution française qui balaierait la bourgeoisie révolutionnaire institutionalisée, ses clubs d'inspiration illuministe et ses fonctionnaires omnipotents, comme les préfets qui gouvernent 95 départements sans être élus, en contradiction flagrante avec les principes démocratiques de l'Union Européenne! La thèse du “service commandé” est évoquée par un professeur mexicain Santiago Ballesteros Walsh, sans que je ne puisse avaliser sa démonstration... Effectivement, rien ne peut directement étayer la thèse de Ballesteros Walsh, ce qui ne doit pas nous empêcher de constater qu'en près de trente ans d'existence, la ND parisienne n'a proposé aucune réforme cohérente des institutions françaises, n'a pas approfondi le “régionalisme” ou la “subsidiarité” qui aurait pu servir de levier à une contestation globale du système jacobin, directement inspiré des Lumières, ni aucun projet de réforme économique, sur base du participationnisme gaullien, des thèses de François Perroux ou des hétérodoxes de la pensée économique. Ces omissions, ce refus persistant de ne pas aborder de tels sujets, sont pour le moins bizarres voire fort suspects. Faye n'a jamais cessé de réclamer l'inclusion de telles démarches dans le corpus de la ND. Est-ce la raison réelle de son éviction? Comme de l'éviction de tous les autres exclus?

 

Stratégie du dénigrement

 

Dans des discussions entre anciens du GRECE, on évoque souvent deux autres stratégies bizarres: la stratégie du marquage et celle du dénigrement. La stratégie du marquage consisterait ainsi à attirer des intellectuels dans le sillage de la ND pour qu'ils soient marqués à jamais et empêchés de poursuivre leurs recherches. La stratégie du dénigrement consiste, elle, à monter les militants les uns contre les autres, à les décrire comme “idiots” ou comme “fous” afin de contrecarrer à titre préventif toute collaboration autonome entre eux, au-delà de tout contrôle de la centrale. Ainsi, par exemple, à tel éditeur indépendant, on dira que “Steuckers (ou Faye ou Battarra, etc.) est un fou dangereux, voire un terroriste nazi-trotskiste et national-révolutionnaire, digne héritier de la narodnaïa volia russe (d'ailleurs, n'est-ce pas, son journal s'appelle Vouloir...)”, afin qu'il n'accepte pas de manuscrits de cet espèce de sous-Netchaïev de Steuckers, mais, de ce même brave éditeur, vingt minutes plus tard, la même personne dira à Steuckers, “c'est un doux crétin emberlificoté dans toutes les sectes ruralistes völkisch  les plus biscornues”, afin qu'on ne lui confie pas de manuscrit...

 

Il m'apparait utile, à la demande de quelques exclus notoires et de quelques anciens cadres du GRECE, plongés dans l'amertume depuis l'échec de leur réformisme constructif à l'intérieur du mouvement où ils militaient, de brosser un tableau récapitulatif de cette succession ininterrompue d'évictions, en insistant plus particulèrement sur celle de Faye.

 

Vivant et travaillant très près du “centre”, même s'il ne connaissait pas les véritables commanditaires de l'entreprise, comme aucun membre ni même aucun cadre ne les connaissaient, Faye n'a pas été suffisamment attentif à la fragilité de sa propre position; il a été naïf et confiant. Il était extérieur à ce milieu, il venait du dehors. Il n'a jamais été intégré par ceux qui se prétendaient “initiés”, il a toujours été considéré comme un “citron à presser”. L'indice le plus patent de cette non-appartenance au “noyau de base” est la médiocrité des salaires que percevait Faye. Je ne comprends toujours pas comment il a eu la faiblesse de se contenter d'une telle situation. Et d'avoir commis deux erreurs:

A. Avoir été trop confiant dans son propre charisme, avoir souvent travaillé trop vite, par fulgurances, individuellement, en n'étayant pas toujours ses textes de références adéquates, pour leur donner du poids. L'idéal aurait été un Faye épaulé par une équipe qui aurait exploré pour lui l'univers des bibliothèques, lui aurait transmis des bibliographies, des résumés de livres, aurait fréquenté pour lui des colloques universitaires et politiques, etc. Faye ne s'est pas entouré de personnes capables de faire de tels travaux pour lui. A moyen terme, ce sera sa perte.

 

Faye n'a pas ménagé sa porte de sortie

 

B. Ensuite, Faye ne s'est pas doté d'un instrument personnel et autonome, par exemple un cercle ou une revue, qui lui aurait fourni une porte de sortie, pour redémarrer son action seul en réaiguillant vers lui son public, récruté dans le cadre du GRECE. Faye n'a pas organisé le réseau de ses relations, ni entretenu de rapports structurés avec les personnalités qu'il a été amené à rencontrer, lors de ses nombreux périples. Après son éviction, Faye s'est retrouvé seul, sans fichier, sans tribune, sans ressources. Sa quête intellectuelle a dû s'arrêter pour le mouvement auquel il a impulsé tant de vigueur. L'ABC du cadre enseigne qu'il faut, en toutes circonstances, ménager sa porte de sortie, retomber sur ses pattes en cas d'éviction, réamorcer la dynamique en toute autonomie, au besoin contre ses anciens partenaires.

 

Ces quelques réflexions sur Faye nous obligent à retracer la chronologie de son itinéraire “greciste”. Comme l'écrit Taguieff (op. cit.), cet itinéraire commence dans le cadre du Cercle Vilfredo Pareto, dominé par la personnalité d'Yvan Blot (alias Michel Norey), aujourd'hui député européen pour le compte du FN français. Faye, qui travaillait alors pour l'industrie automobile, y apprend les techniques de l'orateur, sous l'impulsion d'un ancien militant de la droite radicale française, ayant abandonné tout militantisme. Incontestablement, Faye est un bon élève. Ce que je peux constater quand je le rencontre pour la première fois à Bruxelles en 1976, dans une salle de l'Hôtel Ramada, Chaussée de Charleroi, où il prononçait un fougueux discours sur “l'Europe, colonie des Etats-Unis”. D'emblée, à la suite de Giorgio Locchi qui avait composé un numéro de Nouvelle école  pour stigmatiser la main-mise américaine sur l'Europe et pour mettre en exergue les différences radicales entre le mental européen et le mental américain, Faye embraye sur cet anti-américanisme solidement étayé par le philosophe italien et rompt définitivement avec toutes les tentations “occidentalistes” de la droite française, y compris celles de certains rescapés d'Europe Action, le mouvement activiste des années 60, où bon nombre de cadres du GRECE initial avaient fait leurs premières armes.

 

En 1977-78, une première division frappe la ND, encore peu connue du grand public. D'une part, Yvan Blot, Jean-Yves Le Gallou, et quelques autres fondent le “Club de l'Horloge”, dont la stratégie sera d'investir les milieux politiques, professionnels (patronaux essentiellement) et les Grandes Ecoles de Paris (ENA, etc.), tandis qu'Alain de Benoist parie pour un “combat des idées”, dans la presse et les médias en général. Le Club de l'Horloge prend des options libérales ou nationales-libérales. Alain de Benoist a le mérite de rester en deçà de cette marche vers la “respectabilité”, qui annonce pourtant le retour du libéralisme dans les débats des années 80, mais il n'esquisse aucune alternative cohérente et structurée au giscardisme et aux éléments de sociale-démocratie qui compénètrent la société française, après la dispariton de De Gaulle. Faye refuse la logique libérale, au nom du discours qu'il a défendu dans les colonnes des Cahiers du Cercle Vilfredo Pareto.  Il pense que ses idées étatistes, autarcistes et “régaliennes” ne peuvent pas être défendues à la tribune du Club de l'Horloge et il reste avec de Benoist au GRECE. Ses motivations sont donc purement idéologiques. Son option n'est pas dictée par des intérêts matériels ou par des opportunités professionnelles.

 

Philippe Marceau entre alors en scène au GRECE et le structure avec une redoutable efficacité. Grâce à son dévouement et à sa générosité, Faye trouve un encadrement solide, à sa mesure. Marceau discipline le cheval fougueux qu'est Faye, il veille à ce qu'il soit payé convenablement. Faye donnera le meilleur de lui-même entre 1978 et 1982, quand il bénéficiera de la rigueur d'organisation imposée par Philippe Marceau. En outre, le GRECE marque des points à cette époque: il fonde les éditions Copernic en 1978 (qui feront lamentablement faillite en 1981), il investit la rédaction du Figaro-Magazine de Louis Pauwels. Faye est séduit, avec beaucoup d'autres, dont moi-même. Il pense que l'avenir est dans la “métapolitique”. A ce moment-là de l'histoire du mouvement, Marceau le croit aussi.

 

L'aventure d' "Alternative libérale"

 

Fin 1981, en dépit du discours anti-américain et anti-libéral officiel, Alain de Benoist développe une “stratégie personnelle”, cherchant sans doute à prendre le Club de l'Horloge de vitesse. Ce sera l'aventure d'“Alternative libérale”, projet ambitieux d'organiser un gigantesque colloque à Paris, avec l'appui du Figaro Magazine.  Ce colloque aurait dû rassembler tous les théoriciens français du libéralisme politique et économique, dont Raymond Aron, et leurs homologues et mentors américains, dont les Chicago Boys, etc. Au milieu de cet aréopage, devait s'insinuer Alain de Benoist himself.  Alerté par quelques bonnes consciences journalistiques, plusieurs participants pressentis refusent de prendre la parole si le “nazi” (?) de Benoist monte à la tribune. Les frais engagés sont tels que les organisateurs et les commanditaires ne peuvent plus reculer: Alain de Benoist est évincé. Le colloque a lieu. Le Figaro-Magazine  s'en fait l'écho. Mais “Alternative libérale” cesse d'exister au lendemain de la manifestation. Cette petite aventure en dit long sur la sincérité du leader de la ND: pour devenir vedette, il a été tout prêt à solder son anti-libéralisme, son anti-américanisme, à mettre au rencart son européisme ou ses positions néo-gaulliennes, sa germanophilie et son culte de la “révolution conservatrice”. Je me rappelle d'un Faye très sceptique et très dubitatif à l'époque... Il m'apparaissait désemparé, lui, l'honnête homme, qui avait toujours suivi ses idées plutôt que les opportunités politiciennes ou médiatiques... Désemparé de constater que d'autres étaient prêts à dire demain le contraire de ce qu'ils avaient toujours affirmé, pour un strapontin, une opportunité ou pour suivre une mode (parisienne). 

 

En janvier 1982, paraît un numéro d'éléments  titré “Mourir pour Gdansk?”. Alain de Benoist y refuse la logique occidentale (alors qu'il était prêt à y sacrifier un petit mois auparavant!!!), s'oppose aux maximalistes de l'OTAN qui s'inquiètent de la prise du pouvoir par Jaruselski en Pologne, détruit le mythe de l'ennemi soviétique, affirme que le système soviétique —qu'il n'avalise pas pour autant—  est moins dangereux pour la culture européenne que les modes et les films américains, mène en fait une guerre préventive contre le reaganisme qui vient d'accéder à la Maison Blanche. Cet anti-occidentalisme, bien construit et courageux, provoque la colère de Raymond Bourgine, directeur de Valeurs actuelles  et de Spectacle du Monde,  un hebdomadaire et un mensuel dans lesquels Alain de Benoist a fait ses premières armes et dont la plupart des rubriques de Vu de droite  sont issues. Alain de Benoist est chassé de la rédaction. C'est un premier gros échec du GRECE. Mais Alain de Benoist conserve sa “rubrique des idées” dans le Figaro-Magazine  (qu'il perdra quelques mois plus tard).

 

Marceau croit en un "réseau de clubs politiques"

 

Philippe Marceau voit que la situation se dégrade. Bon homme d'affaires, il constate que ses investissements dans le GRECE n'ont pas porté les fruits escomptés; son effort financier a été trop important pour les maigres résultats obtenus. Il estime vraisemblablement que les échecs successifs, que le mouvement vient d'encaisser, sont de mauvais augure (faillite de Copernic, échec d'“Alternative libérale”, éviction  hors des organes de presse de Bourgine, position chancelante du GRECE au Figaro-Magazine, moindre attention des médias, acharnement des adversaires, etc.). Marceau se rend compte qu'il n'a pas maîtrisé les “tares” du GRECE (“décideurs en coulisse”, mauvaise gestion des fonds, fantaisies et stratégies personnelles, incapacité de s'en tenir à une ligne précise, variations idéologiques au gré des modes, etc.). Il constate que les livres que d'aucuns lui ont promis d'écrire n'ont pas été écrits, que l'argent prévu doit servir à boucher d'autres trous, etc. Il en conclut à l'échec de la “métapolitique”. Il tente, à partir des réseaux et des fichiers du GRECE, de mettre sur pied des fora  régionaux, appelés à organiser l'opposition contre Mitterrand et les socialistes qui viennent de prendre le pouvoir lors des élections de mai et de juin 1981. Pour s'opposer aux socialistes et aux soixante-huitards qui accèdent aux postes de commandement de la société française, il faut un réseau de clubs politiques. Marceau pense que c'est là l'avenir. Mais les cartes politiques qu'il joue dans les milieux des gaullistes de droite ne donnent rien. Marceau doit dissoudre les fora  régionaux. Il quitte la scène. Le GRECE perd l'atout d'un redoutable organisateur et d'un mécène qui ne comptait jamais ses dons. Exit Marceau. Exit la rigueur et la discipline d'appareil. Marceau se retrouvera deux ans plus tard dans le parti de Le Pen, où sa générosité et son sens du travail peuvent donner le meilleur d'eux-mêmes.

 

Par le départ de cet homme exceptionnel, honnête et scrupuleux, Faye est déstabilisé. Il perd toute protection et toute garantie. Il n'a pas suivi Marceau; anti-libéral, peu attiré par les milieux politiques conservateurs en marge ou à l'intérieur du RPR, Faye croit encore à la “métapolitique”. On l'embobine. On lui fait miroiter un retour à la situation de 1978: nouvelle maison d'édition, création d'un nouvel hebdomadaire, etc. Début 1983, Faye, seul avec quelques amis, anime, en l'espace de huit mois, trois brillantes journées de son CRMC (Collectif de Réflexion sur le Monde Contemporain). Mais après ces trois journées d'une exceptionnelle qualité intellectuelle, le CRMC disparaît, Faye ne parvenant pas à conserver ce cercle qui aurait pu lui donner une pleine autonomie. Entre 1982 et 1985, il participe aux “Colloques d'Athènes”, organisés par le recteur de l'Université de la capitale grecque, Jason Hadjidinas, qui décédera prématurément, après l'avoir incité à reprendre des études et à rédiger un doctorat. Il donne des cours de sociologie de la sexualité à l'Université de Besançon. En 1985, à l'Université de Mons, il prend la parole à un grand colloque euro-arabe, où il donne incontestablement le ton, séduisant par ses talents oratoires le Père Michel Lelong, représentant du Vatican lors de cette initiative, lancée par le Professeur Safar! Le lendemain de ce colloque, quelques dizaines de cadres du GRECE se réunissent pour tenter un renouveau, l'IEAL (Institut Européen des Arts et des Lettres), qui n'aura malheureusement pas d'avenir. Mais après la mort de Jason Hadjidinas, qui l'encourageait paternellement et tentait vainement de corriger ses navrantes naïvetés, Faye est de plus en plus isolé. Il ne participe plus à de grands colloques, ni en France ni ailleurs. Sous le pseudonyme de Gérald Fouchet, il rédige d'excellents articles et d'exceptionnels entretiens dans Magazine Hebdo,  un news  dirigé par Alain Lefèvre. Mais Magazine Hebdo,  asphyxié par les publicitaires hostiles à la ND, doit cesser de paraître. Faye n'a plus d'autres revenus que son très maigre salaire de permanent du GRECE.  Les années 86 et 87 sont pour lui des années d'enlisement. Une propagande perfidement orchestrée le décrit à travers toute l'Europe comme un “exalté”, un “fou” et un “drogué”. Discours que j'ai personnellement, à ma grande stupéfaction, entendu chez Armin Mohler en juillet 1984. Partout, “on” avait répandu la légende d'un Faye un peu cinglé, niais aussi, et surtout d'un esprit brouillon dont “on” devait réécrire les articles...

 

Les suggestions de Jean-Claude Cariou

 

Juste avant le colloque de Mons et la disparition du Recteur Hadjidinas, le Secrétaire Général du GRECE de l'époque, Jean-Claude Cariou, garçon d'un dévouement exceptionnel confinant à la sainteté, tente de sauver les meubles. Il sait, parce qu'il organise, depuis son bureau de Paris, le programme des conférences, colloques et autres initiatives du mouvement en province, que, sans Faye, le GRECE est condamné à l'assèchement. Mais Faye est paralysé personnellement par le salaire insignifiant qu'il perçoit comme une aumône, comme l'os qu'on jette à un chien errant, depuis le départ du généreux Marceau. Cariou suggère une rénovation du mouvement, impliquant:

a) le paiement d'un salaire décent à Faye (ce qui est refusé par les nouveaux mécènes, deux gaillards à moitié analphabètes mais d'une incommensurable prétention); cette suggestion de Cariou montre combien Faye était dépendant et “assisté” (reproche qui lui a été maintes fois adressé). Il y a là une leçon à tirer pour tous les jeunes candidats au “combat métapolitique”.

b) un remaniement général des salaires et une maîtrise des comptes par un bureau régulièrement élu;

c) une contestation définitive du “pouvoir occulte”, c'est-à-dire la transparence.

d) un rajeunissement du mouvement.

 

Quelques jours après avoir formulé ces propositions raisonnables, Cariou est exclu, après une mise-en-scène grotesque, où il a dû comparaître devant une espèce de tribunal rassemblé à la hâte, composé de laquais totalement analphabètes qui hurlaient des slogans appris par cœur et ignoraient bien entendu tout des subtilités du “combat métapolitique” et des idées que leur mouvement était censé défendre. C'est là que toute la dimension parodique de l'aventure parisienne de la ND est apparue au grand jour. L'idée saugrenue de composer un tribunal de cette sorte démontre que les prétentions philosophiques de cette brochette d'individus immatures n'étaient que leurres. Le témoignage écrit qu'en laisse Cariou dans une lettre est éloquant: pendant que ces Fouquier-Tinville d'opérette vociféraient et éructaient, Alain de Benoist, blême, dans un état d'hyper-nervosité pitoyable, vasouillait seul dans son bureau adjacent, en attendant la fin du vaudeville. Quand ce fut terminé, le pontife est sorti de son antre  pour venir bafouiller à la victime: “ne fais pas un destroy contre moi”, répétant cette injonction trois ou quatre fois de suite, avec la trouille qui lui tordait les tripes. Mécaniquement. Pitoyablement. Avec un remord dans la voix qui ne sera que passager, comme tous ses remords. Le tort de Cariou a été de ne pas rire aux éclats devant ces guignols, de tirer sa révérence, en la ponctuant de ricanements homériques et de laisser ces misérables saltimbanques en plan, sans autre forme de procès. Histoire de leur faire entrevoir, ne fût-ce qu'un bref instant, leur finitude, leur déréliction. Et aussi de ne pas avoir conté sa mésaventure dans une brochure qu'on se serait fait un plaisir de distribuer. Cette négligence a permis aux analphabètes de contrôler le mouvement et de faire et de défaire les cadres au gré des humeurs de leurs cerveaux exigus. Triste involution.

 

Après Cariou, Gilbert Sincyr tentera de remettre de l'ordre dans la baraque. Mais comme Faye commençait à ruer dans les brancards et comme Alain de Benoist avait imposé la présence du néo-nazi Olivier Mathieu au Cercle “Etudes et Recherches”, seul apanage de Faye au GRECE, Gilbert Sincyr a rapidement quitté les lieux, dégoûté à son tour. L'université d'été 1986 est un fiasco, tourne à la pantalonnade sous la houlette de l'inénarrable Mathieu, l'homme d'Alain de Benoist à l'époque. Le colloque de novembre 1986 ne rassemble que peu de monde. Marco Tarchi (animateur de la ND italienne) et moi-même sommes rappelés à la rescousse pour étoffer ce colloque, où Faye prononce un discours qui révèle ses déceptions et ses rancœurs. Anecdote: un des analphabètes mobilisé quelques mois auparavant pour évincer le malheureux Cariou, qui souffrira terriblement de son éviction, fait fouiller le sac de mon épouse, la soupçonnant d'apporter une machine infernale pour faire sauter le colloque... Alain de Benoist, pourtant si soucieux de sa respectabilité, avait à cette époque l'art de se choisir de très singuliers collaborateurs. Cette anecdote trahit de manière exemplaire l'atmosphère de gaminerie para-militaire, de caporalisme et d'hystérie nazifiante qui pouvait règner dans ce milieu qui se voulait strictement intellectuel.

 

1987: rupture définitive

 

En 1987, Faye rompt définitivement tous les ponts qui l'unissait encore au GRECE. En mai de cette année-là, il rédige une proclamation (reproduite en annexe de cette édition), où il dresse sereinement le bilan de son engagement. Ce texte est empreint d'une grande sagesse, ce qui contredit tous les ragots colportés sur Faye, le décrivant comme “fou”, “alcoolique” et “drogué”. Dans le cadre de la ND, c'est à Bruxelles qu'il prononce sa dernière conférence, à la tribune du GRESPE de Rogelio Pete, en septembre 1987 dans un luxueux salon du prestigieux Hôtel Métropole. Thème: la soft-idéologie. Très calme et très méthodique, il nous a décrit les mécanismes de la “langue de coton” (Huyghe) et le totalitarisme mou que préparait ce langage édulcoré, annonciateur de notre actuelle “political correctness”. Dommage qu'il soit arrivé au Métropole flanqué du sulfureux Mathieu, qui n'a pas pu s'empêcher de parler du “soleil noir inscrit dans un cercle blanc sur fond rouge”. Type de dérapage lyrique que son chef avait dû grandement apprécier en privé avant de l'engager... Avoir invité Faye m'a valu quelques injures téléphonées par un militant inconditionnel du GRECE, réorganisé par les analphabètes qui avaient évincé Cariou... Sans doute des intimidations sur commande. Qui n'ont eu aucun effet.

 

En 1987, le médiéviste Pierre Vial quitte à son tour le GRECE pour devenir un cadre en vue du FN, privant les revues du mouvement métapolitique d'un souffle d'histoire, qu'elles ne récupereront plus jamais. A la suite de ce départ, la collaboration de Jean Mabire se raréfie puis disparaît définitivement, ôtant au mouvement des textes d'une rare lucidité littéraire. Mabire donnera ses chroniques et ses portraits d'écrivains à National-Hebdo, enrichissant cette feuille politique et polémique de “miniatures” littéraires, toutes de finesse et de pertinence.

 

Une cascade d'évictions

 

Voici donc la chronologie de l'éviction la plus spectaculaire dans l'histoire de la ND. Mais il y a eu d'au­tres départs forcés, comme celui de Giorgio Locchi, évincé en 1979, privant le mouvement d'un juge­ment philosophique sûr, qui lui avait donné son épine dorsale conceptuelle. Ensuite, la non-inté­gration d'Ange Sampieru, brillant juriste, constitutionaliste et économiste, un homme des “grandes écoles”, un “étatiste” et un critique pertinent du libéralisme. Puis le tir de barrage contre Thierry Mudry et Christiane Pigacé, empêchant l'irruption, dans le discours global de la ND, d'une histoire alternative, vé­ritablement centrée sur le peuple et le paysannat, et d'une philosophie politique directement puisée chez Julien Freund. En 1990, nous avons assisté à l'éviction du jeune Hugues Rondeau, l'animateur de “Nouvelle Droite Jeunesse”, qui avait réclamé mon retour. Très cultivé, Rondeau venait du gaullisme, avait un goût littéraire très sûr, un sens des valeurs et de l'esthétique, qui ne dérivait pas des manies habituelles des droites parisiennes. Ensuite, vint mon tour en 1992, à la suite de mises-en-scène que je ne décrirai pas par charité. Enfin, en 1993, Guillaume d'Erebe est à son tour jeté comme un malpropre, privant le mouvement d'un philosophe et politologue très bien écolé, bon connaisseur d'Althusser, de Spinoza, des hétérodoxies en économie, de Perroux et de Carl Schmitt. Le gâchis est immense. La ND s'est étiolée. La ND n'a intégré personne. Elle se meurt très lentement d'attrition; elle ne survit que par l'éclat de son passé (1978-1982). Elle survit par l'excellence des textes des exclus, quelles que soient par ailleurs leurs différences personnelles ou leurs positions intellectuelles (Faye, Sampieru, Locchi, Vial, Mabire,...), par les résidus d'organisation (Marceau) et de gentillesse (Cariou), semés par d'authentiques militants. Ce qui nous permet de dire que la “communauté” dont s'est toujours targué le GRECE ne vit que chez les exclus. La vraie communauté ND est en dehors de la structure qui vivote, où ne vasouillent plus que ses fossoyeurs. 

 

Un observateur impartial des mouvements politiques français me disait que la ND est typiquement parisienne, dans le sens où l'Action Française, le mouvement des surréalistes autour de Breton, les communistes français, ont vécu, eux aussi, de longues successions d'évictions. On dirait qu'il existe un modèle parisien d'“évictionnisme” pathologique que tous imitent là-bas, même inconsciemment. La ND n'échapperait donc pas à la règle.

 

Conclusion: ces évictions laissent beaucoup d'amertume, laissent le sentiment d'avoir été trompé, roulé dans la farine par quelques petits minables, de s'être égaré dans un mauvais vaudeville. La ND, dans ses discours anti-chrétiens, se moquait du précepte évangélique consistant à tendre la joue gauche quand on venait d'être souffleté sur la droite. N'acceptons donc pas benoîtement l'injustice, dans l'espoir d'obtenir ultérieurement le paradis, ou un “poste” dans un GRECE qui serait appelé à ressusciter. Il faut présenter la facture, celle de Faye et de Cariou surtout, celle de Marceau. Il faut désormais faire payer la note à ceux qui ont délibérément, pour des considérations d'ordre personnel ou pour des intérêts bassement matériels, brisé l'élan de la ND, brisé l'élan et les fulgurances de Faye, tué dans l'œuf l'éclosion de son habermassisme affirmateur. Il faut construire. Construire ce que Faye n'a pas eu l'occasion de construire. Rester fidèle, inébranlablement fidèle à sa mémoire, à ses idées, à son engagement de jadis. Voilà pourquoi nous sommes toujours là. Toujours dans nos bonnes œuvres. Avec, en nos têtes, l'adage de Guillaume d'Orange, dit le Taciturne: «Point n'est besoin d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer».

 

Robert Steuckers,

octobre 1995.

dimanche, 16 mai 2010

Entretien avec A. Murcie et L.-O. d'Algange, éditeurs de Jean Parvulesco

JeanParvulesco_Paris2000-217x300.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1990

Entretien avec André Murcie et Luc-Olivier d'Algange, éditeurs de Jean Parvulesco

 

propos recueillis par Hugues RONDEAU

 

Amateurs de prose et de vers ajourés, André Murcie et Luc-Olivier d'Algange ne partagent cependant pas l'éthylique détachement de Rimbaud ou la talentueuse indifférence d'Hölderlin.

Pour eux, la poésie est le flambeau de leur combat. Courageux ou téméraires, ils se dépensent sans compter pour la survie d'une petite maison d'édition, les Nouvelles Littératures Européennes. Sous ce label sont déjà parus une revue au parfum de la grande littérature, un roman de Luc-Olivier d'Algange  (Le Secret d'or) et surtout un cahier d'hommage à Jean Parvulesco.

Trois cent quarante-quatre pages de témoignages et d'articles inédits font de ce volume, l'indispensable lexique de l'œuvre de l'auteur de  La Servante portugaise.

Editer Parvulesco ou avoir opté pour la subversion par le talent.

 

 

- En prenant la décision d'éditer Jean Parvu­lesco, génial trublion du la littérature franco­phone, vous avez pris un risque certain. Poête et essayiste, géopoéticien aurait dit Kenneth White, écrivain re­belle et ésotériste inspiré, Parvulesco ouvre les yeux des prédestinés mais demeure inconnu du grand public. Votre initiative avait-elle pour but de le rendre populaire ?

 

- Luc-Olivier d'Algange: Je dois avouer que mon engouement pour les écrits de Jean Parvulesco est né de la lecture en 1984 de son Traité de la chasse au faucon.  Il m'apportait la preuve attendue qu'une haute poésie était possible  —et même né­ces­saire—  dans cette époque pénombreuse où nous avons disgrâce de vivre. La dis­grâce, mais aussi, dirai-je, la chance ex­traordi­naire, car, en vertu de la loi des contrastes, c'est dans l'époque la plus déré­lictoire et la plus vaine que l'espoir nous est offert de connaître la joie la plus laborieuse et, dans sa splendeur absolue (Style), l'exaucement de la volonté divine.

Tel était le message que me semblait appor­ter la poésie de Jean Parvulesco. Or, sa­chant qu'André Murcie poursuivait une quête pa­rallèle à la mienne et qu'il envisa­geait en outre de lancer la revue Style,  il m'a semblé utile de lui faire part de ma dé­couverte. C'est ainsi que dès le premier numéro, avec un poême intitulé Le Privi­lège des justes se­crets, Jean Parvulesco de­vint une voie es­sentielle de la revue Style.  Celle-ci devait encore publier le vaste et fa­meux poème, Le Pacifique , nouvel axe du monde  ainsi que le Rapport secret à la nonciature,  qui est un admirable récit visionnaire sur les appari­tions de Medjugorge et de nombreux autres poèmes. Tout cela avant d'élargir encore son dessein, en créant les éditions des Nou­velles Littératures Européennes, et de pu­blier un Cahier Jean Parvulesco,  récapitu­lation en une succession de plans de l'univers de Parvulesco, en ses divers as­pects, poétiques, philosophiques, esthé­tiques, architecturaux, cinématogra­phiques ou politiques.

 

-  André Murcie:  En effet et ceci répond de façon plus précise à votre question, il est clair que Parvulesco va à contre-courant de ses contemporains. Jean Parvulesco n'est en aucune façon un spécialiste. Il est, au con­traire, de cette race d'auteurs qui font une œuvre, embrassement de l'infinité des appa­rences et de cette autre infini qui est der­rière les apparences. C'est là la diffé­rence soulignée par Evola entre «l'opus», l'œuvre, et le «labor», le labeur. Avec Par­vulesco, nous sommes aux antipodes d'un quelconque «travail du texte», c'est à dire que nous sommes au cœur de l'œuvre et même du Grand œuvre, ainsi que l'illustre d'ailleurs le premier essai, publié dans le Cahier dans la série des dévoilements: Al­chimie et grande poésie.

Ce texte est sans doute, depuis les De­meures philosophales  de Fulcanelli, l'approche la plus lumineuse de ces ar­canes et tous ceux qui cherchent à préciser les rapports qui unissent la création litté­raire et la science d'Hermès trouveront, sans nul doute, en ces pages, des informa­tions précieuses et, mieux que des informa­tions, des traces - au sens où Heidegger di­sait que nous devions mainte­nant nous in­terroger sur la trace des Dieux enfuis.

Pour Jean Parvulesco, il ne fait aucun doute que la lettre est la trace de l'esprit. C'est ainsi que son œuvre nous délivre des idolâ­tries du Nouveau Roman et autres lit­téra­tures subalternes qui réduisent les mots à leur propre pouvoir dans une sorte de res­sassement narcissique. Pour Jean Parvu­les­co, la littérature n'a de sens que parce qu'el­le débute avant la page écrite et s'achève a­près elle.

 

- Il est signicatif que ces propos sur l'alchimie soient, dans le même chapitre du Cahier, sui­vis par un essai intitulé: «La langue fran­çaise, le sentier de l'honneur»...

 

- Luc-Olivier d'Algange: Trace de l'esprit, trace du divin, la langue française retrouve en effet, dans la prose ardente et limpide de Jean Parvulesco, sa fonction oraculaire. Ses écrits démentent l'idée reçue selon la­quelle la langue française serait celle de la com­mune mesure, de la tiédeur, de l'anecdote futile. Jean Parvulesco est là pour nous rap­peler que dans la tradition de Scève, de Nerval, de Rimbaud, de Lautréa­mont ou d'Artaud, la langue française est celle du plus haut risque métaphysique.

«Langue de grands spirituels et de mys­tiques, écrit Jean Parvulesco, charitable­ment emportés vers le sacrifice permanent et joyeux, d'aristocrates et de rêveurs pré­destinés, faiseurs de nouveaux mondes et parfois même de mondes nouveaux, langue surtout, de paysans, de forestiers conspi­ra­teurs et nervaliens, engagés dans le chemi­nement de leurs obscures survi­vances trans­cendantales, occultes en tout, langue de la poésie absolue...».

C'est exactement en ce sens qu'il faudra comprendre le dessein littéraire qui est à l'origine du Cahier  - véritable table d'orien­tation d'un monde nouveau, d'une autre cul­ture, qui n'entretient plus aucun rapport, même lointain, avec ce que l'on en­tend or­dinairement sous ce nom. Car il va sans dire que la «Culture» selon Parvu­lesco n'est cer­tes pas ce qui se laisse asso­cier à la «Com­mu­nication» mais un prin­cipe, à la fois sub­versif et royal, qui n'a pas d'autre but que d'ou­trepasser la condition humaine.

Tel est sans doute le sens du chant intitulé Les douzes colonnes de la Liberté Absolue  que l'on peut lire vers la fin du Cahier:  «...que nous chantons, que nous chantons, par ces volumes conceptuels d'air s'appelant étangs, ou blancs corbeaux, au­tour de l'im­maculation des Douzes Co­lonnes, ver­tiges s'ou­vrant sur les Portes d'Or et indigo de l'At­lantis Magna, chu­chotement circu­laire et lent, je suis la Li­berté absolue».

L'œuvre doit ainsi accomplir, par une in­time transmutation, cette vocation surhu­maniste, qui, dans la pensée de Jean Par­vulesco, ne contredit point la Tradition, mais s'y inscrit, de façon, dirai-je, clandes­tine; toute vérité n'é­tant pas destinée à n'importe qui. Mais c'est là, la raison d'être de l'ésotérisme et du secret, qui, de fait, est un secret de nature et non point un secret de convention.

 

- Vous avez donné une large place dans le Cahier aux rêves et prémonitions métapoli­tiques de Jean Parvulesco.

 

- André Murcie: En ce qui concerne le do­maine politique, nous avons republié dans le Cahier, un ensemble d'articles de géopo­li­tique que Parvulesco publia naguère dans le journal Combat et qui eurent à l'époque un rententissement tout à fait extraodi­naire. Ce fut, à dire vrai, une occasion de polé­mi­ques furieuses. A la lumière d'évènements récents, concernant la réuni­fication de l'Alle­magne, les change­ments intervenus à l'Est, ces articles re­trouvent brusquement une actualité brû­lante. Il semblerait que seul ce­lui qui expé­rimente les avènements de l'âme soit des­tiné à comprendre les évè­nements du monde. Ainsi des études comme L'Allemagne et les destinés actuelles de l'Europe  ou en­co­re Géopolitique de la Mé­diterranée occiden­tale  donnent à relire les évènements ulté­rieurs dans une perspec­tive différente.

 

- Le Cahier s'enrichit aussi des reflexions peu banales de Parvulesco sur le cinéma.

 

- Luc-Olivier d'Algange: Je crois que nous mesurons encore mal l'influence de Jean Par­vulesco sur le cinéma français et euro­péen. On sait qu'il fut personnage dans cer­tains films de Jean-Luc Godard - en parti­cu­lier dans A bout de souffle, et qu'il fut aussi, par ailleurs, acteur et scénariste. A cet égard, le Cahier  contient divers témoi­gnages passionnants concernant, plus par­ticulière­ment, Jean-Pierre Melville et Wer­ner Schrœ­ter dont nul, mieux que l'auteur des Mystères de la villa Atlantis,  ne connait les véritables motivations.

Il nous propose là une relecture cinémato­graphique dans une perspective métapoli­ti­que qui dépasse de toute évidence les niai­se­ries que nous réserve habituellement la cri­tique cinématographique.

 

- André Murcie: L'intérêt extrême des té­moignages de Jean Parvulesco concernant l'univers du cinéma est d'être à la fois en pri­se directe et prodigieusement lointain. C'est à dire, en somme, de voir le cinéma de l'in­térieur, comme une vision, en sympa­thie pro­fonde avec le cinéaste lui-même, et non point telle la glose inapte d'un quel­conque cinéphile. C'est ainsi que Nietzsche ou Tho­mas Mann parlèrent de Wagner.

 

- D'autres textes, publiés dans ce Cahier ont également cette vertu du témoignage direct, qui nous donne à pressentir une réalité sin­gulière. Ainsi en est-il des récits portant sur Arno Brecker et Ezra Pound.

 

- Luc-Olivier d'Algange: J'ai été pour ma part très sensible à l'hommage que Jean Par­vulesco sut rendre à Ezra Pound dont Dominique de Roux disait qu'il n'était rien moins que «le représentant de Dieu sur la terre». Hélas, cette recherche de la poésie absolue était jusqu'alors mal comprise, li­vrée aux maniaques du «travail du texte» et autres adeptes du lit de Procuste, acharnés à faire le silence sur les miroitements ita­liens de l'œuvre de Pound.

Cette italianité fit d'alilleurs d'Ezra Pound une sorte d'apostat, alors que, par cette fidé­lité essentielle, il rejoignait au contraire, au-delà des appartenances spéci­fiantes, sa véri­table patrie spirituelle qui, en aucun cas ne pouvait être cette contrée où Edgard Poe et Lovecraft connu­rent les affres du plus impi­toyable exil.

Mais je laisse la parole à Jean Parvulesco lui-même: «Ce qu'Ezra Pound, l'homme sur qui le soleil est descendu, cherchait en Italie, on l'a compris, c'est le Paradis. Tos­cane, Om­brie, Ezra Pound avait accédé à la certi­tude inspirée, initiatique, abyssale, que le Para­dis était descendu, en Italie, pen­dant le haut moyen âge et que, très occul­tement, il s'y trouvait encore. Pour en trou­ver la passe in­terdite, il suffisait de se lais­ser conduire en avant, aveuglément - et nuptialement aveu­glé - par la secretissima,  par une cer­taine lu­mière italienne de tou­jours ».

 

Propos recueillis

par Hugues Rondeau.

 

Cahier Jean Parvulesco, 350 pages, Nouvelles Littératures Européennes, 1989.

 

Luc-Olivier d'Algange, né en 1955 à Göttingen (Allemagne) a publié :

 

Le Rivage, la nuit unanime  (épuisé)

Médiances du Prince Horoscopale (Cééditions 1978)

Manifeste baroque  (Cééditions, 1981)

Les ardoises de Walpurgis  (Cahiers du lo­sange, 1984)

Stances diluviennes  (Le Jeu des T, 1986)

Heurs et cendres d'une traversée lysergique  (Le Jeu des T, 1986)

 

Co-fondateur, avec F.J Ossang, de la revue CEE (Christian Bourgois éditeur)

Rédacteur de PICTURA EDELWEISS et PIC­TURA MAGAZINE

 

Textes parus dans :

Recoupes; Erres; L'Ether Vague; CEE; Encres Vives; Phé; Libertés; Sphinx; Evasion; Le Mi­roir du Verbe; Dismisura; Bunker; Le Cheval rouge; Devil-Paradis; Anthologie de la poésie initiatique vivante; Claron; Le Jeu des Tombes; Question de; Vers la Tradition; La Poire d'Angoisse; Camouflage; Strass-Polymorphe; Phréatique, Asturgie-Onirie; Pictura; Mensuel 25; Matulu, Place royale, L'Autre Monde.

 

André Murcie né en 1951

 

- Poèmes de poésie  (1967-1985)

- Poème pour la démesure d'André Murcie

- Poèmes de la démesure  (Work in progress).

vendredi, 14 mai 2010

Les brillantes suggestions de Cohn-Bendit

jeudi, 13 mai 2010

Djihad et Reconquista en France méridionale

Djihad et Reconquista en France méridionale

Ex: http://tpprovence.wordpress.com/

Pour éviter toute repentance inutile et afin de faire face aux multiples problèmes que soulève l’immigration, il convient de revenir à la mémoire de nos premiers contacts avec l’islam qui se déroulèrent précisément dans le Midi.

715 : Après avoir opéré la conquête de l’Espagne, à l’exception des monts Cantabriques d’où partira la Reconquista, les Arabo-Berbères franchissent les Pyrénées orientales et prennent en 719 Narbonne dont ils feront leur place-forte pour une quarantaine d’années. Leur offensive contre Toulouse échoue en 721, ce qui ne les empêche pas de prendre Carcassonne.

En 732 une deuxième invasion par l’ouest des Pyrénées aboutit à la prise de Bordeaux, puis monte vers le nord, appâtée par les trésors de l’abbaye de St-Martin. Vaincus par Charles Martel à Moussais-la-Bataille à 20 km de Poitiers, les Sarrasins battent en retraite, sans pour autant évacuer totalement le Périgord et le Quercy qu’ils continuent à ravager. Il faudra attendre 808 pour que Charlemagne, vainqueur à la bataille de Taillebourg, purge la Charente, la Saintonge et le Poitou de leurs envahisseurs. Le portail roman de la cathédrale d’Angoulême fixe dans la pierre le souvenir des combats libérateurs de la chevalerie franque. En 737 la campagne de Charles Martel, descendu vers la Septimanie par la vallée du Rhône, aboutit à la reprise de Maguelonne, Agde et Béziers mais échoue devant Narbonne qui ne sera reprise, ainsi que Carcassonne, qu’en 759 par Pépin le Bref.

A partir de la seconde moitié du VIIIe siècle le Languedoc et l’Aquitaine se trouvent à l’abri des incursions sarrasines, étant protégés par les avancées de la Reconquista, elle-même secondée par les expéditions en Catalogne de Charlemagne et de son fils Louis le Pieux qui prennent Barcelone en 801.

Le long martyre de la Provence

Les malheurs de la Provence, en revanche, ne font alors que commencer.

A la suite de l’accord conclu en 734 entre le patrice Mauronte, Wisigoth de Marseille, et les Sarrasins de Narbonne, Arles, St-Rémy, Tarascon, Avignon, Cavaillon, Apt et Aix s’effondrent devant les cavaliers d’Allah qui ravagent les côtes jusqu’à Nice (le Cimiez d’autrefois). Cependant ces villes seront libérées en 737 par la campagne de Charles Martel qui, avec l’aide du roi des Lombards Liutprand, écrase les Sarrasins devant Marseille deux années plus tard. Néanmoins ces envahisseurs, réfugiés dans les montagnes et les îles proches de la côte, continuent d’affliger la Provence de leur pression. Des raids fondent sur Marseille en 838 et 842, sur Arles en 842 et 850. Enfin, last but not the least, les Sarrasins installent en 885, entre Hyères et la rivière Argens, au cœur du massif « des Maures » – nom qui perpétue aujourd’hui encore la mémoire de leur occupation séculaire – une forteresse appelée La Garde-Freinet (le Fraxinetum des chroniqueurs), d’où leurs expéditions répétées, fondant sur les habitants d’alentour et les voyageurs, plongent la vallée du Rhône, les cols alpins et la côte voisine dans une dramatique insécurité. Le moine Odilon nous livre à ce sujet un précieux témoignage en 1031 : « A cette époque, la très cruelle et bouillonnante multitude des Sarrasins gagne par mer l’Italie et la Provence, massacrant hommes et femmes. L’abbé de Cluny Mayeul, revenant de Rome et priant pour le salut de tous, tomba en embuscade et ne fut libéré que contre une énorme rançon. » L’événement, qui se situe en 972, provoque le soulèvement de toute une population fortement imprégnée de catholicisme, ce qui permit au roi de Provence Hugues de prendre la Garde-Freinet, laquelle ne sera définitivement détruite qu’en 983, et l’ensemble de la région définitivement purgée des Sarrasins en 990 par les hauts faits d’armes du comte de Provence Guillaume. Mais l’ensemble des côtes françaises de Méditerranée continuera de vivre jusqu’au XIIIe siècle sous la menace d’expéditions marines à partir des nids de pirates fixés dans les îles proches : en Corse, Sardaigne et Sicile jusqu’à leur reconquête par Gênes, Pise et les Normands. Les îles de Lérins sont ravagées en 1047, 1107, 1197, Toulon en 1178 et 1197 avec, à chaque fois, extermination de la population par le massacre ou la réduction en esclavage et la déportation à Almeria (jusqu’à ce qu’elle soit libérée par la Reconquista), Tunis, Tripoli et Alger.

Notre mémoire collective a perdu le souvenir de ces exactions dont ne témoigne, outre l’onomastique, que le site des villages anciens, perchés au sommet des collines pour assurer le guet et servir de refuge en cas d’attaque. Comme le remarque M. Laurent Lagartempe dans son ouvrage Les Barbaresques, « L’insécurité qui régna sur la Provence du fait des rezzous des Sarrasins, cruina durablement, au cours du Moyen Age, les plaines côtières fertiles qui avaient fait la prospérité de l’antique Provincia Romana en raison du retrait de l’habitat vers les régions montagneuses.

Les chansons de geste

A ces témoins muets du passé provençal il faut ajouter le témoignage littéraire des chansons de geste, en particulier le cycle dit de Garin de Monglane composé d’environ 25 chants dont les plus célèbres sont : Le Couronnement de Louis, Le Charroi de Nîmes, La Prise d’Orange, Les Aliscamps, La Mort d’Aymeri de Narbonne, Le Moniage de Guillaume. Le héros central de ces divers poèmes épiques est un personnage mythique dans lequel Gaston Pâris a reconnu un comte de Toulouse nommé Guillaume, qui empêcha les Sarrasins d’envahir la France en leur livrant bataille sur les rives de l’Orbieu en 793. Par la suite, il combattit en Catalogne au côté de Charlemagne, avant de mourir en odeur de sainteté au monastère de St-Guilhelm-du-Désert où il s’était retiré après la mort de son neveu Vivien, tué au combat contre les Infidèles. Les historiens plus récents de la littérature lui associent plus vraisemblablement encore le fameux comte de Provence qui prit La Garde-Freinet et délivra sa province. Guillaume d’Orange apparaît donc comme le héros méridional par excellence qui ravit à l’envahisseur les villes de Nîmes, Orange, Arles, Narbonne, mais sa renommée s’étendit bien au-delà. En effet, une légende le fait apparaître sous les murs de Paris assiégé par des barbares qu’on peut identifier aux Vikings. Guillaume affronte alors victorieusement, en combat singulier, le géant Isoré qui terrorisait la population. La tombe de ce nouvel avatar de Goliath a donné son nom à la rue de la Tombe–Issoire dans le XIVe arrondissement de Paris.

Comme La Chanson de Roland, le cycle de Garin de Monglane, qui tire son nom de celui du père de Guillaume d’Orange, associe la lutte contre l’Infidèle au combat pour l’indépendance nationale : face à l’envahisseur, c’est la foi qui assure la victoire aux chrétiens. Les chansons de geste, qui relatent en les mythifiant des faits historiques attestés du VIIe au Xe siècle, ont été composées aux XIe et XIIe siècles, c’est-à-dire au temps des Croisades. La lutte contre l’islam et l’épopée nationale sont alors les grands thèmes qui mobilisent les chevaliers français : le souvenir des périls affrontés en terre de France par leurs valeureux ancêtres justifient la guerre en Terre sainte contre l’ennemi séculaire de la chrétienté.

La postérité des chansons de geste

Alors que les chansons de geste n’apparaissent plus aujourd’hui que comme des monuments littéraires appartenant au passé, les Romans bretons, légèrement plus tardifs, ont traversé les siècles en servant presque constamment de source d’inspiration aux artistes ; ils sont de ce fait restés beaucoup plus populaires. Pourquoi ? Sans doute parce que les passions amoureuses, les sortilèges plus ou moins païens s’y mêlent plus largement aux exploits chevaleresques. Alors que le cycle de Garin de Monglane est plus étroitement localisé sur la Provence et la France, le cycle arthurien, par contre, appartient aux traditions européennes, de la France celtique à la Grande-Bretagne et à l’Allemagne ; entre autres, il eut la chance d’inspirer les génies de Purcell puis de Wagner qui subjugua les musiciens français du XIXe siècle : bien loin de mettre en musique nos chansons de geste, Ernest Chausson composa le Roi Arthus et Viviane. Vincent d’Indy fait cependant exception à la règle avec Fervaal. Le compositeur ardéchois situe en effet l’intrigue de cet opéra dans une région soumise à la domination d’un émir sarrasin ; son héros s’éprend de la fille de celui-ci, à l’exemple de Guillaume d’Orange qui épousa Orane l’orientale, laquelle fut baptisée sous le nom de Guibourg.

Une autre raison qui nous éloigne d’une pleine compréhension des chansons de geste est notre tradition d’islamophilie qui remonte à François Ier, allié du Grand Turc. Les Lumières allèrent jusqu’à préférer la religion musulmane à la religion chrétienne ; au XIXe siècle, Lamartine rédigea une hagiographie de Mahomet, tandis que le positiviste Auguste Comte jugeait l’islam plus progressiste que le christianisme. Le XXe siècle fait mieux encore, cependant. Inspirés par les écrits de l’orientaliste œcuménique Massignon, des ecclésiastiques inaugurent des mosquées aux côtés des imams, mais des politiciens les surclassent.

La Révolution française nous a forgé une mentalité étrangère à l’idéal qui se dégage de nos chansons de geste : la foi chrétienne, la loyauté envers le chef de l’Etat ont fait place à la religion de la République laÏque, évoluant aujourd’hui vers un vague humanitarisme progressiste, imprégné de la notion de Droits de l’homme universel, indifférent aux intérêts nationaux, aux traditions et à l’indépendance de la Mère patrie. D’où notre passivité et même notre complicité devant les phénomènes d’immigration-invasion et d’islamisation qui menacent notre pays. Notre réveil national devra puiser aux sources de notre patrimoine et à la totalité de notre histoire, dégagée des a-priori du politiquement correct. Qui sait si les chansons de geste n’y retrouveront pas alors une nouvelle actualité ?

Odilon Le Franc

Source : Polémia.

00:10 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, reconquista, france, provence, moyen âge, islam, europe | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 11 mai 2010

Léon Daudet ou "le libre réactionnaire"

Leon-Daudet.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1988

 

Un livre d'Eric Vatré: Léon Daudet ou  "le libre réactionnaire"

 

par Jacques d'ARRIBEHAUDE

 

Eric Vatré est en train de se faire une spécialité dans la biographie, art difficile et ingrat où les Français pa-raissent souvent légers devant les gigantesques tra-vaux d'érudition des chercheurs anglo-saxons. La personnalité de Léon Daudet est ici bien évoquée. Une des plumes les plus alertes, les plus vives, les plus cinglantes de la critique littéraire de ce premier demi-siècle. Un grand et passionné remueur d'idées et d'opinions, d'une liberté de ton absolue au service d'une pensée résolument hostile à ce qu'on a appelé depuis "l'idéologie dominante".

 

D'où le titre choisi par Vatré, à mon avis un pléonasme, car on imagine mal un réactionnaire qui ne choisirait pas librement d'être à contre-courant de ce qu'il aurait tout avantage à courtiser à longueur de colonnes, à l'exemple de l'ordinaire racaille journalistique contemporaine.

 

Vatré constate, sans vraiment l'expliquer, l'énigme d'une "Action Française" où cohabitent Maurras, apôtre farouche et sourd de la France seule et de sa prétendue supériorité intellectuelle, et Daudet, autre-ment ouvert, féru de Shakespeare, enthousiaste de Proust et de Céline, sensible à la peinture, à la musique, aux souffles poétiques venus d'ailleurs, là où Maurras, fossilisé dans ses plâtres académiques, sonne éperdument le clairon des grandeurs mortes dans le saint pré-carré du monarque introuvable.

 

Au total, Daudet, l'un des hommes au monde les moins doués pour l'action, et, en ce sens, une belle figure de cette IIIème République qu'il haïssait, et dont les ténors parlementaires ventripotents, crasseux et barbichus, si ridicules qu'ils fussent, sem-blent des aigles prodigieux comparés à nos politiciens actuels.

 

A lire et à relire avec le plus grand profit, pour plus de renseignements sur cette époque sans pareille, Les Décombres  de Lucien Rebatet.

 

Jacques d'ARRIBEHAUDE.

 

Eric VATRE, Léon Daudet ou le "libre réaction-nai-re",  Editions France-Empire, 1987, 350 pages, 110 FF.

 

 

jeudi, 06 mai 2010

Débat sur G. Faye sur le forum "nouvelle culture"

guillaume_faye_1.jpg
Débat sur Guillaume Faye sur le forum http://nouvelleculture.frenchboard.com/
J’ai reçu, la semaine dernière, « La nouvelle question juive » de l’asocial Guillaume Faye. Le livre m’a été envoyé par son éditeur. Je suis surpris, amusé de voir qu’il m’est dédicacé car je ne sais pas pourquoi. Je n’ai pas souvent rencontré Guillaume cette année. Il ne m’a jamais parlé du contenu de ce bouquin. Je suis aussi étonné de voir qu’il peut être le sujet d’une polémique. Je suis même surtout amusé de le voir pris au sérieux par des gens qui l’expérimentent pourtant depuis longtemps.

En effet, je connais bien le pamphlétaire en question. C’est un vieux copain, depuis une trentaine d’années. C’est un
artiste contestataire authentique, un écrivain rebelle de talent. J’ai rencontré beaucoup d’insoumis comme lui dans mon milieu de peintres et plasticiens bohèmes qui vivent dans la misère, au jour le jour. Il vit concrètement la désobéissance, dans le dénuement complet, hors système. Il n’est pas retraité ni appointé pour faire du cinéma contestataire et du loisir dissident en toute sécurité comme beaucoup de « militants » stériles, improductifs. Il fait de la philosophie pratique, l’acrobate sans filets !...

C’est justement pour cela qu'il est un polémiste de génie avec une imagination débordante. Ce « réceptacle à idées » s’amuse... Il produit sans arrêt des images, des concepts. Capable de tous les billets d’humeur, il peut prouver leur contraire en l’espace d’une soirée bien arrosée. Sa seule cohérence, c’est de briser tous les tabous! Faye est un résistant tolérant, marginal, un électron libre, concrètement, sans doctrine d’aucune secte.

Il cherche peut-être maladroitement à prendre de l’altitude par rapport aux conflits infructueux intra-européens actuels. Mais attendre de lui une quelconque rigueur scientifique, historique est parfaitement cocasse. C’est un écrivain, un comédien burlesque. Il exerçait d’ailleurs son talent de comique autrefois sur la radio « Skyrock » pour y faire des canulars téléphoniques !.... Il y a du « Coluche », du « Charlie hebdo » en lui ! Il est excellent conférencier, brillant débatteur, mais certainement pas historiographe !

Sa vocation est surtout littéraire, artistique, tendance « politique ». Il n’a absolument aucune aptitude à la rigueur scientifique comme l’exige le travail des archéologues, des historiens révisionnistes et de leurs contradicteurs. Ce joueur n’y comprend rien. Il ne faut s’attendre qu’à du farfelu de sa part sur ce terrain-là, c’est évident.


Cordialement,

Yann-Ber TILLENON.
 


Sujet: Re: Sur Guillaume Faye   Lun 17 Sep - 17:45

@ Yann-Ber Tillenon
Ton sens de l'amitié et ta fidélité en elle t'honorent mais peut-être t'aveuglent-elles.
Qu'il ait une "imagination débordante" est certainement positif mais pourquoi la met-il depuis quelques années au service d'un dénigrement systématique de la ND et de AdB en particulier ?
Ton "billet" est d'ailleurs assez ambigu. Tu nous parles d'un
artiste, d'un "électron libre". Si ce n'était que cela, il n'y aurait rien à dire (Mais où est son oeuvre ?). Le problème est qu'il continue à vouloir jouer le rôle d'un idéologue ; un idéologue dont tu conviens toi-même qu'il est tout sauf rigoureux (parce qu'inapte). Alors quid ?
 




Sujet: Re: Sur Guillaume Faye   Lun 17 Sep - 19:57

Je ne suis pas systématiquement « fidèle » en amitié. J’essaie seulement d’analyser et de comprendre objectivement. Cela pour faire avancer la cause afin que les mêmes erreurs ne se répètent pas indéfiniment. Je crois qu’il faut surtout avoir des « collègues » de travail plutôt que des « amis ». Si ces derniers sont parmi les premiers c’est encore mieux bien sûr !...

Le sujet de mon poste était le dernier bouquin de GF. Mais je suis tout à fait d’accord concernant la ND et AdB. J’ai souvent reproché un manque d'impartialité à Guillaume. J’avais même organisé deux « dîner de réconciliation », il y a quelques années à Montparnasse !...Je pense qu’il reproche, globalement, à cette mouvance d’avoir fait trop de concessions « métapolitiques » en cherchant à se faire reconnaître dans le système occidental de ses adversaires, plutôt que d’essayer de construire les bases d’un nouveau système. En bref, d’être plus « réformiste » que « révolutionnaire »… C’est la différence que je fais aussi à Kêrvreizh entre « Bretagne » et « Breizh », entre « Mouvement breton » et « Emsav », entre ce qui est exprimé en langue française et ce qui l’est en néo-breton moderne.

Pour AdB il y a le « délit » qu’il soit justement le « Maître » dans cette démarche réformiste, métapolitique, de « syndicat », en plus du fait de rancoeurs tout à fait personnelles. Ce qui est insupportable, c’est sûr. Le problème qui se pose vraiment est, il me semble le suivant, il est universel : Quand un « mouvement » n’a pas de doctrine personnelle cohérente, il se complait dans la contradiction, l'équivoque avec ses ennemis. Ses participants ne regardent pas dans le même sens, vers leur idéal clairement dessiné.

Ils ne sont pas vraiment en rupture avec leurs opposants. Ils n’ont pas de perspective vraiment différente. Un même point de fuite qui pourrait les transcender par l’esprit n’existe pas. Le Mouvement devient alors un « parti ». Il fait partie de ce qui existe déjà au lieu de faire exister, dans la pratique immédiate, ce qui n’existe pas encore. Il est alors récupéré, neutralisé justement dans l’ »idéologie » dominante.

Les combattants ne sont plus que des petites contradictions internes observées par leurs adversaires qui se renforcent en les étudiant. Nos « héros » finissent par se regarder entre eux, entre « personnalités » matérielles. Ils remarquent leurs différences superficielles, futiles. Ils se rabaissent, s’entredéchirent, s’animalisent au lieu de se « surhumaniser » dans leur idéal spirituel commun, leur « étoile polaire» qu’ils ont perdu de vue. Ceci parce qu’ils cherchent la dialectique entre eux et non plus avec leurs adversaires pour avancer, naviguer.

GF, comme nous tous, n’a pas La Vérité absolue. Il n’a, lui aussi, qu’une part de cette vérité. La vérité est pour moi, dans le rapport « théorie/pratique » en général. L’idéologie neutralise, récupère habituellement la théorie née de la pratique. GF, le « maudit », est un théoricien . Lui, il pratique. Il a une « praxis ». Sa vie marginale de damné le prouve. C’est pour cela qu’il a quelque chose à dire. Mais il est encore trop partiellement idéologue. Il est donc, évidemment non rigoureux et relativement inapte, tu le dis, comme tous les idéologues.

L’œuvre de GF ? Ben il me semble que c’est toute sa bibliographie, non ? Il doit bien y avoir 1000 ou 2000 pages intéressantes sur 3 ou 4000 non ?

Bonne nuit camarade!


Dernière édition par le Jeu 27 Sep - 8:25, édité 1 fois
 



Sujet: Re: Sur Guillaume Faye   Mar 18 Sep - 11:49

J'ajoute ici à ce qu’hier j'ai posté ailleurs au sujet de Guillaume FAYE. Je complète en disant que son grand intérêt, au-delà de ce qu’il publie, de juste ou de faux, c’est son mode de vie réel. Il est fondé sur l’expérience tangible. Ce n’est pas un « militant », c’est un « combattant ».

Guillaume n’est pas un « intellectuel », un philosophe de l’abstrait en salon. C’est un « spirituel », un philosophe du concret en action. Il va et vient, sans arrêt, de la théorie à la pratique. Il tire des bords dialectiques en direction de son idéal. Il est en guerre, véritablement, et il lui arrive, effectivement, de picoler comme un vieux Grognard de Napoléon !...

Ses mots sont des
cartouches, ses bouquins des bombes. Souvent, il monte en conférence comme un poilu de 14/18 à l’assaut, avec un coup de gnole !!!... Ce qu’il publie n’est que le fruit de l’analyse de son expérience vécue, de ses relations sur le front avec des milieux, des gens multiples et variés. Cela va des anciens situationnistes jusqu’aux « situ a-sionistes » en passant par les gauchistes, les droitistes et autres cruciverbistes!...

C’est pour cela que je m’entends bien avec lui. J’ai toujours eu la même démarche, même si je manie mieux le pinceau et le pot de peinture que la plume et la bouteille !...
 



Sujet: Re: Sur Guillaume Faye   Dim 23 Sep - 21:29

En tout cas, cet ouvrage évoqué ici est plutôt bon, je trouve. Nonobstant quelques attaques gratuites qu'il aurait pu éviter, notamment sur un prétendu financement iranien fantasmé...
 




Sujet: Re: Sur Guillaume Faye   Lun 1 Oct - 12:16

Thunder a écrit:
En tout cas, cet ouvrage évoqué ici est plutôt bon, je trouve. Nonobstant quelques attaques gratuites qu'il aurait pu éviter, notamment sur un prétendu financement iranien fantasmé...


Que resterait il de Faye si l'on retranchait le "fantasmé"...
 


Sujet: Re: Sur Guillaume Faye   Ven 2 Nov - 0:31

Faye quand il parle de la question migratoire ne fantasme pas, mais a au contraire parfaitement raison. Il suffit de regarder la courbe démographique des pays européens et celle des pays africains, par exemple. On pourrait même dire qu'il n'est pas bien original. Chauprade dit les choses de manière claire et sans ambiguité, mais de bien plus habile façon. Gourevitch est plus prudent mais n'en pense pas moins. Faye est un pamphlétaire...
 
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Sujet: Re: Sur Guillaume Faye   Ven 2 Nov - 9:04

Thunder a écrit:
Faye quand il parle de la question migratoire ne fantasme pas, mais a au contraire parfaitement raison. Il suffit de regarder la courbe démographique des pays européens et celle des pays africains, par exemple. On pourrait même dire qu'il n'est pas bien original. Chauprade dit les choses de manière claire et sans ambiguité, mais de bien plus habile façon. Gourevitch est plus prudent mais n'en pense pas moins. Faye est un pamphlétaire...


Il oubli l'émigration occidentale qu'on nomme pudiquement expatriation
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Yann-Ber TILLENON
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MessageSujet: À PROPOS DE LA POLÉMIQUE SUR GUILLAUME FAYE   Jeu 8 Nov - 1:15

Note d'Ivan: J'ai cru bon de réunir les deux fils, leur auteur commun m'en excusera.

Il me semble, finalement, que le réel problème posé par Guillaume Faye, est bien au-delà des états d’âme subjectifs et des interprétations concernant quelques diffamations, trahisons, calomnies, fantaisies, canulars, délires humoristiques etc… Une analyse constructive s’impose.

Le problème est très intéressant pour comprendre ce que nous devons faire. Il est, je pense, très objectif. Face à l’impérialisme islamo arabe en Europe qui le révolte, Guillaume Faye, depuis quelque temps, s’est orienté vers une tentation pour l’impérialisme cosmopolite américain anti arabe.

C’est une grave erreur qui se répète souvent dans l’histoire. Elle surgit quand des combattants très actifs, comme lui, sont déçus par leur propre peuple passif et inconscient qui ne les suit pas. Effectivement, le peuple préfère
aujourdhui rester un grand tube digestif de la société de consommation.

Le peuple se vautre dans la soumission et la collaboration. Les « résistants » conscients rejoignent alors, comme cela arrive souvent, un impérialisme qui pourrait les aider à se débarrasser de leurs envahisseurs.

Cette erreur fut, par exemple, celle d’une fraction du mouvement nationaliste breton et d’autres mouvements de libération pendant la seconde guerre mondiale. Les Bretons cherchèrent à profiter de la victoire passagère du pouvoir impérialiste allemand pour se libérer du pouvoir impérialiste français puisque le peuple breton ne les suivait pas. On connaît la suite…

Seules les petites nations européennes, nommées péjorativement « régions » ou « provinces » par les États nations constituent l’Europe authentique. C’est cette Europe que nous devons projeter dans une future postmodernité. Les « Régions » forment le grand peuple européen, contre les États nations impérialistes qui ont toujours cherché à les soumettre, les neutraliser. Ils les ont même poussées à s’exterminer entre elles dans des guerres qu’ils ont organisées pour cela, comme en 14/18.

La libération européenne se fera grâce à un mouvement dialectique de l’histoire en opposition aux deux grands envahisseurs de l’Europe et de ses États nations collaborateurs. Ces deux impérialismes se complètent. Le premier, « arabo musulman » a besoin du soutien du cosmopolitisme américain, de son idéologie du métissage, pour justifier sa conquête. Le deuxième a besoin de l’invasion des premiers pour faire perdre toute conscience d’enracinement national aux peuples d’Europe et ainsi pouvoir les dominer et les gouverner.

Seules les petites nations, les peuples de culture, constituent la seule vraie Europe réelle à mettre en forme politique. À plus forte raison, l’addition de leurs mouvements de libération constitue le mouvement de libération de l’Europe, c’est-à-dire le « mouvement européiste » de la grande fédération.

Ce mouvement ne peut pas se permettre de demander, sans se discréditer, une aide au camp des oppresseurs. C’est malhonnête et stupide. C’est un dérivatif, un mensonge dialectique. C’est un pis-aller opportuniste de combattants désemparés quand ils sont perdus, en totale contradiction avec eux-mêmes. Déboussolés, ils avouent leur impuissance comme les naufragés sur un radeau font appel au paquebot qui a fait couler leur bateau...

Le fondement même de tout mouvement de libération d’un peuple, aujourd’hui comme hier, c’est une réaction contre l’aliénation, quand ce peuple devient « autre » que lui-même. Chez nous, cela fait suite à l'occupation, à la colonisation des peuples d’Europe par des populations et des systèmes politico-religieux qui leur sont étrangers.

Ceci est la suite logique des systèmes politiques internes de l’Europe physique. C’est le résultat des nationalismes des Etats nations. Ils ont organisé la fragmentation, le génocide des peuples européens depuis le 19e siècle pour les neutraliser. Ils ont ainsi rendu possible l’actuelle invasion par la chute démographique en Europe divisée.

Le mouvement européiste de libération est donc forcément constitué des mouvements de libération des petites nations aliénées. Il doit créer un nouvel ordre international. Ce nouvel ordre ne peut naître que sur les ruines des impérialismes qui détruisent les petits peuples d’Europe et du monde. Ils détruisent même aujourd’hui l’équilibre naturel de la planète, comme l’impérialisme marchand du mondialisme cosmopolite américain.

Les combattants du mouvement européiste de libération sont des artistes historiens, des créateurs. Ils ont pour mission de faire exister ce qui n’existe pas encore. Ils ne peuvent donc que refuser toute espèce de compromission avec quelque impérialisme que ce soit, avec ce qui existe déja. Demander secours à une puissance impérialiste particulière, ou flirter avec elle, contre un autre impérialisme équivaut à renforcer l’impérialisme en général. C’est donc combattre le fondement même du mouvement de libération européiste.

Guillaume Faye a eu, maladroitement, la bonne idée de poser un problème philosophique fondamental. La solution, c’est de structurer, coordonner tous les mouvements de libération en Europe. Ainsi ils pourront créer un vrai mouvement puissant de libération.

Il pourra alors devenir, historiquement, le germe d’un État fédéral européen de Brest à Vladivostok. Une nouvelle civilisation peut naître de cette nouvelle grande communauté humaine. Elle peut prendre une nouvelle forme historique, être un nouvel archétype dans l’histoire pour sauver l’humanité aujourd’hui alarmée par sa possible disparition.

Elle peut devenir exemplaire pour cette humanité menacée, en cette fin de modernité, en appliquant une philosophie pratique quotidienne, un nouveau savoir-vivre. Elle pourra acquérir son indépendance politique économique et culturelle. Ses adeptes n’auront plus besoin de recourir à une puissance étrangère ennemie car ils auront eux-mêmes la puissance d’un nouvel ordre chez eux.


Yann-Ber TILLENON.
07 11 07
 



Sujet: Re: Sur Guillaume Faye   Jeu 8 Nov - 9:16

Par le bas avec un bon "régionalisme", par le haut avec un grand-européanisme ? C'est cela même que dénoncent avec haine les souverainistes, qui pour l'instant capitalisent un vote relativement important, et sont même premiers en Suisse ou en Norvège.

Nous avons besoin, Y-B, d'une révolution juridique européenne qui n'est possible que par le haut. Bien sûr, certes, les identités régionales/provinciales d'Europe ont leur importance, et bien sûr les militants alsaciens, bretons, corniques, écossais, sorabes... jouent leur rôle dans l'émergence de la grande nation. Bien sûr, "régionalistes" et européanistes sincères doivent travailler main dans la main. Mais il ne faut pas se limiter à l'action par le bas.

Par ailleurs, et je crois que c'est le point le plus important, cela ne peut marcher que si ceux qui font la promotion de ce schéma sont totalement détachés de ce que l'on appelle à tort ou à raison "l'extrême-droite". Or ce n'est pas le cas de certains mouvements.

En accord sur le principe d'un mouvement européen de libération, c'est à dire d'un mouvement révolutionnaire.

mercredi, 05 mai 2010

Le coup d'Etat silencieux

Le coup d’Etat silencieux

Ex: http://fortune.fdesouche.com/

L’année 2010 est en train de marquer une rupture dans notre histoire institutionnelle, qu’il ne faut pas hésiter à qualifier de « coup d’Etat ».

1721412405.pngJusqu’ici, on considérait que les gouvernements tiraient leur légitimité du peuple, dont la volonté s’exprimait lors des élections et à qui ils devaient rendre des comptes en fin de mandat.

Ce type de régime a progressivement été vidé de sa substance, sous l’influence de la démocratie d’opinion, des normes supranationales européennes, des exigences de la compétitivité dans une économie ouverte, ainsi que d’un jeu politique qui n’offre le choix qu’entre un libéralisme social et un social-libéralisme.

Mais le principe démocratique demeurait, au moins en théorie, même s’il apparaissait de plus en plus comme une fiction. Le principe est en train de sauter sous nos yeux, depuis quelques mois. Désormais, un autre type de souveraineté est en passe de se substituer à celle de la volonté du peuple.

Notre nouveau Maître n’a encore ni visage, ni nom. Certains l’appellent confiance des marchés. D’autres, pouvoir financier ou agences de notation, ou encore, avec des formules aux accents plus polémiques, [...] l’Empire mondialiste ou les oligarchies financières.

Son pouvoir s’exerce par des voies aussi discrètes pour les opinions que terrifiantes pour les Etats : les taux d’intérêt auxquels le système financier accepte de prêter à des Etats, surendettés depuis qu’ils ont commis le malheur de le sauver, fin 2008, sans le réformer.

Depuis le déclenchement de la crise grecque, les gouvernements ont les yeux rivés sur leur rating des agences de notation et sur les taux de leurs obligations d’Etat à 10 ans. Toute la politique économique et sociale est désormais asservie à l’objectif de conserver la bienveillance de ce terrifiant patron, qui peut mettre n’importe quel pays à genoux financièrement, comme il l’a déjà fait avec la Grèce, avant de s’attaquer demain au Portugal, à l’Espagne, à l’Italie, voire au Japon ou à la France.

Ce pouvoir décidera de prescrire la saignée aux économies moribondes, quand il le voudra et pour le motif qu’il souhaitera. La Grèce a été attaquée pour avoir falsifié ses comptes publics. Demain, ce sera parce qu’un gouvernement aura décidé d’augmenter le SMIC ou les retraites, parce qu’il n’aura pas assez réduit les effectifs de la fonction publique, ou parce qu’une réforme impopulaire aura déclenché de grandes grèves dans un pays.

En attendant, la menace de la sanction des marchés financiers servira d’argument d’autorité pour justifier toutes les réformes injustifiables d’un point de vue démocratique, ou pour s’opposer à toute revendication politique un peu gênante.

Autrefois, la classe politique s’appuyait sur l’Europe pour déterminer son agenda politique et s’appuyait sur son autorité pour imposer ses réformes. Désormais, l’abject est monté d’un cran. Il ne s’agit plus de s’abriter derrière une autorité politique supranationale plus ou moins dépendante du suffrage universel, mais [derrière] une autorité désincarnée, dont la seule légitimité est de représenter les intérêts du capital nomade et apatride !

C’est Jean Pierre Raffarin qui a craché le morceau, lors de son passage à Dimanche plus .

Toujours à la recherche de la bonne formule qui fera mouche, l’ancien premier ministre a répété plusieurs fois que le gouvernement devait non seulement se préoccuper de l’opinion publique nationale, mais aussi et surtout, de « l’opinion publique internationale », terme élégant pour évoquer l’autorité des marchés financiers. Il a ainsi expliqué que c’était pour les rassurer que le gouvernement devait réformer les retraites. Nous qui pensions bêtement que c’était pour assurer la garantir, à long terme, le système par répartition …

“Dans une politique nationale, vous avez deux juges. Vous avez le peuple, mais aussi l’opinion publique internationale, qui regarde si votre politique est crédible ou pas. Qu’est ce qui se passe en Grèce ? L’opinion publique mondiale a fait en sorte que la politique Grecque n’était pas crédible (lapsus ?). Elle n’a pas cru à cette politique et aujourd’hui la Grèce, très endettée, à des taux d’intérêt de 8%. Au fond, nous avons un juge international, qui sont (sic) les opinions publiques internationales. Dans le projet socialiste, il n’y a aucune dimension à l’international. S’il faut faire aujourd’hui la réforme des retraites, c’est pour des raisons sociales, c’est pour des raisons économiques. Il y a de plus en plus de retraités. Il y a de moins en moins de cotisants, mais il s’agit aussi de montrer à l’opinion publique mondiale que la France est capable de faire des réformes pour financer son système social. (…) Les propositions du parti socialiste ne prennent pas en compte l’opinion publique mondiale. Elle ne prennent pas en compte la capacité de la crédibilité d’une politique française, au yeux de l’opinion publique mondiale (re-sic). Et comme nous sommes – tous les pays d’Europe – des pays très endettés, si nous ne faisons pas attention à l’opinion publique mondiale… Au fond, c’est un peu la nouveauté de la crise. Nous devons penser, nous politiques, à l’opinion publique française, qu’il faut servir, mais il faut aussi penser à l’opinion publique mondiale. Si notre dette, nous devions la financer à 8%, eh bien nous serions dans un scénario à la grecque.” (2)

Raffarin n’a fait que dire tout haut, dans son langage ridicule de communiquant, ce que toute la classe politique n’ose même pas s’avouer : le boulot des gouvernants [est] aujourd’hui de [...] faire accepter aux opinions publiques le programme de régression défini par le pouvoir financier et la prédation qu’il exige. Soit par la pédagogie du fatalisme et de la culpabilité, soit en attirant leur attention ailleurs.

On n’a jamais été aussi proche de l’alternative présentée par Emmanuel Todd dans “Après la démocratie”. La suppression du suffrage universel, l’ethnicisation des rapports sociaux ou… une révolution fondée sur une nouvelle lutte des classes. (3)

Voilà l’alternative qui sera présentée au peuple français en 2012. Sauf improbable miracle, le choix se résumera à une cure d’austérité, mais attention, « juste » et « de gauche », ou une guerre civile organisée contre un ennemi intérieur plus ou moins fantasmé.

——————–

Notes :

(1) Désolé pour la photo d’illustration. Dans cet affaire, s’il y a des Sith (les méchants) il n’y a aucun maître Jedi, juste des victimes lâches et consentantes.

(2) Quand on voit comment la situation grecque sert d’épouvantail, on n’a évidemment aucun doute sur le fait que le plan européen va réussir à la « sauver ». Aucun doute ! Même Christine Lagarde parle des remboursements de la Grèce au conditionnel

(3) Voir aussi, sur le même sujet, l’excellent billet de Superno.

Horizons

vendredi, 30 avril 2010

17 thèses sur le système médiatique français

Dix-sept thèses sur le système médiatique français par Jean-Yves LE GALLOU

Ex: http://www.europemaxima.com/

diffuseurs-media.jpgAprès l’excellent site Polémia, Europe Maxima a l’immense plaisir de mettre en ligne l’allocution de Jean-Yves Le Gallou prononcée lors de la première cérémonie des Bobards d’Or, le 20 avril 2010 à Paris, récompensant les plus gros mensonges médiatiques de l’année 2009.

Il faut saluer cette excellente initiative. La constitution de dossiers étayés et irréprochables pour les Bobards d’Or 2011 est dès à présent commencée. Gageons que David Pujadas, lauréat 2010 du Bobard d’Or – Télévision, pourrait l’obtenir à nouveau pour l’émission du mardi 27 avril prochain sur France 2, Les Infiltrés, consacrée à « L’extrême droite du Père » (bigre !). Ce reportage soutenu par l’agence C.A.P.A d’Hervé Chabalier – dit « Toujours Soif », ancien militant fondateur de la Jeunesse communiste révolutionnaire (selon Wikipédia) -, est un chef-d’œuvre de manipulation et de désinformation médiatique (on attend avec impatience que cette émission s’infiltre dans Le Siècle, le Groupe Bilderberg ou la Trilatérale…). Voilà donc un bel exemple qui renforce la brillante démonstration de Jean-Yves Le Gallou.

Georges Feltin-Tracol, rédacteur en chef d’Europe Maxima

***

Permettez-moi d’abord un instant de politiquement correct. Oui, il existe encore des journalistes intelligents, cultivés et courageux dans les grands médias français. Mais ils sont de plus en plus rares et les créneaux qui leur sont laissés sont de moins en moins nombreux.

Maintenant que cette nuance est apportée, laissez-moi vous présenter dix-sept thèses sur les grands médias français.

Première thèse – La presse est de moins en moins libre en France.

Et ce n’est pas Polémia qui le dit. C’est Reporters sans frontières.

Chaque année, Reporters sans frontières publie un baromètre de la liberté de la presse dans le monde. Année après année, la France plonge dans le classement : 11e en 2002, 19e en 2004, 35e en 2006 et en 2008, 43e en 2009 : une place peu enviable ! Certes, devant le Cap-Vert mais juste derrière la Guyana et le Surinam. Chapeau !

Deux explications à cela : les lois liberticides de plus en plus sévères et de plus en plus nombreuses et la concentration économique et financière des grands médias.

Deuxième thèse – Le système médiatique français est aux mains de grands oligarques.

Le groupe Figaro pour Dassault, Bernard Arnault de L.V.M.H. pour Les Échos, Édouard de Rothschild pour Libération, Bouygues pour T.F.1,  Lagardère Active pour les filiales de Vivendi Universal, de nombreuses radios dont Europe 1, des télévisions dont Canal +, des journaux dont Le Parisien ainsi que des entreprises de production d’images. Sans oublier l’oligarque des oligarques, Alain Minc, qui tisse sa toile entre les uns et les autres et impose ses vues au journal Le Monde.

Troisième thèse – Les grands médias français ne donnent pas le point de vue du peuple, ils défendent les intérêts de la super-classe mondiale.

Les intérêts des grands oligarques des médias sont clairs : ils se trouvent concentrés dans le luxe, le transport aérien, notamment d’affaires, l’immobilier et les travaux publics; leurs principaux clients sont les super-riches et les pétromonarchies. Sans oublier le rôle de la finance. Si vous regardez T.F.1, n’oubliez pas que B.N.P.- Paribas, le Crédit agricole, la financière Artémis, Groupama et Goldman Sachs, oui, Goldman Sachs, siègent au conseil d’administration de Bouygues.

Il est donc logique que l’orientation générale de ces médias – dont beaucoup perdent de l’argent d’ailleurs – soit conforme aux intérêts des oligarques qui les possèdent. Les grands médias défendent donc un monde sans frontières et sans régulation au service des plus riches et des entreprises transnationales. L’intérêt des oligarques se confond avec celui de la super-classe mondiale : ces quelques millions d’hommes qui, par delà les États et les peuples, sont les principaux bénéficiaires du nouveau désordre mondial.

Quatrième thèse – Les grands médias français ne dépendent pas de leurs lecteurs mais de la publicité.

Il y a trente ans, Louis Pauwels et Jean-Claude Valla, journaliste récemment disparu, avaient créé un nouveau journal : le Figaro-Magazine avec du contenu, du sens et des lecteurs. Le Figaro Magazine a été épuré et normalisé à la demande des publicitaires, et notamment de Publicis et des époux Badinter. Aujourd’hui, le Figaro Magazine n’a plus guère de contenu ni de sens, plus beaucoup de lecteurs non plus : qu’importe, il a l’argent de la publicité. C’est aussi la publicité qui fait vivre les journaux gratuits : quelle belle scène orwellienne que de voir dans une voiture de métro ou de train des dizaines de clones lisant le même journal !

Reconnaissons à Patrick Le Lay, alors patron de T.F.1, cette belle formule – je cite : « Le métier de T.F.1, c’est d’acheter du temps de cerveau disponible pour Coca-Cola. »

Les grands médias ne suivent pas les désirs de leurs lecteurs; ils obéissent aux grands oligopoles : oligopoles agro-alimentaires, oligopoles de distribution, oligopoles pharmaceutiques, oligopoles de services, oligopoles bancaires.

Une simple anecdote : regardez les couvertures des hebdomadaires; elles vous expliquent toujours que l’immobilier repart à la hausse et que c’est une bonne chose. Mais une bonne chose pour qui ? Pour qui, sinon pour les promoteurs, pour les banquiers et pour les rentiers !

Cinquième thèse – Les journalistes – à de rares exceptions près – ne sont pas des intellectuels libres mais des salariés précaires, c’est-à-dire dépendants de leurs employeurs et soumis au conformisme dominant de leurs confrères.

Mimétisme et panurgisme sont devenus les règles d’or d’une profession qui s’éloigne chaque jour davantage de ses règles traditionnelles de déontologie : vérification des faits et présentation impartiale des réalités, notamment.

Ceci étant, le conformisme est tel que la servilité est souvent consentie sans souffrances. Les commentateurs ont ironisé sur la reprise du quotidien Libération par Rothschild : mais l’extrême gauche est depuis toujours l’alliée objective du capitalisme financier mondialisé; elle est utilisée comme un bulldozer pour affaiblir les nations, les États et les traditions enracinées. Et défendre le droit au séjour des clandestins fait autant plaisir au MEDEF qu’au Réseau (trotskyste) éducation sans frontières (R.E.S.F.). La connivence de l’extrême capitalisme et du gauchisme est un élément clé pour comprendre le fonctionnement des médias.

Sixième thèse – Les médias français ne sont pas un contre-pouvoir; ils sont le pouvoir : le pouvoir sur les esprits.

Les Français passent en moyenne près de quatre heures par jour devant les écrans de télévision. Et nul ne peut échapper aux écrans de télévision qui envahissent l’espace public : bus, quais de métro, grandes surfaces commerciales, cafés et restaurants. Là aussi une situation orwellienne.

Or les télévisions (comme la presse écrite, d’ailleurs) sont des instruments de formatage de l’opinion, notamment à travers la publicité. S’agissant de l’information, les médias ne rapportent pas seulement des faits, ils les sélectionnent; ils distinguent ceux qu’ils occultent d’un côté, ceux dont ils font un événement majeur, de l’autre; et ce en fonction de grilles d’interprétation idéologique. Les grands médias scénarisent les faits : ils disent où est le « bien », où est le « mal » ; où sont les « bons », où sont les « méchants »; qui doit être « angélisé » et qui doit être « diabolisé ». Par là, les grands médias se sont arrogé le pouvoir de prononcer la peine de mort sociale.

Une scénarisation qui présente un double intérêt : commercial (c’est plus facile à comprendre) et idéologique (voilà ce qu’il faut penser).

Septième thèse – Les médias français ne sont pas pluralistes.

Si l’on vous lisait à l’aveugle Libération ou Le Figaro, vous ne pourriez pas faire la différence. Et c’est pareil pour la télévision; tout juste trouve-t-on un plus fort concentré de trotskysme sans frontiériste sur France 3 Régions. Bien sûr, vous avez le choix entre Le Parisien et Le Monde; le style est différent mais l’orientation similaire. À la belle époque de l’Union soviétique, d’ailleurs, les Russes avaient aussi le choix entre la Pravda et les Izvestia.

Huitième thèse – Les médias dans leur ensemble sont les vecteurs d’une seule et unique idéologie.

• Mondialisme et libre-échangisme économique;

• « antiracisme », prétendue « diversité » et « discrimination positive », c’est-à-dire négative pour les Jeunes Hommes Blancs, surtout s’ils sont hétérosexuels;

• rupture des traditions et lutte contre toute forme de valeurs familiales

Neuvième thèse – Les médias français parlent de moins en moins français et de plus en plus un mélange de novlangue et de sabir anglo-saxon.

La « gouvernance » des procédures a remplacé le gouvernement des hommes. La « planète » est mise à toutes les sauces. Fermer un robinet est devenu un geste « citoyen ». Et les délinquants étrangers clandestins sont dénommés des « sans-papiers »; des « sans-papiers » omniprésents à la télévision et source de juteux profits pour les cabinets d’avocats spécialisés. Des « sans-papiers » à qui, bien sûr, il faut donner des papiers : car la réponse à la question est dans la dénomination qui leur a été choisie. Quant à ceux qui ne pensent pas bien ils sont « controversés » et passent leur temps à « déraper » !

Dixième thèse – Les médias français imposent un triple déni : déni de débat, déni de réalité, déni de cohérence.

Déni de débat : dans les débats tout le monde est d’accord, sauf à partir de 23 h 30 ou Minuit quand Zorro/Zemmour apparaît; et encore, les sociétés de production qui organisent ce genre de spectacle paient des figurants pour qu’ils aboient contre ceux qui se risqueraient à ne pas bien penser. La fonction de ces tricoteuses médiatiques est de rappeler aux intervenants, mais surtout au public qui regarde, les interdits qu’il ne faut pas franchir.

Déni de réalité : on parle de « crimes racistes » sans jamais évoquer les milliers de victimes françaises des voyous de l’immigration.

Déni de cohérence : les races n’existent pas, mais il faut se métisser; les races sont égales, mais les enfants métis sont réputés plus grands, plus beaux et plus forts; il est scandaleux de poursuivre Polanski pour des faits remontant à plus de vingt ans, mais il est légitime de reprocher à Benoît XVI des fautes commises par des prêtres, au fin fond du Nebraska, dans les années 1960 ou 70 !

Onzième thèse – Pour imposer le déni de débat, le déni de réalité et le déni de cohérence, la désinformation n’est ni accidentelle, ni marginale, elle a un rôle central.

Cette désinformation, on la trouve sous toutes ses formes : occultation, déformation, supercherie et gros mensonges. Ce sera dans quelques instants la responsabilité de Michel Geoffroy que d’analyser et de décrire ce phénomène (1).

Douzième thèse – Les grands médias établissent une forme de tyrannie nouvelle : la tyrannie médiatique.

Lors de référendums et des élections, les grands médias disent au peuple ce qu’il doit penser. Et quand le peuple vote mal, on le dénonce et on explique qu’il doit revoter.

Les médias scénarisent les élections et présélectionnent les candidats. Dans une élection présidentielle française, le rôle du peuple se borne à ratifier le choix que les médias lui offrent. Aux yeux des grands médias, certains candidats n’ont pas vocation à concourir pour la victoire, comme on l’a vu en 2002. Seuls sont promus les médiagogues, c’est-à-dire les hommes politiques qui calent leur discours et leur comportement sur ce qui plaît aux médias.

Les médias – et pas seulement français, il faut bien le dire – ont même prétendu élire le pape en 2005 : idéalement, un Noir, Sud-Américain, progressiste et jouant sur le registre émotionnel. La désobéissance des pères conciliaires fut flagrante : ils choisirent un Européen, de surcroît allemand, de grande réputation intellectuelle et attaché à la raison comme à la tradition. Il ne faut pas chercher ailleurs le secret des campagnes de diabolisation contre Benoît XVI ni s’imaginer que quelques concessions pourraient les faire cesser.

Treizième thèse – Les médias imposent les dogmes du politiquement correct, ce qui empêche tout changement politique réel.

À titre d’exemple, les médias imposent les dogmes suivants : « l’immigration est une chance pour la France », « la mondialisation est heureuse et le libre-échange économiquement bienfaisant », « le problème de l’éducation nationale, c’est le manque de moyens. »

L’objectif de la répétition de ces dogmes est double. D’abord, les imposer dans l’esprit du plus grand nombre possible. Ensuite, empêcher que ceux qui n’y croient pas osent s’exprimer; et ce en jouant sur un processus de sidération et de diabolisation. Retenez l’expression souvent utilisée : « Vous n’avez pas le droit de dire cela ! ». Les médias font sortir les débats qui gênent du domaine du « vrai » et du « faux » pour les faire entrer dans celui du « licite » et de « l’illicite ».

Expliquons-nous. Bien peu de Français croient dans les dogmes officiels. Mais bien peu osent s’y opposer. Car ils craignent de le faire. Ce qui les freine, c’est le souci de leur réputation dans leur milieu professionnel, dans leur famille et, bien sûr, à l’école de leurs enfants.

Nous vivons derrière un rideau de fer de l’information et de la désinformation.

Quatorzième thèse – Le mur de l’information, le mur de la désinformation tombera.

Nous sommes emprisonnés derrière le mur de l’information et de la désinformation. Ce mur tombera comme est tombé le Mur de Berlin. Car, comme le rappelle l’historien Dominique Venner, l’histoire est le lieu de l’inattendu. Le 1er septembre 1989, personne ne pensait voir s’effondrer l’empire soviétique ni voir tomber le Mur de Berlin. Quelques mois plus tard, le monde avait changé. Et, un an après, la quasi-totalité des agents de la Stasi étaient devenus d’excellents policiers de la République fédérale réunifiée. Quand le mur de l’information sera tombé les journalistes du Figaro et de T.F.1 décriront les réalités qu’ils occultent aujourd’hui.

À nous de préparer le terrain par le dévoilement, le contournement et le désarmement de la désinformation.

Quinzième thèse – Dévoilons la désinformation.

Décrire une tyrannie, c’est déjà l’affaiblir. C’est ce que nous nous efforçons de faire avec la tyrannie médiatique. C’est la démarche de la réinformation. C’est ce que fait la bloguosphère qu’il faut appeler réinfosphère : de Radio Courtoisie à François Desouche, en passant par le Salon beige, Novopress et bien d’autres.

Seizième thèse – Contournons la désinformation.

C’est ce que permet Internet. Grâce à Internet, l’information est redevenue pluraliste. Grâce à Internet, les thèses dissidentes peuvent se faire entendre. Grâce à Internet, l’information existentielle, celle qui provient de ce qui est vécu, peut venir concurrencer l’information mimétique des grands médias dominants.

Regardez : en seulement un an, trois débats sont entrés dans le maelström d’Internet et de la réinfosphère. Le couvercle de la pensée unique a sauté : sur le changement climatique, sur la grippe H1N1, sur l’identité nationale; et en Suisse, c’est sur Internet que le référendum sur le non aux minarets s’est joué. De même, en Islande, lors du référendum sur le remboursement des dettes dues aux financiers spéculateurs.

Dix-septième thèse – Désarmons la désinformation.

Le bobard est un terme qui s’est développé dans deux acceptions principales : le « bobard de presse » et le « bobard de guerre ». Les deux ne sont évidemment pas incompatibles et l’usage qui est fait du bobard de presse relève de la guerre idéologique. Les médias mentent au nom du politiquement correct. Dénoncer les bobards comme nous le faisons aujourd’hui, c’est donc se consacrer à une entreprise de désarmement.

Aujourd’hui, les comiques ont déserté leur fonction critique. De Bedos à Plantu, ils jouent le rôle de chiens de garde du politiquement correct avec des blagues à deux balles. À nous de nous réapproprier le rire et la dérision.

Bonne soirée, bon gala !

Jean-Yves Le Gallou

Note

1 : Michel Geoffroy, « La technique de la désinformation », mise en ligne sur Polémia, le 21 avril 2010, et qu’Europe Maxima reprendra dans quelques semaines (N.D.L.R.).

• Mis en ligne sur Polémia le 21 avril 2010.


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