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mardi, 15 juin 2010

Faszination des Faschismus: Der Erlkönig

9782070366569.jpgFaszination des Faschismus: Der Erlkönig

Ellen KOSITZA

Ex: http://www.sezession.de/

Auf der Rangliste meiner Lieblingsbücher steht Michel Tourniers Der Erlkönig (dt. 1972) ziemlich weit oben. Gestern holte ich es wieder aus dem Schrank, begann mit der Lektüre und war abermals hingerissen.

Hinterher blätterte ich das Programmheft des Deutschlandfunks für Juni durch und sah: Am 6. und am 13. Juni um 18.30 Uhr sendet Deutschlandradio je anderthalb Stunden den Erlkönig (den Volker Schlöndorff als „Der Unhold“ verfilmte) als Hörspiel! Toller Zufall – oder nein: natürlich ein schicksalhaftes „Zeichen“, das so recht zu Tourniers Meisterwerk paßt, in dem dergleichen „Zeichen“ eine wesentliche Rolle spielen. Alles ist Symbol in diesem Buch, jede Beobachtung, jede Begebenheit weist auf eine übergeordnete Mission hin.

Vor Jahren habe ich mehrere Leseanläufe abgebrochen; der Stoff faszinierte mich zwar, erschien mir aber als letztlich pervers und im ganzen zu schwierig. Mittlerweile ist das Buch (es erinnert ein wenig an Patrick Süskinds „Das Parfum“) für mich ein grandioses Kunstwerk, das bei wiederholter Lektüre Schicht um Schicht entblättert.

Tournier, Jahrgang 1924, verbrachte mit seinen Eltern, einem Germanisten-Ehepaar als Kind viel Zeit in Deutschland, unmittelbar nach dem Krieg studierte er hier. 1970 erhielt er für den Erlkönig (Le Roi des Aulnes) den bedeutendsten französischen Literaturpreis Prix Goncourt. Bezogen auf die literarischen Qualitäten fand die Preisverleihung zwar einhellige Zustimmung. Einige Kritiker, allen voran Jean Amery, klagten jedoch Tourniers „bis zur Unerträglichkeit mythisierende Beschreibung der Nazi-Barbarei“ an und unkten, der Autor sei der Faszination des Faschismus verfallen. Tournier konterte, daß die wesentliche Dimension des Faschsimus eben ästhetisch gewesen sei und daß man „die Schönheit der Gewalt und des Krieges nicht verneinen“ könne. Die gesamte NS-Propoaganda sei auf Verführung angelegt gewesen, und darum gehe es auch im Erlkönig, der unter anderem auf Görings Jagdschloß und in der Napola Kaltenborn (der Name zumindest ist Fiktion) in Ostpreußen spielt. Heute, da eine Faszination durch faschistische Körper und Kulte gänzlich fernliegt – vor vier Jahrzehnten war das wohl anders – käme kaum jemand auf den Gedanken, Tournier verherrlichende Gedanken zu unterstellen. Man wird es heute eher als Brandmarkung der Brutalität dieses Systems lesen. In Wahrheit wäre auch das eine falsche Interpretation.  Im Erlkönig geht es – angelehnt an die Heiligenlegende des St. Christophorus - um die „phorische Sehnsucht“, die Sehnsucht nach Selbstverleugnung und Dienst an einer höheren Sache.

Für Tiffauges, den Erlkönig-Protagonisten ist Deutschland das Land „der reinen Idee“. Unter anderem – im Buch ist dieser Punkt freilich ein Nebenschauplatz – drücke sich das in der Sprache aus. Im Deutschen lägen „die Worte, ja sogar die Silben nebeneinander wie Kieselsteine, ihre Grenzen verwischen sich nicht. Der gewissermaßen flüssige französische Satz verschwimmt demgegenüber zu einer angenehm zusammenhängenden Einheit, die freilich in Formlosigkeit auszuarten droht. Daher kommt es, daß ein deutscher Satz, wenn er hastig oder im Befehlston ausgesprochen wird, sogleich wie Gebell klingt. Statuen oder Roboter können das in Kauf nehmen. Wir anderen aber, wir schleimigen, lauen Geschöpfe, wir ziehen das sanfte Idiom der Ile-de-France vor.“ Als „Gipfel des Widersinns“ – und gleichwohl faszinierend – bezeichnet der Franzose es weiter, daß in der deutschen Sprache mit „großer Hartnäckigkeit die Frau selbst zum Neutrum gemacht wird (Weib, Mädel, Mädchen, Fräulein, Frauenzimmer).“

So kündigt D-Radio das Hörspiel (mit u.a. Ulrich Noethen als Sprecher) an:

Der Erlkönig (1)
Die sinistren Aufzeichnungen des Abel Tiffauges (Ursendung)
Nach dem Roman von Michel Tournier

Abel Tiffauges ist Automechaniker im Paris der 30er Jahre. Unglücklich ist er und auch wieder nicht. Fremd, versponnen treibt er durchs Pariser Leben. Die Erwachsenenwelt ist ihm suspekt. Zu Kindern fühlt er sich hingezogen, und auch das nicht wirklich. Seine heimliche Liebe gilt Deutschland, einem Deutschland als Traumwelt: Hyperborea.

Wir sind Hyperboreer, wir wissen gut genug, wie abseits wir leben, heißt es bei Nietzsche. Die Umstände sind ihm günstig. Angeklagt und verurteilt für ein Verbrechen, das er nicht beging, aber begangen haben könnte, schickt man ihn zur Frontbewährung. Und so gelangt er wirklich ins Land seiner Träume.

lundi, 14 juin 2010

France et Bretagne en 1532

France et Bretagne en 1532

Ex: http://propos.sturiens.over-blog.com/

05 - deux peuples deux civilisationsDepuis sa conclusion, on a souvent voulu contester la validité du Traité de 1532. Lorsque la royauté fut devenue toute puissante et jusqu'à nos jours, historiens et pamphlétaires se sont efforcés, à l'envi, de présenter le contrat d'union à la France, consenti par la Bretagne, comme un acte gratuit, émanant du bon plaisir royal et ne comportant aucune condition. Celles qui y ont été attachées pour satisfaire à la demande des Etats de Bretagne réunis à Vannes, n'auraient d'autre valeur que celle d'un engagement moral, spontanément pris par les rois : les représentants de notre pays n'auraient été ni en droit, ni en mesure de traiter avec eux, et l'Acte de 1532 ne serait qu'une habile concession de François Ier, destinée seulement à éviter les troubles éventuels qui auraient pu se produire dans le pays si la requête des Etats avait été rejetée. D'autres historiens ont, en leur temps, fait justice de ces assertions, et il ne nous appartient pas d'y revenir. L'examen du droit public breton peut, à lui seul, nous convaincre de l'entière validité du contrat. Ce qui apparaît comme contestable à la lumière du seul droit public français, devient une vérité d'évidence si l'on fait appel à la notion bretonne de ce même droit.

Alors que le droit public du royaume de France confondait à cette époque, quant au roi, souveraineté et propriété, en Bretagne les deux notions étaient déjà distinctes. Pour les Bretons, le « dominium » et l'« imperium » du prince n'étaient pas confondus. Le pouvoir du duc n'était pas considéré comme absolu, et le duché n'était pas considéré comme sa chose propre. A chaque acte du pouvoir central devait correspondre la sanction populaire. Les Etats de Bretagne étaient un véritable Parlement, dont le caractère politique était très accentué, et dont on retrouve l'intervention depuis l'origine la plus reculée, dans tous les actes politiques intéressant le duché. Un acte aussi grave que celui de la réunion du duché à la couronne, s'il avait été consommé sans leur intervention, ne pouvait être que frappé de nullité absolue.

La forme du gouvernement breton était un produit spontané de la nature et de l'histoire, particulièrement bien adapté aux besoins de la Bretagne et à la mentalité de son peuple. Une conception particulière du droit, conception proprement celtique et spiritualiste, animait tous les rouages de l'administration de la justice et de l'organisation politique. On y trouve la raison de la longue et héroïque lutte de la Bretagne contre les rois de France, dont l'erreur fut, après la réunion, de considérer le peuple breton comme le reste de leur peuple, et de vouloir lui appliquer les mêmes méthodes et les mêmes lois.

L'examen de l'état politique, administratif et social de la Bretagne, au jour de la réunion, fait ressortir très vivement les différences profondes qui existaient alors entre la France et la Bretagne ; ainsi s'expliquent également les précautions multiples prises dans le traité de 1532 contre les empiétements du pouvoir royal et l'obstination avec laquelle les Bretons s'efforcèrent de sauvegarder l'intégrité de leur constitution nationale, gage de leur autonomie.

 

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En Bretagne, les rapports du peuple et du souverain, aussi bien que ceux des diverses classes sociales entre elles, étaient régis par des principes étonnamment modernes et libéraux. Aucune charte particulière, aucune constitution écrite ne les réglaient ; mais ils prenaient appui sur les principes fondamentaux du droit public breton de formation traditionnelle. La Très Ancienne Coutume de Bretagne proclamait que la législation bretonne devait être toute entière de raison.

En réalité, la confiance mutuelle qui unissait le souverain et ses sujets était le produit d'une lente évolution qui, au cours des siècles, maintint en le transformant et en l'adaptant chaque fois à des besoins plus actuels, le principe de gouvernement très libéral en vigueur dans les confédérations celtiques de l'époque préchrétienne. A l'origine, comme dans toute l'antiquité nordique, le chef suprême était élu, et les comtes ou seigneurs bretons devaient se rallier autour de lui pour combattre l'ennemi commun. Mais le roi ne pouvait lever aucun impôt, prendre aucune mesure générale sans l'assentiment des chefs réunis, le pays étant toujours plus puissant que le monarque. Lorsque les rois de Bretagne devinrent héréditaires, ce principe libéral continuera à s'appliquer, et il dominera toute la constitution bretonne jusqu'en 1532 et même jusqu'en 1789. Le roi ou le duc ne pouvait toucher à aucun intérêt public sans l'avis et le consentement des seigneurs du pays dont l'assemblée, en se transformant, devint peu à peu les Etats de Bretagne. Le roi Salomon III, aux environs de l'an 1000, fut empêché de quitter le pays par une défense formelle des seigneurs assemblés. Plus tard, le duc Jean IV fut exilé, puis rappelé par les Etats.

L'histoire bretonne est pleine de faits semblables : « Le droit fondamental du pays, dit M. de Carné, de l'aveu du prince et de ses sujets, frappait de nullité tout acte politique non ratifié par l'assentiment formellement exprimé des Etats ». Depuis le XIIe siècle, on peut suivre sans la perdre jamais de vue, la trace de l'action exercée par l'Assemblée bretonne sur tous les événements de quelque importance et sur l'orientation même de la politique du duc. Les rares conquérants de la Bretagne, ou plutôt les princes victorieux qui avaient battu ses armées, se soumettaient eux-mêmes à cette inévitable coutume des assemblées. Aussi La Borderie a-t-il pu écrire que le gouvernement breton « prend la forme de la monarchie représentative dont jouissait dès lors aussi l'Angleterre, et qui était le gouvernement le plus modéré, le plus régulier, le plus libéral sous lequel put vivre, au XVe siècle, une nation chrétienne ».

C'est dans l'attachement que portaient à leur gouvernement les différentes classes de la société bretonne que se rencontre l'explication de la longue lutte soutenue par la Bretagne contre le pouvoir central. L'élément féodal qui dans notre pays s'était développé dans sa plénitude, n'y avait pas été vicié dans son essence. La conquête n'avait pas été à l'origine des pouvoirs des seigneurs, et les « antipathies héréditaires » qu'elle avait ailleurs suscitées n'y existaient guère. Le servage, sous sa forme la plus dure et la plus cruelle, ne s'y retrouve jamais : on n'en aperçoit de traces que dans une petite partie de la Haute-Bretagne, région la plus soumise aux influences du dehors, et dans le Léon, où « l'usement de motte », dernier vestige du servage, fut aboli par François II en 1486. Dès le XIe et le XIIe siècle, les paysans pouvaient quitter la terre, la vendre à leur gré, la transmettre à leurs héritiers, se marier à leur guise, plaider librement, parfois même contre leur seigneur.

Augustin Thierry avait été frappé de ce fait lorsqu'il écrivit : « Les gens du peuple en Basse-Bretagne n'ont jamais cessé de reconnaître dans les nobles de leur pays les enfants de la terre natale ; ils ne les ont jamais haï de cette haine violente que l'on portait ailleurs aux seigneurs de race étrangère et, sous les titres féodaux de barons et de chevaliers, le paysan breton retrouvait encore les tierns et les mac-tierns des premiers temps de son indépendance ». La plupart des nobles de Bretagne, en effet, très nombreux et très pauvres, se confondaient dans leurs derniers rangs avec la population rurale. Ils en partageaient les deuils et les plaisirs, et recevaient, en nature, de leurs colons, la plupart des choses fongibles. Les colons eux-mêmes participaient à la possession du sol, puisqu'ils l'occupaient en grande partie alors à titre de « domaine congéable ». Un parfait accord attesté par les traditions, l'histoire et les chants populaires, semblait régner entre les paysans et les nobles, rapprochés par la communauté des habitudes et la simplicité de la vie. Aussi, du commencement du XIe siècle au début du XVIe siècle, ne voit-on pas en Bretagne se produire les jacqueries qui se retrouvent périodiquement en France à cette époque.

 

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Les mêmes règles familiales, le même libéralisme se retrouvait dans l'administration du pays. Une décentralisation intelligemment comprise avait donné aux cités et aux paroisses des pouvoirs très étendus d'administration. Dès la plus haute antiquité, s'affirment les libertés des communes bretonnes, et leurs franchises étaient, au XVIe siècle, inviolables. Loin de reposer sur des chartes octroyées par le bon plaisir, ou arrachées par la violence, elles dérivaient d'une évolution traditionnelle qui avait peu à peu adapté le mécanisme des antiques institutions à des nécessités plus modernes.

La coutume de Bretagne qui condense le droit public et privé du pays, est inspirée par une moralité très haute et par un idéalisme élevé. Les idées religieuses, la famille, la charité, la tolérance y tiennent une grande place. « Son caractère le plus remarquable, dit Planiol, est l'esprit de solidarité qui l'anime. On chercherait vainement ailleurs, non pas le droit, mais le même accent d'honnêteté, de bonté, le même souci non seulement de justice, mais de charité. Cette tournure d'esprit est propre à la Bretagne ». Or, ce sont également de ces principes que s'inspirait le gouvernement ducal.

La centralisation du pouvoir politique aux mains des ducs s'était opérée peu à peu ; mais l'évolution qui accroissait les droits du souverain tempérait également la puissance que les événements tendaient à lui donner, en développant les institutions politiques et administratives du peuple breton. Si dans la plupart des pays féodaux, la reconstitution de la souveraineté est passée par les mêmes phases, il est rare de voir s'accomplir ce qui s'est passé en Bretagne : un développement parallèle et harmonieux des pouvoirs du duc comme des droits de ses sujets. L'évolution a tendu dans les pays centralisateurs, en France en particulier, à faire disparaître entièrement les franchises féodales et les libertés qu'elles garantissaient aux seigneurs comme à leurs vassaux, aux bourgeois comme aux artisans : en Bretagne, au contraire, l'évolution n'a dépouillé ces franchises et ces libertés que de ce qu'il y avait en elles d'anarchique et d'inconciliable avec un gouvernement qui devait obéir à des nécessités plus modernes. Elle en a conservé le meilleur : l'esprit de ces antiques institutions nordiques qui fut toujours le frein le plus efficace à l'établissement du despotisme et de la servilité. Le résultat fut un remarquable développement de l'esprit public dans toutes les classes de la nation. Les admirables résultats pratiques que donnaient les méthodes administratives si humaines du gouvernement breton venaient encore consolider l'inébranlable attachement du peuple à sa constitution politique et à sa liberté.

La prospérité du pays, favorisée par la modération des charges publiques s'était affirmée particulièrement sous le règne du duc Jean V, administrateur éclairé, qui a laissé une œuvre législative considérable. Essentiellement décentralisateur, le gouvernement breton favorisait l'accomplissement de grands travaux publics, mais il laissait à la ville ou à la région intéressée toute liberté d'action. Loin d'entraver l'initiative privée, il la favorisait de tout son pouvoir, subventionnant même les entreprises qui présentaient le caractère d'entreprises nationales. Mais si l'Etat Breton se renfermait dans son rôle de défenseur des intérêts publics, et répudiait tout monopole, il ne laissait pas agir sans contrôle les fermiers des impôts et les grandes entreprises. Il estimait que son premier devoir était de surveiller toutes les branches de l'activité nationale et de réprimer les abus : ce fut le principe administratif de tous les souverains bretons. Jean V, en particulier, intervint fréquemment pour réprimer les exactions et faire rendre à ses sujets une bienveillante justice. Déjà le duc Pierre II avait organisé l'assistance judiciaire gratuite. Pour statuer sur les réclamations auxquelles donnait lieu l'impôt des fouages, Jean V envoyait sur place un de ses agents avec cette mission : « Faites ainsi que vous verrez qu'il sera à faire de raison, en forme que pour le temps à venir elle se puisse perpétuer au mieux pour le profit de nos sujets ». Les litiges étaient ainsi réglés sur place, selon une situation de fait précis, et non selon des textes, démontrant une fois de plus la supériorité de la coutume sur la règle latine du droit écrit.

Les ordonnances de Jean V dénotent souvent aussi des conceptions économiques et sociales très audacieuses pour l'époque. Parmi celles-ci, l'ordonnance de 1425, sur l'administration générale du pays, discutée et approuvée par les Etats à Vannes, fut le point de départ d'une véritable révolution économique, qui donna à la Bretagne une longue avance sur toutes les autres nations. Elle réservait pour l'industrie et la consommation locale certains produits de première nécessité, établissait un service de répression des fraudes, instituait l'unité de poids et mesures, fixait le minimum de salaire pour les ouvriers de l'industrie.

Toutes ces mesures adaptées aux besoins du pays déterminèrent une ère de prospérité incomparable. Aussi le bon chroniqueur Alain Bouchard, sans exagérer beaucoup, pouvait-il écrire au moment de la réunion à la France, que la Bretagne « florissait en toutes prospérités, qu'il n'était de petit village où l'on ne put trouver de la vaisselle d'argent » ; que la Bretagne « est un véritable paradis terrestre, alors que le royaume de France est en telle misère que l'on n'y peut trouver refuge de sûreté ».

 

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Fière de sa liberté, calme et forte, la Bretagne portait donc à ses antiques institutions un attachement profond et légitime. Aussi, nous dit l'aumônier de la reine Anne : « Quand les Bretons connurent que le roy de France les voulait de fait appliquer à lui et les régir selon ses lois, lesquelles ne s'accordaient pas aux leurs, parce qu'ils avaient toujours été en liberté sous leurs princes, et ils veoient les Français comme serfs chargés de maints subsides, ne voulant obtempérer à l'intention du roy, commencèrent à faire monopolle et eurent conseil ensemble de se défendre ».

Ce passage résume admirablement les raisons de la répugnance de toute la Bretagne pour l'union définitive avec le royaume de France. Le fait de la réunion n'était rien : la cause française avait de nombreuses sympathies dans le peuple comme à la cour. Mais les Bretons, comme jadis, craignaient les lois du roi de France et tenaient à conserver les leurs.

L'opposition dernière qui se manifesta aux Etats de 1532 ne se basait pas sur d'autres arguments. Aussi l'Acte d Union fut-il, en plus d'une nécessité constitutionnelle, acte de grande sagesse politique de la part du roi de France. Le souverain français paraissait aussi rester un duc de Bretagne en même temps qu'un roi de France. Si la souveraineté extérieure de la nation bretonne disparaissait, la Bretagne n'en paraissait pas moins garder sa liberté intérieure, son régime politique et administratif, ses coutumes particulières. Et pour les Bretons, particulièrement respectueux de la parole donnée et très sensibles au sentiment de l'honneur, la violation du serment solennel prêté par une personne royale à chaque début de règne, de respecter les institutions et les lois de la province n'était pas concevable.

Mais l'acte d'Union de 1532, ainsi conçu, malgré les nombreuses précautions qu'il prenait, devait-il conserver intégralement à la Bretagne les favorables institutions qui la régissaient ? La France, d'ailleurs, pouvait-elle lui sauvegarder, avec l'esprit libéral qui animait leur gouvernement, les résultats particulièrement heureux de la politique des ducs ?

En fait, le traité de 1532 conserva à la Bretagne, jusqu'en 1789, l'essentiel des libertés qui lui étaient si chères. Mais ce ne fut que grâce à l'exceptionnelle opiniâtreté de son peuple, dont l'esprit de résistance au pouvoir central se manifesta constamment, et parfois de façon violente, au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Les luttes que la Bretagne eut à soutenir étaient la conséquence des frictions inévitables qui devaient se produire entre deux peuples de régime et de tempérament différents, entre deux nations dont l'évolution politique s'était faite selon des principes opposés.

Les institutions de la Bretagne, la forme constitutionnelle et parlementaire de son gouvernement, l'accord harmonieux qui continuait d'y régner généralement entre les classes sociales, montrent que dans ce pays les transformations du droit public s'étaient faites pour le peuple, sinon pour et par lui. Le duc ne peut d'abord rien sans l'approbation des seigneurs, puis ensuite sans l'approbation des Etats, dont l'organisation progressive tend à donner une image de plus en plus fidèle de la nation.

Ce fut de très bonne heure au contraire que ces principes disparurent en France. La politique de la puissante maison capétienne a toujours été de faire de la France une monarchie absolue, qui deviendrait le centre de l'Europe, la plus forte nation d'occident. Pour réaliser ce projet, que  nous appellerions aujourd'hui impérialiste, poursuivi par les rois de France, de règne en règne avec une remarquable et surprenante opiniâtreté, il fallait de toute nécessité abattre ce vieil esprit d'indépendance et de liberté, héritage celtique, qui se traduisit à l'époque médiévale par le régime féodal. Philippe Auguste, en attaquant les bases de ce régime, Philippe le Bel en livrant les coutumes nationales à la merci de ses légistes, furent les véritables fondateurs de l'absolutisme royal en France. Dès ce jour les juristes, épris de droit romain, vont s'efforcer non seulement de justifier les actes de la royauté, mais aussi de leur donner toute apparence de légitimité et de justice.

Et le picard Beaumanoir proclame : « Le roi est souverain par-dessus tout et a, de son droit, le général garde du royaume, pourquoi il peut faire tel établissement comme il lui plaît, pour le commun profit et chi il établit, i doit être tenu ». Alors qu'en Bretagne l'évolution politique continua d'obéir à cette maxime : « Lex fit consensu populi et constitutione regis », en France elle se fît sur ces paroles qui « faisaient bouillir le sang breton de notre illustre d'Argentré » : « Le roi ne tient fors de Dieu et de son épée, ce qui li plest à fère doit estre tenu par loi ». Cette phrase fut, depuis Philippe le Bel, l'évangile de tous les « politiques » du royaume de France.

 

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Ce système, érigé en raison d'Etat, réclamait l'asservissement du peuple et la disparition de toutes les existences particulières. Bientôt la domination temporelle ne suffit plus. L'unification politique, presque complètement achevée lors de la réunion de la Bretagne à la France, ne faisait que précéder l'unification administrative. La difficulté de gouverner un royaume aussi étendu et aussi varié, dans ses institutions et dans ses lois, les nécessités nouvelles nées des guerres continuelles entreprises pour obéir à l'ambitieuse pensée des rois, obligeait le pouvoir central à une sévérité et à un despotisme accru vis-à-vis des collectivités comme des individus. Ainsi disparurent une à une les libertés coutumières, nées spontanément au cours des siècles, témoignages de l'effort collectif des générations, et fruits de leurs longues aspirations vers le bien du peuple et le libre gouvernement de la cité. Corporations, provinces, ordres, classes et toutes institutions particulières, furent transformés en organismes administratifs froids et rigides, d'où toute évolution était désormais exclue.

Les princes et leurs conseillers, préfaçant les initiatives révolutionnaires, en diffamant le passé, s'efforcèrent d'éteindre parmi leurs peuples tous les souvenirs d'indépendance légués par leurs ancêtres. Tout ce qui ne tenait pas à l'Etat fut calomnié, insulté, déshonoré par les historiographes et les légistes de cour. Tout ce qui était antérieur au grand roi passa pour entaché de barbarie et les dernières paroles de Louis XIV consacrèrent l'ultime et ambitieuse pensée qui, malgré tout, devait créer la France. « Les peuples sont nés pour obéir sans discernement, et les rois pour posséder tout et commander à tout ».

En face de cette conception, la lutte acharnée que soutint la Bretagne contre les exigences des rois les plus absolus, personnifia la résistance du vieil esprit celtique, avide d'indépendance et de liberté qui s'était conservé chez les Bretons. C'était l'esprit d'une civilisation particulière, une conception morale et philosophique du droit qu'il fallait défendre, d'un droit qui plaçait le bien du peuple au-dessus de tout, et pour qui la justice n'était pas suffisante car il fallait encore faire une place à la bienveillance et à la charité. Aussi, en face de conceptions inverses et du dogme de l'Etat-Dieu qui commençait à naître et dont nous souffrons aujourd'hui plus que jamais, des luttes parlementaires violentes et parfois des révoltes sanglantes opposèrent jusqu'à la Révolution la nation bretonne à la royauté française.

C'est ce divorce de conceptions, d'idées et de tempéraments entre les deux races, qui entretint pendant près de trois siècles entre la Bretagne et la France cette mésintelligence marquée par de terribles conflits. De nos jours encore, sous des manifestations et des modalités diverses, et à une époque où l'on parle depuis longtemps déjà du droit des peuples, la même lutte se perpétue. Mais c'est aussi dans ces mêmes dissemblances entre l'esprit français et l'esprit breton que l'on peut trouver la raison de cette incompréhension et parfois de cette hostilité sourde que l'on rencontre souvent encore dans tous les milieux, vis-à-vis de la Bretagne.

Yann Kerberio.

 

STUR n° 9 Avril 1937

lundi, 07 juin 2010

Le Bulletin célinien / juin 2010

Le Bulletin célinien n°320 - Juin 2010

Au sommaire:

Marc Laudelout : Bloc-notes
Les ballets lus par Robert Poulet (1959)
Henri Godard : Céline et la danse
M. L. : Céline, auteur de ballets
M. L. : Le petit monde des céliniens
M. L. : « Voyage au bout de la nuit » brûlé par le IIIe Reich ?
Courrier des lecteurs
Céline vu par Giovanni Raboni (2000)
M. L. : Céline chez les fascistes canadiens


Le Bulletin célinien
B. P. 70
B 1000 Bruxelles 22
Belgique

juin 2010

Il y a trois mois, j’ai assisté à un intéressant dialogue entre François Gibault, biographe de Céline, et le psychanalyste Patrick Declerck (1). La divergence de vues portait sur l’humanisme de Céline — attesté pour le premier, réfuté par le second. Coïncidence : durant ce même mois de mars, Pierre Lainé – qui voit, lui aussi, en Céline un humaniste (2) – se voyait contesté par le critique Robert Le Blanc « car un humaniste, ce n’est pas quelqu’un qui fait preuve ici et là de sentiments d’humanité, de fraternité, c’est quelqu’un qui prétend “croire en l’homme” (3) ».
Céline croyait-il en l’homme ? Lui qui écrivait, dans Voyage au bout de la nuit, que « faire confiance aux hommes c’est déjà se faire tuer un peu » ? Henri Godard a raison de voir en Mea culpa « une virulente dénonciation de l’humanisme (4) » à partir de la réalité soviétique. Les propos les plus pessimistes visant l’espèce humaine, c’est bien dans ce libelle qu’on peut les lire. « L’Homme il est humain à peu près autant que la poule vole. » Le paradoxe étant qu’avec tout ce qu’il pense de l’homme, en général, et de ses compatriotes, en particulier, Céline ait tenu à leur sauver la mise par de terribles brûlots ayant essentiellement pour but de prévenir un (nouveau) conflit européen. Or, n’est-ce pas lui qui écrivait : « Il ne faut pas, voyez-vous, s’occuper de l’Homme, jamais. Il n’est rien (5). » ? Dans Les Beaux draps, qui constitue, en dépit des circonstances, son livre le plus roboratif, il propose une complète et profonde rééducation de l’homme passant par une conception nouvelle de la famille et de l’école. Alors même qu’étant donné ce qu’il avait écrit auparavant, il eût pu faire sienne cette conviction nietzschéenne selon laquelle la vie est mauvaise et qu’il ne nous appartient pas de la rendre meilleure.
Au moins, à ce moment précis, Céline appelle-t-il de ses vœux une forme d’épanouissement de l’homme basé sur des réformes radicales. Ce souhait fera long feu. Après les épreuves et l’exil, il n’aura de cesse de se présenter en esthète, fuyant les idées comme la peste et récusant, plus que jamais, le souci de s’intéresser à l’homme plutôt qu’à la chose en soi. Mais, s’il apparaît alors nihiliste, il ne le fut pas toujours.
Alors, était-il un humaniste déçu ? Un anti-humaniste ? Sa passion pour le biologique en fait-il même, comme l’affirment certains, un post-humaniste ? (6) Humaniste ou pas, Céline n’a pas fini de susciter la controverse. Dès lors qu’on aborde son cas, il me semble que sa vocation médicale, sa détestation de la guerre, sa passion pour la création (« Je suis du parti de la vie ») mais aussi, il est vrai, sa défiance farouche envers l’Homme sont autant d’éléments à prendre en compte.

Marc LAUDELOUT


Notes

1. Soirée littéraire consacrée, le 23 mars au Voyage au bout de la nuit à « Passa Porta » (Maison internationale des littératures, Bruxelles). Cette soirée était animée par Laurent Moosen.
2. « L’œuvre célinienne est une œuvre humaniste. Parce qu’elle dénonce les misères et les crimes de tous bords, les cruautés et les exploitations, parce qu’elle s’insurge, dénonce et tonitrue pour les malentendants, condamne les résignations, invite à une prise de conscience, ou plutôt impose cette prise de conscience jusqu’à l’angoisse et la nausée. Céline humaniste, oui, profondément humaniste.» (Pierre Lainé,
Céline, Pardès, 2005). À noter qu’à Dinard, une conseillère municipale de l’opposition s’opposant à la tenue du prochain colloque de la SEC dans cette ville indique qu’« on cherche vainement des bouffées humanistes [sic] » chez Céline. Nous reviendrons sur cette polémique.
3. Robert Le Blanc, « Autour de la correspondance », Le Bulletin célinien, n° 317, mars 2010, p. 9.
4. Henri Godard, « Notice de Guignol’s band » in Romans III, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1988.
5. Lettre à Pierre Boujut, 7 janvier 1936 in Lettres, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2009, p. 476.
6. Philippe Destruel, « Céline entre Ariel et Caliban. Les pamphlets : de l’humanisme déçu à l’anti-humanisme amer » in
Médecine (Actes du quinzième Colloque international Louis-Ferdinand Céline), Société d’études céliniennes, 2005.

jeudi, 27 mai 2010

Ophef rond Debray's 'Brief aan een Israelische vriend'

Ophef rond Debray’s ‘Brief aan een Israëlische vriend’

Régis Debray  publiceerde zopas zijn ‘Lettre à un ami israélien’. Zijn vroegere Joodse vrienden reageren verontwaardigd.

Claude Lanzmann is woedend op Régis Debray's briefboek.

deb1-1009.jpgRégis Debray, ooit de compagnon van Che Guevara en adviseur van de presidenten Allende (Chili) en Mitterrand (Frankrijk) heeft bij Flammarion een nieuw boek gepubliceerd: ‘Lettre à un ami israélien’.

Daarmee heeft hij zich de woede op het lijf gehaald van Claude Lanzmann, de maker van de film ‘Shoah’, ooit een vriend van Debray. Lanzmann zorgde ervoor dat de eerste geschriften van Debray in ‘Les temps modernes’ werden gepubliceerd. In een pas verschenen gesprek met ‘Le Point’ noemt Lanzmann het nieuwe boek van Debray conventioneel, conformistisch en opportunistisch. ‘Debray est totalement dans l’air du temps,’ aldus Lanzmann, die zijn ex-strijdmakker verwijt dat hij alle anti-Israëlische gemeenplaatsen die de media beheersen op elkaar stapelt. Het schelden op Israël is volgens Lanzmann een Pavlov-reflex van de mainstream geworden.

De uitval van Lanzmann wekt geen verbazing, want in het boek van Debray staat hij zelf in de beklaagdenbank. Volgens Debray regisseert Lanzmann de Franse shoa-cultus zo radicaal dat elke kritiek op Israël onmogelijk geworden is. Lanzmann gaat akkoord met Debray’s constatering dat de Franse Jood de ‘chouchou’ van de republiek is en dat Joden een belangrijke rol spelen in het economische en intellectuele leven van de Franse republiek, maar het gaat te ver om daaruit af te leiden dat er een Joodse macht bestaat die haar wil oplegt aan Frankrijk.

Lanzmanns conclusie is dat Debray er verkeerd aan doet om zijn boek een titel te geven die herinnert aan de ‘Lettres à un ami allemand’ van Albert Camus (geschreven tijdens en gepubliceerd na de Duitse bezetting). Volgens Lanzmann ging Camus destijds helemaal tegen de tijdgeest in, terwijl Debray juist met de stroom mee zwemt. Lanzmanns slotsom over Debray’s kennis van Israël: ‘Il n’y comprend rien.’

Ook van de Franse historicus Jean-Christophe Rufin, lid van de Académie Française en ambassadeur in Senegal, krijgt Debray een veeg uit de pan. Debray had Rufin in zijn geschrift verweten dat hij het antizionisme strafbaar wilde maken. Maar Rufin bestrijdt dit en zegt dat hij ooit wilde onderzoeken hoe het komt dat sommige jongeren de Israëlische staat met de Duitse nazi-staat vergelijken, de Israëlische leiders met Hitler en de Palestijnse kampen met Auschwitz. Hier wordt de grens tussen opinie en misdaad overschreden, aldus Rufin, die eraan toevoegt dat men in de landen waar hij verblijft boeken met titels als ‘Israël, het Derde Rijk’ haast openlijk in de handel te verkrijgen zijn. Rufin: ‘Zou Debray ermee akkoord gaan als deze boeken in de supermarkten naast zijn laatste boek opgestapeld zouden liggen?’

In dezelfde zin liet de Israëlische diplomaat en historicus Elie Barnavie zich uit in een antwoord dat overigens in Debray’s boek is opgenomen: ‘Tot 1967 heeft de shoa-religie – overigens als anti-imperialistische ideologie – Israël gebaat’. Maar nu is dat juist omgekeerd, aldus Barnavie: ‘Men herinnert aan de dode Joden om de levende Joden nog meer te vernederen. Doen wij de Palestijnen niet aan, wat Hitler met ons deed?’

Piet de Moor

http://knack.rnews.be/nl/actualiteit/nieuws/boeken/nieuws/ophef-rond-debray-s-brief-aan-een-israelische-vriend/article-1194737845339.htm

mardi, 25 mai 2010

L'apport de G. Faye à la "Nouvelle Droite" et petite histoire de son éviction

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 Archives de SYNERGIES EUROPEENNES  - 1995

 

L’apport de Guillaume Faye à la « Nouvelle Droite » et petite histoire de son éviction

 

Par Robert STEUCKERS

 

I.

Guillaume Faye a été véritablement le moteur du GRECE, la principale organisation de la “Nouvelle Droite” en France au début des années 80. Porté par un dynamisme inouï, une fougue inégalée dans ce milieu, une vitalité débordante et un discours fait de fulgurances étonnantes et séduisantes, Guillaume Faye  —comme il aimait à le dire lui-même—  avait été fort marqué par la lecture des textes situationnistes de l'école de Guy Debord. En simplifiant outrancièrement, ou en voulant résumer le noyau essentiel/existentiel de sa démarche, nous pourrions dire qu'il dénonçait l'enlisement idéologique d'après 68, celui des Seventies et de l'ère giscardienne en France, qu'il le percevait comme un “spectacle” stupide, morne, sans relief. Faye est un homme qui entre en scène, quasi seul, entre la sortie des soixante-huitards et l'entrée des yuppies  reaganiens. 

 

Dans le numéro 2 de la revue éléments, qui fut et reste le moniteur du plus ancien cénacle de la “Nouvelle Droite” en France, regroupé autour de l'inamovible Alain de Benoist, on voit une photo du jeune Faye, âgé de 23 ans, au temps où il travaillait à l'Université dans le “Cercle Vilfredo Pareto”. Dans son ouvrage scientifique Sur la Nouvelle Droite,  Pierre-André Taguieff esquisse un bref historique de ce “Cercle Vilfredo Pareto” (p.183), dirigé par Jean-Yves Le Gallou, aujourd'hui député européen du Front National de Jean-Marie Le Pen. En 1970, le GRECE met sur pied son “Unité Régionale Paris-Ile-de-France” (URPIF), dont le “Cercle Vilfredo Pareto” est l'antenne au sein de l'“Institut d'Etudes Politique” (IEP) de Paris. Faye, ajoute Taguieff (op. cit., p.205), a animé ce Cercle Pareto de 1971 à 1973. C'est son premier engagement: Faye est donc d'emblée un homme neuf, qui n'est rattaché à aucun rameau de la droite française conventionnelle. Il n'a pas d'attaches dans les milieux vichystes et collaborationnistes, ni dans ceux de l'OAS, ni dans la mouvance “catholique-traditionaliste”. Il n'est pas un nationaliste proprement dit; il est un disciple de Julien Freund, de Carl Schmitt (dont il parlait déjà avec simplicité, concision et justesse dans les colonnes des Cahiers du Cercle Vilfredo Pareto),  de François Perroux, etc. On pourrait dire, si ce langage avait un sens en ultime instance, que Faye est, à l'intérieur même du GRECE, le représentant d'une “droite” au-delà des factions, d'une “droite régalienne”, qui pose sur tous les événements un regard souverain et détaché mais non dépourvu de fougue et de volonté “plastique”, qui trie en quelque sorte le bon grain de l'ivraie, le politique de l'impolitique. Ceux qui l'ont fréquenté, ou qui ont été ses collègues comme moi, savent qu'il se moquait sans cesse des travers de ces droites parisiennes, des attitudes guindées, des querelles de prestige de ceux qui affirmaient sans rire et avec beaucoup d'arrogance quelques idées simplistes  —parfois des nazisteries d'une incommensurable débilité, calquée sur celles des comic strips  américains—,  simplismes évidemment détachés de tout contexte historique et incapables de se mouler sur le réel. Qui se moquait aussi, non sans malice, de ceux qui, dans notre monde où se bousculent beaucoup de psychopathes, se composaient un personnage “sublime” (et souvent costaud, “supermaniste”) qui ne correspondait pas du tout à leur médiocrité réelle, parfois criante. Face aux nostalgies de tous ordres, Faye aimait à dire qu'il était “réalitaire et acceptant” et que seule cette attitude était fructueuse à long terme.  En effet, dès que le développement de la Nouvelle Droite, en tant que réseau de travail métapolitique, ou un engagement politique concret au RPR, au FN ou dans des groupes nationaux-révolutionnaires exigeait de la rigueur et de l'endurance, les mythomanes “supermanistes” disparaissaient comme neige au soleil, ou se recyclaient dans des groupuscules ténus où la mascarade et les psychodrames étaient  sans discontinuer à l'ordre du jour.

 

De méchantes intrigues en coulisses

 

Faye a produit son œuvre dans un milieu qui n'était pas le sien, qui ne se reconnaissait pas entièrement  —ou même pas du tout—  dans ce qu'il écrivait. Il donnait l'impression de flanquer à répétition de grands coups de pied dans la fourmilière, de chercher à choquer, espérant, par cette maïeutique polissonne, faire éclore une “droite” véritablement nouvelle, qui ne se contenterait pas de camoufler hâtivement son vichysme, son nationalisme colonialiste, son nazisme pariso-salonnard, ses pures ambitions matérielles ou son militarisme caricatural par quelques références savantes. Faye incarnait finalement seul la “Nouvelle Droite” parce qu'il n'avait jamais été autre chose. Presque tous ceux qui l'ont entouré dans son passage au GRECE et profité de son charisme, de son énergie, de son travail rapide et toujours pertinent, de la fulgurance de son intelligence, l'ont considéré finalement comme un étranger, un “petit nouveau” qu'on ne mettait pas dans les confidences, que l'on écartait des centres de commandement réels du mouvement, où quelques “anciens” prenaient des décisions sans appel. Faye était d'emblée dégagé de la cangue des “droites”, ses associés  —et surtout ceux qui le payaient (très mal)—  ne l'étaient pas. Naïf et soucieux d'abattre le maximum de travail, Faye ne s'est jamais fort préoccupé de ces méchantes intrigues de coulisses; pour lui, ce qui importait, c'était que des textes paraissent, que livres et brochures se répandent dans le public. Au bout du compte, il s'apercevra trop tard de la nuisance de cette opacité, permettant toutes les manipulations et tous les louvoiements  —opacité qui affaiblissait et handicapait le mouvement auquel il a donné les meilleures années de sa vie—  et finira victime des comploteurs en coulisse, sans avoir pu patiemment construire un appareil alternatif. Faye a bel et bien été victime de sa confiance, de sa naïveté et de sa non-appartenance à un réseau bien précis de la “vieille droite”, qui, dans le fond, ne voulait pas se renouveler et prendre le monde et la vie à bras le corps. Illusions, fantasmes, copinages et intrigues parisiennes prenaient sans cesse le pas sur la pertinence idéologique du discours, sur le travail d'élargissement et d'approfondissement du mouvement.

 

Au moment où la “Nouvelle Droite” surgit sous les feux de la rampe après la campagne de presse de l'été 1979, Faye se porte volontaire pour effectuer non-stop un “tour de France” des unités régionales du GRECE qui jaillissent partout spontanément. Grâce à son engagement personnel, à sa présence, à son verbe qui cravachait les volontés, il fait du GRECE une véritable communauté où se côtoient des “anciens” (venus de tous les horizons de la “droite”, catholiques intégristes et modérés exceptés) et des “nouveaux”, souvent des étudiants, qui saisissent et acceptent instinctivement la nouveauté de son discours, les choses essentielles qu'il véhicule. Faye, très attentif aux analyses sociologiques qui investiguent les modes, scrutent les mœurs, captent les ferments de contestation dès leur éclosion, devient tout naturellement l'idole des jeunes non-conformistes de la “droite” française  —auxquels se joignent quelques soixante-huitards différentialistes (inspirés par Robert Jaulin, Henri Lefebvre, Michel Maffesoli, les défenseurs du Tiers-Monde contre l'“homologation” capitaliste-occidentale) et d'anciens situationnistes—  qui rejettent les conventions sociales classiques (comme la religion), sans pour autant accepter les mièvreries de l'idéologie implicite des baba-cools de 68, matrice du conformisme que nous subissons aujourd'hui.

 

Epiméthéisme soft et prométhéisme hard

 

Si les lecteurs de Marcuse avaient parié pour une sorte d'épiméthéisme soft, d'érotisme orphique comme socle d'une anti-civilisation quasi paradisiaque, pour une contestation douce et démissionnaire, pour une négation permanente de toutes les institutions impliquant un quelconque “tu dois”, Faye, fusionnant contestation et affirmation, rejettant comme vaines, impolitiques et démissionnaires toutes les négations à la Marcuse, lançait un pari pour un prométhéisme hard, pour un érotisme goliard qui ponctuellement libère, en déployant une saine joie, ses adeptes des âpres tensions de l'action permanente, pour une affirmation permanente et impavide de devoirs et d'institutions nouvelles mais non considérées comme définitives. Marcuse et Faye contestent tous deux la société figée et les hiérarchies vieillottes des années 50 et 60, mais Marcuse tente une sortie définitive hors de l'histoire (qui a produit ces hiérarchies figées) tandis que Faye veut un retour à l'effervescence de l'histoire, croit à la trame conflictuelle et tragique de la vie (comme ses maîtres Freund, Monnerot et Maffesoli). Marcuse est démobilisateur (en croyant ainsi être anti-totalitaire), Faye est hyper-mobilisateur (pour échapper au totalitarisme soft qui étouffe les âmes et les peuples par extension illimitée de son moralisme morigéna­teur, tout comme le hiérarchisme abrutissant des conventions d'avant 68 étouffait, lui aussi, les spon­tanéités créatrices).

 

Cette vision à la fois contestatrice et affirmatrice sera donc véhiculée de ville en ville pendant plusieurs années, de 1979 à 1984, espace-temps où le GRECE a atteint son apogée, sous la direction d'Alain de Benoist, certes, mais surtout grâce au charisme de Guillaume Faye. Celui-ci marque de son sceau la revue éléments,  déterminant les thèmes et les abordant avec une fougue et un à-propos qui ne sont jamais plus revenus après son départ. Faye parti, puis, à sa suite Vial et Mabire (qui sont pourtant des hommes très différents de lui), éléments  se met littéralement à vasouiller; la revue perd son “trognon” et devient l'arène où s'esbaudissent très jeunes polygraphes,  médiocres paraphraseurs et  incorrigibles compilateurs, faux germanistes et faux philosophes, faux gauchistes et faux néo-fascistes, gribouilleurs d'éphémérides et esthètes falots. Et surtout quelques beaux échantillons de “têtes-à-claques” du seizième arrondissement. Faye lançait en effet quantités de thématiques nouvelles, généralement ignorées dans les rangs de la “droite la plus bête du monde”. Sur l'héritage initial de Science-Po et du Cercle Pareto, Faye  —qui a un contact très facile avec les universitaires au contraire d'Alain de Benoist—  greffe de la nouveauté, introduit sa propre interprétation de l'“agir communicationnel” de Habermas, des thèses des néo-conservateurs américains et de la sociologie anti-narcissique de Christopher Lash. Ensuite, rompant résolument avec l'“occidentalisme” des droites, Faye amorce, dans éléments  n°32, une critique de la civilisation occidentale, nouant ou renouant avec l'anti-occidentalisme des Allemands nationalistes ou conservateurs de l'époque de Weimar (Spengler, Niekisch, Sombart, etc.), avec les thèses en ethnologie qui stigmati­saient les “ethnocides” en marge de la civilisation techno-messianique de l'Occident (Robert Jaulin), et avec le Manifeste différentialiste  de Henri Lefèbvre (ex-théoricien du PCF et ancien disciple du surréaliste André Breton). L'occidentalisme, héritier d'une conception figée, fixiste, immobiliste, humanitariste, répétitive, psittaciste des Lumières, est une cangue, dont il faut se libérer;

est un frein à l'“agir communicationnel” (dont rêvait le jeune Habermas mais que Faye et ses vrais amis voudront restituer dans leur logique communautaire, identitaire et enracinée);

est une pathologie générant de fausses et inopérantes hiérarchies, qu'une rotation des élites devra jeter bas; est, enfin, selon la formule géniale de Faye, un “système à tuer les peuples”.

 

Mais si les critiques formulées par les tenants de l'Ecole de Francfort et par Faye refusent le système mis en place par l'idéologie des Lumières  —parce que ce système oblitère la Vie, c'est-à-dire notre Lebenswelt  (terme que reprend Habermas, à la suite de Simmel)—  ces deux écoles  —la nouvelle gauche, dont la revue new-yorkaise Telos  constitue la meilleure tribune; et la vraie  nouvelle droite, que Faye a incarné seul, sans être empêtré dans des nostalgismes incapacitants—  diffèrent dans leur appréciation de la “raison instrumentale”. Pour l'Ecole de Francfort, la rai­son instrumentale est la source de tous les maux: du capitalisme manchestérien à l'autoritarisme de l'Obrigkeitsstaat,  du fascisme à la mise hors circuit de la fameuse Lebenswelt, de l'éléctro-fascisme (Jungk) à la destruction de l'environnement. Mais la raison instrumentale donne la puissance, pensait Faye, et il faut de la puissance dans le politique pour faire bouger les choses, y compris restaurer notre Lebenswelt,  nos enracinements et la spontanéité de nos peuples. La différence entre la nouvelle droite (c'est-à-dire Faye) et la nouvelle gauche (en gros l'équipe de Telos)  réside toute entière dans cette question de la puissance, dont la raison instrumentale peut être un outil. Cette querelle a aussi été celle des sciences sociales allemandes (cf. De Vienne à Franfort, la querelle allemande des sciences sociales,  Ed. Complexe, Bruxelles, 1979): est-ce la raison instrumentale, qui met les valeurs entre parenthèses, ne pose pas de jugements de valeurs et pratique la Wertfreiheit  de Max Weber voire l'éthique de la responsabilité ou est-ce la raison normative, qui insiste sur les valeurs  —mais uniquement les valeurs “illuministes” de l'Occident moderne—  et développe ainsi une éthique de la conviction, qui doit avoir le dessus? Faye n'a pas exactement répondu à la question, dans le cadre du débat qui agitait le monde intellectuel à la fin des années 70 et au début des années 80, mais on sentait parfaitement, dans ses articles et dans Le système à tuer les peuples,  qu'il percevait intuitivement le hiatus voire l'impasse: que tant la raison instrumentale, quand elle est maniée par des autorités politiques qui ne partagent pas nos valeurs  (celle du zoon politikon  grec ou de l'hyperpolitisme romain) ni, surtout, nos traditions métaphysiques et juridiques, que la raison normative, quand elle nous impose des normes abstraites ou étrangères à notre histoire, sont oblitérantes et aliénantes. Ni la raison instrumentale ni la raison normative (il serait plus exact de dire la “raison axiologique”, dans le sens où la “norme” telle que la définit Carl Schmitt, est toujours une abstraction qui se plaque sur la vie, tandis que la valeur, pour Weber et Freund, est une positivité immuable qui peut changer de forme mais jamais de fond, qui peut faire irruption dans le réel ou se retirer, se mettre en phase de latence, et qui est l'apanage de cultures ou de peuples précis) ne sont oblitérantes ou aliénantes si le peuple vit ses valeurs et s'il n'est pas soumis à des normes abstraites qui, délibérément, éradiquent tout ce qui est spontané, corrigent ce qui leur paraît irrationnel et biffent les legs de l'histoire. Faye n'a pas eu le temps de se brancher sur les débats autour des travaux de Rawls (sur la justice sociale), n'a pas eu le temps de suivre le débat des “communautariens” américains, qui ont retrouvé les valeurs cimentantes en sociologie et entendent les réactiver. Et surtout, n'a pas suivi à la trace la grande aventure secrète des années 80, la redécouverte de l'œuvre de Carl Schmitt, en Allemagne, en Italie et aux Etats-Unis, la France restant grosso modo  en dehors de cette lame de fond qui traverse la planète entière. On ne sort du dilemme entre raison instrumentale et raison normative que si l'on retourne à l'histoire, qui offre des valeurs précises à des peuples précis, valeurs qui sont peut-être foncièrement subjectives mais sont aussi  objectives parce qu'elles sont les seules capables de structurer des comportements cohérents et durables dans la souplesse, de générer, au sein d'un peuple, ce qu'Arnold Gehlen appelait les “institutions”. Un peuple qui adhère et met en pratique ses propres valeurs obéit à des lois qui sont objectives pour lui seul, mais qui sont la seule objectivité pratique dans la sphère du politique; s'il obéit à des normes extérieures à lui, imposées par des puissances extérieures et/ou dominantes, la raison normative lui apparaîtra, consciemment ou inconsciemment, aliénante et la raison instrumentale, insupportable. Dans un tel cadre, s'il a oublié ses valeurs propres, le peuple meurt parce qu'il ne peut plus agir selon ses propres lois intérieures. Le système l'a tué.

 

L'influence déterminante de Henri Lefèbvre

 

Indubitable et déterminante est l'influence de Henri Lefebvre sur l'évolution des idées de Guillaume Faye; Henri Lefebvre fut un des principaux théoriciens du PCF et l'auteur de nombreux textes fondamentaux à l'usage des militants de ce parti fortement structuré et combatif. J'ai eu personnellement le plaisir de rencontrer ce philosophe ex-communiste français à deux reprises en compagnie de Guillaume Faye dans la salle du célèbre restaurant parisien “La Closerie des Lilas” que Lefebvre aimait fréquenter parce qu'il avait été un haut lieu du surréalisme parisien du temps d'André Breton. Lefebvre aimait se rémémorer les homériques bagarres entre les surréalistes et leurs adversaires qui avaient égayé ce restaurant. Avant de passer au marxisme, Lefebvre avait été surréaliste. Les conversations que nous avons eues avec ce philosophe d'une distinction exceptionnelle, raffiné et très aristocratique dans ses paroles et ses manières, ont été fructueuses et ont contribué à enrichir notamment le numéro de Nouvelle école sur Heidegger que nous préparions à l'époque. Trois ouvrages plus récents de Lefebvre, postmarxistes, ont attiré notre attention: Position: contre les technocrates. En finir avec l'humanité-fiction (Gonthier, Paris, 1967); Le manifeste différentialiste (Gallimard, Paris, 1970); De L'Etat. 1. L'Etat dans le monde moderne, (UGE, Paris, 1976).

 

Dans Position (op. cit.), Lefebvre s'insurgeait contre les projets d'exploration spatiale et lunaire car ils divertissaient l'homme de “l'humble surface du globe”, leur faisaient perdre le sens de la Terre, cher à Nietzsche. C'était aussi le résultat, pour Lefebvre, d'une idéologie qui avait perdu toute potentialité pra­tique, toute faculté de forger un projet concret pour remédier aux problèmes qui affectent la vie réelle des hommes et des cités. Cette idéologie, qui est celle de l'“humanisme libéral bourgeois”, n'est plus qu'un “mélange de philanthropie, de culture et de citations”; la philosophie s'y ritualise, devient simple cérémonial, sanctionne un immense jeu de dupes. Pour Lefebvre, cet enlisement dans la pure phraséologie ne doit pas nous conduire à refuser l'homme, comme le font les structuralistes autour de Foucault, qui jettent un soupçon destructeur, “déconstructiviste” sur tous les projets et les volontés politiques (plus tard, Lefebvre sera moins sévère à l'égard de Foucault). Dans un tel contexte, plus aucun élan révolutionnaire ou autre n'est possible: mouvement, dialectique, dynamiques et devenir sont tout simplements niés. Le structuralisme anti-historiciste et foucaldien constitue l'apogée du rejet de ce formidable filon que nous a légué Héraclite et inaugure, dit Lefebvre, un nouvel “éléatisme”: l'ancien éléatisme contestait le mouvement sensible, le nouveau conteste le mouvement historique. Pour Lefebvre, la philosophie parménidienne est celle de l'immobilité. Pour Faye, le néo-parménidisme du système, libéral, bourgeois et ploutocratique, est la philosophie du discours libéralo-humaniste répété à l'infini comme un catéchisme sec, sans merveilleux. Pour Lefebvre, la philosophie héraclitéenne est la philosophie du mouvement. Pour Faye, —qui retrouve là quelques échos spenglériens propres à la récupération néo-droitiste (via Locchi et de Benoist) de la “Révolution Conservatrice” weimarienne—  l'héraclitéisme contemporain doit être un culte joyeux de la mobilité innovante. Pour l'ex-marxiste et ex-surréaliste comme pour le néo-droitiste absolu que fut Faye, les êtres, les stabilités, les structures ne sont que les traces du trajet du Devenir. Il n'y a pas pour eux de structures fixes et définitives: le mouvement réel du monde et du politique est un mouvement sans bonne fin de structuration et de déstructuration. Le monde ne saurait être enfermé dans un système qui n'a d'autres préoccupations que de se préserver. A ce structuralisme qui peut justifier les systèmes car il exclut les “anthropes” de chair et de volonté, il faut opposer l'anti-système voire la Vie. Pour Lefebvre (comme pour Faye), ce recours à la Vie n'est pas passéisme ou archaïsme: le système ne se combat pas en agitant des images embellies d'un passé tout hypothétique mais en investissant massivement de la technique dans la quotidienneté et en finir avec toute philosophie purement spéculative, avec l'humanité-fiction. L'important chez l'homme, c'est l'œuvre, c'est d'œuvrer. L'homme n'est authentique que s'il est “œuvrant” et participe ainsi au devenir. Les “non-œuvrants”, sont ceux qui fuient la technique (seul levier disponible), qui refusent de marquer le quotidien du sceau de la technique, qui cherchent à s'échapper dans l'archaïque et le primitif, dans la marginalité (Marcuse!) ou dans les névroses (psychanalyse!). Apologie de la technique et refus des nostalgies archaïsantes sont bel et bien les deux marques du néo-droitisme authentique, c'est-à-dire du néo-droitisme fayen. Elles sortent tout droit d'une lecture attentive des travaux de Henri Lefebvre.

 

Mystification totale et homogénéisation planétaire

 

Dans Le manifeste différentialiste, nous trouvons d'autres parallèles entre le post-marxisme de Lefebvre et le néo-droitisme de Faye, le premier ayant indubitablement fécondé le second: la critique des processus d'homogénéisation et un plaidoyer en faveur des “puissances différentielles” (qui doivent quitter leurs positions défensives pour passer à l'offensive). L'homogénéisation “répressive-oppressive” est dominante, victorieuse, mais ne vient pas définitivement à bout des résistances particularistes: celles-ci imposent alors malgré tout une sorte de polycentrisme, induit par la “lutte planétaire pour différer” et qu'il s'agit de consolider. Si l'on met un terme à cette lutte, si le pouvoir répressif et oppresseur vainc définitivement, ce sera l'arrêt de l'analyse, l'échec de l'action, le fin de la découverte et de la création.

 

De sa lecture de L'Etat dans le monde moderne,  Faye semble avoir retiré quelques autres idées-clefs, notamment celle de la “mystification totale” concomitante à l'homogénéisation planétaire, où tantôt l'on exalte l'Etat (de Hobbes au stalinisme), tantôt on le méconnaît (de Descartes aux illusions du “savoir pur”), où le sexe, l'individu, l'élite, la structure (des structuralistes figés), l'information surabondante servent tout à tour à mystifier le public; ensuite l'idée que l'Etat ne doit pas être conçu comme un “achèvement mortel”, comme une “fin”, mais bien plutôt comme un “théâtre et un champ de luttes”. L'Etat finira mais cela ne signifiera pas pour autant la fin (du politique). Enfin, dans cet ouvrage, Faye a retenu le plaidoyer de Lefebvre pour le “différentiel”, c'est-à-dire pour “ce qui échappe à l'identité répétitive”, pour “ce qui produit au lieu de reproduire”, pour “ce qui lutte contre l'entropie et l'espace de mort, pour la conquête d'une identité collective différentielle”.

 

Cette lecture et ces rencontres de Faye avec Henri Lefebvre sont intéressantes à plus d'un titre: nous pouvons dire rétrospectivement qu'un courant est indubitablement passé entre les deux hommes, certainement parce que Lefebvre était un ancien du surréalisme, capable de comprendre ce mélange instable, bouillonnant et turbulent qu'était Faye, où se mêlaient justement anarchisme critique dirigé contre l'Etat routinier et recours à l'autorité politique (charismatique) qui va briser par la vigueur de ses décisions la routine incapable de faire face à l'imprévu, à la guerre ou à la catastrophe. Si l'on qualifie la démarche de Faye d'“esthétisante” (ce qui est assurément un raccourci), son esthétique ne peut être que cette “esthétique de la terreur” définie par Karl Heinz Bohrer et où la fusion d'intuitionnisme (bergsonien chez Faye) et de décisionnisme (schmittien) fait apparaître la soudaineté, l'événement imprévu et impromptu, —ce que Faye appelait, à la suite d'une certaine école schmittienne, l'Ernstfall—  comme une manifestation à la fois vitale et catastrophique, la vie et l'histoire étant un flux ininterrompu de catastrophes, excluant toute quiétude. La lutte permanente réclamée par Lefebvre, la revendication perpétuelle du “différentiel” pour qu'hommes et choses ne demeurent pas figés et “éléatiques”, le temps authentique mais bref de la soudaineté, le chaïros, l'imprévu ou l'insolite revendiqués par les surréalistes et leurs épigones, le choc de l'état d'urgence considéré par Schmitt et Freund comme essentiels, sont autant de concepts ou de visions qui confluent dans cette synthèse fayenne. Ils la rendent inséparable des corpus doctrinaux agités à Paris dans les années 60 et 70 et ne permettent pas de conclure à une sorte de consubstantialité avec le “fascisme” ou l'“extrême-droitisme” fantasmagoriques que l'on a prêtés à sa nouvelle droite, dès le moment où, effrayé par tant d'audaces philosophiques à “gauche”, à “droite” et “ailleurs et partout”, le système a commencé à exiger un retour en arrière, une réduction à un moralisme minimal, tâche infâmante à laquelle se sont attelés des Bernard-Henry Lévy, des Guy Konopnicki, des Luc Ferry et des Alain Renaut, préparant ainsi les platitudes de notre political correctness.

 

Quel nietzschéisme?

 

Reste à tenter d'expliquer le nietzschéisme de Faye et à le resituer vaille que vaille  —pour autant que cela soit possible—  dans le contexte du nietzschéisme français des années 60 à 80. Qu'est-ce qui distingue son nietzschéisme implicite (et parfois explicite) du nietzschéisme professé ailleurs, dans l'université française, chez les philosophes indépendants (voire marginaux) ou chez les autres protagonistes de la ND?

- Si le nietzschéisme de l'université est complexe, trop complexe pour être manié dans des associations de type métapolitique comme le GRECE;

- si les arabesques, méandres, rhizomes, agencements, transversales, multilinéarités et ritournelles d'un philosophe nietzschéen original et fécond comme Gilles Deleuze par exemple dévoilaient un vocabulaire aussi original que surprenant, mais qui demeurait largement incompris en dehors des facultés de philosophie à l'époque de gloire de la ND (elles n'auraient rencontré qu'incompréhension chez les non-philosophes, même à l'université; en Italie, Francesco Ingravalle a eu le mérite de dresser un excellent synopsis des approches nietzschéennes, en dégageant clairement l'apport de Deleuze; cf. F. Ingravalle, Nietzsche illuminista o illuminato? Guida alla lettura di Nietzsche attraverso Nietzsche,  Ed. di Ar, Padova, 1981);

- si les philosophes plus marginalisés, moins académiques et solitaires ont travaillé à fond des thématiques nietzschéiennes plus circonstancielles et nettement moins politisables ou métapolitisables;

- si les fragments, tantôt épars, tantôt concentrés, d'héritage extrême-droitiste, transposés spontanément dans la métapolitique maladroite des plus modestes militants de base des débuts du GRECE, concevaient un nietzschéisme fort hiératique, glacial et figé, prenant naïvement au pied de la lettre le discours sur le “Surhomme”, et surtout ses travestissements par la propagande cinématographique anglo-saxonne des deux guerres mondiales, où se mêlent des clichés comme le “Hun”, la “bête blonde”, la folie caricaturale de professeurs de génétique au rictus nerveux et à grosses lunettes et, enfin, la morgue attribuée aux officiers des corps francs ou des troupes d'assaut;

- si le “surhumanisme” de Giorgio Locchi, en tant que nietzschéisme solidement étayé dans les discours du GRECE, insistait sur le dépassement des avatars philosophiques et scientifiques de l'égalitarisme passif et niveleur issu du christianisme et transformé en “science” dans le sillage du positivisme puis du marxisme;

- si les thèses de Pierre Chassard sur l'anti-providentialisme de Nietzsche, annexées par le GRECE, en mal d'une interprétation originale du philosophe de Sils-Maria au début des années 70, insistaient, elles, sur l'impossibilité finale de créer un monde achevé, fermé, sans plus ni vicissitudes ni tragique ni effervescence ni conflictualité, le nietzschéisme personnel de Faye s'inscrirait plutôt dans cet espace aux contours flous, entre le rire et le tragique, mis en évidence par Alexis Philonenko, dans son approche de l'œuvre de Nietzsche (cf. A. Philonenko, Nietzsche. Le Rire et le Tragique,  LGF, 1995).

 

Pour Faye effectivement, la trame du monde est fondamentalement tragique, et restera telle, en dépit des vœux pieux, formulés par chrétiens, post-chrétiens, jus-naturalistes, etc.; à la suite de Jules Monnerot, qui a pensé systématiquement l'“hétérotélie”, c'est-à-dire le fait que l'on atteint toujours un objectif différent de celui qu'on s'était assigné dans ses rêves et ses projets, Faye écrit et affirme sans cesse que les efforts politiques, les constructions institutionnelles, les barrages que dressent maladroitement les censeurs qui veulent éviter toute redistribution des cartes, finiront toujours par être balayés, mais, avant cette disparition méritée et ce nettoyage nécessaire, les agitations, les colères, les objurgations, les admonestations de ceux qui veulent que les mêmes règles demeurent toujours en vigueur, pour les siècles des siècles, doivent susciter le rire de tous les réalitaires impertinents qui acceptent et affirment le tragique, la finitude de toutes choses. En ce sens, pour Faye, «le rire est la puissance nue, véritablement protéiforme», comme le définit Philonenko, qui ajoute, que, dans Ainsi parla Zarathoustra,  le rire est aussi “la clef qui ouvre toutes les serrures”, justement parce qu'il permet de sauter les obstacles qui, au fond, ne sont pas des obstacles, de regarder à travers les fissures ou au-delà des masses en apparence monolithiques. Nietzsche conçoit le rire, non comme une substance, mais comme une fonction métacritique  qui rend la vie possible (et la libère des pesanteurs et des anachronismes) et, avec elle, ajoute Philonenko, toute “existence authentique”, dans le sens où l'“authenticité”, ici, est synonyme de plénitude et de fulgurance innovante, tandis que toute routine, voire, chez Faye, toute tradition, quand elle se fige, est “inauthentique”, dépourvue d'intérêt. De là, la fascination qu'exerçaient sur Faye les réflexions post-nietzschéennes de Heidegger sur le triste “règne du on”, alors même que les écrivains français qui ont, chacun à leur manière, chanté les “voies royales”, n'ont guère influencé les réflexions du seul véritable penseur original de la ND.

 

Sauver la "Lebenswelt"

 

Nietzsche, et Faye inconsciemment à sa suite, imaginaient un rire qui, “effondrant les colonnes de la civilisation” (celle, rigide, désenchantée, que nous a léguée et nous impose l'Aufklärung, de plus en plus souvent par des méthodes policières), réaliserait le surhomme, c'est-à-dire le dépassement de la condition “humaine, trop humaine”, emprisonnée dans les cages de la légalité sans plus aucune légitimité, dans les cellules dorées d'une civilisation d'abondance matérielle et de lacunes spirituelles. C'est dans cette critique de la civilisation, non plus véhiculée par l'éros idyllique et néo-pastoraliste du “marcuso-rousseauisme”, mais par le rire et la polisonnerie, qu'il faut voir un parallèle avec une certaine révolution conservatrice allemande, qui, elle, récuse cette “civilisation” au nom de l'expérience à la fois traumatisante et exaltante des soldats de la première guerre mondiale ou au nom d'une foi orientale, asiatique ou russe-orthodoxe, modernisée en apparence sous les oripeaux du bolchevisme. La surhumanité nietzschéo-fayenne n'est donc pas une humanité impavide de gendarmes aux roides zygomatiques, musculeux et hiératiques (sauf, notable exception, dans certaines planches de sa bande dessinée aux thématiques contestées, intitulée Avant-Guerre), non pas, contexte spatio-temporel oblige, un duplicata anachronique du “nationalisme soldatique” des frères Jünger ou de Schauwecker, non pas un fidéisme traditionaliste teinté d'orientalisme, mais une surhumanité portée par une bande de joyeux polissons créatifs, impertinents, hors-normes. Les porteurs de “civilisation”, qui ont oublié le rire ou l'ont étouffé en eux, érigent des idoles de papier, des codes moraux, des conventions toutes cérébrales, qui sont justement celles qui oblitèrent et refoulent cette Lebenswelt,  cette évidence immédiate que seul le rire est capable de saisir, de capter, d'“en ouvrir toutes les serrures”. Cet engagement pour sauver la Lebenswelt est le leitmotiv qui permet de comprendre les engouements simultanés de Faye pour Heidegger, Habermas, Monnerot, Freund, Schmitt, Jünger (celui du Travailleur),  Simmel et sa synthèse personnelle entre tous ces philosophes, politologues et sociologues, en apparence très différents les uns des autres. Plus tard, Michel Maffesoli deviendra indubitablement l'universitaire qui hissera un corpus fort proche de cette vision fayenne  —fulgurante, dionysiaque et effervescente—  au niveau d'une philosophie et d'une sociologie pleinement reconnues par l'université, au niveau français comme au niveau international. Voilà ce qu'il fallait dire, me semble-t-il, sur le nietzschéisme dionysiaque de Faye, qui a marqué si profondément la ND de son sceau. Faye est en effet le penseur qui aurait pu, s'il avait travaillé et retravaillé ses intuitions selon les critères de la démarche académique, devenir un philosophe entre Freund et Maffesoli, c'est-à-dire un philosophe tenant compte des impératifs incontournables du politique mais sans absoluiser ces impératifs, en laissant toujours les portes grandes ouvertes aux manifestations de la Vie (de la Lebenswelt).  Si Freund, fidèle en cela à Carl Schmitt, ne perd pas trop de temps à s'apesantir sur les grouillements, éruptions, engouements qui pourraient donner mille et une fois prétexte à de l'“occasionalisme”, Maffesoli va parfois trop loin, nous semble-t-il, quand il survalorise des phénomènes de banlieue, comme les tribus, tout en annonçant une sorte de fin du politique dans le dionysiaque. Faye, qui a quitté la sphère sérieuse du politique, aurait pu faire cette jonction entre Freund et Maffesoli (qui fut l'élève de ce politologue alsacien), dans la mesure où, pour lui, le politique ne doit jouer qu'en cas d'Ernstfall (de situation dangereuse, exceptionnelle), en s'effaçant dès que le péril disparait. En cela, “le politique va et vient entre imperium et anarchie”, comme le soulignait Christiane Pigacé, elle aussi disciple de Julien Freund, lors de la Première Université d'été de la FACE en juillet 1993.

 

Exercices d'auto-dérision

 

Ce nietzschéisme-entre-rire-et-tragique, pari pour la “puissance nue” et “fonction métacritique”, avait aussi bien du mal à se faire comprendre, non pas auprès des militants jeunes du GRECE, fascinés par cette fougue, mais bien dans le “saint des saints” de ce mouvement, en son plus haut sommet, où ne brillait aucun soleil, où ne règnait aucune chaleur, mais où une humeur grincheuse crachait en permanence ses miasmes aussi malsains qu'indéfinissables dans une atmosphère déjà toute chargée de volutes nauséabondes de nicotine, où une mine toujours déconfite, une moue éructant sans discontinuer l'insulte gratuite, révélait en fait, aux lucides qui pouvaient le voir, une parodie fon­damentale que Nietzsche aurait copieusement brocardée. Les petites vanités d'un certain gourou ne toléraient nullement le développement d'une “métacritique” axée sur le “fou rire libérateur”, qui commence toujours par une saine capacité d'auto-dérision. Quant à Faye, il n'hésitait jamais à se mettre en scène, à s'amuser de ses propres images, fantasmes, goûts, de ses propres phrases qu'il poussait à l'absurde pour être sûr qu'elles ne s'enliseraient jamais dans une impasse intellectuelle, etc. En effet, pour se remettre en question, il faut être capable de penser jusqu'à l'absurde chaque idée qu'on développe, s'apercevoir à chaque instant du caractère dérisoire de ses vanités ou de ses fantasmes, du caractère ridicule des petits camouflages qu'on pratique dans le fol espoir de plaire un jour à la galerie, d'avoir une “image irréprochable” dans les médias du “système à tuer les peuples”, ce qui indique finalement que l'on n'a nul souci de ces peuples, en dépit des discours que l'on tient pour épater le public. Cet exercice d'auto-dérision, on a toujours été incapable de le faire, en ce  plus haut lieu du GRECE, qui prétendait évidemment n'être pas le GRECE, mais simple site de base fortuit et déconnecté d'une vague “stratégie personnelle” d'entrisme dans les médias et de participation aux débats (?) du Tout-Paris. Raison pour laquelle la machine, mise en place par quelque compilateur qui alignait citations et références dans le seul espoir de se faire valoir, a fini, “quelque part”, par tourner à vide.

 

Enfin, ce “nietzschéisme du rire” demeure à la base des démarches du Faye post-greciste: depuis le lancement du journal J'ai tout compris (1987-88), mêlant ironie grinçante, satire caustique, message politique et style branché, jusqu'aux émissions de Skyrock, avec leurs énoooormes canulars, ou encore les enquêtes désopilantes de l'Echo des Savannes  ou même de Paris-Match, où l'on a vu Faye dans le rôle du “Professeur Kervous”, ami de Bill Clinton fraîchement élu à la Maison Blanche, un Kervous au look soixante-huitard flanqué d'une sémillante secrétaire britannique “Mary Patch” (!!), qui se présente chez certains hommes et femmes politiques français pour leur demander, au nom de “Mr. President Bill Clinton”, s'ils sont prêts à poser leur candidature de “Secrétaire d'Etat aux affaires européennes”, dans la nouvelle “administration” américaine... Mais cette pratique de la “théorie métacritico-métapolitique” de la ND fayenne est une autre histoire, qui n'a pas exactement sa place dans la présente introduction.

 

II.

Mais comment ce Guillaume Faye, dont le charisme était indéniable, a-t-il été évincé du groupe auquel il a donné une véritable épine dorsale? Emblématique, son éviction prouve que la logique interne du mouvement GRECE a été et demeure une logique de l'éviction. Au fil de son histoire, ce mouvement a davantage exclu ses cadres qu'il n'en a recruté! Quelques esprits paranoïaques en déduisent que cette stratégie d'évictions successives a été appliquée “en service commandé”, pour empêcher la France de développer une idéologie radicalement critique à l'égard des anachronismes républicains, illuministes, juridiques et administratifs qui conduisent ce pays à l'assèchement intellectuel et à la pétrification institutionnelle, de façon à ce qu'aucun courant d'opinion suffisamment étayé ne réclame des réformes en profondeur ou n'articule les conditions d'une deuxième révolution française qui balaierait la bourgeoisie révolutionnaire institutionalisée, ses clubs d'inspiration illuministe et ses fonctionnaires omnipotents, comme les préfets qui gouvernent 95 départements sans être élus, en contradiction flagrante avec les principes démocratiques de l'Union Européenne! La thèse du “service commandé” est évoquée par un professeur mexicain Santiago Ballesteros Walsh, sans que je ne puisse avaliser sa démonstration... Effectivement, rien ne peut directement étayer la thèse de Ballesteros Walsh, ce qui ne doit pas nous empêcher de constater qu'en près de trente ans d'existence, la ND parisienne n'a proposé aucune réforme cohérente des institutions françaises, n'a pas approfondi le “régionalisme” ou la “subsidiarité” qui aurait pu servir de levier à une contestation globale du système jacobin, directement inspiré des Lumières, ni aucun projet de réforme économique, sur base du participationnisme gaullien, des thèses de François Perroux ou des hétérodoxes de la pensée économique. Ces omissions, ce refus persistant de ne pas aborder de tels sujets, sont pour le moins bizarres voire fort suspects. Faye n'a jamais cessé de réclamer l'inclusion de telles démarches dans le corpus de la ND. Est-ce la raison réelle de son éviction? Comme de l'éviction de tous les autres exclus?

 

Stratégie du dénigrement

 

Dans des discussions entre anciens du GRECE, on évoque souvent deux autres stratégies bizarres: la stratégie du marquage et celle du dénigrement. La stratégie du marquage consisterait ainsi à attirer des intellectuels dans le sillage de la ND pour qu'ils soient marqués à jamais et empêchés de poursuivre leurs recherches. La stratégie du dénigrement consiste, elle, à monter les militants les uns contre les autres, à les décrire comme “idiots” ou comme “fous” afin de contrecarrer à titre préventif toute collaboration autonome entre eux, au-delà de tout contrôle de la centrale. Ainsi, par exemple, à tel éditeur indépendant, on dira que “Steuckers (ou Faye ou Battarra, etc.) est un fou dangereux, voire un terroriste nazi-trotskiste et national-révolutionnaire, digne héritier de la narodnaïa volia russe (d'ailleurs, n'est-ce pas, son journal s'appelle Vouloir...)”, afin qu'il n'accepte pas de manuscrits de cet espèce de sous-Netchaïev de Steuckers, mais, de ce même brave éditeur, vingt minutes plus tard, la même personne dira à Steuckers, “c'est un doux crétin emberlificoté dans toutes les sectes ruralistes völkisch  les plus biscornues”, afin qu'on ne lui confie pas de manuscrit...

 

Il m'apparait utile, à la demande de quelques exclus notoires et de quelques anciens cadres du GRECE, plongés dans l'amertume depuis l'échec de leur réformisme constructif à l'intérieur du mouvement où ils militaient, de brosser un tableau récapitulatif de cette succession ininterrompue d'évictions, en insistant plus particulèrement sur celle de Faye.

 

Vivant et travaillant très près du “centre”, même s'il ne connaissait pas les véritables commanditaires de l'entreprise, comme aucun membre ni même aucun cadre ne les connaissaient, Faye n'a pas été suffisamment attentif à la fragilité de sa propre position; il a été naïf et confiant. Il était extérieur à ce milieu, il venait du dehors. Il n'a jamais été intégré par ceux qui se prétendaient “initiés”, il a toujours été considéré comme un “citron à presser”. L'indice le plus patent de cette non-appartenance au “noyau de base” est la médiocrité des salaires que percevait Faye. Je ne comprends toujours pas comment il a eu la faiblesse de se contenter d'une telle situation. Et d'avoir commis deux erreurs:

A. Avoir été trop confiant dans son propre charisme, avoir souvent travaillé trop vite, par fulgurances, individuellement, en n'étayant pas toujours ses textes de références adéquates, pour leur donner du poids. L'idéal aurait été un Faye épaulé par une équipe qui aurait exploré pour lui l'univers des bibliothèques, lui aurait transmis des bibliographies, des résumés de livres, aurait fréquenté pour lui des colloques universitaires et politiques, etc. Faye ne s'est pas entouré de personnes capables de faire de tels travaux pour lui. A moyen terme, ce sera sa perte.

 

Faye n'a pas ménagé sa porte de sortie

 

B. Ensuite, Faye ne s'est pas doté d'un instrument personnel et autonome, par exemple un cercle ou une revue, qui lui aurait fourni une porte de sortie, pour redémarrer son action seul en réaiguillant vers lui son public, récruté dans le cadre du GRECE. Faye n'a pas organisé le réseau de ses relations, ni entretenu de rapports structurés avec les personnalités qu'il a été amené à rencontrer, lors de ses nombreux périples. Après son éviction, Faye s'est retrouvé seul, sans fichier, sans tribune, sans ressources. Sa quête intellectuelle a dû s'arrêter pour le mouvement auquel il a impulsé tant de vigueur. L'ABC du cadre enseigne qu'il faut, en toutes circonstances, ménager sa porte de sortie, retomber sur ses pattes en cas d'éviction, réamorcer la dynamique en toute autonomie, au besoin contre ses anciens partenaires.

 

Ces quelques réflexions sur Faye nous obligent à retracer la chronologie de son itinéraire “greciste”. Comme l'écrit Taguieff (op. cit.), cet itinéraire commence dans le cadre du Cercle Vilfredo Pareto, dominé par la personnalité d'Yvan Blot (alias Michel Norey), aujourd'hui député européen pour le compte du FN français. Faye, qui travaillait alors pour l'industrie automobile, y apprend les techniques de l'orateur, sous l'impulsion d'un ancien militant de la droite radicale française, ayant abandonné tout militantisme. Incontestablement, Faye est un bon élève. Ce que je peux constater quand je le rencontre pour la première fois à Bruxelles en 1976, dans une salle de l'Hôtel Ramada, Chaussée de Charleroi, où il prononçait un fougueux discours sur “l'Europe, colonie des Etats-Unis”. D'emblée, à la suite de Giorgio Locchi qui avait composé un numéro de Nouvelle école  pour stigmatiser la main-mise américaine sur l'Europe et pour mettre en exergue les différences radicales entre le mental européen et le mental américain, Faye embraye sur cet anti-américanisme solidement étayé par le philosophe italien et rompt définitivement avec toutes les tentations “occidentalistes” de la droite française, y compris celles de certains rescapés d'Europe Action, le mouvement activiste des années 60, où bon nombre de cadres du GRECE initial avaient fait leurs premières armes.

 

En 1977-78, une première division frappe la ND, encore peu connue du grand public. D'une part, Yvan Blot, Jean-Yves Le Gallou, et quelques autres fondent le “Club de l'Horloge”, dont la stratégie sera d'investir les milieux politiques, professionnels (patronaux essentiellement) et les Grandes Ecoles de Paris (ENA, etc.), tandis qu'Alain de Benoist parie pour un “combat des idées”, dans la presse et les médias en général. Le Club de l'Horloge prend des options libérales ou nationales-libérales. Alain de Benoist a le mérite de rester en deçà de cette marche vers la “respectabilité”, qui annonce pourtant le retour du libéralisme dans les débats des années 80, mais il n'esquisse aucune alternative cohérente et structurée au giscardisme et aux éléments de sociale-démocratie qui compénètrent la société française, après la dispariton de De Gaulle. Faye refuse la logique libérale, au nom du discours qu'il a défendu dans les colonnes des Cahiers du Cercle Vilfredo Pareto.  Il pense que ses idées étatistes, autarcistes et “régaliennes” ne peuvent pas être défendues à la tribune du Club de l'Horloge et il reste avec de Benoist au GRECE. Ses motivations sont donc purement idéologiques. Son option n'est pas dictée par des intérêts matériels ou par des opportunités professionnelles.

 

Philippe Marceau entre alors en scène au GRECE et le structure avec une redoutable efficacité. Grâce à son dévouement et à sa générosité, Faye trouve un encadrement solide, à sa mesure. Marceau discipline le cheval fougueux qu'est Faye, il veille à ce qu'il soit payé convenablement. Faye donnera le meilleur de lui-même entre 1978 et 1982, quand il bénéficiera de la rigueur d'organisation imposée par Philippe Marceau. En outre, le GRECE marque des points à cette époque: il fonde les éditions Copernic en 1978 (qui feront lamentablement faillite en 1981), il investit la rédaction du Figaro-Magazine de Louis Pauwels. Faye est séduit, avec beaucoup d'autres, dont moi-même. Il pense que l'avenir est dans la “métapolitique”. A ce moment-là de l'histoire du mouvement, Marceau le croit aussi.

 

L'aventure d' "Alternative libérale"

 

Fin 1981, en dépit du discours anti-américain et anti-libéral officiel, Alain de Benoist développe une “stratégie personnelle”, cherchant sans doute à prendre le Club de l'Horloge de vitesse. Ce sera l'aventure d'“Alternative libérale”, projet ambitieux d'organiser un gigantesque colloque à Paris, avec l'appui du Figaro Magazine.  Ce colloque aurait dû rassembler tous les théoriciens français du libéralisme politique et économique, dont Raymond Aron, et leurs homologues et mentors américains, dont les Chicago Boys, etc. Au milieu de cet aréopage, devait s'insinuer Alain de Benoist himself.  Alerté par quelques bonnes consciences journalistiques, plusieurs participants pressentis refusent de prendre la parole si le “nazi” (?) de Benoist monte à la tribune. Les frais engagés sont tels que les organisateurs et les commanditaires ne peuvent plus reculer: Alain de Benoist est évincé. Le colloque a lieu. Le Figaro-Magazine  s'en fait l'écho. Mais “Alternative libérale” cesse d'exister au lendemain de la manifestation. Cette petite aventure en dit long sur la sincérité du leader de la ND: pour devenir vedette, il a été tout prêt à solder son anti-libéralisme, son anti-américanisme, à mettre au rencart son européisme ou ses positions néo-gaulliennes, sa germanophilie et son culte de la “révolution conservatrice”. Je me rappelle d'un Faye très sceptique et très dubitatif à l'époque... Il m'apparaissait désemparé, lui, l'honnête homme, qui avait toujours suivi ses idées plutôt que les opportunités politiciennes ou médiatiques... Désemparé de constater que d'autres étaient prêts à dire demain le contraire de ce qu'ils avaient toujours affirmé, pour un strapontin, une opportunité ou pour suivre une mode (parisienne). 

 

En janvier 1982, paraît un numéro d'éléments  titré “Mourir pour Gdansk?”. Alain de Benoist y refuse la logique occidentale (alors qu'il était prêt à y sacrifier un petit mois auparavant!!!), s'oppose aux maximalistes de l'OTAN qui s'inquiètent de la prise du pouvoir par Jaruselski en Pologne, détruit le mythe de l'ennemi soviétique, affirme que le système soviétique —qu'il n'avalise pas pour autant—  est moins dangereux pour la culture européenne que les modes et les films américains, mène en fait une guerre préventive contre le reaganisme qui vient d'accéder à la Maison Blanche. Cet anti-occidentalisme, bien construit et courageux, provoque la colère de Raymond Bourgine, directeur de Valeurs actuelles  et de Spectacle du Monde,  un hebdomadaire et un mensuel dans lesquels Alain de Benoist a fait ses premières armes et dont la plupart des rubriques de Vu de droite  sont issues. Alain de Benoist est chassé de la rédaction. C'est un premier gros échec du GRECE. Mais Alain de Benoist conserve sa “rubrique des idées” dans le Figaro-Magazine  (qu'il perdra quelques mois plus tard).

 

Marceau croit en un "réseau de clubs politiques"

 

Philippe Marceau voit que la situation se dégrade. Bon homme d'affaires, il constate que ses investissements dans le GRECE n'ont pas porté les fruits escomptés; son effort financier a été trop important pour les maigres résultats obtenus. Il estime vraisemblablement que les échecs successifs, que le mouvement vient d'encaisser, sont de mauvais augure (faillite de Copernic, échec d'“Alternative libérale”, éviction  hors des organes de presse de Bourgine, position chancelante du GRECE au Figaro-Magazine, moindre attention des médias, acharnement des adversaires, etc.). Marceau se rend compte qu'il n'a pas maîtrisé les “tares” du GRECE (“décideurs en coulisse”, mauvaise gestion des fonds, fantaisies et stratégies personnelles, incapacité de s'en tenir à une ligne précise, variations idéologiques au gré des modes, etc.). Il constate que les livres que d'aucuns lui ont promis d'écrire n'ont pas été écrits, que l'argent prévu doit servir à boucher d'autres trous, etc. Il en conclut à l'échec de la “métapolitique”. Il tente, à partir des réseaux et des fichiers du GRECE, de mettre sur pied des fora  régionaux, appelés à organiser l'opposition contre Mitterrand et les socialistes qui viennent de prendre le pouvoir lors des élections de mai et de juin 1981. Pour s'opposer aux socialistes et aux soixante-huitards qui accèdent aux postes de commandement de la société française, il faut un réseau de clubs politiques. Marceau pense que c'est là l'avenir. Mais les cartes politiques qu'il joue dans les milieux des gaullistes de droite ne donnent rien. Marceau doit dissoudre les fora  régionaux. Il quitte la scène. Le GRECE perd l'atout d'un redoutable organisateur et d'un mécène qui ne comptait jamais ses dons. Exit Marceau. Exit la rigueur et la discipline d'appareil. Marceau se retrouvera deux ans plus tard dans le parti de Le Pen, où sa générosité et son sens du travail peuvent donner le meilleur d'eux-mêmes.

 

Par le départ de cet homme exceptionnel, honnête et scrupuleux, Faye est déstabilisé. Il perd toute protection et toute garantie. Il n'a pas suivi Marceau; anti-libéral, peu attiré par les milieux politiques conservateurs en marge ou à l'intérieur du RPR, Faye croit encore à la “métapolitique”. On l'embobine. On lui fait miroiter un retour à la situation de 1978: nouvelle maison d'édition, création d'un nouvel hebdomadaire, etc. Début 1983, Faye, seul avec quelques amis, anime, en l'espace de huit mois, trois brillantes journées de son CRMC (Collectif de Réflexion sur le Monde Contemporain). Mais après ces trois journées d'une exceptionnelle qualité intellectuelle, le CRMC disparaît, Faye ne parvenant pas à conserver ce cercle qui aurait pu lui donner une pleine autonomie. Entre 1982 et 1985, il participe aux “Colloques d'Athènes”, organisés par le recteur de l'Université de la capitale grecque, Jason Hadjidinas, qui décédera prématurément, après l'avoir incité à reprendre des études et à rédiger un doctorat. Il donne des cours de sociologie de la sexualité à l'Université de Besançon. En 1985, à l'Université de Mons, il prend la parole à un grand colloque euro-arabe, où il donne incontestablement le ton, séduisant par ses talents oratoires le Père Michel Lelong, représentant du Vatican lors de cette initiative, lancée par le Professeur Safar! Le lendemain de ce colloque, quelques dizaines de cadres du GRECE se réunissent pour tenter un renouveau, l'IEAL (Institut Européen des Arts et des Lettres), qui n'aura malheureusement pas d'avenir. Mais après la mort de Jason Hadjidinas, qui l'encourageait paternellement et tentait vainement de corriger ses navrantes naïvetés, Faye est de plus en plus isolé. Il ne participe plus à de grands colloques, ni en France ni ailleurs. Sous le pseudonyme de Gérald Fouchet, il rédige d'excellents articles et d'exceptionnels entretiens dans Magazine Hebdo,  un news  dirigé par Alain Lefèvre. Mais Magazine Hebdo,  asphyxié par les publicitaires hostiles à la ND, doit cesser de paraître. Faye n'a plus d'autres revenus que son très maigre salaire de permanent du GRECE.  Les années 86 et 87 sont pour lui des années d'enlisement. Une propagande perfidement orchestrée le décrit à travers toute l'Europe comme un “exalté”, un “fou” et un “drogué”. Discours que j'ai personnellement, à ma grande stupéfaction, entendu chez Armin Mohler en juillet 1984. Partout, “on” avait répandu la légende d'un Faye un peu cinglé, niais aussi, et surtout d'un esprit brouillon dont “on” devait réécrire les articles...

 

Les suggestions de Jean-Claude Cariou

 

Juste avant le colloque de Mons et la disparition du Recteur Hadjidinas, le Secrétaire Général du GRECE de l'époque, Jean-Claude Cariou, garçon d'un dévouement exceptionnel confinant à la sainteté, tente de sauver les meubles. Il sait, parce qu'il organise, depuis son bureau de Paris, le programme des conférences, colloques et autres initiatives du mouvement en province, que, sans Faye, le GRECE est condamné à l'assèchement. Mais Faye est paralysé personnellement par le salaire insignifiant qu'il perçoit comme une aumône, comme l'os qu'on jette à un chien errant, depuis le départ du généreux Marceau. Cariou suggère une rénovation du mouvement, impliquant:

a) le paiement d'un salaire décent à Faye (ce qui est refusé par les nouveaux mécènes, deux gaillards à moitié analphabètes mais d'une incommensurable prétention); cette suggestion de Cariou montre combien Faye était dépendant et “assisté” (reproche qui lui a été maintes fois adressé). Il y a là une leçon à tirer pour tous les jeunes candidats au “combat métapolitique”.

b) un remaniement général des salaires et une maîtrise des comptes par un bureau régulièrement élu;

c) une contestation définitive du “pouvoir occulte”, c'est-à-dire la transparence.

d) un rajeunissement du mouvement.

 

Quelques jours après avoir formulé ces propositions raisonnables, Cariou est exclu, après une mise-en-scène grotesque, où il a dû comparaître devant une espèce de tribunal rassemblé à la hâte, composé de laquais totalement analphabètes qui hurlaient des slogans appris par cœur et ignoraient bien entendu tout des subtilités du “combat métapolitique” et des idées que leur mouvement était censé défendre. C'est là que toute la dimension parodique de l'aventure parisienne de la ND est apparue au grand jour. L'idée saugrenue de composer un tribunal de cette sorte démontre que les prétentions philosophiques de cette brochette d'individus immatures n'étaient que leurres. Le témoignage écrit qu'en laisse Cariou dans une lettre est éloquant: pendant que ces Fouquier-Tinville d'opérette vociféraient et éructaient, Alain de Benoist, blême, dans un état d'hyper-nervosité pitoyable, vasouillait seul dans son bureau adjacent, en attendant la fin du vaudeville. Quand ce fut terminé, le pontife est sorti de son antre  pour venir bafouiller à la victime: “ne fais pas un destroy contre moi”, répétant cette injonction trois ou quatre fois de suite, avec la trouille qui lui tordait les tripes. Mécaniquement. Pitoyablement. Avec un remord dans la voix qui ne sera que passager, comme tous ses remords. Le tort de Cariou a été de ne pas rire aux éclats devant ces guignols, de tirer sa révérence, en la ponctuant de ricanements homériques et de laisser ces misérables saltimbanques en plan, sans autre forme de procès. Histoire de leur faire entrevoir, ne fût-ce qu'un bref instant, leur finitude, leur déréliction. Et aussi de ne pas avoir conté sa mésaventure dans une brochure qu'on se serait fait un plaisir de distribuer. Cette négligence a permis aux analphabètes de contrôler le mouvement et de faire et de défaire les cadres au gré des humeurs de leurs cerveaux exigus. Triste involution.

 

Après Cariou, Gilbert Sincyr tentera de remettre de l'ordre dans la baraque. Mais comme Faye commençait à ruer dans les brancards et comme Alain de Benoist avait imposé la présence du néo-nazi Olivier Mathieu au Cercle “Etudes et Recherches”, seul apanage de Faye au GRECE, Gilbert Sincyr a rapidement quitté les lieux, dégoûté à son tour. L'université d'été 1986 est un fiasco, tourne à la pantalonnade sous la houlette de l'inénarrable Mathieu, l'homme d'Alain de Benoist à l'époque. Le colloque de novembre 1986 ne rassemble que peu de monde. Marco Tarchi (animateur de la ND italienne) et moi-même sommes rappelés à la rescousse pour étoffer ce colloque, où Faye prononce un discours qui révèle ses déceptions et ses rancœurs. Anecdote: un des analphabètes mobilisé quelques mois auparavant pour évincer le malheureux Cariou, qui souffrira terriblement de son éviction, fait fouiller le sac de mon épouse, la soupçonnant d'apporter une machine infernale pour faire sauter le colloque... Alain de Benoist, pourtant si soucieux de sa respectabilité, avait à cette époque l'art de se choisir de très singuliers collaborateurs. Cette anecdote trahit de manière exemplaire l'atmosphère de gaminerie para-militaire, de caporalisme et d'hystérie nazifiante qui pouvait règner dans ce milieu qui se voulait strictement intellectuel.

 

1987: rupture définitive

 

En 1987, Faye rompt définitivement tous les ponts qui l'unissait encore au GRECE. En mai de cette année-là, il rédige une proclamation (reproduite en annexe de cette édition), où il dresse sereinement le bilan de son engagement. Ce texte est empreint d'une grande sagesse, ce qui contredit tous les ragots colportés sur Faye, le décrivant comme “fou”, “alcoolique” et “drogué”. Dans le cadre de la ND, c'est à Bruxelles qu'il prononce sa dernière conférence, à la tribune du GRESPE de Rogelio Pete, en septembre 1987 dans un luxueux salon du prestigieux Hôtel Métropole. Thème: la soft-idéologie. Très calme et très méthodique, il nous a décrit les mécanismes de la “langue de coton” (Huyghe) et le totalitarisme mou que préparait ce langage édulcoré, annonciateur de notre actuelle “political correctness”. Dommage qu'il soit arrivé au Métropole flanqué du sulfureux Mathieu, qui n'a pas pu s'empêcher de parler du “soleil noir inscrit dans un cercle blanc sur fond rouge”. Type de dérapage lyrique que son chef avait dû grandement apprécier en privé avant de l'engager... Avoir invité Faye m'a valu quelques injures téléphonées par un militant inconditionnel du GRECE, réorganisé par les analphabètes qui avaient évincé Cariou... Sans doute des intimidations sur commande. Qui n'ont eu aucun effet.

 

En 1987, le médiéviste Pierre Vial quitte à son tour le GRECE pour devenir un cadre en vue du FN, privant les revues du mouvement métapolitique d'un souffle d'histoire, qu'elles ne récupereront plus jamais. A la suite de ce départ, la collaboration de Jean Mabire se raréfie puis disparaît définitivement, ôtant au mouvement des textes d'une rare lucidité littéraire. Mabire donnera ses chroniques et ses portraits d'écrivains à National-Hebdo, enrichissant cette feuille politique et polémique de “miniatures” littéraires, toutes de finesse et de pertinence.

 

Une cascade d'évictions

 

Voici donc la chronologie de l'éviction la plus spectaculaire dans l'histoire de la ND. Mais il y a eu d'au­tres départs forcés, comme celui de Giorgio Locchi, évincé en 1979, privant le mouvement d'un juge­ment philosophique sûr, qui lui avait donné son épine dorsale conceptuelle. Ensuite, la non-inté­gration d'Ange Sampieru, brillant juriste, constitutionaliste et économiste, un homme des “grandes écoles”, un “étatiste” et un critique pertinent du libéralisme. Puis le tir de barrage contre Thierry Mudry et Christiane Pigacé, empêchant l'irruption, dans le discours global de la ND, d'une histoire alternative, vé­ritablement centrée sur le peuple et le paysannat, et d'une philosophie politique directement puisée chez Julien Freund. En 1990, nous avons assisté à l'éviction du jeune Hugues Rondeau, l'animateur de “Nouvelle Droite Jeunesse”, qui avait réclamé mon retour. Très cultivé, Rondeau venait du gaullisme, avait un goût littéraire très sûr, un sens des valeurs et de l'esthétique, qui ne dérivait pas des manies habituelles des droites parisiennes. Ensuite, vint mon tour en 1992, à la suite de mises-en-scène que je ne décrirai pas par charité. Enfin, en 1993, Guillaume d'Erebe est à son tour jeté comme un malpropre, privant le mouvement d'un philosophe et politologue très bien écolé, bon connaisseur d'Althusser, de Spinoza, des hétérodoxies en économie, de Perroux et de Carl Schmitt. Le gâchis est immense. La ND s'est étiolée. La ND n'a intégré personne. Elle se meurt très lentement d'attrition; elle ne survit que par l'éclat de son passé (1978-1982). Elle survit par l'excellence des textes des exclus, quelles que soient par ailleurs leurs différences personnelles ou leurs positions intellectuelles (Faye, Sampieru, Locchi, Vial, Mabire,...), par les résidus d'organisation (Marceau) et de gentillesse (Cariou), semés par d'authentiques militants. Ce qui nous permet de dire que la “communauté” dont s'est toujours targué le GRECE ne vit que chez les exclus. La vraie communauté ND est en dehors de la structure qui vivote, où ne vasouillent plus que ses fossoyeurs. 

 

Un observateur impartial des mouvements politiques français me disait que la ND est typiquement parisienne, dans le sens où l'Action Française, le mouvement des surréalistes autour de Breton, les communistes français, ont vécu, eux aussi, de longues successions d'évictions. On dirait qu'il existe un modèle parisien d'“évictionnisme” pathologique que tous imitent là-bas, même inconsciemment. La ND n'échapperait donc pas à la règle.

 

Conclusion: ces évictions laissent beaucoup d'amertume, laissent le sentiment d'avoir été trompé, roulé dans la farine par quelques petits minables, de s'être égaré dans un mauvais vaudeville. La ND, dans ses discours anti-chrétiens, se moquait du précepte évangélique consistant à tendre la joue gauche quand on venait d'être souffleté sur la droite. N'acceptons donc pas benoîtement l'injustice, dans l'espoir d'obtenir ultérieurement le paradis, ou un “poste” dans un GRECE qui serait appelé à ressusciter. Il faut présenter la facture, celle de Faye et de Cariou surtout, celle de Marceau. Il faut désormais faire payer la note à ceux qui ont délibérément, pour des considérations d'ordre personnel ou pour des intérêts bassement matériels, brisé l'élan de la ND, brisé l'élan et les fulgurances de Faye, tué dans l'œuf l'éclosion de son habermassisme affirmateur. Il faut construire. Construire ce que Faye n'a pas eu l'occasion de construire. Rester fidèle, inébranlablement fidèle à sa mémoire, à ses idées, à son engagement de jadis. Voilà pourquoi nous sommes toujours là. Toujours dans nos bonnes œuvres. Avec, en nos têtes, l'adage de Guillaume d'Orange, dit le Taciturne: «Point n'est besoin d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer».

 

Robert Steuckers,

octobre 1995.

dimanche, 16 mai 2010

Entretien avec A. Murcie et L.-O. d'Algange, éditeurs de Jean Parvulesco

JeanParvulesco_Paris2000-217x300.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1990

Entretien avec André Murcie et Luc-Olivier d'Algange, éditeurs de Jean Parvulesco

 

propos recueillis par Hugues RONDEAU

 

Amateurs de prose et de vers ajourés, André Murcie et Luc-Olivier d'Algange ne partagent cependant pas l'éthylique détachement de Rimbaud ou la talentueuse indifférence d'Hölderlin.

Pour eux, la poésie est le flambeau de leur combat. Courageux ou téméraires, ils se dépensent sans compter pour la survie d'une petite maison d'édition, les Nouvelles Littératures Européennes. Sous ce label sont déjà parus une revue au parfum de la grande littérature, un roman de Luc-Olivier d'Algange  (Le Secret d'or) et surtout un cahier d'hommage à Jean Parvulesco.

Trois cent quarante-quatre pages de témoignages et d'articles inédits font de ce volume, l'indispensable lexique de l'œuvre de l'auteur de  La Servante portugaise.

Editer Parvulesco ou avoir opté pour la subversion par le talent.

 

 

- En prenant la décision d'éditer Jean Parvu­lesco, génial trublion du la littérature franco­phone, vous avez pris un risque certain. Poête et essayiste, géopoéticien aurait dit Kenneth White, écrivain re­belle et ésotériste inspiré, Parvulesco ouvre les yeux des prédestinés mais demeure inconnu du grand public. Votre initiative avait-elle pour but de le rendre populaire ?

 

- Luc-Olivier d'Algange: Je dois avouer que mon engouement pour les écrits de Jean Parvulesco est né de la lecture en 1984 de son Traité de la chasse au faucon.  Il m'apportait la preuve attendue qu'une haute poésie était possible  —et même né­ces­saire—  dans cette époque pénombreuse où nous avons disgrâce de vivre. La dis­grâce, mais aussi, dirai-je, la chance ex­traordi­naire, car, en vertu de la loi des contrastes, c'est dans l'époque la plus déré­lictoire et la plus vaine que l'espoir nous est offert de connaître la joie la plus laborieuse et, dans sa splendeur absolue (Style), l'exaucement de la volonté divine.

Tel était le message que me semblait appor­ter la poésie de Jean Parvulesco. Or, sa­chant qu'André Murcie poursuivait une quête pa­rallèle à la mienne et qu'il envisa­geait en outre de lancer la revue Style,  il m'a semblé utile de lui faire part de ma dé­couverte. C'est ainsi que dès le premier numéro, avec un poême intitulé Le Privi­lège des justes se­crets, Jean Parvulesco de­vint une voie es­sentielle de la revue Style.  Celle-ci devait encore publier le vaste et fa­meux poème, Le Pacifique , nouvel axe du monde  ainsi que le Rapport secret à la nonciature,  qui est un admirable récit visionnaire sur les appari­tions de Medjugorge et de nombreux autres poèmes. Tout cela avant d'élargir encore son dessein, en créant les éditions des Nou­velles Littératures Européennes, et de pu­blier un Cahier Jean Parvulesco,  récapitu­lation en une succession de plans de l'univers de Parvulesco, en ses divers as­pects, poétiques, philosophiques, esthé­tiques, architecturaux, cinématogra­phiques ou politiques.

 

-  André Murcie:  En effet et ceci répond de façon plus précise à votre question, il est clair que Parvulesco va à contre-courant de ses contemporains. Jean Parvulesco n'est en aucune façon un spécialiste. Il est, au con­traire, de cette race d'auteurs qui font une œuvre, embrassement de l'infinité des appa­rences et de cette autre infini qui est der­rière les apparences. C'est là la diffé­rence soulignée par Evola entre «l'opus», l'œuvre, et le «labor», le labeur. Avec Par­vulesco, nous sommes aux antipodes d'un quelconque «travail du texte», c'est à dire que nous sommes au cœur de l'œuvre et même du Grand œuvre, ainsi que l'illustre d'ailleurs le premier essai, publié dans le Cahier dans la série des dévoilements: Al­chimie et grande poésie.

Ce texte est sans doute, depuis les De­meures philosophales  de Fulcanelli, l'approche la plus lumineuse de ces ar­canes et tous ceux qui cherchent à préciser les rapports qui unissent la création litté­raire et la science d'Hermès trouveront, sans nul doute, en ces pages, des informa­tions précieuses et, mieux que des informa­tions, des traces - au sens où Heidegger di­sait que nous devions mainte­nant nous in­terroger sur la trace des Dieux enfuis.

Pour Jean Parvulesco, il ne fait aucun doute que la lettre est la trace de l'esprit. C'est ainsi que son œuvre nous délivre des idolâ­tries du Nouveau Roman et autres lit­téra­tures subalternes qui réduisent les mots à leur propre pouvoir dans une sorte de res­sassement narcissique. Pour Jean Parvu­les­co, la littérature n'a de sens que parce qu'el­le débute avant la page écrite et s'achève a­près elle.

 

- Il est signicatif que ces propos sur l'alchimie soient, dans le même chapitre du Cahier, sui­vis par un essai intitulé: «La langue fran­çaise, le sentier de l'honneur»...

 

- Luc-Olivier d'Algange: Trace de l'esprit, trace du divin, la langue française retrouve en effet, dans la prose ardente et limpide de Jean Parvulesco, sa fonction oraculaire. Ses écrits démentent l'idée reçue selon la­quelle la langue française serait celle de la com­mune mesure, de la tiédeur, de l'anecdote futile. Jean Parvulesco est là pour nous rap­peler que dans la tradition de Scève, de Nerval, de Rimbaud, de Lautréa­mont ou d'Artaud, la langue française est celle du plus haut risque métaphysique.

«Langue de grands spirituels et de mys­tiques, écrit Jean Parvulesco, charitable­ment emportés vers le sacrifice permanent et joyeux, d'aristocrates et de rêveurs pré­destinés, faiseurs de nouveaux mondes et parfois même de mondes nouveaux, langue surtout, de paysans, de forestiers conspi­ra­teurs et nervaliens, engagés dans le chemi­nement de leurs obscures survi­vances trans­cendantales, occultes en tout, langue de la poésie absolue...».

C'est exactement en ce sens qu'il faudra comprendre le dessein littéraire qui est à l'origine du Cahier  - véritable table d'orien­tation d'un monde nouveau, d'une autre cul­ture, qui n'entretient plus aucun rapport, même lointain, avec ce que l'on en­tend or­dinairement sous ce nom. Car il va sans dire que la «Culture» selon Parvu­lesco n'est cer­tes pas ce qui se laisse asso­cier à la «Com­mu­nication» mais un prin­cipe, à la fois sub­versif et royal, qui n'a pas d'autre but que d'ou­trepasser la condition humaine.

Tel est sans doute le sens du chant intitulé Les douzes colonnes de la Liberté Absolue  que l'on peut lire vers la fin du Cahier:  «...que nous chantons, que nous chantons, par ces volumes conceptuels d'air s'appelant étangs, ou blancs corbeaux, au­tour de l'im­maculation des Douzes Co­lonnes, ver­tiges s'ou­vrant sur les Portes d'Or et indigo de l'At­lantis Magna, chu­chotement circu­laire et lent, je suis la Li­berté absolue».

L'œuvre doit ainsi accomplir, par une in­time transmutation, cette vocation surhu­maniste, qui, dans la pensée de Jean Par­vulesco, ne contredit point la Tradition, mais s'y inscrit, de façon, dirai-je, clandes­tine; toute vérité n'é­tant pas destinée à n'importe qui. Mais c'est là, la raison d'être de l'ésotérisme et du secret, qui, de fait, est un secret de nature et non point un secret de convention.

 

- Vous avez donné une large place dans le Cahier aux rêves et prémonitions métapoli­tiques de Jean Parvulesco.

 

- André Murcie: En ce qui concerne le do­maine politique, nous avons republié dans le Cahier, un ensemble d'articles de géopo­li­tique que Parvulesco publia naguère dans le journal Combat et qui eurent à l'époque un rententissement tout à fait extraodi­naire. Ce fut, à dire vrai, une occasion de polé­mi­ques furieuses. A la lumière d'évènements récents, concernant la réuni­fication de l'Alle­magne, les change­ments intervenus à l'Est, ces articles re­trouvent brusquement une actualité brû­lante. Il semblerait que seul ce­lui qui expé­rimente les avènements de l'âme soit des­tiné à comprendre les évè­nements du monde. Ainsi des études comme L'Allemagne et les destinés actuelles de l'Europe  ou en­co­re Géopolitique de la Mé­diterranée occiden­tale  donnent à relire les évènements ulté­rieurs dans une perspec­tive différente.

 

- Le Cahier s'enrichit aussi des reflexions peu banales de Parvulesco sur le cinéma.

 

- Luc-Olivier d'Algange: Je crois que nous mesurons encore mal l'influence de Jean Par­vulesco sur le cinéma français et euro­péen. On sait qu'il fut personnage dans cer­tains films de Jean-Luc Godard - en parti­cu­lier dans A bout de souffle, et qu'il fut aussi, par ailleurs, acteur et scénariste. A cet égard, le Cahier  contient divers témoi­gnages passionnants concernant, plus par­ticulière­ment, Jean-Pierre Melville et Wer­ner Schrœ­ter dont nul, mieux que l'auteur des Mystères de la villa Atlantis,  ne connait les véritables motivations.

Il nous propose là une relecture cinémato­graphique dans une perspective métapoli­ti­que qui dépasse de toute évidence les niai­se­ries que nous réserve habituellement la cri­tique cinématographique.

 

- André Murcie: L'intérêt extrême des té­moignages de Jean Parvulesco concernant l'univers du cinéma est d'être à la fois en pri­se directe et prodigieusement lointain. C'est à dire, en somme, de voir le cinéma de l'in­térieur, comme une vision, en sympa­thie pro­fonde avec le cinéaste lui-même, et non point telle la glose inapte d'un quel­conque cinéphile. C'est ainsi que Nietzsche ou Tho­mas Mann parlèrent de Wagner.

 

- D'autres textes, publiés dans ce Cahier ont également cette vertu du témoignage direct, qui nous donne à pressentir une réalité sin­gulière. Ainsi en est-il des récits portant sur Arno Brecker et Ezra Pound.

 

- Luc-Olivier d'Algange: J'ai été pour ma part très sensible à l'hommage que Jean Par­vulesco sut rendre à Ezra Pound dont Dominique de Roux disait qu'il n'était rien moins que «le représentant de Dieu sur la terre». Hélas, cette recherche de la poésie absolue était jusqu'alors mal comprise, li­vrée aux maniaques du «travail du texte» et autres adeptes du lit de Procuste, acharnés à faire le silence sur les miroitements ita­liens de l'œuvre de Pound.

Cette italianité fit d'alilleurs d'Ezra Pound une sorte d'apostat, alors que, par cette fidé­lité essentielle, il rejoignait au contraire, au-delà des appartenances spéci­fiantes, sa véri­table patrie spirituelle qui, en aucun cas ne pouvait être cette contrée où Edgard Poe et Lovecraft connu­rent les affres du plus impi­toyable exil.

Mais je laisse la parole à Jean Parvulesco lui-même: «Ce qu'Ezra Pound, l'homme sur qui le soleil est descendu, cherchait en Italie, on l'a compris, c'est le Paradis. Tos­cane, Om­brie, Ezra Pound avait accédé à la certi­tude inspirée, initiatique, abyssale, que le Para­dis était descendu, en Italie, pen­dant le haut moyen âge et que, très occul­tement, il s'y trouvait encore. Pour en trou­ver la passe in­terdite, il suffisait de se lais­ser conduire en avant, aveuglément - et nuptialement aveu­glé - par la secretissima,  par une cer­taine lu­mière italienne de tou­jours ».

 

Propos recueillis

par Hugues Rondeau.

 

Cahier Jean Parvulesco, 350 pages, Nouvelles Littératures Européennes, 1989.

 

Luc-Olivier d'Algange, né en 1955 à Göttingen (Allemagne) a publié :

 

Le Rivage, la nuit unanime  (épuisé)

Médiances du Prince Horoscopale (Cééditions 1978)

Manifeste baroque  (Cééditions, 1981)

Les ardoises de Walpurgis  (Cahiers du lo­sange, 1984)

Stances diluviennes  (Le Jeu des T, 1986)

Heurs et cendres d'une traversée lysergique  (Le Jeu des T, 1986)

 

Co-fondateur, avec F.J Ossang, de la revue CEE (Christian Bourgois éditeur)

Rédacteur de PICTURA EDELWEISS et PIC­TURA MAGAZINE

 

Textes parus dans :

Recoupes; Erres; L'Ether Vague; CEE; Encres Vives; Phé; Libertés; Sphinx; Evasion; Le Mi­roir du Verbe; Dismisura; Bunker; Le Cheval rouge; Devil-Paradis; Anthologie de la poésie initiatique vivante; Claron; Le Jeu des Tombes; Question de; Vers la Tradition; La Poire d'Angoisse; Camouflage; Strass-Polymorphe; Phréatique, Asturgie-Onirie; Pictura; Mensuel 25; Matulu, Place royale, L'Autre Monde.

 

André Murcie né en 1951

 

- Poèmes de poésie  (1967-1985)

- Poème pour la démesure d'André Murcie

- Poèmes de la démesure  (Work in progress).

vendredi, 14 mai 2010

Les brillantes suggestions de Cohn-Bendit

jeudi, 13 mai 2010

Djihad et Reconquista en France méridionale

Djihad et Reconquista en France méridionale

Ex: http://tpprovence.wordpress.com/

Pour éviter toute repentance inutile et afin de faire face aux multiples problèmes que soulève l’immigration, il convient de revenir à la mémoire de nos premiers contacts avec l’islam qui se déroulèrent précisément dans le Midi.

715 : Après avoir opéré la conquête de l’Espagne, à l’exception des monts Cantabriques d’où partira la Reconquista, les Arabo-Berbères franchissent les Pyrénées orientales et prennent en 719 Narbonne dont ils feront leur place-forte pour une quarantaine d’années. Leur offensive contre Toulouse échoue en 721, ce qui ne les empêche pas de prendre Carcassonne.

En 732 une deuxième invasion par l’ouest des Pyrénées aboutit à la prise de Bordeaux, puis monte vers le nord, appâtée par les trésors de l’abbaye de St-Martin. Vaincus par Charles Martel à Moussais-la-Bataille à 20 km de Poitiers, les Sarrasins battent en retraite, sans pour autant évacuer totalement le Périgord et le Quercy qu’ils continuent à ravager. Il faudra attendre 808 pour que Charlemagne, vainqueur à la bataille de Taillebourg, purge la Charente, la Saintonge et le Poitou de leurs envahisseurs. Le portail roman de la cathédrale d’Angoulême fixe dans la pierre le souvenir des combats libérateurs de la chevalerie franque. En 737 la campagne de Charles Martel, descendu vers la Septimanie par la vallée du Rhône, aboutit à la reprise de Maguelonne, Agde et Béziers mais échoue devant Narbonne qui ne sera reprise, ainsi que Carcassonne, qu’en 759 par Pépin le Bref.

A partir de la seconde moitié du VIIIe siècle le Languedoc et l’Aquitaine se trouvent à l’abri des incursions sarrasines, étant protégés par les avancées de la Reconquista, elle-même secondée par les expéditions en Catalogne de Charlemagne et de son fils Louis le Pieux qui prennent Barcelone en 801.

Le long martyre de la Provence

Les malheurs de la Provence, en revanche, ne font alors que commencer.

A la suite de l’accord conclu en 734 entre le patrice Mauronte, Wisigoth de Marseille, et les Sarrasins de Narbonne, Arles, St-Rémy, Tarascon, Avignon, Cavaillon, Apt et Aix s’effondrent devant les cavaliers d’Allah qui ravagent les côtes jusqu’à Nice (le Cimiez d’autrefois). Cependant ces villes seront libérées en 737 par la campagne de Charles Martel qui, avec l’aide du roi des Lombards Liutprand, écrase les Sarrasins devant Marseille deux années plus tard. Néanmoins ces envahisseurs, réfugiés dans les montagnes et les îles proches de la côte, continuent d’affliger la Provence de leur pression. Des raids fondent sur Marseille en 838 et 842, sur Arles en 842 et 850. Enfin, last but not the least, les Sarrasins installent en 885, entre Hyères et la rivière Argens, au cœur du massif « des Maures » – nom qui perpétue aujourd’hui encore la mémoire de leur occupation séculaire – une forteresse appelée La Garde-Freinet (le Fraxinetum des chroniqueurs), d’où leurs expéditions répétées, fondant sur les habitants d’alentour et les voyageurs, plongent la vallée du Rhône, les cols alpins et la côte voisine dans une dramatique insécurité. Le moine Odilon nous livre à ce sujet un précieux témoignage en 1031 : « A cette époque, la très cruelle et bouillonnante multitude des Sarrasins gagne par mer l’Italie et la Provence, massacrant hommes et femmes. L’abbé de Cluny Mayeul, revenant de Rome et priant pour le salut de tous, tomba en embuscade et ne fut libéré que contre une énorme rançon. » L’événement, qui se situe en 972, provoque le soulèvement de toute une population fortement imprégnée de catholicisme, ce qui permit au roi de Provence Hugues de prendre la Garde-Freinet, laquelle ne sera définitivement détruite qu’en 983, et l’ensemble de la région définitivement purgée des Sarrasins en 990 par les hauts faits d’armes du comte de Provence Guillaume. Mais l’ensemble des côtes françaises de Méditerranée continuera de vivre jusqu’au XIIIe siècle sous la menace d’expéditions marines à partir des nids de pirates fixés dans les îles proches : en Corse, Sardaigne et Sicile jusqu’à leur reconquête par Gênes, Pise et les Normands. Les îles de Lérins sont ravagées en 1047, 1107, 1197, Toulon en 1178 et 1197 avec, à chaque fois, extermination de la population par le massacre ou la réduction en esclavage et la déportation à Almeria (jusqu’à ce qu’elle soit libérée par la Reconquista), Tunis, Tripoli et Alger.

Notre mémoire collective a perdu le souvenir de ces exactions dont ne témoigne, outre l’onomastique, que le site des villages anciens, perchés au sommet des collines pour assurer le guet et servir de refuge en cas d’attaque. Comme le remarque M. Laurent Lagartempe dans son ouvrage Les Barbaresques, « L’insécurité qui régna sur la Provence du fait des rezzous des Sarrasins, cruina durablement, au cours du Moyen Age, les plaines côtières fertiles qui avaient fait la prospérité de l’antique Provincia Romana en raison du retrait de l’habitat vers les régions montagneuses.

Les chansons de geste

A ces témoins muets du passé provençal il faut ajouter le témoignage littéraire des chansons de geste, en particulier le cycle dit de Garin de Monglane composé d’environ 25 chants dont les plus célèbres sont : Le Couronnement de Louis, Le Charroi de Nîmes, La Prise d’Orange, Les Aliscamps, La Mort d’Aymeri de Narbonne, Le Moniage de Guillaume. Le héros central de ces divers poèmes épiques est un personnage mythique dans lequel Gaston Pâris a reconnu un comte de Toulouse nommé Guillaume, qui empêcha les Sarrasins d’envahir la France en leur livrant bataille sur les rives de l’Orbieu en 793. Par la suite, il combattit en Catalogne au côté de Charlemagne, avant de mourir en odeur de sainteté au monastère de St-Guilhelm-du-Désert où il s’était retiré après la mort de son neveu Vivien, tué au combat contre les Infidèles. Les historiens plus récents de la littérature lui associent plus vraisemblablement encore le fameux comte de Provence qui prit La Garde-Freinet et délivra sa province. Guillaume d’Orange apparaît donc comme le héros méridional par excellence qui ravit à l’envahisseur les villes de Nîmes, Orange, Arles, Narbonne, mais sa renommée s’étendit bien au-delà. En effet, une légende le fait apparaître sous les murs de Paris assiégé par des barbares qu’on peut identifier aux Vikings. Guillaume affronte alors victorieusement, en combat singulier, le géant Isoré qui terrorisait la population. La tombe de ce nouvel avatar de Goliath a donné son nom à la rue de la Tombe–Issoire dans le XIVe arrondissement de Paris.

Comme La Chanson de Roland, le cycle de Garin de Monglane, qui tire son nom de celui du père de Guillaume d’Orange, associe la lutte contre l’Infidèle au combat pour l’indépendance nationale : face à l’envahisseur, c’est la foi qui assure la victoire aux chrétiens. Les chansons de geste, qui relatent en les mythifiant des faits historiques attestés du VIIe au Xe siècle, ont été composées aux XIe et XIIe siècles, c’est-à-dire au temps des Croisades. La lutte contre l’islam et l’épopée nationale sont alors les grands thèmes qui mobilisent les chevaliers français : le souvenir des périls affrontés en terre de France par leurs valeureux ancêtres justifient la guerre en Terre sainte contre l’ennemi séculaire de la chrétienté.

La postérité des chansons de geste

Alors que les chansons de geste n’apparaissent plus aujourd’hui que comme des monuments littéraires appartenant au passé, les Romans bretons, légèrement plus tardifs, ont traversé les siècles en servant presque constamment de source d’inspiration aux artistes ; ils sont de ce fait restés beaucoup plus populaires. Pourquoi ? Sans doute parce que les passions amoureuses, les sortilèges plus ou moins païens s’y mêlent plus largement aux exploits chevaleresques. Alors que le cycle de Garin de Monglane est plus étroitement localisé sur la Provence et la France, le cycle arthurien, par contre, appartient aux traditions européennes, de la France celtique à la Grande-Bretagne et à l’Allemagne ; entre autres, il eut la chance d’inspirer les génies de Purcell puis de Wagner qui subjugua les musiciens français du XIXe siècle : bien loin de mettre en musique nos chansons de geste, Ernest Chausson composa le Roi Arthus et Viviane. Vincent d’Indy fait cependant exception à la règle avec Fervaal. Le compositeur ardéchois situe en effet l’intrigue de cet opéra dans une région soumise à la domination d’un émir sarrasin ; son héros s’éprend de la fille de celui-ci, à l’exemple de Guillaume d’Orange qui épousa Orane l’orientale, laquelle fut baptisée sous le nom de Guibourg.

Une autre raison qui nous éloigne d’une pleine compréhension des chansons de geste est notre tradition d’islamophilie qui remonte à François Ier, allié du Grand Turc. Les Lumières allèrent jusqu’à préférer la religion musulmane à la religion chrétienne ; au XIXe siècle, Lamartine rédigea une hagiographie de Mahomet, tandis que le positiviste Auguste Comte jugeait l’islam plus progressiste que le christianisme. Le XXe siècle fait mieux encore, cependant. Inspirés par les écrits de l’orientaliste œcuménique Massignon, des ecclésiastiques inaugurent des mosquées aux côtés des imams, mais des politiciens les surclassent.

La Révolution française nous a forgé une mentalité étrangère à l’idéal qui se dégage de nos chansons de geste : la foi chrétienne, la loyauté envers le chef de l’Etat ont fait place à la religion de la République laÏque, évoluant aujourd’hui vers un vague humanitarisme progressiste, imprégné de la notion de Droits de l’homme universel, indifférent aux intérêts nationaux, aux traditions et à l’indépendance de la Mère patrie. D’où notre passivité et même notre complicité devant les phénomènes d’immigration-invasion et d’islamisation qui menacent notre pays. Notre réveil national devra puiser aux sources de notre patrimoine et à la totalité de notre histoire, dégagée des a-priori du politiquement correct. Qui sait si les chansons de geste n’y retrouveront pas alors une nouvelle actualité ?

Odilon Le Franc

Source : Polémia.

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mardi, 11 mai 2010

Léon Daudet ou "le libre réactionnaire"

Leon-Daudet.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1988

 

Un livre d'Eric Vatré: Léon Daudet ou  "le libre réactionnaire"

 

par Jacques d'ARRIBEHAUDE

 

Eric Vatré est en train de se faire une spécialité dans la biographie, art difficile et ingrat où les Français pa-raissent souvent légers devant les gigantesques tra-vaux d'érudition des chercheurs anglo-saxons. La personnalité de Léon Daudet est ici bien évoquée. Une des plumes les plus alertes, les plus vives, les plus cinglantes de la critique littéraire de ce premier demi-siècle. Un grand et passionné remueur d'idées et d'opinions, d'une liberté de ton absolue au service d'une pensée résolument hostile à ce qu'on a appelé depuis "l'idéologie dominante".

 

D'où le titre choisi par Vatré, à mon avis un pléonasme, car on imagine mal un réactionnaire qui ne choisirait pas librement d'être à contre-courant de ce qu'il aurait tout avantage à courtiser à longueur de colonnes, à l'exemple de l'ordinaire racaille journalistique contemporaine.

 

Vatré constate, sans vraiment l'expliquer, l'énigme d'une "Action Française" où cohabitent Maurras, apôtre farouche et sourd de la France seule et de sa prétendue supériorité intellectuelle, et Daudet, autre-ment ouvert, féru de Shakespeare, enthousiaste de Proust et de Céline, sensible à la peinture, à la musique, aux souffles poétiques venus d'ailleurs, là où Maurras, fossilisé dans ses plâtres académiques, sonne éperdument le clairon des grandeurs mortes dans le saint pré-carré du monarque introuvable.

 

Au total, Daudet, l'un des hommes au monde les moins doués pour l'action, et, en ce sens, une belle figure de cette IIIème République qu'il haïssait, et dont les ténors parlementaires ventripotents, crasseux et barbichus, si ridicules qu'ils fussent, sem-blent des aigles prodigieux comparés à nos politiciens actuels.

 

A lire et à relire avec le plus grand profit, pour plus de renseignements sur cette époque sans pareille, Les Décombres  de Lucien Rebatet.

 

Jacques d'ARRIBEHAUDE.

 

Eric VATRE, Léon Daudet ou le "libre réaction-nai-re",  Editions France-Empire, 1987, 350 pages, 110 FF.

 

 

jeudi, 06 mai 2010

Débat sur G. Faye sur le forum "nouvelle culture"

guillaume_faye_1.jpg
Débat sur Guillaume Faye sur le forum http://nouvelleculture.frenchboard.com/
J’ai reçu, la semaine dernière, « La nouvelle question juive » de l’asocial Guillaume Faye. Le livre m’a été envoyé par son éditeur. Je suis surpris, amusé de voir qu’il m’est dédicacé car je ne sais pas pourquoi. Je n’ai pas souvent rencontré Guillaume cette année. Il ne m’a jamais parlé du contenu de ce bouquin. Je suis aussi étonné de voir qu’il peut être le sujet d’une polémique. Je suis même surtout amusé de le voir pris au sérieux par des gens qui l’expérimentent pourtant depuis longtemps.

En effet, je connais bien le pamphlétaire en question. C’est un vieux copain, depuis une trentaine d’années. C’est un
artiste contestataire authentique, un écrivain rebelle de talent. J’ai rencontré beaucoup d’insoumis comme lui dans mon milieu de peintres et plasticiens bohèmes qui vivent dans la misère, au jour le jour. Il vit concrètement la désobéissance, dans le dénuement complet, hors système. Il n’est pas retraité ni appointé pour faire du cinéma contestataire et du loisir dissident en toute sécurité comme beaucoup de « militants » stériles, improductifs. Il fait de la philosophie pratique, l’acrobate sans filets !...

C’est justement pour cela qu'il est un polémiste de génie avec une imagination débordante. Ce « réceptacle à idées » s’amuse... Il produit sans arrêt des images, des concepts. Capable de tous les billets d’humeur, il peut prouver leur contraire en l’espace d’une soirée bien arrosée. Sa seule cohérence, c’est de briser tous les tabous! Faye est un résistant tolérant, marginal, un électron libre, concrètement, sans doctrine d’aucune secte.

Il cherche peut-être maladroitement à prendre de l’altitude par rapport aux conflits infructueux intra-européens actuels. Mais attendre de lui une quelconque rigueur scientifique, historique est parfaitement cocasse. C’est un écrivain, un comédien burlesque. Il exerçait d’ailleurs son talent de comique autrefois sur la radio « Skyrock » pour y faire des canulars téléphoniques !.... Il y a du « Coluche », du « Charlie hebdo » en lui ! Il est excellent conférencier, brillant débatteur, mais certainement pas historiographe !

Sa vocation est surtout littéraire, artistique, tendance « politique ». Il n’a absolument aucune aptitude à la rigueur scientifique comme l’exige le travail des archéologues, des historiens révisionnistes et de leurs contradicteurs. Ce joueur n’y comprend rien. Il ne faut s’attendre qu’à du farfelu de sa part sur ce terrain-là, c’est évident.


Cordialement,

Yann-Ber TILLENON.
 


Sujet: Re: Sur Guillaume Faye   Lun 17 Sep - 17:45

@ Yann-Ber Tillenon
Ton sens de l'amitié et ta fidélité en elle t'honorent mais peut-être t'aveuglent-elles.
Qu'il ait une "imagination débordante" est certainement positif mais pourquoi la met-il depuis quelques années au service d'un dénigrement systématique de la ND et de AdB en particulier ?
Ton "billet" est d'ailleurs assez ambigu. Tu nous parles d'un
artiste, d'un "électron libre". Si ce n'était que cela, il n'y aurait rien à dire (Mais où est son oeuvre ?). Le problème est qu'il continue à vouloir jouer le rôle d'un idéologue ; un idéologue dont tu conviens toi-même qu'il est tout sauf rigoureux (parce qu'inapte). Alors quid ?
 




Sujet: Re: Sur Guillaume Faye   Lun 17 Sep - 19:57

Je ne suis pas systématiquement « fidèle » en amitié. J’essaie seulement d’analyser et de comprendre objectivement. Cela pour faire avancer la cause afin que les mêmes erreurs ne se répètent pas indéfiniment. Je crois qu’il faut surtout avoir des « collègues » de travail plutôt que des « amis ». Si ces derniers sont parmi les premiers c’est encore mieux bien sûr !...

Le sujet de mon poste était le dernier bouquin de GF. Mais je suis tout à fait d’accord concernant la ND et AdB. J’ai souvent reproché un manque d'impartialité à Guillaume. J’avais même organisé deux « dîner de réconciliation », il y a quelques années à Montparnasse !...Je pense qu’il reproche, globalement, à cette mouvance d’avoir fait trop de concessions « métapolitiques » en cherchant à se faire reconnaître dans le système occidental de ses adversaires, plutôt que d’essayer de construire les bases d’un nouveau système. En bref, d’être plus « réformiste » que « révolutionnaire »… C’est la différence que je fais aussi à Kêrvreizh entre « Bretagne » et « Breizh », entre « Mouvement breton » et « Emsav », entre ce qui est exprimé en langue française et ce qui l’est en néo-breton moderne.

Pour AdB il y a le « délit » qu’il soit justement le « Maître » dans cette démarche réformiste, métapolitique, de « syndicat », en plus du fait de rancoeurs tout à fait personnelles. Ce qui est insupportable, c’est sûr. Le problème qui se pose vraiment est, il me semble le suivant, il est universel : Quand un « mouvement » n’a pas de doctrine personnelle cohérente, il se complait dans la contradiction, l'équivoque avec ses ennemis. Ses participants ne regardent pas dans le même sens, vers leur idéal clairement dessiné.

Ils ne sont pas vraiment en rupture avec leurs opposants. Ils n’ont pas de perspective vraiment différente. Un même point de fuite qui pourrait les transcender par l’esprit n’existe pas. Le Mouvement devient alors un « parti ». Il fait partie de ce qui existe déjà au lieu de faire exister, dans la pratique immédiate, ce qui n’existe pas encore. Il est alors récupéré, neutralisé justement dans l’ »idéologie » dominante.

Les combattants ne sont plus que des petites contradictions internes observées par leurs adversaires qui se renforcent en les étudiant. Nos « héros » finissent par se regarder entre eux, entre « personnalités » matérielles. Ils remarquent leurs différences superficielles, futiles. Ils se rabaissent, s’entredéchirent, s’animalisent au lieu de se « surhumaniser » dans leur idéal spirituel commun, leur « étoile polaire» qu’ils ont perdu de vue. Ceci parce qu’ils cherchent la dialectique entre eux et non plus avec leurs adversaires pour avancer, naviguer.

GF, comme nous tous, n’a pas La Vérité absolue. Il n’a, lui aussi, qu’une part de cette vérité. La vérité est pour moi, dans le rapport « théorie/pratique » en général. L’idéologie neutralise, récupère habituellement la théorie née de la pratique. GF, le « maudit », est un théoricien . Lui, il pratique. Il a une « praxis ». Sa vie marginale de damné le prouve. C’est pour cela qu’il a quelque chose à dire. Mais il est encore trop partiellement idéologue. Il est donc, évidemment non rigoureux et relativement inapte, tu le dis, comme tous les idéologues.

L’œuvre de GF ? Ben il me semble que c’est toute sa bibliographie, non ? Il doit bien y avoir 1000 ou 2000 pages intéressantes sur 3 ou 4000 non ?

Bonne nuit camarade!


Dernière édition par le Jeu 27 Sep - 8:25, édité 1 fois
 



Sujet: Re: Sur Guillaume Faye   Mar 18 Sep - 11:49

J'ajoute ici à ce qu’hier j'ai posté ailleurs au sujet de Guillaume FAYE. Je complète en disant que son grand intérêt, au-delà de ce qu’il publie, de juste ou de faux, c’est son mode de vie réel. Il est fondé sur l’expérience tangible. Ce n’est pas un « militant », c’est un « combattant ».

Guillaume n’est pas un « intellectuel », un philosophe de l’abstrait en salon. C’est un « spirituel », un philosophe du concret en action. Il va et vient, sans arrêt, de la théorie à la pratique. Il tire des bords dialectiques en direction de son idéal. Il est en guerre, véritablement, et il lui arrive, effectivement, de picoler comme un vieux Grognard de Napoléon !...

Ses mots sont des
cartouches, ses bouquins des bombes. Souvent, il monte en conférence comme un poilu de 14/18 à l’assaut, avec un coup de gnole !!!... Ce qu’il publie n’est que le fruit de l’analyse de son expérience vécue, de ses relations sur le front avec des milieux, des gens multiples et variés. Cela va des anciens situationnistes jusqu’aux « situ a-sionistes » en passant par les gauchistes, les droitistes et autres cruciverbistes!...

C’est pour cela que je m’entends bien avec lui. J’ai toujours eu la même démarche, même si je manie mieux le pinceau et le pot de peinture que la plume et la bouteille !...
 



Sujet: Re: Sur Guillaume Faye   Dim 23 Sep - 21:29

En tout cas, cet ouvrage évoqué ici est plutôt bon, je trouve. Nonobstant quelques attaques gratuites qu'il aurait pu éviter, notamment sur un prétendu financement iranien fantasmé...
 




Sujet: Re: Sur Guillaume Faye   Lun 1 Oct - 12:16

Thunder a écrit:
En tout cas, cet ouvrage évoqué ici est plutôt bon, je trouve. Nonobstant quelques attaques gratuites qu'il aurait pu éviter, notamment sur un prétendu financement iranien fantasmé...


Que resterait il de Faye si l'on retranchait le "fantasmé"...
 


Sujet: Re: Sur Guillaume Faye   Ven 2 Nov - 0:31

Faye quand il parle de la question migratoire ne fantasme pas, mais a au contraire parfaitement raison. Il suffit de regarder la courbe démographique des pays européens et celle des pays africains, par exemple. On pourrait même dire qu'il n'est pas bien original. Chauprade dit les choses de manière claire et sans ambiguité, mais de bien plus habile façon. Gourevitch est plus prudent mais n'en pense pas moins. Faye est un pamphlétaire...
 
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Sujet: Re: Sur Guillaume Faye   Ven 2 Nov - 9:04

Thunder a écrit:
Faye quand il parle de la question migratoire ne fantasme pas, mais a au contraire parfaitement raison. Il suffit de regarder la courbe démographique des pays européens et celle des pays africains, par exemple. On pourrait même dire qu'il n'est pas bien original. Chauprade dit les choses de manière claire et sans ambiguité, mais de bien plus habile façon. Gourevitch est plus prudent mais n'en pense pas moins. Faye est un pamphlétaire...


Il oubli l'émigration occidentale qu'on nomme pudiquement expatriation
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Yann-Ber TILLENON
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MessageSujet: À PROPOS DE LA POLÉMIQUE SUR GUILLAUME FAYE   Jeu 8 Nov - 1:15

Note d'Ivan: J'ai cru bon de réunir les deux fils, leur auteur commun m'en excusera.

Il me semble, finalement, que le réel problème posé par Guillaume Faye, est bien au-delà des états d’âme subjectifs et des interprétations concernant quelques diffamations, trahisons, calomnies, fantaisies, canulars, délires humoristiques etc… Une analyse constructive s’impose.

Le problème est très intéressant pour comprendre ce que nous devons faire. Il est, je pense, très objectif. Face à l’impérialisme islamo arabe en Europe qui le révolte, Guillaume Faye, depuis quelque temps, s’est orienté vers une tentation pour l’impérialisme cosmopolite américain anti arabe.

C’est une grave erreur qui se répète souvent dans l’histoire. Elle surgit quand des combattants très actifs, comme lui, sont déçus par leur propre peuple passif et inconscient qui ne les suit pas. Effectivement, le peuple préfère
aujourdhui rester un grand tube digestif de la société de consommation.

Le peuple se vautre dans la soumission et la collaboration. Les « résistants » conscients rejoignent alors, comme cela arrive souvent, un impérialisme qui pourrait les aider à se débarrasser de leurs envahisseurs.

Cette erreur fut, par exemple, celle d’une fraction du mouvement nationaliste breton et d’autres mouvements de libération pendant la seconde guerre mondiale. Les Bretons cherchèrent à profiter de la victoire passagère du pouvoir impérialiste allemand pour se libérer du pouvoir impérialiste français puisque le peuple breton ne les suivait pas. On connaît la suite…

Seules les petites nations européennes, nommées péjorativement « régions » ou « provinces » par les États nations constituent l’Europe authentique. C’est cette Europe que nous devons projeter dans une future postmodernité. Les « Régions » forment le grand peuple européen, contre les États nations impérialistes qui ont toujours cherché à les soumettre, les neutraliser. Ils les ont même poussées à s’exterminer entre elles dans des guerres qu’ils ont organisées pour cela, comme en 14/18.

La libération européenne se fera grâce à un mouvement dialectique de l’histoire en opposition aux deux grands envahisseurs de l’Europe et de ses États nations collaborateurs. Ces deux impérialismes se complètent. Le premier, « arabo musulman » a besoin du soutien du cosmopolitisme américain, de son idéologie du métissage, pour justifier sa conquête. Le deuxième a besoin de l’invasion des premiers pour faire perdre toute conscience d’enracinement national aux peuples d’Europe et ainsi pouvoir les dominer et les gouverner.

Seules les petites nations, les peuples de culture, constituent la seule vraie Europe réelle à mettre en forme politique. À plus forte raison, l’addition de leurs mouvements de libération constitue le mouvement de libération de l’Europe, c’est-à-dire le « mouvement européiste » de la grande fédération.

Ce mouvement ne peut pas se permettre de demander, sans se discréditer, une aide au camp des oppresseurs. C’est malhonnête et stupide. C’est un dérivatif, un mensonge dialectique. C’est un pis-aller opportuniste de combattants désemparés quand ils sont perdus, en totale contradiction avec eux-mêmes. Déboussolés, ils avouent leur impuissance comme les naufragés sur un radeau font appel au paquebot qui a fait couler leur bateau...

Le fondement même de tout mouvement de libération d’un peuple, aujourd’hui comme hier, c’est une réaction contre l’aliénation, quand ce peuple devient « autre » que lui-même. Chez nous, cela fait suite à l'occupation, à la colonisation des peuples d’Europe par des populations et des systèmes politico-religieux qui leur sont étrangers.

Ceci est la suite logique des systèmes politiques internes de l’Europe physique. C’est le résultat des nationalismes des Etats nations. Ils ont organisé la fragmentation, le génocide des peuples européens depuis le 19e siècle pour les neutraliser. Ils ont ainsi rendu possible l’actuelle invasion par la chute démographique en Europe divisée.

Le mouvement européiste de libération est donc forcément constitué des mouvements de libération des petites nations aliénées. Il doit créer un nouvel ordre international. Ce nouvel ordre ne peut naître que sur les ruines des impérialismes qui détruisent les petits peuples d’Europe et du monde. Ils détruisent même aujourd’hui l’équilibre naturel de la planète, comme l’impérialisme marchand du mondialisme cosmopolite américain.

Les combattants du mouvement européiste de libération sont des artistes historiens, des créateurs. Ils ont pour mission de faire exister ce qui n’existe pas encore. Ils ne peuvent donc que refuser toute espèce de compromission avec quelque impérialisme que ce soit, avec ce qui existe déja. Demander secours à une puissance impérialiste particulière, ou flirter avec elle, contre un autre impérialisme équivaut à renforcer l’impérialisme en général. C’est donc combattre le fondement même du mouvement de libération européiste.

Guillaume Faye a eu, maladroitement, la bonne idée de poser un problème philosophique fondamental. La solution, c’est de structurer, coordonner tous les mouvements de libération en Europe. Ainsi ils pourront créer un vrai mouvement puissant de libération.

Il pourra alors devenir, historiquement, le germe d’un État fédéral européen de Brest à Vladivostok. Une nouvelle civilisation peut naître de cette nouvelle grande communauté humaine. Elle peut prendre une nouvelle forme historique, être un nouvel archétype dans l’histoire pour sauver l’humanité aujourd’hui alarmée par sa possible disparition.

Elle peut devenir exemplaire pour cette humanité menacée, en cette fin de modernité, en appliquant une philosophie pratique quotidienne, un nouveau savoir-vivre. Elle pourra acquérir son indépendance politique économique et culturelle. Ses adeptes n’auront plus besoin de recourir à une puissance étrangère ennemie car ils auront eux-mêmes la puissance d’un nouvel ordre chez eux.


Yann-Ber TILLENON.
07 11 07
 



Sujet: Re: Sur Guillaume Faye   Jeu 8 Nov - 9:16

Par le bas avec un bon "régionalisme", par le haut avec un grand-européanisme ? C'est cela même que dénoncent avec haine les souverainistes, qui pour l'instant capitalisent un vote relativement important, et sont même premiers en Suisse ou en Norvège.

Nous avons besoin, Y-B, d'une révolution juridique européenne qui n'est possible que par le haut. Bien sûr, certes, les identités régionales/provinciales d'Europe ont leur importance, et bien sûr les militants alsaciens, bretons, corniques, écossais, sorabes... jouent leur rôle dans l'émergence de la grande nation. Bien sûr, "régionalistes" et européanistes sincères doivent travailler main dans la main. Mais il ne faut pas se limiter à l'action par le bas.

Par ailleurs, et je crois que c'est le point le plus important, cela ne peut marcher que si ceux qui font la promotion de ce schéma sont totalement détachés de ce que l'on appelle à tort ou à raison "l'extrême-droite". Or ce n'est pas le cas de certains mouvements.

En accord sur le principe d'un mouvement européen de libération, c'est à dire d'un mouvement révolutionnaire.

mercredi, 05 mai 2010

Le coup d'Etat silencieux

Le coup d’Etat silencieux

Ex: http://fortune.fdesouche.com/

L’année 2010 est en train de marquer une rupture dans notre histoire institutionnelle, qu’il ne faut pas hésiter à qualifier de « coup d’Etat ».

1721412405.pngJusqu’ici, on considérait que les gouvernements tiraient leur légitimité du peuple, dont la volonté s’exprimait lors des élections et à qui ils devaient rendre des comptes en fin de mandat.

Ce type de régime a progressivement été vidé de sa substance, sous l’influence de la démocratie d’opinion, des normes supranationales européennes, des exigences de la compétitivité dans une économie ouverte, ainsi que d’un jeu politique qui n’offre le choix qu’entre un libéralisme social et un social-libéralisme.

Mais le principe démocratique demeurait, au moins en théorie, même s’il apparaissait de plus en plus comme une fiction. Le principe est en train de sauter sous nos yeux, depuis quelques mois. Désormais, un autre type de souveraineté est en passe de se substituer à celle de la volonté du peuple.

Notre nouveau Maître n’a encore ni visage, ni nom. Certains l’appellent confiance des marchés. D’autres, pouvoir financier ou agences de notation, ou encore, avec des formules aux accents plus polémiques, [...] l’Empire mondialiste ou les oligarchies financières.

Son pouvoir s’exerce par des voies aussi discrètes pour les opinions que terrifiantes pour les Etats : les taux d’intérêt auxquels le système financier accepte de prêter à des Etats, surendettés depuis qu’ils ont commis le malheur de le sauver, fin 2008, sans le réformer.

Depuis le déclenchement de la crise grecque, les gouvernements ont les yeux rivés sur leur rating des agences de notation et sur les taux de leurs obligations d’Etat à 10 ans. Toute la politique économique et sociale est désormais asservie à l’objectif de conserver la bienveillance de ce terrifiant patron, qui peut mettre n’importe quel pays à genoux financièrement, comme il l’a déjà fait avec la Grèce, avant de s’attaquer demain au Portugal, à l’Espagne, à l’Italie, voire au Japon ou à la France.

Ce pouvoir décidera de prescrire la saignée aux économies moribondes, quand il le voudra et pour le motif qu’il souhaitera. La Grèce a été attaquée pour avoir falsifié ses comptes publics. Demain, ce sera parce qu’un gouvernement aura décidé d’augmenter le SMIC ou les retraites, parce qu’il n’aura pas assez réduit les effectifs de la fonction publique, ou parce qu’une réforme impopulaire aura déclenché de grandes grèves dans un pays.

En attendant, la menace de la sanction des marchés financiers servira d’argument d’autorité pour justifier toutes les réformes injustifiables d’un point de vue démocratique, ou pour s’opposer à toute revendication politique un peu gênante.

Autrefois, la classe politique s’appuyait sur l’Europe pour déterminer son agenda politique et s’appuyait sur son autorité pour imposer ses réformes. Désormais, l’abject est monté d’un cran. Il ne s’agit plus de s’abriter derrière une autorité politique supranationale plus ou moins dépendante du suffrage universel, mais [derrière] une autorité désincarnée, dont la seule légitimité est de représenter les intérêts du capital nomade et apatride !

C’est Jean Pierre Raffarin qui a craché le morceau, lors de son passage à Dimanche plus .

Toujours à la recherche de la bonne formule qui fera mouche, l’ancien premier ministre a répété plusieurs fois que le gouvernement devait non seulement se préoccuper de l’opinion publique nationale, mais aussi et surtout, de « l’opinion publique internationale », terme élégant pour évoquer l’autorité des marchés financiers. Il a ainsi expliqué que c’était pour les rassurer que le gouvernement devait réformer les retraites. Nous qui pensions bêtement que c’était pour assurer la garantir, à long terme, le système par répartition …

“Dans une politique nationale, vous avez deux juges. Vous avez le peuple, mais aussi l’opinion publique internationale, qui regarde si votre politique est crédible ou pas. Qu’est ce qui se passe en Grèce ? L’opinion publique mondiale a fait en sorte que la politique Grecque n’était pas crédible (lapsus ?). Elle n’a pas cru à cette politique et aujourd’hui la Grèce, très endettée, à des taux d’intérêt de 8%. Au fond, nous avons un juge international, qui sont (sic) les opinions publiques internationales. Dans le projet socialiste, il n’y a aucune dimension à l’international. S’il faut faire aujourd’hui la réforme des retraites, c’est pour des raisons sociales, c’est pour des raisons économiques. Il y a de plus en plus de retraités. Il y a de moins en moins de cotisants, mais il s’agit aussi de montrer à l’opinion publique mondiale que la France est capable de faire des réformes pour financer son système social. (…) Les propositions du parti socialiste ne prennent pas en compte l’opinion publique mondiale. Elle ne prennent pas en compte la capacité de la crédibilité d’une politique française, au yeux de l’opinion publique mondiale (re-sic). Et comme nous sommes – tous les pays d’Europe – des pays très endettés, si nous ne faisons pas attention à l’opinion publique mondiale… Au fond, c’est un peu la nouveauté de la crise. Nous devons penser, nous politiques, à l’opinion publique française, qu’il faut servir, mais il faut aussi penser à l’opinion publique mondiale. Si notre dette, nous devions la financer à 8%, eh bien nous serions dans un scénario à la grecque.” (2)

Raffarin n’a fait que dire tout haut, dans son langage ridicule de communiquant, ce que toute la classe politique n’ose même pas s’avouer : le boulot des gouvernants [est] aujourd’hui de [...] faire accepter aux opinions publiques le programme de régression défini par le pouvoir financier et la prédation qu’il exige. Soit par la pédagogie du fatalisme et de la culpabilité, soit en attirant leur attention ailleurs.

On n’a jamais été aussi proche de l’alternative présentée par Emmanuel Todd dans “Après la démocratie”. La suppression du suffrage universel, l’ethnicisation des rapports sociaux ou… une révolution fondée sur une nouvelle lutte des classes. (3)

Voilà l’alternative qui sera présentée au peuple français en 2012. Sauf improbable miracle, le choix se résumera à une cure d’austérité, mais attention, « juste » et « de gauche », ou une guerre civile organisée contre un ennemi intérieur plus ou moins fantasmé.

——————–

Notes :

(1) Désolé pour la photo d’illustration. Dans cet affaire, s’il y a des Sith (les méchants) il n’y a aucun maître Jedi, juste des victimes lâches et consentantes.

(2) Quand on voit comment la situation grecque sert d’épouvantail, on n’a évidemment aucun doute sur le fait que le plan européen va réussir à la « sauver ». Aucun doute ! Même Christine Lagarde parle des remboursements de la Grèce au conditionnel

(3) Voir aussi, sur le même sujet, l’excellent billet de Superno.

Horizons

vendredi, 30 avril 2010

17 thèses sur le système médiatique français

Dix-sept thèses sur le système médiatique français par Jean-Yves LE GALLOU

Ex: http://www.europemaxima.com/

diffuseurs-media.jpgAprès l’excellent site Polémia, Europe Maxima a l’immense plaisir de mettre en ligne l’allocution de Jean-Yves Le Gallou prononcée lors de la première cérémonie des Bobards d’Or, le 20 avril 2010 à Paris, récompensant les plus gros mensonges médiatiques de l’année 2009.

Il faut saluer cette excellente initiative. La constitution de dossiers étayés et irréprochables pour les Bobards d’Or 2011 est dès à présent commencée. Gageons que David Pujadas, lauréat 2010 du Bobard d’Or – Télévision, pourrait l’obtenir à nouveau pour l’émission du mardi 27 avril prochain sur France 2, Les Infiltrés, consacrée à « L’extrême droite du Père » (bigre !). Ce reportage soutenu par l’agence C.A.P.A d’Hervé Chabalier – dit « Toujours Soif », ancien militant fondateur de la Jeunesse communiste révolutionnaire (selon Wikipédia) -, est un chef-d’œuvre de manipulation et de désinformation médiatique (on attend avec impatience que cette émission s’infiltre dans Le Siècle, le Groupe Bilderberg ou la Trilatérale…). Voilà donc un bel exemple qui renforce la brillante démonstration de Jean-Yves Le Gallou.

Georges Feltin-Tracol, rédacteur en chef d’Europe Maxima

***

Permettez-moi d’abord un instant de politiquement correct. Oui, il existe encore des journalistes intelligents, cultivés et courageux dans les grands médias français. Mais ils sont de plus en plus rares et les créneaux qui leur sont laissés sont de moins en moins nombreux.

Maintenant que cette nuance est apportée, laissez-moi vous présenter dix-sept thèses sur les grands médias français.

Première thèse – La presse est de moins en moins libre en France.

Et ce n’est pas Polémia qui le dit. C’est Reporters sans frontières.

Chaque année, Reporters sans frontières publie un baromètre de la liberté de la presse dans le monde. Année après année, la France plonge dans le classement : 11e en 2002, 19e en 2004, 35e en 2006 et en 2008, 43e en 2009 : une place peu enviable ! Certes, devant le Cap-Vert mais juste derrière la Guyana et le Surinam. Chapeau !

Deux explications à cela : les lois liberticides de plus en plus sévères et de plus en plus nombreuses et la concentration économique et financière des grands médias.

Deuxième thèse – Le système médiatique français est aux mains de grands oligarques.

Le groupe Figaro pour Dassault, Bernard Arnault de L.V.M.H. pour Les Échos, Édouard de Rothschild pour Libération, Bouygues pour T.F.1,  Lagardère Active pour les filiales de Vivendi Universal, de nombreuses radios dont Europe 1, des télévisions dont Canal +, des journaux dont Le Parisien ainsi que des entreprises de production d’images. Sans oublier l’oligarque des oligarques, Alain Minc, qui tisse sa toile entre les uns et les autres et impose ses vues au journal Le Monde.

Troisième thèse – Les grands médias français ne donnent pas le point de vue du peuple, ils défendent les intérêts de la super-classe mondiale.

Les intérêts des grands oligarques des médias sont clairs : ils se trouvent concentrés dans le luxe, le transport aérien, notamment d’affaires, l’immobilier et les travaux publics; leurs principaux clients sont les super-riches et les pétromonarchies. Sans oublier le rôle de la finance. Si vous regardez T.F.1, n’oubliez pas que B.N.P.- Paribas, le Crédit agricole, la financière Artémis, Groupama et Goldman Sachs, oui, Goldman Sachs, siègent au conseil d’administration de Bouygues.

Il est donc logique que l’orientation générale de ces médias – dont beaucoup perdent de l’argent d’ailleurs – soit conforme aux intérêts des oligarques qui les possèdent. Les grands médias défendent donc un monde sans frontières et sans régulation au service des plus riches et des entreprises transnationales. L’intérêt des oligarques se confond avec celui de la super-classe mondiale : ces quelques millions d’hommes qui, par delà les États et les peuples, sont les principaux bénéficiaires du nouveau désordre mondial.

Quatrième thèse – Les grands médias français ne dépendent pas de leurs lecteurs mais de la publicité.

Il y a trente ans, Louis Pauwels et Jean-Claude Valla, journaliste récemment disparu, avaient créé un nouveau journal : le Figaro-Magazine avec du contenu, du sens et des lecteurs. Le Figaro Magazine a été épuré et normalisé à la demande des publicitaires, et notamment de Publicis et des époux Badinter. Aujourd’hui, le Figaro Magazine n’a plus guère de contenu ni de sens, plus beaucoup de lecteurs non plus : qu’importe, il a l’argent de la publicité. C’est aussi la publicité qui fait vivre les journaux gratuits : quelle belle scène orwellienne que de voir dans une voiture de métro ou de train des dizaines de clones lisant le même journal !

Reconnaissons à Patrick Le Lay, alors patron de T.F.1, cette belle formule – je cite : « Le métier de T.F.1, c’est d’acheter du temps de cerveau disponible pour Coca-Cola. »

Les grands médias ne suivent pas les désirs de leurs lecteurs; ils obéissent aux grands oligopoles : oligopoles agro-alimentaires, oligopoles de distribution, oligopoles pharmaceutiques, oligopoles de services, oligopoles bancaires.

Une simple anecdote : regardez les couvertures des hebdomadaires; elles vous expliquent toujours que l’immobilier repart à la hausse et que c’est une bonne chose. Mais une bonne chose pour qui ? Pour qui, sinon pour les promoteurs, pour les banquiers et pour les rentiers !

Cinquième thèse – Les journalistes – à de rares exceptions près – ne sont pas des intellectuels libres mais des salariés précaires, c’est-à-dire dépendants de leurs employeurs et soumis au conformisme dominant de leurs confrères.

Mimétisme et panurgisme sont devenus les règles d’or d’une profession qui s’éloigne chaque jour davantage de ses règles traditionnelles de déontologie : vérification des faits et présentation impartiale des réalités, notamment.

Ceci étant, le conformisme est tel que la servilité est souvent consentie sans souffrances. Les commentateurs ont ironisé sur la reprise du quotidien Libération par Rothschild : mais l’extrême gauche est depuis toujours l’alliée objective du capitalisme financier mondialisé; elle est utilisée comme un bulldozer pour affaiblir les nations, les États et les traditions enracinées. Et défendre le droit au séjour des clandestins fait autant plaisir au MEDEF qu’au Réseau (trotskyste) éducation sans frontières (R.E.S.F.). La connivence de l’extrême capitalisme et du gauchisme est un élément clé pour comprendre le fonctionnement des médias.

Sixième thèse – Les médias français ne sont pas un contre-pouvoir; ils sont le pouvoir : le pouvoir sur les esprits.

Les Français passent en moyenne près de quatre heures par jour devant les écrans de télévision. Et nul ne peut échapper aux écrans de télévision qui envahissent l’espace public : bus, quais de métro, grandes surfaces commerciales, cafés et restaurants. Là aussi une situation orwellienne.

Or les télévisions (comme la presse écrite, d’ailleurs) sont des instruments de formatage de l’opinion, notamment à travers la publicité. S’agissant de l’information, les médias ne rapportent pas seulement des faits, ils les sélectionnent; ils distinguent ceux qu’ils occultent d’un côté, ceux dont ils font un événement majeur, de l’autre; et ce en fonction de grilles d’interprétation idéologique. Les grands médias scénarisent les faits : ils disent où est le « bien », où est le « mal » ; où sont les « bons », où sont les « méchants »; qui doit être « angélisé » et qui doit être « diabolisé ». Par là, les grands médias se sont arrogé le pouvoir de prononcer la peine de mort sociale.

Une scénarisation qui présente un double intérêt : commercial (c’est plus facile à comprendre) et idéologique (voilà ce qu’il faut penser).

Septième thèse – Les médias français ne sont pas pluralistes.

Si l’on vous lisait à l’aveugle Libération ou Le Figaro, vous ne pourriez pas faire la différence. Et c’est pareil pour la télévision; tout juste trouve-t-on un plus fort concentré de trotskysme sans frontiériste sur France 3 Régions. Bien sûr, vous avez le choix entre Le Parisien et Le Monde; le style est différent mais l’orientation similaire. À la belle époque de l’Union soviétique, d’ailleurs, les Russes avaient aussi le choix entre la Pravda et les Izvestia.

Huitième thèse – Les médias dans leur ensemble sont les vecteurs d’une seule et unique idéologie.

• Mondialisme et libre-échangisme économique;

• « antiracisme », prétendue « diversité » et « discrimination positive », c’est-à-dire négative pour les Jeunes Hommes Blancs, surtout s’ils sont hétérosexuels;

• rupture des traditions et lutte contre toute forme de valeurs familiales

Neuvième thèse – Les médias français parlent de moins en moins français et de plus en plus un mélange de novlangue et de sabir anglo-saxon.

La « gouvernance » des procédures a remplacé le gouvernement des hommes. La « planète » est mise à toutes les sauces. Fermer un robinet est devenu un geste « citoyen ». Et les délinquants étrangers clandestins sont dénommés des « sans-papiers »; des « sans-papiers » omniprésents à la télévision et source de juteux profits pour les cabinets d’avocats spécialisés. Des « sans-papiers » à qui, bien sûr, il faut donner des papiers : car la réponse à la question est dans la dénomination qui leur a été choisie. Quant à ceux qui ne pensent pas bien ils sont « controversés » et passent leur temps à « déraper » !

Dixième thèse – Les médias français imposent un triple déni : déni de débat, déni de réalité, déni de cohérence.

Déni de débat : dans les débats tout le monde est d’accord, sauf à partir de 23 h 30 ou Minuit quand Zorro/Zemmour apparaît; et encore, les sociétés de production qui organisent ce genre de spectacle paient des figurants pour qu’ils aboient contre ceux qui se risqueraient à ne pas bien penser. La fonction de ces tricoteuses médiatiques est de rappeler aux intervenants, mais surtout au public qui regarde, les interdits qu’il ne faut pas franchir.

Déni de réalité : on parle de « crimes racistes » sans jamais évoquer les milliers de victimes françaises des voyous de l’immigration.

Déni de cohérence : les races n’existent pas, mais il faut se métisser; les races sont égales, mais les enfants métis sont réputés plus grands, plus beaux et plus forts; il est scandaleux de poursuivre Polanski pour des faits remontant à plus de vingt ans, mais il est légitime de reprocher à Benoît XVI des fautes commises par des prêtres, au fin fond du Nebraska, dans les années 1960 ou 70 !

Onzième thèse – Pour imposer le déni de débat, le déni de réalité et le déni de cohérence, la désinformation n’est ni accidentelle, ni marginale, elle a un rôle central.

Cette désinformation, on la trouve sous toutes ses formes : occultation, déformation, supercherie et gros mensonges. Ce sera dans quelques instants la responsabilité de Michel Geoffroy que d’analyser et de décrire ce phénomène (1).

Douzième thèse – Les grands médias établissent une forme de tyrannie nouvelle : la tyrannie médiatique.

Lors de référendums et des élections, les grands médias disent au peuple ce qu’il doit penser. Et quand le peuple vote mal, on le dénonce et on explique qu’il doit revoter.

Les médias scénarisent les élections et présélectionnent les candidats. Dans une élection présidentielle française, le rôle du peuple se borne à ratifier le choix que les médias lui offrent. Aux yeux des grands médias, certains candidats n’ont pas vocation à concourir pour la victoire, comme on l’a vu en 2002. Seuls sont promus les médiagogues, c’est-à-dire les hommes politiques qui calent leur discours et leur comportement sur ce qui plaît aux médias.

Les médias – et pas seulement français, il faut bien le dire – ont même prétendu élire le pape en 2005 : idéalement, un Noir, Sud-Américain, progressiste et jouant sur le registre émotionnel. La désobéissance des pères conciliaires fut flagrante : ils choisirent un Européen, de surcroît allemand, de grande réputation intellectuelle et attaché à la raison comme à la tradition. Il ne faut pas chercher ailleurs le secret des campagnes de diabolisation contre Benoît XVI ni s’imaginer que quelques concessions pourraient les faire cesser.

Treizième thèse – Les médias imposent les dogmes du politiquement correct, ce qui empêche tout changement politique réel.

À titre d’exemple, les médias imposent les dogmes suivants : « l’immigration est une chance pour la France », « la mondialisation est heureuse et le libre-échange économiquement bienfaisant », « le problème de l’éducation nationale, c’est le manque de moyens. »

L’objectif de la répétition de ces dogmes est double. D’abord, les imposer dans l’esprit du plus grand nombre possible. Ensuite, empêcher que ceux qui n’y croient pas osent s’exprimer; et ce en jouant sur un processus de sidération et de diabolisation. Retenez l’expression souvent utilisée : « Vous n’avez pas le droit de dire cela ! ». Les médias font sortir les débats qui gênent du domaine du « vrai » et du « faux » pour les faire entrer dans celui du « licite » et de « l’illicite ».

Expliquons-nous. Bien peu de Français croient dans les dogmes officiels. Mais bien peu osent s’y opposer. Car ils craignent de le faire. Ce qui les freine, c’est le souci de leur réputation dans leur milieu professionnel, dans leur famille et, bien sûr, à l’école de leurs enfants.

Nous vivons derrière un rideau de fer de l’information et de la désinformation.

Quatorzième thèse – Le mur de l’information, le mur de la désinformation tombera.

Nous sommes emprisonnés derrière le mur de l’information et de la désinformation. Ce mur tombera comme est tombé le Mur de Berlin. Car, comme le rappelle l’historien Dominique Venner, l’histoire est le lieu de l’inattendu. Le 1er septembre 1989, personne ne pensait voir s’effondrer l’empire soviétique ni voir tomber le Mur de Berlin. Quelques mois plus tard, le monde avait changé. Et, un an après, la quasi-totalité des agents de la Stasi étaient devenus d’excellents policiers de la République fédérale réunifiée. Quand le mur de l’information sera tombé les journalistes du Figaro et de T.F.1 décriront les réalités qu’ils occultent aujourd’hui.

À nous de préparer le terrain par le dévoilement, le contournement et le désarmement de la désinformation.

Quinzième thèse – Dévoilons la désinformation.

Décrire une tyrannie, c’est déjà l’affaiblir. C’est ce que nous nous efforçons de faire avec la tyrannie médiatique. C’est la démarche de la réinformation. C’est ce que fait la bloguosphère qu’il faut appeler réinfosphère : de Radio Courtoisie à François Desouche, en passant par le Salon beige, Novopress et bien d’autres.

Seizième thèse – Contournons la désinformation.

C’est ce que permet Internet. Grâce à Internet, l’information est redevenue pluraliste. Grâce à Internet, les thèses dissidentes peuvent se faire entendre. Grâce à Internet, l’information existentielle, celle qui provient de ce qui est vécu, peut venir concurrencer l’information mimétique des grands médias dominants.

Regardez : en seulement un an, trois débats sont entrés dans le maelström d’Internet et de la réinfosphère. Le couvercle de la pensée unique a sauté : sur le changement climatique, sur la grippe H1N1, sur l’identité nationale; et en Suisse, c’est sur Internet que le référendum sur le non aux minarets s’est joué. De même, en Islande, lors du référendum sur le remboursement des dettes dues aux financiers spéculateurs.

Dix-septième thèse – Désarmons la désinformation.

Le bobard est un terme qui s’est développé dans deux acceptions principales : le « bobard de presse » et le « bobard de guerre ». Les deux ne sont évidemment pas incompatibles et l’usage qui est fait du bobard de presse relève de la guerre idéologique. Les médias mentent au nom du politiquement correct. Dénoncer les bobards comme nous le faisons aujourd’hui, c’est donc se consacrer à une entreprise de désarmement.

Aujourd’hui, les comiques ont déserté leur fonction critique. De Bedos à Plantu, ils jouent le rôle de chiens de garde du politiquement correct avec des blagues à deux balles. À nous de nous réapproprier le rire et la dérision.

Bonne soirée, bon gala !

Jean-Yves Le Gallou

Note

1 : Michel Geoffroy, « La technique de la désinformation », mise en ligne sur Polémia, le 21 avril 2010, et qu’Europe Maxima reprendra dans quelques semaines (N.D.L.R.).

• Mis en ligne sur Polémia le 21 avril 2010.


Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

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mercredi, 28 avril 2010

Terre & Peuple Magazine n°43

Terre et Peuple Magazine

N°43, équinoxe de printemps 2010

SOMMAIRE

Éditorial de Pierre Vial : Oui, nous avons raison

En Bref

-  Nouvelles d’ici et d’ailleurs

Nos traditions
- Les fourneaux d’Epona
Culture

- Cinéma : Avatar

Réflexion

- Racines du mondialisme occidental

Combat Culturel

- Au temps des idéologies à la mode

Culture

- Notes de lectures

Etudes Indo Européennes

- Regards sur les Indo Européens

DOSSIER – Identités : la révolution du XXI° siècle

Notre Communauté

- Abelardo Linares y Munoz
- Jean Claude Valla

EDITORIAL

OUI, NOUS AVONS RAISON
Notre force principale réside dans le fait que notre vision du monde repose sur la prise en compte des réalités. Il en va ainsi pour l’ethnopolitique. Contrairement à d’autres, notre conception de l’identité a pour base le facteur ethnique. Le monde va de telle façon qu’il nous donne raison tous les jours.
Illustration spectaculaire : dans le centre du Nigéria, au cours de la nuit du 6 au 7 mars, trois villages ont été attaqués par des fulanis, musulmans venus régler leurs comptes avec les chrétiens de l’ethnie Berom (en janvier, des massacres avaient fait au moins 300 morts chez les fulanis). S’en est suivie « une vague de tueries organisées et exécutées avec rigueur » (Le Monde, 10 mars 2010). Les assaillants n’ont pas fait de quartier : « Au nombre de plusieurs centaines, ils étaient armés de machettes mais aussi d’armes automatiques ». Ils ont « tiré des coups de feu pour attirer la population à l’extérieur des habitations, puis commencé à tuer, n’épargnant ni femmes ni enfants, incendiant les maisons ».
Les forces de sécurité censées empêcher de tels massacres n’empêchent rien du tout. D’abord parce qu’elles sont occupées à racketter tout ce qu’elles peuvent. Ensuite et surtout parce que « l’armée est surtout dominée par des éléments originaires du Nord, donc musulmans, alors que la police locale est essentiellement berom, donc chrétienne ». En fait, et même Le Monde est obligé de le reconnaître, les raisons apparemment religieuses du conflit reposent en fait sur une confrontation ethnique, dans un pays qui ne peut trouver de stabilité car il est multiethnique. Depuis dix ans les tueries se sont succédées : en 2001, 1.000 morts, en 2008, entre 400 et 600 (personne n’est capable d’établir des chiffres précis). Bien sûr cela va continuer. Pour comprendre les données et les enjeux des confrontations ethniques en Afrique, la meilleure source d’information est L’Afrique réelle. La revue fondée par Bernard Lugan, dont beaucoup regrettaient l’interruption, revient sur internet en version modernisée, avec chaque mois 16 pages couleur et de nombreuses cartes en quadrichromie. Dans chaque numéro, une rubrique d’actualité (en janvier, les conflits ethniques en Guinée) et un riche dossier. Renseignements : www.bernard-lugan.com.
Nous avons fait le choix de la lucidité et des conséquences qui en découlent, sur le plan de l’engagement. A savoir que les convictions ne doivent jamais être sacrifiées à des intérêts conjoncturels, d’ailleurs illusoires. En clair, cela signifie que nous refusons tout compromis, tout opportunisme, proposé sous le prétexte que notre corpus idéologique nous interdit toute perspective de « réussite ». Quelle « réussite » ? Celle qui consiste, en vendant son âme pour un plat de lentilles, à être tolérés, admis par les gens qui contrôlent le pouvoir, tous les pouvoirs et qui exigent que l’on se plie aux dogmes du politiquement correct si l’on veut échapper à la diabolisation ? Un peu partout, en Europe, des gens censés appartenir à notre camp se sont engagés sur la voie sans retour, la voie du reniement. En faisant allégeance au cosmopolitisme, au pouvoir de l’argent. En se convertissant à un embourgeoisement qui les amène à trahir les engagements et les luttes de leur jeunesse. Il ne faut pas être « extrémiste », n’est-ce pas, si on veut obtenir une place (un strapontin…) dans le cirque démocratique. Pitoyable déchéance, qui ne peut qu’inspirer le mépris. Et qui n’empêchera pas les renégats de rester bel et bien des parias pour ceux qui les roulent dans la farine en leur faisant miroiter un brevet de respectabilité, censé ouvrir les portes de juteuses carrières.
Nous, nous ne nous ne faisons pas d’illusions : nous sommes, nous avons choisi d’être dans le camp des maudits. A jamais. Nous nous y trouvons bien car c’est le seul endroit où l’on croise des hommes et des femmes dignes d’estime.
Pierre VIAL

lundi, 26 avril 2010

Louis-Ferdinand Céline: criminel ou humaniste?

Louis-Ferdinand Céline : Criminel ou Humaniste?

Ex: http://lepetitcelinien.blogspot.com/

Article d'Alessandro Gnocchi, paru dans Il Giornale, 28/10/2009.
Traduction: Stefano Fiorucci et Jeannine Renaux.

Criminel ou Humaniste? La France se dispute au sujet de Céline

Céline et l'Antisémitisme : le traditionnel champ de mines, où cycliquement quelqu'un s'aventure suscitant des réactions fermes. L'essayiste et éditeur français Karl Orend (le directeur de Alyscamps Press), dans un article publié cet été sur Times Literary Supplement, s'est lancé dans un défense passionnée de Céline, allant jusqu'à la réévaluation de ses pamphlets antisémites. Maintenant, après une lettre critique publiée par le journal britannique, les premières répliques arrivent. La site littéraire de l'édition internet de l'hebdomadaire français Le Nouvel Observateur prévoit un article du magasine mensuel Books, qui sortira demain et qui mettre Orend en morceaux.

D'après ce dernier, Bagatelles pour un massacre (1937), L'école des cadavres (1938) et Les Beaux Draps (1941) ont été écrits « en guise d'avertissement, d'appel à éviter de nouveaux massacres ». Orend, comme on dit, représente les positions de l'auteur de Voyage au bout de la nuit : la paranoïa d'un possible « complot juif » destiné à enfoncer l'Europe dans une nouvelle guerre, était en définitive, partagé par « des millions de personnes »; et la société française était imprégnée d'antisémitisme. En outre, selon Orend, il faudrait étudier le style de Céline: violent, sarcastique et halluciné. Un caractère tellement fort dans les oeuvres « politiques » qu'il serait à considérer comme « un excercice ». La thèse n'est pas nouvelle. En effet, l'opinion d'André Gide sur Bagatelles pour un massacre, confiée à un article de la « Nouvelle Revue Française» est célèbre : «C'est un jeu littéraire». Orend poursuit : la fuite de Céline à travers l'Allemagne et le Danemark, en 1945, suite aux accusations de collaborationisme avec les nazis qui occupaient la France, a été causé par le « lynchage médiatique » de l'écrivain; « lynchage médiatique » à l'origine de l'assassinat de son éditeur, Robert Denoël, en Décembre de la même année. Orend invite alors à considérer « le côté humain de Céline » trop longtemps « ignoré ». L'écrivain, « humaniste incompris », « s'occupait des pauvres et des malades et se consacrait à ceux qui avaient été loyaux envers lui. La musique et la danse étaient ses passions ».

Enfin, après avoir rappelé que sa mère était une Juive polonaise, Orend conclut: « La raison pour laquelle Céline est détesté est simple. Il nous rappelle les mensonges que les personnes ont écrit pour dissimuler leur honte d'avoir laissé courir l'Holocauste se poursuivre, en particulier la honte des Français, coupables de collusion. » En autres termes : Céline a été le bouc émissaire idéal pour une société complaisante et incapable d'admettre ses propres compromis avec le nazisme. C'est plus ou moins ce qu'a déclaré Céline même, par exemple dans les violentes invectives contre Sartre, qui l'avait accusé d'être embauché par les Allemands. Céline, dans A l'agité du bocal (édition italienne: Tarte, L'obliquo, 2005) répondra en reprochant au philosophe d'avoir accepté de mettre en scène ses oeuvres théâtrales pour les officiers de la Wehrmacht, et d'avoir toujours pris des positions ambiguës.

Oliver Postel-Vinay, sur Books, reproche à Orend de ne pas s'être contenté de chanter les louanges de l'écrivain, mais d'avoir voulu le réhabiliter « du point de vue moral ». Opération téméraire, aussi parce qu'il ne prend pas en compte un volume discret de matière, Postel-Vinay cite en particulier les articles publiés par Céline sur des journaux au moment de l'occupation nazie. (Auxquels on peut ajouter des documents sortis des recherches d'archives, dont rend partiellement compte la biographie de Céline écrite par Philippe Alméras, publié en Italie par Corbaccio). Il y a des attaques personnelles (le poète Juif Robert Desnos, morte par la suite dans un camp de concentration), des invitations à adopter une attitude dure sur les questions raciales, et l'espoir d'une division entre le Nord de la France, pur, et le Sud, métissé.

Antisémites, anti-communiste, anti-bourgeois, anti-libéral, anti-démocratique : il est évident que Céline divise. Il fut un grand écrivain. C'est pour cette raison, que pour certains, il semble intolérable que ses idées politiques soient indéfendables : et voici les Orend occupés à « le réhabiliter » et à en faire presque un petit saint. C'est pour la même raison, que pour certains il semble intolérable d'admettre la grandeur de son œuvre. Peut-on séparer l'écrivain de l'homme? Peut-être pas. Mais il est faux de juger la valeur d'un écrivain sur celle de l'homme, parce que nous devrions peut-être arracher trop de pages aux anthologies.

Alessandro Gnocchi,
Il Giornale, 28/10/2009

Traduzione dall'italiano:

Stefano Fiorucci e Jeannine Renaux

NOTE ALLA TRADUZIONE
La traduzione del testo è stata revisionata e raffinata da Jeannine Renaux. Fondamentale il suo apporto in particolare nella scelta dei verbi più appropriati al contesto della frase da tradurre. Laddove l'autore ha inserito nomi di case editrici, di riviste e titoli di opere si è deciso di utilizzare il corsivo per metterli in risalto. Qualora decidiate di lasciare invece il testo originale, togliete pure il corsivo senza bisogno di avvisare o chiedere il consenso. [...]
Stefano Fiorucci
21 marzo 2010

 

dimanche, 25 avril 2010

Les idées politiques de Céline

Vient de paraître :

Les idées politiques de Louis-Ferdinand Céline

Les éditions Ecriture publie dans la collection "Céline & Cie" Les idées politiques de Louis-Ferdinand Céline de Jacqueline Morand initialement paru en 1972. Une bonne analyse du contexte politique de la parution des pamphlets et des pamphlets eux-mêmes.

Présentation de l'éditeur

Céline s'est toujours défendu de s'être engagé politiquement, rappelant qu'il n'adhéra jamais à aucun parti, se flattant d'être un « homme de style » dépourvu de « message ». Ses écrits l'ont pourtant associé aux controverses politiques de son époque.
« Trois thèmes principaux se détachent. Le pacifisme semble l'avoir emporté par la vigueur du sentiment. L'antisémitisme a chargé l'écrivain du fardeau d'un péché capital. Le socialisme, entendu au sens large, l'a entraîné dans la voie d'un « communisme Labiche » et dans des projets largement utopiques d'organisation sociale. L'anarchisme et le fascisme, attitudes politiques souvent attribuées à l'écrivain, méritent discussion », explique l'auteur.
Une autre approche de la pensée célinienne fait de l'écrivain un précurseur à la fois de la démarche existentialiste et des philosophies de l'utopie. Si l'acceptation tragique et absurde de l'existence, le sens du nihilisme se retrouvent dans la pensée sartrienne, Céline se réfugia plutôt dans l'« utopie concrète », selon le mot d'Ernst Bloch, la plupart de ses propositions s'inspirant de cet « idéalisme pessimiste » cher à Marcuse.
Enfin, les pamphlets, motifs de sa condamnation définitive. S'ils ne semblent pas avoir influencé profondément l'immédiat avant-guerre, leur outrance même desservant leur cause, la critique des maux de son époque demeure comme un témoignage de la crise des esprits, caractéristique des années 1930. Ici, « dogmatisme brutal, provocation, lyrisme, recherche de l'effet aux dépens de la rigueur sont autant d'artifices et d'obstacles à franchir pour dégager l'idée elle-même ».

Jacqueline Morand,
Les idées politiques de Louis-Ferdinand Céline, Ed. Ecriture, 2010.

 

vendredi, 23 avril 2010

Cioran: martyr ou bourreau?

Cioran : martyr ou bourreau ?

Réflexions sur le renversant faux-pas d'un politicien libéral

 

par José Javier ESPARZA

 

Cioran. Que n'aura-t-on pas dit de Cioran ? Pour certains commentateurs, ce n'est qu'un écrivain qui publie des aphorismes médiocres, ce n'est que l'auteur d'une « philosophie pour concierges » ; pour d'autres, il est le meilleur écrivain vivant de langue française. Entre ces deux extrêmes, on trouve un immense éventail d'opinions de valeurs diverses. Ce que l'on n'avait jamais dit de Cioran, c'est qu'il était fasciste. Mais aujourd'hui, c'est fait ; on ne voit pas bien pourquoi, mais un politicien libéral espagnol lui a attribué la paternité idéologique du phénomène Le Pen !

 

Le renversant faux-pas du politicien libéral

 

cioran.jpgCe n'est pas une blague. Cette opinion a bien été émise : par Lorenzo Bernaldo de Quirós, membre de la Junta Directiva del Club Liberal de Madrid qui fait bruyamment état de ses opinions philo­sophiques très particulières dans le supplément « Papeles para la Libertad » publié chaque semai­ne par le quotidien Ya (1). Dans l'un de ses ar­ticles, intitulé « Plus jamais Auschwitz », paru le 12 janvier 1988, Bernaldo de Quirós lançait un avertissement au monde libre, menacé par un danger imminent : Le Pen, locomotive d'un fas­cisme populiste, inspiré à son tour par un autre fascisme, plus dangereux, le fascisme intellectuel dont Bernardo de Quirós attribuait la responsa­bilité à une constellation étrange d'auteurs très différents les uns des autres : « Montherland » (il veut sans doute dire Montherlant), Fernando Sa­vater (2), Alain de Benoist et le penseur roumain Emil Cioran. Et de citer en note l'œuvre de ce dernier « El aciago domingo » (il se réfère peut-ê­tre à « El aciago Demiurgo », Le mauvais démiur­ge en trad. esp.). Par le biais d'une opération grossière d'amalgame des concepts, Bemaldo de Quirós les rend tous responsables (de façon plus ou moins importante) de la paternité des idées anti-chrétiennes, tragiques et anti-libérales qui menacent le bon ordre régnant en Occident : l'or­dre libéral.

 

Le raisonnement de Bemaldo de Quirós n'est pas habituel. Peut-être plus accoutumé au tissu gros­sier des discours économistes qu'aux subtilités et aux clairs-obscurs de la pensée philosophique, le madrilène libéral confond tout avec tout pour éla­borer vaille que vaille la réflexion suivante (qui n'est pas toujours explicite) dans son article : 1) le phénomène du populisme xénophobe devient à la mode (?) en France ; 2) en réalité, il y a plus important que cette vague politique immédiate­ment perceptible : l'existence en coulisse de pen­seurs comme Montherlant ou Alain de Benotst qui défendent des idées anti-chrétiennes et « aristocratisantes » ; 3) or, de Benoist « copie Cioran » ; et Savater aurait sa part de responsabilités dans la popularisation de Cioran en Espagne ; 4) ces au­teurs s'appuient sur les thèses des historiens révisionnistes (?) qui nient l'holocauste juif (des références, svp...) ; 5) comme on ne peut plus défendre aujourd'hui une xénophobie antijuive, on prêche pour une xénophobie anti-africaine, et nous voici revenus à Le Pen, la boucle est bou­clée. Naturellement, Bemaldo de Quirós n'écrit pas « Cioran est fasciste » mais son discours im­plicite est transparent lorsqu'il dit que de Benoist (qui, par conséquent, serait aussi « fasciste ») co­pie Cioran.

 

Si nous devions juger la pensée libérale en nous basant sur des opinions comme celle-là, nous de­vrions conclure que le libéralisme espagnol ne peut générer qu'une pensée malade, peureuse et hystérique devant tout ce qui s'oppose à l'empire du burger et de Superman. En effet, ni de Be­noist ni Savater ni probablement Cioran, ne sont d'accord avec l'empire du dollar. Mais ce n'est pas une raison pour les prendre pour des con­frères en conspiration et, moins encore, d'en fai­re les maîtres occultes de Le Pen qui, lui, par contre, ne manifeste guère son désaccord à l'égard de la domination du dollar, du nationalisme jacobin, du christianisme à la française et de Su­perman.

 

Le bourreau

Mais la question que pose directement l'article de notre libéral madrilène n'est pas aussi intéressante que la question de fond de tout ce problème : qu'est-ce qui les irrite ? Qu'est ce qui les rend nerveux ? Qu'est ce qui les dérange tant dans le discours de Cioran, eux, les défenseurs du statu quo ?

Il ne s'agit pas ici de défendre Cioran. Dans un article consacré au philosophe roumain, Savater écrivait : « Comment défendre les idées d'une per­sonne qui soutient que s'accrocher à une idée, c'est se construire un échafaud dans le cœur, de celui qui défend les droits de la divagation contre les certitudes du système et propose comme uni­que fondement de ses opinions, l'humour mo­mentané et spontané qui les suscite ? » (3). Non, Cioran est drôlement indéfendable. Et c'est sa première grande vertu, sa première grande oppo­sition à l'ordre qui juge tout selon que c'est bon ou mauvais pour le futur historique (et hypothé­qué) de l'ordre libéral.

C'est probablement bien malgré lui qu'Emil Cio­ran se mue en bourreau cruel du système qui l'entoure. Il ne pouvait en être autrement. Le courageux apatride roumain vit dans une civilisa­tion qui adore l'homme, qui idôlatre le sens de l'histoire, qui s'enfonce confortablement dans le coussin de l'Occident.

Cioran méprise l'homme, l'histoire et l'Occident. Voilà ses trois péchés capitaux.

L’avenir du cyanure

« L'homme sécrète du désastre » écrit Cioran, et il affirme « Je crois au salut de l'humanité, à l'avenir du cyanure… » (4). Le mépris de l'humain, la conviction que l'homme, cette « unité de désas­tre » (5), a déjà donné le « meilleur » de lui-même, voilà une constante qui se répète de manière in­sistante dans l'œuvre de Cioran. « Engagé hors de ses voies, hors de ses instincts – é­crit-il dans le Précis de décomposition –, l'hom­me a fini dans une impasse. Il a brûlé les étapes... pour rattraper sa fin ; animal sans avenir, il s'est enlisé dans son idéal, il s'est perdu à son propre jeu. Pour avoir vou­lu se dépasser sans cesse, il s’est figé ; et il ne lui reste comme resource que de récapituler ses folies, de les expier et d'en faire encore quelques autres » (6). Dans Valéry face à ses idoles (1970), il insiste : « Quand l'homme aura atteint le but qu'il s'est assigné : asservir la Création – il sera com­plètement vide : dieu et fantôme » (7). « Il n'est absolument pas nécessaire d'être prophète – écrit-il ailleurs – pour discerner clairement que l'homme a déjà épuisé le meilleur de lui-même, qu'il est en train de perdre sa contenance, s'il ne l'a déjà pas perdue » (8). L'huma­nité, par ses propres mérites, est « éjectée enfin de l'histoire » (9).

 

Histoire : banalité et apocalypse

La passion moderne pour l'histoire est précisé­ment une autre des cibles préférées de Cioran. Pour lui, l'histoire est un « mélange indécent de banalité et d'apocalypse » (10). Le progrès et la modernité, formes de civilisation construites sur le culte de l'histoire et de sa contemplation uto­pique dans l'attente d'une fin heureuse, sont au­tant de bourbiers où naufrage la consternante es­pérance humaine. « Tout pas en avant – écrit Cioran –, toute forme de dynamisme comporte quelque chose de satanique : le "progrès" est l'é­quivalent moderne de la Chute, la version profa­ne de la condamnation » (11). La même logique de la chute obscurcit le fantôme de la modernité : « être moderne, c'est bricoler dans l'Incurable » (12). Inéluctabilité de la marche de l'histoire ?

« Quiconque, par distraction ou incompétence, arrê­te tant soit peu l'humanité dans sa marche, en est le bienfaiteur » (13), affirme Cioran, en lançant un voile de terreur sur les consciences de ceux qui croyaient avoir construit la meilleure civilisa­tion qui ait jamais existé sur terre.

Le spectre de l'Occident

Cette civilisation, c'est l'Occident, « un possible sans lendemain » (14), une civilisation née sur les dogmes de l'humanisme et de l'historicisme. Tous deux nous apparaissent aujourd'hui comme de vieux squelettes décharnés. « Les vérités de l'humanisme – dit Cioran –, la confiance en l'homme et le reste, n'ont encore qu'une vigueur de fictions, qu'une prospérité d'ombres. L'Occi­dent était ces vérités : il n'est plus que ces fic­tions, que ces ombres. Aussi démuni qu'elles, il ne lui est pas donné de les vérifier. Il les traîne, les expose mais ne les impose plus ; elles ont ces­sé d'être menaçantes. Aussi, ceux qui s'accro­chent à l'humanisme se servent-ils d'un vocable exténué, sans support affectif, d'un vocable spectral » (15). Image de ce spectre : l'homme oc­cidental, un homme tourmenté, qui « fait penser à un héros dostoïevskien qui aurait un compte en banque » (16). De la même façon, tous les philo­sophes utopiques qui prétendirent trouver dans l'histoire un sens positif, une direction linéaire vers le meilleur, périssent : « Il y a plus d'honnê­teté et de rigueur dans les sciences occultes que dans les philosophies qui assignent un "sens" à l'histoire » (17) ; le matérialisme historique ne suppose pas en réalité un changement qualitatif quant à la providence divine : « c'est changer simplement de providentialisme » (18).

L'Occident meurt, installée à cheval sur ces deux spectres. « C'est en vain que l'Occident se cher­che une forme d'agonie digne de son passé » (19) ; mais personne n'a intérêt à s'éveiller : « l'Eu­rope, indifférente à ceux qui vaticinent, persévè­re allègrement dans son agonie ; agonie si obsti­née et durable qu'elle équivaut peut-être à une nouvelle vie » (20).

Cette féroce réalité que Cioran nous dévoile dans l'Occident contemporain, éclaire d'une nouvelle lumière des aspects plus quotidiens comme celui du colonialisme occidental dans ce qu'on appelle le Tiers Monde : « L'intérêt que le civilisé porte aux peuples dits arriérés est des plus suspects. Inapte à se supporter davantage, il s'emploie à se décharger sur eux du surplus des maux qui l'accablent, il les engage à goûter à ses misè­res, il les conjure d'affronter un destin qu'il ne peut plus braver seul » (21).

On comprend que, considérée de manière super­ficielle, cette thèse de Cioran puisse rappeler des filons bien précis de la pensée « réactionnaire » ou « traditionnelle ». En effet, il connaît les mysti­ques et se méfie des utopies ; il pense que l'hom­me est plus un animal qu'un saint, mais il croit que le théologien nous comprend mieux que le zoologiste ; on pourrait donc le considérer comme un de Maistre tourmenté et faible (au sens post­moderne de l'expression). Il contribue également à la confusion quand il écrit : « Tout semble admi­rable et tout est faux dans la vision utopique ; tout est exécrable, et tout a l’air vrai, dans les consta­tations des réactionnaires » (Essai sur la pensée réactionnaire) ; et quand il voit dans la politique « la malédiction par excellence d'un singe méga­lomane » (Ibid.).

Mais il faut laisser cette impression immédiate­ment de côté si nous voulons comprendre le reste de la férocité cioranesque. Cioran est, en effet, un bourreau aux yeux du troupeau occidental, et d'une certaine façon, un « réactionnaire » au sens pur du terme, cependant toute sa violence ne pro­vient pas d'une foi, elle est le résultat d'une im­mense déception, d'une condition angoissante, celle de l'« arrêté » à perpétuité au-dessus de l'abî­me du monde. Dans cette perspective, Cioran n'est plus un bourreau, mais un martyr ; dans ce cas, il faut écarter de ce terme tout ce qui pourrait nous suggérer héroïsme, ascèse et salut. Lui-mê­me se définit comme « un parvenu de la névrose, un Job à la recherche d'une lèpre, un Bouddha de pa­cotille, un Scythe flemmard et fourvoyé ».

Entre le dilettantisme et la dynamite

Élément déterminant dans l'angoisse de Cioran : sa condition d'apatride. « Un penseur – écrit-il­ – s'enrichit de tout ce qui lui échappe, de tout ce qu'on lui dérobe : s’il vient à perdre sa patrie, quel aubaine ! » (22). Orphelin de son appartenance et d'un enracinement, Cioran ne doit défendre au­cune vision du monde, aucun préjugé, aucune certitude. Savater a tort d'y voir une libération ; pour Cioran, oui, ça l'est, mais à un prix très élevé : le droit au Temps et à l'histoire : « Les autres tombent dans le temps ; je suis, moi, tombé du temps » (23).

Léger, détaché du temps et de l'espace, Cioran ne trouve pas d'appui non plus dans les idéolo­gies. Ici aussi, après avoir connu la fascination des extrêmes, il s'est « arrêté quelque part en­tre le dilettantisme et la dynamite » (24). Ni Dieu ni vie n'existent dans cet endroit. La vie est une « combinaison de chimie et de stupeur » (25), qui fait de la leucémie « le jardin où fleurit Dieu ». (26). Quant à Dieu lui-même...

Face à l'orgueil divin

« L'odeur de la créature nous met sur la piste d'u­ne divinité fétide » (27). Ce cruel aphorisme de Cioran peut résumer toute l'amertume de celui qui estime inconcevable une divinité seulement intelligible au départ de l'humain. Cioran se re­belle contre la bonté du créateur du mal : « L'idée de la culpabilité de Dieu n'est pas une idée gra­tuite, mais nécessaire et parfaitement compatible avec celle de sa toute-puissance : elle seule confère quelque intelligibilité au déve­loppement historique, à tout ce qu'il contient de monstrueux, d'insensé et de dérisoire. Attribuer à l'auteur du devenir la pureté et la bon­té, c'est renoncer à com­prendre la majorité des événements, et singulièrement le plus important : la Création » (28). Face à l'orgueil divin, Cioran n'hésite pas à s'inscrire sur les listes du diable : « J'ai eu beau fréquenter les mystiques, dans mon for intérieur j'ai toujours été du côté du Démon : ne pouvant pas l'égaler par la puissance, j'ai essayé de le valoir du moins par l’insolence, l’aigreur, l’arbitraire et le caprice » (29).

Et cependant celui qui croit voir en Cioran une nostalgie du sacré ne se trompe pas : « Quel dom­mage que, pour aller à Dieu, il faille passer par la foi ! » (30) ; il écrit et ajoute : « Si je croyais en Dieu, ma fatuité n'aurait pas de bornes : je me promènerais tout nu dans les rues... » (31). Nostalgie ou furie – chez Cioran, c'est la même chose – l'écueil divin est probablement la raison ultime de sa pensée, de son attitude devant la vie et de son attitude face à sa propre œuvre. Une œuvre à laquelle Cioran accorde une importance énorme, non à cause de son contenu mais à cau­se de son effet cathartique, de sa fonction matéria­lisatrice de la rébellion intime. Et c'est ici, dans cette révolte, que l'on doit s'installer pour com­prendre Cioran, pour situer sa férocité et son dé­sir délibéré du scandale.

Vengeance en paroles

Mais avant tout : devons-nous comprendre Cio­ran ? Il est difficile d'aborder avec bonne cons­cience l'épineux Roumain. Dans Syllogismes de l'amertume, il prévient les audacieux : « Tout commentaire d'une œuvre est mauvais ou inutile, car tout ce qui n'est pas direct est nul » (32). Et dans une lettre à Savater, il affirme à propos de Borgès une chose qui pourrait bien s'appliquer à lui-même : « À partir du moment où tout le monde le cite, on ne peut plus le citer, ou, si on le fait, on a l'impression de venir grossir la masse de ses "admirateurs", de ses ennemis » (33).

Faisons donc abstraction de la vantardise bien compréhensible de l'analyste, car nous ne pouvons éviter de commenter l'auteur. Et signalons, qu'en écrivant, Cioran se libère, se rebelle, se venge, se drogue ; c'est là la raison de son œu­vre : « J'écris pour ne pas passer à l'acte, pour é­viter une crise. L'expression est soulagement, revanche indirecte de celui qui ne peut di­gérer une honte et qui se rebelle en paroles contre ses semblables et contre soi. (…) Je n'ai pas écrit une seule ligne à ma température nor­male. (…) Écrire est une provocation, une vue heureusement fausse de la réalité qui nous place au-dessus de ce qui existe et de ce qui nous semble être. Concurrencer Dieu, le dé­passer même par la seule vertu du langage, tel est l'exploit de l'écrivain, spécimen ambigu, déchiré et infatué qui, sorti de sa con­dition naturelle, s'est livré à un vertige superbe, déconcertant toujours, quelquefois odieux » (34).

En dernière extrémité, nous pourrions dire que Cioran écrit selon sa mauvaise humeur : « Je n'ai rien inventé – écrit-il –, j’ai été seulement le secré­taire de mes sensations » (Écartèlement). Et il ne s'agit pas d'un faux jugement mais d'un jugement insuffisant. Les grogneries littéraires de Cioran ont porté une certaine critique, globale et aimable, si bien qu'en réalité, toute sa férocité n'est qu'un simple exercice de style ; il refuse ainsi toute espèce de vraisemblance avec la passion de l'apatride rou­main, il réduit tout son discours à une simple pratique ludique ; il insulte par conséquent le fus­tigateur de la condition humaine et il méprise le contenu de l'hérésie pour faire l'éloge de son expression propre. Banal. La littérature carnivore de Cioran est volontairement hérétique ; mais mê­me si elle ne l'était pas, toute sa capacité subver­sive s'y trouve, c'est indéniable, elle fait son ef­fet et parvient à convaincre ceux qui ne sont pas d'accord car, comme l'écrit Cioran, « l'hérésie représente la seule possibilité de revigorer les consciences, […] en les secouant, elle les préser­ve de l'engourdissement où les plonge le confor­misme » (35).

En tout cas, ce ne sera pas l'auteur qui nous en­lèvera ce doute. Cioran juge délibérément avec cette ambivalence, avec cette ambiguïté. Il sait que c'est la seule façon de durer. Dans son essai sur Joseph de Maistre, il écrit quelque chose qu'il semble dire à propos de lui-même : « sans ses contradictions, sans les malentendus qu’il a, par instinct ou calcul, créés à son propre sujet, son cas serait liquidé depuis longtemps, sa carrière close, et il connaîtrait la malchance d'être compris, la pire qui puisse s'abattre sur un auteur » (36).

Qu'ils s'alarment...

 

C'est évident : face à une réalité aussi complexe que celle de l'écrivain Cioran, les propos de tous les Bernaldos de Quirós circulant dans ce vaste monde ne sont que des mesquineries pour feuilletons américains. Autre évidence : impliquer l'a­patride tourmenté dans ce genre de questions po­liticiennes soulevées par exemple par un Le Pen relève de la plus solennelle des bêtises. Les raci­nes de la philosophie de Cioran, cette philoso­phie tragique et anti-humaniste, qui semble telle­ment effrayer nos bons libéraux espagnols, véhi­cule une culture qui est européenne jusque dans la moëlle, depuis cinq mille ans au moins ! Et confondre cette philosophie plurimillénaire avec un politicien français de cette fin de siècle, peu porté par ailleurs sur les excès intellectuels, est une exagération un peu alarmante.

Mais c'est peut-être de cela qu'il s'agit : alarmer les gens. Non pas d'alarmer les gens parce que telle ou telle philosophie existe envers et contre la volonté des conformistes, mais d'alarmer les bonnes consciences, couleur de rose, parce qu'un Cioran, génial et cruel, récupère, illustre, diffuse et affirme la seule chose qui, aujour­d'hui, peut conjurer le fantasme de l'Occident : la tragédie, l'anti-humanisme, l'éloge de la Chute, toutes sorties valables pour une civilisation qui, en effet – bien qu'elle ne veuille pas s'en rendre  compte – est déjà tombée.

Qu'ils s'alarment. Peu importe. Plus personne n'écoute. Pendant ce temps, la pensée de Cioran, une pensée barbare, éloignée des chaires et des conférences mondaines, devenue paradoxale­ment dangereuse parce qu'elle est désormais commercialisable (et peut-être commercialisable aujourd'hui précisément parce qu'elle est bar­bare), mine convictions et bétonnages. Cette « herméneutique des larmes » (ainsi Cioran défi­nit-il son style dans Des larmes et des saints) paraît s'emboîter à la perfection dans les angoisses contemporaines.

En 1934, dans une œuvre encore écrite en rou­main, Pe culmile disperarii (« Sur les cimes du désespoir »), Cioran écrivait : « Est-ce que l'exis­tence sera pour nous un exil et le néant une pa­trie ? ». Aujourd'hui, nous avons tous déserté l'existence ; aujourd'hui nous habitons tous le néant. Devons-nous nous étonner que l'angoisse de Cioran nous apparaisse comme sœur jumelle de notre propre angoisse ?

Les réactionnaires du XIXème siècle ont réagi contre le XVIIIème siècle en proposant un retour au XVIème siècle. Si aujourd'hui, en fin de modernité, il faut être réactionnaire (et soyons provocant : il n'est jamais mauvais d'être « réac­tionnaire », de réagir face aux phénomènes de dé­clin), seul peut l'être – et l'être dignement – le style de Cioran : sans propositions, sans alterna­tives. Le néant contre le vide ; l'angoisse doublée du râle face à la mort de toute illusion. C'est ce­la, finalement, la véritable dimension de Cioran : l'esthétique –puisqu'il n'y a plus d'éthique – menaçante d'une barbarie, en apparence fondée sur les Lumières, qui, seule, peut mettre un point final tragique à plus (ou beaucoup plus) de deux cents ans de civilisation à l'enseigne de l'Aufklärung.

José Javier ESPARZA

 

 

 

(1) Malgré son caractère superficiel fréquent, la lecture de ce supplément est à recommander. On y découvre tous les préjugés classiques de la droite libérale espagnole qui, au­jourd'hui, affectée par la « vague Reagan », tente de remplir sa malle doctrinale de thèses réductionnistes et économi­cistes, propres à l'anti-pensée libérale. Antérieurement, ce même supplément avait consacré à la post-modernité, nouveau monstre à trois têtes, une série d'opinions vrai­ment délirantes.

(2) La persécution de Femando Savater parait s'être trans­formée en nouveau sport national. L'année passée et au cours d'un hommage rendu à Ché Guevara, Savater fut du­rement apostrophé et qualifié de « fasciste » par une partie du public présent, tout cela pour avoir dit que le Ché était « comme un bon Rambo ». Peu après, le politicien démo­crate-chrétien et historien pro-américain Javier Tussell s'en prenait à l’auteur de La Tarea del héroe (« La Tâche du héros ») en l'accusant d'« irresponsabilité intellectuelle » à cause de ses déclarations critiques envers la fièvre mo­narchique espagnole. Aujourd'hui, Bemaldo de Quirós le rend en partie responsable du parrainage de Le Pen parce qu'« il copie Cioran » (?), Sans doute, la pensée de Savater est très critiquable mais, à notre avis, pas à cause de ces trois « crimes de pensée » qu'on lui impute à droite comme à gauche et qui constituent, justement, autant d'élans de lucidité chez ce philosophe qui suscite la polémique.

(3) F. Savater, « El indefendibile e indefenso Cioran », in Quimera, 4, febrero 1981.

(4) Syllogismes de l'amertume.

(5) Précis de décomposition. (6) op. cit.

(7) « Valéry face à ses idoles », texte repris dans le volume intitulé Exercices d'admiration : Essais et portraits (Galli­mard).

(8) « L'enfer du corps », essai paru dans Le Monde, 3 fé­vrier 1984.

(9) La chute dans le temps.

(10) Précis de décomposition.

(11) La chute dans le temps.

(12) Syllogismes de l'amertume. (13) ibid. (14) ibid. (15) ibid. (16) ibid. (17) ibid.

(18) Essai sur la pensée réactionnaire.

(19) Syllogismes de l'amertume.

(20) Essai sur la pensée réactionnaire.

(21) La chute dans le temps.

(22) Essai sur la pensée réactionnaire.

(23) La chute dans le temps.

 (24) Syllogismes de l'amertume. (25) ibid. (26) ibid. (27) ibid.

(28) Essai sur la pensée réactionnaire. (29) ibid.

(30) Syllogismes de l'amertume. (31) op. cit. (32) ibid.

(33) Exercices d’admiration. (34) ibid. (35)ibid. (36)ibid.

 

Cioran à Paris en 1949, au moment où venait de pa­raître son premier ouvrage en français, le Précis de décomposition. Cioran a appris le français grâce à un invalide de la Grande Guerre, virtuose de la lan­gue basque et de la langue française, érotomane délicat qui arpentait les boulevards de Montparnasse. Cet homme l'a exhorté à relire !es auteurs du XVIIlème siècle, à imiter leur perfection. Dans un interview accordé au philosophe allemand Gerd Bergfleth, Cioran rend hommage à cet inva­lide du Pays Basque, ce puriste de la langue et de la grammaire (Emil M. Cioran, Ein Gespräch, ge­führt von Gerd Bergfleth, Rive Gauche/Konkurs­buchverlag, Tübingen, 1985; Cioran a donné cette entrevue en langue alle­mande ; le texte original en est donc le texte alle­mand).

Cioran: une pensée contre soi héroïquement positive

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Liliana Nicorescu

Cioran : une pensée contre soi héroïquement positive

Ex: http://www.revue-analyses.org/

Être le « héros négatif » de son temps, c’est, selon Cioran, trahir celui-ci : participer ou non aux tourments de son époque, c’est toujours faire le mauvais choix, se leurrer. Comme Cioran lui-même fut le « héros négatif » d’un « Âge trop mûr », l’étude que lui consacre Sylvain David se veut une « approche “sociale” » d’une œuvre qui fait l’apologie de la marginalité et du désistement. L’enjeu est d’explorer les ressources esthétiques et sociales de l’écriture d’un misanthrope plus ou moins sociable, qui s’est déclaré « métaphysiquement étranger » et dont l’ambition fut de s’adresser à « la communauté des exclus, des unhappy few » (p.  11) — les faibles, les ratés, son segment favori de lecteurs — vivant, tout en en étant conscients, dans une modernité aux accents spengleriens ou nietzschéens, nommée tantôt « décadence », tantôt « déclin », tantôt « crépuscule », tantôt « monde finissant ». Vivre et écrire en marginal participe d’un « héroïsme négatif », c’est-à-dire « de la chute », « de la décomposition », de la pensée « contre soi » (« le seul geste héroïque possible encore à l’homme moderne »), au fondement duquel l’auteur place la quête d’« une posture digne à opposer à l’inconvénient ou à l’inconvenance de la condition de l’homme moderne  » (p. 17), d’une réponse lucide, parfois fataliste, aux questions incontournables de la modernité. C’est, selon Sylvain David, la source même de l’écriture cioranienne et de la posture négativement héroïque d’une œuvre qui s’articule autour de la dualité entre le sujet et la collectivité, d’une identité sapée par le doute, et d’un « penser contre soi-même » assidûment professé par l’auteur des Cimes du désespoir.

L’analyse de l’œuvre cioranienne passe — plus que jamais, après la mort de l’essayiste — par l’étape roumaine de sa création littéraire. Depuis onze ans, la question fondamentale est, selon certains critiques, de concilier « l’aristocrate du doute » et l’« antisémite de conviction ». Le « dévoilement du voile » annoncé par Alexandra Laignel-Lavastine en 2002 ne tente pas Sylvain David, qui, tout en reconnaissant une « historicisation » de la pensée cioranienne dans la deuxième étape de création de l’auteur de La Transfiguration de la Roumanie, refuse de l’historiciser in corpore ou à rebours et, par conséquent, de juger l’œuvre française en fonction de l’œuvre roumaine. La « seconde naissance » de Cioran passe, certes, par l’historicisation de sa pensée : celui qui prônait dans son premier livre roumain l’« héroïsme de la résistance et non de la conquête » allait admirer quelques années plus tard Corneliu Zelea-Codreanu et Hitler, pour s’attaquer ensuite à toute forme de fanatisme, d’engagement politique. Par conséquent, la tension fondamentale de l’œuvre cioranienne sera « la relation conflictuelle d’un homme avec son époque, son milieu, si ce n’est avec lui-même » (p.  23).

Les rapports entre l’écriture et le désengagement constituent la première partie du livre, intitulée Un discours (a)social. Les trois premiers livres français de Cioran (Précis de décomposition, 1949; Syllogismes de l’amertume, 1952; La Tentation d’exister, 1956) sont empreints de la certitude du déclin, de la décadence, de l’éternelle erreur. Si l’esprit moderne est marqué par « la négativité et le relativisme » (p. 24), l’œuvre de Cioran se distinguera non seulement en tant que « dénonciation du caractère insidieux de l’esprit moderne », mais aussi en tant que « discours (a)social » (p. 29). Dans cette période de passage, le segment français de l’œuvre cioranienne dénonce, juge et accuse systématiquement l’aspect politique, engagé, des écrits roumains. À cette époque, Cioran essaie de « se distancier d’une certaine incarnation de lui-même, de ce qu’il a déjà été » (p. 30). L’affirmation ne laissera aucun cioranien (ou cioranomane!) indifférent et place l’auteur de cet essai dans le camp modéré des lecteurs/exégètes de celui qui est accusé de « fuite lâche », de mémoire sélective, de mensonge et, surtout, de conservation du credo antisémite. Lire l’œuvre française de Cioran n’est pas, pour Sylvain David, « tenter de déterminer ce qu’a pu dire, ou faire, exactement l’essayiste, au cours des années 1930, mais plutôt de voir ce qu’il en pense, avec le recul, au moment où il entame sa nouvelle carrière » (p. 30). À l’encontre de ceux qui parlent de l’« insincérité permanente » de Cioran ou de son antisémitisme foncier et permanent, Sylvain David croit que « [p]lutôt que de commodément vouer son égarement de jeunesse à l’oubli », il convient de considérer que Cioran « revient inlassablement sur son expérience afin de comprendre et, éventuellement, dépasser les motivations qui ont pu le pousser à agir de la sorte » (p. 30).

En s’attaquant à la racine du Mal, de l’Intolérance, du Fanatisme, Cioran poursuit et accomplit un besoin d’expiation, de purification de ses jeunes égarements. La « rage tournée contre soi », la « négativité » se trouvent au cœur de cette écriture centrée sur la condition de l’homme moderne et qui réfléchit sur celle de l’écrivain dans une société de plus en plus politisée, de plus en plus divisée, de plus en plus radicalisée. La « poétique du détachement » qui illustre cette première étape de création française prend déjà contour dans le Précis de décomposition (Exercices négatifs à l’origine) que Cioran publiera en 1947 et s’articule non seulement autour de la « dénonciation de toute forme de dogmatisme ou d’intransigeance » (p. 36), mais aussi autour de l’écriture éclatée, fragmentaire, opposée, dira Cioran, à « la tentation de conclure ». Cette écriture fragmentée, fracturée est une expression de la modernité dans la mesure où la philosophie, le premier amour de l’essayiste, est, estime-t-il, incapable d’expliquer le monde ou le temps, qui mesure plutôt l’irrationalité contemporaine, le volet culturel de la durée, la fracture de la connaissance, du moi, la décomposition de la pensée et la décadence du Verbe.   

Cette étape créatrice du métèque correspond à un métissage esthétique, autrement dit à l’éclatement de la forme littéraire, dont le principal matériau, la langue, se dissout et s’incarne sous diverses formes : le doute se radicalise et se détache du discours philosophique impersonnel et systémique. Aux idées abstraites, Cioran, devenu « penseur d’occasion », préfère la connaissance empirique; l’écrivain est un sceptique déçu par la philosophie (universitaire ou non), un moraliste qui, avant d’observer les gens, doit « dépoétiser sa prose ». L’idée que « toute démiurgie verbale se développe aux dépens de la lucidité » conduit à l’esthétisation de la négation, à la « négativité esthétique » (p. 95), à travers laquelle l’écriture mesure et dénonce le déclin inéluctable d’un monde, d’un système de valeurs partagées.

La deuxième partie de l’étude de Sylvain David — intitulée De l’histoire de la fin à la fin de l’histoire — a pour fondement « le grand récit de la Chute ». Le corpus (Histoire et utopie, 1960; La Chute dans le temps, 1964 ; Le mauvais démiurge, 1969) propose une relecture de la Genèse, dont le centre nerveux est le panorama de la vanité que déplore l’Ecclésiaste. Au centre de la deuxième étape de l’œuvre française de Cioran, on trouve le « Cioran de la maturité ». Placé également sous le signe de la négation, ce deuxième segment français de l’œuvre cioranienne met en scène un moi lui-même fragmenté, décomposé, qui ne met plus en question ses égarements de jeunesse, mais ses accès de pessimisme, de scepticisme. Sur le plan de l’écriture, l’aphorisme est supplanté par l’essai, dont les thèmes centraux sont l’homme, le péché originel, la chute, le temps historique et l’Occident moribond. Dans l’herméneutique cioranienne, le péché originel s’appelle la « douleur originelle » et la Chute vient couronner « l’inaptitude au bonheur » des descendants d’Adam et Ève; leur « don d’ignorance » est le seul à les rendre heureux. Lucifer, quant à lui, n’eut qu’à saper « l’inconscience originelle » du couple primordial et de sa progéniture — dont l’« inconvénient » d’exister fut la seule fortune —, ce qui laissa cet univers à la discrétion d’un « mauvais démiurge ». Conséquence directe du péché originel, la chute dans le temps est en même temps une chute vers la mort : « avancer » et « progresser » sont des concepts distincts chez Cioran, car aller vers la mort est un progrès vers l’involution, vers la disparition non seulement des hommes (ou des peuples), mais aussi des cultures, des civilisations sujettes au temps historique. Fatalement, l’« abominable Clio » enchaîne l’homme et le laisse « en proie au temps, portant les stigmates qui définissent à la fois le temps et l’homme ». Séduite par l’élan vers le pire, l’humanité court vers sa perte, autrement dit, vers l’avenir : c’est plus fort qu’elle, car, écrit Cioran dans ses Écartèlements, « [l]a fin de l’histoire est inscrite dans ses commencements ».

La troisième partie — Une autobiographie sans événements (incluant De l’inconvénient d’être né, 1973; Aveux et anathèmes, 1987; Écartèlement, 1979 : Exercices d’admiration, 1986) — correspond à un réinvestissement du temps présent complètement dépolitisé. La réflexion qui accompagne cet héroïsme négatif se fait en trois volets : le malheur (plus ou moins inventé) de l’homme moderne, l’écriture fragmentaire en tant que miroir d’un univers atomisé, désagrégé, inachevé, et le défi stoïque, positivement connoté, de l’héroïsme négatif de Cioran, autrement dit, « le courage de continuer à vivre et à écrire à l’encontre de ses propres conclusions, de son propre savoir » (p. 26). Les piliers de cette « autobiographie sans événements » sont le suicide et la « (re)naissance ». La biographie de Cioran fut marquée par un suicide jamais commis, puisqu’on ne peut pas tuer une idée. Ce que Cioran retient du suicide, c’est l’idée de se donner la mort, pas l’acte en soi : « sans l’idée du suicide — estimait-il — on se tuerait sur-le-champ! » D’ailleurs, si celui qui se vantait d’avoir « tout sacrifié à l’idée du suicide, même la mort », ne s’est pas suicidé, c’est parce que, disait-il plus ou moins amèrement, de toute façon, « on se tue toujours trop tard ». La même biographie fut également marquée par « l’inconvénient d’être né », voire d’être né Roumain, par les « affres de la lucidité », par les tortures du paradoxe, par l’effort de reconstruction intérieure et de mise en scène d’un moi aliéné. Dans le Paris aggloméré et automatisé, le regard du métèque s’arrête sur des gens que personne ne voit, venus, eux aussi, d’ailleurs, ou bien sur des clochards-philosophes. Sa lucidité — autrement dit, son « inaptitude à l’illusion » — fut celle d’une tribu sceptique, fataliste, anhistorique, celle de ces analphabètes brillants qui savent depuis toujours que l’homme est perdu et qui lui ont inculqué cette lucidité en même temps que « l’envergure pour gâcher sa vie ».

Étant lui-même un paradoxe vivant, Cioran ne put mettre en scène qu’une paradoxale série de représentations de soi : le moraliste qui, avant d’observer les hommes, se donne comme devoir primordial de « dépoétiser sa prose » tend la main à un être lucide pris pour un sceptique; le « parvenu de la névrose » est le frère du « Job à la recherche d’une lèpre » ; le « Bouddha de pacotille » cherche la compagnie tourmentée d’un « Scythe flemmard et fourvoyé », « idolâtre et victime du pour et du contre », d’un « emballé divisé d’avec ses emballements », d’un « délirant soucieux d’objectivité », d’un « douteur en transe » ou d’un « fanatique sans credo ». Cette rhétorique du paradoxe et de l’opposition projette, selon Sylvain David, non seulement l’image d’un marginal, d’un étranger, d’un exclu, d’un apatride métaphysique, mais également et surtout un jeu de contraires qui trouve son plaisir esthétique dans les contorsions, dans les volutes élégamment orchestrées par une pensée organiquement écartelée « entre scepticisme et besoin de croire, entre lucidité et illusion vitale » (p. 273). Cette mise en scène du moi artistique participe d’un « métacommentaire » qui prolonge non seulement « une détestation de soi primaire » (en tout cas, moins importante, semble-t-il), mais surtout d’« une forme d’amour trahi ou d’orgueil blessé » (p. 275). La visée de celui qui se voulait « le secrétaire de [s]es sensations » n’est pourtant aucunement narcissique, mais plutôt viscérale, car, disait-il, ce ne sont pas nos idées, mais nos sensations et nos visions — parce qu’elles « n’émanent pas de nos entrailles » et sont « véritablement nôtres » — qui peuvent, qui doivent nous définir. Cet attachement au sensoriel est, observe Sylvain David, l’apogée de l’héroïsme négatif de Cioran : en parlant de sensations et de visions qui sont les siennes, pas les nôtres — c’est-à-dire « non partagées avec le commun » —, le dernier Cioran défend son héroïsme négatif en explorant ce que son passé, son identité, ses souvenirs ont de négatif. Cet effort expiatoire est plus qu’une catégorie esthétique : il s’impose en tant que garantie morale de l’œuvre de maturité d’un homme « désintégré ».

Sur les ruines d’un univers déserté par les dieux, un penseur inclassable vint installer son Verbe ahurissant, héritier de la sobriété et de l’élégance des moralistes dont il se réclamait comme descendant légitime, aussi bien que de la saveur amère et de la souplesse de sa langue maternelle. Seuls l’aphorisme ou le fragment pouvaient représenter cet univers morcelé, éclaté. À l’encontre de Ionesco ou de Beckett, qui ont exploré l’absurde du langage, Cioran resta plutôt un classique, car, bien que conscient des mots, il a cherché, au-delà de la fonction poétique de la langue, à faire passer ses négations au niveau de la rhétorique; son univers n’est pas l’absurde, mais le paradoxe qui repose sur toute une série de malgré : poursuivre sa réflexion, malgré la déception que provoque chez lui la philosophie, malgré le mal que provoque sa propre conscience (ou sa propre lucidité); écrire, malgré les doutes quant à la capacité de son écriture à définir sa conception du monde; publier, malgré un nombre restreint de lecteurs et le dégoût que provoque en lui le flux éditorial parisien.

Certes, Cioran a écrit parce que, disait-il, chaque livre est « un suicide différé ». Paradoxalement ou non, son héroïsme négatif n’est ni agressif ni virulent, mais plutôt la représentation concrète de son aptitude — qui l’aurait cru? — « au compromis stoïque », de sa « capacité de se mouler aux circonstances de la modernité sans jamais pour autant s’y diluer ou s’y travestir » (p. 326). Il ne lui restait qu’à devenir « le sceptique de service » d’un monde en agonie ou « le secrétaire de [s]es sensations », puisque « être le secrétaire d’une sainte » n’a pas été la chance de sa vie.

Le Cioran français est, selon certains exégètes du moraliste, le masque du Cioran roumain séduit, dans les années 1930, par le mouvement nationaliste roumain et qui, une fois établi en France, n’a fait que réécrire ses livres roumains, afin de cacher ses jeunes égarements tout en restant fidèle à ses anciens credo. À l’encontre de certains de ses prédécesseurs, Sylvain David met au cœur de sa lecture de l’œuvre française de Cioran le fondement esthétique et social de l’art du fragment, dont l’auteur du Mauvais démiurge fut le maître incontesté. Complètement dépolitisés, les paradoxes cioraniens retrouvent toute leur beauté et leur profondeur et construisent, par le biais d’une analyse aussi subtile qu’objective, le parcours sinueux, mais combien passionnant, d’un « héroïsme à rebours ».

 

Compte rendu par : Liliana Nicorescu

Référence : Sylvain David, Cioran. Un héroïsme à rebours, Les Presses de l’Université de Montréal, coll. « Espace littéraire », 2006, 338 p.

Pour citer cet article : Liliana Nicorescu, «Cioran : une pensée contre soi héroïquement positive», @nalyses [En ligne], Comptes rendus, XXe siècle, mis à jour le : 27/01/2010, URL : http://www.revue-analyses.org/index.php?id=623.

jeudi, 22 avril 2010

Robert Ménard: "On n'ose plus braver la censure"

Robert Ménard : “On n’ose plus braver la censure”

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com/

Nous reproduisons ici un entretien entre François d'Orcival et Robert Ménard, ancien responsable de Reporters sans frontières, publié par Valeurs actuelles dans son numéro du 1er avril 2010.

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Il a animé pendant vingt ans l’association Reporters sans frontières qu’il avait fondée, défendant sur tous les fronts la liberté des journalistes. Aujourd’hui directeur de la revue "Médias", il a publié (en 2003) un livre intitulé "la Censure des bien-pensants" avant de raconter ce que fut sa bataille contre la censure chinoise dans "Des libertés et autres chinoiseries", en 2008. Robert Ménard fut porté en triomphe par ces mêmes médias qui le dénoncent aujourd’hui, pendant que quelques sites Internet font de lui la cible d’attaques ignobles. Pourquoi ? Il s’en explique pour "Valeurs actuelles".

Où en est la liberté d’expression?

En France, tout le monde est “pour” mais chacun ajoute : “sauf…”. On a remplacé ce que fut la censure de l’Église aux siècles anciens, ou la censure d’État, par celle des associations. Chaque lobby, chaque sensibilité, chaque communauté se crée ainsi un espace où il est désormais impossible de parler librement. Des coalitions d’intérêts se sont constituées, qui, chacune dans sa “niche”, entendent faire la loi. À quoi s’ajoute une judiciarisation générale. Chaque fois que vous prononcez un mot qui n’a pas l’heur de plaire à tel ou tel, on vous menace des tribunaux. D’où l’effet d’autocensure : la seule menace d’un procès fait de vous un paria, vous êtes disqualifié et vous finissez par perdre toute liberté.

Le plus surprenant est que les médias se soient à ce point mis de la partie…

Comme les journalistes ne veulent pas prendre le risque de choquer tel ou tel, d’avoir des soucis avec tel ou tel lobby, l’autocensure qu’ils pratiquent est bien plus puissante que toutes les pressions économiques ou politiques. Un exemple : responsable des Éditions Mordicus, je viens de publier un livre intitulé Peut-on tout dire ? avec Dieudonné et Bruno Gaccio. Avant que ce dernier n’accepte, nous avons eu les pires difficultés à trouver un contradicteur à Dieudonné : des “grandes gueules” comme Bedos ou Tapie ont refusé de figurer en couverture par peur de se compromettre. Des libraires ont même affirmé qu’ils ne vendraient pas ce livre et qu’ils envisageaient de boycotter la maison d’édition ! Dieu sait si je ne partage pas les idées de Dieudonné, mais l’ostraciser n’arrange rien ! Les journalistes qui aiment tant dénoncer les pouvoirs se transforment à leur tour en censeurs au petit pied : l’un a le droit de parler, tandis que tel autre ne le “mérite” pas. La France a pourtant besoin de débats, y compris entre points de vue extrêmes : c’est cela qui renforce la cohésion nationale.

Quels sont donc les sujets qui ont provoqué ces attaques contre vous ?

Il y en a deux. D’abord, sur Paris Première, j’ai expliqué, à propos du projet de diffusion dans les écoles d’un dessin animé sur deux petits poissons homosexuels, que ce genre de débat me semblait prématuré en classe primaire. J’ai ajouté que, en tant que parent, je préférerais que mes enfants ne soient pas homosexuels… Évidemment, si l’un d’eux l’était, je ne l’aimerais pas moins. Mais la vie est suffisamment compliquée pour leur souhaiter des difficultés supplémentaires… Que n’avais-je dit ? J’ai immédiatement reçu un tombereau d’injures, on a publié mon adresse sur Internet, menacé ma femme. Quant à ceux qui étaient d’accord avec moi, ils m’ont conseillé de ne plus aborder le sujet. On m’a même demandé des excuses publiques : mais s’excuser de quoi?

Un mois plus tard, au micro de France Inter, j’ai affirmé à propos de la peine de mort que son application à un criminel comme Dutroux ne m’aurait pas vraiment empêché de dormir… Ajoutant que j’en ai assez de voir classer l’humanité en deux catégories : les gentils opposés à la peine de mort et les barbares de l’autre côté. Là encore, un déluge. J’avais, il est vrai, aggravé mon cas en affirmant, à propos de l’Église et du mariage des prêtres, que la modernité ne me semblait pas être une valeur en soi…

N’avez-vous pas l’impression que cet état de censure ne cesse d’empirer ?

Personne n’ose plus s’y opposer. Même les mots sont pipés.Vous ne devez plus dire “Noir” mais “Black” ou même “non- Blanc”… Désormais, chacun se pose en victime. C’est la loi des groupes de pression. Les politiques en ont peur et les médias abdiquent. Après tout, la formule d’Éric Zemmour était peut-être à l’emporte-pièce, mais enfin, il avait bien le droit de le dire !

Propos recueillis par François d'Orcival (Valeurs actuelles, du 1er au 7 avril 2010)

Liberté française, liberté allemande

Liberté française,liberté allemande

à propos de « L'idéologie allemande » de Louis Dumont

 

par Guillaume HIEMET

 

ideologieallemddumont.jpgEn 1967, Louis Dumont publiait un ouvrage, de­venu un classique aujourd'hui, consacré à l'étude du système des castes en Inde. Cette vaste enquê­te, fort novatrice à l'époque, était le point de départ d'une comparaison méthodique entre les cul­tures traditionnelles et cette spécificité dans l'his­toire des cultures que représente l'idéologie mo­derne occidentale. Pour aider à mieux compren­dre le cheminement particulier qui a abouti au monde moderne, Dumont était enclin à souligner l'importance de la conception que les sociétés ont de la place de l'individu à l'intérieur d'elles-mê­mes. Pour cela, il créait une distinction majeure entre les sociétés de type holiste et les sociétés de type individualiste. Par holiste, il entendait les re­présentations qui privilégient la totalité, le corps social avant de mettre en avant le rôle des indivi­dus, et, par le second terme, les idées qui posent l'individu comme premier par rapport au tout so­cial. La comparaison entre le jeu des castes, la hiérarchie qu'il suppose et l'univers de l'indivi­du, les notions de liberté, d'égalité présentait un éclairage nouveau de la situation moderne. Il poursuivait son enquête avec la publication, en 1977, d'Homo aequalis, une étude des fonde­ments de la pensée économique, puis avec les Es­sais sur l'individualisme (1983) qui retraçaient la genèse de l'idéologie moderne à partir de la cé­sure de l'ère chrétienne.

 

Deux conceptions de l'individu

 

Dans son dernier ouvrage, L'idéologie alleman­de,la méthode comparative ne s'attache plus tellement aux différences entre sociétés traditionnel­les et monde moderne, mais davantage mainte­nant, aux deux formes différentes qu'a pu revêtir l'individualisme en France et en Allemagne. Le propos n'est pas nouveau chez Dumont, c'est dé­jà celui des Essais sur l'individualisme. Les cul­tures, contrairement à toute attente, ne sont pas transparentes, la notion d'individu ne se décline pas de la même manière des deux côtés du Rhin, le terme n'a pas la même histoire et il renvoie à des idées qui sont loin d'être identiques dans les deux pays. D'où le germe d'un malentendu, en­core renforcé, lorsque celui-ci se conjugue à la difficulté, comme chez les Français, de concevoir les cultures comme ne répondant pas aux mêmes présupposés que les leurs.

L'universalisme français a du mal à discerner le fait que les autres cultures ne se laissent pas juger à l'aune de la sienne, suivant la tranquille certi­tude selon laquelle, pour reprendre l'expression d'Ernest Lavisse, la France est « la plus humaine des patries ». La distinction holisme-individualis­me et la relation hiérarchique n'est pas la même selon les cultures et tend aisément à emprunter des vêtements très divers. Cela est, sans nul dou­te, la conséquence de notre héritage historique et du contexte dans lequel sont apparues les idées d'individu, car, comme le souligne Dumont, l'in­dividualisme n'a jamais été capable de fonction­ner dans une société sans que le holisme contri­bue d'une façon ou d'une autre à la bonne marche de celle-ci. Il n'est d'exemple plus pro­bant que celui des Lumières où les nouvelles idées ont pu se développer prodigieusement dans un terreau politique traditionnel ne souffrant ja­mais ainsi, d'être mises à l'épreuve des faits.

 

Le rôle-clef de la Bildung

 

Pour Dumont, la spécificité de l'idéologie alle­mande se laisse ramener à trois idées majeures : la permanence du holisme, le rôle à long terme du luthérianisme dans la vision de l'individu et l'idée de souveraineté universelle, héritage du Saint Empire Romain de la Nation germanique (derniè­re réflexion qui aurait mérité d'être approfondie). Nantis de ces notions, Dumont est successive­ment conduit à se pencher sur les figures décisi­ves d'Ernst Troeltsch et de Thomas Mann. Tous deux mis, en quelque sorte, en demeure par la violence du conflit franco-allemand d'éclairer la particularité allemande, avaient cherché à rendre intelligible ce que signifiaient liberté et individu outre Rhin. L'historien des religions tout comme l'auteur des Considérations d'un apolitique (1918) voyaient dans l'idée de Bildung,qui est formation, éducation personnelle de l'individu, le nœud géorgien donnant la clé du sentiment alle­mand.

Pour être bref, nous pourrions dire que la Bil­dung est l'espace de liberté à l'intérieur duquel se développe la pensée d'un individu, espace qui existe en dehors et qui laisse intact l'ensemble des liens qui rattachent cet individu à la commu­nauté dans laquelle il vit. À la différence de la li­berté anglaise ou française, la liberté allemande ne réside pas en première instance dans l'hémicycle des revendications politiques, elle est davantage liberté de s'épanouir, de se former, et ne considère que dans un second temps les conditions politiques. Ce que résume parfaitement Troeltsch dans un article publié en 1916, où la liberté allemande est définie comme : « Unité organisée du peuple sur la base du dévouement â la fois rigoureux et critique de l'individu au tout, complété et légitimé par l'indépendance et l'individualité de la libre culture (Bildung)spirituelle ».

Les sphères où évolue l'idée d'individu française et allemande ne sont pas superposables. L'indivi­du des Droits de l'homme français ne rencontre pas la formulation luthérienne puis piétiste de l'individualité au sens où Thomas Mann avait pu dire, que la Réforme avait immunisé l'Allemagne de la Révolution. Si le propos de Dumont va à l'essentiel, le lecteur informé reste cependant sur sa faim. Les études trop courtes consacrées à Troeltsch ou à Mann permettent difficilement de sortir des grandes lignes alors que les études pré­existantes consacrées notamment au second sont foison. On a l'impression en outre – est-ce sno­bisme de chercheur ? – que Dumont maîtrise mieux la bibliographie américaine que les études publiées en allemand ou en français sur le même sujet !

 

Crise française de la pensée allemande, crise allemande de la pensée française

 

La partie centrale consacrée à la genèse de la no­tion de Bildung en suivant respectivement Karl Philipp Moritz, Wilhelm von Humboldt (1767­1835) et « les années d'apprentissage de Wilhelm Meister » de Gœthe est incontestablement la partie la plus riche et la plus intéressante du livre. Œuvres littéraires, correspondances, réflexions poli­tiques, cette fin de dix-huitième et début de dix-­neuvième siècle sont perçus sous le signe d'une crise française de la pensée allemande, de même que les années qui suivirent 1871 en France, les années de la « Réforme intellectuelle et morale » peuvent être considérées comme une crise alle­mande de la pensée française. Dumont est clair : « Je me suis proposé ici de présenter l'histoire de la pensée et de la littérature allemande de 1770 à 1830 comme une réponse au défi des Lumières et de la Révolution » (1).

Dumont laisse entrevoir que l'idée de Bildung se forme peu à peu, est contrainte de se préciser en opposition à l'idée française d'individu. Mais a­vant d'aller plus en avant, il est nécessaire d'avoir à l'esprit les origines religieuses, protes­tantes, de cette idée de formation personnelle. La Bildung est, dès la fin du Moyen-Âge chez les mystiques, une éducation de soi qui se comprend comme ouverture à la grâce divine, le modèle (Vorbild)de cette attention constante à soi étant la figure de Jésus-Christ. Ce fondement religieux reste déterminant, rajeuni et ancré qu'il est par le piétisme, et ce, malgré l'élargissement et l'approfondissement que connaît l'idée de Bildung en cette fin de dix-huitième siècle.

Intégration et revendication d'autonomie

 

Dans un premier temps, l'analogie de la Bildung et des Lumières ne manque pas de se faire, parti­c ulièrement dans les manifestations les plus exa­cerbées des héros de roman : exaltation de l'hom­me en son individualité unique, égocentrisme, raison et liberté vagabonde. À partir de là, les rapprochements deviennent plus délicats. En ef­fet, l'éducation de la Bildung consiste en grande part à faire sienne les valeurs intangibles de la communauté, de les intégrer au mieux, suivant les traits de sa complexion. Un peu de la façon dont Gœthe pourra dire : « Ce dont tu as hérité, acquiers-le afin de le posséder ». Le nouveau Bil­dungsroman, roman de formation, décrit les iti­néraires de ces jeunes gens, où la revendication d'autonomie de la pensée se conjugue avec la né­cessité du voyage, qui est reprise en charge, re­connaissance par soi-même, assimilation de ce qui a déjà été créé, vécu. Ainsi, comme le montre bien Dumont, la Bildung, loin de créer un indi­vidu désolidarisé, en retrait du monde, n'incite au retour sur soi que pour mieux s'enrichir des res­sources du monde qui l'entoure. L’idéal de déve­loppement du sujet de la Bildung en vient à transformer l'homme abstrait des Lumières en lui taisant intégrer la dimension holiste, en l'inté­grant dans un tout plus vaste.

C'est sur cette base que s'établit le dialogue avec la culture grecque et son souci pédagogique. L'homme qui naît au monde est un être mal dé­grossi qui se doit de se développer, d'épanouir sa propre personne. Le perfectionnement de soi est le premier but auquel l'homme se doit de répon­dre. Cette réflexion de longue haleine centrée sur la formation et l'éducation de soi permettra ainsi à Wilhelm von Humboldt de dire : « C'est la contribution incontestable des Allemands d'avoir les premiers vraiment saisi ce qu'est la Bildung grecque ». Le parcours personnel d'un homme, l'approfondissement de sa pensée croissent à me­sure que le monde proche a été reconnu et fait sien. À l'inverse, un monde mis en coupe réglée, géométrisé, cher à Descartes et à ses héritiers est un monde hors de toute présence humaine et dont l’exemplaire d'humanité, si ce mot a encore un sens ici, ressemblerait fort au téléspectateur mo­deme, martien héberlué.

Le zèle révolutionnaire, produit d'un individualisme à la française

Le personnage de Wilhelm von Humboldt, l'évo­lution de ses idées permettent assez bien de saisir la particularité de l'idéologie allemande, l'adapta­tion aux Lumières qui s'est opérée, la prudence puis le rejet de plus en plus ferme à l'égard de la Révolution française. La Révolution qui heurte les Allemands de plein fouet, qui entraîne l'Euro­pe dans la guerre, qui suscite violences et spolia­tions lui ôte rapidement les rares partisans qu'elle pouvait trouver hors de France. Pour Humboldt, ces tares ont leur source dans cette volonté de transformation politique abrupte qui caractérise la Révolution, cette volonté de mettre en œuvre le contrat social rousseauiste en oubliant, un instant, que l'auteur de l'Émile ne pose celui-ci que comme hypothèse de réflexion.

individualismedumont.jpgHumboldt, dans ses écrits, met en forme la ré­ponse allemande aux idées révolutionnaires : l'individu de la Bildung forme un cercle indé­pendant de l'État et le laisse se réformer tout seul. Le pendant de cette conception est développé dans une importante étude théorique, l'Essai sur les limites de l'État. Si la première préoccupation de l'homme politique concerne la libre formation des sujets, les fonctions de l'État doivent être ré­duites au minimum et la première des tâches de celui-ci est d'assurer la sécurité des sujets.

Cette subordination de la politique à la formation singulière de l'individu n'a pu se faire que dans la mesure où la Bildung était perçue comme une ouverture à la totalité. Les conséquences de ces points de vue se laissent assez rapidement saisir. Le conservatisme de l'État allemand retient les pleurs et les soupirs des historiens, qui regardent d'un même coup avec perplexité la conjugaison de méfiance envers l'État et d'obéissance qui ca­ractérisent ses sujets. Ainsi, l'individualisme qui surgit dans la notion de Bildung est loin de se re­trouver dans l'individu des Droits de l'homme.

 

Les lacunes de l'université française

 

Si l'individualisme français de l'identité renvoie à une égalité première de tous les hommes, pour le lecteur allemand, la même notion renvoie à la sin­gularité, à la spécificité de tout être, et cette diffé­rence implique une inégalité de fait. C'est finale­ment lors de la création de l'université (1809­-1810) de Berlin que Wilhelm von Humboldt aura la possibilité de mettre en œuvre ses vues réfor­matrices. Après la défaite devant les années napoléoniennes, la restauration de l'État passait en premier lieu par la relève spirituelle, préoccupation des meilleurs esprits de l'époque. L'université de Berlin, symbole du renouveau prussien, deviendra bientôt le foyer européen des sciences historiques et philologiques, modèle d'innovation dans les sciences humaines.

L'idée de Bildung renforce encore la tradition d'indépendance des universités allemandes. En comparaison, le régime des universités françai­ses, sous les régimes les plus différents du dix­neuvième siècle, Empire, Restauration, Républi­ques, reste une université sous tutelle. Autrement dit, l'université allemande n'a de comptes à ren­dre qu'à la culture allemande ; en France, elle est un moyen de diffuser l'idéologie du régime. L'insuffisance de l'université française, ses tares, ont été remarquablement décrites par Georges Gusdorf dans son ouvrage sur l'herméneutique (Les origines de l'herméneutique), il est plaisant de constater que sa dépendance envers le pouvoir politique n'a aujourd'hui que peu changé, signe de la permanence des idées politiques.

L'idée de Bildung, de formation personnelle, a conservé un très fort pouvoir d'attraction dans les pays de langue allemande jusqu'à nos jours. Il nous semble que la littérature allemande a tou­jours été particulièrement sensible de préciser d'une part, la place de la personne dans la collec­tivité, de l'autre, son cheminement propre. Ainsi dans la confrontation franco-allemande qui est celle de la première guerre mondiale, l'indivi­du apparaît en Allemagne sous trois couleurs dis­semblables : « das Individuum », l'individu fran­çais détaché de toute appartenance à son peuple, « der Einzelne », l'individu dénombrable, et enfin « die Persönlichkeit », la personne en tant qu'elle a été formée par la Bildung, consciente de son ap­partenance. Les réponses pressenties par le Bil­dungsroman ne sont jamais univoques. Ainsi de l'itinéraire de Joseph Knecht, héros du Jeu de perles de verre de Hermann Hesse qui, au terme de son parcours initiatique, parvenu à la tête de son ordre éprouve une nostalgie inextinguible vers le monde et la nécessité d'y retourner. Initia­tion, enseignement forment un cercle où se dé­ploie la liberté de l'homme ; la compréhension de la culture dessine, tout à la fois, son individualité et son attachement à la communauté.

 

Guillaume HIEMET.

• Louis Dumont, L'idéologie allemande : France-Allemagne et retour, Gallimard, 1991, 316 p., 145 FF, ISBN 2-07072426-3.

Esthétique du nihilisme

Du romantisme au modernisme

Bruno HILLEBRAND, Ästhetik des Nihilismus : Von der Romantik zum Modernismus, J.B. Metzlersche Verlagsbuchhandlung, Stuttgart, 1991, VI + 237 S., DM 48; ISBN 3-476-00781-2.

Un professeur allemand. Bruno Hillebrand (°1935), spécialiste de Gottfried Benn, s'interroge, avec perti­nence et acuité, sur le rapport entre esthétique et nihi­lisme. Depuis que le romantisme a découvert le nihilisme vers la fin du XVIIIème siècle, cet « isme », qui est un mystérieux et inquiétant convive, comme l'a dit Nietzsche, frappe à toutes les portes : celle de la litté­rature comme celle de la philosophie ; plus tard, en no­tre siècle il est venu tambouriner à la porte du monde des arts. Dans le champ de la littérature, c'est Tieck qui l'a découvert ; Jean Paul a introduit, en toute con­naissance de cause, le concept de nihilisme dans sa Vorschule der Ästhetik ; dès 1804, les Nachtwachen de Bonaventura constituent l'un des points culminants de l'expérience nihiliste. À l'évidence, Kleist souffrait du syndrome nihiliste, de l'absence de sens. Plus que tout autre poète, Büchner a thématisé dans sa poésie le sentiment de l'inutilité, de la vacuité, de l'absurdité du cosmos, de la religion et de l'existence. La pensée nietzschéenne, elle, englobe, arraisonne, place au cen­tre de ses préoccupations, la nouvelle philosophie du nihilisme. Elle lui donne une profondeur inégalée et la transmet à d'autres poètes, écrivains et philosophes d'Allemagne et de France, Heidegger, Benn, Sartre, Camus et bien d'autres encore. Dans les arts plasti­ques et les styles de notre siècle, on ne cesse de percevoir les symptômes issus de l'expérience nihiliste : les réductions, les provocations, les positions anti-idéelles, les volontés anti-harmoniques ; bref, l'anti-art en général, avec son refus de toute conciliation tant au niveau du contenu qu'au niveau de l'objet.

Sans une saisie suffisante de ce que signifie le nihilis­me, on ne peut comprendre l'évolution des arts au XXème siècle. Globalement, le modernisme dans les arts se place sous l'enseigne de « ce convive le plus mystérieux et le plus inquiétant ». En effet, s'il n'y a pas de sens, si tout est inutile ou vain, les futuristes peuvent briser les œuvres du passé, pour tenter (désespérément ?) de construire du neuf. Les gestes ou­trés, matamoresques de DADA, sont signes de déses­poir ou acceptation joyeuse, narquoise, du chaos fon­damental du monde. Et puisqu'il n'y a pas de valeurs éternelles, puisqu'aucune métaphysique ne peut être sérieusement revendiquée ou propagée, DADA estime que l'existence sur terre est insaisissable. Pour DADA, ce n'est pas le principe espérance qui est la constante fondamentale du modernisme, mais le principe hasard, ce qui appelle une question, qui est capitale : l'homme est-il un hasard ?

 

mercredi, 21 avril 2010

Une droite "addict"?

Sarkozy_Cartoon_Langelot.jpgUne droite "addict" ?...

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com/

Christian Salmon, l'auteur de Storytelling (La Découverte, 2007), ouvrage dans lequel il étudiait les nouvelles formes du discours politique, a publié dans Le Monde du 3 avril 2010 une bonne analyse consacrée à la droite sarkozyste, hystérique et impuissante, car, de toutes façons, incapable de prendre ses distances de l'idéologie néo-libérale...

"[...]

La révolution néolibérale a imposé un remaniement profond des idéaux-types qui légitiment les comportements et inspirent les modes de gouvernance. Les fables du néolibéralisme s'efforcent d'héroïser un nouvel individu type que le sociologue américain Richard Sennett a défini ainsi : un "nouveau moi, axé sur le court terme, focalisé sur le potentiel, abandonnant l'expérience passée".

L'hyperprésident, maître de la séquence et de l'agenda, modélise jusqu'à la caricature cet individu néolibéral, faisant sans cesse appel au volontarisme politique et au potentiel des individus ("Quand on veut, on peut") et recourant sans cesse à la rhétorique de la rupture pour rejeter l'expérience passée : "Le laisser-faire, c'est fini", "Les paradis fiscaux, c'est fini"...

Ce qui définit l'homme politique de l'âge néolibéral, ce n'est plus le respect des règles, mais l'aptitude à les changer (l'impérieux devoir de réformer) ; non plus la continuité d'une action, mais la capacité à tourner le dos à ses engagements et à mettre à profit les circonstances selon ses préférences personnelles et ses intérêts.

Dès lors, il ne suffit plus d'être compétent pour diriger l'Etat, ou plutôt la compétence a changé de nature : c'est désormais une compétence narrative. La mise en valeur du sujet, processus au cours duquel celui-ci acquiert une valeur d'échange sur le marché social, passe alors par une "mise en récit" de l'individu qui doit crédibiliser aux yeux des autres son aptitude à l'échange et au changement, une capacité à transgresser les codes tout en jouant le jeu à l'intérieur de la culture de masse et de sa sphère médiatique.

Jacques Chirac avait un effet sédatif sur la société française, somme toute reposant et qui n'excluait pas d'agir quand il le fallait, comme aux temps de la guerre en Irak. Nicolas Sarkozy, au contraire, est un formidable excitant. On a pu dire qu'il "hystérisait" la vie politique. Métaphore pour métaphore, la psychologie nous en apprend peut-être moins que la mécanique : Sarkozy, l'ingénieur des attentions. Une machine à mobiliser. Un formidable excitant politique sur fond de dépolitisation de la société. Sarkozy le chimiste, un agent dopant aux effets d'euphorie ("Ensemble tout est possible") qui propage un sentiment de toute-puissance. Sarkocaïne !

A la gauche "divine" stigmatisée par Jean Baudrillard dans les années 1990 qui avait habillé son renoncement en moralisme et son impuissance internationale en ingérence humanitaire, réduisant la politique à un théâtre moral, aurait donc succédé dans les années 2000 une droite "addict" dont l'idéal type serait un nouveau sujet politique flexible, adaptable, faisant un usage stratégique de lui-même et poussant l'expérimentation de soi jusqu'à la fracture. La gesticulation sarkozyste serait donc la forme phénoménale de cet agir impuissant qui caractérise l'homme politique néolibéral, et non pas un défaut d'éducation, une faute de goût ou un signe d'instabilité psychologique. Le contrôle obsessionnel de l'agenda médiatique ne serait pas le signe annonciateur d'une dérive totalitaire, mais une tentative désespérée de mobiliser des audiences qui se détournent inexorablement de la politique, tentative vouée à l'échec comme la montre, lors des dernières élections, la persistance d'une abstention systémique...

[...]"

Christian Salmon, in Les risques de la Sarkocaïne (Le Monde, 3 avril 2010)

samedi, 17 avril 2010

Il caso Némirovsky: vita, morte et paradossi di un'ebvrea antisemita

Il caso Némirovsky:
vita, morte e paradossi di un’ebrea antisemita

di Stenio Solinas

Fonte: il giornale [scheda fonte]

 Cinque anni fa la Francia riscoprì all’improvviso una scrittrice che aveva dimenticato. Si chiamava Irène Némirovsky, era una russa di origine ebraica, era morta in un campo di concentramento nell’estate del 1942. Per un caso straordinario, le figlie avevano custodito fino a quel 2004 una valigia che conteneva la produzione letteraria materna, dattiloscritti, diari, appunti, e fra essi c’era il manoscritto del romanzo a cui Irène aveva lavorato dal giorno della disfatta bellica della Francia, giugno-luglio 1940, fino in pratica al momento in cui i gendarmi francesi si erano recati nella sua casa di campagna e l’avevano portata via. Suite française era il titolo scelto e per quanto nei piani della sua autrice esso prevedesse ancora un volume, relativo a come quel conflitto sarebbe finito, era omogeneo e a sé stante nelle due parti che lo componevano. Pubblicato a mezzo secolo di distanza, il romanzo ebbe un successo clamoroso, vinse dei premi, riportò alla ribalta il nome Némirovsky.

Anche in Italia il suo è stato un caso letterario. È Adelphi, infatti, l’editore che ne ha comprato i diritti e da Il ballo a David Golder, da Jézabel a Come mosche d'autunno a, appunto, Suite francese, ogni titolo si è rivelato un successo e ha contribuito a fare del suo autore uno dei più venduti e dei più citati. Poiché nel corso della sua vita Irène scrisse una decina di romanzi e una quarantina di racconti, il fenomeno è destinato a continuare nel tempo.

Adesso ancora Adelphi manda in libreria La Vita di Irène Némirovsky di Olivier Philipponnat e Patrick Lienhardt (traduzione di Graziella Cillario, pagg, 516, euro 23), uscita due anni fa in Francia da Grasset, una biografia molto ben documentata grazie alla quale del personaggio sappiamo praticamente tutto, compreso il forte tasso autobiografico della sua produzione, in pratica una sorta di reinvenzione artistica della sua famiglia, degli ambienti in cui visse, dei suoi gusti, delle sue passioni e dei suoi odii. E tuttavia, in questo saggio, così come nel successo che ha arriso a quanto finora è stato via via pubblicato, resta un elemento di ambiguità che nessuno si decide veramente a sciogliere e sul quale vale la pena di riflettere. Lo facciamo con tutta la delicatezza del caso, ma crediamo ne valga la pena.

Il fatto che la Némirovsky, intellettuale ebrea di origine, per quanto convertita al cattolicesimo, sia stata una vittima della «soluzione finale» hitleriana, potrebbe spiegare di primo acchito il perché di tanto interesse di pubblico e di critica: una sorta di risarcimento postumo per un nome che pure, negli anni Trenta, aveva goduto di risonanza, una sorta di mea culpa nei confronti di chi si era identificata con la Francia, la sua lingua, la sua storia, la sua cultura, e dalla Francia in fondo era stata abbandonata e poi tradita... Nel 1929 David Golder, il suo romanzo d’esordio per Grasset, vendette 60mila copie, ebbe una riduzione teatrale e una cinematografica, quest’ultima per la regia di Julien Duvivier, che andò persino alla Mostra del Cinema di Venezia del 1932...

E però, se si va più a fondo, un po’ tutta la narrativa della Némirovsky è un susseguirsi di ritratti e di ambienti in cui la «razza ebraica», come si sarebbe detto un tempo, non appare nella sua luce migliore, ma è spesso e volentieri un concentrato di avarizia e di cupidigia, di odio e di crudeltà, di disordine sociale e morale, di incapacità e/o non volontà di assimilazione, di vera e propria «razza a parte» insomma, nemica a tutti e in fondo nemica anche a se stessa...

C’è di più: russa di nascita (Kiev, 1901), la Némirovsky fugge dal suo Paese nel momento in cui i bolscevichi prendono il potere: la sua famiglia appartiene alla buona borghesia degli affari, lei ha l’educazione classica di chi fra istitutrici e lezioni private non si mischia al contatto promiscuo delle scuole pubbliche, passa le vacanze sulla Costa Azzurra, soggiorna ogni anno a Parigi... È una «russa bianca», insomma, con un padre banchiere e finanziere, una madre che pensa soltanto alle toilettes e agli amanti, un treno di vita che l’esilio, prima in Finlandia, poi in Svezia, infine in Francia, non muta più di tanto: appartamento sulla Rive droite, in pratica affacciato sugli Champs Elisées, studi alla Sorbona, estati a Biarritz o a Dauville... L’anticomunismo, insomma, è un dato acquisito, qualcosa che Irène respira fin da ragazza: ha fatto in tempo a vedere lo scoppiare della rivoluzione, i processi sommari, i saccheggi e i massacri. Non lo dimenticherà mai.

Infine, c’è un altro elemento da aggiungere al puzzle finora composto e alla ambiguità che lo circonda. Nel suo decennio letterario la Némirovsky scrive in linea di massima per testate che appartengono al largo spettro della destra francese, ha Robert Brasillach fra i suoi critici più entusiasti, ma anche più avvertiti quanto alla sua arte, ai suoi pregi e ai suoi difetti, frequenta Paul e Hélene Morand... Non è una scrittrice di politica, certo, non si interessa più di tanto alle ideologie, certo, ma è naturaliter di quel mondo borghese, antiparlamentare, antidemocratico, anticomunista, con qualche simpatia per il fascismo, con molte perplessità sul nazionalsocialismo, nazionalista e quindi attento al suolo, al sangue, alla radici, che è il mondo della destra francese della prima metà degli anni Trenta.

La Némirovsky, insomma, faceva parte di quel milieu di ebrei antisemiti di cui oggi non si riesce quasi più ad avere un’idea, ma che fra le due guerre mondiali esistette e spesso fu intellettualmente maggioritario: un atteggiamento etico ed estetico, il disprezzo per l’oro e per l’usura, per chi era considerato un senza patria, per chi rimaneva chiuso nel suo piccolo mondo di tradizioni e di riti.

Siamo di fronte, dunque, a un destino particolarmente tragico perché la Némirovsky è, come dire, vittima dei suoi «amici», non dei suoi nemici. Nelle lettere che Michel Epstein, il marito, scriverà a Otto Abetz, il potente capo della cultura tedesca in terra di Francia, si sottolinea in fondo proprio questo: l’essere anticomunista, il non avere tenerezza per gli ebrei, il fatto che i suoi libri continuino a essere pubblicati, che insomma non sia nella lista nera degli scrittori da dimenticare... Non è nazista Irène, certo che no, e non può sapere quale tragedia politica e morale sarà il nazismo, e il suo iniziale credere in Pétain non vuol dire augurarsi sterminio da un lato, sudditanza dall’altro. Abituati a ragionare con la testa del presente sulla realtà del passato, si fa fatica a capire le scelte di campo, le motivazioni, le speranze e le illusioni. Irène non penserà mai di mettersi in salvo perché crede di essere già in salvo: fa parte dell’intellighentia, di una nazione che ama e difende i suoi scrittori, è legata da sentimenti di amicizia con intellettuali e politici che ora godono di un peso maggiore rispetto agli anni di pace, è, insomma, nella stessa barca dei «vincitori».
Perché dovrebbero buttarla a mare, perché le dovrebbero fare del male? È per questa ambiguità che non si salvò. È questa ambiguità che ancora oggi fa velo a cosa veramente fu la Francia (e non solo la Francia) di ieri.


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jeudi, 15 avril 2010

"Proust è un bavoso". Viaggio nella biografia di un genio fulminato

«Proust è un bavoso»
Viaggio nella biografia di un genio fulminato

di Stenio Solinas

Fonte: il giornale [scheda fonte]

 «Gli editori sono tutti carogne». «Non aggiungete una sillaba al testo senza preavvisarmi! Fottereste il ritmo come niente - solo io posso ritrovarlo là dov’è. Ho l’aria bavosa, ma so a meraviglia ciò che voglio. Non una sillaba. Fate anche attenzione alla copertina. Niente music Hallismo. Niente sentimentalismo tipografico. Del classico». «I critici dicono sempre fesserie. Giornalisti innanzitutto, lavorano di chiacchiere, piccoli ricatti... Ci vorrebbe qualcuno che si decidesse a coprirmi di sputi!... La gente è sadica, vigliacca, invidiosa, distruttrice. Ha bisogno di sentire il saccheggio, lo spappolamento, altrimenti non ci sta...». «Bisogna vedere gli uomini come cani. Ciò che fanno, abbaiano, ringhiano, spiritualmente non significa niente, meno che zero... Purtroppo ci toccano le conseguenze materiali, ma moralmente... Cani, nient’altro che cani. Tutto è permesso, insomma, per evitare i loro morsi e ingannarli e aizzarli in modo che si sbranino fra loro. Meglio dimenticare tutto, mascherare in musica l’orrore del vivere».

Ma sì, è Céline che batte alla porta, strepita, irride, minaccia e s’incazza... Ben tornato Ferdinand sull’onda delle oltre 2mila pagine del volume che raccoglie una antologia monstre (più di 1500 lettere) della sua corrispondenza, dalla giovinezza alla morte (Lettres, Gallimard, collezione Bibliothèque de la Pléiade, pagg. 2080, euro 66,5; a cura di Henri Godard e Jean-Paul Louis). Per la prima volta, insieme con molti inediti, l’epistolario celiniano fino a oggi sparso e spesso disperso in innumerevoli rivi editoriali (le lettere dall’Africa, le lettere alle amiche, quelle agli editori e agli avvocati, le lettere dall’esilio) viene selezionato e cronologicamente ordinato. Il risultato è imponente.

Il carteggio è una miniera di informazioni sul Céline scrittore, sui suoi procedimenti, sulle sue idiosincrasie, ma ne scandaglia anche il privato: la passione per la bellezza («Sono pagano per la mia assoluta adorazione della bellezza fisica, della salute. Odio la malattia, la penitenza, il morboso(...) Perciò ho amato tanto l’America. La felinità delle sue donne!(...). Tranquillo stallone, guardone, palparle è un incanto senza pari, mi inebria, mi ispira - Darei tutto Baudelaire per una nuotatrice olimpionica»); il rifiuto della vita reale, obiettiva, il peso degli anni e dei guasti fisici.

Dietro il cliché del «medico dei poveri» la corrispondenza fa rigalleggiare il bell’uomo alto più di un metro e ottanta, che indossa abiti di buon taglio e stoffa inglese, biondo e con gli occhi azzurri, che conosce il mondo e il bel mondo, uno che a Ginevra come a Vienna, a New York come a Londra, sa dove andare, come muoversi, cosa vedere, a proprio agio con pianiste come Lucienne Delforge, con scultrici come Louise Nevelson, con figlie della buona borghesia di provincia come Edith Follet, la sua prima moglie. Vive in un appartamento moderno, con qualche souvenir coloniale, in rue Lepic: è cortese, ma riservato.
Ciò che nelle lettere d’anteguerra è accennato, sparso e variegato, in quelle post-belliche tende a raccogliersi su un triplice binario. Sul primo corre il métro emotif, il treno dello stile. «Tutto il mio lavoro è consistito nel cercare di rendere la prosa francese più sensibile e tesa, precisa, sferzante e cattiva iniettandole un linguaggio parlato, il suo ritmo, il suo tipo di poesia e di tenerezza malgrado tutto, di resa emotiva». «Io seguo con le parole l’emozione, non le lascio il tempo di rivestirsi in frase... l’afferro nuda e cruda, o meglio, nella sua poeticità. Perché il fondo dell’uomo malgrado tutto è poesia - il ragionamento si apprende, così come si impara a parlare - il bebè canta - il cavallo galoppa - il trotto è di scuola». «Non creo nulla, in verità - è come se ripulissi (...) una statua seppellita nell’argilla -

Esiste già tutto (...) Occorre soltanto spazzare (...) portare alla luce del giorno - AVERE LA FORZA - è una questione di forza - forzare il sogno nella realtà - una questione di pulizia (...) È un lavoro da operaio - operaio nelle onde».

Sul secondo corre il vagone della negazione e/o riduzione di ciò di cui è incolpato, della «congiura» ai suoi danni. «Sono un patriota sfrenato in un Paese di degenerati, lacchè e bastardi. Si tratta di ben altra cosa che tradimento, è precisamente il contrario. Sono gli altri, tutti gli altri che galoppano urlando dietro la bandiera, gareggiando per farsi inculare dal migliore offerente». «Ci si accanisce a volermi considerare un massacratore di ebrei. Io sono un preservatore accanito di francesi e di ariani - e contemporaneamente, del resto, di ebrei! Non ho voluto Auschwitz, Buchenwald. Cazzo! Basta! (...) Ho peccato credendo al pacifismo degli hitleriani, ma lì finisce il mio crimine». «La Germania mi fa naturalmente orrore. La trovo provinciale, pesante, grossolana (...) Per me è quella del ’14, la gare de l’Est, la linea dei Vosgi, la morte, la salsiccia, l’elmetto a punta».

Sul terzo, infine, fila il direttissimo delle recriminazioni, delle ingiurie, degli editori traditori, dei soldi che non arrivano, della pubblicità che manca, del boicottaggio. Sotto un torrente di minacce e prese per il culo, gli interlocutori passano la mano. Jean Paulhan, il «cervello» della casa editrice Gallimard lascia nel 1955, stanco e disgustato. «Di che si lagna quel vecchio bavoso - sarà il commento - Trova che la sposa è troppo bella, ha troppo temperamento?».

E l’antisemitismo? Céline lo trasforma in pacifismo, lo scolora, più che negarlo lo orienta in maniera diversa, fino a trasformare sé stesso nell’unico vero ebreo errante: esiliato, offeso, perseguitato... Ma dietro al razzismo c’è anche una questione di stile, come una lettera del 1943, che ha per tema Proust, mette bene in evidenza. «Lo stile di Proust? È semplicissimo. Talmudico. Il Talmud è imbastito come i suoi romanzi, tortuoso, ad arabeschi, mosaico disordinato. Il genere senza capo né coda. Per quale verso prenderlo? Ma al fondo infinitamente tendenzioso, appassionatamente, ostinatamente. Un lavoro da bruco. Passa, viene, torna, riparte, non dimentica nulla, in apparenza incoerente, per noi che non siamo ebrei, ma riconoscibile per gli iniziati. Il bruco si lascia dietro, come Proust, una specie di tulle, di vernice, che prende, soffoca riduce e sbava tutto ciò che tocca - rosa o merda. Poesia proustiana. Quanto alla base dell’opera: conforme allo stile, alle origini, al semitismo: individuazione delle élites imputridite, nobiliari, mondane, invertiti etc. in vista del loro massacro. Epurazioni. Il bruco vi passa sopra, sbava, le fa lucenti. I carri armati e le mitragliatrici fanno il resto. Proust ha assolto il suo compito». Conclusione: nel 1943 l’autore della Recherche avrebbe applaudito la sconfitta tedesca a Stalingrado...

Scrittore antimaterialista, Céline cercò di combattere il materialismo usando uno strumento, la razza, altrettanto materiale e, come tale, incapace di cogliere differenze di valori e di sensibilità. L’ideale ariano si trasformerà in beffa allorché, dopo essere stato imprigionato in Danimarca, si troverà a scrivere: «Merda agli ariani. Durante i 17 mesi di cella non un solo fottuto dei 500 milioni di ariani d’Europa ha emesso un gridolino in mia difesa. Tutti i miei guardiani erano ariani». Quando si predica la purezza c’è sempre qualcuno che si crede più puro di te. Un genio fulminato.


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mardi, 13 avril 2010

Bardèche's Six Postulates of Fasciste Socialism

Bardèche’s Six Postulates of Fascist Socialism

bardecheTranslator’s Note: When liberalism becomes “a foul tyranny masking an evil and anonymous dictature of money” (the basis of Jewish supremacy), everything is inverted and perverted, so that even our word “socialism” is tarnished, associated as it now is with Washington’s Judeo-Negro regime. I thought it appropriate, therefore, to post something that reminds readers of how we once defined this term.  The following is a short excerpt from Maurice Bardèche’s Socialisme fasciste (Waterloo, 1991). — Michael O’Meara

“Socialisme fasciste” is the title of an essay by Drieu La Rochelle. Fascist socialism, though, has been largely symbolic, since it is more an idea than a record of actual achievement.

At certain points, all fascist movements had to come to terms with socialism. And all took inspiration from it: Hitler’s party was the National Socialist German Workers Party, Mussolini was a socialist school teacher, José-Antonio Primo de Rivera was a symbol of national-syndicalist socialism, Codreanu’s Iron Guard was a movement of students and peasants, Mosley in England had been a Labour Minister, Doriot in France was a former Communist and his PPF emerged from a Communist cell in Saint-Denis.

Historically, fascist movements were liberation movements opposing the confiscation of power by cosmopolitan capitalism and by the inherent dishonesty of democratic regimes, which systematically deprive the people of their right to participate [in government].

With the exception of Peron’s Argentina, circumstances have always been such as to prevent the realization of fascism’s socialist vocation.

Those fascist movements that succeeded in taking power were compelled, thus, to reconstitute an economy ruined by demagogues, to re-establish an order undermined by anarchy, to create ways of overcoming the chaos besetting their lands or to repel external threats. These urgent and indispensable tasks required a total national mobilization and dictated certain priorities.

Circumstances, in a word, everywhere prevented fascists from realizing the synthesis of socialism and nationalism, for their socialist project was necessarily subordinated to the imperative of ensuring the nation’s survival.

These circumstances were further exacerbated by another difficulty: Fascist movements were generally reluctant to destroy the structure of capitalist society.

Given that their enemy was plutocracy, foreign capital, and the usurpers of national sovereignty, the immediate objective of these movements was to put the national interest above capitalist interest and to establish a regalian state capable of protecting the nation, as kings had once done against the feudal powers.

This [fascist] policy of conserving ancient structures may have transformed the prevailing consciousness and shifted power, but it did not entail a revolutionary destruction of the old order.

Fascist nostalgia for the old regime has, indeed, been so profound that it routinely reappears [today] in neo-fascist movements that are national-revolutionary more in word than in deed.

This phenomenon is evident throughout Europe, in Italy and Germany, in Spain, in France . . .

Is it, then, a contradiction distinct to neo-fascism that it has been unable to combine the conservation of hierarchical structures upon which Western Civilization rests with measures specifically socialist?  Or do neo-fascists simply — unconsciously — express the impossibility of grafting measures of social justice onto a civilization profoundly foreign to their ideal . . . ?

We need at this point to turn to [first] principles.

Every new vision of social relations rejecting Marxism rests on a certain number of postulates, which, I believe, are common to all radical oppositional movements.

1. The first of these condemns political and economic liberalism, which is the instrument of plutocratic domination. Only an authoritarian regime can ensure that the nation’s interest is respected.

2. The second postulate rejects class struggle. Class struggle is native to Marxism and [inevitably] leads to the sabotage of the nation’s economy and to a bureaucratic dictatorship, while true prosperity benefits everyone and can be obtained only through a loyal collaboration and a fair distribution.

3. The third protects the nation’s “capital” (understood as the union of capital and labor) and represents all who participate in the productive process . . . It is a function of the [fascist] state, thus to promote labor-capital collaboration and to do so in a way that does not put labor at the mercies of capital.

4. Given that the nation’s economy is a factor crucial to the nation’s independence, it, along with the Army and other national institutions, are to be protected from all forms of foreign interference.

5. Since modern nations have become political-economic enterprises whose power resides in those who control the economy as much as it does in those who make political decisions, the nation must play a leading role in the economic as well as the political systems. The instrument appropriate to such participation in the nation’s life have, however, yet to be invented. . . .

6. Above all, the nation’s interest must take priority over every particular interest. . . .

There is nothing specifically “socialist,” as this term is understood today, in these principles, since contemporary socialism is nothing other than a form of social war whose inevitable culmination is the rule of those bureaucratic entities claiming to represent the workers [i.e., national union federations].

Nevertheless, these principles accord with another conception of socialism — one that favors a fair distribution to all who participate in the productive process. This is not the underlying idea, but the consequence thereof, inspiring our postulates.

A fair distribution, however, will never result from sporadic, recurring struggles challenging the present degradations of money. Instead, it is obtainable only through the authority of a strong state able to impose conditions it considers equitable.

Dossier Dantec (2004)

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2004

DOSSIER “DANTEC”  :

 

Dantec devant les cochons

Source : http://ca.altermedia.info

 

MD-B.gifComme Présent l’avait prévu dès l’automne (1), le grand romancier et essayiste Maurice G. Dantec est soumis depuis quelques jours à une attaque en règle des «.Maîtres Censeurs » (2), de ces petits marquis islamo-gauchistes qui, depuis leurs quartiers chics et tranquilles de Saint-Germain veulent régenter les lettres et la pensée française.

 

Tout a commencé par une curieuse offensive à l’évidence préméditée, et collective, sur le forum du journal gratuit canadien Voir (3) qui s’est soudainement mis à vomir des messages d’insultes contre l’auteur de Babylon Babies (4) coupable, en vrac, d’être un « nazi américano-sioniste » (?), un islamophobe, un facho, et autres noms d’oiseaux.

 

Entre-temps, Dantec qui, du fait d’un quasi ostracisme dans les médias français, a pris l’habitude de lire, écrire et débattre sur le Web, lequel reste – pour le moment – un espace de liberté, commit l’irréparable péché de s’inscrire à la newsletter du Bloc Identitaire (5). Pire encore, l’écrivain poussa le vice jusqu’à accompagner cette démarche d’une lettre à Fabrice Robert, dirigeant du Bloc, pour lui préciser que, bien qu’en désaccord fondamental sur les positions de cette formation en ce qui concerne les Etats-Unis et Israël, il appréciait leur bel activisme contre le groupe de rap anti-français Sniper, pour leur défense de l’abbé Sulmont, et, plus généralement, leur lutte contre l’islamisation de la France. Last but not least, en homme courtois (quel ringard !), il leur souhaitait à la fin de cette missive, dont il autorisait la publication, tous ses vœux pour 2004… C’en était trop !

 

Ou plutôt, bien sûr, c’était enfin le « faux pas », qu’attendait le troupeau gras des cochons de la médiaklatura pour couiner en chœur leurs délations, leurs malédictions et leurs excommunications contre l’intellectuel qui avait osé, entamer un débat avec les intouchables, les lépreux de la droite identitaire !

 

Des « cochons » oui, comme disait Léon Bloy (1) qui fut aussi, en son temps, la cible d’une vindicte généralisée de la presse parce qu’il avait eu le malheur de défendre Tailhade ; et qui leur répondit en rédigeant Léon Bloy devant les cochons (6), que nous nous sommes permis de paraphraser dans notre intitulé. Des cochons comme ceux qui, dans l’excellente fable de George Orwell, prennent le pouvoir de La ferme des animaux en y installant leur totalitarisme absurde pour mieux se goinfrer au nom de la liberté.

 

Des cochons donc, vautrés dans leurs turpitudes, qui trouvent charmant d’aller biser les terroristes du Chiapas, de fêter le livre (!) chez Fidel Castro, de voter pour Arlette Laguiller, et, donc, le projet d’une bonne révolution sanglante, ou encore, et la liste serait longue, répandent leur vulgate d’anciens communistes, complices de régimes génocidaires, dans toutes les feuilles et sur tous les écrans.

 

C’est Libé, bien sûr, qui a sonné l’hallali, jeudi, en un article où l’amalgame simpliste n’avait d’égal que le verbe venimeux. Le Monde récidivait dans la foulée – « Dantec s’affiche avec l’extrême droite » - dans l’inénarrable style bolcho-jésuitique qui est le sien. Et c’est d’ailleurs dans ses colonnes que l’on pouvait lire avec stupeur la « réaction » de Patrick Raynal, directeur de collection du pestiféré Dantec, qui enfonçait ainsi l’un de ses poulains en s’estimant « catastrophé, étant contre toutes les opinions » de Maurice G. Dantec. Consternant.

 

Et l’ « affaire Dantec » d’enfler maintenant jusqu’au Canada, où le quotidien La Presse a cru bon d’apporter ses rondins au bûcher. Sans parler d’internet qui voit les sites gaucho-bobos se remplir d’indignation vengeresse. Mais nous concluions lors de notre précédent article que l’écrivain catholique n’était pas du genre à se laisser faire sans combattre. Lui qui pense la littérature comme un combat pour la Civilisation Occidentale chrétienne et se veut un « guerrier du Verbe », ne manque pas de rage et de souffle.

 

Déjà, ses réponses fusent depuis Montréal comme autant de missiles intercontinentaux ! Il y dénonce avec véhémence ces « journalistes » sans déontologie ni métier, leurs « mensonges » « qui prouvent [qu’ils sont] très proches des officines de désinformation gouvernementales ». Il assume ses écrits, avec une belle témérité qui devrait faire honte à tous les lâches du système, chiens couchés, silencieux, aux pieds des inquisiteurs de la grosse presse anarcho-trotstko-bancaire.

 

Mais nous disions aussi, « qui sait s’il ne se trouvera pas de nombreux et inattendus soutiens qui rallieront le labarum archéo-futuriste de ce Constantin de la littérature française ». Et c’est ce qui semble arriver. Déjà, nous savons que de nombreux mails et courriers de fans, issus de tous les milieux et de tous bords, partent en direction de la prestigieuse maison Gallimard (7) afin qu’elle mobilise pour soutenir son auteur. La revue culturelle Cancer ! n’est pas en reste, qui a ouvert une page spéciale sur internet (8) et dont les rédacteurs se solidarisent avec maudit ; le site subversiv.com aussi, qui publie une interview choc de Dantec et bien d’autres encore, dont, évidemment, les militants du Bloc identitaire.

 

On peut aussi imaginer, et nous l’espérons, que ses amis intellectuels et écrivains dits « nouveaux réactionnaires » qui avaient fait naguère crânement face à l’attaque du commissaire politique Lindenbergh, sauront faire preuve de solidarité avec lui. Et puis, la meilleure solution est encore d’aller acheter massivement les œuvres de Dantec, en vente dans toutes les librairies, car dans ce monde hélas dominé par le fric, c’est par le porte-monnaie qu’il faut convaincre le landerneau des lettres que ce genre de lynchage ne nous impressionne plus.

 

Olivier GERMAIN.

 

1. Faut-il brûler Maurice G. Dantec, Présent du 3 octobre 2003

2. Elizabeth Lévy, Lattès, 2002

3. www.voir.ca

4. Gallimard, La Noire, 1999

5. Bloc Identitaire – BP 13 – 06301 cedex 04 et www.les-identitaires.com

6. Mercure de France, 1895

7. Éditions Gallimard – 5, rue Sébastien-Bottin – 75328 Paris cedex 07. presse-serie-noire@gallimard.fr - Tél. : 01.49.54.42.00 Fax : 01.45.44.94.03

8. http://frkc.free.fr/revuec/dantec_nettoyage.htm sur revuecancer.com

 

“Dantec, un catholique futuriste”

 

MD grandjunction.jpgQue cette affaire Dantec est significative ! Que la France et le Québec représentent à la perfection le pire Occident ! Chez nous, une lâcheté endémique, apprise d’abord à la garderie, puis à l’école primaire, où l’on enseigne aux garçons à ne pas être des garçons, où ils sont castrés, n’ont pas le droit de se chamailler, sont traités comme de futurs hommes roses (ou gris), et ainsi de suite jusqu’à l’université. Le système d’éducation du Québec est une vaste entreprise de féminisation du mâle. On extirpe des coeurs toute violence et toute agressivité au lieu de discipliner et d’ennoblir ces instincts à l’origine des vieilles vertus militaires et chevaleresques garantes de la véritable paix et de la sécurité des plus faibles. On construit de cette façon un petit être inoffensif, fatigué, dépressif, aux instincts appauvris, sans résistance, et qui subit toujours. De là, le pacifisme des jeunes. Y a-t-il pire maladie morale ?

 

FAITES LE MORT, PAS LA GUERRE ! Ce défaitisme ignoble nous a été inculqué sur les genoux de nos professeurs. Nos politiciens sont des produits de cette éducation : des chiffes molles sans dignité. Cela c’est nous ! Le Québécois ressemble au dernier homme que redoutait Nietzsche. C’est en ce sens que le Québec est le théâtre des opérations. Le nouvel Adam, le produit glorieux (et ultime) de l’histoire universelle, c’est bien l’homo quebecensis, un homosexuel athée et pacifiste de gauche dont la bouille à la Michel Tremblay attend de se retrouver sur tous les timbres postes de l’Anation québécoise et qui tend les bras à Kofi Annan, pour que soit fondée sur le sinistre modèle québécois l’Anation mondiale ! Le Québec n’est tout entier qu’une maladie. Il est aussi, à sa manière, une prophétie. Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? N’est-ce pas parce que nous avons imité la France ? Le totalitarisme cool à la québécoise, la décomposition arrogante, le pourrissement béat de toute une société (et non seulement d’une classe), nous viennent en droite ligne (par la gauche) de nos cousins français. La France et le Québec sont des dissociétés qui se confortent dans l’auto-adulation ("société distincte” ou “spécificité française"), l’antiaméricanisme, l’intolérance branchée, le conformisme culturel, le relativisme moral, le libéralisme extrême, une dépendance psychopathologique aux programmes sociaux, psycho-sociaux, méta-sociaux. La France et le Québec modernes, c’est l’Occident ” délivré ” du christianisme. Une proie facile !

 

Le Québec singe une France en train de crever et j’ose affirmer qu’il a dépassé son modèle. Il est vrai que la crevaison finale, lorsqu’il existe un désir sincère de ne pas être, un goût délicat d’extinction et de mensonge, une identité de plus en plus incertaine, n’est pas une tâche surhumaine. Loin de là ! L’islam dans un contexte pareil est simplement en train de terminer le travail…

 

Plusieurs ont consenti à ce qui apparaît comme une fatalité. Pas Dantec. Il a compris que l’Occident, ses libertés, sa pensée, son art, n’ont nul autre appui que le Dieu chrétien et juif, Créateur et Rédempteur. Il a donc entrepris de mettre fin à la grande crise nihiliste avant que celle-ci ne détruise l’Occident. De quoi l’accuse-t-on au bout du compte ? D’avoir greffé à des propos essentiellement raisonnables un peu de véhémence ? Eh quoi ! Il en faut lorsqu’on essaie de réveiller les morts, c’est-à-dire une gôche qui a tout bradé, l’honneur inclus, ainsi qu’une vieille droite nostalgique, neurasthénique, hystérique et paraplégique, complice de la décadence, à laquelle elle se complaît en un voyeurisme stérile et ambigu !

 

Dantec est un catholique futuriste (je mentionne que l’un des grands convertis du XXe siècle, Giovanni Papini, est issu du futurisme). Appelons catholiques futuristes ceux qui ont réussi la traversée du désert nihiliste pour enfin retrouver la Terre promise, plus splendide qu’aux premiers jours du monde. Et le voilà dans la bataille ! Qu’il est beau, qu’il est émouvant le courage du lion face aux hyènes… On le compare à Louis-Ferdinand Céline. Moi je discerne les ombres de Tertullien et de Léon Bloy, deux théophores, hagiophores, christophores et naophores (j’emploie ici le vocabulaire fastueux de saint Ignace d’Antioche), capables eux aussi d’une salutaire férocité. N’oublions jamais que nous devons affronter une énergie effrénée et vicieuse avec une vigueur virile et rationnelle (” We must meet a vicious and distempered energy with a manly and rational vigour ”, Edmund Burke).

 

Dantec nous réapprend une vertu trop dédaignée, la vertu de force. Il est bon qu’il soit parti de Nietzsche (et mieux encore qu’il ne s’y soit pas arrêté), car la vertu de force est inconsciemment (et quelquefois consciemment) méprisée par plusieurs chrétiens. Ne savent-ils plus que sans elle il n’existe ni véritable paix ni vraie justice ? La mentalité pacifiste et gauchisante est en définitive l’outil idéal pour l’islamisme et ses sbires. La lutte contre l’Islam jihadiste contribuera-t-elle à une renaissance de la France, à l’image de l’Amérique qui, elle, réussira (peut-être) sa Contre-révolution à cause de l’odieuse agression d’Al Qaeda ? L’Amérique croyait à tort avoir apprivoisé l’esprit révolutionnaire avec le libéralisme lockien et jeffersonnien. Elle ignorait que, insatiable, le principe révolutionnaire ne se contente ni de l’individualisme, ni même du collectivisme : on ne satisfait jamais un monstre dont la nature est de toujours répondre oui au mal. Pour lui, the Hell is the limit. Les meilleurs parmi les conservateurs américains ont alors compris que, s’ils ne réagissaient pas, surgirait le règne des égorgeurs, ceux-ci invités, cajolés, soutenus, par l’anomie libérale et qu’il fallait d’urgence que l’Amérique s’enracine à nouveau dans le christianisme natal qui l’a fondée. Quel spectacle et quel combat chez nos voisins du sud ! Le Joseph de Maistre américain, Orestes Brownson, enseignait déjà, en plein XIXe siècle, que le destin de l’Amérique et celui de l’Occident étaient suspendus au mouvement civilisateur universel : l’Église catholique romaine.

 

Aujourd’hui, plusieurs intellectuels américains ont recueilli la leçon du maître. Pendant ce temps, dans la Francité islamophile, le cercle des saddamistes dépités, (l’expression appartient à l’excellent Guy Millière) s’acharne contre le héros qui refuse la fin de la France, malgré la France elle-même. Osons, à la façon de Montalembert, une prédiction : le fils des croisés ne sera pas vaincu par les fils de Voltaire et par ceux de Mahomet. En tout cas, ce n’est pas la lecture, sur le site de Cancer!, des réactions d’Albert Sebag (Le Point) et de Pierre Marcelle (Libération) qui abattront un Dantec. Quel tartuffe que le premier et quel animal venimeux que le second ! Je ne me permettrai qu’une seule remarque à ces adeptes de la non-résistance à l’islam.

 

L’islamophobie, comme ils disent, est un signe de santé. Un chrétien islamophile se dénomme dhimmi (un dhimmi en devenir, comme les Français actuels, ou en fonction, comme les chrétiens du Proche Orient) ! La crainte de l’Islam est traditionnelle en Occident. Elle est en outre parfaitement justifiée par l’histoire et par la théologie. Ce n’est pas Dantec qui fait de Mahomet une des trois grandes figures de l’Antéchrist, c’est le Cardinal John Henry Newman, un exemple suprême d’urbanité (dixit l’incroyant Matthew Arnold) dans la littérature anglaise et l’un des plus grands théologiens depuis saint Thomas. Selon Newman (dans ses sermons sur l’Antéchrist), les trois grandes figures annonciatrices de l’Antéchrist sont Antiochus Épiphane, Julien l’Apostat et Mahomet. Le premier s’attaque spécifiquement à la religion (juive, évidemment). Le second est devenu empereur, quelques années après l’apparition d’une des plus terribles hérésies chrétiennes : l’arianisme. Il a d’ailleurs été éduqué par des Ariens (qui niaient la consubstantialité du Fils avec le Père et donc la divinité du Christ). L’arianisme fut pendant un certain temps quasi tout-puissant dans la chrétienté. On peut soutenir qu’il annonce l’islam et que celui-ci est bien, dans l’esprit de Newman (comme dans celui de Dantec) la grande division (plus importante que la Réforme). En ce sens, il faudrait parler de l’islam comme d’une première modernité (qui se joint en notre temps à la modernité occidentale proprement dite). L’avancée actuelle de l’islam en Europe n’est-elle pas annonciatrice de l’assaut ultime du nihilisme ? Dantec le croit : il a senti l’odeur de la bête.

 

Marcelle met sur le même plan l’antisémitisme et l’islamophobie. L’erreur est manifeste quoique nullement désintéressée ! L’antisémitisme est une abominable hérésie pour un chrétien ou un fils de chrétien, une espèce de marcionisme inconscient, un rejet de l’Ancien Testament, un crime contre la première Personne de la Sainte Trinité. Mais l’islam est l’hérésie par excellence : négation de la divinité du Christ et mépris de l’ordre naturel, une hérésie qui entraîne “la dégradation de la femme, l’esclavage de l’homme et la stérilité de la terre” (Donoso Cortès). Heureusement, il y a quelqu’un quelque part qui veille et qui résiste.

 

Jean RENAUD,

30 janvier 2004

 

Jean Renaud est le Directeur de la rédaction d’Egards, revue de résistance conservatrice - http://www.egards.qc.ca

 

Le droit de réponse de Maurice G. Dantec, REFUSÉ par Libération

 

MD-LRDM-B.gifIl existe un Paradis pour les journalistes. Comme il existe un enfer pour les écrivains.

 

Le paradis des journalistes s’appelle : LA PEUR. Et il conduit très directement à l’enfer des écrivains.

 

La Peur est le véritable maître de l’Homme de presse, c’est par elle qu’il règne, depuis bientôt 200 ans, sur la libre pensée, qu’il écrase de ses bottes à chaque occasion qui se présente. Celle-ci devient de plus en plus en rare. LA PEUR ! Son régime de domination si particulier s’est en effet instauré dans tous les esprits. Tout le monde est le flic de chacun, et de tous, et à commencer par soi-même.

 

Ernest Hello avait su, il y a plus d’un siècle, en quelques lignes fulgurantes, délimiter fermement la ligne de partage entre la peur et la crainte. La crainte c’est ce qui vous force à vous agenouiller devant la plus haute des souverainetés, et en fait elle conduit à la JOIE. La peur, créature du Diable, ne forme au final que des valets, dont l’angoisse est proportionnelle à l’ennui. Aussi, dès que par l’effet d’une sorte de hasard parfaitement impromptu, une voix ressurgit du silence, c’est-à-dire du bavardage continu qu’ils avaient cru une fois pour toute installé sous leur arbitrage, alors leur sang de navet ne fait qu’un demi-tour et leur bouche écume la rage tout juste bouillonnante des petits frustrés.

 

Pierre Marcelle est le chef de ces Archanges dont les merdicules d’encre et de papier mâché auréolent la présence plus sûrement encore que le halo des saints. Il est le Grand Vigile. Le Grand Collaborateur. Il est celui qui veut que les paroles qui sont des actes (je paraphrase à nouveau le grand Hello) cessent, immédiatement, car pour lui, la parole, il suffit de lire sa consternante prose dont on ne voudrait pas comme serpillière à urinoirs pour s’en apercevoir, la parole, pour Marcelle, c’est ce qui se répète, jusqu’à la nausée, dans les colonnes de son torchon.

 

La Peur a un seul ami. Son nom est Mensonge. Par exemple, lorsque ce triste Jdanov du Ve arrondissement se permet de dire que je me suis lié politiquement à un groupe néo-nazi, l’enflure Marcelle ne peut invoquer l’erreur : il commet sciemment un double-mensonge, comme d’autres pratiquent le double fist-fucking. Marcelle avait envoyé quelques sbires faire le sale boulot à sa place il y a une quinzaine de jours. Après tout, pourquoi paye-t-on au lance-pierre, avec des salaires de peóns brésiliens, les pigistes de Libé ?

 

Mais sa petite conjuration n’a trouvé qu’assez peu d’imbéciles pour lui emboîter le pas, mis à part ce qui fut un jour “Le Monde”. Aussi, enragé d’être forcé de constater que toute la France médiatico-culturelle ne le suivait pas comme un seul homme, prêt à brandir la tête de l’infâme au bout de sa pique, Marcelle, son courage ne parvenant pas tout à fait à se liquéfier sous lui, l’a pris à deux mains et l’a répandu dans un article dont la confection et le message rappellent fâcheusement, même certains de ses “amis” s’en sont rendus compte, les méthodes du Die Stürmer ou de la Pravda de la grande époque. Rien, absolument rien ne peut arrêter un Pierre Marcelle. Rien ne peut arrêter le nihilisme de ces petits-bourgeois de gauche, rien ne l’arrêtera, sinon sa propre agonie, qui est d’ailleurs si proche que c’est à se demander si tous ces piaillements ne signifient pas en fait que son heure, enfin, a sonné.

 

Ce qui, bien sûr, augmente d’autant la détresse du Marcelle. Le Marcelle vit dans un Monde qui doit absolument se perpétuer, c’est à dire sous la forme désormais indépassable de la contestation-marchandise.

 

Dans le Monde des Marcelle vous avez le droit d’être tout :

Vous avez le droit d’être homosexuel.

Vous avez le droit d’être athée.

Vous avez le droit d’être communiste.

Vous avez le droit d’être socialiste.

Vous avez le droit d’être écologiste.

Vous avez le droit d’être anarchiste.

Vous avez le droit d’être pro-islamiste.

Vous avez le droit d’être anti-sioniste.

Vous avez le droit d’être libéral.

Vous avez le droit d’être anti-libéral.

Vous avez le droit - et même le devoir - d’être anti-impérialiste.

Vous avez le droit (comprenons-le en fait sous le sens de “devoir") d’être anti-occidental.

vous avez le droit (devoir) d’être anti-capitaliste.

Vous avez le droit-devoir d’être contre toute “survivance de l’ordre ancien” honni.

 

Mais vous n’avez pas, bien sûr, le droit d’être “nazi”, car ce mot-valise fort pratique permet désormais d’enfermer à double tour toute pensée critique dans les oubliettes du déshonneur, mais surtout :

Vous n’avez pas le droit d’être Chrétien, et encore moins Catholique.

Vous n’avez pas le droit d’être Sioniste.

Vous n’avez pas le droit d’être opposé - théologiquement et politiquement, ce qui ne fait qu’un dans cette religion - à l’Islam (sous peine d’être taxé d’islamophobie, cette maladie mentale qui fait, comme en son temps l’anticommunisme, des dégâts sans cesse croissants dans la conscience des européens).

Vous n’avez pas le droit d’engager un dialogue poli, quoique très critique, avec des gens qui ont été enfermés dans le mot-valise des Marcelle.

Enfin, vous n’avez pas le droit de vous émouvoir, avec quelque indignation, de l’existence de centres de viol répandus par centaines dans les “cités” de notre bienheureuse “République”.

 

Les Marcelle ne veulent pas que cela s’ébruite. Car leur Paradis pourrait alors s’écrouler.

 

C’est alors que leur seule amie, la PEUR, entre en jeu. Leur Monde ne pourrait tenir sans elle, car elle est ce qui, pour le moment encore, interdit aux bouches de s’ouvrir. Mais la peur est une physique instable, elle est une créature du diable, les Marcelle s’en croient les commanditaires, ils n’en sont que les manœuvres. Et c’est pour cela que la PEUR, maintenant, leur revient à la face. Quelque chose s’est produit. Quelque chose a désorbité la peur de sa propre balistique quotidienne. Quelque chose a retourné la PEUR contre elle même. Et cette chose, ô Miracle, c’est LA PEUR ELLE-MÊME.

 

Le paradis des Marcelle n’est qu’un simulacre, un PROGRAMME. Il est à peu près aussi réel que la dernière version de SuperMario. Le Monde réel, lui, vit sous sa domination car il croit que c’est ce simulacre, le réel, et lui-même, ne lui a t-on pas assez rabâché, qui est un pur phantasme. Par exemple le type qui se fait cramer trois fois sa bagnole dans l’année vit un PHANTASME. Comme les adolescentes violées en tournantes. Comme les gens qu’on fracasse à coups de pierres parce qu’il n’auront pas donné une cigarette, comme les filles qu’on incendie avant de les jeter dans une benne à ordure.

 

Le Paradis des Marcelle n’est valable que pour les Marcelle, et leurs sous-fifres. Il n’est donc réel que pour eux. Les autres, ces pauvres phantasmes dont l’idiotie est sans cesse moquée et dénoncée par les Maîtres du Simulacron, n’ont souvent - pour survivre dans le grand camp de concentration franco-mondial - comme nourriture de subsistance que des livres. C’est pour cela que l’œil du Grand Vigile est constamment braqué sur ceux qui parviennent encore à en écrire. Car nous parlons de livres, bien sûr, pas de ces objets de consommation jetables, comme les tampons hygiéniques, que précisément la Peur a domestiqué, et propose sans cesse aux citoyens de la “République”.

 

Dans son appendicule où chaque ligne exsude de haine et d’ignorance crasse, le Roi des Marcelle ne me promet rien moins que l’Enfer! Il se fait en cela, benoîtement, l’écho des quelques rumeurs qui ont couru sur internet au sujet de ma possible ”éviction” de chez Gallimard, et qui ont, de fait, créé l’effet papillon que personne n’attendait ! Pauvre Marcelle ! Incapable d’écrire dans une langue française un tant soit peu correcte, il croit pouvoir jouer les florentins de la rue Sébastien-Bottin ! Pauvre Marcelle qui n’a pas compris que LA PEUR que lui et tous ses sbires sans cesse distillent, a mobilisé, par milliers, à ce que je sais, des lecteurs de “Dantec-le-catho-facho” qui ont CRU, en effet - et n’avaient-ils pas toutes les raisons de le faire ? - que LA PEUR, encore une fois, aurait le dessus. Car cette PEUR, c’est celle dont Pierre Marcelle fait entendre régulièrement les jappement lugubres.

 

Ils ont en effet PEUR de toute la clique qui est aux commandes de la culture, tels des Duvalier du carré germanopratin. Ils connaissent son pouvoir de nuisance. Ils vivent eux-mêmes dans la PEUR. Cette PEUR, par je ne sais quelle divine intorsion des éléments, les a alors délivrés d’elle-même. Ils ont dit : NON. Ils ont dit NON, monsieur Marcelle, nous ne voulons pas que “Dantec” rejoigne “l’enfer” dans lequel vous avez jeté déjà tant d’autres écrivains, qui ne pensent pas comme vous.

 

Ils ont dit NON à votre Paradis monsieur Marcelle : vous êtes en effet très puissant. Vous être le valet de la Peur. Regardez maintenant son Maître droit dans les yeux.

 

MgDANTEC,

 

NE PAS SUBIR

Général de Lattre

 

Pour en savoir plus: http://www.egards.qc.ca

mardi, 06 avril 2010

Louis-Ferdinand Céline par Ioannis Mouhasiris

Louis-Ferdinand Céline par Ioannis Mouhasiris