Historien du droit et des institutions
mardi, 27 août 2013
Manœuvres d’été autour du chaudron égyptien
Manœuvres d’été autour du chaudron égyptien
Ex: http://www.dedefensa.org
On peut d’abord se référer à deux textes publiés sur ce site, le 17 août 2013 et le 19 août 2013. En les rapprochant, voire en les rassemblant, on peut déjà disposer d’indices sérieux pour annoncer le développement que nous allons proposer ici. Il s’agit nécessairement d’une spéculation mais qui nous semble correspondre à de grandes tendances, donc présentant une cohérence qui justifie de la développer. Même si cette spéculation concerne essentiellement la communication, elle a toute son importance, à la mesure de l'importance du système de la communication dans l'évolution des situations.
• D’un côté, il y a le constat jusqu’ici en constant renforcement d’une considérable inconsistance de la politique égyptienne (et moyenne-orientale) des USA. On peut même parler, à ce stade, d’une dissolution passive de cette politique, et par conséquent d'une érosion accélérée de l’influence US avec la mise en question des liens de coopération entre les USA et l’Égypte. A ce stade, on ne peut rien avancer d’assuré mais on est tout de même conduit à constater que la tendance est déjà affirmée sur la durée, qu’elle correspond à une tendance générale de la politique US, à une situation politique à Washington, voire au caractère d’un homme (Obama), tout cela d’ailleurs s’additionnant. Comme l’on sait (le 17 août 2013), les militaires égyptiens s’en sont avisés, tandis que le sentiment général en Égypte est clairement antiaméricaniste (voir le 7 août 2013). Comme l’on sait également, le grand sujet au cœur de la “politique égyptienne” des USA, c’est l’aide militaire US à l’Égypte et son éventuelle suspension ou suppression, qui gagne de plus en plus de partisans. Daily Beast du 20 août 2013 affirme même que l’administration Obama a “discrètement” décidé de “suspendre” l’aide US à l’Égypte sans pourtant nommer “coup” la prise de pouvoir des militaires (ce qui obligerait légalement à une suppression officielle de cette aide) ; cette affirmation (suspension de l’aide) étant plus ou moins mollement démentie par la Maison-Blanche, qui continue pourtant son exploration sémantique du mot “coup”... (Le constat ici est qu’avec Obama la maxime “pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué” est toujours respectée, le processus d’examen et de décision concernant le maintien ou pas de l’aide militaire ressemblant de plus en plus à une farce burlesque filmée au ralenti. L'absence de réalisation de cette perception catastrophique de sa politique par l'administration Obama est un phénomène psychologique remarquable, qui tient de l'autisme pour sa manifestation.)
• Devant cette incertitude de la position US, avec la perte d’influence considérable que cela entraîne, des rumeurs se sont développées à partir de la visite impromptue de Sultan Bandar, le chef du renseignement saoudien à la carrière mouvementée, à Moscou, le 31 juillet, avec 4 heures d’entretien avec Poutine à la clef. On a signalé, en nous attachant à la question des armements (voir le 19 août 2013), quelques-unes de ces rumeurs, affirmations semi-officielles et démentis qui le sont également ; et l'on a observé combien cette idée d’une certaine dynamique de consultation entre l’Arabie et la Russie, et encore plus à propos de l’Egypte que de la Syrie, avait la vie dure. La citation venue de Egyptian Independent ou/et (?) de DEBKAFiles sur le sujet d’une réunion convoquée par Poutine qui aurait eu lieu le 15 ou le 16 août à Moscou, est reprise dans nombre de textes («Putin had called an extraordinary session in the Kremlin to put “all Russian military facilities ‘at the Egyptian military's disposal.’” The report, which cited several sources without providing any further details about them, also said that “Putin will discuss Russian arrangements for joint-military exercises with the Egyptian army.”»)
• Justement, le site DEBKAFiles, qui alterne le pire et le meilleur, des narrative de circonstance à certaines indications intéressantes, a montré depuis des mois une constance réelle et bien documentée dans l’appréciation qualitative de la politique russe au Moyen-Orient, en Syrie certes mais aussi, depuis quelques temps, vis-à-vis de l’Égypte et là aussi en connexion avec l’Arabie. Dans une récente nouvelle, le 19 août 2013, DEBKAFiles explique la position d’Israël, favorable certainement aux militaires égyptiens mais dans une mesure très contrainte qui n’engage en rien l’avenir, avec une coopération strictement limitée à la lutte antiterroriste dans le Sinaï. («On Saturday, Aug. 17, El-Sisi remarked “This is no time to attack the US and Israel, because our first priority is to disband the Muslim Brotherhood.” Jerusalem found this remark alarming rather than comforting, noting that he made no promises about the future.») DEBKAFiles explique que la campagne en cours pour inciter le bloc BAO à soutenir les militaires selon le thème “les militaires ou l’anarchie” est essentiellement le fait, non d’Israël, mais de l’Arabie et des UAE, à l’instigation de Prince Bandar, et cela accordant une part importante de l’argument à la possibilité d’un tournant pro-russe de l’Égypte si ce soutien ne se manifeste pas... (Et tournant pro-russe de l'Arabie également...)
«Saudi Arabia and the United Arab Emirates – not Israel – are lobbying the West for support of the Egyptian military. Their campaign is orchestrated by Saudi Director of Intelligence Prince Bandar Bin Sultan - not an anonymous senior Israeli official as claimed by the New York Times, DEBKAfile’s Middle East sources report. The prince is wielding the Russian threat (Remember the Red Peril?) as his most potent weapon for pulling Washington and Brussels behind Egypt’s military chief Gen. Abdel-Fattah El-Sisi and away from recriminations for his deadly crackdown on the Muslim Brotherhood.
»The veteran Saudi diplomat’s message is blunt: Failing a radical Western about-turn in favor of the Egyptian military, Cairo will turn to Moscow. In no time, Russian arms and military experts will again be swarming over Egypt, 41 years after they were thrown out by the late president Anwar Sadat in 1972. Implied in Bandar’s message is the availability of Saudi financing for Egyptian arms purchases from Moscow. Therefore, if President Barack Obama yields to pressure and cuts off military aid to post-coup Cairo, America’s strategic partnership with this important Arab nation may go by the board.
»It is not clear to what extent Russian President Vladimir Putin is an active party in the Saudi drive on behalf of the Egyptian military ruler. On July 31, during his four-hour meeting with Prince Bandar, he listened to a Saudi proposition for the two countries to set up an economic-military-diplomatic partnership as payment for Russian backing for Cairo. [...]
»... From Israel’s perspective, the Bandar initiative if it takes off would lead to the undesirable consequence of a Russian military presence in Egypt as well as Syria. This would exacerbate an already fragile - if not perilous situation – closing in on Israel from the south as well as from the north.»
• Parmi d’autres commentaires qui vont dans le même sens, on notera celui de “Spengler”, le célèbre commentateur pseudo-incognito de ATimes.com, le 19 août 2013. “Spengler” ne déteste pas de se citer lui-même et il est attentif à suivre les grandes tendances de la politique générale d’une façon musclée. La situation américaniste ne lui a pas échappé, et sa description de l’extraordinaire “désordre paralysée“, de la formidable “impuissante puissance” du pouvoir américaniste à Washington n’est pas si mal vue. “Spengler” en déduit qu’il faut bien que d’autres prennent en charge ce que les USA ne sont plus capable d’assumer en aucun cas, – et, à son tour, il corrobore la connexion Russie-Arabie.
«Other regional and world powers will do their best to contain the mess. Russia and Saudi Arabia might be the unlikeliest of partners, but they have a profound common interest in containing jihadist radicalism in general and the Muslim Brotherhood in particular. Both countries backed Egypt's military unequivocally. Russia Today reported August 7 that “Saudi Arabia has reportedly offered to buy arms worth up to $15 billion from Russia, and provided a raft of economic and political concessions to the Kremlin - all in a bid to weaken Moscow's endorsement of Syrian President Bashar Assad.”
»No such thing will happen, to be sure. But the Russians and Saudis probably will collaborate to prune the Syrian opposition of fanatics who threaten the Saudi regime as well as Russian security interests in the Caucasus. Chechnyan fighters - along with jihadists from around the world - are active in Syria, which has become a petrie dish for Islamic radicalism on par with Afghanistan during the 1970s...»
Plus loin, “Spengler”, qui met également en scène la Chine pour nous proposer la vision surréaliste d’une alliance Moscou-Ryad-Pékin pour policer le Moyen-Orient, développe un raisonnement analytique pour montrer que, contrairement aux analyses ossifiées des experts du bloc BAO, la Russie est en bonne voie de renaissance et représente une puissance en pleine activité et pleine possession de ses moyens. Tout cela va dans le sens du courant général esquissé ici et là pour avancer l’hypothèse d’un changement de responsabilité dans le contrôle des affaires moyennes-orientales, qui pourrait effectivement se réaliser à l’occasion de la crise égyptienne où le bloc BAO se retrouve paralysé dans l’habituel dilemme qui, dans le brouhaha de sa rhétorique interne et de ses débats de communication, le conduit à considérer les deux options d’une politique comme aussi détestables l’une que l’autre. Ainsi les pays du bloc BAO, à l’image du Washington d’Obama, ne parviennent-il pas à se décider entre la condamnation décisive de la répression des Frères au nom de la sauvegarde d’une “démocratie” bien incertaine et le soutien affirmé aux militaires au nom de l’espoir du rétablissement d’un “ordre” bien suspect.
Mais cette paralysie renvoie moins à la difficulté du choix, quelle qu’en soit le justesse, qu’à la déliquescence interne du bloc BAO. Le cas extraordinaire des hypothèses qui sont soulevées dans ces rumeurs et ces diverses appréciations semi-officielles, se trouve dans ceci qu’on est conduit à se trouver obligés de constater que la monarchie archi-pourrie et déliquescente des Saoud s’avère finalement moins paralysée, moins ossifiée en un sens, que les pays du bloc BAO. Quant à la Russie, qu’on puisse envisager sans s’en étonner vraiment qu’elle-même puisse envisager de telles voies d’affirmation nouvelle au Moyen-Orient n’a justement rien pour étonner, puisque la situation égyptienne finit par ressembler pour elle à la situation syrienne : la proclamation des principes, dont ceux de la souveraineté et de la légitimité que les chars du général Sisi semblent avoir verrouillés à leur façon, et la lutte contre l’activisme islamiste en général et sous quelque forme que ce soit qui reste plus que jamais son obsession intérieure alimentée par les événements extérieurs. Simplement, on doit mesurer le chemin parcouru entre aujourd’hui et, disons, il y a trois ans d’ici, si l’on avait évoqué la possibilité d’un renouveau d’une influence majeure de la Russie en Égypte. (Ce chemin parcouru, cette situation nouvelle, justifient également les craintes israéliennes, appréhendant de voir un Sisi, à la tête d’un pays surchauffé, avec la “tutelle” US en déliquescence et dans les tendances nouvelles qui se manifestent, plus tenté de suivre dans sa politique régionale la voie nassérienne que celle de Moubarak pour verrouiller un rassemblement populaire qui rencontrerait un sentiment général.)
Finalement, la seule certitude que nous apporte cet ensemble de rumeurs et de suggestions semi-officielles sur une connexion de facto entre Russie et Arabie, c’est l’état absolument délabré de l’architecture du Moyen-Orient telle qu’elle fut élaborée depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale à l’avantage du bloc BAO. Le chaudron égyptien est moins le résultat de multiples manigances et manipulations que l’expression de cette décrépitude extraordinaire ; ainsi ne peut-on être surpris en aucune façon que cette situation égyptienne soit l’objet, dans tous les cas dans le champ de la communication, de manœuvres si nouvelles dans la composition de ceux qui les conduiraient éventuellement, pour tenter une recomposition de cette architecture. Quant au bloc BAO, finalement, tout s’explique dans le chef de sa paralysie, outre son état chronique qu'on observe : il se trouve plongé si profondément dans un débat sur l’état de lui-même, avec la crise Snowden/NSA, qu’il n’est pas loin d’être, d’une autre façon certes, dans une situation de confusion proche de la situation égyptienne. D’une certaine façon, il en est l’équivalent, encore une fois à sa manière, par rapport à la “décrépitude extraordinaire” de sa propre architecture.
00:05 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : égypte, afrique, affaires africaines, afrique du nord, monde arabe, monde arabo-musulman, géopolitique, politique internationale | | del.icio.us | | Digg | Facebook
dimanche, 25 août 2013
Inde : économie et société
Gilbert ETIENNE:
Inde : économie et société
Ex: http://aucoeurdunationalisme.blogspot.com
L’année financière (avril de l’année « n » à mars de l’année« n+1 ») 2010-2011 s’est terminée en beauté : le PIB indien a crû de 8,6 %, après un creux suscité par la crise mondiale. Le commerce extérieur se porte bien, les firmes indiennes investissent de plus en plus à l’étranger et la société de consommation s’affirme. Les « Grands » de la planète se succèdent à New Delhi : les présidents Obama et Sarkozy, les premiers ministres David Cameron et Wen Jiabo. Que l’Inde soit bel et bien un pays émergent est évident, mais Amartya Sen et d’autres Indiens rappellent que subsistent de larges pans d’extrême pauvreté dans le pays. L’agriculture, qui occupe encore environ 50 % de la population active, progresse trop faiblement. Les infrastructures (transports, électricité) sont encore très défaillantes, suscitant de lourds surcoûts pour l’économie. Depuis l’automne 2010, plusieurs scandales de corruption ont ébranlé le gouvernement central, créant un climat de suspicion et le ralentissement des prises de décision.
L’économie indienne a le vent en poupe
INTRODUITES à partir de 1980, les réformes se sont très largement amplifiées en 1991 en Inde, grâce à Manmohan Singh, alors Ministre des Finances. Le PIB a enregistré des progressions annuelles de 5 % puis 7 %, voire 8 à 9 %, contre une hausse annuelle moyenne de 3,5 % entre 1950 et 1980. Ouverture, libéralisation, allégements de la bureaucratie, dévaluation de la roupie ont créé un mouvement irréversible. Les gouvernements opposés au Parti du Congrès, qui lui succèderont au pouvoir de 1996 à 2004, ont globalement suivi la même voie. Avec les élections de 2004, le parti du Congrès a repris le pouvoir, mais à la tête d’une coalition disparate de plusieurs partis, ce qui a freiné la poursuite des réformes. Manmohan Singh, devenu Premier ministre, a de nouveau gagné les élections de 2009, mais il doit toujours gouverner avec une coalition de partis alliés.
De nombreux succès sont apparus sur les dernières décennies : modernisation des usines existantes grâce à de nouveaux équipements, floraison de nouvelles entreprises, en particulier dans les technologies de l’information où l’on trouve autant de PME que de sociétés qui démarrent avec quelques milliers de dollars et deviennent des multinationales. Plusieurs unités du secteur public, entre autres SAIL, gros groupe sidérurgique, et BHEL (équipements électriques) se modernisent et s’agrandissent. Le secteur automobile accueille de nombreuses firmes étrangères en joint ventures. Les ventes de voitures explosent, suivant celles de scooters et de motocyclettes, avec pour corollaire un accroissement des embouteillages. Dans l’électroménager, la production, qui s’est affermie entre 1980 et 1991, poursuit sur sa lancée. L’industrie pharmaceutique enregistre des succès en Inde et à l’étranger. Le tourisme médical apparaît, avec d’excellents médecins opérant dans des hôpitaux très bien équipés. Modernisation et innovations débordent des métropoles vers les villes de province.
La construction urbaine bat son plein, après des décennies au cours desquelles le taux de construction de nouveaux immeubles était l’un des plus bas du monde (moins de la moitié de celui de la Thaïlande, trois fois moins qu’en Chine). Dans les districts avancés de Révolution verte (Cf. Infra), apparaissent les premières voitures privées après les motos. La cuisine au gaz remplace la bouse de vache séchée et les femmes font moudre le blé dans un moulin local, au lieu de passer des heures à moudre le grain dans la meule de pierre. Les taux d’épargne et d’investissement indiens se situent désormais autour de 35 % du PIB, contre 22 % pour le premier en 1991.
Les produits indiens deviennent plus compétitifs sur le marché mondial. La catégorie engineering (machines, acier) représente jusqu’à 22 % des exportations, dont 70 % sont assurées par des produits manufacturés. Les produits agricoles totalisent 8,5 % des exportations, les minerais 4,3 %, les produits pétroliers 17,3 % (une partie du pétrole brut importé est raffiné puis exporté). Au sein des importations, le pétrole vient en tête avec 33 %, en forte hausse car la production indienne stagne depuis 2000 autour de 33 millions de tonnes. Viennent ensuite les biens d’équipement, qui représentent 15 % des importations. Fidèle à ses traditions, l’Inde continue à importer de l’or, tandis que de grosses quantités de diamants sont également importées, taillées sur place et exportées. Légumineuses et huiles comestibles représentent 3,7 % des importations.
Les exportations de services sont stimulées par les technologies de l’information et les activités des firmes indiennes pour les entreprises étrangères. Avec les assurances et les transports, les exportations totales de services sont passées de 16 milliards de dollars en 2000/2001 à 96 milliards aujourd’hui, tandis que les importations passaient sur la même période de 15 à 60 milliards. Le commerce extérieur, qui représentait 15 % du PIB en 1990, atteint 35 % vingt ans plus tard. Les principaux pays clients de l’Inde sont l’Asie, avec 57 milliards de dollars, le Moyen-Orient (40 milliards), l’Union européenne (36 %), les États-Unis (19 %). Les exportations indiennes se sont élevées à 179 milliards de dollars sur l’année fiscale 2009/2010. Du côté des importations, le Moyen-Orient est le principal partenaire de l’Inde, avec 81 milliards de dollars (pétrole). Viennent ensuite l’Union européenne (38 milliards), les États- Unis (19 milliards) et l’Asie (90 milliards). Les importations totales s’élèvent ainsi à 288 milliards de dollars. À noter la faiblesse des échanges francoindiens : la France réalise 4 milliards de dollars d’importations et 4 milliards de dollars d’exportations avec l’Inde. À l’inverse, le commerce extérieur de l’Inde se caractérise par un accroissement des exportations chinoises vers l’Inde (31 milliards de dollars) ainsi que par une progression des échanges de l’Inde avec l’Afrique (dont des importations de pétrole) et avec l’Amérique latine.
Très limités dans les années 1970, les investissements privés étrangers (FDI) atteignent 281 milliards de dollars cumulés de 1980 à 2010. Un net ralentissement est apparu en 2010. Est-il simplement conjoncturel ou lié au climat politique actuel (Cf. Infra). Les investissements de portefeuille ont, quant à eux, chuté sous l’effet de la crise financière en 2008 et 2009, avant de remonter à 35 milliards de dollars en 2010-2011. En sens inverse, les entreprises publiques ou privées indiennes investissent à l’étranger, dans l’industrie et les services dans les pays occidentaux, dans les matières premières - notamment le pétrole - en Afrique. De 2000 à 2010, ces investissements ont atteint 133 milliards de dollars.
La société de consommation s’affirme
Comme la Chine, l’Inde subit les ombres de notre révolution industrielle avec toutes sortes d’abus, corruption, coulage, etc. et, dans le même temps, découvre les prémisses de la société de consommation que nous avons connue en Europe occidentale dans les Trente Glorieuses de l’après 1945 (J. Fourastié).
Il existe néanmoins des différences sensibles. Notre niveau de vie en 1945-1950 était très supérieur à celui de l’Inde aujourd’hui. La croissance démographique, même tombée à + 1,5 % l’an, dépasse de loin notre baby boom. Par ailleurs, le taux de croissance économique de l’Inde aujourd’hui est très supérieur au nôtre à l’époque. Mais il faut noter un manque croissant de cadres supérieurs et d’ouvriers qualifiés dans tous les domaines : aux côtés des Instituts de technologie de haut niveau, les universités n’assurent, dans l’ensemble, qu’un enseignement médiocre, ce qui oblige nombre d’entreprises à organiser leurs propres formations de jeunes cadres.
Le développement de la société de consommation se traduit par une amélioration de l’alimentation de la population (lait, fruits, légumes, éventuellement poulet, etc.), ainsi que par des modifications de l’habillement (accroissement du port de jeans pour les garçons et les filles) et une hausse des dépenses en cosmétiques des femmes. Les familles constituant les classes moyennes ou supérieures avec des revenus annuels de 7 000 à 37 000 dollars par an représenteraient environ 13 % de la population totale, soit 160 millions d’âmes. On ne saurait oublier les loisirs : 100 millions de touristes indiens visitent leur propre pays chaque année, sans parler de ceux, nombreux, qui vont à l’étranger. Les repas au restaurant deviennent également à la mode, tout comme la lune de miel pour les jeunes mariés…
27 à 30 % des Indiens ont beau connaître encore l’extrême pauvreté, les aspirations des classes montantes vont constituer un puissant moteur de croissance pour l’Inde pendant encore des décennies, jusqu’à ce que de plus larges couches de la population en profitent.
Le monde rural a besoin de plus d’attention
Le monde rural conserve un très grand rôle dans l’économie indienne, puisqu’il représente encore 69 % de la population totale. L’agriculture emploie environ 50 % du total des actifs et assure 14-15 % du PIB. Des progrès considérables ont été atteints depuis l’indépendance : routes en dur, électricité, croissance agricole d’abord lente, avant que ne soit mise en place la Révolution verte (RV) en 1965.
Le processus de la RV était basé sur des variétés de céréales qui réagissent beaucoup mieux à l’engrais chimique que les semences traditionnelles. Mais qui dit doses relativement élevées d’engrais chimiques dit une exigence en eau plus importante, voire en système d’irrigation. C’est dire que les vastes régions de l’Inde péninsulaire, aux pluies incertaines et aux faibles capacités d’irrigation, se trouvaient - et demeurent encore - en dehors de la Révolution verte. En revanche, dans les plaines irriguées, nombre de paysans, souvent illettrés, ont doublé leurs rendements de blé ou de riz décortiqué en une année pour atteindre 2t/ha dans un premier temps et 3 à 4 t/ha aujourd’hui. En quelques années, l’Inde a ainsi fortement réduit son déficit en céréales, tout en appliquant une politique de stockage d’une partie du grain par l’État en prévision des mauvaises moussons ainsi que pour une distribution de grains à prix modérés.
Autour de 1980, les efforts dans l’agriculture, l’électricité, les routes se sont relâchés, avec une baisse des investissements publics et des dépenses d’entretien. Si l’on observe une plus grande diversité de la production agricole (élevage et lait, fruits et légumes), stimulée par la hausse des revenus, force est de constater que la croissance agricole baisse : la recherche manque de fonds ; les services agricoles sont en plein déclin ; le manque d’électricité affecte les vastes régions dont l’irrigation dépend de puits à pompes électriques ; les canaux d’irrigation sont mal entretenus, tout comme les nouvelles routes ; quant aux investissements dans de nouvelles infrastructures, ils sont très insuffisants.
Au total, les districts concernés par la Révolution verte s’essoufflent et les rendements plafonnent. Qui plus est, les pertes après les récoltes atteignent 30 % pour les fruits et les légumes : lenteur des transports, manque de chambres froides, emballages défectueux, parasites sont autant de nuisances qui plombent la production. Il est non moins urgent de stimuler en particulier les plaines du bas Gange, d’Assam et d’Orissa, encore très peu irriguées malgré un énorme potentiel. Peu développées sous les Britanniques, elles n’ont enregistré que de faibles progressions de leur production depuis 1947, ce qui se traduit par une pauvreté qui reste très aigüe… De gros efforts s’imposent aussi dans les vastes zones de cultures pluviales.
Les infrastructures sont toujours à la peine
Les infrastructures ont joué un rôle décisif de 1950 à 1980, en ville comme à la campagne, pour le développement de l’Inde. Depuis lors, elles sont devenues des freins à la croissance : les plans quinquennaux 1992-2007 n’ont atteint que la moitié de leurs objectifs pour l’électricité ; le plan actuel (2007-2012) ne tient pas non plus l’horaire. Le manque d’investissements et de dépenses pour l’entretien des centrales et des réseaux de transmission et de distribution perdure. Viennent ensuite les vols de courant. Le manque d’électricité aux heures de pointe est passé de 7,5 % en 2001/2002 à 11 % à l’été 2010. Les coupures de courant de plusieurs heures par jour sont fréquentes dans les villes ; elles sont encore plus longues dans les campagnes. 40 à 45 % du courant seraient ainsi perdus sur l’ensemble du territoire. À Bangalore, grand centre du High Tech, les pertes dues au manque d’électricité représentent 12 à 15 % de la production des entreprises informatiques. Des chantiers de grandes centrales ont été ouverts mais les constructions annoncent de nouveaux retards.
Ces défauts sont aussi provoqués par un manque de coordination entre services concernés, des livraisons d’équipement défaillantes, un manque de cadres. Dans ces conditions, les riches installent un petit générateur chez eux, les entreprises en acquièrent de plus gros ou créent parfois leur propre centrale, ce qui grève leurs coûts. La question des matières premières devient délicate : manque de pétrole, de gaz, de charbon pour les centrales électriques et pour d’autres usines. De gros gisements de gaz ont heureusement été découverts au large des deltas de la Godavari et de la Krishna (sud-est de l’Inde) et l’on vient de découvrir des dépôts d’uranium en Andhra qui pourraient être les plus riches du monde : ils sont estimés à 44 000 tonnes.
Autre talon d’Achille de l’Inde, les transports avec, ici aussi, un manque d’investissements et de dépenses d’entretien patents : routes encombrées, souvent étroites, multiplicité des contrôles routiers, au point que les camions ne dépassent guère 25 km/h de moyenne. Le bilan des chemins de fer n’est guère plus brillant, les trains de marchandises roulant eux aussi à 25 km/h. Transports et logistique représentent 20 % des coûts finaux de production en Inde, contre 4 à 5 % en Europe. Les ports sont également sous pression et les coûts d’exportation par container sont de 1 053 dollars, contre 456 à Singapour. Ces insuffisances dans les transports correspondraient à près de 1 % du PIB par an, soit 14 milliards de dollars.
Enfin, mentionnons l’eau dans les villes, dont la fourniture est souvent interrompue et dont seuls 13 à 18 % des eaux usées sont traités. Du point de vue environnemental, les fonds consacrés à la lutte contre la pollution des eaux et de l’air, à l’érosion des sols ou encore aux risques liés au changement climatique sont très insuffisants. Les dommages annuels se situeraient entre 3,5 et 7 % du PIB.
Gouvernance et malaises déstabilisent la vie politique
Une avalanche de scandales se sont succédés depuis l’automne 2010 : pots de vin considérables et détournements touchent le gouvernement et l’administration, des hommes d’affaires, des militaires, etc. La société civile ainsi que de grands industriels donnent de la voix ; les media se déchainent ; même des religieux font la grève de la faim… Il n’est néanmoins pas certain que le coulage et la corruption aient beaucoup augmenté. Lorsqu’il était au pouvoir, en 2001, le Premier ministre Vajpayee du BJP, opposé au Congrès, parlait d’un véritable « cancer ».
La répression des abus a été faible jusqu’à maintenant. Un ministre du gouvernement central est sous les verrous, un autre a été mis à pied, ce qui ne calme pas les critiques, malgré l’intégrité du Premier ministre Manmohan Singh. Un climat de malaise s’est étendu sur New Delhi ; la Chambre du Peuple est secouée de désordres ce qui conduit à de fréquentes suspensions de séance…, le tout étant aggravé par une inflation à 9 % et un ralentissement de la croissance économique depuis le printemps 2011 : + 7,7 % (avril-juin). Les inégalités se creusent. De vastes régions rurales très pauvres, les bidonvilles, une mortalité infantile encore élevée suscitent de légitimes inquiétudes pour l’avenir du pays.
Les inégalités sont également marquées entre les États. Plusieurs d’entre eux, dont l’imposant Uttar Pradesh, sont mal gérés et se développent mal. Au Gujrat, la croissance prend, à l’inverse, des allures à la chinoise. Le Bihar est sorti d’une longue période de pourrissement grâce au gouvernement de Nitish Kumar, depuis les élections de 2005 et 2010. Le Tamil Nadu, malgré beaucoup de corruption, attire toujours plus les grandes firmes de l’automobile. La région de Gurgaon près de Delhi est en plein boom. Le gouvernement central peine plus que jamais à réduire les dépenses et les subventions, à imposer de nouvelles réformes sous le poids des affaires et des dissensions au sein de la coalition. Il faut aussi compter avec le poids de Sonia Gandhi, présidente du parti du Congrès. Depuis 2007, par exemple, est en discussion au Parlement le nouveau Land Acquisition Act pour remplacer celui de 1894 ! Entre temps, conflits, retards se succèdent pour créer des usines, exploiter de nouvelles mines de fer, de bauxite, de manganèse dans l’angle nord-est de la péninsule. Les gouvernements des États concernés perdent des rentrées de fonds, les habitants locaux peuvent être malmenés dans leur opposition, les investisseurs indiens comme Tata ou les firmes étrangères comme POSCO (Corée du Sud) perdent de l’argent alors qu’ils sont prêts à créer de nouvelles aciéries. Une vingtaine de milliards de dollars sont ainsi en attente d’investissement.
En conclusion, malgré le ralentissement actuel, l’économie indienne conserve de solides atouts et presque personne ne conteste le système démocratique du pays en dépit de sérieuses failles. Il serait néanmoins urgent, pour que l’Inde puisse poursuivre son développement, de sortir de la crise de gouvernance qui lèse aujourd’hui l’économie et de réduire l’inflation. Rahul Gandhi, fils de Sonia Gandhi, Présidente du parti du Congrès, actuellement aux États-Unis (pour des soins, semble-t-il), va-t-il quitter ses fonctions au sein du parti pour succéder à Manmohan Singh ? Et si oui, réussira t-il à sortir son pays de la difficile phase d’aujourd’hui ?
00:07 Publié dans Actualité, Economie, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : inde, politique internationale, économie, asie, affaires asiatiques, géopolitique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Una nuova sinergia con la Russia
Eu-Rus. Il protagonismo dei popoli europei e una nuova sinergia con la Russia
Ex: http://www.centrostudilaruna.it
Aymeric Chauprade è uno degli autori di geopolitica più importanti della nuova generazione. Animatore della Revue française de géopolitique è anche presidente della Accademia Internazionale di Geopolitica. Chauprade afferma le ragioni del multipolarismo: sostiene che per riequilibrare il sistema di rapporti internazionale sia necessario un nuovo protagonismo dei popoli europei, che solo può avvenire in virtù di una forte intesa con la Russia.
La Russia appunto. La vecchia rappresentazione secondo la quale Mosca esprimeva un potere “asiatico” ed ostile, separato dal nostro vivere occidentale da un limes invalicabile (la cortina di ferro) appare vecchia. Una rappresentazione ossidata e tossica. Archiviata per sempre l’ideologia marxista, la Russia torna ad essere nazione europea, per paesaggio, etnia, lingua, cultura e religione. Ed è naturale che gli spiriti più intuitivi del nostro tempo si prodighino per sostenere la vera, autentica “integrazione” per la quale valga la pena di battersi. L’integrazione tra Est e Ovest dell’Europa; il respiro simultaneo dei “due polmoni dell’Europa”, come li definiva con parola ispirata Giovanni Paolo II.
Il 13 giugno Chauprade ha rivolto un’allocuzione ai deputati della Duma russa. “Signore e signori della Federazione Russa – ha esordito l’autore – è un grande onore essere qui per un patriota francese che come me guarda al popolo russo come a un alleato storico”. Poi Chauprade ha proseguito con affermazioni forti di stampo sovranista: “Il nuovo bipolarismo mette di fronte, in un confronto che si amplificherà, da un lato questo totalitarismo globale, che ha distrutto la famiglia e la nazione, riducendo la persona ad un consumatore schiavo di pulsioni mercantili e sessuali e dall’altro i popoli traditi dalle loro elite, assopiti davanti alla perdita di sovranità e all’immigrazione di massa, ma che di fronte all’attacco contro la famiglia iniziano a risvegliarsi”.
Nel clou dell’intervento l’elogio di Vladimir Putin: “Signore e signori deputati, è con il presidente Putin e tutte le forze vive della Russia, che il vostro paese ha intrapreso una ripresa senza precedenti, militare, geopolitica, economica, energetica e spirituale che ispira ammirazione nei patrioti francesi! I patrioti del mondo intero, gelosi dell’indipendenza dei popoli e delle fondamenta della nostra civiltà, in questo momento hanno gli occhi puntati verso Mosca”.
L’idea che la Russia di Putin rappresenti oggi “il polo” per coloro che si riconoscono nel retaggio e nel futuro della civiltà europea è una impressione condivisa.
Chi scrive, nel suo piccolo, ha concepito l’idea di un progetto denominato Eu-Rus e ne ha cominciato a parlare, alla maniera dei ragazzini … su facebook[1].
La “Eu” di Eu-Rus contiene le stesse lettere della sigla UE (Unione Europea) sia pur in un ordine diverso ed evoca anche la radice greca “eu” che nella lingua di coloro che per primi pensarono l’Eu-r-opa[2] significa bene (come nelle parole composte “eudemonia”, “euritmia”, “euforia”, “eucaristia” e – si spera di no – “eutanasia”).
L’intenzione è quella di realizzare con gli amici che sono interessati un network di intellettuali motivati dall’ideale della integrazione Europa – Russia.
Gli spunti di riflessione e di impegno sono tanti:
1. Affermare l’esigenza di una comunità energetica comune, attraverso la realizzazione dei gasdotti North Stream e South Stream.
2. Battersi affinché in tutto il continente si affermi il programma portato avanti da Putin di socializzazione delle fonti energetiche. Socializzazione versus privatizzazione selvaggia.
3. Auspicare il sorgere di un area di libero scambio comune tra Europa e Russia, di integrazione delle risorse tecnologiche e imprenditoriali. I grandi corridoi orizzontali che in questi anni si stanno costruendo devono essere prolungati fino a Mosca e devono diventare strade a doppia corsia: sulla corsia che va verso Occidente scorrono le risorse energetiche e del sottosuolo, sulla corsia che va verso Oriente scorre il know how che l’Europa Occidentale oggi può mettere a disposizione.
4. Riaffermare i principi della rivoluzione nazional-democratica gaullista: capi di governo eletti direttamente dal popolo, come oggi avviene in Francia e in Russia; con un radicale ridimensionamento di tutti i poteri non-eletti (commissari UE, governi tecnici, ONG …)
5. Rilanciare la politica di coesistenza pacifica con i paesi arabo-islamici secondo la linea perseguita sia pur tra difficoltà e/o incertezza dall’Italia con Mattei, Moro, Craxi, Andreotti.
6. Sviluppare anche l’idea di una graduale integrazione militare delle nazioni europee, una integrazione che coinvolga tutte e due le potenze dotate di arsenale nucleare del continente: la Francia e la Russia.
7. Sostenere un ideale di multipolarismo basato sul principio del Balance of Power per evitare le derive belliciste che inevitabilmente derivano dal predominio mondiale di una “Unica Superpotenza”.
8. Affermare una politica sull’emigrazione corrispondente alle esigenze dei lavoratori e dei disoccupati europei, una politica che non segua gli interessi di coloro che mirano ad abbassare il costo del lavoro con l’immissione continua di nuovi soggetti nel sistema economico, ma che segua le indicazioni del formidabile discorso alla Duma di Vladimir Putin del 4 febbraio 2013.
9. Auspicare l’adozione di una politica per la famiglia corrispondente alle esigenze demografiche dell’Europa.
10. Approfondire il dialogo culturale meditando sulle esperienze spirituali dei grandi pensatori russi: Soloviev, Bulgakov, Dostoevskij, Florensky.
11. Per la stessa ragione contribuire al dialogo ecumenico tra chiesa cattolica romana e chiese ortodosse d’Oriente.
12. Rimeditare in chiave post-moderna il tema della III Roma.
Due sono gli errori da non commettere nello svolgimento di questa impostazione:
1. sviluppare i temi con un taglio “estremista”. La geopolitica autentica confina con la diplomazia e non con l’ideologia. La calma, la moderazione, l’equilibrio sono una sostanza migliore rispetto ai fumi dell’ideologia.
2. sviluppare il progetto con una foga polemica contro altri soggetti internazionali. Qui non si vuole essere anti islamici o antioccidentali o anticinesi. Si vuole semplicemente essere nietzschianamente “buoni europei” e dunque elaborare il tema della fratellanza naturale e storica tra i popoli che sono figli della Grande Madre Europa.
Siamo felici che questo progetto possa partire a bordo della nave pirata di Barbadillo. Ne parleremo nelle prossime settimane con gli amici che condividono, nella piena libertà delle loro equazioni personali, le idee di fondo del progetto.
Note
[1] Vedi la pagina https://www.facebook.com/pages/Eu-Rus/489924397713156
[2] Europa era la splendida fanciulla orientale amata da Zeus (nella radice etimologia, Eu-Op, il riferimento ai grandi occhi splendenti). Il grande dio del cielo per sedurla si trasformò in Toro e condusse la fanciulla dalla sponda orientale a quella occidentale del Mediterraneo, nella terra che avrebbe preso da lei il nome.
Questo articolo è stato tratto, con il gentile consenso dell’Autore, dal sito Barbadillo.
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Le rêve arabe de l’Occident est parti en fumée...
“M.”/” ’t Pallieterke”:
Le rêve arabe de l’Occident est parti en fumée...
L’Occident a fait un rêve: le monde arabe en 2013 allait devenir bon et gentil. En Egypte, Morsi, petit à petit, deviendrait un dirigeant compétent. En Syrie, le méchant Assad tomberait, à la suite de quoi, la bonne opposition aurait formé un gouvernement plus ou moins acceptable. En Libye aussi, un pouvoir relativement stable se serait installé. C’était un beau rêve...
La réalité sur le terrain est nettement moins rose. L’Egypte a attiré la une des médias au cours de ces dernières semaines, alors que la Syrie est toujours aux prises avec une guerre civile qui semble interminable. En Libye, la situation est toujours instable. La question arabe était prioritaire dans l’ordre du jour du récent sommet du G8 en Irlande du Nord. L’Egypte est toutefois le pays qui cause le plus de soucis, d’abord parce que le pays est vaste, fort peuplé et exerce un influence prépondérante dans la région. Alors, question: qui fait quoi?
Réticence américaine
Lors de son installation au poste de ministre des affaires étrangères aux Etats-Unis, John Kerry voulait damer le pion aux Européens, dépasser leurs ambitions. Il voulait même donner un souffle nouveau au processus de paix israélo-palestinien. A peine quelques mois plus tard, cette question israélo-palestinienne est passée à l’arrière-plan. Aujourd’hui, les dirigeants américains, bien que soutenus par le travail de nombreux universitaires, doivent constater que leur vieil allié égyptien est devenu un sérieux facteur de risque. Mais il y a une autre donnée dans le jeu, qui devrait susciter l’attention des Européens. Lorsque John Kerry renonce à rendre visite à quelques pays asiatiques pour se diriger immédiatement vers le Moyen-Orient, c’est un signal clair pour les pays frustrés d’Extrême-Orient. Un des principaux conseillers du “State Department” a relevé le fait récemment. Au moment où certains pays d’Extrême-Orient perçoivent de plus en plus clairement une menace chinoise, l’attention que portent les Américains au Moyen-Orient apparait comme “déplacée”. Toutes les régions du monde n’ont pas la même priorité pour les Etats-Unis. De plus en plus de voix s’y élèvent pour dire qu’il est temps que les Européens s’occupent un peu plus du Moyen-Orient.
C’est un fait: les événements du Moyen-Orient ont un plus grand impact sur la sécurité européenne que sur la sécurité américaine. Ce que l’Europe (du moins quelques pays européens) a fait jusqu’à présent témoigne surtout d’une absence de vision. L’Europe n’a pratiqué qu’une politique à court terme, partiellement dictée par l’émotion du moment. La Libye en est le meilleur exemple. Les Britanniques et les Français y ont déployé leur force aérienne mais l’opération n’a été possible que grâce aux missiles américains. De surcroît, les munitions se sont vite épuisées, si bien que l’on a dû, l’angoisse à la gorge, téléphoner à Washington... Récemment, les Britanniques ont considéré qu’il fallait impérativement entraîner 5000 nouveaux soldats et policiers en Libye. Ces effectifs semblent indispensables pour mater les milices rebelles. En parallèle, on a dû prévoir d’autres initiatives encore pour faire face à cette calamité que constituent les réfugiés libyens ou en provenance de la Libye qui, jadis, étaient retenus sur les côtes de l’Afrique du Nord suite à un compromis conclu avec Khadafi.
Et que faut-il penser des services de sécurité européens quand on constate le nombre de jeunes gars qui partent vers la Syrie... et reviennent tranquillement. Ils ne viennent pas seulement de Bruxelles, Anvers ou Vilvorde. Chaque pays européen a des volontaires sur le théâtre syrien. D’après une enquête récente, il y en aurait plus de 600. Qui plus est, un expert des Nations Unies a déclaré qu’un paradoxe s’ajoutait à cette situation: plus on parlait de ces volontaires, plus cela suscitait des vocations chez bon nombre de jeunes issus de l’immigration arabo-musulmane.
Une alternative européenne?
Un diplomate européen, à l’abri des micros et des caméras, a mis le doigt sur la plaie: “Ce qui s’est passé ces toutes dernières années dans plusieurs pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient a été interprété de manière beaucoup trop ‘idéologique’. On nous disait que c’était une révolution démocratique, une acceptation des libertés occidentales. On fermait ainsi les yeux face à certains faits”. Par exemple, on voulait “oublier” que s’il y avait des élections libres en Egypte, ce serait les fondamentalistes musulmans qui engrangeraient une bonne part des voix. L’Egypte compte bien davantage d’acteurs que les élites éclairées du Caire auxquelles se réfèrent sans cesse les journalistes occidentaux. Il suffit de prendre en considération la population moyenne, qui compte 40% d’analphabètes: elle ne partage évidemment pas les vues des Cairotes éclairés. Quant à ce que donneraient des élections en Syrie, on n’ose pas trop y penser...
L’Europe veut-elle et peut-elle arranger les bidons? D’aucuns estiment d’ores et déjà que l’attention portée au monde arabe est trop importante. La Lituanie, qui prendra bientôt la présidence de l’UE, a profité de l’occasion qui lui était donnée de s’exprimer pour souligner plutôt le danger que représente la Russie. Le message des Lituaniens était donc clair: il faut davantage s’occuper du danger russe. L’obsession des Français et des Britanniques à prendre parti pour les rebelles syriens est vue avec beaucoup de réserve par la plupart des autres pays européens. Ce bellicisme franco-britannique n’apporte aucune solution, au contraire, il crée de plus en plus d’instabilité. Dans les coulisses du monde des diplomates, on entend dire que, dans l’UE, se juxtaposent des “convictions parallèles”, et rarement une unité de vue, en ce qui concerne les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Entre ce qu’il faudrait faire et ce qu’il est possible de faire, il y a une césure considérable. Dans le passé, on a souvent pu constater la désunion des Européens en matière de politique extérieure. Cette désunion semble le plus grand obstacle à une présence européenne sérieuse dans ces régions du monde en ébullition.
“M.”/” ’t Pallieterke”, Anvers, 17 juillet 2013.
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samedi, 24 août 2013
Duguin: profeta de Eurasia
Duguin: profeta de Eurasia
Alberto Buela
Alexander Duguin (Moscú, 1952) se ha transformado hay en el más significativo geopolitólogo ruso. Inscripto en la ideología nacional bolchevique del estilo de Ernst Nietkisch sostiene un socialismo de los narodi. Esto es, un socialismo de los pueblos, despojado de todas las taras modernas como su materialismo, su ateísmo y su ilustración.
Su teoría geopolítica es la construcción de un gran espacio euroasiático con centralidad en Rusia.
En este libro que comentamos, traducción al portugués de Aganist the west (2012), se va a ocupar en primer lugar de qué entiende por Occidente, que a partir del nacimiento de la modernidad, pasando por sus distintas etapas - Renacimiento, Nuevo Mundo, Reforma, Revolución francesa, Revolución bolchevique, Transformación tecnológica, Globalización – se ha ido transformando en el criterio normativo del mundo.
El proceso de modernización tiene dos caras, una exógena que no emerge de las necesidades de los pueblos y otra, endógena, que es un principio interno que no puede ser negado. La primera ha servido para la colonización y dominio de los pueblos, en tanto que la segundo surgió como una necesidad natural.
En cuanto a la globalización: representa el último punto de realización práctica de las pretensiones fundamentales de Occidente a la universabilidad de su experiencia histórica y de sus valores.
A la tesis de “Rusia, país europeo” va a oponer la tesis “Rusia-Eurasia como una civilización opuesta tanto Occidente como a Oriente”.
Apoyándose en la idea “gran espacio”(1939) de Carl Schmitt y teniendo como antecedente la Doctrina Monroe (1823) propone recuperar la idea de imperio.
Sostiene que la Doctrina Monroe nació como una idea anticolonialista y se fue transformando en una propuesta colonialista. Para nosotros, americanos del sur, tal Doctrina fue siempre colonialista cuyo enunciado real fue desde un comienzo: América para los norteamericanos.[1]
El concepto de imperio que se propone va más allá de los contextos históricos o políticos en que se haya dado y no se limita solo a una dimensión física ni a la presencia de un emperador. Eso si, el imperio exige un estricto centralismo administrativo y una amplia autonomía regional: El imperio es la mayor forma de humanidad y su mayor manifestación.
Cuando entre los imperios nombra el imperio comunista de la URSS y al imperio liberal de los EUA, y los pone a la misma altura que los imperios romano o autro-húngaro, Duguin no realiza la distinción entre imperio e imperialismo. Así, el imperio impone pero deja valores que le son propios (lengua, instituciones), mientras que el imperialismo es la imposición de un Estado sobre los otros para su explotación lisa y llana. El imperialismo deja solo desolación, en tanto que el imperio abre un mundo desconocido a sus dominados.
Un comentario especial merece su caracterización del conservadorismo, donde se ve la influencia de Alain de Benoist, seguramente el más original pensador francés vivo. El conservador no quiere conservar el pasado por ser pasado, según se lo define habitualmente, sino que pretende conservar del pasado lo constante, lo perenne. Y eso, porque no tiene una visión diacrónica de la historia sino sincrónica. El sentido del ser, de lo que es y existe no se apoya para él en la ideas de movimiento (pasado, presente, futuro) donde las cosas nos hacen un llamamiento desde el futuro bajo la idea de progreso, como sucede con el iluminismo, el modernismo y, hoy, el progresismo, sino que el sentido de las cosas hay que buscarlo en lo constante, en lo que permanece. El ser tiene una primacía sobre el tiempo; lo comanda y predetermina su estructura: el tiempo se da en el seno del ser como acontecimiento apropiador del ser.[2]
La conclusión política del conservadorismo ha dado lugar a la “cuarta teoría política”, pues así como en el siglo XX se dieron la primera teoría política con el liberalismo, la segunda con el marxismo, la tercera con el nazismo hoy, a comienzos del siglo XXI, hace su aparición la “cuarta teoría política” que hunde sus raíces en la revolución conservadora alemana del período entre guerras y que tuvo como exponentes, entre otros, a Moeller van der Bruck, Carl Schmitt, los hermanos Jünger, Martín Heidegger, von Solomon, von Papen, Werner Sombart, Stefan George que no se pudo plasmar en una práctica política concreta.
El imperio eurasiano propuesto por Duguin con Rusia como centro y cabeza que: debe pensar y obrar imperialmente, como un poder mundial que tenga opinión sobre todo hasta los lugares más distantes del planeta, tiene “carácter civilizatorio” nos parece ambicioso, pero no inverosímil.
Nosotros creemos, y hemos intentado mostrar a través de múltiples trabajos, que las ideas de gran espacio y de imperio, en este caso, se unifican en la idea de “ecúmene”, que como la Hélade para los griegos, la romanitas para los romanos, o la hispanidad para los españoles, designan los grandes de tierra habitados por hombres que comparten entre sí, lengua, usos, costumbres, creencias y enemigos comunes. Y en este sentido sostenemos que el mundo es un pluriverso compuesto por varias ecúmenes entre las que se destaca, para nosotros, la iberoamericana.
Finalmente, toda la última parte del libro va ha estar ocupada en asuntos internos y temas casi exclusivamente rusos, de los que no nos encontramos capacitados para juzgar: la relación de Rusia con Ucrania, la filosofía del narod y su patriotismo erótico, el arcano roxo de Rusia, la estructura sociogenética de Rusia e intereses y valores post Tskhinvali.
Queremos felicitar a los traductores brasileños por este trabajo, que acerca al mundo luso e hispano hablante a un geopolitólogo de valía, prácticamente desconocido en nuestra común ecúmene cultural.
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Il lupo grigio al bivio
Il lupo grigio al bivio
SOMMARIO
Editoriale
C. Mutti, Il lupo grigio al bivio
Geofilosofia
Aristotele, Popolazione e territorio della polis ideale
Dossario – Il lupo grigio al bivio
Aldo Braccio, La Repubblica turca a dieci anni dal centenario
Tancrède Josseran, È duro essere turchi
Davide Ragnolini, Il pensiero geopolitico del Giano turco
Mahdi Darius Nazemroaya, Neoottomanismo e teoria del sistema mondiale
Francesca Manenti, Turchia e Stati Uniti: evoluzione di un’alleanza
Alessandro Lattanzio, Le Forze Armate turche
Federico Donelli, La strategia energetica turca guarda verso il Kurdistan
Giuseppe Cappelluti, La Turchia e il Kazakhstan
Augusto Sinagra, La Repubblica Turca di Cipro del Nord
Lorenzo Salimbeni, Il grande malato
Emanuela Locci Atatürk, e la massoneria
Continenti
Carlo Fanti, Air Sea Battle
Ye Feng, L’esercito cinese: una forza di pace
Andrea Fais, Il ruolo della Bielorussia nel mondo multipolare
Giacomo Gabellini, L’offensiva di Tel Aviv
Documenti
La “Rivoluzione Democratica Nazionale” del Partito dei Lavoratori di Turchia
Jean Thiriart, Criminale nocività del piccolo nazionalismo: Sud Tirolo e Cipro
Interviste
La Turchia vista da Budapest. Intervista a Gábor Vona
Intervista all’ambasciatore tedesco in Italia
Recensioni
Nilüfer Göle, L’Islam e l’Europa. Interpenetrazioni (C. Mutti)
Carlo Frappi, Azerbaigian. Crocevia del Caucaso (C. Mutti)
Giovanni Bensi, Le religioni dell’Azerbaigian (C. Mutti)
Gamal Abd el-Nasser, La filosofia della rivoluzione (D. Ragnolini)
Imam ‘Alî ibn Abî Tâlib, Lettera a Mâlik al-Ashtar. Il governo dal punto di vista islamico (E. Galoppini)
Marco Di Branco, Storie arabe di Greci e di Romani. La Grecia e Roma nella storiografia arabo-islamica medievale (C. Mutti)
Fabio Vender, Kant, Schmitt e la guerra preventiva (D. Ragnolini)
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Turquie: coup dur contre l’armée
Bernhard TOMASCHITZ:
Turquie: coup dur contre l’armée
Le procès du réseau Ergenekon en Turquie sert à renforcer le processus de ré-islamisation voulu par Erdogan et à éviter un scénario à l’égyptienne
Au bout de cinq années, enfin, le procès contre la très hypothétique “société secrète” Ergenekon vient de prendre fin en Turquie. Plusieurs verdicts de culpabilité ont été prononcés. Le Tribunal de Silivri, près d’Istanbul, n’a acquitté que 21 prévenus sur les 275 accusés: tous les autres ont écopé de nombreuses années de prison, certains ont reçu la perpétuité. Parmi eux, beaucoup de militaires, dont l’ancien chef de l’état-major, Ilker Basbug. On reproche aux condamnés d’avoir fomenté un putsch: parmi eux, il n’y a pas que des militaires, il y a aussi des hommes de science, des hommes politiques et des journalistes.
Des militaires et quelques civils auraient amorcé un complot en 2003, sous le nom de code “Marteau préventif”. Selon les plans prévus, les comploteurs auraient voulu faire sauter une grande mosquée un vendredi, jour de prière, et provoquer le voisin grec de façon à ce qu’un appareil turc aurait été abattu. Les conséquences de ces deux actions auraient été telles, prévoyait le plan, qu’une agitation générale aurait secoué le pays, si bien que l’armée aurait pu, en toute bonne conscience, intervenir et se poser en “force salvatrice du pays”.
Mais, en fait, on ne sait pas très bien si la société secrète Ergenekon, baptisée du nom du foyer territorial initial des peuples turcs en Asie centrale, existe vraiment... Le procès est dès lors contestable, lui aussi, et le tribunal d’appel d’Ankara statuera une dernière fois sur les jugements prononcés. Bon nombre d’observateurs critiquent les preuves avancées et les contradictions flagrantes énoncées au cours de la procédure. On reproche surtout au premier ministre islamiste Recep Tayyip Erdogan de manipuler la procédure pour en finir avec ses vieux ennemis politiques. “Cette procédure n’a d’autres motivations que politiques”, a déclaré l’un des accusés, Mustafa Balbay, dans la salle du tribunal. Quant au député de l’opposition Umut Oran, il a déclaré: “C’est un procès mis en scène par Erdogan, c’est là son théâtre”. Pour l’organisation “Reporters sans frontières”, ce procès a démontré une fois de plus qu’une réforme générale de la justice est indispensable en Turquie.
Quoi qu’il en soit, il est certain qu’Erdogan, par ce procès, vient de porter un coup très dur à son principal adversaire politique, l’armée, qui se veut la gardienne de l’héritage laïque kémaliste. Débarrassé de l’armée, Erdogan peut poursuivre sa politique de ré-islamisation de la Turquie. C’est dans cette optique que l’on peut interpréter les procédures lancées contre de prétendus “ennemis de l’islam” ou de “blasphémateurs”. Le procureur d’Istanbul exige ainsi des peines avec sursis de neuf à dix-huit mois de prison pour les animateurs d’une plateforme populaire sur internet et pour 39 utilisateurs connus de ce portail parce que ces accusés auraient proféré des propos blasphématoires outrepassant les limites accordées à la liberté d’expression.
Outre le but de ré-islamiser la société turque, les jugements portées contre les soi-disant activistes de la société secrète Ergenekon ont encore un autre objectif: Erdogan veut éviter à tout prix un “scénario à l’égyptienne” où, vu les protestations incessantes —depuis la fin mai 2013 les manifestations anti-gouvernementales ne cessent plus—, l’armée pourrait prendre le prétexte d’intervenir pour démettre les élus du peuple de leurs fonctions. Erdogan a sévèremement critiqué le coup des militaires égyptiens et déploré le renversement du Président Mohammed Mursi, un Frère Musulman. Lorsque le ministre américain des affaires étrangères John Kerry a commenté brièvement l’élimination de Mursi en ces termes: “finalement, ce putsch a restauré la démocratie”, la réponse turque ne s’est pas fait attendre: le vice-premier ministre turc Bekir Bozdag a répondu sur Twitter: “L’armée a-t-elle un jour aussi rétabli la démocratie dans les Etats de l’UE ou aux Etats-Unis? Les coups d’Etat n’apportent pas la démocratie: ils ruinent et détruisent la voie vers la démocratie. Comme en Egypte”.
Il y a toutefois de bonnes raisons de penser que les Etats-Unis pourraient tenter de semer le désordre en Turquie; en effet, les relations entre Ankara, d’une part, et Washington et Tel Aviv, d’autre part, se sont considérablement détériorées depuis quelques années. L’une des raisons majeures de cette détérioration vient d’un concept mis en oeuvre par le ministre turc des affaires étrangères Ahmet Davutoglu, celui de la “profondeur stratégique” nécessaire à la Turquie. Ce concept structure désormais la ligne de conduite de la diplomatie turque. Pour pouvoir devenir une puissance régionale, dont l’aire d’influence correspondrait à celle de l’ancien Empire ottoman, la Turquie doit entretenir de bonnes et étroites relations avec tous les acteurs importants de la région. Parmi ces acteurs, il y a évidemment des Etats que Washington considère comme des “Etats-voyous” qu’il faut ramener à la raison en provoquant en leur sein des changements de régime. Ankara ne se soucie guère des classifications américaines.
Des cercles et caucus importants aux Etats-Unis ont pris position. Ainsi, Freedom House, organisation propagandiste américaine, reproche au gouvernement d’Erdogan de commettre de graves entorses aux principes des droits de l’homme. Le but de ces reproches n’est évidemment pas de promouvoir véritablement les droits de l’homme et du citoyen en Turquie; le but réel est de ramener au plus vite cet Etat-clef d’Asie Mineure, qui est un “pays de transit”, dans le giron de l’américanosphère. Dans une publication de “Freedom House”, on peut lire ce passage dépourvu de toute ambigüité: “En tant que pays stratégiquement très important, la Turquie doit impérativement se démocratiser et viser une intégration plus étroite encore à l’Europe; ce serait non seulement important pour le pays lui-même mais aussi pour l’ensemble de ses voisins voire au-delà”.
Tout en critiquant la politique étrangère du Président Obama qu’ils jugent trop molle, les cercles néo-conservateurs sont encore plus explicites. Michael Rubin, animateur de la boîte-à-penser “American Enterprise Institute”, écrivait en mai sur “la rupture prochaine dans les relations américano-turques” et dressait l’inventaire des péchés commis par Erdogan: “Au cours de cette dernière décennie, les conflits potentiels entre Washington et Ankara ne se sont pas apaisés (...) Jadis, la Turquie, les Etats-Unis et Israël coopéraient très étroitement; aujourd’hui, la rupture entre Ankara et Jérusalem constitue un souci permanent pour les Etats-Unis (...) Tandis que les affaires étrangères américaines soutiennent les autorités autonomes palestiniennes, la Turquie favorise, elle, le Hamas”.
En fin d’article, Rubin nous livre sa conclusion: “La Turquie constitue de plus en plus un obstacle à l’unité de vues au sein de l’OTAN: dans l’avenir, elle constituera une question ouverte dans l’alliance”. Enfin, tout nouveau président américain sera amené “à prendre des décisions graves à propos de la Turquie”.
Bernhard TOMASCHITZ.
(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°33-34/2013; http://www.zurzeit.at ).
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mardi, 20 août 2013
La Syrie, nouveau champ de bataille de la lutte entre Talibans afghano-pakistanais et Chiites
La Syrie, nouveau champ de bataille de la lutte entre Talibans afghano-pakistanais et Chiites
par Gilles-Emmanuel Jacquet
Ex: http://www.realpolitik.tv
Le Printemps Arabe et les guerres en Libye puis Syrie ont banalisé au sein de l’opinion publique occidentale l’autre grand conflit de cette décennie, celui d’Afghanistan, or ce dernier est loin d’être pacifié. Bien que le conflit et le contexte afghans ne peuvent être directement comparés avec ce qui se passe dans le monde arabe et plus particulièrement en Syrie, on a pu assister récemment à une interaction croissante entre ces deux théâtres d’opérations et les groupes djihadistes qui y combattent.
Les Talibans afghans et pakistanais à l’assaut de la Syrie
L’Afghanistan a servi de terrain d’entraînement à de nombreux groupes radicaux combattant désormais en Syrie et de nombreux mouvements djihadistes continuent de combattre en Afghanistan (Tchétchènes, Tadjiks, Ouzbeks du Mouvement Islamique d’Ouzbékistan, Hizb ul-Tahrir, combattants arabes d’Al Qaïda, Talibans pakistanais du TTP) [1]. Les contacts qui ont été établis depuis le Djihad contre l’Armée Rouge et qui ont été renforcés sous l’Émirat Islamique des Talibans ou au sein de l’insurrection depuis 2001 ont pu faciliter l’acheminement de combattants afghans et de ressources financières en Syrie notamment – mais pas uniquement – par le biais du système de paiement informel connu sous le nom de « Hawala » [2] ou par le biais de la « Zakât », l’aumône. Les ressources tirées d’activités criminelles ont aussi joué un rôle et comme l’a expliqué Viktor Ivanov, le directeur du service fédéral russe de lutte contre les stupéfiants, de nombreux groupes rebelles opérant en Syrie ont été financés grâce à l’argent tiré du trafic de drogue en provenance d’Afghanistan [3].
Au printemps 2012 des affiches ont fleuri dans différents quartiers de Kaboul et certaines étaient visibles dans les environs de Bagh-e Bala et de l’hôtel Intercontinental. Ces affiches invitaient les Afghans à soutenir la lutte des rebelles syriens et ne provenaient pas d’une association démocrate ou d’une ONG défendant les Droits de l’Homme. Celles-ci comportaient une forte connotation religieuse et arboraient, à côté du drapeau afghan, ceux des insurgés syriens, de la Turquie, du Qatar et de l’Arabie Saoudite. La présence de djihadistes afghans en Syrie n’est pas surprenante dans la mesure où de nombreux salafistes étrangers y sont également actifs et ce phénomène exprime la logique de solidarité globale de l’Oumma combattante, basée sur des réseaux terroristes transnationaux ayant montré leur capacité à opérer dans de nombreux pays et à mobiliser des partisans de différentes nationalités. Cette présence de combattants afghans a été évoquée à maintes reprises par certains médias ou journalistes (tels que Anastasia Popova de la chaîne Russia 24) ainsi que des hommes politiques afghans ou même turcs mais elle reste difficile à chiffrer.
Le dirigeant du Parti Démocratique Turc Namik Kemal Zeybek a ainsi affirmé que 10 000 Talibans et membres d’Al Qaeda étaient soutenus par le gouvernement turc, tout en ajoutant que 3000 terroristes avaient reçu un entraînement dans des camps en Afghanistan et au Pakistan avant d’être envoyés en Syrie [4]. Selon Zeybek, cette politique menée par le gouvernement AKP comporte également le risque d’assister à la pénétration de ces groupes fondamentalistes au sein de la société turque et de subir à terme des attaques terroristes menés par ces derniers [5]. Le président du PDT a précisé que les Talibans afghans occupaient un camp de réfugiés localisé dans la province du Hatay à partir duquel ils mèneraient des attaques ponctuelles en territoire syrien (le militant anti-impérialiste Bahar Kimyongür a également témoigné de la présence de combattants étrangers dans le Hatay et à l’aéroport d’Antioche) [6].
Au cours du mois de juillet 2013 un commandant opérationnel taliban du nom de Mohammad Amine à confié à la BBC qu’il était responsable d’une base talibane en Syrie et que la cellule chargée de mener le Djihad dans le pays y avait été établie en janvier 2013 [7]. Lors de sa création cette structure talibane a reçu la bénédiction du TTP (Tehrik-e-Taliban Pakistan) et bénéficié de l’aide de vétérans du Djihad en Afghanistan, originaires de pays du Moyen Orient et installés en Syrie au cours des dernières années [8]. Les Talibans pakistanais auraient envoyé en Syrie au cours des deux derniers mois au moins 12 spécialistes du combat et des technologies de l’information afin de développer les opérations conjointes menées avec leurs camarades syriens et évaluer les besoins existants [9]. Cette cellule envoie également des informations sur la situation militaire à l’organisation mère basée au Pakistan et d’après Mohammad Amine, « Il y a des douzaines de Pakistanais enthousiastes à l’idée de rejoindre le combat contre l’Armée Syrienne mais le conseil que nous avons reçu pour le moment est qu’il y a suffisamment d’hommes en Syrie » [10].
Au cours du même mois deux autres commandants talibans basés au Pakistan ont confirmé anonymement ces déclarations en ajoutant que des centaines de leurs combattants avaient été envoyé en Syrie à la requête de leurs camarades arabes : « Étant donné que nos frères arabes sont venus ici [Pakistan / Afghanistan] pour nous soutenir, nous sommes obligés de les aider dans leurs pays respectifs et c’est ce que nous avons fait en Syrie » [11]. Les combattants talibans opérant en Syrie font partie d’un réseau international structuré ou du moins organisé et leur engagement se veut durable comme l’explique un de ces commandants talibans pakistanais : « Nous avons établi des camps en Syrie. Certains de nos hommes y partent et reviennent après y avoir passé un certain temps à combattre » [12]. Comme l’a expliqué l’expert pakistanais Ahmed Rashid, l’envoi de Talibans en Syrie est un moyen pour le mouvement de prouver sa loyauté ou montrer son allégeance aux groupes armés radicaux se réclamant d’Al Qaïda mais aussi d’affirmer sa capacité à combattre hors de ses théâtres d’opérations habituels que sont le Pakistan et l’Afghanistan : « Ils agissent comme des djihadistes globaux, précisément avec l’agenda d’Al Qaïda. C’est un moyen (…) de cimenter leurs relations avec les groupes armés syriens…et d’élargir leur sphère d’influence » [13]. Certains membres du gouvernement pakistanais comme le Ministre de l’Intérieur Omar Hamid Khan ont en revanche démenti toutes ces déclarations, affirmant que les Talibans ne pouvaient aider leurs camarades syriens dans la mesure où ils auraient subi de nombreuses pertes infligées par les forces de sécurité pakistanaises et auraient « abandonné leurs fiefs dans les zones tribales » [14].
Bien que les insurgés islamistes du Pakistan soient sous forte pression de la part de l’armée pakistanaise ou de l’armée américaine, ceux-ci ont pu envoyer un certain nombre des leurs combattre en Syrie : comme l’ont rapporté trois responsables de l’ISI basés dans les zones tribales, les djihadistes partis combattre contre le gouvernement de Damas appartiennent principalement à Al-Qaïda, au Tehrik-e-Taliban Pakistan et au Lashkar-e-Jhangvi [15]. La présence croissante de ces mouvements et des autres organisations djihadistes parmi les rangs de la rébellion indique une radicalisation idéologique ou religieuse du conflit mais aussi une intensification des luttes internes entre l’ASL et ses frères ennemis djihadistes (dont la composante Talibane pakistanaise ou afghane pourrait jouer le rôle de bourreau selon Didier Chaudet) tout en compliquant également la tâche de Washington dans son soutien apporté aux insurgés syriens [16]. Didier Chaudet ajoute que cette présence talibane « a fait son apparition alors que les forces de Bachar el-Assad ont repris du terrain face à la rébellion grâce à l’aide de forces chiites pro-iraniennes, notamment le Hezbollah » et ce serait également « une réponse à un recrutement antérieur de 200 Pakistanais chiites par l’Iran » : « Ces derniers auraient combattu à Alep ou à Homs. (…) L’engagement des Taliban pakistanais serait donc une réponse à une poussée chiite qui s’appuie elle aussi sur des forces étrangères » [17].
Pour les Talibans pakistanais la lutte contre le régime de Bachar Al-Assad est tout autant idéologique que confessionnelle : le Parti Ba’as et son dirigeant alaouite sont perçus comme les oppresseurs chiites d’une majorité sunnite [18]. Avant de se rendre en Syrie durant la première semaine de juillet 2013, un militant taliban se faisant appeler Suleman a ainsi expliqué que « Notre but et objectif est de lutter contre les Chiites et de les éliminer (…) C’est bien plus gratifiant si vous luttez en premier contre le mal ici et que vous voyagez pour ce noble but. Plus vous voyagez, plus grande sera la récompense d’Allah » [19]. Avant d’aller combattre contre les Chiites et les Alaouites de Syrie Suleman a déjà acquis une longue expérience dans ce domaine en participant aux persécutions et attentats menés contre les Chiites du Pakistan [20].
La communauté chiite du Pakistan (15-20% de la population) a souvent été visée par les groupes radicaux sunnites tels que le Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP), le Lashkar-e-Jhangvi (LeJ) ou le Sipah-e-Sahaba (SSP) et depuis 2012, année au cours de laquelle 320 chiites furent tués (dont 100 principalement Hazaras au Baloutchistan), ces attaques sont en forte recrudescence [21]. En décembre 2012 des pèlerins se rendant en Iran furent attaqués dans le sud-ouest du pays [22] et en 2013 ces attentats confessionnels ont continué à croître [23]: en février 2013 90 personnes furent tuées par une bombe dans un marché d’un quartier hazara de Quetta [24], en mars 2013 un attentat tua 48 Chiites à Karachi et fit au moins 150 blessés [25], enfin le 21 juin 2013 l’attentat contre la mosquée chiite de Peshawar fit au moins 15 morts et deux douzaines de blessés [26].
Des Chiites pachtounes vivent dans les zones tribales, dans la région de Kurram, et ils sont également victimes d’attentats menés par leurs compatriotes sunnites (les Soufis sont aussi visés) depuis de nombreuses années: les processions de l’Achoura ont été régulièrement la cible d’attaques, des écoliers chiites ont été attaqué en février 2009 à Hangu [27] ; 10 Chiites ont été assassiné à Hangu en 2011 par des insurgés du TTP [28] ; 2 autres ont été torturés à mort en juin 2012 par des militants du SSP et le 1er février 2013 une mosquée chiite de Hangu fut détruite par une moto piégée causant 27 morts ainsi que des douzaines de blessés [29]. Afin de se protéger les Chiites pakistanais se sont organisés en formant le mouvement Tehrik-e-Jafaria Pakistan en 1979 puis au début des années 1990 un groupe d’autodéfense appelé Sipah-e-Muhammad Pakistan mais qui fut interdit par Pervez Musharraf en août 2001 [30]. Les populations chiites pachtounes disposent d’armes et peuvent former des milices villageoises servant à protéger leur communauté mais aussi, comme me l’a rapporté une source locale, à traquer les Talibans : de grandes battues sont ainsi organisées et peuvent rassembler plus d’une centaine d’hommes [31]. Ces derniers sont parfois précédés de joueurs de « dhol », « dholak », « daira » ou « daf » (tambours locaux) et il est arrivé que des prisonniers Talibans soient dépecés ou mutilés puis renvoyés vers leurs camarades en guise d’avertissement [32].
La branche pakistanaise du Hizb-ut Tahrir (Parti de la Libération) a déclaré à la mi-juillet 2013, en invoquant un extrait du verset 72 de la sourate 8 « Al-Anfal » du Coran [33], que les Musulmans du Pakistan ne pouvaient pas se satisfaire d’envoyer seulement un soutien matériel ou financier aux Djihadistes combattant en Syrie mais qu’ils devaient aussi se montrer solidaires en les rejoignant sur le terrain [34]. Pour le HuT la lutte armée doit être menée tout autant contre le régime syrien que le « régime de Kayani et Shareef » au Pakistan : le gouvernement pakistanais a nié à de nombreuses reprises la présence de djihadistes pakistanais en Syrie et son alliance avec les États-Unis l’ont transformé en régime impie aux yeux des fondamentalistes locaux [35]. Dans son communiqué du 17 juillet 2013, le Hizb-ut Tahrir a ainsi expliqué que le gouvernement pakistanais était l’allié du régime de Damas, que tous deux étaient inféodés aux États-Unis et faisait figurer en guise de preuve accablante une photo d’Asif Ali Zardari serrant la main de Bashar Al-Assad [36]. La branche pakistanaise du HuT a également appelé les djihadistes en Syrie à résister à toute infiltration occidentale de leur mouvement puis invité les forces armées pakistanaises à prendre les armes contre les gouvernements de Damas et d’Islamabad [37].
Les zones tribales pachtounes abritent des camps d’entraînement où ont été formés de nombreux djihadistes afghans, pakistanais, arabes, caucasiens (tchétchènes, daghestanais), ouzbeks ou tadjiks combattant en Syrie. Deux groupes distincts de djihadistes opérant en Syrie proviennent de ces camps pakistanais et une bonne partie de leurs membres dispose d’une expérience du combat acquise en Afghanistan contre les troupes de l’ANA et de l’ISAF. Selon des responsables de l’ISI ayant souhaité garder l’anonymat, le premier groupe est composé d’Arabes du Moyen Orient, de Turkmènes ou d’Ouzbeks ayant combattu en Afghanistan et ayant décidé de partir en Syrie car le conflit qui s’y déroule leur est apparu comme prioritaire [38]. Des sources anonymes au sein des Talibans pakistanais ont confié que des membres d’Al Qaïda ayant participé à la formation de leurs hommes (entraînement au combat, fabrication d’explosifs et IED, etc.) appartenaient à ce premier groupe et étaient désormais en Syrie [39]. Ni les autorités pakistanaises ni les Talibans n’ont pu donner de chiffres précis quant à ces effectifs ou aux itinéraires suivis par ces djihadistes étrangers afin de se rendre en Syrie depuis le Pakistan [40].
Mohammed Kanaan, un activiste rebelle d’Idlib, a confirmé à des journalistes d’Associated Press la présence de combattants pakistanais dans sa région mais précisé que ceux-ci n’étaient pas nombreux: « La plupart des étrangers [le terme plus exact employé est « muhajireen »] sont des combattants arabes de Tunisie, Algérie, Irak et Arabie Saoudite (…) Mais nous avons également vu des Pakistanais et des Afghans récemment » [41]. Ces derniers appartiennent au second groupe en provenance du Pakistan ou d’Afghanistan et il s’agit principalement de militants locaux du TTP et du Lashkar-e-Jhangvi [42]. Tout en se montrant prudent sur les effectifs ou la composition de cette présence talibane en Syrie, Didier Chaudet confirme qu’ « il y a bien eu des combattants quittant l’Afghanistan et le Pakistan pour aller mener le “djihad” en Syrie, et cela depuis début juin, si l’on en croit certaines sources pakistanaises. Certes, il s’agirait en majorité d’auxiliaires étrangers du TTP, des combattants arabes et centrasiatiques. Mais des Taliban pakistanais feraient également le voyage pour participer à la guerre contre Assad. Et cela sans forcément avoir l’aval des djihadistes sunnites locaux » [43].
Le Printemps Arabe et les guerres en Libye puis Syrie ont banalisé au sein de l’opinion publique occidentale l’autre grand conflit de cette décennie, celui d’Afghanistan, or ce dernier est loin d’être pacifié. Bien que le conflit et le contexte afghans ne peuvent être directement comparés avec ce qui se passe dans le monde arabe et plus particulièrement en Syrie, on a pu assister récemment à une interaction croissante entre ces deux théâtres d’opérations et les groupes djihadistes qui y combattent. Suite.
Mohammed Kanaan, un activiste rebelle d’Idlib, a confirmé à des journalistes d’Associated Press la présence de combattants pakistanais dans sa région mais précisé que ceux-ci n’étaient pas nombreux: « La plupart des étrangers [le terme plus exact employé est « muhajireen »] sont des combattants arabes de Tunisie, Algérie, Irak et Arabie Saoudite (…) Mais nous avons également vu des Pakistanais et des Afghans récemment » [41]. Ces derniers appartiennent au second groupe en provenance du Pakistan ou d’Afghanistan et il s’agit principalement de militants locaux du TTP et du Lashkar-e-Jhangvi [42]. Tout en se montrant prudent sur les effectifs ou la composition de cette présence talibane en Syrie, Didier Chaudet confirme qu’ « il y a bien eu des combattants quittant l’Afghanistan et le Pakistan pour aller mener le “djihad” en Syrie, et cela depuis début juin, si l’on en croit certaines sources pakistanaises. Certes, il s’agirait en majorité d’auxiliaires étrangers du TTP, des combattants arabes et centrasiatiques. Mais des Taliban pakistanais feraient également le voyage pour participer à la guerre contre Assad. Et cela sans forcément avoir l’aval des djihadistes sunnites locaux » [43].
Les grands médias occidentaux n’ont presque pas relaté ce problème et rares sont les photos ou vidéos attestant de cette de cette présence talibane en Syrie. Une vidéo diffusée sur internet durant la seconde moitié d’avril 2013 a été présentée comme une preuve concluante : on y voit un combattant arabe n’étant apparemment pas d’origine syrienne, entouré de 11 hommes armés dont 3 cavaliers, faire un discours en Arabe classique dans une région rurale de Syrie [44]. La plupart de ces hommes sont équipés de différents modèles de Kalachnikov mais au moins trois d’entre eux disposent de M16 ou M4 à lunettes et tous portent le « shalwar-kamiz » (la tenue portée en Inde, au Pakistan et en Afghanistan) voire des cheveux longs en plus de longues barbes (ce qui est parfois un signe distinctif des Talibans) mais ce dernier élément ne fait pas pour autant de tous ces hommes des Talibans afghans ou pakistanais [45]. L’affiliation de ces hommes est en revanche très claire dans la mesure où l’un d’eux tient le drapeau de l’État Islamique d’Irak et du Levant (drapeau noir comportant la première moitié de la Shahada rédigée en blanc dans la partie supérieure et le sceau du Prophète Mahomet dans la partie inférieure) [46]. Une autre vidéo tournée à Idlib lors de la décapitation de 3 Syriens par des combattants appartenant vraisemblablement au Jabhat al-Nusra et diffusée aux environs du 26 juin 2013 sur internet apporte la preuve irréfutable de la présence de djihadistes étrangers dans la région mais il est difficile de savoir si des Afghans ou des Pakistanais se trouvaient parmi eux. La décapitation de ces trois Syriens – parmi lesquels peut-être le Père François Mourad selon certaines sources [47] – a été commise par un djihadiste barbu, aux cheveux longs et à la physionomie laissant penser qu’il pourrait être tchétchène ou du moins caucasien alors que celui qui a lu la sentence s’exprime, selon Steven Miller, dans un Arabe médiocre [48]. Parmi les autres djihadistes présents on entend de forts accents, parfois ce qui pourrait être du tchétchène ou une langue caucasienne et on aperçoit des visages de type asiatique ou européen mais aussi un individu barbu portant un « pakol » (le chapeau porté au Pakistan et en Afghanistan, popularisé par le Commandant Ahmad Shah Massoud) [49]. En dépit de ce dernier élément il reste difficile de savoir si ce combattant est d’origine pakistanaise ou afghane dans la mesure où il a pu ramener ce « pakol » suite à un « séjour » en Afghanistan ou au Pakistan, ou l’acquérir auprès d’un Afghan, d’un Pakistanais ou de toute autre personne et surtout qu’il le porte d’une manière montrant clairement qu’il n’est ni Afghan ni Pakistanais.
Bien que les preuves de cette présence soient rares les témoignages de djihadistes, experts, reporters de guerre, personnels humanitaires ou tout simplement de citoyens syriens existent à ce sujet. Dans la province d’Alep aucun combattant afghan ou pakistanais n’aurait été hospitalisé dans les hôpitaux de l’arrière ou ceux situés à proximité des camps de réfugiés comme celui de Bab al Salam mais il est possible que ces djihadistes aient été hospitalisés dans des hôpitaux de campagne plus proches de la ligne de front ou qu’ils soient engagés dans d’autres régions [50]. Durant les combats pour l’aéroport de Ming il semble qu’aucun Taliban afghan ou pakistanais n’ait été présent [51]. Dans les hôpitaux de l’arrière on a pu noter la présence croissante de combattants parmi les blessés et particulièrement celle de nombreux étrangers tels que des Daghestanais, Tchétchènes et Tadjiks ou même un Français et un Autrichien [52]. Certains membres du personnel hospitalier s’occupant de ces combattants ou des membres du personnel local de certaines ONG œuvrant dans la province d’Alep ont confirmé la présence de Talibans pakistanais ou afghans en Syrie mais aucun élément précis n’a pu être donné à ce sujet et dans la plupart des cas il s’agit de témoignages rapportés indirectement [53]. Les djihadistes étrangers opérant sur le front syrien tentent de rester discrets : ceux-ci s’efforcent de ne s’exprimer qu’en Arabe classique afin de ne pas être reconnus et leurs séjours dans les hôpitaux de l’arrière sont d’une durée très limitée, généralement suivie d’un transfert dans des maisons de convalescence ou de repos séparées et tenues par les groupes armés auxquels ils appartiennent [54].
Au cours de conversations tenues en mai 2013 à Kaboul avec des fonctionnaires du Ministère de la Justice afghane, un assistant du Procureur Général de la République Islamique d’Afghanistan ou des officiers de l’Armée Nationale Afghane il est apparu que très peu d’informations précises ou d’éléments concrets avaient pu être réunis au sujet de la présence de Talibans afghans en Syrie [55]. Une discussion que j’ai eu au cours de ce séjour avec un vénérable universitaire afghan ayant enseigné à l’Université de Pune en Inde ainsi qu’à Oxford et menant des recherches sur un tout autre sujet (la période troublée du court règne autocratique d’Habibullah Kalakâni dit « Batcha-e-Saqâo ») dévia sur la question du conflit syrien et put en revanche amener certaines pistes intéressantes [56]. Cet universitaire me confirma la présence de djihadistes afghans ou pakistanais en Syrie puis affirma qu’environ 700 Afghans y avaient perdu la vie au combat (aucune source précise n’a pu être fournie) et que leurs corps seraient ramenés en Afghanistan [57]. S’interrogeant sur ce phénomène et ses causes politiques ou historiques, il me fit part de ce qu’il voyait sincèrement comme un paradoxe: « Comment se fait-il que ceux qui sont des oppresseurs ici en Afghanistan (les Talibans) soient des combattants de la liberté [sic, le terme « freedom fighters » a bien été employé] en Syrie ? » [58]. Pour cet universitaire afghan qui n’est aucunement un fondamentaliste, la cause première du problème en Syrie ou en Afghanistan est liée aux systèmes politiques de ces deux pays ou plus clairement à leur régime formellement républicain : citant en exemple la Grande Bretagne ou l’âge d’or révolu du règne de Zaher Shah, il m’expliqua que la monarchie est un gage de stabilité ou de modération politique alors que la république ferait invariablement le lit des régimes autoritaires, dictatoriaux ou totalitaires [59]. Pour cet intellectuel afghan Bashar al-Assad et le Parti Ba’as ne seraient que des avatars syriens de Mohammed Najibullah et de l’ancien PDPA partageant de nombreux traits communs tels qu’un régime républicain autoritaire et se voulant plus ou moins laïc ou encore l’alliance stratégique et politique avec Moscou [60].
D’après un militant Taliban se faisant appeler Hamza la raison de la présence de ses camarades en Syrie n’est pas uniquement religieuse mais aussi la conséquence des opérations menées par les forces de sécurité pakistanaises dans les zones tribales pachtounes [61]. L’armée pakistanaise a accentué sa pression et sa surveillance sur les Talibans, en capturant un certain nombre comme Suleman en 2009 (suite à une attaque ayant tué 35 personnes à Lahore) et poussant ainsi les autres à s’exiler pour le front syrien [62]. Selon Hamza, Suleman a fait partie d’un groupe de 70 djihadistes envoyés en Syrie au cours des deux derniers mois et ce réseau est géré conjointement par le le TTP et le Lashkar-e-Jhangvi [63]. Ce second groupe de djihadistes provenant du Pakistan est composé de ressortissants de ce pays, originaires du Baloutchistan, du Penjab, de Karachi et bien évidemment de la Khyber Pakhtunkhwa (les fameuses zones tribales pachtounes) [64]. Hamza de son côté fait partie d’un autre peloton d’une quarantaine d’hommes qui devrait avoir rejoint le front syrien à l’heure actuelle [65]. Hamza a confié que son groupe n’incorporerait pas le Front Al-Nusra et qu’il ignorait dans quel milice seraient intégrés ses hommes mais il a pu en revanche livrer quelques informations intéressantes sur son réseau basé au Pakistan [66]. Ce réseau serait dirigé par un ancien cadre du Lashkar-e-Jhangvi répondant au nom d’Usman Ghani et l’ « autre membre clé est un combattant taliban pakistanais nommé Alimullah Umry, qui envoie des combattants à Ghani depuis Khyber Pakhtunkhwa » [67]. Les Talibans se rendraient en Syrie par divers itinéraires et certains seraient même partis avec leur famille [68]. Les Talibans les plus surveillés parviendraient à quitter secrètement le Pakistan en vedette rapide depuis les côtes du Baloutchistan puis à rejoindre le Sultanat d’Oman et sa capitale Mascate avant de se rendre en Syrie [69]. Les autres djihadistes pakistanais quittent leur pays par des vols commerciaux à destination du Sri Lanka, du Bangladesh, des Emirats Arabes Unis ou du Soudan puis empruntent différents itinéraires en direction de la Syrie [70].
Hamza a révélé que le financement de ces voyages proviendrait de sources basées aux Emirats Arabes Unis et à Bahreïn [71]. Son camarade Suleman se serait rendu au Soudan avec son épouse et leurs deux enfants en utilisant des faux passeports puis il aurait rejoint seul le front syrien [72]. Suleman a confirmé que des familles de djihadistes pakistanais partis en Syrie résident au Soudan où elles ne sont pas laissées à elles-mêmes dans la mesure où leur séjour est pris en charge par des sources qui n’ont pas été mentionnées [73]. Un membre du parti islamiste pakistanais Jamaat-e-Islami a de son côté confié anonymement à des journalistes d’Associated Press que des militants de cette organisation étaient également partis en Syrie mais sans passer par le biais d’un réseau organisé [74].
La journaliste ukrainienne Ahnar Kochneva a rapporté qu’au cours de sa capture par des rebelles syriens dans la localité de Zabadani elle a pu noter la présence de combattants tchétchènes, libyens, français et afghans [75]. Ahnar Kochneva a pu interroger ces Afghans quant à la raison de leur présence en Syrie et ceux-ci ont répondu : « On nous a dit que nous étions venus en Israël et la nuit nous tirons sur des bus israéliens. Nous luttons contre l’ennemi pour libérer la Palestine » [76]. Réalisant leur méprise ces derniers répondirent, surpris : « Nous sommes en Syrie ? Nous pensions que nous étions en Israël » [77]. Au début du mois d’août 2012 certaines sources gouvernementales syriennes rapportaient que 500 terroristes provenant d’Afghanistan avaient été éliminés au cours des combats à Alep : la plupart de ces djihadistes était composée de vétérans ayant combattu contre l’ISAF en Afghanistan [78]. Les forces armées syriennes ont rapporté que des dépouilles de combattants turcs avaient été également retrouvées à Alep [79]. Les opérations menées par les troupes gouvernementales durant la seconde moitié du mois de septembre à Alep auraient notamment permis l’élimination d’une centaine de djihadistes afghans déployés près de l’école Al-Fidaa al-Arabi dans le district de Bustan al-Qasr [80] mais les forces rebelles ont affirmé de leur côté que ce quartier n’avait fait l’objet d’aucune attaque [81].
Des Chiites afghans aux côtés des forces gouvernementales syriennes
L’implication de citoyens afghans dans le conflit syrien et le décès de 3 d’entre eux au printemps 2013 a poussé les autorités afghanes à diligenter une enquête mais le but de celle-ci n’est pas de faire la lumière sur les réseaux radicaux sunnites [82]. Cette enquête menée par le biais de l’ambassade d’Afghanistan en Jordanie vise plutôt à éclaircir un autre aspect du conflit portant sur l’implication de l’Iran et la présence supposée d’Afghans dans les rangs des combattants iraniens opérant en Syrie [83]. Radio Free Europe disposerait de preuves et plus particulièrement d’une vidéo montrant une carte d’identité afghane près d’un cadavre portant un uniforme de l’Armée Syrienne [84]. La victime répondrait au nom de Safar Mohammed, fils d’Ali Khan, et serait originaire de la province de Balkh [85]. Pour certains analystes, il ne fait aucun doute que l’Iran a envoyé des Afghans se battre aux côtés des forces syriennes pro-gouvernementales [84] mais très peu d’articles (surtout dans les langues occidentales) évoquent cet aspect encore plus méconnu du conflit. La page Facebook du « Hayaa el-Akila » (Comité de la Dame ou Noble Dame, en référence à Zaynab), un groupe de défense du sanctuaire chiite de Sayeda Zaynab, a pu apporter la preuve de la présence de Chiites afghans aux côtés des milices iraniennes, libanaises ou des forces gouvernementales [87]. Dans une photo postée sur la page Facebook de ce groupe on peut voir deux combattants aux traits afghans, sans barbes, armés d’une mitrailleuse PKM et d’un fusil de précision SVD Dragounov, équipés à la manière des forces gouvernementales syriennes et présentés comme étant des martyrs tués lors des combats à Joubar (quartier de Damas) contre les forces rebelles [88]. Dans une autre photo on voit ces deux martyrs en compagnie de deux de leurs camarades qui pourraient très probablement être des Afghans et qui sont également sans barbes, équipés comme les forces de sécurité syriennes, armés d’un RPG 7 et de ce qui semble être une AK 47 [89].
Le conflit frappant la Syrie et plus particulièrement sa dimension confessionnelle font craindre à juste titre un embrasement de certains pays où les relations entre Chiites et Sunnites sont déjà tendues, que ce soit au Moyen Orient, en Asie Centrale ou en Asie du Sud. L’attaque à la roquette du sanctuaire chiite renfermant le tombeau de Sayeda Zaynab (petite fille du Prophète Mahomet et fille de l’Imam Ali) à Damas le 19 juillet 2013 (le sanctuaire avait déjà été attaqué par un véhicule piégé le 14 juin 2012) par des radicaux sunnites a exacerbé ces tensions et suscité l’indignation des Chiites dans le monde musulman, notamment au Liban, en Irak, en Iran et au Pakistan [90]. La mosquée de Sayeda Zaynab (parfois appelé Bibi Zaynab) était protégée depuis 2012 par des combattants du Hezbollah libanais ainsi que des Chiites irakiens ou étrangers [91] appartenant au au Liwa’a Abu Fadl al-Abbas, une sorte de Brigade Internationale Chiite dirigée par Abou Ajib et Abou Hajar [92]. En avril 2013 le dirigeant du Parti d’Allah, Hassan Nasrallah, avait fermement menacé tout groupe qui tenterait de s’en prendre à ce mausolée : le 22 juillet 2013 le mausolée de Khalid bin Walid (un compagnon du Prophète), un sanctuaire sunnite, a été sérieusement endommagé lors de l’offensive de l’Armée Arabe Syrienne dans Homs et pour de nombreux sunnites ou membres de la rébellion, ceci a été perçu comme un acte de représailles en réponse à l’attaque du sanctuaire chiite de Damas [93].
A l’image de l’Irak ou du Liban (Sidon, Tripoli et Beyrouth Sud), certains pays d’Asie tels que l’Inde, le Pakistan ou l’Afghanistan connaissent de violentes tensions inter-communautaires entre Chiites et Sunnites et celles-ci pourraient encore plus se dégrader suite à ces attaques et à l’écart croissant de perception du conflit syrien au sein de ces deux communautés. Avant la guerre les Musulmans chiites d’Asie se rendaient souvent en pèlerinage au sanctuaire de Sayeda Zaynab et ceux-ci sont désormais convaincus que les radicaux sunnites ont délibérément attaqué le mausolée de la fille de l’Imam Ali et petite fille du Prophète [94]: le conflit syrien a servi de catalyseur à la rivalité entre Sunnites et Chiites mais loin de rester localisée ou cantonnée à certains pays musulmans, celle-ci revêt de plus en plus une dimension globale.
A Karachi, Islamabad et Quetta les Chiites pakistanais ont réagi par des manifestations et leurs coreligionnaires d’Inde et d’Afghanistan ont indiqué qu’ils feraient de même sous peu afin d’exprimer leur condamnation de cette attaque [95]. Les dirigeants de ces communautés chiites ont souhaité donner un caractère pacifique à leur mouvement de protestation mais le risque de dérapages ou de violences n’est pas à exclure si les forces de police locales tentent de disperser les manifestants par la force [96]. Les chiites pakistanais ne craignent pas seulement une possible et brutale répression policière de ces manifestations mais aussi des attentats visant leurs cortèges ou processions à Karachi, Lahore, Islamabad et Quetta [97]. La communauté chiite du Pakistan a été fréquemment la cible des fondamentalistes sunnites locaux dans le passé, notamment à l’occasion des grandes fêtes comme celle de l’Achoura et elle craint à nouveau d’être la victime d’engins explosifs improvisés (IED) ou d’attentats kamikazes organisés par le Lashkar-e-Jhangvi [98]. De tels actes ne manqueraient pas d’aggraver la situation et de déclencher de violentes émeutes à Lahore, Karachi ou Quetta [99]. En Inde, le mouvement de protestation découlant de l’attaque du sanctuaire de Sayeda Zaynab est enraciné dans les régions où vivent des communautés chiites, comme à Mumbai, Hyderabad, Bhopal, Lucknow et certaines parties de l’Uttar Pradesh [100]. Ce mouvement de protestation similaire à celui qui avait fait suite à l’attaque du mausolée de l’Imam Hussein à Kerbala (Irak) en 2005 devrait durer quelques semaines et s’étendre à l’Afghanistan où vivent les Hazaras : ces Chiites d’origine turco-mongole sont principalement localisés dans le Hazaradjat (Bamiyan et sa province), dans les districts de Taimani et Dashti Barchi à Kaboul [101] mais aussi au Pakistan et en Iran.
Le calvaire des réfugiés afghans en Syrie
Le conflit qui déchire la Syrie a coûté la vie à un très grand nombre de civils : 65 000 selon le Centre de Documentation des Violations en Syrie [102], 92 901 selon la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU [103] ou encore 100 191 d’après l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme [104]. En plus de ces pertes humaines, 1 443 284 Syriens ont fui leur pays et de 2,5 à 4,25 millions de leurs compatriotes sont désormais des déplacés internes [105]. Le sort dramatique de la population civile syrienne ainsi que celui des minorités nationales est également partagé par un certain nombre d’étrangers, réfugiés ou requérants d’asile qui se sont retrouvés piégés dans le pays par le déclenchement des hostilités. On compterait dans le pays 2400 réfugiés et 180 requérants d’asile originaires de Somalie, 480 000 réfugiés irakiens ainsi que 1750 réfugiés et 190 requérants d’asile en provenance d’Afghanistan [106].
Ces derniers, qui sont pour la plupart Hazaras, se sont installés en Syrie pour raisons humanitaires et religieuses afin de fuir les persécutions dont ils faisaient l’objet en Afghanistan [105]. D’autres Hazaras ou Afghans de confession chiite se sont aussi établis en Syrie suite à des pèlerinages effectués dans les divers lieux saints du pays [108]. Les Afghans de Syrie et les réfugiés afghans qui résident essentiellement à Damas et dans ses environs ont vu leur situation se détériorer gravement à partir de juillet 2012 lorsque les combats touchèrent Sayeda Zaynab (quartier de Damas où est localisé le sanctuaire chiite du même nom) [109]: ils furent forcés de fuir et de s’installer dans des abris où ils vivent désormais de manière précaire [110]. Les Afghans chiites sont perçus par les rebelles syriens comme étant proches des Alaouites et sont donc vus comme des alliés du régime de Bashar Al-Assad mais dans les faits, leur neutralité affichée a au contraire suscité une certaine suspicion de la part des autorités ou de la communauté alaouite [111]. Les réfugiés afghans, facilement reconnaissables à leurs traits asiatiques ou à leur accent, ont été la cible de nombreuses violences, attaques ou actes de torture prenant la forme de persécutions à caractère religieux [112].
Dans une lettre adressée aux Nations Unies les réfugiés afghans ont expliqué qu’ « ils avaient été victimes de tortures et qu’ils avaient été menacés juste parce qu’ils sont différents et qu’ils croyaient dans une religion dite « Chiite » : une Afghane hospitalisée dans un état grave fut malmenée en raison de sa foi chiite et « plusieurs réfugiés afghans ont été capturés seulement parce qu’ils étaient « chiites » [113]. La nature sectaire de ces actes indique qu’ils sont bien souvent l’œuvre de groupes armés fondamentalistes sunnites (locaux ou étrangers) ou, comme ce fut le cas notamment en Irak, de groupes criminels ayant trouvé dans le Djihad un moyen de justifier et sanctifier leur business. Le 5 janvier 2013 une attaque au mortier tua deux jeunes Afghans de 17 et 18 ans, et en blessa grièvement 7 autres [114].
Après avoir été forcés de quitter Sayeda Zaynab, ces réfugiés se sont retrouvés dans une situation extrêmement précaire : les logements, hôtels ou abris pour réfugiés qu’ils occupaient ont été fréquemment pillés, détruits ou brûlés [115]. Les Afghans qui ont tenté de récupérer leurs biens laissés dans leurs anciens logements ont reçu des menaces et certains ont été enlevés [116]. Cette situation a poussé de nombreux Afghans à fuir la Syrie mais leur avenir semble être tout aussi incertain : pour la plupart ils n’ont plus de documents prouvant leur statut et beaucoup sont entrés à l’origine de manière illégale en Syrie [117]. Ne pouvant être pleinement assistés par le HCR, de nombreux Afghans en situation irrégulière ont été arrêtés par les forces de l’ordre syriennes avant d’être expulsés alors que d’autres ont pu rejoindre la Turquie pour y mener une existence précaire qui les jettera parfois dans les griffes des passeurs et des autres prédateurs du business de l’immigration clandestine. Les plus chanceux ont pu bénéficier de l’aide du Grand Ayatollah Sadiq al-Husaini al-Shirazi qui, en partenariat avec les autorités irakiennes, a permis l’installation de 500 familles afghanes à Kerbala [118]. D’après un réfugié afghan nommé Bakir Jafar, les bus transportant ses compatriotes ont été attaqué par des rebelles sunnites à la frontière avec l’Irak, forçant l’Armée Arabe Syrienne à intervenir : « Quand nous sommes arrivés à la frontière irakienne ils ont tenté de nous empêché de la franchir (…) Nous ne transportions pas d’armes et nous n’avons pas voulu prendre partie mais ils ont quand même fait feu avec leurs armes. L’Armée Syrienne les a empêché de faire feu davantage. S’ils ne l’avaient pas fait, nous aurions tous été tués » [119]. Les régions chiites de l’Irak méridional offrent aux réfugiés afghans un asile et une vie plus sûrs que ce qu’ils ont connu en Syrie mais la situation sécuritaire irakienne reste très préoccupante dans la mesure où le pays reste affecté par un conflit de basse voire moyenne intensité ainsi qu’une violence inter-communautaire forte entre Chiites et Sunnites (enlèvements, meurtres, attentats contre les mosquées du camp adverse, etc.). Kerbala étant une ville attirant de très nombreux pèlerins, les réfugiés afghans se sont plaints du coût de la vie qui y est beaucoup plus élevé qu’à Damas [120] mais ils ne peuvent pas pour autant s’installer dans d’autres régions d’Irak dans la mesure où leur sécurité n’y serait pas garantie et où leur vies y seraient autant menacées qu’en Syrie ou en Afghanistan.
Gilles-Emmanuel Jacquet
À propos de l'auteur
Titulaire d’un Master en Science Politique de l’Université de Genève et d’un Master en Études Européennes de l’Institut Européen de l’Université de Genève, Gilles-Emmanuel Jacquet s’intéresse à l’Histoire et aux Relations Internationales. Ses champs d’intérêt et de spécialisation sont liés aux conflits armés et aux processus de résolution de ces derniers, aux minorités religieuses ou ethnolinguistiques, aux questions de sécurité, de terrorisme et d’extrémisme religieux ou politique. Les zones géographiques concernées par ses recherches sont l’Europe Centrale et Orientale, l’espace post-soviétique ainsi que l’Asie Centrale et le Moyen Orient.
Notes
[1] Ghaith Abdul-Ahad, « Syria: the foreign fighters joining the war against Bashar al-Assad », The Guardian, 23/09/2012 et Hala Jaber, « Jihadists pour into Syrian slaughter », The Sunday Times, 17/06/2012
[2] Sur cette problématique voir Sebastian R. Müller, Hawala : An informal payment system and its use to finance terrorism, VDM Verlag Dr Müller, 2007 ; Committee on Banking, Housing, and Urban Affairs of the United States Senate, « Hawala and underground terrorist financing mechanisms », 14/11/2001 ; Charles B. Bowers, « Hawala, money laundering, and Terrorism finance: micro-lending as an end to illicit remittence », Denver Journal of International Law and Policy, 07/02/2009 ; David C. Faith, « The Hawala System », Global Security Studies, Winter 2011, Volume 2, Issue 1 et « Terror financing reliant on Hawala, NPOs », Money Jihad, 04/02/2013
[3] « Syrian rebels funded by Afghan drug sales », RIA Novosti, 11/04/2013
[4] « 3000 Turkish terrorists trained in Afghanistan for Syria war », Afghan Voice Agency, 18/12/2012
[5] Ibid.
[6] « Taliban militants use Turkey to infiltrate into Syria: Turkish lawmaker », Press TV, 19/12/2012
[7] Ahmed Wali Mujeeb, « Pakistan Taliban sets up a base in Syria », BBC News, 12/07/2013 et Didier Chaudet, « Des Talibans en Syrie ? », Huffington Post, 28/07/2013
[8] [Ibid.].
[9] [Ibid.].
[10] [Ibid.].
[11] Maria Golovnina et Jibran Ahamd, « Pakistan Taliban set up camps in Syria, join anti-Assad war », Reuters, 14/07/2013
[12] Ibid.
[13] Ibid.
[14] Mushtaq Yusufzai, « Pakistani Taliban: « We sent hundreds of fighters to Syria », NBC News, 15/07/2013 et Zarar Khan et Sebastian Abbot, « Islamic militants leave Pakistan to fight in Syria », Associated Press, 14/07/2013
[15] Zarar Khan et Sebastian Abbot, « Islamic militants leave Pakistan to fight in Syria », Associated Press, 14/07/2013 ou Indian Times et Bill Roggio, « Hundreds of Pakistani jihadists reported in Syria, Threat Matrix / Long War Journal, 14/07/2013
[16] Ibid. et Didier Chaudet, « Des Talibans en Syrie ? », Huffington Post, 28/07/2013
[17] Didier Chaudet, « Des Talibans en Syrie ? », Huffington Post, 28/07/2013
[18] Zarar Khan et Sebastian Abbot, « Islamic militants leave Pakistan to fight in Syria », Associated Press, 14/07/2013 ou Indian Times et Bill Roggio, « Hundreds of Pakistani jihadists reported in Syria, Threat Matrix / Long War Journal, 14/07/2013
[19] Ibid.
[20] Ibid.
[21] « Pakistan: Shia killings escalate », Human Rights Watch, 05/09/2012
[22] « Pakistan bombing kills Shia pilgrims », CBC News, 30/12/2012
[23] « Anti-Shiite attacks up in Pakistan ; analysts say officials give militants room to operate », Fox News, 09/03/2013
[24] « Death toll in Pakistan’s anti-Shia attack rises to 90 », Press TV, 19/02/2013
[25] « Anti-Shiite attacks up in Pakistan ; analysts say officials give militants room to operate », Fox News, 09/03/2013
[26] « Bomb attack targeting Shia mosque in Pakistan kills 15 », Press TV, 21/06/2013
[27] « Taliban kill Shia school children in ambush in Hangu », LUBP, 27/02/2009
[28] « 10 Shia martyred in an attack near Hangu, by terrorist of Tehrik-e-Taliban », Jafria News, 13/03/2011
[29] « Death toll in Pakistan’s anti-Shia attack rises to 90 », Press TV, 19/02/2013 ; « Pakistan bomb: 21 die in Hangu Shia suicide attack », BBC News, 01/02/2013 ; « Hangu: blast outside Shiite Mosque leaves 22 dead », Shia Killing / PakShia, 01/02/2013 et « Suicide blast outisde Hangu mosque claims 27 lives », Dawn, 01/02/2013
[30] « Sipah-e-Mohammed, Terrorist group of Pakistan », South Asia Terrorism Portal
[31] Source locale confidentielle
[32] Source locale confidentielle
[33] « Mais s’ils implorent votre appui à cause de la foi, vous le leur accorderez, à moins que ce ne soit contre ceux qui sont vos alliés en vertu des pactes que vous avez noués avec eux. Allah le Très-Haut voit toutes vos actions », sourate 8 verset 72 « Al-Anfal », Coran.
[34] Hizb-ut-Tahrir, « Supporting Syria is a duty on the Pakistani military not just the Taliban », Khilafah, 15/07/2013
[35] Ibid.
[36] Ibid.
[37] Ibid.
[38] Zarar Khan et Sebastian Abbot, « Islamic militants leave Pakistan to fight in Syria », Associated Press, 14/07/2013 ou Indian Times et Bill Roggio, « Hundreds of Pakistani jihadists reported in Syria, Threat Matrix / Long War Journal, 14/07/2013
[39] Ibid.
[40] Ibid.
[41] Ibid.
[42] Ibid.
[43] Didier Chaudet, « Des Talibans en Syrie ? », Huffington Post, 28/07/2013
Notes
[41] Zarar Khan et Sebastian Abbot, « Islamic militants leave Pakistan to fight in Syria », Associated Press, 14/07/2013 ou Indian Times et Bill Roggio, « Hundreds of Pakistani jihadists reported in Syria, Threat Matrix / Long War Journal, 14/07/2013
[42] Ibid.
[43] Didier Chaudet, « Des Talibans en Syrie ? », Huffington Post, 28/07/2013
[44] « From the mountains of Afghanistan to Syria: the Taliban are always there », Live Leak, 20/04/2013
[45] Ibid.
[46] Ibid.
[47] « Report: Syria militants behead two Christians », Syria Report, 26/06/2013 et « Youtube video shows graphic scenes of Franciscan monk’s beheading », Religious Freedom Coalition, 27/06/2013
[48] Bill Roggio et Lisa Lundquist, « Syrian jihadists behead Catholic priest, 2 others », The Long War Journal, 01/07/2013
[49] « Syrie / Idlib: décapitation publique de trois Syriens », Youtube, 26/06/2013 ; « Report: Syria militants behead two Christians », Syria Report, 26/06/2013 et Bill Roggio et Lisa Lundquist, « Syrian jihadists behead Catholic priest, 2 others », The Long War Journal, 01/07/2013
[50] Sources locales confidentielles
[51] Sources locales confidentielles
[52] Sources locales confidentielles
[53] Sources locales confidentielles
[54] Sources locales confidentielles
[55] Sources locales confidentielles
[56] Source locale confidentielle
[57] Source locale confidentielle
[58] Source locale confidentielle. De mon côté je ne partage pas cette analyse et me demande plutôt comment on peut penser ou expliquer qu’un bourreau dans un pays devienne un saint dans un autre alors que son idéologie ou ses méthodes ne changent pas et que les deux contextes dans lesquels il opère sont très différents.
[59] Source locale confidentielle
[60] Source locale confidentielle
[61] Zarar Khan et Sebastian Abbot, « Islamic militants leave Pakistan to fight in Syria », Associated Press, 14/07/2013 ou Indian Times et Bill Roggio, « Hundreds of Pakistani jihadists reported in Syria, Threat Matrix / Long War Journal, 14/07/2013
[62] Ibid.
[63] Ibid.
[64] Ibid.
[65] Ibid.
[66] Ibid.
[67] Ibid.
[68] Ibid.
[69] Ibid.
[70] Ibid.
[71] Ibid.
[72] Ibid.
[73] Ibid.
[74] Ibid.
[75] « Syrian rebels tried to kill UK journalists ; Afghans in Syria », AANGIRFAN, 08/06/2012
[76] Nora Lambert, « Eyewitness account: Media lies about Syria », GB Times, 05/06/2012 ; « Eyewitness and Journalist: Western Media lie about Syria », Syria – The Real Deal, 07/06/2012 et « Syrian rebels tried to kill UK journalists ; Afghans in Syria », AANGIRFAN, 08/06/2012
[77] Ibid.
[78] Aaron Klein, « Claim: Afghan mujaheeden now fighting for U.S.-supported Syrian opposition », Klein Online, 02/08/2012
[79] Hadeel al-Shalchi, « Assad’s forces pound rebel stronghold in Aleppo », Reuters, 05/08/2012
[80] Matthew Weaver et Brian Whitaker, « Syria receiving Iranian arms « almost daily » via Iraq », The Guardian, 20/09/2012 ; « Syrian forces kill 100 Afghani « terrorists », SANA, 21/09/2012 ; « Syrian troops kill 100 « Afghani fighters », Xinhua, 20/09/2012 ; « Syrian forces killed 100 Afghan insurgents », CounterPsyOps, 21/09/2012 ; « Syrian forces kill 100 Afghan insurgents in Aleppo », Press TV, 20/09/2012 ; « In Syria: Afghan militants killed, helicopter goes down », Al Manar, 20/09/2012 et R. Raslan, H. Saïd et Ghossoun, « One hundred Afghani terrorists killed in Aleppo, Dshk-equipped cars destroyed in Aleppo and Homs », Syrian Arab News Agency, 20/09/2012
[81] Erika Solomon et Oliver Holmes, « Syrian air strike kills at least 54: activists », Reuters, 20/09/2012
[82] Meena Haseeb, « Afghans involvement in Syria war to be investigated: Mosazai », Khaama Press, 08/04/2013
[83] Ibid. et « Three Afghans killed in Syria », Bakhtar News, 04/02/2013
[84] Meena Haseeb, « Afghans involvement in Syria war to be investigated: Mosazai », Khaama Press, 08/04/2013
[85] Ibid.
[86] Ibid.
[87] Page Facebook du Hayaa el-Akila 1 et 2
[88] Page Facebook du Hayaa el-Akila
[89] Page Facebook du Hayaa el-Akila
[90] « Syria shrine attack likely to trigger wider regional protests », IHS Jane’s Intelligence Weekly, 21/07/2013
[91] Ibid.
[92] Philip Smyth, « Hizballah Cavalcade: What is the Liwa’a Abu Fadl al-Abbas (LAFA)?: Assessing Syria’s Shia “International Brigade” through their social media presence », Jihadology, 15/05/2013 ; Mona Mahmood et Martin Chulov, « Syrian war widens Sunni-Shia schism as foreign jihadis join fight for shrines », The Guardian, 04/06/2013 ; Suadad al-Salhy, « Iraqi Shi’ites flock to Assad’s side as sectarian split widens », Reuters, 19/06/2013 et « Fierce clashes in Damascus district: NGO », AFP, 19/06/2013
[93] « Syria shrine attack likely to trigger wider regional protests », IHS Jane’s Intelligence Weekly, 21/07/2013
[94] Ibid.
[95] Ibid.
[96] Ibid.
[97] Ibid.
[98] Ibid.
[99] Ibid.
[100] Ibid.
[101] Ibid.
[102] Violation Documentation Center on Syria ; pour une description détaillée cliquez ici
[103] Chiffre d’avril 2013, Ian Black, « Syria deaths near 100,000, says UN, – and 6,000 are children », The Guardian, 13/06/2013
[104] Chiffre de juin 2013, page Facebook de l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme
[105] « Syria: A full-scale displacement and humanitarian crisis with no solutions in sight », Internal Displacement Monitoring Centre, 16/08/2012 et « 2013 UNHCR country operations profile – Syrian Arab Republic », UNHCR
[106] « 2013 UNHCR country operations profile – Syrian Arab Republic », UNHCR
[107] Ahmad Shuja, « Syria’s Afghan refugees trapped in a double crisis », UN Dispatch, 28/01/2013 et Mohammed Hamid al-Sawaf, « Religious mission: Damascus’ Afghan refugees end up in Iraq », Niqash, 25/10/2012
[108] Ibid.
[109] Voir la photo de certains membres de la communauté afghane de Sayeda Zaynab entourant un religieux chiite devant le sanctuaire et accompagnée de la mention « Qu’Allah protège toute la communauté afghane de Sayeda Zaynab ainsi que tous les habitants du quartier provenant de tous les pays et de toutes les communautés », page Facebook du Hayaa el-Akila
[110] Ahmad Shuja, « Syria’s Afghan refugees trapped in a double crisis », UN Dispatch, 28/01/2013
[111] Ibid.
[112] Ibid.
[113] Ibid.
[114] Ibid.
[115] Ibid.
[116] Ibid.
[117] Ibid.
[118] Mohammed Hamid al-Sawaf, « Religious mission: Damascus’ Afghan refugees end up in Iraq », Niqash, 25/10/2012
[119] Ibid.
[120] Ibid.
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lundi, 19 août 2013
Etonnantes révisions chez les grands stratégistes américains
Robert STEUCKERS:
Etonnantes révisions chez les grands stratégistes américains
Quand Brzezinski et Luttwak révisent leurs propres doctrines!
Notes complémentaires à une conférence tenue à la tribune de l’ASIN (“Association pour une Suisse Indépendante et Neutre”), le 31 octobre 2012, à Genève, et à la tribune du “Cercle non-conforme”, le 14 novembre 2012, à Lille.
Le glissement le plus important dans la pensée stratégique et géopolitique s’est observé l’an dernier, en 2012, dans les travaux des plus grands stratégistes américains, Edward Luttwak et Zbignew Brzezinski. Nous pouvons parler d’un véritable “coup de théâtre” du printemps et de l’été 2012. “Zbig”, comme on le surnomme” à Washington, avait été un adversaire du statu quo, de la “coexistence pacifique” au temps de Nixon et de Kissinger (quand ce dernier avait adopté les règles de la diplomatie classique, selon Metternich, son modèle favori à l’époque). Brzezinski refusait toute forme de “coexistence pacifique”, qu’il dénonçait comme “coexistence passive”: à ses yeux, il fallait que Washington gagne activement la guerre (froide), tout en évitant la confrontation directe, ce que les armements nucléaires cumulés rendaient de toutes les façons impossible. La compilation de ses suggestions offensives a été consignée dans un volume, devenu bien vite un best-seller international et intitulé “The Grand Chessboard” (= “Le Grand échiquier”).
Toute la stratégie de Brzezinski a abouti à l’échec
Dans “The Grand Chessboard”, Brzezinski suggère de briser la puissance soviétique (russe) en soutenant systématiquement les dissidents musulmans et, surtout, dès l’entrée des troupes soviétiques à Kaboul, en armant les mudjahiddins afghans (pour “Zbig”, il s’agissait de “musulmans déboussolés”, bref d’“idiots utiles” pour les desseins de l’impérialisme américain), de manière à ce que ces combattants de la foi épuisent les ressources soviétiques par une guerre de partisans lente et coûteuse. L’objectif final, bien mis en évidence dans “The Grand Chessboard” était de contrôler la “Route de la Soie” (“Silk Road”), une route non plus caravanière mais jalonnée de “pipelines”, d’oléoducs et de gazoducs, entre l’Europe et la Chine. Pour y parvenir, il fallait également détacher l’Ukraine de la Russie et soutenir, dans un premier temps, à l’époque de Türgüt Özal en Turquie, le panturquisme, de façon à attirer dans un nouvel ensemble toutes les républiques ex-soviétiques à majorité musulmane, qui se seraient alors, spontanément croyait-on, tournées vers l’allié turc au sein de l’OTAN. Le soutien aux mudjahiddins (puis aux talibans) a créé l’imbroglio afghan, toujours irrésolu, puis de nouveaux problèmes avec le fidèle allié pakistanais, chargé d’armer et d’instruire les mudjahiddins et les talibans puis sommé de les laisser tomber en dépit de l’étroite imbrication entre le système militaire d’Islamabad et les réseaux islamo-terroristes en Afghanistan et au Cachemire. Quant à la “Route de la Soie”, elle est plutôt, au bout de trente ans d’efforts vains pour la contrôler, aux mains des puissances du “Groupe de Shanghaï”, car le Turkestan, pièce centrale du dispositif et vaste espace entre l’écoumène euro-russe et la Chine, n’a pas marché dans la combine. L’Ukraine, malgré la “révolution orange” de 2004-2005, n’a pas vraiment rompu avec la Russie, au contraire, les “orangistes” ukrainiens, favorables à une adhésion à l’OTAN n’ont plus du tout le vent en poupe et leur figure de proue, Ioulia Timochenko, est en prison pour corruption. Les tentatives d’Özal, pour réaliser une sorte d’union panturque ou pantouranienne, n’ont abouti à rien. Et, finalement, ce sont plutôt les ressources américaines qui s’épuisent dans une guerre longue, dont on n’entrevoit pas encore la fin. L’ennemi numéro un demeure la Russie, certes, mais les tentatives de l’éliminer définitivement ont constitué autant d’échecs.
Les déclarations de Luttwak à “La Stampa”
Même constat de révision déchirante chez Edward Luttwak, à qui l’on doit deux maîtres ouvrages, appelés à devenir des classiques de la littérature stratégique, l’un sur la “grande stratégie” de l’Empire romain, avec l’accent sur la maîtrise de la Pannonie (la plaine hongroise) et de la Dobroudja (l’embouchure du Danube), deux “trouées” permettant l’invasion de l’Europe par des peuples cavaliers venus de l’Est; l’autre sur la “grande stratégie” de l’Empire byzantin, dont la Turquie ottomane hérite de l’espace-noyau stratégique entre 1369 et 1453, en s’opposant tout à la fois à l’Europe (à l’héritage papal de l’Empire romain d’Occident) et à la Perse. Contrairement à l’Empire romain classique, avant la scission entre en Occident latinisé et un Orient hellénisé, l’Empire byzantin déploie une stratégie basée moins sur la force que sur la persuasion (diplomatique) et sur l’endiguement des adversaires (quitte à créer des querelles au sein de leurs états). Le 19 septembre 2012, Edward Luttwak déclare au journal italien “La Stampa” que le “printemps arabe” est un échec malgré l’appui des ONG occidentales, qu’il n’a pas abouti à l’établissement d’une démocratie réelle et solide, que les Frères musulmans donnent le ton en Tunisie et en Egypte (ce qui déplait tout à la fois aux Saoudiens et aux militaires égyptiens). Le seul succès de toute cette agitation, pour Luttwak, a été de neutraliser le Hamas. En Libye, la volonté occidentale de provoquer un changement brutal a débouché sur un chaos incontrôlable et le désir de s’emparer de la manne pétrolière libyenne est remis aux calendes grecques, tant pour les consortiums anglo-saxons que pour les Français de Total (qui avaient participé à la curée). La mort tragique de l’ambassadeur américain Stevens est la preuve la plus emblématique que les réseaux rebelles, hostiles à Khadafi, sont hétérogènes et non contrôlables, en tous cas, ne se montrent pas reconnaissants à l’égard des puissances occidentales qui les ont armés (à moins que ce soit le Qatar?). Autre exemple: un colonel rallié au nouveau régime, prétendument pro-occidental, a été abattu pour avoir servi Khadafi jadis, sans qu’on n’ait pu se saisir de ses assassins.
Pour Luttwak: une politique minimale
Pour Luttwak, il aurait fallu préserver le statu quo politique dans le monde arabe. Si un régime arabe s’était montré hostile aux Etats-Unis, ajoute Luttwak, ou s’il avait accumulé des armes de destruction massive ou s’il avait représenté un danger quelconque, il aurait fallu le frapper durement puis se retirer immédiatement, comme cela avait été pratiqué en Libye en 1986. Les Etats-Unis n’auraient jamais dû s’incruster dans des “terrains minés” et auraient dû laisser “les peuples se débrouiller”. Pour Luttwak, Washington doit se retirer d’Afghanistan car, contrairement au projet initial de réaménagement de ce pays dans le sens des intérêts américains, les pétroliers texans ne peuvent y installer les oléoducs et gazoducs prévus et d’autres consortiums américains ne peuvent y exploiter les gisements de minerais! Seule la culture du pavot rapporte dans la région! Luttwak appelle le gouvernement Obama à ne pas intervenir en Syrie, ou, à la limite, de charger Turcs et Français de faire le travail. Dans la région, les puissances anglo-saxonnes doivent se limiter à tenir la Jordanie, vieil allié, pour protéger Israël de tout débordement. Les seuls objectifs valables de toute politique extérieure américaine sainement conçue devraient être 1) de se défendre et 2) d’assurer les approvisionnements énergétiques.
Revenons aux révisions auxquelles procède Zbrignew Brzezinski: en février 2012, il présente à un public choisi de stratégistes et de décideurs son nouvel ouvrage, qui porte pour titre “Strategic Vision”. Dans la prestigieuse revue “Blätter für deutsche und internationale Politik” (juillet 2012 – à lire sur http://www.blaetter.de/archiv ), Hauke Ritz, dans son article intitulé “Warum der Westen Russland braucht”, résume clairement la position prise par Brzezinski dès la fin de l’hiver 2011-2012: “Si, dans son dernier et célèbre ouvrage “The Grand Chessboard”, il s’agissait encore, pour lui, d’obtenir le contrôle politique sur l’Asie Centrale, et s’il évoquait encore en 2008 l’idée d’une “seconde chance” pour bâtir un monde unipolaire (ndt: sous hégémonie américaine), aujourd’hui Brzezinski admet que les Etats-Unis ont partout perdu de la puissance et que le monde multipolaire est devenu une réalité. Fort de ce constat, il ébauche toute une série de nouvelles perspectives. La plus étonnante de celles-ci, c’est qu’il abandonne son hostilité radicale à l’endroit de la Russie, hostilité qui était présente de manière explicite ou implicite dans tous ses ouvrages antérieurs. Qui plus est, il affirme désormais que, pour la survie de l’Occident, il est impératif d’intégrer la Russie”.
Les éléments clefs de la nouvelle stratégie suggérée par Brzezinski
Brzezinski suggère une nouvelle stratégie puisque toutes celles qu’il a échafaudées jusqu’ici n’ont conduit qu’à des échecs. Les éléments clefs de cette nouvelle stratégie sont:
- Elargir la notion d’Occident à la Russie: à la lecture de cette étonnante suggestion, on constatera que Brzezinski ne retient plus la distinction opérée par Samuel Huntington dans son fameux article de “Foreign Affairs” de 1993 (puis dans son célèbre livre “Le choc des civilisations”) entre une civilisation occidentale euro-américaine et catholico-protestante, d’une part, et une civilisation orthodoxe, d’autre part. Cette distinction est donc désormais caduque.
- Il ne faudra pas, dans l’avenir, démoniser la Chine comme on a démonisé la Russie (ou le Japon ou l’Allemagne, ou l’Irak, l’Iran ou la Libye, etc.). Brzezinski reste logique avec lui-même. Il sait que la Chine était un allié tacite puis officiel des Etats-Unis depuis les affrontements sino-soviétiques de la fin des années 60 le long du fleuve Amour et depuis le coup diplomatique de Kissinger en 1972. La logique du “Grand Chessboard” était finalement de dominer l’espace de l’antique “Route de la Soie” pour relier l’Euramérique à la Chine par une chaîne de petits Etats faibles et contrôlables, incapables de reprendre le rôle de Gengis Khan, de Koubilaï Khan, de Tamerlan, du Tsar Alexandre II ou de Staline. Dans les nouvelles propositions de Brzezinski, toute démonisation de la Chine par l’ubiquitaire “soft power”, constitué par l’appareil médiatique global contrôlé in fine par les services américains, entraînera les Chinois à démoniser l’Amérique, créant une situation ingérable; en effet, la Chine est le plus gros détenteur de la dette amércaine (+ de 25%), tant et si bien qu’ont a pu parler d’une “Chinamérique” ou d’un “G2”.
- Il faudra empêcher Israël d’agresser l’Iran (est-ce un indice que les Etats-Unis sont progressivement en train de lâcher Tel Aviv?). Toute attaque israélienne, conventionnelle ou nucléaire, limitée ou non aux installations atomiques iraniennes, déclenchera une guerre totale que personne ne gagnera. La région du Golfe Persique sera en flammes, à feu et à sang, et le prix du pétrole augmentera dans des proportions inouïes, ajoute “Zbig”. Pire: le chaos dans les zones pétrolifères du Golfe conduira fatalement à un rapprochement énergétique euro-russe, ce qui pourrait s’avérer bien contrariant (et là, “Zbig” reste parfaitement logique avec lui-même, avec ses stratégies d’avant 2012!).
Une dynamique d’auto-destruction
Brzezinski constate que la dynamique de superpuissance, poursuivie par les Etats-Unis, surtout par les cercles néo-conservateurs qui y ont longtemps fait la pluie et le beau temps, est une dynamique d’auto-destruction, comparable à celle qui a fait s’effondrer l’URSS à la fin des années 80. Etonnant d’entendre cela de la bouche même du plus grand “conseiller du Prince” que l’histoire ait jamais connu, un “conseiller du Prince” qui a eu l’oreille de chefs d’Etat ayant disposé de la plus formidable panoplie guerrière de tous les temps. Brzezinski vient de rompre définitivement avec l’idéologie néo-conservatrice. Les signes avant-coureurs de cette rupture datent pourtant déjà de 2007-2008. Avant cette rupture graduelle, Brzezinski et les néo-conservateurs n’avaient pas, à l’analyse, la même approche intellectuelle des faits et des événements, mais, en fin de compte, les effets de leurs suggestions revenaient au même: il fallait mener une guerre à outrance contre les challengeurs de l’Amérique sur la masse continentale eurasiatique.
En 2007, Brzezinski sort son ouvrage “Second Chance”, où il constate déjà un certain nombre d’échecs dans la politique extérieure américaine. Pour parachever la réalisation du plan néo-conservateur d’un “nouveau siècle américain”, dont il admet le principe général, il suggérait une “seconde chance”, tout en précisant bien qu’il n’y en aurait pas de troisième. Dans “Second Chance”, Brzezinski signalait que le discours de Bush sur la “guerre contre le terrorisme” était perçu dans les rimlands musulmans de l’Eurasie et du pourtour de l’Océan Indien comme une “guerre contre l’Islam”. Cette perception conduisait au déclin de l’influence américaine dans cette région, la plus cruciale, la plus impérative à dominer, sur l’échiquier géostratégique mondial. Brzezinski, en dépit de ses remarques cyniques sur les “musulmans déboussolés”, reste ici logique avec sa géopolitique antérieure, visant à forger une alliance entre le fondamentalisme islamiste et les Etats-Unis.
La “deuxième chance” a été loupée...
Ensuite, “Second Chance” rappelle que la politique extérieure de Bush n’a jamais critiqué l’Axe Pékin-Moscou ni été assez dure à l’endroit de la Russie, une dureté qui aurait pu, à l’époque, porter ses fruits. Normal: Bush avait besoin de l’aval de Poutine pour pouvoir se servir des bases russes ou autres, turkmènes, kirghizes, tadjiks ou ouzbeks, situées dans ce que Moscou appelle son “étranger proche”. C’est donc en heurtant la sensibilité des musulmans, en ne tentant pas de disloquer l’Axe Pékin-Moscou et en ménageant la Russie de Poutine que les néo-conservateurs, en misant trop sur le Proche- et le Moyen-Orient pétrolier, en négligeant bon nombre d’autres politiques possibles dans l’environnement immédiat de cette région, risquaient, en 2007-2008, de louper la “deuxième chance”. Or, si Washington rate cette “seconde chance”, ce sera, à terme, la fin de “l’ère atlantique”, qui a duré 500 ans (et l’avènement d’une multipolarité où l’espace pacifique entre Singapour et le Japon, l’Océan Indien voire l’Atlantique-Sud acquerront autant de poids que l’Atlantique-Nord, dont l’importance est née du déclin de la Méditerranée à l’époque de Philippe II d’Espagne, comme l’avait naguère démontré Fernand Braudel). Mais, ce déclin de l’Atlantique septentrional ne sera pas pour autant l’avènement de la Chine, pense Brzezinski. Pourquoi? Parce que le contentieux sino-indien ne sera pas effacé de sitôt.
“Strategic Vision”, en cette fin février 2012, constate le recul de la mainmise américaine sur la Géorgie (où les dernières élections n’ont pas porté au pouvoir le favori des Etats-Unis), sur Taïwan, sur la Corée du Sud, sur l’Ukraine (où les effets de la “révolution orange” des années 2004-2005 se sont évanouis), sur l’Afghanistan et le Pakistan, sur Israël (que Washington s’apprête à abandonner?) et sur quelques autres têtes de pont au Proche- et au Moyen-Orient. Ce recul ne signifie pas pour autant un affaiblissement fatal pour l’Occident, explique Brzezinski: si le tandem euro-américain s’allie à la Russie, alors un espace stratégique inaccessible et inexpugnable se formera sur tout l’hémisphère nord de la planète, de Vancouver à Vladisvostok. Cette grande alliance “boréale” potentielle devra absolument compter sur l’alliance turque, car la Turquie est le “hub”, le moyeu, qui unit géographiquement l’Europe, la Russie (l’espace pontique), l’Afrique (le canal de Suez + l’espace nilotique de l’Egypte au Soudan et à la Corne de l’Afrique), l’Asie (l’espace de la turcophonie + les bassins du Tigre et de l’Euphrate + la péninsule arabique). Sans ce moyeu, l’alliance “boréale” ne pourrait fonctionner de manière optimale.
“La démocratie ne s’impose pas de l’extérieur”
“Strategic Vision” entend aussi mettre un terme à la démonisation systématique de la Russie par les médias américains: pour Brzezinski, la Russie doit dorénavant être considérée comme un pays démocratique à part entière. Il ne ménage pas ses critiques à l’endroit des médias et des ONG qui ont travaillé à exciter les opposants russes les plus délirants et les plus farfelus (jusqu’aux “pussy riots” et aux “femens”), à cultiver et amplifier la “légende noire” dont on accable la Russie, au moins depuis la Guerre de Crimée au 19ème siècle. Le noyau dur de sa critique est de dire que ce travail de harcèlement par les ONG est inutile dans la mesure où une démocratie ne s’impose jamais de l’extérieur, par le jeu des propagandes étrangères, mais uniquement par l’exemple. Il faut donner l’exemple de la démocratie la plus parfaite, d’une bonne gouvernance à toute épreuve (hum!) et alors on sera tout logiquement le modèle que tous voudront imiter.
“Strategic Vision” constate aussi que les aventures militaires n’ont pas atteint les résultats escomptés. Il y a eu “hétérotélie” pour reprendre l’expression de Jules Monnerot, soit un résultat très différent des visées initiales, hétérogène par rapport au but fixé. Le coût de ces aventures militaires risque, même à très court terme, de déstabiliser les budgets militaires voire d’entraîner la faillite du pays. Le modèle américain du bien-être matériel pour tous risque alors d’être définitivement ruiné alors qu’il avait été vanté comme le meilleur de la Terre, ce qui, quand il ne fonctionnera plus très bien, entraînera fatalement des désordres intérieurs comme ailleurs dans le monde. Déjà les soupes populaires attirent de plus en plus de citoyens ruinés dans les villes américaines. L’American Way of Life ne sera plus un modèle universellement admiré, craint “Zbig”.
Les Etats-Unis, ajoute Brzezinski, sont comme l’URSS dans les années 1980-1985. Six raisons le poussent à énoncer ce verdict:
1. Le système est irréformable (mais il l’est partout dans l’Euramérique...);
2. La faillite du système est due au coût des guerres;
3. L’effondrement du bien-être dans la société américaine entraîne une déliquescence généralisée;
4. La classe dirigeante n’est plus au diapason (comme en Europe);
5. La classe dirigeante tente de compenser les échecs extérieurs (et intérieurs) par la désignation d’un ennemi extérieur, qui serait “coupable” à sa place;
6. La politique extérieure, telle qu’elle est pratiquée, mène à l’isolement diplomatique, à l’auto-isolement.
Zbigniew Brzezinski doit cependant battre sa coulpe. En effet,
1. La réconcialiation avec la Russie aurait dû se faire dès les années 90, quand les thèses exposées dans “The Grand Chessboard” constituaient la référence politique des décideurs américains en matière de politique étrangère.
2. Brzezinski n’a pas contribué à l’apaisement nécessaire puisqu’il a jeté de l’huile sur le feu jusqu’en 2008! Mais, malgré son grand âge, il est capable de tirer les conclusions de l’échec patent des suggestions qu’il a formulées au cours de sa très longue carrière.
L’interventionnisme tous azimuts est une impossibilité pratique
Brzezinski déplore, comme nous, l’ignorance générale des faits d’histoire, dont sont responsables les médias et les réseaux d’enseignement (dans son entretien accordé à Nathalie Nougayrède, cf. infra, il dit: “...ce qui m’inquiète le plus à propos de l’Amérique, c’est cette espèce d’ignorance satisfaite dont elle fait preuve” et “...sur beaucoup de questions concernant les affaires étrangères, on se heurte à une ignorance si infiniment profonde qu’elle en est embarassante. C’est un gros problème”). En conclusion, l’auteur de “The Grand Chessboard” constate, dans son nouvel ouvrage, que l’intervention tous azimuts est une impossibilité pratique; elle est, ajouterions-nous, le fruit d’une idéologie universaliste qui se croit infaillible et refuse de prendre en compte les limites inhérentes à toute action humaine, fût-elle l’action d’un hegemon, doté de l’arsenal le plus formidable de l’histoire; or toute action a des bornes, nous enseignait déjà Aristote. Si on persiste à prendre les idéologèmes universalistes pour des vérités impassables, pour des dogmes intangibles, et si on tente obstinément de les traduire en pratique par un interventionnisme tous azimuts, on risque à coup sûr l’enlisement. Pour un autre observateur américain, Charles A. Kupchan (2), en effet, le système général de la globalisation, mis en place par les “bâtards de Voltaire” qui se piquent d’économie et de néo-libéralisme, n’est pas un système qu’il faut croire éternel, définitif, mais, au contraire, “un système momentané et transitoire qui fera forcément place à une alternative différente, qu’il ne nous est pas encore possible de définir avec précision” (p. 87). Par voie de conséquence, ceux qui pensent dans les termes mêmes du système actuellement en place sont des sots incapables d’imaginer une réalité différente, ou de travailler à en préparer une. Ceux qui, en revanche, refusent de croire béatement à la pérennité du système globaliste actuel, font davantage usage de leur raison, une raison vitale et vitaliste cette fois, héritée en droite ligne de la philosohie tonifiante de José Ortega y Gasset, et non pas d’une raison viciée et devenue caricaturale, comme celle des “bâtards de Voltaire”. Ce sont eux qui préparent la transition vers un autre monde, qui l’anticipent, toute raison vitale étant prospective.
Neutralité, non-immixtion, différencialisme
Avec les vérités toutes faites, avec les préconceptions figées de la vulgate des Lumières révisée par Bernard-Henri Lévy (hors de laquelle il n’y aurait aucun salut), du républicanisme obligatoire et incantatoire qui fait sombrer la France hollandouillée dans un marasme intellectuel navrant, du puritanisme américain de Bush derrière lequel se profile le trotskisme déguisé des bellicistes néo-conservateurs, avec les vérités médiatiques préfabriquées dans les arsenaux du soft power américain, avec un islam dévoyé et non plus traditionnel (au sens noble du terme) qui considère toutes les autres formes politiques nées de l’histoire des hommes comme relevant de la “djalliliyâh”, on n’aboutit à rien, sinon au chaos total, à la négation de tous les fleurons de l’intelligence, nés au sein de toutes les cultures: d’autres options sont donc nécessaires, même si certaines d’entre elles ont été, jusqu’il y a peu de temps, considérées comme néfastes, régressistes ou inacceptables. Parmi ces options, citons 1) la volonté de neutralité en Europe, d’alignement sur la sagesse helvétique, récurrente, sans doute sous d’autres oripeaux, depuis les années 50 en Allemagne et en France (sous la forme du gaullisme de la fin des années 60 et de la diplomatie d’un Couve de Murville ou d’un Michel Jobert, dans l’esprit du discours de Charles de Gaulle à Phnom Penh en 1966), ensuite théorisée, sous une forme “mitteleuropäisch” par les neutralistes allemands des années 80, lassés de l’OTAN, notamment par le Général Jochen Löser imméditatement avant la perestroïka de Gorbatchev; 2) le principe chinois de non immixtion dans les affaires intérieures de pays tiers, qui a rapporté à Pékin les succès que l’on sait dans les pays d’Afrique, fatigués des interventions occidentales si intrusives et si blessantes pour l’amour-propre des dirigeants africains; pour la Chine, chaque entité politique peut interpréter les droits de l’homme à sa façon (on se rappellera alors, en Europe, de Frédéric II de Prusse, l’ami de Voltaire; il aimait à répéter: “Ein jeder kann selig werden nach seiner Façon”); 3) l’acceptation des différences sans chercher à faire de prosélytisme, comme le veulent les principes qui sous-tendent la civilisation indienne (cf. l’oeuvre de Naipaul, prix Nobel de littérature en 2007). L’islamisme wahhabite et le messianisme américain, le laïcisme à relents messianistes d’un BHL et du républicanisme français, ce mixte délétère de messianismes camouflés et de “nuisances idéologiques” modernes (Raymond Ruyer), le faux “rationalisme” des “bâtards de Voltaire”, tel qu’il a été décrit par John R. Saul aux Etats-Unis dans un livre qui n’a pas été pris en considération à sa juste mesure par les vrais cercles contestataires du désordre établi dans nos pays (1), sont, dans cette triple optique neutraliste européenne, anti-immixtionniste chinoise et différentialiste indienne, des options dangereuses, belligènes et déstabilisantes. On a vu le résultat en Libye, où les discours préfabriqués d’un BHL, conseiller de Sarközy, et “bâtard de Voltaire” emblématique et “auto-yavhéïsé”, n’ont pas généré un ordre stable et démocratique mais un chaos abominable, risquant de s’exporter dans toute l’Afrique du Nord et dans la région sahélienne.
Wall Street et télé-évangélisme
Pour combattre l’influence néfaste de toutes ces formes de messianisme politique, il faut entamer un combat métapolitique dont l’objectif premier doit être de rendre caducs les effets de la “théologie américaine”. La nature de cette théologie et la teneur de son message ont été analysées par une quantité d’auteurs anglo-saxons dont Clifford Longley (3) et Kevin Phillips (4). Si Longley examine le processus d’émergence de cette notion d’élection divine en Angleterre et aux Etats-Unis et nous permet d’en connaître les étapes, tout en s’inquiétant, en tant que Catholique anglais, des dérives possibles d’un fondamentalisme trop puissant et devenu fou, Phillips montre clairement les nuisances de ce fondamentalisme protestant et bibliste dans la réalité concrète actuelle, celle de l’échiquier international et, forcément, du “Grand Chessboard” centre-asiatique, cher à Brzezinski. Mieux: Phillips démontre, documents à l’appui, quels effets nocifs a eu et aura la combinaison a) de ce fondamentalisme et de cet “évangélisme” ou ‘télé-évangélisme” et b) de la politique économique et financière de Wall Street —qui a renoncé à toute forme de finance saine et hypothéqué la santé économique des Etats-Unis, en donnant libre cours à la spéculation la plus éhontée et en précipitant le pays dans une dette publique et privée sans précédent. Ces délires religieux et financiers vont plonger à terme les Etats-Unis, hegemon du monde unipolaire (espéré par Brzezinski), dans un marasme ponctué de prêches évangélistes, marqué par un endettement inédit dans l’histoire mondiale.
Phillips espère un retour aux finances saines des anciennes administrations républicaines pré-bushistes et au pragmatisme diplomatique de Nixon, cette fois dans un contexte qui aura réellement dépassé les clivages de la “Guerre froide” (“Strategic Vision” de Brzezinski ne le contrariera pas) et se déploiera dans un monde plutôt multipolaire, même si “Zbig”prévoyait plutôt, tout juste avant que ne paraisse “Strategic Vision”, une sorte de duopole sino-américain en état de “coexistence pacifique”, dans un monde plus “asymétrique” que “multipolaire” (5).
Un refus de tout fondamentalisme simplificateur
La perspective métapolitique et géopolitique, que nous souhaiterions propager par nos diverses actions et interventions, repose donc sur un refus de tout pari sur un quelconque fondamentalisme simplificateur et forcément belliciste pathologique à cause même de ses hyper-simplifications. En matière de diplomatie et dans les commentaires diffusés dans les médias, nous souhaitons voir triompher l’attitude de la “tempérence requise”, prônée surtout par l’Inde, et non pas cet engouement, cher au belliciste néo-conservateur Robert Kagan, pour un Mars américain tout-puissant et roulant en permanence les mécaniques, s’opposant —à l’encontre de la dualité Mars/Vénus, Arès/Aphrodite, de la mythologie classique— à Vénus, c’est-à-dire à l’Europe, à la tempérence et à la diplomatie classique, inspirée du “jus publicum europaeum”. La perspective, que nous entendons faire nôtre, refuse les visions du monde basées sur une césure dans le temps, comme la “djalliliyâh” des wahhabites ou l’idée folle d’une “Nouvelle Jérusalem” du Massachussets (cf. Longley, op. cit., pp. 35-65). Pour restructurer l’Europe, après l’effondrement proche des “nuisances idéologiques” et des “messianismes”, il faut donner primauté aux héritages helléniques, romains et germaniques (slaves-byzantins dans l’aire qu’attribuait Huntington à ce complexe à fondements également grecs). Pour le protestantisme, il ne s’agit donc plus de valoriser les “iconoclastes” de 1566 (6) ou les “dissidences” religieuses de l’Angleterre du 17ème siècle ou les visions des “Pélerins du Mayflower”, noyaux de l’idéologie et de la théologie américaines actuelles, etc. mais plutôt de se référer à la renaissance élizabéthaine, celle de l’époque où Christopher Marlow et William Shakespeare créaient leurs oeuvres immortelles (7), à l’oeuvre culturelle de Gustav-Adolf de Suède, aux fleurons du “Siècle d’or” hollandais.
De même, si l’Occident doit se débarrasser de ses propres fondamentalismes protestants et “voltairo-bâtards”, une “dé-messianisation”, c’est-à-dire une “dé-wahhabitisation” et une “dé-salafisation”, doit avoir lieu dans le monde musulman, qui possède assez de ressources en lui-même pour dépasser ces folies qui ne lui apportent que des malheurs, comme dans les années 90 en Algérie, comme en Libye aujourd’hui, et demain en Tunisie et en Egypte. L’aire civilisationnelle islamique peut se référer au chiisme duodécimain quiétiste (éliminé en Iran par Khomeiny, au départ à l’instigation des services américains), l’ibaditisme d’Oman, le soufisme libyen (étrillé par les milices salafistes qui ont agi avec la bénédiction de BHL et de Sarközy), l’islam de Tombouctou (presque éradiqué par les milices salafistes au Mali pour le plus grand malheur de l’Afrique sahélienne), la définition de l’islam par Seyyed Hossein Nasr et surtout l’islam tel que l’a théorisé Henry Corbin et ses disciples. Forces auxquelles on peut ajouter les bonnes traditions militaires, d’ordre, de discipline et de sens du service que l’on a vues à l’oeuvre, notamment en Egypte, sous Nasser, et en Syrie depuis la fin des années 50. Si le wahhabisme et le salafisme génèrent incontestablement l’islamophobie en Europe, en Thaïlande et ailleurs, et souvent à juste titre, les formes d’islam que nous aimons, dont nous prenons sereinement et humblement connaissance, ne généreront certainement jamais d’islamophobie mais, sans renier aucune de nos traditions, un bon petit engouement orientaliste et goethéen.
Robert STEUCKERS.
(article préparé en novembre 2012 et parachevé à Villeneuve-d’Ascq, Forest-Flotzenberg, El Campello, Almuñecar et Fessevillers).
Notes:
(1) John SAUL, Les bâtards de Voltaire – La dictature de la raison en Occident, Payot, Paris, 1993.
(2) Charles A. KUPCHAN, The End of the American Era – U.S. Foreign Policy and the Geopolitics of the Twenty-First Century, Vintage Books, New York, 2002.
(3) Clifford LONGLEY, Chosen People – The Big Idea that Shpaes England and America, Hodder & Stoughton, London, 2002-2003 (2nd ed.).
(4) Kevin PHILLIPS, American Theocracy – The Peril and Politics of Radical Religion, Oil, and Borrowed Money in the 21st Century, Viking/Penguin Group, London, 2006.
(5) Zbigniew BRZEZINSKI, “Nous sommes dans un monde très asymétrique”, entretien, propos recueillis par Nathalie Nougayrède, in Le Monde – Bilan géostratégique – 2011.
(6) Solange DEYON & Alain LOTTIN, Les casseurs de l’été 1566, Hachette, Paris, 1981.
(7) Lacey Baldwin SMITH, The Elizabethan Epic, Jonathan Cape, London, 1966.
17:58 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : politique internationale, géopolitique, zbigniew brzezinski, edward luttwak, états-unis, stratégie, stratégistes, géostratégie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
dimanche, 11 août 2013
Quelques notes sur le Pakistan
Robert Steuckers:
Quelques notes sur le Pakistan
Notes complémentaires à une conférence tenue à la tribune de l’ASIN (“Association pour une Suisse Indépendante et Neutre”), le 31 octobre 2012, à Genève, et à la tribune du “Cercle non-conforme”, le 14 novembre 2012, à Lille.
Les Etats-Unis ont donné au Pakistan, depuis les années 50, deux missions qui, au fil du temps, se sont avérées contradictoires: d’une part, demeurer un allié des Etats-Unis dans la politique d’endiguement de l’URSS et de la Chine (du moins jusqu’en 1972) et, d’autre part, soutenir les Talibans, soi-disant ennemis de l’Occident et des Etats-Unis, à partir de 1978-79, au moment où l’Iran tombe aux mains de Khomeiny et des pasadarans et où l’Afghanistan opte, après le départ de Zaher Shah, pour une politique pro-soviétique, que les puissances anglo-saxonnes ne peuvent tolérer en vertu de théories géopolitiques traduites sans faille dans la réalité politique mondiale depuis leur émergence dans l’oeuvre du stratégiste Homer Lea, rédigée dans la première décennie du 20ème siècle.
La politique pakistanaise a dès lors été fluctuante, fluctuations dont il faut retenir la chronologie pour ne pas se laisser duper par les médias dominants qui déploient leurs stratégies en pariant sur l’amnésie des peuples et des élites, mêmes académiques:
1. Le Pakistan d’Ali Bhutto penchait quelque peu vers le non alignement, raison pour laquelle cet homme politique a été éliminé et pendu pour être remplacé par le Général Zia ul-Hak; Ali Bhutto avait aussi le désavantage, dans une république islamique comme le Pakistan, structurée par le mouvement sunnite “déobandi”, fondé en 1867, sous la domination britannique, d’avoir été chiite et partisan de la laïcité; il s’opposait au mouvement Jamaat-e-Islami fondé par le théologien Mawdoudi en 1941, très critique à l’égard du fondateur de la future république Islamique du Pakistan, Mohammed Ali Jinnah, trop “laïque” à ses yeux, trop inspiré par des modèles européens, dont l’Italie mussolinienne;
2. Zia ul-Hak suit les ordres des Etats-Unis et s’aligne sur la géopolitique préconisée par Zbigniew Brzezinski: il coopère avec les Mudjahiddins puis les Talibans en leur prêtant l’appui des services secrets pakistanais, l’ISI; le raisonnement de Zia ul-Hak n’est pas seulement pro-occidental; il ne s’inscrit pas entièrement, du point de vue national pakistanais, dans le cadre de la coopération américano-pakistanaise, en vigueur depuis les années 50: pour ce militaire arrivé au pouvoir par un coup de force, Islamabad doit se doter d’une “profondeur stratégique”, en coopérant avec les Talibans d’ethnie pachtoune, pour faire face à l’ennemi héréditaire indien, doté de l’arme nucléaire. Cette coopération armée/talibans vise à terme à unir stratégiquement les territoires afghan et pakistanais, avec l’appui stratégique des Etats-Unis et la manne financière islamique-saoudienne (versée essentiellement aux “medressahs” déobandies, chargées par le mouvement “déobandi” de ré-islamiser les masses dans l’ancien Raj indien sous domination britannique; depuis l’indépendance et depuis l’entrée des troupes de Brejenev à Kaboul en 1979, il forme des combattants de la foi, actifs au Cachemire et, très probablement, en Afghanistan). Le raisonnement de Zia ul-Hak est historique: c’est au départ du territoire afghan que les armées musulmanes ont lancé leurs offensives en direction du bassin du Gange et se sont rendues maîtresses du sous-continent indien jusqu’à l’arrivée des Britanniques au 18ème siècle; le fondateur de la République islamique du Pakistan, Mohamed Ali Jinnah rêvait d’ailleurs de reconstituer l’ancien Empire moghol; de ce fait, les intérêts musulmans traditionnels et les intérêts américains coïncidaient; pour les Pakistanais, il fallait reconstituer le glacis offensif de l’islam sunnite d’antan et menacer ainsi l’Inde, leur ennemi n°1, en disposant des mêmes atouts territoriaux (la “profondeur stratégique”) que leurs ancêtres spirituels depuis le 10ème siècle; pour les Etats-Unis, il fallait une base opératoire en marge de l’Afghanistan en voie de soviétisation, quelle qu’elle soit, pour contrôler à terme l’Afghanistan et menacer indirectement l’Inde, alliée de l’URSS puis de la Russie, et encercler l’Iran chiite, le coincer entre un bloc sunnite-wahhabite saoudien et un bloc afghano-pakistanais, également sunnite; d’autres menaces, par terrorisme interposé, étaient articulées par les services pakistanais contre l’Inde, notamment par le soutien apporté aux mouvements islamistes “Lashkar-e-Taiba” (“Armée des Purs”) ou “Jaish-e-Mohammad” (“Armée du Prophète”), actifs dans toute l’Inde mais surtout au Cachemire-et-Jammu, province himalayenne disputée entre les deux pays depuis la partition de 1947; après le 11 septembre 2001, la stratégie d’appui aux talibans n’est plus poursuivie par les Etats-Unis, qui demandent donc aux services pakistanais de cesser tout appui aux fondamentalistes afghans, ce qui ruine d’office la volonté pakistanaise de faire d’un Afghanistan fondamentaliste l’hinterland géostratégique nécessaire face à la masse territoriale indienne et ce qui disloque simultanément le dispositif pakistanais de guerre indirecte (contre l’Inde) par mouvements islamo-terroristes interposés;
3. Zia ul-Hak mort, le pouvoir revient, par le biais d’élections, à la fille de sa victime, Ali Bhutto, Benazir Bhutto, présidente du “Mouvement pour la restauration de la démocratie”; en dépit de sa réputation de chiite modérée et moderniste et de son démocratisme hostile aux militaires putschistes, Benazir Bhutto ne change pas fondamentalement la politique engagée par Zia ul-Hak: elle découple l’ISI de l’état-major, le rendant plus indépendant encore, et appuie les opérations militaires des talibans en Afghanistan, visant à chasser un gouvernement trop favorable aux Russes, même après l’effondrement définitif de l’URSS;
4. Musharaf —successeur de Zia ul-Hak après la mort de ce dernier en 1988 dans un accident (?) d’avion et de Mian Nawaz Sharif, renversé par un nouveau coup d’Etat en 1999— s’est retrouvé, passez-moi l’expression, le “cul entre deux chaises”, dès que la politique américaine est devenue ambigüe à l’égard des talibans, leurs anciens alliés, puis franchement hostile après le 11 septembre 2011; Musharaf devait lutter contre ses propres services, contre un ISI découplé de l’état-major général des armées par Benazir Bhutto et, par conséquent, devenu beaucoup plus “opaque”, contre les talibans (héritiers directs des Mudjahiddins anti-soviétiques) et contre le parti MMA fondamentaliste, très puissant au parlement, au nom d’une alliance américaine ancienne qui, à un certain moment, avait parié sur l’islamo-terrorisme pour chasser les Soviétiques ou les gouvernements afghans pro-soviétiques ou pro-russes, avant de se retourner contre leur propre golem; de plus, Musharaf, arrivé au pouvoir suite à un coup d’Etat, devait donner des gages à ses “alliés” américains, et promouvoir un semblant de démocratie, système qui était refusé par de larges strates de l’opinion publique, sous la forte influence des fondamentalistes, soucieux de rétablir une “sharia” pure et dure, foncièrement hostile aux idées occidentales; par ailleurs, les forces démocratiques luttaient, elles aussi, contre un pouvoir mis en place par les militaires au nom de la clause de “nécessité”; Musharaf devait constamment prouver aux Américains que le “pouvoir fort” des militaires était le seul rempart possible contre les fondamentalistes, alliés aux talibans et hostiles à toute alliance occidentale; son successeur Asif Ali Zardari a hérité de cette situation difficile, où les groupes armés fondamentalistes et la puissante caste militaire du pays n’aiment pas la “transition démocratique” imposée par Washington; Zardari souhaite aussi une “paix en Afghanistan” qui aille dans le sens des intérêts pakistanais et non indiens;
5. Ralph Peters, colonel de l’armée des Etats-Unis, face à ce Pakistan fragilisé, brandit indirectement une menace, qui s’adresse aussi à l’Arabie Saoudite, à l’Iran et à la Turquie: celui de réduire leurs territoires nationaux respectifs en pariant sur les séditions et les particularismes religieux et ethniques. Si le Pakistan ne joue pas le jeu que Washington lui impose, en dépit des contradictions que ce jeu implique, les Etats-Unis feront miroiter l’émergence d’un Patchounistan indépendant regroupant les régions afghanes et pakistanaises où vivent les tribus pachtounes et l’émergence d’un Beloutchistan, également indépendant et regorgeant de matières premières importantes, qui regrouperait les territoires iraniens et pakistanais où vit le peuple beloutche (5 à 10% seulement de la population pakistanaise).
Ralph Peters: faire chanter le Pakistan
Le soutien potentiel de Washington et des autres Etats occidentaux à d’éventuels indépendantistes pachtounes ou beloutches, que fait entrevoir le Colonel Peters en commentant sa cartographie prospective du Proche- et du Moyen-Orient, sert à faire chanter le Pakistan et à l’obliger à réduire les activités trop “talibanistes” et anti-occidentales des éléments pachtouns dans les provinces frontalières bordant l’Afghanistan, ruinant du même coup toute la stratégie de soutien à des mouvements islamo-terroristes, d’abord entraînés pour combattre les Indiens au Cachemire ou pour déstabiliser l’Inde de l’intérieur. Les talibans pachtouns/afghans tout comme les islamistes en lutte contre l’Inde forment un tout, contrôlé en dernière instance par l’ISI, un tout pourvu de nombreuses passerelles: le Pakistan ne peut trancher dans le vif de cet ensemble sans se défaire de l’arme indirecte qu’il s’est forgée au fil des décennies pour lutter contre son voisin indien, notamment en manipulant le “Hizb ul-Mujahidin” et le “Jaish-e-Muhammad” au Cachemire. Participer à la “guerre contre la terreur”, voulue par les deux présidents néo-conservateurs, le père et le fils Bush, équivaut, pour le Pakistan à se faire la guerre à lui-même, à démanteler son système offensif de défense, dont certains éléments forts se révoltent, notamment en créant le TTP (“Tehrik-e-Taliban Pakistan” ou “Mouvement des Talibans du Pakistan”), dont le porte-paroles Eshanullah Ehsan déclare que, désormais, “Zardari et l’armée sont nos premières cibles” et que “l’Amérique viendra en second”.
Réduire le Pakistan à une bande territoriale sans profondeur stratégique?
Quant aux tentatives de rapprochement entre l’Inde et les Etats-Unis, elles fragilisent le Pakistan, soucieux de sa profondeur stratégique, qu’il perdrait automatiquement, et de manière particulièrement dangereuse, si un Patchounistan et un Beloutchistan indépendants s’inscrivaient sur la carte politique du monde, comme y ont récemment été inscrits de nouveaux Etats sécessionistes, comme le Kosovo ou le Sud-Soudan, avec l’appui de Washington. On commence à entrevoir pourquoi l’indépendance du Kosovo et celle du Sud-Soudan servent surtout à créer des précédents à répéter, le cas échéant, dans des zones de turbulences encore plus chaudes... Un Pakistan privé de ses provinces pachtounes et beloutches et réduit au Punjab et au Sindh ne serait d’ailleurs plus qu’une bande territoriale étroite et surpeuplée, s’étirant du Sud (Karachi) au Nord (Islamabad et Rawalpindi), cette fois sans aucune “profondeur stratégique”, à la merci de son ennemi héréditaire indien. Islamabad veut intervenir dans le processus de paix en Afghanistan, de manière à y faire valoir ses intérêts stratégiques, quitte à absorber tacitement, et sur le long terme, les régions pachtounes et beloutches de l’Afghanistan, de façon à former un Etat “quadri-ethnique” des Pachtouns, Beloutches, Punjabis et Sindhis: en effet, les relations cordiales entre le nouveau pouvoir afghan, mis en place par les Américains dès octobre 2011, et l’Inde inquiètent fortement Islamabad, angoissé à l’idée d’un encerclement potentiel aux conséquences désastreuses. L’Afghanistan n’a jamais reconnu le tracé de la “ligne Durand”, séparant l’Afghanistan du Pakistan depuis 1893, à l’époque de la plus grande gloire de l’Inde britannique. Cette non reconnaissance de la frontière actuelle permet d’inciter toutes les formes d’irrédentisme pachtoun. Pour y faire face, le Pakistan opte pour une alliance inter-pachtoun (mieux vaut prévenir que guérir...), regroupant les Pachtouns du Pakistan et d’Afghanistan, soustraits à toute influence indienne et dont l’armée serait encadrée par des officiers pakistanais.
Le Pakistan quitte-t-il l’orbite occidentale?
Face à la menace de “balkanisation” théorisée par Peters, le Pakistan ne reste toutefois pas inactif, comme le resterait un pays européen complètement émasculé: il a demandé le statut d’observateur dans le “groupe de Shanghaï”; il a renforcé ses liens anciens avec la Chine, noués lors de leur inimitié commune contre l’Inde dans la zone himalayenne et renforcés dès la signature des accords sino-américains forgés par Kissinger au début des années 70; le Pakistan tente d’entretenir de nouveaux rapports bilatéraux avec la Russie depuis juin 2009, qui auraient pour corollaire que le Pakistan abandonnerait à terme son inféodation à la géopolitique américaine héritée de la Guerre Froide et oublierait les effets négatifs du soutien soviétique puis russe à l’Inde. Lavrov est partisan d’un changement dans ce sens, souhaite de bons rapports russo-pakistanais mais sans rien lâcher de l’amitié russo-indienne. L’objectif russe est clair sur ce chapitre: il faut consolider le “Groupe de Shanghaï” et l’alliance informelle des “BRICS”. Derrière cette politique se profile un objectif évident et pacifiant: plus de conflits sur la masse continentale eurasienne! Les conseiles russes ont permis un rapprochement très timide avec le voisin indien (que n’admettent évidemment pas les extrémistes du TTP, susceptibles de s’y opposer par la manière forte).
Enfin, en dépit de la vieille hostilité entre Chiites et Sunnites, qui faisait du Pakistan un ennemi de l’Iran depuis la chute du Shah, Islamabad renforce ses liens avec Téhéran, ce qui inquiète non seulement les Américains mais aussi et surtout les Saoudiens: le tandem américano-saoudien parie sur le gazoduc “TAPI” (Turkménistan, Afghanistan, Pakistan, Inde), qui évite les territoires iranien et russe, alors que les accords irano-pakistanais visent à finaliser le gazoduc “IPI” (Iran, Pakistan, Inde), passant par le territoire des ethnies beloutches, projet qui pourrait aussi, à plus long terme, atténuer l’inimitié entre lslamabad et New Delhi, comme l’avait d’ailleurs voulu le Shah d’Iran dès la fin des années 60.
La nouvelle Realpolitik indienne et le conflit sous-jacent avec la Chine
La nouvelle Realpolitik indienne ne peut plus être considérée comme un avatar lointain du non-alignement théorisé jadis par Nehru. En dépit du rapprochement sino-indien par le truchement du “groupe de Shanghaï”, l’ennemi principal de l’Inde est aujourd’hui la Chine: ce clivage est d’ailleurs celui qui fragilise le plus l’ensemble BRICS, outre les problèmes que connait le Brésil depuis quelques mois. Face à l’ennemi héréditaire pakistanais, l’Inde peut désormais compter sur une certaine mansuétude américaine, qu’il convient toutefois de relativiser car cette “mansuétude”, toute de façade, ne sert qu’à faire chanter Islamabad ou à irriter les Chinois; lors de la visite d’Obama à New Delhi en novembre 2010, le Président américain a dicté indirectement ses conditions, en un langage faussement feutré qui relève plutôt, comme d’habitude, de l’injonction pure et simple: l’Inde doit s’engager davantage dans la propagation universelle des “droits de l’homme” (version américaine/occidentale), revenir à une forme plus idéologique du non-alignement émancipateur du tandem Gandhi/Nehru, à une sorte de tiers-mondisme revu et corrigé qui pourrait aider les Etats-Unis à damer le pion des Européens et des Chinois en Afrique subsaharienne, par exemple. Si l’Inde ne participe pas à la diplomatie subversive, dite des “droits de l’homme”, elle ne pourra pas compter sur l’appui des Etats-Unis pour faire partie du Conseil de Sécurité de l’ONU, position à laquelle elle aspire. Mais l’Inde prend surtout ombrage des relations sino-pakistanaises, se souvient de la guerre (perdue) de 1962 contre la Chine maoïste, prend au sérieux les menaces chinoises sur l’ancien Assam britannique (Arunachal Pradesh), aujourd’hui divisé en plusieurs entités administratives indiennes, soupçonne le Pakistan de favoriser l’immigration de musulmans du Bengla Desh dans le Bodoland, une entité subétatique et administrative de l’Union indienne, située dans le “Nord-Est assamite” et peuplée d’une ethnie tibéto-birmane de deux millions d’âmes, animiste, hindouisée voire christianisée et très hostile aux immigrés musulmans, accusés de faire le jeu des Pakistanais, surtout quand un tiers de la population de l’ancien Assam est désormais musulman. L’ethnie bodo craint la submersion dans une future majorité bengladaise.
L’affaire du gaz birman
Les Etats-Unis reprochent à l’Inde, quand elle articule sa double stratégie de contrer et le Pakistan et la Chine, de chercher l’alliance des Chiites iraniens et des militaires birmans, hostiles, bien entendu, à toute ingérence américaine sur le pourtour de l’Océan Indien. Quand l’Inde avait écouté les Américains et s’était éloignée de la Birmanie voisine au nom de l’idéologie occidentale des droits de l’homme, la Chine avait avancé ses pions en direction de l’Océan Indien et de la sphère d’influence indienne et avait tiré grand profit de l’isolement diplomatique imposé aux Birmans. Pire: l’affaire birmane a porté un coup dur à l’approvisionnement énergétique de l’Inde. Outre l’utilisation prévue du gazoduc IPI, saboté par tous les moyens par les Etats-Unis, contre les intérêts des trois pays concernés, l’Inde prévoyait l’acheminement de gaz birman pour ses industries en plein développement: le boycott de la Birmanie/Myanmar couplé au sabotage perpétré par le Bengla Desh, qui exige des droits de passage exorbitants, et aux troubles incessants qui secouent l’Assam (Arunachal Pradesh), a fait que les Chinois ont raflé le marché du gaz birman, désormais acheminé vers le Yunnan chinois. De plus, la Chine déploie son “collier de perles”, soit une chaîne d’installations portuaires et navales dans l’Océan Indien, du Détroit d’Ormuz au Sri Lanka et du Bengla Desh au détroit de Malaka, avec au moins quatre stations en territoire birman. L’Inde, lésée par ces avancées chinoise dans son environnement géographique immédiat, veut dorénavant défendre ses intérêts nationaux, ses intérêts vitaux et ne plus les sacrifier à des chimères idéologiques et irréalistes occidentales. Outre sa nouvelle politique positive à l’égard de la Birmanie, elle spécule sur les ressentiments anti-chinois au Vietnam ou au Japon, pratiquant dès lors une Realpolitik qui ne coïncide ni avec les intérêts américains ni avec la volonté russe d’annuler tous les conflits sur la masse continentale eurasiatique.
Trois axiomes géopolitiques à déduire des événements
Trois axiomes géopolitiques doivent être déduits de cette analyse brève de la situation fragilisée et paradoxale du Pakistan:
1) Pas de conflits inutiles sur la masse eurasienne;
2) Aucun soutien aux politiques américaines et saoudiennes visant à envenimer de tels conflits sur ce même vaste territoire;
3) Liberté totale des peuples dans l’organisation de l’acheminement des hydrocarbures et d’autres matières premières, sans ingérence de puissances extérieures à leur espace (Carl Schmitt, Karl Haushofer).
Robert STEUCKERS.
(Rédigé à Fessevillers, Genève, Nerniers, Villeneuve-d’Asq et Forest/Flotzenberg, d’octobre 2012 à août 2013).
Bibliographie sommaire:
- Mariam ABOU ZAHAB, “Pakistan”, in L’état du monde – 2002, La Découverte, Paris, 2001.
- Frédéric BOBIN, “Le Pakistan veut avoir son mot à dire sur la paix afghane”, in Le Monde Hors série - Bilan géostratégique, édition 2013.
- Gérard CHALIAND, Atlas du Nouvel Ordre Mondial, Robert Laffont, Paris, 2003.
- Eric DENECE & Frédérique POULOT, Dico-Atlas des conflits et des menaces – Guerres, terrorisme, crime, oppression, Belin, Paris, 2010.
- Guy SPITAELS, La triple insurrection islamique, Luc Pire/Fayard, Bruxelles/Paris, 2005.
- Praveen SWAMI, “Le djihad au pays de Gandhi”, in Courrier international Hors-série, L’atlas du Terrorisme – Géographies, religions, politique, esthétiques, mars-avril-mai 2008.
- Jean-Christophe VICTOR, Le dessous des cartes – Itinéraires géopolitiques, Arte Editions/Tallandier, 2012.
Articles anonymes:
- “Afghanistan: quel avenir après 2014?”, in Diplomatie – Les Grands dossiers, n°13, février-mars 2013.
- “Pakistan: entre le marteau et l’enclume”, in Diplomatie – Les Grands dossiers, n°13, février-mars 2013.
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dimanche, 14 juillet 2013
Eu-Rus. Il protagonismo dei popoli europei e una nuova sinergia con la Russia
Eu-Rus. Il protagonismo dei popoli europei e una nuova sinergia con la Russia
Aymeric Chauprade è uno degli autori di geopolitica più importanti della nuova generazione. Animatore della Revue française de géopolitique è anche presidente della Accademia Internazionale di Geopolitica. Chauprade afferma le ragioni del multipolarismo: sostiene che per riequilibrare il sistema di rapporti internazionale sia necessario un nuovo protagonismo dei popoli europei, che solo può avvenire in virtù di una forte intesa con la Russia.
La Russia appunto. La vecchia rappresentazione secondo la quale Mosca esprimeva un potere “asiatico” ed ostile, separato dal nostro vivere occidentale da un limes invalicabile (la cortina di ferro) appare vecchia. Una rappresentazione ossidata e tossica. Archiviata per sempre l’ideologia marxista, la Russia torna ad essere nazione europea, per paesaggio, etnia, lingua, cultura e religione. Ed è naturale che gli spiriti più intuitivi del nostro tempo si prodighino per sostenere la vera, autentica “integrazione” per la quale valga la pena di battersi. L’integrazione tra Est e Ovest dell’Europa; il respiro simultaneo dei “due polmoni dell’Europa”, come li definiva con parola ispirata Giovanni Paolo II.
Il 13 giugno Chauprade ha rivolto un’allocuzione ai deputati della Duma russa. “Signore e signori della Federazione Russa – ha esordito l’autore – è un grande onore essere qui per un patriota francese che come me guarda al popolo russo come a un alleato storico”. Poi Chauprade ha proseguito con affermazioni forti di stampo sovranista: “Il nuovo bipolarismo mette di fronte, in un confronto che si amplificherà, da un lato questo totalitarismo globale, che ha distrutto la famiglia e la nazione, riducendo la persona ad un consumatore schiavo di pulsioni mercantili e sessuali e dall’altro i popoli traditi dalle loro elite, assopiti davanti alla perdita di sovranità e all’immigrazione di massa, ma che di fronte all’attacco contro la famiglia iniziano a risvegliarsi”.
Nel clou dell’intervento l’elogio di Vladimir Putin: “Signore e signori deputati, è con il presidente Putin e tutte le forze vive della Russia, che il vostro paese ha intrapreso una ripresa senza precedenti, militare, geopolitica, economica, energetica e spirituale che ispira ammirazione nei patrioti francesi! I patrioti del mondo intero, gelosi dell’indipendenza dei popoli e delle fondamenta della nostra civiltà, in questo momento hanno gli occhi puntati verso Mosca”.
L’idea che la Russia di Putin rappresenti oggi “il polo” per coloro che si riconoscono nel retaggio e nel futuro della civiltà europea è una impressione condivisa.
Chi scrive, nel suo piccolo, ha concepito l’idea di un progetto denominato Eu-Rus e ne ha cominciato a parlare, alla maniera dei ragazzini … su facebook[1].
La “Eu” di Eu-Rus contiene le stesse lettere della sigla UE (Unione Europea) sia pur in un ordine diverso ed evoca anche la radice greca “eu” che nella lingua di coloro che per primi pensarono l’Eu-r-opa[2] significa bene (come nelle parole composte “eudemonia”, “euritmia”, “euforia”, “eucaristia” e – si spera di no – “eutanasia”).
L’intenzione è quella di realizzare con gli amici che sono interessati un network di intellettuali motivati dall’ideale della integrazione Europa – Russia.
Gli spunti di riflessione e di impegno sono tanti:
1. Affermare l’esigenza di una comunità energetica comune, attraverso la realizzazione dei gasdotti North Stream e South Stream.
2. Battersi affinché in tutto il continente si affermi il programma portato avanti da Putin di socializzazione delle fonti energetiche. Socializzazione versus privatizzazione selvaggia.
3. Auspicare il sorgere di un area di libero scambio comune tra Europa e Russia, di integrazione delle risorse tecnologiche e imprenditoriali. I grandi corridoi orizzontali che in questi anni si stanno costruendo devono essere prolungati fino a Mosca e devono diventare strade a doppia corsia: sulla corsia che va verso Occidente scorrono le risorse energetiche e del sottosuolo, sulla corsia che va verso Oriente scorre il Know How che l’Europa Occidentale oggi può mettere a disposizione.
4. Riaffermare i principi della rivoluzione nazional-democratica gaullista: capi di governo eletti direttamente dal popolo, come oggi avviene in Francia e in Russia; con un radicale ridimensionamento di tutti i poteri non-eletti (commissari UE, governi tecnici, ONG …)
5. Rilanciare la politica di coesistenza pacifica con i paesi arabo-islamici secondo la linea perseguita sia pur tra difficoltà e/o incertezza dall’Italia con Mattei, Moro, Craxi, Andreotti.
6. Sviluppare anche l’idea di una graduale integrazione militare delle nazioni europee, una integrazione che coinvolga tutte e due le potenze dotate di arsenale nucleare del continente: la Francia e la Russia.
7. Sostenere un ideale di multipolarismo basato sul principio del Balance of Power per evitare le derive belliciste che inevitabilmente derivano dal predominio mondiale di una “Unica Superpotenza”.
8. Affermare una politica sull’emigrazione corrispondente alle esigenze dei lavoratori e dei disoccupati europei, una politica che non segua gli interessi di coloro che mirano ad abbassare il costo del lavoro con l’immissione continua di nuovi soggetti nel sistema economico, ma che segua le indicazioni del formidabile discorso alla Duma di Vladimir Putin del 4 febbraio 2013.
9. Auspicare l’adozione di una politica per la famiglia corrispondente alle esigenze demografiche dell’Europa.
10. Approfondire il dialogo culturale meditando sulle esperienze spirituali dei grandi pensatori russi: Soloviev, Bulgakov, Dostoevskij, Florensky.
11. Per la stessa ragione contribuire al dialogo ecumenico tra chiesa cattolica romana e chiese ortodosse d’Oriente.
12. Rimeditare in chiave post-moderna il tema della III Roma.
Due sono gli errori da non commettere nello svolgimento di questa impostazione:
1. sviluppare i temi con un taglio “estremista”. La geopolitica autentica confina con la diplomazia e non con l’ideologia. La calma, la moderazione, l’equilibrio sono una sostanza migliore rispetto ai fumi dell’ideologia.
2. sviluppare il progetto con una foga polemica contro altri soggetti internazionali. Qui non si vuole essere anti islamici o antioccidentali o anticinesi. Si vuole semplicemente essere nietzschianamente “buoni europei” e dunque elaborare il tema della fratellanza naturale e storica tra i popoli che sono figli della Grande Madre Europa.
Siamo felici che questo progetto possa partire a bordo della nave pirata di Barbadillo. Ne parleremo nelle prossime settimane con gli amici che condividono, nella piena libertà delle loro equazioni personali, le idee di fondo del progetto.
[1] Vedi la pagina https://www.facebook.com/pages/Eu-Rus/489924397713156
[2] Europa era la splendida fanciulla orientale amata da Zeus (nella radice etimologia,Eu-Op, il riferimento ai grandi occhi splendenti). Il grande dio del cielo per sedurla si trasformò in Toro e condusse la fanciulla dalla sponda orientale a quella occidentale del Mediterraneo, nella terra che avrebbe preso da lei il nome
@barbadilloit
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mercredi, 03 juillet 2013
LIBYE : L’Italie revient sur la « quatrième rive »
LIBYE : L’Italie revient sur la « quatrième rive »
L’art de la guerre
Dans sa rencontre avec le premier ministre Letta pendant le G8, le président Obama « a demandé un coup de main à l’Italie pour résoudre les tensions en Libye ». Et Letta, en élève modèle, a sorti de son cartable le devoir déjà fait : « un plan pour la Libye ». La ministre Bonino, fière de tant d’honneur, jure : « nous ferons le maximum, la Libye est un pays que nous connaissons bien historiquement ».Aucun doute à ce sujet. L’Italie occupa la Libye en 1911, en étouffant dans sang la révolte populaire, en utilisant dans les années 30 des armes chimiques contre les populations qui résistaient, en internant 100mille personnes dans des camps de concentration. Et, quand trente années plus tard elle perdit sa colonie, elle soutint le roi Idriss pour conserver les privilèges coloniaux. Idriss tombé, elle passa un accord avec Kadhafi pour avoir accès aux réserves énergétiques de la République libyenne mais, quand la machine de guerre USA/Otan s’est mise en marche en 2011 pour démolir l’Etat libyen, le gouvernement a déchiré, avec un consensus bipartisan du parlement, le Traité d’amitié signé trois années plus tôt avec Tripoli, en fournissant des bases et des forces militaires pour la guerre. Une histoire dont on peut être fiers. Qui continue avec le plan italien pour la « transition démocratique » de la Libye, où – comme même le Conseil de sécurité de l’Onu a été obligé de le reconnaître- se produisent « de continuelles détentions arbitraires, tortures et exécutions extra-judiciaires ». Se trouvent en jeu, explique Bonino, « non seulement l’intérêt des Libyens mais notre intérêt national » : d’où « le ferme engagement du gouvernement italien pour la stabilité du pays nord-africain ». Stabilité nécessaire à l’Eni et aux autres compagnies occidentales pour exploiter, à des conditions beaucoup plus avantageuses qu’avant, les réserves pétrolifères libyennes (les plus grandes d’Afrique) et celles de gaz naturel (au quatrième rang en Afrique). Mais ce sont justement les champs pétrolifères qui sont au centre des affrontements armés entre factions et groupes, dont la rivalité a explosé une fois l’Etat libyen démoli.
Le chef d’état-major libyen, Salem al-Gnaidy, a invité les groupes armés à se mettre sous le commandement de l’armée, disposée à accueillir « n’importe quelle force ». Mais ceci risque de faire exploser les affrontements à l’intérieur de l’armée, en grande partie encore à construire. L’Otan a convoqué à Bruxelles le premier ministre libyen Ali Zeidan pour établir les modalités d’entraînement de l’armée libyenne, qui -a précisé le secrétaire général Rasmussen- sera effectué « hors de la Libye ». En Libye, ceux qui tireront les marrons du feu, seront des envoyés militaires et des fonctionnaires italiens, accompagnés d’ « opérateurs humanitaires » militarisés. Personne ne sait combien coûtera cette opération, qui provoquera une nouvelle saignée d’argent public. Peu importe si augmente ainsi la dépense publique de l’Italie, qui se monte déjà à 70 millions d’euros par jour. L’essentiel est de « faire le maximum » pour que la coalition USA/Otan puisse contrôler la Libye, dont l’importance ne réside pas que dans sa richesse énergétique, mais dans sa position géostratégique dans l’aire nord-africaine et moyen-orientale. Confirmé par le fait –d’après une enquête du New York Times- que des armes des anciens arsenaux gouvernementaux sont transportées par des avions cargos qatari de la Libye à la base d’Al Udeid au Qatar, où sont déployées les forces aériennes du Commandement central étasunien, et de là envoyées en Turquie pour être fournies aux « rebelles » en Syrie. Une photo prise dans un dépôt des « rebelles » montre des caisses de munitions de 106mm pour canons sans recul M-40 et M-40 A1, avec une marque attestant la provenance libyenne. Avec son plan pour la Libye, l’Italie contribue ainsi à la « transition démocratique » de la Syrie.
Manlio Dinucci
Edition de mardi 25 juin 2013 de il manifesto
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
« Quatrième rive » était une expression de la période fasciste pour désigner la colonie italienne de l’époque, la Libye, qui venait s’ajouter aux trois autres rives -adriatique, tyrrhénienne et ionique- du territoire italien.
Manlio Dinucci est géographe et journaliste
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samedi, 29 juin 2013
Les guerres d'Afrique
Des origines à nos jours
Entretien avec Bernard Lugan
Africaniste renommé, récemment auteur entre autres ouvrages d'une Histoire de l'Afrique, d'une Histoire de l'Afrique du Sud et d'une Histoire du Maroc, expert auprès du TPI-Rwanda et éditeur de la lettre d'information L'Afrique Réelle, Bernard Lugan signe aujourd'hui une nouvelle somme.
Son livre est très logiquement divisé selon un plan chronologique en quatre grandes parties : "Guerres et sociétés guerrières en Afrique avant la colonisation", "Les guerres de conquête coloniale", "Les guerres de la période coloniale" et "Les guerres contemporaines, 1960-2013", tous conflits dont il fait le récit chronologique et factuel. On voit bien l'ampleur du sujet et Bernard Lugan nous fait plusieurs fois traverser le continent de part en part au fil des époques. La grande région sahélienne, celle des Grands Lacs et l'Afrique australe reviennent bien sûr à plusieurs reprises et certaines situations résonnent en écho jusqu'à aujourd'hui. Tous les chapitres, agrémentés d'encarts qui précisent des situations locales ou des données chiffrés, sont intéressants et l'on ne retiendra à titre d'exemple que quelques titres de la dernière partie (sait-on que pour la période 2000-2010 70% des décisions de l'ONU sont relatives aux conflits africains ?) : "La guerre civile algérienne (1992-2002)", "Les guerres de Somalie : clans contre clans (depuis 1977)", "Nigeria : de la guerre du Biafra au conflit ethno-religieux Nord-Sud", "La deuxième guerre du Kivu (depuis 2007)" : autant de coups de projecteur extrêmement utiles et souvent pertinents sur des zones crisogènes dont l'Europe ne peut pas se désintéresser (même si elle le voulait, de toute façon).
L'ensemble de ces chapitres, rédigés d'une plume alerte et toujours référencés, est complété par un cahier central d'une soixantaine de cartes en couleurs, parfaitement lisibles et pédagogiques, et le livre se termine sur un index complet et une bibliographie significative. Ceux qui connaissent déjà tel ou tel engagement pourront regretter que certaines campagnes ne soient pas traitées davantages en détail, mais aborder autant d'opérations et de combats en 400 pages témoigne d'un bel esprit de synthèse. Au total, un ouvrage appelé à devenir très rapidement de référence et que liront avec le plus grand intérêt les étudiants et tous ceux qui soit s'intéressent à l'histoire du continent, soit se préoccupent de l'avenir.
Editions du Rocher, Monaco, 2013, 403 pages, 32 euros.
ISBN : 978-2-268-97531-0.
Bernard Lugan a bien voulu répondre à quelques questions pour nos lecteurs :
Question : Votre livre dresse un impressionnant tableau des conflits en Afrique de la plus haute Antiquité aux guerres actuelles. Par grande période, une introduction présente un résumé des évolutions, mais vous ne tentez pas d'en tirer des enseignements généraux en conclusion. Pourquoi ?
Réponse : Parce que nous ne devons par parler de l’Afrique, mais des Afriques, donc des guerres africaines. Mon livre est construit sur cette multiplicité, sur ces différences irréductibles les unes aux autres et sur leur mise en perspective. Dans ces conditions, il est vain de faire une typologie, sauf pour les guerres de la période contemporaine, ce que j’ai fait, et encore moins une classique conclusion de synthèse.
Question : La grande région saharienne-Sahel est présente dans chaque partie, des "Origines de la guerre africaine" aux "Guerres contemporaines". Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce qui semble bien être une zone de conflits quasi-permanents ?
Réponse : Cette zone qui court de l’Atlantique à la mer Rouge en couvrant plus de dix pays, est un véritable rift racial et ethnique en plus d’être une barrière géographique. Ce fut toujours une terre convoitée car elle fut à la fois le point de départ et le point d’arrivée -hier du commerce, aujourd’hui des trafics transsahariens, une zone de mise en relation entre l’Afrique « blanche » et l’Afrique des savanes, un monde d’expansion des grands royaumes puis de l’islam.
Aujourd’hui, cette conflictualité ancienne et résurgente tout à la fois est exacerbée par des frontières cloisonnant artificiellement l’espace et qui forcent à vivre ensemble des populations nordistes et sudistes qui ont de lourds contentieux. Le tout est aggravé par le suffrage universel fondé sur le principe du « un homme, une voix », qui débouche sur une ethno mathématique donnant automatiquement le pouvoir aux plus nombreux, en l’occurrence les sudistes. Voilà la cause de la guerre du Mali, mais ce problème se retrouve dans tout le Sahel, notamment au Niger et au Tchad. Au Mali, le fondamentalisme islamiste s’est greffé sur une revendication politique nordiste de manière récente et tout à fait opportuniste. Or, comme le problème nord-sud n’a pas été réglé, les causes des guerres sahéliennes subsistent.
Question : On a dit beaucoup de choses sur le retentissement de l'échec italien lors de la première tentative de conquête de l'Ethiopie à la fin du XIXe siècle. Si les conséquences en politique intérieure à Rome sont compréhensibles, ces événements ont-ils un écho réel dans les autres capitales européennes et sur le sol africain lui-même ?
Réponse : L’originalité de la défaite d’Adoua est qu’elle a, sur le moment, mis un terme au projet colonial italien. Ce fut une défaite stratégique. Français, Anglais et Allemands connurent eux aussi des défaites, les premiers, notamment au Sahara, mais cela n’interrompit pas la prise contrôle de ces immensités ; les Britanniques furent battus à Isandhlawana, ce qui n’empêcha pas la conquête du royaume zulu ; quant aux Allemands, ils subirent plusieurs déconvenues contre les Hehe et les Maji Maji, mais l’Est africain fut néanmoins conquis. Le désastre italien fut d’une autre nature, d’une autre échelle, alors que, à l’exception d’Isandlhawana, Anglais, Français et Allemands ne perdirent en réalité que des combats à l’échelle d’une section, au pire, d’une compagnie. Quant aux Espagnols, même après leurs sanglantes déroutes lors de la guerre du Rif, leur présence dans le Maroc septentrional ne fut pas remise en cause et, dès qu’ils décidèrent d’utiliser leurs troupes d’élite comme le Tercio et non plus des recrues tant métropolitaines qu’indigènes, ils reprirent le contrôle de la situation. Il faut cependant remarquer qu’avant son éviction par Pétain, Lyautey avait, comme je le montre dans mon livre, rétabli la situation sur le front de l’Ouergha et de Taza, ce qui enlevait toute profondeur d’action aux Riffains.
Autre conséquence, auréolée par sa victoire de 1896, puis par sa résistance sous Mussolini, l’Ethiopie eut un statut particulier d’Etat leader du mouvement indépendantiste et ce fut d’ailleurs pourquoi, dès sa création en 1963, le siège de l’Organisation de l’unité africaine fut établi à Addis-Abeba.
Question : Vous décrivez "Un demi-siècle de guerres au Zaïre/RDC", et l'on a finalement le sentiment qu'une amélioration de la situation reste très hypothétique. Comment l'expliquez-vous ?
Réponse : Ici le problème est sans solution car il n’est pas économique mais ethnique et politique. Nous sommes en effet en présence d’un Etat artificiel découpé au centre du continent à la fin du XIX° afin de retirer le bassin du Congo à la convoitise des colonisateurs et cela afin d’éviter une guerre européenne pour sa possession. Cet Etat artificiel, désert humain en son centre forestier, englobe sur ses périphéries de vieux Etats comme le royaume Luba, l’empire Lunda ou encore le royaume de Kongo. Ces derniers ont une forte identité et leurs peuples ne se reconnaissent pas dans l’artificielle création coloniale qu’est la RDC. Quant à l’impérialisme rwandais qui s’exerce au Kivu, il entretient un foyer permanent de guerre dans tout l’est du pays. La raison en est claire : étouffant sous sa surpopulation, le « petit » Rwanda doit trouver un exutoire humain s’il veut éviter le collapsus. De plus, comme 40% du budget du pays provient de l’aide internationale et le reste, à plus de 90% du pillage des ressources du Congo, pour le Rwanda, la fin de la guerre signifierait donc la mort économique du pays. Appuyé par les Etats-Unis qui en ont fait le pivot de leur politique régionale, le Rwanda exploite avec habileté ce que certains ont appelé la « rente génocidaire » pour dépecer sans états d’âme la partie orientale du pays.
Question : Vous intitulez la partie dans laquelle vous traitez de la décolonisation : « Des guerres gagnées, des empires perdus », pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Réponse : Parce que la parenthèse coloniale fut refermée sans affrontements majeurs, sans ces combats de grande intensité qui ravagèrent l’Indochine. En Afrique, les guérillas nationalistes ne furent jamais en mesure de l’emporter sur le terrain, pas plus en Algérie où les maquis de l’intérieur n’existaient quasiment plus en 1961, qu’au Kenya où les Britanniques avaient éradiqué les Mau Mau, ou encore que dans le domaine portugais -à l’exception de la Guinée Bissau-, où, et mes cartes le montrent bien, l’armée de Lisbonne était maîtresse du terrain. En Rhodésie, la pugnace et efficace petite armée de Salisbury avait réussi à tenir tête à une masse d’ennemis coalisés, massivement aidés par l’URSS et la Chine avant d’être trahie par l’Afrique du Sud qui pensa naïvement acheter son salut en abandonnant les Blancs de Rhodésie. Partout, la décolonisation fut un choix politique métropolitain ; elle ne fut nulle part imposée sur le terrain. Les combats de grande intensité apparurent après les indépendances, dans le cadre de la guerre froide, et je les décrits dans mon livre : Angola, South African Border War, Corne de l’Afrique, Congo etc.
Merci très vivement pour toutes ces précisions et plein succès pour votre ouvrage. A très bientôt.
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Africa in the Context of BRICS and Geopolitical Turbulence
Africa in the Context of BRICS and Geopolitical Turbulence
by Leonid SAVIN
Ex: http://www.geopolitica.ru/
After the terrorist attacks on the WTC in New York, the US began to implement a new foreign policy vision and strategy for global order. Its elements synchronized with the doctrine of ‘Full Spectrum Dominance’ that was detailed in the 1996 Defense Department policy directive “Joint Vision 2010”[1]. In accordance with this concept, US armed forces should be "persuasive in peace, decisive in war, pre-eminent in any form of conflict"[2]. The militarization of the Africa continent is to be conducted hand-in-hand with the exploitation of African resources by Western corporate interests. The terrorist attack on the World Trade Centre on September 11th 2001 opened US eyes to the strategic advantage of creating a relatively ‘safer’ West and West-Central African, in particular Nigeria, whose sources of high quality crude oil are rapidly transportable across the Atlantic Ocean to refineries in populous cities on the North American eastern industrial seaboard[3]. For example, 92.3 % of African imports to U.S in 2008 consisted of oil[4]. The ‘War on Terror’ has also provided US-NATO command with justification for securitising the ‘dangerous’ West African Muslim states.
In 2006 the US began military exercises on land and sea in different African countries. Since 2008, AFRICOM, the US military Command Center responsible for Africa, has been officially operational. In 2010 the Pentagon began active military cooperation with several governments in the region (Senegal, Cape Verde, Ghana, Cameroon, the Democratic Republic of São Tomé e Príncipe, Mali, and Niger) and has established a military presence in the southern and northern states of Nigeria where the oil fields are located.
The argument that AFRICOM is primarily designed to provide humanitarian support has largely disappeared. Yet the United States still struggles to persuade the African people of the benefits of AFRICOM. To most observers, Africa has never been the intended beneficiary of AFRICOM. Based on the historical record, including direct comments from National Security Advisor James Jones, co-founder of AFRICOM, the goal of the new command is to protect U.S. access to oil and to protect U.S. corporate interests in Africa. Many African countries certainly have serious security concerns. But the behaviour of the states and the national militaries in question, combined with international economic interests, are often the catalysts for that insecurity. The question is whether the United States supports the forces of democracy and rule of law in Africa or whether, by treating dissent with military force rather than traditional law enforcement techniques, the United States has undermined democratic movements and encouraged extremism and the growth of anti-Americanism[5]. Another strategic goal of AFRICOM is to counter and roll-back Chinese economic expansion in the region[6].
The other reason that African policy is a US priority for the next decade is geopolitical and strategic order. In the midst of the current economic-financial crisis, Washington should, as a major global player, direct its efforts in maintaining its positions in global zones, penalty to pay, in the best outcome, a rapid reorganization in regional power, or in the worst, a disastrous collapse, difficult to overcome in the short term. Instead, in line with the traditional geopolitical expansion that has always marked its relations with other parts of the planet, Washington chose Africa with its ample space to manoeuvre, from which to relaunch its military weight on the global plane in order to contest the Asian powers for world supremacy[7].
Another tool of US penetration into Africa is economic-financial structures and programs (seen in the case of sanctions against Sudan and the interference of the International Monetary Fund and the World Bank in the relationship between the Democratic Republic of Congo and China) with such initiatives like the Overseas Private Investment Corporation (OPIC) and the African Growth and Opportunity Act (AGOA). Communication strategy should also be seen as a vector for US interest promotion in Africa, such as Obama’s speeches, already considered “historic”, in Cairo and Accra[8].
Attempts to establish control over Africa runs under the guise of new generation partnership and dialogue as well[9]. Africa underdevelopment is also a strategic concern for US geopolitical designs. U.S. military strategist Thomas Barnett has spoke about the ‘non-integrated gap’ of Africa and Middle Asia that must be integrated into the functional global core[10].
The Council of Foreign Relations (CFR), as an influential instrument of U.S. foreign policy also provides the US government with recommendations for dealing with African states. In Contingency Planning Memorandum No.11 "Crisis in the Congo" issued in May 2011 CFR advocated Washington to take several bilateral and multilateral steps to reduce the risk of violent instability, including: to improve Regional Engagement, use its influence through the office of the World Bank's American executive director, ensure a UN Presence, increase support for basic military training , etc.[11].
The US’s military presence in Africa also facilitates control over the Pacific and Atlantic Oceans, particularly in light of the emergence of new phenomena and threats such as piracy, the spreading of information technologies that can to be used for destabilization, water crises, and demographic crises.
The potential threat of conflicts rooted in ethnicity, religion, and tribal politics is a serious challenge for Africa. For example, in Nigeria with a population of 150 million, there are about 250 different ethnic groups, the population is divided between Christians and Muslims, and there are several active rebel groups. Out-of-the-box Western principles of parliamentary democracy based on class divisions do not function in societies divided in terms of identity on these lines[12]. A more complex and tailored approach taking into account regional history, culture, and identity divisions is needed. African critics claim that Europe and the US do not understand the nature and needs of social mobilization in Africa, where economic concerns coexist with ethnic and other divides.
But the economic crisis also demonstrates the contradictions and instability of the neoliberal global economic system, because of which, on the one hand African countries are threatened by transnational capital and re-colonialism, and on the other hand alternatives open to the issues of multilateral cooperation and self governance[13].
An important strategic initiative is the bloc of BRICS countries that have the possibility to turn African policy into a new paradigm. Geopolitically, Russia, India, Brasil and China are Land Powers (Not excluding of course, the necessity to have strategic sea lines of communication for transportation of goods, energy and natural resources).
China, India and Brazil are building relationships that take place within the framework of interaction between post-colonial countries[14], and therefore, these States inspire a higher degree of confidence and trust in Africa, than does the EU and the US with their colonial legacies The most successful foreign policy has been demonstrated by China, through the mechanisms of soft power for economic, industrial and cultural penetration.
One possible alternative trend also is the possibility of the strengthening of the East African Community – a regional economic group with a population of more than 126 million people, whose members include Burundi, Kenya, Rwanda, Tanzania and Uganda. South Sudan with its huge oil reserves also has the potential to join this group[15].
Italian geopolitician Tiberio Graziani notes that,
Africa, in order to safeguard its own resources and stay out of disputes between the US, China, and probably Russia and India – disputes that could be resolved on its own territory – needs to get organised, at least regionally, along three principal lines that pivots with the Mediterranean basin, the Indian Ocean, and the Atlantic Ocean.
The activation of economic and strategic cooperation policies, at least regarding security, between the countries of North Africa and of Europe, on the one hand and similarly with India (to that aim note the Delhi Declaration, drawn up in the course of Summit 2008 India-Africa), on the other, besides making the African regions more interconnected, sets up the basis for a potential future unification of the continent along regional poles and entered in the broadest Euro-Afro-Asian context. Likewise, the Atlantic line, that is the pursuit of strategic south-south cooperation between Africa and Indo-Latin America, would foster, in this case, the cohesion of western African nations and would contribute to the unification of the continent. In particular, the development of the Atlantic line would reinforce the weight of Africa relative to Asia, and to China in the first place[16].
But this plan is based on the old geopolitical scenario of the political game. We have proposed to look at this situation from another point of view. Besides the established concept for global order of unipolarity and multilateralism, there exists the alternative concept of multipolarity (or pluripolarity).
In the unipolar world model, the BRICS countries are thought of separately, as intermediates zones between the core and the periphery of the world or between the centre of globalization and the non-integrated gap. With this approach, the elite of these countries must integrate into the global elite and the masses be consumed in a global melting pot with other lower social strata, including through migration flows and in so doing, lose their cultural and civilizational identity.
But in terms of the multipolar world view, the BRICS can be conceived fundamentally differently. If these countries can develop a common strategy, form a consolidated approach to major global challenges, and develop a joint political bloc, there will come into being a powerful international institution capable of birthing the multipolar world, with enormous technical, diplomatic, demographic and military resources[17].
This project should change the structure of the BRICS to that of a powerful global organization that will be able to dictate their demands to other participants (three countries of BRICS have armed with own nuclear weapons).
So, with the economic and intellectual potential of the BRICS countries and the experience of intercultural and interethnic relations of complementarity, the only true geopolitical strategy for the African continent and in relation to it will be multipolarity.
[1] Joint Vision 2010. Pentagon. Washington, DC. 1996. [Электронный ресурс] URL: http://www.dtic.mil/jv2010/jv2010.pdf (дата обращения 01.09.2010).
[2] Ibid. P. 2.
[3] Ifeka C. AFRICOM, the kleptocratic state and under-class militancy. 2010-07-22, Issue 491. [Электронный ресурс] URL: http://pambazuka.org/en/category/features/66140 (дата обращения 12.03.2011).
[4] U.S. - African Trade Profile. Dept. of Commerce of the U.S. [Электронный ресурс] http://www.agoa.gov/resources/US_African_Trade_Profile_2009.pdf (дата обращения 15.12.2010).
[5] Africa Action and FPIF Staff. Africa Policy Outlook 2010. January 22, 2010. [Электронный ресурс] URL: http://www.fpif.org/articles/africa_policy_outlook_2010 (дата обращения 04.03.2011).
[6] Энгдаль У. АФРИКОМ, Китай и война за ресурсы Конго. 06.12.2008. [Электронный ресурс] URL: http://www.warandpeace.ru/ru/exclusive/view/30290/ (дата обращения 15.12.2010).
[7] Graziani T. L’Africa nel sistema multipolare. 27 novembre, 2009. [Электронный ресурс] URL: http://www.eurasia-rivista.org/lafrica-nel-sistema-multipolare/2311/ (дата обращения 15.05.2011).
[8] Ibidem.
[9] Molefe M. Oxford opens a New Chapter on Pan-Africanism. 2011.03.16. [Электронный ресурс] URL: http://pambazuka.org/en/category/Announce/71762 (дата обращения 15.12.2010).
[10] Barnett T. The Pentagon's New Map. Putnam Publishing Group, 2004.
[11] Marks, Joshua. Crisis in Congo. Contingency Planning Memorandum No. 11. N.Y.: C.F.R. May 2011. [Электронный ресурс] URL: http://www.cfr.org/democratic-rep-of-congo/crisis-congo/p25031?cid=nlc-rfpbulletin-memorandum_crisis_congo-051911 (дата обращения 15.05.2011).
[12] Amin S. Eurocentrism. Modernity, Religion and Democracy: A Critique of Eurocentrism and Culturalism. Fahamu books, 2010.
[13] Dani Wadada Nabudere. The Crash of International Finance-Capital and its Implications for the Third World. Fahamu books, 2009.
[14] Emma Mawdsley, Gerard McCann (ed.). India in Africa: Changing Geographies of Power. Pambazuka Press, 2011.
[15] Marco Picardi and Hamish Stewart. Building Africa: Where's The United States? May 27, 2010. [Электронный ресурс] URL: http://www.fpif.org/articles/building_africa_wheres_the_united_states (дата обращения 15.12.2010).
[16] Graziani T. L’Africa nel sistema multipolare. 27 novembre, 2009. [Электронный ресурс] URL: http://www.eurasia-rivista.org/lafrica-nel-sistema-multipolare/2311/ (дата обращения 15.05.2011).
[17] Дугин А.Г. Геополитика. – М: Академический проект, 2011. С. 511.
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jeudi, 27 juin 2013
Énigme turque et ours russe
Énigme turque et ours russe
Ex: http:://www.dedefensa.org/
Le site DEBKAFiles annonce que la Turquie a décidé de fermer ses frontières aux rebelles syriens, et plus précisément au passage d’armes US et otaniennes vers la Syrie. On connaît DEBKAFiles, dont les informations sont diffusées à partir de milieux proches des services de sécurité israéliens et sont nécessairement de véracité variable. Pourtant, il est un domaine où DEBKAFiles s’est montré ces derniers temps particulièrement attentif, qui est celui du comportement de la Russie, et du poids grandissant de la Russie sur la crise syrienne et tout ce qui va autour. Il semble d’ailleurs que cette orientation corresponde à une attention grandissante d’Israël vis-à-vis de la Russie, considérant ce pays désormais comme un acteur majeur de la région avec lequel il faudrait éventuellement envisager (dans le chef d’Israël) certains arrangements, à mesure que les USA sont moins actifs et dominateurs qu’auparavant et le sont de moins en moins. Par conséquent, les nouvelles que donne DEBKAFiles concernant la Russie sont particulièrement soignées et, souvent, reflètent certaines vérités de la situation. Or, la nouvelle rapportée ici concernant la Turquie est directement liée à la Russie, et à la crainte d’Erdogan concernant les réactions de la Russie si la Turquie continue à aider les rebelles syriens. Tout cela correspondrait assez justement au rôle grandissant de la Russie.
Le texte dont nous faisons ci-dessous des citations est donc de DEBKAFiles, du 22 juin 2013.
«The US decision to upgrade Syrian rebel weaponry has run into a major setback: DEBKAfile reveals that Turkish Prime Minister Tayyip Erdogan phoned President Barack Obama in Berlin Wednesday, June 19, to report his sudden decision to shut down the Turkish corridor for the transfer of US and NATO arms to the Syrian rebels. [...]
»Erdogan’s decision will leave the Syrian rebels fighting in Aleppo virtually high and dry. The fall of Qusayr cut off their supplies of arms from Lebanon. Deliveries through Jordan reach only as far as southern Syria and are almost impossible to move to the north where the rebels and the Hizballah-backed Syrian army are locked in a decisive battle for Aleppo.
»The Turkish prime minister told Obama he is afraid of Russian retribution if he continues to let US and NATO weapons through to the Syrian rebels. Since the G8 Summit in Northern Ireland last week, Moscow has issued almost daily condemnations of the West for arming “terrorists.”
»Rebel spokesmen in Aleppo claimed Friday that they now had weapons which they believe “will change the course of the battle on the ground.” DEBKAfile’s military sources are strongly skeptical of their ability – even after the new deliveries — to stand up to the onslaught on their positions in the embattled town by the combined strength of the Syrian army, Hizballah troops and armed Iraqi Shiites. The prevailing intelligence assessment is that they will be crushed in Aleppo as they were in Al Qusayr. That battle was lost after 16 days of ferocious combat; Aleppo is expected to fall after 40-60 days of great bloodshed.
»The arms the rebels received from US, NATO and European sources were purchased on international markets – not only because they were relatively cheap but because they were mostly of Russian manufacture. The rebels are thus equipped with Russian weapons for fighting the Russian arms used by the Syria army. This made Moscow angrier than ever.»
Par ailleurs, le même DEBKAFiles annonce des renforts importants venant de Russie pour la Syrie, notamment un contingent de 600 “marines” russes, soldats d’infanterie de marine ou/et forces spéciales (Spetnatz). Ce déploiement est présenté comme une mesure consécutive au sommet du G-8, et à ce qui est présenté par DEBKAFiles comme “un échec” (le sommet) et l’occasion pour les Russes de se forger une conviction concernant les livraisons d’armes du bloc BAO vers les rebelles, non seulement projetées mais d’ores et déjà en cours. Ce point est évidemment à mettre en corrélation avec la nouvelle que le même DFEBKAFiles annonce ci-dessus concernant la décision turque de fermer sa frontière aux rebelles syriens. L’argument de la protection des 20.000 citoyens russes en Syrie est largement présenté comme impératif dans la décision russe d’envoyer ces forces en Syrie, avec l’annonce supplémentaire que des forces aériennes russes seraient déployées en Syrie si une no-fly zone était établie par le bloc BAO. (DEBKAFiles, le 21 juin 2013 .)
«Just one day after the G8 Summit ended in the failure of Western leaders to overcome Russian resistance to a resolution mandating President Bashar Assad’s ouster, Moscow announced Wednesday June 19, the dispatch to Syria of two warships carrying 600 Russian marines. They were coming, said the official statement, “to protect the Russian citizens there.” Russian Deputy Air Force Commander Maj.-Gen. Gradusov added that an air force umbrella would be provided the Russian expeditionary force if needed.
»DEBKAfile's military sources report that the pretext offered by Moscow for sending the force thinly disguised Russian President Vladimir Putin’s intent to flex Russian military muscle in response to the delivery of Western heavy arms to Syrian rebels – which DEBKAfile first revealed Tuesday, June 18.»
Si elle est confirmée, la nouvelle donnée par DEBKAFiles concernant la Turquie est évidemment du plus grand intérêt. Si l’on s’en tient aux seules circonstances décrites et toujours en leur accordant le crédit de la véracité, on dirait, en un terme hérité du temps de la Guerre froide, qu’une telle circonstance se nommerait “finlandisation”, en plus appliquée à un membre de l’OTAN dans le cas turc (ce que n’était pas la Finlande dans les années de Guerre froide). Il s’agit de la paralysie, ou plus simplement de l’absence volontaire d’actes de politique extérieure, et encore plus d’actes militaires contraires aux intérêts de l’URSS, qui caractérisait la politique générale de la Finlande en échange de l’indépendance que respectait cette même URSS.
Dans tous les cas, – véracité ou pas de la nouvelle, – il ne fait aucun doute qu’en cas d’aggravation de la tension en Syrie, avec renforcement russe direct, pour une raison ou l’autre, la Turquie sera soumise de facto à de très fortes pressions russes dans le sens qu’on devine. Cela conduirait effectivement à une situation tout à fait inédite, dans la mesure extrêmement importante pour ce cas où la Turquie est membre de l’OTAN. On rapprochera ce cas d’une autre occurrence évoquée le 4 juin 2013 (Russia Today) par Medvedev, lors de questions qui lui étaient adressées par des journalistes, durant le Euro-Atlantic Forum, en Ukraine, et qui concernent plutôt le flanc Nord des rapports Russie-OTAN. Les réponses de Medvedev sur l’attitude de la Russie concernant de nouveaux membres de l’OTAN pourraient être extrapolées pour d’actuels membres de l’OTAN, notamment la Pologne, particulièrement concernée puisqu’elle déploie des missiles antimissiles US contre lesquels sont déployés des SS-26 Iskander russes dans l’enclave de Kaliningrad. Là aussi, la démarche russe telle qu’elle se dessine, également contre des membres de l’OTAN (la Pologne pouvant bien être la Turquie du Nord à cet égard), prend de plus en plus l’aspect d’une riposte offensive aux pressions exercées contre la Russie depuis vingt ans par l’OTAN, les USA et les divers États-clients (anciens d'Europe de l'Est complètement “rachetés” par les réseaux et l'argent US) et autres ONG téléguidés par les USA (type “révolutions de couleur“ et “agression douce“).
«When a reporter asked Dmitry Medvedev how the balance of forces in Europe will change if Sweden and Finland decide to enter NATO, the Russian Prime Minister answered that his country would have to react to such developments. “This is their own business; they are making decisions in accordance with the national sovereignty doctrine. But we have to consider the fact that for us the NATO bloc is not simply some estranged organisation, but a structure with military potential,” the head of the Russian government said adding that under certain unfavorable scenarios this potential could be used against Russia. “All new members of the North Atlantic alliance that appear in proximity of our state eventually do change the parity of the military force. And we have to react to this,” the top official noted.»
D’autre part, et considérant d’un autre point de vue la nouvelle initiale concernant la Turquie, on admettra qu’un (nouveau) changement d’orientation sinon d’“alliance” de facto de la part d’Erdogan, prenant ses distances du bloc BAO pour s’extraire du guêpier syrien et se replacer dans un axe Moscou-Ankara-Téhéran, pourrait être de bonne politique intérieure pour lui. Cela permettrait de remobiliser puissamment les forces qui l’ont soutenu fermement jusqu’à ce qu’elles perdent un peu de leur allant avec sa politique syrienne anti-Assad, détestée par de nombreux milieux turcs, y compris dans son propre parti, y compris chez les contestataires qui occupent actuellement les rues. Il s’agirait, comme nous l’avons envisagé, d’une voie vers une “relégitimisation” d’Erdogan (voir le 10 juin 2013), qui pourrait contribuer notablement à réduire les dimensions et le dynamisme de la contestation publique.
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mardi, 25 juin 2013
P. Scholl-Latour: “L’Occident s’allie avec Al-Qaeda”
“L’Occident s’allie avec Al-Qaeda”
Peter Scholl-Latour, le grand expert allemand sur le Proche et le Moyen Orient s’exprime sur la guerre civile syrienne, sur le rôle de l’Europe et des Etats-Unis, sur le programme nucléaire iranien qui suscite bien des controverses...
Entretien avec Peter Scholl-Latour
Q.: En Syrie, l’armée vient de reprendre un bastion des rebelles, la ville de Qussayr et a enregistré d’autres succès encore. Ces victoires représentent-elles un tournant dans cette guerre civile atroce, cette fois favorable à Bechar El-Assad?
PSL: Jamais la situation n’a vraiment été critique pour le Président El-Assad, contrairement à ce qu’ont toujours affirmé nos médias. Il y a bien sûr des villages qui sont occupés par les rebelles; des frontières intérieures ont certes été formées au cours des événements mais on peut difficilement les tracer sur une carte avec précision. La Syrie ressemble dès lors à une peau de léopard. Aucun chef-lieu de province n’est tombé aux mains des rebelles, bien que bon nombre d’entre eux soient entourés de villages hostiles à El-Assad. Il est tout aussi faux d’affirmer que tous les Sunnites sont des adversaires d’El-Assad, et la chute d’une place forte stratégique aussi importante que Qussayr est bien entendu le fruit d’une coopération avec le Hizbollah libanais.
Q.: Le Liban sera-t-il encore plus impliqué dans la guerre civile syrienne qu’auparavant?
PSL: Le Liban est profondément impliqué! Quand j’étais à Tripoli dans le Nord du pays, il y a trois ans, des coups de feu s’échangeaient déjà entre les quartiers alaouites et sunnites. La ville de Tripoli a toujours été considérée comme le principal bastion au Liban de l’islam rigoriste et, pour l’instant, on ne sait pas encore comment se positionneront vraiment les chrétiens. On peut cependant prévoir qu’ils en auront bien vite assez de la folie des rebelles syriens, dont le slogan est le suivant: “Les chrétiens à Beyrouth, les alaouites au cimetière!”.
Q.: L’UE vient encore de prolonger l’embargo sur les armes contre la Syrie, vu que l’Europe ne montre aucune unité diplomatique ou stratégique. Peut-on considérer cette posture comme un prise de position inutile de la part de l’UE?
PSL: Les Européens montrent une fois de plus une image lamentable, surtout les Français et les Anglais. Cette image lamentable, à mes yeux, se repère surtout dans la tentative maladroite des Français de prouver que le régime d’El-Assad utilise des gaz de combat, affirmation purement gratuite car il n’y a pas l’ombre d’une preuve. Cependant, les seuls qui auraient un intérêt à utiliser des gaz, même en proportions très limitées, sont les rebelles, car Obama a déclaré naguère que l’utilisation de telles armes chimiques constituerait le franchissement d’une “ligne rouge”, permettant à l’Occident d’intervenir.
Q.: L’Occident pourra-t-il encore intervenir, surtout les Etats-Unis, même sans utiliser de troupes terrestres et en imposant militairement une zone interdite aux avions d’El-Assad?
PSL: Les Américains ne sont pas prêts, pour le moment, à franchir ce pas parce qu’ils ne veulent pas s’impliquer encore davantage dans les conflits du Proche Orient et surtout parce qu’ils en ont assez du gâchis libyen. L’Occident a certes connu une forme de succès en Libye, en provoquant la chute de Khadhafi, mais le pays est plongé depuis lors dans un inextricable chaos dont ne perçoit pas la fin. En Cyrénaïque, plus précisément à Benghazi, où l’on a cru naïvement qu’un soulèvement pour la démocratie avait eu lieu, l’ambassadeur des Etats-Unis a été assassiné. On aurait parfaitement pu prévoir ce chaos car la Cyrénaïque a toujours été, dans l’histoire, la province libyenne la plus travaillée par l’islamisme radical.
On a cru tout aussi naïvement que des élections allaient amener au pouvoir un gouvernement modéré et pro-occidental, mais on n’a toujours rien vu arriver... Les luttes acharnées qui déchirent la Libye sont organisées par les diverses tribus qui ont chacune leurs visions religieuses propres.
Q.: L’Occident soutient les rebelles en Syrie tandis que la Russie se range derrière El-Assad. Peut-on en conclure que, vu les relations considérablement rafraîchies aujourd’hui entre l’Occident et la Russie, la guerre civile syrienne est une sorte de guerre russo-occidentale par partis syriens interposés?
PSL: Bien sûr qu’il s’agit d’une guerre par partis syriens interposés: les Russes se sont rangés derrière El-Assad, comme vous le dites, de même que l’Iran et le premier ministre irakien Nouri Al-Maliki. La frontière entre la Syrie et la Turquie est complètement ouverte, ce qui permet aux armes, aux volontaires anti-Assad et aux combattants d’Al Qaeda de passer en Syrie et de renforcer le camp des rebelles. De plus, en Turquie, on entraîne des combattants tchétchènes, ce qui me permet de dire que l’Occident s’est bel et bien allié à Al-Qaeda.
Q.: Quelles motivations poussent donc les Turcs? Sont-ils animés par un rêve de puissance alimenté par l’idéologie néo-ottomane?
PSL: Selon toute vraisemblance, de telles idées animent l’esprit du premier ministre turc Erdogan. Mais, depuis peu, des troubles secouent toute la Turquie, qu’il ne faut certes pas exagérer dans leur ampleur parce qu’Erdogan est bien installé au pouvoir, difficilement délogeable, ne peut être renversé. Mais les événements récents égratignent considérablement l’image de marque de la Turquie, telle qu’elle avait été concoctée pour le public européen, celle d’un pays à l’islam tolérant, exemple pour tout le monde musulman. Cette vision vient d’éclater comme une baudruche. Mais les véritables inspirateurs des rebelles syriens sont les Saoudiens, dont la doctrine wahhabite est précisément celle des talibans.
Q.: L’Autriche va retirer ses casques bleus du Golan. On peut dès lors se poser la question: la mission de l’ONU dans cette région pourra-t-elle se maintenir? Si la zone-tampon disparaît, ne peut-on pas craindre une guerre entre Israël et la Syrie?
PSL: Pour les Israéliens, ce serait stupide de déclencher une guerre, ce serait une erreur que personne ne comprendrait car depuis la fin de la guerre du Yom Kippour, il y a près de quarante ans, il n’y a pas eu le moindre incident sur la frontière du Golan. J’ai visité là-bas les casques bleus autrichiens et ils ne m’ont pas mentionné le moindre incident. Aujourd’hui toutefois les échanges de tirs ont commencé et les groupes islamistes extrémistes s’infiltrent; il vaut donc mieux que les Autrichiens, qui ont l’ordre de ne jamais tirer, se retirent au plus vite.
Q.: Mais alors une guerre entre Israéliens et Syriens devient possible...
PSL: Israël a une idée fixe: la grande menace viendrait de l’Iran, ce qui est une interprétation totalement erronée. Si les rebelles ont le dessus en Syrie, Israël aura affaire à des islamistes sunnites sur les hauteurs du Golan. Bien sûr, on me rétorquera que le Hizbollah chiite du Liban est, lui aussi, sur la frontière avec Israël, mais il faut savoir que le Hizbollah est une armée disciplinée. Sa doctrine est aussi beaucoup plus tolérante qu’on ne nous l’a dépeinte dans les médias occidentaux: par exemple, dans les régions tenues par le Hizbollah, il n’y a jamais eu de persécutions contre les chrétiens; les églises y sont ouvertes et les statues mariales y demeurent dressées. Toutes choses impensables en Arabie Saoudite, pays qui est un de nos chers alliés, auquel l’Allemagne ne cesse de fournir des chars de combat... Nous vivons à l’heure d’une hypocrisie totale.
Q.: Vous venez d’évoquer l’Iran: un changement de cap après les présidentielles est fort peu probable, surtout si la figure de proue religieuse demeure forte en la personne de Khamenei...
PSL: On a largement surestimé Ahmadinedjad. Il a certes dit quelques bêtises à propos d’Israël mais dans le monde arabe il y a bien d’autres hommes politiques qui ont dit rigoureusement la même chose, sans que les médias occidentaux n’aient jugé bon de lancer des campagnes d’hystérie. Certes, le zèle religieux est bien repérable chez les Chiites d’Iran et, dans les villes surtout, le nationalisme iranien est une force politique considérable. Si un conflit éclate, l’Iran n’est pas un adversaire qu’il s’agira de sous-estimer.
Q.: Le programme nucléaire iranien, si contesté, est aussi et surtout l’expression d’un nationalisme iranien...
PSL: On ne peut prédire si l’Iran se dotera d’un armement nucléaire ou non. Mais on peut émettre l’hypothèse qu’un jour l’Iran deviendra une puissance nucléaire. Cela ne veut pas dire que l’Iran lancera des armes atomiques contre ses voisins car Téhéran considèrera cet armement comme un atout dissuasif, comme tous les autres Etats qui en disposent. L’Iran, tout simplement, est un Etat entouré de voisins plus ou moins hostiles et aimerait disposer d’un armement atomique dissuasif.
Propos recueillis par Bernhard Tomaschitz.
(entretien paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°24/2013).
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Выпуск XIX. Индия
Выпуск XIX. Индия
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mercredi, 19 juin 2013
Élection d’Hassan Rohani
Élection d’Hassan Rohani : vers un rééquilibrage géopolitique de l’Iran ?
Historien du droit et des institutions
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vendredi, 14 juin 2013
M. Drac : Enjeux géopolitiques pour l'avenir
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War and Water
War and Water: Hydropolitics Propel Balkanization in Africa
Ex: http://www.globalresearch.ca/
Wherever there are reports of melting glaciers and a future of diminished water resources, there is an increasing Balkanization of nation-states. Those who manipulate world events for maximum profit understand that it is much easier to control water resources if one is dealing with a multitude of warring and jealous mini-states than it is to deal with a regional power…
The Nile Basin is seeing record fragmentation of nation-states by secessionist and other rebel movements, some backed by the United States and its Western allies and others backed by Egypt and Saudi Arabia. Yet other secessionist groups are backed by regional rivals such as Ethiopia, Eritrea, Uganda, and Sudan.
Ethiopia has announced that its Grand Ethiopian Renaissance Dam project on the Blue Nile will begin diverting the Blue Nile at the end of 2014. Ethiopia’s decision has set off alarm bells down river in Sudan and Egypt, which are both critically dependent on the Nile for drinking water, irrigation, and in the case of Egypt’s Aswan High Dam, electric power. A 1959 agreement between Egypt and Sudan guarantees Egypt 70 percent and Sudan 30 percent of the Nile’s water flow.
Egypt’s government has warned Ethiopia, a historical rival, not to restrict the Nile water flow to the extent that it would adversely affect the Aswan Dam or Egypt’s water supply. Sudan has voiced similar warnings. Cairo and Khartoum are also aware that their mutual enemy, Israel, has close relations with Ethiopia and the Republic of South Sudan, the world’s newest nation. The independence of South Sudan would not have been possible without the backing of Israel’s leading neo-conservative allies in Washington and London.
The White Nile flows from the Tanzania, Rwanda, Burundi, through Uganda and South Sudan, to Sudan. Egypt and Sudan have also been concerned about Israel’s heavy presence in South Sudan. The South Sudanese secession put tremendous pressure on the future territorial integrity of Sudan, which faces additional Western- and Israeli-backed breakaway movements in Darfur and northeastern Sudan.
Independence for South Sudan was long a goal of former Secretary of State Madeleine Albright and her god-daughter, current U.S. ambassador to the UN Susan Rice. The splitting of Sudan into an Arab Muslim north and a black Christian and animist south was also long a goal of Israel, which yearned for a client state in South Sudan that would be able to squeeze the supply of the Nile’s headwaters to Egypt and north Sudan.
South Sudan’s independence was cobbled together so rapidly, its Western sponsors were not even sure, at first, what to call the country. Although South Sudan was finally agreed upon, other proposals were to call the nation the «Nile Republic» or «Nilotia,» which were rejected because of the obvious threatening meaning that such names would send to Cairo and Khartoum.
The names «Cush» or «Kush» were also rejected because of their reference to the land of Cush that appears in the Jewish Bible and the obvious meaning that such a name would have for those who accuse Israel of wanting to expand its borders beyond the borders of the Palestinian mandate. «New Sudan» was also rejected because of implied irredentist claims by South Sudan on the contested oil-rich Abyei region between Sudan and South Sudan.
Egypt has been lending quiet support to Ethiopian and Somali secessionists, which Cairo sees as a counterweight to Ethiopian neo-imperialist designs in the Horn of Africa. Although Ethiopia maintains good relations with the breakaway Republic of Somaliland, Addis Ababa does not want to see Somalia fragmented any further. But that is exactly what is desired by Cairo to keep Ethiopia’s military and revenues preoccupied with an unstable and collapsing neighbor to the east.
Two other parts of Somalia, Puntland and Jubaland, also spelled Jubbaland, have declared separatist states. Jubaland should not be confused with the capital of South Sudan, Juba, which is being relocated to Ramciel, close to the border with Sudan. However, all this confusion and map redrawing is a result of increasing hydropolitics in the region, as well as the ever-present turmoil caused by the presence of oil and natural gas reserves. The Rahanweyn Resistance Army is fighting for an independent state of Southwestern Somalia.
Somaliland has its own secessionist movement in the western part of the country, an entity called Awdalland, which is believed to get some support from neighboring Djibouti, the site of the U.S. military base at Camp Lemonier.
Ethiopian troops, supported by the African Union and the United States, are trying to prop up Somalia’s weak Federal government but Somalia’s fracturing continues unabated with Kenya supporting a semi-independent entity called «Azania» in a part of Jubaland in Somalia.
There are also a number of nascent separatist movements in Ethiopia, many being brutally suppressed by the Ethiopian government with military assistance from the United States, Britain, and Israel. Some of these movements are backed by Eritrea, which, itself, broke away from Ethiopia two decades ago. Chief among the groups are the Ogadenis, who want a Somali state declared in eastern Ethiopia and the Oromo, who dream of an independent Oromia.
Ethiopia’s ruling dictatorship has tried to placate the Oromos and Ogadenis with peace talks but these moves are seen as window dressing to placate Ethiopia’s benefactors in Washington and London.
However, separatist movements throughout the Horn of Africa took pleasure in the advent of South Sudan because they saw the «inviolability» of colonial-drawn borders, long insisted upon by the Organization of African Unity and the African Union, finally beginning to wither. In fact, that process began with Eritrea’s independence in 1993. Eritrea also faces its own secessionist movement, the Red Sea Afars. The Afars also maintain separatist movements in Ethiopia and Djibouti, the latter having once been known as the French Territory of the Afars and Issas.
In another U.S. ally, Kenya, the homeland of President Barack Obama’s father, Muslims along the coast have dusted off the Sultan of Zanzibar’s 1887 lease to the British East Africa Company of the 10-mile strip of land along the present Indian Ocean coast of Kenya. Legally, when the lease expired the strip was to revert back to control of the sultan. Since the Sultan was ousted in a 1964 coup, the coastal Kenyans argue that the coastal strip was annexed illegally by Kenya and that, therefore, the coastal strip should be the independent Republic of Pwani. The discovery of major oil and natural gas reserves in Uganda and South Sudan has resulted in plans for pipelines to be built to the port of Mombasa, the would-be capital of Pwani on the Indian Ocean. In Kenya, hydropolitics and petropolitics in the Horn of Africa has resulted in Balkanization spilling into Kenya.
In the Himalayas, glacier retreat and rapidly diminishing snow cover are also adding to hydropolitical angst and fueling separatist movements backed by the bigger powers in the region: India, China, Pakistan, and Bangladesh. Snow melt is now being seen in some parts of the Himalayas in December and January. Four dams on the Teesta River, which flows from Sikkim through north Bengal to the Brahmaputra basin, have not only affected the geo-political situation in Sikkim, which has nascent independence and Nepali irredentist movements, but also helps to fuel demands for increased autonomy for Gorkhaland, Bodoland, and Assam, an independent Madhesistan in southern Nepal, an ethnic Nepali revolt in southern Bhutan, and consternation in Bangladesh, where the Brahmaputra and Ganges converge to largely support a country with a population of 161 million people. Bangladesh has also seen its share of secessionist movements, including the Bangabhumi Hindu and the Chittagong Hill Tracts movements.
Hydropolitics, petropolitics, and the status quo, like water and oil, do not mix, especially when it comes to the preservation of current borders. Northeastern Africa and South Asia are not unique in this respect.
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jeudi, 13 juin 2013
Europe, Globalization and Metapolitics
Robert Steuckers:
Europe, Globalization and Metapolitics
Questions by Leonid Savin (April/May 2013)
Ex: http://www.geopolitca.ru/
Mr. Steuckers, we would like to start our interview by describing the current situation in the EU, especially in its North-West region. What could you tell us about it?
Interviewed by Leonid Savin
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samedi, 08 juin 2013
Euro-Atlantism must be replaced by Eurasianism
Euro-Atlantism must be replaced by Eurasianism
by Gabor VONA
Ex: http://www.geopolitica.ru/
- Mr. Vona, what is main idea of your political party and why is it important for Hungary to make revision of the relations with EU?
- Jobbik is a national conservative party which does not refrain from using radical means. So when they label us as radicals, they are wrong. Radicalism is not a principle, it is a method. The reason why we are radicals is because the situation is radical as well. At the moment, we Hungarians are sick passengers on a sinking European ship that has lost its values. This is unbearable. First we must get off the ship, then cure our diseases. Hungary was not admitted to the EU so that we could develop. The goal was to colonize us, to exploit our cheap labour and acquire our markets. Western companies and banks now try to maintain their systems by using the profit they pump out of our country in the East. And this is just the economic side of the problem. The EU did not bring any good in terms of the spiritual, mental side, either. After the anti-value approach of Communism, we are now living in the valuelessness of capitalism. I personally follow traditionalist principles, in other words, I believe that Europe should get back to its own roots and rearrange its relationship with other traditional cultures that only exist in the East now.
- Jobbik has image of ultra right political party in Hungary and in Europe too. Do you agree with this label or have other outlook that can not be dealing with classical terms of "right", "left" and so on?
- If modernity, which stretches from the Renaissance through the Age of Enlightenment to global capitalism, is identified with the political left, then we definitely belong to the right. I and my party, however, cannot be located by using the left and right coordinates of current politology. The best way is to say that Jobbik is a national radical party, which is not chauvinistic, which defies global capitalism and three of its key representatives, the USA, the EU and Israel, from the platform of universal human values.
- Euroscepticism is very different in EU. Please can you to describe some particular issues ofHungary and neighbour countries related with this topic? What is role of euroatlanticism strategy in this process?
- The disapproval rate of the EU has just exceeded its approval rate in Hungary for the first time. There was an incredible brainwashing going on in the 1990s, so most people believed it was going to be good to join the EU, and that there was no other option. By now more and more people have realized that the whole thing was a setup. The Union needs markets, cheap labour and a garbage dump. How naive we were when we thought that the West was going to provide a historic compensation for the East to counterbalance their exploiting and abandoning us quite a few times in history! The same applies to the neighbouring countries as well but Hungary is in the worst situation. The previous government signed every paper Brussels laid down in front of them, the current one is only interested in its own power, and antagonizes the whole EU for it. The common ground of the two governments is that neither has any concept whatsoever. So far I am the only politician in Hungary to declare that Euro-Atlantism must be replaced by Eurasianism.
- Did financial crisis had influence on protectionism moods or general aspects is civilizational and values factors? How much involved NGO's and external powers in desintegration of hole hungarian system (territory-language-culture-etc.)?
- The economic crisis indeed has a great influence on scepticism. The situation has revealed that the EU does not represent the interests of the whole community but the major Western member states - France, England, Germany. The influence of various external powers and organizations is becoming more and more obvious in people's eyes. I can go as far as to say that there is a revolution of consciousness going on in Hungary. This is of course painful, because people must give up many illusions, but it is inevitable because the future must be built on truth and reality. Consequently, what now seems to be a confusion in Hungarian society will clear up, I hope, and give way to a society that is much more self-aware and has much clearer thinking.
- If we'll look inside of Hungarian identity we'll find eurasian roots of this nation. How much this line presented in your politics?
- Completely. The Hungarian nation has Turkic origin, and was formed by the Russian steppes into what it is now, then wandered to the West to establish a state in the Carpathian basin. Our Western integration has been going on for centuries, but we have never forgotten our Eastern origin and they could never uproot this concept from our minds. This duality has often had its drawbacks for us, but I believe it could be beneficial this time.
- By the way what about connection with Russia in geopolitcal sense of nowadays?
- Jobbik is an anti-Communist party, yet we were the first in Hungary to seriously propose to settle our relations with the Russians. Not only in diplomatic speeches, but in reality as well. At the time of the Georgian conflict, when the whole Hungarian political elite was voicing their agreement with the American interests, we declared that this issue was about something completely different. When Viktor Orbán was sending sulky messages to Russia from opposition back in 2009, we already declared that he was making a huge mistake. Personally, I have good relations with several Russian diplomats in Budapest, and I am very happy that the Russian Embassy is always represented at our year-opening conferences. In my foreign policy plans, Russia - in addition to Germany and Turkey - is a key political and economic ally, partner for Hungary.
- If we'll speak about global processes what is your position and prognosis for forthcoming events? How long U.S. will be superpower yet? What is E.U. future and how Eurasian integration will happens?
- Difficult question. The agony has definitely started and a new world order will have to be established. The alliance of the BRICS countries clearly shows that the time of the USA and EU has passed. The most fortunate turn of events would be if they themselves realized it, because that could prevent major conflicts and give way to a peaceful transformation. With regard to the framework of Eurasian cooperation, I don't see the actual opportunities yet, because first we must define the basic values and the consequent strategy that could attract the widest possible circles. This is the challenge now, and Jobbik is the only Hungarian political entity willing to meet it. The others are all Atlanticists, and they will remain so until history passes them.
- Thank you Mr. Vona for interview. Do you want to add something for our readers?
- Thank you for the opportunity.
By Leonid Savin
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Finnish-Caucasian Emirate
Finnish-Caucasian Emirate
by Nikolai MALISHEVSKI
Ex: http://www.strategic-culture.org/
The facts revealing the «Finnish traсe» in the Boston marathon terrorist bombing have become a thing of general public knowledge. I offer just a cursory look at them to substantiate a warning: Europe is not immune from the events the Bostoners went through in April 2013.
Boston is home to a small community of ethnic Chechens in the United States. The office of Al Kifah is located on Beacon Street. In 1990 the organization sprang from the anti-Soviet jihad movement in Afghanistan. It was suspected of being implicated in the World Trade Center bombing that took place on February 26, 1993, as well as of connection to some terrorist activities on US soil. The bulk of the organization’s offices were closed down, but the Boston branch called Care International continued to function. It raised funds, provided all forms of logistical support, created brigades of suicide bombers and recruited fighters for jihadist causes in the United States. (1) Some of these mercenaries, like Aukai Collins, for instance, came back from Chechnya to collaborate with the Federal Bureau of Investigation (FBI) as informants. The United States special services let the Boston center of extremism in peace for about twenty years. The Tsarnaev brothers’ mother recalls, «Tamerlan was ‘really an extremist leader and that they were afraid of … He was controlled by the FBI for five years. They knew what my son was doing. They were following every step of his». (2)
As Finnish media reported on April 21, the Boston terrorist act perpetrators were influenced and directly controlled by the extremist website called Caucasus Center, which is located in Finland and has a reputation of being an information instrument of the Caucasus Emirate. The British Daily Mail published the article called Was Boston Bomber Inspired by Russia's Bin Laden? Mother Claims FBI Tracked Older Brother 'for FIVE YEARS' After Being Told by Moscow of Links to Chechen Terrorists (2) devoted to the links between the Tsarnaev brothers and Doku Umarov who heads the Center. Some American and Turkish journalists say Chechen Fatima Tlisova was a key connecting link between the Caucasus Emirate and the United States special services operating in the Caucasus (including Jamestown Foundation) (4) Islam Saidaev describes how these kind of people were recruited and used by Western and Georgian special services for support of Chechen separatists in his book called To Do Away With a Witness. The author is well acquainted with the details leading to the conclusion that, «The idea to create the Caucasus Emirate, which was spread around among Chechens, was a brainchild of Georgian special services and the Caucasus Center website».
Here are some facts from the biography of Doku Umarov which are not in the books as yet. He was born in 1965 in Achoy-Martan. In July 1992 his name was included into the federal wanted list for murder and rape. On his mother’s side he is a relative of terrorist Movsar Baraev, who took hostages in Nord-Ost Theater in the Moscow district. He is also a cousin of Arbi Baraev, who is well known for abducting people, including French national Vincent Koshtelya, three Britons: Peter Kennedy, Darren Hickey, Rudi Petschi and New Zealand-born Stan Shaw as well as many others. Umarov is a staunch believer in Wahhabism. He goes around by the names of Warrior-1, Abu Muslim and Aisa. By the end of 1990s he ran errands for Khattab, a CIA operative and a Canadian national, allegedly a native Jordanian reported to be deprived of his homeland’s citizenship for links to US special services. In the 2000s Doku Umarov was closely connected to and provided funds for another terrorist - Ruslan Gelaev. With Gelaev gone, he took his place as the leader of criminal gangs in Georgia. Umarov was the last «president» of self-proclaimed Ichkeria (2006-2007). In Russia he is on wanted list for instigating ethnic strife, looting, abductions, mass murders (he personally shot Russians and Chechens) and the complicity in terrorist activities. Not once he claimed responsibility for ordering such terrorist crimes as Nevsky express (2009), Moscow metro (2010) and Domodedovo airport (2011) bombings.
On October 7 2007 Doku Umarov proclaimed himself as emir of Caucasus Emirate - a purported Islamic state spanning several republics in the Russian North Caucasus - calling his followers to start a global jihad, «a holy duty for all the Muslims of the Caucasus». Back then he said, «Today our brothers fight in Afghanistan, Iraq, Somalia and Palestine. Whoever attacked Muslims, wherever they may be is our common enemy. It’s not Russia only, but also the United States, Great Britain, Israel, anyone who fights against Islam and Muslims». On June 2010 the United States put him on the list of international terrorists. On March 11 2011 the United Nations Security Council added him to the list of individuals allegedly associated with al-Qaeda. On March 26 2011 the U.S. Department of State authorized a reward of up to $5 million for information leading to the location of Doku Umarov. At that, the United States special services had done nothing to neutralize him till the Boston bombing.
According to Finnish internet media outlet Suomitanaan, the Caucasus Center is just a small part of widely spread extremists’ structure, located in Helsinki, Finland. (3) The organization is tasked with a priority mission of disseminating jihad throughout Europe and the United States. The Center is supported by prominent Finnish politicians and state officials who back the idea of «independent Ichkeria». For instance: Finnish Green party politician, current Minister of Intentional Development Heidi Hautala, former Member of the European Parliament, Tarja Kantola Special Adviser to the Minister for Foreign Affairs, Antero Leitzinger, a researcher at the Finnish Migration Service, being responsible for political asylum applications from the Caucasus. Finland is home to «Battalion of Chechen Martyrs», which added new members to its ranks after the Caucasus Center told would-be shahids (suicide bombers) that Tamerlan Tsarnaev died tortured by Americans. Some structures enjoying the support of Finnish state officials like Finnish-Russian Civic Forum, for instance, help the people who cannot wait «to set the fire of global jihad» to be transferred to other countries. The Boston tragedy brought into light the terrorists structures located in Finland. But the activities of the «Finnish-Caucasian Emirate» spread much further, far beyond the one state boundaries…
In 2011 it was reported that the younger son of former Chechen separatists’ leader Degi Dudaev, a citizen of Lithuania living in Vilnius, was detained by Lithuanian police. Back then Lietuvosrytas wrote that he was accused of being a member of a criminal gang involved in issuing faked Lithuanian passports, which went straight into the hands of Chechens, the same people as the Tsarnaev brothers, allowing them to move freely around the European Union.
1) More in detail: Berger J. Boston's Jihadist Past // Foreign Policy 22.04.2013 // foreignpolicy.com/articles/2013/04/22/bostons_jihadist_past; Berger J.M. Jihad Joe: Americans Who Go to War in the Name of Islam. Potomac Books, 2011. - 265 p..
2) Gallagher I., Stewart W. Was Boston bomber inspired by Russia's Bin Laden? // Daily Mail, 20.04.2013 // www.dailymail.co.uk/news/article-2312331/Was-Boston-bomber-inspired-Doku-Umarov-Mother-claims-FBI-tracked-older-brother7)-years-told-Moscow-links-Chechen-terrorists.html.
3) Boston terrorists were influenced and instructed by "Kavkaz Center", mouthpiece of terrorist Doku Umarov and his "Caucasus Emirate", operating in Helsinki, Finland // Suomitanaan, 21.04.2013 // suomitanaan.blogspot.ru/2013/04/boston-terrorists-were-influenced-and.html.
4) Madsen W. CIA Troublemaking in Caucasus // www.strategic-culture.org/news/2013/05/20/cia-troublemaking-in-caucasus.html
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lundi, 03 juin 2013
John Morgan: The Fourth Political Theory
The Fourth Political Theory
An interview with John Morgan
Natella Speranskaya: How did you discover the Fourth Political Theory? And how would you evaluate its chances of becoming a major ideology of the 21st century?
JM: I have been interested in the work of Prof. Dugin since I first discovered English translations of his writings at the Arctogaia Web sites in the late 1990s. So I had already heard of the Fourth Political Theory even before my publishing house, Arktos, agreed to publish his book of the same name. In editing the translation of the book, I became intimately familiar with Prof. Dugin’s concept. According to him, the Fourth Political Theory is more of a question than an ideology at this point. It is easier to identify what it is not, which is opposed to everything represented by liberalism, and which will transcend the failures of Marxism and fascism. In recent decades, many people have been heralding the “death of ideology.” Carl Schmitt predicted this, saying that the last battle would take place between those who wish to reject the role of politics in civilization, and those who understand the need for it. The death of ideology, I believe, is simply the exhaustion of those political systems that are founded on liberalism. This does not mean that politics itself has ended, but only that a new system is required. The Fourth Political Theory offers the best chance to take what is best from the old ideologies and combine them with new ideas, to create the new vision that will carry humanity into the next age. Although we can’t say with certainty what that will look like, as of yet. But it should be obvious to everyone that the current ideology has already run its course.
NS: Leo Strauss when commenting on the fundamental work of Carl Schmitt The Concept of the Political notes that despite all radical critique of liberalism incorporated in it Schmitt does not follow it through since his critique remains within the scope of liberalism”. “His anti-Liberal tendencies, – claims Strauss, - remain constrained by “systematics of liberal thought” that has not been overcome so far, which – as Schmitt himself admits – “despite all failures cannot be substituted by any other system in today’s Europe. What would you identify as a solution to the problem of overcoming the liberal discourse? Could you consider the Fourth Political Theory by Alexander Dugin to be such a solution? The theory that is beyond the three major ideologies of the 20th century – Liberalism, Communism and Fascism, and that is against the Liberal doctrine.
JM: Yes, definitely. The unsustainably and intellectual poverty of liberalism in Europe, and also America, is becoming more apparent with each passing day. Clearly a new solution is needed. Prof. Dugin’s Fourth Political Theory, as he has explained in his book of the same title, is more of a question than an ideology at this point, and it is up to those of us who are attempting to defy unipolar hegemony to determine what it will be. So, yes, we need a new ideology, even if we cannot yet explain exactly what it will be in practice. I think Prof. Dugin’s idea of taking Heidegger’s Dasein as our watchword is a good one, because we are so entrenched in the liberal mindset – even those of us who want to overcome it – that it is only be re-engaging with the pure essence of the reality of the world around us that we will find a way out of it. The representational, virtual reality of postmodernism which surrounds most of us on a daily basis has conditioned us to only think about liberalism on its own terms. Only by renewing our contact with the real, non-representational world, and by disregarding all previous concepts and labels, can we find the seeds for a new way of apprehending it.
NS: Do you agree that today there are “two Europes”: the one – the liberal one (incorporating the idea of “open society”, human rights, registration of same-sex marriages, etc.) and the other Europe (“a different Europe”) – politically engaged, thinker, intellectual, spiritual, the one that considers the status quo and domination of liberal discourse as a real disaster and the betrayal of the European tradition. How would you evaluate chances of victory of a “different Europe” over the ”first” one?
JM: Speaking as an American outsider, I absolutely see two Europes. The surface Europe is one that has turned itself into a facsimile of America – the free market, democracy, multiculturalism, secularism, pop culture, sacrificing genuine identity for fashions, and so on. The other Europe is much more difficult to see, but I have the good fortune of having many friends who dwell within it. This is the undercurrent that has refused to accept the Americanization of Europe, and which also rejects the liberal hegemony in all its forms. They remain true to the ancient spirit of Europe’s various peoples and cultures, while also dreaming of a new Europe that will be strong, independent and creative once again. We see this in the New Right, in the identitarian movement, and in the many nationalist groups across Europe that have sprung up in recent years. As of now, their influence is small, but as the global situation gets worse, I believe they will gain the upper hand, as more Europeans will become open to the idea of finding new solutions and new ways of living, disassociated from the collapsing hegemonic order. So I estimate their chances as being very good. Although they must begin acting now, even before the “collapse,” if they are to rescue their identities from oblivion, since the “real” Europe is fast being driven out of existence by the forces of liberalism.
NS: “There is nothing more tragic than a failure to understand the historical moment we are currently going through; - notes Alain de Benoist – this is the moment of postmodern globalization”. The French philosopher emphasizes the significance of the issue of a new Nomos of the Earth or a way of establishing international relations. What do you think the fourth Nomos will be like? Would you agree that the new Nomos is going to be Eurasian and multipolar (transition from universum to pluriversum)?
JM: Yes, I do agree. In terms of what it will look like, see my answer to question 4 in the first set of questions.
NS: Do you agree that the era of the white European human race has ended, and the future will be predetermined by Asian cultures and societies?
JM: If you mean the era of the domination of White Europeans (although of course that comprises many diverse and unique identities in itself), and those of European descent such as in America, over the entire world, then yes, that era is coming to an end, and has been, gradually, since the First World War. As for the fate of White Europeans in our own homelands, that is also an open question, given the lack of genuine culture and diminishing reproductive rates of Whites around the world, coupled with large-scale non-White immigration into our homelands. While I welcome the end of White hegemony, which overall hasn’t been good for anyone, most especially for Whites themselves, as an American of European descent I do fear the changes that are taking place in our lands. As the thinkers of the “New Right” such as Alain de Benoist have said, if we stand for the preservation of the distinct identities of all peoples and cultures, then we must also defend the identities of the various European peoples and their offshoots. I would like to see European peoples, including in America, develop the will to resist this onslaught and re-establish our lands as the true cradles of our cultures and identities. Of course, in order to do this, White peoples must first get their souls back and return to their true cultures, rejecting multiculturalism and the corporate consumer culture that has grown up in tandem with neo-colonialism, both of which victimize Whites just as much as non-Whites. Unfortunately, few White Europeans around the world have come to this understanding thus far, but I hope that will change.
As for whether the future belongs to Asians, that I cannot say. Certainly India and China are among the most prominent rising powers. But at the same time, they face huge domestic challenges, demographically and otherwise. Whether they will be able to sustain the momentum they have now is uncertain. Having lived in India for the last four years, while it is a land I have come to love, I have difficulty seeing India emerging as a superpower anytime soon. The foundations just aren’t there yet. Likewise, I find it troubling that India and China continue to understand “progress” in terms of how closely they mimic the American lifestyle and its values. Until Asian (and other) nations can find a way to develop a sustainable and stable social order, and until they forge a new and unique identity for themselves in keeping with their traditions that is disconnected from the Western model, I don’t see them overtaking the so-called “First World.”
NS: Do you consider Russia to be a part of Europe or do you accept the view that Russia and Europe represent two different civilizations?
JM: As a longtime student of Dostoevsky, I have always believed that Russia is a unique civilization in its own right. Although clearly Russia shares cultural affinities and linkages with Europe that cannot be denied, and which bring it closer to Europe than to Asia, it retains a character that is purely its own. I have always admired this aspect of Russia. Whereas Western Europe sold its soul in the name of material prosperity in its rush to embrace the supposed benefits of the Industrial Revolution and modernity as quickly as possible, Russia developed its own unique path to modernity, and has always fought hard to maintain its independence. It seems to me, as a foreigner, that as a result, Russia retains a much stronger connection to the spiritual and the intangible aspects of life than in the West, as well as a more diverse, as opposed to purely utilitarian, outlook. The German Conservative Revolutionaries understood this, which is why they sought to tilt Germany more towards Russia politically and culturally, and away from England and the United States (such as Arthur Moeller van den Bruck advocated). Similarly, in today’s world, New Rightists, traditionalists and so forth would do well to look toward Russia and its traditions for inspiration.
NS: Contemporary ideologies are based on the principle of secularity. Would you predict the return of religion, the return of sacrality? If so, in what form? Do you consider it to be Islam, Christianity, Paganism or any other forms of religion?
JM: I think we already see this happening to an extent. In the nineteenth and for most of the twentieth century, the prevailing view was skepticism and scientism, with religion primarily relegated to its moralistic aspects. But beginning in the 1960s in North America and Western Europe, we have seen a renewal of interest in religion and the transcendental view of life on a large scale. This development was, of course, presaged by the traditionalist philosophers, such as René Guénon and Julius Evola, who understood modernity perhaps better than any other Europeans of their time. But unfortunately, this revival in practice has tended toward New Age modes of thought, or else mere identity politics and exotericism as we see with the rise of fundamentalist Christianity in America, rather than in genuinely traditional spirituality. As such, most spirituality in the Western nations today is an outgrowth of modernity, rather than something that can be used to oppose and transcend it. But the fact that more traditionalist books are being made available, and that we see more groups dedicated to traditional spirituality and esotericism than ever before, is a promising trend.
As for the form that this revival will ultimately take, that depends on the location. For much of the world, of course, people are likely to return to and revitalize the traditions that grew out of their own civilizations, which is as it should be. We already see efforts in this direction at work in some parts of the so-called “Third World.” But in Western Europe, and especially America, it is a more difficult question. The Catholic Church today doesn’t hold much promise for those of a traditional mindset. Guénon himself abandoned his native Catholicism and began to practice Islam because he had come to believe that Catholicism was no longer a useful vehicle for Tradition. And of course today, things are much worse than they were in Guénon’s time. Protestantism, besides being counter-traditional, is in even poorer shape these days. And while I am very sympathetic to those who are seeking to revive the pre-Christian traditions of Europe, or adopt traditions from other cultures, this ultimately isn’t a good strategy for those who are engaged in sociopolitical activity alongside spiritual activities. The vast majority of Europeans and Americans still identify with Christianity in some form, and this will need to be taken into account by any new political or metapolitical movement that emerges there.
In America, unlike Europe, we have no real tradition of our own. This is both a blessing and a curse. It’s a blessing because our culture has always been tolerant of allowing and even embracing the presence of alternative forms of spirituality. (Interest in Hinduism, for example, began in America already in the Nineteenth century with such figures as Thoreau and Emerson, and with the arrival of Hindu teachers from India such as Protap Chunder Mozoomdar and Swami Vivekananda.) But it is also a curse because there is no particular, universal spiritual tradition that underlies American civilization which can be revived. Christianity remains dominant, but certainly the popular forms of it that exist in America today are unacceptable from a traditional standpoint. At the same time, most Americans are unlikely to accept any form of spirituality which they perceive to be different from or in opposition to Christianity. So it is a difficult question.
The best solution may be to exclude advocating any specific religion from our efforts in the West for the time being, and leave such decisions to the individual. Of course, we should encourage everyone who supports us to integrate the traditional worldview into their own lives, in whatever form that may take, and to oppose secularism on the grounds of the resacralization of culture. Perhaps once the process of the collapse of the current global and cultural order is further along, and as the peoples’ faith in the illusions of progress, materialism and nationalism inculcated by modernity are shattered, the new form or forms of religion that must take root in the West will become more readily apparent.
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vendredi, 24 mai 2013
Infoavond met Fernand Keuleneer in Leuven
Infoavond
met Fernand Keuleneer
in Leuven
31 mei 2013
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Vrijdag 31 mei 2013 om 20 uur
Infoavond
Syrië, een typisch 21ste-eeuws conflict?
Beschouwingen over internationaal recht, mensenrechten, republiek en religie
Met als gastspreker:
Fernand KEULENEER
Advocaat aan de balie te Brussel
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Plaats: Stellazaal Café Tempo
Baron August de Becker Remyplein 52
3010 Kessel-Lo.
Aan de achterkant van het station van Leuven.
Vrije toegang mits twee consumpties per persoon.
Organisatie: Mediawerkgroep Syrië – Email: info@MWSyria.com – Blog: http://MWSyria.com – Facebook: http://www.facebook.com/MWSyria – Twitter: @MWSyria
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