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dimanche, 07 février 2010

Ernst Jünger: Liliput-Roboter

roboter.jpgLiliput-Roboter

Ex: http://rezistant.blogspot.com/
Erst später fiel mir auf, dass ich sogleich gewusst hatte, wem ich gegenüberstand. Das war insofern merkwürdig, als der grosse Zapparoni, wie jedes Kind ihn kannte, nicht die mindeste Ähnlichkeit besass mit jenem, dem ich in der Bibliothek begegnete. Die Gestalt, die insbesondere der Zapparoni-Film entwickelt hatte, ging eher auf einen milden Grossvater aus, auf einen Weihnachtsmann, der in verschneiten Wäldern seine Werkstätten hat, in denen er Zwerge beschäftigt und rastlos darüber nachsinnt, womit er den grossn und kleinen Kindern Freude machen kann. »Alle Jahre wieder — -« auf diesen Ton war der Katalog der Zapparoni-Werke gestimmt, der in jedem Oktober mit einer Spannung erwartet wurde, deren sich kein Märchenbuch, kein Zukunftsroman erfreut hatte.

Zapparoni musste also wohl einen Beauftragten haben, der diesen Teil seiner Repräsentation übernahm, vielleicht einen Schauspieler, der den père noble machte, oder auch einen Roboter. Es war sogar möglich, dass er mehrere solcher Schemen, solcher Projektionen des eigenen Ich beschäftigte. Das ist ein alter Traum des Menschen, der besondere Redewendungen hervorgebracht hat, wie etwa: »Ich kann mich nicht vierteilen«. Zapparoni erkannte das anscheinend nicht nur als möglich, sondern als vorteilhafte Ausdehnung und Steigerung der Personalität. Seitdem wir mit Teilen unseres Wesens, wie mit der Stimme und dem Erscheinungsbilde, in Apparaturen ein- und aus ihnen wieder heraustreten können, geniessen wir gewisse Vorteile des antiken Sklavenwesens ohne dessen Nachteile. Wenn einer das erfasst hatte, so war es Zapparoni, der Kenner und Entwickler der Automaten nach der Spiel-, Genuss- und Luxusseite hin. Eines seiner zum Wunschbild erhobenen Ebenbilder paradierte, mit überzeugenderer Stimme und milderem Äusseren, als ihm die Natur verliehen hatte, in Wochenschauen und auf Fernsehschirmen, ein anderes hielt in Sidney eine Ansprache, während der Meister sich, behaglich meditierend, in seinem Kabinett aufhielt.

Ernst Jünger, Gläserne Bienen. Ernst Klett, Stuttgart 1957, p. 80/81.

jeudi, 04 février 2010

1984, 1984,5,1985 ou d'Orwell à Burgess

burgess.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1985

1984... 1984 1/2... 1985

ou d'Orwell à Burgess

 

1984 fut incontestablement l'année Orwell. Une abondante littérature et même un film remirent à l'honneur l'œuvre immortelle de cet ancien combattant de la Guerre d'Espagne que fut Orwell. Beaucoup de critiques s'obstinent à voir, dans son chef-d'œuvre, 1984, une description un peu exagérée de notre monde actuel. Ils affirment que les éléments décrits par Orwell et non encore advenus dans notre monde quotidien, seront réalité dans un avenir plus ou moins rapproché. D'autres pensent que le monde de 1984 ne ressemble qu'à certaines facettes de la réalité soviétique et se félicitent, en guise de conclusion, de vivre dans l'hémisphère libre, lisez occidental. La critique d'un autre génie littéraire, compatriote d'Orwell, mérite une attention toute particulière. Car cette critique transcende nettement les bavardages des littérateurs médiatiques et des sociologues abscons. Cet écrivain, qui a tenté une critique nouvelle d'Orwell, n'est autre que le très célèbre Anthony Burgess, créateur de A Clockwork Orange (Orange mécanique). Il a écrit, à l'occasion de l'année Orwell, un ouvrage resté trop ignoré des médias et qui s'intitule significativement 1985.

 

Globalement, Burgess estime que la vision que nous transmet Orwell est exagérée et improbable. Tout d'abord, écrit Burgess dans la première partie de son 1985, les éléments essentiels de 1984 sont trop liés à une époque historique précise pour avoir réelle valeur prophétique. « La Grande-Bretagne décrite par Orwell, avec ses omniprésentes odeurs de choux cuits, ses rations de viande et sa pénurie de cigarettes n'est pour Burgess qu'une image trop reconnaissable de l'ère d'austérité et de socialisme qui suivit les années de guerre (celle de 39-45, ndlr) », écrit Marc Paillot (The Dystopian Novels of Anthony Burgess, mémoire de licence, Bruxelles, 1984).

 

En effet, il semblerait que l'Ingsoc orwellien (abréviation pour English Socialism, idéologie officielle dans le monde de 1984 [expression de la pensée unique de Big Brother]) ne soit qu'une caricature in absurdo du régime socialiste (travailliste) de Mr. Attlee. Mais, plutôt que tyrannique, le régime de Mr. Attlee fut paternaliste (Cf. Paillot, op. cit.). Dans sa critique de 1984, Burgess prétend qu'Orwell a exprimé en fait la rancune ou du moins les sentiments ambigus de sa génération à l'égard de la politique intérieure anglaise de 1948 ("84" étant, rappelons-le, l'inverse de "48").

 

Ensuite, dit Burgess, 1984 nous présente un monde qui repose sur une seule motivation : la haine. Le fonctionnaire O'Brian y explique à ses victimes que le « grand et terrible but du Parti est un monde de peur et de trahison, de torture (...), un monde d'où toute notion de merci sera progressivement évacuée ». Selon Burgess, une telle société ne peut survivre et certainement pas à l'échelle mondiale. Aucun régime ne peut s'alimenter impunément à la seule source de la haine et de la trahison. Marc Paillot insiste sur ce point avec pertinence : « Le régime appelé Ingsoc (English Socialism ?) dont le but n'est même plus le pouvoir mais d'infliger la souffrance ne peut être, même dans le cas de 1984, qu'une aberration temporaire. Ing­soc n'est dans ce sens, non une représenta­tion de la Puissance, mais, n'en représente qu'une métaphore » (op.cit.).

 

AnthonyBurgess_1985.jpgBurgess critique également la division du monde en trois blocs ou zones de puissance qui apparaît dans le 1984 d'Orwell. Il déclare cette vision irréaliste. Pour les lecteurs de Vouloir et Orientations habitués à l'argumentation géopolitique, bornons-nous à constater, ici, que George Orwell imaginait, à l'aube des années 50, qu'une superpuissance eurasiatique (le bloc imaginé par Haushofer, Niekisch et les si­gnataires du Pacte germano-soviétique d'août 1939) allait se constituer pour défier le Nouveau Monde et l'Océania thalassocrati­que, c'est-à-dire les États-Unis avec leur arrière-cour sud-américaine et le Common­wealth.

 

Mais, il nous apparaît légitime de poser à Burgess quelques questions critiques quand il nous expose son scepticisme en analysant le rôle joué par les mass-media dans la contre-­utopie orwellienne. Selon Orwell, les mass­media serviraient le grand dessein des dictatures réelles ou potentielles. Pourtant, dit Burgess, au lieu de voir les traits sérieux et sévères de Big Brother sur nos petits écrans, nous sommes contraints de subir d'interminables successions de spots publicitaires (M.Paillot, op.cit.). Bien qu'il admette que la société de consommation soit une forme moderne de tyrannie - nous dirions plutôt qu'il s'agit d'un totalitarisme doux et tiède - Marc Paillot reprend la critique de Burgess : Orwell s'est, d'après eux, complètement trompé dans ce domaine.

 

Que faut-il en penser ? Lorsqu'on nous assène sans cesse au petit écran les images d'un Reagan qui, "Big Smile" hollywoodien en prime, nous impose les vues de l'élite puritaine et droitière américaine ; lorsqu'on nous assène sans cesse les sourires mielleux d'un Karol Woytila qui, célibataire par la force des choses, prétend enseigner à ses ouailles comment vivre en mariage ; lorsqu'on nous assène sans cesse des feuilletons débiles et des spots publicitaires de même acabit, n'avons-nous pas affaire à autant de masques différents du Big Brother ? Diversité sans doute plus dangereuse que la monotonie que subissent les Est-Européens, saturés des photos retouchées de Staline, Brejnev, Andropov ou Gorbatchev.

 

« Le monde moderne exige notre argent et non point notre âme », écrit Paillot. Entendons par là que le consumérisme et les valeurs marchandes, souverains "-ismes" d’aujourd’hui, ne sollicitent pas particulièrement ce qu'il y a de meilleur en l'homme. La société de consommation enterre l'âme des peuples sous l'argent et les gadgets. Ces funérailles, accompagnées des rythmes saccadés des hit-parades truqués et des bénédictions reagano-papales, n'ont pas lieu à Disneyland, mais bien EN chacun d'entre nous.

 

Comme l'indique Paillot dans sa remarquable étude des romans dystopiques de Burgess, en tant qu'individus, nous sommes impuissants face à la marée consumériste comme face aux régimes carcéraux de l'Est. La seule possibilité de combattre avec succès le marxisme-léninisme dégénéré en apparatchnikisme gérontocratique et l'angélisme rose-­bonbon du libéralisme hollywoodien, c'est de recourir aux consciences populaires euro­péennes, vieilles de plusieurs millénaires. Cette renaissance-là nous est suggérée, notamment, par notre ami Guillaume Faye. Qui a su, de manière plus poignante que lui, réclamer une telle révolution ?

 

1984... Et après ? Après, il y a 1984 1/2. Tel aurait dû être le titre du film Brazil, une production d'un membre du désopilant groupe Monty Python (Brian's Life, The Holy Grail, etc...). Ce film demeure dans la ligne de The Meaning of Life, création du même groupe ; il est une critique particulièrement féroce à l'adresse de la société occidentale.

 

Au premier abord, Brazil nous apparaît défaitiste. En réalité, ce film est une sonnette d'alarme. En effet, Brazil nous montre, non sans humour et par le biais des péripéties étranges que vit le héros central, que l'ennemi à combattre immédiatement est à l'intérieur de nous-mêmes. Car c'est là qu'agit l'Hydre des solutions faciles, de la servitude, de la banalité et de l'auto-­destruction. Dans ce film, les forces qu'il s'agit de réanimer et d'opposer à l'engloutissement lent mais certain dans le bain tiède que nous préparent prédicateurs (hypocrites) des droits de l'homme et multinationales, ne sont autres que l'imagination et la puissance créatrice. Rappelant par là le chef-d’œuvre de Michael Ende, Unendliche Geschichten, l'auteur du film semble vouloir démontrer que la régénération nécessaire de l'homme moderne doit passer par là, et que ces forces ne sont pas encore anéanties. Loin de là. Tant que l'amour et le Reinmenschliches (le pur-humain) existeront, il restera une lueur d'espoir dans ce monde sinistre que nous présente finalement Brazil. L'œuvre de Burgess s'inscrirait, selon Paillot, dans la même ligne, tandis que chez Orwell, toute notion d'amour ferait défaut.

 

Le film ne connaît pas de happy end : sans doute pour nous montrer à quel point nous avons le couteau sur la gorge. Tous les critiques de cinéma, trop spécialistes peut-­être, sont d'accord pour définir le per­sonnage principal comme le type même du anti-héros moderne. Je crois au contraire que ce personnage mérite le titre de héros à part entière, comme bon nombre de héros légendaires. Ne s'agit-il pas d'un reiner Tor (un fou pur, à la Parzifal), déplace dans un scénario futuriste ? Tous ses actes, ses mouvements et ses paroles s'inscrivent dans l'innocence d'une nouvelle jeunesse non préparée par et pour cette société de consommation hypocrite où se déroule Brazil. Il ne sera pourtant pas couronné Roi de la Table Ronde ou Maître du Graal renouvelé : per son sacrifice qui marque la fin du film, il espère éveiller notre conscience humaine. La mélodie qui continue après la fin du film n'est-elle pas la torche enflammée d'une force créatrice et d'une imagination ressuscitées, torche que le héros de l'écran remet à chaque spectateur ?

 

1984 1/2... Et après ? Après : 1985. Dans 1985, la contre-utopie d'Anthony Bur­gess, en quelque sorte sa version à lui de 1984, nous est décrite une Angleterre chaotique et entièrement dirigée par un syndicalisme tout-puissant. En cela, Burgess s'est sans doute basé sur la réelle puissance des syndicats britanniques (les trade unions) dont témoignaient, il y a peu, les grèves des mineurs.

 

Dans l'œuvre d'Orwell, les dirigeants transforment et falsifient sans cesse l'Histoire, falsifications qui passent ensuite par le canal des médias. Les chefs de 1985, eux, mettent tout en œuvre pour évacuer la conscience historique et les fondements culturels de la société pour mieux asservir la population, en grande partie d'origine arabe. Ici également, Burgess emprunte des éléments qui marquent la réalité anglaise actuelle, où les capitaux arabes [allusion aux « rois du pétrole »] jouent un rôle prépondérant. Les moyens mis en œuvre pour liquider toute conscience historique et culturelle dans les cerveaux du peuple sont d'ordre pédagogique, idéologique et linguistique.

 

Le niveau de l'enseignement est progressivement diminué. « Il est effectivement plus facile d'assujettir une population de semi­-illettrés que d'intellectuels ou même de gens moyennement cultives », écrit Marc Paillot. Heureusement que pareille chose ne puisse se passer que dans l'imagination de quelques écrivains,..

 

Ensuite, l'histoire a été réduite à une étude du syndicalisme avec une double conséquence : primo, c'est un excellent moyen de propa­gande ("Regarde comme ils t'exploitaient avant qu'il n'existe des syndicats") et, se­cundo, cela empêchera, même à très court terme, la population d'imaginer que l'histoire fut peut-être autre chose qu'une longue et pénible évolution aboutissant tout naturellement à une forme de syndicalisme holiste (holistic syndicalism) ainsi que le suggère Marc Paillot.

 

Quant aux procédés linguistiques destinés à accélérer la soumission du peuple, il s'agit de transformations, de grossières simplifications syntaxiques. Cette nouvelle langue, le Worker's English n'est pas qu'un cauchemar dont il ne reste plus une trace à l'aube : sans vouloir entrer dans la problématique posée par l'invasion de mots et d'expressions anglo-saxonnes dans les autres langues, il suffit de citer un slogan publicitaire d'une chaîne belge de fast-food, au lecteur d'en juger : « Toi goûter nouveau shake ». Au seuil du XXIe siècle, l'homo occidentalis retourne dans les arbres.

 

Les excès de la "démocratisation", le nivellement par le bas généralisé, constituent les pires fléaux qui frappent le monde d’aujour­d'hui, remarque Paillot. Et a poursuit : « Nous avons déjà bien trop sacrifié sur l'autel de l'égalitarisme ».

 

C'est un exercice intellectuel assez vain de chercher ce qui est irréaliste dans les contre-utopies d'Orwell et de Burgess. Il est encore plus vain de les critiquer sous prétexte que tel ou tel détail ne s'est jamais concrétisé. L'important, c'est que cha­cune de ces œuvres réveille en nous l'instinct de survie propre à tous les êtres vivants. Avec cet instinct seul, nous pour­rons retrouver la conscience nécessaire qui nous aidera à briser les chaînes des totalitarismes de toutes natures. Avec une nouvelle conscience historique, comme avec notre âme, renaîtra, tel le phénix de ses cendres, la liberté sacrée et fondamentalement aristocratique dont ont besoin les peuples européens.

 

► Ralf  VAN DEN HAUTE, Vouloir n°21-22, sept. 1985.

 

Bibliographie complémentaire :

 

Anthony Burgess, 1985, Hutchinson, Lon­don, 1978. Edition de poche anglaise : Arrow Books, 1980/83.

Bernard Crick, Georges Orwell, une vie, Balland, Paris, 1982. Une des plus célèbres biographies d'Orwell. Une édition de poche est également disponible.

Mark R. Hillegas, The Future as Night-mare : HG Wells and the Anti-Utopians, Southern Illinois University Press, Carbondale and Edwardsville, 1967. Un des meilleurs ouvrages en anglais sur la littérature "dystopique".

 

mercredi, 27 janvier 2010

Saint Chesterton, riez pour nous !

Saint Chesterton, riez pour nous !

Dieu : la preuve par l’Absurde

Ex: http://www.causeur.fr

g-k-chesterton

Puisque la mode est aux béatifications, j’en ai une bien bonne à vous raconter ! En plus, celle-là n’a guère été médiatisée, et pour cause : Gilbert K. Chesterton n’a pas été pape de 1939 à 1945. Primo, la place était prise ; deuxio les papes anglais, ça se fait plutôt rare ces deux mille dernières années ; et puis de toute façon, l’intéressé était mort depuis trois ans.
Accessoirement, la cause de béatification de Gilbert n’en est qu’à ses tout débuts. C’est seulement l’été passé que le Chesterton Institute a eu l’idée de l’introduire auprès du Vatican, à l’issue d’un colloque judicieusement intitulé  “The Holiness of Gilbert K. Chesterton“.
La nouvelle fut annoncée au monde ébahi le 14 juillet dernier par Paolo Giulisano, auteur de la première biographie en italien de mon écrivain ultra-mancien préféré1.

Il y raconte comment Pie XI avait réagi à l’annonce du décès de Chesterton (par la plume de son secrétaire d’Etat Eugenio Pacelli, encore lui !) Bref le pape Ratti déplorait, dans son message de condoléances, la perte de ce “fils fervent de la Sainte Eglise, brillant défenseur des bienfaits de la foi catholique.”

C’était seulement la deuxième fois dans l’Histoire qu’un pontife décernait ce titre, jadis prestigieux, de “défenseur de la foi” à un Anglais. Et encore, rappelle malicieusement Giulisano, la première fois ce ne fut pas un succès : ça concernait Henry VIII, peu avant qu’il n’invente sa propre Eglise pour des raisons de convenance personnelle2.

Le chemin de Chesterton fut exactement inverse : élevé dans le protestantisme pur porc, marié à une “high anglican“, il n’a cessé de se rapprocher du catholicisme jusqu’à s’y convertir.
Dès ses jeunes années de journaliste, Gilbert s’exerça à dézinguer tour à tour les penseurs organiques de la société anglicano-victorienne : Kipling, Wells, G.-B. Shaw et leur “monde rapetissé”.
En 1901, il publie ses chroniques dans un recueil aimablement intitulé Hérétiques. Pourtant, il ne sortira lui-même officiellement de cette hérésie dominante, en se faisant baptiser, qu’à 40 ans passés… Le temps sans doute de peser la gravité d’une telle apostasie, et surtout de ménager son épouse – qui le suivra un an plus tard dans cette conversion. Happy end !

Dans l’intervalle, il avait quand même publié Orthodoxie, son Génie du christianisme à lui, en moins chiant quand même. Ce Credo iconoclaste, si l’on ose dire, fut sa réponse à une question mille fois entendue, genre : “C’est bien beau de tout critiquer, mais tu proposes quoi, petit con ?” (Gilbert avait 27 ans à la parution d’Hérétiques.) Une réponse en forme de pamphlet prophétique et drôle qui à coup sûr, un siècle plus tard, a moins vieilli que l’avant-dernier Onfray.
Je ne saurais trop recommander la lecture de ce chef-d’œuvre d’humour et d’amour – y compris à ceux d’entre vous qui n’ont “ni Dieu ni Diable”, comme disait ma grand-mère3. Après tout, les amateurs de films de vampires ne croient pas tous à l’existence de ces fantômes suceurs de sang…

Je reviendrai volontiers, à l’occasion, sur l’apologétique chestertonienne, pour peu qu’Elisabeth Lévy m’en prie… Mais pour aborder le bonhomme, dont toute l’œuvre n’a d’autre but que de mettre l’esprit au service de l’Esprit, il semble plus raisonnable de commencer par le “e” minuscule. Surtout sur un site comme Causeur – laïc et gratuit, faute hélas d’être obligatoire.

Journaliste, essayiste et romancier, “confesseur de la Foi” et auteur de polars, Chesterton fut d’abord, dans toutes ces entreprises, un incomparable théoricien mais aussi praticien du Rire (contrairement à l’ami Bergson, qui rit quand il se brûle4).
Ainsi, dans Le Défenseur5, publié la même année qu’Hérétiques, consacre-t-il un chapitre à la “Défense du nonsense”. Est-ce à dire que sa foi relève elle-même du nonsense ?

La réponse est oui à toutes les questions ! Ce punk, figurez-vous, n’hésite pas à justifier un paradoxe par un jeu de mots. Le fou, le vrai, nous dit-il, ce n’est pas comme dans le dico l’homme qui a perdu la raison ; c’est “celui qui a tout perdu sauf la raison”.
Le nonsense au sens de l’oncle Gilbert, c’est le contraire de la folie : une des façons les plus sensées, pour nous autres pauvres créatures – peut-être même pas créées ! – d’assumer notre condition. Et d’abord notre incapacité naturelle à “comprendre” l’Univers qui nous inclut. Il ferait beau voir, n’est ce pas, qu’un contenu explique son contenant !
Mais Chesterton ne plaisante pas avec le nonsense. N’allez pas, par exemple, lui parler de Lewis Carroll ! Son Alice au Pays des Merveilles relève tout juste de l’ ”exercice mathématique”. Loin d’abjurer la foi en la déesse Raison, il en intègre tous les principes. Ses fantaisies millimétrées ne sont pas un moyen d’évasion : juste la cour de la prison !

Le vrai nonsense selon G.K., il faut aller le chercher chez Edward Lear (1812-1888), passé d’extrême justesse à la postérité grâce à ses Nonsense poems6. Pourtant, au temps de Chesterton déjà, ce ouf malade était bien démodé, quand “Alice” avait commencé de s’imposer comme la Bible du nonsense.
Eh bien, Gilbert s’en fout : la différence irréductible, explique-t-il, c’est que les limericks de Lear ne riment littéralement à rien – même si leur versification, elle, a la rigueur métronomique d’une nursery rhyme. Et si l’ensemble donne une idée de l’Absolu, c’est qu’il n’est relatif à rien de particulier : ouvert comme un Oulipo en plein air.

Bien sûr la lettre en est inaccessible, et plus encore au lecteur non anglophone. Reste l’esprit, qui n’en est que plus libre.
Un exemple ? Mais bien volontiers : à la demande générale, laissez-moi “traduire” les premiers vers de Cold are the crabs, un des plus beaux poèmes du roi Lear 7. Ça m’a pris plus d’une heure pour un quatrain, alors doucement les basses ! De toute façon, je ne risque rien : personne n’a jamais pu faire le job convenablement, même Google !

Faute de “sens” conventionnel, que traduire exactement ? Rien. A sa façon, le learisme est un darwinisme : adapt or die ! Voici donc mon adaptation de Cold are the crabs8 (on considérera comme muets, par licence poétique, les “e” qui figurent entre parenthèses) :
“Froids sont les crab(e)s qui rampent sur nos monts,
Et plus froids les concombr(e)s qui poussent tout au fond ;
Mais plus froides encor(e) les menteries cyniques
Qui emballent nos trist(e)s pilules philosophiques.”

Comment ça, je ne suis pas fidèle au texte ? Mais qui êtes-vous pour parler de contre-sens dans l’adaptation d’un nonsense ? Bien sûr, là où j’écris “menteries cyniques”, Google préfère traduire littéralement “côtelettes d’airain”. Du coup ça vous prend une consonance surréaliste, et ça perd tout sens.

Or, pour notre ami Gilbert, le vrai nonsense a un sens, et c’est précisément que le sens de la vie nous est caché ! On ne peut y accéder qu’en passant par le “Royaume des Elfes”.

Pas les délires formatés à la Lewis Carroll ; plutôt les rêveries inspirées à la C.S. Lewis… Je sais : Chesterton n’a connu que l’un des deux, et moi aucun. Mais à ce compte-là, qu’est ce qu’on fait de vous ?

En tout cas, ça serait con de se brouiller maintenant, surtout sans raison. Alors j’en ai trouvé une excellente : pinailler jusqu’au bout sur le sens du nonsense.
Deux erreurs de perspective, plutôt courantes ces derniers siècles, consistent d’un même mouvement à naturaliser le surnaturel et à surnaturaliser le naturel. Grâce au nonsense, prêche le père Gilbert, sortons enfin de ce cercle vicieux !
Admettons-le une fois pour toutes en souriant : quelque chose ici-bas nous dépasse ! “Et si les plus vieilles étoiles n’étaient que les étincelles d’un feu de joie allumé par un enfant ?”


Les enquêtes du Père Brown
Gilbert Keith Chesterton
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  1. Et encore, il la partage avec l’excellent Hilaire Belloc (”Chesterton & Belloc : Apologia e Profezia”, Ed. Ancora).
  2. Du temps de son “Adversus Lutherum”, qui fait toujours autorité.
  3. Maternelle. L’autre était athée.
  4. Et encore, au deuxième degré !
  5. Un des noms de Dieu dans la Bible.
  6. Que Chesterton et son pote Hilaire ont même tenté d’imiter ; mais on ne peut pas être doué pour tout, n’est ce pas ? Moi-même, etc.
  7. D’après moi.
  8. Cold are the crabs that crawl on yonder hills,
    Colder the cucumbers that grow beneath,
    And colder still the brazen chops that wreathe
    The tedious gloom of philosophic pills
    !

samedi, 23 janvier 2010

Wyndham Lewis

Wyndham Lewis

Percy Wyndham Lewis, 1882 - 1957

Percy Wyndham Lewis, 1882 - 1957

Percy Wyndham Lewis is credited with being the founder of the only modernist cultural movement indigenous to Britain. Nonetheless, he is seldom spoken of in the same breath as his contemporaries, Ezra Pound, James Joyce, T. S. Eliot, and others. Lewis was one of the number of cultural figures who rejected the bourgeois liberalism and democracy of the nineteenth century that descended on the twentieth. However, in contradiction to many other writers who eschewed democracy, liberalism, and “the Left,” Lewis also rejected the counter movement towards a return to the past and a resurgence of the intuitive, the emotional and the instinctual above the intellectual and the rational. Indeed, Lewis vehemently denounced D. H. Lawrence, for example, for his espousal of instinct above reason.

Lewis was an extreme individualist, whilst rejecting the individualism of nineteenth Century liberalism. His espousal of a philosophy of distance between the cultural elite and the masses brought him to Nietzsche, although appalled by the popularity of Nietzsche among all and sundry; and to Fascism and the praise of Hitler, but also the eventual rejection of these as being of the masses.

Born in 1882 on a yacht off the shores of Nova Scotia, his mother was English, his father an eccentric American army officer without income who soon deserted the family. Wyndham and his mother arrived in England in 1888. He attended Rugby and Slade public schools both of which obliged him to leave. He then wandered the art capitals of Europe and was influenced by Cubism and Futurism.

Wyndham Lewis, "Timon of Athens"

Wyndham Lewis, "Timon of Athens"

In 1922, Lewis exhibited his portfolio of drawings that had been intended to illustrate an edition of Shakespeare’s Timon of Athens, in which Timon is depicted as a snapping puppet. This illustrated Lewis’ view that man can rise above animal by a classical detachment and control, but the majority of men will always remain as puppets or automata. Having read Nietzsche, Lewis was intent on remaining a Zarathustrian type figure, solitary upon his mountain top far above the mass of humanity.

Vortex

Lewis was originally associated with the Bloomsbury group, the pretentious and snobbish intellectual denizens of a delineated area of London who could make or break an aspiring artist or writer. He soon rejected these parlor pink liberals and vehemently attacked them in The Apes of God. This resulted in Lewis largely being ignored as a significant cultural figure from this time onward. Breaking with Bloomsbury’s Omega Workshop, Lewis founded the Rebel Art Centre from which emerged the Vorticist movement and their magazine Blast. Signatories to the Vorticist Manifesto included Ezra Pound, French sculptor Henri Gaudier-Brzeska, and painter Edward Wadsworth.

Pound who described the vortex as “the point of maximum energy” coined the name Vorticism. Whilst Lewis had found both the stasis of Cubism and the frenzied movement of Futurism interesting, he became indignant at Mannetti’s description of him as a Futurist and wished to found an indigenous English modernist movement. The aim was to synthesis cubism and futurism. Vorticism would depict the static point from where energy arose. It was also very much concerned with reflecting contemporary life where the machine was coming to dominate, but rejected the Futurist romantic glorification of the machine.

Both Pound and Lewis were influenced by the Classicism of the art critic and philosopher T. E. Hulme, a radical conservative. Hulme rejected nineteenth century humanism and romanticism in the arts as reflections of the Rousseauian (and ultimately communistic) belief in the natural goodness of man when uncorrupted by civilization, as human nature infinitely malleable by a change of environment and social conditioning.

A definition of the classicism and romanticism, which are constant in Lewis’ philosophy, can be readily understood from what Hulme states in his publication Speculations:

Here is the root of all romanticism: that man, the individual, is an infinite reservoir of possibilities, and if you can so rearrange society by the destruction of oppressive order then these possibilities will have a chance and you will get progress. One can define the classical quite clearly as the exact opposite to this. Man is an extraordinarily fixed and limited animal whose nature is absolutely constant. It is only by tradition and organization that anything decent can be got out of him.

Wyndham Lewis, "Ezra Pound"

Wyndham Lewis, "Ezra Pound"

Lewis’s classicism is a dichotomy, classicism versus romanticism, reason versus emotion, intellect versus intuition and instinct, masculine versus feminine, aristocracy versus democracy, the individual versus the mass, and later fascism versus communism.

Artistically also classicism meant clarity of style and distinct form. Pound was drawn to the manner in which, for example, the Chinese ideogram depicted ideas succinctly. Hence, art and writing were to be based on terseness and clarity of image. The subject was viewed externally in a detached manner. Pound and Hulme had founded the Imagist movement on classicist lines. This was now superseded by Vorticism, depicting the complex but clear geometrical patterns of the machine age. In contradiction to Italian Futurism, Vorticist art aimed not to depict the release of energy but to freeze it in time. Whilst depicting the swirl of energy the central axis of stability dissociated Vorticism form Futurism.

The first issue of Blast describes Vorticism in terms of Lewis’ commitment to classicism:

Long live the great art vortex sprung up in the center of this town.
We stand for the reality of the Present-not the sentimental Future or the scarping Past . . .

We do not want to make people wear Futurist patches, or fuss people to take to pink or sky blue trousers . . .  Automobilisim (Marinetteism) bores us. We do not want to go about making a hullabaloo about motor cars, anymore than about knives and forks, elephants or gas pipes . . .  The Futurist is a sensational and sentimental mixture of the aesthete of 1890 and the realist of 1870.

In 1916 his novel Tarr was published as a monument to himself should he be killed in the war in which he served as a forward observation officer with the artillery. Here he lambastes the bohemian artists and literati exemplified in England by the Bloomsbury coterie:

Your flabby potion is a mixture of the lees of Liberalism, the poor froth blown off the decadent Nineties, the wardrobe-leavings of a vulgar bohemianism . . . . You are concentrated, highly-organized barley water; there is nothing in the universe to be said for you: any efficient state would confiscate your property, burn your wardrobe–that old hat and the rest–as infectious, and prohibit you from propagating.

A breed of mild pervasive cabbages has set up a wide and creeping rot in the West . . .  that any resolute power will be able to wipe up over night with its eyes shut. Your kind meantime make it indirectly a period of tribulation for live things to remain in your neighborhood. You are systematizing the vulgarizing of the individual: you are the advance copy of communism, a false millennial middle-class communism. You are not an individual: you have. I repeat, no right to that hair and to that hat: you are trying to have the apple and eat it too You should be in uniform and at work. NOT uniformly OUT OF UNIFORM and libeling the Artist by your idleness. Are you idle? The only justification of your slovenly appearance it is true is that it’s perfectly emblematic.

There is much of Lewis’ outlook expressed here, the detestation of the pseudo-individualistic liberal among the intelligentsia and his desire to impose order in the name of Art. In 1918, he was commissioned as an official war artist for the Canadian War Records Office. Here some of his paintings are of the Vorticist style, depicting soldiers as machines of the same quality as their artillery. Once again, man is shown as an automaton. However, the war destroyed the Vorticist movement, Hulme and Gaudier-Brzeska both succumbing, and Blast did not go beyond two issues.

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Wyndham Lewis, "A Battery Shelled" (1919)

In 1921, Lewis founded another magazine. Tyro: Review of the Arts. The title reflects Lewis’ view of man as automaton. Tyros are a mythical race of grotesque beings, all teeth and laughter. Satire is a major element of Lewis’ style. His exhibition “Tyros and Portraits” satirizes humanity.

The Code of a Herdsman

Lewis’ non-Nietzschean Nietzsechanism is succinctly put in an essay published in The Little Review in 1917, “The Code of a Herdsman.” Among the eighteen points:

In accusing yourself, stick to the Code of the Mountain. But crime is alien to a Herdsman’s nature. Yourself must be your Caste.

Cherish and develop side by side, your six most constant indications of different personalities. You will then acquire the potentiality of six men . . .  Each trench must have another one behind it.

Spend some of your time every day in hunting your weaknesses caught from commerce with the herd, as methodically, solemnly and vindictively as a monkey his fleas. You will find yourself swarming with them while you are surrounded by humanity. But you must not bring them up on the mountain . . .

Do not play with political notions, aristocratisms or the reverse, for that is a compromise with the herd. Do not allow yourself to imagine a fine herd though still a herd. There is no fine herd. The cattle that call themselves ‘gentlemen’ you will observe to be a little cleaner. It is merely cunning and produced by a product called soap . . .

Be on your guard with the small herd of gentlemen. There are very stringent regulations about the herd keeping off the sides of the mountain In fact your chief function is to prevent their encroaching. Some in moment of boredom or vindictiveness are apt to make rushes for the higher regions. Their instinct fortunately keeps them in crowds or bands, and their trespassing is soon noted Contradict yourself. In order to live you must remain broken up.

Above this sad commerce with the herd, let something veritably remain “un peu sur la montagne” Always come down with masks and thick clothing to the valley where we work. Stagnant gasses from these Yahooesque and rotten herds are more dangerous than the wandering cylinders that emit them . . .  Our sacred hill is a volcanic heaven. But the result of the violence is peace. The unfortunate surge below, even, has moments of peace.

Fascism

Wyndham Lewis,<br> "The Artist's Wife, Froanna"

Wyndham Lewis, "The Artist's Wife, Froanna"

Poverty dogged Lewis all his life. He, like Pound, looked for a society that would honor artists. Like Pound and D. H. Lawrence, he felt that the artist is the natural ruler of humanity, and he resented the relegation of art as a commodity subject to the lowest denominator to be sold on a mass market.

Lewis’s political and social outlook arises form his aesthetics. He was opposed to the primacy of politics and economics over cultural life. His book The Art of Being Ruled in 1926 first details Lewis’s ideas on politics and a rejection of democracy with some favorable references to Fascism.

Support for Fascism was a product of his Classicism, hard, masculine, exactitude, and clarity. This classicism prompted him to applaud the “rigidly organized” Fascist State, based on changeless, absolute laws that Lewis applied to the arts, in opposition to the “flux” or changes of romanticism.

Lewis supported Sir Oswald Mosley’s British Fascist movement, and Mosley records in his autobiography how Lewis would secretly arrange to meet him. However, Lewis was open enough to write an essay on Fascism entitled “Left wing” for British Union Quarterly, a magazine of Mosley’s British Union of Fascists, which included other well-known figures in its columns, such as the tank warfare specialist General Fuller, Ezra Pound, Henry Williamson, and Roy Campbell. Here Lewis writes that a nation can be subverted and taken over by numerically small groups. The intelligentsia and the press were doing this work of subversion with a left wing orientation. Lewis was aware of the backing Marxism was receiving from the wealthy, including the millionaire bohemians who patronized the arts. Marxist propaganda in favor of the USSR amounted to vast sums financially. Marxism is a sham, a masquerade in its championship of the poor against the rich.

That Russian communism is not a war to the knife of the Rich against the Poor is only too plainly demonstrated by the fact that internationally all the Rich are on its side. All the magnates among the nations are for it; all the impoverished communities, all the small peasant states, dread and oppose it.

That Lewis is correct in his observations on the nature of Marxism is evidenced by the anti-Bolshevist stance of Portugal and Spain for example, while Bolshevism itself was funded by financial circles in New York, Sweden, and Germany; the Warburgs, Schiff, and Olaf Aschberg the so-called “Bolshevik Banker.”

Lewis concludes his brief article for the BUF Quarterly by declaring Fascism to be the movement that is genuinely for the poor against the rich, who are for property whilst the “super-rich” are against property, “since money has merged into power, the concrete into the abstract . . . ”

You as a Fascist stand for the small trader against the chain store; for the peasant against the usurer: for the nation, great or small, against the super-state; for personal business against Big Business; for the craftsman against the Machine; for the creator against the middleman; for all that prospers by individual effort and creative toil, against all that prospers in the abstract air of High Finance or of the theoretic ballyhoo of internationalisms.

Nonetheless, Lewis had reservations about Fascism just as he had reservations about commitment to any doctrine. For him the principle of action, of the man of action, becomes too much of a frenzied activity, where stability in the world is needed for the arts to flourish. He states in Time and Western Man that Fascism in Italy stood too much for the past, with emphasis on a resurgence of the Roman imperial splendor and the use of its imagery, rather than the realization of the present. As part of the “Time cult,” it was in the doctrinal stream of action, progress, violence, struggle, of constant flux in the world, that also includes Darwinism and Nietzscheanism despite the continuing influence of the latter on Lewis’s own philosophy.

Wyndham Lewis,<br> "The Apes of God" (1930)

Wyndham Lewis, "The Apes of God" (1930)

An early appreciation entitled Hitler was published in 1931, sealing Lewis’ fate as a neglected genius, despite his repudiation of both anti-Semitism in The Jews, Are They Human? and Nazism in The Hitler Cult both published in 1939.

Well before such books, Lewis’ satirizing and denigration of the bohemian liberal Bloomsbury set had resulted in what his self-styled “literary bodyguard,” the poet and fellow “Rightist” Roy Campbell, calls a “Lewis boycott” “When life’s bread and butter depended on thinking pro-Red and to generate one’s own ideas was a criminal offence.”

Time and Space

A healthy artistic environment requires order and discipline, not chaos and flux. This is the great conflict between the “romantic” and the “classical” in the arts. This dichotomy is represented in politics and the difference between the philosophy of “Time” and of “Space,” the former of which is epitomized in the philosophy of Spengler. Unlike many others of the “Right,” Lewis was vehemently opposed to the historical approach of Spengler, critiquing his Decline of the West in Time and Western Man. To Lewis, Spengler and other “Time philosophers” relegated culture to the political sphere. The cyclic and organic interpretations of history are seen as “fatalistic” and having a negative influence on the survival of the European race.

Lewis does not concur with Spengler, who sees culture as subordinate to historical epochs that rise and fall cyclically as living organisms. “There is no common historical and cultural outlook representing any specific cycle, but many ages co-existing simultaneously and represented by various individuals.”

This time philosophy was in contrast to that of Space or the Spatial, and resulted in the type of ongoing change or flux that Lewis opposed. Lewis looked with reverence to the Greeks, who existed in the Present, which he regarded Spengler as disparaging, in contrast to the “Faustian” urge of Western Man that looked to “destiny.”

Democracy

Lewis’s antipathy towards democracy is rooted in his theory on Time. Of democracy, he writes in Men Without Art, “No artist can ever love.” Democracy is hostility to artistic excellence and fosters “box office and library subscription standards.” Art is however timeless, classical.

Democracy hates and victimizes the intellectual because the “mind” is aristocratic and offensive to the masses. Here again Lewis is at odds with others of the “Right,” with particular antipathy toward D. H. Lawrence. Again, it is the dichotomy of the “romantic versus the classical.”

Conjoined with democracy is industrialization, both representing the masses against the solitary genius. The result is the “herding of people into enormous mechanized masses.” The “mass mind . . .  is required to gravitate to a standard size to receive the standard idea.”

Wyndham Lewis, "Self-Portrait"

Wyndham Lewis, "Self-Portrait"

Democracy and the advertisement are part and parcel of this debasement and behind it all stands money, including the “millionaire bohemians” who control the arts. Making a romantic image of the machine, starting in Victorian times, is the product of our “Money-age.” His opposition to Italian Futurism, often mistakenly equated with Vorticism, derives partly from Futurism’s idolization of the machine. Vorticism, states Lewis, depicts the machine as befits an art that observes the Present, but does not idolize it. It is technology that generates change and revolution, but art remains constant; it is not in revolt against anything other than when society promotes conditions where art does not exist, as in democracy.

In Lewis’s satirizing of the Bloomsbury denizens, he writes of the dichotomy existing between the elite and the masses, yet one that is not by necessity malevolent towards these masses:

The intellect is more removed from the crowd than is anything: but it is not a snobbish withdrawal, but a going aside for the purposes of work, of work not without its utility for the crowd . . .  More than the prophet or the religious teacher, (the leader) represents . . .  the great unworldly element in the world, and that is the guarantee of his usefulness. And he should be relieved of the futile competition in all sorts of minor fields, so that his purest faculties could be free for the major tasks of intelligent creation.

Unfortunately, placing one’s ideals onto the plane of activity results in vulgarization, a dilemma that caused Lewis’s reservations towards Nietzsche. In The Art of Being Ruled Lewis writes that of every good thing, there comes its “shadow,” “its ape and familiar.”

Lewis was still writing of this dilemma in Netting Hill during the 1950s.
“All the dilemmas of the creative seeking to function socially center upon the nature of action: upon the necessity of crude action, of calling in the barbarian to build a civilizations.” This was of course the dilemma for Lewis in his early support for Hitler and for Italian Fascism.

Revolt of the Primitive

Other symptoms of the romantic epoch subverting cultural standards include the feminine principle, with the over representation of homosexuals and the effete among the literati and the Bloomsbury coterie; the cult of the primitive; and the “cult of the child,” that is closely related to the adulation of the primitive.

Female values, resting on the intuitive and emotional, undermine masculine rationality, the intellect–the feminine flux against the masculine hardness of stability and discipline. To Lewis revolutions are a return to the past. Feminism aims at returning society to an idealized primitive matriarchy. Communism aims at a returning to primitive forms of common ownership. The idolization of the savage and the child are also returns to the atavistic. The millionaire world and “High Bohemia” support these, as it does other vulgarizing revolutions. The supposedly outrageous, to Lewis, is tame.

Lewis’s book Paleface: The Philosophy of the Melting Pot inspired as a counter-blast to D. H. Lawrence, was written to repudiate the cult of the primitive, fashionable among the millionaire bohemians, as it had been among the parlor intellectuals of the eighteenth century; the Rousseauean ideal of the “return to nature” and the “noble savage.” Although D. H. Lawrence was writing of the primitive tribes to inspire a decadent European race to return to its own instinctual being, such “romanticism” is contrary to the classicism of Lewis, with its primacy of reason. In contradiction of Lawrence, Lewis states that,

I would rather have an ounce of human consciousness than a universe full of “abdominal” afflatus and hot, unconscious, “soulless” mystical throbbing.

Wyndham Lewis, <i>Blast</i>, no. 2

Wyndham Lewis, Blast, no. 2

In Paleface Lewis calls for a ruling caste of aesthetes, much like his friend Ezra Pound and his philosophical opposite Lawrence:

We by birth the natural leaders of the white European, are people of no political or public consequence any more . . .  We, the natural leaders of the world we live in, are now private citizens in the fullest sense, and that world is, as far as the administration of its traditional law of life is concerned, leaderless. Under these circumstances, its soul, in a generation or so, will be extinct.

Lewis opposes the “melting pot” where different races and nationalities are becoming indistinguishable. Once again, Lewis’ objections are aesthetic at their foundation. The Negro gift to the white man is jazz, “the aesthetic medium of a sort of frantic proletarian subconscious,” degrading, and exciting the masses into mindless energy, an “idiot mass sound” that is “Marxistic.”

Compulsory Freedom

By the time Lewis wrote Time and Western Man he believed that people would have to be “compelled” to be free and individualistic. Reversing certain of his views espoused in The Art of Being Ruled, he now no longer believed that the urge of the masses to be enslaved should be organized, but rather that the masses will have to be compelled to be individualistic.

I believe they could with advantage be compelled to remain absolutely alone for several hours every day and a week’s solitary confinement, under pleasant conditions (say in mountain scenery), every two months would be an excellent provision. That and other coercive measures of a similar kind, I think, would make them much better people.

Return to Socialist England

In 1939, Lewis and his wife went to the USA and on to Canada where Lewis lectured at Assumption College, a situation that did not cause discomfort, as he had long had a respect for Catholicism although not a convert. Lewis as a perpetual polemicist began a campaign against extreme abstraction in art, attacking Jackson Pollock and the Expressionists.

Lewis returned to England in 1945, and despite being completely blind by 1951 continued writing, in 1948 his America and Cosmic Man portrayed the USA as the laboratory for a coming new world order of anonymity and utilitarianism. He also received some “official” recognition in being commissioned to write two dramas for BBC radio, and becoming a regular columnist for The Listener.

A post-war poem, So the Man You Are autobiographically continues to reflect some of Lewis’ abiding themes; that of the creative individual against the axis of the herd and “High Finances”:

The man I am to blow the bloody gaff
If I were given platforms? The riff-raff
May be handed all the trumpets that you will.
No so the golden-tongued. The window sill
Is all the pulpit they can hope to get.

Lewis had been systematically stifled since before World War I when he broke with the Bloomsbury wealthy parlor Bolsheviks who ruled the cultural establishment in Britain. Lewis continued with “Herdsman’s principles of eschewing both Bolshevism and Plutocracy, staying above the herd in solitude”:

What wind an honest mind advances? Look
No wind of sickle and hammer, of bell and book,
No wind of any party, or blowing out
Of any mountain blowing us about
Of High Finance, or the foot-hills of same.
The man I am he who does not play the game!

Lewis felt that “everything was drying up” in England, “extremism was eating at the arts and the rot was pervasive in all levels of society.” He writes of post-war England:

This is the capital of a dying empire–not crashing down in flames and smoke but expiring in a peculiar muffled way.

Wyndham Lewis,<br> Portrait of Edith Sitwell

Wyndham Lewis, "Portrait of Edith Sitwell"

This is the England he portrays in his 1951 novel Rotting Hill (Ezra Pound’s name for Netting Hill) where Lewis and his wife lived. The Welfare State symbolizes a shoddy utility standard in the pursuit of universal happiness. Socialist England causes everything to be substandard including shirt buttons that don’t fit the holes, shoelaces too short to tie, scissors that won’t cut, and inedible bread and jam. Lewis seeks to depict the socialist drabness of 1940s Britain.

Unlike most of the literati, who rebelled against Leftist dominance in the arts, Lewis continued to uphold an ideal of a world culture overseen by a central world state. He wrote his last novel The Red Priest in 1956. Lewis died in 1957, eulogized by T. S. Eliot in an obituary in The Sunday Times: “a great intellect has gone.”

Chapter 8 of K. R. Bolton, Thinkers of the Right: Challenging Materialism (Luton, England: Luton Publications, 2003).

mercredi, 13 janvier 2010

L'insegnamento della Costituzione di Fiume

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L'insegnamento della Costituzione di Fiume

 

Giorgio Emili - Articoli

Scritto da Giorgio Emili   

Ex: http://www.area-online.it/ 

La politica si spezza il cuore a forza di predicozzi e buoni sentimenti, nell’era del conflitto sociale.
La Costituzione dovrebbe fare da collante e i valori in essa contenuti dovrebbero essere totalmente condivisi. La realtà, come bene abbiano visto, è un’altra: addirittura opposta. Lo scontro è aperto, i valori non sono condivisi, aleggia da decenni l’idea non dichiarata di una parte giusta che ha vinto e che reca in sé tutto il bene possibile.

La Costituzione italiana – serve parlar chiaro -  in molte parti nasconde questa realtà.
Per molti aspetti continua a essere la Costituzione del dissenso, prodotta da una frattura della storia italiana.
Le istituzione cercano, giustamente, di evidenziare le note concilianti, il sapore pieno di salvaguardia della democrazia e dei valori innati. L’evidenza dei fatti e la scarsa considerazione, da parte dei comuni cittadini, del tessuto della nostra Costituzione (certo, quanti la conoscono realmente?, quanti hanno approfondito le sue norme?) testimoniano che il passo decisivo verso la reale distensione degli animi non è ancora compiuto. Del resto perché tanti tentativi di riforma, perché tante dichiarazioni sulla necessità di un suo adeguamento?
La fiducia nella Costituzione ha, da sempre, sopito il conflitto, rasserenato gli animi, colmato i buchi di ogni possibile deriva. Questo però, a quanto pare, non basta. Fiducia cieca nella Costituzione, ci mancherebbe, ma è bello ricordare che esiste (è esistito) un modello costituzionale diverso (e per certi versi controverso) che ha un filo conduttore invidiabile.
Da uno scritto di Achille Chiappetti abbiamo scoperto una felice ricostruzione della Carta del Carnaro, la Costituzione di Fiume.
«Lo Statuto della Reggenza italiana del Carnaro, promulgato l’8 settembre del 1920, costituisce da sempre – scrive Chiappetti - un angolo oscuro quasi perduto della coscienza costituzionale del nostro Paese. Il suo testo predisposto dal socialista rivoluzionario Alceste De Ambris rappresenta infatti un insieme di estrema modernità e di inventiva anticipatoria di quelli che sarebbero stati i successivi sviluppi dell’organizzazione economica dello Stato fascista e delle democrazie moderne. Il suo impianto – spiega - fondato sul sistema corporativo e sul valore del lavoro produttivo, come fondamento dell’eguaglianza e della libertà, nonché sul non riconoscimento della proprietà se non come funzione sociale, costituisce un modello che e stato troppo spesso dimenticato». Ma la parte più affascinante di quelle considerazioni sullo statuto fiumano riguarda l’analisi di singole norme, soprattutto se confrontate con le attuali della nostra Costituzione.
«La Reggenza riconosce e conferma la sovranità di tutti i cittadini  - dice lo Statuto -, senza distinzione di sesso, di stirpe, di lingue, di classe, di religione». «Amplia ed innalza e sostiene sopra ogni altro diritto i diritti dei produttori». Ancora: «La Reggenza si studia di ricondurre i giorni e le opere verso quel senso di virtuosa gioia che deve rinnovare dal profondo il popolo finalmente affrancato da un regime uniforme di soggezione e di menzogne». Si respira  - chiosa Achille Chiappetti - «un aria di positività e di concordia quasi da costituzione statunitense e non il clima di tensione e scontro che risuona nelle prime parole della nostra Carta repubblicana».
Le conclusioni hanno forte sapore dannunziano e meritano di essere segnalate. Si innalza, infatti, su tutti l’articolo XIV della Carta del Carnaro: «La vita è bella e degna che veramente e magnificamente la viva l’uomo rifatto intiero dalla libertà».
«È nello Statuto fiumano, dunque, che e possibile trovare l’ispirazione per un concetto di socialità posto in maniera differente e del tutto a-conflittuale che meriterebbe di essere ripreso per dare forza ad un nuovo risorgimento italiano».
Ecco. La felicita nella nostra Costituzione non c’è – dice Chiappetti - . E non solo lui.

mardi, 12 janvier 2010

Quis contra nos? Gabriele d'Annunzio et la Marche sur Fiume

d'aannn.jpgPeter VERHEYEN:

Quis contra nos?

Gabriele d’Annunzio et la Marche sur Fiume

 

Dans l’histoire, nous trouvons bon nombre de figures difficilement classables dans une catégorie proprette et bien définie. Elles nous apprennent que les clivages entre la gauche et la droite, entre le conservatisme et le progressisme ne sont finalement que des clivages entre « concepts conteneurs » aux contours médiocrement balisés, que l’on peut sans doute appliquer aux politicards sans intérêt qui sévissent de nos jours mais qui n’ont aucune pertinence dans la réalité, en dehors des tristes et inutiles baraques à parlottes que sont devenus les parlements. Gabriele d’Annunzio est l’exemple d’un penseur original, de la trempe de ceux que l’on ne rencontre pas tous les jours. Ce poète excentrique, cet aviateur et ce révolutionnaire demeure, encore de nos jours, une personnalité dont on peut s’inspirer ; ce n’est donc pas un hasard si son portrait orne un certain mur de la « Casa Pound » de Rome, le magnifique squat occupé aujourd’hui par des nationaux révolutionnaires dans la capitale italienne. Sa Marche sur Fiume en septembre 1919 et l’occupation de la ville qui s’ensuivit et dura quinze mois, n’a pas seulement été une entreprise toute d’ardeur et de témérité : elle a donné le ton pour d’autres générations de nationalistes révolutionnaires, d’anarchistes et d’autres esprits libres de l’entre-deux-guerres et, même, d’époques ultérieures. Le concept de « Zone Temporaire Autonome », telle que décrite dans les travaux de l’anarchiste Hakim Bey, a finalement été traduit dans le réel, et pour la première fois, à Fiume. La ville est ainsi devenue un microcosme où les rêves les plus radicaux, quels qu’ils soient, ont reçu la chance de se développer. Il serait dès lors dommage de dénigrer la Marche sur Fiume comme un simple précédant de la Marche sur Rome de 1922.

 

Dès son plus jeune âge, d’Annunzio avait lu Shakespeare et Baudelaire et ses premiers pas de poète, il les a faits dans le sillage du poète italien Giosué Carducci. L’influence de Nietzsche fut grande chez lui et le leitmotiv du « surhomme » devint rapidement central dans son œuvre. Il en déduisit un rôle important à accorder à l’héroïsme. Il hissa le culte éthique de la beauté, propre de l’héritage latin antique, au-dessus des fausses valeurs de l’industrialisme et du matérialisme. Il se dressa contre le positivisme et proclama qu’il ne voulait plus entendre de « vérité » mais voulait, plus simplement, posséder un rêve. C’est en ces années de maturation que l’influence de Nietzsche se fit fortement sentir sur d’Annunzio : il en vint à prêcher l’avènement d’une aristocratie spirituelle, arme contre la morale bourgeoise, et à concentrer ses efforts pour faire advenir une ère nouvelle. Avant la première guerre mondiale, sa pensée avait influencé le mouvement futuriste mais le fondateur du futurisme, Tomaso Marinetti, considérait que d’Annunzio était un personnage appartenant au passé. Après avoir séjourné un certain temps en France, il revint en Italie en 1915, en suscitant un énorme intérêt et pour participer aux combats de la guerre. Il avait déjà 52 ans au moment où elle éclata mais cela ne l’empêcha pas de se porter volontaire pour commander une division de cavalerie et la mener au feu, contre les puissances centrales. Il acquis bien vite le statut de héros, notamment en lançant une attaque contre les tranchées ennemies, vêtu d’une longue cape flottante jetée sur ses épaules et armé seulement d’un pistolet. Autre geste héroïque qu’il convient de rappeler : il s’envola un jour, à bord d’un avion, pour lancer des tracts sur Vienne, ce qui lui permit d’obtenir la « médaille d’or », la plus haute décoration honorifique d’Italie.

 

Lors de la conférence préludant au Traité de Versailles en 1919, l’Italie exigea le port de Fiume. Mais le sort de la ville était scellé, semble-t-il. En Italie, un sentiment général prenait le dessus : celui de subir une « victoire mutilée », concept forgé par d’Annunzio lui-même. La situation était devenue explosive, d’autant plus que l’état de l’économie se détériorait considérablement, avec son cortège de millions de chômeurs et l’atmosphère prérévolutionnaire que cette misère impliquait.

 

Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France voulaient que Fiume fasse partie du nouvel Etat, né de Versailles : la Yougoslavie unitaire. Les alliés occidentaux occupent le port pour concrétiser leur volonté. En août 1919, les troupes italiennes sont contraintes de quitter la ville après quelques fusillades échangées avec des soldats français. Un petit groupe d’officiers, qui avaient dû quitter le port adriatique, s’est alors adressé à d’Annunzio, pour lui dire : « Nous l’avons juré : ou nous reprenons Fiume ou nous mourrons. Et que faites-vous pour Fiume ? ». Le 12 septembre 1919, pour répondre à ce défi, d’Annunzio, gravement malade, marche sur Fiume à la tête de deux mille légionnaires italiens, qui avaient déserté et s’étaient affublés de chemises noires ; leurs colonnes avancèrent en chantant « Giovinezza » et prirent la ville. Fiume était soudainement devenue le symbole de la liberté qui se dressait contre la lâcheté du temps. En fait, Fiume était devenue non seulement le symbole de la « victoire mutilée », qu’on essayait de réhabiliter, mais aussi le symbole de la « latinité ». En dehors de la ville, d’Annunzio rencontre le général italien Vittorio Emanuele Pittaluga, qui commandait les forces italiennes présentes devant la cité. Il donna l’ordre à d’Annunzio de faire demi-tour, mais le poète-soldat sortit son atout et lui montra fièrement ses médailles. Le général Pittaluga n’eut pas le cœur de faire tirer sur le héros. Ils entrèrent tous deux dans la ville sans qu’un seul coup de feu n’ait été tiré. Les alliés, abasourdis, furent contraints de quitter les lieux et d’Annunzio annonça  qu’il avait l’intention d’occuper la ville jusqu’à ce qu’elle soit annexée à l’Italie. Il prit le titre de « Commandante » et, quelques semaines plus tard, sept mille légionnaires supplémentaires et quatre cent marins vinrent renforcer ses effectifs.

 

Les légionnaires de d’Annunzio se prononçaient en faveur de la liberté des peuples opprimés et tournaient leurs regards vers les expériences du tout jeune régime soviétique. D’Annunzio entra également en contact avec Sean O’Kelly, le futur président de l’Irlande, qui représentait le « Sinn Fein » à Paris ; ensuite, avec des nationalistes égyptiens et avec les autorités soviétiques. Le 28 avril 1920, il met sur pied une « Ligue de Fiume » pour faire contrepoids à la « Société des Nations ». Vladimir Lénine citait d’Annunzio comme « l’un des rares révolutionnaires d’Italie », un compliment qu’il avait préalablement adressé à Mussolini. Ces faits nous montrent que les extrêmes se touchent effectivement, même si d’actuels bourgeois trotskisants ne l’admettront jamais.

 

La « Carta del Carnaro » : base de l’Etat Libre de Fiume

 

L’Etat Libre de Fiume reposait sur des idées proto-fascistes, sur des idées républicaines et démocratiques antiques et sur quelques formes d’anarcho-syndicalisme : en ce sens, il exprimait un éventail bigarré mais intéressant d’idées fortes, issues de trois sphères intellectuelles fort différentes. D’Annunzio et l’anarchiste national-syndicaliste Alceste de Ambris rédigèrent le 27 août 1920 la constitution de Fiume, intitulée « Carta del Carnero » ; elle hissait la musique au rang de principe cardinal de l’Etat. D’après Gabriele d’Annunzio, la musique est un langage rituel, disposant du pouvoir d’exalter les objectifs de l’humanité. Les idées développées dans cette « Carta del Carnero » étaient inspirées du syndicalisme, surtout de ses éléments corporatifs. Les principes d’autonomie, de production, de communauté et de corporatisme y étaient tous importants. Inspirés par l’antiquité, les libérateurs de Fiume firent de la Cité une république, avec un régent comme chef d’Etat, qui, comme sous la république romaine, devait diriger la Cité avec des pouvoirs dictatoriaux si l’époque était soumise à un danger particulièrement extraordinaire. Autre élément important : la décentralisation complète, afin de dégager le politique autant que possible du parlement et de le ramener sur la « piazza », sur la place publique, sur le forum, de façon à ce que les simples citoyens soient tous impliqués dans le fonctionnement de la politique de la cité.

 

Les méchantes langues diront que c’est là du populisme mais, en fait, cette disposition rappelait la démocratie antique où un droit civil positif incitait les citoyens à participer aux débats politiques. Le parlement ne recevait dans cette « Carta » qu’un rôle peu signifiant, tandis que neuf corporations, qui accueillaient l’ensemble des citoyens et étaient basées sur leurs activités économiques, étaient destinées à gouverner véritablement. On créa même une dixième corporation, pour souligner l’importance du facteur spirituel : « … elle sera réservée aux forces mystérieuses du progrès et de l’aventure. Elle sera une sorte d’offrande votive au génie de l’inconnu, à l’homme du futur, à l’idéalisation espérée du travail quotidien, à la libération de l’esprit de l’homme au-delà des efforts astreignants et de la sueur sanglante que nous connaissons aujourd’hui. Elle sera représentée dans le sanctuaire civique par une lampe allumée portant une ancienne inscription en toscan, datant de l’époque des communes, qui appelle à une vision idéale du travail humain ; « Fatica senza fatica » » (article 9, Carta del Carnero).

 

A côté de ces corporations, les citoyens et la commune se voient octroyer, eux aussi, un rôle important. Les citoyens obtiennent leurs droits politiques et civiques dès l’âge de 20 ans. Tous, hommes et femmes, reçoivent le droit de vote (1) et peuvent, par l’intermédiaire d’institutions législatives, lever l’impôt dans le but de mettre un terme à la lutte entre le travail et le capital. La commune, elle, était basée sur le « potere normativo », le « pouvoir normatif », c’est-à-dire le pouvoir de soumettre le législatif aux lois coutumières.

 

La marine de Fiume se nommait « les Uscocchi », d’après le nom de pirates disparus depuis longtemps et qui avaient vécu jadis dans les îles de l’Adriatique, pas très éloignées de Fiume, et prenaient pour proies les bateaux marchands vénitiens et ottomans. Les Uscocchi modernes ont permis ainsi à Fiume de s’emparer de quelques navires bien chargés et de s’assurer de la sorte une plus longue vie. Artistes, figures issues de la bohème littéraire, homosexuels, anarchistes, fuyards, dandies militaires et autres personnages hors du commun se rendirent par essaims entiers à Fiume.

 

Fiume fut une république bizarre et excentrique, que l’on peut aussi qualifier de « décadente ». Chaque matin, d’Annunzio y lisait ses poésies du haut de son balcon et, chaque soir, il organisait un concert, suivi d’un feu d’artifice. Dans la constitution, l’enseignement se voyait attribuer un grand rôle, avec usage fréquent de poésie, de littérature et de musique dans les classes (articles 50 à 54 de la « Carta del Carnero »). Cette légèreté et cette superficialité apparentes exprimaient surtout l’autonomie et la liberté, n’étaient pas signes de décadence. Cependant, les problèmes ne tardèrent pas à survenir : ils se sont manifestés par des divergences idéologiques. Au départ, d’Annunzio voulait rendre Fiume à l’Italie, avait agi pour que Rome annexe la ville portuaire adriatique mais ses compagnons légionnaires ne voyaient pas l’avenir de cette façon. D’Annunzio, tourmenté par le doute, a fini par renoncer, lui aussi, à son idée initiale.  L’un des corédacteurs de la constitution de Fiume, l’anarcho-syndicaliste Alceste de Ambris, plaidait pour une alliance entre les éléments fascistes de gauche et les révolutionnaires de gauche, mais elle ne se concrétisa jamais. L’objectif d’Alceste de Ambris était d’exporter la révolution de Fiume vers l’Italie toute entière mais, comme on le verra par la suite, Mussolini s’y opposait, tout en glissant petit à petit vers des options de droite. Cette mutation dans l’esprit de Mussolini, dira de Ambris, fera de lui « un instrument antirévolutionnaire aux mains de l’établissement bourgeois ».

 

La fin rapide de l’expérience insolite et originale que fut l’Etat Libre de Fiume vint au moment où Giolitti succéda à Nitti au poste de premier ministre en Italie. En novembre 1920, Giolitti signe à Rapallo un traité avec le nouvel Etat yougoslave. Ce traité fixe les frontières définitives entre les royaumes de Yougoslavie et d’Italie. Ce traité était à l’avantage de l’Italie : elle recevait l’Istrie, la région située à l’Est de la Vénétie ; Fiume devenait une ville-Etat indépendante. D’Annunzio, pour sa part, refusait de se retirer de Fiume ; Giolitti décida de faire donner l’armée pour le déloger. L’armée régulière prend la ville. Mussolini déclare : « maintenant l’épine enfoncée dans le flanc de Fiume est ôtée ; la rage de détruire, le feu de la destruction qui avait pris à Fiume n’a pas incendié l’Italie ni même le monde ». Lors des combats, commencés le 24 décembre 1920, il y eu 52 morts. Les trois mille hommes de d’Annunzio, après quatre jours de combat, se rendirent à l’armée régulière, forte de 20.000 hommes. L’Etat Libre de Fiume, qui fut éphémère, représente une révolte héroïque et passionnée contre la modération, incarnée par les autorités officielles de l’Italie. Même si l’on peut considérer que l’expérience de d’Annunzio était dès le départ condamnée à une fin prématurée, il faut dire que le souvenir de Fiume demeurera, comme un espoir général et comme source d’inspiration du futur fascisme.

 

D’Annunzio, effectivement, inspira Mussolini qui reprendra certains de ses emblèmes comme les chemises noires, oripeaux des combattants « arditi » de la première guerre mondiale, ces troupes de choc et d’élite de l’armée italienne ; Mussolini reprendra aussi une bonne part des us et de la terminologie de d’Annunzio. Mais tout cela n’était pas vraiment nouveau. Giuseppe Garibaldi, fondateur de l’Italie moderne, avait déclaré, en insistant, que les Italiens devaient s’habituer à l’idée de porter des chemises de couleur, car elles étaient le symbole de toutes les causes visant l’émancipation. Même le terme « fascio », d’où dérive le mot « fascisme » et qui signifie « groupe » ou « ligue », avait une longue tradition déjà dans la terminologie de la gauche italienne. En 1872, Garibaldi avait fondé un « fascio operaio », un « faisceau ouvrier », et, en 1891, apparaît un groupe d’extrême gauche qui a pour nom « Fascio dei Lavoratori », le « faisceau des travailleurs ». En dehors d’Italie, le mot « fascio » existe et exprime une idée de force, reprise par toutes sortes d’organisations politiques. A l’instar du futur fascisme, d’Annunzio exalte la violence et l’action héroïques et méprise le socialisme et le mode de vie bourgeois. Les marches de masse, dont la Marche sur Fiume fut le modèle initial, étaient considérées par les contemporains comme une réaction disciplinée, héroïque et collective contre le grand anonymat qu’imposait l’idéologie bourgeoise. La rébellion des jeunes hommes de gauche contre un socialisme perçu comme bourgeois et oppresseur, comme mou et antirévolutionnaire, était un trait commun aux légionnaires de Fiume et aux miliciens fascistes. Tous se réclamaient d’une puissance italienne, qui devait s’exprimer sur les plans militaire, culturel et sexuel.

 

Quelle leçon devons-nous tirer aujourd’hui de la Marche sur Fiume ? Tout d’abord, et c’est indubitablement la leçon principale qu’elle nous donne, c’est que la pensée politique ne peut pas, ne peut plus, se limiter aux concepts conteneurs conventionnels que sont le conservatisme, le progressisme, la gauche et la droite, etc. Toute pensée révolutionnaire s’exprime par la parole et par l’action, et ne met jamais d’eau dans son vin. Les compromis sont de simples instruments de la politique politicienne, axée sur les comptabilités électorales ; ils sont toutefois autant de coups de poignard dans les idéaux révolutionnaires. La prise de Fiume et la constitution qui s’ensuivit ont constitué le premier exemple de ville-Etat de facture utopique et poétique dans l’histoire contemporaine. Gabriele d’Annunzio était tout à la fois révolutionnaire, poète, guerrier, chef et philosophe. Fiume nous apprend a élargir notre propre horizon philosophique, lequel ne doit jamais se laisser aveugler par les compromis ni chavirer dans la médiocrité. Dans un régime où ont cohabité l’anarcho-syndicalisme, le proto-fascisme et l’idéal de la démocratie et de la république antiques, il n’y avait pas de place pour le bourgeoisisme passif, celui qui aime tant se laisser enchaîner par le conformisme moral et social et refuse d’emprunter une voie propre et héroïque :

 

Tutto fu ambito

e tutto fu tentato.

Ah perchè non è infinito

Come il desiderio, il potere umano ?

 

Cosi è finito il sogno fiumano.

NON DVCOR, DVCO !

Gridiamo ancora Noi,

per ricordare e per agire !

 

(Nous avons tout voulu,

nous avons tout tenté.

Et pourquoi donc le pouvoir humain

n’est-il pas aussi infini que le désir ?

 

C’est ainsi que finit le rêve de Fiume.

NON DVCOR, DVCO !

crions-nous encore,

pour nous souvenir et pour agir !) (2)

 

Peter VERHEYEN v/o Pjotr,

Scriptor NSV !’09-’10,

Stud. rer. hist..

( branding@nsv.be ).

 

Notes :

(1)     Deux instances constituent le pouvoir exécutif : un Conseil de Sénateurs auquel peuvent appartenir tous les citoyens qui disposent de leurs droits politiques. la deuxième instance est le Conseil des « Provisori », composé de soixante délégués, élus au suffrage universel et selon une représentation proportionnelle. Y siègent des ouvriers, des marins, des patrons d’entreprise, des techniciens, des enseignants, des étudiants et des représentants d’autres groupes professionnels.

 

(2) Texte d’une chanson intitulée « NON DVCOR, DVCO » du groupe italien « Spite Extreme Wing ».

 

lundi, 11 janvier 2010

Camus, con Jünger e la Arendt sta a pieno titolo nel "nostro" pantheon

camus.jpgCamus, con Jünger e la Arendt sta a pieno titolo nel "nostro" pantheon

 Articolo di Luciano Lanna
Ex: http://robertoalfattiappetiti.blogspot.com/
Dal Secolo d'Italia, edizione domenicale del 3 gennaio
A cinquant'anni dalla prematura scomparsa per un incidente stradale, il presidente Sarkozy ha pensato di trasferire le spoglie di Albert Camus al Pantheon e in Francia è esplosa una vivace polemica. Tutta di natura politica. L'omaggio è stato considerato un affronto da parte di qualcuno. Tuttavia Catherine Camus, la figlia della scrittore che gestisce l'eredità del padre, ha comunque spiegato: «Camus è un uomo pubblico e i suoi libri appartengono a tutti. Io non voglio imporre nulla a nessuno, non sono la guardiana del tempio, anche perché il tempio non esiste...». E in questo senso qualcosa di simile si è registrata anche in Italia, dove il quotidiano la Repubblica ha dedicato un'inchiesta di Simonetta Fiori a una nuova destra politica e culturale - «libertaria e non autoritaria, riformatrice e non conservatrice, democratica e non populista» - il cui profilo emerge evidente proprio per il fatto che «adotta Albert Camus tra i propri Lari».
Lo scrittore e pensatore francese di cui domani, 4 gennaio, ricorre il cinquantenario della morte, veniva affiancato su Repubblica accanto a figure a lui apparentabili come Simone Weil, Hannah Arendt, Bruce Chatwin o Jürgen Habermas. E alle quali si potevano senz'altro accostare anche Ernst Jünger, Indro Montanelli, Arthur Koestler, Ignazio Silone, André Malraux, George Orwell, Raymond Aron... Personalità del secolo scorso che si sono contraddistinte per il fatto di aver "attraversato" criticamente il Novecento, essersi abbeverati alle sue passioni incandescenti, ma che a un certo punto sono riusciti a prendere le distanze da quelle tempeste a cui essi stessi avevano partecipato. Jünger, ad esempio, arrivando a scrivere un romanzo-metafora contro la degenerazione totalitaria di quel nazionalismo che lo aveva visto entusiasta da adolescente come Sulle scogliere di marmo, partecipando al fallito putsch contro Hitler e lavorando teoricamente, nel secondo dopoguerra, per un libertarismo spiritualista. Allo stesso modo Koestler, Silone, Malraux e Orwell ribaltarono gli entusiasmi giovanili per il comunismo nel più coerente impegno intellettuale antitotalitario. Ma Albert Camus fu senz'altro più precoce e più incisivo di tutti gli altri. Aderì ad Algeri, dove trascorse gran parte della sua gioventù, alla locale sezione del partito comunista nel 1934, a ventuno anni. Ma lo fece solo per occuparsi delle rivendicazioni e dei diritti della popolazione araba. Ma si dimette già nel 1935: i motivi di dissenso erano già tanti, ma fu soprattutto la posizione dei comunisti favorevole alla repressione poliziesca contro Messali Hadj, leader del movimento indipendentista Etoil Nord Africaine, a fargli intravvedere come inevitabile la rottura. Non a caso Albert, che intanto si è laureato in filosofia, sceglie un'altra via per il suo impegno politico: insieme a un gruppetto di intellettuali delle varie etnie algerine fonda una Casa della cultura con l'obiettivo di dar vita a quello che potremmo chiamare il "libertarismo mediterraneo". «Al suo tempo - ricorda sua figlia Catherine - la maggior parte degli intellettuali francesi erano dei borghesi che avevano frequentato le migliori scuole. Lui era diverso e per di più veniva dall'Algeria, in un'epoca in cui la Francia guardava soprattutto al Nord, rimuovendo la sua dimensione mediterraneo. Per lui invece la mediterraneità era importante. Amava moltissimo anche la Spagna, la Grecia e soprattutto l'Italia. Per lui il mare e il sole erano fondamentali. Ha anche scritto che gli sarebbe piaciuto morire sulla strada che sale verso Siena...». Morì invece in Francia, sulla strada Sens-Parigi, per un fatale incidente d'auto quel 4 gennaio del 1960. La macchina era una Facel-Vega, alla guida Michel Gallimard, editore. «Albert Camus, scrittore, nato il 7 novembre del 1913 a Mondovi, dipartimento di Costantine (Algeria)», c'era scritto sulla carta d'identità ritrovatagli in una tasca della sua giacca.
Aveva scritto da qualche parte che non gli sarebbe spiaciuto morire in una camera d'albergo, libero da qualsiasi «senso di possesso». Non amava le facili rassicurazioni, le comode ossessioni identitarie, i feticci della modernità. E restò fino alla fine coerente con questi suoi assunti. Alla notizia dell'incidente, l'allora ministro della Cultura francese, André Malraux, spedisce immediatamente un segretario a ritirare la borsa di Camus. Nella borsa c'è un manoscritto, centoquaranta fogli coperti da una scrittura fitta: è il romanzo Il primo uomo. La casa editrice decise di non pubblicarlo perché politicamente non opportuno. Eppure quel romanzo era la risposta di Camus alla questione algerina, che dal 1954 lacerava la Francia, l'Algeria e l'Europa, e che fu storicamente il primo laboratorio di quei conflitti che, a cinquant'anni da quell'incidente automobilistico, agitano i nostri tempi.
D'altronde è un dato storico che negli anni Sessanta, alla vigilia di quella contestazione studentesca di Berkeley che anticipò il nostro Sessantotto, gli universitari tenevano sul comodino due livre de chevet: Sulla rivoluzione di Hannah Arendt e L'uomo in rivolta di Albert Camus. In quel fermento studentesco anglosassone, lontano dal marxismo-leninismo e spinto soprattutto sul fronte dei diritti civili, della lotta contro la segregazione razziale e del libertarismo, l'autore di romanzi come Lo straniero e La peste, il giovane premio Nobel nel 1957, veniva letto come uno scrittore "politico" tout court.
Già nel 1946 del resto Camus da giornalista impegnato - cominciò a scrivere prima su Paris Soir poi su Combat dopo la pubblicazione dei suoi primi famosi romanzi - pubblicò una serie di articoli dal titolo «Né vittime né carnefici", in cui delineva una prima critica profondo dello stalinismo e di tutti i totalitarismi. Dal 1949 è tra i promotori di un'organizzazione che si propone di dare aiuto materiali ai dissidenti dei regimi comunisti dell'Est, delle colonie africane in esilio e delle dittature militari. Nel 1950 interviene pubblicamente nel dibattito tra Palmiro Togliatti e Ignazio Silone, di cui è amico, sulla rottura dell'italiano col Pci in nome delle ragioni della libertà. Nel 1951, infine, esce il suo saggio filosofico L'uomo in rivolta che segna la rottura tra lui e Jean-Paul Sartre. «Fu - racconta sua figlia - un vero scandalo, fu accusato di essere di fatto un alleato della destra. Molti si allontanarono da lui. Solo alcuni amici gli rimasero vicini, come Nicola Chiaromonte e Ignazio Silone». Il primo gli restò vicino fino alla fine e lo fece collaborare sin dal 1956 alla rivista Tempo Presente, in nome della comune avversione per il pensiero ideologico: «La cultura non è il terreno - diceva - della verità, ma della disputa intorno alla verità».
Nel 1953, alla notizia della rivolta libertaria di Berlino, Camus prende posizione a favore delle ragioni degli insorti anticomunisti. Tra il 1955 e il 1956 Camus collabora poi al settimanale L'Express con una lunga serie di articoli sulla guerra civile algerina scoppiata nel 1954. Impegnato nella ricerca di una soluzione politica per quella crisi, nel gennaio 1956 torna ad Algeri e Orano sostenendo quei movimenti che lottano per la fine del regime coloniale ma anche per la convivenza etnica, partecipando a diversi comizi. Nel 1957, ancora, scrive Riflessioni sulla ghigliottina, una serie di testi contro la pena di morte, all'epoca ancora in vigore a Parigi come a Washington, a Madrid come ad Algeri.
In Italia, oltre ovviamente ai suoi amici e sodali Silone e Chiaromonte, si interessarono di lui Mario Gozzini sulla rivista papiniana L'Ultima già nel 1948, poi Guido Piovene, i pensatori cattolici Armando Rigobello e Armando Carlini, e i critici letterari Luigi Baccolo e Carlo Bo, accostandolo quest'ultimo alla letteratura di Pierre Drieu La Rochelle. Sul piano generazione, vale quanto scritto a suo tempo da Massimo Fini: «Coloro che, come me, erano adolescenti - ha scritto il giornalista - nella seconda metà degli anni Cinquanta, si sono formati su Sartre e su Camus. Fummo esistenzialisti anche se non sapevamo bene cosa fosse l'esistenzialismo. Da lì nasceva la nostra inclinazione per l'individualismo, il nichilismo, l'assurdo, il libertarismo che, sostanzialmente, non ci ha più abbandonato. Alla rivoluzione preferivamo, con Camus, la rivolta».
Da "destra" comunque nei primi anni Sessanta se ne occupano almeno due libri pubblicati dalle edizioni dell'Albero di Piero Femore: L'uomo in allarme dell'allora giovane critico letterario Fausto Gianfranceschi e Il declino dell'intellettuale di Thomas Molnar. Il primo accostava la rivolta esistenziale evidente negli scritti di Camus a tutti i "ribelli" che dalla letteratura dei "giovani arrabbiati" britannici alla beat generation statunitense stava caratterizzando nei romanzi il bisogno di libertà delle giovani generazioni. Nella figura dello "straniero" di Camus si ravvisava l'escluso «che si pone il problema della libertà, l'uomo che è interessato a sapere come dovrebbe vivere invece di prendere semplicemente la vita come viene». E Gianfranceschi apparentava la figura del Mersault camusiano, il protagonista de Lo straniero, a personaggi letterari contemporanei come il "lupo della steppa" di Herman Hesse o all'outsider di Colin Wilson. Thomas Molnar invece, anche sulla scorta dell'interpretazione del pensatore cattolico (e di destra) Gabriel Marcel, lo avvicinava al connazionale André Malraux: «Si può dire - scriveva - nonostante il loro pensiero sia meno sistematico di quello di Sartre, che abbiamo rappresentato meglio l'umanesimo esistenzialista poiché hanno afferrato e colto le sue motivazioni sotterranee con l'intuizione propria dell'artista». E in particolare su Camus, annotava: «Scrittore più vivo, più caldo, più mediterraneo, rappresenta l'altra faccia del culto dell'azione: la giustificazione dell'impegno quotidiano, di quelle che lui chiama le "fatiche di Sisifo" che conferiscono dignità all'uomo attraverso la schiavitù di un'esistenza media. Anch'egli, senza alcun dubbio, parla dell'artista come di un ribelle che tenta di strappare alla storia i suoi inafferabili valori».
Ma l'impulso libertario di Camus non si è mai crogiolato nella santificazione di un comodo individualismo narcisista. «Visto che non viviamo più i tempi della rivoluzione - scrisse - impariamo a vivere il tempo della rivolta». Ed è anche per questo che Massimo Fini ha concluso: «Il Sartreche che cercava di comiugare esistenzialismo e marxismo non ci finì mai di convincere. Camus, che ebbe la fortuna di morire presto, invece lo amammo sempre. Tutto».
Luciano Lanna, laureato in filosofia, giornalista professionista dal 1992 e scrittore (autore, con Filippo Rossi, del saggio dizionario Fascisti immaginari. Tutto quello che c'è da sapere sulla destra, Vallecchi 2004), oltre ad aver lavorato in quotidiani e riviste, si è occupato di comunicazione politica e ha collaborato con trasmissioni radiofoniche e televisive della Rai. Già caporedattore del bimestrale di cultura politica Ideazione e vice direttore del quotidiano L'Indipendente, è direttore responsabile del Secolo d'Italia. Alcuni suoi articoli sono raccolti su questo blog.

dimanche, 10 janvier 2010

Entretien exclusif avec A. Soljenitsyne

180px-Solzhenitsyn.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991

Entretien exclusif avec Alexandre SOLJENITSYNE

 

propos recueillis par Wolfgang STRAUSS

 

Depuis novembre 1987, une complicité spirituelle lie le Prix Nobel de littérature Alexandre Soljénitsyne, en exil à Cavendish (Vermont, USA), et notre camarade Wolfgang Strauss, collaborateur des revues Europa Vorn, Staatsbriefe  et, pour les traductions françaises, de Vouloir. Cette amitié s'est scellée par une intense correspondance entre les deux hommes. Les propos ci-dessous ont été recueillis avant les événements d'août.

 

Q.: Le peuple allemand est enfin réunifié. Prenez-vous part aux événements qui se déroulent en Allemagne?

 

AS: Oui, évidemment. Car pour moi, vous ê­tes un important intermédiaire. Avant déjà, je lisais vos articles et vos recensions: un éditeur allemand me les envoyait. Lorsque je les lisais, j'étais surpris par la précision de vos connais­san­ces en histoire russe. Mais maintenant que je sais que vous avez séjourné dans l'Archipel Gou­lag, je comprends.

 

Q.: Les Allemands dans leur majorité aujourd'hui sont russophiles; ils se solidarisent avec le combat russe pour la liberté, pour la renaissance de la Russie, dont vous êtes le représentant, tant sur le plan politique que sur le plan spirituel. Mais, malheureusement, les informations que nous recevons sont rares et lacunaires.

 

AS: Bien sûr, vous avez appris personnel­le­ment à connaître la Russie et vous savez beau­coup de choses qu'il est difficile d'expli­quer à vos compatriotes. Ne perdez pas cou­ra­ge, gardez votre énergie, poursuivez vos efforts.

 

Q.: Au vu de la décadence dominante, quelles sont, à votre avis, les chances d'un renouveau spirituel et éthique chez les Russes et les Allemands?

 

AS: Oh, le chemin sera long avant que les peuples de Russie et de notre communauté ne recouvrent la santé morale. L'Allemagne, elle aussi, se trouve dans une triste situation, une situation pathologique, et peu de temps nous res­te pour retrouver la voie de la convales­cen­ce et de la guérison.

 

Q.: Quelle est votre tâche principale, aujourd'hui?

 

AS: Depuis six ans déjà, je ne réponds plus aux questions que me posent les médias occi­den­taux. Mon devoir, c'est d'écrire des livres. Et ce qui me reste à faire est titanesque. 

jeudi, 07 janvier 2010

Noi, jüngeriani proprio perchè libertari

Noi, jüngeriani proprio perchè libertari

di Luciano Lanna

Ex: http://robertoalfattiappetiti.blogspot.com/

Articolo di Luciano Lanna
Dal Secolo d'Italia di giovedì 10 dicembre 2009
Il recente servizio apparso sulle pagine culturali di Repubblica, e dedicato ai percorsi e al background di una nuova destra - lì definita - «libertaria e non autoritaria, riformatrice e non conservatrice, democratica e non populista», ha ricostruito per la prima volta in maniera filologica e documentata un lavorio metapolitico di oltre venticinque anni. Un sommario redazionale affiancato all'inchiesta, senz'altro motivato dalla rincorsa giornalistica ai cosiddetti pantheon intellettuali, potrebbe però aver ingenerato qualche equivoco tra i lettori e gli analisti. «Basta con Jünger e Carl Schmitt, sì a Camus e Hannah Arendt», si leggeva accanto a un altro periodo in cui si segnalava come, noi del Secolo ad esempio, ci poniamo da tempo al di fuori dei vecchi steccati ideologici, intendendo confrontarci e volendo individuare anche percorsi e sintesi comuni con chi svolge un analogo itinerario da sinistra. Ci dispiace quindi che l'autrice dell'articolo, Simonetta Fiori, non abbia potuto riportare tutto il ragionamento articolato da chi scrive, secondo il quale, se le sintonie con alcuni studiosi che vengono da una storia intellettuale di sinistra - Alberto Asor Rosa, Mario Tronti, Giacomo Marramao, Pietro Barcellona - provengono proprio dal comune riferimento agli autori che hanno determinato le rotture epistemologiche del Novecento - Nietzsche, Jünger o Schmitt, per citare tre nomi - il nostro interesse per questi stessi pensatori e scrittori si muove sottolineandone e valorizzandone la forte valenza libertaria.
Ecco perchè sbaglia completamente obiettivo Giuseppe Bedeschi, secondo cui - come scriveva ieri su Libero - la cosiddetta "nuova destra", «nonostante tutte le sussiegose professioni di democrazia che ci ha fatto ascoltare negli ultimi anni», sarebbe in realtà animata da un vecchio, profondo diprezzo per il liberalismo e la libertà. Alla società libera - aggiunge l'allievo di Lucio Colletti - noi vorremmo addirittura contrapporre un fantomatico «ordine nuovo, coeso e compatto, nel quale i giornalisti del Secolo d'Italia si troverebbero pienamente a loro agio con Alberto Asor Rosa e Mario Tronti». Ora, già nel 1982 lo storico e sociologo Giovanni Tassani, spiegava esattamente l'intuizione teorica da cui parte il lavorio di cui stiamo parlando: «Potrà una destra davvero essere nuova, al punto di essere: non gerarchica, non totalitaria, non conservatrice, non antimoderna, non patriottarda, non razzista, non classista?». E in questo percorso, cercando di delineare l'identikit dell'avversario filosofico, di questo orientamento, lo individuava proprio nel professor Lucio Colletti: «Sedicente ateo, materialista, occidentalista», neo-illuminista, critico antinovecentesco, avversario dichiarato di qualsiasi prospettiva post-illuminista e di tutta quella grande stagione - da lui e dai suoi definita di "anticapitalismo romantico" - nota ai più come "pensiero della crisi". Si tratta, per dirla tutta, della demonizzazione del grande filone culturale rilanciato dalla fine degli anni Settanta soprattutto dalla casa editrice Adelphi e che - da Nietzsche a Jünger, ma anche, per andare in senso lato, da Heidegger a Habermas - consente di interpretare adeguatamente, far proprio e quindi superare - senza liquidazionismi e scorciatoie "alla Popper" - il Novecento. Un filone però mai andato a genio a una certa scuola filosofica italiana - da Colletti, appunto, ai suoi allievi che trasversalmente vanno da Bedeschi a Flores d'Arcais - e che, nel 1995, ispirarono anche il seminario di San Martino al Cimino, fortemente voluto da questi ambienti in polemica con la destra politica radicata sulla cultura della crisi.È d'altronde in questo senso che noi leggiamo e interpretiamo anche autori come Ezra Pound, Giovanni Gentile, Filippo Tommaso Marinetti, Thomas Mann, Mircea Eliade... Oltretutto, abbiamo a suo tempo sottolineato la stessa lettura, fornita da Massimo Donà, dello Julius Evola «filosofo della libertà». Più volte abbiamo fatto riferimento al Pound «libertario» messo in evidenza da Giulio Giorello. Ai tratti genuinamente liberali (e libertari) dell'attualismo gentiliano rilevati da Salvatore Natoli e più di recente da Francesco Tomatis. O, per arrivare al cuore della questione, alla profonda, originaria - e teoricamente insuperabile - vocazione libertaria di Ernst Jünger, esplicitata nell'ultimo decennio da studiosi come Antonio Gnoli e il compianto Franco Volpi.
L'ultima conferma sull'ispirazione più propria del grande scrittore tedesco - morto a 103 anni del 1998 - ci viene adesso dalla pubblicazione in Italia di La capanna nella vigna (Guanda, pp. 279, € 20,00), un diario che raccoglie le impressioni quotidiane di Jünger dall'11 aprile del 1945 al 20 novembre del 1948. Sono gli anni della disfatta della Germania, della capitolazione, dei suicidi dei gerarchi hitleriani, dell'occupazione da parte delle potenze straniere, delle vendette, degli esuli, degli stupri, della fame... Insomma, la fine di un mondo. Jünger sta nella sua casa di campagna a Kirchhorst, coltiva l'orto, legge la Bibbia e le Mille e una notte, osserva la natura, riflette. Apprende via radio della morte di Mussolini, dello scempio di Piazzale Loreto, del suicidio di Hitler e dei Goebbels...
«L'importante per me resta il Singolo», spiegherà lo scrittore tedesco già ultracentenario intervistato da Antonio Gnoli e Franco Volpi nel bel libretto I prossimi titani (Adelphi). E proprio in nome del Singolo e contro il dilagare del collettivismo e delle burocrazie spersonalizzanti si era espressa quasi tutta la sua produzione letteraria e filosofica a partire dall'apologo anti-totalitario Sulle scogliere di marmo del 1939. Ma già nel mezzo della seconda guerra mondiale, il libertarismo di Jünger diventa via via più esplicito. «Lo Stato rappresenta un costo non solo per i singoli, ma anche per i popoli», dirà in seguito. Ma anche in questo diario emergono pagine fortissime di attacco al totalitarismo. Ricorda, ad esempio, l'accozzaglia di «luoghi comuni» che scandiva i raduni di massa: «Era la stessa voce dei pubblicitari, delle macchine per vendere, che arrivano per decantare assicurazioni complicate, le cui visite si concludono in genere lasciandoci invischiati in contratti di pagamento interminabili». La libertà, aggiunge, appartiene invece alla persona: «Il singolo - annota il 10 giugno '45 - può cambiare il mondo, con la sua azione o con la sua sofferenza, e può farlo in ogni momento. Egli è sovrano ed è sempre responsabile». Jünger tematizza la libertà e il suo risiedere nell'identità della persona: «Solo la vista del singolo può dischiudere - annota il 6 maggio del '45 - il dolore del mondo, perché un singolo può farsi carico del dolore di milioni di altri, può compensarlo, trasformarlo, dargli un senso. Rappresenta una barriera, una segreta inaccessibile, nel mondo di un mondo statistico, privo di qualità, plebiscitario, propagandistico, piattamente moralistico in cui la parola sacrificio turba gli animi».
L'attacco jüngeriano al cuore del totalitarismo è insuperabile e non si nasconde - siamo nella prima metà del 1945 - di fronte alla condanna dell'antisemitismo e dell'Olocausto. Lo scrittore incontra alcuni sopravvissuti ai lager: «L'impressione è di uno sconforto paralizzante, un sentimento che i loro discorsi trasmisero anche a me. Il carattere razionale, progredito della tecnica adottata nelle procedure getta sui processi una luce particolarmente cruda, in quanto emerge l'ininterrotta componente consapevole, meditata, scientifica che li ha determinati. Il segno dell'intenzione si imprime fin nei minimi dettagli, costituisce l'essenza del delitto». Jünger parla esplicitamente di scene degne di Caino e il suo giudizio è assai vicino a quello successivo di Hannah Arendt sulla "banalità del male". Parlando di Himmler infatti commenta: «Ciò che mi ha colpito di questo individuo era il suo essere profondamente borghese. Vorremmo credere che chi mette in opera la morte di molte migliaia di uomini si distingua vistosamente da tutti gli altri, che lo avvolga un'aura spaventosa, un bagliore luciferino. E invece queste facce sono le stesse che ritrovi in tutte le metropoli quando cerchi una stanza ammobiliata e ti apre un ispettore in prepensionamento. Tutto questo mette in evidenza quanto ampiamente il male sia dilagato nelle nostre istituzioni. È il progresso dell'astrazione. A uno sportello qualsiasi può affacciarsi il tuo carnefice. Oggi ti recapita una lettera raccomandata, domani una sentenza di morte. Oggi ti fora il biglietto, domani la nuca. Ed esegue entrambe le cose con la stessa pedanteria e lo stesso senso del dovere». Non a caso la stessa Arendt, qualche anno dopo, parlerà dei diari jüngeriani come «l'esempio migliore e più trasparente delle immani difficoltà a cui l'individuo si espone quando vuole conservare intatti i suoi valori».
Si tratta di riflessioni che Jünger continuerà negli anni Cinquanta e oltre. E non a caso un suo scritto - La ritirata nella foresta - apparirà, prima ancora di svilupparsi in un vero e proprio manuale di resistenza libertaria (tradotto in italiano come Il trattato del ribelle), sulla rivista statunitense Confluence nell'ambito di un seminario internazionale sulla minaccia totalitaria. Pubblicata in Italia nel '57 dalle Edizioni di Comunità di Adriano Olivetti, l'antologia di quegli scritti vedrà, accanto a quello di Jünger, i nomi e le firme della stessa Arendt, di James Burnham e di Giorgio de Santillana. Un'ottima compagnia per uno scrittore di cui purtroppo si è sempre teso invece a sottolinearne solo gli aspetti estetizzanti. Il fatto, purtroppo, è che in Italia si è sempre avuto difficoltà a concepire una via postliberale e immaginifica alla libertà. Come spiegare, d'altronde, il fatto che in Italia si sia equivocato sulla figura jüngeriana del Waldgänger (alla lettera "l'uomo-che-si-dà-alla-macchia") con il termine di "ribelle" che evoca invece un atteggiamento conflittuale molto lontano dall'immagine che Jünger voleva suggerire?
Luciano Lanna, laureato in filosofia, giornalista professionista dal 1992 e scrittore (autore, con Filippo Rossi, del saggio dizionario Fascisti immaginari. Tutto quello che c'è da sapere sulla destra, Vallecchi 2004), oltre ad aver lavorato in quotidiani e riviste, si è occupato di comunicazione politica e ha collaborato con trasmissioni radiofoniche e televisive della Rai. Già caporedattore del bimestrale di cultura politica Ideazione e vice direttore del quotidiano L'Indipendente, è direttore responsabile del Secolo d'Italia.

mercredi, 06 janvier 2010

Céline naufragé

celine.jpg6 janvier 1940 : Louis-Ferdinand Céline n’a pas été directement mobilisé en raison des nombreuses blessures qu’il avait reçues pendant la première guerre mondiale. Il a cependant tenu à servir la France en s’engageant comme médecin dans la marine. Le 6 janvier 1940, le navire sur lequel il officie, heurte un bâtiment britannique au large de Gibraltar et fait naufrage. Céline, selon ses propres mots: “a suturé pendant quatorze heures et piqué dans tous les sens – toute la nuit coupaillé ici et là!”.

 

vendredi, 25 décembre 2009

Citation de D. H. Lawrence

apoDHL2222.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1999

APOCALYPSE:

Un commentaire païen de l'Apocalypse selon Saint-Jean

 

«L'Apocalypse nous montre ce à quoi nous résistons, résistance contre-nature, nous résistons à nos connexions avec le cosmos, avec le monde, la nation, la famille. Toutes nos connexions sont anathèmes dans l'Apocalypse, et anathèmes encore en nous. Nous ne pouvons pas supporter la connexion. C'est notre maladie. Nous avons besoin de casser, d'être isolés. Nous appelons cela liberté, individualisme. Au-delà d'un certain point, que nous avons atteint, c'est du suicide. Peut-être avons-nous choisi le suicide. C'est bon. L'Apocalypse aussi choisit le suicide, avec l'auto-glorification que cela implique.

 

Mais l'Apocalypse montre, par sa résistance même, les choses auxquelles le cœur humain aspire secrètement. La frénésie que met l'Apocalypse à détruire le soleil et les étoiles, le monde, tous les rois et tous les chefs, la pourpre, l'écarlate et le cinnamome, toutes les prostituées et finalement tous les hommes qui n'ont pas reçu le “sceau” nous fait découvrir à quel point les auteurs désiraient le soleil et les étoiles et la terre et les eaux de la terre, la noblesse et la souveraineté et la puissance, la splendeur de l'or et de l'écarlate, l'amour passionné et une union juste entre les hommes indépendamment de cette histoire de “sceau”. Ce que l'homme désire le plus passionnément, c'est sa totalité vivante, une forme de vie à l'unisson, et non le salut personnel et solitaire de son “âme”.

 

L'homme veut d'abord et avant tout son accomplissement physique, puisqu'il vit maintenant, pour une fois et une fois seulement, dans sa chair et sa force. Pour l'homme, la grande merveille est d'être en vie. Pour l'homme, comme pour la fleur, la bête et l'oiseau, le triomphe suprême, c'est d'être le plus parfaitement, le plus vivement vivant. Quoi que puissent savoir les morts et les non-nés, ils ne peuvent rien connaître de la beauté, du prodige d'être en vie dans la chair. Que les morts apprêtent l'après, mais qu'ils nous laissent la splendeur de l'instant présent, de la vie dans la chair qui est à nous, à nous seuls et seulement pour une fois. Nous devrions danser de bonheur d'être vivants et dans la chair, d'être une parcelle du cosmos vivant incarné. Je suis une parcelle du soleil comme mon oeil est une parcelle de moi-même. Mon pied sait très bien que je suis une parcelle de la terre, et mon sang est une parcelle de la mer. Mon âme sait que je suis une parcelle de la race humaine, mon âme est une partie organique de l'âme de l'humanité, tout comme mon esprit, une parcelle de ma nation. Dans mon moi le plus privé, je fais partie de ma famille. Rien en moi n'est solitaire ni absolu, sauf ma pensée, et nous découvrirons que la pensée n'a pas d'existence propre, qu'elle n'est que le miroitement du soleil à la surface des eaux.

 

Si bien que mon individualisme est en fait une illusion. Je suis une parcelle du Grand Tout, et n'y échapperai jamais. Mais je peux nier mes connexions, les casser, devenir un fragment. Alors, c'est la misère.

 

Ce que nous voulons, c'est détruire nos fausses connexions inorganiques, en particulier celles qui ont trait à l'argent, et rétablir les connexions organiques vivantes avec le cosmos, le soleil et la terre, avec l'humanité, la nation et la famille. Commencer avec le soleil, et le reste viendra lentement, très lentement».

(D. H. LAWRENCE, Apocalypse, 1931; éditions Balland, Paris, 1978 pour la traduction française, pp. 210 à 212).

 

mardi, 22 décembre 2009

Silone, l'europeo marsicano

Silone, l'europeo marsicano

Roberto Alfatti Appetiti
Dal mensile Area, giugno 2000

Il primo maggio 1900 a Pescina, piccolo paese d’Abruzzo, nasceva da una modesta famiglia di contadini del Fucino, ultimo di sette fratelli, Secondino Tranquilli, colui che, con lo pseudonimo di Ignazio Silone, (Ignazio dal Santo di Loyola, integerrimo battagliero, e Silone dal capo della resistenza dei Marsi, Poppedius Silo, nella guerra sociale contro Roma), assunto nel periodo di vita clandestina e riutilizzato ad uso letterario, diventerà uno scrittore di fama mondiale.

Ignazio_Silone.jpgCome tutti gli anni la Regione Abruzzo ha ritenuto di onorare Silone con un Premio che, pur avendo la pretesa di definirsi internazionale, si riduce piuttosto ad un rituale paesano caratterizzato dalla solita passarella per politici e amministratori locali. Questo anno però, trattandosi del centenario dalla nascita, e soprattutto a causa delle polemiche sorte attorno alle ricerche archivistiche di due storici, Dario Biocca e Mauro Canali, raccolte e pubblicate nel volume L’informatore: Silone, i comunisti e la polizia (Luni Editrice), l’iniziativa ha attirato un’attenzione particolare e aperto un dibattito acceso, a tratti astioso.

Il libro, di cui il Comune di Pescina ha fantasiosamente chiesto il ritiro dal commercio, rivela che Ignazio Silone svolse, con il finto nome di “Silvestri”, un ruolo attivo di informatore della Questura di Roma e della Divisione Polizia Politica tra il 1923 e il 1930. A sostegno di questa tesi gli autori presentano una serie di relazioni di Silone, dall’autenticità indiscutibile, contenenti preziose informazioni riservate sulle attività clandestine dei comunisti in Italia e all’estero.

L’iniziativa storiografica, piuttosto che favorire un confronto teso ad approfondire la complessità della personalità dello scrittore in un contesto storico-politico tutt’altro che lineare, ha provocato violente reazioni, sia dei detrattori dell’opera dello scrittore abruzzese, che dei silonisti di professione. Le opposte tifoserie hanno prepotentemente occupato la scena, soppiantando il dibattito e fornendo letture a dir poco strumentali degli avvenimenti. Si sono così alternate incursioni giornalistiche tendenti al discredito puro e semplice, (L’Espresso ha mostrato un certo sprezzo del ridicolo presentando il fotomontaggio di Silone vestito in orbace, con il titolo Confesso che ho spiato), e di converso a difese d’ufficio mirate a delegittimare il lavoro svolto dai due storici, liquidati come naziskin o, nel migliore dei casi, quali studiosi «in cerca di notorietà».

La tesi più inverosimile è stata quella avanzata da Luce D’Eramo, per la quale Silone si sarebbe prestato a fare l’informare addirittura con il consenso dei dirigenti del PCI, per servirne meglio la causa. Versione condivisa dalla vedova Darina Laracy, che l’ha riaffermata alla manifestazione celebrativa di Pescina, ma poco attendibile, oltre che per i danni oggettivamente resi, con le sue relazioni puntuali e dettagliate, alla struttura segreta del partito, anche perché dalla stessa progressivamente Silone si andava allontanando.

La lettura più equilibrata è stata offerta dallo storico Arrigo Petacco che, nel risalire all’inizio della “collaborazione” dello scrittore con la polizia, ha sottolineato la particolarità psicologica e affettiva del rapporto tra Silone e il funzionario Guido Bellone. Petacco ricostruisce le circostanze dell’incontro. Silone conobbe il giovane dirigente di polizia quando questi venne inviato quale Commissario a Pescina, dopo il terribile terremoto del 1915, che aveva raso al suolo la Marsica e lasciato il quindicenne Silone orfano. Bellone assunse per un lungo periodo persino la tutela diretta del ragazzo, che non potè non maturare nei confronti dello stesso sentimenti di riconoscenza, se non una vera soggezione, dovuta anche alla differenza d’età.

La scelta della collaborazione, sempre più assidua, sino all’allontanamento definitivo dal comunismo, non deve quindi sorprendere. Ogni sua attività, politica, clandestina, prima, e poi letteraria, non era altro che la scelta dello strumento ritenuto più utile per portare avanti la sua personale battaglia, che mirava a restituire dignità a quei poveri “cafoni marsicani” su cui pesavano «secoli di rassegnazione, fondati sulla violenza e sugli inganni».

Il suo anticonformismo era difficile da contenere nei recinti di un’appartenenza partitica. Sin da giovane era insofferente ad ogni sopruso, in una società dove «si educavano i ragazzi alla sottomissione e a non occuparsi dei fatti degli altri». Aveva scelto di rivoltarsi contro la tradizione, contro il clero, contro le autorità comunali, contro gli addetti alla ricostruzione edilizia che si erano macchiati di «frodi, furti, camorre, truffe, malversazioni d’ogni genere […] La tendenza a non farmi i fatti miei e la spontanea amicizia con i coetanei più poveri dovevano avere per me conseguenze disastrose».

Quando Silone fece la «scelta dei compagni», lo fece per rispondere ad un sincero spirito di ribellione e di rivalsa, perché «fuori […] c’erano i braccianti. Non era la loro psicologia che ci attirava, ma la loro condizione».

L’incontro con il movimento operaio lo riempì di aspettative. «Mi sembrò di scoprire un nuovo continente», commentò più tardi. «L’immensa speranza accesa dalla rivoluzione russa», lo aiutò a superare il sofferto allontanamento dalla fede cristiana. «Fu nel momento della rottura che sentii quanto fossi legato a Cristo con tutte le fibre dell’essere», una sofferenza che visse in solitudine, non potendone discutere con nessuno, considerando che «i compagni di partito vi avrebbero trovato motivo di derisione».

L’entusiasmo con il quale portò ufficialmente, dopo la scissione del congresso di Livorno, l’adesione del Movimento giovanile scocialista, di cui era segretario generale, al neonato (1921) Partito Comunista, si affievolì presto. Già nei primi viaggi a Mosca, dove intervenne quale membro di delegazioni comuniste italiane a varie riunioni di vertice, fu colpito dall’assoluta incapacità dei comunisti russi, compreso Lenin, di «discutere lealmente le opinioni contrarie alle proprie». Silone si rese presto conto della «rapida corruzione» dell’Internazionale comunista, dei numerosi «fenomeni di doppiezza e demoralizzazione» dei suoi quadri e della «atmosfera sempre più pesante di intrighi, imbrogli degli uffici centrali».

Ulteriore consapevolezza nella profonda antidemocraticità dei metodi comunisti Silone la trasse nel 1927 quando partecipò a Mosca, insieme a Togliatti, ad una sessione straordinaria dell’esecutivo allargato dell’Internazionale. La seduta era stata convocata per liquidare Trotzki e Zinovieff, ancora membri del direttivo. Le prove dell’inaffidabilità erano date da un documento, ritenuto controrivoluzionario, indirizzato dal primo all’ufficio politico del PCUS. In quell’occasione, alla presenza di Stalin, il giovane Silone osservò, unica voce dissonante, che prima di votare ogni risoluzione era necessario prendere visione del documento, scoprendo così che la maggioranza dei delegati presenti non ne conosceva affatto il contenuto. Stalin si giustificò dicendo che «conteneva allusioni alla politica dello Stato sovietico in Cina» ed era pertanto coperto da segreto di Stato (Stalin «mentiva» perché, come si scoprirà al momento della pubblicazione, curata dallo stesso Trotzki, si trattava di una legittima critica alla politica di Stalin in Cina). La riunione fu aggiornata e venne affidato ad un delegato bulgaro il compito di convincere i delegati italiani con argomentazioni che, invece, finirono per irrigidire ulteriormente Silone: «Qui siamo in piena lotta di potere tra due gruppi rivali del centro dirigente russo […] I documenti non c’entrano. Non si tratta della ricerca della verità storica sulla fallita rivoluzione cinese […] Voi siete giovani […] Non avete capito cosa sia la politica». Il mattino seguente, quando Stalin chiese se i compagni italiani si erano convinti a votare la risoluzione, Silone, dopo essersi consultato con Togliatti, dichiarò nuovamente di voler conoscere il documento condannato, provocando così il ritiro della proposta da parte di Stalin (che poi lo fece approvare nell’esecutivo ristretto) e attirando ogni sorta di sospetti su quell’atteggiamento “scandaloso”.

Seguirono altri episodi che scossero la sensibilità di Silone: «la deportazione di Trotzki ad Alma Ata […] fu bandita la collettivizzazione forzata della piccola e media proprietà agricola promossa da Lenin e sei o sette milioni di contadini furono scacciati dai loro poderi, uccisi oppure deportati in Siberia per essere asserviti ai lavori forzati». In Silone crescevano il «cupo scoraggiamento […] la repulsione e il disgusto» per l’esperienza comunista, ma soltanto nel 1929 si sarebbe consumato quello che fu l’episodio determinante, l’espulsione «con motivazioni grottesche» di tre dei «migliori compagni» (Leonetti, Ravazzoli, Tresso), che avevano osato criticare «le pretese dell’Internazionale». Silone ritenne che con questo provvedimento Togliatti offrisse dei comodi capri espiatori ai rancori di Mosca nei suoi confronti.

Il “migliore” costrinse Silone a sottoscrivere una «dichiarazione di condanna verso i tre espulsi e di assoluta disciplina verso l’Internazionale», suggerendogli di prenderla come «una coercizione», tesa a rivolgere un «omaggio al partito». Silone firmò, ma per lui fu come aver «trangugiato il calice della disgustosa purga» e successivamente non poté sottrarsi dal mandare una lettera personale ad uno degli espulsi, Pietro Tresso, con il quale era rimasto in rapporti affettuosi. La lettera, pubblicata sul bollettino trotzkista di Parigi, mise Silone nuovamente in cattiva luce agli occhi diffidenti del partito. Per rimediare, avrebbe dovuto scrivere un’ulteriore e più dura dichiarazione ed accettare di tornare a ricoprire nel partito un incarico di responsabilità. «La scelta di lasciare, a quel punto, non potè essere rimandata […] In un attimo ebbi la chiarissima percezione d’ogni furberia, tattica, attesa compromesso […] Era meglio finirla una volta per sempre. Non dovevo lasciarmi sfuggire quella nuova, provvidenziale occasione, quella uscita di sicurezza. Non aveva più senso stare lì a litigare. Era finita. Grazie a Dio».

Silone sapeva bene che «lo statuto dei partiti comunisti non tollera le dimissioni» e infatti arrivò l’espulsione. E siccome era prassi consolidata che «nelle sentenze dei tribunali russi nei processi politici […] la diffamazione è graduata secondo la pericolosità della vittima» a Silone non fu risparmiata l’accusa di indegnità. L’abruzzese affrontò con grande dignità la vicenda: «in confronto alla tragedia delle motivazioni invariabilmente infamanti addotte, in Russia e altrove, per liquidare, con la fucilazione, la deportazione o la semplice espulsione, centinaia di comunisti oppositori o eretici (il costume di Partito non consentendo in alcun caso la dissidenza politica) può sembrare una delle più benigne la formula escogitata per il mio caso […] Nella sentenza di espulsione […] si poteva leggere: avendo egli stesso ammesso di essere un anormale politico, un caso clinico, ecc.». Un documento ingiurioso e profondamente ipocrita, visto che sino all’ultimo una delegazione ufficiale si adoperò nel tentativo di convincerlo a rimanere nel partito.

Siamo nell’estate del 1931, Silone sceglie la via letteraria, avvertita come necessità per continuare la sua battaglia ideale: «se la mia opera letteraria ha un senso, in ultima analisi, è proprio in ciò: a un certo momento scrivere ha significato per me assoluta necessità di testimoniare».

Disgustato dal comunismo russo e deluso da quello italiano, ne diventerà infatti il nemico numero uno. Racconterà la sua esperienza nello stupendo libro Uscita di sicurezza, purtroppo praticamente introvabile*, la cui ristampa aiuterebbe a rendere giustizia al pensiero di Silone, senza dover ricorrere alle strumentali interpretazioni di amici e nemici dello scrittore. E’ una raccolta di scritti autobiografici, di cui il più significativo è quello che dà il titolo al libro. Apparve per la prima volta nel 1949 sulla rivista Comunità e venne riprodotto in seguito, sempre per le stesse edizioni, nel volume Testimonianze sul comunismo (il Dio che è fallito). Alberto Mondadori si rifiutò di pubblicarlo. Lo fece Vallecchi e fu Geno Pampaloni, allora direttore editoriale della casa editrice fiorentina, a scegliere insieme con l’autore il titolo del libro, che si riferisce esplicitamente all’uscita dal comunismo. Il libro scatenò la feroce reazione dei comunisti e se Togliatti definì l’autore «null’altro che un mistificatore ed un rinnegato» altrettanto livore rivolsero alla sua attività letteraria i critici militanti vicini al PCI (non a caso il libro fu escluso dal Premio Viareggio, all’epoca amministrato da una giuria a prevalente ispirazione comunista).

Neanche il distacco di Silone dalla politica attiva servì a mitigare tale astioso atteggiamento, anche perché Silone continuò le sue coerenti battaglie in un frenetico impegno culturale, assumendo numerose iniziative, come la fondazione cui diede vita, insieme a intellettuali come Aldo Garosci, Guido Piovene e Piero Calamandrei, della Associazione per la libertà della cultura, un movimento di scrittori e pensatori occidentali sorto a Berlino Ovest nel 1950 e accusato di filoamericanismo solo perché critico dei regimi dell’Est.

«La lotta finale», disse un giorno Silone a Togliatti, «sarà tra i comunisti e gli ex comunisti». E’ lo stesso Silone a spiegare il senso che attribuiva a quell’affermazione: «Sarà l’esperienza del comunismo, intendevo dire, a uccidere il comunismo […] Che avverrà quando i milioni di reduci dai campi di lavoro forzato della Siberia potranno liberamente parlare?».

Silone preferì non aderire ai numerosi gruppi di ex comunisti che si andavano formando, «piccole sette con tutti i difetti del comunismo ufficiale, il fanatismo, il centralismo, l’astrattismo», ma riscoprì, da «socialista senza partito e cristiano senza Chiesa», la fiducia e la speranza in un socialismo fatto di «verità pazze» più antiche del marxismo e concepì la politica socialista legata non ad una determinata teoria, scientifica e pertanto transitoria, ma ad una fede animata da valori socialisti permanenti. «Sopra un insieme di teorie si può costruire una scuola e una propaganda; ma soltanto sopra un insieme dei valori si può fondare una cultura, una civiltà, un nuovo tipo di convivenza tra gli uomini».

La migliore definizione di Silone rimane quella che di lui dette Camus: «Guardate Silone. Egli è radicalmente legato alla sua terra, eppure è talmente europeo». E, a cento anni dalla nascita, ricordiamo Ignazio Silone, grande scrittore europeo, difensore dei “cafoni” del Fucino, per i quali, dopo il prosciugamento del Lago, la trasformazione da pescatori a contadini, sia pure in una terra nuova e fertile come la Marsica, non significò affrancarsi da una condizione sociale di sottomissione e disagio.


*Uscita di sicurezza è stato ripubblicato da Mondadori nel 2001.

samedi, 19 décembre 2009

Une biographie d'Ezra Pound: le cercle du poète disparu

ezra-pound-negli-anni-giovanili1.jpgUne biographie d'Ezra Pound

Le cercle du poète disparu

 

 

« Avec le véritable artiste, II y a toujours un résidu, il y a toujours en lui quelque chose qui ne passe pas dans son œuvre. Il y a toujours une raison pour laquelle l'individu est toujours plus intéressant à connaître que ses livres. » Cette définition qu'Ezra Pound a pu faire de l'artiste en général résume très précisément le propos de la biographie que John Tytell a consacré à l'auteur des Cantos, car si Ezra Pound demeure pour nombre d'écrivains le poète le plus important de son siècle, que dire du personnage baroque et provocateur qu'il s'est efforcé d'être tout au long d'une vie calquée sur l'histoire ?

 

Qu'on ne s'y trompe pas. Malgré son prénom aux consonances bibliques et les airs de prophète qu'il prenait volontiers vers la fin de sa vie, Ezra Pound n'a été ni dans son œuvre ni dans son existence l’enfant de cœur tourmenté par la notion de péché ou d'humilité. Dis­sident de l'Amérique, du mauvais goût et des valeurs approximatives d'un pays où la Bible et le dollar tiennent lieu de référence, Pound l'est déjà dès son plus jeune âge. « J'écrirai, déclare-t-il à l'âge de douze ans, les plus grands poèmes jamais écrits ». En cette fin de XIXe siècle, en plein Wild West américain, il se découvre une vocation poétique pour le moins incongrue si l'on en juge par les préoccupations de ses compatriotes de l'époque, plus soucieux de bâtir des empires financiers que de partir en guerre contre des moulins à vent. Pendant des années, en subissant les vexations des cuistres, il va se consacrer à l'étude du provençal et à l'art des ménestrels et troubadours précurseurs de la littérature moderne.

 

L'éducation européenne

 

La provocation, ou plutôt le mépris des conventions auquel il restera attaché tout au long de sa vie, ne vont pas tarder à indisposer les habitants des diverses bourgades où il étudie et professe l'art de la poésie. Ses amours avec une sauvageonne de quinze ans, des poèmes comme L'arbre, témoins, comme le note Tytell, d'un paga­nisme croissant, et sa haine de l'Amérique sont le signe avant-coureur que sa vie entière allait devenir un défi lancé aux systèmes occidentaux et une dénonciation de la religion moderne qu'il tenait pour la servante de ces systèmes. Les conflits incessants avec le monde universitaire qui lui refuse quelque chaire, l'ordre moral et l'étroitesse d'esprit de ses contemporains vont avoir pour conséquence le départ de Pound pour l'Europe. Venise, tout d'abord, où il s'exerce au dur métier de gondolier, puis Londres, où son talent va enfin éclore. C'est pour lui le temps des amitiés littéraires avec George Bernard Shaw, puis James Joyce, T.S. Eliot.

 

« Les artistes sont les antennes de la race », déclare-t-il, se faisant ainsi le chantre d'un élitisme et d'une aristocratie de l'art dont il pensera, des années plus tard, trouver une représentation dans le fas­cisme italien.

 

Le Londres aux mœurs victo­riennes ne nuit en rien pour l'heure à l'effervescence d'un génie que l'on commence à voir poindre ici et là dans les revues auxquelles il collabore. La guerre de 14 éclate et nombre des amis de Pound n'en reviendront pas. « C'est une perte pour !'art qu'il faudra venger écrit-il, plus convaincu que quiconque que cette guerre est une plaie dont l'Europe aura bien du mal à cicatriser. Peu après, il se met à travailler à un nouveau poème, « un poème criséléphan­tesque d'une longueur incommen­surable qui m'occupera pendant les quatre prochaines décennies jusqu'à ce que cela devienne la barbe ». Les Cantos, l'œuvre maitresse et fondamentale de Pound, était née.

 

Rencontre avec Mussolini

 

Puis, las de la rigueur anglaise et des Britanniques qu'il juge snobs et hermétiques à toute forme d'art, Pound décide de partir pour la France.

 

Il débarque dans le Paris léger et enivrant de l'après-guerre lorsque brillent encore les mille feux de l'intelligence et de l'esprit. Les phares de l'époque s'appellent Coc­teau, Aragon, Maurras et Gide. Pound s'installe rue Notre-Dame­-des-Champs et se consacre à la littérature et aux femmes. À Paris toujours, il rencontre Ernest Hemingway, alors jeune joumalis­te, qui écrira que « le grand poète Pound consacre un cinquième de son temps à la poésie, et le reste a aider ses amis du point de vue matériel et artistique. Il les défend lorsqu'ils sont attaqués, les fait publier dans les revues et les sort de prison. »

 

La France pourtant ne lui convient déjà plus. À la petite histoire des potins parisiens, il préfère l'Histoire et ses remous italiens. L'aura romanesque d'un D'Annun­zio et la brutalité de la pensée fas­ciste l'attirent comme un aimant.

 

À Rapallo, comme Byron avant lui, Pound partage son temps entre l'écriture – « Les Cantos sont de plus abscons et obscurs », écrit-il à son père –, la réflexion politique et la natation. Son épouse et sa maîtresse enceinte se côtoient tant bien que mal, alors que lui-même flirte davantage avec le régime fas­ciste. En 1933, il rencontre Mussoli­ni pour l'entretenir de ses théories économiques auxquelles le Duce ne prêtera pas la moindre attention. Le « vieux Mussy » confiera toutefois à Pound qu'il a trouvé ses Cantos « divertenti ». « Depuis quand es-tu économiste, mon pote ? lui écrit Hemingway, la dernière fois que je t'ai vu, tu nous emmerdais à jouer du basson ! »...

 

La même année, Pound obtient une tribune à la radio de Rome. L'Amérique, « Jew York » et Confu­cius vont devenir ses chevaux de bataille. Pendant des années, le délire verbal et l'insulte vont tenir lieu de discours à Pound, un genre peu apprécié de ses compatriotes...

 

En 1943 le régime fasciste s'écroule, mais la République de Salo, pure et dure, mêlera la tragédie au rêve. Les GI's triomphants encagent le poète à Pise avant de l'expédier aux États-Unis pour qu'il y soit jugé. « Haute trahison, intelligence avec l'ennemi », ne cessent de rabâcher ses détracteurs nombreux. Pound échappe à la corde mais pas à l'outrage d'être interné pendant douze ans dans un hôpital psychiatrique des environs de Washington. Lorsqu'on lui demanda de quoi il parlait avec les toubibs, il répondit : « D'honneur. C'est pas qu'ils y croient pas. C'est simplement qu'ils n'en ont jamais entendu parler. »

 

Le 9 juillet 1958, le vieux cowboy revient à Naples et dans une ultime provocation répond à l'attente des journalistes par le salut fasciste, dernier bras d'honneur du rebelle céleste.

Christian Ville Le Choc du Mois n° 30 - Juin 1990

 

Ezra Pound, le volcan solitaire, de John Tytell, Ed. Seghers.

vendredi, 18 décembre 2009

L'insolente Cioran

e_m_cioran.jpgL'insolente Cioran

Dal mensile Area, giugno 2001

«La mia missione è di uccidere il tempo e la sua di uccidermi a sua volta. Ci si trova perfettamente a proprio agio tra assassini». Con questa dichiarata volontà e nella convinzione che «chiunque non sia morto giovane merita di morire» Emile Michel Cioran, poeta, filosofo, saggista ha condotto il suo personalissimo duello con la vita, «il più grande dei vizi», sino al 20 giugno del 1995, giorno in cui è morto a Parigi.

A sei anni dalla scomparsa di questo affascinante esponente della cultura europea del Novecento, arrivano nelle librerie italiane i Quaderni 1957 - 1972. L’opera raccoglie il prezioso contenuto di trentaquattro taccuini, ritrovati dopo la sua morte, ora pubblicati da Adelphi in un ponderoso tomo di oltre mille pagine, per la delizia di noi lettori. Si tratta degli appunti più intimi di uno sferzante fustigatore della modernità, «scettico di servizio in un mondo alla fine», scritti nel lungo arco di tempo che va dal giugno 1957 al novembre 1972. Vi si trovano, tenuti insieme da una scrittura iperbolica e densa di suggestioni incantatrici, riflessioni, sentenze fulminanti, ritratti strabilianti, descrizioni minuziose di significativi episodi vissuti, aneddoti e paradossi. Soprattutto emerge, tra le righe, l’animo inquieto di un artista affamato d’assoluto, di uno spirito religioso senza religione, di uno scrittore lucido e delirante al tempo stesso, che per la sua natura contraddittoria sfugge ad ogni classificazione, tanto da definirsi egli stesso un «idolatra del dubbio, un dubitatore in ebollizione, un dubitatore in trance, un fanatico senza culto, un eroe dell’ondeggiamento».

Francese d’adozione, Cioran rimane uno scrittore di stirpe rumena e sentimenti balcanici. Nasce a Rasinari (Sibiu) in Transilvania l’8 aprile del 1911 e i Carpazi sono i compagni della sua adolescenza. Rimane sempre legato alla «madre patria immersa nella bruma» anche quando nel 1937 decide di lasciare l’insegnamento nei licei e accettare una borsa di studio a Parigi, «piccola Bucarest […] la sola città del mondo dove si poteva essere poveri senza vergogna, senza complicazioni, senza drammi, la città ideale per essere un fallito». Ed infatti la sua vita parigina è caratterizzata da quel modus vivendi studentesco che Robert Brasillach definiva «l’eminente dignità del provvisorio», ben descritto da Mario Bernardi Guardi nella monografia che il mensile Diorama Letterario ha dedicato nel maggio 1991 (n.148) a Cioran, profeta della decadenza: «Provinciale d’ingegno e studente ribaldo, legge e scrive, ma va anche in giro in bicicletta per i Pirenei e la Bretagna. E vive, fino a quarant’anni, da avventuroso adolescente: ha in tasca pochi soldi, dorme negli ostelli, abita nelle soffitte, alloggia negli albergucci, mangia alla mensa universitaria».

Con sofferenza matura la decisione di rinunciare alla sua lingua d’origine per scrivere in francese. «Ho scritto in rumeno fino al ’47. Quell’anno mi trovavo in una casetta a Dieppe, e traducevo Mallarmé in rumeno. Di colpo, mi son detto: Che assurdità! Che senso ha tradurre Mallarmé in una lingua che nessuno conosce? Allora ho rinunciato alla mia lingua. Mi sono messo a scrivere in francese, ed è stato difficilissimo, perché, per temperamento, la lingua francese non mi si addice. Io ho bisogno di una lingua selvaggia, di una lingua da ubriaco. Il francese è stato per me una camicia di forza».

Sono invece in rumeno, questa «mistura di slavo e latino, idioma privo di eleganza ma poetico», le sue opere giovanili. A soli ventitre anni scrive un saggio di «sfida al mondo», Al culmine della disperazione (Adelphi 1998), che riscuote un certo successo e viene premiato.

Nel 1937 pubblica Ascesa della Romania. Vi si scorge un Cioran ancora attento all’attualità politico culturale, persino interventista nel dibattito del suo paese: «Nessuno può dirsi nazionalista se non soffre infinitamente del fatto che la Romania non possiede la missione storica di una grande cultura e che un imperialismo culturale e politico come quello delle grandi nazioni non possa appartenerle; non è nazionalista chi non può credere con fanatismo alla repentina sublimazione della nostra storia». Nello stesso periodo scrive: «La cultura rumena vive attualmente il suo momento decisivo: abbandonare dietro di sé la tragedia di una cultura su piccola scala e, attraverso le sue imprese in materia di teorie, d’arte, di politica e di spiritualità, compiere un destino specificamente aggressivo da grande cultura. Lo sforzo dei rumeni deve dunque mirare a strappare il loro paese dalla periferia della storia per condurlo sul proscenio…».

Insieme a numerose personalità della cultura, come lo storico delle religioni Mircea Eliade, si schiera a fianco della Legione dell’Arcangelo Michele. E’ una stagione brevissima, prevale presto lo scetticismo e la sfiducia in ogni rivoluzione. Anni dopo scriverà: «Ogni progetto è una forma di schiavitù». E anche: «Mi basta sentire qualcuno parlare sinceramente di ideale, di avvenire, di filosofia, sentirlo dire noi con tono risoluto, invocare gli altri e ritenersene l’interprete, perché io lo consideri mio nemico».

Prima di partire per la Francia pubblica a sue spese Lacrime e Santi (Adelphi 1990) e qualche anno dopo il suo ultimo libro in lingua rumena, Il tramonto dei pensieri. Si appassiona a Shakespeare e Baudelaire, a Dostoevskij, agli antichi gnostici, a Buddha e Pascal.

Lo influenzano soprattutto Spengler e Schopenhauer, suo «grande Patrono, boicottato dalla tromba degli utopisti, senza parlare di quella dei filosofi» e Nietzsche. Sono in molti a paragonarlo al grande tedesco, dal filosofo spagnolo Fernando Savater, allievo ed amico di Cioran nonché traduttore delle sue opere e autore della biografia Cioran, un angelo sterminatore (Frassinetti 1998), a Jean François Revel che lo definisce «il solo rappresentante letterariamente riuscito dell’arte dell’aforisma dopo Nietzsche».

Termina presto l’idillio con la filosofia, («ha vinto l’incantesimo della filosofia», scrisse Alain De Benoist), che abbandona per abbracciare «l’esperienza, le cose vissute, la follia quotidiana». Preferisce finire «prima in una fogna che su un piedistallo». Detesta la pedanteria dei filosofi, piuttosto che sposare dogmi vuole demolirne. Ritiene l’erudizione un pericolo mortale per l’umanità. «Il sapere […] ci condurrà inesorabilmente alla rovina», avverte.

Soprattutto Cioran non vuole rinunciare al suo «dilettantismo»: «Se fossi costretto a rinunciarvi è nell’urlo che vorrei specializzarmi». Le sue opere, in effetti, gridano, nell’intento di svegliare le coscienze dal torpore morale: «scuotendole, le preservo dallo snervamento in cui le sommerge il conformismo». In esse vibra un’energia baldanzosa e vitale che stride, solo apparentemente, con la sfiducia di Cioran.

La sua critica pungente si rivolge all’uomo contemporaneo, capace solo di «secernere disastro», alla ragione, «la ruggine della nostra civiltà», alla storia, «indecente miscela di banalità e apocalisse», al progresso, «l’ingiustizia che ogni generazione commette nei confronti di quella che l’ha preceduta» e al colonialismo occidentale nel Terzo Mondo, «l’interesse degli uomini civili per i popoli che vengono chiamati arretrati è molto sospetto, incapace di sopportarsi ancora, l’uomo civilizzato scarica su questi popoli l’eccedenza dei mali che lo opprimono, li incita a condividere le proprie miserie, li scongiura di affrontare un destino che ormai non può più affrontare da solo».

Eppure, pur esprimendo un inconfutabile pessimismo, Cioran non può essere ritenuto semplicisticamente un nichilista. Non si limita ad annunciare la catastrofica fine dell’occidente, ma invita tutti ad una vera e propria rivolta morale. Come ha scritto Bernardi Guardi il suo è comunque un messaggio positivo: «C’è da indietreggiare davanti a tanta copia d’angoscia. Eppure l’umor nero di Cioran, mettendoci in guardia contro tutto, paradossalmente ci insegna a riscoprire tutto, a fare carne e sangue di ogni esperienza, prima fra tutte quella del dolore, della religione, della morte».

C’è in lui, infatti, una robusta vena di sensibilità sociale, scevra di ogni forma di retorica, scarna e proprio per questo più sincera. E’ singolare come tale sentimento conviva con l’aristocratico distacco rispetto alle sorti del mondo che caratterizza questo autore solitario e metafisico.

La sua insofferente misantropia lo porta a scrivere feroci battute come queste: «appena si esce nella strada, alla vista della gente, sterminio è la prima parola che viene in mente […] quando passo giorni e giorni in mezzo a testi in cui si tratta unicamente di serenità, di contemplazione, di spoliazione, mi viene voglia di uscire per la strada e spaccare il muso al primo che incontro». La tolleranza diventa «una civetteria da agonizzanti». Malgrado affermazioni così temerarie Cioran non ha dubbi: «Ci si deve schierare con gli oppressi in ogni circostanza, anche quando hanno torto, senza tuttavia dimenticare che sono impastati con lo stesso fango dei loro oppressori». L’auspicio è quello di un mondo liberato dal lavoro, dove la gente possa «uscire in strada e non fare più nulla. Tutta questa gente abbrutita, che sgobba senza sapere perché, o si illude di contribuire al bene dell’umanità, che fatica per le generazioni future sotto l’impulso della più sinistra delle illusioni, si vendicherebbe allora di tutta la mediocrità di una vita vana e sterile, di tutto questo spreco di energia privo dell’eccellenza delle grandi trasfigurazione».

Per Cioran la scrittura non è un mestiere, ma un atto liberatorio. Si domanda: «Cosa sarei diventato senza la facoltà di riempire delle pagine. Scrivere significa distrarsi dei propri rimorsi e dei propri rancori, vomitare i propri segreti. Lo scrittore è uno squilibrato che si serve di quelle finzioni che sono le parole per guarirsi». Chiamato in numerose università a tenere dei corsi, rifiuta asserendo che ne è incapace, perché «ogni idea mi ripugna nel giro di un quarto d’ora».

In Italia, negli anni del più ortodosso fondamentalismo marxista, i suoi libri sono stati a lungo ignorati, in quanto ritenuti politicamente scorretti. Solo le edizioni del Borghese dettero alla luce due sue opere, Storia e Utopia (1969) e I nuovi Dei (1971), libro, quest’ultimo, ristampato successivamente anche dall’editore Ciarrapico nella bella collana de I classici della controinformazione, diretta da Marcello Veneziani.

Solo diverso tempo dopo ed in Italia soprattutto grazie ad Adelphi, che ne ha tradotto, nel corso degli ultimi quindici anni, quasi tutta l’opera, il grande pubblico ha potuto godere di buona parte dei suoi scritti, tra i quali la stessa Storia e Utopia (ovviamente trascurando di fare riferimenti alle precedenti edizioni), Il funesto demiurgo, L’inconveniente di essere nati, La caduta nel tempo, La tentazione di esistere, Sommario di decomposizione, Sillogismi dell’amarezza, Squartamento e Esercizi di ammirazione.

In questo libro, in particolare, conosciamo un Cioran anomalo, non più sarcastico ma, al contrario, persino generoso nel giudicare alcuni personaggi della cultura suoi contemporanei, tra i quali gli amati Eliade, Borges e De Maistre.

Sul futuro delle sue opere Cioran ha dichiarato: «Il destino dei miei libri mi lascia indifferente. Credo però che qualcuna delle mie insolenze resterà». Noi invece siamo convinti che la sua opera rimarrà di assoluta attualità, così come la sua figura di provocatore “insolente”.

A tal proposito la definizione che Cioran ha dato del grande pensatore reazionario Joseph de Maistre, è per noi, lettori devoti, la più adatta a descrivere proprio il grande rumeno: «Senza le sue contraddizioni, senza i malintesi che, per istinto o calcolo, alimentò sul proprio conto, il suo caso sarebbe stato liquidato da tempo, ed oggi soffrirebbe la disgrazia di essere capito, la peggiore che possa abbattersi su un autore».

jeudi, 17 décembre 2009

Botho Strauss ist 65

botohstrauss.jpgBotho Strauß ist 65

Ex: http://www.sezession.de/

von Thorsten Hinz

Von Botho Strauß, der heute fünfundsechzig wird, ist ein neues Buch erschienen: Vom Aufenthalt enthält Szenen, die ein Selbstbild des Autors nahelegen. Im ersten Abschnitt ist von einem Mann die Rede, der nach vielen Jahren aus der Fremde heimkehrt, die Reise aber unterbrechen muß, weil in seinem Land ein Putsch stattgefunden hat und die Grenzen geschlossen sind. Nun hockt er im Wartesaal des Grenzbahnhofs.

Die wenigen Mitreisenden sind zu jung, als daß er sie kennen oder von ihnen gekannt werden könnte. »Das ist dann der Aufenthalt, er könnte länger dauern.« Eine andere Passage handelt vom Botschafter eines vergessenen Landes, den niemand mehr einlädt und der Verklärungen über den versunkenen, zum Fabelreich gewordenen Staat verfaßt. »Er bleibt auf seinem Posten, der letzte der Vereinzelung. Nach ihm nur noch: die Minderheiten.«

Die Eigenarten des Denkens, der Poetik und der öffentlichen Position des Botho Strauß sind damit angedeutet: die Vorliebe für die Parabel; das Wissen um den verlorenen Posten, das die Wahrnehmung um so luzider macht; die dialektische Aufhebung einer Gesellschaftskritik, die institutionalisiert und dogmatisch geworden ist und trotzdem auf ihrem vermeintlichen kritischen Potential beharrt; das Vertrauen in den abgesonderten Einzelnen und parallel dazu die Distanz zur ausdifferenzierten Gesellschaft, die im Lobgesang auf die Minderheiten sich selber feiert. Denn deren Bedeutung erschöpft sich längst in der Perfektionierung der Interessenvertretung, der Subventionsjagd, des Gruppendrucks.

Geschichtliche und deutschlandpolitische Dimensionen eröffnen sich, wenn Strauß zweihundert Seiten später über das Gros der DDR-Autoren schreibt: »Vergeblicher Streit um ein vergebliches Land. Ärmelschoner-Existenz, geistig gesehen. Gleichwohl: Welch ein Aufenthalt. Welch eine Versammlung wider die Zeit! Welch ein Dilatorium!« Die Präzisierung des »Aufenthalts« als »Aufschub« gilt auch rückwirkend, und der Befund, in einer gestundeten Zeit zu leben, somit für den Westen. Die im Kalten Krieg feindlich verbundenen Systeme waren zwei Formen des Nachkriegsinterregnums im geschichtlichen Niemandsland. Als die DDR ohne es zu wissen in den letzten Zügen lag, geriet Volker Brauns Drama Die Übergangsgesellschaft zum Triumph. Die andere Übergangsgesellschaft, das Generalthema von Strauß, dauert an.

Wer aus solcher Perspektive auf die Gegenwart blickt, zieht Befremdung und Vereinsamung auf sich. Immerhin ist die Eingangsszene des Aufenthalts nicht ganz ohne Hoffnung. Die Möglichkeit bleibt offen, daß die jungen Mitreisenden – »die vielleicht aus seinem Geburtsort stammen« – eines Tages in ihm jenen Einzelnen erkennen und schätzen werden, der die Sezession gewagt hat. Sezession bedeutet hier: Strauß zählt zu den wenigen Intellektuellen, die als Kinder der Bundesrepublik auf- und souverän über sie hinausgewachsen sind.

Das Geburtsjahr 1944 stellt ihn in die Generation der 68er. Das Studium der Soziologie, Germanistik, Theatergeschichte, der Studienabbruch, die Arbeit bei der Zeitschrift Theater heute passen in den Rahmen. Peter Steins legendäre Schaubühne in Berlin, wo Strauß seit 1970 als Dramaturg wirkte, war ursprünglich ebenfalls von der 68er-Bewegung inspiriert. Durch die Mitsprache der künstlerischen Mitarbeiter bei der Stückauswahl und Spielplanpolitik sollte eine Alternative zum herkömmlichen Stadttheater entstehen. Politische Akzente wurden mit Enzensbergers Verhör von Habana oder mit dem Revolutionsstück Optimistische Tragödie von Wsewolod Wischnewski gesetzt. Das heißt: Der »Dichter der Gegen-Aufklärung« (Michael Wiesberg) kennt das soziale Biotop, die Denkstrukturen und Funktionsweise der bundesdeutschen Aufklärer-Szene aus eigener, intimer Anschauung.

Das Personal seiner Dramen, Romane, tagebuchartigen Reflexionen und Betrachtungen sind Intellektuelle, Akademiker, Künstler und Studenten, die ihre Komplexe, Reizbarkeiten, Gesinnungen ausleben. In ihrer Beschränktheit können sie nicht anders, als selbst Viscontis geniale »Leopard«-Verfilmung »an ihrem eigenen herunterdemokratisierten, formlosen Gesellschaftsbewußtsein (zu) messen. Dabei spürt man zugleich, wie wenig noch an Kraft, Zorn, Richtung hinter solchen Entwürfen steckt.« (Paare, Passanten, 1981) Im Bühnenstück Trilogie des Wiedersehens (1977) werden die entsprechenden Figuren durch Oxymora bezeichnet: »Wißbegierig gleichgültig, erstaunt erschöpft, nachdenklich dumm.« Letzte Menschen halt. Die Kritik an der Gesellschaft steigert sich von Werk zu Werk bis zum Bewußtsein ihrer Ausweg- und Zukunftslosigkeit. Im Bühnenstück Die eine und die andere (2004) trägt das Juste milieu mittlerweile Kompressionsstrümpfe, zeigt seine Wunden vor, ohne sie zu begreifen. Die Tochter der »einen« läßt sich in Kunstaktionen verwunden, um in der Zombiewelt überhaupt mal etwas zu spüren. In magischen Momenten verwandelt ihre Kunst sich in eine mythische Figur, die aus tieferen Sphären schöpft. Ihr Name: Elaine, ein Anagramm aus »Alien«. Soll heißen: Die Erlösung muß von anderswoher kommen!

Folgerichtig widmete sich Strauß verstärkt der Essayistik. Im Nachwort zu George Steiners Von realer Gegenwart (1990) deutete er den Zusammenbruch des Kommunismus als »die negative Offenbarung einer verfehlten, weltlichen Soteriologie: Alles falsch von Anbeginn!«, und er vermutete, daß die Konkurrenzlosigkeit der westlichen Welt »sich in Zukunft gegen ihr eigenes Prinzip« wenden würde.

Im Februar 1993 veröffentlichte der Spiegel den Anschwellenden Bocksgesang. Im ersten Satz gesteht Strauß seine Bewunderung für die Komplexität der »freien Gesellschaft«, um dann ihre – vielleicht letale – Systemkrise zu diagnostizieren. Als größte der inneren Gefahren erscheint die Schrumpfung des westlichen »Menschen« zum aufgeklärten, den Massenwohlstand voraussetzenden »Staatsbürger«, der ohne kulturelle und religiöse Fernerinnerung dahindämmert. Dem amputierten Geschichtsbewußtsein entspricht seine geschrumpfte Vorstellung künftiger Möglichkeiten. Sie schließt den Ernstfall aus und erschöpft sich in Sozialtechnik. Bis hierher war die Argumentation für die Öffentlichkeit noch tolerabel. Mit dem Vorwurf aber, ein »immer rücksichtsloserer« Liberalismus verhöhne und demontiere das »Eigene« – Eros, Soldatentum, Kirche, Autorität, Tradition –, überschritt der Dichter eine Frontlinie, desgleichen mit der Frage, woraus denn die »freie Gesellschaft« im Konflikt mit dem »Fremden« ihre Kraft zur Selbstbehauptung noch schöpfen wolle.

Mit dem Angriff auf die »Totalherrschaft der Gegenwart« schrieb er Novalis’ Kritik am »modernen Unglauben« fort. Dessen Anhänger, so der Frühromantiker, seien unablässig damit beschäftigt, »die Natur, den Erdboden, die menschlichen Seelen und die Wissenschaften von der Poesie zu säubern, – jede Spur des Heiligen zu vertilgen, das Andenken an alle erhebenden Vorfälle und Menschen durch Sarkasmen zu verleiden« und »die Zuflucht zur Geschichte abzuschneiden«.

Der Vorwurf der Moderne- und Geistfeindlichkeit, der deswegen gegen Stauß vorgebracht wird, läßt sich leicht mit Adornos und Horkheimers Feststellung widerlegen, daß der Mythos, gegen den die Aufklärer angehen, ja bereits ein Stück Aufklärung darstellt. Eine mechanisierte Aufklärung ist also »totalitär«, denn je weiter durch sie »die magische Illusion entschwindet, um so unerbittlicher hält Wiederholung unter dem Titel Gesetzlichkeit den Menschen in jenem Kreislauf fest, durch dessen Vergegenständlichung im Naturgesetz er sich als freies Subjekt gesichert wähnt«. Im Grunde zieht Strauß die Konsequenz aus der Dialektik der Aufklärung, wenn er schreibt: »Der Reaktionär ist eben nicht der Aufhalter oder unverbesserlicher Rückschrittler, zu dem ihn die politische Denunziation macht – er schreitet im Gegenteil voran, wenn es darum geht, etwas Vergessenes wieder in die Erinnerung zu bringen.«

Während noch die Fukuyma-These vom Ende der Geschichte diskutiert wurde, die der westliche Sieg im Kalten Krieg markiere, konstatierte Strauß angesichts der massenhaften Armutswanderung nach Deutschland: »Da die Geschichte nicht aufgehört hat, ihre tragischen Dispositionen zu treffen, kann niemand voraussehen, ob unsere Gewaltlosigkeit den Krieg nicht bloß auf unsere Kinder verschleppt.« Die Tumulte vor Asylantenheimen und die in Brand gesetzten Wohnstätten muslimischer Ausländer, für die man Neonazis verantwortlich machte, seien der »Terror des Vorgefühls«. Das emblematisch hochgehaltene »Deutsche« sei die Chiffre für die »weltgeschichtliche Turbulenz, den sphärischen Druck von Machtlosigkeit«, für »Tabuverletzung und Emanzipation in später Abfolge und unter umgekehrten Vorzeichen«, mithin ein Reflex auf den indoktrinierten »Vaterhaß« und den »libertären bis psychopathischen Antifaschismus«. Gegen die Medien, die von »gut schreiben könnenden Analphabeten« beherrscht würden, insistierte er, »daß die magischen Orte der Absonderung, daß ein versprengtes Häuflein von inspirierten Nichteinverstandenen für den Erhalt des allgemeinen Verständigungssystems unerläßlich ist«.

Der Aufsatz löste einen Mediensturm aus, der sich noch steigerte, als er 1994 in den Sammelband Die selbstbewußte Nation aufgenommen wurde, den konservative Publizisten, Historiker und Journalisten veröffentlichten. Der Soziologe Stefan Breuer, der sich mit der Konservativen Revolution beschäftigte, sah Botho Strauß durch »verzerrende Effekte eines gestörten und dadurch pathogenen Narzißmus«, durch »quasireligiöse und sektenförmige Züge« bestimmt. Der Spiegel setzte über ein Foto des Schriftstellers die suggestive Überschrift »Lehrmeister des Hasses«, ohne allerdings im Text auf die Totschlagzeile zurückzukommen. Im medialen Aufruhr spiegelten sich die historischen, politischen, geistig-kulturellen Besonderheiten der Bundesrepublik wider, die am auffälligsten und lautesten von einem Intellektuellen- und Schriftstellertypus repräsentiert werden, der ab Ende der fünfziger Jahre dominierte und – zumindestens institutionell – bis heute dominiert.

Für Walter Jens, der als Schriftsteller, Kritiker, Literaturprofessor, Mitglied der »Gruppe 47« und Akademiepräsident über großen Einfluß im Kulturbetrieb verfügte, war als Intellektueller nur einer denkbar, der sich in die Traditionen der Aufklärung und der Französischen Revolution stellte. Als Prototypen machte er Heinrich Heine sowie Rosa Luxemburg, Heinrich Mann und Carl von Ossietzky namhaft. Auf Heinrich Heine bezog sich auch Jürgen Habermas. Diesen habe an den Frühromantikern das soziale Protestpotential interessiert, Kunst und Wissenschaft seien für ihn autonom, aber nicht esoterisch gewesen; daher habe er keine Scheu gehabt, gezielt in die politische Willensbildung einzugreifen. Erst in der Bundesrepublik habe sein intellektuelles Selbstverständnis sich durchsetzen können, weil »1945« eine »geschichtliche Distanz« erzwungen und ein »reflexiv gebrochenes Verhältnis zu den identitätsbildenden Überlieferungen und geistigen Formationen« mit sich gebracht habe. Während Heines Zeitgenossen noch ein emphatisches Verhältnis zur deutschen Nation pflegten, erkannte der jüdische Emigrant aus der Distanz seines Pariser Exils »das Monströse und das Unheimliche«, das »auch in unseren besten, den unverlierbaren Traditionen« brütete. – Schärfer konnte die Frontstellung gegen das »Eigene«, auf das Strauß sich berief, nicht sein.

Laut Arnold Gehlen betrieben Intellektuelle vom Zuschnitt Heines lediglich die radikale gesinnungsethische Zuspitzung der Politik, um sie nach den Maßstäben der Familienmoral neu zu erfinden. Das Individuum unmittelbar zur Menschheit in Beziehung zu setzen und die Staatsnation als Zwischeninstanz auszuschalten, bedeutete die Zerstörung des politischen Denkens, wie sie nur in definitiv besiegten Ländern möglich war. Die Links-Intellektuellen betrieben demnach die Inversion, Ästhetisierung und geschichtsphilosophische Überhöhung der deutschen Grundtatsache nach dem Zweiten Weltkrieg – durchaus im Einverständnis mit der Mehrheit der Bürger. Denn diese fühlten eine schwere politische Verantwortung von ihren Schultern genommen, zweitens war der politische Dispens mit Massenwohlstand verbunden. Von den gebrochenen Autoritäten des Staates gab es kaum Gegenwehr, die antifaschistisch aufgeladene Kritik an ihnen blieb gefahrlos und verhieß gesellschaftlichen und sozialen Aufstieg. Und wenn den Künstlern und Intellektuellen dabei die »hochsensible, differenzierte Kultiviertheit, wie sie bei Proust oder Musil vorgeführt wurde« (A. Gehlen), abhanden kam, konnte dies sogar zur kulturrevolutionären und antielitären Emanzipation umgewertet werden.

Helmut Schelsky fügte hinzu, die Intellektuellen seien in die Funktion von »Sinnproduzenten« gerückt, die mit einer Synthese aus Soziologie, Psychologie und Wissenstheorie und dank ihrer Monopolstellung im Bildungs-, Öffentlichkeits- und Informationsbetrieb eine »Priesterherrschaft« errichtet hätten, um der Gesellschaft einen theologischen Weg vom »Seelenheil zum Sozialheil« zu weisen. Diese neuen Priester mußten sich von Strauß bloßgestellt und in Frage gestellt fühlen: »Es ziehen aber Konflikte herauf, die sich nicht mehr ökonomisch befrieden lassen; bei denen es eine nachteilige Rolle spielen könnte, daß der reiche Westeuropäer sozusagen auch sittlich über seine Verhältnisse gelebt hat, da hier das Machbare am wenigsten an eine Grenze stieß.«

Strauß hat keinen der Befunde zurückgenommen, sondern sie verschärft. Zum 11. September 2001 schrieb er: »Die Blindheit der Glaubenskrieger und die metaphysische Blindheit der westlichen Intelligenz scheinen einander auf verhängnisvolle Weise zu bedingen.« 2006 reflektierte er im Aufsatz »Der Konflikt« offen über eine Zukunft, in der die christlichen Autochthonen bzw. ihre säkularisierten Nachfahren in Europa nur noch eine Minderheit bildeten, was von den Intellektuellen in ihrer »aufrichtigen Verwirrung« gar nicht begriffen würde. Die »Parallelgesellschaften« konstituierten in Wahrheit eine »Vorbereitungsgesellschaft«. Als Aufforderung an die Europäer nämlich, sich auf vorstaatliche und -gesellschaftliche Gemeinschaftlichkeit und auf europäische Tugenden: Differenzierungs- und Reflexionsvermögen, an Kunst geschultem Schönheitsverlangen, Sensibilität, zu besinnen und ihnen in der »geistlosen« Gegenwart des Westens neue Geltung zu verschaffen. Er sieht uns in eine Entscheidungssituation gestellt. Die Zeit der »neuen Unübersichtlichkeit« (Jürgen Habermas) sei jedenfalls zu Ende: »Wir haben sie hinter uns. Es war eine schwache Zeit.« Wie kein anderer hat Botho Strauß die Innenseite dieser Schwäche beschrieben.


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mardi, 15 décembre 2009

Georges Simenon, l'incompreso di successo

simenon3tm7.jpgGeorges Simenon, l’incompreso di successo

Roberto Alfatti Appetiti
Dal mensile Area, febbraio 2003.

Il prossimo 13 febbraio saranno trascorsi cento anni dalla nascita del narratore belga (Liegi, 13 febbraio 1903), anzi per dirla con Gide del «più grande romanziere della letteratura francese contemporanea».
Sì, francese. Perché Simenon ritenne sempre la Francia sua nazione di appartenenza, anche se dai francesi fu a lungo considerato, con pervicace sufficienza, come uno scrittore commerciale o, nel migliore dei casi, come un “giallista”, la cui vastissima popolarità era da ritenersi esclusivamente legata alla creazione del personaggio del commissario di polizia Jules Maigret, piuttosto che rappresentare un giusto riconoscimento alla sua qualità di scrittore.

Apprezzato da molti colleghi, rimangono memorabili gli entusiastici giudizi tributatigli da Hemingway, «se siete bloccati dalla pioggia mentre siete accampati nel cuore dell’Africa, non c’è niente di meglio che leggere Simenon, con lui non m’importava di quanto sarebbe durata», di Mauriac, «l’arte di Simenon è di una bellezza quasi intollerabile» e persino di Céline, che pure non era tenero verso i suoi contemporanei.

Ciò nonostante Simenon ha vissuto tutta la sua vita in una specie di purgatorio letterario, stretto tra i giudizi severi di una critica che, non perdonandogli di aver offerto il suo talento ad un genere minore quale quello noir, gli ha negato di varcare le soglie dell’Accademia, e un pubblico che ha divorato i suoi libri alla stessa frenetica velocità con cui lui li ha scritti.

Eppure non rinnegò mai Maigret, anche perché il commissario gli aveva procurato, insieme con la ricchezza, la possibilità di dedicarsi a tempo pieno alla scrittura, cui si applicò con passione, determinazione e una certa maniacale disciplina. Tutte le mattine si metteva al lavoro all’alba, armato di venti matite ben temperate e dodici pipe, la cui comune utilità era favorire la concentrazione ed evitare inopportune interruzioni.

L’importante era raccontare la storia tutto d’un fiato, senza stucchevoli formalismi. Si vantava di aver usato in tutto non più di duemila parole per scrivere i suoi libri. «Se c’è una bella frase, la taglio» rispondeva seccamente a chi ne criticava la scrittura troppo asciutta ed essenziale, e aggiungeva: «io sono un artigiano e ho bisogno di lavorare con le mie mani. Mi piacerebbe intagliare i miei romanzi in un pezzo di legno».

Un personaggio bizzarro, del quale diversi erano gli aspetti che rendevano diffidenti gli opinion makers.
 
L’esuberanza, per non dire la stravaganza, del suo carattere anticonformista, niente affatto incline a sottostare alle regole non scritte dei salotti letterari parigini, cui non faceva mistero di preferire la mondanità, la strada e le prostitute, e il vitalismo erotico, che lo portò ad amare circa diecimila donne. «Ho cominciato presto», replicava con falsa modestia a chi gli contestava l’improbabile numero.

Di certo scontò la sua scarsa considerazione per la politica ed i politici, «piccoli uomini malati di vanità», ed in particolar modo per quelli di sinistra. «E’ più interessante un vagabondo di un grande uomo perché un vagabondo è un uomo che può vivere con se stesso senza bisogno delle apparenze», amava ripetere.

Infastidivano le sue contraddizioni, i contratti miliardari con editori importanti, il suo ostentato gusto per il lusso, il fatto che prima di ritirarsi in una piccola baia in Svizzera negli anni precedenti alla morte, arrivata il 4 settembre 1989, vivesse in una grande villa circondato da una corte sterminata di servitori.

Qualcuno, probabilmente, non smise di rimproverare allo scrittore di aver accettato, appena arrivato a Parigi nel 1922, un impiego come segretario presso Binet-Valmer, figura di spicco della destra parigina, prestandosi a svolgere in realtà l’attività di tuttofare per una lega d’estrema destra, prima di passare ad un vero lavoro di segreteria presso il marchese de Tracy, ricco aristocratico della stessa area politica.

Il periodo peggiore per Simenon arrivò con la seconda guerra mondiale, quando venne accusato di collaborazionismo con i nazisti e costretto ad una specie di esilio, seppur volontario, negli Stati Uniti, dove rimase dieci anni, e in Svizzera.

La “colpa” di Simenon, ha scritto Bernardi Guardi, è stata «di non aver fatto la Resistenza […] di aver avuto amici collaborazionisti tra artisti e scrittori […] e di non aver detto di no ai tedeschi quando si era trattato di vendere i diritti per produzioni cinematografiche, di pubblicare libri, di far parte di giurie di premi letterari un po’ sospetti». Suo fratello, scrive ancora Bernardi Guardi, «si era addirittura arruolato nelle file dei rexisti, i fascisti belgi di Degrelle ». Ed infatti l’analoga accusa di essere un collabos venne rivolta al fratello Christian, cui però toccò una sorte ben peggiore. Per sfuggire ad una condanna a morte in contumacia per collaborazionismo, Christian Simenon si era arruolato nella Legione Straniera con lo pseudonimo di Christian Renaud, su consiglio del fratello Georges, e in pochi mesi si era conquistato il grado di caporale. Il 31 ottobre 1947 venne ucciso in una imboscata a That Khe et Dong Kue mentre svolgeva un servizio di perlustrazione.

Lo stesso Georges continuò ad avere seri problemi in patria, il suo paese «gli fece male», parafrasando l’espressione di un altro grande scrittore e poeta francese, Robert Brasillach, che la Francia gollista assassinò barbaramente, dopo un processo farsa, il 6 febbraio del 1945. Nel 1949 venne vietato a Simenon di tenere conferenze e di pubblicare i suoi libri in Francia a causa del suo passato politico.

Ma la vera passione di Simenon non era la politica, bensì il giornalismo e la letteratura, che per lui erano non soltanto due mestieri, ma formidabili strumenti di rappresentazione di quel popolo che tanto lo affascinava.
Prima ancora di trasferirsi a Parigi aveva lavorato per tre anni, giovanissimo, nell’ultraconservatore quotidiano la Gazzetta di Liegi, imparando i rudimenti del mestiere. Il suo giornalismo parigino non era quello impegnato, pretenzioso e militante di tanti suoi coetanei, ma quello della cronaca nera, delle serate trascorse in giro, passate a bere nelle brasserie e nei locali notturni e nelle caserme della capitale a raccogliere informazioni, di una Parigi vissuta pienamente e intimamente e poi magnificamente restituita in tutto il suo fascino nei suoi romanzi, molti dei quali scritti lontano dalla capitale francese, ma sempre nitida e coerente nelle descrizioni di Simenon.

Una confidenza, quella dello scrittore con Parigi, acquisita dall’intensa frequentazione delle sue strade, di tutti i suoi quartieri, compresi quelli malfamati. Il giovane Simenon, infatti, era divorato dalla voglia di vivere sopra le righe e dentro le righe, per mantenersi scriveva racconti popolari e novelle per giornali e settimanali, centinaia in pochi anni, alternando pubblicazioni su giornali più autorevoli come Il Matin a riviste disimpegnate come Le Merle blanc.

Il suo primo libro è del 1927, Il romanzo di una dattilografa, ma l’evento più importante della sua vita letteraria è rappresentato dalla pubblicazione a puntate, nel 1930, sul settimanale Ric et Rac dell’editore Fayard, di Pietro il Lettone, la storia che vide la prima “apparizione” del Commissario Jules Maigret.

Inizia così una lunghissima serie poliziesca che conterà settantacinque romanzi e ventotto racconti per un totale di quarantadue anni di inchieste, ovvero sino al 1972, quando Simenon decise di pensionare quel “vecchio amico” del Commissario, così diverso dal suo creatore. Maigret è monogamo, fedele a sua moglie, un sobrio e solerte burocrate ben saldo nel suo ufficio in Quai des Orfevres, in place Dauphine, attento e minuzioso indagatore dell’animo umano ancora prima che investigatore di polizia. Simenon è irrequieto, geniale, immorale, apertamente poligamo, è un demolitore delle rispettabilità borghese, pur senza mai esprimere un giudizio di condanna, ma anzi schierandosi sempre e senza tentennamenti con i suoi personaggi, non mancando di sottolineare l’irrazionalità che mina le strutture della vita sociale ed individuale. Georges e Jules hanno in comune solo la loro umanità e una regola inderogabile, cui entrambi rimarranno fedeli: «comprendere, capire e mai giudicare».

La sua produzione complessiva è sterminata, tra le più monumentali della letteratura mondiale: circa quattrocento romanzi e circa un migliaio di racconti tra quelli firmati con il suo nome e con pseudonimi vari. La popolarità, internazionale, è amplificata negli anni dalle numerose trasposizioni televisive e cinematografiche delle sue opere, che daranno al celebre commissario il volto italiano dell’attore Gino Cervi, ritenuto «il miglior Migret possibile» dallo stesso Simenon.

I luoghi dove sono ambientate le sue storie sono sempre suggestivi, sia che si tratti di Parigi che della provincia francese, della quale riesce magistralmente ad evocare l’atmosfera stagnante e misteriosa anche quando non conosce personalmente i luoghi, come ammette egli stesso nella premessa a Il borgomastro di Furnes: «non conosco Furnes, non ne conosco il borgomastro, né gli abitanti». Eppure la descrizione del borgo fiammingo è quanto mai autentica, forse persino più dell’originale.

I suoi indimenticabili personaggi, quasi tutti fortemente autobiografici, sono intenti a dipanare il grande conflitto della vita, alle prese con i mutamenti repentini che spesso le circostanze presentano agli uomini di ogni ceto sociale, fosse anche la borghesia, che per sua natura dovrebbe essere la classe più solida, meno esposta agli imprevisti del destino. Non a caso molte storie hanno per protagonisti proprio uomini affermati, quel «ceto medio più o meno colto, che dà al nostro paese funzionari, medici, avvocati, magistrati e spesso anche deputati, senatori e ministri». Eppure basta un piccolo episodio, apparentemente poco importante, per stravolgere il corso delle loro vite e far sì che essi perdano irrimediabilmente certezze e valori di riferimento. I personaggi di Simenon non sono dei perdenti, lo sono solo apparentemente, per loro la sconfitta è soprattutto consapevolezza, rivelazione, verità. Vivono la vita come fosse una lunga trance, che può essere interrotta in qualsiasi momento, improvvisamente, dall’irruzione irreversibile dell’amore, del dolore, della morte.

Può essere sufficiente anche un tracollo finanziario a sconvolgere un’esistenza tranquilla, come accade a Kees Popinga, il protagonista de L’uomo che guardava passare i treni, che da onest’uomo e buon padre di famiglia si trasforma in un assassino senza scrupoli. Oppure la circostanza può essere offerta da un omicidio, come nel caso dell’avvocato alcolista Hector Loursat, «un orso di quarant’anni sciatto e trasandato rintanato in casa come un animale ferito», cui è necessario che un delitto venga consumato in casa propria da sconosciuti (o meglio da Intrusi come si intitola il romanzo) per uscire dalla solitudine e tornare a guardarsi attorno, riscoprire lentamente il gusto della propria professione, come dopo un lungo sonno.

E’ emblematico allo stesso modo l’atteggiamento del protagonista di Lettera al mio giudice. Alavoine è un medico, un uomo dalla vita normale, sino a quando nella sua vita entra una ragazza «minuta, pallida, arrampicata sui tacchi». Si amano, ma lui sente di amarla troppo, infine la uccide. Nella lettera che scrive al suo giudice non si discolpa, non si giustifica, chiede solo di «essere capito». Così conclude la sua confessione: «Siamo arrivati sin dove abbiamo potuto. Abbiamo fatto tutto quello che potevamo. Abbiamo voluto l’amore nella sua totalità. Addio signor giudice». Alavoine sente di obbedire ad una legge che non è quella degli uomini ma la sua personale, una legge che egli stesso non conosceva, né di cui avrebbe potuto immaginarne l’esistenza, che non si trova sui codici, che per questo non può essere condannata, ma solo capita e compresa.
E proprio interrogandoci sulle ragioni del lungo cammino in salita che questo grande scrittore ha dovuto percorrere prima di entrare, a pieno titolo, nel pantheon della letteratura mondiale, probabilmente dobbiamo dare ragione ad Hemingway: «Mi sentii solidale con lui durante i suoi incontri con l’idiozia e con il Quai des Orfèvres, e provai grande soddisfazione per la sua sagacia e per la sua reale comprensione dei francesi, impresa che solo uno della sua nazionalità poteva compiere, dato che qualche legge oscura impedisce ai francesi di comprendere se stessi sous peine des travaux forcés à la perpétuité…». Sotto pena dei lavori forzati a vita.
(Vero all’alba, Mondadori 1999).

samedi, 12 décembre 2009

Joseph Roth e il mito dell'impero

Roberto Alfatti Appetiti

http://robertoalfattiappetiti.blogspot.com/

joseph-roth.jpgJoseph Roth e il mito dell’impero

Dal mensile Area, marzo 2003

Sono trascorsi cinquanta anni da quando Longanesi pubblicò in Italia La marcia di Radetzky, il libro capolavoro che Joseph Roth scrisse nel 1932. «Il più bel canto del cigno del vecchio impero austriaco», lo aveva definito Heinrich Böll. Eppure l’iniziativa editoriale si dimostrò un vero fallimento.

Il grande scrittore austriaco, lo strenuo difensore dei valori tradizionali in rivolta contro il suo tempo, era morto da poco più di dieci anni (il 27 maggio del 1939) ma era stato già dimenticato, per non dire rimosso, dalla storia letteraria europea. Ancora negli anni Sessanta il suo nome, ad eccezione degli ambienti accademici e di pochi pionieri (in Italia Claudio Magris), era quasi sconosciuto. Prima che Adelphi rendesse giustizia a Roth, pubblicando negli anni Settanta e Ottanta le sue opere, nel passato solo pochi editori fieramente controcorrente come Longanesi e Vallecchi avevano proposto qualche suo titolo, restituendogli una temporanea e circoscritta popolarità. La grande editoria preferiva investire quasi esclusivamente su autori “politicamente corretti” e certo la «gloria letteraria dei monarchici» (come lo ha definito Soma Morgenstern nel suo Fuga e fine di Joseph Roth, Adelphi 2001), l’antidemocratico Roth, non poteva considerarsi organico al verbo progressista. Per Roth la democrazia altro non era che «lo stratagemma» che le dittature, il proletariato e i nazionalismi volevano utilizzare per raggiungere le proprie mire, generando «solo brutalità in un mondo in trasformazione».

Galiziano di Brody, era nato il 2 settembre 1894 da genitori ebrei, aveva studiato germanistica a Vienna e partecipato alla prima guerra mondiale. Giornalista prolifico e apprezzato (oltre mille articoli scritti tra le due guerre), ha vissuto la sua travagliata vita di pendolare delle lettere tra Berlino, Vienna, Francoforte e Parigi, dove si stabilì in esilio dal 1933 e morì che non aveva neanche quarantacinque anni. Roth era cresciuto nel mito unificante e multiculturale dell’impero austroungarico, nel quale «non si distinguevano uomini di diverse nazionalità perché ognuno parlava tutte le lingue». La struttura antinazionalista della monarchia asburgica aveva lasciato un segno indelebile nella sua formazione. Il mescolarsi per le strade di tedesco, polacco, ucraino, yiddish, e le differenze etniche, rappresentavano una ricchezza, un patrimonio da custodire gelosamente e di cui il tutore era il vecchio imperatore Francesco Giuseppe, «onnipresente tra i suoi sudditi come Dio nell’universo». Il cuore pulsante dell’impero non era Vienna, che pure ospitava la residenza imperiale, ma le grandi periferie, come quella orientale da cui lui proveniva. Era proprio il «tragico amore» dei Paesi della Corona per l’Austria a nutrire la capitale. Bastava che suonasse la Marcia e in qualsiasi angolo dell’impero ci si trovasse l’identità comune si affacciava in tutti i cuori: «Tutti i concerti in piazza cominciavano con la marcia di Radetzky. Gli arcigni tamburi rullavano, i dolci flauti zufolavano e i benigni piatti squillavano. Sui visi di tutti gli ascoltatori spuntava un sorriso compiacente e trasognato, mentre nelle loro gambe il sangue frizzava. Erano fermi e credevano di marciare».

Come ha scritto Maria Sechi nel suo Invito alla lettura di Roth (Mursia 1994), Roth rimproverava alla borghesia occidentale di aver commesso «un vero crimine: aver distrutto la tradizione, la legge e l’ordine» di quella che riteneva una grande civiltà. Nell’industrializzazione, capace solo di produrre «imbrogli e illusioni» e nell’offensiva della tecnica vedeva un «un’ulcera» che finiva per ridurre l’uomo ad automa, a pedina, ad ingranaggio di un processo massificante. Il mondo era irreversibilmente malato, minato nelle sue fondamenta dalla spinta dei nascenti nazionalismi, come denuncia nella Radetzkymarsh: «L’epoca non ci vuole più! Questa epoca vuole creare degli Stati nazionali indipendenti! La gente non crede più in Dio. La nuova religione è il nazionalsocialismo. I popoli non vanno più nelle Chiese. Vanno nei circoli nazionalisti. La nostra monarchia è fondata sulla religiosità: sulla credenza che Dio abbia eletto gli Asburgo a regnare su tali e tanti popoli cristiani».

Da giovane aveva provato simpatia per il socialismo, non per convinzioni marxiste ma per un sentimento di naturale vicinanza ai poveri. “Joseph il rosso”, era stato soprannominato, ma un viaggio in Russia nel 1926-27, come inviato del Frankfurter Zeitung, gli aveva aperto gli occhi, tanto da fargli commentare: «E’ una grande fortuna che io abbia fatto questo viaggio in Russia: altrimenti non avrei mai conosciuto me stesso». «Sono partito bolscevico e sono tornato monarchico», ironizzava. Il suo era un «anticomunismo patologico», sentenziò sprezzantemente Ludwig Marcuse. Trovò l’URSS un deserto spirituale, «tutte le sue simpatie per quel paese erano di colpo svanite», ha scritto Soma Morgenstern. «Mai ho sentito così intensamente di essere un europeo, un mediterraneo se vuole, un romano e un cattolico, un umanista e un uomo del rinascimento», scrisse ad un amico al suo ritorno. «Detestava apertamente le convinzioni politiche ed il fanatismo» dei comunisti. Ai suoi occhi il socialismo si era macchiato di una imperdonabile colpa: aver contagiato di materialismo la Russia, creando le premesse per l’affermazione in quella regione della società e dei valori borghesi e trasformando un popolo religioso in una massa anonima di piccoli borghesi ambiziosi: «Ebbene questo è proprio il caso in cui la beffa della storia è palese. Questa storia che dovrebbe liberare il proletariato, che ha come scopo la creazione dello Stato e dell’umanità senza classi, questa teoria, la dove viene applicata per la prima volta, fa di tutti gli uomini dei piccoli borghesi. E, per colmo di sfortuna, fa le sue prime prove proprio in Russia, dove i piccoli borghesi non sono mai esistiti. In Russia, appunto, il marxismo si presenta soltanto come una componente della civiltà borghese europea. Anzi, sembra quasi che la civiltà borghese abbia affidato al marxismo il compito di farle da battistrada in Russia».

Il suo individualismo lo portava a respingere ogni forma di collettivismo. In una lettera all’amico e mentore Stephan Zweig accusò il socialismo di aver generato il fascismo e il nazionalsocialismo, anticipando così con grande lungimiranza le successive tesi di Ernst Nolte. Il suo era un profondo risentimento verso la modernità incalzante, nei confronti della quale si sentiva profondamente estraneo, se non dichiaratamente ostile. Lo scrive senza equivoci nelle prime pagine de La Cripta dei Cappuccini: «Io non sono un figlio del mio tempo, anzi, mi riesce difficile non definirmi addirittura suo nemico. Non che io non lo capisca, come tante volte sostengo. Questa è solo una scusa di comodo. Per indolenza, semplicemente, non voglio essere aggressivo o astioso, e perciò dico che una cosa non la capisco quando dovrei dire che la odio o la disprezzo. Ho l’orecchio fine, ma faccio il sordo. Mi pare più elegante fingere un difetto che ammettere di aver sentito rumori volgari».

E probabilmente, fosse stato ancora in vita, avrebbe ignorato anche lo sprezzante giudizio che di lui diede Italo Alighiero Chiusano nel 1979 su La Repubblica: «Ormai si può parlare da noi di un’ondata Roth, con entusiasmi che sarà bene lasciar sfogare per la simpatia che il personaggio merita e per il suo indubbio valore letterario, ma che più tardi bisognerà ridurre ai limiti reali. Chi mette Joseph Roth alla pari di Kafka, Mann, Brecht, Musil, lo costringe ad un confronto che egli non può sostenere». Niente di più falso, quel confronto Roth lo ha sostenuto e continua a sostenerlo con grande dignità, nonostante la diffidenza di buona parte del mondo editoriale e culturale “che conta”. La dimostrazione più lampante è offerta dal fatto che persino La Repubblica abbia recentemente inserito nella sua “Biblioteca” una delle opere di questo grande scrittore reazionario, e proprio La Cripta dei Cappuccini (1938), che con La Milleduesima notte e il Leviatano (queste ultime pubblicate solo postume) può essere considerata una delle opere maggiormente nichiliste e antimoderne per eccellenza.

La Cripta è un romanzo aspro, amaro, struggente. E’ il libro dell’addio ad un’epoca che sembrava eterna e che invece andava incontro ad un repentino tramonto: «La morte incrociava già le sue mani ossute sopra i calici dai quali noi bevevamo, lieti e puerili». Il protagonista è Francesco Ferdinando Trotta, un giovane rampollo di una famiglia di recente nobiltà, che attraversa l’esperienza bellica trovando al suo ritorno una Vienna irriconoscibile. E’ un personaggio in buona parte autobiografico. Anche Roth ha partecipato alla Grande Guerra come volontario e come ufficiale. Era andato in guerra per «uno strano motivo che solo Conrad potrebbe spiegare […] come i vecchi scapoli, che, non potendo sopportare la solitudine, contraggono matrimonio». Anche Roth aveva provato un forte senso di smarrimento appena tornato dal fronte, nell’accorgersi di come tutto attorno a lui fosse cambiato, e suoi sono senz’altro i sentimenti espressi dal giovane Trotta: «Tutti noi avevamo perso rango, posizione e nome, casa e denaro e valori: passato, presente, futuro. Ogni mattina quando aprivamo gli occhi imprecavamo alla morte che invano ci aveva attirato alla sua festa grandiosa. E ognuno di noi invidiava i caduti. Riposavano sottoterra e la primavera ventura dalle loro ossa sarebbero nate le violette. Noi invece eravamo tornati a casa disperatamente sterili, coi lombi fiaccati, una generazione votata alla morte, che la morte aveva sdegnato». I valori in cui aveva creduto non avevano più cittadinanza: «Allora, prima della Grande Guerra […] non era ancora indifferente se un uomo viveva o moriva. Se uno era cancellato dalla schiera dei terrestri non veniva subito un altro al suo posto per far dimenticare il morto ma, dove quello mancava, restava un vuoto, e i vicini come i lontani testimoni del declino di un mondo ammutolivano ogni qual volta vedevano questo vuoto». Si sentiva a disagio in quel nuovo sistema politico che andava affermandosi. Trotta si trova in un caffè quando apprende la notizia della costituzione di un nuovo governo popolare tedesco. «Da quando ero rimpatriato dalla guerra mondiale, rimpatriato in un paese pieno di rughe, mai avevo avuto fiducia in un governo: figuriamoci poi, in un governo popolare. Io appartengo ancora oggi – nell’imminenza della mia probabile ultima ora, io, un uomo, posso dire la verità – a un mondo palesemente tramontato, nel quale pareva naturale che un popolo venisse governato e che, dunque, se non voleva cessare di essere popolo, non poteva governarsi da solo. Ai miei orecchi – spesso avevo sentito che li chiamavano reazionari – suonò come se una donna amata mi avesse detto che non aveva affatto bisogno di me, che poteva fare l’amore con sé sola, e che anzi doveva farlo, e invero al solo scopo di avere un bambino». Non resta altro da fare al protagonista, e Roth sceglie per lui un finale simbolico. Trotta, come ultimo atto, si reca a portare l’ultimo omaggio al suo imperatore: «La Cripta dei Cappuccini, dove giacciono i miei imperatori, sepolti in sarcofaghi di pietra, era chiusa. Il frate cappuccino mi venne incontro e chiese: Che cosa desidera? Voglio visitare il sarcofago del mio imperatore Francesco Giuseppe, risposi. Dio la benedica, disse il frate e fece sopra di me il segno della croce. Dio conservi!, gridai. Zitto!, disse il frate. Dove devo andare, ora, io, un Trotta?».

Lo stato d’animo del giovane Trotta è lo stesso degli altri personaggi dei romanzi “politici” di Roth, Hotel Savoy, La ribellione, Fuga senza fine, Zipper e suo padre. Sono reduci incapaci di affrontare la nuova esistenza, animati da delusione, risentimento, rabbia, senso di impotenza. Il Conte Xaver Morstin, nella novella Il busto dell’imperatore (1934) esprime tutta la sua amarezza: «I capricci della storia hanno distrutto anche la gioia personale che veniva da ciò che io chiamavo patria. Ai loro occhi io sono considerato un cosiddetto Vaterlos, un senza patria. Lo sono sempre stato. Ahimè! C’era una volta una patria, una vera, una cioè per i senza patria, l’unica possibile. Era la vecchia monarchia; ora sono un senza patria che ha perduto la vera patria dell’eterno viandante». Anche dopo la caduta dell’impero il vecchio imperatore restava «una figura al di fuori di tutto ciò che è normale», e come tale da venerare. «Nessuna virtù ha stabilità in questo mondo eccettuato una sola: l’autentica devozione. La fede non ci può ingannare perché non ci promette nulla sulla terra. Applicato alla vita dei popoli ciò significa che invano essi ricercano le cosiddette virtù nazionali. Per questo io odio le Nazioni e gli stati nazionali. La mia vecchia patria, la monarchia sola era una grande casa con molte porte e molte stanze per molte specie di uomini. La casa è stata suddivisa, spaccata, frantumata. Là io non ho più nulla da cercare. Io sono abituato a vivere in una casa, non in una cabina».

Analogo destino di «senza patria» è quello di Franz Tunda, protagonista di Fuga senza fine (1928). Il giovane ufficiale asburgico, dopo essere stato prigioniero di guerra dei russi, lasciata con la divisa l’identità militare, si sente fuori posto ovunque. Fuggito rocambolescamente da un lager siberiano, capita casualmente tra i guerriglieri comunisti. Lì conosce una giovane militante, Natascha. Per amore ne sposa la causa, anche se la rivoluzione socialista «non gli era simpatica, gli aveva rovinato la carriera e la vita». Ma Natascha «non voleva saperne della sua bellezza, si ribellava contro se stessa, riteneva la sua femminilità una ricaduta nella concezione borghese della vita e l’intero sesso femminile un residuo ingiustificato di un mondo vinto, agonizzante». Tunda si accorge presto che la rivoluzione è diventata prassi burocratica, una «disciplina senza sentimento». Finisce per stabilirsi a Parigi, «senza nome, senza credito, senza rango, senza titolo, senza soldi e senza professione: non aveva né patria né diritti». Dice Tunda, e a parlare è naturalmente Roth: «Io so soltanto che non è stata, come si dice, la inquietudine a spingermi, ma al contrario un’assoluta quiete. Non ho nulla da perdere. Non sono né coraggioso né curioso di avventure. Un vento mi spinge, e non temo di andare a fondo». Significativo è anche qui il finale scelto da Roth per chiudere il romanzo: «A quell’ora il mio amico Franz Tunda, trentadue anni, sano e vivace, un uomo giovane, forte, dai molti talenti, era nella piazza davanti alla Madelaine, nel cuore della capitale del mondo, e non sapeva cosa doveva fare. Non aveva nessuna professione, nessun amore, nessun desiderio, nessuna speranza, nessuna ambizione e nessun egoismo. Superfluo come lui non era nessuno al mondo». L’unica possibilità è la “fuga”, una “fuga senza fine”. Non c’è alcun velleitarismo in Roth, non c’è speranza di improbabili rivalse, la partita è persa, ma la resa non significa accettazione e omologazione. La sua narrazione non è politica in senso stretto, è più che altro sentimentale: «tutti i cambiamenti della carta geografica d’Europa non avevano cambiato i sentimenti dei popoli», dice Morstin/Roth.

A partire dagli anni Trenta, deluso dall’attualità, Roth si è limitato a rievocare con nostalgia e grande capacità suggestiva il mondo di ieri, una civiltà europea «frantumata», per affermare la sua identità, per crearsi un rifugio individuale. Più tardi la simpatia per la monarchia si intrecciò con la sua discussa conversione al cattolicesimo. Aveva trovato nell’universalismo del cattolicesimo l’unico collante che potesse ergersi a baluardo dei suoi valori, assumendo quello che era stato il ruolo unificante dell’impero: «la Chiesa romana in questo marcio mondo è l’unica ormai in grado di dare, di conservare una forma».

Un importante contributo all’approfondimento della personalità di Roth è arrivato grazie alla biografia Fuga e fine di Joseph Roth, che raccoglie la preziosa e affettuosa testimonianza di uno dei suoi migliori amici, Soma Morgenstern (galiziano anche lui, romanziere apprezzato da Musil, dopo la morte di Roth venne internato in un campo di concentramento francese e morì dimenticato da tutti a New York nel 1976). Ci lascia un ritratto completo di luci e ombre sulla vita dello scrittore, ci presenta un Roth insolente e ingrato, geniale e un po’ impostore, infantile e lucidissimo nei suoi giudizi sull’epoca e sui suoi contemporanei, ora aggressivo ora vulnerabile, decisamente affascinante: «vestiva con particolare eleganza, quasi da bellimbusto. I suoi capelli biondi avevano la scriminatura nel mezzo, e il suo monocolo suscitò stupore nel nostro gruppetto». «Se fosse stato francese», scrive Morgenstern, «e avesse vissuto qualche altro anno, sarebbe diventato una leggenda». E ne spiega i motivi: sapeva creare atmosfera attorno a sé, viveva, si ubriacava, lavorava, tutto in pubblico e «disseminava opinioni iconoclaste» che creavano regolarmente scandalo. Come scrive ancora Morgenstern, Roth parlava di Otto d’Asburgo, pretendente al trono austriaco, con sincera devozione, come si trattasse dell’imperatore, solo «per acquietare i suoi dubbi sulle probabilità di una realizzazione storica di quel sogno». In realtà non aveva fiducia nella politica e finì per ritenere lo stesso pretendente al trono «troppo poco legittimista» per i suoi gusti. Frequentava gli ambienti monarchici, ma più che altro perché divideva con gli altri esuli lo status di orfano di un mondo scomparso.

Dopo lo sfacelo dell’impero si rifugiò nell’alcool, perché così «la vita diventa più facile» e «talvolta libera l’animo umano». A chi gli rimproverava il suo vizio, rispondeva ironicamente che era divenuto alcolizzato «per incarico divino». «La salute! Puah!», si scherniva, mentre faceva di tutto per accellerare il suo incontro con la morte. «Ecco quel che veramente sono; cattivo, sbronzo, ma in gamba», si definì con autoironia. Continuò a scrivere altri libri, sempre lavorando nei tavoli dei caffè. Opere che possiedono, come ha scritto Gian Antonio Stella nella prefazione a Giobbe, romanzo di un uomo semplice (il libro del 1930 che il Corriere della Sera ha inserito nella sua “Biblioteca”), una particolare «forza immaginifica, così gonfia e possente da dare talora le vertigini». Il suo ultimo racconto, scritto negli ultimi giorni di vita e pubblicato solo postumo, è tra i più noti, anche grazie ad una recente trasposizione cinematografica. La leggenda del Santo bevitore può essere considerato un po’ come il suo testamento spirituale. Il protagonista è Andreas Kartak, un uomo smarrito, perso al mondo, un clochard. Uno sconosciuto gli offre un prestito chiedendo in cambio solo l’impegno a restituire la somma alla piccola Santa Teresa nella Chiesa di Santa Maria di Batignolles. Andreas non userà quel prestito per redimersi, per cambiare vita. Al contrario, come Roth, va incontro al suo destino, quasi incoraggiando la sua stessa rovina. Quando la morte sta per sopraggiungere ha un unico pensiero, quel prestito da rendere alla giovane Santa, dimostrando uno spiccato senso dell’onore, lo stesso che ha animato l’intera vita di quel fedele servitore dell’Imperatore che fu Joseph. «Conceda, conceda Dio a tutti noi, noi bevitori, una morte così facile e così bella», questo è l’ultimo auspicio di Andreas. E Roth morirà, come il suo ultimo personaggio, dopo l’ultima e fatale crisi di delirium tremens in un ospedale per i poveri.

mercredi, 09 décembre 2009

Roger Nimier, l'ussare blu delle lettere francesi

Nimier-09bf6(1).pngRoberto Alfatti Appetiti

Http://robertoalfattiappetiti.blogspot.com/

Roger Nimier, l’ussaro blu delle lettere francesi

Dal mensile Area, maggio 2003

Pochi mesi prima dell’incidente stradale del 28 settembre 1962, in cui perse tragicamente la vita, Roger Nimier, in una conversazione con François Billetdoux, disse di aver deciso di diventare scrittore per «esplorare il cuore femminile». Si trattava di una confessione sincera, un po’ spavalda, un po’ autoironica, ma anche di una mezza verità, di un elegante modo per schernirsi. L’affermazione, se da una parte serviva ad alimentare la fama di playboy impenitente, dall’altra gli era utile a dissimulare l’ardente impegno culturale che lo aveva spinto, giovanissimo, a scendere nell’arena delle lettere.

Nimier, parigino di Neuilly-sur-seine, «cattolico bretone», come amava presentarsi con una punta di vanità, discendente dell’antica casata dei conti de la Perrière, sentiva l’esigenza di dover recuperare il tempo perso, avvertiva come una imperdonabile colpa l’essere nato “soltanto” il 31 ottobre 1925, troppo tardi per essere vicino ai confrères collabos, ai vinti, agli ultras maudit, a coloro che in virtù della loro militanza nella collaborazione vennero poi sistematicamente emarginati dal mondo letterario. D’indole impetuosa, animato da un intransigente furore iconoclasta, Roger Nimier si gettò a capofitto nella vita, scegliendo di stare dalla parte sbagliata, quella che aveva appena perso, senza alcuna possibilità di rivincita, la sua battaglia. Di simpatie monarchiche, si era formato leggendo l’Action Française. Nel 1945, mentre la Francia era ancora in festa per la Liberazione, non ancora ventenne, corse ad arruolarsi nel 2° Reggimento Ussari e venne spedito di gran carriera negli Alti Pirenei. L’esilio durò meno di un anno, perché troppo forte era il richiamo della tenzone e, smobilitato, tornò a Parigi. L’unico agone praticabile rimaneva quello letterario, ben più vivace di quello ristagnante e compromissorio della politica. Al riguardo, Paul Morand non mancò mai di mettere in guardia il suo giovane amico: «Niente politica, perché tutto è perduto. Stattene tranquillo». Ma Nimier non era un tipo tranquillo, per lui «un uomo senza progetti è il nemico del genere umano».

A soli ventitré anni esordì presso Gallimard con il suo primo romanzo, Le spade, recentemente pubblicato in Italia, nella traduzione del curatore Massimo Raffaelli, grazie ad una piccola casa editrice padovana, Meridiano Zero. Il libro rappresentò un atto di sfida, una vera e propria dichiarazione di guerra ad un mondo culturale, quale quello francese del secondo dopoguerra, egemonizzato dalla sinistra, intento a tessere le lodi della Resistenza e ad esaltarne la superiorità etico-morale nel nome dell’incarnazione d’ideali indiscutibili. E non poteva esserci un’opera più aggressiva, sfrontata e controcorrente di Le spade, esatta antitesi del modello politicamente dominante di una letteratura ispirata dal dogma della responsabilità sociale dello scrittore. La storia, ambientata nella tumultuosa Parigi di quegli anni, è in buona parte autobiografica. La scrittura è asciutta e apparentemente trascurata, ma nello stesso tempo avvincente, ruvida nella sua sincerità, esplicita, veloce, cinematografica. Soprattutto è gettata sulla carta come una rapsodia, senza mediazioni stilistiche. E’ un lungo delirio nel quale il narratore non si preoccupa di analizzare gli avvenimenti che si susseguono, a coglierne qualche dettaglio, come se i fatti non dipendessero dalla sua stessa volontà e tutto fosse frutto di un copione già assegnato al protagonista, di una scelta già fatta. François Sanders si presenta nelle prime pagine come un ragazzino sensibile e annoiato, la cui attività principale consiste nell’annotare su un diario una minuziosa contabilità del suo onanismo. Vive un rapporto d’amore platonico, pur se progressivamente più sensuale, con la sorella Claude, che nella sottile e delicata ambiguità ricorda le vicende dei cugini René e Florence nel romanzo La ruota del tempo di Robert Brasillach (Edizioni Sette colori). Anche qui si avverte il timore del protagonista nei confronti di una maturità che sembra incombere come una minaccia, attirando su di sé la corruzione dell’ambiente esterno e determinando un fatale allontanamento dall’ideale di purezza insito nella gioventù e la fine della naturale complicità tra i due ragazzi. François inizialmente è attratto dalla Resistenza, ma rimane presto deluso dalla meschinità dei suoi compagni, che lo tradiscono e lui tradirà a sua volta. Il suo sguardo si rivolge altrove: «Nel ’44, Vichy mi rompe più che mai, ma i nazisti mi appassionano. Ho intuito la grandezza della catastrofe tedesca e gli ultimi sforzi del suo genio. Al confronto, i movimenti di resistenza mi parevano meritassero un semplice paragrafo nei manuali di storia. Vedevo in anticipo questo piccolo paragrafo, bianco e gelido, noto appena ai bravi allievi […] Non dubitavo della vittoria dei rossi. Loro portavano con sé la verità della storia – noi avremmo avuto la verità dei vinti, tanto più inebriante. In massa sentivo il nostro popolo rifluire verso i vincitori. E vedevo gli altri, i resistenti di giugno accoglierne le luride truppe a braccia aperte, adularle, adorarle». In una Parigi festante, «che scoppia di stupidità», uccide a caso tra la folla un ebreo, «solo per togliersi un capriccio», per eliminare quello che ritiene un «simbolo della nuova Francia, che mangerà a sazietà, lascerà cartacce sull’erba della domenica […] dunque, ho sparato su un simbolo […] Mi sono sottomesso all’ispirazione, ho sparato, ho sentito il dolce rinculo del calcio sulla spalla. Senza dubbio ho sussurrato: Uno di meno. Perché la buona educazione, che conta, dimostra che si può uccidere la gente senza essere comunque dei bruti». Passa tra le file della Milizia, insieme a «figli di papà in rotta con l’ideale, vecchi fascisti tubercolosi, bretoni amatori della Vandea e qualche pregiudicato – il sale della terra, come si dice». Sanders si trova più a suo agio con i duri. Forgia lui stesso un modo di chiamare Pétain, «vecchio culattone […] espressione che ha spopolato e di cui penso che la Milizia mi sia debitrice». La sua adesione al collaborazionismo è estetica, più che politica, è la sua personale reazione di fronte ad «un paese sprofondato nel disonore e con la vocazione al tradimento». «Più l’apocalisse si avvicinava alla Germania più essa diventava la mia patria […] la Germania, nel ’44, è stata il gran luogo di raduno dei desperados d’Europa. Tutta l’ebbrezza di una disfatta clamorosa e meritata si è presentata davanti a noi. I rossi non erano cattivi. Avevano l’innocenza pronta all’uso e tante altre cose. Noi li ammazzavamo e il buon Dio li accoglieva in paradiso. Mentre noialtri, il nostro Dio dei vinti ci offriva un altro piedistallo. Le notizie arrivavano dai quattro angoli del globo. Le disfatte si ammucchiavano davanti a noi per innalzarci, noi che mai avevamo goduto della vittoria».

Come scrive lo scrittore Eraldo Affinati nella prefazione all’edizione italiana, il collaborazionismo di Sanders-Nimier, che ne avrebbe segnato irrimediabilmente la vita come «un’indelebile cicatrice», consisteva soprattutto in una «faccenda di onore e giacche inamidate, fedeltà e sigarette, colpi sferrati a vuoto verso un nemico nascosto dove meno te l’aspetti». La scelta di arruolarsi era stata compiuta perché «non era facile avere vent’anni nel 1945». Affinati cita l’annotazione che Pierre Drieu La Rochelle aveva apposto sul suo diario: «ho collaborato per non essere altrove, nel gregge che trasudava odio e paura». Stato d’animo, più che motivazione razionale, che si adatta alla perfezione alla «rivolta solitaria» di Sanders, «giovane perduto» che «accarezza la Lüger nella tasca dei pantaloni», avuta da un ufficiale delle SS in cambio «di una boccetta di profumo». Se a Sanders non rimaneva altro che brandire la rivoltella, a Nimier non restava che impugnare la penna, anzi “la spada”. Nel romanzo scrive: «Ho sempre pensato che il mondo racchiuda un gran numero di spade segrete, e che ognuna sia puntata verso un petto […] e tutte quelle spade cercano in effetti un fodero di carne». Provocatorio ed irriverente com’era, dopo la pubblicazione del libro, indossò una piccola spilla a forma di spada e, per essere sicuro degli effetti delle sue insolenze, per irritare ancor di più i resistenti, lui, che era nato nel 1925 ed era ancora un giovane studente del liceo Pasteur negli anni dell’occupazione tedesca, pronunciava con noncuranza frasi come questa: «quando ero nelle Waffen SS…».

Quando lo scrittore Marcel Jouhandeau lesse il romanzo, raccontò che «fu come aver ricevuto uno schiaffo di gloria, di luce». Ed infatti Le spade riscosse un grande successo ed impose il giovane Nimier all’attenzione del mondo letterario parigino. Successo che si ripeté due anni dopo, con L’ussaro blu, romanzo che gli fece sfiorare la vittoria del prestigioso Prix Goncourt.

In pochi anni Nimier “sfoderò” un libro dietro l’altro, tra cui: Il grande di Spagna (1950, dedicato a Georges Bernanos), Perfido (1950), Bambini tristi (1951, tradotto da Alfredo Cattabiani venne pubblicato in Italia nel 1964 per le Edizioni dell’Albero), Storia di un amore (1953, l’edizione italiana, sempre a cura di Longanesi, è del 1962) e, dopo un lungo periodo di inattività («una specie di voto», disse a François Billetdoux), D’Artagnan innamorato ovvero cinque anni prima (l’omaggio a Dumas era ormai in tipografia quando Nimier morì tragicamente e l’opera uscì postuma, pochi mesi dopo la sua morte, mentre in Italia Longanesi la pubblicò nel 1964).

Nimier non si limitò ad esercitare il mestiere di narratore, come direttore editoriale di Gallimard si sentiva in dovere di lottare per riabilitare chi non c’era più, chi non era sopravvissuto, perché era morto o perché, per aver condiviso le sue stesse idee, era stato rimosso, esiliato in un limbo letterario.

Giuseppe Scaraffia, tra i pochi conoscitori italiani di Nimier, ha scritto che «indifferente all’ostracismo della sinistra, rintracciò la sua parentela dispersa dalle epurazioni letterarie». Pubblicò autori dimenticati, come Morand, lo stesso Jouhandeau e Céline, di cui divenne consigliere ed amico, sino ad essere tra i pochi intimi cui fu concesso di accompagnarne le esequie.

Nimier fu anche un brillante critico e polemista, dalle colonne de Opéra, La Table Ronde, La Parisienne e Arts, uno dei più prestigiosi settimanali culturali dell’epoca, e un convincente sceneggiatore cinematografico (firmò, tra l’altro, uno dei tre episodi del film I vinti di Michelangelo Antonioni e, insieme all’amico Louis Malle, Ascensore per il patibolo).

Ma soprattutto fu l’animatore e il capofila di un battaglione di scrittori-intellettuali (tra i quali Jacques Laurent, Michel Déon e Antoine Blondin) che si opponeva aspramente a chi spadroneggiava nel mondo culturale e nelle case editrici, di una vera e propria “fronda” che rifiutava il romanzo esistenzialista, il settarismo e il moralismo del detestato engagement culturale francese, dominato dalla ingombrante presenza di due maître a penser come Sartre e Camus. Fu Bernard Frank, giovane giornalista che in seguito diventerà un affermato opinionista al Nouvel Observateur, a definirli per la prima volta “gli ussari”, in un articolo, Hussard e grognard, pubblicato nel dicembre 1952 su Les Temps modernes, la rivista-partito di Sartre, non pensando di battezzare così una scuola letteraria. Il termine voleva esprimere la loro vivacità, la combattività e persino l’abbigliamento, austero, quasi militare, del leader carismatico del gruppo, Nimier. La loro scrittura disinvolta era tesa a demolire la pretenziosità e la pesantezza dei letterati impegnati. Nelle loro opere gli ussari esprimevano un dichiarato rifiuto del mito della Resistenza e della sua ideologia. Atteggiamento, questo, che gli valse la fama subito di “fascisti”. Didier Sénécal, nel suo Roger Nimier à la tete des hussards (Lire, mars 1999), spiega: «Per il capo incontrastato degli ussari l’obiettivo è semplice: scandalizzare i benpensanti di sinistra e le tre principali componenti di quella intellighentia: gli stalinisti, i sartriani e i lettori de Le Monde. Il suo impegno è quello di rimettere in sella i grandi epurati della liberazione. Gli innocenti, come Jean Giono o Marcel Aymé, ma anche i colpevoli, come Jouhandeau, Chardonne e Céline».
A 37 anni Nimier aveva già raccolto una ricca collezione di nemici. Del resto possedeva tutte le qualità per attirare l’invidia di colleghi ed avversari: era bello, centottantaquattro centimetri di fascino e di muscoli coltivati con la pratica del rugby e della boxe («sono attratto dal sudore e dal sangue, dalla gratuità della cosa. E potermi battere realmente mi sembra stupendo»), era borghese e voluttuosamente mondano, sempre impeccabilmente curato ed elegante, distaccato e ostentatamente cinico, come a segnare ogni volta un preciso quanto invalicabile confine tra lui e il mondo.

Amava girare a bordo delle sue luccicanti auto sportive, con la capote vezzosamente abbassata anche in pieno inverno e un bagaglio essenziale sempre a portata di mano: un pigiama, un rasoio e i volumi del Littré, il più raffinato dizionario di francese. Morand, che pure ne condivideva la passione per le auto di grandi cilindrata, gli ripeteva spesso: «Ti rimprovereranno la Jaguar per tutta la vita, il che è ottimo. Dimenticheranno perfino la tua bellezza e il tuo talento, ma la Jaguar mai».

E fu proprio la sua ultima fuoriserie a tradirlo, in una sera d’autunno. Nonostante l’approssimarsi dell’oscurità, uscendo da Parigi sulla sua Aston Martin DB4, lanciata «a plus de 150 à l’heure», si schiantò contro il parapetto di un ponte del raccordo ovest di Parigi. Nel necrologio che gli dedicò due giorni dopo il Journal du dimanche l’articolista si sentì in dovere di ricordare che lo scrittore «aveva avuto una Jaguar e una Delahaye» e di sottolineare come «le sue vetture erano i suoi giochi preferiti e ne scriveva lungamente nelle sue opere». Infine ricordò che «in uno dei suoi libri aveva già descritto un incidente d’auto mortale». Nel romanzo Bambini tristi, infatti, il suo alter ego, Olivier Malentraide, trova la morte in una circostanza singolarmente analoga: «Olivier spinse la macchina ai 130, passando semafori rossi, evitando al pelo i camion ed i ciclisti. Dopo aver corso per qualche minuto a quella velocità, trovò quel che era venuto a cercare in un grande cantiere dove avevano scavato delle buche profonde…». Accanto a Nimier morì la bellia scrittrice Suzy Durupt, 27 anni, che con lo pseudonimo di Sunsiaré de Larcòn aveva pubblicato con Gallimard, grazie a Nimier, il suo primo ed unico romanzo. «Ha sedotto la morte come le ha sedotte tutte» scrisse Morand.

Ed è con questa uscita di scena improvvisa e violenta che è terminata la corsa di uno de Gli Ultimi dandies (Sellerio 2002), famiglia nella quale l’autore del libro, Scaraffia, colloca a pieno titolo Nimier, racchiudendo in poche righe l’essenza della vicenda umana e artistica di Nimier: «il dandy cerca invano nel volto dei vinti un’eco delle virtù che ama: il distacco degli interessi, l’ebrezza di essere in minoranza, il gusto dell’azzardo e del gioco sempre più stretto con la morte». Sempre per rimanere alle definizioni, specialmente quando sono appropriate, come ha scritto Maurizio Serra ne L’esteta armato (Il Mulino 1991), Nimier era «l’ultimo erede degli esteti armati […] i condottieri del Bello e insieme dell’Azione […] l’aristocrazia sensuale e guerriera che nella civiltà europea degli anni Trenta teorizzò una rivolta contro la decadenza».

Con la sua prematura scomparsa, i “moschettieri”, gli ussari, si sono dispersi nel disimpegno. Nelle librerie francesi sono continuati ad arrivare, postumi, altri libri di Nimier, a testimonianza di una vitalità che non poteva essere contenuta in una vita così breve, anche se intensa.

Nel 1968, con la prefazione dell’amico Paul Morand, quasi a restituire un affettuoso favore e a saldare un debito di riconoscenza, viene pubblicato il romanzo che Nimier aveva scritto ventenne e che era stato rifiutato dalle case editrici, Lo straniero, e altre opere, come Il trattato d’indifferenza, un pamphlet filosofico che raccoglie otto riflessioni scritte negli anni Cinquanta da un cinico che era ben consapevole che «non c’è cinismo senza sentimento», pagine che ci piacerebbe poter leggere presto in italiano. Chi ha orecchie per intendere, chi per passione o mestiere fa l’editore, intenda.

mercredi, 02 décembre 2009

Saint Mishima, ou le pèlerin aux Trois Montagnes

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Saint Mishima, ou le pèlerin aux Trois Montagnes

 

Au soleil couchant la lumière sous les auvents passe et disparaît Mais sur les fleurs de cerisier un instant s'est attardée.

Eifuku Monin, 1270-1342

 

Pour peu qu'on puisse encore parler de controverse au sujet de l'homosexualité présumée ou avérée de Mishima Yukio, débat relancé en ce début d'année par l'interdiction au Japon sur pression de son épouse des mémoires de Fukushima Jiro, amant de jeunesse du littérateur maudit, Le Sabre et le Piment rouge (Bungei Shunju, Tokyo), l'ami intime du prix Nobel de littérature Kawabata Yasunari, frère en Ourania du dramaturge Henry de Montherlant, n'a jamais fait silence de ses préfé­rences. Son œuvre, pour éclatée dans ses formes et ses thèmes, n'en demeure pas moins, du Pavillon d'Or à Cinq Nôs Modernes, mue par ce fil conducteur, tout de sensualité et d'appétit retenu. L'esthète romantique Mishima, le romancier apollinien, le polémiste samurai ne sont jamais que les trois visages du même Janus, chez qui le tragique naît, non de son désespoir feint, mais de la pleine acceptation de sa «différence», qui le voue à l'unique. Confession d'un masque, Une soif d'amour, Les amours interdites, L'école de la chair sont les quatre Evangiles canoniques de sa révélation, près desquelles Le Soleil et l'Acier figure le cinquième apocryphe. L'Evangile selon Saint Sébastien?

 

L'Evangile selon Saint Sébastien

 

Sans doute le tabou toujours en vigueur au Japon autour de l'homme tient-il en ce que Mishima, à travers son propre exor­cisme littéraire, a mis à nu l'essence même de l'âme nippone, socialisation du Beau viril et, par jeu de miroirs, aveu de ce que Karl Heinrich Ulrichs, écrivain homosexuel allemand du XIXième, déclarait déjà au milieu du siècle: «Nous sommes tous des femmes dans l'âme». Incarnation paroxystique du dualisme ontologique de Nihon, symbolisé par l'omniprésence du disque solaire, mâle incarnation de la chaleur divine répandue par Amaterasu, déesse-mère originelle, Mishima reste la mauvaise conscience d'un Japon qui n'en finit pas de se noyer dans les affres du consumérisme à l'occidentale, ou le por­table du self-made man a supplanté le sabre du Bushi (v. NdSE n°29, Mishima: l'homme, l'œuvre, la mort).

 

N'ayant laissé à la postérité aucune autobiographie digne de ce nom (tout juste peut-on considérer Le Soleil et l'Acier comme ses très partielles mémoires), c'est donc dans son œuvre qu'il convient de quester une vérité par-delà la réalité. Rendons grâce aux éditions Gallimard d'avoir par conséquent publié dans leur collection Folio le recueil de sept nouvelles composant Le Pèlerinage aux Trois Montagnes (initialement publié en NRF), Jets d'eau sous la pluie, Pain aux raisins, Ken, La Mer et le Couchant, La Cigarette, Martyre, Pèlerinage aux Trois Montagnes.  De valeur inégale, ces nouvelles n'en présentent pas moins dans leur ensemble le fascinant spectrographe d'une vie, tableau impressionniste où se dévoilent par petites touches les contours d'une existence en mouvement dans ses travers, ses fluctuations, ses fantasmes. Déroutante, parfois agaçante, souvent dérangeante, sa plume livre le fond d'une pensée profonde, qui s'interroge sur son homosexualité, la spiritualité orientale confrontée aux dogmes occidentaux, l'éthique martiale, la valeur de l'art. Yukio par Mishima.

 

L'apprentissage de soi et des autres, hostiles

 

«Traversée çà et là de brillants soleils, ainsi que le chante Baudelaire, ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage». C'est par ces mots que s'engage l'action de La Cigarette (Tabako), nouvelle autobiographique qui révéla le jeune Kimitake Hiraoka à Kawabata, où le jeune Nagasaki, qui n'est pas encore Mishima Yukio, fait l'apprentissage de soi et des autres, hostiles. Solitaire, mélancolique, romantique, l'adolescent maladif découvre sa sexualité auprès du champion de rugby de l'école, Imura, cependant que s'affirme sa détestation de son propre corps, sa volonté de se perdre: «Instants bénis où, moi qui avais toujours voulu m'y fondre, je crus enfin ne plus faire qu'un avec ce calme (...) cette sérénité qui me semblait couler tout droit d'une vie antérieure et dont je gardais la nostalgie». Sentiments qui se précisent et s'exacerbent dans Martyre (Junkyo). Jamais l'image du «Saint Sébastien» de Guido Reni n'aura été plus obsessionnelle. Mishima y conte les amours sado-masochistes de Watari et Hatakeyama, deux garçons pensionnaires de la même institution. Le premier, Mishima, refusant tout contact avec ses camarades, «d'une entêtante séduction», le second, projection du même quelques années plus tard, «nu, son corps d'athlète (...) modèle même de la jeunesse (...) sa silhouette et une lueur telle qu'on eût dit la statue antique d'un jeune dieu». Ces «relations particulières» aiguiseront la haine de leurs camarades, et dans un simulacre de pendaison, Watari-Saint Sébastien, les yeux plongés dans l'azur du ciel infini, subira le douloureux rituel social du passage du même au même: «un adolescent qui prétend rester lui-même sera martyrisé par les autres. L'adolescence a toujours été un effort pour se rendre semblable, ne fut-ce qu'un instant, à quelque chose d'autre». Confession (d'un masque)...

 

Se purifier dans le suicide et rejoindre l'éther

 

Composer un personnage qui puisse soutenir le regard fondamentalement détestable de l'Autre devient la préoccupation fondamentale de Mishima dans Jets d'eau sous la pluie (Ame No Naka No Funsui): «Je n'ai jamais été l'esclave de mes désirs...». La rupture entre Akio et Masako, «Mots talismans que seul un homme, un vrai, un être humain enfin, pouvait s'autoriser à prononcer... Ces mots: «Séparons-nous!», marque, dans son grotesque sordide, l'initiation à l'âge adulte et au monde d'un jeune être désespérément sensible, intérieurement réprouvé, en arrêt devant la chair. «Le monde était un parfait non-sens. Les hommes complètement stupides». Pain aux raisins (Budopan) résonne lourdement de cette chétivité tant physique que morale. Jack, l'anti-héros de la nouvelle, est de cette jeunesse de l'après-1945 gavée de références améri­caines: «(...) taillé dans une sorte de cristal transparent. N'avait-il pas eu toujours en tête de devenir un homme invisible? (...) un beau visage comme sculpté dans un ivoire immaculé (...). Pour se garantir une liberté totale et une transparence ab­solue, le jeune homme bannissait muscles et graisse superflus».

 

En proie au nihilisme surgi des décombres du grand rêve impérial, Jack ressent un jour l'impérieux besoin de quitter l'univers étouffant des villes, «pour qui les enseignes au néon les affiches des films sales et déchirés, les gaz d'échappement des voitures, les phares tenaient lieu de lumière naturelle, de parfum des champs, de parterre moussu, d'animaux domestiques, de fleurs des prés». «Pour pallier la stupidité du monde, il fallait d'abord procéder en quelque sorte à un véritable lessivage de cette stupidité, à une sanctification passionnée de ce que les moutons considéraient comme ridi­cule».

 

Se purifier dans le suicide et rejoindre l'éther. Mais l'acte fatal, d'abandon à l'occidentale, échouera. «Jack était guéri main­tenant. Il s'était trompé en pensant que son propre suicide entraînerait automatiquement la destruction de cet univers de moutons endormis». Mishima, de retour de Grèce, a reçu l'illumination. Nietzsche, les rayons du soleil en Apollon ont res­suscité l'enfant pâle. Le corps et l'âme ne font qu'un et l'entretien de l'un favorise l'expression de l'autre. Cet état d'esprit nouveau, véritable révolution culturelle dans l'univers mental du jeune littérateur, Ken le magnifie. Placée sous le signe du soleil, astre de l'éternel recommencement, cette nouvelle nietzschéenne exalte le sacrifice de Kokubu Jirô, jeune étudiant quatrième dan de kendo, entièrement dévoué à son art. «Violence pure», Jirô rejette toute émotivité, mollesse, mépris, tous les «j'aimerais bien...» pour ne s'infliger que des «je dois...». «L'homme n'a en fait que deux possibilités: être fort et droit, ou se donner la mort». L'exigence de sa règle de conduite, la pression psychologique qu'impose l'excellence, transfigurent Jirô, ultime affirmation d'une pureté millénaire désormais anachronique. «Dans son dôjô, il était tel un dieu furieux: toute l'énergie et l'ardeur de l'entraînement semblaient venir de lui, rayonner et comme se propager autour de lui. Cette chaleur et cette passion, il les tenait sans doute du soleil, de cette boule de feu qu'il avait contemplée lorsqu'il était enfant».

 

Art et spiritualité, défis lancés à la mort

 

Entrevu dans La Cigarette, le soleil irradie Jirô de sa force, le nimbe de son évidence divine: «Mais seul Jirô était là, trans­parent. Au milieu de ce monde troublé, il gardait une évidence cristalline (...) regard calme et vierge de tout sentiment». Image sublime: «Inondé du soleil qui perçait à travers les arbres, sabre au côté (...). Du sang tombé de l'aile blessée se ré­pandit sur la joue de Jirô». Héros tragique de théâtre Nô, Jirô, tout tendu vers la perfection du geste et de la pensée, sera vaincu par la médiocrité des siens. Trahi par la désinvolture de ses élèves, Jirô mesure le néant de sa tâche. Insupportable. «La lumière de la lampe de poche fit apparaître l'éclat de l'armure de laque noire, fit briller l'or du blason, les deux cotylé­dons dorés. Jirô, serrant son sabre de bambou entre ses bras vêtus d'indigo, était couché sur le dos, mort». Le fil de soie qui le retenait toutes ces années à la vie s'était rompu.

 

Jumelle de la nouvelle Patriotisme, publié dans le recueil La Mort en été, Ken préfigure, «antitestament», le crépuscule de Mishima. Le culte de la plénitude de l'instant, Mishima le découvre à l'époque dans la lecture des textes bouddhiques. «Ayant bien compris l'enseignement du Maître, il savait qu'il n'y avait pas à prier en vain pour un monde futur, ni à désirer un pays encore inconnu. Mais lorsque le soleil du soir colorait le ciel d'été, lorsque la mer n'était plus qu'un immense hori­zon pourpre, ses jambes d'elles-mêmes le conduisaient irrésistiblement au sommet du mont Shôjôgatake. «Placés dans la bouche du moine Anri (Henri), personnage central de La Mer et le Couchant (Umi To Yukake), disciple français du grand Maître Rankei Dôryù (1213-1278), ces propos reflètent le dernier tournant de son œuvre.

 

Art et spiritualité, défis lancés à la mort, sont au centre de la dernière nouvelle, la plus longue aussi, Pélérinage aux Trois Montagnes (Mikumano Mode). Histoire d'amour étouffée et complexée entre un vieux maître en poésie tanka, professeur Fujimiya, et sa dévouée servante Tsuneko, Mishima tire de sa nouvelle le prétexte, convenons-en très scolaire, de résumer mille ans de littérature nippone, à la manière de La Mer de la Fertilité, où la démonstration académique des préceptes bouddhistes et shinto prenaient le pas sur l'ardeur de la conviction. Mais, écrites sous la double tutelle de la poétesse Eifuku Monin et des Nihon Shoki (Annales du Japon, fondement du nationalisme impérial), ses pistes littéraires portent en elles l'idéal frontispice de son œuvre: «Pour soutenir l'idée que, quelle que soit l'époque ou la société, c'est en regardant de beaux paysages que l'on compose de beaux poèmes, ne fallait-il pas, du moins pour une femme, posséder comme Monin, richesse, pouvoir et prestige, ou, si l'on était un homme, préserver une pensée ferme, inébranlable dans l'adversité? (...) Eh bien, la leçon que l'on peut tirer des tankas d'Eifuku Monin, c'est précisément que la faculté de dissimuler fait partie de l'art lui-même, qu'elle en est même une des composantes des plus importantes».

 

L'adolescence est un état qui devrait se poursuivre éternellement

 

Confessions d'un masque, Watari, Nagasaki, Jirô, Anri sont les multiples facettes de la même personne, réunies en un précieux document «auto-bibliographique» où perce la nostalgie de la jeunesse, jeunesse du monde, des hommes, des sen­timents. N'écrivait-il pas dans La Cigarette, phrase qui transperça le cœur de Kawabata: «L'adolescence est un état qui de­vrait se poursuivre éternellement».

 

Laurent SCHANG.

 

mardi, 01 décembre 2009

Yukio Mishima et le Jieitai

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Yukio Mishima et le Jieitai

 

«Quand le tonnerre gronde dans le lointain, le temps qui passe à travers la lumière de la lampe, qui frappe à travers la fenêtre, et le son sourd qui s’en­­­­suit paraissent incroyablement long. Dans mon cas particulier, il a duré vingt ans. La voix des héros disparus est la voix de la lampe. Dans un futur proche, la rumeur nostalgique du tonnere fera vibrer nos ventres virils et avec la promesse de fécondités sauvages fera vibrer aussi le cœur du Ja­pon».

 

Cette phrase, Mishima l’a écrite dans la préface à Vie et mort de Hasuda Zenmei de la Kodakane Jirô. Il m’apparait superflu de souligner que Hasuda Zenmei a contribué durablement à la formation spirituelle et idéologique de l’adolescent Mishima. On le sait aujourd’hui: Hasuda, le 19 août 1945, peu de jours avant la défaite du Japon, servait encore l’Empire au titre de commandant de compagnie dans une base proche de Singapour. Hasuda apprend que le commadant du régiment avait lu lui-même à la troupe la déclaration de reddition de l’Empereur et avait demandé à ses hommes de donner le drapeau à l’enne­mi. Hasuda le tue à coups de revolver et puis se suicide.

 

La signification de la mort de Hasuda est restée longtemps obscure, y com­pris pour Mishima: «Quand j’ai compris son geste, j’étais proche de la qua­ran­taine: un âge peu éloigné de celui du Disparu... La signification d’une tel­le façon de mourir, comme une fulguration improvisée, a soudain éclairé les ténèbres épais qui assombrissaient mon propre long cheminement...». Cette fameuse préface nous explique quels sont les rapports entre Hasuda et Mishima, mais elle nous livre aussi, pour la première fois, explicitement,  la clef de voûte qui explique le propre suicide de Mishima et révèle l’arriè­re-plan politique, historique et culturel qui l’a justifié.

 

Cependant, si l’on jette un regard plus attentif, derrière les allégories de la “lampe” et du “tonnerre”, on repère, cachées, les étapes de l’iter spiritua­lis de Mishima. Pour beaucoup de citoyens dont les années d’adolescence et de jeunesse se sont passées pendant la guerre, l’expérience guerrière est devenue a posteriori un point de référence existentiel et politique in­dé­passable.  En particulier, pour tous les Japonais, qu’ils soient de droite ou de gauche, la défaite de 1945 est une expérience communément partagée et le turning point le plus significatif du siècle. Yukio Mishima se souvient de cette expé­rience comme d’un sentiment de bonheur indicible, désor­mais perdu: «... Mis à part toute autre considération, il n’était pas étrange, à cette époque, pour les pilotes kamikaze, d’écrire: Tenno Heika Banzai (= Vi­ve l’Empereur!).  Admettons que cette époque puisse revenir, ou revenir sous une autre for­me ou ne jamais revenir. Et pourtant, moi, cette époque où il n’était pas é­trange d’écrire [cette parole], je l’ai connue, et le fait de l’avoir connue, en y pensant, me donne une incroyable sensation de bonheur. Mais quelle fut cette expérience? Quelle fut cette sensation de bon­heur?» (Débats sur les Japonais).

 

Plus tard, cependant, cette “sensation de bonheur”, ressentie par l’adoles­cent Mishima, qui avait entrevu la guerre sous la forme de la “lumière d’une lampe”, chavire misérablement avec la défaite. La “sensation du ton­nerre”, qui s’ensuivit, et qui aurait apporté ce bonheur, n’a plus jamais été ressentie.  Yukio Mishima va vivre le temps de l’après-guerre (“une époque faite de fictions”, “un veillissement en toute harmonie”), pendant vingt-cinq années “terriblement longues” pour se retrouver lui-même transfor­mé en “lampe”, pour faire vibrer par son propre “tonnerre”, d’acier et de sang, le cœur des hommes, le flux de l’histoire.

 

Les banderoles qu’il a fait claquer au vent sur la terrasse du Quartier Géné­ral d’Ichigaya le 25 novembre 1970 proclamaient: «Nous, les hommes du TATE-NO-KAI (= Secte des Boucliers/“Shield Society” selon la propre traduction anglaise de Mishima) avons été élevé par le Jieitai (le “Corps d’Auto-Défense”, soit l’actuelle armée japonaise, ndlr). En d’autres morts, le Jieitai a été pour nous un père, un frère aîné. Alors pourquoi avons-nous été pous­sés à commettre une telle action? Moi, depuis quatre ans, les autres membres étudiants de notre société, depuis trois ans, avons été acceptés dans le Jieitai à titre de quasi-officiers, nous avons reçu une instruction sans autre fin. Par ailleurs, nous aimons le Jieitai profondément, nous avons rêvé du véritable Japon, de ce Japon qui n’existe plus désormais en dehors de ces murs d’enceinte. C’est justement ce Japon que nous avons pleuré pour la première fois, nous, hommes nés après la guerre. La sueur que nous avons dépensée est pure. Tous ensemble, nous avons couru et marché à travers les champs aux pieds du Fukuyama, nous étions des camarades unis par l’esprit de la patrie. Nous n’avons aucun doute. Pour nous, le Jieitai est comme un pays natal. Dans la sordidité du Japon actuel, nous avons réussi à respirer seulement en ce lieu, où l’air est excitant. L’esprit qui nous a été communiqué par les officiers et les instructeurs est indépassable. Alors pourquoi avons-nous posé un acte aussi extrême? Cela peut paraître un paradoxe, mais j’affirme que nous l’avons posé parce que nous aimions le Jieitai» .

 

Vingt-sept ans se sont écoulés depuis le suicide de Mishima et le Jieitai, qu’il avait tant aimé, a changé lentement. Il avait été une sorte de “Cen­drillon” des institutions japonaises; il s’est transformé en une armée quasi normale et respectée. Dernièrement, il a participé (ironie de l’histoire!) pour la première fois aux activités de “pacification” sous la bannière de l’ONU au Cambodge, à Madagascar et au Liban. Désormais, le Parti Socialiste (social-démocrate) japonais le “reconnaît”. Deux occasions ont permis au Jieitai de se placer sous les feux de la rampe: l’action humanitaire menée à la suite du tremblement de terre de Kobe et l’aide technique apportée aux forces de police lors de l’attaque au gaz neurotoxique perpétré par la secte Aum Shinri-kio, il y a deux ans.

 

Le problème fondamental pour le Japon demeure toutefois la constitution pacifiste imposée par les Alliés après 1945. L’article 9 de cette constitution interdit au pays de façon unilatérale l’usage de la force (militaire). C’est le plus gros obstacle à la restauration complète des droits de l’Etat japonais.  Mishima, dans un bref essai intitulé Le Tate-no-kai, publié dans la revue anglaise Queen, écrivait à propos de la constitution pacifiste: «Je suis las de l’hypocrisie de l’après-guerre japonais: par là, je ne veux pas dire que le pacifisme est une hypocrisie, mais vu que la Constitution pacifiste est utilisée comme excuse politique tant par la gauche que par la droite, je ne crois pas qu’il existe un pays au monde, mis à part le Japon, où le pacifisme est autant synonyme d’hypocrisie. Dans notre pays, le mode de vie que tous honorent est celui d’une existence définitivement soustraite à tout danger, un mode de vie tout compénétré de sinistrose, celui des pacifistes et des adeptes de la non-violence. En soi, cette chose n’est pas criticable, mais le conformisme exagéré des faux intellectuels m’a convaincu que tous les conformismes sont une calamité et que les intellectuels, au contraire, devraient mener une vie dangereuse. D’autre part, l’influence des intellectuels et des salons socialistes s’est développée de manière absurde et ridicule. Ils conseillent aux mères de ne pas donner à leurs garçons des jouets imitant des armes à feu et considèrent que c’est du militarisme d’aligner les enfants sur des files à l’école et de leur demander de se nommer et d’énoncer leur numéro... ce qui a pour résultat que les enfants se rassemblent de manière éparpillée et mollement comme une bande de députés».

 

L’action de Mishima, de Morita et des autres membres du Tate-no-kai au Quartier Général d’Ichigaya fut pour l’essentiel un acte symbolique, destiné à donner le coup d’envoi à une révision de la constitution et à la transformation du Jieitai en une armée nationale légitime. Dans un certain sens, l’échec apparent de cette tentative a toutefois été le point de césure entre les deux droites japonaises: la droite contre-révolutionnaire des années 60 et la nouvelle droite radicale des années 70 (Shin-Uyoku).

 

Giuseppe FINO.

(article issu de Marginali, n°22, avril 1998). 

vendredi, 27 novembre 2009

Giuseppe Berto, écrivain proscrit et oublié

berto3.jpgRoberto ALFATTI APPETITI:

Giuseppe Berto, écrivain proscrit et oublié

 

Malgré une biographie, remarquable de précision, publiée en 2000 et due à la plume de Dario Biagi, l’établissement culturel italien ne pardonne toujours pas à Giuseppe Berto, l’auteur d’ Il cielo è rosso, d’avoir attaqué avec férocité le pouvoir énorme que le centre-gauche résistentialiste s’est arrogé en Italie. C’est donc la conspiration du silence contre cette “vie scandaleuse”.

 

Quand, en l’an 2000, l’éditeur Bollati Boringhieri a publié la belle biographie de Dario Biagi, La vita scandalosa di Giuseppe Berto, nous nous sommes profondément réjouis et avons espéré que le débat se réamorcerait autour de la figure et de l’oeuvre du grand écrivain de Trévise et que d’autres maisons d’édition trouveraient le courage de proposer à nouveau au public les oeuvres désormais introuvables de Berto, mais, hélas, après quelques recensions fugaces et embarrassées, dues à des journalistes, le silence est retombé sur notre auteur.

 

Du reste, ce n’est pas étonnant, car à la barre d’une bonne partie des maisons d’édition italiennes, nous retrouvons les disciples et les héritiers de cet établissement culturel de gauche que Berto avait combattu avec courage, quasiment seul, payant le prix très élevé de l’exclusion, de l’exclusion hors des salons reconnus de la littérature, et d’un ostracisme systématique qui se poursuit jusqu’à nos jours, plus de vingt ans après la mort de l’écrivain. La valeur littéraire et historique du travail biographique de Biagi réside toute entière dans le fait d’avoir braqué à nouveau les feux de la rampe sur la vie tumultueuse d’un personnage véritablement anti-conformiste, d’un audacieux trouble-fête. Biagi nous a raconté son histoire d’homme et d’écrivain non aligné, ses triomphes et ses chutes. Il nous en a croqué un portrait fidèle et affectueux: “Berto avait tout pour faire un vainqueur: le talent, la fascination, la sympathie; mais il a voulu, et a voulu de toutes ses forces, s’inscrire au parti des perdants”.

 

bertodddd.jpgGiuseppe Berto, natif de Mogliano près de Trévise, surnommé “Bepi” par ses amis, avait fait la guerre d’Abyssinie comme sous-lieutenant volontaire dans l’infanterie et, au cours des quatre années qu’a duré la campagne, il a surmonté d’abord une attaque de la malaria, où il a frôlé la mort, et ensuite a pris une balle dans le talon droit. L’intempérance et l’exubérance de son caractère firent qu’il ne se contenta pas de ses deux médailles d’argent et du poste de secrétaire du “Fascio”, obtenu à l’âge de 27 ans seulement… Il cherchait encore à faire la guerre et, au bout de quelques années, passant sous silence un ulcère qui le tenaillait, réussit à se faire enrôler une nouvelle fois pour l’Afrique où, pendant l’été 1942, l’attendait le IV° Bataillon des Chemises Noires. Avec l’aile radicale des idéalistes rangés derrière la figure de Berto Ricci, il espérait le déclenchement régénérateur d’une seconde révolution fasciste. Il disait: “Avoir participé avec honneur à cette guerre constituera, à mes yeux, un bon droit à faire la révolution”.

 

Mais la guerre finit mal pour Berto et, en mai 1943, il est pris prisonnier en Afrique par les troupes américaines et est envoyé dans un camp au Texas, le “Fascist Criminal Camp George E. Meade” à Hereford, où, à peine arrivé, il apprend la chute de Mussolini. Dans sa situation de prisonnier de guerre, il trouve, dit-il, “les conditions extrêmement favorables” pour écrire et pour penser. Il apprend comment trois cents appareils alliés ont bombardé et détruit Trévise le 7 avril 1944, laissant dans les ruines 1100 morts et 30.000 sans abri. Aussitôt, il veut écrire l’histoire de ces “gens perdus”, en l’imaginant avec un réalisme incroyable. Il l’écrit d’un jet et, en huit mois, son livre est achevé. Juste à temps car les Américains changent d’attitude envers leurs prisonniers “non coopératifs”, les obligeant, par exemple, à déjeuner et à rester cinq ou six heures sous le soleil ardent de l’après-midi texan, pour briser leur résistance. Et Berto demeurera un “non coopératif”. Après de longs mois de tourments, il est autorisé à regagner sa mère-patrie.

 

L’éditeur Longanesi accepte de publier le livre de cet écrivain encore totalement inconnu et, après en avoir modifié le titre, “Perduta gente” (“Gens perdus”), considéré comme trop lugubre, le sort de presse, intitulé “Il sole è rosso”, vers la Noël 1946. Berto a confiance en son talent mais sait aussi quelles sont les difficultés pratiques que recèle une carrière d’écrivain; il commence par rédiger des scénarios de film, ce qu’il considère comme un “vil métier”, afin de lui permettre, à terme, de pratiquer le “noble métier” de la littérature. “Il sole è rosso” connaît un succès retentissant, les ventes battent tous les records en Italie et à l’étranger, en Espagne, en Suisse, en Scandinavie, aux Etats-Unis (20.000 copies en quelques mois) et en Angleterre (5000 copies en un seul jour!). On définit le livre comme “le plus beau roman issu de la seconde guerre mondiale”. En 1948, c’est la consécration car Berto reçoit le prestigieux “Prix Littéraire de Florence”. En 1951, toutefois sa gloire décline en Italie. Son roman “Brigante” demeure ignoré de la critique, alors qu’aux Etats-Unis, il connaît un succès considérable (avec “Il sole è rosso” et “Brigante”, Berto vendra Outre Atlantique deux millions de livres) et le “Time” juge le roman “un chef-d’oeuvre”. Les salons littéraires italiens, eux, ont décidé de mettre à la porte ce “parvenu”, en lui collant l’étiquette de “fasciste nostalgique” et en rappellant qu’il avait refusé de collaborer avec les alliés, même quand la guerre était perdue pour Mussolini et sa “République Sociale”. Biagi nous rappelle cette époque d’ostracisme: “Berto, homme orgueilleux et loyal, refuse de renier ses idéaux et contribue à alimenter les ragots”. Berto ne perd pas une occasion pour manifester son dédain pour ceux qui, subitement, ont cru bon de se convertir à l’antifascisme et qu’il qualifie de “padreterni letterari”, de “résignés de la littérature”. Il s’amuse à lancer des provocations goliardes: “Comment peut-on faire pour que le nombre des communistes diminue sans recourir à la prison ou à la décapitation?”. Il prend des positions courageuses, à contre-courant, à une époque où “le brevet d’antifasciste était obligatoire pour être admis dans la bonne société littéraire” (Biagi).

 

ilcieloerosso1.jpgEn 1955, avec la publication de “Guerra in camicia nera” (“La guerre en chemise noire”), une recomposition de ses journaux de guerre, il amorce lui-même sa chute et provoque “sa mise à l’index par l’établissement littéraire”. Berto déclare alors la guerre au “Palazzo” et se mue en un véritable censeur qui ne cessait plus de fustiger les mauvaises habitudes littéraires. La critique le rejette, comme s’il n’était plus qu’une pièce hors d’usage, ignorant délibérément cet homme que l’on définira plus tard comme celui “qui a tenté, le plus honnêtement qui soit, d’expliquer ce qu’avait été la jeunesse fasciste”. Et la critique se mit ensuite à dénigrer ses autres livres. Etrange destin pour un écrivain qui, rejeté par la critique officielle, jouissait toutefois de l’estime de Hemingway; celui-ci avait accordé un entretien l’année précédente à Venise à un certain Montale, qui fut bel et bien interloqué quand l’crivain américain lui déclara qu’il appréciait grandement l’oeuvre de Berto et qu’il souhaitait rencontrer cet écrivain de Trévise. Ses activités de scénariste marquent aussi le pas, alors que, dans les années antérieures, il était l’un des plus demandés de l’industrie cinématographique. Le succès s’en était allé et Berto retrouvait la précarité économique. Et cette misère finit par susciter en lui ce “mal obscur” qu’est la dépression. L’expérience de la dépression, il la traduira dans un livre célèbre qui lui redonne aussitôt une popularité bien méritée.

 

Mais il garde l’établissement culturel dans son collimateur et ne lâche jamais une occasion pour attaquer “l’illustre et omnipotent Moravia”, grand prêtre de cette intelligentsia, notamment en 1962 lorsqu’est attribué le second Prix Formetor. Ce prix, qui consistait en une somme de six millions de lire, et permettait au lauréat d’être édité dans treize pays, avait été conféré cette fois-là à une jeune femme de vingt-cinq ans, Dacia Maraini, que Moravia lui-même avait appuyée dans le jury; Moravia avait écrit la préface du livre et était amoureux fou de la jeune divorcée et vivait avec elle. Au cours de la conférence de presse, qui suivit l’attribution du Prix, Berto décide de mettre le feu aux poudres, prend la parole et démolit littéralement le livre primé, tout en dénonçant “le danger de corruption que court la société littéraire, si ceux qui jugent de la valeur des oeuvres relèvent désormais d’une camarilla”; sous les ovations du public, il crie à tue-tête “qu’il est temps d’en finir avec ces monopoles culturels protégés par les journaux de gauche”. Toute l’assemblée se range derrière Berto et applaudit, crie, entame des bagarres, forçant la jeune Dacia Maraini à fuir et Moravia à la suivre. Berto n’avait que mépris pour celui qu’il considérait comme “un chef mafieux dans l’orbite culturelle” (comme le rappelle Biagi), comme un “corrupteur”, comme un “écrivain passé de l’érotisme à la mode au marxisme à la mode”. En privé, une gand nombre de critiques reconnaissaient la validité des jugements lapidaires posés par Berto, mais peu d’entre eux osèrent s’engager dans un combat contre la corruption de la littérature et Moravia, grâce à ces démissions, récupéra bien rapidement son prestige.

 

Entretemps, Berto avait surmonté sa crise existentielle et était retourné de toutes ses forces à l’activité littéraire, sans pour autant abandonner ses activités journalistiques où il jouait le rôle de père fouettard ou de martin-bâton, en rédigeant des articles littéraires et des pamphlets incisifs, décochés contre ses détracteurs. “Male oscuro” a connu un succès inimaginable: en quelques mois, on en vend 100.000 copies dans la péninsule et son auteur reçoit le Prix Strega. Berto a reconquis son public, ses lecteurs le plébiscitent mais, comme il fallait s’y attendre, “la critique radicale de gauche le tourne en dérision, minimise la valeur littéraire de ses livres et dénature ses propos”. Ainsi, Walter Pedullà met en doute “l’authenticité du conflit qui avait opposé Berto à son père” et la sincérité même de “Male oscuro” alors que la prestigieuses revue américaine “New York Review of Books” avait défini ce livre comme l’unique ouvrage d’avant-garde dans l’Italie de l’époque. “Mal oscuro”, de plus, gagne deux prix en l’espace d’une semaine, le Prix Viareggio et le Prix Campiello.

 

Berto a retouvé le succès mais, malgré cela, il ne renonce pas au ton agressif qui avait été le sien dans ses années noires, notamment dans les colonnes du “Carlino” et de la “Nazione” et, plus tard, du “Settimanale” de la maison Rusconi, tribune du haut de laquelle il s’attaque “aux hommes, aux institutions et aux mythes”. En 1971, Berto publie un pamphlet “Modesta proposta per prevenire” qui, malgré les recensions négatives de la critique, se vend à 40.000 copies en quelques mois. Si on relisait ce pamphlet aujourd’hui, du moins si un éditeur trouvait le courage de le republier, on pourrait constater la lucidité de Berto lorsqu’il donnait une lecture anticonformiste et réaliste de la société italienne de ces années-là. On découvrirait effectivement sa clairvoyance quand il repérait les mutations de la société italienne et énonçait les prospectives qu’elles rendaient possibles. Déjà à l’époque, il dénonçait notre démocratie comme une démocratie bloquée et disait qu’au fascisme, que tous dénonçaient, avait succédé un autre régime basé sur la malhonnêteté. Il stigmatisait aussi la “dégénérescence partitocratique et consociative de la vie politique italienne” et, toujours avec le sens du long terme, annonçait l’avènement du fédéralisme, du présidentialisme et du système électoral majoritaire. Il jugeait, et c’était alors un sacrilège, la résistance comme “un phénomène minoritaire, confus et limité dans le temps, … rendu possible seulement par la présence sur le sol italien des troupes alliées”. Pour Berto, c’était le fascisme, et non la résistance, “qui constituait l’unique phénomène de base national-populaire observable en Italie depuis le temps de César Auguste”.

 

Lors d’une intervention tenue pendant le “Congrès pour la Défense de la Culture” à Turin, sous les auspices du MSI, Berto se déclare “a-fasciste” tout en affirmant qu’il ne tolérait pas pour cela l’antifascisme car, “en tant que pratique des intellectuels italiens, il est terriblement proche du fascisme… l’antifascisme étant tout aussi violent, sinon plus violent, coercitif, rhétorique et stupide que le fascisme lui-même”. Berto désignait en même temps les coupables: “les groupes qui constituent le pouvoir intellectuel... tous liés les uns aux autres par des principes qu’on ne peut mettre en doute car, tous autant qu’ils sont, se déclarent démocratiques, antifascistes et issus de la résistance. En réalité, ce qui les unit, c’est une communauté d’intérêt, de type mafieux, et la RAI est entre leurs mains, de même que tous les périodiques et les plus grands quotidiens… Si un intellectuel ne rentre pas dans un de ces groupes ou en dénonce les manoeuvres, concoctées par leurs chefs, il est banni, proscrit. De ses livres, on parlera le moins possible et toujours en termes méprisants… On lui collera évidemment l’étiquette de ‘fasciste’, à titre d’insulte”. Dans son intervention, Berto conclut en affirmant “qu’en Italie, il n’y a pas de liberté pour l’intellectuel”.

 

On se doute bien que la participation à un tel congrès et que de telles déclarations procurèrent à notre écrivain de solides inimitiés. Aujourd’hui, plus de vingt ans après sa mort, il continue à payer la note: son oeuvre et sa personne subissent encore et toujours une conspiration du silence, qui ne connaît aucun précédent dans l’histoire de la littérature italienne.

 

Roberto ALFATTI APPETITI.

(article paru dans le magazine “Area”, Rome, Anno V, n°49, juillet-août 2000; trad. franç.: Robert Steuckers, novembre 2009).

jeudi, 26 novembre 2009

Le Bulletin célinien n°313

Sortie du Bulletin célinien n°313, novembre 2009 :

Au sommaire :
- Marc Laudelout :
Bloc-notes (Céline à l’I.N.A.)
- Jacques Francis Rolland : Roger Vailland l’affabulateur
- M. L. : « Céline & Cie » : une nouvelle collection célinienne
- Eugène Fabre : Justice rendue à Céline (décembre 1961)
- Frédéric Saenen : Incorrect (au sens premier du terme). « Une histoire politique de la littérature ».
- M. L. : Pol Vandromme (« Une famille d’écrivains »)
- M. L. : Le souvenir de Robert Denoël
- M. L. : Louis-Albert Zbinden
- Michel Bergouignan : L.-F. Céline contradictoire et passionné (II)
- François Marchetti : Mort d’un éditeur courageux (Kay Holkenfeldt)
- Céline sur Internet

Le numéro 6€



Le Bulletin célinien
B.P. 70

B 1000 Bruxelles 22

L'art et la guerre: de Céline à H. G. Wells

Paul MODAVE :

L’art et la guerre : de Céline à H. G. Wells

 

Article paru dans « Le Soir », Bruxelles, le 18 juillet 1944

 

Au moment où l’invasion et les bombardements aériens dévastent les cités d’art de l’Occident, l’hebdomadaire français « la gerbe » vient d’ouvrir une enquête auprès des personnalités représentatives des lettres françaises afin d’offrir à celles-ci l’occasion de manifester leur réaction devant le saccage du pays.

 

eglisestjulienenruines.jpgCe qui frappe dans beaucoup de ces réponses, c’est leur réticence. Ainsi M. de Montherlant ne voit dans cette enquête qu’une « recherche académique ». M. Georges Ripert, doyen de la Faculté de Droit de Paris, regrette que « dirigeant une maison où il y a beaucoup de jeunes gens, il lui soit impossible d’accorder d’interview » ; quant à Ferdinand Céline, il répond sans ambages « qu’il donnerait toutes les cathédrales du monde pour arrêter la tuerie », ce qui est une plaisante façon de ne rien dire.

 

Commentant cette enquête dans « L’Echo de la France », M. Robert Brasillach s’exprime en ces termes : « Les professionnels de l’art savent bien, Céline aussi bien entendu, que la destruction des cathédrales ou des palais n’arrêtera pas pour cela la tuerie. Mais voilà, dire qu’on désapprouve  —ce serait bien timide cependant—  la destruction inutile de la beauté du monde, c’est donner des gages à l’Allemagne, paraît-il ! On a passé trente, quarante ans à discuter sur l’art et à plaindre nos civilisations mortelles, mais lorsque les trésors de cet art sont renversés par le souffle des machines à détruire, on se tait. On dira ce que l’on pense après la guerre, bien sûr, nuancé à la couleur du vainqueur, s’il y a un vainqueur et s’il y a une après-guerre ».

 

Et après avoir constaté que le dernier témoignage de liberté d’esprit aura été fourni par les cardinaux de France et de Belgique, M. Brasillach conclut par ses mots : « Aujourd’hui, la parole est aux forces et à leurs rapports. Tout s’est simplifié. Mais on pense seulement que la beauté du monde est chaque jour assassinée, et qu’un univers où risquent de manquer demain, Rouen, Caen, Pérouse, Sienne, Florence, n’est pas un univers dont les artistes, fût-ce par leur silence, aient le droit de se dire fiers. Si le « saint Augustin bouclé », de Benozzo Gozzoli, est détruit, dans ses fresques dorées de San-Gimignano, si la « Charité » ne rayonne plus sur les murailles d’Assise, si, de même qu’on ne peut plus errer au pied des plus nobles façades médiévales de Rostock ou de Hambourg, demain c’est le quai aux Herbes de Gand, qui s’effondre dans le néant où sont déjà les rues rouennaises et les églises de Caen ; et si l’on trouve cela tout naturel et si l’on ne souffre pas dans son cœur de civilisé, alors il me semble qu’on perd le droit de parler de culture et de barbarie, qu’on perd le droit, dans l’avenir, d’affirmer que l’on aime l’Italie, l’art roman, la sculpture française si tendre et si virile, il me semble que le silence qui sert aujourd’hui d’alibi devrait être le silence de toute une vie ».

 

On ne peut pas mieux dire. Mais dans le même moment où les artistes français se montrent si discrets ou si réticents, l’écrivain anglais H.-G. Wells, dans un article paru dans « Sunday Dispatch », bientôt repris dans le périodique « World Review », exprime ainsi son opinion sur la destruction des monuments d’art de l’Italie : « Dans tout ce territoire, il n’y a pas une seule œuvre d’art, à l’exception peut-être de manuscrits pouvant être mis facilement à l’abri, qui ne puisse être entièrement détruite, et l’héritage de l’humanité n’en éprouvera pas la moindre perte en beauté. Nous possédons notamment les maquettes de toutes ces statues qui peuvent être copiées, y compris leur patine ».

 

caen_ruins.jpg

J’espère que nos lecteurs auront savouré comme il convient l’humour  —hélas ! inconscient—  de M. H.-G. Wells. Mais il ne s’agit pas d’une boutade. Pour l’auteur, auteur particulièrement sérieux mais aussi évidemment privé du sens de l’art que l’aveugle du sens des couleurs, ne comptent que les statues cataloguées dont on possède les maquettes ! La qualité originale d’une œuvre, le milieu spirituel dont elle fait partie intégrante, lui échappe avec une certitude indiscutable. Et il le prouve bien lorsqu’il déclare plus loin, avec autant de pédantisme béat que de solennelle bêtise : « L’art et le goût de l’art sont de suprêmes offenses au charme inépuisable des créations de la nature ».

 

 

Alors qu’il n’est que trop évident que l’art est exactement le contraire, c’est-à-dire une action de grâce, un cri d’amour et de reconnaissance devant la beauté de la vie !

 

Au pays basque, au déclin d’une belle journée, il n’est pas rare que des couples de paysans se mettent, en pleine campagne, à danser et à chanter, pour rien, pour personne, pour la joie de vivre. L’art n’est pas autre chose, à l’origine, que ce chant et cette danse. Mais revenons à M. Wells, qui se hâte d’ajouter : « L’œil embrasse plus de beauté en contemplant un oiseau qui plane, un poisson qui s’ébat dans l’eau, les reflets dans une chute d’eau ou toutes les ombres qui se dessinent sous les branches d’un arbre éclairé par le soleil que nous, misérables gâcheurs, puissions espérer imaginer ou imiter ».

 

Certes. Mais selon le mot de Debussy : « Les gens n’admettent jamais que la plupart d’entre eux n’entendent ni ne voient » et c’est le rôle de l’artiste de leur ouvrir les oreilles et les yeux à la beauté du monde. Il est trop facile, presque élémentaire, d’énumérer ici ce que chaque artiste nous enseigne au premier coup d’œil : Rubens, la joie triomphante de vivre ; Renoir, la beauté rayonnante de la créature humaine ; Vermeer de Delft, le charme profond des intérieurs où se jouent les lumières et les ombres ; Chardin, la secrète poésie qui vit au cœur des plus humbles objets, des plus usuels. Tout cela et bien davantage encore…

 

Je sais, hélas ! qu’il n’en est plus ainsi : que ces échanges permanents entre la vie et l’art ne nous sont plus sensibles ; que l’art, né spontanément de la vie, a cessé de nous y ramener avec des facultés plus vives et plus aigües. Les esthètes restent confinés dans un étouffant esthétisme qui n’a d’autre fin que lui-même. Les « viveurs », si je puis les appeler ainsi, ceux qui « vivent leur vie » comme ils disent, m’apparaissent aussi peu soucieux de la beauté des oiseaux qui planent que de la grâce des poissons qui s’ébattent, n’en déplaise à M. Wells. Qu’est-ce que cela veut dire sinon que l’homme a cessé de mettre en jeu toutes ses facultés, de vivre pleinement ? C’est là une des raisons les plus profondes de notre décadence. 

 

Céline, contempteur du monde moderne, pas plus que Wells qui s’en fait l’apologiste, n’y ont trouvé de remède. C’est que l’un et l’autre appartiennent à différents égards, à cette décadence que le Docteur Carrel a si bien diagnostiquée : « Nous cherchons à développer en nous l’intelligence. Quant aux activités non intellectuelles de l’esprit, telles que le sens moral, le sens du beau et surtout le sens du sacré, elles sont négligées de façon presque complète. L’atrophie de ces qualités fondamentales fait de l’homme moderne un être spirituellement aveugle ».

 

Et, pour revenir au sujet de cet article, cela explique bien des erreurs de jugement, bien des réticences, bien des silence…

 

Paul Modave.

Hommage à Maurice Bardèche

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

bardeche.jpgHommage à Maurice Bardèche

 

Maurice Bardèche est décédé à 91 ans. Il était l’un des derniers survivants de cette génération de Français qu’on peut qualifier, sans hésitation, de formidables. Mais qui connaît encore son nom aujourd’hui. Qui connaît encore son œuvre?

 

A une époque tranquille, ce professeur, cet historien de la littérature au regard acéré, cet anatomiste subtil et cet homme de synthèses percutantes avait jeté son regard personnel sur chacun des sujets qu’il abordait; sans nul doute et sans difficulté, il a gravi tous les échelons et est devenu un intellectuel de premier rang dans son pays, la France. On peut dire que l’Académie Française se serait levée pour lui, pour l’accueillir en son sein et que des décorations comme la Légion d’Honneur lui auraient été attribuées... Si...

 

Car l’œuvre de Bardèche témoigne de son excellence: les livres de référence qu’il a écrits, sur Proust, Bloy, Balzac, Flaubert et Céline, sont encore reconnus aujourd’hui comme tels. De même, son Histoire du Cinéma, rédigée en collaboration avec Robert Brasillach, est reconnue au niveau international. Ce livre a été édité et réédité, y compris dans une série de poche. On n’oubliera pas non plus son Histoire des femmes. Et, à une époque plus troublée, il a aussi écrit, toujours avec Brasillach, un classique, son Histoire de la Guerre d’Espagne, chronique de la guerre civile espagnole qui a immédiatement précédé la seconde guerre mondiale.

 

Ce fut une époque cruciale dans sa longue vie, un moment d’histoire agité. Les horreurs de la seconde guerre mondiale (que Bardèche n’a jamais niées ou ignorées, contrairement à ce que d’aucuns osent affirmer) ont été suivies par les horreurs de l’après-guerre. Maurice Bardèche, apolitique, a été privé du droit d’exercer sa profession, il a été arrêté, simplement parce qu’il était le beau-frère de Robert Brasillach, son meilleur ami. L’exécution de Brasillach  —un assassinat judiciaire—  a profondément blessé Bardèche, une blessure si intense qu’elle l’a marquée pour le reste de ses jours.

 

Bardèche devient éditeur. Il fonde les éditions «Les Sept Couleurs». Pendant de longues années, il publie le mensuel Défense de l’Occident. Et il écrit des livres politiques (ce qui lui vaudra des poursuites).

 

Quarante ou cinquante ans ont passé depuis la rédaction de ces ouvrages. Qu’en reste-t-il? Indubitablement, certains passages ont été dépassés par les événements, que personne ne pouvait prévoir. Mais on ne pourra pas mettre en doute son souci de maintenir une Europe européenne, de conserver l’identité de ses peuples, de ne pas livrer ceux-ci aux affres d’une américanisation calamiteuse. Surtout, une chose demeure, et c’est son option personnelle: «Etre le dernier tirailleur défendant la liberté et la douceur de vivre».

 

C’est un polémiste virulent qui écrit Nuremberg ou la Terre promise  dans l’immédiat après-guerre (son avocat et ami Jacques Isorni a tenté en vain de le dissuader de publier ce brûlot mais Bardèche était trop profondément touché par la mort de Brasillach pour entendre ce bon conseil). Quelques années plus tard sort Suzanne et le taudis, préfiguration, non, illustration, de cette chère “douceur de vivre”, même dans les circonstances les plus difficiles et les plus dures de la vie. Ce livre est un chef-d’œuvre dans le sens où il est un hommage à la douceur, à l’humour, au sourire qui dit aussi: on ne tuera pas cette belle petite plante.

 

Mais Bardèche est conscient qu’elle est en danger de mort, cette petite plante. Et quand au printemps de 1998, on m’offre un liber amicorum, cette conscience est très nette, car Bardèche écrit à mon intention: «Le drame de notre temps est celui de la dépossession. Nous ne sommes plus maîtres de nos vies, mais pas davantage de nos pensées, de nos goûts, de notre sensibilité —enfin de notre âme. Par la désinformation, la publicité, le mensonge, par la démission des éducateurs et la démission des consciences».

 

En dépit de toutes les différences qui peuvent séparer un Flamand d’un Français, un Européen d’un autre Européen, un homme de droite d’un autre homme de droite, son témoignage m’a donné une fierté modeste, une fierté humble: «Avons-nous été, cher Karel Dillen, les derniers défenseurs de l’arbre de vie contre son triste dépérissement? En défendant votre terre flamande et les hommes de votre race, c’est toutes les autres plantes humaines de toutes les autres races que vous défendez aussi... De même quiconque défend son peuple défend tous les autres peuples, tous les autres hommes. Car la liberté et la vie qu’il demande pour les siens, il les demande en même temps pour les autres par les idées qu’il répand. Par là, votre combat n’est pas seulement pour la Flandre, il est pour tous les peuples de l’Europe, et même au-delà des frontières de l’Europe pour tous les peuples qui ne veulent pas de la prison idéologique».

 

Ensuite vient une phrase qui équivaut à un ordre, puisque Bardèche n’est plus parmi nous: «Et cette aspiration à la vie, elle ne disparaîtra pas avec nous, mais elle nous survivra et même elle sera ressentie un jour comme un combat vital et vos enfants, nos enfants, la reprendront».

 

Vaarwel, Bardèche, Bonne route!

Que lit-on encore de ton œuvre, qu’en lira-t-on demain? Je ne sais pas.

 

Mais ce que je sais, c’est que demeure l’exemple, durable, ineffaçable, indéracinable, comme nous le révèle cette parole de Nietzsche:

«Was er lehrte, ist abgetan;

Was er lebte, wird bleiben stehn:

Seht ihn nur an —

Niemanden war er untertan!».

(Ce qu’il a enseigné a subi l’usure du temps;

Ce qu’il a vécu demeurera debout:

Regardez-le —

De personne jamais il n’a été le valet!).

 

Voilà, Bardèche, ce qu’il reste de l’exemple que nous a donné. Pendant toute ta vie!

 

Karel DILLEN.

(Hommage paru dans Vlaams Blok Magazine, n°9/98).

mercredi, 25 novembre 2009

Le Magazine des livres n°20

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Le Magazine des Livres n°20, Novembre/Décembre 2009

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