Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 05 juillet 2009

James Graham Ballard nous a quittés...

J_G_Ballard.gif

 

Claudio ASCIUTI:

 

James Graham Ballard nous a quittés...

 

James Graham Ballard, l’écrivain pessimiste et cyberpunk a disparu

 

Les “crocodiles” du journalisme italien sont des animaux étranges. Pendant longtemps, ces “crocodiles”  —expression italienne pour désigner les fiches biographiques d’hommes et de femmes célèbres que l’on conserve dans les rédactions des journaux—  demeurent dans les tiroirs secrets des experts auto-proclamés des médias. On ne les libère de leur prison poussiéreuse qu’à la mort de l’être d’exception qui a justifié leur existence. Aujourd’hui, ces “crocodiles” n’ont presque plus raison d’être: il suffit de faire une petite promenade sur la grande toile, de consulter par paresse Wikipedia et le tour est joué! Tout défunt qui vient fraîchement de décéder, et dont on ignore tout ou quasi tout, trouve subitement, face à son cadavre, une foultitude d’experts qui, par une sorte de parthénogénèse, lui taillent de belles biographies posthumes, véritables “crocodiles” de brics et de brocs, de vérités toute faites et d’approximations. Le 25 février 2009, le grand Philip José Farmer nous quittait et aucun de nos quotidiens nationaux ne lui a consacré une ligne. Le 19 avril 2009, c’était au tour d’un autre grand écrivain anglo-saxon de passer de vie à trépas: James Graham Ballard. Les journalistes italiens de service lui ont consacré des articles, tous égaux, tous similaires, ce qui nous donne l’impression que tous ces zélotes de nécrologues avaient l’habitude de dormir avec ses oeuvres sous l’oreiller.

 

arts-graphics-2008_1183623a.jpg

 

C’est faux. Evidemment. Seul le quotidien “L’Unità” a choisi un homme digne d’écrire une rubrique nécrologique substantielle à l’occasion de la disparition de James Graham Ballard. Cet homme est Antonio Caronia, spécialiste universitaire de l’imaginaire moderne et traducteur de notre écrivain anglais. Les autres nécrologues zélés ne savaient manifestement pas qui était Ballard: dans leurs “crocodiles”, ils nous ont décrit un homme et sa littérature mais c’était un homme et une littérature qui n’existaient pas. Ou bien ils ont glosé, de manière conventionnelle,  sur d’autres problématiques, déconnectées de la biographie réelle de l’écrivain. Ils évoquaient certes le titre de ses livres mais ceux-ci, sous leur plume, semblaient changer de contenu. On peut même se demander s’il s’agissait bien des mêmes livres. Ou du même auteur...

 

Ballard fut essentiellement un écrivain de science-fiction, qui n’a pas “renié”, comme quelqu’un l’a écrit, ses oeuvres antérieures à 1962, année où il a inventé l’ “inner space”, l’espace intérieur, évoqué dans les “crocodiles” les moins banals mais sans que leurs auteurs ne comprennent réellement de quoi il s’agit. Alors que c’est fondamental. Avec cet “espace intérieur”, Ballard a provoqué une grande révolution dans ce genre littéraire, tout en déclarant, comme bien d’autres dans les années 60, que c’était fini d’écrire encore et toujours comme on l’avait fait auparavant. Les temps avaient changé: la littérature devait changer elle aussi. Ballard s’est donc mis au travail, à fond, jusqu’à pouvoir dépasser les conventions du genre; il s’est mis à écrire des thrillers dans une sphère postmoderne. Le succès mondial est alors arrivé, avec le roman autobiographique “L’Empire du Soleil” (1984); c’est par cet ouvrage que les intellectuels et le grand public l’ont découvert. Lorsque, trois ans plus tard, Steven Spielberg en a tiré un film homonyme et lorsque la vogue du “cyberpunk” l’élit comme son “père putatif”,  alors le monde a su que Ballard était prêt à être “embaumé” dans le mastaba de la littérature.

 

D’où cette volonté des fauteurs de “crocodiles” de donner à leurs lecteurs un cadre préétabli  pour l’oeuvre et une définition homologuée de l’auteur, cadre et définition qui font de lui un écrivan présentable, digne de figurer dans les hautes sphères de la culture officielle, après avoir expurger la science-fiction du discours. Ballard est ainsi devenu un précurseur de la vogue “cyberpunk”, un écrivain décrété “subversif” à la façon des médiacrates, un révolutionnaire, un prophète du futur, un visionnaire, celui qui utilise la science-fiction pour dénoncer le monde moderne, alors qu’en réalité Ballard n’écrivait pas de science-fiction. Et dans la foulée, Ballard est également devenu un anti-fasciste bon teint, un philo-américain. Mais le Ballard, que mes amis et moi avons connu, celui que nous avons aimé, est bien différent de l’image que lui ont taillée les fauteurs de “crocodiles”. Et c’est bien sûr notre vision que nous aimerions évoquer dans cet hommage. Les éléments biographiques coïncident, entre nous et les “crocodiles”, mais non les résultats, non le jugement final à porter sur l’homme et sur l’oeuvre. C’est comme ses livres: mêmes titres mais autres contenus.

 

empireofthesun.jpg

 

Le Ballard, dont nous aimons nous souvenir aujourd’hui, est né à Changhai, en Chine, en 1930, dans une famille anglaise. Elle a été internée dans le camp de détention japonais de Lunghua de mars 1943 à août 1945. Ballard n’utilisera jamais cette détention pour en tirer de quelconques avantages ou pour se faire valoir. Au contraire, en dépit des privations et de la violence des gardiens, il ne cessera de considérer ces deux années comme les meilleures de sa vie. Il témoignera amitié et respect pour les Japonais et l’image que son art nous a léguée, celle du gamin anglais auquel les soldats nippons enseignent le kendo, est très belle. Son père, après la guerre, témoignera d’ailleurs en faveur du premier commandant du camp, Hyashi. Ballard décrira également les avions japonais et anglais, et surtout américains, qu’il verra en action; dès son retour en Grande-Bretagne et après avoir terminé sa scolarité, il s’engagera comme volontaire dans la RAF et partira pour le Canada, où il acquerra toutes les techniques du pilote. C’est quand il servait dans les rangs de la RAF que Ballard a découvert la science-fiction et décidé de devenir écrivain. Il donne sa démission, retourne en Angleterre et commence à écrire des nouvelles.

 

Avec “Prima Belladonna” (1956), il sort de l’anonymat. Avec cet ouvrage, il crée le noyau central de ce que l’on appellera “le cycle de Vermillon Sands”, d’après le nom du lieu où se déroulent les récits. Un lieu qu’il définit comme “les périphéries exotiques de son esprit”, avec un scénario inspiré de Dali et de Tanguy autant que d’Ernst, avec voiliers de sable et scorpions gemmés, et surtout les destins obscurs qui accablent les protagonistes de ses nouvelles et romans. Il suffit de penser à “Mers de sable”, qui reprend et rappelle Coleridge et sa “Balade du vieux marin”, pour se rendre compte de l’ampleur du discours narratif ancré dans “Vermillon Sands”.

 

EmpSol9782070382682.jpg

 

Mis à part ce cycle, les nouvelles de Ballard forment, à elles seules, une sorte de second texte: “La parade des atrocités”, qui n’est pas un roman comme l’ont écrit les fauteurs de “crocodiles” mais un recueil de quinze nouvelles qui ont eu un impact très puissant sur l’imaginaire contemporain; il s’agit d’écrits de style expérimental, sorte de croisement entre Dos Passos, William Burroughs et James Joyce. La censure américaine a frappé ces récits de l’anathème d’une interdiction et c’est là, d’après les fauteurs de “crocodiles”, que réside la marque essentielle de cette oeuvre. En réalité, la première édition américaine de 1970 a été envoyée au pilon parce qu’elle contenait un récit (et non un article comme on l’a écrit) intitulé “Pourquoi vouloir enc.. Ronald Reagan”. Ce récit a fait, comme on s’en doute, la réputation de Ballard, tout comme, d’ailleurs, un autre, intitulé, lui, “Plan pour l’assassinat de Jacqueline Kennedy”. Et si le titre n’est pas dû à l’auteur lui-même, “Amour et napalm: les Etats-Unis organisent leurs exportations” en dit long sur son contenu. Le récit le plus célèbre de Ballard, dans cette veine, demeure toutefois “La mort de John Fritz Kennedy considérée comme une course automobile en vrille”. L’idée de Ballard était la suivante: si on commence un récit par la mort de Kennedy, on peut amorcer une construction de la réalité par le truchement des médias; surtout aux Etats-Unis, nous assistons, par le jeu permanent des médias, à la création constante d’une nouvelle mythologie avec des individus et futurs héros de l’imaginaire contemporain, tels Kennedy, Marilyn Monroe, James Dean et Reagan, dont Ballard avait prédit avec beaucoup de lucidité l’élection au poste de Président. Précisons que notre écrivain anglais si raffiné n’est pas anti-américain.

 

Après “La parade des atrocités”, on aurait pu penser que tous les écrits de science-fiction que l’auteur écrirait ultérieurement déboucherait sur la farce. Mais Ballard a continué. Depuis la fin des années 50 jusqu’à la fin de son itinéraire littéraire, il a bousculé le concept même de science-fiction et, dans son oeuvre, publiée en quatre volumes en Italie chez Fanucci après que Mondadori en ait cédé les droits, il me paraît impossible d’établir une hiérarchie, de dire que ceci est meilleur que cela. De l’oeuvre de Ballard, on peut dire qu’elle a exploré le présent ou, mieux, les plis et replis d’événements occultés de notre présent: des “aliens” invisibles qui nous espionnent, des explosions nucléaires, des simulations d’événements, les régressions psychologiques des individus. Les fauteurs de “crocodiles” n’ont pas perçu la similitude qui existe, indubitablement, entre Ballard et le grand poète anglais Thomas Stearns Eliot et sa théorie de l’ “objectif corrélatif”  —mais on pourrait dire aussi qu’ils n’ont pas vu, non plus, le lien entre Ballard et un autre grand poète, Italien celui-là: Eugenio Montale. Selon l’idée de l’ “objectif corrélatif”, l’espace physique extérieur devient la manifestation de l’espace intérieur. Les terrains d’aviation abandonnés, les carcasses amoncelées de vieilles voitures ou alignées de bombardiers déclassés, de hangars délaissés, d’espaces évacués par leurs habitants, de dunes, de marais, d’habitations vides, de plages désertes, de cieux si vifs qu’ils aveuglent, de soleils implacables, voilà tous les paysages, termes des équations narratives de l’écrivain. Ce sont des espaces géographiques d’une valeur unique, qui deviennent les expressions et les symboles d’un mal-être intérieur.

 

L’autre Ballard que nous entendons commémorer est le romancier, celui de “Vent de nulle part” (1961), “Le monde submergé” (1962), “Terre brûlée” (1964), “Forêt de cristal” (1966). Avec ces quatres livres, Ballard a réussi à décrire quatre types différents d’apocalypses de science-fiction. Ces romans témoignent d’une sensibilité écologique, qui, à l’époque, en était à ses premiers balbutiements. Ils mettaient en scène des modes divers par lesquels la Terre allait finir par frapper ses propres habitants, chaque fois à l’aide des quatre éléments alchimiques. Mais “Le monde submergé” et “Forêt de cristal” parient sur un registre plus vaste, en faisant implicitement référence aux symboles mythiques de l’eau et du cristal; l’individu s’y perd en régressant sur l’échelle de l’évolution, dans un monde submergé sous les eaux et devenu ansi un gigantesque marais ou dans une forêt qui, lentement, minéralise ses arbres et les êtres qui y  habitent. L’étape suivante de l’oeuvre ballardienne est marquée par “Crash” (1973), élaboration nouvelle du récit homonyme paru dans “La parade des atrocités”. “Crash” met l’accent sur un problème devenu, au fil du temps, une triste réalité contemporaine: la manie automobiliste qui contamine tous les hommes et provoque une avanlanche ininterrompue d’accidents de la route. Dans le roman de Ballard, l’automobile est devenu un ersatz de la sexualité; un groupe de personnes met en scène les grands accidents de l’histoire de l’imaginaire moderne: la séduction, la mort au volant, le fétichisme des images, tout cela devient autant de points de référence. Quand David Cronemberg fait de ce roman un film du même nom, en 1997, les bien-pensants furent atterrés.

 

 

 

Par la suite, Ballard a travaillé sur des romans largement autobiographiques sinon carrément biographiques: “L’Empire du Soleil”, que nous venons d’évoquer, et aussi “La gentillesse des femmes” (1991). Quant aux ouvrages ultérieurs des années 90, ceux qui permettent aux fauteurs de “crocodiles” de crier au miracle, ils recèlent tantôt une dimension écologiste, comme “Le paradis du diable” (1994), tantôt mettent au goût du jour sa poétique du désastre en situant l’intrigue des thrillers à la Costa del Sol ou en France; enfin, “Le Règne à venir” (2006) appartient aussi à la catégorie des bons romans, mais tous ces livres des années 90 et de la première décennie du 21ème siècle n’ont plus ni l’intensité destructrice ni la magie charmante du premier Ballard. Le passage du monde décapant de la science fiction à celui de la “haute” littérature, a certes apporté la consécration à notre auteur, l’a hissé dans l’empyrée des écrivains aimés du grand public et des intellectuels; ce n’est donc pas un hasard si tous ses romans sont aujourd’hui publiés par Feltrinelli en Italie, alors qu’auparavant ses oeuvres étaient éditées dans la collection de science fiction de Mondadori. Ce passage a fatalement transformé sa force  créatrice et l’a infléchie dans une direction nouvelle. Les fauteurs de “crocodiles” n’ont évidemment jamais lu les pages qu’il écrivait dans la légendaire revue anglaise “New Worlds”, et encore moins les récits qui l’ont fait découvrir et l’ont intronisé “grand écrivain”. Par conséquent, à la lecture de ces textes-là, nous pouvons dire qu’il est vraiment “réducteur” de confiner Ballard dans le seul rayon de science fiction.

 

Le Ballard que nous aimons n’est pas le Ballard des grands médias, des intellectuels médiatisés et médiacrates. C’est bien davantage l’homme qui a rédigé sa propre biographie (“Les miracles de la vie”), éditée depuis peu de temps seulement en Italie, chez Feltrinelli. Dans ce récit autobiographique, Ballard affirme qu’après le camp de prisonniers les meilleurs moments de sa vie sont tous ceux liés à son épouse (qui mourra jeune) et à ses trois fils qui se sont débrouillés seuls et qui, par là même, constituent des miracles, bien plus que ses livres. Il est resté quarante ans avec la même compagne et il en parle avec le même enthousiasme qu’il y a quatre décennies.

 

L’auteur que nous lisions quand nous étions adolescents dans les années 60 et 70 dans les pages de la revue “Urania”, qui nous faisait découvrir les pistes nouvelles de la science fiction où il n’y avait plus de vaisseaux spatiaux, de voyages intersidéraux, d’envahisseurs extra-terrestres mais seulement une volonté bien précise de parler du présent et de ses maux, à travers, par exemple, le corps d’un géant abandonné sur une plage, l’ampleur d’un baiser, un delta grouillant de serpents, de mystérieuses tours d’observation qui descendent du ciel, la carcasse d’un B52. C’est donc ce même homme qui, après une vie qui ne fut guère facile, n’a pas sombré dans les pleurnicheries ou dans les invectives,  comme beaucoup d’autres, mais, au contraire, s’est retroussé les manches pour affronter le réel sans faiblir. Et il termine son autobiographie en annonçant à ses lecteurs qu’il est miné par un cancer et que, par conséquent, ils viennent de lire ses dernières lignes.

 

Je me rappellerai toujours le “gentleman” du Festival du Dragon de Viareggio en 1992 quand, avec ma copine et un ami, je m’étais faufilé parmi les “VIP” pour me retrouver  finalement à sa table, sans y avoir été invité; nous étions là, tous les trois inconnus, en shorts, en maillots de rugby, les cheveux longs. Ballard ne parlait pas italien et, nous, nous ne parlions pas anglais: cela ne l’a nullement empêché de dîner avec nous, ce soir-là, en irradiant une gentillesse toute britannique (soit dit en passant: à peu près toutes les grandes huiles de la littérature italienne auraient fait appel aux services de sécurité pour nous faire virer illico...). Ballard souriait et parlait, interrompu par une interprète. Il y avait là un grand écrivain mondialement connu et trois de ces lecteurs italiens les plus férus incapables de balbutier la moindre parole. Je n’en dirai pas  davantage. Merci, James, bon vol. Et bon atterrissage.

 

Claudio ASCIUTI.

(article paru dans le quotidien romain “Rinascita”, 25-26 avril 2009; traduction et adaptation française:  Robert Steuckers).

mardi, 30 juin 2009

Fernau über Demokratie

fernau.jpg
Fernau über Demokratie

Erik LEHNERT - http://www.sezession.de/

demokratie

Passend zu der sich hier entspinnenden Debatte möchte ich auf einen relativ unbekannten Text von Joachim Fernau hinweisen. Die „Fibel der Demokratie“ (1953) ist eine der Gelegenheitsarbeiten, die Fernau im Laufe der Zeit immer mal wieder verfaßt hat. Wenn die darin geäußerte Kritik an der Demokratie für unserer Ohren ungewohnt klingt, zeigt das nur, wie weit die Immunisierung der Demokratie gegen Kritik bereits fortgeschritten ist.

Offenbar war man (zumindest Fernau, wobei ich nicht glaube, daß er damit alleine stand) sich damals noch bewußt zu welchen Auswüchsen gerade die Herrschaft der Mehrheit führen kann. Das entscheidende Kapitel lautet:

Wir leben in einer unvollkommenen Welt.

Diese Welt besteht aus Menschen, die ihrerseits auch wieder unvollkommen sind.

Seit vielen tausend Jahren experimentieren wir.

Wir experimentieren heute immer noch. Auch die Demokratie in der Welt ist noch ein Experiment.

Wer dieser Tatsache nicht ins Auge sieht, wer es nicht verträgt, dies zu hören, ist ein Demagoge oder ein Schwärmer. Der erste Stoß, das erste Gegenargument, auf das er nicht vorbereitet ist, wird ihn aus dem Sattel heben.

Wer die moderne Demokratie vollendet findet, muß wohl an ihr mit herumgebastelt haben, denn nur Väter finden ihre Kinder immer schön.

Man pflegt heute allen Menschen, die von Schwächen der demokratisch-parlamentarischen Verfassungen sprechen oder sie gar ablehnen, üble Motive vorzuwerfen. Man hämmert der Masse ein, dies seien ganz gefährliche Burschen, die sich über den Volkswillen hinwegsetzen wollten. Kaum ist dieses Wort gefallen, so fühlt sich jedermann geradezu persönlich angegriffen.

Das ist eine Art, die sehr wirksam ist; aber sie ist überaus unfair und ehrabschneidend.

Natürlich gibt es solche Fälle. In allen Lagern pflegt ein Teil der Menschen aus Machtgelüsten und egoistischen Hoffnungen zu handeln. Ja, die Demokratie selbst ist ja schon ein Pochen auf einem „egoistischen“ Recht. Das wollen wir nicht vergessen.

Nein, die Probleme der parlamentarischen Demokratie kann man nicht mit dieser Handbewegung abtun.

Sie sind da.

Aber die größte Gewissensfrage, eine Gewissensfrage, die wirklich „auf Tod und Leben“ der Demokratie geht, haben wir noch gar nicht berührt. Sie ergibt sich nicht einmal aus den Mängeln der Praxis, sondern im Gegenteil, sie beginnt erst richtig, wie wird gerade dann brennend, wenn die Demokratie so vollständig wie möglich verwirklicht ist.

Die Gewissensfrage lautet:

Nehmen wir an, der Volkswille ließe sich in einer idealen Verfassung genau feststellen: Ist dieser Volkswille, wenn er verwirklicht wird, dann automatisch gut?

Sie ahnen, welche entscheidende Frage das ist!

Hier soll unser Gewissen antworten, ob wir an die Güte dieser Welt glauben, ob wir die Welt für im Grunde schön und die Menschen für vernünftig und klug halten. Oder ob wir die Welt als im Grunde problematisch und die Menschen als überwiegend schlecht und haltlos betrachten.

Es ist, auf den kürzesten Nenner gebracht, die Frage: Darf Quantität über Qualität gehen?

Das ist der empfindlichste Punkt der parlamentarischen Demokratie, und es ist fast eine Groteske, mit anzusehen, wie er in der Öffentlichkeit ängstlich vermieden wird.

Warum eigentlich?

Verschwindet er dadurch?

Es nützt nichts, davor die Augen zuzukneifen.

Wir wollen im Gegenteil dies in aller Seelenruhe untersuchen.

Wer die Demokratie liebt, soll sie sehend lieben.

Der Blick auf den Iran verdeutlicht das Gemeinte sehr schön. Dort ist man mittlerweile davon abgewichen, die Neuauszählung der Stimmen zu fordern. Vielmehr geht es um den Systemwechsel, der offenbar gegen der Mehrheit erzwungen werden soll. Das kann man ja beurteilen wie man will, aber demokratisch ist das nicht gerade. Ist die Demokratie also doch kein Absolutum? Wer hätte das gedacht…

lundi, 29 juin 2009

L. F. Céline par Gilberto Giovagnoli

Louis-Ferdinand Céline par Gilberto Giovagnoli






















 

 

Source: http://lepetitcelinien.blogspot.com/

dimanche, 28 juin 2009

Over boeken en schrijvers

OVER BOEKEN EN SCHRIJVERS



Ex: Nieuwsbrief / Deltastichting - nr. 26 - juni 2009
JEAN MABIREDe Normandische schrijver Jean Mabire zal wel niet zo vlug vergeten worden. Over heel Frankrijk, maar ook elders in Europa, telde hij vele vrienden en vooral vele lezers. Daarentegen mocht hij, als beginselvaste non-conformist, zelden of nooit genieten van officiële eerbewijzen of erkenningen. Het zal hem géén zorg geweest zijn.

Wellicht kom ik later nog eens op Mabire terug. Vandaag bespreek ik een uitgave van de recent opgerichte vriendenkring Association des Amis de Jean Mabire (1). Die vereniging plant, naast andere initiatieven, de (her)uitgave van werken van en over de auteur. Het eerste nummer van Jean Mabire parmi nous verscheen in 2008 bij Editions d’Héligoland en brengt de heruitgave van twee bijdragen van Mabire over Pierre Drieu la Rochelle. Die intrigerende en veelzijdige schrijver (1893-1945) wekte de aandacht van Mabire, die tal van biografieën wijdde aan (veelal non-konformistische) auteurs uit heel Europa. Drieu was een van zijn favorieten.

Zijn eerste groter werk was Drieu parmi nous uit 1963, een nog steeds onovertroffen benadering van de schrijver. In de te bespreken uitgave worden “jeugdwerken” van Mabire heruitgegeven, studies in 1961 uitgegeven door de Revue du Département de la Manche. Het zijn goed gedocumenteerde maar tevens met geestdrift geschreven studies over de in Parijs wonende Normandiër (2). Ze ademen bewondering, die daarom niet onkritisch hoeft te zijn. Hoe verschillend de levensloop van Drieu en Mabire ooit mocht zijn geweest, hoe divers hun terreinen van belangstelling, Mabire bewondert in Drieu een man die steeds trouw bleef aan zijn on-dienstbaarheid, aan zijn moed om vaak tégen de stroom in te gaan; aan zijn trouw aan heroïsche en non-conformistische idealen; aan zijn geestelijke aristocratie.

Een reeks om in het oog te houden!

(Karel Van Vaernewyck)
Nota’s:

(1) Adres van de Association des Amis de Jean Mabire, Route de Breuilles 15, F-17330 Bernay Saint Martin
(2) Editions d’Héligoland, 2008, ISBN  978 – 2 – 014874 – 39 – 7. F-27290 Pont-Anthouml.

vendredi, 26 juin 2009

Une littérature dans l'ombre: Jean Parvulesco

parvulescoalepahrm.jpg

Christopher Gérard

La Presse littéraire

(automne 2007)

 

Entretien avec Jean Parvulesco

Une littérature dans l'ombre: Jean Parvulesco

 

Etrange et attachant personnage que cet écrivain mythiquement né à Lisieux en 1929, compatriote d'Eliade, ami d'Abellio (voir son essai Le Soleil rouge de Raymond Abellio, Ed. Trédaniel) comme de Dominique de Roux, lecteur de Bloy, Meyrink, Lovecraft. De Jean Parvulesco un expert ès clandestinité tel que Guy Dupré a pu écrire qu’il témoignait de "l'entrée du tantrisme en littérature". Et en effet, chacun des romans de Jean Parvulesco peut aussi être lu comme un rituel de haute magie. C'est dire si l'œuvre reste dans l'ombre, d'autant que son auteur ne mâche pas ses mots sur notre présente déréliction. A ses vaticinations qui prédisent sans trembler un cataclysme purificateur Parvulesco ajoute des visions géopolitiques d'une troublante acuité. Avec une habileté démoniaque, l'écrivain passe d'un registre à l'autre, tantôt aux lisières du burlesque (camouflage?), tantôt prophétique - et toujours servi par une écriture hypnagogique. Alors que je lui demandais il y a une douzaine d'années de se définir, il me répondit: "je suis un combattant dépersonnalisé de l'actuelle montée impériale grand-continentale". Eternel conjuré, Jean Parvulesco est surtout un infatigable travailleur: il signe aujourd'hui son dixième roman depuis 1978, parmi lesquels le mythique Les Mystères de la Villa Atlantis (L'Age d'Homme), qui, avec tous les autres, forme une somme où l'ésotérisme et l'érotisme se mêlent au Grand Jeu. Fidèle au mot de son ami de Roux, Parvulesco aura appliqué Nerval en politique …et vice versa. L'homme a survécu aux camps de travail staliniens, s'est évadé d'une geôle titiste, a traîné ses bottes dans les décombres de Vienne, avant de suivre les cours de Jean Wahl à la Sorbonne, d'approcher Heidegger, Evola et Pound. Jean Parvulesco ou la littérature de l'extrême. Ses deux récents livres, publiés par Alexipharmaque, l'étonnante maison d'Arnaud Bordes, illustrent bien les obsessions de cet auteur qui incarne une tradition mystique et combattante. Le Sentier perdu nous fait rencontrer Ava Gardner et Dominique de Roux, tout en évoquant (invoquant?) Thérèse de Lisieux ou Leni Riefenstahl. Tout Parvulesco se retrouve dans ces couples improbables. Est-ce un journal, un essai sur le gaullisme révolutionnaire, un roman chiffré, un programme d'action métapolitique? Le sujet: la fin d'un monde en proie à la grande dissolution dans l'attente d'un embrasement cosmique. Une spirale prophétique, pour citer l'un de ses essais. Dans la Forêt de Fontainebleau se présente lui (faussement) comme un roman stratégico-métaphysique sur le rôle messianique de la France, clef de voûte du bloc continental, et du catholicisme comme unique voie de salut. J'ignore ce que pensent les évêques de ce catholicisme mâtiné de tantrisme et de tir au Beretta, mais après tout qu'importe. Parvulesco actualise enfin le mythe du Grand Monarque, en l'occurrence Louis XVI, miraculeusement sauvé du néant par une conspiration d'élus. Rites érotiques et meurtres rituels, cisterciens et barbouzes, Versailles et le Vaucluse: pas un temps mort dans ce roman sans pareil!

 

Entretien avec Jean Parvulesco

Propos recueillis par Christopher Gérard

 

Christopher Gérard: En première ligne sur le front des Lettres depuis trente ans au moins, vous vous revendiquez d'une "nouvelle littérature grand-européenne fondée sur l'Etre". Comment définissez-vous ce combat d'hier et d'aujourd'hui?

 

Jean Parvulesco: Je pense que l'heure est vraiment venue pour reconnaître qu'en réalité toutes les littératures européennes ne constituent qu'une seule grande littérature, expression d'une même civilisation et d'un même destin, d'une même prédestination. Avec l'avènement et l'affirmation de l'oeuvre visionnaire de Martin Heidegger, la civilisation européenne s'est vue rappelée à l'ordre, sommée de se tourner à nouveau vers l'être, comme lors de ses origines antérieures, polaires et hyperboréennes. Origines premières que l'on a totalement oubliées dans les temps plus récents, avec les troubles profonds et les effondrements de l'actuelle dictature du non-être.

Certes, à présent le grand renouveau ontologique et suprahistorique pressenti par les nôtres est encore à peine visible, maintenu encore dans l'ombre, mais déjà engagé irréversiblement à contre-courant par rapport à la situation du désastre actuel de la civilisation européenne sur le déclin, menacée à terme d'une extinction définitive.

Aujourd'hui, en apparence tout au moins, le spectacle des actuelles littératures européennes est donc celui d'une insoutenable désolation, d'une soumission inconditionnelle aux abjectes exigences  de notre déchéance acceptée comme telle. Mais, en réalité, sous les amoncellements écrasants des pesanteurs de l'état antérieur d'assujettissement au non-être, le feu du nouvel état, du nouveau renouvellement annoncé, brûle, dévastateur, qui très bientôt, va l'emporter. A condition que nous autres, de notre côté, nous soyons capables de faire le nécessaire, de forcer le destin. De faire ce qu'il nous incombe de prendre sur nous, révolutionnairement, pour que le grand renversement final puisse se produire dans les temps et dans toutes les conditions requises. Pour que la Novissima Aetas se laisse venir. Car tel s'avère être, en fin de compte, le mystère de la délivrance finale, que tout dépend de nous.

Cependant, la situation encore indécise des groupes, des communautés et des instances actives, des personnalités de pointe qui incarnent l'actuelle offensive du "grand renouveau" occultement déjà en cours, fait que ceux-ci doivent se maintenir, pour un certain temps, dans l'ombre, n'avancer que souterrainement. Mais cela va bientôt devoir changer. A mesure que nous allons pouvoir sortir de l'ombre, les autres vont devoir y entrer.

 

Comment vous situez-vous sur cette actuelle "ligne de front"?

 

En premier lieu, ces derniers vingt ans, j'ai écrit une trentaine d'ouvrages de combat, dont dix grands romans d'avant-garde "engagés en première ligne". Des romans faisant partie, dans leur ensemble, d'un cycle arthurien de douze titres. A présent, il me reste deux romans à publier, soit Un Voyage en Colchide, dont je viens de terminer la rédaction finale, ainsi que le dernier ouvrage du cycle de douze, dont, pour le moment, je ne pense pas pouvoir révéler le titre. Bien sûr, j'ai eu, pendant tout ce temps, et j'ai encore en continuation d'autres activités, dont je ne pense pas non plus pouvoir parler ici. Question de cloisonnement: on me guette au tournant, sûr.

 

Quelles ont été les grandes lectures, celles qui ont le plus contribué à votre évolution créatrice?

 

Je commencerai par le Gobineau des Pléiades. Ensuite, le groupement des occultistes anglo-saxons, Bram Stoker, Bulwer-Lytton, Arthur Machen, Algernon Blackwood, Dennis Wheatley, John Buchan, Talbot-Mundy. Et aussi Maurice Leblanc, Gustav Meyrink, Raoul de Warren, Henri Bosco, André Dhotel, Biély, Boulgakov. Ainsi que les plus grands, Ezra Pound, Joyce, Hamsun, Heidegger, Céline, Heimito von Doderer. Et René Daumal, Drieu la Rochelle, Raymond Abellio, Guy Dupré.

Je dois vous avouer que j'ai beaucoup et très vivement apprécié votre roman Maugis (L'Age d'Homme), sur lequel je me suis réservé le droit de faire un important article, livrer toutes les raisons, y inclus les plus cachées, de la fascination obstinée que ce roman n'a pas fini d'exercer sur moi.

Je citerai aussi les romans de David Mata, et surtout son Hermann que viennent de publier, à Pau, les éditions Alexipharmaque, dirigées par Arnaud Bordes. Enfin, il me semble que je dois parler des activités des éditions DVX qui, dans le Vaucluse, se sont destinées à faire paraître, sous la direction de Guillaume Borel, toute une série de mes écrits inédits. Le dernier publié, en octobre prochain, s'intitule Six sentiers secrets dans la nuit. Il s'agit de critiques littéraires d'actualité, représentatives du combat de salut qui est le nôtre. Six instances de haut passage.

 

Que pensez-vous de la prochaine rentrée littéraire?

 

Une chose d'une inconcevable saleté, d'une nullité totale, d'un exhibitionnisme à la fois éhonté et sans doute inconscient. On est arrivé au dernier degré de l'imbécillité et de l'imposture avantageuse. Ce sont les derniers spasmes de l'assujettissement de l'être aux dominations du non-être. Le Figaro en date du 21 août 2007 consacre deux pages entières, dont une première en couleurs, à la "rentrée littéraire en vingt titres". On y lit: Olivier Adam, A l'abri de rien, "Olivier Adam se met dans le peau d'une femme à la dérive, qui abandonne son mari et ses deux enfants pour aide aux réfugiés clandestins". Et Mazarine Pingeot, "Une femme tente d'expliquer à son mari les raisons pour lesquelles elle a tué et congelé, à sa naissance, l'enfant qu'elle avait porté en secret". Et on annonce 727 romans de la même eau, qui seront publiés d'ici à la fin octobre. Il n'y a plus rien à faire, le dispositif en pleine expansion de l'aliénation anéantissante, de la prostitution suractivée de la conscience européenne que l'on nous impose, a atteint son but, ses buts. A telle enseigne que la rédaction du Figaro précise que "nous vous présentons ici vingt titres qui feront l'actualité, cela ne présage en rien de leur qualité littéraire".

 

Paris, août 2007

jeudi, 25 juin 2009

Un Architalien (*) comme lui

2_g1.jpg

 

Un Architalien (*)

comme lui

L.S.

 

De temps à autre, la fréquentation assidue des bouquinistes donne encore à l’Occidental fatigué que je suis l’occasion d’inventer, au sens archéologique du mot, quelques trésors de bibliophilie. Ainsi par exemple, cette édition de poche du livre Les jeux et les hommes de Roger Caillois, acheté une misère et dédicacé au stylo bille par l’auteur à… Henri Troyat ! Ou cet exemplaire de La Droite buissonnière de Pol Vandromme**, paru en 1960 aux Sept Couleurs, aperçu au dernier moment, tandis que je m’apprêtais à refermer la porte de la boutique.

 

*

 

Parmi ces objets rares, il en est un qui me tient particulièrement à cœur, peut-être parce que je l’ai déniché à Bruxelles, L’Œuf rouge de Curzio Malaparte, dédicacé lui aussi,

 

« à Monsieur Charles Moine

en très cordial hommage

Curzio Malaparte

Paris ce 5 décembre 1949 »

 

dans une écriture soignée, d’un beau bleu délavé.  Son roman La pelle, traduction La peau, va ou vient de sortir de presse. Dédicace de circonstance j’en déduis, comme l’écrivain, de son propre aveu le plus grand d’Italie (sous-entendu, plus grand que son compatriote Gabriele D’Annunzio), dut en signer des centaines, à défaut d’avoir réussi à percer le mystère entourant l’identité de ce Monsieur Moine.  Intitulé Intelligenza di Lenin dans sa version originale de 1930, L’ Œuf rouge*** (à ne pas confondre avec Le Bonhomme Lénine qui date de 1932, je le dis pour les collectionneurs), soit le crâne dégarni et bombé du leader bolchevik, se lit aujourd’hui comme un document, le témoignage de l’existence d’un courant interne au Parti national fasciste dont Malaparte fut l’un des animateurs, celui du fascisme syndicaliste-révolutionnaire des années 20, républicain, anticlérical et antibourgeois, mis en évidence par l’historien Renzo De Felice dans ses travaux – quand certains de ses compagnons de la marche sur Rome voyaient en Mussolini l’héritier des Lénine, Trotski.

 

*

 

Lorsqu’il adresse son livre à Charles Moine, ce 5 décembre 1949, Curzio Malaparte a déjà plus d’une vie à son actif. Une qualité en principe réservée aux chats, sauf que Malaparte leur préfère la compagnie des chiens, surtout ceux de la campagne, aux pedigrees douteux. Tout le contraire de Louis-Ferdinand Céline, qui adore les chats mais déteste Malaparte. L’une d’elles, la troisième si l’on compte sa guerre de 14-15 dans les rangs de la Légion garibaldienne (encore une singularité du personnage, l’Italie n’étant entrée en guerre qu’en 1915), son ascension (la direction du quotidien « La Stampa ») puis sa chute au sein de l’appareil du pouvoir romain (la publication chez Grasset en 1931 de Technique du coup d’Etat - « Hitler est une femme » - afin d’échapper aux ciseaux de la censure transalpine), l’a conduit en 1933 à la relégation sur l’île de Lipari. Cinq ans de résidence surveillée à la demande du ministre de l’Air Italo Balbo, son ennemi personnel, rendu responsable par Malaparte de son éviction de « La Stampa », réduits à douze mois grâce à l’entregent du comte Ciano, le gendre de Mussolini. Le duce, qui en privé s’amuse de ses incartades, n’a pas tant tenu rigueur à Malaparte de son Don Camaleo (Monsieur Caméléon, Ed. La Table Ronde, 1946), un roman-feuilleton dans lequel l’écrivain trublion le croquait sous les traits peu flatteurs du reptile habile à changer de couleur, que celui-ci se plaira à le croire après coup. Dans le contexte du rapprochement du régime avec le Vatican, l’allusion ne pouvait être plus explicite. Un court intermède parisien. De retour à Rome, Malaparte fonde la revue culturelle « Prospettive » où, entre deux correspondances de guerre en Ukraine ou en Finlande, il invite les poètes surréalistes Breton et Eluard à s’exprimer. Décidément, la dictature fasciste ne fut pas le totalitarisme nazi.

 

*

 

Le 21 juin 1940, c’est muni de son accréditation de journaliste au « Corriere della Sera », une autre faveur du duce, que Malaparte franchit cette fois la frontière, revêtu de l’uniforme de capitaine des Alpini, les chasseurs alpins italiens. Mussolini pensait, en l’éloignant, se débarrasser de son cas, il va lui offrir sur un plateau la matière de sa période de création la plus féconde ! Malaparte, de son vrai nom Kurt-Erich Suckert, s’était engagé à l’âge de seize ans, autant par francophilie que par envie d’en découdre avec l’image honnie du père, saxon et protestant. Le maniement du lance-flammes d’assaut serait sa thérapie de choc. Et maintenant, pour de fumeuses ambitions impériales, Mussolini prétendrait  faire se tenir côte à côte soldats italiens et allemands dans la bataille ? Dérisoire, la campagne de France lui inspire un sentiment et un roman - publié après-guerre, Il sole è cieco*, au vrai davantage un assemblage d’idées, de situations vécues - où la honte le dispute à la tristesse ; titanesque, l’invasion de l’Union soviétique, des ouvriers, des ingénieurs jetés contre d’autres ouvriers, d’autres ingénieurs, devient au fil de ses articles, qui formeront la trame de Kaputt et d’Il Volga nasce in Europa**, une odyssée plus proche des neuf cercles de Dante que du poème homérique, dont Malaparte serait l’Ulysse, lancé à pleine vitesse au volant de sa voiture de liaison. En relisant ses 571 pages, je comprends pourquoi Denoël a choisi de rééditer Kaputt dès la révélation du Prix Goncourt 2006. Avec la morale qui s’en dégage : la saloperie (de ce qui se passe là-bas) est tragique, le tragique est beau, donc la saloperie est belle, le livre soutient sans difficulté la comparaison avec Les Bienveillantes de Jonathan Littell. Disponible au format de poche également.

 

 



* D’après Architaliano, le titre du recueil de poèmes publié par Curzio Malaparte en 1928.

** Décédé le 28 mai 2009 à l’âge de 82 ans. Lecteur insatiable doublé d’un élégant styliste, Pol Vandromme cumulait deux handicaps majeurs pour qui veut conquérir la République des Lettres parisienne : sa nationalité belge et un amour immodéré des écrivains marqués à droite. La postérité distinguera l’œuvre critique dans sa volumineuse bibliographie.

*** Ed. du Rocher

* Le soleil est aveugle. Je recommande au lecteur la couverture de l’édition Folio. A signaler aussi, dans la collection Quai Voltaire, la parution d’un inédit, Le Compagnon de voyage, agrémenté d’un cahier photos : www.editionslatableronde.fr

** La Volga naît en Europe, Domat, 1948. Qu’attend-on pour le rééditer ?

mardi, 23 juin 2009

Aristocratismo libertario

Aristocratismo libertário

Ex: http://ofogodavontade.wordpress.com/

null

Os Anarquistas de Direita (Fonte)

O anarquismo não é, contrariamente ao que poderíamos pensar, um movimento de sentido unívoco. Podemos identificar três tendências dominantes: à partida um anarquismo bruto, cujo genitor é Max Stirner, que rejeita os dados humanistas tradicionalmente admitidos e que valoriza um individualismo exclusivo. Depois um anarquismo de esquerda saído da filosofia «iluminista», que visa a emancipação dos povos e o exercício do poder político por todos, mesmo a custo de acções violentas e radicais. Por fim um anarquismo de direita, ou aristocratismo libertário, que coloca radicalmente em causa os princípios de 1978, não numa perspectiva contra-revolucionária, mas em nome de uma revolta individual contra todos os poderes instituídos. A definição dada de anarquismo de direita é a de uma revolta individual, em nome de princípios aristocráticos, que pode ir até à recusa de toda a autoridade instituída. Mas o anarquismo de direita não é um simples individualismo. Recusa a democracia, as normas rígidas dos pensamentos e dos comportamentos nascidos com a revolução industrial e defende os valores aristocráticos tradicionais da nação. É importante precisar relativamente a esta corrente cultural, que a conotação indecisa que se liga à expressão «anarquismo de direita», tem mais a ver com o descrédito e a ocultação que sofreu durante muito tempo no mundo das ideias dominado pela ideologia democrática do que com a aparência paradoxal do anarquismo de direita.

1-A recusa da Democracia

É o próprio fundamento do anarquismo de direita, toda a sua ideologia se constrói efectivamente em oposição ao postulado igualitário de 1789. O que choca os anarquistas de direita na ideologia democrática é a sua referência constante aos critérios quantitativos. Esta afirmação é particularmente significativa, não só porque os anarquistas de direita não reconhecem de todo a proeminência do número como consideram a dimensão colectiva nefasta ao homem. Portanto, situar toda a ambição político-filosófica numa perspectiva quantitativa, como fazem os democratas, conduz necessariamente a um nivelamento intelectual e moral que coloca em perigo «a inteligência, a capacidade criativa e a singularidade», segundo Michel-Georges Micberth. Pretender falar em nome do povo, das massas e dos homens é um golpe muito duro contra a verdadeira lei da espécie que é que a maioria viva em uníssono com a elite, isto é, com os homens raros, competentes e moralizados, que concebem, decidem e aceitam sozinhos os verdadeiros riscos. «Foi ao ser capaz de morrer por algo incompreensível para as maiorias, que uma pequena raça de homens conseguiu durante séculos fazer-se respeitar pela turba (Anouilh). Escreve Céline:« apenas há exploradores e explorados, e cada explorado apenas pretende tornar-se explorador. Não compreende outra coisa. O proletariado heróico igualitário não existe». Daí a aversão profunda sentida pelos anarco-direitistas face à «divisão da humanidade em duas facções mais ou menos iguais: os carrascos e as vítimas» (Darien), e neste contexto de democratismo crescente, em relação a tudo o que é multidão, mistura indiferenciada, movimento de massas, predominância quantitativa. Definir a liberdade como um principio colectivo parece incoerente. A liberdade escolhe-se e constrói-se graças à vontade e à energia, e apenas pode ser escolhida por um pequeno número. A recusa da democracia aparece então como um princípio filosófico. O anarquista de direita recusa, por isso, a República. Esta simboliza a decadência à vez moral e política. Considera o sistema politica instável, corrompido e ineficaz. Segundo ele, a burguesia detém efectivamente o poder e disfarça a sua dominação sob um semblante democrático que conduz a uma tirania colectiva. Os anarquistas de direita não encontram o seu universo moral e político nos princípios e realidades democráticas.

2-O ódio aos intelectuais

Os anarquistas de direita odeiam os intelectuais não somente porque estes são os inventores da democracia mas também porque representam a reclusão de certos pensadores no mundo das ideias. Os anarquistas de direita denunciam uma teimosia específica, acrescida de impotência, criticam uma submissão ao espírito dos tempos e realçam sobretudo um divórcio entre o pensamento e a realidade que constitui, na perspectiva anarco-direitista, um pecado capital. A hostilidade não está vinculada por opões partidárias, ela visa tudo o que é de natureza estritamente teórica, todos aqueles que colocam o seu gosto pela hipótese e pela metáfora antes da experimentação e das duras lições dos factos. Os intelectuais não são somente criadores literários ou construtores de sistemas filosóficos; têm por ambição determinar novas e grandes orientações políticas que acabam por intervir no domínio da acção, portanto a sua confusão e irresponsabilidade representam para os anarquistas de direita um perigo real. Porque para os anarco-direitistas os intelectuais pensam contra o homem, contra o seu presente e o seu porvir, indo no sentido das suas fraquezas, e popularizando um gosto pela abstracção e a irrealidade que apenas pode alienar o homem duma interpretação correcta dos factos.

3-Uma revolta constitutiva para um ideal libertário e aristocrático

Pouco preocupados com agradar ou desagradar, ainda que propensos (por vezes) aos gestos de bravura literários, os anarquistas de direita não limitam a sua busca pela verdade a uma crítica radical da realidade e dos princípios democráticos assim como à expressão de uma hostilidade dirigida contra os intelectuais, manifestam uma oposição igualmente violenta em relação às instituições que estruturam a sociedade e que, emanações directas ou indirectas do poder republicano, não se apoiam, segundo eles, sobre qualquer legitimidade real. De qualquer forma, esta crítica da validade ideológica de todos estes poderes instituídos não explica por si só a violência da sua rejeição, há outras razões que os levam a rejeitar sem nuances as estruturas dominantes: Logo à partida a convicção de que estas prolongam as imemoriais relações de força destinadas a escravizar os indivíduos e a refrear o normal exercício da inteligência, depois o desprezo que sentem pelo apetite de honrarias e de poder que existe na maior parte dos homens e que permite a imutabilidade das relações sociais desnaturados, enfim essa certeza segundo a qual os grandes corpos institucionais ameaçam gravemente o bem mais precioso do homem: a liberdade. A revolta é, para os anarquistas de direita, um dever intelectual e moral, à vez um acto de (legítima) defesa da inteligência e um teste infalível da qualidade dos homens. Compreendemos face a esta revolta profunda que a sua preocupação foi sempre demarcar-se definitivamente, não só da moral comum, da dos “bem-pensantes”, mas de toda a recuperação ideológica, correndo o risco de se tornarem para sempre escritores malditos, verdugos dos outros, e deles mesmos, não por uma qualquer perversão do pensamento, mas por amor à verdade, dita, escrita e procurada, até à exaustão. O anarquista acredita que é preciso responsabilizar os homens. O anarquista de direita propõe uma filosofia do “eu”. Este “eu” deve ser violento, exigente, lúcido e criador.

O anarquista defende o aristocratismo, que é para ele a procura perpétua da excelência, através dos valores da Honra e da Fidelidade. Em conclusão, o anarquismo de direita, movimento libertário que nasceu no século XIX e cujas raízes se encontram na filosofia barroca e libertina não é a denominação vaga e ambígua de uma revolta egocêntrica que encontraria os seus alimentos literários num sobressalto de individualismo. O anarquismo de direita é uma busca insistente da verdade, por vezes enraivecida e exacerbada, e resulta num novo modo de ser e pensar para a consciência humana. Nesta perspectiva, a recusa da democracia não surge como um combate inesperado contra um fim inelutável. Mas antes como um dos últimos bastiões onde ainda se podem esconder a inteligência e a singularidade humanas. É de notar que as aspirações libertárias que são aqui preconizadas são indissociáveis das exigências morais mais rigorosas e que o interesse da proposta anarco-direitista reside no esforço para criar uma síntese entre o anarquismo, a expressão da liberdade mais total, e o aristocratismo, o reconhecimento de valores superiores ao indivíduo.

Bibliografia:

- François Richard, Les anarchistes de droite, Collection Que sais-je, PUF, 1991. Este livro é uma síntese de todo o pensamento anarco-direitista e permite uma visão global do que representa o movimento. É completo e não é um manifesto para o anarquismo de direita. O autor faz prova de rigor tornando-o o mais objectivo possível.

– Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, Collection Folio, Gallimard, 1952. Esta obra permite apreender o anarquismo de direita na literatura.

– http://www.19e.org/articles/anarchistededroite.htm. Este site permite compreender o que pode ser o anarquismo de direita, permite familiarizar-se com as noções desta corrente de pensamento.

– http://fr.wikipedia.org/wiki/L’anarchisme_de_droite. Este site permite, como o anterior, descobrir o pensamento anarco-direitista mas também encontrar todos os autores referenciados nesta corrente.

– http://www.micberth.com. Site integralmente dedicado a Michel-Georges Micberth.

vendredi, 19 juin 2009

Céline: le voyage à Berlin

Louis-Ferdinand Céline : Le voyage à Berlin

Le Bulletin célinien n°309, juin 2009 : C'est en mars 1942 que Céline effectua un voyage de cinq jours à Berlin. Échaudé par la confiscation de son or déposé en Hollande, l'écrivain avait pour objectif de confier à son amie danoise Karen Marie Jensen la clé et la combinaison de son coffre bancaire à Copenhague, et ce afin qu'elle mette l'argent en lieu sûr. C'est en compagnie de Lucette, Gen Paul et deux confrères médecins, Auguste Bécart et Jean-Claude Rudler, qu'il fit ce voyage. C'est donc sous le couvert d'un voyage scientifique et médical que Céline put se rendre en Allemagne. Au cours de ce séjour, on lui demanda de rendre une visite au Foyer des ouvriers français de Berlin et d'y prononcer une allocution. Après la guerre, Céline résuma à sa façon la teneur de son intervention : « Ouvriers français. Je vais vous dire une bonne chose, je vous connais bien, je suis des vôtres, ouvrier comme vous, ceux-là (les Allemands) ils sont moches, ils disent qu'ils vont gagner la guerre, j'en sais rien. Les autres, les russes, de l'autre côté, ne valent pas mieux. lis sont peut-être pires ! C'est une affaire de choix entre le choléra et la peste ! C'est pas drôle. Salut ! » Et d'ajouter : « La consternation au "Foyer" fut grande ». Le fait que la causerie de Céline laissa une impression mitigée n'est pas douteux. En témoigne le compte rendu, paru le 12 mars 1942, dans Le Pont, «hebdomadaire de l'amicale des travailleurs français en Allemagne» financé par le Reich. Le pessimisme de Céline, politiquement incorrect avant la lettre, ne fit assurément pas l'affaire de ceux qui l'avaient pressenti pour galvaniser ces travailleurs français qui avaient choisi de venir travailler outre-Rhin.

La séance hebdomadaire du groupe d'études sociales et politiques fut ouverte à 20 heures par notre camarade chargé de la direction du groupe. En quelques mots, il présenta Louis-Ferdinand Céline qui doit prendre la parole. C'est alors que le « docteur » se leva et vint s'asseoir à la table du conférencier.
Céline entra de suite dans le sujet. Sans détours, il ne cacha pas son opinion, acquise d'après une longue expérience personnelle, qu'il était très difficile de réunir les Français à l'étranger et de les faire s'entendre, sinon s'aimer.

Cependant, comme pour lui donner un démenti, la salle était fort bien remplie d'auditeurs avides de ses paroles. Et les débuts de son allocution furent quelque peu troublés par de nombreux retardataires qui faisaient grincer la porte d'entrée. En quelques mots, Céline eut vite fait de créer l'atmosphère, « son atmosphère ». « Je vais vous parler tout simplement, je ne vous ferai pas de discours, ni de conférence, mais vous parlerai comme en famille. Je suis un enfant du peuple, et suis resté tel. J'ai fait mes études de médecine, non pas comme étudiant mais comme travailleur. Je fais partie du peuple et le connais bien ». Et Céline commença immédiatement un diagnostic sévère de la maladie qui, selon lui, atteint chacun de nous. Faisant une allusion poétique, il fit remarquer qu'entre Villon et Chénier il y avait eu quatre siècles de « non lyrisme ». Cette période avait donc, à son avis, provoqué en partie du moins la sécheresse d'âme qui caractérise trop d'entre nous. Nous manquons d'idéal, c'est un fait ; mais nous a-t-on appris à en avoir, ou même à en désirer ? Non, et c'est pour cela que notre maladie est très grave. Et Céline ne craint pas de nous dire nos « quatre vérités ». Nous souffrons d'un mal très sérieux, par suite d'un manque quasi total de lyrisme, d'idéalisme.

Le docteur-écrivain nous dit ensuite son opinion sur les multiples causes de notre mal, et sa conviction qu'il avait de notre exploitation par les juifs qui « savent admirablement nous opposer les uns aux autres »...
L'intérêt du juif est de nous diviser en partis opposés, de façon à donner excuse à notre nonchalance. On rejette les fautes sur l'opposant, ainsi artificiellement créé. La lutte des partis n'est qu'une splendide invention d'Israël. Ensuite Céline montra combien nous avons été vexés de nous être laissés tromper. Il s'éleva alors contre la mentalité du joueur qui s'obstine. « J'ai perdu certes, mais il n'est pas possible qu'en persévérant je ne gagne pas, car j'ai tout bien misé, prévu, je dois donc finir par gagner. »
Céline s'adressa ensuite aux communistes éventuels, avec la franchise qui le caractérise. Que pensez-vous qu'il vous arriverait en cas d'une victoire des Soviets ? « Mais vous serez immédiatement déportés en Sibérie, avant les bourgeois même. Une fois votre "utilité" passée, vous deviendriez plus dangereux et inutiles que les modérés. »

Finalement, Céline dressa un très sombre tableau de la situation, et ne laissa entrevoir aucune issue. À un tel point, que les visages commençaient à montrer de l'étonnement, pour ne pas dire de l'indignation dans la salle comble. « Nous ne sommes tout de même pas aussi vils et laids qu'il veut bien nous le dire » aurait-on pu lire sur chaque face. Et Céline termina son spirituel exposé, ayant ainsi atteint le but qu'il cherchait. Il avait « piqué au vif », réveillé pour un moment nos sens endormis par cent cinquante ans de Déclaration des droits de l'homme, déclarations jamais suivies des « devoirs de l'homme ».

Le délégué du groupement d'études sociales et politiques du Foyer vint alors remercier le célèbre auteur des Beaux draps de son intéressant exposé, aussi spirituel que vivant. Il dit cependant sa conviction que « tout n'était pas perdu ». Si tout le monde n'a pas encore tout à fait
« compris », il n'en existe pas moins une minorité agissante et décidée, dont nous avons parmi nous ce soir un exemple en la personne d'un de nos camarades, de passage à Berlin, en permission, du front de l'Est. « J'aimerais beaucoup que notre camarade réponde à Céline », déclara alors l'orateur, et nous montre ainsi ce que pensent « ceux qui ont confiance quand même, parce qu'ils agissent ». C'est alors que se leva un jeune légionnaire français. En quelques paroles, il sut montrer à l'auditoire enthousiasmé que l'horizon n'était pas aussi sombre que Céline avait bien voulu nous le dépeindre. Il dit sa conviction personnelle, qui se trouvait être la nôtre d'ailleurs, que Céline avait voulu « piquer au vif » son auditoire.

« Certes, tout n'est pas le mieux dans le meilleur des mondes ; mais il ne faut pas désespérer, il faut agir, se montrer des hommes dignes des idées qu'ils prétendent avoir, et même défendre ces idées ; c'est ce que nous, volontaires contre le bolchevisme, faisons chaque jour. De même, vous qui travaillez en Allemagne, contribuez chaque jour efficacement à la lutte que l'Europe mène contre son ennemi d'aujourd'hui, le bolchevisme, et son ennemi de toujours, l'Angleterre. (Applaudissements sans fin.)
Après ce court et intéressant exposé d'un volontaire français du front de l'Est, M. Félix Allmend, du Comité franco-allemand, dont le dévouement au Foyer des ouvriers de langue française de Berlin est connu de chacun, prend la parole.

«Je voudrais ajouter quelques mots allemands à ce dialogue français, dit-il :
«Tout comme votre camarade légionnaire, je crois avoir compris le sens des paroles de Céline, qui veut certainement réveiller ceux qui se sont laissé endormir par des propagandistes trop zélés. Cette franchise est de beaucoup préférable à l'attitude qui consiste à vouloir jouer un rôle pour lequel on n'a plus de forces. À côté des paroles inutiles, il y a les faits. Or les Allemands sont bien davantage impressionnés par le travail de chaque jour de vous tous : ouvriers français qui vous faites apprécier par vos chefs, légionnaires qui avez quitté votre patrie pour vous joindre à l'Allemagne et à ses alliés dans un combat à mort, prisonniers donnant un magnifique exemple d'abnégation et de courage permanents, vous tous qui coopérez à la même cause qui est celle de nos pays et de l'Europe entière...
Toute cette franchise est de beaucoup préférable aux vieilles formules démagogiques, qui n'ont plus de place dans l'Europe nouvelle. »
Des applaudissements nourris accueillent cette dernière phrase du Dr Félix Allmend.

PICHE
(Le Pont, 12 mars 1942)

mercredi, 17 juin 2009

Barbey d'Aurevilly, le réfractaire

BdAM10945.jpg

 

Barbey d’Aurevilly, le réfractaire

Ex: http://archaion.hautetfort.com/

 

Réfractaire, du latin refractarius : indocile. Voilà qui définit à la perfection cet écrivain secret, né une nuit de Samain il y a deux cents ans, et que le regretté Jean Mabire décrivait comme « l’incarnation d’un esprit de révolte et de défi ».

Jules Barbey, dit d’Aurevilly (1808-1889), d’abord républicain (pour narguer une famille aux prétentions nobiliaires et chouannes) puis défenseur du Trône et de l’Autel comme son maître Balzac. Opiomane et catholique tonitruant, dandy (ses redingotes moulantes, ses cravates précieuses, son essai sur Brummell) et pigiste désargenté; bref, une somme de contradictions qui font l’homme authentique, celui qui ne fait jamais carrière. L’anticonformiste perdu au milieu des bourgeois goguenards, le solitaire entouré de coteries. Citons à nouveau Mabire, décidément doué : « la noblesse le déçoit, la bourgeoisie le hérisse, la populace l’écoeure ». Comment ne pas être séduit par un tel énergumène qui, avec le temps, se révèle comme l’un des écrivains majeurs de son siècle, aux côtés de Baudelaire et de Gobineau, ces chantres de l’aristocratie spirituelle ?

Pour mieux connaître le « Connétable des Lettres », le lecteur se plongera sans tarder dans Les Diaboliques, son chef-d’œuvre, livre inquiétant et scabreux, d’un romantisme absolu. Et quelle langue somptueuse! Le court essai que signe l’écrivain François Tallandier sera également bienvenu tant son auteur a compris Barbey, qu’il définit comme un réfractaire par vocation et par fatalité, celui qui, d’instinct, vomit la sirupeuse doxa de son temps et qui, en fin de compte, refuse de « baiser le sabot de l’âne » - pour citer un autre rebelle, Charles de Coster.

Avec une sympathie non dénuée d’esprit critique, Tallandier a relu cet irrécupérable, antimoderne résolu autant que lucide : « les économistes effarés devant cet abîme du désir forcené de la richesse, qui se creuser de plus en plus dans le cœur de l’homme, et ce trou dans la terre qui s’appelle l’épuisement du sol ». Précurseur de la décroissance, Barbey apparaît aussi – à l’instar de Mistral – comme celui du réflexe identitaire, qui résiste à tout nivellement. En témoigne son attachement – paradoxal chez ce Parisien  - à un Cotentin resté très païen. Explorateur des gouffres de l’Eros noir, Barbey a beau poser au sacristain : il scandalise les catholiques (« les vipères de vertu ») comme il horrifie les mécréants, mettant un point d’honneur à déplaire autant aux moisis qu’aux écervelés. Un libertin, qui se détache de son siècle avec superbe, les moustaches en broussaille et la cravache à la main. Le chantre des singularités proclamées comme des secrets inavouables. Un maître pour les indociles de demain.

 

Christopher Gérard

 

François Tallandier, Barbey d’Aurevilly, le réfractaire, Ed. de Bartillat, 15€. Voir aussi Jean Mabire, Que lire ? 6

mardi, 16 juin 2009

Teatro e futurismo

Teatro e Futurismo

Ex: http://augustomovimento.blogspot.com/


«Il Futurismo vuole trasformare il Teatro di Varietà in teatro dello stupore, del record e della fisicofollia»

(dal Manifesto del Teatro di Varietà)


L’abilità propagandistica e il desiderio di sollevare scalpore, spingono i futuristi ad intervenire anche in campo teatrale. In particolare Marinetti credeva che tutti fossero potenzialmente poeti o drammaturghi. Da questa idea cominciarono, in tutta Italia, a dilagare le celeberrime “serate futuriste”, inizialmente nelle piazze – coinvolgendo nelle rappresentazioni anche il pubblico – e successivamente nei teatri. Marinetti, Corra e Settimelli sono considerati gli iniziatori del teatro “sintetico” futurista: questo aggettivo deriva dal fatto che si trattava per lo più di piccoli “attimi sintetici”, le cui caratteristiche sono la concentrazione, la compenetrazione, la simultaneità e il dinamismo.

Non sempre il pubblico accettava la “forza d’urto” di quel teatro, e spesso rispondeva con ingiurie e con il lancio di ortaggi. Immancabilmente le serate futuriste si concludevano con provocazioni di ogni tipo e con risse furibonde, con tanto di sfide a duello. Spesso i nemici e avversari dei futuristi affittavano interi palchi, munendosi di ortaggi, e al momento opportuno facevano scattare la baraonda. A quel punto i futuristi avevano già vinto la loro battaglia pubblicitaria. L’eco del putiferio si estendeva, attraverso i giornali, in tutta l’Italia.

Osservando più tecnicamente il teatro futurista, si può osservare che – come i dadaisti e i surrealisti – neppure i futuristi italiani furono uomini di teatro nel senso professionale del termine, ma artisti, scrittori, poeti che consideravano il teatro non solo un ideale punto d’incontro, ma anche il migliore strumento di propaganda del loro ideale vitalistico, nazionalista e tecnocratico. Nonostante la mancanza di professionismo, furono coloro che al teatro concessero un’attenzione più continua e organica, soprattutto a livello teorico, in una serie di manifesti: il manifesto dei drammaturghi futuristi (1911), del teatro di varietà (1913), del teatro futurista sintetico (1915), della scenografia futurista (1915), del teatro della sorpresa (1921).

La contestazione del teatro «passatista e borghese» investe prima di tutto il teatro drammaturgico: a un dramma analitico, basato su una logica degli eventi di fatto impossibile e sulla credibilità astrattamente psicologica dei personaggi, i futuristi contrappongono il dramma sintetico, che coglie, in un’unica visione, momenti cronologicamente e spazialmente lontani, ma connessi fra loro da analogie e da contrapposizioni profonde. Non c’è bisogno di una premessa da sviluppare in una serie successiva di episodi pazientemente organizzati, ma basta l’intuizione del nucleo essenziale dei fenomeni. I personaggi non hanno contenuto psicologico, ma si risolvono totalmente nelle loro azioni, che possono anche esaurirsi in gesti molto semplici, di assoluto valore o non esserci affatto, lasciando l’azione affidata agli oggetti.
Le “sintesi futuriste”, opera soprattutto di Marinetti, furono anche rappresentate, non però dai futuristi stessi, ma da normali compagnie professioniste che non potevano avere né una specifica preparazione, né un particolare interesse ideologico. Il loro significato rimase perciò confinato nella dimensione letteraria.

Non esiste una sola concezione di teatro futurista: esso può essere infatti sia un teatro eccentrico o grottesco, sia dell’assurdo che sintetico. A differenza del teatro classico, il teatro di prosa per eccellenza, non sono fondamentali i dialoghi o comunque le scene parlate, bensì l’attenzione viene catturata dai suoni, dalle luci e dai movimenti corporei. Non è un caso che nel teatro futurista sia utilizzata molto spesso la danza, al fine di trasmettere al pubblico, attraverso i movimenti dei ballerini, un senso di moto, di velocità e dinamismo. Al posto dei dialoghi vi sono didascalie lunghissime e molto dettagliate. Il teatro futurista è spesso un teatro muto e talvolta – in aggiunta – i personaggi sono incomprensibili nelle loro azioni, tanto che lo spettatore rimane stupito e con un senso di confusione. In più capita che il personaggio non sia un attore, bensì un oggetto. In scena si riesce a far diventare reale, normale e logico un comportamento completamente surreale, mentre le frasi, i gesti e le reazioni appartenenti al senso comune risultano banali e assurdi.
Anche il grande Majakovskij si interessò molto al nuovo teatro futurista, ma intendendolo più in senso satirico, per prendere in giro la realtà e gli schemi del buon senso.

Sul piano scenografico Enrico Prampolini sviluppò tutte le premesse insite nel gusto dei futuristi per le macchine e la tecnologia, scegliendo una scena mobile e luminosa, nella quale l’attore umano sarebbe apparso banale e superato, ed era quindi auspicabile sostituirlo con marionette o addirittura con l’attore-gas «che estinguendosi, o procreandosi, propagherà un odore sgradevolissimo, emanerà un simbolo di identità alquanto equivoca», supremo sberleffo al mattatore del tipico teatro antico italiano.
Il manifesto più significativo è forse quello del teatro di varietà, definito il vero teatro confacente alla sensibilità e all’intelligenza dell’uomo moderno, poiché esalta il sesso di fronte al sentimento, l’azione e il rischio di fronte alla contemplazione, la trasformazione e il movimento muscolare di fronte alla staticità, ma soprattutto perché distrae lo spettatore dalla sua secolare condizione di voyeur passivo trascinandolo nella follia fisica dell’azione.


Per approfondire, leggi il Manifesto del Teatro di Varietà

lundi, 15 juin 2009

Céline: une nouvelle biographie

Ex: http://lepetitcelinien.blogspot.com/

Yves Buin publie aux éditions Gallimard une biographie de Louis-Ferdinand Céline. Nous reproduisons ci-dessous l'avant-propos du livre :

"Écrire sur Louis-Ferdinand Céline n'est pas mince affaire. L'écrivain, l'homme, la vie et l'œuvre continuent de déranger et de susciter malaise. Pour reprendre l'expression bien connue concernant la période litigieuse de Vichy, il y a en Céline, également, un « passé qui ne passe pas ». De ce fait, une interpellation perdure : pourquoi ranimer le « monstre » ?

Pour beaucoup Céline demeure définitivement infréquentable, rebutés qu'ils sont par les pamphlets, souvent évoqués, vilipendés et non lus, qui focalisent la passion. Pour ceux-là qui passent à côté d'une oeuvre considérable, les autres livres disparaissent ainsi, annulés par ce qu'on fantasme des comportements conjoncturels de leur auteur en une période de l'Histoire (1937-1945) fort troublée et dramatique. Abhorré, le personnage Céline invalide alors l'écrivain. À l'opposé, les inconditionnels absolus du texte célinien, au pire, gomment le parcours chaotique de l'homme ou, au mieux, l'annexent à l'œuvre comme une de ses sources indéniables pour le neutraliser dans « du littéraire », une fatalité devenant par la transe du verbe une positivité.

Dans ces deux occurrences quelque chose est manqué d'une éclatante et insoluble contradiction existentielle : un homme s'est débattu avec son irrationnel, ses hantises, ses démons et a eu la témérité de les rendre publics, s'exposant à la vindicte. Médecin humaniste (eh oui!), imprécateur féroce et provocateur, obsédé par la figure écrasante du Peuple du Livre, inventeur d'une langue inimitable, perdu dans une déréliction totale, la fièvre d'écrire diffère sa mort psychique et, un temps, sa destruction physique. Telle est l'équation célinienne. L'accepter sans prétendre la résoudre permet de sortir de l'impasse d'un vieux débat moralisant.
Réduire le discours célinien à une composante pathologique, celle d'un délire de persécution de type paranoïaque, est sans issue et un peu court. Céline a été, certes, dans un rapport tendu avec l'altérité où dominent doute et méfiance, où s'inscrit un pessimisme radical quant au statut et aux agissements de l'espèce humaine, mais il a écrit pour le dire à l'autre, en être lu et, peut-être, compris.

Aussi, près de cinquante ans après sa mort et plus de soixante après la période de l'infamie, doit-on se donner la chance de l'objectivité — admettons qu'elle soit relative — envers cette trajectoire aux aspects déments, et accueillir, tel quel, Céline dans sa démesure en érigeant cette autobiographie gigantesque, dans son registre propre, en l'une des mémoires du XXè siècle, comme les récits de Soljenitsyne et de Chalamov furent celles du goulag, bien que Céline les domine de bien haut, sur le plan de la littérature qui était son seul objet de désir, lui qui disait la détester.
Autobiographie fictionnelle, donc, d'un homme nourri aux désastres, s'enfonçant dans un litanique radotage antisémite, le dépassant pour décrire comme personne le chaos de l'Histoire, follement lucide, pourrait-on affirmer, sur l'inanité des systèmes, des idéologies et la vanité des destins singuliers.

Se confronter à Céline dans le conflit ne laisse pas indemne, le suivre dans ses diatribes et créations langagières, sans jugement moral, avec le seul respect de la factualité nous paraît, aujourd'hui où nous nous préparons à connaître d'autres drames que nous mitonne l'Histoire, être la voie la moins tendancieuse pour aborder Céline.
Que dans cette optique soit remercié ici François Gibault, son biographe reconnu, pour ses travaux, pour l'attention qu'il a portée à la lecture de notre manuscrit et à notre démarche consistant à croiser les diverses autres approches biographiques auxquelles nous nous référons dans ce livre, tout en gardant notre liberté d'appréciation de l'œuvre de Céline, essentielle."

Yves Buin, Céline, Gallimard, 2009.
Commande possible sur Amazon.fr.

dimanche, 14 juin 2009

Ernst Jünger: The Resolute Life of an Anarch

ernst_junger.jpg

 

Ernst Junger: The Resolute Life of an Anarch

category

by Keith Preston - http://attackthesystem.com/

Perhaps the most interesting, poignant and, possibly, threatening  type of writer and thinker is the one who not only defies conventional categorizations of thought but also offers a deeply penetrating critique of those illusions many hold to be the most sacred. Ernst Junger (1895-1998), who first came to literary prominence during Germany’s Weimar era as a diarist of the experiences of a front line stormtrooper during the Great War, is one such writer. Both the controversial nature of his writing and its staying power are demonstrated by the fact that he remains one of the most important yet widely disliked literary and cultural figures of twentieth century Germany. As recently as 1993, when Junger would have been ninety-eight years of age, he was the subject of an intensely hostile exchange in the “New York Review of Books” between an admirer and a detractor of his work.(1) On the occasion of his one hundreth birthday in 1995, Junger was the subject of a scathing, derisive musical performed in East Berlin. Yet Junger was also the recipient of Germany’s most prestigious literary awards, the Goethe Prize and the Schiller Memorial Prize. Junger, who converted to Catholicism at the age of 101, received a commendation from Pope John Paul II and was an honored guest of French President Francois Mitterand and German Chancellor Helmut Kohl at the Franco-German reconciliation ceremony at Verdun in 1984. Though he was an exceptional achiever during virtually every stage of his extraordinarily long life, it was his work during the Weimar period that not only secured for a Junger a presence in German cultural and political history, but also became the standard by which much of his later work was evaluated and by which his reputation was, and still is, debated. (2)

 

Ernst Junger was born on March 29, 1895 in Heidelberg, but was raised in Hanover. His father, also named Ernst, was an academically trained chemist who became wealthy as the owner of a pharmaceutical manufacturing business, finding himself successful enough to essentially retire while he was still in his forties. Though raised as an evangelical Protestant, Junger’s father did not believe in any formal religion, nor did his mother, Karoline, an educated middle class German woman whose interests included Germany’s rich literary tradition and the cause of women’s emancipation. His parents’ politics seem to have been liberal, though not radical, in the manner not uncommon to the rising bourgeoise of Germany’s upper middle class during the pre-war period. It was in this affluent, secure bourgeoise environment that Ernst Junger grew up. Indeed, many of Junger’s later activities and professed beliefs are easily understood as a revolt against the comfort and safety of his upbringing. As a child, he was an avid reader of the tales of adventurers and soldiers, but a poor academic student who did not adjust well to the regimented Prussian educational system. Junger’s instructors consistently complained of his inattentiveness. As an adolescent, he became involved with the Wandervogel, roughly the German equivalent of the Boy Scouts.(3)

 

          It was while attending a boarding school near his parents’ home in 1913, at the age of seventeen, that Junger first demonstrated his first propensity for what might be called an “adventurist” way of life. With only six months left before graduation, Junger left school, leaving no word to his family as to his destination. Using money given to him for school-related fees and expenses to buy a firearm and a railroad ticket to Verdun,  Junger subsequently enlisted in the French Foreign Legion, an elite military unit of the French armed forces that accepted enlistees of any nationality and had a reputation for attracting fugitives, criminals and career mercenaries. Junger had no intention of staying with the Legion. He only wanted to be posted to Africa, as he eventually was. Junger then deserted, only to be captured and sentenced to jail. Eventually his father found a capable lawyer for his wayward son and secured his release. Junger then returned to his studies and underwent a belated high school graduation. However, it was only a very short time later that Junger was back in uniform. (4)

 

Warrior and War Diarist

 

Ernst Junger immediately volunteered for military service when he heard the news that Germany was at war in the summer of 1914. After two months of training, Junger was assigned to a reserve unit stationed at Champagne. He was afraid the war would end before he had the opportunity to see any action. This attitude was not uncommon among many recruits or conscripts who fought in the war for their respective states. The question immediately arises at to why so many young people would wish to look into the face of death with such enthusiasm. Perhaps they really did not understand the horrors that awaited them. In Junger’s case, his rebellion against the security and luxury of his bourgeoise upbringing had already been ably demonstrated by his excursion with the French Foreign Legion. Because of his high school education, something that soldiers of more proletarian origins lacked, Junger was selected to train to become an officer. Shortly before beginning his officer’s training, Junger was exposed to combat for the first time. From the start, he carried pocket-sized notebooks with him and recorded his observations on the front lines. His writings while at the front exhibit a distinctive tone of detachment, as though he is simply an observer watching while the enemy fires at others. In the middle part of 1915, Junger suffered his first war wound, a bullet graze to the thigh that required only two weeks of recovery time. Afterwards, he was promoted to the rank of lieutenant.(5)

 

At age twenty-one, Junger was the leader of a reconnaissance team at the Somme whose purpose was to go out at night and search for British landmines. Early on, he acquired the reputation of a brave soldier who lacked the preoccupation with his own safety common to most of the fighting men. The introduction of steel artifacts into the war, tanks for the British side and steel helmets for the Germans, made a deep impression on Junger. Wounded three times at the Somme, Junger was awarded the Iron Medal First Class. Upon recovery, he returned to the front lines. A combat daredevil, he once held out against a much larger British force with only twenty men. After being transferred to fight the French at Flanders, he lost ten of his fourteen men and was wounded in the left hand by a blast from French shelling. After being harshly criticized by a superior officer for the number of men lost on that particular mission, Junger began to develop a contempt for the military hierarchy whom he regarded as having achieved their status as a result of their class position, frequently lacking combat experience of their own. In late 1917, having already experienced nearly three full years of combat, Junger was wounded for the fifth time during a surprise assault by the British. He was grazed in the head by a bullet, acquiring two holes in his helmet in the process. His performance in this battle won him the Knights Cross of the Hohenzollerns. In March 1918, Junger participated in another fierce battle with the British, losing 87 of his 150 men. (6)

 

            Nothing impressed Junger more than personal bravery and endurance on the part of soldiers. He once “fell to the ground in tears” at the sight of a young recruit who had only days earlier been unable to carry an ammunition case by himself suddenly being able to carry two cases of missles after surviving an attack of British shells. A recurring theme in Junger’s writings on his war experiences is the way in which war brings out the most savage human impulses. Essentially, human beings are given full license to engage in behavior that would be considered criminal during peacetime. He wrote casually about burning occupied towns during the course of retreat or a shift of position. However, Junger also demonstrated a capacity for merciful behavior during his combat efforts. He refrained from shooting a cornered British soldier after the foe displayed a portrait of his family to Junger. He was wounded yet again in August of 1918. Having been shot in the chest and directly through a lung, this was his most serious wound yet. After being hit, he still managed to shoot dead yet another British officer. As Junger was being carried off the battlefield on a stretcher, one of the stretcher carriers was killed by a British bullet. Another German soldier attempted to carry Junger on his back, but the soldier was shot dead himself and Junger fell to the ground. Finally, a medic recovered him and pulled him out of harm’s way. This episode would be the end of his battle experiences during the Great War.(7)

 

In Storms of Steel

 

Junger’s keeping of his wartime diaries paid off quite well in the long run. They were to become the basis of his first and most famous book, In Storms of Steel, published in 1920. The title was given to the book by Junger himself, having found the phrase in an old Icelandic saga. It was at the suggestion of his father that Junger first sought to have his wartime memoirs published. Initially, he found no takers, antiwar sentiment being extremely high in Germany at the time, until his father at last arranged to have the work published privately. In Storms of Steel differs considerably from similar works published by war veterans during the same era, such as Erich Maria Remarque’s All Quiet on the Western Front and John Dos Passos’ Three Soldiers. Junger’s book reflects none of the disillusionment with war by those experienced in its horrors of the kind found in these other works. Instead, Junger depicted warfare as an adventure in which the soldier faced the highest possible challenge, a battle to the death with a mortal enemy. Though Junger certainly considered himself to be a patriot and, under the influence of Maurice Barres (8), eventually became a strident German nationalist, his depiction of military combat as an idyllic setting where human wills face the supreme test rose far above ordinary nationalist sentiments. Junger’s warrior ideal was not merely the patriot fighting out of a profound sense of loyalty to his country  nor the stereotype of the dutiful soldier whose sense of honor and obedience compels him to follow the orders of his superiors in a headlong march towards death. Nor was the warrior prototype exalted by Junger necessarily an idealist fighting for some alleged greater good such as a political ideal or religious devotion. Instead, war itself is the ideal for Junger. On this question, he was profoundly influenced by Nietzsche, whose dictum “a good war justifies any cause”, provides an apt characterization of Junger’s depiction of the life (and death) of the combat soldier. (9)

 

This aspect of Junger’s outlook is illustrated quite well by the ending he chose to give to the first edition of In Storms of Steel. Although the second edition (published in 1926) ends with the nationalist rallying cry, “Germany lives and shall never go under!”, a sentiment that was deleted for the third edition published in 1934 at the onset of the Nazi era, the original edition ends simply with Junger in the hospital after being wounded for the final time and receiving word that he has received yet another commendation for his valor as a combat soldier. There is no mention of Germany’s defeat a few months later. Nationalism aside, the book is clearly about Junger, not about Germany, and Junger’s depiction of the war simultaneously displays an extraordinary level detachment for someone who lived in the face of death for four years and a highly personalized account of the war where battle is first and foremost about the assertion of one’s own “will to power” with cliched patriotic pieties being of secondary concern.

 

Indeed, Junger goes so far as to say there were winners and losers on both sides of the war. The true winners were not those who fought in a particular army or for a particular country, but who rose to the challenge placed before them and essentially achieved what Junger regarded as a higher state of enlightenment. He believed the war had revealed certain fundamental truths about the human condition. First, the illusions of the old bourgeoise order concerning peace, progress and prosperity had been inalterably shattered. This was not an uncommon sentiment during that time, but it is a revelation that Junger seems to revel in while others found it to be overwhelmingly devastating. Indeed, the lifelong champion of Enlightenment liberalism, Bertrand Russell, whose life was almost as long as Junger’s and who observed many of the same events from a much different philosophical perspective, once remarked that no one who had been born before 1914 knew what it was like to be truly happy.(10) A second observation advanced by Junger had to do with the role of technology in transforming the nature of war, not only in a purely mechanical sense, but on a much greater existential level. Before, man had commanded weaponry in the course of combat. Now weaponry of the kind made possible by modern technology and industrial civilization essentially commanded man. The machines did the fighting. Man simply resisted this external domination. Lastly, the supremacy of might and the ruthless nature of human existence had been demonstrated. Nietzsche was right. The tragic, Darwinian nature of the human condition had been revealed as an irrevocable law.

 

In Storms of Steel was only the first of several works based on his experiences as a combat officer that were produced by Junger during the 1920s. Copse 125 described a battle between two small groups of combatants. In this work, Junger continued to explore the philosophical themes present in his first work. The type of technologically driven warfare that emerged during the Great War is characterized as reducing men to automatons driven by airplanes, tanks and machine guns. Once again, jingoistic nationalism is downplayed as a contributing factor to the essence of combat soldier’s spirit. Another work of Junger’s from the early 1920s, Battle as Inner Experience, explored the psychology of war. Junger suggested that civilization itself was but a mere mask for the “primordial” nature of humanity that once again reveals itself during war. Indeed, war had the effect of elevating humanity to a higher level. The warrior becomes a kind of god-like animal, divine in his superhuman qualities, but animalistic in his bloodlust. The perpetual threat of imminent death is a kind of intoxicant. Life is at its finest when death is closest. Junger described war as a struggle for a cause that overshadows the respective political or cultural ideals of the combatants. This overarching cause is courage. The fighter is honor bound to respect the courage of his mortal enemy. Drawing on the philosophy of Nietzsche, Junger argued that the war had produced a “new race” that had replaced the old pieties, such as those drawn from religion, with a new recognition of the primacy of the “will to power”.(11)

 

Conservative Revolutionary

 

Junger’s writings about the war quickly earned him the status of a celebrity during the Weimar period. Battle as Inner Experience contained the prescient suggestion that the young men who had experienced the greatest war the world had yet to see at that point could never be successfully re-integrated into the old bougeoise order from which they came. For these fighters, the war had been a spiritual experience. Having endured so much only to see their side lose on such seemingly humiliating terms, the veterans of the war were aliens to the rationalistic, anti-militarist, liberal republic that emerged in 1918 at the close of the war. Junger was at his parents’ home recovering from war wounds during the time of the attempted coup by the leftist workers’ and soldiers’ councils and subsequent suppression of these by the Freikorps. He experimented with psychoactive drugs such as cocaine and opium during this time, something that he would continue to do much later in life. Upon recovery, he went back into active duty in the much diminished Germany army. Junger’s earliest works, such as In Storms of Steel, were published during this time and he also wrote for military journals on the more technical and specialized aspects of combat and military technology. Interestingly, Junger attributed Germany’s defeat in the war simply to poor leadership, both military and civilian, and rejected the “stab in the back” legend that consoled less keen veterans.

 

After leaving the army in 1923, Junger continued to write, producing a novella about a soldier during the war titled Sturm, and also began to study the philosophy of Oswald Spengler. His first work as a philosopher of nationalism appeared the Nazi paper Volkischer Beobachter in September, 1923.

Critiquing the failed Marxist revolution of 1918, Junger argued that the leftist coup failed because of its lacking of fresh ideas. It was simply a regurgitation of the egalitarian outllook of the French Revolution. The revolutionary left appealed only to the material wants of the Germany people in Junger’s views. A successful revolution would have to be much more than that. It would have to appeal to their spiritual or “folkish” instincts as well. Over the next few years Junger studied the natural sciences at the University of Leipzig and in 1925, at age thirty, he married nineteen-year-old Gretha von Jeinsen. Around this time, he also became a full-time political  writer. Junger was hostile to Weimar democracy and its commercial bourgeiose society. His emerging political ideal was one of an elite warrior caste that stood above petty partisan politics and the middle class obsession with material acquisition. Junger became involved with the the Stahlhelm, a right-wing veterans group, and was a contributer to its paper, Die Standardite. He associated himself with the younger, more militant members of the organization who favored an uncompromised nationalist revolution and eschewed the parliamentary system. Junger’s weekly column in Die Standardite disseminated his nationalist ideology to his less educated readers. Junger’s views at this point were a mixture of Spengler, Social Darwinism, the traditionalist philosophy of the French rightist Maurice Barres, opposition to the internationalism of the left that had seemingly been discredited by the events of 1914, irrationalism and anti-parliamentarianism. He took a favorable view of the working class and praised the Nazis’ efforts to win proletarian sympathies. Junger also argued that a nationalist outlook need not be attached to one particular form of government, even suggesting that a liberal monarchy would be inferior to a nationalist republic.(12)

 

In an essay for Die Standardite titled “The Machine”, Junger argued that the principal struggle was not between social classes or political parties but between man and technology. He was not anti-technological in a Luddite sense, but regarded the technological apparatus of modernity to have achieved a position of superiority over mankind which needed to be reversed. He was concerned that the mechanized efficiency of modern life produced a corrosive effect on the human spirit. Junger considered the Nazis’ glorification of peasant life to be antiquated. Ever the realist, he believed the world of the rural people to be in a state of irreversible decline. Instead, Junger espoused a “metropolitan nationalism” centered on the urban working class. Nationalism was the antidote to the anti-particularist materialism of the Marxists who, in Junger’s views, simply mirrored the liberals in their efforts to reduce the individual to a component of a mechanized mass society. The humanitarian rhetoric of the left Junger dismissed as the hypocritical cant of power-seekers feigning benevolence. He began to pin his hopes for a nationalist revolution on the younger veterans who comprised much of the urban working class.

 

In 1926, Junger became editor of Arminius, which also featured the writings of Nazi leaders like Alfred Rosenberg and Joseph Goebbels. In 1927, he contributed his final article to the Nazi paper, calling for a new definition of the “worker”, one not rooted in Marxist ideology but the idea of the worker as a civilian counterpart to the soldier who struggles fervently for the nationalist ideal. Junger and  Hitler had exchanged copies of their respective writings and a scheduled meeting between the two was canceled due to a change in Hitler’s itinerary. Junger respected Hitler’s abilities as an orator, but came to feel he lacked the ability to become a true leader. He also found Nazi ideology to be intellectually shallow, many of the Nazi movement’s leaders to be talentless and was displeased by the vulgarity,  crassly opportunistic and overly theatrical aspects of Nazi public rallies. Always an elitist, Junger considered the Nazis’ pandering the common people to be debased. As he became more skeptical of the Nazis, Junger began writing for a wider circle of readers beyond that of the militant nationalist right-wing. His works began to appear in the Jewish liberal Leopold Schwarzchild’s Das Tagebuch and the “national-bolshevik” Ernst Niekisch’s Widerstand.

 

Junger began to assemble around himself an elite corps of bohemian, eccentric intellectuals who would meet regularly on Friday evenings. This group included some of the most interesting personalities of the Weimar period. Among them were the Freikorps veteran Ernst von Salomon, Otto von Strasser, who with his brother Gregor led a leftist anti-Hitler faction of the Nazi movement, the national-bolshevik Niekisch, the Jewish anarchist Erich Muhsam who had figured prominently in the early phase of the failed leftist revolution of 1918, the American writer Thomas Wolfe and the expressionist writer Arnolt Bronnen. Many among this group espoused a type of revolutionary socialism based on nationalism rather than class, disdaining the Nazis’ opportunistic outreach efforts to the middle class. Some, like Niekisch, favored an alliance between Germany and Soviet Russia against the liberal-capitalist powers of the West. Occasionally, Joseph Goebbels would turn up at these meetings hoping to convert the group, particularly Junger himself, whose war writings he had admired, to the Nazi cause. These efforts by the Nazi propaganda master proved unsuccessful. Junger regarded Goebbels as a shallow ideologue who spoke in platitudes even in private conversation.(13)

 

The final break between Ernst Junger and the NSDAP occurred in September 1929. Junger published an article in Schwarzchild’s Tagebuch attacking and ridiculing the Nazis as sell outs for having reinvented themselves as a parliamentary party. He also dismissed their racism and anti-Semitism as ridiculous, stating that according to the Nazis a nationalist is simply someone who “eats three Jews for breakfast.” He condemned the Nazis for pandering to the liberal middle class and reactionary traditional conservatives “with lengthy tirades against the decline in morals, against abortion, strikes, lockouts, and the reduction of police and military forces.” Goebbels responded by attacking Junger in the Nazi press, accusing him being motivated by personal literary ambition, and insisting this had caused him “to vilify the national socialist movement, probably so as to make himself popular in his new kosher surroundings” and dismissing Junger’s attacks by proclaiming the Nazis did not “debate with renegades who abuse us in the smutty press of Jewish traitors.”(14)

 

Junger on the Jewish Question

 

Junger held complicated views on the question of German Jews. He considered anti-Semitism of the type espoused by Hitler to be crude and reactionary. Yet his own version of nationalism required a level of homogeneity that was difficult to reconcile with the subnational status of Germany Jewry. Junger suggested that Jews should assimilate and pledge their loyalty to Germany once and for all. Yet he expressed admiration for Orthodox Judaism and indifference to Zionism. Junger maintained personal friendships with Jews and wrote for a Jewish owned publication. During this time his Jewish publisher Schwarzchild published an article examining Junger’s views on the Jews of Germany. Schwarzchild insisted that Junger was nothing like his Nazi rivals on the far right. Junger’s nationalism was based on an aristocratic warrior ethos, while Hitler’s was more comparable to the criminal underworld. Hitler’s men were “plebian alley scum”. However, Schwarzchild also characterized Junger’s rendition of nationalism as motivated by little more than a fervent rejection of bourgeoise society and lacking in attention to political realities and serious economic questions.(15)

 

The Worker

 

Other than In Storms of Steel, Junger’s The Worker: Mastery and Form was his most influential work from the Weimar era. Junger would later distance himself from this work, published in 1932, and it was reprinted in the 1950s only after Junger was prompted to do so by Martin Heidegger.

In The Worker, Junger outlines his vision of a future state ordered as a technocracy based on workers and soldiers led by a warrior elite. Workers are no longer simply components of an industrial machine, whether capitalist or communist, but have become a kind of civilian-soldier operating as an economic warrior. Just as the soldier glories in his accomplishments in battle, so does the worker glory in the achievements expressed through his work. Junger predicted that continued technological advancements would render the worker/capitalist dichotomy obsolete. He also incorporated the political philosophy of his friend Carl Schmitt into his worldview. As Schmitt saw international relations as a Hobbesian battle between rival powers, Junger believed each state would eventually adopt a system not unlike what he described in The Worker. Each state would maintain its own technocratic order with the workers and soldiers of each country playing essentially the same role on behalf of their respective nations. International affairs would be a crucible where the will to power of the different nations would be tested.

Junger’s vision contains a certain amount prescience. The general trend in politics at the time was a movement towards the kind of technocratic state Junger described. These took on many varied forms including German National Socialism, Italian Fascism, Soviet Communism, the growing welfare states of Western Europe and America’s New Deal. Coming on the eve of World War Two, Junger’s prediction of a global Hobbesian struggle between national collectives possessing previously unimagined levels of technological sophistication also seems rather prophetic. Junger once again attacked the bourgeoise as anachronistic. Its values of material luxury and safety he regarded as unfit for the violent world of the future. (16)

 

The National Socialist Era

 

By the time Hitler took power in 1933, Junger’s war writings had become commonly used in high schools and universities as examples of wartime literature, and Junger enjoyed success within the context of German popular culture as well. Excerpts of Junger’s works were featured in military journals. The Nazis tried to coopt his semi-celebrity status, but he was uncooperative. Junger was appointed to the Nazified German Academcy of Poetry, but declined the position. When the Nazi Party’s paper published some of his work in 1934, Junger wrote a letter of protest. The Nazi regime, despite its best efforts to capitalize on his reputation, viewed Junger with suspicioun. His past association with the national-bolshevik Ersnt Niekisch, the Jewish anarchist Erich Muhsam and the anti-Hitler Nazi Otto von Strasser, all of whom were either eventually killed or exiled by the Third Reich, led the Nazis to regard Junger as a potential subversive. On several occasions, Junger received visits from the Gestapo in search of some of his former friends. During the early years of the Nazi regime, Junger was in the fortunate position of being able to economically afford travel outside of Germany. He journeyed to Norway, Brazil, Greece and Morocco during this time, and published several works based on his travels.(17)

 

Junger’s most significant work from the Nazi period is the novel On the Marble Cliffs. The book is an allegorical attack on the Hitler regime. It was written in 1939, the same year that Junger reentered the German army. The book describes a mysterious villian that threatens a community, a sinister warlord called the “Head Ranger”. This character is never featured in the plot of the novel, but maintains a forboding presence that is universal (much like “Big Brother” in George Orwell’s 1984). Another character in the novel, “Braquemart”, is described as having physical characteristics remarkably similar to those of Goebbels. The book sold fourteen thousand copies during its first two weeks in publication. Swiss reviewers immediately recognized the allegorical references to the Nazi state in the novel. The Nazi Party’s organ, Volkische Beobachter, stated that Ernst Jünger was flirting with a bullet to the head. Goebbels urged Hitler to ban the book, but Hitler refused, probably not wanting to show his hand. Indeed, Hitler gave orders that Junger not be harmed.(18)

         

Junger was stationed in France for most of the Second World War. Once again, he kept diaries of the experience. Once again, he expressed concern that he might not get to see any action before the war was over. While Junger did not have the opportunity to experience the level of danger and daredevil heroics he had during the Great War, he did receive yet another medal, the Iron Cross, for retrieving the body of a dead corporal while under heavy fire. Junger also published some of his war diaries during this time. However, the German government took a dim view of these, viewing them as too sympathetic to the occupied French. Junger’s duties included censorship of the mail coming into France from German civilians. He took a rather liberal approach to this responsibility and simply disposed of incriminating documents rather than turning them over for investigation. In doing so, he probably saved lives. He also encountered members of France’s literary and cultural elite, among them the actor Louis Ferdinand Celine, a raving anti-Semite and pro-Vichyite who suggested Hitler’s harsh measures against the Jews had not been heavy handed enough. As rumors of the Nazi extermination programs began to spread,  Junger wrote in his diary that the mechanization of the human spirit of the type he had written about in the past had apparently generated a higher level of human depravity. When he saw three young French-Jewish girls wearing the yellow stars required by the Nazis, he wrote that he felt embarrassed to be in the Nazi army. In July of 1942, Junger observed the mass arrest of French Jews, the beginning of implementation of the “Final Solution”. He described the scene as follows:

 

“Parents were first separated from their children, so there was wailing to be heard in the streets. At no moment may I forget that I am surrounded by the unfortunate, by those suffering to the very depths, else what sort of person, what sort of officer would I be? The uniform obliges one to grant protection wherever it goes. Of course one has the impression that one must also, like Don Quixote, take on millions.”(19)

         

An entry into Junger’s diary from October 16, 1943 suggests that an unnamed army officer had told  Junger about the use of crematoria and poison gas to murder Jews en masse. Rumors of plots against Hitler circulated among the officers with whom Junger maintained contact. His son, Ernstl, was arrested after an informant claimed he had spoken critically of Hitler. Ernstl Junger was imprisoned for three months, then placed in a penal battalion where he was killed in action in Italy. On July 20, 1944 an unsuccessful assassination attempt was carried out against Hitler. It is still disputed as to whether or not Junger knew of the plot or had a role in its planning. Among those arrested for their role in the attemt on Hitler’s life were members of Junger’s immediate circle of associates and superior officers within the German army. Junger was dishonorably discharged shortly afterward.(20)

 

Following the close of the Second World War, Junger came under suspicion from the Allied occupational authorities because of his far right-wing nationalist and militarist past. He refused to cooperate with the Allies De-Nazification programs and was barred from publishing for four years. He would go on to live another half century, producing many more literary works, becoming a close friend of Albert Hoffman, the inventor of the hallucinogen LSD, with which he experimented. In a 1977 novel, Eumeswil, he took his tendency towards viewing the world around him with detachment to a newer, more clearly articulated level with his invention of the concept of the “Anarch”. This idea, heavily influenced by the writings of the early nineteenth century German philosopher Max Stirner, championed the solitary individual who remains true to himself within the context of whatever external circumstances happen to be present. Some sample quotations from this work illustrate the philosophy and worldview of the elderly Junger quite well:

 

“For the anarch, if he remains free of being ruled, whether by sovereign or society, this does not mean he refuses to serve in any way. In general, he serves no worse than anyone else, and sometimes even better, if he likes the game. He only holds back from the pledge, the sacrifice, the ultimate devotion … I serve in the Casbah; if, while doing this, I die for the Condor, it would be an accident, perhaps even an obliging gesture, but nothing more.”

 

“The egalitarian mania of demagogues is even more dangerous than the brutality of men in gallooned coats. For the anarch, this remains theoretical, because he avoids both sides. Anyone who has been oppressed can get back on his feet if the oppression did not cost him his life. A man who has been equalized is physically and morally ruined. Anyone who is different is not equal; that is one of the reasons why the Jews are so often targeted.”

 

“The anarch, recognizing no government, but not indulging in paradisal dreams as the anarchist does, is, for that very reason, a neutral observer.”

 

“Opposition is collaboration.”

 

“A basic theme for the anarch is how man, left to his own devices, can defy superior force - whether state, society or the elements - by making use of their rules without submitting to them.”

 

“… malcontents… prowl through the institutions eternally dissatisfied, always disappointed. Connected with this is their love of cellars and rooftops, exile and prisons, and also banishment, on which they actually pride themselves. When the structure finally caves in they are the first to be killed in the collapse. Why do they not know that the world remains inalterable in change? Because they never find their way down to its real depth, their own. That is the sole place of essence, safety. And so they do themselves in.”

 

“The anarch may not be spared prisons - as one fluke of existence among others. He will then find the fault in himself.”

 

“We are touching one a … distinction between anarch and anarchist; the relation to authority, to legislative power. The anarchist is their mortal enemy, while the anarch refuses to acknowledge them. He seeks neither to gain hold of them, nor to topple them, nor to alter them - their impact bypasses him. He must resign himself only to the whirlwinds they generate.”

 

“The anarch is no individualist, either. He wishes to present himself neither as a Great Man nor as a Free Spirit. His own measure is enough for him; freedom is not his goal; it is his property. He does not come on as foe or reformer: one can get along nicely with him in shacks or in palaces. Life is too short and too beautiful to sacrifice for ideas, although contamination is not always avoidable. But hats off to the martyrs.”

 

“We can expect as little from society as from the state. Salvation lies in the individual.” (21)

 

Notes:

 

1. Ian Buruma, “The Anarch at Twilight”, New York Review of Books, Volume 40, No. 12, June 24, 1993. Hilary Barr, “An Exchange on Ernst Junger”, New York Review of Books, Volume 40, No. 21, December 16, 1993.

 

2. Nevin, Thomas. Ernst Junger and Germany: Into the Abyss, 1914-1945. Durham, N.C.: Duke University Press, 1996, pp. 1-7. Loose, Gerhard. Ernst Junger. New York: Twayne Publishers, 1974, preface.

 

3. Nevin, pp. 9-26. Loose, p. 21

 

4. Loose, p. 22. Nevin, pp. 27-37.

 

5. Nevin. p. 49.

 

6. Ibid., p. 57

 

7. Ibid., p. 61

 

8. Maurice Barrès (September 22, 1862 - December 4, 1923) was a French novelist, journalist, an anti-semite, nationalist politician and agitator. Leaning towards the far-left in his youth as a Boulangist deputy, he progressively developed a theory close to Romantic nationalism and shifted to the right during the Dreyfus Affair, leading the Anti-Dreyfusards alongside Charles Maurras. In 1906, he was elected both to the Académie française and as deputy of the Seine department, and until his death he sat with the conservative Entente républicaine démocratique. A strong supporter of the Union sacrée(Holy Union) during World War I, Barrès remained a major influence of generations of French writers, as well as of monarchists, although he was not a monarchist himself. Source: http://en.wikipedia.org/wiki/Maurice_Barr%C3%A8s

 

9. Nevin, pp. 58, 71, 97.

 

10. Schilpp, P. A. “The Philosophy of Bertrand Russell”.  Reviewed Hermann Weyl, The American Mathematical Monthly, Vol. 53, No. 4 (Apr., 1946), pp. 208-214.

 

11. Nevin, pp. 122, 125, 134, 136, 140, 173.

 

12. Ibid., pp. 75-91.

 

13. Ibid., p. 107.

 

14. Ibid., p. 108.

 

15. Ibid., pp. 109-111.

 

16. Ibid., pp. 114-140.

 

17. Ibid., p. 145.

 

18. Ibid., p. 162.

 

19. Ibid., p. 189.

 

20. Ibid., p. 209.

 

21. Junger, Ernst. Eumeswil. New York: Marion Publishers, 1980, 1993.

 

Bibliography

 

Barr, Hilary. “An Exchange on Ernst Junger”, New York Review of Books, Volume 40, No. 21, December 16, 1993.

 

Braun, Abdalbarr. “Warrior, Waldgaenger, Anarch: An Essay on Ernst Junger’s Concept of the Sovereign Individual”. Archived at http://www.fluxeuropa.com/juenger-anarch.htm

 

Buruma, Ian. “The Anarch at Twilight”, New York Review of Books, Volume 40, No. 12, June 24, 1993.

 

Hofmann, Albert. LSD: My Problem Child, Chapter Seven, “Radiance From Ernst Junger”. Archived at http://www.flashback.se/archive/my_problem_child/chapter7.html

 

Loose, Gerhard. Ernst Junger. New York: Twayne Publishers, 1974.

 

Hervier, Julien. The Details of Time: Conversations with Ernst Junger. New York: Marsilio Publishers, 1986.

 

Junger, Ernst. Eumeswil. New York: Marsilio Publishers, 1980, 1993.

 

Junger, Ernst. In Storms of Steel. New York: Penguin Books, 1920, 1963, 2003.

 

Junger, Ernst. On the Marble Cliffs. New York: Duenewald Printing Corporation, 1947.

 

Nevin, Thomas. Ernst Junger and Germnay: Into the Abyss, 1914-1945. Durham, N.C.: Duke University Press, 1996.

 

Schilpp, P. A. “The Philosophy of Bertrand Russell”.  Reviewed Hermann Weyl, The American Mathematical Monthly, Vol. 53, No. 4 (Apr., 1946), pp. 208-214.

 

Stern, J. P. Ernst Junger. New Haven: Yale University Press, 1953.

 

Zavrel, Consul B. John. “Ernst Junger is Still Working at 102″. Archived at http://www.meaus.com/Ernst%20Junger%20at%20102.html

 

mardi, 09 juin 2009

Pol Vandromme, passeur de lettres

Pol Vandromme, passeur des lettres

Christian Authier - http://www.lefigaro.fr/


Pol Vandromme. Crédits photo : Benoite FANTON/Opale

Pol Vandromme.

DISPARITION

L'écrivain et critique belge s'est éteint le 28 mai à l'âge de 82 ans. Il laisse une œuvre abondante qui ne cessa de célébrer les irréguliers de la littérature.

Né à Charleroi en 1927, Pol Vandromme s'est vite tourné vers un « journalisme de minorité » qui sera son inconfort mais aussi sa sauvegarde. Il préférera toujours le drapeau noir des copains d'abord aux laissez-passer du conformisme. Vandromme va devenir écrivain dans le sillage des hussards. C'est d'ailleurs à ces derniers et à leurs maîtres qu'il consacre ses premiers livres, essais racés défrichant le paysage d'une littérature qui privilégie le style aux idées. « On n'a pas une passion pour la littérature si l'on n'en a pas une pour les écrivains  », écrivait-il dans Bivouacs d'un hussard, livre de souvenirs paru en 2002.

Toute l'œuvre de celui qui se définissait comme un « citoyen de littérature française » ne cessera d'explorer cette passion avec un enthousiasme sans cesse renou­velé. « On quittait la république de Sartre et de Camus pour la monarchie de Fargue et de Larbaud. Kléber Haedens accueillait sur la voie royale Blondin et Vialatte. L'ennui déguerpissait, Toulet revenait en Arles où sont les Alyscamps. C'était le nouveau printemps de la littérature.  » Années 1950 : contre le magistère moral d'humanistes staliniens, Vandromme ébauche les frontières sans droits de douane d'une droite littéraire qu'il qualifie joliment de « buisson­nière » en clin d'œil à Blondin. Ses chers hussards y tiennent leur place, mais aussi le dandy rouge Roger Vailland ou la jeune Françoise Sagan.

Attentif aux jeunes talents

Il ne quittera que rarement son rôle de passeur des lettres (un seul roman, Un été acide, en 1990), même si Brel, Brassens ou Tintin prennent place dans le panthéon sans cérémonial de cet infatigable intercesseur. Il signera nombre de pastiches, libelles ou pamphlets, tel le jubilatoire Malraux : du farfelu au mirobolant. Ses essais consacrés à Céline, Simenon, Nimier, Déon, Marceau, Mohrt ou Jacques Perret sont des modèles du genre, mais le critique savait aussi rester attentif aux jeunes talents.

Trop pudique pour avancer à découvert, trop généreux pour taire ses admirations, Pol Vandromme a fait des écrivains ses confidents et ses relais : « À la vie jouée du théâtre, ils préfèrent la vie vécue du quotidien ; aux fureurs collectives, la lenteur et la patience d'une éducation séculaire ; aux songes messianiques les mots de passe de leurs rêves sans arrogance. »

lundi, 08 juin 2009

Ernst Jünger - Un autre destin européen

Un nouveau livre de Dominique Venner : Ernst Jünger. Un autre destin Européen

En librairie depuis le 15 mai 2009. Il s’agit de la première biographie consacrée en France à Ernst Jünger, grande et énigmatique figure du XXe siècle. Le 9 janvier 1995, à la veille de son centenaire, il adressait ce message de connivence à Dominique Venner : « Nous autres, camarades, nous pouvons montrer nos blessures ! »

Image Hosted by ImageShack.usLe livre :
Très jeune héros de la Grande Guerre, nationaliste opposé à Hitler, ami de la France, Ernst Jünger (1895-1997) fut le plus grand écrivain allemand de son temps. Mais ce n’est pas rendre service à l’auteur d’Orages d’acier que de le ranger dans la catégorie des bien pensants. Il n’a cessé au contraire de distiller un alcool beaucoup trop fort pour les gosiers fragiles. C’est ce Jünger, dangereux pour le confort, que restitue Dominique Venner. Il y replace l’itinéraire de l’écrivain dans sa vérité au cœur des époques successives qu’il a traversées. Belliciste dans sa jeunesse, admirateur d’Hitler à ses début, puis opposant irréductible, subsiste en lui le jeune officier héroïque des troupes d’assaut qui chanta « la guerre notre mère », et l’intellectuel phare de la “Révolution conservatrice”. Mais il fut aussi le guerrier apaisé qui tirait gloire d’avoir donné son nom à un papillon.

Dans cette biographie critique, Dominique Venner montre qu’aux pires moments du siècle, Jünger s’est toujours distingué par sa noblesse. En cela il incarne un modèle. Dans ses écrits, il a tracé les lignes d’un autre destin européen enraciné dans les origines et affranchi de ce qui l’opprime et le nie.

Dominique Venner, Ernst Jünger. Un autre destin Européen. Editions du Rocher, 240 p..

Source : le site Internet Dominique Venner.

Disponible en particulier sur Libre-Diffusion.com.


 

Article printed from :: Novopress Québec: http://qc.novopress.info

URL to article: http://qc.novopress.info/?p=5120

dimanche, 07 juin 2009

Paul Morand et Bucarest

Scan10009.jpg

 

 

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991

 

 

Paul Morand et Bucarest

 

Les éditions Plon viennent de rééditer la promenade littéraire de Paul Morand sur Bucarest. Notre collaborateur Hugues Rondeau, a glissé l'ouvrage dans ses poches et est parti à travers les rues de la capitale roumaine sur les traces de l'ambassadeur écrivain.

 

En arrivant dans la gare de Bucarest, le voyageur ne peut s'empêcher de se répéter cette entrée en matière des discours des ministres de la IIIe République que plaisante Morand : « la Roumanie, notre sœur latine ». Tout est latin en effet en cette ville où les cris résonnent de pavillons en immeubles, de boutiques en échoppes, au milieu des odeurs qu'exalte la chaleur dans les soupirs d'hommes paresseusement attablés. Vingt ans de national-communisme à la Ceaucescu, près d'un demi-siècle d'amitié tendue avec l'Union soviétique, n'ont pas entamé le caractère des Roumains. Là comme ailleurs les structures lourdes de l'histoire ont eu raison des vissicitudes du moment.

 

Paul Morand écrit que « Bucarest s'affermit au centre de l'amphithéâtre valaque protégé par le grand arc carpatique, courbé comme le dos d'un portefaix turc, et appuyé à sa base sur le fleuve nourricier par où était descendu un jour l'empereur Trajan, père des Roumains ». Pas une ligne n'est à changer dans cette description et s'il était quelque homme pressé qui mette en doute l'empreinte des Césars en Roumanie, il lui suffit pour se détromper d'observer les visages des habitants de Bucarest, autant de preuves que plus d'un légionnaire romain fut oublié au cœur de la Roumanie ou s'est oublié au cœur des Roumaines.

 

Bucarest, terre latine, en partage les défauts et d'abord celui d'un certain laisser-aller qui confine, en un parallèle de ses cousines Naples ou Tunis, à la saleté. Morand en fut dès l'abord frappé et reprend dans son texte les propos de voyageurs anglais, espions vénitiens ou négociants suédois qui voyaient au XVIIIe siècle s'entasser le fumier devant les portes. Les rues de Bucarest étaient alors de véritables radeaux sur la boue mouvante, « les véhicules y roulant lourdement, soulevant les madriers qui retombaient en s'enfonçant dans la glaise molle ».Le bitume et les trottoirs ont peu à peu, sous l'influence des Hohenzollern-Roumanie puis de la dictature communiste, pavé ce cloaque. Il n'en demeure pas moins qu'aujourdhui comme dans le Bucarest de 1935 que décrit Morand, routes et allées, impasses et cours, sont empreintes des remugles de la boue d'hier. Des époques d'une hygiène précaire, les habitants de la capitale roumaine ont conservé un redoutable fatalisme qui ruinait jusqu'aux rêves de pureté socialiste de Nicolae Ceausescu. Le voyageur ne doit pas hésiter à Bucarest pour se frayer le soir un chemin à enjamber les poubelles, vérifiant par la même que si en certaines cités, la nuit tous les chats sont gris, en Roumanie tous les rats sont noirs.

 

On connait l'intérêt que portait Morand aux cités radieuses, Venises de tous les sourires, on s'imagine donc que ce Bucarest des années trente a les attraits outranciers des belles du sud. Las, la ville est empreinte d'une indicible tristesse, apanage de toute éternité de la Roumanie. Morand l'explique, en reprenant un texte du prince de Ligne, par la domination turque qu'eut à subir pendant des siècles le pays. « La crainte qu'ils ont des Turcs, l'habitude d'apprendre de mauvaises nouvelles... les ont accoutumés à une tristesse invincible. Cinquante personnes qui se rassemblent dans une maison ou une autre ont l'air d'attendre le fatal cordon ». Il va sans dire que la terreur pratiquée par la mythique Securitate, bras armé du Conducator, n'a pas enclin les habitants de Bucarest à l'optimisme.

 

bucarest_capsa_tn.jpg

 

 

A première vue la ville manque donc d'attrait et déçoit le voyageur. Ce que résume Paul Morand en décrivant la lassitude de l'hospodar, gouverneur nommé par la Sublime Porte, qui arrivant d'Istambul, « trouve sa résidence misérable ».

Pourtant derrière ces façades lépreuses, le Bucarest de 1935 comme celui de 1990, recèle des charmes insoupçonnés. L'un des moindres n'est pas l'extraordinaire vitalité de ses intellectuels. Paul Morand s'avoue admiratif devant le talent multiforme des Roumains, véritable magie noire de l'esprit : « leur drôlerie, leur verve, leur mordant , leur rapidité , leur bon sens cynique les rendent redoutable. Il n'est pas facile de tenir sa place dans une discussion entre Roumains. » L'assertion reste aujourd'hui pertinente. Depuis la pseudo-révolution de décembre 1989, qui a brisé les cadres par trop rigides du stalinisme à la Ceausescu, Bucarest tout entière bruit des jeux de l'intellect. Les Roumains ont pendant les décennies du communisme triomphant maintenu la flamme vacillante de leurs brillantes élites (les écrivains Vasile Alecsandri, Mihail Eminescu, Mihail Sadoveanu auxquels succèderent les exilés de génie : Cioran, Ionesco, Eliade, Vintilia Horia). La terre était féconde et de nouvelles pousses ne demandaient qu'à poindre. L'arrivée au pouvoir d'Ilescu a ainsi permis à des écrivains comme Doïna Cornea ou Alexandre Paleologu de devenir de véritables autorités morales. Morand qui chantait les louanges des salons littéraires du Bucarest des années trente n'aurait pas été outre mesure surpris de la curiosité intellectuelle de toute une population qui n'hésite pas aujourd'hui à afficher dans les magasins des portraits de Mircea Eliade.

 

Bucarest est aussi la Mecque des hommes de presse. Dans les années trente, les journaux y faisaient flores, Morand se délectant en son hôtel de la lecture de Cuvântul, de Curentul, de Criterion ou de Viata Romana, toutes publications « à la tenue tout à fait remarquable ». La dite révolution de décembre 1989 a permis à l'histoire de faire un saut dans le temps et de restaurer au delà des années de censure politique, le pluralisme de l'écriture. Le flâneur salarié qui met ses pas dans ceux de Paul Morand peut à son tour gagner son gîte avec une moisson de titres divers, parmi lesquels il faut surtout retenir le très anti-conformiste România Mare, nationaliste et anti-sémite ou la  gazette littéraire Arca qui affiche une indépendance que l'Occident se doit de jalouser.

 

Cette exubérance intellectuelle séduit d'autant plus le lecteur francophone qu'elle se fait à l'ombre de Corneille et de Montesquieu. On ne dira jamais assez combien les Roumains sont pétris de culture française classique et des feux des Lumières. Paul Morand voit les prémices de cette osmose entre les deux pays dans la croisade que menèrent en 1396 Mircea le Grand, voevode de Valachie, et les chevaliers francs commandés par le fils du duc de Bourgogne, Jean sans Peur, contre l'ennemi commun qu'était le Turc.

 

C'est alors noué dans le sang des combats et notamment dans les souffrances de la défaite de Nicopolis, une durable entente que viendra renforcer la lointaine protection qu'accorde au XVIe siècle Henri III, roi de France, à Pierre Boucle-d'Oreille, prince valaque avide de dominer l'ensemble des provinces roumaines. Quelques années plus tard, c'est un prince moldave, Jacques Basilic-Héraclide Despotas, qui entame des études de médecine à la faculté de médecine de Montpellier. Cette tradition se maintient jusqu'à nos jours et il n'est pas jusqu'au Premier ministre roumain en exercice, Petre Roman, qui n'ait été potache sur les bancs de l'université de Toulouse.

 

Paul Morand ne se lasse pas de ce visage de la Roumanie, terre d'épanouissement pour les élites. Pourtant il préfère consacrer les plus belles pages de son livre à d'autres minois, ceux des femmes de Bucarest. Elles l'ont dès l'abord séduit, au point qu'il a songé à donner pour sous-titre à cette balade citadine, « le portait d'une jolie femme ». Il est vrai que de temps immémoriaux les douces de Bucarest font rêver les hommes d'Orient et d'Occident. Le chroniqueur Dionisie Eclesiarcul raconte ainsi qu'un amiral ottoman exigea au cours d'une visite en Roumanie que les boyards lui amène leurs boyaresses. Devinant ses intentions, ils firent venir des prostitués, les couvrirent de bijoux et les présentèrent comme leurs femmes. Vers la fin de la soirée, l'amiral demanda à l'hospodar de lui garder la plus belle et d'envoyer les autres à ses lieutenants. Les Ottomans ne dominent plus le monde et la concupiscence des hommes n'est plus ce qu'elle était mais le voyageur ne se contraint guère pour détourner le regard vers tant de poitrines de paysannes que servent des pieds menus. Pour ceux qui douteraient de l'admiration que l'on se doit de porter à ces odalisques des Carpates, Morand cite encore une fois le prince de Ligne : « Des femmes charmantes (...) une jupe extrêmement légère, courte et serrée masque leurs charmants contours, et une gaze en manière de poche dessine et porte à merveille les deux jolies pommes du jardin de l'Amour.».

 

Ces lignes prennent toute leur signification si l'on sait que Morand qui aimait à dire « Je n'aime pas qu'on me mette la main dessus, que ce soit un homme ou une femme » (cité par Ginette Guitard-Auviste dans la Nouvelle Revue de Paris n°13), ne succomba que pour la main de la princesse Soutzo, ex-épouse d'un hospodar roumain. A ce grand sceptique du couple ( « Je pensais comme le disait souvent Marie Laurencin qu'un et un ne font pas deux, mais trois, et que trois ce n'est pas une bonne compagnie »), Hélène Soutzo s'offrira comme si indispensable qu'il ne saura lui survivre plus de dix-sept mois. Il est sans doute souhaitable pour tous les imitateurs de l'auteur de l'Europe galante en son périple roumain de tomber à leur tour dans les rets de fatales filles de Bucarest, (« Hélène était la seule femme que je puisse épouser : auprès d'elle je ne m'ennuie jamais »). A défaut, le voyageur des années quatre-vingt dix à qui plus d'un visage souri en autant de possibles aventures garde à son tour, une fois l'éloignement consommé, le parfum d'une ville sensuelle, avec en tête cette ritournelle de Le Cler, promeneur de 1860, et qui résume le labeur essentiel de la cité : « A Bucarest on fait l'amour, ou bien on en parle ». Cette évocation légère de l'infinie séduction des belles descendantes des tribus Thraces révèle peut-être finalement la véritable nature de l'âme roumaine. La Roumanie est une nation femelle et cela explique sans doute qu'au printemps des peuples, elle ait vécue son étrange révolution comme une Commedia dell Arte. Faux procès de vrais dictateurs, complots étranges et génocides de pacotilles prennent un tour nouveau à l'aune de la féminité analysée par Morand : « Les femmes (...) rebâtissent le monde à mesure que les hommes le détruisent. Les catastrophes, elles les banalisent en révolutions, les révolutions en fêtes foraines et, notre goût du meurtre, elles en font de l'amour (Le dernier dîner de Cazotte, Nouvelles des yeux, 1965)». Morand a donc volontairement placé le nœud gordien et l'épilogue de son livre sous le riche signe de la féminité, clé de la Roumanie car source de vie, ce qu'il résume ainsi : « La leçon que nous offre Bucarest n'est pas une leçon d'art mais une leçon de vie (...). Capitale d'une terre tragique où souvent tout finit dans le comique, Bucarest s'est laissé aller aux événements sans cette raideur, partant sans cette fragilité que donne la colère. Voilà pourquoi à travers la courbe sinueuse d'une destinée picaresque, Bucarest est resté gai ». Il est rarement en littérature d'observation que l'histoire aura rendu plus juste puisque aujourd'hui sur les ruines d'une bibliothèque détruite par les combats de l'hiver 1989 se pressent, dans les chaleurs de l'été, des jeunes filles en fleur, minaudant.

 

La Roumanie est ainsi une nation phénix, toujours prête à renaître de ses cendres et il suffirait que le gouvernement d'Iliescu suive dans la tombe la dictature du génie des Carpates pour que revive le Bucarest des années trente qu'a connu Morand. Ce serait là encore la démonstration du phénomène de glaciation qu'a fait subir le communisme aux peuples de l'Est, préservant par delà les miasmes de l'idéologie, leur véritable identité et peut-être également de façon plus malicieuse la preuve du génie littéraire de Paul Morand. En attendant cet hypothétique salut, Bucarest reste l'indispensable et unique (faute de guide officiel) Baedeker de la capitale roumaine. Morand a écrit dans Le Voyageur et l'amour : « l'amour est aussi un voyage », on serait tenté à la lecture de son livre de proclamer que l'inverse est aussi vrai, le voyage est un amour, Monsieur Morand, puisque vous nous faites tant aimer Bucarest.

 

Hugues Rondeau

 

Bucarest, Paul Morand, Plon, 293 pages, 100 francs.

vendredi, 05 juin 2009

"Spelndeur et décadence du camarade Zulo"

dritero_agolli.jpg

 

 

«Splendeur et décadence du camarade Zulo»

par Dritëro Agolli

Note de lecture de Hugues Rondeau

 

Bien qu'assimilée par les Occidentaux à l'ex-bloc socialiste, l'Albanie est organisée selon un système diamétralement opposé à celui des Soviétiques. Alors qu'en URSS préside la bureaucratie sur fond d'in­dé­cision, de gabegie et d'irrespon­sabilité, «le pays des Aigles» s'est bâti autour des no­tions de sacrifice et d'indépendance na­tio­nale voulues par Enver Hoxha, créateur de l'Albanie mo­derne et «de Gaulle des Bal­kans». Le mythe fondateur de la Répu­blique popu­laire socialiste d'Albanie rési­de dans les combats de la Résistance, mon­tagnards farouches luttant pied à pied contre les Allemands et les Italiens pen­dant la Se­conde Guerre mondiale. En Al­banie, plus que partout à l'Est, ce sont les veilles de batailles qui ont forgé les diri­geants fu­turs, leur donnant une éthique de fierté, de courage et de souffrance. Cette union mystique d'une caste de guer­riers, jaloux de leur liberté, avec leur peu­ple, a été immortalisée pour la littérature par la plume de Ismaïl Kadaré, éternel nobelli­sable en sursis, qui, dans Le grand hiver,  illustre les raisons profondes de la rup­ture entre l'URSS et l'Albanie pendant l'hiver 1961. La scène où Enver Hoxha stig­matisant les erreurs de Khrouchtchev salue machinalement du poing les mem­bres du Comité central du Parti al­banais du Travail qui reprennent alors en chœur le vieux chant des partisans, ne ressort pas de la propagande mais de la plus grande des sensibilités.

 

Cependant pour l'Albanie, le temps où Enver Hoxha fixait avec enthousiasme les développements d'une voie originale entre Est et Ouest, entre capitalisme et com­mu­nisme, est loin. Au pouvoir depuis avril 1985, Ramiz Alia, premier secrétaire du Comité central du Parti, esquisse peu à peu des réformes qui sont autant de lé­gères entorses aux principes politiques d'autarcie érigés en dogmes par Enver Hoxha. D'où un certain flottement dans la population albanaise qui a tout lieu de se croire dans une période d'interrègne.

 

Bien que le roman de Dritëro Agolli, Splen­deur et décadence du camarade Zulo,  ait été publié en 1973, on peut croi­re qu'il est la parfaite illustration lit­té­rai­re de ce nouvel état d'esprit. Certes l'au­teur, que d'aucuns prétendent avoir re­con­nu sous les traits de Skënder Ber­mena dans les textes de Kadaré, est loin d'être un «dissident».

 

Journaliste, poète, auteur de scénarios, de pièces de théâtre, de recueils de nou­vel­les, il est depuis 1973 le président de l'U­nion des écrivains et des artistes d'Al­banie. Pourtant les aventures de Zulo, con­çues au départ comme la dénonciation talentueuse des travers de l'Albanie nou­velle, est devenue le signe prémonitoire des inquiétudes et des angoisses d'une so­ciété qui se cherche.

Le camarade Zulo, fonctionnaire imbu de lui-même, flagorneur, prêt à tout pour réussir, «ce type colle aux fesses des res­ponsables mais encore aux jupes de leurs femmes», se drape dans les slogans du ré­gime, qu'il prend au pied de la lettre, pour masquer son propre arrivisme.

 

On le voit, la charge est féroce mais, et c'est là tout le talent de Dritëro Agolli, elle se fait sur fond en demi-teinte. Zulo, odieux par sa prétention, n'est pas un de ces personnages tout de mal vêtu qu'af­fectionne une certaine littérature amé­ricaine. Notre homme est en effet pé­tri de bonne volonté, véritablement dési­reux de se rendre utile, de jouer son rôle dans la préparation d'une société plus juste. Son appétit de Rastignac aux petits pieds n'est ainsi peut-être, comme le sug­gère Agolli, que le reflet des phantasmes de pouvoir de ses concitoyens, qui en guise d'épi­lo­gue, alors que les vicissitudes des intri­gues l'ont conduit au repos, le croient, dans un déchaînement des langues, cha­que jour promis à des fonc­tions un peu plus hautes. Enfin les pér­égrinations de ce rond de cuir ont parfois d'indéniables accents comiques. La scène où les enfants de Zulo s'introduisent dans l'appartement du voisin et le saccagent est digne des sketchs de Buster Keaton.

 

Agolli excelle dans la description des sen­timents de ses personnages et lui qui écrit volontiers que «c'est par le rire qu'Aristo­phane a désarmé les Dieux» a su intro­duire sur l'ensemble de son roman un sou­rire délicieusement sarcastique. Dritëro Agolli a donc du style et il est dif­ficile de ne pas s'en apercevoir même si la tra­duction de Christian Gut ne revêt pas le caractère de génie de celle de Jusuf Vrio­ni, vieux monsieur de soixante-quinze ans, qui donne à Kadaré ses lettres de no­bles­se en français.

 

Malgré toutes les qualités de l'ouvrage, la publication dans l'hexagone deSplendeur et décadence du camarade Zulo  n'en consti­tue pas moins l'évidente manifesta­tion de la page qu'a aujourd'hui tourné la littérature albanaise.Le grand hiver, chef d'œuvre de Kadaré, était de ces peintures du Musée d'art figuratif de Tirana où le peuple salue l'avenir en des pauses hiéra­tiques et nationalistes.

 

Les tribulations de Zulo constituent le lent et indécis cheminement d'un Lucien de Rubempré que sa faiblesse de carac­tère et les méandres du socialisme main­tiennent dans un conformisme des plus gris. Les lendemains du camarade Zulo ne chantent ni ne rient, ils sont aphones. Les certitudes ne sont plus de mise et le doute galope. La littérature albanaise reste pour­tant dans notre panthéon imaginaire, par le talent de Kadaré, l'une des rares à faire flotter haut le pavillon de l'honneur, de l'indépendance nationale et de l'enra­cinement. Elle est, au delà des évo­lutions politiques, de ces bannières que l'on sou­haiterait éternellement triom­phantes. Ne voyons donc pas de funeste présage dans le présent ouvrage, Splen­deur et déca­dence du camarade Zulo  n'est qu'une infime facette du talent de Dritëro Agolli, qui s'illustre également par exemple par ses poèmes, nés de la tradi­tion immé­moriale des rhapsodes albanais. Leur at­tendue publication en France of­frira le dé­menti d'espoir et de confiance de cette phrase que traçait dans son livre de sou­venir Avec Staline  Enver Hoxha: «Ces in­famies ne tardèrent pas à appa­raître après sa mort».

 

Hugues RONDEAU.

 

Dritëro Agolli, Splendeur et décadence du camarade Zulo, Gallimard, 285 pa­ges, 116 FF.

mardi, 02 juin 2009

Yann Moix: "Louis-Ferdinand Céline: le génie absolu"

Yann Moix :"Louis-Ferdinand Céline : le génie absolu"

Ex: http://lepetitcelinien.blogspot.com/

Yann Moix, Le Figaro Littéraire, Mai 2009 : "Louis-Ferdinand qui ? Louis-Ferdinand Céline : le génie absolu. On pourra, jusqu'à la fin des fins, retourner la question dans tous les sens, sur sa saloperie, son ignominie, son ceci, son cela («Je suis un vivant reproche ») : le lire est toujours une déflagration. Dans la moindre de ses lettres, il explose. La moindre de ses remarques, de ses réflexions, le plus inconséquent de ses agacements embrasent tout. Avant lui, on n'imaginait tout simplement pas la puissance de feu que recelait la langue française : jusque-là, on frottait les mots entre eux toujours plus ou moins de la même façon, c'était des silex, c'était l'âge de pierre (ce qui n'a évidemment pas empêché les chefs-d'œuvre).

Ici, nous avons un Céline déchu, (en)terré à Copenhague, attendant de pouvoir rentrer chez lui, mais il n'a plus de chez lui : on lui a tout pris, confisqué, ses livres, son appartement, tout. Il s'en plaint abondamment à Albert, écrivain de quatrième zone totalement oublié aujourd'hui, auteur d'un obscur Gala des vaches et d'un Valsez saucisse ! sans grand intérêt, à ceci près que dans ses livres Paraz aimait à intégrer les lettres reçues de Céline. J'aurais pu m'appesantir sur l'incroyable, inouïe, faramineuse missive datée du 17 mars 1948 dans laquelle l'auteur de Bagatelles pour un massacre se considère, messianisme oblige, comme un... juif : « Vive les Youtres!». Mais je voudrais me concentrer sur ce qui m'a toujours rendu amoureux fou de Céline : son humour. Je veux dire : sa subversion. Ce laser qui, chez lui, comme chez Proust, dont il est évidemment si proche, perçoit l'humain comme personne.

Céline, quand il ne fait pas de politique, a raison sur tout, est génial sur tout, est puissant sur tout. Allons-y. En vrac (c'est tellement mieux). Le sexe : « Comme ils mouillent bichent y croyent les sapajous! En font-ils des pataquès avec leurs 3 misérables secondes de reproduction !» Franco : «Le dernier petit Hitler vivant... » Le succès : «J'aime mieux le succès des autres que les miens. Je suis l'anti-envieux » L'avenir : « L'espoir même, ça me fait dégueuler... » Les céliniens orthodoxes : «Je ne veux pas faire d'adeptes, de secte, de parti. Rien -Pas de martyrs pour moi -pas même d'inquiétés. » L'écriture (j'adore ce passage, monumental, fabuleux, tellement vrai, tout y est, tout est là, il a tout compris, tout!) : «Je n'aime pas et je n'ai jamais aimé écrire. Je trouve d'abord la posture grotesque - Ce type accroupi comme sur un chiotte en train de se presser le ciboulot d'en faire sortir ses "chères pensées" -! Quelle vanité! Quelle stupidité! Ignoble! Rien que le mot écrire me fait vomir, ce prétentieux vocable. "Il écrit" - à fesser! immonde! ».

Continuons : Cendrars : « Il n'arrivera jamais à faire tenir un livre debout. » Fofana (avec cinquante ans d'avance) : « J'ai fréquenté bien des assassins. D'une manière absolue ils ne regrettent rien s'ils ont leur photo dans le journal. » L'exil (attention, ce qui suit est éblouissant) : « La monstruosité impardonnable précisément est qu'on me tienne hors de la langue française. » Le délit d'opinion : « je voudrais avoir un "passeport animal" pour être bien certain qu'on ne s'inquiétera plus jamais de ce que je peux ou ne peux pas penser!» L'inspiration : « Si je vais "m'inspirer" comme on dit ce n'est certainement pas dans les lectures ! choses mortes ! mais dans des éléments vivants.» Ses livres : «ils ressemblent plutôt aux chansons de geste. Ils sont chansons nullement prose. Je me sers du langage parlé, je le recompose pour mon besoin - mais je le force en un rythme de chanson - je demeure toujours en danse. Je ne marche pas. » Péguy est le génie de la marche, Céline celui de la danse. Céline adore les ballets et sa femme, Lucette, est une danseuse.

Je continue mes citations : Edmond Rostand : « Il aurait moins fumé, moins coïté il aurait vécu son siècle. » Son testament (à mourir clé rire) : «À Aragon mes silences... À Triolet un poil de nez... » Les banlieues (pensons aux bandes, aux gangs, au rap) : «Les Banlieusards veulent de l'américain ni, bandent qu'à l'américain. » Je finirai en vous laissant méditer ceci, que je crois fondamental : « Le Diable sait ce qu'il fait, il est subtil, il s'attaque à la musique des peuples qu'il veut supprimer. "Ils n'auront plus de chanson ils périront". Voilà ce qu'il pense le Diable, il est pas bête. » Sollers et moi savons bien de quoi il retourne. Il ne s'agit pas de lire entre les lignes. Mais de lire. Qui saura lire?

Merci à M. Mouls.

lundi, 01 juin 2009

Sopljenitsyne, le visionnaire qui exaspère

Nivat.jpg

 

Soljenitsyne, le visionnaire qui exaspère 

Paul François Paoli
19/03/2009 | ex:
http://www.lefigaro.fr
 

«Le Phénomène Soljenitsyne» de Georges Nivat est un essai de référence sur le message spirituel et politique du géant russe.

Soljenitsyne agace ceux qui voudraient bien se débarrasser du grand homme après l'avoir encensé. L'équation est connue : gardons le héros de L'Archipel du Go ul ag qui, par sa force d'âme, a ébranlé le mensonge soviétique, mais oublions le réactionnaire aux allures d'ayatollah slave qui annonce à l'Occident des lendemains qui déchantent. L'ennui est que le résistant au communisme et le critique du libéralisme ne font qu'un chez celui dont la rébellion fut autant spirituelle que politique. Telle est la thèse de Georges Nivat, slaviste renommé qui enseigne à l'université de Genève et dont le livre Le Phénomène Soljenitsyne a été lu et approuvé par l'intéressé avant sa mort.

Vendu à 800 000 exemplaires lors de sa publication en Russie durant la perestroïka, cet ouvrage, qui paraît aujourd'hui en France dans une version enrichie, n'est pas une biographie de plus : c'est un essai qui, non seulement, embrasse tous les aspects de l'œuvre romanesque de Soljenitsyne, mais se veut, en outre, l'expression fidèle de la pensée ultime de l'écrivain, disparu le 8 août 2008. Admirateur de Soljenitsyne, Georges Nivat n'est pas un hagiographe. Il ne minimise pas les « défauts » du grand homme : une personnalité autocratique, qui est comme l'envers de son charisme. Il n'occulte pas ce qui peut paraître choquant chez un chrétien : un pessimisme culturel à la Oswald Spengler, l'auteur du Déclin de l'Occident, l'un des livres culte de la révolution conservatrice allemande.

Dégénérescence morale des Occidentaux

Le fait est que Soljenitsyne, même s'il ne mit jamais sur le même plan le totalitarisme communiste et le libéralisme occidental, aura des mots très durs, depuis le discours de Harvard en 1977, pour ce qu'il a appelé la « dégénérescence morale des Occidentaux », leur « manque de caractère » et pour tout dire de « virilité ». « À relire toute l'œuvre de Soljenitsyne publiciste, on reste frappé par son extraordinaire cohérence  », écrit Nivat. « Tout est commandé par une vision historiographique précise : le mal vient de l'humanisme, de l'anthropocentrisme né à la Renaissance et importé en Russie depuis Pierre le Grand . » Selon Nivat, Soljenitsyne s'inscrit dans la lignée de ces Russes, d'Alexandre Herzen à Léon Tolstoï, pour lesquels il existe une « Russie éternelle » dont la vocation s'enracine moins dans la tradition grecque orthodoxe que dans une vieille Russie chrétienne du Nord et de l'Est sibérien fondée sur les communautés paysannes et l'amour mystique de la terre.

Il faudra bien s'y faire, Soljenitsyne est un fieffé «antimoderne».

Son culte de l'honneur, son amour des traditions et son sens du sacrifice, explique Nivat, est d'un autre temps. Mais qui dit que la nostalgie est par principe impuissante ? N'est-ce pas au nom d'une Russie que les marxistes considéraient comme « dépassée », que Soljenitsyne a vaincu ses persécuteurs ? « Ses grands rappels dans le domaine de l'éthique et de la politique ne font plus recette. Et pourtant, ils correspondent en grande partie aux tâtonnements des nouvelles générations : ne pas mentir, rester soi-même, créer une démocratie à la base, plutôt qu'au sommet, pratiquer l'autolimitation dans sa vie personnelle, comme dans la consommation de masse », écrit Georges Nivat, pour qui la force de Soljenitsyne est d'avoir toujours transfiguré le réel par la foi, loin du réalisme bourgeois ou socialiste. « Ce qui pèse en l'homme, c'est le rêve », écrivait Bernanos. Qui peut nier que, grâce à Soljenitsyne, le rêve d'une Russie régénérée ait pesé dans la balance de l'histoire ?

Le Phénomène Soljenitsyne de Georges Nivat Fayard, 449 p., 25 €.

70. Todestag Joseph Roth

roth-jos.jpg

70. Todestag Joseph Roth

Ellen KOSITZA - http:://www.sezession.de/

Frühe achtziger Jahre: Jeden Sonntag nach der Kirche gings zum sogenannten Musikreiten. Da führten Herren und Damen in Frack und Zylinder auf weiß bandagierten Rössern mit geflochtenen Mähnen die hohe Kunst der Dressur auf. Atemberaubende Formationen wurden vorgeführt. Die Pferde an der Kandare, die Reiter kerzengerade und mit todernsten Mienen. Als musikalische Untermalung der Volten und Pirouetten erklang leichte Klaviermusik von Richard Claydermann. Zum Ende der Stunde dann der Höhepunkt: Im starken Trab wurde durch kreuz und quer durch die Bahn gewechselt, in raschemTempo ein wohlgeordnetes Durcheinander, so daß den Zuschauern der Atem stockte. Claydermann schwieg dann. Jetzt ertönte Militärmusik, Sonntag für Sonntag das gleiche Stück.

Erst viel später (ehrlich gesagt erst, als der Dosengemüsefabrikant Bondelle den Marsch verjingelte) erfuhr ich, daß es Johann Strauß‘ Radetzkymarsch war. Nichts könnte den Schauder einer oberflächlichen Herrlichkeit besser bezeichnen als diese inoffizielle Hymne von Österreich-Ungarn. Vordergründig: Schmissig, forsch, dynamisch, prunkvoll. In den Untertönen: ganz nahe der Überzeichnung, immer grad so die Kurve ins Lächerliche kratzend.

Ein Jahrhundert nach Strauß hat Joseph Roth aus eben diesem Wechselbild einen Roman gemacht, den berühmten Radetzkymarsch (1932) eben. Ich bin sicher, Kubitschek hat ihn seinerzeit nur deshalb nicht auf seine Liste der lesenswerten deutschen Romane gesetzt, weil er die Österreicher literarisch nicht anzuschließen wagte.

Seit langem lechzt das deutsche Feuilleton nach dem neuen großen Roman, nach einem der das gesellschaftliche Panoptikum der gegenwart mit grandioser Beobachtungsgabe vereint: Der Radetzkymarsch gäbe ein hervorragende Schablone dazu ab!

Heute vor 70 Jahren starb Joseph Roth (an Suff – wie’s so vielen hellsichtig-Sensiblen beschieden ist), und wer den Radetzkymarsch bereits kennt & schätzt (wie sonst?), sollte sich das eben neu erschiene Hörbuch „Das Spinnennetz“ zu Gemüte führen: Wie Leutnant Theodor Lohse aus dem ersten Weltkrieg ins Nichts fällt und sich von dort aus rechtsradikalen Geheimbünden mit Draht zu Hitler anschließt.

Wohlgemerkt, das hat Roth, Sozialist, Monachrist, Katholik und Jude in Personalunion, 1923 aufgeschrieben, es erschien drei Tage vor Hitlers Putschversuch.

dimanche, 31 mai 2009

Passaggi al Bosco - E. Jünger nell'era dei Titani

junger_foto2.jpg

L. Bonesio, C. Resta,

PASSAGGI AL BOSCO.
Ernst Jünger nell’era dei Titani

ed. Mimesis, 2000

 

Ernst Jünger- Il tesserino militare da volontario della Ia Guerra Mondiale

 

Ex: http://www.maschiselvatici.it/

Se chiudo gli occhi vedo talvolta un paesaggio oscuro con pietre, rocce e montagne sull’orlo dell’infinito. Nello sfondo, sulla sponda di un mare nero, riconosco me stesso, una figurina minuscola che pare disegnata col gesso. Questo è il mio posto d’avanguardia, sull’estremo limite del nulla: sull’orlo di quell’abisso combatto la mia battaglia.

Ernst Jünger

«Jünger è stato se stesso e costituisce categoria umana a sé, come per tutti gli uomini sarebbe doveroso»[i]. Queste parole pronunciate da Quirino Principe alla scomparsa dell’autore tedesco, avvenuta il 17 febbraio del 1998 alla soglia dei 103 anni, mentre infuriavano i goffi tentativi di inserire il suo pensiero, le sue opere e scelte di vita in questo o quell’orientamento filosofico o politico, rappresentano, forse, l’unica descrizione possibile di una figura gigantesca come quella di Jünger. Scrittore, filosofo, poeta, guerriero, ma anche entomologo: il suo orgoglio più grande era quello di aver dato il proprio nome ad una famiglia di insetti. Uomo di pensiero aristocratico e d’azione, Ernst Jünger è oggi - dopo decenni di colpevole silenzio e di censure dovute alla mediocrità disinformata di alcuni e alla malafede di altri - una delle figure intellettuali europee più discusse e controverse. Mentre le sue opere vengono finalmente pubblicate da grandi case editrici, nel panorama degli studi critici italiani spicca, per completezza e profondità di analisi, il bellissimo libro di Luisa Bonesio e Caterina Resta, Passaggi al bosco. Ernst Jünger nell’era dei Titani, ed. Mimesis. Si tratta di un volume che ripercorre rigorosamente l’intera opera del pensatore tedesco, dalla sua formazione sui campi di battaglia della prima Guerra Mondiale alle speculazioni dell’ultimo Jünger ritirato a Wilflingen, il villaggio della Svevia superiore, ignorato persino da molte carte geografiche e circondato da un meraviglioso paesaggio di boschi e prati, in cui lo scrittore tedesco trascorse l’ultima parte della sua vita avventurosa. Una vita lunga, piena, attiva e contemplativa assieme, che ha registrato la presenza di Jünger in eventi storici decisivi. Parafrasando il titolo di un saggio di Moreno Marchi dedicato ad alcuni scrittori francesi, anche di Jünger si può senz’altro affermare che ha vissuto con il sangue e con l’inchiostro. Lasciandoci in eredità se stesso, la sua esemplare statura, le sue qualità di uomo libero, prima e oltre la sua ricchissima produzione letteraria. Costringendoci inoltre - magnifico dono - a fare i conti in qualche modo con la sua persona, con il suo pensiero. Non è possibile prescindere da Ernst Jünger, infatti, se si desidera affrontare responsabilmente questioni cruciali del nostro tempo, come la tecnica, il nichilismo, la libertà, l’identità, l’organizzazione politica degli spazi planetari.
Egli ha attraversato tutto il Novecento divenendone uno dei suoi più lucidi testimoni. E’ riuscito a cogliere l’essenza profonda dei processi che segnano la modernità; e ciò non in virtù di uno sguardo intellettualistico (o cartesiano), bensì grazie alla sua straordinaria e misteriosa sensibilità stereoscopica che gli ha consentito di cogliere «le cose nella loro corporeità più segreta e più immobile»
[ii]. Non a caso, il nazionalbolscevico Ernst Niekisch coniò per Jünger la bellissima definizione di sismografo per sottolinearne le capacità di comprensione finanche dei più piccoli e “sotterranei” segnali del tempo. Capacità non disgiunte da un’indiscutibile e profetica veggenza, quasi come se Jünger disponesse di particolari ed invisibili antenne, non troppo dissimili da quelle dei suoi amatissimi insetti.
Benché l’eccezionale ricchezza dell’opera e della vita di Ernst Jünger renda praticamente infiniti gli argomenti da esaminare e gli spunti di riflessione da approfondire, questa raccolta di saggi di Luisa Bonesio e Caterina Resta rappresenta, sicuramente, la più riuscita esplorazione della totalità del pensiero jüngeriano, nei suoi nuclei teorici fondamentali, che sia mai stata pubblicata in Italia. Un libro indispensabile, dunque, per chi già conosce ed apprezza lo scrittore tedesco; ed un libro che, pur essendo molto più di una semplice “introduzione” all’opera di Jünger, per l’obiettività inconsueta ed immune dal vergognoso “brigantaggio politico” che molto spesso ha contraddistinto l’approccio al pensiero jüngeriano, è utilissimo anche per chi poco conosce di questo autore di riflessioni attualissime. Egli appartiene a quella schiera di uomini che si plasmarono nelle trincee della prima Guerra Mondiale e la cui vita fu segnata in modo indelebile da quei tragici avvenimenti[iii]. Ferito quattordici volte, si vide attribuire la croce Pour le mérite, il più importante riconoscimento dell’esercito tedesco. E fu proprio la guerra, l’esperienza fondamentale del giovane Jünger e il fattore stimolante delle sue prime speculazioni. Jünger riconobbe subito il travestimento moderno del fenomeno bellico nella guerra di materiali (Materialschlacht). «Il genio della guerra si è congiunto con il genio del progresso»[iv]: così la battaglia tradizionale evolve in una specie di combattimento in cui uomini e macchine sembrano affratellati. E’ la fine dei valori eroici tradizionali. L’assalto dei giovani volontari tedeschi, molti dei quali Wandervögel, presso Langemarck il 10 novembre 1914, è spesso ricordato da Jünger come un evento emblematico: l’entusiasmo e l’idealismo romantico delle migliori leve di una generazione si scontrarono con il fuoco delle artiglierie nemiche; e non ci fu nulla da fare. Eppure il capitano Jünger non reagisce alla guerra moderna cantando le virtù di quella antica, bensì scorge la grandezza dell’uomo, del guerriero che diventa tecnico, anche nelle tempeste d’acciaio. E, soprattutto, si rende presto conto della grande svolta che l’Occidente sta vivendo.
Lo sviluppo tecnologico, che ha modificato i sistemi di combattimento, sconvolge la vita anche in tempo di pace. La mobilitazione totale (nel suo duplice aspetto, tecnico e spirituale) si impone nel mondo del lavoro che assume dunque un carattere totale. Con incredibile chiarezza Jünger intravede, tra le due guerre mondiali, l’avvento della figura dell’Operaio o Lavoratore (Der Arbeiter), il «milite del lavoro»
[v] che mobilita il mondo con la tecnica. Non si tratta di una grandezza economica, come vorrebbero liberalismo e marxismo, bensì di un tipo d’uomo che si riconnette ai requisiti dell’epoca attuale. Una figura metafisica che sconvolge l’in-forme mondo del dominio (apparente) borghese. Quest’ultimo, assieme alle categorie concettuali del razionalismo cartesiano, è il bersaglio polemico di tutta l’opera dell’autore tedesco. Posto che anche il “borghese”, per Jünger, non è il rappresentante di una classe sociale ma il tipo d’uomo che nega ogni valore metafisico ed il modello di vita che, fondandosi sul bisogno infantile di sicurezza, rimuove le forze elementari della natura. Secondo Jünger, la figura dell’Operaio è destinata a sostituire l’individuo borghese, sorto dall’Illuminismo e slegato da ogni appartenenza, il cui tempo è tramontato. Il primo conflitto mondiale segna proprio la fine del “tempo dell’io individuale” (Ichzeit) e l’inizio “del tempo del noi collettivo” (Wirzeit). Lo spazio del lavoro non conosce più confini e l’azione dell’homo technicus è la sua spinta unificatrice. Come osserva Resta, ben prima dell’invenzione di internet lo scrittore europeo comprese perfettamente il modo reticolare con cui la tecnologia impone il suo dominio.
Tuttavia, se negli anni Trenta Jünger ha ancora fiducia nelle capacità del Lavoratore di dominare le macchine nell’attesa che la tecnica si spiritualizzi, giungendo al suo “punto di perfezione” e facendo dunque emergere il fondo immobile ed elementare del vorticoso processo di unificazione tecnica del pianeta, il catastrofico secondo conflitto mondiale, agli occhi dello scrittore tedesco, rende evidente l’inadeguatezza dell’Operaio. Il quale lungi dal controllare i suoi strumenti sembra essere diretto da loro, in un processo che tende alla costruzione di una terra senza confini e senza dèi, in cui trionfa un orribile e volgare “paesaggio da officina”. Con il passare del tempo, insomma, Jünger sembra diventare più pessimista circa le capacità dell’Operaio di costruire un ordine armonico dopo e oltre la distruzione. Perciò scorge da un lato la necessità di una unificazione politica del mondo nella quale l’organizzazione (il meccanismo tecnologico) non schiacci l’organismo (la sostanza vitale, le diverse culture ed identità). Il fondamento di questo Stato mondiale (Weltstaat) - che riscopre il modello politico imperiale, l’unico capace di garantire unità nella varietà
[vi], nell’era della crisi degli Stati nazionali - deve essere una Nuova Teologia in grado di portare l’uomo a riscoprire la relazione col divino, relazione indispensabile per governare l’accelerazione del nostro tempo ed evitare gli esiti più devastanti e nichilistici del titanismo tecnologico. Dall’altro lato, però, Jünger ritiene che questa rinnovata alleanza con gli dèi debba realizzarsi prima di tutto nel cuore del singolo. Considerato che il Lavoratore, figura titanica, non si rivela all’altezza di questo compito, lo scrittore tedesco individua allora nuove figure (il Ribelle, l’Anarca) capaci di operare quei passaggi oltre il muro del tempo che restituiscono libertà ed autenticità al singolo che sappia avvicinarsi al fondo immobile, originario e atemporale della realtà.
Di fronte al nichilismo della modernità, che Jünger giudica come un processo di riduzione (Reduktion) e svanimento (Schwund) di ogni sostanza, che agisce attraverso il tecnicismo e sistemi d’ordine di grandi dimensioni, l’autore tedesco guadagna ora una prospettiva nuova che gli consente di mutare l’atteggiamento nei confronti della tecnica. Quest’ultima, lungi dall’indebolire il “borghese”, appare ora agli occhi di Jünger come lo strumento di diffusione all’intero globo del suo potere dissacrato e dissacrante. La forma del Lavoro, di cui Jünger aveva subito il fascino, manifesta in maniera sempre più evidente il suo volto terrificante, distruttivo ed omologante. E’ la crescita del deserto di cui parla Nietzsche: l’omogeneizzazione dei paesaggi naturali e culturali procede di pari passo con l’inaridimento spirituale. Nel mezzo di questo gorgo nichilistico, secondo Jünger, sarebbe illusorio cercare la salvezza difendendo romanticamente istituzioni destinate ad essere travolte. La “cultura museale” e il percorso verso il nulla sono anzi, per lo scrittore tedesco, le due facce della stessa falsa medaglia. Nel panorama uniforme ed indifferenziato della modernità desertificante - di cui un altro simbolo è il Titanic, la nave lussuosa e tecnologica che corre velocissima verso l’impatto con l’iceberg in un’irreale atmosfera di festa – le piccole élites o i singoli non disposti a barattare la propria libertà ed identità per un po’ di comfort, possono resistere all’inglobamento nel Leviatano (il nichilismo, lo Stato moderno ridotto ad oggetto nichilistico), solo recuperando la dimensione della selvatichezza, della Wildnis. Natura incontaminata (Wildnis) e bosco (Wald) sono allora simboli di quella terra selvaggia non corrotta dall’organizzazione - intesa come l’ordine tecnico e scientifico che restringe, fino ad annientarla, la libertà dell’uomo; l’ordine del nulla, insomma - che cresce ovunque, nel petto del singolo e nel deserto, come un’oasi. La stupenda immagine del ricorso alla Selva rappresenta proprio il distacco dagli impersonali automatismi dei ritmi meccanici. E’ l’incontro con se stessi nella riscoperta delle forze elementari della natura, sacrificate dalla modernità occidentale sull’altare di una ragione eletta a divinità. Ma non si tratta di una passeggiata, né di una facile ritirata. Il bosco è infatti la grande dimora della morte. E il Ribelle dei boschi (Waldgänger), aprendosi alle forze elementari e trascendenti della natura, sa che il rischio, il pericolo, l’aspetto avventuroso dell’esistenza, il dolore, la violenza, la stessa morte (tutto ciò contro cui il “borghese” si illude di potersi “assicurare”), sono manifestazioni della natura, costituiscono il fondo primordiale (Urgrund) della vita. I tentativi volti alla negazione di queste forze non sono solo vani ma anche pericolosi: come insegna la psicologia del profondo, i contenuti rimossi della psiche rischiano di possedere completamente l’individuo, o la collettività, che quei contenuti ha negato.
I passaggi al bosco, dunque, sono praticabili, come spiega perfettamente Bonesio, laddove l’uomo riesce ancora a sentire la sacralità della natura, nella sua totalità, pensando ad essa al di fuori degli schemi riduttivi della scienza moderna che la banalizza ad oggetto di analisi e manipolazione. Ma l’approccio alla natura non può nemmeno essere di tipo romantico, giacché questo definisce la bellezza della natura solo in funzione dei canoni estetici dell’uomo, rimanendo così in una prospettiva antropocentrica. Bisogna imparare di nuovo a guardare la natura rispettandone i simboli meravigliosi. Ed anche in questo il Maestro Jünger ha molto da insegnarci.

Paolo Marcon


[i] Q. Principe, Ultimo Titano del ‘900 o primo del Duemila, in “Lo Stato”, 1998, n. 9, p. 63.

[ii] E. Jünger, Lettera dalla Sicilia all’uomo nella luna, in id., Foglie e pietre, trad. it., Milano, 1997, p. 109.

[iii] «La guerra è il padre di tutte le cose, anche il nostro […] Essa ci ha martellato e temprato perché diventassimo ciò che siamo. Per tutto il tempo che la ruota della vita girerà in noi, la guerra sarà il suo asse» (E. Jünger, Der Kampf als inneres Erlebnis, cit. in C. Risé, Misteri, guerra e trasformazione. Le battaglie del Sé, Milano, 1997, p. 26).

[iv] E. Jünger, La mobilitazione totale, in id., Foglie e pietre, op. cit., p. 114.

[v] L’espressione è di Delio Cantimori. Cfr. D. Cantimori, Ernst Jünger e la mistica milizia del lavoro, in id., Tre saggi su Jünger, Moeller van den Brück, Schmitt, Roma, 1985, pp. 17-43.

[vi] «Due principi supremi dovranno essere sanciti nella costituzione, qualunque struttura essa abbia: i principi dell’unità e della varietà. Il nuovo impero deve essere unico nelle sue articolazioni, ma nel rispetto delle loro specificità» (E. Jünger, La pace, trad. it., Parma, 1993, p. 52).


 

Ecco una bibliografia con le principali opere di Jünger in ordine cronologico!

  *1920.Nelle tempeste d'acciaio, Guanda.Diario tenuto da Ernst durante la prima guerra mondiale.Opera fondamentale che lo rese famoso come scrittore di guerra.Vi descrive, in modo realistico, la "guerra di materiali" (Materialschlacht), una nuova specie di combattimento dovuto all’impiego della tecnica nelle operazioni militari, in cui l’uomo diventa meno importante della forza delle macchine.

*1924.Boschetto 125, Guanda.Ancora sulla prima guerra mondiale.Racconta la vita di trincea.

*1929.Il cuore avventuroso, Guanda.Diario visionario che propone una serie di immagini talvolta sconvolgenti, che attaccano la società del dopoguerra.

*1932.L'Operaio, Guanda. E' l'opera più "pallosa" di Jünger, ma importante anche per rendersi conto dell'evoluzione del suo pensiero.Qui prima espone la sua fondamentale Teoria della Forma, o Figura (Gestalt), e poi individua la figura dell'Operaio (Der Arbeiter), come figura del nostro tempo.E' colui che mobilita il mondo con la Tecnica. Sostanziale giudizio positivo della tecnica come strumento di accelerazione e superamento del nichilismo.

*1934.Foglie e pietre, Adelphi.Raccolta di saggi tra cui l’importantissimo "La Mobilitazione Totale".Questa è un processo legato all’avvento della figura dell’Operaio e all’evoluzione delle tecniche di guerra (nelle battaglie di materiali tutti sono mobilitati).Ma è uno stato di cose che si impone, in tempo di pace, nel mondo del lavoro.

*1936.Ludi africani, Guanda.Racconto della sua esperienza di legionario.Con questo libro Jünger sembra denunciare il carattere illusorio della fuga romantica dalla società borghese.

*1939.Sulle scogliere di marmo, Guanda. Bellissimo!!! Romanzo utopico che presenta una critica neanche troppo velata al Nazismo.Da leggere assolutamente. Curiosità: qui il Forestaro è una figura negativa...bisognerebbe studiarla questa cosa...

*1941-1942.La pace, Guanda.Guarda oltre la guerra mondiale e pensa agli assetti futuri.Si dice che questo libro sia stato letto da Rommel mentre preparava il colpo di stato fallito contro Hitler.

*1941-1945.Irradiazioni, Guanda. Diario della seconda guerra mondiale.

*1950.Oltre la linea, Adelphi.Saggio sul nichilismo in cui introduce il tema della Wildnis.

*1951.Trattato del Ribelle, Adelphi.In questo testo Jünger descrive la figura del Waldgänger (colui che passa il bosco). Vedi recensione negli "Abbiamo letto".

*1953.Il nodo di Gordio, Il Mulino.Riflessioni su occidente e oriente, scritto con Schmitt.

*1954.Il libro dell'orologio a polvere, Adelphi. Riflessioni sul tempo: era un grande appassionato di clessidre.

*1959.Al muro del tempo, Adelphi. Ancora sul tempo in una prospettiva critica rispetto alle concezioni lineari.

*1960.Lo Stato mondiale, Guanda. Importante per capire la dimensione imperiale della globalizzazione.

*1977.Eumeswil, Guanda. Romanzo utopico in cui individua la figura dell' Anarca, un tipo d'uomo che "può trasformarsi in Ribelle, ma può anche vivere tranquillamente al riparo di un'oscura funzione".

 

samedi, 30 mai 2009

Il Novecento: Ernst Jünger, un testimone del secolo

Il Novecento: Ernst Junger, un testimone del secolo
di Claudio Asciuti

 

Il Novecento: Ernst Junger, un testimone del secolo



Il destino di Ernst Jünger è davvero singolare. Nato a Heldeberg nel 1895, e morto a Wilfingen nel 1998, fu volontario nella Legione straniera e nella prima guerra mondiale, ferito quattordici volte e decorato con la croce de l’Ordre pour le Merite; amico del nazionalboscevico Niekisch quanto del nazionalsocialista Schmitt, richiamato come capitano dalla Wehrmacht nella Parigi occupata durante la “guerra civile europea”, costretto alle dimissioni dopo il tentato “golpe” del 1944, ma protetto dallo stesso Hitler, attraverso la sua lunghissima esistenza ebbe a scrivere di filosofia e di narrativa, avendo contro prima gli apologeti del Reich, poi quelli della de-nazificazione. Rimosso e guardato con sospetto dalla cultura ufficiale, negli ultimi vent’anni iniziò ad essere considerato, a ragione, uno dei grandi testimoni del Novecento. Seguendo così la regola che i “classici” sono comunque destinati a sopravvivere, ecco due testi che lo riportano alla nostra attenzione. Il primo è al seguito del convegno, tenutosi nella seconda metà di settembre a Milano, Estetica della violenza. Immagini di terrore quotidiano, di cui la mostra La violenza è normale? L’occhio fotografico di Ernst Jünger, è stata momento determinante.
Curato da Maurizio Guerri, Il mondo mutato. Un sillabario per immagini del nostro tempo (M?tisPresses-Mimesis, due volumi in cofanetto, pag. 194-76, euro 29,00) raccoglie le immagini del fotografo e amico Edmund Schultz (1901-1965), scattate dal 1918 al 1932, e scelte e commentate dallo scrittore tedesco. Ristampa dell’originale tedesco, Die veränderte Welt, e sua traduzione italiana, il cofanetto beneficia oltreché dell’introduzione di Jünger anche di un saggio di Guerri che indaga sulla relazione fra corpo, occhio, e immagine, “fissata” meccanicamente; non segno della decadenza dell’arte, quanto l’unico oggetto in grado di vedere i mutamenti sopravvenuti con la guerra.

L’occhio del fotografo e la penna dello scrittore si muovono in una lunga carrellata, in cui le bellissime immagini commentate ora ironicamente ora con preoccupazione partono dalla sezione “Il crollo degli antichi ordinamenti” e si concludono con quella “Imperialismo”, costruendo una mappa del mondo del dopoguerra che, sfuggito oramai alla struttura tradizionale, segue una logica, quella della Tecnica, che è indipendente da ogni sistema economico e politico. E’ il tema della Mobilitazione Totale, al centro di un altro volume di Maurizio Guerri, Ernst Jünger. Terrore e libertà (Agenzia X, pag.270, euro. 18,00, anch’esso con un’ampia ricognizione fotografica), un’analisi sostanzialmente filosofica che confronta l’originaria ideologia dello scrittore tedesco con gli sviluppi del mondo moderno, prendendo in esame alcuni temi specifici della sua opera: il concetto di bellezza come di oggetto mostrato da uno sguardo che ne penetra e ne taglia gli strati fino alla profondità; le clessidre, segni di un tempo circolare in cui ogni attimo è diverso dall’altro; il corpo, che secondo il modello greco si educa al dolore e alla morte, una morte che è scopo più alto della vita; segni di una filosofia della vita e dell’azione, che va alla ricerca di un equilibrio interiore, di una zona di calma all’interno dell’individuo, di un quid la cui leggerezza permetta di affrontare anche gli “attimi pericolosi”. E al di sopra di tutto le moderne trasformazioni sociali e politiche che partono da quello che si suole chiamare “Operaio” o “Lavoratore” (o “Milite del lavoro”, come meglio lo definì Cantimori), l’individuo che si dissolve attraverso la struttura organizzativa della Mobilitazione To-tale, modo che trasforma l’economia di pace in quella bellica e viceversa.

Dopo le vicende del secondo conflitto mondiale, in cui Jünger perse anche il figlio George, mandato in un battaglione di disciplina e caduto combattendo a Carrara, la Mobilitazione Totale diventa il modo di vivere di una cultura che va ampliandosi su scala mondiale e che trasforma le singolarità nazionali in forme anonime di colonizzazione culturale. Siamo nel 1960, Marcuse non è ancora divenuto il filosofo del Sessantotto, né McLuhan ha ancora i suoi migliori testi di critica al “villaggio globale”, ma il vecchio combattente prussiano prevede gli scenari futuri, e cerca di trovare risposte.
La sua metafora del Titanic, nata sotto i bombardamenti alleati nella corrispondenza con Schmitt, torna nel 1995 nelle interviste con Volpi e Gnoli: l’inaffondabile piroscafo che finisce proprio per la sua caratteristica ad affondare, è simbolo della complessità di un mondo, destinato alla sua autodistruzione. Due sono le figure elaborate da Jünger in risposta a questo processo: il Waldgänger, “colui che esce nel bosco”, che in italiano diventa il Ribelle, e quella dell’Anarca. Il Ribelle costituisce la prima forma di resistenza nei confronti della Mobilitazione Totale, è la figura di chi sceglie di addentrarsi in uno spazio fisico e simbolico (il Bosco). L’Anarca invece è l’espressione migliore e più genuina del suo pensiero. Anarca non corrisponde al concetto di anarchico, che è un rivoluzionario che combatte per un’idea collettiva di eguaglianza e riscatto sociale; l’Anarca combatte sostanzialmente per la sua libertà, è l’individuo che osserva gli eventi come un osservatore. L’analisi di Guerri privilegia la figura del Ribelle, opponendo, con le parole di Jünger, al Titanic la “nave di Dioniso” che si trasforma in bosco, da cui scaturisce il dio mutato in tigre.

Allo stesso modo, di fronte al terrore della Mobilitazione Totale, alle guerre mondiali divenute “guerre civili” su scala planetaria, al “sacrificio” dei soldati che hanno combattuto ma anche dinnanzi ad un mondo in cui la guerra è permanente, lo spazio simbolico del Bosco diventa il centro di calma dell’individuo, "luogo della libertà" metafisica in cui si muove il Ribelle, cioè l'individuo che dovrà battersi ogni giorno per conquistare e ri-conquistare la libertà alle forme di controllo planetario.


Tante altre notizie su www.ariannaeditrice.it

lundi, 25 mai 2009

Gogol le libre orthodoxe et la transfiguration du monde

Gogol le libre orthodoxe et la transfiguration du monde

Notes à propos de Nicolas Vassiliévitch (1809-1852) et de son bicentenaire.

090518"Tâchez de voir en moi le chrétien plutôt que le littérateur".
Lettre de Gogol à sa mère en 1844.

"Prie pour que mon labeur soit véritablement consciencieux pour je sois jugé digne de chanter un hymne à la Beauté céleste"
Lettre à son ami Joukovski, 1852

Nul mieux que le grand slavisant Pierre Pascal (1) n'a cerné de manière aussi aiguë ce qu'il appelle le "Drame spirituel de Nicolas Gogol". En 1952 il intitulait de la sorte une magnifique introduction à la traduction française des Méditations sur Divine liturgie (2). Il y soulignait l'incompréhension de la majorité des compatriotes et contemporains. Car, écrit-il : "les intellectuels russes de 1850 étaient encore trop les enfants du siècle des lumières pour voir dans les exigences religieuses de Gogol autre chose qu'une maladie mentale et dans sa fin un drame de la folie".

Dès sa dernière "Nouvelle Pétersbourgeoise" intitulée "Le Manteau", commencée à Vienne en 1841 Gogol préfigure, par la pauvre destinée d'Akaki Akakiévitch, la sienne propre : "Laissez-moi ! Pourquoi me faites-vous mal !... dès lors, tout fut changé pour lui... une force surnaturelle l'écarta des camarades... qu'il avait pris d'abord pour des gens convenables..."

Irrésistiblement aussi, on songe au serviteur souffrant. On se remémore également Celui qui est venu parmi les siens et que les siens n'ont pas reçu.

Une part essentielle d'un des plus grands écrivains russes reste aujourd'hui encore méconnue

Dans sa patrie même, on recommence à s'intéresser à lui, non pas seulement comme auteur des textes charmants ou satiriques, qui lui ont valu son immense renommée depuis les années 1830, mais aussi comme croyant.

Le site internet en langue française "Parlons orthodoxie" (3) indiquait à cet égard début avril que  : "le hiéromoine Syméon Tomatchinski, directeur des éditions du monastère Sretensky à Moscou, est convaincu que l'œuvre de Nicolas Gogol renferme un grand potentiel missionnaire : elle aide l'homme contemporain à comprendre le sens des sacrements de l'Église. Il faut davantage éditer et faire connaître les œuvres de Gogol, considère le père Syméon, persuadé que Gogol est l'écrivain le plus religieux de la littérature russe, non seulement par sa vision des choses, mais aussi par son mode de vie. Parmi les œuvres spirituelles de Gogol, il accorde la place la plus importante aux Méditations sur la divine liturgie, "oubliées" pendant l'époque soviétique."(4)

Sur la tombe de l'écrivain, au cimetière du monastère Novodevitchi de Moscou après une pannykhide donnée pour le 200e anniversaire de la naissance de l'écrivain, le métropolite Juvénal, évêque de la région de Moscou soulignait pour sa part son "désir ardent de partager sa foi avec le monde, de lui transmettre sa vision de l'aspect mystique de notre existence. Il semble qu'il n'ait jamais été entendu (…). La portée véritable de sa quête spirituelle n'a pas encore été complètement comprise".

En Russie, en Ukraine et un peu partout dans le monde orthodoxe slave, nous viennent donc beaucoup  d'éloges à son propos. Mais voici ce qu'on peut trouver dans le Wikipedia francophone au sujet d'une de ses œuvres spirituelles les plus importantes, les Passages choisis d'une correspondance avec des amis témoignage, dans la patrie de Descartes, de l'incompréhension qui demeure quand on lit ceci :

Cet ouvrage est présenté comme une suite de lettres écrites entre 1843 et 1846. Celles-ci touchent à des thèmes extrêmement variés : la littérature (Les Âmes mortes et leur véritable signification, en particulier), l'éducation des serfs par les propriétaires fonciers, les obligations des épouses de gouverneurs etc. Leur contenu est ultra-conservateur, voire obscurantiste. Elles ont le ton du prêche.
Aujourd'hui, les Passages choisis sont surtout un document essentiel pour comprendre le drame de Gogol : dépression, perte d'inspiration et dérive mystique. Depuis 1843, celui-ci n'avait plus rien publié. Voyageant frénétiquement à travers l'Europe de l'ouest, il emportait dans son bagage le manuscrit de la suite des Âmes mortes, son chef-d'œuvre, dont ses nombreux admirateurs attendaient impatiemment la finition. L'écriture, cependant, n'avançait pas. Gogol, déprimé et hypocondriaque, chercha secours dans la religion. C'est ainsi qu'il s'orienta vers un ultra-conservatisme moral et politique (adhésion fanatique à l'orthodoxie et à l'autocratie).
Les Passages choisis déclenchèrent un véritable "scandale Gogol" en Russie.(…)
Tout ceci surprit et bouleversa Gogol, qui croyait sincèrement à sa renaissance artistique. Il ne publia plus rien jusqu'à sa mort, en 1852.

Revenons à la réalité des écrits de Nicolas Vassiliévitch Gogol

Quand on souhaite évoquer l'œuvre ou la pensée d'un écrivain une première remarque s'impose. On se situe soi-même et on inscrit son auditoire dans un certain contexte, celui de la langue de ses interlocuteurs ou de ses lecteurs. Ignorant le russe, je n'accède à cette littérature, que j'aime et qui touche aux choses qui, en définitive, me préoccupent avant tout, qu'au gré de ses traductions françaises.

Dans la pratique on constatera, hélas, que la deuxième partie de ses œuvres complètes, exprimant sa pensée profonde ne reste guère disponible aujourd'hui, pour le lecteur francophone, que dans l'excellente mais coûteuse édition de la Pléiade de 1966.

On peut, et on doit, véritablement distinguer, sans les opposer, deux parties chronologiques dans les écrits de Gogol.

Or, la première, la plus connue, et surtout la plus reconnue, largement profane est abordée le plus souvent par bribes. On ne cherche à y voir aucune continuité, et surtout aucune idéologie. L'auteur de ces lignes peut en attester : entre la découverte émerveillée de "Taras Boulba" (1835), le premier "vrai" livre que quelqu'un lui ait offert, et la lecture des "Nouvelles Pétersbourgeoises" (1843), il s'est écoulé pour moi un bon demi-siècle.

Ces créations délicieuses et heureuses appartiennent au royaume des lettres. Elles semblent, à première vue, échapper à tout classement. Les étiquetages qu'un certain public de faux-lettrés a pu accoler à certains textes, les décrivant comme les plus contestataires, ainsi le "Revizor" (1836) ou, plus encore, les "Âmes mortes" (1842), relèvent surtout du malentendu. Et dès le début notre auteur a tenu à s'en excuser.

Pour comprendre "le Grand Dessein de Gogol"

Tout cela nous amène à évoquer la deuxième partie de son œuvre, celle qui sera qualifiée de "Grand Dessein de Gogol", et qui s'inscrit dans une démarche explicite d'apologie de la Foi orthodoxe.

Né en 1809, l'auteur dont on fête, hélas assez modestement le bicentenaire, est âgé de 36 ans quand il annonce publiquement en 1845 son "retour à la religion".

Que faut-il entendre par "retour à la religion" ?

Ce mot, cet événement et cette démarche appellent à leur tour des éclaircissements. Essayons de ne pas trop nous encombrer de pédantisme ou d'étymologie pour évoquer le fait que dès les auteurs latins, dont la langue française est issue, le terme religio peut s'interpréter dans des sens bien différents. Chez Cicéron, il signifie "le respect que ressent l'individu au plus profond de lui devant tout être qui en est digne, divin en particulier". Pour toute une lignée d'auteurs chrétiens estimables, comme Tertullien, Lactance et jusqu'à Chateaubriand ce fait est supposé "religere", relier, réunir les hommes.

Or tout cela s'inscrit dans une tradition latine et catholique. Et on ne peut ignorer que celle-ci diffère de la pensée orthodoxe, tributaire elle-même de la transposition en langue grecque d'idées hébraïques.

Pour l'orthodoxie chrétienne, le mot "religion" doit être considéré comme ambigu, pour ne pas dire : trompeur. À proprement parler le christianisme ne relève pas du "phénomène religieux".

Il existe plusieurs concepts, fort différents :
- la "foi", adhésion volontaire et individuelle. La phrase récurrente de Jésus consiste à dire aux miraculés "ta foi t'a sauvé" ;
-et le "culte", dont les ministres forment le clergé et ne constituent aucunement à eux seuls "l'Église" ;
- à distinguer lui-même des "œuvres".

Ceci lève la fameuse ambiguïté sur laquelle a buté le "sola fide" de Luther. L'interprétation protestante traditionnelle devient, dans son expression extrême, irrecevable pour un orthodoxe en raison même de l'argument développé dans l'épître de Jacques. Que signifierait, en effet, la "foi sans les œuvres" ? La réponse néo-testamentaire fuse alors comme une évidence : "la foi sans les œuvres est une foi morte" (Jacques 2, 17).

La dérive symétrique, celle d'un certain "activisme occidental", a été chantée par l'excellent philosophe [catholique] Philippe Nemo dans son petit livre "Qu'est-ce que l'occident ?"(5). L'auteur y développe l'éloge de ce qu'il appelle la "révolution papale du XIIe siècle". Ainsi nomme-t-il la "réforme de Grégoire VII" après sa victoire sur Henri IV de Hohenstaufen (1077). Cette lutte de la Papauté contre l'Empire occidental se prolonge jusqu'à la mort de Frédéric II (1250). Pour faire court, et résumer honnêtement le propos, "il ne suffit pas de prier il faut transformer le monde". Tout lecteur de l'Évangile (Mt 4,1-11 ; Mc 1, 12-13 ; Lc 4,1-13) reconnaît les trois tentations du Christ, et particulièrement la première : "transformer les pierres en pain", objectif économique qui guette toutes les tentatives de "doctrines sociales".

Sans aucune ambiguïté, cette formulation "occidentaliste" se veut commune au catholicisme et au protestantisme. (6)

Et elle s'affirme également éloignée de l'orthodoxie.

Elle reprochera donc à cette dernière son "essence conservatrice". Philippe Nemo ne s'abstient pas de le faire explicitement dans son livre : il s'agit de prétendre que l'orient chrétien cantonne la "religion" à la prière. Pour enfoncer le clou, le même brillant apologiste croit bon d'interpréter dans ce sens, à notre avis biaisé, la fameuse Légende du Grand Inquisiteur. Ce passage essentiel des "Frères Karamazov" marquerait de la sorte, et entacherait du sceau de l'obscurantisme "oriental", la foi de Dostoïevski.

On va voir que nous en arrivons là, très précisément, à l'occultation de sa pensée qui sera infligée à Gogol.

Son cercle d'amis et son influence

Globalement incompris, dans les dix dernières années de sa vie, il fit cependant quelques adeptes, et non des moindres.

En 1843-1844 il séjourne à Nice et réunit un petit nombre d'amis. Au nombre de ceux-ci il convient de citer la comtesse Vielgorski et ses deux filles, la comtesse Sophie Solloghoub et Anna Mikhaïlovna "la seule femme dont Gogol ait été amoureux" (7). Ce groupe compte aussi Mme Smirnova, sa protectrice qui est aussi la dame d'honneur de l'Impératrice ainsi que les deux poètes Yazhykhov et Joukovsky.

Plus tard, il n'hésitera pas à donner à ses amis des conseils spirituels. On ne les trouvera pas anodins dans le contexte de sa conception discrète et personnelle de l'orthodoxie : "prends aussi cette habitude : chaque samedi fais célébrer chez toi la vigile nocturne".

Beaucoup plus tard, en 1888 Tolstoï publiera, sous pseudonyme, une brochure "N.V. Gogol comme maître de vie".

Pierre Pascal s'interroge à ce sujet, dans les termes suivants : "Pourquoi Tolstoï, négateur de l'Église et de l'État a-t-il tant aimé Gogol orthodoxe et conservateur ? N'est-ce pas qu'il reconnaissait en lui un premier interprète de sa pensée la plus profonde : pénétrer de christianisme la vie intellectuelle et sociale toute entière ?"

Ce n'est qu'en 1850 qu'il fait un pèlerinage à l'ermitage d'Optina où il s'entretiendra avec le starets Macaire.

Sa vision du salut de la société

Il commence à la développer dans les "Passages choisis" de la correspondance avec ses amis.

"Ma cause, écrit-il pour les présenter, est celle de la vérité et du bien public". Ses textes sont qualifiés, par leur auteur de "nécessaires et utiles". Ils "apportent le salut" et répondent à une situation de la Russie qu'il affirme "malade". Or le pays ne sortira de cette maladie que si :

"à la place qui lui a été assignée par Dieu, chaque Russe, tsar, haut fonctionnaire, propriétaire foncier, serf, artiste, écrivain, femme du monde, femme de gouverneur, etc. se décide à servir"…

Dans un autre texte ("Confession d'un auteur) il posera ce choix comme la découverte du véritable sens de l'existence humaine : "Notre vie tout entière est service". Cette notion, d'ailleurs, remonte aux racines mêmes de son œuvre. Dès 1829 son désir un peu naïf d'être un grand homme, il le définit "pour le bien de sa patrie et le bonheur de ses semblables".

On peut devenir meilleur en suivant les enseignements de l'Église et l'on peut contribuer à rendre les autres meilleurs en exerçant une bonne influence. Tout cela suppose de "faire entrer le Christ dans les moindres actions de sa vie".

On doit noter que Gogol refuse très explicitement, ou pour parler de manière plus exacte, il se désintéresse absolument de l'idée de changer la moindre institution, y compris le servage. Nous serions tenté de résumer de la sorte la vision sociale de Gogol en la définissant du point de vue orthodoxe : Le christianisme ne vise pas la transformation du monde par la loi, mais à sa transfiguration par la foi.

L'exemple de la cruelle institution du servage qu'Alexandre II abolira en 1861…

Le point ne peut pas être pudiquement mis de côté puisqu'il s'agit du sujet même des "Âmes mortes".

Évoquons donc ici quelques données à propos de cette forme sociale. On la considère aujourd'hui, peut-être à juste titre comme la marque, la plus odieuse, d'une injustice toute médiévale et de l'obscurantisme. Elle se distingue radicalement de l'esclavage, en ce sens que le serf y dispose d'un statut social de personne humaine. Le système était apparu dans l'occident médiéval et a évolué au gré des siècles et des pays. En Angleterre, il fut aboli dès XVIe siècle, mais en Écosse seulement au XVIIIe. En France, il avait pratiquement disparu à la veille de 1789.

Dans le royaume de Pologne et le grand-duché de Lituanie, le statut des "serfs-paysans" s'était dégradé au cours des âges. Sur les domaines seigneuriaux, le nombre de jours de servage est passé, on n'arrête pas le progrès : de quelques jours dans l'année XIIIe siècle, à 1 jour par semaine au XIVe siècle, 4 jours par semaine au XVIIe siècle et de 6 au XVIIIe. Et comme le septième jour était consacré au repos, le "serf-paysan" polonais ne pouvait plus cultiver son lopin personnel.

En Russie, au contraire, le servage n'a été généralisé que sous l'effet de l'occidentalisation, à partir du XVIIe siècle. Il sera largement aggravé au temps des "Lumières". Le 19 février 1861 l'abolition de ce "contrat" par le tsar Alexandre II libère de manière radicale 40 % de la population.

Dans la perspective chrétienne qui est la sienne on ne peut évidemment pas dire, de Nicolas Vassiliévitch Gogol, qu'il "défend" le servage. Son livre "les Âmes mortes" est généralement considéré comme la plus admirable dénonciation de cette sinistre institution : mais il s'écarte de toute apologie de la révolte.

Sommes-nous autorisés à dire ici que l'Histoire lui donna raison : moins de 20 ans après son livre, par la volonté d'un monarque libérateur, que les révolutionnaires assassineront, le système disparaît. En revanche après 1921, et la victoire des Rouges, des "justes révoltés", pendant la guerre civile, la condition des travailleurs de la glorieuse Union Soviétique évoluera rapidement vers une forme d'esclavage que l'ancienne Russie n'avait jamais connue, et qui ne disparaîtra qu'après 70 ans de souffrance et d'oppression.

La question de la censure administrative

Vers 1847 il se trouve confronté à la fois au problème de la censure et à son éreintement propre par la presse, de même qu'aux reproches véhéments de certains membres du clergé. Il mobilise un petit comité de lecture de 5 personnes.

Il prend pour modèle Karamzine (1766-1826) précurseur du mouvement slavophile. En 1811, celui-ci avait publié une "Note sur l'ancienne et la nouvelle Russie". L'auteur se verra attaqué comme glorifiant l'autocratie. Mais il subit en fait la censure parce qu'il critique les anciens empereurs modernistes. Le même publiera en 1818 un pamphlet intitulé "L'opinion d'un citoyen russe" où il critique l'autonomie accordée à la Pologne.

Voici ce qu'écrit Gogol à ce sujet : "Karamzine a été le premier à nous montrer qu'un écrivain peut chez nous être honoré et indépendant à l'égal du plus titré des citoyens. Le premier, il a proclamé solennellement que la censure ne saurait gêner un écrivain et que si, l'écrivain est animé du plus pur désir de faire le bien, au point que ce désir, s'emparant de toute son âme, devienne sa chair et sa nourriture, alors aucune censure ne lui est sévère et il est à l’aise partout. Karamzine a dit cela et il l'a prouvé." (8)

"Comme ils sont ridicules après cela, ceux d'entre nous qui prétendent qu'en Russie il est impossible de dire la vérité pleine et entière et qu'elle ne peut que blesser ! (...) Allons donc !", conclut-il. "Ayez une âme aussi pure aussi bien ordonnée que Karamzine, et alors proclamez votre vérité !" (9)

Ceci entraînera à son encontre les foudres du pire inquisiteur des lettres russes, censeur politiquement correct, plus dur encore que son homologue administrative de l'époque, précurseur lui-même du réalisme socialiste, le pense-petit Bielinski qui ose écrire : "les hymnes aux puissances du jour arrangent parfaitement la situation terrestre du pieux auteur".

Certains textes ne pourront paraître qu'après sa mort en 1857 : "Confession d'un auteur" et son travail par les archives de l'Académie de Kiev, que Gogol a recopié des extraits de 17 Pères de l'Église et de 10 théologiens russes des XVIIe et XVIIIe siècles. Il se faisait traduire du grec en latin notamment saint Jean Chrysostome et saint Basile le Grand.

Slavophiles contre occidentalistes

Comme toujours on doit se méfier des classifications réductrices. Dans sa Lettre XI "Controverses" on pourrait même penser de notre auteur qu'il entend se tenir à égale distance des "deux camps" slavophiles et occidentalistes qui apparaissent vers 1839-1840. Les occidentalistes ("rapadnicki") Herzen, Botkine, Bielinski attendaient, au départ, des principes politiques de l'occident la transformation du régime absolutiste. Les "slavophiles" proprement dits sont représentés par IP Kirievski (1806-1856) et Khomiakov (1804-1860). Leur pensée consiste à dénoncer d'abord deux grands maux de la Russie : les réformes de Pierre le Grand, et l'asservissement de l'Église russe à l'État.

En 1844-1845 on assiste à la rupture totale entre les deux milieux. Et c'est à ce moment que, par ailleurs, se situe la conversion, le retour à la foi de Gogol. On verra qu'à tous égards ou presque ses idées rejoignent celles des slavophiles. On remarquera que lui-même utilise des mots différents comme "vostokchnicki" opposé à "zapadnicki". Vostok c'est l'orient "slavianofily" finira par s'imposer un peu plus tard.

Sa conversion

En 1842, Gogol quitte à nouveau la Russie. Il entend alors écrire la deuxième partie de ses "Âmes mortes", aujourd'hui encore célébrissimes quoique largement incomprises et qu'on a si longtemps présenté comme une sorte de pamphlet social. Ses biographes honnêtes considèrent que cet événement essentiel de son cheminement va lui donner ce que la prière liturgique orthodoxe nous apprend à demander au Seigneur : une fin de vie chrétienne.

À partir de 1843, il se veut avant tout chrétien. Il "a pris", dès lors, note Pierre Pascal, "la religion au sérieux".

En 1838 au cours de sa première découverte de l'Italie qui ne constitue alors, a-t-on dit, qu'une expression géographique, il note déjà : "À Rome seulement, on prie, ailleurs on fait seulement semblant". C'est aussi dans la Ville Éternelle que semble se situer une conversion, probablement amorcée aussi par un épisode de 1839, où meurt dans ses bras son ami Joseph Wielgorski, alors que lui-même souffre de maladie et pourra écrire "je sens déjà l'odeur de la tombe".

On ne saurait contester que, redécouvrant la religion à Rome, il ait été attiré par le catholicisme. Quoiqu'il s'en défende, il écrira néanmoins qu'il juge les "religions catholiques et orthodoxes également vraies".

Son chemin mystique se précisera et se développera plus tard, avec les années. En 1844 il découvre la Philocalie. Par la suite il rencontrera les représentants de cette spiritualité cette spiritualité hésychaste sans la connaissance de laquelle on ne peut rien comprendre véritablement à la spécificité du monde orthodoxe.

Si critiquée ait-elle été, sa correspondance, éclaire donc bel et bien la précision de sa pensée, son grand dessein.

Voilà encore ce qu'il écrit :

"Personne ne sera sauvé s'il n'aime Dieu, et cet amour n'existe pas chez nous. Ce n'est pas dans un couvent que vous le trouverez, n'y vont que ceux que Dieu lui-même a appelés".
(…) "Mais comment aimer ses frères, comment aimer les hommes, l'âme ne veut aimer que le beau et les pauvres hommes sont si imparfaits, il y a en eux si peu de beau ! Comment donc y arriver ? Remerciez Dieu avant tout d'être Russe."
(10)

Cela met évidemment en perspective toutes les considérations douloureuses qu'il a pu rencontrer ou formuler lui-même, celles que les âmes pures, en tout temps ou en tout lieu, sont tentées de ruminer, sur l'état de la patrie.

Et enfin cet esprit en marche nous lègue ce viatique :

"Pour un chrétien les études ne sont jamais terminées ; le chrétien est un élève perpétuel, jusqu'à la tombe". (11)

Apostilles

  1. né en 1890 et mort en 1983 ce grand défenseur de la culture russe n'aura jamais connue la fin de l'Union soviétique.
  2. 118 pages, Bruges-Paris 1952, éditions Desclée De Brouwer.
  3. créé par le diocèse français du patriarcat de Moscou
  4. Après vérification, nous pensons cependant que le P. Syméon se trompe quand il écrit : "Pour écrire ces Méditations, Gogol avait même appris la langue grecque." Au contraire il s'était fait traduire les textes des Pères grecs en latin.
  5. publié en 2004 au PUF et qui a rencontré un succès certain puisque réédité en 2005
  6. et ceci contrairement à la fameuse thèse de Max Weber
  7. au témoignage du beau-frère de celle-ci, le comte Sollogoub cf. Œuvres complètes Pléiade page 1867/note de la page 1390
  8. cf. Œuvres complètes Pléiade Lettre XIII p. 1552
  9. ibid. page 1553
  10. cf. Œuvres complètes Pléiade Lettres XIX et XX "il faut aimer la Russie" page 1591 et "il faut voyager à travers la Russie".
  11. cf. Œuvres complètes Pléiade Lettre XII "Le chrétien progresse" p. 1549.

JG Malliarakis

 

dimanche, 24 mai 2009

Plaidoyer pour Louis-Ferdinand Céline

Plaidoyer pour Louis-Ferdinand Céline

Ex: http://ettuttiquanti.blogspot.com/
Article tiré de En avant FFI n°13 du 16/12/1944, hebdomadaire des FFI du Sud-Est :

M. Charles Maurras, qui est encore de l'Académie, et M. Louis-Ferdinand Céline qui n'en est pas encore, se trouvent en ce moment en délicate posture : Ils attendent d'être jugés. Et le cas du premier apparaît comme si critique que l'assemblée des Habits Verts pourrait bien être sommée de l'éjecter de son sein. Dès lors, la candidature de M. L.-F. Céline prendrait la valeur d'une protestation contre un coup de force. L'habit changerait d'échine, mais l'esprit serait sauvé. Et nul doute que M. Claude Farrère se ferait une joie de patronner une telle candidature, lui qui écrivit un jour : « Hitler et Mussolini sont bien libres dé massacrer qui bon leur semble ! » En somme, l'Académie devient le dernier refuge de la liberté.

En outre, si elle ouvrait ses portes à l'auteur du « Voyage au bout de la nuit » et de « L'Ecole des cadavres », on ne pourrait plus lui reprocher d'être le dépotoir des lettres et la maison de retraite du conformisme édenté et zézayant. Car M. L.-F. Céline est un costaud. Ecoutez avec quel dynamisme il fulmine contre les youtres : « Qu'on les enferme, qu'on les fricasse, qu'on les branche, qu'on les fouette jusqu'à l'os, que ça gicle, que ça éclabousse.»

Comme M. Charles Maurras, M. Gélive est un pur doctrinaire, et ce n'est pas sa faute si d'aucuns l'ont écouté et suivi. Enfin, ce Gide de la canaille a décidément créé un genre. On a comparé sa langue à des dissections d'hôpital. Il semble même que M. Céline, médecin aliéniste, soit oublieux de son propre cas, qui relève de la camisole de force. Les Immortels, dont le goût est infaillible, ont toujours fait grise mine aux auteurs rabelaisiens, à ceux dont les histoires truculentes chantent la joie de vivre et respirent la santé — qu'ils se nomment Jules Romains, Louis Pergaud, Gabriel Chevallier ou Maurice Fontbeurre. Mais ils se doivent d'accueillir un individu aux mains sales qui ne peut toucher à rien sans le souiller, et dont les gros bouquins dégagent une odeur à laquelle les narines les moins chatouilleuses finissent par ne plus pouvoir résister. Ça, au moins, c'est de l'art et de l'éclectisme !

Un dernier argument. M. L.-F. Céline est l'auteur de ce jugement aussi clairvoyant qu'intrépide : « Quel est le véritable ami du peuple ? Le fascisme. Qui a le plus fait pour l'ouvrier ? Hitler. Qui nous préserve de la guerre ? Hitler. C'est un bon éleveur de peuples, il est du côté de la vie, il est soucieux de la vie des peuples et même de la nôtre. C'est un Aryen ».

Et M. Céline qui n'aime rien, ni la nature, ni la vie, ni les hommes (à la seule exception d'Hitler) s'aime passionnément lui-même. Il avoue quelque part : « Je suis orgueilleux comme trente-six paons ». Il y a vraiment de quoi.

Vite, Messieurs, élisez-le, pour le plaisir de lui voir faire la roue !

Paul Chevalier.

samedi, 23 mai 2009

Entretien avec Sanchez Pascual, traducteur espagnol d'Ernst Jünger

ErnsJuenger.jpg

 

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1990

 

Entrevue avec Sánchez Pascual

 

 

«Jünger entrera dans l'histoire comme «L'Insubornable»

 

Andrés Sánchez Pascual est suffisamment connu  que pour en tracer ici le profil. Professeur de philosophie à l'Université de Barcelone, ses traductions (surtout celles de Nietzsche, et maintenant celles de Jünger) lui confèrent un critère de premier niveau à l'heure de comprendre la culture allemande. Personne mieux que lui, par conséquent, ne pourra nous parler de l'un de ses représentants les plus illustres: l'auteur de »Tempêtes d'acier».

 

PUNTO Y COMA.- Il n'est pas fréquent qu'un traducteur atteigne la notoriété publique. Cependant, les versions en castillan que vous avez faites de l'œuvre de Nietzsche vous ont acquis l'admiration générale. Quelle a été votre attitude face à l'œuvre nietzschéenne?

 

SANCHEZ PASCUAL.- L'expérience, une expérience très précoce dans ma vie m'a convaincu qu'il n'est pas possible de bien«lire» —Ce que j'appelle bien «lire»— un texte, et encore moins un texte philosophique, sans le «traduire» de quelque manière que ce soit, c'est-à-dire sans le réécrire. Voilà, je crois, le sens de ma profession en ce qui concerne les texte de Nietzsche.

 

PUNTO Y COMA.- Qu'a signifié pour vous le passage de Nietzsche à Jünger? Voyez-vous des ressemblances entre les deux auteurs?

 

SANCHEZ PASCUAL.- En réalité, ma «rencontre» avec Ernst JÜnger ne «suit» pas une étape «Nietzsche». Voilà de très nombreuses années que Jünger est l'un de mes auteurs de chevet. Quant au texte en lui-même, Nietzsche a beaucoup influencé Ernst Jünger, même les nuances de l'écriture. «Passer» de l'un à l'autre, c'est demeurer dans une atmosphère fort similaire.

 

PUNTO Y COMA.- Pour quelle facette d'Ernst Jünger éprouvez-vous le plus d'attirance?

 

SANCHEZ PASCUAL.- D'abord, l'auteur des Carnets, le mémorialiste. Ensuite, l'écrivain de livres de voyages.

 

PUNTO Y COMA.- Dans «Tempête d'acier» Jünger a soumis le texte a des révisions diverses et continuelles. Pourriez-vous nous dire si, dans d'autres œuvres fortemennt liées à l'esprit du temps où elles furent écrites, comme par exemple «Le travailleur», l'auteur a introduit des modifications?

 

SANCHEZ PASCUAL.- Les auteurs ont coutume d'adopter l'une de ces deux attitudes envers leurs textes: ou bien ils considèrent qu'ils sont terminés et déjà loin de leurs vies —et donc intouchables—, ou bien ils les réécrivent continuellement. Ernst Jünger ressemble plus aux seconds. Il lui est arrivé de retoucher ses textes afin de les rendre hermétiques pour la mode du temps. C'est ce qui est arrivé avec «Tempête d'acier» et à ce sujet, je crois en avoir assez dit dans la note préléminaire à la récente traduction espagnole de cette œuvre. Dans d'autres cas —par exemple, «Le travailleur»—, il préfère laisser le texte tel quel, en tant que témoignage historique. De toute façon, Jünger a ajouté un appendice très important à l'édition du livre «Le travailleur» dans ses Œuvres Complètes. Mais, comme je dis, il n'a pas touché au texte du livre.

 

PUNTO Y COMA.- Aujourd'hui Jünger est un auteur qui jouit d'un grand prestige. Pensez-vous qu'il pourrait devenir à la mode? Quel rôle attribuez-vous à Jünger au sein de la culture européenne contemporaine?

 

SANCHEZ PASCUAL.- D'après moi, Ernst Jünger n'est pas précisément un auteur à la mode; mais peut-être, un auteur anti-mode. On pourrait composer un gros volume rien qu'avec les insultes lancées à Ernst Jünger par les Allemands eux-mêmes. Son prestige, oui, est immense. Et il le restera. Je pense qu'il restera au sein de la culture européenne, comme «L'Auteur impossible à suborner».

vendredi, 22 mai 2009

L. F. Céline : Siegmaringen: quel pittoresque séjour!

Louis-Ferdinand Céline - Siegmaringen : quel pittoresque séjour !

Ex: http://ettuttiquanti.blogspot.com/
Peut-être pas encore se vanter, Siegmaringen?... pourtant quel pittoresque séjour!... vous vous diriez en opérette... le décor parfait... vous attendez les sopranos, les ténors légers... pour les échos, toute la forêt!... dix, vingt montagnes d'arbres !... Forêt Noire, déboulées de sapins, cataractes... votre plateau, la scène, la ville, si jolie fignolée, rose, verte, un peu bonbon, demi-pistache, cabarets, hôtels, boutiques, biscornus pour « metteur en scène »... tout style « baroque boche » et « Cheval blanc »... vous entendez déjà l'orchestre !... le plus bluffant : le Château!... la pièce comme montée de la ville... stuc et carton-pâte !... pourtant... pourtant vous amèneriez le tout : Château, bourg, Danube, place Pigalle ! quel monde vous auriez !... autre chose d'engouement que le Ciel, le Néant et l'à Gil!... (1) les « tourist-cars » qu'il vous faudrait !... les brigades de la P. P. ! ce serait fou, le monde, et payant !

Nous là je dois dire l'endroit fut triste... touristes certainement ! mais spéciaux... trop de gales, trop peu de pain et trop de R. A. F. au-dessus!... et l'armée Leclerc tout près... avançante... ses Sénégalais à coupe-coupe... pour nos têtes !... pas les têtes à Dache!... je lis là actuellement tous nos « quotidiens » pleurer sur le sort des pauvres Hongrois... si on nous avait reçus comme eux ! tant larmoyé sur nos détresses, on l'aurait eu belle, je vous dis ! dansé des drôles de claquettes ! s'ils avaient eu au prose l'article 75 ces pathétiques fuyards hongrois Coty les garderait pas souper!... merde!... s'ils étaient simples Français de France il les ferait vite couper en deux!... en dix s'ils étaient mutilos! surtout médaillés militaires ! la sensibilité française s'émeut que pour tout ce qu'est bien anti-elle! ennemis avérés; tout son cœur! masochisse à mort !

Nous là dans les mansardes, caves, les sous d'escaliers, bien crevant la faim, je vous assure pas d'Opérette!... un plateau de condamnés à mort !... 1142 !... je savais exactement le nombre...

Je vous reparlerai de ce pittoresque séjour! pas seulement ville d'eau et tourisme... formidablement historique !... Haut-Lieu!... mordez Château!... stuc, bricolage, déginganderie tous les styles, tourelles, cheminées, gargouilles... pas à croire !... super-Hollywood !... toutes les époques, depuis la fonte des neiges, l'étranglement du Danube, la mort du dragon, la vidoire de SaintFidelis (2), jusqu'à Guillaume Il et Goering.

De nous autres, tous là, Bichelonne avait la plus grosse tête, pas seulement qu'il était champion de Polytechnique et des Mines... Histoire ! Géotechnie !... pardon !... un vrai cybernétique tout seul ! s'il a fallu qu'il nous explique le quoi du pour ! les biscornuteries du Château! toutes ! qu'il penchait plutôt sud que nord?... si il savait? pourquoi les cheminées, créneaux, pont-levis, vermoulus, inclinaient eux plutôt ouest?... foutu berceau Hohenzollern! pardi! juché qu'il était sur son roc ! ... traviole ! biscornu de partout !... dehors !... dedans ! ... toutes ses chambres, dédales, labyrinthes, tout! tout prêt à basculer à l'eau depuis quatorze siècles !... quand vous irez vous saurez !... repaire berceau du plus fort élevage de fieffés rapaces loups d'Europe ! la rigolade de ce Haut-Lieu! et qu'il vacillait je vous le dis sous les escadres qu'arrêtaient pas, des mille et mille « forteresses », pour Dresde, Munich, Augsburg... de jour, de nuit... que tous les petits vitraux pétaient, sautaient au fleuve !... vous verrez !...

Louis-Ferdinand Céline, D'un château l'autre, 1957.

Sur le sujet :

A voir :
>>>
Lucette à Sigmaringen, émission Le Fond et la forme de 1971.

A lire :
>>>
Céline, Degrelle et quelques autres à Sigmaringen