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lundi, 05 mai 2008

Moi !

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Zentropa

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Un des traits les plus étranges, et les plus insupportables, de la psychologie moderne est peut-être la totale confusion entre « avoir de la personnalité » et « exprimer son égoïsme et son égocentrisme ».

En effet, aujourd’hui, tout ce qui peut, de près ou de loin, être assimilé à de l’altruisme, de l’humilité, du don de soi, de l’abnégation discrète, de la reconnaissance silencieuse ou de l’admiration muette est considéré comme de la faiblesse, voir, horresco referens !, de la « soumission ». Et comme chacun sait, toute « soumission » est indigne et infâme, non pas seulement lorsqu’elle est imposée mais même quand elle est choisie… Abjecte par sa nature même qui veut que l’on reconnaisse n’être pas l’individu le plus exceptionnel de l’univers créé, demi-dieu formidable « se suffisant à lui-même », mais un simple héritier doublé d’un serviteur, redevable du passé et débiteur des formes, principes, valeurs, et pourquoi pas personnalités, supérieurs qui entourent ses jours.

Dorénavant, hors de soi, point de salut ! Pour exister et briller socialement il convient de brasser du vent et de faire du bruit afin de s’imposer dans le grand carnaval des relations humaines ! Quel qu’en soit le prix !

Voici venus les temps de l’homme-gyrophare !

Pour capter un peu du regard de cette masse immonde et veule qu’on appelle « les gens », il faut se faire remarquer par tous les moyens possibles, les plus vils étant, bien sûr, privilégiés. Il est ainsi désormais vital de se « distinguer » en crachant à la gueule du monde le petit glaviot de sa « différence » et de son « originalité », évidemment fictives mais que l’on fera exister artificiellement quelques instants par les pitoyables procédés de la « contradiction systématique », du « contre-pied mécanique » ou de la « provocation stérile ».

Cette tendance est notamment abominablement prégnante dans le fonctionnement quotidien d’une foultitude de prétendus couples dont les membres, en apparente concurrence permanente, ne semblent pas avoir d’autre but que d’exhiber aux yeux d’autrui non pas ce qui les rassemble et les unis mais au contraire ce qui les différencie et les sépare, chacun voulant à tout prix prouver que sa formidable (et unique !) personnalité n’a nullement été oblitérée par la vie commune. D’où la grotesque et infinie compétition à laquelle s’adonnent ces paires d’égoïstes incapables de solitude qui ne seront jamais des couples véritables et encore moins des foyers. Rien ne leur tient plus à cœur que de faire la démonstration de leur supposée « indépendance » et de leur position « dominante » dans le « fonctionnement relationnel » auquel se résume leur collage plus ou moins éphémère.

Ainsi les disputes perpétuelles, les désaccords affichés et les sempiternelles contradictions sont-ils peu à peu devenus des preuves de « santé », de « vitalité » et de « caractère passionné » d’une relation conjugale liant « deux fortes personnalités » alors que ce ne sont en réalité que les tristes et piteux prolégomènes de l’échec inéluctable de deux crétins bouffis d’égoïsme et de prétention, incapables se sacrifier la moindre parcelle de leurs egos hypertrophiés pour fonder une entité plus grande et plus digne que la somme de leurs deux médiocrités.

Surtout ne pas simplement « aimer », « servir », « encourager », « aider », « soutenir » ou « suivre » son conjoint mais plutôt le « recadrer », le « remettre à sa place », le « surveiller », le « dénigrer » et le « moquer » (gentiment bien sûr ! la modernité n’est peuplée que de « gentils » !), pour bien montrer « qu’on n’est pas dupe ! » et « qu’on ne se laisse pas faire » ni « avoir ».

Les unions désacralisées étant devenues de vulgaires contrats de type néo-libéral, il est normal, au fond, que les relations qui les sous-tendent soient réduites aux pathétiques gesticulations d’un acheteur d’occasion qui, apeuré à l’idée de passer pour un naïf ou un gogo, expose lui-même, pour s’en gausser avant les autres, les défauts et dysfonctionnements de l’objet de son choix.


 

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00:14 Publié dans Sociologie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : politique, philosophie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Sorel, JÜnger et le mythe

Le mécanisme de l'illusion

Sorel, Jünger et le mythe

Source : Nicolô Zanon, revue Trasgressioni n°2 (1986), tr. fr. A. Coletti in Orientations n°11 (juil. 1989).

Dans son ouvrage Réflexions sur la violence, Georges Sorel écrivait : "Nous savons très bien que les historiens du futur ne manqueront pas de trouver que notre pensée a été pleine d'illusions puisque ils observeront derrière eux un monde déjà révolu. Au contraire, nous devons œuvrer, et personne ne saurait nous dire aujourd'hui ce que les historiens connaîtront ; personne ne pourrait nous fournir le moyen de modifier nos images motrices afin d'éviter leurs critiques".

Aujourd'hui nous pourrions donner de ces quelques lignes une interprétation triomphaliste et nous limiter à admirer la foi profonde et la passion politique qui anime leur auteur. Pourtant il n'y a rien là dedans de cet aveugle fanatisme qui anime les sectaires et rien de cette irritante imperméabilité au doute qui rend médiocres les prophètes. Par contre, on pourrait peut-être percevoir dans ces propos un peu de "cette trempe d'âme qui pourrait supporter même l'effondrement de tout espoir" et qui constitue, pour Max Weber, la caractéristique principale d'un individu très singulier : l'homme qui a la vocation pour la politique.

Les "images motrices" forcent les hommes à l'action

Seul un homme de ce genre, face à une réalité qui refuse tenacement de s'adapter à ses espoirs, face à un mystérieux mécanisme qui fait que chaque action provoque dans le monde des conséquences que celui qui a agi ne voulait (1) et ne prévoyait pas, pourra s'exclamer : "Aucune importance, on continue !". De la même façon, dans le passage cité, Sorel est parfaitement conscient que ces "images motrices", ces mythes, seront, dans l'avenir, considérés comme illusion. Mais malgré cela, il s'approprie la devise "aucune importance, on continue !" et il dit : "aucune importance, même s'il ne s'agit que d'illusions, nous devons œuvrer !

"Nous devons œuvrer politiquement" : les Réflexions sur la violence contribuèrent sûrement et de façon concrète à donner une nouvelle forme et une nouvelle vigueur aux espoirs révolutionnaires du prolétariat. En recevant l'héritage de Bakounine et de Proudhon, et surtout en adhérant avec conviction aux thèses de la philosophie bergsonienne, Sorel s'éloigne du rationalisme de Marx et construit une théorie du mythe qui est en même temps une philosophie de la vie concrète. Pour lui, ce que la vie exprime de plus valable et de plus noble ne dérive pas de la froide dictature de la raison mais se révèle dans les situations exceptionnelles, quand les hommes, possédés par les grandes images mythiques, participent à une lutte. Seuls les peuples ou les groupes sociaux prêts à embrasser vigoureusement la foi par le biais d'un mythe peuvent avoir une mission historique.

C'est dans la disponibilité au mythe que se trouve le secret de l'action, des héroïsmes et de l'enthousiasme. Les exemples de la grandiose efficacité du mythe sont, pour Sorel, l'idée de l'honneur et d'une glorieuse réputation pour le peuple grec, l'attente du Jugement Dernier dans le christianisme primitif, la foi dans la "vertu" et dans la liberté révolutionnaire pendant la révolution française et l'enthousiasme nationaliste dans la lutte des Allemands pour l'indépendance en 1813. Pour ce que Sorel peut observer de son époque, la disponibilité au mythe ne se prête certes pas à une bourgeoisie hantée par l'argent et par la propriété, bâtisseuse d'une société dominée par le scepticisme et le relativisme, à une bourgeoisie qui place une confiance ingénue dans les infinies discussions du parlementarisme.

La "clase discutidora" ne porte pas de mythe en elle

Ce n'est pas la clase discutidora (= la classe parlementaire), comme Donoso Cortès l'avait dénommée, qui peut être porteuse d'un mythe : seules les masses du prolétariat industriel révèlent un pouvoir de mobilisation autour d'un mythe politique. Le mythe ne peut pas être théorisé sur le papier par des intellectuels ou par des hommes de lettres mais est immanent à la vie concrète, à la foi instinctive des masses qui embrassent la cause du socialisme : c'est le mythe de la grève générale. D'après Sorel, ce que la grève générale signifie réellement et objectivement dans la situation politique n'a aucune importance : ce qui compte, c’est la foi que le prolétariat lui accorde, et les effets, provoqués par une telle foi, dans la dynamique de la lutte politique.

Le mythe n'est pas l'utopie

Sorel distingue très clairement le mythe de l'utopie. L'utopie, pour lui, n'est que le produit usé d'une pensée rationaliste et comme telle peut, tout au plus, souhaiter des "réformes" dans un futur plus ou moins proche. L'utopie se laisse décomposer et reconstituer dans ses diverses parties, en démontrant ainsi sa nature de construction mécanique et artificielle. Au contraire, chaque mythe, et par conséquent le mythe de la grève générale, doit être accepté ou refusé dans sa totalité. Il n'alimente pas l'espoir d'une lente et graduelle transformation de "l'instant" ; il ne trace pas non plus, avec une admirable perfection, les caractères d'une société future : le mythe de la grève générale agit au présent et maintient vive chez le prolétariat la tension palpitante pour le combat décisif avec la bourgeoisie, pour l'immense catastrophe finale.

Dans l'interprétation de Carl Schmitt (2), l'affirmation par Sorel de la théorie du mythe démontre que, aux alentours des années vingt, la confiance rationaliste dans le système parlementaire avait perdu de sa force et de son évidence. Dans l'organisation relativiste/libérale, chaque opinion doit avoir le même espace et la même légitimité, et puisqu'il n'existe pas de critère pour décider de manière absolue ce qui est juste et ce qui ne l'est pas, il s'avère nécessaire de discuter chaque problème et, après la discussion, de se soumettre à un compromis.

La faiblesse du relativisme libéral

Comme l'exposait Donoso Cortès vers le milieu du siècle dernier, le "principal intérêt du libéralisme est de ne jamais arriver au jour des négations radicales ou des affirmations souveraines. Et pour que cela n'arrive point, en se servant de la discussion, le libéralisme confond les principes et répand le scepticisme, puisqu'il sait fort bien qu'un peuple, qui écoute continuellement la voix des sophistes, est confronté sans cesse au pour et au contre de toute chose, finit par ne plus savoir en quoi croire et par se demander si la vérité et l'erreur, le juste et l'injuste, l'honnêteté et l'infamie sont des contraires ou bien sont une même chose observée à partir de points de vue différents. Mais une période aussi angoissante, continue Donoso Cortès, est toujours de brève durée. L'homme est né pour agir et la discussion éternelle est contraire à la nature humaine, puisqu'elle est "ennemie des œuvres". Le jour viendra où les peuples, poussés par leur penchant le plus violent, envahiront les rues et les places pour demander résolument Barabbas ou Jésus en précipitant dans la poussière les chaires des sophistes" (in Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme, 1851).

À un siècle de distance, malgré ces paroles, substantiellement prophétiques et dûment confirmées par les faits, Hans Kelsen, dans son essai Absolutisme et relativisme dans la philosophie et dans la politique (1948), répétait que les promesses théorétiques de la démocratie moderne sont inclues dans le relativisme philosophique, tandis que les conceptions antidémocratiques trouvent leur pendant, en philosophie, dans la foi en une valeur absolue ! (3)

Mettons à part la nature problématique et le caractère superficiel d'un tel parallèle entre philosophie et politique, parallèle qui néglige d'emblée toute vraie réflexion sur les caractéristiques qu'une "forme politique bien fondée" doit présenter... Parce que même si l'on en parle à un niveau seulement abstrait, l'idée d'une forme politique qui se vante de son propre relativisme est un peu singulière... Il faut dire, en revanche, que la confiance dans le relativisme, que montre ce grand juriste, ne rend pas un bon service aux conceptions démocratiques qui, à l'ère des sociétés de masse ou des sociétés complexes, se trouvent en difficulté précisément pour concilier, d'une part, le maintien d'une définition minimale de procédure (qui est donc relativiste) de la démocratie, avec, d'autre part, l'exigence désespérée de préserver un minimum d'homogénéité sociale, politique et culturelle qui permette la survie et la stabilité à cette même démocratie (4).

Sorel, le nationalisme russe et le bolchévisme

Selon Sorel, des profondeurs de l'instinct vital authentique d'un groupe animé par la foi dans le mythe, peut surgir une impulsion. Impulsion, qu'à la façon de Carl Schmitt, on peut définir "d'orgueilleuse décision morale", laquelle efface les préoccupations relativistes. Une bonne partie des mouvements politiques qui, pendant les années 20 et 30, déchaînèrent une lutte à outrance contre les démocraties libérales, comptaient sur l'adhésion de masses possédées par des mythes, dont la charge, simultanément destructrice et dévastatrice, fut, sans aucun doute, déterminante.

Il est encore intéressant d'observer cette théorie sorélienne du mythe, analysée par un penseur se proclamant, à l'époque, socialiste et internationaliste tout en désignant le mythe de la grève générale comme multiplicateur des énergies du prolétariat. Cette théorie du mythe peut, en réalité, servir à comprendre les succès de toutes les luttes pour l'affirmation nationale et de tous les mouvements qui ont combattu animés par un sentiment nationaliste ou, du moins, leur extraordinaire énergie.

D'ailleurs, les autres exemples de mythe que Sorel cite, outre celui de la grève générale, paraissent indiquer que le mythe de la nation en particulier possède une extraordinaire efficacité politique. Et, dans l'Appendice, ajouté en 1919 aux Réflexions, Sorel, en faisant l'apologie de Lénine, dit que l'emploi de la violence a porté les Bolchéviques au pouvoir ou, du moins, à redonner à la Russie sa conscience nationale.

Un voyageur français, que Sorel cite, écrivait en 1839 : "Ou la Russie n'accomplira pas ce qui nous paraît sa destinée, ou Moscou redeviendra un jour la capitale de l'empire. Si je voyais jamais le trône de Russie majestueusement replacé sur sa véritable base, je dirais : la nation slave, triomphant, par un juste orgueil, de la vanité de ses guides, vit enfin de sa propre vie". Et voilà que, sous la direction de Lénine, qui réunit en lui les capacités d'homme d'État de Pierre le Grand et le sentiment national de Nicolas I, les Bolchéviques ont redonné à Moscou le titre de capitale de la Russie, conclut Sorel, et leur bolchévisme est russe et moscovite. Avec un certain bien-fondé, Schmitt pouvait souligner que "dans la bouche d'un marxiste internationaliste, ceci est un éloge surprenant puisqu'il démontre que l'énergie du mythe national est plus grande que l'énergie du mythe de la lutte des classes" (in Die geistesgeschichtliche Lage…).

Il est presque superflu de rappeler le fameux discours que Mussolini prononça à Naples en octobre 1922, un peu avant la marche sur Rome, dans lequel le mythe de la nation était exalté et opposé au socialisme, défini comme une mythologie inférieure. Pour les écrivains anarchistes tels que Bakounine ou Proudhon, les péroraisons contre l'uniformité centralisatrice de l'État moderne, contre la bureaucratie, l'armée, contre toute forme d'autorité, tant politique que métaphysique, allaient de pair avec l'exaltation d'une sorte de vitalisme libertaire, dont la plénitude instinctive ne pouvait être sacrifiée à l'autel d'aucun pouvoir.

De l'anarchisme à "l'autorité nouvelle"

Même chez Sorel survivent des influences anarchiques de ce genre. Mais cela ne fait pas de doute que l'adhésion au mythe politique fait surgir, dans cette "plénitude instinctive de la vie concrète", une nouvelle sensibilité à l'ordre, la discipline et la hiérarchie. La prétendue liberté de l'anarchiste, dans l'adhésion fidéiste au mythe, peut se muer en un nouveau lien solide, encore plus fort que les liens anciens de l'Autorité contre laquelle lutte l'anarchiste. L'obéissance aux chefs de celui qui se bat, possédé par un mythe, est à peu près inconditionnelle.

Et la nouvelle forme politique, la nouvelle grande "Autorité", que la lutte installe, obtient d'autant plus de consensus que sont puissantes ses capacités mythopoïétiques (= formation du mythe) ; le recours aux mythes est d'autant plus continu, plus obsessionnel, qu'il faut tenir les masses en état de mobilisation permanente. Voilà un résultat quelque peu paradoxal qui confirme cependant que l'on peut en réalité faire abstraction de certaines lois de la coercition politique.

Georges Sorel participa activement aux luttes politiques de son temps mais il n’œuvra pas seulement en tant qu'agitateur. En analysant la théorie du mythe, en fait, il accomplissait un travail scientifique et décrivait une loi de l'action politique. "Faire de la science veut dire, avant tout, savoir quelles sont les forces existantes dans le monde, écrit-il, et se mettre en condition de les utiliser en raisonnant d'après expérience. C'est pour cette raison que je dis qu'en acceptant l'idée de la grève générale, en sachant parfaitement qu'il s'agit d'un mythe, nous œuvrons exactement à la façon d'un physicien moderne, qui a pleine confiance dans sa science tout en sachant que dans l'avenir elle sera considérée comme dépassée". Il ne s'agit pas ici d'une déclaration de meeting, ni des propos d'un agitateur de foules : Sorel sait que la capacité de mobilisation, due au mythe, est indépendante de tout jugement "objectif" qui porte sur sa valeur heuristique, parce que, en fait, une telle réflexion entraînerait la mort du mythe.

Observateur lucide et fervent participant

Il y a ici une étrange et surprenante synthèse de 2 attitudes qu'il est difficile, en vérité, de concilier : on sait parfaitement que l'idée de grève générale est un mythe, une idée que la postérité jugera "illusoire", mais on n'hésite pas à le faire lourdement valoir dans le déroulement pratique de la lutte politique. "Nous devons opérer", dit Sorel, comme nous l'avons vu au début du présent exposé. Il est un observateur lucide des faits et des théories et sait les décrire avec réalisme. Mais, en même temps, il reste un fervent participant à ces mêmes dynamiques politiques dont il a révélé une des plus importantes arcanes.

Il serait injuste de le considérer comme cynique : Sorel a cru à ses propres mythes en les considérant comme tels. Ce n'est certainement pas chose courante. Ayant désormais dépassé l'âge de 70 ans, il est en mesure de lancer une puissante invocation qui prouve que sa foi est intacte : "maudites soient les démocraties ploutocratiques qui affament la Russie ! Je ne suis qu'un vieillard dont l'existence est à la merci de minimes accidents mais puissé-je, avant de descendre dans la tombe, voir humilier les orgueilleuses démocraties bourgeoises, aujourd'hui cyniquement triomphantes". Il n'y a pas de doute : Sorel avait la "vocation" politique.

L'expérience de Sorel nous paraît en effet singulière, non seulement pour la richesse globale de sa pensée qui constitue une intéressante convergence de tendances et de courants apparemment éloignés les uns des autres et contradictoires, mais aussi pour cette capacité qu'il possède de concilier la connaissance lucide de la réalité politique avec la disponibilité à l'action fidéiste, au cœur de cette même réalité. Presque jamais, si l'on analyse les penseurs décisifs dans l'histoire de la pensée politique, il n'est donné d'observer chez eux une telle absence de problématisation des rapports entre connaissance et action.

Dans le cadre de la politique active, quel individu, ni saint ni héros, peut afficher à la fois une sagesse profonde et une foi profonde ? Une connaissance approfondie des arcanes de la politique, en fait, produit souvent le scepticisme. Ce scepticisme n'arrêtera peut-être pas l'action mais il enlèvera à l'action même son caractère fidéiste, la privera de son élan idéal : parce que, à ce stade, il s'agira seulement de mettre en fonction un mécanisme dont l'efficacité est prouvée déjà par l'expérience. Même le mythe politique peut se révéler comme un mécanisme aux effets suffisamment sûrs. Celui qui en connaît le mode de fonctionnement pourra l'activer et, dans les coulisses de ce beau spectacle, son visage se contractera en un rictus : la grimace douloureuse du cynisme.

Deux routes se tracent, en effet, pour celui qui connaît ou croit connaître les arcanes de la politique : la 1ère route est celle de l'abstention, de la non-action et de la simple observation des faits, désenchantée comme celle d'un entomologiste ou souffrante comme celle du poète qui admire la primitivité instinctive de la vie qui se déroule devant ses yeux, mais qui est conscient d’être trop "savant" pour pouvoir y participer de façon innocente. La 2nde route est celle de la pure politique de puissance, de l'usage sans discrimination de la force et de la ruse pour se maintenir au pouvoir ou pour le conquérir,

Le cynique et le pouvoir

Chez le démagogue et chez l'agitateur de masses, qui luttent pour arriver au pouvoir, on peut observer une disponibilité d'âme cynique et sans scrupules, sinon parfois une bonne dose de cruauté. Celui qui est déjà au pouvoir pourra aussi faire preuve d’une certaine cruauté mais aux degrés les plus hauts de la conscience. Le cynisme du souverain aura ainsi des effets moins sanguinaires, il sera, pour ainsi dire, un cynisme "décadent". La conscience de la relativité et de l'inanité de tout effort est ici trop importante. Au moment de la relève de la garde, le cynique, s'il a sauvé sa vie, s'éloignera du pouvoir avec une certaine tranquillité d'esprit. S'il le pouvait, il dirait à son successeur triomphant que le monde n'est rien d'autre que le lieu où toutes les espérances nés du cœur font naufrage.

Ce profond désespoir intérieur, cette image d'un monde sans lumière, est typique de tous les penseurs qui ont d'abord fréquenté intensément le monde de l'activisme politique puis qui ont analysé froidement et enfin compris sa rude logique. Que l'on pense au Prince de Machiavel et aux durs conseils qu'il contient : des légions de moralistes ont, pendant des siècles, poussé de hauts cris à propos de son "scandaleux cynisme". Mais, comme on peut le noter, Machiavel analyse ici l'individu singulier dans sa situation d'absolue solitude :

"Dans la brève densité du Prince, tout s'échappe, oscille et tremble, écrit G. Capograssi, dans l'absence absolue de tout point à partir duquel l'esprit pratique puisse apaiser ses exigences et se débarrasser de son erreur empirique et utilitaire. C'est une humanité en proie aux diktats épouvantables d'une bataille, avec ses phases offensives et défensives, une humanité qui n'a pas d'autre alternative que de changer sans répit de position et de transformer toute chose en arme. Tous les moyens sont permis : les valeurs humaines et éthiques n'existent pas encore dans le monde de Machiavel, dont la réalité est un ensemble de choses décousues que chacun manie et utilise pour atteindre ses propres buts" (5).

Les passions mènent le monde

Voilà, en apparence, les résultats d'une observation désenchantée du monde de la politique et de la connaissance de ses mystères. Machiavel fut un excellent conseiller : mais serait-il possible de l'imaginer dans le rôle du souverain ou du démagogue ? Vraisemblablement pas, puisque dans cette descente dans l'Abgrund, aux abîmes du nihilisme politique, l'esprit humain paraît encore garder une dernière possibilité de défense : sortir de l'action, comme nous venons de le dire, et se contenter de la simple observation.

"Redoutable paradoxe du diplomatique, écrit Régis Debray dans La puissance et les rêves (Gal., p. 261), comment à la fois se tenir à distance des névroses ambiantes et des passions du jour sans jamais oublier que ‘les passions mènent le monde’ et que les temps forts de l'histoire sont ceux où des hommes meurent pour une idée ?" Dès que l'incrédulité professionnelle du spécialiste le conduit à négliger chez les autres la force motrice des croyances (c-à-d. des appartenances collectives dont elles sont l'empreinte individuelle), le stratège, affirme Debray, déchoit en conférencier et l'agnosticisme des forts se replie vers ce scepticisme mondain, ce relativisme fatigué et frivole qui conduit tant de diplomates et de politiciens à subir comme des aveugles l'histoire se faisant par d'autres aveugles, mais qui ont la foi.

Debray - cela lui arrive souvent - a mis le doigt sur la plaie. Son œuvre est, en France, un excellent exemple de transgression des lieux commun et des schémas idéologiques qu'il repousse pour essayer de nouvelles synthèses et emprunter des chemins inexplorés. Pourtant, sa tentative de concilier la puissance et les rêves va se révéler problématique. La politique de puissance assume la "force motrice des croyances", dans leur signification proprement littérale, à la façon d'un mécanisme que l'on active et dont on peut se servir. Les croyances ne sont plus des "valeurs", leur signification et leur importance résident simplement dans le fait d'être des "moyens" pour atteindre un but. L'usage du mythe reconnu comme arcanum dans la politique, permettra, peut-être, de rejoindre la puissance mais, alors, où sont restés les rêves ?

Les mystères des grandes politiques

Il est bien vrai qu'à chaque grande politique appartient un mystère. Ce n'est guère consolant, parce que l'idée que nous pouvons nous faire aujourd'hui des mystères politiques n'a rien de mystique et encore moins de mythique ou d'irrationnel. La conscience des arcana peut sûrement fonder une hiérarchie puisque toute secte d'initiés aux ésotérismes politiques pourra regarder de haut les "hommes communs", ceux qui "ne savent pas". Mais il s'agira d'une hiérarchie purement matérielle, presque d'un despotisme secret, où il ne survit rien du charisme ni rien de la capacité à se faire une "représentation visuelle" d'une quelconque transcendance (6). Et ceci parce que, depuis le début de l'époque moderne, l'arcanum politique a montré, avec une obscène évidence, son caractère artificiel, sa nature de moyen technique, pratique, pour la conservation ou la conquête du pouvoir. Comme le fait remarquer Schmitt, à l'origine même de l'État moderne, il y une orientation vers le rationalisme et la technicité (in La dictature, Seuil, 2000).

medium_friedrich_meinecke.jpgC'est d'une technique pratique que l'État moderne est né historiquement. Par réflexe théorétique, la doctrine de la "raison d'État" est née. Elle est une maxime sociologique et politique, tirée des nécessités imposées par le maintien et par l'extension du pouvoir politique et elle se situe donc au-dessus de toute considération sur le "juste" et "l'injuste". Dans l'interprétation historique de Meinecke, la "raison d'État" apparaissait encore dans son aspect rassurant de conciliation entre cratos et ethos, entre, d'une part, un agir déterminé par l'instant du pouvoir et, d'autre part, un agir déterminé par une responsabilité morale (in L'idée de raison d'Etat dans l'histoire des temps modernes [1924], Droz, 1973).

Une analyse moins fourvoyante nous dit qu'à un niveau encore plus élevé, au-dessus des conceptions de "raison d'État" et de "salut public", lesquelles se prêtent, à cause de leur obscurité, à des interprétations moralisantes, on trouve dans la littérature politique contemporaine, lorsqu'elle évoque la naissance de l'État moderne, une autre conception : celle de l'arcanum politique. Au départ de cette conception, le politique se développe en tant que science sous l'aspect d'une doctrine secrète. "Mais le concept d'arcanum en politique et en diplomatie, même quand il se rapporte aux secrets d'État, n'est pas plus ou moins mystique que la conception moderne de secret d'entreprise ou d'affaires" (Schmitt, La dictature). L'usage qu'on faisait de ce concept à l'époque, révèle la signification purement technique de l'arcanum : ce n'est qu'un secret de fabrication.

medium_Dr_Roman_Schnur.jpgIl va de soi que l'usage des métaphores mécaniques et techniques, qui renvoient à une artificialité générale et immanente de tout l'univers politique, n'est ni innocent ni fortuit. Il révèle, au contraire, aux origines de l'ère de l'État moderne et de l'État moderne lui-même, un problème philosophique de fond, qui nous apparaît considérable, puisqu'il implique et explique bon nombre de situations que l'on a abordées plus haut. Des études récentes - et on peut rappeler ici les noms de Roman Schnur et, en Italie, d'Emmanuele Castrucci - ont interrogé la situation intellectuelle des XVIe et XVIIe siècles en Europe, en mettant en évidence des filons de pensée, constamment laissés dans l'ombre par l'enquête idéaliste des XIXe et XXe siècles, ancrée dans les dilemmes du jusnaturalisme et de l'historicisme. L'image qui jaillit de ces recherches est celle de l'intellectuel libertin, vu dans une ambiance culturelle et politique que l'on qualifie du mot de "maniérisme".

Le maniérisme

Pourquoi tout ceci nous intéresse-t-il ? Avant tout parce que dans la sensibilité maniériste et baroque prédomine une allégorie désespérée du "vide", de la précarité du monde historicopolitique. Dans cette précarité, l'homme est lié à l'existence terrestre et il est son prisonnier, sans voie de sortie : "la sensibilité européenne du maniérisme et du baroque ne permet aucun signe d'espoir au-delà du profane et ramène constamment à la condition de départ, écrit Castrucci, à la réalité, c'est-à-dire, à un monde réglé par les seuls rapports de force et par la capacité résolutive des décisions politiques du souverain" (7).

L'affirmation de la pensée décisionniste dans la théorie politique des XVIe et XVIIe siècles signale l'avènement de la théorisation nihiliste-libertine : le décisionnisme, en fait, survient seulement là où le "principe espérance" a disparu, où toute tension révolutionnaire généreuse et agitée a manqué et où aucune valeur suprasensible ne donne plus d'illusions à l'homme historique en agitant devant lui l'espoir de la libération.

Mais qui est donc l'intellectuel libertin ? Il fait partie d'une élite qui a pu réfléchir sur l'épouvantable déchaînement des guerres de religion et qui a dû être saisie d'horreur face aux abîmes de chaos et de violence dans lesquels la foi en des valeurs a conduit les hommes. Il a donc mûri un "scepticisme relativiste" qui théorise jusqu'au bout la désillusion vis-à-vis des valeurs mais en même temps se rend compte que les valeurs, même si elles sont rendues indémontrables et sont épurées de toute aura traditionaliste, continuent toujours à faciliter l'intégration sociale, comme autant de mythes politiques. Mais l'ordre qui en découle est un ordre purement conventionnel - c'est exactement la "tentative d'un ordre maniériste", d'après l'expression de Schnur - qui essaie de concilier la suspension subjectiviste des valeurs et la nécessité d'un ordre institutionnel. L'intellectuel libertin s'oriente vers une explication mécaniciste des lois qui président aux catégories du politique.

L'utilisation de l’arcanum

Les élites politiques - auteurs et utilisateurs du savoir/pouvoir qui permet le gouvernement des masses – "devinent la présence, au fond de l’existence de l’existence de l'homme, de forces occultes et très puissantes qui constituent les véritables principes d'origine d’une anthropologie politique. La soif de plaisir, la volonté de puissance, dans l'ensemble de leurs articulations ambiguës et multiples, apparaissent comme un noyau irrationnel, irréductible à toute forme conceptuelle, mais, par contre, riche en renvois vers le territoire inexploré du mythe politique. Cet esprit irrationnel doit être contrôlé et dirigé par des hommes armés de critères d'action rationnels par rapport au but. L'usage du mythe à des fins politiques est d'ailleurs exclusivement instrumental, émancipé par la valeur et dirigé vers la satisfaction de la volonté qui veut la puissance" (7). L'usage de l'arcanum politique est donc un moyen technique/pratique pour essayer d'assurer un ordre conventionnel et artificiel, et le mythe politique est l'instrument le plus efficace pour atteindre ce but. Dans son for intérieur, le maniériste politique vit pourtant de la valeur qu'il a déjà largement dépassée : mais "son sourire est sans joie, car Behemoth peut l'emporter aussi" (7).

Il ne peut en effet ressentir de la joie, celui qui a enlevé sa signification au monde. Beaucoup des "apprentis sorciers" qui se sont dévoués pour atteindre ce but risquent de devoir verser par la suite des larmes amères parce que, au-dessus de cet univers politique artificiel, au-dessus de cette pure mécanique mise en marche uniquement pour des fonctions de contrôle, est suspendue la possibilité - voire la probabilité - de l'auto-dissolution. Et il ne peut y avoir aucune complaisance de la part de celui qui doit prendre acte de cette situation, caractérisée par l'absence radicale de fondement et par l'artificialité inscrite dans les origines mêmes de l'histoire de la modernité politique. Mais aucune connaissance éthique ingénue, aucune "nostalgie humaniste résiduelle", ne sont des refuges possibles, d'autant plus pour l'activiste ou l'homme politique qui projette et espère retrouver un sens dans le monde.

"Nous devons œuvrer", disait Sorel. Si l'on veut répéter ces paroles, et sans être ni des saints ni des héros, en essayant même d'oublier les vociférations et les malhonnêtetés propres à un certain type de "vocation" pour la politique, on doit assumer jusqu'au bout les noyaux cruciaux de "cette" modernité (8).

On vient d'évoquer le maniériste politique. Cette figure vivait dans le contexte historique et politique de l'absolutisme, c-à-d. dans un ordre qui nous paraît profondément lié aux métaphores mécanicistes, qui trouveront par après leur expression accomplie dans la construction hobbesienne du Léviathan. C’est là une donnée intéressante parce qu’un mécanisme ne peut jamais être totalitaire : "C’est quelque chose d’extérieur, que l’on peut utiliser pour obtenir des citoyens une obéissance extérieure, sans que leur intériorité ne soit touchée, sans que leur conscience ne soit éprouvée" (9).

À ce stade de notre exposé apparaît une lecture possible, qui distingue, tant sur le plan historique que sur le plan théorique, l'absolutisme du totalitarisme, puisque ce denier "isme" paraît mû, en général, par une instance unanimisante, qui ne tient pas compte de la libre manifestation de la conscience dans la sphère intérieure. Comme on le devine déjà dans Sorel, le mythe politique, dans sa capacité de mobilisation, imprègne une collectivité de façon globale : avec lui s'évaporent les individualités ; une issue différente ne serait pas possible. Possédant un degré maximal de conscience, le maniériste politique, malgré son désespoir, dispose d'un avantage : une grande liberté intérieure par rapport à ce qu'il a créé lui-même. Il se soumet extérieurement mais sa conscience possède une autonomie totale.

L'Anarque de Jünger

Même sans vouloir forcer de manière excessive le parallèle, il se rapproche sensiblement d'une autre figure, celle de l'Anarque de Jünger. En effet, nous avons jusqu'ici parlé de normes et des tristes impasses auxquelles conduisent les persistances pernicieuses de la norme. Et si l'on cherche maintenant une possibilité de transgression face à toutes les lourdes régularités, face aux lois dont on observe l'immuable répétition dans l'univers politique, l'Anarque présente, peut-être, un formidable exemple de liberté et d'autonomie. Presque sous l'influence d'une conjonction astrale favorable, l'Anarque paraît en mesure de ré-amorcer le jeu, de se projeter vers d'autres solutions, jusqu'alors inconcevables, solutions qui seraient aussi des issues : elles permettraient de sortir des blocages paralysants et désespérants nés du rapport entre conscience et action politique.

"Neutralité intérieure. On y participe quand et si on en a envie. Si dans l'omnibus, il n'y a plus de confort, on descend" (10). L'Anarque connait en profondeur le pouvoir et la politique. Dans la ville imaginaire d'Eumeswil, il dispose même de l'extraordinaire Luminar, pour étudier chaque manifestation de l'histoire, même la plus cachée. L'Anarque, en tant qu'historien, peut analyser le pouvoir et la politique en direct, puisqu'il dépend directement du Condor, le tyran qui a renversé les tribuns et qui règne sur Eumeswil. En tant qu'Anarque, il n'est pas contre l'autorité, même s'il croit ne pas en avoir besoin, puisqu'il a une idée bien précise de la grandeur. Historien, tout l'intéresse, même s'il sait que peu de choses changent. Les drapeaux sont importants pour lui, mais sans signification. "Je les ai déjà vus tantôt hissés, tantôt baissés, dit Martin Venator, comme les feuilles de mai et de novembre (...) On continuera : fêter le 1er Mai, mais avec une interprétation différente. D'autres portraits seront affichés en tête des cortèges".

L'Anarque n'est pas l'adversaire du monarque, il est son pendant

Pour l'Anarque, peu de choses changent. Il porte un uniforme, en partie comme une veste, en partie comme une cape mimétique. Et cet uniforme couvre sa liberté intérieure qu'il saura objectiver dans chaque transition. Tout ceci le différencie de l'anarchiste qui, objectivement privé de liberté, sera l'objet de crises furieuses tant qu'on ne l’enfermera pas dans une camisole de force encore plus rigide. L'anarchiste est l'antagoniste du monarque dont il médite l'anéantissement. Il frappera la personne mais il renforcera la succession. Dans le mot "anarchisme", le suffixe "-isme" a donc une signification restrictive, puisqu'il accroît la volonté mais réduit la substance. L'Anarque, par contre, n'est pas l'antagoniste du monarque mais la personne la plus éloignée de lui. Il n'est pas son adversaire mais son pendant.

"Le monarque veut dominer beaucoup de monde. En fait, il veut dominer tout le monde. L'Anarque ne veut dominer que lui-même. Cela lui permet d'entretenir un rapport objectif, tout empreint de scepticisme, avec le pouvoir, dont il laisse défiler devant lui les images et figures, avec, bien sûr, de l'indifférence dans le cœur. Dans son for intérieur, néanmoins, il n'est ni impassible ni dépourvu de passion stoïque". Martin (ou Manuel) Venator est le serviteur du Condor qui est le tyran : le Condor a sa fonction, comme l'Anarque a la sienne : "Nous avons tous les deux la possibilité de nous retirer à l'intérieur de notre substance qui est l'élément humain dans sa singularité spécifique". L'Anarque se considère comme l'égal du tyran parce qu'il peut le tuer quand il le veut et ceci est la seule et unique forme d'égalité qu'il admet. Le pouvoir de le gracier est naturellement sien aussi.

L'Anarque et le maniériste

La liberté de l'Anarque dépasse aussi celle du maniériste politique. Avant tout, parce que l'Anarque est serein même si sa sérénité est songeuse. Par contre, le maniériste politique est prisonnier de sa conscience désespérée même quand, loin de la malhonnêteté du pouvoir, il pourra se livrer à des méditations où la liberté sera confite dans la mélancolie. Ce qui fait toute la différence, c'est que le scepticisme du maniériste est fatigué et résigné, même s'il n'est pas dépourvu de grandeur tragique. Le scepticisme de l'Anarque, lui, est relié, en fait, à une "disponibilité toujours intacte", ce qui n'est pas simplement une jolie formule mais aussi le signe d'un destin.

"Je suis Anarque dans l'espace ; dans le temps, je suis méta-historien, dit Martin. Donc je ne suis engagé ni avec le présent politique ni avec la tradition, je suis comme une page blanche, je suis puissance et ouvert en toute direction". Comme historien, il est sceptique, mais comme Anarque, il est sur ses gardes. "Ma liberté personnelle est un avantage secondaire, dit-il. Au-delà du temps, je suis prêt à la Grande Rencontre, à l'irruption de l'Absolu dans le temps. C'est là que l'histoire et la science trouvent leur fin".

Le maniériste politique n'est, en toute vraisemblance, concerné que par "son" seul Pouvoir, même si, en certaines circonstances, il peut s'en éloigner. Il disparaîtra avec lui. Pas l'Anarque : chaque lieu n'est, pour lui, qu'un lieu de passage, sa liberté est totale, même face à l'obligation de se donner une limite. Pour le temps d'intervalle, pour les "en attendant", c-à-d. dans les intermèdes entre 2 dominations, il possède un refuge qui n'est pas uniquement intérieur. À la façon du muscadin, l'Anarque a bâti son repaire loin de la ville. Là-bas, il pourra disparaître pendant qu’il faudra.

L'Anarque et le pouvoir

Son rapport avec le pouvoir n'est pas seulement de nature sceptique, mais est aussi ouvert aux suggestions de la magie. Au "bar de nuit", il écoute les dialogues des puissants et, quand l’heure est tardive et que la fatigue s'installe, leurs figures, leurs silhouettes se découpent, hiératiques, plus nettes, dans un maintien presque sacré. "Je voyais leurs visages se durcir comme dans le rite sacrificateur. Il se formait ensuite une aura de mystère". Très certainement, il s'agit ici, comme parfois chez Jünger, d'une pure fascination esthétique. Mais il est vraiment très symptomatique que, dans le calme et l'indifférence absolue de l'Anarque, survient quelquefois une sorte d'impatience nerveuse, une inquiétude fébrile. Tout compte fait, c'est là le contrepoids à sa disponibilité toujours intacte, c'est une sorte de péage qui est dû, mais l'Anarque semble penser que cela en vaut la peine.

L'entrée en scène de l'anarchiste/nihiliste conforte la société et renforce son unité. L'Anarque, lui, reconnaît au fond de son intimité l'imperfection fondamentale de l'État et de la société. C'est pour cela que cette position peut s'avérer plus dangereuse pour lui. L'État et la société suscitent sa répulsion mais il sait toutefois que "des temps et des lieux peuvent se présenter où l'harmonie invisible transparaît dans l'harmonie visible. Cela se constate surtout dans l'œuvre d'art. Dans ce cas, dit l'Anarque, il est encore possible de servir dans la joie". Mais, en général, l'Anarque fait preuve de circonspection et d'une prudence hors pair dans ses rapports avec le pouvoir. Il cultive un penchant instinctif pour les normes, parce qu'elles lui évitent de trop réfléchir, du moins aux choses superflues. Il se fera difficilement apprécier et les puissants seront toujours contents de ses services, mais de façon discrète, modérée.

L'Anarque, les dieux, la religion

L'Anarque peut aussi devenir "excessif" : cela arrive quand l'inquiétude survient à nouveau. Ses prétentions deviennent alors exorbitantes. Par ex. en matière de religion. Certes, pour lui, le terme est usé et corrompu. Religio, comme on le sait, se rattache à "lien" et c'est justement cela que refuse l'Anarque. Il ne veut rien savoir des divinités et des rumeurs qui les concernent, sinon en tant qu'historien. En tant qu'Anarque, il demande davantage. "Le fait que les dieux se soient montrés, non seulement dans la préhistoire, mais aussi à la fin de l'époque historique, explique-t-il, n'est pas à mettre en doute. Ils ont participé à nos banquets et à nos luttes". Mais voilà la requête totale : "Qu'apporte à l'affamé la splendeur des festins d'antan ? Que rapporte au pauvre le tintement des pièces d'or qu'il perçoit à travers le mur du temps ? C'est la présence qu'il faut exiger".

Ce jeu de relance, que joue l'Anarque, nous apparaît parfois surprenant. La cité imaginaire d'Eumeswil advient dans un temps, où toute chose semble être définitivement passée. Passée, l'ère chrétienne. Passé, l'État mondial. Passée, l'époque des "grands incendies". Chaque temps réel et chaque temps possible sont révolus. Historien, Martin le sait bien : "... je suis convaincu de l'inadéquation, ou, mieux, de l'inutilité de tout effort ; j'admets qu'y contribue aussi l'hypersatiété des temps les plus récents. Le catalogue des possibles paraît épuisé. Les grandes idées sont consommées par la répétition : on ne peut plus rien en tirer". C'est là un problème qui renforce la douleur de l'historien : la faillite des idéaux se fracassant contre l'esprit du temps, qui les dégradent en illusions.

De ce point de vue, il faudrait renoncer alors aux exigences excessives, apaiser cette disponibilité faite d'inquiétude. "Dans une telle situation, la tentation d'invoquer les dieux est très forte et il y a alors grand mérite à y résister", reconnaît l'Anarque. Parce qu'Eumeswil semble se poser comme un lieu d'observation privilégiée pour attendre une récapitulation définitive et concluante et ainsi préparer l'opération "fin du temps". L'Anarque suivra les puissants dans le "recours aux forêts". Cette métaphore indique sans doute que la fin est nécessaire ou bien elle suggère la voie des révélations occultes, permettant de rêver à un monde au visage autre, d’y rêver à la façon des dieux. Le "recours à la forêt" indique peut-être aussi ce passage qui est la mort, ou le retour au chaos, ou un simple passage sans limitation. Il est probablement inutile de chercher un "message". Et même, s’il parvenait à le cerner, ce message, l’Anarque l’aurait déjà dépassé. Tandis que nous resterions ici, à chercher comment diable il serait possible d’œuvrer, et sur quel mode.

Notes :

  1. Cf. Jules Monnerot, Les lois du tragique, PUF, 1969. Monnerot écrit, en rappelant Jaspers : "Le type d'action qui ainsi échappe à l'agent alors qu'il importerait qu'elle ne lui échappât point, c'est l'action tragique. L'hétérotélie, lorsque les conséquences des décisions voulues entraînent une catastrophe pour l'agent, et non la plupart du temps pour lui seul, c'est le tragique", p. 10.
  2. C. Schmitt, Die geistesgeschichtliche Lage des heutigen Parlamentarismus : "La théorie du mythe est la manifestation la plus forte qui prouve que le rationalisme relatif de la pensée parlementaire a perdu son évidence". [tr. fr. in Parlementarisme et démocratie, Seuil, 1988]
  3. Pour Kelsen, Ponce Pilate eut la figure pouvant le mieux symboliser l'attitude relativiste qui est à la base de la démocratie. Face au Christ qui se présente "pour rendre témoignage à la vérité", Ponce Pilate demande "Qu’est-ce que la vérité ?". Et parce que lui, Pilate, le sceptique relativiste, ne sait ce qu'est la vérité, l'absolue vérité en laquelle croit l'homme qui est devant lui, il s'en remet, en toute bonne conscience, à la procédure démocratique et laisse la décision au vote populaire. Cf. aussi La polémique entre H. Kelsen et C. Schmitt sur la justice constitutionnelle, N. Zanon, in Annuaire international de justice constitutionnelle n°V, 1989, p. 177 sq.
  4. Il m'apparaît assez imprudent de résumer en quelques lignes une question aussi décisive et fondamentale. Récemment est parue une défense de la "démocratie sans valeurs" : c'est l'ouvrage de Norberto Bobbio, Il futuro della democrazia. Una difesa delle regole del gioco, Einaudi, Torino, 1984. La démocratie est perçue ici comme modalité structurelle et réglementation procédurière : elle trouve sa justification en un relativisme politique radical qui ne connaît aucun absolu mais seulement des formes entre lesquelles les diverses valeurs admises peuvent louvoyer. On peut ajouter que la "démocratie sans valeurs" est conceptuellement liée au développement du Rechtsstaat, c-à-d. d'un État qui vit dans le droit mais ne reconnaît aucun droit ou, mieux, d'un État qui ne peut lui donner aucune définition matérielle ni aucun contenu et ne peut que lui attribuer des connotations en termes de mécanisme juridique. Ainsi, la "démocratie sans valeurs" et l'État de droit acceptent le principe de n'être que le cadre juridique qui cherche à déterminer et à circonscrire un champ de rencontre, un terrain de contradiction et de contraste. La "démocratie sans valeurs" et l'État de droit se posent, en d'autres mots, comme les règles du jeu. Aux antipodes de cette conception, se trouve le Carl Schmitt qui écrit la Verfassungslehre : pour lui, la démocratie signifie essentiellement l'homogénéité politique du peuple, dont la cohésion fonde un organisme politique basé sur l'exclusion de l'autre, de tout ce qui, politiquement, ne relève pas de tel peuple. L'antithèse formel/substantiel qui se trouve sous-jacente dans le rapport entre, d'une part, la démocratie comprise comme ensemble de règles de jeu et, d'autre part, la démocratie comprise comme homogénéité politique, peut être parfaitement considérée comme un problème encore actuel.
  5. Cité par E. Castrucci, Ordine convenzionale e pensiero decisionista, Giuffrè, Milano, 1981, p. 37.
  6. Sur le concept de Repräsentation, voir C. Schmitt, Römischer Katholizismus und politische Form, Theatiner Verlag, München, 1925. Dans cet essai, [réédité chez Klett Cotta, Stuttgart, 1984], l’A. soutient la thèse que l'Eglise est forma politica au sens le plus éminent, c-à-d. est un ordre dans lequel la souveraineté apparaît visible, "représentée", comme complexio oppositorum, comme institution (aussi au sens juridique) qui donne forme aux contraires et conserve inaltéré la racine théologique de la transcendance.
  7. in Storia delle idee e dottrina decisionistica, essai d’introduction à : R. Schnur, Individualismo e assolutismo, Giuffrè, 1979, p. IV.
  8. Cf. Peppe Nanni, Destini del politico in Diorama Letterario n°76, nov. 1984, p.11-16.
  9. R. Schnur, Individualismo e assolutismo, p. 87. Tr. it. de Individualismus und Absolutismus. Zur politischen Theorie vor Thomas Hobbes, Berlin 1963.
  10. E. Jünger, Eumeswil. Toutes les citations qui suivent sont tirées de ce livre. Les pages n’ont pas été mentionnées non seulement pour ne pas alourdir la lecture mais surtout parce que c’est inopportun. Certaines phrases de cet auteur n’appartiennent en effet pas à telle ou telle page mais bien plutôt à des états particuliers de la conscience, accessibles uniquement à ceux s’en montrant disponibles.

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vendredi, 25 avril 2008

Il simbolo in Mircea Eliade

Il simbolo in Mircea Eliade

3.gifTratto, per gentile concessione dell’Autore, dal sito www.gianfrancobertagni.it; precedentemente pubblicato in ArKete 3 (1/1999).

Una delle principali scoperte che Mircea Eliade fa nel suo periodo indiano è l’importanza del simbolo. L’articolo presenta la teoria eliadiana del simbolo, elemento mediano tra il sacro e l’uomo. Particolare rilevanza riveste il ’sistema simbolico’ all’interno del quale ogni simbolo agisce e senza il quale questo perde il suo più profondo significato; e ancora l’«evoluzionismo simbolico» che sembra a volte presentarsi nell’opera eliadiana.

Da sottolineare inoltre l’operatività nascosta del simbolo, agente nella totalità della struttura psichica dell’uomo, e quindi non solo nella parte cosciente. Solo grazie al simbolo e al simbolismo all’uomo è permessa un’esperienza religiosa totale, nella quale il sacro sia «ovunque e in nessun luogo». Dopo il conseguimento della laurea in filosofia, il giovane Mircea Eliade il 20 novembre del 1928 parte per l’India. Vi permarrà per tre anni, e grazie al patrocinio del maharaja Manindra Chandra Nandy di Kassimbazar, potrà godere di una borsa di studio che gli permetterà di penetrare i segreti della lingua sanscrita e della filosofia indiana, sotto l’ammaestramento del professor Surendranath Dasgupta.

Cinquant’anni dopo, Eliade, in un’intervista con Claude-Henri Rocquet, ricordò l’importanza della sua esperienza indiana, nella quale venne a contatto con tre aspetti della spiritualità che saranno tra gli assunti metodologici del futuro storico delle religioni romeno. Egli scoprì quel tentativo tipico della religiosità indiana che consiste nel trasfigurare la vita dell’uomo in un’esperienza sacramantale. Per Eliade, del resto, l’esperienza religiosa tende alla santificazione dell’intera realtà; soprattutto l’uomo appartenente alle società arcaiche riusciva - secondo lo studioso romeno - a realizzare in qualsiasi ambito della sua vita (personale e sociale) una coesistenza tra il suo essere e la sfera del sacro, che lo proiettava in una situazione in cui realtà metafisica e libertà sono un tutt’uno: gli “atti elementari diventano, per il «primitivo», un rito; la sua mediazione aiuta l’uomo ad avvicinare la realtà, a inserirsi nell’ontico, liberandosi dagli automatismi (privi di contenuto e di significato) del divenire, del «profano», del nulla”[1].

Questo tipo di uomo era tale nella misura in cui non era naturale, inserito invece nella pienezza della realtà, realtà che per Eliade significa sacro, ontico. Inoltre, nella tipica contrapposizione eliadiana tra sacro e storia, se quest’ultima “è sempre una caduta del sacro, […] [esso] non cessa di manifestarsi, e in ogni sua nuova manifestazione riafferma la sua originaria tendenza a rivelarsi totalmente e perfettamente”[2]. Quindi il sacro si manifesta, ma soprattutto, continua a manifestarsi nelle più diverse forme, in forza della sua inesauribilità; ogni teofania, ogni cratofania, ogni ierofania indica il sacro, ma nello stesso tempo lo limita, indica cioè che quello che essa mostra non è il sacro originario. Appunto per questo, secondo Eliade, ogni esperienza religiosa tende, per sua natura, alla mistica, cioè ad un’esperienza spirituale totale e totalizzante: “Un’esperienza religiosa totale […], se riesce, porta all’esperienza mistica assoluta, che scopre e identifica il sacro dovunque e in nessun luogo nell’Universo”[3].

Eliade scopre, nella sua permanenza in India, anche l’importanza dell’uomo neolitico nelle successive fasi culturali dell’umanità. Quegli archetipi antichissimi, originari delle spiritualità arcaiche dei popoli, tornano con nuovi nomi anche nelle tradizioni religiose ad esse posteriori. Una volta conosciuto il mondo degli archetipi, l’uomo non potrà mai liberarsene; egli potrà viverlo ritualmente attraverso la riattualizzazione dei miti e la trasfigurazione del tempo profano in tempo sacro, potrà esserne contemporaneo grazie alla ripetizione dei gesti degli esseri soprannaturali per dare valore alle sue attività quotidiane, come potrà ritrovarli inconsciamente nella nostra epoca secolarizzata grazie ai sogni, alle opere artistiche o in quelle situazioni oggi desacralizzate ma originariamente religiose; in ogni caso, le intuizioni del mondo arcaico sopravvivono in ogni epoca: “L’uomo potrebbe sfuggire da ogni cosa, meno che dalle sue intuizioni archetipiche, create nel momento in cui ha preso coscienza della sua posizione nel Cosmo. […] La spiritualità arcaica, così come l’abbiamo decifrata, assetata di ontico, continua fino ai giorni nostri”[4].

Ma Eliade in India fa anche una scoperta che non meno di queste sarà fondamentale all’interno della sua teoria morfologica delle religioni. Eliade scopre il significato del simbolo. Nella sua intervista a Rocquet racconta come in Romania, prima della sua esperienza indiana, non si sentisse affatto attratto dalla vita religiosa, come interpretasse le icone che riempivano le chiese di Bucarest quasi alla stregua di idoli: “Ebbene, in India mi è capitato di vivere in un villaggio di Bengala e ho visto delle donne e delle ragazze che accarezzavano e decoravano un lingam, un simbolo fallico”. E capì allora il senso del simbolo, in quel caso del lingam. Quest’ultimo voleva dire molte cose: l’origine della vita, della creatività, della fertilità cosmiche; si trattava dell’epifania di Siva. “Allora questa possibilità di provare un’emozione religiosa in virtù dell’immagine e del simbolo, mi ha rivelato tutto un mondo di valori spirituali”.

E allora anche davanti ad un’icona il credente non vedrà semplicemente l’immagine di una donna con un bambino, ma vivrà l’esperienza del mistero della madre di Dio, della santa Sophia. “Immaginate l’importanza di questa scoperta, dell’importanza del simbolismo religioso nelle culture tradizionali nella mia formazione”[5]. Il lingam non è un feticcio: esso non viene venerato in se stesso, e questa è una caratteristica della ierofania. L’oggetto ierofanico mostra qualcosa di altro, trascende la sua materialità e oggettività, in quanto investito di una potenza che lo trasfigura; in forza di ciò non si può parlare di idolatria: “Mai un albero fu adorato unicamente per se stesso, sempre per quel che si «rivelava» per suo mezzo”[6]; e neppure si può parlare di panteismo: “Un solo oggetto (o simbolo) indica la presenza della Natura. Non si tratta dunque di un sentimento panteistico, simpatia o adorazione della natura, ma di un sentimento provocato dalla presenza del simbolo (ramo, albero, ecc.) e stimolato dall’attuazione del rito (processioni, lotte, gare, ecc.)”[7].

“Sovente, degli esseri, degli oggetti, delle azioni sono «potenti», hanno del mana, perché traggono la loro «potenza» da un principio che la precede e in un certo senso la fonda: un simbolo (un Essere supremo, un avvenimento mitico, ecc.)”[8]. E ancora: “L’efficacia delle pietre non è mai insita in loro; partecipano a un principio o incarnano un simbolo, esprimono una «simpatia» cosmica o traducono un’origine celeste. Queste pietre sono segni di una realtà spirituale diversa, o strumenti di una forza alla quale servono soltanto di ricettacolo”[9]. In queste ultime due citazioni abbiamo a che fare con un concetto di simbolo che si discosta in parte, come vedremo, da quello che comunemente utilizza Eliade, ma entrambe indicano quella peculiarità della ierofania che fa di essa ciò che è grazie ad una realtà che trascende quella in cui si viene a trovare l’oggetto investito di sacralità. E questa è la caratteristica principale del simbolo: “I simboli possono rivelare una modalità del reale o una struttura del mondo che non sono evidenti sul piano dell’esperienza immediata. […] I simboli religiosi […] svelano il lato miracoloso, inesplicabile della Vita e ad un tempo la dimensione sacramentale dell’esistenza umana”[10].

Per la mentalità arcaica, il mondo è un organismo nel quale tutto è collegato. Ogni segno ne richiama altri, e così i diversi piani della realtà comunicano tra loro. Se un solo oggetto indica la natura intera, ciò è dovuto alle caratteristiche del simbolo: “Se il Tutto esiste nell’interno di ciascun frammento significativo, questo […] avviene […] perché ogni frammento significativo ripete il Tutto”[11]. È allora possibile passare dal piano isolato del simbolo a quello del simbolismo; ed è proprio ciascuno dei suoi elementi che lo riassume e lo evoca interamente; non si può parlare di simbolo che sia isolato: “Non esiste simbolo, emblema o efficienza che sia monovalente o singolarizzato. Tutto è collegato, ogni cosa è legata alle altre, formando un insieme di struttura cosmica”[12]. Se ogni simbolo richiama un simbolismo, allora quest’ultimo può essere studiato solo attraverso un esame di tutti i simboli che ne costituiscono la trama: “Ogni simbolismo «fa sistema» e si può realmente comprenderlo soltanto nella misura in cui lo si considera nella totalità delle sue applicazioni particolari”[13]. Il motivo per cui il simbolismo non è solo un insieme, ma è un ’sistema’ è dato dal fatto che esso, come un organismo vivo, “permette la circolazione, il passaggio, da un livello all’altro, da un modo all’altro, integrando tutti questi livelli e piani, ma senza confonderli. La tendenza a coincidere col Tutto dev’essere intesa come tendenza a integrare il «tutto» in un sistema”[14].

Il simbolo non solo richiama una modalità trascendente quella profana, ma fa sì che anche la realtà quotidiana venga trasfigurata: “La multivalenza simbolica di un emblema o di una parola appartenente alle lingue arcaiche ci obbliga continuamente a notare che, per la coscienza che le formò, il mondo si rivelava come un tutto organico”[15]. La peculiarità di questo tipo di realtà, nella quale viene compresa e vissuta la forza del simbolo, è che i piani interferiscono tra loro; ad esempio: “La fecondità della donna influisce sulla fecondità dei campi, ma l’abbondanza della vegetazione, a sua volta, aiuta la donna a concepire”[16].

L’esempio classico, su cui Eliade torna più volte, è la luna: “La grande importanza della luna nelle mitologie arcaiche, e soprattutto l’integrazione in un unico ’sistema’, da parte del simbolismo lunare, di realtà diverse tra loro come la donna, le acque, la vegetazione, il serpente, la fertilità, la morte, la ‘ri-nascita’, ecc.”[17]. Ma qui è da sottolineare quanto non sia un semplice fatto naturale a connettere diverse realtà tra loro, ma un simbolismo, che forma quella rete di collegamenti, grazie alla quale si può parlare giustamente di ’sistema’. È il simbolismo, e non la luna, che fonda la possibilità, ad esempio, di legare la donna alla terra: “Un complesso simbolismo, dalla struttura antropocosmica, associa la donna e la sessualità ai ritmi lunari, alla Terra (assimilata alla matrice) e a ciò che dobbiamo chiamare il ‘mistero’ della vegetazione”[18]. La struttura simbolica di qualsiasi complesso religioso non è cioè una sorta di religione naturalistica, ma trova origine in una intuizione archetipica, pre-razionale, che è alla base della metafisica a struttura platonica della religiosità arcaica; la caduta del simbolismo in una interpretazione esclusivamente ‘fattuale’ è invece sinonimo di degradazione.

A riguardo delle origini del simbolismo della perla, Eliade evidenzia che esse non sono “empiriche, ma teoriche e metafisiche”; tuttavia “questo simbolismo, in seguito, fu interpretato, «vissuto» diversamente, poi degradato fino alle superstizioni e al valore economico-estetico che rappresenta per noi la perla”[19]. Anche considerando i rituali della vegetazione, rituali così intimamente connessi ad un certo periodo dell’anno, Eliade riafferma la priorità dell’intuizione metafisica: “La concezione teorica, metafisica, precede l’esperienza concreta e l’avvento della primavera”[20]. Infatti, “il simbolo non può essere il riflesso dei ritmi cosmici in quanto fenomeni naturali, in quanto un simbolo rivela sempre qualcosa di più che l’aspetto della vita cosmica che sta a rappresentare”[21]: il simbolo, nel pensiero arcaico - fondato sui complessi mitico-rituali e simbolici -, approda ad una metafisica sistematica che ripercorre l’intera vita religiosa. I simboli, i miti, i riti, attraverso diverse modalità, esprimono, “un complesso sistema di affermazioni coerenti sulla realtà ultima delle cose, sistema che può essere considerato come una vera e propria metafisica”[22].

Peculiare di questo tipo di metafisica è il basarsi su simboli e non esclusivamente su concetti, come accade nella prassi filosofica comune; è infatti proprio della mentalità primitiva il pensare per simboli, caratteristica che non preclude la possibilità di una logica soggiacente: “Il pensiero arcaico non procede esclusivamente per concetti o elementi concettuali, ma si serve anche e anzitutto di simboli. […] I simboli vengono «maneggiati» secondo una logica simbolica”[23]. Si può quindi parlare di una “logica del simbolo”[24], inseribile a pieno titolo tra i problemi essenzialmente filosofici: la “logica del simbolo esce dal campo della storia delle religioni propriamente detta e si schiera fra i problemi della filosofia”[25]. Ma soprattutto la possibilità di vedere nella logica dei simboli una vera e propria ontologia è data dal fatto che, essendo questi di tipo essenzialmente religioso, non possono che riguardare ciò che è il reale per definizione, cioè il sacro e ciò che da esso è investito: “Per i primitivi, i simboli sono sempre religiosi, poiché mirano o a qualcosa di reale, o a una struttura del mondo. Ora, ai livelli arcaici della cultura il reale - cioè il potente, il significativo, il vivente - equivale al sacro. […] Per questo i simboli religiosi arcaici implicano una ontologia”[26].

Attraverso il simbolo, il mondo diviene trasparente all’uomo e assume ai suoi occhi un significato: quell’universo di significati nel quale è immerso l’uomo delle società in cui il mito è cosa vivente “non è più una massa opaca di oggetti arbitrariamente gettati assieme, ma un Cosmo vivente, articolato e significativo. In ultima analisi, il Mondo si rivela come linguaggio”[27]. Un linguaggio che può essere inteso dall’uomo perché è da lui condiviso. Del resto, un’altra caratteristica del simbolo è che esso apre la realtà nella quale agisce; questo vale sia per l’uomo (”L’uomo non si sente rinchiuso nel suo modo d’esistenza; anch’egli è «aperto», comunica con il Mondo, perché utilizza lo stesso linguaggio: il simbolo”[28]), che per il mondo stesso: “Per il pensiero simbolico, il mondo non è solo «vivo», è anche «aperto»: un oggetto non è mai semplicemente se stesso (come accade per la coscienza moderna), è anche segno o ricettacolo di qualcos’altro, di una realtà che trascende il livello d’essere dell’oggetto”[29]. Il mondo, grazie al simbolo, svela all’uomo la sua apertura verso ciò che lo supera; vi è infatti tutta una serie di simbolismi che, nella varietà dei loro caratteri, sono accomunati dalla stessa descrizione della struttura del mondo: “Le ascensioni rituali al cielo avvengono sempre in un «centro» […] ogni abitazione umana è una imago mundi […] tutti questi simboli collegati e complementari presentano, ciascuno nella propria prospettiva, uno stesso significato: l’uomo può trascendere il mondo”[30].

Gianfranco Bertagni

Tratto, per gentile concessione dell’Autore, dal sito www.gianf rancobertagni.it; precedentemente pubblicato in ArKete 3 (1/1999).

NOTE

[1] Mircea Eliade, Trattato di storia delle religioni, Boringhieri, 1988, p. 39.
[2] Id., Lo sciamanismo e le tecniche dell’estasi, Mediterranee, 1975, p. 15.
[3] Id., Spezzare il tetto della casa. La creatività e i suoi simboli, Jaca Book, 1988, p. 203.
[4] Id., I riti del costruire, Jaca Book, 1990, p. 111.
[5] Id., La prova del labirinto, Jaca Book, 1980, p. 54. Le pp. 53-58 sono dedicate a Le tre lezioni dell’India cui accenniamo.
[6] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 276.
[7] Ibidem, pp. 336-7.
[8] Id., Spezzare il tetto della casa, cit., p. 201.
[9] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 234.
[10] Id., Mefistofele e l’androgine, Mediterranee, 1971, pp. 189-90.
[11] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 277.
[12] Ibidem, pp. 160-1.
[13] Id., Miti, sogni e misteri, Rusconi, 1976, p. 137.
[14] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 470.
[15] Ibidem, p. 195.
[16] Ibidem, p. 369.
[17] Id., Storia delle credenze e delle idee religiose, vol. I: Dall’età della pietra ai misteri eleusini, Sansoni, 1979, p. 34.
[18] Ibidem, p. 53. È da sottolineare però anche una certa oscillazione in Eliade, per cui a volte sembra che sia proprio la luna a creare il suo simbolismo. Ad esempio nel passo seguente: “L’intuizione della Luna, in quanto norma dei ritmi e fonte di energie, di vita e di rigenerazione, ha intessuto realmente una rete fra tutti i piani cosmici, creando simmetrie, analogie e partecipazioni fra fenomeni infinitamente vari”: Mircea Eliade, Trattato di storia delle religioni, cit., p. 176.
[19] Ibidem, p. 456.
[20] Ibidem, p. 339.
[21] Id., Immagini e simboli. Saggi sul simbolismo magico-religioso, TEA, 1993, p. 156.
[22] Id., Il mito dell’eterno ritorno, Rusconi, 1975, p. 15.
[23] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 40.
[24] Ibidem, p. 467.
[25] Ibidem, p. 471.
[26] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., p. 190.
[27] Id., Mito e realtà, Borla, 1976, p. 175.
[28] Ibidem, pp. 176-7.
[29] Id., Arti del metallo e alchimia, Bollati Boringhieri, 1976, p. 127.
[30] Id., Miti, sogni e misteri, cit., p. 133.

Il linguaggio attraverso il quale il mondo si rivela non è equiparabile al linguaggio usuale, quotidiano, perché la realtà di cui esso comunica l’essenza non è quella profana: “Non si tratta di un linguaggio utilitario e oggettivo. Il simbolo non ricalca la realtà oggettiva. Esso rivela qualche cosa di più profondo e di più fondamentale”[31]. Infatti abbiamo già detto che la realtà di cui ci parlano i simboli non è quella evidente all’esperienza comune; è invece - per certi versi - il suo opposto: per essempio, è paradossale: “Forse la funzione più importante del simbolismo religioso (importante, soprattutto per via del ruolo che doveva avere nelle successive speculazioni filosofiche) è la sua capacità di esprimere alcune situazioni paradossali e alcune strutture della realtà ultima, altrimenti impossibili ad esprimere”[32]; come è paradossale la ierofania stessa, la quale rivela e cela allo stesso tempo il sacro.

La paradossalità è vissuta nella vita dell’uomo attraverso quelle situazioni che lo pongono di fronte ai suoi limiti e ai loro superamenti, e queste sono espresse dal simbolo: “I simboli esprimono generalmente delle situazioni limite; un simbolo ci guida sempre verso il mistero della nascita, dell’amore, della fecondità, del rinnovamento, della morte e della resurrezione, dell’iniziazione, del passaggio da un modo d’essere all’altro, ecc.”[33]. Ogni simbolo esprime una situazione limite, e in forza di questo ci è consentito, secondo Eliade, confrontare simboli appartenenti a tradizioni diverse: “Quando, facendo astrazione dalla «storia» che li separa, noi raffrontiamo un simbolo oceaniano a un simbolo dell’Asia settentrionale, ci riteniamo autorizzati a farlo non in quanto entrambi sarebbero il prodotto di una stessa «mentalità infantile», bensì perché il simbolo, in se stesso, esprime la presa di conoscenza di una situazione-limite”[34]. L’uomo, i suoi ostacoli, le sue necessità sono identici ovunque e in ogni tempo: i simboli lo dimostrano.

Il simbolismo, comunicandoci la nostra natura paradossale e limitata, ci mette in contatto con la nostra situazione esistenziale: “Lo studio del simbolismo persegue [lo scopo di] decifrare […] la situazione esistenziale che ne ha reso possibile la costituzione”[35]; è questo aspetto che tocca più da vicino la natura umana, facendo sì che essa si senta pienamente coinvolta, chiamata in causa: essa non ha più a che fare con qualcosa che le è esterno, ma che invece la investe totalmente. Anche per questo aspetto, il simbolismo non è oggettivo: così il simbolismo religioso ha un valore esistenziale, infatti “un simbolo allude sempre a una realtà o ad una situazione tale da impegnare l’esistenza umana”. È innanzi tutto qui che i simboli si distinguono dai concetti. Il simbolo non solo comunica ma “dà anche un significato all’esistenza umana”. Attraverso il simbolismo, l’uomo esce dalla sua contingenza particolare, cosmicizzandosi: “«Vivere» un simbolo e decifrarne correttamente il messaggio implica l’apertura verso lo Spirito e alla fine l’accesso all’universale”[36]. Il simbolo ci informa dell’uomo in quanto tale: è questo che sembra significare Eliade quando parla di «situazione esistenziale», «valore esistenziale», ecc. Questo tipo di uomo è quello che non è ancora stato degradato dalla storia, dai condizionamenti dei tempi e delle culture: prima di essere storico, l’uomo è simbolico, ed è in quest’ultima modalità che vanno ricercate le strutture più significative e profonde che lo costituiscono: “Il pensiero simbolico […] è connaturato all’essere umano: precede il linguaggio e il ragionamento discorsivo. […] Le immagini, i simboli, i miti […] rispondono a una necessità ed adempiono una funzione importante: mettere a nudo le modalità più segrete dell’essere. Ne consegue che il loro studio ci permette di conoscere meglio l’uomo, l’«uomo tout court», quello che non è ancora sceso a patti con le condizioni della storia. Ogni essere storico porta con sé una grande parte dell’umanità prima della Storia”[37].

Il simbolo non è l’archetipo: non ha quindi una realtà autonoma rispetto alla quale l’uomo non deve far altro che conoscerla e adeguarcisi; giustamente Roberto Scagno, il maggior conoscitore di Eliade in Italia, ha scritto: “Il simbolo non è sostanza metafisica, ma strumento umano di riflessione e comunicazione”[38]. È infatti l’uomo l’unico creatore di simboli, oltre che unico fruitore; quindi, a differenza dell’archetipo, “il simbolo appare come una costruzione della psiche”[39]. L’uomo si caratterizza per quella particolare facoltà creatrice di simboli che gli è connaturata: “Dato che l’uomo dispone di una facoltà creatrice di simboli (symbol-forming power), tutto ciò che compie è simbolico”[40]. Si tratta quindi di una facoltà continuamente attiva, in forza della quale Eliade può parlare dell’uomo come homo symbolicus; infatti “i simboli non scompaiono mai dall’attualità psichica”[41]. Se ogni attività umana implica un simbolismo, allora anche “ogni fatto religioso avrà necessariamente un carattere simbolico”[42]. Vi è poi un circolo vizioso - anzi, eliadianamente virtuoso - per il quale anche il fatto religioso stesso, simbolico in quanto proprio dell’uomo, porta quest’ultimo ad interpretarsi come simbolo, esperienza esistenziale che gli consente di sentirsi parte di quella rete di simboli per eccellenza che è l’universo: “L’esperienza magico-religiosa permette la trasformazione dell’uomo stesso in simbolo. […] L’uomo non sente più di essere un frammento impermeabile, è invece un Cosmo vivo, aperto a tutti gli altri Cosmi vivi che lo circondano”[43].

In quanto dato immediato della coscienza, il simbolismo “determina sia l’attività del […] subcosciente [dell’uomo], sia le più nobili espressioni della sua vita spirituale”[44]. Eliade considera gli archetipi influenti, oltre che sulla vita spirituale, anche su quella subcosciente. Essendo l’attività dei simboli anche inconscia, ed essendo l’uomo il produttore di simboli, anche in un periodo non religioso come quello moderno si può continuare a parlare di un uomo che, seppur profano, “rimanendo uomo, produce ugualmente simboli; si tratta però di simboli degradati, che, non essendo consapevolmente riconosciuti, non possono svolgere pienamente la loro funzione. Solo il simbolo religioso è vissuto coscientemente, nella pienezza del suo significato”[45]. Se il vero significato del simbolo lo si può cogliere solo attraverso la sua comprensione religiosa, anche qui si riscontra una equivalenza con l’analisi eliadiana degli archetipi: questi ultimi hanno la loro sede propria nel transconscio, e anche i simboli, per la loro logica che è altra rispetto a quella propria della ragione (ricordiamo che il simbolismo per Eliade è l’opposto del razionalismo), rimandano a quel centro psichico che permette all’uomo religioso di vivere una vita pienamente regolata ai paradigmi divini. Compresa la logica del simbolo solo retoricamente si può porre la seguente domanda: “determinate zone dell’inconscio individuale o collettivo sono dominate, a loro volta, dal logos, oppure ci troviamo davanti a manifestazioni di un transconscio?”[46].

Simbolo e ierofania assolvono entrambi allo stesso compito: infatti modificano la consistenza ontologica della realtà che investono. Se la ierofania è “ciò che mostra il sacro”, allora la sua dialettica paradossale consiste proprio nell’indicare, ad esempio, un oggetto come la sede del sacro: il finito diventa infinito, pur mantenendo le sue proprietà. L’oggetto quindi si trasforma in qualcosa di altro, pur rimanendo tale. Un analogo discorso si può fare anche nei riguardi del simbolo: “La sua funzione resta invariabile: trasformare un oggetto o un atto in qualche cosa di diverso da quel che sono nella prospettiva dell’esperienza profana”[47]. In questo senso, il simbolo non è altro che la naturale continuazione della rivelazione ierofanica: “Il simbolo prolunga la dialettica della ierofania: tutto quel che non è direttamente consacrato da una ierofania, diventa sacro grazie alla sua partecipazione a un simbolo”[48]. Se la ierofania si ferma nel rivelare il sacro in un sasso, in una persona, in un gesto, ecc., il simbolo ha in sé la capacità di riepilogare il Cosmo intero, attraverso un’infinità di collegamenti con altri simboli: questo fa sì che, come abbiamo già visto, ogni simbolo si richiami al simbolismo di cui fa parte. Attraverso le ierofanie, l’esperienza religiosa si frammenta in una infinita discontinuità; invece “il simbolismo tradisce il bisogno dell’uomo di prolungare all’infinito la ierofanizzazione del Mondo”. Grazie ad esso, traspare all’uomo “una tendenza a identificare questa ierofania col complesso dell’Universo”[49].

Se la storia delle religioni è essenzialmente storia delle ierofanie, l’esperienza religiosa, se vuole accedere a quella visione mistica della realtà caratteristica di chi vede ovunque il sacro, deve inserirsi in un simbolismo che permetta di non arrestarsi alle ierofanie, che realizzano e giustificano la differenza ontologica tra sacro e profano, ma che consenta di superarle grazie a una trasfigurazione dello stesso profano. “Per la mentalità arcaica, natura e simbolo coesistono”[50]. Nell’esperienza mistica, la natura è tutta divina, tutto è archetipo, tutto ierofania, non esiste più sopra e sotto: “Per i «primitivi» in genere non esiste una differenza netta fra «naturale» e «sovrannaturale», fra oggetto empirico e simbolo. Un oggetto diviene «se stesso» (cioè incorpora un valore) nella misura in cui riproduce un archetipo, ecc.”[51]. Il profano può aspirare ad una sorta di realtà solo in quanto traccia del sacro; questo gli è possibile unicamente grazie al simbolo, che rende evidente la complementarità tra sacro e profano, attraverso la quale il simbolismo si estende sulla totalità del reale. Perciò è da evitare il “credere che il simbolismo si riferisca unicamente alle realtà «spirituali». Per il pensiero arcaico una separazione del genere tra lo «spirituale» e il «materiale» non ha senso: i due piani sono complementari”[52].

Ma questa distinzione tra la capacità onnicomprensiva del simbolo e la frammentazione del sacro attraverso le ierofanie non deve però condurci a contrapporre, per così dire, una “interpretazione ierofanica” a una “interpretazione simbolistica”: il sacro, infatti, per sua essenza, cerca la sua massima rivelazione nella realtà. E questo tentativo non può che esplicitarsi nelle stesse ierofanie, che sono la sua originaria manifestazione: così “la massima parte delle ierofanie sono atte a diventare simboli”[53]. Le ierofanie divengono a volte simboli, ma anche i simboli diventano ierofanie: ciò è forse ancor più inevitabile. Del resto ierofania è tutto ciò che rivela il sacro; allora anche il simbolo dovrà avere carattere ierofanico. Infatti, grazie ad esso, ci sono rivelate diverse sfere della realtà sacra, che altrimenti - cioè rimanendo sul piano delle ierofanie pure - ci rimarrebbero oscure. Per questo, “il simbolo […], all’occorrenza, è esso stesso una ierofania, cioè […] rivela una realtà sacra o cosmologica che nessun’altra «manifestazione» è capace di rivelare”[54]. Ogni ierofania è per altro parte di un simbolismo coerente all’interno del quale riceve il suo più vero significato, grazie al fatto che proprio di quest’ultimo è la capacità di comunicare il sacro nel modo più estensivo possibile, rendendo del tutto espliciti l’insieme dei significati che in ogni ierofania sono a volte solo accennati e frammentati: i “diversi simbolismi possono con ragione considerarsi «sistemi» autonomi, nella misura in cui manifestano più chiaramente, più totalmente e con coerenza superiore quel che le ierofanie manifestano in modo particolare, locale, successivo”[55]. Perciò ogni ierofania va interpretata, quando è possibile, all’interno del sistema simbolico di cui fa parte, per coglierne il significato profondo.

Certo, come il simbolo, anche il simbolismo non è una realtà oggettivamente constatabile (il “simbolismo acquatico non è manifestato in nessun luogo in modo concreto, non ha «sostegno», è formato da un insieme di simboli interdipendenti e integrabili in un sistema; nondimeno è reale”[56]), ma è quella costruzione teorica che è compito dello storico delle religioni rilevare, affinché in ogni fatto religioso sia esplicito il fascio di significati e la serie di legami con altre sfere del sacro in esso contenute: questa costruzione è possibile perché “un simbolo rivela sempre […] l’unità fondamentale di parecchie zone del reale. […]; d’altra parte gli oggetti, diventando simboli, cioè segni di una realtà trascendente, annullano i loro limiti concreti, cessano di essere frammenti isolati, per integrarsi in un sistema”[57].

Il simbolo, oltre a richiamare altri simboli, riceve in sé i sempre nuovi significati di cui la storia lo investe nelle diverse tradizioni religiose: “Il simbolo è sempre aperto. […] L’interpretazione non è mai conclusa”[58]. Consideriamo, ad esempio, il simbolo dell’albero. Quest’ultimo rappresenta il Cosmo, nella sua inesauribile rigenerazione, simbolo a sua volta dell’eternità: allora, “l’albero-Cosmo può per questo diventare, su di un altro livello, albero della «Vita-senza-morte»”. Ma la vita eterna, nella metafisica arcaica, vuole significare la realtà assoluta, e dunque “l’albero diventa il simbolo di questa realtà («il centro del mondo»)”[59].

Sarà allora obbligatoria a chiunque voglia conoscere il significato di un qualsiasi simbolo religioso, compararne i diversi contenuti nelle varie tradizioni e anche in una stessa storia religiosa: “Un simbolo resta vuoto di senso, se non si analizza un numero molto grande di varianti. Ora, tra queste non esiste, talvolta, alcuna contiguità storica e ciò rende ancora più difficile il lavoro d’interpretazione”[60]. Il simbolismo che si ricaverà da questo approccio comparativo sarà necessariamente trans-culturale, trans-storico, nella certezza che, secondo l’impostazione eliadiana, la coerenza non potrà mai essere contraddetta, in forza di quei principi paradigmatici che sempre e comunque si rivelano identici a se stessi nel loro significato più profondo: “È in una prospettiva totale che racchiude la totalità delle culture che dobbiamo giudicare la fecondità di un simbolismo il quale esprime le strutture della vita cosmica e contemporaneamente rende intelligibile il modo di essere dell’uomo nel mondo”[61]. La comparazione però non si spinge fino all’appiattimento di qualsiasi significato ad un unicum: se da una parte, l’analisi delle diverse interpretazioni dello stesso simbolo ci indicano il suo valore archetipico, dall’altra essa sola ci consente di valutare correttamente e mettere in risalto quelle differenze ineliminabili dovute alla storia, all’ideologia religiosa di cui esso fa parte, ecc.: “La struttura di un simbolismo si lascia decifrare completamente solo quando si è analizzato un notevole numero di esempi. […] Solo dopo aver esaminato tutte le varianti, la diversità del significato di ognuna vien bene in rilievo”[62]. Così Eliade riassume la sua posizione rispetto alla comparazione tra i simboli: “Si cerca di ricostruire il significato simbolico di fatti religiosi in apparenza eterogenei ma strutturalmente collegati […]. Un tale procedimento non implica la riduzione di tutti i significati a un comune denominatore. Non si potrà insistere mai abbastanza sul fatto che la ricerca sulle strutture simboliche è un lavoro, non di riduzione ma di integrazione. Si paragonano e si confrontano due espressioni di uno stesso simbolo non per ridurle a una forma unica preesistente, ma per scoprire il processo grazie al quale una struttura può arricchirsi di nuovi significati”[63].

In che senso ‘può arricchirsi di nuovi significati’? Il significato permane al di là della mutevolezza dei significanti. Ma, oltre che permanere, viene maggiormente inteso, sempre più profondamente vissuto: il motivo è la dialettica caratteristica del sacro, che fa sì che esso non smetta mai di manifestarsi, cercando sempre nuove ierofanie, nel tentativo di totalizzarsi nell’intera realtà. A tale riguardo, sembra esservi a volte in Eliade una sorta di “evoluzionismo ierofanico”; “Le innumerevoli nuove manifestazioni del sacro ripetono […] altre innumerevoli manifestazioni di esso già contenute […] nel […] passato, nella […] «storia»: ma è parimenti vero che l’esistenza di questa storia non giunge fino a paralizzare la spontaneità delle ierofanie: una rivelazione più completa del sacro resta sempre possibile, in qualsiasi momento”[64].

Come nelle ierofanie, anche nei simboli, se da una parte il fascio di significati in essi contenuti sembra rifarsi al piano degli archetipi, dall’altra parte il vero senso del simbolo, la sua pienezza teoretica si rende evidente - a volte - solo nella sua maturità: “Il senso ultimo di certi simboli si manifesta soltanto nella loro «maturità», cioè quando si considera la loro funzione nelle operazioni più complesse dello spirito”[65]. Si può dunque parlare anche di «evoluzionismo simbolico», che comunque è un tutt’uno con la dialettica delle ierofanie, in quanto riconducibili entrambi in quella carica intrinseca del sacro per cui esso cerca di rivelarsi nel modo più aperto possibile. Questo tipo di evoluzionismo il più delle volte si presenta non solo come evoluzionismo metafisico, ma anche come evoluzionismo storico: ad esempio, l’ontofania del sasso cultuale “può modificare la sua «forma» nel corso della storia; lo stesso sasso”, se prima mostrava semplicemente che il sacro è cosa diversa dall’ambiente circostante, che, simile alla roccia, il sacro «è» di carattere assoluto, “potrà essere venerato, più tardi, non per quanto rivela in modo immediato (non più come ierofania elementare), ma perché è integrato in uno spazio sacro (tempio, altare, ecc.) o perché è considerato l’epifania di un dio, ecc.”[66].

Si tratta però di un evoluzionismo molto particolare: a volte cioè sembra che un’immagine, un simbolo, siano naturalmente portati a includere certi significati, e che se essi diverranno espliciti solo da un certo momento storico, ciò comunque vorrà dire che non potevano che essere contenuti in quel particolare simbolo, e non in altri: per esempio, la rivelazione portata dalla fede (l'’invenzione’ del giudaismo), “non distruggeva i significati «primari» delle Immagini[67], ma si limitava semplicemente ad aggiungere ad esse un nuovo valore”; resta però sempre vero che “ogni nuova messa in valore è sempre stata condizionata dalla struttura stessa dell’Immagine, a tal punto che di un’Immagine si può dire che essa attende che il suo significato si compia”[68]. Più spesso invece Eliade, facendosi aiutare dai risultati della psicologia del profondo, indica la totalità dei significati residente da sempre nel simbolo: alcuni sarebbero vissuti in modo cosciente, altri in modo incosciente, ma tutti assolverebbero alla loro funzione nella vita spirituale dell’uomo. Nella conclusione di un articolo sul simbolismo religioso Eliade si chiede se i ’significati superiori’ dei simboli, espliciti nella piena maturità di questi ultimi, non fossero già impliciti, quindi almeno in vago modo percepiti anche dagli uomini appartenenti alle culture più arcaiche. Il problema è assai arduo, perché - continua Eliade - il simbolo agisce all’interno di tutta la struttura psichica: quindi il messaggio di un simbolo non si può circoscriverlo ai significati di cui si è coscienti. Quindi abbiamo a che fare con due conseguenze: “1) Se a un certo punto della storia un simbolo religioso ha potuto esprimere con chiarezza un significato trascendente, si è autorizzati a supporre che in un’epoca anteriore questo significato ha potuto essere oscuramente presentito”; inoltre, come avevamo avuto già modo di rilevare, “2) per decifrare un simbolo religioso, non basta prendere in considerazione tutti i suoi contesti, bisogna anche, e soprattutto, riflettere sui significati che esso ha avuto in quella che si potrebbe chiamare la sua «maturità»”[69].

In Eliade dunque il cosiddetto ‘terrore della storia’, su cui lo studioso romeno spesso si è soffermato, coesiste con una sotterranea consapevolezza della positività del procedere storico, nel senso di portatore di nuovi valori, nella sempre nuova e sempre più matura interpretazione dei simboli. La sua idea secondo la quale sarebbe la religiosità cosmica immanente al mondo a informare l’uomo della sua situazione esistenziale, fa sì che egli tenti di limitare di molto tutti quei valori religiosi che invece vengono comunicati attraverso la storia: i simboli derivanti, in certo modo, dalla storia sono dichiarati come “molto meno frequenti dei simboli a struttura cosmica o di quelli che si riferiscono alla condizione umana”[70]. Eliade si dichiara disinteressato a ciò che può costituire la storia di un simbolo; il suo Trattato ne è l’esempio classico. Spesso dichiara che se si dovrà fare una storia delle religioni, prima sarà necessario comprendere da dentro le strutture e i significati delle diverse esperienze religiose: “Il problema della «storia» dei motivi interessa la nostra ricerca soltanto in via sussidiaria. […] Quel che ci interessa per ora è di sapere quale fu la funzione religiosa”[71]. Per altro verso, anche quei simboli che provengono da una storia recente, sistematizzatori di quelle nuove acquisizioni che l’uomo ha avuto - per esempio, nell’ambito della tecnica - sono diventati simboli religiosi grazie alla loro funzione di creatori di cultura. Se una parte di realtà è fondata dal simbolo in un certo periodo storico, allora esso, rivestito del suo carattere sacro (in quanto solo il sacro è reale e il reale è tale in quanto rimanda al sacro), esce dal tempo, portandosi nella sua sede originaria, cioè nell’illud tempus: “Certi simboli legati a fatti recenti di cultura, pur essendo situati nel tempo storico sono divenuti simboli religiosi per aver contribuito a «fondare il mondo», nel senso da permettere a nuovi mondi rivelati dall’agricoltura, dall’addomesticamento degli animali, dalla regalità, di «parlare», di rivelarsi agli uomini, svelando nello stesso punto nuove situazioni umane. In altre parole, i simboli legati a fasi recenti di cultura si sono costituiti allo stesso modo dei simboli più arcaici, cioè come il risultato di tensioni esistenziali e di assunzioni totali del mondo. Quale pur sia la storia di un simbolo religioso, la sua funzione è sempre la stessa”[72].

In questa ermeneutica del simbolo, ogni documento costituisce un prezioso elemento: l’eterogeneità dei significati compresi in un simbolo ci è evidente anche dalla diversificazione delle fonti di cui disponiamo: le diverse provenienze e i diversi contenuti dei documenti sono da considerare “indispensabili, non soltanto per ricostruire la storia di una ierofania, ma anzitutto perché concorrono a costruire le modalità del sacro rivelate attraverso questa ierofania”[73]. Tale eterogeneità dei documenti è indispensabile non solo per una completa comprensione del simbolo , ma anche per una più generale morfologia del sacro: in essa, simbolo, mito e rito devono essere gli imprescindibili strumenti di lavoro dello storico delle religioni. Infatti ognuno di questi generi di documenti mostra regioni del sacro di cui gli altri non partecipano o partecipano solo in maniera implicita e nascosta: solo essi, presi insieme, possono “rivelarci tutte le modalità del sacro, perché un simbolo o un mito lasciano trasparire nettamente le modalità che un rito non può manifestare, che nel rito sono solo implicite”, così come anche “un simbolo non potrà mai rivelare tutto quel che rivela il rito”[74].

Il mondo (e il sacro in esso presente tramite la dialettica delle ierofanie) comunica la sua struttura profonda all’uomo attraverso questa triade di filtri: “Attraverso i simboli il mondo […] si «rivela»”[75] e “tramite il mito e il rito «il mondo ‘parla’ all’uomo»”[76].

Gianfranco Bertagni

NOTE

[31] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., p. 189.
[32] Ibidem, p. 192.
[33] Id., Spezzare il tetto della casa, cit., p. 225.
[34] Id., Immagini e simboli, cit., p. 156.
[35] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., pp. 187-8.
[36] Ibidem, pp. 194-5.
[37] Id., Immagini e simboli, cit., p. 16.
[38] Roberto Scagno, «Mircea Eliade: un Ulisse romeno tra Oriente e Occidente», in: L. Arcella, P. Pisi, R. Scagno (a cura di), Confronto con Mircea Eliade. Archetipi mitici e identità storica, Jaca Book, 1998, p. 23.
[39] Mircea Eliade, Immagini e simboli, cit., p. 157.
[40] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., p. 178.
[41] Id., Immagini e simboli, cit., p. 19.
[42] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., p. 186.
[43] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., pp. 473-4. È invece propria dell’uomo moderno (in quanto irreligioso), l’”esistenza frantumata e straniata”, Ibidem.
[44] Ibidem, pp. 43-4.
[45] Natale Spineto, «La ‘nostalgia del paradiso’. Religione e simbolo in Mircea Eliade», in: “Filosofia e Teologia”, n. 2, 1992, p. 302.
[46] Mircea Eliade, Immagini e simboli, cit., p. 37.
[47] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 462.
[48] Ibidem.
[49] Ibidem, pp. 464-5.
[50] Ibidem, p. 275.
[51] Id., Lo sciamanismo, cit., p. 287 (nota 15).
[52] Id., Immagini e simboli, cit., p. 157.
[53] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 463.
[54] Ibidem.
[55] Ibidem, p. 466.
[56] Ibidem.
[57] Ibidem, p. 469.
[58] Id., La prova del labirinto, cit., p. 121.
[59] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 275.
[60] Id., Arti del metallo e alchimia, cit., p. 63.
[61] Id., La nostalgia delle origini. Storia e significato nella religione, Morcelliana, 1972, p. 188.
[62] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., p. 185.
[63] Ibidem, p. 188.
[64] Id., Lo sciamanismo, cit., p. 15.
[65] Id., Miti, sogni e misteri, cit., p. 140.
[66] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 31. Il corsivo è nostro.
[67] L’immagine è simbolo. Spesso Eliade parla indifferentemente di ’simbolo’ e di ‘immagine’. Del resto è proprio dell’immagine rimandare ad altro. Cfr. Natale Spineto, «La ‘nostalgia del paradiso’. Religione e simbolo in Mircea Eliade», cit., p. 302-3.
[68] Mircea Eliade, Immagini e simboli, cit., p. 142.
[69] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., pp. 198-9.
[70] Ibidem, p. 196.
[71] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 273.
[72] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., p. 197.
[73] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 11.
[74] Ibidem, p. 13.
[75] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., p. 189.
[76] Natale Spineto, «La ‘nostalgia delle origini’. Religione e simbolo in Mircea Eliade», cit., p. 313.

RIFERIMENTI BIBLIOGRAFICI

Mircea Eliade, Trattato di storia delle religioni, Bollati Boringhieri, 1972.
Mircea Eliade, Lo Sciamanismo e le tecniche dell’estasi, Mediterranee, 1975.
Mircea Eliade, Spezzare il tetto della casa. La creatività e i suoi simboli, Jaca Book, 1988.
Mircea Eliade, I riti del costruire, Jaca Book, 1990.
Mircea Eliade, La prova del labirinto, Jaca Book, 1980.
Mircea Eliade, Mefistofele e l’androgine, Mediterranee, 1971.
Mircea Eliade, Miti, sogni e misteri, Rusconi, 1976.
Mircea Eliade, Storia delle credenze e delle idee religiose. I. Dall’età della pietra ai misteri eleusini, Sansoni, 1979.
Mircea Eliade, Immagini e simboli. Saggi sul simbolismo magico-religioso, TEA, 1993.
Mircea Eliade, Il mito dell’eterno ritorno, Rusconi, 1975.
Mircea Eliade, Mito e realtà, Borla, 1966.
Mircea Eliade, Arti del metallo e alchimia, Bollati Boringhieri, 1987.
Mircea Eliade, La nostalgia delle origini. Storia e significato nella religione, Morcelliana, 1972.
L. Arcella, P. Pisi, R. Scagno (a cura di), Confronto con Mircea Eliade. Archetipi mitici e identità storica, Jaca Book, 1998.
Natale Spineto, La ‘nostalgia del Paradiso’. Religione e simbolo in Mircea Eliade, in Filosofia e Teologia, n. 2., 1992, pp. 296-319

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mercredi, 23 avril 2008

H. Arendt face à la gauche

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Hannah Arendt face à la gauche

Dans une très lon­gue étude intitulée «Hannah Arendt bei den Linken», Ernst Vollrath, professeur de philosophie, étudie en détail la confrontation entre Hannah Arendt et les gauches alle­man­des, qui la rejetaient, parce qu'elles la considéraient com­me une “adepte de la guerre froide”. Cependant, il rend justice au jeune Habermas, qui, dès 1961, souligne l'impor­tan­ce du livre d'Arendt, Vita activa. Arendt y fait la dif­férence entre "Technique" et "Praxis", à l'instar d'Aristote, ce qui permet à Habermas de forger les concepts qui le ren­­dront célèbre: l'agir stratégique-instrumental et l'agir com­municationnel, avatars de la technique et de la praxis. Vollrath fait également une longue parenthèse sur la ré­ception d'Arendt et sur la critique du totalitarisme en Fran­ce. Il souligne que le fondement de la démarche de Hannah Arendt réside dans sa conception holiste du politique, qui entend mettre la “société civile”, expression de la vie, à l'a­bri des démarches aliénantes de la sphère politicienne. D'où l'émergence de deux concepts du politique: l'un cher­chant la mobilisation de tous dans les appareils partisans in­vestissant l'Etat, l'autre cherchant plus simplement à as­su­rer l'indépendance de la société civile, l'autonomie de son fonctionnement et, partant, la liberté des citoyens. C'est au fond une distinction qui remonte au 17ième siècle, entre la pensée coercitive de Bodin, ramenant tous les res­sorts de la société à l'ap­pareil étatique désincarné et les pla­çant d'autorité sous son contrôle absolu, et les pensées di­tes “sym­bio­ti­ques”, dont l'œuvre d'Althusius constitue le pa­radigme in­dé­passable. Le “symbiotisme” qui court d'Al­thu­sius à Ferdinand Tönnies et aux communautariens amé­ricains contemporains, permet une praxis, qui est implicite­ment un “agir communicationnel”, naturel et non pas con­struit, qui n'a nul besoin de dire son nom, ni de se parer d'un vocable savant et prétentieux, qui fait les délices des au­todidactes complexés et obséquieux (Robert Steuckers).

Ernst Vollrath: «Hannah Arendt bei den Linken»:

http://www.nakayama.org/polylogos/philosophers/arendt/are...

 

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jeudi, 17 avril 2008

Liberal Double-Talk

The Liberal Double-Talk & its Lexical and Legal Consequences

by Tomislav (Tom) Sunic


Language is a potent weapon for legitimizing any political system. In many instances the language in the liberal West is reminiscent of the communist language of the old Soviet Union, although liberal media and politicians use words and phrases that are less abrasive and less value loaded than words used by the old communist officials and their state-run media. In Western academe, media, and public places, a level of communication has been reached which avoids confrontational discourse and which resorts to words devoid of substantive meaning. Generally speaking, the liberal system shuns negative hyperbolas and skirts around heavy-headed qualifiers that the state-run media of the Soviet Union once used in fostering its brand of conformity and its version of political correctness. By contrast, the media in the liberal system, very much in line with its ideology of historical optimism and progress, are enamored with the overkill of morally uplifting adjectives and adverbs, often displaying words and expressions such as "free speech," "human rights," "tolerance," and "diversity." There is a wide spread assumption among modern citizens of the West that the concepts behind these flowery words must be taken as something self-evident.

There appears to be a contradiction. If free speech is something "self- evident" in liberal democracies, then the word "self-evidence" does not need to be repeated all the time; it can be uttered only once, or twice at the most. The very adjective "self-evident," so frequent in the parlance of liberal politicians may in fact hide some uncertainties and even some self-doubt on the part of those who employ it. With constant hammering of these words and expressions, particularly words such as "human rights," and "tolerance", the liberal system may be hiding something; hiding, probably, the absence of genuine free speech. To illustrate this point more clearly it may be advisable for an average citizen living in the liberal system to look at the examples of the communist rhetoric which was once saturated with similar freedom-loving terms while, in reality, there was little of freedom and even less free-speech.

Verbal Mendacity

The postmodern liberal discourse has its own arsenal of words that one can dub with the adjective "Orwellian", or better yet "double-talk", or simply call it verbal mendacity. The French use the word "wooden language" (la langue de bois) and the German "cement" or "concrete" language (Betonsprache) for depicting an arcane bureaucratic and academic lingo that never reflects political reality and whose main purpose is to lead masses to flawed conceptualisation of political reality. Modern authors, however, tend to avoid the pejorative term "liberal double-talk,” preferring instead the arcane label of "the non-cognitive language which is used for manipulative or predictive analyses." (1) Despite its softer and non abrasive version, liberal double-talk, very similar to the communist "wooden language," has a very poor conceptual universe. Similar to the communist vernacular, it is marked by pathos and attempts to avoid the concrete. On the one hand, it tends to be aggressive and judgemental towards its critics yet, on the other, it is full of eulogies, especially regarding its multiracial experiments. It resorts to metaphors which are seldom based on real historical analogies and are often taken out of historical context, notably when depicting its opponents with generic “shut-up” words such as "racists", "anti-Semites", or "fascists".

The choice of grammatical embellishers is consistent with the all-prevailing, liberal free market which, as a rule, must employ superlative adjectives for the free commerce of its goods and services. Ironically, there was some advantage of living under the communist linguistic umbrella. Behind the communist semiotics in Eastern Europe, there always loomed popular doubt which greatly helped ordinary citizens to decipher the political lie, and distinguish between friend and foe. The communist meta-language could best be described as a reflection of a make-belief system in which citizens never really believed and of which everybody, including communist party dignitaries, made fun of in private. Eventually, verbal mendacity spelled the death of communism both in the Soviet Union and Eastern Europe.

By contrast, in the liberal system, politicians and scholars, let alone the masses, still believe in every written word of the democratic discourse. (2) There seem to be far less heretics, or for that matter dissidents who dare critically examine the syntax and semantics of the liberal double-talk. Official communication in the West perfectly matches the rule of law and can, therefore, rarely trigger a violent or a negative response among citizens. Surely, the liberal system allows mass protests and public demonstrations; it allows its critics to openly voice their disapproval of some flawed foreign policy decision. Different political and infra-political groups, hostile to the liberal system, often attempt to publicly drum-up public support on behalf or against some issue - be it against American military involvement in the Middle East, or against the fraudulent behavior of a local political representative. But, as an unwritten rule, seldom can one see rallies or mass demonstrations in Australia, America, or in Europe that would challenge the substance of parliamentary democracy and liberalism, let alone discard the ceremonial language of the liberal ruling class. Staging open protests with banners "Down with liberal democracy!, or "Parliamentary democracy sucks"!, would hardly be tolerated by the system. These verbal icons represent a “no entry zone” in liberalism.

The shining examples of the double-talk in liberalism are expressions such as "political correctness", "hate speech," "diversity," "market democracy," "ethnic sensitivity training" among many, many others. It is often forgotten, though, that the coinage of these expressions is relatively recent and that their etymology remains of dubious origin. These expressions appeared in the modern liberal dictionary in the late 70s and early 80s and their architects are widely ignored. Seldom has a question been raised as to who had coined those words and given them their actual meaning. What strikes the eyes is the abstract nature of these expressions. The expression "political correctness" first appeared in the American language and had no explicit political meaning; it was, rather, a fun- related, derogatory expression designed for somebody who was not trendy, such as a person smoking cigarettes or having views considered not to be "in" or "cool." Gradually, and particularly after the fall of communism, the conceptualization of political correctness, acquired a very serious and disciplinary meaning.

Examples of political eulogy and political vilification in liberalism are often couched in sentimentalist vs. animalistic words and syllabi, respectively. When the much vaunted free press in liberalism attempts to glorify some event or some personality that fits into the canons of political rectitude, it will generally use a neutral language with sparse superlatives, with the prime intention not to subvert its readers, such as: "The democratic circles in Ukraine, who have been subject to governmental harassment, are propping up their rank and file to enable them electoral success." Such laudatory statements must be well-hidden behind neutral words. By contrast when attempting to silence critics of the system who challenge the foundation of liberal democracy, the ruling elites and their frequently bankrolled journalists will use more direct words - something in the line of old Soviet stylistics, e.g.: "With their ultranationalist agenda and hate-mongering these rowdy individuals on the street of Sydney or Quebec showed once again their parentage in the monstrosity of the Nazi legacy." Clearly, the goal is to disqualify the opponent by using an all pervasive and hyperreal word "Nazism." "A prominent American conservative author Paul Gottfried writes: "In fact, the European Left, like Canadian and Australian Left, pushes even further the trends adapted from American sources: It insists on criminalizing politically correct speech as an incitement to "fascists excess." (3)


The first conclusion one can draw is that liberalism can better fool the masses than communism. Due to torrents of meaningless idioms, such as "human rights" and "democracy" on the one hand, and "Nazism" and "fascism" on the other, the thought control and intellectual repression in liberalism functions far better. Therefore, in the liberal “soft” system, a motive for a would-be heretic to overthrow the system is virtually excluded. The liberal system is posited on historical finitude simply because there is no longer the communist competitor who could come up with its own real or surreal "freedom narrative." Thus, liberalism gives an impression of being the best system – simply because there are no other competing political narratives on the horizon.

What are the political implications of the liberal double-talk? It must be pointed out that liberal language is the reflection of the overall socio-demographic situation in the West. Over the last twenty years all Western states, including Australia, have undergone profound social and demographic changes; they have become "multicultural" systems. (multicultural being just a euphemism for a"multiracial" state). As a result of growing racial diversity the liberal elites are aware that in order to uphold social consensus and prevent the system from possible balkanization and civil war, new words and new syntax have to be invented. It was to be expected that these new words would soon find their way into modern legislations. More and more countries in the West are adopting laws that criminalize free speech and that make political communication difficult. In fact, liberalism, similar to its communist antecedents, it is an extremely fragile system. It excludes strong political beliefs by calling its critics "radicals," which, as a result, inevitably leads to political conformity and intellectual duplicity. Modern public discourse in the West is teeming with abstract and unclear Soviet-style expressions such as “ethnic sensitivity training”, "affirmative action”, "antifascism", "diversity", and “holocaust studies". In order to disqualify its critics the liberal system is resorting more and more to negative expression such as "anti-Semites", or " "neo-Nazi", etc. This is best observed in Western higher education and the media which, over the last thirty years, have transformed themselves into places of high commissariats of political correctness, having on their board diverse "committees on preventing racial perjuries", "ethnic diversity training programs", and in which foreign racial awareness courses have become mandatory for the faculty staff and employees. No longer are professors required to demonstrate extra skills in their subject matters; instead, they must parade with sentimental and self-deprecatory statements which, as a rule, must denigrate the European cultural heritage.

By constantly resorting to the generic word "Nazism" and by using the prefix "anti", the system actually shows its negative legitimacy. One can conclude that even if all anti-Semites and all fascists were to disappear, most likely the system would invent them by creating and recreating these words. These words have become symbols of absolute evil.

The third point about the liberal discourse that needs to be stressed is its constant recourse to the imagery of hyperreality. By using the referent of "diversity", diverse liberal groups and infra-political tribes prove in fact their sameness, making dispassionate observers easily bored and tired. Nowhere is this sign of verbal hyperreality more visible than in the constant verbal and visual featuring of Jewish Holocaust symbolism which, ironically, is creating the same saturation process among the audience as was once the case with communist victimhood. The rhetoric and imagery of Holocaust no longer function "as a site of annihilation but a medium of dissuasion."(4).

The Legal Trap

Other than as a simple part of daily jargon the expression "hate speech" does not exist in any European or American legislation. Once again the distinction needs to be made between the legal field and lexical field, as different penal codes of different Western countries are framed in a far more sophisticated language. For instance, criminal codes in continental Europe have all introduced laws that punish individuals uttering critical remarks against the founding myths of the liberal system. The best example is Germany, a country which often brags itself to be the most eloquent and most democratic Constitution on Earth. This is at least what the German ruling elites say about their judiciary, and which does not depart much from what Stalin himself said about the Soviet Constitution of 1936. The Constitution of Germany is truly superb, yet in order to get the whole idea of freedom of speech in Germany one needs to examine the country's Criminal Code and its numerous agencies that are in charge of its implementation. Thus, Article 5 of the German Constitution (The Basic Law) guarantees "freedom of speech." However, Germany's Criminal Code, Section 130, and Subsection 3, appear to be in stark contradiction to the German Basic Law. Under Section 130, of the German criminal code a German citizen, but also a non-German citizen, may be convicted, if found guilty, of breaching the law of "agitation of the people" (sedition laws). It is a similar case with Austria. It must be emphasized that there is no mention in the Criminal Code of the Federal Republic of Germany of the Holocaust or the Nazi extermination of the Jews. But based on the context of the Criminal Code this Section can arbitrarily be applied when sentencing somebody who belittles or denies National- Socialist crimes or voices critical views of the modern historiography. Moreover a critical examination of the role of the Allies during World War may also bring some ardent historian into legal troubles.

The German language is a highly inflected language as opposed to French and English which are contextual languages and do not allow deliberate tinkering with prefixes or suffixes, or the creation of arbitrary compound words. By contrast, one can always create new words in the German language, a language often awash with a mass of neologisms. Thus, the title of the Article 130 of the German Criminal Code Volksverhetzung is a bizarre neologism and very difficult compound word which is hard to translate into English, and which on top, can be conceptualized in many opposing ways. (Popular taunting, baiting, bullying of the people, public incitement etc..). Its Subsection 3, though is stern and quite explicit and reads in English as follows:

"Whoever publicly or in a meeting approves of, denies or renders harmless an act committed under the rule of National Socialism… shall be punished with imprisonment for not more than five years or a fine."

If by contrast the plight of German civilians after World War II is openly discussed by a German academic or simply by some free spirit, he may run the risk of being accused of trivializing the official assumption of sole German guilt during World War II. Depending on a local legislation of some federal state in Germany an academic, although not belittling National Socialist crimes may, by inversion, fall under suspicion of "downplaying" or "trivializing" Nazi crimes - and may be fined or, worse, land in prison. Any speech or article, for instance, that may be related to events surrounding World War may have a negative anticipatory value in the eyes of the liberal inquisitors, that is to say in the eyes of the all prevailing Agency for the protection of the German Constitution (Verfassungschutz). Someone's words, as in the old Soviet system, can be easily misconstrued and interpreted as an indirect belittlement of crimes committed by National-Socialists.

Germany is a half-sovereign country still legally at war with the USA, and whose Constitution was written under the auspices of the Allies. Yet unlike other countries in the European Union, Germany has something unprecedented. Both on the state and federal levels it has that special government agency in charge of the surveillance of the Constitution. i.e., and whose sole purpose is to keep track of journalists, academics and right-wing politicians and observe the purity of their parlance and prose. The famed "Office for the Protection of the Constitution" ("Verfassungschutz"), as the German legal scholar Josef Schüsselburner writes, "is basically an internal secret service with seventeen branch agencies (one on the level of the federation and sixteen others for each constituent federal state). In the last analysis, this boils down to saying that only the internal secret service is competent to declare a person an internal enemy of the state." (5)

In terms of free speech, contemporary France is not much better. In 1990 a law was passed on the initiative of the socialist deputy Laurent Fabius and the communist deputy Jean-Claude Gayssot. That law made it a criminal offence, punishable by a fine of up to 40,000 euros, or one year in prison, or both, to contest the truth of any of the "crimes against humanity" with which the German National Socialist leaders were charged by the London Agreement of 1945, and which was drafted for the Nuremberg Trials. (6) Similar to the German Criminal Code Section 130, there is no reference to the Holocaust or Jews in this portion of the French legislation. But at least the wording of the French so-called Fabius-Gayssot law is more explicit than the fluid German word "Volksverhetzung." It clearly states that any Neo-Nazi activity having as a result the belittling of Nazi crimes is a criminal offence. With France and German, being the main pillars of the European Union these laws have already given extraordinary power to local judges of EU member countries when pronouncing verdicts against anti-liberal heretics.
For fear of being called confrontational or racist, or an anti-Semite, a European politician or academic is more and more forced to exercise self-censorship. The role of intellectual elites in Europe has never been a shining one. However, with the passage of these "hate laws" into the European legislations, the cultural and academic ambiance in Europe has become sterile. Aside from a few individuals, European academics and journalists, let alone politicians, must be the masters of self-censorship and self-delusion, as well as great impresarios of their own postmodern mimicry. As seen in the case of the former communist apparatchiks in Eastern Europe, they are likely to discard their ideas as soon as these cease to be trendy, or when another political double-talk becomes fashionable.

The modern politically-correct language, or liberal double-talk, is often used for separating the ignorant grass-roots masses from the upper level classes; it is the superb path to cultural and social ascension. The censorial intellectual climate in the Western media, so similar to the old Soviet propaganda, bears witness that liberal elites, at the beginning of the third millennium, are increasingly worried about the future identity of the countries in which they rule. For sure, the liberal system doesn’t yet need truncheons or police force in order to enforce its truth. It can remove rebels, heretics, or simply academics, by using smear campaigns, or accusing them of "guilt by association," and by removing them from important places of decision - be it in academia, the political arena, or the media. Once the spirit of the age changes, the high priests of this new postmodern inquisition will likely be the first to dump their current truths and replace them with other voguish "self-evident" truths. This was the case with the communist ruling class, which after the break down of communism quickly recycled itself into fervent apostles of liberalism. This will again be the case with modern liberal elites, who will not hesitate to turn into rabid racists and anti-Semites, as soon as new "self evident" truths appear on the horizon.


DR. TOMISLAV SUNIC
……………………….

This article is based on Dr. Sunic's speech at the Sydney Forum, Sydney, Australia, August 25, 2007. Dr.Tom Sunic is a former US professor in political science and author. His latest book is: Homo americanus: Child of the Postmodern Age (2007).
http://www.amazon.com/Homo-americanus-Child-Postmodern-Age/dp/1419659847

Notes:
1. A. James Gregor, Metascience and Politics (1971 London: Transaction, 2004), p.318.

2. Alan Charles Kors, "Thought Reform: The Orwellian Implications of Today's College Orientation," in Reasononline, (March 2000). See the link: http://reason.com/0003/fe.ak.thought.shtml

3. Paul Gottfried, The Strange Death of Marxism (Columbia and London: University of Missouri Press, 2005), p.13.

4. Jean Baudrillard, The Evil Demons of Images (University of Sydney: The Power Inst. of Fine Arts, 1988), p.24.

5. Josef Schüsslburner, Demokratie-Sonderweg Bundesrepublik (Lindenblatt Media Verlag. Künzell, 2004), p. p.233

6. See Journal officiel de la République française, 14 juillet 1990 page 8333loi n° 90-615.

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mercredi, 16 avril 2008

Thoughts on Hegelian Geopolitics

RUSSIA IN 2008: THOUGHTS ON HEGELIAN GEOPOLITICS

by Troy Southgate

Despite the negative image of Russia that is currently being portrayed in the media, it seems pretty feasible that Putin - possibly since his last meeting with Bush in 2007 - was eventually persuaded, albeit covertly, to capitulate to Western demands. That he's a loyal friend of Russia's capitalist ruling class is not even up for debate, even if some people in Right-wing circles do seem to respect him for ousting the Jewish oligarchs several years ago. In reality, however, Russian capitalism is no better than its Jewish-dominated counterpart and Putin's so-called 'successor', Dmitry Medvedev, is little more than a puppet of the same socio-economic regime. But when you stop to think about the vilification of Russia over the last few months, especially with the well-publicised Litvinenko affair, the systematic construction of what many people are interpreting as a 'new Cold War' is, in a sense, rather Hegelian. The reason being, that contradiction, of course, eventually leads to reconciliation and some commentators believe that the thesis-antithesis-synthesis formula is better expressed in the dictum: 'problem-alternative-solution'. Perhaps this potential return to a bi-polar world is a shift beyond Samuel Huntingdon's 'Clash of Civilisations' strategy in which there is merely one superpower (United States) fighting against an imagined or manufactured opponent (Islam)? Let's think seriously for a moment about the relationship between the West and Russia in both a Hegelian (after Fichte) and a geopolitical context:

* thesis or intellectual proposition (Western capitalism)
* antithesis or negation of the proposition (Soviet communism)
* synthesis or reconciliation (a gradual alliance, through perestroika, between the two)
* presentation of a new antithesis (Cold War 2, Russia as the 'new' bogeyman)

... and so it goes on ...

Russia has not exactly presented a new antithesis in an ideological sense as Soviet Communism claimed to do, of course, and it was Hegel's view that no new antithesis can ever arise due to the eventual disappearance of extreme ideological and philosophical positions, but this rather idealistic perspective does not seem to take into consideration the fact that convenience will often outweigh genuine revolutionary fervour. It remains to be seen where Islam will fit into all this.

Food for thought.

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dimanche, 13 avril 2008

La culture du refus de l'ennemi

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Trouvé sur: http://www.polemia.com/contenu.php?cat_id=43&iddoc=1641

« La culture du refus de l’ennemi / Modérantisme et religion au seuil du XXIe siècle »
Sous la direction de Bernard Dumont, Gilles Dumont et Christophe Réveillard

Un ouvrage important est paru à la fin de l’année 2007.
Important par son thème et son contenu, à savoir l’étude du paradoxe qui voit la démocratie actuelle s’incarner dans l’invocation toujours plus rituelle du consensus tout en continuant à se fabriquer des « ennemis », de l’intérieur le plus souvent (« extrémistes », pollueurs, fumeurs, chasseurs, chauffards et autres déviants). Le reflet, sinon l’origine de ce paradoxe est analysé au prisme du « modérantisme », ce courant politique si particulier qui semble innerver l’ensemble des systèmes de représentation démocratiques malgré la vacuité électorale de la seule « démocratie chrétienne ».

Important également parce que cette étude riche, à la fois sérieuse et courageuse, est publiée avec les concours des Universités de Paris IV-Sorbonne et de Limoges, et inscrit donc le débat dans un cadre des plus institutionnels.

L’ouvrage se voulant un stimulant à l’acceptation d’une vision schmittienne de la vie, au-delà même de la sphère politique, un chroniqueur de Polémia s’en est saisi pour ouvrir… la polémique. Les internautes sont incités à réagir ! La Fondation sera toujours ouverte à la libre et fructueuse confrontation des idées.

« On peut préférer la servitude à la liberté mais il est ontologiquement impossible qu’un ennemi se manifeste. […] La modération est une vertu que les Grecs mettaient au sommet de la prudence politique. Elle exprime la recherche de la juste mesure et relève à ce titre de l’exercice de la prudence. Elle n’a pas de rapport avec ce qu’on appelle le juste milieu, encore moins avec une option systématique pour le compromis. Tandis que la “modération” des “Modérés” est tout autre : soit elle coïncide avec l’abstention de tout engagement résolu, par peur d’être entraîné trop loin, soit elle accepte le fait accompli mais dans l’espoir d’en calmer le cours ou de sauver quelques privilèges. » Dès sa très lumineuse et pénétrante présentation, Jean-Paul Bled fixe le cap et donne le ton de cet ouvrage hors norme et pose la seule question qui vaille : « L’attitude modérée dans le paysage contemporain de l’Europe du XXIe siècle est-elle une politique ou l’absence du politique ? ». Les lecteurs de Carl Schmitt et de Julien Freud ont bien évidemment la réponse. Mais cette très utile étude s’adresse aux autres, à tous les autres, et notamment aux catholiques qui pensent encore que ce qui les caractérise est, en soi, une résistance, alors que c’est l’Eglise, bien avant Vatican II, qui a permis et accéléré la castration de nos sociétés.

Retour aux sources

Inutile de puiser jusque dans les édits de Milan (313, sous l’empereur Constantin, puis 391 avec Théodose), qui annoncent celui de Constantinople (392) par lequel les cultes païens sont définitivement interdits au profit de la nouvelle religion galiléenne, hissée au rang de religion d’Etat : l’histoire médiévale et moderne nous enseigne que, des siècles durant, aimer son ennemi n’empêchait pas de le connaître, donc de le désigner et de le combattre. La profonde utilité de cette étude cautionnée par les Universités de Limoges et de Paris-IV (Sorbonne et CNRS réunis) est de s’attacher à l’un des nombreux tournants, mais aussi à l’un des courants philosophiques et politiques les plus méconnus de l’histoire contemporaine, qui font aujourd’hui le charme émollient de nos institutions et systèmes de représentations.

Si la généalogie des causes renvoie aux « iréniques » du XVIe siècle français, le « Modérantisme » est le fruit direct de la politique de Ralliement décrétée par Léon XIII en 1892, qui entendait mettre un terme aux rapports conflictuels issus du choc déchristianisateur de la Révolution. Dès lors, malgré de nombreux soubresauts (Affaire Dreyfus 1896-1899, Affaire des Fiches 1902-1904, loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905…), l’acceptation des institutions de la République ouvrait la voie, au-delà de la compromission évidente des catholiques, à la sécularisation du christianisme et au dévoiement du Politique qui en résulte. Les politiques menées n’ont en effet que très peu souffert de ce mouvement d’acceptation ; en revanche, l’essence du politique, passés les traumatismes de la nouvelle « Guerre de Trente Ans » européenne (1914-1945), s’en est trouvé intrinsèquement bouleversé. Avec l’aide, il est vrai, et justement rappelée par Jean-Paul Bled, des principes anglo-saxons inspirant la Société des nations (illustrés par les accords de Munich en 1938) puis l’ONU et la construction européenne : le conflit n’est plus une épreuve salutaire, ni même un mal nécessaire, c’est tout simplement un mal absolu, une tâche à effacer, un péché à absoudre.

Courant modérantiste et « ordre politique »

Au-delà de la question catholique qui fournit l’ossature de cet ouvrage, au prisme de l’étude du courant modérantiste, c’est bien évidemment l’essence des régimes libéraux qui est mise en question et leur « capacité institutionnelle quasi illimitée d’absorption » (Gilles Dumont) : absorption de ses opposants, bien sûr, au premier rang desquels les partis communistes, utilisés (comme le FN d’ailleurs) comme un moyen d’intégrer les différents groupes se trouvant aux frontières extrêmes de l’ordre démocratique ; mais également, moins cyniquement mais plus efficacement encore, neutralisation de toute pensée alternative par l’impossibilité ontologique de se projeter dans un autre possible, jusque dans la sphère privée. Ce qui, lorsque l’injonction devient la norme, est le propre des régimes totalitaires.

Pour Gilles Dumont, « le modérantisme, plus qu’une compromission à proprement parler, est donc le fait de se rendre disponible à la transaction et parfois même de la devancer ». Et le professeur de droit public de disséquer les trois méthodes ou « types de comportement » qui le définissent : le « collaborationnisme » (par conviction – cf. le progressisme catholique – ou par vain souci d’efficacité – l’entrisme basé par nature sur un rapport de forces défavorables ayant bien évidemment toujours échoué) ; l’ « optimisme invétéré » (la dérive consolatrice rejoignant le déni de réalité) ; l’ « intransigeantisme », ou « intégralisme », comme figure paradoxale du modérantisme (conduisant à une forme de quiétisme, ou de « communautarisme » individuel : « La capacité des “structures de péché” est dans ce cas identifiée et rejetée mais elle conduit à un retrait dans son jardin intérieur ; on a fait ce qu’on a pu contre elles et, pour le reste, Dieu y pourvoira »).

La « culture du refus de l’ennemi » est bien celle de la négation du politique. Chaque jour, chaque fait – même et surtout dans le cadre convenu de la « démocratie de marché » – le démontre. Mais les postures autres ne sont pas faciles à définir, et encore moins à tenir. C’est sans doute le mérite essentiel de cet ouvrage de nous le rappeler. Au-delà des exemples de Péguy et Abel Bonnard, il est bon que les « chrétiens », y compris par la critique de leur appareil théologique, participent de la remise en cause des « valeurs » totémiques de sociétés qu’ils ont grandement contribué à fabriquer. « Heureux les invités au repas du Seigneur » (Luc 14,15-24) !

Henri Herriot
© Polémia
08/03/08

« La Culture du refus de l’ennemi / Modérantisme et religion au seuil du XXIe siècle », sous la direction de Bernard Dumont, Gilles Dumont et Christophe Réveillard, Presses Universitaires de Limoges (Pulim) 2007, Collection Bibliothèque européenne des idées, 150 p., 20 €.

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mercredi, 09 avril 2008

A.Mohler, disciple de Sorel

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Dr. Karlheinz WEISSMANN:

Armin Mohler : disciple de Sorel et théoricien de la vie concrète

 

Le “mythe” ou la “peinture d'une bataille”, naît spontanément et exerce un effet mobilisateur sur les masses, leur insuffle une “foi” et les rend capables d'actes héroïques, fonde une nouvelle éthique: telles sont les pierres angulaires de la pensée de Georges Sorel (1847-1922). Ce théoricien po­liti­que, par ses articles et ses livres, publiés avant la première guerre mondiale, a exercé une influence dérangeante tant sur les socialistes que sur les nationalistes. Toutefois, son in­térêt pour le mythe et sa foi en une morale ascétique ont toujours été  —et restent encore malgré le temps qui pas­se— des pierres d'achoppement pour la gauche, dont il se revendiquait. On peut encore lire cette réticence dans les ou­vrages publiés sur Sorel à la fin des années 60. Tandis que certains courants de la nouvelle gauche se sont revendiqués expressément de Sorel et considéraient que son apologie de l'action directe et ses conceptions anarchisantes réclamant l'avènement de petites communautés de “producteurs libres” étaient des anticipations de leurs propres visions, la majorité des groupes de gauche ne voyait en Sorel qu'une tête folle se réclamant de Marx à mauvais escient et apportant à la gau­che dans son ensemble plus de déboires que de bien­faits. Jean-Paul Sartre, évidemment, se comptait ainsi parmi les adversaires de Sorel, leur apportant la caution de sa no­to­riété et donnant ipso facto du poids à leurs arguments.

 

Lorsque Armin Mohler, entièrement en dehors des débats agitant les gauches, a affiché son grand intérêt  pour l'œuvre de Sorel, ce n'est pas parce qu'il voyait en lui le “prophète des poseurs de bombes” (Ernst Wilhelm Eschmann), ni par­ce qu'il croyait, comme Sorel l'espérait dans le contexte de son époque, que le prolétariat détenait une force de régéné­ration ni parce qu'il estimait que cette vision messianique du prolétariat avait encore une quelconque activité. Pour Moh­ler, Sorel était un exemple à méditer dans la lutte contre les effets et les vecteurs de la décadence. Mohler voulait utiliser le “pessimisme puissant” de Sorel contre un “pessimisme fai­ble”, répandu dans les rangs de la bourgeoisie.

 

Très tôt, Mohler a critiqué la “conception jardinière du con­ser­vatisme”. En relisant Sorel, il a compris qu'il est parfai­te­ment  absurde de vouloir tout “conserver”, alors que les si­tua­tions ont partout changé. La droite intellectuelle ne doit pas se contenter de prêcher simplement le bon sens contre les excès d'une certaine gauche, ni de prêcher les Lumières aux partisans de l'idéologie des Lumières; non, elle doit se mon­trer capable de forger elle-même sa propre idéologie, de comprendre les procès de décadence qui se déploient en son propre sein, et de s'en débarrasser, avant d'ouvrir véri­ta­blement la voie à une traduction concrète de ses propres po­sitions.

 

Une aversion commune contre les excès de l'éthique de la conviction

 

Quand Mohler croque son premier portrait de Sorel dans les colonnes de la revue Criticón en 1973, il écrit sans ambi­guïtés que les conservateurs allemands devraient prendre ce Français hors du commun comme modèle pour organiser la résistance contre la “désorganisation par l'idéalisme”. Moh­ler partageait l'aversion de Sorel contre les excès de l'é­thique de la conviction. On a vu celle-ci exercer ses ravages dans la France des années 1890 à 1910, avec le triomphe des Dreyfusards et l'incompréhension des Radicaux pour les véritables fondements de la Cité et du Bien Commun; on l'a vue aussi à la fin des années 60 dans la République Fé­dé­ra­le, lors de la grande fièvre “émancipatrice”, assortie de la vo­lon­té de jeter bas tout continuum historique en criminalisant systématiquement le passé allemand, toutes tares qui ont également touché le “centre” de l'échiquier politique.

 

Outre ces nécessités du moment, Mohler avait d'autres rai­sons, plus essentielles, pour redécouvrir Sorel. L'anti-libéra­lis­me et le décisionnisme de Sorel avaient impressionné Mohler, plus encore que l'absence de clarté qu'on reproche à la pensée sorélienne. Mohler pensait au contraire que cet­te absence de clarté était le reflet exact des choses elles-mê­mes, ce qui n'est jamais le cas, finalement, quand on use d'une langue trop descriptive et trop analysante. Surtout “quand il s'agit de saisir des éléments ou des évènements très divergents les uns des autres ou de capter des courants contraires, souterrains et porteurs”. Sorel a formulé pour la première fois une idée qui ne se laisse que très difficilement conceptualiser: les pulsions de l'homme, surtout les plus no­bles, ne s'expliquent que difficilement, car les solutions con­ceptuelles toutes faites et toutes proprettes, que l'on propose généralement, faillissent dans leur application; les modèles explicatifs du monde, qui ont la prétention d'être absolument complets, ne poussent pas les hommes en avant, mais, au contraire, ont un effet paralysant.

 

Ernst Jünger, disciple allemand de Georges Sorel

 

Mohler s'est également senti attiré par le style de la pensée de Sorel, par la puissance associative de ses explications. Il était aussi convaincu que ce style était inséparable de la “chose” mentionnée. Il a tenté de définir cette pensée soré­lien­ne avec plus de précision à l'aide de concepts comme la “construction organique” ou le “réalisme héroïque”. Ces deux nouveaux concepts révèlent l'influence d'Ernst Jünger que Mohler compte parmi les “disciples allemands” de Sorel. Chez Sorel, Mohler a retrouvé ce qu'il avait antérieurement découvert chez le Jünger des manifestes nationalistes et de la première version du Cœur aventureux: la détermination à surmonter les pertes endurées et, en même temps, à oser quelque chose de nouveau, à faire confiance à la force de la décision créatrice et de la volonté de donner forme à l'in­for­mel, contrairement aux utopies des gauches. Dans un tel é­tat d'esprit, en dépit de l'enthousiasme débordant des ac­teurs, ceux-ci restent conscients des conditions spatio-tem­po­relles concrètes et opposent à l'informel ce que leur créa­tivité a formé.

 

L'“affect nominaliste”

 

Ce qui agissait en filigrane, tant chez Sorel que chez Jünger, Mohler l'a appelé l'“affect nominaliste”, c'est-à-dire l'hostilité à toutes les “généralités”, à tout cet universalisme de quatre sous, qui veut toujours être récompensé pour ses bonnes in­tentions, l'hostilité à toutes les rhétoriques ampoulées et am­phi­gouriques, qui n'ont plus rien à voir avec la réalité concrè­te. C'est donc l'“affect nominaliste” qui a éveillé l'intérêt de Mohler pour Sorel. Jamais plus Mohler n'a cessé de se pré­oc­cuper des théories et des idées de Sorel.

 

En 1975, Mohler fait paraître un petit ouvrage bref, considéré comme une “bio-bibliographie” de Sorel, mais contenant aus­si un court essai sur le théoricien socialiste français. Moh­ler a utilisé l'édition d'un fin volume dans une collection pri­vée de la Fondation Siemens, consacré à Sorel et dû à la plu­me de Julien Freund, pour faire paraître ces trente pages (im­primées de manière si serrée qu'elles sont difficiles à lire!), présentant pour la première fois au public allemand une liste quasi complète des écrits de Sorel et de la litté­ra­ture secondaire qui lui est consacrée. A cette liste s'ajoutait une esquisse de sa vie et de sa pensée.

 

Dans ce texte, Mohler  a d'abord voulu présenter un synop­sis des phases successives de l'évolution intellectuelle et po­litique de Sorel, pour pouvoir bien mettre en exergue la po­sition idéologique excentrée de cet auteur. Ce texte avait été conçu à l'origine pour devenir une monographie de Sorel, où Moh­ler aurait mis en forme l'énorme documentation qu'il avait rassemblée et travaillée. Malheureusement, il n'a ja­mais pu terminer ce travail. Finalement, Mohler s'est décidé à couler le résultat de ses investigations dans un essai as­sez complet, qui est paru en trois parties dans les colonnes de Criticón en 1997. Les résultats de l'analyse mohlérienne peuvent se résumer en cinq points.

 

Une nouvelle culture qui n'est ni de droite ni de gauche

 

◊ Quand on parle de Sorel comme d'un des pères fonda­teurs de la Révolution conservatrice, on reconnaît son rôle de premier plan dans la genèse de ce mouvement intellec­tuel, qui, comme son nom l'indique clairement, n'est “ni de droi­te ni de gauche”, mais tente de forger une “nouvelle cul­ture”, qui prendra la place des idéologèmes usés et galvau­dés du 19ième siècle. Par ses origines, ce mouvement révolu­tionnaire-conservateur est essentiellement intellectuel: il ne peut pas être compris comme rejetant simplement le libéra­lis­me et l'idéologie des Lumières.

 

◊ En principe, on considère que les fascismes romans ou le national-socialisme allemand  ont tenté de réaliser ce con­cept, mais ces idéologies sont des hérésies, qui omettent de prendre en considération l'un des aspects les plus fonda­men­taux de la “Révolution conservatrice”:  la réticence à l'en­droit des idées qui évoquent la bonté naturelle de l'hom­me ou croient en la “faisabilité” du monde. Cette réticence de la RC est un héritage provenant du vieux fond de la droite clas­sique.

 

◊ La fonction de Sorel était en première instance une fonc­tion catalytique, mais, dans sa pensée, on retrouve tout ce qui a été travaillé ultérieurement dans les diverses familles de pensée de la RC: le mépris pour la “petite science” et la valorisation extrême des pulsions irrationnelles de l'homme, le scepticisme à l'égard de toute abstraction et l'enthou­sias­me pour la concrétude, la conscience qu'il n'existe rien d'i­dyl­lique, le goût de la décision, la conception que toute vie pai­sible ne vaut rien et le besoin de “monumentalité”.

 

Il n'y a pas de “sens” qui existe par lui-même

 

◊ Dans ce même ordre d'idées, nous trouvons aussi cette con­viction  que l'existence est dépourvue de sens (sinnlos) ou, mieux: la conviction qu'il est impossible de reconnaître avec certitude le sens de l'existence. De cette conviction dé­cou­le l'idée qu'on ne fait jamais que “trouver” le sens de l'existence en le forgeant graduellement soi-même, sous la pression des circonstances et des aléas de la vie ou de l'histoire, et qu'on ne le “découvre” pas comme s'il était tou­jours déjà là, caché derrière l'écran des phénomènes ou des épiphénomènes. Dès lors, le sens n'existe pas par lui-même, car seules quelques rares et fortes personnalités sont capa­bles de le fonder, et seulement à de rares époques charniè­res de l'histoire. Le “mythe”, lui, constitue toujours le noyau central d'une culture et la compénètre entièrement.

 

◊ Tout dépend finalement de la conception que Sorel se fait de la décadence  —et tous les courants de la droite, aussi différents soient-ils les uns des autres, en ont unanimement conscience—  conception qui diffère des modèles habituels, qui sont l'idée d'entropie ou celle de la cyclicité du temps, la doctrine classique de la succession constitutionnelle ou l'af­firmation du déclin organique de toute culture. Dans Les illu­sions du progrès, Sorel affirme: “C'est de la charlatanerie ou de la naïveté de parler d'un déterminisme historique”. La décadence équivaut toujours à la déperdition de la struc­tu­ration intérieure, à l'abandon de toute volonté de régénéra­tion. Sans aucun doute, la présentation de Sorel, que nous a donnée Mohler, a été rendue plus mordante par son esprit cri­tique.

 

Une théorie de la vie concrète immédiate

 

Pourtant, des pans entiers de la pensée sorélienne n'ont ja­mais intéressé Mohler. Notamment les lacunes de la pensée so­rélienne, pourtant patents, surtout quand il s'est agi de définir les processus qui auraient dû animer la nouvelle so­cié­té prolétarienne portée par le “mythe”. Mohler a égale­ment omis d'investiguer la plurivocité de bon nombre de con­cepts utilisés par Sorel. Mais Mohler a découvert chez Sorel des idées qui l'avaient lui-même préoccupé: on ne peut donc pas nier le parallèle entre les deux auteurs. Les affinités in­tel­lectuelles existent  entre les deux hommes, car Mohler com­me Sorel, ont cherché “une théorie de la vie concrète im­médiate” (pour reprendre les mots de Carl Schmitt).

 

Dr. Karlheinz WEISSMANN.

(article tiré de Junge Freiheit, n°15/2000; http://www.jungefreiheit.de ;  Le Dr. Weissmann est historien et directeur des études dans un ly­cée. Le texte ci-dessus est une version abrégée d'une étude qu'il fera pa­raître ce prochain automne dans le volume d'Armin Mohler, Georges Sorel. Perspektiven, Ed. Antaios, Frankfurt a. M.).

 

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samedi, 29 mars 2008

Citation de Montesquieu

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Citation de Montesquieu

« Dans les monarchies extrêmement absolues, les historiens trahissent la vérité, parce qu’ils n’ont pas la liberté de la dire : dans les Etats extrêmement libres, ils trahissent la vérité à cause de leur liberté même, qui, produisant toujours des divisions, chacun devient aussi esclave des préjugés de sa faction, qu’il le serait d’un despote ».

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